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Full text of "Revue archéologique"

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REVUE 

ARCHÉOLOGIQUE 


Janvier  à  Juin  1S80. 


//      XXXIX 


l'Ain-.  -  impiumeril;  pillet  et  dumoulin 

r»,   niE   DBS   CnANDS-ADGCSTINB 


REVUE    • 

ARCHÉOLOOIOUE 

011    UËGUKIL 

DE  DOCUMENTS  ET   DE   MÉMOIRES 

IIBLATIFS 

A  Vmm  DES  MOiMMKMS,  A  LA  MMISMATIQIK  ET  A  LA  PHILOLOGIE 

DR  l'antiquiti:;  et  nu  moyen  agk 

PUBLIÉS      r-AR      I.  KS      PRINCIPAUX     A  H  C  H  K  0  LOG  U  E  S 
p  II  A  N  r.  A  I  S    K  T    f:  T  H  A  N  G  F.  n  S 

et     arcom|ia^nés 

DE  PLANCHES  GRAVÉES  d'APRÈS  LES   MONUMENTS  ORIGINAUX 


NOUVELLE  SERIE 

VINGT-ET-UNIÉME    ANNÉi:.    -    T  H  E  N  T  E-N  E  U  VI  f'IM  i:     VOLUME 


PARIS 

Al'\    lUIRKAlJX    DE    LA   REVUE    ARCHÉOIO.G  ÎQI' E 
MBRAiRir:  ACAnibii^iE  —  niniRn  et  o 

QDAI    DES    AUGUSTINS,    35 

1880 


LES 


TERRES  CUITES  RARYLONIENMS 


Les  terres  cuites  de  la  Babylonie  cl  des  contrées  limitrophes,  bien 
qu'elles  forment  une  classe  à  part  et  facile  à  reconnaître,  sont  restées 
jusqu'ici  assez  négligées  (1).  On  est  porté  à  les  considérer  comme 
étant  généralement  de  basse  époque  et  à  s'étonner  qu'un  pays  qui  a 
été  le  grand  foyer  de  la  civilisation  orientale  n'ait  pas  produit  en  ce 
genre  des  monuments  plus  significatifs.  Un  examen  attentif  conduit 
à  des  conclusions  différentes  :  il  est  au  contraire  peu  de  régions  où 
ces  figurines  d'argile  fournissent  des  indications  aussi  neuves  et 
aussi  intéressantes  pour  la  science. 

Les  voyageurs  les  rencontrent  dans  toute  la  contrée  sur  la- 
quelle s'étendit  jadis  la  civilisation  clialdôo-babylonicnne,  d'a- 
bord à  Ilillah,  dans  la  région  même  des  raines  de  Babylone,  plus 
au  sud,  à  Ouarka,  l'ancienne  Orchoé  ou  Erech,  et  en  général  dans 
toute  la  Clialdée,  enfin  jusque  sur  les  monticules  de  débris  qui  mar- 
quent encore  aujourd'hui  la  position  de  Suse.  Les  fouilles  exécu- 
tées par  Loftus  (2)  dans  l'ancienne  nécropole  d'Erech,  énorme 
entassement  de  sépultures  superposées,  ont  prouvé  notamment  la 
destination  funéraire  de  ces  petites  images.  Les  plus  fines  se  trou- 
vaient toujours  autour  des  collines  artificielles,  tandis  que  celles 
qui  se  rencontraient  à  la  surface  des  mômes  collines,  en  relation 
avec  les  cercueils  vernissés  de  basse  époque,  étaient  d'un  travail  tout 
à  fait  barbare.  A  Suse,  l'explorateur  anglais  a  mis  la  main  sur  un 


(1)  Cette  notice  a  été  lue  à  TAcadéniie  des  inscriptions  et  bcllos-leltres,  dans  la 
séance  du  lo  décembre  1879.  Kilo  fait  partie  des  études  que  rauteur  a  entreprise 
pour  le  catalogue  des  terres  cuites  du  musée  du  Louvre. 

(2)  Loftus,  Travels  inChaldœaand  Susiana,  p.  219;   cf.  p.  379. 

XXXIX.  —  Janvier.  1 


2  llKVUE   .vnCHÉOLOCÎlQL'F.. 

dépôt  lie  ngurinos,  parmi  lesquelles  il  signale  plus  de  deux  ceuls 
exemplaires  liu  uu^me  lypo  et  aussi  un  précieux  fragment  de  moule, 
indices cerliins d'une  faliricilion  locale. 

Les  spécimens  de  ces  premières  fouilles,  cons,  rvés  au  .Mu.ée  hri- 
lanni(iue,  oiïrenl  à  l'étude,  par  leur  provenance  lijcn  constatée,  des 
points  (le  reju^re  importants  ;  mais  un  sérieux  intérêt  s'all.ulie  aussi 
à  la  collection  d'objets  de  la  même  origine  que  possède  le  musée  du 
Louvre.  Formée  en  partie  des  antiquités  recueillies  dans  le  pays  par 
feu  racitiijue  Delaporte,  consul  général  de  Trance  à  |{;igd;i(l,  elle  ne 
contient  pas  seulement  des  terres  cuites,  mais  une  grande  variété  de 
pièces  de  verre,  de  bronze,  d'os,  d'albAtre,  de  pierre  dure,  dont  la 
réunion  permet  de  faire  des  comparaisons  instructives.  Le  jnusée  a 
aussi  acquis  depuis  lors,  de  plusieurs  voyageurs,  quelques  statuettes 
de  la  même  région,  qui  ont  permis  d'établir  avec  plus  de  certitude 
encore  les  lieux  d'origine  de  cette  classe  de  petits  monuments. 

Pour  ne  parler  ici  que  des  terres  cuites,  elles  appartiennent  à 
deux  époques  ou,  si  l'on  veut,  à  deux  fabriques  différentes,  l'une 
dont  le  caractère  est  franchement  asiatique,  l'autie  où  le  style  est 
profondément  modifié  par  l'innuence  tardive  de  l'art  grec  et  de  la 
conquête  macédonienne. 

La  première  classe,  la  seule  dont  je  m'occupe  dans  le  présent 
travail,  intéresse  particulièrement  les  études  historiques  par  les 
données  qu'elle  fournit  sur  l'ancien  art  babylonien,  encore  impar- 
faitement connu.  Si  elle  a  passé  jusqu'ici  pres(iuc  inapercjue,  c'est 
à  cause  de  l'exiguitéet  du  peu  d'apparence  des  figurines  qui  la  com- 
posent :  on  les  a  facilement  confondues  avec  les  ouvrages  de  style 
mélangé  qui  les  entourent.  Ces  petites  figures,  (jui  n'ont  guère  en 
efi'ct  plus  de  12  à  15  centimètres  de  hauteur,  sont  en  terre  massive, 
façonnées  dans  un  moule  à  une  seule  pièce  ;  elles  ont  le  revers  plat, 
dressé  à  la  main,  parfois  très  inégalement.  Il  arrive  même,  tant  le 
travail  est  sommaire,  que  le  fond  sur  lequel  la  figure  s'enlève 
déborde  le  contour  extérieur.  Les  bases  sont  presque  toujours 
instables;  on  voit  que  les  figurines  n'étaient  pas  faites  pour  se  tenir 
debout,  mais  pour  être  couchées  ou,  tout  au  i)lus,  plantées  dans  le 
sable.  L'argile,  fine  et  serrée,  se  fait  remaniuer  par  sa  couleur 
d'un  gris  verditre  ;  l'emploi  des  terres  brunes  est  relativement  rare. 
Cette  teinte  pft'.e  n'empêche  pas  que  la  terre  ne  soit  très  cuite  et  sou- 
vent d'une  telle  dureté  (in'elle  ne  se  laissi'  pas  entamer  jiar  une 
pointe  de  métal.  Le  modelé,  ordinairement  simple,  ac(juiurl  dans 
certains  déiails  une  étonnante  précision.  De  pareils  caractères  sont 
loin  de  marquer  la  décadtner  dr  j.i  leclinique. 


Li;S    riCHUHS  CUniiS   UAin'LONlENNES. 


Dans  les  prcmiùrfis  figures  do  la  série,  on  c.slfrai)[ié  p.ir  le  carac- 
liNie  tout  oriental  des  altitudes,  des  costumes  et  des  attributs.  Les 
formes,  courtes,  ramasséer>,  d'une  plénitude  un  peu  vulgaire, 
ollVent  avec  le  style  égyptien  du  premier  empire  des  points  de 
rapport  qui  doivent  faire  réiléchir  les  archéologues  ;  peut-être  ces 
petits  magots  de  terre  grise  ou  brunûtre  seront-ils  considérés  comme 
beaucoup  plus  anciens  ([u'ils  ne  le  paraissent,  quand  nous  saurons 
mieux  ce  qu'il   faut  penser  de  l'antiquité   chaldéenne. 

On  renconlre  d'abord  une  suite  de  petites  images  d'hommes  et  de 
femmes  représentes  debout;  les  hommes  en  robe  longue,  la  barbe 
t:\illee  carrément,  comme  celle  des  personnages  assyriens  (1);  les 
femmes  en  coilTures  tombantes  à  l'égyptienne,  vêtues  de  tuniques 
serrées,  qui  dessinent  leurs  formes  quelque  peu  replètes.  Toutes  ces 
'ligures  ont  les  mains  ramenées  sur  le  devant  du  corps,  la  droite 
dans  la  gauche,  attitude  qui  :i  été  de  tous  temps,  chez  les  Asiatiques, 
celle  de  l'attente  respeclueu.  e.  Sur  les  bas-reliefs  assyriens,  c'est  la 
pose  du  visir,  du  satrape,  de  l'eunuque  devant  le  roi  ;  mais  on 
la  retrouve  dans  quelques  ligures  babyloniennes  considérées  comme 
royales,  et  aussi  dans  certaines  images  religieuses,  par  exemple 
dans  les  deux  statues  assises  du  dieu  Nébo,  coilîéde  la  tiare  à  double 
paire  de  cornes,  apportées  de  Nimroud  au  British  Muséum  (2).  Il  se- 
rait téméraire  de  rien  dire  de  plus  sur  le  sens  de  ces  antiques  figu- 
rines de  ti-rre;  peut-être  ne  sont-elles  pas  sans  quebiue  rapport  avec 
les  statuettes  funéraires  égyptiennes  ;  mais,  de  toute  manière,  la  pose 
consacrée  par  le  rituel  égyptien  aurait  été  modifiée  conformément 
aux  usages  particuliers  des  populations  orientales. 

Une  ligure  de  femme  de  terre  brune,  du  même  style  que  les  pré- 
cédentes, oITre  un  sujet  différent.  Elle  est  accroupie  et  tient  sur  son 
bras  gauche  un  enfant  qui  lui  presse  le  soin.  Sa  chevelure,  rejetée 
en  deux  masses  derrière  les  oreilles,  est  marquée  de  lignes  qua- 
drillées ;  on  voit  passer  sur  l'épaule  droite  l'angle  d'une  étoffe 
frangée.  C'est  un  très  ancien  exemple  du  type  de  la  nourrice  et 


(1)  Planche  I,  flg.  1. 

{■2)  L&y&rd,  xMonumeiits  of  Ninevch,  l,  pi.  XII.  Comparez  la  figure  publiée  par 
M.  Fr.  Lenormant  dans  la  Revue  archéologique,  nouv.  siir.,  t.  XVIII,  p.  231 
(1868). 


i  UKVL'K  AIlGllKOLOtilQL'E. 

ptMil-jMrc  tl(''j:i  (le  la  décsso-nourrico,  dont  nous  aurons  bien  dos  fois 
à  conslaler  la  curieuse  reialion  avec  les  rilos  funéraires  de  picsiiiie 
lous  les  peujdes  di*  ranlii|uilé. 

Une  aulre  allilude  liMdilioiineiie,  ri'pnidiiilt^  avec  prédilection  par 
les  arlisles  assyriens  el  li!li>  Ioniens,  cstcelle  d'une  figure  U'nanl  de- 
vant elle,  à  la  fois  jiar  le  iroulol  et  par  le  fond,  un  vase  à  low^  col  (1). 
Les  terres  cuites  nous  permettent  d'ajouter  à  celle  série  jilusieurs 
ligurines  de  femmes  vôtues  d'une  lobc  garnie  de  (lualre  rangs  de 
fraui^cs  à  la  babylonienne  ;  le  style  en  est  a^sez  rude.  Un  fragment 
'lui  appartient  à  cette  catégorie  provieulde  la  liasse-Clialdée. 


il 


Nous  arrivons  maintenant!!  un  fait  qui  n'a  pas  été,  je  crois,  signalé, 
et  qui  est  de  grande  conséquence  pour  l'Iiisloire  de  l'art  :  les  pro- 
grès de  la  même  fabrique  clialdécnne  de  terres  cuiles  ont  produit  des 
ouvrages  d'un  style  perfectionné,  où  le  premier  naturalisme  s'est 
cliangc  en  une  vérité  cliarnianle.  Que  les  connaisseurs  examinent 
sous  ce  rapport  une  figurine  de  jeune  femme  nue,  allaitant  debout 
son  enfant,  que  possède  le  musée  du  Louvre  (:2):  c'est  une  pièce  très 
surprenante,  où  la  perfection  de  certaines  parties  ne  leur  paraîtra 
peut-être  s'expliquer  tout  d'abord  que  par  le  contact  de  l'art  grec  ; 
puis,  en  y  regardant  de  près,  au  besoin  môme  avec  la  loupe,  ils 
seront  forcés  de  reconnaître  un  type  purement  asiatique,  un  peu 
rond  et  plein,  mais  relevé  par  des  accents  d'une  finesse  cx(juise.  On 
retrouve  là,  dans  une  tête  qui  n'a  pas  plus  de  deux  centimètres  de 
liauteur,  tous  les  traits  qui  caractérisent  les  grandes  figures  imberbes 
des  bas-reliefs  assyriens,  et  le  détail  en  est  d'une  telle  netteté  que 
Ton  serait  tenté  de  croire  que  le  premier  estampage  a  été  exécuté 
sur  un  petit  modèle  de  pierre  dure  ou  de  métal  ciselé. 

La  cbevelure,  finement  striée,  encadre  le  front  d'une  ligne  d'on- 
dulations pres(jue  imperceptibles  et  tombe  dcnière  les  oreilles  en 
deux  masses  de  petites  boucles.  Les  sourcils,  qui  se  rejoignent,  ont 
leur  épaisseur  soigneusement  marquée  au-de>sus  de  l'arcade  sour- 
cilière  par  un  second  trait,  détail  minutieux,  mais  caractérislicjue 
des  figures  assyriennes  et  babyloniennes.  Il  faut  tourner  la  figure  de 

(1)  Victor  Place,  le  Monument  de  Niuive,  pi.  XXXI  bis  et  pi.  LXXIX,    —  A.  do 
LonupiîrJLT,  Musér  Nniiuléon  III,  pi.  11. 
{•2)  l'iauchu  1,  lig.  2. 


M'.s  TRimKS  cuiTKS  nAnvi.ONiKNNr.s  ri 

profil  poiii'  apornovdii-  In  courbo  du  nez,  lùgôremcnl  ;ir(|iir,  mais  un 
pou  alirié  par  le  moulage,  la  découpure  des  lôvres  retroussées  cl  la 
vive  saillie  du  menton  sur  les  lignes  plus  molles  qui  arrondissent  le 
galbe  (bi  visage.  Poui'  le  reslo  du  corps,  bien  que  plusieurs  parties, 
comme  les  bras  et  l'enfant  qu'ils  portent,  ne  soient  pas  bien  venues  à 
l'estampage,  les  formes  du  nu,  surtout  le  ventre,  les  jambes,  les 
genoux,  sont  modelés  avec  un  naturel  jusipie-ià  sans  exemple  dans 
tout  l'ancien  art  oriental  et  aussi  dans  l'art  égyptien.  L'attitude  con- 
serve quelque  cbose  de  la  symétrie  archaïque  :  cependant  les  jambes 
ne  sont  pas  tout  à  fait  sur  la  même  ligne  ;  on  remarque  surtout  dans 
l'inclinaison  expressive  de  la  tête  une  heureuse  intention  de  mou- 
vement. 

Il  est  vrai  que  cette  terre  cuite  aurait  été  trouvée  dans  un  tombeau 
d'une  époque  postérieure  à  la  conquête  macédonienne,  contenant 
des  figures  de  style  grec  mitigé,  d'un  caractère  tout  différent.  M.  Dc- 
laporte  décrit  comme  provenant  d'un  caveau  fouillé  par  lui,  près  de 
Ilillab  et  des  ruines  de  Babylone,  «  une  petite  statuette  charmante 
en  terre  cuite,  représentant  une  jeune  femme  maladive,  portant 
dans  ses  bras  un  petit  enfant  ».  Il  est  facile  de  reconnaître, 
malgré  la  curieuse  erreur  d'appréciation  causée  par  la  grâce  un  peu 
étrange  du  type  babylonien,  la  figure  dont  il  s'agit.  Elle  aurait  été 
posée  sur  la  poitrine  du  squelette,  à  la  place  occupée  dans  les  autres 
lombes  par  un  cygne  en  hématite  ;  près  de  la  tète  du  même  sque- 
lette se  trouvait  une  statuette  gréco-babylonienne  en  albâtre,  une 
des  figurines  couchées,  à  bonnet  phrygien,  dont  nous  parlerons  dans 
la  suite  de  notre  catalogue.  Sans  môme  examiner  si  ces  observations 
ont  été  faites  avec  la  ligueur  scientifique  désirable,  il  faut  remar- 
quer que  dans  le  même  tombeau  se  rencontraient  aussi  en  grand 
nombre  des  cylindres  et  des  amulettes  d'ancien  style  babylonien  ;  la 
petite  idole  d'argile,  dont  la  dureté  égale  celle  de  la  pierre,  pouvait 
y  figurer  au  même  titre,  comme  une  sorte  de  relique  traditionnelle, 
ayant  par  son  antiquité  une  plus  grande  valeur  religieuse.  On  s'ex- 
plique ainsi  comment,  à  la  rigueur,  des  figures  d'un  style  aussi 
dissemblable  se  trouvaient  réunies  dans  une  seule  tombe  ;  ce  qui 
est  certain,  c'est  qu'elles  ne  sont  pas  du  même  art  et  qu'il  y  a  entre 
elles  plusieurs  siècles  de  distance. 

En  un  mot,  cette  figurine  d'argile  donne  une  idée  tout  à  fait  inat- 
tendue du  degré  de  liberté  et  même  de  grâce  que  l'art  babylonien 
a  dû  atteindre  à  l'époque  de  son  plein  développement.  L'artiste  qui 
a  créé  ce  modèle  n'est  certes  pas  au-dessous  de  ceux  qui  gravaient 
les  cylindres  avec  une  habileté  si  justement  admirée,  et  l'on  ne  songe 


6  nRvi'R  Anr.iiF.oi.<»r.i(.u  K. 

pns  sans  i-motion  à  ce  que  pouvaient  ôlrc  de  grands  ouvrages  de 
piirre  ou  de  nit'lal  exérult's  dans  le  même  slylo. 

Uiiant  au  sujet,  il  est  diflicile  de  ne  pas  reconnaître  dans  la  jeune 
femme  nue  tenant  un  enfant  à  son  soin,  une  déesse  babylonienne, 
le  type  perfectionné  de  celte  nourrice  des  tombeaux  dont  nous  avons 
déjà  renconlré  un  exempli'.  Sa  nudilé  ne  peut  guère  s'expiiiiuer, 
en  cITot,  que  par  une  donnée  mythologique,  donnée  que  nous  allons 
voir  se  développer  dans  la  suite  sous  une  forme  plus  étrange  et  plus 
caractérisée. 


En  effet,  d'autres  terres  'cuites  de  la  môme  région  montrent  le 
naturalisme  oriental  s'cxagérant  sous  l'induencc  lascive  des  cultes 
nationaux.  Ce  sont  de  petites  Idoles  plates,  d'un  caractère  à  la  fois  hié- 
ratique et  indécent,  représentant  des  femmes  qui  portent  leurs  deux 
mains  àleurpoilrine  (1).  Elles  sont  le  plus  souvent  nues,  quoique 
chargées  de  parures,  avec  des  proportions  élargies,  oîi  domine 
l'expression  de  la  maturité  et  de  la  force.  L'élrangelé  de  ces  con- 
trastes, qui  blessent  notre  sens  esthétique  et  moral,  produit  plutôt 
sur  nous  l'impression  du  grotesque,  et  nous  donne  l'idée  d'une  sorte 
de  caricature  de  la  Vénus  antique  ;  mais  c'est  là  une  fausse  appa- 
rence, que  la  science  doit  s'efTorcer  de  détruire. 

Le  type  le  plus  caractérisé  de  cette  classe  est  une  déesse  nue,  de- 
bout, les  jambes  assemblées  dans  une  pose  symétrique.  Elle  presse 
des  deux  mains  sa  poitrine,  comme  pour  en  faire  jaillir  le  lait.  Les 
traits  du  visage  procèdent  du  même  type  orientalqueceuxdela  figu- 
rine précédente,  mais  avec  une  certaine  affectation,  surtout  dans 
l'allongement  des  yeux.  Le  corps  est  robuste  et  trapu  ;  les  épaules 
et  les  hanches  sont  développées  h  l'excès,  les  plis  des  genoux  forte- 
ment indi(iués  et  les  signes  qui  marquent  la  force  de  l'âge  accusés 
avec  une  exgération  significative.  Une  parure  multiple  charge  ces 
formes  outrées,  dont  l'cfTet  louche  au  ridicule.  Elle  se  compose  d'une 
sorte  de  haute  Stéphane  striée  en  sens  divers,  de  boucles  d'oreilles, 
d'un  étroit  collier  qui  porte  suspendue  une  étoile  5  huit  rayons,  d'une 
plaque  rectangulaire  attachée  sur  la  poitrine  par  des  chaînes  croisées, 
enfin  de  plusieurs  anneaux  autour  des  poignets  et  des  dievilles. 
Comparez  la  septuple  parure  que  la  légende  prêtait  à  Mar,  l'uiiedes 

d]  Pbnchc  \,  fl?.  3. 


LF.S  TKrinES   r.UITFS    lîAnVI.ONIRNNRS,  7 

l'aimes  do  la  Vùnus  hahylonionne  (1).  Bien  que  lo  ct\rncA('.ra  asiatique 
domine  encore  presque  exclusivement  dans  cette  représentation,  ce- 
pendant l'allération  du  type  et  les  traces  de  manière  que  l'on  y 
observe  doivent  la  faire  classer,  suivant  nous,  h  l'époque  perse, 
alors  que  l'art  oriental  commençait  à  subii-,  dans  une  certaine 
mesure,  l'iiilluence  rlrancrère. 

C'est  la  tigure  dont  Loftus  a  publié  une  esquisse  partielle  et  dont 
il  a  découvert  de  nombreux  exemplaires  sur  les  ruines  de  Suse, 
dans  un  dépôt  de  terres  cuites  trouvé  par  lui  à  vingt-deux  pieds  de 
profondeur,  vers  l'angle  S.  0.  de  ce  (ju'il  appelle  la  grande  plate- 
forme. Les  nombreux  fragments  du  même  modèle  que  possède  le 
musée  me  porteraient  à  croire  que  toutes  ces  terres  cuites  sont  les 
restes  dispersés  de  la  découverte  de  Loftus,  qui  a  enricbi  aussi  le 
Hritish  Muséum  de  quatre  figures  semblables.il  est  à  remarquer  que 
ces  morceaux  appartiennent  fi  deux  variantes  diiïérentcs  du  même 
type,  l'un  où  la  slépliané  est  plus  basse,  la  poitrine  et  les  mains  plus 
remontées,  la  taille  plus  creuse,  sillonnée  de  plis,  et  tout  le  travail 
caractérisé  par  les  marques  évidentes  d'une  décadence  déjà  assez 
profonde.  Toutes  ces  idoles  susiennessontcassécs  systématiquement 
en  trois  morceaux.  La  terre,  ordinairement  d'un  blanc  verdâtre, 
prend  parfois  une  teinte  rosée,  surtout  h  l'intérieur. 

A  la  môme  catégorie  de  représentations  appartient  aussi  très  cer- 
tainement une  tête  détachée,  provenant  d'une  statuette  beaucoup 
plus  grande  que  les  précédentes.  C'est  le  môme  type  encore  exagéré  : 
saillie  disproportionnée  de  la  coilTure  et  des  sourcils,  grands  yeux 
elliptiques  allongés  à  l'excès  et  d'un  dessin  de  convention,  bouche 
très  rapprochée  du  nez,  menton  fort.  On  compte  sur  le  cou  six  ran- 
gées d'un  collier  de  perles  ;  les  oreilles  ont  pour  pendants  des 
espèces  de  glands  à  deux  étages  qui  ont  du  rapport  avecles  boucles 
d'oreilles  cypriotes  ;  les  bords  de  la  terre  cuite  sont  percés  en  cet 
endroit  de  trous  caractéristiques,  que  l'on  retrouve  dans  toute  une 
série  de  figures  orientales.  Ce  curieux  fragment  a  été  rapporté  de 
Syrie,  dans  un  lot  d'objets  orientaux  d'origine  diverse.  Il  se  rattache 
par  tous  ses  caractères  à  la  classe  des  figurines  babyloniennes  et 
surtout  susiennes  que  nous  venons  de  décrire.  Le  type  indique  la 
décadence  de  l'art  oriental  et  probablement  une  date  assez  avancée 


(1)  Philosophumena,  éd.  Miller,  v.  7.  — Sur  la  légende  assyrienne,  signalée  pour 
la  première  fois  par  G.  Smith,  voir  principalement,  en  français,  J.  Oppert,  dans  les 
Annales  (le  philosophie  chrclicnne,  t.  VIII,  187'i,  et  F.  Lcnormant,  les  Premières 
civilisationfyt.  II,  p.  8.'i. 


8  nF.vuR  AncHKOi.or.iouK. 

(le  rt'poiiiiepor>o  ;ccrl.iins  traits  so  rctrmivcr.uonlrnroro,  conscrvôs 
par  iiiio  lonpuo  tra(lili(.n,  jusijut'd.ins  los  pointures  pi'r>ani's. 

Parfois  aussi,  par  une  sorte  do  rôaclion  contre  ces  images  immo- 
destes, les  lijîurines  qui  l'ont  le  geste  de  la  déesse  nourrice  sont 
ropri'sonti''oscomplolomonl  V(Hiies(l).  Klles  portent  une  longue  robe 
tinomenl  frangôe  et  formée  au  cou  par  un  nœud.  La  coilïurc  con- 
siste en  une  haute  tiare  striée,  à  la  mode  persique,  décorée  par- 
devant  d'un  omblome  en  forme  do  cercle,  avec  point  contrai;  un 
autre  point  en  relief,  indiquant  peut-être  un  joyau,  est  attaché  sur  le 
front  par  un  mince  cordon;  deux  boucles  de  cheveux  tombent  on  spi- 
rales sur  les  épaules.  Bien  (juc  ces  ligures  soient  oxéculéos  avec  soin, 
le  modelé  en  est  plat  et  le  travail  médiocre  ;  elles  paraissent  appar- 
tenir aussi  à  une  période  assez  avancée  de  l'art  oriental.  Un  des 
exemplaires  que  possède  le  Louvre  a  été  trouvé  à  Ouarka^  parmi  les 
ruines  de  l'ancienne  l^rech,  sur  la  surface  du  sol. 


IV 


On  ne  peut  plus  douter  aujourd'hui  que  l'image  d'une  déesse  nue 
ne  fût  familière  aux  peuples  de  l'Orient,  longtemps  avant  l'époque 
où  Praxitèle  osa,  le  premier  entre  les  sculpteurs  grecs,  dépouiller 
complètement  Aphrodite  de  ses  vêlements.  Le  torse  d'une  grande 
statue  de  femme  en  pierre,  présentant  exactement  la  même  exagéra- 
tion dans  les  formes  nues  que  les  petites  idoles  décrites  plus  haut, 
existe  au  Hritish  Muséum.  Comme  ce  fragment  a  été  découvert  à 
Kouioiindjik,  dans  les  ruines  mêmes  du  palais  deNinive,  et  qu'il 
porte  au  dos  une  inscription  cunéiforme,  il  est  impossible  qn'W  soit 
moins  ancien  que  la  destruction  de  celle  ville,  en  Vr2o  avant  J.-C; 
mais  ledéchilTrementde  l'inscription  le  fait  remonter  beaucoup  plus 
haut  ;  on  y  a  lu  en  elTol  le  nom  d'Assour-bol-Knla,  dont  le  règne  est 
placé  vers  le  commencement  du  xi"  siècle  avant  notre  ère(iJ).  D'un 
autre  c6té,  rien  n'est  plus  commun  que  lo  type  d'une  déesse  nue, 
portant  les  deux  mains  à  sa  iioiliino,  sur  toute  une  série  de  cylin- 


(1)  l'Iancho  I,  Ar.  /i. 

(2)  W'eit  Afid  inyrriptwns,  I,  pi.  VI,  n"  0.  —  J.  Monnnt,  Auiinles  den  mixd'Ass!/- 
ne,  p.  54.  C'est  par  erreur  «juc  l'in.scriplion  est  doniiijo  comme  gnivc/o  sur  une  base  : 
clic  M  irourc  sur  le  revers  mCmo  de  la  ligure,  ainsi  que  Je  l'ai  pu  constater  au 
Mutée  britannique. 


LK9,   TRRRKS  COITES  BAnVLONIENNRS.  9 

(1res  babyloniens,  (|ui  n'aiiparlicnnenl  [las,  il  est  vrai,  à  l'époque  la 
plus  ancienne  de  ecsnioiiuincnls  (1). 

Déesses  nounices  semant  leur  lait  dans  l'espace,  déesses  naères 
tenant  un  enfant  à  leur  sein,  déesses  de  la  nature  représentées  dans 
la  plénitude  quasi  monstrueuse  de  leur  puissance  génératrice,  de 
pareilles  images  sont  tout  h  fait  en  rapport  avec  ce  que  nous  savons 
de  l'ancienne  religion  de  la  Bahylonie  et  de  la  Glialdée.  Nous  les 
trouvons  ici  dans  leur  pays  d'origine  :  il  faudrait  s'étonner  au  con- 
traire de  ne  pas  les  y  rencontrer  en  grand  nombre  sous  la  forme 
populaire  des  idoles  de  terre  cuite.  Il  appartient  aux  assyriologues 
de  reclierclier  les  différeiils  noms  qui  peuvent  revenir  à  chacune 
d'elles,  parmi  ceux  que  l'on  a  tirés  des  inscriptions  cunéiformes.  Un 
sujet  récemment  retiré  des  concours  de  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  montre  combien  celte  partie  de  la  science  demande 
encore  de  réserve,  de  l'avis  môme  des  savants  spéciaux.  La  difficulté 
sera  toujours  desavoir  si  cesligurines  étaient  dans  un  rapport  étroit 
avec  les  cultes  locaux  des  villes,  ou  bien  s'il  faut  leur  attribuer  un 
caractère  plus  général,  en  relation  avec  les  croyances  religieuses  ou 
funéraires  de  toute  la  contrée. 

Ce  qui  n'est  pas  douteux  c'est  qu'elles  répondent  très  bien  à  l'idée 
que  les  anciens  nous  ont  fait  concevoir  des  divinités  comme  Mylilta, 
l'Aphrodite  assyrienne  d'Hérodote,  la  déesse  des  prostitutions  sacrées 
de  Babylone,  ou  comme  Anaïtis,  qui  nous  est  donnée  pour  avoir  été 
justement,  sous  le  nom  d'Anat,  la  déesse  protectrice  de  la  nécropole 
d'Erech  (2).  Les  Grecs  en  faisaient  tantôt  une  Aphrodite,  tantôt  une 
Arlémis,  l'assimilant  sans  doute  h  la  féconde  Diane  d'Éphèse,  plu- 
tôt qu'à  la  déesse  de  Délos  etde  Delphes.  Son  culte  fut  adopté  par  les 
Perses  et  notamment  par  Artaxerxcs  II  Mnémon,  qui  décréta  l'érec- 
tion de  ses  images  dans  tout  l'empire.  On  remarquera  que  les  repré- 
sentations les  mieux  caractérisées  de  ce  type  ont  été  retrouvées  sur 
l'emplacement  de  Suse,  où  l'on  adorait  précisément  une  Diane 
orientale  appelée  Nanaia  par  le  texte  grec  de  la  Bible,  et  dont  le 
nom  a  été  Anahata  dans  le  texte  perse  d'une  inscription  cunéiforme 
trilingue,  découverte  aussi  à  Suse.  La  môme  ville  est  nommée 
expressément  par  Bérose  parmi  celles  où  Artaxerxès  fil  élever  les 
statues  d'Anaïtis  (3). 

(1)  J.  Menant,  les  Cj/lindres  orientaux  de  la  Hai/e,  p.  67. 

(2)  Ces  noms  ont  dûjà  éti-  appliqués,  par  M.  F.  Lenormant,  aux  statuettes  d'al- 
bâtre de  basse  époque  gréco-babylonienne  {Gazette  archéologique,  t.  II,  187C,  p.  10 
pi.  IV,  V  et  YI). 

(3)  Bérose,  fr.  IG,  Fragm.  liist.  grœc.,  éd.  Didol.  —  Oppcrt,  Expédition  de  Méso- 
potamicy  t.  II,  p.  19<|.  —  Macchab.,  II,  i,  13. 


40  rirvi'F  Anrii|i:oi.ooioiJR. 

Opondant,  si  h^s  nir>ins  nnrlrnm^s  dos  fiutirinps  quo  nous  avons 
tliTriii's  poiiviMil  nvoir  rit'   f.ibritiut'M's  i\   rt'imiiuo  perso,  pliisiours 
(l'entro  elles  ne  portent  jtas  trnre  de  la  décadence  et  de  l'amollisse- 
ment du  style  qui  so  manifestèrent  dans  tout  l'art  oriental,  sous  la 
domination  des  Ach<''m(''nides.   Ainsi  se  trouve  élalili  un  fait  qui 
n'avnil  pas  iMé  jusiju'ici,  ji' crois,  régulièrement  drmontré  :  l'exis- 
tence d'une  classe  de  figurines  de  terre  mile  que  l'on  peut  appeler 
avec   assurance  terres  cuites  chaldéo-bahylunicnnes.    Sans  doute 
l'immense  durée  du  royaume  do  Habylone,  (pii  a  survécu  à  celui 
d'Assyrie  jusqu'en  538,  ne  permet  pas  de  leur  assigner,  dans  l'état 
présent  de  la  science,  une  date  précise;  mais  il  est  hors  de  doute  que 
ces  petites  créations  de  l'industrie  populaire  représentent  plusieurs 
phases  successives  d'un  art  proprement  babylonien,  étranger  à  toute 
influence  occidentale  et  se  distinguant  du  style  assyrien  par  des 
dilTérences  notables.  Si  l'on  n'a  pas  toujours  reconnu  le  caractère 
qui  lui  est  propre,  c'est  justement  qu'on  l'a  trop  confondu  avec  l'art 
assyrien,  qui  procède  bien  de  la  même  origine,  mais  qui  s'est  déve- 
loppé dans  unesprit  assez  dilférent.  L'art  babylonien  parait  avoiroc- 
cupé  plutôt  un  degré  intermédiaire  entre  l'Egypte  et  l'Assyrie;  c'est 
du  reste  la  place  que  lui  assignent  à  la  fois  la  géographie  et  riiistoire. 
La  présence  parmi  les  fii^urines  babyloniennes  des  types  étranges 
que  nous  avons  décrits  est  un  autre  fait  d'une  grande  portée  pour 
l'étude  générale  des  terres  cuites.  On  trouve  là  à  leur  source  plu- 
sieurs familles  de  représentations,  dont  on  ne  s'expliquerait  pas  au- 
trement la  propagation  dès  une  époque  assez  haute,  dans  l'Asie  an- 
térieure, dans  les  îles,  en  Grèce  et  jusqu'en  Italie.  En  les  suivant 
d'étape  en  étape,    de  transformation  en  transformation,  à   travers 
toute  Tantiquité,  nous  aurons  souvent  l'occasion  de  nous  reporter  à 
cette  origine.  Il  n'y  a  pas  de  classe  qui  soit  plus  universellement 
répandue  parmi  les  terres  cuites,  et  qui  montre,  par  un  enchaînement 
plus  continu,  dans  quelles  conditions  et  par  quels  chemins  s'est 
opérée  d'Orient  cnOccident  la  transmission  de  certains  types. Seule- 
ment nous  verrons  au  contact  du  génie  grec  ces  types  traditionnels 
se  diviser  en  deux  séries  bien  distinctes  :  les  uns  pousser  franche- 
ment au  comique  leur  réalisme  indécent  et  le  faire  passer  sous  le 
couvert  du  ridicule,  les  autres  au  contraire  en  atténuer  la  grossièreté, 
la  détourner  peu  à  peu  vers  une  signiiicalion  dilTérenlo,  et  linale- 
mint  la  puritier  au  point  que,  par  un  miracle  de  l'art  et  par  une 
création  nouvelle,  le  geste  éhonlé  des  anciennes  déesses  orientales 
deviendra,  dans  l'Aphrodite  de  Cnide,  l'expression  même  de  la 
pudeur.  LÉON  Ilr.uzEV. 


LA 


VICTOIRE  DE  SAMOTHRAGE 


Monsieur  le  Directeur  de  la  Revue  archéologique, 

Pcrmellez-moi  d'accompagner  de  quelques  notes,  contenant  l'his- 
torique de  ma  découverte,  le  dessin  de  la  Victoire  de  Samothraco, 
aïiquel  vous  voulez  bien  accorder  l'hospitalité.  Chargé  en  1862  du 
consulat  de  France  à  Andrinople,  des  affaires  de  service  m'appelè- 
rent à  Enos,  ville  située  sur  la  cûle  sud  de  Roumélie,  d'où  l'on  voit 
parfaitement  l'île  de  Samothrace,  dont  dix-huit  milles  marins  la  sé- 
parent. Entendant  vanter  là  par  tout  le  monde  les  anliquitês  de  Sa- 
mothrace, j'allai  passer  deux  jours  dans  celte  île  et  fus  si  frappé  du 
grandiose  aspect  de  ses  ruines,  de  l'intérêt  scientifique  qu'elles  sem- 
blaient offrir,  qu'à  peine  rentré  à  mon  poste,  j'adressai  au  ministre 
d'État  la  demande  d'une  allocation  de  deux  mille  cinq  cents  francs, 
destinés  à  les  explorer,  au  moins  superficiellement. 

Ce  crédit  obtenu,  je  venais,  en  mars  1863,  m'installer  au  milieu 
de  l'enceinte  cyclopéenne  de  Samothrace,  sur  le  point  de  la  plage 
le  plus  rapproché  des  temples  qui  s'élèvent  hors  de  celle-ci,  avec 
une  vingtaine  d'ouvriers  que  j'avais  amenés  d'Andrinople.  Mon  pre- 
mier soin  fut  d'enlever  tous  les  marbres  dignes  d'attention,  encas- 
trés soit  dans  les  murs  des  constructions  élevées  au  moyen  âge  par 
les  Gatelusio,  seigneurs  souverains  du  pays,  soit  dans  ceux  des  mai- 
sons du  village  moderne  bâti  à  rinlcrieur  de  l'île,  sur  la  pente  du  mont 
Phingari.  Ce  sont  des  inscriptions  et  des  bas-reliefs,  dont  l'un,  repré- 
sentantune  danse  de  prêtresses  de  Gybèle,  est  placé  au  Louvre  dans  la 
môme  salle  que  les  beaux  marbres  rapportés  de  Thasos  par  M.  Miller. 
Ensuite  je  recueillis  des  bucranes  et  des  l'osaccs  appartenant  au 


12  nr.vuE  AnciiKoi.ociQL'i:, 

lompli'ilil  d'Aisinor',  jo  lU'blayni  le  spiiil  d'un  grand  tcniplo  dnrifiue, 
n  onlin  j'oiu'iMi  (jneNiues  fouilles  le  long  de  la  façade  d'un  énorme 
porli.|iu>  ou  stod,  en  piiM're  cahMirc,  d'ordre  dorique  primitif,  cons- 
iruil  sur  une  colline  dominant  les  édilices  précédents  et  d'une  épo- 
que évidemment  plus  ancienne  (ju'eux. 

Pendant  que  les  ouvriersétaient  occupés  ;\  ce  dernier  travail,  mes 
yeux  s'arrêtèrent  sur  un  très  beau  fragment  de  marbre  blanc,  émer- 
geant à  peine  du  sol,  ;\  cinquante  mètres  environ,  sud-est,  de  la  sloa, 
que  je  reconnus,  après  r;ivoir  déterré  moi-même,  être  un  sein  de 
femme  du  plus  admirable  travail.  Des  recherches  furent  immédia- 
tement pratiquées  sur  ce  point  et  amenèrent  bientôt  au  jour  la  sta- 
tue de  la  Victoire,  couchée  sous  deux  pieds  de  tcne  et  de  cailloux, 
que  les  travailleurs  vinrent  m'annoncer  en  criant  :  Kupis,  eupaae 
a(a  vuvaTxa,  «  MoDsJeur,  nous  avons  trouvé  une  femme  !  » 

Comprenant  sans  peine  l'importance  de  cette  découverte,  j'expé- 
diai de  suite  à  M.  de  Saint-Vallier,  alors  second  secrétaire  à  Cons- 
tintinople,  une  dépêche  par  laquelle  je  le  priais  d'obtenir  de  M.  de 
Moustier,  ambassadeur  français  près  la  Sublime-Porte,  qu'il  en- 
voyât son  stalionnaire,  l'aviso  l'Ajaccio,  alla  de  m'aider  dans  les 
opérations  si  délicates  de  la  descente  et  de  l'embarquement  de  notre 
statue.  Les  travaux  de  fouilles,  poussés  avec  ardeur  autour  de  celle- 
ci,  donnèrent  beaucoup  de  fragments  des  draperies  et  des  ailes,  mais 
aucun  vestige  de  la  tête  ou  des  bras.  De  plus  nous  déterrâmes  une 
douzaine  d'énormes  blocs  de  marbre  gris  épars  et  un  large  soubas- 
sement formé  de  six  plaques  du  même  marbre,  le  tout  renfermé 
dans  une  enceinte  à  trois  côtés  ou  cella,  ouverte  au  nord  en  regard 
de  la  mer,  pavée  en  pierres  calcaires,  et  dont  les  murs  étaient  desti- 
nés. Fans  aucun  doute,  à  protéger  le  monument,  placé  sur  la  pente 
d'une  colline  très  raide,  contre  les  éboulements  du  sol  supérieur. 
Ces  blocs  de  coupes  bizarres,  ce  soubassement,  constituaient  évi- 
demment le  piédestal  de  la  Victoire,  mais  il  me  fut  impossible  de 
deviner  alors  ce  que  devait  représenter  leur  assemblage.  Aussi,  mes 
fonds  étant  épuisés,  sachant  d'ailleurs  quQl'Ajacrio  ne  resterait  l\  ma 
disposition  que  pendant  fort  peu  de  temps,  je  me  décidai  à  enlever  la 
statue  seule,  réservant,  par  acte  formel,  le  droit  de  propriété  de  la 
France  sur  les  marbres  du  piédestal. 

L'aviso  IWjdCcio  arriva  devant  Samotlirace  le  2  mai  18(V5  et,  grâce 
au  bon  vouloir  de  son  coiiimamlaiit  ^L  de  M.irquessac  et  de  ses  ma- 
rins, en  quatre  jours  nous  eûmes  embarqué  à  son  bord  la  VictoirCy 
préalablement  fixée  sur  un  lit  formé  avec  les  pales  (W^  roues  du  va- 


LA   VICTOIRE   DK   SAMOTHRACE.  13 

peur  et  descend  lie  jiisfju'.m  rivage  en  suivant  une  route  de  1200 
mètres  de  long,  improvisée  à  travers  les  hois  et  les  ravins  par  mes 
ouvriers  et  quarante  indigènes.  Apportée  ensuite  en  France  à  bord 
d'un  des  navires  de  notre  esc:idrc  du  Levant,  conjointement  aux  au- 
tres marbres  trouvés  à  Samotlirace,  la  statue  de  la  Victoire  passa 
entre  les  mains  des  habiles  restaurateurs  du  Louvre,  et  fut  placée 
trois  ou  quatre  ans  plus  tard  dans  la  salle  des  Caryatides. 

De  1864  à  1878,  appelé  successivement  à  divers  postes  consulaires 
éloignés  de  Samothrace,  je  ne  pouvais  songer  à  poursuivre  l'œuvre 
commencée  dans  cette  île  en  1863. 

Cependant  ma  pensée  se  reportait  sans  cesse  vers  les  marbres  que 
j'y  avais  laissés,  et  j'arrivai  à  la  conviction  que  le  piédestal  de  la 
Victoire  devait  représenter  un  navire,  dont  le  transport  au  Louvre 
était  on  ne  peut  plus  désirable.  Aussi,  lorsque  des  intérêts  de  fa- 
mille nécessitèrent  celte  année  ma  présence  à  Andrinople,  je  saisis 
l'occasion  pour  solliciter  du  ministère  de  l'instruction  publique  (sous- 
secrétariat  d'Ëtat  des  beaux-arts)  un  crédit  de  deux  raille  francs, 
au  moyen  desquels  il  me  sembla  pouvoir  m'cngager,  pourvu  que  le 
ministère  de  la  marine  me  donnât  le  concours  d'un  bâtiment  de 
guerre,  à  descendre  et  embarquer  les  marbres  laissés  sur  place  seize 
ans  auparavant. 

Appuyée  de  la  façon  la  plus  bienveillante  par  plusieurs  de  nos  sa- 
vants, ma  demande  fut  favorablement  accueillie.  M.  l'amiral  Jauré- 
guiberry  voulut  bien  m'accorder  l'aviso  le  Latouche-Tréville,  à  bord 
duquel  je  m'embarquai  le  IG  août  dans  le  port  de  Dédéagatcii, 
accompagné  d'un  personnel  choisi  et  muni  du  matériel  néces- 
saire. 

Après  quelques  heures  de  traversée  le  Latouche-Tréville  mouillait 
devant  Samothrace  ;  nous  débai-quions  sur  le  môme  point  qu'en 
£863  et  la  nuit  était  employée  aux  détails  de  notre  installation,  sous 
d'immenses  platanes  occupant  l'emplacement  de  la  cité  antique  et 
du  port  aujourd'hui  comblé,  dont  les  ruines  des  temples  sont  dis- 
tantes d'un  kilomètre  environ. 

Je  tiens  avant  tout  à  rendre  ici  un  sincère  et  cordial  témoignage 
de  reconnaissance,  tant  au  digne  commandant  du  Latouche-Trérille, 
M.  le  lieutenant  de  vaisseau  Penaud,  qu'à  ses  ofliciers  et  à  son  équi- 
page, dont  le  concours  si  intelligent,  si  plein  d'entrain,  a  assuré  le 
succès  de  notre  entreprise. 

Le  17,  à  l'aube,  les  travaux  commençaient  par  le  rétablissement 
de  la  route  déjà  ouverte  en  18G3,  mais  que  les  jeunes  arbres  nou- 
veaux, les  ravinements  des  pluies,  le  mouvement  des  rochers  rou- 


I  '»  HEVUK   AUCHliOLOGIQUE. 

lis  l'.ir  les  lorrenis,  avaient  fait  prcsiiuc  enliCromenl  ilisparaiue.  Ku 
luTiiniU  nos  (lisiiosilions,  le  roiiimniuliiil  l'cnaud  el  moi,  nouscons- 
lalàincs  rcxislence  do  viiiiîl-quilrc  gros  blocs,  piédestal  et  soubasse* 
ment,  d'un  poids  variant  entre  800  et  2,000  kilogrammes,  plus  trois 
autres  fragments  do  moindres  proportions.  Nous  décid.lmes  toutefois 
d'abandonner  un  énorme  cube  de  i™,73  de  long  sur  0'",()7  de  large 
et  0"',o3  de  liant,  comi)lètcment  brut  sur  ses  six  faces,  dont  la  masse 
rendait  le  transport  diflieile  et  qui,  n'occupant  dans  le  monument 
(ju'une  place  insignilianlc,  invisible  à  l'extérieur,  pouvait  être,  sans 
inconvénient,  remplacé  lors  de  la  restauration. 

Renfermés  dansdes  limitesde  temps  fort  restreintes,  parles  ordres 
exprés  de  l'amiral  do  Prilzbuer,  coniiiiandant  l'escadre  du  Levant, 
lequel  ne  m'avait  laissé  le  Latouclie-TnUille  que  pour  (juinze  jours 
juste,  il  fallait  descendre  deux  ou  trois  blocs  par  jour,  de  façon  h  nous 
laisser  une  marge  de  quarante-liuil  lieures  pour  l'embaniuemcnt. 
Aussi,  le  17  au  matin,  comme  je  Tai  déjà  dit,  tandis  qu'une  forte  bri- 
gade de  travailleurs  samolrakiotes  ouvrait  le  cbemin,  deux  autres 
brigades  de  trente-cinq  liommes  chacune,  composées  par  moitié  de 
matelots  français  et  de  vigoureux  Bulgares  amenés  do  Dédéagalcb, 
chargeaient  sur  deux  traîneaux,  confectionnés  en  gros  madriers  par 
les  charpentiers  du  Z,(//ou(7<c-!/'/tv«V/(?,  les  marbies  les  plus  légers 
dont  le  passage  devait  frayer  et  aplanir  la  voie  pour  les  plus  lourds. 

Depuis  lors,  jusqu'au  27  au  soir  où  nos  vingt-six  marbres  furent 
léunis  sur  la  plage,  tout  marcha  dans  la  perfection  et  nous  n'eûmes 
ni  accident  ni  relard,  sauf  le  changemcal  des  traîneaux  qui,  vile 
usés  par  le  frottement,  disloqués  par  les  secousses,  durent  être  rem- 
placés par  d'autres,  construits  ;ivlc  d'js  troncs  de  chênes  vei'ls  ou 
d'oliviers  sauvages  coupés  dans  la  montagne. 

Il  s'agissait  d'opérer  la  mise  à  bord  de  deux  bateaux  grecs,  d'une 
portée  de  trente  tonneaux,  (jui  devaient  conduire  les  marbres  à  Dé- 
déagatch,  d'où  un  vapeur  de  la  com[)agnie  Fraissinet  les  porterait  à 
Marseille.  Travail  malaisé,  car,  vu  la  nature  de  l'atlerrissement,  ces 
bateaux  ne  pouvaient  approcher  à  plus  de  dix-huit  mètres  du  rivagt;. 
Un  double  système  de  bigues  fut  établi  :  l'un  tout  à  lait  uu  liord,  l'au- 
Ireà  dix-buit  métrés  en  mer,  reliés  à  leurs  sommets  par  un  énorme 
grelin,  lixé  très  solidement  d'un  côté  à  terre  et  de  l'autre  à  une 
grande  ancre  mouillée  au  large,  et  muni  lui- mémo  entre  les  deux 
bigues  d'une  forte  poulie  ou  caliorne.  Au  moyen  de  cette  combinai- 
sun,  les  blocs,  d'abord  soulevés  d(!  terre  sous  la  première  bigue, 
étaient  amenés  ensuite  sous  la  grosse  poulie  du  milieu  duiit  le  cro- 
chet les  tenait  suspendus,  puis  attirés  à  bord  du  bateau  amarré  en 


LA    VICTOIKE    Ui:   SAMOTIIIUCC.  l.'j 

dehors  et  à  touclier  la  secoiule  bigue  par  les  poulies  de  celle-ci.  Dès 
que  le  grelin  suppoilait  seul  luul  le  {loids  d'un  bloc,  ci-lui-ei,  par 
suite  de  son  llécliisseuient  considérable,  plongeait  dans  la  mer  et, 
comme  le  marbre  perdait  ainsi  une  parlie  de  son  poids,  le  danger 
d'une  rupture  se  trouvait  évité.  Ces  dispositions  ingénieuses  de  nos 
marins,  qui  occupèrent  toute  la  journée  duiiS,  réussirent  à  souhait; 
nous  ne  perdîmes  p;is  un  seul  bloc  et  l'embaniuemenl,  commencé 
le  21)  à  cinq  heures  du  matin,  se  terminait  à  sept  heures  du  soir, 
aux  acclamations  joyeuses  de  l'éiiuipage  et  des  ouvriers. 

Il  serait  inutile  de  décrire  la  slalue  et  son  piédestal,  puisijue  le 
dessin  s'en  trouve  sous  les  yeux  du  lecteur  (pi  il).  Mais  je  l'egarde 
comme  nécessaire  de  donner,  sur  la  position  qu'ilsoccupaienl,des  dé- 
tails explitiuant  ceitaines  parlicuiaiitéspeucompiéliensibles  au  pre- 
mierabord.  La  Victoire,  monument  volif  selon  toute  apparence,  de- 
mandait i\  être  vue  de  loin  et  de  bas  en  haut,  en  même  temps  par  le.j 
fidèles  réunis  dans  les  temples  occupant  le  fond  de  la  vallée  (lu'il 
dominait,  et  par  les  pèlerin?  arrivant  au  port  de  Samotbrace.  Un 
avait  donc  choisi,  trèsjudicieusement,  pour  l'ériger,  la  croupe  d'une 
colline  s'abaissant  1res  brus(iuement  jusqu'au  torrent  sur  le  bord 
duquel  les  temples  étaient  construils,  et,  comme  torrent  et  vallée  se 
dirigeaient  en  droite  ligne  vers  la  mer,  on  découvrait  la  Victoire 
longtemps  avant  de  toucher  le  rivage  de  l'ile.  De  là  résultait  ipie  le 
piédestal  et  la  statue  se  présentaient  seuls  aux  regards  du  publie, 
placé  en  contre-bas  et  tenu  à  distance  par  la  nature  du  terrain,  tandis 
que  le  soubassement  lui  restait  caché.  Aussi  avait-on  regardé  comme 
inutile  dépolir  les  plaques  de  ce  soubassement,  juxtaposées  sur  le 
sol  de  la  cella  dans  l'état  même  où  elles  étaient  sorties  des  carrières 
de  l'île  voisine,  Tliasos,  c'esl-à-dire  dégrossies  sans  grand  soin  et 
marquées,  non  seulement  de  lettres  destinées  à  faciliter  leur  assem- 
blage, mais  d'une  empreinte  au  ciseau,  de  forme  conique,  montrant 
la  place  où  devait  s'appuyer  la  carène  du  navire  de  marbre. 

En  jetant  les  yeux  sur  la  ligure  ci-dessous  représentant  la  cella  et 
le  soubassement  qu'elle  renfermait,  le  lecteur  sera  très  probable- 
ment frappé,  ainsi  que  nous  l'avons  été  nous-même,  du  manque 
d'alignement  entre  les  muîs  de  la  première  et  lés  blocs  du  second. 
Sans  cherchera  expliquer  catégoriquement  cette  anomalie,  je  serais 
presque  tenté  de  l'appliquer  à  des  exigences  rituelles.  Peut-être  la 
tradition  réclamait-elle  une  orientation  particulière  pour  certains 
édiliccs  religieux,  celle  du  nord  plein,  pur  exemple,  au  cas  actuel, 
ce  qui  eût  présenté  la  statue  de  la  Victoire  de  trois  quarts  et  non  de 
face,  à  la  vallée  et  à  la  mer,  et  par  conséijuent  aux  lidéles.  Pour 


16  HKVIT.    AnCIlKOLOGIQLE. 

•parer  à  cotte  iliflirultL',  on  aiinil  élevé  les  murs  de  l'enceinte  dans 
le  sens  i)rescrit,  (oui  en  plaraiil  la  statue  clans  celui  qui  était  le  plus 
propre  à  la  faire  valoir. 

Aucune  inscription,  aucun  signe  extérieur  (ludromiuc  ne  sont 
venus  nous  éclairer  sur  l'origine  du  monument,  sur  l'époque  de  son 
érection.  Les  fouilles  prali(|uées  aux  alentours  n'ont  donné  que  des 
médailles  ou  monnaies  sans  signilicalion.  Toutefois  il  existe  au 
Cabinet  des  médailles,  pour  guider  les  reclierchesà  cet  égard,  une 


série  de  [tiéces  que  M.  Cliahouillet  a  liien  voulu  nie  permettre 
d'étudier  et  i|ui  laissent  peu  de  place  au  doute.  (>esoril  les  monnaies 
d'argent  de  Uémétrius  I"',  sur  toutes  lesquelles  cstligurée  une  galère 
prestjue  id(Milii|ue  à  celle  (jue  j'ai  découverte,  et  surmont«'e  d'une 
Victoire  ailée,  dans  la  même  attilud»;  (|ue  la  nôtre.  H  est  donc  permis 
de  supposer  que  la  statue  aujourd'hui  au  Louvre,  ainsi  que  son 
|.iédestal,  ont  été  élevés  par  les  ordres  de  ce  roi,  «jui  régna  sur  la 
.Macédoine  1 1  tint  mèiiie  bous  sa  dépendance  la  Tlirace  et  les  iles  voi- 


i,A  vicTonu;  dk  sAMOTirnACi:.  I" 

sincs,  (lo295  à  287  avanl  J.-C.  Mûmc  absence  complète  {l'in(li(  niions 
louchant  le  nom  du  statuaire,  auteur  de  celle  œuvre  si  remaniuahlc. 
Ci^pondant,  du  i^'raiid  souffle  qui  l'aniino,  de  la  ficrfcclion  avec 
latiuelle  sont  trailés  les  dûtails  des  vùteuieiits  et  dt.'s  draitciics,  de  la 
transparence  des  étolTcs,  du  Uni  ravissant  des  cliaiis  deviiiies  sous 
les  voiles,  do  la  laron  ningislrale  de  fouiller  le  niaihic.  <(  (jui  scinlde 
modelé  au  pouce  comme  une  terre  i,'laise,  »  disail  devant  moi  un  de 
nos  grands  artistes,  on  peut  inférer  (|ue  la  Victoire  île  Samolhrace 
est  due  au  ciseau  de  l'un  dis  meilleurs  diseiplesde  Ljsiiipc. 
Agréez,  Alontii  ur  le  Directeur,  etc. 

Chaules  Champoiseau, 

CoruiU  de  France, 


W.VIX. 


NOTICE 

sur. 

m  iMmnm^  et  des  antiquités 

rilOVEiNAM'  DE  BOUKliO.NNE-LES-BAlXS 

DONNÉES   PAU    L'iiTAT    A    LA    UlliLlOTHÈQUE   NATIONALE 

suivie  d'un  essai  de  calahyue  gCncral  des  monuments  cpvjraphiques  relatifs  à 
BOll   0  tt  à  DAMUiNA 


A  M.  (iEOllGES  PEiJKOT,  DIRECTEUR  DE  LA  lŒVLK 
ARCIJÉOLUGIQUE. 


Monsieur  le  direclcur  et  cher  ami, 

Vous  avcx  bien  voulu  promettre  l'hospitalilô  de  la  Revue  archéologique 
à  une  notice  sur  le  don  fait  récenuiientpar  le  gouverueuicnt  à  la  Biblio- 
thèque nationale  (I),  d'un  lot  d'antiquités  découvertes  à  Hourbonue-lcs- 
Bains,  parmi  lesquelles  on  remarque  principalement  six  inscriptions 
dédiées  à  Horvo  et  à  IJaniona,  dont  l'une  est  gravée  sur  une  grande  tablii 
de  bronze.  Voici  cette  notice,  (jue  vous  auriez  reçue  plus  tôt  si  je  n'avais 

(.1/  Luc  dt-cision  des  niiaistrcs  u'  ^  iukuiccs,  dt's  travaux  publics  et  do  l'instruction 
publique  a  attribue  au  départcoiunt  de»  médailles  cl  aaii(iue3  de  l:i  nibliutliciine  na- 
tionale tuiilr-8  les  aiitiijuitéâ  découvertes  à  Uourbonne-ii.'s-Uaius,  au  cours  de  tra- 
vaux exécutés  par  les  ordres  du  uiinistrc  des  travaux  publics,  dans  l'établissi  meut 
thermal  de  cotte  ville,  sur  le  domaine  de  l'Étui.  Celle  décision  a  été  prise  coiifor- 
inémi'iit  à  l'avis  d'une  commission  spéciale  composée  de  troi^  fonciionuaires  appar- 
tijuatii  aux  trois  déparlements  ministériels  désignés  plus  liau',  MM.  Jacquoi,  ins- 
pecteur général  des  mines,  Muisuiidieu,  admiiiiblraleur  des  domaines,  iiu  l'eun^i^trc- 
tacnt  et  du  timbre,  et  Cliabouilict,  couscrvutuur  du  dùjiarlcmcnl  des  uiédaillcs  cl 
antifjues  à  la  Uiblioilièiiue  nationale. 


INr.llII'TlO.NS    KT.ANTIQUITlis    DK    IlOUnnoNNE-LKS-IJ  VINS.  1!) 

(ilô  di5lourn6  ilcs  recherclics  qu'il  m'a  f.illu  f;iiic  avant  ilc  la  rédiger,  par 
des  devoirs  impôrituix  cl  uit,'Ciils. 

La  pluiiarl  des  luoiuimeiUs  épiyraidiiqucs  relalifs  à  Uoi  vo  cl  ;\  Daraoïia 
qui  viciinint  d'cnlrcr  à  la  liiljliolhùquc  nulioualc  s-otil  dcji  connus.  Cc- 
pendaul  j'ai  cru  devoir  les  dccriie  lous  de  nouveau,  attendu  qu'en  les 
ôluiliani  alleniivc:nenl  ol  en  les  comparant  ;\  d'aulrcs,  épiirpillés  en  di- 
vers pays  cl  mc!nie  au-delA  do  nos  Ironlières,  j'ai  616  conduit  à  penser 
qu'il  y  avait  lieu  de  proposer  certaines  modillcaiions  :;oit  aux  lectures, 
soit  aux  reslitutions  dncs  il  mes  devanciers. 

Je  no  me  suis  mûmp  pa  conicnlé  de  donner  ici  ces  six  Icxtes  épigra- 
pliiques;  j'ai  cru  devoir  y  joindre  lous  ceux  qui  se  rapporlenlaux  mûmes 
divinilcs  dont  j'ai  eu  connaissance.  Les  lecteurs  de  la  llcouc  auront 
ainsi  sous  les  yeux  le  catalogue  aussi  complet  qu'il  m'a  6lé  possible  de  le 
faire  de  cette  série  cpigraphique. 

C'est  un  mérite  qu'à  défaut  d'autre  j'ai  voulu  assurer  à  ce  '.ravail.  Si 
d'aventure  ce  catalogue  suscitait  la  publication  de  nouveaux  textes  épi- 
graphiques  relatifs  à  Borvo  et  à  IJaniona  qui  me  soient  restés  inconnus, 
j'aurais  atteint  le  but  que  je  pour.-uivais  en  rassemblant  ce  recueil,  j'au- 
rais fait  faire  quebjues  pas  à  l'éludo  si  inlérestaulc  de  la  mythologie  gau- 
loise. 

Veuillez  agréer,  etc.  Cuacouu  let. 


PREMIÈRE  PARTIE 

INSCRIPTIONS    ET    ANTKjUITÉS    PROVENANT    DK    IJOUllDONNK 
CONSERVÉliS  aujourd'hui  AU  DÉPARTEMENT  DES  MEDAILLES  ET  ANTIQUES 

I  1.  —  Itiscriptions  relatives  à  Borvo  et  à  Damona. 

N»l.  DEO    BOR 

VONI 

VITA 

LIA 

SAS 

SVLA 

EX    VO 

TO 

{Deo  Borvoni,  Vitalia  Sassula,  ex  vota.) 


20  nEVUE   ARCIlKOLOnrOCP. 

On  lit  celte  inscription  sur  un  autel  de  pierre  calcaire  do  'iOccnt. 
(le  hauteur,  sur  21  de  largeur  au  couronnement  sur  lequel  sont 
graviVs  les  deux  premières  lignes.  Les  lettres,  d'assez  bonne  forme, 
ont  3  cent,  de  hauteur.  On  l'a  trouvée  le  7  janvier  1875,  dans  la  vase 
des  galeries  avoisinant  le  jjuisard  romain. 

Voyez  n"  1  de  noire  planche  IV.  Voyez  aussi  la  planche  XLl,  n"  G, 
de  rimportanl  travail  de  M.  le  docteur  Atlianase  Henard  intilulé  : 
((  Hourhonnc,  son  nom,  ses  origines,  ses  anli(|uilés  gallo-romai- 
nes,» etc.,  dans  les  Mémoires  de  In  Société  nrchcolotjiquo  de  Laiigm; 
(t.  Il,  p.  33-2).  Je  citerai  souvent  l'intéressant  mémoire  du  docteur 
Renard. 

Des  noms  analogues  au  premier  de  ceux  qui  paraissent  ici  se  ren- 
contrent sur  trois  inscriptions  de  Langres,  cajiHale  de  la  région 
à  laquelle  appartient  IJourbonnc-les-Bains(l). 


(1)  Les  voici,  iiou  pas  d'après  Grutcr,  qui  d'ailleurs  nVn  doniit'  que  deux  (v.  pp. 
958,  11°  5,  et  1065,  n"  10),  mais,  les  deux  preniièros,  d'après  rouTrai;c  de  Luquct 
cité  pins  bas  et  dont  les  transcriptions  paraissent  préférables  à  celles  de  Gruter,  et 
la  troisième  d'après  le  Catalogue  du  musée  de  Langres  do  1873. 


ECISSAK-  LIB 

V  X  0  U  I  •  li  T  L 

V  I  ï  A  L  I  S  •  F  A  C 

I  E  N  D  V  M  •  C  V 

RAVIT 


V  I  T  A  L  1    C  0  M  O 

ET    A  VI  ...  Clin  V/E 

AUIiE 


AOni    VITAL  •  S 
i:  N  D  v  M  •  C  V  R  A  • 

Ce  fragment  a  et-'  trouvé  dans  It;  rcinipart  (v.  p.  11,  n"  27  du  dit.  du  mutée  de 
Lanf/rci).  I>MvifMidraii-il  de  l'inscription  rapportée  ici  sous  lo  n°  1  ? 

Je  ne  donne  pas  comme  certainement  exacts  ces  textes,  que  jo  no  mentionne  qu'en 
raison  d-  la  présence  du  nom  Vilatis,  Ie<iuel  s'y  trouvait  positivement  puisqu'on  le 
voit  dans  les  doux  copies  de  Lmiuet,  aussi  bien  que  dans  celles  adoptées  parGriilir. 
Taurai  parfois  occasion  de  renvojer  aux  Antiquités  di'  Langres  de  J.-F.-O.  I.u- 
quet,  architecte.  Cet  ouvraRC,  publié  îi  Langres  en  1838  (1  vol.  in-8),  fournit  do 
précicuRf;B  infi^rmnli  >m  sur  les  antiquités  de  cotte  ville  ainsi  que  plusieurs  Iranscrip- 
ttous  de  mouuuicuts  épiiçrapliiquei,  inallieurcusciiicnt  presque  tous  perdus  «t  qu'il 


INSCRIPTIONS    Kr   AN TIQUITl'.S    DK    BOUnnONNK-LKS- nAFNS.  2i 

N"2.  BORVONI 

ET    DAMO 
NAE 
.  X  T  I  L I  A 
.  X  ï I    FIL 
MED 
(Borvoni  et  Dajnouœ,  Sextilia  Sexti  ftUa,  medici.) 

On  lil  colle  inscription  sur  le  dé  d'un  autel  de  giès,  tronqué  à  la 
base,  de  la  même  forme  mais  plus  grand  que  le  précédent.  Hauteur 
56  cent.,  largeur  au  cliaiiitcau  30  cent.  1/2.  Les  lettres,  de  bonne 
forme,  ont  3  cent.  l/:2  de  hauteur. 

Au  commencement  des  lignes  4  et  .'3  il  y  a  une  cassure. 

On  peut  voir  dans  le  mémoire,  cité  plus  haut,  de  M.  le  docteur 
Renard  (pi.  XL[,  n»  5),  la  ligure  de  cet  aulcl,  qui  a  été  trouvé  le 
24  décembre  1874,  dans  la  vase  du  puisard  romain.  L'abréviation 
MED,  (jui  me  paraît  incontestable,  et  qui  d'ailleurs  se  lit  sur  la 
planche  du  savant  docteur,  a  été  omise  par  mégarde  dans  son  texte 
(v.  page  332).  Nous  retrouverons  le  médecin  Sextus  (1);  en  outre 
je  note  ce  nom,  ou  des  dérivés  de  ce  nom,  sur  des  monuments  épi- 
graphlipies  trouvés  à  Langres  (2).  Sans  attacher  à  ce  rapprochement 
plus  d'importance  qu'il  n'en  mérite,  ne  peut-on  en  inférer  que  le 
médecin  Sextus  de  notre  ex-voto  était  Lhir/on,  bien  que  son  nom  ne 
soit  pas  suivi  de  l'ethnique  lingo  ou  lingonus  que  nous  allons  ren- 
contrer sur  trois  ou  peut-être  quatre  de  nos  inscriptions  de  Bour- 
bonne(3)? 

n'a  connus  lui-même  que  par  d'ancien  ues  copies  manuscrites.  On  lira  les  deux  ins- 
criptions que  je  viens  de  citer,  aux  pages  57  et  71  de  cet  ouvrage.  Par  une  singu- 
lière inadvertance,  Luquet  a  omis  le  nom  de  Vitalis  dans  sa  très  iiasardeuso  traduc- 
tion du  texte  de  la  première  de  ces  inscriptions  :  «  /Eiilius  eut  soin  de  l'aire  élever 
ce  nioiuiment  à  ^Ecissa  Liberta,  son  épouse.  »  il  ajoute  :  «  Nous  nous  croyons  fondé 
à  voir /Etiliusdans  EïL,  dont  les  deux  dernières  lettres  sout  confondues,  ce  que 
nous  n'avons  pas  pu  rendre  dans  la  copie.  « 

(1)  Voyez  plus  loin,  n°  11  du  §  1  de  la  deuxième  partie. 

(2)  Luquet,  Antiquités  de  La/tgres,  voyez  p.  51  et  2lS. 

(3)  Voyez  le  n»  :J  du  présent  paragraphe,  les  n"»  8  et  10  de  l'essai  de  catalogue 
des  inscriptions  relatives  à  Borvo  et  à  Damona,  enfin  le  n»  7  de  ce  catalogue  qiii 
commence  le  §  1  de  la  deuxième  partie  de  ce  travail,  si  l'on  adopte  notre  interpré- 
tation des  lettres  qui  terminent  la  quatrième  ligue  de  ce  texte  et  de  celles  qui  en 
commencent  la  cinquième. 


2i  l'.KVl'r     \H    111  «il.dC.lnl  F, 

N"  :k  D  E  O   B  O  R  V  O 

ET    DAMOI^ 
VERREA    VE  RI 
NA    LINGO 
{Deo  Borvoni  et  Diinwfuv,  Vcrrea  Verina,  Lin<jo,  on  fJnrjoua.) 

CcUc  in<î:Miplion  cstgravîcsur  iinnnlelde  gri's,  lequel  répond  ccr- 
lainciiuMit  ;i  la  (lesriiptinn  sonimairc  que  M.  le  liorK'iii-  Henarl  f.iit, 
p.  333,  (l'un  aulel  Irouvù  le  niL"^rne  jour  el  an  iiièine  eiiilroil  i|ii(' 
notre  n"  "2.  M.  le  iloeleur  Henaid  n'a  lu,  dit-il,  «  Idcii  distincte- 
ment (lueniùO  HOUVONI  et  IJAMONK  sur  deux  li^'nes  ».  Il  ajoute 
([ue  la  première  lii;ne  occupe  le  couronncmcul  de  l'aulel  et  qu'à  la 
tin  de  latjualrième  «  le  mol  LJNG  est  assez  lisible  ».  Ce  moi  est  cer- 
tain, elil  est  exact  aussi  que  la  première  liL;ne  occupe  lecouroiinemcnt 
de  cet  autel.  Quant  à  ma  lecture  de  la  troisième  ligne,  je  la  propose 
comme  à  peu  près  certaine.  J'ai  longtemps  hésité  avant  de  m'y 
arrêter;  mais  la  vue  d'une  photograpliie  prise  à  Bourbonne  avant 
rentrée  de  cet  autel  à  la  Bibliothèque  nationale  et  alors  que  le 
grès  avait  moins  souffert  (i)  me  persuade  que  je  suis  dans  le 
vrai.  Je  n'ai  de  doutes  que  sur  un  point.  Après  l'A  de  VKIUŒA, 
surtout  sur  la  photographie  citée,  on  croit  distinguer  une  lettre, 
peut-être  un  I;  mais  sur  la  pierre,  il  me  semble  reconnaître  une  ligne 
fortuite,  un  accident.  Cet  autel,  trouqué  à  la  base,  a  45  cent,  de 
hauteur.  La  formule  lotiip  devait  être  gravée  sur  la  partie  détruite. 

N»  4.  B  O  R  V  O  N 

NT • DAMO 
FROT  •  L  •  VSF- 
(Borioni  et  Damonœ,  Fronto  libciilcr  tolinn  solvcns  frcit.) 

On  lit  celle  inscription,  à  laquelle  rien  ne  manque,  sur  le  dé  d'un 
autrd  de  grès,  tronqué  à  la  base,  comme  nos  i\"' 'i  et  3.  Hauteur 
/i7  cent.,  largeur  2('>  cent. 

M.  le  docteur  Kenard  nous  apprend  (jiie  cet  autel  a  èl>j  trouvé 


(1)  Dan»  OTlain»  ca»  on  lit  mieux  sur  une  piioto;;r.i|iliic  que  sur  l'original;  ce- 
pendant, bii.»  ciJtenJu,  rien  n<:  dispense  ilc  recourir  .vi\  oiii;inat;x  (juaiid  b  chose 
c«l  po'sibic. 


iNsnniPTiONs  r.T  ANTroitiTrs  dp.  Rouniio.\Nr:-i,i:s-n\i\s.       tî.'J 

le  23  janvior  IHTri  dans  la  Irnnnhôo  ouvcrU!  à  Iravors  lo  jardin 
d(^s  Bains  pour  la  ron  liiilo  dos  eaux  afTccltVs  an  sfivico  dn  l'iK^pilal 
mililaire.  Nous  no  donnons  ici  h;  fac-similô  qne  d(3  l'inscrijjlion  olln- 
môme;  on  peut  voir  pi.  Xi.V,  n"  .'i,  du  mémoire  de  M.  llenard  la 
reproiliiiiion  do  cot  autel  ipiil  niontionno  rapidomont  dans  son 
lexto  (v.  p.  3U). 


fRQm/û 


L'inscription  de  Fronlo,  dont  tous  les  caractères  sont  restés  lisi- 
bles, malgré  la  mauvaise  qualité  de  la  pierre,  est  fort  intéressante 
au  point  de  vue  paléographique  ;  elle  a  un  aspect  particulier,  provin- 
cial, que  ses  voisines  de  la  môme  provenance  n'offrent  pas  à  ce 
degré.  Indépendamment  de  la  forme  singulière  de  certaines  lettres 
et  surtout  de  l'A,  seule,  elle  nous  montre  l'E  de  la  conjonction  ET 
figuré  par  deux  II,  «  forme  fort  antique  employée  par  arciiaïsme  à 
Rome  dans  les  temps  moyens,  par  tradition  dans  les  provinces.  » 
C'est  M.  de  Longpérier  qui  s'exprime  ainsi  dans  un  mémoire  spécial 
sur  cet  E  archaïque,  répondant  à  M.  Mommsen,  qui  avait  déclaré  que 
le  caractère  II  ne  se  rencontrait  jamais  dans  les  légendes  des  mon- 
naies, ni  dans  d'autres  inscriptions  publiques  (1).  Malheureusement 
la  présence  du  caractère  II  ne  peut  suffire  à  fixer  la  date  des  monu- 
ments sur  lesquels  on  le  rencontre.  En  effet,  le  savant  français, 
dans  un  mémoire  postérieur  sur  un  sujet  analogue,  fait  observer  que 
si  l'on  trouve  la  forme  II  sur  des  monnaies  gauloises  contemporaines 
de  Jules  César,  on  la  voit  aussi  sur  des  monuments  beaucoup  moins 
anciens.  M.  de  Longpérier  cite  notamment  uneinscripliond'Aiirélien, 
trouvée  près  de  Moulins,  qui  date  de  l'an  275,  sur  laquelle  on  la  lit 
cinq  fois  (2).  Ce  n'est  pas  tout  ;  on  peut  dire  aussi  que  les  deux  for- 


(1)  Note  sur  la  forme  de  la  lettre  E  dans  les  légendes  de  quelques  médailUs  gau- 
loises. (Cf.  Revue  numismatique,  année  1856,  2"  si'rie,  t.  I,  p.  75.) 

