REVUE
ARCHÉOLOGIQUE
Janvier à Juin 1S80.
// XXXIX
l'Ain-. - impiumeril; pillet et dumoulin
r», niE DBS CnANDS-ADGCSTINB
REVUE •
ARCHÉOLOOIOUE
011 UËGUKIL
DE DOCUMENTS ET DE MÉMOIRES
IIBLATIFS
A Vmm DES MOiMMKMS, A LA MMISMATIQIK ET A LA PHILOLOGIE
DR l'antiquiti:; et nu moyen agk
PUBLIÉS r-AR I. KS PRINCIPAUX A H C H K 0 LOG U E S
p II A N r. A I S K T f: T H A N G F. n S
et arcom|ia^nés
DE PLANCHES GRAVÉES d'APRÈS LES MONUMENTS ORIGINAUX
NOUVELLE SERIE
VINGT-ET-UNIÉME ANNÉi:. - T H E N T E-N E U VI f'IM i: VOLUME
PARIS
Al'\ lUIRKAlJX DE LA REVUE ARCHÉOIO.G ÎQI' E
MBRAiRir: ACAnibii^iE — niniRn et o
QDAI DES AUGUSTINS, 35
1880
LES
TERRES CUITES RARYLONIENMS
Les terres cuites de la Babylonie cl des contrées limitrophes, bien
qu'elles forment une classe à part et facile à reconnaître, sont restées
jusqu'ici assez négligées (1). On est porté à les considérer comme
étant généralement de basse époque et à s'étonner qu'un pays qui a
été le grand foyer de la civilisation orientale n'ait pas produit en ce
genre des monuments plus significatifs. Un examen attentif conduit
à des conclusions différentes : il est au contraire peu de régions où
ces figurines d'argile fournissent des indications aussi neuves et
aussi intéressantes pour la science.
Les voyageurs les rencontrent dans toute la contrée sur la-
quelle s'étendit jadis la civilisation clialdôo-babylonicnne, d'a-
bord à Ilillah, dans la région même des raines de Babylone, plus
au sud, à Ouarka, l'ancienne Orchoé ou Erech, et en général dans
toute la Clialdée, enfin jusque sur les monticules de débris qui mar-
quent encore aujourd'hui la position de Suse. Les fouilles exécu-
tées par Loftus (2) dans l'ancienne nécropole d'Erech, énorme
entassement de sépultures superposées, ont prouvé notamment la
destination funéraire de ces petites images. Les plus fines se trou-
vaient toujours autour des collines artificielles, tandis que celles
qui se rencontraient à la surface des mômes collines, en relation
avec les cercueils vernissés de basse époque, étaient d'un travail tout
à fait barbare. A Suse, l'explorateur anglais a mis la main sur un
(1) Cette notice a été lue à TAcadéniie des inscriptions et bcllos-leltres, dans la
séance du lo décembre 1879. Kilo fait partie des études que rauteur a entreprise
pour le catalogue des terres cuites du musée du Louvre.
(2) Loftus, Travels inChaldœaand Susiana, p. 219; cf. p. 379.
XXXIX. — Janvier. 1
2 llKVUE .vnCHÉOLOCÎlQL'F..
dépôt lie ngurinos, parmi lesquelles il signale plus de deux ceuls
exemplaires liu uu^me lypo et aussi un précieux fragment de moule,
indices cerliins d'une faliricilion locale.
Les spécimens de ces premières fouilles, cons, rvés au .Mu.ée hri-
lanni(iue, oiïrenl à l'étude, par leur provenance lijcn constatée, des
points (le reju^re importants ; mais un sérieux intérêt s'all.ulie aussi
à la collection d'objets de la même origine que possède le musée du
Louvre. Formée en partie des antiquités recueillies dans le pays par
feu racitiijue Delaporte, consul général de Trance à |{;igd;i(l, elle ne
contient pas seulement des terres cuites, mais une grande variété de
pièces de verre, de bronze, d'os, d'albAtre, de pierre dure, dont la
réunion permet de faire des comparaisons instructives. Le jnusée a
aussi acquis depuis lors, de plusieurs voyageurs, quelques statuettes
de la même région, qui ont permis d'établir avec plus de certitude
encore les lieux d'origine de cette classe de petits monuments.
Pour ne parler ici que des terres cuites, elles appartiennent à
deux époques ou, si l'on veut, à deux fabriques différentes, l'une
dont le caractère est franchement asiatique, l'autie où le style est
profondément modifié par l'innuence tardive de l'art grec et de la
conquête macédonienne.
La première classe, la seule dont je m'occupe dans le présent
travail, intéresse particulièrement les études historiques par les
données qu'elle fournit sur l'ancien art babylonien, encore impar-
faitement connu. Si elle a passé jusqu'ici pres(iuc inapercjue, c'est
à cause de l'exiguitéet du peu d'apparence des figurines qui la com-
posent : on les a facilement confondues avec les ouvrages de style
mélangé qui les entourent. Ces petites figures, (jui n'ont guère en
efi'ct plus de 12 à 15 centimètres de hauteur, sont en terre massive,
façonnées dans un moule à une seule pièce ; elles ont le revers plat,
dressé à la main, parfois très inégalement. Il arrive même, tant le
travail est sommaire, que le fond sur lequel la figure s'enlève
déborde le contour extérieur. Les bases sont presque toujours
instables; on voit que les figurines n'étaient pas faites pour se tenir
debout, mais pour être couchées ou, tout au i)lus, plantées dans le
sable. L'argile, fine et serrée, se fait remaniuer par sa couleur
d'un gris verditre ; l'emploi des terres brunes est relativement rare.
Cette teinte pft'.e n'empêche pas que la terre ne soit très cuite et sou-
vent d'une telle dureté (in'elle ne se laissi' pas entamer jiar une
pointe de métal. Le modelé, ordinairement simple, ac(juiurl dans
certains déiails une étonnante précision. De pareils caractères sont
loin de marquer la décadtner dr j.i leclinique.
Li;S riCHUHS CUniiS UAin'LONlENNES.
Dans les prcmiùrfis figures do la série, on c.slfrai)[ié p.ir le carac-
liNie tout oriental des altitudes, des costumes et des attributs. Les
formes, courtes, ramasséer>, d'une plénitude un peu vulgaire,
ollVent avec le style égyptien du premier empire des points de
rapport qui doivent faire réiléchir les archéologues ; peut-être ces
petits magots de terre grise ou brunûtre seront-ils considérés comme
beaucoup plus anciens ([u'ils ne le paraissent, quand nous saurons
mieux ce qu'il faut penser de l'antiquité chaldéenne.
On renconlre d'abord une suite de petites images d'hommes et de
femmes représentes debout; les hommes en robe longue, la barbe
t:\illee carrément, comme celle des personnages assyriens (1); les
femmes en coilTures tombantes à l'égyptienne, vêtues de tuniques
serrées, qui dessinent leurs formes quelque peu replètes. Toutes ces
'ligures ont les mains ramenées sur le devant du corps, la droite
dans la gauche, attitude qui :i été de tous temps, chez les Asiatiques,
celle de l'attente respeclueu. e. Sur les bas-reliefs assyriens, c'est la
pose du visir, du satrape, de l'eunuque devant le roi ; mais on
la retrouve dans quelques ligures babyloniennes considérées comme
royales, et aussi dans certaines images religieuses, par exemple
dans les deux statues assises du dieu Nébo, coilîéde la tiare à double
paire de cornes, apportées de Nimroud au British Muséum (2). Il se-
rait téméraire de rien dire de plus sur le sens de ces antiques figu-
rines de ti-rre; peut-être ne sont-elles pas sans quebiue rapport avec
les statuettes funéraires égyptiennes ; mais, de toute manière, la pose
consacrée par le rituel égyptien aurait été modifiée conformément
aux usages particuliers des populations orientales.
Une ligure de femme de terre brune, du même style que les pré-
cédentes, oITre un sujet différent. Elle est accroupie et tient sur son
bras gauche un enfant qui lui presse le soin. Sa chevelure, rejetée
en deux masses derrière les oreilles, est marquée de lignes qua-
drillées ; on voit passer sur l'épaule droite l'angle d'une étoffe
frangée. C'est un très ancien exemple du type de la nourrice et
(1) Planche I, flg. 1.
{■2) L&y&rd, xMonumeiits of Ninevch, l, pi. XII. Comparez la figure publiée par
M. Fr. Lenormant dans la Revue archéologique, nouv. siir., t. XVIII, p. 231
(1868).
i UKVL'K AIlGllKOLOtilQL'E.
ptMil-jMrc tl(''j:i (le la décsso-nourrico, dont nous aurons bien dos fois
à conslaler la curieuse reialion avec les rilos funéraires de picsiiiie
lous les peujdes di* ranlii|uilé.
Une aulre allilude liMdilioiineiie, ri'pnidiiilt^ avec prédilection par
les arlisles assyriens el li!li> Ioniens, cstcelle d'une figure U'nanl de-
vant elle, à la fois jiar le iroulol et par le fond, un vase à low^ col (1).
Les terres cuites nous permettent d'ajouter à celle série jilusieurs
ligurines de femmes vôtues d'une lobc garnie de (lualre rangs de
fraui^cs à la babylonienne ; le style en est a^sez rude. Un fragment
'lui appartient à cette catégorie provieulde la liasse-Clialdée.
il
Nous arrivons maintenant!! un fait qui n'a pas été, je crois, signalé,
et qui est de grande conséquence pour l'Iiisloire de l'art : les pro-
grès de la même fabrique clialdécnne de terres cuiles ont produit des
ouvrages d'un style perfectionné, où le premier naturalisme s'est
cliangc en une vérité cliarnianle. Que les connaisseurs examinent
sous ce rapport une figurine de jeune femme nue, allaitant debout
son enfant, que possède le musée du Louvre (:2): c'est une pièce très
surprenante, où la perfection de certaines parties ne leur paraîtra
peut-être s'expliquer tout d'abord que par le contact de l'art grec ;
puis, en y regardant de près, au besoin môme avec la loupe, ils
seront forcés de reconnaître un type purement asiatique, un peu
rond et plein, mais relevé par des accents d'une finesse cx(juise. On
retrouve là, dans une tête qui n'a pas plus de deux centimètres de
liauteur, tous les traits qui caractérisent les grandes figures imberbes
des bas-reliefs assyriens, et le détail en est d'une telle netteté que
Ton serait tenté de croire que le premier estampage a été exécuté
sur un petit modèle de pierre dure ou de métal ciselé.
La cbevelure, finement striée, encadre le front d'une ligne d'on-
dulations pres(jue imperceptibles et tombe dcnière les oreilles en
deux masses de petites boucles. Les sourcils, qui se rejoignent, ont
leur épaisseur soigneusement marquée au-de>sus de l'arcade sour-
cilière par un second trait, détail minutieux, mais caractérislicjue
des figures assyriennes et babyloniennes. Il faut tourner la figure de
(1) Victor Place, le Monument de Niuive, pi. XXXI bis et pi. LXXIX, — A. do
LonupiîrJLT, Musér Nniiuléon III, pi. 11.
{•2) l'iauchu 1, lig. 2.
M'.s TRimKS cuiTKS nAnvi.ONiKNNr.s ri
profil poiii' apornovdii- In courbo du nez, lùgôremcnl ;ir(|iir, mais un
pou alirié par le moulage, la découpure des lôvres retroussées cl la
vive saillie du menton sur les lignes plus molles qui arrondissent le
galbe (bi visage. Poui' le reslo du corps, bien que plusieurs parties,
comme les bras et l'enfant qu'ils portent, ne soient pas bien venues à
l'estampage, les formes du nu, surtout le ventre, les jambes, les
genoux, sont modelés avec un naturel jusipie-ià sans exemple dans
tout l'ancien art oriental et aussi dans l'art égyptien. L'attitude con-
serve quelque cbose de la symétrie archaïque : cependant les jambes
ne sont pas tout à fait sur la même ligne ; on remarque surtout dans
l'inclinaison expressive de la tête une heureuse intention de mou-
vement.
Il est vrai que cette terre cuite aurait été trouvée dans un tombeau
d'une époque postérieure à la conquête macédonienne, contenant
des figures de style grec mitigé, d'un caractère tout différent. M. Dc-
laporte décrit comme provenant d'un caveau fouillé par lui, près de
Ilillab et des ruines de Babylone, « une petite statuette charmante
en terre cuite, représentant une jeune femme maladive, portant
dans ses bras un petit enfant ». Il est facile de reconnaître,
malgré la curieuse erreur d'appréciation causée par la grâce un peu
étrange du type babylonien, la figure dont il s'agit. Elle aurait été
posée sur la poitrine du squelette, à la place occupée dans les autres
lombes par un cygne en hématite ; près de la tète du même sque-
lette se trouvait une statuette gréco-babylonienne en albâtre, une
des figurines couchées, à bonnet phrygien, dont nous parlerons dans
la suite de notre catalogue. Sans môme examiner si ces observations
ont été faites avec la ligueur scientifique désirable, il faut remar-
quer que dans le même tombeau se rencontraient aussi en grand
nombre des cylindres et des amulettes d'ancien style babylonien ; la
petite idole d'argile, dont la dureté égale celle de la pierre, pouvait
y figurer au même titre, comme une sorte de relique traditionnelle,
ayant par son antiquité une plus grande valeur religieuse. On s'ex-
plique ainsi comment, à la rigueur, des figures d'un style aussi
dissemblable se trouvaient réunies dans une seule tombe ; ce qui
est certain, c'est qu'elles ne sont pas du même art et qu'il y a entre
elles plusieurs siècles de distance.
En un mot, cette figurine d'argile donne une idée tout à fait inat-
tendue du degré de liberté et même de grâce que l'art babylonien
a dû atteindre à l'époque de son plein développement. L'artiste qui
a créé ce modèle n'est certes pas au-dessous de ceux qui gravaient
les cylindres avec une habileté si justement admirée, et l'on ne songe
6 nRvi'R Anr.iiF.oi.<»r.i(.u K.
pns sans i-motion à ce que pouvaient ôlrc de grands ouvrages de
piirre ou de nit'lal exérult's dans le même slylo.
Uiiant au sujet, il est diflicile de ne pas reconnaître dans la jeune
femme nue tenant un enfant à son soin, une déesse babylonienne,
le type perfectionné de celte nourrice des tombeaux dont nous avons
déjà renconlré un exempli'. Sa nudilé ne peut guère s'expiiiiuer,
en cITot, que par une donnée mythologique, donnée que nous allons
voir se développer dans la suite sous une forme plus étrange et plus
caractérisée.
En effet, d'autres terres 'cuites de la môme région montrent le
naturalisme oriental s'cxagérant sous l'induencc lascive des cultes
nationaux. Ce sont de petites Idoles plates, d'un caractère à la fois hié-
ratique et indécent, représentant des femmes qui portent leurs deux
mains àleurpoilrine (1). Elles sont le plus souvent nues, quoique
chargées de parures, avec des proportions élargies, oîi domine
l'expression de la maturité et de la force. L'élrangelé de ces con-
trastes, qui blessent notre sens esthétique et moral, produit plutôt
sur nous l'impression du grotesque, et nous donne l'idée d'une sorte
de caricature de la Vénus antique ; mais c'est là une fausse appa-
rence, que la science doit s'efTorcer de détruire.
Le type le plus caractérisé de cette classe est une déesse nue, de-
bout, les jambes assemblées dans une pose symétrique. Elle presse
des deux mains sa poitrine, comme pour en faire jaillir le lait. Les
traits du visage procèdent du même type orientalqueceuxdela figu-
rine précédente, mais avec une certaine affectation, surtout dans
l'allongement des yeux. Le corps est robuste et trapu ; les épaules
et les hanches sont développées h l'excès, les plis des genoux forte-
ment indi(iués et les signes qui marquent la force de l'âge accusés
avec une exgération significative. Une parure multiple charge ces
formes outrées, dont l'cfTet louche au ridicule. Elle se compose d'une
sorte de haute Stéphane striée en sens divers, de boucles d'oreilles,
d'un étroit collier qui porte suspendue une étoile 5 huit rayons, d'une
plaque rectangulaire attachée sur la poitrine par des chaînes croisées,
enfin de plusieurs anneaux autour des poignets et des dievilles.
Comparez la septuple parure que la légende prêtait à Mar, l'uiiedes
d] Pbnchc \, fl?. 3.
LF.S TKrinES r.UITFS lîAnVI.ONIRNNRS, 7
l'aimes do la Vùnus hahylonionne (1). Bien que lo ct\rncA('.ra asiatique
domine encore presque exclusivement dans cette représentation, ce-
pendant l'allération du type et les traces de manière que l'on y
observe doivent la faire classer, suivant nous, h l'époque perse,
alors que l'art oriental commençait à subii-, dans une certaine
mesure, l'iiilluence rlrancrère.
C'est la tigure dont Loftus a publié une esquisse partielle et dont
il a découvert de nombreux exemplaires sur les ruines de Suse,
dans un dépôt de terres cuites trouvé par lui à vingt-deux pieds de
profondeur, vers l'angle S. 0. de ce (ju'il appelle la grande plate-
forme. Les nombreux fragments du même modèle que possède le
musée me porteraient à croire que toutes ces terres cuites sont les
restes dispersés de la découverte de Loftus, qui a enricbi aussi le
Hritish Muséum de quatre figures semblables.il est à remarquer que
ces morceaux appartiennent fi deux variantes diiïérentcs du même
type, l'un où la slépliané est plus basse, la poitrine et les mains plus
remontées, la taille plus creuse, sillonnée de plis, et tout le travail
caractérisé par les marques évidentes d'une décadence déjà assez
profonde. Toutes ces idoles susiennessontcassécs systématiquement
en trois morceaux. La terre, ordinairement d'un blanc verdâtre,
prend parfois une teinte rosée, surtout h l'intérieur.
A la môme catégorie de représentations appartient aussi très cer-
tainement une tête détachée, provenant d'une statuette beaucoup
plus grande que les précédentes. C'est le môme type encore exagéré :
saillie disproportionnée de la coilTure et des sourcils, grands yeux
elliptiques allongés à l'excès et d'un dessin de convention, bouche
très rapprochée du nez, menton fort. On compte sur le cou six ran-
gées d'un collier de perles ; les oreilles ont pour pendants des
espèces de glands à deux étages qui ont du rapport avecles boucles
d'oreilles cypriotes ; les bords de la terre cuite sont percés en cet
endroit de trous caractéristiques, que l'on retrouve dans toute une
série de figures orientales. Ce curieux fragment a été rapporté de
Syrie, dans un lot d'objets orientaux d'origine diverse. Il se rattache
par tous ses caractères à la classe des figurines babyloniennes et
surtout susiennes que nous venons de décrire. Le type indique la
décadence de l'art oriental et probablement une date assez avancée
(1) Philosophumena, éd. Miller, v. 7. — Sur la légende assyrienne, signalée pour
la première fois par G. Smith, voir principalement, en français, J. Oppert, dans les
Annales (le philosophie chrclicnne, t. VIII, 187'i, et F. Lcnormant, les Premières
civilisationfyt. II, p. 8.'i.
8 nF.vuR AncHKOi.or.iouK.
(le rt'poiiiiepor>o ;ccrl.iins traits so rctrmivcr.uonlrnroro, conscrvôs
par iiiio lonpuo tra(lili(.n, jusijut'd.ins los pointures pi'r>ani's.
Parfois aussi, par une sorte do rôaclion contre ces images immo-
destes, les lijîurines qui l'ont le geste de la déesse nourrice sont
ropri'sonti''oscomplolomonl V(Hiies(l). Klles portent une longue robe
tinomenl frangôe et formée au cou par un nœud. La coilïurc con-
siste en une haute tiare striée, à la mode persique, décorée par-
devant d'un omblome en forme do cercle, avec point contrai; un
autre point en relief, indiquant peut-être un joyau, est attaché sur le
front par un mince cordon; deux boucles de cheveux tombent on spi-
rales sur les épaules. Bien (juc ces ligures soient oxéculéos avec soin,
le modelé en est plat et le travail médiocre ; elles paraissent appar-
tenir aussi à une période assez avancée de l'art oriental. Un des
exemplaires que possède le Louvre a été trouvé à Ouarka^ parmi les
ruines de l'ancienne l^rech, sur la surface du sol.
IV
On ne peut plus douter aujourd'hui que l'image d'une déesse nue
ne fût familière aux peuples de l'Orient, longtemps avant l'époque
où Praxitèle osa, le premier entre les sculpteurs grecs, dépouiller
complètement Aphrodite de ses vêlements. Le torse d'une grande
statue de femme en pierre, présentant exactement la même exagéra-
tion dans les formes nues que les petites idoles décrites plus haut,
existe au Hritish Muséum. Comme ce fragment a été découvert à
Kouioiindjik, dans les ruines mêmes du palais deNinive, et qu'il
porte au dos une inscription cunéiforme, il est impossible qn'W soit
moins ancien que la destruction de celle ville, en Vr2o avant J.-C;
mais ledéchilTrementde l'inscription le fait remonter beaucoup plus
haut ; on y a lu en elTol le nom d'Assour-bol-Knla, dont le règne est
placé vers le commencement du xi" siècle avant notre ère(iJ). D'un
autre c6té, rien n'est plus commun que lo type d'une déesse nue,
portant les deux mains à sa iioiliino, sur toute une série de cylin-
(1) l'Iancho I, Ar. /i.
(2) W'eit Afid inyrriptwns, I, pi. VI, n" 0. — J. Monnnt, Auiinles den mixd'Ass!/-
ne, p. 54. C'est par erreur «juc l'in.scriplion est doniiijo comme gnivc/o sur une base :
clic M irourc sur le revers mCmo de la ligure, ainsi que Je l'ai pu constater au
Mutée britannique.
LK9, TRRRKS COITES BAnVLONIENNRS. 9
(1res babyloniens, (|ui n'aiiparlicnnenl [las, il est vrai, à l'époque la
plus ancienne de ecsnioiiuincnls (1).
Déesses nounices semant leur lait dans l'espace, déesses naères
tenant un enfant à leur sein, déesses de la nature représentées dans
la plénitude quasi monstrueuse de leur puissance génératrice, de
pareilles images sont tout h fait en rapport avec ce que nous savons
de l'ancienne religion de la Bahylonie et de la Glialdée. Nous les
trouvons ici dans leur pays d'origine : il faudrait s'étonner au con-
traire de ne pas les y rencontrer en grand nombre sous la forme
populaire des idoles de terre cuite. Il appartient aux assyriologues
de reclierclier les différeiils noms qui peuvent revenir à chacune
d'elles, parmi ceux que l'on a tirés des inscriptions cunéiformes. Un
sujet récemment retiré des concours de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres montre combien celte partie de la science demande
encore de réserve, de l'avis môme des savants spéciaux. La difficulté
sera toujours desavoir si cesligurines étaient dans un rapport étroit
avec les cultes locaux des villes, ou bien s'il faut leur attribuer un
caractère plus général, en relation avec les croyances religieuses ou
funéraires de toute la contrée.
Ce qui n'est pas douteux c'est qu'elles répondent très bien à l'idée
que les anciens nous ont fait concevoir des divinités comme Mylilta,
l'Aphrodite assyrienne d'Hérodote, la déesse des prostitutions sacrées
de Babylone, ou comme Anaïtis, qui nous est donnée pour avoir été
justement, sous le nom d'Anat, la déesse protectrice de la nécropole
d'Erech (2). Les Grecs en faisaient tantôt une Aphrodite, tantôt une
Arlémis, l'assimilant sans doute h la féconde Diane d'Éphèse, plu-
tôt qu'à la déesse de Délos etde Delphes. Son culte fut adopté par les
Perses et notamment par Artaxerxcs II Mnémon, qui décréta l'érec-
tion de ses images dans tout l'empire. On remarquera que les repré-
sentations les mieux caractérisées de ce type ont été retrouvées sur
l'emplacement de Suse, où l'on adorait précisément une Diane
orientale appelée Nanaia par le texte grec de la Bible, et dont le
nom a été Anahata dans le texte perse d'une inscription cunéiforme
trilingue, découverte aussi à Suse. La môme ville est nommée
expressément par Bérose parmi celles où Artaxerxès fil élever les
statues d'Anaïtis (3).
(1) J. Menant, les Cj/lindres orientaux de la Hai/e, p. 67.
(2) Ces noms ont dûjà éti- appliqués, par M. F. Lenormant, aux statuettes d'al-
bâtre de basse époque gréco-babylonienne {Gazette archéologique, t. II, 187C, p. 10
pi. IV, V et YI).
(3) Bérose, fr. IG, Fragm. liist. grœc., éd. Didol. — Oppcrt, Expédition de Méso-
potamicy t. II, p. 19<|. — Macchab., II, i, 13.
40 rirvi'F Anrii|i:oi.ooioiJR.
Opondant, si h^s nir>ins nnrlrnm^s dos fiutirinps quo nous avons
tliTriii's poiiviMil nvoir rit' f.ibritiut'M's i\ rt'imiiuo perso, pliisiours
(l'entro elles ne portent jtas trnre de la décadence et de l'amollisse-
ment du style qui so manifestèrent dans tout l'art oriental, sous la
domination des Ach<''m(''nides. Ainsi se trouve élalili un fait qui
n'avnil pas iMé jusiju'ici, ji' crois, régulièrement drmontré : l'exis-
tence d'une classe de figurines de terre mile que l'on peut appeler
avec assurance terres cuites chaldéo-bahylunicnnes. Sans doute
l'immense durée du royaume do Habylone, (pii a survécu à celui
d'Assyrie jusqu'en 538, ne permet pas de leur assigner, dans l'état
présent de la science, une date précise; mais il est hors de doute que
ces petites créations de l'industrie populaire représentent plusieurs
phases successives d'un art proprement babylonien, étranger à toute
influence occidentale et se distinguant du style assyrien par des
dilTérences notables. Si l'on n'a pas toujours reconnu le caractère
qui lui est propre, c'est justement qu'on l'a trop confondu avec l'art
assyrien, qui procède bien de la même origine, mais qui s'est déve-
loppé dans unesprit assez dilférent. L'art babylonien parait avoiroc-
cupé plutôt un degré intermédiaire entre l'Egypte et l'Assyrie; c'est
du reste la place que lui assignent à la fois la géographie et riiistoire.
La présence parmi les fii^urines babyloniennes des types étranges
que nous avons décrits est un autre fait d'une grande portée pour
l'étude générale des terres cuites. On trouve là à leur source plu-
sieurs familles de représentations, dont on ne s'expliquerait pas au-
trement la propagation dès une époque assez haute, dans l'Asie an-
térieure, dans les îles, en Grèce et jusqu'en Italie. En les suivant
d'étape en étape, de transformation en transformation, à travers
toute Tantiquité, nous aurons souvent l'occasion de nous reporter à
cette origine. Il n'y a pas de classe qui soit plus universellement
répandue parmi les terres cuites, et qui montre, par un enchaînement
plus continu, dans quelles conditions et par quels chemins s'est
opérée d'Orient cnOccident la transmission de certains types. Seule-
ment nous verrons au contact du génie grec ces types traditionnels
se diviser en deux séries bien distinctes : les uns pousser franche-
ment au comique leur réalisme indécent et le faire passer sous le
couvert du ridicule, les autres au contraire en atténuer la grossièreté,
la détourner peu à peu vers une signiiicalion dilTérenlo, et linale-
mint la puritier au point que, par un miracle de l'art et par une
création nouvelle, le geste éhonlé des anciennes déesses orientales
deviendra, dans l'Aphrodite de Cnide, l'expression même de la
pudeur. LÉON Ilr.uzEV.
LA
VICTOIRE DE SAMOTHRAGE
Monsieur le Directeur de la Revue archéologique,
Pcrmellez-moi d'accompagner de quelques notes, contenant l'his-
torique de ma découverte, le dessin de la Victoire de Samothraco,
aïiquel vous voulez bien accorder l'hospitalité. Chargé en 1862 du
consulat de France à Andrinople, des affaires de service m'appelè-
rent à Enos, ville située sur la cûle sud de Roumélie, d'où l'on voit
parfaitement l'île de Samothrace, dont dix-huit milles marins la sé-
parent. Entendant vanter là par tout le monde les anliquitês de Sa-
mothrace, j'allai passer deux jours dans celte île et fus si frappé du
grandiose aspect de ses ruines, de l'intérêt scientifique qu'elles sem-
blaient offrir, qu'à peine rentré à mon poste, j'adressai au ministre
d'État la demande d'une allocation de deux mille cinq cents francs,
destinés à les explorer, au moins superficiellement.
Ce crédit obtenu, je venais, en mars 1863, m'installer au milieu
de l'enceinte cyclopéenne de Samothrace, sur le point de la plage
le plus rapproché des temples qui s'élèvent hors de celle-ci, avec
une vingtaine d'ouvriers que j'avais amenés d'Andrinople. Mon pre-
mier soin fut d'enlever tous les marbres dignes d'attention, encas-
trés soit dans les murs des constructions élevées au moyen âge par
les Gatelusio, seigneurs souverains du pays, soit dans ceux des mai-
sons du village moderne bâti à rinlcrieur de l'île, sur la pente du mont
Phingari. Ce sont des inscriptions et des bas-reliefs, dont l'un, repré-
sentantune danse de prêtresses de Gybèle, est placé au Louvre dans la
môme salle que les beaux marbres rapportés de Thasos par M. Miller.
Ensuite je recueillis des bucranes et des l'osaccs appartenant au
12 nr.vuE AnciiKoi.ociQL'i:,
lompli'ilil d'Aisinor', jo lU'blayni le spiiil d'un grand tcniplo dnrifiue,
n onlin j'oiu'iMi (jneNiues fouilles le long de la façade d'un énorme
porli.|iu> ou stod, en piiM're cahMirc, d'ordre dorique primitif, cons-
iruil sur une colline dominant les édilices précédents et d'une épo-
que évidemment plus ancienne (ju'eux.
Pendant que les ouvriersétaient occupés ;\ ce dernier travail, mes
yeux s'arrêtèrent sur un très beau fragment de marbre blanc, émer-
geant à peine du sol, ;\ cinquante mètres environ, sud-est, de la sloa,
que je reconnus, après r;ivoir déterré moi-même, être un sein de
femme du plus admirable travail. Des recherches furent immédia-
tement pratiquées sur ce point et amenèrent bientôt au jour la sta-
tue de la Victoire, couchée sous deux pieds de tcne et de cailloux,
que les travailleurs vinrent m'annoncer en criant : Kupis, eupaae
a(a vuvaTxa, « MoDsJeur, nous avons trouvé une femme ! »
Comprenant sans peine l'importance de cette découverte, j'expé-
diai de suite à M. de Saint-Vallier, alors second secrétaire à Cons-
tintinople, une dépêche par laquelle je le priais d'obtenir de M. de
Moustier, ambassadeur français près la Sublime-Porte, qu'il en-
voyât son stalionnaire, l'aviso l'Ajaccio, alla de m'aider dans les
opérations si délicates de la descente et de l'embarquement de notre
statue. Les travaux de fouilles, poussés avec ardeur autour de celle-
ci, donnèrent beaucoup de fragments des draperies et des ailes, mais
aucun vestige de la tête ou des bras. De plus nous déterrâmes une
douzaine d'énormes blocs de marbre gris épars et un large soubas-
sement formé de six plaques du même marbre, le tout renfermé
dans une enceinte à trois côtés ou cella, ouverte au nord en regard
de la mer, pavée en pierres calcaires, et dont les murs étaient desti-
nés. Fans aucun doute, à protéger le monument, placé sur la pente
d'une colline très raide, contre les éboulements du sol supérieur.
Ces blocs de coupes bizarres, ce soubassement, constituaient évi-
demment le piédestal de la Victoire, mais il me fut impossible de
deviner alors ce que devait représenter leur assemblage. Aussi, mes
fonds étant épuisés, sachant d'ailleurs quQl'Ajacrio ne resterait l\ ma
disposition que pendant fort peu de temps, je me décidai à enlever la
statue seule, réservant, par acte formel, le droit de propriété de la
France sur les marbres du piédestal.
L'aviso IWjdCcio arriva devant Samotlirace le 2 mai 18(V5 et, grâce
au bon vouloir de son coiiimamlaiit ^L de M.irquessac et de ses ma-
rins, en quatre jours nous eûmes embarqué à son bord la VictoirCy
préalablement fixée sur un lit formé avec les pales (W^ roues du va-
LA VICTOIRE DK SAMOTHRACE. 13
peur et descend lie jiisfju'.m rivage en suivant une route de 1200
mètres de long, improvisée à travers les hois et les ravins par mes
ouvriers et quarante indigènes. Apportée ensuite en France à bord
d'un des navires de notre esc:idrc du Levant, conjointement aux au-
tres marbres trouvés à Samotlirace, la statue de la Victoire passa
entre les mains des habiles restaurateurs du Louvre, et fut placée
trois ou quatre ans plus tard dans la salle des Caryatides.
De 1864 à 1878, appelé successivement à divers postes consulaires
éloignés de Samothrace, je ne pouvais songer à poursuivre l'œuvre
commencée dans cette île en 1863.
Cependant ma pensée se reportait sans cesse vers les marbres que
j'y avais laissés, et j'arrivai à la conviction que le piédestal de la
Victoire devait représenter un navire, dont le transport au Louvre
était on ne peut plus désirable. Aussi, lorsque des intérêts de fa-
mille nécessitèrent celte année ma présence à Andrinople, je saisis
l'occasion pour solliciter du ministère de l'instruction publique (sous-
secrétariat d'Ëtat des beaux-arts) un crédit de deux raille francs,
au moyen desquels il me sembla pouvoir m'cngager, pourvu que le
ministère de la marine me donnât le concours d'un bâtiment de
guerre, à descendre et embarquer les marbres laissés sur place seize
ans auparavant.
Appuyée de la façon la plus bienveillante par plusieurs de nos sa-
vants, ma demande fut favorablement accueillie. M. l'amiral Jauré-
guiberry voulut bien m'accorder l'aviso le Latouche-Tréville, à bord
duquel je m'embarquai le IG août dans le port de Dédéagatcii,
accompagné d'un personnel choisi et muni du matériel néces-
saire.
Après quelques heures de traversée le Latouche-Tréville mouillait
devant Samothrace ; nous débai-quions sur le môme point qu'en
£863 et la nuit était employée aux détails de notre installation, sous
d'immenses platanes occupant l'emplacement de la cité antique et
du port aujourd'hui comblé, dont les ruines des temples sont dis-
tantes d'un kilomètre environ.
Je tiens avant tout à rendre ici un sincère et cordial témoignage
de reconnaissance, tant au digne commandant du Latouche-Trérille,
M. le lieutenant de vaisseau Penaud, qu'à ses ofliciers et à son équi-
page, dont le concours si intelligent, si plein d'entrain, a assuré le
succès de notre entreprise.
Le 17, à l'aube, les travaux commençaient par le rétablissement
de la route déjà ouverte en 18G3, mais que les jeunes arbres nou-
veaux, les ravinements des pluies, le mouvement des rochers rou-
I '» HEVUK AUCHliOLOGIQUE.
lis l'.ir les lorrenis, avaient fait prcsiiuc enliCromenl ilisparaiue. Ku
luTiiniU nos (lisiiosilions, le roiiimniuliiil l'cnaud el moi, nouscons-
lalàincs rcxislence do viiiiîl-quilrc gros blocs, piédestal et soubasse*
ment, d'un poids variant entre 800 et 2,000 kilogrammes, plus trois
autres fragments do moindres proportions. Nous décid.lmes toutefois
d'abandonner un énorme cube de i™,73 de long sur 0'",()7 de large
et 0"',o3 de liant, comi)lètcment brut sur ses six faces, dont la masse
rendait le transport diflieile et qui, n'occupant dans le monument
(ju'une place insignilianlc, invisible à l'extérieur, pouvait être, sans
inconvénient, remplacé lors de la restauration.
Renfermés dansdes limitesde temps fort restreintes, parles ordres
exprés de l'amiral do Prilzbuer, coniiiiandant l'escadre du Levant,
lequel ne m'avait laissé le Latouclie-TnUille que pour (juinze jours
juste, il fallait descendre deux ou trois blocs par jour, de façon h nous
laisser une marge de quarante-liuil lieures pour l'embaniuemcnt.
Aussi, le 17 au matin, comme je Tai déjà dit, tandis qu'une forte bri-
gade de travailleurs samolrakiotes ouvrait le cbemin, deux autres
brigades de trente-cinq liommes chacune, composées par moitié de
matelots français et de vigoureux Bulgares amenés do Dédéagalcb,
chargeaient sur deux traîneaux, confectionnés en gros madriers par
les charpentiers du Z,(//ou(7<c-!/'/tv«V/(?, les marbies les plus légers
dont le passage devait frayer et aplanir la voie pour les plus lourds.
Depuis lors, jusqu'au 27 au soir où nos vingt-six marbres furent
léunis sur la plage, tout marcha dans la perfection et nous n'eûmes
ni accident ni relard, sauf le changemcal des traîneaux qui, vile
usés par le frottement, disloqués par les secousses, durent être rem-
placés par d'autres, construits ;ivlc d'js troncs de chênes vei'ls ou
d'oliviers sauvages coupés dans la montagne.
Il s'agissait d'opérer la mise à bord de deux bateaux grecs, d'une
portée de trente tonneaux, (jui devaient conduire les marbres à Dé-
déagatch, d'où un vapeur de la com[)agnie Fraissinet les porterait à
Marseille. Travail malaisé, car, vu la nature de l'atlerrissement, ces
bateaux ne pouvaient approcher à plus de dix-huit mètres du rivagt;.
Un double système de bigues fut établi : l'un tout à lait uu liord, l'au-
Ireà dix-buit métrés en mer, reliés à leurs sommets par un énorme
grelin, lixé très solidement d'un côté à terre et de l'autre à une
grande ancre mouillée au large, et muni lui- mémo entre les deux
bigues d'une forte poulie ou caliorne. Au moyen de cette combinai-
sun, les blocs, d'abord soulevés d(! terre sous la première bigue,
étaient amenés ensuite sous la grosse poulie du milieu duiit le cro-
chet les tenait suspendus, puis attirés à bord du bateau amarré en
LA VICTOIKE Ui: SAMOTIIIUCC. l.'j
dehors et à touclier la secoiule bigue par les poulies de celle-ci. Dès
que le grelin suppoilait seul luul le {loids d'un bloc, ci-lui-ei, par
suite de son llécliisseuient considérable, plongeait dans la mer et,
comme le marbre perdait ainsi une parlie de son poids, le danger
d'une rupture se trouvait évité. Ces dispositions ingénieuses de nos
marins, qui occupèrent toute la journée duiiS, réussirent à souhait;
nous ne perdîmes p;is un seul bloc et l'embaniuemenl, commencé
le 21) à cinq heures du matin, se terminait à sept heures du soir,
aux acclamations joyeuses de l'éiiuipage et des ouvriers.
Il serait inutile de décrire la slalue et son piédestal, puisijue le
dessin s'en trouve sous les yeux du lecteur (pi il). Mais je l'egarde
comme nécessaire de donner, sur la position qu'ilsoccupaienl,des dé-
tails explitiuant ceitaines parlicuiaiitéspeucompiéliensibles au pre-
mierabord. La Victoire, monument volif selon toute apparence, de-
mandait i\ être vue de loin et de bas en haut, en même temps par le.j
fidèles réunis dans les temples occupant le fond de la vallée (lu'il
dominait, et par les pèlerin? arrivant au port de Samotbrace. Un
avait donc choisi, trèsjudicieusement, pour l'ériger, la croupe d'une
colline s'abaissant 1res brus(iuement jusqu'au torrent sur le bord
duquel les temples étaient construils, et, comme torrent et vallée se
dirigeaient en droite ligne vers la mer, on découvrait la Victoire
longtemps avant de toucher le rivage de l'ile. De là résultait ipie le
piédestal et la statue se présentaient seuls aux regards du publie,
placé en contre-bas et tenu à distance par la nature du terrain, tandis
que le soubassement lui restait caché. Aussi avait-on regardé comme
inutile dépolir les plaques de ce soubassement, juxtaposées sur le
sol de la cella dans l'état même où elles étaient sorties des carrières
de l'île voisine, Tliasos, c'esl-à-dire dégrossies sans grand soin et
marquées, non seulement de lettres destinées à faciliter leur assem-
blage, mais d'une empreinte au ciseau, de forme conique, montrant
la place où devait s'appuyer la carène du navire de marbre.
En jetant les yeux sur la ligure ci-dessous représentant la cella et
le soubassement qu'elle renfermait, le lecteur sera très probable-
ment frappé, ainsi que nous l'avons été nous-même, du manque
d'alignement entre les muîs de la première et lés blocs du second.
Sans cherchera expliquer catégoriquement cette anomalie, je serais
presque tenté de l'appliquer à des exigences rituelles. Peut-être la
tradition réclamait-elle une orientation particulière pour certains
édiliccs religieux, celle du nord plein, pur exemple, au cas actuel,
ce qui eût présenté la statue de la Victoire de trois quarts et non de
face, à la vallée et à la mer, et par conséijuent aux lidéles. Pour
16 HKVIT. AnCIlKOLOGIQLE.
•parer à cotte iliflirultL', on aiinil élevé les murs de l'enceinte dans
le sens i)rescrit, (oui en plaraiil la statue clans celui qui était le plus
propre à la faire valoir.
Aucune inscription, aucun signe extérieur (ludromiuc ne sont
venus nous éclairer sur l'origine du monument, sur l'époque de son
érection. Les fouilles prali(|uées aux alentours n'ont donné que des
médailles ou monnaies sans signilicalion. Toutefois il existe au
Cabinet des médailles, pour guider les reclierchesà cet égard, une
série de [tiéces que M. Cliahouillet a liien voulu nie permettre
d'étudier et i|ui laissent peu de place au doute. (>esoril les monnaies
d'argent de Uémétrius I"', sur toutes lesquelles cstligurée une galère
prestjue id(Milii|ue à celle (jue j'ai découverte, et surmont«'e d'une
Victoire ailée, dans la même attilud»; (|ue la nôtre. H est donc permis
de supposer que la statue aujourd'hui au Louvre, ainsi que son
|.iédestal, ont été élevés par les ordres de ce roi, «jui régna sur la
.Macédoine 1 1 tint mèiiie bous sa dépendance la Tlirace et les iles voi-
i,A vicTonu; dk sAMOTirnACi:. I"
sincs, (lo295 à 287 avanl J.-C. Mûmc absence complète {l'in(li( niions
louchant le nom du statuaire, auteur de celle œuvre si remaniuahlc.
Ci^pondant, du i^'raiid souffle qui l'aniino, de la ficrfcclion avec
latiuelle sont trailés les dûtails des vùteuieiits et dt.'s draitciics, de la
transparence des étolTcs, du Uni ravissant des cliaiis deviiiies sous
les voiles, do la laron ningislrale de fouiller le niaihic. <( (jui scinlde
modelé au pouce comme une terre i,'laise, » disail devant moi un de
nos grands artistes, on peut inférer (|ue la Victoire île Samolhrace
est due au ciseau de l'un dis meilleurs diseiplesde Ljsiiipc.
Agréez, Alontii ur le Directeur, etc.
Chaules Champoiseau,
CoruiU de France,
W.VIX.
NOTICE
sur.
m iMmnm^ et des antiquités
rilOVEiNAM' DE BOUKliO.NNE-LES-BAlXS
DONNÉES PAU L'iiTAT A LA UlliLlOTHÈQUE NATIONALE
suivie d'un essai de calahyue gCncral des monuments cpvjraphiques relatifs à
BOll 0 tt à DAMUiNA
A M. (iEOllGES PEiJKOT, DIRECTEUR DE LA lŒVLK
ARCIJÉOLUGIQUE.
Monsieur le direclcur et cher ami,
Vous avcx bien voulu promettre l'hospitalilô de la Revue archéologique
à une notice sur le don fait récenuiientpar le gouverueuicnt à la Biblio-
thèque nationale (I), d'un lot d'antiquités découvertes à Hourbonue-lcs-
Bains, parmi lesquelles on remarque principalement six inscriptions
dédiées à Horvo et à IJaniona, dont l'une est gravée sur une grande tablii
de bronze. Voici cette notice, (jue vous auriez reçue plus tôt si je n'avais
(.1/ Luc dt-cision des niiaistrcs u' ^ iukuiccs, dt's travaux publics et do l'instruction
publique a attribue au départcoiunt de» médailles cl aaii(iue3 de l:i nibliutliciine na-
tionale tuiilr-8 les aiitiijuitéâ découvertes à Uourbonne-ii.'s-Uaius, au cours de tra-
vaux exécutés par les ordres du uiinistrc des travaux publics, dans l'établissi meut
thermal de cotte ville, sur le domaine de l'Étui. Celle décision a été prise coiifor-
inémi'iit à l'avis d'une commission spéciale composée de troi^ fonciionuaires appar-
tijuatii aux trois déparlements ministériels désignés plus liau', MM. Jacquoi, ins-
pecteur général des mines, Muisuiidieu, admiiiiblraleur des domaines, iiu l'eun^i^trc-
tacnt et du timbre, et Cliabouilict, couscrvutuur du dùjiarlcmcnl des uiédaillcs cl
antifjues à la Uiblioilièiiue nationale.
INr.llII'TlO.NS KT.ANTIQUITlis DK IlOUnnoNNE-LKS-IJ VINS. 1!)
(ilô di5lourn6 ilcs recherclics qu'il m'a f.illu f;iiic avant ilc la rédiger, par
des devoirs impôrituix cl uit,'Ciils.
La pluiiarl des luoiuimeiUs épiyraidiiqucs relalifs à Uoi vo cl ;\ Daraoïia
qui viciinint d'cnlrcr à la liiljliolhùquc nulioualc s-otil dcji connus. Cc-
pendaul j'ai cru devoir les dccriie lous de nouveau, attendu qu'en les
ôluiliani alleniivc:nenl ol en les comparant ;\ d'aulrcs, épiirpillés en di-
vers pays cl mc!nie au-delA do nos Ironlières, j'ai 616 conduit à penser
qu'il y avait lieu de proposer certaines modillcaiions :;oit aux lectures,
soit aux reslitutions dncs il mes devanciers.
Je no me suis mûmp pa conicnlé de donner ici ces six Icxtes épigra-
pliiques; j'ai cru devoir y joindre lous ceux qui se rapporlenlaux mûmes
divinilcs dont j'ai eu connaissance. Les lecteurs de la llcouc auront
ainsi sous les yeux le catalogue aussi complet qu'il m'a 6lé possible de le
faire de cette série cpigraphique.
C'est un mérite qu'à défaut d'autre j'ai voulu assurer à ce '.ravail. Si
d'aventure ce catalogue suscitait la publication de nouveaux textes épi-
graphiques relatifs à Borvo et à IJaniona qui me soient restés inconnus,
j'aurais atteint le but que je pour.-uivais en rassemblant ce recueil, j'au-
rais fait faire quebjues pas à l'éludo si inlérestaulc de la mythologie gau-
loise.
Veuillez agréer, etc. Cuacouu let.
PREMIÈRE PARTIE
INSCRIPTIONS ET ANTKjUITÉS PROVENANT DK IJOUllDONNK
CONSERVÉliS aujourd'hui AU DÉPARTEMENT DES MEDAILLES ET ANTIQUES
I 1. — Itiscriptions relatives à Borvo et à Damona.
N»l. DEO BOR
VONI
VITA
LIA
SAS
SVLA
EX VO
TO
{Deo Borvoni, Vitalia Sassula, ex vota.)
20 nEVUE ARCIlKOLOnrOCP.
On lit celte inscription sur un autel de pierre calcaire do 'iOccnt.
(le hauteur, sur 21 de largeur au couronnement sur lequel sont
graviVs les deux premières lignes. Les lettres, d'assez bonne forme,
ont 3 cent, de hauteur. On l'a trouvée le 7 janvier 1875, dans la vase
des galeries avoisinant le jjuisard romain.
Voyez n" 1 de noire planche IV. Voyez aussi la planche XLl, n" G,
de rimportanl travail de M. le docteur Atlianase Henard intilulé :
(( Hourhonnc, son nom, ses origines, ses anli(|uilés gallo-romai-
nes,» etc., dans les Mémoires de In Société nrchcolotjiquo de Laiigm;
(t. Il, p. 33-2). Je citerai souvent l'intéressant mémoire du docteur
Renard.
Des noms analogues au premier de ceux qui paraissent ici se ren-
contrent sur trois inscriptions de Langres, cajiHale de la région
à laquelle appartient IJourbonnc-les-Bains(l).
(1) Les voici, iiou pas d'après Grutcr, qui d'ailleurs nVn doniit' que deux (v. pp.
958, 11° 5, et 1065, n" 10), mais, les deux preniièros, d'après rouTrai;c de Luquct
cité pins bas et dont les transcriptions paraissent préférables à celles de Gruter, et
la troisième d'après le Catalogue du musée de Langres do 1873.
ECISSAK- LIB
V X 0 U I • li T L
V I ï A L I S • F A C
I E N D V M • C V
RAVIT
V I T A L 1 C 0 M O
ET A VI ... Clin V/E
AUIiE
AOni VITAL • S
i: N D v M • C V R A •
Ce fragment a et-' trouvé dans It; rcinipart (v. p. 11, n" 27 du dit. du mutée de
Lanf/rci). I>MvifMidraii-il de l'inscription rapportée ici sous lo n° 1 ?
Je ne donne pas comme certainement exacts ces textes, que jo no mentionne qu'en
raison d- la présence du nom Vilatis, Ie<iuel s'y trouvait positivement puisqu'on le
voit dans les doux copies de Lmiuet, aussi bien que dans celles adoptées parGriilir.
Taurai parfois occasion de renvojer aux Antiquités di' Langres de J.-F.-O. I.u-
quet, architecte. Cet ouvraRC, publié îi Langres en 1838 (1 vol. in-8), fournit do
précicuRf;B infi^rmnli >m sur les antiquités de cotte ville ainsi que plusieurs Iranscrip-
ttous de mouuuicuts épiiçrapliiquei, inallieurcusciiicnt presque tous perdus «t qu'il
INSCRIPTIONS Kr AN TIQUITl'.S DK BOUnnONNK-LKS- nAFNS. 2i
N"2. BORVONI
ET DAMO
NAE
. X T I L I A
. X ï I FIL
MED
(Borvoni et Dajnouœ, Sextilia Sexti ftUa, medici.)
On lil colle inscription sur le dé d'un autel de giès, tronqué à la
base, de la même forme mais plus grand que le précédent. Hauteur
56 cent., largeur au cliaiiitcau 30 cent. 1/2. Les lettres, de bonne
forme, ont 3 cent. l/:2 de hauteur.
Au commencement des lignes 4 et .'3 il y a une cassure.
On peut voir dans le mémoire, cité plus haut, de M. le docteur
Renard (pi. XL[, n» 5), la ligure de cet aulcl, qui a été trouvé le
24 décembre 1874, dans la vase du puisard romain. L'abréviation
MED, (jui me paraît incontestable, et qui d'ailleurs se lit sur la
planche du savant docteur, a été omise par mégarde dans son texte
(v. page 332). Nous retrouverons le médecin Sextus (1); en outre
je note ce nom, ou des dérivés de ce nom, sur des monuments épi-
graphlipies trouvés à Langres (2). Sans attacher à ce rapprochement
plus d'importance qu'il n'en mérite, ne peut-on en inférer que le
médecin Sextus de notre ex-voto était Lhir/on, bien que son nom ne
soit pas suivi de l'ethnique lingo ou lingonus que nous allons ren-
contrer sur trois ou peut-être quatre de nos inscriptions de Bour-
bonne(3)?
n'a connus lui-même que par d'ancien ues copies manuscrites. On lira les deux ins-
criptions que je viens de citer, aux pages 57 et 71 de cet ouvrage. Par une singu-
lière inadvertance, Luquet a omis le nom de Vitalis dans sa très iiasardeuso traduc-
tion du texte de la première de ces inscriptions : « /Eiilius eut soin de l'aire élever
ce nioiuiment à ^Ecissa Liberta, son épouse. » il ajoute : « Nous nous croyons fondé
à voir /Etiliusdans EïL, dont les deux dernières lettres sout confondues, ce que
nous n'avons pas pu rendre dans la copie. «
(1) Voyez plus loin, n° 11 du § 1 de la deuxième partie.
(2) Luquet, Antiquités de La/tgres, voyez p. 51 et 2lS.
(3) Voyez le n» :J du présent paragraphe, les n"» 8 et 10 de l'essai de catalogue
des inscriptions relatives à Borvo et à Damona, enfin le n» 7 de ce catalogue qiii
commence le § 1 de la deuxième partie de ce travail, si l'on adopte notre interpré-
tation des lettres qui terminent la quatrième ligue de ce texte et de celles qui en
commencent la cinquième.
2i l'.KVl'r \H 111 «il.dC.lnl F,
N" :k D E O B O R V O
ET DAMOI^
VERREA VE RI
NA LINGO
{Deo Borvoni et Diinwfuv, Vcrrea Verina, Lin<jo, on fJnrjoua.)
CcUc in<î:Miplion cstgravîcsur iinnnlelde gri's, lequel répond ccr-
lainciiuMit ;i la (lesriiptinn sonimairc que M. le liorK'iii- Henarl f.iit,
p. 333, (l'un aulel Irouvù le niL"^rne jour el an iiièine eiiilroil i|ii('
notre n" "2. M. le iloeleur Henaid n'a lu, dit-il, « Idcii distincte-
ment (lueniùO HOUVONI et IJAMONK sur deux li^'nes ». Il ajoute
([ue la première lii;ne occupe le couronncmcul de l'aulel et qu'à la
tin de latjualrième « le mol LJNG est assez lisible ». Ce moi est cer-
tain, elil est exact aussi que la première liL;ne occupe lecouroiinemcnt
de cet autel. Quant à ma lecture de la troisième ligne, je la propose
comme à peu près certaine. J'ai longtemps hésité avant de m'y
arrêter; mais la vue d'une photograpliie prise à Bourbonne avant
rentrée de cet autel à la Bibliothèque nationale et alors que le
grès avait moins souffert (i) me persuade que je suis dans le
vrai. Je n'ai de doutes que sur un point. Après l'A de VKIUŒA,
surtout sur la photographie citée, on croit distinguer une lettre,
peut-être un I; mais sur la pierre, il me semble reconnaître une ligne
fortuite, un accident. Cet autel, trouqué à la base, a 45 cent, de
hauteur. La formule lotiip devait être gravée sur la partie détruite.
N» 4. B O R V O N
NT • DAMO
FROT • L • VSF-
(Borioni et Damonœ, Fronto libciilcr tolinn solvcns frcit.)
On lit celle inscription, à laquelle rien ne manque, sur le dé d'un
autrd de grès, tronqué à la base, comme nos i\"' 'i et 3. Hauteur
/i7 cent., largeur 2('> cent.
M. le docteur Kenard nous apprend (jiie cet autel a èl>j trouvé
(1) Dan» OTlain» ca» on lit mieux sur une piioto;;r.i|iliic que sur l'original; ce-
pendant, bii.» ciJtenJu, rien n<: dispense ilc recourir .vi\ oiii;inat;x (juaiid b chose
c«l po'sibic.
iNsnniPTiONs r.T ANTroitiTrs dp. Rouniio.\Nr:-i,i:s-n\i\s. tî.'J
le 23 janvior IHTri dans la Irnnnhôo ouvcrU! à Iravors lo jardin
d(^s Bains pour la ron liiilo dos eaux afTccltVs an sfivico dn l'iK^pilal
mililaire. Nous no donnons ici h; fac-similô qne d(3 l'inscrijjlion olln-
môme; on peut voir pi. Xi.V, n" .'i, du mémoire de M. llenard la
reproiliiiiion do cot autel ipiil niontionno rapidomont dans son
lexto (v. p. 3U).
fRQm/û
L'inscription de Fronlo, dont tous les caractères sont restés lisi-
bles, malgré la mauvaise qualité de la pierre, est fort intéressante
au point de vue paléographique ; elle a un aspect particulier, provin-
cial, que ses voisines de la môme provenance n'offrent pas à ce
degré. Indépendamment de la forme singulière de certaines lettres
et surtout de l'A, seule, elle nous montre l'E de la conjonction ET
figuré par deux II, « forme fort antique employée par arciiaïsme à
Rome dans les temps moyens, par tradition dans les provinces. »
C'est M. de Longpérier qui s'exprime ainsi dans un mémoire spécial
sur cet E archaïque, répondant à M. Mommsen, qui avait déclaré que
le caractère II ne se rencontrait jamais dans les légendes des mon-
naies, ni dans d'autres inscriptions publiques (1). Malheureusement
la présence du caractère II ne peut suffire à fixer la date des monu-
ments sur lesquels on le rencontre. En effet, le savant français,
dans un mémoire postérieur sur un sujet analogue, fait observer que
si l'on trouve la forme II sur des monnaies gauloises contemporaines
de Jules César, on la voit aussi sur des monuments beaucoup moins
anciens. M. de Longpérier cite notamment uneinscripliond'Aiirélien,
trouvée près de Moulins, qui date de l'an 275, sur laquelle on la lit
cinq fois (2). Ce n'est pas tout ; on peut dire aussi que les deux for-
(1) Note sur la forme de la lettre E dans les légendes de quelques médailUs gau-
loises. (Cf. Revue numismatique, année 1856, 2" si'rie, t. I, p. 75.)
(2) }sote tur In forme de In lettre F dans les légendes de quelques médailles
gauloises. (Cf. Hevue numismatique, année 18C0, ^^ série, t. V, p. 187.)
2i ni-vri: AiiciiKOLor.iour..
mrsrncMsiiionl, cl im'^int' qu'on les cniploy.iil indiffr'roiniiienl, jniis-
•jui' nous le» ri'iironlioiis al[i'rn:int sur des iiioiimiuMils i-niitcinito-
lains, par ext'inple sur lies vases se Tiisanl priuianl, el bien plus,
tlaiis une inùme inseiiplion. M. de Loii^iiriier (premier des mô-
uiniiis cilt'S) nieiitioiine la forme li dans le nom du consé-
eraltiir di' l'iiiie des coupes d'arf^ent ilùcouverles au Villciel, prt^s
Herllioiiville (arroiidisst iin'iU de Hcniay, Kiirey; j'ajoulor.ii que sur
le [leiidanl lie celle eoupe on trouve la forme E, employée dans le
môme nom de consécralcur (1). Quant à la présence des deux formes
dans une n)t'^iue inseri[tlion, j'en eitorai un exemple empruntt'; ;\ un
monument nu-ntionnê dans le nirmoire sur les formes do la lettre K
dt'jà cité (2). C'est la dédicace d'un vase de lerre noire, trouvé
(1) « Catalogue gérn5ral des camées et autres inouuments exposés dans le Cabinet
des médailles, par M. Cliabouillct. Paris, 1858. » (Voyez M"nuincnts d'urgent
trouvi'seri 18J0 ù liernay, p. 450 et 651, ii^' 2S2û et 2827.)
En attendant qu'il me soit possible de publier la seconde édition de ce catalogue,
je saisis cette occasion de donner le texte rectilié de ces inscriptions. En 1858, j'a-
vais suivi M. Cil. Lenormant, alors conservateur du département des médailles, qui,
comiue nous l'apprend son ami Auguste Le Prévost {Mémoire sur la collection du
vases antiques trouvés en mars \%:SQ à B'.'rlhouvillc, arrondissement de Dcrnuy ;
Cacn, 1832; voyez p. 2G), lisait le nom do notre testateur DOCTHIGIS sur les deux
vases, tandis que Le Prévost lui-mèinc lisait sur l'un des vasos, DOCIRIS, et sur
l'autre DOCIlUfilS. Aujourd'hui je crois pouvoir dire qu'il y a sur les deux vases
DOCIRIGIS. Celte leçon csl d'ailkurs plus probublr (jue les auire^ puisque nous con-
naissons l'existence des noms |)ro|); es DOCimX et TOGllUX ^lesquels ne sont sans
doute que des formes d'un même nom) par la numismaii(iuo pour DOCllUX et
ÏOtJIRIX, et par l'épigrapbie pour TOGll'ilX. En elîet, dans sa Dcscriijtion des mé-
dailles ijauluises de la liiLliutlièque royale, Duchalais décrit des monnaies à la
légende Q • DOCI (Docirix ou Dogirix) et u'autrcs à la légende lOGlUlX (n"» 505-
507 el W* 508-570}, tandis que M. Tb. Mommsen, après Orelli (n» 347), a fait
connaître un Togirix qui, sur une inscription d'Yverdon, s'acquitte d'un vœu fait
à trois divinités, Mercure, Apollon et Minerve {Mitthuilungen der nntiquarisc/ten
Gesellschaft m Zùnrh, 185/j, t. X, p. 'lU, u" 139).
Voiri les inscri|)tions rectifiées de nos pâtures. Sur l'une on lit au pointillé : DEO
MERC CA.\ DKCIR LVPERCVS EX ThS r PLAC DOCIRIGIS; suit une indication
I)on(lérale; sur laulrc on lit, toujours au pointillé, la même inscripiion, sauf (|ue le
nom de l'exécuteur testamentaire est écrit DIlClU. L'indication pond.-rale me parait
Ctre la même que sur le premier vase. A ce sujet, j'aurais encore de» addition» et
des rcciillcation» à faire k nia première description ; il faudrait rapprocher ces mar-
que» pondérale» et celles de deux autres vases de la m-'inc découverte, me»n"«2b28
et 2830, de marque» qui ont été notées sur d'autres objets d'argent, et discuter les
obM;rvations qu'elle» ont sujigérée» & divers érudiu, noiammi-nt Charles Lenor-
mant et .MM. Momiiiscii, Deluyu ot Aurés; mais je no puis allut^gcr démcsurémeat
celle note; ce sera pour la seconde édition de mon catalogue.
(2) Voyi p. Hl.
INSCRIPTIONS KT ANTInlJITl'::^ 1)1. liOUIlItONNK-I.KSnAI.NS. :2o
h Meaux, dont M. de Lon^périor a \)\\h\\ù ailleurs le f;ic-sirnilé (l).
Celle lÙL^ende, donl le cynisme fail p.Miser à des inepties analo{iiies
qui (léslionoiont nos niurailleo, e>t ainsi conçue : IIGO QVI LEtJO
PEDICOR.
On le voit, la présence de la l'oriuc 11 pour E ne sufiirail pas à
indiquer avec précision la date des inscriptions où on la rencon-
tre. C'est la physionomie générale des caractères, c'est le contexte
de ces monuments qui pei-mettent paifois d'en déterminer, non pas
la date, mais approxiiiialivemeiit l'époque. En ce (jui concerne l'ins-
cription de Fronto, on p> ut dire (ju'elle ne parait pas devoir remon-
ter plus haut que la lîn du i"' ou le commencement du u" siècle de
notre ère. Les lecteurs auront d'ailleurs la facilité de se faire une
opinion à ce sujet, le monument étant désormais à leur disposition
dans un établissement public de la capitale.
J'ai cru pouvoir reconnaître une F dans la dernière lettre de notre
inscription, bien qu'elle dilïùre de l'F qui commence le mot Fronto
à la même ligne. Celte forme do l'F, duc à une recherche d'ar-
chaïsme analogue à celle que nous venons de rappeler à piopos de
la lettre E, est peut-être paiticulière au pays des Lingnns, et en tous
cas doit être plus rare que celle dont M. de Longpérier rapporte
maints exemples dans l'un des mémoires cilés plus haut (2). Huant
à cette formule elle-même, je rassurerai ceux qui hésileraient à l'ad-
mettre ici, où elle paraît écrite en caraclércs liés avec une S ei une
F de formes rares, en leur apprenant que M. Léon Kenier la lit
comme on vient de la voir.
N°5. DAMONAEAVG
CLAVDIA -MOSSIA- ET -C ■ I VL
SVPERSTES FIL
L-DEX-D-D-V-SLM
(1) J'emprunte le texte complet de cette inscription à un travail de M. de Long-
périer intitulé : Note sur un vase gaulois de la collection du Louvre, qui a été
publié dan» le t. XIX, année 1852, du Bulletin de l'Académie royale de Belgique.
(2) Dans ce mémoire, cité plus haut, p. 23, note 2, l'auteur expose ce qu'il
nomme le «système yertical » et s'occupe de la forme 1' pour la lettre F. En ce qui
concerne la rareté que je suppose à lu fornio donnée ici à la secuude F de la der-
nière ligne de notre inscription, je ferai observer que dans un article récent sur
l'Alphabet, où M. F. Leuormant donne plusieurs variantes de la lettre F, ou voit
celle-ci 1', mais non celle qui tunnino l'inscription du F.-onton (Di>:t. antiq. yr. et
rom. publié par M. Saglio. V. p. 215 et 210 du t. I.)
20 nKvuF. AnrnKoi.or.inuF
{Damou(T AuiiHStiT\ Clnudin Mossia et C. Jiilins Superslrs filius,
loco data ex dccurionum décréta votiim solvcnmt libetitis mrrito.)
Celle inscription o>t gravée sur une table de bron/.c de 2o cent,
de hauteur, de (50 cent, de largeur et de 3 millimètres d'épaisseur.
A l'une des extrémités de cette l.ible, dans le sens de la hauteur,
on remarque une sorte de rebord de 3 centimètres de hauteur, qui
permet de supposer qu'elle faisait partie intégrante de quelque mo-
nument votif. Ace sujet, voyez plus loin, dans le paragraphe 2 de
cette deuxième partie, sous la rubrique Antiquités diverses, n» 24.
Une déchirure a enlevé la lin de la dernière syllabe du mol DAMO-
NAE et altéré le mol MOSSIA, lesquels n'en sont pas moins d'une
lecture certaine.
Les caractères de cette inscription, gravés profondément, sont de
bon style et de grande dimension; ils varient symélriquement entre
3 et 4 centimètres de hauteur. Elle est reproduite ici pour la pre-
mière fois (Y. n" 8 de la planche III); cependant elle n'est pas iné-
dite : j'ai eu l'occasion de la ciler incidemment en note dans un
Rapport publié dans la Revue des Sociétés savantes des départe-
vicuts (1). J'ignore la date précise de la découverte, qui doit re-
monter à l'année 1875.
N»C. DEO BORVONI
ET DAMON
MATVRIA • RVS
TICA
V • S- L- M-
{Deo Borvoni et Damonœ, Maiuria Bustica votum solvit Hhcns
merito.)
Publiée ici pour la première fois, cette inscription est gravée sur
un autel de gramlc oolithe, de forme ronde, surmonté d'un enta-
blement également de forme ronde. Hauteur totale, 50 ccnl.; dia-
mètre, 35 cent.; hauteur du fût, 37 cent.
Cet autel a été trouvé en janvier 1878, à Bourbonne-les-nains,
par M. Prôchey, gard«'-mincs; on l'a envoyé peu do temps après au
Cabinet des médailles et anti(iues de la nihliothéiiuc nationale, con-
formément à la décision ministérielle mentionnée plus haut (2). Les
(1) y. 0» série, t. V; piiblii' m 1877, p. 613.
(2) V. note de la Ifttro h M. l'crrol.
INSCRIPTIONS l'T ANTIQUITKS DK nolJRnONNK-LF.S-nAINS. 27
cnrnclùrcs, assez ir^'ulirroiiicnl Iraci's, ont rlô rongé- par k's eaux,
mais sont resiés lisibles.
§ ^). — Andijuités dtversef^ trourées à Bourbonne-les -Bains ^
mijourd'hiii iiu Cabinet des méduilli's et anliquea.
JV" 4. — Pierre gravée. Trophée entre un aigle et une corne 'l'a-
bondance près de laquelle on distingue un épi. Cornaline. Haul.
8 niilliniélrc?, largeur 10 millimétrés. Gravé sous le n" 3, pi. III.
On trouve des sujets non pas semblables, mais analogues, sur des
pierres gravées de petite dimension comme celle-ci. Ce sont des fan-
taisies de possesseurs. La composition du cachet que nous venons de
décrire peut avoir trait fi l'abondance qui naît de la victoire. Voyez
au Cabinet des médailles et antiques les inlailles décrites sous les
n"" 11)77, 1978, 197<), 212y, 'J120, 2133 et 2131, dans le Catalogue
des camées, etc., [lulilié en 1858 par celui qui écrit ces lignes.
N°^ 2, 3, i.
Buste de bronze et peut-être débris d'une statue de Damona.
N" 2. — Jiustc de Damona avec une abondante chevelure qui
couronne son front et forme un nœud sur le chignon. Ce bronze,
très zincifére, est creux. Le métal a été ciuellemenl rongé par les
eaux minérales. Les yeux et la bouche sont particulièrement altérés
et font paraître la déesse laide ; cependant le nez a conservé une
certaine pureté de lignes et l'on voit que l'article l'avait faite belle.
Hauteur 35 cent., largeur 25 cent. Ce buste pourrait provenir d'une
statue. (Gravé sous le n" 1, pi. III.)
N*"* 3 et 4. — Fragments du même métal que le n" 2. Ce sont sans
doute des vestiges de ce buste ou de celte statue que nous croyons
pouvoir attribuer à Damona. Cette divinité était représentée vêtue
d'une robe à grands plis. Hauteur du plus grand des deux fragments,
254 mill.; largeur, 290 mill. Hauteur du second, 20 cent.; largeur,
13 cent.
Le buste dont nous venons de parler est certainement celui qui
est mentionné en ces termes par M. le docteur Renard, dans une
rapide énumération de découvertes que l'on venait de faire, au mo-
ment où il écrivait, dans le sol de la place des Bains, pour la conti-
nuation des aqueducs et la construction de la chambre des pompes :
2^ iir.vrK Ant:Hi':ni.(M;iorK.
1. L«» I'» inni suivant JST.'i,, un lnisic île fcmino, en l>ron/.n (inrt\
creux, lie {îciiuleur à peu près nalurellc, très fruste et corrodé (1). »>
11 faut reuiercier le docteur de nous avoir parlé de celte dorure ;
sans son inilicalion, on ne soupçonnerait plus que ce buste ail été
doré ; averti, on y remarque encore des vesli^'es de dorure presijue
imperceptibles. Ce détail pourrait venir à l'appui de l'hypothèse
émise plus haut, selon laquelle ce buste aurait ajiparlenu à une sta-
tue de Damona, la déesse tutélaire des eaux thermales.
Dans des notes conservées h la bibliotlièque de l'Keole des
mines, on voit que l'ingénieur (|ui assista <à la découverte de ce buste
a eu comme nous la pensée (ju'il devait représenter Damona. Il indi-
que d'ailleurs le lieu de la découverte avec une grande précision :
(( Ce buste, dit-il, était dans une sorte de niche en hri(iues, au-de>sus
de l'angle nord-est de la grande piscine romaine.... Je crois bien,
ajoule-t-il, qu'il représente la déesse Damona et que le buste de
Borvo est eu pendant de l'autre cùlé de la piscine, point que nous
n'avons pas eu l'occasion de fouiller {-i). »
Il est regreitable que les dimensions de la niche ne soient pas in-
diquées dans ce passage, et encore plus i|u'on n'ait pas fouillé l'en-
droit où était probablement, en elTet, le buste ou la statue de Borvo.
Ceci me conduit à r.iiipeler (jue M. Dugas de IJeaulieu iMihnoire
sur les (Uitifjnité'i de Bourbonnc) parle de deux statues, en mar-
bre blanc et de grandeur naturelle, découvertes dans l'enceinte
du château, les(]uelles représenteraient Borvo et Dmiiona. Selon
cet archéologue, «l'une, celle de Horvo, représentait le dieu sous les
traits d'un jeune homme à cheveux courts et bouclés; l'autre, celle
de Damona, sous ceux d'une femme, au front ceint d'une couronne
d'olivier, et dont les cheveux tressés retombaient sur les épaules. »
Or M. le docteur Athanase Henard, que nous avons si souvent
cité et qui sait l'histoire des antiiiuités de nourboiuiiMnieux (|ue per-
sonne, se montre fort sceptique; à ce sujet : « (Juanl au dieu Borvo
et il la déesse Damona, dont nu aui.iit tiouvé au ( liateau les statues
de ijraiideur naturelle en marbre hlaiic, il n'y a de celte découverte
aucune preuve bien adjuise. Si ces statues, ijui sont données comme
(ly Mémoire cité, p. .OJ.
(2j Je doin à la p.irfuiie obliRfancc de .M. D.uibrôi', directeur de l'f.colt' dtrs mines,
d'avoir pu consulter un donsicr coiiicnanl ilt!s noies surdfs di'couviTtea d'aniiquitti»
fait<;s li IlourboDiu; li-s-iJain», ainsi (\\u' des piiolo;;rapliit's parfaiicmcnt exécutées
d'apré» ce« mouuineuLs au inomeni ni^aie. J'enplTC (|u<* li; savant académicien vou
dra liicQ agréer les sincères rcmercieuiciils <iuc Je lui olTru ici.
INSCRIPTIONS F.T ANTIQUITKS DK ROUnDONNE-LKS-lJAINS. "iU
si romnrquahli's, ;iv;iionl ('•16 Iroiivccs on ciïot, coinmciil siipiioser
qu'elles n'aiiraicnl pas été conservées (1) ? »
Si je parla^'c les doutes du docteur, ce n'est pas seulement parce
que Icsslalurs n'ont pas élé conservées : on ferait une lonf,Mi(; et triste
liste des monuments remarquables (jui n'ont été découverts que pour
disparaître de nouveau ; mais j'ai d'autres motifs que ceux allégués
par mon savant devancier.
Suivant M. Dugas de Beaulieu, « le docteur Gaulliicr (.svr, pour
Vingénieur Gaulier), qui a signalé le premier celte découverte, men-
tionne aussi comme ayant été trouvés au même lieu, un Ijout d'aile
d'un aigle et la partie inférieure d'un bas-relief représentant un
homme nu de la ceinture aux pieds et de grandeur naturelle (2). »
Or l'ingénieur H. Gautier parle bien de ce bout d'aile et de ce
ti'onçondéjà perdus de son temps, c'est-à-dire il y a plus d'un siècle,
mais, si je n'ai pas trop rapidement parcouru son opuscule, il ne dit
mot des deux statues de marbre de Borvo et de Daraona (3). M. de
Beaulieu aura confondu cet ingénieur avec un médecin, le docteur
Chevalier, dont il cite également un écrit relatif à Bourbonne.
En effet, ce dernier dit « qu'en creusant un puits dans l'enceinte
du château on lira des décombres deux statues de marbre blanc un
peu mutilées, que l'on a soupçonnées être celles de ces divinités (4). »
Ces divinités n'étaient autres selon lui que Damona et Orvo, c'est-à-
dire Borvo, car c'est sous la forme Orvo que le docteur Chevalier dé-
signe encore Borvo(r)) dans son livre, dont je n'ai rien à dire au point
de vue des vertus des eaux de Bourbonne, mais que l'on jugera au
point de vue archéologique lorsque j'aurai dit que l'auteur y raconte
gravement un petit roman sur le latinius ou Latiniiis de notre ins-
cription n" 7 qui va suivre: il en fait, de son autorité privée, un pa-
Irice (lui aurait élevé le temple d'Orvo et de Damona, et c'est à ce
personnage qu'il fait remonter l'origine du nom de l'un des bains de
Bourbonne, le bain Patrice.
(1) Docteur Renard, mémoire cité, p. 319,
(2) Dugas de Beaulieu, Mémoire sur les antiquités de Bour/jonne-les-Baiu?, lu
en 1859 à la Sociétù des antiquaires de France, publié à part en 18(30 et en 1SG2
dans le tome XXV de la 3' série du recueil de cette compagnie (V. p. G/î-CS).
(3) Dissertation sur les eaux minérales de Bourbonnc-lc3-Bains\ par le sieur
H. Gautier, architecte-ingénieur et inspecteur des grands chemins, ponts et
chaussées du Roy, un vol. in 8, 17IG. (V. p. 10.)
{Ix) Mém. et observations sur les eaux de Bourbonne, par M. le docteur Chevalier,
1772. (V. p. 212.)
(5) Sur cette ancienne leçon de l'inscr. n" 7, v. Berger de Xivrcy, p. 52 de sa
Lettre de Hase sur une inscription de Bourbonne, citée plus loiu.
30 BFVUR AIlCHt^OLOr.IQDE.
Un mot cnrore ; puisque j'ai pris In peine de parcourir le livre du
sieur II. (îaulier. je dois dire qu'au frontispice il nous montre ce
qu'il nomme « un gros hlol (li{îiire 2 dans la planche) sur le(iuel
étoil jîrnvôe une inscription telle (lue j'ai dessinée, sans (juc j'aye
apcn.'u aucun point seusible entre toutes ses lettres. »
Cet iniTL'uieur avait en le soin de faire conserver celle pierre,
trouvée en cherchant, dans lesdéhrisde la tour du chAleau, des ma-
li'riau\ pour un ouvrng(» dont il était chargé. (ju'e.st-ellc deve-
nue •' J'en transcris l'inscription sans en essayer la rcslilution :
r\ LVGVDECAFIEC lui
NIVGGRATEOCR
AECINOFILIMPOR
Évidemment le bon ingénieur n'a pu déchiffrer celle inscription,
qu'un de ses successeurs aura employée pour un autre ouvrage ;
aussi n'esl-il pas probal^le qu'on la voie jamais reparaître; n'im-
porte, je crois plus à son existence qu'à celle des statues du docteur
Chevalier citées par M. Dugas de Beaulicu.
N" î). — Tête de génie enfani, les cheveux liés sur le devant de la
tête par le crobyle. Marbre blanc. Hauteur il cent.
Ce doit être la tête dont parle M. Uenard comme ayant été
trouvée le 18 mars 1875. Le savant docteur fait remarquer que
(i les sections droites de la partie postérieure et supérieure de celle
léte ne permettenl pas de douter (|u'elle n'eût servi de cariatide. »
M. Uenard fait encore observer que celte lèle e>l bien conservée (i),
« à part deux petites mutilations. » Ces mutilations sont, l'une au
nez, l'autre au menton.
Il .s'agit évidemment de la léte hgurée sous le n" 2 de nuire plan-
che III.
C'était sans doute un génie secondaire îles eaux, peut-être le génie
de liorvo, car ce ne peul èlre Dorvo lui-même. La note déjà citée sur
les fouilles de Uourbonne-Ies-bains , conservée à la bibliothèque de
riCcole des mines, conlirme riiyi)Olhèse du docteur sur la destina-
lion de ce buste ainsi que notre idenlilicalion ; il y est dit (jue celle
tCte était eu applique dans une des pi tiles salles des piscines riches.
N**' G et 7. — Deux figurines d'applique en bronze, qui semblent
avoir été dcsiinécs à se faire [icndant.
(1) Mtiinoiro cité, p. 333.
INSCRIPTIONS I:T ANTIQUITKS I)K BOUaiJON.NR-LR!--nAI.NS. .'Jl
RI. le doctour llonanl les a fait gravur, mais lûiluilos, sur la [ilan-
clie 43 (le son iiiéinoiro et les iiieiiliuiiiiu brièvement, page '.VU :
« Deux stiluetles d'appliiiue en bronze, d'un tiè.- beau modèle. »
En voici les descriptions plus détaillées.
N" 0 : l'ersonnage jeune, nu, sauf une clilamydo jetée sur les
épaules, dans une attitude forcée; il semble vouloir s'élever vers
un but inconnu en s'aidant d'un Ironc d'arjjre desséché, assez mince
et irrégulier. Le bras gauche est brisé. Ce personnage porte un an-
neau à chaipie jambe au-dessous du mollet. La partie postérieure de
celle ligure est plate. Hauteur 10 cent.
N" 7 : Autre personnage, vêtu comme le précédent, dont il dif-
fère par l'expression île ses traits, qui expriment une vivo douleur,
tandis (jue l'autre paraît calme; il a l'air d'être attaché à un arbre
semblable à celui dont il vient d'être parlé, et cependant on ne dis-
tingue pas de liens ; sa jambe droite est repliée d'une manière for-
cée. Hauteur 14 cent.
S'agit-il de cubistes faisant des exercices de souplesse et de force ?
N°8. — Avant-bras droit de femme, tenant du pouce et de l'in-
dex soit un petit globe, suit un fruit rond. ÏJronze; longueur
45 mill.
Ce pourrait être un fragment d'une statuette de Vénus tenant la
pomme ; mais, bien qu'il y ail des traces de cassure vers le coude, je
croirais plutôt que nous avons ici V ex-voto d'une baigneuse qui aurait
recouvré l'usage du bras cl de la main, grâce aux vertus des eaux de
Bourbonne. Les deux objets qui vont suivre et que je considère
comme des ex-voto pourraient confirmer cette hypothèse.
M. le docteur Renard, qui a reproduit cet avant-bras, mais fort ré-
duit, sur la planche 43 de son mémoire, nous apprend simplement
qu'on l'a trouvé dans la vase du puisard romain (v. p. 332). On le
voit, grandeur d'original, sous le n» 2 de notre planche IV.
N" y. — Doigt (index) et partie de l'avani-bras droit d'une femme.
Cassure au poignet. Bronze; longueur 32 miU. (V. au n" précédent.)
Ce doigt est reproduit, fort réduit, sur la phinche du mémoire de
M. le docteur Renard, qui le mentionne p. 332. Gravé, grandeur
d'original, sur notre planche IV, n° 3.
N° 10. — Les deux pieds de devant d'un cheval, en un seul mor-
ceau de bronze. Cassure au cou-de-pied. Cet objet, à plat, mesure
2o mill. Ileproduit planche 42 du mémoire de M. le docteur Renard,
qui le mentionne p. 332. Gravé, grandeur d'oiiginal, sous len" 7 de
notre planche III. (V. aux n"' 8 et U.)
N° II.— Tête et partie du corps d'un dragon, avec crèle, la
3Ï IlEVllF. ARCIlKOLOGIQUi:.
gueule ouverte el l.iissaiu voir une double rangée de dénis, (^1ssurc
comme aux n" S, !), \0 ol 12. Ces cassures ne seraient-elles pas
voulues. Uronze ; lonj^iieur 7'2 mil!.
Le docteur Renard lui-nlionne cette tcle de drai^on el celle qui suit,
p. 332 de son nicnioire. Il les reproduit sur s» {ilanclie 43. Celle-ci
est gravée, grandeur d'original, sur notre jdnnclie IV, n° 4,
N" 12. — Autre tùte de dragon. La e:i.ssure lais.se à peine voir le
corps du dragon. Longueur 60 niill. (V. au n" précédent, et plus bas
bas le coninientaire du pilastre n" 2'i.)
N" 13. — Anneau de bionze, avec trois chatons carrés, gravés en
creux. Sur le chaton du milieu, buste viril et oiseau ; sur les deux
autres, ornements en croix de Saint-André. Travail et style de l'é-
poque mérovingienne.
Sur la planche 43 du mémoire de M. le docteur Renard on recon-
naît cet anneau, bien qu'il y soit fort réduit. Le docteur le mentionne
p. 332, ainsi que le suivant. Nous l'avons l'ait graver, grandeur d'o-
riginal, avec le détail de ses trois chatons, sous les n"* 4, 5 et G de
notre planche III.
N" 14. — Autre anneau de bronze, à chaton rond, gravé eu creux.
Malgré les ravages de l'oxydation, on distingue une tête barbare de
profil. Le docteur Renard a fait graver cet anneau, fort réduit, sur
sa planche 43. (V. n" précédent.)
N" 1d et IG. — Deux fibules de bronze, privées de l'ardillon.
Longueur 48 et 33 mill. 31enlionnées p. 332 et gravées, très ré-
duites, sur la planche 43 du mémoire de M. le docteur Renard.
N°* 17 et 18. — Boucles sans ardillon. Bronze ; longueur 4 el 3
centimètres.
N" 19. — Épingle à cheveux. Bronze; longueur 85 mill. Figurée,
fort réduite, sur la planche 43 du docteur Renard, qui la mentionne
p. 332. Reproduite, grandeur d'original, sur notre planche IV, n" 5.
N" 20. — Capsolelte en bronze. Diamètre 10 mill. Mentionnée par
M. le docteur Renard dans son mémoire, p. 332, et gravée sur sa
planche 43.
N"21. — Une rouelle à (jualre rais. Rronze ; diamètre 3 cent.
Sept rouelles ou anneaux moindres et de diverses grandeurs.
N" 22. — Balances en bronze, avec débris des chaînes, le tout en
très mauvais état de conservation. Longueur du fléau, 40 cent.
N" 23. — Douze pendants de collier en ambre, dont sept percés
d'un trou.
N"24. — Pilastre de bronze. Hauteur -40 cent.; largeur du fût,
5 cent.j à la base, li cent.
INSCRIPTIONS F:T ANTIQUITIÎS DE BOUIIBUNNE-LES-BAINS. .']3
M. le docteur Renard (p. 33!2), après avoirmcnlionnô les l\<^\i'
rines d'appli(iue décrites plus liant (n'" 5 et G), nous apprend qu'on
trouva en même temps « des fra.^menls su[tposés .riin cadre autiuel
elles pouvaient se rapporter ». Notre pilastre taisait sans doute par-
lie de ces fragments signalés en bloc par M. le docteur Renard et
que je retrouve dans le lot donné i)ar l'Klat au déparlement des Mé-
dailles et Antiques. Le cadre ou l'encadrement auquel fait allusion
M. Renard complélait-il la plaque votive de bronze de Claudia Mossia
et de C. Julius Superslesson fils, décrite plus haut sous len";J de nos
inscriptions, et (jui fut découverte après la publication du mémoire
du savant docteur? Je serais tenté de le supposer, surtout en rappro-
chant cette indication de la note manuscrite conservée dans la bi-
bliothèque de l'École des mines, où il est parlé de quelques mor-
ceaux de bronze, trouvés en 1873, parmi lesquels il en est auxquels
on donne le nom de volutes.
Le rédacteur de cette note pensait, comme M. le docteur Renard,
que les deux statuettes d'applique et les fragments de bronze prove-
naient d'un même objet; il ajoutait que c'était peut-ètreun vestige de
l'encadrement de la table de bronze, Vcx-votodo Claudia Mossia, no-
tre n" 5. Le cadre de cette plaque de bronze devait être assez compli-
qué comme moulures, ajoute l'auteur de la noie ; et les têtes de dra-
gon de bronze en faisaient peut-être également partie. Je me contente
de mentionner ces hypothèses, qui empruntent une certaine valeur
à ce fait que ces objets ont été trouvés en même temps et au même
endroit.
Quoi qu'il en soit, on conservera dans le Cabinet des antiques ces
fragments de bronze, débris de meubles? soit plats et droits, soit
courbes.
N°' 23, 26, 27. — Je mentionnerai encore trois clous de bronze,
dont deux sont figurés sur notre planche IV, n°^ 0 et 7.
N" 28. — Sous ce numéro je comprends divers fragments de
tuyaux et objets divers servant à l'exploitation des eaux, qui pourront
servir aux savants qui étudient le matériel des établissements ther-
maux de la Gaule à l'époque romaine.
N° 29. — Un fragment de conduit en terre cuite, dit boisseau^
entier.
N"30. — Trois fragments de murailles avec revêtements coloriés.
N" 31. — Un grand nombre de médailles gauloises et romaines en
argent, bronze et potin, au milieu desquelles on remarquait quatre
aurei, dont trois du haut-empire et uu d'iionorius.
A l'exception d'une monnaie gauloise et de quelques pièces de la
xxxix. 3
3i IlKVll, AUr.IlKOLOGIQLi:.
colonie de Nîmes, i]\\c l'on a cru ilevoir réserver pour le Cabinet des
médailles el anli(iiies, cl (lonl on parlera loiil ù l'heure, ces mon-
naies, (jui amaiciil Tiil douMe emploi dans la eollerlion niiniisnia-
tii|ue de l'Klal. uni ilé olïerles, avec l'aulorisalion du niiiiislre île
rinstruclion publi(iue, i)ar la Uibliolliè(iuc nationale, à la ville de
Hourbonnc-les-Bains, (lui les a acceptées.
Il l'sl à peine besoin d'ajouler (lue, sauf les aurri, ces pièces ron-
gées par lis eaux sont de mauvaise conservation. Cependant elles
ne seront pas sans intérêt à Hourbonnc oii on les a trouvées. Non
seulement ce sera le noyau d'une collection (|ue l'avenir pourra gros-
sir et améliorer, mais les numismalistes, les chimistes et les minéra-
logistes y trouveront matière î» de curieuses observations (I).
La monnaie gauloise réservée pour le Cabinet des médailles n'est
guère mieux conservée que la plupart de celles qui ont été trouvées
en même temps à Bourbonnc, mais elle présente une particularité
inobservée jus(iu'ici, à ce (|ue je crois, d;ins la série à laiiuelle elle
appartient, celle du chef Germanus. Cette pièce est en argent, ou du
moins en billon, tandisque toutes les autres connues sont en bronze.
Un y voit d'un cùlr une léte imberbe, nue, tournée vers la droite. Au
revers, où paraît un taureau, on lit : GEKMANVS INDVTILLI • F.
lia ùli parle plus haut du mémoire dans lequel iM. de Longpé-
rier a proposé la leçon qu'on vient de lire pour ces pièces (2). Jadis
on lisait sur ces monnaies soi[ inilutiUii, i^o'ûiudnlilli /, légendes (jue
l'on iratluisaiipar /«(iM^«//t lihcrtus, c'est-à-dire par une hypothèse
inadmissible. Le revers de notre pièce est trop mal conservé pour
qu'on puisse lui demander une preuve nouvelle de la lecture du sa-
vant académicien ; je saisis cependant celle occasion de la mention-
ner, parce que j'y lis aussi Gcrnimius IndutillifiUius) et que j'y vois
un nouvel argument en faveur de ce qui a été dit plus haut au sujet
de la forme particulière de la lettre F sur notre inscription n° -i.
En ce (lui concerne les spécimens de la monnaie de Nîmes con-
servés au Cabinet des médailles, ce qui en fait l'intérêt, malgré leur
mauvaise conservation, c'est iiu'ils olïrent une particularité bien
connue, mais dont on ne possédait pas d'exemples à la Hibliolhé(jue
nationale. Ils sont coupés en deux pour servir de pièces division-
naires.
(Ij M. le docteur Uciiard a mcnlionnù ces quatre pit'cos d'or dans son iiiciDoirc
déJJicilé, p. 332. Le mC-mu savant a domu; encore <|iiui<|ne3 d-Suil» sur les décou-
tertes de mcdaiUcs h. Dourbonnc-le»-I»ains, à la pufço 317 diidil mi5moiro.
(2 Coaunciitaire du no 6 do uo» iiiscriplions; il »'ft|/is»ait de lu noto sur la
forme do la lettre Y.
INSCIUPTIONS i:T antiquités DK DOUnUU.N.NE-Ll!:.^-IJ.Vl,NS. 35
§ .'!. — In'^criptions diverses.
A. — \)c\iK riMi,MnoiUs do marbre hlanc fini laissent voir les vcti-
yes do ciini lii^Mics d'une belle iiis(;ii[)lion luomiincnlalc :
H
NV
NV
SIB
A' • PE
A la première ligue, il est à peu près certain qu'une N précédait
la lettre II, qui est entière. Les lettres de la troisième ligne sont
coupées par la cassure qui partai;e en deux cette inscription. Les
caractères, parfaitement gravés et de bonne époque, ce qu'indique-
rait indépendamment de leur beauté le signe orihograpliique placé
après TA de la dernière ligne, ne sont pas égaux en dimension. Les
premiers ont 11 centimètres de hauteur; les autres descendent jus-
qu'à 8 centimètres 1/2. Réunis, ces deux fragments ont 7'J centimè-
tres de hauteur sur ÎS de largeur. Les plaques de marbre ont 3 cen-
timètres d'épaisseur.
Les deux premières lignes font penser à la formule in honorem
numinis ou muninum; mais dans l'incertitude où l'on est à l'égard
delà largeur de ces plaques de marbre alors qu'elles étaient entières,
je ne propose pas de la supposer. Je m'abstiens également d'essayer
soit la restitution de la seconde abréviation NV, soit celle des
quatrième et cinquième lignes, et me contenterai d'avertir que la
lettre A de la cinquième ligne, qui est marquée d'un signe orthogra-
phique, est en outre séparée par un point très distinct des lettres PE.
B. — Sur un bloc, à peu près carré, de marbre blanc, on lit :
RVFINV
V I E N ^€ N
SI
On peut sans témérité supposer qu'on doit lire ici Rnfiiius Vicn-
nensis; mais il faut avertir qu'il ne semble pas que la lettre finale
.'!<> nr.viT. Ancni^oLOGiQUK.
(lu mol HVFINVS nil jaiiiais t'ié t:r;ivt'(' sur ce marbir, uUlmuIu ([UC
5a plafc e>t ic .siée vide. A la secoutle ligue, lo diTuier K esl lié à la
seconde N; la iroisièuic N csl à luoilic eniporléc par une eassuic qui
ne laisse jiarailre au milieu de la Iroisièmo ligue (juc le liaut dos
lelircs SI el a dèlruil l'S iiuale.
C. — Kragiueul d'un tuyau de plomb destiné à conduire les eaux;
on y lit en relief, entre deux lleurons :
COCILLVS • F
Los caractères gravés sur ce tuyau ont .'] centimètres de haulour-
Le tuyau lui-même est long de 38centimiircs.
Le plombier Cocillus était sans doute de la mémo famille que la
Cocilla de notre inscription n" 7 (voyez le commentaire de ce nu-
méro^ § \ de la 2" partie de ce travail).
D. — Fragment portant la même inscription que la lettre n" C,
mais de mauvaise conservation.
E. — Autre fragment de tuyau de plomb.
D • NIVALIVS-AGEDINVSF
Longueur io cent. On y lit en relief, en beaux caractères de 35
mill. de haut, la signature du plombier terminée par l'abréviation
F \)0\iv fecit. Au commencement de cette inscription, on remar(iucra
le signe > qui représente le D du prénom Deciinus, si ce n'est pas
un ornement analogue aux lleurons signalés sur le tuyau de Cocillus^
lettre C. Si c'était un U il y aurait ;\ noter (ju'il est moins grand (juo
les autres lettres et ne resseudjie pasau D d'Aijcdinus, qui est de la
forme habituelle ; mais nous venons de voir des exemples de lettres
deform'S dilTérentes dans une môme inacription ; d'un autre côté,
si c'est un ornement, pourquoi ne se répôte-t-il pas à la lin de Tins-
criplion ?
Je retrouve le nom de NiVALIVS, ou du moins un iu)m analogue,
sur une inscription conservée au mu<ée de Langrcs, et (jue le cata-
logue cité plus haut (p. i'O, note 1) donne comme provenant d'un
tombeau chrétien. (V. p. 12, n" 'M.)
INSCniPTIONS RT ANTIQUITIvS DR nOUUnONNK-LFS-nAINS. :]7
N I V A I. I
S A T V H
N 1 M I' 1 L
Ceci pont f.iirc conjocluror que le plonihior Nivalius Agodiiius
était (le la cilc dos Lingones, bien ([iic son nom fasse involonlaiip-
incnl penser à celui de la capitale des Senones, Agedincma ou
Agedicum.
ClIAlloUIM-KT.
{La suite prochainement.)
CATULLE
XXIX
:i("
Qiiis lioc polost vidor^, r|iiis polnsl pati,
Msi iiiiiuKiicus et vorax rt aleo,
.Mainiirrani liaboro qiiod Coiiiata Gallia
llabebat anto et iiltima nritannia?
f) f.inœdo Romiilo, liœc vidcbis et fcrcs ?
f'v inipudicus et vornx et iileo.
Kl illc nunc snpcrbus et siiperfluens
l'iTanibnlabit omnium cubilia
L't albiiliis coluiiibus autAdoncus ?
10 Cinn'de Homule, lia-c \idebis et fores?
Ls impudicus et vorax et aloo.
toiKî iiomiiie, imperator unice,
Fuisti iii ull ma occidontis iiisula,
L't i-ta vostra diffututa Mentiila
l'> Duccnties coinessot aut trecenties?
Quid est alid sinistra liberalitas ?
Parum expatravit an parum elluatus est ?
Patcrna prima lancinatasunt bona :
Socunda praîda l'ontica : inde tertia
20 llibrra qnain scit amnis aurifcr Tapns.
Timcnliic Galli:n luinc, timrrit Rritannia? ?
Oiii,l liunc maliim fovetis ? aut quid liic polfst,
Nisi uncta devorare patrimoiiia ?
Eonc iiominc urbis, o potissimei
2ï Soccrgoiicrque, pcrdidistis omnia ?
NoTKS cniTioUF-s. — Pas (rinlnrvallc entre celle pièce et la précé-
(Icfitc. f)in< 0 (2), lesi;;le = n f,';niclie. Dans fi (.3), un sigle rouge à
(1) l'at.'n)'ru d'uno tdilion dcCatinic, ■ustiii'i- i |iar.iitrr |iroclinincmciit.
(2) O reprt'ftentc lo ms. d'Oxford, appel»* d'ordinaire Oxouirnfis.
'3; G repri-M'iilc le m», du fonds Saint-Germain 110."», di'posti A la Biblinlli^que
nationale tous lu no 1/'|937. — G et O Bont los deux principaux rnss. sur Icsjuels
s'appuie le texte de Catulle.
CATUI.LR. 39
fjaiiclin; dans h mnrKO ilrnilp, en roufirn : iu romnliim cnthumitiim.
— ± Les ancionnes éditions ont aleo. L'Aldiiu! l'iDj, Scaliger,
Vosslus : hf'lluo. Mais cf. Oiiintilien, XI, 4, 141. — ;{. GO : Nam
niunani. riiiie, //. A'. XXX Vf, iH, cd. von Jan, fait allusion à relie
épiî^'raiiinR', el tous les niss. oril mnnnirrn. — 0 : comota, selon
Ellis. Hadirens ne signale rien. — 'i. (iO : rum Ir. Los anci(;nnes édi-
tions ont relie leçon rpii n'a pas de sens. I^Aldine l'iO^ : et cnncta.
Kaeinus : uncli, admis par Yossius, lleinsius, Drering, Sehwabe
(unctei), Ellis. Scaliger : unctum. Muret : oinnis. Stalius, Laclimann,
Monnnsen, !.. .Millier, H.'ulirens : anh', (|ue priN^re aussi Munro ; cf.
Critic. and Eliicid., p. UG. — 0 : [irillaniœ, selon Hadircns. Douzalc
père écrivait : ullimœ Brilanniœ, Selon Ellis (cf. aus.si Schulze, //pr-
mes, t. XIII, p. ."iO), Oa Brihiiniia. — 5. G : Cinede. Bonnet si.^nale
que la dernière iellre de Bomide est écrite en surcharge sur un
grattage. — 0 : liœc. G : liée. Bœlirens écrit hoc. — Le vers 6 n'est
pas dans les niss. ni dans les anciennes éditions. L'Aldinc l'iO-i le
donne pour la première fois ; on le retrouve dans Scaliger, Dœring.
Vossius le rejette, ainsi que Sillig, Lachmann, llaupt, Sehwabe,
Ellis. Bœhrens et L. iMiiUer l'écrivent, comme je l'ai fait, en
caractères dilïérenls. L. iMiiller, Prœfat. p. xvii , le défend :
« Nam qui in primo carminé negarat Geesaris facinora quemquam
posse adspicerea-'quis ocuiis, nisi impudicum etvoraccinet aieonem,
eum pulabis quasi pcr soporein tribus versicuiis jam oblilum quod
modo dixeral et rursus quasi experrecturn e somno versui decimo
adicere id quod aut utroque loco addi oportuit aut ncutro. » —
8. 00 : perambulavil. — 9. GO: Ydoneus. La correction Adonous est
de Stalius ; elle a été adoptée par Scaliger et la plupart des éditeurs.
kldinc i^)02, Uuret: columbidiis Dionœus. Sillig: Dionius. Il dit
dans les noies que quelque épitlièle géographique peut être cachée
&OUS ido)iciis. — 10. G : Cinede. — G : hœc. G : hec. Baehrens, hoc. —
Après le V. Il, Baehrens, avec Mommsen, intercale les quatre der-
niers vers ; Sehwabe, les deux derniers. Uibbcck place aussi ici les
deux derniers ; il met 22, 23, avant 17-21. — M. GO : nostra dif-
futura. Vestra o\ivostra se trouvedés l'AldineloOS. D(l) fournissait
celte leçon, correction vraisemblablement faite par un copiste in-
telligent. Sehwabe, L. Millier : defututa. — 15. 0 : ducencies et
trccencies. — 0 : comcrsct. G : comesct. — 10. GO : alit. Les an-
ciennes éditions ont alit avec une ponctuation qui n'a pas de
(1) D est le Dafami^y ms. aujoiird'liiii déposO à BerliD, auquel Lacl'mann. L.
Mûller, Ellis, attribuent une origine indépendante.
4(t nr.vir. \Hr.m;(ii.or.i(ji'K.
i>cns. AM. l.'iOi, Murel : qiiiil est au hœc. (îiiarinus : nliwL Slnlin?:»
riMii'li (i/i(/. I.a |ionrt':ali(»n ;i Itcrnicmip varir; celle que j'ai adoplùe
csl<lii('à l.a.liinanii. — 17. 0: iKirtum. — IS.Lcsmss. oulprimum.
La convflion est due .1 Tiinu'beol àScaliper. — 1'.'. C : jucdii... ter-
ria. — -0. (î : Injbcra 7, sit anini nurifcr Tluujufi. 0 : nmui, le resle
comme le lc\W. Honiu-l a notr <|Ui'// «le ïhjbera est sur un prallaf^e.
— ti. (ÎO : llunc Gallio timcl et nrilaunir 0 : Itrittanie). La pièce
est en ïambes purs, re (jui rnid in-ressaire une eorreclion. J'ai
adiipié relie de L. Millier. AI liiic liiili, Muret : HiincGnlIiœ liment,
tiitieut Dritnntiiiv. Av,inriu> : Timentqne GnlUiv hune timent
Britanniir. Sealiper : Inumhit e.iiiimr ecee Lusitani(r. Turnèbc :
Timriitque Gdllitv httue, timet lintminia. Douza le père :
Timctquc (i'allia Innu; timent liritannitv. Dcerinj:, Sillig : Jfunc
Gallid- timetis et lirilanniœ. Laeliraann a renonré à corriger. Il
propose en note : Time Drilannia liuue, tinirtr Gnlliœ. HaiijU :
Timete Gallitr, liunc timc Britunnia. Kilis : Neqiie nna Gallia ont
liment liritnnniir. Schwnbe : Nunc Gnlliiv timetnr et Brilanuiœ.
Hrebrens : Eeine GnlUiv optimn et liritauniiv. — 22. GO : quid Inc.
— 2i. G : tu bis opuleutissime. 0 : nrbis oppulentissime. Sealigcr :
imperator unice. Laclnnann : iirbis 0 piissimc. l'^llis : urbis 0 pudet
fneœ. —2*;. Dans les Cataîecta attribués à Virgile, ce vers est imité,
III, G, mais il va f/ener socerque, inversion que Ellis a adoptée.
GoMMF.NTAmE. — Vers ïamhiiiuos pur?, c'esl-à-dirc où l'ïambe
n'admet aucune substitution. La coupe des vers oITrc certaines parti-
cularités. La césure est au milieu du 'r pied dans les vers 1, 7, '.>, 15,
10, 'i2; mais alors les deux premiers pieds forment toujours un mùlrc
isolé et sont séparés du 3" par une diérèse. Celte règle n'est négligée
que pour le v. 23; encoie peul-on admeltre la diérèse aj)rès la pré-
position de du verbe composé deiorare. Les ver» ^, 3, H, 1!, li, 17,
48, 11), 20, 25 ont la césure au milieu du 3° pied. Dans le v. 20, cette
césure est précédée de deux monosyllabes, (raillciiis unis par b' ^ens.
Au V. 4, la césure se produit après un monosyllabe précédé d'iinr éli-
sion ; aux v.'), 10,12,13.21, à la césure se trouve une élision ; aux
V. ;i, 10, 21, cetleélision est suivie d'un monosyllabe ; aux v.l'J et
13, d'un mot composé dont le premier membre est une préposilion
monosyllabiipie. Au v. 2i, il y a élision au 3" pied, cl césur(> au 'i'.
Sur l'abus des élisions dans Gatulle et sur eidlisqu'il s'est permises,
cl. Ilaiipl, Opuscula, I. I. p. ÎIO ; Heeck, De (UituUi carmin, re gram-
mat. et meiricn, p. ()>5. Au v. '1, la dernière syllabe de ultimti est allon-
gée dev.inl la niuelle suivie d'une liquide; elle esl suivie d'une dié-
rèse, comme IV. '.K C'est au cinquième pied (pie se produit celle parti-
CATL'I.r.K. 41
ciilni'ili'', IV, IH. i/iliillfi s'osl, (lu reste, pour ce qui rcgnnle
rallouiJ^nmciil (Itî la dernirro syllabn d'un mol, allongoment produit
par la présence de deux consonnes au commcnceiuenl du mot
suivant, donné plus de liberté (|u'auciiu aulie porte; cf. Heeck,
J)c ('ntnlli airm. rcfjrammat. cl meiricn, |i. GD. Kniin il faut ici tenir
poui' une brève la première syllabe de Mamurraiii, v. .'i, i|iioi(pi(; Ho-
race, S^//. T, Ti, ;]7, la fasse louLjue ; voyez aussi pièce I.VII, 2. Au-
trement il y aurait une infraclion l'iclieusiîà la règle que le poète sem-
ble s'être imposée d'employer rïauibi((ue pur.
('elte pièce, l'une des plus célèbres et des [jIus acbevéïîs de Catulle,
doit avoir été écrite entre les deux expéditions de Hietaifuc, c'(îsl-;i-
dire dans l'hiver de 55-54, comme le veut Munro. Klb; est diriçrér d'a-
bord contre Alaniurra et suiisidiairemcntconlreceuxi|ui l'ontprotégé,
Pompée et surtout César. La violence y est poussée à l'exlréme, « l'ex-
pression y est à la fois cynique et élégante, caractère ordinaire de ces
épigraninics, mais la brutalité des images et des mots a une grande
porlèe satirique. En rabaissriiil, en dégradant, en salissant César,
celui ({u'il appelle imperator unicus, Romulns, il l'ait remonter jus-
qu'à lui la solidarité tlii luxe insolent, de l'inconlinence effrénée de
Mamurra, des vices qu'il autorise, qiril partage, qu'il nourrit des dé-
pouilles de l'univers. » (M. Patin.) Il faut rccherchcrce que d'ailleurs
l'histoire nous apprend di; Mamurra. Il était de Formics (cf. XLI, 4 ;
LXIIl, 5 ; LXII, 4; Horace, Satires, I, 5, .37), chevalier romain, et
il occupa auprès de César en Gaule la charge de prœfectus fabnun
(Pline, H. N., XXXVI, G, 48) ; c'était une situation équivalente à
celle décommandant en chef du génie dans une armée nio ierne. Le
prœfectus fahriim n'était attaché à aucune légion et n'avait pas do
place dans la hiérarchie des grades militaires ; il était choisi par le
général et maintenu i)ar lui en vertu de la confiance personnelle
qu'il lui témoignait (Marquardt, Handbuch der Rœm. Alterth., t. V,
p. 490). Les travaux de l'ingénieur ont été trop considérables dans
les campagnes de César pour (ju'il se fût adjoint un homme qui
n'aurait pas été d'un mérite reconnu. Déplus, les vers 19 et '■20 ne
peuvent s'expliquer avec Ilaupt (Qm^ps/. Catull. dans les Opnsculn,
t. I, p. 13 et suiv.), Schwabe [Quœxt. Catull. t. I, p. 193), Munro
{Critic. (indElucid., pp. 85,80), que du butin recueilli par Pompée
dans sa guerre contre Milhridale, et de celui que Gésarconquitdans
son gouvernement d'Espagne après sa prélure ; la guerre tle Pompée
dura de GG à G3, le gouvernement de César deG::J à GO ; il est pos-
sible que Pompée ait trouvé Mamurra en Asie ayant déjà servi sous
Lucullus contre Mitbridate. Comme le dit Munro, Critic. andElncid.,
M REVUE AnCIléOLOGIOUF.
p. HO, c'était h IV'poquo qui nous orcnpo un piMsonnapc d'un flge
milr et d'uno linuto noloiirit'' profcssionncllo ( « lie was a man of
maluiv a}î«^ and of liijrli pnifcssional disliiiclinn » ). Toutefois ce
devait ôlie un homnip de jjoilts luxueux et un homme de plaisir.
Pline nous apprend. II. A'. XXXVI, (5. 18, que le premier il lit en-
tièrement revêtir de marbre les parois de sa maison fur le mont
Cèlius, que toutes les colonnes en étaient de marbre de Caryste ou
deLuna. Pour fournir aux dépenses que nécessitait ce luxe, il dut
pilier les pays où il faisait la guerre, et cela sous la protection de ses
jiatrons, comme d'ailleurs eux-mêmes et leurs autres lieutenants.
(',f. Cicéron. ad Attic. VII, 7 : <( VA Labieni divitim, et Mamurrje
placent, et Hnlbi linrti et Tusrulanum? » t^icéron, dans une autre
lettre à Allicus, XIII, ."ii, parle encore de Mamurra. C'est tin passage
dont le sens et le texte sont fort controversés: « tum audivit de
Mnmurra, vultum non muiavil » ; mais le meilleur ms. ne contient
pas le mot ruitiim. Manuce a pensé qu'il s'agissait d'une, condamna-
tion encourue par Mamurra pour infraction aux lois somptuaires,
et à laquelle César ne changea rien ; d'autres, qu'il entendit parler,
sans changer de visage, des épigrammes dirigées par Catulle contre
Mamurra et contre lui-même; c'est une opinion peu probable,
puis(]uc sans doute ces épigrammes étaient déjà bien connues, et que
d'iiprés Suétone, César, 73, une sorte de réconciliation entre Catulle
et lui avait eu lieu. Knfin, Nipperdey el Schwabe croient (ju il s'agit
de la nouvelle de la mort de Mamurra, que César apprit alors sans
changer de visage. De ce passage, entendu de l'une ou de l'autre
façon, il résulte ou bien une preuve nouvelle des profusions de Ma-
murra, ou une autre raison de croire qu'il n'était plus un jeune
homme, et qu'en conséquence il n'y aura pas lieu de prendre à la
lettre certaines expressions très vives de Catulle. D'ailleurs les
autres écrivains romains ne nous ont rien transmis à son sujet qui jus-
tilie dans tous leurs termes les imputations du poète. Mais que Ma-
murra ait été homme de plaisir, c'est ce »iui est très vraisemblable.
De plus, il est fort probable qu'il a été le rival et le rival heureux
de Catulle. Il est certain (|ue la même personne est désignée XLI et
XLIII, el de XLI, i, el XLIIl, o, (jui servent à établir cette identité,
on peut conclure (ju'elle a été la maîtresse de Mamurra (comparez
avec ces vers le v. 4 de la pièce LVII); ajoutons iju'elle a repoussé
Catulle, ou du moins qu'elle lui a demanilé de ses faveurs un trop
haut prix rXLI, 2), un prix que sans doute a pu payer .Mamurra. Dans
ces sortes de mésa\entures, Catulle était l'homme le moins patient ;
il insultait à la fois dans sa colère l'objet naguère aimé cl ses rivaux
CATULLP.. 43
plus favorisas. On pciil s'on roiuiro compta dans l'iiisloirc do sa pas-
sion pour Lcshii), voyez X(, et de sa fantaisie pour Juvcnlius,
voyez XXIV elXXY. Uc l;\ sans doute ses fureurs contre Amoana, et
aussi conirc Mainuria, (|u'il poursuit sans relâche dans sa niallressc,
XLI, XLIII, qu'il a lui-inôiiie sollicitée et (ju'il outrage aujour-
d'hui, dans ses prétentions poétiques, CV (Mamurra faisait sans doute
des vers connue tous les Uoniains distinjjués de ce tenipy-là), dans sa
richesse scandaleuse et sa dépense insolente, CXI V, CXV, 9, dans ses
mœurs, XCIV; enfin, il atteint jusqu'à ses protecteurs dans le ter-
riide morceau qui porte le n" XXIX. Pompée {vostra, v. 14; Pontica
prœda, v. l'J;/;e;imyw^v.25)etGésar(v. 2, 5,6, 10, 11, 12,20, 21, -lo)
sont rendus responsables des pillages, des jjrofusions, desgalanteries
de Mamurra. Il me semble que l'amant éconduit se laisse voir assez
clairement dans les vers 7 et 8. En même temps sont prodigués à
César les outrages violents, v. 2, 5, 0, 10, les dérisions cruelles. Ces
appellations de Romidus, d'impenitor unicus, que l'on donnait sou-
vent à ceux qui rendaient de grands services, aux généraux victo-
l'icux (vovtz les exemples de Salluste et de Tite-Live, que cite
Munro, Critic. and Elucid., p. 92), que les flatteurs de César lui
donnaient sans doute publiquement, Catulle en fait ici un objet de
moquerie en montrant le but ridicule de tous ces exploits. Il reprend
toute la vie du proconsul triomphant, en fait voir les mauvais côtés,
relève l'administration avide et violente avec laquelle il a épuisé les
provinces qui lui ont été confiées, suggère que ses expéditions de
Gaule et de Bretagne n'ont d'autre but (|ue de le gorger des richesses
mal acquises, lui et ses indignes lieutenants. Enfin il y a un refrain
sanglant où il rappelle les imputations qui couraient sur les mœurs
de César, sur ses galanteries, sur les honteuses complaisances dont
on disait que sa jeunesse avait été flétrie, tout cela sans doute exa-
géré, poussé à l'extrême, inventé peut-être dansle monde des enne-
mis do César, les Memmius, les Dolabella, les Curion, les Calvus
(Suétone, Ccsar, 49-52, 7^), mais rassemblé, concentré de manière
à pénétrer profondément, à blesser de la façon la plus douloureuse
celui même que l'ambilion avait cuirassé de la plus résolue impas-
sibilité. Quelle est la portée de ces accusations, et quelle créance
mérite Catulle ? Assurément les mœurs de César n'ont pas été plus
pures que celles de la plupart des Romains de son temps (cf. Suétone,
César, 50). il fautprendre garde toutefois que certaines accusations
reposent sur des fondements légers. Suétone dit {César, 49) que son
séjour à la cour de Nicoméde est la seule circonstance qui porta
atteinte à sa renommée, et que ses ennemis lui reprochèrent toute
V» nr.vuR Ancii^.oLor.iorR.
sa vit». Mnnro, Critir. anil. Flnrlil., p. S7 et siiiv., cxpliiim^ iriinf*
niaiiit'iv stifri^nnlc (|ii('liiiii's-uns lios di't.iiU du sr-joiir de Ci's;ir à la
cour de Xicomùde ; il f.iil voir (|iio le priiiciiial témoin est ce
MiMiimiu?, si mal liMité jiar (/iluili; liii-méine, cl ([u'à tout [irendro
ce ne -ont (]ue (ies rumeuts et des bruits ampliliés, en passant de
bouche en bourlio, comme ces atlaques contre la vie privée des
personnn|7e> pûlilicjnes qui courent de nos jours les rues de Londres
et lie Paris. Il rappelle les insultes qu'a essuyées de ses ennemis
Pompée, dont Cicéron, AdAttir. XI, 6, ;>, célèbre la gravité et les
iii.inirs sévères. Il cite le mol de Velléius (II, il), comparant César!»
Alexandre, mais à un Alexandre sobre cl de sang-froid ; il énumèrc
les qualités de bon goût, de délicatesse, les nobles manières qui, au
rapport de Suétone, caractérisaient César, et il essaye, non sans
succès, de convaincre Catulle d'emportement cl de violence injuste.
Mais comment le poète était-il arrivé ù concevoir de tels sentiments?
Il me semble bien difficile d'en faire, comme le veut Ribbeck
(C. Y.vLF.Riis Catl'llls, Eine liUcrar. Iiistorischc Shizze, p. 45), un
déterminé républicain,' ciïrayé des dangers que César faisait courir
à la liberté. Ses amitiés, ses liaisons avec la jeunesse atlaclice à la
forme républicaine ancienne, l'inclinaient déjà à conil)atlre ceux qui
semblaient destinés à devenir les maîtres de l'Élnl. On s'explique
qu'un diiïércnd personnel avec l'un des amis de Césu l'ait engagé
dans la lutle, et que les applaudissements qui accueillirent ses épi-
grammes et l'ardeur de la polémique l'y aient maintenu. La preuve
que l'animosité n'était pas bien forte, et la conviction très profonde,
c'est l'espèce de réconciliation qui intervint entre César et Catulle,
dont nous parle Suélone {Ccsar, 73), et où le poète fit en quelque
sorte ses excuses [satisfacientrm). iMunro croit (ju'il reprit sa guerre
de mots piquants et admet que la pièce LVII est postérieure au repas
où César et Catulle se trouvèrent ensemble chez le père de celui-ci
C'est ce que rien ne prouve. J'admettrais volontiers qu'après les
premières èpigrammcs contre .Mamurra on ait dit à Catulle, peut-
être Mamurra le lui a-l-il fait dire, que ses att:uiucs déplaisaient au
proconsul, lié d'hospitalité avec son père. Catulle aura répondu par
la pièce XCIII, puis piipiéau jeu clexcilé parsusamis, il aura écrit la
pièce XXIX et la pièce LVII. César se sera'olTensè, et il y av;iit bien
de quoi, de se voir atteint ainsi par un liommi; dont le père était son
li6te; Catulle redoublant aura ècnl la pièce MV, où il liiave son
adversaire, et la pièce CXIII, où il :itt:iqiie à la fois César et Pompée.
Kn eff.'l, Mucilla, dontil esl(iuestion dans celle; èpigramine (Mncilla
est une correction des plus heureuses duc à Pleitner, adiniM; par
CATULLE. AlS
Schwalic, Qnœst.Catull. I, p. 'âl.'JjL. Miillor, I]rolircns),csl un diini-
niitif méin-isaiU du noiu de Mucia, feniine de Poinijôe, convaincue
d'adultère avec César pendant que Pompée faisait la ^'uerre eu
Oricnl, rcmarii'c depuis ù yl'jiiilins Scaurus, et rendue fameuse par
SCS désordres (cf. Yal. Max. VIII, 1, 8; Scliwabe, (Juœst. CalulL 1,
p. 217). Plus tard la réconciliation se sera faite, et c'est alors cjue
Calulli! parle de César sans injure dans la pièce XI, quoique i)eut-
ôtre encore avec une légère nuance d'ironie, en mêlant son nom à
celui des Furius et des Aurèlius,- et au souvenir de Lesbie. Si, comme
le suppose xMunro {Critic. (iiid Elurid., p. 80), la querelle avec
Mamurra a commencé à la lin de l'année o5, sans doute lorsque le
chef des ingénieurs de César s'occupait de rassembler les matériaux
nécessaires à la construction d'une nouvelle flotlc et aux réparations
qu'exigeait l'ancienne, et lorsque dans ce but il séjournait eu Cisal-
pine (César fit clieicher de tous côtés, jusqu'en Espagne, ce qui lui
était nécessaire, liell. GalL Y, 1), elle doit avoir fini, du moins
le repas signalé par Suétone doit avoir eu lieu au printemps de oi,
lorsque le proconsul revint d'Illyrie et passa pai- la Caule cisalpine
[bcll. GalL V, 2, 1). Tout le débat n'a donc duré que (|uel(iucsmois,
puisqueaucunedes épigrammes dirigées contre César nepeut être da-
tée avant ou après cette courte période. Il y a là une raison de croire
que la politique proprement dite jouait un rôle peu important dans
les sentiments de Catulle. Le poète nous apparaît comme toujours,
ardent, emporté, mais mobile et léger, admirable d'ailleurs comme
polémiste, prompt à l'attaque et à la riposte, et sachant lancer des
traits dont la blessure est inguérissable.
1. Quis potest pati. Formule assez fréquente. Cf. César, Bell. Gall.
1, 43 ; Plante, Pœnul. 111, 3, 82 : « Siquidem potes pati esse tu in
lepido loco. » Schulzc, Z. f. Gymii., t. XXXI, II. 11, p. GD8, en cite
un grand nombre d'exemples de Terence et de Plaute. — 2. Impudi-
eus. C'est César qui est ainsi désigné, et ce vers reparaît comme un
refrain, G (où il a été restitué par une heureuse conjecture) et H. Il
y a ici une allusion évidente aux faits dont parle Suétone, Césai\ 49.
Vorax païaîl une iiij ure banale plutôt qu'un reproche réellement mé-
rité par César. Munro, Crilic. and Elucid.,^. U2, 93, discute les atta-
ques dont César pourrait être l'objet ile ce côté, el montre qu'il n'y a
pasgrand'choseà tirer du passage de Cicéron,a(/^^f/c. XIII, 52 : Uz-
iKy-ovagebat. Suétone, qui parle du goût pour le jeu de quelques-uns
des empereurs, en particulier d'Auguste,^»//. 70,neditrien de César
à ce sujet. En réalité Catulle accumule ici les reproches sur les vices
qui étaient le plus contraires aux anciennes mœurs romaines, ce qui
'*(■) lUIVL'K AnCIIF^OLOGIQUE.
fait un plus praïul contrnstc avec les exploits de Côsar et s.i ploirc.
l'i'ul-on tiriT(iuol'|M(' indire du ('•■•i(M)re mol : -5; àvtppi'ï-Oto x-jCo,- :* Ce
sornil beaucoup s'avancer; une formule de ce genre peut ôlre em-
ployôepar un homme qui n'est pas joueur, /l/cocstunmotarchaitiue
et du lanpnjjede la conversation pour nleaior. Il sctrouvtMlnnsNrviiis,
cit6 par l'aul Diacre, p. I2i), ri, Miilhr : « Pcssimoruni pcssime, au-
dax, ganeo, luslro, alco. » Il semble comme ici que ce soit le dernier
terme île l'impulntion injurieuse. Il va une piècede Pomponius, citée
par Xonius, p. I'i7, (jui apour litre .l/^'oz/t"?. —3. Mamurram. L. Mill-
ier, Orth. et pros. lat. Summarium, p. 55, admet, avec raison ù mon
avis, ()ue la quantité di' la preniién' syllaliede ce mot a dil varier chez
les Latins. — Connita Gallin. L:i Gaule Transalpine ; son nom s'oppose
à celui de hGalliatogatn, ou Gaule Cisalpine. Cf. Cicéron, Philipp.
VIH, 0, 21 : (( (îalliani, imiuit, toizatam rcmilio, comatam postulo. »
Ce mol ne se trouve pas d.iiis César. Kllis pense que la Gallin
comata s'oppose ici à la Narbonnaise, Gdllia bracata. Cela est pos-
sible fi la rigueur ; mais le passage de Cicéron serait contre celle
interprétation. Antoine voulait le gouvernement de la Gaule tran-
salpine en général qu'avait eu César. La Gaule récemment conquise
n'était pas encore séparée de la Province, c'est-à-dire de la Narbon-
naise. Il est vrai que le costume barbare, les longs cheveux, étaient
plus répandus dans la partie située au nord des Cévenncs. Mais les
cavaliers auxiliaire> tirés des Volées Arécomiques ou Tectosages
avaient-ils déjà abandonné cette parure de leurs ancêtres? — 4. Ceux
qui écrivent Mncîj l'entendent sous forme de génitif partitif comme
uuita pnliimonia du v. 23. — Ultima. Cf. ultimos Dritannos, XI, li.
— .*). Cinade Homule. Cette appellation de Romiilust;emlt!e avoir été
usitée dans les chants triomphaux ; cf. T. L., V, 19, 7: « Uomu-
lus ut parens patrirc conditorquc aller urbis haud vanis laudibus appel-
laUir.» Kl la pièce de Catulle, avec ses injures et ses refrains, semble
avoir été conçue de la mémo manière, sauf toutefois (|u'il appuie sur-
tout sur l'injure, tandis que dans les chants triomphaux, Tinjure, le
plus souvent, accompagnait l'éloge pour faire ombre au tableau,
Miinro dit, Critic. and Elucid., p. 7(5-78, pour détourner le mau-
vais présage, comme dans les vers fescennins. La malignité de
Catulle semble d'avance saisir tout ce qui pourrait être dit. Une statue
fut élevée h César, après sa mort, avec celle inscription : Parcnti
patiiœ ; cf. Suétone, Cësar, 85. Ciuœde, qui é(|uivaut à impudice,
résume les accusations dont parle Suétone, Ci'sur, 49, et les vers
satiriques chanlés par les soldais à son iriompbe. Kn mémo temps
celle appellation de Romnlus semble avoir été ironique à celle
CATULLK. 47
époque. Salliislo, Hist. I, 4, /iT), f.iit appeler par Lépidiis, Sylla :
Scœvus iste Itomulus. Le Pscudo-Salluste, dans la Dùclamntiori
corilre Gicéron, IV, 7, l'appelle liomule Arpinas. ScliWiibo, Neuo
Jalirbitch. f. VhiL 1878,1, p. l'OI, cappeile ce passage de IMnlaniue
sur l'o:iip(''C {l*oiH])ée, ^"i) : « on iVoaûXov Cr/ôiv où 9£Ô;eTai ttjtÔv l/.tvii,t
TéXo;. — 7. nie. Mainuna. — Superbus ac superfluens. Le second
niolcxpliiine le premier. N///u'r/7»r«6-niai((ii('lari(;liesse; cf.Sénèque,
De bcncf. (,11: « pecunia non suptjiiluens ». VA comparez à tout le
passage (le Catulle, Horace, Epodes, iv, 5 : aLicet superbus ambules
pecunia. » —8. PerambulabHA\ y a dans le mot une idée de triomphe
facile, de fatuité qui se sent sùredusuccés.M. Naudetr;ip[ielle à ccsu-
jctSallusle, Jug. 31 : « Incedunt per ora vestra magnilice.»— .'l/^îf/»s
columbas. Les lexiques ne citent pas avant Catulle d'exemple du
premier de ces mots, (jui d'ailleurs est assez fréipicnt pour désigner
la couleur des eaux. Le diminutif ajoute ici ;\ l'ironie. Voyez la liste
des diminutifs dan.> Catulle, Ilaupl, Opuscula, t. 1,87. — Columbits.
Le pigeon est l'oiseau amoureux, consacré à Vénus; cf. Al.'xis,
Meineke, Fraij. Comte, t. iV, p. 481 : Aeuxb; 'AopootTYi; Cun yàp
rspiffTepo';. — Adoncus, forme ancienne pour Adonis (cf. Plante,
Menœchm. I, 2, 35 ; 144 U.) ; c'est le favori de Vénu.s. — 12. Eonc
nomine. Est-ce pour cette raison, sous ce prétexte que. Cf. Cicéron,
Pro Cœcin. 25 : « Honesto ac probabili nomine. k Vell. Palerc.
H, loi, 2 : « Eo nomine. » Tacite, Annales, XIV, 59. Uy a beaucoup
d'autres exemples analogues. — Unice. Cf. T. L., VI, 6, 17 :
« Perinde quam opinionem de imperatore unico, cum spem de bello
haberent. » VII, 12, 13 : « Eleclum esseeximium imperatorein, uni-
cum ducera. » Catulle ici reprend malignement avec ironie cette
appellation sans doute publiquement attribuée à César par un de ses
partisans. — 13. Ultinia. Cf. v. 4. — 14. Vostra. A toi et à Pompée,
socer tjenerque. Ellis remarque (jue dans Catulle vestern'csl jamais
équivalent de tuus. Cf. XXVI, i. — Diffututa. Épuisé dedédauches.
Cf. VI, 13: « elïututa ». Teufel, De Catulli... voc. slny., p. 3i,
veut écrire, ce que préfère Laclimanndans ses notes, defututa, et il
cileXLI, 1. Mais le sens est dilïérent. Mamurra, plaisamment Ijrruré
sous le nom de Mentula {=membrum virile), s'épuise en débauches
actives, qui se multiplient ; cf. v. 8. Ameana, XLI, 1, est une femme
llétrie par les nombreuses entreprises qu'elle a subies. Le premier
verbe est une sorte de moyen, l'autre un passif pur, et l'action
exprimée n'est pas la même. La particule di ou dis convient au pre-
mier cas; de au second. — 15. Dacentivs aut trccenties. Suppléez
centena niillia sestertiiun : vingt ou trente millions de sesterces,
.^8 ni.viT. Anr.iiKOLor.iQUE.
qiialro ou si\ millions tlo frniirs. Exa^ÏTalion prob:il)lo, qui ajoute à
l'elTet. Pouilanluii coiniali les iiniiicnses profusions dos ll.niiaiiis. —
Comesst't. }WIi\\)\mvo fiTiiuonle. Cf. Cicoroii, A'.lfaiiiil. XI,t21 : «Ser-
vilium iifjîli'.ijaiiuis, (|ui ivs iiovas (|unjiil, non (juo vcltToin eoiiu'-
dcril. » Pro Sc.vlio.'ol : « ul boiia solusconicssol. » l'ro Flmco, 'M :
« (juasi bona Uomœ comcsse non licerel. » Ad famil. I\, Jl : « no
tua bona conit ilini. » — Ht.Alid. Fonno aivhai(|Uo do aliud, frt'-
(luento dans Lunùi^'O ; CaluUo, LXVl, iM, aociit (///.s pour alius.
Cliarisius, p. \X\ \\ oile un exemple de Salluslo. Cf. Kiilinei, Ansf.
(Iratuni. ilcr Ln(. Spr., t. II, p. WJ. On on trouve (piebiut-s ixoniples
dans les inscriptions. I.a forme secondaire nlis pour (lUus fut on usage
jusqu';\ la lin du vn' siècle de Rome; cf. lUkliclor, De lu déclin,
latine, U-m\. llavot, p. iti. (Jniil est alid, etc. N'est-ce pas là une
funcslo libéralité ? Une funeste libéralité est-elle autre chose:' Ilalui,
Comm.dc In \'' l'hitipp., 1), 2-2, cite de Cicéron plusieurs exemples
de celte construction : Philipp., 11,7; Y, 2, o ; X, 3, 'Ô.—Sinislra.
LUis compare l'iine le jeune, Epist. VU, !^8, •"] : « Sinistra dili-
gentia. » — Liberalitas. Ellis rappelle le mol de Salluslo, Catil. 57:
« Bona aliéna largiri, liberalitas vocatur. » Cicéron, Ad famil.
YII, I7,i2, vante à Trébatius la libéralité de César: « liouiinis !ibe-
ralitalem incredibilem. » Il l'appelle plus bas : « clarissimi ac libc-
ralissimi viri. » Ellis fait remarquer ijue dans divers passages dos
PInlippiquos Cicéron appelle cette libéralité profusion et montre
comment Antoine en a abusé ; Philipp. 11,45, HO, et 20, 50. Suétone,
J. Ccsar, 20 : « nulluni largitiunis in qucmquam genus publiée
privatimque omisit. » — 17. E.ipa t ravi t. yiuvel donne pour le sens:
libidinibus absumpsit. Scaligor : « cxpatrare est scortando ijLacrâaôai
imo àï.£ic;£'îOai,gormanice : rcrliitren. » Glossœ :('.rpatrarit, ir.tTilzaiv.
Ce mol ne se trouve que dans Catulle ; Teufol, De Catull. roc. simj.
\\. 3.J. Ellis compare cfj'uluisti, Suét., César., 51. — Ellnalus est.
Expression figurée, comme cowesset, v. 15. Cicéion rapiiroclie les
do\ix verbes, Pro Sexlio, 52, 111.— 18. Lancinata. Le verbe lanci-
narc a le môme sens que lacerare., et selon quebiues étymologistos,
cf. Vanicek, Etijnwl. Warterb. p. 003, le radical est le mémo. On
peut donc comparer à ce passage Piaule, Mereator, Prol. 51 : «Lace-
rari suamrem. » Salluslo, Calilina, 14,2 : «Quicunniuo impudicus,
adultor, ganeo, manu, ventre, pêne, bona palria laceravoral. » —
10. Prd'da Pontica. La part de bulin qu'il avail reçue de Pompée
après la guerre contre Mitbridate. — 20. Ilibera. C'est le butin que
César recueillil dans son commandement d'Espagne, après sa prè-
lurc. Suétone, César^ 5i : « Lusilanuruni quo^dam oppida, quam-
cvtumj:. iî)
quani ncc impcrala dclrcctareiU cl aJvcnionli portas palefacercnt,
(Jiripuit hostililor.» IMutaniUC, Ct'snr, 12: àTrviXXaYri tt;; è^rap/ta; aOto;
Te TcXoUCtOC Y£Y''-''"^''Ç ^-^^ 'T'^^'î ITpOITKÔTaî 0)Cp£),r|X(OÇ (ÎttÔ T(~)V OTfaTElOJV. —
Scit. Emploi semblable do cette manière de prendre ;\ lénioin un
objet insensible on le personnifiant, Virgile, Àin., XI, 2;j9 ; Virgile
ad'ailleiirssouvent ainsi personnifié d(s fleuves; rf. Liiiiziier, Uehcr
J'irso7iniliC(itioiU'ninVcr(iilsGriliclili 11,^^1. Catulle prend à témoin
le Scaniandre, LXIV, 359. — Anrifcr. Ovide a repris celte ôpitliète
en r.ipprKiuant aussi au Tage, Amours, 1, lo, 3i. On voit ce qu'elle
a ici d'approprié, et ce (ju'elle ajoute au sens. — 21. En admettant
ce texte, il faut donner ?i ne le sens de nonne. Cf. Madvig, Gr. fjit.
I 451, a. — Ellis remaniuc que l'on trouve le pluriid Gallice et
Britanniœ dans Pline, //. N. XVil, 42, 45, éd. von Jan, et dans
Tacite, Ann. XIII, 32 ; la leçon de ce dernier passage est contestée.
Mais dans Catulle le pluriel a un sens intensif ; il sert à amplifier
l'idée du pays où la crainte s'étend. Depuis Laclimann, on ponctue
de manière à faire de malum un adjectif pris substantivement se rap-
portant à hune. Cf. Horace, S. I, 4,3: «quod malus ac fur. » Munro,
reprenant l'ancienne interprétation, en voudrait faire l'interjection
malum ; quelle folie I Sur ce sens cf. Martha, Revue de Philologie,
1879, janvier. Ce sens pourrait aller ici et le mouvement d'indigna-
tion de Catulle s'y prêle. — Fovelis. Le pluriel s'applique à César et
à Pompée. — 23. Uncta, riches, opulents. Cf. Martial, V, 44, 7 :
« Captus es unctiore cena. » — Patrimonia. Ellis cite Cicéron par-
lant d'Antoine, Pliil. II, 27, G7 : « Non modo unius patrimonii,
quamvis amplum, ut illud fuit, sed urbes et régna celeriter lanta
ncquilia devorare potuisset. » — 2i. Eone nomine. Catulle reprend
le vers 42. C'est en quelque sorte le refrain de la seconde partie de
la pièce, dont les parties sont ainsi vigoureusement liées; seule-
ment la période est plus courte. — Potissimei. Forme archaïque
"^our potissimi. Ce superlatif, qui est une conjecture, est autorisé
par des exemples : Plaute, Men. II, 3, 9 ; « potissimus nostrœ
domi ut sit. » Salluste, Jugurtha, 94, 2 : « potissima videbantur. »
Tacite, Ann., XIV, 65 : « potissimos liberatorum vencno interficere. »
— 25. Socer gêner que. César avait donné sa fille Julie en mariage à
Pompée, en 695/59. Ce passage a été imité par l'auteur des Cata-
lecta, III, 6, en renversant Tordre des termes : gêner socerque.
Munro, Crilic. andElucid., p. 112, montre que Catulle, attaquant
plus directement César que Pompée, a dû le désigner le premier.
Dans la parodie l'interversion est naturelle, c'est contre le gendre
Noctuinus que l'épigramme est surtout écrite. Ce passage a d'ailleurs
X XXIX. -4
î)0 IlKVUi: AUCUÉOLOGIQUE.
tMô l'objel lie nombreuses iinililions ; cf. avec Ellis, /En. y VI, S30;
Lucaiii, I, lli; M.ulial, 1\, 7t), 3, el sur liiilervei'sion des mois
yrut'r iitijucsoccrdAU^ ce poêle, I*aiiksl;ull, De Mdrtiah' CalnUi imita-
tore, \). 'J; avec Schwabe, Jalirlnicher f. /'/<i7o/., iHl\, i llefl,
p. 261: Sillon. Apollin. Cann. 1\, ii 10, p. 1237 Sirin.; Minucias
Félix, ûctav. <S, t> ; Klorus, 11, i;], 13. — Avec la leçon adoptée
joignez l'rbis oninia. Kilis el Munro inulliplicnl les exemples des
passages où perire omnia, ou bien pcrdere omnia., se Irouveal sans
ilueom/n'(i soil liéleruiiné. Cela est une objection importante; mais il
est bien diflicile d'adopter leurs corrections à eux-int}me>;.
E. liENOIST.
BULLETIN MENSUEL
Dli L'ACAUÉMIt: DES INSCRIPTIONS
MOIS UB DtCEMUnE.
M. Alexandre Bertrand, directeur du Musée des antiquil(''s nationales
de Saint-Germain, est admis à communiquer un mémoire sur un autel
gauluis trouvé à Saintes, acquis par M. Benjamin Fillon et donné par lui
au musée. L'autel est à double face, haut de 0^,82, large de 0°,7t', épais
de 0°',30, sculpté dans un bloc de calcaire coquiller et représentant une
série de divinités gauloises. Le personnage principal sur chaque face est
un dieu assis sur un coussin, les jambes croisées, à la manière oiiontale,
accosté de deux divinités formant avec lui une triade. La lûte du dieu
manque; les attributs, bien que nmtilés, se laissent reconnaître. C'est
d'abord le sagum (vûtemenl d'honneur ou d'apparat analogue au paJuda-
mentum des Romains) attaché sur l'épaule droite avec une fil)ule; c'est
ensuite, dans la main droite, le torques (sorte de collier formé d'un
cercle ouvert) ; dans la main gauche, un vase ou une bourse. A la gauche
du dieu est assise une femme ; la déesse porte sur son bras gauche une
corne d'abondance; sa main droite lient un objet d'un caractère douteux,
peut-t^tre un oiseau. Plus à gauche encore et presque sur la tranche de
l'autel, on voit debout, vêtu d'une robelalaire, un personnage féminin,
que M. Bertrand croit être une divinité ; elle est un tiers de grandeur des
deux autres personnages, (.a tûte manque, le bras gauche est plié sur la
poitrine, la main tient un fruit; le bras droit semble porter une corne
d'abondance.