(2)  }sote  tur  In  forme  de  In  lettre  F  dans  les  légendes  de  quelques  médailles 
gauloises.  (Cf.  Hevue  numismatique,  année  18C0,  ^^  série,  t.  V,  p.  187.) 


2i  ni-vri:  AiiciiKOLor.iour.. 

mrsrncMsiiionl,  cl  im'^int' qu'on  les  cniploy.iil  indiffr'roiniiienl,  jniis- 
•jui'  nous  le»  ri'iironlioiis  al[i'rn:int  sur  des  iiioiimiuMils  i-niitcinito- 
lains,  par  ext'inple  sur  lies  vases  se  Tiisanl  priuianl,  el  bien  plus, 
tlaiis  une  inùme  inseiiplion.  M.  de  Loii^iiriier  (premier  des  mô- 
uiniiis  cilt'S)  nieiitioiine  la  forme  li  dans  le  nom  du  consé- 
eraltiir  di'  l'iiiie  des  coupes  d'arf^ent  ilùcouverles  au  Villciel,  prt^s 
Herllioiiville  (arroiidisst  iin'iU  de  Hcniay,  Kiirey;  j'ajoulor.ii  que  sur 
le  [leiidanl  lie  celle  eoupe  on  trouve  la  forme  E,  employée  dans  le 
môme  nom  de  consécralcur  (1).  Quant  à  la  présence  des  deux  formes 
dans  une  n)t'^iue  inseri[tlion,  j'en  eitorai  un  exemple  empruntt';  ;\  un 
monument  nu-ntionnê  dans  le  nirmoire  sur  les  formes  do  la  lettre  K 
dt'jà  cité  (2).  C'est  la  dédicace  d'un  vase  de  lerre  noire,  trouvé 


(1)  «  Catalogue  gérn5ral  des  camées  et  autres  inouuments  exposés  dans  le  Cabinet 
des  médailles,  par  M.  Cliabouillct.  Paris,  1858.  »  (Voyez  M"nuincnts  d'urgent 
trouvi'seri  18J0  ù  liernay,  p.  450  et  651,  ii^'  2S2û  et  2827.) 

En  attendant  qu'il  me  soit  possible  de  publier  la  seconde  édition  de  ce  catalogue, 
je  saisis  cette  occasion  de  donner  le  texte  rectilié  de  ces  inscriptions.  En  1858,  j'a- 
vais suivi  M.  Cil.  Lenormant,  alors  conservateur  du  département  des  médailles,  qui, 
comiue  nous  l'apprend  son  ami  Auguste  Le  Prévost  {Mémoire  sur  la  collection  du 
vases  antiques  trouvés  en  mars  \%:SQ  à  B'.'rlhouvillc,  arrondissement  de  Dcrnuy  ; 
Cacn,  1832;  voyez  p.  2G),  lisait  le  nom  do  notre  testateur  DOCTHIGIS  sur  les  deux 
vases,  tandis  que  Le  Prévost  lui-mèinc  lisait  sur  l'un  des  vasos,  DOCIRIS,  et  sur 
l'autre  DOCIlUfilS.  Aujourd'hui  je  crois  pouvoir  dire  qu'il  y  a  sur  les  deux  vases 
DOCIRIGIS.  Celte  leçon  csl  d'ailkurs  plus  probublr  (jue  les  auire^  puisque  nous  con- 
naissons l'existence  des  noms  |)ro|);  es  DOCimX  et  TOGllUX  ^lesquels  ne  sont  sans 
doute  que  des  formes  d'un  même  nom)  par  la  numismaii(iuo  pour  DOCllUX  et 
ÏOtJIRIX,  et  par  l'épigrapbie  pour  TOGll'ilX.  En  elîet,  dans  sa  Dcscriijtion  des  mé- 
dailles ijauluises  de  la  liiLliutlièque  royale,  Duchalais  décrit  des  monnaies  à  la 
légende  Q  •  DOCI  (Docirix  ou  Dogirix)  et  u'autrcs  à  la  légende  lOGlUlX  (n"»  505- 
507  el  W*  508-570},  tandis  que  M.  Tb.  Mommsen,  après  Orelli  (n»  347),  a  fait 
connaître  un  Togirix  qui,  sur  une  inscription  d'Yverdon,  s'acquitte  d'un  vœu  fait 
à  trois  divinités,  Mercure,  Apollon  et  Minerve  {Mitthuilungen  der  nntiquarisc/ten 
Gesellschaft  m  Zùnrh,  185/j,  t.  X,  p.  'lU,  u"  139). 

Voiri  les  inscri|)tions  rectifiées  de  nos  pâtures.  Sur  l'une  on  lit  au  pointillé  :  DEO 
MERC  CA.\  DKCIR  LVPERCVS  EX  ThS  r  PLAC  DOCIRIGIS;  suit  une  indication 
I)on(lérale;  sur  laulrc  on  lit,  toujours  au  pointillé,  la  même  inscripiion,  sauf  (|ue  le 
nom  de  l'exécuteur  testamentaire  est  écrit  DIlClU.  L'indication  pond.-rale  me  parait 
Ctre  la  même  que  sur  le  premier  vase.  A  ce  sujet,  j'aurais  encore  de»  addition»  et 
des  rcciillcation»  à  faire  k  nia  première  description  ;  il  faudrait  rapprocher  ces  mar- 
que» pondérale»  et  celles  de  deux  autres  vases  de  la  m-'inc  découverte,  me»n"«2b28 
et  2830,  de  marque»  qui  ont  été  notées  sur  d'autres  objets  d'argent,  et  discuter  les 
obM;rvations  qu'elle»  ont  sujigérée»  &  divers  érudiu,  noiammi-nt  Charles  Lenor- 
mant et  .MM.  Momiiiscii,  Deluyu  ot  Aurés;  mais  je  no  puis  allut^gcr  démcsurémeat 
celle  note;  ce  sera  pour  la  seconde  édition  de  mon  catalogue. 

(2)  Voyi  p.  Hl. 


INSCRIPTIONS    KT    ANTInlJITl'::^    1)1.    liOUIlItONNK-I.KSnAI.NS.  :2o 

h  Meaux,  dont  M.  de  Lon^périor  a  \)\\h\\ù  ailleurs  le  f;ic-sirnilé  (l). 
Celle  lÙL^ende,  donl  le  cynisme  fail  p.Miser  à  des  inepties  analo{iiies 
qui  (léslionoiont  nos  niurailleo,  e>t  ainsi  conçue  :  IIGO  QVI  LEtJO 
PEDICOR. 

On  le  voit,  la  présence  de  la  l'oriuc  11  pour  E  ne  sufiirail  pas  à 
indiquer  avec  précision  la  date  des  inscriptions  où  on  la  rencon- 
tre. C'est  la  physionomie  générale  des  caractères,  c'est  le  contexte 
de  ces  monuments  qui  pei-mettent  paifois  d'en  déterminer,  non  pas 
la  date,  mais  approxiiiialivemeiit  l'époque.  En  ce  (jui  concerne  l'ins- 
cription de  Fronto,  on  p>  ut  dire  (ju'elle  ne  parait  pas  devoir  remon- 
ter plus  haut  que  la  lîn  du  i"'  ou  le  commencement  du  u"  siècle  de 
notre  ère.  Les  lecteurs  auront  d'ailleurs  la  facilité  de  se  faire  une 
opinion  à  ce  sujet,  le  monument  étant  désormais  à  leur  disposition 
dans  un  établissement  public  de  la  capitale. 

J'ai  cru  pouvoir  reconnaître  une  F  dans  la  dernière  lettre  de  notre 
inscription,  bien  qu'elle  dilïùre  de  l'F  qui  commence  le  mot  Fronto 
à  la  même  ligne.  Celte  forme  do  l'F,  duc  à  une  recherche  d'ar- 
chaïsme analogue  à  celle  que  nous  venons  de  rappeler  à  piopos  de 
la  lettre  E,  est  peut-être  paiticulière  au  pays  des  Lingnns,  et  en  tous 
cas  doit  être  plus  rare  que  celle  dont  M.  de  Longpérier  rapporte 
maints  exemples  dans  l'un  des  mémoires  cilés  plus  haut  (2).  Huant 
à  cette  formule  elle-même,  je  rassurerai  ceux  qui  hésileraient  à  l'ad- 
mettre ici,  où  elle  paraît  écrite  en  caraclércs  liés  avec  une  S  ei  une 
F  de  formes  rares,  en  leur  apprenant  que  M.  Léon  Kenier  la  lit 
comme  on  vient  de  la  voir. 

N°5.  DAMONAEAVG 

CLAVDIA  -MOSSIA-  ET  -C  ■  I  VL 

SVPERSTES    FIL 

L-DEX-D-D-V-SLM 


(1)  J'emprunte  le  texte  complet  de  cette  inscription  à  un  travail  de  M.  de  Long- 
périer  intitulé  :  Note  sur  un  vase  gaulois  de  la  collection  du  Louvre,  qui  a  été 
publié  dan»  le  t.  XIX,  année  1852,  du  Bulletin  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 

(2)  Dans  ce  mémoire,  cité  plus  haut,  p.  23,  note  2,  l'auteur  expose  ce  qu'il 
nomme  le  «système  yertical  »  et  s'occupe  de  la  forme  1'  pour  la  lettre  F.  En  ce  qui 
concerne  la  rareté  que  je  suppose  à  lu  fornio  donnée  ici  à  la  secuude  F  de  la  der- 
nière ligne  de  notre  inscription,  je  ferai  observer  que  dans  un  article  récent  sur 
l'Alphabet,  où  M.  F.  Leuormant  donne  plusieurs  variantes  de  la  lettre  F,  ou  voit 
celle-ci  1',  mais  non  celle  qui  tunnino  l'inscription  du  F.-onton  (Di>:t.  antiq.  yr.  et 
rom.  publié  par  M.  Saglio.  V.  p.  215  et  210  du  t.  I.) 


20  nKvuF.  AnrnKoi.or.inuF 

{Damou(T  AuiiHStiT\  Clnudin  Mossia  et  C.  Jiilins  Superslrs  filius, 
loco  data  ex  dccurionum  décréta  votiim  solvcnmt  libetitis  mrrito.) 

Celle  inscription  o>t  gravée  sur  une  table  de  bron/.c  de  2o  cent, 
de  hauteur,  de  (50  cent,  de  largeur  et  de  3  millimètres  d'épaisseur. 
A  l'une  des  extrémités  de  cette  l.ible,  dans  le  sens  de  la  hauteur, 
on  remarque  une  sorte  de  rebord  de  3  centimètres  de  hauteur,  qui 
permet  de  supposer  qu'elle  faisait  partie  intégrante  de  quelque  mo- 
nument votif.  Ace  sujet,  voyez  plus  loin,  dans  le  paragraphe  2  de 
cette  deuxième  partie,  sous  la  rubrique  Antiquités  diverses,  n»  24. 
Une  déchirure  a  enlevé  la  lin  de  la  dernière  syllabe  du  mol  DAMO- 
NAE  et  altéré  le  mol  MOSSIA,  lesquels  n'en  sont  pas  moins  d'une 
lecture  certaine. 

Les  caractères  de  cette  inscription,  gravés  profondément,  sont  de 
bon  style  et  de  grande  dimension;  ils  varient  symélriquement  entre 
3  et  4  centimètres  de  hauteur.  Elle  est  reproduite  ici  pour  la  pre- 
mière fois  (Y.  n"  8  de  la  planche  III);  cependant  elle  n'est  pas  iné- 
dite :  j'ai  eu  l'occasion  de  la  ciler  incidemment  en  note  dans  un 
Rapport  publié  dans  la  Revue  des  Sociétés  savantes  des  départe- 
vicuts  (1).  J'ignore  la  date  précise  de  la  découverte,  qui  doit  re- 
monter à  l'année  1875. 

N»C.  DEO     BORVONI 

ET    DAMON 

MATVRIA  •  RVS 

TICA 

V • S- L- M- 

{Deo  Borvoni  et  Damonœ,  Maiuria  Bustica  votum  solvit  Hhcns 
merito.) 

Publiée  ici  pour  la  première  fois,  cette  inscription  est  gravée  sur 
un  autel  de  gramlc  oolithe,  de  forme  ronde,  surmonté  d'un  enta- 
blement également  de  forme  ronde.  Hauteur  totale,  50  ccnl.;  dia- 
mètre, 35  cent.;  hauteur  du  fût,  37  cent. 

Cet  autel  a  été  trouvé  en  janvier  1878,  à  Bourbonne-les-nains, 
par  M.  Prôchey,  gard«'-mincs;  on  l'a  envoyé  peu  do  temps  après  au 
Cabinet  des  médailles  et  anti(iues  de  la  nihliothéiiuc  nationale,  con- 
formément à  la  décision  ministérielle  mentionnée  plus  haut  (2).  Les 

(1)  y.  0»  série,  t.  V;   piiblii'  m  1877,  p.  613. 

(2)  V.  note  de  la  Ifttro  h  M.  l'crrol. 


INSCRIPTIONS    l'T    ANTIQUITKS    DK    nolJRnONNK-LF.S-nAINS.  27 

cnrnclùrcs,  assez  ir^'ulirroiiicnl  Iraci's,  ont  rlô  rongé-  par  k's  eaux, 
mais  sont  resiés  lisibles. 

§  ^).  —  Andijuités  dtversef^  trourées  à  Bourbonne-les -Bains ^ 
mijourd'hiii  iiu  Cabinet  des  méduilli's  et  anliquea. 

JV"  4.  —  Pierre  gravée.  Trophée  entre  un  aigle  et  une  corne  'l'a- 
bondance près  de  laquelle  on  distingue  un  épi.  Cornaline.  Haul. 
8  niilliniélrc?,  largeur  10  millimétrés.  Gravé  sous  le  n"  3,  pi.  III. 

On  trouve  des  sujets  non  pas  semblables,  mais  analogues,  sur  des 
pierres  gravées  de  petite  dimension  comme  celle-ci.  Ce  sont  des  fan- 
taisies de  possesseurs.  La  composition  du  cachet  que  nous  venons  de 
décrire  peut  avoir  trait  fi  l'abondance  qui  naît  de  la  victoire.  Voyez 
au  Cabinet  des  médailles  et  antiques  les  inlailles  décrites  sous  les 
n""  11)77,  1978, 197<),  212y,  'J120,  2133  et  2131,  dans  le  Catalogue 
des  camées,  etc.,  [lulilié  en  1858  par  celui  qui  écrit  ces  lignes. 

N°^  2,  3,  i. 
Buste  de  bronze  et  peut-être  débris  d'une  statue  de  Damona. 

N"  2.  —  Jiustc  de  Damona  avec  une  abondante  chevelure  qui 
couronne  son  front  et  forme  un  nœud  sur  le  chignon.  Ce  bronze, 
très  zincifére,  est  creux.  Le  métal  a  été  ciuellemenl  rongé  par  les 
eaux  minérales.  Les  yeux  et  la  bouche  sont  particulièrement  altérés 
et  font  paraître  la  déesse  laide  ;  cependant  le  nez  a  conservé  une 
certaine  pureté  de  lignes  et  l'on  voit  que  l'article  l'avait  faite  belle. 
Hauteur  35  cent.,  largeur  25  cent.  Ce  buste  pourrait  provenir  d'une 
statue.  (Gravé  sous  le  n"  1,  pi.  III.) 

N*"*  3  et  4.  —  Fragments  du  même  métal  que  le  n"  2.  Ce  sont  sans 
doute  des  vestiges  de  ce  buste  ou  de  celte  statue  que  nous  croyons 
pouvoir  attribuer  à  Damona.  Cette  divinité  était  représentée  vêtue 
d'une  robe  à  grands  plis.  Hauteur  du  plus  grand  des  deux  fragments, 
254  mill.;  largeur,  290  mill.  Hauteur  du  second,  20  cent.;  largeur, 
13  cent. 

Le  buste  dont  nous  venons  de  parler  est  certainement  celui  qui 
est  mentionné  en  ces  termes  par  M.  le  docteur  Renard,  dans  une 
rapide  énumération  de  découvertes  que  l'on  venait  de  faire,  au  mo- 
ment où  il  écrivait,  dans  le  sol  de  la  place  des  Bains,  pour  la  conti- 
nuation des  aqueducs  et  la  construction  de  la  chambre  des  pompes  : 


2^  iir.vrK  Ant:Hi':ni.(M;iorK. 

1.  L«»  I'»  inni  suivant  JST.'i,,  un  lnisic  île  fcmino,  en  l>ron/.n  (inrt\ 
creux,  lie  {îciiuleur  à  peu  près  nalurellc,  très  fruste  et  corrodé  (1).  »> 

11  faut  reuiercier  le  docteur  de  nous  avoir  parlé  de  celte  dorure  ; 
sans  son  inilicalion,  on  ne  soupçonnerait  plus  que  ce  buste  ail  été 
doré  ;  averti,  on  y  remarque  encore  des  vesli^'es  de  dorure  presijue 
imperceptibles.  Ce  détail  pourrait  venir  à  l'appui  de  l'hypothèse 
émise  plus  haut,  selon  laquelle  ce  buste  aurait  ajiparlenu  à  une  sta- 
tue de  Damona,  la  déesse  tutélaire  des  eaux  thermales. 

Dans  des  notes  conservées  h  la  bibliotlièque  de  l'Keole  des 
mines,  on  voit  que  l'ingénieur  (|ui  assista  <à  la  découverte  de  ce  buste 
a  eu  comme  nous  la  pensée  (ju'il  devait  représenter  Damona.  Il  indi- 
que d'ailleurs  le  lieu  de  la  découverte  avec  une  grande  précision  : 
((  Ce  buste,  dit-il,  était  dans  une  sorte  de  niche  en  hri(iues,  au-de>sus 
de  l'angle  nord-est  de  la  grande  piscine  romaine....  Je  crois  bien, 
ajoule-t-il,  qu'il  représente  la  déesse  Damona  et  que  le  buste  de 
Borvo  est  eu  pendant  de  l'autre  cùlé  de  la  piscine,  point  que  nous 
n'avons  pas  eu  l'occasion  de  fouiller  {-i).  » 

Il  est  regreitable  que  les  dimensions  de  la  niche  ne  soient  pas  in- 
diquées dans  ce  passage,  et  encore  plus  i|u'on  n'ait  pas  fouillé  l'en- 
droit où  était  probablement,  en  elTet,  le  buste  ou  la  statue  de  Borvo. 

Ceci  me  conduit  à  r.iiipeler  (jue  M.  Dugas  de  IJeaulieu  iMihnoire 
sur  les  (Uitifjnité'i  de  Bourbonnc)  parle  de  deux  statues,  en  mar- 
bre blanc  et  de  grandeur  naturelle,  découvertes  dans  l'enceinte 
du  château,  les(]uelles  représenteraient  Borvo  et  Dmiiona.  Selon 
cet  archéologue,  «l'une,  celle  de  Horvo,  représentait  le  dieu  sous  les 
traits  d'un  jeune  homme  à  cheveux  courts  et  bouclés;  l'autre,  celle 
de  Damona,  sous  ceux  d'une  femme,  au  front  ceint  d'une  couronne 
d'olivier,  et  dont  les  cheveux  tressés  retombaient  sur  les  épaules.  » 

Or  M.  le  docteur  Athanase  Henard,  que  nous  avons  si  souvent 
cité  et  qui  sait  l'histoire  des  antiiiuités  de  nourboiuiiMnieux  (|ue  per- 
sonne, se  montre  fort  sceptique;  à  ce  sujet  :  «  (Juanl  au  dieu  Borvo 
et  il  la  déesse  Damona,  dont  nu  aui.iit  tiouvé  au  (  liateau  les  statues 
de  ijraiideur  naturelle  en  marbre  hlaiic,  il  n'y  a  de  celte  découverte 
aucune  preuve  bien  adjuise.  Si  ces  statues,  ijui  sont  données  comme 


(ly  Mémoire  cité,  p.  .OJ. 

(2j  Je  doin  à  la  p.irfuiie  obliRfancc  de  .M.  D.uibrôi',  directeur  de  l'f.colt'  dtrs  mines, 
d'avoir  pu  consulter  un  donsicr  coiiicnanl  ilt!s  noies  surdfs  di'couviTtea  d'aniiquitti» 
fait<;s  li  IlourboDiu;  li-s-iJain»,  ainsi  (\\u'  des  piiolo;;rapliit's  parfaiicmcnt  exécutées 
d'apré»  ce«  mouuineuLs  au  inomeni  ni^aie.  J'enplTC  (|u<*  li;  savant  académicien  vou 
dra  liicQ  agréer  les  sincères  rcmercieuiciils  <iuc  Je  lui  olTru  ici. 


INSCRIPTIONS    F.T   ANTIQUITKS    DK    ROUnDONNE-LKS-lJAINS.  "iU 

si  romnrquahli's,  ;iv;iionl  ('•16  Iroiivccs  on  ciïot,  coinmciil  siipiioser 
qu'elles  n'aiiraicnl  pas  été  conservées  (1)  ?  » 

Si  je  parla^'c  les  doutes  du  docteur,  ce  n'est  pas  seulement  parce 
que  Icsslalurs  n'ont  pas  élé  conservées  :  on  ferait  une  lonf,Mi(;  et  triste 
liste  des  monuments  remarquables  (jui  n'ont  été  découverts  que  pour 
disparaître  de  nouveau  ;  mais  j'ai  d'autres  motifs  que  ceux  allégués 
par  mon  savant  devancier. 

Suivant  M.  Dugas  de  Beaulieu,  «  le  docteur  Gaulliicr  (.svr,  pour 
Vingénieur  Gaulier),  qui  a  signalé  le  premier  celte  découverte,  men- 
tionne aussi  comme  ayant  été  trouvés  au  même  lieu,  un  Ijout  d'aile 
d'un  aigle  et  la  partie  inférieure  d'un  bas-relief  représentant  un 
homme  nu  de  la  ceinture  aux  pieds  et  de  grandeur  naturelle  (2).  » 
Or  l'ingénieur  H.  Gautier  parle  bien  de  ce  bout  d'aile  et  de  ce 
ti'onçondéjà  perdus  de  son  temps,  c'est-à-dire  il  y  a  plus  d'un  siècle, 
mais,  si  je  n'ai  pas  trop  rapidement  parcouru  son  opuscule,  il  ne  dit 
mot  des  deux  statues  de  marbre  de  Borvo  et  de  Daraona  (3).  M.  de 
Beaulieu  aura  confondu  cet  ingénieur  avec  un  médecin,  le  docteur 
Chevalier,  dont  il  cite  également  un  écrit  relatif  à  Bourbonne. 
En  effet,  ce  dernier  dit  «  qu'en  creusant  un  puits  dans  l'enceinte 
du  château  on  lira  des  décombres  deux  statues  de  marbre  blanc  un 
peu  mutilées,  que  l'on  a  soupçonnées  être  celles  de  ces  divinités  (4).  » 
Ces  divinités  n'étaient  autres  selon  lui  que  Damona  et  Orvo,  c'est-à- 
dire  Borvo,  car  c'est  sous  la  forme  Orvo  que  le  docteur  Chevalier  dé- 
signe encore  Borvo(r))  dans  son  livre,  dont  je  n'ai  rien  à  dire  au  point 
de  vue  des  vertus  des  eaux  de  Bourbonne,  mais  que  l'on  jugera  au 
point  de  vue  archéologique  lorsque  j'aurai  dit  que  l'auteur  y  raconte 
gravement  un  petit  roman  sur  le  latinius  ou  Latiniiis  de  notre  ins- 
cription n"  7  qui  va  suivre:  il  en  fait,  de  son  autorité  privée,  un  pa- 
Irice  (lui  aurait  élevé  le  temple  d'Orvo  et  de  Damona,  et  c'est  à  ce 
personnage  qu'il  fait  remonter  l'origine  du  nom  de  l'un  des  bains  de 
Bourbonne,  le  bain  Patrice. 

(1)  Docteur  Renard,  mémoire  cité,  p.  319, 

(2)  Dugas  de  Beaulieu,  Mémoire  sur  les  antiquités  de  Bour/jonne-les-Baiu?,  lu 
en  1859  à  la  Sociétù  des  antiquaires  de  France,  publié  à  part  en  18(30  et  en  1SG2 
dans  le  tome  XXV  de  la  3'  série  du  recueil  de  cette  compagnie  (V.  p.  G/î-CS). 

(3)  Dissertation  sur  les  eaux  minérales  de  Bourbonnc-lc3-Bains\  par  le  sieur 
H.  Gautier,  architecte-ingénieur  et  inspecteur  des  grands  chemins,  ponts  et 
chaussées  du  Roy,  un  vol.  in  8,  17IG.  (V.  p.  10.) 

{Ix)  Mém.  et  observations  sur  les  eaux  de  Bourbonne,  par  M.  le  docteur  Chevalier, 
1772.  (V.  p.  212.) 

(5)  Sur  cette  ancienne  leçon  de  l'inscr.  n"  7,  v.  Berger  de  Xivrcy,  p.  52  de  sa 
Lettre  de  Hase  sur  une  inscription  de  Bourbonne,  citée  plus  loiu. 


30  BFVUR    AIlCHt^OLOr.IQDE. 

Un  mot  cnrore  ;  puisque  j'ai  pris  In  peine  de  parcourir  le  livre  du 
sieur  II.  (îaulier.  je  dois  dire  qu'au  frontispice  il  nous  montre  ce 
qu'il  nomme  «  un  gros  hlol  (li{îiire  2  dans  la  planche)  sur  le(iuel 
étoil  jîrnvôe  une  inscription  telle  (lue  j'ai  dessinée,  sans  (juc  j'aye 
apcn.'u  aucun  point  seusible  entre  toutes  ses  lettres.  » 

Cet  iniTL'uieur  avait  en  le  soin  de  faire  conserver  celle  pierre, 
trouvée  en  cherchant,  dans  lesdéhrisde  la  tour  du  chAleau,  des  ma- 
li'riau\  pour  un  ouvrng(»  dont  il  était  chargé.  (ju'e.st-ellc  deve- 
nue •'  J'en  transcris  l'inscription  sans  en  essayer  la  rcslilution  : 

r\   LVGVDECAFIEC    lui 
NIVGGRATEOCR 
AECINOFILIMPOR 

Évidemment  le  bon  ingénieur  n'a  pu  déchiffrer  celle  inscription, 
qu'un  de  ses  successeurs  aura  employée  pour  un  autre  ouvrage  ; 
aussi  n'esl-il  pas  probal^le  qu'on  la  voie  jamais  reparaître;  n'im- 
porte, je  crois  plus  à  son  existence  qu'à  celle  des  statues  du  docteur 
Chevalier  citées  par  M.  Dugas  de  Beaulicu. 

N"  î).  —  Tête  de  génie  enfani,  les  cheveux  liés  sur  le  devant  de  la 
tête  par  le  crobyle.  Marbre  blanc.  Hauteur  il  cent. 

Ce  doit  être  la  tête  dont  parle  M.  Uenard  comme  ayant  été 
trouvée  le  18  mars  1875.  Le  savant  docteur  fait  remarquer  que 
(i  les  sections  droites  de  la  partie  postérieure  et  supérieure  de  celle 
léte  ne  permettenl  pas  de  douter  (|u'elle  n'eût  servi  de  cariatide.  » 
M.  Uenard  fait  encore  observer  que  celte  lèle  e>l  bien  conservée  (i), 
«  à  part  deux  petites  mutilations.  »  Ces  mutilations  sont,  l'une  au 
nez,  l'autre  au  menton. 

Il  .s'agit  évidemment  de  la  léte  hgurée  sous  le  n"  2  de  nuire  plan- 
che III. 

C'était  sans  doute  un  génie  secondaire  îles  eaux,  peut-être  le  génie 
de  liorvo,  car  ce  ne  peul  èlre  Dorvo  lui-même.  La  note  déjà  citée  sur 
les  fouilles  de  Uourbonne-Ies-bains  ,  conservée  à  la  bibliothèque  de 
riCcole  des  mines,  conlirme  riiyi)Olhèse  du  docteur  sur  la  destina- 
lion  de  ce  buste  ainsi  que  notre  idenlilicalion  ;  il  y  est  dit  (jue  celle 
tCte  était  eu  applique  dans  une  des  pi  tiles  salles  des  piscines  riches. 

N**'  G  et  7.  —  Deux  figurines  d'applique  en  bronze,  qui  semblent 
avoir  été  dcsiinécs  à  se  faire  [icndant. 

(1)  Mtiinoiro  cité,  p.  333. 


INSCRIPTIONS    I:T   ANTIQUITKS    I)K    BOUaiJON.NR-LR!--nAI.NS.  .'Jl 

RI.  le  doctour  llonanl  les  a  fait  gravur,  mais  lûiluilos,  sur  la  [ilan- 
clie  43  (le  son  iiiéinoiro  et  les  iiieiiliuiiiiu  brièvement,  page  '.VU  : 
«  Deux  stiluetles  d'appliiiue  en  bronze,  d'un  tiè.-  beau  modèle.  » 

En  voici  les  descriptions  plus  détaillées. 

N"  0  :  l'ersonnage  jeune,  nu,  sauf  une  clilamydo  jetée  sur  les 
épaules,  dans  une  attitude  forcée;  il  semble  vouloir  s'élever  vers 
un  but  inconnu  en  s'aidant  d'un  Ironc  d'arjjre  desséché,  assez  mince 
et  irrégulier.  Le  bras  gauche  est  brisé.  Ce  personnage  porte  un  an- 
neau à  chaipie  jambe  au-dessous  du  mollet.  La  partie  postérieure  de 
celle  ligure  est  plate.  Hauteur  10  cent. 

N"  7  :  Autre  personnage,  vêtu  comme  le  précédent,  dont  il  dif- 
fère par  l'expression  île  ses  traits,  qui  expriment  une  vivo  douleur, 
tandis  (jue  l'autre  paraît  calme;  il  a  l'air  d'être  attaché  à  un  arbre 
semblable  à  celui  dont  il  vient  d'être  parlé,  et  cependant  on  ne  dis- 
tingue pas  de  liens  ;  sa  jambe  droite  est  repliée  d'une  manière  for- 
cée. Hauteur  14  cent. 

S'agit-il  de  cubistes  faisant  des  exercices  de  souplesse  et  de  force  ? 

N°8.  —  Avant-bras  droit  de  femme,  tenant  du  pouce  et  de  l'in- 
dex soit  un  petit  globe,  suit  un  fruit  rond.  ÏJronze;  longueur 
45  mill. 

Ce  pourrait  être  un  fragment  d'une  statuette  de  Vénus  tenant  la 
pomme  ;  mais,  bien  qu'il  y  ail  des  traces  de  cassure  vers  le  coude,  je 
croirais  plutôt  que  nous  avons  ici  V ex-voto  d'une  baigneuse  qui  aurait 
recouvré  l'usage  du  bras  cl  de  la  main,  grâce  aux  vertus  des  eaux  de 
Bourbonne.  Les  deux  objets  qui  vont  suivre  et  que  je  considère 
comme  des  ex-voto  pourraient  confirmer  cette  hypothèse. 

M.  le  docteur  Renard,  qui  a  reproduit  cet  avant-bras,  mais  fort  ré- 
duit, sur  la  planche  43  de  son  mémoire,  nous  apprend  simplement 
qu'on  l'a  trouvé  dans  la  vase  du  puisard  romain  (v.  p.  332).  On  le 
voit,  grandeur  d'original,  sous  le  n»  2  de  notre  planche  IV. 

N"  y.  —  Doigt  (index)  et  partie  de  l'avani-bras  droit  d'une  femme. 
Cassure  au  poignet.  Bronze;  longueur 32 miU.  (V.  au  n"  précédent.) 

Ce  doigt  est  reproduit,  fort  réduit,  sur  la  phinche  du  mémoire  de 
M.  le  docteur  Renard,  qui  le  mentionne  p.  332.  Gravé,  grandeur 
d'original,  sur  notre  planche  IV,  n°  3. 

N°  10.  —  Les  deux  pieds  de  devant  d'un  cheval,  en  un  seul  mor- 
ceau de  bronze.  Cassure  au  cou-de-pied.  Cet  objet,  à  plat,  mesure 
2o  mill.  Ileproduit  planche  42  du  mémoire  de  M.  le  docteur  Renard, 
qui  le  mentionne  p.  332.  Gravé,  grandeur  d'oiiginal,  sous  len"  7  de 
notre  planche  III.  (V.  aux  n"'  8  et  U.) 

N°  II.— Tête  et  partie  du  corps  d'un  dragon,  avec  crèle,  la 


3Ï  IlEVllF.    ARCIlKOLOGIQUi:. 

gueule  ouverte  el  l.iissaiu  voir  une  double  rangée  de  dénis,  (^1ssurc 
comme  aux  n"  S,  !),  \0  ol  12.  Ces  cassures  ne  seraient-elles  pas 
voulues.  Uronze  ;  lonj^iieur  7'2  mil!. 

Le  docteur  Renard  lui-nlionne  cette  tcle  de  drai^on  el  celle  qui  suit, 
p.  332  de  son  nicnioire.  Il  les  reproduit  sur  s»  {ilanclie  43.  Celle-ci 
est  gravée,  grandeur  d'original,  sur  notre  jdnnclie  IV,  n°  4, 

N"  12.  —  Autre  tùte  de  dragon.  La  e:i.ssure  lais.se  à  peine  voir  le 
corps  du  dragon.  Longueur  60  niill.  (V.  au  n"  précédent,  et  plus  bas 
bas  le  coninientaire  du  pilastre  n"  2'i.) 

N"  13.  —  Anneau  de  bionze,  avec  trois  chatons  carrés,  gravés  en 
creux.  Sur  le  chaton  du  milieu,  buste  viril  et  oiseau  ;  sur  les  deux 
autres,  ornements  en  croix  de  Saint-André.  Travail  et  style  de  l'é- 
poque mérovingienne. 

Sur  la  planche  43  du  mémoire  de  M.  le  docteur  Renard  on  recon- 
naît cet  anneau,  bien  qu'il  y  soit  fort  réduit.  Le  docteur  le  mentionne 
p.  332,  ainsi  que  le  suivant.  Nous  l'avons  l'ait  graver,  grandeur  d'o- 
riginal, avec  le  détail  de  ses  trois  chatons,  sous  les  n"*  4,  5  et  G  de 
notre  planche  III. 

N"  14.  —  Autre  anneau  de  bronze,  à  chaton  rond,  gravé  eu  creux. 
Malgré  les  ravages  de  l'oxydation,  on  distingue  une  tête  barbare  de 
profil.  Le  docteur  Renard  a  fait  graver  cet  anneau,  fort  réduit,  sur 
sa  planche  43.  (V.  n"  précédent.) 

N"  1d  et  IG.  —  Deux  fibules  de  bronze,  privées  de  l'ardillon. 
Longueur  48  et  33  mill.  31enlionnées  p.  332  et  gravées,  très  ré- 
duites, sur  la  planche  43  du  mémoire  de  M.  le  docteur  Renard. 

N°*  17  et  18.  —  Boucles  sans  ardillon.  Bronze  ;  longueur  4  el  3 
centimètres. 

N"  19. —  Épingle  à  cheveux.  Bronze;  longueur  85  mill.  Figurée, 
fort  réduite,  sur  la  planche  43  du  docteur  Renard,  qui  la  mentionne 
p.  332.  Reproduite,  grandeur  d'original,  sur  notre  planche  IV,  n"  5. 

N"  20.  — Capsolelte  en  bronze.  Diamètre  10  mill.  Mentionnée  par 
M.  le  docteur  Renard  dans  son  mémoire,  p.  332,  et  gravée  sur  sa 
planche  43. 

N"21.  —  Une  rouelle  à  (jualre  rais.  Rronze  ;  diamètre  3  cent. 
Sept  rouelles  ou  anneaux  moindres  et  de  diverses  grandeurs. 

N"  22.  —  Balances  en  bronze,  avec  débris  des  chaînes,  le  tout  en 
très  mauvais  état  de  conservation.  Longueur  du  fléau,  40  cent. 

N"  23.  —  Douze  pendants  de  collier  en  ambre,  dont  sept  percés 
d'un  trou. 

N"24.  —  Pilastre  de  bronze.  Hauteur  -40  cent.;  largeur  du  fût, 
5  cent.j  à  la  base,  li  cent. 


INSCRIPTIONS    F:T   ANTIQUITIÎS   DE   BOUIIBUNNE-LES-BAINS.  .']3 

M.  le  docteur  Renard  (p.  33!2),  après  avoirmcnlionnô  les  l\<^\i' 
rines  d'appli(iue  décrites  plus  liant  (n'"  5  et  G),  nous  apprend  qu'on 
trouva  en  même  temps  «  des  fra.^menls  su[tposés  .riin  cadre  autiuel 
elles  pouvaient  se  rapporter  ».  Notre  pilastre  taisait  sans  doute  par- 
lie  de  ces  fragments  signalés  en  bloc  par  M.  le  docteur  Renard  et 
que  je  retrouve  dans  le  lot  donné  i)ar  l'Klat  au  déparlement  des  Mé- 
dailles et  Antiques.  Le  cadre  ou  l'encadrement  auquel  fait  allusion 
M.  Renard  complélait-il  la  plaque  votive  de  bronze  de  Claudia  Mossia 
et  de  C.  Julius  Superslesson  fils,  décrite  plus  haut  sous  len";J  de  nos 
inscriptions,  et  (jui  fut  découverte  après  la  publication  du  mémoire 
du  savant  docteur?  Je  serais  tenté  de  le  supposer,  surtout  en  rappro- 
chant cette  indication  de  la  note  manuscrite  conservée  dans  la  bi- 
bliothèque de  l'École  des  mines,  où  il  est  parlé  de  quelques  mor- 
ceaux de  bronze,  trouvés  en  1873,  parmi  lesquels  il  en  est  auxquels 
on  donne  le  nom  de  volutes. 

Le  rédacteur  de  cette  note  pensait,  comme  M.  le  docteur  Renard, 
que  les  deux  statuettes  d'applique  et  les  fragments  de  bronze  prove- 
naient d'un  même  objet;  il  ajoutait  que  c'était  peut-ètreun  vestige  de 
l'encadrement  de  la  table  de  bronze,  Vcx-votodo  Claudia  Mossia,  no- 
tre n"  5.  Le  cadre  de  cette  plaque  de  bronze  devait  être  assez  compli- 
qué comme  moulures,  ajoute  l'auteur  de  la  noie  ;  et  les  têtes  de  dra- 
gon de  bronze  en  faisaient  peut-être  également  partie.  Je  me  contente 
de  mentionner  ces  hypothèses,  qui  empruntent  une  certaine  valeur 
à  ce  fait  que  ces  objets  ont  été  trouvés  en  même  temps  et  au  même 
endroit. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  conservera  dans  le  Cabinet  des  antiques  ces 
fragments  de  bronze,  débris  de  meubles?  soit  plats  et  droits,  soit 
courbes. 

N°'  23,  26,  27.  —  Je  mentionnerai  encore  trois  clous  de  bronze, 
dont  deux  sont  figurés  sur  notre  planche  IV,  n°^  0  et  7. 

N"  28.  —  Sous  ce  numéro  je  comprends  divers  fragments  de 
tuyaux  et  objets  divers  servant  à  l'exploitation  des  eaux,  qui  pourront 
servir  aux  savants  qui  étudient  le  matériel  des  établissements  ther- 
maux de  la  Gaule  à  l'époque  romaine. 

N°  29.  —  Un  fragment  de  conduit  en  terre  cuite,  dit  boisseau^ 
entier. 

N"30.  —  Trois  fragments  de  murailles  avec  revêtements  coloriés. 

N"  31.  —  Un  grand  nombre  de  médailles  gauloises  et  romaines  en 
argent,  bronze  et  potin,  au  milieu  desquelles  on  remarquait  quatre 
aurei,  dont  trois  du  haut-empire  et  uu  d'iionorius. 

A  l'exception  d'une  monnaie  gauloise  et  de  quelques  pièces  de  la 
xxxix.  3 


3i  IlKVll,    AUr.IlKOLOGIQLi:. 

colonie  de  Nîmes,  i]\\c  l'on  a  cru  ilevoir  réserver  pour  le  Cabinet  des 
médailles  el  anli(iiies,  cl  (lonl  on  parlera  loiil  ù  l'heure,  ces  mon- 
naies, (jui  amaiciil  Tiil  douMe  emploi  dans  la  eollerlion  niiniisnia- 
tii|ue  de  l'Klal.  uni  ilé  olïerles,  avec  l'aulorisalion  du  niiiiislre  île 
rinstruclion  publi(iue,  i)ar  la  Uibliolliè(iuc  nationale,  à  la  ville  de 
Hourbonnc-les-Bains,  (lui  les  a  acceptées. 

Il  l'sl  à  peine  besoin  d'ajouler  (lue,  sauf  les  aurri,  ces  pièces  ron- 
gées par  lis  eaux  sont  de  mauvaise  conservation.  Cependant  elles 
ne  seront  pas  sans  intérêt  à  Hourbonnc  oii  on  les  a  trouvées.  Non 
seulement  ce  sera  le  noyau  d'une  collection  (|ue  l'avenir  pourra  gros- 
sir et  améliorer,  mais  les  numismalistes,  les  chimistes  et  les  minéra- 
logistes y  trouveront  matière  î»  de  curieuses  observations  (I). 

La  monnaie  gauloise  réservée  pour  le  Cabinet  des  médailles  n'est 
guère  mieux  conservée  que  la  plupart  de  celles  qui  ont  été  trouvées 
en  même  temps  à  Bourbonnc,  mais  elle  présente  une  particularité 
inobservée  jus(iu'ici,  à  ce  (|ue  je  crois,  d;ins  la  série  à  laiiuelle  elle 
appartient,  celle  du  chef  Germanus.  Cette  pièce  est  en  argent,  ou  du 
moins  en  billon,  tandisque  toutes  les  autres  connues  sont  en  bronze. 
Un  y  voit  d'un  cùlr  une  léte  imberbe,  nue,  tournée  vers  la  droite.  Au 
revers,  où  paraît  un  taureau,  on  lit  :  GEKMANVS  INDVTILLI  •  F. 
lia  ùli  parle  plus  haut  du  mémoire  dans  lequel  iM.  de  Longpé- 
rier  a  proposé  la  leçon  qu'on  vient  de  lire  pour  ces  pièces  (2).  Jadis 
on  lisait  sur  ces  monnaies  soi[ inilutiUii,  i^o'ûiudnlilli  /,  légendes  (jue 
l'on  iratluisaiipar /«(iM^«//t  lihcrtus,  c'est-à-dire  par  une  hypothèse 
inadmissible.  Le  revers  de  notre  pièce  est  trop  mal  conservé  pour 
qu'on  puisse  lui  demander  une  preuve  nouvelle  de  la  lecture  du  sa- 
vant académicien  ;  je  saisis  cependant  celle  occasion  de  la  mention- 
ner, parce  que  j'y  lis  aussi  Gcrnimius  IndutillifiUius)  et  que  j'y  vois 
un  nouvel  argument  en  faveur  de  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  au  sujet 
de  la  forme  particulière  de  la  lettre  F  sur  notre  inscription  n°  -i. 

En  ce  (lui  concerne  les  spécimens  de  la  monnaie  de  Nîmes  con- 
servés au  Cabinet  des  médailles,  ce  qui  en  fait  l'intérêt,  malgré  leur 
mauvaise  conservation,  c'est  iiu'ils  olïrent  une  particularité  bien 
connue,  mais  dont  on  ne  possédait  pas  d'exemples  à  la  Hibliolhé(jue 
nationale.  Ils  sont  coupés  en  deux  pour  servir  de  pièces  division- 
naires. 

(Ij  M.  le  docteur  Uciiard  a  mcnlionnù  ces  quatre  pit'cos  d'or  dans  son  iiiciDoirc 
déJJicilé,  p.  332.  Le  mC-mu  savant  a  domu;  encore  <|iiui<|ne3  d-Suil»  sur  les  décou- 
tertes  de  mcdaiUcs  h.  Dourbonnc-le»-I»ains,  à  la  pufço  317  diidil  mi5moiro. 

(2  Coaunciitaire  du  no  6  do  uo»  iiiscriplions;  il  »'ft|/is»ait  de  lu  noto  sur  la 
forme  do  la  lettre  Y. 


INSCIUPTIONS    i:T   antiquités   DK   DOUnUU.N.NE-Ll!:.^-IJ.Vl,NS.  35 

§  .'!.  —  In'^criptions  diverses. 

A.  —  \)c\iK  riMi,MnoiUs  do  marbre  hlanc  fini  laissent  voir  les  vcti- 
yes  do  ciini  lii^Mics  d'une  belle  iiis(;ii[)lion  luomiincnlalc  : 

H 

NV 

NV 

SIB 

A'  •  PE 

A  la  première  ligue,  il  est  à  peu  près  certain  qu'une  N  précédait 
la  lettre  II,  qui  est  entière.  Les  lettres  de  la  troisième  ligne  sont 
coupées  par  la  cassure  qui  partai;e  en  deux  cette  inscription.  Les 
caractères,  parfaitement  gravés  et  de  bonne  époque,  ce  qu'indique- 
rait indépendamment  de  leur  beauté  le  signe  orihograpliique  placé 
après  TA  de  la  dernière  ligne,  ne  sont  pas  égaux  en  dimension.  Les 
premiers  ont  11  centimètres  de  hauteur;  les  autres  descendent  jus- 
qu'à 8  centimètres  1/2.  Réunis,  ces  deux  fragments  ont  7'J  centimè- 
tres de  hauteur  sur  ÎS  de  largeur.  Les  plaques  de  marbre  ont  3  cen- 
timètres d'épaisseur. 

Les  deux  premières  lignes  font  penser  à  la  formule  in  honorem 
numinis  ou  muninum;  mais  dans  l'incertitude  où  l'on  est  à  l'égard 
delà  largeur  de  ces  plaques  de  marbre  alors  qu'elles  étaient  entières, 
je  ne  propose  pas  de  la  supposer.  Je  m'abstiens  également  d'essayer 
soit  la  restitution  de  la  seconde  abréviation  NV,  soit  celle  des 
quatrième  et  cinquième  lignes,  et  me  contenterai  d'avertir  que  la 
lettre  A  de  la  cinquième  ligne,  qui  est  marquée  d'un  signe  orthogra- 
phique, est  en  outre  séparée  par  un  point  très  distinct  des  lettres  PE. 

B.  —  Sur  un  bloc,  à  peu  près  carré,  de  marbre  blanc,  on  lit  : 

RVFINV 

V I  E  N  ^€  N 

SI 

On  peut  sans  témérité  supposer  qu'on  doit  lire  ici  Rnfiiius  Vicn- 
nensis;  mais  il  faut  avertir  qu'il  ne  semble  pas  que  la  lettre  finale 


.'!<>  nr.viT.  Ancni^oLOGiQUK. 

(lu  mol  HVFINVS  nil  jaiiiais  t'ié  t:r;ivt'('  sur  ce  marbir,  uUlmuIu  ([UC 
5a  plafc  e>t  ic  .siée  vide.  A  la  secoutle  ligue,  lo  diTuier  K  esl  lié  à  la 
seconde  N;  la  iroisièuic  N  csl  à  luoilic  eniporléc  par  une  eassuic  qui 
ne  laisse  jiarailre  au  milieu  de  la  Iroisièmo  ligue  (juc  le  liaut  dos 
lelircs  SI  el  a  dèlruil  l'S  iiuale. 


C.  —  Kragiueul  d'un  tuyau  de  plomb  destiné  à  conduire  les  eaux; 
on  y  lit  en  relief,  entre  deux  lleurons  : 

COCILLVS  •  F 

Los  caractères  gravés  sur  ce  tuyau  ont .']  centimètres  de  haulour- 
Le  tuyau  lui-même  est  long  de  38centimiircs. 

Le  plombier  Cocillus  était  sans  doute  de  la  mémo  famille  que  la 
Cocilla  de  notre  inscription  n"  7  (voyez  le  commentaire  de  ce  nu- 
méro^ §  \  de  la  2"  partie  de  ce  travail). 

D.  — Fragment  portant  la  même  inscription  que  la  lettre  n"  C, 
mais  de  mauvaise  conservation. 

E.  —  Autre  fragment  de  tuyau  de  plomb. 

D  •  NIVALIVS-AGEDINVSF 

Longueur  io  cent.  On  y  lit  en  relief,  en  beaux  caractères  de  35 
mill.  de  haut,  la  signature  du  plombier  terminée  par  l'abréviation 
F  \)0\iv  fecit.  Au  commencement  de  cette  inscription,  on  remar(iucra 
le  signe  >  qui  représente  le  D  du  prénom  Deciinus,  si  ce  n'est  pas 
un  ornement  analogue  aux  lleurons  signalés  sur  le  tuyau  de  Cocillus^ 
lettre  C.  Si  c'était  un  U  il  y  aurait  ;\  noter  (ju'il  est  moins  grand  (juo 
les  autres  lettres  et  ne  resseudjie  pasau  D  d'Aijcdinus,  qui  est  de  la 
forme  habituelle  ;  mais  nous  venons  de  voir  des  exemples  de  lettres 
deform'S  dilTérentes  dans  une  môme  inacription  ;  d'un  autre  côté, 
si  c'est  un  ornement,  pourquoi  ne  se  répôte-t-il  pas  à  la  lin  de  Tins- 
criplion  ? 

Je  retrouve  le  nom  de  NiVALIVS,  ou  du  moins  un  iu)m  analogue, 
sur  une  inscription  conservée  au  mu<ée  de  Langrcs,  et  (jue  le  cata- 
logue cité  plus  haut  (p.  i'O,  note  1)  donne  comme  provenant  d'un 
tombeau  chrétien.  (V.  p.  12,  n"  'M.) 


INSCniPTIONS  RT   ANTIQUITIvS  DR   nOUUnONNK-LFS-nAINS.  :]7 

N  I  V  A  I.  I 

S  A  T  V  H 
N  1  M     I'  1  L 

Ceci  pont  f.iirc  conjocluror  que  le  plonihior  Nivalius  Agodiiius 
était  (le  la  cilc  dos  Lingones,  bien  ([iic  son  nom  fasse  involonlaiip- 
incnl  penser  à  celui  de  la  capitale  des  Senones,  Agedincma  ou 
Agedicum. 

ClIAlloUIM-KT. 

{La  suite  prochainement.) 


CATULLE 

XXIX 


:i(" 


Qiiis  lioc  polost  vidor^,  r|iiis  polnsl  pati, 

Msi  iiiiiuKiicus  et  vorax  rt  aleo, 

.Mainiirrani  liaboro  qiiod  Coiiiata  Gallia 

llabebat  anto  et  iiltima  nritannia? 
f)  f.inœdo  Romiilo,  liœc  vidcbis  et  fcrcs  ? 

f'v  inipudicus  et  vornx  et  iileo. 

Kl  illc  nunc  snpcrbus  et  siiperfluens 

l'iTanibnlabit  omnium  cubilia 

L't  albiiliis  coluiiibus  autAdoncus  ? 
10  Cinn'de  Homule,  lia-c  \idebis  et  fores? 

Ls  impudicus  et  vorax  et  aloo. 

toiKî  iiomiiie,  imperator  unice, 

Fuisti  iii  ull  ma  occidontis  iiisula, 

L't  i-ta  vostra  diffututa  Mentiila 
l'>  Duccnties  coinessot  aut  trecenties? 

Quid  est  alid  sinistra  liberalitas  ? 

Parum  expatravit  an  parum  elluatus  est  ? 

Patcrna  prima  lancinatasunt  bona  : 

Socunda  praîda  l'ontica  :  inde  tertia 
20  llibrra  qnain  scit  amnis  aurifcr  Tapns. 

Timcnliic  Galli:n  luinc,  timrrit  Rritannia?  ? 

Oiii,l  liunc  maliim  fovetis  ?  aut  quid  liic  polfst, 

Nisi  uncta  devorare  patrimoiiia  ? 

Eonc  iiominc  urbis,  o  potissimei 
2ï  Soccrgoiicrque,  pcrdidistis  omnia  ? 

NoTKS  cniTioUF-s.  —  Pas  (rinlnrvallc  entre  celle  pièce  et  la  précé- 
(Icfitc.  f)in<  0  (2),  lesi;;le  =  n  f,';niclie.  Dans  fi  (.3),  un  sigle  rouge  à 

(1)  l'at.'n)'ru  d'uno  tdilion  dcCatinic,  ■ustiii'i-  i  |iar.iitrr  |iroclinincmciit. 

(2)  O  reprt'ftentc  lo  ms.  d'Oxford,  appel»*  d'ordinaire  Oxouirnfis. 

'3;  G  repri-M'iilc  le  m»,  du  fonds  Saint-Germain  110."»,  di'posti  A  la  Biblinlli^que 
nationale  tous  lu  no  1/'|937.  —  G  et  O  Bont  los  deux  principaux  rnss.  sur  Icsjuels 
s'appuie  le  texte  de  Catulle. 


CATUI.LR.  39 

fjaiiclin;  dans  h  mnrKO  ilrnilp,  en  roufirn  :  iu  romnliim  cnthumitiim. 
—  ±  Les  ancionnes  éditions  ont  aleo.  L'Aldiiu!  l'iDj,  Scaliger, 
Vosslus  :  hf'lluo.  Mais  cf.  Oiiintilien,  XI,  4,  141.  —  ;{.  GO  :  Nam 
niunani.  riiiie,  //.  A'.  XXX Vf,  iH,  cd.  von  Jan,  fait  allusion  à  relie 
épiî^'raiiinR',  el  tous  les  niss.  oril  mnnnirrn.  —  0  :  comota,  selon 
Ellis.  Hadirens  ne  signale  rien. —  'i.  (iO  :  rum  Ir.  Los  anci(;nnes  édi- 
tions ont  relie  leçon  rpii  n'a  pas  de  sens.  I^Aldine  l'iO^  :  et  cnncta. 
Kaeinus  :  uncli,  admis  par  Yossius,  lleinsius,  Drering,  Sehwabe 
(unctei),  Ellis.  Scaliger  :  unctum.  Muret  :  oinnis.  Stalius,  Laclimann, 
Monnnsen,  !..  .Millier,  H.'ulirens  :  anh',  (|ue  priN^re  aussi  Munro  ;  cf. 
Critic.  and  Eliicid.,  p.  UG.  —  0  :  [irillaniœ,  selon  Hadircns.  Douzalc 
père  écrivait  :  ullimœ  Brilanniœ,  Selon  Ellis  (cf.  aus.si  Schulze,  //pr- 
mes,  t.  XIII,  p.  ."iO),  Oa  Brihiiniia.  —  5.  G  :  Cinede.  Bonnet  si.^nale 
que  la  dernière  iellre  de  Bomide  est  écrite  en  surcharge  sur  un 
grattage.  —  0  :  liœc.  G  :  liée.  Bœlirens  écrit  hoc.  —  Le  vers  6  n'est 
pas  dans  les  niss.  ni  dans  les  anciennes  éditions.  L'Aldinc  l'iO-i  le 
donne  pour  la  première  fois  ;  on  le  retrouve  dans  Scaliger,  Dœring. 
Vossius  le  rejette,  ainsi  que  Sillig,  Lachmann,  llaupt,  Sehwabe, 
Ellis.  Bœhrens  et  L.  iMiiUer  l'écrivent,  comme  je  l'ai  fait,  en 
caractères  dilïérenls.  L.  iMiiller,  Prœfat.  p.  xvii ,  le  défend  : 
«  Nam  qui  in  primo  carminé  negarat  Geesaris  facinora  quemquam 
posse  adspicerea-'quis  ocuiis,  nisi  impudicum  etvoraccinet  aieonem, 
eum  pulabis  quasi  pcr  soporein  tribus  versicuiis  jam  oblilum  quod 
modo  dixeral  et  rursus  quasi  experrecturn  e  somno  versui  decimo 
adicere  id  quod  aut  utroque  loco  addi  oportuit  aut  ncutro.  »  — 
8.  00  :  perambulavil.  —  9. GO:  Ydoneus.  La  correction  Adonous  est 
de  Stalius  ;  elle  a  été  adoptée  par  Scaliger  et  la  plupart  des  éditeurs. 
kldinc  i^)02,  Uuret:  columbidiis  Dionœus.  Sillig:  Dionius.  Il  dit 
dans  les  noies  que  quelque  épitlièle  géographique  peut  être  cachée 
&OUS  ido)iciis.  — 10.  G  :  Cinede.  —  G  :  hœc.  G  :  hec.  Baehrens,  hoc.  — 
Après  le  V.  Il,  Baehrens,  avec  Mommsen,  intercale  les  quatre  der- 
niers vers  ;  Sehwabe,  les  deux  derniers.  Uibbcck  place  aussi  ici  les 
deux  derniers  ;  il  met  22,  23,  avant  17-21.  —  M.  GO  :  nostra  dif- 
futura.  Vestra  o\ivostra  se  trouvedés  l'AldineloOS.  D(l)  fournissait 
celte  leçon,  correction  vraisemblablement  faite  par  un  copiste  in- 
telligent. Sehwabe,  L.  Millier  :  defututa.  —  15.  0  :  ducencies  et 
trccencies.  —  0  :  comcrsct.  G  :  comesct.  —  10.  GO  :  alit.  Les  an- 
ciennes éditions  ont  alit  avec  une  ponctuation  qui  n'a  pas  de 

(1)  D  est  le  Dafami^y  ms.  aujoiird'liiii  déposO  à  BerliD,  auquel  Lacl'mann.   L. 
Mûller,  Ellis,  attribuent  une  origine  indépendante. 


4(t  nr.vir.  \Hr.m;(ii.or.i(ji'K. 

i>cns.  AM.  l.'iOi,  Murel  :  qiiiil  est  au  hœc.  (îiiarinus  :  nliwL  Slnlin?:» 
riMii'li  (i/i(/.  I.a  |ionrt':ali(»n  ;i  Itcrnicmip  varir;  celle  que  j'ai  adoplùe 
csl<lii('à  l.a.liinanii. — 17.  0:  iKirtum. —  IS.Lcsmss.  oulprimum. 
La  convflion  est  due  .1  Tiinu'beol  àScaliper.  —  1'.'.  C  :  jucdii...  ter- 
ria.  —  -0.  (î  :  Injbcra  7,  sit  anini  nurifcr  Tluujufi.  0  :  nmui,  le  resle 
comme  le  lc\W.  Honiu-l  a  notr  <|Ui'//  «le  ïhjbera  est  sur  un  prallaf^e. 

—  ti.  (ÎO  :  llunc  Gallio  timcl  et  nrilaunir  0  :  Itrittanie).  La  pièce 
est  en  ïambes  purs,  re  (jui  rnid  in-ressaire  une  eorreclion.  J'ai 
adiipié  relie  de  L.  Millier.  AI  liiic  liiili,  Muret  :  HiincGnlIiœ  liment, 
tiitieut  Dritnntiiiv.  Av,inriu>  :  Timentqne  GnlUiv  hune  timent 
Britanniir.  Sealiper  :  Inumhit  e.iiiimr  ecee  Lusitani(r.  Turnèbc  : 
Timriitque  Gdllitv  httue,  timet  lintminia.  Douza  le  père  : 
Timctquc  (i'allia  Innu;  timent  liritannitv.  Dcerinj:,  Sillig  :  Jfunc 
Gallid-  timetis  et  lirilanniœ.  Laeliraann  a  renonré  à  corriger.  Il 
propose  en  note  :  Time  Drilannia  liuue,  tinirtr  Gnlliœ.  HaiijU  : 
Timete  Gallitr,  liunc  timc  Britunnia.  Kilis  :  Neqiie  nna  Gallia  ont 
liment  liritnnniir.  Schwnbe  :  Nunc  Gnlliiv  timetnr  et  Brilanuiœ. 
Hrebrens  :  Eeine  GnlUiv  optimn  et  liritauniiv.  —  22.  GO  :  quid  Inc. 

—  2i.  G  :  tu  bis  opuleutissime.  0  :  nrbis  oppulentissime.  Sealigcr  : 
imperator  unice.  Laclnnann  :  iirbis  0  piissimc.  l'^llis  :  urbis  0  pudet 
fneœ.  —2*;.  Dans  les  Cataîecta  attribués  à  Virgile,  ce  vers  est  imité, 
III, G,  mais  il  va  f/ener  socerque,  inversion  que  Ellis  a  adoptée. 

GoMMF.NTAmE.  —  Vers  ïamhiiiuos  pur?,  c'esl-à-dirc  où  l'ïambe 
n'admet  aucune  substitution.  La  coupe  des  vers  oITrc  certaines  parti- 
cularités. La  césure  est  au  milieu  du  'r  pied  dans  les  vers  1,  7,  '.>,  15, 
10,  'i2;  mais  alors  les  deux  premiers  pieds  forment  toujours  un  mùlrc 
isolé  et  sont  séparés  du  3"  par  une  diérèse.  Celte  règle  n'est  négligée 
que  pour  le  v.  23;  encoie  peul-on  admeltre  la  diérèse  aj)rès  la  pré- 
position de  du  verbe  composé  deiorare.  Les  ver»  ^,  3,  H,  1!,  li,  17, 
48,  11),  20,  25  ont  la  césure  au  milieu  du  3°  pied.  Dans  le  v.  20,  cette 
césure  est  précédée  de  deux  monosyllabes,  (raillciiis  unis  par  b'  ^ens. 
Au  V.  4,  la  césure  se  produit  après  un  monosyllabe  précédé  d'iinr  éli- 
sion  ;  aux  v.'),  10,12,13.21,  à  la  césure  se  trouve  une  élision  ;  aux 
V.  ;i,  10,  21,  cetleélision  est  suivie  d'un  monosyllabe  ;  aux  v.l'J  et 
13,  d'un  mot  composé  dont  le  premier  membre  est  une  préposilion 
monosyllabiipie.  Au  v.  2i,  il  y  a  élision  au  3"  pied,  cl  césur(>  au  'i'. 
Sur  l'abus  des  élisions  dans  Gatulle  et  sur  eidlisqu'il  s'est  permises, 
cl.  Ilaiipl,  Opuscula,  I.  I.  p.  ÎIO  ;  Heeck,  De  (UituUi  carmin,  re  gram- 
mat.  et  meiricn,  p.  ()>5.  Au  v.  '1,  la  dernière  syllabe  de  ultimti  est  allon- 
gée dev.inl  la  niuelle  suivie  d'une  liquide;  elle  esl  suivie  d'une  dié- 
rèse, comme  IV.  '.K  C'est  au  cinquième  pied  (pie  se  produit  celle  parti- 


CATL'I.r.K.  41 

ciilni'ili'',  IV,  IH.  i/iliillfi  s'osl,  (lu  reste,  pour  ce  qui  rcgnnle 
rallouiJ^nmciil  (Itî  la  dernirro  syllabn  d'un  mol,  allongoment  produit 
par  la  présence  de  deux  consonnes  au  commcnceiuenl  du  mot 
suivant,  donné  plus  de  liberté  (|u'auciiu  aulie  porte;  cf.  Heeck, 
J)c  ('ntnlli airm.  rcfjrammat.  cl  meiricn,  |i.  GD.  Kniin  il  faut  ici  tenir 
poui'  une  brève  la  première  syllabe  de  Mamurraiii,  v.  .'i,  i|iioi(pi(;  Ho- 
race, S^//.  T,  Ti,  ;]7,  la  fasse  louLjue  ;  voyez  aussi  pièce  I.VII,  2.  Au- 
trement il  y  aurait  une  infraclion  l'iclieusiîà  la  règle  que  le  poète  sem- 
ble s'être  imposée  d'employer  rïauibi((ue  pur. 

('elte  pièce,  l'une  des  plus  célèbres  et  des  [jIus  acbevéïîs  de  Catulle, 
doit  avoir  été  écrite  entre  les  deux  expéditions  de  Hietaifuc,  c'(îsl-;i- 
dire  dans  l'hiver  de 55-54,  comme  le  veut  Munro.  Klb;  est  diriçrér  d'a- 
bord contre  Alaniurra  et  suiisidiairemcntconlreceuxi|ui  l'ontprotégé, 
Pompée  et  surtout  César.  La  violence  y  est  poussée  à  l'exlréme,  «  l'ex- 
pression y  est  à  la  fois  cynique  et  élégante,  caractère  ordinaire  de  ces 
épigraninics,  mais  la  brutalité  des  images  et  des  mots  a  une  grande 
porlèe  satirique.  En  rabaissriiil,  en  dégradant,  en  salissant  César, 
celui  ({u'il  appelle  imperator  unicus,  Romulns,  il  l'ait  remonter  jus- 
qu'à lui  la  solidarité  tlii  luxe  insolent,  de  l'inconlinence  effrénée  de 
Mamurra,  des  vices  qu'il  autorise,  qiril  partage,  qu'il  nourrit  des  dé- 
pouilles de  l'univers.  »  (M.  Patin.)  Il  faut  rccherchcrce  que  d'ailleurs 
l'histoire  nous  apprend  di;  Mamurra.  Il  était  de  Formics  (cf.  XLI,  4  ; 
LXIIl,  5  ;  LXII,  4;  Horace,  Satires,  I,  5,  .37),  chevalier  romain,  et 
il  occupa  auprès  de  César  en  Gaule  la  charge  de  prœfectus  fabnun 
(Pline,  H.  N.,  XXXVI,  G,  48)  ;  c'était  une  situation  équivalente  à 
celle  décommandant  en  chef  du  génie  dans  une  armée  nio  ierne.  Le 
prœfectus  fahriim  n'était  attaché  à  aucune  légion  et  n'avait  pas  do 
place  dans  la  hiérarchie  des  grades  militaires  ;  il  était  choisi  par  le 
général  et  maintenu  i)ar  lui  en  vertu  de  la  confiance  personnelle 
qu'il  lui  témoignait  (Marquardt,  Handbuch  der  Rœm.  Alterth.,  t.  V, 
p.  490).  Les  travaux  de  l'ingénieur  ont  été  trop  considérables  dans 
les  campagnes  de  César  pour  (ju'il  se  fût  adjoint  un  homme  qui 
n'aurait  pas  été  d'un  mérite  reconnu.  Déplus,  les  vers  19  et  '■20  ne 
peuvent  s'expliquer  avec  Ilaupt  (Qm^ps/.  Catull.  dans  les  Opnsculn, 
t.  I,  p.  13  et  suiv.),  Schwabe  [Quœxt.  Catull.  t.  I,  p.  193),  Munro 
{Critic.  (indElucid.,  pp.  85,80),  que  du  butin  recueilli  par  Pompée 
dans  sa  guerre  contre  Milhridale,  et  de  celui  que  Gésarconquitdans 
son  gouvernement  d'Espagne  après  sa  prélure  ;  la  guerre  tle  Pompée 
dura  de  GG  à  G3,  le  gouvernement  de  César  deG::J  à  GO  ;  il  est  pos- 
sible que  Pompée  ait  trouvé  Mamurra  en  Asie  ayant  déjà  servi  sous 
Lucullus  contre  Mitbridate.  Comme  le  dit  Munro,  Critic.  andElncid., 


M  REVUE   AnCIléOLOGIOUF. 

p.  HO,  c'était  h  IV'poquo  qui  nous  orcnpo  un  piMsonnapc  d'un  flge 
milr  et  d'uno  linuto  noloiirit''  profcssionncllo  (  «  lie  was  a  man  of 
maluiv  a}î«^  and  of  liijrli  pnifcssional  disliiiclinn  »  ).  Toutefois  ce 
devait  ôlie  un  homnip  de  jjoilts  luxueux  et  un  homme  de  plaisir. 
Pline  nous  apprend.  II.  A'.  XXXVI,  (5.  18,  que  le  premier  il  lit  en- 
tièrement revêtir  de  marbre  les  parois  de  sa  maison  fur  le  mont 
Cèlius,  que  toutes  les  colonnes  en  étaient  de  marbre  de  Caryste  ou 
deLuna.  Pour  fournir  aux  dépenses  que  nécessitait  ce  luxe,  il  dut 
pilier  les  pays  où  il  faisait  la  guerre,  et  cela  sous  la  protection  de  ses 
jiatrons,  comme  d'ailleurs  eux-mêmes  et  leurs  autres  lieutenants. 
(',f.  Cicéron.  ad  Attic.  VII,  7  :  <(  VA  Labieni  divitim,  et  Mamurrje 
placent,  et  Hnlbi  linrti  et  Tusrulanum?  »  t^icéron,  dans  une  autre 
lettre  à  Allicus,  XIII,  ."ii,  parle  encore  de  Mamurra.  C'est  tin  passage 
dont  le  sens  et  le  texte  sont  fort  controversés:  «  tum  audivit  de 
Mnmurra,  vultum  non  muiavil  »  ;  mais  le  meilleur  ms.  ne  contient 
pas  le  mot  ruitiim.  Manuce  a  pensé  qu'il  s'agissait  d'une,  condamna- 
tion encourue  par  Mamurra  pour  infraction  aux  lois  somptuaires, 
et  à  laquelle  César  ne  changea  rien  ;  d'autres,  qu'il  entendit  parler, 
sans  changer  de  visage,  des  épigrammes  dirigées  par  Catulle  contre 
Mamurra  et  contre  lui-même;  c'est  une  opinion  peu  probable, 
puis(]uc  sans  doute  ces  épigrammes  étaient  déjà  bien  connues,  et  que 
d'iiprés  Suétone,  César,  73,  une  sorte  de  réconciliation  entre  Catulle 
et  lui  avait  eu  lieu.  Knfin,  Nipperdey  el  Schwabe  croient  (ju  il  s'agit 
de  la  nouvelle  de  la  mort  de  Mamurra,  que  César  apprit  alors  sans 
changer  de  visage.  De  ce  passage,  entendu  de  l'une  ou  de  l'autre 
façon,  il  résulte  ou  bien  une  preuve  nouvelle  des  profusions  de  Ma- 
murra, ou  une  autre  raison  de  croire  qu'il  n'était  plus  un  jeune 
homme,  et  qu'en  conséquence  il  n'y  aura  pas  lieu  de  prendre  à  la 
lettre  certaines  expressions  très  vives  de  Catulle.  D'ailleurs  les 
autres  écrivains  romains  ne  nous  ont  rien  transmis  à  son  sujet  qui  jus- 
tilie  dans  tous  leurs  termes  les  imputations  du  poète.  Mais  que  Ma- 
murra ait  été  homme  de  plaisir,  c'est  ce  »iui  est  très  vraisemblable. 
De  plus,  il  est  fort  probable  qu'il  a  été  le  rival  et  le  rival  heureux 
de  Catulle.  Il  est  certain  (|ue  la  même  personne  est  désignée  XLI  et 
XLIII,  el  de  XLI,  i,  el  XLIIl,  o,  (jui  servent  à  établir  cette  identité, 
on  peut  conclure  (ju'elle  a  été  la  maîtresse  de  Mamurra  (comparez 
avec  ces  vers  le  v.  4  de  la  pièce  LVII);  ajoutons  iju'elle  a  repoussé 
Catulle,  ou  du  moins  qu'elle  lui  a  demanilé  de  ses  faveurs  un  trop 
haut  prix  rXLI,  2),  un  prix  que  sans  doute  a  pu  payer  .Mamurra.  Dans 
ces  sortes  de  mésa\entures,  Catulle  était  l'homme  le  moins  patient  ; 
il  insultait  à  la  fois  dans  sa  colère  l'objet  naguère  aimé  cl  ses  rivaux 


CATULLP..  43 

plus  favorisas.  On  pciil  s'on  roiuiro  compta  dans  l'iiisloirc  do  sa  pas- 
sion pour  Lcshii),  voyez  X(,  et  de  sa  fantaisie  pour  Juvcnlius, 
voyez  XXIV  elXXY.  Uc  l;\  sans  doute  ses  fureurs  contre  Amoana,  et 
aussi  conirc  Mainuria,  (|u'il  poursuit  sans  relâche  dans  sa  niallressc, 
XLI,  XLIII,  qu'il  a  lui-inôiiie  sollicitée  et  (ju'il  outrage  aujour- 
d'hui, dans  ses  prétentions  poétiques,  CV  (Mamurra  faisait  sans  doute 
des  vers  connue  tous  les  Uoniains  distinjjués  de  ce  tenipy-là),  dans  sa 
richesse  scandaleuse  et  sa  dépense  insolente,  CXI V,  CXV,  9,  dans  ses 
mœurs,  XCIV;  enfin,  il  atteint  jusqu'à  ses  protecteurs  dans  le  ter- 
riide  morceau  qui  porte  le  n"  XXIX.  Pompée  {vostra,  v.  14;  Pontica 
prœda,  v.  l'J;/;e;imyw^v.25)etGésar(v.  2,  5,6, 10,  11, 12,20,  21,  -lo) 
sont  rendus  responsables  des  pillages,  des  jjrofusions,  desgalanteries 
de  Mamurra.  Il  me  semble  que  l'amant  éconduit  se  laisse  voir  assez 
clairement  dans  les  vers  7  et  8.  En  même  temps  sont  prodigués  à 
César  les  outrages  violents,  v.  2,  5,  0, 10,  les  dérisions  cruelles.  Ces 
appellations  de  Romidus,  d'impenitor  unicus,  que  l'on  donnait  sou- 
vent à  ceux  qui  rendaient  de  grands  services,  aux  généraux  victo- 
l'icux  (vovtz  les  exemples  de  Salluste  et  de  Tite-Live,  que  cite 
Munro,  Critic.  and  Elucid.,  p.  92),  que  les  flatteurs  de  César  lui 
donnaient  sans  doute  publiquement,  Catulle  en  fait  ici  un  objet  de 
moquerie  en  montrant  le  but  ridicule  de  tous  ces  exploits.  Il  reprend 
toute  la  vie  du  proconsul  triomphant,  en  fait  voir  les  mauvais  côtés, 
relève  l'administration  avide  et  violente  avec  laquelle  il  a  épuisé  les 
provinces  qui  lui  ont  été  confiées,  suggère  que  ses  expéditions  de 
Gaule  et  de  Bretagne  n'ont  d'autre  but  (|ue  de  le  gorger  des  richesses 
mal  acquises,  lui  et  ses  indignes  lieutenants.  Enfin  il  y  a  un  refrain 
sanglant  où  il  rappelle  les  imputations  qui  couraient  sur  les  mœurs 
de  César,  sur  ses  galanteries,  sur  les  honteuses  complaisances  dont 
on  disait  que  sa  jeunesse  avait  été  flétrie,  tout  cela  sans  doute  exa- 
géré, poussé  à  l'extrême,  inventé  peut-être  dansle  monde  des  enne- 
mis do  César,  les  Memmius,  les  Dolabella,  les  Curion,  les  Calvus 
(Suétone,  Ccsar,  49-52,  7^),  mais  rassemblé,  concentré  de  manière 
à  pénétrer  profondément,  à  blesser  de  la  façon  la  plus  douloureuse 
celui  même  que  l'ambilion  avait  cuirassé  de  la  plus  résolue  impas- 
sibilité. Quelle  est  la  portée  de  ces  accusations,  et  quelle  créance 
mérite  Catulle  ?  Assurément  les  mœurs  de  César  n'ont  pas  été  plus 
pures  que  celles  de  la  plupart  des  Romains  de  son  temps  (cf.  Suétone, 
César,  50).  il  fautprendre  garde  toutefois  que  certaines  accusations 
reposent  sur  des  fondements  légers.  Suétone  dit  {César,  49)  que  son 
séjour  à  la  cour  de  Nicoméde  est  la  seule  circonstance  qui  porta 
atteinte  à  sa  renommée,  et  que  ses  ennemis  lui  reprochèrent  toute 


V»  nr.vuR  Ancii^.oLor.iorR. 

sa  vit».  Mnnro,  Critir.  anil.  Flnrlil.,  p.  S7  et  siiiv.,  cxpliiim^  iriinf* 
niaiiit'iv  stifri^nnlc  (|ii('liiiii's-uns  lios  di't.iiU  du  sr-joiir  de  Ci's;ir  à  la 
cour  de  Xicomùde  ;  il  f.iil  voir  (|iio  le  priiiciiial  témoin  est  ce 
MiMiimiu?,  si  mal  liMité  jiar  (/iluili;  liii-méine,  cl  ([u'à  tout  [irendro 
ce  ne  -ont  (]ue  (ies  rumeuts  et  des  bruits  ampliliés,  en  passant  de 
bouche  en  bourlio,  comme  ces  atlaques  contre  la  vie  privée  des 
personnn|7e>  pûlilicjnes  qui  courent  de  nos  jours  les  rues  de  Londres 
et  lie  Paris.  Il  rappelle  les  insultes  qu'a  essuyées  de  ses  ennemis 
Pompée,  dont  Cicéron,  AdAttir.  XI,  6,  ;>,  célèbre  la  gravité  et  les 
iii.inirs  sévères.  Il  cite  le  mol  de  Velléius  (II,  il),  comparant  César!» 
Alexandre,  mais  à  un  Alexandre  sobre  cl  de  sang-froid  ;  il  énumèrc 
les  qualités  de  bon  goût,  de  délicatesse,  les  nobles  manières  qui,  au 
rapport  de  Suétone,  caractérisaient  César,  et  il  essaye,  non  sans 
succès,  de  convaincre  Catulle  d'emportement  cl  de  violence  injuste. 
Mais  comment  le  poète  était-il  arrivé  ù  concevoir  de  tels  sentiments? 
Il  me  semble  bien  difficile  d'en  faire,  comme  le  veut  Ribbeck 
(C.  Y.vLF.Riis  Catl'llls,  Eine  liUcrar.  Iiistorischc  Shizze,  p.  45),  un 
déterminé  républicain,' ciïrayé  des  dangers  que  César  faisait  courir 
à  la  liberté.  Ses  amitiés,  ses  liaisons  avec  la  jeunesse  atlaclice  à  la 
forme  républicaine  ancienne,  l'inclinaient  déjà  à  conil)atlre  ceux  qui 
semblaient  destinés  à  devenir  les  maîtres  de  l'Élnl.  On  s'explique 
qu'un  diiïércnd  personnel  avec  l'un  des  amis  de  Césu  l'ait  engagé 
dans  la  lutle,  et  que  les  applaudissements  qui  accueillirent  ses  épi- 
grammes  et  l'ardeur  de  la  polémique  l'y  aient  maintenu.  La  preuve 
que  l'animosité  n'était  pas  bien  forte,  et  la  conviction  très  profonde, 
c'est  l'espèce  de  réconciliation  qui  intervint  entre  César  et  Catulle, 
dont  nous  parle  Suélone  {Ccsar,  73),  et  où  le  poète  fit  en  quelque 
sorte  ses  excuses  [satisfacientrm).  iMunro  croit  (ju'il  reprit  sa  guerre 
de  mots  piquants  et  admet  que  la  pièce  LVII  est  postérieure  au  repas 
où  César  et  Catulle  se  trouvèrent  ensemble  chez  le  père  de  celui-ci 
C'est  ce  que  rien  ne  prouve.  J'admettrais  volontiers  qu'après  les 
premières  èpigrammcs  contre  .Mamurra  on  ait  dit  à  Catulle,  peut- 
être  Mamurra  le  lui  a-l-il  fait  dire,  que  ses  att:uiucs  déplaisaient  au 
proconsul,  lié  d'hospitalité  avec  son  père.  Catulle  aura  répondu  par 
la  pièce  XCIII,  puis  piipiéau  jeu  clexcilé  parsusamis,  il  aura  écrit  la 
pièce  XXIX  et  la  pièce  LVII.  César  se  sera'olTensè,  et  il  y  av;iit  bien 
de  quoi,  de  se  voir  atteint  ainsi  par  un  liommi;  dont  le  père  était  son 
li6te;  Catulle  redoublant  aura  ècnl  la  pièce  MV,  où  il  liiave  son 
adversaire,  et  la  pièce  CXIII,  où  il  :itt:iqiie  à  la  fois  César  et  Pompée. 
Kn  eff.'l,  Mucilla,  dontil  esl(iuestion  dans  celle; èpigramine  (Mncilla 
est  une  correction  des  plus  heureuses  duc  à  Pleitner,  adiniM;  par 


CATULLE.  AlS 

Schwalic,  Qnœst.Catull.  I,  p.  'âl.'JjL.  Miillor,  I]rolircns),csl  un  diini- 
niitif  méin-isaiU  du  noiu  de  Mucia,  feniine  de  Poinijôe,  convaincue 
d'adultère  avec  César  pendant  que  Pompée  faisait  la  ^'uerre  eu 
Oricnl,  rcmarii'c  depuis  ù  yl'jiiilins  Scaurus,  et  rendue  fameuse  par 
SCS  désordres  (cf.  Yal.  Max.  VIII,  1,  8;  Scliwabe,  (Juœst.  CalulL  1, 
p.  217).  Plus  tard  la  réconciliation  se  sera  faite,  et  c'est  alors  cjue 
Calulli!  parle  de  César  sans  injure  dans  la  pièce  XI,  quoique  i)eut- 
ôtre  encore  avec  une  légère  nuance  d'ironie,  en  mêlant  son  nom  à 
celui  des  Furius  et  des  Aurèlius,- et  au  souvenir  de  Lesbie.  Si,  comme 
le  suppose  xMunro  {Critic.  (iiid  Elurid.,  p.  80),  la  querelle  avec 
Mamurra  a  commencé  à  la  lin  de  l'année  o5,  sans  doute  lorsque  le 
chef  des  ingénieurs  de  César  s'occupait  de  rassembler  les  matériaux 
nécessaires  à  la  construction  d'une  nouvelle  flotlc  et  aux  réparations 
qu'exigeait  l'ancienne,  et  lorsque  dans  ce  but  il  séjournait  eu  Cisal- 
pine (César  fit  clieicher  de  tous  côtés,  jusqu'en  Espagne,  ce  qui  lui 
était  nécessaire,  liell.  GalL  Y,  1),  elle  doit  avoir  fini,  du  moins 
le  repas  signalé  par  Suétone  doit  avoir  eu  lieu  au  printemps  de  oi, 
lorsque  le  proconsul  revint  d'Illyrie  et  passa  pai-  la  Caule  cisalpine 
[bcll.  GalL  V,  2,  1).  Tout  le  débat  n'a  donc  duré  que  (|uel(iucsmois, 
puisqueaucunedes  épigrammes  dirigées  contre  César  nepeut  être  da- 
tée avant  ou  après  cette  courte  période.  Il  y  a  là  une  raison  de  croire 
que  la  politique  proprement  dite  jouait  un  rôle  peu  important  dans 
les  sentiments  de  Catulle.  Le  poète  nous  apparaît  comme  toujours, 
ardent,  emporté,  mais  mobile  et  léger,  admirable  d'ailleurs  comme 
polémiste,  prompt  à  l'attaque  et  à  la  riposte,  et  sachant  lancer  des 
traits  dont  la  blessure  est  inguérissable. 