Sur la face postérieure, le dieu, assid à la manière orientale, occupe le
milieu de l'autel; dans sa main droite est une bourse; il est assis sur une
base ornée de deux tôtes de taureau. A sa droite on voit une divinité
féminine à longue robe, debout, le bras droit tombant le long du corps,
le bras gauche replié sur la poitrine. A la gauche du dieu est un person-
nage nu, de sexe masculin, la main droite appuyée sur une massue,
tenant de la main gauche une pomme; il est sar une base ornée d'une
tête de taureau.
:',2 IlEVUK Anr.lIKOLOGlQUK.
Cù curioiix tnomimoiil n'osi pas suns anulo^iio avec quelques aulics au
nombre do cinq. I*" I/aulel, di^couvcrt h Ueiins en 1837, sur lequel on
remarque une diviuiU^ accroupie, ayant Apollon A droite et Mercure à
gauclic; elle porte le tonjucs au cou; la tiîlc est barbue et cornue; do
ses deux m litis oll > presse un sac d'où s'i'chappenl dos glands et des
faines que mmuIiUmiI aHoiidre un Ixinif el un cerf placi'-s au-dessous. On
rcconnail sans diflicullô le dieu de Saintes; ici il n'y a de changé que les
acolytes ; les attributs, c'est-à-dire le torques el le sar, l'altitude aocroupic
surtout, ne peuvent laisser lA-dcssus aucun doute. Il est donc certain que
le dieu de l'aulel de Saintes est un dieu cornu, 2" Une statuette de bronze
trouvée i\ Autun représente le dieu accroupi, les jambes croisées sur un
coussin ; il porte au cou le torques; la face est barbue; sur le sommet de
la tûte deux cavités aujourd'hui vides indiquent l'existence des cornes.
Nous avons alTaire ;\ un niouunicnt complet, ou peu s'en faut, et son étude
conduit il aftirmcr que l'idée de trinité était intimement liée au mythe du
dieu en question. Les deux .icolytes sont représentés ici par deux pois-
sons formant ceinture à la divinité accroupie et passant leurs têtes de
bélier sous ses bras. Un coussin est posé sur les genoux du dieu et sup-
porte le torques et peut-être aussi le sac. Les deux monstres criocéphalcs,
dont le haut du corps est soutenu par les mains du dieu, posent leurs
têtes sur les bords opposés du coussin. La tète de l'idole cornue laisse
voir, dans la région temporale, deux sortes de mascarons représentant, ce
semble, des figures humaines, comme accolés sur le crftnc du dieu.
N'est-ce pas un rappel de l'idée trinitaire? 3° Deux statues trouvées à
Velaux montrent lo dieu accroupi : les bras et les jambes sont nus; le
bras droit est incliné en avant, la main appuyée sur la cuisse, tandis que
le bras gauche porte la main sur la poitrine; la poitrine est couverte
d'un pectoral superposé à la tunique. 4° Une monnaie recueillie au
mont Beuvray, et par conséquent qu'on ne saurait faire descendre au-
dL'ssûus du règne d'Au;j;usle, montre de face une figure accroupie tenant
de la nuin droite un (orques .1 de la gauche un oljjel indéterminé ; au
revers, on voit un sanglier et au-dessus un symbole, poisson ou dragon;
5" Une statuette aujourd'hui perdue, dessinée heureusement par dom
Martin, représentait un dieu assis, les jambes croisées, la télé cornue : ce
dieu portait la corne d'abondance.
Tous ces monuments reproduisent incontestablement la même divinité
du panthéon celtique, (jue l'on voit émerger en quelque sorte el s'asso-
cier aux mytlios religieux de Rome, au lendemain de la conquête et
aussitôt que l'influence druidique, qu'on suppose hostile ;\ la religion
nationale, s'alLiiblit et disparait dans les (iauli;s. Le sens des attributs
n'est pas bien difticile à pénétrer. Le torques était chez nos ancêtres la
récompense décernée au [zuerrier brave; le collier était devenu l'insigne
du commandement, l'ornement royal par excellenco; il signilic donc
royauté cl grandeur. De même le siujum. Le sac et la corne d'abondance
sont des emblèmes de signilication identique : celui qui les porte c*t le
BULLETIN DK L'AnAni'MIK DRS INSCRIPTIONS. TiU
dispensateur et le protlucleur des biens de la terre. Les cornes ont tou-
jours 6U: partout remlilèiuc do la force et de lu puissance. D'ailleurs, le
collier ou },'rmjd anneau existe sur les bas-reliefs des palais li.ltis en l'erse
par les AcliL'ini'iiidosclles Sassanidos, oi'i il joue un rôle important dans
les c6r6aioui(js rcli}^icuses et politiques.
La conception de la divinitt' sous lorino trinilaiic, à mesure que nos '
connaissances se multiplient et que noire vue s'étend plus loin dans la
nuit des Ages, cette conception nous apparaît comme la plus antique du
toutes et, il faut ajouter, la plus universellement reçue. Klle est partent
en Orient ; elle conslilue l'essence de la doctrine conservée dans les sanc-
tuaires de ri^gyple; onla trouve en Assyrie, en Syrie, en Plirygie, dans
toute l'Asie Mineure, en Mac6doinc, en Thrace, en Attique; car elle est
comme le fondement des dogmes, des rites et des symboles qui consti-
tuent les mystères païens; et les mystères sont, à nos yeux, les restes
indestructibles, bien que très altérés, d'une religion primitive, unique
peut-être, et qui, grAce au secret, subsista à côté des religions nationales
officielles, en attendant le jour où, recouvrant Eon ancien empire, elle
devait se substituer à ses rivales.
Les trois siècles qui précèdent et les trois siècles qui suivent l'ère cbré-
lienne furent les témoins de ce retour offensif et victorieux d'un passé
lointain sur l'antbropomorpbisme bellénique. La conception trinitaire de
Dieu, suivant la remarque de M. Alfred Maury, n'est pas seulement en
Egypte et dans les religions mystérieuses adoptées par la Grèce, et dont
la triade éleusiniennc et la triade pélasgique des Cabires de Samothrace
sont les types; clic existe chez les Etrusques, chez les Scandinaves, chez
les Germains, chez les Hindous; on pouvait espérer qu'elle n'était pas
étrangère aux Celles. La tricéphalie, comme l'a prouvé M. le baron de
Witte, n'est qu'une façon emblématique d'exprimer la trinité.
Le mythe de Géryon, le grand dieu tricéphale de l'Occident, vaincu
par le héros du monde orienial, fait sans doute allusion à la religion des
anciens Celtes. Les lêles de taureau qui décorent les piédeslaux des ima-
ges divines dans l'autel de Saintes ne sont-elles pas un arijument de plus
pour autoriser le rapprochement entre Géryon et le dieu gaulois? Enfin,
dans les idées qui se dégagent du symbolisme et dans le symbolisme
il y a, ne l'oublions pas, des analogies profondes avec l'Orient. Or ces
analogies, qui peuvent provenir d'une commune origine et se rapporter
à la très haute antiquité, peuvent aussi provenir d'apporis récents et être
rattachées au vaste mouvement syncrétiste qui, dans les deux premiers
siècles de notre ère, grilcc aux rapports commerciaux créés et entretenus
par la pacitication romaine, grice aux voyages et aux hivernages des lé-
gions, mélangèrent en une infinité de combinaisons les croyances roi; -
gicuses et les pratiques du monde entier. iNous voilà revenus ainsi aux
monuments de la Gaule.
M. Bertrand compte et décrit parmi ces monuments ceux qui nous re-
présenteut da iriades divines et semblent appartenir à des cultes mysté-
r. l REVUR AIlCHéOLOGIQlîE.
rioux. Co8t d'abord la triade do Saintes, que nous connaissons; pnis la
triade do Dcnticvy. Dans cette dorni^ro, le Iricépliale est debout, drapé
dans le S(1«/ni;i, ayant à sa panclio une déesse diadt-mi^c, éj,'alonicnt dcliout,
viMuc d'une robe talaire, le soin droit à découvert, le bras droit nu et
rollé au corps. A gauclie de celle-ci, un personnaf,'0 ;\ Innj,'uo chevelure,
■imberbe, portant la corne d'al)ondance, allongeant la main drc.ite |>onr
présenter un pAteau plat A un serpent. M. llertrand croit reconnaître ici
l'Iulon, l*ro?er|>ino et Mercure, combinaison nouvelle mais non inconnue
(le la triade cabiiique. A Hoims, le dieu tricéjdiale est accosté de .Mercure
et d'Apollon. Dans le monument de Hoauno, .M. lîertiand retrouve encore
au centre le dieu tricéphale, accompagné d'Apollon et do l'an. Kn
somme, nous avons vingt monuments se rapportant au mythe qui nous
occupe, l'as un seul ne porte d'inscription. De ce côté nous ne devons
attendre aucun renseiij;ncment sur les noms des divinités pauloiscs.
Lucain {Phars., I, 440) nomme Tcutniès, Ésus cl Taranis. Cette triade,
dit M. Hoget de Belloguet, fut le fondement de toute la religion exté-
rieure des diuides. Il y aurait lieu de discuter à cet égard : la triade que
nous éludions appartient-elle ;\ la doctrine druidique ou bien à l'antique
panthéon celtique? Le problème, faute de documents, est insoluble. Pas-
sons. Mais répétons que la conception a été universelle dans la haule
antiquité : en l'étudiant à fond, en entrevoit qu'elle est l'expression
énergique de l'éternité de Dieu s'cngendrant lui-même, de Dieu à la fois
père, mère et fils, unique en son essence, sans être unique en per-
sonnes. 0 Enpcndrées en Dieu, dit M. Masporo expliquant le dogme
égyptien, enfantées de Dieu, sans sortir de Dieu, ces trois personnes sont
DItL'EN DltU et, loin de diviser l'unité de la nature divine, concourent
toutes trois à son infinie perfection.» Sur ce principe fondamental, les
thèmes varient dans le détail : tantôt c'est l'élément masculin, tantôt
l'élément féminin, tantôt l'élément engendré qui domine et occupe le
premier plan; mais l'idée essentielle reste la même : Dieu éternel,
unique jh essence, triple en personnes.
Dans la triade gauloise, infime mobilité, même solidité. Tunniis, c'est
le dieu du tonnerre, de la lumière céleste, le Zeus gaulois, assimilable
ainsi à Apolkm et à Pan. Le caractère de Teutalès est plus obscur; c'est
peut-être le .Mercure infernal, l'équivalent de lladès. Ésus est encore
moins déterminé; mais, suivant M. Bertrand, s'il est la troisième per-
sonne de la triade, celle qui contient les deux autres en son essence éter-
nelle et immuable, ce caractère vague du dieu, qui était à l'origioe le dieu
S'tits wjtn, ne devrait pas nous étonner. Hien que la triade de Lucain soit
furmée de dieux m.llcs exclusivement, les inscriptions et bs monuments
figurés nous apprennent que deux de> personnes avaient leur parèdre
féminine; l'une appelée yLULCUHA, assimilée dans une inscriiilion de
l'Algérie à la mère des dieux, à la grande déesse de l'Ida ; l'autre appelée
ItOSMI-HTA, associée à Mercure dans les tx lotu gaulois da Vosges.
M. Bertrand se demande à quelle époque le culte des triades a ét6
BULLETIN DE l/ACXnflMIF, DF.S INSCRIPTIONS. H'.'i
introduit on r.anle. et drclaio qtiola solution fie ro probli'imfi o.?i co qu'il
y a de plus iiiiporlanl dans l'Iiistoire rcligious(! de nos origines nationales.
Le premier niouvompiil, dil-il, est pour altrilinrr à ces rrprésenlaiions
une origine récente et lc3 associer aux bas-reliefs iiiithriaqucs et tau.obo-
liques (i" et n" siècles). Mais les sanctuaires et les monumenis mithria-
ques ont gardé en Gaule leur caractère asiatique : tel n'est point le carac-
tère des autels de Saintes, de Heiins, de Dennevy et de Heaune, qui sont
manifestement gaulois. Ouclques-uns des symboles qu'on y remarque
sont certainement antérieurs à la persécution et ;ï l'expulsion des
druides ; le torques est un emblème purement celtique. Kntin, les celti-
sants attestent que nulle part la triade n'a joué un rôle aussi grand que
dans la mythologie irlandaise. M. Bertrand conclut donc, conformément
aux observations que nous avons préscntros plus liaut, que, si la triade
gauloise a pu, après la conquOtc, s'amalgamer avec les divinités gréco-
latines et, plus tard, subir l'influence des cultes mystérieux apporté»
d'Orient, elle a des origines plus hautes, qui la rattachent aux commen-
cements mêmes de la grande famille csllique.
Le mémoire de M. liertrand exigeant, pour être bien compris, de nom-
breuses planches qui ne permettent pas de le publier inimédialcnicnt,
nous avons cru devoir en donner une analyse détaillée empruntée au
Journal officiel.
Le présent numéro de la Revue contient au contraire l'intéressante
communication de M. Heuzey, sur les Terres cuites babylonimncs. Nous
n'en parlerons donc pas ici. — Nos lecteurs remarqueront également la
notice de M. Champoiseau sur le piélestal de la Victoire de Samothracc,
dont M. Ravaisson a annoncé l'arrivée au Louvre.
Une lecture de M. de Longpérier, sur un beau vase antique apparte-
nant à M. Raymond Seillières, mériterait une analyse développée. Nous
espérons la pouvoir donner bientôt. X.
NOUVELLES AI{ClIi:OLOGIQUES
ET GORHESPONDAJSGE
Nous recevons de M. I.ocman la lettre suivante, que nous croyons
utile (le publier :
« Lcidc, ce 14 décembre 1879.
A 3/. Alexandre Bertrand, conservateur du Musée des antiquités natio-
7ial(S, à Saint-Gcnnain-en-Layc.
Mon cher Monsieur et très honorci collègue,
Dans voire savant et intéressant article sur les cimetières mérovingiens
de la Gaule, publié par la 7lcr»o archéologique, vous indiquez plusieurs
localités des Pavs-Uas, où des sépultures et des cimetières mérovingiens
auraient été découverts.
Je crains que les sources où vous avez puisé ces données ou les per-
sonnes qui vous ont fourni ces informations ne soient pas telles que
l'on puisse admettre ces renseignements sans réserve.
Autant que je sache, aucune des localités mentionnées, ù l'exception
peut-être de Maeslricht, n'a produit d'objets qui par leur nature, leur
caraclère, leur travail, leur forme, ou par d'autres indices particuliers,
puissent être légitimement rapportés aux mérovingiens.
Malheureusement on a souvent employé le terme Franc, Franque, pour
indiquer la période à laquelle on croyait pouvoir assigner les antiquités
découvertes dans notre pays, dès qu'on ne croyait pas pouvoir les attribuer
soil aux llomains, soit aux peuples et aux peuplades indigènes. On aurait
agi plus prudemment en n'admettant, au moins pour les quatre ou cinq
premiers siècles, que la distinction entre antiquités romaines et antiqui-
tés des indigènes, laissant là les détails de Germains, Allemands, Gaulois
el Francs, etc.
Dans la liste des localités il y a en outre quelques inexactitudes à re-
lever :
Alphen (Hollande), lisez : Alpben (lîrabant septentrional).
Uar-le-Nassau, lisez : Haarle-Nassau (llrubaut septentrional).
IJoekcl, liiez : Uoekel (llrabant septentrional). Mais je suppose qu'il est
ici cueslion non de IJoekel mais de itocAc/ (pro\inte de lu Gueldre).
NOUVhLLKS ARClIliOLOfJlgUIvS. 7
Gcslel, ajoutez : province du Urabanl scplonlrioiuil.
Ileytliuisen, ajoutez : duché de Limbourg.
Itlervooil, ajoutez : duché de I.iuihourg.
Mae^itiicht, ajoutez : duclié de r.imhourg.
Nicauladl, lUez : Nieuwsladt (duché de liimbourg).
Noordwyk, ajoutez : prov. do Hollande.
Hiel, ajoutez : prov. du Hrabant scptenlrional.
Ricllioven, ajoutez : prov. du Hrabant scptenlrional.
Sen, ajoutez : prov. du Urabant seplontrional.
Steensel, ajoutez : prov. du Hral)ant seplentrional.
Tegelen, ajoutez : duché de Limbourg.
A Macslricht ont été découverts et existent encore bon nombre do ves-
tiges de Toccupalion romaine.
Dans les autres endroits cités dans la liste, les trouvailles consistaient
dans des urnes, de menus objets, ustensiles, ornements en bronze, des
médailles romaines, haches en pierre, fragments de poteries romaines,
de lumulus, etc., mais rien qui puisse être attribué aux Mérovingiens.
Dans cette dernière catégorie on pourrait seulement admettre quelques
objets trouvés dans les environs de Wijk byDuurstede, l'ancien Bercitalus,
où des fouilles régulières ont été exécutées aux frais du gouvernement
sous la direction de feu M. le docteur Janssen, conservateur alors du mu-
sée placé sous ma direction. M. Janssen a public le résultat de ses fouilles
et découvertes dans un livre dont le litre se traduirait en français par
Communicatlom archéologiques.
Veuillez, mon cher collègue, me pardonner ces observations et
agréer, etc. D-- Leeman. »
On lit dans la Revue politique et littéraire du 10 janvier la lettre
suivante :
« Gaza (Syrie), 17 décembre 1879.
« Monsieur le directeur,
« Il y a environ six mois, des paysans de Gaza, s'étant avisés de remuer
le sable de la dune Tell-el-Ajoul (montagne du Veau), — dune située à
une lieue de la ville actuelle de Gaza, — trouvèrent, couchée sur le dos,
une magnifique statue de marbre. 11 se passa alors ce qui, en pareille oc-
currence, se passe presque toujours en pays turc. Aussi inquiets que ré-
jouis de leur trouvaille, les paysans philistins s'empressent d'aller trouver
un marchand grec de Gaza; celui-ci achète la statue pour un prix déri-
soire. Mais, à l'instant même où il va commencer ses travaux, le gouver-
neur turc tlaire une bonne affaire et s'empare manu militari de la dune
Tellel-Ajoul, où la statue reste à demi enfouie dans le sable. Alors le
Grec de réclamer à cor et à cris le remboursement des vingt livres qu'il
a payées aux paysans philistins, et le pacha d'incarcérer ces pauvres dia-
bles jusqu'à ce qu'ils aient rendu gorge. Mais peu importe à noire point
de vue cette série d'abus de force, puisque à l'heure présente la statue
se trouve à l'abri de tout acte de vandalisme et qu'elle est parfuilemenl
XS HRVDF. Annllf^OI,Or.I0PF..
gardée par les laptK^s il»» (i.i7.,i. Co qui imporio. fin contrniro, c'est que \o.
pacha n'a plus qu'un souci : vondro In statue; quo des oiïros lui ont
déji él(W.iiics par le consul dt' Prusse A Ji^rusalom, ol que le ponverne-
nient français doit se h.ller s'il ne veut pas que le niusf^e de Herlin s'en-
richisse, au dr-tiinienl du Louvre, d'un vrritable chef-d'œuvre qu'on
pourrait aisément avoir pour cinq ou six mille francs.
o Le Jiijiiter de (i.iza est en oITct nnt> neuvre tout li fait ndmirahle et
dont l'auleiir appartient évidemment i\ la meilleure époque alexandrine.
La moitié supérieure de la statue (hauteur î'°,^(>). la seule qui soit entiè-
rement déizajzée des sahles, montre le dieu assis, le torse nu, le manteau
plié sur l'épaule, le hras gauche appuyé sur l'aigle. Quant au bras droit,
qui, .\ en juger par le mouvement de l'épaule, tenait la foudre, et à la
partie inférieure de la slatuo, il suffirait, selon toute prohahiliié, de quel-
ques coups de pioche pour les retrouver dans un voisinage immédiat. Ce
qui m'a parliculiùrcmcnt frappé dans cette statue, c'est la heaulé de la
télé, dont toutes les parties, sauf le nez, sont dans un état de conservation
parfaite. Le front surtout est superbe, tout ;\ fait olympien, et la cheve-
lure, comme la harlie, est d'un excellent travail, ;\ la fois très éléjiant et
très simple. Le cou robuste et droit, les épaules souples et franchement
dégagées, la poitrine largement modelée, sont des morceaux magniliques.
A première vue, il m'a semblé fort probable que j'étais en présence d'une
reproduction alexandrine du Jupiter de l'hidias; mais avant le dégage-
ment complet de celte colossale statue il est impos^il)Ie de se prononcer
sur ce point d'une manière absolue.
0 Mais ce n'est pas seulement pour l'artiste que la découverte du Ju-
piter de (îaza est un fait important, c'est encore pour l'archéologue cl le
géographe. Je rappelle en effet que le docteur Keith avait déjà signalé le
nombre considérable de fragments de vieille poterie qui couvrent les
environs de la dune de Tell-el-Ajoul, et qu'il en avait conclu que l'an-
tique ( ité de (iaza, — celle qui fut la capitale des Philistins et qui arrêta si
longtemps Alexandre avant de devenir l'une des villes les plus impor-
tantes du royaume syrien, — que l'antique Gaza était située ;\ une dis-
tance notable de la ville actuelle, beaucoup plus près de la mer, hypo-
thèse que Bcniblnient d'ailleuis confirmer deux textes connus de Strabon
et de Jérôme. Or aujourd'hui, après la découverte du Jupiter de Tell-el-
Ajoul, on ne saurait plus conserver le moindre doute. L'endroit où l'on a
retrouvé une œuvre aussi admirable est évidemment celui où s'élevait
l'ancienne (Jaza avec les huit sanctuaires qui furent si célèbres dans toute
l'Asie et qui ne furent détruits (jue par l'impératrice lludoxie, femme
d'Arcadius, — et à sept stades de la mer, selon Strabon. ce qui est, à peu
de cho^e près, la distance actuelle do Tell-el-Ajoul au rivage.
.( Agréez, etc. Joseph Heinacu. »
>ouB lisons dans le Journal de Monaco du !• décembre 1879 :
.( Les fouilles archèolo^-iques pratiquée» à la Cajidamino viennent d'a-
mener une nouvelle décomci te. qui, par son importance capitale, sur-
NOUVELLES AnCUKOLOCiKjlJKS. 50
passe de beaucoup celles dont nous avons <l(*ji rendu (oniplo dans nos
nimiéros des 'M) .septembre et 7 oclobro derniers.
Contre les bAliinents de la dislillerie, presque à (leur du sol, uno molle
d'argile, (Milruîuéc jiar les eaux, s'est délacliéo de la paroi seplcnlrioiiale
cl a rouh; dans l'cxcavalion, on mctlanl au jour une s6iic do monnaies
et d'ornements romains en or, probablement cacb(5s dans la terre à une
époque reculée et que la date de la monnaie la plus récente (27G) per-
met de faire remonter vers la fin du ni" siècle de notre ^re, A paît la
forme do certaines fouilles d'or (jui ont été froissées, probablement pour
tenir moins de place, le tout est d'une admirable conservalion et mérite
tout l'intérêt des arcbéologues. Sauf meilleur avis, nous avons lieu de
croire qu'il s'ayil des dépouilles d'un /ri6uH7/n7i7aùe, enfouies précipitam-
ment sous l'influence de la terreur qu'expliquent sufOsammcnt les agita-
tions sanglanles de l'époque et les persécutions dont les chrétiens étaient
victimes.
Il y avait 0 médailles d'or d'une admirable conservation, savoir :
Un denier de Flotinc, FLOTINA'AVGIMP-THAIAM, buste diadème à
droite; iv : C^S-AVG-GERMA-DAC-COSV|-PP-,Vesta assise à gauclic,
tenant le palladium et un sceptre. Celte pièce, qui remonte à l'an 112
ou 1 13 de J.-C, est décrite dans l'ouvrage de Cohen, sous le n" 1 .
Quatre deniers de Caracalla : i- IMP'C-.MAVU-SKV-AVG-F-, buste
lauréà droite^ avec le paludamentura; l>" : l'AXiKTliUNA-AVG-, la Paix
debout à gauche, tenant une branche d'olivier et un sceptre. Nous
croyons cette monnaie inédite, Ellene se trouve pas dans Cohen.
2" ANTO.NLNVS-PIVS-AVG-GERM-, buste lauré à droite, avec le palu-
damcnlum; \j,- : P-.M-TU l'-XVIil-COS-llIl-P-P-, le Soleil radié debout à
droite, levant la main droite et tenant un globe dans la gauche (2io de
J.-C).
3" Même légende, buste lauré et cuirassé à droite ; K" : PM-TR-P-XX-
COS-IIII-P-P., le Soleil debout, demi-nu, levant la main droite et lenaut
une hasle ou un sceptre de la gauche.
4° Même avers et même légende au revers, où figure Jupiter ou Séra-
pis debout, tenant des épis et un sceptre. Cette pièce a dû être frappée
en 217, après la victoire remportée sur les Parthes.
Un magnifique médaillon de Gallien, pesant 13 grammes, du diamètre
de 28 millimètres : I.MP'GALLIEMVS- (sic) AVG-COS-V-, buste lanré à
droite, au-dessous Pégase ailé; K" : P-M-TR-p-VllIl-COS-lllI-PP., la
Piété à gauche renversant une paiera sur un autel et tenant un sceptre.
L'antinomie des dates inscrites sur chacun des côtés de celte pièce est
digue de remarque, ainsi que la coquille du graveur (M au lieu de N),
que nous avons déjà rencontrée sur le bronze. Gallien ayant été associé à
l'empire en 2o3, c'est probablement de celte année que date sa puis-
sance Iribunilienne. Ce médaillon serait donc de 202 après J.-C.
Un denier du mémo empereur : C'LIC-GALLIKNVSAVG-, buste lauré
à droite avec le paludamentum ; H" : lOVI-CO.NSERVA', Jupiter nu,
GO nEVUK ARCIIKOLOGIQUR.
debout A gauche, un manleaii sur l'épaule gauche, tenant un foudre cl
un sceptre ('Jr.G-Sns après J.-C; Cohon, .'«S).
l'n denier .ie FlvHcn : VIllTVS- FLOlllAM • AV(;-, l.iisle laurt' et cuirassé
à pauche, sceptre sur l'i^paule droite ; H" : MCTUHIA-i'KlUMTVA-, Vic-
toire debout i droite, écrivant «ur un bouclier supporté par un tronc de
palmier.
I,e monétaire ne fut pas bon prophète, car la victoire de Klorien fut de
courte durée. Cet empereur n'a régné que trois mois. Aussi ses monnaies
sont-elles très rares.
L'ensemble de ces médailles et des objets suivants constitue un dépAt
des plus précieux pour la science et doit attirer l'attention de tout le
monde savant. Avec ces pièces, qui portent leur date, étaient :
Un petit buste en or repoussé de l'empereur Titus, barbe courte, nez
camard, yeux et oreilles démesurés, du poids de 12 grammes t/2. Le
bord inférieur est percé de trous pour passer les clous qui devaient assu-
jettir cette image sur une hampe d'enseigne militaire.
Trois armilles d'or creux, do 10 centimètres do diamètre extérieur et
77 millimètres de diamètre intérieur.
Trois lames en or repoussé au Irait, paraissant avoir formé des brace-
lets : l'un, du poids de 52 grammes, a 4 centimètres 1/2 de haut et
porte des losanges; un autre, du poids de 4i grammes et de 5 centi-
mètres 1/2 de haut, porte à la partie médiane sept tètes de face (du
Soleil?), séparées par des ornements dans lesquels ligureul des raisins
dans le sens vertical et des marguerites dans le sens horizontal; le troi-
sième, du poids de 51 grammes et de 5 centimètres de haut, porte une
sorte de ruban en diagonale séparé par un grènetis.
Une autre lame d'or, légèrement déformée, du poids de io2 grammes,
qui a pu être soit un diadème, soil un bracelet, plus large au milieu
qu'aux extrémités, porte en ligne uiédiane des télés de face accompa-
gnées, en haut et en bas, d'Amouis assis sur une corbeille.
Un ornement en forme de bracelet ovale, en jais noir, avec charnière
et fermoir opposé, en or, d'une épaisseur variable.
Un bracelet en jais, formant torsade, avec fermoirs en or. Diamètres :
intérieur, ;i8 millimètres ; extérieur, 70 millimètres.
Plusieurs plaques de jais, striées et percées intérieurement de deux
trous dans le sens des stries, de manière à se relier en collier ù l'aide
d'un fil.
(juelque temps avant la découverte dont nous venons d'analyser les ré-
sultats, les ouvriers avaient retiré d'un puits un très curieux bas-relief en
ciment, d'une époque incertaine et dont le sujet n'est pas très facile i
déterminer. Celte sculpture, fort intéressante, représente six person-
nages, dont trois debout cl couverts de vêlements drapés, et trois nus,
dans des postures qui dénotent ou des captifs ou dis malades implorant
la guérison. Le style gétiéral dénote une médiocre étude deranatomie et
des chefs-d'œuvre de l'unliquilé grecque , mais néanmoins une certaine
NOUVELLRS ARCIIliOLOGIQUES. 61
hal)ilel6 ot une ciillure inconnue aux époques barliarcs. F, a couronne (en
cercle) poilée par le persorniage principal seuilile exclure l'hypoUuyee
d'une origine romaine, et, trautrc pari, l'ensemble présente un caraclére
archaïque incontestable, l'eul-étre s'agit-il d'un saint, opérant des gué-
risons miraculeuses? C'est ce que semblerait indiquer le geste des deux
autres grands personnages qui avancent la main veis lui, comme pour
s'clîorcer de le toucher. Cette ligure éiiigmalique {)ourr;)it p;issor pour
celle d'un prince assisté de deux de ses conscilleis et accordant leur
grûcc aux captifs.
Dans l'intérêt de l'histoire locale et de la science archéologique, il est
vivement îi désirer que ces monuments authentiques des fastes moné-
gasques ne soient pas dispersés et restent dans la Principauté. »
Une dépêche d'Alexandrie annonce que la seconde aiguille de
Cléop.ltre, élevée en l'an 22 de notre ère, en l'ace du temple d'Auguste, à
Alexandrie, a été enlevée sans accident, mais au milieu d'une certaine
agitation populaire ; elle v.-. Otrc embarquée sur le steamer Dessitk, qu".
doit la transporter à New- York.
Jusqu'à présent les dernières fouilles entreprises dans la plaine
d'Olympie ont produit 41 figures plus ou moins complètes, avec 2G têtes.
On espère trouver prochainement les membres manquants de l'Hermès
et la plus grande partie des métopes.
Ces jours-ci, en démolissant une maison dans le centre de la ville
de Nîmes, on a trouvé une statue de Vénus que les archéologues estiment
être une merveille de l'art. Quoique brisée en plusieurs morceaux, on a
pu la reconstituer, et nous croyons que M. Lenthéric, l'auteur des Villes
mortes, va adresser à ce sujet un rapport au ministre des beaux-arts.
[Français.)
Le 4 novembre dernier, M. Georges Payne, ayant découvert un
tombeau romain, à Bayford, dans le comté de Kent, a trouvé dans ce
tomjjeau une collection d'objets remarquables, dont il a donné la descrip-
tion, à la dernière séance de la Société des antiquaires de Londres.
Les objets antiques qu'il contenait sont de verre ou de métal et des po-
teries. A la première de ces catégories appartient un vase cinéraire carré
en verre bleu, un petit vase bleu verdAtre, une bouteille ronde bleu pûle;
enfin, les fragments d'un petit vase blanc transparent et d'un vase vert
d'olive.
Les objets de céramique consistaient en un vase très délicat, d'un blanc
jaunâtre, légèrement ornementé. Des urnes, des patènes, des coupes plus
ou moins ornées. L'objet en métal le plus intéressant est un beau vase de
bronze, haut de dix pouces et demi, large de six pouces un quart, ayant
près de quatre pouces à la base, deux pouces un quart au col, qui va s'é-
largissant, jusqu'à près de quatre pouces vers le bord.
La poignée est en métal plein et très massive. La partie de cette poi-
gnée qui se rattache au vase adhère à une sorte de bouclier de deux à
trois pouces de large, sur lequel se tient un homme nu dans l'attitude de
ci RKVUE AUCHKOLOUIQUE.
l'altaquo, tenant ilc la main droite une épi^c levée et de la main pauche
les plis de .<on manteau. !,a tcMe est couverte d'une coillure; la bouche
ouverte paraît appeler ou crier.
Au-dessous de la main droite on voit le corps d'une chùvre ou d'un
bélier, dont la léte a t'té coupée : le <ang coule du cou ; la télé est ;\
terre aux pieds du guerrier; entre f^cs jambes, un bœuf couché ; prés de
la jambe, gaucbo utio tôle de sanglier avec ses défenses.
Au-dessus de la tête de l'iiomme armé, les ornements continuent jus-
(]ii'au niancbe ; on y voit une elièvrc coûtant; au-dessus, deux animaux
qu'il est diflicile de distinguer; puis entin, au-dessus d'eux, un hoomme
assis qui tient de la main droite une houlette. Les bords du vase sont dé-
corés de deux têtes d'oiseaux. {Soleil.)
Bulletin de Vltislitut de conespondancc archéologique, n® X, oclo-
bre IST;», deux feuilles :
A. Mau, ka Fouillea de Pompéi (suite). — Luigi Ceselli, Poids-étalon
romain en bronze (avec l'inscription P : : CASÏUOH'AVG •, qu'il faut
liie : Pondo triais castronim Awjusti, appartenait sans doute au poîidcra-
rium du camp des prétoriens, dans le voisinage duquel il a été trouvé, à
Home). — K. Drizio, Yafics de Bolofjne. (Il s'agit de vases peints, trouvés
par .M. Arnualdi Veli, prés de la porte Saint- Isaïe. I/un d'eux présente
cette particularité rare, que de l'un des côtés de l'amphore les figures
sont rouges sur fond noir, et de l'autre, noires sur fond rouge.) —
11. Dressel, Inscription latine d' Entrodarqua.
Bulletin de V Institut de correspondance archéologique, n° XI, no-
vembre 1870, deux feuilles :
Wolfg. Ilelbig, Voyage enEtruric. — A. Mau, Fouilles de Pompéi.
Le Bulletin de la Société des sciences historiques et luiturelles de
Sernur, pour 1878, contient un intéressant catalogue, par M. CoUenol, de
l'expo.Mlion du musée de Semur en tSTH, dau^ la galerie dts sciences an-
thropologiques, au Trocadéro. Il est accompagné de trois planches lilho-
graphiées.
Avis. — L'Académie des sciences de Vienne, en Autriche, prépare de-
puis plus de six ans la publication des bas-reliefs funéraires de l'ancienne
Atlique, conservés soit dans la (îréce elle-inén.e, soit dans les collections
lie l'Lurope occidentale. Lllc avait chargé de la reproduction des monu-
ments de ce genre, retrouvés i Athènes, le photographe DcmelriusKons-
tantinu et lui en a payé comptant le piix convenu. Ayant appris, de
bonne source, (jiie l'on a essayé dernièrement à Paris de vendre les cli-
chés faits aux frais de l'Acadétnie et qu'on les a olltrts spécialement aux
éditeurs d'ouvrages archéologique;-, l'Académie les inl'ormo de la prove-
nance des clichés en question et déclare que, le cas échéant, elle fera
\;iloir tous les droits que l'équilé ou même les lois sur la propriété lillé-
ruire et artistique lui reconnaissent.
BIBLIOGRAPHIE
Histoire de la divination dans l'antiquité, par A. Bolchk-Lkclkrc«j,
professeur ^ la Faculté d(!s leUrcs do Monipuliier, professeur-supplûatii i la
l'acuité des lottrcs de Paris. Tomo I : Introduction, Divination hellénique (mé-
thodes). Paris, K. Leroux, 187<J; in-8, X-3S0 pages.
C'est la preuiière fois depuis longtemps qu'on essaye de réunir en corps
(le doctrines tous les rcnscignemenis que les livres et les monuments
anciens nous ont transmis sur lartde la divination. La plupart des ouvra-
ges où des écrivains grecs et latins avaient exposé les principes de la
science divinatoire ont péri; les dissertations des modernes sont incom-
plètes ou ne traitent que de points spéciaux ; M. Bouché a donc entrepris
de composer une œuvre où l'histoire de la divination dans l'antiquité
classique se retrouvent tout entière.
Le premier volume renferme, après une assez longue introduction où
il est parlé de la divination en général, deux mémoires où sont exposées
les méthodes employées de préférence par la divination hellénique. Il
s'agit d'abord de la divination inductive et de ses subdivisions. L'auteur
montre comment on a cherché à. découvrir le secret de l'avenir dans les
actes instinctifs des divers êtres animés, chez les oiseaux (ornithomancie),
chez les quadrupèdes, les reptiles, les insectes et les poissons, enfin chez
l'homme. Un second chapitre énumère les signes fournis par la structure
des êtres animés, par l'examen des entrailles (exlispicine ou hiéroscopie),
par l'examen des traits du visage, des lignes de la main, de la forme
générale du corps (morphoscopie). La divination par le moyen des êtres
inanimés, le bois (xylomancie), le feu (empyromancie), les pierres (litlio-
mancie), l'eau (hydromancie), les statues; la divination par les sorts (clé-
romancie) et toutes ses variétés; la divination par le moyen des phéno-
mènes célestes, foudre, vents, nuages, variations apparentes ou réelles
dans le cours et la lumière des astres, l'astrologie et ses pratiques, enfin
la divination mathématique, fournissent la matière de plusieurs chapitres
cl embrassent le domaine entier de la divination induclive. Dans le livre
second, la matière divinatoire devient, si possible, plus vaine et plus fugi-
tive encore : il s'agit de procédés purement instinctifs agissant sur des
apparences de phénomènes plutôt que sur des phénomènes réels. Nous
sommes transportés dans le domaine des rêves, au-delù de la porte de
corne ou de la porte d'ivoire, et nous essayons de comprendre au moyen
«;i REVUE ARClIKOLOniQUR.
do l'oniroFCopic on tic rouirocriliqiie le langage confus qne parle le peu-
ple des songes à If le U'f;«'ro. Apri-s les songes, les ombres des morts et les
miracles de la posses.>-iiin. In divinulion < nlhoui-iasle, celle qni met en
jeu l'esprit des ditux ou des génies et a fourni A la (InVc antique la plu-
part de ses oracles. On se demande, aprùs avoir fermé le livre, comment
l'homme a pu concevoir tant de manières diverses de cormaîlre l'avenir,
et ne s'est pas aperçu qu'en cherchant à trop savoir il ne réussissait qu'à
se tromper lui-même.
11 terait aisé de relever dans l'ouvrage de !\I. Houché-Lcclercq un cer-
tain nombre de faits contestables. M. Uouché-I.eclercq n'a pas interrogé
suftisanuncnl l'Orient : comme il ne pouvait vérifier par lui-même les
textes originaux, il a préféré s'abstenir, et celte sage réserve, si elle l'a
parfois empéclié de saisir certaines idées, lui a épargné bien des erreurs.
Un jour viendra, bientôt peut-être, où l'on devra rechercber les super-
stitions que la Grèce a empruntées à l'Oiient et celles que l'Orient a em-
pruntées à la Grèce; pour le moment, mieux vaut se borner et n'étudier
que les croyances des peuples classicjues. C'est ce que M. Bouché-Leclercq
a fait avec beaucoup de sagacité et de science. Il fallait réunir mille
fragments épars dans les inscriptions ou dans les manuscrits, découvrir et
lire les centaines de brochures écrites depuis le xvi« siècle jusqu'à nos
jours, et, ce travail de patience terminé, composer de tous ces matériaux
informes un tout harmonieux. Il est toujours difficile d'entrer à propos
dans l'âme de l'antiquité ; la tâche ici était encore plus malaisée que par-
tout ailleurs. Ces religions étranges où se comidaisaient les hommes les
plus intelligents de la Grèce et de Uome, on est accoutumé à les tourner
en ridicule plutôt qu'à essayer de les juiier sérieusement. Les chrétiens
y ont vu l'œuvre du démon et s'en sont moqués ; les autres y ont vu une
faiblesse de l'esprit humain et s'en sont moqués, M. lîouché-LecIercq y a
reconnu des manifestations du sentiment religieux égaré, si l'on veut,
mais sincère, et les a exposées avec le respect qu'on doit aux œuvres de
la foi. Son livre est écrit avec science, cela va sans dire, et avec une
science que nul ne dépassera de sitôt; mais la science n'y est point rail-
leuse et ne laisse percer aucun dédain malséant pour les erreurs qu'elle
expose.
Le second volume vient de paraître, et les autres ne tarderont guère.
Nous en rendrons compte au fur cl à mesure qu'ils paraitronl.
G. Maspero,
NOTICE
DES INSCRIPTIONS ET DES ANTIQUITÉS
PROVENANT DE BOURBONNE-LES-BAINS
DONNÉES PAR L'ÉTAT A LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
suivie d'un essai de catalogue général des monuments épigraphiques relatifs
à BORVO et à DAMONA.
Suite (1).
DEUXIÈME PARTIE
ESSAI DE CATALOGUE GÉNÉRAL DES MONUMENTS ÉPIGRAPHIQUES
RELATIFS A BORVO ET A DAMONA
I 1. — Inscriptions de Bourbonne-les-Bains.
N»7(2). BORVONI • T. .
MONAE • C • lA
TINIVS • RO
MANVS IN
G'PRO-SALV
T-COCILLAE
FIE-EX • VOTO
(1) Voir le numéro de janvier.
(2) Cette inscription est la septième de cet essai de catalogue général. On a vu les
six premiers numéros dans le § 1 de la première partie du présent travail.
XXXIXi ~~" Févriii', "
GG REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
{Borvoni rt Diimoiw, C. Latinias HoiiKinia^, Lingo, pro sainte
CociUœ, filiir, ex coto.)
Peu rass;ir('' sur rc^xacliliule des leçons de celte inscription don-
nî'i's par iiu's dovanciiM-s, et soupçonnant (ju'on pouvait en intcr-
prrter certains mots autrement (jue par le passé, j'ai tlrsiré en
posséder une empreinte prise sur l'original. (JrAee à l'obligeance de
M. Horssat, maire de Rourbonne, qui a bien voulu le faire mouler h
mon intention, je transcris ce vénérable texte épigrapbique d'après ,
un plâtre ijui' j'ai sous les yeux. Si je rétablis ici le \i de Borvoni,
c'est qu'on en voit encore des traces sur le monument, ainsi que me
l'atteste M. Ernest i5abelon,atlaclié au Cabinetdes médailles etanti-
qucs, (jui a bien voulu faire pour moi à Hourbonnc cette vérification
et d'autres encore.
Gravée sur un fr.iirment d'autel de pierre, ijui a 0") centimètres
de hauteur sur 38 de largeur au-dessus du socle, cette inscription,
aujourd'liui encastrée dans la salle des jeux de l'établissement tlier-
mal de Bouibonnc, a été publiée pour la première fois par Gruter,
e schedis Roiissati. c'est-à-dire d'après la copie de Roussat (1).
JeanRoussat, « conseiller, lieutenant et maire de la ville de Lan-
gres, » mort en 1018, était un curieux. d'antii|uités, qui s'était fait
le fournisseur bénévole du grand épigrapbiste d'Anvers (2). On
remarquera des différences entre notre leçon et celle du Corpus
que voici :
B 0 R V 0 N I . T II
M 0 N A E . C . 1 A
TIN V S . RO
M A N V S . I N
G . PR 0 SALV
TE . C 0 C 1 L 1 A E
FIL.C.EX.VOTO
Ces différences consistent d'abord en la présence du B de Borvoni,
qui devait se voir plus nt'ilemenl (lu'aujourd'bui du tem|)s de Kous-
sat. Alors, en elTet, personne n'aurait pu soupçonner l'existence du
(1) Gruier, CX, U.
(J; Sur Jean Rousu&t, voyer p. y^S des AntKjuUit de Lungres de Luquct, ouvrage
ûè]k cité.
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITES DE BOURBONNE-LES-BAINS. <J7
dieu Borvo, dont aucun texte de l'antiquité ne parle, et que l'on ne
connaissait pas plus (]U(; la déesse Dainona, dont le nom fut estropié
de tant dt; manières dilTérentcs avant la découverte des inscriptions
oii nous le lisons clairement.
Quant aux lettres DA qui suivent le mot lionwni, il faut supposer
que du temps de Uoussal, la cassure qui, à celte place, n(; laisse voir
qu'un trou, en avait éi)argnô des vesli{,'es ayant l'aspect des lettres T
et II. Aujourd'hui, grâce aux découvertes qui ont suivi celle de l'ins-
cription qui nous occupe, nous pouvons en toute sécurité les rem-
placer par la première syllabe du mol DAMONAE.
A la seconde ligne, Gruter, d'après Koussat, puis d'autres, ont lu
à la fin lA ; je crois qu'il y a LA, Je fonde cette lecture sur la forme
des L certaines de celte inscription, et aussi sur ce fait que le gen-
lilicium LATINIVS, qui figure dans les noms du plus célèbre des
empereurs gaulois, de Postume, est plus probable, surtout devant
le surnom Romanus, que le lATINVS de Gruter. Du reste, avant
moi, Bimard de la Bastie (1) avait lu LATINIVS.
A la sixième ligne, la syllabe ÏE n'est pas écrite sur la pierre en
deux lettres comme chez Gruter; il faut suppléer le T, dont on ne
voit plus vestiges. Enfin, le nom de la personne pour la guérison de
laquelle avait été fait le vœu dont cette pierre nous a gardé le sou-
venir n'est pas Cocilia, comme le croyait Bimard, mais Gocilla • on
reviendra plus loin sur ce nom, que je lis nettement sur mon plâtre.
Quant au premier mot de la dernière ligne, dont je hns filiœ o\i filie,
avec plusieurs de mes devanciers et notamment Berger de Xivrey
{Lettre à Ha se, \). 127), je dois avertir que sur le plâtre on ne voitd'a-
bordque FIE. Cependant la seconde de ces lettres est probablement
uneL, maisune Là barre horizontale s'en allant en descendantcomme
celles des mots LATINIVS et LING. On peut objecter à celte hypo-
thèse qu'il aurait fallu un A, attendu que les deux autres génitifs en
ae de notre inscription sont régulièrement écrits ; mais à cette objec-
tion on peut répondre par des exemples de variations au moins aussi
(1) Voici la leçon de Bimard telle qu'elle est rapportée dans le Thesauna deMu-
ratori, CVII, n" 8.
BORVONI TO
MONAE- C* LA
TINIVS • RO
MANVS • IN
C- PRO • SALV
TE • COCILIAE
FIE C* EX-VOTO.
68 nF.vuF. AncHKOi.or.iouF,
singulitTC?, rencontrées tlaiis un niriiic texte. Je rappellerni seule-
ment ce qui a été dit plus haut (p. l'.'l et ii) :^ propos des lurnus II
cl ET. Je lis donc ici //7iV et j'y suis autuiisé par rorlliu^'iaidie
Damouc de notre inscription n :), (|ui, comme celle-ci, provient de
Hourlionne. Pour ne rien omettre, je noterai entre le mot filir et les
mots i\r 10(0 deux signes de ponctuation, une virgule rehuirnée res-
semblant à un ('. et une sorte de D semblable à celui (lu'on a vu sur
le tuyau de plomb de Nivalius Agedinus (v. p. 30).
Je ne crois pas nécessaire de refaire l'historique de ce monument,
dont la découverte remonte au moins à l'an loOO. Uerger de Xivrcy
s'est acquitté à merveille de cette t;klicdansla lettre déjà mentionnée
qu'il adressa à Hase, l'illustre helléniste, en 18J3 (1), au lendemain
de la découverte à Bourbonne d'une nouvelle inscription relative à
Borvo, le n" 8 du présont travail. Il est même inutile d'énumérer,
après le savant académicien, toutes les lectures et les restitutions de
ce texte antérieures à sa dissertation ; il suffira de faire connaître
les siennes et celles des principaux auteurs plus récents, ainsi que
de donner les raisons de l'interprétation nouvelle que je propose pour
les lettres IN et G des 4« et 5-^ lignes, interprétation tjui m'a été sug-
gérée surtout par l'étude d'autres dédicaces à Dorvo, trouvées à
Bourbonne, lesquelles sont restées inconnues à Berger de Xivrey,
ainsi qu'à la plupart de mes autres devanciers.
Voici la lecture restituée par Berger de Xivrey de l'inscription (iui
nous occupe :
« Borvoni, Tamon» {sic, pour Damon»), G. Jalinius Romanus In-
(( genuus pro sainte Cocillœ fdice. Ex voto (2). »
La lecture TAMONAE doit être attribuée au respect exagéré
que Berger de Xivrey professait pour la première lecture de cette
inscription. 11 expliquait cette variante de DAMO.NAE eu supposant
que le graveur avait mis ici ce T pour un D, « [lar une confusion
dont on trouve plusieurs exemples dans les inscriptions (jui sont ici
au Musée des Antiques, et dans les principaux recueils depuis
Gruter jusqu'à M. Orelli (3). » L'empreinte que j'ai sous les yeux
montre clairement que ce T est celui de la conjonction ET, laiiuelle,
(1) Lftlre n H. lldfe sur une inicrijitton latine du second siècle, trouvée à
Uourbonneles-Uiiins le 6 janvier iS'iZ, et lur l'histoire de cette ville, rar Jules
Berger (i>- Xivrnj, etc. (un vol. in-8 de 'JO't pa^'cs, avec six plniiclics).
(2) Voyez p. 127. On verra iilus loin la iraducliou do cullc iascripliou par Berger
de Xivrey.
(3j Berger de Xiyrey, p. 71.
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITKS DE B0UnD0NNI>LE8-BAI.NS. ()U
écrilo comme elle l'est souvent sur les monuments de basse époque
TE, réunissait les mots BOUVO et DA.MONA.
Quant aux lettres IN de la ([u.ilrii'me ligne et au (i de la cin-
quième, Berger de Xivrey, avec toute raison, ne voulut pas en faire
l'abrùviation de IN CJALLIIS avee le père Lempcreur, qui d'ailleurs
n'a cité ce texte que de mémoire, et qui y avait vu les noms d'un
citoyen romain nommé Jattinius, marié dans les Gaules à une
femme nommée Cocilia, d'une famille langroise (1).
Berger de Xivrey préféra supposer que ces trois lettres étaient
Tabrégé du mot hNGENVVS, mais sans se prononcer nettement sur
la valeur à donner ù ce mol. « Reste à savoir, dit-il, si Jngennus est
un agnomen ou quatrième nom, comme on en voit plusieurs exem-
ples dans les grandes l;nr.illes romaines, ou si Gains Jalinius a voulu
énoncer sa qualité d'homme libre. J'avoue qu'il y a presque autant
de raisons pour l'une que pour l'autre de ces interprétations (2;. »
Cependant il paraît que Berger de Xivrey inclinait pour la première,
car quelques pages plus loin, dans la récapitulation des inscriptions
relatives à Borvo de lui connues, il traduit ainsi notre n° G : u Caius
Jatinius Romanus Ingenuus s'est acquitté de son vo;u envers Borvo
et Damona pour la santé de sa fille Cocilia (3). »
Dans le recueil d'Orelli, l'inscription en question n'a pas été
rapportée in extenso. Le savant suisse, à propos de celle qui porte
ici le n° 13, s'est contenté de citer en note la forme TOMONA et
d'autres comme se trouvant « in aliis inscriptt. similibus (4)». Je ne
parle que pour mémoiie de Millin et de M. J. de Wal, qui ont tous
deux cité notre inscription (5), mais qui, n'en ayant eu ni l'un ni
l'autre de fidèles copies, l'ont plus ou moins estropiée. Je noterai
seulement que M. J. de Wal, ayant eu connaissance de la Lettre à
M. Hase pendant l'impression de son livre, revint sur notre ins-
cription de Bourbonne dans le commentaire de celle de la même
ville (noire n° S) dont on doit la connaissance à Berger de Xivrey.
Là, le savant hollandais adopte la leçon lATINIYS et, avec Berger
(1) Explication d'une inscription trouvée à Bourijonne , par le P. Lempereur,
dans les A/e»20(Ve9 de Trévoux, année 1705, pages 160i| à 1613 (voyez notamment
p. 1G07, 1612 et 1G13).
(2) Berger de Xivrey, p. 10/t.
(3) Page 127.
(4) T. I, p. 350. Voyez la note 1 du u" 1974.
(5) Le premier, en 1802, dans ses 3/rtn«»ie;ï/s antiques inédits, t. I, p. 149. Le
second, en 1847, dans sesMi/thologiœ septentrionalit monumenta epigraphica latina,
p. 45, no LXI.
tÔ RrVDK ARf.HrtOI.Or.IÇlUE.
tlo XiTr.'v, fnil dos Irllres J?' ral)n'Yialion (riNGKNWS (1).
Quant h .M. lo D' A. Urnaid, à (jui l'on doit un fac-similé de cette
inscription, il prt^iï'ii' lire 1rs lettres ^,' tn nnlUa, et donne de ce
texte la traduction suivante, dans laqutdlf il remplace par des points
le premier mol de la deiiiit're ligne, lUml il n'a pas tenié la lecture,
bien (jue son fac-similé montre les Icliirs Fil. à cet endroit:
« A Borvone et à Damone, Caius Jatmui, Romain, dans la Gaule,
pour la sanlé de Cociile,... D'après un vm>u (i2). »
Je l'ai di'j:\ dit, je nêt^lige à dessein une foule de mes devanciers ;
mais, avant de donner ma lecture et mon interprétation de ce texte,
je ne puis me dispenser de citer celles d'un anliéologue savant et
expéiimenlé, le général Creuly, d'autant plus iju'ellea été en partie
adoptée par la Commission de la topographie des Gaules (3).
Voici la transcription de ce texte d'après un dessin du géné-
ral que l'on conserve au musée de Saint-llermain et (jui m'a été
communiqué par mon collègue et ami M. Alex. Bertrand:
0 H v 0 N I • :r
M 0 N A E • G • L
C 1 N I V S • R 0
MANVS • I N
G • P n 0 • S A L V
"e gocillae
1t] fj l[c] ex voto
Restitution du général Creuly : Borvoni et Damonae C. Licinius
Romanus iugenuus pro salute Cociline Titi (iliae conjugis ex voto.
La copie du général, pour le dire en passant, ne me parait pas
(1) Voyei p.22i, n«>CCCV.
(3) Vojrei p. 313.
(S; Dictionnaire archéologique de la Gaule, épcaue celtique, v. Bourbonnc-les-
BaiDS, p. i»5 :
(B) o R \ ON l . r (da)
MO N A B . c . L (l)
C I N 1 N S . H O
MANVS. IN
G. PKO.SALV
« COC I LAI
(t) n L . (c> . H , T 0 T 0
INSCniPTIONS ET ANTIQUITÉS DK HOURBONNF.-LES-RAINS. 71
exacte, ce qui sert à prouver une fois de plus combien est difficile
celle b('so},Mic si simple en app.'H"en(;(', coj)ier exactement une iti:;r,rip-
tion. Ainsi, leretM-ellalj|egénéralCrenIy,si connu pour son exacliludc
rigoureusenienl militaire, a cependant omis des lettres qui existent
sur la i>iei 10 et en a supposé qui n'y existent pas. Il a (lonn»'; la forme
habituelle l\ la lettre L(iui commence à la (leuxième ligne le nomen
do l'aiiti iir (le Vex-voto^ tandis que, tout en y reconnaissant aussi
une L, je dois faire observer que cette L a l'aspect d'un f, ce (jui
explique les vieilles leçons, vicieuses ?elon moi, lATLWS ou
lATlNIVS; enfin, le générai n'a pas remarqué l'A qui suit celte Let
qui, tout endommagé qu'il soit, est visible sur le plâtre et doit par
consé(iuenl l'être sur la pieri'e. A la ligne 3°, au commencement, au
lieu du T vu par tout le monde jadis, c'esl-à-dire alors qu'il était
bien marqué, et que je crois certain, trompé par les détériorations
de la pierre, qui prélent une apparence de courbe à la haste perpen-
diculaire de celle lettre, le général a vu un C, ce qui l'a conduit à
donner Licinius pour nomen à notre personnage. Selon moi, cette
lettre, qui ne ressemble pas du tout au C de Cocilla, est bien un T,
et à ce sujet je ferai une observation.
Sur notre pierre, ainsi que sur divers autres monumentsgaulois, la
lettre T a parfois presque la forme d'un Y; il en est ainsi pour le
T du mot VOTO. Dans une savante note déjà citée (1), M. de
Longpérier faisait observer, il y a plus de vingt ans, que le T du nom
du potier Paternus (2), PATIIRNVS, de l'inscription d'un vase rouge
du musée de Nantes, « tracé en caractères très anciens », a presque
la forme d'un Y, ainsi que celui d'un beau slalcre de Vercingétorix
en sa possession (.■^). Malheureusement, il est aussi difficile de tirer de
cette forme particulière du T les éléments d'une date certaine pour
les monuments sur lesquels on la trouve que des formes ET et II
mentionnées dans le commentaire de notre n" 4. Le Cabinet des mé-
dailles possède, non pas un seul, mais huit statères du glorieux
vaincu d'Alise; dans ce nombre, il en est quatre où le T est très
visible; or, de ces quatre, il n'y en a qu'un seul où celte lettre affecte
(1) Voyez plus liaut, inscription numéro 4 dans le ^ 1 de la l" parlie.
(2) Ce nom est bien connu par des estampilles recueillies en diverses régions.
^.Tyiàoi, Figurines gauloises, p. 67; Harold de Fontenay, .WwioiVe^ de la Sec.
éduenne, t. III, p. 384, 402. Dans le dernier de ces recueils on trouve ce nom une
fois écrit PATIIRNVS (v. p. 401). On le citerait encore ailleurs.
(3) A. de Longpérier, A'o/e <!ur la forme de la lettre E dans les légendes de
quelques médailles gauloises. Cf. Revue uumismatiquey nouv, série, t. I, publié tn
1856. (V. p. 8.)
7Ï hkvir arciikologiqde.
U^gèromonl la forme de IV ; sur les trois autres la barre du T est
horizontale.
J'.ijouierai (jue celte forme du T, (jui le fait ressembler à un V, se
rencontre rgalemenl dans l'une des inscriptions au pointillé des
vases d'arpent de Hcrnay, nientinniu''s [dus liaut (n" A\ mais sur
un seul des mots de celte inscription, TKST, dont le premier T olTre
une sorte de fourche au lieu d'une barre horizontale à la partie su-
périeure.
En ce (jui coni'erne le ('. (|ui, scion le général, suivrait les lettres
FIL de la dernière ligne, je n'en distingue rien sur le plâtre ; à cet
endroit, je crois voir une cassure, suivie, comme je l'ai dit, de deux
ligues de ponctuation.
J'arrive à la restitution que je propose. On l'a vu, je lis sur cette
pierre :
Dorroni et Ddmouney C. Laiinim liomunuf;^ Linf/o, jiro sainte
CocilUie fdiae. Ex voto.
Sur l'empreinte que je possède, et que chacun peut examiner en
ce moment au Cabinet des Médailles antiques de la Bibliothèque na-
tionale, il est plus naturel, j'en conviens, de lire à la quatrième li-
gne IN, que LIN. Tranchons le mot, on ne voit nettement que IN;
mais si l'on veut bien se reporter à ce qui a été dit plus haut de la
forme des L sur plusieurs de nos inscriptions, et considérer que ces
lettres ressemblent tellement à des I sur notre inscription que je
n'aurais pas osé en reconnaître deux dans le nom de Cocilla si je n'a-
vais pour les regarder comme certaines des motifs ([ue je ferai con-
naître plus loin, on m'accordera peut-être qu'il est possible de sup-
poser ici des lettres liées.
Je lis donc à la lin de la ([uatriéme ligne, non pas IN, mais
LIN, supposant que le jambage qui uiainiuc est compris soit dans la
lettre initiale L figurée I, soit dans le premier jambage de la
lettre N.
C'est la présence, déjà signalée plus haut, de l'ethnique LlNGOou
LINOONVS sur trois autres inscriptions trouvées aussi à Hourbonne-
les-Bains (1), qui m'a suggéré celle hypothèse, ipie jubtilient
peut-être certaines particularités paléographiques des inscrip-
tions de la Gaule signalées plus haut, nourbotine étant du pays
des Lingons et dans le voisinage de la ville principale de ce peu-
ple, (juoi de plus nalunl que de reiiconlrer aux eaux de cette
1, Nosnuiiuro-' 3, B cl 10.
INSClUI'llONS KT ANTiyUITKS DE BOUnHONNK-I.F.S-IlMNS. 73
ville plusieurs monuments atleslanl qur des Lingons venaient/
clicrrher la saiitr :' D'ailleurs, sans pirlumlnî (jue les Linfjons seuls
venaient liimclre les oaiix ;'i Houi bonne, il est i)r(.'S(iiie certain qu'ici
nous avons affaire à un I.ini,'on. Kn clTet, à l'époque où furent gra-
vées nos inscriplions, c'csi-à-dirc au\ premiers siècles de l'ompiro
romain, il y avait chez les Lingons une famille Cocilla. Ce fait,
attesté il > a (|iiaraiitc ans par Luquet, et qui est conlinné aujour-
d'hui par des monuments de lui inconnus, montre que si l'on ne peut
allinner (jue C. Lalinins Uornunus était liufjon, on [teut au moins
le supposer, puisque sa iille se nommait Cocilla, sans doute
comme sa mère, bien que les deux L de ce mot sur notre plûtre
puissent aussi se confondre avec des I et que la seconde ait été
prise pour un I par plusieurs auteurs. Luquet, qui, avec Hergcr do
Xivrey qu'il cite, est de ceux ([ui ont lu Cocillac et non COGILIAP^
sur notre inscription, en rapporte trois autres, provenant de Lan-
gres même, sur lesquelles, en dépit de mauvaises lectures d'anciens
auteurs, il reconnaît, et l'on reconnaîtra avec lui, les noms Cocillus
ou Cocilla.
Denis Gauthcrot, dans son Anastase de Laurjres, ouvrage publié
en 1649, et cité par Luquet, donne ainsi la première :
BELLATOR
GOC I LL
FIL
Luquet, avec toute vraisemblance, suppose Bdlator Cocilli
filius (1).
La seconde de ces inscriptions, celle-ci publiée par Gruter d'après
une copie de Roussat, mentionne une Cocilla, fille de Callistus (2).
(1) Voyez p. 93 àç& Antiquités de Lartgres. Le père Jacques Vignier, mort à Dijon
en 1670, auteur de divers ouvrages sur les antiquités de Langres, demeurés presque
tous manuscrits, a aussi parlé de cette inscription, ce que j'apprends de Luquet, qui
cite le manuscrit de la Décade Idstorique du pays de Laïujres dont le R. P. n'a
publié en 1005 qu'un extrait en latin, sous le titre de Chronicon Lingnnense ex pro-
bationibus decudis historicœ, etc. Cette chronique a été traduite en frauçais en 18!i2
par ^L Jolibois.
(2) C'est le n" 6 de la page 907 de Gruter. M. Luquet (p. 9i) croit que la copie de
Roussat adoptée par Gruter était inexacte, et suppose, d'après Vignier, Gautlierot et
un recueil ms. d'antiquité» conservé à Langres, qu'il devait y avoir :
D • M
COCILLAE
CALLISTI
FlLI.i:
ié RF.VlîF ARrHFOLOr.KjUK.
Sur 1.1 troisi^mo, qui stMrouv.iit !=ur un inonumont dérouvort à
Lniigrc*. (lonl on {hmiI voir In lifTuro dnns le rcciieil de Cnyhis, il ost
question d'iiiH' (locilln, alTrancliie do ('cnirniis (1).
A ces inscriptions du pays des IJngons où llpure le nom Cocilla ou
CociUuSy j'.ijonlorai la si},Mi:itiin» du plombiiT lin^ron liocillus (2).
Cello-ri se lit on roliof sur dos tnvaux do plunib trouvôs à 11 uirbonno-
les-fiains. dont doux spécimens ont élô dôorils dans lo présent tra-
vail'.'}). On y lit dislinctoniont lo nom COCILI.VS; mais là, les L ne
ressoniblonl pns ;i dos I; olios sont ronorlomcnl fdrniôcs : L. Je
citerai encore à l'appui de mon liypotliéso la forme (]<" la lettre L
dans lo dernier mot do notre iiiseriidion n" \'.\. Do tout ceci je con-
clus qu'il est au moins vraisomblalde (|ue ceilainos lettres de notre
inscription sont des L, bien (lue les traverses borizonlales de leurs
bases no soient plus très visibles, ou qu'elles n'aient jamais été
mieux tracées par les lapicides do Hourbonne.
V 8. D E O • A P 0 L
LINI•BORVo^|
ET • DAMON/E
C • D AMI N I VS
FEROX • CIVIS
LINGONVS • EX
VOTO
{Deo Apollini Dorroni et Vamonœ^ C. Dduiinius Fcroi\ civis Lin-
gonus^ ex toto.)
(1) En 1838, époque à laquelle écrivait l'autour des Antiqniirs de l.nngrci, ce
moDument était encore en la possession de M. P. (iuyot de Gi»'y ; il faisait partie de
ceux dont le père de ctlui-ci avait envoyé les dessins à Caylus i voyez liecucil, etc.,
IV, p. 380 etïuiv. et pi. CCXXII;. Le monument était mutilé au moment de la dé-
couverte (1759). L'inscription de ce cippc funéraire est ainsi donnée par Caylus :
DEO SEXSTINVS • MAItTIVS CVHA ...
... O.M . COCILI.E ■ CKMKM • LIIIKUT
Je ne »»is ce qu'est devenu ce curieux monument. Je l'ai cherché vainement dans
le catalogue du musée de Langrc^ déj/i cité.
(I, le plombier Cocillu» auraiiil été busm fahricant de poteries? On lit
COCILLI MA sur une estampille de potier trouvée dans l'Allier. (Voyez E. Tudot,
t't'junnrt ff nulutvs, c\c., p. 71.;
(9) Voyei plus haut, § do 2, la 1" partie, tous les lettres C cl D.
INSCRIPTIONS ET Aî^tlQtlTftS DE BOUnnONNE-LES-BAINS. T't
Sur une plaque de marbre blanc, de 125 millimèlres de longueur
sur 14 de hauteur.
C'est cette i)la(|uc de marbre, trouvée au coiuniericciucnl de jan-
vier \H'.V.\ à Hourbonne-les-Bains, dans les décombres d'une des six
maisons (Irlruilos le "28 (hVoniiir»' 1832 par un inrondic, qui a (tUt
rocca.sion de la lettre de lierger de Xivrcy h Hase. On la voit rcpro-
duite, grandeur d'original, sur la planche I de cet ouvrage (jui a él6
cité plus haut. Ce fut à l'obligeance de M. Atlianasi: Kcnard (jue
Berger de Xivrey dut le plaisir de publier le premier ce précieux
monument, dont le savant docteur était alors le possesseur, qu'il
reproduisit lui-même plus tard (1), et f|ui aujourd'hui est conservé
dans l'établissement thermal, auquel on me dit qu'il en a fait pre-
scrit. Cotte inscription porte le n° oSaO dans le supplément à Orelli
de M. Henzen; elle ligure aussi, nous l'avons déjà dit, dans l'ou-
rrage de M. J. de Wal sur les monuments épigrapliiijues relatifs à
là mythologie septentrionale (2).
La parfaite conservation de ce petit monument rend superflue
toute discussion sur la lecture du texte qui y est gravé.
N*9. AVG
borVoH
C- VALENT
CENSORI
NVS
MVLLI F
EX • VOTO
{Augusto Borvoni C. Valentinus (ou Valentinins, etc. Censorinus
MuUi filius, ex voto.)
Sur le dé d'un autel de pierre calcaire, de i"',3ode hauteur,
trouvé à Bourbonne-les-Bains le 9 juillet 1869, au cours des fouilles
exécutées pour la construction du grand aqueduc d'écoulement de»
eaux thermales. M. le docteur Renard a figuré cet autel sous le
n' 3 de la pi. XLI de son mémoire; il en parle page 313. On le voit
dans le jardin de l'établissement thermal.
(1) Mémoire cité souvent. Voyex pi. XLI, n* 3, et p. 313 du texte.
(i) V. p. 234, n» CCCV.
7G nKVl'E ARCHÉOLOGIQUE.
-N'IO. BORVONI
ET DAMON •
IVL • Tl BE RIA
CORISILLA
CLAVD • CATONiS
LING
V • S • L M
{Borroni et Daiiioiiœ, JuUa TilieriaConsilla, Chinilii Catonis, Lin-
goiii, votum soir il (idcits mcrito.)
Sur un autel de grH de \"',W de hauteur, trouvé h Rourbonne-
les-Dains le 3 août 18(ii), au cours des travaux que l'on vient de
mentionner. On peut voir une ligure de ce monument, n" 4 de la
pi. X\A du mémoire de M. le docteur Renard, qui en parle page 313.
Jardin de rétablissement thermal.
NMl. BORVONI
ET DAMON
AEMILIA
SEX • FIL
MED
(Borvoni et Damonœ, jEmilia Sexti filia medici.)
Sur la base d'un autel de pierre brisé. Nous n'avons pas la der-
nière ou les dernières lignes de l'inscription; il n'y avait d'ailleurs,
sans doute, que la formule habituelle, Y. S. L. M. Hauteur du frag-
ment, 50 cent.; largeur, 30 cent.
Cet autel a été trouvé à Rourbonne-les-Rains le 21 janvier 1S70,
avec les deux précédents. M. le docteur Renard l'a mentionné
page 31 i, mais ne Ta pas lait reproduire, et il en existe un dessin dû
au général Creuly dans les riches portefeuilles du musée de Saint-
(icrmain; mais ni M. le docteur Renard ni le général n'ont aperçu
l'abréviation SIKIJ (juià elle seule forme la cinciuième ligue de celle
inscription. C'est grAce à la collection de photographies de ri:]cole
des mines que je puis compléter, avec quebiue sécurité, ce texte épi-
graphique, A la vérité, si je n'avais été guidé par l'inscription de
Sextilia, tille du médecin Sexlus, notre n" 2, même avec cette pho-
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITÉS DR nOURBONNE-LES-BAINS. 77
tograpilie, je n'aurnis pas deviné ici le mol MED cl en Ions ras je
n'aurais pu aflirnier sa présence, allcndu qu'en raison des délério-
ralions de la pierre à cet endroit, après la lellre M, on voil un Irait
qui paraît le premier janibaf,'e d'un A, tandis (pie les lettres E et D
sont mal maniuées. Mais comme, avant d'avoir eu l'idée de consuller
le recueil de l'École des mines, je soupçonnais que cette iEmilia de-
vait être la Hllt' du mé lecin Sextus et la sn-ur de la Sexlilia de notre
n° 2, je n'ai pas eu de peine à reconnaître le mol MED sur la photo-
graphie de notre autel. Il résulte du rapprochement de ces deux
textes que les sœurs Sexlilia et yEmilia, filles du médecin Sextus,
avaient eu toutes deux des actions de grâces à rendre à Borvo et à
Damona.
I 2. — Inscriptions de Bourbon-Lancy .
N"12. BORVONI ET DAMONAE
T • SEVERIVS MO
DESTVS NIB
H • N Tl
{Borvoni et Damonœ, T. Severius Modestus )
Fragment de marbre blanc, brisé à la partie inférieure, qui servit
longtemps de seuil à une porte de l'église de Saint-Nazaire, à Bour-
bon-Lancy, où l'abbé Courtépée le vil en 1774. Celle pierre est au-
jourd'hui dans le musée d'Autun. La première ligne est sur un listel ;
elle est plus longue que les autres; les caractères en sont mieux
marqués. Hauteur 0'",24, largeur 0'",G04.
« Elle a été gravée, dit Courtépée, par Severius, qui avait élevé
un portique. » Il la lit ainsi :
BORVONI^ ET DAMONS
T. SEVERIVS MODESTVS
OMNIBVS IIONORIBVS ET OFFICIIS
et ajoute : « le reste étant cassé, on peut y suppléer par les mots :
APVD iEDVOS FVNCTVS
comme porte une pareille inscription conservée chez les cordeliers
de Sainte-Reine (1). »
(1) Courtépée, Description du duché de Bourgogne (t. IV, p. 380),
78 BEVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Il est inutile de s'an-tHer à la rcàlilulion de Courlépée, dont je
cile la lecture parce qu'au moment où il vit celte inscription la
seconde lit'ne cl le coininciiconicnt df l.i troisirnie étaient sans
doute plus visililes iju'aiijouid'liui, et aussi parce (]ue, s'il s'est
montrt' peu scrupuleux dans sa transcription, puisqu'il a écrit Uor-
r omcr au lieu de liorvoni [l] c[ a ligure le mol .MODKSTVS enlié-
rcmcnl à la deuxième ligne, tandis que ce mot termine celte ligne et
commence la troisième, il faut reconnaître quehiue vraiseinldance
dans sa lecture des moLs OMMBVS IIONOUIBVS, (ju'il coupa cepen-
dant inexaitement.
Berger de Xivrey a reproduit celle inscriplion sur la plan-
che m de sa lettre à Hase, d'après une copie o très exacte»,
dil-il, qu'il devait à l'obligeance de sa parente, M"" Delong-
champs (2), chez laquelle ce monument, par le plus singulier des
hasards, se trouvait être conservé en 1833, au moment même où
il s'en informait à celle dame atin d'écrire sa dissertation. Voipi la
copie envoyée à Berger de Xivrey :
B 0 R V 0 .N 1 . E T . n A M 0 N A E
T SEVERIVS MO
D l IV N IB
II n
Ce savant restituait ainsi ce texte :
HGRVONl ET DAMONAK
T. SEVERIVS MO
DESTVS ET OMNIB
HONORIBVS ATQVE OF FICUS
A 1» V D A E I) V 0 S . F V N G T V 8
V . S . L . .M .
Je ne discuterai ni la restitution de Courtépée, ni même celle de
(1) Oo ne compreod pas cotnoieiit Courtépée a pu lire UOKVON'IAK, car le mot
BORVOM est aussi clair que possible sur l'estampage dont il va Être parlé. Millin
avait eu grandement raison de se méflcr de la leçon do Courtépée (voyez Munum.
ant. itiédils, t. 1, p. 130;.
(1/ Le nom de M»"^^ Dolongcliamps mérite d'être conservé. On lui doit peut-
être de pobs-ldcr cemonuincut, déji fort endommagé en 1833, mais qu'elle flt pla-
cer plus convenablement dans son Jardin. aussiiOt qu'elle en eut a])pri8 l'importance
par sa torrcspyodancc à ce sujet avec licrgi-T de Xivrcy.
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITÉ.S DE BOURBONNE-I.ES-BAINS. 79
Berger deXivrey (1). Le savant académicien n'a eu qu'un lorl, celui
d'avoir eu trop (le confiance en son auilacieux prédécesseur Cour-
lépée; mais je noierai (jue sur le dessin de celle inscrii)tioii dû au
général Creiily, conservé au musée de Saint-(icrmain, ainsi que dans
le Dictionnaire arcltéoloyiijuo tle (a Gaule [époque celtique) (2), on
lit seulement :
lî 0 II V 0 N ! K T 1> A M 0 .\" A F,
T . S E V E II I V S . M 0
D E S T V S • 0 M N 1 n
H ON OU IT
Cette restitution est plus prudente; toutefois je me contente de la
faire connaître. Quant au texte qu'on lit au commencement du pré-
sent article, je le lis sur un frottis fait sur ma demande par M. Bul-
liot, le savant et zélé président de la Société éduennc, (jue je prie
de vouloir bien recevoir ici l'expression de ma gralilude.
Sur ce frottis on ne dislingue qu'à grand'peine à la quatrième
ligne, et encore parce que l'on est à peu prés certain qu'elles y doi-
vent être, les lettres II.N du mot honoribus ; puis, après un espace
occupé par des lettres devenues illisibles, non pas IT, mais plutôt
TI. Tel est du moins l'avis de M. Bulliot et aussi de son savant cou-
frère M. Harold de Fontenay, qui a eu l'obligeance d'examiner le
marbre original avec le président de la Société éduenne, à mon in-
tention (3).
Quant à moi, je n'affirme rien sur ce détail qui importe peu au
présent travail, pour lequel il suffit que la dédicace à Borvo et à Da-
mona soit incontestable, comme elle l'est en effet.
A l'époque où l'on créait un musée archéologique à l'hôtel de ville
de la capitale des Eduens, le marbre original qui nous occupe y a
été envoyé en môme temps que le fragment qui porte ici le n"* 14,
par l'administration de Bourbon-Lancy, dont il était devenu la pro-
priété.
(1) Lettre à M. Hase, etc., p. 6, 111 et 126. La copie envoyée à Berger de Xivrey,
par M"'-" Delougchampsse trouve pi. III, sous la lettre A; sa restitutiou est figurée
sur la même planche, sous la lettre B.
(2) V. t. I, p. 184, col. 2, n» 3.
(3) «L'inscription est gravée dans un caisson, en caractères très peu accusés, ex-
cepté la dédicace écrite sur la plate-bande du cadre. » (Lettre do M. Bulliot à celui
qui écrit ces lignes.)
80 nRViiF, AncuKOi.or.iouK.
nm;i. c-ivlivS'EPOREDIRIGIS-fmagnvs
pro- l-ivlio-calenofilio
BORMONl • ET • DAMONAE
VOT • SOI
{Cnius JuUu!!, Eporedirigis filius, Magnus, pro Liicio Julio Caleno
filio, liormoni et Damona\ voium solvit.)
Hauteur 0'",25, largeur O",")!). A la qualrièmc ligne, la dornière
lellre est nécossaircment une L, mais elle a toute rapparencc d'un
second I. Est-ce par suite d'un accident ? Je croirais plutôt (jue c'est
un exomiile nouveau de celle forme particulière de la lettre L dont
il a ùté question plus haut.
Cette pierre, aujourd'hui encastrée dans un mur de la cour de
rétablissement thermal de Bourbon-Lancy, à l'angle formé par le
nouveau bâtiment avec l'ancien (1), a été trouvée à la fin du siècle
dernier dans les fondations du chûteau de Bourbon-Lancy, en 1792
selon Millin, qui publia le premier l'inscription historique qui y est
gravée, ou le 3 février 1793, selon M. Jules Chevrier, (jui la publia
de nouveau en 1817.
Ce texte précieux a eu une fortune singulière. La copie d'après
laquelle Millin le publia, d'abord dans le Magasin encijclopéditiue qu'il
dirigeait (2), i)uis dans ses Monuments antifjues inédits (3), lui avait
été envoyée de Bourbon-Lancy, par « le citoyen Clérisserand », qui,
chose remarquable surtout à celte époque, n'avait fait (ju'une seule
erreur de transcription. M. Clérisserand avait lu à la troisième ligne
B0KM0:^1EE, tandis qu'il y a en réalité BORMONl ET; mais ce qui
expli(iue celle inexactitude c'est (ju'à ce moment la pierre était
recouverte en plusieurs endroits d'incrustations de chaux (jui ne
devaient être enlevées que longtemps après. Or Millin, qui c(mnais-
sait l'existence de BORYO, le dieu des sources thermales, par l'ins-
cription publiée par Gruter (notien" G), maistiui ne pouvait deviner
(1) J'extrais cette informaliou de lettres reçues de M. Chevrier et de M. l'adjoiut
délégué aux fonctions de maire de Bourbon-Lancy pendant l'absence du premier
magistral de cette ville.
(2; Miiija.un rucyr/o]ir<li>juo, 0' année, t. V, an IN, 1801 (voyez p. 405 et Buiv.).
On peut lire dans le mémo recueil (t. 1 de la 7'' année, p. 300 et suiv.) une réponse
à la diFScrtation de Millin par llaudouin de Maison-Ill mclic, ex-constiluant.
(3; Millin, Momtment^ antii/ues inddils, etc., t. 1, publié en 1802. (Voyez p. 146,
Explication d'un'' ins'ription du fils d'Eporedirix, trouvée à Hourbon-Lancy.)
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITKS DE noURBONNF.-LRS-DAINS. 81
les variantes de ce nom que des drcoiivorlcs ultérieures devaient
nous apporter, supposa qu'il fallait lire HOllVONI ET UAMONAF':,
et cette liypoliièst; fut f,M''ii('raleuient admise, ou du luoins no fut
pas discutôe (1). Mais en 1840, M. Jules Chevrier, de Clialon-sur-
Saône, ayant fait le voyage de Bourbon-Lancy, étudia soigneuse-
ment le précieux monument du fils d'K[)oré(lorix, et, avec l'iiahilcté
d'un artiste et la délicate prudence d'un archéologue, le dégagea
des incrustations de chaux qui rendaient douteuses certaines par-
tics du lexlc, (!t en envoya un fac-similé à la Revue arclii''o[ogi(iHe
par l'inteiiiiédiaire du maire de cette dernière ville, qui était alors
JSI. Conipin.
En même temps, et par le même intermédiaire, M. Chevrier
envoyait à la Revue archcoloijique le fac-similé d'une autre inscrip-
tion romaine, celle-ci inédite et fort curieuse aussi, l'épitapho
d'un peintre d'origine gréco-romaine, Diogône Albinus, ou Albi-
nius, etc. Ce fut Letrunne qui se chargea de faire connaître l'ins-
cription nouvelle, par un article inséré dans le n° du 15 novem-
bre i847 de ce recueil (2); mais l'illustre éruditnc tint pas compte
de la nouvelle copie de l'inscription où figurait lenomd'Eporedorix
ou Eporedirix, laquelle lui parvint probablement sans note explica-
tive. Ignorant ou oubliant que M. Compin n'avait été que l'intermé-
diaire obligeant de M. Chevrier, Lctronne glissa sur celte partie de
la communication et ne nomma même pas ce dernier. Quelque temps
après, M. Chevrier s'élant aperçu (lu'il avait estropié dans sa lecture
le nom du peintre gréco-romain (il avait d'abord cru voir ALP, faute
qui avait passé dans l'article de Letronne), s'empressa de se rectifier
sur ce point en notant qu'il fallait lire ALB, et, profitant de l'occasion,
suppléa en môme temps au silence de Letronne sur sa copie de
l'inscription du fils d'Eporédirix, en rétablissant la véritable leçon
« mal écrite dans Millin », disait-il (3). Letronne répliqua par une
(1) « La comparaison de cette inscription avec une autre presque semblable,
trouvée à Bourbonne-les-Bains, prouve qu il faut lire BORVONI ET DAIIONAE. »
(Millin, loc. cit., p. lAS.)
(2) Revue archéologique, 1"= série, t. III, p. 512.
(3) Lettre à M. Letronne sur le nom romain du peintre grec Diogène. Celte lettre,
datée de Clialon, le 29 novembre 18/iG, se trouve dans le volume même de la Revue
archéologique qui contient l'article déjà cité de Letronne (voyez p. 582). Le texte de
l'épitaphe du peintre doit ôtre lu ainsi :
D • M
DIOGE
NI • ALB
PICTOR.
XXXIX. (j
82 BKVDE ARCHÉOLOGIOUE.
note aigre-douce : « Kllc ii'csi pas»! mal é.iite. Il n'y a qu'une seule
variante : HOIOIO.MKK DAMONAH, an lieu de UOllMOM KT DA-
MONAE; mais Millin avait dc-jù proposé la correction. Celle It-gére
dilTén'nce ne me paraissait pas assez importaïUe pour rendre néces-
saire une seconde publication (I). »
Letroniie n'y avait pas regardé d'assez près; si M. Chevrier
n'avaii fait que montrer quil y avait ET entre le nom du dieu et
celui de la déesse sur la pierre originale, et non pas les deux EE
qui n'ont aucun sens de la copie de (Urrisserand, il eût toujours
rendu un service, quoi qu'en ait dit Lelronne ; mais il y avait autre
chose.
Malheureusement, cette chose M. Chevrier ni' l'avait pas mise assez
en relief dans sa lettre. Il y avait (jue la correction Uoivoni proposée
par Millin, et qui aux yeux de Letronne rendait inutile une nouvelle
publication de cette inscription, n'était pas fondée, et ([u'il fallait lire
sur cette pierre non pasBtJUVoNI, mais BUKMoM, ainsi (jue l'avait
fait Clérisserand. Ceci ne fait plus question aujourd'hui que
nous po-sédons plusieurs inscriptions où le V de HORVO est
changé en M, sans parler des autres formes que nous verrons
plus loin; mais au tempsde Millin on ignorait cesvariantes, bien qu'il
eût été possible tle les soupçonner, en raison de la dénomination
iXAquœ lîonnonis (jue porte Hourbon-l'Archaiiibaull sur la Table de
Peulinger, ainsi que l'avait fait remarquer Berger de Xivrey en 1833,
c'est-à-dire bien avant la communication de M. Chevrier ii Le-
tronne i'-2i.
Si je suis entré dans ces détails rétrospectifs, c'est que celte
petite aventure archéologique renferme une moralité que je n'ai
pas à faire ressortir. Je dirai seulement (ju'il est regrettable (juc
Lelronne, entraîné par une idée préconçue, n'ait pas arrêté un
instant son pénétrant esprit sur la fidèle transcription de M. Che-
vrier. 11 l'aurait Ciilaiiieiiient signalée lui-inème en la commentant,
et elle ne serait pas restée pour ainsi dire comme non avenue pour
de longues années, perdue (ju'elle était dans cet article de M. Che-
vrier dont le titre n'annonçait pas qu'il put y être question du dieu
Borvo et des descendants d'Eporédirix. Je n'exagère pas en disant
que celle transcription resta pour ainsi dire non avenue; en effet,
si un éruJil hollandais la remaniua et la mentionna au moment où
(1y Celte réponse de Letronne est à la page 582 de la Lettre <ic M. Jules Chevrier
que Ton viciil de citer ; voy<z noie 3.
(2) Voyei Leltiiù M. Hase, etc., p. 00.
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITÉS DE BOURDONNE-LES-BAINS. 83
elle venait de se produire (I), plus de dix ans après, chez nous,
en 1801, le texte de lu pierre de Hourbuu-Laucy fut encore repro-
duit avec la leçon vicieuse liOKVOM.
C'est ici luôuio que l'on put voir la prétendue correction de Millin
adoptée, à la venté sans coinuienlaire, dans un article très inlércssant
d'ailleurs, du générai Grculy ('2), dans lequel on s'étonne cncure
d'avoir à constater l'omission de la sigle L devant les mots IVLIO
CALENO, bien qu'elle se trouve sur la copie primitive publiée par
Millin, et qu'elle n'ait été omise ni par Urclli (,.Jj, ni par M. Jean de
Wal que je viens de citer. Il faut ajouter que, plus tard, le général
Creuly, dans une de ses tournées épigiaphiques, lit, d'après la pierre
originale, un dessin exact que l'on peut voir au musée de Saint-Ger-
main, où l'on en possède aussi maintenant, ce qui vaut encore mieux,
un moulage en plâtre. Ce moulage m'autail garanti, s'il en eût été
besoin, l'exactiludc parfaite du lac-sunilé que je dois à l'obligeance
de M. Cbevrier. Voici donc le texte de ce précieux monument établi
de manière à ne plus laisser l'ombre d'inquiétude ('*). Il y a bien
BORMONl etDAMONAE, et, l'on peut en éire certain, le pelit-lils
d'Eporédorix ou d'Eporédirix avait un [ renom comme son père
C. Julius Magnus; il se nommait L. Julius Calenus.
N»14. SSIMIS NV
DEO B O
Fragment en marbre blanc, très mince, de 50 millimètres de
hauteur sur 123 de largeur. Les lettres ont 40 millimètres de
hauteur. Trouvé à Bourbon-Lancy, ce fragment a été envoyé par
l'administration de cette ville à Autun, en même temps que notre
(1) Au n" LX de ses Myth. sept, monum. eptg. lat. M. J. de Wal doone la leçoo
primitive BOUMONILE DAVIONAE, mais plus loin, dans le commentaire de son
n* CCCV, p. 22 j, il rerient sur le teite de ce n* LX et fait observer qu'à la troisième
ligne il faut lire BORMONl ET DAMONAE : In tertio denique ittulo (LX) vs. 2
legendum esse DORMOSI ET DASIOSAE nuperrime docuit doct. Chevrier, in
epistola ad virutn celeb. Letronne, etc.
(2) Revue archéologique, nouvelle série, t. IV, p. 116. L'article est intitulé;/.?/
descendants immédiats d'Eporédurix d'après une inscription d'Autun et d'autres
documents.
(3) Orelli a donné la copie de Ciérisserand (v. n» Ikl^].
(4) On peut le lire dans le Dict. archéol. de la G iule, p. 18i, col. 1, n" 1. Les
auteur sout figuré ladernièrc lettre L, tandis que cette lettre est figurée comme un I
sur l'origiaal.
81 REVUE AnCUb*OLOG10DE.
n* 41. Je donne ces quatre mois d'après l'estampage, pris sur l'ori-
ginal au musi'o d'Autun, que je dois encore à l'obligeance de
M. buliiot.
Le musée de Saint-Germain possôdc une exacte copie de ce frag-
ment, duc à M. le général Oeuly, qui en propose la restitution
suivante, laquelle a été adoptée par le Dictionnaire archéologique
de lu Gaule H) :
[PRAESENTIJSSIM IS NV
[mimbvs] DEC non
[VONl ET DEAE DAMO]
[n a e]
Cette restitution ne me paraît pas certaine. ProraiO'rement, on peut
supposer sanclissimis aussi bien (jue prœst'utissiniis: puis, lien ne
prouve qu'il y ait eu Borvoni sur la pierre plutôt que Bormoni
comme nous venons de le voir sur une inscription de la môme loca-
lité, et enfin l'on ne peut allirmer que Damona ait été ici associée à
Borvo ou Bormo, puisque nous savons que non seulement on faisait
parfois des vœux à ce dieu seul, mais aussi qu'on lui associait à l'oc-
casion une autre divinité; on le verra plus loin dans l'article de
Vex-voto d'Entrains.
NM5. A EST SAC
SILICA • V
RVONI ET
(Le T qui termine la troisième ligne a l'aspect d'un L)
Fragment trouvé à Bourbon-Lancy en 1835 et qui y est resté. Ce
monument épigrapliique est encastré dans le mur de rétablissement
thermal de cette ville, à côté de l'ex-votod'Eporédirix, M. Clievrier,
en na'en envoyant un fac-similé pris par lui en 1840, m'apprend
qu'à ce moment ces lettres étaient encore peintes en rouge vif.
Hauteur (r,'M, largeur 0",4G.
M. l'abbé Greppo a publié cette inscription dans ses Eludes ar-
chéolofjiqnos sur 1rs eaux thermales ou minérales de la France à /'</-
poque romaine (p. .'J7), mais n'en a pas tenté la restitution, selon
lui difficile et hasardée. « Je ne vois guère, dit-il, ce qu'on pourrait
(1) Voyci tpoquc celtique, t. I, p. 18ù, eol. 2, n* A.
rtSCRIPTIONS ET ANTIQUITÉS DR BOURBONNE-LES-BAINS. 85
tirer de la premitTc ligne; la dcuxirinc paraît mentionner une basi-
lique, car il est assez naturel (lu'on y lise [BA]SILICA. » A la troi-
sième ligne, le savant ecclésiastique suppose BOHVONI ET DAMO-
NAE (1). I^a présence ici du nom de Borvoni est en clTet certaine;
mais, par les motifs allégués ci-dessus, il est seulement possible, pro-
bable si l'on veut, que la divinité annoncée par la conjonction ET
soit DAMONA. Quant à la difliculté de la restitution des lacunes de
cette inscription, tout en la reconnaissant comme l'abbé Greppo, je
préfère supposer BASILICA à la deuxième ligne avec le savant ecclé-
siastique et M. Cbevrier, au lieu de SILICAUIORYM, comme on lit
dans un essai de restitutionécrit au bas d'un dessin de ce monument
épigraphique qui fait partie des collections du musée de Saint-Ger-
main ei qui doit être du général Creuly. L'hypothèse SlLICAUiOBVAI
me paraîtrait plus acceptable s'il y avait aumoinsSILlCARctuonpas
seulement SILICA. Voici maintenant la restitution donnée sans
commentaire dans le Dictionnaire archéologique de la Gaule (2) :
A . EST . SAC(ER . M . COLL .)
SILICA . V(0T . SOL . BO)
RVONI . ET [dAMONAE]
Je laisse aux maîtres de l'épigraphie romaine le soin de décider
entre ces deux hypothèses et de nous donner une restitution raison-
née de cet énigmatique fragment.
Chabouillet.
(La suite prochainement.)
(1) Les lettres SILICA sont considérées comme la fm du mot BASILICA dam un
essai de restitution complète que m'a communiqué M. Chevrier en m'enToyaut le
fac-similé que je viens de transcrire, mais que je ne me permets pas défaire connaître.
(2) Loc. cit., no 2.
LA
BORNE MILLIAIRE DE PARIS
[Lu à l'Açadànie des inscriptions et bcUes-lcttreSy séances des
24 et 31 octobre 1879) (1).
On se rappelle sans doute qu'au mois d'avril 1877 une borne
milliaire romaine, convertie en sarcopliage à répoijue mérovin-
gienne, fut découverte à Paris, dais l'ancien cimeliére de Saint-
Marcel. Elle est aujourd'hui conservée à l'iiôlel Carnavalet (Musée
de la Ville). Ci'tle borne, naturelienienl dé(ip:nrée par la destination
nouvelle qu'elle reçut jadis lorsqu'on la creusa d'un côté en forme
de tombe, ne porte plus (juc la fin de l'insiriplioii (jui y avait été
gravée.
Ce fragment d'in>criplion a élé commiiniiiiié à l'Académie des
inscriptions et bclles-letlres par M. de l.ongpérier, à la séance du
^7 aviil de la même année (2). Il a été publié ainsi (3) :
7//////////^//////////V////
////N G AL • VAL
MAXIMINO
NOBIL • CAES
A • CIV • PAR
RO/////////
\\j Leçons profcssiScs h. i'fkolo df.a liantes dtu-Jcs, en dùccnilire IST.i, cours
d'épiyrnjJi'e rt (inti'/uil'fs romaines (seconde année).
(2) Journal offictet, l" niai 1877, p. 31<'8 ; /c Trmpt du 8 mai; les iKJtjulJ du
29 avril.
(.'!). Voy. les Compter rendus des séances de CAcad. des inscript, et belles-lettres
do 1877, 4' série, t. V, 129-130.
LA nORNE MILLIAinR DE PARIS. 87
....[D{omino)] n{ostro) Gal{erio) Mnximino nobiVissimo) Caes{ari).
A civiitatc) Par{isiorum) Iîo[tom{agum)], {milliarium) prmum.
Ce sorait donc, d'aprôs rcltc Ircturo, le prominr millinirc de la
roule coiiduisanl de Paris à Uoucn. et il aiinil été crigé à ré[)Of]uc
oùiM.ixiiiiin Daza faisail partie, en (lualitr de César, de la tétrarchie
qui gotivornait l'Empire. En tout cas, il est hien évident que la date
de cette inscription est comprise entre le mois de mai de l'année 'AOo
de noire ère et la fin de l'an 307, car c'est pendant cette période
seulcnicnt que Maximin Daza poila lo ti(n> do Nohilissimus Carsar.
Après avoir étudié nous-méme ce monument, d'abord sur l'ori-
ginal, puissur la photographie, sur lemoulage, enfin sur l'estampage,
— que M. Théodore Vacqucr, chargé de la conservation iIcs antiques
du musée Carnavalet, a bien voulu faire exécuter pour nous (voyez
figure â qui reproduit la photographie) (1), — nous avons acquis la
certitude qu'au commencement de l'avant-dernièrc ligne on doit
lire RC et non RO (2), et que les caractères qui suivent ces deux
lettres RC, — peu lisibles, il est vrai, sur la borne milliaire, mais
beaucoup plus di?(incl^; sur l'estampage et sur la photographie, —
ont été OS ; soit RCOS. Dans l'O est inscrit un V.
Or, en examinant avec attention l'original, on ne tarde pas à se
convaincre que les trois lettres COSont appartenu à une inscription
et que la première, C, qui en avait également fait partie et qui
semble avoir été approfondie intentionnellement, a dû èlre utilisée
pour la seconde. M.iis il nous a paru évident que la borne milliaire
en question avait porté d'autres inscriptions encore.
Ainsi, à la cinquième ligne, dans les lettres A CIV PAR se
trouve enchcvèlrèe la siglc AA* (M P), certainement une fois,
probablement deux et môme trois fois;
A la sixième ligne, on peut retrouver le nombre CXX ou peut-
être CXXV;
A la septième a dû figurer un autre nombre encore, et, de plus, la
sigle AA*^ appartenant à une écriture plus ancienne que le iv" siècle.
Cette borne a donc dû servir trois fois au moins et probablement
quatre fois.
Préalablement à tout essai de restitution, il importe d'établir net-
tement un fait que nous considérons comme indubitable. C'est que
les anciens employaient le procédé du rcbouchagc pour remplir les
(1) Nous la donnerons ans notre prodiain Duin(jro avec la fin du travail.
(2) Il y a bien un 0, mais il est après le C.
88 nRVDF. ARCHÉOLOGIQUE.
creux des insfriplions qu'on voulnil fnire disparaître; or on avait
soin, dans cette opiMation, d'éparprier les lettres (jiii pouvaient (''Ire
employi'is dans l'inscription nouvelle. Le nit^nie monument servait
ainsi plusieurs fois, sans que la lecture du dernier texte pr«isentat la
moindre confusion avec ceux qui y avaient iHé précédemment gravés.
Ce (I nltoucliagei) devait se pratiiiuer autrefois comme aujtjuid'lmi,
à l'aide d'un ciment délayé avec de la pierre pulvérisée, laquelle
était empruntée à des matériaux de môme nature que le monument
sur le(iuel on l'appliquait. Cette composition, durcissant à l'air,
présentait le môme aspect que le reste. C'est ainsi qu'un grand nom-
bre de bornfsmilliaires,dont on renouvelait ou dont on modiliait le
texte à chaque avénemenld'empereur, ont pu être employées de nou-
veau. Mais, avec le temps, le mélange qui avait servi au « rebou-
chage » étant tombé, les inscriptions antérieures à la dernière ont
re|>aru et elles se présentent aujourd'hui avec une valeur souvent
égale i celle du texte qui leur avait été substitué. C'est ainsi que la
plupart des bornes milliaires, celles des bas temps de l'Empire sur-
tout, sont, aux yeux de l'observateur attentif, de véritables monu-
meuts palimpsestes sur lesquels ligure un enchevêtrement de carac-
tt'^res dont l'attribution, le partage et la restitution ne sont pas
toujours faciles à faire (1).
Pour en revenir à notre inscription, nous avons reconnu qu'on
Toyait, et qu'on voit encore très distinctement aujourd'hui, entre la
cinquième et la sixième ligne, une barre horizontale au-dessus des
deux lettres, ou plutôt des deux chilTres rom;iins CV (le V inscrit
dans l'O). Le C de l'ancien mot COSa donc été conservé et utilisé
pour la dernière inscription, et, joint au V, il a produit le nombre
CV, cnUum et quinque ; cette barre horizontale indiijue clairement
en elTet qu'il s'agit ici d'un nombre. On remarquera de plus qu'elle
ne dépasse pas le V à droite ni le C à gauche. De sorte qu'on a pour
la sixième ligue :
RCT
(1) On peut se rendre compte de cette difficulté si l'on jette les yeux sur le»
bornes milliaires de la rannouie, par txeinple. Voy. nos Monuments fpKjrajifiiques
du Musée national tîonrjrois, 1872, in-folio, Pest, u" 102, lO'i, 108 et surtout 05
(pi. XVII), où nous avons pu restituer, malgré la confusion des caractères, l'ins-
cription de Maiiuiin et de Maxime son flis (23t;-238) d'une part, ot celle de Dioclé-
ticn. Constance Chlore et (ialère (292-305) d'autre part. Il n'est pas possible de sup-
poser (jue la phis ancienne d>b ileux n'ait pas été oblilétéc par le proct^dé du
u reboucliage » ulln de ne laisser paraître que la plus récente seule, qui, sans cette
|>rccautiun, ii'iùt pas été lisible malgré les plus grands clTurls.
LA DORNK MII.I.IAIIU': 1)1'. l'AItlS. 80
Il faut donc renoncer à la lecture RO ou ROT et il ne peut ^tro
ici question de Rot oiiuif/us), Rouen (1). D'ailleurs la borne a ét6
trouvée au sud-est de Paris et il est diflicile d'admettre, a priori,
qu'elle ait été transportée en ce lieu depuis le premier mille de la
route qui conduisait à Rouen. La barre horizontale, ne s'appliquant
qu'aux deux chillres romains CV, nous a fait penser (ju'il ne devait
pas ôtre tenu compte des autres, XXV, Icscjuels avaient dû dispa-
raître de la dernière inscription gravée, ayant certainement été
annulés à l'aide du reboucliage.
A la première ligne, on distingue nettement un V au-dessus du G
de OALerio. Ce V paraît avoir été précédé d'un A dont la partie
supérieure est seule visible ; il était suivi sans doute de deux GG
dont le second seulement est apparent ; on reconnaît enfin, termi-
nant la ligne, les vestiges de doux lettres qui semblent avoir formé
le mot ET.
A la dernière ligne, c'est-à-dire à ce qui serait la septième de
l'inscription mutilée qui nous est parvenue, on voit, sur la droite, le
second jambage d'un M qui semble avoir été lié avec un P de ma-
nière à former la sigleAA*, jnilliapassuum. Il est vrai que ces lettres
sont d'une forme très dilïérente de celle qui était en usage au
iv° siècle.
On remarquera d'ailleurs que la barre horizontale suffit à la
rigueur pour marquer que les chillres CV sont des milles ; CV peut
donc se lire « CV millia », sous-entendu passuum. Il n'est donc pas
nécessaire de tenir compte de la septième ligne. La sigle AA* de
celte ligne est d'ailleurs douteuse; il est donc probable qu'elle
appartenait à une inscription antérieure, ainsi que le mot COS de
la sixième ligne ; peut-être les aura-t-on laissés subsister comme
complétant le texte final indiquant la dislance, quoique la sigle M*
se place d'ordinaire avant le nombre des milles ou des lieues. Il est
possible enfin de reconnaître, comme nous l'avons dit plus haut, la
même sigle M* mal effacée et figurant deux fois avant la sixième
ligne, mais enchevêtrée dans les lettres A Cl V PAR et appartenant
par conséquent à des inscriptions plus anciennes.
Nous lisons avec certitude sur la pierre, de la manière suivante,
toute la partie de l'inscription qui nous a été conservée.
La fin, c'est-à-dire les trois dernières lignes, présente l'aspect de
la figure 1 (grandeur de l'original); elle doit se lire, selon nous :
(1) C'est cette barre hoiùzontale qui aura été prise pour la barre d'un T, d"où
la fausse lecture ROT.
\j:i^
LA BORNF. MII.I.lAinE DR PAUIS. 9l
A CIV PAR
RCV
à l'exclusion do toutes les autres lettres, qui avaient dil disparaître
dans le reboucliage exécuti',' en 'M)7.
Il est bon de remarquer que l'estampage révrlo d'autres et de nom-
breuses traces d'inscri[)tions antérieures, dans les quatre premières
lignes.
Occupons-nous d'abord de la première partie de ce texte épigra-
phique, celle qui devait mentionner les empereurs régnants, recon-
nus en Gaule au moment où elle a ùlé gravée. C'est ce qu'on peut
appeler la partie historique des bornes milliaires. Nous étudierons
ensuite les trois dernières lignes, qui constituent la partie géographi-
que de ce monument.
Les lignes 2, 3 et 4 de cette inscription, — dont le commence-
ment nous manque, — nous font connaître les noms et le litre de
Maximin Daza ; or il est impossible que cet empereur, qui n'était
encore que César, et qui, en celte qualité, administrait l'extrême
Orient romain, figurât seul sur un monument élevé dans le
nord de la Gaule ; il y avait donc nécessairement d'autres noms
d'e:npereurs avant le sien. On voil en elTet, ainsi que nous l'avons
dit plus haut, à la ligne 1, des traces, encore reconnaissables, des
molr- AVGG ET.
Les seules années pendant lesquelles Maximin Daza ait porté le
titre de Nobilissimus Caesar sont bien, comme on l'avait établi, les
années 30o, depuis le 1" mai, puis 300 et 307 entièrement. C'est,
en effet, le jour des kalendes de mai SOoiju'eut lieu, à Nicoméliecl
à Milan, l'abdication de Dioclélien pour l'Uiicnl, de Maximien pour
l'Occident, et que les deux Césars furent proclamés Augustes, Galère
par Dioclélien, Constance Chlore par Maximien (i). On sait que
Galère avait dicté le choix des deux nouveaux Césars, Maximin
Daza son neveu, et Sévère, à Dioclélien, qui céda à ses désirs,
malgré la préférence que le vieil empereur avait montrée pour
(1) Voy. Tillemont, IV, p. 85, qui cite les sources, d'ailleurs bien connues.
92 REVUK AnCHKOLOGIQUE.
Constantin, fils do Constance Cliloro, et pour Maxonro, fils de
MaxiniitMi et propre gendre de ce nn^me Galère (1).
Le 1" mai 305, la nouvelle lêlrardiie fui donc ainsi consli-
tuée :
Du V mai au 25 juillet 30G.
Occident.
Auguste (avec le premier rang) :
Imp.r.aes. Flavius Valcrius CONS-
TANTIVS Aoguslus.
(Gaule, Espagne, Bretagne.)
César :
Flavius Valerius SEVERVS No-
bilissimus Caesar.
(Italie, Afrique.)
OniKNT.
Auguste :
iinp. Caes. f.AI.KRlVS Valerius
Maximianus Augustus.
César :
C. Galerius Valerius MAXIMINVS
(Daza) Xobilissimus Caesar.
II faut se rappeler que Constance Chlore ne souscrivit qu'à contre-
cœur à la déclaration faite de Sévère et de Maximin comme Césars,
à l'exclusion des deux fils d'empereurs et surtout de son propre fils
Constantin, lequelaurait dû être désigné, selon toutes les prévisions,
en Occident.
Mais cet état de choses dura officiellement jusqu'à la mort de
Constance Chlore, arrivée à York le 25 juillet 306 (2). Il ne se peut
pas que les bornes milliaires de la Gaule aient mentionné, durant
cette période de quinze mois, le seul nom de Maximin Daza, relégué
au fond de l'Orient, sans placer à côté celui de Sévère pour l'Occi-
dent. Or il n'y a qu'un scnïNobilissimus Cnesar de nommé dans l'ins-
cription, et lorsqu'on la lisait entière sur la borne de Paris il n'y en
avait qu'un, comme le prouve le mot AVGG de la première ligne:
elle est donc postérieure au 25 juillet 3U0.
La mort de Constance Chlore amena les changements suivants
dans la tétrarchie:
(1) Lactancc, cli. xviiictxx.
(2) Eutrope, X, 1 ; S. Jérôme, Chron. ; Eu^èbo, Chton. ; Aur. Vict., Cûff.,
XL, 3, etc. Cf. Tillcmoul, IV, p. 01.
LA BORNE MILLIAIRE DE PARIS. 93
Dm 25 juillet au 28 octobre 306.
Occident.
Auguste :
Imp. Caes. Flavius SEVEEIVS Au-
gUïitUS.
(Italie, Afrique.)
César :
FI. Valerius CONSTANTINVS No-
bilissimus Caesar.
(Gaule, Espagne, Bretagne.)
Orient.
Auguste (avec le premier rang) :
Imp. Caes. GALERIVS Valerianus
Maximianus Auguslus.
César :
Galerius Valerius MAXIMINVS
Nobilissimus Caesar.
Il faut noter que Constaiilin, après la mort de son père, se contenta
du titre de César et le garda jusqu'au 31 mars 307 (1). Mais la répar-
tition dont on vient de lire le tableau dut-a seulement trois mois el
trois jours, car, le 28 octobre 30G, Maxence, qui se plaignait d'un
partage fait à son détriment, partage contraire môme aux volontés
de Dioclôlien et de son propre père Maximien, se fit proclamer
Auguste, à Rome, sans passer par cette sorte de stage impérial qui
est exprimé par le litre de Nobilissimus Caesar.
Si notre borne milliaire eût été gravée dans les trois mois pen-
dant lesquels l'autorité des quatre empereurs susnommés paraît
avoir été reconnue dans la Gaule, Constantin y aurait certainement
figuré avec le titre de Nobilissimus Caesai\ qu'il ne quitta officielle-
ment que l'année suivante; son nom aurait donc précédé ou suivi
celui de Maximin Daza et, s'il l'eût précédé, il eût été placé après
ceux des deux Augustes, Galerius et Sévère. Or, 1" Maximin Daza
est le seul Nobilissimus Caesar nommé sur la borne de Paris ; 2° son
nom était précédé de ceux de deux Augustes.
Lorsque Maxence se fit proclamer empereur à Rome avec le titre
d'Auguste, le 28 octobre 30G (2), et que Maximien, son père, reprit
la pourpre avec ce même titre vers la fin de cette même année, la
tétrarchie se trouva, par le fait, désorganisée, de sorte qu'au com-
(1) On sait qu'il avait été salué Auguste par les armées do la Bretagne, mais il se
contenta du titre de César, le seul que Galerius consentit à lui laisser. Voy. Tille'
mont, IV, p. 92-93, avec renvoi aux sources.
(2) Voy. Tillemont, IV, p. 95, et la note 32, pour le règae de Constantin, môme
tome, p. 633-634.
94 BF.VUF. .VnClléOLOGlQUE.
menccmcnt de 307 il y eut, non plus (lualre, mais six empereurs,
(lonl (jualro Augus'.cs et deux Césars, ainsi distribués :
De la fin de l'imnee 306 au 31 mars 307.
OniKNT.
Aujustr ;
Iinp. <:ac5. r.M.KlUVS Valerius
Maxiinianus Au^usluâ.
César :
Galerius ValcriusMAXIMINVS No-
bilissimus Cac^ar.
OCCIDBNT.
Augustes :
Imp. Cars. M. Aurclius MAXIMIA-
NVS lOYIVS Auguslui (1).
(Italie.)
Imp. Cacs. Flavius SKVr.UVS.
(Italie et Afriq'ic.)
Imp. Caes. M. Valerius .MAXKN-
TIVS Auguslus.
(Italie.)
César :
Flavius Valerius CONSTANTIN VS
Nobiliiïimus Caesar.
(Gaule, Espagne, Bretagne.)
Constantin est donc encore Nobilissimus Caesar au commence-
ccmcnt de 307 cl il n'a pu figurer, en celte qualité, sur notre ins-
cription, puisque Maximin Daza est le seul César qui y soit men-
lionné avec ce litre: ce monument, ou du moins le texte qu'il porte
est donc postérieur au {"'janvier 307.
Sévère ayant été tué, aux Très Tabcniae, i):\r ordre de Maximien (2),
au commencement de 307 (février ou mars), Constantin fut proclamé
Auguste le 31 mars de cette même année (3); nous avons alors la dis-
position suivante :
(1) Maximien, après son second avènement, porta certainement le nom de Jovins
que lui avait lé^ué Dioclétien. Une inscription du musée de Pest porte : f/iAXlMIA-
NO II lOVIO INVIC II AVG ET MAXIMINO || N CAES, etc. (Voy. nos Monum. efjùjr.
Uuseï llungar. n* 120, pi. XXI, et C. I. L. III, 3522 (inexacte); cf. 4113 et
Eckhel vil I, 36.
^2; Aur. Vict. E/iiit. xl, 3 : « Severus ab Herculio Maximiano Romae ad Trc3
Tabrenasexstinguitur » etc.
(3) Laclance, De uiortib. pprMec, p. 412, 423. Cf. Ecklicl, Vlll, p. 72. Cette
date du 31 mars a été contestée, mais c'est certainement vers celte époque de l'année
qu'a eu lieu l'événoraeut. En Orient ce titre ne fut pas reconnu, et les monnaies qui
portent AVG. après le nom do Constantin sont probableaient postérieures nu com-
mencement de l'an 308. Elles donnent en 307, pour Coattaulin et pour Maiimin
Daia, le titre de ITL. AVGG., fiUus Augustorum. Voy. Eckhel, Vlll, p. 73-73.
I,.\ UOUNK MlLLIAllir. DK l'AHIS.
Du 31 murs au 11 noiembic 307.
Occident. I
Orient.
.\iiilHslc :
Imp. Caes. CM.KHIVS Valcrius
Alaxiiiiiaiiijs Auguslus.
César :
Galcrius Valcrius MAXIMINVS
Nobilissimus Caesar (1).
Augustes :
Imp. Cacs. M. Aurclius MAXIMIA-
NVS lOVlVS Aiigiistus.
(It;ilic.)
Imp. Cacs. CONSTAMINVS Au-
guslus.
(r.aulc, Espagne, firptagnc.)
Imp. Cacs. M. Valcrius .MAXEN-
TIVS.
(Italie, Afrique.)
Pas de Césars.
Un rapprocliomcnt très intimo avait eu lieu cnlrc Maximion et
Conslanlin, ce dernier ayant épousé, à celle inèine époque, la
Clle du vieil empereur, Flavia Maximiana Fausta, et ayant reçu de
son beau-pérc lui-même le lilre d'Auguste, Ie31mars307.
Mais, le il novembre de celle même année GahMius ayant fait
proclamer Auguste à Carnuntum (Pelronell), en Pannonie, son an-
cien compagnon d'armes Licinius (2), nous avons la distribution
suivante des pouvoirs impériaux :
Du 11 novembre 307 au 1" janvier 308.
Occident.
Augustes :
Imp. Caes. M. Aurelius MAXI-
MIANVS lOVIVS Auguslus.
(Italie.)
Imp. Caes. Flavius Valerius
CONSTANTINVS Auguslus.
(Gaule, Bretagne, Espagne.)
Imp. Caes. M. Val. MAXliiNTIVS
Auguslus.
Pas de Césars.
Orient.
Augustes
Imp. Caes. GALI£RIVS Valerius
Maximianus Auguslus.
Imp. Caes. Valerius Licinianus
LICIMVS Auguslus.
César :
Galerius Valerius MAXI.MINVS,
Nobilissimus Caesar.
(1) C'est i cette époque qu'il reçut le nom de FIL • AVGG, filius Augustorum.
Voy. Lactance, De mort, persec, c. 32. Cf. Eckhel, VIII, p. 52-53.
(2) Eusèbe, Chron. ; cf. Idace.
96 nF.Vl'E AnC.HKOLOGlQUE.
C'est ^n rommonromrnt de M08 que Maximin Daza se prorlann
lui-nii^nic Aii^'ii,>-lo à Antioclio (1); c'est donr CLMlainemonl avant le
1" janviiT 308 qui' In borne île Paris reçut riiiscriplioii (jui nous
occupe.
Est-ce ant»''rieurenicnt au 3! mars 307 ? C'est impossible, puisque,
avant cetie date, Constantin ne prit officiellement que le titre de
I\'ol>ili<sivm!^ C.nrsnr. Or nous avons vu (ju'il n'y avait qu'un seul
Nobilissimus Cacsar i\c mentionné sur le monument et que ce seul
César était ilaximin Daza; c'est donc certainement entre le
31 mars 307 cl le {"janvier 308 que notre inscription a été gravée.
Il faut remarquer en outre (jue, pendant cette année 307, Maximin
dut être reconnu dans tout l'Kmpire en qualité de César, car il était
alors cousul. Les Fastes portent en effet, pour l'an 307 :
<( Imp. Caes. M. Aurelius Valerius Maximianus Aug. VIIII.
Galcrius Valerius Maxirainus Nob. Caes. »
Il est vrai que Constantin figure aussi sur les Fastes consulaires
pour celte année, mais avec le litre de Nobilissimus Cncsar qu'il
perdit le 31 mars ; il n'est donc pas probable que son consulat se soit
prolongé au-delà de cette date ; il est certain, en tout cas, que
Maximin fut consul en môme temps que lui, et il est très probable
qu'il conserva, lui du moins, les faisceaux toute l'année.
Pendant cette période de neuf mois comprise entre le 31 mars 307
et le 1"' janvier 308, quels sont les deux Augustes dont les noms
ont dû précéder celui de Maximin sur la borne milliaire de
Paris.
K" Pour Constantin, il y figurait certainement; cela est hors de
doute : nous sommes en Gaule, et il était reconnu d'ailleurs dans
tout l'Occident.
2° Quant i\ Galcrius, on sait qu'il ne voulut pas avouer Constantin
pour Auguste et que c'est môme en partie pour cela qu'il donna la
pourpre avec ce même titre àLicinius, le U novembre 307, La lutte,
qui commencera violemment l'année suivante, s'annonce déjà par
de graves désaccords, qui en étaient venus même à l'étal de crise
aiguë, el nous pensons que les noms de Galcrius, martelés sur les
monuments publics des années précédentes en Italie, ont dd l'être
dans tout l'Occident à partir de celte époque (2), et à plus forte rai-
(1) Eusèbe, Chron.; I.aclaacc, De mortib. }»'r.<)ec., cli. xxix, xxxii.
(J) Voyez, entre autres, l'inscriptioa suivanlo d'uuo borne milliain' d'Italie :
LA BORNE MILLIAIRK DR PARIS. 97
son croyons-nous que son nom dut êlro omis sur ceux (jui furent
gravés pendant luaie période. Aucune des bornes iriilli.iires rele-
vées jusqu'à ce jour en Gaule pour ces trois années no porle son
nom.
3» Licinius, dont l*élév;iiion à l'Kmpirc ét.iil i'(euvre de Galère
et a le caractère d'une protestation contre l'érection de Constantin
au titre d'Auguste, ne pouvait llj^iirer sur la borne de Paris. 11 faut
soni,'er en outre (lue, la nomination de Licinius a^ant eu lieu le
H novembre, nous n'avonsquecinquante-trois jours entre cette date
et la déclaration de Maximin Daza comme Auguste, et ce ilélai sem-
ble bien court, vu surtout la grande dislance qui sépare Carnuntumûa
la Gaule, pour que cet avènement fùl consacré sur les monuments
publics de ce pays avant que le nouveau titre de Maximin y fût
connu. Pour ces raisons, Galerius et Licinius nous paraissent avoir
été exclus du texte de notre monument.
4° Maximien, au contraire, qui venait de donner sa lille à Cons-
tantin et qui l'avait salué Auguste, y ligurail certainement. D'autres
inscriptions prouvent même que son nom et son titre d'Auguste ont
été ajoutés après coup, à la suite même de ceux des Césars, et ils n'ont
dû l'être que pendant cette courte période(l). La seule diflicullé est
desavoir dans quel rang il figurait sur la borne de Paris.
5° Pour Maxence, la question peut présenter quelque doute. Il
n'était pas encore en dissentiment déclaré avec son père ; on sait que,
dans la lutte engagée dès la (in de 3U6 contre Sévère, et, par suite,
contre Galerius, Maxence avait fait cause commune avec Maximien :
leurs intérêts étaient communs en Italie ; mais, son nom étant omis
sur toutes les bornes milliaires de la Gaule élevées pendant ces trois
années,nousne voyons aucun motif pour l'admettre. D'ailleurs, puis-
qu'il n'y avait vraisemblablement que deux Augustes mentionnés, si
notre lecture de la première ligne est bonne, il ne pouvait certaine-
ment pas avoir été préféré à Maximien et à Constantin.
Ayant procédé, comme on vient de le voir, par élimination, sur la
liste des six empereurs qui avaient régné en 307, pendant la période
de neuf mois qui s'étend du 31 mars au l"' janvier, nous en avons
retranché les deux Augustes d'Orient, et, des trois Augustes d'Occi-
DD N\ DIOCLE || TIANI ET MAXI || MIAM AVGG ET || [CONSTANTI ET GA jj
LERI N[OBB] Il CAESS M. P. III. Mommseu, Inscr. regni Neapol., a. 62881"" *^
(1) Voy. l'Appendice, borne milliaire a° li, dans la seconde partie de cette ttude
(prochain numéro).
xxxix. 7
•J8 Rr.Vl'F AnCHÉOLOGIQUF.
(lent, nous avons oxrlu M.ixt'nrcelconsL'rvi'Cdnslanlin ot Mnximicn.
On ifiiianiuera (jUi' IV\clii»it>ii lios Augu^lfs (ialeiias cl Liciniiis
explique d'aillours assez bien la mention du Cùsar Maxiinin sur les
bornes niilliairos de la Gaule, car il était seul pour y rcprésonlor
l'Orient.
Maintenant il s'agit de déterminer l'ordre dans lequel devaient
être inscrits, sur la borne de Paris, les deux Augustes d'Occident,
Maximien et Constantin.
Nous croyons que le premier rang appartenait à Maximien, non
pas à cause de la priorité de son titre, car 1 abdication de l'an 30*j
semble lui avoii fait perdic les drititstpie celle ancienneté d(î pos-
session lui auraient assurés; mais, par suite de sa siUialion vis-à'Vis
de son gendre, et si c'est lui en elTet, comme le rapportent les auteurs
contemporains (1), qui l'a proclamé Auguste, il paraîtra naturel
d'assigner la primauté à celui qui confère le titre sur celui qui le
reçoit.
Nous croyons donc pouvoir restituer ainsi la première partie de
l'inscription (jui devait se lire sur la borne milliaire de Paris :
[DD- NN • M ■ A VU
MAXIMIANO
ET- FL • VAL
CONSTANTINO]
AVGG ET
DN GAL- VAL
MAXIMINO
NOBIL CAES
etc.
Il est utile de comparer celle restitution avec les autres bornes
inilliaircs de la Gaule où Maximin Daza est qualifié de Nobilissimus
Cuesar.
Ce sera l'objet d'un travail à part, qui formera l'appendice de
celte élude.
LUNE.ST Dl.SJ.VRDlNS.
{La suite prochainement.)
(1; Voy. TUIcinoni, !V, p. 100, cl le Panégyrique auoDymc cité par lui.
LA
MEDECINE PUBLTOUE
DANS
L'ANTIQUITÉ GRECQUE
INTRODUCTION
L'hisloire médicale de l'anliquilô, tant grecque que romaine, a
été, au point de vue doctrinaire, étudiée et approfondie depuis si
longtemps et par des auteurs si nombreux et'si compétents, que l'on
peut considérer le domaine de la médecine antique « proprement
dite » comme alisolument exploré.
Au contraire, l'histoire de la médecine au point de vue « profes-
sionnel » (et particulièrement l'histoire de la médecine publique
dans l'antiquité) est encore en grande partie l'œuvre de l'avenir.
Cependant, dans ces dernières années, un savant médecin, M. le
docteur Briau, étudiant au point de vue professionnel la médecine
dans l'anliiiuité romaine (1), essayait de combler, avec un incontes-
table talent, la regrettable lacune que nous signalons.
Nous disons « essayait de combler» : c'est qu'en elTet, si le savant
auteur, dans son ouvrage sur l'Assistance médicale chez les Ro-
mains, a été à peu près complet, étant donnés les résultats actuels
des recherches épigraphiques, il a été moins heureux dans son mé-
(1) Br'iza, Du service de sanlé mililaire citez les Romains, Paris, 18GG, iu-S. —
1(1. , l'Assistance médicale cliez les Uoi/inin^-, Paris,. 1SG9, in-8. On pourra consulter
aussi, du môme auteur, l'étude sur le Cercle des médecins à Rome, commuuiqucc
à l'Académie des Inscriptions, 2 uars 1877.
100 nEVLK Anr.lIKOLOGIQUK.
moire sur le Service (lésante militaire chez les Romains. Ou voit bicMi,
par le rccui'il .soiifn«'iisem«'iit classé di's iiisi-ri|)lions collig«'i's dans ce
uu^inoiro, qu'il oxislail rlic/. les Hoinains des médeiins d'année cl
des niéilecins de llniii', — et* ijne d'ailleurs, à peu de clio?c près, on
savait depuis ionj^leinps déjà ; — mais la parlie issenliellc dans
lout ouvrage d'iiisloire, la parlie crili(iue, f.iil par malliour absolu-
ment tléfaul : nous ne voyons pas (juelles étaient les fonctions de
ces médecins militaires, cl ecpendanl ipie d'intéressantes recherches
étaient à faire sur ce sujet, que de faits ignorés à présenter au lec-
teur, tels, par exem|ile, (jue le nMe du médecin chargé de praliiiuer
une saignée disciplinaire aux soldats insubordonnés (l)! Un ne nous
dit pas quelle était la condition sociale de ces médecins, s'ils étaient
libres, alTranchisou esclaves, et pourtant ipie de docuinenis auraient
éclairé cette importante question ! Un ne nous dit pas de (jui ils dé-
pendaient au point de vue de la discipline, s'ils étaient salariés et
quel était leur salaire, s'ils avaient (\c:> privilèges et ipiciles étaient
leurs obligations; et, ici encore, (juc de textes (i) étaient à rassem-
bler et à commenter concernant ces dilTérents points ! Un ne parle
pas davantage de ces précieux auxiliaires des médecins de troupes,
de ces médecins-oculistes qui suivaient les stations mililaires ro-
maines de la Gaule, de la Germanie, du Belgiuu) et tie la Bretagne,
prêts i\ soigner les redoutables ophtalmies des armées, oculistes dont
les curieux cachets, arrivés jusqu'il nous, ont été si magistralement
étudiés par feu Siebel.
Malgré C(\s imperfections, il faut ceiiendaiit convenir (|ue les deux
ouvrages dont nous pailons ont beaucoup coiiliibué à éclairer l'his-
toire de la profession médicale chez les Romains.
Dans l'antiijuité grecque, au contraire, la médecine, au point de
vue professionnel, a été bien moins étudiée encoie : la médecine
d'armée, cependant, grâce aux travaux des Kiihn, desZimmermann,
des Malgaigne, des Daremberg, etc., a été explorée d'une manière
satisfaisante; mais au point de vue «civil», aucun travail d'en-
semble n'a été fait justju'à présent, et, par suite, l'histoire de la
médecine publiijue dans l'antiiiuité grecijue a été, faute sans doute
de documents précis, singulièrement laissée dans l'ombre. Grâce
(1) Aulu-Gcllc, liv. X, cliap. xiii, et Montcsfiuicti, Gr. et clcr. r/e.v Hom., cliap. il.
(2; Sur ce» questions, voy.: Vegot., De re tntlit., \ih. Il, c.ip. x ; II. Vopisciis, in
divo Aureliano ; la Icilre d'Anloiiiii in CoiL, île l'rofets. et tnnlic, lit. 52; on (li$-
culcralt aussi avec inlérCil CW., lib. XII, 30, Icg. 0; I)i;/e>t., lib. IV, lit. VI,
leg. 33 ; etc., de.
L.\ mkhrcinf: punLioni'' hans l'antiol'iti': f;nKCQUE. 101
aux recherches de nos plus savants tpigraphisles, celle omhre com-
mence, h se dissiper ; \c. temps est venu de faire la lumic^re dans ce
ch.ipiiro trop longlenips obscur dans l'histoire de la nW^lecine, et
c'est pour(|uoi, désireux de mettre de leur véritable jour les cu-
rieux détails d'une orf^anisation tout à l'iionneur de notre profes-
sion, nous avons voulu eiilreprendre l'histoire de la médecine pu-
blique chez les Grecs, c'est-à-dire, et nous insistons sur ce point,
une histoire de la médecine grccr|uc considérée comme constituant
une des branches des services publics : ce sujet est à peu prés iné-
dil(l).
Une autre raison nous a détermjné à accomplir ce travail : si l'on
sait jusqu'ici, faute de recherches, peu de chose sur l'organisation
de la médecine dans les cités grec(|ues, il est pénible de voir que ce
que l'on sait contient de graves erreurs. Ainsi, p;ir exemple, à la
page 82 de son mémoire déjà cité sur la médecine militaire chez les
Romains, ÎM. l}iiau, à propos d'une inscription latine (sur laquelle
nous reviendrons d'ailleurs) mentionnant un méJccin comme « sa-
larié » par une cité, nous dit que « c'est là un nouvel exemple de
ces médecins que les villes do ranticpiité, les villes grecques en par-
ticulier, s'appropri;iient, et auxquels elles allouaient des traitements
« en récompense » des services qu'elles en recevaient. » Eh bien !
celte assertion conlieni une grave erreur : non, les cilés de la Grèce
n'allouaient pas de li'ailenicnts à leurs médecins « en récompense »
des services reçus ; elles les salariaient purement et simplement en
leur qualité do fonclionnaiies, mais savaient, comme nous le voirons,
créer pour leur dovouomonl exceptionnel des récompenses spéciales,
autrement nobles que des récompenses pécuniaires. Ainsi encore,
31. Foucart {'2) prélend que certains médecins publics, peu scrupu-
leux et pou zélés, ne craignaient pas d'envoyer leurs esclaves visiter,
à leur place, les malades pauvres ou trop éloignés ; celle assertion
encore, et nous le montrerons, est inexacte.
De telles erreurs, et d'autres encore, dans un sujet si peu connu
et si important à élucider, ne peuvent, en vérité, plus longtemps
subsister.
Une aulre raison enfin, — celle-ci plus importante encore que
celle-là, — nous a sollicité.
(1) Nous ne connaissons d'important sur ce sujet que le savant article publié par
M. Wesclier à propos de l'inscriptioa de Carpatbos, et une note intéressante de
M. Perrot sur les Archiâtres.
(2) Mémoire sur les ruines et l'histoire de Delphes.
!02 IIIYIK Anr.MÉOLOniQUE.
Hnppolnnl, «lans son nuvrapo sur l'Assistance ni^dicnlc (lie/ les
Hninnins. et d'aiHrs le rcoici! ili» Griller, imc insrriplioii clnvliciinc
dans laquelle un ccitiiin Dcfiis, ninlcciri romain, csl lon^, à juste
litre, pour avoir tout offert praluitement aii\ malades, obtulit œgro-
tis.... omnid i/ratifi, M. nri.iii sV'cric « (]u'()n ne trouve nlisoiumenl
rien (jui ressemble à ce lU'sinléresseinenl, niômc de loin, dans les
documents de source païenne », et il ajoute qu' <(on peut appréricr
mainlen.nnt comhien le proi^n^'s des mceurs a (^li; jrrand et quelle ré-
novalion sociale a dil avoir lieu pour arriver eiilln à cette assistance
médicale active et efficace qui se traduit par la création des hôpitaux
et par la pratique de la médecine praluilo. n nuchpies papes avant
encore, le même auteur nous avait dit: <( Pour toutes les sociétés
antiques, quel que filt leur degré de civilisation, l'indipeut éinil un
ennemi intérieui' comme l'éiraiiger était un ennemi extérieur. »
Eh Iden ! que le savant auteur me permette de le lui dire sans
ambagts : il a calomnié la société grecque tout entière ! Si M. Hriui
avait commencé, — ce qui étaii au moins naturel, chronologiiiuc-
ment et logi(iuemenl parlant, et ce (ju'il n'a pas fait, — par étudier
l'organisation médicale grecque avant d'étudier l'organisation mé-
dicale chez les Romains, il n'aurait pas inscrit dans un livre qui, en
définitive, fait autorité dans nos chaires d'histoire médicale, cette
injustifiable calomnie.
Non, et nous le prouverons, il n'est pas exact (ju'en firèce, du
moins (1), le pauvre et l'étranger fussent considérés comme des en-
nemis de la société et traités comme tels; non, il n'est pas exact
que ce soit le christianisme, malgré tout le bien (ju'il a fait et qu'on
ne saurait méionnaîlre, qui le premier a fondé l'assistance publi-
que médicale ! Cette assistance existait, nous le montrerons, parfai-
tement organisée dans le vieux monde grec, et si elle a disparu ou,
pour mieux dire, si elle aéto négligée dans le monde qui avaitUomc
pour capitale, c'est (jue le peuple romain, monstrueusement cor-
rompu dans les derniers temps de la république et sous la domina-
tion impériale, maître du monde entier, gorgé de richesses, enivré
de gloire, conséquemment rebelle aux sentiments d'humanité et de
charité, n'a su choisir, dans les dépouilles des Cirées, (jue les insti-
tutions (pji nattaient ses ajjpétits. Si l'on veut, sans parti jirisde dé-
nigrement, rendre aux Grecs ce ijui .ipi);irtieiil aux (îrecs et au
christianisun; ce qui appartient au christianisme, nous montrerons
(1) Lci Romains seuls out conbidûré IVtraogcr coauno uu cnocmi : hâtr, hos-
Ut.
LA MF.nRCINK l'UnLlQUR DANS L'aNTIQDITI'; r.l\RCQVE. lO.'î
et l'on verr;i t\[u\ le cliristinnisme n'a fait, soit en ("îtalilissant la gra-
tuité (les secours iikhIIciux, soit en inslall.inl des li<^j)ilaii\, qiK! ra-
masser, dans la houe romaine où elles étaient restées déilain'nées
les nobles et impérissables institutions qui existaient, bien avant le
Christ, dans ehnrune des cités de |,i Orrcc,
Voilà la vérité ! et c'est pour lui rendre hommage que nous avons
résolu d'écrire ce mémoire.
Notre œuvre est une œuvre personnelle, que nous livrons avec
conliance à l'examen de la critique. Sans doute, comme dans toute
œuvre d'histoire ancienne qui repose sur des documents forcément
insuflisants, on trouve dans ce mémoire une partie conjecturale ;
mais, bien (ju'elle s'appuie toujours sur des interprétations légitimes
ou des inductions rationnelles, nous nous sommes elTorcé de lui ré-
server la idus petite place possible. Soucieux, avant tout, de n'a-
vancer aucun point important qui ne pût être prouvé ou fortement
appuyé par des documents positifs, nous avons recherché et re-
cueilli une très grande (luanlité de textes; nous nous sommes borné
le plus souvent à citer l'auteur ; mais, quand les documents se sont
montrés d'une importance exceptionnelle, nous avons tenu à les
rapporter textuellement. Nous avons la certitude que nos efforts se-
ront appréciés du public médical, car nous sommes heureusement
loin de cette époijue (1743) où un illustre maître en chirurgie, Mo-
rand, se croyait obligé de publier, h la honte du public médical de
son temps, un opuscule qu'il intitulait : « Discours dans lequel on
prouve (|u'il est nécessaire au chirurgien d'estre lettré, n
Dans ce présent mémoire, nous nous bornerons à étudier chez les
Gt'ccs la médecine publique dans l'ordre civil. "
Dés la plus haute antiquité, les médecins ont considéré comme un
devoir professionnel de donner aux pauvres leurs soins gratuits :
c'est dire que les médecins grecs n'ont pas failli à cette obligation.
Si llippocrate, — et M. Briau le lui reproche amèrement (i), — n'a
pas mentionné dans le Serment cette nécessité morale pour le méde-
cin de dispenser gratuitement ses secours aux indigents, il ne fuit
(1) Briau, l'Assistance médicale chez les Romains, p. 101.
10-i REVUF. ARCIIÉOLOGIOUK.
voir I.i qu'uno omis.'iion ; cnr. dans le livre des Préceptes {\)^ voici
ce <iue (lil expressément le Tére de la médecine :
(( Je recommande de ne pas pousser trop loin l'âprelé. et d'avoir
égard à la ft)rluiie el aux ressources; parfois même vous (Intinercz
des soins graluilemenl (zfoTxot).... S'il y a lieu de secourir un homme
étranger el pauvre, c'est sui tout le cas d'intervenir ; car 1;\ où e?l
Tamour des hommes {oO.Wt:MrÂr\) est aussi l'amour de l'art. »
Dans toute l'anliquilé preciiue on retrouve la preuve ipie ces nobles
préceptes ont été constamment et rigoureusement observés ; et jus-
(ju'à la fin du w" siècle après J.-C. dans lesduivres de Lii)nnius (2),
le dernier défenseur du pa.^anisme e\pir;inl, il est f.iit mention de
CCS nombreux médecins qui, bien loin a de se faire payer leurs
soins, vcnnieni, de leurs deniers, au secours de l'indigence. »
Si donc la nécessité de fournir les secours médicaux h tous, en
tenant compte des ressources de chacun, s'était imposée à l'esprit
des hommes (jui ont pour mission de soigner les plaies du corps, on
pense bien (lu'ellc dut solliciler également l'attention des législa-
teurs, qui ont pour tâche de guérir les plaies des sociétés ; ceux-ci,
en outre, comprenant qu'il ne fallait pas laisser à l'initiative indivi-
duelle le soin de pourvoii à un besoin social, el habiles à mettre en
œuvre tout ce qui pouvait contribuer au bien du peuple qu'ils s'é-
taient donné la mission de régir, songèrent à utiliser, dans rintérôt
général, le bon vouloir des médecins, et créèrent des dispositions
législatives destinées à assurer le service de la médecine publique.
Suivant Diodore de Sicile (3) c'est Charondas qui, le premier, à
Thurium, promulgua une loi d'après la(iuelle les malades seraient
désormais soignés « aux frais publics » :
or,[xoau;) aicOô) (j(/ est publica morccde) toÙ; voaouvTaî TÔiv ISiwtwv
Ozo i«Tpwv ôepa'KtûeaOai
Sans douti', biodoie, qui écrivait au temps de César et d'Auguste,
a commis ici une erreur en désignant la ville de Thurium, en Lu-
canie, comme la cilé dans laquelle Charondas a promulgué colle loi,
par la raison que Charondas vivail plus d'un siècle avant la funda-
iion de Thurium (413 ou 444 av. J.-C). Mais, quccc soil à Thurium
(1) Hipp., <!-d. I.ifiri'-, t. 1\, Préceptes, % 6.
':) Libaoius, Prœl. oral., clc, Mord Inlorp., PaU^ ICOO, iii fol., t. 1,52 et 52 p.
{. onim. loc. /.ït' laTpo'j çaç,ii.a*C(jj;).
i^) Diod. Sic, lib. XII. cap. mii, S û-
LA MKDKCINr; PUBMQIIK DANS l'ANTIQLITK GRECQUR. 105
OU dans toute autre cité (Calaiic ' HtiO},Mum?) de Sicile ou de Crande
Grùce que eette loi ait été promulguée, il nous paraît indubitable
qu'elle l'a été par Charondas, que l'on s'accorde généralement à
faire vivre vers lîOO avant J.-C, ce (|iii fait reuionlcr très haut, on
le voit, riu.^lilulion de la médecine pul)li(iue.