1.  Quis  potest  pati.  Formule  assez  fréquente.  Cf.  César,  Bell.  Gall. 
1,  43  ;  Plante,  Pœnul.  111,  3,  82  :  «  Siquidem  potes  pati  esse  tu  in 
lepido  loco.  »  Schulzc,  Z.  f.  Gymii.,  t.  XXXI,  II.  11,  p.  GD8,  en  cite 
un  grand  nombre  d'exemples  de  Terence  et  de  Plaute.  —  2.  Impudi- 
eus.  C'est  César  qui  est  ainsi  désigné,  et  ce  vers  reparaît  comme  un 
refrain,  G  (où  il  a  été  restitué  par  une  heureuse  conjecture)  et  H.  Il 
y  a  ici  une  allusion  évidente  aux  faits  dont  parle  Suétone,  Césai\  49. 
Vorax  païaîl  une  iiij  ure  banale  plutôt  qu'un  reproche  réellement  mé- 
rité par  César.  Munro,  Crilic.  and  Elucid.,^.  U2,  93,  discute  les  atta- 
ques dont  César  pourrait  être  l'objet  ile  ce  côté,  el  montre  qu'il  n'y  a 
pasgrand'choseà  tirer  du  passage  de  Cicéron,a(/^^f/c.  XIII,  52  :  Uz- 
iKy-ovagebat.  Suétone,  qui  parle  du  goût  pour  le  jeu  de  quelques-uns 
des  empereurs,  en  particulier  d'Auguste,^»//.  70,neditrien  de  César 
à  ce  sujet.  En  réalité  Catulle  accumule  ici  les  reproches  sur  les  vices 
qui  étaient  le  plus  contraires  aux  anciennes  mœurs  romaines,  ce  qui 


'*(■)  lUIVL'K   AnCIIF^OLOGIQUE. 

fait  un  plus  praïul  contrnstc  avec  les  exploits  de  Côsar  et  s.i  ploirc. 
l'i'ul-on  tiriT(iuol'|M('  indire  du  ('•■•i(M)re  mol  :  -5;  àvtppi'ï-Oto  x-jCo,- :*  Ce 
sornil  beaucoup  s'avancer;  une  formule  de  ce  genre  peut  ôlre  em- 
ployôepar  un  homme  qui  n'est  pas  joueur,  /l/cocstunmotarchaitiue 
et  du  lanpnjjede  la  conversation  pour  nleaior.  Il  sctrouvtMlnnsNrviiis, 
cit6  par  l'aul  Diacre,  p.  I2i),  ri,  Miilhr  :  «  Pcssimoruni  pcssime,  au- 
dax,  ganeo,  luslro,  alco.  »  Il  semble  comme  ici  que  ce  soit  le  dernier 
terme  île  l'impulntion  injurieuse.  Il  va  une  piècede  Pomponius, citée 
par  Xonius,  p.  I'i7,  (jui  apour  litre .l/^'oz/t"?.  —3.  Mamurram.  L.  Mill- 
ier, Orth.  et  pros.  lat.  Summarium,  p.  55,  admet,  avec  raison  ù  mon 
avis,  ()ue  la  quantité  di' la  preniién'  syllaliede  ce  mot  a  dil  varier  chez 
les  Latins.  —  Connita  Gallin.  L:i  Gaule  Transalpine  ;  son  nom  s'oppose 
à  celui  de  hGalliatogatn,  ou  Gaule  Cisalpine.  Cf.  Cicéron,  Philipp. 
VIH,  0,  21  :  ((  (îalliani,  imiuit,  toizatam  rcmilio,  comatam  postulo.  » 
Ce  mol  ne  se  trouve  pas  d.iiis  César.  Kllis  pense  que  la  Gallin 
comata  s'oppose  ici  à  la  Narbonnaise,  Gdllia  bracata.  Cela  est  pos- 
sible fi  la  rigueur  ;  mais  le  passage  de  Cicéron  serait  contre  celle 
interprétation.  Antoine  voulait  le  gouvernement  de  la  Gaule  tran- 
salpine en  général  qu'avait  eu  César.  La  Gaule  récemment  conquise 
n'était  pas  encore  séparée  de  la  Province,  c'est-à-dire  de  la  Narbon- 
naise. Il  est  vrai  que  le  costume  barbare,  les  longs  cheveux,  étaient 
plus  répandus  dans  la  partie  située  au  nord  des  Cévenncs.  Mais  les 
cavaliers  auxiliaire>  tirés  des  Volées  Arécomiques  ou  Tectosages 
avaient-ils  déjà  abandonné  cette  parure  de  leurs  ancêtres? — 4.  Ceux 
qui  écrivent  Mncîj  l'entendent  sous  forme  de  génitif  partitif  comme 
uuita  pnliimonia  du  v.  23.  —  Ultima.  Cf.  ultimos  Dritannos,  XI,  li. 
—  .*).  Cinade  Homule.  Cette  appellation  de  Romiilust;emlt!e  avoir  été 
usitée  dans  les  chants  triomphaux  ;  cf.  T.  L.,  V,  19,  7:  «  Uomu- 
lus  ut  parens  patrirc  conditorquc  aller  urbis  haud  vanis  laudibus  appel- 
laUir.»  Kl  la  pièce  de  Catulle,  avec  ses  injures  et  ses  refrains,  semble 
avoir  été  conçue  de  la  mémo  manière,  sauf  toutefois  (|u'il  appuie  sur- 
tout sur  l'injure,  tandis  que  dans  les  chants  triomphaux,  Tinjure,  le 
plus  souvent,  accompagnait  l'éloge  pour  faire  ombre  au  tableau, 
Miinro  dit,  Critic.  and  Elucid.,  p.  7(5-78,  pour  détourner  le  mau- 
vais présage,  comme  dans  les  vers  fescennins.  La  malignité  de 
Catulle  semble  d'avance  saisir  tout  ce  qui  pourrait  être  dit.  Une  statue 
fut  élevée  h  César,  après  sa  mort,  avec  celle  inscription  :  Parcnti 
patiiœ  ;  cf.  Suétone,  Cësar,  85.  Ciuœde,  qui  é(|uivaut  à  impudice, 
résume  les  accusations  dont  parle  Suétone,  Ci'sur,  49,  et  les  vers 
satiriques  chanlés  par  les  soldais  à  son  iriompbe.  Kn  mémo  temps 
celle   appellation  de  Romnlus  semble  avoir  été    ironique   à  celle 


CATULLK.  47 

époque.  Salliislo,  Hist.  I,  4,  /iT),  f.iit  appeler  par  Lépidiis,  Sylla  : 
Scœvus  iste  Itomulus.  Le  Pscudo-Salluste,  dans  la  Dùclamntiori 
corilre  Gicéron,  IV,  7,  l'appelle  liomule  Arpinas.  ScliWiibo,  Neuo 
Jalirbitch.  f.  VhiL  1878,1,  p.  l'OI,  cappeile  ce  passage  de  IMnlaniue 
sur  l'o:iip(''C  {l*oiH])ée,  ^"i)  :  «  on  iVoaûXov  Cr/ôiv  où  9£Ô;eTai  ttjtÔv  l/.tvii,t 

TéXo;.  —  7.  nie.  Mainuna.  —  Superbus  ac  superfluens.  Le  second 
niolcxpliiine  le  premier.  N///u'r/7»r«6-niai((ii('lari(;liesse;  cf.Sénèque, 
De  bcncf.  (,11:  «  pecunia  non  suptjiiluens  ».  VA  comparez  à  tout  le 
passage  (le  Catulle,  Horace,  Epodes,  iv,  5  :  aLicet  superbus  ambules 
pecunia.  »  —8.  PerambulabHA\  y  a  dans  le  mot  une  idée  de  triomphe 
facile,  de  fatuité  qui  se  sent  sùredusuccés.M.  Naudetr;ip[ielle  à  ccsu- 
jctSallusle,  Jug.  31  :  «  Incedunt  per  ora  vestra  magnilice.»— .'l/^îf/»s 
columbas.  Les  lexiques  ne  citent  pas  avant  Catulle  d'exemple  du 
premier  de  ces  mots,  (jui  d'ailleurs  est  assez  fréipicnt  pour  désigner 
la  couleur  des  eaux.  Le  diminutif  ajoute  ici  ;\  l'ironie.  Voyez  la  liste 
des  diminutifs  dan.>  Catulle,  Ilaupl,  Opuscula,  t.  1,87.  —  Columbits. 
Le  pigeon  est  l'oiseau  amoureux,  consacré  à  Vénus;  cf.  Al.'xis, 
Meineke,  Fraij.  Comte,  t.  iV,  p.  481  :  Aeuxb;  'AopootTYi;  Cun  yàp 
rspiffTepo';.  —  Adoncus,  forme  ancienne  pour  Adonis  (cf.  Plante, 
Menœchm.  I,  2,  35  ;  144  U.)  ;  c'est  le  favori  de  Vénu.s.  —  12.  Eonc 
nomine.  Est-ce  pour  cette  raison,  sous  ce  prétexte  que.  Cf.  Cicéron, 
Pro  Cœcin.  25  :  «  Honesto  ac  probabili  nomine.  k  Vell.  Palerc. 
H,  loi,  2  :  «  Eo  nomine.  »  Tacite,  Annales,  XIV,  59.  Uy  a  beaucoup 
d'autres  exemples  analogues.  —  Unice.  Cf.  T.  L.,  VI,  6,  17  : 
«  Perinde  quam  opinionem  de  imperatore  unico,  cum  spem  de  bello 
haberent.  »  VII,  12,  13  :  «  Eleclum  esseeximium  imperatorein,  uni- 
cum  ducera.  »  Catulle  ici  reprend  malignement  avec  ironie  cette 
appellation  sans  doute  publiquement  attribuée  à  César  par  un  de  ses 
partisans.  —  13.  Ultinia.  Cf.  v.  4.  —  14.  Vostra.  A  toi  et  à  Pompée, 
socer  tjenerque.  Ellis  remarque  (jue  dans  Catulle  vestern'csl  jamais 
équivalent  de  tuus.  Cf.  XXVI,  i.  —  Diffututa.  Épuisé  dedédauches. 
Cf.  VI,  13:  «  elïututa  ».  Teufel,  De  Catulli...  voc.  slny.,  p.  3i, 
veut  écrire,  ce  que  préfère  Laclimanndans  ses  notes,  defututa,  et  il 
cileXLI,  1.  Mais  le  sens  est  dilïérent.  Mamurra,  plaisamment  Ijrruré 
sous  le  nom  de  Mentula  {=membrum  virile),  s'épuise  en  débauches 
actives,  qui  se  multiplient  ;  cf.  v.  8.  Ameana,  XLI,  1,  est  une  femme 
llétrie  par  les  nombreuses  entreprises  qu'elle  a  subies.  Le  premier 
verbe  est  une  sorte  de  moyen,  l'autre  un  passif  pur,  et  l'action 
exprimée  n'est  pas  la  même.  La  particule  di  ou  dis  convient  au  pre- 
mier cas;  de  au  second.  —  15.  Dacentivs  aut  trccenties.  Suppléez 
centena  niillia  sestertiiun  :  vingt  ou  trente  millions  de  sesterces, 


.^8  ni.viT.  Anr.iiKOLor.iQUE. 

qiialro  ou  si\  millions  tlo  frniirs.  Exa^ÏTalion  prob:il)lo,  qui  ajoute  à 
l'elTet.  Pouilanluii  coiniali  les  iiniiicnses  profusions  dos  ll.niiaiiis.  — 
Comesst't.  }WIi\\)\mvo  fiTiiuonle.  Cf.  Cicoroii,  A'.lfaiiiil.  XI,t21  :  «Ser- 
vilium  iifjîli'.ijaiiuis,  (|ui  ivs  iiovas  (|unjiil,  non  (juo  vcltToin  eoiiu'- 
dcril.  »  Pro  Sc.vlio.'ol  :  «  ul  boiia  solusconicssol.  »  l'ro  Flmco,  'M  : 
«  (juasi  bona  Uomœ  comcsse  non  licerel.  »  Ad  famil.  I\,  Jl  :  «  no 
tua  bona  conit  ilini.  »  — Ht.Alid.  Fonno  aivhai(|Uo  do  aliud,  frt'- 
(luento  dans  Lunùi^'O  ;  CaluUo,  LXVl,  iM,  aociit  (///.s  pour  alius. 
Cliarisius,  p.  \X\  \\  oile  un  exemple  de  Salluslo.  Cf.  Kiilinei,  Ansf. 
(Iratuni.  ilcr  Ln(.  Spr.,  t.  II,  p.  WJ.  On  on  trouve  (piebiut-s  ixoniples 
dans  les  inscriptions.  I.a  forme  secondaire  nlis  pour  (lUus  fut  on  usage 
jusqu';\  la  lin  du  vn'  siècle  de  Rome;  cf.  lUkliclor,  De  lu  déclin, 
latine,  U-m\.  llavot,  p.  iti.  (Jniil  est  alid,  etc.  N'est-ce  pas  là  une 
funcslo  libéralité  ?  Une  funeste  libéralité  est-elle  autre  chose:'  Ilalui, 
Comm.dc  In  \''  l'hitipp.,  1),  2-2,  cite  de  Cicéron  plusieurs  exemples 
de  celte  construction  :  Philipp.,  11,7;  Y,  2,  o  ;  X,  3,  'Ô.—Sinislra. 
LUis  compare  l'iine  le  jeune,  Epist.  VU,  !^8,  •"]  :  «  Sinistra  dili- 
gentia.  »  —  Liberalitas.  Ellis  rappelle  le  mol  de  Salluslo,  Catil.  57: 
«  Bona  aliéna  largiri,  liberalitas  vocatur.  »  Cicéron,  Ad  famil. 
YII,  I7,i2,  vante  à  Trébatius  la  libéralité  de  César:  «  liouiinis  !ibe- 
ralitalem  incredibilem.  »  Il  l'appelle  plus  bas  :  «  clarissimi  ac  libc- 
ralissimi  viri.  »  Ellis  fait  remarquer  ijue  dans  divers  passages  dos 
PInlippiquos  Cicéron  appelle  cette  libéralité  profusion  et  montre 
comment  Antoine  en  a  abusé  ;  Philipp.  11,45,  HO,  et  20,  50.  Suétone, 
J.  Ccsar,  20  :  «  nulluni  largitiunis  in  qucmquam  genus  publiée 
privatimque  omisit.  »  —  17.  E.ipa  t  ravi  t.  yiuvel  donne  pour  le  sens: 
libidinibus  absumpsit.  Scaligor  :  «  cxpatrare  est  scortando  ijLacrâaôai 
imo  àï.£ic;£'îOai,gormanice  :  rcrliitren.  »  Glossœ  :('.rpatrarit,  ir.tTilzaiv. 
Ce  mol  ne  se  trouve  que  dans  Catulle  ;  Teufol,  De  Catull.  roc.  simj. 
\\.  3.J.  Ellis  compare  cfj'uluisti,  Suét.,  César.,  51.  —  Ellnalus  est. 
Expression  figurée,  comme  cowesset,  v.  15.  Cicéion  rapiiroclie  les 
do\ix  verbes,  Pro  Sexlio,  52,  111.—  18.  Lancinata.  Le  verbe  lanci- 
narc  a  le  môme  sens  que  lacerare.,  et  selon  quebiues  étymologistos, 
cf.  Vanicek,  Etijnwl.  Warterb.  p.  003,  le  radical  est  le  mémo.  On 
peut  donc  comparer  à  ce  passage  Piaule,  Mereator,  Prol.  51  :  «Lace- 
rari  suamrem.  »  Salluslo,  Calilina,  14,2  :  «Quicunniuo  impudicus, 
adultor,  ganeo,  manu,  ventre,  pêne,  bona  palria  laceravoral.  »  — 
10.  Prd'da  Pontica.  La  part  de  bulin  qu'il  avail  reçue  de  Pompée 
après  la  guerre  contre  Mitbridate.  —  20.  Ilibera.  C'est  le  butin  que 
César  recueillil  dans  son  commandement  d'Espagne,  après  sa  prè- 
lurc.  Suétone,  César^  5i  :  «  Lusilanuruni  quo^dam  oppida,  quam- 


cvtumj:.  iî) 

quani  ncc  impcrala  dclrcctareiU  cl  aJvcnionli  portas  palefacercnt, 

(Jiripuit  hostililor.»  IMutaniUC,  Ct'snr,  12:  àTrviXXaYri  tt;;  è^rap/ta;  aOto; 

Te  TcXoUCtOC    Y£Y''-''"^''Ç   ^-^^     'T'^^'î    ITpOITKÔTaî    0)Cp£),r|X(OÇ    (ÎttÔ     T(~)V    OTfaTElOJV.     — 

Scit.  Emploi  semblable  do  cette  manière   de  prendre  ;\  lénioin  un 
objet  insensible  on  le  personnifiant,  Virgile,  Àin.,  XI,  2;j9  ;  Virgile 
ad'ailleiirssouvent  ainsi  personnifié  d(s  fleuves;  rf.  Liiiiziier,  Uehcr 
J'irso7iniliC(itioiU'ninVcr(iilsGriliclili  11,^^1.  Catulle  prend  à  témoin 
le  Scaniandre,  LXIV,  359.  —  Anrifcr.  Ovide  a  repris  celte  ôpitliète 
en  r.ipprKiuant  aussi  au  Tage,  Amours,  1,  lo,  3i.  On  voit  ce  qu'elle 
a  ici  d'approprié,  et  ce  (ju'elle  ajoute  au  sens.  —  21.  En  admettant 
ce  texte,  il  faut  donner  ?i  ne  le  sens  de  nonne.  Cf.  Madvig,  Gr.  fjit. 
I  451,  a.  —  Ellis  remaniuc  que  l'on  trouve  le  pluriid  Gallice  et 
Britanniœ  dans  Pline,  //.  N.  XVil,  42,  45,  éd.  von  Jan,  et  dans 
Tacite,  Ann.  XIII,  32  ;  la  leçon  de  ce  dernier  passage  est  contestée. 
Mais  dans  Catulle  le  pluriel  a  un  sens  intensif  ;   il  sert  à  amplifier 
l'idée  du  pays  où  la  crainte  s'étend.  Depuis  Laclimann,  on  ponctue 
de  manière  à  faire  de  malum  un  adjectif  pris  substantivement  se  rap- 
portant à  hune.  Cf.  Horace,  S.  I,  4,3:  «quod  malus  ac  fur.  »  Munro, 
reprenant  l'ancienne  interprétation,  en  voudrait  faire  l'interjection 
malum  ;  quelle  folie  I  Sur  ce  sens  cf.  Martha,  Revue  de  Philologie, 
1879,  janvier.  Ce  sens  pourrait  aller  ici  et  le  mouvement  d'indigna- 
tion de  Catulle  s'y  prêle.  —  Fovelis.  Le  pluriel  s'applique  à  César  et 
à  Pompée.  —  23.  Uncta,  riches,  opulents.  Cf.  Martial,  V,  44,  7  : 
«  Captus  es  unctiore  cena.  »  —  Patrimonia.  Ellis  cite  Cicéron  par- 
lant d'Antoine,  Pliil.  II,  27,  G7  :    «  Non  modo  unius  patrimonii, 
quamvis  amplum,  ut  illud  fuit,  sed  urbes  et  régna  celeriter  lanta 
ncquilia  devorare  potuisset.  »  —  2i.  Eone  nomine.  Catulle  reprend 
le  vers  42.  C'est  en  quelque  sorte  le  refrain  de  la  seconde  partie  de 
la  pièce,  dont  les  parties  sont  ainsi  vigoureusement  liées;  seule- 
ment la  période  est  plus  courte.  —  Potissimei.  Forme  archaïque 
"^our  potissimi.  Ce  superlatif,  qui  est  une  conjecture,  est  autorisé 
par  des  exemples  :  Plaute,  Men.   II,  3,  9  ;   «  potissimus  nostrœ 
domi  ut  sit.  »  Salluste,  Jugurtha,  94,  2  :  «  potissima  videbantur.  » 
Tacite,  Ann.,  XIV,  65  :  «  potissimos  liberatorum  vencno interficere.  » 
—  25.  Socer  gêner  que.  César  avait  donné  sa  fille  Julie  en  mariage  à 
Pompée,  en  695/59.  Ce  passage  a  été  imité  par  l'auteur  des  Cata- 
lecta,  III,  6,  en  renversant  Tordre  des  termes  :  gêner  socerque. 
Munro,  Crilic.  andElucid.,  p.  112,  montre  que  Catulle,  attaquant 
plus  directement  César  que  Pompée,  a  dû  le  désigner  le  premier. 
Dans  la  parodie  l'interversion  est  naturelle,  c'est  contre  le  gendre 
Noctuinus  que  l'épigramme  est  surtout  écrite.  Ce  passage  a  d'ailleurs 
X  XXIX.  -4 


î)0  IlKVUi:  AUCUÉOLOGIQUE. 

tMô  l'objel  lie  nombreuses  iinililions  ;  cf.  avec  Ellis,  /En. y  VI,  S30; 
Lucaiii,  I,  lli;  M.ulial,  1\,  7t),  3,  el  sur  liiilervei'sion  des  mois 
yrut'r  iitijucsoccrdAU^  ce  poêle,  I*aiiksl;ull,  De  Mdrtiah'  CalnUi  imita- 
tore,  \).  'J;  avec  Schwabe,  Jalirlnicher  f.  /'/<i7o/.,  iHl\,  i  llefl, 
p.  261:  Sillon.  Apollin.  Cann.  1\,  ii  10,  p.  1237  Sirin.;  Minucias 
Félix,  ûctav.  <S,  t>  ;  Klorus,  11,  i;],  13.  —  Avec  la  leçon  adoptée 
joignez  l'rbis  oninia.  Kilis  el  Munro  inulliplicnl  les  exemples  des 
passages  où  perire  omnia,  ou  bien  pcrdere  omnia.,  se  Irouveal  sans 
ilueom/n'(i  soil  liéleruiiné.  Cela  est  une  objection  importante;  mais  il 
est  bien  diflicile  d'adopter  leurs  corrections  à  eux-int}me>;. 

E.  liENOIST. 


BULLETIN    MENSUEL 

Dli    L'ACAUÉMIt:    DES    INSCRIPTIONS 


MOIS    UB    DtCEMUnE. 


M.  Alexandre  Bertrand,  directeur  du  Musée  des  antiquil(''s  nationales 
de  Saint-Germain,  est  admis  à  communiquer  un  mémoire  sur  un  autel 
gauluis  trouvé  à  Saintes,  acquis  par  M.  Benjamin  Fillon  et  donné  par  lui 
au  musée.  L'autel  est  à  double  face,  haut  de  0^,82,  large  de  0°,7t',  épais 
de  0°',30,  sculpté  dans  un  bloc  de  calcaire  coquiller  et  représentant  une 
série  de  divinités  gauloises.  Le  personnage  principal  sur  chaque  face  est 
un  dieu  assis  sur  un  coussin,  les  jambes  croisées,  à  la  manière  oiiontale, 
accosté  de  deux  divinités  formant  avec  lui  une  triade.  La  lûte  du  dieu 
manque;  les  attributs,  bien  que  nmtilés,  se  laissent  reconnaître.  C'est 
d'abord  le  sagum  (vûtemenl  d'honneur  ou  d'apparat  analogue  au  paJuda- 
mentum  des  Romains)  attaché  sur  l'épaule  droite  avec  une  fil)ule;  c'est 
ensuite,  dans  la  main  droite,  le  torques  (sorte  de  collier  formé  d'un 
cercle  ouvert)  ;  dans  la  main  gauche,  un  vase  ou  une  bourse.  A  la  gauche 
du  dieu  est  assise  une  femme  ;  la  déesse  porte  sur  son  bras  gauche  une 
corne  d'abondance; sa  main  droite  lient  un  objet  d'un  caractère  douteux, 
peut-t^tre  un  oiseau.  Plus  à  gauche  encore  et  presque  sur  la  tranche  de 
l'autel,  on  voit  debout,  vêtu  d'une  robelalaire,  un  personnage  féminin, 
que  M.  Bertrand  croit  être  une  divinité  ;  elle  est  un  tiers  de  grandeur  des 
deux  autres  personnages,  (.a  tûte  manque,  le  bras  gauche  est  plié  sur  la 
poitrine,  la  main  tient  un  fruit;  le  bras  droit  semble  porter  une  corne 
d'abondance. 

Sur  la  face  postérieure,  le  dieu,  assid  à  la  manière  orientale,  occupe  le 
milieu  de  l'autel;  dans  sa  main  droite  est  une  bourse;  il  est  assis  sur  une 
base  ornée  de  deux  tôtes  de  taureau.  A  sa  droite  on  voit  une  divinité 
féminine  à  longue  robe,  debout,  le  bras  droit  tombant  le  long  du  corps, 
le  bras  gauche  replié  sur  la  poitrine.  A  la  gauche  du  dieu  est  un  person- 
nage nu,  de  sexe  masculin,  la  main  droite  appuyée  sur  une  massue, 
tenant  de  la  main  gauche  une  pomme;  il  est  sar  une  base  ornée  d'une 
tête  de  taureau. 


:',2  IlEVUK    Anr.lIKOLOGlQUK. 

Cù  curioiix  tnomimoiil  n'osi  pas  suns  anulo^iio  avec  quelques  aulics  au 
nombre  do  cinq.  I*"  I/aulel,  di^couvcrt  h  Ueiins  en  1837,  sur  lequel  on 
remarque  une  diviuiU^  accroupie,  ayant  Apollon  A  droite  et  Mercure  à 
gauclic;  elle  porte  le  tonjucs  au  cou;  la  tiîlc  est  barbue  et  cornue;  do 
ses  deux  m  litis  oll  >  presse  un  sac  d'où  s'i'chappenl  dos  glands  et  des 
faines  que  mmuIiUmiI  aHoiidre  un  Ixinif  el  un  cerf  placi'-s  au-dessous.  On 
rcconnail  sans  diflicullô  le  dieu  de  Saintes;  ici  il  n'y  a  de  changé  que  les 
acolytes  ;  les  attributs,  c'est-à-dire  le  torques  el  le  sar,  l'altitude  aocroupic 
surtout,  ne  peuvent  laisser  lA-dcssus  aucun  doute.  Il  est  donc  certain  que 
le  dieu  de  l'aulel  de  Saintes  est  un  dieu  cornu,  2"  Une  statuette  de  bronze 
trouvée  i\  Autun  représente  le  dieu  accroupi,  les  jambes  croisées  sur  un 
coussin  ;  il  porte  au  cou  le  torques;  la  face  est  barbue;  sur  le  sommet  de 
la  tûte  deux  cavités  aujourd'hui  vides  indiquent  l'existence  des  cornes. 
Nous  avons alTaire  ;\  un  niouunicnt  complet, ou  peu  s'en  faut,  et  son  étude 
conduit  il  aftirmcr  que  l'idée  de  trinité  était  intimement  liée  au  mythe  du 
dieu  en  question.  Les  deux  .icolytes  sont  représentés  ici  par  deux  pois- 
sons formant  ceinture  à  la  divinité  accroupie  et  passant  leurs  têtes  de 
bélier  sous  ses  bras.  Un  coussin  est  posé  sur  les  genoux  du  dieu  et  sup- 
porte le  torques  et  peut-être  aussi  le  sac.  Les  deux  monstres  criocéphalcs, 
dont  le  haut  du  corps  est  soutenu  par  les  mains  du  dieu,  posent  leurs 
têtes  sur  les  bords  opposés  du  coussin.  La  tète  de  l'idole  cornue  laisse 
voir,  dans  la  région  temporale,  deux  sortes  de  mascarons  représentant,  ce 
semble,  des  figures  humaines,  comme  accolés  sur  le  crftnc  du  dieu. 
N'est-ce  pas  un  rappel  de  l'idée  trinitaire?  3°  Deux  statues  trouvées  à 
Velaux  montrent  lo  dieu  accroupi  :  les  bras  et  les  jambes  sont  nus;  le 
bras  droit  est  incliné  en  avant,  la  main  appuyée  sur  la  cuisse,  tandis  que 
le  bras  gauche  porte  la  main  sur  la  poitrine;  la  poitrine  est  couverte 
d'un  pectoral  superposé  à  la  tunique.  4°  Une  monnaie  recueillie  au 
mont  Beuvray,  et  par  conséquent  qu'on  ne  saurait  faire  descendre  au- 
dL'ssûus  du  règne  d'Au;j;usle,  montre  de  face  une  figure  accroupie  tenant 
de  la  nuin  droite  un  (orques  .1  de  la  gauche  un  oljjel  indéterminé  ;  au 
revers,  on  voit  un  sanglier  et  au-dessus  un  symbole,  poisson  ou  dragon; 
5"  Une  statuette  aujourd'hui  perdue,  dessinée  heureusement  par  dom 
Martin,  représentait  un  dieu  assis,  les  jambes  croisées,  la  télé  cornue  :  ce 
dieu  portait  la  corne  d'abondance. 

Tous  ces  monuments  reproduisent  incontestablement  la  même  divinité 
du  panthéon  celtique,  (jue  l'on  voit  émerger  en  quelque  sorte  el  s'asso- 
cier aux  mytlios  religieux  de  Rome,  au  lendemain  de  la  conquête  et 
aussitôt  que  l'influence  druidique,  qu'on  suppose  hostile  ;\  la  religion 
nationale,  s'alLiiblit  et  disparait  dans  les  (iauli;s.  Le  sens  des  attributs 
n'est  pas  bien  difticile  à  pénétrer.  Le  torques  était  chez  nos  ancêtres  la 
récompense  décernée  au  [zuerrier  brave;  le  collier  était  devenu  l'insigne 
du  commandement,  l'ornement  royal  par  excellenco;  il  signilic  donc 
royauté  cl  grandeur.  De  même  le  siujum.  Le  sac  et  la  corne  d'abondance 
sont  des  emblèmes  de  signilication  identique  :  celui  qui  les  porte  c*t  le 


BULLETIN    DK   L'AnAni'MIK   DRS   INSCRIPTIONS.  TiU 

dispensateur  et  le  protlucleur  des  biens  de  la  terre.  Les  cornes  ont  tou- 
jours 6U:  partout  remlilèiuc  do  la  force  et  de  lu  puissance.  D'ailleurs,  le 
collier  ou  },'rmjd  anneau  existe  sur  les  bas-reliefs  des  palais  li.ltis  en  l'erse 
par  les  AcliL'ini'iiidosclles  Sassanidos,  oi'i  il  joue  un  rôle  important  dans 
les  c6r6aioui(js  rcli}^icuses  et  politiques. 

La  conception  de  la  divinitt' sous  lorino  trinilaiic,  à  mesure  que  nos  ' 
connaissances  se  multiplient  et  que  noire  vue  s'étend  plus  loin  dans  la 
nuit  des  Ages,  cette  conception  nous  apparaît  comme  la  plus  antique  du 
toutes  et,  il  faut  ajouter,  la  plus  universellement  reçue.  Klle  est  partent 
en  Orient  ;  elle  conslilue  l'essence  de  la  doctrine  conservée  dans  les  sanc- 
tuaires de  ri^gyple;  onla  trouve  en  Assyrie,  en  Syrie,  en  Plirygie,  dans 
toute  l'Asie  Mineure,  en  Mac6doinc,  en  Thrace,  en  Attique;  car  elle  est 
comme  le  fondement  des  dogmes,  des  rites  et  des  symboles  qui  consti- 
tuent les  mystères  païens;  et  les  mystères  sont,  à  nos  yeux,  les  restes 
indestructibles,  bien  que  très  altérés,  d'une  religion  primitive,  unique 
peut-être,  et  qui,  grAce  au  secret,  subsista  à  côté  des  religions  nationales 
officielles,  en  attendant  le  jour  où,  recouvrant  Eon  ancien  empire,  elle 
devait  se  substituer  à  ses  rivales. 

Les  trois  siècles  qui  précèdent  et  les  trois  siècles  qui  suivent  l'ère  cbré- 
lienne  furent  les  témoins  de  ce  retour  offensif  et  victorieux  d'un  passé 
lointain  sur  l'antbropomorpbisme  bellénique.  La  conception  trinitaire  de 
Dieu,  suivant  la  remarque  de  M.  Alfred  Maury,  n'est  pas  seulement  en 
Egypte  et  dans  les  religions  mystérieuses  adoptées  par  la  Grèce,  et  dont 
la  triade  éleusiniennc  et  la  triade  pélasgique  des  Cabires  de  Samothrace 
sont  les  types;  clic  existe  chez  les  Etrusques,  chez  les  Scandinaves,  chez 
les  Germains,  chez  les  Hindous;  on  pouvait  espérer  qu'elle  n'était  pas 
étrangère  aux  Celles.  La  tricéphalie,  comme  l'a  prouvé  M.  le  baron  de 
Witte,  n'est  qu'une  façon  emblématique  d'exprimer  la  trinité. 

Le  mythe  de  Géryon,  le  grand  dieu  tricéphale  de  l'Occident,  vaincu 
par  le  héros  du  monde  orienial,  fait  sans  doute  allusion  à  la  religion  des 
anciens  Celtes.  Les  lêles  de  taureau  qui  décorent  les  piédeslaux  des  ima- 
ges divines  dans  l'autel  de  Saintes  ne  sont-elles  pas  un  arijument  de  plus 
pour  autoriser  le  rapprochement  entre  Géryon  et  le  dieu  gaulois?  Enfin, 
dans  les  idées  qui  se  dégagent  du  symbolisme  et  dans  le  symbolisme 
il  y  a,  ne  l'oublions  pas,  des  analogies  profondes  avec  l'Orient.  Or  ces 
analogies,  qui  peuvent  provenir  d'une  commune  origine  et  se  rapporter 
à  la  très  haute  antiquité,  peuvent  aussi  provenir  d'apporis  récents  et  être 
rattachées  au  vaste  mouvement  syncrétiste  qui,  dans  les  deux  premiers 
siècles  de  notre  ère,  grilcc  aux  rapports  commerciaux  créés  et  entretenus 
par  la  pacitication  romaine,  grice  aux  voyages  et  aux  hivernages  des  lé- 
gions, mélangèrent  en  une  infinité  de  combinaisons  les  croyances  roi; - 
gicuses  et  les  pratiques  du  monde  entier.  iNous  voilà  revenus  ainsi  aux 
monuments  de  la  Gaule. 

M.  Bertrand  compte  et  décrit  parmi  ces  monuments  ceux  qui  nous  re- 
présenteut  da  iriades  divines  et  semblent  appartenir  à  des  cultes  mysté- 


r.  l  REVUR    AIlCHéOLOGIQlîE. 

rioux.  Co8t  d'abord  la  triade  do  Saintes,  que  nous  connaissons;  pnis  la 
triade  do  Dcnticvy.  Dans  cette  dorni^ro,  le  Iricépliale  est  debout,  drapé 
dans  le  S(1«/ni;i,  ayant  à  sa  panclio  une  déesse  diadt-mi^c,  éj,'alonicnt  dcliout, 
viMuc  d'une  robe  talaire,  le  soin  droit  à  découvert,  le  bras  droit  nu  et 
rollé  au  corps.  A  gauclie  de  celle-ci,  un  personnaf,'0  ;\  Innj,'uo  chevelure, 
■imberbe,  portant  la  corne  d'al)ondance,  allongeant  la  main  drc.ite  |>onr 
présenter  un  pAteau  plat  A  un  serpent.  M.  llertrand  croit  reconnaître  ici 
l'Iulon,  l*ro?er|>ino  et  Mercure,  combinaison  nouvelle  mais  non  inconnue 
(le  la  triade  cabiiique.  A  Hoims,  le  dieu  tricéjdiale  est  accosté  de  .Mercure 
et  d'Apollon.  Dans  le  monument  de  Hoauno,  .M.  lîertiand  retrouve  encore 
au  centre  le  dieu  tricéphale,  accompagné  d'Apollon  et  do  l'an.  Kn 
somme,  nous  avons  vingt  monuments  se  rapportant  au  mythe  qui  nous 
occupe,  l'as  un  seul  ne  porte  d'inscription.  De  ce  côté  nous  ne  devons 
attendre  aucun  renseiij;ncment  sur  les  noms  des  divinités  pauloiscs. 

Lucain  {Phars.,  I,  440)  nomme  Tcutniès,  Ésus  cl  Taranis.  Cette  triade, 
dit  M.  Hoget  de  Belloguet,  fut  le  fondement  de  toute  la  religion  exté- 
rieure des  diuides.  Il  y  aurait  lieu  de  discuter  à  cet  égard  :  la  triade  que 
nous  éludions  appartient-elle  ;\  la  doctrine  druidique  ou  bien  à  l'antique 
panthéon  celtique?  Le  problème,  faute  de  documents,  est  insoluble.  Pas- 
sons. Mais  répétons  que  la  conception  a  été  universelle  dans  la  haule 
antiquité  :  en  l'étudiant  à  fond,  en  entrevoit  qu'elle  est  l'expression 
énergique  de  l'éternité  de  Dieu  s'cngendrant  lui-même,  de  Dieu  à  la  fois 
père,  mère  et  fils,  unique  en  son  essence,  sans  être  unique  en  per- 
sonnes. 0  Enpcndrées  en  Dieu,  dit  M.  Masporo  expliquant  le  dogme 
égyptien,  enfantées  de  Dieu,  sans  sortir  de  Dieu,  ces  trois  personnes  sont 
DItL'EN  DltU  et,  loin  de  diviser  l'unité  de  la  nature  divine,  concourent 
toutes  trois  à  son  infinie  perfection.»  Sur  ce  principe  fondamental,  les 
thèmes  varient  dans  le  détail  :  tantôt  c'est  l'élément  masculin,  tantôt 
l'élément  féminin,  tantôt  l'élément  engendré  qui  domine  et  occupe  le 
premier  plan;  mais  l'idée  essentielle  reste  la  même  :  Dieu  éternel, 
unique  jh  essence,  triple  en  personnes. 

Dans  la  triade  gauloise,  infime  mobilité,  même  solidité.  Tunniis,  c'est 
le  dieu  du  tonnerre,  de  la  lumière  céleste,  le  Zeus  gaulois,  assimilable 
ainsi  à  Apolkm  et  à  Pan.  Le  caractère  de  Teutalès  est  plus  obscur;  c'est 
peut-être  le  .Mercure  infernal,  l'équivalent  de  lladès.  Ésus  est  encore 
moins  déterminé;  mais,  suivant  M.  Bertrand,  s'il  est  la  troisième  per- 
sonne de  la  triade,  celle  qui  contient  les  deux  autres  en  son  essence  éter- 
nelle et  immuable,  ce  caractère  vague  du  dieu,  qui  était  à  l'origioe  le  dieu 
S'tits  wjtn,  ne  devrait  pas  nous  étonner.  Hien  que  la  triade  de  Lucain  soit 
furmée  de  dieux  m.llcs  exclusivement,  les  inscriptions  et  bs  monuments 
figurés  nous  apprennent  que  deux  de>  personnes  avaient  leur  parèdre 
féminine;  l'une  appelée  yLULCUHA,  assimilée  dans  une  inscriiilion  de 
l'Algérie  à  la  mère  des  dieux,  à  la  grande  déesse  de  l'Ida  ;  l'autre  appelée 
ItOSMI-HTA,  associée  à  Mercure  dans  les  tx  lotu  gaulois  da  Vosges. 
M.  Bertrand  se  demande  à  quelle  époque   le  culte  des  triades  a  ét6 


BULLETIN    DE    l/ACXnflMIF,    DF.S    INSCRIPTIONS.  H'.'i 

introduit  on  r.anle.  et  drclaio  qtiola  solution  fie  ro  probli'imfi  o.?i  co  qu'il 
y  a  de  plus  iiiiporlanl  dans  l'Iiistoire  rcligious(!  de  nos  origines  nationales. 
Le  premier  niouvompiil,  dil-il,  est  pour  altrilinrr  à  ces  rrprésenlaiions 
une  origine  récente  et  lc3  associer  aux  bas-reliefs  iiiithriaqucs  et  tau.obo- 
liques  (i"  et  n"  siècles).  Mais  les  sanctuaires  et  les  monumenis  mithria- 
ques  ont  gardé  en  Gaule  leur  caractère  asiatique  :  tel  n'est  point  le  carac- 
tère des  autels  de  Saintes,  de  Heiins,  de  Dennevy  et  de  Heaune,  qui  sont 
manifestement  gaulois.  Ouclques-uns  des  symboles  qu'on  y  remarque 
sont  certainement  antérieurs  à  la  persécution  et  ;ï  l'expulsion  des 
druides  ;  le  torques  est  un  emblème  purement  celtique.  Kntin,  les  celti- 
sants  attestent  que  nulle  part  la  triade  n'a  joué  un  rôle  aussi  grand  que 
dans  la  mythologie  irlandaise.  M.  Bertrand  conclut  donc,  conformément 
aux  observations  que  nous  avons  préscntros  plus  liaut,  que,  si  la  triade 
gauloise  a  pu,  après  la  conquOtc,  s'amalgamer  avec  les  divinités  gréco- 
latines  et,  plus  tard,  subir  l'influence  des  cultes  mystérieux  apporté» 
d'Orient,  elle  a  des  origines  plus  hautes,  qui  la  rattachent  aux  commen- 
cements mêmes  de  la  grande  famille  csllique. 

Le  mémoire  de  M.  liertrand  exigeant,  pour  être  bien  compris,  de  nom- 
breuses planches  qui  ne  permettent  pas  de  le  publier  inimédialcnicnt, 
nous  avons  cru  devoir  en  donner  une  analyse  détaillée  empruntée  au 
Journal  officiel. 

Le  présent  numéro  de  la  Revue  contient  au  contraire  l'intéressante 
communication  de  M.  Heuzey,  sur  les  Terres  cuites  babylonimncs.  Nous 
n'en  parlerons  donc  pas  ici.  —  Nos  lecteurs  remarqueront  également  la 
notice  de  M.  Champoiseau  sur  le  piélestal  de  la  Victoire  de  Samothracc, 
dont  M.  Ravaisson  a  annoncé  l'arrivée  au  Louvre. 

Une  lecture  de  M.  de  Longpérier,  sur  un  beau  vase  antique  apparte- 
nant à  M.  Raymond  Seillières,  mériterait  une  analyse  développée.  Nous 
espérons  la  pouvoir  donner  bientôt.  X. 


NOUVELLES  AI{ClIi:OLOGIQUES 

ET  GORHESPONDAJSGE 


Nous  recevons  de  M.  I.ocman  la  lettre  suivante,  que  nous  croyons 

utile  (le  publier  : 

«  Lcidc,  ce  14  décembre  1879. 

A  3/.  Alexandre  Bertrand,  conservateur  du  Musée  des  antiquités  natio- 
7ial(S,  à  Saint-Gcnnain-en-Layc. 

Mon  cher  Monsieur  et  très  honorci  collègue, 
Dans  voire  savant  et  intéressant  article  sur  les  cimetières  mérovingiens 
de  la  Gaule,  publié  par  la  7lcr»o  archéologique,  vous  indiquez  plusieurs 
localités  des  Pavs-Uas,  où  des  sépultures  et  des  cimetières  mérovingiens 
auraient  été  découverts. 

Je  crains  que  les  sources  où  vous  avez  puisé  ces  données  ou  les  per- 
sonnes qui  vous  ont  fourni  ces  informations  ne  soient  pas  telles  que 
l'on  puisse  admettre  ces  renseignements  sans  réserve. 

Autant  que  je  sache,  aucune  des  localités  mentionnées,  ù  l'exception 
peut-être  de  Maeslricht,  n'a  produit  d'objets  qui  par  leur  nature,  leur 
caraclère,  leur  travail,  leur  forme,  ou  par  d'autres  indices  particuliers, 
puissent  être  légitimement  rapportés  aux  mérovingiens. 

Malheureusement  on  a  souvent  employé  le  terme  Franc,  Franque,  pour 
indiquer  la  période  à  laquelle  on  croyait  pouvoir  assigner  les  antiquités 
découvertes  dans  notre  pays,  dès  qu'on  ne  croyait  pas  pouvoir  les  attribuer 
soil  aux  llomains,  soit  aux  peuples  et  aux  peuplades  indigènes.  On  aurait 
agi  plus  prudemment  en  n'admettant,  au  moins  pour  les  quatre  ou  cinq 
premiers  siècles,  que  la  distinction  entre  antiquités  romaines  et  antiqui- 
tés des  indigènes,  laissant  là  les  détails  de  Germains,  Allemands,  Gaulois 
el  Francs,  etc. 

Dans  la  liste  des  localités  il  y  a  en  outre  quelques  inexactitudes  à  re- 
lever : 

Alphen  (Hollande),  lisez  :  Alpben  (lîrabant  septentrional). 

Uar-le-Nassau,  lisez  :  Haarle-Nassau  (llrubaut  septentrional). 

IJoekcl,  liiez  :  Uoekel  (llrabant  septentrional).  Mais  je  suppose  qu'il  est 
ici  cueslion  non  de  IJoekel  mais  de  itocAc/ (pro\inte  de  lu  Gueldre). 


NOUVhLLKS   ARClIliOLOfJlgUIvS.  7 

Gcslel,  ajoutez  :  province  du  Urabanl  scplonlrioiuil. 

Ileytliuisen,  ajoutez  :  duché  de  Limbourg. 

Itlervooil,  ajoutez  :  duché  de  I.iuihourg. 

Mae^itiicht,  ajoutez  :  duclié  de  r.imhourg. 

Nicauladl,  lUez  :  Nieuwsladt  (duché  de  liimbourg). 

Noordwyk,  ajoutez  :  prov.  do  Hollande. 

Hiel,  ajoutez  :  prov.  du  Hrabant  scptenlrional. 

Ricllioven,  ajoutez  :  prov.  du  Hrabant  scptenlrional. 

Sen,  ajoutez  :  prov.  du  Urabant  seplontrional. 

Steensel,  ajoutez  :  prov.  du  Hral)ant  seplentrional. 

Tegelen,  ajoutez  :  duché  de  Limbourg. 

A  Macslricht  ont  été  découverts  et  existent  encore  bon  nombre  do  ves- 
tiges de  Toccupalion  romaine. 

Dans  les  autres  endroits  cités  dans  la  liste,  les  trouvailles  consistaient 
dans  des  urnes,  de  menus  objets,  ustensiles,  ornements  en  bronze,  des 
médailles  romaines,  haches  en  pierre,  fragments  de  poteries  romaines, 
de  lumulus,  etc.,  mais  rien  qui  puisse  être  attribué  aux  Mérovingiens. 

Dans  cette  dernière  catégorie  on  pourrait  seulement  admettre  quelques 
objets  trouvés  dans  les  environs  de  Wijk  byDuurstede,  l'ancien  Bercitalus, 
où  des  fouilles  régulières  ont  été  exécutées  aux  frais  du  gouvernement 
sous  la  direction  de  feu  M.  le  docteur  Janssen,  conservateur  alors  du  mu- 
sée placé  sous  ma  direction.  M.  Janssen  a  public  le  résultat  de  ses  fouilles 
et  découvertes  dans  un  livre  dont  le  litre  se  traduirait  en  français  par 
Communicatlom  archéologiques. 

Veuillez,  mon  cher  collègue,  me  pardonner  ces  observations  et 
agréer,  etc.  D--  Leeman.  » 

On  lit  dans  la  Revue  politique  et  littéraire  du  10  janvier  la  lettre 

suivante  : 

«  Gaza  (Syrie),  17  décembre  1879. 
«  Monsieur  le  directeur, 

«  Il  y  a  environ  six  mois,  des  paysans  de  Gaza,  s'étant  avisés  de  remuer 
le  sable  de  la  dune  Tell-el-Ajoul  (montagne  du  Veau),  —  dune  située  à 
une  lieue  de  la  ville  actuelle  de  Gaza,  —  trouvèrent,  couchée  sur  le  dos, 
une  magnifique  statue  de  marbre.  11  se  passa  alors  ce  qui,  en  pareille  oc- 
currence, se  passe  presque  toujours  en  pays  turc.  Aussi  inquiets  que  ré- 
jouis de  leur  trouvaille,  les  paysans  philistins  s'empressent  d'aller  trouver 
un  marchand  grec  de  Gaza;  celui-ci  achète  la  statue  pour  un  prix  déri- 
soire. Mais,  à  l'instant  même  où  il  va  commencer  ses  travaux,  le  gouver- 
neur turc  tlaire  une  bonne  affaire  et  s'empare  manu  militari  de  la  dune 
Tellel-Ajoul,  où  la  statue  reste  à  demi  enfouie  dans  le  sable.  Alors  le 
Grec  de  réclamer  à  cor  et  à  cris  le  remboursement  des  vingt  livres  qu'il 
a  payées  aux  paysans  philistins,  et  le  pacha  d'incarcérer  ces  pauvres  dia- 
bles jusqu'à  ce  qu'ils  aient  rendu  gorge.  Mais  peu  importe  à  noire  point 
de  vue  cette  série  d'abus  de  force,  puisque  à  l'heure  présente  la  statue 
se  trouve  à  l'abri  de  tout  acte  de  vandalisme  et  qu'elle  est  parfuilemenl 


XS  HRVDF.    Annllf^OI,Or.I0PF.. 

gardée  par  les  laptK^s  il»»  (i.i7.,i.  Co  qui  imporio.  fin  contrniro,  c'est  que  \o. 
pacha  n'a  plus  qu'un  souci  :  vondro  In  statue;  quo  des  oiïros  lui  ont 
déji  él(W.iiics  par  le  consul  dt' Prusse  A  Ji^rusalom,  ol  que  le  ponverne- 
nient  français  doit  se  h.ller  s'il  ne  veut  pas  que  le  niusf^e  de  Herlin  s'en- 
richisse, au  dr-tiinienl  du  Louvre,  d'un  vrritable  chef-d'œuvre  qu'on 
pourrait  aisément  avoir  pour  cinq  ou  six  mille  francs. 

o  Le  Jiijiiter  de  (i.iza  est  en  oITct  nnt>  neuvre  tout  li  fait  ndmirahle  et 
dont  l'auleiir  appartient  évidemment  i\  la  meilleure  époque  alexandrine. 
La  moitié  supérieure  de  la  statue  (hauteur  î'°,^(>).  la  seule  qui  soit  entiè- 
rement déizajzée  des  sahles,  montre  le  dieu  assis,  le  torse  nu,  le  manteau 
plié  sur  l'épaule,  le  hras  gauche  appuyé  sur  l'aigle.  Quant  au  bras  droit, 
qui,  .\  en  juger  par  le  mouvement  de  l'épaule,  tenait  la  foudre,  et  à  la 
partie  inférieure  de  la  slatuo,  il  suffirait,  selon  toute  prohahiliié,  de  quel- 
ques coups  de  pioche  pour  les  retrouver  dans  un  voisinage  immédiat.  Ce 
qui  m'a  parliculiùrcmcnt  frappé  dans  cette  statue,  c'est  la  heaulé  de  la 
télé,  dont  toutes  les  parties,  sauf  le  nez,  sont  dans  un  état  de  conservation 
parfaite.  Le  front  surtout  est  superbe,  tout  ;\  fait  olympien,  et  la  cheve- 
lure, comme  la  harlie,  est  d'un  excellent  travail,  ;\  la  fois  très  éléjiant  et 
très  simple.  Le  cou  robuste  et  droit,  les  épaules  souples  et  franchement 
dégagées,  la  poitrine  largement  modelée,  sont  des  morceaux  magniliques. 
A  première  vue,  il  m'a  semblé  fort  probable  que  j'étais  en  présence  d'une 
reproduction  alexandrine  du  Jupiter  de  l'hidias;  mais  avant  le  dégage- 
ment complet  de  celte  colossale  statue  il  est  impos^il)Ie  de  se  prononcer 
sur  ce  point  d'une  manière  absolue. 

0  Mais  ce  n'est  pas  seulement  pour  l'artiste  que  la  découverte  du  Ju- 
piter de  (îaza  est  un  fait  important,  c'est  encore  pour  l'archéologue  cl  le 
géographe.  Je  rappelle  en  effet  que  le  docteur  Keith  avait  déjà  signalé  le 
nombre  considérable  de  fragments  de  vieille  poterie  qui  couvrent  les 
environs  de  la  dune  de  Tell-el-Ajoul,  et  qu'il  en  avait  conclu  que  l'an- 
tique (  ité  de  (iaza,  —  celle  qui  fut  la  capitale  des  Philistins  et  qui  arrêta  si 
longtemps  Alexandre  avant  de  devenir  l'une  des  villes  les  plus  impor- 
tantes du  royaume  syrien,  —  que  l'antique  Gaza  était  située  ;\  une  dis- 
tance notable  de  la  ville  actuelle,  beaucoup  plus  près  de  la  mer,  hypo- 
thèse que  Bcniblnient  d'ailleuis  confirmer  deux  textes  connus  de  Strabon 
et  de  Jérôme.  Or  aujourd'hui,  après  la  découverte  du  Jupiter  de  Tell-el- 
Ajoul,  on  ne  saurait  plus  conserver  le  moindre  doute.  L'endroit  où  l'on  a 
retrouvé  une  œuvre  aussi  admirable  est  évidemment  celui  où  s'élevait 
l'ancienne  (Jaza  avec  les  huit  sanctuaires  qui  furent  si  célèbres  dans  toute 
l'Asie  et  qui  ne  furent  détruits  (jue  par  l'impératrice  lludoxie,  femme 
d'Arcadius,  —  et  à  sept  stades  de  la  mer,  selon  Strabon.  ce  qui  est,  à  peu 
de  cho^e  près,  la  distance  actuelle  do  Tell-el-Ajoul  au  rivage. 
.(  Agréez,  etc.  Joseph  Heinacu.  » 

>ouB  lisons  dans  le  Journal  de  Monaco  du  !•  décembre  1879  : 

.(  Les  fouilles  archèolo^-iques  pratiquée»  à  la  Cajidamino  viennent  d'a- 
mener une  nouvelle  décomci  te.  qui,  par  son  importance  capitale,  sur- 


NOUVELLES   AnCUKOLOCiKjlJKS.  50 

passe  de  beaucoup  celles  dont  nous  avons  <l(*ji  rendu    (oniplo  dans   nos 
nimiéros  des  'M)  .septembre  et  7  oclobro  derniers. 

Contre  les  bAliinents  de  la  dislillerie,  presque  à  (leur  du  sol,  uno  molle 
d'argile,  (Milruîuéc  jiar  les  eaux,  s'est  délacliéo  de  la  paroi  seplcnlrioiiale 
cl  a  rouh;  dans  l'cxcavalion,  on  mctlanl  au  jour  une  s6iic  do  monnaies 
et  d'ornements  romains  en  or,  probablement  cacb(5s  dans  la  terre  à  une 
époque  reculée  et  que  la  date  de  la  monnaie  la  plus  récente  (27G)  per- 
met de  faire  remonter  vers  la  fin  du  ni"  siècle  de  notre  ^re,  A  paît  la 
forme  do  certaines  fouilles  d'or  (jui  ont  été  froissées,  probablement  pour 
tenir  moins  de  place,  le  tout  est  d'une  admirable  conservalion  et  mérite 
tout  l'intérêt  des  arcbéologues.  Sauf  meilleur  avis,  nous  avons  lieu  de 
croire  qu'il  s'ayil  des  dépouilles  d'un /ri6uH7/n7i7aùe,  enfouies  précipitam- 
ment sous  l'influence  de  la  terreur  qu'expliquent  sufOsammcnt  les  agita- 
tions sanglanles  de  l'époque  et  les  persécutions  dont  les  chrétiens  étaient 
victimes. 

Il  y  avait  0  médailles  d'or  d'une  admirable  conservation,  savoir  : 

Un  denier  de  Flotinc,  FLOTINA'AVGIMP-THAIAM,  buste  diadème  à 
droite;  iv  :  C^S-AVG-GERMA-DAC-COSV|-PP-,Vesta  assise  à  gauclic, 
tenant  le  palladium  et  un  sceptre.  Celte  pièce,  qui  remonte  à  l'an  112 
ou  1 13  de  J.-C,  est  décrite  dans  l'ouvrage  de  Cohen,  sous  le  n"  1 . 

Quatre  deniers  de  Caracalla  :  i-  IMP'C-.MAVU-SKV-AVG-F-,  buste 
lauréà  droite^  avec  le  paludamentura;  l>"  :  l'AXiKTliUNA-AVG-,  la  Paix 
debout  à  gauche,  tenant  une  branche  d'olivier  et  un  sceptre.  Nous 
croyons  cette  monnaie  inédite,  Ellene  se  trouve  pas  dans  Cohen. 

2"  ANTO.NLNVS-PIVS-AVG-GERM-,  buste  lauré  à  droite,  avec  le  palu- 
damcnlum;  \j,-  :  P-.M-TU  l'-XVIil-COS-llIl-P-P-,  le  Soleil  radié  debout  à 
droite,  levant  la  main  droite  et  tenant  un  globe  dans  la  gauche  (2io  de 
J.-C). 

3"  Même  légende,  buste  lauré  et  cuirassé  à  droite  ;  K"  :  PM-TR-P-XX- 
COS-IIII-P-P.,  le  Soleil  debout,  demi-nu,  levant  la  main  droite  et  lenaut 
une  hasle  ou  un  sceptre  de  la  gauche. 

4°  Même  avers  et  même  légende  au  revers,  où  figure  Jupiter  ou  Séra- 
pis  debout,  tenant  des  épis  et  un  sceptre.  Cette  pièce  a  dû  être  frappée 
en  217,  après  la  victoire  remportée  sur  les  Parthes. 

Un  magnifique  médaillon  de  Gallien,  pesant  13  grammes,  du  diamètre 
de  28  millimètres  :  I.MP'GALLIEMVS-  (sic)  AVG-COS-V-,  buste  lanré  à 
droite,  au-dessous  Pégase  ailé;  K"  :  P-M-TR-p-VllIl-COS-lllI-PP.,  la 
Piété  à  gauche  renversant  une  paiera  sur  un  autel  et  tenant  un  sceptre. 
L'antinomie  des  dates  inscrites  sur  chacun  des  côtés  de  celte  pièce  est 
digue  de  remarque,  ainsi  que  la  coquille  du  graveur  (M  au  lieu  de  N), 
que  nous  avons  déjà  rencontrée  sur  le  bronze.  Gallien  ayant  été  associé  à 
l'empire  en  2o3,  c'est  probablement  de  celte  année  que  date  sa  puis- 
sance Iribunilienne.  Ce  médaillon  serait  donc  de  202  après  J.-C. 

Un  denier  du  mémo  empereur  :  C'LIC-GALLIKNVSAVG-,  buste  lauré 
à   droite  avec  le  paludamentum  ;    H"  :   lOVI-CO.NSERVA',  Jupiter  nu, 


GO  nEVUK   ARCIIKOLOGIQUR. 

debout  A  gauche,  un  manleaii  sur  l'épaule  gauche,  tenant  un  foudre  cl 
un  sceptre  ('Jr.G-Sns  après  J.-C;  Cohon,  .'«S). 

l'n  denier  .ie  FlvHcn  :  VIllTVS- FLOlllAM  •  AV(;-,  l.iisle  laurt'  et  cuirassé 
à  pauche,  sceptre  sur  l'i^paule  droite  ;  H"  :  MCTUHIA-i'KlUMTVA-,  Vic- 
toire debout  i  droite,  écrivant  «ur  un  bouclier  supporté  par  un  tronc  de 
palmier. 

I,e  monétaire  ne  fut  pas  bon  prophète,  car  la  victoire  de  Klorien  fut  de 
courte  durée.  Cet  empereur  n'a  régné  que  trois  mois.  Aussi  ses  monnaies 
sont-elles  très  rares. 

L'ensemble  de  ces  médailles  et  des  objets  suivants  constitue  un  dépAt 
des  plus  précieux  pour  la  science  et  doit  attirer  l'attention  de  tout  le 
monde  savant.  Avec  ces  pièces,  qui  portent  leur  date,  étaient  : 

Un  petit  buste  en  or  repoussé  de  l'empereur  Titus,  barbe  courte,  nez 
camard,  yeux  et  oreilles  démesurés,  du  poids  de  12  grammes  t/2.  Le 
bord  inférieur  est  percé  de  trous  pour  passer  les  clous  qui  devaient  assu- 
jettir cette  image  sur  une  hampe  d'enseigne  militaire. 

Trois  armilles  d'or  creux,  do  10  centimètres  do  diamètre  extérieur  et 
77  millimètres  de  diamètre  intérieur. 

Trois  lames  en  or  repoussé  au  Irait,  paraissant  avoir  formé  des  brace- 
lets :  l'un,  du  poids  de  52  grammes,  a  4  centimètres  1/2  de  haut  et 
porte  des  losanges;  un  autre,  du  poids  de  4i  grammes  et  de  5  centi- 
mètres 1/2  de  haut,  porte  à  la  partie  médiane  sept  tètes  de  face  (du 
Soleil?),  séparées  par  des  ornements  dans  lesquels  ligureul  des  raisins 
dans  le  sens  vertical  et  des  marguerites  dans  le  sens  horizontal;  le  troi- 
sième, du  poids  de  51  grammes  et  de  5  centimètres  de  haut,  porte  une 
sorte  de  ruban  en  diagonale  séparé  par  un  grènetis. 

Une  autre  lame  d'or,  légèrement  déformée,  du  poids  de  io2  grammes, 
qui  a  pu  être  soit  un  diadème,  soil  un  bracelet,  plus  large  au  milieu 
qu'aux  extrémités,  porte  en  ligne  uiédiane  des  télés  de  face  accompa- 
gnées, en  haut  et  en  bas,  d'Amouis  assis  sur  une  corbeille. 

Un  ornement  en  forme  de  bracelet  ovale,  en  jais  noir,  avec  charnière 
et  fermoir  opposé,  en  or,  d'une  épaisseur  variable. 

Un  bracelet  en  jais,  formant  torsade,  avec  fermoirs  en  or.  Diamètres  : 
intérieur,  ;i8  millimètres  ;  extérieur,  70  millimètres. 

Plusieurs  plaques  de  jais,  striées  et  percées  intérieurement  de  deux 
trous  dans  le  sens  des  stries,  de  manière  à  se  relier  en  collier  ù  l'aide 
d'un  fil. 

(juelque  temps  avant  la  découverte  dont  nous  venons  d'analyser  les  ré- 
sultats, les  ouvriers  avaient  retiré  d'un  puits  un  très  curieux  bas-relief  en 
ciment,  d'une  époque  incertaine  et  dont  le  sujet  n'est  pas  très  facile  i 
déterminer.  Celte  sculpture,  fort  intéressante,  représente  six  person- 
nages, dont  trois  debout  cl  couverts  de  vêlements  drapés,  et  trois  nus, 
dans  des  postures  qui  dénotent  ou  des  captifs  ou  dis  malades  implorant 
la  guérison.  Le  style  gétiéral  dénote  une  médiocre  étude  deranatomie  et 
des  chefs-d'œuvre  de  l'unliquilé  grecque ,  mais  néanmoins  une  certaine 


NOUVELLRS   ARCIIliOLOGIQUES.  61 

hal)ilel6  ot  une  ciillure  inconnue  aux  époques  barliarcs.  F, a  couronne  (en 
cercle)  poilée  par  le  persorniage  principal  seuilile  exclure  l'hypoUuyee 
d'une  origine  romaine,  et,  trautrc  pari,  l'ensemble  présente  un  caraclére 
archaïque  incontestable,  l'eul-étre  s'agit-il  d'un  saint,  opérant  des  gué- 
risons  miraculeuses?  C'est  ce  que  semblerait  indiquer  le  geste  des  deux 
autres  grands  personnages  qui  avancent  la  main  veis  lui,  comme  pour 
s'clîorcer  de  le  toucher.  Cette  ligure  éiiigmalique  {)ourr;)it  p;issor  pour 
celle  d'un  prince  assisté  de  deux  de  ses  conscilleis  et  accordant  leur 
grûcc  aux  captifs. 

Dans  l'intérêt  de  l'histoire  locale  et  de  la  science  archéologique,  il  est 
vivement  îi  désirer  que  ces  monuments  authentiques  des  fastes  moné- 
gasques ne  soient  pas  dispersés  et  restent  dans  la  Principauté.  » 

Une  dépêche  d'Alexandrie  annonce  que  la  seconde  aiguille  de 

Cléop.ltre,  élevée  en  l'an  22  de  notre  ère,  en  l'ace  du  temple  d'Auguste,  à 
Alexandrie,  a  été  enlevée  sans  accident,  mais  au  milieu  d'une  certaine 
agitation  populaire  ;  elle  v.-.  Otrc  embarquée  sur  le  steamer  Dessitk,  qu". 
doit  la  transporter  à  New- York. 

Jusqu'à  présent  les  dernières  fouilles  entreprises  dans  la  plaine 

d'Olympie  ont  produit  41  figures  plus  ou  moins  complètes,  avec  2G  têtes. 
On  espère  trouver  prochainement  les  membres  manquants  de  l'Hermès 
et  la  plus  grande  partie  des  métopes. 

Ces  jours-ci,  en  démolissant  une  maison  dans  le  centre  de  la  ville 

de  Nîmes,  on  a  trouvé  une  statue  de  Vénus  que  les  archéologues  estiment 
être  une  merveille  de  l'art.  Quoique  brisée  en  plusieurs  morceaux,  on  a 
pu  la  reconstituer,  et  nous  croyons  que  M.  Lenthéric,  l'auteur  des  Villes 
mortes,  va  adresser  à  ce  sujet  un  rapport  au  ministre  des  beaux-arts. 

[Français.) 

Le  4  novembre  dernier,  M.  Georges  Payne,  ayant  découvert  un 

tombeau  romain,  à  Bayford,  dans  le  comté  de  Kent,  a  trouvé  dans  ce 
tomjjeau  une  collection  d'objets  remarquables,  dont  il  a  donné  la  descrip- 
tion, à  la  dernière  séance  de  la  Société  des  antiquaires  de  Londres. 

Les  objets  antiques  qu'il  contenait  sont  de  verre  ou  de  métal  et  des  po- 
teries. A  la  première  de  ces  catégories  appartient  un  vase  cinéraire  carré 
en  verre  bleu,  un  petit  vase  bleu  verdAtre,  une  bouteille  ronde  bleu  pûle; 
enfin,  les  fragments  d'un  petit  vase  blanc  transparent  et  d'un  vase  vert 
d'olive. 

Les  objets  de  céramique  consistaient  en  un  vase  très  délicat,  d'un  blanc 
jaunâtre,  légèrement  ornementé.  Des  urnes,  des  patènes,  des  coupes  plus 
ou  moins  ornées.  L'objet  en  métal  le  plus  intéressant  est  un  beau  vase  de 
bronze,  haut  de  dix  pouces  et  demi,  large  de  six  pouces  un  quart,  ayant 
près  de  quatre  pouces  à  la  base,  deux  pouces  un  quart  au  col,  qui  va  s'é- 
largissant,  jusqu'à  près  de  quatre  pouces  vers  le  bord. 

La  poignée  est  en  métal  plein  et  très  massive.  La  partie  de  cette  poi- 
gnée qui  se  rattache  au  vase  adhère  à  une  sorte  de  bouclier  de  deux  à 
trois  pouces  de  large,  sur  lequel  se  tient  un  homme  nu  dans  l'attitude  de 


ci  RKVUE   AUCHKOLOUIQUE. 

l'altaquo,  tenant  ilc  la  main  droite  une  épi^c  levée  et  de  la  main  pauche 
les  plis  de  .<on  manteau.  !,a  tcMe  est  couverte  d'une  coillure;  la  bouche 
ouverte  paraît  appeler  ou  crier. 

Au-dessous  de  la  main  droite  on  voit  le  corps  d'une  chùvre  ou  d'un 
bélier,  dont  la  léte  a  t'té  coupée  :  le  <ang  coule  du  cou  ;  la  télé  est  ;\ 
terre  aux  pieds  du  guerrier;  entre  f^cs  jambes,  un  bœuf  couché  ;  prés  de 
la  jambe,  gaucbo  utio  tôle  de  sanglier  avec  ses  défenses. 

Au-dessus  de  la  tête  de  l'iiomme  armé,  les  ornements  continuent  jus- 
(]ii'au  niancbe  ;  on  y  voit  une  elièvrc  coûtant;  au-dessus,  deux  animaux 
qu'il  est  diflicile  de  distinguer;  puis  entin,  au-dessus  d'eux,  un  hoomme 
assis  qui  tient  de  la  main  droite  une  houlette.  Les  bords  du  vase  sont  dé- 
corés de  deux  têtes  d'oiseaux.  {Soleil.) 

Bulletin  de  Vltislitut  de  conespondancc  archéologique,  n®  X,  oclo- 

bre  IST;»,  deux  feuilles  : 

A.  Mau,  ka  Fouillea  de  Pompéi  (suite).  —  Luigi  Ceselli,  Poids-étalon 
romain  en  bronze  (avec  l'inscription  P  :  :  CASÏUOH'AVG  •,  qu'il  faut 
liie  :  Pondo  triais  castronim  Awjusti,  appartenait  sans  doute  au  poîidcra- 
rium  du  camp  des  prétoriens,  dans  le  voisinage  duquel  il  a  été  trouvé,  à 
Home).  —  K.  Drizio,  Yafics  de  Bolofjne.  (Il  s'agit  de  vases  peints,  trouvés 
par  .M.  Arnualdi  Veli,  prés  de  la  porte  Saint- Isaïe.  I/un  d'eux  présente 
cette  particularité  rare,  que  de  l'un  des  côtés  de  l'amphore  les  figures 
sont  rouges  sur  fond  noir,  et  de  l'autre,  noires  sur  fond  rouge.)  — 
11.  Dressel,  Inscription  latine  d' Entrodarqua. 

Bulletin  de  V Institut  de  correspondance  archéologique,  n°  XI,  no- 
vembre 1870,  deux  feuilles  : 

Wolfg.  Ilelbig,  Voyage  enEtruric.  —  A.  Mau,  Fouilles  de  Pompéi. 