On comprend avec quel empressement cette institution dut être
accueillie, si l'on songe au triste spectacle que devaient iirésenlcr
les malades pauvres des eités, exposant sur les places publiiiues ou
dans les carrefours leurs maux et leurs plaies (1), ou bien, entassés
dans les temples, demandant à la fourberie des promesses fallacieuses
de guérison et des remèdes dérisoires (2) ; et c'est pour<iuoi, dési-
reuses d'obéir aux prescriptions d'une loi (jui répondait à un besoin
si urgent, les cités grecques se pourvurent chacune d'un médecin
qui prit le nom de mcdecin publie, le choix de ce médecin, comme
nous l'apprend le passage suivant de Xénophon (3), étant d'ailleurs
laissé à la libre et entière disposition de la cité. Voici ce passage,
dans lequel on remarquera que Cyrus parle du service de santé dans
les villes grecques comme d'une institution sinon assez récente, du
moins assez importante pour attirer l'attention et défrayer les con-
versations:
àxouwv xai opwv Hxi.... TtoXei; aï ypv^J^ouffai uyiaîvEiv larcoy; aipouv-
xai.
« Entendant dire et voyant que .... les cités (grecques) qui
veulent être en bonne santé se choisissent des médecins.... »
Si la ville avait effectivement le droit de choisir son médecin
public, ce choix suppose nécessairement qu'il se présentait un cer-
tain nombre de candidats à cet emploi, et le passage suivant de
Xénophon (4), passage où Socrate se montre si linement satirique,
nous prouve qu'en effet les candidats étaient nombreux, et pronon-
çaient, pour soutenir leur candidature, ces discours qu'on appelle
de nos jours des «professions de foi » et dont voici un spécimen
plein d'ironie :
(1) Strabon, Geogr., lib. III et lib. XVI ; Plutarque, dans son opuscule : S'U est
vrai qu'il faille mener une vie cachée, cliap. ii, etc.
(2) A. Gauthier, Recherches hist. sur l'exerc. de la méd. dans les temples^ etc.,
Paris, 1844.
(3) Xen., Cyrop., lib. I, cap. ti, §15-16.
(/() Xen. , Mcmorab.y lib. IV, cap. u, § 5.
i06 REVUE AnCHÉOLOGIOUE.
v,„x. — 'Afuofftu 2' otv ouTio T:fooi[AiâCe'0«* x»^ toT; pou)vO|i,é-
voi; itap^ TT,; •Jio'Xew; iaxpixôv tfY°^ XaGeïv. 'Kutniôei'iv y' «v aÙToT; eïr) toù
Xô^ou ap/tffOai tvTîOOcv • Hap' oùSevô; |jlJv TtiôiTOTe, o àvSpïi; 'AOT,vaïot, r>iv
îaToix-);v Tr/vr,v taaOov, o05' èJ^TiTTiTa oiûâarxaXov £[Aai»Tâ) YEvtdOai xôtv larpôiv
oùSt'va • ^laTETî/.îxa «^ip ^uXarroiJUvo; où (aovov tô uaOttv ti Tiapa tcdv îaTfov,
àXXi xai tÔ ûd;ai ijL£|jLaOT,xÉvai tV f £/vT,v TaÛTT,v. "Ojjito; 0£ uoi to îaxpixbv
Epyov ooTE ■ T,nçii:o\i'x\ yhip èv &|jlTv à7roxiv5uv£Ûo)v (jLavOotV£iv.
Que l'on l'Oul liatluiro :
« Socratc. — Vu cxniJo sniililable conviendrait également à
ceux (jui (loinaivient ;i la citô do les investir dos fonctions dt; méde-
cin public ; car ils ont l'Iialiiliule i]c coninionccr ainsi loiir discours :
« Certes, ô Alhénions, je n'ai jamais appris l'art médical et n'ai ja-
« mais reclu rclio un iiK'docin pour nio servir de maître ; ma grande
(( préoccupation a toujours été, en oHet, non seulement do ne rien
a apprendre des métiecins, mais môme de ne pas paraître avoir
« appris l'art : accordoz-moi cependant l'emploi de médecin public
(( que je sollicite ; c'est à vos risques et périls que je m'elïorcerai de
<i faire mon éducation médicale. »
Après avoir entendu les discours, la cité, c'est-à-ilirc l'assemblée
du peuple, procédait à l'élection, comme le témoigne le passage sui-
vant de Platon (I), passage qui confirme d'ailleurs le précédent :
—ojx, — .... orav -£ç.i tarpwv aipÉffeo); t) t9î toXei (HjXXo^oç y) XEpi vau-
xTjYwv r, TESi aÀ/.ou rivo; orf<n'-jK)Z'(iy.'jZ sOvou;, aXXo ti 73 toO' Ô ^r,Topixo; ou
(Tua6o'jX£'JT£t ; ûr.Xov yàp, ûTi £V éxacTT) aVpEcet xbv TEyvixonaTOV StT alpeTa-
Oai »
a Socrate. — Quand il s'agira de l'élection des médecins ou
des armateurs, ou do toute autre industrie publique, est-ce (juo par
hasard il ne faudra pas alors s'en rapporter à l'orateur? Il est clair
en effet (jue, dans ces sortes d'élections, c'est le plus li;d)ile (jui doit
être élu .... »
Toi était donc le mode employé le plus liabiluellcment pour pro-
céder à la noniiiialion du médecin publie.
Cependant il y a heu de cioiro que ce nuxle électif n'était p.is
toujours pratiqué ; il est certain, eu oITot, (jue lors(ju'un médecin
(l. rial., Goffjias, CRp. X, § 645 etieq.
LA MKHRCINE PUDMOUK DANS r/ANTIQUITK r.nnCQUK. 107
périodcute {\) sï-lait fait une ,i,M-antlc rôpulalion, les cil6s riches,
ch'-siroiises (le h; posséder, s'cU'orraicnt à rcnvi, par V()l]'n\ d'un trai-
tement élevé, (le l'attirer, à elles : c'est ainsi (|ue Déiiiocède (né vers
500 av. J.-C), 'jiii est le plus ancien niùdecin public (mais non pas
le premier sans doute) dont riiisloirc fasse mention, et dont les cu-
rieuses aven turcs nous ont été conservées [)ar Hérodote (2), alla, attiré
par l'otTre de rémunérations pécuniaires élevées, successivement
exercer les fonctions de médecin public d'abord ;i Eginc pendant un
an, puis à Athènes également pendant un an, pour revenir, aptes
avoir été réduit en servitude et avoir guéri le pied de Darius, se
fixer définilivemcnt à Crolonc, sa ville natale. Mais ce sont lii, on
le comprend, des faits tout à fait exceptionnels.
Une fois élu, le médecin, jusqu'alors simple larpoç, prenait le nom
particulier de larpoç o-/i;.».oGteucov ou simplement or,aoct£'jo)v, expression
qui indi(|ue qu'il était désormais investi de fonctions publiques.
On trouve ce mot dans les Acharniens d'Aristophane (3j : le
paysan Lamachus demamie i\ Dicéopolis de le guérir d'une maladie
d'yeux, et Dicéopolis lui répond :
AXX', w 7rov)^c', oô Ôr)[ji.05t£uojv Tuy^avo).
aXXà xXôcs TTpoç Toùç IliTTaXou.
« Mais, misérable, je ne suis pas médecin public;
adresse-toi aux disciples de Pittalus. »
Remarquons ici, en passant, que Pittalus, qui désigne dans la
pièce le médecin public, est évidemment un pseudonyme. Nous ne
sommes pas éloigné de croire qu'à l'époque oîi Aristophane écrivait,
le médecin public d'Athènes s'appelait en réalité Attalus, nom que
l'on retrouve porté par des médecins dans plusieurs inscriptions
grecques (4); Aristophane, qui riait de tout et de tous, désignait
ainsi, sous un pseudonyme transparent, cet Altaleà la moquerie des
spectateurs (5).
(1) L'histoire des périodeutes serait curieuse à faire. On en retrouve en France
jusqu'à la fin du xyii"^ siècle : Octaviaude Ville, Collot, Covillard, etc., étaient pério-
deutes.
(2) Herod., lib. III, cap. cxxv-cxxxi.
(3) Aristoph., Acharn.^y. 1030 et v. 1032.
(û) Le Bas, Voy. urchM., part. V, Asie Mineure, inscr. 101 (Ephèse); inscr. 1C93
(Héracléc), etc., et les médailles.
(5) Voir encore Aristoph., Acharn.^ v. 1222, et Vcsp., v. 1/|32. Notre conjecture
sur Pittalus n'a rien qui doive surprendre; elle est fondée sur les habitudes de l'au-
408 nRVlK ARCUKOLOGIQUK.
Quoi qu'il en soit, Suiilas (1), on ilt-linissanl, d'apriVs lo Scholiaste
irArislopliane, le terme cT,;A07i£jt.)v, nous iiuli(iiie iielttMiu'nl la ua-
liiiv (les fonctions du médecin juildie : le cr^-uocivJM^ , ilil-il, c'est le
médecin nomnu'* à rélection, « ijui soigne les mnlades vn/fin/e/xc/jf »
(z;o"xa). On remarquera (|ue Suidas ne menlionnc aucune classe
pnrliculiére de malades soi^'nés et entend expressément dire « tous
les malades », de condition libre bien entendu.
Maintenant, ilonnons sur la j,M-aluité de ces soins (juehiucs expli-
cations.
Ainsi que nous le verrons plus loin, les citoyens, dans toute ville
grecque, s'associaient et s'imposaient (2) pour fournir un traitement
fixe au médecin qu'ils avaient élu ; or, c'est précisément en échanj^e
de ce traitement (jue le médecin dit public devait ses soins gratuits
à tous les citoyens. La cité obtenait donc, pai- le moyen de ce con-
trat, librement consenti, un double avantage : d'abord elle possé-
dait à demeure un médecin dûment choisi, ensuite elle assurait à
tous des secours médicaux gratuits, et cela à peu de frais, car il est
positif que les secours médicaux, comme tous les secours, sont
moins onéreux à des individus associés qu'à des individus isoles.
On pense bien que ceux (lui devaient surtout luoliter ûcs, bien-
faits de celte association étaient les citoyens peu aisés et les indi-
gents ; ce sont eux, en elTet, qui dans toute ville forment la grande
majorité des citoyens, et ce sont eux qui ont le plus besoin de la gra-
tuité des secours de l'art. L'espril (jui préside à toute association se
retrouve donc nécessairement ici, à savoir, oblenir pour les moins
aisés, à l'aide de la solidarité (prescrite ici par la loi), les secours
indispensables auxquels, en restant isolés, il leur Huidrait absolu-
ment renoncer.
tcur, et Aristoptiano sVst servi môme pour lui-mi'^nie du voilo du pseudonyme. Cîia-
cunsnit, en effet, que lu grand comi(iui' no fit pas reprtîscnler sous son propre nom
BC8 preaiières pièces ; par exemple, la comédie des Aduimiens, dont nous parlons,
fut représentée l'an 425 av. J.-C, non pas sous le nom dAristopliane, mais bien
certainement sous celui de Callistrate; mais Aristophane a grand soin de s'y dési-
gner, par les allusions les plu3 transparentes, comme le véritable auteur de la
pièce.
(!) Suidas, Lexi'-.., s. v. ôr.ixo^uOw, d'après Scito!. in Arùfo:,/t. Arharn.,
T. 1030.
(2) Les Grecs n'ont jamais liésité à donner leur argent pour assurer h leurs ma-
lades les secours médicaux ; ainsi, par exemple, Xénoplion (Anah.y lib. V, cap. v,
^ k seq.). nous dit que les Grecs, dans leur lutte contre les Perses, entrèrent, sans
exercer de violences cl en payant, dans la ville de Coîyora, pour y déposer ot y faire
soigner leurs malades.
L\ MIÎDKCI.VE PUBLIQUE DANS l'a.NTIQUITÉ GRECQUE. 109
Ainsi le médecin puhlio avait la lAolin lourde de donner ses soins
gratuits à loua les (•jU)y(!tis(i) et iiarliciilji'rement, par la force môme
des choses, aux citoyens pauvres.
Hàlons-nous de dire cependant (]ue les secours médicaux aux in-
digents, en (îrèce, étaient en iralilé moins nécessaires qu'on ne
l'imagine. Tiois institutions, coninic l'a liés bien montré M. de Gé-
rando ('2), rendaient en etîet moins urgente cette assistance, en di-
minuant le nombre même des pauvres; ces institutions étaient:
riiospitalilé, la constitution de la famille, et l'esclavage ; nous ajou-
terons une quatrième considération, tirée de l'obligation, pour
tous les citoyeris, de servir depuis l'âge de vingt ans jusqu'à
soixante ans. Que l'on songe maintenant que le peuple grec était
plein de douceur et d'humanité (3); que la Grèce, organisée en
républiques, comprenait la double nécessité politi(iuc et sociale de
l'assistance récipro(]ue; que le travail manuel n'était pas, comme il
le fut [ilus tard à Home, considéré comme servile et méprisé ; que
l'horreur de la pauvreté (4) était assez profonde pour (ju'on ait lieu
de croire que les citoyens faisaient tout pour échapper à ses dures
nécessités; qu'en Grèce enfin, comme partout, quand les pauvres
deviennent nombreux, ils constituent dans les cités une population
turbulente et dangereuse qu'il importe, pour le repos public, d'a-
moindrir en la secourant, et l'on s'expliquera à la fois et le petit
nombre habituel des indigents, et la faible importance de l'assis-
tance médicale qui en est la conséquence. On remarquera d'ailleurs
que toutes les fois qu'un auteur grec parle des pauvres, soit à
Athènes, soit ailleurs, c'est que le nombre de ces pauvres est de-
venu assez élevé pour que l'auteur juge le fait digne de mention,
et cet accroissement (|u'il signale coïncide toujours avec une situa-
tion politique anormale, irréguliére, des guerres malheureuses au
dehors, ou des dissensions intestines prolongées. C'est ainsi, par
exemple, qu'Isocrate (o) nous dit que de son temps il y avait beau-
coup de pauvres à Athènes; mais il ne faut pas oublier que le célè-
bre rhéteur athénien a assisté à la longue guerre du Péloponèse, la-
quelle s'est terminée précisément par la prise d'Athènes.
(1) L'inscription de CarpaUios^ que nous rapporterons plus loin, dit positivement
TîâvTa;, tous.
(2) De la bienfaisance publique, tome IV, p. 271.
(3) Plut., Pelop. ; id., etc.
(4) Tyrtée, 2c chaut guerr., in Poeiœ tninor. (jrwc.
(5) Isocrat., Orat. areopa'jit.
110 REVUi: ARCHÉOLOGIQUE.
Nous n'i^^norons pns qu'on a voulu (1), pour rherclicr fi prouver
tju'cn (irùce U's sorours médicaux faisaitnl défaut aux indit^onts,
tiror parti d'un passage où Platon (2) déclare que, lorsqu'un artisan
est allciul d'uiUMleces iiialailics (jni lie peuvent },'uéiir que lente-
ment, comme il ne peut plus vaquer ù son travail, il est plus avan-
tageux pour lui de moui ii' ; mais il faut bien comprendre ce passage :
Platon soutient que, dans tout état bien policé, cliaiiue citoyen, ricbe
ou pauvre, ayant une lâche à remplir, personne n'a le loisir de
passer sa vie à être malade, et il ajoute : c'est pourquoi l'artisan,
dont le devoir est de travailler, et qui se voit obligé de se faire soi-
gner pendant longtemps et de renoneor à son labeur, perd par là
tout intérCl à vivre ; c'est pounjuoi encore le riche, dont le devoir
est de pratiquer la vertu, doit trouver la vie insupjiorlable dés r|ue,
pur rclïel d'une longue maladie, il cesse de pouvoir exticersa lucn-
faisance. On voit que Platon veut ainsi exprimer énergiquement la
nécessiié impérieuse pour tous d'accomplir le devoir, — pour le
pauvre, de vafjuer à son travail, — pour le riche, de pratiquer la
vertu.
Voilà, dans ce passage, ce qu'a voulu montrer Platon, rien de plus ;
essayer d'en tirer autre chose serait non seulement méconnaître la
véritable pensée de l'auteur, mais encore échafauder sur une in-
terprétation inexacte une hypothèse que tout vient démentir; et
c'est pourquoi, appuyé sur toutes les considérations (|ui précèdent
et fort de toutes celles qui vont suivre, nous reconnaîtrons que le
législateur, en créant la médecine puliliquc en Grèce, a véritable-
ment organisé une assistance médicale parfaite.
Il convient maintenant de montrer quels moyens la ville mettait
à la disposition du médecin public pour lui permettre l'accomplis-
semeul de sa mission.
D' A. Vercoutre,
{La suite procfiainement.)
(1) A. GauUiier, op. cil., p. 237.
{-2} l'iat., De dvil., lib. III.
LETTRE iV M. I.E DIRECTEUR DE L.\ REVUE
Je viens de lire avec une très tjrande allcnlion, d;ins le numéro
de décembre, l'article de M. d'Arbois de Jubaiuville sur les Druides
sous l'empire romain; mais je n'aperçois pas nettement sur quel
point il est en désaccord avec moi. J'avais combattu l'opinion sui-
vant laquelle la religion gauloise aurait été absolument interdite par
les Romains et ses sectateurs punis de mort; M. d'Arbois ne défend
pas celte opinion. J'avais montré ce que l'autorité romaine a enlevé
au druidisme; M. d'Arbois ne montre pas qu'elle lui ait enlevé
davantage. Est-ce le mot persécution qui nous divise? Il y a, en
effet, des persécutions de plusieurs sortes. C'est précisément parce
que le terme est trop vague et trop dilatable que je m'étais eiïorcé
de déterminer en quoi les Druides ont été persécutés et en quoi ils
ne l'ont pas été. Ils l'ont été en deux cboses : \" on a interdit abso-
lument leurs pratiques sanguinaires; 2° on a supprimé leur organi-
sation liiérarcbique. Mais ils ne l'ont pas été en ce sens que : 1° on
n'a pas interdit le culte de leurs divinités ; 2° on n'a pas fait violence
à leurs personnes, ni puni de mort ceux qui leur restaient fidèles,
ni proscrit le nom de Druide. Telles sont mes quatre propositions;
M. d'Arbois n'en conteste aucune.
Il y ajoute, il est vrai, deux propositions nouvelles que je n'ose
pas partager : l'une, que César se serait appuyé sur le clergé gaulois
qu'il avait su détacber de la cause nationale; l'autre, qu'à partir
de Tibère les Druides se seraient cachés par crainte de l'autorité
romaine. Mais sur quels textes ces deux assertions sont-elles
fondées ?
De la première, M. d'Arbois ne donne aucune autre raison si ce
n'est que l'Éduen Divitiac était l'ami de César. Mais, de ce qu'un
Druide était partisan des Romains, conclurons-nous que tous les
Druides étaient partisans des Romains? Qu'était-ce d'ailleurs que ce
Divitiac? César parle de lui treize fois, sans nous dire une seule fois
qu'il fût un Druide. Il le montre tour à tour chef d'£tal ;l, 3; I, 18),
ambassadeur à l'étranger (VI, 12), chef d'armée et commandant de
1J2 I\F.VLT. ARCHEOLOGIQUb:.
troupes tVluennos (II, 5, 10, 4-4). pnMro jamais. Nous ipnonMions
qu'il fùl un Druide si Cict^ron ne nous disait dans le De du nuitiune
(|u'il a connu un Druide nommé Diviliac. (jn'il s'apisse du nit^me
personnage, je ne le mels guère en doute; j'ailincls donc que l'ami
de C.ùsar fut un Druide, (luoique (^ùsar ne paraisse pas s'en ôtre
aperçu; mais faire de cet homme le type du druidisme cl juger
tous les Druides d'après lui me parait téméraire. Je serais plutôt
porté à croire que Divitiac n'était druide que comme César était
pontife.
M. d'Arliois dit encore que César comi)i;iil sur l'appui du clergé
gaulois pour empêcher les Ivluens de se joindre à Vercingétorix. Il
y a ici une interprétation au moins exagérée d'une lignede César
(VU, 33). César indique qu'il était de règle chez les Kduens, more
chitatis^ que les comices électoraux fussent tenus en préhcnce et
avec l'intervenlion des prêtres, per sacerdotes (comparez les assem-
blées des Cermains, dans Tacite, Genn., II). De ce que César,
appelé à se prononcer entre deux concurrents qui, tous deux, pré-
tendaient avoir été légalement élus, legibus creatos, se décide pour
celui dont les comices ont été tenus suivant toutes les régies, per
sacerdoles, intennissis mayistratibus, il ne suit nullement (juc César
ait cherché l'appui politique du clergé. Dans aucun endroit de ses
Cotnmentaires il n'exprime celte pensée. Pour croire que les Druides
eussent joué ee rôle d'amis de Home, je voudrais que César nous
l'eût dit quelque part ou que nous en eussions quelque indice;
autrement c'est une pure conjecture.
Pour sa seconde assertion, à savoir que les Druides à partir de
Tibère étaient réduits a se cacher, M. d'Arbois croit pouvoir la tirer
de deux textes de Pomponius iMéla et de Lucain. Mais aucun de ces
écrivains ne dit cela. Mêla dit simplement que les Druides donnent
un enseignement mystérieux et qui dure longtemps, dam et dm
vicenis aunis; ils tiennent leurs écoles dans des cavernes («u dans de
sombres forêts. Ur il peut y avoir plus d'une raison pour qu'un
clergé tienne à de telles pratiques; le géographe latin ne se prononce
pas entre ces raisons ; mais M. d'Arbois se hâte de se prononcer et
déclare (|ue, si les Druides tiennent leurs écoles dans les iorôls, c'est
par crainte de l'autorité romaine ; et il ajoute, ce (jue Mêla ne dit
nullement, qu'ils n'ont pris celte habitude qu'à partir du régne de
Tibère. Lin revanche, il retranche de la phrase latine un détail
caractéristique; cesoi\i\t'^ mo[i> docent nobilissimos jentis. Sur ijuoi
nous ferons deux remarques : d'abord, si cet enseignement se donne
aux lils des plus grandes familles, il est diflicile de croire que ce
LETTRE A M. LK DIFlECTEUn DE LV I.EVUE. H3
soit un enseignement qui se dissimule et se dérobe; ensuite, comme
nous savons que, à partir d'AugusIe, les grandes familles gauloises
toarnaient les yeux vers Home et (prelles envoyaient leurs enfanis
aux écoles latines d'Augu^todunum (Tacile, Aim., Ill, 43), nous
devons croire (jue Mêla a jjuisé son information à des sources anté-
rieures et que l'enseignement des Druides dont il parle esi l'ensei-
gnement d'avant la conquête (Cf. César, VI, i'.i).
Le texte de Lucain il, -453) n'est pas plus d'accord que celui de
Mêla avec l'assertion de M. d'Arbois. Le poète dit que les Druides
a habitent les retraites profou'ies des forêts sacrées » , nrmora alla
remotis incoUlis litcis. Mais habiter les bois n'est pas la même chose
que se cacher dans les bols comme des proscrits. Lucain, qui, d'ail-
leurs, parle des Druides d'avant la domination romaine, veut simple-
ment signaler leur vénération pour les forêts, et il exprime la même
pensée sous une autre forme au vers 445 du livre III. Prétendre que
les Druides fussent poursuivis, traqués, réduits à se cacher, c'est- faire
dire à Pomponius Mêla et i Lucain tout autre chose que ce qu'ils ont
dit.
Je ne puis donc pas admettre comme vérités hisloriques les deux
propositions qu'a exprimées M. d'Arbois, et je conserve mon doute
jusqu'à ce qu'il se rencontre un texte qui les autorise. La petite
discussion que je me suis permise ici n'est pas, d'ailleurs, dénature
à porter atteinte à la grande autorité de cellisant que je reconnais à
M. d'Arbois de Jubainville. Ses travaux m'ont beaucoup appris. Il
est un des trois ou quatre hommes de France qui ont ramené les
étude? celtiques dans la bonne voie, dans la voie de la science.
Aussi suis-jebeureux de croire que, au fond, sauf peut-être quelque
imperceptible nuance, mon opinion sur la question d'aujourd'hui
est d'accord avec la sienne. J'ai dit que l'autorité romaine a interdit
au druidisrae ses pratiques terribles; qu'elle lui a enlevé son orga-
nisation puissante, sa hiérarchie et son pouvoir judiciaire; que les
Druides n'ont plus duré que comme de vulgaires sorciers et des vé-
térinaires; qu'enfin, dans les siècles suivants, si le nom de Druide
subsiste, le druidisme n'est plus. J'ajoute seulement que, comme
les textes n'indiquent jamais une persécution violente ni une pros-
cription de personnes, j'incline à croire que c"e.>t surtout la trans-
formation sociale et les changements de l'esprit gaulois qui ont tué
le druidisme.
Agréez, etc. Fustel de Coulanges.
XXXIX
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS DE JANVIEn.
Une lettre de M. Mariette annonce qu'à son arrivée en Egypte il a
Irouvt' levés tous les obstacles qu'il redoutait. L'intervention officieuse
de l'Académie a eu cerlaiueuienl une grande part dans cet heureux
résultat. Les fouilles continueront donc, au grand profit de la science, cl
conforniémont au progiamme si bien tracé par M. Mariette, dans la der-
nière séance publique de l'Académie.
M. le baron de ^^ilte lit un mémoire tendant à expliquer le sujet d'un
groupe gravé sur un miroir étrusque, récommcnl découvert i\ Corlone.
Un cavalier nu, sauf un pan d'éloiVe qui, attaché aux reins, Hotte au
vent, semlile pousser son ciieval en avant. On dirait même que le cheval
se dresse pour sauter. Dorriére le cheval est un danpliiu. Houx inscrip-
tions en caractères étrusques donnent les deux noms de IIKIIKLK (Her-
cule) et PAkSTL (Pégase). Il semble qu'il n'y ait rien là d'obscur. Mais
nous ne connaissons aucun trait de la vie d'ilercule justifiant une sem-
blable représentation. Par une ingénieuse conjecture, qui a reçu l'appro-
bation de M. de Longpérier, M. de M'itte propose de voir dans le cavalier
non Hercule, mais Mélicerte se])récipitant dans les Ilots conformément au
récit des mvlbo^raphes grecs. On iaitquele nom grec d'Hercule, Ilcrarlés,
n'est autre que le nom do itj t/A-n-^/i retourné, tel que les (uecs le tirèrent
de la lecture des inscriptions pliéniciennes lues degaucbe à droitesuivant
leur coutume. [Diana n'est de mOme que la transcription à rebours du
nom de la déesse Ayuut ou Anaid.) L'ariisle étrusque rencontrant dans
une légende pbénicienne, qu'il copiait, le nom de Mcichrrt, si voisin do
celui de Mclkarl, 1 aurn confondu avec ce dernier et transcrit suivant
l'usage étrusque >ous la forme de llercle.
.M. le docteur Lagneau présente à l'Académie le projet d'une Carte
ithnijfjraphi'juc de la France, dressée d'après les données combinées de
l'histoire et de l'anlhiopologie. Cette carie met en lumière la répaitilion
des dilférentes couclies de populations qui ont concouru à la Ibrmation
delà population actuelle. On y distinguo notlomenl. ;\ l'aide de couleurs
variées, les éléments Ibcrcs, Lvjurcs, Celtes, Cuilatoiirhics. M. Lagneau
montre, sur ces divers points, l'acconl de l'aiitliropulogie et de l'histoire.
M. (iaslon Paris continue la lecture de .-ou élude pliilologiquc sui la
formalion des langues romanes.
M. Krnest Desjardins communique un mémoire de M. Tissot sur la
vallée de la MctjurUa (Tunisie), qui est le Uayrada des anciens. A. B.
NOUVIÎLLES AÎICIIÉOLOGIQUES
ET CORRESPONDANCE
D'après les renseignements que nous avons obtenus du déparie-
ment des Antiques, les principales antiquités grecques et romaines
entrées au Musée du Louvre, dans le courant de l'année 1870, sont les
suivantes :
Siéle allique en marbre, de beau style, représentant une ïcène de
famille, avec l'inscription : <I)AlMnnOi: nOWîENOYMMISAPEÏH
:i:iiKPATOYX MNH2 APETIII... 02T... TOV.
Ueuv autres stèles grecques en marbre.
Une série de blocs de marbre, représentant par leur assemblage l'avant
d'une galère antique et formant la base de la Victoire de Samothrace ;
rapportés par M. Cbampoiseau, consul de France, avec le concours des
Ministères des beaux-arts et de la marine.
Plusieurs fragments d'architecture antique en marbre et en pierre
calcaire, provenant de la mission de MM. Ueville et Coquart à Samo-
thrace ; envoi du Ministère des afTaires étrangères.
Un torse en pierre, de style archaïque gréco-cypriote et de travail très
fin; don de M. Trabaud, de Marseille.
Miroir trouvé eu Grèce, décoré des figures d'Aphrodite et d'Éros gra-
vées au trait, et, sur le revers, d'une belle tèled'Ariadne en applique,
représentée de trois quarts (bronze).
Victoire tenant une couronne (petit bronze).
Isis tenant la situîa (petit bronze).
Débris de colliers en verre et en or, de travail très ancien (Grèce).
Vases de Rhodes. — Très ancien vase en forme de cornet.
— Œnocboé à imbrications et à zones d'animaux.
— Deux coupes archaïques de Camiros.
— Plusieurs autres vases, dont un représentant Ulysse chez Polyphème.
Vases d'Athènes. — • Deux lékythes à fond blanc, l'un de grande pro-
portion et d'une conservation exceptionnelle, représentant des scènes
funéraires.
— Œnochoé à figures rouges : Athéné et un enfant sur une colonne;
style attique très fin.
1 IG nKVlF. Anr.IlKOLOGIQl'K.
Vasef archiilqius à figures noires. — Proclioos ;\ fond blunchûlre :
Fuite dÉiuV.
— Likyiho ;\ fond l.lanch.llrc : Tydi-e cl Ismènc.
— DiMix coiipps ;\ snjtMs hachiqiu's.
— l'iusiouis tasses, dont une porte lo nom du potier Théûiotos.
— Deux amphorisqucs : divinités, quadrige.
— OEnochoé : so(>nc d'allelage.
Viiscs à fiijures rouijcs. — La célCîbro coupe de la co!i( clion Paravey,
représentant l'Aurore et Mcmnon, avec les noms du potier Callhuics et du
peintre Douris.
— Plateau icpr(''scnlanl une Amazone, avec le nom du potier Kkukhry-
lion.
- Coupe grecque : cavalier en vi'detle.
— 1(1. : sci-nes éplu'hiqucs.
— II). : armement de guerriers.
— Id. : scènes de palestre.
— Id. : Œdipe cl le Sphinx.
— Id. : figure d'Ilcrmùs.
— Stamnos : Zeus contie lejounc Hacchus aux Hyadcs,
— Id. : la Dispute du trépied ; Persée et la Gorgone.
— OKnochoé, fine : scène de sacrifice.
— Autre œnochoé : Bacchus et Ariadne ; belles palmettes.
— Cliarmante œnochoé, à bec dressé : Adrasle et Ériphyle.
— Amphore : Mort d'Orphée.
— Hydrie : Ulysse et Nausicaa.
— Guttus : Bellérophon et la Chimère.
— Palère noire, de style romain, avec des vaisseaux en relief et la
signature de Canoleios.
— Un fragment du mûme style et avec le mûme nom (don de M. J. do
Wille).
Terres cuites. — Casque en terre cuite, orné de figures en relief
(Italie).
— Groupe de trois danseuses (Chypre).
— Plaque avec tûte archaïque en relief (Tanagre).
— Déesse archaïque assise (Tanagre).
— Déméter archaïque assise (Tégée).
— Démêler et Coré (Tégée).
— Déméter debout (Kleusis).
— Groupe d'une femme et d'une petite fille (Béolie).
— Perséphone portant le petit lacchos.
— Knfanl grotesque (lUiodes).
— Acteur comique (Grèce).
— tnfunl sur une oie (Tanagre).
— Deux Amours dans un char (Tanagre).
— Tétc voilée de Kilion (Chypre).
NOUVELLES ARCHÉOLOP.IQUES. H7
— Guerrier comique sur un dauphin (Tanagre); don de M, Bellon, de
Rouen.
— Deux danseuses et une bacchante.
— Vase en forme de pied chaussé.
— Lampe chrélienne à inscription.
Nous empruntons au Journal de Genève, n" du i:t janvier 1880, la
correspondance suivante :
« La Vénus do Nimcs. — Il vu y avoir désormais dans le monde artis-
tique une « Vénus de ÏNîmes », comme il y a déjà la Vénus d'Arles et
celle de Florence. Je viens do passer une demi-heure devant ce marbre
antique ; el, tout profane que je suis sous ce rapport, je n'en ai pas
moins été sous le charme.
« La restauration de cotle œuvre d'art est à peu prés complète, et elle
fait le plus grand honneur à M. Aurés, ingénieur du département, un
véritable artiste, qui a du reste fait ses preuves depuis longtemps en
reconstituant une foule d'inscriptions lapidaires, dont les débris ont été
trouvés dans notre ville ou dans les environs. Mais que de peines, que
de tâtonnements celte restauration n'a-t-elle point coûtés!
« La trouvaille a été faite, il y a cinq ou six ans, par des terrassiers
qui creusaient une tranchée pour le rétablissement d'une conduite dans
la rue Pavée, qui est aujourd'hui en dehors de nos boulevards, mais qui,
sous la période impériale, était le centre de la cité némausicnne. Leur
pic a heurté, à dt'ux mètres environ de profondeur, un amas de frag-
ments de marbre blanc, d'apparence informe, recouvert d'une couche
épaisse de calcaire presque aussi dur que la pierre. Bien que ces frag-
ments fussent au nombre de cent trois, il en a manqué beaucoup à
l'appel quand il s'est agi de les juxtaposer et de refaire la statue. Du
bras droit, par exemple, on n'a retrouvé que l'attache de la main; la
partie de la figure comprise entre le nez et le bas du front manque aussi.
Bien d'autres fragments ont été aussi vainement cherchés dans le sol. Les
plus gros, heureusement, très bien conservés, comme la poitrine, une
partie du torse, une draperie enveloppant le bas des reins et le haut des
jambes qui a préservé de mutilation le bas des jambes et les pieds, ont
servi de points de repère ; et, gr.lce à beaucoup de patience et d'érudi-
tion, la statue est aujourd'hui à peu près telle qu'elle était, il y a seize ou
dix-sept sièclgs, dans quelque atrium de maison romaine.
<r Le bras droit seul n'est pas encore restauré , et il sera difficile sans
doute d'en retrouver la pose exacte. On voit seulement qu'il devait se
replier mollement sur la poitrine, car le sein droit est légèrement com-
primé. Sauf ce détail, la restauration est si bien réussie qu'il faut y
regarder de bien près pour distinguer l'œuvre moderne de l'œuvre
ancienne.
« La statue est debout. Elle a l°,3:i de hauteur; quinze centimètres
de moins que la Vénus de Médicis. C'est une belle jeune fille, au type
plutôt grec que romain; elle est nue jusqu'au bas du torse, qui est d'une
lis nKVlTK. AUniIKOLOGIQUR.
prancip purotiî plasiiquo : le \nt\'> gaucho, qui est inlncl, u la position
classique do toutes les Vi'inis qu'on ni>pe]le pudiques. I.u main, dont les
doigts «'inU^s sont ilu meilleur stylo, serre autour des Imnelics cl relève
en m^me temps une lourde draperie qui est di^cidémonl la seule partie
dércctuouse de retio œiivre aiiiiqiie; ce doit i^lrc un ajiprenli, et non
l'nrtislo liii-m^'me, qui a tenu le eiscau à cet endroit. La draperie, sou-
levée, laisse voir les pieds et le bis des jainbe'^, qui sont d'un travail
exquis. La t(?te et le liaul du corps sont un pu inllécliis en avant et du
cftté gauche. Les cheveux, enroulés en baudiaux autour des tempes, go
reli''vent sur le sommet pour retomber librement sur les épaules en deux
nattes soyeuses. La bouche, dont les coins sont finement rclevc's, semble
esquisser un sourire.
« L'œuvre, en un mot, est charmante ol dune rare élégance ; el si
elle n'est pas de la grande époque, ti elle ne peut remiuiler plus haut
que le n' ou m" siècle après l'ère chrélicnnc, elle a pourtant une valeur
incontoï^tablo, et les futurs guides des voyageurs ne manqueront pas do
l'inscrire parmi les aniiquilés nimoises à visiter, ù côté des Arènes, do la
Mai>on carrée et du Temple de Diane.
« Elle n'est pas encore livrée à la curiosité, je veux dire à radujiralion
du pul lie; mais elle va être bientôt placée dans le musée lapidaire, au
rez-de-chaussée de la nou\ellc bibliolhèque publique, où clic occupera
sans doute la place, d'honneur. •>
Bulletin de curreupond'Vice hellénique, 3* année, n" S ;
Ce cahier termine la troisième année du Bulletin fondé par M. Albert
Dûment, que M. Foucart a continué A publier avec le concours actif el
dévoué des membres actuels et des anciens membres de l'Kcole, aux-
quels viennent se joindre quelques savants français et crées; parmi ces
derniers, nous reniarquons M. Mylonas. qui, depuis la création du lUille-
tin, n'a jamais cessé de lui apporter des communications intéressantes.
L'épigraphic domine ; l'archéologie figurée et la philologie proprement
dite ne sont pourtant p;is ouliliées. On en jugera d'après le sonunaire de
ce numéro; la proportion des diiïérenles matières y cs-t i peu près la
même que dans le- autres cahiers de l'année :
t. Th. Homolle, Décrets athéniens des anriées 369 et 303. — 2. L. Du-
chcsne. Sur deux nlles de la Phryoie pncatiniuc. — 3. 0. Ravel, Jrjscnp-
tion mitrique d'At^tt/palin. — 4. Hauvelte-Hcsnault, rnUrc^ses d'Aihéné
Poliade, antérieures au \" siècl(> de noire ère. — ii. 0. Hiemann. Notes
svr riirth'i'jraphr aitiquc. — 0. C. Mylonas, Mélanges arrhi^oli ijiques. —
7. P. Foucart, Décrets d'un thiase d' Aphrodite. — 8. Homolle, Sculptures
décoralivcs provenant des frontons d'un temple (avec trois planches en
pholotypie). — Faits cl nouvelles.
llullitin lie correspnndanrr helli'ni(iue, 't" annî'i', w" I :
I*. Foucart, Insiriptionsd'Orrhovune. Pièces relatives à un prêt fait p.ir
une femme de Thespies à la ville d'Orchomèuo. (Très intéressant pour
l'histoire du contrat de prêt chez les (irecs. Commentaire excellent;
NOUVELLES ARCIIKOLOGIQURS. 110
mais M. Foucart aurait peul-CIrc mieux fait do nn pas employer dans sa
traduction lo. mol billet à ordre pour TJvypa[A|xa. LosGrccs n'ont pas connu
la clause à ordre.) — C. Papjiarigopoulo, Lettre d'Alexia I'' Commimc à
Robert l", comte de Flandre. — Th. Honiollf, Sur (juel'jnes monuments
figurés, trouvés à Délos. — E. Muret, Arislotimos, tyran des Éléens. —
E. Potlier et Am. Hauvetle-ncsnault, Décret des Abdéritains, trouvé à
Tcos. — C. Mylonas, Bas-rclicf fanèhre de VAttiqne. (PI. I et V. La
planche V fera l'objet d'un prochain article.) — Nouvelles et correspon-
dance : P. (lirard, Inscriptions de Salonique. — 0. Uayet, Inscriptions de
Pagœ. — C Mylonas, Inscriptions de Pai-os.
Bulletin de la Commission archéologique communale de Rome,
T anni^e, n» 2 :
C. L. Visconti, De deux sceaux de plomb portant des lettres; appendice à
l'article pn^ci'dcnt. — C. L. Visconti, D'une statue de Faune provenant du
jardin des Laniia (pi. .XXII). — 0. Marucchi, li'une statuette rare qu\ repré-
sente la bonaDca (pi. XXIll). — Liste des objets d'art antiques découverts
par les soins de la Commission archéologique communale, du i*-' jan-
vier au 31 décembre 1870, et conservés au Capitole et dans les magasins
communaux'.
'AOr'va'ov, revue mensuelle ; Athènes, 8° année, n° 4 :
Ce numéro de l'excellent recueil que dirigent MM. Koumanoudis et
Kastorchis est particulièrement intéressant ; il confient les articles sui-
vants : — Observations critiques et interprétatives sur Michel Pscllus (c'est
la suite des notes par lesquelles M. Panlasidis explique certains passages
d'un texte que M. Sathas a publié en 1874). — Margaritis Dimilsas, Étude
critique destinée à démontrer que Thessalonique et Thermé sont deux villes
distinctes, dont l'emplacement n'était pas le même. — Komnenos, Observa"
lions archéologicpies (cherche à fixer le site du temple de Poséidon Hippios,
à Mantinée\ — Protodicos, Particularités de la langue grecque moderne
(mots curieux, bien choisis et bien étudiés). — Koumanoudis, Inscrip-
tions inédites del'Attique (plusieurs inscriptions en l'honneur de Zcùç
u.îiki/ioq, deux ocot, d^s listes de biens vendues, un décret des orgéons,
un décret d'un Ihiose d'Aphrodite). — Gladstone (traduction), Les cpithctes
du mouvement dajis Homère.
Bulletin de l'Institut de correspondance archéologique, n° XII, décem-
bre 1879 :
A. Pellegrini, Découverte d'un reste du portique de Mimicius, à Rome,
prés de la place Montanara. — A. Mau, Fouilles de Pompci (suite). —
Table.
Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, ii° 4.
Ce cahier, qui termine la première année de ce recueil, contient les
articles suivants :
Dabas, De la Fatalité antique. — CoUignon, Note sur les cérémonies
funèbres en Atticjue. — Froment, Les leço7xs publicjues à Bome au XVI'
siècle. — A. Benoist, Des anacoluthes et de la phrase poctir^ue dans Bcgnicr.
120 REVTE ARCHÉOLOGIQDB.
— De TrtWorrct, Lamartine et lord Dyroti. — Combes, Corre$}Wudance de
Louis XI Y et delà lUpubliquc helvétique au sujet de l'Alsace et de la
Fratxche-Comtt'. — A. l.uchaire, La question navarraise an commencement
du règne de François l'' (lolIi-KilO), suite. — Communications : K. Kgger,
Question de propriété littéraire; les Economiques dWristotcctde Théophruste.
— Alficd Croisct, hhytmes et mètres selon Quintilicn. — Cli. Tliurot, Uc
l'orthojraphe française au XVI* siècle.
L'article de M. CoUignon est un très inliîressanl commentaire, par les
monumenis figurés, de dispositions li'gislativcs connues par une loi de
Solon rapportée dans Déraosthéne et par une inscription d'Iulis, dans
l'Ile de Ccos.
Dans une noie publiée dans les Actes de l'Académie de Turin (vol. XV
séance du 21 décembre 1871»), sous le litre « Di una moneta di oro altri-
buita ai Volsiniesi », M. Ariodante Fabretti traite d'une pièce rare dont
M. Ferdinand lîompois a récemment entretenu les lecltnirs de la Revue
archéologique {XXXVIIl, G7). Après un examen attentif des deux exem-
plaires du musée de Florence, M. Fabretti a reconnu que la légende avait
été mal lue. Au lieu de velzpapi, il faut lire velznani, le nom du peuple
qui a frappé la monnaie (Volsiniani).
Nous trouvons dans les numéros de novembre et de décembre du
napvacao; les articles suivants, qui nous paraissent, par leur contenu, de
nature à intéresser nos lecteurs :
F. Dragoumis, Discours sur l'activité du syllogue pendant le temp» de
sa présidence. — K. Papparigopoulos, Discours d'ouverture prononcé à
l'Université, le 2b octobre IHTO. — K. S. Kondos, Ûbservalions philolo-
giques (suite); Surla Macédoine; La langue, rmeurs et usages. — Nouvelles :
L'École allemande. Séances du syllogue. — S. Rouzé, Du second Congrès
international d'ethnologie à Stockholm. — A Miliarakis, D'une aticienne tour
de l'ile d'Andros. — Ath. Petridis. Ithôme et Messène (suite); 5. Les inscrip-
tions consenécs ; 0. Le monastère de Volcanos. — Séances du syllogue Par-
nassos. — Mélanges : Souvenir d'une source de pétrole dans Plntarquc. Frag-
ments inédits d'Euripide. Manuscrit de Sapho. ManuscrU d'isocrate. Fables
inédites de Balrius.
Parmi les Nouvelles, nous remarquons les renseignements donnés sur
un cimetière du vu' tiècle avant notre ère, qui vient d'être reconnu à
Parcs, et l'annonce de la découverte d'une grande in.-cription grec(|ue,
de cent douze lignes et du W siècle avant J.-C, qui aurait été trouvée
dans la K^ls^ie méridionale sur remplacement de l'ancienne ville de Cher-
soMCSos. Flic dimnerait des drtails circonstanciés sur les luttes soutenues
par les Grecs de la colonie contre lis Scylbcs.
BIBLIOGRAPHIE
L'Egypte, Alexandrie et le Caire, par GEoncES EnKns; traduction par
Gastun Masi'Euo, professeur au Collèj^e de France. Paris, Didot, 1 vol. grand
in-40.
Si M. Kbcrs n'i'lait qu'un voyageur comme tant d'autres, s'il s'rlait
borné à décrire l'Egypte moderne et à nous l'iiirc part de ses impressions,
la lievuc n'aurait pas songé à cnirelcnir ses lecteurs de ce beau volume;
elle serait restée insensible au talent de l'auteur, dont l'excellenle tra-
duction de M. Maspéro permet d'app.iécier toute la distinction, au luxe
de l'impression et du papier, à la richesse de l'illuslration, qui comprend
plusieurs ceniaines de gravures de toute dimension. Ce qui nous décide
i sortir de celle réserve et à signaler cet ouvrage, c'est que M. Ebers
occupe une place à part dans les études qui se rattachent à l'histoire de
l'antique Orient. Savant égyplologue, il enseigne dans une grande uni-
versité allemande la science fondée par Champollion ; voyageur intré-
pide avant que sa santé eût éprouvé l'irrémédiable atteinte d'une mala-
die douloureuse, il a été, à plusieurs reprises, demander à l'Egypte
moderne ce qu'elle a conservé du passé dans son climat et dans les pro-
ductions de ses campagnes, dans les types et dans les mœurs de ses habi-
tants, dans les ruines des monuments élevés par les difTérenlcs civilisa-
tions qui se sont succédé sur les rives du .Nil. Ilonmie d'imagination, il
a essayé de ressusciter ce passé et de le faire revivre dans une série de
romans historiques qui représentent l'Egypte pharaonique, grecque ou
romaine. Cela tient le milieu entre le liûman de la momie de Théophile
Gautier et la Tentation de Saint- Aîitoi ne de (îustave Flaubert; il y a plus
de science que dans Théophile Gautier, plus de mou\ement et de vie
que dans Elaubert. La fable ne manque pas d'intérêt et sert à faire pas-
ser la science.
Dans l'ouvrage qu6 vient de publier la librairie Didot, et qui sera
8ui\i l'an prochain d'une seconde partie consacrée ;\ la liaute-Égypte, on
retrouve ce même mélange de dons qui souvent s'excluent. C'est, par
endroits, un récit de voyage, très chaud et très coloré ; c'est une descrip-
tion des monuments écrite par un connaisseur qui les a examinés de
près et qui s'intéresse aux questions d'art; c'est une .suite de vues histo-
riques, brillamment présentées, sur les formes successives qu'a prises,
depuis Menés jusqu'à Méhéniet-Ali, la société égypiienne. De nombreuses
\21 REVUR ARCHÉOLOGIQUK.
citations dos lo\to< lii'^roçlyphiqties. des poètes ot des écrivains classiques
ou aralies, des voyaijciirs •noiierne?, jeitonl de I.i varii'li'' dans celle expo-
gilion ot reposent l'esprit lu lecteur.
A. Kbers ne connaît pas moins bien ri'^pyptc grecque et l'i-lpyple nrahe
ou turque ijue l'Hcypte pharaonique; nous relèverons surtout les pages
où il s'occupe desi^poqucs reculées qui rentrent mieux dans le cadre do
notre recueil.
Le livre t'ouvre par un chapitre très ai^ri'ahle et très nourri sur
VAIcx'Vidn'i' antique ; un plan aurait été ici utile pour aider le lecteur h
s'orienter dans celle description; c'est «l'aillcurs un genre de docu-
ments qui fait complètement défaut dans l'ouvrage. Quelques plans,
celui d'Alexandrie, celui du traire, celui de la nécropole de Memphis,
celui de la grande pyramide, avec une ou deux coupes, auraient, ce nous
semble, avantagenseiiiont remplacé certaines gravures qui sentent trop
le k-'(psakc et l'album de salon. Nous retrancherions volontiers des
planches comme celles qui sont intitulées /(/ Perle du harem, Zénab,
Sultiiuc, la Chanteuse favnritc du sultan; ce sont des images d'une
facture tout ensemble prétentieuse et commune qui déparent ce beau
livre. Nous en dirons autant de certaines compositions qui visent i être
des tableaux d'histoire, telles que Clôopàtre rcinoutatit le Cydnus, Moise
aauvé îles eaux, la Fuite en Egi/i'ite, Joseph et le Pharaon, la Mort du premier
7ié. Les objets antiques, tels que médailles, gemmes, meubles, statues,
vases, sont en général assez négligenmient reproduits; ce qui est de
beaucoup lo meilleur, ce sont les paysages, les vues de monuinonis, les
scènes de mœurs; il y a, en ce genre, de charmantes vignettes. A tout
prendre pourtant, l'illuïtralion, qui n été empruntée de toutes pièces à
l'édition allemanâe, n'est pas à la hauteur du texte. Sauf les paysagistes,
dessinalenr.s ot graveurs ont en gé.n'ral la main lourde.
Nous signalerons encore, dans le chapitre intitulé A travers le Delta,
l'histoire de cette contrée et de son agriculture depuis les temps les plus
anciens jusqu'à nos jours, ainti que la visite aux ruines de Sais. Une pro-
menade dans le pays de (Jr.schon donne à M. Ebcrs l'occaMon de r.tconter
avec intérêt la conquête de l'É^yplc par les Hycsos et de. relrouver, dans
les traits des jéchi'urs du lac Menzaieh, le type caractéristique des
fameux sphinx de Tunis. Mais le morceau capital de lu partie antique,
c'est le chapitre consacré à Memphis et aux Pyramides. A propos des
Pyramides, l'auteur rend avec beaucoup de force l'iiupression qu'elles
produisetit; il cite et réfute on passant toutes ces légendes qui. ilès l'anti-
quité, avaient commencé h courir au sujet de leur construction et de
leur destination, toutes ces hypothèses plus ou moins subtiles et dérai-
sonnables qui se sont produites «lans les temps modernes sur ce même
sujet ; il montre à quelles idées elles répondaient et par quels jirocédés
elles ont été b.llies. Do même, en décrivant la nécropole de S.ikkira, et
particulièrement les bas-reliefs des tombeaux de Ti et de l'htah-llutep,
en Iraduitant les inscriptions qui accompagnent ces scènes, il présente un
BiBi.ior.nAPiiir.. \i:\
tableau très vif et tr("'s nnimr! de ri']!?ypto des prfîmit'-rcs dynasties : paci-
fique, lal)orieuso et gaie. ,M<\m<^ après la peiuliire qu'en a Irarc'e, d'après
M. Mariette, un inailrc comme M. Meiian, on liraces pages avec, plaisir et
profit.
l'our ceuK qui ont visité l'i^j,'ypte, ce livre rafraîchira leurs souvenirs
do la maniùro la plus agréable; il aidera ceux qui no l'ont pas encore
fait soit ;\ piéparer un >oyage depuis longtemps désiré, soit i\ se faire
tout au moins une idée de paysages, de villes et de monuments (jui ne
ressemblent à ceux d'aucune autre contrée. M. Kbers a la science de
l'érudit et, en même temps, le don de la couleur et de la vie. Nous
souhaitons vivement voir son ouvrage complété par la publication de lu
seconde partie et le voir évoquer devant nous les splendeurs de la
Thébes des Thoutmés et des Ramsés. (J. Peiuiot.
L'Art païen sous les empereurs chrétiens, par M. Paul Ai.laud. Paris,
Didier, 1 ^ol. in-S», de xv-325 pages.
On connaît les services déjà rendus par M. Paul Allard à la science des
antiquités chrétiennes. Sa petite Rome souterraine est, en ce genre d'étu-
des, un livre classique aussi attrayant que solide. Grice à lui, l'archéo-
logie chrétienne, telle qu'elle a été créée par M. de Rossi, avec ses sources,
sa méthode, ses conclusions immédiates les plus importantes, a été, non
pas vulgarisée, ces choses-U\, heureusement, ne se vulgarisent pas, mais
présentée ;\ un cercle considéralle d'esprits cultivés.
Après la théorie, l'application. Or quelle application scientifique est
plus naturelle que celle de l'archéologie à l'histoire, surtout à l'histoire
des institutions et des mœurs ? C'est dans cette pensée que M. Allard pu-
blia, il y a deux ans, son livre sur les Esclaves chrétiens, où il a pu, avec
les éléments nouveaux fournis par l'archéologie, renouveler un sujet
souvent traité et particulièrement délicat. Aujourd'hui, il veut « montrer
le christianisme aux prises avec un autre élément mauvais de la société
antique, l'idolâtrie, » faire voir qu'il « a su détruire l'idolâtrie sans
allérer l'aspect extérieur de la civilisation où elle avait tenu une place
si grande et parfois si brillante, abolir l'erreur sans loucher à l'art
qui en fut souvent la parure, renverser ce qui devait disparaître à
jamais sans faire tomber sous les mûmes coups ce qui méritait de de-
meurer, » (Préf., p. II, iii.) Suivons-le dans son exposition.
Après un premier chapitre sur les marbres païens employés dans les
catacombes, l'auteur entre dans l'étude de la législation du iv« et du
V siècle, relativement aux l!>mples et à l'exercice du culte païen. Il suit
pas à pas le progrès de la sévérité impériale à l'égard de la religion
déchue: c'est surtout dans le domaine du rite qu'elle s'exerce : les sacri-
fices au nom de l'i-ltat, la magie privée, puis l'aruspicine publique, puis
les sacrifices dans les temples, enfin toutes les pratiques païennes sont
l'objet d'interdictions successives; mais les monuments eux-mêmes sont
respectés, sauf certains sanctuaires où la religion était, comme en Phé-
124 REVL'E ARCHKOLOGIQUK.
nicie, le prélexlo de honteux dc^sordres inoraui. A l;i (in, les monuments
ou\-miMues sont atloinls |»ar la suppression p^OL•l•es^ive des rcvonus
aiïeclés à l'onlrelion du culte. Ou cuuscrva bien ni ornamaitum iirbis les
statues autrefois adorées dans les temples; niais les édilices, n't'tanl plus
entretenus que sur les fonds d'un trésor souvent \ide, se dint^riorcut et
finissent par tomber en ruines. Cependant il y a eu, vers le commence-
ment du v sii'^cle, un nionieni tiop court où les nionunienls des deux
cultes ont uni leurs spItMideurs jtour l'ornenicnt de Home ei des autres
granules villes de rempire ; àcôtr des temples fermés, mais encore intacts,
s'élevaient les basiliques clirétieimcs avec leurs marbres fralcbcment
polis, leurs longues colonnades et leurs brillantes mosaïques. Constanii-
nople présentait un sjjectacle analo'^ue, non pas qu'il s'y fût conservé
beaucoup de monuments païens, mais parce que (loiii-tanlin et ses suc-
ces>eurs avaient dépouillé pour l'embellir les plus célèbres sanctuaires
de la (iréce et de l'Orient. Home et Couslanlinople furent ainsi, quoique
avec des nuances diverses, u les musées du paganisuie ».
Ce sont les Rarbares qui ont détruit cette belle ordonnance. M. Allard
croit que les Barbares n'oul pas été calomniés : je suis de cet avis; mais
aux barbares venus du dehors il faudrait joindre les barbares du dedans.
En général les villes se détruisent toutes seules; l'invasion y aide, c'est
certain, mais, môme sans barbares, il y a toujours assez de voleurs pour
faire disparaître les dieux de bronze, a^sez de bâtisseurs pour préférer les
pierres taillées et rendues sur place ;\ celles qu'il faudrait extraire des
carrières. M'oublions, pour être justes, ni Sixte-Quint, ni les Rarberini.
Par cette réserve je viens de terminer l'esquisse générale du livre. Il
faut citer quelques détails importants : de ce nombre est l'élude du cime-
tière de Generosa dans ses rapports avec la décadence du culte arvalique
et les trans.'ormations survenues dans les conditions légales d'un 1res
ancien immeuble alTecté au culte i)aïen. l'n chapitre très inlére?sant est
consacré aux sanctuaires des campagnes, dont la dedruclion fut pour-
suivie avec une grande sévérité parles empereurs et les évéques, tandis
que les temples des villes étaient placés sous la pioteclion des lois. A
IVgard de ces derniers, les lois n'étaient pas toujours observées : .M. .\llard
signale et explique les faits particuliers par des circonstances particulières.
Peut-être aurait-il pu dire avec plus de hardiesse que les tidèles et même
les évéques n'avaient pas en général un bien grand soin de l'art et de
l'archéologie; cela s'est vu en d'autres temps. .\u moins a-t-on ren'lu
grand service aux tem[)Ies antiques en les transformant en églises; c'est
ce qui a sauvé le Parlbénon, rKieclilhéion et quelques autres monu-
ments, il est même regrettable que celte appropriation ne se soil pas faite
plus tôt et sur une plus large échelle.
Le livre de .M. Allard est une thèse ; les paroles que j'ai citées en com-
niengant en donnent l'énoncé. La thèse est-elle démontrée? Je serais sus-
pect si jedisais oui, et d'ailleurs je ne dirais pas oui sans (juebiues réserves.
Mais, en faisant abslraction de la thèse, il re^le un tableau; un esprit
BiBLiO(jn.vpinE. 125
chagrin pourrait y vouloir quelques ombres de plus; dans l'enspfnbie il
est vrai, vivanl, et la gr.lco iic lui Tait pas déTaul. V. Dl'curs.nk.
'IdTOpixi?! èxOe-Ti; twv irpiÇewv ty); tv "AOriVxï; àç«/.aio/OYtx^; itaipîa; ànô r/j; ISpOotto;
avTT,; t6 1837 (AtXf "t^'' 1879 Te>tyT(LvTo;. Alliènes, 1879, in-8.
La Société archéologique d'Ath^uos, arrivé(> au iertue de la quaranle-
dcuxiùuîe année do sa vie, a voulu, couinie vient de le faire à Home
l'Institut de correspondance archéologique, rappeler les services qu'elle a
rendus ;\la science. Un de ses membres les plus actifs elles plus dévoués,
M. Euthymios Kaslorchis, a accepté la tAche d'écrire celte hisloire, et il
l'a remplie avec beaucoup de soin, de convenance et de mesure, ;\ l'aide
des publications de la Société, de ses procès-verbaux manuscrits et dos
souvenirs personnels de ses confrères plus Agés. Depuis vingt ans
d'ailleurs, il prend pat taux travaux et à la direction de l'association ; nul
n'était donc mieux préparé à cette entreprise.
M. Kaslorchis commence par dontier quelques rensoigncmenis, qui ont
leur intérêt, sur les premiers efTorls tentés par le gouvernement de Capo-
d'Istria, avant même que l'indépendance de la Grèce fût encore bien
assurée, pour sauver les monuments antiques et en assurer la conserva-
tion ; il rappelle ce qu'un savant allemand, Ross, a fait dans le même
ordre d'idée?, pendant le commencement du règtie d'Othon de Bavière,
et il arrive ainsi à la fondation de Ja Société, qui se réunit pour la pre-
mière fois en 1837. Il raconte comment elle s'organisa, donne le nom de
ses premiers organisateurs et énumère ensuite, année par année, les tra-
vaux qu'elle a entrepris; il en analyse les publications, il en fait con-
naître le musée, il en expose les désirs et les projets.
De celle exposition il résulte que, avec des ressources très restreintes,
dans le cours d'une vie souvent précaire et menacée, la Société a beau-
coup fait pour déblayer les sites antiques, pour arracher à la destruction
des monuments précieux et pour les porter à la connaissance des savants
de l'Europe. M. Kaslorchis a raison de dire que la Société s'est montrée
très libérale dans le règlement qu'elle a adopté pour son musée ; elle a
permis aux savants de tous pays d'étudier à leur aise et de publier les
antiquités de tous genres, inscriptions, vases, statues, bas-reliefs, qui
avaient été acquis par elle ou qu'elle était occupée à faire sortir de terre;
il n'est pour ainsi dire pas de membre de l'École d'Athènes qui n'ait pro-
fité de celle libéralité et qui n'en ait gardé le souvenir. Ce qui contraste
d'une manière fâcheuse avec celte libéralité, ce que nous ne pouvons
nous empêcher de rappeler malgré la reconnaissance que nous avons à
la Société archéologique, c'est la part qu'elle a prise à l'établissement de
la législation qui régit aujourd'hui en Grèce les fouilles à faire par des
particuliers et le commerce des antiquités. Les règlements qui inter-
disent avec une rigoureuse sévérité la vente et l'exportation des objets
antiques n'ont jamais empêché la sortie des bas-reliefs, des vases, des
bronzes, des terres cuites; mais, par les difflcultés qu'ils opposent à ces
liC nEVDE ARCHÉOLOGIQUE.
transaciions, ils assurent i\ lu frauilo une primo trîîs lMcvôo que les mar-
chaïuis iiar(ai;onl aver ceux qui sont chargés de les surveiller ; ils lomient
;\ di^nioraliser une aiiuiiiii>traliou qui dovrail Olre au-dessus du soupçon,
et ils ne proHlenl qu à la contrebande. Au dclriinenl des coUeclionneurs
Cl des musiîes de l'Kurope, ils font renchérir les objets d'art, sans
atteindre le nSullat qui sert de justiHcation apparente à ces vexations,
sans assurer à la CirC-co la propriélé d'un plus grand nombre d'objets
d"ar(. Ils ont encore un autre inconvénient : ils commandent ces fouilles
clandestines et précipitées qui ne laissent point de souvenirs mélbodi-
quemcnl relevés; ils engagent les marchands à dissiumler soigneuse-
ment les provenances et enlùvenl ainsi beaucoup à la valeur, à l'intérêt
sciontilique des objets jetés sur le marché. C'est ainsi que des milliers de
terres cuites sont sorties de la nécropole de Tanapre sans que l'on ait un
journal des fouilles qui nous permette de roconstituiT ces curieuses
sépultures. Ceux qui ouvraient ces tombes, par peur du gendarme, tra-
vaillaient la nuit et rebouchaient ensuite leur trou, ne laissant derrière
eux que terres remuées et Icssons brisés; s'ils avaient pu opi'rer au grand
jour et tirer de leur peine un prullt légitime et avoué, quels précieux
renseignements nous aurions pu tirer d'un tel ensemble de recher-
ches I
Ce que M. Kastorchis ne dit pas non plu?, c'est combien la Société a
toujours été peu favorable aux fouilles entreprises par les savants étran-
gers, à leurs frais, sur le sol de la Grèce. S'il n'avait dépendu que d'elle,
la convention gréco-allemande qui a livré à l'Inslitut germanique le sol
d'Olympie n'aurait jamais été signée; on sait quelle opposition acharnée
et publique la Société a faite i la ratification du traité ; or c'eût été un
grand malheur pour la science et pour la Créée elle-même que ce terrain
si riche n'eût pas été sondé et retourné en tous sens, avec une dépense à
laquelle n'eussent jamais pu fournir la Société archéologique et le Cou-
vernemenl grec. Maintenant encore, si la Société s'occupe, par des achats
partiels, de prendre pied i Delphes et ;\ Eleusis, n'est-ce pas surtout pour
interdire l'accès de ces deux sites aux étrangers qui en ont déjà tiré une
si précieuse moisson ?
11 nous est pénible d'insister sur ce point; nous voudrions n'avoir qu'à
exprimer ici nos sentiments d'estime et de gratitude pour une activité
très digne de louange et de respect à tant d'autres égards. Pourquoi, par
l'exagération d'un sentiment très honorable, par un patriotisme mal
entendu qui prend souvent les apparences d'une jalousie mesquine, la
Société gAte-l-clle le mérite de ses bienfaits? Tour tous ceux qui sont
vraiment animés de la passion de l'histoire et qui adorent l'art antique
jusque dans ses moindres débris, ce qui est nécessaire c'est que nous arra-
chions le plus tôt possible à leur linceul de poudre et de décombres tous
les monuments encore ensevelis; que cette exbunialion se lasse par les
mains des tirées ou des étrangers, di's Anglais, des Français ou des Alle-
maude, qu'importe? Ce qu'il faut, c'est que l'œuvre se poursuive rapide-
BIBMOGRAPIIIK, 127
ment cl dans des conditions salisfuisantcs do recherche cl d'cnquCtc
scientiiiquea. (j. l'EnnoT.
Leçons de calcul d'Aryabhata, par I.kon I'.odpt. Kxtrait du Journal asid-
tniuc. Paris, iaipriHiurio nuiionaln, MUCCCLXXIX (1),
Ce travail appartient à une série dont l'auteur poursuit, avec une iiiTa-
tigablc pcrsi'vt'rancc, la publication dans le l<urnal asiatique cl dans le
Bulletin de la Société mathéinalique de France. Il est consacré à la traduc-
tion cl au commcntairo de la partie algélirique et géomctrique d'un
texte sanscrit, qui, partiellement analysé par Colebrooke d'aprùs des
citations de sclioliastcs jioslérieurs ("2), a ùWt pul)Ii6, en iHl'i, par
M. Kern (3), et rcmarqualdemont analyse', en t87ii, par M. A. F?arth (4).
Ce dernier niûmoirc, de uiûinc que d'autres travaux de iJhau Uadji (.-;) et
de M. Kern (6), semblent avoir échappé à M. Léon Rodai; ils n'enlèvent
donc rien à la valeur absolue du présent opuscule.
Le Ganifapàda (c'est le nom de la partie géométrique de VAryahhaiiya)
s'ouvre par une li^le des puissances do io o\ de leurs noms jusqu'à 10",
que le traducteur compare avec celle de Bhâskara.
Après avoir constaté que les solides se désignent chez Aryabhalapar
leurs arêtes et non par leurs faces, M. Rodet éclaircit les règles de l'ex-
traction des racines carrre et cubique par des rapprochements avec les
commentaires de la Llldvati. Il y trouve un argument en faveur de
l'existence de chillVes avec valeur de position au temps d'Aryabhata.
Vient ensuite la mesure des surfaces et des volumes, M. Rodet signale
ici rinsuffisance des connaissances sléréométriques de l'auteur; sa for-
mule pour le volume de la sphère prouve qu'il ignorait les travaux
d'Archimède. Au contraire, la remarquable expression de
•;: = =3,1410,
qui se trouve quelques vers après, semble provenir, pour M. Rodet,
d'une source grecque.
A propos d'une manière de calculer les sinus et d'une table de leurs
différences premières, M. Rodet remarque que ces sinus et ces diffé-
(1) Ce tirage à part contient de plus que l'article du Journal asiatique : 1° le texte
sanscrit; 2" une importante rcctilication relative au rôle des fractions continues
dans la résolution de l'équation indéterminée du premier degré par Bliàscara.
(2) Miscellaneous Esmys, t. Il, 1873, pages 332, 30i, 3S0, 420.
(3) T/tc Aryab/iatiija with the Commentary Bhutudipihà of Paramddiçvara,
Leiden, Brill, 187/j, \n-k°.
(4) Revue critique d'histoire et de littérature, 1875, n" 16.
(5) Brie f notes on the Aye and Authenlicity of the v:orhs of Aryabhnta in Jour-
nal of the Royal Asiatic Society, new séries, I. p. 392.
(6) On some fragments of Aryabhata, dans le même recueil, t. XX, p. 371. —
Varaha Miliira, Brihat Samhita, préface, p. 55.
128 ni'VLK ARCHÉOLOGIQUK.
ronces tels que les donnent le Sùrya-Sihlhùnta et Aryabhata sont évalués
en minutes, c'e>t-;\-ilii"e en ilivisicins <exilJ:6^ilnales; il y voit une inlUicnce
chaldf^cnne, ce qui paraîtra sans doute une hypollii'so un peu hardie.
Il s'iHend ensuite sur un procédii de nivellemenl, bur quelques propo-
sitions gi^omélriques usitées dans la théorie du gnomon et dans le calcul
des ellipses, sur la théorie des progressions et sur ses applications ;\ la
sommai ion drs pilin.
l'.nûn on trouve le fait, bien inlérossant au temps d'AryaMiata, d'une
résolution générale de l'équation du second degié, une formule désinté-
rêts, des régies de la multiplication et de la division des riactions, la réso-
lution de l'équation du premier degré, le problème des courriers, la
solution générale de l'équation <i.r -\- In/ = r.
Celte analyse, courte, mais dans laquelle nous ne croyons avoir rien
omis d'essentiel, donne une idée de l'intérêt de ces éludes, qui, après
avoir été longtemps contestées, semblent, grâce à une chronologie de
mieux en mieux aiïermie, devoir bouleverser complèlemenl l'histoire de
nos connaissances matliémaliques.
Les institu Lions sociales et le droit civil à Sparte, par Clacdio
Jannkt. 2"= liditioii, l'cilone-LaiiricI, l'aris, l8so, iii-S».
M. Claudio Jannet donne une nouvelle édition d'un mémoire qu'il a
publié en 187S; ; profitant des éludes qui ont élé faites dans cet intervalle
sur ce sujet des anli(juilés sparliales, il n'a rien négligé pour mettre son
travail au courant de tous les progrés de la philologie et de l'épigraphie.
Au moment même où paraissait celte dissertation, M. Fuslel deCoulanges
étudiait, devant l'Académie des sciences morales et politiques, le droit
civil de Sparte, et réfutait certains préjugés, certaines erreurs tradition-
nelles que la plupart des livres d'histoire se IransmellcnlA ce sujet. Nous
n'avons pas encore sous les yeux le Mémoire de M. Fuslel; mais nous
savons, par les comptes rendus qui en ont élé donnés, que les deux his-
toriens s'accordent sur les questions principales ; l'un et l'autre repous-
sent avec la même énergie l'idée si généralement acceptée, sur la foi do
IMutarque et de l'olybe, d'un partage primitif de la terre laconienne en
lois dont la loi aurait établi et se serait attachée à maintenir l'égalité.
Sans doute M. Jannet n'a pas le style sévère et la grande allure que
M. Fustel porte dans le moindre de ses écrits ; mais il professe le mémo
respect pour les textes, il fait le même eiïort pour en discuter et pour en
fixer l'autorité relative, il a le même forme propo.i de ne rien avancer
qu'ils ne contiennent et ne garantissent. .Sa mélhodo est la bonne et la
vraie; nous ne pouvons que souhaiter qu'il applique sa curiosité A l'étude
d'autres chapitres du droit grec. tj. I'.
EIlIiATA.
Dans le numéro de janvier, lisez, page Ul, ligne '.», Son au lieu de Sen ;
ligne 19, Dorcslalus au lieu de Uercitalus ; ligne viO, [)' Leeuians au lieu de
b' Leeman.
NOTICE
soa
DES INSCRIPTIONS ET DES ANTIQUITÉS
PROVENANT DE BOURBONNE-LES-BAINS
DONNÉES PAU L'kTAT A LA BlBLIOTHÈQUIi .NATIONALE
suivie d'un essai de catalogue général des monuments cpigraphiqacs relatifs
à BORVO et à DAMONA.
Suite (1).
I 3. — Inscriptions d'Entrains.
iNM6. AVG-SACR-DEO
BORVONI • I • CANDI
DO- AERARI • SVB CV
RA- LEONIS £ M /R
CIANI EX VOTO • R
AERARI • DONA
Je n'aurai à discuter ni la teneur, ni les abiéviations de ce texte;
j'en ai sous les yeux un fac-similé, et M. Léon Renier l'a publié en
187:2, d'après une communication de iM. Ragon, dans les Comptes
rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Voici la resti-
tution du savant académicien :
(t) Voir les numéics de janvier et février.
\\X1\. — Mars. S>
1;{(I ni-.Vl'K AnCHKOLOGKjl I .
Auiiusto sacnnn dco Don oui et (lumlido (vvarii suh rura I.eoiiis et
Miircidni t\v lolo lelnto (rrarii donuveruiit (1).
On liU'flti* inscription sur uiio plaiimi ih' miivrc do 2()ri'iil. en l.ir-
geuisur le» en liaiilrur, qui a élc trouvée on isTO à Entrains uu En-
train (Nièvro), ainsi tiu'on l'apprend d'une ktlre de M. l'abl»'- Clia-
vanlon, alors curé de celle ville, datée du l.'i décenilire 1870, par
lai|Ui'IK' cel ccclésiasli(iuc en annonçait la découverlc au président
de la Société niveinaise. « Un de mes paroissiens (-2), écrit .M. l'abLé
Chavanton, a trouvé dans son jardin une phKjue de cuivre jaune,
ou pour mieux dire d'titj métal imitant le cuivie, de la lon;,nieur et
largeur du papier ci-joint, sur laiiuelle se liouve l'inscription (|ue
j'ai transcrite en essayant de conserver la forme et la grosseur des
lettres, llien n'est elTacé; l'inscription est et a toujours été telle ijue
vous la voyez. Celle plaque était dans une espèce de caveau, dans
lequel on a trouvé une pierre ronde qui a dû être supportée par un
jiied, et une statue de deux pieds de haut, représentant un homme
tenant à la main une espèce de béte, cl encore ileux autres statues,
représentant nn homme et une femme, la femme plus grande (jue
l'homme. » Cette lettre, lue à la séance du 8 mars 1871, a été publiée
avec le fac-similé annoncé, dans le linllrtin delà Socictc uicernuise
des sciences^ lettres et dits, en 1872 (3).
D'un autre cùlé, le rc!,M'etlal)le M. Hagon (i), celui-là même qu
avait communiqué notre inscription à M. Léon Renier, en parla à ses
confrères de la Société des anti(iuaires de l'Ouest, à la séance du
M décembre 1871 (o), mais en quelques mots et sans en donner le
texte, (ju'il ne leur lit connaître que l'année suivante, à la séance du
8 août 187^ (()). Celle fuis, M. Ragon mentionna une particularité
(jui n'a été si.u'nalée, que je sache, que jiar lui, bien qu(; phisieurs
érudils aient [tarlé de ce monument. Cette pbuiue de cuivre aurait
été trouvée enveloppée dans une feuille flexible liu même métal;
cefaitsingulierm'ayant étonné, j'ai pris des informa lions à Eiitiains
(1) Complet rendus dn VAicidémie îles inscriptions et fiflles-lellres (3* sério,
t. I, p. 408, publié en 1H72, SL-anco du vciidiedi /i octobre 187Ji. Voyez aussi, dans
le Journal of/icfl du 8 oclobro 1872, le compte rendu <ie cette séance par M. Dclau-
nay (p. 63U2, col. 3).
(2/ Le nommé Pierre lîolland, demcurunl faubourg des JoiiCs.
(3) Voyez 2« béric, t. V, p. 2/|.').
(It) M. lUKOn est mort prématurément le 33 octobre 1878.
(5) Hullelin de la Socidlé des anliquuics de l'Ouest, dans le Tolume de l.i
13» w'rie publié en 1874 ^oyez p. 7r)).
(0) Ml'/., p. 240-247.
INSCniPTIONS KT ANTIQUITKS DR nounnoNNE-LEs-n.viNs. L'H
môme, et M. l'abbé Baudiau, aujourd'bui ruré-doyen de cette ville,
a bion voulu m'en alloslcr la parfaili! exactitude. Tant des observa-
tions plus dùveiopijccs (ju'a bien voulu lu'adresser le dit'ne succes-
seur de M. l'abbé Cliavanton, que de celles que m'a données plus lard
verbalement mon obligeant et savant confrère M. Héron de Ville-
fosse, à son retour d'une récente vi>^ite à Kntrains, il résulte que je
puis donner une exacte description de cet appendice singulier dont
on n'a peut-être jamais signalé le semblable.
Au moment de la découverte de la plaque écrite, une sorte de
ruban de cuivre mince et llexible, long d'environ un métro et large
de Sri mill., en faisait trois fois le tour et la recouvrait complète-
ment. Or cette curieuse enveloppe existe encore, telle qu'on l'a
trouvée; car dans la famille de M. Goulard, l'ancien maire d'En-
trains, acquéreur de l'ex-voto des aerarii, on a eu la bonne pensée
de la conserver aussi soigneusement que la plaque elle-même.
L'inscription remplit entièrement cette petite plaque, à l'exception
d'un pourtour d'un centimètre. Elle était fixée par quatre clous,
dont trois dans la partie supérieure, et un dans la partie inférieure;
celui-ci coupe la lettre I du mot Leonis de la quatrième ligne.
Celte plaque fut trouvée recouverte d'une pierre ronde, non pas dans
un caveau, mais enterrée près de l'entrée d'un caveau alors comblé.
Dans ce caveau on trouva :
1° Une statuette d'Hercule, de 60 centimètres de hauteur, ados-
sée à une pierre formant une espèce de niche recourbée un peu
au-dessus de la tête, qui mesure 76 centimètres de hauteur sur
28 de largeur. Le dieu est debout, tenant un lion suspendu par la
patte de gauche (?). La statuette et sa niche sont cassées un peu plus
bas que le genou d'Hercule; mais les deux morceaux sont entiers
et se rapportent bien.
2» Un groupe de deux ctatuettes, un homme et une femme. Les
deux personnages sont assis sur un même siège, la femme à droite
de l'homme. Ces ligures sont de môme taille, mais la femme pa-
raît un peu plus haute à cause de ses cheveux noués sur le som-
met de la tête. Toutes deux sont drapées. Les tôles sont séparées du
tronc, mais d'une cassure franche comme celle de l'Hercule. Leur
hauteur est de 45 centimètres. On peut voir des représentations de
ces monuments dans l'Histoire d'Entrain que vient de faire paraître
M. l'abbé Haudiau, ouvrage plein de curieuses informations, mais
où l'auteur glisse rapidement sur les antiquités, dont il a laissé
le soin de parler en archéologue à M. Héron de Villefosse, à qui il a
132 iiKvn: arciii':oi.oc.iqui:.
réservé à col elTel une place dans son livre (1). Je irapinendrai pas
aux lecteurs de la nerue arcfii'ologique que M. Ht roii de Villefosse a
donné ù ce recueil, il y a Iroisans ;J), un article des plus inléies-
sanls sur la statue colossale d'Apollon assis trouvée ;\ Knlrains, depuis
donnée au Louvre par M. le comte d'ijunolsloin, mais je leur rappelle-
rai (jue mon savant ami est revenu sur ce sujet dans la Gazette archco-
logique^ où il a reparlé de l'Hercule d'Entrains (t. II, p. 5). Je dois en-
core les avertir qu'ils trouveront un exact fac-similé de l'inscription
danslemémeiredontilaenrielii l'histoire de cette ville due ;\ M. l'abbé
Baudiau; nous ne reproduisons pas ce fac-similé ; il suffira d'avertir
que, dans cette inscription gravée par une main inexpérimentée,
plusieurs des A sont ligures A ; que la conjonction et i\\.\\ y parait
deux fois est figurée par un E lié au T, et (pie les lettres ND du mot
Candido sont liées, ainsi (pie les lettres AU du mot Marciaui ; enfin
([ue rV de cura est ligure de moindre dimension que les autres let-
tres de ce mol.
On trouvera encorele texte de celle inscription, avec un bref com-
mentaire, dans ]c Rrcueil desinscriptiuns gallo-romaines delà septième
division archéologique de la France {Cher, Indre, Jndre-el-Loire,
Loir-et-Cher, Nièvre'), que l'on doit à M. Buliot de Kersers, secré-
taire de la Société des antiquaires du Cenire (•'}). Enfin, M. E. Des-
jardins n'a pas oublié de donner celle inscription dans sa Géographie
de la Gaule romaine (-4).
(r Histoire d'Entrain depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, par
J.-F. Baudiau, cvré-doyen de celte ville, auteur du Mouvand, mem/ire de la Société
ti'.vernnise des lettres, sciences et arts ; avec divers plans et planches gravés par
Amiidée Jullien, Dardel et Dujardin fl vol. iii-8dc319 pages, Nevcrs, 1879). Voyez,
p. 30, la brève mention de M. l'abW Uaudiau, et pi. XI la figure de rilcrculo et
celles des dijux personnages assis' sur un inOme sit'g'j. Le lion n'est pas clairement
exprimé sur la planche. Le mémoire de M. H. de Villefosse, inliiulé . Antiquités
d'Entrain, occupe 23 pages à la fin de l'Histoire d'Entrain. L'auteur n'y parle pas
des statuettes trouvées prîis de la plaque de bronze ; on avait sans doute nét;ligé
de les lui indiquer lors do son premier voyage fi Entrains. Ces monuments sont en
la possession de M'"*= G., sœur de M. Ragon. Je les décris d'après les dessins do
M. l'abbé Uaudiau et la description que le savant ecclésiastique a bien voulu m'en
donner Mettre du 8 juillet 1877). «Les monuments antiques découverts à Entrain
offrent un très médiocre intérêt au point de vue de l'art. » C'est .M. II. de Villefosse
qui s'exprime ainsi, page iv du mémoire cité ; ce ne sont pas les statuettes en
qticsiiouqui contrediraient cette assertion.
(2) Nouv. série, t. XXXI, p. 37.
(3) Dans la collection des travaux du (àingios arcliéologiqnc de France, session
tenue it Cliàicauroux ca 1873. Voyez p. :!J2 du volume qui a été publié en J87/i.
i; \<y'i 1. 1, p. ;)20.
INSCIIIPTIO.NS |;T A.NTIOl'ITKS I)F-: nOURBONWK-LKS-IUI.NS. llj.'J
NM7. BOR
VI AS
CAR V
GENI • F
Je trouve la mcniion de ce fragment d'insciiplion sous le n' 15
d'un inventaire de3 monuments épigrnpiiifiucs trouvés à Entrains
qui termine le Mémoire publié par M. Héron de Vilicfossc dans hi
Beruc archéologique qiie je viens de citer. Le savant archéo-
logue se borne ù nous apprendre qu'on lit ces mots mulilés sur
une pierre en forme de pyramide tronquée, conservée dans la basse-
cour du château de Réveillon, chez M. le comte d'Hunolstein.
N« 18.
Sou> le numéro IG de l'inventaire dressé par M. de Villefosse
figurent les vestiges d'une inscription également mutilée, qui paraît
être une réplique de l;i i)remiére:
////AS
CARV
GENI • F
M. Héron de Villefosse cite cette pierre, dont la partie supérieure
appartient à M. Rcgnault, d'après le Recueil de II. Buhot de Ker-
scrs mentionné ci-dessus.
Avons-nous ici deux dédicaces à Borvo? Ce n'est pas très proba-
ble ; mais, comme à la première ligne de la première on lit BOIl,
comme nous possédons un ex-voto à J3orvo trouvé à Entrains, on est
tenté avec M. Héron de Villefosse de supposer que le nom propre
Borvias pst un dérivé de Borvo; aussi ai-je cru devoir rapporter ici
ces deux inscription^'. A la vérité, sur la seconde de ces inscriptions
on ne lit pas le commencement du mot disparu. Je n'oublie pas que
M. Bulïot de Kersers, en publiant ce fragment, fait observer que
l'insci'iption paraît complète dans son laconisme; mais comme il
ajoute : « cependant ce n'est pas une certitude », on peut admettre
une lacune (1).
(I) C'est page 254, sous le n» 9, que- M. Bidiot de Kersers mentionne cette inscrip-
tion. Il la donne ainsi :
434 nr.MK \rciii^ologioue.
^4. — Inscription df Saint-Vulias (Am .
y 1'.». BORMANAE
A VG SACR
CAPRI
A///RATINVS
• •••••
SABINI AN V5
D • S • D •
M . le conilc de Moyria-Mailla a publié le premier, dès raniièe 183G,
la dédicace à la déesse Bormana, quo nous ne reproduisons pas ici
d'après lui. <( On voit encore, dit-il, à Sainl-Vulbas l'inscription sui-
vante, qui est incrustée dans la partie antérieure de l'église. »
Puis il la rapporte ainsi :
BORMANAE
A V G SACR
C A R R 1
A R R A T I A N V S
et ajoute :. « Voilà un autel consacré par un sacrifice à la déesse Bor-
mana, par Carrius Arratianus. Quelle est celte déesse? On ne peut
le dire (1). »
S'il y avait réellement sur celte pierre : Canins Arratianus, on
V supposerait plutôt C. Arrius Arratianus (|iip Carrius Arratianus,
mais il est lré> probable que M. de iMoyria-.Mailla n'a pas bien lu
AS
CAI'V
CENI • F
nou» apprend qu'eUe est inscrite sur une pierre plaie, et fait observer que lo
« p delà deuxième ligne pourrait bien Ctrc une R ». C'est l'avis de M. de Villefofso
qui a supposé que le C de la troisième lipne devait être un G. sans doute parce qu'il
V a un G sur la pierre du cbâtcau de Réveillon. Ceci était écrit lorsque je lus lo
mémoire de M. do Villcfosse qui figure à la fin do V Histoire (rEntraiti, où ce savant
a présenté de brèves mais intéressantes observations sur le nom propre Borvias
(\. p. xviii)-
(1) Monuments romains du dé/i'irtement tir l'Ain expliqués par le comte de
Mo'jria-MmUa. Vu vol. in-/», Uourg, Ib.lû. (Voyci p. 7i-70.}
iNsnniPTKiNs r.T antioiitks df. nounnoNNn-M.s-iiMNs. ]'.\'>
colle inscriplioM ; il j)arall niAinc qu'il n'en a connu que l.i moili<''.
L'aulrc parlit; a élu lue sur une piorro encasiiro, non pas dans un
conlroloil do l'étîUse, mais dans le mur du moulin (lonvcrs à Sainl-
Vulbas, par l'aulcur d'un caliior de fac-similés manuscrils conservé
dans la l>iblii)lhé(iuo de M. ValonlinSrailli, cilé par M. Allmor dans
ses Inscriptions aniiijues de Vienne^ où en 187.*) il a ri'jiroduit celle
inscription (I), ([u'il avait déjà donnée en 1H.")*J dans sa Notice sur
(leu.r inscriptions votives en l'honneur de la déesse IJormo mentionnée
plus bas.
Si je ne parle pas avec plus d'assurance de celle reslilulion auto-
risée par le légitime renom de M. Alliuer, c'est que je ne suis pas
certain (ju'il ait visité lui-même Sainl-Vulbas, bien qu'une phrasa
de sa pieiniérc publication puisse le faire supposer. Ceci d'ailleurs
importe peu ici; que l'inscription ail été consacrée par tel ou tel,
c'est un ex-voto nu dieu qui a donné son nom à tant de loi-alités
tlicimales, et au village de Sainl-Vulbas lui-même, puisqu'on sait
qu'il se nommiit jadis Saint-Bourbaz. Quoi qu'il en soit, voici com-
ment M. Allmer interprète l'inscription, laiiuelle selon lui compor-
tait sept lignes et à laquelle il manque seulement la cinquième:
aBormanœ Augustœ sacrum. Caprii Atratinus?.... Sabinianus de
suo donaveriint (ou dant). »
Ce qui signifierait que trois personnes de la même famille, trois
Caprii, l'un Caprins Atratinus? l'autre Caprins..., le troisième Cn-
prius Sabinianus, avaient consacre cet autel à Bormana.
Cette inscription a été souvent mentionnée depuis 183G, mais
d'ordinaire on s'est contenté du texte donné par le comte de Moyria-
Mailla; je remarque ccpendanlque M. J. IBecker, qui l'a rapportée
dans un savant raémoii'c publié cn 1803 (:i), a clioisi la leçon de
M. Allmer, bien qu'il ait connu celle de M. de Moyria-Mailla par
rintcM-médiaire de Vlntioducfion à la monographie historique du
lUigey de iM. Guillemot, publiée en 1851.
(1) Voyez t m, p. 452, n» 771.
(2) Jahrbiklter des Vereins von AUerthum^frcumlcn im Rhein/nuile^ t. XXXIII,
p. 17.
436 RF.VDE AnCHÉOLOCIQDE.
§ T). — In^criition d'Mx-m-Diois,
.N»:>0. BORMAN . .
ET BORMAN . . .
P. SAPRIN . .
EVSEBES • V • S •
L • M •
lionnano et liornuuKt^ /'. Supnnius Eu.'^chc.'^, votum sulrit tibcn-:
mevito.
Celle inscription, 1res fniMe, a ôlé découveitc au commencement
de ce siècle, dans le cimetir-re du village d'Aix, à un Ivilomèlrc de
Die. Aprùs avoir fait partie de la collection du docleur Long, midecin
à Die, cet autel passa dans celle de M. de Lair.orle-Felines. C'est
son premier possesseur qui la publia le premier, en i8-4U ; mais il
n'en lut que les deux premières lignes, plus la formule linalc, tiu'il
ne disposa pas exactement dans son ouvrage sur les anluiuités du
pays des Voconticns, d'ailleurs rempli de monuments curieux et très
méritoire (1).
Longtemps après, M. AUmer drchilTia complèlement ce texte et
le donna dans un impoitanl travail intitulé : Vromenade d'un cpi-
grapfiiste à travers les départementi^ de l'Ardèelie, du Gard, de Vau-
cluse et de la Drôme (2). RèccmmenI, M. Florian Vallentin a pulili*^
de nouveau celle inscription dans son intéressant mémoire sur les
divinités indigètcs du Yoconlium (3).
(1) Recherches sitr les antiquités romnmes du pnyf iJesVocontieni, par J. D, Loug^
médecin à Die. Un vol. in-/i, iinpr, uation., 1849. (Voyez j). 108.) C'est un extrait
des Métitoires présentés par divers savants, etc., publiés par i' Académie des imcrip.
tiont et belles-lettres (voyez t. II, 2' série).
(2) Dans le Bulletin de la Société départementale d'archéologie et de statistique
delà Dn/wiff (années 1871-1872, 23* liv., p. 301).
(3; Uulletin de l'Académie delphinule (3« série, t. Xil, C.nnobl-', 1877, p. 215).
INSCRIPTIONS KT ANTIOl'ITKS DR nOUnnONNK-LKSD VINS. 137
§ C. — InscrijiUom dWix-en-Savoie.
N'^21. CNEPPIVS
CVTICVS
BORVVSLM
Cn. Eppius Cuticus Bormoni {Donnano ou liormanœ) ut voverat
solvit libeiis merilo.
A Aix-les-Bains, en Savoie, à rétablissement llicrnial, sur une
pierre oblongue, engagée dans le mur de la piscine gratuite des
femmes. Hauteur ù'",'20, largeur 0"',.']8.
Celte inscription est ligurée dans le grand ouvrage publié au
commencement du siècle par Albanis Beaumont sur la Savoie;
mais il l'avait mal lue, et, si j'ai bien cherché, il a même négligé
de la mcnlionner dans son texte (1). Plus tard, celte inscription a
été publiée par divers auteurs et notamment en 1859 par M. Allmer,
dans la Revue lîu Lyonnais (2 • cn 1802 par Félix Bour(|uelot, dans les
Mémoires de la Sociètr impériale des antiquaires de France (3); puis,
en 1873, de nouveau par le môme M. Allmer, dans son beau livre
sur les Inscriptions antiques de Vienne (i). Là, le savant épigra-
phiste a donné un fac-similé qu'il faut préférer à toutes les an-
ciennes leçons.
M. Allmer voit sur cette pieire, non pas
C \' L I I 1 V s
C V T I G V S
BORVVSLM
(1) Description des Alpes grecques et cottiennes, etc., par J. F. Albanis Beaumont,
1802. Voici la leçon de la figure numéro 9 de la planche XIX de l'atlas :
Q VPMIVS
C Vil CVS
BO.WS M.
(2) Année 1859, p. 501, dans un mémoire initulé : Sur deux inscriptions votives
eu l'hotineur de la déesse Bormo, protectrice, à l'époque romaine, des eaux ther-
males d'Aix en Savoie, et sur l'étymologie du mot Bourbon
(3) Inscriptions antiques de Luxeuil et d' Aix-les-Bains, dans les Mémoires de
la Société des antiquaires de France, t. XXVI, ou VI» de la 3* série, publié cn 1801!.
(Voyez p. 00.)
(£i) Voyez t. III, p. 306. noesi.
i;iH REVUE AncHÉOLOGIQUK.
Ciiinnu' noiirquclol, i|iii iiilt>r|'rt''lnit ainsi cos trois li<:nos : ('.. Vrl-
h iiia lliiticw norvoni vultim solrit lihrus mrrito, mais
(, N i; p l' i V s
r. V T I c V s
non V Y s I. M
M. Allmorfiiil observer qu'il a souvenl iTiironlré le nom Fppius
sur des marbres ou des pierres du pays des Allobroges ou des con-
trites voisines ; j'accepte donc volontiers sa lecture en ce qui con-
cerne les deux premières liâmes de cette inscription, mais je fais
quebiues réserves pour son inicrpiétation il(> la troisième. Ksl-il
certain qu'il faille lire liOWnioni \t \(nrr(it \jhnis Merito? C'est
l'alirévialion moins brève HOILM de notre inscription n''iX2, trouvée
comme celle-ci à Aix-en-Savoie, (\\\\ a suggéré celte lecture à
AI. Allmer(l); mais qui nous dira s'il s'agit sur ces deux ex-volo de
lionuo, de Doniiiiiius, ou de nornxuiicus, ou même s'il ne s'at,'iiail
pas ici d'une déesse liormand^ ou Boiintinica? Celte dernière forme
n'est pas très probable en Savoie, mais il est cependant permis de
la supposer. (Voyez n"' 2i el 25.)
N»22. M'LICIN'RVSO BORMAN) V-V-SL-M
Mardis Licinius Ruso Bormano (ou Bormanœ), etc., ut roverat
solvit libensmerito.
Hauteur 0°,20, largeur l",no.
Cette inscription, qui se trouve à Aix-lcs-Bains (Savoie), dans la
partie des bains anliiiues (jui s'étend sous le jartlin de la maison
Perrier-Cliabert, est gravée sur une longue bande de pierre, sciée en
deux parties, el forme les deux premièies marclies d'un va\>ornrinm
antique où se voit une piscine octogone incrustée de marbre blanc.
Ce monumentépigraplii(iue parait avoir été puidié pour la première
fois, avec le précédent, en 185;), par M. Alhner dansla licniedu Lyon-
nais {'i); Félix noui(|uelol le publia à son tour dans le mémoire
déjà cité, qui fui lu à la Société des anli(}uaires de France en avril et
juin 1S(JI (.'i;; presque en même temps Auguste Uernard le donna
(1) Voyez p. 7 cl 8 do la noiicc cilée.
(2) Voyez p. 501, Cl p. 8 du lirngc ii part.
(3; Ce iBémoire fui ptiljlié bcuiimcnt en îB02,dans le WVl" vo'umc de la collec-
tion. (Voyez p. 50.)
INSCRIPTIONS KT ANTIQUITKS DR nOimnONNE-LES-DAINS. \'M\
dans la linvuc savoisionno , (>n 18(52; puis enfin dn nouveau, ])ar le
)n(''nie M. Alliner, dans son i^vMxA ouvrage sur li's insrriiitions île
Niciine, déjà cité, sous it; n° (V.S'i. Je dois avertir que je ne suis ici
aucun des pr^eôdcnls ùditcurs dcco texte. M. Florian Vallentin, me
sachant occupé des inscriptions relalivc's ,'i Borvo, a bien voulu
m'aiiprendre qu'ayant été dcniiércnieiil fi Aix, où il a examiné at-
tenlivcMicnl le monument original, il n'y lisait pas HOUMo//?, comme
M. Allmei-. Après l'M, M. F. Vallentin voit des traces d'un A et
d'une N; par conséquent, il y avait sur l\ pierre BDHMANO ou
IJORMANAF. Indépemlammcnt de celte constatation de fait, cette
lecture est d'ailleurs très vraisemblable. En elTct, la forme Bormana
se trouvant à Sainl-Vulb;is, qui était de la cité des Allobroges comme
Aix-les-Bains, il est permis de croire qu'à Aix-en-Savoie on adorait
Borvo et sa parèdre sous les noms de Bormanus et de Bormana. En
conséquence, avec M. F. Vallentin, je suppose Bormnno ou Bor-
manae, et non Bormoiii, sur les deux inscriptions d'Aix-les-Bains,
n" 21 et 22.
I 7. — Inscription, avec le surnom Borvonicus, sur un vase
de verre trouvé à Port-sur-Saône.
iN°23. G. LEVPONI BORVONICI
On lit ces trois mots, en relief, sous le fond circulaire d'un vase de
verre blanc, découvert il y a environ quinze ans, à Port-sur-Saône,
et qui en 1866 faisait partie <( de la riche collection d'antiquités
que M. Galaire exhume tous les jours du vieux sol de Poitus Aba-
cinus (?) avec an zèle si méritoiie aux yeux de la science ». J'em-
prunte ces détails à l'Histoire de la seigneurie de Jonville et de ses en-
virons par iM. l'abbé Condriet et M. l'abbé Chatelet, publiée en
i864(l). Cette inscription a élé citée deux ans plus tard dans la
Bibliotheca Dorvoniensis de M. le docteur Bougard (2), et M. le
docteur Athanase Renard n'a.pas oublié de la mentionner à son tour
dans son mémoire déjà cité (3). M. Froehner a également publié
cette inscription, en 4873, dans ses Mélanges d'cpigraphie (v. fasci-
cule i, n" 0, p. 13). Selon lui, ce vase de verre serait de couleur
(1) Besançon, un vol. in-8, 18G4. (Voyez p. 18.
y2) Un vol. in-8, 1866. (Voyez p. 621.)
(3) Vojez p. 314.
liO lu.wF. \nr.iiKOLor.iQUF..
verJAlro; les loUrcs seraient m relief cl remonteraient au i" ritV.lo
(le noire fre; n'ay.int pas vu l'oripinal, je me ediitenlc de faire (thser-
ver qui' cette date est peut-iHre bien haute.
Le surnom île ce verrier esl évidemmenl dérivé de Borvo ;
c'est ce (jui nous a décidé à donner place ici à celte inscription. On
verra plus loin le nom propre Damunus, dérive également de Da-
moiia.
$ <S. — lii.^criptions de Cnldd'i Jr Vizclla (piès (iiiiinai'aès, Portug.il).
N" 2\. C • POMPEIVS
GAL-CA VRO
NIS • F . . E. .
VGENVS-VX
SAMENSIS
DEO • BORAAA
NICO- V • S . .
QVISQVIS HO
NOREM • AG!
TAS -ITA-TE • TVA
GLORIA • SERVET
PRAECIPIAS •
PVERO • NE
LINAT- HVNC
LAPIDEM
C. Pompeius, Giilcria, (j(i{()nyonis filius, Rectugenus, Uxxamnisis,
di'O norniiinico, rotiiiii soir il {iirrnnia sua).
(Juisquis ItouureiH agilas^ Hn te tua ijloria seri'et.
Prœcipias puero, ne linat hune lapidem.
Celle inscription a élé liouvéc entre les années 1787 et 1793, à Cal-
das de Vizella, localité située dans l^nti(|ue Tarragonaise. J'en em-
prunte le texte à M. K. Hiïbner, (|ui l'a transcrit lui-même d'après la
pierre originale, et j'adoj/te pleinemenl ses reslituliuns, heureuse-
ment en petit nomhre ; mais je fais avec lui toutes réserves au sujet
du nom du consécraleur. S'il ne restait i>as un K de la partie de ce
nom (jui termine la iroisiéme ligne, en raison Je la lin ijui commence
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITJ^:S DK nOURDONNE-LKS-nAINS. fil
la qualriùine, on aurait pu penser à la légende MATVCIINOS tic
certaines monnaies classées par Duchalais parmi les incertaines
(le la Lyonnaise (1); mais lleclu^'enus est plus probable. Quant
au nom de Caturo, le père de G. l'ompeius Uectugenus, de la tribu
Galeria f2), nalif d'Ux.ima, sa restitution est à peu près certaine. Kn
elTet, M. Ili'ibner nous apprend (pie sur le revers de la pierre origi-
nale ou lit ces mots du commencement de notre inscription :
C • POMPE!
CAICATNR
ON . . .
Avec toute vraisemblance, M. Ilubner suppose que le lapicide,
ayant mal pris ses mesures, avait écrit les premiers mots de Tins-
cription en lettres trop grandes, et que s'élant aperçu de sa mala-
dresse, il rclourna sa pierre. Cet essai nous montre que le Tdu nom
propre Caturonis est ccrlnin.
Il est inutile de faire ressortir l'importance de ce monument épi-
grapbiqiie. En ce qui concerne le sujet particulier de ce travail,
l'inscription qu'on vient de lire nous fait connaître une forme nou-
velle du nom du dieuBorvo, Bormanicus, que nous allons revoir sur
un autre monument trouvé dans la même localité en 18il ; mais en
même temps elle nous apporte une variante intéressante de ces re-
commandations aux passants, plus fréquentes sur les monumenis
funéraires que sur les ex-voto (3).
M. Ilïibner, dans le bref mais substantiel commentaire qu'il a con-
sacré à celte inscription, nous apprend qu'il en existait beaucoup
d'autres i!i Guimaraès. Il cite même les auteurs qui les ont rapportées,
(1) Description des médailles gauloisea de la Bibliothrque roijale , etc. (voyez
p. 170, no [^ôQ et /|57). Sur le nom MATVCIINOS « qui rappelle celui de Matugius,
filsde Nomonianus, dont rinscriplion funéraire a été retrouvée àBunon, près dX'zès»,
On peut lire les observations de M. A. de Longpérier, Revue numismatique, t. I de
la nouvelle série, p. 85.
(2) Ou connaît d'autres exemples du nom de la tribu précédant comme ici le
surnom. (Cf. Orelli, n" 4927, Orelli-IIcnzcn, n» 5988; et Wiimanus, Exempta, etc.,
n<» 1499 et 2855.)
(3) M. Hiibner a publié ces deux inscriptions d'abord dans le Recueil mensuel de
r.\cadémie de Berlin, Monatshericlite der tcocniolic/ien preuisiscUen Almdemie der
Wisscnschnften zu Berlin, année ISCl, p. 801 et 802, puis dans le Corpus inscrip-
iionum latinarum de la même savante compagnie, t. II, p. 33G (année 1869). La
préfente inscription porte, dans le C. I. L B., le numéro 2(03; la suivante est dé-
crite sous le numéro 2402. Ces textes ont été publiés de nouveau da'is le mémoire do
M. Becker cité plus Ir.iut (v. n° 19;.
142 RKVUi: AnCUKOLOGIQUE.
mais il njoutc qu'il n'a pu en retrouver que doux, celles que je
donne d'après lai sous les n"' 24 et 25. Celles-ci, M. liiibner les a
vues en ualure el en a rapporlé des estampages.
N«>2o. ME DAM
VSCAMAL
BORMA/I
CO • V • S • L
MedaviHS Ciimali, Bormanico, lutum solrit libens.
Sur cotle inscription, qui, comme la précédente, a été trouvée à
Caldas de Yizella, voyez le commentaire du numéro précédent.
P 8. — Inscription avec le nom Damonus
ironric à Drevant et estampilles portant le même nom
recueillies en diverses localités.
Noge. DAMONVS D
T S ABI NI DIC
AT
Damonus d. T. Sabini dicat.
H:iZ'' publia le premier, en 1831, celte inscription, que l'on voyait
en l<S7o et que l'on voit sans doute encore aujourd'hui, encastrée
au-dessus de la porte d'une maison de Drevant, commune de l'ar-
rondissement de Saint-Amand (Cher). Ce texte est gravé en creux
sur une pierre de 8G contimèlres de longueur sur 43 de largeur et
20 d'épai«seur; Ilazé l'a reproduite sous le n" 12 de la planche IV
de son curieux ouvrage sur les antiquités du Bi-rry (1). L'au-
teur, qui déclare n'avoir pas cheiché à expliquer celle inscription,
non plus, dit-il, que celle qu'il a (igurée sous le n" 11 de la même
planche et (jui e: t encastrée sur le mur d'une maison attenant à
celle dont on vient de parler, ne s'est pas apciru (|ue son graveur
avait négligé de copier inlégraleoient les deux lettres qui, à elles
seide», en forment la troisième ligne.
Plus tard, en 1873, M. Buliot de Kerscrs a donné un fac-similé
(1) Solket pitlorrtques sur les iintiquilés el les tnonumtnls du lia ri/. Un vol.
in U° avec planches, publié eu Ïb2k. (Voyez pago 13.)
INSCRIPTIONS ET ANTIQUITÉS DE BOUnDONNR-LKS-BAlNS. iV.i
exact (lo ce Io\Il% dont « les lettres, grandes et ncltemonl coupées,
creusées en deini-cyliiidre, sans Irait à leurs cxlrémités, seinlilenl
un superbe spéenneii de re ([u'on appelle la cajiilale rQsli(|ue. » —
«Il esl l'oil (lillicile, » ilil ciicoi(î M. MuIkU de Kerscrs, à (|ui nous
eniinuuluiis celle ilélin'ilion, « de décider si la Irnjsièuie K-ltie de In
première liyne et la première de la troisième sont des A grecs ou
des A dont on aurait omis les traverses, tandis qu'elles existent
dans les au lies A. »
C'est dans un intéressant et consciencieux travail, inlilulè : /;y/i-
tjraphic romaine dans le dcparlemcnt du Cher (1), que M. Ijuliot de
Kcrsers s'exprime ainsi au sujet de cette inscription, dont il propo-
sait en même ti'inps une inteipiélation dubitative qu'il n'hésita pas
à abandonner sur l'observation suivante rapportée par lui dans le
supplément qu'il donna plus tard à son recueil :
« M. Uobert Mowal, lappelant que Damona se trouve associée au
culte de la divinité Horvo à lîourbonne-les-Bains et à Bourbon-
l.ancy, propose, parla liaison de l'M et de l'A, la lecture : DAMO-
NVS D/*77C«srt/o/- (intendant) T SABI.M DICAT, qui nous paraît,
comme à lui, très acceptable. Le nom de Dainomis se retrouve
aussi sur une estampille de potier, à Autun (2). »
Avec M. Buliot de Kersers, (jue je viens encore de citer textuelle-
ment, tout en réservant la restitution de l'abréviation Bispensato?',
je lis cette inscription comme M. R. Mowat, et si je lui ai donné
place ici, c'est que le nom Damonus me parait, comme à ce savant,
être on rapport avec celui de Damona. C'est par la même raison (jue
je mentionnais tout à l'heure l'inscription sur verre où se lit le nom
Borvonicus^ dérivé visible de Dorvo.
Exista-t-il jadis à Drcvant des eaux thermales consacrées ù Borvo
et à Damona? Cela ne serait pas impossible, mais cette supposition
n'est pas nécessaire pour justifier l'existence dans ce village d'un
personnage de ce nom, et même pour permettre d'y supposer le
culte de Borvo et de Damona.
Drevant, l'un des lieux les plus riches en antiquités de la région
où il est situé, selon Caylus (3), Hazé (4), M. de Caumont (o), etc.,
(1) VÉpigraphie romaine dans le département dit Cher a. été publiée en 1873 dans
les Mémoires de la Société des antiquaires du Centre. (V. t. III. p. rJO et 121,
n" 10, et mômes pages dans le tirage à part.)
(2) Ibid., t. V, pub. en 1875, p. 93, et 11 du tirage h part.
(3) Caylus, Recueil, t. III., p. 378.
(h) Hazé, lûc. cit. p. 12.
(5) A. de Caumont, Bulletin monumental, année 1866, p. 07.
144 iiKvrn AnciiÉOLOGiQUK.
est une coninuine (le r.irroiulissomcnl de Sainl-Aniand (Cher), qui
jadis faisait jinrlio du Hourlioiinais (I), et qui est voisine de Hour-
l*un-r.\iclinmltaiill. Sans pritentlre que la présence de vestiges de
bains antiques annonce nécessairement l'existence de sources ther-
males, je ferai observer qu'à l'époque romaine il existait à Drevanl
non pas un seul bain, mais deux établissements de bains dont Ilazô
a donné les plans. Ce n'est pas tout : celte localilé, (|ui ne fut jamais
considérable et dont on ipnore le nom primitif, montre des ruines
assez importanles (un théâtre, deux bains, un temide) pour laisser
supposer (ju'elle fut jadis une station thermale.
Du reste, le nom Damonus ne s'est pas rencontré (pie dans l'ins-
cription de Drevant cl sur l'estampille trouvée à Aulun, mention-
née par M. Buhol de Kersers d'après M. llarold de Konlcnay. Ce
nom a élé porté par un potier, dont les produits se retrouvent en
diverses régions de la Gaule el jusqu'en Angleterre et en Suisse, et
que Ut connaître, en 1800, Edmond Tutlot, qui avait recueilli des
variantes de ses estampilles, précisément en Hourbunnais (2).
Dans sa liste de noms de céramistes, on trouve :
DAM ET COS
DAMO
DAMON
DAMONVS
DAMONVS S F.
Plus tard, M. llarold de Fonlcnay enregistra des estampilles à ce
même nom, trouvées à Aulun, dans l'Allier, à Bourbon-Lancy, à
Poitiers, à Clermont (Auvergne,^ à Augsl el à Lomlros; on peut
voir les fac-similés de ces estampilles dans un imiiorlant travail
putilié par ce savant, en I87i, dans les Mémoires île la Société
éducnne (3).
Le DamonM5 de l'inscription de Krevaiit en Huurbonnais et le
(1) Expilly, v» Drevant.
(2) Collerlion <te fi'jurincs en ar(jilc, avec les noms des cdramisics qui les ont
exécutt-cs, recueillies, dessinées el décrites par Edmond Tudut ; Paris, 1860. (V,
p. 71.)
(3) « Inscriplionscéramiqiii'S gallo-romaincsdùcouvcrtos à Axtun. «etc. Voyez dans
les Mdm'jirnt de lu SoriHc t'iluc/uic, t. III, publié en 187/j , p. 300 , et pi. V. Le
travail de M. Harold do Fontcnay a élé complété par l'auteur dans lo t. V du re-
cueil cité, on Ibbô.
INSCIUI'TIONS KT ANTIQUITÉS DR BOURBO.NNE-LhS-BAINS. 145
potier de ce nom dont on a trouvé des estampilles dans celte région
ne sont-ils (lu'un seul et nii^'ini' [jersonnai^'i',? Je ri},'noi-e ; mais c'est
une liypoilièse admissiMc, si l'on veut observer (jue , sur les
cslam|iilles li;,fnrùes |iar .M. Ilarold de Fonicnay, l'A et l'M
sont liés comme on les voit sur l'ex-voto de Drevant, et surtout
(|ue plusieurs des confrères du Ddinoiuts de Drevant cmj)loyaient
des caractères librement iraci's ;\ la point'', comme ccrjx de l'ins-
cription qui nous occupe, non pas poui' leurs estampilles, mais,
lorsiju'ils ccrivaienl directement leurs noms ou des formules qucl-
con(iues sur leurs produits. C'est ce (luc démontrerait, pour ne
rappeler qu'un recueil bien connu, le livre d'Edmond Tudot, que
nous mentionnions tout à l'heure (1).
Chabouillkt.
{La fin prochainement.)
(1) Figurines yauloiies, etc. Voyez puriiculièrement les planclu.» II et XII.
xxxix. 10
LA
IIUIINE MILLIAIRE DE PARIS
(Lu à l'Académie des inscriptions et bclks-kttrcs, séances des
•J4 et 31 octobre 1879).
Suite (1).
II
I'AUTIL: GLOGHAPHIgUE.
Pour ics troi? dernières lignes de noire inscription, nous lisons
d'abord, ainsi (jue nous l'avons dil plus liaut, un 11 au commence-
ment de la 7"; et cet R est suivi, non pas d'un 0, comme on l'avait
cru, mais certainement du nombre CV exprimant des milles et non
des lieues gauloises, comme l'indiquent les traces d'un M ù la der-
nière ligne et probablement la sigle MP, sigle dont on peut d'ail-
leurs ne tenir aucun compte,. la barre horizontale au-dessus des
deux chillres CV sullisanl pour exprimer des milles; par consé-
quent nous avons : CV M{iUia) P{assuum) ou R CV inilli(i{pa^suum).
Aprùs les mots : A CIV PAR, a civitatc I^arisiorum, dont la lec-
ture est indubitable, ligurait évidemment le nom de la localité
située à cent cinq milles de Paris et dont le nom, commençant par
un R, est à chereher.
Il faut remarquer d';il)ord (|ue cette localité devait être une
grande ville, car il n'y avait (ju'uiie grande ville (jui pilt, à une
(1) Voir le Duméro d<; fiivricr.
LA HUHNK .MIl.r.IAIIir. I)K l'AItlS. 147
tello (lislance, ôtro désignée, d'une faron suflisammcnl claire pour
tous, par la seule lettre initiale de son nom.
U;i|)p(;lons d'abord (pie cette borne niilliaire, plus lard convertie
en sarcophage, a été trouvée au cimetière Saint-Marcel, où c'Ie
avait été déposée parmi d'autres tombes, et (jue, si elle eût été ap-
portée d'u!ie certaine distance pour subir cette transformation, il
n'est pas probable qu'elle l'eût été de bien loin, les chrétiens ayant
dû trouver, pour ainsi dire sous la main, un grand nombre de mo-
numents païens sur la live gauche de la Seine. Ce qui paraît vrai-
semblable, c'est (lu'elle avait été trouvée en place, par ceux qui en
ont fait un sarcophage, sans doute à une des portes de Paris du côté
de l'est ou du sud-est, c'est-à-dire dans le quartier Saint-Victor (vers
l'entrepôt des vins d'aujourd'hui). Paris n'avait pas reçu encore, au
commencement du v° siècle, les accroissements qui en firent, sous
l'empereur Julien seulement, une ville de quelque importance. Jus-
qu'à celte époque, le chef-lieu de la Civitas Parisiorum n'était guère
qu'une bourgade, ou plutôt elle ne se composait que de deux bour-
gades, ainsi que nous l'avons dit ailleurs (1). D'après le texte de
Strabon, il semble bien, en effet, qu'il y eût : 1° l'île, que nous ap-
pelons aujourd'hui la Cité, la Luletia de César (2), et 2° une loca-
lité nommée Lucotocia (3), dont les maisons étaient groupées autour
de la montagne Sainte-Geneviève : l'empereur Julien, plus tard, les
réunit et en forma une ville ayant pour centre son palais et ses ther-
mes (présentement l'hôtel Cluny et ses dépendances).
C'est à M. Robert Mowat que revient l'honneur de cette intéres-
sante découverte touchant les noms et la topographie de notre an-
cien Paris. Nous n'avions fait que signaler l'existence présumée de
deux bourgades distinctes au temps de Strabon; mais, depuis lors,
M. Mowat, dans un article intitulé Découverte d'une inscription gau-
loise à Paris, étymolo;iie du nom de Lutèce (4), a établi : 1° d'après
un diplôme de Childebert I" daté de 558, que, l'église Saint-Vin-
cent (aujourd'hui Saint-Germain-des-Prés), ayant été construite
(1) Géogr. îiixt. et admin. de la Gaule rom., II, p. U'U.
(2) César, De bell. Gall. VII, 57 : « (Lutelia), id est oppidum Parisiorum quod
positum estia iusula fluminis Sequanae ».
(3) Strab. IV, lu, 5 : lUpl oz tôv Ir.y.oàvav 7;oxa|JLÔv eîti xat o'. Ilapt^iot vr,aov i/ov-
tî; èv To) itoTa(Atû xai tio/iv Ao-j/.oToxîav. Il semble bien que ce soient deux localités
distinctes : !<> l'île, 2» la ville de Lucotocia. C'est l'Ile seule qui aurait été appelée
Lutetia. Et ce nom, à partir de Julien, aurait été étendu à toute la ville, agrandie
par les fondations de cet empereur : c'est lui qui aurait relié Lucotocia h. Lutetia.
{Il) Reu. archéol. de février 1878, p. 102, uote 2 (t. XX.W de la 2^ série).
14H BF.VUF. ARCHKOI.OGIQUK,
dans un liou appoli'' Locoticiae, — el 2", d'après le CompnvUum de
Origine rt Gistis Francorum (\), que, Clovis ayant t'iové piécé-
ileinuKMil, aux apùlros PitMre el Paul, une autre (''Rlise « in colle
Leucoticio. i]\n nunc Ccnoreff nppelintur » ; ce lieu correspond en
cITfl n la nionta}j^ne Sainte-Geneviève. Ainsi la bourgade ou la ville
dite l.urotocia, Lucoticia, Lnicoticius locus, distincte, pendant les
trois premiers siècles de notre ère, de Lnlctin (l'ile), se serait éten-
due surtout le quartier moderne compris, au nord et à l'ouest, entre
Saint-Germain-des-Prés, la rue Nicole, où M. Landeau a découvert
un cimetière du r' et du ii" siècle de notre ère (2), au sud ; la rue
Clovis el la rue du Cardinal-Lemoine, à l'est.
11 faut remarquer en outre (jue Lutetia [Vl\e), ayant èlè détruite
par ('amulogène en o2 avant notre ère, fut reconstruite, assez lente-
ment sans doute; c'est ce qui explique qu'elle ne soit mentionnée
par Slrabon que par le mot vYÏao;, et, comme il ajoute xal TC(iXiv Aouxoto-
xi'av, il se pourrait que cette dernière eût été, de o2 av. J.-C. à S.'iO
de notre ère, le chef-lieu des Parisii, el ce qui paraît conlirmer cette
opinion c'est que Ptolémée, au milieu du second siècle, leur donne
pour -o)aç L«co/pnfl, AouxoTExi'a (d'après les manuscrits, variantes
AouxoTÉx-ra, AouxoûsxTa OU, en abrégé, Aoux.) (:]), ce qui ne saurait, en
aucun cas, être confondu avec la lecture Lutetia.
Les humbles commencements de Paris (1) ne permettent pas qu'on
lise, sur les bornes milliaires datant des premières années du iv« siè-
cle et provenant de la ville môme ou de ses environs : milliarium
primum a civitate Pnrisiorum. C'était là le mode usité surtout dans
les capitales de piovince d'où l'on comptait les milles ou les lieues;
mais la station de Paris, bien que se trouvant à l'extrémité de la pro-
vince de Belgique Seconde, devait alors faire partie d'un parcours
qui se poursuivait au delà et dont l'origine était évidemment dans
un Centre administratif assez important pour qu'il ne fût pas néces-
saire de le désigner, dans tout le réseau provincial, autrement que
par la lettre initiale de son nom R, l\{cmi), Keiuis.
On pourrait trouver étrange , il est vrai, (ju'à Paris môme,
dans le chef-lieu «le la cité des Parisii, on eut élevé une borne
milli;ure, u«arquant la distance ijui séparait cette ville de Reims,
capitale de la province de Belgiciue Seconde., en indi(|uant la pre-
(1) Robert Gaguin, l.'j'J", folio II, v.
(2) Un coin de Paris. Le cimetière gallo-romain île la rue Ni(ole, br. in-8, 18'8.
(3) Edil. Wilberg, p. 138.
(4) L'expression :io/i/vT, do Julien ne laisse aucun doute ;\ cet égard.
LA liOllM'; MIIJ.IMIIK DK l'MIIS. 149
inière de ces doux localit(''.s ;i l'ablatif avec l'abréviation la moins
laconi(|ue des deux, A CÏV PAU, et la seconde, c'est-à-dire celle qui
se trouvait à l'autre exlrùniité du parcours, à l'accusatif par sa seule
initiale R. Cernerait, au sentiment de quol(|ucs-uns, une formule faite
au rebours de ce qu'elle aurait di\ èfi-e.
Il semble qu'à Paris, sur la frontifl-rc des provinces de Lyonnaise
Première et de Belgique Seconde, on aurait dû s'exprimer ainsi :
A Ueniis riritaton Varisiorinn, ou, avec le nominatif : A Uemis
cirilas Parisionnn. Il pourrait p.iraîlrc dès lors tout naturel de lire :
A civitate Parisiorum, Rotojnaf/uin. Milliarium primum.
Quant à la lecture : .1 ciritale Parisiorum, personne ne songe à la
contester.
Si l'on passe en revue la plupart des bornes milliaires de VOrbis
ronianiis, il sera facile de tirer de cet examen comparatif une obser-
vation nouvelle, qui nous semble donner un relief singulier au
monument de Paris, et avoir quelque intérêt peut-être pour la géo-
graphie ancienne.
D'autres avant nous se sont aperçus, sans aucun doute, qu'il exis-
tait plusieurs sortes de bornes milliaires. Il nous paraît nécessaire
de les distinguer nettement en les groupant dans les catégories sui-
vantes :
1° Celles qu'on peut appeler les bornes ordinaires, jalonnant les
routes, en marquant les distances d'un parcours à partir d'une loca-
lité, qui le plus souvent n'est pas nommée, et qui, lorsqu'elle l'est,
ligure soit à l'ablatif avec ab : .16 Aq{ui7ico), A Brerjet^ione), etc.,
m{illia) p[assuiim , — soit à l'accusatif pour indiquer le but vers le-
quel ou marche ;
2» Celles qui ne mentionnent que les noms des empereurs, sans
indication de localités et sans distances exprimées, mais qui ont
plutôt le caractère de monuments élevés en leur bonneur, et n'ont
pour ainsi dire des bornes milliaires que la forme, comme celle de
Lescorno, en Bretagne, et tant d'autres dans tous les pays de VOr-
bis romanus;
3" Celles qui rappellent les travaux de construction ou de répa-
ration accomplis par tel ou tel empereur, tel ou tel personnage,
telle province ou telle cité, et sur lesquelles on trouve souvent les
distances indiquées, mais ordinairement sans qu'aucun nom de
localité y figure : telles sont, par exemple, celles de Kécessan, dans
le Gard, de Fontanes dans la Haute-Loire, tels les milliaires de la
voie de Lambaese à Diana, en Afrique;
4° Enfin les bornes que nous appellerions, si l'on veut nous le
180 l\FVL'K AUCHÉOI.O(;i(.U!K.
lUTiiii ttiv, k's homes niilUoives rrcapltulatires : ce ne sont plus de
simplosjalons posés sur les routes, mais ces nioiuiments olTient, en
bloc, la somme des milles ou des lieues, d'une extrémité à l'autre
d'un parcours donné. Ils devaient se trouver à la frontière il'une
province el parfois maniuaient la di-lance entre deux chefs-lieux
de cités importantes.
De ces quatre groupes de bornes (|ue nous venciK d'énunn'Ter,
nous nous arrêtons seukment au dernier. On coinprendia sans peine
que ces sortes de poteaux ou bornes récapitulatives soient beau-
coup plus rares que celles qui jalonnaient les routes de mille en
mille, puisqu'il ne dt.'vait y en avoir Inul au plusiiue deux pour tout
un parcours : une à chacune des extrémités.
Cependant, si petit que soit le nombre des bornes récapilulalives
que le temps a épar.i^nées, il nous a été possible d'en découvrir qui
sont conçues exactement dans les mêmes termes que le milliaire de
Paris tel que nous l'expliquons, c'est-à-dire exprimant, à l'ablatif
avec ab, le lieu où elles avaient été élevées, et, à l'accusatif, la loca-
lité qui se trouvait à l'autre extrémité du parcours.
Disons d'abord que ces deux cas de la déclinaison latine sont ré-
gulièrement les seuls qui soient employés dans la teneur des ins-
criptions milliaires prises en général. Le nominatif n'y figure qu'à
titre tout à fait exceptionnel. Dans les quelques centaines de mo-
numents que nous avons étudiés, nous ne l'avons rencontré que
quatre ou cinij fois. El cela se comprend, car la localité où l'on se
trouve sur une route est, en même temps, colle d'où l'on part, par
conséquent elle doit s'exprimer par l'ablatif avec ab; celle vers
laquelle on tend, supposant mouvement, se met naturellement à
l'accusatif.
Il n'y a pas un seul exemple d'accusatif pour indiquer le lieu où
l'on est, c'esl-à-dire celui où la borne a été dressée. Ceux qui ont
étudié ces monuments géographiques .savent parfaitement (iue,sur
les bornes qui jalonnent les voies, il est d'ailleurs extrêmement rare
que les noms des vici, des mutationcs, des stations en un mot, où se
trouvent les bornes itinéraires, y figurent.
Si l'on ne peut employer l'accusatif pour indiquer le lieu où l'on
est el où s'élève la borne, il faut, nécessairement employer le nomi-
natif ou l'ablatif.
Nous n'avons pas trouvé d'exemple du nominalif sur ce que nous
appelons les « bornes récajjiiulatives » et nous croyons (jue, sur les
autres, c'est le plus souvent par erreur (jue Ion comjjléte parla termi-
naison du nominatif les nomsgravés(avcc abréviations quatre-vingt-
i,\ nn»\r. mili.imuk uf. r-Mus. loi
dix-neuf fois sur cent) sur les bornes milliaircs. C'est l'accusatif ou
l'ablatif qu'il faudrait lire, selon nous : l'accusatif, toujours, quand
la borne mentionne une autre Incililé (]ue relie où elle se trouve, —
h moins (lu'il ne s'agisse expressément d'un bomniage à l'empereur
par les habitants de la ville voisine, qui a construit la route, — et
l'ablatif, quand elb; indique le lieu où elle est et par conséquent
d'où l'on part. Nous ne parlons ici, bien entendu, (jue des bornes
milliaires ordinaires. Pour ces dernières, dans quel cas doil-on lire
la localité au nominatif? Dans relui où il s'agit, nous le répétons,
d'un véritable hommage à l'empereur. Nous croyons, par exemple,
que M. L. Ucnier a Ui avec toute raison, sur une borne trouvée près
de Lambaese (l):
PERPETVO
NOBILISSI
MO MAXI
MIANO
CAESARI
F !
R • P • C • L.
Respublica coloyiia Lambaesis.
Celle de Feurs ne nous laisserait que peu d'incertitude sur ce
point, car, par une exception très rare, elle nous montre le nom de
cettelocalilé gravé en toutes lettres. C'cslun hommage de la cité des
Ségusiaves à Trajan Dèce et elle porte, après les noms de cet empe-
reur :
CIV SEGVS
LIBIIRA
LU
et, en raison du contexte, il n'est pas probable qu'il fiiille lire
aWitate LIBIIRA à l'ablatif.
Mais rien de commun entre ces milliaires impériaux et les bornes
récapitulatives des grandes distances. C'est à ce dernier groupe
(1) Inscr. de l'Alg., 4316.
<52 lUVlK \nCHF.OLOGI0l'K.
qu'appartiiMil, inr cxiMiiplo. la lioriic ii)(li(|uanl la snniino th-s milles
cMrc Bnicard Auf/uf^ta (Uraj^'a, vu Porluj^al) cl Asturica (Aslor^a).
Cello borne provieiililo Hraj^M inêmtNCoinme l'allcste M. lliibmT:
u{hic) posui — tlH-il. — millinrios UddiKitii duos (n" 47n, 4748
ilu t. II tlii (Corpus Iiiscr. bil.,, qui, si rccle lradinitin\ re rera vi-
dentur liracarae ipsi Iribnrndi essr ». Or le ii" 4747 iiorle :
A BRAC ARAVG
ASTVR1CAM(V
M • P • CCXV («)
Mais nous avons un autre témoignage que celui (ju'on vient ilc
lire louehanl la provenance de cette borne récapitulative : c'est l'Iti-
néraire tl'Antonin. Le nombre de ^21;) milles entre Uracarn et Astu-
rica est identiquement le même entre ces deux vilU-s dans l'Itiné-
raire d'Anionin, et, qu'on le remarque, ce document est conçu
exactement dans les mêmes termes. Le parcours commence à HraL^'a;
C'est à Braga qu'a été tiouvée la borne; c'est de Braga que sont
comptés les milles de l'Itinéraire :
A Bracara Asturecam mp m CCXV{^).
D'ailleurs vingt passages de l'Itinéraire d'Antonin nous olTrcnt
la même formule. Nous remaniueions en elTet, dans ce docu-
ment, que partout les parcours donnant en détail les noms des sta-
tions avec les dislances qui les séparent, sont précédés d'un en-léte
ou d'un titre de cl. apilre qui n'est autre chose iiue l'énoncé du point
de départ, puis du point d'arrivée, avec la somme récapitulative
des distances partielles, donnée par avance en bloc. Prenons (juol-
ques exemples; ils sont, d'ailleurs, connus de tout le monde, mais il
est utile de les rapi'eler ici; car le rapprorhemenl de ces textes offi-
ciels avec la borne de Paris, (lui en est piesque contemporaine,
paraîtra sans doute intéressani :
P. 4;i6. Ab Aqnis TcribvlUris Burdi-jalam (do Dax à Bordeaux) mpm iXIlI.
Suil le détiil du l'"" mille .ai Oi''.
(1) M. Iliibiior roctille avec toute r:iisoii la leçon vicieuse de Piplii et de llamberti
qui portait ASlVIUCAi;.
(•2} Mallieutcusemeiit riiiscriplioii n'est pas bien couscrvéi- dans si partie infii-
rieurc, mais la dernifcre ligne avait été copiée par llainberti, d'où Mniatori l'a tirée
fp. 452, D" 3), et Higiii l'a lue de même (C'W. de Berlin, f. :!I0).
(3) Wessniing, p. ^27.
I,\ ItOIlNI'. .MII.I.IAIlll. I»K l'AlUS. 153
P. 4';-. AI) Aqnis Terehellicis Tohsum mpm CXXX.
\\ 4()2. Ah Aiiiiiiio Lnijdunvm vipm LXV .
W 'Mit. A llotunuKjo Lutiiium usiptr nqnii I.XXVII.
Nous ne pouvons nous empCclicr dij nu'llre on regard de ces lexles
de rilini'iaire celui de la borne de l*;iris, telle rjue notis la lisons :
A ciiitatc Parisioni'n H CT,
et nous demandons ouest la différence? La similitude est (elle que
nous sommes presque tenté de considérer ces récapilulalions, — en
quelque sorte préventives, — des voies de l'Itinéraire comme la
Odéle reiiroduction de ces hornes milliairesque nous avons a[)pelées
récapitulatives et (jui devaient se trouver au départ et à l'arrivée des
grands parcours des voies de la Gaule, au iv" siècle.
De tout temps, d'ailleurs, ce genre d(! poteaux indicateurs de la
distance totale à parcourir a été en usage.
En Italie, au temps des Gracques, nous en avons un exemple bien
connu : c'est celui de la borne de Polla dans le Val di Diano (1). On
remar(iuera sur ce monument, tant de fois publié, quelemoî HiN'CE,
qui désigne le point d'où l'on part, d'oii l'on compte et où se trou-
vait le poteau, joue le rôle d'un véritable ablatif, et que, malgré le
verbe sunt, les destinations diverses sont à l'accusatif.
HINCE SVNTII NOVCERIAM -MEILIA Ll • CAPVAM XXCIII, etc.
Le milliaire de Paris nousoffrii-ait donc, — et cela en augmente
beaucoup l'inlérôt et la valeur, — un nouveau spécimen de ces
bornes récapitulatives, dont nous retrouvons la teneur exacte dans
les en-tôtes, des parcours de l'Itinéraire d'Anlonin.
Nous ferons remarquer ([ue le caractère récapitulatif est d'autant
plus tranché pour la borne-poteau de Braga, que nous possédons
plusieurs milliaires ordinaires des routes partant de Bracara, ci
dans lesquels ne ligure pas le point d'arrivée. Or ces monuments,
qui ont été apportés dans cette ville, où on les voit encore aujour-
d'hui, portent :
BRACARAVG
Mil
(C. /. /,., II, II» iTOi),
(1) C. L IL., I, ri* 5r)1, p. 15Û.
154 REVl'K ARCHROI.OGIQUE.
A BRAC
^/? ■ VI
' . /. /., 11,11" iin;\).
A BRACARA • AVG
MP XlTi
(/6jV/., n. /|752).
Ilsparai.sseiit provenir de larnî^mc route de Hraga à Aslorga, el il
est impossible d'admettre (ju'ils aient ôtù transportés ;\ Rrapa, où
ils se trouvent présentement, des environs d'Astorya, e'est-à-dirc de
plus de deux cents milles; ils proviennent donc certainement des
environs de Hraga. Nous avons môme le jiremier milliaire. daté
de la dernière année du règne de Maxiinin et de son lils Maxi-
mus (238), et dont l'inscription se termine nin>i :
A BRAC- AVG • M P • I
(C. / L, II, n" Û736).
Le lieu d'arrivée n'est mentionné sur aucune de ces bornes. Si
celles qui indiquent le HT et le 1V« mille ne portent pas la préposi-
tion a, ab, avant le nom de Bracara Augusta, il est permis de croire
qu'on lisait indilTéremment sur ces bornes-jalons l'accusatif ou
l'ablalif; ce qui, par le fait, était absolument indilTérent au voya-
geur, qui savait probablement d'où il venait et où il voulait aller.
Celui (jiii se rendait de Braga à Astorga lisait : lAjHIiAC[ARA] ou
BRAC^MiA] (ablatif, sans préposition); celui qui venait d'Astorga
et se dirigeait vers Braga lisait : BUAC[ARAM], et il savait qu'il avait
encore YIII, VI, IV, I milles à faire pour y parvenir. Mais celui qui
se trouvait à Braga savait, par la borne récajiitulalive, ([u'il avait en
tout (XXV milles à francliir pour tout le voyage entre Bracara
Aufjusta et Asturica.
Ainsi, tout le système est parfaitement simple :
D'une part, borne récapitulative de la distance totale, sise à
Braga :
A Brncara Asturirnm (JVXV milli'i jc/ssh <<;/<.
D'autre part, les bornes miliiaires jalonnant la roule :
l'f inilliaiic. .A liracnrn /iwyusri 1 miHiarium.
2'' milliaire. liramra Augustn (ablal.) ou liracaram AuQUstam llll millia
passuum.
LA BOR.NR MllJ.IMIti; liK PARIS. 158
6' milliairc. liracara VI millia pasminn. — Ktc.
Le dispositif est donc tout autre sur le poteau récapitulatif de la
distance totale et sur les bornes rouiières plarùes, de milNî en mille,
le lonj,' (le la voie. Si nous ne nous tiompons, la (liiï(''renee entre ees
deux sortes do monuments et l'usage ou la fonction de l'un (!t des
autres apparaissent clairement dans les exemples (pn; nous venons
de citer.
La lecture (ju'on avait proposée d'abord pour la borne de Paris :
A civitatr Parisiorum liolomarjutn milliarium primum, n'est cepen-
dant pas sans analogue. On trouve le point de départ et le point
d'arrivée mentionnés à la fois sur les bornes ordinaires qui jalon-
naient certaines routes ; mais les exemples en sont d'une extrême
rareté. Nous pouvons en citer un : la rin Augusta, partant des en-
virons de Castulon (Cazlona) et se rendant à Gades (Cadiz), partait
exactement du Janus Augustus, près de l'arc érigé sur la rive du
Baetis (Guadalquivir), et se rendait à la mer, nd Oceanum, c'est-
à-dire à Gades : la distance totale, calculée par M. llûbner, aurait éié
de CCL milles (1). Malbeureusement, nous ne savons pas où étaient
Vnrcus ad Baetem et le Janus Augustus, et, comme nous ne trou-
vons sur aucune borne de cette voie la dislance de CCL milles, il
faut en conclure qu'aucune d'elles ne provient du lieu de départ, le
Janus Augustus, ni du lieu d'arrivée, Gades, et ne peut en consé-
quence être considérée comme borne récapitulative. Ce sont donc
des bornes milliaires ordinaires (]ui soni parvenues jusqu'à nous.
Elles ont presque toutes été transportées à Gordoue, au temps des
Maures, et la provenance de chacune d'elles n'est pas certaine. Le
dispositif de cinq d'entre elles est, avec des variantes insignifiantes :
A'BAETEETIANO- AVGVSTO
AD OCEANVM
(C. /. L., II, 4701, Û703),
OU
AB • lANO • AVGVSTO • QVI • EST
AD- BAETEM- VSQVE- AD
OCEANVM
[I/jid., 4712, 4715],
(1) C'est exapréré. D'après le milliaire de Néron trouvé autre le Port de Sainte-
Marie et Jerez, et qui porte CGXXII, c'est-à-dire à douie milles de Cadiz, il faut
estimer la distance totale à CCXXXIIIII ou CCXXXV milles entre le Janus Augus-
tus ad Baetem et Gades.
['M\ IIKVL'K \llt:ili:n|,(»(;i(^iL'K.
011 (Mllill
AB ARCV
VNDE • INCIPIT • BAETICA
VIAM-AVG,;//////////
(C. /. /.., Il, II* A721).
Les nombips niilliaires in^rrits sur ces bornes sont
LMIll, LWI. L.WIII. L.WV, I.XXVII, LXWI, LX.WII.
Une d'entiv elles, provenant d'un lieu silué entre El l^ueito de
Santa Maria cl Jerez, porte CCXXII ; c'est le nombre le plus élevé.
Mais cet exemple de la via Aiigusta, en Héiiiiue, offrant, jiour
chaque mille, l'indication du lieu de dt'parlel du lieu d'arrivée, est
non seulement fort rare, nous le croyons uni(iue.
En supposant toutefois qu'on s'autorise de celle très rare excep-
tion, il resterait ii accorder la lecture de la borne de Paris avec une
sembinble donnée. Or, nous le répétons : 1° il y a un G et non un 0
après le U de la sixième ligne; 2" le C et le Vqui suit sont surmontés
d'une barre horizontale; 3° à la dernière ligne, il n'y a pas I, mais le
second jambage d'un .M.
D'autre part, si P;iris n'est plus désigné, déjà au commencement
dn IV* siècle, par son ancien nom gaulois de Lutetin ou de Lucoto-
cia, mais sous le nom de Civitas Parisionim (1), il ne faut pas cher-
cher non plus le nom de l'auire ville commençant par un R dans la
toponymie gauloise, mai.- bien parmi les noms des peuples indigènes,
noms qui sont devenus, à partir d'Auguste, les appellations offi-
cielles des cités, et qui ont été appUijués pendant les trois premiers
siècles aux territoires, pour être transférés ensuite, c'esl-à-dire vers
le milieu du m" siècle, aux chefs-lieux de ces mêmes cités (2).
ly M. Héron do Villefosse a fait, sur notre demando, une rcclicrclic des plus
instructives toucliaut l'époque où s'est acconi|>lie en Gaule la substitution des noms
officiels des cités romaines, c'est-à-dire des anciens territoires de peuples, aux noms,
gaulois pour la plupart, des o/ipùla qui étaient les chefs-lieux do ces mômes cités :
il a trouvé que les plus anciennes bornes milliain's où figurent les noms des cités,
comme l'iclones désignant la ville de l'oitierset non plus /.i>>io>ium,étaienidu milieu
du 111" siècle ; or, sur cette catégorie de monuments, l'emploi du nom ancien du
territoire des cités substitué i celui des anciens u/>/iiiln est tout :^ fait probant, car
les mesures de distancis sti|iposcnt l'énoncé d'un jioint précis et il est impossible
d'admettre que ces désignations aifnt pu se rapporter h un territoire.