Le   Bulletin  de  la  Société  des  sciences   historiques  et  luiturelles  de 

Sernur,  pour  1878,  contient  un  intéressant  catalogue,  par  M.  CoUenol,  de 
l'expo.Mlion  du  musée  de  Semur  en  tSTH,  dau^  la  galerie  dts  sciences  an- 
thropologiques, au  Trocadéro.  Il  est  accompagné  de  trois  planches  lilho- 
graphiées. 


Avis.  —  L'Académie  des  sciences  de  Vienne,  en  Autriche,  prépare  de- 
puis plus  de  six  ans  la  publication  des  bas-reliefs  funéraires  de  l'ancienne 
Atlique,  conservés  soit  dans  la  (îréce  elle-inén.e,  soit  dans  les  collections 
lie  l'Lurope  occidentale.  Lllc  avait  chargé  de  la  reproduction  des  monu- 
ments de  ce  genre,  retrouvés  i  Athènes,  le  photographe  DcmelriusKons- 
tantinu  et  lui  en  a  payé  comptant  le  piix  convenu.  Ayant  appris,  de 
bonne  source,  (jiie  l'on  a  essayé  dernièrement  à  Paris  de  vendre  les  cli- 
chés faits  aux  frais  de  l'Acadétnie  et  qu'on  les  a  olltrts  spécialement  aux 
éditeurs  d'ouvrages  archéologique;-,  l'Académie  les  inl'ormo  de  la  prove- 
nance des  clichés  en  question  et  déclare  que,  le  cas  échéant,  elle  fera 
\;iloir  tous  les  droits  que  l'équilé  ou  même  les  lois  sur  la  propriété  lillé- 
ruire  et  artistique  lui  reconnaissent. 


BIBLIOGRAPHIE 


Histoire  de  la  divination  dans  l'antiquité,    par  A.   Bolchk-Lkclkrc«j, 

professeur  ^  la  Faculté  d(!s  leUrcs  do  Monipuliier,  professeur-supplûatii  i  la 
l'acuité  des  lottrcs  de  Paris.  Tomo  I  :  Introduction,  Divination  hellénique  (mé- 
thodes). Paris,  K.  Leroux,  187<J;  in-8,  X-3S0  pages. 

C'est  la  preuiière  fois  depuis  longtemps  qu'on  essaye  de  réunir  en  corps 
(le  doctrines  tous  les  rcnscignemenis  que  les  livres  et  les  monuments 
anciens  nous  ont  transmis  sur  lartde  la  divination.  La  plupart  des  ouvra- 
ges où  des  écrivains  grecs  et  latins  avaient  exposé  les  principes  de  la 
science  divinatoire  ont  péri;  les  dissertations  des  modernes  sont  incom- 
plètes ou  ne  traitent  que  de  points  spéciaux  ;  M.  Bouché  a  donc  entrepris 
de  composer  une  œuvre  où  l'histoire  de  la  divination  dans  l'antiquité 
classique  se  retrouvent  tout  entière. 

Le  premier  volume  renferme,  après  une  assez  longue  introduction  où 
il  est  parlé  de  la  divination  en  général,  deux  mémoires  où  sont  exposées 
les  méthodes  employées  de  préférence  par  la  divination  hellénique.  Il 
s'agit  d'abord  de  la  divination  inductive  et  de  ses  subdivisions.  L'auteur 
montre  comment  on  a  cherché  à.  découvrir  le  secret  de  l'avenir  dans  les 
actes  instinctifs  des  divers  êtres  animés,  chez  les  oiseaux  (ornithomancie), 
chez  les  quadrupèdes,  les  reptiles,  les  insectes  et  les  poissons,  enfin  chez 
l'homme.  Un  second  chapitre  énumère  les  signes  fournis  par  la  structure 
des  êtres  animés,  par  l'examen  des  entrailles  (exlispicine  ou  hiéroscopie), 
par  l'examen  des  traits  du  visage,  des  lignes  de   la  main,  de  la  forme 
générale  du  corps  (morphoscopie).  La  divination  par  le  moyen  des  êtres 
inanimés,  le  bois  (xylomancie),  le  feu  (empyromancie),  les  pierres  (litlio- 
mancie),  l'eau  (hydromancie),  les  statues;  la  divination  par  les  sorts  (clé- 
romancie)  et  toutes  ses  variétés;  la  divination  par  le  moyen  des  phéno- 
mènes célestes,  foudre,  vents,  nuages,  variations  apparentes  ou  réelles 
dans  le  cours  et  la  lumière  des  astres,  l'astrologie  et  ses  pratiques,  enfin 
la  divination  mathématique,  fournissent  la  matière  de  plusieurs  chapitres 
cl  embrassent  le  domaine  entier  de  la  divination  induclive.  Dans  le  livre 
second,  la  matière  divinatoire  devient,  si  possible,  plus  vaine  et  plus  fugi- 
tive encore  :  il  s'agit  de  procédés  purement  instinctifs  agissant  sur  des 
apparences  de  phénomènes  plutôt  que  sur  des  phénomènes  réels.  Nous 
sommes  transportés  dans  le  domaine  des  rêves,  au-delù  de  la  porte  de 
corne  ou  de  la  porte  d'ivoire,  et  nous  essayons  de  comprendre  au  moyen 


«;i  REVUE   ARClIKOLOniQUR. 

do  l'oniroFCopic  on  tic  rouirocriliqiie  le  langage  confus  qne  parle  le  peu- 
ple des  songes  à  If  le  U'f;«'ro.  Apri-s  les  songes,  les  ombres  des  morts  et  les 
miracles  de  la  posses.>-iiin.  In  divinulion  <  nlhoui-iasle,  celle  qni  met  en 
jeu  l'esprit  des  ditux  ou  des  génies  et  a  fourni  A  la  (InVc  antique  la  plu- 
part de  ses  oracles.  On  se  demande,  aprùs  avoir  fermé  le  livre,  comment 
l'homme  a  pu  concevoir  tant  de  manières  diverses  de  cormaîlre  l'avenir, 
et  ne  s'est  pas  aperçu  qu'en  cherchant  à  trop  savoir  il  ne  réussissait  qu'à 
se  tromper  lui-même. 

11  terait  aisé  de  relever  dans  l'ouvrage  de  !\I.  Houché-Lcclercq  un  cer- 
tain nombre  de  faits  contestables.  M.  Uouché-I.eclercq  n'a  pas  interrogé 
suftisanuncnl  l'Orient  :  comme  il  ne  pouvait  vérifier  par  lui-même  les 
textes  originaux,  il  a  préféré  s'abstenir,  et  celte  sage  réserve,  si  elle  l'a 
parfois  empéclié  de  saisir  certaines  idées,  lui  a  épargné  bien  des  erreurs. 
Un  jour  viendra,  bientôt  peut-être,  où  l'on  devra  rechercber  les  super- 
stitions que  la  Grèce  a  empruntées  à  l'Oiient  et  celles  que  l'Orient  a  em- 
pruntées à  la  Grèce;  pour  le  moment,  mieux  vaut  se  borner  et  n'étudier 
que  les  croyances  des  peuples  classicjues.  C'est  ce  que  M.  Bouché-Leclercq 
a  fait  avec  beaucoup  de  sagacité  et  de  science.  Il  fallait  réunir  mille 
fragments  épars  dans  les  inscriptions  ou  dans  les  manuscrits,  découvrir  et 
lire  les  centaines  de  brochures  écrites  depuis  le  xvi«  siècle  jusqu'à  nos 
jours,  et,  ce  travail  de  patience  terminé,  composer  de  tous  ces  matériaux 
informes  un  tout  harmonieux.  Il  est  toujours  difficile  d'entrer  à  propos 
dans  l'âme  de  l'antiquité  ;  la  tâche  ici  était  encore  plus  malaisée  que  par- 
tout ailleurs.  Ces  religions  étranges  où  se  comidaisaient  les  hommes  les 
plus  intelligents  de  la  Grèce  et  de  Uome,  on  est  accoutumé  à  les  tourner 
en  ridicule  plutôt  qu'à  essayer  de  les  juiier  sérieusement.  Les  chrétiens 
y  ont  vu  l'œuvre  du  démon  et  s'en  sont  moqués  ;  les  autres  y  ont  vu  une 
faiblesse  de  l'esprit  humain  et  s'en  sont  moqués,  M.  lîouché-LecIercq  y  a 
reconnu  des  manifestations  du  sentiment  religieux  égaré,  si  l'on  veut, 
mais  sincère,  et  les  a  exposées  avec  le  respect  qu'on  doit  aux  œuvres  de 
la  foi.  Son  livre  est  écrit  avec  science,  cela  va  sans  dire,  et  avec  une 
science  que  nul  ne  dépassera  de  sitôt;  mais  la  science  n'y  est  point  rail- 
leuse et  ne  laisse  percer  aucun  dédain  malséant  pour  les  erreurs  qu'elle 
expose. 

Le  second  volume  vient  de  paraître,  et  les  autres  ne  tarderont  guère. 
Nous  en  rendrons  compte  au  fur  cl  à  mesure  qu'ils  paraitronl. 

G.  Maspero, 


NOTICE 


DES  INSCRIPTIONS  ET  DES  ANTIQUITÉS 

PROVENANT  DE  BOURBONNE-LES-BAINS 

DONNÉES   PAR    L'ÉTAT    A    LA    BIBLIOTHÈQUE    NATIONALE 

suivie  d'un  essai  de  catalogue  général  des  monuments  épigraphiques  relatifs 
à  BORVO  et  à  DAMONA. 

Suite  (1). 


DEUXIÈME  PARTIE 

ESSAI    DE   CATALOGUE    GÉNÉRAL    DES   MONUMENTS   ÉPIGRAPHIQUES 
RELATIFS   A   BORVO    ET    A    DAMONA 

I  1.  —  Inscriptions  de  Bourbonne-les-Bains. 

N»7(2).  BORVONI  •  T.  . 

MONAE  •  C  •  lA 

TINIVS  •  RO 

MANVS   IN 

G'PRO-SALV 

T-COCILLAE 

FIE-EX  •  VOTO 

(1)  Voir  le  numéro  de  janvier. 

(2)  Cette  inscription  est  la  septième  de  cet  essai  de  catalogue  général.  On  a  vu  les 
six  premiers  numéros  dans  le  §  1  de  la  première  partie  du  présent  travail. 

XXXIXi  ~~"  Févriii',  " 


GG  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE. 

{Borvoni  rt  Diimoiw,  C.  Latinias  HoiiKinia^,  Lingo,  pro  sainte 
CociUœ,  filiir,  ex  coto.) 

Peu  rass;ir(''  sur  rc^xacliliule  des  leçons  de  celte  inscription  don- 
nî'i's  par  iiu's  dovanciiM-s,  et  soupçonnant  (ju'on  pouvait  en  intcr- 
prrter  certains  mots  autrement  (jue  par  le  passé,  j'ai  tlrsiré  en 
posséder  une  empreinte  prise  sur  l'original.  (JrAee  à  l'obligeance  de 
M.  Horssat,  maire  de  Rourbonne,  qui  a  bien  voulu  le  faire  mouler  h 
mon  intention,  je  transcris  ce  vénérable  texte  épigrapbique  d'après  , 
un  plâtre  ijui' j'ai  sous  les  yeux.  Si  je  rétablis  ici  le  \i  de  Borvoni, 
c'est  qu'on  en  voit  encore  des  traces  sur  le  monument,  ainsi  que  me 
l'atteste  M.  Ernest  i5abelon,atlaclié  au  Cabinetdes  médailles  etanti- 
qucs,  (jui  a  bien  voulu  faire  pour  moi  à  Hourbonnc  cette  vérification 
et  d'autres  encore. 

Gravée  sur  un  fr.iirment  d'autel  de  pierre,  ijui  a  0")  centimètres 
de  hauteur  sur  38  de  largeur  au-dessus  du  socle,  cette  inscription, 
aujourd'liui  encastrée  dans  la  salle  des  jeux  de  l'établissement  tlier- 
mal  de  Bouibonnc,  a  été  publiée  pour  la  première  fois  par  Gruter, 
e  schedis  Roiissati.  c'est-à-dire  d'après  la  copie  de  Roussat  (1). 

JeanRoussat,  «  conseiller,  lieutenant  et  maire  de  la  ville  de  Lan- 
gres,  »  mort  en  1018,  était  un  curieux.  d'antii|uités,  qui  s'était  fait 
le  fournisseur  bénévole  du  grand  épigrapbiste  d'Anvers  (2).  On 
remarquera  des  différences  entre  notre  leçon  et  celle  du  Corpus 
que  voici  : 

B  0  R  V  0  N  I  .  T  II 

M  0  N  A  E  .  C  .   1  A 

TIN  V  S  .  RO 

M  A  N  V  S  .  I  N 

G  .  PR  0    SALV 

TE   .  C  0  C  1  L  1  A  E 

FIL.C.EX.VOTO 

Ces  différences  consistent  d'abord  en  la  présence  du  B  de  Borvoni, 
qui  devait  se  voir  plus  nt'ilemenl  (lu'aujourd'bui  du  tem|)s  de  Kous- 
sat.  Alors,  en  elTet,  personne  n'aurait  pu  soupçonner  l'existence  du 


(1)  Gruier,  CX,  U. 

(J;  Sur  Jean  Rousu&t,  voyer  p.  y^S  des  AntKjuUit  de  Lungres  de  Luquct,  ouvrage 
ûè]k  cité. 


INSCRIPTIONS   ET   ANTIQUITES    DE   BOURBONNE-LES-BAINS.  <J7 

dieu  Borvo,  dont  aucun  texte  de  l'antiquité  ne  parle,  et  que  l'on  ne 
connaissait  pas  plus  (]U(;  la  déesse  Dainona,  dont  le  nom  fut  estropié 
de  tant  dt;  manières  dilTérentcs  avant  la  découverte  des  inscriptions 
oii  nous  le  lisons  clairement. 

Quant  aux  lettres  DA  qui  suivent  le  mot  lionwni,  il  faut  supposer 
que  du  temps  de  Uoussal,  la  cassure  qui,  à  celte  place,  n(;  laisse  voir 
qu'un  trou,  en  avait  éi)argnô  des  vesli{,'es  ayant  l'aspect  des  lettres  T 
et  II.  Aujourd'hui,  grâce  aux  découvertes  qui  ont  suivi  celle  de  l'ins- 
cription qui  nous  occupe,  nous  pouvons  en  toute  sécurité  les  rem- 
placer par  la  première  syllabe  du  mol  DAMONAE. 

A  la  seconde  ligne,  Gruter,  d'après  Koussat,  puis  d'autres,  ont  lu 
à  la  fin  lA  ;  je  crois  qu'il  y  a  LA,  Je  fonde  cette  lecture  sur  la  forme 
des  L  certaines  de  celte  inscription,  et  aussi  sur  ce  fait  que  le  gen- 
lilicium  LATINIVS,  qui  figure  dans  les  noms  du  plus  célèbre  des 
empereurs  gaulois,  de  Postume,  est  plus  probable,  surtout  devant 
le  surnom  Romanus,  que  le  lATINVS  de  Gruter.  Du  reste,  avant 
moi,  Bimard  de  la  Bastie  (1)  avait  lu  LATINIVS. 

A  la  sixième  ligne,  la  syllabe  ÏE  n'est  pas  écrite  sur  la  pierre  en 
deux  lettres  comme  chez  Gruter;  il  faut  suppléer  le  T,  dont  on  ne 
voit  plus  vestiges.  Enfin,  le  nom  de  la  personne  pour  la  guérison  de 
laquelle  avait  été  fait  le  vœu  dont  cette  pierre  nous  a  gardé  le  sou- 
venir n'est  pas  Cocilia,  comme  le  croyait  Bimard,  mais  Gocilla  •  on 
reviendra  plus  loin  sur  ce  nom,  que  je  lis  nettement  sur  mon  plâtre. 

Quant  au  premier  mot  de  la  dernière  ligne,  dont  je  hns  filiœ  o\i  filie, 
avec  plusieurs  de  mes  devanciers  et  notamment  Berger  de  Xivrey 
{Lettre  à  Ha  se,  \).  127),  je  dois  avertir  que  sur  le  plâtre  on  ne  voitd'a- 
bordque  FIE.  Cependant  la  seconde  de  ces  lettres  est  probablement 
uneL,  maisune  Là  barre  horizontale  s'en  allant  en  descendantcomme 
celles  des  mots  LATINIVS  et  LING.  On  peut  objecter  à  celte  hypo- 
thèse qu'il  aurait  fallu  un  A,  attendu  que  les  deux  autres  génitifs  en 
ae  de  notre  inscription  sont  régulièrement  écrits  ;  mais  à  cette  objec- 
tion on  peut  répondre  par  des  exemples  de  variations  au  moins  aussi 

(1)  Voici  la  leçon  de  Bimard  telle  qu'elle  est  rapportée  dans  le  Thesauna  deMu- 
ratori,  CVII,  n"  8. 

BORVONI TO 

MONAE- C*  LA 

TINIVS  •  RO 

MANVS • IN 

C-  PRO  •  SALV 

TE  •  COCILIAE 

FIE     C*  EX-VOTO. 


68  nF.vuF.  AncHKOi.or.iouF, 

singulitTC?,  rencontrées  tlaiis  un  niriiic  texte.  Je  rappellerni  seule- 
ment ce  qui  a  été  dit  plus  haut  (p.  l'.'l  et  ii)  :^  propos  des  lurnus  II 
cl  ET.  Je  lis  donc  ici  //7iV  et  j'y  suis  autuiisé  par  rorlliu^'iaidie 
Damouc  de  notre  inscription  n  :),  (|ui,  comme  celle-ci,  provient  de 
Hourlionne.  Pour  ne  rien  omettre,  je  noterai  entre  le  mot  filir  et  les 
mots  i\r  10(0  deux  signes  de  ponctuation,  une  virgule  rehuirnée  res- 
semblant à  un  ('.  et  une  sorte  de  D  semblable  à  celui  (lu'on  a  vu  sur 
le  tuyau  de  plomb  de  Nivalius  Agedinus  (v.  p.  30). 

Je  ne  crois  pas  nécessaire  de  refaire  l'historique  de  ce  monument, 
dont  la  découverte  remonte  au  moins  à  l'an  loOO.  Uerger  de  Xivrcy 
s'est  acquitté  à  merveille  de  cette  t;klicdansla  lettre  déjà  mentionnée 
qu'il  adressa  à  Hase,  l'illustre  helléniste,  en  18J3  (1),  au  lendemain 
de  la  découverte  à  Bourbonne  d'une  nouvelle  inscription  relative  à 
Borvo,  le  n"  8  du  présont  travail.  Il  est  même  inutile  d'énumérer, 
après  le  savant  académicien,  toutes  les  lectures  et  les  restitutions  de 
ce  texte  antérieures  à  sa  dissertation  ;  il  suffira  de  faire  connaître 
les  siennes  et  celles  des  principaux  auteurs  plus  récents,  ainsi  que 
de  donner  les  raisons  de  l'interprétation  nouvelle  que  je  propose  pour 
les  lettres  IN  et  G  des  4«  et  5-^  lignes,  interprétation  tjui  m'a  été  sug- 
gérée surtout  par  l'étude  d'autres  dédicaces  à  Dorvo,  trouvées  à 
Bourbonne,  lesquelles  sont  restées  inconnues  à  Berger  de  Xivrey, 
ainsi  qu'à  la  plupart  de  mes  autres  devanciers. 

Voici  la  lecture  restituée  par  Berger  de  Xivrey  de  l'inscription  (iui 
nous  occupe  : 

«  Borvoni,  Tamon»  {sic,  pour  Damon»),  G.  Jalinius  Romanus  In- 
((  genuus  pro  sainte  Cocillœ  fdice.  Ex  voto  (2).  » 

La  lecture  TAMONAE  doit  être  attribuée  au  respect  exagéré 
que  Berger  de  Xivrey  professait  pour  la  première  lecture  de  cette 
inscription.  11  expliquait  cette  variante  de  DAMO.NAE  eu  supposant 
que  le  graveur  avait  mis  ici  ce  T  pour  un  D,  «  [lar  une  confusion 
dont  on  trouve  plusieurs  exemples  dans  les  inscriptions  (jui  sont  ici 
au  Musée  des  Antiques,  et  dans  les  principaux  recueils  depuis 
Gruter  jusqu'à  M.  Orelli  (3).  »  L'empreinte  que  j'ai  sous  les  yeux 
montre  clairement  que  ce  T  est  celui  de  la  conjonction  ET,  laiiuelle, 

(1)  Lftlre  n  H.  lldfe  sur  une  inicrijitton  latine  du  second  siècle,  trouvée  à 
Uourbonneles-Uiiins  le  6 janvier  iS'iZ,  et  lur  l'histoire  de  cette  ville,  rar  Jules 
Berger  (i>-  Xivrnj,  etc.  (un  vol.  in-8  de  'JO't  pa^'cs,  avec  six  plniiclics). 

(2)  Voyez  p.  127.  On  verra  iilus  loin  la  iraducliou  do  cullc  iascripliou  par  Berger 
de  Xivrey. 

(3j  Berger  de  Xiyrey,  p.  71. 


INSCRIPTIONS   ET  ANTIQUITKS  DE   B0UnD0NNI>LE8-BAI.NS.  ()U 

écrilo  comme  elle  l'est  souvent  sur  les  monuments  de  basse  époque 
TE,  réunissait  les  mots  BOUVO  et  DA.MONA. 

Quant  aux  lettres  IN  de  la  ([u.ilrii'me  ligne  et  au  (i  de  la  cin- 
quième, Berger  de  Xivrey,  avec  toute  raison,  ne  voulut  pas  en  faire 
l'abrùviation  de  IN  CJALLIIS  avee  le  père  Lempcreur,  qui  d'ailleurs 
n'a  cité  ce  texte  que  de  mémoire,  et  qui  y  avait  vu  les  noms  d'un 
citoyen  romain  nommé  Jattinius,  marié  dans  les  Gaules  à  une 
femme  nommée  Cocilia,  d'une  famille  langroise  (1). 

Berger  de  Xivrey  préféra  supposer  que  ces  trois  lettres  étaient 
Tabrégé  du  mot  hNGENVVS,  mais  sans  se  prononcer  nettement  sur 
la  valeur  à  donner  ù  ce  mol.  «  Reste  à  savoir,  dit-il,  si  Jngennus  est 
un  agnomen  ou  quatrième  nom,  comme  on  en  voit  plusieurs  exem- 
ples dans  les  grandes  l;nr.illes  romaines,  ou  si  Gains  Jalinius  a  voulu 
énoncer  sa  qualité  d'homme  libre.  J'avoue  qu'il  y  a  presque  autant 
de  raisons  pour  l'une  que  pour  l'autre  de  ces  interprétations  (2;.  » 
Cependant  il  paraît  que  Berger  de  Xivrey  inclinait  pour  la  première, 
car  quelques  pages  plus  loin,  dans  la  récapitulation  des  inscriptions 
relatives  à  Borvo  de  lui  connues,  il  traduit  ainsi  notre  n°  G  :  u  Caius 
Jatinius  Romanus  Ingenuus  s'est  acquitté  de  son  vo;u  envers  Borvo 
et  Damona  pour  la  santé  de  sa  fille  Cocilia  (3).  » 

Dans  le  recueil  d'Orelli,  l'inscription  en  question  n'a  pas  été 
rapportée  in  extenso.  Le  savant  suisse,  à  propos  de  celle  qui  porte 
ici  le  n°  13,  s'est  contenté  de  citer  en  note  la  forme  TOMONA  et 
d'autres  comme  se  trouvant  «  in  aliis  inscriptt.  similibus  (4)».  Je  ne 
parle  que  pour  mémoiie  de  Millin  et  de  M.  J.  de  Wal,  qui  ont  tous 
deux  cité  notre  inscription  (5),  mais  qui,  n'en  ayant  eu  ni  l'un  ni 
l'autre  de  fidèles  copies,  l'ont  plus  ou  moins  estropiée.  Je  noterai 
seulement  que  M.  J.  de  Wal,  ayant  eu  connaissance  de  la  Lettre  à 
M.  Hase  pendant  l'impression  de  son  livre,  revint  sur  notre  ins- 
cription de  Bourbonne  dans  le  commentaire  de  celle  de  la  même 
ville  (noire  n°  S)  dont  on  doit  la  connaissance  à  Berger  de  Xivrey. 
Là,  le  savant  hollandais  adopte  la  leçon  lATINIYS  et,  avec  Berger 


(1)  Explication  d'une  inscription  trouvée  à  Bourijonne ,  par  le  P.  Lempereur, 
dans  les  A/e»20(Ve9  de  Trévoux,  année  1705,  pages  160i|  à  1613  (voyez  notamment 
p.  1G07,  1612  et  1G13). 

(2)  Berger  de  Xivrey,  p.  10/t. 

(3)  Page  127. 

(4)  T.  I,  p.  350.  Voyez  la  note  1  du  u"  1974. 

(5)  Le  premier,  en  1802,  dans  ses  3/rtn«»ie;ï/s  antiques  inédits,  t.  I,  p.  149.  Le 
second,  en  1847,  dans  sesMi/thologiœ  septentrionalit  monumenta  epigraphica  latina, 
p.  45,  no  LXI. 


tÔ  RrVDK    ARf.HrtOI.Or.IÇlUE. 

tlo   XiTr.'v,    fnil    dos    Irllres  J?'    ral)n'Yialion    (riNGKNWS     (1). 

Quant  h  .M.  lo  D'  A.  Urnaid,  à  (jui  l'on  doit  un  fac-similé  de  cette 

inscription,  il  prt^iï'ii'  lire  1rs  lettres  ^,'    tn  nnlUa,  et   donne  de  ce 

texte  la  traduction  suivante,  dans  laqutdlf  il  remplace  par  des  points 
le  premier  mol  de  la  deiiiit're  ligne,  lUml  il  n'a  pas  tenié  la  lecture, 
bien  (jue  son  fac-similé  montre  les  Icliirs  Fil.  à  cet  endroit: 

«  A  Borvone  et  à  Damone,  Caius  Jatmui,  Romain,  dans  la  Gaule, 
pour  la  sanlé  de  Cociile,...  D'après  un  vm>u  (i2).  » 

Je  l'ai  di'j:\  dit,  je  nêt^lige  à  dessein  une  foule  de  mes  devanciers  ; 
mais,  avant  de  donner  ma  lecture  et  mon  interprétation  de  ce  texte, 
je  ne  puis  me  dispenser  de  citer  celles  d'un  anliéologue  savant  et 
expéiimenlé,  le  général  Creuly,  d'autant  plus  iju'ellea  été  en  partie 
adoptée  par  la  Commission  de  la  topographie  des  Gaules (3). 

Voici  la  transcription  de  ce  texte  d'après  un  dessin  du  géné- 
ral que  l'on  conserve  au  musée  de  Saint-llermain  et  (jui  m'a  été 
communiqué  par  mon  collègue  et  ami  M.  Alex.  Bertrand: 

0  H  v  0  N  I  •  :r 

M  0  N  A  E  •  G  •  L 

C  1  N  I  V  S  •  R  0 

MANVS   •  I  N 

G  •  P  n  0  •  S  A  L  V 

"e  gocillae 

1t]  fj  l[c]  ex  voto 

Restitution  du  général  Creuly  :  Borvoni  et  Damonae  C.  Licinius 
Romanus  iugenuus  pro  salute  Cociline  Titi  (iliae  conjugis  ex  voto. 

La  copie  du  général,  pour  le  dire  en  passant,  ne  me  parait  pas 


(1)  Voyei  p.22i,  n«>CCCV. 
(3)  Vojrei  p.  313. 

(S;  Dictionnaire  archéologique   de    la  Gaule,  épcaue  celtique,  v.  Bourbonnc-les- 
BaiDS,  p.  i»5  : 

(B)  o  R  \  ON  l .  r  (da) 

MO  N  A  B  .    c    .   L  (l) 

C  I  N  1  N   S  .  H  O 

MANVS. IN 

G. PKO.SALV 

«     COC I  LAI 

(t)  n  L  .  (c>  .  H  ,  T  0  T  0 


INSCniPTIONS  ET   ANTIQUITÉS   DK   HOURBONNF.-LES-RAINS.  71 

exacte,  ce  qui  sert  à  prouver  une  fois  de  plus  combien  est  difficile 

celle  b('so},Mic  si  simple  en  app.'H"en(;(',  coj)ier  exactement  une  iti:;r,rip- 
tion.  Ainsi,  leretM-ellalj|egénéralCrenIy,si  connu  pour  son  exacliludc 
rigoureusenienl  militaire,  a  cependant  omis  des  lettres  qui  existent 
sur  la  i>iei  10  et  en  a  supposé  qui  n'y  existent  pas.  Il  a  (lonn»';  la  forme 
habituelle  l\  la  lettre  L(iui  commence  à  la  (leuxième  ligne  le  nomen 
do  l'aiiti  iir  (le  Vex-voto^  tandis  que,  tout  en  y  reconnaissant  aussi 
une  L,  je  dois  faire  observer  que  cette  L  a  l'aspect  d'un  f,  ce  (jui 
explique  les  vieilles  leçons,  vicieuses  ?elon  moi,  lATLWS  ou 
lATlNIVS;  enfin,  le  générai  n'a  pas  remarqué  l'A  qui  suit  celte  Let 
qui,  tout  endommagé  qu'il  soit,  est  visible  sur  le  plâtre  et  doit  par 
consé(iuenl  l'être  sur  la  pieri'e.  A  la  ligne  3°,  au  commencement,  au 
lieu  du  T  vu  par  tout  le  monde  jadis,  c'esl-à-dire  alors  qu'il  était 
bien  marqué,  et  que  je  crois  certain,  trompé  par  les  détériorations 
de  la  pierre,  qui  prélent  une  apparence  de  courbe  à  la  haste  perpen- 
diculaire de  celle  lettre,  le  général  a  vu  un  C,  ce  qui  l'a  conduit  à 
donner  Licinius  pour  nomen  à  notre  personnage.  Selon  moi,  cette 
lettre,  qui  ne  ressemble  pas  du  tout  au  C  de  Cocilla,  est  bien  un  T, 
et  à  ce  sujet  je  ferai  une  observation. 

Sur  notre  pierre,  ainsi  que  sur  divers  autres  monumentsgaulois,  la 
lettre  T  a  parfois  presque  la  forme  d'un  Y;  il  en  est  ainsi  pour  le 
T  du  mot  VOTO.  Dans  une  savante  note  déjà  citée  (1),  M.  de 
Longpérier  faisait  observer,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  que  le  T  du  nom 
du  potier  Paternus  (2),  PATIIRNVS,  de  l'inscription  d'un  vase  rouge 
du  musée  de  Nantes,  «  tracé  en  caractères  très  anciens  »,  a  presque 
la  forme  d'un  Y,  ainsi  que  celui  d'un  beau  slalcre  de  Vercingétorix 
en  sa  possession  (.■^).  Malheureusement,  il  est  aussi  difficile  de  tirer  de 
cette  forme  particulière  du  T  les  éléments  d'une  date  certaine  pour 
les  monuments  sur  lesquels  on  la  trouve  que  des  formes  ET  et  II 
mentionnées  dans  le  commentaire  de  notre  n"  4.  Le  Cabinet  des  mé- 
dailles possède,  non  pas  un  seul,  mais  huit  statères  du  glorieux 
vaincu  d'Alise;  dans  ce  nombre,  il  en  est  quatre  où  le  T  est  très 
visible;  or,  de  ces  quatre,  il  n'y  en  a  qu'un  seul  où  celte  lettre  affecte 

(1)  Voyez  plus  liaut,  inscription  numéro  4  dans  le  ^  1  de  la  l"  parlie. 

(2)  Ce  nom  est  bien  connu  par  des  estampilles  recueillies  en  diverses  régions. 
^.Tyiàoi,  Figurines  gauloises,  p.  67;  Harold  de  Fontenay,  .WwioiVe^  de  la  Sec. 
éduenne,  t.  III,  p.  384,  402.  Dans  le  dernier  de  ces  recueils  on  trouve  ce  nom  une 
fois  écrit  PATIIRNVS  (v.  p.  401).  On  le  citerait  encore  ailleurs. 

(3)  A.  de  Longpérier,  A'o/e  <!ur  la  forme  de  la  lettre  E  dans  les  légendes  de 
quelques  médailles  gauloises.  Cf.  Revue  uumismatiquey  nouv,  série,  t.  I,  publié  tn 
1856.  (V.  p.  8.) 


7Ï  hkvir  arciikologiqde. 

U^gèromonl  la  forme  de  IV  ;  sur  les  trois  autres  la  barre  du  T  est 
horizontale. 

J'.ijouierai  (jue  celte  forme  du  T,  (jui  le  fait  ressembler  à  un  V,  se 
rencontre  rgalemenl  dans  l'une  des  inscriptions  au  pointillé  des 
vases  d'arpent  de  Hcrnay,  nientinniu''s  [dus  liaut  (n"  A\  mais  sur 
un  seul  des  mots  de  celte  inscription,  TKST,  dont  le  premier  T  olTre 
une  sorte  de  fourche  au  lieu  d'une  barre  horizontale  à  la  partie  su- 
périeure. 

En  ce  (jui  coni'erne  le  ('.  (|ui,  scion  le  général,  suivrait  les  lettres 
FIL  de  la  dernière  ligne,  je  n'en  distingue  rien  sur  le  plâtre  ;  à  cet 
endroit,  je  crois  voir  une  cassure,  suivie,  comme  je  l'ai  dit,  de  deux 
ligues  de  ponctuation. 

J'arrive  à  la  restitution  que  je  propose.  On  l'a  vu,  je  lis  sur  cette 
pierre  : 

Dorroni  et  Ddmouney  C.  Laiinim  liomunuf;^  Linf/o,  jiro  sainte 
CocilUie  fdiae.  Ex  voto. 

Sur  l'empreinte  que  je  possède,  et  que  chacun  peut  examiner  en 
ce  moment  au  Cabinet  des  Médailles  antiques  de  la  Bibliothèque  na- 
tionale, il  est  plus  naturel,  j'en  conviens,  de  lire  à  la  quatrième  li- 
gne IN,  que  LIN.  Tranchons  le  mot,  on  ne  voit  nettement  que  IN; 
mais  si  l'on  veut  bien  se  reporter  à  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  de  la 
forme  des  L  sur  plusieurs  de  nos  inscriptions,  et  considérer  que  ces 
lettres  ressemblent  tellement  à  des  I  sur  notre  inscription  que  je 
n'aurais  pas  osé  en  reconnaître  deux  dans  le  nom  de  Cocilla  si  je  n'a- 
vais pour  les  regarder  comme  certaines  des  motifs  ([ue  je  ferai  con- 
naître plus  loin,  on  m'accordera  peut-être  qu'il  est  possible  de  sup- 
poser ici  des  lettres  liées. 

Je  lis  donc  à  la  lin  de  la  ([uatriéme  ligne,  non  pas  IN,  mais 
LIN,  supposant  que  le  jambage  qui  uiainiuc  est  compris  soit  dans  la 
lettre  initiale  L  figurée  I,  soit  dans  le  premier  jambage  de  la 
lettre  N. 

C'est  la  présence,  déjà  signalée  plus  haut,  de  l'ethnique  LlNGOou 
LINOONVS  sur  trois  autres  inscriptions  trouvées  aussi  à  Hourbonne- 
les-Bains  (1),  qui  m'a  suggéré  celle  hypothèse,  ipie  jubtilient 
peut-être  certaines  particularités  paléographiques  des  inscrip- 
tions de  la  Gaule  signalées  plus  haut,  nourbotine  étant  du  pays 
des  Lingons  et  dans  le  voisinage  de  la  ville  principale  de  ce  peu- 
ple,  (juoi  de  plus  nalunl  que  de  reiiconlrer   aux    eaux   de  cette 

1,  Nosnuiiuro-'  3,  B  cl  10. 


INSClUI'llONS    KT   ANTiyUITKS   DE   BOUnHONNK-I.F.S-IlMNS.  73 

ville  plusieurs  monuments  atleslanl  qur  des  Lingons  venaient/ 
clicrrher  la  saiitr  :'  D'ailleurs,  sans  pirlumlnî  (jue  les  Linfjons  seuls 
venaient  liimclre  les  oaiix  ;'i  Houi  bonne,  il  est  i)r(.'S(iiie  certain  qu'ici 
nous  avons  affaire  à  un  I.ini,'on.  Kn  clTet,  à  l'époque  où  furent  gra- 
vées nos  inscriplions,  c'csi-à-dirc  au\  premiers  siècles  de  l'ompiro 
romain,  il  y  avait  chez  les  Lingons  une  famille  Cocilla.  Ce  fait, 
attesté  il  >  a  (|iiaraiitc  ans  par  Luquet,  et  qui  est  conlinné  aujour- 
d'hui par  des  monuments  de  lui  inconnus,  montre  que  si  l'on  ne  peut 
allinner  (jue  C.  Lalinins  Uornunus  était  liufjon,  on  [teut  au  moins 
le  supposer,  puisque  sa  iille  se  nommait  Cocilla,  sans  doute 
comme  sa  mère,  bien  que  les  deux  L  de  ce  mot  sur  notre  plûtre 
puissent  aussi  se  confondre  avec  des  I  et  que  la  seconde  ait  été 
prise  pour  un  I  par  plusieurs  auteurs.  Luquet,  qui,  avec  Hergcr  do 
Xivrey  qu'il  cite,  est  de  ceux  ([ui  ont  lu  Cocillac  et  non  COGILIAP^ 
sur  notre  inscription,  en  rapporte  trois  autres,  provenant  de  Lan- 
gres  même,  sur  lesquelles,  en  dépit  de  mauvaises  lectures  d'anciens 
auteurs,  il  reconnaît,  et  l'on  reconnaîtra  avec  lui,  les  noms  Cocillus 
ou  Cocilla. 

Denis  Gauthcrot,  dans  son  Anastase  de  Laurjres,  ouvrage  publié 
en  1649,  et  cité  par  Luquet,  donne  ainsi  la  première  : 

BELLATOR 

GOC I LL 

FIL 

Luquet,  avec  toute  vraisemblance,  suppose  Bdlator  Cocilli 
filius  (1). 

La  seconde  de  ces  inscriptions,  celle-ci  publiée  par  Gruter  d'après 
une  copie  de  Roussat,  mentionne  une  Cocilla,  fille  de  Callistus  (2). 

(1)  Voyez  p.  93  àç&  Antiquités  de  Lartgres.  Le  père  Jacques  Vignier,  mort  à  Dijon 
en  1670,  auteur  de  divers  ouvrages  sur  les  antiquités  de  Langres,  demeurés  presque 
tous  manuscrits,  a  aussi  parlé  de  cette  inscription,  ce  que  j'apprends  de  Luquet,  qui 
cite  le  manuscrit  de  la  Décade  Idstorique  du  pays  de  Laïujres  dont  le  R.  P.  n'a 
publié  en  1005  qu'un  extrait  en  latin,  sous  le  titre  de  Chronicon  Lingnnense  ex  pro- 
bationibus  decudis  historicœ,  etc.  Cette  chronique  a  été  traduite  en  frauçais  en  18!i2 
par  ^L  Jolibois. 

(2)  C'est  le  n"  6  de  la  page  907  de  Gruter.  M.  Luquet  (p.  9i)  croit  que  la  copie  de 
Roussat  adoptée  par  Gruter  était  inexacte,  et  suppose,  d'après  Vignier,  Gautlierot  et 
un  recueil  ms.  d'antiquité»  conservé  à  Langres,  qu'il  devait  y  avoir  : 

D  •  M 

COCILLAE 

CALLISTI 

FlLI.i: 


ié  RF.VlîF   ARrHFOLOr.KjUK. 

Sur  1.1  troisi^mo,  qui  stMrouv.iit  !=ur  un  inonumont  dérouvort  à 
Lniigrc*.  (lonl  on  {hmiI  voir  In  lifTuro  dnns  le  rcciieil  de  Cnyhis,  il  ost 
question  d'iiiH'  (locilln,  alTrancliie  do  ('cnirniis  (1). 

A  ces  inscriptions  du  pays  des  IJngons  où  llpure  le  nom  Cocilla  ou 
CociUuSy  j'.ijonlorai  la  si},Mi:itiin»  du  plombiiT  lin^ron  liocillus  (2). 
Cello-ri  se  lit  on  roliof  sur  dos  tnvaux  do  plunib  trouvôs  à  11  uirbonno- 
les-fiains.  dont  doux  spécimens  ont  élô  dôorils  dans  lo  présent  tra- 
vail'.'}). On  y  lit  dislinctoniont  lo  nom  COCILI.VS;  mais  là,  les  L  ne 
ressoniblonl  pns  ;i  dos  I;  olios  sont  ronorlomcnl  fdrniôcs  :  L.  Je 
citerai  encore  à  l'appui  de  mon  liypotliéso  la  forme  (]<"  la  lettre  L 
dans  lo  dernier  mot  do  notre  iiiseriidion  n"  \'.\.  Do  tout  ceci  je  con- 
clus qu'il  est  au  moins  vraisomblalde  (|ue  ceilainos  lettres  de  notre 
inscription  sont  des  L,  bien  (lue  les  traverses  borizonlales  de  leurs 
bases  no  soient  plus  très  visibles,  ou  qu'elles  n'aient  jamais  été 
mieux  tracées  par  les  lapicides  do  Hourbonne. 

V  8.  D  E  O  •  A  P  0  L 

LINI•BORVo^| 

ET  •  DAMON/E 

C  •  D  AMI  N  I  VS 

FEROX  •  CIVIS 

LINGONVS  •  EX 

VOTO 

{Deo  Apollini  Dorroni  et  Vamonœ^  C.  Dduiinius  Fcroi\  civis  Lin- 
gonus^  ex  toto.) 


(1)  En  1838,  époque  à  laquelle  écrivait  l'autour  des  Antiqniirs  de  l.nngrci,  ce 
moDument  était  encore  en  la  possession  de  M.  P.  (iuyot  de  Gi»'y  ;  il  faisait  partie  de 
ceux  dont  le  père  de  ctlui-ci  avait  envoyé  les  dessins  à  Caylus  i  voyez  liecucil,  etc., 
IV,  p.  380  etïuiv.  et  pi.  CCXXII;.  Le  monument  était  mutilé  au  moment  de  la  dé- 
couverte (1759).  L'inscription  de  ce  cippc  funéraire  est  ainsi  donnée  par  Caylus  : 

DEO  SEXSTINVS  •  MAItTIVS  CVHA  ... 
...  O.M  .  COCILI.E  ■  CKMKM  •  LIIIKUT 

Je  ne  »»is  ce  qu'est  devenu  ce  curieux  monument.  Je  l'ai  cherché  vainement  dans 
le  catalogue  du  musée  de  Langrc^  déj/i  cité. 

(I,  le  plombier  Cocillu»  auraiiil  été  busm  fahricant  de  poteries?  On  lit 
COCILLI  MA  sur  une  estampille  de  potier  trouvée  dans  l'Allier.  (Voyez  E.  Tudot, 
t't'junnrt  ff nulutvs,  c\c.,  p.  71.; 

(9)  Voyei  plus  haut,  §  do  2,  la  1"  partie,  tous  les  lettres  C  cl  D. 


INSCRIPTIONS    ET   Aî^tlQtlTftS   DE    BOUnnONNE-LES-BAINS.  T't 

Sur  une  plaque  de  marbre  blanc,  de  125  millimèlres  de  longueur 
sur  14  de  hauteur. 

C'est  cette  i)la(|uc  de  marbre,  trouvée  au  coiuniericciucnl  de  jan- 
vier \H'.V.\  à  Hourbonne-les-Bains,  dans  les  décombres  d'une  des  six 
maisons  (Irlruilos  le  "28  (hVoniiir»'  1832  par  un  inrondic,  qui  a  (tUt 
rocca.sion  de  la  lettre  de  lierger  de  Xivrcy  h  Hase.  On  la  voit  rcpro- 
duite,  grandeur  d'original,  sur  la  planche  I  de  cet  ouvrage  (jui  a  él6 
cité  plus  haut.  Ce  fut  à  l'obligeance  de  M.  Atlianasi:  Kcnard  (jue 
Berger  de  Xivrey  dut  le  plaisir  de  publier  le  premier  ce  précieux 
monument,  dont  le  savant  docteur  était  alors  le  possesseur,  qu'il 
reproduisit  lui-même  plus  tard  (1),  et  f|ui  aujourd'hui  est  conservé 
dans  l'établissement  thermal,  auquel  on  me  dit  qu'il  en  a  fait  pre- 
scrit. Cotte  inscription  porte  le  n°  oSaO  dans  le  supplément  à  Orelli 
de  M.  Henzen;  elle  ligure  aussi,  nous  l'avons  déjà  dit,  dans  l'ou- 
rrage  de  M.  J.  de  Wal  sur  les  monuments  épigrapliiijues  relatifs  à 
là  mythologie  septentrionale  (2). 

La  parfaite  conservation  de  ce  petit  monument  rend  superflue 
toute  discussion  sur  la  lecture  du  texte  qui  y  est  gravé. 

N*9.  AVG 

borVoH 

C- VALENT 

CENSORI 
NVS 

MVLLI  F 
EX  •  VOTO 

{Augusto  Borvoni  C.  Valentinus  (ou  Valentinins,  etc.  Censorinus 
MuUi  filius,  ex  voto.) 

Sur  le  dé  d'un  autel  de  pierre  calcaire,  de  i"',3ode  hauteur, 
trouvé  à  Bourbonne-les-Bains  le  9  juillet  1869,  au  cours  des  fouilles 
exécutées  pour  la  construction  du  grand  aqueduc  d'écoulement  de» 
eaux  thermales.  M.  le  docteur  Renard  a  figuré  cet  autel  sous  le 
n'  3  de  la  pi.  XLI  de  son  mémoire;  il  en  parle  page  313.  On  le  voit 
dans  le  jardin  de  l'établissement  thermal. 

(1)  Mémoire  cité  souvent.  Voyex  pi.  XLI,  n*  3,  et  p.  313  du  texte. 
(i)  V.  p.  234,  n»  CCCV. 


7G  nKVl'E   ARCHÉOLOGIQUE. 

-N'IO.  BORVONI 

ET    DAMON  • 

IVL  •  Tl  BE  RIA 

CORISILLA 

CLAVD  •  CATONiS 

LING 

V  •  S  •  L     M 

{Borroni  et  Daiiioiiœ,  JuUa  TilieriaConsilla,  Chinilii  Catonis,  Lin- 
goiii,  votum  soir  il  (idcits  mcrito.) 

Sur  un  autel  de  grH  de  \"',W  de  hauteur,  trouvé  h  Rourbonne- 
les-Dains  le  3  août  18(ii),  au  cours  des  travaux  que  l'on  vient  de 
mentionner.  On  peut  voir  une  ligure  de  ce  monument,  n"  4  de  la 
pi.  X\A  du  mémoire  de  M.  le  docteur  Renard,  qui  en  parle  page  313. 
Jardin  de  rétablissement  thermal. 

NMl.  BORVONI 

ET    DAMON 

AEMILIA 

SEX  •  FIL 

MED 

(Borvoni  et  Damonœ,  jEmilia  Sexti  filia  medici.) 

Sur  la  base  d'un  autel  de  pierre  brisé.  Nous  n'avons  pas  la  der- 
nière ou  les  dernières  lignes  de  l'inscription;  il  n'y  avait  d'ailleurs, 
sans  doute,  que  la  formule  habituelle,  Y.  S.  L.  M.  Hauteur  du  frag- 
ment,  50  cent.;  largeur,  30  cent. 

Cet  autel  a  été  trouvé  à  Rourbonne-les-Rains  le  21  janvier  1S70, 
avec  les  deux  précédents.  M.  le  docteur  Renard  l'a  mentionné 
page  31  i,  mais  ne  Ta  pas  lait  reproduire,  et  il  en  existe  un  dessin  dû 
au  général  Creuly  dans  les  riches  portefeuilles  du  musée  de  Saint- 
(icrmain;  mais  ni  M.  le  docteur  Renard  ni  le  général  n'ont  aperçu 
l'abréviation  SIKIJ  (juià  elle  seule  forme  la  cinciuième  ligue  de  celle 
inscription.  C'est  grAce  à  la  collection  de  photographies  de  ri:]cole 
des  mines  que  je  puis  compléter,  avec  quebiue  sécurité,  ce  texte  épi- 
graphique,  A  la  vérité,  si  je  n'avais  été  guidé  par  l'inscription  de 
Sextilia,  tille  du  médecin  Sexlus,  notre  n"  2,  même  avec  cette  pho- 


INSCRIPTIONS    ET   ANTIQUITÉS   DR   nOURBONNE-LES-BAINS.  77 

tograpilie,  je  n'aurnis  pas  deviné  ici  le  mol  MED  cl  en  Ions  ras  je 
n'aurais  pu  aflirnier  sa  présence,  allcndu  qu'en  raison  des  délério- 
ralions  de  la  pierre  à  cet  endroit,  après  la  lellre  M,  on  voil  un  Irait 
qui  paraît  le  premier  janibaf,'e  d'un  A,  tandis  (pie  les  lettres  E  et  D 
sont  mal  maniuées.  Mais  comme,  avant  d'avoir  eu  l'idée  de  consuller 
le  recueil  de  l'École  des  mines,  je  soupçonnais  que  cette  iEmilia  de- 
vait être  la  Hllt'  du  mé  lecin  Sextus  et  la  sn-ur  de  la  Sexlilia  de  notre 
n°  2,  je  n'ai  pas  eu  de  peine  à  reconnaître  le  mol  MED  sur  la  photo- 
graphie de  notre  autel.  Il  résulte  du  rapprochement  de  ces  deux 
textes  que  les  sœurs  Sexlilia  et  yEmilia,  filles  du  médecin  Sextus, 
avaient  eu  toutes  deux  des  actions  de  grâces  à  rendre  à  Borvo  et  à 
Damona. 

I  2.  —  Inscriptions  de  Bourbon-Lancy . 

N"12.  BORVONI    ET    DAMONAE 

T  •  SEVERIVS    MO 

DESTVS NIB 

H   •   N Tl 

{Borvoni  et  Damonœ,  T.  Severius  Modestus ) 

Fragment  de  marbre  blanc,  brisé  à  la  partie  inférieure,  qui  servit 
longtemps  de  seuil  à  une  porte  de  l'église  de  Saint-Nazaire,  à  Bour- 
bon-Lancy, où  l'abbé  Courtépée  le  vil  en  1774.  Celle  pierre  est  au- 
jourd'hui dans  le  musée  d'Autun.  La  première  ligne  est  sur  un  listel  ; 
elle  est  plus  longue  que  les  autres;  les  caractères  en  sont  mieux 
marqués.  Hauteur  0'",24,  largeur  0'",G04. 

«  Elle  a  été  gravée,  dit  Courtépée,  par  Severius,  qui  avait  élevé 
un  portique.  »  Il  la  lit  ainsi  : 

BORVONI^     ET     DAMONS 

T.  SEVERIVS     MODESTVS 

OMNIBVS     IIONORIBVS     ET    OFFICIIS 

et  ajoute  :  «  le  reste  étant  cassé,  on  peut  y  suppléer  par  les  mots  : 

APVD  iEDVOS  FVNCTVS 

comme  porte  une  pareille  inscription  conservée  chez  les  cordeliers 
de  Sainte-Reine  (1).  » 

(1)  Courtépée,  Description  du  duché  de  Bourgogne  (t.  IV,  p.  380), 


78  BEVUE   ARCHÉOLOGIQUE. 

Il  est  inutile  de  s'an-tHer  à  la  rcàlilulion  de  Courlépée,  dont  je 
cile  la  lecture  parce  qu'au  moment  où  il  vit  celte  inscription  la 
seconde  lit'ne  cl  le  coininciiconicnt  df  l.i  troisirnie  étaient  sans 
doute  plus  visililes  iju'aiijouid'liui,  et  aussi  parce  (]ue,  s'il  s'est 
montrt'  peu  scrupuleux  dans  sa  transcription,  puisqu'il  a  écrit  Uor- 
r omcr  au  lieu  de  liorvoni  [l]  c[  a  ligure  le  mol  .MODKSTVS  enlié- 
rcmcnl  à  la  deuxième  ligne,  tandis  que  ce  mot  termine  celte  ligne  et 
commence  la  troisième,  il  faut  reconnaître  quehiue  vraiseinldance 
dans  sa  lecture  des  moLs  OMMBVS  IIONOUIBVS,  (ju'il  coupa  cepen- 
dant inexaitement. 

Berger  de  Xivrey  a  reproduit  celle  inscriplion  sur  la  plan- 
che m  de  sa  lettre  à  Hase,  d'après  une  copie  o  très  exacte», 
dil-il,  qu'il  devait  à  l'obligeance  de  sa  parente,  M""  Delong- 
champs  (2),  chez  laquelle  ce  monument,  par  le  plus  singulier  des 
hasards,  se  trouvait  être  conservé  en  1833,  au  moment  même  où 
il  s'en  informait  à  celle  dame  atin  d'écrire  sa  dissertation.  Voipi  la 
copie  envoyée  à  Berger  de  Xivrey  : 

B  0  R  V  0  .N  1  .  E  T  .  n  A  M  0  N  A  E 

T     SEVERIVS     MO 

D  l     IV  N  IB 

II  n 

Ce  savant  restituait  ainsi  ce  texte  : 

HGRVONl  ET  DAMONAK 

T.  SEVERIVS  MO 

DESTVS    ET     OMNIB 

HONORIBVS    ATQVE    OF FICUS 

A  1»  V  D     A  E  I)  V  0  S  .  F  V  N  G  T  V  8 

V  .  S  .  L  .  .M  . 

Je  ne  discuterai  ni  la  restitution  de  Courtépée,  ni  même  celle  de 


(1)  Oo  ne  compreod  pas  cotnoieiit  Courtépée  a  pu  lire  UOKVON'IAK,  car  le  mot 
BORVOM  est  aussi  clair  que  possible  sur  l'estampage  dont  il  va  Être  parlé.  Millin 
avait  eu  grandement  raison  de  se  méflcr  de  la  leçon  do  Courtépée  (voyez  Munum. 
ant.  itiédils,  t.  1,  p.  130;. 

(1/  Le  nom  de  M»"^^  Dolongcliamps  mérite  d'être  conservé.  On  lui  doit  peut- 
être  de  pobs-ldcr  cemonuincut,  déji  fort  endommagé  en  1833,  mais  qu'elle  flt  pla- 
cer plus  convenablement  dans  son  Jardin.  aussiiOt  qu'elle  en  eut  a])pri8  l'importance 
par  sa  torrcspyodancc  à  ce  sujet  avec  licrgi-T  de  Xivrcy. 


INSCRIPTIONS    ET  ANTIQUITÉ.S   DE   BOURBONNE-I.ES-BAINS.  79 

Berger  deXivrey  (1).  Le  savant  académicien  n'a  eu  qu'un  lorl,  celui 
d'avoir  eu  trop  (le  confiance  en  son  auilacieux  prédécesseur  Cour- 
lépée;  mais  je  noierai  (jue  sur  le  dessin  de  celle  inscrii)tioii  dû  au 
général  Creiily,  conservé  au  musée  de  Saint-(icrmain,  ainsi  que  dans 
le  Dictionnaire  arcltéoloyiijuo  tle  (a  Gaule  [époque  celtique)  (2),  on 
lit  seulement  : 

lî  0  II  V  0  N  !      K  T      1>  A  M  0  .\"  A  F, 

T  .  S  E  V  E  II  I  V  S  .  M  0 

D  E  S  T  V  S  •  0  M  N  1  n 

H  ON  OU IT 


Cette  restitution  est  plus  prudente;  toutefois  je  me  contente  de  la 
faire  connaître.  Quant  au  texte  qu'on  lit  au  commencement  du  pré- 
sent article,  je  le  lis  sur  un  frottis  fait  sur  ma  demande  par  M.  Bul- 
liot,  le  savant  et  zélé  président  de  la  Société  éduennc,  (jue  je  prie 
de  vouloir  bien  recevoir  ici  l'expression  de  ma  gralilude. 

Sur  ce  frottis  on  ne  dislingue  qu'à  grand'peine  à  la  quatrième 
ligne,  et  encore  parce  que  l'on  est  à  peu  prés  certain  qu'elles  y  doi- 
vent être,  les  lettres  II.N  du  mot  honoribus  ;  puis,  après  un  espace 
occupé  par  des  lettres  devenues  illisibles,  non  pas  IT,  mais  plutôt 
TI.  Tel  est  du  moins  l'avis  de  M.  Bulliot  et  aussi  de  son  savant  cou- 
frère  M.  Harold  de  Fontenay,  qui  a  eu  l'obligeance  d'examiner  le 
marbre  original  avec  le  président  de  la  Société  éduenne,  à  mon  in- 
tention (3). 

Quant  à  moi,  je  n'affirme  rien  sur  ce  détail  qui  importe  peu  au 
présent  travail,  pour  lequel  il  suffit  que  la  dédicace  à  Borvo  et  à  Da- 
mona  soit  incontestable,  comme  elle  l'est  en  effet. 

A  l'époque  où  l'on  créait  un  musée  archéologique  à  l'hôtel  de  ville 
de  la  capitale  des  Eduens,  le  marbre  original  qui  nous  occupe  y  a 
été  envoyé  en  môme  temps  que  le  fragment  qui  porte  ici  le  n"*  14, 
par  l'administration  de  Bourbon-Lancy,  dont  il  était  devenu  la  pro- 
priété. 


(1)  Lettre  à  M.  Hase,  etc.,  p.  6, 111  et  126.  La  copie  envoyée  à  Berger  de  Xivrey, 
par  M"'-"  Delougchampsse  trouve  pi.  III,  sous  la  lettre  A;  sa  restitutiou  est  figurée 
sur  la  même  planche,  sous  la  lettre  B. 

(2)  V.  t.  I,  p.  184,  col.  2,  n»  3. 

(3)  «L'inscription  est  gravée  dans  un  caisson,  en  caractères  très  peu  accusés,  ex- 
cepté la  dédicace  écrite  sur  la  plate-bande  du  cadre.  »  (Lettre  do  M.  Bulliot  à  celui 
qui  écrit  ces  lignes.) 


80  nRViiF,  AncuKOi.or.iouK. 

nm;i.   c-ivlivS'EPOREDIRIGIS-fmagnvs 
pro-  l-ivlio-calenofilio 

BORMONl  •  ET  •  DAMONAE 
VOT • SOI 

{Cnius  JuUu!!,  Eporedirigis  filius,  Magnus,  pro  Liicio  Julio  Caleno 
filio,  liormoni  et  Damona\  voium  solvit.) 

Hauteur  0'",25,  largeur  O",")!).  A  la  qualrièmc  ligne,  la  dornière 
lellre  est  nécossaircment  une  L,  mais  elle  a  toute  rapparencc  d'un 
second  I.  Est-ce  par  suite  d'un  accident  ?  Je  croirais  plutôt  (jue  c'est 
un  exomiile  nouveau  de  celle  forme  particulière  de  la  lettre  L  dont 
il  a  ùté  question  plus  haut. 

Cette  pierre,  aujourd'hui  encastrée  dans  un  mur  de  la  cour  de 
rétablissement  thermal  de  Bourbon-Lancy,  à  l'angle  formé  par  le 
nouveau  bâtiment  avec  l'ancien  (1),  a  été  trouvée  à  la  fin  du  siècle 
dernier  dans  les  fondations  du  chûteau  de  Bourbon-Lancy,  en  1792 
selon  Millin,  qui  publia  le  premier  l'inscription  historique  qui  y  est 
gravée,  ou  le  3  février  1793,  selon  M.  Jules  Chevrier,  (jui  la  publia 
de  nouveau  en  1817. 

Ce  texte  précieux  a  eu  une  fortune  singulière.  La  copie  d'après 
laquelle  Millin  le  publia,  d'abord  dans  le  Magasin  encijclopéditiue  qu'il 
dirigeait  (2),  i)uis  dans  ses  Monuments  antifjues  inédits  (3),  lui  avait 
été  envoyée  de  Bourbon-Lancy,  par  «  le  citoyen  Clérisserand  »,  qui, 
chose  remarquable  surtout  à  celte  époque,  n'avait  fait  (ju'une  seule 
erreur  de  transcription.  M.  Clérisserand  avait  lu  à  la  troisième  ligne 
B0KM0:^1EE,  tandis  qu'il  y  a  en  réalité  BORMONl  ET;  mais  ce  qui 
expli(iue  celle  inexactitude  c'est  (ju'à  ce  moment  la  pierre  était 
recouverte  en  plusieurs  endroits  d'incrustations  de  chaux  (jui  ne 
devaient  être  enlevées  que  longtemps  après.  Or  Millin,  qui  c(mnais- 
sait  l'existence  de  BORYO,  le  dieu  des  sources  thermales,  par  l'ins- 
cription publiée  par  Gruter  (notien"  G),  maistiui  ne  pouvait  deviner 


(1)  J'extrais  cette  informaliou  de  lettres  reçues  de  M.  Chevrier  et  de  M.  l'adjoiut 
délégué  aux  fonctions  de  maire  de  Bourbon-Lancy  pendant  l'absence  du  premier 
magistral  de  cette  ville. 

(2;  Miiija.un  rucyr/o]ir<li>juo,  0'  année,  t.  V,  an  IN,  1801  (voyez  p.  405  et  Buiv.). 
On  peut  lire  dans  le  mémo  recueil  (t.  1  de  la  7''  année,  p.  300  et  suiv.)  une  réponse 
à  la  diFScrtation  de  Millin  par  llaudouin  de  Maison-Ill  mclic,  ex-constiluant. 

(3;  Millin,  Momtment^  antii/ues  inddils,  etc.,  t.  1,  publié  en  1802.  (Voyez  p.  146, 
Explication  d'un''  ins'ription  du  fils  d'Eporedirix,  trouvée  à  Hourbon-Lancy.) 


INSCRIPTIONS    ET  ANTIQUITKS   DE  noURBONNF.-LRS-DAINS.  81 

les  variantes  de  ce  nom  que  des  drcoiivorlcs  ultérieures  devaient 
nous  apporter,  supposa  qu'il  fallait  lire  HOllVONI  ET  UAMONAF':, 

et  cette  liypoliièst;  fut  f,M''ii('raleuient  admise,  ou  du  luoins  no  fut 
pas  discutôe  (1).  Mais  en  1840,  M.  Jules  Chevrier,  de  Clialon-sur- 
Saône,  ayant  fait  le  voyage  de  Bourbon-Lancy,  étudia  soigneuse- 
ment le  précieux  monument  du  fils  d'K[)oré(lorix,  et,  avec  l'iiahilcté 
d'un  artiste  et  la  délicate  prudence  d'un  archéologue,  le  dégagea 
des  incrustations  de  chaux  qui  rendaient  douteuses  certaines  par- 
tics  du  lexlc,  (!t  en  envoya  un  fac-similé  à  la  Revue  arclii''o[ogi(iHe 
par  l'inteiiiiédiaire  du  maire  de  cette  dernière  ville,  qui  était  alors 
JSI.  Conipin. 

En  même  temps,  et  par  le  même  intermédiaire,  M.  Chevrier 
envoyait  à  la  Revue  archcoloijique  le  fac-similé  d'une  autre  inscrip- 
tion romaine,  celle-ci  inédite  et  fort  curieuse  aussi,  l'épitapho 
d'un  peintre  d'origine  gréco-romaine,  Diogône  Albinus,  ou  Albi- 
nius,  etc.  Ce  fut  Letrunne  qui  se  chargea  de  faire  connaître  l'ins- 
cription nouvelle,  par  un  article  inséré  dans  le  n°  du  15  novem- 
bre i847  de  ce  recueil  (2);  mais  l'illustre  éruditnc  tint  pas  compte 
de  la  nouvelle  copie  de  l'inscription  où  figurait  lenomd'Eporedorix 
ou  Eporedirix,  laquelle  lui  parvint  probablement  sans  note  explica- 
tive. Ignorant  ou  oubliant  que  M.  Compin  n'avait  été  que  l'intermé- 
diaire obligeant  de  M.  Chevrier,  Lctronne  glissa  sur  celte  partie  de 
la  communication  et  ne  nomma  même  pas  ce  dernier.  Quelque  temps 
après,  M.  Chevrier  s'élant  aperçu  (lu'il  avait  estropié  dans  sa  lecture 
le  nom  du  peintre  gréco-romain  (il  avait  d'abord  cru  voir  ALP,  faute 
qui  avait  passé  dans  l'article  de  Letronne),  s'empressa  de  se  rectifier 
sur  ce  point  en  notant  qu'il  fallait  lire  ALB,  et,  profitant  de  l'occasion, 
suppléa  en  môme  temps  au  silence  de  Letronne  sur  sa  copie  de 
l'inscription  du  fils  d'Eporédirix,  en  rétablissant  la  véritable  leçon 
«  mal  écrite  dans  Millin  »,  disait-il  (3).  Letronne  répliqua  par  une 

(1)  «  La  comparaison  de  cette  inscription  avec  une  autre  presque  semblable, 
trouvée  à  Bourbonne-les-Bains,  prouve  qu  il  faut  lire  BORVONI  ET  DAIIONAE.  » 
(Millin,  loc.  cit.,  p.  lAS.) 

(2)  Revue  archéologique,  1"=  série,  t.  III,  p.  512. 

(3)  Lettre  à  M.  Letronne  sur  le  nom  romain  du  peintre  grec  Diogène.  Celte  lettre, 
datée  de  Clialon,  le  29  novembre  18/iG,  se  trouve  dans  le  volume  même  de  la  Revue 
archéologique  qui  contient  l'article  déjà  cité  de  Letronne  (voyez  p.  582).  Le  texte  de 
l'épitaphe  du  peintre  doit  ôtre  lu  ainsi  : 

D  •  M 

DIOGE 

NI • ALB 

PICTOR. 

XXXIX.  (j 


82  BKVDE   ARCHÉOLOGIOUE. 

note  aigre-douce  :  «  Kllc  ii'csi  pas»!  mal  é.iite.  Il  n'y  a  qu'une  seule 
variante  :  HOIOIO.MKK  DAMONAH,  an  lieu  de  UOllMOM  KT  DA- 
MONAE;  mais  Millin  avait  dc-jù  proposé  la  correction.  Celle  It-gére 
dilTén'nce  ne  me  paraissait  pas  assez  importaïUe  pour  rendre  néces- 
saire une  seconde  publication  (I).  » 

Letroniie  n'y  avait  pas  regardé  d'assez  près;  si  M.  Chevrier 
n'avaii  fait  que  montrer  quil  y  avait  ET  entre  le  nom  du  dieu  et 
celui  de  la  déesse  sur  la  pierre  originale,  et  non  pas  les  deux  EE 
qui  n'ont  aucun  sens  de  la  copie  de  (Urrisserand,  il  eût  toujours 
rendu  un  service,  quoi  qu'en  ait  dit  Lelronne  ;  mais  il  y  avait  autre 
chose. 

Malheureusement,  cette  chose  M.  Chevrier  ni'  l'avait  pas  mise  assez 
en  relief  dans  sa  lettre.  Il  y  avait  (jue  la  correction  Uoivoni  proposée 
par  Millin,  et  qui  aux  yeux  de  Letronne  rendait  inutile  une  nouvelle 
publication  de  cette  inscription, n'était  pas  fondée,  et  ([u'il  fallait  lire 
sur  cette  pierre  non  pasBtJUVoNI,  mais  BUKMoM,  ainsi  (jue  l'avait 
fait  Clérisserand.  Ceci  ne  fait  plus  question  aujourd'hui  que 
nous  po-sédons  plusieurs  inscriptions  où  le  V  de  HORVO  est 
changé  en  M,  sans  parler  des  autres  formes  que  nous  verrons 
plus  loin;  mais  au  tempsde  Millin  on  ignorait  cesvariantes,  bien  qu'il 
eût  été  possible  tle  les  soupçonner,  en  raison  de  la  dénomination 
iXAquœ  lîonnonis  (jue  porte  Hourbon-l'Archaiiibaull  sur  la  Table  de 
Peulinger,  ainsi  que  l'avait  fait  remarquer  Berger  de  Xivrey  en  1833, 
c'est-à-dire  bien  avant  la  communication  de  M.  Chevrier  ii  Le- 
tronne i'-2i. 

Si  je  suis  entré  dans  ces  détails  rétrospectifs,  c'est  que  celte 
petite  aventure  archéologique  renferme  une  moralité  que  je  n'ai 
pas  à  faire  ressortir.  Je  dirai  seulement  (ju'il  est  regrettable  (juc 
Lelronne,  entraîné  par  une  idée  préconçue,  n'ait  pas  arrêté  un 
instant  son  pénétrant  esprit  sur  la  fidèle  transcription  de  M.  Che- 
vrier. 11  l'aurait Ciilaiiieiiient  signalée  lui-inème  en  la  commentant, 
et  elle  ne  serait  pas  restée  pour  ainsi  dire  comme  non  avenue  pour 
de  longues  années,  perdue  (ju'elle  était  dans  cet  article  de  M.  Che- 
vrier dont  le  titre  n'annonçait  pas  qu'il  put  y  être  question  du  dieu 
Borvo  et  des  descendants  d'Eporédirix.  Je  n'exagère  pas  en  disant 
que  celle  transcription  resta  pour  ainsi  dire  non  avenue;  en  effet, 
si  un  éruJil  hollandais  la  remaniua  et  la  mentionna  au  moment  où 

(1y  Celte  réponse  de  Letronne  est  à  la  page  582  de  la  Lettre  <ic  M.  Jules  Chevrier 
que  Ton  viciil  de  citer  ;    voy<z  noie  3. 
(2)  Voyei  Leltiiù  M.  Hase,  etc.,  p.  00. 


INSCRIPTIONS  ET  ANTIQUITÉS  DE  BOURDONNE-LES-BAINS.  83 

elle  venait  de  se  produire  (I),  plus  de  dix  ans  après,  chez  nous, 
en  1801,  le  texte  de  lu  pierre  de  Hourbuu-Laucy  fut  encore  repro- 
duit avec  la  leçon  vicieuse  liOKVOM. 

C'est  ici  luôuio  que  l'on  put  voir  la  prétendue  correction  de  Millin 
adoptée,  à  la  venté  sans  coinuienlaire,  dans  un  article  très  inlércssant 
d'ailleurs,  du  générai  Grculy  ('2),  dans  lequel  on  s'étonne  cncure 
d'avoir  à  constater  l'omission  de  la  sigle  L  devant  les  mots  IVLIO 
CALENO,  bien  qu'elle  se  trouve  sur  la  copie  primitive  publiée  par 
Millin,  et  qu'elle  n'ait  été  omise  ni  par  Urclli  (,.Jj,  ni  par  M.  Jean  de 
Wal  que  je  viens  de  citer.  Il  faut  ajouter  que,  plus  tard,  le  général 
Creuly,  dans  une  de  ses  tournées épigiaphiques,  lit,  d'après  la  pierre 
originale,  un  dessin  exact  que  l'on  peut  voir  au  musée  de  Saint-Ger- 
main, où  l'on  en  possède  aussi  maintenant,  ce  qui  vaut  encore  mieux, 
un  moulage  en  plâtre.  Ce  moulage  m'autail  garanti,  s'il  en  eût  été 
besoin,  l'exactiludc  parfaite  du  lac-sunilé  que  je  dois  à  l'obligeance 
de  M.  Cbevrier.  Voici  donc  le  texte  de  ce  précieux  monument  établi 
de  manière  à  ne  plus  laisser  l'ombre  d'inquiétude  ('*).  Il  y  a  bien 
BORMONl  etDAMONAE,  et,  l'on  peut  en  éire  certain,  le  pelit-lils 
d'Eporédorix  ou  d'Eporédirix  avait  un  [  renom  comme  son  père 
C.  Julius  Magnus;  il  se  nommait  L.  Julius  Calenus. 

N»14.  SSIMIS    NV 

DEO    B  O 

Fragment  en  marbre  blanc,  très  mince,  de  50  millimètres  de 
hauteur  sur  123  de  largeur.  Les  lettres  ont  40  millimètres  de 
hauteur.  Trouvé  à  Bourbon-Lancy,  ce  fragment  a  été  envoyé  par 
l'administration  de  cette  ville  à  Autun,  en  même  temps  que  notre 

(1)  Au  n"  LX  de  ses  Myth.  sept,  monum.  eptg.  lat.  M.  J.  de  Wal  doone  la  leçoo 
primitive  BOUMONILE  DAVIONAE,  mais  plus  loin,  dans  le  commentaire  de  son 
n*  CCCV,  p.  22  j,  il  rerient  sur  le  teite  de  ce  n*  LX  et  fait  observer  qu'à  la  troisième 
ligne  il  faut  lire  BORMONl  ET  DAMONAE  :  In  tertio  denique  ittulo  (LX)  vs.  2 
legendum  esse  DORMOSI  ET  DASIOSAE  nuperrime  docuit  doct.  Chevrier,  in 
epistola  ad  virutn  celeb.  Letronne,  etc. 

(2)  Revue  archéologique,  nouvelle  série,  t.  IV,  p.  116.  L'article  est  intitulé;/.?/ 
descendants  immédiats  d'Eporédurix  d'après  une  inscription  d'Autun  et  d'autres 
documents. 

(3)  Orelli  a  donné  la  copie  de  Ciérisserand  (v.  n»  Ikl^]. 

(4)  On  peut  le  lire  dans  le  Dict.  archéol.  de  la  G  iule,  p.  18i,  col.  1,  n"  1.  Les 
auteur  sout  figuré  ladernièrc  lettre  L,  tandis  que  cette  lettre  est  figurée  comme  un  I 
sur  l'origiaal. 


81  REVUE    AnCUb*OLOG10DE. 

n*  41.  Je  donne  ces  quatre  mois  d'après  l'estampage,  pris  sur  l'ori- 
ginal au  musi'o  d'Autun,  que  je  dois  encore  à  l'obligeance  de 
M.  buliiot. 

Le  musée  de  Saint-Germain  possôdc  une  exacte  copie  de  ce  frag- 
ment, duc  à  M.  le  général  Oeuly,  qui  en  propose  la  restitution 
suivante,  laquelle  a  été  adoptée  par  le  Dictionnaire  archéologique 
de  lu  Gaule H)  : 

[PRAESENTIJSSIM  IS     NV 

[mimbvs]    DEC    non 

[VONl     ET     DEAE     DAMO] 

[n  a  e] 

Cette  restitution  ne  me  paraît  pas  certaine.  ProraiO'rement,  on  peut 
supposer  sanclissimis  aussi  bien  (jue  prœst'utissiniis:  puis,  lien  ne 
prouve  qu'il  y  ait  eu  Borvoni  sur  la  pierre  plutôt  que  Bormoni 
comme  nous  venons  de  le  voir  sur  une  inscription  de  la  môme  loca- 
lité, et  enfin  l'on  ne  peut  allirmer  que  Damona  ait  été  ici  associée  à 
Borvo  ou  Bormo,  puisque  nous  savons  que  non  seulement  on  faisait 
parfois  des  vœux  à  ce  dieu  seul,  mais  aussi  qu'on  lui  associait  à  l'oc- 
casion une  autre  divinité;  on  le  verra  plus  loin  dans  l'article  de 
Vex-voto  d'Entrains. 

NM5.  A    EST     SAC 

SILICA  •  V 
RVONI    ET 

(Le  T  qui  termine  la  troisième  ligne  a  l'aspect  d'un  L) 
Fragment  trouvé  à  Bourbon-Lancy  en  1835  et  qui  y  est  resté.  Ce 
monument  épigrapliique  est  encastré  dans  le  mur  de  rétablissement 
thermal  de  cette  ville,  à  côté  de  l'ex-votod'Eporédirix,  M.  Clievrier, 
en  na'en  envoyant  un  fac-similé  pris  par  lui  en  1840,  m'apprend 
qu'à  ce  moment  ces  lettres  étaient  encore  peintes  en  rouge  vif. 
Hauteur  (r,'M,  largeur  0",4G. 

M.  l'abbé  Greppo  a  publié  cette  inscription  dans  ses  Eludes  ar- 
chéolofjiqnos  sur  1rs  eaux  thermales  ou  minérales  de  la  France  à  /'</- 
poque  romaine  (p.  .'J7),  mais  n'en  a  pas  tenté  la  restitution,  selon 
lui  difficile  et  hasardée.  «  Je  ne  vois  guère,  dit-il,  ce  qu'on  pourrait 

(1)  Voyci  tpoquc  celtique,  t.  I,  p.  18ù,  eol.  2,  n*  A. 


rtSCRIPTIONS   ET  ANTIQUITÉS   DR   BOURBONNE-LES-BAINS.  85 

tirer  de  la  premitTc  ligne;  la  dcuxirinc  paraît  mentionner  une  basi- 
lique, car  il  est  assez  naturel  (lu'on  y  lise  [BA]SILICA.  »  A  la  troi- 
sième ligne,  le  savant  ecclésiastique  suppose  BOHVONI  ET  DAMO- 
NAE  (1).  I^a  présence  ici  du  nom  de  Borvoni  est  en  clTet  certaine; 
mais,  par  les  motifs  allégués  ci-dessus,  il  est  seulement  possible,  pro- 
bable si  l'on  veut,  que  la  divinité  annoncée  par  la  conjonction  ET 
soit  DAMONA.  Quant  à  la  difliculté  de  la  restitution  des  lacunes  de 
cette  inscription,  tout  en  la  reconnaissant  comme  l'abbé  Greppo,  je 
préfère  supposer  BASILICA  à  la  deuxième  ligne  avec  le  savant  ecclé- 
siastique et  M.  Cbevrier,  au  lieu  de  SILICAUIORYM,  comme  on  lit 
dans  un  essai  de  restitutionécrit  au  bas  d'un  dessin  de  ce  monument 
épigraphique  qui  fait  partie  des  collections  du  musée  de  Saint-Ger- 
main ei  qui  doit  être  du  général  Creuly.  L'hypothèse  SlLICAUiOBVAI 
me  paraîtrait  plus  acceptable  s'il  y  avait  aumoinsSILlCARctuonpas 
seulement  SILICA.  Voici  maintenant  la  restitution  donnée  sans 
commentaire  dans  le  Dictionnaire  archéologique  de  la  Gaule  (2)  : 

A  .  EST  .  SAC(ER  .  M  .  COLL  .) 
SILICA  .  V(0T  .  SOL  .  BO) 
RVONI  .  ET     [dAMONAE] 

Je  laisse  aux  maîtres  de  l'épigraphie  romaine  le  soin  de  décider 
entre  ces  deux  hypothèses  et  de  nous  donner  une  restitution  raison- 
née  de  cet  énigmatique  fragment. 

Chabouillet. 
(La  suite  prochainement.) 


(1)  Les  lettres  SILICA  sont  considérées  comme  la  fm  du  mot  BASILICA  dam  un 
essai  de  restitution  complète  que  m'a  communiqué  M.  Chevrier  en  m'enToyaut  le 
fac-similé  que  je  viens  de  transcrire,  mais  que  je  ne  me  permets  pas  défaire  connaître. 

(2)  Loc.  cit.,  no  2. 


LA 


BORNE  MILLIAIRE  DE  PARIS 


[Lu  à  l'Açadànie  des  inscriptions  et  bcUes-lcttreSy   séances  des 
24  et  31   octobre  1879)  (1). 


On  se  rappelle  sans  doute  qu'au  mois  d'avril  1877  une  borne 
milliaire  romaine,  convertie  en  sarcopliage  à  répoijue  mérovin- 
gienne, fut  découverte  à  Paris,  dais  l'ancien  cimeliére  de  Saint- 
Marcel.  Elle  est  aujourd'hui  conservée  à  l'iiôlel  Carnavalet  (Musée 
de  la  Ville).  Ci'tle  borne,  naturelienienl  dé(ip:nrée  par  la  destination 
nouvelle  qu'elle  reçut  jadis  lorsqu'on  la  creusa  d'un  côté  en  forme 
de  tombe,  ne  porte  plus  (juc  la  fin  de  l'insiriplioii  (jui  y  avait  été 
gravée. 

Ce  fragment  d'in>criplion  a  élé  commiiniiiiié  à  l'Académie  des 
inscriptions  et  bclles-letlres  par  M.  de  l.ongpérier,  à  la  séance  du 
^7  aviil  de  la  même  année  (2).  Il  a  été  publié  ainsi  (3)  : 

7//////////^//////////V//// 

////N     G  AL  •  VAL 

MAXIMINO 

NOBIL  •  CAES 

A  •  CIV  •  PAR 

RO///////// 


\\j  Leçons  profcssiScs  h.  i'fkolo  df.a  liantes  dtu-Jcs,  en  dùccnilire  IST.i,  cours 
d'épiyrnjJi'e  rt  (inti'/uil'fs  romaines  (seconde  année). 

(2)  Journal  offictet,  l"  niai  1877,  p.  31<'8  ;  /c  Trmpt  du  8  mai;  les  iKJtjulJ  du 
29  avril. 

(.'!).  Voy.  les  Compter  rendus  des  séances  de  CAcad.  des  inscript,  et  belles-lettres 
do  1877,  4'  série,  t.  V,  129-130. 


LA    nORNE   MILLIAinR   DE   PARIS.  87 

....[D{omino)]  n{ostro)  Gal{erio)  Mnximino  nobiVissimo)  Caes{ari). 
A   civiitatc)  Par{isiorum)  Iîo[tom{agum)],  {milliarium)  prmum. 

Ce  sorait  donc,  d'aprôs  rcltc  Ircturo,  le  prominr  millinirc  de  la 
roule  coiiduisanl  de  Paris  à  Uoucn.  et  il  aiinil  été  crigé  à  ré[)Of]uc 
oùiM.ixiiiiin  Daza  faisail  partie,  en  (lualitr  de  César,  de  la  tétrarchie 
qui  gotivornait  l'Empire.  En  tout  cas,  il  est  hien  évident  que  la  date 
de  cette  inscription  est  comprise  entre  le  mois  de  mai  de  l'année  'AOo 
de  noire  ère  et  la  fin  de  l'an  307,  car  c'est  pendant  cette  période 
seulcnicnt  que  Maximin  Daza  poila  lo  ti(n>  do  Nohilissimus  Carsar. 

Après  avoir  étudié  nous-méme  ce  monument,  d'abord  sur  l'ori- 
ginal, puissur  la  photographie, sur lemoulage,  enfin  sur  l'estampage, 
—  que  M.  Théodore  Vacqucr,  chargé  de  la  conservation  iIcs  antiques 
du  musée  Carnavalet,  a  bien  voulu  faire  exécuter  pour  nous  (voyez 
figure  â  qui  reproduit  la  photographie)  (1),  —  nous  avons  acquis  la 
certitude  qu'au  commencement  de  l'avant-dernièrc  ligne  on  doit 
lire  RC  et  non  RO  (2),  et  que  les  caractères  qui  suivent  ces  deux 
lettres  RC,  —  peu  lisibles,  il  est  vrai,  sur  la  borne  milliaire,  mais 
beaucoup  plus  di?(incl^;  sur  l'estampage  et  sur  la  photographie,  — 
ont  été  OS  ;  soit  RCOS.  Dans  l'O  est  inscrit  un  V. 

Or,  en  examinant  avec  attention  l'original,  on  ne  tarde  pas  à  se 
convaincre  que  les  trois  lettres  COSont  appartenu  à  une  inscription 
et  que  la  première,  C,  qui  en  avait  également  fait  partie  et  qui 
semble  avoir  été  approfondie  intentionnellement,  a  dû  èlre  utilisée 
pour  la  seconde.  M.iis  il  nous  a  paru  évident  que  la  borne  milliaire 
en  question  avait  porté  d'autres  inscriptions  encore. 

Ainsi,  à  la  cinquième  ligne,  dans  les  lettres  A  CIV  PAR  se 
trouve  enchcvèlrèe  la  siglc  AA*  (M  P),  certainement  une  fois, 
probablement  deux  et  môme  trois  fois; 

A  la  sixième  ligne,  on  peut  retrouver  le  nombre  CXX  ou  peut- 
être  CXXV; 

A  la  septième  a  dû  figurer  un  autre  nombre  encore,  et,  de  plus,  la 
sigle  AA*^  appartenant  à  une  écriture  plus  ancienne  que  le  iv"  siècle. 

Cette  borne  a  donc  dû  servir  trois  fois  au  moins  et  probablement 
quatre  fois. 

Préalablement  à  tout  essai  de  restitution,  il  importe  d'établir  net- 
tement un  fait  que  nous  considérons  comme  indubitable.  C'est  que 
les  anciens  employaient  le  procédé  du  rcbouchagc  pour  remplir  les 

(1)  Nous  la  donnerons    ans  notre  prodiain  Duin(jro  avec  la  fin  du  travail. 

(2)  Il  y  a  bien  un  0,  mais  il  est  après  le  C. 


88  nRVDF.   ARCHÉOLOGIQUE. 

creux  des  insfriplions  qu'on  voulnil  fnire  disparaître;  or  on  avait 
soin,  dans  cette  opiMation,  d'éparprier  les  lettres  (jiii  pouvaient  (''Ire 
employi'is  dans  l'inscription  nouvelle.  Le  nit^nie  monument  servait 
ainsi  plusieurs  fois,  sans  que  la  lecture  du  dernier  texte  pr«isentat  la 
moindre  confusion  avec  ceux  qui  y  avaient  iHé  précédemment  gravés. 
Ce  (I  nltoucliagei)  devait  se  pratiiiuer  autrefois  comme  aujtjuid'lmi, 
à  l'aide  d'un  ciment  délayé  avec  de  la  pierre  pulvérisée,  laquelle 
était  empruntée  à  des  matériaux  de  môme  nature  que  le  monument 
sur  le(iuel  on  l'appliquait.  Cette  composition,  durcissant  à  l'air, 
présentait  le  môme  aspect  que  le  reste.  C'est  ainsi  qu'un  grand  nom- 
bre de  bornfsmilliaires,dont  on  renouvelait  ou  dont  on  modiliait  le 
texte  à  chaque  avénemenld'empereur,  ont  pu  être  employées  de  nou- 
veau. Mais,  avec  le  temps,  le  mélange  qui  avait  servi  au  «  rebou- 
chage »  étant  tombé,  les  inscriptions  antérieures  à  la  dernière  ont 
re|>aru  et  elles  se  présentent  aujourd'hui  avec  une  valeur  souvent 
égale  i  celle  du  texte  qui  leur  avait  été  substitué.  C'est  ainsi  que  la 
plupart  des  bornes  milliaires,  celles  des  bas  temps  de  l'Empire  sur- 
tout, sont,  aux  yeux  de  l'observateur  attentif,  de  véritables  monu- 
meuts  palimpsestes  sur  lesquels  ligure  un  enchevêtrement  de  carac- 
tt'^res  dont  l'attribution,  le  partage  et  la  restitution  ne  sont  pas 
toujours  faciles  à  faire  (1). 

Pour  en  revenir  à  notre  inscription,  nous  avons  reconnu  qu'on 
Toyait,  et  qu'on  voit  encore  très  distinctement  aujourd'hui,  entre  la 
cinquième  et  la  sixième  ligne,  une  barre  horizontale  au-dessus  des 
deux  lettres,  ou  plutôt  des  deux  chilTres  rom;iins  CV  (le  V  inscrit 
dans  l'O).  Le  C  de  l'ancien  mot  COSa  donc  été  conservé  et  utilisé 
pour  la  dernière  inscription,  et,  joint  au  V,  il  a  produit  le  nombre 
CV,  cnUum  et  quinque ;  cette  barre  horizontale  indiijue  clairement 
en  elTet  qu'il  s'agit  ici  d'un  nombre.  On  remarquera  de  plus  qu'elle 
ne  dépasse  pas  le  V  à  droite  ni  le  C  à  gauche.  De  sorte  qu'on  a  pour 
la  sixième  ligue  : 

RCT 

(1)  On  peut  se  rendre  compte  de  cette  difficulté  si  l'on  jette  les  yeux  sur  le» 
bornes  milliaires  de  la  rannouie,  par  txeinple.  Voy.  nos  Monuments  fpKjrajifiiques 
du  Musée  national  tîonrjrois,  1872,  in-folio,  Pest,  u"  102,  lO'i,  108  et  surtout  05 
(pi.  XVII),  où  nous  avons  pu  restituer,  malgré  la  confusion  des  caractères,  l'ins- 
cription de  Maiiuiin  et  de  Maxime  son  flis  (23t;-238)  d'une  part,  ot  celle  de  Dioclé- 
ticn.  Constance  Chlore  et  (ialère  (292-305)  d'autre  part.  Il  n'est  pas  possible  de  sup- 
poser (jue  la  phis  ancienne  d>b  ileux  n'ait  pas  été  oblilétéc  par  le  proct^dé  du 
u  reboucliage  »  ulln  de  ne  laisser  paraître  que  la  plus  récente  seule,  qui,  sans  cette 
|>rccautiun,  ii'iùt  pas  été  lisible  malgré  les  plus  grands  clTurls. 


LA    DORNK    MII.I.IAIIU':    1)1'.    l'AItlS.  80 

Il  faut  donc  renoncer  à  la  lecture  RO  ou  ROT  et  il  ne  peut  ^tro 
ici  question  de  Rot  oiiuif/us),  Rouen  (1).  D'ailleurs  la  borne  a  ét6 
trouvée  au  sud-est  de  Paris  et  il  est  diflicile  d'admettre,  a  priori, 
qu'elle  ait  été  transportée  en  ce  lieu  depuis  le  premier  mille  de  la 
route  qui  conduisait  à  Rouen.  La  barre  horizontale,  ne  s'appliquant 
qu'aux  deux  chillres  romains  CV,  nous  a  fait  penser  (ju'il  ne  devait 
pas  ôtre  tenu  compte  des  autres,  XXV,  Icscjuels  avaient  dû  dispa- 
raître de  la  dernière  inscription  gravée,  ayant  certainement  été 
annulés  à  l'aide  du  reboucliage. 

A  la  première  ligne,  on  distingue  nettement  un  V  au-dessus  du  G 
de  OALerio.  Ce  V  paraît  avoir  été  précédé  d'un  A  dont  la  partie 
supérieure  est  seule  visible  ;  il  était  suivi  sans  doute  de  deux  GG 
dont  le  second  seulement  est  apparent  ;  on  reconnaît  enfin,  termi- 
nant la  ligne,  les  vestiges  de  doux  lettres  qui  semblent  avoir  formé 
le  mot  ET. 

A  la  dernière  ligne,  c'est-à-dire  à  ce  qui  serait  la  septième  de 
l'inscription  mutilée  qui  nous  est  parvenue,  on  voit,  sur  la  droite,  le 
second  jambage  d'un  M  qui  semble  avoir  été  lié  avec  un  P  de  ma- 
nière à  former  la  sigleAA*,  jnilliapassuum.  Il  est  vrai  que  ces  lettres 
sont  d'une  forme  très  dilïérente  de  celle  qui  était  en  usage  au 
iv° siècle. 

On  remarquera  d'ailleurs  que  la  barre  horizontale  suffit  à  la 
rigueur  pour  marquer  que  les  chillres  CV  sont  des  milles  ;  CV  peut 
donc  se  lire  «  CV  millia  »,  sous-entendu  passuum.  Il  n'est  donc  pas 
nécessaire  de  tenir  compte  de  la  septième  ligne.  La  sigle  AA*  de 
celte  ligne  est  d'ailleurs  douteuse;  il  est  donc  probable  qu'elle 
appartenait  à  une  inscription  antérieure,  ainsi  que  le  mot  COS  de 
la  sixième  ligne  ;  peut-être  les  aura-t-on  laissés  subsister  comme 
complétant  le  texte  final  indiquant  la  dislance,  quoique  la  sigle  M* 
se  place  d'ordinaire  avant  le  nombre  des  milles  ou  des  lieues.  Il  est 
possible  enfin  de  reconnaître,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  la 
même  sigle  M*  mal  effacée  et  figurant  deux  fois  avant  la  sixième 
ligne,  mais  enchevêtrée  dans  les  lettres  A  Cl V  PAR  et  appartenant 
par  conséquent  à  des  inscriptions  plus  anciennes. 

Nous  lisons  avec  certitude  sur  la  pierre,  de  la  manière  suivante, 
toute  la  partie  de  l'inscription  qui  nous  a  été  conservée. 

La  fin,  c'est-à-dire  les  trois  dernières  lignes,  présente  l'aspect  de 
la  figure  1  (grandeur  de  l'original);  elle  doit  se  lire,  selon  nous  : 

(1)  C'est  cette  barre  hoiùzontale  qui  aura  été  prise  pour  la  barre  d'un  T,  d"où 
la  fausse  lecture  ROT. 


\j:i^ 


LA    BORNF.    MII.I.lAinE    DR   PAUIS.  9l 

A     CIV    PAR 
RCV 

à  l'exclusion  do  toutes  les  autres  lettres,  qui  avaient  dil  disparaître 
dans  le  reboucliage  exécuti','  en  'M)7. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  l'estampage  révrlo  d'autres  et  de  nom- 
breuses traces  d'inscri[)tions  antérieures,  dans  les  quatre  premières 
lignes. 

Occupons-nous  d'abord  de  la  première  partie  de  ce  texte  épigra- 
phique,  celle  qui  devait  mentionner  les  empereurs  régnants,  recon- 
nus en  Gaule  au  moment  où  elle  a  ùlé  gravée.  C'est  ce  qu'on  peut 
appeler  la  partie  historique  des  bornes  milliaires.  Nous  étudierons 
ensuite  les  trois  dernières  lignes,  qui  constituent  la  partie  géographi- 
que de  ce  monument. 


Les  lignes  2,  3  et  4  de  cette  inscription,  —  dont  le  commence- 
ment nous  manque, —  nous  font  connaître  les  noms  et  le  litre  de 
Maximin  Daza  ;  or  il  est  impossible  que  cet  empereur,  qui  n'était 
encore  que  César,  et  qui,  en  celte  qualité,  administrait  l'extrême 
Orient  romain,  figurât  seul  sur  un  monument  élevé  dans  le 
nord  de  la  Gaule  ;  il  y  avait  donc  nécessairement  d'autres  noms 
d'e:npereurs  avant  le  sien.  On  voil  en  elTet,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  à  la  ligne  1,  des  traces,  encore  reconnaissables,  des 
molr-  AVGG  ET. 

Les  seules  années  pendant  lesquelles  Maximin  Daza  ait  porté  le 
titre  de  Nobilissimus  Caesar  sont  bien,  comme  on  l'avait  établi,  les 
années  30o,  depuis  le  1"  mai,  puis  300  et  307  entièrement.  C'est, 
en  effet,  le  jour  des  kalendes  de  mai  SOoiju'eut  lieu,  à  Nicoméliecl 
à  Milan,  l'abdication  de  Dioclélien  pour  l'Uiicnl,  de  Maximien  pour 
l'Occident,  et  que  les  deux  Césars  furent  proclamés  Augustes,  Galère 
par  Dioclélien,  Constance  Chlore  par  Maximien  (i).  On  sait  que 
Galère  avait  dicté  le  choix  des  deux  nouveaux  Césars,  Maximin 
Daza  son  neveu,  et  Sévère,  à  Dioclélien,  qui  céda  à  ses  désirs, 
malgré  la  préférence  que  le   vieil  empereur  avait  montrée    pour 

(1)  Voy.  Tillemont,  IV,  p.  85,  qui  cite  les  sources,  d'ailleurs  bien  connues. 


92  REVUK   AnCHKOLOGIQUE. 

Constantin,   fils  do  Constance  Cliloro,    et  pour  Maxonro,   fils  de 
MaxiniitMi  et  propre  gendre  de  ce  nn^me  Galère  (1). 

Le  1"  mai   305,  la   nouvelle   lêlrardiie    fui  donc  ainsi  consli- 
tuée  : 

Du  V  mai  au  25  juillet    30G. 


Occident. 

Auguste  (avec  le  premier  rang)  : 
Imp.r.aes.  Flavius  Valcrius  CONS- 
TANTIVS  Aoguslus. 

(Gaule,  Espagne,  Bretagne.) 

César  : 

Flavius  Valerius  SEVERVS   No- 
bilissimus  Caesar. 

(Italie,  Afrique.) 


OniKNT. 


Auguste  : 


iinp.   Caes.   f.AI.KRlVS  Valerius 
Maximianus  Augustus. 

César  : 

C.  Galerius  Valerius  MAXIMINVS 
(Daza)  Xobilissimus  Caesar. 


II  faut  se  rappeler  que  Constance  Chlore  ne  souscrivit  qu'à  contre- 
cœur à  la  déclaration  faite  de  Sévère  et  de  Maximin  comme  Césars, 
à  l'exclusion  des  deux  fils  d'empereurs  et  surtout  de  son  propre  fils 
Constantin,  lequelaurait  dû  être  désigné,  selon  toutes  les  prévisions, 
en  Occident. 

Mais  cet  état  de  choses  dura  officiellement  jusqu'à  la  mort  de 
Constance  Chlore,  arrivée  à  York  le  25  juillet  306  (2).  Il  ne  se  peut 
pas  que  les  bornes  milliaires  de  la  Gaule  aient  mentionné,  durant 
cette  période  de  quinze  mois,  le  seul  nom  de  Maximin  Daza,  relégué 
au  fond  de  l'Orient,  sans  placer  à  côté  celui  de  Sévère  pour  l'Occi- 
dent. Or  il  n'y  a  qu'un  scnïNobilissimus  Cnesar  de  nommé  dans  l'ins- 
cription, et  lorsqu'on  la  lisait  entière  sur  la  borne  de  Paris  il  n'y  en 
avait  qu'un,  comme  le  prouve  le  mot  AVGG  de  la  première  ligne: 
elle  est  donc  postérieure  au  25  juillet  3U0. 

La  mort  de  Constance  Chlore  amena  les  changements  suivants 
dans  la  tétrarchie: 


(1)  Lactancc,  cli.  xviiictxx. 

(2)  Eutrope,  X,  1  ;   S.    Jérôme,  Chron.  ;  Eu^èbo,    Chton.  ;   Aur.   Vict.,  Cûff., 
XL,  3,  etc.  Cf.  Tillcmoul,  IV,  p.  01. 


LA  BORNE  MILLIAIRE   DE   PARIS.  93 


Dm  25  juillet  au  28  octobre   306. 


Occident. 

Auguste  : 

Imp.  Caes.  Flavius  SEVEEIVS  Au- 

gUïitUS. 

(Italie,  Afrique.) 

César  : 

FI.  Valerius  CONSTANTINVS  No- 
bilissimus  Caesar. 

(Gaule,  Espagne,  Bretagne.) 


Orient. 
Auguste  (avec  le  premier  rang)  : 

Imp.  Caes.  GALERIVS  Valerianus 
Maximianus  Auguslus. 

César  : 

Galerius    Valerius     MAXIMINVS 
Nobilissimus  Caesar. 


Il  faut  noter  que  Constaiilin,  après  la  mort  de  son  père,  se  contenta 
du  titre  de  César  et  le  garda  jusqu'au 31  mars  307  (1).  Mais  la  répar- 
tition dont  on  vient  de  lire  le  tableau  dut-a  seulement  trois  mois  el 
trois  jours,  car,  le  28  octobre  30G,  Maxence,  qui  se  plaignait  d'un 
partage  fait  à  son  détriment,  partage  contraire  môme  aux  volontés 
de  Dioclôlien  et  de  son  propre  père  Maximien,  se  fit  proclamer 
Auguste,  à  Rome,  sans  passer  par  cette  sorte  de  stage  impérial  qui 
est  exprimé  par  le  litre  de  Nobilissimus  Caesar. 

Si  notre  borne  milliaire  eût  été  gravée  dans  les  trois  mois  pen- 
dant lesquels  l'autorité  des  quatre  empereurs  susnommés  paraît 
avoir  été  reconnue  dans  la  Gaule,  Constantin  y  aurait  certainement 
figuré  avec  le  titre  de  Nobilissimus  Caesai\  qu'il  ne  quitta  officielle- 
ment que  l'année  suivante;  son  nom  aurait  donc  précédé  ou  suivi 
celui  de  Maximin  Daza  et,  s'il  l'eût  précédé,  il  eût  été  placé  après 
ceux  des  deux  Augustes,  Galerius  et  Sévère.  Or,  1"  Maximin  Daza 
est  le  seul  Nobilissimus  Caesar  nommé  sur  la  borne  de  Paris  ;  2°  son 
nom  était  précédé  de  ceux  de  deux  Augustes. 

Lorsque  Maxence  se  fit  proclamer  empereur  à  Rome  avec  le  titre 
d'Auguste,  le  28  octobre  30G  (2),  et  que  Maximien,  son  père,  reprit 
la  pourpre  avec  ce  même  titre  vers  la  fin  de  cette  même  année,  la 
tétrarchie  se  trouva,  par  le  fait,  désorganisée,  de  sorte  qu'au  com- 


(1)  On  sait  qu'il  avait  été  salué  Auguste  par  les  armées  do  la  Bretagne,  mais  il  se 
contenta  du  titre  de  César,  le  seul  que  Galerius  consentit  à  lui  laisser.  Voy.  Tille' 
mont,  IV,  p.  92-93,  avec  renvoi  aux  sources. 

(2)  Voy.  Tillemont,  IV,  p.  95,  et  la  note  32,  pour  le  règae  de  Constantin,  môme 
tome,  p.  633-634. 


94  BF.VUF.   .VnClléOLOGlQUE. 

menccmcnt  de 307  il  y  eut,  non  plus  (lualre,  mais  six  empereurs, 
(lonl  (jualro  Augus'.cs  et  deux  Césars,  ainsi  distribués  : 


De  la  fin  de  l'imnee  306  au  31  mars  307. 


OniKNT. 


Aujustr  ; 


Iinp.    <:ac5.  r.M.KlUVS   Valerius 
Maxiinianus  Au^usluâ. 

César  : 

Galerius  ValcriusMAXIMINVS  No- 
bilissimus  Cac^ar. 


OCCIDBNT. 

Augustes  : 

Imp.  Cars.  M.  Aurclius  MAXIMIA- 

NVS  lOYIVS  Auguslui  (1). 

(Italie.) 

Imp.  Cacs.  Flavius  SKVr.UVS. 
(Italie  et  Afriq'ic.) 

Imp.   Caes.  M.  Valerius  .MAXKN- 

TIVS  Auguslus. 

(Italie.) 

César  : 

Flavius  Valerius  CONSTANTIN  VS 
Nobiliiïimus  Caesar. 

(Gaule,  Espagne,  Bretagne.) 


Constantin  est  donc  encore  Nobilissimus  Caesar  au  commence- 
ccmcnt  de  307  cl  il  n'a  pu  figurer,  en  celte  qualité,  sur  notre  ins- 
cription, puisque  Maximin  Daza  est  le  seul  César  qui  y  soit  men- 
lionné  avec  ce  litre:  ce  monument,  ou  du  moins  le  texte  qu'il  porte 
est  donc  postérieur  au  {"'janvier  307. 

Sévère  ayant  été  tué,  aux  Très  Tabcniae,  i):\r  ordre  de  Maximien  (2), 
au  commencement  de  307  (février  ou  mars),  Constantin  fut  proclamé 
Auguste  le  31  mars  de  cette  même  année  (3);  nous  avons  alors  la  dis- 
position suivante  : 

(1)  Maximien,  après  son  second  avènement,  porta  certainement  le  nom  de  Jovins 
que  lui  avait  lé^ué  Dioclétien.  Une  inscription  du  musée  de  Pest  porte  :  f/iAXlMIA- 
NO  II  lOVIO  INVIC  II  AVG  ET  MAXIMINO  ||  N  CAES,  etc.  (Voy.  nos  Monum.  efjùjr. 
Uuseï  llungar.  n*  120,  pi.  XXI,  et  C.  I.  L.  III,  3522  (inexacte);  cf.  4113  et 
Eckhel  vil I,  36. 

^2;  Aur.  Vict.  E/iiit.  xl,  3  :  «  Severus  ab  Herculio  Maximiano  Romae  ad  Trc3 
Tabrenasexstinguitur  »  etc. 

(3)  Laclance,  De  uiortib.  pprMec,  p.  412,  423.  Cf.  Ecklicl,  Vlll,  p.  72.  Cette 
date  du  31  mars  a  été  contestée,  mais  c'est  certainement  vers  celte  époque  de  l'année 
qu'a  eu  lieu  l'événoraeut.  En  Orient  ce  titre  ne  fut  pas  reconnu,  et  les  monnaies  qui 
portent  AVG.  après  le  nom  do  Constantin  sont  probableaient  postérieures  nu  com- 
mencement de  l'an  308.  Elles  donnent  en  307,  pour  Coattaulin  et  pour  Maiimin 
Daia,  le  titre  de  ITL.  AVGG.,  fiUus  Augustorum.  Voy.  Eckhel,  Vlll,  p.  73-73. 


I,.\    UOUNK    MlLLIAllir.    DK    l'AHIS. 


Du  31  murs  au  11   noiembic  307. 
Occident.  I 


Orient. 

.\iiilHslc  : 

Imp.  Caes.    CM.KHIVS    Valcrius 
Alaxiiiiiaiiijs  Auguslus. 

César  : 

Galcrius     Valcrius    MAXIMINVS 
Nobilissimus  Caesar  (1). 


Augustes  : 

Imp.  Cacs.  M.  Aurclius  MAXIMIA- 
NVS  lOVlVS  Aiigiistus. 

(It;ilic.) 

Imp.   Cacs.  CONSTAMINVS  Au- 
guslus. 

(r.aulc,  Espagne,  firptagnc.) 

Imp.  Cacs.  M.   Valcrius  .MAXEN- 

TIVS. 

(Italie,  Afrique.) 

Pas  de  Césars. 


Un  rapprocliomcnt  très  intimo  avait  eu  lieu  cnlrc  Maximion  et 
Conslanlin,  ce  dernier  ayant  épousé,  à  celle  inèine  époque,  la 
Clle  du  vieil  empereur,  Flavia  Maximiana  Fausta,  et  ayant  reçu  de 
son  beau-pérc  lui-même  le  lilre  d'Auguste,  Ie31mars307. 

Mais,  le  il  novembre  de  celle  même  année  GahMius  ayant  fait 
proclamer  Auguste  à  Carnuntum  (Pelronell),  en  Pannonie,  son  an- 
cien compagnon  d'armes  Licinius  (2),  nous  avons  la  distribution 
suivante  des  pouvoirs  impériaux  : 

Du  11   novembre  307  au  1"  janvier  308. 


Occident. 

Augustes  : 

Imp.  Caes.    M.    Aurelius  MAXI- 
MIANVS  lOVIVS  Auguslus. 

(Italie.) 

Imp.     Caes.     Flavius     Valerius 
CONSTANTINVS  Auguslus. 

(Gaule,  Bretagne,  Espagne.) 

Imp.  Caes.  M.  Val.  MAXliiNTIVS 

Auguslus. 
Pas  de  Césars. 


Orient. 


Augustes 


Imp.  Caes.   GALI£RIVS  Valerius 
Maximianus  Auguslus. 

Imp.  Caes.   Valerius  Licinianus 
LICIMVS  Auguslus. 

César  : 

Galerius    Valerius    MAXI.MINVS, 
Nobilissimus  Caesar. 


(1)  C'est  i  cette  époque  qu'il  reçut  le  nom  de  FIL  •  AVGG,  filius   Augustorum. 
Voy.  Lactance,  De  mort,  persec,  c.  32.  Cf.  Eckhel,  VIII,  p.  52-53. 

(2)  Eusèbe,  Chron.  ;  cf.  Idace. 


96  nF.Vl'E   AnC.HKOLOGlQUE. 

C'est  ^n  rommonromrnt  de  M08  que  Maximin  Daza  se  prorlann 
lui-nii^nic  Aii^'ii,>-lo  à  Antioclio  (1);  c'est  donr  CLMlainemonl  avant  le 
1"  janviiT  308  qui'  In  borne  île  Paris  reçut  riiiscriplioii  (jui  nous 
occupe. 

Est-ce  ant»''rieurenicnt  au  3!  mars  307  ?  C'est  impossible,  puisque, 
avant  cetie  date,  Constantin  ne  prit  officiellement  que  le  titre  de 
I\'ol>ili<sivm!^  C.nrsnr.  Or  nous  avons  vu  (ju'il  n'y  avait  qu'un  seul 
Nobilissimus  Cacsar  i\c  mentionné  sur  le  monument  et  que  ce  seul 
César  était  ilaximin  Daza;  c'est  donc  certainement  entre  le 
31  mars  307  cl  le  {"janvier  308  que  notre  inscription  a  été  gravée. 

Il  faut  remarquer  en  outre  (jue,  pendant  cette  année  307,  Maximin 
dut  être  reconnu  dans  tout  l'Kmpire  en  qualité  de  César,  car  il  était 
alors  cousul.  Les  Fastes  portent  en  effet,  pour  l'an  307  : 

<(  Imp.  Caes.  M.  Aurelius  Valerius  Maximianus  Aug.  VIIII. 
Galcrius  Valerius  Maxirainus  Nob.  Caes.  » 

Il  est  vrai  que  Constantin  figure  aussi  sur  les  Fastes  consulaires 
pour  celte  année,  mais  avec  le  litre  de  Nobilissimus  Cncsar  qu'il 
perdit  le  31  mars  ;  il  n'est  donc  pas  probable  que  son  consulat  se  soit 
prolongé  au-delà  de  cette  date  ;  il  est  certain,  en  tout  cas,  que 
Maximin  fut  consul  en  môme  temps  que  lui,  et  il  est  très  probable 
qu'il  conserva,  lui  du  moins,  les  faisceaux  toute  l'année. 

Pendant  cette  période  de  neuf  mois  comprise  entre  le  31  mars  307 
et  le  1"'  janvier  308,  quels  sont  les  deux  Augustes  dont  les  noms 
ont  dû  précéder  celui  de  Maximin  sur  la  borne  milliaire  de 
Paris. 

K"  Pour  Constantin,  il  y  figurait  certainement;  cela  est  hors  de 
doute  :  nous  sommes  en  Gaule,  et  il  était  reconnu  d'ailleurs  dans 
tout  l'Occident. 

2°  Quant  i\  Galcrius,  on  sait  qu'il  ne  voulut  pas  avouer  Constantin 
pour  Auguste  et  que  c'est  môme  en  partie  pour  cela  qu'il  donna  la 
pourpre  avec  ce  même  titre  àLicinius,  le  U  novembre  307,  La  lutte, 
qui  commencera  violemment  l'année  suivante,  s'annonce  déjà  par 
de  graves  désaccords,  qui  en  étaient  venus  même  à  l'étal  de  crise 
aiguë,  el  nous  pensons  que  les  noms  de  Galcrius,  martelés  sur  les 
monuments  publics  des  années  précédentes  en  Italie,  ont  dd  l'être 
dans  tout  l'Occident  à  partir  de  celte  époque  (2),  et  à  plus  forte  rai- 

(1)  Eusèbe,  Chron.;  I.aclaacc,  De  mortib.  }»'r.<)ec.,  cli.  xxix,  xxxii. 

(J)  Voyez,  entre  autres,    l'inscriptioa   suivanlo  d'uuo  borne  milliain'  d'Italie  : 


LA    BORNE   MILLIAIRK    DR   PARIS.  97 

son  croyons-nous  que  son  nom  dut  êlro  omis  sur  ceux  (jui  furent 
gravés  pendant  luaie  période.  Aucune  des  bornes  iriilli.iires  rele- 
vées jusqu'à  ce  jour  en  Gaule  pour  ces  trois  années  no  porle  son 
nom. 

3»  Licinius,  dont  l*élév;iiion  à  l'Kmpirc  ét.iil  i'(euvre  de  Galère 
et  a  le  caractère  d'une  protestation  contre  l'érection  de  Constantin 
au  titre  d'Auguste,  ne  pouvait  llj^iirer  sur  la  borne  de  Paris.  11  faut 
soni,'er  en  outre  (lue,  la  nomination  de  Licinius  a^ant  eu  lieu  le 
H  novembre,  nous  n'avonsquecinquante-trois  jours  entre  cette  date 
et  la  déclaration  de  Maximin  Daza  comme  Auguste,  et  ce  ilélai  sem- 
ble bien  court, vu  surtout  la  grande  dislance  qui  sépare  Carnuntumûa 
la  Gaule,  pour  que  cet  avènement  fùl  consacré  sur  les  monuments 
publics  de  ce  pays  avant  que  le  nouveau  titre  de  Maximin  y  fût 
connu.  Pour  ces  raisons,  Galerius  et  Licinius  nous  paraissent  avoir 
été  exclus  du  texte  de  notre  monument. 

4°  Maximien,  au  contraire,  qui  venait  de  donner  sa  lille  à  Cons- 
tantin et  qui  l'avait  salué  Auguste,  y  ligurail  certainement.  D'autres 
inscriptions  prouvent  même  que  son  nom  et  son  titre  d'Auguste  ont 
été  ajoutés  après  coup,  à  la  suite  même  de  ceux  des  Césars,  et  ils  n'ont 
dû  l'être  que  pendant  cette  courte  période(l).  La  seule  diflicullé  est 
desavoir  dans  quel  rang  il  figurait  sur  la  borne  de  Paris. 

5°  Pour  Maxence,  la  question  peut  présenter  quelque  doute.  Il 
n'était  pas  encore  en  dissentiment  déclaré  avec  son  père  ;  on  sait  que, 
dans  la  lutte  engagée  dès  la  (in  de  3U6  contre  Sévère,  et,  par  suite, 
contre  Galerius,  Maxence  avait  fait  cause  commune  avec  Maximien  : 
leurs  intérêts  étaient  communs  en  Italie  ;  mais,  son  nom  étant  omis 
sur  toutes  les  bornes  milliaires  de  la  Gaule  élevées  pendant  ces  trois 
années,nousne  voyons  aucun  motif  pour  l'admettre.  D'ailleurs,  puis- 
qu'il n'y  avait  vraisemblablement  que  deux  Augustes  mentionnés,  si 
notre  lecture  de  la  première  ligne  est  bonne,  il  ne  pouvait  certaine- 
ment pas  avoir  été  préféré  à  Maximien  et  à  Constantin. 

Ayant  procédé,  comme  on  vient  de  le  voir,  par  élimination,  sur  la 
liste  des  six  empereurs  qui  avaient  régné  en  307,  pendant  la  période 
de  neuf  mois  qui  s'étend  du  31  mars  au  l"'  janvier,  nous  en  avons 
retranché  les  deux  Augustes  d'Orient,  et,  des  trois  Augustes  d'Occi- 

DD  N\  DIOCLE  ||  TIANI  ET  MAXI  ||  MIAM  AVGG  ET  ||  [CONSTANTI  ET  GA  jj 
LERI  N[OBB]  Il  CAESS  M.  P.  III.  Mommseu,  Inscr.  regni  Neapol.,  a.  62881""   *^ 

(1)  Voy.  l'Appendice,  borne  milliaire  a°  li,  dans  la  seconde  partie  de  cette  ttude 
(prochain  numéro). 

xxxix.  7 


•J8  Rr.Vl'F   AnCHÉOLOGIQUF. 

(lent,  nous  avons  oxrlu  M.ixt'nrcelconsL'rvi'Cdnslanlin  ot  Mnximicn. 
On  ifiiianiuera  (jUi'  IV\clii»it>ii  lios  Augu^lfs  (ialeiias  cl  Liciniiis 
explique  d'aillours  assez  bien  la  mention  du  Cùsar  Maxiinin  sur  les 
bornes  niilliairos  de  la  Gaule,  car  il  était  seul  pour  y  rcprésonlor 
l'Orient. 

Maintenant  il  s'agit  de  déterminer  l'ordre  dans  lequel  devaient 
être  inscrits,  sur  la  borne  de  Paris,  les  deux  Augustes  d'Occident, 
Maximien  et  Constantin. 

Nous  croyons  que  le  premier  rang  appartenait  à  Maximien,  non 
pas  à  cause  de  la  priorité  de  son  titre,  car  1  abdication  de  l'an  30*j 
semble  lui  avoii  fait  perdic  les  drititstpie  celle  ancienneté  d(î  pos- 
session lui  auraient  assurés;  mais,  par  suite  de  sa  siUialion  vis-à'Vis 
de  son  gendre,  et  si  c'est  lui  en  elTet,  comme  le  rapportent  les  auteurs 
contemporains  (1),  qui  l'a  proclamé  Auguste,  il  paraîtra  naturel 
d'assigner  la  primauté  à  celui  qui  confère  le  titre  sur  celui  qui  le 
reçoit. 

Nous  croyons  donc  pouvoir  restituer  ainsi  la  première  partie  de 
l'inscription  (jui  devait  se  lire  sur  la  borne  milliaire  de  Paris  : 

[DD-  NN  •  M  ■  A  VU 

MAXIMIANO 

ET- FL • VAL 

CONSTANTINO] 

AVGG    ET 

DN   GAL- VAL 

MAXIMINO 

NOBIL  CAES 

etc. 

Il  est  utile  de  comparer  celle  restitution  avec  les  autres  bornes 
inilliaircs  de  la  Gaule  où  Maximin  Daza  est  qualifié  de  Nobilissimus 
Cuesar. 

Ce  sera  l'objet  d'un  travail  à  part,  qui  formera  l'appendice  de 
celte  élude. 

LUNE.ST    Dl.SJ.VRDlNS. 

{La  suite  prochainement.) 
(1;  Voy.  TUIcinoni,  !V,  p.  100,  cl  le  Panégyrique  auoDymc  cité  par  lui. 


LA 


MEDECINE   PUBLTOUE 


DANS 


L'ANTIQUITÉ  GRECQUE 


INTRODUCTION 


L'hisloire  médicale  de  l'anliquilô,  tant  grecque  que  romaine,  a 
été,  au  point  de  vue  doctrinaire,  étudiée  et  approfondie  depuis  si 
longtemps  et  par  des  auteurs  si  nombreux  et'si  compétents,  que  l'on 
peut  considérer  le  domaine  de  la  médecine  antique  «  proprement 
dite  »  comme  alisolument  exploré. 

Au  contraire,  l'histoire  de  la  médecine  au  point  de  vue  «  profes- 
sionnel »  (et  particulièrement  l'histoire  de  la  médecine  publique 
dans  l'antiquité)  est  encore  en  grande  partie  l'œuvre  de  l'avenir. 

Cependant,  dans  ces  dernières  années,  un  savant  médecin,  M.  le 
docteur  Briau,  étudiant  au  point  de  vue  professionnel  la  médecine 
dans  l'anliiiuité  romaine  (1),  essayait  de  combler,  avec  un  incontes- 
table talent,  la  regrettable  lacune  que  nous  signalons. 

Nous  disons  «  essayait  de  combler»  :  c'est  qu'en  elTet,  si  le  savant 
auteur,  dans  son  ouvrage  sur  l'Assistance  médicale  chez  les  Ro- 
mains, a  été  à  peu  près  complet,  étant  donnés  les  résultats  actuels 
des  recherches  épigraphiques,  il  a  été  moins  heureux  dans  son  mé- 


(1)  Br'iza,  Du  service  de  sanlé  mililaire  citez  les  Romains,  Paris,  18GG,  iu-S.  — 
1(1. ,  l'Assistance  médicale  cliez  les  Uoi/inin^-,  Paris,.  1SG9,  in-8.  On  pourra  consulter 
aussi,  du  môme  auteur,  l'étude  sur  le  Cercle  des  médecins  à  Rome,  commuuiqucc 
à  l'Académie  des  Inscriptions,  2  uars  1877. 


100  nEVLK    Anr.lIKOLOGIQUK. 

moire  sur  le  Service  (lésante  militaire  chez  les  Romains.  Ou  voit  bicMi, 
par  le  rccui'il  .soiifn«'iisem«'iit  classé  di's  iiisi-ri|)lions  collig«'i's  dans  ce 
uu^inoiro,  qu'il  oxislail  rlic/.  les  Hoinains  des  médeiins  d'année  cl 
des  niéilecins  de  llniii',  —  et*  ijne  d'ailleurs,  à  peu  de  clio?c  près,  on 
savait  depuis  ionj^leinps  déjà  ;  —  mais  la  parlie  issenliellc  dans 
lout  ouvrage  d'iiisloire,  la  parlie  crili(iue,  f.iil  par  malliour  absolu- 
ment tléfaul  :  nous  ne  voyons  pas  (juelles  étaient  les  fonctions  de 
ces  médecins  militaires,  cl  ecpendanl  ipie  d'intéressantes  recherches 
étaient  à  faire  sur  ce  sujet,  que  de  faits  ignorés  à  présenter  au  lec- 
teur, tels,  par  exem|ile,  (jue  le  nMe  du  médecin  chargé  de  praliiiuer 
une  saignée  disciplinaire  aux  soldats  insubordonnés  (l)!  Un  ne  nous 
dit  pas  quelle  était  la  condition  sociale  de  ces  médecins,  s'ils  étaient 
libres,  alTranchisou  esclaves,  et  pourtant  ipie  de  docuinenis  auraient 
éclairé  cette  importante  question  !  Un  ne  nous  dit  pas  de  (jui  ils  dé- 
pendaient au  point  de  vue  de  la  discipline,  s'ils  étaient  salariés  et 
quel  était  leur  salaire,  s'ils  avaient  (\c:>  privilèges  et  ipiciles  étaient 
leurs  obligations;  et,  ici  encore,  (juc  de  textes  (i)  étaient  à  rassem- 
bler et  à  commenter  concernant  ces  dilTérents  points  !  Un  ne  parle 
pas  davantage  de  ces  précieux  auxiliaires  des  médecins  de  troupes, 
de  ces  médecins-oculistes  qui  suivaient  les  stations  mililaires  ro- 
maines de  la  Gaule,  de  la  Germanie,  du  Belgiuu)  et  tie  la  Bretagne, 
prêts  i\  soigner  les  redoutables  ophtalmies  des  armées,  oculistes  dont 
les  curieux  cachets,  arrivés  jusqu'il  nous,  ont  été  si  magistralement 
étudiés  par  feu  Siebel. 

Malgré  C(\s  imperfections,  il  faut  ceiiendaiit  convenir  (|ue  les  deux 
ouvrages  dont  nous  pailons  ont  beaucoup  coiiliibué  à  éclairer  l'his- 
toire de  la  profession  médicale  chez  les  Romains. 

Dans  l'antiijuité  grecque,  au  contraire,  la  médecine,  au  point  de 
vue  professionnel,  a  été  bien  moins  étudiée  encoie  :  la  médecine 
d'armée,  cependant,  grâce  aux  travaux  des  Kiihn,  desZimmermann, 
des  Malgaigne,  des  Daremberg,  etc.,  a  été  explorée  d'une  manière 
satisfaisante;  mais  au  point  de  vue  «civil»,  aucun  travail  d'en- 
semble n'a  été  fait  justju'à  présent,  et,  par  suite,  l'histoire  de  la 
médecine  publiijue  dans  l'antiiiuité  grecijue  a  été,  faute  sans  doute 
de  documents  précis,  singulièrement  laissée  dans  l'ombre.  Grâce 


(1)  Aulu-Gcllc,  liv.  X,  cliap.  xiii,  et  Montcsfiuicti,  Gr.  et  clcr.  r/e.v  Hom.,  cliap.  il. 

(2;  Sur  ce»  questions,  voy.:  Vegot.,  De  re  tntlit.,  \ih.  Il,  c.ip.  x  ;  II.  Vopisciis,  in 
divo  Aureliano  ;  la  Icilre  d'Anloiiiii  in  CoiL,  île  l'rofets.  et  tnnlic,  lit.  52;  on  (li$- 
culcralt  aussi  avec  inlérCil  CW.,  lib.  XII,  30,  Icg.  0;  I)i;/e>t.,  lib.  IV,  lit.  VI, 
leg.  33  ;  etc.,  de. 


L.\  mkhrcinf:  punLioni''  hans  l'antiol'iti':  f;nKCQUE.        101 

aux  recherches  de  nos  plus  savants  tpigraphisles,  celle  omhre  com- 
mence, h  se  dissiper  ;  \c.  temps  est  venu  de  faire  la  lumic^re  dans  ce 
ch.ipiiro  trop  longlenips  obscur  dans  l'histoire  de  la  nW^lecine,  et 
c'est  pour(|uoi,  désireux  de  mettre  de  leur  véritable  jour  les  cu- 
rieux détails  d'une  orf^anisation  tout  à  l'iionneur  de  notre  profes- 
sion, nous  avons  voulu  eiilreprendre  l'histoire  de  la  médecine  pu- 
blique chez  les  Grecs,  c'est-à-dire,  et  nous  insistons  sur  ce  point, 
une  histoire  de  la  médecine  grccr|uc  considérée  comme  constituant 
une  des  branches  des  services  publics  :  ce  sujet  est  à  peu  prés  iné- 
dil(l). 

Une  autre  raison  nous  a  détermjné  à  accomplir  ce  travail  :  si  l'on 
sait  jusqu'ici,  faute  de  recherches,  peu  de  chose  sur  l'organisation 
de  la  médecine  dans  les  cités  grec(|ues,  il  est  pénible  de  voir  que  ce 
que  l'on  sait  contient  de  graves  erreurs.  Ainsi,  p;ir  exemple,  à  la 
page  82  de  son  mémoire  déjà  cité  sur  la  médecine  militaire  chez  les 
Romains,  ÎM.  l}iiau,  à  propos  d'une  inscription  latine  (sur  laquelle 
nous  reviendrons  d'ailleurs)  mentionnant  un  méJccin  comme  «  sa- 
larié »  par  une  cité,  nous  dit  que  «  c'est  là  un  nouvel  exemple  de 
ces  médecins  que  les  villes  do  ranticpiité,  les  villes  grecques  en  par- 
ticulier, s'appropri;iient,  et  auxquels  elles  allouaient  des  traitements 
«  en  récompense  »  des  services  qu'elles  en  recevaient.  »  Eh  bien  ! 
celte  assertion  conlieni  une  grave  erreur  :  non,  les  cilés  de  la  Grèce 
n'allouaient  pas  de  li'ailenicnts  à  leurs  médecins  «  en  récompense  » 
des  services  reçus  ;  elles  les  salariaient  purement  et  simplement  en 
leur  qualité  do  fonclionnaiies,  mais  savaient,  comme  nous  le  voirons, 
créer  pour  leur  dovouomonl  exceptionnel  des  récompenses  spéciales, 
autrement  nobles  que  des  récompenses  pécuniaires.  Ainsi  encore, 
31.  Foucart  {'2)  prélend  que  certains  médecins  publics,  peu  scrupu- 
leux et  pou  zélés,  ne  craignaient  pas  d'envoyer  leurs  esclaves  visiter, 
à  leur  place,  les  malades  pauvres  ou  trop  éloignés  ;  celle  assertion 
encore,  et  nous  le  montrerons,  est  inexacte. 

De  telles  erreurs,  et  d'autres  encore,  dans  un  sujet  si  peu  connu 
et  si  important  à  élucider,  ne  peuvent,  en  vérité,  plus  longtemps 
subsister. 

Une  aulre  raison  enfin,  —  celle-ci  plus  importante  encore  que 
celle-là,  —  nous  a  sollicité. 


(1)  Nous  ne  connaissons  d'important  sur  ce  sujet  que  le  savant  article  publié  par 
M.  Wesclier  à  propos  de  l'inscriptioa  de  Carpatbos,  et  une  note  intéressante  de 
M.  Perrot  sur  les  Archiâtres. 

(2)  Mémoire  sur  les  ruines  et  l'histoire  de  Delphes. 


!02  IIIYIK    Anr.MÉOLOniQUE. 

Hnppolnnl,  «lans  son  nuvrapo  sur  l'Assistance  ni^dicnlc  (lie/  les 
Hninnins.  et  d'aiHrs  le  rcoici!  ili»  Griller,  imc  insrriplioii  clnvliciinc 
dans  laquelle  un  ccitiiin  Dcfiis,  ninlcciri  romain,  csl  lon^,  à  juste 
litre,  pour  avoir  tout  offert  praluitement  aii\  malades,  obtulit  œgro- 
tis....  omnid  i/ratifi,  M.  nri.iii  sV'cric  «  (]u'()n  ne  trouve  nlisoiumenl 
rien  (jui  ressemble  à  ce  lU'sinléresseinenl,  niômc  de  loin,  dans  les 
documents  de  source  païenne  »,  et  il  ajoute  qu'  <(on  peut  appréricr 
mainlen.nnt  comhien  le  proi^n^'s  des  mceurs  a  (^li;  jrrand  et  quelle  ré- 
novalion  sociale  a  dil  avoir  lieu  pour  arriver  eiilln  à  cette  assistance 
médicale  active  et  efficace  qui  se  traduit  par  la  création  des  hôpitaux 
et  par  la  pratique  de  la  médecine  praluilo.  n  nuchpies  papes  avant 
encore,  le  même  auteur  nous  avait  dit:  <(  Pour  toutes  les  sociétés 
antiques,  quel  que  filt  leur  degré  de  civilisation,  l'indipeut  éinil  un 
ennemi  intérieui'  comme  l'éiraiiger  était  un  ennemi  extérieur.  » 

Eh  Iden  !  que  le  savant  auteur  me  permette  de  le  lui  dire  sans 
ambagts  :  il  a  calomnié  la  société  grecque  tout  entière  !  Si  M.  Hriui 
avait  commencé,  —  ce  qui  étaii  au  moins  naturel,  chronologiiiuc- 
ment  et  logi(iuemenl  parlant,  et  ce  (ju'il  n'a  pas  fait,  —  par  étudier 
l'organisation  médicale  grecque  avant  d'étudier  l'organisation  mé- 
dicale chez  les  Romains,  il  n'aurait  pas  inscrit  dans  un  livre  qui,  en 
définitive,  fait  autorité  dans  nos  chaires  d'histoire  médicale,  cette 
injustifiable  calomnie. 

Non,  et  nous  le  prouverons,  il  n'est  pas  exact  (ju'en  firèce,  du 
moins (1),  le  pauvre  et  l'étranger  fussent  considérés  comme  des  en- 
nemis de  la  société  et  traités  comme  tels;  non,  il  n'est  pas  exact 
que  ce  soit  le  christianisme,  malgré  tout  le  bien  (ju'il  a  fait  et  qu'on 
ne  saurait  méionnaîlre,  qui  le  premier  a  fondé  l'assistance  publi- 
que médicale  !  Cette  assistance  existait,  nous  le  montrerons,  parfai- 
tement organisée  dans  le  vieux  monde  grec,  et  si  elle  a  disparu  ou, 
pour  mieux  dire,  si  elle  aéto  négligée  dans  le  monde  qui  avaitUomc 
pour  capitale,  c'est  (jue  le  peuple  romain,  monstrueusement  cor- 
rompu dans  les  derniers  temps  de  la  république  et  sous  la  domina- 
tion impériale,  maître  du  monde  entier,  gorgé  de  richesses,  enivré 
de  gloire,  conséquemment  rebelle  aux  sentiments  d'humanité  et  de 
charité,  n'a  su  choisir,  dans  les  dépouilles  des  Cirées,  (jue  les  insti- 
tutions (pji  nattaient  ses  ajjpétits.  Si  l'on  veut,  sans  parti  jirisde  dé- 
nigrement, rendre  aux  Grecs  ce  ijui  .ipi);irtieiil  aux  (îrecs  et  au 
christianisun;  ce  qui  appartient  au  christianisme,  nous  montrerons 


(1)  Lci  Romains  seuls  out  conbidûré  IVtraogcr  coauno  uu  cnocmi  :  hâtr,  hos- 
Ut. 


LA   MF.nRCINK   l'UnLlQUR   DANS   L'aNTIQDITI';   r.l\RCQVE.  lO.'î 

et  l'on  verr;i  t\[u\  le  cliristinnisme  n'a  fait,  soit  en  ("îtalilissant  la  gra- 
tuité (les  secours  iikhIIciux,  soit  en  inslall.inl  des  li<^j)ilaii\,  qiK!  ra- 
masser, dans  la  houe  romaine  où  elles  étaient  restées  déilain'nées 
les  nobles  et  impérissables  institutions  qui  existaient,  bien  avant  le 
Christ,  dans  ehnrune  des  cités  de  |,i  Orrcc, 

Voilà  la  vérité  !  et  c'est  pour  lui  rendre  hommage  que  nous  avons 
résolu  d'écrire  ce  mémoire. 

Notre  œuvre  est  une  œuvre  personnelle,  que  nous  livrons  avec 
conliance  à  l'examen  de  la  critique.  Sans  doute,  comme  dans  toute 
œuvre  d'histoire  ancienne  qui  repose  sur  des  documents  forcément 
insuflisants,  on  trouve  dans  ce  mémoire  une  partie  conjecturale  ; 
mais,  bien  (ju'elle  s'appuie  toujours  sur  des  interprétations  légitimes 
ou  des  inductions  rationnelles,  nous  nous  sommes  elTorcé  de  lui  ré- 
server la  idus  petite  place  possible.  Soucieux,  avant  tout,  de  n'a- 
vancer aucun  point  important  qui  ne  pût  être  prouvé  ou  fortement 
appuyé  par  des  documents  positifs,  nous  avons  recherché  et  re- 
cueilli une  très  grande  (luanlité  de  textes;  nous  nous  sommes  borné 
le  plus  souvent  à  citer  l'auteur  ;  mais,  quand  les  documents  se  sont 
montrés  d'une  importance  exceptionnelle,  nous  avons  tenu  à  les 
rapporter  textuellement.  Nous  avons  la  certitude  que  nos  efforts  se- 
ront appréciés  du  public  médical,  car  nous  sommes  heureusement 
loin  de  cette  époijue  (1743)  où  un  illustre  maître  en  chirurgie,  Mo- 
rand, se  croyait  obligé  de  publier,  h  la  honte  du  public  médical  de 
son  temps,  un  opuscule  qu'il  intitulait  :  «  Discours  dans  lequel  on 
prouve  (|u'il  est  nécessaire  au  chirurgien  d'estre  lettré,  n 

Dans  ce  présent  mémoire,  nous  nous  bornerons  à  étudier  chez  les 
Gt'ccs  la  médecine  publique  dans  l'ordre  civil.  " 


Dés  la  plus  haute  antiquité,  les  médecins  ont  considéré  comme  un 
devoir  professionnel  de  donner  aux  pauvres  leurs  soins  gratuits  : 
c'est  dire  que  les  médecins  grecs  n'ont  pas  failli  à  cette  obligation. 
Si  llippocrate,  —  et  M.  Briau  le  lui  reproche  amèrement  (i),  —  n'a 
pas  mentionné  dans  le  Serment  cette  nécessité  morale  pour  le  méde- 
cin de  dispenser  gratuitement  ses  secours  aux  indigents,  il  ne  fuit 

(1)  Briau,  l'Assistance  médicale  chez  les  Romains,  p.  101. 


10-i  REVUF.    ARCIIÉOLOGIOUK. 

voir  I.i  qu'uno  omis.'iion  ;  cnr.  dans  le  livre  des  Préceptes  {\)^  voici 
ce  <iue  (lil  expressément  le  Tére  de  la  médecine  : 

((  Je  recommande  de  ne  pas  pousser  trop  loin  l'âprelé.  et  d'avoir 
égard  à  la  ft)rluiie  el  aux  ressources;  parfois  même  vous  (Intinercz 
des  soins  graluilemenl  (zfoTxot)....  S'il  y  a  lieu  de  secourir  un  homme 
étranger  el  pauvre,  c'est  sui  tout  le  cas  d'intervenir  ;  car  1;\  où  e?l 
Tamour  des  hommes  {oO.Wt:MrÂr\)  est  aussi  l'amour  de  l'art.  » 

Dans  toute  l'anliquilé  preciiue  on  retrouve  la  preuve  ipie  ces  nobles 
préceptes  ont  été  constamment  et  rigoureusement  observés  ;  et  jus- 
(ju'à  la  fin  du  w"  siècle  après  J.-C.  dans  lesduivres  de  Lii)nnius  (2), 
le  dernier  défenseur  du  pa.^anisme  e\pir;inl,  il  est  f.iit  mention  de 
CCS  nombreux  médecins  qui,  bien  loin  a  de  se  faire  payer  leurs 
soins,  vcnnieni,  de  leurs  deniers,  au  secours  de  l'indigence.  » 

Si  donc  la  nécessité  de  fournir  les  secours  médicaux  h  tous,  en 
tenant  compte  des  ressources  de  chacun,  s'était  imposée  à  l'esprit 
des  hommes  (jui  ont  pour  mission  de  soigner  les  plaies  du  corps,  on 
pense  bien  (lu'ellc  dut  solliciler  également  l'attention  des  législa- 
teurs, qui  ont  pour  tâche  de  guérir  les  plaies  des  sociétés  ;  ceux-ci, 
en  outre,  comprenant  qu'il  ne  fallait  pas  laisser  à  l'initiative  indivi- 
duelle le  soin  de  pourvoii  à  un  besoin  social,  el  habiles  à  mettre  en 
œuvre  tout  ce  qui  pouvait  contribuer  au  bien  du  peuple  qu'ils  s'é- 
taient donné  la  mission  de  régir,  songèrent  à  utiliser,  dans  rintérôt 
général,  le  bon  vouloir  des  médecins,  et  créèrent  des  dispositions 
législatives  destinées  à  assurer  le  service  de  la  médecine  publique. 

Suivant  Diodore  de  Sicile  (3)  c'est  Charondas  qui,  le  premier,  à 
Thurium,  promulgua  une  loi  d'après  la(iuelle  les  malades  seraient 
désormais  soignés  «  aux  frais  publics  »  : 

or,[xoau;)  aicOô)  (j(/  est  publica  morccde)  toÙ;  voaouvTaî  TÔiv  ISiwtwv 

Ozo  i«Tpwv  ôepa'KtûeaOai 

Sans  douti',  biodoie,  qui  écrivait  au  temps  de  César  et  d'Auguste, 
a  commis  ici  une  erreur  en  désignant  la  ville  de  Thurium,  en  Lu- 
canie,  comme  la  cilé  dans  laquelle  Charondas  a  promulgué  colle  loi, 
par  la  raison  que  Charondas  vivail  plus  d'un  siècle  avant  la  funda- 
iion  de  Thurium  (413  ou  444  av.  J.-C).  Mais,  quccc  soil  à  Thurium 


(1)  Hipp.,  <!-d.  I.ifiri'-,  t.  1\,  Préceptes,  %  6. 

':)  Libaoius,  Prœl.  oral.,  clc,  Mord  Inlorp.,  PaU^  ICOO,  iii  fol.,  t.  1,52  et  52  p. 
{.  onim.  loc.  /.ït'  laTpo'j  çaç,ii.a*C(jj;). 
i^)  Diod.  Sic,  lib.  XII.  cap.  mii,  S  û- 


LA   MKDKCINr;   PUBMQIIK   DANS   l'ANTIQLITK   GRECQUR.  105 

OU  dans  toute  autre  cité  (Calaiic  '  HtiO},Mum?)  de  Sicile  ou  de  Crande 
Grùce  que  eette  loi  ait  été  promulguée,  il  nous  paraît  indubitable 
qu'elle  l'a  été  par  Charondas,  que  l'on  s'accorde  généralement  à 
faire  vivre  vers  lîOO  avant  J.-C,  ce  (|iii  fait  reuionlcr  très  haut,  on 
le  voit,  riu.^lilulion  de  la  médecine  pul)li(iue. 

On  comprend  avec  quel  empressement  cette  institution  dut  être 
accueillie,  si  l'on  songe  au  triste  spectacle  que  devaient  iirésenlcr 
les  malades  pauvres  des  eités,  exposant  sur  les  places  publiiiues  ou 
dans  les  carrefours  leurs  maux  et  leurs  plaies  (1),  ou  bien,  entassés 
dans  les  temples,  demandant  à  la  fourberie  des  promesses  fallacieuses 
de  guérison  et  des  remèdes  dérisoires  (2)  ;  et  c'est  pour<iuoi,  dési- 
reuses d'obéir  aux  prescriptions  d'une  loi  (jui  répondait  à  un  besoin 
si  urgent,  les  cités  grecques  se  pourvurent  chacune  d'un  médecin 
qui  prit  le  nom  de  mcdecin  publie,  le  choix  de  ce  médecin,  comme 
nous  l'apprend  le  passage  suivant  de  Xénophon  (3),  étant  d'ailleurs 
laissé  à  la  libre  et  entière  disposition  de  la  cité.  Voici  ce  passage, 
dans  lequel  on  remarquera  que  Cyrus  parle  du  service  de  santé  dans 
les  villes  grecques  comme  d'une  institution  sinon  assez  récente,  du 
moins  assez  importante  pour  attirer  l'attention  et  défrayer  les  con- 
versations: 

àxouwv  xai  opwv  Hxi....   TtoXei;  aï  ypv^J^ouffai  uyiaîvEiv  larcoy;  aipouv- 


xai. 


«  Entendant  dire  et  voyant  que  ....  les  cités  (grecques)  qui 

veulent  être  en  bonne  santé  se  choisissent  des  médecins....  » 

Si  la  ville  avait  effectivement  le  droit  de  choisir  son  médecin 
public,  ce  choix  suppose  nécessairement  qu'il  se  présentait  un  cer- 
tain nombre  de  candidats  à  cet  emploi,  et  le  passage  suivant  de 
Xénophon  (4),  passage  où  Socrate  se  montre  si  linement  satirique, 
nous  prouve  qu'en  effet  les  candidats  étaient  nombreux,  et  pronon- 
çaient, pour  soutenir  leur  candidature,  ces  discours  qu'on  appelle 
de  nos  jours  des  «professions  de  foi  »  et  dont  voici  un  spécimen 
plein  d'ironie  : 

(1)  Strabon,  Geogr.,  lib.  III  et  lib.  XVI  ;  Plutarque,  dans  son  opuscule  :  S'U  est 
vrai  qu'il  faille  mener  une  vie  cachée,  cliap.  ii,  etc. 

(2)  A.  Gauthier,  Recherches  hist.  sur  l'exerc.  de  la  méd.  dans  les  temples^  etc., 
Paris,  1844. 

(3)  Xen.,  Cyrop.,  lib.  I,  cap.  ti,  §15-16. 
(/()  Xen. ,  Mcmorab.y  lib.  IV,  cap.  u,  §  5. 


i06  REVUE   AnCHÉOLOGIOUE. 

v,„x.  — 'Afuofftu  2'   otv   ouTio  T:fooi[AiâCe'0«*   x»^  toT;    pou)vO|i,é- 

voi;  itap^  TT,;  •Jio'Xew;  iaxpixôv  tfY°^  XaGeïv.  'Kutniôei'iv  y'  «v  aÙToT;  eïr)  toù 
Xô^ou  ap/tffOai  tvTîOOcv  •  Hap'  oùSevô;  |jlJv  TtiôiTOTe,  o  àvSpïi;  'AOT,vaïot,  r>iv 
îaToix-);v  Tr/vr,v  taaOov,  o05'  èJ^TiTTiTa  oiûâarxaXov  £[Aai»Tâ)  YEvtdOai  xôtv  larpôiv 
oùSt'va  •  ^laTETî/.îxa  «^ip  ^uXarroiJUvo;  où  (aovov  tô  uaOttv  ti  Tiapa  tcdv  îaTfov, 
àXXi  xai  tÔ  ûd;ai  ijL£|jLaOT,xÉvai  tV  f £/vT,v  TaÛTT,v.  "Ojjito;  0£  uoi  to  îaxpixbv 
Epyov  ooTE  ■  T,nçii:o\i'x\  yhip  èv  &|jlTv  à7roxiv5uv£Ûo)v  (jLavOotV£iv. 

Que  l'on  l'Oul  liatluiro  : 

«  Socratc.  — Vu  cxniJo  sniililable  conviendrait  également  à 

ceux  (jui  (loinaivient  ;i  la  citô  do  les  investir  dos  fonctions  dt;  méde- 
cin public  ;  car  ils  ont  l'Iialiiliule  i]c  coninionccr  ainsi  loiir  discours  : 
«  Certes,  ô  Alhénions,  je  n'ai  jamais  appris  l'art  médical  et  n'ai  ja- 
«  mais  reclu  rclio  un  iiK'docin  pour  nio  servir  de  maître  ;  ma  grande 
((  préoccupation  a  toujours  été,  en  oHet,  non  seulement  do  ne  rien 
a  apprendre  des  métiecins,  mais  môme  de  ne  pas  paraître  avoir 
«  appris  l'art  :  accordoz-moi  cependant  l'emploi  de  médecin  public 
((  que  je  sollicite  ;  c'est  à  vos  risques  et  périls  que  je  m'elïorcerai  de 
<i  faire  mon  éducation  médicale.  » 

Après  avoir  entendu  les  discours,  la  cité,  c'est-à-ilirc  l'assemblée 
du  peuple,  procédait  à  l'élection,  comme  le  témoigne  le  passage  sui- 
vant de  Platon  (I),  passage  qui  confirme  d'ailleurs  le  précédent  : 

—ojx,  —  ....  orav -£ç.i  tarpwv  aipÉffeo);  t)  t9î  toXei  (HjXXo^oç  y)  XEpi  vau- 
xTjYwv  r,  TESi  aÀ/.ou  rivo;  orf<n'-jK)Z'(iy.'jZ  sOvou;,  aXXo  ti  73  toO'  Ô  ^r,Topixo;  ou 
(Tua6o'jX£'JT£t  ;  ûr.Xov  yàp,  ûTi  £V  éxacTT)  aVpEcet  xbv  TEyvixonaTOV  StT  alpeTa- 
Oai » 

a  Socrate.  — Quand  il  s'agira  de  l'élection  des  médecins  ou 

des  armateurs,  ou  do  toute  autre  industrie  publique,  est-ce  (juo  par 
hasard  il  ne  faudra  pas  alors  s'en  rapporter  à  l'orateur?  Il  est  clair 
en  effet  (jue,  dans  ces  sortes  d'élections,  c'est  le  plus  li;d)ile  (jui  doit 
être  élu  ....  » 

Toi  était  donc  le  mode  employé  le  plus  liabiluellcment  pour  pro- 
céder à  la  noniiiialion  du  médecin  publie. 

Cependant  il  y  a  heu  de  cioiro  que  ce  nuxle  électif  n'était  p.is 
toujours  pratiqué  ;  il  est  certain,  eu  oITot,  (jue  lors(ju'un  médecin 

(l.  rial.,  Goffjias,  CRp.  X,  §  645  etieq. 


LA    MKHRCINE   PUDMOUK    DANS    r/ANTIQUITK   r.nnCQUK.  107 

périodcute  {\)  sï-lait  fait  une  ,i,M-antlc  rôpulalion,  les  cil6s  riches, 
ch'-siroiises  (le  h;  posséder,  s'cU'orraicnt  à  rcnvi,  par  V()l]'n\  d'un  trai- 
tement élevé,  (le  l'attirer,  à  elles  :  c'est  ainsi  (|ue  Déiiiocède  (né  vers 
500  av.  J.-C),  'jiii  est  le  plus  ancien  niùdecin  public  (mais  non  pas 
le  premier  sans  doute)  dont  riiisloirc  fasse  mention,  et  dont  les  cu- 
rieuses aven  turcs  nous  ont  été  conservées  [)ar  Hérodote  (2),  alla,  attiré 
par  l'otTre  de  rémunérations  pécuniaires  élevées,  successivement 
exercer  les  fonctions  de  médecin  public  d'abord  ;i  Eginc  pendant  un 
an,  puis  à  Athènes  également  pendant  un  an,  pour  revenir,  aptes 
avoir  été  réduit  en  servitude  et  avoir  guéri  le  pied  de  Darius,  se 
fixer  définilivemcnt  à  Crolonc,  sa  ville  natale.  Mais  ce  sont  lii,  on 
le  comprend,  des  faits  tout  à  fait  exceptionnels. 

Une  fois  élu,  le  médecin,  jusqu'alors  simple  larpoç,  prenait  le  nom 
particulier  de  larpoç  o-/i;.».oGteucov  ou  simplement  or,aoct£'jo)v,  expression 
qui  indi(|ue  qu'il  était  désormais  investi  de  fonctions  publiques. 

On  trouve  ce  mot  dans  les  Acharniens  d'Aristophane  (3j  :  le 
paysan  Lamachus  demamie  i\  Dicéopolis  de  le  guérir  d'une  maladie 
d'yeux,  et  Dicéopolis  lui  répond  : 

AXX',  w  7rov)^c',  oô  Ôr)[ji.05t£uojv  Tuy^avo). 
aXXà  xXôcs  TTpoç  Toùç  IliTTaXou. 

«  Mais,  misérable,  je  ne  suis  pas  médecin  public; 
adresse-toi  aux  disciples  de  Pittalus.  » 

Remarquons  ici,  en  passant,  que  Pittalus,  qui  désigne  dans  la 
pièce  le  médecin  public,  est  évidemment  un  pseudonyme.  Nous  ne 
sommes  pas  éloigné  de  croire  qu'à  l'époque  oîi  Aristophane  écrivait, 
le  médecin  public  d'Athènes  s'appelait  en  réalité  Attalus,  nom  que 
l'on  retrouve  porté  par  des  médecins  dans  plusieurs  inscriptions 
grecques  (4);  Aristophane,  qui  riait  de  tout  et  de  tous,  désignait 
ainsi,  sous  un  pseudonyme  transparent,  cet  Altaleà  la  moquerie  des 
spectateurs  (5). 


(1)  L'histoire  des  périodeutes  serait  curieuse  à  faire.  On  en  retrouve  en  France 
jusqu'à  la  fin  du  xyii"^  siècle  :  Octaviaude  Ville,  Collot,  Covillard,  etc.,  étaient  pério- 
deutes. 

(2)  Herod.,  lib.  III,  cap.  cxxv-cxxxi. 

(3)  Aristoph.,  Acharn.^y.  1030  et  v.  1032. 

(û)  Le  Bas,  Voy.  urchM.,  part.  V,  Asie  Mineure,  inscr.  101  (Ephèse);  inscr.  1C93 
(Héracléc),  etc.,  et  les  médailles. 

(5)  Voir  encore  Aristoph.,  Acharn.^  v.  1222,  et  Vcsp.,  v.  1/|32.  Notre  conjecture 
sur  Pittalus  n'a  rien  qui  doive  surprendre;  elle  est  fondée  sur  les  habitudes  de  l'au- 


408  nRVlK    ARCUKOLOGIQUK. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Suiilas  (1),  on  ilt-linissanl,  d'apriVs  lo  Scholiaste 
irArislopliane,  le  terme  cT,;A07i£jt.)v,  nous  iiuli(iiie  iielttMiu'nl  la  ua- 
liiiv  (les  fonctions  du  médecin  juildie  :  le  cr^-uocivJM^ ,  ilil-il,  c'est  le 
médecin  nomnu'*  à  rélection,  «  ijui  soigne  les  mnlades  vn/fin/e/xc/jf  » 
(z;o"xa).  On  remarquera  (|ue  Suidas  ne  menlionnc  aucune  classe 
pnrliculiére  de  malades  soi^'nés  et  entend  expressément  dire  «  tous 
les  malades  »,  de  condition  libre  bien  entendu. 

Maintenant,  ilonnons  sur  la  j,M-aluité  de  ces  soins  (juehiucs  expli- 
cations. 

Ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  les  citoyens,  dans  toute  ville 
grecque,  s'associaient  et  s'imposaient  (2)  pour  fournir  un  traitement 
fixe  au  médecin  qu'ils  avaient  élu  ;  or,  c'est  précisément  en  échanj^e 
de  ce  traitement  (jue  le  médecin  dit  public  devait  ses  soins  gratuits 
à  tous  les  citoyens.  La  cité  obtenait  donc,  pai-  le  moyen  de  ce  con- 
trat, librement  consenti,  un  double  avantage  :  d'abord  elle  possé- 
dait à  demeure  un  médecin  dûment  choisi,  ensuite  elle  assurait  à 
tous  des  secours  médicaux  gratuits,  et  cela  à  peu  de  frais,  car  il  est 
positif  que  les  secours  médicaux,  comme  tous  les  secours,  sont 
moins  onéreux  à  des  individus  associés  qu'à  des  individus  isoles. 