(2) Voyer, — pour cette substitution, an iv sit-cle, des noms officifls des cités
df II Gaule, c'est-a-dire des tfrri;oires de ces cités, aux noms gaulois des villes,
L\ iioiiNi: Mii.i.iAim; nr: pauis. 157
La ville incnlioiHK'C sur tioirc iiiilli.iirc était donc désignée déjà
par le nom (|ir('llt3 a f^ardé (i(.'|iiiis : c'est coliii de raiicicn peuple,
appliiiué d'ahord olliciclleini'iit au leriiloiic de la cité luMid.int la
période (|ui sépaie Aui,Miste de Dioclélieii, pour passer eiisuile, et
déliiiitiveuK'iit, au cliel-lieu. (]'est ainsi nu'.lm^/VniJ, Ui'iloncs, Bilu-
riges, etc., ne signilienl plus le territoire de ces anciens peuples et
des cités roniaintîs (jui ont été l'orniées dans leurs limites, mais les
villes mêmes d'Amiens, de Uennes, de iJourijes (1); et (|ue les noms
gaulois qui désignaient les cliefs-lieux, Samarabrivn, Condate, Ava-
ricum^ etc., noms subsistant encore au temps de Ptoiémée (2), con-
servés même dans les Itinéraires, pour lesijuels nous avons montré
d'ailleurs (jue la nomenclature était antérieure au iv" siècle (3), ont
disparu pour toujours. Ce n'est pas un des moindres intérêts de
notre monument de nous montrer (jue, dés l'année 307, cette sub-
stitution des anciens noms de peuples, c'est-à-dire de cités, à ceux
des villes gauloises, était déjà presque entièrement accomplie dans lu
nord de la Gaule (4). Cet exemple est d'ailleurs assez fié(}uent, et
le cliangement date du milieu du m* siècle. Cela nous coiilirnie dans
l'opinion (jue cette transformation des noms des cliefs-lieux de cités,
qui dut commencer vers l'époque de Valérien et Gallien, se généra-
lisa, comme tant d'autres, au temps des grandes réformes de Dio-
clélien. C'est sur les bornes milliaires que cette substitution des
noms de villes est surtout significative, car les noms des localités
mentionnées sur ces monuments doivent avoir eu nécessairement
un degré d'exactitude tel qu'il ne pût donner lieu, dans la pratique,
à aucune hésitation. Il est clair que si les mots Civitas Parisinruin
n'avaient pas désigné une localité, c'est-à-dire un point du parcours
noms qui ne sont autres le plus souvent que ceux des aucieunes peuplades gauloises,
— notre Introduction à la Table de Peutinger {Gaule d'npiès la Table de Peutinge?',
in-8, p. Lvi) et l'édition iu-fol. de la même Table, p. 71, col. 1 et 2; voyez aussi
notre Géogr. Instor. et administrai, de la Gaule romaine, t. Il, p. 357-500,
passim; enfin voyez le Mémoire de notre savant confrère M. Deloclie, comn:uniqué à
l'Académie, séaucedu 6 septembre 1878, publié en analyse dans les Comptes ren-
dus ùq cette môiiic année, p. 155 158.
(1) Voyez Ammien Murcelliu, dont l'ouvrage a été composé vers 383; livre XV, xi,
passim.
(2) Livre H, cli. vi,vii, viii, ix et x.
(3) Operaet loc. cit., Introduction, /^«.«»«,et éd. in-fol., p. G8 et suiv.
(4) Nous voyons cependant que la borne nuUiaire d'Amiens, qui est de la môme
date que celle de Paris, désigne encore la ville sous son ancien nom de Samaru-
briva. Le cliangement dans les usages ne s'accomplit jamais partout qu'avec le
temps.
158 HRVUK AKCHKOLOCIOUE.
parfaileiiiLMU déleriiiiné, s'ils avaient pu s'enltMidrc cncoiv, coiuine
aux trois promiiTs siècles de l'Empire, du territoire de la cité des
Parisii c[ non de Iciir clicMicu, les iiiesuros de distance inarcjuées
sur les bornes itinéraires n'auraient eu .lucune précision. Nous
croyons donc que si, dans les documents du w" siècle {Itinéraire
(i'Autotiin et Table de Pciitiiiycr), les anciens noms gaulois subsis-
tent encore pour désigner les chefs-lieux de cités, c'est (|ue la topo-
nymie de ces itinéraires reproduisait des listes plus anciennes, et
surtout (]ue ces noms étaient inscrits sur un grand nombre de bornes
milliaires île ré[)0(jiic précédente, lesijuelles j.ilonnaienl toutes les
routes de la Gaule. Mais sur celle de Paris, élevée, ou du moins
gravée, Tan .^07 de notre ère, nn avait, nu contraire, oiiijtloyé déjà
la nouvelle nomenclature géographique devenue ollicielle il).
La ville désignée sur la borne milliaire de Paris par la seule ini-
tiale K est donc llcims, Honi.
L'ancien nom gaulois du chef-lieu de la cité des Rémois, Durocor-
torum, éiait devenu Rcmi ou ciritas Hemoru m, comme celui de Lucoto-
c/a ou de /.Nfcfïo s'était déj;\ transformé en ciritas Parisionim. Le
terme cicitas lui-même prend une acception nouvelle et s'appUijUC
désormais non plus seulement au territoire, mais à la localité qui
n'avait longtemps été que le chel-lieu de ce territoire.
Reims était la capitale de la province de Relgiiiue Seconde qui
ligure sur la liste de Vérone de 297 (2). C'était un centre d'où rayon-
naient les voies de la (iaule septentrionale, et d'où l'on comptait les
distances (3).
On connaît sept routes au départ (4j :
Dans ['Itinéraire d'Aittonin, nous en avons quatre, parlant de
Reims :
i" Sur Tarvcnna (Thérouanne) (ij) ;
i" Sut Ua(jacum Ncniurum (Bavai) (Oj ;
(1) Nous avons remarqué, il est vrai, des traces d'une inscription précédemment
gravée sur la borne de Paris, mais elle devait ûtre de très peu de temps antérieure.
(2; I.a nelgiijue y fleure sous la forme fautive lielicu ]', betoa 11^. jiour Uelfjua /*,
Hel(/icii //* : voyez Mommsen, Verzeichniss der rœmisrh. Provinzcn, auftjesctzt
um 297 (MéDioires de l'Académie de Berlin de 18G2, p. 492), et la traduction de co
Mémoire par Emile Picot, Revue archiologùjue (nouv. série), t. XIV, déc. 18(i0i
p. 371 et 3«9.
(3) Bergier, Histoire des (/rands chemins de l'Evipire, I. IV, cliap. 30.
(û) lieims pendant la domination romaine, par Cli. Loriqurt; 18C0, p. 200.
(5) Page 370.
(6) Pages 380-381.
I-A BORNE MnJ-IMIM" F)l-: l'XRIS. 15!)
3' Sur Lwjdunum (I.yon) (I) ;
4" Kl sur Dioudurum (Melz) (•2).
La Table df Peutinger nous monlro six roules layonnant de
Rt'ims :
i» Sur Andomatunum (Langres) cl Vesontio (fJesançon);
2° Sur Tullum (Toul), Melz al le Hliiu ;
3° Sur Coiinia (Cologne) ;
4° Sur Bononia (Doulogne), par Havai ;
5° Sur Samarabriva (Anuens) par Awjusta Snessiomim (Soissons);
C Enfin sur Cenabum (Orléans) par Awju^tobuna (Troyes) (3).
Or aucune de ces routes ne met en communication directe Reims
et Paris; il en existait assurônicnt une indirecte, gagnant la voie de
Soissons à Heims, comme aujourd'iiui le chemin de fer; la distance
exprimée sur la borne de Paris ne nous révèle pas l'existence d'une
autre route plus courte; file existait cependant.
Les CV milles indiqués sur notre borne milliaire valent cent cin-
quante-cimi kilomètres. Le chemin de fer en donne cent soixante,
mais le cliemiu de fer n'a jamais un tracé bien direct.
Le point de départ précis, le parcours et les vestiges de cette voie
sont à étudier.
M. Longnon nous écrivait, à la date du 29 octobre :
« La route [romaine] directe de Paris à Reims par Le Multien,
route sur lat]uelle j'ai les renseignements les plus circonstanciés, ne
mesure que 95 milles romains en parlant de l'île de la Cité.
« Je viens de mesurer également la voie de Paris à Reims par
Soissons; cette voie, qui n'est pas [non plus] mentionnée parles
documents itinéraires, pour sa première section [du moins], entre
Paris et Senlis, devait sechilTrer par 108 milles romains, à partir de
l'île de la Cité. »
i" Route directe : 95 milles romains, = 140 kil. 595 m.
Borne de Paris : lOo milles romains; écart : 10 milles en plus,
c'est-à-dire 14 kil. «81 m.
2" Par Soissons : 108 milles romains, = 139 kil. 948 m.
(1) Pages 358-362.
(2) Pages 3G4-365.
(3) Voy. notre édition in-folio de la Tahle de Peutinger, se,?meiu I et II. On re-
marquera que plusieurs voies fout double emploi ici, étant nommées dans les deux
documents.
1G(I HKVIIK ARCIlk0I.(U;H,U!K.
Home tli' Pans : KIR iiiillrs romains ;êiarl : 3 inilles= 4 kil.4-i3in.
Par 11» duMiim <li' Flm- pissaiil par Soissons, il y a iOO kiloiiirtres.
la mùine ilislance (jue par la voit* roiiiaiiu' tiui passait par Sciilis cl
Soissons.
A vol d'oisi-aii, il y a iiiln- Paiis cl llcims 130 kilomètres.
Par la roule iialioiiale, l.Mi kiloiiictrcs.
La route iiuJiiiiiée sur le milliaire de Paris devait dune être plulôi
celle (lui passait par Soissons, mais dont le parcours entre cette ville
cl Paris était ;W-lierclicr. .M. Auguste Loni:n()n l'a trouvce. Voyez-
plus bas.
Nous croyons que toute l'inscription de la Itorne trouvée au cime-
tière Saint-Marcel peut se restituer et doit se lire ainsi :
DD • NN • M • AVR
MAXIMIANO
ET • PL ■ VAL
CONSTANTINOJ
AVGG ET
DN • GAL • VAL
MAXIMINO
NOBIL • CAES
A • CIV • PAR
R CV
[D{omin\s) n{odris) duobus, M. Aur\eUo) Mniimiano et Fl(aviu)
Vai{erio) Conslautino], Auij{ustis) dtiobus, et I){oimno) n[ostro)
Gaieriu) Valfrio) Mnximiuo, Nobil{issimo) Cacs(iui).
A Civ'jtule) Pur'isioniia),
H{emos) centuin et quinque millia (passuum).
EuNliST DlCSJAllDl.N'-.
{La suite prochainement.)
SEPILILUK AMIOl 1^ IIK CHimiLO
TRÈS DE BOLOGNE (Ilalir)
La Revue archéologique a public', il y a déjà plusieurs années, une
notice curieuse inlitiiiéc ; les Gaulois à Marzabotto dans VA'pennin.
L'aulcui', M. G. de Mortillet, s'était autorisé, pour reconnaître leur
présence dans la nécropole étrusque, de l'étroite analogie qu'il avait
remarquée entre une épée et une lance en fer, ainsi qu'une
fibule en argent, recueillies dans une sépulture à inhumation à
Marzabotto, dans le Bolonais, et les objets similaires si communs
dans les tombes gauloises de la Champagne.
Plusieurs archéologues italiens ne se rallièrent pas à cette opi-
nion émise lors du Congrès préhistorique de Bologne; notamment
l'éminent président, M. le comte Gozzadini, qui plus tard la com-
battit dans la revue les Matériaux pour l'histoire de lliommc.
Si nous rappelons celte polémique, c'est que la question renaît à
l'occasion d'une découverte plus récente et mieux caractérisée, dont
M. Gozzadini a donné la relation dans le courant de 1871). Sa bro-
chure a pour titre : Di un antico sepolcro a Ceretolo ncl Bolognese,
et l'inventaire descriptif du mobilier funéraire semblerait devoir
modilicr l'ancienne manière de voir du savant antiquaire. Il n'en est
rien; M. le comte Gozzadini reste convaincu que l'élément gaulois
n'est pas représenté archéologiquement dans le Bolonais. Il
regrette cette lacune; le sol de la contrée, longtemps avare, étant
devenu, depuis une quinzaine d'années, une mine féconde où Fel-
sina revit dans les dépouilles mortuaires des populations (jui l'ont
successivement occupée.
Pendant deux siècles les Gaulois Boïens ont dominé sur cette
parlie de l'Italie; la terre a conservé leurs restes comme ceux des
autres races, et elle ne les aurait pas encore rendus. Telle est du
moins l'opinion d'un des hommes les plus versés dans les antiquités
de son pays.
xxxix. Il
iGi liEVUfc Aiic.iiKdi.ouigii:.
Dt'Vnnt In roiniu-tcnce .<i reconnue de M. le comte fiozzadini,
il y a sans doiile piésoinplion de noliv pari à ne pas acccplcr ses
conclusions. Il nous pcrniellra loutefois de présenter nos observa-
tions, m re^jard des savantes considérations (ju'il fait valoir pour
établir l'élruscisine du gisement arcliéologii|ue (jui va être le sujet
de cet article. A notre avis, le gallicisme de ce gisement ressort
d'une identité complète entre les objets i\uï le composaient et les
antitiuités gauloises cjne livrent si libéralement les cimeiières de la
Clianjpagne, contrée privilégiée, elle aussi, où d'innombrables se*
jiullures nous font suivre chronologi(iuemenl les diverses races
i|ui y ont vécu.
Le mémoire de M. le comte fiozzadini est intéressant à un double
litre : comme iiuestion d'art et d*iiilcr|irélalion m\iliologi(|ue, ;\
propos de la pièce capitale de la découverte de Cerelolo; jtuis comme
question d'attribution ellmi(iue que soulève l'ensemble des épaves,
côté qui rentre plus directement dans le cadre de nos éludes au
musée de Saint-Germain.
Dans un cbamp, à une dizaine de kilomètres de IJologne, le soc
de la charrue, dans des travaux de labour, lieurla un corps sonore,
un vase en bronze; heureux hasard (jui engagea le propriétaire, le
marquis Tomaso Bosclii, à faire explorer métbodi(juementle terrain
environnant.
Les fouilles mirent au jour un siiuelette enfoui à même le sol,
sans aucun vestige de construction prolectrice, un guerrier enseveli
avec ses armes, ses parures, ses objets familiers. Au côlé droit, une
épée en fer reposant dans son fourreau égaleiiienl en fer; à gauche,
au-dessus de la tête, un fer de lance ; et sur les lianes une sorte de
chaîne ou de torsade en fer; sur la poitrine, dix- huit perles en cal-
caire veiné, restes d'un collier, une lihule en bronze, et au bras
gauche une armille en bronze. On recueillit encore |irès du corps,
mais dans des places moins bien ilélerminées, deux gran.les fibules
enfer, une paire de petits couteaux, lame et manche en fer, et un
de ces ciseaux dits forces, de même métal. Deux vases en bronze
avaient été ib'posés dans la séi)ulture; l'un, fort détéridré, était sans
valeur, tandis (jue l'autre, placé près du liochanter ihoil du mort,
pré.sentail un intérêt tout i)articulier ; aussi M. (Jozzadini lui a-l il,
dans sa brochure, fait les honneurs d'une fort belle planche.
C'est une «l'iiochoé de style étrusque bien caractérisé. L'orifice
trilobé est couronné d'un rang d'oves qui se lépùte ù la base, au-
dessous d'un riche bandeau d'entrelacs cantonnés de rosaces. Le
bec, coHiUie dans tous les vases de ce genre, est droit cl proémi-
SKPULTURR ANTIQUE OR CKKKTOLO. lO.J
ncril. ri';in>p, qui, (Issoiidr-o, s'est rclroiiV('c à cMr de rd-noclux'',
(loiiiu! à cclli' pii'fc une haute valeur aitistiiiuo. Kllc est foriné(i
par utiiî •!latue(t(! en ronde bosse, dont les pieds, cliaussùa ilc
roliiurnes, posent lé^'ôremenl sur une a|)pli(|uc palmée et dont un
des coudes, loiS{|uc la pièce était intacte, jinMiait un point d'allarlie
sur uni! volute s'enroulant au-dessus de Touverlure du vase. Cette
gracieuse ligure est nue et porte au cou un collier auquel est sus-
pendu un petit croissant. Les formes, aux contours arrondis, bien
accusées, rex{)i('ssion [jleine de langueur du visage, les cheveux
relevés en rouleaux sur le Iront et retondjaiii imi mèches ondoyantes
sur le dos donnent au personnage l'aspect d'uin.' femme, et cepen-
dant il est du sexe masculin. (Jue reprèsenle-t-il •/ C'est ce (|ui; l'au-
teur du mémoire recherche avec l'érudition (|ui lui est familière.
L'idée que fait naître le plus naturellement la vue de! cet andro-
gyne est celle du lils d'Hermès et d'Aphrodite; mais le défaut d'ac-
centualion de la poitrine, ainsi que le sentiment du visage, autre
que celui (pie les artistes donnaient à Hermaphrodite, engagent
M. Gozzadini à écarter celte première supposition. Le peisonnage
d'Endymion, reveillé de son sommeil, les yeux et les bras élevés
vers le ciel dans l'attcnlc de son amante céleste descendant de l'em-
pyrée, serait plus acceptable. Ou bien encore, en raison du symbole
suspendu au cou, la représentation de la lune, dans sa double
nature, d'après la théogonie des Egyptiens; la lune, du sexe féminin
comme astre, et du sexe masculin comme mythe.
Ces interprétations ne satisfaisant pas complètement le savant
auteur, il incline, en définitive, à voir dans l'anse de l'ienochoé un
Bacchus jeune, ['œlernus puer, auquel les auteurs, d'accord avec
les monuments, prêtent habituellement des formes efféminées.
Malgré une particularité qui frappe à première vue dans cette sla-
luette, la torsion anlinaturollo des mains repliées à angle droit sur
les poignets, disposition archaïiiue fréquente dans les ligures étrus-
ques, le comte Gozzadini en reporte l'exécution au temps où l'art
étrusque, sous l'inlluence helléni(iue, atteignait son apogée. Il fait
découler de cette appréciation, pour déterminer l'oiigine de la sé-
pulture de Ceretolo, des déductions qui ne nous semblent pas aussi
rigoureuses qu'elles le lui paraissent. Comparé aux bronzes sortis de
la nécropole de la Certosa, le Bacchus trahit par son modelé une
main plus exercée, moins soumise à la tradition; œuvre plus éclec-
tiijue, assure M. Gozzadini, il appartiendrait à une époque moins
ancienne que l'art de la Cerlosa. D'après le savant M. Fabrctli, la
nécropole se serait constituée entre l'an de Rome 430 et l'an ooO,
ilJ4 IIKVUK AnCUKOLOr.IQfE.
rollo (Icrnii'Te dnto ne luécôdanl que de seize anm'^cs la ruine de la
domination hoienne en Ililic. D'où il s'ensuivrait que la .-tatuelle,
in.li.|u.int par son style un Ifiiips postérieur ;\ la C.eitosa, ne peut
avoir été déposée que dans une sépulture élru.Mjue, alors ipie les
Hoïens avaient déjà énnj^M'é du llolonais.
D'abord, la statuette montre une prcuvi- d'andiaïsme tellement
choquant malgré toutes ses (jualilés (|u'il est permis dliésiter sur
l'époijuc à lui assigner, el ensuite une date basée sur un sentiment
d'art, si sûr qu'il soit, est toujours bien sujette h controverse. El puis
est-ce bien après avoir passé pemlanl deux siècles par la domina-
tion de barbares tels (jue les Gaulois, pour tomber ensuite sous le
joug des Romains, dont les instincts artistiques étaient si peu déve-
lojqiés, est-ce bien, disons-nous, dans des conditions aussi défavo-
rables que l'art étrusque est arrivé à son épanouissement le plus
complet?
Quelle que soil la date attribuée à l'œnochoé de Ceretolo, ce ne
serait pas la première fois (ju'un pareil vase aurait ligure avec des
objets de parure en bronze el des armes en fer dans une sépulture
gauloise. D'autres œnocboés étrus(iues de même style, moins pré-
cieuses sans doute, leur anse n'alTectanl que k's formes ordinaires
de ces appendices, ont été, on le sait, rencontrées au nord des Alpes.
Une disposition conimune rapprocbe toutes ces dMioclioés : l'ap-
plique palmée ou rayonnce surla(|uelle l'anse retombe et s'attache
à la panse du vase. Les détails d'ornements, le slyle, l'exécution,
ont des rapports si étroits (piMls nous ramènent à des époques de
fabrication peu distantes l'une de l'autie.
Deux de ces vases sont sorlis des cimetières de la Marne (1);
cimetières dont un archéologue, qui en a fait une élude particulière,
fixe la durée entre l'an X,0 cl l'an 2()() avant notre ère (^2). A (jucl
litre faisaient-ils partie du riche mobilier funéraiie de chefs gaulois
iidiumés dans un appareil tout militaire sur leur char de guerre?
L'opinion qui considère le dépôt trauli(iuilès étrusques dans ces sé-
liullures comme un témoignage des expéditions en Italie est aussi
plausible (juc cidle qui ne veut y voir que la preuve d'une importa-
lion commerciale. Dans celle première hypothèse, il n'y aurait rien
d'impossible à ce (jue l'dinochoé de Cerelolo liguràl, elle aussi,
'1) Sépulture de Sommc-Bionne. More!, lu Clitmipagnc fnutcnainr, 2" livraison.
Sépulture de Sommc-Tourbc. td. Fourdriguicr. Double sépulture do la Gorge Mcillct,
, 1878.
(2) Alexandre lActUiud, Archéoloyic celtique cl gauloise, 1870. p. .173.
SKI'UI.TUIIK A.NTinUK r)R CIÎHKTOI.O. 1(i
comme Iropliéo ou hiitiii dans la loinlx; d'un fiauloi.s do Ja Cisal-
pine. Reste H exaniinet" maintenant si la romparaison des autres
()l)jets (jui raeconipai^naient avec les objets de niAnKi destination,
exhumés en si j,Mand(î abondance des cimetières delà (lliampagnc,
juslilie le caractère i,'auiois (jue nous reconnaissons au ^'isenient de
Ceretolo.
Dans cette comparaison nous nous allaclicrons presque unique-
ment au musée de Sainl-dermain, mais ou n'ij,'uore pas (jue bien
tl'autres collections se sont également cniicliies des dépouilles de
plus de /^OOO londies fouillées dans la Marne, l'Aube et l'Aisne.
Nous ne pensons pas, avec M. le comte Gozzadini, (ju'il n'y ail
lieu d'attacher, dans l'inventaire de Cerotolo, aucune valeur aux
deux petits couteaux en fer, non plus (lu'à une sorte de ciseaux à
ressort vulijairement dits /orces.
Nous convenons que ces instruments ont été presque partout et
sont encore en usaçje. La question n'est pas là. D'aboril ces couteaux,
i\ lame et à manche en fer, sont d'un type assez spécial; puis ils
acquièrent une signification ethnique, lorsqu'on les voit ligurcr tout
l'articuiièi'cment dans des tombes gauloises, ainsi (jue lestrouvadks
de la Marne en font foi. Une vitrine du musée de Saint-Germain
renferme plus de cent de ces couteaux de toutes grandeurs. L'extré-
mité du maiii'he de deux d'entre eux est percée d'un trou annulaire.
(Jiianl aux forces, leur déiiôl dans des tombes d'un caractère essen-
tiellement guerrier, comme celle de Montfercaut et d'autres, répon-
dait certainement à une tout autre idée (jue celle de l'usage banal
de ces outils. Les forces sont beaucoup plus rares que les couteaux;
nous n'en connaissons qu'une vingtaine d'exemplaires, entiers ou
en fragnienls (musée de Saint-Germain, musée de Ti'oycs; collection
Morelf.
Il est regrettable qu'on n'ait pu, avec les quelques tessons de pote-
ries trouvés à Ceretolo, reconstituer l'urne en terre rougeâtre, de
façon à eu reconnaître la forme exacte; la céramique ayant dans les
cas d'attribution d'origine une importance reconnue. Aucun indice
à tirer non plus des perles en calcaire veiné; tout ce que nous pou-
vons diie, c'est que les tombes de la 3LTrne fournissent beaucoup de
gros grains de collier, généralement en terre cuite.
Passant aux objets de paiure, le bracelet et les fibules, le comte
Gozzadini regarde comme èirusiiue rarmille en bronze, parce
qu'elle est fermée et que les bracelets gaulois sont ouverts. Cest, il
est vrai, la forme habituelle de ceux-ci, quoiqu'elle soulTre des
exceptions que nous pourrions signaler; du reste, nous ne faisons
166 REVUE AnCHéOLOGIQUF,
nulK' diffinill.'' d'admcllrr quo l'œno lioi- pouvait liion no pns «Mro
le seul ol'ji'l tirnsi|Ui' (|ui arcoinpngnàl dans sa lonihc lt> ^ruciriiT
pauloi* iiiliiîinéfi ("«mvIoIo.
Il pounail, à la rij^iicur, en iMro i\c inrino pour la liliulo on
lironzo, toul on observant (]ue ces bijoux sont très communs daiis
nos sépultures. Lcf' fibules on for sont évidomnient pauloises. Peu
importo que le système à spirale, parlifuliir aux libulos du nord
dos Alpes, ne soil pas »''trani.'cr à l'Ilalio; lo spcrimon en for, si
jamais on l'a n^nrontrô dans ce pays, ronslituerail on loul cas une
excessive rarolé. Le oalalo<(uo du Musée civique f\c Hninpnc (187!)
enregistre deux cents liliuios en bronze, (]uatro-viiigls en argent,
provenant de la Certosa, et pas une en for. Celles-ci se présentent au
contraire assez fréquemment cbez nous. Le musée de Saint-Ger-
main compte plus de soixante-dix exemplaires; (luelques-uns ont
jusqu'à 0'",18 de longueur. M. Gozzadini signale la grandeur inusi-
tée de deux des pièces trouvées à Corclolo (1).
Examinons maintenant les armes.
Le mémoire mentionne en premier lieu le fer do lance, large au
milieu, à pointe aiguë. Ce type n'a rien de très particulier et a dû
ôtre en usage chez bien des peuples. L'auteur, pour montrer qu'il
n'est pas gaulois, le rapproche de deux lances étrusques; l'une de
Broilo en Toscane, l'autre de Vulci ; mais, comme il les assimile à
d'autres lances de la trouvaille dite fonderie de Bologne, il laisse
supposer qu'elles sont en bronze.
C'est par centaines qu'on peut compter, à Saint-Germain, les
lances gauloises en fer, parmi lesquelles domine la forme large, en
feuille de saule plus ou moins longue. Quelques-unes sont ployées
intontionnelknient, comme celle de Cerotolo, et parfois aussi un des
ailerons est brisé. La coutume de placer dans les sépultures des
armes mises hors de service, en les repliant sur elles-mêmes, s'ap-
pliquait de préférence aux épéeset était moins pratiquée en Cham-
pagne qu'en Alsace.
Nous rangerons parmi les armes une pièce qui dépendait vrai-
semblablement du harnachement militaire, quoique l'appropriation
exacte soil dillicilc à déterminer. C'est une sorte de chaîne ou plu-
tôt de torsade, fabriquée avec deux ligos de fer enroulées .sur ellos-
mômes, allant on s'amincissant et formant au gros bout un anneau,
II) La fibule on fer nVst nullement, en Franco, sptîciale.'i la Champaeno. D'autres
pisomont» fcanlois en ont fourni; par exemple, l'oppidum do Tronoun (Finistère).
p. du CLalellicr, liuU. mon., Ib77.
RlÎPULTUnK ANTIQUE DR CF.RETOI.O. i67
ot à l'nntrr^ oxln'Tnil(' un rroclicl lonninù pnr un boulon. M. Goz-
/;ulini n'inrlinn pns à voir dans ces lors.ides la cli.iîrio à Inquclle,
snivaiii l)ii> loïc, les finiilols Sdspondaiont leurs ép6es. (^esl aussi
noire :ivis. Mcj-urjuit .'lu plus ()"','ir) de loii;,Mjeur, cerlnines sont
niôinc liciiufoup plus courtes, rlev.int en outre (^tre très j)cu flexi-
bles, ces torsades ne pouvaient faire roiïicc de baudriers. D'ailleurs,
nous possédons d'autres cli.iîtie'^ ({ui r(''[)ondaient beaurouj) mieux à
cet enipini, Ou(dIe que soil leur disiinalion, le luénioiic ik; signalo
pas d'auii es spécimens trouvés en Italie; et, couinic, d'autre part,
ees torsades ne sont pas rares dans les cimetières de la Cliani])af,'rio,
on ne peut leur refuser nnc réelle valeur ethnique. Nous pouvons
citer ((uarante de ces pièces dans le musée de Saint-Germain, dix
dans celui de Troycs, dont une très grosse, liuil dans la collection
Morel. La collection de M. de Haye, nous a-l-on assuré, en renferme
également, ainsi que celles d'autres amateurs.
Si peu intéressantes que soient ces torsades, leur attribution gau-
loise est indiscutable, (/est l'opinion de M. V. de Puiszky, qui en
compte quatre dans le Musée national de Hongrie.
Nous arrivons enfin à l'épée en fer, à double taillant, effilée,
longue de 0'",73 avec la soie, reposant dans son fourreau en fer, en
tout semblable aux épées de la Marne que nous décrirons plus loin.
Nous avons fait allusion, en débutant, à la divergence d'opinions
qu'avait suscitée la présence d'épées du même type dans des sépul-
tures à inhumation de la nécropole de Marzabotto. Devant la décou-
verte plus l'écente d'une arme pareille dans un gisement mieux
caractérisé dans le sens gaulois, M. le comte Gozzadini a bien senti
que ses premières conclusions se trouveraient ébranlées; aussi
rouvre-t-il le débat. Il fait appel à tous les textes anciens, dans le
but d'établir que l'épée courte de Ceretolo ne peut être la même que
celle que les historiens, dans les récits des guerres des Romains
contre les Gaulois en Italie, s'accordent à donner à ces derniers.
On nous permettra, — dussions-nous abuser quelque peu de l'hos-
pitalité de la Rrruc archcolof/ique, — de le suivre dans s.a discus-
sion de l'épée légendaire des Gaulois; sujet sur lequel on est revenu
bien des fois, mais qui, sous la plume du savant directeur du musée
de Bologne, prend un nouvel intérêt. On nous concédera aussi,
alors qu'il s'agit de ressaisir à l'aide de l'arciiéologie les traces en-
core fugitives du séjour de nos ancêtres au sud du Pô, qu'une ques-
tion qui tourbe à leurs usages militaires ait son imporlance.
Il est un fait auquel il faut se rendre, c'est que, quelque soit l'ac-
cord des historiens sur la forme et la nature de Tépée gallique,
IGS nr.vTK AHCiiLoiAir.iQUR.
ridée qu'ils en donnint ne trouve que très imparfailemenl sa con-
linnalion dans les fouilles. Certes, on ne saurait faire trop de cas
des documents éerits; mais, lorsiju'une nu'^nie assertion se reproduit
constamment dans des ternies en (]uel(iue sorte idenlupies, sans
variations maigre la marche des temps et la mobilité des choses, on
est amen(!i à se demander si les auteurs ne se sont pas copiés (I).
l'tiur ne s'en tenir (jifau plus autorisé d'entre eux, à celui (|ui
écrivait ii une époque encore rapprochée des événements cju'il
raconte, Polybe fait, il est viai, mention à tiois reprises différentes
de la longue épée gauloise, en fer doux, à pointe mousse, ne iva\>-
pant que de taille, qui se faussait au premier coup, el (jue le com-
battant était obligé de redresser sous le pied (2). 11 donne à celle
arme défectueuse le nom de a-i/ai:»; il l'oppose à l'épée courte el
pointue, çbo;, l'épée ibéri(|ue adoptée par les Uomains.
L'exaclitudc de Polybe ne peut ccpciiilaiil jias prévaloir sur les
faits positifs des fouilles. Même de son temps, la nuicitœra ne devait
pas être la seule épée en usage chez les Gaulois.
Cette arme nous a-l-elle été conservée? 11 \ a linéique probabilité
pour ridentilier à l'épée en fer, longue d'un métré, à soie plate et
à rivets, dont les tumulus de la Bourgogne, du midi de la France,
de la lU'Igiiiuo, ont livré de rares spécimens, (|ui se rcliouve dans
l'Allemagne du sud et dont la belle épée de llallstall donne la repré-
sentation la plus complète. Le musée de Saint-Germain est parvenu
à réunir une dizaine de pièces, lames à peu prés entières et tron-
çons, en originaux cl en moulages; mais, par le fait, on pourrait
citer une viniilaine d'exemplaires (:j).
Le fourreau de celle arme n'est pas connu ; fait en bois, il s'est
détruit.
L'épée i]c?< tumulus, dont la forme est dérivée de celle des der-
nières épées de bronze, doit être le type le plus ancien, surtout si l'on
prend en considération les antiquités auxquelles on la trouve asso-
ciée. Si nous nous allachons, comme exemple, au glaive de llallstalt.
(1) Cette dernitre remarque, justeinf.nt à propos de la qualitc des Lapées gauloises,
avait déjà été faite pur M. de Sigrais, de l'ancienne Académie des inscriptions. Cou-
sidcititions sur l'esjjrit inilitaire des Gaulois, Paris, 1774, p. 'lu.
(2) l'olybe, 1. Il, 30 : bataille de Tûlamon contre Irs Gésaies, les lusubriens,
les Taurisques, an de Hoinu 029; I. II, 33 : défaite dea iusubrien!-. par P. Furius
et C. FI iminius, an de H. 531 ; I. III, 112 : bataille prés de TAulldc, an do \\. 538.
Tite-Livc, 1. XX, 63, 69; I. XXII, 6Û.
(3/ M. Al. Bertrand ônumère loiiteB ces épées avec les provenances. Archéologie
ccllujue et yuulotse, p. 2b0 el 8uiv.
SKI'ULTL'RK A.NTIQUR HK CRRr.TOLd. 16U
dont on rrcoiinail Icsdrl.iils (lt:f,icliin; surh.'s autres écliantillonsiiiril-
{îi'é leur tléléiioralioii, nous voyons nneariniî (''niin(!iiini(Mit propre à
frapper de taille et de liaul. Ajoutons que llallslalt est situé (Jaiis le
pays des Tauiisci, dont le nom, sinon le même peuple, figure dans
la rclalioii d(! l'olyhe de la bataille de Télaiiion. Il faut convenir
cependant i|ue l'épée de llallstatt ne répond pas absolument à la
macli;era, en ce que la lame s'élargit sensiblement au niilieu et
port(î des arêtes loiiL^itudiiiales, condilions qui la renfon;aienl et
devaient l'empéclier de ployer au premier choc. Kn outre, l'extré-
mité est taillée en un double biseau, assez obtus il est vrai, mais qui
n'en faisait pas moins une arme de pointe redoutable.
Cette épée n'a pas encore été rencontrée en Italie, du luuins à
notre connaissance; fait dont il y a lieu de s'étonner si on attache
aux textes une valeur trop exclusive, pui.^ipie c'est elle (pii se rap-
proche le mieux de l'arme ([u'ils prêtent aux Gaulois cisalpins.
Par contre, on signale à plusieurs reprises dans roinbi-ie, pays
qu'avaient occuiié les IJoiens, dans des gisements complètement
étrangers aux Romains, une épée courte, rappelant l'épée ibérique,
et assimilable jusque dans ses moindres détails à un des deux
types, le plus commun, des épées gauloises du nord des Alpes.
Ne peut-on pas induire de ce défaut de concordance, entre les
documents écrits et les documents positifs des fouilles, (jue les
diverses tribus celtitpies qui, à des époques successives, envahirent
la Péninsule, soit comme conquérantes, soit comme mercenaires,
n'avaient pas vraisemblablement un armement uniforme?
Veut-on, à ce propos, un autre exemple de la diflicullé de faire
concorder les données historiiiues avec les monuments?
Diodore, dans les détails qu'il donne sur les usages militaires des
Gaulois, dit qu'ils portent au lieu de l'épée un glaive, c-âOa (1),
lequel, ajoute-t-il, n'est pas plus couit que le saunion, sorte d"arme
de main. Or vêtements, baudriers, trompettes barbares, casques sur-
montés de cornes, se reconnaissent représentés fidèlement tels qu'ils
les décrit dans les grands trophées décoratifs de l'arc de tiiomphe d'U-
range. Seuls, les faisceaux d'épécs se composent d'armes courtes qu'on
ne saurait assimiler à la spatha de Diodore, pas pi us qu'à lamachcX-ra^i).
(1) Diodore, 1. V, 30 : '\'i-\ oï toû I'.-^o-j; cr^riOa; ï//j'j<7i (éd. Tcubnur).
(2) Les lexiques ne laissent guère deviner les formes des épt5es sous les difTérents
termes qui les désignent et les confoiideut ; ainsi on lit dans Hésécliius, Si'rOî,
fjiâ/a'.pa r, -apaîjwviov.
Plutarque, in Camillo, nomme [ii/aipa l'épée que Brenuus met dans la balauce,
et xoTti; l'arme d'uu des deux Gaulois vaincus par Maulius.
17U HF.Vl R AnCllÉOLOGIQUF..
Snr l'.illiquo du monumcnl, tics scùnt's de guerre sonl sculplt-cs
on lins-rclit'f sur U's deux fnrrs principales : de: Gaulois lailh'S en
pièces par la cnvaleiie roin.iinc.
C"lie représentation, n'iniporle la date assignée à rùrcction de
l'are d'Orange, rappelle des usages antérieurs ù la ronquéle. Les
vaincus conil»allenl nus ou à peu pris nus, f-auf la braie: coulunic
étrange sur laquelle les Connurntaircs restent niueis. Comment
n'eûi-elle pas, si elle eût persisté, éveillé l'attention de César, alors
que, dans tontt^s les relations des anciennes fiuerres d'Italie, les
auteurs, PoKlieen télé, en font nienlion? Sur ces bns-reliers les
("îauloi»; s(Uii aimés d'une épée courte; h; fourreau, suspendu h leurs
(lancs nus par une courroie, le long de la cuisse droite, ne descend
pas au-dessous do la naissance du mollet. Celle courroie passe der-
rière le sommet du fourreau, nécessairement dans une bélière,
comme celle (lu'on rcmaniue sur les épées de la Marne.
Le second type des épées gauloises csl inlinimonl moins rare que
celui qui s'accordtM-ait plus ou moins bien avce les textes cités. Le dé-
crire, c'est décrire de point en point non seulement l'épée de Cere-
tolo, mais encore les anciennes épées de Mnizabolto (1).
Arme d'estoc et de taille, la lame est comte, à douhle Irancliant
av.'C arête médiane; elle s'elTile vers le bout, terminé par une pointe
acérée. Au lieu de se prolonger à l'autre extrémité en une soie
plate sur laquelle la garniture de la poignée était fixée par des
rivets, elle est surmontée d'une soie mince qui pénétrait dans
la poignée. Cette poignée, en matière destructible qui a disparu (2),
n'avait probablemcnî par- de garde; elle mainlennil la lame au four-
reau en épousant les sinuosités ménagées à l'einboucliure de la
gaine. Ce fourreau accompagne communément la lame, qui souvent
y est encore engagée. Il est fabri(|ué en fer, au moyen de deux
parties dont les tranches, rabattues l'une sur l'autre, forment un
léger bourrelet qui court le long des côtés et s'épanouit à Pextrémilé
en une bouteiollc ajourée ou plfine. Iréllée ou ovalaire (.'{). Enfin,
au sommet du fourreau e>t rivée une béliére quadrangulaire, peu
ouverte, qui ne pouvait donner passage qu'à une simple courroie
a Contr» Giovanni Gozzadini, l'Umiori scoperlc a Marz'ibntlo ncl Bohgnesr,
1870, p. 3.
{'!) Par cxropiion nno petite épti'C montre une poljcniVcn l)ron7.c d'une forme toute
particulitrp. Mor«'l, Cltnmp. soulerr., Album, p. 33. Sû-pulturc de Salon (Aube),
(3; Quclqu'8 fourri-anx fort rares sont en bronze ou ont un cOtt- en bronze, l'autre
en fer. Morel, Champ. soiUerr., Album, pi. IX
.SIJM LTIIÎU: ANTIOCIC DR CRnivTOI.D. ^T\
(''Irnitc, rnmnic on !«) voit sur l'air d'Orange, ou ;i un nii'ieau
s'alliicliaiil an Itaudrioi'.
T('ll(! ôlait V('.\>ùo. (les II ihii> i^al iliijiirs, ranlonni'îcs niilitairciiicui,
h en jiiscr parliîuis noinhroux ciinclières, dans la (^lianipagnc, mais
dont l'ai (ion s'éleiiilail fut lutilc la Gaule, ainsi que le |)ionve la
itMiconlie (le la niônin arme, sans parler d'iinlrcs anlif(iiil('s, failo
dans des parlies ('•loignénsdc la Trann;, oolainnieni en Hielagne (1).
Ce second iNpe des ùpécs j)oinlnes, h soie, accoinpagiit'es du
fourreau en fer, appartient arcliéologi(|uoment. coiiinie du reste le
premier type, aux régions orientales de l'ancienne fJaulc. A pre-
niicre vue. el sans (|u'il en rôsulle une distinction rigoureuse, il
peut fournil- deux groupes : celui dont nous venons de parler
el un aulre, r{'pr('seiilt''o\cell(!inineiil par les lielles armes de la Tène
(lao de Ncufchàlel). La fabricalion en est supérieure, les lames sont
presque aussi longues que celles des tumulus et certaines ont toute
l'apparence d'être en acier. Rentrent plus ou moins dans ce groupe :
les épées du lac de Bicnne (2), de la Tiefenau (;{], enlin des collec-
tions suisses; celles des tombes de l'Alsace (4); les épées d'Alise (5);
celles du musée de Mayence (G), du Musée national de Hongrie (7),
du Diitisli Muséum (8% celles-ci avec poignées en bronze. Inutile
d'ajouter que le musée de Saint-Germain expose des spécimens des
diverses provenances.
Comme complément, nous ne devons pas omettre un genre d'é-
pées assez singulier, celui à poignée à antennes, dont le type, ren-
contré sous sa forme rudimenlaire dans le midi de la France (01,
nous paraît celtique, malgré des spécimens en bronze plus ou moins
modifiés.
Remarquons en passant qu'on a souvent signalé dans les sépultu-
res des épées qui, en raison de (juelque rite funéraire particulier,
avaient été tordues, et on a prétendu qu'elles avaient dû prcalable-
(1) p. du Cliatellicr. Oppidum de Tronoen (Finistère). Bu//e^m monumental, n" 4,
1877.
(2) Collection Swab à Bicnne. F. Keller, Midlteilungen der Ântiq. Gesellschaft m
Zurich, Band. I, HplftXIf, 0, p. 151.
(3) Bonstetten, Antiquitilt simseï, pi. X,
(4) Max de Bing, 3* caliicr, pi. IV. Tombes celtiques de l'Alsacft.
(5) Verclière de RefTye. Les armes d'Alise. Revue arc/iéo/. 180?i.
(6) Lindenschmit, Muséum in Mainz, 18Gi, pi. V; 1870, pi. VI.
(7) F. von Pulszky, Revue arc/ie'o/., p. 214, 1879.
(8) Horœ feraies, p. 52.
(9) E. Cartailhac,A'o/e sur l'archcol. préliist. du Tarn ; E. PietteetG. Sagaze, /es
Tumulus d'Aveznc ; Matériaux pour l'histoire de l'homme, XlVe vol., p. 481 et 4'. 9.
1/-J lU.Mi: AllC.lli:OLOGIQUF..
nn'nt avoir pnsst^ par le ft'ii. ('elle préparation n'ùlail pas indispen-
sable pour pratii|ii('r celle lorsioii, et ml donnée la mauvaise (|ualitù
désarmes j^auloises; si elle élail nêeessaire pour les (létrcm[)er, ces
épées ne répondent pas ;\ ce t)uc nous en disent les auteurs.
Tous ces détails, sur lesi|uels nous nous sommes trop lonj^temps
appesanti, nous ont paru utiles pour élaldir (|ue, tout en restant
d'accord avec M. Cîozzadini sur la dillicultê de faire rentrer l'épée de
Cerelolo.et nous ajouterions assez volontiers toutes les autres, dans
les conditions île l'épée des liisloriens, il est induhitaide (juc le*
Gaulois, en deçà comme au del;\ des Alpes, n'avaient pas, disons
mieux, ne pouvaient pas avoir un type unique dï;[iées.
Le savant archéologue ne conlirme-t-il pas noire opinion lorsqu'il
rappelle le passage de C. (Juadriganus dans Aulu-Gelle (LIX, 13)
où, dans le duel de Manlius avec un chef gaulois, ce dernier s'avance
armé de deux épées; et aussi lors(iu'il cite la petite médaille de
Uimini avec une télc de (lanlois au droit et au revers deux épées,
l'une plus courte que l'autre? Maintenant, la plus longue est-elle la
ax/aica dc Poljbe OU la GrAdoi de Diodore, et l'autre la xo::î; de
IMutariiue, d'après IJorgbesi ? Toute délenninalion de forme d'après
des termes employés indilïéi'emment nous semble bien ini:ertaine;
l'essentiel pour nous, c'est l'usage de deux armes d'inégale lon-
gueur.
M. (lozzadini reconnaît, du reste, un fait qui ressort dc toutes les
découvertes de la Champagne, et qu'il leur défaut impliquerait le
silence de César sur la défectuosité traditionnelle du glaive celti(iue :
l'abandon par les Gaulois de cette arme, à laiiuelle ils substituèrent
l'épée ibérique. Dans Pausanias, qui nous dépeint les Gaulois enva-
hisseurs de la Grèce sous des traits applicables aux Gaulois de l'Italie,
il n'est pas question de la mauvaise ijualilé de leurs épées; cl il
n'en est plus (juestion dans Tite-Livc, lorsqu'il vient à nous parler
des (jalales d'Asie.
M. Gozzadini ne dit pas vers (juclle épo(jue il pense (jue la substi-
tution ait eu lieu. En se refusant à admettre que la sépulture dc
Cerelolo soit gauloise et en la reporlani, tl'aprés le style de l'ceno-
choé qu'elle renfermait, à un temps postérieur à l'expulsion des
Boiens d'Italie, il suppose évidcniiuiiil i|ii*' le ( liaiigcment d'arme-
ment fut postérieur aussi à cet événement, si niéini: il intéressa les
Cisdiiins soumis .ilors aux liomains. Tel ne serait pas le sentiment
d'un archéologue dont l'opinion est d'un grand [)uids dans ces ques-
tions, du Gonx'rvateiii- du musée de .Saint-Germain, iiuiaflirme (jue
l'adoption de l'éiiée ibérique par les Gaulois cul lieu au cours des
si':r'Ui;ri:iu: antioi'i-: i>i-; c.kiikimi.o. 173
guorrcs piiniiiuos (1), sans doule au cours (l(j la seconde cl apnVs la
b.itailh; de (laimcs, |>uisi|uo Polybc, i\ l'occasion de celte jourriùe
mùnioraldc, si|,'nal(î encore la dilTérencc entre l'épée des Gaulois et
celle des Espa^'nols servant dans l'armée d'Annibal, et ([u'aprés lui
etsansdoule d'après lui, Tile-Live revient aussi sur celle fameuse
opée. En tout cas, la balailie de Cannes est antérieure de vingt-cinq
ans à la sortie des Hoieiis de l'Ilalie.
Nous n'avons pas ii choisir cnlre l'opinion de Cd^ deux savants, la
nôtre ôlant que l'épée longue et l'épée courte durent ôlre en usage
concurremment.
Le guerrier inluimé à Gcretoio, àrpieliiueskilomélresde Hononia,
la capitale des Boïens, en dehors d'une ville selon la coutume des
barbares, n'est pas un Gaulois, mais un l'Urusque de l'antique Fel-
sina. Gomment alors était-il accompagné d'objets qui ne se rencon-
trent que dans les sépultures gauloises : les grandes fibules, la
torsade, les forces en fer? comment élail-il ceinl d'une épée abso-
lument idenliijue aux nombreuses épécs des guerriers qui reposent
dans les cimetières de la Marne et de l'Aube, et portée comme les
leurs au côté droit (:2)?
Pour prouver l'élruscisme de l'arme de Geretolo, combien le mé-
moire parvienl-il à citer d'épées en fer sorties de tombes étrusques
ou présumées telles? Sept : une d'une tombe de Cœré, deux de la
nécropole de Foïano près Ghiusi, quatre de Pielrabbondanle au
musée de Naples, plus la représentation de deux autres sur une
peinture murale de Gœré; celles-ci munies de leurs fourreaux.
Notons que M. Gozzadini mentionne les sept épées originales sans
les décrire, ce qui laisse supposer (j-u'il ne s'agit (lue de lames
seules. Or les lames en fer, simples tiges droites, étirées au mar-
teau, durent nécessairement, surtout lorsqu'elles devinrent d'un
usage général, être toutes à peu pi es semblables. Dans l'état où
l'enfouissement a mis ces armes, rongées (lu'nilles sont par la
rouille, il nous semble bien dilïicile de les approprier à tel ou tel
peuple. Il en est tout aulremenl des fourreaux.
On peut signaler des épées étrusques analogues aux épées gau-
loises, mais que dire de leurs gaines ? Ge complément de l'arme,
confeclionnéen bois recouvert decuir, s'est bien vite détruit ; on ne
le connaît (lue par des représentations comme sur les frises de la
(!) A. Bertrand. Les populations de la Gaule et de la Germanie, llev. foxhéol. 1878,
p. 112.
(2) Diodorc, 1. V, XXX.
17 l I\KMr. AnCMÉOLOGUjUK.
cljambre sf pulcraift de Cœic' ; il n'a pas L' moindre rapport avec les
fourriMiix (Ml fiM' (les i^in'cs i^uiloisos (P.
Les fmirri-aux en fer conslitiiLMil uiio faltii'-ation roinaniiiable,
absolumenl oritrinale, non sculemenl par la matii^re mise en œuvre,
mais en raison (l'un type ailopU', uniforme à bien peu decliose près
pour les lioulerolles el les bêlières, cnlin par le mo le de travail.
Nous n'aflirmerions pas que d'autres peuples que les (îaulois n'aient
pas fait usage de fourreaux d'épées en fer; mais n'e.-t-il pas sup-
posableiiu'en ce eas ces gaines devaient présenter des dissemblances
notables avec celles dont nous traitons? Kn raison de la multiplicilù
des trouvailles faites en (lawle, il y a toute itrésomption pour (lue
cetli' fabrication ail été praliiiuée exclusivement dans ce pays.
Les èpécs étrusques qui viennent d'être citées n'oiit donc que fort
peu de parenté avec celles de Ceretolo et de Marzabotio, dont on
cliercherait vainement le prototype ailleurs que dans nos cullec-
lions d'antiquités de la Champagne.
Dans la salle du musée de Saint-Germain consacrée au\ antiqui-
tés gauloises et surtout à celles exhumées des cimetiJ^res de la
Maine, au milieu de Tensemble le plus complet (\\i\ ail été encore
réuni : poteries, torques, bracelet';, lihules, ustensiles, armes, on
peut compter plus de cent épées, simples lames, lames dans leurs
fourreaux, ou fourreaux seuls. Le contingent serait bien plus élevé
si nous y ajoutions celles (|ui figurent dans d'autres collections, et
en premier lieu dans la collection que M. Morel avait formée à
Châlons, la plus riche après celle de Saint-Germain (2).
Ce contingent est le commentaire le plus concluant en faveur de
l'origine gauloise des épées en fer, munies de leurs fourreaux en
fer, trouvées dans le Bolonais.
Nous n'avons pas parlé d'une autre découverte moins ancienne
que celle de Marzabotio, parce que la mention en est réservée pour
la lin du mémoire, en quelque .sorte comme un dernier argument.
Dans deux des tombes fouillées dans la propriété Himaci, prés la
Certosa de Holugne, deux épées semblables il celle de Ceretolo ainsi
(1) NoCl d'js Verger», l'Ktrune et lc\ Klrmques, pi. Il et lit.
(2) lin hVn icnanl aux livraisons parues de lu Vliampnrjur soutrrrnine, nous voyons
dans l'album : sépultures de .Montfcrcault, Op-'e \ droite du squelette, pi. I ; de Mar-
snn 'i épc<s, pi. Il ; do Sonuii''-I]ioi)ne, épéi' .'i droite du siiuelottc, reaies de cliar,
pi. VII; de Somsois, épée repliûe, pi. XVIII; de l'rosue, 12 épées, pi. XXIV; de Con-
nantre, épée à droite du .squelette, pi. XWI ; de Corroy, 2 épées, pi. XXXII.
Fourdrignicr : Découverte d'une bépullure double U Souiuie-Tourbe. lieudit de la
GorgcMeillct; 2 épôcs BU côlc gauche des squelette», restes do cbor, pi. X.
Slil'CI.TUIlK ANTIQUE DK CKHK TOLO. 175
(|iic dos forces en fer faisaient partie d'un mol)ilier fun(';raire qui,
d'aprô-^ rinvcnt'iire des olijels, parait élrus(|iie. Celle association n'a
rien (jui nous surprenne, el si ces armes reproduisent le type des
épées (le la Marne elles sont, à notre avis, gauloises comme leurs
congr'iitîieà (l'iLalie. (lomhien d'Iiypotlièses peuvent juslilier leur
présence au milieu d'anticjuités d'un caraclôrc dilTérenl, (|uand on
songe que les iioiens ont envalii cette partie de l'Klrurie vers l'an
390 avant notre ère, bien plutôt môme, suivant Am. Thierry, et n'en
sont sortis (|u'en 181) av. J.-C. Une aussi longue occupation pouvait-
elle laisser vaini|ueurs et vaincus lellemcnt éliangers k-s uns aux
autres (ju'ils ne se soient jamais rien emprunté dans leurs usages
réciproques? Il est certes moins étrange de rencontrer sur certains
pi)ints de la Péninsule des objets gaulois dans une tombe étrusque
que de rencontrer en France des objets étrusques dans une sépul-
ture gauloise, ainsi que le fait s'est produit plusieurs fois.
Un mot encore sur les armes en fer, en réponse à une opinion
émise lors du Congrès de Bologne, opinion que réédite le mémoire
et qui se réfute par la seule disproportion enlie le petit nombre des
pièces trouvées en Italie et la quantité de celles recueillies en
France. La présence de ces armes dans nos contrées serait due,
a-t-on dit, au commerce d'importation d'objets eu métal que les
Ëtrusi|ues culrelenaieuL avec les peuples transalpins, et qui s'éten-
dait jusiju'aux i-égions du nord de l'Europe. Cette importation était
alimenlée par l'industrie du bronze, dans laquelle les Étrusques
excellaient; mais on n'a aucune preuve posiiive qu'elle ait embrassé
l'industrie du fer. Par quelle étrange anomalie les objets en fer,
prétendus importés, seraient-ils si abondants dans le pays qui les
aurait reçus, et si rares dans celui qui les aurait produits?
Dans son savant plaidoyer en faveur de l'étruscisme de la sépul-
ture de Cerelolo, M. le comte Gozzadini ne veut laisser subsister
aucun indice, même négatif, tendant i confirmer une atlribulion
gauloise. Ainsi il a soin d'observer que si on n'a recueilli aucun
vestige de casque, ce qui rentrerait dans l'assertion des auteurs ?ur
l'habitude des Gaulois de combattre tète nue, on n'a pas davantage
recueilli de vestiges de boucliers, la seule arme défensive que por-
tassent ces barbares d'après les mêmes auteurs.
Il n'y a véritablement aucune présomption à fonder, dans un sens
ou dans l'autre, sur l'absence d'armes défensives dans une tombe
de guerrier gaulois. Les fouilles de la Marne donnent constamment
des exemples de la façon inégale dont les objets étaient répartis dans
lei sépultures. Dans la quantité d'armes qu'expose le musée de
170 HKvri: ahciikologiouk.
Sainl-liiiiii.iiii ou no rt'iii.iniuo pas jiliis ilo dix umbos de bou-
cliers. 11 j'OssèJe, il est vrai, une (juinzaino de casques en bronze
réputés gaulois, dont deuv sont d'une aulhcnlieité inconieslable,
ayant tlê exbuniés des sépulluivs à eliar de Herrn et de Somme-
Tourbe.
De niL^me que pour les êpêcs, h prcscncc de ces casques prouve
une fois de plus (|ue le crédit (jui s'altarlie aux documents écrits
soulTrc parfois des réserves. Diodore(l) est le seul auteur qui décrive
les casques que portaient, dit-il, une partie des Gaulois. Ces casques,
l'arc d'Orange, le tombeau des Jules à Sainl-Uémy nous les mon-
trent. II.' étaient toutefois loin d'être les seuls en usage ; témoin
1( s originaux du musée de Saint-Gu'rmain et quantité di' télés cas-
(|uées des monnaies gauloises. La vnriélé de formes de ces coilTurcs
est également à noter.
Dans un article publié dernièrement dans celte Renie (2), un
arcliéologue hongrois, M. Pulszky, Irailanl de l'expansion el, pour-
rions-nous dire, de l'inlcnsité de rélém-MU civilisateur eelli(iue,
en a étendu les manifeslations jusqu'à la nécropole de Golasecca
et même jusqu'à celle de Villanova; nous doutons que sur ce point
il soit d'accord avec les.<îavan!s italiens, et nous n'o.scrions le suivre
aussi loin. Il n'en est pas moins avéré que cet élément a laissé des
traces profondes dans le nord de la Péninsule, dans ces champs
moituaires auxquels les archéologues de la province de Côme appli-
(juent les noms de nécropoles celliqucs, gauloises, ilalo-celliques (3).
On doit donc s'attendre à ce qu'il se révèle aussi j)ar des séi)ullures
plus ou moins bien caractérisées dans les autres parties de l'Italie,
cilles Celtes ont séjourné pendant si longtemps. Si l'encliainement
des époques historiques, allirmé dans le Polonais par tant de belles
découvertes, a présenté jusqu'ici une lacune, on peut sans témérité
considérer la sépulture de Ceretolo comme lepiemier anneau (lui
reliera les Iron^ons de la chaîne.
Nous sommes arrivé à une conclusion différenle de celle du mé-
moire « di un anliquo sepolero a Cerelolo », parée tjue nous nous
sommes placé à un autre point de vuetjue son savant auleur. Il a
recherché les allinilés étrusques; nous, nous avons recherché les
allinités gauloises.
(1) Diodorc, LV, xxi.
(2; licvue archéolofjiquc. Article tr.nduil de l'allemand de F. von Pulszky, 1879,
p. \'M.
(3) Revisin archeologka dclln provincia di Coino, années 18*2 et suiv.
SKPUI.TUIIE ANTKJL'I". I)K CKHI.TOI.O. 177
Quello que soit la valeur (ju'il voudra bien accorder à noire tra-
vail, nous n'avons pas besoin d'insisler sur ce point, qu'étranger à
louliî idécpréconruo, nous n'avons pris pour base que les documents
que nous avons ronslaininent sous les yeux au musée dt! Saint-Gcr-
luain. Toulon nous inclinant devant l'aulorilé de l'éuiinenl Conscr-
val(Mir du musée d(! Pologne, nous avons pu supposer que ces
dociimonis lui élaienl moins familii'rs (jui; ceuxconrernant l'arcliéo-
lo^'ie étrusque, et nous avons pris la liberté d'appeler sur eux son
attention.
Nous ne doutons pas que l'analogie entre le mobilier funéraire de
Cerclolo cl celui de nos lombes de la Marne ne fiappe M. le comte
Gozzadini, comme elle nous a frappé nous-mûmc. Ilien d'insolite;
pas même rcnnorboé en bronze, dont des similaires de même style,
moins artistiques il est vrai, ont été cxtiaitcs, — nous le rappelons
encore, — des sépultures de iMarson et de Somme-Tourbe.
II. -A. Mazard.
\\\ix.
UN NOUVEAU
CACHET D'OCULISTE ROMAIN
DÉCOUVERT A FONTAINE-EN-SOLOGNE
(Loin-ET-CiiEn)
Voilà plus d'un siècle que l'on s'occupe des cachets d'oculisles
romains, mais ces petits monuments sont aussi rares que précieux
pour riiisloire de la médecine dans ranli(|uitt', et nous ne saurions
trop attirer sur eux l'attention des archéologues.
Nous sommes persuadé que, semblables à l'amateur (1) qui nous
a cominuniiiué le cachet, objet de cet article, beaucoup en possè-
dent dans leurs vitrines sans se rendre compte de leur importance.
Pour ce motif, on nous permettra quelques mots sur les cachets
d'oculiste en général, avant d'arriver à la description de celui qui
nous occupe.
Ces cachets sont en pierre d'un grain très fin, en schiste ardoisier
gris ou verilâtre ou en serpentine. On employait aussi le bronze à
cet usagCj mais on a très peu découvert de cachets en métal : la rai-
son en est bien simple ; les cachets de bronze pouvant se refondre
étaient conservés avec plus de soin que ceux de pierre, et, lorsqu'on
les perdait, l'action de l'humidité ne tardait pas à les tiétruire.
Ils sont (juadrangulaires et plais j ceux qui s'éloignent de cette
forme sont de très rares exceptions.
Les tranches portent des inscriptions gravées en creux et au re-
bours pour imprimer des empreintes; quelques-uns n'en ont que
sur trois faces. Ou voit parfois des lettres ou des graffites gravés sur
les plat5.
'I ' M. Drolonneau, |.ar l'obligeant inicnnédiaire de .M. II. de I..i Val iùrc.
UN NOUVKAU CACHET d'OCULISTR HOMMN. 479
Les inscriplions sont presque toujours en l.iliu ; on on a poiii tant
découvert en j,'rec(l). (Généralement on y lit le nom du niéilecin et
celui du médicanicnl, et parfois lu nom di: i'airiîclion que le collyre
est destiné à yuérir.
Vers ISOO, MM. Haudiimonl et Uu(iuénello ont rencontré &
Reims, au milieu de débris d'origine romaine, une collection de
18 instruments de chirurgie ; on y voyait des pinces de plusieurs
l'ormes, des spatules, des scal])ols, une balance, un cachet et des
fragments de collyres secs portant des inscriptions. Ces collyres sont
en petits pains ou bâtonnets allongés, rétrécis aux extrémités; ils
prouvent que l'usage le plus ordinaire des oculistes romains était
d'imprimer leurs cachets sur la matière même des collyres. C'était,
chez les anciens, des pommades ou onguents semblables à une pûle
assez consistante, mais ijuc l'on estampillait lorsqu'elle était encore
fraîche. Tour lui donner une forme, on y mettait quelquefois de l'a-
midon. Exceptionnellement, l'inscription était empreinte sur le des-
sus delà masse du collyre, coulé dans un vase recouvert de cire;
enlin, on a constaté un autre mode d'employer ces cachets : c'était
de les appliquer sur la pâte encore molle des vases destinés à con-
tenir tel ou tel médicament.
L'époque pendant laquelle on employait les cachets d'oculistes est
fort incertaine ; on ne saurait se baser pour la connaître que sur
les objets qu'on trouve en même temps et particulièrement sur les
monnaies ; or on verra par les deux pièces recueillies avec le cachet
de Fontaine que l'écart est trop grand entre les deux pour pouvoir
en déduire une date. Toutefois on n'en a pas trouvé plus tard que ,
la fin du IV* siècle.
Depuis les Allemands Walch et Saxe qui s'en sont occupés au
xviii" siècle, jusqu'aux travaux de Sichel, Grotefend, Desjardins,
Mowat, Robert et Léon Renier, les idées se sont bien modifiées sur
l'usage de ces cachets ; on les a longtemps considérés comme des es-
pèces d'amulettes dont la simple application sur les yeux devait
guérir les vues les plus éprouvées, maison a reconnu depuis que, si
quelque empirique a pu abuser parfois de la crédulité publi(iue, ce
n'a été autrefois comme aujourd'hui qu'une regrettable exce[ition.
Nous donnerons, à la lin de cet article, quelques notes bibliogra-
phiques à l'adresse des personnes ijui voudraient étudiera fond la
question, et nous passons immédiatement à la description du cachet
de Fontaine, qui est le lu4* découvert jusqu'ici.
(l) Cf. Bulletin de la Société des antiquaires de France, •l'^ trim., 1879, ['. 87.
180 nr.vLi: Anc.iii;oLU(;ioiK.
Ce cachot a t''lô trouvi^ à 15 miHrcs de IV-lang de Pluies el près de
la route de Soing*, dans la commuiu' de Funtaiiie-rn-Sologne (dô-
partciiuMilde I.nir-et-('luM). Oïl l'a recueilli en curant le fossé (jui
sert dÔLOulcMueul à la bouile do rot ('laiig.
C'est un iiarallt'iipipùdc en roche nniphiholi(jue grisâtre, ayant
3G millini. sur 3i, el S d'épaisseur. 1! pèse 18 i,'ramnies 7 déci-
gramnios.
Les deux grandes surfaces sont unies et marbrées de veines fer-
rugineuses; sur l'une d'elles, l'oxyde de fer a formé ijuchiues taches
proéminentes d'un (juarl de millimétré environ. Ni l'une ni l'autre
ne porte trace de signes ni caractères quelconques.
Les quatre tranches portent chacune deux lignes d'inscriptions
en creux, de droite à gauche; les caractères renversés sont évidem-
ment destinés à faire des empreintes. Ce sont de belles capitales ro-
maines, très nettement el profondément gravées, et les inscriptions
sont bien conservées el sans la moindie lacune.
Sur deux des faces, contigues à angle droit, le graveur a com-
mencé par tracer à la pointe un sillon qui sépare les deux lignes.
Le sillon le plus profond se termine par une feuille de lierre. La
ligne qui se trouve au-dessous du second commence et se termine par
un petit signe qui a la forme il'une tlolc renversée; il rappelle beau-
coup les lacrymaloires que Ton voit dans toutes les collections de
verres romains. Voici l'empreinte des quatre inscriptions en fac-
similé.
Cest-à dire ;
UN NOUVRAU CACHET n'OCULlSTF, IIOMM.N. 18I
M{arci) C{laudii) Bocli Chloron.
M{arci) (][lawHi) Uccli Diagltntcm.
M{arci} C{l(twlii] Jiecti Vdaijium.
M{arci) C{l(iH(lii) Herli Amcrttnii.
C'est l'indication de (inalic collyres ciniiloyt'-s pour les in.iiix
d'yeux p.ir le médecin Mnrcus Claiidius Reclus, le Chloroii, l<' l)i i-
1,'laueei), le l'elai^Muiii et l'Anicelum. C'est la première fois que le
nom de Iteclus paraît sur un cachet d'oculisle; c'est un nom nou-
veau à ajouter à la liste de Orotefend.
Quant aux collyres, trois sont connus :
Le C/</orou, (jui est souvent indinué pour rendre la vue claire;
le Dinglaucen, dont l'emploi n'est pas déterminé, mais qui est
très connu et que l'on faisait avec le suc du glaucum(l), et VAnicr-
tum, médicament à base d'anis destiné à combattre les granulations
des paupières et en général toutes les tumeurs, enflures des yeux
et autres aiïeclions du mémo genre (2).
Le quatrième collyre, appelé Peliujium (pourpre), est tout à fait
inconnu jusiiu'ici; son nom lui vient-il de sa couleur ou était-il des-
tiné à combattre la rougeur des yeux? Espérons qu'une nouvelle
découverte viendra nous éclairer sur ce point.
Deux monnaies romaines ont été trouvées au même endroit, mais
elles ne peuvent guère donner l'âge du petit monument qu'elles ac-
compagnent. L'une, une pièce de Claude et Messaline frappée l'an .']
du règne de cet empereur, décrite ainsi par MM. Rollin et Feuar-
dent : ÏI • KAWAI • KVIi; • :iEli\ • TKPMANl • AVTOKP.Téle lau-
rée de Claude, à droite; devant, L T. I^ : MEii:AAL\A • KAIi: •
2;EBA^ . Messaline debout, à gauche, tenant de la main droite deux
petites ligures, de la gauche des épis; le coude appuyé sur une co-
lonne. (Catalogue d'une collection de médailles grecques des rois et
des villes, n° 8528.)
L'autre monnaie est un Muxiinien Hercule (Cohen, n" 214, var.
tête laurée à gauche): LMP • MAXIM! AN VS P • AYG. Tète laurée de
Maximien Hercule à gauche. K: GEMO POPVLI ROMANI. Génie
à demi coilTé du raodius, debout, à gauche tenant une palère et à
(I) Glaucium ou glaucion, ceratitis ou pavot cornu, souvent cité par Pline et Co-
luiTiclle.
(21 La médecine moderne exclut de tous les collyres l'anis, le musc et en général
tous les parfums excitants. L'anicctum est décrit par Oribase; Gallien et Aétius
connaissent un collyre de ce nom.
Ifxi nr.vi'E A ne H 1*0 Loo ICI' F..
droite une corne il'abomlancc; lions lo champ, A T.. A l'cxcrgiic,
TH. (Trùvos).
HinLiounAniiR. — Wnich. Sijîilliim mcdici oruiarii Romani nupcr
in npro Jcnonsi ivp(>rluin, MCùi, iii-4°.
S(i.re. 1)0 votoris mcilici ocularii gemma, etc. Utrcclit. 177'», in-8".
Dulaure. Explication de deux nouveaux cachets d'oculiste décou-
verts à Nais (Mémoires de l'Acadéniie celti(|ue), 18(jt).
Tôchon (t'Annrcy, iJissertation sur l'inscription grectiue d'IACONOC
AYKION, et sur (juchiue:. pierres antiipies (|ui S(rvaiciit de ca-
clu'ls aux médecins oculistes. Paris, 1810, in-i".
Viticelle. Hecueil de monuments antiques, la plupart inédits el dé
couverts dans l'ancienne (îaule. Paris, 1817, in-8".
Sichel. Cinq cachets inédits de médecins-oculistes romains; Paris,
18ir).
Ernest Baudrimont et Duijucnellc. Article publié dans le Journal
de pharmacie et de cliimie, 3' sirie, tome XLllI, année 18(13,
p. 1)7.
Michel. Nouveau recueil de pierres sigillaires d'oculistes romains ;
Paris, 18U0.
D' C. L, Grotefend. Die Stempel der rœmischen Augenarzte ge-
sammell und erkhert. Ilannover, 1807.
Ernest Desjardins. Cachets d'oculistes romains. Extrait de sa Notice
sur les monuments cpi(j^ajohifjues de Bavai et du musée de Douai.
Douai et Paris, ReLim arcJœoloijinue^ 1K73.
Aufjuste Castnn. Un nouveau caLhel d'oculiste romain. Besançon,
187-4.
Charles Bobart. Nouveau cachet d'oculiste romain. Paris, Dumou-
lin, 1875.
Héron de Villefosse. Un cachet d'oculisle avec inscription grecque,
découvert à Arles. Bulletin des Antiquaires de France, 1879.
//. ^/idrfc«a^ Sur un cachet d'oculiste découvert à Keims, Becue
archéoloijique, 1871).
Nous ne saurions mieux faire que de renvoyer le lecteur à l'excel-
lente notice de M. Ernest Desjardins. On y trouvera une bibliogra-
phie 1res complète sur cette intéressante question.
iMarquis m: Hociu.mdeau,
Corrrtponitnnt <iii MmtHerc lic imilnution pubtiju*.
BULLETIN MENSUEL
Di: 1/ A ( w\ I) É M 1 1<: DES INSCRIPTIONS
MOIS DR ri;vnir.n.
M. .Michel |{i6al pri'sonlo dos observations relatives au texte du Chant
des frères Arvdlcs et à l'interpiétatidii de ce texte. On sait que la copie
que nous possi^dons, prise vraiseinlilaldement sur d'anciennes lultles de
lironze, d'une lecture dc'jà difllcile ïous les «Muitercur?, date du rc'gne
d'lléliot;abale et nous est parvenue très altérée. M. Bréal propose de la
rétablir de la manière suivante :
ENOM • LASES • IVVATE
NEVE- LVEM • ARVES • MA RM A R • SERS • INCVRRERE
INPLEORES...
SATA -TVTERE- MARS
CLE MENS • S ATI S • STA • BERBER.
SEMVNIS • ALTERNE! ADVOCA BIT- CONCTOS
ENOM • MARMOR-IVVATO
TRIVMPE
qu'il traduit :
« Kïa, Lares, juvate. — Ncve luem arvis, Marmar, sivcris incurrerc. —
Implores... Sala tutero, Mars, — démens satis esto, Berber. — Semones
alterne invocabit cunctos. Lia, Marmar, juvale. Triumpe ! »
C'esl-à-dire :
« Oui, Lares, secouroz-nous ! — Ne permets point, ô Marmar, que la
contagion se répande sur les campagnes! (Ici le prîître doit) implorer...
ProtéLiS les semailles, ô .Mars, — .Sois favorable aux semailles, ô Herber.
— (Ici le prêtre doit) invoquer l'un après l'autre touslea Semons. — Oui,
Marmar, prête-nous secours. Triumpe! »
M. Scnart est admis à conmiuniquer un travail do revision sur les
inscriptions d'Agoka-Piyadasi.
.M. Siméon Luce lit un travail destiné ;\ faire mieux connaître, à l'aide
de documents nouveaux, la situation matérielle et morale de la chritelle-
nie de Vaucouleurs à l'époque ou se déclara la mission de Jeanne d'Arc,
dans l'été de li25.
AL Léopold Delisle communique une note sur le livre d'heures du duc
de l?erry, conservé à la bibliothèque di; Hruxclies.
M. Joseph Reinach soumet à l'Académie divers bas-reliefs en pierre
provenant de i\iluiyre, dont il a fait l'acquisition durant son dernier
voyage en Orient. Sur l'un, au-dessus des personnages, se lit, suivant
MM. de Vogué et Henan : Sclcm Mutahol Bcrch (Seleni Matabol son fils).
On dit que M. Heinach destine ces bas-reliefs au musée du Louvre.
A. B.
MlliVKLl.ES AriCIIÉOlOGÏQUES
ET GORRESPONDAKGE
Kous lirons d'une lettre de Hume, qui a Ol6 communiquée à
l'Académie des inscriptions, les renseignements suivants :
« Ce matin mtîmc, 27 fi^vrier, dans cette partie voisine de l'arc de
Septime Sévùre qui a di'ji donne tant de monuments importants, les
ouvriers ont mis ;\jour une grande base de marbie qui parait avoir sup-
porté d'abord une statue équestre, mais qu'on a dressée ensuite, et sur
un des côtés de laquelle, dans le sens de la hauteur (i^j'iU), on a gravé
une belle inscription de quinzclignes :
FIDEI VIRTVTIQVE DEVOTISSIMORVM
MILITVM DOMNORVM N05TR0RVM
ARCADI HONORI ET THEODOSI
PERENNIVM AVGVSTORVM
POST CONFECTVM GOTHICVM
BELLVM FELICITATE AETERNI
PRINCIPIS DOMNl N I HONORI uoslri
CONSILIIS ET FORTITVDINE
INLVSTRIS VIRI COMITIS ET
iHllllHiliJiiiiiiiiiiiliiiiniiiiiiiiiiiini (Jiî"x ''«"es
IIIHHIIIHIi"'""""!lllllllll//llll/lllll martelées)
S P • Q • R.
CVRANTE PISIDIO ROMVLO V • C.
PRAEF VRB VICE SACRA
ITERVM IVDICANTE
« Il parait bien qu il s'agit d'une troisième inbcripiion mentionnant
Silicon. On on coiinaU d.'jà deux, rédi;:éei particuliùremcnt en son bon-
NOUVEMJ-.S AlU'.IIKdLOGIQUES. 1 S."î
neur : caA\o. que possi""!!*^ nniro \ill;i .M(''(lici8 (r'. /. L., V|, 1731), et cellf»
qui si; (loiivt» mi palais (lapraiiic;!, i'i;al<'iii(Mil à Horiiu ((!. /. /.., VI, 1730).
La nouvelle inscription rappelle la défaite de; llaflagaisc à Fésules, par
Slilicon, à la fin de iO.'l. I,e meurtre de Slilicon, à Havennc, est du
23 août 40S; c'est alors qu'auront été martelées les deux lignes contenant
son nom avec la suite de son éloge et ses autres ditjnités. Le nom a été
de inOuK» ellacé sur l'inscription <lc la villa Médicis. Le UK'^me préfet de
Home, Kl. Pisidius Uuuiulus, est notunié sur l'inscription du paliis
Capranica.
« Quelques centaines de fragments couverts d'inscriplions vieniiorit
d'être trouvés dans les fouilles de l'Ksquilin. M. llodolplie Lanciani les
publiera dans le procliuin fascicule du Bulletin arrhcoloijiijw: municipal.
<' Le musée Tibérin n'a pu être ouvert au public : ou a craint que
l'humidité d'un rez-de-chaussée n'endommageât les stucs et peintures
tirés des terrains de la Farnésinc, qui y avaient été déposés; ils i-eront
probablement Iraiisporlés ailleurs.
« Léon Xlll a di'cidé la prochaine impression des divcis catalogues des
manuscrits de la bibliollK'(iue Vaticane. M. de Ho^si donne activement
ses soins à cette grande enlieprise. »
Tombe gallo-romaine du cimetière des Mazières {Cher) . — Le nmsée
de Saint-Germain vient de s'enrichir de deux urnes cinéraires inN'-res-
sanles, ollertes par M. Le Fort, correspondant de la Société des anti-
quaires de France. Ces urnes proviennent du cimeliérc gallo-romain des
Maziéres, prés Sauzay-le-Potier (Cher). La note suivante, remise par
M. Le Fort au directeur du musée, donnera une idée de la façon dont les
Gaulois du ii"= ou m'' siècle opéraient le dépôt en terre des cendres de
leurs morts :
« Celte tombe est absolument complète; car elle renferme encore,
avec un mélange de terre, la dépouille mortelle qui lui avait été confiée :
UD peu de cendres et quelques débris d'ossements calcinés. Llle a été
mise à découvert, le S octobre 1870, par une fouille que M. le comte Al-
bert du Peyroux, propriétaire de !a terre des Mazières, a bien voulu
organiser sur ma demande. File consiste en deux vases de terre cuite ;
le plus pelit, baut de 180 millimétrés et large de 9o millim. à son
ouverture, de liO millimètres à la panse et de 00 millim. à la base, cons-
tituait proprement l'urne cinéraire; le plus grand, haut de 230 milli-
mètres et large de 183 millim. environ ù son ouverture, de 293 millim. à
sa panse et de 100 millim. à sa base, avait été renversé comme une
cloche sur l'autre, auquel il servait à la fois de couvercle et d'enveloppe.
Ces deux vases difi'èrent de couleur et de figure. Le premier, en grès
Doir, est cerclé sur sa panse de deux doubles lignes légèrement creusées,
que sépare un bandeau de quatre cenlimèlrcs; ses dimensions et sa
forme sont d'ailleurs encore données de nos jours par les fabricants de
céramique grossière aux poteries employées dans les campagnes ;\ divers
usages domciliques. Le second, d'une pâte rouge brique, était une véri-
180 nr.vrr \RCni^ni,or.iouK.
Uble cruche, à vcniro iVraB<^ cl robomii, donl le col ol ran?e ftjrent
rasîés pour livrer passapo X l'urne ciiu'rairc ; on (li.-liuijuc oncuri» par-
riiti'mcnl le point ti'nllaclio ilo la pansp; en oulre, uup fracluro avait àl&
pratiqui*(î dans lo fond o^i^;illailo do la cruclift, A IVITi't de coult'C par
cotte ou\ertiire nu sablf Hn qui a comlili^ riuiio ol ^^•lrni le vide entre
elle et son réceptacle, do telle sorte que le tout faisait uuo mas<e rom-
pacte. le sable s'tHanl tassé el durci comme un mortier sous l'iulluence
des siècles. Aussi, lorsque le réceptacle a lUé dégagé do la terre dans
laquelle il élait noyi'-, m'a-t-il suffi de le retourner pour enlever l'en-
jeiuble eu un seul bloc. Mais, soit vice de fabrication, soit action du
temps, le liane de ce \aso s'était corrodé sur un point où, malgré le»
précautions les plus soigneuses, il est tombé en poussière quand il a fallu
émietter le sable aggloméré qui le maintenait, pour extraire l'urne funé-
raire, r.elle-ci n'a subi aucune avarie. Après en avoir éliminé la terre
pure qui remplissait sa moitié supérieure, j'ai réservé, dés que j'en ai
aperçu les premiers vestiges, les cendres et les débris d'ossements mêlés
de terre qui occupaient sa moitié inférieure. Je les avais enlevés dans
l'espérance d'apercevoir au fond du vase quelque médaille ou quelque
objet propre à déterminer, au moins approximativement, la date de l'in-
cinération. Mon attente ayant été dé(;ue, j'ai remis les cendres el les
ossements à leur place.
fl Je crois d'ailleurs que la tombe est du ii" ou !oul au plus du m" siè-
cle. File avait dû élre originairement recouverte d'une couche de terre
de oii centimèlres environ. •-• ^efort. »
Parmi les iravauv publiés dans les trois dernières livraisons de la
Ba'i/« archéologique croate, nous citerons les i-uivants :
N" 'J. AquœJasw (les eaux de Varazdin, par M. Sime Ljubich). — De
l'emploi des métaux dans les premières civilisations (Pilar). — Notes
épiprapbiquos sur les inscriptions du musée d'Osiek (Kssek).
La deuxième livraison, qui renferme ces mémoires, est accompagnée
d'un très curieux fac-similé d'inscriptions glagolitiques (caractères
sla\e> spécialement usités en Croatie cl en Dalmatie).
N» 3. Inscriptions romaines, découvertes à Sissek en 1870-77. — Dos
métauv (l»ilar). — Description des monnaies do la collection do M. liiez.
Oriovczanin (collection comprenant trois mille trois cent trente-trois
pièces, dont un certain nombre ne figurent pas dans Cohen).
N» 4. inscriptions glagoliliques avec fac-similé. — Les métaux. -
Deux mains de bronze. — Une Vénus prébislorique.
Nous avons également reçu quelques numéros du nulkttino di
archeoloiiin r storia l)alm'it>i, publié h Hapuse, parle professeur Glaviuicb.
Ce recueil m^'nsuel a publié un certain nombre d'in^^criplions romaines
inédites. Il fournit des renseignements archéologiques sur les principales
villes de la Dalraafie cl sur l'histoire de celle province depuis les temps
les plus éloi/nés jusqu'au règne d'Auj^uste. Nous y reviendrons dès que
le volume de 1871» ?cra teruiiué.
NOUVEM.FS AnCHÉOLOGinCKS, 187
lin lingiiislo rii^so, M. Aiiloinn Roudiloviich, virnl do pultlier ù
Kiev un yrand ouvrage inliUilc- ilea Shires jnimilifs, leur lawjHQjeur vin et
leurs ilôxs d'apn'i Icx données Icxicourapfiiqucs. C'est un trùs curieux tra-
vail (le paléontologie linRuistiqun ; ninlgrt^ certaine» lacunes, les critiques
russes le placent i côté du ceMîïhro ouvrage do Piolet sur les origioc*
indo-européennes,
Ou s'eiïorcc, X Athènes, do décider le gouvernement h faire
transporter dans cette ville les sculptures trouvées ù Olynipie, dans ces
dernières années, au cours des fouilles faites par les explorateurs alle-
mands, l-es habitants de la localité désirent naturellement les garder par
orgueil, et peut-être aussi pour arréler les visiteurs; mais la difficulté
principale vient delà loi qui ordonne de garder, autant que jio.^sible, les
antiquités dans les cenires où on les trouve. Kn ce qui concerne (Jlympie,
il y a des circonstances auxquelles on n'a pas songé quand on a rédigé
celte loi; et il faut espérer que le t;ouvernemcnt, tenant compte des
faits, consentira au Iranspoit de ces sculptures à Athènes, où il sera
facile de les loger dans le musée national. Olynipie est d'un accès difli-
cile, et mal pourvue pour recevoir les élraugers; taudis qu'on peut dire
d'Athènes tout le contraire, à ces deux points de vue.
Le Cowrier de Lyon reçoit, de Nyons (Urômc), de très intéressants
détails sur des découvertes archéologiques laites par M. Morel, receveur
parliculier, celui-là même qui avait envoyé à l'Kxposilion universelle
une pièce unique en son genre : le squelette d'un guerrier gaulois,
enterré sur son char et entouré de ses armes,
M. Morel a fait pratiquer, dans un champ, des fouilles qui ont mis à
découvert une chambre romaine, pavée cnmosaïque.
On voit, par le niveau de la mosaïque, que le sol aniique était au
moins ù f^.SO en contre-bas du sol actuel. H est ù croire que la ce//rt
était précédée d'un petit portique; car on a retrouvé des (ragmenis de
base, de tambours et de chapiteaux de petites colonnes d'ordre dorique.
On a rencontré dans les débris beaucoup d'objets d'usage domestique :
des tuiles romaines brisées, sauf une de o2 centimètres de long sur
35 centimèlresde large; d'innombrables débris de vases en poterie noire
et rouge; beaucoup de fragments de doUum ou vases à vin; enfin quan-
tité d'os d'animaux domestiques, reliefs de la table ou provenant de
sacrifices. On a trouvé également une bague dont la pierre précieuse
avait été arrachée du chalon; quelques fragments de bronze; beaucoup
de clous de la charpente avec leur lètc en demi-calotte sphérique ; cinq
de ces épingles en buis qui servaient à retenir les cheveux des Uomaines,
comme aujourd'bui les épingles d'écaillé ou de mêlai ceux de nos con-
temporaine.', ét.iient mêlées « aux briquailles ».
Le colon romain qui habitait là avait plusieurs moulins en pierre vol-
canique de l'Auvergne, témoin de nombreux fragments; il se servait de
pierres à aiguiser, de texture très compacte et très hue, comme nos
pierres à rasoir. Klles sont restées là, brisées ; on a également trouvé
IHH nr.vi'F AncuÉOLOOiQUE.
dans les ilrbris un petit ooutonu en silex, conlomporain do l'Aye île la
pierre rlivi^c M. Morel in ail «léjà pu leciieillir, ihiiis le imys, quaiititi' de
gpik'iinens de l'Age de la pierre polie.
Knfin. la dtV'Oiivciie la plus intt^rcssanle a tic celle de plusieurs pelils
cylindres en os et parfuis en ivoire, de cinq ou six cenlinu-lres de long,
creux et percés de trous sur les cAtés. M. Morel y voit des gonds qui
ïuaintenr.ieiit les portes romaines en liant ei en bas. C'est ce que nous
appelons aujourd'luii des pivots et des crapaudincs. Ces objets, en os ou
ivoire, seraient les crapaudines dans lesquelles pénétraient les tiges de
métal Taisant office de pivots. [Temps, 7 mars.)
La lilirairie Didier vient de réimprimer, sous un lilic nouveau,
Aluic, un des plus intéressants volumes des liccils de iliistoirc rvmaiitc
au \' siècle, par M. Amédée Thierry. Ce volume, depuis longtemps
épuisé, est celui qui avait été intitulé jadis Trois vtinistres de l'Ktniire
romain.
On a vaguement entendu parler, ;\ Paris, des fouilles exécutées à
Pergame pour le compte du gouvernement prussien, et des résultats re-
marquables qu'elles ont donnés. Kn attendant que le nmséc de Uerliii,
où l'on est occupé en ce moment ù rassembler et à installer ces sculptu-
res, les ait livrées à la curiosité du public, nous croyons intéresser nos lec-
teurs en leproduisant ici le second des deux articles publiés à ce sujet par
un Allemand, M. ^Veber, dans l'Impartial de Smi/rne du 2i janvier et du
4 février. I.e premier article est consacré à l'tiistoire du royaume de
Pergame; l'auleur y rappelle les victoires des Attalc et des Euméne sur
les Gaulois et montre dans quelles circonstances ont été élevés les mo-
numents dont les débris sont devenus la possession du musée de Herlin.
Voici ce second article :
Les fouilles de Pergame. — Dans notre premier article, nous avons dit
que la victoire d'.\ttale i^ur les Caulois nous ramenait directement aux ré-
sultats des fouilles de .M. C. Humann. D'après Pline (//(sf.7ia^ 34-84), plu-
sieurs artistes repiéseiitèrent les batailles d'Altale et d'Kuméne contre les
Galatcs ; Pausanias (1. XXV) avait va sur l'Acropole d'Allièncs quatre
groupes de statues consacrés par Altale et représentant : !• les combats
des Dieux avec les Géants; 2° la bataille des Athéniens contre les Amazo-
nes ; 3° celle des Grecs contre les Perses à Marathon, et enfin 4* la défaite
des (ialates en Mysie.
L'art grec, toujours attentif à syinl)olisL'r les événements d'actualité et
à les rattacher aux faits mythologiques, établissait un parallèle entre les
combats des Hellènes avec les (ialales et ceux des Dieux avec les Géants.
C'est dans cet esprit que les Attalides fondèrent sur l'acropole de leur ca-
pitale deux grands monuments : le temple d'Athéné-Polias-Nicéphore,
et nn autel de Jupiter, monuments de leur recolUlai^sance envers les dieux
ausri bien que de leur goût distingué pour les arts. Soit patriotisme, soit
\anité, ils voulurent aussi triompher ;\ Athènes, et envoyèrent par consé-
iiuenl les copies des quatre grandes batailles du monde hellénique, citées
NOUVKLU'.S AUClIKoMd.luL'KS. [><>'.)
lilus hnul, (l.uis l.i ville (1(; Miiinrve, copies que Pausanias vit oricoro dr;
son lciii[)s. Oiiaiit aux orit^in.iux, r|ui ')rnaieril Vo.r'^amc, un stmiI vifnt
d'Olrc trouvé, c'est le combat des Dieux avec les (iéauts ; il décorait le
niouunient que les fouilles ont mis au jour prùs du sommet de l'acro-
pole.
L'acropole de Pcrgame est cerlalnement, pai sa position, l'une des plus
fortes que l'on puisse voir; la nature semble avoir tout fait pour la rendre
imprenable. Dirigée du nord au sud, elle a trois flancs presque taillés ù
pic ; du côté sud seulement, il est possible d'approcher du sommet, qui
atteint une hauteur de illi) mètres. l'artoul sur ce liane, on distingue des
terrasses ménagées sur la pente de la colline, plusieurs lignes de dé-
fense, protégées par des portes et des tours se succédant l'une ;\ l'autre.
Le sommet est une grande plate-forme, sur laquelle s'élevaient plusieurs
lemph's, dont l'un a été mis à jour. D'après les inscriptions et les bustes
d'enipereurs qu'on y trouva, il paraît avoir été dédié à Auguste. Un autre
a été complètement détruit, en ce sens que les matériaux en ont été di-
rectement employés dans la construction d'un mur de défense. Sur une
architrave on lit une inscription d'après laquelle ce second temple était
consacré à la fille d'Auguste, à Julie par conséquent.
L'emplacement du troisième temple, celui d'Athéné Polias, le plus im-
portant de tous et qui, d'après les anciens, ornait l'acropole dePergamc,
est encore inconnu.
A iiO mètres au-dessous du point le plus élevé, et vers le sud, M. Hu-
mann a trouvé l'autel de Jupiter, dont la décoration principale était une
frise magnitiquc représentant la (iigantomacliie, c'est-à-dire la glorifica-
tion du maître des dieux lui-même, et par conséquent l'une des quatre
œuvres originales citées plus haut.
Les Atlalides, au comble de la puissance et de la richesse, avaient cons-
truit un vaste mur d'enceinte autour de la colline du cbAtcau ; au sud,
il allait jusqu'au pied de la montagne. Les Byzantins, trop faibles pour
maintenir une si grande forteresse, tracèrent une ligne de défense allant
de l'est à l'ouest, ù une hauteur de 240 mètres; ce mur, fort épais, passa
précisément au sud de l'autel de Jupiter. Peu respectueux des chefs-d'œu-
vre de l'antiquité, ils ne craignirent pas de ruiner l'autel et d'employer,
pour la construction du mur^, tous les matéiiaux du monument grec : co-
lonnes, sculptures, statues, tout était bon. Pour comble de malheur, la
pierre i chaux leur manquant, ils employèrent beaucoup de marbres
dans ce but.
C'est dans ce mur que M. Humann a trouvé, il y a huit ans, quelques
hauts-reliefs dont l'un représente un Hercule ; il en fit cadeau au .Musée
royal de Berlin. M. llally, docteur ùPergarae, en avait trouvé, il y a douze
ans, un aut)-c, portant un lion qui mord un géant ; il en fit don au syllo-
gos de Conslantinople, où il se trouve encore.
M. Humann engagea alors la direction du Musée de Berlin à obtenir un
firman de la Sublime-Porte, à l'effet de commencer des fouilles à Per-
ilH> HKVIK AnCUÈOLOGIQLE.
ganie. On n^^gligoa la chose jusqu'à renlr«^o en fonction?, il y a deux ans
et demi, liu nouveau directeur du Muséii royal, M. (àonzo, (jui lit aussitôt
le» démarches nt^oe^saires A CûnslQutiiiuplc.
En attendant, on avait trouvé un passage dans un auteur ancien, qui je-
tait quelque kuiuîTC sur la question.
Av)]Klius, l'crivain latin assez obscur (il vivait peut-<^tre dans la seconde
nmitii^ du ii* «iècle après J.-C.\ cite ilnns son Liber mcmorinth (VIII, 14),
parmi toutes sortes de choses merveilleuses, « un autel de Jupiter A
Peipanie, de \0 pieds de hauteur, avec de très grandes sculptures qui re-
pn^scnteut une gigatitomachie ». Apparemment Pausanias(V, 13, 8) faiial-
lusion au mOme autel. Le passage de l'auteur latin, bien interprété, au-
rait pu devenir, depuis lonj^tenops, la baguette divinatoire, pour nous faire
connaître la prt^seucc d'un trésor si considérable.
Los travaux commencèrent sous la direction de M. llumann. Le troi-
sième jour des fouilles, il put téléi-raphierà Berlin qu'il a\ ail trouvé l'autel
de Jupiter et onze hauts-reliefs de grandeur entière, monuments qui lui
prou^aie^t qu'il avait sous la main une dos œuvres les plus grandioses
que l'antiquité nous ait laissées. On reconnut bientôt ([iie toutes les plaques
à hauls-reliefs faisaient partie d'une grande frise de marbre, à laquelle
appartenaient aussi les fragmenls déjà trouvés. Kncouiagé par ce début,
on redoubla d'cll'orls, et grâce à la courtoisie de la Sulilime-Porte, l'Alle-
magne entra eu possession enlièrt' de tout ce qu'on a trouvé.
Mais abordons le monument lui-même, tel que les fouilles l'ont fait
connaître. Sur un soubassement presque carré (34 sur 37 métros) et haut
de C métrés, s'élevait un petit temple entouré de colonnes en lorme de
périptére. Sur trois côtés du souhiissement, immédiatement sous la cor-
niche qui le couronnait, se développait la belle frise de la riigantomachie.
Le quatrième côté était occupé par un grand perron monumental, dont
on a trouvé, entre autres, des traces sur un haut-relief dont le bord était
découpé en forme de marches. Ce perron conduisait sur la plate-forme, au
milieu de laquelle s'élevait le polit autel formé de cendres et d'os de vic-
times, et où l'on a trouvé ai'ssi des Iragmenls d'une secoudo frise qui re-
présente le mythe de Téléphos. Cet iniéiieur était tellement ruiné qu'une
restauration n'a pu encore être faite.
Passons aux délails mêmes du monument. Le soubassement repose sur
trois marches; puis vient le socle, parfaiiement uni. Sur ce socle, et un
peu en retraite, s'élève la fiise propiement dite, haute de '2'", 30, et formée
de grandes plaques de marbre poitaul les sculjilures en (pu'.-lion : ces j)la-
que», de même hauteur que la frise, vaiiaienl en largeur de (•'",70 i f",!!',
l'ne corniche très riche ol très saillante couronnait tout le soubaîsemonl
et protégeait les hauls-reliofs contrôles intempéries de l'atmosphère. Une
colonnade, d'unlre ionique, faisait tout le tour du monument ; les colonnes
cannelées avaicMit :t mètres de hauteur.
Les figures de la frise, exécutées en hauts-reliefs très hardis, souvent
complètement détachées du fond, occupent toute la hauteur des plaques
NOUVKLLI'S AnClIliOLOGlQUKS. l9l
et ont par consûqucnl une loia el demie la grandeur nulurdlc. La compo-
silion montre les deux enga^i^s dans une lulto très vive et très passion-
néc avec les géants, ce» dcrnierB reprcsenlés sous les fornics les plus va-
riées cl les plus fanlastirpies : dans h\ plus grand nombre, d'i-normes sjt-
pcnls icmi)lai:('nl les jamlies; beaucoup ont des ailes, d'autres encore ont
la forme deraonslrcs; quelques-uns luttent comme desimpies guerriers.
Tous s'élancent avec une fureur sauvage contre les dieux. Deux des prin-
cipaux groupes, composés chacun do quatre plaques, représentent l'un
Jupiler bramlissanl son égide de la (uain gauche, après avoir lancé ses fou-
dres avec la droile; l'autre, Minerve saisissant parles ch(!veux un géant
que le serpent de la déesse relient dans ses plis nombreux, pendant
que Niké descend du ciel pour lui donner la couronne de la victoire el
que Gé ou la Terro, sortant de l'abîme, se lamente el intercède pour ses
fils. l'ne autre série de plaques montrent llélios sortant des régions
Infi'ricures sur un cliar tiré par quatre chevaux et précédé par Kos à che-
val. Sur d'autres plaques, nous trouvons Apollon, Aitémis montée sur un
lion, Dionysos accompagné d'un jeune satyre, Héphaistos, Boréas et
l'osidon à la tfile intacte. Détail caractéristique : dans ce monument,
les noms des dieux étaient inscrits sur une solive audessus de la frise,
tandis que ceux dos géants l'étaient sur une autre au bas-
Bien que la composition entière soit la création d'un seul maître, et
que partout elle montre la même fraîcheur et la même richesse d'inven-
tion, la manière dont les diiïérentes parties sont exécutées n'est pas com-
plètement uniforme; elle trahit au contraire des mains dont l'habileté et
les soins admettent des degrés variés. Mais l'ensemble même de l'ouvrage,
par son style incomparable et la hardiesse de traiter lo marbre, excite
une admiration bien méritée.
Ces sculptures apparlienuent évidemment à cette école de Pergame
connue jusqu'ici par le Gaulois mourant au Capitole, le groupe du Gau
(ois qui tue sa femme et puis i^oi-mème dans la villa Ludovisi ; cepcndanf
elles présentent cet art sous des points de vue tout i fait nouveaux, el jet-
tent, à noire grande surprisa, un trait de lumière sur une branche de la
sculpture antique remarquablement sympathique à nos idées modernes,
et peu connue jusqu'à présent. La parenté surprenante de quelques-uns
des motifs avec le groupe du Laocoou jette aussi un jour nouveau sur la
question, encore débattue, de la période d'origine de ce monument.
Le nombre des plaques trouvées, les unes entières, d'autres plus ou moins
fracturées, s'élève à 94; à cela il faut ajouter plus de 2,ii00 fragments
de petites dimensions. La conservation de leur surface est très diverse ; cer-
tains morceaux sont pour ainsi dire intacts; il y a grand espoir que les
plaques employées dans les murs des fortifications du moyen ûge, après
avoir été dôljarrassées de la chaux, apparaîtront dans un parlait étal diî
conservation. Une grande partie a été endommagée soit par les intempéries
de l'air, soit par le feu. Il est hors de doute qu'une partie considérable
de la frise a été enlièremenl détruite, pour en faire... de la chaux.
jnj luvri: AnciiKOLOGioUF..
Oulrc les fragments de In seconde frise dont nous avons déjà parlé plus
haut, on a déduivorl une» série de staUics qui paraissent avoir appartenu
à cet auti'l. Uc:- sculptures d'une époque plus ant ii-nnc ne so sont trouvées
qu'en exemplaires isolés, ctiln^ autres une Itîle idéale de femme, d'une
exquise beauté.
Terminons cet article par quelques appréciations inspirées par la vue
dos «culptures.
Les géants sont tous représentés comme dos bnibaro? sauvages, barbus,
à face de lion, avec des serpents en yiiise de pieds, serpents qui ne sont
pas terminés par des queues, mais par des létos. C'esi ce détail que le
grand artiste, l'auteur de cette puissante conception, a mis i\ profil pour
porter l'action dramatique jusqu'au degré le plus élevé. Pendant que les
géants, qui se protègent contre les attaques des dieu.x soit avec des bou-
cliers, soit avec des peaux de lion, s'élancent armés de roclicrs et de troncs
d'arbres contre leurs adversaires, les serpents enlacent les jambes des
Olympiens et de leurs compagnons avec une force si terrible qu'on
croit voir les os se briser sous leur étreinte, en mémo temps qu'ils en-
foncent leurs dents dans la chair des cuisses. Les animaux consacrés au.x
dieux, tels que le molosse d'Arlémis, lapaiilhére de Hacclius et l'aigle de
Jupiter, qui d'un coup de grilles abat la mâchoire iulérieure d'un serpent,
se précipitent sur les géants avec une rage brutale.
l'armi les figures de géants, on dislingucsurtout celui qui, par l'extrême
perfection du jeu des muscles, par sa position debout et enlacé dans
les replis du >erpent de Minerve, rappelle le fameux gro'jpe du Lao-
toon. Parmi les dieux nous distinguons Zeus, Albéné, Poséidon, Artémis,
Dionysos Kos; (.Vurore), assise sur un cheval d'un travail exquis et d'un
type tout diirércnt de celui des célèbres chevaux du Parthénon; Hélios sur
un charà quatre chevaux, et un Horée ailé. Uuehjues-uns des dieux étaient
suivis de leurs compagnons. Ainsi on reconnaît les Nymphes d Artémis, à
leurs bûties de chasse; derrière Hacchus, qui est revêtu d'un long vêle-
ment asiatique, s'avance un petit Satyre, — la comédie à. côté de la tra-
gédie, — qui copie lidèlemcnl, d'une manière comique, les mouvements
belliqueux de son maître.
Comme curiosité toute spéciale, nous citerons, dans la suite de Neptune,
un Centaure marin, dont le corps de cheval, couvert d'écaillés, est orné
d'ailes en forme de nageoires.
Les grands éloges mérités par l'ordonnance dramatique dusi:jet, appar-
tiennent également à l'exécution, par la main desculpteursdillVrents occu-
pés à cette oiuvrc gigantesriue. Kn opposition avec l'extrême négligence
de traitement dans les sculptures d'Olympie, on trouve ici des soins mi-
nutieux dans l'exécution des ims conmie des draperies, soins conduits avec
une silrelé étonnante, qui présupposent une connaissance parfaite du corps
humain et du jeu des muscles; o.l cependant, ici comme ;\ Olynipie, les
hauts-reliefs nVtaieui (ju'iiii motif de décoration; il e>l vrai, à l'crgarae
ils se lrou\ aient beaucoup plus près de l'œil du .-pectatcur.
NOUVRLLKS ABCHKOLOGIQUF.S. 103
Les mouvcmcnis les plus hardis, les poses les plus hasardées, les dépla-
cements de muscles les plus orichev(2lr6>, tout est rendu avec une Udé-
lité qui impose, cldont nos sculpteurs modciiies auront encore heaucoup
à apprendre. Ces morceaux de sculptures remarquahles ont démontré
que, l'iirt moderne ainsi que celui du moyen .Ige ne sont pas hasL-s sur
l'époque de Phidias, mais bien surcelle des succesïcurs d'Alexandre; la
(iigantomachie des Attalides jette sur cette période une lumière nouvelle
et complète.
Les monuments trouvés h l'ergame occuperont encore longtemps
les archéologues et fourniront aux artistes des sujels d'étude inappré-
ciables. La patrie, fiùre de ces belles acquisitions, conservera un souve-
nir reconnaissant à tous ceux qui y ont conlrihué, mais surtout à celui
qui le premier les a trouvées, à l'ingénieur M. C. Ilumann.
Ajoutons encore que, d'après les journaux allemands, toutes les dé-
penses, tirman, fouilles, direction, frais de transport jusqu'i I5erlin des
marbres trouvés, s'élèvent, pour le musée royal de Berlin, à la somme
de six mille cinq cents livres turques.
Nos lecteurs comprendront facilement que dans toute l'Allemagne,
des Alpes à la Baltique, du Uhin jusqu'à la Vistule, il n'est question que
de Pcrgame et de ses trésors. Le musée royal de Berlin, par ces pré-
cieuses acquisitions, ne s'est-il pas placé, du coup, au rang des premiers
monuments de ce genre dont l'Europe est si tière?
Quant à nous, qui habitons le pays, si nous ne voyons pas sans un cer-
tain regret ces trésors quitter les rivages qui les ont produits, nous nous
félicitons de les voir échapper à une ruine complète et certaine, pour
être dorénavant un objet d'éludé et de sollicitude éclairée. G. Weber.
Dans une des dernières séances de V Académie des iTiscripiions et
belles-lettres, M. Jules Girard a analysé en ces termes l'ouvrage que
M. Alfred Croiset vient de faire paraître sous ce titre : la Poésie de Pindare
et les lois du lyrisme grec (Hachelte, 1 vol. in-8).
« Pindare est peut-être le sujet le plus difficile de la littérature
grecque. Aucun n'est plus loin de nous par les idées, par les mœurs, par
les foimesqui en déterminent la nature et par le caractère tout particu-
lier de la beauté poétique. Le premier mérite de M. Croiset est d'aborder
franchement ces diflicultés, de s'interdire les jugements précipités et les
généralités vagues, et de vouloir comprendre avant de bLlmer ou d'admi-
rer. C'est ce qui l'a conduit à placer, en tète de son livre, une étude sur
les conditions du lyrisme grec. Bien qu'il ne s'agisse que d'un seul poète,
cette exposition générale était presque indispensable. Avant d'avoir net-
tement défini les éléments et la nature du lyrisme grec, ce qu'on ne
trouve fait chez nous dans aucun livre, il était bien difficile de distinguer
ce qui était imposé à Pindare par les lois mêmes du genre et ce qui lui
appartient en propre. L'auteur commence donc par expliquer en quoi
consistent les éléments du lyrisme grec : le rhylhme, la danse et la mu-
sique, la poésie lyrique, c'est-à-dire soumise à des conditions parlicu-
\\xi\ 13
t9i RRVUE ARCHÉOLOGIQUE.
lii^res par son association avec ces éU^incnls mati^riels. Il compUMc ces
nrfiniîTos l'Uuic-' en rechercliant comment s'exi^culaienl ces ensembles
que fiinnaienl les conipi^silioiis lyriques. M. Croisel examine ensuite, en
appliquant plus parliciilii'iem.Mit .'ses observations aux odes lrionij»liales,
la matiîTe cl l'esprit îles poèmes lyriques : les sujets (ju'ils traitent, les
circonstances où ils se produisent, le genre de composition et de style
qui leur est propre, le rôle attribué au poète, l'ordre de sentiments cl
d'idées iubt'ront aux fiîtes qu'il est chargé de célébrer, enfin la part d'ins-
piration personnelle qui lui est laissée.
« Par ces études préliminaires, l'étude dePindarc lui-même se trouve
asser avancée. Au moins l'auteur est- il en mesure de traiter avec préci-
sion les difficiles questions où est directement impliquée la personnalité
du poète. Comment parle-t-il des dieux et des héros, sujet oblifjé de ses
chanls? Qu'est-ce «pie sa piété et sa morale? Quelle est sa politique et
quel est le patriotisme de ce Thébain contemporain des jîuerres médi-
ques? Quel? sont ses rapports avec les grands et avec ses rivaux'/ L'exa-
men de ces divers points, en faisant pénétrer dans la nature intime de ce
noble et fier génie, montre aussi quels caractères particuliers il a impri-
més à ses œuvres. Vient enfin une appréciation approfondie de l'inven-
tion des idées, de la composition, où rentre l'obscure question des allu-
sions cl des allégories, et du style, si souvent mal jugé. Ces nombreuses
anahses embrassent à peu près tous les aspects de ce grand sujet. Ou suit
M. Croiset avec confiance dans ses umineuses expositions. Quelles que
soient les diveritences d'opinion qui peuvent se produire sur des détails,
personne ne lui contestera le mérite d'une science bien informée et
d'une critique sage et pénétrante. C'est un grand éloge en un pareil
sujet. Je crois donc pouvoir recommander ce livre i l'attention de l'Aca-
démie, comme un des meilleurs ouvrages qu'ait produits chez nous
l'étude dos li\ies grecs. »
L'evposition du Musée des Arts décoratifs sera ouverte au Palais de
l'Industrie le 10 avril prochain. Llle comprendra, comme nous l'avons
dit, une très remarquable exposition de dessins d'ornement et de décora-
lion par It's anciens maîtres, exposition préparée sous la direction de M. le
marquis de Chennevières, président du Musée, par .M.M. Dreyfus et
Lplirussi, et qui sera le pendant de celle qui a été organisée l'an dernier
à l'École des beaux-arts. On y verra des œuvres de toute beauté, emprun-
tées aux collections de M.M. le duc d'Aumale, Ueslailleurs, Bérard.Lesoufa-
ché, de (Joncourt, le comte de la Heraudiôre, Odiot, Ueurdeley, etc, elc.
Kii outre, cette exi'osilion contii'udra l'inlérc^sante et belle collection
de céramique et de verrerie de M. P. (iasnaull; des séries de tapisseries
du xV au xvtn* siècle, des éventa, Is depuis le xvi» siècle jusqu'à nob
jours. Une salle sera consacrée à l'histoire du tissu ; elle sera formée avec
les collections extrêmement complètes de MM. Kupont-Auberville, Gay,
Kscossura, Coupil, l'ti-. Knfin on verni une vitrine très curieuse renfer-
mant la ( ollcclion de boulons arti.sliqo(!s de M. le baron Pérignou.
NOUVELLES AUr.UKOLOr.lgUKS. 105
L'exposii ion sera officiellement inaugurée le 9 avril ; r-lle restera ouverte
pendant le Salon, ei une porto do comnuinicalion pcrinollra aux visiicurs
d'aller an Miisôo dos Arts il6coraiifs. sans sortir du palais. Los salles seront
éciairc^es le soir ;\ la iuniiùro Jaldochkoil'.
Ilapvaaio;, janvier 18S0 :
Condos, Observations philoloijiqucs (suite). — Nouvelles archéologiques.
— Séances de la Société archéolosifine. — F, 'Institut germanique. — Les
anciens plans de llonie. — I.a Victoire de Samotlirace.
huUcttino di anhcoloijia cristiann, dcl commendatore G. Hattisla
de Uossi, ;i" série, ;i° année, n" 3 ; Ilonie, 1879 :
Préface. Le Cimetière chrétien 'primitif de Ravenne, prés de Saint-Apolli-
naire ni c/«s5e. Cimetière chrétien (ieS<rt6/^s ((^astellamare). — Nouvelles.
AncOne. Chambre sépulcrale chrétienne, appartenant i un particulier,
et mosaïque de son pavé.
Bulletin de correspondance hellénique, 4" année, n" 2, février 1880 :
K. licuàn, Inscription l'ilitigue de Délos, découverte par M. Th. Homolle.
— J. Marlha, Deux fifjunncs de Tamigre en terre cuite. (Ces figurines,
recueillies dans des fouilles exécutées par la Société archéologique, ont
l'avantage d'être euliées dans le musée d'Athènes sans avoir subi
aucune espèce de retouche.) — Heaudouin et Pottier, Inscriptions de
l'ompéiopotis. — P. Foucart, Inscriptions d'Orchoméne. (Catalogues mili-
taires. Fragmeiit de comptes. Consécration d'esclaves à Sérapis et à
Isis. Décret de proxénie. Inscriptions funéraires.) — Dimilsas, MaxEoovtxà
aLÇ,ya\.oko^iyÀ. — li. Pottier et Am. Hauvelle-Bisnault, Inscription de Téos.
— M. Baudouin, Inmiptions de h'asos. — H. Ilaussoullier, Vases peints
archaïques découverts à Knossos (Cr^ie). — Nouvelles et correspondance.
Inscriptions de Ivoloé et du Pirée. Bas-relief de Philadelphie. Inscription
de Chio. Inscription métrique d'Athènes. Planches 3 et 4 : figurines de
Tanagra.
BIBLIOGRAPHIE
Pérou et Bolivie, n^cit do voyapos, suivi d'éludés arcliéoloRiques et etlinogra-
phiques ft de tioti-s sur l'écriture et lis Iftusues des populations indiennes, par
Cn. Wiener ; ouvrage oonteuaiit plus do Itoo gravures, 27 cartes cl 18 plans.
M. \Vienor, charg(5 en ISTii d'une niisî^ion archi-ologique et scientifique
par le Ministère de l'instruction publique, a passé prùs de deux ans au
Pi'rou et en Dolivie; il a entrepris dans l'intérieur de ces régions un
voyage d'exploration qu'il raconte avec agrément et vivacité ; il a bravé
toutes les fatigues, tous les dangers, pour visiter tous les monuments de
l'ancien empire des Incas et pour recueillir, dans le commerce des habi-
tants actuels du pays, Européens, Espagnols de sang plus ou moins mêlé,
tribus indiennes, tous les souvenirs, toutes les traces d'un passé qui,
bien qu2 séparé de nous par moins de quatre siècles, présente à notre
curiosité tant d'énigmes, dont la plupart ne seront peut-être jamais
résolues.
Ce qui a surtout préoccupé M. Wiener, c'est l'histoire de l'homme
américain avant la conquête du pays par Pizarre. 11 l'a cherchée dans les
décombres des cités mortes et des palais abandonnés, dans les entrailles
des nécropoles qu'il a fouillées avec ardeur," dans toutes les collections
publiques et privées qui ont été formées dans le pays aux dépens de ces
ruines et de ces cimetières. C'est dire qu'il a recueilli nombre de faits
curieux; son livre, édité avec luxe par la maison Hachette, est peut-être
de tous les ouvrages fraiii;ais celui qui permet le mieux aujourd'hui à un
esprit curieux de se renseigner sur ce que l'on peut savoir de cette civi-
lisation disparue; civilisation qui, à certains égards, était supérieure à
celle qui l'a remplacée. Chaussées pavées, ponts sur les lleuves, travaux
d'irrigation el de culture, tout cela était mieux entendu et plus savant
dans l'empire des Incas que dans l'empire colonial de l'Kspagne, ruiné
par de mauvaiics lois el par une administration avide et ignorante, ou
que dans ces malheureuses républiques qui se déhalleut contre une anar-
chie sans cesse renaissante. Un trouve partout des traces d'une popula-
tion nombreuse et industrieuse dans des vallées aujourd'hui presque
désertes ; des huiles en torchis sont appuyées aux murs en grand appareil
des tombes, des palais el des maisons d'autrefois.
I/ouvrage se divise en quatre parties, d'étendue et d'importaocc
inégale.
niBLIOGRAPHIE. 107
1° Relation do voyage.
2° Iteclierches archt^olopiqiics.
3° Observ.'iliona sur l'olliiiograpliic.
4° Kliules liiiguisliiiiics.
Dans toutes ces parties on trouvera des oi)8ervations intéressantes et
nouvelles, des croquis curieux, matière enfin à bien des réilexions et à
des comparaisons insiructivcs. Nous ne saurions donc trop recommander
la lecture du livre, et cependant nous avons quelques r(5scrves i faire.
Nous les indiquerons pour montrer avec quel soin nous avons examiné
un essai qui témoigne d'une singulière activité d'^'spril et de recherches
poursuivies avec passion sur un terrain encore presque inexploré.
Le style manque de simplicité; parfois d'une familiarité trop abandon-
née, il tombe dans l'emphase quand l'auteur expose des théories sociales,
religieuses, artistiques, qui n'ont pas été assez digérées. Nous aui ions
aimé à voir M. NViener se borner i rassembler des faits; c'eût été le
meilleur moyen d'échapper aux dangers que n'a presque encore su fuir
complètement aucun de ceux qui ont touché aux études américaines.
\j'américanismc, — comme on l'appelle aujourd'hui, — est un peu ce
qu'ont été si longtemps les études celtiques, le rendez-vous de tous les
gens à qui manque l'éducation première, l'habitude de la méthode et
de la critique ; c'est le domaine des hypothèses qui prétendent s'imposer
comme vérités démontrées, des systèmes aventurés, des rêves étranges
racontés avec des termes empruntés à la langue de la science. Nous n'ac-
cusons pas M. Wiener d'avoir augmenté le nombre de ces faiseurs de
systèmes ; mais il aurait pu se distinguer d'eux plus nettement encore
en s'interdisant tout autre rôle que le seul qui convienne aujourd'hui,
— dans l'état de ces recherches, — celui d'un rapporteur sincère et Gdèle,
qui décrit des monuments, qui traduit et rapproche des textes.
Nous citerons, comme exemple de cette tendance à l'hypothèse, tout
le chapitre intitulé : Divinités et cultes péruviens. 11 n'est pas clair partout;
mais ce qui résulte du résumé, c'est qu'il existait au Pérou « deux reli-
gions, l'une scientifique et l'autre populaire ; la première faite d'abstrac-
tions, l'autre d'idolûlrie et de rites matériels. 11 parait évident que l'acti-
vité du prêtre était partagée entre ces deux cultes, qu'il s'efforçait de
marier en leur donnant une seule forme. » Tout cela n'est pas impos-
sible; mais, dans les pages qui précèdent, je n'aperçois rien qui per-
mette de regarder cette manière de s'expliquer l'histoire de la religion
péruvienne comme autre chose qu'une conjecture, et qu'une conjecture
qui ne se fonde seulement pas sur un commencement de preuve.
La partie qui est le mieux faite pour intéresser nos lecteurs, c'est la
seconde, les Notes archéologiques. Elle se divise en cinq chapitres, dont le
premier est le plus étendu et le plus nourri : Architecture, Sculpture,
Orfèvrerie, la Céramique, Peinture. On trouvera, dans tous ces chapitres,
beaucoup de dessins intéressants ; il est regrettable qu'ils ne soient
presque jamais à l'échelle. Beaucoup d'entre eux paraissent aussi avoir
198 lU.VL'E AnCMKOLOGIQUK.
ôl6 gravies d'apnV-; des croquis iusiifdsnnts, faits bien ;\ la hflto et par un
crayon encore Irî's novice. Tels i|u'il.s sont, ils rendront encore service à
rarcht^olognc : on y remarquera de curieuses rcssemlilancrs entre l'art
des Incas et celui du monde classique dans sa période ori(Milalo cl
gre<'qtio archaïque. L'appareil des conslruclions péruviennes rappelle
souvi'ut celui dos conslruclions les plus anciennes du liassin de la Médi-
terranée; la pyramide a couvert les lomix's comme en l'jgypte ; certaines
poteries, par leurs formes bizarres, par leur couleur et par leurs orne-
ments, rapjiellent, presque à s'y méprendre, les plus anciens vases phéni-
ciens et cypriotes. Ksl-ce A dire ijue nous sont^ions lo moins du niuudc à
supposer, comme l'ont fait quelques américanistcs, que Péruviens et
Mexicains descendent d'une colonie phénicienne V Nullement; tout ce
que prouvent ces ressemblances, c'est que l'homme est partout le mCme;
quand il est arrivé à un certain point de son développement normal et
qu'à certains égards les milieux se ressemblent, il y a chance pour qu'il
produise des ouvrages qui présenteront de grandes analogies. C'e^t à me-
sure qu'il avance dans la civilisation que les dilVérences se marquent ;
un très petit nombre de peuples dépasse les limites d'une civilisation
naissante et rudimentaire. Ouand ils ont franchi ce premier degré, leurs
œuvres répondent i des sentiments et à des idées trop complexes pour
qu'alors les moindres dissemblances de race et de milieu ne s'accusent
pas d'une manière beaucoup plus sensible ; mais, dans les créations des
époques primitives, il y a bien plus d'uniformité. Ainsi les enfants, dans
le premier Age, différent bien moiiislesuns des autres, par le visage, que
lesjeunes gens et surtout que les hommes faits ; i mesure qua la vie
développe les pas>ions et les peii.-ées des individus, à mesure qu'elle les
engage dans des routes qui s'écartent de plus en plus, elle le^ ilisliiigue
et les différencie davantage par l'empreinte qu'elle grave sur leurs traits
et dans toute leur physionomie. G. Perbot.
<ï><«)xaixà, étude iiistoriquc et topograpliique, .ivcc sept plariclics et une carte topo-
graphique, par PAi'PADoroiLos Keiiameis. Smyrnc, 18"y, in-8 (en grec moderne).
M. Paj'padopoulos Kerameus, conservateur de la bibliothèque et du
musée de l'École évangélique de Smyrne, est déjà connu par de bons
travaux qui ont paru dans différents recueils de l'Orient grec et dans
le Bulletin de correspondance hellénique publié par l'Kcole française
d'Athènes. Il a donné un catalogue soigneusement dressé du j)ctit musée
qu'il dirige, et il a, dans plusieurs notes intéressantes, appelé rattcntiou
sur certains monuments qui font partie de cette collection et sur des
découvertes d'antiquités qui ont eu lieu, dans ces dernières années, sur
la côte d'ionie. il a étudié avec soin la topographie et les ruines de toute
la contrée voisine de Smyrne. Dans la dissertation que nous avons sous
les yeux, il cherche à faire [)rolitcr le lecteur de l'élude qu'il a faite, i
pluàieurs reprises, du bile et des ruines de l'ancieune l'iuuée, la métro-
pole de Marseille.
C'cil là, i vrai dire, la meilleure et la plus importaulc partie du mé-
BIRLIOCnAPlIIK. i'M)
moire; nous reprocherions volontiers à celle première partie, inlilulco
Topojraphie, d'être trop succincte, et nous savons grand gr6 à M. l'appa-
(lopoiilos de l:i carte (]iii l'accompagne. La soronde partie a pour tilre :
Tlistoire de VhoaU' dipuia les tcinp-i Ira plus a/jciVns- ju^'/u'à 7ios jours. Les
textes (les autours y sont rapproclu^s avec soin ; mais nous ne voyons pas,
autant que nous avons pu en juger par une lecture uo peu rapide, que
l'autour ait introduit lA dcs vues un peu porionnelles. Les pages qui
semlileront les plus nouvelles sont celles où il c.>t question de l'Iiisloire de
ce district et do sa capitale actuello, la nouvelle IMiocée, dans les temps
modorncs et lors de la guerre do riudi'[)oudance ; il y a l\ quelques faits
peu connus, quelques docununls inôdils qui iiitéresscront ceux qui s'oc-
cupent de la Grùce moderne.
Quatre appendices font suite au Mémoire :
1. Sur le statcrc de Phocée {i\ y aurait, ce nous semble, plus à dire
sur cette question iuiporianle pour l'histoiic des dincrenls systèmes de
poids et do monnaies qui se sont partagi') le monde grec).
2. De la juridiction épiscopak d'où dépend thocée.
3. Analecta (quelques remarques assez brèves sur des personnages ori-
ginaires de l'hocée et connus parles inscrij)tions).
4. Remarques sur les planches de Vouvruijc.
(-es planches sont bien môdiocres; mais les ressources dont dispose
l'archéologue, à Smyrne, sont bien restreintes, et il convient de lui savoir
grè de l'intenlion. G. P.
Thanatos '30' progiramiiie pour la fùtc de Winckelmann, côlëbréo par la So-
ciété archéologique de Berlin), par Caul Robert. In-Zi", 1879, Reinier.
Dans celle dissertation, fort bien composée el d'une lecture très inté-
ressante, l'auteur reprend une question que Lessing avait traitée jadis
avec toute l'ori.^inalitô de sa pensée, mais qu'il n'avait pu résoudre faute
do connaître les monuments que nous possédons aujourd'hui (1); presque
tous ceux qu'il étudiait appartenaient à l'époque romaine. Un contempo-
rain, Julius Lessing, a, paraît-il, récemment repris le sujet dans une
étude que nous n'avons p;is sous les yeux (2). Cet archéologue citait déjà
trois représentations de Thanalos, dont la provenance grecque était cer-
taine; M. Hobert a un peu augmenté ce nombre, mais il n'en reste pas
moins vrai que les Grecs ont rarement représenté la morl personnifiée.
En revanche, quelques-unes de ces représentations sont d'une beauté de
premier ordre ; elles paraissent toutes appartenir au temps de Praxitèle
et de Scopas, à cette école qui a donné à l'art de la statuaire un caractère
sentimental et pathétique dont la période précédente n'offre guère de
traces.
Grîlcc au concours de M.M. CoQze et Jacoby, les monuments décrits cl
(1) Wie die Alten den Tod gebildct, etc.
(2) De Mortis apud veteres figura. Bouu, 18C6.
200 HKVrK AnCHÉOLOGlQDR.
expliqut?s dans cette di.-:scrlation ont 616 reproduits avec une oiactitudo
intelligente, que l'on ne réussit pas toujours ;\ olitcnir en pareille ma-
tière. On remarquera surtout deux beaux lekythoi altiques in6diis jus-
qu'ici (pi. 1 et 2). il y a en tout trois planches cl plusieurs figures dans le
texte, l'ne dos parties les plus inli^ressanlt-s cl les plus neuves de la dis-
sertation est le chapitre où iM. Hoherl prouve qu'il faut reconnaître le
(îi^nie de la Mort dans une tics ligures de la columtia cœlutn du teniplo
d'Éph6se, rapportée par M. Wood, au Musée hrilannique, cl depuis sou-
vent décrite et représentée (pi. 3, reproduction hélio<,'rap!'ique). Il
explique la scène, de la manière la plus vraisetnblalile, par le retour
d'Alceste. qui revient ilu royaume d'Iladés, csc(trtée par Hermès l'svcho-
pompc et par Tiianalos, en présence do Perséphoné debout et d'Iladès
a^sis sur son trône. G. 1'.
Géographie de Strabon, traduction ncivello, par Améhék Tabdieu, biblio-
tliLcairc de l'Institut. 3 vol. in-12, Haclietto, lbJ^O.
M. Tardieu vient d'achever la traduction de Strabon qu'il a commen-
cée depuis longtemps déjà, et dont les deux premiers volumes avaient
paru en 1867 et 1.S73. Celle traduction est très supérieure à la plupart
des ouvrages qui font partie de celte rolleclioii des chefs-d'œuvre des
littératures anciennes; elle csl loui entière fondée sur une revision scru-
puleuse du texte; en ce sens, on peut dire que c'est presque une édition
critique. Il va de soi qu'un traducteur qui a pris, pour établir son texte,
les peines et les soins donl témoignent les notes courtes, mais subslan-
lielles, qui sont placées au bas des pages, n'a rien épargné non plus pour
rendre le sens avec toute l'exactitude el la précision désirables. M. Tardieu
n'a pu obtenir le résultat qu'il a poursuivi qu'en résolvant pour lui-
même tous les problèmes historiques el géographiques que pose, pour la
critique moderne, la lecture de Strabon; nous comptons bien que, d'une
manière ou d'une autre, il nous fora profiter un jour des matériaux qu'il
a dû amasser chemin faisant, el qu'il nous donnera un commentaire com-
plet du géographe qu'il a si bien traduit. Eu attendant, il est une pro-
messe qu'il ne saurait se dispenser de tenir. Il nous doit celle table des
matières qu'il annonçait dans la préface du premier volume; sans doute
elle formera un volume à part, n'ayant pu tenir dans le tome troisième
du la traduction. (;, \\
LA
BORNE MILLIAIIIE DE PARIS
{Lu à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, séances des
24 et 2[ octobre 1879).
Suite (1).
NOTE DE M. A. LONGNON SUU LES VOIES ROMAINES
DE PARIS A REIMS.
« L'élude allcnlive de la borne milliaire du cimetière Saint-
Marcel a donné i\ M, Desjardins l'idée de rechercher une voie re-
liant Paris à Heims el mesurant lOo milles.
« 1° Celte route ne saurait être reconnue dans la voie qui, de
Reims, va h Soissons (Itin. Ant. 379) et ;i Senlis (Table de Peut.),
bien qu'il soit possible de reconnaître dans la roule actuelle de
Senlis à Paris le tracé d'une voie antique complétant les deux tron-
çons précédents. En effet, la voie de Paris à Reims par Senlis el
Soissons aurait mesuré, dans celle hypothèse, au moins 108 milles,
3 de plus que la somme indiquée sur la « borne récapitulative » de
Paris.
« 2° Elle ne peut non plus être assimilée à une ancienne route de
Paris à Reiras par Clayo, Lizy-sur-Ourci, Gandelu, etc.; celle se-
conde voie est en effet plus courte que la dislance marquée sur le
milliaire de Saint-Marcel, puisqu'elle ne mesure que 95 milles.
« 3° Il y a donc lieu de chercher, entre les deux voies précitées,
la route mesurant 105 milles roinains ; or, après un mûr examen,
(1) Voir loâ numéros de février et inurî.
X\X1\. — ■^"'•'' li
.■Î'»J RKVUK ARCUKOLOGIQUK.
on est nntiinMlpmcnt amène' h ronslator (ju'clle (lovait passer par
Nanleuil-k'-Uaiulûuiii, Villers-Cottorets et Soissons. Le dernier
tiers (lo relie voie, de Soissons î\ Reims, décrit par l'Ilinérairc d'An-
tonin, est parfaileinenl reronnu sur le terrain; on n'a donc à exa-
miner ici que sa p.irtie antérieure, entre Taris et Soissons.
a La roule de Flandre (aujounrinii de Lille par Senlis) emprunte
juscjuW Uoissy, sur une lon},Mieur de 1"» kilomètres, le tracé de l'an-
cienne voie romaine (le I\iri> à Soissons, qui passait ensuite à (lliene-
viéres, Moussy-lc-Neuf, Ver et Montigny-Sainte-Kélicilé, pour arri-
ver à Nanteuil-le-Ilaudouin. De Nanteuil, la voie ^ja^nail Soissons
par IVroy-lès-tionil)ries, Levi^^nen, (londreville, Vaunoise, l'isse-
leux. Villers-Colterets et la forél de Uetz, suivant ainsi un iiacé
adopté presque constamment par la granule route inoilerne de l'aris
à Ueims.
« L'existence et la direction de celle ancienne voie ont 616 consta-
tées par les archéologuessoissonnais.qui en retrouvent untronçonà
■'» kilomètres aux abords de Soissons (1), mais nous cessons d'elle
d'accord avec M. Aniédée Pieite pour la partie de la route comprise
entre Villcrs-Cotterels et Nanleuil-le-I!auilouin. M. Piette, se fon-
dant sur une assertion de Carlicr, (jui publia en 17G4 une Histoire <lu
ducl)6 de Valois, prétend que la cliauss6e, au sortir de Villers-
Colterets, ne se dirigeait pas, comme la route moderne, par Vau-
cicnnes, Gondrevillc et Levignen (ii, et qu'elle formait une courbe
M) Cette voie, dit M. Picttc > Kin. r/nl,-rom. du «lépurt. de l'Ai'tne, p. 199), « se
détacliaii de la voie de Heims à Amiens, à peu de distance à l'ouest de Soissons,
non loin de l'ancien cimetic'-n' ; elle gagnait M;iupas, ancienne coninianderie de
Malte, et de là s'engageait dans les gorges de Clianctières, à l'eiiréniité desquelles on
la voit se frayer un passapc dans le roc ; au delà, sur le plateau, c'est encore une
chaussée verte, élevée de T'ij-'iO au-dessus du sol ; elle continue ainsi pendant It ki-
lomètres jusqu'à sa jonction avec la route actuelle de Paris, qu'elle côtoie sur la
droite jusqu'à la Croix de Fer. Plus loin la superposition est complète, car on n'a-
perçoit plus traces de cette chaussée, reconnaissablc jusque-là par sa forme bonit}éc
et surtout crayeuse, quoique dégradée parles sillons do la charrue. » (Cf. Mém.
de M. Clouet, dans le Hull. <if l;i Sn,:. arcInoL i/r Soissons, t. 1, p. 13S.) Il u'cstpas
hors de propos de remarquer que le nom môme de Mnitjnis fait allusion à un pas-
sage {jt'istus) évidemment dangereux de cette ■mcicnne voie.
{2) Itin. f/nl.-roin.du départ, de l'Aisne, p. 201. Voici, d'ailleurs, les paroles
mÊmesdf^ Carlicr [Hisl. du durhii de Vnluis, t. I, p. 2^|7), <iui atlribno au redresse-
ment de la route de Nanteuil la ruine du m.irclié de Cré|)y : « Le chemin do Nan-
teuil à Viliers Cotterets passoit autrefois à Cré|)y. On l'a détourné par Gondrevillc
afin do suivre une ligne jilu» droite et pour é|)arj{ner une dcnii-lieue Les voi-
tures publiques, qui arrivent préHcntement à Nanteuil, passoient outre autrefois,
surtout pendant l'été, et venoicnt coucher à Cré|iy. Ce changement a occasionné la
I. \ IIOUNI. MlI.I.IAlHi: MF. l'AIlIS. .'{OU
prononcée pour passer par Crépy; c'est \h une erreur évidonli; fjue
prouvent lieux textes itinéraires remnnl.int, l'un au xiv°(l), l'autre
au milieu du xvi" siècle, (|ui assi},Miciit, pour le moyen ûge, à la
route (le Nanteui! i\ Viilers-Collerets(2) un tracé presque identique
à celui de la iout(! actuelle, (juant à ro qui est de la jiortion de l'an-
cienne voie d(> Nantcuil à la roule de Flandre ipii, de hoiWH'. heure,
a été remplacée par une roule reliant iJanimarlin à Paris d'une
part, h Nanleuil de l'autre, il est bon de rappeler que M. de Lon;.'-
périor en a observé des vestiges auprès de Ver, le l'alulium Vcr-
num des rois francs, où Louis le l)è.L,aie, venant du Nord de la
France par (Juierzy et (]ouipiègne, i)assa, en suivant évidemment la
route qui nous occupe, pour se rendre à Saint-Denis (:i).
« Il y a donc lieu de croire que la roule romaine mentionnée par
la luilliaire de Sainl-Marcel passait par Nantcuil, Villers-Cotterels
etSoissons; ajoutons que ce tracé est aussi direct que possible et
(|ue l'enseinhle de la roule, — de Paris ;\ Reims, — mesure elîecti-
vement les lOo milles romains mentionnés sur ce précieux monument.
« L'antiquité du premier tronçon de la voie (de Paris k Reims
mesurant inrj milles romains), c'est-à-dire la portion comprise en-
tre Paris et Lou^^res, est i)rouvée par deux textes. L'un est une Vie
de saint Rieul, cilée par l'abbé Lebeuf, et selon laquelle ce bien-
heureux évèijue du m" siècle, allant de Paris h Senlis, s'arrêta à
Louvres (4). L'autre est le prétendu diplùmepar lequel Dagobertl"'
aurait accordé le droit d'asile à l'abbaye de Saint-Denis et qui, ayant
été rédigé certainement, tout faux (|u'il esl, au vif siècle (5), parle
chute du marché au bled de cette dernière ville, dont tout le commerce est passé à
Nanteuil. » — Il est évident que si Crépy. a été desservi au moyen âge par une route
reliant Nanteuil à Villers-Cotterets, cette route fut établie pendant la période féodale,
durant laquelle Crépy devint le chrf-licu du Valois, dont dépendaient ces deux loca-
lités.
(1) « Aliter per Suessionem do. Remis indirecte : Jonceri sur Veile, Fine, Greyne,
Soysson, forest de Heth , Retzi, Pistolen fPisscleuxj, Lisengacn [I.evijnen], Dam-
martin, Bourget, Paris. » (Itinéraire IJourgeois ce la lin du xiv'= siècle, publié par
G. Leiewcl dans répilos:ue de sa Géo/jrojihie du mmjpn (hjn.)
(2) Le guide dei chemins de France, dont la seconde édition parut en 1552, décr t
ainsi cette route : « Nanteuil-lc-Hauldoyn, Perray, Levignen, Vaulnoise, Valsit-nne,
Villiers-Coste-Uoz. »
(3) Afin, lierlin. ad ann. 877 : « Et iter agens pcr Carisiacum et Compendium,
usque ad Vernum palatium, quatenus ad sepulturam patris sui (ut putabat), apud
monasterium sancti Dionysii perveniret. »
(4) Lebeuf, Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, t. V, p. 4GS-469.
(5) C'est ce qui résulte, en premier lieu, de ce fair que Doublet, le premier éditeur
de ce texte {Histoire de l'ahUiije de Suint-Dcnis, p. G57;, nous apprend que le pré-
:\0\ REVUE AnClIKOI.OGIOUF..
t^galcmcnl d'une « voie publique » condnis;iiit du palais .-oyal [do
Paris" ;\ ce nu'^mc liiMi de Loiivrcs (1), i»
APPENDICE
LI-IS ROUNKS MII.I.lAIilKS ])V. I,A (lAII-K l'OUTAM LK NOM
I)i: MAXIMl.N llAZA NUlMLISSIMVS CAKSAll
Du l"' mai :»0j au i<f janvier aos.
Il existe en Gaule neuf bornes inilliaires (en comptant celle de
Paris) qui portent les noms de Maximin Dazii, qualifu' de nobilissi-
mus Caesnr, et qui se trouvent, par conséquent, coinprisps dans la
période des trois années 30.') (à partir du l"" mai), 3U(i et 307.
— 1° Celle de Villeneuve, en Suisse, trouvée sur les bords du
lac de Genève. L'inscri[ition en est ainsi coneue et a été suppléée,
avec certitude, de la manière suivante, par M. iMomnisen (S) :
D'D NN CONSTANT 10 INV AVG
ET MAXIMl /NO INVICT AVG
(nom martelé) SEVERO ET MAXIMINO
NOBILISSIMIS CAESS
F C A M XXVI (3)
tendu original était écrit << sur l'corco d'ftrbro », c'cst-îl-diro sur |i;i|iyrus ; en sr-
cond lieu, de la substitution si fréquonlc de l'e à l'idans l'orlliograplio do beaucoup
de mots du texte et «(ui reporte certainement la rédaction de cl* texte à l'époquo
mérovingien nt',
(i; (I Id est, quisquis fugitcvoriini pro (inolibct scclvrc ad prx'faiani baselicam
bcatoram marterum fugicns, Tricenam ponieni advenerit, vcl ex parte Parisius vc-
nicDS, Monteui Marterum pra3ierifrit, sivo do p ilacio iioslro egrcdicns pubticam
vidiii <ju(i: jtcnjit uil I.Hvrrain transierit »
(2; Inscnpt. Confued. llelvet., W 313.
(3) F(oruwi; C{laudii) \(nfjiis(i) M{iltin imisutim) XXVI. C'est la distance à partir
déco Forum r/«uf/n (qui n'est autre ^ix'Oclodurus, Martigny). 11 Taudmit cependant
KT ou commencement de la 3" ligno ou à la tlo du lu 2'. Do plus, le mm de Sévère
e\t généralement précédé de» deux au'r<»5 nom* de rot empereur : F,',- VAI.
LA BORNE MILI.IMRE DR PARIS. liOli
Il est évident que celte inscription, étant antérieure 5 la mort de
Constance Cliloi-e et posléi-ieure à son litre d'Auguste, est comprise
entre le 1" mai 305 et le 2'> juillet .'iOG. Le nom de Sévère fut mar-
telé sans doute après le commencement de l'an .'{07, lorsqu'il entra
en luUcavccMaximicn, lutte dans laquelle il fut tué presque aussitôt.
— 2" Celle du Péagc-de-Uoussillon, sur la route de Vienne h
Valence (1), est antérieure à l'érection de Sévère au rang d'Au-
guste puisqu'il y est qualifié du titre de nofnlissimm Caesar, et
postérieure à l'abdication de Dioclélien : elle est donc comprise dans
la même i)ériodc. Un peut la suj)pléer ainsi :
[AVGVSTIS NN
FL- VAL • CONSTANTIO
ET GALERIO VAL
MAXIMIANO ET]
NOBILISSIMIS
CAESARIBVS
FLAVIO VALERIO]
SEVERO^ET GAL]
[VAL MA]XIM[INO]
On remarquera la qualité de nobilissimi Caesares, précédant les
noms des empereurs qui sont décorés de ce titre.
— 3" Entre Annemasse et Estrambières, dans la Haute-Savoie,
a été trouvée une borne milliaire, aujourd'hui perdue, mais dont le
texte nous a été conservé complet (2) :
IMP es GAL VAL (3)
MAXIMIANO P F INVIC
ET FLA VAL SEVERO P F IN AVG (4;
• ET GAL VAL MAXIMI N NO (.stc)
ET FLA VAL CONSTANTINO
NOB CAES MP (5)
(1) Allmer, Inscriptions de Vienne, I, p. 138, ti" 35 et pi. IV.
(2) Voyez Louis Revoa, Inscriptions antiques de la Haute-Savoie, p. 6i; cf.
AUmer, 1, p. 144, n» 39.
(3) Il y avait sans doute GiîlS.
(4) Peut-être y avait-il AVGG.
(o) Pent-ôtre y avait-il : NOBB CAESS.
nOG HKViE Mu;ni:oi.oc.ioiT..
Celle inscriplion, t-laiil posUrieure au secoiul aYi-nomonl de
Maximien el anlêrii-ure à la morl de Sévère, se place enlre la lin de
300 L'I le mois de mars 'MM.
i" Une aiilre lioriie milliaire, (rouvre en 1.^56 (deux ans après
la publication des Jnscriplions delà Suisse par M. Mouunsen), cnlro
Vevej el Clarens, sur les bords ilu lac de Genève, porte riiiscriplioii
suivante :
DDNN
MAXIMIAN
ET SEVER AVG
ET MAXIA^IN
ET CON5TANTINO
N OBB CAESS (1)
Elle doit se placer à la môme date que la précôdenle, c'esl-à-dire
entre la fin de :10C et le mois de mars :i07.
— 5" M. MoNval nous communique re>lampage, pris par lui, de
l'inscription milliaire du ciraclièrc de Caro (Moibilian) (2). La
pierre, irès fruste, peimetde lire seulement les mots suivants :
/////////////////////////
(croix chrétienne) t NOB CAES
C • V ■ MAXIAM
////NO P F INV
/////I/////S AVG
Ce fragment présente une particularité remarquable :
Les noii;s du ou des Césars précédent celui de l'Auguste. C'est
celte exception même (lui fixe la date d\i monument. H est évident,
en eiïel, que le nom de cet Auguste a été ajouté après coup, et il n'a
dû l'être qu'à partir du rapprochement de Constantin avec Maxi-
mien ; car c'est bien de Maximien cju'il s'agit ici, la lettre A man-
([uaiil au commencement di- l'avanldurniéie ligne doil être sup-
(1) Bonslctten, Carte archéoloyii/ue du canton de \uud, p. '.2.
Cl, Cette borne a été dûcouvertc par M. de Kùranflecli en 1838, ci ille se trouTC
signalilc par M. Aurélicn <l<; Coursoii, Cartulnirc de Itcdon, 1803, p. cixxvii des
VroUgommei v\. note 0. L^ tixi' donné dans celle note csl iiicoujplet et inexact.
LA BOn.NK MILMAIRK DK PARIS. .107
plùéo, (|uoi(|u'il n'en rL'sto,n(m.s dit M. Mowat, atirune Iraccsur la
pierre. Nous proposons duiic la reslilulion suivanle :
[ D N • F L • V A L
CONSTANTINO
AVG ET
DN GAL • VAL
MAXIMINO]
NOB CAES
C • V -MAXIMI
[A] NO PF INV
[SE M PERI? ////!//// AVG
//////////////////
Cette inscriplion aurait donc été gravùe entre le 31 mars 307 et
le 4"" janvier 308.
— 6" Un fait digne de remarque, c'est qu'on trouve, dans la
région des Alpes, des bornes miliiaires aux noms de Maximien Au-
guste et de Maximin Daza César, desquelles ceux de Constantin sont
systématiquement exclus et où ligure cependant celui de Maximin
Daza en qualité de nobilissimus Caesar, comme la borne milliaire
d'Annemasse (Haute-Savoie), dont l'inscription est complète; car,
au-dessus de la première ligne, la pierre présente un bourrelet for-
mant chapiteau, ce qui prouve que l'on a utilisé une des colonnettcs
de quelque édicule pour en faire une borne itinéraire (1).
IMP CES • GAL
/////AL MAXIMIANO
P • F • INVIC AVG
E[Ti MAXIMINO
NOB CAESARI
Il faut nécessairement placer cette borne entre la fin de 306 et le
(1) Revon, hiscriptiom antiques de la Haute-Savoie, p. 33, et Allmer, Inscrip-
tions de Vienne, I, p. 143, n* 38. Voyez surtout VAfias, 269-139, pi. xxxviii-
xxui.
308 REVUK ARCHÉOLOGIQUK.
31 mars. 307, ptViode postérieure au second avèncmenl de .Maximion
el anu^ncure au rapprorliemeiililecel em[)ereur eUie ConsUmiiu.
— 1" el H". Au musée d'Amieus se conserve « un fraj^'inent » {\)
que M. Mowala signalé tians une récente séance de la Société des
Anlitjuaires de France, cl doiil la teneur esl identiijuement la même
que celle de Paris (juanl aux titresde Maximin Uaza. Nous la resti-
tuerons de même, el nous lui assignerons la même date. M. Mowal
a jiidicieusemenl e\plit|ué la dernière ligne : A S{(imarabrira]
L[eu(ja} l('); ce qui prouve que Tancien nom gaulois du chef-lieu
de la cilé des Ambiani avait persisté plu^ longl 'Uips qur celui de la
cité des Parisii, Lucotccia ou Lutetia. De plus, on remarquera, par
contre, que la distance esl comptée en milles sur la borne de Paris
el eu lieues sur celle d'Amiens.
Borne milliaire d'Amiens. Borne milUaire de Paris,
[DD NN M-AVR [DD NN M • AVR
MAXIMIANO MAXIMIANO
ET • FL • VAL ET FL • VAL
CONSTANTINO CONSTANTINOJ
AVGG-ET AVGG ET
(SIC) BN GAL VAL (2) DN GAL VAL
MAXIMINO MAXIMINO
NOB CAESARI NOBIL CAES
A S L I A CIVPAR
R CV
La date des deux monuments est donc comprise entre le
31 mars 307 el le 1*^^' janvier 308.
On s'esl étonné que le texte conservé des deux inscriptions soit
exactement le même; mais, (juand une partie mani|ue à une ins-
cription milliaire, cVsl presque toujours la partie suiiérieure.
— y° Enlin nous sii,'nalerons un autre fragment ijui a été trouvé
au siècle dernier, à Cenon, au conlluenl de la Vienne el du Clain
(arrondissement de Cliàlellcrauli), et Irau^porlé au château du Fou,
M) Cntaloijuf lin must'c ifAmiern-, 1K76; p. 55, ii" L'34.
(2) Il est probable que en U (pour D) est le ré6ult;it d'un aocicn H mal ofTfccé et
apparinnaut à une inscription aDtéricurc.
i.\ n.)HNK MiLi.iMui-, Di; i'Mus. :jO!)
où l'a vuUouriyiioii, (jui Ta publii'; (Ij. Il est facilt; d'en suiiplt-er
le lexle. Son disposilif est à peu près le inôrae que ceux des Ijornes
de Paris et (rAiiiicus, et il se pla( e à la môme date, c'cbt-à-dire
entre le 31 mars 3UG et le 1" janvier 31)8.
IDD • NN • M • AVR
MAXIMIANO
ET- PL • VAL
CONSTANTINO
AVGG ET
' DN G AL VA[L]
MAXIM[INO]
[N]0B1L CTAES]
INVIC[TO]
P • L X II (2)
Plusieurs autres bornes milliaires de la Gaule portant le nom de
Maximin sont imputables à C. Julius Verus Maximinus Augustus
et à son fils C. Julius Yerus Maximus nobilissimus Caesar, empe-
reurs de 23 j à 238.
ERxtsT Desjardins.
(1) Dissrrtation sur- l'endroit appelé « Vieux Poitiers», 178G, in-8, p. 13; repro-
duit par Dufour, De l'ancien Poitouet de sa capitale, 1826, in-18, p. 230.
(2) P(i'donev) ou P(iclavos) h{eugae) Xll. Ce qui fait XVllI milles romains ou
vingt-six kilomètres. Cenon est à 28 kilomètres de Poitiers; la borne milliaire ne
provient peut-être pus de Cenon môme, mais des environs.
i:xrL011ATlUN
DL'
TUMULUS DE KERIIUÉ-RRAS
Eîf PLOIJÉOÏÏR-LMYERN (Finistère^
Enchâssant avt^c un de mes nmis, je reconnus, il y a quehjues
années, trois luniulus au sommet d'un coteau dominant le petit
cours d'eau qui, venant de Plot,'astel-Sainl-CiL'rmain, se jette dans le
porl de Ponll'Al)lié. Deux d'entre eux étaient explorés; le troisième,
grâce à ses imposantes dimensions, avait échappé à toute violation.
Ces trois lumulus, placés à l'extrémité est de la commune de Plo-
néour, quoique à trois kilomètres seulement du bouri{ de Plogasiel,
sont sur les terres duvillage de Kcrhué-IJras, dans un lieu d'où la
vue s'étend à l'intini. On les découvre du bourg même de Plogastel,
où il existe encore, aux issues de ce bourg, les traces très apparen-
tes de deux opiudums considérables. L'un de ces retranchements est
rectangulaire et mesure ÎJ'J mètres sur 100 ; l'autre, circulaire, à 'iO
mètres nord-est du premier, mesure iO mètres de diamètre (1).
Le plus grand des trois tumulus de Kcrhué, — celui que nous
venons d'explorer, —mesurant IW) mètres de diamètre sur 0 mètres
d'élévation, ne contient pas moins de o.OoO mètres cubes de terre.
Je comprends que sa masse énorme ait arrêté les explorateurs qui,
;'i une èpo(iue impossible à déterminer, ont ouvert les deux lerlros
i\) \.f plateau circonscrit par lu premièTC de cch enceintes est mis vu culturo de-
puis <iuclqu-« annuel. Le rtiliivat.-ur ipii l'n dL-friclii; m'a dit y avoir trouvé un
urand nombre d.! fragnicnu de poterie et d'objets en fir (lu'ii na pas pris le soin de
recueillir.
KXIM-OIIAIION IH: T( MlM.l S I)F. KEHII t :i:-llll \S. 3il
plus modestes qui l'avoisincnl, cl qui sont situes l'un h 25 mètre»
nord-ouest (le lui et l'autre à 70 mètres nord de ce derniir.
Comme je l'ai déjà dit, ces deux mo-
numents, (jui ont l'un 10 mètres et l'au-
tre 25 mètres de diamètre, ont été explo"
rès, et le plus petit d'entre eux laisse
voir à son centre une chambre de 1"',40
de large, ouverte à ses deux extrémités, \^
creusée au-dessous de la surface du sol
et recouverte d'une table mesurant :i mè-
tres .nir 2°, 23, (]ui repose sur deux pili(!rs
construits en petites pierres maçonnées
à sec. L'autre petit tumulus, creusé en
plusieurs endroits, ne laisse voir aucune
pierre.
Après bien des pourparlers, au mois
de juillet 1875, je commençai, avec une
dizaine d'hommes, rexploralion du grand
tumulus de Kerhué: mais, avant la lin
du jour, je fus obligé de me retirer de-
vant le mauvais vouloir du fermier.
Depuis cette époque je fis de nombreu-
ses tentatives pour arriver à l 'exploration
de ce beau monument, qu'il me tenait
tant à cœur de visiter ; mais tous pour-
parlers restaient inutiles. Enfin, le 43
novembre dernier, je trouvai le proprié-
taire mieux disposé et traitai avec son
fermier du droit d'exploicr.
Le 16, au malin, malgré un froid ri-
goureux, je me mettais en roule, dés les
cinq heures, avec douze hommes. Arrivé
sur les lieux, tout le monde se mit à la
besogne avec ardeur, et nous ne lar-
dâmes pas, dans sa partie est, à faire une
large tranchée dans les flancs du tumu-
lus. Mais bientôt le locataire de Kerhué,
voulant tirer parti de la situation, nous
créa de nouvelles dillicultés, que je dus
aplanir par quelques écus ajoutés à ceux qu'il avait déjà touchés.
C'était le dernier épisode des inquiétudes que j'eus de ne pouvoir
arriver à mon but.
:\\i IIKMK AllCIlKOl.OliigL'I..
Avaiii la lin du jour, mes liomincs avaiciu uns à dôcouvoii quel-
ques pelilcs pienci ijuc je lis laisser en place. Ces i)ienes parais-
saient anionci'léts avec soin, el je fis |toussi'r la tranchée en allant
vers l'ouest, jus(ju'à re que je fusse arrivé à la (in do rjuioncellc-
nienl. Mais, i\ ce niouunt, la nuit était venue.
Le leiidcinain, nous étions au jour à la hesopnr, et, lovant avec
précaution toutes ces pierres (jue nous avions mises h découvert sur
un espace de six à sept mètres carrés, nous ne tardâmes pas ;\ re-
connaître qu'elles recouvraient deux énormes pierres plates, de
"i métros sur -■",40 et 3 mrtressur 3'°,.")0. Nous étions évidemmcnl
en face d'une sépulture en forme de galerie couverte, dans la(}uellc
il fallait pénétrer par une des extrémités, ou en essayant de se
glisser enire les deux tables, après avoir écorné l'une d'elles. Ce
n'était pas chose facile, car elles avaient -40 centimètres d'épais-
seur. Ce fut \h cependant le parti que nous dûmes prendre.
Avant de pénétrer à l'intérieur de la sépulture, notons le soin
pris de disposer sur ces deux grandes tables deux couches superpo-
sées de pierres plates, de fa(;on fi empêcher toute inliltration de
pénétierù l'intérieur de la chambre sépulcrale.
Ainsi que nous l'a montré notre tranchée, l'enveloppe de la sépul-
ture, c'esl-îi-dire le tumulus, a été fait de terre, à l'exclusion de
tout mélange de pierres. Dans cette masse de terre que nous avons
remuée, nous avons trouvé quelques fragments de poteries gros-
sières, parmi lesquels un seul, à couverte noire, mérite quebiue
intérêt, parce (|u'il porte ufie ornementation en chevrons. Jo l'ai
dessiné sous le n" 1. Nous y avons encore constaté la [irésence
d'assez nombreux éclats de silex, île morceaux de charbon, et enlin
KXPI.OIWTION DU TUMULUS Df, KrinHI'K-nil AS. 'Wli
(le plusieurs larges espaces de terre calcinée, foyers dus projiahle-
mrnt aiiranipemcnl des indigènes sur les lieux, durant la construc-
tion du tiimulus.
Notons encore que, parmi les pierres qui recouvraient les deux
tables, nous avons relevé une pierre ;\ concasser le blé et son
broyeur, l'un et l'autre brisés, comme il arrive ordinairement lors-
qu'on rencontre ces objets dans les sépultures.
Pénétrons maintenant dans la cbambre sépulcrale. L'un de mes
hommes parvient à entamer la plus petite des tables, que nous sou-
levons de quchiues centimètres. Nous reconnaissons aussitôt que la
chambre est remjilie de terre, laissant seulement un espace vide de
i5 centiraèires au-dessous des tables. Nous enlevons cette terre assez
diiricilcment d'abord, jus(ju';\ ce que, ayant fait uni- excavation
suflisante, un de mes travailleurs puisse se glisser à l'intérieur du
monument.
Le soir était venu ; il fallut parlir, laissant toutefois un homme
campé sur les lieux; car tout le montle, dans le voisinage, parlant
de trésors cachés, on était assez disposé à venir déblayer la chambre
à la lueur de la lune.
Le lendemain, d'assez bonne heure, ayant avancé d'environ qua-
rante centimètres vers l'ouest, sous la table T' (voir le plan), nous
rencontrons en F, vers le centre de la galerie, entre quatre pierres
ulacées de champ, une pointe de flèche en silex, à ailerons, puis
deux, puis trois. Enfin nous en relevons successivement trente-
deux, dont l'une a conservé une partie de sa tige en bois, plus une
trente-troisième en cristal do roche. Toutes étaient déposées sur un
plancher en bois.
J'ai figuré sur Us ft'iiillos de de>sin qui accompagnent ce mé-
:ni
REVUE ARCHh'OLOGIQUR.
mais toutes
mniro. sous los n"* 5, :) et /i. If \\rM\\ de trois de ces Ilèches barbeircs
en silei,iiui sont tnillrcs avec une adresse vraiment merveilleuse,
et au-^si celle en cristal de roche sous le n» ;>.
11 va sans dite que ces trente-deux pointes de
nèc.lie ne sont pas de môme taillt
rentrent dans les formes
, \ de celles ipie j'ai repré-
Oue penser de ces ins-
truments si parfaitement
obtenus? Ne doit-on pas y
voir des armes de luxe ou
de parade, probablement
réservées à un cbef.' Il est
en effet diflicile d'admettre
([ue l'on prît tant de soins
pour faite des pointes qui
devaient être perdues ou
brisées à cbaque In it lancé.
Continuant notre exploration, nous trouvons, prés de ces flècbes,
un lit de pierres de petites dimensions, et sous ces pierres, déposées
entre deux plancbes, dont celle du dessous est placée sur le tuf for-
mant le sous-sol environnant, un premier poignanl en bronze, du
type de celui dessiné pi. YIl, H- 1, mesurant 14 centimètres de long
sur 6 centimètres de large au sommet, poignnrd à rivets et à bout
rond, orné sur son pourtour de deux lilels en creux.
Près de ce poignard, nous trouvons une petite baclie en bronze,
bacbe à rebords peu saillants, portant encore, à son extrémité oppo-
sée au tranchant, les traces d'un mancbe en bois (n'^ 7).
Un peu plus loin à gauche, en nous dirigeant toujours vers l'ex-
EXPI.on\TIO.N DU Tl!MlILL'S DF. KKIIHUK-BRAS. 315
trémil^' oueBtflu caveau, nous rencontrons un morceau de bronzt!,
puis un second, puisenlin un Iroisiùnie ; le louL fornianl l'ensemble
(l'une ép<l'C à double filet, dessinée pi. VII, fig. 2, intentionnellement
brisée avant son dépôt dans la sé[)ullure. Celte épée, lonf,'ue de
35 centimètres, est à six nvels et conserve encore autour des rivets
des fragments de son manche en liois. Kllc esta bout rond, plate et
mince, ainsi (]u'on le voit dans mon dessin. L'extrémité de l'épée
destinée ;i êli-e piise dans le mancluï est trèscouile.
Revenant vers le milieu de la galerie, nous trouvons un second
poignard, dessiné pi. VII, lig. 1. Ce poignard, mesurant 20 centi-
mètres de long et 0 ceiitim. 1/2 à sa partie la plus large, est à
double filet et à bout rond. Sa lame est plate, légèrement plus
épaisse au milieu. Le manche était maintenu par six rivets. Il était
en bois, ainsi que le montrent les rester- fixés aux rivets, et, de plus,
la partie de ce manche qui couvrait la lame était légèrement circu-
laire, avec échancrureen demi-lune au milieu, ainsi que le prouve
un petit bourrelet en métal, excessivement mince, resté adhérentà
la lame, bourielet qui pourrait bien avoir été fixé à la partie supé-
rieure du fourreau.
Près de ce poignard en était un troisième, de même type et de
mènit! dimension; puis enfin un quatrième, également semblable,
mais fortement replié en deux.
Ces quatre poignards et l'épée étaient disposés en cercle autour
des pointes de (lèche, la pointe tournée vers le centre du cercle.
Poursuivant notre exploration, en nous dirigeant vers l'ouest,
nous constatons toujours, au fond de la chambre, un plancher en
chêne recouvert en divers endroits d'une couche de feuilles, parmi
lesquelles nous relevons plusieurs glands et des noisettes, dont nous
avons pu recueillir quelques exemplaires.
Nous arrivons ainsi à l'extrémilé ouest de la chambre, sans ren-
contrer autre chose (|ue des fiagments de charbon, quelques percu-
teurs et un fragment du fond d'un vase; celui-ci dans les couches
supérieures de la terre remplissant la galerie.
Revenons sur nos pas, et explorons maintenant la partie de la
chambre placée sous la table T (voir le plan), eu nous dirigeant
vers l'est.
En 0 nous trouvons, déposée sur le plancher du fond, une
épaisse couche de cendre, dans laquelle il est facile de reconnaître
quelques petits fragments d'os tombant en poussière et de nombreux
morceaux de charbon. C'étaient les restes incinérés du guerrier
pour qui avait été élevé ce colossal monument.
316 RKVUE AHCHÈOLOGIOUE.
A viii^'l ('(«nlimùlres plus loin, en A, nous nous heurtons à une
inormc puMii* de 00 rontirnùlrcs de large, arobouléc contre la
muraille soutenanl la lahie T, et laissant un assez large espace
libre entre celle muraille et elle, sorte de cachetle admirablement
protê^'ée contre loul accident extérieur.
Eu relir.mt soigneusement d'une main les terres fines qui l'en-
combrent. tandis que de l'autre main nous tenons une lumière,
nous ne tardons pas 5 en sortir, avec une exclamation d'enlliou-
siasme, un objet en pierre polie d'une dimension extraordinaire,
mesurant 'M centimètres de long. (]et objet a quatre faces. Je l'ai
prolilé, sous deux de ses faces, dans les dessins accompa;^nant ce
mémoire (pi. VII, Hg. 3 et 4). Il a 0°,0W de large, O^OIO d'épais-
seur au milieu, et se termine aux deux extrémités en forme de
croissant.
Sous lui était la grande hache en bronze dessinée iil. VU, lig. Ti,
à rebords très peu saillants. Cette hache était enveloppée d'une gaine
en métal dont j'ai pu conserver une grande partie, aiusi que je l'ai
indiqué sur mon dessin.
Ces deux objets placés près des restes du défunt et si soigneuse-
ment protégés contre tout accident étaient évidemment les objets les
plus précieux déposés dans cette sépulture.
Que pouvait élre ce grand instrument en jnerre polie si habile-
ment travaillé? Je ne sais; car je ne trouve aucun terme de compa-
raison dans mes souvenirs. Je serais cependant disposé à y voir le
signe extérieur de l'autorité tl'un chef, une sorte de bâton de com-
mandement, en un mol.
J'eusse voulu pouvoir préciser la nature de la pierre de ce bel objet ;
mais ses dimensions rendent difficiles les pesées qui pourraient fixer
sa densité. J'en suis donc réduit aux suppositions. C'est, je crois,
un schisie métamorphisé.
En H (voir le plan), au côté opposé de la galerie, nous trouvons
en>uile un cinijuiémc poignard en bronze, sous leiiuel nous en
voyons un sixième, entre deux planches, au milieu d'une couche de
feuilles de chêne.
Dégageant autant que possible celui de dessus, nous enlevons, en
passant par-dessous avec une truelle, les deux en même temps, et
au jour je reconnais que celui de dessus a conservé la prcsijue tota-
lité de son manche en bois. Je l'ai dessiné id. VII, fig. 0. A double
filet, à rivets et à bout rond, il est du même type que les précédents,
seulement sa lame ne mesure (pieO^jO!) à paitir du manche, tandis
que ce manche a t»",!)!!.).
KXPLOltM'iO.N DU TUMUHJS UE KKIiriUK-llllAS. .'{17
Depuis qu'il est déposé dans une de mes vilrines, le bois du man-
che en st''cliant se soulôvc, et j(! rvn\n> de ne pouvoir le conserver
dans sa foniu'.
Le poignard qui se trouve entre deux planches en dessous de
celui-ci est à laine ondulée. J'ai dessiné pi. VII, W'^. 7, In partie de
sa lame que je vois, figurant l'autre partie cachée, ainsi que je l'en-
trevois.
Un peu plus loin nous trouvons un fragment de poterie, morceau
du bord d'un vase en terre rouge assez grossière.
La galerie complètement dégagée, nous reconnaissons qu'elle esl
fermée aux deux extrémités par deux grandes pierres posées de
champ, mais placées là après que les tables avaient été mises sur
les piliers de côtés, car ces tables ne portaient pas sur elles.
Les côtés de celte galerie, qui mesure 3"',o0 de long et {""joO de
large, sont formés par trois grandes pierres posées de champ et pour
le surplus en pierres maçonnées à sec. La hauteur sous table, à
partir du sous-sol sur lequel reposait le plancher, au plafond, est de
l'°,40.
Chose digne de remarque, ce caveau sépulcral n'était pas ici,
comme nous le rencontrons d'ordinaire, posé sur la surface du sol
environnant. La sépulture avait au contraire été creusée au-dessous
de celte surface jusqu'au tuf, ainsi qu'on le voit dans le dessin don-
nant la coupe du tumulus et de la chambre sépulcrale.
Il faut encore noter un autre fait assez important. C'est que cette
chambre sépulcrale a été intentionnellement remplie d'une terre
excessivement fine recouvrant une couche de pierres posées par-
dessus les objets placés sur le plancher du fond; parmi ces pierres
nous reconnaissons quelques percuteurs et quelques pierres usées,
sans doute des molettes à concasser le blé. A la façon dont les inter-
stices entre les deux tables et les pierres des côtés étaient soigneu-
sement recouverts et entourés d'une épaisse couche de petites pier-
res, il était impossible que les terres du tumulus se fussent infiltrées
à l'intérieur de la chambre. Si nous avons trouvé un espace vide de
quehiues centimètres entre ces terres et le plafond de la chambre,
cela est dû au tassement des terres dont on l'avait remplie.
Cette magnifique sépulture est digne du plus grand intérêt, d'a-
bord parce qu'elle était assurément non violée au moment où nous
en avons enlevé les dépôts qui lui avaient été confiés; mais aussi par
l'importance de quelques-uns des objets que nous en avons exhu-
més, par leur nombre et par cette nouvelle constatation de l'asso-
ciation du bronze et des objets en pierre dans la sépulture d'un
xxxix. 15
'.\\S nKViF AR(.mUii.or.K>i!K.
puorricr qui devail ocruper un rang consiik^rable au miliou df in-
Itus (|ui, (|U('llf que fiU leur organisation, avaient corlaineincnl f.iil
un effort consiilêrablc |>oiir arriver ;\ rrieitioii duii iiioiiumcnl
au.^si important que coliii*ci.
Il n'est pas s:ins jnlénM, je rrois, de rappeler, en lerniiii.iiil, les
sépultures ijui, dans d(ux de nos déparlemenls lireloiis, leFini.slère
et les Côtes-du-Nord, ont fourni cilte môme associalioudes armes en
bronze et des jtointes de flèclie en ^ilex.
Je dois à mon savant ami M. Mie mit la connaissance de deux de
ces sépultures, et j'espère qu'il voudra bien nie pardonner de citer
ici le passage suivant de sa leltn' : « l*ernietlez-nioi de vous indi-
quer deux découvertes ijui sont loin d'avoir la valeur de la vôtre,
mais qui cependant présentent une certaine similitude, au moins
par la perfection des flécbes barbelées en silex.
« La prennèrca eu lieu il y a un certain nombre d'années dans le
dolmen de Gourillach en Plounevez-LochriH. Un cultivateur nommé
Monan y recueillii douze pointes de fléelic en silex d'une extrême
tincsse. J'ignore ce que sont devenues neuf de ces llécbes; l'une des
trois autres appartient à M. le docteur Le Hir de Morlaix ; les deux
autres sont au musée de Saint-Germain, à (jui elles ont été données
l'une par M. Le Hir, l'autre par .Mérimée. Avec ces pointes de llécbe
fut aussi trouvé un poignard en bronze, qui figure au.-si au musée
de Saint-Germain.
« Il y a trois ou (jualre ans, dans un luinulusdc l'arrondissement
de Lannion, à Plestiu, autant que je puis le croire, Mgr David
(évéque de Saint-Brieuc) trouva trente-deux pointes de Hèclie en
silex également d'une extrême linesse. Si mes souvenirs sont exacts,
les pointes de IMounevcz-Loclirist et de Plestiii sont aus.sl tinement
taillées les unes que les autres. La pointe de celles de Pleslin serait
peut-être seulement un peu plus aiguë. »
Je puis compléter les renseignements (}ui précèdent par le pas-
sage suivant d'une leltre que Mgr David m'a fait l'Iionncur de m'é-
crire :
« Dans un tuinuliis géminé, nommé dans le pays tiuiiioiu'da (feu
et sing), à l'extrémité de la petite ville de Bourbriav (et que j'ai fait
fouiller), ont été trouvés les objets suivants : ]' trois ou quatre poi-
gnards de bronze absolument semblables au plus long et au plus
large des vôtres ; tienne liaclio en pierre; '.\° un bracelet en cuir
avec clous d'or; le cuir encore visible au moment de la découverte
a disparu; 4" une jiincelte èpilatoire en or.
<i Les déciles en silex, très délicatement travaillées, ont I i forme
kxi'i.iiha'hon i)f ri!Mtii.i.'s di: hi:itiii'i:-Ha \s. :jl<j
exact(; du lirllc, mais aiiiiailii'iiiieiit à un auln; luiuulus situé ù
Trémi'l, près IHcstin. Lllcs clcvaicnlaUeindre, à peu près, le iionihii»
de Ironie.
« J'ai aussi un couIcmu nu pclil poi^ii iiil en hion/.u iW. la formo de
votre spéciiiicn ondulô. d
Ces Jc'coiivertes ne sont pas les seules; le tuuiulus de la fonH
de Cainoël, près Quiinperlé, avait aussi livré des armes en bronze
et en silex, ainsi ([ue d(;s chaînes en or et en argent.
Cette dernière trouvaille c>l au musée de Cluny.
Il serait intéressant de pouvoir comparer entre eux les éléments
de ces diverses découvertes et de les datei- l'une |)ar l'autre; mal-
heureusement la chose m'est impossible.
P. DU Chatf.llikh.
LA mCllESSE ET LE CIIRISTLINISME
A LAl.E DKS l'KRSÉGUTIONS
Il n'est pas de thème plus familier à ceux qui ('rri virent apri^'s le
triomphe de l'Kglise, que les imprécations contre la dureté des ri-
ches. Saint Chrysostome, saint Augustin, saint Uasile, Salvien, saint
Jérôme, et tant d'autres, montrent l'orgneil, les violences de ces
oppresseurs qui, trop souvent, dépossèdent les petits, les chargent
d'injures et de coups, les jettent en prison et ne reculent même pas
devaut le meurtre (1). « Elle n'est plus, dit Salvien, la sublime sain-
teté des premiers âges, de celte époque où tons les disciples du Christ,
échangeant des biens périssables contre les trésors d'en haut, ache-
taient les richesses éternelles au prix de la pauvreté en ce monde. A
ces vertus ont succédé l'avarice, la cupidité, la rapine {"l). »
Les temps ont changé en effet, et la victoii e même de l'Église a tout
transformé chez les fidèles. Dans leurs rangs ont été versés les
éléments les plus divers et les moins pur-. Heaucoup ne se sont ral-
liés que pour suivre le torrent et par celte seule raison que la foi
chrétienne est devenue la religion de l'État. Le but que poursuivent
alors les écrivains ecclésiastiques, c'est le renoncement des riches
aux méfaits, aux violences, ù la dureté (jui leur fait négliger les œu-
vres de miséricorde : que les heureux du siècle gardent leurs tré-
sors, mais en sachant assister l'infortune ; la pauvreté , disent mémo
les Pères, est une nécessité en ce monde; c'est l'auslèn' maîtresse,
raiguillon salutaire qui pousse l'homme au tiavail; sans clle-la so-
ciété serait frappée d'inertie et de mort (3). Le nivellement des biens,
tel que l'avait rêvé et souvent même rèali>é la piomièic communauté
chrétienne, ne semble plus élre leur visée, et, chose digne de le-
(ly b. Ua»il. floruilut tn iliiites, § 0;Salvian. Ik ffuberniilione Dei, lib. III, v; 10.
(2) Advcrttis avnrîtinm, lib. 1,1? 1.
(3) S. Cliry»0!>lora., lie Ainui. V. 3.
LA. niCHF.SSK RT LK CriRIRTIANISMK. .'{21
marque, un concile do l'an 41") condamne, chez les lirrôliiiucs pô-
lagicns, cette proposition ju^ée Imi) rigouiciiae : a [.es riches ne
peuvent (Mre sauvés s'ils ne renoncent à leurs hiens {{). »
Une parole du Seigneur, dans laquelle tous ne distinguaient pas
sunisamnient le coniiiiandenient du siui|)le conseil, avait conduit à la
conclusion condaMinùe. Un jeune homme, lit-on dans l'Évangile,
s'était approché du Christ, en lui disant : « I{on maître, (|ue me faut-
il faire pour acquérir la vie éternelle ? » Jésus lui répondit : « Si tu
veux entrer en la vie, garde les commamlements. d — h (Juels com-
mandements? » reprit le jeune homme. Jésus dit : a Tu ne tueras
pas, tu ne commettras pas d'adultère, lu ne déroheras pas, tu no
porteras pas de faux témoignage; honore ton père et la mère, et
aime ton prochain comme loi-mcmc. » — Le jeune homme répon-
dit : «J'ai ohservé tous ces commandements dès ma jeunesse ; que
me man(|ue-t-il encore?» Jésus lui dit : «Si tu veux être paifait,
vends tout ce que tu possèdes et donncs-en le prix aux pauvres, lu
auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi. » — Le jeune
homme, entendant ces mots, se retira plein de tristesse, car il avait
de grands biens ; et Jésus dit à ses disciples : « le vous le dis en vé-
rité, il est diiïicile qu'un riche entre dans le royaume des cieux ; et je
vous le dis une fois encore, il est plus aisé à un chameau de passer
par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le ciel (2j. »
Telle avait été aux premiers âges la persuasion d'une foule trop
prompte, je le répète, à confondre deux traits différents dans les pa-
roles du Christ ; le précepte à l'usage de tous et le conseil donné à qui
veut atteindre l'état de perfection. La redoutable image du riche pré-
cipité dans l'enfer, tandis que le séjour des bienheureux s'ouvrait
pour le pauvre Lnzare, était présente à tous les esprits. Aux réponses,
aux paraboles du Christ, se joignaient d'autres enseignements; on
se redisait les allégories du livre d'IIermas et la brillante vision que
rappelle une fresque des catacombes deNaples(3). Apparue sous les
traits d'une femme, l'Église montrait à Hermas une tour que de cé-
lestes ouvriers élevaient au-dessus des eaux avec des pierres équar-
rieset resplendissantes. Près de l'édiliccen étaient d'autres, inégales,
fendues, non dégrossies, qu'on brisait et qu'on rejetait, et dont quel-
ques-unes tombaient dans un brasier. « Maîtresse, dit Hermas étonné,
(1) S.Augustin. Epist. CLXXW\, Paulino episcopo, c. i\, §32, 33; cf. Labbe,
Concil., t. n, p. 1520, 1530.
(2) Malth. XIV, 16-24.
(3) Garrucci, Storia deil'nrte cristiano, Pitture. tav. XCVI.
3i3 RETDB ABCHéOKCKÎIQUR.
quelles sonl ces pierres hrules que l'on n'emploie pas?» élever ii
lour ? » Kilo iiu' n'-poiulil : « Ces pierres, ce soûl les riches qui ont
cmbrassi'' la foi; lor^iue vient la perséeution, leurs richesses les pous-
sent à renier l>ieu. >> El je repris : « Mnîlresse. quand seront-elles
utiles à Uieu? » — a Lorsqu'elles auront été éijuarries, dit-elle, ettlé-
faitcs dcsriihesses décevantes; alors elles pourront entrer dans l'édi-
fice du Seit^ncur. Une pierre ronde ne peut devenir carrée si elle
n'efl taillée el ne |)erd quelque chose de sa niiisse ; de même les ri-
ches do ce siècle ne deviennent utiles i\ Uieu que si l'on retranche
leurs richesses. Juges-en par toi-même : tu fus autrefois riche et
inutile ; maintenant tu peux servir el tu es digne de recevoir la vie.
Toi donc aussi, tu as été l'une de ces pierres (1). n
Dans un traité célèbre sur les apostasies de son temps, saint Cy-
prien montrait de même les riches filalement menés à la chute par
leur atlacliement aux liieiis terrestres: a Ce sonl, dit-il, autant de
liens (jui onl enchaîné leur courage. » El il répétait avec le Christ :
u Si tu veux être parfait, vends tout ce (jue tu possèdes et distribues-
en le prix aux iiauvrcs {i).)) Avant lui, on avait écrit : « Les riches,
pris dans d'étroites entraves, pensent plusfi leurs trésors qu'au ciel ;
le Seigneur les a condamnés par avance (3). »
On n'en était que trop persuadé, et un coup d'œil jeté sur les
écrits des Pérès montre l'eiTel d'un enseignement dont la rigueur, la
nouveauté, appelaient les railleries des païens(4), et qui venait fa-
talement rétrécir le cercle de la propagation.
Je sais que des découveites récentes onl montré que la dilTusion
du christianisme aux premiers âges ne s'est pas, autant qu'on l'a pu
croire, ciiconscrite dans les classes les plus humbles, el que plus
d'une famille puissante a écoulé la Vdix du Seigneur. Mais, à côté des
monuments tirés du sol de Rome par la haute sagacité de M. de Rossi,
el dont on ne saurait méconnaître la valeur, des aflirmations précises
(1) Pastor, III, u, 3; cf. I, m, 2 et G.
(21 De lajtsis-, XI; cf. Euseb., Hist. eccl. VI, ti\, sur les apostasies d'Alexandrie :
Kat T:o>)oi (lîv EJOùo; twv Tept^avEOTEfuv ol |iàv àTTTr^Twv ôeôiôte;, passapo auquel la
iraductioD de Kutin donne un sens plus marqué : u Quidam ex ijiBis nobilibus statim
BC 6|ionic impiis artibusiiigessenint. » (VI, 31.)
(3) Minul. VvAn, Oclavius, XVI; Terluli., !h patieult'i, VII; cf. S. Luc, Vl,2/j,25.
(4) C<--lsc b't'gaye d'un désaccord qu'il apo-çoit, sur la qui-siiun de la richesse, entre
la doctrine de M jI»o el Cflle duClirisl. Urigun. Contra Cvisuvi, Vil, 3^.'j.) Voir laré-
sonsc d'Originr ci SiWien, AdviTsus iivuntitim. II, It. La niùnii; <iuesiion s'agitait
pans doute dans le livre d'Ammuuius, De consunsu Moysis il Jeuu, dont parle Lusèbo
Ulitt. vrci. Il, ltt^
I, V llICHF.SSK I:T LK CmilSTlVNISMK. 333
ne nous permettent p.is de nous tromper sur les t-hîments dont se
fornK'-nnit surtout les premiers },'roupes clir.'liens. Mifiulius Félix,
Terlullion, siiiiil Janine, s'accordent à nous montrer la masse des
fidèles recrutée dans la portion la moins élevée de l,i sociélé ro-
maine. « Il est peu de riches parmi nous», dit le docteur africain (1),
et, lont,'temps après lui, Lactaiire nous montre la conversion des
pauvres plus l'agile que celle dos privilé^^'iés de la fortune (2).
Bien des ol)stacles, an elTct, venaient fermer la route ù celui qui,
vivant dans l'opulence, S(! sentait entraîné vers le clirisianisme. Qu'il
gardât ou qu'il sacriliâl ses Itiens, un concert de malédictions s'éle-
vait des rangs des païens contre le nouveau converti. Les colères
que soulevait sa résolution, et dont Tertullien nous fait comprendre
toute Pardeur(3), se montrent dans l'Iiisloire d'illustres personnages
du v" siècle : Viclorin, saint Paulin i\c jNole. Celait de la part de ce
dernier, répétaient les grands, un acte intolérable, indigne d'un
homme de cette race, de ce talent, de ce caractère {ï). Lui-même
écrivait : « Où sont-ils maintenant, mes proches, mes anciens amis ?
Où sont ceux avec lesquels je vivais naguère? Je suis mort pour eux
tous, et, comme parle l'Écriture, je ne suis plus qu'un étranger pour
mes frères. Ceux qui autrefois m';ivaient aimé se sont éloignés de
moi ; ils se dérobent en ma présence, comme un fleuve qui se pré-
cipite, et je leur suis devenu un objet de confusion [h). » Vers le
même temps, la crainte d'un tel soulèvement avait fait hésiter le rhé-
teur Victorin, inclinant vers le christianisme. Parvenu au rang de
clarissisme, il redoutait l'explosion des cris de la noblesse, presque
entièrement encore demeurée païenne, et qui, lorsqu'il reçut le bap-
tême, s'emporta en imprécations, « grinçant des dents et séchant de
dépit (6) » .
S'il voulait garder sa fortune, le riche converti rencontrait en môme
temps un ècueil près de ses nouveaux frères. Aux premiers âges de
l'Église, alors que les enseignements du Christ n'avaient pas encore
pénétré profondément dans les esprits, saint Jacques avait dû re-
(1) Tertull. Ad uxorem, II, 8. Min. Frlix, Octavius, XXXVI : « Plerique paupe-
res dicimur. » Hieron., Prolog, lib. lll Comment, in Epist.O'l Gnlut. : « Ecciesiade
vili plebecula congregata est. »
(2) Inst. div. VII, l : « Eo fit ut paupereset humides credant facilius quamdivite?.»
(3) Tertull,, Apol. III; Ad nation. IV.
(4) S. \mbros. Epist. LVIII, Sabino, § 3.
(5) Ejiit. XI, Severo, § 3.
^6) S. Angust. Confess., VIlI, 2 : « Sacrorum sacri|p;:iorum particeps, quibus tr.nc
tota fere Romana nobilitas inflata.... dciuibus suis stridobant et labesccbant. »
3t4 HEVIK AUCHÉOLOGIQUK.
prendre l(*? fldtMcs et leur rappeler que ilcvanl le Seigneur s'efTnrenl
les distiiielions terrestres : a S'il entre dans votre nsscniMée, leur
disait-il, un homme brillamment vtMu, portant un anneau d'or, et
en nuMne tem|)s un pauvre en haillons, n'alU/. pas oITrir au premier
une place d'honneur et dire à l'autre : Tiens-toi debout ou ;i?sieils-loi
au bas de mon escabeau. Dédaigner le pauvre et s'arnMcr à la con-
dition -les personnes, e'esl violer la loi (1). » Deux siècles plus tard,
un grand docteur rappelle aux hommes leur égalité devant Dieu,
mais c'est en un sens opposé que je vois donner l'averlissemcnl. I.n
supériorilédes pauvres vantée sous tant de formes, leur droit proclamé
par k' Christ d'être presque les seuls i\ esjiérer l'entrée au royaume
des cieux, les avaient gonflés d'un vain orgueil, el les chrétiens
opulents avaient parfois à souffrir de leur arroiiauce (2\ Aucune avi-
dité jalouse ne venait à coup siîr animer ceux auxiiuels Clément
d'Alexandrie reproche cette attitude hautaine, car l'antique loi du
christianisme condamne tout regard d'envie sur les biens du pro-
chain (3); mais le coufi portait, et plus d'un riche en devait ressentir
l'atteinte.
Fallait-il donc ainsi, pour ne plaire (lu'à quelques-uns, et suivant
l'austère parole dont s'était elTrayé le jeune Hélireu, tout sacrifier
poursuivre le divin Maître ? Ne commettrait-on pas alors une im-
piété envers* ses propres enfants, que saint Jérôme recommanda de
ne pas laisser dans l'indigence ('0 ? Et (lu'était-ce aux yeux des an-
ciens, à ceux de plus d'un chrétien même (5), que l'homme sans res-
sources? Un objet de mépris et de risée. Juvénal l'a écrit :
Nil habot infclix paiipcrtas durius in se
Quam quod ridiculos liomines facit (6).
Un récit, moins parfait d'ailleurs (ju'on ne pourrait le souhaiter,
celui du martyre de saint (Juentin, présente, à cet égard, un trait di-
gne d'attention. Le saint, debout devant le tribunal, est un homme
de haute naissance, qui s'est dépouillé de ses biens pour les donner
(1) £pjv/. Jarohi, C. 2, V. fl,
(2) CIcin, Alex., Quis dites salvctur, § 3.
(3) Lactant., l/ml. de div. V, 23; S. Clirysost., Hum. in iMzum II, f^ l ; Passio S.
Polliû>iis-,^i\ (lluinari, Acia sinara, p. ii05).
(û) A'/"»'- tXX. ad Hedi/jiam, c. 2.
(5) Eiiist. Jacobi,\oc. cit.; S. Ciirybost., In insfripl. Actor. Aitost., §5, oc.
(fi) Sdt. III, V, 152 Ilorat., Caitn. III, 62: « Maguum paupcrtas opprobrium, »
.S. Cbrysobl. Hom. LA A' 17 in Jo/innn., § 3.
[A HICIIKSSK KT LK CIMIISTIANISMK. 325
auxindiî^pnls. Le magistral l'intorpollc : De toutes ces riclics.sesf|ue
t'avaiciiL laissées tes nobles parents, tu as voulu descendre, pour
l'amour d'une vainc seete, à un tel de^'rô de misère que tu semblesau-
jourd'iiui le dernier des mendiants : j'en rougis pour riionnciir de
ta race (t). u
L'attachement aux biens terrestres, le souci de l'avenir pour les
enfants, le respect hiiinain, le mauvais accueil m("^me qu'on trouvait
auprès de (|uelques clirùtiens, arrêtaient plus d'un de ceux fjue leurs
cœurs eussent portés vers la foi nouvelle. A peser les paroles du
Maître, à les entendre commenter, les heureux de ce monde hési-
taient, se persuadant que les biens de la vie future leur étaient re-
fusés, que celle d'ici-bas leur restait seule, et se rejetaient dans les
plaisirs (2). La i)ropagalion du christianisme, le salut même de ceux
qui l'avaient embrassé, en é[irouvai('nt plus d'un dommage.
Un important traité de Tertullien, celui ini'il adresse à sa femme,
nous montre l'une dos faces du péril. Les mariages mixtes, unissant
des chrétiens à des idolâtres, mariages que condamnait saint Paul et
contre lesquels les docteurs ne cessèrent de s'élever, n'avaient sou-
vent pas d'autre cause : « Le plus grand nombre de ces scandales,
nous dit l'éloquent Africain, vient de femmes riches. Plus d'une,
orgueilleuse de sa fortune et de son nom, veut une maison splen-
dideoù son luxe puisse se déployer. Il est peu de riches dans l'Église,
et, s'il en est, peu qui ne soient mariés. Oue feront donc ces fem-
mes? Elles demanderont au diable un époux qui leur puisse four-
nir des litières, des mules, de gigantesques coiffeurs barbares. Une
chrétienne rougit de s'unir à un chrétien sans fortune et de s'enri-
chir ainsi d'une sainte pauvreté (3). »
Un pareil mal appelait un prompt remède, et le grand docteur
d'Alexandrie, Clément, voulut rassurer Tàme des riches en leur mon-
trant que l'on pouvait gagner le ciel sans renoncer à ses biens. Le
point capital, à ses yeux, c'est d'en user selon les règles de la charité.
Tel fut le but de son traité célèbre : Quel riche peut être sauvé? Plu-
sieurs causes, écrit-il, font croire aux heureux d'ici-bas que le salut
leur est plus difficile qu'aux pauvres; c'est une erreur et, comme les
autres, ils ont droit à la récompense. Le Christ lui-même n'a-t-ii pas
corrigé la rigueur de ses premières paroles en nous recommandant
d'espérerdans la toute-puissante bonté de Dieu ? X'a-t-il pas béni
(1) § 10(Surius, 31 oct).
(2) Clem., Alex. Quis dive-'^ salvetur, § 2.
(3) Ad u.Torcm.U, 8.
326 RKVUK AncHi^ni.or.iQOK.
les rirlios mnisons de Mnlhicu et de Zacch^e ? Comnienl nourrir, vt^-
lir les indi^renls. coiiime il est oiilonm'', si l'on est soi-iiit^iiio le pre-
mier des pauvres ?
L'hisloire des perst'cutions, à LKjuellc j'ai liàlf de revenir, nous
montre un autre eneourapcnient, plus direet il plus considérable,
donné à rcux i|ui, sans renoncer A leurfortuin', s'altacheront à la loi
du (-hrisl. (^esl dans un livre d'dri.u'éne que j'en trouve la première
mar(]ue.
Un rliiéticn. nommé Ainliroisc, le liicnfaittMir, Tanii du prand doc-
teur, fut enveloppé dans la persécution de Maximin et menacé de
mort. Cet homme, né avec de grands biens, ii-s avait conservés, et
ce fut au nom de ces biens mômes qu'Origùne l'exhorta au martyre.
Le Christ l'a dit : « Celui qui, pour l'amour de moi, abandonnera sa
maison, sa famille, ses champs, retrouvera au centuple ce qu'il aura
laissé et gagnera la vie éternelle. » Tel fut le thème que saisit l'ar-
dente éloquence d'Ori?éne, montrant à Ambroisequeses biens mêmes
lui vaudraient une récompense plus haute : a Que je voudrais, dit-
il, si je dois mourir en martyr, avoir à laisser, mol aussi, des maisons
et des champs pour n cevoir le centuple promis par le Seigneur ! De
même que ceux (|ui n'ont jioint enduré l'épreuve des tourments et
des supplices cèdent le premier rang aux saints qui ont fait éclater
leur constance dans la torture et dans les llaniines, ainsi, nous qui
sommes pauvres, nous devons, même si le martyre nous couronne,
nous devons nous effacer devant vous ; car vous aurez foulé aux pieds
la gloire trompeuse du siècle, dont tant d'autres s'éprenneni, et l'at-
tachement à vos grands biens (1). »
Ainsi pouvaient se relever et monter d'un effort au premier rang
les hommes qui, en entrant dans l'Église, avaient conservé celte
opulence dont tant de saints docteurs condamnaient la possession ;
ainsi s'ouvrait plus largement pour eux cette porte du ciel que des
interprètes trop sévères leur avaient voulu tenir fermée.
La voix d'Urigène ne devait point demeurer isolée et sans écho. IMus
de vingt ans après, bien loin dos lieux où il avait écrit, en Numidie,
un groupe de cluétiens fut appelé à confesser le Su^Mieur dans les
tourments, l'arnii les saints piisonniers se trouvait un lidéle nommé
Émilien. Bien (|u'appartenant à l'ordre équestre, disent les Actes
avec cet accent de préjugé (jue nous trouvons ailleurs contre les
riches, cet homme, d;ins son cachot même, s'imposait les jeûnes les
plus austères. Il eut un songe : « Il me sembla, dii-il, (jue j'étais hors
t, Hxhorl. O'I tiiarli/riii"i, ^ l'i, 15
\.\ inciif:i^*-R r,T !-k c.iiiii^tivmsmk. 327
do 1.) prison, ot qiio '}<■ rcnrontrais un païen, mon Mro suivant h
cli.-iir. M'iino voix piciiio (riiisuKc, rchii-ci mo deinnndn ro (juc
nous (icvcnions, ((iniiiirnl nous vivions, jitiv»''s do nourriUiro cl
pionjïésdans les lc'n(M)n's. ic lui dis : <( Pour les soldats du Christ,
sa parolo est une iuniiôre ^'datante et un aliment K-parateur. » —
(( Vous savez, repril-il, que la n)orl vous attend tous, si vous vous
ohslincz. » CiaiLrnanl (ju'il ne se jonût de moi, je voulus une confir-
mation de cette annonce qui comhlail mes vœux. « Kn est-il bien
ainsi pour tous?» lui dis-jo. Il poursuivit: «Le glaive est sur
vos tôles. Mais, dis-moi, vous tous (lui renoncez à la vie, recevrez,
vous au ciel des récompenses égales ou des couronnes dilTérentes?»
— ((Il ne m'appartient pas, répondis-je, du dire mon sentiment sur
une question si iiaulc ; cependant, lève les yeux et contemple la mul-
titude des étoiles. Toutes ne brillent pas d'un môme feu et pourtant
toutes sont éclatantes. » La curiosité du Gentil ne fut pas encore sa-
tisfaite : (( Eh bien, s'il est une dilTérence, quels sont ceux d'en-
tre vous que préférera votie Dieu ?» — (( Il en est deux que je n'ai
pas à te dire et dont le Seigneur sait les noms. » Il insista une
fois de plus et m'importuna pour obtenir une réponse. « Les pré-
férés, dis-jo, seront ceux dont le triomphe est chose rare et diffi-
cile, ceux pour lesquels il est écrit : Il est plus facile à un cha-
meau (le passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer
dans le royaume des deux (1). •>
Telle dut ôirela persuasion qui releva plus d'un C(cur ébranlé et
appela dans les bras de l'Église ceux aux(|uels le sacrifice des biens
de ce monde eût coûté un trop grand elTort.
« Riche et noble, écrit un Père, c'est tout un, car les nobles sont
riches, ou, s'il est des riches sans noblesse, leur fortune leur en lient
lieu (2). » Un trait important manquerait donc dans celte part de
mon élude si je n'empruntais aux procès des martyrs une particu-
larité digne de remarque et que je ne retrouve pas ailleurs.
Un rang élevé, je le répète, rendait aussi étrange qu'impardonna-
ble, aux regards des idolâtres, l'abandon du vieux culte. Que la
tourbe des déshérités suivît la loi du Crucifié, aspirât à l'avènement
de ce régne mystérieux qui devait tout transformer chez les liomnK.'s,
leur abjection, les appétits qu'on leur prétait sans les connaîlie,
(1) Passio S. Jacobi et Mariani,%8 (lîiiinart, AcLa sinrera, ti(iiiion de 1715, p. 227-
228).
(2) Salvian., Dti fjnbcrmdione Dei, III, 10; cf. S. Gaudeat., Sinno AT, ilie n'i'<tli
Machabœofurn, inilio.
3i8 REVUF. AnCMÉOLOr.IOUE.
pouvaient encore le faire eomprenlre. Mais la noblesse, romme la
forlune. lievail i^'ardfr d'une seiiiblahle rliuto. Dans les eenlres impor-
lant<. les jjrands étaient, devaient rester, si je puis m'exprinier ainsi,
le bataillon saerê du pafîanisme. Aux temps anli(|ues. alors (jue fui
jetée à Bourges la première semence de la foi, les sénateurs et les
principaux citoyens éiaicnl aiiacliés au culte des idoles, ceux qui
avaient ( ru étaient les pauvres, selon celte parole du Christ aux
Juifs : (( Les publicains, les femmes perdues vous devanceront dans
le royaume des cieux (1\ »
l>e longs siècles s'écouleront avant (|ne tombe celte résistance. Ce
seront les nobles qui combatlnuii à Home pour le rétablissement
de l'autel de la Vicloire (2) ; ce seront eux qui s'élèveront, à Vienne,
contre rinslitulion d'une fête de ri''glise(3), et, en Afrique, saint Au-
gustin saflligen de trouver leurs âmes si fermées et leurs rangs si
impénétrables (4). Tout elTort fait pour rompre un tel faisceau sou-
levait des clameurs furieuses, et dans une lettre môme où l'em-
pereur Julien vante sa propre tolérance il s'emporte en paroles vio-
lentes contre Athanase qui a osé, dit-il, baptiser des femmes de dis-
tinction (5).
Nulle part mieux que dans les procès des martyrs ne se montre l'ar-
deur des colères soulevées par la conversion des grands. Sous Dio-
clétien, en Afrique, au milieu d'un groupe de fidèles, se trouve un
sénateur nommé Uativus. La torture ne lui peut arracher que des
paroles entrecoupées: a Assiste-moi, (Christ ! Aie pitié de moi I Garde
mon âme! Soutiens mon cœur pour que je ne sois pas confondu !
Donne-moi la force de supporter les tourments 1 » Puis il regarde
déchirer son corps, plutôt qu'il ne semble le sentir. Le proconsul s'ir-
rite et interpelle ce transfuge de l'aristocratie : aMembredusplcndide
sénat de cette cité, tu étais tenu, lui dit-il, de donner le bon exem-
ple et de ne pas désobéir à Tordre des princes (ô). » Dans des Actes
(1) Gregor. Turon., lliit. Fninc. I, 29.
(2) Symmach., Epist. X, 5ii, etc.
(3) S. Avit., U'iinidd de Hotj'tlioni/iWi.
(/i) Epist. LVIII. Pamvvichio, ^ 3.
(5; Epist. VI, Ecilicin. Voir, pour un trait de infymc nature, les Actes de S. Adrien,
i 0 (BolIftDd., 8 kcpt.).
(6) «' Et liac splendidissima civitato mapis d"t)iieras nlios ad bonam mcntcm to
care et non contra prn;cepiuni Imperatorum et Cn-saruni facero. • {Artn S. Satur'
nini, Dntivt et aliomm^ §9; Iluinurt, Ardt .itment, p. 380.) C'est d'accord avec
TilleoiODt que je crois pouvoir traduire comme je l'ai fait les mots : « Ex
hac spiendidifutima civitate n, r|ui autrement ne présenteraient aucun sens.
NouB y trouvons pour la promièro fois, me parait-il, citiYavdaus le sons d'ordo.
i.A RiciiKssE i:r u: (;iiuistiam,smk. 32î>
d'une moindre valeur, mais souvent dignes de remarque par les traits
nombreux qu'il nous conservent des originaux disparus, le môme
fait se rencontre fn'îqucminenl. Pour les cliréliens d'un rang élfvé,
les juges niulliplieiilà Ijtilitii les adjiiralionsot les reproches; «Noble
comme tu l'es, tu te dégrades par une folle croyance. — Tu le ra-
vales an rang des esclaves. — Pense .'i rillustration de la lamille;
reste digne de tes ancûtres; ne deviens pas roj)pr(d)re de ta raci'. —
Né de parents riches et nobles, tu ne saurais imiter les enfants de fa-
milles grossiéreset misérables. — J'admire que quelqu'un de ton
rang puisse descendre jusqu'à saluer pour son niailre un homme
pauvre et de basse extraction que Pilale a fait mettre à mort pour
je ne sais quel crime.» Ailleurs c'est un chrétien, membre, comme
Daiivus, de Vordo de sa ville, et que l'on adjure de ne pas compro-
mettre l'honneur du sénat en s'attachant au christianisme (1;.
Dans tous ces traits, il n'est rien que de conforme à ce que des té-
moignages plus dignes de foi nous disent de l'altitude des païens de-
vant la conversion des grands, et l'autorité d'une série de textes,
peut-être négligés outre mesure, reçoit un surcroît de valeur de cet
accord avec les données de l'histoire.
J'ai parlé, je parlerai ailleurs des obstacles que, en même temps
que les supplices, les païens s'efforçaient d'opposer à l'ardeur des
conversions. Celui que je viens de dire, et qui tenait en dehors de
l'Église les classes élevées de la société antique, était peut-être l'un
L'épithète splendidisfù/ia qui y est jointe accompagnesouvent d'ailleurs les mots ordo
et senatus {Cod. Theoil. c. 12, de AgcntiOiif in rébus, I. VI, c. xxxvn; c. 82 de Decu-
rionibus, 1. VII, tit 1). A titre de justification je rapprocherai de notre texte ce passage
parallèle des Acta S. Trophimi, Sabbatii et Donjmadontis où nous voyons le juge
dire de môme à un chrétien qui est membre du sénat de sa ville : 'OpxiîojjiÉv <jt
Toy; O$oùç, \i.ri xiItiTT^:, Èvjgpîirai tyiv à?tav toù 1îû-j),î'jtt,(;îov, à>.>.' c'jy'/wfx&vco; i.-t/fh xai
eÛCTOv (§11, Boll., 18 sept.). Dautres Actes, suspects d'ailleurs, ceux de sainte Apol-
lonia, donnent, on le voit, une note juste dans les paroles suivantes dites à un mar-
tyr : « Tu de génère nobilium senatorum natus es, et deceret nobilitatem tuam ut
esses aiuicus deorum uostrorum. d [^ 28, Bolland., 9 febr.)
(1) Voir les Bollandistes, Acta S. Juliani et tiasilissœ, % 20; Acta S. Sebastiani,
§ 80 ; Acta S. Agathœ, § 4; Acta S. Pontii. § 11 ; Acta S. Irenœi et Mustiolœ, § U ;
Passio S. Hufini et Secundœ,^ 2; Passio S. Platonis, § 7; Acta S. Abdonis et Sen-
nen, S 5; Acta S. Aureœ, § 16; Passio S. Svrapiœ et Sabinœ, § 2 et 13; Passio Uar-
ti/r. Nicomed. g 5; Acta S. Adriani, § 22 ; Acta S. Euphemiœ, § 15 ; Acla S. Januarii,
% 2; Vita S. Muximi Itiitœ, § G; Certamen S. Tlieodotœ et Socratis, g 3; Martyr.
S. Capitolinœ et Eroieidù, § 2 (1, 20janv.; 5feb.; 3, 10, 22, 30 jul.; 2i, 29 aug.;
2, 8, IG, 19 sept.; 16, 23,27 oct.);Boi\o, Passio S. Cceci/iœ, p. 15', De Magistris, i4da
martyr. Ostiens, p. ui et ux ; Acta S. Trophimi, Sabbatii, § 11 (cités dans la note
ci-dessus}.
il30 HKVUK AHCHKOI.OCJIQUK.
iJt's plus iliflîcilcs h briser. Les hommes ne l'avaient pas créé et il
nV^ullail à la fois. le sentiments complexes de notre nature : l'inslincl
de la possession, le respect humain, l'orgueil de caste. .Mais l'heure
f.ilale était venue pour le vieux monde, et le fonnidahle appareil des
défi uses qui semblaient le faire inexpugnahle devait s'écrouler pièce
à pièce devant le Ilot montant de la foi nouvelle.
Edmo.M) l-i; hiAM.
LA
MEDECINE PUBLIOUE
L'ANTIQUITE GRECQUE
Suite (i).
II
Galien, dans ses œuvres, nous fournit un renseignement extrO-
raement précieux pour éclairer la question que nous nous propo-
sons d'examiner en ce moment. En effet, dans son Commentaire sur
le livre d'Hippocrate xar' îviTpeTov, c'est-à-dire de medici officina, le
médecin de Pergame, à propos des officines vastes et bien éclairées
dont parle Hippocrale, ajoute :
o7oi xat vuv xa-à TToXÀi'; -Ôiv tto'Xsojv otoovrat Îwijlî'voi; toT;
larpoTç (2).
Ce qu'il faut traduire :
<f de semblables (officines) sont, encore aujourd'hui, mises
par beaucoup de cités à la disposition des médecins qu'elles em-
ploient ))
(1) Voir le numéro de février.
(2) Cl. Galeni op. omnia, éd. C. Gottlob Kulin, 1830, t. XVIII, in Hipp. hh. de
mec/. o//".co»j?«.,I, vni. Galien, qui vivait sous Marc Aurèle et Comaiodc, et qui
passa la moitié de sa vie ;\ Rome, veut très probablement dire : «certaines villes
tant i^recques que romaines. »
332 RKViiK Aitr.HKOLoriiguK.
Ainsi donc, Galicn, mentionnant dans son comrarntairc les
grandes offu'inis dont pnrie Uippocrate, nous aftlrnio (|iio iiiainlc-
nanl encore, an temps où il î'eril, eertaines villes en donnent de
scmlilables à leur médecin en titre : c'est donc (lu'autrefois, au temps
où t'rrivail le célèbre auteur que (îalien rommcnte, les villesavaient
coutume de donner également ces oflieines à b-ur médecin, et les
expressions xal vîv du passage de (îalien donnent à ce passage toute
la valeur d'une révélation.
Il faut donc admettre, — ce que personne jusqu'ici n'a vu, — que,
dès une haute antiquité, la cité, après avoir choisi son médecin pu-
blic, lui donnait ce local, celte oflicine très" complexe, ijue l'on
nommait, suivant les dialectes, larpeTov, îr,Tpetov, ou même, comme
l'écrit Asclépiade, h-^ir^. Lorsque nous aurons montré ce qu'était
cet iatrium, on comprendra que, même en l'absence d'un texte posi-
tif, l'induction seule permettait d'établir que la cité devait pour-
voir de cette offlcine le médecin qu'elle employait. En elTel, quand
un médecin public, comme ce Démocéde de Crolonc, dont nous
avons parlé, quittait une ville pour aller exercer dans une autre,
qu'aurail-il fait de l'oftkine qu'il abandonnait, si elle lui avait ap-
partenu? qu'aurait-il fait des machines, dont beaucoup étaient fixes,
des instruments variés, des lits, des médicaments qu'elle contenait,
et comment aurait-il pu transporter de ville en ville tout ce maté-
riel? Bien plus : est-ce que beaucoup de ces médecins n'arrivaient
pas (comme Uémocède lui-même, fuyant la maison paternelle, ar-
riva à Égine), dans la cité où ils avaient dessein d'exercer, sans
appareils, sans outils, sans médicaments, sans même le modeste
bagage chirurgical (pi'un auteur hiiipocrati(]ue(l) recommande d'em-
porter avec Foi en voyage? et alors comment pouvaient-ils, ilans des
conditions si précaires, accomplir la mission si importante de soi-
gner, comme médecins publics, une clientèle considérable? mais
tout s'explique, tout se comprend si l'on admet, et il faut l'admettre
sur l'autorité de (îalien, que la cilé possédait une oflicine, un ialrintn
public, (ju'elle mettait à la disposition du médecin qu'elle avait élu.
Examinons maintenant ce (|u'était un itilrium. L'intritim, à pro-
prement parler, était l'oflicine du médecin ; tout méilecin possé-
dait un iati inm. Ainsi, par exemple, si l'on en croit Timée (2),
Aristote lui-même, qui était de famille médicale cl avait écrit sur la
(1) Bienséancr, g 8 et Rcq., in llipp., «'d. I.iltré, t. fX .
(2) Tim.dcTaurom., lu Uidol, t'rurjtn. hisl. fjr/ec., fragm. 70. p. 200-210. Kusèbr
cepcMniatil (m Pra'/i. ivwuj.^ \V, ii, p. 701) dit (|ue Tiuiûc a uieiili.
I,\ MKDKCINK PUBMQUK DANS l'aNTIQUITK GHRCQUK. 333
médecine, avait posst'ilt;, puis quitté, un iatrium d*' grande valeur
(■7roXuTt';i.-riTov lotTpEtov). liien (les causi's, on le coMiprciid, [jouv.iirnl
(''tal)lii' la réputation et ronsé(iuemnicnt l'importance de tel ou tel
ialiiuiii eu paiiiculier; ainsi, par cxciiiple, In renommée scienti-
(iiiuc (lu inctlcciri qui en était le possesseur, ou encore la bonne si-
tuation (le l'iatriiim, devait avoir une inilucnce : rolliciiie d'Kutliy-
diiiue, dont nous parle Esi:liine (1), devait être assurément fort
achalandée, car elle était située au Pirée, et le Pirée était le quar-
tier le i)lus ancien et le plus populeux d'Alliénes ; c'est par là
qu'allluaient les étrangers et aussi les maladies : la peste {loi\t.ô;)
dont Thucydide fut atteint et fut témoin, et (ju'il nous a décrite (2),
avait débuté par le Pirée.
Il n'est pas dou'eux (jue Tuflicine la plus importante de toutes,
dans une cité, élait l'officine du médecin public ; elle devait, pour
satisfaire aux besoins d'une clientèle considérable, ô(re aussi bien
organisée que possible : c'est cette oflicinc-typc que nous allons
maintenant décrire.
L'ialriuin public, d'après Galien (3), était un édifice relativement
vaste; il était pourvu de hautes portes et recevait pleinement la
lumière. Voilà pour l'extérieur. Pénétrons maintenant dans l'édi-
fice et voyons quelles en étaient les dispositions à l'intérieur.
D'abord, on [leul tenir pour certain que dans cet iatrium élait
situé le logement du médecin; c'est là, en effet, que celui-ci opé-
rait et soignait les malades, là qu'il donnait des consultations, là
qu'il préparait les remèdes c'est là, sans aucun doute, qu'il devait
loger, lui, sa famille et aussi ses aides.
A côté, devait se trouver ce que nous appelons aujourd'hui le
« cabinet de consultations ». 11 est certain, en effet, ([ue nombre de
malades se rendaient à Viatrium pour y consulter le médecin, et
nous en trouvons la preuve, par exemple, dans le passage où Xèno-
phon (i) nous rapporte l'assassinat commis à Cliio, par Etéonice
escorté de quinze spadassins, sur un pauvre diable « souffrant des
yeux » et « sortant d'un iatrium », où il venait évidemment de con-
sulter riiomme de l'art.
Plus loin était la salle d'opérations avec son imposant arsenal :
dans cette chambre, on voyait des entailles ingénieusement prati-
quées dans les murs, des leviers divers ; la poutre transversale dont
(1) EscliiD.,Ora^ contra Tinmrc/i., I,§ /lO.
(2) Tluicyd., lib. II, § kl, 48 ets3<i.
(3) Galm., loc. cit.{ èv otxoi: ixîyciXo'.;, Ojpa; ij.ïy*^*^ vWtô; 7>),r.;;£t; )
(/i) Xeii., Hiàl . Grcec, lib. Il, cap. i, §3.
xxxix 16
.'{.*{-l IIKVIK AnCHK:(>!,t>GI(.UK..
parle Hi|i|iorrale l'oiiiine exisl.iiit il';iilli'iirs dans toutes les maisons
et ilont on so st'rv;iil pour li-diiii-i' l(>s luxations de la cuisse eu y sus-
pendaiil lipaticnt parles pieds; liiisii niiifiil, appelé plus lard lebanc,
duquel Hippocraledil : <i II iuiporle au iiiéderiu pralii|uanl dans une
ville po[)uleuse de posséder une inaeliiiuî ainsi disposée », et('.;
tous objets mentionnés dans li' livre hippocralhiue inlilulé Des arti-
culdtions (1). En outre de ces divers appareils lixes et de ces nia-
fhines, s'y trouvaient des instruments (o:Y«va). couteaux, bistou-
ris, etc., tous d'airain; des bandes, des compresses, des lacs, des
ventouses, des cautères, ele. On y trouvait encore des instruments
spéciaux, tels (pie l'arraclie-dents, le trépan, l'outil à couper la
luette, etc.; des sièges, tous d'égale hauteur pour (jue le médecin et
le patient fussent tous doux sur un môme niveau, et enfin une
table : tous objets dont font mention les livres bippocrati(|ues inti-
tulés De l'officine du médecin et Du inrderin (2). C'est certainement
celte salle (jui devait spécialement recevoir celte lumière abondante,
soit naturelle, soit artiiicielle, (lu'IIippocrate et Galien après lui
considèrent, à juste titre, comme indisjiensable pour bien opérer.
Plus loin encore, se voyait le local où les médicaments étaient
conservés, préparés et débités au public. Que le médecin, en effet,
possédât dans son /a/r/Mm des médicameats, le fait est prouvé, par
exemple, par le passage du Serment dans lequel le récipiendaire
s'enga^ie à ne remettre à ptTsonne du poison, ce qui implique que
les médecins possédaient chez eux des substances médicamen-
teuses C3).
Que, d'autre part, le médecin préparât lui-même ces médica-
ments, on en trouve la preuve dans le passage suivant de Pline
l'Ancien (i) : « Les médecins (de mon temps}, dit Pline, ignorent les
caractères des substances; la plupart môme en ignorent jusiju'aux
noms, tint ils sont loin de savoir préparer les médicaments, ce qui
jadis était leur ollice. »
Sans doute, il existait déjà tlu teiiip^ d'iliiijiociate des «pap-
aaxoz(ô).ai (fabricants et vendeurs d'amuleltes et aussi de drogues),
puisque Aristophane en fait mention dans une de ses pièces (5);
(1^ Hipp., éd. Limé, t. IV, § /i7. § 50-72.
(2y Hipp., éil. Litlr.% t. III, xai' ir,Tf,ttov, ri l. IX, :ttpt Ir.Tpoû.
(3; CcUe coutume* a passé des (îrocs :iux Itoiiiuiiis : voir Plante, Meiratur, act. II,
K. IV, V. 3-A, ut voir aussi le téiiiuignagn du jurisconsulte Paul (lib. III Smt .
I. VI, Ji o:i^,qui vivait encore bous Alexaudro Sévère, etc.
(4) l'Un., //. S. XXXIV, cap. nv.
(5) Ari»topli.,*.Vii//r», v. 700elfccliol.
f. \ MlinKCINIi l'UllLIgUK DA.NS L'AMiyUriK G IIKCOIK. .'J3.")
mais il ne paraît pas (lu'eii Grèce la coutume des médecins de pré-
parer eux-mômcs et même parfois de porter aux malades) leur,
médicaiiiciils ail jamais disparu; du moins, on retrouve celte cou-
luiiie mciilioiini-e encore dans un passa^^'e de Libinius (I), et il faut
descendre jusqu'aux bas siècles pour trouver en Grèce, dans le
7niu.£VTâoio; (2) (le piijini'Htitrius des Latin<), l'analogue de notre
pharmacien actuel, (jui exécule « les prcscriijtions du médecin )),Tà
Twv larpôiv tTriTaYfJLaTa.
Que le médecin, enfin, débitât dans ce local les médicaments au
public, le fait n'est pas douteux, témoin le passa-e où le méilecin
(sans doute Hippocrate lui-même) qui prati(|uaii ù Tliasos dit
expressément : a Les Thasiens ne vinrent pas clierclier de secours
dans Viatriiim (3). » — Témoin encore ce passa;^'e oii Platon men-
tionne «.... ceux qui vont dans Viatrium pour s'y faiie administrer
une potion (4). »
L'aspect de cette salle devait d'ailleurs ressembler beaucoup à ce-
lui des boutiques de nos herboristes actuels : les matières premiè-
res, les topiques, les purgatifs, etc., y étaient, nous dit un auteur
hippocrali(|ue (5) « rangés selon les genres et les grosseurs «.
A ce local devait évidemment être annexé un réduit contenant
les ustensiles, les loyers et le bois de sarment (tî) nécessaires pour
la préparation à chaud de certaines substances médicamenteuses.
Entin, dans Viatrium se trouvait un dernier local garni de lits,
local plus grand peut-être à lui seul que tous les autres réunis:
c'était la chambre des malades.
Avant d'examiner de près ce dernier local, nous demandons la
permission de présenter, sur tout ce que nous venons de décrire,
quelques observations importantes. Ce qui frappe tout d'abord,
c'est la complexité de l'odlcine médicale : comme on le voit, un
iatrium complet, comme devait l'être celui du médecin public,
comprenait, indépendamment du logement du médecin et de son
cabinet de consullations, une salle d'opérations avec son arsenal,
une boutique à médicaments, et au moins une salle de malades.
(1) Libanius, op. et cd. cit., t. I, p. JG D, v.aT' taip. çapii-ax.
(2) Mentionné par Olympiodore de Tliùbes {ad Gorg. Plat.), qui vivait sous
Arcadius et Tiiéodose II. (V. Suumaise, Exercit. Plin., p. 470.)
(3) Hipp., éd. Litlré, t. II, Ei>., p. 6ô5.
(4) Plat., De leyib., l, §047.
(5) Dietisrnnrp, in Hipp., éd. Littré, t. IX, § lu
(6) V., Marrob., lib Vil, cap. xvi.
336 IIKVUK ARr.H|JoLO<;iOLK.
GaluMi avait lionr raison de nous diro quo les nflirincs confiées par
lescilos aux nu-ciiTins pulilics étaient de vastes édifices.
Ce qui surpnMid ensuite, e*est la niulliplicité des emplois (jiie de-
vait remplir le méderin : relui-ci, en eirt, d'une p:ul, dans l'in-
lérieur de l'offieine, était tenu de donner des consultations, d'opé-
rer et de traiter des malades, de préparer et de distribuer les médi-
caments, enfin d'euhvtenir un iiiiporlanl matériel; d'autre part, en
dehors de l'officine, il était tenu de visiter tous les malades (i) qui
réclamaient son intervention, et aussi, disons-le de suite, de rester
au poste d'honneur que lui avait confié la cité (|uand celle-ci était
désolée par les épidémies (2). Une pareille tâche eût été écrasante,
si le médecin public n'avait eu, comme les méilecins ordinaires, des
aides dont nous aurons à parler plus loin : les aides-esclaves (et ils
devaient être nombreux dans le vaste iatrium public) étaient très
probablement des esclaves publics, fournis au médecin et entretenus
par la cité; la dépense pour leur entretien n'aurait pu certainement
être supportée par les ressources personnelles du médecin.
Ce qui étonne enfin, et ce qu'on a peine h comprendre, c'est,
étant données l'immense clientèle du médecin public et l'énorme
consommation de médicamenis de toute espèce qui en dev:iit résul-
ter, comment le médecin pouvait se fournir de médicaments en
suffisante quantité s'il les devait acheter de sa bourse ; mais tout
s'explique si l'on admet que la cité lui fournissait gratuitement ces
médicaments; le précieux document suivant va éclairer, d'ailleurs,
d'un jour inattendu, ce point important.
En effet, une inscription athénienne, recueillie par Uhaiigabé, et
sur laquelle nous reviendrons plus loin, loue un certain Évenor,
médecin, parce que, «... préposé parle peuple pour la piéparation
des médicaments, il a dépensé un talent à ce service. »
Or il est bien certain (juc si cet Evenor, qui est évidemment ici
un médecin public, est félicité pour avoir dépensé, de sa poche,
cinq mille cinq cent soixante francs enviion de médicaments, c'est
qu'il a fait un acte ()u'il n'était pas tenu de faire, et s'il n'était pas
lenu de dépenser son argent en médicaments, c'est qu'en réalité
(ly II cfii ceriain qu'en Grèce cl dt'jà du tninp!» d'Ilippocrato, roiiimo le dit for-
ropllenn-nl CiccDii {De oral.y III, .13), clu'iuo iinîdi'cin faisait tout «cqui so r.-ipporlc
à l'art d»! guérir. Cftic coutume a ptithisiù loiigtcmpH. cummc on en trouve la preuve
daoB hn propres déclaration» do Scribonius Largu» (fol. 162) qui vivait HOusCiande.
Les 8péciali»ic* n'apparaitsent qu'uni époques de décudenci; de l'art .
{2, Voir plu» loin l'inscription d<> Carpaih.».
LA MKHECINK PUBLigUR DANS i/aNTIQI'ITK GRRCQUE. .'137
la cil6 (lovait les lui fournir : cola nous paraît forlclair; mais, conimo
il est arrive'; i|iio la (iiiaiilitr alloiit''c par la cilû (Hait insulfisanle, !>(;-
nor, en médecin dévoué, n'a pas hésité à en aclicler de son propre
argent, alin (jucles malades qui lui élaii-nl conliés ne restassent pas
privés (les secours de la tliérapeuli(|ue.
D'ailleurs, par la réllexion, il est aisé de se rendre compte (ju'il
en devait être ainsi : en ciïet, puisqu'il est avéré (jue le médecin
piiltlic devait soigner gratuitement les malades, il est évident qu'il
leur devait donner, gratuitement aussi, les mcdicaments ; car, à
une époque où l'on ne distinguait pas le médecin du pharmacien,
soigner les malades ou les médicamenter c'était « tout un », et
celte gratuité dos soins, c'est-à-dire des médicaments, ne pouvait
certainement s'obtenir qu'à la condition que la ville elle-même
pourvût de médicaments l'officine publique : ce qui avait efTective-
ment lieu.
Ainsi donc, il faut tenir pour certain que non seulement la cité
mettait une officine à la disposition du médecin public, mais encore
qu'elle garnissait cette officine de mcdicameiils ; pour le reste, on
n'a pas de documents précis, mais on peut admettre, — et nous
pensons que là est la vérité, — que la cité fournissait (nous verrons
plus loin avec ([uelle;, ressources) tout ce qui était indispensable au
médecin pour accomplir sa mission; on un mot, chaque ville possé-
dait un iatrium public, pourvu non seulement de médicaments,
mais encore d'instruments, de lits, de meubles, etc., et d'un per-
sonnel esclave pour les besoins du service; le médecin public, une
fois élu, s'installait dans cet iatrium; son successeur en prenait
possession de même, et par là lout s'explique, tout se comprend
sans la moindre difficulté. Ajoutons qu'il ne paraît pas douteux, —
bien que les dispositions de la loi de Charondas ne soient pas par-
venues jusqu'à nous,— que la mùine loi qui institua dans chaque
ville le médecin public imposa à chaque cité l'obligation d'entrete-
nir un iatrium public : l'officine publique a dû certainement naître
en môme temps que le médecin public; c'est en quelque sorte l'outil
qui apparaît en môme temps que l'ouvrier pour accomplir, comme
dit Xénophon, « l'œuvre médicale de la cité » (tô t/.; tto'Xswç laTptxov
epyov).
Revenons maintenant aux malades couchés dans l'iatrium.
Il est en effet facile de prouver que l'officine devait contenir des
malades : par exemple, lorsqu'on lit, au paragraphe 2 du livre hip-
pocratique Sur le médecin, que l'iatrium doit être un lieu com-
mode, où le vent ne puisse ni pénétrer ni être gênant, où l'éclat du
338 mvi I Ancuftoi.or.iorK.
soleil iii' Mt'ssc pas les regards, et où, consf^'fiucninitMil. I.i liiniicrc
(loil vciiii' oMi(]U('mcnl , il est clnir (iiio rniiicur n siirloul en vue
rinlT'ic^l lies m.ijadi's (jiii s'y Irniiveiil rasscniiih'S. (Icin <'sl si vrai
f|irau iiK^mc paragraphe de Idiivrage, et imniédiatcnicnl après la
desniplion de cesdisposilions adonner fi l'ialiium, l'auteur ajoulc :
(I On fournira aux personnes Irailêes de l'eau itolalile et jnire. « Il
s'agit bien évidemment ici des personnes traitées dans l'iatrium (1).
Lorsque, dans/rs Acliarnirm d'Arisloj)liane(2). I.amaclms répond
à Dicéoiiolis qui l'a engagé à se faire soigner chez les disciples de
Pilîalus :
riauovi'aïai /s'cciv.
(( Foras cITerte nie in doniuni Pillali
a Pœoniis manibus, r,
il est infiniment probable (ju"il entend s'installer dans l'oiricine de
l'itlalus, dans l'iatrium du médecin juiblic.
Quand Platon {'.V] nous dit ijue « dans un Klal où abondent les
malades, il faut bien que des officines (tarpela) s'ouvrent en grand
nombre », c'e.U apparemment pour y admeltie les nombreux ma-
lades accumulés dans la cité.
D'auiie part, il est certain que des opérations graves se prati-
(juaient dans l'iatrium : comment alors admettre (juc les malades
qui les avaient subies devaient, immédiatement après, (juitter cet
ialrium?
Mais d'autres raisons, plus fortes encore, peuvent être invo-
quées : par exemple, ainsi (jue nous le dirons jilus loin, tout méde-
cin possédait une classe particulière d'aides, qui étaient les aides-
élèves, auxquels, moyennant salaire, il enseignait la médecine; si
l'on admet (ju'iUe trouvait des malades rassemblés dans l'iatrium,
il est naturel de penser que tout individu se destinant à la profes-
sion médicale allait s'installer dans cet ialrium ; or c'est précisé-
ment ce (jue nous laisse entendre Escbine, ilans le passage signalé
plus haut, loi-squ'il nous montre Timaniue allant « s'installer dans
l'officine d'Ilutliydniuc, au Piréc , jiour laisser supposer (ju'il se
propfise d'étudier la médecine » :
(1) Voir aussi au iiif;nif! paragraphe le |i;usf,a;;t; : -y. -roivjv dv Ir.Tptiio Oepantuo-
(uva, etc.
(2; Aridioph., Acharn., v. 1222-12^3.
'3; Plat., Prrivit., lib. III.
LA MKDI'.CINK l'IMtMQUK DANS I,' A NTInl in', (illKCOrK. .'{.'ili
ExaOexo £v lleicotie", i-z'i toO RùOuoiV.o'j îvTCtio'j, Tico'iâdEi [/àv Tij;
Cet imporlnnl passage nous iiinnlro donc d'alionl qu'il y avait des
malades dans Viatrium, puisrjue Timarque, se proposant ostensible-
ment d'apprendre la iiH''ik'einc, allait s'y élalilii-; il nous montre
ensuite qu'on y soignait toutes sorles d'affeclious, l(s unes médi-
cales, les autres chirurgicales, de manière que l'élève pût réelle-
ment y apprendre l'art, et l'art lout entier.
Du reste, le passage suivant de i'iaton (1) lèverait tous les doutes,
s'il pouvait en exister encore :
Toù; u.£v ooûÀou:;... oî ooùXoi Ta "oXÀa JaTceuouffi repiTGîyovre; xai
Iv Toïç îaxj^Eioi; 7T£çi[j.£vovTe;
qu'il faut traduire :
« En général, les aides-esclaves (que possèdent les médecins)
traitent les esclaves, soit dans les visites en ville, soit dans Via-
trium ... »
Ainsi donc, il est parfaitement établi que des malades étaient soi-
gnés dans toute officine médicale, et l'on pense bien que la vaste
officine du médecin public devait en contenir une grande quantité ;
on n'y admettait vraisemblablement que les malades atteints d'affec-
tions graves, et ici encore, c'étaient les pauvres de la cité qui de-
vaient surtout profiter des lits installés dans Viatrinm public, et ce
point important mérite de nous arrêter un instant.
On peut tenir pour certain, sans qu'il soit besoin d'insistei-, que
les malades aisés se faisaient de préférence traiter à domicile;
d'autre part nous venons de voir, par un passage de Platon, que des
esclaves étaient traités dans Viatrimn ; mais il faut bien comprendre
ce passage : Platon veut dire que (juand il y a des esclaves malades
traités dans i'ialrium, ce sont les aides-esclaves qui les soignent ;
d'où l'on doit inférer que quand il y avait d'autres malades, non es-
claves, dans ce local, c'était le médecin lui-même {qui était toujours
en Grèce de condition libre) qui leur donnait des soins. Or, puisque
les riches se faisaient pour la plupart traiter à domicile, les malades
— autres que les esclaves — soignés par le médecin dans Viatrium ne
pouvaient être que des citoyens pauvres ; cela nous paraît évident.
D'ailleurs, il est difficile d'admettre que le peuple bienfaisant ijui
(1) Plat.. De legi/i., IV, p. 720.
3-40 HEVUK ARCHEOIOOIODK.
avail f.iil une loi pour assurer le service luédical dans ses armées (1),
(jui avail (lêciiit^ il'enlretenir aux frais de l'Élal les soldais muli-
li's (i), qui avail dans loules ses villes des refuges pour jiourvoir à
lous les besoins des élrangers (il), le-.|uels, mOnie pauvres el mala-
des, trouvaient des médecins pour les soigner graluilement ('i),
n'ail |>ns songé à ses propres enfants, jiauvres, malades elsans asile.
Quoi! Its pauvres bien j)orlants, avaient pour se noni-rir, les distri-
butions de vivres el les repas publics (;>) et ou Nui- permellail en
liiver r.iccès des établissements de bains publics jiour se eliauffer
cl se coucher la nuil (>). — ce qui démontre en somme que l'I-llat
lémoignail aux indigents un certain degré de sollicitude, — el ces
mêmes pauvres, alleints par la maladie, n'auraient, dans leur la-
mentable situation, tiouvé aucun refuge:' ils .-luraient trouvé des
soins médicaux gratuits et pas un abri pour reposer leurs memltres
fatigués par la douleur el par l'épuisement? En vérité, cela ne peui
pas élre, et il faut reconnaître que les salles de malades de Viatrium
public étaient spécialement réservées aux citoyens pauvres ; car
eux seuls avaient vraiment besoin de cet asile public, eux seuls
avaient vraiment besoin des secours gratuits que le médecin public
devait y prodiguer : oITrir des médicaments à des malades sans
asile n'eût été véritablement qu'une aiiiére dérision.
Nous n'insistons pis, et nous verrons plus loin qu'il y a lieu de
croire que la nourriture des citoyens pauvres, traités dans Tiatrium ,
étiil fournie parle médecin lui-môme.
m
Nous venons d'étudier les dispositions prises par les cités pour
assurer les secours médicaux à lous les citoyens ; examinons main-
tenant quels avantages pécuniaires ces mêmes cités réservaient aux
médecins publics qu'elles avaient élus.
(1) Xcnopli., De repub. Lncedcm., cap. iiii, 7.
(2) PluUrq., inSolon., cap. XXXI, § 4. On ;i dit ^Arislid., Orai. Pauathenaic.)
qu'Atlienes éiuit la hOule ville de Gr{:cc où cette couliimu était ûtablic ; mais que
Teut-on prouver parla? En France, acluolicmunt, il n'y a, de niCnie, qu'un seul
Hôtel des InvalidcH.
(3) ArlMoph., .Sc//o/. uU Ave-:, v. 1021.
(A) Voir plus haut notre citation des Vréccytes hippocrati'iues, cl l's inscriptions
que nous ra))|>ortcr(in!t plus loin.
(5) Institués par Lycurt^ne
(6) Aristoph., Sriiol. ni l'tutui/i, v. 535.
LA MKDKCINI.; l'UIU.IQUE DANS i/aNTIQUITK finRCOUi:. .'Ml
D'apn^s le, pass,i<,Nî de Diodorc do Sicile que nous avons rnpporlé
plus liaiil au >iij('l (lo la création des nKNlccins publics, on voit que
ceux-ci «''taiciil payés sur les fonds publics : l'cxpicssion cr.y.oTo,-
(xiçOo'c, (|ui est c'UiploYcc, sii^nidi' à la lcltr(! (( honoraires publics d,
le tci'inii jrrcc (xiaOô; étant, au puinl de vue nirdiial {)rofession-
nel, l'analof^uo du latin « liouds » (|uc (licéron eui|)loie (1), et dont
nous avons précisément tiré le lernie <( honoraires n.
Ces honoraires publics, ou, si l'on veut, ce Irailenient alloué par
la cité au méu'ecin fonctionnaire public (c;r,ao7i£'jD)v), moyennant
lequel celui-ci devait SCS soins graluils à tous les citoyens, tiaile-
mcnl annuel (2) que le médecin recevait des mains du Tay-a; ou
trésorier public, élait perçu au moyen d'une contribution, d'un
impôt payé par les citoyens. 11 est vraiment curieux (ju'aucun des
auteurs anciens qui ont traité de l'organisation intérieure des cités
grecques ne mentionne cet impôt; fort heureusement, l'épigraphic
vient ici suppléer ;\ celte insuffisance de documents, et l'inscriplion
qui porte le n" 16 de celles consacrées aux décrets de proxénie
dans le Mémoire sur les ruines et l'histoire de Delphes, par M. Fou-
cart (3), comble définitivement celte lacune.
11 est dit dans celle inléressanle inscription :
E5o;£ TÎ Tîo'Xst, £V ayopa teXci'oc, gv'j. '];x'^t>) Ta èvvdaw, «DtXiCTi'wvi xa'i
IxYOvoiî (ZTsXsiav stasv yooavt'a; /.al tou taxcizoù.
Il a semblé bon à la ville (de Delphes), dans une assemblée
régulière, avec le nombre légal de suffrages, d'exempter Philistion
et ses descendants de la choragie et de Viatricon. »
La chora;/ie, c'est ici l'impôt prélevé sur les citoyens pour subve-
nir aux fiais d'un chœur; quant à Viatricon, expression que Ion
rencontre pour la première fois avec le sens qu'il convient de lui
attribuer ici (i), c'est l'impôt prélevé sur les citoyens pour assurer
le traitement du médecin public, — et, aussi ajouterons-nous,
pour subvenir aux frais d'entretien de Viatriuni public.
Sans doute, les inscriptions de Delphes rapportées par M. Foucart,
(1) Gic, EpisL, XVJ, ep. 9.
(2) Voir lU'rodote. lib III, c. 131.
(3) Arc/t. de^ niiss. scient, et litt., 2« série, t. Il, p. 218-219, Paris, 1865.
(Zi) Dans Xénopiion, laTpixôv (ëpyov) désigne, comme uous l'avons vu, l'art médi-
cal, et en particulier la charge de médecin public. — Dans Libanius {op. et éd.
cit., t. I, p. 56, D, xax' latp. çap|iax.) îaTptxôv semble désigner le médecin : ixôXi;
{iàX),ov ittTpixov ?i Xoi|AÔv, « urbs medicum mas;is quam pestem (peiliorrejcit) ->.
ni'J RKVUK ARC.m-'OI.Or.lQl'K.
(Inns son .M(^mnirt\ MUit do 214 :i Ifi.l. et à relie époque Delphes
élail sous In ilomiiiaiioii romaine; mais la eiiô l'inil onj^aiiisée eo
répiibliiliie, el, comme le témoigne la formule (pii rommcncc le
texte (le l'in-rriplion, le peuple it>niiait dis déerels : r'esl (ju'il
avait (■■mservt'' ses antiques usa;:es, el ï'iatricon avait été prélevé de
toul temps.
Le rliilTre de rel impiH ne nous est pas connu; mais il faut
admettre (ju'il était, en moyenne, assez élevé (et constituait par
conséquent une somme totale considérable), puisque, comme le
lémoi.îne l'inscription rap[»ortée jdus haut, c'était une haute faveur
que d"en être exempté. Or, comme nous le montrerons plus loin, le
traitement du médecin public était fort modique ; c'est donc, — el
nous insistons sur celle lemaniue toute personnelle, — c'est donc
que le montant de rimjiôl n'était pas versé intégralement entre les
mains du médecin, mais que la plus grande partie du produit de cet
impôt servait précisément à subvenir aux fraisélevés d'entretien de
['iatriuïii public.
Il serait fort dilTicile de dire quel était le montant de la somme qui
revenait au médecin public pour constituer son traitement; mais il
est indubitable (lu'il variait suivant l'importance de la ville, puis-
que l'impôt prélevé sur les citoyens variait nécessairement lui-
même suivant le nombre des citoyens sur lesquels il était perçu, et
très probablement aussi suivant la fortune personnelle de chacun
des citoyens imposés; el ces difTérences inévitables, suivant l'im-
portance des villes, dans le montant de l'impôt perçu, forcent éga-
lement à admettre que ['(atrium public d'une ville riche et popu-
leuse était nécessairement mieux garni que celui d'une cité moins
opulente.
Sans doute, nous possédons quelques indications numériques
mentionnées par les historiens : ainsi nous savons que le traitement
alloué pour un au (I) à Démocède de Grotoue par la ville d'Éginc
était d'un talent (2), c'est-à-dire de ri,5G0 francs enviion, et (jue le
traitement que lui alloua Athènes, l'année suivanle, était de cent
mines, c'est-à-dire d'un peu plus de 'J,200 francs; mais il faut bien
savoir que la réputation médicale de Déraocédc était considérable,
et que ces sommes (jui lui étaient oil'erles étaient, comme nous
l'avons déjà observé, des traitements exceptionnels destinés à l'atti-
(1) C'est encore l'expre«»ion 5r,|AÔaio; |iio6o; qui, i>onr désigner ce traitement,
ett rmployéc par Hérodote (lib. III, c. 131).
'2j Un talent d'Égino, rVsi-.'i-dirc! 10,000 dr;ichind«.
I,A MKHRCINF, PURI.IQUR DANS 1,'aM IQIH TK cnKCOUR. 34.'{
rer et à In conserver dans la ril6. On ne peut donc se servir do ces
chiiïri's, qui sont dos maximn In^s élevés, pour élablir quel pouvait
ôtrc le tr;iil( ment moyen d'un médecin iiuliiic de réputation ordi-
naire.
Nous avions pensé, en l'nhsence de doeumcnls précis, à tourner
la diflirullé et à cherchera lixcr, d'une manière approximalive, le
montant des honoraires puhlics payés au médecin, en nous basant
sur le montant des honoraires privés touchés par un médecin ordi-
naire pour une consultation, uni' visite ou une opération ; malheu-
reusement, bien qu'il soil parfaitement établi, par de nombreux
passages d'auteurs grecs et latins (1), que le médecin, dans toute
l'antiquité, se faisait payer, en argent monnayé, par ses clients,
nous n'avons rien trouvé qui nous donne le chiffre mémo de ces
honoraires. Il existe bien, dans Cratès deThèbcs(2), qui vivait sous
les premiers successeurs d'Alexandre, un passage qui donne pour
salaire au médecin « une drachme », c'est-à-dire à peu prés un
franc; mais ce passage est conçu dans un style tellement satirique,
qu'il ne peut être (|uestion, comme l'a observé M, Littré, de prendre
à la lettre les indications numériiiues qu'il contient.
Si donc il faut, dans l'état actuel de nos connaissances, renoncera
fixer en chiffres le montant du traitement alloué au médecin public,
du moins nous pourrons facilement établir que ce traitement devait
être fort modique et était loin d'enrichir le fonctionnaire auquel il
était attribué. A vrai dire, même en l'absence de textes positifs, on
pouvait afhrmcr (ju'il en était ainsi :en elTct, dans sa pièce intitulée
Pliitus, Aristophane (3) nous dit expressément que les médecins
d'Athènes étaient mal payés ; on pense bien que le médecin public
était du nombre et devait, lui aussi, lui surtout (qui ne devait rece-
(1) Plat., Protagor., c. m; Aristot., Po/., lib. III, cap. 11; Xenopli.. Memorab.,
lib. 1, cap. II, § 54; etc. Libanius {op. éd. et Inc. cit.) est bien étrange : il vou-
drait que les médecins ne se fissent point payer, et il ajoute plus loin {Decl. XXXI,
p. 711, d) qu'ils ont raison de toucher des iionoraires (àpyjpiov) !
Chez les Latins, Pline, //. iV., 1. XXVI, cap. m; 1. XXIX, §§ 3, 5, 8; mais Pline
ne mentionne ([ue des traitements fabuleux, exceptionnels ; Cic, Epist. XVI, ep. 4,
9; Plaut., AuluL, act. III, se. 2, v. 34j etc.
Il faut descendre jusqu'à la loi salique pour trouver mention d'un chiffre exact
d'honoraires; les honoraires [inedicatura) perçus alors pour la guérisun d'une plaie
étaient de <i neuf sous » (in Pact.ieg. salie, tit. 19, § 6). — Les lois des Wisigoths
donnent aussi en chiffres la mention d'honoraires ; c'est, par exemple, « cinq sous »
pour l'extraction heureuse de lu cataracte {L-'g. Wtstgot/t., lib. XI, sect. 5>.
(2) In Dioyen. Laeit., éd. Didot, lib. VI, cap. v (8G).
(3) Aristoph., Plut., act. IM. se. u, v. i07-/i08.
M\ RETDK AnCUKOLOGIQUK.
voiraurnn salaire des nmlados^ (Mrc mnl ivlnbiK', et alors, s'il lou-
chait dos honoraires ino(li(i\iis ;\ AiIkmics, dans .|ut'lli' ville de (în''ce
aurait il pu en recevoir de idus élevés? Mais voici un document
plus |in''(Ms :
Une très furieuse iu.H-ription ijue nous rapporterons en ciilier
plus loin, et qui mentionne les récompenses accordées par la ville de
Bryconle au médecin puldic Ménorrile pour son dévouement et son
désintéressement professionnels, nous dit : « attendu qu'au
lieu de se faire payer, Ménocrite vil dans la pauvreté, et qu'il a
sauvé nomlire de citoyens f^ravemcnl malades sans accepter de
salaire, conformément à la loi et à la justice,» etc.
Que faul-il conclure de ce passage?
Faut-il admettre (jue, puisque Ménocrite (qui élait payé par la
ville comme médecin j'ulilic) s'est conformé à la loi et à la justice
en no réclamant aucun salaire aux malades qu'il soignait, et puis-
que le décret flatteur qui lui accorde des récompenses mentionne
cette conduite avec louanges, faut-il, disons-nous, admettre, avec
M. Foucarl, que les médecins publics ne se conduisaient pas habi-
tuellement de mémo, et que, tout en recevant des appointements de
la ville, ils se faisaient payer par leurs clients, exactement comme
les autres médecins dépourvus de litre officiel?
Non; et d'abord, un fait aussi immoral, —toucher deux salaires,
— aurait enlevé au médecin tout son prestige en lui enlevant toute
sa dignité. D'autre part, il esl difficile d'admettre (jue les cités eussent
toléré celle manière de faire, d'autant plus, comme nous l'avons
montré plus haut, que les candidats à l'emploi de médecin public ne
manquaient pas. Il est plus difficile encore d'admettre que les
citoyens qui avaient payé leur contribution pour avoir droit aux
soins du médecin public consentissent à payer de nouveau, et de la
main à la main, les soins que ce médecin leur devait. Knfin il est
encore plus difficile d'admettre q';e le décret que nous citons ail
songé à féliciter Ménocrite de n'avoir pas été un malhonnôte
homme.
La véritable interprétation esl celle-ci : .-inx ninls a attendu que
Ménocrite, au lieu de se faire payer.. . », il faut ajouter, en sous-
entendu, <( comme il eûleii le Iroit de le faire, s'il se JiU démis de
ses fonctions » (i) ; auiremenl dit, au lieu de chercher à s'enrichir,
comme lanl d'autres, en exereanl sa prolcssion pour son propre
1) Cette inlerprûiBiion. q-if M. Wcscbcr héiit'- ^ admclirp, eil la seule pUmiblc,
*l nous l'adopioiis Bans rc><T\e».
LA MKniXINK PUBLIQUE DANS L'ANTlyUlïK (iMKCQUK. 34")
coiiiple, Méiiocriic a prélùré « pendant plus de vingt ans», dit l'ins-
cription, remplir les fonctions de médecin public et « vivre dans
la pauvreté» : c'est donc (jue l'emploi en (|ueslion était pauvrement
rétribué, et le décret que nous a conservé l'inscription loue à juste
titre Ménocrite de son véritable désinléressement. Mais on n'ou-
bliera pas que si ce traitement élait modique, c'est, comme nous
l'uvons dil, ([ue le médecin ne loucbail pas intégralement le mon-
tant de l'impôt nommé îafr<con; cet impôt devantcertainement servir
aussi à l'entretien de l'iatrium public, l'on conqiri'ud aisément com-
bien les frais nécessités par l'entretien d'un pareil établissement
devaient amoindrir la somme nette ([ui revenait au médecin.
Il convient d'ajouter qu'une autre cause pouvait contribuer à
diminuer le montant de la somme perçue par le médecin public :
c'est que tout fait supposer que les malades absolument nécessiteux,
couchés dans Viatrium, dcvaieni, étant sans ressources, être nourris
aux frais du médecin : et d'abord, quand nous lisons, dans le livre
hippocralique intitulé i>w ??i^rfecm, ce passage que nous avons cité
déjà : « On fournira {■Kct^v/ti.v oii) -àux [lersonnes traitées (dans l'offi-
cine) de l'eau potable et pure, » il est clair que c'est le médecin lui-
môme, quel .(lu'il fût, public ou non, qui devait lournii' celte bois-
son ; et si le médecin devait fournir les boissons, il est plus que
probable qu'il élait tenu également de fournir à ces mômes per-
sonnes les aliments solides, — l'alimentation appropriée, le régime,
quelque léger qu'il soit (1), faisant à coup sûr partie des besoins
indispensables à tout malade, liche ou pauvre, traité dans l'ofllcine.
Or, l'alimentation ne rentrant pas dans la somme des soins « médi-
caux » dus gratuitement aux citoyens par le médecin public, les
malades aisés traités dans l'iatrium public rembouisaientsans doute
à ce médecin, exactement comme s'il eût été un médecin ordinaire,
la valeur de ralimenlalion fournie. Mais aux frais de qui les malades
pauvres étaient-ils nourris? Nous avions d'abord pensé que la ville
encore supportait cette dépense, mais nous avons dil renoncer à cette
conjecture par la raison suivante: c'est qu'il paraît certain que les
médecins ordinaires, qui traitaient les malades moyennant salaire,
recevaient dans leur ollicine (îJ), — par charité, — soignaient et né-
cessairement nourrissaient, de leurs deniers, les malades pauvres,
et ce qui le prouve, c'est qu'il arrivait parfois, à cause de lindi-
gence dans laquelle ces médecins eux-mômes pouvaient se tiouvcr,
(1) Bienséance^ \u Hipp.. éd. Liitu', t. IX, § 17.
(2) l'robablcnieiu quand l'oflicine publique l'tait encombrée.
346 HKVUK Mli:ilkOLOGIQUE.
que ces mnlailes pauvres, admis dans l'olVu'inc, (''liiiciil fort mal soi-
pni^sot nourris, comme il arriva à Hioii, (jui en soulTrit cruellemenl,
au rapport de l)io(!;t''ne Laërce(l) : ce ijui nous force à conclure (|ue,
a fortiori, le mi-Jeciii puMic, (lui devait ses soins ^'ratuils à tous et
qui, plus iii;e tout autre médecin, était tenu d'exercer charitablement
son art, devait également nourrir de ses deniers les malades nécessi-
teux admis dans ronicine pnblii|ue, oidii^'ation ([ui, on le comprend
(et bien (juc le médecin irduvàl certaincnu'iil une comix'nsalion û
cette dépense en faisant payer assez cher leur nt-uiiitiire aux ma-
lades aisés) pouvait diminuer, dans um- certaine me.iire, les hono-
raires qu'il touchait de la cité.
Cette obligation, s'imposanl aux médecins publics en raison même
des fonctions vraiment humanitaires iiu'ils remplissaieni, avait le
précieux avantage de slimiiler en (juehiue sorte leur zélé et île les
obliger, en intéressant quelque peu leur bourse, à faire tout leur pos-
sible pour hâter la guérison et par consé(iueiil la sortie définitive des
pauvres ([u'ils avaient en traitement.
On voit donc, en résumé, que le législateur, en créant les médecins
publics, avait eu raisonde compter sur leur désintéressement profes-
sionnel, puis lu'il faut reconnaître que la somme allouée à litie de
traitement par la cité au médecin public était fort modique, et nul-
lement en lapporl avec l'importance des services rendus! 2) : bien que
ce médecin eût l'avantage d'élre, comme nous l'avons dit, logé, gra-
tuitement sans aucun doute, dans l'ollicine publi(|ue, nous n'hésitons
pas à allirmer que son traitement eût à peine >uni à ses besoins s'il
n'avait trouvé, en delu)rs de ses honoraires, des ressources légiti-
mement aocjuises, et dont il convient mainlenanl de recherchei- l'in-
téressante origine.
D' A. Vkhcouthe,
.WcJtTiH tiiititairr.
(La suite prodiainemcnt.)
(1) Dioç. Loert., lib. IV, 7, ttiou, p. 107, i-d. Didot. : ... i\t.ntf7ùyw (Bîwv) el; voaov
... £v Xa/xiSi.. . à'TîOfiia "Tiiv voao/.o|ioOv7«i>v ÔEivJ); SieTiûîTO... L'fxprcssiori twv voao-
xoiioo /Tojv dé>igne un médi-cin }iarlirulier vîtes aides : il ne semble pas qu'il soit
questioQ ici du oiédecii) public, et nous le regrettons, car uljrs nos conjectures
seraient pleioemcMit conlirniées.
(U) C est ainsi qu'aujourd'hui encore nos médecins publics, nos nii''J>-cins des
hôpitaux par eiempli-, touchunl des iraiicinents extrêmement modiques.
'ÉRIT L'INSTITUT DRUIDIQUE"
Au numéro de déci'iubre de la Bevur (irchéologique, M. d'Arbois
de Jubainville a insôré une noie, dans la(ju(,'ll<; il relève tous les
passages des auteurs anciens qui parlent des Druides. Son bref et
substantiel commentaire a pour butd'éclaircir la question de la sup-
pression violente ou de l'extinction progressive de l'Institut drui-
dique. Y eut-il persécution ? M. de Jubainville lecroit, et je le crois
avec lui . Mais je pense que ce fut une persécution d'une nature par-
ticulière, et que la conduite tenue par Auguste et Tibère envers les
Druides détermina celle que Trajan suivit à l'égaid des chrétiens.
Pour la bien comprendre, il importe de replacer les textes dans le
milieu liistori(iue auquel ils se rapportent, sans qu'il soit nécessaire
de les citer à nouveau (2).
César avait soumis la Gaule, mais il n'avait pas eu le temps de
l'organiser. La première conquête, celle du sol, était achevée;
restait la seconde, plus difficile à faire, — celle des esprits et des
mœurs. L'organisation sociale qui avait si héroïquement soutenu la
lutte subsistait tout entière, et les Druides, conservant leur ancien
pouvoir, continuaient d'attirer la foule à leurs jugements, à leurs
écoles, à leurs sacrifices sanglants. Auguste n'était pas l'homme de
la force, mais il était celui de l'adresse : il n'eût pas conquis les
Gaules, il sut les transformer par cette harbileté patiente, par cet art
d'assoupir et d'éteindre, qui furent tout son génie. « Il fit le recen-
sement des Gaulois, dit un de ses historiens, et il ordonna leur vie
et leur condition politique (3).» Pour certains peuples, il changea
les limites des territoires, le nom ou la place de leurs capitales, afin
de rompre les liens de fédération ou de clientèle et d'effacer les sou-
venirs du temps de l'indépendance. Des peuplades entières avaient
(1) Note lue à l'Acadéuiie des sciences morales, en janvier 1880.
(2) M. Fustel de Coulanges a déjà répondu, dans le numéro de février, à lu noie
de M. d'Arbois de Jubainville.
(3) ...aÙTtï)v àîtoyfasà; CTioir.ffaTO /.a': tov |3iov xr.-j -.i rto/.iTîixv o'.:xo<j;xr,<;£. Dion.
,ib. 111, ■2-2.
34^ HKVUK ARCHKOLOr.IOUK.
rk'' cxlprmirn''es, il en donnnlos tcnvs aux riti's voisines ; celles (jue
la guerre avait épuisées furent réu^ie^ à d'autres; des clients jias-
siVenl ;i la rondition d'Klat autonome, et ce (|u'il restait d('>^ trois
cents nations dont parle l'liilar(|ue fut réparti en Sdixanle circons-
criptions municipales, ayant chacune un sénat de cent meinlires,
pouvoir délibérant, et des duunivirs ou qualuorvirs, pouvoir d'exé-
cution. Ces ma},Mstr ils ju},'eaient les affaires civiles de IcMirs conci-
toyens, sauf appel au gouverneur de la province, (jui tenait réguliè-
rcmenl ses assises dans les plus importantes cités. Par le seul fait de
cette organisation nouvelle, les Pruides, sans étie persécutés, perdi-
rent leur pouvoir judiciaire. Si quelipies-uns arrivèrent au décu-
rionat, n éme aux magistratures, ce fut à raison de leur foiiuno per-
sonnelle ou de leur dévouement à Rome, et non [las en vertu de
leur caractère saceidotal.
Auguste fit une autre réforme d'une extrême importance. Les
Romains étaient fort loiérants à l'égaid des cultes étrangers. Comme
leurs dieux se comptaient par milliers, (jueliiues-uns de plus ou de
moins importaient peu. Aussi, (|uand les Romains avaient soumis
un peuple, ils lui prenaient ses divinités, les mettaient dans leur
catalogue, quel(|uefuis dans leurs temples, et tout était dit :
l'Olympe s'étendait comme l'empire. Le procédé réussit partout,
excepté avec les Juifs, qui. croyant à un Dieu unique, ne pouvaient
accepter Cette union sacrilège, et avec les Druides, ijui, formant un
clergé national, perdaient leur pouvoir si leurs dieux perdaient le
caractère gaulois. Au lieu de proscrire ces dieux, Auguste, qui
ré[iugiiait aux violences depuis qu'il pouvait s'en passer, les res-
pecta et s'en servit ; c'était plus lionnétc et surtout plus utile.
La Cauleavait, comme Rome, ses graiideset ses petites divinités;
il latinisa les noms des premières ou mit en regard de celui qu'elles
portaient le nom de la divinité lomaine correspondante; de sorte
que vainqueurs et vaincus purent venir, sans trouble de conscience,
sacrilier aux mêmes autels. Mais ces dieux, sujets de Rome comme
leur peuple, durent laisser s'établir i\ c(Mé d'eux la ilivinitô
suprême de rLinpirc, le (Jénie de l'eiiip. reur. Dans le temple im-
mense récemment découvert au somm t du Puy-de-Dôme, on a
trouvé l'ex-volo suivant : Nmir Autj'ct' Di'o- Mcnitri' Dumiati.
On (onnalt mal l'organisation religieuse de l'Lmpire; cependant
les inscriptions montient en beaucoup de cités un llamine perpé-
tuel, ("était un ciloyen qui avait [lassé par toutes les charges muni-
cipales, omnibus hoiioiibns funclus. Ce prêtre, le personnage le plus
considérable de la cité, Jouait sans doute dans sa ville le rôle rem-
coMMKNT pi^.nrr l'institut druidiqur. 3'i9
pli à llniiio p;ir le poiilif»' iiiaxiinc, et celui que l'ôvftque clirélieri
remiilir.i plus laid dans sa ciléépiscopale. Voué au culte des diviiii-
lés locales, mais aussi A celui des dieux de l'Empire, ce llainine
devait ropousscM- des autels l'ancien prêltre de Teutalèsct d'Êsus.
A Uonie, Auguste avait reconstitué le culte des Lares, ces dieux
de coin de rue et du foyer doraesti(iu6, tiue le petit peuple préférait
aux grandes divinités du Capitole, qui étaient faits pour le quartier,
pour la maison, et qu'on aimait d'autant plus qu'on les croyait [)lus
rapprochés de leurs adorateurs. Chaque cité gauloise avait aussi des
dieux protecteurs qu'elle vénérait particulièreiiient. Auguste recon-
nut en eux des divinités tutélaires, semblables aux Lares de
Rome; il honora leurs autels; le Romain y fit, comme l'indi-
gène, les libations et les offrandes accoutumées, et ces Lares gaulois
ajoutèrent à leur nom celui du prince qui leur ouvrait le Panthéon
de l'Empire. Ils s'appelèrent les Lares aiigmtes : mot à double sens
où l'on pouvait voir, selon sa fantaisie, un souvenir de l'empereur
ou une attestation de la sainteté des Lares. Un ordre nouveau de
prêtres fut nécessaire pour cette religion à la fois ancienne et nou-
velle. A raison des dépenses nécessitées par les sacrifices, les ban-
quets sacrés et les jeux qui étaient une partie du rulle, ces prêtres
furent de riches plébéiens, seviri Augiistales^ élus tous les ans et
qui, au sortir de charge, formaient la confrérie puissante des
Augustaux.
Cette réforme religieuse fut complétée par la grande instituiion
lyonnaise, l'assemblée des députés élus par les cités des trois Gaules
et qui se réunissait chaque année autour de l'autel de Rome et d'Au-
guste, au confluent de la Saône et du Rhône. Ce culte devint la
religion ofliciellede TEmpire et eut son grand-prétre, \esacerdos ad
aram, qu'on nomma ailleurs le flamen provinciœ. Ce flamine pro-
vincial eut sous sa surveillance le culte et le clergé de la pro-
vince entière, comme le Jîamen des villes arrêtait l'ordre des céré-
monies pour sa cité particulière, et il a légué sa primauté religieuse
à l'archevêque chrétien. Dans celte organisation sacerdotale, il n'y
avait pas plus de place pour les Druides qu'il ne s'en trouvait
pour eux dans l'organisation judiciaire. Ils étaient donc, sans avoir
eu de violences à souffrir, dépouillés de leurs principales attributions
et mis, en tant que prêtres et que juges, en dehors du nouvel ordre
social. Les desservants de l'ancien culte relégués dans l'ombre
y seront oubliés avec leur souverain pontife, le chef des Drui-
des, dont le saccrdos ad aram prenait la place. On ne détruit bien
que ce que l'on remplace : Auguste avait trouvé le moyen de rem-
xxxix. i"
350 HKVDK AnniiKoi.or.iQUK.
\)hccr les DniiJos. Sans (|U(' le gouvcM-ncnuMil eill :i s'en mêler. If
nouveau rlergc des Trois Gaules allait exlirpci- l'ancienne foi du
cœur des populations, cl mill? faits prouvent (|uc retlcd'uvrc fui très
rapidement aeromplie.
Aui,uiste lit aux Druides une guérit' (jiii fui plii^ dircile, sansôlrc,
d'aprùs les idées des anciens, jilus injuste. De toutes les et'rémonies
druitliiiues, celle (|ui attirait silrement la foule, ([ui excitait d'ar-
dentes émotions et assuiait le créijil de ces ministres d'un culte ter-
rible, était le sncrilicc liniiiain. .Mais les Druides n'avaient plus de
captifs fi immoler, puis(|u'il n'y avait plus de ^'uerre entre les cités;
el Home ne laissait pas 5 ses siijels le jus nncis, excepté aux villes
fédérées. Un sénalus-consulte, de l'an î)i, interdisait aux Romains
et à leurs sujets les sacrifices humains ; les Gaulois entrant dans la
société romaine étaient soumis à >es lois générales : Auguste n'au-
lorisa que de légères libations de sang faites par des victimes volon-
taires. (2'élait enlever au culte druidique son principal attrait, ces
spectacles de mort qui, à Rome, faisaient courir le peuple entier aux
combats de gladiateurs, et qui, dans l'ancienne Gaule, amenaient
aux pieds des Druides d'innombrables multitudes.
Une autre loi, bien vieille puisqu'elle est écrite aux XII Tables,
défendait sous peine de mort les assemblées nocturnes : Qui cœtus
nocturuos a<iitavcht, capital csto. Celte loi de police fut cerlaine-
iiient mi>e en vigueur en Gaule, comme partout, et les gouverneurs,
en la faisant exécuter, ont ôté aux Druides le moyen puissant des
prédications incendiaires.
Auguste avait supprimé les associations qui n'étaient (loint consa-
crées par un sénatus-consulte : coUcii'ui, prœtrr antvjua et légitima,
dissolvit. 11 ne pouvait donc reconnaîire Texistenee légale à l'insti-
tul druidi<iue. .Mais enlever a celte grande corporation le droit de
réunion, c'était briser tous ses liens et la dissoudre.
Knlin, il déclara (jue les adbérenls de l'ancienne religion n'ob-
lien. Iraient jamais le droit de cité romaine (jui pouvait conduire
aux grandes charges de l'Hinpire, puisiju'on avait vu r<'ceminent le
gadilain Balbus revêtu de la toge consulaire. (î'était écailer de l'an-
cien culte ceux à qui l'ambition faisait tourner les yeux vers Rome ;
et ceux-là étaient tous les notables de la (iaule, ipii bienlAI, deman-
deront n Claude le droit de briguer les magistratures romaines.
Four les obtenir, même pour sollicitei la plus modeste des charges,
il fallut i-arler l'idiome de Home. Le latin, devenu la langU(! de
l'armée, de l'administralioii et des alTaires, relégua le celte au fond
des campagnes, et avec lui les croyances qu'il avait si longlemps
exprimées.
COMMKNT l'KlUT l/lNSTITIT DIlL'IltKjUK. .'{"il
Toutes CCS mesures ét.iienl encore, di; la [lail d'Auguste et aux
yeux des Hoinaiiis, l'exeicire d'un dioil et non pas une violence,
puis(iu'elk'.s étaient l'application aux vaincus de lois faites pour les
vainqueurs; mais, en les prenant, l'empereur portait un coup mor-
tel à l'inslitut druidii|ue.
Sous Tibère éclata la révolte de Julius et de Sacrovir, qui jeta
l'effroi dans Rome. Tacite la raconte sans rien dire delà répression
(lui la suivit, et (|ui, attendu le caractère du prince, doit avoir été
inexorable. Le peintre inimitable des tragédies de Home s'infjuiète
peu des sujets; aussi ne raenlionne-t-il pas les moyens employés par
Tibère pour prévenir le retour d'une rébellion gauloise. Un sénalus-
consulte perdu au Digeste, et dont on trouve l'application quelques
années plus tard, nous montre l'arme dont Tibère se servit. Afin
d'empêcher les Druides de parler au nom du Ciel à des esprits faciles
à entlaiiimei- et d'entretenir la superstition par des sortilèges et des
incantations, leurs pratiques furent assimilées au crime de magie,
qui, pour un provincial, entiaînait la mort. C'était la peine portée
par les XII Tables contre les enchanteurs, Cereri necator, et celle
que le sénat républicain avait appliquée aux fauteurs des Baccha-
nales. Le sénatus-consulte dont nous parlons (1) étendit aux ma-
giciens la peine décrétée par la lex Cornelia, « de sicariis et vene-
liciis»; les empoisonneurs de l'esprit furent mis au môme rang
que les empoisonneurs du corps. Celte loi fut appliquée sous Claude
à un chevalier romain, surpris au tribunal avec un œuf de serpent,
qui, selon la croyance druidique, devait lui faire gagner son procès.
Suétone prétend que Claude abolit complètement la religion des
Druides. Je crois que ce prince renouvela simplement les prescrip-
tions d'Auguste et de Tibère, et elles étaient suftisantes, puisque
Vespasien n'y ajouta rien après la grande révolte de 71, que les
prédications des Druides encouragèrent.
Mais on ne peut donner à des exécutions partielles le caractère
d'une persécution générale. Si un certain nombre de Druides, con-
tempteurs avérés des lois de l'Empire, ont dû périr, beaucoup ont
pu échapper par leur silence et par l'obscurité de leur vie. Ainsi
s'expliquent les passages des auteurs qui datent de Tibère et de
Claude l'abolition de la vieille religion gauloise, et de ceux qui
montrent des Druides en Gaule deux ou trois siècles plus tard. Les
dieux meurent avant que tous leurs autels ne tombent, et des restes
(1) Ex Se... ejus legis [Corn, de Sic. et Venef.] pœna dumnarijubelw qm niula
sacrificiti /'eceiit, hubuei it. Di;,'., XLVlil, 8, 13.
3:»2 IIKVI'K AIICIIKOLOGIOIK.
de druiilism»' oui Miivécu longlonips à la ruine du grand corps
sacerdotal (]ui avait gouvornô la Gaule.
Kn ri'<uniô, Auguste ne violenta pas les consciences, mais il ne
laissa point de place aux Druides dans l'organisation sociale (lu'il
donna aux provinces gauloises, elil lesrèduisitù vivre dans l'oniltre
et le silence, en leur interdisant les actes contraires aux lois géné-
rales de ri-jupire. Tilu-re leur appliiiua d'autres lois républicaines :
il proscrivit les praliijues qui paraissaient entachées de magie; et
comme les Druides s'occupaient bien plus de sorcellerie que de
science, vntes et mcdici, il se trouva malheureusement que la loi
établie pouvait les frapper.
Le druidisme était, dans l'immense empire, un corps étranger et
une cause de malaise. Les empereurs cherchèrent non pas à l'extir-
per, mais à le rendre inerte et par conséquent innifonsif. Il y eut
certainement de nombreuses victimes ; mais ni Tibère ni Clamie ne
semblent avoir ordonné la recherc>\e des fauteurs de l'ancien culte,
imjnisitio; ils ont puni les actes extérieurs, la manifestation publi-
(jue de druidisme, qui était une publique révolte contre la loi et les
magistrats. C'est la règle de conduite prescrite par Trajan à Pline à
l'égard des chrétiens : « Ne faites pas recherche des chrétiens, lui
écrit-il; mais s'ils sont accusés et convaincus, punissez-les. Ne rece-
vez pas d'accusations anonymes, et ne condamnez point sur des
soup(,'ons. » La tradition avait une grande force à Uome; les précé-
dents y faisaient longtemps aulorilé. Je crois que ce que nous savons
de la politique de ïrajan nous dit (jucUe avait été celle de Claude
et de Tibère.
11 n'est pas besoin d'ajouter (juc des exécutimis commandées par
la politiijue sont réprouvées par la con.sciencc; mais l'hisioire est
tenue de juger les anciens d'après les idées anciennes; elle iloil
chercher pourquoi ils ont agi comme nous n'agirions pas, el, dans
certains cas, elle réclame les circonstances atténuâmes au bénélicc
des persécuteurs, tout en réprouvai'! 1 1 persécution.
V. Diuuv.
BULLETIN MENSUEL
nK L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
m:)is de MAns.
M. GcfTioy, dirccleur de l'KcoIo Irançaise de Morne, signale à l'Acadc';-
mic un rt'cil en vers français de la première Croisade. Ce récit est con-
tenu dans le mannscrit n° SSi du fonds de la reine Christine. Une
seconde lettre du directeur de l'Ecole de Rome annonce la découverte
d'une iiiscription romaine importante, paraissant se rajiporter à Slilicon.
M. Victor Duruy continue la iecturt' de son intéressant mémoire sur
l'histoire romaine. 11 examine et discute les réformes religieuses et finan-
cit'res d'Aui;ustc.
M. IlomoUe, ancien membre de rKcoie française d'AIhénes, est adnds
à coinriiuniquer une noie sur le résultat dos fouilles qu'il a faites à Délos.
Une mission vient d'ûtre accordée à M. Homolle pour coniinuer ces
fouilles. Il espère, dans cette dernière campagne, achever l'œuvre si bien
commencée. Nous donnerons cette note dans un de nos prochains nu-
méros.
M. Pli. Herger lit un travail étendu sur le mythe de Pygrnalion el le
dieu phénicien Pygmée.
M. A. de Longpérier fait part à l'Académie de la découverte faite à
Tenez (Algérie)^ d'une mosaïque antique portant une inscription dont il
n'a malheureusement reçu qu'une copie incorrecte, il dépose la copie de
cette insciiption sur le bureau. 11 serait désirable que la uiosaïque de
Tenez ne fut pas détruite comme tant d'autres.
M. Pavet de Courteille communique une noiice sur le manuscrit
ouïgour de la Hililiothèque nationale. Ce manuscrit, offert à Colbert, el
dont le décliilVrement avait été vainement tenté jusqu'à Abel Rémusat,
qui n'en lut que quelques fragments, est coniplètement analysé par le
savant académicien. Les manuscrits ouigours sont de la plus grande ra-
reté. M. Pavet de Courteille rend, par cette belle étude, un signalé ser-
vice à la science.
M. L. lleuzey lit une note sur un vase grec de la Cyrénaïque apparte-
nant au Louvre, sur lequel est peint Hacchus adolescent porté sur un
char attelé d'un taureau, d'un griffon el d'une panthère. M. Heuzey ex-
plique, par d'ingénieux rapprochements, le sens de cette représentation
mythique.
M. E. Desjardins continue la lecture du mémoire de M. Tissot sur l'ex-
ploration archéologique faite par ce dernier dans la vallée du Hagradas.
A. B.
NOUVELLES ARCllKOLOGIQUES
ET GOHliESl^ONDANGE
On nous écrit de Naplos :
<( Les cierniùres fouilles de l'onipi'i ont amené la dt'couverle d'une cliar-
manle ^luluellc qui poul êlre nii<c à côlc des plus belles œuvres de l'an-
liquili'.
C'esl un Faune en bronze, qui servait d'ornement aune fontaine. 11 a
été trouvé dans une grande et riche maison située en face de la rue qui
pari du temple de la Korlunc et se dirige veis l'Kst, et dans laquelle on a
déjà des peintures et plusieurs objets intéressants.
Il est debout, lenverséen arrière, dans l'allilude de l'ivresse, le poids
du corps portant sur la jambe droite un peu repliée, tandis que la gau-
che est portée en avant. L'eau s'échappait par l'orifice d'une outre qu'il
tient sous le bras gauche et qui communique à un tuyau d'accès; la main
droite étendue recevait peut-être ce liquide qu'il regarde couler d'un œil
joyeux.
(Jette statuette est A peu prés de la grandeur du célèbre Faune dansant;
elle est admirable de verve cl d'entrain; la vie circule dans ses membres
souples et bien proportionnés, et ceux qui l'ont vue n'hésitent pas à dé-
clarer qu'elle prendra place avec le Faune dansant, le Narcisse et le Si-
lène parmi les chefs-d'œuvre de l'arl antique réunis au musée de Naples.
Particularité intéressante : le pied gauche a élé rapporté, dans une res-
tauration qui a dû être faite peu de temps avant la destruction de Pom-
péi, probablement à la suite du tremblement de terre.
Pour le moment cette gracieuse trouvaille est encore dans le cabine! de
l'inspecteur du musée, où jusqu'ici de rores privilégiés ont eu la faveur
de l'apercevoir. • {Journal deGencvc du 1(> avril.)
On écrit de Trêves à la (hizdte de Cologne que des antiquités ro-
maines \ieiment d'être di'couvertes aux environs de cette ville, sur la
rive gauche de la Moselle. Parmi les objets mis ;iu jour, on remarque des
ustensiles en fer, des épée.s un bas-relief en bronze représentant un
guerrier que couronne une Victoire. Des fouilles entreprises un peu plus
loin, pré» de Cordel, ont lait découvrir une fabrique de verre du temps
des Honiains ; un grand nombre de vases en verre de diverses couleurs
NOUVELLES AHCMKOLOGIQUES. 33ij
et des débris de verre de toutes sortos, provenant do ces fouillos, ont 6.16
transporlés au inusi'C do Trùvos.
Im MelroïKilitiiJi sMustum nf art, lu Louvre améiicain qui s'élève
dans le Central l'ark de New-York, prè's de l'onlréo de la cinquième ave-
nue, a tîtii inauguré le 31 mars par le président des Eints-Unis. Cette solen-
nité avait attiré une grande foule au Central l*ark. Les billiinenls du nou-
veau musée, construits au moyen de souscriptions publiques sous la
direction du général de Cesnoia, ne seront entièromenl atliiivés que dans
plusieurs années. Le pavillon actuel est élevé de trois étages et recouvert
d'une toiture vilrée. Au rez-de-chaussée se trouve une vaste salle des-
tinée aux expositions artistiques et industrielles. Les deux principales di-
visions du *( Metropolitan Muséum » sont pour l'instant les galeries d'an-
tiquités cypriotes du général de Cesnoia, situées au premier étage, et
celles de la peinture, de la sculpture et des collections particulières, si-
tuées au deuxième étage.
Parmi les tableaux des anciens maîtres, on remarque les œuvres des
grands peintres italiens, flamands, hollandais, et, parmi les peintres mo-
dernes, des Rosa Bonheur, des Dubufe, des Dupré, des Meissonier, des
Delaroche, des Corot, dos Millet, des Decamps. L'école américaine est
représentée par les principaux artistes des Ltals-Unis et forme l'ensemble
le plus complet des chefs-d'œuvre de l'art national américain que l'on ait
encore vu.
ITapvacT'îo;, février 1880.
INous remarquons, dans ce numéro, les articles suivants :
K. Papparigopoulos, De la leltre d'AIeiis !«'• Comnène au comte de
Flandre liobert. — K. S. Coados, Observations sur la langue (suite). —
Gr. N. Bernardakis, le Fragment d'Euripide récemment retrouvé et la tra-
gédie à laquelle il appartient. — M. P. Lambros, le Volcan Argée (avec une
ûguTc).— Mélanges archéologiques : Cavvadias, les Fouilles d'Olympie. — Dra-
gatsis, Hermès éphcbiquc trouvé nu Pirée; le Jupiter de Gaza. — Eus-
traliadis, Décret attique antérieur à Euclide. — S. K. S., le Devin Lampon.
— Romanos, Inscription honorifique de Corcyre. — Stamatelos, Inscription
funéraire trouvée prés de Vonitza. — Nouvelles : Fouilles pûtes à Tanagre.
Elles ont donné vingt-trois inscriptions funéraires et une vingtaine de
terres cuites. Découverte d'une tigure de femme couchée, en marbre
pentélique, sur la route de Phalère. Inscription de iNauplie. Fragments
de sculpture trouvés à Rhamnonte. Statue de l'Amour, découverte à
Salonique.
Le syllogue ou association qui publie le Parnasse, a donné aussi,
récemment, un couipte-rcndu des travaux qu'il a accomplis, des résul-
tats qu'il a obtenus depuis sa fondation, c'est-à-dire depuis quatorze ans.
Dans le discours de son président, M. Dragoumis, on trouvera des détails
intéressants sur le congrès des délégués des syllogues, que le syllogue
Parnassos a convoqué à Athènes. Soixante-trois de ces associations y
étaient représentées; il va sans dire que, de beaucoup, le plus grand
356 nF.VLF. ARCHÉOLOGIQUE.
nombre do ros associations n|>parlioniicnl aux pro\inces turques. Toutes
ont pour but do répandre liustructiou parmi les (.rocs; elles ftnuient des
écoles, des bibliolhùiiues, et, dans quelques endroits, jusqu'à des musées
locaux.
Ilafvadcrd;, revue pi^riodiquc cl mensuelle, nuim^rodc mars. Nous
signalerons les articles suivants :
S. Kondos,SuiV( tîca obacrvations sur l<i l'inguc ancienne. — l'appadopoulos
Kerameus, Documeitts inédits xur Diamandis Ilysios. (C'était le prand-pc^re
de Coraïs. Il a enseigné ;\ Smyrnc pendant toute la premitrc moitié du
xviii* siècle ; c'est un des précurseurs de le renaissance de l'hellénisme.)
Sakollaropoulos, La rilUi des Visons à Ilcrniiumm et sa bibUulhcquc (ana-
Ivse d'une publication italienne de Comparciti). — Jean Pio, Les dviuc frères
et lesquaranie-tieufdraijons (ce conte populaire grec, recueilli à Syra par
Hahn, de labouche d'une vieille femme, a été publié, d'après son manuscrit,
par le professeur de Copenhague). — Nouvelles archéologiques : Kuslratia-
dis, Décret antérieur à £«<7i'/e (c'est celui qui a été publié avec un précieux
commentaire de M. Foucart dans le Jhillctin de correspondance heUénique).
— Note détaillée sur la statue de ménade endormie trouvée à Athènes,
près de l'hôpital militaire. — On annonce d'Olympie qu'on a retrouvé la
léte du petit Baccbus que rHermés de Praxitèle tenait sur son bras gau-
che ; elle est pleine d'expression et tout à fait diuuc du maître. I.es pieds
de rUcrmès ont aussi été rccueiliis ; il ne manque donc plus à cette belle
figure que le bras droit. M. Curlius vient d'arriver à Olympie avec l'ar-
chitecte Adler; ilsy ont pour hôtes M. Newton, de Londres, et M. Koehier,
le directeur de l'Institut germanique d'Athènes. On avait cru que la cam-
pagne de fouilles qui se poursuit en ce moment serait la deriiiùLe ; il
n'en est rien. Le parlement allemand vient de \oter, pour la continua-
tion des fouilles, un crédit de 100,000 marcs. On attend aussi sur les
chantiers la visite du savant archéologue Benndorf, professeur à l'uni-
versité de Vienne, accompagné de plusieurs de ses élèves, ainsi que de
MM. Pétersen et (iurlitl. — I.e musée de Patissia vient de s'enrichir d'un
bas-relief archaïque et d'une statue d'Apollon du même stsle, trouvés, il
V a quelque temps déjà, dans les environs d'Orchomène, — La Société
archéologique d'Athènes vient de reprendre les fouilles qu'elle poursuit,
depuis plusieurs années, auprès du Dipylon. — Deux nouveaux fragments
très intéressants de la balustrade du temple d'AihénéNiké viennent d'être
retrouvés dans l'acropole ; l'un représente une Victoire en n)aiche, l'au-
tre une Victoire immobile et debout ; à cette dernière manque la télé. —
On annonce de Naupliedenouvellesdécouverles d'objets analogues à ceux
qui ont été recueillis à .Mycénes et A .Spata ; ils proviennent de tombes
qui viennent d'être ouvertes ; ils appartiennent au même art et présen-
tent les mêmes motif».
l.t's Mémoires de l'Académie de Berlin contiennent, dans le volume
de 1879, une intéressante dissertation de .M. Krnest Curtius, qui a été
tirée cl mise en vente à part sous ce titre : Dus Archaische Bronzerelief
NOUVKLLKS ARCHIvOLOGIQURS. 357
aus Olympia, avec trois planclics ol sept bois (en dépôt chez Dummlcr).
M. Curtiu3 y étudie, à propos d'une pluquc de bronze travaillée au
repouj^sé et A la pointe, les procédés de l'art ^tcc le plus ancien et le
passa^'c (lu style oriental, imité surtout des lapis, ;i un style plus libre,
où les ouvriers grecs commen(:ont ;l introduire des scènes ernpiuiitées à
leurs mythes propres. On a ici une surface divisée en quatre zones
superposées. La zone inférieure représente une Artémise persique, ailée,
tenant en main deux lions; celle qui vient ensuite, Hercule perçant de
ses tlèclies un Centaure ; la troisième, deux grillons affiontés ; la qua-
tiiéme, trois aigles. Cette plaque va ?c rétrécissant de bas en haut ; elle
devait être api)liquée sur un des côtés d'une base quadrangulaire. Les
remarques ingénieuses et fines abondent dans ce mémoire; .M. Curtius
arrive à la conclusion que celte plaque serait vraisemblablement anté-
rieure au coffre de Kypsélos.