On  pense  bien  que  ceux  (lui  devaient  surtout  luoliter  ûcs,  bien- 
faits de  celte  association  étaient  les  citoyens  peu  aisés  et  les  indi- 
gents ;  ce  sont  eux,  en  elTet,  qui  dans  toute  ville  forment  la  grande 
majorité  des  citoyens,  et  ce  sont  eux  qui  ont  le  plus  besoin  de  la  gra- 
tuité des  secours  de  l'art.  L'espril  (jui  préside  à  toute  association  se 
retrouve  donc  nécessairement  ici,  à  savoir,  oblenir  pour  les  moins 
aisés,  à  l'aide  de  la  solidarité  (prescrite  ici  par  la  loi),  les  secours 
indispensables  auxquels,  en  restant  isolés,  il  leur  Huidrait  absolu- 
ment renoncer. 


tcur,  et  Aristoptiano  sVst  servi  môme  pour  lui-mi'^nie  du  voilo  du  pseudonyme.  Cîia- 
cunsnit,  en  effet,  que  lu  grand  comi(iui'  no  fit  pas  reprtîscnler  sous  son  propre  nom 
BC8  preaiières  pièces  ;  par  exemple,  la  comédie  des  Aduimiens,  dont  nous  parlons, 
fut  représentée  l'an  425  av.  J.-C,  non  pas  sous  le  nom  dAristopliane,  mais  bien 
certainement  sous  celui  de  Callistrate;  mais  Aristophane  a  grand  soin  de  s'y  dési- 
gner, par  les  allusions  les  plu3  transparentes,  comme  le  véritable  auteur  de  la 
pièce. 
(!)    Suidas,    Lexi'-..,    s.    v.    ôr.ixo^uOw,   d'après  Scito!.    in    Arùfo:,/t.    Arharn., 

T.  1030. 

(2)  Les  Grecs  n'ont  jamais  liésité  à  donner  leur  argent  pour  assurer  h  leurs  ma- 
lades les  secours  médicaux  ;  ainsi,  par  exemple,  Xénoplion  (Anah.y  lib.  V,  cap.  v, 
^  k  seq.).  nous  dit  que  les  Grecs,  dans  leur  lutte  contre  les  Perses,  entrèrent,  sans 
exercer  de  violences  cl  en  payant,  dans  la  ville  de  Coîyora,  pour  y  déposer  ot  y  faire 
soigner  leurs  malades. 


L\   MIÎDKCI.VE    PUBLIQUE    DANS    l'a.NTIQUITÉ   GRECQUE.  109 

Ainsi  le  médecin  puhlio  avait  la  lAolin  lourde  de  donner  ses  soins 
gratuits  à  loua  les  (•jU)y(!tis(i)  et  iiarliciilji'rement,  par  la  force  môme 
des  choses,  aux  citoyens  pauvres. 

Hàlons-nous  de  dire  cependant  (]ue  les  secours  médicaux  aux  in- 
digents, en  (îrèce,  étaient  en  iralilé  moins  nécessaires  qu'on  ne 
l'imagine.  Tiois  institutions,  coninic  l'a  liés  bien  montré  M.  de  Gé- 
rando  ('2),  rendaient  en  etîet  moins  urgente  cette  assistance,  en  di- 
minuant le  nombre  même  des  pauvres;  ces  institutions  étaient: 
riiospitalilé,  la  constitution  de  la  famille,  et  l'esclavage  ;  nous  ajou- 
terons une  quatrième  considération,  tirée  de  l'obligation,  pour 
tous  les  citoyeris,  de  servir  depuis  l'âge  de  vingt  ans  jusqu'à 
soixante  ans.  Que  l'on  songe  maintenant  que  le  peuple  grec  était 
plein  de  douceur  et  d'humanité  (3);  que  la  Grèce,  organisée  en 
républiques,  comprenait  la  double  nécessité  politi(iuc  et  sociale  de 
l'assistance  récipro(]ue;  que  le  travail  manuel  n'était  pas,  comme  il 
le  fut  [ilus  tard  à  Home,  considéré  comme  servile  et  méprisé  ;  que 
l'horreur  de  la  pauvreté  (4)  était  assez  profonde  pour  (ju'on  ait  lieu 
de  croire  que  les  citoyens  faisaient  tout  pour  échapper  à  ses  dures 
nécessités;  qu'en  Grèce  enfin,  comme  partout,  quand  les  pauvres 
deviennent  nombreux,  ils  constituent  dans  les  cités  une  population 
turbulente  et  dangereuse  qu'il  importe,  pour  le  repos  public,  d'a- 
moindrir en  la  secourant,  et  l'on  s'expliquera  à  la  fois  et  le  petit 
nombre  habituel  des  indigents,  et  la  faible  importance  de  l'assis- 
tance médicale  qui  en  est  la  conséquence.  On  remarquera  d'ailleurs 
que  toutes  les  fois  qu'un  auteur  grec  parle  des  pauvres,  soit  à 
Athènes,  soit  ailleurs,  c'est  que  le  nombre  de  ces  pauvres  est  de- 
venu assez  élevé  pour  que  l'auteur  juge  le  fait  digne  de  mention, 
et  cet  accroissement  (|u'il  signale  coïncide  toujours  avec  une  situa- 
tion politique  anormale,  irréguliére,  des  guerres  malheureuses  au 
dehors,  ou  des  dissensions  intestines  prolongées.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  qu'Isocrate  (o)  nous  dit  que  de  son  temps  il  y  avait  beau- 
coup de  pauvres  à  Athènes;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  célè- 
bre rhéteur  athénien  a  assisté  à  la  longue  guerre  du  Péloponèse,  la- 
quelle s'est  terminée  précisément  par  la  prise  d'Athènes. 


(1)  L'inscription  de  CarpaUios^  que  nous  rapporterons  plus  loin,  dit  positivement 
TîâvTa;,  tous. 

(2)  De  la  bienfaisance  publique,  tome  IV,  p.  271. 

(3)  Plut.,  Pelop.  ;  id.,  etc. 

(4)  Tyrtée,  2c  chaut  guerr.,  in  Poeiœ  tninor.  (jrwc. 

(5)  Isocrat.,  Orat.  areopa'jit. 


110  REVUi:  ARCHÉOLOGIQUE. 

Nous  n'i^^norons  pns  qu'on  a  voulu  (1),  pour  rherclicr  fi  prouver 
tju'cn  (irùce  U's  sorours  médicaux  faisaitnl  défaut  aux  indit^onts, 
tiror  parti  d'un  passage  où  Platon  (2)  déclare  que,  lorsqu'un  artisan 
est  allciul  d'uiUMleces  iiialailics  (jni  lie  peuvent  },'uéiir  que  lente- 
ment, comme  il  ne  peut  plus  vaquer  ù  son  travail,  il  est  plus  avan- 
tageux pour  lui  de  moui  ii'  ;  mais  il  faut  bien  comprendre  ce  passage  : 
Platon  soutient  que,  dans  tout  état  bien  policé,  cliaiiue  citoyen,  ricbe 
ou  pauvre,  ayant  une  lâche  à  remplir,  personne  n'a  le  loisir  de 
passer  sa  vie  à  être  malade,  et  il  ajoute  :  c'est  pourquoi  l'artisan, 
dont  le  devoir  est  de  travailler,  et  qui  se  voit  obligé  de  se  faire  soi- 
gner pendant  longtemps  et  de  renoneor  à  son  labeur,  perd  par  là 
tout  intérCl  à  vivre  ;  c'est  pounjuoi  encore  le  riche,  dont  le  devoir 
est  de  pratiquer  la  vertu,  doit  trouver  la  vie  insupjiorlable  dés  r|ue, 
pur  rclïel  d'une  longue  maladie,  il  cesse  de  pouvoir  exticersa  lucn- 
faisance.  On  voit  que  Platon  veut  ainsi  exprimer  énergiquement  la 
nécessiié  impérieuse  pour  tous  d'accomplir  le  devoir,  —  pour  le 
pauvre,  de  vafjuer  à  son  travail,  —  pour  le  riche,  de  pratiquer  la 
vertu. 

Voilà,  dans  ce  passage,  ce  qu'a  voulu  montrer  Platon,  rien  de  plus  ; 
essayer  d'en  tirer  autre  chose  serait  non  seulement  méconnaître  la 
véritable  pensée  de  l'auteur,  mais  encore  échafauder  sur  une  in- 
terprétation inexacte  une  hypothèse  que  tout  vient  démentir;  et 
c'est  pourquoi,  appuyé  sur  toutes  les  considérations  (|ui  précèdent 
et  fort  de  toutes  celles  qui  vont  suivre,  nous  reconnaîtrons  que  le 
législateur,  en  créant  la  médecine  puliliquc  en  Grèce,  a  véritable- 
ment organisé  une  assistance  médicale  parfaite. 

Il  convient  maintenant  de  montrer  quels  moyens  la  ville  mettait 
à  la  disposition  du  médecin  public  pour  lui  permettre  l'accomplis- 
semeul  de  sa  mission. 

D'  A.  Vercoutre, 

{La  suite  procfiainement.) 


(1)  A.  GauUiier,  op.  cil.,  p.  237. 
{-2}  l'iat.,  De  dvil.,  lib.  III. 


LETTRE  iV  M.  I.E  DIRECTEUR  DE  L.\  REVUE 


Je  viens  de  lire  avec  une  très  tjrande  allcnlion,  d;ins  le  numéro 
de  décembre,  l'article  de  M.  d'Arbois  de  Jubaiuville  sur  les  Druides 
sous  l'empire  romain;  mais  je  n'aperçois  pas  nettement  sur  quel 
point  il  est  en  désaccord  avec  moi.  J'avais  combattu  l'opinion  sui- 
vant laquelle  la  religion  gauloise  aurait  été  absolument  interdite  par 
les  Romains  et  ses  sectateurs  punis  de  mort;  M.  d'Arbois  ne  défend 
pas  celte  opinion.  J'avais  montré  ce  que  l'autorité  romaine  a  enlevé 
au  druidisme;  M.  d'Arbois  ne  montre  pas  qu'elle  lui  ait  enlevé 
davantage.  Est-ce  le  mot  persécution  qui  nous  divise?  Il  y  a,  en 
effet,  des  persécutions  de  plusieurs  sortes.  C'est  précisément  parce 
que  le  terme  est  trop  vague  et  trop  dilatable  que  je  m'étais  eiïorcé 
de  déterminer  en  quoi  les  Druides  ont  été  persécutés  et  en  quoi  ils 
ne  l'ont  pas  été.  Ils  l'ont  été  en  deux  cboses  :  \"  on  a  interdit  abso- 
lument leurs  pratiques  sanguinaires;  2°  on  a  supprimé  leur  organi- 
sation liiérarcbique.  Mais  ils  ne  l'ont  pas  été  en  ce  sens  que  :  1°  on 
n'a  pas  interdit  le  culte  de  leurs  divinités  ;  2°  on  n'a  pas  fait  violence 
à  leurs  personnes,  ni  puni  de  mort  ceux  qui  leur  restaient  fidèles, 
ni  proscrit  le  nom  de  Druide.  Telles  sont  mes  quatre  propositions; 
M.  d'Arbois  n'en  conteste  aucune. 

Il  y  ajoute,  il  est  vrai,  deux  propositions  nouvelles  que  je  n'ose 
pas  partager  :  l'une,  que  César  se  serait  appuyé  sur  le  clergé  gaulois 
qu'il  avait  su  détacber  de  la  cause  nationale;  l'autre,  qu'à  partir 
de  Tibère  les  Druides  se  seraient  cachés  par  crainte  de  l'autorité 
romaine.  Mais  sur  quels  textes  ces  deux  assertions  sont-elles 
fondées  ? 

De  la  première,  M.  d'Arbois  ne  donne  aucune  autre  raison  si  ce 
n'est  que  l'Éduen  Divitiac  était  l'ami  de  César.  Mais,  de  ce  qu'un 
Druide  était  partisan  des  Romains,  conclurons-nous  que  tous  les 
Druides  étaient  partisans  des  Romains?  Qu'était-ce  d'ailleurs  que  ce 
Divitiac?  César  parle  de  lui  treize  fois,  sans  nous  dire  une  seule  fois 
qu'il  fût  un  Druide.  Il  le  montre  tour  à  tour  chef  d'£tal  ;l,  3;  I,  18), 
ambassadeur  à  l'étranger  (VI,  12),  chef  d'armée  et  commandant  de 


1J2  I\F.VLT.    ARCHEOLOGIQUb:. 

troupes  tVluennos  (II,  5,  10,  4-4).  pnMro  jamais.  Nous  ipnonMions 
qu'il  fùl  un  Druide  si  Cict^ron  ne  nous  disait  dans  le  De  du  nuitiune 
(|u'il  a  connu  un  Druide  nommé  Diviliac.  (jn'il  s'apisse  du  nit^me 
personnage,  je  ne  le  mels  guère  en  doute;  j'ailincls  donc  que  l'ami 
de  C.ùsar  fut  un  Druide,  (luoique  (^ùsar  ne  paraisse  pas  s'en  ôtre 
aperçu;  mais  faire  de  cet  homme  le  type  du  druidisme  cl  juger 
tous  les  Druides  d'après  lui  me  parait  téméraire.  Je  serais  plutôt 
porté  à  croire  que  Divitiac  n'était  druide  que  comme  César  était 
pontife. 

M.  d'Arliois  dit  encore  que  César  comi)i;iil  sur  l'appui  du  clergé 
gaulois  pour  empêcher  les  Ivluens  de  se  joindre  à  Vercingétorix.  Il 
y  a  ici  une  interprétation  au  moins  exagérée  d'une  lignede  César 
(VU,  33).  César  indique  qu'il  était  de  règle  chez  les  Kduens,  more 
chitatis^  que  les  comices  électoraux  fussent  tenus  en  préhcnce  et 
avec  l'intervenlion  des  prêtres,  per  sacerdotes  (comparez  les  assem- 
blées des  Cermains,  dans  Tacite,  Genn.,  II).  De  ce  que  César, 
appelé  à  se  prononcer  entre  deux  concurrents  qui,  tous  deux,  pré- 
tendaient avoir  été  légalement  élus,  legibus  creatos,  se  décide  pour 
celui  dont  les  comices  ont  été  tenus  suivant  toutes  les  régies,  per 
sacerdoles,  intennissis  mayistratibus,  il  ne  suit  nullement  (juc  César 
ait  cherché  l'appui  politique  du  clergé.  Dans  aucun  endroit  de  ses 
Cotnmentaires  il  n'exprime  celte  pensée.  Pour  croire  que  les  Druides 
eussent  joué  ee  rôle  d'amis  de  Home,  je  voudrais  que  César  nous 
l'eût  dit  quelque  part  ou  que  nous  en  eussions  quelque  indice; 
autrement  c'est  une  pure  conjecture. 

Pour  sa  seconde  assertion,  à  savoir  que  les  Druides  à  partir  de 
Tibère  étaient  réduits  a  se  cacher,  M.  d'Arbois  croit  pouvoir  la  tirer 
de  deux  textes  de  Pomponius  iMéla  et  de  Lucain.  Mais  aucun  de  ces 
écrivains  ne  dit  cela.  Mêla  dit  simplement  que  les  Druides  donnent 
un  enseignement  mystérieux  et  qui  dure  longtemps,  dam  et  dm 
vicenis  aunis;  ils  tiennent  leurs  écoles  dans  des  cavernes  («u  dans  de 
sombres  forêts.  Ur  il  peut  y  avoir  plus  d'une  raison  pour  qu'un 
clergé  tienne  à  de  telles  pratiques;  le  géographe  latin  ne  se  prononce 
pas  entre  ces  raisons  ;  mais  M.  d'Arbois  se  hâte  de  se  prononcer  et 
déclare  (|ue,  si  les  Druides  tiennent  leurs  écoles  dans  les  iorôls,  c'est 
par  crainte  de  l'autorité  romaine  ;  et  il  ajoute,  ce  (jue  Mêla  ne  dit 
nullement,  qu'ils  n'ont  pris  celte  habitude  qu'à  partir  du  régne  de 
Tibère.  Lin  revanche,  il  retranche  de  la  phrase  latine  un  détail 
caractéristique;  cesoi\i\t'^  mo[i>  docent  nobilissimos  jentis.  Sur  ijuoi 
nous  ferons  deux  remarques  :  d'abord,  si  cet  enseignement  se  donne 
aux  lils  des  plus  grandes  familles,  il  est  diflicile  de  croire  que  ce 


LETTRE    A    M.    LK    DIFlECTEUn    DE    LV    I.EVUE.  H3 

soit  un  enseignement  qui  se  dissimule  et  se  dérobe;  ensuite,  comme 
nous  savons  que,  à  partir  d'AugusIe,  les  grandes  familles  gauloises 
toarnaient  les  yeux  vers  Home  et  (prelles  envoyaient  leurs  enfanis 
aux  écoles  latines  d'Augu^todunum  (Tacile,  Aim.,  Ill,  43),  nous 
devons  croire  (jue  Mêla  a  jjuisé  son  information  à  des  sources  anté- 
rieures et  que  l'enseignement  des  Druides  dont  il  parle  esi  l'ensei- 
gnement d'avant  la  conquête  (Cf.  César,  VI,  i'.i). 

Le  texte  de  Lucain  il,  -453)  n'est  pas  plus  d'accord  que  celui  de 
Mêla  avec  l'assertion  de  M.  d'Arbois.  Le  poète  dit  que  les  Druides 
a  habitent  les  retraites  profou'ies  des  forêts  sacrées  »  ,  nrmora  alla 
remotis  incoUlis  litcis.  Mais  habiter  les  bois  n'est  pas  la  même  chose 
que  se  cacher  dans  les  bols  comme  des  proscrits.  Lucain,  qui,  d'ail- 
leurs, parle  des  Druides  d'avant  la  domination  romaine,  veut  simple- 
ment signaler  leur  vénération  pour  les  forêts,  et  il  exprime  la  même 
pensée  sous  une  autre  forme  au  vers  445  du  livre  III.  Prétendre  que 
les  Druides  fussent  poursuivis,  traqués,  réduits  à  se  cacher,  c'est- faire 
dire  à  Pomponius  Mêla  et  i  Lucain  tout  autre  chose  que  ce  qu'ils  ont 
dit. 

Je  ne  puis  donc  pas  admettre  comme  vérités  hisloriques  les  deux 
propositions  qu'a  exprimées  M.  d'Arbois,  et  je  conserve  mon  doute 
jusqu'à  ce  qu'il  se  rencontre  un  texte  qui  les  autorise.  La  petite 
discussion  que  je  me  suis  permise  ici  n'est  pas,  d'ailleurs,  dénature 
à  porter  atteinte  à  la  grande  autorité  de  cellisant  que  je  reconnais  à 
M.  d'Arbois  de  Jubainville.  Ses  travaux  m'ont  beaucoup  appris.  Il 
est  un  des  trois  ou  quatre  hommes  de  France  qui  ont  ramené  les 
étude?  celtiques  dans  la  bonne  voie,  dans  la  voie  de  la  science. 
Aussi  suis-jebeureux de  croire  que,  au  fond,  sauf  peut-être  quelque 
imperceptible  nuance,  mon  opinion  sur  la  question  d'aujourd'hui 
est  d'accord  avec  la  sienne.  J'ai  dit  que  l'autorité  romaine  a  interdit 
au  druidisrae  ses  pratiques  terribles;  qu'elle  lui  a  enlevé  son  orga- 
nisation puissante,  sa  hiérarchie  et  son  pouvoir  judiciaire;  que  les 
Druides  n'ont  plus  duré  que  comme  de  vulgaires  sorciers  et  des  vé- 
térinaires; qu'enfin,  dans  les  siècles  suivants,  si  le  nom  de  Druide 
subsiste,  le  druidisme  n'est  plus.  J'ajoute  seulement  que,  comme 
les  textes  n'indiquent  jamais  une  persécution  violente  ni  une  pros- 
cription de  personnes,  j'incline  à  croire  que  c"e.>t  surtout  la  trans- 
formation sociale  et  les  changements  de  l'esprit  gaulois  qui  ont  tué 
le  druidisme. 

Agréez,  etc.  Fustel  de  Coulanges. 


XXXIX 


BULLETIN   MENSUEL 

DE    L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 


MOIS    DE    JANVIEn. 


Une  lettre  de  M.  Mariette  annonce  qu'à  son  arrivée  en  Egypte  il  a 
Irouvt'  levés  tous  les  obstacles  qu'il  redoutait.  L'intervention  officieuse 
de  l'Académie  a  eu  cerlaiueuienl  une  grande  part  dans  cet  heureux 
résultat.  Les  fouilles  continueront  donc,  au  grand  profit  de  la  science,  cl 
conforniémont  au  progiamme  si  bien  tracé  par  M.  Mariette,  dans  la  der- 
nière séance  publique  de  l'Académie. 

M.  le  baron  de  ^^ilte  lit  un  mémoire  tendant  à  expliquer  le  sujet  d'un 
groupe  gravé  sur  un  miroir  étrusque,  récommcnl  découvert  i\  Corlone. 
Un  cavalier  nu,  sauf  un  pan  d'éloiVe  qui,  attaché  aux  reins,  Hotte  au 
vent,  semlile  pousser  son  ciieval  en  avant.  On  dirait  même  que  le  cheval 
se  dresse  pour  sauter.  Dorriére  le  cheval  est  un  danpliiu.  Houx  inscrip- 
tions en  caractères  étrusques  donnent  les  deux  noms  de  IIKIIKLK  (Her- 
cule) et  PAkSTL  (Pégase).  Il  semble  qu'il  n'y  ait  rien  là  d'obscur.  Mais 
nous  ne  connaissons  aucun  trait  de  la  vie  d'ilercule  justifiant  une  sem- 
blable représentation.  Par  une  ingénieuse  conjecture,  qui  a  reçu  l'appro- 
bation de  M.  de  Longpérier,  M.  de  M'itte  propose  de  voir  dans  le  cavalier 
non  Hercule,  mais  Mélicerte  se])récipitant  dans  les  Ilots  conformément  au 
récit  des  mvlbo^raphes  grecs. On  iaitquele  nom  grec  d'Hercule,  Ilcrarlés, 
n'est  autre  que  le  nom  do  itj t/A-n-^/i  retourné,  tel  que  les  (uecs  le  tirèrent 
de  la  lecture  des  inscriptions  pliéniciennes  lues  degaucbe  à  droitesuivant 
leur  coutume.  [Diana  n'est  de  mOme  que  la  transcription  à  rebours  du 
nom  de  la  déesse  Ayuut  ou  Anaid.)  L'ariisle  étrusque  rencontrant  dans 
une  légende  pbénicienne,  qu'il  copiait,  le  nom  de  Mcichrrt,  si  voisin  do 
celui  de  Mclkarl,  1  aurn  confondu  avec  ce  dernier  et  transcrit  suivant 
l'usage  étrusque  >ous  la  forme  de  llercle. 

.M.  le  docteur  Lagneau  présente  à  l'Académie  le  projet  d'une  Carte 
ithnijfjraphi'juc  de  la  France,  dressée  d'après  les  données  combinées  de 
l'histoire  et  de  l'anlhiopologie.  Cette  carie  met  en  lumière  la  répaitilion 
des  dilférentes  couclies  de  populations  qui  ont  concouru  à  la  Ibrmation 
delà  population  actuelle.  On  y  distinguo  notlomenl.  ;\  l'aide  de  couleurs 
variées,  les  éléments  Ibcrcs,  Lvjurcs,  Celtes,  Cuilatoiirhics.  M.  Lagneau 
montre,  sur  ces  divers  points,  l'acconl  de  l'aiitliropulogie  et  de  l'histoire. 

M.  (iaslon  Paris  continue  la  lecture  de  .-ou  élude  pliilologiquc  sui  la 
formalion  des  langues  romanes. 

M.  Krnest  Desjardins  communique  un  mémoire  de  M.  Tissot  sur  la 
vallée  de  la  MctjurUa  (Tunisie),  qui  est  le  Uayrada  des  anciens.     A.  B. 


NOUVIÎLLES  AÎICIIÉOLOGIQUES 

ET  CORRESPONDANCE 


D'après  les  renseignements  que  nous  avons  obtenus  du  déparie- 

ment  des  Antiques,  les  principales  antiquités  grecques  et  romaines 
entrées  au  Musée  du  Louvre,  dans  le  courant  de  l'année  1870,  sont  les 
suivantes  : 

Siéle  allique  en  marbre,  de  beau  style,  représentant  une  ïcène  de 
famille,  avec  l'inscription  :  <I)AlMnnOi:  nOWîENOYMMISAPEÏH 
:i:iiKPATOYX  MNH2  APETIII...  02T...  TOV. 

Ueuv  autres  stèles  grecques  en  marbre. 

Une  série  de  blocs  de  marbre,  représentant  par  leur  assemblage  l'avant 
d'une  galère  antique  et  formant  la  base  de  la  Victoire  de  Samothrace  ; 
rapportés  par  M.  Cbampoiseau,  consul  de  France,  avec  le  concours  des 
Ministères  des  beaux-arts  et  de  la  marine. 

Plusieurs  fragments  d'architecture  antique  en  marbre  et  en  pierre 
calcaire,  provenant  de  la  mission  de  MM.  Ueville  et  Coquart  à  Samo- 
thrace ;  envoi  du  Ministère  des  afTaires  étrangères. 

Un  torse  en  pierre,  de  style  archaïque  gréco-cypriote  et  de  travail  très 
fin;  don  de  M.  Trabaud,  de  Marseille. 

Miroir  trouvé  eu  Grèce,  décoré  des  figures  d'Aphrodite  et  d'Éros  gra- 
vées au  trait,  et,  sur  le  revers,  d'une  belle  tèled'Ariadne  en  applique, 
représentée  de  trois  quarts  (bronze). 

Victoire  tenant  une  couronne  (petit  bronze). 

Isis  tenant  la  situîa  (petit  bronze). 

Débris  de  colliers  en  verre  et  en  or,  de  travail  très  ancien  (Grèce). 

Vases  de  Rhodes.  — Très  ancien  vase  en  forme  de  cornet. 

—  Œnocboé  à  imbrications  et  à  zones  d'animaux. 

—  Deux  coupes  archaïques  de  Camiros. 

—  Plusieurs  autres  vases,  dont  un  représentant  Ulysse  chez  Polyphème. 

Vases  d'Athènes.  — •  Deux  lékythes  à  fond  blanc,  l'un  de  grande  pro- 
portion et  d'une  conservation  exceptionnelle,  représentant  des  scènes 
funéraires. 

—  Œnochoé  à  figures  rouges  :  Athéné  et  un  enfant  sur  une  colonne; 
style  attique  très  fin. 


1  IG  nKVlF.    Anr.IlKOLOGIQl'K. 

Vasef  archiilqius  à  figures  noires.  —  Proclioos  ;\  fond  blunchûlre  : 
Fuite  dÉiuV. 

—  Likyiho  ;\  fond  l.lanch.llrc  :  Tydi-e  cl  Ismènc. 

—  DiMix  coiipps  ;\  snjtMs  hachiqiu's. 

—  l'iusiouis  tasses,  dont  une  porte  lo  nom  du  potier  Théûiotos. 

—  Deux  amphorisqucs  :  divinités,  quadrige. 

—  OEnochoé  :  so(>nc  d'allelage. 

Viiscs  à  fiijures  rouijcs.  —  La  célCîbro  coupe  de  la  co!i( clion  Paravey, 
représentant  l'Aurore  et  Mcmnon,  avec  les  noms  du  potier  Callhuics  et  du 
peintre  Douris. 

—  Plateau  icpr(''scnlanl  une  Amazone,  avec  le  nom  du  potier  Kkukhry- 
lion. 

-  Coupe  grecque  :  cavalier  en  vi'detle. 

—  1(1.  :  sci-nes  éplu'hiqucs. 

—  II).  :  armement  de  guerriers. 

—  Id.  :  scènes  de  palestre. 

—  Id.  :  Œdipe  cl  le  Sphinx. 

—  Id.  :  figure  d'Ilcrmùs. 

—  Stamnos  :  Zeus  contie  lejounc  Hacchus  aux  Hyadcs, 

—  Id.       :  la  Dispute  du  trépied  ;  Persée  et  la  Gorgone. 

—  OKnochoé,  fine  :  scène  de  sacrifice. 

—  Autre  œnochoé  :  Bacchus  et  Ariadne  ;  belles  palmettes. 

—  Cliarmante  œnochoé,  à  bec  dressé  :  Adrasle  et  Ériphyle. 

—  Amphore  :  Mort  d'Orphée. 

—  Hydrie  :  Ulysse  et  Nausicaa. 

—  Guttus  :  Bellérophon  et  la  Chimère. 

—  Palère  noire,  de  style  romain,  avec  des  vaisseaux  en  relief  et  la 
signature  de  Canoleios. 

—  Un  fragment  du  mûme  style  et  avec  le  mûme  nom  (don  de  M.  J.  do 
Wille). 

Terres  cuites.  —  Casque  en  terre  cuite,  orné  de  figures  en  relief 
(Italie). 

—  Groupe  de  trois  danseuses  (Chypre). 

—  Plaque  avec  tûte  archaïque  en  relief  (Tanagre). 

—  Déesse  archaïque  assise  (Tanagre). 

—  Déméter  archaïque  assise  (Tégée). 

—  Démêler  et  Coré  (Tégée). 

—  Déméter  debout  (Kleusis). 

—  Groupe  d'une  femme  et  d'une  petite  fille  (Béolie). 

—  Perséphone  portant  le  petit  lacchos. 

—  Knfanl  grotesque  (lUiodes). 

—  Acteur  comique  (Grèce). 

—  tnfunl  sur  une  oie  (Tanagre). 

—  Deux  Amours  dans  un  char  (Tanagre). 

—  Tétc  voilée  de  Kilion  (Chypre). 


NOUVELLES   ARCHÉOLOP.IQUES.  H7 

—  Guerrier  comique  sur  un  dauphin  (Tanagre);  don  de  M,  Bellon,  de 
Rouen. 

—  Deux  danseuses  et  une  bacchante. 

—  Vase  en  forme  de  pied  chaussé. 

—  Lampe  chrélienne  à  inscription. 

Nous  empruntons  au  Journal  de  Genève,  n"  du  i:t  janvier  1880,  la 

correspondance  suivante  : 

«  La  Vénus  do  Nimcs.  —  Il  vu  y  avoir  désormais  dans  le  monde  artis- 
tique une  «  Vénus  de  ÏNîmes  »,  comme  il  y  a  déjà  la  Vénus  d'Arles  et 
celle  de  Florence.  Je  viens  do  passer  une  demi-heure  devant  ce  marbre 
antique  ;  el,  tout  profane  que  je  suis  sous  ce  rapport,  je  n'en  ai  pas 
moins  été  sous  le  charme. 

«  La  restauration  de  cotle  œuvre  d'art  est  à  peu  prés  complète,  et  elle 
fait  le  plus  grand  honneur  à  M.  Aurés,  ingénieur  du  département,  un 
véritable  artiste,  qui  a  du  reste  fait  ses  preuves  depuis  longtemps  en 
reconstituant  une  foule  d'inscriptions  lapidaires,  dont  les  débris  ont  été 
trouvés  dans  notre  ville  ou  dans  les  environs.  Mais  que  de  peines,  que 
de  tâtonnements  celte  restauration  n'a-t-elle  point  coûtés! 

«  La  trouvaille  a  été  faite,  il  y  a  cinq  ou  six  ans,  par  des  terrassiers 
qui  creusaient  une  tranchée  pour  le  rétablissement  d'une  conduite  dans 
la  rue  Pavée,  qui  est  aujourd'hui  en  dehors  de  nos  boulevards,  mais  qui, 
sous  la  période  impériale,  était  le  centre  de  la  cité  némausicnne.  Leur 
pic  a  heurté,  à  dt'ux  mètres  environ  de  profondeur,  un  amas  de  frag- 
ments de  marbre  blanc,  d'apparence  informe,  recouvert  d'une  couche 
épaisse  de  calcaire  presque  aussi  dur  que  la  pierre.  Bien  que  ces  frag- 
ments fussent  au  nombre  de  cent  trois,  il  en  a  manqué  beaucoup  à 
l'appel  quand  il  s'est  agi  de  les  juxtaposer  et  de  refaire  la  statue.  Du 
bras  droit,  par  exemple,  on  n'a  retrouvé  que  l'attache  de  la  main;  la 
partie  de  la  figure  comprise  entre  le  nez  et  le  bas  du  front  manque  aussi. 
Bien  d'autres  fragments  ont  été  aussi  vainement  cherchés  dans  le  sol.  Les 
plus  gros,  heureusement,  très  bien  conservés,  comme  la  poitrine,  une 
partie  du  torse,  une  draperie  enveloppant  le  bas  des  reins  et  le  haut  des 
jambes  qui  a  préservé  de  mutilation  le  bas  des  jambes  et  les  pieds,  ont 
servi  de  points  de  repère  ;  et,  gr.lce  à  beaucoup  de  patience  et  d'érudi- 
tion, la  statue  est  aujourd'hui  à  peu  près  telle  qu'elle  était,  il  y  a  seize  ou 
dix-sept  sièclgs,  dans  quelque  atrium  de  maison  romaine. 

<r  Le  bras  droit  seul  n'est  pas  encore  restauré ,  et  il  sera  difficile  sans 
doute  d'en  retrouver  la  pose  exacte.  On  voit  seulement  qu'il  devait  se 
replier  mollement  sur  la  poitrine,  car  le  sein  droit  est  légèrement  com- 
primé. Sauf  ce  détail,  la  restauration  est  si  bien  réussie  qu'il  faut  y 
regarder  de  bien  près  pour  distinguer  l'œuvre  moderne  de  l'œuvre 
ancienne. 

«  La  statue  est  debout.  Elle  a  l°,3:i  de  hauteur;  quinze  centimètres 
de  moins  que  la  Vénus  de  Médicis.  C'est  une  belle  jeune  fille,  au  type 
plutôt  grec  que  romain;  elle  est  nue  jusqu'au  bas  du  torse,  qui  est  d'une 


lis  nKVlTK.    AUniIKOLOGIQUR. 

prancip  purotiî  plasiiquo  :  le  \nt\'>  gaucho,  qui  est  inlncl,  u  la  position 
classique  do  toutes  les  Vi'inis  qu'on  ni>pe]le  pudiques.  I.u  main,  dont  les 
doigts  «'inU^s  sont  ilu  meilleur  stylo,  serre  autour  des  Imnelics  cl  relève 
en  m^me  temps  une  lourde  draperie  qui  est  di^cidémonl  la  seule  partie 
dércctuouse  de  retio  œiivre  aiiiiqiie;  ce  doit  i^lrc  un  ajiprenli,  et  non 
l'nrtislo  liii-m^'me,  qui  a  tenu  le  eiscau  à  cet  endroit.  La  draperie,  sou- 
levée, laisse  voir  les  pieds  et  le  bis  des  jainbe'^,  qui  sont  d'un  travail 
exquis.  La  t(?te  et  le  liaul  du  corps  sont  un  pu  inllécliis  en  avant  et  du 
cftté  gauche.  Les  cheveux,  enroulés  en  baudiaux  autour  des  tempes,  go 
reli''vent  sur  le  sommet  pour  retomber  librement  sur  les  épaules  en  deux 
nattes  soyeuses.  La  bouche,  dont  les  coins  sont  finement  rclevc's,  semble 
esquisser  un  sourire. 

«  L'œuvre,  en  un  mot,  est  charmante  ol  dune  rare  élégance  ;  el  si 
elle  n'est  pas  de  la  grande  époque,  ti  elle  ne  peut  remiuiler  plus  haut 
que  le  n'  ou  m"  siècle  après  l'ère  chrélicnnc,  elle  a  pourtant  une  valeur 
incontoï^tablo,  et  les  futurs  guides  des  voyageurs  ne  manqueront  pas  do 
l'inscrire  parmi  les  aniiquilés  nimoises  à  visiter,  ù  côté  des  Arènes,  do  la 
Mai>on  carrée  et  du  Temple  de  Diane. 

«  Elle  n'est  pas  encore  livrée  à  la  curiosité,  je  veux  dire  à  radujiralion 
du  pul  lie;  mais  elle  va  être  bientôt  placée  dans  le  musée  lapidaire,  au 
rez-de-chaussée  de  la  nou\ellc  bibliolhèque  publique,  où  clic  occupera 
sans  doute  la  place,  d'honneur.  •> 

Bulletin  de  curreupond'Vice  hellénique,  3*  année,  n"  S  ; 

Ce  cahier  termine  la  troisième  année  du  Bulletin  fondé  par  M.  Albert 
Dûment,  que  M.  Foucart  a  continué  A  publier  avec  le  concours  actif  el 
dévoué  des  membres  actuels  et  des  anciens  membres  de  l'Kcole,  aux- 
quels viennent  se  joindre  quelques  savants  français  et  crées;  parmi  ces 
derniers,  nous  reniarquons  M.  Mylonas.  qui,  depuis  la  création  du  lUille- 
tin,  n'a  jamais  cessé  de  lui  apporter  des  communications  intéressantes. 
L'épigraphic  domine  ;  l'archéologie  figurée  et  la  philologie  proprement 
dite  ne  sont  pourtant  p;is  ouliliées.  On  en  jugera  d'après  le  sonunaire  de 
ce  numéro;  la  proportion  des  diiïérenles  matières  y  cs-t  i  peu  près  la 
même  que  dans  le-  autres  cahiers  de  l'année  : 

t.  Th.  Homolle,  Décrets  athéniens  des  anriées  369  et  303.  —  2.  L.  Du- 
chcsne.  Sur  deux  nlles  de  la  Phryoie  pncatiniuc.  —  3.  0.  Ravel,  Jrjscnp- 
tion  mitrique  d'At^tt/palin.  —  4.  Hauvelte-Hcsnault,  rnUrc^ses  d'Aihéné 
Poliade,  antérieures  au  \"  siècl(>  de  noire  ère.  —  ii.  0.  Hiemann.  Notes 
svr  riirth'i'jraphr  aitiquc.  —  0.  C.  Mylonas,  Mélanges  arrhi^oli  ijiques.  — 
7.  P.  Foucart,  Décrets  d'un  thiase d' Aphrodite.  —  8.  Homolle,  Sculptures 
décoralivcs  provenant  des  frontons  d'un  temple  (avec  trois  planches  en 
pholotypie).  —  Faits  cl  nouvelles. 

llullitin  lie  correspnndanrr  helli'ni(iue,  't"  annî'i',  w"  I  : 

I*.  Foucart,  Insiriptionsd'Orrhovune.  Pièces  relatives  à  un  prêt  fait  p.ir 
une  femme  de  Thespies  à  la  ville  d'Orchomèuo.  (Très  intéressant  pour 
l'histoire  du  contrat  de    prêt   chez   les  (irecs.  Commentaire  excellent; 


NOUVELLES  ARCIIKOLOGIQURS.  110 

mais  M.  Foucart  aurait  peul-CIrc  mieux  fait  do  nn  pas  employer  dans  sa 
traduction  lo.  mol  billet  à  ordre  pour  TJvypa[A|xa.  LosGrccs  n'ont  pas  connu 
la  clause  à  ordre.)  —  C.  Papjiarigopoulo,  Lettre  d'Alexia  I''  Commimc  à 
Robert  l",  comte  de  Flandre.  —  Th.  Honiollf,  Sur  (juel'jnes  monuments 
figurés,  trouvés  à  Délos.  —  E.  Muret,  Arislotimos,  tyran  des  Éléens.  — 
E.  Potlier  et  Am.  Hauvetle-ncsnault,  Décret  des  Abdéritains,  trouvé  à 
Tcos.  —  C.  Mylonas,  Bas-rclicf  fanèhre  de  VAttiqne.  (PI.  I  et  V.  La 
planche  V  fera  l'objet  d'un  prochain  article.)  —  Nouvelles  et  correspon- 
dance :  P.  (lirard,  Inscriptions  de  Salonique.  —  0.  Uayet,  Inscriptions  de 
Pagœ.  — C  Mylonas,  Inscriptions  de  Pai-os. 

Bulletin    de    la  Commission   archéologique    communale  de  Rome, 

T  anni^e,  n»  2  : 

C.  L.  Visconti,  De  deux  sceaux  de  plomb  portant  des  lettres;  appendice  à 
l'article  pn^ci'dcnt.  —  C.  L.  Visconti,  D'une  statue  de  Faune  provenant  du 
jardin  des  Laniia  (pi.  .XXII).  —  0.  Marucchi,  li'une  statuette  rare  qu\  repré- 
sente la  bonaDca  (pi.  XXIll).  —  Liste  des  objets  d'art  antiques  découverts 
par  les  soins  de  la  Commission  archéologique  communale,  du  i*-' jan- 
vier au  31  décembre  1870,  et  conservés  au  Capitole  et  dans  les  magasins 
communaux'. 

'AOr'va'ov,  revue  mensuelle  ;  Athènes,  8°  année,  n°  4  : 

Ce  numéro  de  l'excellent  recueil  que  dirigent  MM.  Koumanoudis  et 
Kastorchis  est  particulièrement  intéressant  ;  il  confient  les  articles  sui- 
vants :  —  Observations  critiques  et  interprétatives  sur  Michel  Pscllus  (c'est 
la  suite  des  notes  par  lesquelles  M.  Panlasidis  explique  certains  passages 
d'un  texte  que  M.  Sathas  a  publié  en  1874).  —  Margaritis  Dimilsas,  Étude 
critique  destinée  à  démontrer  que  Thessalonique  et  Thermé  sont  deux  villes 
distinctes,  dont  l'emplacement  n'était  pas  le  même.  —  Komnenos,  Observa" 
lions  archéologicpies  (cherche  à  fixer  le  site  du  temple  de  Poséidon  Hippios, 
à  Mantinée\  —  Protodicos,  Particularités  de  la  langue  grecque  moderne 
(mots  curieux,  bien  choisis  et  bien  étudiés).  —  Koumanoudis,  Inscrip- 
tions inédites  del'Attique  (plusieurs  inscriptions  en  l'honneur  de  Zcùç 
u.îiki/ioq,  deux  ocot,  d^s  listes  de  biens  vendues,  un  décret  des  orgéons, 
un  décret  d'un  Ihiose  d'Aphrodite). —  Gladstone  (traduction),  Les  cpithctes 
du  mouvement  dajis  Homère. 

Bulletin  de  l'Institut  de  correspondance  archéologique,  n°  XII,  décem- 
bre 1879  : 

A.  Pellegrini,  Découverte  d'un  reste  du  portique  de  Mimicius,  à  Rome, 
prés  de  la  place  Montanara.  — A.  Mau,  Fouilles  de  Pompci  (suite). — 
Table. 

Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux,  ii°  4. 

Ce  cahier,  qui  termine  la  première  année  de  ce  recueil,  contient  les 
articles  suivants  : 

Dabas,  De  la  Fatalité  antique.  —  CoUignon,  Note  sur  les  cérémonies 
funèbres  en  Atticjue.  —  Froment,  Les  leço7xs  publicjues  à  Bome  au  XVI' 
siècle.  —  A.  Benoist,  Des  anacoluthes  et  de  la  phrase  poctir^ue  dans  Bcgnicr. 


120  REVTE  ARCHÉOLOGIQDB. 

—  De  TrtWorrct,  Lamartine  et  lord  Dyroti.  —  Combes,  Corre$}Wudance  de 
Louis  XI Y  et  delà  lUpubliquc  helvétique  au  sujet  de  l'Alsace  et  de  la 
Fratxche-Comtt'.  —  A.  l.uchaire,  La  question  navarraise  an  commencement 
du  règne  de  François  l''  (lolIi-KilO),  suite.  —  Communications  :  K.  Kgger, 
Question  de  propriété  littéraire;  les  Economiques  dWristotcctde  Théophruste. 

—  Alficd  Croisct,  hhytmes  et  mètres  selon  Quintilicn.  —  Cli.  Tliurot,  Uc 
l'orthojraphe  française  au  XVI*  siècle. 

L'article  de  M.  CoUignon  est  un  très  inliîressanl  commentaire,  par  les 
monumenis  figurés,  de  dispositions  li'gislativcs  connues  par  une  loi  de 
Solon  rapportée  dans  Déraosthéne  et  par  une  inscription  d'Iulis,  dans 
l'Ile  de  Ccos. 

Dans  une  noie  publiée  dans  les  Actes  de  l'Académie  de  Turin  (vol.  XV 

séance  du  21  décembre  1871»),  sous  le  litre  «  Di  una  moneta  di  oro  altri- 
buita  ai  Volsiniesi  »,  M.  Ariodante  Fabretti  traite  d'une  pièce  rare  dont 
M.  Ferdinand  lîompois  a  récemment  entretenu  les  lecltnirs  de  la  Revue 
archéologique  {XXXVIIl,  G7).  Après  un  examen  attentif  des  deux  exem- 
plaires du  musée  de  Florence,  M.  Fabretti  a  reconnu  que  la  légende  avait 
été  mal  lue.  Au  lieu  de  velzpapi,  il  faut  lire  velznani,  le  nom  du  peuple 
qui  a  frappé  la  monnaie  (Volsiniani). 

Nous  trouvons  dans  les  numéros  de  novembre  et  de  décembre  du 

napvacao;  les  articles  suivants,  qui  nous  paraissent,  par  leur  contenu,  de 
nature  à  intéresser  nos  lecteurs  : 

F.  Dragoumis,  Discours  sur  l'activité  du  syllogue  pendant  le  temp»  de 
sa  présidence.  —  K.  Papparigopoulos,  Discours  d'ouverture  prononcé  à 
l'Université,  le  2b  octobre  IHTO.  —  K.  S.  Kondos,  Ûbservalions  philolo- 
giques (suite);  Surla  Macédoine;  La  langue,  rmeurs  et  usages.  —  Nouvelles  : 
L'École  allemande.  Séances  du  syllogue.  —  S.  Rouzé,  Du  second  Congrès 
international  d'ethnologie  à  Stockholm.  —  A  Miliarakis,  D'une  aticienne  tour 
de  l'ile  d'Andros.  —  Ath.  Petridis.  Ithôme  et  Messène  (suite);  5.  Les  inscrip- 
tions consenécs  ;  0.  Le  monastère  de  Volcanos.  —  Séances  du  syllogue  Par- 
nassos.  —  Mélanges  :  Souvenir  d'une  source  de  pétrole  dans  Plntarquc.  Frag- 
ments inédits  d'Euripide.  Manuscrit  de  Sapho.  ManuscrU  d'isocrate.  Fables 
inédites  de  Balrius. 

Parmi  les  Nouvelles,  nous  remarquons  les  renseignements  donnés  sur 
un  cimetière  du  vu'  tiècle  avant  notre  ère,  qui  vient  d'être  reconnu  à 
Parcs,  et  l'annonce  de  la  découverte  d'une  grande  in.-cription  grec(|ue, 
de  cent  douze  lignes  et  du  W  siècle  avant  J.-C,  qui  aurait  été  trouvée 
dans  la  K^ls^ie  méridionale  sur  remplacement  de  l'ancienne  ville  de  Cher- 
soMCSos.  Flic  dimnerait  des  drtails  circonstanciés  sur  les  luttes  soutenues 
par  les  Grecs  de  la  colonie  contre  lis  Scylbcs. 


BIBLIOGRAPHIE 


L'Egypte,  Alexandrie  et  le  Caire,  par  GEoncES  EnKns;  traduction  par 
Gastun  Masi'Euo,  professeur  au  Collèj^e  de  France.  Paris,  Didot,  1  vol.  grand 
in-40. 

Si  M.  Kbcrs  n'i'lait  qu'un  voyageur  comme  tant  d'autres,  s'il  s'rlait 
borné  à  décrire  l'Egypte  moderne  et  à  nous  l'iiirc  part  de  ses  impressions, 
la  lievuc  n'aurait  pas  songé  à  cnirelcnir  ses  lecteurs  de  ce  beau  volume; 
elle  serait  restée  insensible  au  talent  de  l'auteur,  dont  l'excellenle  tra- 
duction de  M.  Maspéro  permet  d'app.iécier  toute  la  distinction,  au  luxe 
de  l'impression  et  du  papier,  à  la  richesse  de  l'illuslration,  qui  comprend 
plusieurs  ceniaines  de  gravures  de  toute  dimension.  Ce  qui  nous  décide 
i  sortir  de  celle  réserve  et  à  signaler  cet  ouvrage,  c'est  que  M.  Ebers 
occupe  une  place  à  part  dans  les  études  qui  se  rattachent  à  l'histoire  de 
l'antique  Orient.  Savant  égyplologue,  il  enseigne  dans  une  grande  uni- 
versité allemande  la  science  fondée  par  Champollion  ;  voyageur  intré- 
pide avant  que  sa  santé  eût  éprouvé  l'irrémédiable  atteinte  d'une  mala- 
die douloureuse,  il  a  été,  à  plusieurs  reprises,  demander  à  l'Egypte 
moderne  ce  qu'elle  a  conservé  du  passé  dans  son  climat  et  dans  les  pro- 
ductions de  ses  campagnes,  dans  les  types  et  dans  les  mœurs  de  ses  habi- 
tants, dans  les  ruines  des  monuments  élevés  par  les  difTérenlcs  civilisa- 
tions qui  se  sont  succédé  sur  les  rives  du  .Nil.  Ilonmie  d'imagination,  il 
a  essayé  de  ressusciter  ce  passé  et  de  le  faire  revivre  dans  une  série  de 
romans  historiques  qui  représentent  l'Egypte  pharaonique,  grecque  ou 
romaine.  Cela  tient  le  milieu  entre  le  liûman  de  la  momie  de  Théophile 
Gautier  et  la  Tentation  de  Saint- Aîitoi ne  de  (îustave  Flaubert;  il  y  a  plus 
de  science  que  dans  Théophile  Gautier,  plus  de  mou\ement  et  de  vie 
que  dans  Elaubert.  La  fable  ne  manque  pas  d'intérêt  et  sert  à  faire  pas- 
ser la  science. 

Dans  l'ouvrage  qu6  vient  de  publier  la  librairie  Didot,  et  qui  sera 
8ui\i  l'an  prochain  d'une  seconde  partie  consacrée  ;\  la  liaute-Égypte,  on 
retrouve  ce  même  mélange  de  dons  qui  souvent  s'excluent.  C'est,  par 
endroits,  un  récit  de  voyage,  très  chaud  et  très  coloré  ;  c'est  une  descrip- 
tion des  monuments  écrite  par  un  connaisseur  qui  les  a  examinés  de 
près  et  qui  s'intéresse  aux  questions  d'art;  c'est  une  .suite  de  vues  histo- 
riques, brillamment  présentées,  sur  les  formes  successives  qu'a  prises, 
depuis  Menés  jusqu'à  Méhéniet-Ali,  la  société  égypiienne.  De  nombreuses 


\21  REVUR   ARCHÉOLOGIQUK. 

citations  dos  lo\to<  lii'^roçlyphiqties.  des  poètes  ot  des  écrivains  classiques 
ou  aralies,  des  voyaijciirs  •noiierne?,  jeitonl  de  I.i  varii'li'' dans  celle  expo- 
gilion  ot  reposent  l'esprit  lu  lecteur. 

A.  Kbers  ne  connaît  pas  moins  bien  ri'^pyptc  grecque  et  l'i-lpyple  nrahe 
ou  turque  ijue  l'Hcypte  pharaonique;  nous  relèverons  surtout  les  pages 
où  il  s'occupe  desi^poqucs  reculées  qui  rentrent  mieux  dans  le  cadre  do 
notre  recueil. 

Le  livre  t'ouvre  par  un  chapitre  très  ai^ri'ahle  et  très  nourri  sur 
VAIcx'Vidn'i'  antique  ;  un  plan  aurait  été  ici  utile  pour  aider  le  lecteur  h 
s'orienter  dans  celle  description;  c'est  «l'aillcurs  un  genre  de  docu- 
ments qui  fait  complètement  défaut  dans  l'ouvrage.  Quelques  plans, 
celui  d'Alexandrie,  celui  du  traire,  celui  de  la  nécropole  de  Memphis, 
celui  de  la  grande  pyramide,  avec  une  ou  deux  coupes,  auraient,  ce  nous 
semble,  avantagenseiiiont  remplacé  certaines  gravures  qui  sentent  trop 
le  k-'(psakc  et  l'album  de  salon.  Nous  retrancherions  volontiers  des 
planches  comme  celles  qui  sont  intitulées  /(/  Perle  du  harem,  Zénab, 
Sultiiuc,  la  Chanteuse  favnritc  du  sultan;  ce  sont  des  images  d'une 
facture  tout  ensemble  prétentieuse  et  commune  qui  déparent  ce  beau 
livre.  Nous  en  dirons  autant  de  certaines  compositions  qui  visent  i  être 
des  tableaux  d'histoire,  telles  que  Clôopàtre  rcinoutatit  le  Cydnus,  Moise 
aauvé  îles  eaux,  la  Fuite  en  Egi/i'ite,  Joseph  et  le  Pharaon,  la  Mort  du  premier 
7ié.  Les  objets  antiques,  tels  que  médailles,  gemmes,  meubles,  statues, 
vases,  sont  en  général  assez  négligenmient  reproduits;  ce  qui  est  de 
beaucoup  lo  meilleur,  ce  sont  les  paysages,  les  vues  de  monuinonis,  les 
scènes  de  mœurs;  il  y  a,  en  ce  genre,  de  charmantes  vignettes.  A  tout 
prendre  pourtant,  l'illuïtralion,  qui  n  été  empruntée  de  toutes  pièces  à 
l'édition  allemanâe,  n'est  pas  à  la  hauteur  du  texte.  Sauf  les  paysagistes, 
dessinalenr.s  ot  graveurs  ont  en  gé.n'ral  la  main  lourde. 

Nous  signalerons  encore,  dans  le  chapitre  intitulé  A  travers  le  Delta, 
l'histoire  de  cette  contrée  et  de  son  agriculture  depuis  les  temps  les  plus 
anciens  jusqu'à  nos  jours,  ainti  que  la  visite  aux  ruines  de  Sais.  Une  pro- 
menade dans  le  pays  de  (Jr.schon  donne  à  M.  Ebcrs  l'occaMon  de  r.tconter 
avec  intérêt  la  conquête  de  l'É^yplc  par  les  Hycsos  et  de.  relrouver,  dans 
les  traits  des  jéchi'urs  du  lac  Menzaieh,  le  type  caractéristique  des 
fameux  sphinx  de  Tunis.  Mais  le  morceau  capital  de  lu  partie  antique, 
c'est  le  chapitre  consacré  à  Memphis  et  aux  Pyramides.  A  propos  des 
Pyramides,  l'auteur  rend  avec  beaucoup  de  force  l'iiupression  qu'elles 
produisetit;  il  cite  et  réfute  on  passant  toutes  ces  légendes  qui.  ilès  l'anti- 
quité, avaient  commencé  h  courir  au  sujet  de  leur  construction  et  de 
leur  destination,  toutes  ces  hypothèses  plus  ou  moins  subtiles  et  dérai- 
sonnables qui  se  sont  produites  «lans  les  temps  modernes  sur  ce  même 
sujet  ;  il  montre  à  quelles  idées  elles  répondaient  et  par  quels  jirocédés 
elles  ont  été  b.llies.  Do  même,  en  décrivant  la  nécropole  de  S.ikkira,  et 
particulièrement  les  bas-reliefs  des  tombeaux  de  Ti  et  de  l'htah-llutep, 
en  Iraduitant  les  inscriptions  qui  accompagnent  ces  scènes,  il  présente  un 


BiBi.ior.nAPiiir..  \i:\ 

tableau  très  vif  et  tr("'s  nnimr!  de  ri']!?ypto  des  prfîmit'-rcs  dynasties  :  paci- 
fique, lal)orieuso  et  gaie.  ,M<\m<^  après  la  peiuliire  qu'en  a  Irarc'e,  d'après 
M.  Mariette,  un  inailrc  comme  M.  Meiian,  on  liraces  pages  avec,  plaisir  et 
profit. 

l'our  ceuK  qui  ont  visité  l'i^j,'ypte,  ce  livre  rafraîchira  leurs  souvenirs 
do  la  maniùro  la  plus  agréable;  il  aidera  ceux  qui  no  l'ont  pas  encore 
fait  soit  ;\  piéparer  un  >oyage  depuis  longtemps  désiré,  soit  i\  se  faire 
tout  au  moins  une  idée  de  paysages,  de  villes  et  de  monuments  (jui  ne 
ressemblent  à  ceux  d'aucune  autre  contrée.  M.  Kbers  a  la  science  de 
l'érudit  et,  en  même  temps,  le  don  de  la  couleur  et  de  la  vie.  Nous 
souhaitons  vivement  voir  son  ouvrage  complété  par  la  publication  de  lu 
seconde  partie  et  le  voir  évoquer  devant  nous  les  splendeurs  de  la 
Thébes  des  Thoutmés  et  des  Ramsés.  (J.  Peiuiot. 

L'Art  païen  sous  les  empereurs  chrétiens,  par  M.  Paul  Ai.laud.  Paris, 
Didier,  1  ^ol.  in-S»,  de  xv-325  pages. 

On  connaît  les  services  déjà  rendus  par  M.  Paul  Allard  à  la  science  des 
antiquités  chrétiennes.  Sa  petite  Rome  souterraine  est,  en  ce  genre  d'étu- 
des, un  livre  classique  aussi  attrayant  que  solide.  Grice  à  lui,  l'archéo- 
logie chrétienne,  telle  qu'elle  a  été  créée  par  M.  de  Rossi,  avec  ses  sources, 
sa  méthode,  ses  conclusions  immédiates  les  plus  importantes,  a  été,  non 
pas  vulgarisée,  ces  choses-U\,  heureusement,  ne  se  vulgarisent  pas,  mais 
présentée  ;\  un  cercle  considéralle  d'esprits  cultivés. 

Après  la  théorie,  l'application.  Or  quelle  application  scientifique  est 
plus  naturelle  que  celle  de  l'archéologie  à  l'histoire,  surtout  à  l'histoire 
des  institutions  et  des  mœurs  ?  C'est  dans  cette  pensée  que  M.  Allard  pu- 
blia, il  y  a  deux  ans,  son  livre  sur  les  Esclaves  chrétiens,  où  il  a  pu,  avec 
les  éléments  nouveaux  fournis  par  l'archéologie,  renouveler  un  sujet 
souvent  traité  et  particulièrement  délicat.  Aujourd'hui,  il  veut  «  montrer 
le  christianisme  aux  prises  avec  un  autre  élément  mauvais  de  la  société 
antique,  l'idolâtrie,  »  faire  voir  qu'il  «  a  su  détruire  l'idolâtrie  sans 
allérer  l'aspect  extérieur  de  la  civilisation  où  elle  avait  tenu  une  place 
si  grande  et  parfois  si  brillante,  abolir  l'erreur  sans  loucher  à  l'art 
qui  en  fut  souvent  la  parure,  renverser  ce  qui  devait  disparaître  à 
jamais  sans  faire  tomber  sous  les  mûmes  coups  ce  qui  méritait  de  de- 
meurer, »  (Préf.,  p.  II,  iii.)  Suivons-le  dans  son  exposition. 

Après  un  premier  chapitre  sur  les  marbres  païens  employés  dans  les 
catacombes,  l'auteur  entre  dans  l'étude  de  la  législation  du  iv«  et  du 
V  siècle,  relativement  aux  l!>mples  et  à  l'exercice  du  culte  païen.  Il  suit 
pas  à  pas  le  progrès  de  la  sévérité  impériale  à  l'égard  de  la  religion 
déchue:  c'est  surtout  dans  le  domaine  du  rite  qu'elle  s'exerce  :  les  sacri- 
fices au  nom  de  l'i-ltat,  la  magie  privée,  puis  l'aruspicine  publique,  puis 
les  sacrifices  dans  les  temples,  enfin  toutes  les  pratiques  païennes  sont 
l'objet  d'interdictions  successives;  mais  les  monuments  eux-mêmes  sont 
respectés,  sauf  certains  sanctuaires  où  la  religion  était,  comme  en  Phé- 


124  REVL'E   ARCHKOLOGIQUK. 

nicie,  le  prélexlo  de  honteux  dc^sordres  inoraui.  A  l;i  (in,  les  monuments 
ou\-miMues  sont  atloinls  |»ar  la  suppression  p^OL•l•es^ive  des  rcvonus 
aiïeclés  à  l'onlrelion  du  culte.  Ou  cuuscrva  bien  ni  ornamaitum  iirbis  les 
statues  autrefois  adorées  dans  les  temples;  niais  les  édilices,  n't'tanl  plus 
entretenus  que  sur  les  fonds  d'un  trésor  souvent  \ide,  se  dint^riorcut  et 
finissent  par  tomber  en  ruines.  Cependant  il  y  a  eu,  vers  le  commence- 
ment du  v  sii'^cle,  un  nionieni  tiop  court  où  les  nionunienls  des  deux 
cultes  ont  uni  leurs  spItMideurs  jtour  l'ornenicnt  de  Home  ei  des  autres 
granules  villes  de  rempire  ;  àcôtr  des  temples  fermés,  mais  encore  intacts, 
s'élevaient  les  basiliques  clirétieimcs  avec  leurs  marbres  fralcbcment 
polis,  leurs  longues  colonnades  et  leurs  brillantes  mosaïques.  Constanii- 
nople  présentait  un  sjjectacle  analo'^ue,  non  pas  qu'il  s'y  fût  conservé 
beaucoup  de  monuments  païens,  mais  parce  que  (loiii-tanlin  et  ses  suc- 
ces>eurs  avaient  dépouillé  pour  l'embellir  les  plus  célèbres  sanctuaires 
de  la  (iréce  et  de  l'Orient.  Home  et  Couslanlinople  furent  ainsi,  quoique 
avec  des  nuances  diverses,  u  les  musées  du  paganisuie  ». 

Ce  sont  les  Rarbares  qui  ont  détruit  cette  belle  ordonnance.  M.  Allard 
croit  que  les  Barbares  n'oul  pas  été  calomniés  :  je  suis  de  cet  avis;  mais 
aux  barbares  venus  du  dehors  il  faudrait  joindre  les  barbares  du  dedans. 
En  général  les  villes  se  détruisent  toutes  seules;  l'invasion  y  aide,  c'est 
certain,  mais,  môme  sans  barbares,  il  y  a  toujours  assez  de  voleurs  pour 
faire  disparaître  les  dieux  de  bronze,  a^sez  de  bâtisseurs  pour  préférer  les 
pierres  taillées  et  rendues  sur  place  ;\  celles  qu'il  faudrait  extraire  des 
carrières.  M'oublions,  pour  être  justes,  ni  Sixte-Quint,  ni  les  Rarberini. 

Par  cette  réserve  je  viens  de  terminer  l'esquisse  générale  du  livre.  Il 
faut  citer  quelques  détails  importants  :  de  ce  nombre  est  l'élude  du  cime- 
tière de  Generosa  dans  ses  rapports  avec  la  décadence  du  culte  arvalique 
et  les  trans.'ormations  survenues  dans  les  conditions  légales  d'un  1res 
ancien  immeuble  alTecté  au  culte  i)aïen.  l'n  chapitre  très  inlére?sant  est 
consacré  aux  sanctuaires  des  campagnes,  dont  la  dedruclion  fut  pour- 
suivie avec  une  grande  sévérité  parles  empereurs  et  les  évéques,  tandis 
que  les  temples  des  villes  étaient  placés  sous  la  pioteclion  des  lois.  A 
IVgard  de  ces  derniers,  les  lois  n'étaient  pas  toujours  observées  :  .M.  .\llard 
signale  et  explique  les  faits  particuliers  par  des  circonstances  particulières. 
Peut-être  aurait-il  pu  dire  avec  plus  de  hardiesse  que  les  tidèles  et  même 
les  évéques  n'avaient  pas  en  général  un  bien  grand  soin  de  l'art  et  de 
l'archéologie;  cela  s'est  vu  en  d'autres  temps.  .\u  moins  a-t-on  ren'lu 
grand  service  aux  tem[)Ies  antiques  en  les  transformant  en  églises;  c'est 
ce  qui  a  sauvé  le  Parlbénon,  rKieclilhéion  et  quelques  autres  monu- 
ments, il  est  même  regrettable  que  celte  appropriation  ne  se  soil  pas  faite 
plus  tôt  et  sur  une  plus  large  échelle. 

Le  livre  de  .M.  Allard  est  une  thèse  ;  les  paroles  que  j'ai  citées  en  com- 
niengant  en  donnent  l'énoncé.  La  thèse  est-elle  démontrée?  Je  serais  sus- 
pect si  jedisais  oui,  et  d'ailleurs  je  ne  dirais  pas  oui  sans  (juebiues  réserves. 
Mais,  en  faisant  abslraction  de  la  thèse,  il   re^le  un  tableau;  un  esprit 


BiBLiO(jn.vpinE.  125 

chagrin  pourrait  y  vouloir  quelques  ombres  de  plus;  dans  l'enspfnbie  il 
est  vrai,  vivanl,  et  la  gr.lco  iic  lui  Tait  pas  déTaul.  V.  Dl'curs.nk. 

'IdTOpixi?!  èxOe-Ti;  twv  irpiÇewv  ty);  tv  "AOriVxï;  àç«/.aio/OYtx^;  itaipîa;  ànô  r/j;  ISpOotto; 
avTT,;  t6  1837  (AtXf  "t^''  1879  Te>tyT(LvTo;.  Alliènes,  1879,  in-8. 

La  Société  archéologique  d'Ath^uos,  arrivé(>  au  iertue  de  la  quaranle- 
dcuxiùuîe  année  do  sa  vie,  a  voulu,  couinie  vient  de  le  faire  à  Home 
l'Institut  de  correspondance  archéologique,  rappeler  les  services  qu'elle  a 
rendus  ;\la  science.  Un  de  ses  membres  les  plus  actifs  elles  plus  dévoués, 
M.  Euthymios  Kaslorchis,  a  accepté  la  tAche  d'écrire  celte  hisloire,  et  il 
l'a  remplie  avec  beaucoup  de  soin,  de  convenance  et  de  mesure,  ;\  l'aide 
des  publications  de  la  Société,  de  ses  procès-verbaux  manuscrits  et  dos 
souvenirs  personnels  de  ses  confrères  plus  Agés.  Depuis  vingt  ans 
d'ailleurs,  il  prend  pat  taux  travaux  et  à  la  direction  de  l'association  ;  nul 
n'était  donc  mieux  préparé  à  cette  entreprise. 

M.  Kaslorchis  commence  par  dontier  quelques  rensoigncmenis,  qui  ont 
leur  intérêt,  sur  les  premiers  efTorls  tentés  par  le  gouvernement  de  Capo- 
d'Istria,  avant  même  que  l'indépendance  de  la  Grèce  fût  encore  bien 
assurée,  pour  sauver  les  monuments  antiques  et  en  assurer  la  conserva- 
tion ;  il  rappelle  ce  qu'un  savant  allemand,  Ross,  a  fait  dans  le  même 
ordre  d'idée?,  pendant  le  commencement  du  règtie  d'Othon  de  Bavière, 
et  il  arrive  ainsi  à  la  fondation  de  Ja  Société,  qui  se  réunit  pour  la  pre- 
mière fois  en  1837.  Il  raconte  comment  elle  s'organisa,  donne  le  nom  de 
ses  premiers  organisateurs  et  énumère  ensuite,  année  par  année,  les  tra- 
vaux qu'elle  a  entrepris;  il  en  analyse  les  publications,  il  en  fait  con- 
naître le  musée,  il  en  expose  les  désirs  et  les  projets. 

De  celle  exposition  il  résulte  que,  avec  des  ressources  très  restreintes, 
dans  le  cours  d'une  vie  souvent  précaire  et  menacée,  la  Société  a  beau- 
coup fait  pour  déblayer  les  sites  antiques,  pour  arracher  à  la  destruction 
des  monuments  précieux  et  pour  les  porter  à  la  connaissance  des  savants 
de  l'Europe.  M.  Kaslorchis  a  raison  de  dire  que  la  Société  s'est  montrée 
très  libérale  dans  le  règlement  qu'elle  a  adopté  pour  son  musée  ;  elle  a 
permis  aux  savants  de  tous  pays  d'étudier  à  leur  aise  et  de  publier  les 
antiquités  de  tous  genres,  inscriptions,  vases,  statues,  bas-reliefs,  qui 
avaient  été  acquis  par  elle  ou  qu'elle  était  occupée  à  faire  sortir  de  terre; 
il  n'est  pour  ainsi  dire  pas  de  membre  de  l'École  d'Athènes  qui  n'ait  pro- 
fité de  celle  libéralité  et  qui  n'en  ait  gardé  le  souvenir.  Ce  qui  contraste 
d'une  manière  fâcheuse  avec  celte  libéralité,  ce  que  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  rappeler  malgré  la  reconnaissance  que  nous  avons  à 
la  Société  archéologique,  c'est  la  part  qu'elle  a  prise  à  l'établissement  de 
la  législation  qui  régit  aujourd'hui  en  Grèce  les  fouilles  à  faire  par  des 
particuliers  et  le  commerce  des  antiquités.  Les  règlements  qui  inter- 
disent avec  une  rigoureuse  sévérité  la  vente  et  l'exportation  des  objets 
antiques  n'ont  jamais  empêché  la  sortie  des  bas-reliefs,  des  vases,  des 
bronzes,  des  terres  cuites;  mais,  par  les  difflcultés qu'ils  opposent  à  ces 


liC  nEVDE  ARCHÉOLOGIQUE. 

transaciions,  ils  assurent  i\  lu  frauilo  une  primo  trîîs  lMcvôo  que  les  mar- 
chaïuis  iiar(ai;onl  aver  ceux  qui  sont  chargés  de  les  surveiller  ;  ils  lomient 
;\  di^nioraliser  une  aiiuiiiii>traliou  qui  dovrail  Olre  au-dessus  du  soupçon, 
et  ils  ne  proHlenl  qu  à  la  contrebande.  Au  dclriinenl  des  coUeclionneurs 
Cl  des  musiîes  de  l'Kurope,  ils  font  renchérir  les  objets  d'art,  sans 
atteindre  le  nSullat  qui  sert  de  justiHcation  apparente  à  ces  vexations, 
sans  assurer  à  la  CirC-co  la  propriélé  d'un  plus  grand  nombre  d'objets 
d"ar(.  Ils  ont  encore  un  autre  inconvénient  :  ils  commandent  ces  fouilles 
clandestines  et  précipitées  qui  ne  laissent  point  de  souvenirs  mélbodi- 
quemcnl  relevés;  ils  engagent  les  marchands  à  dissiumler  soigneuse- 
ment les  provenances  et  enlùvenl  ainsi  beaucoup  à  la  valeur,  à  l'intérêt 
sciontilique  des  objets  jetés  sur  le  marché.  C'est  ainsi  que  des  milliers  de 
terres  cuites  sont  sorties  de  la  nécropole  de  Tanapre  sans  que  l'on  ait  un 
journal  des  fouilles  qui  nous  permette  de  roconstituiT  ces  curieuses 
sépultures.  Ceux  qui  ouvraient  ces  tombes,  par  peur  du  gendarme,  tra- 
vaillaient la  nuit  et  rebouchaient  ensuite  leur  trou,  ne  laissant  derrière 
eux  que  terres  remuées  et  Icssons  brisés;  s'ils  avaient  pu  opi'rer  au  grand 
jour  et  tirer  de  leur  peine  un  prullt  légitime  et  avoué,  quels  précieux 
renseignements  nous  aurions  pu  tirer  d'un  tel  ensemble  de  recher- 
ches I 

Ce  que  M.  Kastorchis  ne  dit  pas  non  plu?,  c'est  combien  la  Société  a 
toujours  été  peu  favorable  aux  fouilles  entreprises  par  les  savants  étran- 
gers, à  leurs  frais,  sur  le  sol  de  la  Grèce.  S'il  n'avait  dépendu  que  d'elle, 
la  convention  gréco-allemande  qui  a  livré  à  l'Inslitut  germanique  le  sol 
d'Olympie  n'aurait  jamais  été  signée;  on  sait  quelle  opposition  acharnée 
et  publique  la  Société  a  faite  i  la  ratification  du  traité  ;  or  c'eût  été  un 
grand  malheur  pour  la  science  et  pour  la  Créée  elle-même  que  ce  terrain 
si  riche  n'eût  pas  été  sondé  et  retourné  en  tous  sens,  avec  une  dépense  à 
laquelle  n'eussent  jamais  pu  fournir  la  Société  archéologique  et  le  Cou- 
vernemenl  grec.  Maintenant  encore,  si  la  Société  s'occupe,  par  des  achats 
partiels,  de  prendre  pied  i  Delphes  et  ;\  Eleusis,  n'est-ce  pas  surtout  pour 
interdire  l'accès  de  ces  deux  sites  aux  étrangers  qui  en  ont  déjà  tiré  une 
si  précieuse  moisson  ? 

11  nous  est  pénible  d'insister  sur  ce  point;  nous  voudrions  n'avoir  qu'à 
exprimer  ici  nos  sentiments  d'estime  et  de  gratitude  pour  une  activité 
très  digne  de  louange  et  de  respect  à  tant  d'autres  égards.  Pourquoi,  par 
l'exagération  d'un  sentiment  très  honorable,  par  un  patriotisme  mal 
entendu  qui  prend  souvent  les  apparences  d'une  jalousie  mesquine,  la 
Société  gAte-l-clle  le  mérite  de  ses  bienfaits?  Tour  tous  ceux  qui  sont 
vraiment  animés  de  la  passion  de  l'histoire  et  qui  adorent  l'art  antique 
jusque  dans  ses  moindres  débris,  ce  qui  est  nécessaire  c'est  que  nous  arra- 
chions le  plus  tôt  possible  à  leur  linceul  de  poudre  et  de  décombres  tous 
les  monuments  encore  ensevelis;  que  cette  exbunialion  se  lasse  par  les 
mains  des  tirées  ou  des  étrangers,  di's  Anglais,  des  Français  ou  des  Alle- 
maude,  qu'importe?  Ce  qu'il  faut,  c'est  que  l'œuvre  se  poursuive  rapide- 


BIBMOGRAPIIIK,  127 

ment  cl  dans  des  conditions  salisfuisantcs  do  recherche   cl  d'cnquCtc 
scientiiiquea.  (j.  l'EnnoT. 

Leçons  de  calcul  d'Aryabhata,  par  I.kon  I'.odpt.  Kxtrait  du  Journal  asid- 
tniuc.  Paris,  iaipriHiurio  nuiionaln,  MUCCCLXXIX  (1), 

Ce  travail  appartient  à  une  série  dont  l'auteur  poursuit,  avec  une  iiiTa- 
tigablc  pcrsi'vt'rancc,  la  publication  dans  le  l<urnal  asiatique  cl  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  mathéinalique  de  France.  Il  est  consacré  à  la  traduc- 
tion cl  au  commcntairo  de  la  partie  algélirique  et  géomctrique  d'un 
texte  sanscrit,  qui,  partiellement  analysé  par  Colebrooke  d'aprùs  des 
citations  de  sclioliastcs  jioslérieurs  ("2),  a  ùWt  pul)Ii6,  en  iHl'i,  par 
M.  Kern  (3),  et  rcmarqualdemont  analyse',  en  t87ii,  par  M.  A.  F?arth  (4). 
Ce  dernier  niûmoirc,  de  uiûinc  que  d'autres  travaux  de  iJhau  Uadji  (.-;)  et 
de  M.  Kern (6),  semblent  avoir  échappé  à  M.  Léon  Rodai;  ils  n'enlèvent 
donc  rien  à  la  valeur  absolue  du  présent  opuscule. 

Le  Ganifapàda  (c'est  le  nom  de  la  partie  géométrique  de  VAryahhaiiya) 
s'ouvre  par  une  li^le  des  puissances  do  io  o\  de  leurs  noms  jusqu'à  10", 
que  le  traducteur  compare  avec  celle  de  Bhâskara. 

Après  avoir  constaté  que  les  solides  se  désignent  chez  Aryabhalapar 
leurs  arêtes  et  non  par  leurs  faces,  M.  Rodet  éclaircit  les  règles  de  l'ex- 
traction des  racines  carrre  et  cubique  par  des  rapprochements  avec  les 
commentaires  de  la  Llldvati.  Il  y  trouve  un  argument  en  faveur  de 
l'existence  de  chillVes  avec  valeur  de  position  au  temps  d'Aryabhata. 

Vient  ensuite  la  mesure  des  surfaces  et  des  volumes,  M.  Rodet  signale 
ici  rinsuffisance  des  connaissances  sléréométriques  de  l'auteur;  sa  for- 
mule pour  le  volume  de  la  sphère  prouve  qu'il  ignorait  les  travaux 
d'Archimède.  Au  contraire,  la  remarquable  expression  de 

•;:  =  =3,1410, 

qui  se  trouve  quelques  vers  après,  semble  provenir,  pour    M.    Rodet, 
d'une  source  grecque. 

A  propos  d'une  manière  de  calculer  les  sinus  et  d'une  table  de  leurs 
différences  premières,   M.   Rodet  remarque  que   ces  sinus  et  ces  diffé- 

(1)  Ce  tirage  à  part  contient  de  plus  que  l'article  du  Journal  asiatique  :  1°  le  texte 
sanscrit;  2"  une  importante  rcctilication  relative  au  rôle  des  fractions  continues 
dans  la  résolution  de  l'équation  indéterminée  du  premier  degré  par  Bliàscara. 

(2)  Miscellaneous  Esmys,  t.  Il,  1873,  pages  332,  30i,  3S0,  420. 