Bulletin de rorrcapondancc hellénique, mars et avril 1880 :
Max. Collignon, Note sur une grotte décorée de bas-reliefs présde Korykos.
— Jules Martha, Inscription de Rkodcs : donation au profit d'une commu-
nauté d'éranistes. — 0. Riemann, Notes sur l'orthographe attique. — E. Pol-
tier et A. llauvetle-Besnault, Inscriptions d'Erytrces et de Téos. — Th. Ho-
moUe, Supplément à la chronologie des Archontes athéniens postérieurs à la
122° Olympiade. — H. Potlier, Objets de broîize conservés au musée du Varva-
keion. — L. Duchesne, Les nécropoles chrétiennes de l'Isaurie. — M. Beau-
douin, Fragments d'une descripttion de lArgolide, faite en 1700 par un ingé-
nieur italien. — Th. Homolie, Dédicaces détiennes. — P. Foucart, lHsenp(«o?t5
d'Eleusis du V" siècle : consécration des prémices des récoltes aux déesses
d'Eleusis (d'une importance capitale pour l'histoire de la constitution athé-
nienne; rôle curieux joué par le devin Lampon). — E. Pottier, Fragment
destéle archaïque provenant d'Abdére. — J. Martha, Inscription relative à un
stratège de laparalie. — Planches : II, bronze du Vaivakéion; VIII, stèle
archaïque d'Abdére; XI, grotte prés de Korykos; XV, inscription d'Eleusis.
BIBLIOGRAPHIE
Antichitati Scythice ; Cunun'n mart d'in thesaurulu de In Novo Co'cask eu
f'iirin (isfui^r a unoru giuvcllc Scyt/ticc d'in Museulu Ertnilar/iu/ui de la St-
Prtershurgn.
Antiquités Scythiques ; La [p-ande couronne de Novo Tclierkask, avec des
cùii.sidci(itioiis sur diver.^ Iiijoux scj/l/iùjiirs du musée de l'ErnuIdge à Saint-
P^tersbnurg ; par A. I. Odouesco, professeur d'arcli(5nlopie à l'Université de Buca-
rest. Extrait du tome XI, sect II des Antudcs de l'Académie roumaine. 1 vol.
in-'jo, de 1 H papes v\ 22 planrhes, dont deux cliroinolitliograpliies ; Bucarest,
1879, et Paris. Cli. Klincksieck, libraire do l'Institut de France, et Ern. Leroux,
libraire de la SociOté asiatique.
Le remarquable mémoire de M. Odobesco comprend plusieurs divi-
sions, dont voici le sommaire :
Préliminaires.
I. Description de la grande couronne de Novo Tcherkatk.
II. Sa forme. — Le style de ses ornements. — Procédtîs lechni(iiies. —
La grande phalùre et autres joyaux en orfèvrerie cloisoiiUL^e du
musée de l'Ermitage.
IIL Ornements de la couronne. — (Quadrupèdes : hennés et chèvres de la
Sibérie. — Les coiffures antiques ornées d'effigies animales. — Le
culte de la déetse asiatique Anaïlis.
IV. Continuaiion du précédent. — Volatiles : Epeniers et colombes. —
Les oiseaux de la source Ardouissour. — L'oiseau rapace des Scy-
thes. — L'aigle bicéphale de la Ptérie. — Leurs dérivés.
V, Fin des ornements. — Végétaux : V Aristoloche clématite. — Analogie
des vertus attritjuées à celte piaule avec celles de la Mandragore. —
.Minéraux : le camée en ainélliysle {Geua Veneris) et les autres pierres
précieuses. — I-a couronne ainsi que toutes les pièces du trésor de
Novo Tcherkask sont des joyaux féminins.
VJ. tpoquc de la fabrication de la couronne. — Les peuples de la Scy-
tbie. — L'ait chez les Scythes. — Origine de l'orfèvrerie cloisonnée.
Appendice : Description du reste des objels qui composent le trésor.
Kxplicalion des planrhes.
Avant de développer cet intéressant prugiauime, il me parait utile
d'exposer briévi'i.ieiit les circonstances de la découverte de Novo Tcher-
kn'V et de présenter l'inventaire des objets qu'elle a fournis.
\:j\ \f<()i, les travaux exécutés à Novo Tclieik:i>k iDoti inférieur), pour
l;i construction d'un aqueduc, etilamrient un petit kounjauc, nuinmé
BIHI.IOC.HAl'Hli:. '{oW
K!i(«kl)l,irli, où l'on Irouva, lisposi's en (ju;ilr(î las, dans uiiii cijuche
d'argile rapportée : i" une couronne d'or laminé, ornée de pieiics de
couleur, de perles flnes, d'un husle de femme en amélliyste, d'animaux,
plantes et pendelo(iues en métal; 'i<* un second diadème, en or massif,
ciselé; 3" une paire de bracelets hélicoïdes, de môme matière et de
m^me technique; 4" une pyxide ronde, nmnie de béliéres, or gemmé et
ciselé; '6° deux boîles allongées en forme d'étui, avec chaînettes de sus-
pension; le premier objet est analogue aux pyxides, le second est revêtu
d'un cloisonné polychrome ; 6" un flacon (ampulla), or gemmé, chaînette ;
7° un cylindre creui, d'agate, emboîté dan^i le ])rotnme et le train pos-
térieur d'un lion en or; 8" une figurine d'Éros Aulctés,OT, bonne époque
de l'art; 9° deux coupes sphéroïdales en or, an.^c unique, tournée en
oreille; 10° un nombre considérable de petits bijoux d'or découpé, quel-
ques-uns incrustant des pâtes colorées. Je passe sous silence des vases
d'argent et de bronze, des restes de fil d'or, d'informes débris en argent,
les fragments d'une statuette en terre cuite, enfin des os de cheval.
Il n'y avait pas à en douter : cet attirail faisait partie du mobilier
funèbre d'une personne inhumée sous le remblai; et l'absence de tout
squelette humain porta à croire que la tombe principale, située au centre
même du kourgane, restait encore à découvrir. En effet, un savant explo-
rateur, M. Tiesenhausen, arrivé là par hasard, procéda à de nouvelles
fouilles qui, négatives au point de vue du collectionneur, démontrèrent
victorieusement qu'un cadavre reposait au sein du monticule, et que son
dernier asile avait reçu la visite sacrilège d'une bande de pillards : les
objets repris sur l'inventaire appartenaient à une anne.xe respectée par
les chercheurs d'or. La tombe royale de Koul-Oba et les récentes obser-
vations de M. Tiesenhausen dans les kourganes des bords du Kouban
(région caucasique) permettraient certainement de reconstituer l'ensemble
delà sépulture du Khokhlach.
Un léger échec n'était pas de nature à reijuter l'intrépide membre de
la Commission impériale archéologique russe : un petit tumulus, voisin
du Khokhlach, ouvert par ses soins, rendit trois Kamcnnaia baba, statues
en pierre grossièrement sculptées; l'une d'elles, représentant un guer-
rier à moustaches, cuirassé, casque pointu et pendants d'oreilles, sortait
du type ordinaire de ce genre de figures. F.a poursuite des fouilles con-
dui»it à cinq cavités qui renfermaient des restes humains, des os de che-
val, des poteries, des bijoux en coquillages, rien où l'art eût quelque
chose à prétendre.
Vers l'époque delà découverte du trésor de Novo Tcherkask, on trouva
également, sur le territoire des Cosaques du Don, d'autres antiquités non
moins remarquables : un bracelet d'or tin, enrichi de pierreries avec
une grosse cornaline au milieu; une couronne du même métal, haute de
444 millimètres, crételée de denlicules arrondis, ornée de pendeloques
et d'Amours ciselés (poids 494 gr. 8;)C.); un vase sphéroïdal en or, ana-
logue aux coupes n» Ode Novo Tchorkask, oreilh unique en forme de
300 UEVIIK AncMF.oi.nr.KU'E.
lynx, col entouré d'iiii l)<inileau losant^é dont les alvt^oles mo semblent
avoir incrusté des ^'leiiats (poids 31»'^ gr. .'i34). Au-dessous de la lùvre, on
lit rin'^criplion jrrrcquc suivanlt». IraciW'nu |)(iintill6; elle donne la signa-
ture de l'ouvrier ;\ tlcini barljare qui fabriqua le \ase, et probablement
aus.oi le poids du mi'tiil :
ZHBANOKOYTAPOYAAC EnOIEI XP MH(t).
La lecture de mon aperçu, si écourté qu'il soit, a dt'jà fait pressentir
que l'art tlassiquo joue un rôle fort sccomiairc dans les M'[)ullun.'s tanni-
diennes. Au lifu dos mc'r\eilles conlomporaines de l'ériclùs ou li'Alexan-
dre qui fourmillent à l'enlour de Kertch, nous nous trouvons ici en pré-
sence d'œuvrts éj^alemenl remarquables, mais où la rudesse du travail,
l'rtrangelé des types, accusent une influence nouvelle que l'Asie seule a
le droit de revendiquei-.
La pièce capitale du trésor de >'ovo Tcherkask, la grande couronne,
est un dindùme formé de deux larars d'or superposées, réunies ensenible
par un étroit rabattu; elles déterminent une ellipse, dont l'axe longitu-
dinal mesure 20 centimètres, l'axe transversal 17 centimùlrcs. La hau-
teur, de ut> millimétrés nu front, va en diminuant li'gùrcmtînt jusqu'à la
nuque. Deux charnières interrompent k; bandeau vers les oreilles et aug-
mentent sa flexibilité. Sur la lèvre supérieure couraient des mammifères,
des plantes et des oiseaux ; ces derniers seuls restèrent soudés à leur place
primitive; un certain arbitraire a présidé à la répartition des autres orne-
ments : vinglel un pctiis ]àvolssurgis<aienl du plan de lalèvre,on y a liclié
lei pieds de trois reuues et d'un bouqueliu repouïsés daus une épaisse
feuille de métal. Ces animaux, vus de profil, marchent : deux cervidés et
le bouquetin de gauche à droite; le troisième renne de droite à gauche.
Les cuisses, les omoplates, les yeux et les oreilles offrent des cavités qui
sertirent probablement des turquoises; des alvéoles analogues marquent
les rugosités de la corne du bouquetin; un annelol sort de la bouche.
L'exécution décèle une incontestable barbarie, mais aucun trait caracté-
ristique n'est omis : on reconnaît le Cenus tavandus à sa ramure projetée
en arrière et ù. ses sabots effilés; ï'ibcx à sa barbe et à ses énormes
cornes recourbées en arc.
Lntre les pivots apparaissent quatorze ouvertures; dans celles (jui cor-
respondent aux tempes, on a inséré une plante sai menteuse, aux feuilles
cardimorphcs et retoml)ant(.'S, (|ui niid parfaitement l'aspect de VAristo-
lorhia dem ilis de Pline.
1) L'u o'Jeis f.iiviini partii! dfi celti; di-rnicrc iroiivaillt! ont l'ii'; vendus ii un m^gn-
ciaDt : M. le coniie Alcxih OuvarofT est aujourd'liui propriiUairc du vosi' do Tcliiban
Kouiaroula», vasodont j'ai loiiRuenicni parlé, On//, dr l'urff'vrene rloivinnér, t. il,
p. l.Sî à t58. Quant aux di'couvirlcs do M. TioBcnliauson, elles apparlienneiil ou
mutée de l'ErmiiaKc, ii Sniut-Pétcrbtraurf;.
itiiii.iocit vi'iiir:.
-m
Deux oiselets n'ont pas bougé, on les voit X la partie postériourfî .le la
couronne; ils sont au repos, les ailes repliées, un annclct issant du bec.
Un cloisonnage, hélas 1 veuf doses gemmes, exprime la majorité des
plumes siiniiK'es sur la poitrine par des inibricalions gravées (1).
Le reste des pivots (il devait en exister viri'^t-quatrc) supportait à
coupsûrun renne et un bouquetin absents; mais cinq lacunes demeu-
rent à combler : trois par devant, deux par derrière. Ouels objets com-
portaient ces places vides? Voyait-on sur le front d'autres aristoloches,
ou bien un ornement spécial? Des oiseaux décoraient-ils l'occiput? La
réponse est diriicile, sinon impossil)ie (2).
Les pendeloques qui garnissent la lévrc inférieure uni la forme et les
dimensions de grains d'avoine en balle ; elles sont striées, accrochées au
moyen d'anneaux et surmontées d'élégantes rosettes.
Malgré les perles qu'il a subies, le champ de la couronne a conservé
d'assez notables portions de son décor pour [)erraetlre de le restituer. Au
haut et au bas régne un cordon de perles fines alternant avec des astra-
gales métalliques; ce cordon est prolongea l'intérieur par un rang de
disques accouplés et posés de champ ; les intervalles qui séparent les
couples (1 centimètre) montrant encore des rudiments d'attaches, on
peut en conclure qu'ils étaient occupés jadis par des chatons ovoïdes.
A la correspondance du front surgit une ti!te de femme, camée en
améthyste d'un puissant relief et d'un admirable travail; la- couche supé-
rieure de la pierre, réservée aux cheveux, est violette; les carnations,
taillées plus avant, sont blanchâtres; le col, onduleux, s'engaine dans
un buste d'or ciselé, dessinant un chiton qui voile chastement le sein. La
figure se présente de face : les yeux sont grands ; le nez, un peu endom-
magé, et la bouche ont un caractère sensuel; la physionomie est calme,
plutôt douce que sévère. La hauteur totale du système est d'environ cinq
centimètres. Au sommet du crûne, on a lourdement posé un magnifique
rubis cabochon, dont la sertissure à biseau est retenue par des griffes
denticulées; aux oreilles sont fixées des mortaises en or simulant des
enotia, et, plus bas, deux perles assez grosses. Ces annexes, destinées à la
consolidation du camée, offrent la môme technique que le reste de la
couronne; elles n'ont aucun rapport avec la tête, qui est de style grec et
d'une excellente époque.
A droite de la tète s'étale un énorme grenat, cabochon ovale, long de
37 niillimèlres, haut de 18 millim.; puis vient une hyacinthe, égale-
ment ovale; après la charnière, une aigue-mariue carrée; enfin la place
,1 Dimensions approximatives : mammifères, iongiueur, 25 millimètres ; végé-
taux, hauteur, 4 centimètres; oiseaux, longueur, 2 centimètres. Sauf les derniers,
toute celte oruementatiou conserve-t-elle en réalité sa disposition primordiale?
(à) Je partage les scrupules de M. Odobesco quant à la forme réelle de l'oroe-
ment antérieur; la présence de deux nouveaux oiselets sur l'occiput est tellement
vraisemblable que je crois pouvoir l'admettre sans réserves.
:16V iiKvi'i'. Miciir.oi.DC.iguK.
dune gemme absctilc. Kalrc lu grenat el l'Iiyacinlhe on voit un oiseau
do face, aigle ou chouotle, au vol abaissii : comme les mammifères de la
cr»^;o. il Cil on or repoussé; sa poitrine ol ses cuisses incruslenl des
aiiiandi's (!«' turquoises; dos traits i^ravcis rendent le plumage. Tn sera-
blaltio volatilo couvrit assuri'ment jadis los opacoà dénudés qui séparent
les autres pierres. Le décor séne-^tre, identique au précédent, est encore
moins l'ion conservé; il ne possède plus qu'un oiseau cl une hyacinthe
symétrique. Les pièces do rapport, b.lles, mouture de la tête, oiseaux,
sont soudées ;'i la plaquo excipiontc; colle plaque osl en uiitre semée de
perles lines, de globules en cornaline ou on Norre vert clair, peilorés et
fixés au moyen de liges mélalliquos.
Un dernier détail technique : le vide ménagé enlrc les deux lames du
bandeau est rempli d'un mastic friable et noirâtre, mixture de terre
glaise et do résine.
Au poinl de vue de la forme, la grande couronne de Novo Tclierkask
est une rémiuiscence de la sphcndunc antique, réminiscence où les élé-
ments grecs ne font pas absolument défaut; mais, i côlé du camée el des
pendeloques, nous trouvons l'art incorrect el les procédés techniques qui
caractérisent les objets trouvés ùans les sépultures barbares de la Russie
méridionale. Toutefois, si le bassin du Dnieper et la Ciimée, comme les
rives du Don, abondent en représentations animales appliquées au décor,
elles ne sont pas moins fréquentes dans les réj^ions du Volga, de l'Obi et
de rirtisch.
11 est alors i remarquer que plus on s'éloigne des bords de l'Luxin,
c'est-à-dire des centres liollénisés, plus les objets que l'on rencontre sont
soumis à une intluence dont le point de dépari est ésidemment l'Asie
intérieure (1). Tel est le cas des mammifères qui surmontent la grande
couronne de Novo Tcherkask; leurs (ormes rudenienl charpentées, leurs
incrustations de turciuoises, leur habitat, les rangent incontestablement
dans la catégorie des bijoux provenus des sépultures ouralionnes. Helali-
vement aux types ornithologiques, les petits oiseaux cloisonnés, s'ils
étaient des canards, ne seraient pas étrangers au symbolisme gréco-
scyilie de la Tauride, qui appliqua ces palmipèdes au décor du célèbre
aryfjalle de Koul Oba et de divers autres vases (2); mais la technique
propre à iius volatiles, qui sont eu réalité des colombes, l'oiseau cher à
Vénus, n'a rien d'occidental.
Kn dehors de la Scandinavie, les régions éloignéesdu cenlrede l'Lurope
n'ont fourni jusqu'à présent que de bien rares spécimens d'orfèvrerie
(i; Los rcciiii'-i 11.;. i)un rti s ili- .M.M. Ticsenliauseii et G. Filiinonov dans lr>
régioos du Caucasj |icriiicltcnt il'étubtir iK.'tiuiiient cotte diatinclioii ; le toini; III des
(Jri'jifies t/e i'orfpvrerw rlomuiuiée en coritii;udra plusiiMir.s exemples frappaïU.H.
(2) De» bractée» greciucs de la Tauride reprilsi-nlciit un ai^te au vol alniissé,
mais on ne saurait lu confondro avec les oiseaux analogues ite notre courouue;
rien (Je comuiun entre eux nuo l'ultiiude.
IIIIII.IUCUM'IIIK. 'MV.i
cloisonn(5e ; n(^anmoins qiiolqucs-uris cxlium<i3 au siècle dernier, sur les
ConGiis asialique» de l.i Hussie, sont venus accrollre les richesses du mu-
sée de i'Ermilage. Ces bijoux déraonlrenl que les procédés du cloison-
nage furent usités, dans les susdites régions, à une époque où l'industrie
locale des métaux précieux vil convergorà son profit deux courants ailis-
liqucs opposés, partis d(i l'est et de l'ouest. Tels sont : un praud rap«ce ter-
rassant un b)uquetin (i); une sorte de poisson ;\ t(Me d'oiseau; un éper-
vier posé sur un cygne; enfin d'autres fragments moins caractérisés. De
pareils objets, qui constituent évidemment les plus anciens spécimens
d'un art industriel propagé ensuite en Kurope par les envahisseurs gen-
maniques de l'Empire romain, établissent que les éléments grecs de notre
couronne ne sont que des superfiMations accidentelles, superfétaiions
dont on connaît ailleurs maints exemples. Du reste, aux dimensions et à
certains détails prés, le diadème de Novo Tcherkask rappelle les coiffures
royales des Arsacides (2); nous n'avons pas sous les yeux une simple pa-
rure funèbre où l'on a économisé la matière, mais bien une véritable ci-
daris, solidement construite pour servir à une personne vivante.
Anaïtis, Anahid ou Nana, Mylitta, déesse vénérée en Asie depuis les
bords de l'Euphrate jusqu'aux côtes de la mer Noire, et que la Tauride
adorait également sous le nom d'Arlémis Agrotera, s'offre avec les dou-
bles attributs de Diane et de Vénus Astarté; elle représentait dans tous
les cas la force productrice de la nature. Or il est indubitable que des
animaux et des plantes furent particulièrement consacrés à une divinité
aussi répandue. Des vaches paissaient à son intention dans les plaines de
la Mésopotamie ; le cerf accompagne les images de la Diane éphésienne,
dont l'ori.Lîine asiatique est évidente, et ce ruminant forestier était le fa-
vori d'Anahid. Appuyé sur les excellents travaux de M. G. Perrot, l'au-
teur reconnaît que les bas-reliefs de la Ptérie, étudiés par ce savant, re-
présentent la fête des Sacées, instituée en l'honneur de la Diane orientale ;
un bouquetin y figure vraisemblablement aux côtés de la déesse. Le même
animal, fréquent sur les monuments de la glyptique assyrienne, inter-
vient directement dans une circonstance relative au culte de Mylitta. Un
cylindre babylonien montre une femme debout sur un lion couché; la
cidaris qui la coiffe, l'arc et le carquois qu'elle porte, les emblèmes sidé-
raux qui l'environnent, caractérisent suffisamment la divinité euphrati-
que: devant elle, un personnage en adoration; plus loin, deux bouque-
tins entrecroisés (3). Sur une aiguière sassanide, trouvée au siècle dernier
dans le gouvernement de Perm et publiée par le président de Brosses,
(1) Antiq. srijth., pi. XI; Orig. de i'orf. dois., t. Il, pi. XII.
(2) L'espace me fait, hélas! défaut pour entrer d.uis tous les développemenis
apportés par M. Odobesco à la question dt-s coiffures arsacides ornées de figures
animales et principalement de cerf?.
(3) Je risque une interpréiaiion qui n'est pas conforme à celle do M. Lajard,
Rech. sur le culte de Vénus, p. 570, ni. VIII, fi^'. 1.
364 RRVUK ARCilKOLOOlOOR.
on voit Anaïlis sons une archi\ullcoù courent dos colonihcs idcnliqnes
aux petits oiseaux cloisonnés de la couionue de Nuvo Tclicikask; A droite,
un enfant nu, chargé d'un bouquclin.
l.'expiicalion des rapaccsau vol abaissé, qui interrompent les cabochons,
est nuiins claire; aux exemples déj i cités, M. DiioLiesco en ujoule beau-
coup d'autres, car «le tout temps les Orientaux uni alTecliomiù l'aigle et la
cliouctie symboliques; mais un seul détail des bas-reliels delal'it'rie ten-
drait à établir la connexion du premier avec l'Anabid des Iraniens, tandis
que la seconde tête des oiseaux bicéphales, qui figurent dans la représen-
tation des Sacées, pourrait être un emblème de la chouette, vénérée chez
les peuples tuuraniens de la Scylliie.
l'iine parle assez longuement des vertus de l'aristoloche en général, et
de l'aristoloche clématite ou pontique en particulier, pour qu'il soit fa-
cile de comprendre que cette plante sarmcntcuse devait <^lrc cliéic à Vé-
nus. Ellejouail dans la pharmacopée aphrodisiaque du monde classique
le rôle du /lôm chez les Haclriens et de la mandragore en Asie Mineure. Au
jiujel de la n)andragore, qu'il me soit permis de reproduire une note qui
n'est pas la moindre parmi les curiosités dont abonde le Mémoire de M. Odo-
hesco; on l'a malheureusement rejetée à la lin du volume, i une place
où l'on n'ira guère la chercher.
Pendantque M. ledocleur Hrandza explorait la Houmaniepourcn étudier
la llore, il apprit d'un garde-forestier des montagnes voisines du cou-
vent de Niamtzo (Moldavie occidentale), lieu fertile enmandragores(Atropa
helladona), que les vieilles villageoises savaient faire des charmes d'amour
(a face tincriloru Je dra(jos(i'),en conduisant la nuit les jeunes lllles qui dé-
sirent être aimées dans les clairières où cette plante ciull abondamment
et atteint des proportions gigantesques. Sur les toufles du végétal fatidi-
que, les charmeuses font déposer à leurs clientes trois bouteilles de vin,
trois pains et trois écucUes remplies de comestibles; puis, autour du tas,
on danse une ronde en chantant une évocation dont le refrain répète in-
cessamment le nom de la mandragore, qualifiée de grande dame ou reine
{Domna marc). Il est évident que celte pratique superslilieuse est un sou-
venir populaire de la croyance professée pur l'antiquité à l'égard des ver-
tus aphrodisiaques de la mandragore. .Notons encore que les paysans rou-
mains attribuent les mêmes propriétés mystérieuses à une espèce de
fougère, appeléeà cause de cela Navalnicu (précipiteur). On croit, eneffet,
qu'aux réunions dansantes les jeunes gens courcMit de préférence vers les
filles qui cachent dans leur sein une feuille de la plante magique (1).
Le second diuilèmc (poids UiW gr. •ilt)), beaucoup plus haut au front
qu'à la nuque, offre deux rangées d'animaux fanlasiiques, séparées par
une lripl(! moulure loiique. I.e rang inféiieur est priy dans lu masse; le
rang supérieur forme une créle décou[iée; les yeux et les membres sont
(I) Page 13'.i. — l.c qualilicalif Dumfiu marr, attribué A la niaïuirngon', im<
ii'*nible contenir un<- allusiun diructe ii la Mnijna Mater des Anciens.
ninMOOR\PHiE. 365
incrustés do turquoises. I.e travail montre les mômes caractères que la
faune de lacoifliire ii" 1 (I). I,os hraceiiîts se coinitosciit d'un pircii sys-
tème do monstres incrush's ; j'en dirai autant do la pyxido, de Vampulla
Cl de IV-lui ciselé; l'étui cloisonui!, avec ses triangles bleus et rouges, doit
être misa part. Tout compté, sauf le camée et l'Éros Aulélés qui sont
occidentaux, les petits oiseaux, l'étui cloisonné et le cylindre d'apaie
qui aitparliennent à une teciiniijue spéciale, l'ensenihlo du trét^^or de
Novo Tclierkask accuse une complote unité de fabrication. I.a défunte
(le squelette trouvé à l'intérieur du hourganc ne peut Cire que celui
d'une femme) a été inhumée avec une parure exécutée par une seule école
d'orfèvres, sinon par un seul orfèvre; cette parure, faite exprès pour la
personne, alors qu'elle vivait encore, l'accompagna dans la tombe; le
reste de l'écrin provenait de sources diiïérentes.
Voici que je manque à ma promesse et que je donne des conclusions
prématurées sans attendre celles do l'auteur que j'analyse : retournons,
pour ne plus les quitter, aux Antiquités sojthiques.
Je résume. — Le symbolisme animal et végétal de la grande couronne
de Novo Tclierkask est en connexion absolue avec le culte de la déesse
orientale qui réunissait le double caractère de Diane et de Vénus.
— La coiiïure, fabriquée pour une adoratrice de la divinité tanaïdienne,
date d'une époque où les souverains de l'Asie avaient coutume d'orner
leur tète de pareils diadèmes emblématiques.
— L'époque susdite comprend au moins quatre siècles, mais on peut
restreindre une période trop vaste aux cinquante années qui précèdent
l'ère cbrélicnne et aux cinquante qui la suivent. Les trésors lapidaires et
artistiques de Mitbridate Eupator, l'intéressante histoire de Pythodoris,
reine du Pont, où Anaïtis était particulièrement honorée, autorisent celte
délimitation, contre laquelle le camée et l'Éros, bien qu'ils témoignent
d'un art très relevé, ne fournissent aucune objection sérieuse.
Au centre de l'isthme caucasien habitaient les Aorses, peuple qui
transportait au nord les marchandises venant du sud, et que le transit
enrichissait considérablement. Par l'intermédiaire des Aorses, les négo-
ciants perses et indiens entraient en relations commerciales avec les
luétallurges ouralicns : Arimaspes, Gryphes, llyperboréens ; en langage
moins poétique, Tschoudes. Les anciens Cimmériens, que les Scythes
avaieut jadis refoulés vers les rivages septentrionaux, étaient, à l'époque
de Strabon, établis à nouveau sur les territoires du Palus .Méotide, où ils
vivaient à proximité des Vanes, ancêtres des Slaves. Les rives du Tanaïs,
• (1) Les anLuaux sont disposés en file, cliaque file marchant en sens inverse. Sur
la crête on reconnaît des grilTons aptères; je m'abstiens ici de mentionner es
autres. Grand diamètre, 175 millimètres; hauteur du frontal, CO millim.; idem à la
nuque, 20 millim. — La collection sibérienne de l'Ermitage possède une couronne
analogue, dont le bandeau, sommé de félins couchés, est partout d'égale hauteur
{^Anti']. scyth., pi. VI, fig. 1 ; Orij. del'ovf. cloison., t. H, pi. XV, fig. 1).
XXMX. 18
aCG nr.vLR arciiéologioue.
cl en particulior rrmjiori»r;j de ce nom, voyaient donc alors se coudoyer
nombre d'cU'ments etluiogrHjthiqucs tr^s divers; les uns adonm^s au
commeice ou à l'agricullure, les autres tout simplement pillards. Tel
6'oiïrait l't^tat du pays aux dt'buls de la grande lutte engagée cuire Home
el la l'erse, pendant le court intervalle qui relie les temps antiques à
Vive modcme. Cet 6lal permet l'explication de la singulit"îre hétiTOgé-
néiliî de détails qui r«>gne dans le trésor de Novo Tcherkask.
La grande couronne, principalement, confirme l'Idée d'une fabrication
locale. Nulle part, ailleurs que sur les bords du Don, on n'aurait pu ras-
sembler tant d'éléments disparates pour en former un tout eu l'hon-
neur de la divinité tanaïdienue, ;\ savoir : une œuvre de glyptique
grecque, des symboles perses et ouralo-altaïques, enfin les produits
d'un art nouveau, l'orfèvrerie cloisonnée, art qui, venant sans doute à
peine de naître dans ces parages, fut adopté avec empressement par les
Goths, peuple jeune, vigoureux, enclin à l'ostentation, essayant déjà ses
forces et s'initianl aux arcanes industriels dans les riches cités du Pont-
EuxiD.
Le diadème massif, les bracelets, la pyxidc, le flacon, l'étui ciselé,
tous ornés d'animaux plus ou moins monstrueux, ont un caractère parti-
culièrement SL-plentiional, c'est-à-dire empreint d'une influence toura-
nienne ; l'étui polychrome se rattache aux petites colombes cloisonnées ;
le tube d'agate, avec ses terminaisons félines, rentre dans l'esthétique
iranienne.
L'existence d'une fabrication locale est démontrée par le vase lanai-
tique de M. le comte A. Ouvarotf, qui porte la signature de l'orfèvre
gréco-scythe Tcbibano Koularoulas.
On peut conclure cniiarlie, des faits exposés ci-dessus, que le trésor de
Novo Tcherkask renferme les prémices de l'art industriel qui produisit
les merveilleux bijoux de Pétrossa, les ornements do Childérlc, les cou-
ronnes de (.uarrazar, enfin cette innombrable muUitude de pièces cloi-
sonnées ou gemmées dont regorgent les collections de l'iùirope et dont
le chifl're est journellement accru par de nouvelles décou\erlcs.
« Les Scythes ont exercé avec quelque succès l'art de l'orfèvrerie,
auquel ils attachaient un très grand prix; à la pratique de cet art ils
appliquaient, fcclon les localités, les idées esthétiques et les procédés
industriels de la Crèce et de la Perse, pays avec lesquels ils so trouvaient
en contact... Selon toute probabllilé, l'orlèvrerie cloisonnée nacjuil en
Scvthic, ou du moins elle y prit une consistance eilcctive et un dévelop-
pement considérable. Les peuples gothiques des premiers siècles chrétiens
s'appruprii'ienl bien vite un genre décoratif qui leur plaisait, et ils le
colportèrent aux quatre coins de l'Luropc.
« Ue celte fai.on, l'orfèvrerie cloisonnée, — l'art préféré des Ccr-
mains — qui, dès l'aubo de l'ère ntoderno, a été la première manifesla-
lion esthétique des peuples nord-européens, a dû tirer son origine, non
pas de la décadence du goût cl de la d ciépilude de l'art classique, non
nTBLior.nAPHiE. 307
pas davanta2;p. d'ompriinls directs Tuils aux civilisations oricnlales, mais
surtout de l'ailoptiuii t'I de la traublormiliou par les (iolhs d'un ^'erire
décoratif spécial, pratiqué pondant les longs siècles de l'antifiuilé sur le
territoire scytliique (I). »
En voili assez, je crois, pour inspirer io désir de lire le beau volume
de M. Ddobesco. On reprochera peut-être à l'auteur d'avoir écrit dans
une langue qui n'est guî-re usuelle; mais, voulant proliler de l'hospita-
lité qui lui était olVerte dans les yl«»a/cs Je l'Académie roumaine, il lui
était impossible d'agir autrement. D'ailleurs le roumain n'est pas un
idiome qui soit trop rebelle aux latinistes; en outre, les Antiquités sey-
thique.<; sont éraaillées de citations grecques, latines, françaises, alle-
mandes et anglaises; citations pleines de curieux renseignements biblio-
graphiques. Plusieurs gravures sont intercalées dans le texte, et je signa-
lerai, parmi les planches qui représentent la majorité des objets mis en
discussion, les n"* I et XI, deux splendides chromolithographies qui font
honneur à rétablissement Soccc Sandcr et Teclo, de Bucarest.
ClIAIlLKS DE I.INAS,
Miiiil)r(; lioiiiirairo dn l'AcadOinio roiiniaino.
Real Encyklopaedie der christlichen Alterthuemer nntnr Mitwirkung
nielirerer Faciigenossen bearbeitot und hcruusgogebcii, von F, X. Khaus. !'« li-
vraison. Un caiiicr de 96 pages in-8, clicz Elerder, à Fribourg en Brisgau.
jM. le docteur Kraus, l'homme qui, au delà du Uhin, a le mieux étudié
les premiers siècles de l'Église, publie, comme on l'a déjà fait en France
et depuis en Angleterre, un grand Dictionnaire des antiquités chré-
tiennes. La première livraison de cet intéressant recueil vient de paraître
à FribourR en Brisgau, chez l'éditeur Hcrder ; les autres fascicules,
nous promet-on, vont bientôt suivre. En rendant un complet hommage
au savant chanoine Martigny, le véritable créateur de cette sorte d'ency-
clopédie, M. Kraus, placé en pays protestant, a plus parliculièi-ement
insisté que l'auteur français sur les questions controversées. De nom-
breux collaborateurs italiens et allemands sont venus l'aider dans sa
pensée et dans son entreprise. La Rcal-Encydopœdie der Christlichen Alter-
thùmer écaric les questions politiques et littéraires qui se rencontrent
dans l'histoire de l'Église primitive; elle se borne à Fctude des antiquités
proprement dites, en ce qui louche l'art, la vie privée, le culte, le droit,
l'administration chez les premiers chrétiens. Le côté monumental prend
ainsi les premiers pas dans ce livre, où, par une innovation heureuse, les
renseignements bibliographiques sont très largement étendus. Les grc-
(1) Pages 121, 121'. — Je ne partage plus entièrement les idées de M. Odobesco
sur l'origine de rorftvrcrie cloisonnée; il a très bien su le faire entendre dans une
note. Toutefois la question ne me semble pas encore assez mûre pour lu discuter
ici, et je persiste dans mon rôle de simple vulgarisateur. Les récentes découvertes
du Caucase, que j'étudie en ce moment, éclaircirout peut-être le mystère ; <■ peut-
être » est soulitrné avec intention.
368 RF.VOK ARCHÉOLOGIQUE.
Turcs qui accompBgnent los arlicIcB y sont semres avec profusion. A
coUos liu Diiliduiinirp tic Marlipny, que l't'dihMir a yu acqiK'Mir, on on ii
joint encore it'nutro?, exrculécs il'npii's des recueils ^prciaiix. l'arnù ces
articles illuslrt^s, je citerai, comme se recommandant àl'atlcnlion du lec-
teur, ceux qui portent les titres à'AbraxaSy Acclamations, Adam et Eve,
Amour et V^ijché, Apvtrcs, Arca, Archéohnie. Co dernier, qui. parmi tant
d'autres, porte la signature de M. Kraus, contient une l)ilili(it;r;ii)liii' pré-
cieuse pour l'élude de ranliquité chrétienne. Là, comme ailleurs dans
son recueil, Tauleur rend pleine justice aux érudits de notre pays. « J'ose
croire, écrit-il dans une lettre qui l'honore, j'ose croire qu'on s'apercevra
que je Mche sans cesse de faire connaître chez nous ce que notre chùre
science doit aux savants français et de ramener ainsi, aulanl qu'il est en
moi, les esprits séparés par des événements que je déplorerai toujours. »
Le savant allemand s'est, je le répète, entouré, pour son œ'ivre
nouvelle, de nombreux collaborateurs. Rien ne pouvait, à coup sûr,
l'empî^cher de suffire seul i cette tilche, si des travaux multipliés ne lui
en eussent enlevé le loisir. \in même temps que le conunencemetit de
son Kncyclopédie, et sous la même date de 18^0, il luisait en eiïet
paraître, après tant d'autres pulilicatioos savantes, une seconde édition
de sa « Rome souterraine », donnée d'abord en 1873 et dont on sait le
succès mérité. K. L. P.
La vie municipale au XV^ siècle dans le nord de la France, par
le baron A. de Calo>ke, vice-président de la Sociéiti des anliquaires de Picardie.
Didier et C% l'aris, ISbO, in-8 de viii-33G pages.
M. de Calonne a retracé le tableau de la vie municipale au xv« siècle
dans le nord de la France en prenant particulièrement pour modèle et
pour type la ville d'Amiens, dont il a compulsé les riches archives, et en
comparant les règlements de cette ville aux institutions des cités voi-
sines.
Quelque différents qu'aient été à la fin du moyen .Ige les privilèges
municipaux, il y avait cependant de grandes analogies entre eux. On trou,
verait de ces analogies non seulement entre les \illes d'une môme pro-
vince, mais entre les \ilies des dillétentes parties de la l'rance et même
des pays limitrophes. Le tableau de la vie municipale il'Aniiens peut donc
offrir un reflet suffisamment fidèle de la vie municipale au iv» siècle, à
peu près comme on peut trouver dans un fragment de miroir disposé
d'une certaine façon une image analogue A celle que présenterait le mi-
roir tout entier.
M. de Calonne a rencontré dans sa t.lchc un devancier illustre et par
conséquent redoutable : c'est Augustin Thierry, qui avait tiré des archi-
ves municipales d'Amiens les principaux matériaux de la grande collec-
tion des Momn/Kuts im'ilits de l'Itistiùrc du Ticra fAat; mais Augustin
Thierry s'est surtout occupé des institutions, des règlemei/ts et des sta-
tuts; M. de Oalonne s'est borné à en faire connaître l'application pen-
dant une période déterminée et il a réussi, a la suite du célèbre historien.
BIllLIOCnAI'HIE. 369
à faire uuo œuvre originale qui, sur certains points, le complète et le
commente.
De prime abord il nous montre l'orprinisalion municipale. Il nous con-
duit, le jour de Siiinl-Siniou et Saiut-Jude, orichaciuc année l'on procède
au renouvi'IKtuicut de l;i li)i, dans le vieil liôlel de ville, llanquè de clo-
chers qui lui l'ont donner le nom d'Ilùtcl drs doquicra. Le niaycur et les
vingt-quatre échevins y sont réunis pour discuter les noms des trois can-
didats qu'ils présenteront aux bourgeois « pour de l'un élire le mayeur».
Les bourgeois, présidés par le bailli, sont assemblés ;\ la halle; le maire
s'y rend, précédé de ses massiers; il communique les noms des candi-
dats choi.MS, et chaque électeur défilant devant le greffier indique celui
qu'il préfère. Le nouveau mayeur élu recevait les clefs de la mairie et le
sceau de la commune qu'il devait porter désormais à sa ceinture dans
une bourse de velours bleu, brodée de fleurs de lis d'or; puis il prûtait
serment devant le peuple, en jurant de se consacrer loyalement au ser-
vice de SCS intérêts.
Le mayeur, dont les fonctions étaient obligatoires et pour ainsi dire
gratuites, personniûail la commune; il recevait en son nom les grands
personnages; il présidait aux banquets municipaux; il assistait, à une place
d'honneur, aux festins des fiançailles, des mariages et des funérailles ; il
semble que ses fonctions aieut surtout consisté dans la représentation.
Comme un roi constitutionnel, il régnait, les échevins gouvernaient. L'éche-
vinage administre les biens communaux; il gère les finances; il exerce
la juridiction civile et criminelle; il a la police; il subventionne les hôpi-
taux et les écoles. Si le mayeur préside l'assemblée des échevins, chacun
des vingt-quatre échevins a, comme lui, droit d'initiative et voix délibé-
rative. Tous assistent, avec lui, aux représentationsdes mystères, aux passes
d'armes offertes par la ville, aux cérémonies religieuses, aux entrées de
princes. Comme partout, ils offrent aux princes des présents de vin et d'or-
fèvrerie.
La sollicitude de l'échevinage s'appliquait surtout à l'alimentation de
la cité. A cette époque où les voies de communication laissaient beaucoup
à désirer, où les transactions n'étaient pas faciles, il était nécessaire que
les pouvoirs publics se préoccupassent, surtout en temps de disette, de
l'approvisionnement du peuple. Il fallait aussi, pour prévenir les abus
que le monopole des corporations privilégiées aurait pu faire naître, sou-
mettre à une réglementation minutieuse le commerce des boulangers,
des bouchers et des poissonniers. Les taxes, multipliées et souvent modi-
fiées, pouvaient ainsi s'expliquer. Mais, à force de vouloir prendre les in-
térêts de ses commettants, l'échevinage tombait dans la minutie. Il dé-
fendait aux boulangers qui faisaient du pain blanc, de faire du pain bis ;
il leur défendait de livrer du pain chaud. On comprend mieux la surveil-
lance exercée pour assurer la qualité des viandes et la pureté des vins,
surtout des vins du cru. Car il y avait alors des vignes aux environs
d'Amiens et jusqu'au pied des fortifications. « Le mois de septembre
370 nF.VDE AnCHF^OLOGIQUK
voyait inslallrr, aux principaux carrefours do la ville, des pressoirs volanls
que chacun Inunil ;\ son tour afin d'c'frasor le raisin de son clos. » Les vi-
gnes des en> irons d'Amiens ont »'h'' arrachées comme beaucoup d'aulres
dans les mtVnes ri\i:inns, depuis qu'il est facile de faire \enir à peu de frais
les vins des rt'gions méridionales.
Ka salubrité des rues préoccupait aussi l'échevinage. Sous ce rapport,
il y avait beaucoup ;\ faire. Les a pourceaux de Monsieur saint Antoine n,
les canards ol les oies, vaguaient trop souvent par la ville, l'n \\i>l, un
seul paveur était établi à Amiens; aussi, comme on le choyait ! La ville
l'habillait, le logeait et le rétribuait très grassement. 11 forma des élèves.
I.échevinage prescrivit aussi aux habitants de balayer chaciue malin le de-
vant de leurs maisons et de mettre les immomiices en tas, afin que les
.( barrotiers » pussent les emmener dans leurs tomberaux. 11 s'eiïorçait
aussi de prévenir les incendies, si terribles dans les villes construites eu
bois. Les cheminées en bois sont démolies par ses ordres; les corporations
et les artisans sont tenus d'avoir une certaine quantité de seaux. D'autres
règlements s'occupent des tavernes, et proscriventles jeux de hasard. En-
fin l'échevinage veille particulièrement ;\ la police des métiers et à la
bonne qualité des marchandises fabriquées dans la ville.
Les hôpitaux relèvent moins directement de son adniinistration. Us
sont encore entre les mains de l'autorité ecclésiastique. La ville cependant
pensionnait le médecin de l'Hôlel-Dieu. Elle exerçait une sorte de tutelle
sur la maladrcrie et s'occupait de l'entretien des enfants trouvés. Mais la
plus importante des attributions municipales était sans contredit celle
qui contiait la garde militaire de la cité au majeur et aux échevins. Ils
surveillent les travaux des fortifications, ils organisent les diiïércnts guets
qui veillent à leur défense, à Amiens couune ailleurs ; ils font fabriquer
des canons; ils pensionnent des canonniers et dos arbalétriers; ils équi-
pent et entretiennent les compagnies de leur milice qui sont appelées à
faire un service militaire en dehors de leursmurailles, etcependaut, mal-
gré la résolution des bourgeois, ils ne peuvent empêcher, en 1471, les
gendarmes du roi de venir tenir garnison dans leur Tille, qu'ils traitent
en pays conquis.
Charles VII , qui rendit les armées permanentes, rendit aussi pcrma-
nenlesles impositions royales. Les échevinages furent chargés de faire la
répartition des tailles. .Souvent ilsessayèrent de résister ou de temporiser;
ils obtinrent parfois des délais ou des remises. Les impôts communaux
étaient plus facileinf'rit perçus. Les bourgeois en ronnaisjaient la destina-
tion ci en appréciaient l'utilité; ils a>sislaientà la vériiication des comp-
tes qui se faisaient annuellement ; ils élisaient tous les ans, le mémejour
que le maire, les quatre agents du trésor municipal, le grand compteur,
le maître des présents, le receveur des rentes et le maître des ouvrages.
Les détails que donne M. de Calonne sur l'organisalion llnancièrc de la
ville d'Amiens sont unedes parties les plus curieuses de son savant ouvrage.
Je regrette seulement qu'il n'ait pas ajouté aux huit chapitres qu'il coq-
BIBLIOGRAPHIE. 371
sacre i\ la municipaliti' un chapitre spécial dans lequel il aurait exposé
les rapports do la municipalité avec le [njuvoir royal et ses agents. A moins
de former un l'étal souverain, une ville ne peut être entièrement auto-
nome; elle a des relations forcées el souvent subordonnées avec l'aulo-
rilécentrale. I. 'auteur dit i la page 4.S que lcséclie\irisailmiiiibtrenl libre-
ment les aU'aircs de la cité comme leur cliosc propre ol qu'ils ne relèvent
que d'eu\-mi''ines. delà ejt-il bien certain ? Nous avons vu le roi imposer
SCS garnisons et ses contributions; il avait réformé en i'iH'l la conslilulion
municipale elle-même. Le parlement pouvait aussi intervenir dans l'ad-
ministration communale, comme il le fil en 1403, en envoyant i Amiens
des commissaires réformateurs chargés d'examiner la gestion Hnancière
de l'écliovinage. Le bailli cl mémo l'évOque n'avaienl-ils point de préro-
gatives spéciales et des rapports officiels avec la municipalité? N'y avait-
il jamais de contlils entre eux V 11 me semble qu'il y a là une lacune que
M. de Galonné pourra combler dans la seconde édition que mérite son
livre.
Celui-ci se termine par de nombreuses pièces justiQcatives, qui occu-
pent plus de 120 pages, et qui renferment des textes inédits et curieux.
Nous y voyons figurer une plainte contre les grands maîtres des écoles,
qui s'étaient emparés, sans autorité de justice, de livres appartenant à
des enfants qui fréquentaient les petites écoles tenues par les clercs, sous
le prétexte que ces enfants leur devaient une redevance annuelle. L'n au-
tre texte nous fait connaître aussi un détail de la lutte qui existait
en 1438 entre le clergé qui voulait conserver la haute main sur les petites
écoles elles maîtres qui cherchaient à s'en affranchir. Plus loin, nous
trouvons l'énuméralion des différentes livrées de l'échevinage, dont les
couleurs variaient tous les ans, présentant successivement toutes les cou-
leurs de la palette, accouplées deux par deux, depuis le bleu et le rouge,
jusqu'au vert herbeux elàla couleur moutarde. Ces livrées étaient distri-
buées chaque année aux officiers municipaux, et l'échevinage avait le
soin de déterminer quelle nuance devait être employée « à dextre »,
quelle nuance « à sénestre ». 11 serait trop long d'énumérer les curieux
extraits des archives municipales que M. de Calonne a reproduits j ils ap-
portent les meilleures preuves ù l'appui du livre érudil dans lequel il
fait revivre l'organisation communale de la fin du moyen ûge. U s'était
proposé pour but do montrer que cette organisation avait des qualités sé-
rieuses et qu'elle pouvait susciter des administrateurs animés de l'amour
du devoir et de l'amour de la chose publique. Il y a réussi.
Albert Rabeau.
Étude nouvelle sur Homère : la Société au temps d'Homère, par
Louis Palliât, in-8, 31 p. Didier, 1880.
M. Pauliat a, par moments, un peu trop l'air de croire qu'il a décou-
vert Homère, et il ne distingue peut-être pas assez entre les découvertes
de M. Schliemann; celles d'iiissarlik, si mal exposées, ont pour lui le
môme caractère que celles de Mycènes, et il ne lui vient pas ù l'esprit le
372 nF.vi'R AncnKOLor.iQDR.
moindre doute sur l'idcnlil»^ do la ville rclrouvt^e à Hissarlik et de la
Troio homérique. Ktifln pourciiioi, citant, traduits, de noml)roux vers
d'IIonitTo, n'iniiiquc-t-il mille part eu noio le numéro du cl.aul et du
vers? Ou est ainsi fort embarrassé pour vérilierses citations et les relier
au contexte.
Ces légers défauts d'exposition feraient croire que M. Pauliat est un
peu nouveau dans ces éludes; mais, on rovanclic, il les aborde avec une
vivacité el une fraiclieur d'impression que n'v portent pas toujours ceux
dont l'accoulumanee a comme émoussé lu curiosité. .Nous laisserons pour
ce qu'elle vaut l'hypolliésc d'après laquelle la société décrite par llomùre
aurait été formée par l'émigration vers l'Occident d'une partie de la
secte des Vflicyos de l'Inde : la séparation des Ary.ls remonte, selon toute
apparence, bien au delà du temps où s'est établi dans l'Inde le système
des castes, (le ijui est intéressant, dans cet essai, ce sont les remarques
par lesquelles M. Pauliat prouve combien la société décrite par Homère
était, malgré les batailles héroïques de l'Iliade, une société plutôt paci-
fique, industrielle et agricole qu'une société guerrière : la guerre, il le
montre par de nombreux passages, empruntés surtout aux comparaisons
el aux épisodes, n'était pour elle qu'un état exceptionnel et violent, l.e
travail sous toutes ses formes y était en grand honneur, avec l'épargne
qui en est la conséquence ; c'est ce que montrent le caractère mémo cl
les occupations favorites des dieux que cette société honore le plus,
aussi bien que les allusions faites, au milieu même des combats, à la vie
que menaient les héros dans leur patrie. A ce titre, r(>dy>?ée représen-
terait mieux que l'Iliade re>piil de la race grecque à l'époque héroïque.
Il y a de la justesse et souvent de la finesse dans ces observations, qui
nous font désirer que .M. Pauliat continue son travail et entre un peu
plus encore dans le détail.
LES
MONNAIES A LÉGENDES (IIIECQUES
DYNASTIE TURQUE DES FILS DU DANICIIMEND
SUITE AUX RKGE.NTS TRAVAUX
DE MM. A. DE SALLET, DE BERLIN, ET MORDTMANN,
DE CONSTANTINOPLE.
Dans la première livraison du loipc VI (année 1878) de la Zeit-
schrift fur Niimismatik de Berlin (p. 40-08), M. le docteur de Sallet
a publié sur cerlaines monnaies bilingues, frappées au xii"' siècle
par des émirs établis dans l'ancienne Cappadoce, un des plus inté-
ressants mémoires numismatiques qui aient paru depuis nombre
d'années. Cet article avait été inspiré lui-même par un non moins
curieux mémoire de M. le docteur A. D. Mordtmann, de Gonstantino-
ple, inséré dans le tome XXX de la Zcitschrift der deud^clien mor-
genlœndische Gesellscliaft. M. Mordtmann y décrivait une grande
pièce de bronze acquise par le cabinet de Berlin, d'un type absolu-
ment insolite, à légendes à la fois grecques et arabes; les léi^endes
grecques circulaires portaient : O ME AMHPAC AANOYNHC
O yTcT» MEAHK MAXAMATH, c'est-à-dire : le <jrandémir Danou-
nis, le jils du mélik {mulek) Mohammed; au centre figuraient ces mots
en caractères arabes : d'un côté, Emad cd dm; de l'autre, fîls du
malek Mohammed.
Ne pouvant reproduire ici le mémoire du docteur Mordtmann. je
me bornerai à dire que cette monnaie si étrange a été attribuée par le
XXXIX. — Mai. 19
274 REVUE AnCUKOLOGlQUE.
savant an'ht'olopuo. avec toute apparence de raison, à l)ou'n-Noun(i),
le Aavojvr,; dos chroniqueurs byzantins, dynastc turc de la famillo
des Fih du Danidimuid ou Daiiimiicnd, le piel lépna sur une por-
tion de l'Asie .Mineure vers la moilic; du xn" sii^cle. M. Mordlmann
est entré dans du longs dôlails sur l'histoire de celle dynastie des
Fils dn Dmiivhmnid [mnitrc d'rcoir ou savant), ainsi désignée du
nom de son prini-ipal fondateur, el qui posséda les villes de iMala-
tiya (Mélitène), de Kai^aryia (Césarée) cl de Siwas (Sébasle;. Le pre-
mier de fcs princes fut Tilou le Danichmend; mais lo véritable ch; f
de la dynastie fut son lils, le malek (roi) (îliazi Ahmed dit (Jiimichti-
kîn [guerrier d'anjent, c'est-à-dire, calant son poids d'argent], plus
connu sous le simple nom de Malek Ghazi. Ce prince fui un des plus
redoutables adversaires des premiers croisés. 11 ligure d'abord à
Dorylée; en HOO, il s'empare de Bobéinond; il le garde longtemps
prisonnier et linil par le relâcher après avoir élé sur le point de le
livrer à l'empereur Alexis; puis, en H03, il contracte alliance avec
ce mCme Hohémond, avec le comle d'Kdesse el le roi de Jérusalem ;
longtemps l'allié du Seldjoukide Kilidj-Arsifin, il s'élail brouillé
avec lui à propos de la rançon de Bobémond.
A la mort de Malek Gbazi, survenue en llOl, l'aîné de ses douze
lils, Mohammed Ghazi, lui succéda; il lit la paix en 112G avec les
Seldjoukides et combattit les Byzantins, auxquels il prit el reprit
Kaslamouni, el les croisés, auxquels il fil également beaucoup de mal.
Le chroniqueur turc Hadji Khaila appelle ce prince le conqui^raut
deVAnatolie.U mourut en 12i2-43, et sa mort marque la chute de la
puissance de la dynn>iie. Son frère, Ynghi-Arskln, appelé aussi
Yakoub'Arshîn, Yajliou-Basfidn, YaghiOassan, le 'layouradîv des
écrivains byzantins, prit en mains le pouvoir el obtint des Seldjou-
kides la cession d'Amasia. d'Angora et de toulr: laCappadoce. Quant
à Uou'n-Noun, le propre lils du défunt, le Aavojvr,: de la monnaie de
Bï. Mordlmann, le Damlcnoun de certains chroniqueurs, il eut pour
sa part Césarée, Malaliya et Siwas, mais lut bienUU chassé de ses
Liais par son ancien allié Kilidj-ArsIAn II.
Yaghi-Ai-slàn mourut en 11G(M;7 et eut pour succcsacurs d'abord
sonlils MudjcbidAbou Mohammed l)jemal Ghazi. puis, deux ans
après, le Ills de celui-ci, Mahk Ibrahim. Dou'n-Noun, allié contre
Kilidj-Arsiân, d'abord, en 417:2-73, à Nour-ed-dîn, le fameux
alabekde Damas, puis, plus tard, à l'empereur Manuel Comnéne iiu'il
(t) j'adopio, pour tous ces uoms oricntaus, rorlliogra-.lie admise par les éditeurs
du liecueil ries flistorieni des croùades.
Li:s M(i.\.NMi:s r)K'^ dvniciimiim). 2/;j
nlla trouver à Conslantiiinpli; nir^mo, s'elîorra à plusieurs reprises
de rétablir son aulorilù à Shvas; mais il n'y rùussil jamais cornplèle-
nient.
J'ai oniprunlcces détails liisloiiqucs au iiu'moiro de M. de Sallel
(saufquel(|ues varianlis tirées du Rcc. ilesIIisl.dfsCr.); M. de Sallel
les avait JMi-inéinef'iniMuntt's au mémoire du docleiir iMordtmann.
('e dernier avait hésité sur la leclure des premici-s niotsdi! la lé^'ende
grec(|U(' ; M. di> Sallel a iiiouvé qu'il fallait bien positivement liic O
ME^TAC) AMHPAC. J'ajouterai, ;\ to propos, que plusieurs arcliéolo-
gucs parisiens ont pu voir ici, l'an dernier, un mai^'niliijue exem-
plaire de la monnaie de Dou'n-Noun. Son propriétaire, un négo-
ciant grec d'Alliènes, en demandait un prix fort exagéré et ne
consentit pas à la laisser publier ; je n'ai pu m'en procurer une em-
prcinle, et j'ignotesi c'est là la pièce <|u'a décrite M. Mordlinann et
qui aurait été acquise \ ar le musée de Berlin, mais j'ai liiu de croire
qu'il n'en est rien, d'après quelques légères variantes dans la lecture
de la légende ; ainsi, sur l'exemplaire qui a circulé à Paris, on lirait
fort nettement O ME; en outre, au-dessus du M figurait un petit f,
le tout pour O MEf; impossible donc d'hésiter sur la lecture OME-
r(a;). Je rappelle ici, avec MM. de Siilletet Moidtmai.n, (ju'il existait
déjà deux représentations de la monnaie de Dou'n-Xoun, l'une fort
ancienne dans Adier (i), la seconde dans St. L. Poole (2); mais au-
cun de ces deux auteurs n'avait trouvé l'explication vraie; tous deux
cependant avaient lu fort clairement O ME, sur les exemplaires
qu'ils avaient sous les yeux.
Jusqu'ici je me suis borné à reproduire, d'après l'article de
M. de Sallet, la découverte de .M. Mordtmann ; j'en arrive mainte-
nant au point vraiment original du mémoire du conservateur du
cabinet de Berlin, et je demande la permission de traduire pure-
ment et simplement, voulant laisser à M. de Sallet tout le mérite
d'une nouvelle et fort curieuse attribution d'une autre monnaie con-
nue depuis longtemps déjà.
a 11 est surprenant, dit le savant archéologue, que la découverte
de la si remarquable pièce de Dou'n Noun n'ait pas aussitôt ouvert
les yeux des numismalistes sur l'attribution véritable d'un autre
type monétaire, d'un intérêt également exceptionnel, et dont les
exemplaires, bien que rares, sont cependant connus de tous;
(1) Collech'o nova numorum cvficorum, etc.^ e mums lorginti) <?; Adleriano ;
éd. secunda supplem. aucta. Altona, 1795, p. 179, pi, VII, n" CXVI.
(2) Cdinl.of orient, coins in theBrit. Mus., 111,226, pi. XI,C33.
•ilCi I\F.VIT. An(;HK()LOGIQlF..
je vinix p.irlor do cos pit-ros de cuivro, jiis(|u'iri unaniinoniont
nllriliutVs ;\ Molnmniod II, lo conquônml de Const.uilinnpic, ol
.|iii iM.i-i,iM l.i (•(••Irlirc .M I.i/.irn- I.'-.mi.Ic : O tA[:-;i;) MEAHKIC RA-
CHC POOMANIAC KAI ANATOAHC MAXA'/^ATIC. l'uiir iieii «lu'oii
compare ces monnaies à celle de Dnu'n Noiinja forme si absolument
seiiiMabledes cararlères, leur identiléalisoiuc el fraiipanle. relie des
Men parlieulier, dont le type est tout spécial el fort anormal, puis
celle des A, des A, etc., elc, etc., les llnns de module tout pareil, en
lin mot ra?pect général si parfaitcinent le même, tous ces faits réu-
nis font qu'il est de toute impossibilité, pour (jui veut s'en tenir aux
saines et infaillibles règles de critiijuc qui doivent décider de toute
bonne attribution numismatique, de classer ces monnaies à un Mo-
hammed du xv siècle, et d'en faire des monuments de trois cents
ans plus jeunes quela pièce de Dou'n Noun, dont ridentilicalion peut
être considérée comme absolument certaine. Los deux types moné-
taires, le numismatiste peut l'affirmer avec l'assurance d'un magis-
trat appliquant la loi, sont nécessairement presque contemporains.
Ni les monnaies byzantines des derniers Paléologues, ni les mon-
naies à légendes arabes de Mohammed II, n"onl avec ces monnaies à
légendes grecques le plus imperceptible degré de parenté; seul, le
titre 0 UEva; ueXr'xi; -râc:/,; 'l'ojaavîa; xat 'X^nzo'/.r,:, avait pu faire SOngCr
à Mohammed II, un certain nombre de médailles de ce prince, (uuvres
d'artistes italiens, portant des titres jusqu'à un certain point analo-
gues.
« C'est que le Mohammed de notre monnaie, (jnntd mulehile toute
lu Itomanie et de l'Anutolu\ n'a rien de commun, en elTet, avec le
sultan Mohammed II de Conslanlinoide ; il ne peut même être autre
que le propre frère de notre Dou'n Noun, le }nnleh Machamalis du
docteur Mordtmann. Uajipelons les paroles du chroniqueur turc:
Ou ilit (jue ce Mdhniiniidl Glnizi {Ir père de Dou'n Xoun fut le con-
ijuèraiit de iAnatulieu. ('/est bien, mot pour mot, notre \j.i^oL; aà/.xiç
TtaTT,; /ivaToX^; Ma/aaaTTjÇ »
M. de Sallet {joursuivait en chercbant à expli(|uer le second titre
de rot de toute lu Homauie. l'ne note additionnelle de M. iMordt-
mann, parue dans le tome suivant de la /witschrift fiir Aumisma-
tik{i), est venue fort à propos rappeler que dans tout l'Orient, et
durant tout le moyen i^ge, l'Asii; Mineure el t(Uil le pays au-delà du
IJosphorc ont été conslammenl connus sous le nom de pays de Uoum,
Romanic ou pays des Romains, c'est-à-dire des empereurs de Ry-
(1) T. VII, 1879, p. 211.
LES MONNAIKS DIS H \M(;ilM KM». !277
zance. De môme les ScKIjoukidcs d'Iconium, maîtres d'une si grande
partie de ces contrées, sont toujours désignés dans les historiens
orientaux sous le nom de Seliijoukidcs de Koum. En Perse, encore à
l'heure qu'il est, les sultans osmanlis, héritiers des droits des princes
d'fconiuni, sont appelés les sullans do, Houin. Rien donc de plus na-
turel (jue de voir le Daniciimend M.ilck .Mohanmied (Jhazi s'intituler
MeXïixtî TTotdTi; 'P(.)jjLavia;, puisque nous savous (lu'à un moment donné
il fut maître d'une notable partie de ce pays de Uouni, la Uomanie
des croisés et des aventuriers catalans.
M. .Mordtmann ajoute, en guise de post-scriptum, un renseigne-
ment nouveau des plus importants : toutes ces prétendues monnaies
du conijuérant de Conslanlinople dont lui ou le savant antiquaire
Alischan ont pu retrouver le lieu d'origine réel proviennent de C6-
saréede Cappadoce oudes environs de cette ville! Ils n'en ont vu
aucune qui ait été positivement retrouvée à Stamboul même. Voilà
encore une bien forte preuve ù l'appui de l'ojjinion de iM. de Sallet.
J'ai fait ligurer au n^-ide la planche VllI qui accompage cet article
la pièce de MAXAMATHC ijui appartient au Cabinet des mé-
dailles et qui a été publiée pour la première fois par M. Ch.
Lenormanl. C'est, je crois, l'exemplaire le mieux conservé qu'on
connaisse de cette monnaie fort rare. Je n'ai pas eu le temps de
vérifier si les auteurs qui s'en sont occupés ont signalé le
petit r fort reconnaissable qui surmonté le premier M de la légende
et qui n'est que la troisième lettre du mot METAC. Le graveur, par
un scrupule de symétrie, a placé au point corrcrpondant, sur l'autre
côté de la croisette, un petit trait de.liné à faire pendant. Il existe
plusieurs coins différents de cette monnaie. M. de Sallet en a fait
graver quatre dans son mémoire, les deux figurés dans Sabalier, et
deux auties appartenant au Cabinet de Berlin.
Voici donc que nous connaissons, grâce à MM. de Sallet et Mordt-
mann, les monnaies de deux des fils du Danichmend; ce n'est pas
tout, car il existe encore au moins deux autres types monétaires d'un
de ces princes.
En 1875, j'acquis à Smyrne une monnaie de cuivre à légendes
grecques, comprise dans un petit lot de pièces de Taucrède, de Ro-
ger d'Antioche et de Baudouin Hd'Édesse, pièces avec lesquelles elle
présentait un étroit degré de parenté. Sur le droit, on distinguait
le buste nimbé du Christ, entre les sigles accoutumés : IC, XC,
buste en tous points identique à celui de certaines pièces d'Édesse
et aussi des empereurs grecs contemporains. Le champ du revers
était occupé par une légende grecque trilinéaire dont les deux pre-
i'H HEVUK AIU'.IIKOI.OUIOIIK.
nii(^rrts lifîncs se lisaitMU claiiemriu O MEFAC AMHPAC (l(^ M ti IH
tManl \\h); l.i Iroisiriiu", fdil alli'ivo, ("'lail moins facile à ilt'cliilTrcr,
la portion sujK'Tieurtî diM|ua(re IiUlrcs élaiil S(!ijii;visil)le ; de la pre-
mière on n'nporcnvail qu'un point informe, puis venait la jjortion
Rupériourc il'nn P, puis ccWc (Vuii C {siiima) presque carrt^ ou
d'un E, enlin celle ir^s certaine diin A, d'un A, ou d'un A. Per-
suada a lorl, par la présence du Cluisl, ([u'il s'agissait d'une mon-
naie purement chrétienne, induencé jiar la ressemblance extraor-
dinaiie de celle pièce avec certains cuivres des Ueaudouiii, des
Tancrède cl des Hoprcr, dont j'avais précisément acquis des exemplai-
re."* faisant partie du même lot, je crus, avec M. de Saulcy, reconnaî-
tre dans ces débris de lettres les éléments du n(jm de Tai:crède, et je
publiai, bien qu'avec force réserves cl la plus extrême déliancc, cette
monnaie dans la linuo archêologiiinc ilr 187*). Les choses en étaient
là lorsque, l'an dernier, en fi.'uilletanl le ('Mlalo'jitc ilr la chUccUoh
Thomsen,'}e tombai sur la description d'une pièce classée parmi les in-
certaines et qui se rapprochait absolument de la mienne. ^1. Ilerbst,
conservateur du Musée royal des médailles de Copenhague, où se
trouve à présent la majeure partie de la collection ïhomsen, voulut
bien m'envoyer d'excellentes empreintes de la pièce en question,
pièce surfrappée, mais sur laquelle un retrouvait tiès parfaitement
les types du cuivre de Smyrne : au droit, le buste nimbé du Christ;
au revers, l'inscription trilinéaire; de la première ligne, on apcrce-
vailles trois lettres TAC: de la seconde, les quatre letlies AMHP,
avec cette différence essentielle que le Met I'H n'étaient pas liés (ce
qui prouvait déjà (pie c'était, au moins, un coin dilTérenl); enfin, à
la troisième ligne, je lus, à ma grande satisfaction, très di.stincte-
ment et en toutes lettres le mot PAZH ; la légende était donc com-
plète cl devait être restituée : O MePAC AMHPAC TAZH.
Presque en mémo temps, .M. Lambros d'Athènes m'envoyait fort
obligeamment Tempreinle d'un troisième exemplaire quehjue peu
différent; même type du droit, mais avec une variante très impor-
tante de la légende du revers, légende, du reste, imparfaitement
rendue, grâce à un déplacenienl considérable du coin.
(6 ixtY«l
C AMH -.'/;] (le M et IH suiit liés)
C AMH M/l jil.)
lïlAZH.'
{-uiamc la précédente, la pièce do .M. Laiubro> parait surfrajipée
M'S MONNAIKS DKS OANICHMF.ND. 279
sur un n.in plus ancien; j'ai nùgllKÙ de dire qu'il semblait fin Ctro
damrmc di» In nii(Mine.
Loisiiuc je rcriis communication de ces deux pièces, je terminais
précisément ma Nitmismafique de l'Orient laUn^ qui a paru au com-
racnctmcnl de l'année 1878; j'avais déjà, au chapitre du Tancrèile{\),
indi(iuc (|ue je icîlirais à ce prince la pièce en question ; au chapitre
des Addiliom et Corrections (2), je me contentai d'insérer la note
suivante, que je reproduis in exlemo :
«J'ai reçu Ks empreintes de deux nouveaux exemplaires de la cu-
rieuse monnaie de cuivre portant le titre de ynind nmr en gicc. Je
(uois m.dntenant que la véritable légende est O METAC AMHPAC
TAZH. Malgré la présence, sur une lace de la monnaie, de la figure
du Christ nimbé, je ne serais pas surpris que ce fût là une pièce de
la mémo série que la pibce bilingue si extraordinaire publiée tout
récemment par le docteur Moidtmann j' dans la MorçienUmdische
Zeitumj, et attribuée par lui à Ihnoun ou Dou'n-Noun, prince de
Sîwas et de iMalatiya, de la famille des Daniclimend. J'ai vu tout
dernièrement un exemplaire à fleur de coin de cette dernière pièce,
dont les légendes grecques étaient, sur une face : O YIC i;^^ TOY
MEAHK MAXAMATH, et sur l'autre : O MEP. AMHPAC AANOY-
NHC (4). Je ferai remarquer, en outre, qu'Adler avait déjà décrit
cette pièce au siècle dernier, mais qu'il l'avait classée fort h tort à
un empereur grec de Constantinople.
(( Dou'n-x\oun ou Danoun (AavouvTi;) fut, en 1174, dépouillé de ses
Étals par le sultan d'Iconium. J'espère reparler un jour de ces mon-
naies poitant le titre de grand émir. »
M. de Sallet, qui n'avait pas encore publié son mémoire, ayan
pris connaissance de ce passage de mon ouvrage, se trouva être
absolument d'accord avec moi, et reconnut imméiliatemenl dans ce
type nouveau, la monnaie d'un troisième prince di> la dynuslie des
Danichmend.
((Ainsi que le suggère M. Schlumberger,dit le numismatiste ber-
linois, on ne saurait douter un instant que cette monnaie n'appar-
tienne, elle aussi, à la dynastie des lils du Danichmend ; ici aussi,
en effet, la forme des lettres oITre la plus complète analogie avec
celles des monnaies du Mohammed roi de Romanie et d'Anatolie, et
(1) Pagcii
(2) Page Vi'i, ad. p. 45.
(3) Et non VIH, aiusi que je l'avais
(1) C'est la pièce dont j'ai parla pi
is cru à tort,
us haut, pag9 275.
3g0 nF.vi'K AncMKOLor.iQrK.
avec fcllos (If Dou'ii Nouii ; les A, nolaninitMit, nvcv hnir jambage
lie ilroile prolongt' supriitMircmcnl, sont en loiis iioints idenliqucs
à ceux ilos monnaies de Moliomineil.
c( Oiianl à la (juri^lion de savoir (juo I lient tMre rc \ii^ati àaYipa;
râ;T, elle ne saurait demeurer longtemps douteuse; e'est certaine-
ment du premier véritable souverain ilc la dynastie des Danicb-
mend qu'il s'agit, du Malek (Jhazi; les monnaies ù légendes arabes de
son (ils lat^'bibassan no le désignent pareillement que sous le seul
surnom de (îhazi (1).
(( Rappelons le peu que nous savons de son bistoire. Après avoir
rendu la liberté à Hohémond, «7 nmclnt, ru 1103. un traite d'alliance
avrc les princes chrétiens d'Antioche, dlùlesse et de Jérusalem. La
monnaie que nous éludions vient éclairer d'un joui- nouveau celle
précieuse indication des cbroniqueurs musulmans; elle n'est, en elTel,
qu'une servile copie des types de Tancréde, à la fois le contemporain
et l'allié du Gbazi, lequel se trouve avoir emprunté à son voisin
cbrétien jusqu'au buste nimbé du Christ. En un mol, Gbazi a
frajtpé des cuivres à légendes ijrecques, en tous points semblables à
ceux de son voisin chrétien, et pour toutes ces monnaies des fds du
Danicbmcnd comme pour celles des premiers croisés, l'existence
des légendes grecques relève d'une cause uni(iue : la présence d'une
race grecque sujette; elle n'a pas d'autre signification. Je n'entre-
prendrai pas de recbercber s'il existe quelque explication politique
de ce fait que, sur leurs monnaies, Gliazi et son pelil-liUDou'n Noun
s'intitulent jjLe'Ya; «ayipôtî, alors que Mohammed, lils du premier et
père du second, est désigné sur les siennes et sur celles de son
frère comme [xeÀrîx et aeÀr.y-i;. On iiourrait, à la rigueur, y voir un fait
de vassalité à l'endroit du roi de Jérusalem. Quant :\ l'âge de la
monnaie de Ohazi, il peut être lixc avec précision. Le traité d'al-
liance conclu entre le prince musulman et les croisés étant de llu;{,
et lui-même étant mort en llOi, ses pièces à légendes grecques ont
ilonc été frappées dans ces deux années ilO.'J et 1104. »
Kn aclieAanlde transcrire ce paragraphe, je ne jiuis m'cnipôcher
d'insister sur ce fait si extraordinaire de l'existence de ces types
monétaires, en (jucbiue sorte communs ati\ i)remiers chefs croisés
el à un des [ninces musulmans de ces contrées (ju'ils venaient con-
quérir, cl cela quehjues années à peine ajirés la prise de Jérusalem,
h l'aurore même de ce (ju'on est convenu d'appeler l'époque des
croisades. On'- d'horizons inattendus ce simple fait soulève! quel
(Ij Voy. Knrninc.k, Zfttsdir. d. r'rut r/irii morgculand.GcicUsch., t. XXX. p. 132.
LES MON.NAir.S DKS DANICIlMKNn. 281
argument pr(''cicii\ ;\ r.'ippui do celle opinion moderne qui tend tou-
jours plus à s'i'IaMii-, '^^vm-ai à uno plus saine critique des sources
historiques, et ([ui vont voir dans les croisrs, nK'iiuo dans les pre-
miers d'enlro eux, iioii jias seuil iiinii de pioux ot fanatiques liôros
venant oxtorniinor uuo rclii^'iou au [uolit d'une autre, mais i>ien
aussi de vôrilahlos coufiuoraiils, iutelliirorils et pratiques, sacliant
triompher autant ot plus par une liahile diploniatio que par le seul
ascendant dos armes !
M. de Sallol lormine son ailiclo, si plein de faits nouveaux, en se
félicitant d'avoir ajouté à l'heureuse découverte de M. Mordtmann
toute une série de pièces grecques de la dynastie des Daniclimond ;
il compte avec raison jusqu'à trois de ces princes dont les monnaies
sont actuellement connues : MalekGhazi (1080-1104), Malck Moham-
med (IlOi- 1142-43), et Dou'n Noun (Hri7-1178).
Il est temps que j'insiste sur les dill'érences présentées parles trois
pièces que je publie : celle que j'avais d'abord attribuée h Tancrède,
celle de Copenhague, et celle de M. Lambros. De celle do Copenha-
gue, il n'y a rien de plus à dire; la légende est bien O METAC
AMHPAC TAZH. Quanta celle de M. Lambros, elle présente un in-
lérèt plus considérable encore, car le Gliazi y porte un litre dilTérent:
METAC AMHPAC. AMHPGON, dont les deux derniers mots sont la
traduction littérale du hmenx Amir Al Ornera. C'c&l la première fois
qu'on retrouve sur une monnaie ce titre célèbre ainsi grécisé. Malgré
la disparition de toute la première ligne, la présence, au commen-
cement de la seconde, du C hnal de MEPAC, la double reproduction
du mol émir, etc., rendent la lecture de la légende presque certaine.
Il esl étrange de retrouver ainsi habillé i\ la grecque ce titre si essen-
tiellement musulman ; sur des sceaux siciliens que publiera procliai-
nement M. Engcl, de l'École de Rome, nous le verrons, moins litté-
ralement traduit, devenir : O APXCON TCON APXONTGON. Je
rappelle que M. Dofrémery, do Tlnsiiiut, a publié sur les émirs Al-
Oméra, un 1res savant et très complet mémoire, dans le Recueil de
mémoires présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions
(l" série, t. II, 1832\
Au premier abord, à la réception des doux monnaies de Copen-
hague et d'Athènes, dont la légende de la dernière ligne était mieux
conservée, j'avais cru que ma pièce, trouvée à Smyrne, leur était éga-
lement identique, du moins dans ce que les types avaient d'essentiel ;
en un mot, que j'avais sous les yeux les monnaies d'un seul et même
prince. Un examen plus attentif m'a convaincu du contraire. Il est
impossible, malgré la meilleure volonté, de lire sur ma pièce, à la
989 RKvrK AnciiKOLor.iguif.
troisième lijino, le mol rAZH, .|ui se (It'cliilTrn si ncltcinonl sur les
exemplaires tic ('opeiiliague. il tl'AiluMies. J'ai dit ijue (lualrc des
lellres cilaienl jdus ou moins visibles dans leur porliou supérieure;
de la première de ces quatre, une partie insignilianlc seule est con-
servée; la seconde est positivemeni un P dont on voit seulement la
fioucle supérieure (comparez avec le P absolument identique de la
seconde ligne) ; la troisième, que j'avais prise pour un E, est peut-
être bien un sii/rnn eané ou tout au moins un siipiia lunaire déformé
par l'accident de frappe qui a altéré celle portion de la pièce ; enfin,
la quatrième est incontestablement un A, un A, ou un A ; sur ce der-
nier point, il n'y a pas de doute possible.
Comment expli(iuer ces trois lettres PCA, en supposant, ce qui
est très plausible, puisque, je le répète, rextrémitô supérieure seule
c>t visible, (jue celte troisième lettre s(mI bien un A, et non un A ou
un A? Ne pourrait-on songer ii APCAAN, d'aulanl que sur celle
même troisième ligne il existe amplement la place nécessaire pour
les trois lettres disparues?
Un des Daniilimend, on l'a vu plus liaul, s\rl appelé Yagbi-
Arslân ou Vakoub-Arslân ; c'était le second lils du Malek Gliazi ;
comme son père avait grécisé son nom princi|)al, de mémo, d'après
ma supposition, il aurait fait du sien et cabiuè lidelement les types
paternels, en substituant APCAAN à TAZH.
Nous aurions donc ici la monnaie d'un quatrième Danielimcnd.
J'émets une simple coiijeclure; pour être plus allirmalif, il fau-
drait pouvoir étudier une légende en meilleur- état ; en tous cas, il
y a ce fait inronlcslable. (]u'il est impossible de faire FAZH avec les
lettres plus ou moins mutilées (]ui litiurenl ^ur ma nionnaie; bien
que les chroniqueurs byzantins traduisent plus généralement le nom
arabe Arslân par ACAN, la forme exacte APCAAN n'i'sl j'as jilus
bizarre en grec que m; le sont les noms do fAZH, AANOYNHC uu
MAXAMATHC. Puissent ces (|ueliiiies lignes attirer l'allenlion des
possesHiurs d(î monnaies orientales du moyen âge. Cond)ien de ces
lai les et grossières pièces à légendes grecques des lils du Danieli-
mend gisent peut être inconnues dans le pèle-môle des trésors en-
fouis du;/, les anti<iuaires et les brocanteurs de (lonslanlinoplo, de
.Smyrne et de Ueyroutb ?
Je crois devoir ajouter, cw terminant, (|ue la liste généalogique
des lils du Danicbmend. tel!.' (|ii'ell«! est donnée dans le Uecneil des
llistorii'us des rroisadcs (Ihst. orient., I. I, p. xxii), fournit des
indications quelque peu diiïèrcntcs de celles (ju'a données lo doc-
teur Mordtmann ; en voici la copie textuelle :
LES MONNAIES DKS DANIGIIMEND. 283
LES FILS DU DANISCIIMEND
Scijjnevr de Shvas, de Césaréc et de Malaliya.
Moliaiumed, fiU do. Tilou le Daniclimend, porta le surnom de
(îunuihlikîii, et se distingua par son ardeur à coinballre les Francs,
il mourut Tan .4!M)-50() (IlOU de J.-C).
Gliazi, iils et successeur de Mohammed Gumichlikîn, mourut
l'an'i^!) (ii:j:i).
Mohammed 11, Iils cl successeur de Ghazi, s'établit à Césarée el
mourut l'an 537(1142-11-43).
Doun-Nomij fils de Moliammcd II, succéda à son père dans le
gouvernement de Sîwas et de Césarée.
Ydghi-Arsldn, appelé aussi Yakoub-Arsldii et Yaghou-Bassân
( 'laYouTTa^ïv), fils de GhazI, régna à Malatiya, et mourut l'an 500
(UGi-llCM).
Ibrahim, fds de Mohammed II, succéda à son oncle Yaghi-Arsldn,
et régna à Malaliya et Sîouas.
La principale différence entre cette liste et celle de M. Mordt-
mann consiste en ce fait que ce serait le second des Danichmend,
le Machamalis de M. Mordtmann, qui aurait plus particulièrement
porté le nom de Ghazi, tandis que le premier de ces princes, le
Malek Ghazi de M. Mordtmann, se serait appelé Mohammed; en
outre, il y aurait eu un second Mohammed, mort précisément en
ili2-Ill3, etce serait celui-là qui aurait eu pour fils Dou'n Xoun
et pour frère Yaghi-Arslân, que M. Mordtmann nomme d'ordinaire
Yaghi-Bassàn. En résumé, M. Mordlmann fait du Ghazi eldu Moham
nied II de la liste du Recueil des Historiens des croistules un seul et
même personnage, qu'il nomme Ma!ck Mohammed Ghazi, et dont il
fait le Machamatis de la monnaie de Dou'n-Noun ; en second lieu, il
nomme plus particulièrement Malek Ghazi, le premier des Danich-
mend, tandis que le Recueil des Historiens des croisades le nomme
simplement Mohammed.
Je n'ai pas qualité pour traiter de ces points litigieux, el jeu
soumets l'apprèrialion définitive à de moins incompétents que moi
en fait d'histoire musulmane ; mais, au point de vue des monnaies,
ces mômes divergences n'ont que peu d'importance, et le fait si eu-
2R4 nEVUK ARCHéOLOf.IOUE.
ricux (lu monnayage à légendes grecques praliquO par plusieurs de
ces princes subsiste tout entier.
Seulement, si on adoptait la chronologie du liccHcil des Ilisloricns
des rroisd'lrs, il faudrait altriliucr les monnaifs d'Atlirnes et de
Copenhague avecla légende O METAC AMHPAC rAZH, au second
des Danichmend, lecjuel, d'après le Hccui'il, aurait réf^né de lltiO à
ll.'lo; en outre, le Machanidlis de la monnaie de Dou'n-Noun, père
de ce dernier et frère de Vaghi-Arslàn, serait Mohammed II, lequel
n'aurait régné que de ll3o à 1 1 i2-l I i3.
(JLSTAVi: ScULlMBEnCER.
LISTE DES naXGIPALES
SÉPULTURES ET IIIMETIÈRES MÉROVINGIENS ^'^
DE LA GAULE ET DES CONTRÉES VOLSINES
2" Liste. (Pays allemands.)
La Revue a publié, dans le numéro d'octobre 1879 (2), la liste de
plus de six cents groupes de sépultures et cimetières mérovingiens
signalés par les correspondants de la Commission de la topographie
d<'s Gaules, aujourd'hui Commission ilr In i/éograplde historique de
l'ancienne Fraîice. Sur ct3 nombre, quaranle-cinq cimetières seule-
ment appartenaient aux contrées étrangères à la Gaule. Nous les
donnions avec toute réserve en attendant les listes complètes qui nous
étaient promises. Nous recevons aujourd'hui les listes des pays alle-
mands comprenant le duché de Bade, la Bavière, la Uesse, le duché
de Nassau et le Wurtemberg. Ces listes ont été recueillies par notre
ami le docteur L. Lindenschmit, avec le concours des archéologues
les plus compétents. Les noms de chaque localité sont soulignés sur
des cartesspéciales déposées au musée de Saint-Germain, oîi chacun
pourra les consulter. Le nombre des cimetières et sépultures de ces
nouvelles listes s'élève à quatre cent soixante-dix-sept; ce qui porte
à plus dcmilli' les cimetières et groupes de sépultures reconnus sur
jes deux rives du Rhin. H y a là les éléments d'une carte archéolo-
gique d'ensemble, déjà fort instructive. MM. le docteur Hamy et
Longnon s'occupent, avec le concours du commandant du génie de
la Noë, de dresser celte carte au nom de la Commission de géogra-
'1) Sous ce titre sont compris indistinctement les cimetières des Francs, de»
Goths et des Dourguignons.
(2) Voir un supplément dan» lo numéro de décembre 1879 et des rectification*
d&ns le numéro de janvier 1S80>
i8()
it i: V r F. Auc II KOLor.ioi' f. .
phic histoiiqur. \a flnuo Wrti grnvor ro Inv.iil cl le publiera pro-
chainomonl, aviu' les obseivalions i\nc nos savants collaboraleurs
vomlroul Mon y njouliT. Nous faisons un nouvel appel à nos lecteurs,
a lin que la nouvelle carte soit aussi eonii-lèie ipir i b<-sil)le.
Al.l XANDUE HkIITHAM).
DUCHÉ DE BADE
Par le profosseur D"" K. WAr.\i n. de Carlsrulip.
22 Mengcn.
23 Mcrzhaufcn.
24 K!)iingcn.
2o Sclierzinî,'en.
2G Bicngen.
27 Norsingen.
28 Kirchliûrcn.
29 Soldeii.
30 liollschwcil.
31 Krclziugen.
32 l-:hren^lotlen.
33 riiiiningen.
34 ^V,llllllall?on.
3u Htitor.^-heiin.
3G nallrechlnn.
37 Miihlhcim.
38 Uruniiadcrn.
30 Dilleiulorf.
40 Ailclhauscn.
A\ Kailelburg.
V2 Ub.Schwoi-stadl.
1
llallsladt.
o
Feiulenhoim.
3
Schwetzingcii.
4
A tic rb a (h.
Alllus.-heim.
G
Wiescntlial.
/
Sinsheiin.
Bruch?nl.
Mûiizcsheim,
10
Nos près Bade.
11
AUdorf.
12
Kirchoii bci Geisingcn. |
13
Welbcliiiigeu.
14
Bonudoif.
13
Fulzen.
IG
Uausen sur Aach
zell.
près RadoKs-
17
Hcllmaringen.
18
Schopriicim.
19 Thiengcn.
20
Munzingcn.
21
^Volren\veil(T.
BAVIERE
Par le profcllpur F. Oulessculaci n, de Muiiicli.
rriii.i.E VIII.
1 Thûnpor^hciul.
2 Klsctifcld.
3 .V.Kiflhorcii.
4 Hcidin^'sreld.
5 Darsladt.
('• NVilaudsbcim.
Fhui.i.e IX.
7 (iorsthnilz.
«SiihiiadcimuliIeliciKadolzburg.
9 Trauiifcld.
Fiîuii.i; XIII.
10 ilaiiisfurt.
1 1 LbcrtncrgCD.
sKPur.TURES FT cniRTii:i\r.s Mf^nnviNciKNs.
i87
Fboille XiV.
12
Kronsdoif.
13
Im Ilolilcnsloin.
14
nurglcngiMilc.ld.
]li
Doiiorlin^',
10
Obertraul)liiig.
17 Minorilenhof.
18 Kôferinjj;.
10 Allcncssiug (Schellencck)
■20 Alkofcn.
21
Geisclharing.
22
Essiing.
23 Gerolling.
l'EUILLfl XVII 1.
24
Uoggdcn.
23
Denzingen.
26
Illcrlissen.
27
Beileoberg.
28
Gross-Aitingcn.
29 Schwabmunchen.
30
Langeneringen.
Feuille XIX.
31 Druiâheim-Merlingen.
32 Nordlingen.
33 Berg im Gau.
34 Nordendorf.
35 Schrobenhausen.
36 Langwcid.
37 Obcrhausen.
38 Kircbaraper.
39 Unter^\eikertsbofen.
40 Ober-Egling.
41 Walleshausen.
42 Erding.
43 Nolziog.
44 Freimann.
45 Ascbheim cisll.
46 — wcsti .
47 Johanniskirchen.
48 Obcrfuring.
49 Haidbausen.
50 Untersendling,
31 Geltendorf.
:.j
l'ieitmanschwang bci Zanken-
hausen.
.)3
Tùrkcnreld.
U
Kprcnhauiicn.
5:;
Itiniug.
:;()
Eching.
3"
(Jauling.
îiH
Delling bei Wcsslitig.
;i9
Auing.
00
ObcrndorC.
61
Sandau bei Laudsberg.
62
Seefcld.
63
Weslerschondorf bci Schwir-
ting.
6't
Leulsteticn.
e:;
Widdersberg.
C(i
Possing.
07
Scheidsod bei Nederndorf.
(-.8
Taufkircben.
69
Oberhaching.
70
AVidIacbing bei Alxing.
71
Aham.
Fecille XX.
72
Mûhldorf.
1'.]
Uuresbam bei St. Margare-
Ihenberg.
7i
Eholfing.
73
Mamming.
70
Uanharding.
77
Moos bei Titlmonning.
78
Kirchhcim.
79
Zw. Kay und Ilausmanning.
80 Fûrst bei Picl!ing.
Fecille XXIH.
81 Ebenbofen.
82 Thalhofen.
Feuille XXIV.
83 Friéding.
84 Deiniii.?.
83 Aufhoi'en.
86 Wurmsee, Roseninsel.
87 Feldafin?.
J88
nr.Vl'F. AIlCIlhOI.OGIOLT,.
ss Pupplinp bei Ncufahreii,
8}i l'.ihl.
90 Holl.
IM Kplacli.
yj llaniiatinp.
î»3 Wi'illuMii).
!U Wlidshofen.
93 IViting.
9C Wr.rlh im SlafreL-cc.
97 Ilapcn.
98 Clou.
99 Crossheirendorr.
100 Laus.
101 Marienberg.
10'2 L'nlerslandkirclicn loi Feiid-
bach.
KO llcrbling.
Il)'» Acrisag bci Pil7.iog.
Fel'ili.e X\V.
lO:; l'allinp.
lOn rritioltiiig.
I(i7 Uiiinninp.
I(is MNllslclIcn bci lln'mninp.
1(19 (lessenbausen.
11(1 Miilloriiig bi'i Ilipfclhatii.
111 llulzhaiisoii.
112 Wnping.
113 Issing.
114 Villern iind Maicrhofen,
I ri llcrp.
Tabirau drs ffiiillrt de la (!arl( dr r>a\i(r( sur loii|urllrs se IrouMiil Im noms iodiquti.
8
0
13
lû
8
20
23
?4
25
BAVIÈRE RHÉNANE
Par le professeur Meiii.is, de Durklaim.
1 Albishcim.
2 Kindonbcim.
3 Gross Dockcuhcim.
4 Ciriinstndt.
ii Kirclibcini.
C< Fraiikciilbal.
SKPULTUrtRR ET CIMETIKRRS MKROVINOIRNS.
289
7 Wcissenhcim sur montagne.
8 >Veissenlieitn sur S.
9 Freinsheim.
i(> f']ri)olzlicim.
1 1 Oggerslieim.
il Dinkhcim.
M Limburg.
14 Muiidonhcim.
15 MuUcrsladt.
If, Korsf.
17 Kiiriigsbacli.
IS .NiMiliolon.
!'.> Musshach.
20 llassloch.
21 Spcyer.
22 Kniirringen.
23 Gcrshcim.
HESSE RHÉNANE
Par lo D"" Liudeiisclimit, de Mayence.
i Main/, (Mayence).
2 Zahlbach.
3 Weisenau.
4 Hccblsbcim.
il Laubcnheim.
6 Heidesheim.
7 Bingen.
5 Dietershcim.
9 Sponslicim.
10 Horweiler.
1 1 Gr. Winlernheim.
12 Ob. oim.
13 Kl. Winternheim.
14 Bodcnlieim.
15 Nackcnheim.
10 Ebcrslieim.
17 EIsbcim.
18 Niedcr 01m.
19 llarxheim.
20 Luizweiler.
21 Mommenheim.
22 iSierstein.
23 Udenheim.
24 Selzen.
25 Hahnheim.
26 Kiingernbeim.
27 Oppenbeim.
28 Dexheim.
29 WoiTstadt.
30 Planig.
31 Bûsenheim.
XXXIX.
32
Sprendlingcn.
33
Frcilaubersheim
34 Flonheim.
35
Ensheim.
30
Dolgeshcim.
37
Eimsheim.
38
Hillesheim.
39
Alsheini.
40
Albig.
41
Alzey.
42
Hessloch.
43
Esselborn.
44
Freimersheim,
45
Eppelsbeini.
4(î
Flomborn.
47
Engbeim.
48
Weslhofen.
49 Osthofen.
fJO Abenheim.
51
Monsheim.
52
Worms.
53
Wicsoppcnheim.
Au côté droit du lihin existent des
cimclitres mérovingiens à :
Leehcira, Darmstadt, Bessungcn
et Virnhcim.
Pris Francf'/rt-sur-Mein il y a des
cimetières mérovingiens à :
Nieder-Ursel, Heddernheim el
Enkbeim.
20
290
RRVUE ARCHROI.or.IOnP..
DUCHÉ DE NASSAU
l'ar le colonel do Cohauskn, do Wicsbaden.
i Rfidosheim.
2 ficisonlieim.
3 Sainl-narlholomaus.
4 Winkcl.
."i Miltellioim.
6 Oesirich.
7 Ruine KIoster-Gotleslbal.
5 Oher ^Vallllf.
y Medcr ^Vallur.
10 Schierslein.
11 Scliierslcin.
12 IlofC.orolli.
13 Dolzlicirn.
14 Wiesi)adcn.
l.ï Mosbac.h.
10 liiehrich.
17 Bier8ladl.
15 Igstadl.
19 Krbcnheim.
20 ilocliheim.
PRUSSE RHENANE
1 Xanlen.
2 Kôln.
3 Berzdorfbei Brûhl.
4 Oberholldorf.
;i Uberkassel.
G Godesberg.
7 Meckenheim.
8 Honnef.
9 Ileppingcn,
10 Niederhilzingen.
11 Andernach.
12 Engcrs.
13 W'assenacb.
14 Adenau.
i:; l'iaidt.
Ifj Kailich.
17 Bubcnbeim.
18 Niederberg.
l'.l
Medermendig.
20
Polcb.
21
Horchheim.
22
Brodenbach.
23
Udlcr.
24
Trechlingshauseo,
25
Simmcrn.
20
Dudcldorf.
27
Speicher.
28 Trier.
29
I.cibach.
30
Diikenfeld.
31
Nieder-Biombach.
32
Baumbolder.
33
Iloppsl.idlcil.
A't
Tholey.
33
Landsweilcr.
30 Schiiïweiler.
■WURTEMBERG
Par le professeur D' E. Paulos, de Stuttgard.
1 Kdelfingon.
2 llalfinbach.
3 Mûcktniibl.
4 lagsthauscn.
3 Olnhauscn.
0 BùlliugcD.
7 (iiiiidolshcim.
s Iiilerulisheim.
'• Ocdheini.
H» ingsirdd.
11 Biizreld.
12 Scliwaigern.
SF.PUr.TUnF.«; F.T CIMnTliiRF.S MKnOVINT.IRNS.
291
\2 Grailshcim.
14 Sic tien.
1."j Klinponl)org.
K) Michon'L'l.l.
\1 Lauflcn.
IH Frauczimmern.
19 Mcimsheiin.
20 fiir^lingcn.
:•! nrinnigheim.
22 Kallenweslcri.
23 (ioiuinrigheim.
24 Oltmarsheim.
25 Wahllieini.
26 Hessigheini.
27 KI.Asbach.
28 Horrliciiii.
29 Klein.
30 Gross-Ingers'aeim.
31 Oppenweiler.
32 Zell.
33 Pfalhheim.
34 Oelisheim.
35 Murr.
36 Bietigheim.
37 Pleidelsheim.
38 Kirchberg.
39 Schretzheini.
40 Dùrringen.
41 Bissingen.
42 Benningen.
43 Rosswaag.
44 Heulingsheim.
45 Marbach.
46 Zùbingen.
47 Thamm.
48 MaïkgoningeD.
49 Eglosheioi.
50 Asberg.
51 Os>\veil.
52 Rotlingen.
53 Ncckargroningen.
54 Scbwieberdingen.
55 Aldingen.
56 Hemmingcn.
57 Kornweslheim.
Bobingen.
j8 Boplingcn.
59 Weissach.
60 Miitichingcn.
(il Slainiiiticiin.
62 I'l:ichl.
63 Zalzcnhausen.
64 Dilzingen.
6,") Waiblingen.
tif. Wcil itn Dorf.
'M Zimmern.
68
69
70 Kssingon.
71 Feuerbach.
72 Cannstadt.
73 Beutelsbach.
74 Stuttgart.
75 Unler Turkeim.
76 Ohmcnheim.
77 Merklingen.
78 Ncrcsheira.
79 Kosingen.
80 Weildie Stadt.
81 Magstadt.
82 Esslingen.
83 Auernheim.
84 Oslelsheim.
85 Alt Ilengslcdt.
86 Maichingen.
87 Mohringen.
88 Keuinatb.
89 Gnppingen.
90 Sindelfingen.
91 Darmsheim.
92 Geehingen.
93 Boblingen.
Oi Musberg.
95 lIoFswalden.
96 Heidenheira.
97 Aidlingeu.
98 Ehningen. .
99 Unter Unsingen.
100 Kircbheim.
101 GiiUlingen.
102 Kuppingen.
202
nF.VOE ARCUKOLOGlOtr..
103 Nartingcn.
104 Dellingcn.
lOu Altcnstedt.
lOG Geisliiigcn.
107 llormariiigen.
1(is Allonsladt.
loi» Pfrondorf.
110 Fommingen.
m Walddorf.
112 Aufhausen.
H3 Fiiltslein.
H4 Unler LenningCD.
Ho Oberslolzingen.
116 Obcrscliwandorf.
117 Nagold.
1 18 Oeschelbronn.
119 Reuslcn.
!20 Mnlzingen.
121 Hohenstadt.
122 Gandringen.
123 Motzingen.
124 Kuslerdiugen.
12;j Detlingen.
126 Hochdorf.
127 Raisitigen.
128 Wurmiingen.
129 Ijgetizingen.
130 Weilheim.
131 Reullingen.
132 Glems.
133 rrach.
I.'t4 Inimenhausen.
13") Altlieini.
13(; Gninmeltslelten.
137 Ob. Iflingen.
138 Hieringen.
13'J Mfihriugcn.
140 Frommenhausen.
141 Nchren.
142 Gônningen.
143 ITullingCD.
144 Hiellicim,
1415 Doltingcii.
14G Hopfau.
U7 Sulz.
148
Uert;rt'l(liMi.
I4;i
NVoilliciiii.
150 Salmandiiigcn.
151
Gerliausseti
152
Ariicgg.
153
i;im.
154
l'iilcr Kircbbcrg.
i:;5
Pelerzcll.
156
Hnmiensdorf.
157
Zell.
158
Itcrgacb.
159
iMederhol'on.
160
Dcibnensingen.
161
Wcinsletten.
102
llocbmoffingen.
103
Fluorii.
104
Bahlingen.
165
llausen.
166 Magcrkingcn.
167
Rislissen.
lOS
Kbingen.
109
Obermarchllial.
170
Eracrkingen.
171
Haupheira.
172
Neukirch.
173
Slellcn.
174
Roltweil.
175
Deilingen.
176
Ob. Oidisheim.
177
Mcsstetlen.
178
luncringen.
179
FlOzlingen.
180 G.-.llsdorf.
181
Wchingen,
182
Nusplingcn.
183
Frobnslcttcn.
184
I.atigcii Enslingen.
185
NVilllingeii.
180
Allli.-iib.
187
NciiTra près Ricdlingen
188
Rcis^lirigen,
IS^
Aixhcira.
190 Denkiiigen.
191
Hubsbcim.
192
Kg Ci) b ci m.
SEPULTURES ET CIMETIÈRES MEROVINGIENS.
293
\Q^ Ob. Sôchmeien.
194 Biiigcn.
19!> Hinswangcn.
11)0 Feufra près Uotlwoil.
197 Schwenniugeu.
198 Trossingcn.
199 Spaichingen.
200 Baigheim.
201 Diirbheim.
202 Kolbingen.
203 Inzigkofea.
20 i Scheer.
20.'i Ennetsch.
206 Mengen.
207 Herbertingen.
208 Grotis Tissen.
209 Thuningcn.
210 Oberllacht.
211 Wiinnlingeii.
212 MiihUieim.
213 Sleltcn.
214 P'riedingen.
21.) Knzkofen.
216 Neudingen.
217 Tultlingen.
218 Unter Essendorf.
219 Aulendorf.
220 Ailrach.
221 Aichstellen.
222 Schlier.
223 Fischbacb.
224 Friedrichshafen.
ARCHÉOLOdlE GAULOISE
UN CASQUE EN KEK
ET DKS BOUTF.nOLI.KS 1)K KOUnnEAUX d'kPÉE.
Lettre à M. Alcxandrr Bertraml, dirçclcur du Mmrr des ouliquUcs
iialioiuih's.
Mon cher Directeur,
Vous avez rendu un réel service aux amis de l'archéologie gau-
loise en faisant publier dans la Revue archcologifjitc l'instruclif rap-
port de M. Mailrc sur le casque en fer du Musée d'Agen (1). Les
casques gaulois avérés sont encore en petit nombre : quelque célè-
bres qu'ils soient, ceux de Falaise (2), de laFosse-aux-PrtHresi3), de
Berru(i;, ne peuvent satisfaire à tous les éclaircissements qu'on leur
demande. Ils viennent de contrées dont le rôle n'a jamais eu assez
d'importance pour qu'on puisse augurer par elles du reste de la Gaule.
Ils semblent d'ailleurs remonter à une période assez reculée pour
qu'à leur occasion nous ayons l'impression d'une lacune au regard
des temps postérieurs, jusqu'à l'époque delà conquête. Enfin, ils sont
en bronze et, soit par leurs éléments distinctifs, soit par les objets
qui leur étaient associés, ils paraissent se rattacher à cette civilisa-
tion particulière (|ui a plus spécialement caractérisé, avant notre ère,
la région occidentale de notre territoire.
Un parlait peu jusqu'ici de casques en fer; cependant n'élait-il
(1) Livraison d'avril 1879.
(2; V. Hriiie arcfiéolo'/iqiif, t. Mil, p. 200.
(3^ Prèi do Thcil, à Hilly (Loir-ct-Clicr). Vo)Ci Matihioux i>our l'histoire nntu-
rellf ft /iiimiiii r dr l'Itonune, revue dirigOo à Toulouse par M. Km. Cartailhac,
7* Wirie, l. VI, 187j. y. 111.
(i) V. la note de .M. A. Bertrand à la paRC 01 du Hullrlin de tu Soriélc t/r»
finlujuatrts de Franr^, 2' trim. do 1875, cl colle de M. Ed. Barthi^lcroy dans les M<i-
Dooircs de la mCme SociéU', t. XXXIV, p. 92.
ARCHI?,OLOGIR GAULOISE. 295
pas probable qu'il devait en avoir exista dans lo Midi et dans celte
longue zone orientait; où le fer, à la faveur do l'immigration galli-
que que vous avez mise en relief (1), a si vivement disputé au bronze
la prédominance que celui-ci conservait ailleurs?
Aussi les révélations iiue l'Iiabilcté de M. Maître a obtenues du
casquedu musée d'Agen sonl-cllcs singulièrement précieuses; elles
apporloni un appoint considc'rable à celles qu'avaient fourni'js 1rs
débris de ses congénères renconliés à Alise. Peut-être est-il en mon
pouvoir d'y ajouter qucl(jue chose, et j(3 vous demande la permission
de vous présenter un nouveau casque qu'avec de bons juges de ses
particularités jo crois contenipoiain de ceux que vous venez de nous
faire connaître.
Le temps et ses morsuirs lui ont été funestes. Le rôle humiliant
qu'on lui avait assigné avant que la fortune l'eût fait arriver en des
mains plus dignes de le posséder a encore aggravé ses malheurs.
Vous avez assurément connu Kmilion Dumas, à qui la géologie
desCévennes est redevable de ses plus importanles conquêtes. Quoi-
que naturaliste avant loul, il avait l'esprit trop laigement ouvert à
tout ce (jui mérite de le solliciter pour que rarchéologie n'y tînt
pas une place lionorable.il ne négligeait jamais de recueillir les
vestiges du passé que le hasard plaçait sur son chemin, et, à rôle de
ses fossiles, il a groupé dans son riche cabinet, à Sommières (2), un
grand nombre d'antiquité^ intéressantes.
Un jour qu'il pérégrinait, son marteau à la main, à quelques kilo-
mclres au sud-est d'Alais, il avisa à la fenêtre d'un mas une superbe
giroflée s'ébaudissant de toute l'ardeur de sa sève aux rayons du
soleil. Son regard s'arréla moins toutefois sur les fleurs que sur
l'étrange récipient d'où elles surgissaieut. Au lieu du pot tradition-
nel, il apercevait une sorte de grande coupe à parois minces et de
teinte rubigineuse, à laquelle son galbe hémisphérique laissait si peu
de base que, pour la maintenir en équilibre, on avait dû la caler avec
de petites pierres. C'était le casque en fer dont je vous envoie des
croquis sous tous ses aspects et que je suis autorisé à mettre à votre
disposition pour un moulage au profit du Musée des antiquités na-
tionales.
Sacrifier la giroflée et en acquérir le contenant fut pour Emihen
Taffaire d'un instant. Interrogé sur sa provenance, le fermier lui
(1) Voyez Dktionudire archéologique de la Gnulc, époque celtique, v Galti.
(2) Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Nimes, à la limite du département
de l'Hérault.
396 HKVUK AnCHÉOLOr.IQUK.
apprit qno sr\ rljarriio l'avait inopiiuMiient fait sorlin]uolqucsann(''Cs
auparavant d'ui: champ situi' sur la colline vdisiiu-. 11 y gisait à côté
il"un autre morceau lie tôle rouilU^e, dédaigneusement jeté dans un
las de vieille ferraille. On eut la chance de l'y retrouver cl, incon-
tinent, on alla visiter le cliami) producteur d'une aussi singulière
récolte Il s'étendait au beau milieu de Voiipidnm de Vio-Cioutat l
L'instinct de l'heureux chercheur ne l'avait pas trompé, il venait
d'enrichir ses collections d'une pièce du idus haut intérêt.
L'oppidum de Yié-Cioutat, qui couronne uncéminence isolée vers
le point où se rencontrent les limites des communes de Mons, de
Saiut-llilairede Bielhmas et de.Monteils, est vraisemblablement l'un
de ces vingt-quatre oppidums qui relevaient de la cité de Nimes et
([ue Strabon et Pline ont jugé de trop peu de notoriété pour en
faire la nomenclature (1). Une voie antique se dirigeant vers Uzès
(Ucetia) en côtoie la base méridionale. M. Germer Durand l'identilie,
dans son Dictionnaire topographique du (îard, au Vutnite de la
célèbre inscriiilion géographique du Musée de Nimes : le nom de
Droude conservé au ruisseau qui coule à ses pieds me semble lui
donner raison.
Son enceinte en partie boisée et encore aujourd'hui tracée \m'
de massives murées en pierre sèche, dont quelques parties sont res-
tées debout, enferme une superlicie de plus de deux hectares.
Si l'homme a pris quehiue peine pour en faire une forte position,
la nature l'y avait fort encouragé en allribuanl aux pentes qu'elle
domine une raideur peu favorable à l'escalade. Aussi son plateau
a-l-il été occupé dés la plus haute antiquité. On y a recueilli
des vestiges certains de ces populations primordiales que civilisè-
rent succe.ssivemenl les Grecs colonisateurs et les Romains conqué-
rants. Geux-ci même, à l'inverse de ce qu'ils ont fait pour beau-
coup d'oiipidums gaulois dont la (liflicullé d'accès les rebuta, ne
dédaignèrent pas de s'y établir à demeure. (Juebiues parties du rem-
part destituées de leur aspect cyclopéen accusent la main de répa-
rateurs familiarisés avec les procédés des ingénieurs de Home. On a
rencontré d'ailleurs, en fouillant le sol, des substructions, des iromjons
de colonnes, des poteries, des mosaïques, des ustensiles en bronze
et en fer, caract»'risli(|ues de l'époque romaine. Ils sont en nombre
assex considérable pour expli(iuer et juslilierle nom de Vié-Cioutat
{retus rivitas) par le<iuel on désigne cet emplacement de temps im-
mémorial.
(1) Siiab , lib. IV; Pli"., //i^^, m, 'i : " ()|'i»iila iguobilia. »
ARCUKOUMJIK (JAULOlSK.
2in
Je pourrais copiiM-, pour décrire exactoiucnt le casque qui en est
sorti, plusieurs des iiidic.ilions fournies par M. Mailre sur celui du
musée d'Agcn. Comme ce dernier il est remarquable par la régu-
larité de la forme, l'habileté du travail, la simplicilé de l'ormenta-
tion. Le métal s'y révèle d'excellente qualité. Malgré sa faible
épaisseur, qui n'a jamais dii dépasser deux milliinélics, il est très
légèrement altéré; l'oxydation n'a pu y développer ([u'un épidémie
rugueux, et si on y remarque quelques callosités et boursouflures,
elles ne sont pas de celles ipii ont dénaturé l'aspect originaire de
tant d'anti(|uités en fer.
Une seule pièce de métal emboutie au marteau par une main très
experle a suffi à sa fabrication.
La calotte, longue de Û"\22, laige de 0"',187, profonde de O", 136,
semble hémisphérique quand on la regarde de face (fig. A), mais
elle perd celle apparence lorstju'on l'envisage de profil (fig. A'). La
projection de sa courbe dans la direction de l'occiput lui attribue en
réalité la forme d'une ellipse irrégulière, rétrécie à la région du front
et sensiblement élargie à l'arrière (fig. IV;. Sa base, de ce côté, était
brusquement arrêtée par un coude du métal contourné à angle droit,
afin sans doute de constituer un couvre-nuque. Il n'en reste que de
légères amorces, mais, si réduites qu'elles soient, elles montrent
qu'après avoir été dirigée en avant pour la prolection du cou, la
feuille de métal avait été repliée sur elle-même, puis ramenée à l'in-
térieur cl redressée, de façon à former celte bande marginale qui s'é-
Î98
ni-M K MICIIEOLOOIQUE.
lond d'un ltMiipnral;M'.iiilrorl((iioIaissov()irla liKiui» (', onC. Lebonl
cervicil ilu rastjuc avait ainsi uiio rpaissour double. Ello avail sa
raison d'tMro dans la néccRsilé de prol("'pcr cfllcarcmeiU uno région
du corps I arliruli('>rcment exposée ii «le Iraîlipss.^ allaqucs de la part
Vxî
de l'onnoiiii, mais vraisoinblablomenl aussi celle bande en doublure
devait encore favoriser l'adaplation de quohiue garniture iiitcrieure
ou coilTc molle s'inlcrposant outre la lOte et le dur métal qui la re-
couvrait.
Si je ne me trompe, les casques d'Alise et du musée d'Agen
ne présentent pas celle disposition; mais vous savez qu'elle n'est
pas sans exemple. Vous aurez assurément remarqué dans les beaux
dessins rapportés par noire ami Cli. Cournaull, des régions du centre
de i'F'^urope anciennement occupées par la race gauloise (1^ la bande
analogue iiu'olTrenl lescas(iucs en bronze conservés au Musée Maxj-
milien d'Augsbourg. Elle s'ymontic à l;i vérité moins rudimentaire,
plus ouvragée et plus ingénieusement comprise, mais le prineipo
est le même et celi-ait de ressemblance avec le cascjue de Vie Cioulat
mérite (jue je le relève.
Il en est encore un autre (|ue Je dois faire res^orlir : c'esU'absence
de tout appareil destiné à la lixation d'un cimier ou irunc aigrette.
Son sommet absolument lisse n'a jamais comporté le panache qui
(1; Ces dessins. si prcricin pour l'iHudn de i'arclxîoIOKic Rauloisc sont dc^poscs à la
bibliothèque nnlionalc, d>'partt'm<'nt des cstanipen.
AHC1IIÎ0L0(;IK (ÎAULOISE.
2U!)
décorail 1(^ casiiuo (l'Amen; pour lui, rommn pour los casques du
musée liavarois, la n'-gularité du galho a élé en ce point lo seul
élément d'élégance qu'on ait voulu se ménager. Celle simple sphé-
ricilé de la ligne devait élrc, au surplus, la régie dominante; son
adoption usuelle ressort de la conformation attribuée à un très
grand nombre de casques gaulois figurés sur des monuments, des
monnaies ou des médailles. 11 semble même que l'aire géographique
de son extension ait élé fort considérable, puisqu'on la rencontre
aussi bien chez les Proto-Etrusques de l'Emilie que chez les Galales
de Bavière, et (|u'elle se montre en Gaule, dans la sépulture du
Vaudreuil (1), chez les Aulerkes Eburovikes, et sur les monnaies de
Comios le célèbre roi des Atrébalcs, comme sur les élégantes mé-
dailles marseillaises au type d'Apollon casqué (2).
(l) Voyei Notice arcliéologique sur le cimetière gaulois découvert au Vaudreuil,
Eure, par l'abbé Cochet, Hac. da Suc. savantes, livraisou de mai-juin 18Gi, et fier.
de la Nûr)>}an(lie, livraison d'octobre, 1864.
(3) Voyez E. Huchcr, l'Art gaulois, 2' part., p. 9i et 100, n'* 151 et 161,
300 HF.Vl'K AHCHÊOLOGIQUE.
On pourra m'objorler sans doute qu'il ne rnnvicnl pas d'allribupr
une valeur trop positive aux liguiations du monnayage gaulois. Il
doit en elTei comporter quelque chose de conventionnel, puisqu'il
dérive notoirement du monnayage grec, dont il s'est souvent borné
à reproduire servilement les types. Mais Tobjectiou n'aurait dans
l'espèce qu'une portée relative: loin de repousser, pour le casque
de Vié-Cioulat, la possibilité d'un lien avec la (îièce, je suis au con-
traire persuadé que sa fabrication a été inlluencée par les coutumes
helléniques. Ces deux bossages en arêtes longitudinales obtenues au
repoussé et figurant, vers la base du frontal, des arcades sourci-
lières, ne sont-ils pas le résultat d'une des traditions greciiues les
plus accentuées? N'yreconnaîtrcz-vous pas avec moi un ressouvenir
certain de cette préorcupalion des artisans grecs de donner l'aspect
du visage humain à l'armure de la tête elde juslifier, à un point de
vue réaliste, cette qualification d'hommes d'airain que la frayeur
inspira aux premières armées perses appelées à se mesurer avec les
hoplites d'Athènes ou de Sparte?
Les musées sont pleins de spécimens légitimant cette manière de
voir. Je me contcnti-rai de vous rap|>eler le casque grec en bronze
n" (3(j'.)K du muséedu Louvre, à cause de ses points de ressemblance
avec le casque de Vié-Cioutat. Comme lui il est d'apparence hémis-
AnciiKor.OGiF. r.Aur.oisE. 301
plK^rique, absolument lisse cl sans moulures basalos; comme lui
aussi, il n'tMiiiuiinte ;\ la ligure liiiin.iin(^ que le (racé d'aicaïUîs
sourcilièrcs résultant, il est vrai, d'une dépression au lieu d'un
relief, mais, pour (Mre plus logiquement rendue, l'intention n'en
reste pas moins la mt'^uie et l'identilé de type se coiilirme encore par
la présence, à la naissance de ces arcades, du bouton métallique
qui existe à la même place sur le casque de Yié-Cioutat.
Y a-t-il surmonté, comme cbez son congénère du Louvre, un
nasal qui aurait disparu/ Lacbose n'est pas impossible, car, au-des-
sous de ce bouton, le bord actuel du casque paraît plus cITrité (|ue
dans les parties adjacentes; il n'y présente pas surtout cette épais-
seur terminale qui, à droite et à gauche, me semble caractériser nor-
malement une ligne marginale. Je garderai toutefois une prudente
réserve sur ce point; l'hypothèse d'un bord droit paraît avoir
autant de chances de vérité : on ne répugne pas à supposer à notre
casque un frontal rectiligne ne se départissant de sa régularité que
pour admettre sur les côtés l'échancrure nécessaire aux oreilles.
Tel est d'ailleurs, à sa partie antérieure, le caractère du casque du
Vaudreuil(i) que je rappelais tout à l'heure. Cette partie, nettement
(1) Le dessinateur dont l'abbé Cochet a réclamé le crayon a pris la partie anté-
rieure de ce casque pour sa partie postérieure et l'a représenté i contresens. Mais
son erreur est démontrée par l'emplacement de l'échancrure des oreilles. Il en est
résulté qu'il a disposé les sinuosités de la jugulaire protectrices des joues dans une
direction inverse de celle qu'elles devraient accuser. Si je ne m'abuse, l'habitude de
voir des visières à la plupart de nos coiffures modernes a plusieurs fois occasionne
des méprises dans la détermination du rôle à assigner à certaines parties de quel-
ques casques antiques. J'incline à croire que, par la force de cette habitude, on a
transposé parfois l'avant à l'arrière et réciproquement, en prenant pour une visit're
ce qui n'était qu'un couvre-nuque. Je citerai notamment les casques en bronze ligu-
res par Liudenschmitt {Die Alterthnmcr unscrer/ieid/iischen Vorzeit, HeftllI,Taf. 2)
et celui de Vulci, au musée étrusque du Vatican, reproduit à la pi. LXXXIV de la
belle publication ordonnée par le pape Grégoire XVI. La partie réputée cervicale y
309 nF.VUF. ARCIIl^.OLOGIQDR.
accusée parla pelito entaille spini-circulaire et légiVement obliiiuo
tloslini'e à reci-voir le lobn île l'oreille, n'y présente |»ns seiileinenl
un bord droit, elle laisst voir cnoiilic nue nttênualion marquée, un
rétrécissement voulu et tout ;i f;iit siKuilii atif des moulures basales,
se prolonfieant en droite li^ne d'une entaille à l'autre.
On se persuade volontiers, en ne tenant pas compte de ces mou-
lures, que ce capquc donne une idée assez exacte de la physionomie
D'
^
•J ,/
originaire de celui de Vié-Gioutat. Je n'hésiterais guère à en rétablir
le couvre-nuque d'après le sien et je m'y croirais encore autorisé par
ce luorrciin ilc tûle rouHh'e remis parle fermier du mas avec le réci-
pient de ?a girodée, lig. D, D'. Après un examen prolongé et mûri en
compagnie d'archéologues 1res compétents en matière d'armures, je le
présente un amortissement, une sorte de troncature, tout îi lait irrationnels si l'on
songe à l'intîrôt qui s'attachait à la protection du cou dans une coiffure militaire ;
flics s'expliquent au contraire très naturollcmcnt si l'on en fjit la partie frontale.
Les casques sarrasins, continuateurs, comme beaucoup de casques antiques, de la
Tieille tradition orientale, se montrent dépourvus do visière sur une foule de mo-
numents remontant à I époque «les croisades, ou h celle de la domination des Maures
en Espagne. Sans doute la visière n'était pas incoiniuo dans la liante antiquité, mais
lorsqu'on voulait s'en ménager l'avantage on faisait reposer la calotte du casque sur
une sorte de surface plane, aussi élargie h l'avant et sur les côtés qu'elle l'était U
l'arrière. On le reconoaiiia aisément par l'oxamcn de beaucouj) do monnaies gau-
loise» ^voypz K. IJuchor, i'Art gnui„i\, !'• partie, pi. Il, 11^'. •_' ; pi. XX, fig. 2 ;
pi. XLVI.flg. 1 ; pi. XI.VIII, (ig. 2; etc., etc. ; 3' partir, p. 81. n" 127; p. 83. n°181 ;
p. fti, n»131; p. 100 el 101, n'" 101 et 102), ou parles processions de guerriers re
préseot4ies sur certain» l<ronzes ou sur des stéli-s funéraires proto-i'trusquos de la
liautc Itilie. I.a H<<.iic iirrMolnijique s publié (livraison d'ortobre 1867 et planche y
annexée) une notice sur une Bépuliuro doSosto C^alendr, dans la (Jaule cisalpme, qui
a livr* un de ces casquea ayant une visiire semblable au couvre-nuque.
AnCHÉOLOGIE GAULOISE. 303
cnnsiilrro comitio la pnrlio poslôrieurc d'un second casque dont il est
riini(jue et dcM'iiicr di'hris.
A vrai dire, on liésile loul d'ahord à s'arrôlcr à celle opinion : il
semble plus nalurci d»^ no voir en lui (lu'uno pirce délacliée de
noire casque. On s'imagine mAmf (|u'on va l'y rajuster sans diffi-
culté, et il faut l'insuccès persistant des tentatives auxquelles on
s'empresse pour imposer la cerlilude de son indùpcndance. il ne
reste de place au doute que sur le point de savoir si on a alTairc à
une visiùre ou à un couvre-nuque.
La première hypothèse ne paraît pas invraisemhlahle lorsqu'on
applique la pièce sur le ressaut des arcades sourcilières : elle s'y su-
perpose èlroitemenl et paraît décrire la même courbe. Mais ce ré-
sultat s'obtient aussi aisément lorsiiu'on la juxtapose, du côté opposé,
à l'intérieur de la calotte. La seconde hypothèse devient alors aussi
admissible que la première et on demeurerait fort perplexe entre
les deux si on ne remarquait, sous le fragment en litige et à la
partie la plus saillante de son expansion aplatie, la petite tige rivée
qui s'en dégage en se projetant en avant (fig. D, d). Malgré son état
de dèlèrioralion, elle devient décisive : inexplicable pour une vi-
sière, elle est toute naturelle pour un couvre-nuque, puisqu'il était
d'usage, ainsi que l'a rappelé M. Maître, d'y fixer « une petite tige
ronde aplatie d'un bout et enroulée de l'autre en forme d'anneau »,
à l'aide de laquelle on suspendait son couvre-chef lorsqu'on en dé-
barrassait sa tète.
J'aurai achevé la description de mon casque lorsque je vous aurai
dit qu'il ne diffère pas de ceux que nous connaissons en ce qui con-
cerne le crochet nécessaire à l'adaptation des jugulaires. Si, d'un côté,
ce crochet n'est représenté que par les deux trous de ses tenons dispa-
ras, il est intact de l'autre. 11 s'y présente sous la forme d'une pièce
d'applique longitudinalement fixée par deux clous de rivure, dont
la partie externe avait une valeur ornementale. Je n'oserais dire que
leur tôle semi-globulaire a été décorée de ces treillis de petits sillons
qui agrémentent les rivets des casques d'Alice et du musée d'Agen ;
la rouille l'a déplorablement rongée et je n'ai découvert, même à la
loupo, aucune trace positive de ce motif de décoration. J'en ai
cherché également sans succès sur le bouton frontal qui sert de point
de départ aux sourcils simulés. H n'est pas d'ailleurs rivé et, en ne
résultant que d'un bombement massif probaMemcnt réservé par
voie d'épargne au cours de l'opéralion du martelage, il me semble
attester une technique singulièrement habile.
En résumé, mon cher Diroctmir, le casque de Vié-Cioulat est
:K)4 nKVUF. AHCIIKOLOOIOl'IV
esscntiollcmenl paulois ; la situation el la prando ancicnncu'- de
l'oppidiiin qui l'a livrr ne pcimctlonl pas d'en douter. Il remonte à
une époque dtjà rerulée el assurément antérieure à la conquête de
(A'sar, puisqu'il porte l'empreinte de l'ordre di^ elioses (|iii a pré-
cédé dans CCS répions l'établisscnient délinilif de la domination
romaine. Je n'ai donc pas à insister pour que vous admettiez qu'il
est au moins le contemporain des casques de provenance indigène
aux(iuels je l'ai comparé. J'ajoute (ju'il en est jiroche parent :
plusieurs traits de ressemblance m'ont permis d'y relever l'air ilr
famillf à un depré maripié; mais je ne donnerai à cette parenté (jue
le rang collatéral, alin de tenir compte des détails qui décèlent une
inllucnce pallo-grecquc. Ce (jualilicatif vous surprendra peut-être ;
on l'a employé devant moi, au musée de Saint-fîermain, à propos
des antiquités que mon ami Henri lievoil a recueillies dans les
Bouclies-du-Rliônc, à Servanne, et dont il a libéralement doté nos
séries nationales. Le terme m'a paru heureux; il correspond judi-
cieusement à cette nuanee particulière qu'on ne peut méconnaître
dans les antiquités gauloises de nos contrées méridionales. Grâce
aux colonies grecques, une influence civilisatrice s'y faisait déjà
sentir plusieurs siècles avant notre ère. alors que le reste de la
Gaule demeurait dans cet état un peu fruste qu'à Home et à Athènes
on appelait la barbarie. Il est dés lors rationnel ({ue les vestiges de
cette période portent un cachet spécial, analogue à celui qui justilie
pour des temps un peu postérieurs l'épithèle de gallo-romain ap-
pliquée à tant d'ubj'-'ts recueillis sur notre sol et ne remontant pas
au delà de la coniiuétc Je sais qu'on criti(jue fort cette pauvre épi-
Ihèle, mais j'incline à croire qu'on raffine à son sujet plus que de
raison; pour moi, je la trouve si commode et si intelligible que je
m'enhardis h aflermir sa résistance en me servant d'une expression
parallèle à l'occasion du casijue de Vié-{joutat.
Je vous ai dit, en commençant celte lettre, (ju'à l'aide de cette
précieuse épave des Yolkes Arécomikes j'espérais ajouter quelques
notions nouvelles à celles que nous possédions sur les cas(iues
gaulois. Si je n'ai itas trop présumé de son intérêt, laissez-moi
tenter la même entreprise au prolit de ces curieuses bouterolles du
fourreau de ([uelqucs épées gauloises dont vous avez entretenu l'an
dernier la Société des antiquaires de France (I).
A l'occasion de celle que vous veniez d'acquérir chez M. Lehman
(lig. E) vous en avez signalé la physionomie orientale, précisé l'an-
(1) Bulletin de la iîfKiéU des antiquaires de France, ï* triin. do 1878, page .10.
AnCHEOLOGIE OAUI.OISE.
305
ciennclé, cl vous avoz montiY; coinhiiMi elles sont inléressanlcs pour
rarcliéologie iialioiiale, {luisiiu'ellesrournisseul une nouvelle preuve
(le l'origine asiatique de nos ancûtrcs. Vous ajou- i<^
tiezcju'il n'en avaitencoreété découvert que sept en
France, et qu'en majorité elles paraissent avoir été
employées pour des éjjées en fer, alors qu'en Alle-
magne on les rencontre exclusivement associées à
des épées en bronze.
Je puis accroître de deux unités la statistique que
vous avez commencée.
L'une des bouterolles qui vous sont inconnues
(llg. F) a été recueillie en 18 îO, dans le département
de l'Ain, à Dompierrc, où on a mis au jour de
nombreuses antiquités en bronze de facture éminem-
ment archaïque. On ne sait rien des conditions
spéciales de sa découverte, ni de l'épéc dont elle a termiaé le four-
reau. Elle fait actuellement partie de la belle collection que la ville
d'Orléans doit à la munilicence de M. le vicaire général Desnoyers.
Sans ressembler exactement à celle que M. Lehman vous a cédée,
elle appartient cependant au même groupe. Elle trahit une re-
cherche plus grande de l'élégance en même temps qu'une meilleure
entente de ce qui phiil au regard sans préjudicier au mérile utili-
taire. L'élargissement de sa base, harmonieusement délimitée par
trois lignes courbes se développant dans une direction diirérente, ne
XXXIX. 21
non
P
p
Il I-VIF. Anr.FI LOLOliluU F. .
l'st rôviilonlc tlémonsli-alion. Il
en esUle mûmo de In forme don-
née aux ailclk's. Toul en reslanl
soumise aux lois de la syméuio
proportionnelle, leur dispo.silion
supprime, par une abrévialiun
inklligentc, les inconvénienis
inévilahles de l'exlension qui e*l
le propre de ce type de boute-
rolles. Elle est, sous ce rapport,
le perfeclionncmcnt 1res réussi
des intenliuns(pii s'accusent dans
le spécimen compris dans voire
nomenclature cl découvert à
. Oucmiyny (Cùto-d'Or), dans l'un
des lunmlus do Gosne.
On remarque qu'à l'inverse de
votre bouterolle, ou de celle dont
je vais parler, elle n'avait point
été perforée transversalement
p, pour le passage de rivets devant
la Uxer au bois du fourreau. On
se demande dés lors comment
elle y demeurait attachée. La
simple introduction à frottement
n'ayant pu la maintenir d'une
fa{;on durable, on suppose volon-
tiers rinlervenlion de ces (ils de
bronze dont la bouterolle Leh-
man a conservé (|uel(|ues vesti-
ges. Le double méplat ovalaire
(|ui termine les ailettes en cou-
pant leur plan général ;\ angle
droit aurait été pour eux un
moyen commode d'arrôl et de
lixilé; mais je dois déclarer (|ue,
s'ils ont lîxisté, il n'en subsiste
aucune trace sur la partie du mê-
lai iju'ils aui aient recouverte.
Ma seconde bouterolle (Tig. 10
est encore jilus Intéressante. Kilo
r.'ii! p;irlii' ilu liche r;iliiii('l de
AnCFIKOI.OGIE r.AULOISK. 'AOl
M. L. Vallonlin, ju;îc d'inslruclion à Montéllmar, qui m'a In s obli-
geammcnl permis de la dessiner avec la m3{,'nill(iue «'■pée en bronze
à laquelle elle élail associée. Kpée el houlerolle ont été lenconlrées
ensemble, en ISîili, à La Laupie, canlon de .Marsanne (Drùmej, au
cours de Iravaux agricoles. Des ossements et des fragments de poterie,
qui gisaient au même lieu, autorisent à penser qu'elles avaient été
déposées dans une sépulture (1;.
Cette deuxième boutcrolle se rapproche plus que celle de M. l'abbé
Desnoyers du type que vous avez mis en relief. Rlle est encore plus
voisine peut-èlre de celle que Yon Sacken a reproduite sous le u" 10
de la 19^ planche de son mémoire sur le cimetière de llallstatl. Moins
soucieux de l'élégance et de la commodité des courbes resserrées
dans un étroit esfiace, son fabricant a résolument pris son parti delà
projection traditionnelle des ailettes. Il n'a môme pas cherché à en
atténuer l'incommodité en dirigeant leur expansion dans le sens de
la hauteur comme dans la bouteroUe Lehman. Il les a maintenues
horizontales sur dix centimètres de longueur de chaque côté, avec
une rigueur de principe autorisant à croire que le fourreau muni
d'un semblable appendice devait tout accrocher de la façon la plus
gênante.
La découverte de La Laupie atténue un peu la portée de vos in-
ductions comparatives. La boutcrolle qu'elle a fournie protégeait
en elTet, comme celle du tumulus de Barésia (Jura) et comme celles
d'Allemagne^ la pointe d'une épée m bronze. Cette épée, d'une
admirable conservation, est à cranS; à arête mousse, et à nervure
marginale ('ig. G). Elle rentre très nettement dans cette série pri-
mordiale d'armes en métal qui a propagé jusque sur le territoire
transalpin l'iiilluence de r(3rient. Elle présente un double taillant et
mesure une longueur totale de 0"\78. Si sa lame, rétrécie au-des-
sous des crans et s'élargissant ensuite pour se rétrécir encore avant
de finir en une pointe obtuse, mérite d'être remarquée, sa soie, dont
toutes les particularités et les contours sont demeurés intacts, est
encore plus digne d'arrêter l'attention.
Longue de 0'",12, elle est plate et élargie. Sa configuration
sinueuse laisse supposer qu'elle n'a pas été faite pour se perdre
dans une massive poignée de métal l'enveloppant de toutes parts. Il
est vraisemblable qu'en outre du volumineux pommeau à incrusta-
tions qu'a fait connaître la station de Hallstatt, elle comportait sur
(1) Voyez l'Arrondissement de Montélimar nrant l'hi^ioire, par Florian Vallen-
tin; discours de réception à l'Académie delphiualc. Grenoble, 1879.
308 nr.viT. AncuROLor.iouF.
chnriino dfi ?os fnros un iil.irnçrc d'ivoiro, de conu' ou do liois dur.
I/aillit^riMir.' on l'iail i,'ar;intK' par los (|uatri3 rivets disposùs en
Irimplo (ini la traversent encoro ci parce ressaut d'épaisseur s'al-
longeant vers sa partie initiale sniis forme de elievron très aipu.
Ce type d'épée en liron/.e, assez fréquent en Alleniaf^ne et en Au-
Irichc dans la vallée du Danube, est {'{paiement ronnu en France.
Il y est notamment représenté par l'épéo du tuniuhis de Harésja,
par celle de la sépulture inéi^alithiquo de reyro-Levado(l), par les
épécs recueillies dans la Satine cl dans la Seine et conservées au
Musée d'artillerie, f/estde lui (jue procèdent ces épécs en fer do nos
luniulusde lîourgogne dans lesiiuellcs je n'hésite pas à voir la spa-
tha, mentionnée par Diodore et par Tile-Live comme une arme essen-
tiellement gauloise.
Ainsi que je l'ai dit, en 1872, dans ma note sur les sépultures de
Veuxhaulles, ces longues épées en fer ne sont que la reproduction
des épées en bronze en un métal nouveau. Elles témoignent ainsi
de la substitution lente, progressive et sans secousse du fer au
bronze, en prouvant qu'on a continué, tout en employant le fer, à
respecter des formes consacrées par un long usage et protégées par
la faveur universelle. C'est une application, sur le terrain de l'ar-
chéologie, de la grande loi naturelle de l'évolution. Constatons-le,
mon cher Directeur, pour la plus grande gloire des données positi-
vistes et des méthoile> scientifiques, que plusieurs de nos confrères
recommandent si fort à nos égards. Je crois pouvoirleur donner, sans
inconvénient, cette marque de bon vouloir.
Sur cet hommage rendu à la philosophie de leur science, je prends
congé de vous en vous renouvelant la cordiale assurance de mon
dévouement.
Eu. Flol'est.
(1) A Miere (Lot), voir l'Essai sur les dolmens de M. de Bonstetten.
LA
MÉDECINE PUBLIQUE
L'ANTIQUITE GRECQUE
Suite (1).
IV
De loul temps, les médecins grecs ont possédé deux sortes d'aides
(uTrripôW., en lalin ministri) (2): les aides-élèves ou disciples (jv-aOr,-
Ta(), appelés encore aides libres (iXeûOepot), et les aides-esclaves
(ooûXoi).
Ces deux sortes d'aides, qu'on appelait aussi « médecins», dit
Plalon (31, bien qu'ils ne le fussent pas, apprenaient l'art sous la di-
rection du maître (xotr' s-rrÎTa^iv tôW SeffTioxîov) ; les premiers, les élèves,
par l'étude (ôecopîav) ; les seconds, les esclaves, par routine (xa?* eu.»
TTSipt'av).
Examinons d'abord la première classe de ces aides, à savoir les aides-
élèves.
L'enseignement médical, en Grèce, a toujours eu le caractère d'un
enseignement privé, essentiellement domestique, et, il ne faut pas
s'y tromper, dans les écoles médicales de la Grèce, de la Sicile, de
(1) Voir les numéros de février et avril.
(2) Ilipp., M. Littré, t. Ul, p. 27G, Demed. off.
(3) Plat., De lerjib., lib. IV, § 720.
310 nF.vuF, AiicnÉoi.or.iQUE.
la (îrando (irèce, à Cos, i\ Cnido, etc., renseignement n'a jamais élé
autre.
Tout jeune homme, dt' condition libre, (juise destinait à la profes-
sion mt'dirale,clioisissaitun médecin, con tractait un engagement (i)
avec lui, s'installait dans son ofllcine, rommc nous avons vu Tiniar-
que s'installer dans l'ullicine d'Euthydiijue, et là, en (lualilû d'aide-
élève, commençait, 30us l'mil du maître, son éducation médi-
cal e.
Il s'exerçait au maniement des instruments disposés dans l'olli-
cine (2i ; il étudiait les maladies qui y étaient soignées (3) cl les modes
de traitement employés; il aidait le maître dans les opérations chi-
rurgicales, et apprenait aussi les manipulations pharmaceuliiiues.
D'un autre côté, II accompagnait le maître dans les visites au dehors (4);
il pouvait élr(>,en tempsd'épidéniie, envoyé, lui et Usautresdisciples,
partout où le mailre jugeait leur présence nécessaire (a); quand il avait
enfin acquis une certaine expérience de l'art, il élait, en cas de né-
cessité, laissé seul auprès des malades, et jouait le rôle de l'élève de
garde actuel, le maîlre confiant à son initiative le soin « d'ajouter
quelque chose au traitement si l'utilité en sur^enait (6) ». C'est a
cette période ultime de son éducation qu'il pouvait élre envoyé par
lemaîlre,surloutsicelui-ciélailâgéet possédait une nombreuse clien-
tèle, pour visiter à sa place les malades de condition libre, princi-
palement ]v< malades très éloignés.
Son éducation terminée, il prononçait solennellement la formule
du serment, et prenait rang parmi les médecins.
Tel était le mode d'enseignement adopté, et nous trouvons, dans le
passage de Xénophon ipie nous avons cilé au sujet des discours de
candidature des médecins publics, la confirmation de l'existence de
cette méthode d'enseignement médical dans les cités grecques.
D'autre part, il est absolument certain (lue cet enseignement
n'était pas, le plus souvent, gratuit ; et la preuve que le médecin
qui enseignait l'art avait L'én.'ialement grand soin de se faiie payer
par lo disciple se trouve dans deux passages liés précis des écrits de
(1) HvYi'f/içr, , voir lo tPxie dn Serment.
(2) Hipp., éd. Liltré, l. IX, Du mi'ilcin, ^ 0.
(3j Hipp., éd. I.itlré, l. IX, Dumddecin, % 3.
tu. Cela S" r.iisiiit cnrorc du temps de (lalicn : voir ilnlen., np. cil., rie Prœcogni-
tinnty c. I.
(5) Voir le di-crct récompensant Ilippocrali', ui cd, i-illnj, t IX, p. /lOl, et Pline,
//. A'.,lib. VII, cap. 37.