(3)  T/tc  Aryab/iatiija  with  the  Commentary  Bhutudipihà  of  Paramddiçvara, 
Leiden,  Brill,  187/j,  \n-k°. 

(4)  Revue  critique  d'histoire  et  de  littérature,  1875,  n"  16. 

(5)  Brie f  notes  on  the  Aye  and  Authenlicity  of  the  v:orhs  of  Aryabhnta  in  Jour- 
nal of  the  Royal  Asiatic  Society,  new  séries,  I.  p.  392. 

(6)  On  some  fragments  of  Aryabhata,  dans  le  même  recueil,  t.  XX,  p.  371.  — 
Varaha  Miliira,  Brihat  Samhita,  préface,  p.  55. 


128  ni'VLK    ARCHÉOLOGIQUK. 

ronces  tels  que  les  donnent  le  Sùrya-Sihlhùnta  et  Aryabhata  sont  évalués 
en  minutes,  c'e>t-;\-ilii"e  en  ilivisicins  <exilJ:6^ilnales;  il  y  voit  une  inlUicnce 
chaldf^cnne,  ce  qui  paraîtra  sans  doute  une  hypollii'so  un  peu  hardie. 

Il  s'iHend  ensuite  sur  un  procédii  de  nivellemenl,  bur  quelques  propo- 
sitions gi^omélriques  usitées  dans  la  théorie  du  gnomon  et  dans  le  calcul 
des  ellipses,  sur  la  théorie  des  progressions  et  sur  ses  applications  ;\  la 
sommai  ion  drs  pilin. 

l'.nûn  on  trouve  le  fait,  bien  inlérossant  au  temps  d'AryaMiata,  d'une 
résolution  générale  de  l'équation  du  second  degié,  une  formule  désinté- 
rêts, des  régies  de  la  multiplication  et  de  la  division  des  riactions,  la  réso- 
lution de  l'équation  du  premier  degré,  le  problème  des  courriers,  la 
solution  générale  de  l'équation  <i.r  -\-  In/  =  r. 

Celte  analyse,  courte,  mais  dans  laquelle  nous  ne  croyons  avoir  rien 
omis  d'essentiel,  donne  une  idée  de  l'intérêt  de  ces  éludes,  qui,  après 
avoir  été  longtemps  contestées,  semblent,  grâce  à  une  chronologie  de 
mieux  en  mieux  aiïermie,  devoir  bouleverser  complèlemenl  l'histoire  de 
nos  connaissances  matliémaliques. 

Les  institu Lions   sociales    et  le   droit  civil    à  Sparte,    par   Clacdio 

Jannkt.  2"=  liditioii,  l'cilone-LaiiricI,  l'aris,  l8so,  iii-S». 

M.  Claudio  Jannet  donne  une  nouvelle  édition  d'un  mémoire  qu'il  a 
publié  en  187S;  ;  profitant  des  éludes  qui  ont  élé  faites  dans  cet  intervalle 
sur  ce  sujet  des  anli(juilés  sparliales,  il  n'a  rien  négligé  pour  mettre  son 
travail  au  courant  de  tous  les  progrés  de  la  philologie  et  de  l'épigraphie. 
Au  moment  même  où  paraissait  celte  dissertation,  M.  Fuslel  deCoulanges 
étudiait,  devant  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  le  droit 
civil  de  Sparte,  et  réfutait  certains  préjugés,  certaines  erreurs  tradition- 
nelles que  la  plupart  des  livres  d'histoire  se  IransmellcnlA  ce  sujet.  Nous 
n'avons  pas  encore  sous  les  yeux  le  Mémoire  de  M.  Fuslel;  mais  nous 
savons,  par  les  comptes  rendus  qui  en  ont  élé  donnés,  que  les  deux  his- 
toriens s'accordent  sur  les  questions  principales  ;  l'un  et  l'autre  repous- 
sent avec  la  même  énergie  l'idée  si  généralement  acceptée,  sur  la  foi  do 
IMutarque  et  de  l'olybe,  d'un  partage  primitif  de  la  terre  laconienne  en 
lois  dont  la  loi  aurait  établi  et  se  serait  attachée  à  maintenir  l'égalité. 
Sans  doute  M.  Jannet  n'a  pas  le  style  sévère  et  la  grande  allure  que 
M.  Fustel  porte  dans  le  moindre  de  ses  écrits  ;  mais  il  professe  le  mémo 
respect  pour  les  textes,  il  fait  le  même  eiïort  pour  en  discuter  et  pour  en 
fixer  l'autorité  relative,  il  a  le  même  forme  propo.i  de  ne  rien  avancer 
qu'ils  ne  contiennent  et  ne  garantissent.  .Sa  mélhodo  est  la  bonne  et  la 
vraie;  nous  ne  pouvons  que  souhaiter  qu'il  applique  sa  curiosité  A  l'étude 
d'autres  chapitres  du  droit  grec.  tj.  I'. 


EIlIiATA. 
Dans  le  numéro  de  janvier,  lisez,  page  Ul,  ligne  '.»,  Son  au  lieu  de  Sen  ; 
ligne  19,  Dorcslalus  au  lieu  de  Uercitalus  ;  ligne  viO,  [)'  Leeuians  au  lieu  de 
b'  Leeman. 


NOTICE 

soa 

DES  INSCRIPTIONS  ET  DES  ANTIQUITÉS 

PROVENANT  DE  BOURBONNE-LES-BAINS 

DONNÉES   PAU    L'kTAT    A    LA    BlBLIOTHÈQUIi    .NATIONALE 

suivie  d'un  essai  de  catalogue  général  des  monuments  cpigraphiqacs    relatifs 
à  BORVO  et  à  DAMONA. 

Suite  (1). 


I  3.  —  Inscriptions  d'Entrains. 

iNM6.  AVG-SACR-DEO 

BORVONI  •  I  •  CANDI 

DO-  AERARI  •  SVB    CV 

RA-  LEONIS     £    M /R 

CIANI    EX    VOTO  •  R 

AERARI  •  DONA 

Je  n'aurai  à  discuter  ni  la  teneur,  ni  les  abiéviations  de  ce  texte; 
j'en  ai  sous  les  yeux  un  fac-similé,  et  M.  Léon  Renier  l'a  publié  en 
187:2,  d'après  une  communication  de  iM.  Ragon,  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Voici  la  resti- 
tution du  savant  académicien  : 

(t)  Voir  les  numéics  de  janvier  et  février. 

\\X1\.  —  Mars.  S> 


1;{(I  ni-.Vl'K   AnCHKOLOGKjl  I  . 

Auiiusto  sacnnn  dco  Don  oui  et  (lumlido  (vvarii  suh  rura  I.eoiiis  et 
Miircidni  t\v  lolo  lelnto  (rrarii  donuveruiit  (1). 

On  liU'flti*  inscription  sur  uiio  plaiimi  ih'  miivrc  do  2()ri'iil.  en  l.ir- 
geuisur  le»  en  liaiilrur,  qui  a  élc  trouvée  on  isTO  à  Entrains  uu  En- 
train (Nièvro),  ainsi  tiu'on  l'apprend  d'une  ktlre  de  M.  l'abl»'-  Clia- 
vanlon,  alors  curé  de  celle  ville,  datée  du  l.'i  décenilire  1870,  par 
lai|Ui'IK'  cel  ccclésiasli(iuc  en  annonçait  la  découverlc  au  président 
de  la  Société  niveinaise.  «  Un  de  mes  paroissiens  (-2),  écrit  .M.  l'abLé 
Chavanton,  a  trouvé  dans  son  jardin  une  phKjue  de  cuivre  jaune, 
ou  pour  mieux  dire  d'titj  métal  imitant  le  cuivie,  de  la  lon;,nieur  et 
largeur  du  papier  ci-joint,  sur  laiiuelle  se  liouve  l'inscription  (|ue 
j'ai  transcrite  en  essayant  de  conserver  la  forme  et  la  grosseur  des 
lettres,  llien  n'est  elTacé;  l'inscription  est  et  a  toujours  été  telle  ijue 
vous  la  voyez.  Celle  plaque  était  dans  une  espèce  de  caveau,  dans 
lequel  on  a  trouvé  une  pierre  ronde  qui  a  dû  être  supportée  par  un 
jiied,  et  une  statue  de  deux  pieds  de  haut,  représentant  un  homme 
tenant  à  la  main  une  espèce  de  béte,  cl  encore  ileux  autres  statues, 
représentant  nn  homme  et  une  femme,  la  femme  plus  grande  (jue 
l'homme.  »  Cette  lettre,  lue  à  la  séance  du  8  mars  1871,  a  été  publiée 
avec  le  fac-similé  annoncé,  dans  le  linllrtin  delà  Socictc  uicernuise 
des  sciences^  lettres  et  dits,  en  1872  (3). 

D'un  autre  cùlé,  le  rc!,M'etlal)le  M.  Hagon  (i),  celui-là  même  qu 
avait  communiqué  notre  inscription  à  M.  Léon  Renier,  en  parla  à  ses 
confrères  de  la  Société  des  anti(iuaires  de  l'Ouest,  à  la  séance  du 
M  décembre  1871  (o),  mais  en  quelques  mots  et  sans  en  donner  le 
texte,  (ju'il  ne  leur  lit  connaître  que  l'année  suivante,  à  la  séance  du 
8  août  187^  (()).  Celle  fuis,  M.  Ragon  mentionna  une  particularité 
(jui  n'a  été  si.u'nalée,  que  je  sache,  que  jiar  lui,  bien  qu(;  phisieurs 
érudils  aient  [tarlé  de  ce  monument.  Cette  pbuiue  de  cuivre  aurait 
été  trouvée  enveloppée  dans  une  feuille  flexible  liu  même  métal; 
cefaitsingulierm'ayant  étonné,  j'ai  pris  des  informa  lions  à  Eiitiains 


(1)  Complet  rendus  dn  VAicidémie  îles  inscriptions  et  fiflles-lellres  (3*  sério, 
t.  I,  p.  408,  publié  en  1H72,  SL-anco  du  vciidiedi  /i  octobre  187Ji.  Voyez  aussi,  dans 
le  Journal  of/icfl  du  8  oclobro  1872,  le  compte  rendu  <ie  cette  séance  par  M.  Dclau- 
nay  (p.  63U2,  col.  3). 

(2/  Le  nommé  Pierre  lîolland,  demcurunl  faubourg  des  JoiiCs. 

(3)  Voyez  2«  béric,  t.  V,  p.  2/|.'). 

(It)  M.  lUKOn  est  mort  prématurément  le  33  octobre  1878. 

(5)  Hullelin  de  la  Socidlé  des  anliquuics  de  l'Ouest,  dans  le  Tolume  de  l.i 
13»  w'rie  publié  en  1874  ^oyez  p.  7r)). 

(0)  Ml'/.,  p.  240-247. 


INSCniPTIONS  KT  ANTIQUITKS  DR  nounnoNNE-LEs-n.viNs.       L'H 

môme,  et  M.  l'abbé  Baudiau,  aujourd'bui  ruré-doyen  de  cette  ville, 
a  bion  voulu  m'en  alloslcr  la  parfaili!  exactitude.  Tant  des  observa- 
tions plus  dùveiopijccs  (ju'a  bien  voulu  lu'adresser  le  dit'ne  succes- 
seur de  M.  l'abbé  Cliavanton,  que  de  celles  que  m'a  données  plus  lard 
verbalement  mon  obligeant  et  savant  confrère  M.  Héron  de  Ville- 
fosse,  à  son  retour  d'une  récente  vi>^ite  à  Kntrains,  il  résulte  que  je 
puis  donner  une  exacte  description  de  cet  appendice  singulier  dont 
on  n'a  peut-être  jamais  signalé  le  semblable. 

Au  moment  de  la  découverte  de  la  plaque  écrite,  une  sorte  de 
ruban  de  cuivre  mince  et  llexible,  long  d'environ  un  métro  et  large 
de  Sri  mill.,  en  faisait  trois  fois  le  tour  et  la  recouvrait  complète- 
ment. Or  cette  curieuse  enveloppe  existe  encore,  telle  qu'on  l'a 
trouvée;  car  dans  la  famille  de  M.  Goulard,  l'ancien  maire  d'En- 
trains, acquéreur  de  l'ex-voto  des  aerarii,  on  a  eu  la  bonne  pensée 
de  la  conserver  aussi  soigneusement  que  la  plaque  elle-même. 

L'inscription  remplit  entièrement  cette  petite  plaque,  à  l'exception 
d'un  pourtour  d'un  centimètre.  Elle  était  fixée  par  quatre  clous, 
dont  trois  dans  la  partie  supérieure,  et  un  dans  la  partie  inférieure; 
celui-ci  coupe  la  lettre  I  du  mot  Leonis  de  la  quatrième  ligne. 
Celte  plaque  fut  trouvée  recouverte  d'une  pierre  ronde,  non  pas  dans 
un  caveau,  mais  enterrée  près  de  l'entrée  d'un  caveau  alors  comblé. 
Dans  ce  caveau  on  trouva  : 

1°  Une  statuette  d'Hercule,  de  60  centimètres  de  hauteur,  ados- 
sée à  une  pierre  formant  une  espèce  de  niche  recourbée  un  peu 
au-dessus  de  la  tête,  qui  mesure  76  centimètres  de  hauteur  sur 
28  de  largeur.  Le  dieu  est  debout,  tenant  un  lion  suspendu  par  la 
patte  de  gauche  (?).  La  statuette  et  sa  niche  sont  cassées  un  peu  plus 
bas  que  le  genou  d'Hercule;  mais  les  deux  morceaux  sont  entiers 
et  se  rapportent  bien. 

2»  Un  groupe  de  deux  ctatuettes,  un  homme  et  une  femme.  Les 
deux  personnages  sont  assis  sur  un  même  siège,  la  femme  à  droite 
de  l'homme.  Ces  ligures  sont  de  môme  taille,  mais  la  femme  pa- 
raît un  peu  plus  haute  à  cause  de  ses  cheveux  noués  sur  le  som- 
met de  la  tête.  Toutes  deux  sont  drapées.  Les  tôles  sont  séparées  du 
tronc,  mais  d'une  cassure  franche  comme  celle  de  l'Hercule.  Leur 
hauteur  est  de  45  centimètres.  On  peut  voir  des  représentations  de 
ces  monuments  dans  l'Histoire  d'Entrain  que  vient  de  faire  paraître 
M.  l'abbé  Haudiau,  ouvrage  plein  de  curieuses  informations,  mais 
où  l'auteur  glisse  rapidement  sur  les  antiquités,  dont  il  a  laissé 
le  soin  de  parler  en  archéologue  à  M.  Héron  de  Villefosse,  à  qui  il  a 


132  iiKvn:  arciii':oi.oc.iqui:. 

réservé  à  col  elTel  une  place  dans  son  livre  (1).  Je  irapinendrai  pas 
aux  lecteurs  de  la  nerue  arcfii'ologique  que  M.  Ht  roii  de  Villefosse  a 
donné  ù  ce  recueil,  il  y  a  Iroisans  ;J),  un  article  des  plus  inléies- 
sanls  sur  la  statue  colossale  d'Apollon  assis  trouvée  ;\  Knlrains,  depuis 
donnée  au  Louvre  par  M.  le  comte  d'ijunolsloin,  mais  je  leur  rappelle- 
rai (jue  mon  savant  ami  est  revenu  sur  ce  sujet  dans  la  Gazette  archco- 
logique^  où  il  a  reparlé  de  l'Hercule  d'Entrains  (t.  II,  p.  5).  Je  dois  en- 
core les  avertir  qu'ils  trouveront  un  exact  fac-similé  de  l'inscription 
danslemémeiredontilaenrielii  l'histoire  de  cette  ville  due  ;\  M.  l'abbé 
Baudiau;  nous  ne  reproduisons  pas  ce  fac-similé  ;  il  suffira  d'avertir 
que,  dans  cette  inscription  gravée  par  une  main  inexpérimentée, 
plusieurs  des  A  sont  ligures  A  ;  que  la  conjonction  et  i\\.\\  y  parait 
deux  fois  est  figurée  par  un  E  lié  au  T,  et  (pie  les  lettres  ND  du  mot 
Candido  sont  liées,  ainsi  (pie  les  lettres  AU  du  mot  Marciaui ;  enfin 
([ue  rV  de  cura  est  ligure  de  moindre  dimension  que  les  autres  let- 
tres de  ce  mol. 

On  trouvera  encorele  texte  de  celle  inscription,  avec  un  bref  com- 
mentaire, dans  ]c Rrcueil desinscriptiuns  gallo-romaines  delà  septième 
division  archéologique  de  la  France  {Cher,  Indre,  Jndre-el-Loire, 
Loir-et-Cher,  Nièvre'),  que  l'on  doit  à  M.  Buliot  de  Kersers,  secré- 
taire de  la  Société  des  antiquaires  du  Cenire  (•'}).  Enfin,  M.  E.  Des- 
jardins n'a  pas  oublié  de  donner  celle  inscription  dans  sa  Géographie 
de  la  Gaule  romaine  (-4). 

(r  Histoire  d'Entrain  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours,  par 
J.-F.  Baudiau,  cvré-doyen  de  celte  ville,  auteur  du  Mouvand,  mem/ire  de  la  Société 
ti'.vernnise  des  lettres,  sciences  et  arts  ;  avec  divers  plans  et  planches  gravés  par 
Amiidée  Jullien,  Dardel  et  Dujardin  fl  vol.  iii-8dc319  pages,  Nevcrs,  1879).  Voyez, 
p.  30,  la  brève  mention  de  M.  l'abW  Uaudiau,  et  pi.  XI  la  figure  de  rilcrculo  et 
celles  des  dijux  personnages  assis' sur  un  inOme  sit'g'j.  Le  lion  n'est  pas  clairement 
exprimé  sur  la  planche.  Le  mémoire  de  M.  H.  de  Villefosse,  inliiulé  .  Antiquités 
d'Entrain,  occupe  23  pages  à  la  fin  de  l'Histoire  d'Entrain.  L'auteur  n'y  parle  pas 
des  statuettes  trouvées  prîis  de  la  plaque  de  bronze  ;  on  avait  sans  doute  nét;ligé 
de  les  lui  indiquer  lors  do  son  premier  voyage  fi  Entrains.  Ces  monuments  sont  en 
la  possession  de  M'"*=  G.,  sœur  de  M.  Ragon.  Je  les  décris  d'après  les  dessins  do 
M.  l'abbé  Uaudiau  et  la  description  que  le  savant  ecclésiastique  a  bien  voulu  m'en 
donner  Mettre  du  8  juillet  1877).  «Les  monuments  antiques  découverts  à  Entrain 
offrent  un  très  médiocre  intérêt  au  point  de  vue  de  l'art.  »  C'est  .M.  II.  de  Villefosse 
qui  s'exprime  ainsi,  page  iv  du  mémoire  cité  ;  ce  ne  sont  pas  les  statuettes  en 
qticsiiouqui  contrediraient  cette  assertion. 

(2)  Nouv.  série,  t.  XXXI,  p.  37. 

(3)  Dans  la  collection  des  travaux  du  (àingios  arcliéologiqnc  de  France,  session 
tenue  it  Cliàicauroux  ca  1873.  Voyez  p.  :!J2  du  volume  qui  a  été  publié  en  J87/i. 

i;  \<y'i  1. 1,  p.  ;)20. 


INSCIIIPTIO.NS    |;T    A.NTIOl'ITKS    I)F-:    nOURBONWK-LKS-IUI.NS.  llj.'J 

NM7.  BOR 

VI  AS 

CAR  V 

GENI • F 

Je  trouve  la  mcniion  de  ce  fragment  d'insciiplion  sous  le  n'  15 
d'un  inventaire  de3  monuments  épigrnpiiifiucs  trouvés  à  Entrains 
qui  termine  le  Mémoire  publié  par  M.  Héron  de  Vilicfossc  dans  hi 
Beruc  archéologique  qiie  je  viens  de  citer.  Le  savant  archéo- 
logue se  borne  ù  nous  apprendre  qu'on  lit  ces  mots  mulilés  sur 
une  pierre  en  forme  de  pyramide  tronquée,  conservée  dans  la  basse- 
cour  du  château  de  Réveillon,  chez  M.  le  comte  d'Hunolstein. 

N«  18. 

Sou>  le  numéro  IG  de  l'inventaire  dressé  par  M.  de  Villefosse 
figurent  les  vestiges  d'une  inscription  également  mutilée,  qui  paraît 
être  une  réplique  de  l;i  i)remiére: 

////AS 

CARV 

GENI  •  F 

M.  Héron  de  Villefosse  cite  cette  pierre,  dont  la  partie  supérieure 
appartient  à  M.  Rcgnault,  d'après  le  Recueil  de  II.  Buhot  de  Ker- 
scrs  mentionné  ci-dessus. 

Avons-nous  ici  deux  dédicaces  à  Borvo?  Ce  n'est  pas  très  proba- 
ble ;  mais,  comme  à  la  première  ligne  de  la  première  on  lit  BOIl, 
comme  nous  possédons  un  ex-voto  à  J3orvo  trouvé  à  Entrains,  on  est 
tenté  avec  M.  Héron  de  Villefosse  de  supposer  que  le  nom  propre 
Borvias  pst  un  dérivé  de  Borvo;  aussi  ai-je  cru  devoir  rapporter  ici 
ces  deux  inscription^'.  A  la  vérité,  sur  la  seconde  de  ces  inscriptions 
on  ne  lit  pas  le  commencement  du  mot  disparu.  Je  n'oublie  pas  que 
M.  Bulïot  de  Kersers,  en  publiant  ce  fragment,  fait  observer  que 
l'insci'iption  paraît  complète  dans  son  laconisme;  mais  comme  il 
ajoute  :  «  cependant  ce  n'est  pas  une  certitude  »,  on  peut  admettre 
une  lacune  (1). 


(I)  C'est  page  254,  sous  le  n»  9,  que-  M.  Bidiot  de  Kersers  mentionne  cette  inscrip- 
tion. Il  la  donne  ainsi  : 


434  nr.MK  \rciii^ologioue. 

^4.  —  Inscription  df  Saint-Vulias  (Am  . 

y  1'.».  BORMANAE 

A VG    SACR 
CAPRI 
A///RATINVS 

•      ••••• 

SABINI  AN  V5 
D  •  S  •  D  • 

M .  le  conilc  de  Moyria-Mailla  a  publié  le  premier,  dès  raniièe  183G, 
la  dédicace  à  la  déesse  Bormana,  quo  nous  ne  reproduisons  pas  ici 
d'après  lui.  <(  On  voit  encore,  dit-il,  à  Sainl-Vulbas  l'inscription  sui- 
vante, qui  est  incrustée  dans  la  partie  antérieure  de  l'église.  » 

Puis  il  la  rapporte  ainsi  : 

BORMANAE 

A  V  G     SACR 

C  A  R  R  1 

A  R  R  A  T  I  A  N  V  S 

et  ajoute  :.  «  Voilà  un  autel  consacré  par  un  sacrifice  à  la  déesse  Bor- 
mana, par  Carrius  Arratianus.  Quelle  est  celte  déesse?  On  ne  peut 

le  dire  (1).  » 

S'il  y  avait  réellement  sur  celte  pierre  :  Canins  Arratianus,  on 
V supposerait  plutôt  C.  Arrius  Arratianus  (|iip  Carrius  Arratianus, 
mais  il  est  lré>  probable  que  M.  de  iMoyria-.Mailla  n'a  pas  bien  lu 


AS 

CAI'V 

CENI • F 

nou»  apprend  qu'eUe  est  inscrite  sur  une  pierre  plaie,  et  fait  observer  que  lo 
«  p  delà  deuxième  ligne  pourrait  bien  Ctrc  une  R  ».  C'est  l'avis  de  M.  de  Villefofso 
qui  a  supposé  que  le  C  de  la  troisième  lipne  devait  être  un  G.  sans  doute  parce  qu'il 
V  a  un  G  sur  la  pierre  du  cbâtcau  de  Réveillon.  Ceci  était  écrit  lorsque  je  lus  lo 
mémoire  de  M.  do  Villcfosse  qui  figure  à  la  fin  do  V Histoire  (rEntraiti,  où  ce  savant 
a  présenté  de  brèves    mais  intéressantes  observations  sur  le  nom  propre  Borvias 

(\.  p.  xviii)- 
(1)  Monuments   romains  du  dé/i'irtement  tir  l'Ain  expliqués  par  le  comte  de 

Mo'jria-MmUa.  Vu  vol.  in-/»,  Uourg,  Ib.lû.  (Voyci  p.  7i-70.} 


iNsnniPTKiNs  r.T  antioiitks  df.  nounnoNNn-M.s-iiMNs.      ]'.\'> 

colle  inscriplioM  ;  il  j)arall  niAinc  qu'il  n'en  a  connu  que  l.i  moili<''. 
L'aulrc  parlit;  a  élu  lue  sur  une  piorro  encasiiro,  non  pas  dans  un 
conlroloil  do  l'étîUse,  mais  dans  le  mur  du  moulin  (lonvcrs  à  Sainl- 
Vulbas,  par  l'aulcur  d'un  caliior  de  fac-similés  manuscrils  conservé 
dans  la  l>iblii)lhé(iuo  de  M.  ValonlinSrailli,  cilé  par  M.  Allmor  dans 
ses  Inscriptions  aniiijues  de  Vienne^  où  en  187.*)  il  a  ri'jiroduit  celle 
inscription  (I),  ([u'il  avait  déjà  donnée  en  1H.")*J  dans  sa  Notice  sur 
(leu.r  inscriptions  votives  en  l'honneur  de  la  déesse  IJormo  mentionnée 
plus  bas. 

Si  je  ne  parle  pas  avec  plus  d'assurance  de  celle  reslilulion  auto- 
risée par  le  légitime  renom  de  M.  Alliuer,  c'est  que  je  ne  suis  pas 
certain  (ju'il  ait  visité  lui-même  Sainl-Vulbas,  bien  qu'une  phrasa 
de  sa  pieiniérc  publication  puisse  le  faire  supposer.  Ceci  d'ailleurs 
importe  peu  ici;  que  l'inscription  ail  été  consacrée  par  tel  ou  tel, 
c'est  un  ex-voto  nu  dieu  qui  a  donné  son  nom  à  tant  de  loi-alités 
tlicimales,  et  au  village  de  Sainl-Vulbas  lui-même,  puisqu'on  sait 
qu'il  se  nommiit  jadis  Saint-Bourbaz.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  com- 
ment M.  Allmer  interprète  l'inscription,  laiiuelle  selon  lui  compor- 
tait sept  lignes  et  à  laquelle  il  manque  seulement  la  cinquième: 

aBormanœ  Augustœ  sacrum.  Caprii  Atratinus?....  Sabinianus  de 
suo  donaveriint  (ou  dant).  » 

Ce  qui  signifierait  que  trois  personnes  de  la  même  famille,  trois 
Caprii,  l'un  Caprins  Atratinus?  l'autre  Caprins...,  le  troisième  Cn- 
prius Sabinianus,  avaient  consacre  cet  autel  à  Bormana. 

Cette  inscription  a  été  souvent  mentionnée  depuis  183G,  mais 
d'ordinaire  on  s'est  contenté  du  texte  donné  par  le  comte  de  Moyria- 
Mailla;  je  remarque  ccpendanlque  M.  J.  IBecker,  qui  l'a  rapportée 
dans  un  savant  raémoii'c  publié  cn  1803  (:i),  a  clioisi  la  leçon  de 
M.  Allmer,  bien  qu'il  ait  connu  celle  de  M.  de  Moyria-Mailla  par 
rintcM-médiaire  de  Vlntioducfion  à  la  monographie  historique  du 
lUigey  de  iM.  Guillemot,  publiée  en  1851. 


(1)  Voyez  t   m,  p.  452,  n»  771. 

(2)  Jahrbiklter  des  Vereins  von  AUerthum^frcumlcn  im  Rhein/nuile^  t.  XXXIII, 
p.  17. 


436  RF.VDE  AnCHÉOLOCIQDE. 

§  T).  —  In^criition  d'Mx-m-Diois, 

.N»:>0.  BORMAN  .  . 

ET    BORMAN  .  .  . 

P.    SAPRIN  .   . 

EVSEBES  •  V  •  S  • 

L  •  M  • 

lionnano  et  liornuuKt^  /'.  Supnnius  Eu.'^chc.'^,  votum  sulrit  tibcn-: 
mevito. 

Celle  inscription,  1res  fniMe,  a  ôlé  découveitc  au  commencement 
de  ce  siècle,  dans  le  cimetir-re  du  village  d'Aix,  à  un  Ivilomèlrc  de 
Die.  Aprùs  avoir  fait  partie  de  la  collection  du  docleur  Long,  midecin 
à  Die,  cet  autel  passa  dans  celle  de  M.  de  Lair.orle-Felines.  C'est 
son  premier  possesseur  qui  la  publia  le  premier,  en  i8-4U  ;  mais  il 
n'en  lut  que  les  deux  premières  lignes,  plus  la  formule  linalc,  tiu'il 
ne  disposa  pas  exactement  dans  son  ouvrage  sur  les  anluiuités  du 
pays  des  Voconticns,  d'ailleurs  rempli  de  monuments  curieux  et  très 
méritoire  (1). 

Longtemps  après,  M.  AUmer  drchilTia  complèlement  ce  texte  et 
le  donna  dans  un  impoitanl  travail  intitulé  :  Vromenade  d'un  cpi- 
grapfiiste  à  travers  les  départementi^  de  l'Ardèelie,  du  Gard,  de  Vau- 
cluse  et  de  la  Drôme  (2).  RèccmmenI,  M.  Florian  Vallentin  a  pulili*^ 
de  nouveau  celle  inscription  dans  son  intéressant  mémoire  sur  les 
divinités  indigètcs  du  Yoconlium  (3). 

(1)  Recherches  sitr  les  antiquités  romnmes  du  pnyf  iJesVocontieni,  par  J.  D,  Loug^ 
médecin  à  Die.  Un  vol.  in-/i,  iinpr,  uation.,  1849.  (Voyez  j).  108.)  C'est  un  extrait 
des  Métitoires  présentés  par  divers  savants,  etc.,  publiés  par  i' Académie  des  imcrip. 
tiont  et  belles-lettres  (voyez  t.  II,  2' série). 

(2)  Dans  le  Bulletin  de  la  Société  départementale  d'archéologie  et  de  statistique 
delà  Dn/wiff  (années  1871-1872,  23*  liv.,  p.  301). 

(3;  Uulletin  de  l'Académie  delphinule  (3«  série,  t.  Xil,  C.nnobl-',  1877,  p.  215). 


INSCRIPTIONS    KT    ANTIOl'ITKS    DR    nOUnnONNK-LKSD  VINS.        137 

§  C.  —  InscrijiUom  dWix-en-Savoie. 

N'^21.  CNEPPIVS 

CVTICVS 
BORVVSLM 

Cn.  Eppius  Cuticus  Bormoni  {Donnano  ou  liormanœ)  ut  voverat 
solvit  libeiis  merilo. 

A  Aix-les-Bains,  en  Savoie,  à  rétablissement  llicrnial,  sur  une 
pierre  oblongue,  engagée  dans  le  mur  de  la  piscine  gratuite  des 
femmes.  Hauteur  ù'",'20,  largeur  0"',.']8. 

Celte  inscription  est  ligurée  dans  le  grand  ouvrage  publié  au 
commencement  du  siècle  par  Albanis  Beaumont  sur  la  Savoie; 
mais  il  l'avait  mal  lue,  et,  si  j'ai  bien  cherché,  il  a  même  négligé 
de  la  mcnlionner  dans  son  texte  (1).  Plus  tard,  celte  inscription  a 
été  publiée  par  divers  auteurs  et  notamment  en  1859  par  M.  Allmer, 
dans  la  Revue  lîu  Lyonnais  (2  •  cn  1802  par  Félix  Bour(|uelot,  dans  les 
Mémoires  de  la  Sociètr  impériale  des  antiquaires  de  France  (3);  puis, 
en  1873,  de  nouveau  par  le  môme  M.  Allmer,  dans  son  beau  livre 
sur  les  Inscriptions  antiques  de  Vienne  (i).  Là,  le  savant  épigra- 
phiste  a  donné  un  fac-similé  qu'il  faut  préférer  à  toutes  les  an- 
ciennes leçons. 

M.  Allmer  voit  sur  cette  pieire,  non  pas 

C  \'  L  I  I  1  V  s 

C  V  T  I  G  V  S 

BORVVSLM 


(1)  Description  des  Alpes  grecques  et  cottiennes,  etc.,  par  J.  F.  Albanis  Beaumont, 
1802.  Voici  la  leçon  de  la  figure  numéro  9  de  la  planche  XIX  de  l'atlas  : 

Q  VPMIVS 
C  Vil  CVS 
BO.WS  M. 

(2)  Année  1859,  p.  501,  dans  un  mémoire  initulé  :  Sur  deux  inscriptions  votives 
eu  l'hotineur  de  la  déesse  Bormo,  protectrice,  à  l'époque  romaine,  des  eaux  ther- 
males d'Aix  en  Savoie,  et  sur  l'étymologie  du  mot  Bourbon 

(3)  Inscriptions  antiques  de  Luxeuil  et  d' Aix-les-Bains,  dans  les  Mémoires  de 
la  Société  des  antiquaires  de  France,  t.  XXVI,  ou  VI»  de  la  3*  série,  publié  cn  1801!. 
(Voyez  p.  00.) 

(£i)  Voyez  t.  III,  p.  306.  noesi. 


i;iH  REVUE   AncHÉOLOGIQUK. 

Ciiinnu'  noiirquclol,  i|iii   iiilt>r|'rt''lnit  ainsi  cos  trois  li<:nos  :  ('..  Vrl- 
h  iiia  lliiticw  norvoni  vultim  solrit  lihrus  mrrito,  mais 

(,  N    i;  p  l' i  V  s 

r.  V  T  I  c  V  s 

non  V  Y  s  I.  M 

M.  Allmorfiiil  observer  qu'il  a  souvenl  iTiironlré  le  nom  Fppius 
sur  des  marbres  ou  des  pierres  du  pays  des  Allobroges  ou  des  con- 
trites voisines  ;  j'accepte  donc  volontiers  sa  lecture  en  ce  qui  con- 
cerne les  deux  premières  liâmes  de  cette  inscription,  mais  je  fais 
quebiues  réserves  pour  son  inicrpiétation  il(>  la  troisième.  Ksl-il 
certain  qu'il  faille  lire  liOWnioni  \t  \(nrr(it  \jhnis  Merito?  C'est 
l'alirévialion  moins  brève  HOILM  de  notre  inscription  n''iX2,  trouvée 
comme  celle-ci  à  Aix-en-Savoie,  (\\\\  a  suggéré  celte  lecture  à 
AI.  Allmer(l);  mais  qui  nous  dira  s'il  s'agit  sur  ces  deux  ex-volo  de 
lionuo,  de  Doniiiiiius,  ou  de  nornxuiicus,  ou  même  s'il  ne  s'at,'iiail 
pas  ici  d'une  déesse  liormand^  ou  Boiintinica?  Celte  dernière  forme 
n'est  pas  très  probable  en  Savoie,  mais  il  est  cependant  permis  de 
la  supposer.  (Voyez  n"'  2i  el  25.) 

N»22.     M'LICIN'RVSO    BORMAN)   V-V-SL-M 

Mardis  Licinius  Ruso  Bormano  (ou  Bormanœ),  etc.,  ut  roverat 
solvit  libensmerito. 

Hauteur  0°,20,  largeur  l",no. 

Cette  inscription,  qui  se  trouve  à  Aix-lcs-Bains  (Savoie),  dans  la 
partie  des  bains  anliiiues  (jui  s'étend  sous  le  jartlin  de  la  maison 
Perrier-Cliabert,  est  gravée  sur  une  longue  bande  de  pierre,  sciée  en 
deux  parties,  el  forme  les  deux  premièies  marclies  d'un  va\>ornrinm 
antique  où  se  voit  une  piscine  octogone  incrustée  de  marbre  blanc. 
Ce  monumentépigraplii(iue  parait  avoir  été  puidié  pour  la  première 
fois,  avec  le  précédent, en  185;),  par  M.  Alhner  dansla  licniedu  Lyon- 
nais {'i);  Félix  noui(|uelol  le  publia  à  son  tour  dans  le  mémoire 
déjà  cité,  qui  fui  lu  à  la  Société  des  anli(}uaires  de  France  en  avril  et 
juin  1S(JI  (.'i;;  presque  en  même  temps  Auguste  Uernard  le  donna 

(1)  Voyez  p.  7  cl  8  do  la  noiicc  cilée. 

(2)  Voyez  p.  501,  Cl  p.  8  du  lirngc  ii  part. 

(3;  Ce  iBémoire  fui  ptiljlié  bcuiimcnt  en  îB02,dans  le  WVl"  vo'umc  de  la  collec- 
tion. (Voyez  p.  50.) 


INSCRIPTIONS   KT   ANTIQUITKS    DR    nOimnONNE-LES-DAINS.         \'M\ 

dans  la  linvuc  savoisionno ,  (>n  18(52;  puis  enfin  dn  nouveau,  ])ar  le 
)n(''nie  M.  Alliner,  dans  son  i^vMxA  ouvrage  sur  li's  insrriiitions  île 
Niciine,  déjà  cité,  sous  it;  n°  (V.S'i.  Je  dois  avertir  que  je  ne  suis  ici 
aucun  des  pr^eôdcnls  ùditcurs  dcco  texte.  M.  Florian  Vallentin,  me 
sachant  occupé  des  inscriptions  relalivc's  ,'i  Borvo,  a  bien  voulu 
m'aiiprendre  qu'ayant  été  dcniiércnieiil  fi  Aix,  où  il  a  examiné  at- 
tenlivcMicnl  le  monument  original,  il  n'y  lisait  pas  HOUMo//?,  comme 
M.  Allmei-.  Après  l'M,  M.  F.  Vallentin  voit  des  traces  d'un  A  et 
d'une  N;  par  conséquent,  il  y  avait  sur  l\  pierre  BDHMANO  ou 
IJORMANAF.  Indépemlammcnt  de  celte  constatation  de  fait,  cette 
lecture  est  d'ailleurs  très  vraisemblable.  En  elTct,  la  forme  Bormana 
se  trouvant  à  Sainl-Vulb;is,  qui  était  de  la  cité  des  Allobroges  comme 
Aix-les-Bains,  il  est  permis  de  croire  qu'à  Aix-en-Savoie  on  adorait 
Borvo  et  sa  parèdre  sous  les  noms  de  Bormanus  et  de  Bormana.  En 
conséquence,  avec  M.  F.  Vallentin,  je  suppose  Bormnno  ou  Bor- 
manae,  et  non  Bormoiii,  sur  les  deux  inscriptions  d'Aix-les-Bains, 
n"  21  et  22. 


I  7.  —  Inscription,  avec  le  surnom  Borvonicus,  sur  un  vase 
de  verre  trouvé  à  Port-sur-Saône. 

iN°23.  G.  LEVPONI   BORVONICI 

On  lit  ces  trois  mots,  en  relief,  sous  le  fond  circulaire  d'un  vase  de 
verre  blanc,  découvert  il  y  a  environ  quinze  ans,  à  Port-sur-Saône, 
et  qui  en  1866  faisait  partie  <(  de  la  riche  collection  d'antiquités 
que  M.  Galaire  exhume  tous  les  jours  du  vieux  sol  de  Poitus  Aba- 
cinus  (?)  avec  an  zèle  si  méritoiie  aux  yeux  de  la  science  ».  J'em- 
prunte ces  détails  à  l'Histoire  de  la  seigneurie  de  Jonville  et  de  ses  en- 
virons par  iM.  l'abbé  Condriet  et  M.  l'abbé  Chatelet,  publiée  en 
i864(l).  Cette  inscription  a  élé  citée  deux  ans  plus  tard  dans  la 
Bibliotheca  Dorvoniensis  de  M.  le  docteur  Bougard  (2),  et  M.  le 
docteur  Athanase  Renard  n'a.pas  oublié  de  la  mentionner  à  son  tour 
dans  son  mémoire  déjà  cité  (3).  M.  Froehner  a  également  publié 
cette  inscription,  en  4873,  dans  ses  Mélanges  d'cpigraphie  (v.  fasci- 
cule i,  n"  0,  p.  13).  Selon  lui,  ce  vase  de  verre  serait  de  couleur 


(1)  Besançon,  un  vol.  in-8,  18G4.  (Voyez  p.  18. 
y2)  Un  vol.  in-8,  1866.  (Voyez  p.  621.) 
(3)  Vojez  p.  314. 


liO  lu.wF.  \nr.iiKOLor.iQUF.. 

verJAlro;  les  loUrcs  seraient  m  relief  cl  remonteraient  au  i"  ritV.lo 
(le  noire  fre;  n'ay.int  pas  vu  l'oripinal,  je  me  ediitenlc  de  faire  (thser- 
ver  qui'  cette  date  est  peut-iHre  bien  haute. 

Le  surnom  île  ce  verrier  esl  évidemmenl  dérivé  de  Borvo  ; 
c'est  ce  (jui  nous  a  décidé  à  donner  place  ici  à  celte  inscription.  On 
verra  plus  loin  le  nom  propre  Damunus,  dérive  également  de  Da- 
moiia. 


$  <S.  —  lii.^criptions  de  Cnldd'i  Jr  Vizclla  (piès  (iiiiinai'aès,  Portug.il). 

N"  2\.  C  •  POMPEIVS 

GAL-CA     VRO 
NIS  •  F  .  . E.  . 
VGENVS-VX 

SAMENSIS 

DEO  •  BORAAA 

NICO- V  •  S  .  . 

QVISQVIS    HO 

NOREM • AG! 

TAS  -ITA-TE  •  TVA 

GLORIA  •  SERVET 

PRAECIPIAS  • 

PVERO  •  NE 

LINAT-  HVNC 

LAPIDEM 

C.  Pompeius,  Giilcria,  (j(i{()nyonis  filius,  Rectugenus,  Uxxamnisis, 
di'O  norniiinico,  rotiiiii  soir  il  {iirrnnia  sua). 
(Juisquis  ItouureiH  agilas^  Hn  te  tua  ijloria  seri'et. 
Prœcipias  puero,  ne  linat  hune  lapidem. 

Celle  inscription  a  élé  liouvéc  entre  les  années  1787  et  1793,  à  Cal- 
das  de  Vizella,  localité  située  dans  l^nti(|ue  Tarragonaise.  J'en  em- 
prunte le  texte  à  M.  K.  Hiïbner,  (|ui  l'a  transcrit  lui-même  d'après  la 
pierre  originale,  et  j'adoj/te  pleinemenl  ses  reslituliuns,  heureuse- 
ment en  petit  nomhre  ;  mais  je  fais  avec  lui  toutes  réserves  au  sujet 
du  nom  du  consécraleur.  S'il  ne  restait  i>as  un  K  de  la  partie  de  ce 
nom  (jui  termine  la  iroisiéme  ligne,  en  raison  Je  la  lin  ijui  commence 


INSCRIPTIONS   ET  ANTIQUITJ^:S   DK   nOURDONNE-LKS-nAINS.         fil 

la  qualriùine,  on  aurait  pu  penser  à  la  légende  MATVCIINOS  tic 
certaines  monnaies  classées  par  Duchalais  parmi  les  incertaines 
(le  la  Lyonnaise  (1);  mais  lleclu^'enus  est  plus  probable.  Quant 
au  nom  de  Caturo,  le  père  de  G.  l'ompeius  Uectugenus,  de  la  tribu 
Galeria  f2),  nalif  d'Ux.ima,  sa  restitution  est  à  peu  près  certaine.  Kn 
elTet,  M.  Ili'ibner  nous  apprend  (pie  sur  le  revers  de  la  pierre  origi- 
nale ou  lit  ces  mots  du  commencement  de  notre  inscription  : 

C  •  POMPE! 

CAICATNR 

ON  .  .  . 

Avec  toute  vraisemblance,  M.  Ilubner  suppose  que  le  lapicide, 
ayant  mal  pris  ses  mesures,  avait  écrit  les  premiers  mots  de  Tins- 
cription  en  lettres  trop  grandes,  et  que  s'élant  aperçu  de  sa  mala- 
dresse, il  rclourna  sa  pierre.  Cet  essai  nous  montre  que  le  Tdu  nom 
propre  Caturonis  est  ccrlnin. 

Il  est  inutile  de  faire  ressortir  l'importance  de  ce  monument  épi- 
grapbiqiie.  En  ce  qui  concerne  le  sujet  particulier  de  ce  travail, 
l'inscription  qu'on  vient  de  lire  nous  fait  connaître  une  forme  nou- 
velle du  nom  du  dieuBorvo,  Bormanicus,  que  nous  allons  revoir  sur 
un  autre  monument  trouvé  dans  la  même  localité  en  18il  ;  mais  en 
même  temps  elle  nous  apporte  une  variante  intéressante  de  ces  re- 
commandations aux  passants,  plus  fréquentes  sur  les  monumenis 
funéraires  que  sur  les  ex-voto  (3). 

M.  Ilïibner,  dans  le  bref  mais  substantiel  commentaire  qu'il  a  con- 
sacré à  celte  inscription,  nous  apprend  qu'il  en  existait  beaucoup 
d'autres  i!i  Guimaraès.  Il  cite  même  les  auteurs  qui  les  ont  rapportées, 

(1)  Description  des  médailles  gauloisea  de  la  Bibliothrque  roijale ,  etc.  (voyez 
p.  170,  no  [^ôQ  et  /|57).  Sur  le  nom  MATVCIINOS  «  qui  rappelle  celui  de  Matugius, 
filsde  Nomonianus,  dont  rinscriplion  funéraire  a  été  retrouvée  àBunon,  près  dX'zès», 
On  peut  lire  les  observations  de  M.  A.  de  Longpérier,  Revue  numismatique,  t.  I  de 
la  nouvelle  série,  p.  85. 

(2)  Ou  connaît  d'autres  exemples  du  nom  de  la  tribu  précédant  comme  ici  le 
surnom.  (Cf.  Orelli,  n"  4927,  Orelli-IIcnzcn,  n»  5988;  et  Wiimanus,  Exempta,  etc., 
n<»  1499  et  2855.) 

(3)  M.  Hiibner  a  publié  ces  deux  inscriptions  d'abord  dans  le  Recueil  mensuel  de 
r.\cadémie  de  Berlin,  Monatshericlite  der  tcocniolic/ien  preuisiscUen  Almdemie  der 
Wisscnschnften  zu  Berlin,  année  ISCl,  p.  801  et  802,  puis  dans  le  Corpus  inscrip- 
iionum  latinarum  de  la  même  savante  compagnie,  t.  II,  p.  33G  (année  1869).  La 
préfente  inscription  porte,  dans  le  C.  I.  L  B.,  le  numéro  2(03;  la  suivante  est  dé- 
crite sous  le  numéro  2402.  Ces  textes  ont  été  publiés  de  nouveau  da'is  le  mémoire  do 
M.  Becker  cité  plus  Ir.iut  (v.  n°  19;. 


142  RKVUi:    AnCUKOLOGIQUE. 

mais  il  njoutc  qu'il  n'a  pu  en  retrouver  que  doux,  celles  que  je 
donne  d'après  lai  sous  les  n"'  24  et  25.  Celles-ci,  M.  liiibner  les  a 
vues  en  ualure  el  en  a  rapporlé  des  estampages. 

N«>2o.  ME  DAM 

VSCAMAL 
BORMA/I 
CO  •  V  •  S  •  L 
MedaviHS  Ciimali,  Bormanico,  lutum  solrit  libens. 

Sur  cotle  inscription,  qui,  comme  la  précédente,  a  été  trouvée  à 
Caldas  de  Yizella,  voyez  le  commentaire  du  numéro  précédent. 

P  8.  —  Inscription  avec  le  nom  Damonus 

ironric  à  Drevant  et  estampilles  portant  le  même  nom 

recueillies  en  diverses  localités. 

Noge.  DAMONVS    D 

T    S  ABI  NI    DIC 
AT 

Damonus  d.  T.  Sabini  dicat. 

H:iZ''  publia  le  premier,  en  1831,  celte  inscription,  que  l'on  voyait 
en  l<S7o  et  que  l'on  voit  sans  doute  encore  aujourd'hui,  encastrée 
au-dessus  de  la  porte  d'une  maison  de  Drevant,  commune  de  l'ar- 
rondissement de  Saint-Amand  (Cher).  Ce  texte  est  gravé  en  creux 
sur  une  pierre  de  8G  contimèlres  de  longueur  sur  43  de  largeur  et 
20  d'épai«seur;  Ilazé  l'a  reproduite  sous  le  n"  12  de  la  planche  IV 
de  son  curieux  ouvrage  sur  les  antiquités  du  Bi-rry  (1).  L'au- 
teur, qui  déclare  n'avoir  pas  cheiché  à  expliquer  celle  inscription, 
non  plus,  dit-il,  que  celle  qu'il  a  (igurée  sous  le  n"  11  de  la  même 
planche  et  (jui  e:  t  encastrée  sur  le  mur  d'une  maison  attenant  à 
celle  dont  on  vient  de  parler,  ne  s'est  pas  apciru  (|ue  son  graveur 
avait  négligé  de  copier  inlégraleoient  les  deux  lettres  qui,  à  elles 
seide»,  en  forment  la  troisième  ligne. 

Plus  tard,  en  1873,  M.  Buliot  de  Kerscrs  a  donné  un  fac-similé 

(1)  Solket  pitlorrtques  sur  les  iintiquilés  el  les  tnonumtnls  du  lia  ri/.  Un  vol. 
in  U°  avec  planches,  publié  eu  Ïb2k.  (Voyez  pago  13.) 


INSCRIPTIONS   ET   ANTIQUITÉS  DE   BOUnDONNR-LKS-BAlNS.         iV.i 

exact  (lo  ce  Io\Il%  dont  «  les  lettres,  grandes  et  ncltemonl  coupées, 
creusées  en  deini-cyliiidre,  sans  Irait  à  leurs  cxlrémités,  seinlilenl 
un  superbe  spéenneii  de  re  ([u'on  appelle  la  cajiilale  rQsli(|ue.  »  — 
«Il  esl  l'oil  (lillicile,  »  ilil  ciicoi(î  M.  MuIkU  de  Kerscrs,  à  (|ui  nous 
eniinuuluiis  celle  ilélin'ilion,  «  de  décider  si  la  Irnjsièuie  K-ltie  de  In 
première  liyne  et  la  première  de  la  troisième  sont  des  A  grecs  ou 
des  A  dont  on  aurait  omis  les  traverses,  tandis  qu'elles  existent 
dans  les  au  lies  A.  » 

C'est  dans  un  intéressant  et  consciencieux  travail,  inlilulè  : /;y/i- 
tjraphic  romaine  dans  le  dcparlemcnt  du  Cher  (1),  que  M.  Ijuliot  de 
Kcrsers  s'exprime  ainsi  au  sujet  de  cette  inscription,  dont  il  propo- 
sait en  même  ti'inps  une  inteipiélation  dubitative  qu'il  n'hésita  pas 
à  abandonner  sur  l'observation  suivante  rapportée  par  lui  dans  le 
supplément  qu'il  donna  plus  tard  à  son  recueil  : 

«  M.  Uobert  Mowal,  lappelant  que  Damona  se  trouve  associée  au 
culte  de  la  divinité  Horvo  à  lîourbonne-les-Bains  et  à  Bourbon- 
l.ancy,  propose,  parla  liaison  de  l'M  et  de  l'A,  la  lecture  :  DAMO- 
NVS  D/*77C«srt/o/-  (intendant)  T  SABI.M  DICAT,  qui  nous  paraît, 
comme  à  lui,  très  acceptable.  Le  nom  de  Dainomis  se  retrouve 
aussi  sur  une  estampille  de  potier,  à  Autun  (2).  » 

Avec  M.  Buliot  de  Kersers,  (jue  je  viens  encore  de  citer  textuelle- 
ment, tout  en  réservant  la  restitution  de  l'abréviation  Bispensato?', 
je  lis  cette  inscription  comme  M.  R.  Mowat,  et  si  je  lui  ai  donné 
place  ici,  c'est  que  le  nom  Damonus  me  parait,  comme  à  ce  savant, 
être  on  rapport  avec  celui  de  Damona.  C'est  par  la  même  raison  (jue 
je  mentionnais  tout  à  l'heure  l'inscription  sur  verre  où  se  lit  le  nom 
Borvonicus^  dérivé  visible  de  Dorvo. 

Exista-t-il  jadis  à  Drcvant  des  eaux  thermales  consacrées  ù  Borvo 
et  à  Damona?  Cela  ne  serait  pas  impossible,  mais  cette  supposition 
n'est  pas  nécessaire  pour  justifier  l'existence  dans  ce  village  d'un 
personnage  de  ce  nom,  et  même  pour  permettre  d'y  supposer  le 
culte  de  Borvo  et  de  Damona. 

Drevant,  l'un  des  lieux  les  plus  riches  en  antiquités  de  la  région 
où  il  est  situé,  selon  Caylus  (3),  Hazé  (4),  M.  de  Caumont  (o),  etc., 

(1)  VÉpigraphie  romaine  dans  le  département  dit  Cher  a.  été  publiée  en  1873  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  des  antiquaires  du  Centre.  (V.  t.  III.  p.  rJO  et  121, 
n"  10,  et  mômes  pages  dans  le  tirage  à  part.) 

(2)  Ibid.,  t.  V,  pub.  en  1875,  p.  93,  et  11  du  tirage  h  part. 

(3)  Caylus,  Recueil,  t.  III.,  p.  378. 
(h)  Hazé,  lûc.  cit.  p.  12. 

(5)  A.  de  Caumont,  Bulletin  monumental,  année  1866,  p.  07. 


144  iiKvrn  AnciiÉOLOGiQUK. 

est  une  coninuine  (le  r.irroiulissomcnl  de  Sainl-Aniand  (Cher),  qui 
jadis  faisait  jinrlio  du  Hourlioiinais  (I),  et  qui  est  voisine  de  Hour- 
l*un-r.\iclinmltaiill.  Sans  pritentlre  que  la  présence  de  vestiges  de 
bains  antiques  annonce  nécessairement  l'existence  de  sources  ther- 
males, je  ferai  observer  qu'à  l'époque  romaine  il  existait  à  Drevanl 
non  pas  un  seul  bain,  mais  deux  établissements  de  bains  dont  Ilazô 
a  donné  les  plans.  Ce  n'est  pas  tout  :  celte  localilé,  (|ui  ne  fut  jamais 
considérable  et  dont  on  ipnore  le  nom  primitif,  montre  des  ruines 
assez  importanles  (un  théâtre,  deux  bains,  un  temide)  pour  laisser 
supposer  (ju'elle  fut  jadis  une  station  thermale. 

Du  reste,  le  nom  Damonus  ne  s'est  pas  rencontré  (pie  dans  l'ins- 
cription de  Drevant  cl  sur  l'estampille  trouvée  à  Aulun,  mention- 
née par  M.  Buhol  de  Kersers  d'après  M.  llarold  de  Konlcnay.  Ce 
nom  a  élé  porté  par  un  potier,  dont  les  produits  se  retrouvent  en 
diverses  régions  de  la  Gaule  el  jusqu'en  Angleterre  et  en  Suisse,  et 
que  Ut  connaître,  en  1800,  Edmond  Tutlot,  qui  avait  recueilli  des 
variantes  de  ses  estampilles,  précisément  en  Hourbunnais  (2). 

Dans  sa  liste  de  noms  de  céramistes,  on  trouve  : 

DAM    ET    COS 
DAMO 
DAMON 
DAMONVS 
DAMONVS    S     F. 

Plus  tard,  M.  llarold  de  Fonlcnay  enregistra  des  estampilles  à  ce 
même  nom,  trouvées  à  Aulun,  dans  l'Allier,  à  Bourbon-Lancy,  à 
Poitiers,  à  Clermont  (Auvergne,^  à  Augsl  el  à  Lomlros;  on  peut 
voir  les  fac-similés  de  ces  estampilles  dans  un  imiiorlant  travail 
putilié  par  ce  savant,  en  I87i,  dans  les  Mémoires  île  la  Société 
éducnne  (3). 

Le  DamonM5  de   l'inscription   de   Krevaiit  en  Huurbonnais  et  le 

(1)  Expilly,  v»  Drevant. 

(2)  Collerlion  <te  fi'jurincs  en  ar(jilc,  avec  les  noms  des  cdramisics  qui  les  ont 
exécutt-cs,  recueillies,  dessinées  el  décrites  par  Edmond   Tudut  ;   Paris,   1860.    (V, 

p.  71.) 

(3)  «  Inscriplionscéramiqiii'S  gallo-romaincsdùcouvcrtos  à  Axtun.  «etc.  Voyez  dans 
les  Mdm'jirnt  de  lu  SoriHc  t'iluc/uic,  t.  III,  publié  en  187/j  ,  p.  300  ,  et  pi.  V.  Le 
travail  de  M.  Harold  do  Fontcnay  a  élé  complété  par  l'auteur  dans  lo  t.  V  du  re- 
cueil cité,  on  Ibbô. 


INSCIUI'TIONS    KT   ANTIQUITÉS    DR    BOURBO.NNE-LhS-BAINS.         145 

potier  de  ce  nom  dont  on  a  trouvé  des  estampilles  dans  celte  région 
ne  sont-ils  (lu'un  seul  et  nii^'ini'  [jersonnai^'i',?  Je  ri},'noi-e  ;  mais  c'est 
une  liypoilièse  admissiMc,  si  l'on  veut  observer  (jue  ,  sur  les 
cslam|iilles  li;,fnrùes  |iar  .M.  Ilarold  de  Fonicnay,  l'A  et  l'M 
sont  liés  comme  on  les  voit  sur  l'ex-voto  de  Drevant,  et  surtout 
(|ue  plusieurs  des  confrères  du  Ddinoiuts  de  Drevant  cmj)loyaient 
des  caractères  librement  iraci's  ;\  la  point'',  comme  ccrjx  de  l'ins- 
cription qui  nous  occupe,  non  pas  poui'  leurs  estampilles,  mais, 
lorsiju'ils  ccrivaienl  directement  leurs  noms  ou  des  formules  qucl- 
con(iues  sur  leurs  produits.  C'est  ce  (luc  démontrerait,  pour  ne 
rappeler  qu'un  recueil  bien  connu,  le  livre  d'Edmond  Tudot,  que 
nous  mentionnions  tout  à  l'heure  (1). 

Chabouillkt. 
{La  fin  prochainement.) 

(1)  Figurines  yauloiies,  etc.  Voyez  puriiculièrement  les  planclu.»  II  et  XII. 


xxxix.  10 


LA 


IIUIINE  MILLIAIRE  DE  PARIS 


(Lu  à  l'Académie  des  inscriptions   et  bclks-kttrcs,   séances  des 
•J4  et  31   octobre  1879). 

Suite  (1). 


II 


I'AUTIL:    GLOGHAPHIgUE. 

Pour  ics  troi?  dernières  lignes  de  noire  inscription,  nous  lisons 
d'abord,  ainsi  (jue  nous  l'avons  dil  plus  liaut,  un  11  au  commence- 
ment de  la  7";  et  cet  R  est  suivi,  non  pas  d'un  0,  comme  on  l'avait 
cru,  mais  certainement  du  nombre  CV  exprimant  des  milles  et  non 
des  lieues  gauloises,  comme  l'indiquent  les  traces  d'un  M  ù  la  der- 
nière ligne  et  probablement  la  sigle  MP,  sigle  dont  on  peut  d'ail- 
leurs ne  tenir  aucun  compte,. la  barre  horizontale  au-dessus  des 
deux  chillres  CV  sullisanl  pour  exprimer  des  milles;  par  consé- 
quent nous  avons  :  CV  M{iUia)  P{assuum)  ou  R  CV  inilli(i{pa^suum). 

Aprùs  les  mots  :  A  CIV  PAR,  a  civitatc  I^arisiorum,  dont  la  lec- 
ture est  indubitable,  ligurait  évidemment  le  nom  de  la  localité 
située  à  cent  cinq  milles  de  Paris  et  dont  le  nom,  commençant  par 
un  R,  est  à  chereher. 

Il  faut  remarquer  d';il)ord  (|ue  cette  localité  devait  être  une 
grande  ville,  car  il  n'y  avait  (ju'uiie  grande  ville  (jui  pilt,  à  une 

(1)  Voir  le  Duméro  d<;  fiivricr. 


LA    HUHNK    .MIl.r.IAIIir.    I)K    l'AItlS.  147 

tello  (lislance,  ôtro  désignée,  d'une  faron  suflisammcnl  claire  pour 
tous,  par  la  seule  lettre  initiale  de  son  nom. 

U;i|)p(;lons  d'abord  (pie  cette  borne  niilliaire,  plus  lard  convertie 
en  sarcophage,  a  été  trouvée  au  cimetière  Saint-Marcel,  où  c'Ie 
avait  été  déposée  parmi  d'autres  tombes,  et  (jue,  si  elle  eût  été  ap- 
portée d'u!ie  certaine  distance  pour  subir  cette  transformation,  il 
n'est  pas  probable  qu'elle  l'eût  été  de  bien  loin,  les  chrétiens  ayant 
dû  trouver,  pour  ainsi  dire  sous  la  main,  un  grand  nombre  de  mo- 
numents païens  sur  la  live  gauche  de  la  Seine.  Ce  qui  paraît  vrai- 
semblable, c'est  (lu'elle  avait  été  trouvée  en  place,  par  ceux  qui  en 
ont  fait  un  sarcophage,  sans  doute  à  une  des  portes  de  Paris  du  côté 
de  l'est  ou  du  sud-est,  c'est-à-dire  dans  le  quartier  Saint-Victor  (vers 
l'entrepôt  des  vins  d'aujourd'hui).  Paris  n'avait  pas  reçu  encore,  au 
commencement  du  v°  siècle,  les  accroissements  qui  en  firent,  sous 
l'empereur  Julien  seulement,  une  ville  de  quelque  importance.  Jus- 
qu'à celte  époque,  le  chef-lieu  de  la  Civitas  Parisiorum  n'était  guère 
qu'une  bourgade,  ou  plutôt  elle  ne  se  composait  que  de  deux  bour- 
gades, ainsi  que  nous  l'avons  dit  ailleurs  (1).  D'après  le  texte  de 
Strabon,  il  semble  bien,  en  effet,  qu'il  y  eût  :  1°  l'île,  que  nous  ap- 
pelons aujourd'hui  la  Cité,  la  Luletia  de  César  (2),  et  2°  une  loca- 
lité nommée  Lucotocia  (3),  dont  les  maisons  étaient  groupées  autour 
de  la  montagne  Sainte-Geneviève  :  l'empereur  Julien,  plus  tard,  les 
réunit  et  en  forma  une  ville  ayant  pour  centre  son  palais  et  ses  ther- 
mes (présentement  l'hôtel  Cluny  et  ses  dépendances). 

C'est  à  M.  Robert  Mowat  que  revient  l'honneur  de  cette  intéres- 
sante découverte  touchant  les  noms  et  la  topographie  de  notre  an- 
cien Paris.  Nous  n'avions  fait  que  signaler  l'existence  présumée  de 
deux  bourgades  distinctes  au  temps  de  Strabon;  mais,  depuis  lors, 
M.  Mowat,  dans  un  article  intitulé  Découverte  d'une  inscription  gau- 
loise à  Paris,  étymolo;iie  du  nom  de  Lutèce  (4),  a  établi  :  1°  d'après 
un  diplôme  de  Childebert  I"  daté  de  558,  que,  l'église  Saint-Vin- 
cent (aujourd'hui  Saint-Germain-des-Prés),   ayant   été  construite 


(1)  Géogr.  îiixt.  et  admin.  de  la  Gaule  rom.,  II,  p.  U'U. 

(2)  César,  De  bell.  Gall.  VII,  57  :  «  (Lutelia),  id  est  oppidum  Parisiorum  quod 
positum  estia  iusula  fluminis  Sequanae  ». 

(3)  Strab.  IV,  lu,  5  :  lUpl  oz  tôv  Ir.y.oàvav  7;oxa|JLÔv  eîti  xat  o'.  Ilapt^iot  vr,aov  i/ov- 
tî;  èv  To)  itoTa(Atû  xai  tio/iv  Ao-j/.oToxîav.  Il  semble  bien  que  ce  soient  deux  localités 
distinctes  :  !<>  l'île,  2»  la  ville  de  Lucotocia.  C'est  l'Ile  seule  qui  aurait  été  appelée 
Lutetia.  Et  ce  nom,  à  partir  de  Julien,  aurait  été  étendu  à  toute  la  ville,  agrandie 
par  les  fondations  de  cet  empereur  :  c'est  lui  qui  aurait  relié  Lucotocia  h.  Lutetia. 

{Il)  Reu.  archéol.  de  février  1878,  p.  102,  uote  2  (t.  XX.W  de  la  2^  série). 


14H  BF.VUF.   ARCHKOI.OGIQUK, 

dans  un  liou  appoli''  Locoticiae, —  el  2",  d'après  le  CompnvUum  de 
Origine  rt  Gistis  Francorum  (\),  que,  Clovis  ayant  t'iové  piécé- 
ileinuKMil,  aux  apùlros  PitMre  el  Paul,  une  autre  (''Rlise  «  in  colle 
Leucoticio.  i]\n  nunc  Ccnoreff  nppelintur  »  ;  ce  lieu  correspond  en 
cITfl  n  la  nionta}j^ne  Sainte-Geneviève.  Ainsi  la  bourgade  ou  la  ville 
dite  l.urotocia,  Lucoticia,  Lnicoticius  locus,  distincte,  pendant  les 
trois  premiers  siècles  de  notre  ère,  de  Lnlctin  (l'ile),  se  serait  éten- 
due surtout  le  quartier  moderne  compris,  au  nord  et  à  l'ouest,  entre 
Saint-Germain-des-Prés,  la  rue  Nicole,  où  M.  Landeau  a  découvert 
un  cimetière  du  r'  et  du  ii"  siècle  de  notre  ère  (2),  au  sud  ;  la  rue 
Clovis  el  la  rue  du  Cardinal-Lemoine,  à  l'est. 

11  faut  remarquer  en  outre  (jue  Lutetia  [Vl\e),  ayant  èlè  détruite 
par  ('amulogène  en  o2  avant  notre  ère,  fut  reconstruite,  assez  lente- 
ment sans  doute;  c'est  ce  qui  explique  qu'elle  ne  soit  mentionnée 
par  Slrabon  que  par  le  mot  vYÏao;,  et,  comme  il  ajoute xal  TC(iXiv  Aouxoto- 
xi'av,  il  se  pourrait  que  cette  dernière  eût  été,  de  o2  av.  J.-C.  à  S.'iO 
de  notre  ère,  le  chef-lieu  des  Parisii,  el  ce  qui  paraît  conlirmer  cette 
opinion  c'est  que  Ptolémée,  au  milieu  du  second  siècle,  leur  donne 
pour -o)aç  L«co/pnfl,  AouxoTExi'a  (d'après  les  manuscrits,  variantes 
AouxoTÉx-ra,  AouxoûsxTa  OU,  en  abrégé,  Aoux.)  (:]),  ce  qui  ne  saurait,  en 
aucun  cas,  être  confondu  avec  la  lecture  Lutetia. 

Les  humbles  commencements  de  Paris  (1)  ne  permettent  pas  qu'on 
lise,  sur  les  bornes  milliaires  datant  des  premières  années  du  iv«  siè- 
cle et  provenant  de  la  ville  môme  ou  de  ses  environs  :  milliarium 
primum  a  civitate  Pnrisiorum.  C'était  là  le  mode  usité  surtout  dans 
les  capitales  de  piovince  d'où  l'on  comptait  les  milles  ou  les  lieues; 
mais  la  station  de  Paris,  bien  que  se  trouvant  à  l'extrémité  de  la  pro- 
vince de  Belgique  Seconde,  devait  alors  faire  partie  d'un  parcours 
qui  se  poursuivait  au  delà  et  dont  l'origine  était  évidemment  dans 
un  Centre  administratif  assez  important  pour  qu'il  ne  fût  pas  néces- 
saire de  le  désigner,  dans  tout  le  réseau  provincial,  autrement  que 
par  la  lettre  initiale  de  son  nom  R,  l\{cmi),  Keiuis. 

On  pourrait  trouver  étrange ,  il  est  vrai,  (ju'à  Paris  môme, 
dans  le  chef-lieu  «le  la  cité  des  Parisii,  on  eut  élevé  une  borne 
milli;ure,  u«arquant  la  distance  ijui  séparait  cette  ville  de  Reims, 
capitale  de  la  province  de  Belgiciue  Seconde.,  en  indi(|uant  la  pre- 

(1)  Robert  Gaguin,  l.'j'J",  folio  II,  v. 

(2)  Un  coin  de  Paris.  Le  cimetière  gallo-romain  île  la  rue  Ni(ole,  br.  in-8, 18'8. 

(3)  Edil.  Wilberg,  p.  138. 

(4)  L'expression  :io/i/vT,  do  Julien  ne  laisse  aucun  doute  ;\  cet  égard. 


LA    liOllM';    MIIJ.IMIIK    DK    l'MIIS.  149 

inière  de  ces  doux  localit(''.s  ;i  l'ablatif  avec  l'abréviation  la  moins 
laconi(|ue  des  deux,  A  CÏV  PAU,  et  la  seconde,  c'est-à-dire  celle  qui 
se  trouvait  à  l'autre  exlrùniité  du  parcours,  à  l'accusatif  par  sa  seule 
initiale  R.  Cernerait,  au  sentiment  de  quol(|ucs-uns,  une  formule  faite 
au  rebours  de  ce  qu'elle  aurait  di\  èfi-e. 

Il  semble  qu'à  Paris,  sur  la  frontifl-rc  des  provinces  de  Lyonnaise 
Première  et  de  Belgique  Seconde,  on  aurait  dû  s'exprimer  ainsi  : 
A  Ueniis  riritaton  Varisiorinn,  ou,  avec  le  nominatif  :  A  Uemis 
cirilas  Parisionnn.  Il  pourrait  p.iraîlrc  dès  lors  tout  naturel  de  lire  : 
A  civitate  Parisiorum,  Rotojnaf/uin.  Milliarium  primum. 

Quant  à  la  lecture  :  .1  ciritale  Parisiorum,  personne  ne  songe  à  la 
contester. 

Si  l'on  passe  en  revue  la  plupart  des  bornes  milliaires  de  VOrbis 
ronianiis,  il  sera  facile  de  tirer  de  cet  examen  comparatif  une  obser- 
vation nouvelle,  qui  nous  semble  donner  un  relief  singulier  au 
monument  de  Paris,  et  avoir  quelque  intérêt  peut-être  pour  la  géo- 
graphie ancienne. 

D'autres  avant  nous  se  sont  aperçus,  sans  aucun  doute,  qu'il  exis- 
tait plusieurs  sortes  de  bornes  milliaires.  Il  nous  paraît  nécessaire 
de  les  distinguer  nettement  en  les  groupant  dans  les  catégories  sui- 
vantes : 

1°  Celles  qu'on  peut  appeler  les  bornes  ordinaires,  jalonnant  les 
routes,  en  marquant  les  distances  d'un  parcours  à  partir  d'une  loca- 
lité, qui  le  plus  souvent  n'est  pas  nommée,  et  qui,  lorsqu'elle  l'est, 
ligure  soit  à  l'ablatif  avec  ab  :  .16  Aq{ui7ico),  A  Brerjet^ione),  etc., 
m{illia)  p[assuiim  ,  —  soit  à  l'accusatif  pour  indiquer  le  but  vers  le- 
quel ou  marche  ; 

2»  Celles  qui  ne  mentionnent  que  les  noms  des  empereurs,  sans 
indication  de  localités  et  sans  distances  exprimées,  mais  qui  ont 
plutôt  le  caractère  de  monuments  élevés  en  leur  bonneur,  et  n'ont 
pour  ainsi  dire  des  bornes  milliaires  que  la  forme,  comme  celle  de 
Lescorno,  en  Bretagne,  et  tant  d'autres  dans  tous  les  pays  de  VOr- 
bis romanus; 

3"  Celles  qui  rappellent  les  travaux  de  construction  ou  de  répa- 
ration accomplis  par  tel  ou  tel  empereur,  tel  ou  tel  personnage, 
telle  province  ou  telle  cité,  et  sur  lesquelles  on  trouve  souvent  les 
distances  indiquées,  mais  ordinairement  sans  qu'aucun  nom  de 
localité  y  figure  :  telles  sont,  par  exemple,  celles  de  Kécessan,  dans 
le  Gard,  de  Fontanes  dans  la  Haute-Loire,  tels  les  milliaires  de  la 
voie  de  Lambaese  à  Diana,  en  Afrique; 

4°  Enfin  les  bornes  que  nous  appellerions,  si  l'on  veut  nous  le 


180  l\FVL'K    AUCHÉOI.O(;i(.U!K. 

lUTiiii  ttiv,  k's  homes  niilUoives  rrcapltulatires  :  ce  ne  sont  plus  de 
simplosjalons  posés  sur  les  routes,  mais  ces  nioiuiments  olTient,  en 
bloc,  la  somme  des  milles  ou  des  lieues,  d'une  extrémité  à  l'autre 
d'un  parcours  donné.  Ils  devaient  se  trouver  à  la  frontière  il'une 
province  el  parfois  maniuaient  la  di-lance  entre  deux  chefs-lieux 
de  cités  importantes. 

De  ces  quatre  groupes  de  bornes  (|ue  nous  venciK  d'énunn'Ter, 
nous  nous  arrêtons  seukment  au  dernier.  On  coinprendia  sans  peine 
que  ces  sortes  de  poteaux  ou  bornes  récapitulatives  soient  beau- 
coup plus  rares  que  celles  qui  jalonnaient  les  routes  de  mille  en 
mille,  puisqu'il  ne  dt.'vait  y  en  avoir  Inul  au  plusiiue  deux  pour  tout 
un  parcours  :  une  à  chacune  des  extrémités. 

Cependant,  si  petit  que  soit  le  nombre  des  bornes  récapilulalives 
que  le  temps  a  épar.i^nées,  il  nous  a  été  possible  d'en  découvrir  qui 
sont  conçues  exactement  dans  les  mêmes  termes  que  le  milliaire  de 
Paris  tel  que  nous  l'expliquons,  c'est-à-dire  exprimant,  à  l'ablatif 
avec  ab,  le  lieu  où  elles  avaient  été  élevées,  et,  à  l'accusatif,  la  loca- 
lité qui  se  trouvait  à  l'autre  extrémité  du  parcours. 

Disons  d'abord  que  ces  deux  cas  de  la  déclinaison  latine  sont  ré- 
gulièrement les  seuls  qui  soient  employés  dans  la  teneur  des  ins- 
criptions milliaires  prises  en  général.  Le  nominatif  n'y  figure  qu'à 
titre  tout  à  fait  exceptionnel.  Dans  les  quelques  centaines  de  mo- 
numents que  nous  avons  étudiés,  nous  ne  l'avons  rencontré  que 
quatre  ou  cinij  fois.  El  cela  se  comprend,  car  la  localité  où  l'on  se 
trouve  sur  une  route  est,  en  même  temps,  colle  d'où  l'on  part,  par 
conséquent  elle  doit  s'exprimer  par  l'ablatif  avec  ab;  celle  vers 
laquelle  on  tend,  supposant  mouvement,  se  met  naturellement  à 
l'accusatif. 

Il  n'y  a  pas  un  seul  exemple  d'accusatif  pour  indiquer  le  lieu  où 
l'on  est,  c'esl-à-dire  celui  où  la  borne  a  été  dressée.  Ceux  qui  ont 
étudié  ces  monuments  géographiques  .savent  parfaitement  (iue,sur 
les  bornes  qui  jalonnent  les  voies,  il  est  d'ailleurs  extrêmement  rare 
que  les  noms  des  vici,  des  mutationcs,  des  stations  en  un  mot,  où  se 
trouvent  les  bornes  itinéraires,  y  figurent. 

Si  l'on  ne  peut  employer  l'accusatif  pour  indiquer  le  lieu  où  l'on 
est  el  où  s'élève  la  borne,  il  faut,  nécessairement  employer  le  nomi- 
natif ou  l'ablatif. 