'6» Bicnsinnr.c, loc. cit., f^ 17.
LA MHDECINR PUnMQUR DANS l'aNTIOUITI'; GIUXQL'R. HH
Plalnn, l'un clans le .)frnon (i), l'aulre dans li; Protarjonis (i). Il n'y
avait qu'nno cxcoplion ;\ celle rt^gle, c'est celle qui est mentionnée
dans le Serment, et a£,Tôéc par le récipidndairedans les termes sui-
vants :
« Ji3 tiendrai les enfants (il.> mon maître en médecine) pour
des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, ,ji' la leur ensei-
gnerai sans salaire ni engagement.... Ci). »
Or, on pense bien que dans toute cité grecque le médecin public
avait des disciples (4) : ceux-ci en cfTel devaicnl rechercher particu-
lièrement son enseignement, d'abord parce que ce médecin, ayant
été choisi par l'assemblée du peuple parmi de nombreux concur-
rents, devait jouir d'une certaine réputation, ensuite parce que sa
très nombreuse clientèle et son ofTicine publique bien garnie don-
naient à l'élève toute facilité pour beaucoup voir et beaucoup ap-
prendre. La preuve, d'ailleurs, que le médecin public avait des dis-
ciples se trouve dan.s les Aclidniiens d'Aristophane, au passage que
nous avons déjà signalé et dans lequel Dicèopolis répond à Lama-
chus : « Je ne suis pas médecin public, adresse-toi aux disciples de
Pittalus. » On voit donc que PiKalus, qui représente ici le médecin
public, avait des disciples ; il est hors de doute que ces disciples lui
payaient son enseignement, et nous trouvons là une première source
de bénéfices, qui permettait aux médecins publics d'augmenter légi-
timement le maigre traitement qui leur était dévolu par la cité.
Il en était une deuxième, que nous allons maintenant rechercher,
et, à cette fin, il nous faut parler de la seconde classe d'aides pos-
sédés par le médecin, à savoir des aides-esclaves.
Les magistrats d'Athènes ayant fait une loi défendant sévèrement
aux femmes et aux esclaves d'exercer la médecine [o], ces esclaves
n'ét.iient pas, comme les disciples, destinés à devenir médecins ; tou-
tefois, comme ils aidaient constamment le médecin dans tout ce qui
se pratiquait dans l'intérieur de l'onicine, dans les opérations chirur-
gicales, dans les préparations pharmaceutiques, etc., ils acquéraient
(1) Plat., Mono, cap, xxvii, C. D.
(2) Id., Pnjtdf/., cap. iii.
(3) Ce mode antique d'enseignement médical domestique se retrouve daus les
lois des Wisigoths [Leg. Wixigoth., lib. XI, sect. 7).
(4) D'après M. Dechambre [Gaz. hehd. méd. chiv., cet. 1879), qui cite les méde-
cins de Marseille dont parle Strabon, le médecin public ne tarda guère à ètnobiïgé
d'enseigner l'art.
(5) Hygin, Fabul., cap. cclxxiv.
312 IIKVUi: ARCMKOLOGIQUK.
h la longiio, dit Plnton, a|),ir niu> rxpérionce roulmitMT qui érjuiva-
lailùla science acquise par rtHiule », une certaine lialiilude de
trailer les malades : c'est par ces considt'rations qu'on sexpliijue
pourquoi, dans le récit d'Ilùrodole, Démocède de Crolonc, réduit en
servitude, cachait sa profession de médecin (pi'il n'avait plus, étant
devenu esclave, le ilroit d'exercer ouveitemeni, et répondait à Da-
rius, après maintes hésitations, « (]u'il avait pris simplement une
légère teinture île l'art en fréquentant les médecins ».
Une des inscriptions (ralïianchissemenl (i) trouvées à Delphes
par .M. Foucart nous montre un certain Denis, médecin, qui vend
au dieu (Apollon) son esclave Damon, mais en stijiulaiit (juc pen-
dant cinq ans encore cet esclave l'aidera « à exercer la médecine »
(<njviaTpeu£Tto {xet' «Otoù) , moyennant la nourriture et l'hahille-
mcnt. Cette inscription nous intéresse h un double titre : d'altord,
elle nous conlirme dans l'opinion que tout médecin en Grèce possé-
dait et entretenait des aides-esclaves; conséquemment le médecin
public, qui plus que tout autre médecin était chargé de travail, en
possédait également; mais, comme ce personnel domestique devait
être nombreux pourlesbesoinsdu vaste mf/ mm de la ville, nous avons
dit et l'o» peut raisonnablement admctlie que les aides-esclaves du
médecin public n'étaient autres que des esclaves publics entretenus
par la cité et mis par elle Ix la disposition du médecin. Celte insciip-
lion nous montre ensuite que ces esclaves aidaient réellement le mé-
decin «à exercer la médecine », mais dans des conditions toutes spé-
ciales que Platon, dans sesloj.s, nous a, comme nous l'avons vu déjà,
nettement délinies en ces termes : « Généralement les aides-escla-
ves soignent les esclaves., soit dans les visites en ville, soit dansl'ia-
trium », et il est si vrai que leur tâche vraiment médicale se bornait
à soigner les esclaves, que Platon ajoute :
(( C'est par là qu'ils rendent plus facile à leur maître la tâche de
soigner les malades. >■
xai paaTiovr,v outo) to) otar^ôrr^ 'j:»fa(jX£uâCei Twv xaixvo'vTtov tt,; £7:1-
|xtAe(a; .
Ilesllrèsvraiccpendantque, lorsque ces aides-esclaves changeaient
de maître, c'est-à-dire (juitiaient le médecin pour éiro vendus à un
simple particulier, celui-ci pouvait, jiar avarice, h; servir ù son pro-
(1) Insrr. Delph., n» 2.Ti, np. al. —Ce D^nis n'est nullement un médecin puljlic
comme l'admet M. Foucarl.
I.A MKDF.Cl.NK l'UllMoUK DANS l'aNTIOUITK (;UI'.(:nL'i:. 'i)'A
fit de leurs connaissances médicales; nous en trouvons la prouve
dans le propos tenu par Diogône, esclave, à Xéniades qui vient de
l'acheter: « Si j'étais médccin-iisriave, tu serais, quoique tu sois
mon maître, bien obligé de m'obéir (1). » Mais la médecine exercée
par ces esclaves, dans ces conditions, était, on le voit, toute domes-
tique, et, en Grèce du moins, cette pratique ne leur conférait aucu-
nement et ne leur a jamais conféré, comme on le croit i\ tort, Icijioil
d'exercer ouvertement et publiquement cette profession (2).
il faut donc reconnaître que c'était une coutume en Grèce pour
tous les médecins de posséder des aides-esclaves qui avaient, entre
autres fonctions, celle de soigner les esclaves malades, et il faut
bien se garder de voir dans cette coutume, comme le pense ;\ tort
M. Foucart dans son commentaire sur cette inscription, un moyen
déloyal employé par certains médecins pour diminuer leurs travaux
en envoyant ces aides-esclaves faire des visites à leur place.
Deux raisons d'ailleurs peuvent être invoquées, qui expliquent
cette coutume :
La première, applicable à tous les médecins, c'est que ceux-ci, en
Grèce, étant toujours de condition libre, ne voulaient pas, -—obéissant
en cela au préjugé qui a régné dans toute l'antiquité, — s'abaisser
jusqu'à soigner eux-mêmes des malades de condition servile. La
deuxième, applicable spécialement au médecin public, c'est qu'en
l'éalité celui-ci ne devait personnellement aucun soin aux esclaves
malades : ceux-ci en elTet, ne comptant pas dans les cités au nombre
des citoyens (et conséquemment aucun d'eux ne payant la contri-
bution nommée iatricon), n'avaient aucun droit aux secours du
médecin public, et si celui-ci consentait, comme les médecins ordi-
naires, à les faire soigner par ses aides-esclaves, soit en ville, soit
dans ['iatrium, c'est certainement qu'il avait été requis de le faire
par le maître de l'esclave et moyennant un salaire convenu.
Noustrouvonsdonc là une deuxième source de bénèficeslégitimcs,
qui permettait au médecin public d'augmenter le modique traite-
ment qui lui était alloué par la cité.
Si l'on ajoute à ces ressources les dons, soit en nature, soit pécu-
(1) Diog. Laërt., lib. VI, 2, 4 (30), Diogen. — Diogène veut dire à Xéniades : « Si
j'avais appris chez mon ancien maître la médecine en qualité d'aide-esclave, tu
serais, toi, mon nouveau maître, si tu tombais malade et que tu voulusses me con-
sulter, bien obligé, quoique mon maître, d'obéir à mes prescriptions. »
(2) Ces aides-esclaves ou médecins-esclaves sont absolument comparables aux
« medici domestici » des familles d'esclaves chez les Romains.
314 REVUE AncuéoLor.iQUR.
niaires, que le mfiltvin puMir ne pouvait mnnqiior pnrfnis de rece-
Toir ri pouvait li^pilimonionl arceplor soit de riches étrangers ç^nà-
ris par ses soins d'une alTeclion grave, soil de citoyens au.\(juelsil
avait su ronserver quehjue esrlavc de prix, on comprendra que ce
médecin se trouvait en déliiiitive dans une situation (lu'on jiourrait
di''finir : « une modeste aisance», presque « une honorable pau-
?r('(t'' ".
Maintenant, on peu! se demander comment il se pouvait faire qu'un
emploi aussi peu rétriltué fiM recherché, comme nous l'avons dit,
avec tant d'empressement. Sans doute, il serait injuste de méconnaî-
tre l'influence do ces sentiments de clnrit(^ si naturels à l'homme
et qui devaient pousser les méilecins grecs h prolitor d'une occasion
si favorable de mettre en pratique les nobles préceptes de désinté-
ressement imposés par le Père de la médecine; mais il y a un mtttif
plusn'eK nous dirions volontiers ((plus humain», qui iléterininait les
candidats : c'est que l'emploi de médecin public, indépendamment
des immunités qu'il conférai!, était revêtu d'un caractère essentiel-
lement honorifique, comme constituant une liranche importante des
services publics; c'est, autrement dit, que le médecin public prenait
rang parmi ceux qui, selon l'expression de Xénophon, «ad laberna-
culum publicum pertinent» (ot tiecI 8a|/.oi(av).
Tontes les cités en Oréce paraissent avoir eu des médecins publics ;
ainsi nous en avons trouvé h Athènes (I); h's villes moins importantes,
comme Delphes, Egiiie,en possédaient également ; HcNcniite, qui
n'était (ju'un simple « dôme » de l'Ile do Carpathos, possédait un mé-
decin pul)lic. Mais, quelle que fût l'importance de la cité, il parait cer-
tain que celle-ci n'en a jamais possédé qu'un à la fois, et c'est ce
qu'il est aisé d'établir.
Kn elTct, ettout d'abord, il est peu admissible que les cités fussent
cnétatde mettre plusieurs ollicines pubUipies à la disposition de plu-
sieurs médecins, et moins admissible encore i\\u' plusieurs méde-
cins fussent disposés à se partager le modique trait. 'incnt alloué, déjfi
insullisant pour un seul médecin.
D'un autre cAlé, dans le passage du Goryins que nous avons cité
au sujet «h- l'élection des médecins publics à Athènes. IMatou dit ex-
pressément qu'on doit élire « le plus habile » (Tt/viw.'.caTov) ; l'ialon
ne dit pas « les plus habiles ».
(1; Il est fort possible que le médecin Byractmain qui, A MtVaro, au rapport do
Xénophon (//l.»^ r/rrrc, V, 6, 58), pratiqua sur Ag<5^^a8 la caignée du pied filt un
médecin public.
LA MKDKCINE PUBLIQUE PANS l/ANTInlIITK (JHKCnUr:. .Tlii
D'autre pari, dan» une inscription quo nous rapporterons plus loin
nous voyon; le, iiK^dcrin pulilic Mônonriti; loué pour son empresse-
ment h soij^ncr non seulcuKînt les citoyens habitant (Lms l'enceinte
mftino (le la cil*'!, mais encore les malades des faubourgs etmAme les
élrant^crs (ce qui pcniiet de eouclure qu'il n'y avait pour la citr en-
ti«'îre(|u'uu seul eluni(iucmédecin public). Une autre inscription loue
l'Argien Kvenor pour avoir soitjné un grand noFuhre de citoyens et
mAme (r(''lranu;<'rs habitant Athènes. Or, en rrrompensnnt ces méde-
cins dûvou(^s, les décrets ijue ces inscriptions nous ont conservés
indiquent implicitement que leur tAche était lourde, et si elle était
lourde, c'ist à coup sûr iju'ils l'ont riccomplie seuls, sans partager le
l'urdeau avec un autre confrère public.
D'ailbniis, la restitution et l'interprétation que nous proposons
plus loin pour la lacune de la ligne 17 de l'inscription de Carpathos
viennent, étant jusliliées de tout point, à l'appui de ce que nous
avançons.
Nous venons de montrer que la tâche des médecins publics, lâche
pénible et mal rétribuée, constituait une mission presque tout en-
tière de dévouement et de désintéressement ; c'est dire que la con-
sidération et la reconnaissance des citoyens étaient acquises à tous
ces médecins. Quelques médecins publics, cependant, poussant le zèle
aux plus extrêmes limites que puisse atteindre un cœur plein d'hu-
manité, ont mérité des récompenses exceptionnelles, dont les mar-
bres nous ont conservé la mention.
Il est remarquable que, aussi loin que remontent dans l'histoire
les documents concernant le peuple grec, on trouve la profession
médicale toujours honorée et souvent récompensée.
Ouvrons VIliade : est-ce que, dans cette magnifique épopée, cha-
que page qui fait mention des chirurgiens n'est pas une page qui cé-
lèbre le savoir et l'habileté des vaillants fils d'Esculape? et quel
éloge pour leur dévouement, quelle récompense pour leur zèle, que
cet effroi qui saisit l'armée des Grecs à la seule pensée que Machaon
a pu être tué(l)!
Examinons les documents épigraphiques. Oue dit l'inscription bi-
(1) Iliade, v. b06 et âuiv. du iiv. Xl^ que nous considérons comme authentique.
316 IIKMK AHCHÈOLOfilOUK.
lingue (le 1.1 fanuMiso lablc (U»l)ronzp d'Idalion (1) gravi'o au v° sio-
cle avaul notre èro ? Kilo nitMitionnc les rtVoniponses publiiiucs (som-
mes d'ariî<Mit ou t(MTes exemples d'impôl) accordées au médecin Ona-
silosel àsi'saides pour avoir, dans les combats, soigné gratuitement
les blessé>. Que dit encore celte 1res curieuse insiriplion trouvée ù
Uhodiapolis de Lycie (2) ? Elle loue le médecin Heraclite, (jui a
donné ù ses malades dessoinsabsolumentj,'ratuits (îaTpeûoavxa irpoïxo).
Parcourons les livres liippocrnliques : nous y trouvons le célèbre dé-
cret albénien qui, pour récompenser le dévouement et le désintéres-
sement d'IIippocrate de Ces, le Père de la médecine, ordonne:
1° Hu'il sera initié aux grands mystères, aux frais de l'Ktat;
2" Qu'il sera couronné d'une couronne d'or de la valeur de mille
pièces d'or ;
3° Que le couronnement sera proclamé, lors des Grandes Panalbé-
nées, dans le combat gymnique ;
4" Que les enfants de Cos seront admis au gymnase d'Atbènes;
')•■ Qu'llippocratc enfin, aussi longtemps qu'il vivi-a, aura le droit
de cité et la nourriture dans le Prytanée (3).
Recherchons enlln les documents qui concernent spécialement
les médecins publics: ici encore nous allons voir par quelles récom-
penses éclatantes lepeui)legrec savait reconnaître un dévouement
exceptionnel.
On trouve, au n" 378 des Anli<iuHvs hcll(^niiiues dr Hhangaljé, la
copie d'une inscriiition (décret athénien) mentionnant les récompen-
ses accordées au médecin Evenor, llls d'Evépias, Argien, « pour
avoir guéri un grand nombre de citoyens et d'étrangers liabil;inlla
cité, et parce (jue, préposé par le peu [île pour la préparation des mé-
dicaments, il a dépensé un talent à ce service. »
ycr'uiiJLOv £auTOV 7:apeV/T,x£v xaTa r^.v T£/vr,v, r.olloù^ c,ï Î3to Toia itoXi-
tÔ)v xai Twv aXXo)v rôiv èvoixoûvTwv TÎj itoXei, xat vvîv îtcI twv «papuaxtov aîpe-
Os'i; TT,v TTapaTXE'jr.v, TolÀaVTOv àrrjXoxrtv.
T Voir Moriz Schmidt, Die Inschrift von lilolinn, léiia, 1R75; rt Dccckc ol Sic-
Hismund, ffir uichtigilen ki/i>nsc/ieti Inschriftcn, dans le Rocuoil do Curtius, vol.
XII, p. 217 20'i, Leipzig, 1875. Ce précieux document seniblc 'comme bi<n d'autres,
comme le»papyru» médicaux égyptiens clc.) ûtrc pasié à peu prîs innpcrru dans
le monde médical.
(3) Ln Dm, Voy. firrhiiol., part. V, Asie Mineure, inscr. 1330, et L'orp. Inscr.
Grrrc, 6315 n., p. Ilfi8.
'3; Ilipp., éd. Liilré, t. IX, p. ûOl. — Le décret commence par la formule ordi-
niirc : 'EJo;t '^% flo-j/f; xat T<r. fjt,\u.> nLv 'A'>r,va((ov, etc.
LA MÉDECINE PUnLIQUR DANS L^NTIQUITÉ CRRCQUr. M17
Or, poui- rûrnmptMiser ce /(.'Icelccciésinléressement, les lionneurs
suivants sont déL-crnôs à Evenor :
1" L'éloge public;
2° La couronnt) (1(3 fimiiiafîo (OaXXovj 'JT^^avoî) ;
3" Le (ii'oil de cité pour lui et pour ses (lesccmJants, avec la per-
mission de s'inscrire dans telle tribu, tel dùiue ou telle iiliralriefju'il
voudra ;
4" L'inscription du décret sur une stèle de marbre qui sera érigée
dans l'cnccinle de l'Acropole.
Le peuple d'Athènes, on le voit, savait récompenser dignement
le médecin public qui avait bien mérité des citoyens.
Des récompenses plus hautes cependant pouvaient élredécernécs,
comme il appert de l'inscription de Carpathos, si savamment inter-
prétée par M. Carie Woscher (1), et dont voici, à cause de son impor-
tance exceptionnelle et d'après cet épigraphiste consommé, le texte
complet et la traduction. Nous ferons suivre ce document de quel-
ques commentaires nécessaires :
i ou lipuxouvTio; dr.t • 'EreiS-J) M'/iv[o-
2. xotjxo; MïjTpoSwpou ilaaior osoaaofjisu-
3. xo)]c tTr\ uTTsp Ta ay.oai Ixtevcoç te xat c&iXo-
4. Tijaw; 0£pa7:£uo)v oiaTeTsXÉxEt uâvraç,
ri. x]aTa T£ xàv Ij/Treipiav xat xàv aXXav iva-
0. (jjTiociàv àv£Yx)ir,TOV aiiTOV Tap£(r//|Tai,
7. )v]oi|jLixaç T£ oiaOé^to; '{Z'JO[xi'v'x^ xa\ tioXXwv
8. £Î; Toù; £(7/[â]T0u[(;] xivo-jvou; lauscovrcov
9. où (J.OVOV Twv 8au.£Tav àÀXà xai toÎv Trapotxsuv-
10. TO)v Tav TTaaav ÈxtevEiav xa\ xaxoraOï'av
11. "TrapEyouLEVoç TrapaiTio; -^viôwEi ra; (70)t7iû[Î-
12. a;, rpo tou te aicOoOr^aEiv oiaTCiScov ev...
13. TToXXoùç TWV SajXYjTav EV £7:ixtvûuv[oi;
14. 8iaOÉ(7SCl Y^VOIIÉVOU; £ffO)7£ IJL[l]!j6bv o[û
1o. S£ça[jL£]vo; £ij[voij.o}<; te xat Stxjïio); ?.
16 OV TÔÎV XaT0tXeij[v]T01V èv TW TTEptTroXLl'fi)
17 ç TTOCEuôaEvo; StaTETEXs'xEt • ô'rto; O'jv
18. x]al Ô SôtlAOÇ 0 BpuxouvTi'ojv cpaivTiTat Eu/api-
19. (TtJoç xa\ Tobç dtYaôoùç rôiv laTpwv Tiixtov,
20. xuJpoiôÉvTOç TOuÔE TOu 'i/acpi'auLaTO; • AE'ooyOai
(1) Revue archéologique, 1863, p. 469. La ville de Bryconte (Bpuxoj;?) est repré-
sentée actuellement par les ruines de BoujjYoûvra. (\V.)
3|t nF.VUR ARCIII^.OLOniOUF..
!21. Tui] ciiJK.) tTraivt'dai Mr.vôxpiTOv MtiTioSwpofu
22. ^JoijUiov X7.\ (Trtsavôiiai y puat'o) (TTEÇ-avoi
23. x«j\ itafozvjaon £v t(T) dtYwvi, tôiv 'Aax)«a'ïïin-
24. w]v Sri 6 ôâjjLo; 6 lipuxouvrlcov traivîT xa\
23. ffTfi^avoT /yaiii'i <JT£^av(.) I\ly)vdxiiTOv
26. Mr,Tpoû(OfOu iauLiov £[xzeipia; ?vex« xa\ x«Xo[xa
27. fMt; • Ê^éaTto ol My,voxp(T(;) xai el; Ti; rava-
28. YJjpEiÇ TTixpaYÎvÊdOai à; cuvTeXouvxi Upuxo-jvTi-
29. 01 • TO Si •ft^ôu.i'^O'i Tï'XETijLa elç tÔv (jT^ij>avov
30. TEXeaaTO) 6 Ta|xi'a; • usTa û£ xiv )i\j:ii)(jiv ToùSfe
31. t]où •|/a:p(<T(JLaTO; IXs'ffOo) 6 Sîulo; ■j;apa/p[r,[xa l^va
32. «vSpa • 6 û£ olpEOs{; à[YY£i>>â]'70o) £Vt[w](t[uv]«[xtw ?
33. û]â(jL(.) Tav So'ffiv Tou (TTE^fiâvou xai (OOTE àvaOs-
3i. (xeiv si; tÔ hpôv tou IIoteioîvo; toî» IlopO|jLÎou
3r», (îTixXav XiOfvav xai àvaYpâl'ai eî; aùxàv to
30. '{/âtpKJaa xaOoTE Ti[xar,Ei ô ôôtixoç 6 lipuxouvxlojv
37. MJr^vdxpiTOv I\l7)Tpooc')pou — âuiov [£|JL7T£ipia]c
38. £V£;c£>'?
(( (Un lel), citoyen de Bryconte, a dit :
(t Attendu que Ménocrile, fils de Môlrodorc, de Samos, ayant été
médecin iiublic (oEcauLoaiEwo);) pendant plus de vingt ans, n'a cessé
de soigner tout le monde avec zèle et empressement; que dans la pra-
tique de son art {lu.-nç.i'x) et dans le reste de sa conduite il s'est
montré irréprochable;
« [Attendu] qu'une peste s'élant déclarée et ayant mis en danger
la vie d'un grand nombre non seulement de citoyens, mais encore
d'étrangers doniiciliés dans la cité, Ménocrito, à force de soins elde
patience, a eu la plus grande part au rétablissement de la santé pu-
blique;
(( [Attendu] qu'au lieu do se faire payer il vit dans (la pauvreté),
et qu'il a sauvé beaucoup de citoyens atteints de dangereuses mala-
dies, sans accepter de salaire, conformément aux loi» et à la justice ;
qu'il n'a jamais hésité à faire roule (i>our visiter ceux) des citoyens
qui iiabitent les environs de la ville ;
(( Pour (pic le peuple de Hryconte fasse preuve, lui aussi, de re-
connaissance en rémunérant par des honneurs les médecins dignes
d'éloges,
« Le décret ayant été ratifié,
<i 11 a plu uu peuple do IJrycontc de louer Ménocrite, fils de Métro-
dorc, de Samos; de le couronner d'une couronne d'or et de procla-
LA MKDRCINR PUDLlyUE DANS l'aNTIOL'ITK OnECOLF:, :{lî)
mer aux jeux Esculapiens que le peuple de Hryconte loue cl cou-
ronne d'une couronne d'or Mênocrile, lils de Môlrodorc, de Samo»,
à cause de son savoir cl de sa vertu ; (|u'il soil permis à Mênocrile
d'assister aux fêtes (jue célèbrent les lirjconticns; que le trésorier pu-
blic (6 Tajjiia;) acquitte la dépense faite pour la couronne; qu'après
la ralificalion du présent décret le peuple désigne sui--le-cliami) un
citoyen jijue le citoyen désigné annonce au peuple assemblé la re-
mise de la couronne; qu'il fasse consacrer et ériger dans le Icmple
de Neptune l'orilimios une stèle de marbre sur la(|uelle on inscrira
le décret par kMjuel le peuple de Hryconle honore Mênocrile, lils de
Mélrodore, de Saraos, à cause de son savoir (et de sa vertu) »
[Quelques mots manquent à la lin ; le préambule de l'acte juanque
égalcmenl, le marbre ayant été brisé.]
Voici maintenant quelques observations personnelles au sujet de
ce document:
On voil d'abord que le médecin public devait ses soins gratuits ;\
tous (ravra,-);
Ensuite, que la place du médecin public était bien au milieu des
épidémies qui pouvaient désoler la cilé, el Ton voit que Mênocrile
n'a pas déserté ce poste périlleux ;
En troisième lieu, que Mênocrile, au lieu d'envoyer (comme il était
en droit de le faire) ses aides-élèves, ses disciples, visiter les mala-
des des faubourgs, malades de condition libre mais nombreux el
éloignés, ou encore au lieu de réclamer pour cette lâche l'assistance
d'un autre confrère public, Mênocrile les allait visiter « lul-môme el
lui seul » ; il y a, par suite de la cassure du marbre, une lacune ter-
minée par un sigma au commencement de la ligne 17 de l'ins-
criplion: cette lacune doit être, selon nous, comblée par le mot aùro;.
auquel il faut attribuer ici la signification i)arliculiêre, mentionnée
dans tous les lexiques, de « seul, n'étant que lui seul ».
On voit enfin que Mênocrile donnait ses soins aux étrangers, se
conformant en cela au rigoureux précepte hippocratique que nous
avons cité au commencement de ce méuioire.
Pour revenir à l'inscription elle-même, on trouve que les honneurs
accordés à Mênocrile, honneurs que l'on pourra comparer aux ré-
compenses décernées à Evenor et à llippocratc, sont :
1° L'éloge public ;
2° La couronne d'or ;
3" La proclamation du décret aux jeux Esculapiens ;
4" La permission accordée à Mênocrile d'assister aux fêles que cé-
lèbrent les Bry contiens ;
:J20 nF.Vl'E AncilÉOLOGIQUK.
.T' L'ins;Ti|)iion tlii dccrct sur une slèlo de inarluvqui sera érigée
dans le Iciiiidr de NcpliiiiL' l'orllmiios.
La dale de celte précieuse inscription n t'ic' iiès savaimncnt déler-
miiiée p;ir M. Wi-sclicr par les éléniciils siiiv;ints:
1" Par le style du uioihuiumU et la forme des caractères,
2' Par certains déîails du >lyle, tels (|ue l'abondance des formes
appartenanlau dialecte dorien, et certaines expressions comme )>oi-
jjLixà ûiolOeci;, disposition pestilentielle, pesle (\), expression appar-
tenant au commencement de la décadence littéraire, à l'époiiue on
les termes abstraits envahissaient le style des prosateurs;
3" Par la t,â'néal(igie même de notre Ménocrite et ceci est tout
particulièrement intéressant : M. Wescbcr pense que le père de Méno-
crite, Mélrodore, est le même Mélrodorc dont jinrle Jami)li(ine (2) en
ces termes :
MTjTfôÔoipô; ô 0ûf<iou Tou ■jraTfo; 'ETriyâcuiou.
a Metrodorus, Thyrsi filius, Kpicliarmi nepos. »
La filiation serait donc celle-ci :
Epicharme,
Tliyrsos,
Métrodore,
Ménocrite.
((Comme Epicharme, dit M. Wescher, philosophe pyihan^oricien
natif de Cos, lils d'un médecin, médecin lui-même (.]) et afiilié aux
Abclépiades, disciple de i^vlliayore auquel il survécut, mourut ;i qua-
tre-vingt-dix ans vers la lin du v' siècle avant notre ère (c'est-à-dire
en '»0U ou UO av. J.-C), si on ajoute à cette dale la valeur de trois
générations, c'est-à-dire environ un siècle, on arrive pnui' noire ins-
cription à la lin du i\'' siècle ou au commencement du m", vers
l'an 300 ou iiOO av. J.-C, épo pie assez voisine de celle que semblent
indicjuer le sl\le du monument et la forme des caractères. Les dé-
tails du style plaçaient d'ailleurs la dale de ce document précisément
entre l'époque macédonienne el'répo(jue romaine, plus prés cepen-
dant de la première que de la seconde, à cause de Tabondance des
formes doriennes. »
(1) Hippocralo (l-:j>i\l., p. 1271) dit : voùio; yi y.a)to\yv/T, )oi|aixï;; Thucydide
(Hiit.,\i\). Il, t; /i7) (lit biinplomont >oiii6;. Mais Polybu (//(a7., lib. Il, cap. x\xi)
dit, comaiu l'inscriplioii, >oi|j.i/t; ôiiOcji; ; d'ailleurs l'olylit' u'écrivnit pas bien
loDKteni|m aj)rù» ré|<o(|uc è l.if|iiL-llea ilè rédigC* le tcMc do riiiscriplioii.
(2^ Jambl., »/i l'!jtli>uj., XXXIV (2^1).
(3; Auteur de uâoaoi.'x:» Bciontif. cttnéd., cités par DiogènoLaCrce (VIII, p. 78). W.
LA MÉDECINE PDBLIQUE DANS l'ANTIQUITÉ GRECQUE. .'}'21
Nous ajouterons qu'il e.slcxti<>ni(;nicnt proijable que ces mt';tlecins,
Ménocrite, Alélrodore, elc, étaient puM/cs « de père en lils » : celte
conjecture n'a rien de hasardé; il est certain qu'à une époiiuc posté-
rieure, sous Auguste ou nirnie encore sous les Antoriins, certains
médecins (( arcliiâlres », (jui plus tard, comme nous le verrons,
devinrent «médecins de cités», tenaient leur emploi de leur père,
par héritage, et nous en trouvons la preuve dans une inscription
d'Ephése (1), inscription (jui désigne un certain Allah; comme
apx.iaTpo(; 8ià y^vou;. La profession médicale étant d'ailleurs héré-
ditaire dans certaines familles, on ne voit pas bien pourquoi, au
moins dans quelques cilés^ l'emploi de médecin public ne l'aurait
pas été également.
D' A. VEnCOUTRE,
Médecin, militaire.
{La mite xtrocliainement.)
(l) Le Bas, op. cit., parsV, Asie Mineure, sect. I, lonic, VIII, Éphèie, in&cr. 161
et Corp. I/iscr. Grœc, 2987.
xxxix. 21
MEMOIUE
RESTAURATION DU PAllTUENON
(i;
Dan> ce Mémoire, luésenlc à l'Académie des beaux-aris, j'ai cru
devoii- jiasser raiiKk'inenl sur loiil ce qui est Mon comiu des ar-
IjjjU'S ei des archéolugaes, remellanl à plus tard le suiii d'écrire lon-
gueiuciii sur un sujet si vaste.
J'ai choisi pour sujet d'études le Parlliénon, afin de mieux affirmer
mei idéfs sur l'art jjrec en général.
C'est après un séjour de prés d'une année en Grèce, après la lec-
ture d'une biljliotlié'iue d'arcliéologie et de nombreux voyages en
Uiient que je cùmmençiià mesurer les ruines du Partliénon.
J'ai pris mes mesures avec autant de soins et de scrupules (lu'il
est j ossible d'en avoir, écbafaudanl presque enliérenient le temple,
vérifiant plu>ieurs fois mes cotes avec des instruments suffisants.
ic présente donc mes mesures comme certaines.
Établi sur le soubassement, en pierre du Pirée, du premier temple
brûlé par les Perses, le Parlhénun est construit sur plan rectangu-
laire et recliligne.
La surface du sol du i'arlliénon est à double courbure.
Les génératrices parallèles sont des arcs égaux entre eux.
Avec deux tubes de verre ajustés aux extrémités d'un long tube
en caoutchouc, j'ai fait un niveau d'eau permettant de mesurer le
plus exactement et le plus simj)lement pussible la courbure des arcs
au droit de chaiiue axe de culunne.
(1) Cette rcsUuration eal eipomît; au Salon de 1880 sotii le n" C838. Klk- com-
prend neuf chluvsl». f;tal actuul : plan, élcvalion, |>crspeciive. — llc»lauration :
pUn, 2 façades, a coupe», délailB et relevé*.
MÉMOIRE SUR LA RESTAURATION DU PARTHÉ.NON. 323
La double courbure du sol du Parlhénon est suffisanle pour per-
meltni aux eaux des pluies tle s'écouler ;i rextéii(.'ur.
L'axe (les colonnes e.«l inclinéde l'extérieur à l'iiilérieur du temple.
Le fût des colonnes est conique.
La génécHtricc intérieure au temple est une ligne droite, la géné-
ratrice extérieure <'st la coiirhe la plus aniuée, les autres généra-
trices sont des courbes intermétliaires.
La projection horizontale de l'axe de la colonne d'angle est l'hy-
polliénuse du trianL,'le rectangle qui aurait pour côtés les projec-
tions horizontales des axes des colonnes de face.
Les surfaces joinlives du fût des colonnes sont des cercles hori-
zontaux.
Les murs de la cella sont inclinés de l'extérieur à l'intérieur du
temple.
Les surfaces des assises de ces murs sont parallèles au sol du temple.
Pour la restauration du plan, le dallage, presque partout bien con-
servé, donne les meilleures indications.
Plusieurs colonnes du sanctuaire ont encore leur contour marqué
sur le sol.
Le mur qui sépare la cella de l'opisthodome ne devait pas être
percé de portes, puisque des scellements semblables à ceux qui réu-
nissent entre elles les assises des autres murs se reconnaissent sur
toute la longueur de sa base.
Au lieu de l'ordre ionique que M. Paccard (1) a placé dans l'opis-
Ihodomcj'ai cru devoir mettre deux ordres doriques superposés,
semblables à ceux du sanctuaire.
Sur l'Acropole et aux environs, aucun fragment de marbre ne sau-
rait se rapportei' à un ordre ionique existant là. Les voyageurs (jui
ont visité le Parlhénon aflirment tous qu'il est complètement d'or-
dre dorique.
Il est rationnel de continuer dans tout l'intérieur du temple le
môme système de points d'appui.
Des colonnes ioniques placées dans l'opisthodome auraient à peu
prés le môme diamètre (jue les colonnes extérieures du temple.
Ces ordres, au lieu de se faire valoir réciproquenuni, diminue-
raient l'ell'et l'un de l'autre.
Les colonnes du pronaos sont plus petites et plus éh' gantes (pie
celles du portique.
(1) La restauration du Parlhénon, par M. Paccard, eet à la bibiiotlièquc de l'École
des beaux-arts de Paris (anuéc Ibio).
S^S lll.vn: AnCUKOLOGlQL'K.
Il .si lion (|iii' U's colonnes iiilL'ricuii's suivent la môme progres-
sion.
Sur les coKinni's du pronaos et à des liaulcurs régulières, il y des
scellements (jui indii|uent l'existence d'une grille, mais les scelle-
menls sont grossiers cl celte grille a dil être placée là dans un but
d'appropriation, alin d'augnieiiter la surface ulilisaMe ilu temple alors
(jue les objets qu'on y déposait sont desenus trop nombreux, l'eul-
étre même celle grille était-elle l'ouvrage des cbrélieus ou des
Turcs.
Les scellcmenls anciens se reconnaissent facilement.
Ceux-ci sont des plus mal exécutés.
C'e.»l ainsi qu'on en trouve à l'extérieur du temple, au pied des
colonnes latérales, où l'on a dû sceller des monuments votifs.
Tout cela est postérieur à la conslruclion du temple, d'un goût
fàclieux. et je crois avoir toutes raisons pour n'en pas tenir compte.
Des grilles trouvent mieux leurs places aux entrées du sanctuaire
et de l'opisthodome.
Il ny a pas de traces pouvant expliquer la présence de portes qui
eussent exigé des gonds solides, et il serait d'un bel effet de voir de
l'extérieur du temple la statue île Minerve et les objets volifs.
Encadrée par l'ombre du portique et du pronaos, la statue serait
apparue toute lumineuse, et, si on voulait quelquefois la cacher,
il eùl sufti d'un voile placé derrière la grille. Cette grille s'explique
paifailement pour un temple dans lequel le public n'entrait guère.
Je ne crois pas (jue l'on devait souvent dérober la statue aux re-
gards du public, car la religion grecque n'a rien de mystique et de
ténébreux, et je me représente idus volontiers les dieux païens étin-
celants de lumière que dissimulés dans une crypte.
Voilà une des principales raisons qui me font croire que le Parthé-
non était byp.i'tbre.
H y a encore pour laisser le sanctuaire à découvert des raisons ma-
térielles bien fortes.
D'après Us mesures que nous donne Pausanias, la grande Alliéné
de Phidias aurait eu, avec son piédestal, 15 mètres d'élévation.
Il n'est pas absolument impossible cpie la statue soit contenue
dans le temple couvert ; maison ne peut, à la rigueur, admettre celte
idée (|u'à la condition de su|iposer, au milieu du plafond, un caisson
profondément creusé pour faire place à la tète de la déesse, à moins
que l'on ne veuille croire à une voûte, ce (jui n'est pas admissible.
Le Parlhénon, étant hyptelhre, peut être construit entièrement en
marbre, ce (\m est un singulier avantage.
MK.MOinK suH i,\ iu;sTAun\TioN r)i; l'Aitriii \<in. '.iS.t
Vitriivojparlantdcslcmplcsdc Circp, «littpi'il y h AiIhtics un Ifin-
plc (le MintMVt! (|iii a liiiil coInniKs de Cire ( t i|iii est liyp;L'llirc.
Il y a un texte qui r.iroiito (lu'un soMnt sV-tail radié dans le Icin-
pled'Olyrapic, péin traiil dans l'épaisseur du plafond après avoir sou-
levé une dalle de la rniivei ture. On a voulu conclure de cela que Irs
temples grecs n'étaient jamais liyj iellires; mais comme les portiques
sont dans fous les cas toujours couverts, un bataillon [lonrrait faci-
lement se cacher dans l'épaisseur du p'afond d'un temfde livprr'thre.
Sirabon dit que le Jupiterd'Olympie se serait heurté au plafond de
son temple s'il s'était levé de son siège. Oulri! qu'il ne s'agit que
d'Olympie, on sait trop bien comme on écrivait Tbisloire de l'archi-
tecture pour que l'on puisse conclure de là que le Parthénon était
couvert dans toutes ses parties. D'ailleurs, Pausanias contredit Sira-
bon en racontant que la foudre frappa le sol du temple d'Olympie
lorsque Phidias demanda à Jupiter de lui montrer s'il agréait sa
statue.
La grande Minerve ne devait pas être abritée, puisque Plutarquo
nous apprend, à propos d'Alcibiade, que tous les ans on la démontait
pour la réparer.
L'or de la statue ne peut craintlre le grautl air, et l'ivoire est en-
core ce qu'il y a de moins altérable quand on entretient de l'humi-
dité dans le temple comme on sait qu'il élail fait.
A quoi bon faire évaporer de l'eau aux pieds de la statue si l'on
craint la pluie et si le temple est si bien clos que le soleil n'y pénètre
pas ?
Nous avons vu que la double courbure du sol assure l'écoulement
des eaux de la manière la plus simple et la plus sûre.
L'extérieur du temple aurait autant besoin d'abri que l'intérieur.
Avant tout le temple hypa'thre est d'un plus bel elfet, au moins
quand les dimensions sont grandes.
Le casijue et l'égide de Minerve devaient, comme dit toujours
Homère, briller comme le soleil au milieu de sa course.
L'opisîhodome sera aussi hypœthre.
Le trône de Xerxés, les statues, les lingots d'or et d'argent ne
perdront rien à être exposés à la pluie et au soleil.
Si quelque objet craignait de s'altérer, il trouverait place sous les
portiques intérieurs.
D'ailleurs le> inventaires du temple ne nionlrentpas qu'il contînt
d'objets altérables.
L'opisthodome et le sanctuaire, ayant le même système de points
d'appui, auront le même système de couverture.
316 RKVLk. AHCMKOl.OlMgLK.
Il parait indiscutable de \Anct'T à l'iiiiri uiir du Iciiiplf, coinim; à
Pastum, deux ordres doriques superposi-s.
Ces ordres n'avaient (jue seize cannelures nu lieu de vingt, comme
on peut le reconn.iltresur le sol.
Les ordres seront réunis pnr une arcliitrave.
Il n'y aura pas de plafond formant étage ou tribunes.
Ces tribunes inutiles et di>i,'ra("ieuses ne seraient pas plus acces-
sibles qu'elles ne scrnicnl cotiviMinbles pour le culte.
Si les murs du sanctuaire du Parlbénon sont complètement dé-
truits, ceu\de l'opistliodome subsistent et ne portent aucune trace
dencnslrcments.
Au-dessus du second ordre sera un entableiiient conipkl, et enlin
un fronton, tantôt triangulaire, tantôt rectangulaire, couronnera le
tout.
Ce fronton sera décoré de «culptures représentant des combats
béroiques.
l'n texte apprenant que l'école de sculpture è;.'inéliqne a large-
ment contribué a la décoration du Parlhénon, j'ai dû placer des sta-
tues du style de cette école dans les frontons intérieurs.
Dans la restauration de M. Paccard le toit du temple a cinq pent(\s
au lieu de deux. Cela a l'inconvénient de produire, dans les fonds
de la cclla et au-dessus des toits intérieurs, des murs de pignons(iui
prennent l'aspect de murs inilovens, de donner aux ordres intérieuis
peu de noblesse et d'.tvoir pour les façades latérales un prolil désa-
gréable, exagérant l'écliancrure du toll.
J'ai représenté la façade orientale tlii temple parce que c'élait la
façade p!-iiiri[iale et aussi puce (ju'il était inléiessani d'cludier la
restauration des sculptures du fronton oriental, les sculptures du
fronton occidental étant parfaitement connues avec leur disposition
depuis la publicalion des dessins de Carrey.
Il ) a à Alliéne», sur l'acrofiole, un iiiusée où l'on conserve les
moulages des ligures (\u'\ sont à Londres el ([uclques fra;,'ments des
deux Pailliéiioiis.
J'ai pu, en iiiesuianl les ligures et en observant les scelleiiicnls
sur II liaM' du fronton, assurer h cbaque statue sa place cerlamc.
J'ai ajouté sept liguies et romplété les autres.
La scène représentée est la naissance de Minerve.
11 m'a paru ronvcnable de placer au milieu Jupiter.
A sa droite sont : Minerve (jui agite ses armes, Saturne et Mars,
Iris, Côrès et Froserpine, Hercule, Apollon (|ui conduit les clic-
vaux du Soleil.
Mi^MOinK scn F.A nr<5T.\t'nvTinN nu I'ARTiiknon. î^27
A gauche lie Jii|iilfi- sont : \'iil(Miri (|in vient de, h; lirlivi-cr, Jiinon
cl Vénus, une Victoire tlont il reste le t-»yrse, It'S trois IVinjuos (jiii
filent des jours immortels, enfin Diane qui conduit les chevaux de
la Nuit. Au f.iîtc du fronton est placée une stèle.
On ert conserve des fntrments au musée de l'acropole.
Ue chniiue côté de la stèle il y a un hibou dont la tête et une partie
dti dôtps sont au itiAme ïïiusée, oîi J'ai encore pu mesurer un frag-
ment des ailes des grilTons (pi i sonl [il.irés aux extrémîtés du fnm-
iôiï.
Si j'njoutc que j'ai trouvé sur place des indications suffisantes
pour la disposition dos plafonds, j'aurai cxpli(iué la structure du
temple.
Pour la statue chryséléphanline de Minerve, les textes sont nom-
breux et a?sez clairs.
Sa dimension est connue, ajoutée à celle de son piédestal.
J'ai représenté le piédestal aussi peu élevé que possible, afin d'a-
voir un colosse plus grand.
D'ailleurs Pausanias remarque que les sandales de la statue sonl
presque à la hauteur des yeux du spectateur.
La statue ayant treize mètres de haut, comme je l'ai supposé, se
trouve suffisamment à l'aise entre les colonnes du sanctuaire.
La petite sculpture trouvée par M. Lenormant dans le temple de
Thésée donne une copie grossière mais bien vraisemblable de la sta-
tue de Phidias.
Il y a encore, sur un des bas-reliefs qui sont à l'Acropole, une re-
présentation meilleure qui confirme la première.
Le piédestal représente sur sa face principale la naissance de Pan-
dore.
J'ai mis \h des statues en ronde bosse d'or et d'ivoire, afin d'aug
menter encore l'efl^et du colosse.
Le serpent est à droite de Minerve, le bouclier et la lance à gauche,
la Victoire dans la main droite.
La tête de Méduse est en ivoire ; l'égide est entourée de serpents, et
sur le casque, à trois cimiers, sont les dix chevaux du Soleil.
Je crois que l'ivoire n'était employé que parce que c'est la seule
matière légère, durable et permettant un travail fini.
Comment construire solidement en marbre, sur un échafaudage de
bois, ces bras en porte-à-faux qui ont 0"',80 de diamètre?
338 nKVlK AnCHÉOLOGIQUE.
De la Polychromie du Parthcnon.
On Iroiivc en Egypte une des plus antiques preuves du goût des
anciens pour la polyrliromie.
Les Orientaux ont encore aujourd'hui conservé pour la couleur
le poiU antique.
Chez nous, à l'époque gothique et à la Renaissance, on peignait
autant que l'on pouvait. Les statues elles-mêmes étaient peintes et
très viiroureusement. Au reste, après les travaux de MM. Hitlorf,
Paccard et Garnicr, la polvchromie chez les Grecs n'a plus rien qui
doive surprendre et l'on ne discute que le plus ou moins.
Si l'on en jugeait par les poètes grecs, les rayons du soleil en plein
midi auraient seuls une coloration digne de leurs dieux et de leurs
héros.
Dans Homère, les palais des rois ont le seuil d'airain, des poutres
d'or.
Tous les peuples aiment ce qui a de l'éclat : plusque la couleur,
les métaux; et plus que les métaux, les pierres précieuses.
C'est un singulier effet d'une mode contemporaine que notre goût
soit si hien modifié qu'il nous faut faire un véritable elTorl pour ad-
mettre le goût naturel, qui pourtant n'a jamais pu être complètement
dépouillé, car nous aimons encore les bijoux, les faïences, les tapis
d'Orient, les peintures japonaises.
Les Grecs, qui ornaient rÉrechtéion de pierres précieuses, de-
vaient chercher à produire des effets aussi riches que possible.
Eux qui dans leurs temples évitaient les longues li^-nes droites,
devaient encore imiter la nature jusqu'à colorer comuie elle tous les
objets et même le marbre.
Un long séjour dans Jeiir pays habitue les yeux aux heureuses
nécessités de couleur (ju'impose la vive lumière.
L'éclat du blanc des marbres nouvellement taillés, produisant pour
les yeux une souffrance physique, ne saurait plaire. Il ilétiiiit l'har-
monie des autres tons.
Les valeurs grises paraissent fades. Il n'y a que les tons violents
qui, s'harmonisant entre eux, peuvent i)ruduirc la coloration riche
et robuste qui convient à l'arcliiteclure.
Il est reconnu aujourd'hui que tous les temples construits en pierre
étaient recouverts d'emluits colorés vij^'nureu-^ement.
Je l'ai constaté comme lanld'aulresen Italie et en Grèce. Non seu-
MÉMOIRE SUR l\ HESTAURATIO.N du PARTHlt.NON. 'Mi
lement ces temples étaient peints, ir.ais ils étaient rouverts d'orne-
ments plus ou moins riches.
A Paestum les chapiteaux portent la trace de palmettes. A Munich,
où l'on conserve des fragments du temple d'Kgine, et à l'^gine mi^me,
la plupart des ornements sont rccoiinaiss.djjcs.
Le musée de Pnlerme contient beaucoup de fragments peints et
ornés des temples de Sicile.
Au musée de Naples il y a nombre de peintures et terres cuites
représentant des ornements dn temples grecs.
Le temple de Thésée, le Parlhénon lui-même conservent do nom-
breuses traces de peintures et d'ornements.
Aussi est-il bien difficile de ne pas croire à la coloration et à la
décoration des temples en marbre, alors qu'on est obligé de reconnaî-
tre celles des temples en pierre.
La couleur, ayant autant d'importance pour l'aspect des monuments
grecs que la forme elle-même, doit, comme celle-ci, avoir eu ses tra-
ditions suivies.
Les anciens, habitués à la richesse de tons des temples construits
en pierre, eussent trouvé les temples de marbre tristes et froids, et
n'auraient plus reconnu leurs dieux.
Alors que le moindre membre d'architecture varie si peu en plu-
sieurs siècles, l'aspect total des temples n'a pas dû changer parce
qu'il a fallu employer à Athènes le marbre du Pentélique. La seule
pierre, dite du Pirée, que l'on trouve en Attique, est semblable à
notre meulière et ne saurait se prêter à la construction d'un
temple.
Le marbre du Pentélique a pour seules qualités de permelire plus
que la pierre un travail fini, d'être plus homogène et d'offrir plus
de chances de longue durée.
Quand la peinture des colonnes du Parlhénon a disparu, il s'est
formé sur le marbre un épiderme coloré dont tout lemonde s'accorde
à reconnaître le bel effet.
Le côté sud-ouest du temple, qui est resté blanc, permet déjuger
combien les parties jaunies sont les plus belles.
Je n'ai pas, malgré tous mes soins, trouvé sur le Parlhénon d'au-
tres tons ni d'autres ornements que ceux qui ont été déjà recon-
nus.
Il n'y a pas de rouge sur le fronton. Les triglyphes et les mutules
sont bleus. Le fond des métopes est rouge.
Il y a du rouge sous les larmiers de l'entablement etdu fronton. Je
ne puis admettre que le rouge s'arrête accidentellement sous les lar-
;nO RKVDR ARr.HROLOfilQUK.
mirrs nii lieu de fes recoavrir quand, «nrfoufnii l.irmirrdu fronkm,
il n'.i l'.TS ilt> profil cipnlih^ \\o liniitor iinp.<nrhro prinfp.
Il sornit nu rcf^ic singnli^r qu'un nrit^rm^ morriNro (r.irrhiforffifeJ ne
soit pas tonl entier d'une in/^me couleur. I.e Ion roupfe Hfir\\ donné
pour l(S rornirliosct les métopes, je (iev.iis le ronlinuer ?nr l'ofrlii-
travp et les ch.ipifeaux.
Je devais aussi peindre le fronton en bleu, les coloTirtes en j;»une
comme elles le sont dans les autres temples.
Le sol ne pouvait rester blanc, ce qui eill détruit l'harmonie et le
parti de décoration dn temple. Je l'ai peint en rouge comme les
hautes parties du temple, comme il ôMil peint fi Kginc et Vfaiscïri-
blalilemenf dans bien d'autres endroits.
On m'a beaucoup reproché les ornements des marches. Je crois
que leur seul défaut est d'être, en fnçade, de trop petite échelle.
Il n'est pas plus singulier de tracer des ornements sur un so( déjà
peint que de décorer de dessins en mosaïque un sol autrement pré-
paré.
J'ai pu mesurer sur le Parlhénon les ornements indiqués dans la
feuille de détails de ma restauration.
Il est certain qu'un ornement tracé sur un membre d'architecture
devait être prolongé sans inlermiltences. Or les traces d'ornements
sont interrompues sur de grandes longueurs, sur les parties le mieux
abritées elles-mêmes : donc l'architrave, le larmier, le sol aussi, pou-
vaient être décorés d'ornements, bien que n'en ayant pas conservé
de traces.
L'architrave était ornée en façade de boucliers il'ordnnton voit les
scellements.
Des scellements plus petits, placés entre ceux des boucliers, de-
vaient retenir des inscriptions.
Les textes prouvent que des boucliers d'or ont bien été placés là
quand on construisit le temple.
Ils furent enlevés et on les remplaça par des boucliers en bronze
doré.
Quant aux murs de la cella, je ne saurais admettre que les Grecs,
qui mettaient dans tout ce qu'ils voulaient embellir si grande profu-
sion d'ornements, comme le iirouvcnt leur lillérature, leurs temples,
leurs vases, leurs armes, (Mi^stiil laissé sans les décorer des surfaces
qui ont jusqu'à 2^!r)0 mètres carrés.
(Comment peut-on croire que, seule de tous les arts, la peinture
n'ait pas contribué ?! embellir le temjde de Minerve ?
Il paraît rationnel de représenter sur un fond bleu, (jui imite le
MÉMOIHI", SUIl L\ IU:STAni\TI<lN I>i; l'AHTIiKNON. H-'H
ciel, les batailles des Grecs qui, venant de vaincre les Perses, éle-
vaient un loinple ;\ la déesse des combats. Les liommes, de grandeur
naturelle, coiiihaltront, et lesdicux interviendront comme dans les
poômes liéroïiiues grecs. Pausanias, dira-l-on, n'a pas parlé des
peintures du l'arthénon; mais il a visité le Paitbénon trop rapide-
ment, s'atlacliant plus à raconter des légendes qu'à décrire le tem-
ple, et il a parlé de peintures murales à propos d'autres temples.
Ce qui est constaté ailleurs est probable pour le Partbénon, qui
devait élre le plus riclic et le plus beau de tous les temples grecs.
L'on reconnaît aujourd'liui (lue les figures des frontons et celles
des métopes étaient peintes.
N'est-ce pas la simple et artistique conception sculpturale, celle
qui porte à représenter la nature avec sa forme et son apparence
réelles.
J'ai supposé monochromes les draperies des dieux, parce que cela
m'a paru d'un meilleur elTet et qu'il y a un texte disant qu'à la pro-
cession des Panathénées on ne devait porter que des vêlements de
lin sans teinture.
Ces vêlements semblent donc avoireu pour les Grecs quelque chose
Ue plus solennel que les autres.
J'ai dil pourquoi l'ivoire de la grande statue de Minerve n'avait
pas été employé pour sa couleur.
L'ivoire a des veines très apparentes, et se tache irrégulièrement
en vieillissant jusqu'à ce qu'il brunisse tout à fait.
Quand les yeux de la statue imitaient le regard humain, ses lè-
vres devaient être rougies.
Au reste, pour représenter la chair il n'y a pas de plus belle colo-
ration que celle fournie par la peinture.
L'ivoire permet de peindre avec tant de finesse que les peintres en
miniature l'emploient encore.
Se détachant sur un fond vigoureusement coloré, une Minerve
aux chairs d'ivoire eût fait l'effet d'un spectre, jusqu'à ce qu'elle de-
vînt noire.
On ne pouvait qu'augmenter l'impression produite par la statue
en lui donnant l'apparence de la vie.
Je termine ce mémoire en rappelant que M. Paccard, qui a eu l'un
des premiers la plupart des idées que j'ai voulu développer, disait,
après avoir achevé sa restauration du Parthénon, qu'il n'était pas allé
assez loin.
E. LoviOT.
NÉCROLOGIE
LE DOCTEUR FRANZ STARK
Les (îtudes de pliilolopio germanique et celliquc viennent de perdre un
de leurs repri^sentnnls les plus autorisés. M. le docteur Franz Stark, con-
servateur de la liibliolliùque de la Techvischc Ilochschule A Vienne (Autri-
che), est mort le '11 mars I.SSr», ù la suite d'une maladie ct'rt^brale occa-
sionnée par un travail excessif. Il était né le 17 janvier IHIS à Krumau,
en Bohême, avait fait ses études i Vienne, et pendant plusieurs années
avait été précepteur dans quelques-unes des prandts familles de l'arislo-
cratie autrichienne. Il fut ensuite élu dépul»' au parlement de Francfort.
Après la dissolution de celte a^semblée, il se voua exclusivement aux
études de philologie, et se lit principalement connaître par des travaux
de critique onomastique d'une grande valeur, gr.lce auxquels son nom
sera sauvé de l'oubli. On nous saura gré de réunir ici les litres de tous
les ouvrages dont il est l'auteur :
1° licitrœge zur Knndr gcrmanischer Versùncnnamen, 18!;7,
2» I>a? Wiener Wiichbildrccht, nach W'ciiier Ihmdschrift dcr Gratzer K. K.
l'nhersttœts IHbliotheh, ISOl.
3» Berichtiijunijcn und Evijivnzuniicn zxi dm in dcr Fontes rcrum mistria-
carum Diplomutn et Acta Vol. XXI.
4° Keltiscke t'orschunrjrn, iSfiX.
'." Die Kosenamen der Oirmancn, I8GS.
Le docteur Stark n'a pu achever une couvre importante qui devait être
en quelque sorte son testament scientifique et qui aurait eu pour titre :
Snjntnlun(j ait und nru-kellisrher ttnd (jcrmutiii^rhir .Vu;/i'7i und drr sprachli-
clitn Vorsihnu'j iiher Uildumj und hcdentunij dir !\'imrn. Il ne lui restait
plus qu'à en ré(ii|.'<'r la prrfacf, (]uand l'rtat de sa santé l'obligea, il y a
trois ans, à renoncer pour jamais au travail. Malgré l'absence regrettable
de ce morceau dans lecjuel Stark devait résumer sa doctrine onomatoio-
gique, le corp» du texte principal subsiste; nous avons le ferme espoir
qu'il trouvera facib ment un éditeur et (\n'uu livre de cette importance
ne sera jtas perdu pour la science. M. .M.
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DES I N S CUI PTl U.NS
MOIS D AVniL.
M. Georges Perrol communique une lettre de M. P. Foucart, directeur
de racole d'Alhùncs, annonçant la dt^couvcrte faite ;\ Kleii^jis d'une inscrip-
liun de soixante et onze lignes, lorl intéressante. Cette inscription, qui
date du v» siùcle, contient une invitation aux cités alliées d'Athènes d'en-
voyer aux grandes déesses les prémices de leurs récolles.
M. Charles Jourdain conunence la lecture d'un mémoire intitulé: « Les
commencements de la marine militaire en France suus le régne de Phi-
lippe le I5el. »
M. Félix Havaisson fait une nouvelle lecture concernant l'interprétation
à donner aux monuments funéraires des (irec<. Le savant académicien
apporte de nouveaux faits ;\ l'appui de la thèse de haute esthétique qu'il
a déjà soutenue devant l'Académie, et qui tend à démontrer que dans les
représentations ligurées sur les tomt)eaux grecs éclate un seuliment très
vif de rinnnortalité de l'âme et de l'existence d'une vie future, idéale et
bienheureuse. En entrant dans l'Elysée les morts trouvaient des condi-
tions d'existence voisines de cellesdes dieux. Voilà ce que, bien interprétée,
nous apprend la série déjà nombreuse des stèles grecques funéraires.
M. Gell'roy, directeur de l'Ecole française, annonce la découverte faite à
Pompéi d'une statue de bronze de 0,oU centimètres de hauteur, représen-
tant un faune. Cette statue est une des plus belles qui soient sorties du
sol de Pompéi.
M. Max. Ueloche communique une note sur un anneau-cachet d'or de
l'époque mérovinuienne. Ce cachet a été trouvé à Saint-Cliamant (Corrèze).
M. Deloche y dislingue les lellres OiNOBEUTVS • FEET • (DONUHEHTVS
FECIT); les lettres suivantes sont plus dilticiles à reconnaître; le savant
académicien croit toutefois y retrouver les traces du mot MEIJICAMEMVM,
qui lerail rentrer le cachet de Saint-Chamant dans la série des cachets
dont les cachets d'oculistes présentent le type le plus connu.
M. de Wailly lit la première partie d'un mémoire sur l'orthographe des
amans ou notaires de Metz. Il s attache à montrer que cette orthographe
est complètement uniforme pour certains mots, par exemple pour notre
verbe j7 a qui est toujours écrit ait, cit ou et, tandis que pour les mêmes
mots l'uniformité n'existe pas dans les autres actes de la Lorraine. 11 prouve
ensuite que là où l'orthographe des amans cesse d'être uniforme, elle
contient néanmoins des traces d'orthographe dialectale plus nombreuses
que celles qui se montrent dans les autres actes de la province.
A. B.
NOUVELLES AIICIIÉOLOGIQUES
ET GOHRESPONDArsGK
On mande d'Olympie, ;\ la date du 2S mars, qu'une découverle i:ti-
porlanlo vient d'Olre faite dans le» fouilles entreprises parle pouvernemont
allemand sur l'emplacement du temple de Jupiter. On se rappelle l'émotion
qu'a produite, il y aura bientôt trois ans, la dt?couverte du fameux Un-
»?j(.s de Praxilùle, signalé par Pausanias parmi les chefs-d'œuvre du tem-
ple d'Olympie. Malheureusement le pelit Dacchus que, d'aprùs la des-
cription de l'c^crivain grec, le dieu portait dans ses bras, n'avait pu Olre
retrouvé. Il l'est aujourd'hui. L'enfant, dont lei longs cheveui sont rete-
nus par une sorte de bandelette, est représenté se penchant vivement en
avant.
M. Désiré Charnay est chargé d'une mission à l'effet de photogra-
phier et mouler les édifices, bas-reliefs et inscriptions de l'alenqué et
du Yucatan, d'entreprendre îles fouilles, de collectionner des types, de
recueillir des mensurations, des crUiies, des squeleUes, et d'étudier la
langue maya.
Il y a quelques jours, des ouvriers, en travaillant à des fouilles à
hvatm, près du lac de Bienne,ont trouvé un magnilique canut lacustre dans
un excellent état de conservation. (>e canot, en chêne, a M) pieds de long
sur 2 pieds 0 pouces de large. Un antiquaire de la localité, le docteur Gros»,
l'a acheté du propriétaire du champ où la découverte a eu lieu, et il a
présidé à son dépail pour le musée de Neuvovillc, où il est arrivé «ans ac-
cident.
-— L'n remarquable monument d'architecture ecclésiastique, découvert
récemment par sir (iilbert Scott dans la vall(*e d'Avslebury (comté de
Kuckingbani), vient d'être en partie déblayé. C'est une crypte d'église qui
date des temps les plus reculés de la période saxonne et qui a tous les
caractères d'une ba^ilicjuu romaine. Depuis des hiécles elle était fermée. A
son t'Xlrénul6 occidentale on a trouvé I«h re!<le8 d'une petite feruMre qui
donnait sur la nef dt; l'église. I.c plan de l'édillce rappelle celui de l'an-
cienne église du Saint-ricrrc à Homei il purull dater du septième giùcleel
devoir Ctre attribué à rinfluenc e des «uccohscnr» de «iaiiU Anu'iislin.
NOUVELLES ABCHÉOLOGIQUES. 33^
•<-— Un vase phéiiii icn, — Il y a quelques années, la Dibliotlièque oatio-
naLe l'aisail l'acqnisiliurj d'une ci(ju/,.iine de Iraguieuts eu hronz»; prove-
nant de l'Ile de Chypre et portant, puur la plupart, des caractères phéni-
ciens d'aspccl Tort antique. L'on supposait jusqu'ici que ces fragments,
tordus, ployc's, déchiqueté», oxjdés de diverses façons et en apparence
tri^-s dilVéreiits, devaient appartenir à quatre ou cinq objets distincts, et
l'on n'avait pu en tirer que des lambeaux de phrases incohérentes. Le der-
nier numéro de ÏAtkenœum do Londres contient un article de fond où il
est démontré que tous ces fragments appartiennent en réalité ùl un seul
et m<2me objet, june grande coupe, et que les caractères qui y sont gra-
vés rormenl une seule et mèiue inscription.
L'auleur de cette découverte, iM. Clermonl-Ganneau, a réussi, aprèa
de longs latounemenls, à reconstituer la forme primitive de la coupe,
dont le diamètre se trouve être juste d'un pied babylonien. L'inscription
qui courait, en une seule ligne, tout autour du bord, extérieurement, se
révèle maintenant avec une valeur historique de premier ordre, car elle
donne en toutes lettres, — et VAthenœum la reproduit en l'ac-similé d'après
un dessin de M. Clernjonl-tjanueau, — le nom fameux de Iliram, roi des
Fhéniciena. Llle contient la dédicace même du vase, consacré à Baal, dieu
du Liban, par un des serviteurs du roi, gouverneur d'une ville du nom
de Carthage. La coupe, enlevée lors d'un pillage, avait été aplatie, mise
en pièces et cisaillée dans l'antiquité même, comme le prouve la compa-
raison des couches d'oxyde superposées : tel est le traitement que les
Clialdéens avaient lait subir aux vases de bronze du temple de Jérusalem
pour en emporter plus facilement à Babylone le métal destiné à la
fonte.
Ce monument, ainsi restitué, devient de beaucoup le plus précieux des
monuments séuiiiiques conservés à la Bibliothèque nationale; il est di-
gne de prendre rang à côté de la stèle de Mési, roi de Moab, découverte
il y a une dizaine d'années par M. Clermont-Ganneau, et aujourd'hui au
Louvre. Les musées étrangers, quelles que soient leurs richesses, ne pos.
sèdent jusqu'ici, dans l'ordre historique, rien de comparable à ces deux
monuments. (La Chrunique des arts et de la curiosité.)
Bulletin de VInsiitut de corrcspundance archéologique, n° 3 (mars
1S80; :
Séances des IC et 23 janvier. — Fouilles. A. Pellegrini, la liasilica Fulvia
^niilia sur le Forum — llelbig, Fouilles de Corncto (découverte dans une
tombe du troisième siècle d'un scarabée de fabrique orientale. — Leone
Nardoni, Objets de l'wje de pierre trouvés sur les bords du lac de Némi. —
Lumbroso, Orijincs alexandrines (correction très vraisemblable d'un pas-
sage de Slrabon, vn, 735).
Bulletinde l'Institut de corresponiatice archéologique, w 4, avril 1880
(2 feuilles) :
Séances des 30 janvier, 0, 13 et 20 février. (Remarquer les indications
données par M. llelbig sur quatre plumes de bronze, d'origine antique, ana-
330 nRVLF. ARf.UKOLOGIQUK.
logues à nos plumes inélalliquos, qu'il a examinées. Inscription trouvée
à To.li et qui miMUiouno un tribun militaire de la légion quarante-et-
unii-nx'.) — A. Mau, l'ouillcii de Pompii. — A. Mau, compte-rendu d'une
publication onicielle intituli'e Vompei c la reijionc sottcrrata dcl Ycsmio
ncW miHii 7'J, menions c twtiiii' jmbblirate ilnll ufficio hcnico dcllc scavi délie
provincic meridiomU I , yapuU, ISTK.
Itullrtin df rinxtilut de correspondinrc hcllàu<ine, mai 18'^0 :
K. Mondry Ileaudouin, /'//'■ lie Kdqmtho!^; i. Inscriptions; 2. La ville de
Bi-ycontc. — Monumnitii futuraircs n^rcmmcnl di<ouvcr(s à Parikia, datis l'ilr
(/€ Prtros (restes d un cimetiùrc important; plusieurs inscriptions métri-
ques très bien conservées). — Maxime Coliignon, Ex-votu au dieu cavalier.
(Monuments d'un culle qui parait avoir été très répandu dans la l'hrjyie
et la l'amj>hylii'. L'analo[;ic n'est qu'apparente avec les bas-reliefs de la
Thrace, décrits par M. Dumoiil.qui représentent le mori sous les traits d'un
cavalier. PI. It et 10.) — H. Haussoullier, Insrriptiun d'ilalicanin^se ([c\[c
très lonp et très curieux où il s'agit de ventes faites, par trois temples,
des biens de débiteurs qui s'étaient engagés envers eux; parmi les noms
des débiteurs et des acheteurs, beaucoup paraissent appartenir à la lan-
gue carienno, si peu connues; M. 11. en adressé une liste qui aura son
inlérét pour les linguistes), — llomolle, la Cinifédcration des Cyclades ou
tiùisiéme siècle avant J.-C. (détails sur une de ces ligues par lesquelles la
(Irùce a tant de fois essayé de remédier à cette faiblesse à laquelle la
condamnait la dispersion résultant de son jaloux esprit d'indépendance
municipale ; cette confédéraiion ne parait pas avoir duré longtemps ni
avoir pris une grande importance). — iNouvelles et correspondance.
Archa;olo<ji<^che Zeitung, 37* année, 4' cahier de 1S7() :
H. Brunn, Laocoon, souvenir de Bcrnhard Stark (rédigé d'api es une con-
versation que Hrunii avait eue avec Stark quelque jours avant la maladie
dont celui-ci est mort). — A. Michaëlis, i-^*os au milieu du feuillage de la
viy}ie{\i\. 13, 14). —A. Michaailis, !■: Hcliefinitrologitiucd'0jfoid.—\.\'UT[-
wœngler, Bronze provenant d'Olympic (pi. ili). — H. ^Veil, Inscriptions des
vases. — l\ Gardner, la Mo7inaie en clcctrum qui porte l'iuscripliun ^avo;
(7) tyi(79;|jLa. — W. lingelmann, Ilerakles et Erginos (pi. 16). Nouvelles.
Les découvertes de Perijamc. St'ituc trouver pies de Gaza. — Séances de la
Société archéologique de Herlin ^noveml)re). — Chronique de la fête de
WincktlmanniMhiinei, Home, Berlin, Franclort). Additions et coi rect ions.
— Les fouilles d'Ulyinpie. Happorls 37 et 3«, par 0. Treu. Inscriptions
d'Olympie 3:'G-32'J ((i. Treu), 330-332 (W. Uittenberger), 333 (K. i'urgold);
G. Treu, sur le n" 87. Table de l'année, par A. ITaulicli.
L'AUTEL DE SAINTES
ET
LES TRIADES GAULOISES
{Note lue (I l'Académie des inscriptioJis en décembre 1879).
J'ai l'honneur, de soumettre à rcxamcn de rAcadémie un autel
gaulois d'époque romaine, qui m'a paru mériter toute son attention.
Cet autel, découvert à Saintes (l), a été acheté par M. Henjamin
Fillon. M. Fillon, frappé de l'importance historique d'un pareil monu-
ment, l'a gracieusement oU'erl à notre Musée de^ antiquités nationa-
les (2). L'autel est à double face, et mesure 0"',82 de haut sur 0'",70
de large et O", 30 d'épaisseur. Il est sculpté dans un bloc de pierre co-
quillicre blanche. Son état de conservation laissant beaucoup à dé-
sirer, je me suis hâté de le faire photographier, puis mouler avec
le plus grand soin; ce moulage et ces photographies sont sous vos
yeux. (Voir pi. IX et X.)
Le personnage principal, sur chaque face, est un dieu assis, les
jambes croisées à la manière orientale, accosté de deux divinités
formant avec lui une triade. La tùte du dieu à attitude bouddliirjue,
je ne saurais mieux le désigner (et je demande la permission de me
servir de celte expression laconique sans que cela tire autrement à
conséquence), manque également sur Tune et l'autre face f3). Les
attributs qu'il tient à la main sont fort mutilés. Toutefois on recon-
naît facilement que sur la face principale (pi. IX) il porlelesfl//?<m(4),
attaché sur l'épaule (5) par une fibule. La main droite lient un tor-
(1) Au faubourg Saint-Vivien, non loin de la route de Saintes à Ecurat. (Rensei-
gnements de M. l'abbé Laferricre.)
(2) Musée de Saint-Germain-en-Laye.
v3) Ces lûtes semblent avoir été brisées intentionnellement.
(4) On sait que \esagum est non une blouse, mais une sorte de plaid écossais.
(5) Epaule droite.
XXXIX. — Juin. 23
338 IIKVUK AIlCIiÉOLUUlQUli.
tjues. L'objot que serre la m.iin gauche, i)lus diflicilcà délorminer, pa-
ralu'lro une bourse. Sur celle face le dieu occupe la droilede l'aulel J).
A la gauche du dieu esl assise une déesse drapée. Une corne
d'abondance repose sur le bras gauche. Dans la main droile esl un
objel (le caraclére douteux, pcut-élre un ciseau. La léle de la déesse
s'esl relrouvée, délachée du Ironc, ;i peu i)rès inlacle. La chevelure
pend par derrière en chignon ovale.
A gauche de la déesse et presque sur la tranche de l'aulel une
petite divinité, nu licrs de grandeur des deux autres, se tienl debout
et complète la triwle. Cetle petite divinité esl mulilée. On a peine à
distinguer les détails du costume et les attributs. On v reconnaît,
toutefois, une divinité féminine portant la robe talaire. La tôle man-
que. Le bras gauche esl plié sur la poitrine. La main tient une
sorte de fruit, pomme ou grenade. Le bras droit soutient une corne
d'abondance dépassant l'épaule.
La face postérieure, dont les personnages .sont de plus petite dimen-
sion, n'a pas moins d'importance pour nous. (Voir pi. X.)
Le dieu à ullilude bouddhique tient ici le centre de l'autel. Dans
la main droite est une bourse. L'objet iiue tient la main gauche est
méconnaissable. Deux lOtes de taureau ornent la base du siège sur
Iciiuel le dieu repose :
A la droite du dieu se voit une divinité féminine à longue robe.
Celte divinité est debout; le bras droit tombe le long du corps et
parait libre. Le bras gauche est recourbé sur la poitrine. La main
porte un vase ou plus probablement un fruit. La base qui soutient
la divinité esl sans ornement.
A la gauche du dieu central se lient debout un personnage nu,
de sexe masculin, la main droite appuyée sur une massue, une
pomme i2j dans la main gauche. La base sur laijuclle rcjjose ce per-
sonnage esl ornée d'une tète de taureau.
L'autel de Saintes nous mel donc, à première vue, en présence des
faits suivants :
1" Une divinité masculine accroupie à l'orientale, vêtue du sarjum
cl ayant pour attributs certains : le torqucsci la bourse ;.{;;
H' (]ellc divinité, sur chaiiue face, esl en relation avec deux autres
divinilés formant avec elle une triade;
(1) La gaiiclio du spccialour qui r(g:irdr l'autel.
(2) Cet objet e»t trct tnuiil<; vt peut ùtro (lifiiciliinciit déterminé.
(3} Nous ne parlons pas de» autres aliributH^ duiit !•< caractère est trop con-
Jcctursl.
i/aUTI'L 1)1-: SAINTKS KT LKS TniAOKS G\UL01Sr:S. .'}.'}!)
il" Ln Iriadcest comjiosrc d'un cCtU) du dieu à nttiluilr houtldliique
vl i\c deux déesses ; do l'autre, du inèine dieu nccoslé d'une déesse
seulement cl d'un personnage masculin armé de la massue.
Aucun lexl(> ancien ne s'applifiuo directcmenl h l'ensemble de ces
représentation.?. Nous devons donc clierclier la lumière d'un autre
côté, et procéder par voie de comparaison et d'analyse.
Ce monument est-il uni(iuc ? S'il existe des moiiumenls analogues,
que nous apprennent ces monuments? Telle est la ([uestion que nous
avons dû nous poser tout d'aborJ.
L'autel que nous examinons n'est pas unique. Des monuments
analogues, sinon semblables, ont été découverts antérieurement ù
celui de Saintes. De plus, nous retrouvons en Gaule, sur plusieurs
points du territoire, unis ou séparés, les divers éléments mylliologi-
quesipii caractérisent les personnages de l'autel de Saintes. Permet-
tez-moi de passer en revue ces monuments dont les originaux ou les
moulages se voient au musée de Saint-Germain (salle XIX). En
dcbors du dieu de Saintes, nous connaissons six divinités à atti-
tude bouddhique (1).
N" 4. — Antcl découvert à Reims {^2) en 1837. (Voir pi. XI.)
La divinité accroupie, comme celle de Saintes, fait partie d'une
triade dont elle occupe le centre, ayant Apollon à droite. Mercure à
gauche. Cette divinité, comme à Saintes, est un dieu (3). Comme
le dieu de Saintes, le dieu de Reims porte le torques, non plus à la
main, mais au cou. La télé, cette fois, existe : elle est barbue (4) et
était ornée de magniliques palmes de cervidc dont les traces sont
encore très visibles (o). De ses deux mains le dieu presse une outre
d'où s'échappent, en abondance, des glands ou des faînes que sem-
blent altendro un bœuf et un cerf placés au-dessous. Sur le fronton
de l'autel est sculpté un rat (6).
(1) Depuis la lecture de cetlc note un fcplième monument des plus curieux m'a
été signalé. (Voir rappciidico à notre note.)
(2) Voir : Magasin pittoresque, lS/)7, p. 164; Revue archéoL, 1852, p. 501; Revue
numismatique, nouvelle série, t. III, 1858, etc.
(3) La triade, ici, se compose donc de trois dieux sans déesse.
{l\) Le dieu, outre la barbe, porte de fortes moustaches.
(5) Nous les avons fait rétablir, mais à l'état mobile, sur le moulage du musée ;
on peut ainsi se rendre compte de l'état actuel et de l'état primitif présumé. Le
dessin ci-joint donne une idée exacte des cornes avant la mutilation.
(6) M. le baron de Wiite voit dans le rat, dont la demeure est souterraine, un des
;JU) RKVUK AnCHKOLOGIOUE
Le iliou do Tniili'l de Saintes el le diiu de l'autel de Hciins ne font
(ju'un. Les attributs de l'une de ees divinilés peuvent léi-iliiuement
servir à expliquer ou compléter ceux de l'autre. Le dieu de Saintes
devait ôtre, comme celui de lleims, barbu cl coniu{i).
y _>. — Statuette d'Autan (2).
(Voir pi. XIF et Its dessins ci-joints.)
Le second monument n'est plus un autel, mais une simple sta-
tuette, La posture accroupie du dieu, assis les jambes croisées sur
un coussin, le lonjaes qu'il porte au cou, la ICtic barbue et vrai-
semblablement cornue (3), permettent de le rapprocher sans hési-
tation des deux divinités précédentes.
Ce dieu, le plus complet, le mieux conservé de tous, donne sur le
mythe dont il relève de nouveaux el précieux renseijjMiements.
cymbales de l'iuton, dieu des enfers et des riclicsscs minérales. Cf. Revue archéol.,
1852, l.c.
't) Kn y TfRardant de pr^s, on voit sur la face post(5riciirc de l'autel des traces
qui semblent Cire celles d'une des cornes du dieu h attitude bouddhique, corne dont
l'extrémité seule a échappé à la d-struciian. I,.i suite de celte étude montrera com-
bien la conjecture que nous faisons ici est vraisemblable.
(2) L'original appartient au musée de ^aint-(iermnin.
(3) L'attache des cornes se voit encore; elles étaient fixées par des tipcs en fer
qui ont laissé des traces d'oxyde dans les deux petites cavités qui les recevaient.
I- A UT Kl, I)i; SVI.NTRS ET I,i:S TIIIADKS OAULOISE?,
3 H
LY'tudc de la slatuctio d'Autiifi permet d'affirmer, en premier lieu,
que l'idée de Irinilé élait essenliellcment liée à la légende dont ce
dieu est le héros. S'il n'y a point place, ici, pour les deux divinités
-^^^^^
acolytes, comme sur les autels (l), la divinité unique porte avec
elle, je pourrais dire en elle-même, son symbole trinitaire. Deux
petites tôtes, dont une bien ccnservée, sont accolées au crâne du
(1) Il ?e peut que dans le laraire où ce dieu dtail placé il fût accompagné de
deu\ autres divinités qui formassent avec lui la triade. On n'a aucun détail sur les
circonstances de la découverte faite par un paysan dans les environs d'Aulun.
J42 RKVUE AnCHKOLOGIOUB.
ilieu, iine:\paucho et une ;\ droile, au-dessus des oreilles (1). Le
dieu esl uu lric(''plinl
Kn second lieu, limporlance du
torques esl parliculièremcnl accen-
liiée. Xon seulement le dieu porte
le tonjues au cou, mais un autre
lonjues dressé sur nu coussiu que
la divinité tient sur ses {,'eni)ux esl
olïerlen adoration à deux. monstres,
serpents ou dragons à écailles ayant
tête (le hélicr ["l). Les deux corps
de ces serpents forment une sorte
de ceinture au dieu.
La série des symboles groupés
autour de notre divinité s'augmente
ainsi d'un élément nouveau : Ir ilra-
fjon à ti'te (le bélier.
N'" 3 et \.
Les si al lies (le Velaux.
Les deux statues de Vclaux, ap-
partenant à M. Gilles (3), qui en a
)ublié le dessin avec commentai-
res, vont compléter no-
tre instruction. Cessta-
:- - tuesdécouverfesaulieu
d\[laBo(liej)('rtuse, pr^s
Velaux (Bouches- du -
Uliône^ soni de gran-
deur naturelle [\). Les
(I; J'avais (l'abord cru reconnaître trois petites tûtes, mais M. do LongpL^rlerm'a
fait observf-r que deux petites ti'tes seulement sont reconnaissablcs; la place ap-
parente de la trnisitme (celle di- l'occiput} parait produite par une écaille du meta
détachée accidentcllcraont. La triade se compose donc do la tOte principale cl do
deux petite».
(2; CosdraRonBsont probablementdcsmonstrcsmirins. lisent une queue de poisson.
(3) /.CT Saliins ntnnt la con'/ui'lc romnitv, par Gilles.
(4) Je n'ai pu examiner ces statue» ni m'en procurer de pliotograpliies prises
directement sur le» originaux. Les pliotoRrapliies déposées sur le bureau ont lîlé
exécutées d'apr^'ï un dessin do M. Kd. Flouest.
l'autel de saintes et les triades gauloises. 313
lôlesmanquonl. Je copie, en l'abrése.mt, la description de M. Gilles :
« Les deux statues sont en r.ilcaire coqiiillierd'iin grain lincliilanc,
provenant d'une carrière située entre Calissane et Condoux, commu-
nes voisines de Velaux (1). Ces statues, dont le torse e^t lonj,', fluet et
arrondi, sont assises sur leurs jandjes à la manière des divinités de
l'Inde. Elles ont dans cette position 0'",«.)3 du haut, ce fjui leur
donnerait, étant debout, une taille de 4'",7o.
« Les bras et les jambes sont nus, le bras droit incliné en avant,
la main appuyée sur la cuisse, tandis que le bras gauche porte la
main sur la poitrine dans l'attitude
de la prière. La poitrine est cou-
verte d'un pectoral superposé à la
tunique. Ce pectoral est orné de
grecques et de quadrillages sculptés
en relief.» — « Les deux statues,
ajoute M. Gilles, paraissent avoir été
identiques. Toutefois le collet de la
tunique de l'une, qui est relevé {T),
semble indiquer que le cou avait été
orné d'un collirr que l'autre ne por-
tait pas. »
Les points de rapprochement sont
ici moins nombreux et, à part l'hy- r\
pothétique collier ou torques, se bor-
nent à l'attitude bouddhique des di-
vinités. Mais je ne puis m'empécher
d'attacher une certaine importance
au pectoral orné non d'une simple grecque, mais de Tune des
plusordinaires modifications du S'«-as?/^'a ou croix gammée, dont,
j'espère le démontrer, le rôle a été très grand en Occident comme
signe hiératique, dés une époque bien antérieure à notre ère (3).
J'ai à mentionner comme cinquième exemple la monnaie
n° 232 des planches du Dictionnaire archéologique de la Commis-
sion de la topographie des Gaules {i), où cette monnaie est ainsi dé-
crite : « Figure de face accroupie, tenant de la main droite un torques,
et de la gauche un objet indéterminé. Revers : Sanglier à droite;
(1) Canton de Berre (Bouclies-dii-Rliône).
(2) Je ne comprends pas bien ce que M. Gilles veut indiquer par ce mot relevé.
(3) Dès le vi« ou vu* siècle avant J.-C. pour le moins.
i!x) Aujourd'hui Commission de In ge'ogruphie historique de l'ancienne France.
314 HEVUR ARCIIKOLOOIQUK.
au-dessus, un symbole [\). » ('.elle monn:iie a t'ir ilêrouvcrlo au inonl
Bo livra y (i).
' Je signalerai enfin, une divinitô féminine figurée dans Dom .Mar-
tin (3). Les J3ml)es sont croisées sous elle, elle porte la corne d'abon-
dance, et la tùle est ornée de deux beaux rameaux de cerf. Du temps
de Dom Martin, elle faisait partie de la collection des Jésuites de
Besançon. Un ne sait ce (lu'elle est devenue ('0- Ces monuments de
nous connus ne doivent pasélre les seuls portant représentalion pro-
bable de la divinité principale de l'autel de Saintes. Ils suffisent
à prouver l'importance et l'étendue de ce culte en Gaule (5).
Mais à quelle époijue, sous quelle infiuence ce culte a-t-il été in-
troduit chez nos pères? A quel courant religieux doit-on le ratla-
cher? Je ne parle pas delà date à laquelle chacun de ces monuments
particuliers a pu être sculpté, fondu, ciselé ou fiappé: mais de la
période à lai|uellc ilsapi)articnnent en tant que mythe, que ce mythe
doive être considéré comme indigène ou comme importé du dehors
et naturalisé en Gaule.
Nous ne connaissons aucune représenlation figurée de divinités
gauloises notoirement antérieures ;i la conquête romaine. Bien
que César aflirmeque de son temps les Gaulois possédaient des sta-
tues de Mercure ; Deiim maxime Mcicurium oAunt, hujiis sunt plu-
rima simulera, tout porte à croire que donner un corps aux dieux
était en Gaule, cinquante ans avant notre ère, un usage exceptionnel
et récent. Aucune statue ou statuette, que nous sachions, ne s'est
(1) Co symbole est vraisemblablement un dragon.
(2) On en connaît plusieurH autres de type anolognc; elles sont attribuées par les
ODB aui Cdlniduni, par les autres aux Litiijiius.
(3) Dom Martin, lieliyion drs Cnulnis, t. Il, p. 1H5 ; Montfaucon.
(/i) M. (iasian, rorresponilant de l'Institut et bibliotliL^c.iire de la ville de De.sançon,
n'a pu recu<illir aucun rcnM'i^'ncmcnl conornant cet antiijue, qui parait perdu.
(5) Un nouvel autel portant représentation du dieu A attitude boudiiinnc nous a
été dt'j.'i signalé, comme noua l'avons dit plus Imui, depuis la communication faite
à i'Acadûmie.
l'autkl ni-; smnti.s f.t i,i:s tiuadk.s r..\i;i,(jisKS. rii.'j
rcnconirée dans les nombreux ojtpiiln exploivs depuis vingt-cinq
ans, au milieu d'anliiiuités purement gauloises non mcMées à des
monnaies romaines, à des tuiles à rebords ou des vases dits sa-
•miens (1).
L'omnipotence des Druides, dont les doctrines éljientfndùsaccord
si complet avec l'antliropomorphisme lehju'on le pratiquait en Grèce
et à Rome, était un suflisant obstacle à l'inlroduclion en Gaule de
représentations figurées ties dieux nationaux, dans les contrées, du
moins, où l'influence de ces maîtres des consciences était domi-
nante (2;.
Mais au-dessous des doctrines, assez vagues pour nous, quo pro-
fessaient officiellement les collèges de druides, toute une tmjtholofjie
existait, on n'en saurait douter aujourd'hui, chez Ir petit peuple,
ainsi que cela devait être au scinde tribus d'origine (injennc. .Nous
n'avons aucune raison de croire que la race celtique ait, sous ce rap-
port, constitué une exception. — Oue se passa-t-il, en effet, après la
conquête romaine, quand la main autoritaire des Druides ne se fit
plus sentir? Tout un panthéon nouveau, en apparence du moins,
mais dont les éléments préexistaient certainement, sort de terre tout
à coup. Cet épanouissement de la religion populaire paraît même
avoir été favorisé par les Romains. Rome désorganisa et dispersa les
collèges sacerdotaux, persécuta peut-être les Druides, mais ne fit
point la guerre aux dieux nationaux. Les dieux cliers aux petites
gens furent surtout respectés par cette habile politique qui, en frap-
pant à divers degrés Varistocratie (3) militaire et religieuse, tendait
à émanciper la plèbe, tenue jusque-là dans une sorte d'esclavage :
Plèbes pœne servoruni habetur loco [k). Rome exigeait seulement
que ses dieux et avant tout l'empereur divinisé fussent honorable-
(1) Les statuettes du Châtelet et notamment la statuette dite Jupiter gaulois du
Louvre ont été recueillies dans une couche qui contenait de nombreuses monnaies
romaines. Voir Grignon : fouilles de 177!i.
(2) Quand il s'agit d'un grand pays comme la Gaule et dont la population était
composée d'éléments très divers, il faut se tenir en garde contre toute généralisa-
tion. Plus la science avance, plus on est amené Ji reconnaître que la plupart dos ren-
seignements à nous transmis par les auteurs anciens ont un caractère purement
local et chronologiquement très limité. Il ne faut jamais dire d'une manière absolue:
les Gaulois avaient tel usage; mais: à telle époque, les Gaulois de telle ou telle par-
tie de la Gaule avaient telle coutu.Tie.
(3^ Les Romains ne persécutèrent pas les équités; ils leur enlevèrent seulement
leurs privilèges, tout disposés, d'ailleurs, à bien accueillir ceux qui consentaient à
servir leur politique et à accepter le régime nouveau.
(4) Cœsar, B. G., vi, c. 13.
;)iG UKVUK AnCHKOLOGiyUE.
ment plaC(V> à cCtlà dos dieux gaulois. Avant la fin du premier siècle
de notro cro une foule do divinités inconnues du monde grec cl lalin
prennent place ;i côlé des dieux romains dans les laraires et les tem-
ple.» des Trois (inufcs. .
Le nom des dieux AnrxLio, Ahinius, Ari\o il), Hklknus,
Horvo, Ccrnunnos, Kdelates, Erge , Ksus, Esumus, Erumus,
(îiiANNLs, Ilixo, Lavaratup, Lcheren , Lussoius ou Luxovius, Majur-
rus, Orevaius, Hudiobus, Segomo, Sinnuatus, Succllus, Takams,
Teutates, et Yinlius (Vintius, distinct du Mars Vintius de Vencc),
figurent sur divers ex-voto ou autels (2).
Les déesses Acionna, yErecura, Atliubodua, IJelisama, Borvona,
Briciaou Brixia, Clutonda, Damona, Epona, Lalie, Uosmerta, Sirona,
Soïon, Ura(3), étalent leur nom sur des inscriptions dont le musée de
St-Germain possède ou les originaux ou les moulages. Sans compter
les dieux et les déesses presque complètement absorbés par les divi-
nités romaines et dont le nom gaulois ne ligure sur les autels qu'à titre
de surnom : ApolloCobledulitavus; ApoUoïouliorix ; ApoUoVerotu-
tus ; Jupiter Baginatus ; Mars Camulus; Mars Cocosus ; Mars Rudianus;
Mercurius Atesmerius ou Atusmerius; Mercurius Arlaius; MercU"
rius Cissonius; Mercurius Dumias; Mercurius Vassocaletus ('0-
Ajoutons à cette liste les divinités plus particulièrement topiques:
Mars Bol ri nus {dG Bouy); Mars Vintius (de Vence); les dieux Sf.r
arbor et Uœsertc (à Basert dans les Pyrénées); les déesses éponymes
des rivières et des forêts : Icauna (l'Yonne); Matrona (la Marne);
Mosa O'T Meuse); Sequana (la Seine'; Anluina, la déesse de> Ardennes
et les nombreuses déesïcs mères et proxumesdont le culte était si
étendu et si varié, et dont les autels le plus souvent ne portent pas
d'inscriptions.
L'existence de toutes ces divinités nous est révélée par des monu-
ments authentiques, élevés en leur honneur durant l'espace de deux
cents ans qui sépare le règne de Tibère de celui de Caracalla.
Or, Messieurs, ces divinités personne ne préiendra (pi'elles fus-
sent en majorité, du moins, do création récente, d'importation ro-
maine. Tout nous induit îi supposer que ce sont de vieilles divinités
celtiques.
(1) On Harixo.
(2) Vingt-cinq dieux. Nous cilons Bonlomcnt coin dont les inscriptions recuoillios
aumuaiîc doSninUGiTinain nous donnent lo nom.
(3) Oiintorzc déesse».
(k) Douze dieux.
i/autkl I)K suntf.s i:t lk.s tiiiadts gauloises. :{'i7
Un (Jieu portant le sagnm et le tonjnes, un dieu dont l'ofTlgie
figure sur des monnaies gauloises antérieures à Auguste ou tout au
moins C(.nlemporain('s iloca piince, doit avoir plus parlieuliùreincnl
cecaractùre. L'intérùt qui s'attache aux divinités de l'autel de Sain-
tes en grandit singulièrement. Ucprenons done un à un et étudions
séparément chacun dos symboles groupés autour de notre grande
divinité :
i° L'altitude accroupie;
2° Les cornes ;
3° Le lonjucs ;
4" La triade et la tricéphalie ;
5" L'outre ou la bourse ;
G" Le dragon à queue de poisson et à lôtc de bélier.
AlkxandhI': Hkiitram)
{La suite prochainement.)
LA
MEDECINE PUBLIQUE
nANS
L'ANTIQUITE (niECQUE
Suite Cl fin (1).
\1
Tols sont les précieux documents qui font connaître de la façon
la plus claire I organisalioii de l'assistance médicale dans les cités
grecques.
Certainement nous ne savons pas tout, et peut-être cette assis-
tance était-elle plus complètement organisée encore. Qu'était, par
exemple, ce Trau.'mov, situé prés de la mer, et dont nous parle le
poète Gratés (2), sinon iinc sorte de maison de santé, placée sous
l'invocation dePa-on, le médecin des dieux ? Nous considérons, avec
M. Daremberg, comme inliniment prohalde qu'elle était dirigée par
des laiijues, et n'a\ait aljsoluuuiit licn de commun av(>r les temples
d'Esculajie.
Quoi qu'il en soit, d'après tout ce que nous venons d'exposer, nous
avouons avec sincérité (jue nous ne voyons aucune dilTérence nota-
ble entre cette organisation, tcllo (jue l'avait conçue le génie bellé-
'J) Voir Ici numéros do TùvriiT, rwril oi mui.
iiiijiu', et notre organisation actuelle : qu'est-ce, en délinitive,
que ce médecin, payé par la villi' pour soigner gratuitement
tous les malades, UK^ine les pauvres, de la cité, sinon l'ancêtre très re-
connaissable, le représentant à [leine niodilié de notre médecin ac-
tuel de rAssislancc publique ?
Uu'est-ce encore que ce vaste ialrinmqnc la ville met k la dispo-
sition de son médecin, et dans lequel ce dernier est tenu de recevoir
des malades, qu'il soigne, gratuitement encore, et de concert avec
ses discijiles et ses aides-esclaves, sinon un véritable petit liOpital,
une ambulance si l'on veut, — le nom n'y fait rien ; — et comment
est-il possible de prétendre avec iM. Briau (qui d'ailleurs ne fait (lue
reproduire une erreur trop répandue) que, seul, le christianisme
triomphant a su, faisant preuve d'une charité prétendue inconnue
des païens, fonder des refuges pour les malades et instituer l'assis-
tance médicale gratuite?
Assurément, dans les époques de grandes calamités, celle assis-
tance, organisée comme nous venons de le voir dans les cités grec-
ques, devait être insuffisante.
Ainsi, quand une pcsle survenait, le médecin public, dont nous
savonsmaintenant(iuela place était au milieu des épidémies, se mul-
tipliait en vain; il devait être le plus souvent forcé d'avoir recours
au zèle de ses élèves pour le seconder, exactement comme nous voyons
Hippocrate, dans une circonstance semblable, obligé d'envoyer
ses disciples au secours des innombrables malades.
Ainsi encore, quand des guerres surviennent, on voit les blessés
transportés dans les villes où on leur donne des soins dans les mai-
sons des particuliers (1) : c'est que dans ces circonstances l'iatrium
public devenait totalement insuffisant, et l'on était dans la nécessité,
— alors comme aujourd'hui, — de faire appel à la charité hospita-
lière des citoyens, qui n'hésitaient pas à transformer leurs demeures
en ambulances.
Mais ce qu'il faut bien savoir, c'est qu'en temps ordinaire cette
organisation de la médecine publique était jugée très suffisanle, et
elle l'était si bien qu'elle a traversé une longue suite de siècles sans
qu'aucun de ses caractères se soit notablement altéré. C'est le propre
des organisations supérieures, qui répondent eflicacenient à un be-
(1) Voir, par exemple, Justin, Histor., lib, XXVI II, § û. Ces ambulances privées
recevaient môme des blessés ennemis, comme on en trouve la preuve dans Xénoplion
{Ânab., lib. VII, cap. ii, § 6) ; c'est un nouvel et bel exemple de la sollicitude des
Grecs pour les maladis, quels qu'ils fussent, riches ou pauvres, amis ou ennemis.
;jîit» ni:vi'i: AnciihUiLOciQUi:.
soin social, do doniinci- les t'vrnemenls, et do roMLM-i'ltM'nelItMik'iU de-
bout aumilipu dos drluis dos aulros iiisliliilions (iiii s'roroulonl.
Nous allons en donner la preuve :
nunnd Home, aiinllaiil son hras i)uissanl sur lo mondo onlior, com-
nioiiça rassorvissoiuonl i\c la (irtVe cl jota un roganl ourioiix sur les
coutumes de ce monde nouveau, non seulement elle n'osa pas loucher
à l'institution des médecins puMicsdans lescilésgrec(iues, — comme
le prouve la date de l'iu'^cription de Dolphos que nous avons rappor-
tée plus haut h propos de l'impôt dit iatricon, — mais encore, séduite
un instant par la beauté do cette institution, elle tonla de l'a-
dopter.
Pline (l) nous donne un renseignement précieux qui lixc l'époque
de cette lenlalivo. Voici le texte de Pline, texte dont l'importance
pour le sujet qui nous occupe a jusqu'ici échappé à tous les com-
mentateurs :
(( Cassius Ilemina ex anliquissimis auclor est, itriiiuim e mcdicis
venisse Roiiiam Peloponneso Archagalhum Lysiani;i' filium, L.
iEmilio, L. Julio coss., anno Urbis DXXXV, cique jus quiritium
datum et tabernam in compifo Acilio emptam ob id publice : vulne-
rarium eum fuisse e rc dictum ; miroque gratum adventum ejus
initio. I)
Ainsi donc, on voit, en 5^0 av. J.-C, Archngathc vonir du Pélopo-
nése à Uome (2), et Rome rin.^lituer son médecin public, puisqu'elle
lui fournit gratuitement («publice», «n/^'sf publicosumplUJ)),dans le
carrefour Acilius, une officine {tahenunu) [)our y soigner les malades,
exactement comme nous avons vu les cités grecques fournir gratui-
tement à leur médecin public un local semblable, un iatrium.
Cette tentative ne réussit pas cl Pline nous donne d'assez mau-
vaises raisons de cet insuccès.
Voici comment il l'explifiue :
(( Mox asa.'vitiasecaiidiurendi(iue transisse nomen (vulnerariuui)
in carnilicem, el in l;i'dium artem omncsque mnlicos »
Pour nous, une raison plus plausible de cet insuccès doit Hrc
cherchée' dans ro[)position jalouse (jue firent à cette innovation ^o«s
les (iiilnsmcilecinsy qui ne purent voir, sans en être mortifiés, un
(1) Pli».,//, s., lil). WlX.cap. M.
(2) l'iino vfui 0\idciiiineiit d:;i! 'ju'Aiciingatlic fut ji' premier iiirdcciu f/nc qui
vint & Komo : la preuve (|u'il y OMiit des niédcciiiii .'i lloini! avant Arcluigutlic, c'est
que, quelques lignen plus loin, IMiiie dit « oiiirics uicdicos ». — Hcuiarqucz l'ex-
pression « publiée »' : c'est le ô^.iaogiij. ^\i<)<ô grec.
LA MÉDLCIN'K PUHLIQUE DANS i/aNTIQUITI': (UIFXQUC. XW
inùdocin êlrangcr (I) dovonii', (MiMCiiurranl Icdioildc cil*'- elle pri-
vilôgL' inouï do la graliiilé de l'officine, lo niôdocin ijujjlic de Uonie.
Mais, si celle tentative ne réussit pas à Konic, il est absolument po-
sitif (|ue, dans d'aulres cités romaines, l'instilulion yreciiue parvint
à s'établir ; et elle s'y établit en elTet si bien (ju'c nous possédons une
inscription funéraire, du réf^nc de Tiajan, q\ii mentionne expressé-
ment un médecin comme « salarié » de Ferentinum, ville située en
plein Lalium, à quebiues lieues de Home seulement.
Voici ce précieux document :
D M
AA • VLPIO- C • FIL-
SPORO MEDICO ALAR
INDIANAETHERI AE
ASTORVM ET SALARARIO
CIVITATISPLENDIDISSIMAE
FERENTINENSIVM
VLPIVS PROTOGENES
Ll B- PAT- B- M • F-
« DiisManibus. Marco Ulpio, Caii lilio, Sporo, nicdico alarum In-
dianœ etterlia)Asturum,etsalariariocivilatis splcndidissimaî Feren-
tinensium. Ulpius Protogenes, libcrtus, patrono bcne raerenti, fe-
rit. »
[Viterbe; OveWi, Insa-. /a^., n» 3507, d'après Muratori, 1016, 5. Orelli range
Tofflce du « médecin salarié » dans les « oflicia municipalia minora».]
Ainsi donc, cet Ulpius Sporus, après avoir été médecin militaire,
chargé du service médical des ailes d'auxiliaires designées sous les
noms de Indiana et des Astures, était devenu le médecin public, le
médecin « salarié » (2) de la ville de Ferentinum (3).
(1) Les médecins grecs ont d'ailleurs toujours été détestés à Rome; voy. Pline
H. N.y lib. XXII, cap. xxiv, et encore lib. XXIV, cap. i.
(2) Lucias-Titus (voir son testament ia Scœvola, Icg. dl, § G) emploie le mot
« salarium » (qui indique des gages en argent) pour exprimer le salaire du médecin.
— ^lius Lampridius (i/c Alex. Sev.) emploie le même mot pour désigner le traite-
ment alloué au premier médecin d'Alex. Sévère. — Le même terme est encore em-
ployé, beaucoup plus tard, dans le même sens, in Codic. Justin., lib. X, tit. lu. de
medicis.
(J) Cette inscription est encore précieuse à un autre titre : elle nous fournit un
chapitre nouveau Ji l'histoire, si incomplètement faite jusqu'ici, des médecins miii-
;jji HKVUE AHCHÊOI.OGIQUK.
Or ir.iutres villes romaines avaient (''palemonl leur médecin sala-
rié, au^iui'l elles fournissaieiil une oriicine, comme on peut l'inférei
ilu lexle de Galien que nous avons cité plus haut; c'est donc que
l'institution, tout luiléniiiue, des médecins publics, faisait déliniti-
vemenl partie des institutions adoptées sinon dans tout l'empire ro-
main, du moins par (luelqucs cités italiennes. La lettre (statut) bien
connue d'Antonin le Pieux {Dig., lib. XXVII, til. 1) vint d'ailleurs
autoriser les villes à entretenir un nombre limité de ces médecins
(«civitales;)o.«»»/... medicosimmunes habere»), mais malheureuse-
ment ne les y cotitraignit pas : faulegravc qui ne devait être réparée
que bien plus tard, par l'édit de 3G8.
Ici se présente une intéressante question :
Pourquoi le peuple romain, pendant la durée presque entière de
la domination impériale, n'a-t-il jamais complètement adopte cette
institution des médecins publics ?
La réponse est aisée :
C'est d'abord que les Romains, dont la principale occupation était
de faire la guerre ou d'assister aux jeux sanglants du cirque, et dont
le régime politiiiue n'avait aucun rapport avec la constitution popu-
laire de la Grèce-, restaient indilTércnts à tout principe d'humanité ;
c'est qu'ensuite la médecine, presque toujours exercée à Home par
des esclaves, des alïranchisou desétrangers, était souverainement dé-
daignée; en troisième lieu, c'est que l'indigence, — énormément ac-
crue d'abord par suite de l'abondance de l'or qui faisait négliger
le labeur, puis à cause du peu de considération qui s'attachait au
travail manuel, — l'indigence, disons-nous, était non pas abhorrée
comme chez les Grecs, mais absolument méprisée.
taires romains. Elle nous montre en cITct que, après un certain laps de temps passé
dans les armées comme fonctionnaire militaire, le médecin romain pouvait devenir
fonctionnaire dans l'ordre civil.
Il pouvait également rentrer complètement dans la vie privée : une inscription
funéraire, recueillie par M. G. Doissière, à Trœsmis, dans la Mœsit; inférieure (sur
les bords du Danube, au piod des derniers contreforts des Balkans;, mentionne un
certain Titus Flascanius, médecin, inscrit dans la tribu Pollia et né à Favcnlia
(aujourd'liui Facnza). Certainement ce médecin, citoyen romain, n'était pas, au
moment d'! sa mort, un médecin légionnaire, car il porterait ce titre; comment se
fait-il qu'on le rencontre à celte époque si loin de sa i)alrif? 'rout s'explique si l'on
admet que llascanius était un médecin légionnaire rentré dans la vie privée. —
Une autre inscription, recueillie aussi h. Tnrsmis, signab' un certain Valerius
Thinmpuii « qui militavil in legione undccima Claudia n. Notre médecin Hascanins
pouvait fort bien, comme ce Tbiumpus, s'être reposé à Trœsmis des fatigues de la
guerre.
LA MÉDECINE PUBLIQUE DANS l'aNTIQUITÉ GnECQUIi. 35.'J
Donc, indilïï'rciicenux srnliincnts (riiiirnanilé, d(';(lnin pour la rni'-
docinc, mépris do la pauvreté, voilà Irois r;iis()iis(iui expliiiueiitclairo-
mcnl pourquoi l'instilulion do la médecine publiijue ne fut guèn; ap-
préciée et ne pou va it Aire sériouscmcnl adoptée p.ir la Rome des Césars.
Aussi, qu'an iva-t-il ? Chacun le pressent, et personne encore ne
l'a dit : il arriva (jne, pour ?alisfaire à l'impéricnix besoin des se-
couis de la médecine, rinitiativc des particuliers dut, à Kouie, se sub-
stituer à l'action publi((iie loute-puissaiile en Grèce. Il arriva (|ue, le
médecin public chargé de soigner gratuitement tous les citoyens
n'existant pas dans la plupart des cites romaines, l'on vit, dans
ces cités, tous les gens de condition libre, mais peu fortunés, les ou-
vriers, les artisans libres et leur famille, les prolétaires, tous les ci-
toyens pauvres en un mot, obligés, pour s'assurer, entre autres bien-
faits, des secours médicaux, de s'associer et de former des groupes
possédant chacun leurs médecins pailiculiers(l), médecins de cor-
porations dont on ne trouve aucune trace en Grèce, chaque cité grec-
que ayant ton médecin public.
Il arriva encoi'cque, la plupart des cités romaines ne possédant au-
cune officine où les riches pussent envoyer leurs esclaves malades,
ces richesse trouvèrent obligés d'avoir, dans leur propre demeure,
pour ces esclaves (qui possédaient d'ailleuis, comme en Grèce, leurs
medici domestici ou médecins-esclaves) un local particulier, \evale-
tudinarium, dont nous parlent plusieurs auteurs latins (2), mais que
les citoyens grecs, qui pouvaient envoyer leurs esclaves malades dans
Viatrium public, n'ont certainement jamais connu. Il est superflu
d'ajouter que, puisque l'assistance médicale publique faisait presque
totalement défaut, on était constamment obligé, quand survenaient
des guerres ou d'autres calamités, de s'adresser à la chaiitè publique
et d'inviter les particuliers à ouvrir leurs demeures aux malades (3).
(1) Voir Briau, l'Assistance médicale chez les Ro)7iai7is.
(2) Sur le vfdetudinarium, cf. Columelle, De re rustica, lib. XI, cap. i, et
lib. XII, 3; Séiiècjue, De ira, lib. 1, c. \\i; et Natm: quœst., lib. I, pra'f.; Tacite,
De orat. dialog., cap. xxi. Ces valetudinaria particuliers étaient destiiiyà aux
esclaves malades, et il ne faut pas les coufoudre avec les va'.etudi/tariu des camps,
destinés aux soldats blessés ou malades et dont par'e Hygin, De casiram. — Quoi
qu'en dise l'aiinotateur de Sénèiiue (éd. Loniaire, 1830, vol. V, p. ii2j, les Rainains
n'ont jamais eu de valetudinaria publics ; à moins que l'on ne donne ce nom au.\
ofHciues publiques que possédaient, comme nous l'avons dit, quelques rares villes
romaines seulement; et Mercurialis (T'a/''»/', lect. in med. scri/d. et al., lib. F,
lib. I, cap. 12-13) essaye vainement de prouver, en s'appuyant à tort sur un pas-
sage deStrabon, qu'il existait un hôpital d:uis l'île du Tibro.
(3) Voir TilP-I.ivp, Dec. 2, ^ap. maii; ot b'.<y) H'autres aulL-urs.
\xxix. îL'k
354 Ivl.VUK ARCIIKULOGIQUK.
Ainsi donc, quelques cilôs romaines seulement adoptirent l'insli-
lulion tout lielléiii(iiic des m/'decins puldics, celle insliliilion res-
tant, en GiiV'e, — où lapluitarldes villes avaient, malgiê l'iiifluence
romaine, conservé leurs iradilions, — ce qu'elle avait toujours élé,
c'est-à-dire lionorée pour son cnractôre esseutiellemeul moral, sans
cesse entretenue par le bon vouloir desciloyens-ijui pajaient volon-
tiers un impôt dont ils tiraient tant de profit, peipétuellemonl sou-
tenue enfin par le zèle des médecins, (ju'enorgueillissail,à juste titre,
Icui' emploi public et que stimulaient d'éclatantes récompenses.
Tel fut pendant de longs siècles l'élat de la médecine publique
sous la domination romaine, lorsque, vers le milieu du iv* siècle,
le christianisme, tiiompliaut et libre, résolut de faire pénétrer dans
les mœurs publiques les principes de mansuétude et de cliarité qu»
formaient la base de la doctrine nouvelle, principes jusqu'alors pro-
fessés dans l'ombre.
Or, pour montrer claireinenl au peuple rexcellcnce de ces piinci-
pes, quel moyen plus efficace se présentait sinon de pourvoir aux be-
soins sociaux par une revision, basée sur des principes justes et hu-
mains, des luis, des coutumes et des institutions qui régissent le
peuple ?
C'est précisémciil ce qui lut fail.
Quand des coutumes furent jugées iniques (telles, par exemple,
que celle autorisant l'exposition des enfants), ces coutumes furent
abolies.
Quand des lois lurent trouvées nécessaires (telles, par exemple, que
celle presciivanl la fondation des écoles), ces lois furent créées de
toutes pièces.
Quand, enlin, des institutions déjà existantes dans certaines par-
ties de l'empire furent reconnues bonnes, elles furent conservées,
protégées et vulgarisées; et c'est jush'inenl ce qui fut décidé (et ce
que personne jusqu'ici n'a vu) touclianl l'aiititiue iuslilution créée
et popularisée en Grèce sous le nom de iMédecine publiiiuo : un édit
de Valcniiiiieii et Valeus, daté de iUiS (l), donna à celte institution,
perpétuée iiar la tradition, une existrnce légale, la déclara, comme
on dirait de nos jours, d'utilité }mbli(jue[Sins daigner la nommer tou-
tefois, parce (ju'elle était d'origine étrangère, d'uiigine greciiu.) et
l'im|)0sai tout l'empire, en la modifiant en (juclques détails pour la
déligurer. Gel édit fut donc véritablenieul un édit non pas a créateur »
:i; Cod. Tfuodoi., lilj Mil, tii. III, Icp. s, «, lo.
\.\ MKDKCI.NK l'IJhl.lnri': MA.NS L'aN i'iMUlTK (iHi;COUK. .'J.'JK
comme 011 le croit à lort, mais simplomont « modificateur et viiîg.i-
risaleur ». Mais cet ùdit était d'aulanl plus nécessaire et opporlim
que, précisément au iv* siècle, non S(;ulcme(il la m.ijorité des cités
romaines élaienl, comme nous l'avons dit, totalement privées des se-
cours de la médecine puhliijue, dont elles ifîiioraienl jusqu'au nom,
mais encore, dans ces mômes villes, les médecins parliculiers, — les
seuls auxquels on pouvait s'adresser, — étaient fort rares el, à cause
même des richesses qu'ils possédaient, absolumenl dépouivus de
zèle: or c'estàcette situation lamentable, — qu'Ammien-Marcellin (1)
nous dépoint en disant qu'à cette époque, à Rome, «oiimis proTessio
medendi torpescil», — que voulut remédier, dans l'intérêt du peuple,
l'éditde Valenlinien et Valens étendant à tout l'empire les bienfaits
de la médecine publique.
Sans doute, on pourra s'étonner que ces empereurs, fameux dans
l'histoire par l'atrocité de leurs actes, aient consenti à apporter dans
les dispositions léi^'islalives nouvelles une amélioration entre autres)
aussi heureuse ; mais on admettra si l'on veut l'explicilion suivante :
« Le sangdes empereurs païens, dit Chateaubriand (2), se retrouve
dans les cruautés de Valcntinien, lecaraclèredes empereurs chrétiens
dans les lois qui ordonnenl des médecins pour les pauvres. »
Quoi qu'il en soit, ce sont les modifications apportées par cet édil
dans l'institution de la médecine publique sur lesquelles il convient,
pour être complet, d'appeler maintenant toute l'atlenlion du lec-
teur.
Hâtons-nous de dire que ces modifications, étant toutes «de détail»,
n'allérèrentnuUementetne pouvaientallérer l'essence même de l'ins-
titution que nous étudions ; elles devaient cependant amener, comme
nous le verrons, des conséquences importantes, curieuses par leur
imprévu, et que personne jiisiprici n'avait aperçues.
Examinons donc ces modifications, avec les détails iju'elles com-
portent.
Vil
I. Une première modification porte sur le nom qui fut attribué
aux médecins publics :
En effet, à partir de l'édit de 368, le Sr,ao(7t£Ûo)v grec devint Viz/îoL-
(1) Amm. Marcellin., lib. XIV. — Vers Tan 337.
(2/ Clialeanbnand, Ètiul. /tist.fS" dise, l""* partie.
35t3 HEVUE AHCMÉULUUIUUE.
Tcoc TT.ç TroXew; ; (Ml m(>me teni|i.<. les snlaridrii ou mcilici iininuues
romains s'appclironl désonnais (irchiatri popultircs cl munici-
pairs 1 1 i .
II. Ine ileiixiùine modilication porle sur le nombre des méde-
cins publias, (jui fut défini pour chaque ville.
Kn cITcl, nous avons vu qu'aulrefois les cilés grec(iucs ne possé-
daient chacune qu'un médecin public; que, d'autre part, quehjues
cités romaines n'en possédaient qu'autant qu'elles le voulaient bien,
et même il ne parait pas que Home clle-inème en employât un seul.
Or l'édil dont nous parlons oblige toutes les villes à se pourvoir de
plusieurs médecins publics, et institue ceux-ci d'abord à Home, en
nommant un médecin pour chaiiue (juarlier, soit ([uatorze, sans comp-
ter le Portique du Xyste cl le collège des Vestales (2). " C'est
ainsi, dit M. Perrot, qu'à Paiis chaque arrondissement... a son
médecin en titre. » Conslantinople cul aussi ses médecins, et toutes
les autres cités, grecques ou romaines, de l'empire furent obligées
d'en posséder également, mais dans les proportions autorisées par
Aiilonin : une petite ville n'en pouvait posséder que cinq, une plus
grande sept, et les métropoles dix (3). Tout l'empire fut ainsi (comme
l'avait été la Grèce) pourvu, par décret, de médecins publics : ces
médecins sont les mêmes que ceux dont il est fait mention, dans les
recueils d'inscriptions grecques el lalines, sous le nom A'archidtrcs
des villes (-4).
(1) Sans doute, longtemps avant l'édit de Valontinien ces « médecins de cités « (àp .
•/iaTj>oi "twv ToXewv) existaient dtjà sous ce nom dans plusieurs villes grecques, puis-
que, en somme, les premiers arcliiùtres apparaissent sous Néron ; mais c'est l'édit
de 3G8 qui donna à ces arcliiùtres une existence légale, et c'est pourquoi nous les
faisons apparaître à celte date. (C'est aiusi que les arclilAtres palatins cxistaicDt
bien avant qu'ils fussent reconnus offlciellement par les décrets de 320 et de /|13.)
— Ajoutons que les nouveaux médecins publics (arcliiltrcs niunici|)auxou r.rcliifttres
populaires) jouissaient, en leur qualité niùine d'arcliiàtres, de privilèges particu-
liers; maison pense bien que notre interitio:i n'est nullement de faire ici l'histoire
de l'arcliiÀtric, histoire d'ailleurs connue par un travail récent de M. liriau.
Disons seulement qu'un de ces privilèges (exemption des logements de guerre)
a persisté en France au moins jusqu'à la liu d'i xvn' siècle.
(2) Sur la médecine des Vestales \oy. Plin. Jun., Episl., lib. VU, ep.l'J : « ...ma-
tronarum curn- maudantur Virgines. <
(3) Modcfctin., lib. Il, Di'jcsl., lib. XWII, lit. I.
(k] Aiiiki on trouve dans une inbcription d'Euiomog de Carie, rapporté" par Le
Bas (o/i. et loc. ctt , Infcr. 31A-318j, un certain Ménécrate, qualifié do à àp/iatpo;
-rf,; ninai- Ainsi cncon, on itouve dan» Orelli (op. cit., inscr. 30'J/i) un << nques
romann^ >■ quididé d'nribifttn- de la ville de Dénéveiit, << arcliiater lienevenla-
nus ».
i.A MKDi-.r.iNi: l'i lu.iori' n\Ns t.'AMioi'iTK nnFCnuK. 357
[II. Une Iroisi'^mc Tiiodilicnlidii n Irait au modr il'rlection fies
médecins publics.
En eiïel, nous avons moiiti-r- plus haut, au rommencement de ce
mémoiri', d'après certains passages diî l'Ialon et île Xrnoplion, f|ii(; le
médecin piihlic dans les cités grecques était élu par l'assemldée du
peuple : or, à partir de l'édil de Valcnlinien et Valens, ce mode
d'élection des médecins publics pour tout l'empire sul.it quelques
modilic dioiis :
« Il semble, dit Peyrilhe (1), que l'élection des archiâlres populai-
res fut d'abord laissée au corps même des arcliiàtres, sauf l'ai^rément
de l'empereur, et sous la condition de l'unanimité des suffrages et
la défense expresse de rien accorder ni à l'in lulgencc ni à la recom-
mauiialion des grands.
((Mais,deux nns après la promulgation de la loi dont il est question,
c'est-à-dire en 370, les mêmes empereurs qui l'avaient portée ré-
glèrent, par un autre rescrit, la forme de l'élection, et la déclarèrent
bonne lorsqu'elle réunirait sept suffrages qui, dans le nombre de
treize (électeurs), emportaient la pluralité (2)....
a On pourrait entendre la loi d'une autre façon et dire qu'elle
exigeait au moins sept électeurs. Le candidat nouvellement élu pre-
nait toujours la dernière place parmi ses pairs. ;)
Mais celte loi, contiant l'élection des arcliiàtres de Rome au corps
même des archiâtres, ne pouvait s'appliquer aux villes peu impor-
tantes de l'empire : « car, dit très bien Peyrilhe, cette loi suppose
treize électeurs ou au moins sept, et dans les petites villes il ne pou-
vait y avoir, au moment de l'élection, que six électeurs, quatre, et
moins encore. »
Voici alors ce qui fut légalement établi pour les cités moins impor-
tantes de l'empire :
« Lorsqu'il s'agira d'incorporer un médecin dans le nombre fixé
pour une ville, le gouverneur de la province (((prrescsprovincire)))ne
se mêlera pas de l'élection, elle sera laissée à l'Ordre (c'est-à-dire,
selon Donat, qui s'appuie sur leCo^., lib.X, tit. IX, à l'ordre muni-
cipal) et aux Possesseurs (c'est-à-dire aux citoyens propriétaires qui
n'entraient pas dans les assemblées de la curie ou du corps de vil le) (3). »
On voit donc que, dans l'immense majorité des villes de l'Empire,
l'élection des médecins publics, essentiellement « populaire » jadis
(1) Hist, de la chirurg., p. 711-71i.
(2) Co,i. Theodos., lib. XIII, tit. ill, le::. 9.
(3) Dlpifinus, Di'/pst,, 1 b. L, tit. IX. (Ipin^d.
S.IS aKVL'i: Am:iikoi,(H;i«.ii'K.
en (inVc, devint « niuniripalo), uiaisquVii iltMinilivp c'osl toujours
la cité ollo-nu^ini' qui fait rùloclioii.
IV. l'ne qualricuio cl dernij'ro modilicalion a trait aux moyens
mis par la rito !» la disposition des nn'derins publits pour leur pi-r-
mcttro racroniplissemml de leur mission.
En offt't, si IV'dil de 308 n'apporta ajicun chanpenioiit dans U's de-
voirs exigés de tout temps des mâleoins puldics, |inis{|ii'il reeoni-
niande expressément à ces médecins < de préférer l'honneur de ser-
vir les pauvres h la lionle de ramper sous les riches », il apporta une
iiî'porlante modincaiion dans les avanlu^a's matériels que les cités
réservaient ;\ ces médecins. Voici, elf-ctivement, ce (jue dit la loi :
« Quoique les soins de ces médecins, auxquels le public fournil
les choses nécessaires à la vie..., doivent être gratuits '1), néan-
moins nous voulons bien tolérer iju'ils revoivenl ce ([ue l'on oITrirail
après la guérison, comme la récompense du zèle et de l'empresse-
ment (ju'ils auront mis à la procurer ; mais nous leur défendons de
rien accepter de ce qui leur aurait été ju-oinis durant le danger. »
Ainsi donc, comme par le passé, les médecins sont payés par les
cités, sur les fonds puldics, et doivent en retour leurs soins gratuits;
mais (et c'est ici que nous appelons l'atlenlion sur les conséquences
curieuses des modilications que nous étudions) il n'est plus ques-
tion de leui fournir cet /Vï/r/wm, celle oflicine, ce vaste local, que les
cités élairnl tenues de mettre, en plus des ap[)oinlemenls, à la libre
di8[)Osition du médecin pour y traiter les malades gratuitement : la
loi n'en fait aucune mention, aucun auteur n'en parle, et il y a une
autre raison encore qui montre qu'en elVet ces locaux, libéralement
concédés autrefois, ne furent plus accordés, c'est (|ue, Fi l'on songe
que les villes de troisième et dernier ordre, les 1res petites villes de
(1) Tout ce passagp, rapproché des préc(*(lents, montre bien que la tlièse, absolu-
ment InOdito, toute personnelle, que nous soutenons ici, h. Bavoir que le christia-
nisme, en établissant les méilociiiB publics, n'a rien ciô() et n'.i fait qu'étendre à tout
l'ompire, on la modifiant légùrcuient, l'antique institution grecque, i st l'expression
exacte du la vérité. Le médecin do cité, institué pur lo cliréiifu Viib niinien, est élu
et payé par le public ot doit si's soins gratuits, •xactcment comme le médecin public
créé |.Dr le paien Cliarondus était élu et payé par le public et dev.iit ses soins gra-
tuits : CCS médecins sont donc bieti les mômes, puisque, en dépit des modilications
apportées, nousnc voyonsenire eux aucune difTérenco sérli-use. C'est ce qui prouve,
une fois de plus, combicu les rapprudicments les plus lé(;iiimcs (avec toutes leurs
eonhéqucnce») rcbient parfois lotigienips méconnus. — D'ailleurs, les rapproche-
ment» ne k'urréteiit pas là : nous verrons tout ti l'iieiire qu(! si lo médecin public do
Cliarondb» a eu, pour y soigner les malades, les « oflicines publiques », le médecin
d'i cité de Vnlcntini" o a eu «• les hôpitaux »
LA MKDKCiNi; i'i'i)i.int;i: DANS i/antioiiitk r.WKCQlU:. DoO
l'cmpiic, (Hait'iU tonnes d'ontroloiiir jusiju'ri cinq nuMlfcins pnblics
(sans conipler tics i,M:ninnniri('iis cl di-s rlMHcnis), on coniproml que,
bien loin de pouvoir romiiii- iino (jflicine à cliacun de ces médecins,
lescilôsso trouvèrent dans riiii|iossil)j|jié in.itôricllo d'entretenir un
seul idtriuin ; le traitement lixe qu'(dles allouaient .i ces cinq méde-
cins était déjà pour ces cités une charge fort pesanle (1), et il est
permis d'inférer, de la facullô laissée Ji ces médecins d'accepter un
salaire de leurs malades, qu'ils ne recevaient et ne pouvaient lece-
voir de la cité qu'un traitement extrêmement modique.
Est-ce d'ailleurs à une époque où les invasions barliares commen-
çaient àalTaiblir la puissance de Tempire, à bouleverser les fortunes
privées, à tarir les sources qui portaient l'or à Rome, et conséquem-
mcnt à diminuer les fonds publics, qu'une pauvre petite cité grec-
que, qui, dans des temps meilleurs, pouvait sans li-opdc gène s'impo-
ser pour posséder un médecin j'ublic et lui concéder gratuitement
une oflicine, aurait pu, en plus du Irailemeiit de cinq médecins, four-
nil' à l'entretien dispendieux d'un pareil élablissement ?
En vérité, on ne saurait l'admctlre.
Eb bien 1 si l'on se rappelle ce que nous avons dit de ces officines,
qui n'étaient autres, comme nous l'avons montré, que de véritables
ambulances bien pourvues de médicamcnis, entretenues par les de-
niers publics, dirigées par le médecin public, et ouvertes, dans cha-
que cité grecque, au public pauvre, demandons-nous ce qui dut ar-
river ([uand, par l'eUet inévitable et sans doute imprévu de l'édit de
Yaleulinieu et Valeiis dalé de ;iG8, ces olticines, déjà sans doute de-
venues rares et à peine suffisantes à cette époque calamiteuse, du-
rent, comme nous l'avons dit, cesserdéllnitivemcnt d'exister.
11 arriva ceci : c'est que les malades indigents, ne trouvant nulle
part dans les paysgrecs, c'est-à-dire dans tout l'Orient, le refuge spé-
cial que les villes, trop appauviies, ne pouvaient metire désormais,
dans leur intérêt, ù la disposiliondes médecins publics, ces malades,
errants ou gisants dans les rues et sur les places publiques (princi-
palement dans les grandes cités qui sont les rendez-vous habituels
des indigents sans asile), durent présenter et présentèrent, par l'excès
môme de leur infortune, le tableau le plus toucliajil qui ait jamais
été offert à la commisération des hommes.
Et alors encore qu'arriva-t-il?
Il arriva tjue la charité des particuliers opulents, vivement touchée
(1) Ce traitement dut mOmc Ctro retiré provisoirement aux niûlecins sous Justi-
nien (voir Procop., Ilist. A)'C., et Prurjm. Jmt. Sanct., a Pitro-Pillico éd., cap. ixi).
3t0 nr.YiK vncm^oLoGiyui:.
par ces émouvants spoclaclos de malades sans asile et sans pain, pI
puissamiut-nl solliriltV aussi par rinlluenrc des itriiiciiirs nouveaux
pioclr.inés parles préhils, riva, pr('ei>êintMU en OneiU, it jiislemeiil
pour remplacer les oflirines urbaines disparues par l'elTt;! de la loi de
3G8, les premiers lu'ipifaux dont il soil fait meiilion dans l'hisloire.
Kl eela est si vrai, ipie les premiers Ljiands établissements vériln-
blement destinés aux malades ont été fondés, le premier, en 372
(dateprèci.se importante;! signaler pour la thèse que nous soutenons),
à Césarée, par saint Hnsile, év(V|ue(l), les autres à Amasie vers la
m^me époque (2), les suivants enlin, — toujours en Orient cl dans
les prandes villes, — par saint Jean Clirysoslome, (|ui rivalisa de
zèle avec saint Basile (3).
Il n'est pas indiffèrent de remarquer que ce n'est (|u'en 380 qu'on
voit apparaître en Itilic le premier hùpital, le fameux voîoxoueTov, où
Fabiola, au rapport de saint Jérôme ('0, f lisait soi.qner les malades
qu'elle recueillait, — comme on les recueillait eu Orient, — sur les pla-
ces publiijues : « quoaî;,'rolanlcs colligeret de plateis». Mais on s'ex-
plique aisément ce retard dans la création des hôpitaux romains: c'est
que l'Italie, qui n'avait jamais voulu adopter entièrement, faute de
les bien comprendre, les institutions bienfaisantes de latjirèce, et qui
par suite, comme nous l'avons aussi montré, avait à peine connu les
officines publiques, sentait moins vivement (pie l'Orient la nécessité
de créer des refuges analogues; c'est sans doute aussi que l'Italie,
pour la(|uelle l'institution des médecins publics était véritablement
une nouveauté, avait cru un instant cette institution très suffisante,
ne voyant pas tout d'abord que di's soins m.'dicaux, même gratuits,
sont bien inefficaces quand le malade n'a ni asile ni pain.
Ainsi donc, c'est bien en Orient, r'esl bien dans les villes grec(|ues,
et non .lilleurs, que l'on voit «rres.sr/j;r///e»mppai'aîlre les hôpitaux,
et nous connaissons maintenant le véritable motif (jui a dèleniiiné
cette création: d'autre part, il est aisé d'expliipier pourquoi cc^ hô-
pitaux se multiplièrent rapidement également en (Mi. -ni, dans tous
les pays où l'induence grecque était prépondérante; en voici l'in-
téressante raison :
Chacun sait que, dès une h.iule anli(|nitè, luiiiil'ic de cités dans
la Grèce hospitalière avaient civè, pour rec.'Vdir gialiiitement les
(1) S. Basil., E/nst. 170. — Cisarc-c de Cappadoco était 'a lairio de saint Basilf.
(2) S. Ilanil., A/'m/. 143.
(3) PalladiuK, in Viln s. Cliri/$o*tr,vti, cap. v.
(6; S. Hicronyiu. [Lput. wl Oceunumtle vwrie Fahiol.), li!'. III, ' |'. lO.
L\ MKDRCINR Piiu-ini K ows i.'ANTii.n'iTr: r,iM:r:Qfi:. .'îr'i
étranpors (|iii n'avnienl pas des rclalioiis rtaMics avec quelqu'un
des liahilaiits, des refuges nonimés plus larl rmodorliia^ et ipie des
citoyens nommés « proxônes » étaient chargés (1) de pourvoir à tous
les besoins de ces étrangers; cotte Ix-lie itistitulioti, dédaignée aussi
par les Uoinains, persista en Oritnt coninie toutes les institutions
charitables fondées par les Grecs (2), el quand la fatale époque de la
décadence arriva, accumulant le« ruines et multipliant les pauvres,
ces établissements primitivement destinés au\ étrangers servirent
de refuges aux indigents, aux vieillards, aux orphelins sans asile, el
ils reçurent ;ilors, suivant ces destinations diverses, les différents
noms de ptocltotroiiliia, (jeronlocomin, orplmnotrophid, etc., (|ue l'on
trouve mentionnés dans les écrits de saint Epiphanc el d'autres Pè-
res (3). On comprend aisément alors que, lorsque la nécessité se lit
sentir de créer de nouveaux refuges pour les malatles, beaucoup de
ces établissements se trouvèrent tout naturellement disposés pour
être à peu de frais transformés en hôpitaux ; on n'eut pour ainsi dire
qu'à changer leur nom, et c'est pounjuoi ces hôpitaux abondèrent
en Oiienl, alors qu'en Italie ils étaient ii peine connus.
Ainsi, depuis la création, par Cliarondas, du médecin public ou
8Yi[jL0(Tieut.)v, jusqu'à la fondation du premier hôpital (voGoxoasTov) ,
tout, — elnous sommes heureux d'être le premier à proclamer cette
vérité, — tout dans l'institution que nous venons d'éludiersouslenoni
de Médecine publique, appartient au génie grec; et, chose admirable!
si celte institution s'est perpétuée, comme nous Tavons montré, sans
moditications dans son essence pendant de longs siècles, jusqu'aux
derniers moments de la décadence romaine, elle n'a jamais disparu
entièrement pendant tout le moyen Age, et pour en suivre la trace
nous n'avons qu'à citer l'exemple du célèbre Hugues de Lucques,
au xiii" siècle, vers 1260, médecin public ou, si l'on veut, médecin sa-
larié (au traitement de 600 livres) de la ville de Bologne : de telle
sorte que, dans le moment présent, nous retrouvons dans la Grèce
elle-même el vivante encore au milieu des ruines celle institution
qui a défié vingt-quatre siècles! Écoutons M. G. Perrol : « En Rou-
mélie el en Anatolie. dés que la communauté grecque, dans une ville
quelconque, est assez intelligente pour sentir le prix des services
d'un médecin et assez aisée pour pouvoir supporter cette dépense,
elle engagea l'année un docteur ayant étudié en France, à Pise ou
(1) Voir Schoi. in Aristnpfi. Aves, v. 1021.
(2) Les caravansérails actuels des pays orientaux en sont la prouve irrécusable.
{3) S. Epiphan., A(fv. /i.-erex,\\b. Ill, p. 905.
302 FU.VITK Anr.HKOLOGlQUK.
ù Alhi^nns; relui-ci toiirlio par an une soinino il«^lermin^M\ niOTon-
nant la,jU(>llo il doit ses visites à lous les iiuMnhrcs ilo la rommunauté
qui jiipont hon ilo l'appeler... Ces frais sont couverts au nioven d'une
folisation réglée par les priiniits pour cliaiiue fainille d'après la
forlune qu'elle est censée posséder (1). »
El niainlenanl, que pourrions-nous ajouter? — Ce no sont pas
seulement les œuvres ininiilahles, (aillées dans le marbre par le ci-
seau des Cirées, qui sont indestruciibles ; les institutions, comme
celle que nous venonsd'éludicr, sorties parfaites du génie hellénique,
sont, elles aussi, impérissaMos (2) I
D' A. Vkhcouthe,
MriUciii miUlairr.
(1) Explorât, archéolog. de lu Gaint., de lu Bdliijn., etc., oxéc. en 1801, par
MM. G. Pirrot, Guillaume et Dtlbet; Paris, 1872. — Ditliyiiic, p. 48, uot. ad insc.
1)0 :;7.
(2) Ce n'est pas lîi la seule coutume mt'dicaio antique que l'on renconirc dans la
Gi^ce actuelle : on retrouve encore aujourd'hui, chez quelques peuplades grecques,
« \'hà édité de la profession médicale, la méthode d'enseir/nement médical dotnes-
tique et la médecine pénodcttte ».
a Dans une des profondes vallées (le Zagori) qu'abritent les escirpements du
Pinde, existent encore aujourd'hui, dit M. A. Bertrand (1), cinq ou six villages
grecs échelonnés sur les flancs de la montagne, ot dont les habitants ne se sont
jamais mêlés aux peuplades qui les environnent... Là aus^i les mcDurs sont restées
les mœurs d'autrefois... C'est une croyance ti ùs enracinée dans une partie de la
Grèce que les habitants du Za;:ori naissant chirurgiens et médecins à la fois; chaque
famille asaspécialilé et sa tradition héréditairr : les fils succcdeul aux fières, et, à
défaut de fils, di-s parent'! ou des élnni/jers s'('n^ageut tout jeunes dans la famille
commo élèveso^x domestiques, ce qui est îi peu prts lamCme chose; les uns sont des
rebouteurs, les autres des herniaires habiles ; il en est qui pratiquent avec succès
l'opération delà cataracte ou de la lithotoniie. On les trouve />rj;-<rouran^ les villes et
les rivmjes de l'Orient... Après avoirparcouru le monde, ils reviennent vieillir tran-
quilles, riches souvent, dans le village qui les a vus nulire. »
(I) X. BertrUDil, l'jludei de mythul. et d'iirc\èoL grerq. d'.ithânes à Argot, nanties, 1858,
RESTITUTION
A LA VILLE DE MYL/E EN SICILE
UK PLUSIKlIllS MONNAIES
ATTniBUiÏES A M YTISTRATUS, de la mkmi: île
Le chancelier François Dacon de Vérulam, ce vrai père de la
philosophie expérimentale, a dil quelque pari, dans un de ses
nombreux ouvi-ages :
tt Si, chevauchant, tu renconlrcs une erreur en ton chemin,
quelle que soit cette erreur, descends de ta monture, et, toute affaire
cessante, arrûte-toi pour la déraciner. »
Profondément pénétré de l'excellence de ce précepte que le céléhre
moraliste nous donne à tous, ici, sous une forme allégorique, mais
suffisamment transparente, — précepte qui, s'il était plus souvent
observé (ju'on ne se montre communément disposé à le faire, aurait
pour résultat de débarrasser la science d'une foule de notions
inexactes ou d'attributions parasites que la tyrannique routine per-
siste seule à respecter, — je voudrais aujourd'hui, puisque j'en
trouve l'occasion, essayer à mon tour de le mettre en pratique.
Voici à quel propos^ et ce qui m'y engage.
1
Dans le deuxième volume de l'important ouvrage intitulé : Cata-
logue of ihe Greek Coins in the Britisli Musoum, — lequel volume, dû
à la collaboration ilo MM. Stuart Poole, Barclay llead et Pcrcy Gardner,
a été, comme chacun sait, consacré tout entier à la numismatique
générale de la Sicile, — on a classé (page 116) sous la rubrique
d'une ville appelée Mijtistratus, trois monnaies de bronze, deux
hemUitrœ et une uncia, sur lesquelles, vu l'intérêt particulier qui
s'y allache, je désire ramener, pour un moment, l'atlenlion des
:ir>l nr.vir. \ar.iiKt»i.tM;n.»UR.
homiiit^s (l'élude, et en nD'^mc temps leur soutnotlro h ce sujet (\we\-
qu»s observations riilitiuos dont ils no lanliM'onl pas, je l'espùre, h
apprécier la raison d'être et l'opportunité.
Toutefois, avant de pénétrer jus(|u'.iu vif de la (juestion, il est
nécessaire tien déblayer les almrds; en d'autres mois, de commen-
cer par indiiiuer dés h présent, ei aussi hriévement (|uc possible,
sur (]uoi elle roule ; comment, de mon cùlé, je l'ai comprise et dans
quel esprit je me propose de la traiter, ou plutAt, sous quel aspect
très dilTér.nt j'estime qu'elle aurait dû être envisagée; me réser-
vant, d'ailleurs, de fournir un immi plus loin un ensemble de preuves
qui sera, si je ne m'abuse, de naUire à conliniier l'exacUtude du
point de vue où je vais me placer.
Je le dis donc tout de suite et sans la moindre hésitation : l'attentif
et 1res minutieux examen auquel j'ai soumis plusieurs fois le.> types
de Ces médailles m'a conduite penser qu'on s'était un peu trop hâté
de les classer à .)fylistnilns, et que, tout bien considéré, elles n'ont
pas été mises là à leur véritable place. i}ien qu'au premier aperçu
cette attribution puisse sembler très justifiable en soi, eu égard à .
la fabrique indubitablement sicilienne des trois pièces, et principa-
lement à la légende de deux lettres qu'on y lit au revers, elle n'en
soulève pas moins, quand on y réllécbit, des dilTicultés ou des
objections de plus d'un genre, et je ne crains pas d'ajouter que, pour
ma part, elle est loin de m'inspirer la même conliance qu'à mes
doctes confrères de Londres. Assurément, personne plus que moi ne
sait rendre à leur mérite scientifique le juste hommage qui lui est
dû, ni ne serait mieux disposé à s'incliner devant la grande expé-
rience qu'ils possèdent de la matière ; mais, malgré ce qu'a d'impo-
sant à mes yeux la légitime autorité dont ils jouissent depuis long-
temps dans le monde des numismatistes, je ne saurais, en cette
circonstance, partager leur opinion ; aussi n'est-'e point sans en
éprouver un véritable regret que je me vois aujourd'hui obligé de
me séparer d'eux. Ceciui, d'ailleurs, m'empêcherait d'accepter leurs
conclusions, c'est la ferme conviction où je suis arrivé et où j'espère
pouvoir amener le lecteur, que la légende de deux leiires dont je
parlais tout à l'heure n'a pas été interprétée comme il convient et
qirellerenfermeunsensentièrementdi(Térenldeceliii(in'onlui i)réte.
Je m'exj)lique.
Kn effet, si, d'une part, — chose (pie ji' n'.ii nulle envie d(> con-
tester, — les deux lettres YM dont cette lég( nde se compose et
qu'on doit lire évidemment (ainsi, du reste, (|uon l'a fait) en allant
de droite à gauche, peuvent élre considérées comme ayant été em-
HESTITUTlUN A l.,\ VII.I.K KK .MVl.I:, KTC. .'{(>j
ployées dans le but do dùsigtier la syllabe initiale de Mytistrutus,
d'une autre i)art, il n'y a pas non plus, on me l'accordera, de raison
lellenienl décisive ou absolue (jui s'oppose à ce qu'on les appli(iue
tout aussi bien à Mi/lœ, ville maritime dépendant également de la
Sicile, outre qu'elle se trouve être aussi la seule de cette Ile qui,
avec la première, ait porté un nom commençant par les mômes
lettres. Ce nouveau motie de traduction de la lé^'erulc, au(piel il ne
parait pas qu'on ait sonyé ou (jue, peut-être, on a cru pouvoir
mettre, sans inconvénient, de côté, mais dont cependant il devient
nécessaiie de tenir ipieliiue compte, ne laisse pas, comme on voit,
de causer une certaine perplexité ; car, en délinitive, il faut opter
entre l'une ou l'autre des deux combinaisons. Le tout est de savoir
quelle est la bonne. Or, par le fait môme (juc celle ressemblance
d'initiales laisse ii tout cliacun la libie faculté d'envisager la (|uestion
sous le jour qu'il suppose devoir être le meilleur, et que, d'ailleurs,
rien n'indiijue qu'on doive interpréter ces initiales dans tel sens
plutôt que dans tel autre, il en résulte alors que l'élément épigra-
pliique, si précieux d'ordinaire et d'une importance presque tou-
jours si capitale, ne sulTit plus ici, à lui tout seul, pour nous guider
dans notre clioix ; du moins ne conslilue-t-il plus qu'un mo\en de
classification très secondaire et qui, j'ose le dire, n'a rien en soi de
particulièrement démonstratif. Ce n'est donc pas uniquement sur
l'examen pur et simple d'une inscription réduite à une syllabe, —
laquelle syllabe, en raison môme de l'ambiguité qui s'y attache, est
susceptible de s'expliquer à volonté de deux manières divergentes,
— que l'on doit s'appuyer pour arriver à déterminer le vrai lieu
d'émission de ces médailles, mais bien plutôt, à mon avis, sur la
composition du sujet ou type principal qui en forme l'empreinte,
sur la nature des symboles accessoire^ qui y sont associés, et sur
l'ensemble général des caractères matériels de leur fabrication.
C'est là, et non ailleurs, qu'il faut cbercber et qu'on pourra espérer
de trouver la clef du problème. Je vais essayer d'en fournir la
preuve à l'aide d'exemples comparés et d'arguments tirés tant de l'his-
toire particulière que de la situation géographique de ces deux villes.
Uu'on me permette encore un dernier mot; après quoi j'entre en
malièie.
Pour des causes que j'ignore, mais dont on pourrait supposer,
sans trop d'invraisemblance, que la principale aura été motivée par
la conservalion défectueuse des exemplaires, iM. Percy (lardner,
ranti(iuaire chargé de rédiger colle partie du Catalogue, n'a pu
ou n'a [jascrii divoii reproduire la ligure d'aucune de ces trois mé-
M'ii) KEVUK Alli'HliuLUUlUUK.
ilailles : omission fâcheuse cl rcgrellnblo ;i laiinollc, copendnnt, jo
l;u-|ierni ilo siippli'er, nu moins minnl à ce (jui concerne le n" 1. en
olTraiil ici, aux nuiiiism.itisles désireux do se mieux rensei^Mier, le
dessin très lidèle cl foi l habilement rendu (juo M. le haron Lucien
(le llirsch a hien voulu exéculer, h ma prière, d'après le i)eau spé-
cimen qu'il possède el (jui est entré récemment dans sa riche collec-
tion. Je suis heureux de lui di renouveler puhliquement mes sin-
cères remerciements.
Uc la sorte, chacun pourra, en consultant ce dessin, se f.,irc du
style et du genre de travail propres ù ces monnaies une idée assu-
rément beaucoup plus juste que celle qui résulterait jjresque forcé-
ment d'une simple et sèche description. Car, si exacte et si nnnu-
lieuse qu'elle puisse être d'ailleurs, il est hien évident que, pour
traiter une (juestion du genre de celle q\i\ va nous occuper, rien ne
saurait remi)lacer le précieux avantage d'avoir h sa disposition et
sans cesse sous les yeux, sinon le monument original lui-même, du
moins une bonne copie. Le lecteur y trouvera en outre un moyen
excellent el toujours à sa portée de vérilication et de contrôle, ce
qui, par suite, le mettra mieux en état qu'il ne l'eiU été sans cela
d'apprécier avec pleine connaissance de cause les divers arguments
que j'ai à faire valoir en faveur de ma thèse.
U
Voici, niaintcnani, en (luels termes textuels le catalogue précité
rapporte les trois médailles dont je me suis proposé de combattre
l'attribution.
IIkMII.I 1 IIDN.
N' 1.
Hoad of Ilephaislos, H, bearded wtaring |>ilos.
YM in Ihe midsl of :SS : ail wilhin olive-wreath.
iiKSTirurioN A i,.\ \ii,i.K i)K MVL.i;, Kic. ;i(i7
(;K. 1 J")=:moiiul(' H l/J do Mioniict, iii)i(l3 4->7 = 27,:{(> gr. fr. —
IJrilisli .Miisciiiii ol culleclion île M. le baroii do llir»jcli, ;\ Pans.)
N'^i. — Similar.
!>'. — Similar ? ^dcfaced).
{M. 1,15 = 8 1/i de iMionnet, poids 4't8 = 20 gr. fr. — The
above coins resiruck on coins of Syracusae : Obv. Ilead uf Pallas;
K. Slar-Fiscli bclwen Dolpliins.)
Ungia.
N" 3. — Similar type.
I^'. — Y M, in centre • aroiind wicli ilirec lisclies, witli heads
closes to mark of value and lails al circumference ; border of dois.
(.E. 8 = ;) do Mionnct, poids 103 = 0, 07 gr. fr. — Brilish Mu-
séum.) (1).
Il y a, dans ces médailles, plusieurs choses à considérer et qui
méritent noire attention , savoir :
1° Le type imprimé sur le droit, et que les trois pièces ont de
commun ; 2" celui qui paraît seulement au revers de ïuncia; 3» le
mode de fabrication et l'épaisseur relative du métal; A" la forme
abrégée de la légende et la marche de l'écriture; :)" enfin, les mar-
ques pondérales. Tout cela compose un ensemble de caractères spé-
ciaux qui, pris à part et envisagés chacun séparément, n'auraient
rien par devers eux que de très ordinaire, mais dont la réunion
intentionnelle dans un même cadre donne à ces monnaies un cachet
sui generis, qu'on ne rencontre jamais à ce degré sur le numéraire
de celles d'entre les autres villes siciliennes dont l'attribution, depuis
longtemps fixée, est désormais à l'abri de toute critique.
Pour peu qu'on ait pris la peine, après lecture faite de la descrip-
tion ci-dessus reproduite, d'en comparer la teneur avec le dessin
qui la précède, on n'aura pas manqué de remarquer qu'en dehors
(1) Il est presque superflu de faire observer que ces pièces sont d'une grande
rareté et qu'elles n'avaient point été étudiées, ou du moins classées, avant la publi-
cation du catalogue anglais. J'ignore s'il en existe quelques exemplaires ailleurs qu'au
British Muséum et dans la collection de M. de Hiiscli ; mais je crois devoir constater
à titre du renseignement, que le cabinet national de France n'en possède aucun de
cette espèce, bien que pourtant il soit d'une extrême richesse en monnaies siciliennes
de tous métaux.
308
IIKVLK MlCHKOLOGiyUE.
des diverses particularilés que je si},'nalc, il en est une principale el
Irt-s essentielle, (ju'il iinpoiie d'auianl plus de constater dès h présent
el de niellre en linniiTe, que, sans pn-judice des autres it avant
toutes, il s'en di-gage un enseignement bien propre, j'ose le croire,
à conlirmer, — fiU-elle môme seule, — r()|)inion i]ue je soutiens el
que je vais déveioiqn-r.
Je veux parler de l'exlrôme analogie, de l'ùtroilc parenté, ou,
mieuv encore, de la couiplMc identité de types, de fabri(|ue, de
forme, et autres rapports [ilastiques (ju'olTrent ces trois monnaies
avec certains bronzes bien connus pour appartenir à IJimia, la plus
considérable des sept îles appelées Èolienncs ou llriiltuistiades ;
lacjuelle ville de Lijxini se trouve élre aussi la seule (jui, dans la
Sicile ou dans les paraj^'es limitropbes, ail adopté, pour son numé-
raire, l'image d'HepImistos : ('lligie dont la présence sur ces der-
nières monnaies constitue une allusion directe el on ne peut plus
claire soit au nom propre de ces îles, soit à la nature volcaniiiue de
leur sol. Cette ressemblance que, pour le moment, je me borne à
indiiiut-r, — sauf à y revenir en temps et lieu, — est en effet si
frappante et à ce point manifeste qu'à ne regarder iinii|uement que
l'ensemble des types de nos bronzes, ainsi que la manière toute
spéciale dont les marques de valeur y ont été disposées, on serait
tenté de croire qu'on a sous les yeux des monnaies iiulubilables de
Lipara^ n'était que la légende Y M, écrite en lettres de grande pro-
portion à la place la plus apparente du revers, ne venait nous donner
la pleine certitude du contraire. Le lecteur pouira lui-mtMue appré-
cier le caractère de celle ressembhuue au moyeu de la ligure dun
de ces bronzes, qu'il m'a paru indispensable de lui mettre sous les
yeux à cet elTel.
C'est sans nul doute à cause de toutes ces circonstances réunies
quf Torremu/.y.a. guidé par son instinct et par sa grande pratiijue
des monuments nunii>mali(iues, s'était di ci lé à classersuus la rubri-
llKSTiriTlO.N A |,\ Vil. 1.1. I>i; MYL.K, KIC. 'M')\)
que de Liinira un siiécimon loiil pareil à celui de M. de llir.seli et
aux deux iireiuiers nuniéros du calaloguc anglais, mais doiil l'ins-
cription, à peu de chose prés coinplètemcint effacée, ne lui laissait
plus apercevoir (|ii(! des traits vaf^'ueset de forme irid('3cise (I). On ne
trouvera pas mauvais, je pense, (jiie je rappelle en pa.ssant, ne fùl-ce
(lu'à simple titre de document rétrospectif, sur quels motifs il fondait
son opinion.
« (juamvis numus ;eneus i.'^le cujus iiicluiam inilii iiiisil Cijues
Horatius Alessi Catanensissitancpigraplius, ad Liparaiii (amen spec-
tare non inficior. Est in eo caput Vulcani juleo lectum, |)roiil in
aliis ipsius insulu' numis a me edilis in lai». XCIV mei opcris ; sunl-
que in adverso intra lanream coronam globuli sive pilœ, quae etiam
liabentur in aliis cjusdem populi numis. » (Auctar. Secund., p. 14,
tab. Vlll.)
L'attribution que l'antiquaire sicilien se décide à adopter et que
la mauvaise conservation de la pièce rendait en effet bien naturelle,
suffit à montrer, par son exemple, ce qui serait infailliblement arrivé
pour nous si les médailles dont il s'agit ici eussent été, comme la
sienne, privées de tout ffl conducteur ou point de repère épigrapbi-
que. Quel esl, je le demande, le numismatiste expérimenté ou sulli-
samment versé dans l'élude de ce genre de monuments qui, en un
semblable cas, n'aurait pas été tenté d'en faire autant que lui et de
se dire tout d'abord : Voilà évidemment un bronze de Lipara ! Ce
premier point ou renseignement est donc bon à retenir. Passons
maintenant à un autre.
L'examen que, de son côté, réclame nécessairement la légende
inscrite au revers de ces trois pièces, je veux dire la forme particu-
lière des deux lettres dont elle se compose, jointe ù la direction de
droite à gauche qu'elles affectent dans leur marche, nous fournissent
encore un critérium précieux, un nouveau trait de ressemblance
avec les monnaies de Lipara, qui n'est ni moins explicite ni moins
important à relever que le précédent. En effet, sur un assez grand
(1) Quoique le dessin donné par Torremuzza soit, à propromcnt partir, plus Voisin
de la caricature que du vrai sentiment de l'antique, néanmoins, lorsqu'on examine
ce dessin avec un peu d'attention, son dofaut d'exécution n'empCche pas de recon-
naître assez aisément, sous le symbole bizarre ligure au revers de la pièce par le
graveur, tous les éléments constitutifs de la lettre Y qui fonctionne dans le mot
Y M. — De même que sur nos pièces, la légende du revers ainsi que les globules,
sauf le dernier qui manque, sont entourés d'une couronne d'olivier : seule difTé-
rence qu'elle présente avec les autres bronzes de Lipara, lesquels sont géuirale-
raent bordés d'un grènetis.
XXXIX. 2.0
j70 '"^^l '■ \Ui lll.ni.txiigl K.
nombre île bronzes atlriUuôs à celle Ile., on trouve souvent l'elliniquo
riiit ^i' .Iroilo à gauche, el en lollrcs plus moins arrhaïtiues, .sjc :
NOIASAHIA Jj ; parfois aussi rûduil à trois (i) ou ;i deux (il) ini-
tiales: niA et lA. Or c'est précisément cette ilerniére forme épij^ra-
phi.iue (ju'on voit se proJuire au revers de nos médailles où l'ins-
eriplion , abrégée de la même manière qu'à iJpnra et réduite
également à sa plus siiniile expression, donne pour amorce du nom
qui reste à découvrir la syllabe Y M. Comme il n'est guère possible
dadmettre, — élanl données et la grande dimension des lettres et
la place prépondérante qu'elles occupent au milieu du ciiamp, —
que ces lettres aient pu être employées à l'elTel de désigner un nom
quelcoutiue de magisirat monétaire, il s'ensuit nécessairement
(ju'elles doivent, à n'en pas douter, indi(|uer un nom de peuple ou
de ville, et (jue ce nom n'est point celui de Lipani.
N'oublions pas non plus, — car la remarque a son importance,
outre (ju'elle achèvera de compléter lorai)prochemenl, — (pie parmi
les symboles monétaires adoptés y)âv Lipnru, c'est peul-élie celui
du dauphin {ï) qui y ligure le plus souvent. L'uncia décrite ci-
dessus sous le numéro 3 nous montre trois de ces animaux disposés
en triangle autour de hi marcjue de valeur : ce qui, par cunséquen!,
semble annoncer on ne peut plus clairement que la pièce qui porte
un emblème d'un caractère, oserai-je dire, aussi essentiellement
ncptunien [o) que celui-là, ne saurait appartenir (lu'à une ville
(1) Hcklicl, tome I, p. 270. — Torrcmuz?,-!, tab. XCI.V,G et 7. — Sestiiii, dusses
gt*i)(?raleï , p. 23. — FiorcUi, col. SantanKclo, p. 87. — Cal. r<f Rrit. Mus., t. II,
p. 250, 11" 1, 0, 32. — Cab. nat. do Francr, ei ailleurs.
(2; llunltr, p. 17&, n" 0. — C;ib. Allier do Mautcrochc, pi. Il, n» 2. — II. Hoff-
inann, Bulletin périodique, n" 1023.
(3) nrili'>li Muséum, lo<-. ci/., n" 15. — Cab. nat. do Franco.
(S) Briiivli Muséum, /. c, i>. 258, n»« 1<; h -51, ot p. 2C2, ii»' 70 :i ■;2. — Cib. nat.
de Franco, (tailleurs. — Ecltliil dit .\ c- propos (/of. cit.): « Dolpliini in numls
ioiutaruiu ratio obvia. »
(û) Quand je dis que lo ilnuphin est uu cmblî-mo cxsentielkniritt uffitwiim, il ne
faudrait pas, cependant, prendre les termes dont je me sers trop au pied de la lettre,
ni auireiiKiii qu au sens nlatif le plus généralement admis pour cet embR'me, et
«ou» rOoervc formelle de» applications particulières auxquelles il est quelquefois
BUftccptiblo de »c prêter. Jo no prétends pas lo moins du monde donner à entendre
quo je le con»id(:rc cuinino une ligure alliKoriquo exclusivement liée au culte de
l'oteidori, n'.iyant de connexion qu'avec lui ou avec les diverses phases de son
mythe j en un mol, dc»lin<io uniquement k déterminer et h rendre plus compréhen-
^iblt•B les Mjirt-uiilationi planiques ou le «erire (i";icti\itii in.prcs h, ce personnage.
Loin du Ui : Je suis, au contraire, pernuadi) ijuo la pn'scnce do ce f(*tacé sur une
monnaie n'implique p:i» toujours ni nOce.ssaircmcnl l'id-'c ubsclue que la vill" qui l'a
ItKSTlTlMlON A l\ VII.I.i; l)i; MM.i;, KTC. 371
siliiéc non p,is d uis riiilnicur du |p;iys, mais liY's probablcmcnl
l)r(''S(l('s Itonls de l,i mer, cl, qui plus (3!»l, assez rapprochée' de l'Ile
i\cLiiiani pour (iiic, en raison de ce voisinage el des relaiions tant
polili((nes fjiie rommereinles ([ui devaient inévitablement en résul-
ter, l'idée soit venue à celle-ci d'imiicr les (y|)es et les procédés
monétaires de celle-là.
Oiianl ,i ce ([iii concerne en particulier les marques pondérales
imprimées au revers de ces médailles, c'est un point de détail sur
Icipud nous aurons l'occasion de nous exiiliquer un pea plus loin.
l*oiir le moDieiil, il sulliiM, je pense, d'avoir indiqué au lecteur les
émiso (lovait ùtre plus ou moins en contact avec les choses de la mor. tl peut aussi
en certaines circonstances, avoir une autre signincation, et, sans rien perdre pour
cela de son caractère originel, se rattaciicr à des fables d'un or ire di(Tr:rent. En
elTet , .s'il est vrai, d'une part, que dans les religions de la Grèce la figure du dau-
phin constituât l'un dos attributs les plus distiiictifs de Puseiilo.i, qu'il en fût pour
ainsi dire l'acolyto naturel et le i)lus liabitufl , il n'est pas moins certain, d'autre
part, qu'un assez grand nombre de monuments antiques nous montrent cet animai
fréquemment as>ocié au culte de divinités autres que Puseiiion; à celui, par exem-
ple, de Vénus marine {'Aipooiro IIovTtaou '£-iT:ov-ta), expression poétii|ue et fémi-
nine de l'élément liumido, en tant que déesse née de l'écume de la mer et comme
ayant, dit-on, pris part, métamorphosée en dauj>fiin, à la grande lutte connue sous
le nom de Titanomachie. La Vénus marine était plus spécialement adorée dans les
ports et chez les habitants des côtes, surtout en Asie Mineure.
On peut encore rattacher ce symbole au mythe de son fils liroi, dieu qu'on voit sou-
vent monté sur un dauji/dn, parce que cet animal passait, suivant de vielles traditions
pour ôtre l'actif messager do l'amour; ainsi, d'ailleurs, qu'en témoigne le rôle impor-
tant qu'il joue, précisément en cette qualité, dans les préliminaires de l'union de
Poséidon avec Ampliifrile. Enfin , la relation intime du dauphin avec Apollon
considéré comme dieu navigateur et conducteur des colonies ( 'Afxr,y£rr,;) n'est pas
non plus dillicilo à établir; pour peu qu'on veuille se rappeler que le surnom de
Aî).^(v'.o; lui fut donné en reconnaissance do ce qu'il avait pris la forme d'un dau-
phin pour guider le héros Casialin.t et ses compagnons, de Vile île Crète dans le
golfe de Crism, aux environs duquel on construisit, d'après l'ordre exprès du dieu,
la ville de Delithes ainsi que le sanctuaire devenu plus tard si fameux par son
oracle. Voilà pourquoi et à quel titre ce mammifère marin, improprement qualifie
de poisson par quelques antiiuuires, paraît au droit et au revers de la plupart des
monnaies de cette ville, dont il devient, de ce fait, le type parlant. Ce côté mytho-
logique de la légende d'Apollon a été, du reste, on ne peut mieux étudié et mis en
lumière par M. Henri de Longpérier, dans le remarquable Mrmoire que ce jeune et
si regrettable savant avait consacré, il y a quelques années, à l'examen de la numis-
matique de Ddphei {Rev. numism., 1809, p. 169 et suiv.). Je ne saurais donc rien
faire de mieux que d'y renvoyer ceux qui seraient curieux d'avoir, à ce sujet, de
plus amples éclaircissements.
Mais dans le cas tout spécial qui nous occupe ici, la figure du dauphin se trou-
vant intentionnellement associée à rimajre d'//(?/J/lrt(s^J^■, aussi bien sur les bronzes
de Lipara que sur Yuncia que j'attribue à M'jlœ, et ce symbole n'ayant, que je sache
37J IIKVUK AHCHiioLOGiyui:.
principaux irnib d'analogie ou de iesseu\blance (jui rallai luiii l;i
faliiicalion de nos trois bronzes au monnayage de l'ilc de Lipara.
Toulc la question, niainlenanl, se rciluil donc à savoir ([uelli' est,
de Mylii ou de Mylislratus, celle des deux villes dont la siliialion
géogriphiiiue peut le mieux se prùler à remplir ellicacement les
conditions de notre proj,'ramnie.
C'csl là ce qu'il convient d'exaniinir.
Je coinnioncerai par présenter les raisons (|ui, selon moi, militent
en faveur de Myln ; ensuite je produirai celles (jni s"oiij)usent à ce
qu'on se range du côté de Mytislratus.
111
Fondée, à ce que l'on croii généralement, vers le mi lieu du vii^^ siècle
avant noire ère par des émigrés zanclcens, — les mêmes (jui, un peu
plus tard, allèrent coloniser i/tme/vf (1), ~ la ville de Mylœ (MuXaî)
avait été conslruile sur la rive nord-est de la mer Tu'rhénienne, à
rcxirémité du piomontoire qui, de ce côlé de la Sicile, i-egardc
juste en face des iles d'Eole, dont, en outre, il ne se trouve séparé
que par une distance navigable de peu de milles géo,i:iapliiques. Il y
a tout lieu de penser (ju'un pareil emplacement ne fut point choisi à
la légère ni sans de graves motifs, mais principalement dans le but
d'établir à cet endroit un poste stralégiiiuc entouré de fortes mu-
railles, el très probablement aussi muni d'une acropole capable de
défendre au besoin cette partie du littoral contie une invasion
aucun rapport mùine éloigné avec le culte du ce dieu, il faut bien des lors se décider
à reconnaître qu'il n'a pu éire employé là qu'en qualité d'emblèmo |)nroment topi-
que et dans le but non douteux de rup|)elLr idéo(;raplji(|ucinent lasituaiion maritime
des deux villes. C'est égaicmeut de cette dernière manière plutOt que dans uu sens
relatif au culte d .1/jo//o« De/pfiutien qu'il conviendrait, je crois, d'interpréter la
présence du dauphin sur les monnaie» archaïques de Zaïicli: En effet, ces monnaies
nous montrent, sur le côté du droit, un dn ces animaux nageant au milieu d'un
demi-cercle très suillant el en forme de fum tlle ou de faux [r, s^yx/r, ou -6 ^^àyxXov) :
allusion manifeste à la couliKurution générale du purt et au nom projiru de lu ville;
de même que le ly|)e imprimé au revers de ces pièces, et disposé en j)eiits comjjar-
timcnUk alternativimint eu relief et en cruux, représente très probablumenl le plan
sommaire, et réduit ii sa plus biin|)le expression, des principaux édillces qui déco-
raient le pourtour de ce port.
(1^ Scymu. Clii., v. USO-7. — Strabon, lib. vu : <i rr.v 'I|j.£pav |j.tv ol Mv>ai;tx':i'ï«v
ZaT'V '■•'•''• " ~ Tliucyd. vi, b. — lî. Iloclaatc, Htst. tics cjI. y/., t. 111, |'. 320, 323.
Urunct de Preslc», Ltabl. des Unes en Htctie. p. 07.
nRSTiTUTroN A f,\ vir.r.R dr myl i:, rtc. HT.'J
('Iranpri'C. Do ce fait, Myhr devenait en (|ucl(Hift sorte l'une des
fiefs de la Sicile dans la ré^'inn du nord-est. S'il en eiU été autre-
ment, il no serait (?iiére aisédecnnipremlre j)oiirqiioi les Alliénicns,
h répmiiie de leur première et infrurtueiise expédition en Sicile,
sous la conduite de l.nchh et fie Chnrœddrx ('j20 av. J.-C), pour-
quoi, tlis-je, les Alliéniens, a[très avoir ravagé d'abord les îles
ftoliennes, qui él.iionl favorables aux Syracusains, auraient jugù à
propos de commencer leurs opérations militaires par mettre le siège
devant MyUi\ dont la possession, en leur assurant un port de dé-
barquement et un refuge éventuel (1) pour leur (lotte, devait avoir
pour conséquence immédiate, comme en effet on le vit bientôt, d'en-
traîner la re(Mition do la puis'îanti' .U<?sMna, autre alliée de Syra-
cuse [T) (ii-T) av. J.-C).
Bien (ju'à vrai dire les nuleurs .inriens, riiez lesquels on [louiinit
espérer do rencontrer (lui'lqucs renseignements au sujet de Myhi',
se soient généralement montrés, sous ce rapport, d'une extrême
sobriété, et ([u'ils aient peu parlé de cette ville, son nom n'a point
été, cependant, tellement mis en oubli qu'il ne se trouve plusieurs
fois mêlé à divers événements dont l'Iiisloire a pris soin de nous
conserver le souvenir.
C'estainsiqu'ellenousapprend qu'en l'an 396av. J.-'].,souslerégne
de Denys l'Ancien, les Rliégiens, alarmésdes dangers (|ue l'ambition
sans cesse croissante de l'astucieux tyran pouvait leur faire courir, et
persuadés qu'il n'avait relevé la ville de Mesfiaun, saccagée peu de
temps auparavant par les Garihaginois, que dans une intention visi-
blement hostile contre eux, voulurent prévenir ses dessein?. Dans
ce but, et pour le taiir plus efficacement en échec, ils appelèrent à
eux et établirent à ^fyla' (l)iodor., XI Y) tous les bannis syracusains,
ainsi que le reste des habitants de Naxos et de Catane qu'il en avait
violemment expulsés. Ils ne s'en tinrent point là ; dans la crainte
que ces mesures ne fussent encore insuffisantes, ils rassemblèrent
une armée qu'ils envoyèrent, sous le commandement û'IIrloris,
mettre le siège devant il/cs^rt^a. Mais cette attaque ne réussit pas;
Héloris, repoussé avec une perte de plus de cinq cents hommes, se
hâta de battre en reti-aile. Alors Denys, profitant de la circonstance,
sortit brusquement de la ville à la tète des Messiniens vainqueurs et
marcha rapidement sur Mylœ, qui, prise au dépourvu, fut obligée
incontinent de lui ouviir ses portes. Ce vigoureux et liaidi coup de
(1) Suivant Sil. Italicus (Hh. i!i), co port ne passait pas pour ètro dos plus sûrs.
(2) Thucyii., III, 8(5, 90. Dio.i. Siciil., XII. nii.
374 iiKM'K Aiu:iiKoi.oi:io»'K.
iiiaiii, auquel \c> Ulu'gicns » l;iicnt loin ilc s'allemlie, acheva de le
rcudro maître de loul.'s les plaas foriiliêes d.; la tùlo nord-osl, au
nombre desquelles .Uy/<r avait jusiiuelù passé pour une de relies
dont il tHail le plus diflicile de s'emparer.
Nous. avons de plus (lue, vers l'an 207 avant noire èie, le roi
lliéron II, aussitôt après s'ùlre assuré l'appui des citoyens les plus
influents, it surtout du principil d'entre eux, Lepliue, en épousant
sa liil'' PItdistiilr, se déci.la à entreprendre une expédition contre
les Manicilins, dont les ravages, depuis qu'ils dominaient à Mrssana,
n'avaient point cessé de s'exercer sur tous les territoires limitrophes
de cette ville. Ktanl parti de Syracuse à la léte d'uno armée bien
disciplinée Cl dont il avait chassé tous les mercenaires, il s'avança
snns perdre de temps sur Mylcv, huiuelle faisait alors cause com-
mune avec son ancienne métropole, la prit de vive force et lit mettre
bas les armes à quinze cents hommes qui y élaietil renfermés (Uio-
dor., lib. XXll) : circonstance d'où, par parenthèse, il est permis
d'induirc(iuc, pour avoir contenu une garnison aussi nombrouse(re-
lalivcment surtout à l'époque), cette place ou forteresse était con-
sidérée, ainsi que je le disais tout à l'heure, comme un point straté-
gique d'une très haute importance, et dont la conquête avait dû
exciter plus d'une foi.>. les convoitises des souverains de Syiacuse.
Q jelques années plus tard (eu 2U0 av. i.-C.) ce fut encore en
vue et dans les eaux, de M{/liu, que les Romains, commandés par
Uuillius, rencontrant l'escadre des C3rthai,Mnois, qui croisait devant
la ville, alin sans doute d'en défendre les approches, remportèrent
leur première victoire navale, victoire dont le résultat presque ines-
péré, eu égard à leur infériorité en fait d'exprriencu nauli(iue,
valut au consul les honneurs d'une colonne losUale érigée au milieu
du Forum.
Enfin, ce fut également de son port, oii elle était coiuenlrée, que
sortit h llolle de S-r/ii* l'omjin- pour alh r se faire battre jiar celle
iVAijripp^, lieutenant d'Aui/nste {3U av. J.-t:.). Suétone (li/. Ang.,
11, 10; dit que ce combat, qui cmt des suites si funestes pour le parti
de's pompéiens, se livra entre i\iiulucliHiii el .U///;i', et ipie cette dei^
niérc en acquit un nouveau lustre.
Tels sont les <|uelques documents histon(|iie.^ qur nous sommes
parvenu à réunir uu sujet de Myld'. Ils sont en petit nombre, ù la
vérité, mais néanmoins ils suflisent déjà pour montrer que cetlo
ville n'avait jamais cessé de constituer, mèuie vers la lin de la
Képublique romaine, unp place (le guérie dont la coii.-eivation ou
l'acquisition nVlaienl p"iiil à négliRer.
iiKSTiTUTioN A r.\ vii.m: nn mvli:, v.rc. :\':\
La silualioiioxcoplionnollo de Myl(f, à la pointe la plus avancée
(lu cap coiiim de nos jours sous le nom de Mihizzu^ celle silualion
dis-je, (|ui l'isolait et en faisait, en quel(|uc Rorle, uno ville à pari
du rest(! de la Sicile, non uK^ins d'.iilleurs r|ue son exln^me voisinage
de Upara, duienl sini^ulièrenienl favoriser, dès le principe, les
relations tanl politi(|ucs que commerciales qui ne pouvaient man-
quer de s'établir entre deux cités aussi rapprochées et dont les
navires que chacune d'elles possédait leur assuraient une voie sans
cesse ouverte de communication récipro(iue. Il n'en faut donc pas
davantage, ce semble, pour s'expliquer comment ^fylll\ beaucoup
moins puissante que /.//)r//-(i, a pu, à un moment donné, en subir
l'inlluence morale et, par suite, se trouver presque inévilablement
amenée à conformer son système monétaire a celui d(> celte der-
nière.
A vrai dire ce n'est là, de ma part, qu'une hypothèse dont on
serait en droit, je le sais bien, de ne tenir que peu ou point de
compte si, heureusement, pour la corroborer et lui donner du
même coup un assez haut degré de vraisemblance, la numismatique
ne venait, fort à propos, à notre secours, en nous fouinissant plus
d'un exemple de ce genre d'imitation monétaire entre des villes éta-
blies sur des terr'itoircs liés dilTérenls, mais néanmoins placées dans
des comlilions géographiques à peu de chose près identiques. Je
me contenterai de rappeler les deux suivants :
Les types, le poids, ainsi que le mode général de fabrication qui
distinguent eorlaines monnaies de Messana, ne sont-ils pas, — sauf
en ce qui concerne la teneur des légendes, — exactement les mêmes
que ceux qu'on tr-ouve à Rliegium et qu'on est convenu d'attribuer
à l'époque du tyran Anaxihis (i)'^ Cependant personne ne s'en
étonne, quoique tout le monde sache fort bien que ces deux villes
étaient séparées l'une de l'autre par le détr-oit du Phare (Sicuhnn
Fretum) ; que la pi-emiér-e, peuplée en grande partie de Péloponc-
siens, dépendait de la Sicile, tandis que la seconde, d'origine
chalcviienne, se rattachait à la presqu'île italique. Ce n'est qu'un
peu plus tard, après la mort du tyran, qu'on voit dans ces deux
villes les types monétaires changer de caractère, et que chacune
d'elles, reprenant sa liberté d'action, s'en tient désormais à ceux
qu'elle a créés en vue de son usage particulier et pai-ce que sans
doute ils relevaient plus directement de ses traditions locales.
(1) Conip., dans le Catal. du IJrit. Mus., Wicjiwn, tome I, p. 373, avec ytessana,
tome II, p. 100.
376 nrviF AnciiKoi.iKîiouK.
On in'ol>jrfton, — ]o. m'y atlcmls ! — (|iie le ras qui so prc^sonto
pour Messana et pour lihciiium n'ost point, au fond, loul ;\ fait
iihMiti(]ue à relui de I.ipara tt de .l////<r ; que, du temps d'Anaxilas,
Messaiia et Hhcijium se trouvaient placres dans d'autres conditions,
puisque, en réalité, elles subissaient tontes les deux l'autorité de ce
tyran; que, do plus, n'est lui qui, après avoir repeuplé de colons
venus de divers pays Tancienne ZnnvIiK jiresque entièrement dé-
truite, avait donné à la nouvelle cité le nom de Mossnna. en mémoire
de la contrée dont il était originaire (1), et qu'il doit sembler, par
conséquent, tout naturel (|ue les deux villes, obéissant à un môme
chef, aient employé réciproquement les mêmes types, les mêmes
poids et les mômes procédés de monnayage.
L'objection est subtile, j'en conviens, et a de prime abord une
apparence de vérité; mais elle n'est point irréfutable, et je ré-
ponds :
Si nous savons positivement que Mcasann et Ehoiiium ont été sou-
mises toutes les deux au pouvoir despotique dAnaxiJas, — fait qui,
je le répète, explique très bien pouniuoi leurs monnaies respectives
n'offrent aucune dilTérence malérielle appréciable dans les types,
dans le poids et dans le mode de fabrication, — en revanche nous
ignorons absolument ce qui, en matière gouvernementale, a pu se
passer entre Mijlœ. et Lijxira. Où son!, — (|u'on me les montre! —
les documents bisloriiiues qui prouvent (jue ces deux villes, rappro-
chées comme elles l'étaient, ne se soient point trouvées, à un mo-
ment (pielconque, dans des conditions politiques similaires, ou, ce
qui revient au même, dans un étal de dépendance, vis-à-vis l'une
de l'autre, à peu de chose près analogue et de nature à juslilier
l'emprimt fait par la première aux procédés monétaires de la der-
nière ? En d'autres termes, (jui pourrait assurer iiue I.ipara n'a
point été tentée de protiler de ce voisinage, et des avantages de toute
espèce que lui ollraient sa position insulaire et sa puissante marine,
pour exercer sur .Uy/œ et sur celle partie avancée de la cAle sicilienne
une sorte d'hégémonie ou de suprématie temporaire, dans le genre
de celle (|ue l'Ile de '/'//a.sos, entre autres, exer(;a pendant de longues
années sur certaines villes du littoral méridional île la Thrace?
Sans le secours de cette hypothèse, que je hasarde ici parce (jue je
la crois très vraisemblable, — mais (ju'on est libre, d'ailleurs, de
prendre ou de ne point prendre en considération, — il me parait
bien didicilc d'expliiiufi- d'une f.iron plausible ce (pii aurait |)ii
(1) Bruncl dfi Prenlc», loc. vtp. loul., p, 129.
IlRSTITI'TrON A I.\ VII. IK I)F. MYM', F.TC. 'Ml
donner .■inx liahitaiits do Mi/hv l'idée d'irnilor .'inssi servilcmonl
([n'ils l'ont fait la monnaie de Lipara, pliilAt (pie d'imiter relie de
leur métropole Mi'ssana on d(! (luelque autre ville limitrophe avec
laquelle ils se seraient iiouvés encore^ plus intimement en contact.
Deuxième exemple :
L'enseignement qu'on peut, sous ce rapport, tirer des monnaies
archaïques de Kairhrdon et de Bi/znntium, rrnlre absolument dans
le même ordre d'id(3es. Ces monnaies sont trop connues de tous les
numismatistes pour que je m'arrôle à les décrire. Il suffira de rap-
peler ipic la seule et tiés petite différence qu'on y remarque réside
uniquement dans ce détail particulier : que, pour les unes, le bœnf
qui en forme l'empreinte mai'clic sur ?m rpi couche, tandis que pour
les autres il marche sur un dauphin. A cela prés et abstraction faite
des légendes, tout le reste, style, métal et procédé de fabrication,
est exactement semblable. Ce (jui pourtant n'empêche pas de
constater que ces deux villes , bien que très rapprochées , ne
fussent situées chacune dans des contrées entièrement opposées :
la première, près de la côte asiatique, et la seconde près de la rive
européenne du Hosphore. Aussi est-ce en partie celte étroite confor-
mité de types, cette identité absolue de fabrique avec les monnaies
de Kalchedon, qui causa autrefois la méprise où l'on était tombé
et dans laquelle, il n'y a pas bien longtemps, on tombait encore,
lorsque, par une interprétation erronée de la légende, ou plutôt du
monogramme servant de légende, on attribuait à une ville de
Bilhynie nommée P!/(hopolis{[), et qu'on supposait voisine de Knl-
chedon, toute cette classe de monnaies archaïques d'argent que nous
venons de citer, lesquelles, mieux étudiées aujourd'hui, ont été res-
tituées avec juste raison à l'atelier de Byzantium (t2). Du reste, l'al-
(1) Mionnet, Suppl. II, p. 497. — Catal. Allier de Hauteroclic, p. 70. — Feuardent,
Catal. d'une collc-t. de méd. gr., Paris, 1863, p. 296, n»* 6573-78. — Voy. à ce
sujet la note explicative que ce dernier auteur a ajoutée après sa description, note
dans laquelle il s'attache à justifier, par des raisons tirées exclusivement de la res-
semblance de ces monnaies avec celles de Ka/chedon, l'ancienne attribution à Pijtho-
polis. N'oublions pas non plus que ces mûmes médailles avaient été également
classées par quelques antiquaires soit à la ville de Py/oî de VElide 'Eckliol, II,
p. 269 ; Pellerin, Rec, t. I, tab, xxviii), soit à Pylos en Messënie (Mioi.uet, t. IV,
p. 213), parce qu'on prenait le signe VY inscrit au droit de ces médailles, pour la
syllabe IIV, initiale du nom de la ville.
(2) Cata/. of tlie lirit. .!/«<., London, 1ST7, tome III, p. 93. — Waddington,
jVi'langcs île utimisin., 2" série, p. 73 du tirage à part. On lira avec prolit cette
courte mais très substantielle notice dans laquelle le savant académicien a démontré
clairement, et do façon à n'y plus désormais revenir, que Pinder et autres érudits se
378 HKVUK AHCHKOLOGHilIE.
lianrc mon^tairo onlrc h'nichfduu ft Ihjznutiuw n'(^?t pins un fail
qui soit h disciitor, il a t'ii^ depuis lonKliMiips surabondamment
iliMuonlri' non pas seulement par un àchangiMnuluel de types autres
que ccu\-lù, mais eneore par l'existence de toute une série de mon-
naies de enivre frappées à une époque postérieure, monnaies sur
le revers descjnelles on lit le nom collectif des deux villes, distribué
en deux lignes, .r: ^^ ;::il,^ U-l.h. 1, H. p. ^0; Mionnet,
I, p. 370, et Siippl. H, p. 2\2 ; Brit. Mus., III, p. 107, etc.).
Ainsi done, d'apiès ee (lu'on est en droit duilcrcr de ces exem-
ples et de l'application (ju'il est bien permis d'en faire à la question
qui nous occupe, on n'aura plus, je pense, aucun sujet de s'étonner,
on devra même trouver tout naturel (lue les bronzes de Myhr, —
abstraction faite de la légende (jui, seule, les dilTéreneie, — olïrent
dans tout leur ensemble, comme dans les plus petits détails de leur
fabricaiion, une reproduction ausd exacte, aussi comi)léte de ceux
de Jjpaïa. Ce cas inh niable d'imitation, de la paît de Mi/lu^.
autorise en outre à penser que si celte ville n'a pas, ainsi que je
le supposais tout à l'heuie, subi directement et dans toute la
rigoureuse accejition du mol la prépondérance plus ou moins elTec-
tive de Lipara, il a du alors nécessairement exister enlre les deux
IronipaieiU en considérant le sigiip \p mentionné ci-dessus comme une forme du II
particulière aux iiabitauls du Ijyzance et en croyant, par conséquent, que le nom de
celta ville s'écrivait par un 11 : (llvïa; pour liO^a;). it Le ii;;no ^, dil-il, n'est point
un 11, mais une forme du B usitée dans l'ancien alphabet dorico, forme qu'on
retrouve, avec différentes modiflc:itions, sur des vases archaiiiues de fabrique corin-
thienne, ainsi que sur un certain nombre d'inscriptions trouvées h Corcyre. » D'où
il suit inévitablement que, du moment où il est avéré que ce signe n'est pas un If,
comme l'ioder l'avait supposé, il ne peut, sous aucun prétexte, indiquer la lettre
initiale du nom de l'ylos, pas plus, du reste, qu'il n'autoriserait Ji maintenir l'attri-
bution h Pijtliopolis.
Qu'on me permette ('o faire, au si.jt-t de cette dernière, une petite observation.
Kn qu.iliflant /'i///(o/«o/i.v de ville itnnyinnire, M. NVaddington me seml)le ^Ire allé un
peu loin dan» son appréciation. A coup hùr il ne saurait avoir oublié, autrement
que par dislraeiion, que l'existence de cette ville est formellement attestée par l'in-
tarquo qui, dan» la Vie ih' T/iéscf (aO>, raconte tout au long, sur la foi de Méné-
cral(r«, l'hiitioire do >a fondation par le héros alliénien, et pour quelle raison il lui
avait donné le nom de Pi/thopolii. ().iol qu'il en suit de la vérité de cette tradition
rapportée par IMutarque, il parait du moin» certain, ainsi que l'a déjà remarqué
r.ioul Ilocheile (/. c, t. ]I, p. 20^), que cette ville, loin d'être nnnr/inaire, était
A'otùjtne iithi'nirnnr, et que lia fondation remontait probablement à une très haute
antiquité. f:ilcnnc de IJyznnrp in mentionne en ces termes : ètti xal â'/lr, ll'jOon:o)i;
Mv<jta; ; cl Pline, de aon rôle, la elle également 'hh. V, 32 . — Mais do ce que cette
»lllc a e»i»lé, il n^. »'ensuil pas pour cela que nous en possédions des monnaies.
HKSTITUTION A LA VILI.K DV. MVL.i:, ETC. 37îJ
cilùs une sorle île coriconlal |iolili(|iiL' suivi d'une convention moni';-
laiie ;mal()t,Mie à celles (juo l'on coiUKiil aillfiirs, et dans le (,'rrire de
l'alliance (jue je signalais ci-dessus enire Ihjzdnlintn el Kakhedon ;
convenliou eu vertu de laquelle leur numéraire respeclif aurait
JMui cliez l'une couinic chez l'autre d'un libre cours et d'une
valeur écliangealjle entièrement réciproque.
Va\ pourrait-on dire autant de Mytistnilus'} ou, ce ((ui revient
au mémo , serait-on suffisamment fondé à lui appliquer, si ce n'est
tout, au moins une parlic quclcon(iue du raisonnement résultant des
faits qui viennent d'être exposés ?
Non seulement j'ai, en ce qui me concerne personnellement, l'in-
time conviction du contraire, mais cncoie, — ce qui vaut mieux
qu'une présomption inoiale, —je crois être en mesure de montrer
que la chose est, de soi, matériellement impossible, tant au point de
vue de l'hisloire que sous le rapport elhnniogique.
(le deuxième côté de la question réclamant, à son tour, quchjucs
développements, nous demanderons au lecteur la permission d'en
renvoyer l'examen au paragraphe suivant.
FeUDINAND Lio.Ml'OIS.
{La suite prochainement.)
KNCiiKH nli:i,ii|.:i;s iil!Si;i;\ AïluNS
i;i\sr;i!ii'T[ox lïKsniiMorx'AZATi
Les travaux de la commission du Corpus inscriptinnum somiticarum,
ainsi que l'article ingénieux de mon savant confrère M. le comte de
Vo.iriit!', publié récemment ilans le Journal usiatiiiue (1), me ramè-
nent de nouveau vers ce texte, qui, même après la découverte de la
stèle de Byblos, reste encore le morceau le plus étendu qui nous soit
resté de la littérature phénicienne (>>). Je me sers avec intention du
mot /i7^c;ïït»;T, car notre inscription ne présente aucun caractère d'un
monument épigrapliique; mais nous avons bien là devant nous une
pap;e telle que les auteurs médiocres parmi les Phéniciens devaient
en écrirt'. La netteté et la concision du style lapidaire y l'ont défaut;
il règne au contraire dans notre inscription une abondance et une
prolixité qu'on n'a pas l'habitude de rencontrer sous le burin du
graveur. L'observai ion (jue nous venons de faire nous paraît être
d'une certaine importance pour l'interprétation elle-même. On n'a
pas le droit de serrer de trop près chaque expression d'une pareille
composition de rlièloriiiwe sémiti(iue, où l'on a multiplié et répété à
satiété les mêmes mots et les mêmes pensées, comuK^ <>n en aurait
le devoir s'il s'agissait d'une œuvre dans laquelle on sentirait le dé-
sir et l'elTort de l'aulcur d'être bref et concis.
iNous su|)posrrions volontiers (\nc: c'est à l'-m-AsiiiInrcI, l.i
mère d'Eschmoun'ax.ar, (|iie revient riioiiiicur d'avoir mis dans la
bouche de son lils royal les vinj,M-(liMi\ lon;,'ues \\'/,i\c< (|u"on lit sur
l(î sarcophage ilo Sidon. Ou a déjà remarqué, avec, raison, (ju'il serait
(1) F«5»rior-avril 1880, p. 278-280.
(2) JouriKi/ '1^'"' l'-i'K, I, p. K7 fl siiiv. '.V<i/cv l'iiii/iii) liiiiurs. IK77. p. .'5H <'t
•uiv.}.
UUSliUV.MlU.NS SUIl Li.NSCIllI'IlO.N It^KSillMOL! \ 'a/, \lt. l]Sl
peu probahle (|u<j le roi eùl écrit lui-inèiiic cclto plirasc : <i J'ai élô
enlevé avant mon temps (1.3),)) ce (ju'il n'aurait pu faire (jue sur son
lit lie mort, convaincu de sa tin prochaine. Nous croyons également
qu'Esclimoun'azar est mort sans laisser un héritier direct. Ce n'est
pas que nous adoptions l'interpiélalion de M, Munk, «jui lisait ■JZ'S
(ibiil.), mol qu'il traduisait : «sans (ils », Mais la mort prématurée du
roi, dont il est iiiicslion dans notn; inscription, et surtout la crainte
d'une violation du loinheati (jui y este.\|)rimée avec tantde bavardage,
font penser involontairement à l'extinction de la lace royale, pour le
moins en ligne dii'ccte, ce qui Taisait redoulei- à la mère survivante
une profanation qui était assez dans les habitudes des dynasties (|ui
se succédai(?nt dans les pays de l'Orient. Qu'on songe seulement aux
éloquent'.'s paroles d'Isaïe, xiv. 11), lorsqu'en parlant du roideliaby-
lone il dit : uTuas éléjetéborsde ta tombe comme un germe abject,
comme le haillon qui couvre les cadavres percés du glaive, » etc. La
mère, la prêtresse d'Astarté, qui avait aidé son fils dans la construc-
tion de tantde temples et monuments considérables, lance donc ses
imprécations contre les collatéraux ou les familles nouvelles qui en
montant sur le trône dévasteraient le caveau où son fils repose, et,
parmi ces imprécations, on lit le vœu significatif : « Qu'ils n'aient
pas de postérité. » Devenue veuve de bonne heure, privée mainte-
nant de son fils, enlevé avant l'heure et sans postérité, la mère aussi,
dans son accablement, fait encore prononcer fort bien à son fils les
mots, empreints d'une profonde tristesse : « orphelin, fils de
veuve » (1).
Nous donnons maintenant la traduction de l'inscription en la fai-
sant suivre de quelques notes justificatives :
« Dans le mois de Boul, l'année quatorze du régne du roi Esch-
nioun'azar, roi desSidoniens,filsdu roiTabnit, roi des Siduniens, le
roi Eschmoun'azar, roi des Sidoniens, parlait ainsi : J'ai été enlevé
avant mon temps, orphelin, fils d'une veuve, et je repose dans
ce caveau et cette tombe à l'endroit où j'ai fait la construction.
(i J'adjure toute la famille royale et tout autre homme qu'ils n'ou-
vi'cnt pas ce lieu de repos, et qu'ils n'y cherchent pas des trésors,
(1) Parmi les opinions si nombreuses émises au sujet des trente el une lettres des
1. 2-3, les dix qui commencent la phrase, et les neuf qui la terminent ont divisé le
moius les interprètes. Pour l'explication : «j'ai été enlevé avant mon temps», se sont
mis d'accord : Munk, Gildemcister, J.-M. Lévy, .Sclirce Jer, Kœmpf, Derenbourg,
ilalévy; pour celle-ci : «orplicliu, fils de veuve »,Hœdigcr, Hitzig, Quatremére, Blau,
Schrœder, Derenbourg.
3S2 UKMK AUr.UKOl.tiCIOL'K.
car porsomu' n'y a plarr- des (rr-sors; \n\\^, qu'ils ne dévaslenlpas le
cavonii (111 ji' repose, ei ne me clinri^'enl poinl -laiis ce lieu de repos
de la rliainlMe de repos pour un aulre. (Jiianil intime des lioiniues le
rordonneraient, n'écoule pas leur bavardage. Car loul membre de
la famille royale el tout aulie bomiiie qui ouvriraient eetle rbambre
de repos, ou ilévnsh raient ee raveau où je rc'po'-e, ou cliargoraient
ce lieu de repos, qu'ils ne trouvent pas de lieu de repos avec les He-
pbaim et qu'ils ne soient ensevelis dans une tombe, et qu'ils n'aient
ni lils, ni postérité (jui leur snreède, et que les divinités saintes les
enferment dans le royaume du (dieu) Puissant qui les domine, alla
de les exlerniiner, re mcmbie de la famille royale ou re§ hommes (1 )
qui auraient ouveit celle chambre de repos, ou dévasté ce caveau.
i:t ce rejeton de la famille royale ou ces hommes, puissent-ils n'avoir
ni racine en i as, ni fruit en haut, ni forme parmi ceux qui vivent
sous le soleil; car moi, le défunt (-2), j'ai élé enlevé pendant mon
temps,..., orphelin, fils d'une veuve.
(( Car (3) moi, Esclimoun'nzar, roi des Sidoniens, fils du roi Tabnit,
roi des Sidoniens, pelil-lils du roi Eschmoun'azar. roi des Sidoniens,
et ma mère Èm'aschtôrct, prôtresse de notre dame Aschlôrci, la reine,
fille d'Eschmoun'azar, roi des Sidoniens, nous avons bAli les temples
des divinités, le temple d'Aschlôret;\Sidon; terre marilime, et puisse-
l-elle nous faire voir Asriitôret dans les cieux magnifiques; c'esl nous
encore qui avons bâli un tem{>le pour Eschmoun, le prince du sanc-
tuaire, voué au pauvre malade, sur la montagne, et puisse-t-il nous
le faire voir dans les cieux magnifiques; c'est encore nous qui avons
bâli deux temples pour les divinités des Sidoniens à Sidon, Ilm-ic
nianliiue, un temph.' pour le IJaal de Sidon et un temple pourAsch-
lôret des cieux de Baal. Aussi le maître des rois puissc-l-il nous don-
ner Dur et Yùft'i, les iuagnirn|ucs terres de blé qui sont dans la plaine
de Sarùn, en récompense des grandes choses (|ue j'ai exécutées, et.
(ju'il nous les ajoute à la frontière du pays pour i}u'elles reslenl aux
Sidoniens éternellement.
(1) fJons prenons, avec M. Clcrmont-Gannoau, r^TH pour In pluriel de N'H. C'est
ccrtaiiKitncnl la maiiiùrc la plus simple d'oxpliiiucr ce mot rpii a tant tourmcntij les
iiit' rpn tes de notre inscription et du Tarif de Mars'^ilic. I,a trndance de prolonger les
mots il lu fin par l'nddiiion du /'/».' se montre dans les propositions rT'y et D-S.
Le n('ro-li(hroi^me ar^'^-priir 1'23; le iaiiRnce tnlmiidiTie offre, à côt(^ de in^*3
et Nn'*2, f/uifter/i, encore l.i forme riT*2. l'.icn ne parait donc s'opposer à cette in-
génieuse conjecture.
(2) Proprement : l'objet de la compassion divine ; comp., en arabe, almarliowju
(.1 \i.rm lisonh A/, Il conjonction aux sens si in'jltiples et si fréquente.
OBSEUVATioNS suu l'inschip Fio.N d'ksciimol'n'a/aii. 383
« .l'adjuro toule In famille royalo et loul lioniiiio (fu'iis n'ouvrent
pas ma cliambio et qu'ils ne bouleversenl pas ma cliainhre, qu'ils ne
me chargent pas dans ce lieu do repos, cl tin'ils ne dévastent pas
mon lieu de repos pour que les divinilés saintes ne les enferment
[las (dans le royaume du dieu Puissanl), ni no, les exterminent, le
membre de la famille royale et ces hommes et leur posiérité à tout
jamais (I). »
La lecliire de notie traduction aura, nous l'espérons, confirmé
notre jugement sur le style dilTus du texic; on aura encore reconnu
jusijue dans les singuliers et pluriels qui alternent d'une manière si
élran :e, surtout I. 18 et 19, (jue c'est la mère qui a composé l'épita-
phe do son iils, et qu'elle ajoute tantôt sa personnalité à celle du
royal défunt, lanlûl rapporte tout l'honneur «des grandes choses»
à l'enfanl (ju'elle a peidu.
Nousavonsconservé à chaque termeemployédans l'inscription pour
désigner le sépulcre son sens propre; mais il est impossible de mé-
connaître que ces termes dilTérents se rapportent souvent au même
objet. Les phrases « qu'ils n'ouvrent pasce lieu de repos {mischhdb) » à
la I. 1, « celui qui ouvre cette chambre de repos ('i7//M»/sc/i/ia/^)i) aux
I. 7 et 10, et (( qu'ils n'ouvrent pas ma chaml)rc {'illati) », 1.21, ont
évideuiment le môme sens. Il doit en ôtre de môme pour les phra-
ses suivantes : « qu'ils ne dévastent pas le caveau où je repose [khil-
litjnischkâhi », 1. TJetS, « ou dévasterait ce caveau {khillitzou) », l. 11,
et « qu'ils ne dévastent pas mon lieu de repos {nmchkàbi) », l.:21. Les
mots (( qu'on ne me charge pas dans ce lieu de repos » rendent la
môme idée, qu'ils soient suivis des mots « d'une chambre de repos
pour un autre », 1. 6, ou non, comme i. 8 et 21.
Nous maintenons ;\ /.-///7/iMa signification de l'hébreu mckhUldh
me'dràh^ grotte, caveau. Ces mots se disent d'une caverne artificielle,
avec une voûte en maçonnerie, telle qu'était le sépulcre du roi de
Sidon. Si khillat désigne le caveau, les lettres n'C"» ne peuvent pas
dériver de la racine ndsd, soulever, emporter, et l'on doit penser h
scliddli, détruire, dévaster, — Nous prenons le noun de p^^"- pour le
suffixe de lai" personne; car le noun épenthétique, possible après
Sn(1. 5 et 21), est absolument inadmissible après le pronom relatif
*C'N (1.7). — Xousproposonspour p, qui se lit deux fois à la 1. •), de le
considérer comme réquivalentde -2. On ne connaîl pas encore le suffixe
de la 3° personne du singulier féminin, qui correspoudeau masculin
(1) Il a paru superllii de réimprimer le texte phénicien, qui est entre toutes les
innins.
3Si lU.VLr. AllCIIKOl.OCUnLI..
mim; mais |uns(|UC rcuiploi de luiin pour //('», il iK' bdiiàtn pour hd-
hein, est couslakS il s'ensuivrait rogiilitTeinciil (|m' p piU ôlre = n2.
Misrhhiib <|ui prêeiMe esl, il est vrai, un nom masculin; mais lau-
Icur a pensé à hillit ou 'illit, (jui l'accompaj^ne toujours l). Il faul
alors, pour ne pas avoir un pléonasme, lire avec Muiik ■•«im. <••' que
nous avons tradiiil.
I.a I. 1) pré.-ente plusieurs tlilicullés tpiine sont pas encore résolues.
La répétition de rrx après le suflixe (Ji, lorsijue le sujet esl placé
entre ce suffixe et nx, n'existe probablement pas en hébreu, à moins
(]ue zrx nesoil suivi d'autres régimes, et encore pour ce cas on itcut
comparer 1 Sam., xxiii, 11 et X'i. Puis on comprend (lue le suflixe
puisse, comme Exode, II, U, ùlre expliqué par un nom véritable;
mais crx n'ajoute rien à la termin;iisoii niim. Du reste, rien ne s'op-
poserait à ce (juc PN fut employé pour r'x (.i). Mais on n'a pas besoin
d'avoir recours à celte exlrémilé. En donnant au verbe ///sv/tV le sens
de faire enfermer, vl devient préposition et on traduira : les ilivini-
tés saintes les feront enfermer avec le royaume, etc.; si l'on lui
donne la signification de livrer, et serait égal à Sx (cf. 1 i>nm..\\. 1H;
XXX, 21 et jiussiin), et on traduirait : livreront au royaume, etc. —
ijuel est le vrai sens de 'mldii'! Nous pensons (juc c'est un surnom
du dieu Puissant, exactement comme Schaddaï, qui, après avoir été
longtemps employé comme adjectif de V/, se présente plus tard seul.
Isaii', x, 34, il estdit : le Li l>an tombera """ixz, « par le Puissant » . .lrf(/tr
est celui qui domine, tourmente les profanateurs du tombeau, en-
fermés dans son royaume, ou livrés à son empire par les saintes divi-
nités chargées de cette mission. Aildir est pour nous une sorte de
Pluton, dans le royaume duquel les méchants ne devaient pas jouir
du calme des /?a///j</ïm (I. 8). La mythologie phénicienne offre en-
core un autre adjectif, atlribut de Dieu, ijui n'a pas pu se cristalli-
ser et devenir nom propre. Nous voulons parler de rdni, élevé, qui
est l'élément divin d;ms les noms de Ilirdin, Abrdin, et de liaalrdin,
Rdmbaal ; voy. Levy, Phœniz. Sludim, I, 7 ; Schneder, /. c, p. l'J'J.
Cette opposition, ce nous semble, jette une nouvelle lumière sur
la doctrine des Phéniciens relative aux choses d'oulre-toiube, sur-
tout si l'on considère en même lemps les vœux exprimés plus bas,
1. lGcll7.
(1) L'in&criptioii de DJrbal a bien //'' p')iir If fiiiiiniii du suflUc; iimi-- il y icpond
ou ydw, qui s'y lil pour le inaiculin.
(2) Halc»y, M'-l(infjrs, p. 21.
(3) Schmdor, Die fthun. Siiinr/,r, p. 213.
OltSKHVATlONS SUU l'i.NSCHII'TIU.N d'k.SCIIMOL'N 'A/AU. HHi)
On a ilrjà fait observer que le sche'ol de rRrrilure montre une
sin^'ulii'ic analogie avec le HadcVs de la mylliologie cla<sj(jui' (1). Le
sche'ûl, comiiie le ll.ulrs, est un lieu de sdeticc, de lénèhrcs cl d'ou-
bli. Lrsjiisics et les injustes y s(»nt eoiifoii lus. Cointiic on s't'X|»li-
quait diilicilement le [)assage de l'existence à la nod-cxislciict', on se
contentait de ce |)Ale rcdct de vie ipii continu ait appis la mort. La
conscienc(; se réveille aussi bien cliez lesdrecs (juc cln z les ll'breux,
et les propbèles ainsi que les poètes, sans se laisser aller encore aux
écarts aux(juels rimni^Miiation se plaît plu> lard dans la di'scriplion
(lu i)araiiis ou du jardin d'Kdcn et de l'enfer ou de la vallée de llin-
nôni, font néanmoins entrevoir une distinction dans le sche'-ol entre
le sort de l'bomme de bien et ce'ui du mécliant. On [larle des an-
!j:oisses,des tortures du sche'ol. Job (xviii, 14) nomme le tniHck balld-
hôl, le roi des terreurs. Puis on voit d'un côté des pi-rvers qui, comme
la bande de Kôrali, descend vivante sous terre, et de l'autre de ra-
res élus (|iii, comme llénocb, Klie, peut-être .\ron et Moi-e, montent
au ciel. Ne pas éire précipité dans les profondeurs de l'abîmeel voir
au ciel Dieu dans tou'e sa mas^nificence est un vœu et une espérance
pour les bommes pieux, Psaumes, xvi, 9-10; lxxiii, 24, et pas-
si m {-1).
Les mûmes idées régnaient parmi bs Pbéniciens. On pouvait
reposer en paix parmi les Hepbâïm, ou ôirc tortuié dans le royaume
du Puissant, qui a bien des rapports avec le loi des terreurs (3).
Mais, après avoir élevé tant de monuments à Ascliiôret, à Ksclimoun
et aux autres dieux de Sidon, la mère du roi ose bien espérer que
ces dieux permettront à son lils de les contem(der dans ks cieux
magniliiiues. C'est le vœu d'approcber de Dieu, que forme le p.>al-
misle, LXXIII, ii8.
Par ce (jui précède, on voit que, bien loin de changer, 1. 10, lien
en "jiw'ii, je lis au contraire, I. 17 également, 'iir^',. Les deux vœux
sont les mômes; seulement, 1. 16, le second régime du Aj/î/ du verbe
IVw, voir, est exprimé par la répétition du nom de la dée.sse, tandis
que, I. 17, lesullixc ^£i(/qui suii le noun nnipLice le nom d'Escb-
moun. Dans les deux pa.ssages dttn a'2w? est une détermination du
lieu où les dieux se trouvent, détermination qui peut se passer de la
préposilion (cf. F Hois, viii, .4;]; I Sam., 11, 20 et 32). — Je donne à
(1) Voir en dernier lieu Sciieukel, lUhel-Lexicon, s. v . « Hades » ._
(2) On a, avec raison, comparé '-"pn dans ce verset avec Hu'?, Gen., V. 24.
(3) Le verbe yïp, employé,!. 10 et 22, rappelle i'iiébreu 7113, qui se reuconire
si souvent dans la phrase: ceite âiuc sera retranchée.
xxxix. '26
386 HKVUK AnCHKOLOGIQUK.
Eschnioun son tilro do « princi» on chef du sanctuaire pour le pauvre
malade I), l't renvoie, pour l'IialtiUidc de eonslruiri' K's Icniples de
l'Esculape phénicien sur des monlagnes, aux passages que j'ai cilôs
ailleurs {\).
Le niolTy, (pii pri'cèd«>ir' (1. 18),ne nous iicrnict guère de pren-
dre ce verbe pour un parfait. Nous pensons donc (juc c'est un futur
qui exprime un vœu, comme les deux •^v (•i"'u:>, 1. K) et 17). On a
fait observer (juc le désir de nouvelles acquisitions, que le roi des
Sidoniens présenterait au « maître des rois, paraît » étrange dans la
bouche d'un mourant. Aussi la mère du roi lui fait-elle dire ]S, à
nous. C'est ;\ elle et siirloul aux Sidoniens (ju'elle pense, comme
elle dit I. 20 : « Pour que (ces pays) restent aux Sidoniens éternelle-
ment. »
J. Oerenbourg.
(1) Jounuil tisiat., I. c.
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DKS INSCUIPTIONS
MOIS DE MAI.
M. Léopold Dclisle annonce à l'Académie le don fait par Lord Ash-
burnhaui de la partie du inanuscrlLcontcnaniraiicienne version laline du
Penlateuque qui avait rlé jadis; soustraite à la bibliothèque de Lvon et ven-
due en An^Meterre par Libii. Dus que le nuMe Inrd eut acquis là certitude
que les cahiers achett-s par son ptre avaient ùié Irauduleusement arra-
chés au manuscril de Lyon, il s'est empressé, quoiqu'il eût tout droit de
les conserver, de les oflrir trracieusement à la France. Les érudits de
tous les pays applaudiront à cet acte de délicate générosité.
M. Natalis de Wailly termine la première partie de son mémoire con-
tenant des observations grammaticales sur les actes des amans (notaires)
de Metz. '
M. Geffroy, directeur de l'Ecole française de Rome, fait part de la décou-
verte d'une importante chambre sépulcrale, fouillée avec succès, dans les
terrains voisins de la Farnéïiue. Deux urnes cinéraires rondes et quatre
carrées, trois anneaux d'or, une statue de femme un peu plus grande
que nature, deux bustes en marbre et une intéressante in<cription sont le
fruit de cette exploration. Cette sépulture semble remonter à l'époque
des Autouins.
M. Miller communique une note sur un nouveau fragment inédit d'Eu-
ripide.
M. le D^ Lagncau lit un mémoire relatif à quelques dates intéressant
l'ethnologie de l'Europe occidentale.
M. de La Villoniarqué étudie diverses gloses armoricaines tirées d'un
manuscrit de Virgile de la bibliothèque de Berne remontant au onzième
siècle. Suivant M. de La Villemarqué, ces gloses contiennent des mots qui
ne relèvent ni du comique, ni du gallois, ni du gaélique. Il est convaincu
que ce.- gloses ont été écrites en Bretagne ou, sinon, par des moines bre-
tons probablement en fuite devant l'invasion normande.
^ M. de Mas-Latrie communique à l'Académie, en en faisant ressortir l'in-
térêt, diverse- pièces tirées des archives des inquisiteurs d'État de Venise
qui n'avaient encore été signalées par aucun hi.^îorien.
^ Une seconde lettre de M. Geffroy annonce que la commission municip ,1e
d'archéologie romaine vient de publier un nouveau fascicule de son Bul-
letin périodique. Ce fascicule contient plusieurs centaines d'inscriptions
récemment trouvées sur l'Esquilin. A. B.
NOUVKLLFSAIiCIlEOLOGKlliES
ET GOHKESPON DAIs G K
Un monument om'iois dans Ica Vosges. — Il viont de se faire dans
le lil de la Muselle une dcV'ouvcile qui aura une iulluence sensible sur la
science de la inythologi"' gauloise, si peu connue encore. M. Félix Voulût,
le conservateur Jn .Musée des Vosges, A Kpinal, avait éiu<lié depuis long-
temps un penre de groupes sculptés dont on 8 trouvé, dans les soixante
dernières années, de nombreux spécimens plus ou moins mutilés. Ces
groupes ont presque toujours été intitulés : « Un cavalier armé, frappant
de son arme, terrassant et foulant aux pieds de son che\ai un monstre anyui-
péde. » Presque loi. s les arebéologues y voyaient la représeiilalion trioiii-
phale d'un itomain (général uu einpereni) vainqueur d'une tribu pan-
loise. M. Voulot pensait au contraiie que ces sculptures représentaieiit
une sorte de domination toute pacifique de la lumière sur les ténèbres,
d'un dieu solaire gaulois sur une divinité de la nuit et des profondeurs
caclu'-es des eaux. Le sujet ne lui seuildail pouvoir être complet que s'il
ccuronnail une colonne. Un de ces groupes, conservé au umsée d'Kpinal,
ayant été retiré par hasard de la Moselle, entre l'orlieux et CliAtel,
M. Voulot proposait déj;i, il y a deux ans, fiu conseil départemental, de
voter des fonds destiné.> à rechercher la colonne qu'il supposait enfouie
dans les eaux lie la rivière, pour servir à reconstituer le monument com-
plet, groupe et colonne, au j irdin du Musée des Vosges.
On voyait bien, aux bisses eaux, un certain nombre de pierres de taille
laisser paraître leur surface supérieure; mais cliacun croyait qu'elles
devaient provenir (les débris d'un temple. Apiè' de^ obstacles de toute
nature, le pcisévérant arcln'ologue est parvenu à retirer de la rivière
tous les élémcnis de la colonne qu'il avait rêvée, plu-ieurs blocs se tion-
vanl caché» à un uiétre de prufundeiir suus le fond du cuuit, d'eau cl à
quatre mètres souh la surface bupérieure. Aujourd'lmi toutes les assises
du c« curieux monumenl, .-orio de pilitîr-colonne d'nn genre aussi ancien
qu'outillai, purnionié du groupe seulpté, sont venues (dncotiiir i\ for-
mer uue coubliuclioo complète, d'un aspect imposant. LUe urne depuis
NOUVKLLKs Anr.iiKdr.or.ioiiRs. :\h'.)
que!qiu'« jours lo poi^liqun janiiti du musro d'Kfiin.il, oiW'IWï se iltMache
sur d'' ^.Tauds arbri's dcuii-.M-' ulaiii't" et produit le meilleur pflVl.
Mui9 le poiiil cttpilul. nu sujet du pilier-colonne, est celui-ci : M. Vou-
lut a remarque' une sur le d'équalirtn eulre h- pilier et la rolorine, enlre
le (16 du premier et le l'ilt de la gecoiule que sup()orte le pilier, (lefle
équatioti cou.>lnlée lui a permis de conclure qu'.m mouuuu'ut du intime
genre exliumt^ il y a un un à Merten, près de Meiz, MM. ProsI et iJuj r-
din, les savanis auteurs de nolic.es sur cette construction, avaient cru à
tort que la moitié de l'ancicu fill manquait. L'.'qu.iliou du |<ilier-colonne
de Portieux, appliquée au >péciuicu de Merliui, permet de recotisliluer ce
dernier, quant au lïli du moins. (I eu est de mûme de la célèbre colonne de
Cussy, où la hauteur des deux piédestaux suporpo.-és égale ex.icte-
ment celle de la partie ancienne du fût. Il faudra donc, selon les
conclusions mutliémali(]ues de M. Voulol, pour rctrouvcria vraie colonne
de Cussy antique, en démolir 3 m. 3o dont elle a élé grafuileraent sur-
haussée ou IS2."», eu comprenanl urj chapiteau d'un style hybride. Au con-
traire, .M. Voiilol estime que, de deux pierres placées au pied de la colonne,
l'une constituait le tailloir, l'autre une partie du corps de l'ancien chapi-
teau, et qu'il n'y aurait plus pour le rcompléter qu'i\ ajouter dans le lias
une partie servant à continuer les rinceaux et i le relier à la colonne
cylindrique qu'il devait couronner.
Quant au cavalier, M. Voulut ayant observé que, dans tous les groupes,
il portnil vivement la jambe gauche en avant, la jambe droite en arrière,
en a conclu que ce n'était pas un homme. Puis, se basant sur ce que di-
vers peuples de I antiquité, notamment les E,:ryptiens, .-^'orientaient au
sud, et croyaient que le soleil se levait ;\ la gauche du monde, reconnais-
sant d'ailleurs sur les chapiteaux de .Merten et de Cus.^y la figuration des
quatre saisons, il conclut que le ca\ aller devait représenter un dieu-soleil.
Pour lui, ce cavalier est supporté, ainsi que son cheval, par un monstre
moitié humain, dont les jambes sont des serpents, monstre rampant qui
aide le dieu-cavalier à passer un gué. En effet, M. Voulol a reniai que
que tous les groupes de ce genre dont la provenance exacte est connue
ont élé exhumés à l'emplacement d'un gué ou d'une mare antique.
Ainsi s'évanouissent ces hypothèses soutenues jusqu'ici de colonnes
triomphales, de victoires d'un général romain sur une tribu cauloise,
de grandes batailles livrées sur les jioiuts où les groupes ont été décou-
verts. .M. Voulol, étudiant en détail la léte du cavalier et celle du cheval
sur la sculpture équestre de Portieux, a reconnu que le cavalier portait
une coiiïure, et que le cheval avait sur la tôle une Irin.le de fer placée
exactement dans l'axe de la main droite du cavalier. D'après un bas-relief
apparlenanl à un amateur distingué, M. Engel-Dolir.is, fabricant à Oor-
nach, M. Voulut élaMil que le cavalier portait un casque, et comme il
devait tenir horizontalement en arrêt un javelot appuyé sur la léte du
cheval, lesi:je; se trouve dune absolument reconstitué.
M. Voulot a fait dernièrement, à la Sorbonne, uneleolcre très étendue
;UU) REVDK AnCHKOl.OOIODF.
ol irt^s rcmarqiit^o, dans hiquollt! il appuyé ses indications do dessins cl
d'un excclh-nl moulage colorii^. A. H.
(La Chronique dea arts rt ilr ht curiositt^.)
Dnns le n» de mai de la Contnn))orary Jlniar, M. Fr. I-cnormant
commonro une série d'articles consacrés ;ï mie question qu'il connaît
mieux que personne en France, pour l'avoir étudiée A plusieurs reprises
soit dans ses cours de la HiLlinlliéquo, soit dnns des travaux destinés à
des recueils spéciaux. Cette question, aujotird'hui un peu oubliée, a jadis
passionnt'î les savants; nous voulonsparler de l'histoire du colle (ri;ieu>is et
de ses mystères. Les mystères d'Klcusis, étwk iV histoire rcUuicnsc, tel estle
litre que porte cet essai ; M. Lenormant annonce que, dans un sujet qui a
ii souvent égaré l'iniai^inalion, il n'avancera pas une assertion qui ne
s'apiiuie sur un texte ancien, sur un monument écrit ou figuré; quel-
ques-uns de ses lecteurs regretteront i.eut-éire que la l'orme adoptée cette
fois par lui pour exposer ses idées ne lui peraTCtto point l'emploi des notes
et l'indication des sources.
LcsfonUlcade home — En enlevant les pierres de la voûte écroulée
d'un tombeau nouvellement découvert sur les bords du Tibre, on a
trouvé huit urnes cinéraires. L'une d'elles est en travertin, d'une
forme ovale, grossièrement travaillée et suns aucune inscription. Une
autre, en marbre, a 43 centimètres de haut et 34 de large; elle est
admirablement sculptée et a un peu la forme d'un petit temple. Aux
coins se trouvent des colonnes en spirales avec des chapiteaux et des
bases d'ordre corinthien ; le couvercle forme le fronton , sur lequel
sont sculptés deux oiseaux. F.ntre les cotonnettes, sur un panneau, on
lit ces mots :
OSSA • A • CRISI'INI • CAEPIONIS.
Au-dessous se trouve un trépied d'un dessin élégant, en relief, avec
un uTifTon se tenant sur un piédestal de chaque côté. Sur les côtés de
l'urne sont deux dauphins entrelacés. En même temps, on a trouvé la
moitié de droite d'une grande inscription appartenant évidemment ;\ la
partie extérieure du tombeau.
En voici le texte :
R • STL • IVD • TH • MIL • Q • TU • PI. • PH
I • CAKSAHIS • AVC.VSTI ' KT
EsAllI • SA\(;VSTl
NA • CAKPIOMS • F • VXOH
iCiVS • U • F- C • N • C • I:T • (iKMlM.
La continuation des fouilles le long de la Voie Sacrée a fait découvrir
m fitu un piédestal et la fondation d'un second piédestal qui suppor-
taient les deux culoniic- de l'aile j^auclie du temple dr Homulus, fils
\<2 Maxnnco, correspondant exactement avec celles de r.iile droite: le
NOUVFM.f-S A n C H F?:0 LOGIQUES. .'iîM
dôbhyomonl autour do cfs colonnes un de leur piédestal a {•[(>. terminé
le 20 avril.
Les ouvriers sont en co moment occupés i démolir l'ancien portique A
l'endroit où il a (Hé surélevé pur Urbain VIIF, pour le réédificr dans sa
position primitive au niveau de la Voie Sacrée.
(Chronique des artx.)
Les éludes urcliéolûgiqucs ont fait beaucoup plus de progrés en
Espagne depuis vingt ans qu'on ne le penserait si l'on en voulait juger
par les quelques jiublications qui ont vu le jour dans la Péninsule sur ces
matières pendant ce mCme laps de tomps. Pour que les résultats acquis ne
risquent pas de se perdre faute d'être enregistrés en temps opjjortun, les
archéologues les plus distingués de l'Kspagne viennent de se réunir pour
fonder un journal spécialement destiné à l'urchéologie nationale, sans ex-
clusion d'aucune époque à partir des temps prébisloriques jusqu'à nos jours.
Ce journal, dont le premier numéro vient de paraître tout dernièrement,
a pris pour titre licvista de arqueologia cspaTwla. Aucun nom de directeur
ne 6gure sur la couverture. Les communications scientifiques et les
manuscrits devront être dirigés à M. le directeur, la correspondance
administrative à M. V administrateur de la Revue, l'un et l'autre rési-
dant i\ Madrid : Princcsa, S, bajo. La Revue promet un numéro de qua-
tre à cinq feuilles par mois, sans répondre d'une exactitude rigoureuse
dans la date de l'apparition de chaque livraison. Le prix de souscription
est pour un an de 35 francs dans fous les pays de l'union postale. Quatre
sections sont faites : 1° pour les articles de fond, qui rouleront sur la nu-
mismatique, l'épigraphie, la glyptique, le costume, les armures, l'archi-
tecture et la sculpture; 2° pour l'étude des riches collections archéologi-
ques, tant privées que publiques, qui existent en Espagne (cette partie
sera cosmospolite, puisque dans les collections espagnoles sont conservés
des objets de toute époque et de tout pays); 3° pour une chronique de
l'archéologie; 4° pour la critique des livres nouveaux rentrant dans le
domaine de la Revue. Les reproductions d'objets d'art seront exécutées à
partir du second numéro par la phototypie, c'est-à-dire qu'elles offriront
des garanties d'exactitude matérielle qu'on ne peut pas se promettre de
la gravure confiée à la main de l'artiste. Le premier numéro débute par
l'Introduction d'une série importante d'articles que publiera rt'niinent
académicien Don Francisco Fernandcz y f.onzalez sur l'archéologie de l'Es-
pagne pendant la domination arabe, en laissant de côté tout ce qui est
épigiapliie ou numismatique pures. 11 vient ensuite une monographie,
qui paraît solidement déduite, de M. Francisco Codera, le professeur
d'arabe de l'université de Madrid, sur trois médailles d'or de Murcie por-
tant respectivement pour dates les années de l'hégyre (ii-G, 6oO et (jj6.
M. Codera cherche à résoudre la difficile question de savoir pour quel
prince arabe elles ont été frappées. Cet article est suivi d'un exposé, à
l'usage du grand public, des rapports qui existent entre l'architecture by-
zantine et l'architecture romaine. L'auteur, M. Enrique Rouget, proteste
,'j'J2 «Kvi'K Aii.':nK(>i.nr,K»i k.
conliP la (lésipualion «io byzantins qu'on donna comnninj^mpnt ;\ des édi-
tlifs coinnu^ li oalh«'"iinile de Z mittru i-l la « catliédralr vieille * de Sala-
manque. qui n'opi rien de byzantin que la coupole. Le numéro se ter-
mine par une bildiographie ilis périodiques (Journal asiatique, lievue ar-
rhi^Ugtqur, Cazrtte dts bcattx-arts, revues anglaises, porluj^aises, etc.). 11
nous est agréable de souhaiter la bienvenue à la nouvelle Hevue archéo-
logique fspagncle, et nous espérons que, répondant à un besoin rétl el
d.n^ la rénin>uie el à l'étranger, où sont si peu connues les cosns si inté-
ressantes de EsjMiTia, elle est appelée i\ un duiabb" succès. Cd. ii.
Dansuudiscouis prononcé le 22 m.irs 1880, au nom de l'université
de Berlin, pour fêter le jour de naissance de l'empereur, M. Ernest Cur-
tins a résumé les ré.-ulluls généraux des travaux d'Oiympie, tels qu'ils
se présentent au terme de l'avanl-derniére cainiiagne des fouilles ; il
eu a fait ressortir l'iinpurlanco pmir l'hiiloiie de l'art et pour la con-
naissance de l'antiquité.
Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs la publication du
second volume de ['Histoire de l<i diiinalion dans ranltquiié, par M. Rou-
ché-l-edercq. La Ilnue a rendu compte du pieniier, qui a i<aru l'an
dernier; elle a signalé à ce propos iinipoi lance et l'intérêt d'un ouvrage
qui fait le plus grand honneur i l'érudition IVangaise et à l'Université;
elle a indiqué le plan que comptait suivre l'auteur. On pouvait craindie
qui- Cf lui-ci, chargé d'un lourd ensi ignement à la faculté des lettres d
Paiis, n'avançai que lentement dans la lAche qu'il a\ait entreprise; ce
second volume, succédant de si près au premier, vient rassurer ceu
qui auraient pu éprouver cette appréhension.
Il porte pour sous-titre : Les Sacerdoces divinatoires ; Devins: Chres-
»no/"yu'.s; SibyUes; Oravlcs drs dieiu'. On y lira particulièrement avec le
plus vil intérêt toute celte histoire si confuse el si peu connue des oracles
^lbylliU8, on y verra d'où vient le type de ces sibylles qui jouent un rôle
si étrange dans les idées religieuses du moyen Age el auxquelles les pein
1res de la Hi iiais.-ance ont lail une si belle place dans quelques-unes de
leurs œuvres les plus célèbres.
Il vient de se fonder à Home une n vue qui porte le litre suivant :
Etudes et documents d'Ui!>ioirc el de dioi' (Slodi e dt>cumeiiti di sloria e
dirilto). Voiti le sommaire des deux premiers fascicules :
Piéface. - (i. B. de Kossi , l'Éloge fuiiihe de Twia, écrit par son
mari (î. Lucretins Ycspillu, roW'Ul en l'an île home 73.t ( jiremiére partie
avec une plaiicht: liihographiée et un dtssin dans le texte). — Ali-
brandi, Sur quelques fiayments des anciens junsionsultes nmioins. Art. 1.
Krugmuntr ilu li\rc V des lii^ponses <le l'ui'inien. — C. L. Viscotili, le
{juinave et le Tiien» du médailiier du Vutirun. — C. He, D'un nouveau
rnanusciit du commentaire d' Uulyuro sur le tttrc dts l'undedes De regniis
juiis. — (i. Toniisbclli, l'ne Utlrc de Clmitiit IX au duc de l'aime tt de
fluisunce. — <«. Stevenson , la Jtasiltque île suinte Simforosa sur la voie
Til'iirtmc. — Hcvuc de.^ péiioiilque.v — Uucumcnt.i. - 'J:lti, le Statuts
NouvF.i. i.!'s Aucuifor.or.iriUFs. ;{!);{
des marchands de Rome; descriplinn du iii.iiiu-nii, et fciiillos 1 A IS du
lexlff (iivec iino planche en hiMiotypic). — l.iiii^i Uni//,!, Urrjestc de
Véglise de Tivoli. Pir-Hice l'i docuini'uts I ;l .;.
On s'abonne, pour 'Il liatii;s piran, en écrivant à M. (Willi, palais
Spada i\ Home.
Nous remarquons dans le numi'Mn d'avril du Parmussos les articles
Buivanis :
Conslanlin Condos, Observations sur l'ancienne langue grecque (suite).
— Jean Saraaiélis, Ledr/ue du dialecte de TréMzonde. — l'aul I.anjhros,
Monnaie inédite de Midut Pnloologue , empereur de NicÀc (avec un bois).
— Spiri'lion P. I.ambros, Notice nécrologique sur G. Wagner. —Séances du
sylloyue Parnassos.
\/.\ Revue de l'histoire des religions, qui se publie, chez lirnesl Leroux,
sous la direciion de M. Maurice Vernes, vient de donner s^on premier nu-
méro. Ce caliier lait dé.>irer les autres, qui doivent se succéder de deux en
deux mois. En voici le sommaire :
Maurice Vîmes, Intro ludion. (L'auleur y indique, en excellents termes,
le point de vue où se place le nouveau recueil ; il y dé\eloppe ce principe,
qui est imprimé on gros caracli-ros sur la couxcrture de la revue : la Re-
vue est {virenifint historique; elle (xclut tmt travail qui présenterait un ca-
ractère polémique ou doymatique.) — liûuché-Lechrcq, la bivinadon italique
(fragment du grand ouvrage en cours de publication, dont nous avons
déjà entretenu nos lecteurs). — L'unité du sanctuaire chez les Hébreux,
d'après M. Wellhausen. — Sjiooner, Exploration des monumeîits du Cam-
bodge (avec 2 planches). —A. Barth, Bulletin critique de mythologie aryenne
— Maspero, Bullelin critique de la religion de l'Egypte. — Documents inédits
sur la s^rcelkne. — Vinson, Éléments mythologiques des pastorales basques.
— Clermonl-Ganneau, la Mythologie iconique (pages eniprunlées à la pré-
face d'un li\re lemarquable que nous apprécierons prochainement). -
Dépouillement des périodiques et des travaux des sociétés savantes.
Nous ne pouvons que souhaiter une heureuse fortune à un recueil qui
répond à un besoin depuis longlemiis senti. Le choix des collaborateurs
nous répond du caractère vraiment scieniitique de la méthode qui sera
suivie et de l'inlérôt des informations que trouveront ici groupées tous
les amis de ces études.
Le second numéro, qui est sous presse, contient les articles sui-
vants :
Formation d'une religion officielle dans l'empire romain sous Auguste, par
M. V. Duruy. — Esquisse du développement religieux en Grèce, par C. P.
T\e\e. — La d'Vination italique {f\u), p-àr M. A. Houché-Leclercq. — Bul-
letin critique de la religion juive (judaïsme ancien), par M. Maurice
Vernes. — Bulletin des religions de l'Inde, par .M. A. Barth. — Couiptes-
rendus. Dépouillement dos périodiques. Chronique. Bibliographie.
Bulletin de la commi-^sion archéologique comtnmule de Rome, 8* an-
née, 1880, n» 1, janvier-mars :
394 hkmk aucukologiodk.
I{. I.anrîaDi, Préface. (Jplanl un ropaitl sur l'enyomblo do? travaux de
la l'omniission depuis s;i fondation, M. L. indique dans quoi esprit ils ont
tM6 conduits, cl donne un catalo^'uc sommaire dos objets varices qu'elle a
recueillis; il se plaint avec vivacité de l'insuffisanco des locaux dont il
dispose et il insiste sur la niHcssiti^ de construire le plus tôt possible un
musée municipal nssoz spacieux jioiir que les monuments puissent O.lte
tous exposés dans de bonnes conditions et (jue les riches séries déj;\ for-
mées soient mises à la disposition des travailleurs.) — II. I.anciani, sup-
pléments au tome VI du Corpus inscriptiorium latvinnnn (suite). l'I. I-IM.
— Enrico Fabiani, Amphore aramaique du Camp prctoncn. IM. I-IV.
BIBLIOGRAPHIE
La Tapisserie de Bayeux, reproduction d'après nature, en 70 planclits plio-
totypograpliiques inaltùiablcs, avec un texte historique, descriptif et critique, par
Jules Comte. Paris, Uothsciiild, 1879.
Il existe peu de n^^nniirnonts du moyen ftpe qui jouissent d'une côlôbritt'
plus mOriléo que la tapisserie de Hayeux ; il y eu a peu assurément qui
aient été rolijct d'un plus grand nombre de mémoires et de dissertations.
Elle a été mainte fois reproduite par la gravure tant en Angleterre qu'en
France, non seulement dans des ouvrages de science, mais dans bon
nombre de livres destinés au grand public.
Les Anglais surlout, pour qui la tapisserie de Bayeux est un document
historique encore plus précieux, s'il tsl possible, que pour nous, n'ont épar-
gné aucun frais pour en obtenir des reproductions d'une exactitude irré-
prochable.
Il y a bien des années déjà, en iVlC, la Société des antiquaires de
Londres envoya à Bayeux le dessinateur Charles Stothard pour en re-
lever les moindres détails. Il exécuta un fac-similé de la tapisseiie,
qui fut publié en 181S, dans le 6*^ volume des Vetusta monumcnta, et
qui peut passer pour un vrai chef-d'œuvre si l'on songe à la façon dont
on comprenait le moyen Age au commencement de ce siècle. .Mais l'inap-
préciable concours que la photographie est venue apporter aux études
archéologiques nous a rendus aujourd'hui plus difticiles; on ne se con-
tente plus, pour des monuments d'une pareille importance, de reproduc-
tions par à peu près; on exige une exactitude mathématique, qu'un
dessinateur, quelque habile qu'il soit, ne saurait atteindre. Les Anglais,
qui ont eu le mérite de publier la première reproduction fidèle de la tapis-
serie de Bayeux, ont eu celui de sentir les premiers l'utilité qu'il y au-
rait ;\ faire photographier en entier cet incomparable document.
Le Committec ofcouncil on éducation s'entendit en 1871 avec la muni-
cipalité de Bayeux, et chargea un artiste de talent, M. Dossetcr, de pho-
tographier la tapisserie. Malgré mille difficultés de détail, résultant de
l'impossibilité de déplacer le monument, M. Dosscter réussit à en pren-
dre de bons clichés, d'après lesquels il exécuta deux séries d'épreuves,
l'une en vraie grandeur, l'autre réduite de moitié. Un exemplaire soi-
gneusement colorié de chacune des deux séries a été offert par les mem-
bres du Committce à la ville de Bayeux; un autre exemplaire égdlemen
.'JlWi HKVLK. Anciii'oi.iuagri..
colorit^ a Hô di*po>6 au rnuséo do South Kpn>inglon. n(>[niis. la Sociélii
il'AriiniloI a fuH puliliiT ;\ >os fr.ii> les cUmix simIds do iili<i|(ij;r;i|ihi('8 exe-
cutives par M. Do-iSflcr. Kiiliii une ri'prodiu'tion n'diiile de ces olii liés a
«'•ti'' piiltlit^e pnr M. Tiarjk Mode l'dwkt* dans ^ou oxct'IIt'nle monographie
de l.i tapisserie do n.iyciix 1 . ('>• sont les jdanclu's de cel ouvrage, doiil
l'«*diicur Hothschild s'est rendu acquc^'our, qui ont servi i\ iilu^t^e^ lo
livre de M. ("onjte.
Ku publiant une nouvelle description de la tapisserie lie lîaveux,
M. r.onite a plutôt voulu faire une (inivre de vul^;arisalion qu'une œuvre
d'i^rudition pure. Il a surtout voulu oiïiir au public français une
image absolument exacte de ce monument, dans lequel le moindre
d/tail a son importance. «Mettre sous les yeux du lecteur une reproduction
intégrale do la la|>isserie, en suivie avecini pape à page le développement
ininteirompu, rendre la si)cces>ion de? l'ail> plus claire par (juelques ex-
plicaiions empruntées ;\ l'histoire et à l'arc liéologie ; sur les point> contro-
versés, reproduire, en les r^sumanl, les interprétations les plus probables;
mais en m(?me temps éviter tout vain étalage scientitique», voilà le but
que s'est proposé M. Comte. Je m'empresse de dire qu'il a su remplir
avec autant de mesure que de goi\t le programme qu'il s'i'-tait tracé. Un
ne trouvera j)as dans la dissertation do M. Comte des aperçus bien nou-
veaux; il n'a guère fait en somme que résumer, il l'avoue lui-même, les
principales observations contenues dans l'excellente notice de M. l'abbé
Laiïetay (2), ou dans lo grand ouvrage de M. F-ivvke ; mais entre
ces ob>ervations il a su choisir les meilleures, et l'on peut, giAcoAlui,
avoir une connaissance suffisante des théories consignées par M. Fowke
dans Bon bel ouvrage, presque introuvable en Fiance.
Les conclusions de M. Comte sur l'origine et sur l'ûge de la tapisserie
sont les mOmes à peu prés que celles de MM. Fowkeet (.alVelay. Pour lui,
la tapisserie est une œuvre normande, in^pirée i)ar lévéque Odon, com-
mandée par lui peut-ètie, ou par le chapitre de Ha\eux, et exécutée très
probablement sous la direcùon la reine Maihilde. La reine a-t-elle, elle-
même, tenu l'aiguille 'i! les biodeuses étaient-elles Anglaises ou Françaises?
C'est un point sur lequel il ne se prononce pas.
On ne peut guère aujourd'hui présenter d'objeciions sérieuses à ces
conclusions; elles s'appuient sur des arguments nomlireuv et pour la
plupart inailaquables. J'aurais voulu cependant que M. Comte fût plus
sé\ère dans le choix de ces arguments; il en est de for! im[)oriants qu'il
passe presque sous eileacc, d'autres moins bons aux(]uels il s'arrèic trop.
Je m'étonne, par exemple, qu'il n'ait pas fait une élude comparative entre
(1) The Itfii/eiir ia/iestn/ rr/iio/luccd tu nulolj/i'e plates, tiilli hittoric notai, by
Frank Mode F<twko l.ondrcn, 1K75, ^r. iii-Zj", aux fr.ii» ilc l:i Suciété d'Anindi'l.
(2) Solirr hisltiiit/ur et f/r »r/-//(/iir .sur la tiijussrrir dite iln la reine Miitliilde
(exposée k la Bibliuilièquu de Ua}uu&;, pur ral>l>c J. Laiïetay; 2" ùdil., Uaycux, 1877,
iJiBLiooiiAPnii:. 'VJI
les dessins de lat;ipiss(!riccl les minialuresdes inaimscrit8fraii(,aisouanglo-
normaiids du xi" siècle que nous posRi^dous en assez grand nombre dans lus
principales bibliothèques d(! I-'iaiice ou d'Angleterre. Je m'étonne qu'il men-
tionne à [teinta ce poème dans lequel H.iUiiiy de Houriiueil décrit une tapi^ise-
rie semblable à (elle de IJayeux, qui aurait orné la chambre de la i)rincesiC
Adule, la tille de Guillaume le Conqiiér.uit (1). A coup sûr la tapisï<erio de
la princesse Adèle, si elle a jamais été autre chose qu'un produit de l'ima-
gination de Haudry, ne peut être la mOme que celle deMayeux, car celle-
ci me.^ure 70 mèlies de long, et n'auiail jamais pu tenir, comtiic le
dit le poète, dans l'alcOve de la princesse. Mais si, comme c'est probable,
la description de Itaudry est une œuvre de pure imagination, ne d-jit-on
pas croire que son auteur connaissait la tapisserie de Bayeux, et qu'il
s'en inspirait, quand on voit le curieux parallélisme qui existe entre son
récit et les scènes représentées sur la toile ?
Le poème, il est vrai, ne commence qu;\ la mort d'Kdoiiard ; mais tous
les détails qu'il mentionne se retrouvent presque dans le même ordre
sur la tapisserie. C'est d'abord l'apparition de la comète de lOGG; l'allocu-
tion de Guillaume aux Normands, à la suite de laquelle il ordonne de cons-
truire des navires; l'abatage des arbres, la construction des vaisseaux, le
transport des trou[»es et des chevaux, l'arrivée en Anglelerie, la bataille,
la mort d'Harold, la fuite des Anglais. Le poète, eu décrivant la bataille
d'Hastings, entre ^Jan^ de longs détails bur la tactique employée par Guil-
laume, sur le rôledes archers, qui cherclient à attirer Tennemi au combat,
qui le harcèlent de leurs flèches, et l'étonnent par leur façon de combattre
inconnue aux Anglais. On retrouve tout cela sur la tapisserie de Bayeux.
11 n'y a pas jusqu'aux légendes si précieuses qui accompagnent cliaque
scène qui ne soient mentionnées par le poète :
Lillera signabat sic res et quasque liguras.
Ut quisquis videat, si sapit ipsa Icgat. (v. 565-566.)
M. Delisle, en publiant les vers de Baudry, signalait ces importants rap-
prochements et concluait (ju'il faudrait dorénavant en tenir comp.e toutes
les fois que l'on discuterait l'ûge de la tapisserie de bayeux. M. Comte, qu;
a certainement lu le poème, n'en a pas, je crois, tiré tout le parti qu'il
convenait.
Kn revanche il accorde peut-être trop d'iu)portance à certains détails
qui ne sont pas aussi caracléii>liques qu'il semble le croire. C'est aitiïi
que l'emploi de l'arc plein-cintre dans toutes les constructions tiguroes
sur la tapisserie, Tabsence totale d'arcs brisés, ne sauraient prouver que
(1) Ce poème a été publié par M. Léopoid Delisle (Caeu, Le lilanc-llardel, 1871,
in-ù").
;{'J.S IlEVUR ABCHÉOLOGIQUK.
l'auteur vivait au xi* siî'cloct non nu xii». Tout lo monde ?ait, en pfTol, que
si l'arc brisô osl devenu d'un usage j:i'iii^rnl en architecture di^'s lexii" sii^-
clc, l'arc en plein cintre n'en n pas moins eontinui^ à Ctre employé à peu
prùs seul dans toutes ces reprt^senlations d'édifices que l'on voit sur une
foulo de peintures, do pit''cos d'orrt''vreiip, de fra^Miierils d'iMolTes, etc.
I-es éniailleurs de Limoges en jilein x ii" sii'de flj^uraicnl encore sur leurs
chAsses des iMicules en plein cintre. C'est donc une particularité qui n'a
pas grande valeur en elle-même pour dater la tapisserie.
L'emploi des raniCï< comme gouvernail, l'absence d'armoiries, sont éga-
lement des dt'taiis (jui ne peuvent dénoter exclusivement une œuvre du
XI* siècle. Ils conviendraient aussi bien à un travail de l'an 1 liiO.
Lnliu les lettres employées dans les légendes appartiennent bien à. la
fin du II* siècle, mais il n'en est pas une peut-être qui, prise isolément,
ne pourrait se rencontrer également au siècle suivant. 11 est donc témé-
raire do dire que w les W qui sont employés dans la tapisserie suffiraient
à donner sa date ».
Ce sont là des arguments assez faibles, cl auxquels on peut renoncer
sans amoindrir en rien la valeur des conclusions auxquelles M. Comte
s'est rangé après MM. Laffetay et Fowke.
Après avoir discuté l'Age et l'origine de la tapisserie, M. Comte
en a minutieusement décrit toutes les parties. Cette description est faite
avec beaucoup d'exactitude et de tact. Il a sur presque tous les points
obscurs adopté l'opinion la plus plausible, et il a su se mettre en garde
contre les solutions par trop ingénieuses que l'on a parfois données de
certaines scène?. M. Fowke, par exemple, dans son remarquable commen-
taire, est parfois bien subtil, dans la scène où l'on voit llarobJ arrêté par
le comte Gui et conduit par lui à Beaurain (pi. S et 'J)> i' croit pou\oir
distinguer le comte de son prisonnier, ù. ce que l'un monte un cheval et
l'autre un mulet, ce qui semble au commentateur une précaution prise
pour emi'èchei' llarold d'échapper ci son escorte. Or il faut bien dire que
les montures des deux personnages ne présentent aucune des ditl'é-
rences spécifiques qui devraient les caractériser et que l'artiste, malgré son
inhabileté, aurait su figurer s'il avait eu l'ingénieuse idée qu'on lui sup-
pose. On est trop souvent porté, comme dans ce cas, à prêter trop d'es-
piil aux artistes dont ou interprète les œuvres, (iela est vrai pour toutes
les époques, mais surtout jiour le moyeu ûge. M. Comte l'a compris et a
EU se garder de cet écueil.
Ln résumé, le livre de M. Comte olTrc un exposé bien lait des principales
conclusions auxquelles l'étude de la tapisserie de Hayeux a conduit les
érudils, et, (luoiqu'il prétende n'être qu'une œuvre de vulgarisation, il
pourra rendre de réels services aux arcbéologucs. (Vesl donc une publi-
cation reconim.indable à tous les points de vue, qui \ient se joindre i\
cette nombreuse liste de beaux et de bons ouvrages édités depuis quel-
ques années par la maison Itothschild.
H. !..
HIIILIOGUAI'IIIK. 'V'i'J
Manuel de philologie classique, d'apW'H le Trienuium philnlngicum de
\V. Fround et Ira (htriiicrs travuiix t\i- r'/nidiiion, par Saiomon Hkinacii, ancien
élùvo do l'École nonuale, agPvigù do rUiilyersiié. I toI. in b de 405 paKos, 1880,
Haclictto.
Nous appelions depuis longtemps de lous nos vœux le moiuenl où les
Iravadleurs fiançais (jui abordctil l'étudo de l'anliquilé auraient à leur
disposition un de ces manuels comme rAllema^;neen possède à peu près
pour toutes les branches de lu connaissance humaine. Celui-ci a pour ca-
nevas premier un ouvrage allemand, liiTrienniumfthiloloijicum de Freund,
le savant aul( ur du Dutiujuinire latin qui a él6 Iraduit par M. Theil ; mais
il sul'Hl de le parcourir pour deviner tout ce qu'y a ajouté, à l'aide de ses
propres leclures, M. Salomon Reinacli. Dans une courte préface, il in-
dique, en termes excellents, quels sentiments l'ont conduit, pendant ses
années d'école normale, à entreprendre ce long et difficile travail :
« Dans la pusition privilégiée où je ma trouvais, A portée d'une biblio-
thèque clast^ique admirable où d'éminenls rrudits provoquaient et diri-
geaient mes recherches, je songeais souvent aux maîtres d'éludcs de nos
lycées, aux professeurs de nos collèges communaux, à tant de jeunes
gens laborieux qui, leurs années scolaires terminées, sont arnltés au seuil
d'études nouvelles, moins par Icmanque de connaissances premières que-
par l'ignorance des sources où la science se puise et où ses lésullals s'ac-
cumulent. C'est pour eux que j'ai travaillé, pendant les heuresde loisir de
mes deux dernières années d'école; c'est à eux surtout que je m'adresse,
et c'est leur approbation qui sera ma meilleure récompense. Je ne pré-
tends pas leur apporter la science : je dis où elle est et où elle en est ;
je ne leur offre pas les matériaux, mais les instruments de leurs travaux
futurs. »
Voulez-vous juger de la manière dont M. R. a rempli son programme
et de la variété des matières qu'il a fait entrer dans ce cadre ? vous
achèterez et vous manierez ce volume, qui est d'un foruiat commode
et d'un prix très modique. Le manuel doit prendre place dans la biblio-
thèque de tout apprenti philologue, sur un rayon bien à portée de la
main. Nous ne pouvons que transcrire ici la table des chapitres ; elle
donnera l'idée de tout ce que l'on peut demander à ce compagnon de
travail, avec la certitude de trouver dans ses analyses et ses notes un
commencement de réponse ou d'être au moins renvoyé, comme par
un intermédiaire obligeant, à l'ouvrage qui contiendrait le renseigne-
ment désiré, la partie de la science à laquelle on prétend s'initier.
Livre L Objet et histoire de la pliilologie.
— IL Bibliographie de la bibliographie.
— m. Épigraphie, paléographie critique des textes.
— IV. L'art antique et son histoire.
— V. Numismatique.
— VI. Grammaire comparée du sanscrit, du grec et du latin.
— VII. Histoire politique et littéraire, philosophie et science de
l'antiquité. (Bibliogrn-)Mc).
4(K) IIKVUK AnCHKOLOGiyUK.
— \lll. Musiqiifi lies anciens.
— I\. Mi'triqui' di's anciens.
— X. I.cs niiljquilt's de la Cirèce.
— .M Aiiliqiiili's roniuinos.
— XII Mytiiolopio.
Lo Ipxlo est parlay(^ en trois groupe.^, qui l'accompagneiil et qui l'ai-
dent perpéluelloineiit. I! y a d'abord les paiagraiihes (qu'on aurait peut-
t^tre bien fait de numéroler) dans lesquels sont intljqui^cs 1( s idées
pt'ni'ralts et les faits les plus inipoilanls ; \ieniicnl ensuite les com-
pléments, en caraciéres moins gros, pour lesquels eonl résertés les
di tails et les faits d'importance moindre; enfin des notes au bas des
pages comprennent les renvois, citations, lisies d'ahréviations ou de
foruies. On a peine à comprendre conmient il a été po.^sible de resserrer
dans un volume de quatre cents p.iges tant de matière; le mérite en
revient, dans une certaine mesure, à l'habile éditeur et à la netteté du
caractère qu'il a choisi. Toutes fines que soient les lettres employées
pour les notes, elles se laissent lire môme par des yeux déj:i fatigués;
elles n'effrayeront pas les jeune- gens auxquels ce livre i si surtout destiné.
Il serait ;iisé de se donner le plaisir de relever, dans chaque partie
pour laquelle on .-erait compétent, des omissions ou des erreurs qu'ex-
pliquent à la fois la nature même du livre et le désir très vif et très
sincère qu'avait l'auteur de le mettre le plus tôt possible à la dispo.^iiion
do ceux auxquels il était destiné ; la première édition d'un i)areil ouvrage
ne peut être qu'une sorte de brouillon, un exemplaire formé d'épreuves
que l'on comrimnique au\ gens du métier, aux Fach'jtiiKSscn, comme
disent les Allemands, pour les iu\iier à fournir bénévolement leurs a'idi-
tions et leurs corrections. M. R. appelle de si bonne grâce sur son œuvre
les sévérités de la criiique qu'il les désarme d'avance. Nous lui signale-
rons le chapitre Consacré à l'histoire des arts comme méritant une revi-
sion attentive; d'autres lui feront sans doute des ob.-ervations du même
genre sur d'autres parties. Quelques fautes que l'on puisse relever, pour
apprécier le service rendu il faut songer au profit que tirera d'un pareil
manuel le jeune liomme inexpérimenté, mais intelligeul et laborieux,
qui, loin des grandes bibliothèques, loin des maître> qui pourraient le
prendre par la niain et le guider, entreprf'tidra seul, dan^ (juelque sous-
préft'clurc, soit de se préparer A un examen de licence ou d'agrégation,
soit de réunir les matériaux d'une thèse de doctorat. Consultez-le, après
qu'il aura pratiqué pendant un an ou deux le Manuel, et la gratitude
dont vous recevrez la confidence vous di.>-poseraà liiouiplier moins fière-
ment des mé(»iises écbapiiées i\ une rédaction qui, vu la quantité des
ou>rage»à dépouiller et à ciler, paraîtra toujours u\oir i lé qiu'lque peu
hAtive ! (•. I'kuuot.
Paris. — Typ. I'ili.i.t ii Dlmuilik, j, rue dub GruiiJs-Augusiiij.s.
TABLE DES MATIERES
CONTINUBS
DANS I.L: TllIiNTE-NEUVlÈME VOLUME DE LA NOUVELLE S^lUE
LIVRAISOX DE JANVIER
I . — Les terres cuites de Babylonc, par M. Léo.n Helzet I
II. — La Victoire de Samotlirace, par M. Cn. Ciiaiipoiseau 11
III. — Note sur des inscriptions et des antiquités provenant de Bourbouiic-
les-Bains, par M. Cuabouillet 18
IV. — Catulle, XXIX (texte et commentaire), par M. E. Benoist 38
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois de décembre) 51
XouvoUes archéologiques 56
Bibliographie C3
Planches I. — Terres cuites babyloniennes.
H. — La Victoire de Samothrace.
III. — Antiquités de Bourbonne-les-Bains.
LIVRAISON DE FEVRIER
I. — Noticesur des inscriptions et des antiquités provenant de Bourbonne-
les-Bains {suite), par M. Chabouillet 95
II. — La borne milliaire de Paris, par M. Ernest Desjardins 86
III. — La médecine publique dans l'antiquité grecque, par M. le D"" A. Vi;r-
COUTRE 99
IV. — Lettre à M. le Directeur de la Revue, par M. Fcstel de Coulanges.. lll
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois de janvier) . . 114
Nouvelles archéologiques et correspondance 115
Bibliographie , 121
Planche IV. — Antiquités de Bourbonne-les Bains.
XXX) X. 'z7
40i HKVUK AIlCHKOLOUigUli:.
LIVIIAISOX nE MARS
1. — Notice sur di's inscriplions etdes antiqiiitt5s proveiKint do Bourbonne-
Ics-Hains [nuit''), par M. Chaboui.i.it 120
II. — La borne milliairo de Paris, par M. Krneit Uksjaiu'ins 140
IH. — Scpuliiiri' antique de Cerclolo (près de Bologne, Italie), par M. H. -A.
Maiaiid 101
IV. — Un nouveau cachet d'oculiste romain découvert à Fontaiiie-en-Solo-
gne Loir-et-Clier), par M. le marquis de BociiAMnEAU 178
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois de février). 183
Nouvelles archéologiques et correspondance 18û
Bibliographie , 196
Planche V. — Bjruc milliaire de Paris.
LIVRAISON D'AVRIL
I. — La borne milliaire de Paris {suite el /i«), par M. Ernest Desjah-
DI?IS 201
II. — Exploration du tumnius de Kerhué-Bras, par M. P. du CiUTEtUEn.. 210
m. — La richesse et le christianisme à l'âge des persécutions, par M. Edmond
Lb Blant 220
IV. — La médecine publique dans l'antiquité grecqne {sui(e), par M. le D''
A. VtncouTRB 2'.<1
V. — Comment périt l'institut druidique, par .M. V. DunuY 267
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois de mars) 253
Nouvelles archéologiques 254
Bibliographie 238
Planches VI. — Tumulus de Kerhué-Bras.
VII. — Les trois routes romaines de Paris à Reims.
LIVRAISON DE MAI
1. — Les monnaies à légi^ndes grecques de la dynastie turque des fils du
Danichmeud, par M. Gustave SciiLUMnKUCEii 273
II. — Liste des principales sépultures el cimeti. res mérovingiens de la
Gaule et des contrées voisines, par M. Alex. Bkiitrand 285
III. — Archéologie gauloise, par M. Ed. Floubst 294
IV. — La médecine publique dans l'antiquité grecque (si<(ïe), par M. le D'
A. Vercol'Tre 309
V. — Notice sur la restauration du Parlhénon, par M. E. I,oviot 322
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois d'avril) 33.'i
Noiivelleà archéolugiijues , 334
PLA^CliE VIII. — Monnaies des Danicbmend.
LIVUAISON Di: Jl IN
I. — L'autel de Sainte» et les triades gauloises, par M. Alex. Bertran»
(prcoiicr article) 3o7
TA II M', MRS MATlkUES. iO^J
il. — LatnWeciiio piiblique dans l'iiniiquiiii (;rcc(|iie {suite et /iu], par AI. le
U"" A. VKncotiTriK ■'''«8
11. — Uesiitutinn A l:i vill(! de Milii', en Sicile, de plusieurs niomiaics aliri-
biii'i'H .1 Mytislratiis Ue la iiiùine ile, par M. F^nniNANU IJoMi'ois
(premier article) 303
IV. — Observutions sur rinsciiptioii d Lsclimoun'jzar, par M. J. ni'.m;N-
BOUHtt •***"
Bulletin mensuel de l'Académie des iiiscriplions (mois de mai) 387
Nouvelles arcliéolosiipies et correspondance 388
Bibliograpliie • ■ ^'J^
Planches IX. — Autel gaulois de Saintes, face anléricurj.
X. — Autel gaulois de Sainte», face postérieure.
TABLE ALIMlAliETIOUE
PAU NOMS D'AUTEURS
*'*■. — Étude nouvelle sur Homère : la
Société au temps d'Homère, par
M. Louis Paci.ut, p. 271-272 (Bibl.).
Anonyme. — Leçons de calcul d'Arya-
bliata, par M. Léon Rodet, p. 127-128
(Bibl.).
A. B. — Bulletin mensuel de l'Académie
des inscriptions, mois de janvier, p.
ll/( (février) ; — mois de février, p. 183
(mars) ; — mois de mars, p. 253 (avril^;
— mois d'avril, p. 333 (mai); — mois
de mai, p. 387 (juin).
A. B. — Un monument fjaulois dans les
Vosges, p. 388-390 (Nouv. et corr.).
AiXAr.D (Pâli,). — L'art paien sous les
eni|iereurs clirétiens, p. 123-125 (Bibl.
par M. P. Ducuesxe).
Babfau (Albert). — La vie municipale
au w" siècle dans le nord de la France,
par M. le baron A. de Galonné, p. 26S-
271 (Bibl.).
Benoist (R.). —Catulle, p. 38-50 (jan-
vier).
Bertrand (Alexandbe). — Liste des prin-
cipales ;-épulturcs et cimetières méro-
vingiens de la Gaule et des contrées
voisines. 2"^ liste (pays allemands),
p. 285-293 (mai).
Bertrand (Alexandbe). — L'autel de
Saintes et les triades gauloises,
p. 337-3/i7, 5 fig., pi. IX et X (juin).
BoMPOis (Ferdinand). — Picstitution à la
ville de Myla; en Sicile de plusieurs
monnaies attribuées à Mytistratus, de
la même île, p. 303-379, 2 fig. fjuin).
Bouché-Leclercq (a.). — Histoire de la
divination dans l'antiquité, p. C3-Gi
(Bibl. par M. G. Maspero).
Calonne (baron A. de). — La vie muni-
cipale au xve siècle dans le nord de
la France, p. 26S-271 (Bibl, par
M. Albert Babeau).
Ciiabouillet. — Notice sur des inscrip-
tions et des aniifiuités jirovenant de
Bourbonne-les-Bains, p. 18-37. pi. lil
(j:-.nvier) ; — [suite), p. C5-S5, pi. IV
(février); — (.yu/7e), p. 129-1Î5 (mars).
Cmasipoiseau (Charles). — La Victoiie
de S;imotbrace, p. 11-17, l fig., pi. H
(janvier).
Chatellieb (P. du). — Exploration di:
tumulus de Kerhué-Bras m Pionéour-
Lanveni (Finistère), p, 210-219, 8 fig.
pi. VII (avril).
Comte (Jules). — La tapisserie de
Bayeux, p. 395-393 (Bibl. par M. R. L).
Derenbourg (J.). — Encore quelques
observations sur l'inscription d'Escli-
moun'azar, p. 380-386 (juin).
<!••-
lu.vi K vnciiKoi.or.Ktrr.
Dr<;jABDiNs 'Kn\FST;. — î.n borne mil- |
liaircdi- Paris, p. SC-OR, '_> Hg. (fiHTiir) ;
— (suilr:. y. liC.-H'.O, pi. V (mars);
_ {suiir), p. i01-:209. pi. VI (avril).
^lCllES^B (P.i. — L'i»rl p.iicn sous les
oinporpurs clin'tioiis, par M. Pail
Aii.AnD, p. 123-12:» nibl.;.
Dini'Y (V.). — Comment pûrit l'institut
driiid-quc, p. 2/i7-232 (avril).
EnFns(GF.oi\r.F.s). — I.'Kpyptc, Alexandrie
et le Caire, p. 121-123 (Bibl. p:irM. G.
PEnnoT).
E. I- B. — Henl Encyklo|.aedic <ler
cliristliclien A'tertliuemcr, von F. X.
KnAis, p. 207-2GS (Bibl.).
Floiest (Ed.). — Archéologie gauloise.
Un casque en fer et des bouterolles de
fourreaux d'épée. p. 29ii-308. 10 fig.
(mai).
Fi'STPL DE CouLANGES. — Lettre à M. le
Directeur de la Revue, p. 111-113
(rivricr).
Q (Cn.). — Les études archéologiques
en Espagne, p. 301-392 (Nouv. et
Cîrr.).
G. P. — Les institutions sociales et le
droit civil à Sparte, par M. Ci.Aiinio
Ja^:set, p. 128 (Bibl.).
C, p. _<[iw/.at/.â, étude historique Cl to-
pographique, avec sept planches et
unecartetopographique,parM.PAPPA-
DOPOLLOSKEnAMELS,p. 108-199 (lîil.l.).
G. P. — Thanatos (30'" programme pour
la fête ('2 AVinckclmanii, célébrée par
la Société archéologique de Iterlin),
par M . Caiii. HonEnT, p. 1 99-200 (lUbl.).
G. p. — Géographie de Strabon, par
M.Amkdée Tardieu, p. 200 (Bibl.).
Hel/ey (Léon). — Les terres cuitfs
babyloniennes, p. 1-10, pi. I (janvier).
Jarnet fCLAiDio). — Les institutions
sociale» et le droit civil h Sparte, p. 128
(Bibl. par M. G. P.).
Kracs'F.X.). — Boul Encyklopnedie der
chrisilichen Allertbuemer, p. 207-208
(Bibl. par M. E. L. B.).
Le Bi-ant (Edmond). — La richesse et le
chrisiianisnie h l'ùge des persécutions,
p. 220 230 ^•^v^ilj.
Lbeman (D')- — Cimelièresmérovingien.
(ieh Pays-Ba^ p. 50-07 ^Nouv. <t
corr.;.
LEPonT (L.). — Tombe gallo-romalni'
du rimctit-ro de Mazifrre» Cher),
p. 185-180 (Nouv. et corr.).
Li!<*s'CMAnif.snE). - Antiqtiii'"'^ •■'•yilii-
ques, par M. A. L Odobesco, p. 258-
207(Bil.l.).
LovioT (E.). — Mémoire sur la restau-
ration du Parthénon,p. 322-331 (mai).
MAsrrno (0 ). — Histoire de la divination
dans l'antiiir.iti-, par M. A. Bot ciié-
Li:ci.Ei\ro, p. 63-66 (Bibl.).
MA7,Ann (H. -A.). — Sépulture antiiuo
(le Coretolo. pr^s de Bologne (Italie),
p. 101-177 (mars).
OnonFSf.o^\.L). — AntiquitéBsrylhiques,
p. 258-207 (Bibl. par M. Ch. de Linas).
PAPPAi>oron,os KEnAMEis. — «I>wy.aixd.
élude historique et topograpbique,
avec sept planches et une carte topo-
graphique, p. 198-199 (Bibl. par
M. G. P.).
Pai'dat (Louis). — Etude nouvelle sur
Homère: laSociété.iu temps d'Homère,
p. 271-272 (Hibl. par M. ***).
Perrot (G.). — L'Egypte, Alexandrie et
le Caire, par M. Georges Ebers, p. 121-
123 (Bibl. .
Perrot (G.). — 'I(TTOpixT^ ÊxO£<Tt; twv
Tipà^Eiûv Tr,; Èv 'AÔir.vaï; àp/aio) oy tv.ti;
ixaipia; ànô tt,; !5pû(Tîw:a'JTr,;TÔ 1837
jAr/(>i To'j 1879 t:)£'jt(I)vto;, p. 125-127
fBib!.).
Perrot (G.). — Pérou et Bolivie, récit
de voyages, par M. Ch. Wiener,
p. 196-108 (Bibl.).
Perrot G.). — Manuel de philologie
classique, par M. Sai.omon Beinach,
p. 309-/(00 (Bibl.).
Reinach (Joseph). — Statue de Jupiter
découverte ;\ Gaza (Syrie), p. 57-58
(Nouv. et corr.).
Reinach (Salomon). —Manuel de fihilo-
logie clussique, p. 399-/|00 (Bibl. par
M. G. Perrot).
R. L. — La tapisserie de Bayeux, par
M. JiLES Comte, p. 395-398 (Bibl.).
R. M. — Nécrologie. Le docteur Franz
Stark, p. 332 (mai).
Robert (Carl). — Thnnatos (.iO"" pro
gramme pour la fête de U'inckelmann,
célébrée jiar lu Société archéologique
de Berlin), p. 102-200 (Bibl. par
M. (1. P.^
nor.HAMREAi' (marquis de). — l.'ii nou-
veau cachet d'oculiste romain décou-
vert i\ Fonlaine-en-Sologne (Loir-et-
Cher), p. 178-182.1 «g. (mars).
RoDRT (Léon). — Leçons de calcul d'A-
ryabhaln, p. 127-128 (Bibl. par un
anoiiymo).
TAHLE DKS MATI KUFS.
Sr.ni,UMBF.nr.En (Gustave. — Les mon-
naies ;i U'Rondf's grecques de la
dyiiastioturi|UC(Jesfils(iiiI)aniclimciKl,
p. 273 28'i, pi. Vlll (mai).
TAfiDiEU (Amkdée). — Géographie do
Sirabon, p. 200 (Bibl. par M. G.
P.).
VEncouTRE (D' A.). — La médecine
publiiiuc dans l'antiquité grecque,
p. 99-110 (février); — (.vKîYe), p. 231-
407
2'»(i(avril); — (vui/f?), p. 309-321 (mai);
- {suiti: ut fiu), p. ;j '(8-302 (juin).
WEium (G.). — F^cs fouilles dcPcrgame,
p. 188-193 (Nouv. ctcorr.).
WiKNKn (Cil.). -- Pérou et Bolivie, r^^cit
(le, voya(î<s, p. 106-198 (Bibl. par
M. il. l'EllIlOT).
X. — Biilleiin mensuel do l'Académie
des inscriptions, mois de décembre,
p. 51-55 (janvier).
TABLE MÉTHODIQUE
I. SOCIÉTÉS ET NOUVELLES. — II. EGYPTE ET ORIENT.
m. GRÈCE. — IV. ITALIli. — V. FRANCE. — VI. PAYS DIVERS.
Vil. BIBLIOGRAPHIE, LINGUISTIQUE.
1. SOCIÉTÉS ET NOUVELLES.
Nouvelles archéologiques et corrci;. a-
dance, p. 56-62 (janvier) ; — p. 115-
120 (février); — p. 184-195 (mars) ;
— p. 254-257 (avril); — p. 334-336
(mai); — p. 388-394 (juin).
Bulletin mensuel de l'Académie des ins-
criptions, mois de décembre, par
M. X., p. 51-55 (janvier); — mois de
janvier, par M. A. B., p. 114 (février);
— mois de février, par M. A. B.,
p. 183 (mars); —mois de mars, par
M. A. B. , p. 253 (avril); — mois
d'avril, par M. A. B., p. 333 (mai);
— mois de mai, par iVl. A. B., p. 387
(juin).
Réclamation de l'Académie des sciences
de Vienne (Autriche), p. G2 (Nouv. et
corr.).
Thanatos (39e programme pour la fùte
de Winckclmann, célébrée par la So-
ciété archéologique de Berlin), par
M. Carl Robert, p. 199-200. (Bibl.
par M. G. P.).
'loTOptx^i ëzOîTi; Twv Tcpâ;£wv Tr,; Èv 'AOvi-
vaî; àpxaio/OYiy.îiîStaipiotçàTiô tt,: lop-j-
(7£w; a-jTT,; -6 1837 jxî/.pi toû 1879
-tlvj'ûi'no;, p. 125-127." (Bibl. par
M. G. Perrot.)
Antiquités grecques et romaines entrées
en 1879 au musée du Louvre, p. 115-
117 (Nouv. et corr.).
Un vase phénicien de la Bibliothèque
nationale, p. 335 (Nouv. et corr.).
Inauguration du Metropolitan Muséum
of art, New- York, p. 255 (Nouv. et corr.).
Exposition des arts décoratifs, p. 194-
195 (Nouv. et corr.).
Mission de M. Désiré Charnay au Mexi-
que, p. 334 (Nouv. et corr.).
Sommaires de publications archéologi-
ques, p. G2 (Nouv, et corr.) ; — id.,
p. 118-120 (Nouv. et corr ); — id.,
p. 186 et p. 195 (Nouv. et corr.); —
id., p. 255-257 (Nouv. et corr.); —
id., p. 335-336 (Nouv. et corr.) : — id.,
p. 392-394 ^Nouv. et corr.).
Nécrologie. Le docteur Franz Stark, par
M. R. M., p. 332 (mai).
II. ÉGÏPTE ET ORIEXT.
LEgypte, Alexandrie et le Caire, par
yi. Georges Ebehs, p. 121-123 (Bibl.
par M. G. I'ekrot).
Enlèvement de l'aiguille de Cléopâtre à
Alexandrie, p. 61 (Nouv. et corr.).
Les terres cuites babylonienne?, par
M. LÉON Heizey, p. 1-10, pi. 1 (jan-
vier).
Encore quelques observations sur l'iiis-
criplioud'Eschmoun'azar, parM. J. Dt-
uenbourg, p. 380-386 (juin).
Statue de Jupiter découverte à Gaza (Sy-
rie), par M. Joseph Ri:inacu, p, 57-58
(\ijuv. tt corr.,.
410
IU:VUK AUCIIhiOLOGIQUE.
Ix* fouillo* de IVr^jamc, par M. G. We-
B»:n, p. J88-J03 (Nouv. i-t corr.}.
«iHoxztxd, ctiido liistoriflU" cl topojrra-
plii(|in', avec sept plbiiolirs et une ciirto
inpogrnpliique, par M. l>Ai'rAnnpoui/)s
kttHAur.Ds, p. l'.tB-lOO ^llil;l. par M. C
III. GuÈci:.
Les mystères d'Eleusis, p. 390 (Nouv. cl
corr.).
Miimoire sur la roRtauralion du Partli'-
noi), par M. E. Loviot, p. 3'-'2-331
(mai;.
Transport des sculptures d'Olympie à
.\tlièiies, p. 187 (Nouv. et corr.).
Fouilles d'Olynipie, p. Gl (Nouv. et corr.).
Découverte à Olympie au mois do mats,
p. 33i ^.Nouv. et corr.}.
La VictoirpdeSamotiiraco,par M. C»A[i-
i.esCiiAMroii.E.\o, p. 11-17, 1 lig., pi. II
(janvier).
Les institutions sociales et le droit civil
à Sparte, par M. Claudio JA^i^ET,
p. 128 (liibl. par AL G. I'.).
Les monnaies à légendes grecques de la
dwi;i!-tie turque des fils du Danicli-
meud, par M. Gustave ScuLUUBEitGLit,
p. 273-284, pi. VJIl (inai^
IV. IT.VLIE.
Restitution à la ville de Myla,< en Sicile
de plusieurs monuaics attribuées à
Myii>tratus, de la même île, i)ar
M. Ferdinand Bompois, p. 303-379,
2 fig. (juin;.
Dernière fouille de Pompéi, p. 254 (Nouv.
et corr.).
Inscriptions découvertes à Rome, p. 184-
185 (.Nouv. ut corr.).
Les fouilles de Rome. p. 390-351 (Nouv.
et corr.).
.Sé|)ulture .iniiquc ut; Cereiolo, près JJo-
lo^ne (Italie), par M. H. A. Maraud,
I*. 101-177 (marby.
V. I U.\NCt.
hiploralion du lumuluH de Kerliué-Uras
en l'Ionéour-Lanvern (Kinislère), par
.M. I'. i.L (.inTr.i.uen, p. 2lo-i!lW, b
lli;., pi. Vil aviil,.
ArcliéoloRJc pauloisc. Un casque en fer
«•t des lio-.rif'rolW's de lourreaux d'épi'c,
par M. Ed. Flouest, p. 294-308, 10 fig.
(mai).
Gomment périt l'institut druidique, par
M. V. Dunuy, p. 247-252 lavril).
Lettre h M. le directeur de la Revue, par
M. FlSTBL DR GOULANCES, p. 111-113
(février).
L'autel de Saintes ot les triades gauloi-
ses, par M. Albxanuiib Recitrand,
p. 337-347, 5 fig., pi. IX et X (juin).
L'n monument gaulois dans les Vosges,
par Al. A. B., |i. 388-390 (Nouv. et
corr.).
Statue de Vénus découverte à Nîmes,
p. Gl (Nouv. et corr.).
La Véuusde Nîmes, p. 117-118 (Nouv. et
corr.).
Découverte gallo-romaine do M. Morel
a Nyons (Drômc), p. 187-188 (Nouv. et
corr.).
Notice sur des inscriptions et des anti-
quités provenant de Rourbonne-lrs-
Bains, par M. Giiabouili.et, p. 18-37,
pi. m (janvier;; —[suite), p. 05-85,
pi. IV (février); — [suite], p. 129-145
(mars).
Tombn gallo-romaine du cimetière de
Mazières (Gher), par M. L. Lekort,
p. 185-180 (Nouv. et corr).
Un nou\eau cachet d'oculiste romain
découviTt à Fontaine-en-Sologne (Loir-
et-Glier), par M. le marquis de Ro-
CHAMUEAt', p. 178-182, 1 fig. (mars).
La borne milliaire de Paris, par M. Er-
NKST De.'^jardins, p. 80-08, 2 fig. (fé-
vrier); — (AUt/f), p. 140-100, pi. V
(marsk — {suite), p. 201-209, pi. VI
(avril).
La tapisserie de Bayoux, par M. Jules
GoMiE.p. 395-39ti \Bibl. imrM. R. L.).
La vie nmnicipale au xv* siècle dans le
nord de la France, par M. le baron
\. UE Galonné, p. 268-271 (Bibl. par
M. .Alreiit Habeal).
VI. PAYS ÉIUAKGLhS.
Nouvelle découverte archéologique à|Mo-
naco, p. 58-01 (Nouv. et corr.).
Découverte d'un canot lacustrecu Saisse,
j). .■i3.'i (Nouv. et corr.).
Découverte d'un tombeau romain ii Bay-
f>rd (Auglclerre), p. 01-02 (Nouv. et
corr.;.
TAliLi: DES M ATI liULS.
411
Eglise de la période saxonne découverte
à Ayslebury (Angleterre), p . 334 (Nouv.
et corr.).
Anti<iuitijs roin.iinn^ dûcoiivertes à Tiè-
ves, p. 2j/j-'jr)5 (Noiiv. et corr.}.
Listn des principales sépultures et cime-
tières niéroviDRiens de la Gaule et des
contrées voisines, 2" liste (pays alle-
mands;, par M. Alexaimore liERTnAND,
p. 28:)-293 (mai).
Cimetières mérovingiens des Pays-Bas,
par M. le Df Leeman, p. 50-57 (Nout.
et corr.).
Antiquités scytliiques, par M. A. J.
OooiiEsco, p. l>.')8-i;67 (Bibl. par
M. Chaules de Linas).
Les Slaves primitifs, p. 187 (Nouv. et
corr.).
Les études archéologiques en Espagne,
par M. Cu. G., p. 391-392 (Nouv. et
corr.).
Pérou et Bolivie, récit de voyages, par
M.Cii. WiENF-n, p. 196-198 (Bibl. par
M. G. I'erhot).
VU. BIDLIOGRAPIIIE, LINGUISTIQUE
Bibliograpliie, p. C3-C4 (janvier) ; —
p. 121-128 (février); — p. 19G-200
(mars) ; — p. 258-272 (avril); —
p. 395-400 (juin).
Manuel de pliilologie classique, par
M. Sai.omon Rkinacii, p. 309-/li00 (Bibl.
par M. ('• . l'BnnoT).
Elude nouvelle sur Ilomcrc : la Soriété
au tcm|)3 d'IIoiniTc, par M. Louis Pau-
LIAT, p. 271-272 (Ilibl. par M. *'*).
La poésie de Pindaro et l«;s lois du li-
rismegrec, j). 193-iy.'j fiNouv. et corr.).
Catulle, par M. E. Benoist, p. 38-50
(janvier).
Réimpression d'Alaric, v« siècle, p. 188
(Nouv. et corr.).
Elistoirc delà divination dans l'antiquité,
par M. A, IfoucHK-LF.r.i.KficQ, p. 63-64
(Bibl. par M. G. Maspero;.
La riciiesse et le christianisme à l'âge
des pi'rsécutions, par M. Edmond Li
Blant, p. 220-230 (avril).
L'art païen sous les empereurs chrétiens,
par M. Pâli. Allard, p. 123-125 (Bibl.
par M. P. Duciiesne).
Real Encyklopae lie der christlichen Al-
tertliuemer, von F. X. Kuacs, p. 2<J7-
2C8 (Bibl. par M. E. L. B ).
Génçrapliie de Strabon, par M. Amédéb
Tardieu, p. 200 (Bibl. pur M. G. P.).
La médecine publique dans l'antiquité
grec(pie, par le D^A-Vercoutre, p. 99-
110 (février): — (suite), p. 231-246
(avril); — (suite}, p. 309-321 mai : —
(suite et fin), p. 348-362 (juin).
Leçons de calcul d'Aryabliata, par
M. LÉON Rodet, p. 127-128 (Bibl. par
un auonyme).
Nota. — Par erreur typographique le numéro d'avril a été paginé dans les 300
au lieu des 200. Il n'en est pas tenu compte dans la table.
FIN DE LA TAULE.
Paria.-a Typ. Pillet et Dumoulin, ;;, rue île» Gr.-Augustins.
Revue Archéoloôique I880
TERRES CUITES BABYLONIENNES
ET SON PIÉDESTAi
> l.Çi5
DAMO
CLAVDIA-
SVPES
L ' D ' EX ' D ^
A¥G
éo-^IAETOIVL
TES FIL
3 \ V S L M
K
^,,..£%J^
5«U^
ANTIQUITE
OURBONNE -LES-BAINS
nevue Archeolooique lOOo
ANTIQUITES DE BOURDONNE LES BAINS
Kevue Archëoloôique 1880
[
^
W~''
/
^
, — •
qJ
=> C
/
t
^^^"""^
i
2 '•
y
^ —
"^^'^
^
S
:^:t
/^
^
r ^
t*
< .•
x*
^
J
_) <-
j
-Z
:^
^
/
/^
(
\
1 A
0
< c
\
\
1/
o c
V-
^
\
Y \
1
o-'î:
v^^^
\
, \
l
j (
j
oc -5
^^
>v
\ 1
rS
(
:>^
s
—
tT
^
\
a
(
^
/a
^
)
V
^
=f
7 ^1
> ce
o
i
(
r
^
\
^V
1-
^
f
j
•^Z
X
\
(
d.
t /y
o
\
)
i . - /f
o
\
(
c
/y
o
\
)
V. 'A
y;
ce
\
C^
\ s.
è^
3
\
)
s
û
\
c *^ ?
r
\
\ Ua.'/
\
\
r «îy
C
»— •
\
/
/1
)
w
ce
\
\
{
l
^
^ /
\
\
1
\
\j _,
1 J ^
\
V
?
5 AT
\
)
D ^ \
''i
3
s^
1
\
\
c
/
>
s \
1
<L
V;
\
-c
■5
^l
\ '''
V
"-V
\
i )
\
\.ÏC
f;;
c
i
À
r\^
^ \Jj
y
\ /-'
\
iJ
\
^
^
v
a;
r>
^JS
^.^
^
^ )
\
5.
^
t<
V)
c
L
*,
^
-^
?
S
^'■^^ s
\
s
«-■
\
-i
\
5
'-'".
r
3
-t;
c c^
\
.i:
\
'4.'
c
*>
■"-
V
^\
• » c
\
t, -,
\
^
(^
Q
^-S 'Z'
■^ ^ \
\
^ ^
o
\
fc-;
•^
\
-J
C^ ^'
^"■^
\
^
<
o
\
\
"-^
■t
^
^
^ -
\
P
O
s.
>
/
. o
\
-i
\
c^^
<t. 1
\
V D
CA
/
/
\
■r. Ç
^ )
te
\
\
\ "
?
«C
1
X^
Q ^
■/
\ ^
1/5
•-v
L
\
\
^*S
\
\ ~
V.
~ \ "■
^
\
■>V O
-^ \ *"
\
\
^\
\ \
4. ^
V
1 ]
^^
*• \ ^
>-
î** r;
■^^
'y \ —
<->
/'
- C
^^ f \'~'
*C^
■^
Z ^
n^- V
V,
,
•—T ^
/
/
^
"L
A
'
*^
vIULUS DE KERHUÉ
Revue Archéologique 1880
MONNAIES DES DANICHMEND
AUTEL GAULOIS DE SAINTES
FACE ANTÉRIEURE
:8«<
AUTEL GAULOIS DE SAINTES
FACE POSTÉRIEURE
GETTY CENTER LIBRARY
3 3125 00459 3659