Nous  n'avons  pas  trouvé  d'exemple  du  nominalif  sur  ce  que  nous 
appelons  les  «  bornes  récajjiiulatives  »  et  nous  croyons  (jue,  sur  les 
autres,  c'est  le  plus  souvent  par  erreur  (jue  Ion  comjjléte  parla  termi- 
naison du  nominatif  les  nomsgravés(avcc  abréviations  quatre-vingt- 


i,\  nn»\r.  mili.imuk  uf.  r-Mus.  loi 

dix-neuf  fois  sur  cent)  sur  les  bornes  milliaircs.  C'est  l'accusatif  ou 
l'ablatif  qu'il  faudrait  lire,  selon  nous  :  l'accusatif,  toujours,  quand 
la  borne  mentionne  une  autre  Incililé  (]ue  relie  où  elle  se  trouve,  — 
h  moins  (lu'il  ne  s'agisse  expressément  d'un  bomniage  à  l'empereur 
par  les  habitants  de  la  ville  voisine,  qui  a  construit  la  route,  —  et 
l'ablatif,  quand  elb;  indique  le  lieu  où  elle  est  et  par  conséquent 
d'où  l'on  part.  Nous  ne  parlons  ici,  bien  entendu,  (jue  des  bornes 
milliaires  ordinaires.  Pour  ces  dernières,  dans  quel  cas  doil-on  lire 
la  localité  au  nominatif?  Dans  relui  où  il  s'agit,  nous  le  répétons, 
d'un  véritable  hommage  à  l'empereur.  Nous  croyons,  par  exemple, 
que  M.  L.  Ucnier  a  Ui  avec  toute  raison,  sur  une  borne  trouvée  près 
de  Lambaese  (l): 

PERPETVO 
NOBILISSI 
MO    MAXI 

MIANO 

CAESARI 

F  ! 

R  •  P  •  C  •  L. 

Respublica  coloyiia  Lambaesis. 

Celle  de  Feurs  ne  nous  laisserait  que  peu  d'incertitude  sur  ce 
point,  car,  par  une  exception  très  rare,  elle  nous  montre  le  nom  de 
cettelocalilé  gravé  en  toutes  lettres.  C'cslun  hommage  de  la  cité  des 
Ségusiaves  à  Trajan  Dèce  et  elle  porte,  après  les  noms  de  cet  empe- 
reur : 

CIV    SEGVS 

LIBIIRA 

LU 

et,  en  raison  du  contexte,  il  n'est  pas  probable  qu'il  fiiille  lire 
aWitate  LIBIIRA  à  l'ablatif. 

Mais  rien  de  commun  entre  ces  milliaires  impériaux  et  les  bornes 
récapitulatives  des  grandes  distances.  C'est  à  ce  dernier  groupe 

(1)  Inscr.  de  l'Alg.,  4316. 


<52  lUVlK    \nCHF.OLOGI0l'K. 

qu'appartiiMil,  inr  cxiMiiplo.  la  lioriic  ii)(li(|uanl  la  snniino  th-s  milles 
cMrc  Bnicard  Auf/uf^ta  (Uraj^'a,  vu  Porluj^al)  cl  Asturica  (Aslor^a). 

Cello  borne  provieiililo  Hraj^M  inêmtNCoinme  l'allcste  M.  lliibmT: 
u{hic)  posui  —  tlH-il.  —  millinrios  UddiKitii  duos  (n"  47n,  4748 
ilu  t.  II  tlii  (Corpus  Iiiscr.  bil.,,  qui,  si  rccle  lradinitin\  re  rera  vi- 
dentur  liracarae  ipsi  Iribnrndi  essr  ».  Or   le  ii"  4747  iiorle  : 

A    BRAC ARAVG 
ASTVR1CAM(V 
M  •  P  •     CCXV  («) 

Mais  nous  avons  un  autre  témoignage  que  celui  (ju'on  vient  ilc 
lire  louehanl  la  provenance  de  cette  borne  récapitulative  :  c'est  l'Iti- 
néraire tl'Antonin.  Le  nombre  de  ^21;)  milles  entre  Uracarn  et  Astu- 
rica est  identiquement  le  même  entre  ces  deux  vilU-s  dans  l'Itiné- 
raire d'Anionin,  et,  qu'on  le  remarque,  ce  document  est  conçu 
exactement  dans  les  mêmes  termes.  Le  parcours  commence  à  HraL^'a; 
C'est  à  Braga  qu'a  été  tiouvée  la  borne;  c'est  de  Braga  que  sont 
comptés  les  milles  de  l'Itinéraire  : 

A  Bracara  Asturecam  mp  m  CCXV{^). 

D'ailleurs  vingt  passages  de  l'Itinéraire  d'Antonin  nous  olTrcnt 
la  même  formule.  Nous  remaniueions  en  elTet,  dans  ce  docu- 
ment, que  partout  les  parcours  donnant  en  détail  les  noms  des  sta- 
tions avec  les  dislances  qui  les  séparent,  sont  précédés  d'un  en-léte 
ou  d'un  titre  de  cl. apilre  qui  n'est  autre  chose  iiue  l'énoncé  du  point 
de  départ,  puis  du  point  d'arrivée,  avec  la  somme  récapitulative 
des  distances  partielles,  donnée  par  avance  en  bloc.  Prenons  (juol- 
ques  exemples;  ils  sont,  d'ailleurs,  connus  de  tout  le  monde,  mais  il 
est  utile  de  les  rapi'eler  ici;  car  le  rapprorhemenl  de  ces  textes  offi- 
ciels avec  la  borne  de  Paris,  (lui  en  est  piesque  contemporaine, 
paraîtra  sans  doute  intéressani  : 

P.  4;i6.  Ab  Aqnis  TcribvlUris  Burdi-jalam  (do  Dax  à  Bordeaux)  mpm  iXIlI. 
Suil  le  détiil  du  l'""  mille  .ai  Oi''. 

(1)  M.  Iliibiior  roctille  avec  toute  r:iisoii  la  leçon  vicieuse  de  Piplii  et  de  llamberti 
qui  portait  ASlVIUCAi;. 

(•2}  Mallieutcusemeiit  riiiscriplioii  n'est  pas  bien  couscrvéi-  dans  si  partie  infii- 
rieurc,  mais  la  dernifcre  ligne  avait  été  copiée  par  llainberti,  d'où  Mniatori  l'a  tirée 
fp.  452,  D"  3),  et  Higiii  l'a  lue  de  même  (C'W.  de  Berlin,  f.  :!I0). 

(3)  Wessniing,  p.  ^27. 


I,\    ItOIlNI'.    .MII.I.IAIlll.    I»K    l'AlUS.  153 

P.  4';-.  AI)  Aqnis  Terehellicis  Tohsum  mpm  CXXX. 

\\  4()2.  Ah  Aiiiiiiio  Lnijdunvm  vipm  LXV . 

W  'Mit.  A  llotunuKjo  Lutiiium  usiptr  nqnii  I.XXVII. 

Nous  ne  pouvons  nous  empCclicr  dij  nu'llre  on  regard  de  ces  lexles 
de  rilini'iaire  celui  de  la  borne  de  l*;iris,  telle  rjue  notis  la  lisons  : 

A  ciiitatc  Parisioni'n  H  CT, 

et  nous  demandons  ouest  la  différence?  La  similitude  est  (elle  que 
nous  sommes  presque  tenté  de  considérer  ces  récapilulalions,  —  en 
quelque  sorte  préventives,  —  des  voies  de  l'Itinéraire  comme  la 
Odéle  reiiroduction  de  ces  hornes  milliairesque  nous  avons  a[)pelées 
récapitulatives  et  (jui  devaient  se  trouver  au  départ  et  à  l'arrivée  des 
grands  parcours  des  voies  de  la  Gaule,  au  iv"  siècle. 

De  tout  temps,  d'ailleurs,  ce  genre  d(!  poteaux  indicateurs  de  la 
distance  totale  à  parcourir  a  été  en  usage. 

En  Italie,  au  temps  des  Gracques,  nous  en  avons  un  exemple  bien 
connu  :  c'est  celui  de  la  borne  de  Polla  dans  le  Val  di  Diano  (1).  On 
remar(iuera  sur  ce  monument,  tant  de  fois  publié,  quelemoî  HiN'CE, 
qui  désigne  le  point  d'où  l'on  part,  d'oii  l'on  compte  et  où  se  trou- 
vait le  poteau,  joue  le  rôle  d'un  véritable  ablatif,  et  que,  malgré  le 
verbe  sunt,  les  destinations  diverses  sont  à  l'accusatif. 

HINCE  SVNTII  NOVCERIAM -MEILIA  Ll  •  CAPVAM  XXCIII,  etc. 

Le  milliaire  de  Paris  nousoffrii-ait  donc,  —  et  cela  en  augmente 
beaucoup  l'inlérôt  et  la  valeur,  —  un  nouveau  spécimen  de  ces 
bornes  récapitulatives,  dont  nous  retrouvons  la  teneur  exacte  dans 
les  en-tôtes,  des  parcours  de  l'Itinéraire  d'Anlonin. 

Nous  ferons  remarquer  ([ue  le  caractère  récapitulatif  est  d'autant 
plus  tranché  pour  la  borne-poteau  de  Braga,  que  nous  possédons 
plusieurs  milliaires  ordinaires  des  routes  partant  de  Bracara,  ci 
dans  lesquels  ne  ligure  pas  le  point  d'arrivée.  Or  ces  monuments, 
qui  ont  été  apportés  dans  cette  ville,  où  on  les  voit  encore  aujour- 
d'hui, portent  : 

BRACARAVG 
Mil 

(C.  /.  /,.,  II,  II»  iTOi), 
(1)  C.  L  IL.,  I,  ri*  5r)1,  p.  15Û. 


154  REVl'K    ARCHROI.OGIQUE. 

A    BRAC 

^/?  ■  VI 

'  .  /.  /.,  11,11"  iin;\). 
A      BRACARA • AVG 
MP     XlTi 

(/6jV/.,  n.  /|752). 

Ilsparai.sseiit  provenir  de  larnî^mc  route  de  Hraga  à  Aslorga,  el  il 
est  impossible  d'admettre  (ju'ils  aient  ôtù  transportés  ;\  Rrapa,  où 
ils  se  trouvent  présentement,  des  environs  d'Astorya,  e'est-à-dirc  de 
plus  de  deux  cents  milles;  ils  proviennent  donc  certainement  des 
environs  de  Hraga.  Nous  avons  môme  le  jiremier  milliaire.  daté 
de  la  dernière  année  du  règne  de  Maxiinin  et  de  son  lils  Maxi- 
mus  (238),  et  dont  l'inscription  se  termine  nin>i  : 

A  BRAC-  AVG • M    P •  I 

(C.  /    L,  II,  n"  Û736). 

Le  lieu  d'arrivée  n'est  mentionné  sur  aucune  de  ces  bornes.  Si 
celles  qui  indiquent  le  HT  et  le  1V«  mille  ne  portent  pas  la  préposi- 
tion a,  ab,  avant  le  nom  de  Bracara  Augusta,  il  est  permis  de  croire 
qu'on  lisait  indilTéremment  sur  ces  bornes-jalons  l'accusatif  ou 
l'ablalif;  ce  qui,  par  le  fait,  était  absolument  indilTérent  au  voya- 
geur, qui  savait  probablement  d'où  il  venait  et  où  il  voulait  aller. 
Celui  (jiii  se  rendait  de  Braga  à  Astorga  lisait  :  lAjHIiAC[ARA]  ou 
BRAC^MiA]  (ablatif,  sans  préposition);  celui  qui  venait  d'Astorga 
et  se  dirigeait  vers  Braga  lisait  :  BUAC[ARAM],  et  il  savait  qu'il  avait 
encore  YIII,  VI,  IV,  I  milles  à  faire  pour  y  parvenir.  Mais  celui  qui 
se  trouvait  à  Braga  savait,  par  la  borne  récajiitulalive,  ([u'il  avait  en 
tout  (XXV  milles  à  francliir  pour  tout  le  voyage  entre  Bracara 
Aufjusta  et  Asturica. 

Ainsi,  tout  le  système  est  parfaitement  simple  : 

D'une  part,  borne  récapitulative  de  la  distance  totale,  sise  à 
Braga  : 

A  Brncara  Asturirnm  (JVXV  milli'i  jc/ssh <<;/<. 

D'autre  part,  les  bornes  miliiaires  jalonnant  la  roule  : 

l'f  inilliaiic.  .A  liracnrn  /iwyusri  1  miHiarium. 

2''  milliaire.  liramra  Augustn  (ablal.)  ou  liracaram  AuQUstam  llll  millia 
passuum. 


LA    BOR.NR    MllJ.IMIti;    liK    PARIS.  158 

6'  milliairc.  liracara  VI  millia  pasminn.  —  Ktc. 

Le  dispositif  est  donc  tout  autre  sur  le  poteau  récapitulatif  de  la 
distance  totale  et  sur  les  bornes  rouiières  plarùes,  de  milNî  en  mille, 
le  lonj,'  (le  la  voie.  Si  nous  ne  nous  tiompons,  la  (liiï(''renee  entre  ees 
deux  sortes  do  monuments  et  l'usage  ou  la  fonction  de  l'un  (!t  des 
autres  apparaissent  clairement  dans  les  exemples  (pn;  nous  venons 
de  citer. 

La  lecture  (ju'on  avait  proposée  d'abord  pour  la  borne  de  Paris  : 
A  civitatr  Parisiorum  liolomarjutn  milliarium  primum,  n'est  cepen- 
dant pas  sans  analogue.  On  trouve  le  point  de  départ  et  le  point 
d'arrivée  mentionnés  à  la  fois  sur  les  bornes  ordinaires  qui  jalon- 
naient certaines  routes  ;  mais  les  exemples  en  sont  d'une  extrême 
rareté.  Nous  pouvons  en  citer  un  :  la  rin  Augusta,  partant  des  en- 
virons de  Castulon  (Cazlona)  et  se  rendant  à  Gades  (Cadiz),  partait 
exactement  du  Janus  Augustus,  près  de  l'arc  érigé  sur  la  rive  du 
Baetis  (Guadalquivir),  et  se  rendait  à  la  mer,  nd  Oceanum,  c'est- 
à-dire  à  Gades  :  la  distance  totale,  calculée  par  M.  llûbner,  aurait  éié 
de  CCL  milles  (1).  Malbeureusement,  nous  ne  savons  pas  où  étaient 
Vnrcus  ad  Baetem  et  le  Janus  Augustus,  et,  comme  nous  ne  trou- 
vons sur  aucune  borne  de  cette  voie  la  dislance  de  CCL  milles,  il 
faut  en  conclure  qu'aucune  d'elles  ne  provient  du  lieu  de  départ,  le 
Janus  Augustus,  ni  du  lieu  d'arrivée,  Gades,  et  ne  peut  en  consé- 
quence être  considérée  comme  borne  récapitulative.  Ce  sont  donc 
des  bornes  milliaires  ordinaires  (]ui  soni  parvenues  jusqu'à  nous. 
Elles  ont  presque  toutes  été  transportées  à  Gordoue,  au  temps  des 
Maures,  et  la  provenance  de  chacune  d'elles  n'est  pas  certaine.  Le 
dispositif  de  cinq  d'entre  elles  est,  avec  des  variantes  insignifiantes  : 

A'BAETEETIANO-  AVGVSTO 
AD     OCEANVM 

(C.  /.  L.,  II,  4701,  Û703), 
OU 

AB  •  lANO  •  AVGVSTO  •  QVI  •  EST 

AD- BAETEM- VSQVE- AD 

OCEANVM 

[I/jid.,  4712,  4715], 

(1)  C'est  exapréré.  D'après  le  milliaire  de  Néron  trouvé  autre  le  Port  de  Sainte- 
Marie  et  Jerez,  et  qui  porte  CGXXII,  c'est-à-dire  à  douie  milles  de  Cadiz,  il  faut 
estimer  la  distance  totale  à  CCXXXIIIII  ou  CCXXXV  milles  entre  le  Janus  Augus- 
tus ad  Baetem  et  Gades. 


['M\  IIKVL'K    \llt:ili:n|,(»(;i(^iL'K. 

011   (Mllill 

AB    ARCV 

VNDE  •  INCIPIT  •  BAETICA 

VIAM-AVG,;////////// 

(C.  /.  /..,  Il,  II*  A721). 

Les  nombips  niilliaires  in^rrits  sur  ces  bornes  sont 
LMIll,  LWI.  L.WIII.  L.WV,  I.XXVII,  LXWI,  LX.WII. 

Une  d'entiv  elles,  provenant  d'un  lieu  silué  entre  El  l^ueito  de 
Santa  Maria  cl  Jerez,  porte  CCXXII  ;  c'est  le  nombre  le  plus  élevé. 

Mais  cet  exemple  de  la  via  Aiigusta,  en  Héiiiiue,  offrant,  jiour 
chaque  mille,  l'indication  du  lieu  de  dt'parlel  du  lieu  d'arrivée,  est 
non  seulement  fort  rare,  nous  le  croyons  uni(iue. 

En  supposant  toutefois  qu'on  s'autorise  de  celle  très  rare  excep- 
tion, il  resterait  ii  accorder  la  lecture  de  la  borne  de  Paris  avec  une 
sembinble  donnée.  Or,  nous  le  répétons  :  1°  il  y  a  un  G  et  non  un  0 
après  le  U  de  la  sixième  ligne;  2" le  C  et  le  Vqui  suit  sont  surmontés 
d'une  barre  horizontale;  3°  à  la  dernière  ligne,  il  n'y  a  pas  I,  mais  le 
second  jambage  d'un  .M. 

D'autre  part,  si  P;iris  n'est  plus  désigné,  déjà  au  commencement 
dn  IV*  siècle,  par  son  ancien  nom  gaulois  de  Lutetin  ou  de  Lucoto- 
cia,  mais  sous  le  nom  de  Civitas  Parisionim  (1),  il  ne  faut  pas  cher- 
cher non  plus  le  nom  de  l'auire  ville  commençant  par  un  R  dans  la 
toponymie  gauloise,  mai.- bien  parmi  les  noms  des  peuples  indigènes, 
noms  qui  sont  devenus,  à  partir  d'Auguste,  les  appellations  offi- 
cielles des  cités,  et  qui  ont  été  appUijués  pendant  les  trois  premiers 
siècles  aux  territoires,  pour  être  transférés  ensuite,  c'esl-à-dire  vers 
le  milieu  du  m"  siècle,  aux  chefs-lieux  de  ces  mêmes  cités  (2). 

ly  M.  Héron  do  Villefosse  a  fait,  sur  notre  demando,  une  rcclicrclic  des  plus 
instructives  toucliaut  l'époque  où  s'est  acconi|>lie  en  Gaule  la  substitution  des  noms 
officiels  des  cités  romaines,  c'est-à-dire  des  anciens  territoires  de  peuples,  aux  noms, 
gaulois  pour  la  plupart,  des  o/ipùla  qui  étaient  les  chefs-lieux  do  ces  mômes  cités  : 
il  a  trouvé  que  les  plus  anciennes  bornes  milliain's  où  figurent  les  noms  des  cités, 
comme  l'iclones  désignant  la  ville  de  l'oitierset  non  plus  /.i>>io>ium,étaienidu  milieu 
du  111"  siècle  ;  or,  sur  cette  catégorie  de  monuments,  l'emploi  du  nom  ancien  du 
territoire  des  cités  substitué  i  celui  des  anciens  u/>/iiiln  est  tout  :^  fait  probant,  car 
les  mesures  de  distancis  sti|iposcnt  l'énoncé  d'un  jioint  précis  et  il  est  impossible 
d'admettre  que  ces  désignations  aifnt  pu  se  rapporter  h  un  territoire. 

(2)  Voyer,  —  pour  cette  substitution,  an  iv  sit-cle,  des  noms  officifls  des  cités 
df  II  Gaule,  c'est-a-dire  des  tfrri;oires  de  ces  cités,  aux    noms   gaulois  des  villes, 


L\  iioiiNi:  Mii.i.iAim;  nr:  pauis.  157 

La  ville  incnlioiHK'C  sur  tioirc  iiiilli.iirc  était  donc  désignée  déjà 
par  le  nom  (|ir('llt3  a  f^ardé  (i(.'|iiiis  :  c'est  coliii  de  raiicicn  peuple, 
appliiiué  d'ahord  olliciclleini'iit  au  leriiloiic  de  la  cité  luMid.int  la 
période  (|ui  sépaie  Aui,Miste  de  Dioclélieii,  pour  passer  eiisuile,  et 
déliiiitiveuK'iit,  au  cliel-lieu.  (]'est  ainsi  nu'.lm^/VniJ,  Ui'iloncs,  Bilu- 
riges,  etc.,  ne  signilienl  plus  le  territoire  de  ces  anciens  peuples  et 
des  cités  roniaintîs  (jui  ont  été  l'orniées  dans  leurs  limites,  mais  les 
villes  mêmes  d'Amiens,  de  Uennes,  de  iJourijes  (1);  et  (|ue  les  noms 
gaulois  qui  désignaient  les  cliefs-lieux,  Samarabrivn,  Condate,  Ava- 
ricum^  etc.,  noms  subsistant  encore  au  temps  de  Ptoiémée  (2),  con- 
servés même  dans  les  Itinéraires,  pour  lesijuels  nous  avons  montré 
d'ailleurs  (jue  la  nomenclature  était  antérieure  au  iv"  siècle  (3),  ont 
disparu  pour  toujours.  Ce  n'est  pas  un  des  moindres  intérêts  de 
notre  monument  de  nous  montrer  (jue,  dés  l'année  307,  cette  sub- 
stitution des  anciens  noms  de  peuples,  c'est-à-dire  de  cités,  à  ceux 
des  villes  gauloises,  était  déjà  presque  entièrement  accomplie  dans  lu 
nord  de  la  Gaule  (4).  Cet  exemple  est  d'ailleurs  assez  fié(}uent,  et 
le  cliangement  date  du  milieu  du  m*  siècle.  Cela  nous  coiilirnie  dans 
l'opinion  (jue  cette  transformation  des  noms  des  cliefs-lieux  de  cités, 
qui  dut  commencer  vers  l'époque  de  Valérien  et  Gallien,  se  généra- 
lisa, comme  tant  d'autres,  au  temps  des  grandes  réformes  de  Dio- 
clélien.  C'est  sur  les  bornes  milliaires  que  cette  substitution  des 
noms  de  villes  est  surtout  significative,  car  les  noms  des  localités 
mentionnées  sur  ces  monuments  doivent  avoir  eu  nécessairement 
un  degré  d'exactitude  tel  qu'il  ne  pût  donner  lieu,  dans  la  pratique, 
à  aucune  hésitation.  Il  est  clair  que  si  les  mots  Civitas  Parisinruin 
n'avaient  pas  désigné  une  localité,  c'est-à-dire  un  point  du  parcours 


noms  qui  ne  sont  autres  le  plus  souvent  que  ceux  des  aucieunes  peuplades  gauloises, 
—  notre  Introduction  à  la  Table  de  Peutinger  {Gaule  d'npiès  la  Table  de  Peutinge?', 
in-8,  p.  Lvi)  et  l'édition  iu-fol.  de  la  même  Table,  p.  71,  col.  1  et  2;  voyez  aussi 
notre  Géogr.  Instor.  et  administrai,  de  la  Gaule  romaine,  t.  Il,  p.  357-500, 
passim;  enfin  voyez  le  Mémoire  de  notre  savant  confrère  M.  Deloclie,  comn:uniqué  à 
l'Académie,  séaucedu  6  septembre  1878,  publié  en  analyse  dans  les  Comptes  ren- 
dus ùq  cette  môiiic  année,  p.  155  158. 

(1)  Voyez  Ammien  Murcelliu,  dont  l'ouvrage  a  été  composé  vers  383;  livre  XV,  xi, 
passim. 

(2)  Livre  H,  cli.  vi,vii,  viii,  ix  et  x. 

(3)  Operaet  loc.  cit.,  Introduction,  /^«.«»«,et  éd.  in-fol.,  p.  G8  et  suiv. 

(4)  Nous  voyons  cependant  que  la  borne  nuUiaire  d'Amiens,  qui  est  de  la  môme 
date  que  celle  de  Paris,  désigne  encore  la  ville  sous  son  ancien  nom  de  Samaru- 
briva.  Le  cliangement  dans  les  usages  ne  s'accomplit  jamais  partout  qu'avec  le 
temps. 


158  HRVUK    AKCHKOLOCIOUE. 

parfaileiiiLMU  déleriiiiné,  s'ils  avaient  pu  s'enltMidrc  cncoiv,  coiuine 
aux  trois  promiiTs  siècles  de  l'Empire,  du  territoire  de  la  cité  des 
Parisii  c[  non  de  Iciir  clicMicu,  les  iiiesuros  de  distance  inarcjuées 
sur  les  bornes  itinéraires  n'auraient  eu  .lucune  précision.  Nous 
croyons  donc  que  si,  dans  les  documents  du  w"  siècle  {Itinéraire 
(i'Autotiin  et  Table  de  Pciitiiiycr),  les  anciens  noms  gaulois  subsis- 
tent encore  pour  désigner  les  chefs-lieux  de  cités,  c'est  (|ue  la  topo- 
nymie de  ces  itinéraires  reproduisait  des  listes  plus  anciennes,  et 
surtout  (]ue  ces  noms  étaient  inscrits  sur  un  grand  nombre  de  bornes 
milliaires  île  ré[)0(jiic  précédente,  lesijuelles  j.ilonnaienl  toutes  les 
routes  de  la  Gaule.  Mais  sur  celle  de  Paris,  élevée,  ou  du  moins 
gravée,  Tan  .^07  de  notre  ère,  nn  avait,  nu  contraire,  oiiijtloyé  déjà 
la  nouvelle  nomenclature  géographique  devenue  ollicielle  il). 

La  ville  désignée  sur  la  borne  milliaire  de  Paris  par  la  seule  ini- 
tiale K  est  donc  llcims,  Honi. 

L'ancien  nom  gaulois  du  chef-lieu  de  la  cité  des  Rémois,  Durocor- 
torum,  éiait devenu Rcmi  ou  ciritas  Hemoru m, comme  celui  de  Lucoto- 
c/a  ou  de /.Nfcfïo  s'était  déj;\  transformé  en  ciritas  Parisionim.  Le 
terme  cicitas  lui-même  prend  une  acception  nouvelle  et  s'appUijUC 
désormais  non  plus  seulement  au  territoire,  mais  à  la  localité  qui 
n'avait  longtemps  été  que  le  chel-lieu  de  ce  territoire. 

Reims  était  la  capitale  de  la  province  de  Relgiiiue  Seconde  qui 
ligure  sur  la  liste  de  Vérone  de  297  (2).  C'était  un  centre  d'où  rayon- 
naient les  voies  de  la  (iaule  septentrionale,  et  d'où  l'on  comptait  les 
distances  (3). 

On  connaît  sept  routes  au  départ  (4j  : 

Dans  ['Itinéraire  d'Aittonin,  nous  en  avons  quatre,  parlant  de 
Reims  : 

i"  Sur  Tarvcnna  (Thérouanne)  (ij)  ; 
i"  Sut  Ua(jacum  Ncniurum  (Bavai)  (Oj  ; 


(1)  Nous  avons  remarqué,  il  est  vrai,  des  traces  d'une  inscription  précédemment 
gravée  sur  la  borne  de  Paris,  mais  elle  devait  ûtre  de  très  peu  de  temps  antérieure. 

(2;  I.a  nelgiijue  y  fleure  sous  la  forme  fautive  lielicu  ]',  betoa  11^.  jiour  Uelfjua  /*, 
Hel(/icii  //*  :  voyez  Mommsen,  Verzeichniss  der  rœmisrh.  Provinzcn,  auftjesctzt 
um  297  (MéDioires  de  l'Académie  de  Berlin  de  18G2,  p.  492),  et  la  traduction  de  co 
Mémoire  par  Emile  Picot,  Revue  archiologùjue  (nouv.  série),  t.  XIV,  déc.  18(i0i 
p.  371  et  3«9. 

(3)  Bergier,  Histoire  des  (/rands  chemins  de  l'Evipire,  I.  IV,  cliap.  30. 

(û)  lieims pendant  la  domination  romaine,  par  Cli.  Loriqurt;  18C0,  p.  200. 

(5)  Page  370. 

(6)  Pages  380-381. 


I-A    BORNE    MnJ-IMIM"    F)l-:    l'XRIS.  15!) 

3'  Sur  Lwjdunum  (I.yon)  (I)  ; 
4"  Kl  sur  Dioudurum  (Melz)  (•2). 

La  Table  df  Peutinger  nous  monlro  six  roules  layonnant  de 
Rt'ims  : 

i»  Sur  Andomatunum  (Langres)  cl  Vesontio  (fJesançon); 

2°  Sur  Tullum  (Toul),  Melz  al  le  Hliiu  ; 

3°  Sur  Coiinia  (Cologne)  ; 

4°  Sur  Bononia  (Doulogne),  par  Havai  ; 

5°  Sur  Samarabriva  (Anuens)  par  Awjusta  Snessiomim  (Soissons); 

C  Enfin  sur  Cenabum  (Orléans)  par  Awju^tobuna  (Troyes)  (3). 

Or  aucune  de  ces  routes  ne  met  en  communication  directe  Reims 
et  Paris;  il  en  existait  assurônicnt  une  indirecte,  gagnant  la  voie  de 
Soissons  à  Heims,  comme  aujourd'iiui  le  chemin  de  fer;  la  distance 
exprimée  sur  la  borne  de  Paris  ne  nous  révèle  pas  l'existence  d'une 
autre  route  plus  courte;  file  existait  cependant. 

Les  CV  milles  indiqués  sur  notre  borne  milliaire  valent  cent  cin- 
quante-cimi  kilomètres.  Le  chemin  de  fer  en  donne  cent  soixante, 
mais  le  cliemiu  de  fer  n'a  jamais  un  tracé  bien  direct. 

Le  point  de  départ  précis,  le  parcours  et  les  vestiges  de  cette  voie 
sont  à  étudier. 

M.  Longnon  nous  écrivait,  à  la  date  du  29  octobre  : 

«  La  route  [romaine]  directe  de  Paris  à  Reims  par  Le  Multien, 
route  sur  lat]uelle  j'ai  les  renseignements  les  plus  circonstanciés,  ne 
mesure  que  95  milles  romains  en  parlant  de  l'île  de  la  Cité. 

«  Je  viens  de  mesurer  également  la  voie  de  Paris  à  Reims  par 
Soissons;  cette  voie,  qui  n'est  pas  [non  plus]  mentionnée  parles 
documents  itinéraires,  pour  sa  première  section  [du  moins],  entre 
Paris  et  Senlis,  devait  sechilTrer  par  108  milles  romains,  à  partir  de 
l'île  de  la  Cité.  » 

i"  Route  directe  :  95  milles  romains,  =  140  kil.  595  m. 

Borne  de  Paris  :  lOo  milles  romains;  écart  :  10  milles  en  plus, 
c'est-à-dire  14  kil.  «81  m. 

2"  Par  Soissons  :  108  milles  romains,  =  139  kil.  948  m. 


(1)  Pages  358-362. 

(2)  Pages  3G4-365. 

(3)  Voy.  notre  édition  in-folio  de  la  Tahle  de  Peutinger,  se,?meiu  I  et  II.  On  re- 
marquera que  plusieurs  voies  fout  double  emploi  ici,  étant  nommées  dans  les  deux 
documents. 


1G(I  HKVIIK    ARCIlk0I.(U;H,U!K. 

Home  tli'  Pans  :  KIR  iiiillrs  romains ;êiarl  :  3  inilles=  4  kil.4-i3in. 

Par  11»  duMiim  <li'  Flm-  pissaiil  par  Soissons,  il  y  a  iOO  kiloiiirtres. 
la  mùine  ilislance  (jue  par  la  voit*  roiiiaiiu'  tiui  passait  par  Sciilis  cl 
Soissons. 

A  vol  d'oisi-aii,  il  y  a  iiiln-  Paiis  cl  llcims  130  kilomètres. 

Par  la  roule  iialioiiale,  l.Mi  kiloiiictrcs. 

La  route  iiuJiiiiiée  sur  le  milliaire  de  Paris  devait  dune  être  plulôi 
celle  (lui  passait  par  Soissons,  mais  dont  le  parcours  entre  cette  ville 
cl  Paris  était  ;W-lierclicr.  .M.  Auguste  Loni:n()n  l'a  trouvce.  Voyez- 
plus  bas. 

Nous  croyons  que  toute  l'inscription  de  la  Itorne  trouvée  au  cime- 
tière Saint-Marcel  peut  se  restituer  et  doit  se  lire  ainsi  : 

DD • NN • M • AVR 

MAXIMIANO 

ET  •  PL  ■  VAL 

CONSTANTINOJ 

AVGG    ET 

DN • GAL • VAL 

MAXIMINO 
NOBIL  •  CAES 
A  •  CIV  •  PAR 
R  CV 
[D{omin\s)  n{odris)  duobus,  M.    Aur\eUo)  Mniimiano  et  Fl(aviu) 
Vai{erio)   Conslautino],    Auij{ustis)    dtiobus,   et   I){oimno)    n[ostro) 
Gaieriu)  Valfrio)  Mnximiuo,  Nobil{issimo)  Cacs(iui). 
A  Civ'jtule)  Pur'isioniia), 
H{emos)  centuin  et  quinque  millia  (passuum). 

EuNliST    DlCSJAllDl.N'-. 

{La  suite  prochainement.) 


SEPILILUK  AMIOl  1^  IIK  CHimiLO 

TRÈS  DE  BOLOGNE  (Ilalir) 


La  Revue  archéologique  a  public',  il  y  a  déjà  plusieurs  années,  une 
notice  curieuse  inlitiiiéc  ;  les  Gaulois  à  Marzabotto  dans  VA'pennin. 
L'aulcui',  M.  G.  de  Mortillet,  s'était  autorisé,  pour  reconnaître  leur 
présence  dans  la  nécropole  étrusque,  de  l'étroite  analogie  qu'il  avait 
remarquée  entre  une  épée  et  une  lance  en  fer,  ainsi  qu'une 
fibule  en  argent,  recueillies  dans  une  sépulture  à  inhumation  à 
Marzabotto,  dans  le  Bolonais,  et  les  objets  similaires  si  communs 
dans  les  tombes  gauloises  de  la  Champagne. 

Plusieurs  archéologues  italiens  ne  se  rallièrent  pas  à  cette  opi- 
nion émise  lors  du  Congrès  préhistorique  de  Bologne;  notamment 
l'éminent  président,  M.  le  comte  Gozzadini,  qui  plus  tard  la  com- 
battit dans  la  revue  les  Matériaux  pour  l'histoire  de  lliommc. 

Si  nous  rappelons  celte  polémique,  c'est  que  la  question  renaît  à 
l'occasion  d'une  découverte  plus  récente  et  mieux  caractérisée,  dont 
M.  Gozzadini  a  donné  la  relation  dans  le  courant  de  1871).  Sa  bro- 
chure a  pour  titre  :  Di  un  antico  sepolcro  a  Ceretolo  ncl  Bolognese, 
et  l'inventaire  descriptif  du  mobilier  funéraire  semblerait  devoir 
modilicr  l'ancienne  manière  de  voir  du  savant  antiquaire.  Il  n'en  est 
rien;  M.  le  comte  Gozzadini  reste  convaincu  que  l'élément  gaulois 
n'est  pas  représenté  archéologiquement  dans  le  Bolonais.  Il 
regrette  cette  lacune;  le  sol  de  la  contrée,  longtemps  avare,  étant 
devenu,  depuis  une  quinzaine  d'années,  une  mine  féconde  où  Fel- 
sina  revit  dans  les  dépouilles  mortuaires  des  populations  (jui  l'ont 
successivement  occupée. 

Pendant  deux  siècles  les  Gaulois  Boïens  ont  dominé  sur  cette 
parlie  de  l'Italie;  la  terre  a  conservé  leurs  restes  comme  ceux  des 
autres  races,  et  elle  ne  les  aurait  pas  encore  rendus.  Telle  est  du 
moins  l'opinion  d'un  des  hommes  les  plus  versés  dans  les  antiquités 
de  son  pays. 

xxxix.  Il 


iGi  liEVUfc  Aiic.iiKdi.ouigii:. 

Dt'Vnnt  In  roiniu-tcnce  .<i  reconnue  de  M.  le  comte  fiozzadini, 
il  y  a  sans  doiile  piésoinplion  de  noliv  pari  à  ne  pas  acccplcr  ses 
conclusions.  Il  nous  pcrniellra  loutefois  de  présenter  nos  observa- 
tions, m  re^jard  des  savantes  considérations  (ju'il  fait  valoir  pour 
établir  l'élruscisine  du  gisement  arcliéologii|ue  (jui  va  être  le  sujet 
de  cet  article.  A  notre  avis,  le  gallicisme  de  ce  gisement  ressort 
d'une  identité  complète  entre  les  objets  i\uï  le  composaient  et  les 
antitiuités  gauloises  cjne  livrent  si  libéralement  les  cimeiières  de  la 
Clianjpagne,  contrée  privilégiée,  elle  aussi,  où  d'innombrables  se* 
jiullures  nous  font  suivre  chronologi(iuemenl  les  diverses  races 
i|ui  y  ont  vécu. 

Le  mémoire  de  M.  le  comte  fiozzadini  est  intéressant  à  un  double 
litre  :  comme  iiuestion  d'art  et  d*iiilcr|irélalion  m\iliologi(|ue,  ;\ 
propos  de  la  pièce  capitale  de  la  découverte  de  Cerelolo;  jtuis  comme 
question  d'attribution  ellmi(iue  que  soulève  l'ensemble  des  épaves, 
côté  qui  rentre  plus  directement  dans  le  cadre  de  nos  éludes  au 
musée  de  Saint-Germain. 

Dans  un  cbamp,  à  une  dizaine  de  kilomètres  de  IJologne,  le  soc 
de  la  charrue,  dans  des  travaux  de  labour,  lieurla  un  corps  sonore, 
un  vase  en  bronze;  heureux  hasard  (jui  engagea  le  propriétaire,  le 
marquis  Tomaso  Bosclii,  à  faire  explorer  métbodi(juementle  terrain 
environnant. 

Les  fouilles  mirent  au  jour  un  siiuelette  enfoui  à  même  le  sol, 
sans  aucun  vestige  de  construction  prolectrice,  un  guerrier  enseveli 
avec  ses  armes,  ses  parures,  ses  objets  familiers.  Au  côlé  droit,  une 
épée  en  fer  reposant  dans  son  fourreau  égaleiiienl  en  fer;  à  gauche, 
au-dessus  de  la  tête,  un  fer  de  lance  ;  et  sur  les  lianes  une  sorte  de 
chaîne  ou  de  torsade  en  fer;  sur  la  poitrine,  dix-  huit  perles  en  cal- 
caire veiné,  restes  d'un  collier,  une  lihule  en  bronze,  et  au  bras 
gauche  une  armille  en  bronze.  On  recueillit  encore  |irès  du  corps, 
mais  dans  des  places  moins  bien  ilélerminées,  deux  gran.les  fibules 
enfer,  une  paire  de  petits  couteaux,  lame  et  manche  en  fer,  et  un 
de  ces  ciseaux  dits  forces,  de  même  métal.  Deux  vases  en  bronze 
avaient  été  ib'posés  dans  la  séi)ulture;  l'un,  fort  détéridré,  était  sans 
valeur,  tandis  (jue  l'autre,  placé  près  du  liochanter  ihoil  du  mort, 
pré.sentail  un  intérêt  tout  i)articulier  ;  aussi  M.  (Jozzadini  lui  a-l  il, 
dans  sa  brochure,  fait  les  honneurs  d'une  fort  belle  planche. 

C'est  une  «l'iiochoé  de  style  étrusque  bien  caractérisé.  L'orifice 
trilobé  est  couronné  d'un  rang  d'oves  qui  se  lépùte  ù  la  base,  au- 
dessous  d'un  riche  bandeau  d'entrelacs  cantonnés  de  rosaces.  Le 
bec,  coHiUie  dans  tous  les  vases  de  ce  genre,  est  droit  cl  proémi- 


SKPULTURR  ANTIQUE   OR   CKKKTOLO.  lO.J 

ncril.  ri';in>p,  qui,  (Issoiidr-o,  s'est  rclroiiV('c  à  cMr  de  rd-noclux'', 
(loiiiu!  à  cclli'  pii'fc  une  haute  valeur  aitistiiiuo.  Kllc  est  foriné(i 
par  utiiî  •!latue(t(!  en  ronde  bosse,  dont  les  pieds,  cliaussùa  ilc 
roliiurnes,  posent  lé^'ôremenl  sur  une  a|)pli(|uc  palmée  et  dont  un 
des  coudes,  loiS{|uc  la  pièce  était  intacte,  jinMiait  un  point  d'allarlie 
sur  uni!  volute  s'enroulant  au-dessus  de  Touverlure  du  vase.  Cette 
gracieuse  ligure  est  nue  et  porte  au  cou  un  collier  auquel  est  sus- 
pendu un  petit  croissant.  Les  formes,  aux  contours  arrondis,  bien 
accusées,  rex{)i('ssion  [jleine  de  langueur  du  visage,  les  cheveux 
relevés  en  rouleaux  sur  le  Iront  et  retondjaiii  imi  mèches  ondoyantes 
sur  le  dos  donnent  au  personnage  l'aspect  d'uin.'  femme,  et  cepen- 
dant il  est  du  sexe  masculin.  (Jue  reprèsenle-t-il  •/  C'est  ce  (|ui;  l'au- 
teur du  mémoire  recherche  avec  l'érudition  (|ui  lui  est  familière. 

L'idée  que  fait  naître  le  plus  naturellement  la  vue  de!  cet  andro- 
gyne  est  celle  du  lils  d'Hermès  et  d'Aphrodite;  mais  le  défaut  d'ac- 
centualion  de  la  poitrine,  ainsi  que  le  sentiment  du  visage,  autre 
que  celui  (pie  les  artistes  donnaient  à  Hermaphrodite,  engagent 
M.  Gozzadini  à  écarter  celte  première  supposition.  Le  peisonnage 
d'Endymion,  reveillé  de  son  sommeil,  les  yeux  et  les  bras  élevés 
vers  le  ciel  dans  l'attcnlc  de  son  amante  céleste  descendant  de  l'em- 
pyrée,  serait  plus  acceptable.  Ou  bien  encore,  en  raison  du  symbole 
suspendu  au  cou,  la  représentation  de  la  lune,  dans  sa  double 
nature,  d'après  la  théogonie  des  Egyptiens;  la  lune,  du  sexe  féminin 
comme  astre,  et  du  sexe  masculin  comme  mythe. 

Ces  interprétations  ne  satisfaisant  pas  complètement  le  savant 
auteur,  il  incline,  en  définitive,  à  voir  dans  l'anse  de  l'ienochoé  un 
Bacchus  jeune,  ['œlernus  puer,  auquel  les  auteurs,  d'accord  avec 
les  monuments,  prêtent  habituellement  des  formes  efféminées. 

Malgré  une  particularité  qui  frappe  à  première  vue  dans  cette  sla- 
luette,  la  torsion  anlinaturollo  des  mains  repliées  à  angle  droit  sur 
les  poignets,  disposition  archaïiiue  fréquente  dans  les  ligures  étrus- 
ques, le  comte  Gozzadini  en  reporte  l'exécution  au  temps  où  l'art 
étrusque,  sous  l'inlluence  helléni(iue,  atteignait  son  apogée.  Il  fait 
découler  de  cette  appréciation,  pour  déterminer  l'oiigine  de  la  sé- 
pulture de  Ceretolo,  des  déductions  qui  ne  nous  semblent  pas  aussi 
rigoureuses  qu'elles  le  lui  paraissent.  Comparé  aux  bronzes  sortis  de 
la  nécropole  de  la  Certosa,  le  Bacchus  trahit  par  son  modelé  une 
main  plus  exercée,  moins  soumise  à  la  tradition;  œuvre  plus  éclec- 
tiijue,  assure  M.  Gozzadini,  il  appartiendrait  à  une  époque  moins 
ancienne  que  l'art  de  la  Cerlosa.  D'après  le  savant  M.  Fabrctli,  la 
nécropole  se  serait  constituée  entre  l'an  de  Rome  430  et  l'an  ooO, 


ilJ4  IIKVUK   AnCUKOLOr.IQfE. 

rollo  (Icrnii'Te  dnto  ne  luécôdanl  que  de  seize  anm'^cs  la  ruine  de  la 
domination  hoienne  en  Ililic.  D'où  il  s'ensuivrait  que  la  .-tatuelle, 
in.li.|u.int  par  son  style  un  Ifiiips  postérieur ;\  la  C.eitosa,  ne  peut 
avoir  été  déposée  que  dans  une  sépulture  élru.Mjue,  alors  ipie  les 
Hoïens  avaient  déjà  énnj^M'é  du  llolonais. 

D'abord,  la  statuette  montre  une  prcuvi-  d'andiaïsme  tellement 
choquant  malgré  toutes  ses  (jualilés  (|u'il  est  permis  dliésiter  sur 
l'époijuc  à  lui  assigner,  el  ensuite  une  date  basée  sur  un  sentiment 
d'art,  si  sûr  qu'il  soit,  est  toujours  bien  sujette  h  controverse.  El  puis 
est-ce  bien  après  avoir  passé  pemlanl  deux  siècles  par  la  domina- 
tion de  barbares  tels  (jue  les  Gaulois,  pour  tomber  ensuite  sous  le 
joug  des  Romains,  dont  les  instincts  artistiques  étaient  si  peu  déve- 
lojqiés,  est-ce  bien,  disons-nous,  dans  des  conditions  aussi  défavo- 
rables que  l'art  étrusque  est  arrivé  à  son  épanouissement  le  plus 
complet? 

Quelle  que  soil  la  date  attribuée  à  l'œnochoé  de  Ceretolo,  ce  ne 
serait  pas  la  première  fois  (ju'un  pareil  vase  aurait  ligure  avec  des 
objets  de  parure  en  bronze  el  des  armes  en  fer  dans  une  sépulture 
gauloise.  D'autres  œnocboés  étrus(iues  de  même  style,  moins  pré- 
cieuses sans  doute,  leur  anse  n'alTectanl  que  k's  formes  ordinaires 
de  ces  appendices,  ont  été,  on  le  sait,  rencontrées  au  nord  des  Alpes. 
Une  disposition  conimune  rapprocbe  toutes  ces  dMioclioés  :  l'ap- 
plique palmée  ou  rayonnce  surla(|uelle  l'anse  retombe  et  s'attache 
à  la  panse  du  vase.  Les  détails  d'ornements,  le  slyle,  l'exécution, 
ont  des  rapports  si  étroits  (piMls  nous  ramènent  à  des  époques  de 
fabrication  peu  distantes  l'une  de  l'autie. 

Deux  de  ces  vases  sont  sorlis  des  cimetières  de  la  Marne  (1); 
cimetières  dont  un  archéologue,  qui  en  a  fait  une  élude  particulière, 
fixe  la  durée  entre  l'an  X,0  cl  l'an  2()()  avant  notre  ère  (^2).  A  (jucl 
litre  faisaient-ils  partie  du  riche  mobilier  funéraiie  de  chefs  gaulois 
iidiumés  dans  un  appareil  tout  militaire  sur  leur  char  de  guerre? 
L'opinion  qui  considère  le  dépôt  trauli(iuilès  étrusques  dans  ces  sé- 
liullures  comme  un  témoignage  des  expéditions  en  Italie  est  aussi 
plausible  (juc  cidle  qui  ne  veut  y  voir  que  la  preuve  d'une  importa- 
lion  commerciale.  Dans  celle  première  hypothèse,  il  n'y  aurait  rien 
d'impossible  à  ce  (jue   l'dinochoé  de  Cerelolo  liguràl,  elle  aussi, 

'1)  Sépulture  de  Sommc-Bionne.  More!,  lu  Clitmipagnc  fnutcnainr,  2"  livraison. 
Sépulture  de  Sommc-Tourbc.  td.  Fourdriguicr.  Double  sépulture  do  la  Gorge  Mcillct, 
,    1878. 

(2)  Alexandre  lActUiud,  Archéoloyic  celtique  cl  gauloise,  1870.  p.  .173. 


SKI'UI.TUIIK    A.NTinUK    r)R   CIÎHKTOI.O.  1(i 

comme  Iropliéo  ou  hiitiii  dans  la  loinlx;  d'un  fiauloi.s  do  Ja  Cisal- 
pine. Reste  H  exaniinet"  maintenant  si  la  romparaison  des  autres 
()l)jets  (jui  raeconipai^naient  avec  les  objets  de  niAnKi  destination, 
exhumés  en  si  j,Mand(î  abondance  des  cimetières  delà  (lliampagnc, 
juslilie  le  caractère  i,'auiois  (jue  nous  reconnaissons  au  ^'isenient  de 
Ceretolo. 

Dans  cette  comparaison  nous  nous  allaclicrons  presque  unique- 
ment au  musée  de  Sainl-dermain,  mais  ou  n'ij,'uore  pas  (jue  bien 
tl'autres  collections  se  sont  également  cniicliies  des  dépouilles  de 
plus  de  /^OOO  londies  fouillées  dans  la  Marne,  l'Aube  et  l'Aisne. 

Nous  ne  pensons  pas,  avec  M.  le  comte  Gozzadini,  (ju'il  n'y  ail 
lieu  d'attacher,  dans  l'inventaire  de  Cerotolo,  aucune  valeur  aux 
deux  petits  couteaux  en  fer,  non  plus  (lu'à  une  sorte  de  ciseaux  à 
ressort  vulijairement  dits  /orces. 

Nous  convenons  que  ces  instruments  ont  été  presque  partout  et 
sont  encore  en  usaçje.  La  question  n'est  pas  là.  D'aboril  ces  couteaux, 
i\  lame  et  à  manche  en  fer,  sont  d'un  type  assez  spécial;  puis  ils 
acquièrent  une  signification  ethnique,  lorsqu'on  les  voit  ligurcr  tout 
l'articuiièi'cment  dans  des  tombes  gauloises,  ainsi  (jue  lestrouvadks 
de  la  Marne  en  font  foi.  Une  vitrine  du  musée  de  Saint-Germain 
renferme  plus  de  cent  de  ces  couteaux  de  toutes  grandeurs.  L'extré- 
mité du  maiii'he  de  deux  d'entre  eux  est  percée  d'un  trou  annulaire. 

(Jiianl  aux  forces,  leur  déiiôl  dans  des  tombes  d'un  caractère  essen- 
tiellement guerrier,  comme  celle  de  Montfercaut  et  d'autres,  répon- 
dait certainement  à  une  tout  autre  idée  (jue  celle  de  l'usage  banal 
de  ces  outils.  Les  forces  sont  beaucoup  plus  rares  que  les  couteaux; 
nous  n'en  connaissons  qu'une  vingtaine  d'exemplaires,  entiers  ou 
en  fragnienls  (musée  de  Saint-Germain,  musée  de  Ti'oycs;  collection 
Morelf. 

Il  est  regrettable  qu'on  n'ait  pu,  avec  les  quelques  tessons  de  pote- 
ries trouvés  à  Ceretolo,  reconstituer  l'urne  en  terre  rougeâtre,  de 
façon  à  eu  reconnaître  la  forme  exacte;  la  céramique  ayant  dans  les 
cas  d'attribution  d'origine  une  importance  reconnue.  Aucun  indice 
à  tirer  non  plus  des  perles  en  calcaire  veiné;  tout  ce  que  nous  pou- 
vons diie,  c'est  que  les  tombes  de  la  3LTrne  fournissent  beaucoup  de 
gros  grains  de  collier,  généralement  en  terre  cuite. 

Passant  aux  objets  de  paiure,  le  bracelet  et  les  fibules,  le  comte 
Gozzadini  regarde  comme  èirusiiue  rarmille  en  bronze,  parce 
qu'elle  est  fermée  et  que  les  bracelets  gaulois  sont  ouverts.  Cest,  il 
est  vrai,  la  forme  habituelle  de  ceux-ci,  quoiqu'elle  soulTre  des 
exceptions  que  nous  pourrions  signaler;  du  reste,  nous  ne  faisons 


166  REVUE    AnCHéOLOGIQUF, 

nulK'  diffinill.''  d'admcllrr  quo  l'œno  lioi-  pouvait  liion  no  pns  «Mro 
le  seul  ol'ji'l  tirnsi|Ui'  (|ui  arcoinpngnàl  dans  sa  lonihc  lt>  ^ruciriiT 
pauloi*  iiiliiîinéfi  ("«mvIoIo. 

Il  pounail,  à  la  rij^iicur,  en  iMro  i\c  inrino  pour  la  liliulo  on 
lironzo,  toul  on  observant  (]ue  ces  bijoux  sont  très  communs  daiis 
nos  sépultures.  Lcf'  fibules  on  for  sont  évidomnient  pauloises.  Peu 
importo  que  le  système  à  spirale,  parlifuliir  aux  libulos  du  nord 
dos  Alpes,  ne  soil  pas  »''trani.'cr  à  l'Ilalio;  lo  spcrimon  en  for,  si 
jamais  on  l'a  n^nrontrô  dans  ce  pays,  ronslituerail  on  loul  cas  une 
excessive  rarolé.  Le  oalalo<(uo  du  Musée  civique  f\c  Hninpnc  (187!) 
enregistre  deux  cents  liliuios  en  bronze,  (]uatro-viiigls  en  argent, 
provenant  de  la  Certosa,  et  pas  une  en  for.  Celles-ci  se  présentent  au 
contraire  assez  fréquemment  cbez  nous.  Le  musée  de  Saint-Ger- 
main compte  plus  de  soixante-dix  exemplaires;  (luelques-uns  ont 
jusqu'à  0'",18  de  longueur.  M.  Gozzadini  signale  la  grandeur  inusi- 
tée de  deux  des  pièces  trouvées  à  Corclolo  (1). 
Examinons  maintenant  les  armes. 

Le  mémoire  mentionne  en  premier  lieu  le  fer  do  lance,  large  au 
milieu,  à  pointe  aiguë.  Ce  type  n'a  rien  de  très  particulier  et  a  dû 
ôtre  en  usage  chez  bien  des  peuples.  L'auteur,  pour  montrer  qu'il 
n'est  pas  gaulois,  le  rapproche  de  deux  lances  étrusques;  l'une  de 
Broilo  en  Toscane,  l'autre  de  Vulci  ;  mais,  comme  il  les  assimile  à 
d'autres  lances  de  la  trouvaille  dite  fonderie  de  Bologne,  il  laisse 
supposer  qu'elles  sont  en  bronze. 

C'est  par  centaines  qu'on  peut  compter,  à  Saint-Germain,  les 
lances  gauloises  en  fer,  parmi  lesquelles  domine  la  forme  large,  en 
feuille  de  saule  plus  ou  moins  longue.  Quelques-unes  sont  ployées 
intontionnelknient,  comme  celle  de  Cerotolo,  et  parfois  aussi  un  des 
ailerons  est  brisé.  La  coutume  de  placer  dans  les  sépultures  des 
armes  mises  hors  de  service,  en  les  repliant  sur  elles-mêmes,  s'ap- 
pliquait de  préférence  aux  épéeset  était  moins  pratiquée  en  Cham- 
pagne qu'en  Alsace. 

Nous  rangerons  parmi  les  armes  une  pièce  qui  dépendait  vrai- 
semblablement du  harnachement  militaire,  quoique  l'appropriation 
exacte  soil  dillicilc  à  déterminer.  C'est  une  sorte  de  chaîne  ou  plu- 
tôt de  torsade,  fabriquée  avec  deux  ligos  de  fer  enroulées  .sur  ellos- 
mômes,  allant  on  s'amincissant  et  formant  au  gros  bout  un  anneau, 


II)  La  fibule  on  fer  nVst  nullement,  en  Franco,  sptîciale.'i  la  Champaeno.  D'autres 
pisomont»  fcanlois  en  ont  fourni;  par  exemple,  l'oppidum  do  Tronoun  (Finistère). 
p.  du  CLalellicr,  liuU.  mon.,  Ib77. 


RlÎPULTUnK   ANTIQUE   DR   CF.RETOI.O.  i67 

ot  à  l'nntrr^  oxln'Tnil('  un  rroclicl  lonninù  pnr  un  boulon.  M.  Goz- 
/;ulini  n'inrlinn  pns  à  voir  dans  ces  lors.ides  la  cli.iîrio  à  Inquclle, 
snivaiii  l)ii>  loïc,  les  finiilols  Sdspondaiont  leurs  ép6es.  (^esl  aussi 
noire  :ivis.  Mcj-urjuit  .'lu  plus  ()"','ir)  de  loii;,Mjeur,  cerlnines  sont 
niôinc  liciiufoup  plus  courtes,  rlev.int  en  outre  (^tre  très  j)cu  flexi- 
bles, ces  torsades  ne  pouvaient  faire  roiïicc  de  baudriers.  D'ailleurs, 
nous  possédons  d'autres  cli.iîtie'^  ({ui  r(''[)ondaient  beaurouj)  mieux  à 
cet  enipini,  Ou(dIe  que  soil  leur  disiinalion,  le  luénioiic  ik;  signalo 
pas  d'auii  es  spécimens  trouvés  en  Italie;  et,  couinic,  d'autre  part, 
ees  torsades  ne  sont  pas  rares  dans  les  cimetières  de  la  Cliani])af,'rio, 
on  ne  peut  leur  refuser  nnc  réelle  valeur  ethnique.  Nous  pouvons 
citer  ((uarante  de  ces  pièces  dans  le  musée  de  Saint-Germain,  dix 
dans  celui  de  Troycs,  dont  une  très  grosse,  liuil  dans  la  collection 
Morel.  La  collection  de  M.  de  Haye,  nous  a-l-on  assuré,  en  renferme 
également,  ainsi  que  celles  d'autres  amateurs. 

Si  peu  intéressantes  que  soient  ces  torsades,  leur  attribution  gau- 
loise est  indiscutable,  (/est  l'opinion  de  M.  V.  de  Puiszky,  qui  en 
compte  quatre  dans  le  Musée  national  de  Hongrie. 

Nous  arrivons  enfin  à  l'épée  en  fer,  à  double  taillant,  effilée, 
longue  de  0'",73  avec  la  soie,  reposant  dans  son  fourreau  en  fer,  en 
tout  semblable  aux  épées  de  la  Marne  que  nous  décrirons  plus  loin. 
Nous  avons  fait  allusion,  en  débutant,  à  la  divergence  d'opinions 
qu'avait  suscitée  la  présence  d'épées  du  même  type  dans  des  sépul- 
tures à  inhumation  de  la  nécropole  de  Marzabotto.  Devant  la  décou- 
verte plus  l'écente  d'une  arme  pareille  dans  un  gisement  mieux 
caractérisé  dans  le  sens  gaulois,  M.  le  comte  Gozzadini  a  bien  senti 
que  ses  premières  conclusions  se  trouveraient  ébranlées;  aussi 
rouvre-t-il  le  débat.  Il  fait  appel  à  tous  les  textes  anciens,  dans  le 
but  d'établir  que  l'épée  courte  de  Ceretolo  ne  peut  être  la  même  que 
celle  que  les  historiens,  dans  les  récits  des  guerres  des  Romains 
contre  les  Gaulois  en  Italie,  s'accordent  à  donner  à  ces  derniers. 

On  nous  permettra,  — dussions-nous  abuser  quelque  peu  de  l'hos- 
pitalité de  la  Rrruc  archcolof/ique,  —  de  le  suivre  dans  s.a  discus- 
sion de  l'épée  légendaire  des  Gaulois;  sujet  sur  lequel  on  est  revenu 
bien  des  fois,  mais  qui,  sous  la  plume  du  savant  directeur  du  musée 
de  Bologne,  prend  un  nouvel  intérêt.  On  nous  concédera  aussi, 
alors  qu'il  s'agit  de  ressaisir  à  l'aide  de  l'arciiéologie  les  traces  en- 
core fugitives  du  séjour  de  nos  ancêtres  au  sud  du  Pô,  qu'une  ques- 
tion qui  tourbe  à  leurs  usages  militaires  ait  son  imporlance. 

Il  est  un  fait  auquel  il  faut  se  rendre,  c'est  que,  quelque  soit  l'ac- 
cord des  historiens  sur  la   forme  et  la  nature  de  Tépée  gallique, 


IGS  nr.vTK  AHCiiLoiAir.iQUR. 

ridée  qu'ils  en  donnint  ne  trouve  que  très  imparfailemenl  sa  con- 
linnalion  dans  les  fouilles.  Certes,  on  ne  saurait  faire  trop  de  cas 
des  documents  éerits;  mais,  lorsiju'une  nu'^nie  assertion  se  reproduit 
constamment  dans  des  ternies  en  (]uel(iue  sorte  idenlupies,  sans 
variations  maigre  la  marche  des  temps  et  la  mobilité  des  choses,  on 
est  amen(!i  à  se  demander  si  les  auteurs  ne  se  sont  pas  copiés  (I). 

l'tiur  ne  s'en  tenir  (jifau  plus  autorisé  d'entre  eux,  à  celui  (|ui 
écrivait  ii  une  époque  encore  rapprochée  des  événements  cju'il 
raconte,  Polybe  fait,  il  est  viai,  mention  à  tiois  reprises  différentes 
de  la  longue  épée  gauloise,  en  fer  doux,  à  pointe  mousse,  ne  iva\>- 
pant  que  de  taille,  qui  se  faussait  au  premier  coup,  el  (jue  le  com- 
battant était  obligé  de  redresser  sous  le  pied  (2).  11  donne  à  celle 
arme  défectueuse  le  nom  de  a-i/ai:»;  il  l'oppose  à  l'épée  courte  el 
pointue,  çbo;,  l'épée  ibéri(|ue  adoptée  par  les  Uomains. 

L'exaclitudc  de  Polybe  ne  peut  ccpciiilaiil  jias  prévaloir  sur  les 
faits  positifs  des  fouilles.  Même  de  son  temps,  la  nuicitœra  ne  devait 
pas  être  la  seule  épée  en  usage  chez  les  Gaulois. 

Cette  arme  nous  a-l-elle  été  conservée?  11  \  a  linéique  probabilité 
pour  ridentilier  à  l'épée  en  fer,  longue  d'un  métré,  à  soie  plate  et 
à  rivets,  dont  les  tumulus  de  la  Bourgogne,  du  midi  de  la  France, 
de  la  lU'Igiiiuo,  ont  livré  de  rares  spécimens,  (|ui  se  rcliouve  dans 
l'Allemagne  du  sud  et  dont  la  belle  épée  de  llallstall  donne  la  repré- 
sentation la  plus  complète.  Le  musée  de  Saint-Germain  est  parvenu 
à  réunir  une  dizaine  de  pièces,  lames  à  peu  prés  entières  et  tron- 
çons, en  originaux  cl  en  moulages;  mais,  par  le  fait,  on  pourrait 
citer  une  viniilaine  d'exemplaires  (:j). 

Le  fourreau  de  celle  arme  n'est  pas  connu  ;  fait  en  bois,  il  s'est 
détruit. 

L'épée  i]c?<  tumulus,  dont  la  forme  est  dérivée  de  celle  des  der- 
nières épées  de  bronze,  doit  être  le  type  le  plus  ancien,  surtout  si  l'on 
prend  en  considération  les  antiquités  auxquelles  on  la  trouve  asso- 
ciée. Si  nous  nous  allachons,  comme  exemple,  au  glaive  de  llallstalt. 


(1)  Cette  dernitre  remarque,  justeinf.nt  à  propos  de  la  qualitc  des  Lapées  gauloises, 
avait  déjà  été  faite  pur  M.  de  Sigrais,  de  l'ancienne  Académie  des  inscriptions.  Cou- 
sidcititions  sur  l'esjjrit  inilitaire  des  Gaulois,  Paris,  1774,  p.  'lu. 

(2)  l'olybe,  1.  Il,  30  :  bataille  de  Tûlamon  contre  Irs  Gésaies,  les  lusubriens, 
les  Taurisques,  an  de  Hoinu  029;  I.  II,  33  :  défaite  dea  iusubrien!-.  par  P.  Furius 
et  C.  FI  iminius,  an  de  H.  531  ;  I.  III,  112  :  bataille  prés  de  TAulldc,  an  do  \\.  538. 
Tite-Livc,  1.  XX,  63,  69;  I.  XXII,  6Û. 

(3/  M.  Al.  Bertrand  ônumère  loiiteB  ces  épées  avec  les  provenances.  Archéologie 
ccllujue  et  yuulotse,  p.  2b0  el  8uiv. 


SKI'ULTL'RK   A.NTIQUR    HK   CRRr.TOLd.  16U 

dont  on  rrcoiinail  Icsdrl.iils  (lt:f,icliin;  surh.'s  autres  écliantillonsiiiril- 
{îi'é  leur  tléléiioralioii,  nous  voyons  nneariniî  (''niin(!iiini(Mit  propre  à 
frapper  de  taille  et  de  liaul.  Ajoutons  que  llallslalt  est  situé  (Jaiis  le 
pays  des  Tauiisci,  dont  le  nom,  sinon  le  même  peuple,  figure  dans 
la  rclalioii  d(!  l'olyhe  de  la  bataille  de  Télaiiion.  Il  faut  convenir 
cependant  i|ue  l'épée  de  llallstatt  ne  répond  pas  absolument  à  la 
macli;era,  en  ce  que  la  lame  s'élargit  sensiblement  au  niilieu  et 
port(î  des  arêtes  loiiL^itudiiiales,  condilions  qui  la  renfon;aienl  et 
devaient  l'empéclier  de  ployer  au  premier  choc.  Kn  outre,  l'extré- 
mité est  taillée  en  un  double  biseau,  assez  obtus  il  est  vrai,  mais  qui 
n'en  faisait  pas  moins  une  arme  de  pointe  redoutable. 

Cette  épée  n'a  pas  encore  été  rencontrée  en  Italie,  du  luuins  à 
notre  connaissance;  fait  dont  il  y  a  lieu  de  s'étonner  si  on  attache 
aux  textes  une  valeur  trop  exclusive,  pui.^ipie  c'est  elle  (pii  se  rap- 
proche le  mieux  de  l'arme  ([u'ils  prêtent  aux  Gaulois  cisalpins. 

Par  contre,  on  signale  à  plusieurs  reprises  dans  roinbi-ie,  pays 
qu'avaient  occuiié  les  IJoiens,  dans  des  gisements  complètement 
étrangers  aux  Romains,  une  épée  courte,  rappelant  l'épée  ibérique, 
et  assimilable  jusque  dans  ses  moindres  détails  à  un  des  deux 
types,  le  plus  commun,  des  épées  gauloises  du  nord  des  Alpes. 

Ne  peut-on  pas  induire  de  ce  défaut  de  concordance,  entre  les 
documents  écrits  et  les  documents  positifs  des  fouilles,  (jue  les 
diverses  tribus  celtitpies  qui,  à  des  époques  successives,  envahirent 
la  Péninsule,  soit  comme  conquérantes,  soit  comme  mercenaires, 
n'avaient  pas  vraisemblablement  un  armement  uniforme? 

Veut-on,  à  ce  propos,  un  autre  exemple  de  la  diflicullé  de  faire 
concorder  les  données  historiiiues  avec  les  monuments? 

Diodore,  dans  les  détails  qu'il  donne  sur  les  usages  militaires  des 
Gaulois,  dit  qu'ils  portent  au  lieu  de  l'épée  un  glaive,  c-âOa  (1), 
lequel,  ajoute-t-il,  n'est  pas  plus  couit  que  le  saunion,  sorte  d"arme 
de  main.  Or  vêtements,  baudriers,  trompettes  barbares,  casques  sur- 
montés de  cornes,  se  reconnaissent  représentés  fidèlement  tels  qu'ils 
les  décrit  dans  les  grands  trophées  décoratifs  de  l'arc  de  tiiomphe  d'U- 
range.  Seuls,  les  faisceaux  d'épécs  se  composent  d'armes  courtes  qu'on 
ne  saurait  assimiler  à  la  spatha  de  Diodore,  pas  pi  us  qu'à  lamachcX-ra^i). 

(1)  Diodore,  1.  V,  30  :  '\'i-\  oï  toû  I'.-^o-j;  cr^riOa;  ï//j'j<7i  (éd.  Tcubnur). 

(2)  Les  lexiques  ne  laissent  guère  deviner  les  formes  des  épt5es  sous  les  difTérents 
termes  qui  les  désignent  et  les  confoiideut  ;  ainsi  on  lit  dans  Hésécliius,  Si'rOî, 
fjiâ/a'.pa  r,  -apaîjwviov. 

Plutarque,  in  Camillo,  nomme  [ii/aipa  l'épée  que  Brenuus  met  dans  la  balauce, 
et  xoTti;  l'arme  d'uu  des  deux  Gaulois  vaincus  par  Maulius. 


17U  HF.Vl  R    AnCllÉOLOGIQUF.. 

Snr  l'.illiquo  du  monumcnl,  tics  scùnt's  de  guerre  sonl  sculplt-cs 
on  lins-rclit'f  sur  U's  deux  fnrrs  principales  :  de:  Gaulois  lailh'S  en 
pièces  par  la  cnvaleiie  roin.iinc. 

C"lie  représentation,  n'iniporle  la  date  assignée  à  rùrcction  de 
l'are  d'Orange,  rappelle  des  usages  antérieurs  ù  la  ronquéle.  Les 
vaincus  conil»allenl  nus  ou  à  peu  pris  nus,  f-auf  la  braie:  coulunic 
étrange  sur  laquelle  les  Connurntaircs  restent  niueis.  Comment 
n'eûi-elle  pas,  si  elle  eût  persisté,  éveillé  l'attention  de  César,  alors 
que,  dans  tontt^s  les  relations  des  anciennes  fiuerres  d'Italie,  les 
auteurs,  PoKlieen  télé,  en  font  nienlion?  Sur  ces  bns-reliers  les 
("îauloi»;  s(Uii  aimés  d'une  épée  courte;  h;  fourreau,  suspendu  h  leurs 
(lancs  nus  par  une  courroie,  le  long  de  la  cuisse  droite,  ne  descend 
pas  au-dessous  do  la  naissance  du  mollet.  Celle  courroie  passe  der- 
rière le  sommet  du  fourreau,  nécessairement  dans  une  bélière, 
comme  celle  (lu'on  rcmaniue  sur  les  épées  de  la  Marne. 

Le  second  type  des  épées  gauloises  csl  inlinimonl  moins  rare  que 
celui  qui  s'accordtM-ait  plus  ou  moins  bien  avce  les  textes  cités.  Le  dé- 
crire, c'est  décrire  de  point  en  point  non  seulement  l'épée  de  Cere- 
tolo,  mais  encore  les  anciennes  épées  de  Mnizabolto  (1). 

Arme  d'estoc  et  de  taille,  la  lame  est  comte,  à  douhle  Irancliant 
av.'C  arête  médiane;  elle  s'elTile  vers  le  bout,  terminé  par  une  pointe 
acérée.  Au  lieu  de  se  prolonger  à  l'autre  extrémité  en  une  soie 
plate  sur  laquelle  la  garniture  de  la  poignée  était  fixée  par  des 
rivets,  elle  est  surmontée  d'une  soie  mince  qui  pénétrait  dans 
la  poignée.  Cette  poignée,  en  matière  destructible  qui  a  disparu  (2), 
n'avait  probablemcnî  par-  de  garde;  elle  mainlennil  la  lame  au  four- 
reau en  épousant  les  sinuosités  ménagées  à  l'einboucliure  de  la 
gaine.  Ce  fourreau  accompagne  communément  la  lame,  qui  souvent 
y  est  encore  engagée.  Il  est  fabri(|ué  en  fer,  au  moyen  de  deux 
parties  dont  les  tranches,  rabattues  l'une  sur  l'autre,  forment  un 
léger  bourrelet  qui  court  le  long  des  côtés  et  s'épanouit  à  Pextrémilé 
en  une  bouteiollc  ajourée  ou  plfine.  Iréllée  ou  ovalaire  (.'{).  Enfin, 
au  sommet  du  fourreau  e>t  rivée  une  béliére  quadrangulaire,  peu 
ouverte,  qui  ne  pouvait  donner  passage  qu'à  une  simple  courroie 

a    Contr»  Giovanni  Gozzadini,   l'Umiori   scoperlc  a  Marz'ibntlo  ncl  Bohgnesr, 

1870,  p.  3. 

{'!)  Par  cxropiion  nno  petite  épti'C  montre  une  poljcniVcn  l)ron7.c  d'une  forme  toute 
particulitrp.  Mor«'l,  Cltnmp.  soulerr.,  Album,  p.  33.  Sû-pulturc  de  Salon  (Aube), 

(3;  Quclqu'8  fourri-anx  fort  rares  sont  en  bronze  ou  ont  un  cOtt-  en  bronze,  l'autre 
en  fer.  Morel,  Champ.  soiUerr.,  Album,  pi.  IX 


.SIJM  LTIIÎU:    ANTIOCIC    DR   CRnivTOI.D.  ^T\ 

(''Irnitc,  rnmnic  on  !«)  voit  sur  l'air  d'Orange,  ou  ;i  un  nii'ieau 
s'alliicliaiil  an  Itaudrioi'. 

T('ll(!  ôlait  V('.\>ùo.  (les  II ihii>  i^al  iliijiirs,  ranlonni'îcs  niilitairciiicui, 
h  en  jiiscr  parliîuis  noinhroux  ciinclières,  dans  la  (^lianipagnc,  mais 
dont  l'ai  (ion  s'éleiiilail  fut  lutilc  la  Gaule,  ainsi  que  le  |)ionve  la 
itMiconlie  (le  la  niônin  arme,  sans  parler  d'iinlrcs  anlif(iiil('s,  failo 
dans  des  parlies  ('•loignénsdc  la  Trann;,  oolainnieni  en  Hielagne  (1). 

Ce  second  iNpe  des  ùpécs  j)oinlnes,  h  soie,  accoinpagiit'es  du 
fourreau  en  fer,  appartient  arcliéologi(|uoment.  coiiinie  du  reste  le 
premier  type,  aux  régions  orientales  de  l'ancienne  fJaulc.  A  pre- 
niicre  vue.  el  sans  (|u'il  en  rôsulle  une  distinction  rigoureuse,  il 
peut  fournil-  deux  groupes  :  celui  dont  nous  venons  de  parler 
el  un  aulre,  r{'pr('seiilt''o\cell(!inineiil  par  les  lielles  armes  de  la  Tène 
(lao  de  Ncufchàlel).  La  fabricalion  en  est  supérieure,  les  lames  sont 
presque  aussi  longues  que  celles  des  tumulus  et  certaines  ont  toute 
l'apparence  d'être  en  acier.  Rentrent  plus  ou  moins  dans  ce  groupe  : 
les  épées  du  lac  de  Bicnne  (2),  de  la  Tiefenau  (;{],  enlin  des  collec- 
tions suisses;  celles  des  tombes  de  l'Alsace (4);  les  épées  d'Alise  (5); 
celles  du  musée  de  Mayence  (G),  du  Musée  national  de  Hongrie  (7), 
du  Diitisli  Muséum  (8%  celles-ci  avec  poignées  en  bronze.  Inutile 
d'ajouter  que  le  musée  de  Saint-Germain  expose  des  spécimens  des 
diverses  provenances. 

Comme  complément,  nous  ne  devons  pas  omettre  un  genre  d'é- 
pées  assez  singulier,  celui  à  poignée  à  antennes,  dont  le  type,  ren- 
contré sous  sa  forme  rudimenlaire  dans  le  midi  de  la  France  (01, 
nous  paraît  celtique,  malgré  des  spécimens  en  bronze  plus  ou  moins 
modifiés. 

Remarquons  en  passant  qu'on  a  souvent  signalé  dans  les  sépultu- 
res des  épées  qui,  en  raison  de  (juelque  rite  funéraire  particulier, 
avaient  été  tordues,  et  on  a  prétendu  qu'elles  avaient  dû  prcalable- 

(1)  p.  du  Cliatellicr.  Oppidum  de  Tronoen  (Finistère).  Bu//e^m  monumental,  n"  4, 
1877. 

(2)  Collection  Swab  à  Bicnne.  F.  Keller,  Midlteilungen  der  Ântiq.  Gesellschaft  m 
Zurich,  Band.  I,  HplftXIf,  0,  p.  151. 

(3)  Bonstetten,  Antiquitilt  simseï,  pi.  X, 

(4)  Max  de  Bing,  3*  caliicr,  pi.  IV.  Tombes  celtiques  de  l'Alsacft. 

(5)  Verclière  de  RefTye.  Les  armes  d'Alise.  Revue  arc/iéo/.  180?i. 

(6)  Lindenschmit,  Muséum  in  Mainz,  18Gi,  pi.  V;  1870,  pi.  VI. 

(7)  F.  von  Pulszky,  Revue  arc/ie'o/.,  p.  214,  1879. 

(8)  Horœ  feraies,  p.  52. 

(9)  E.  Cartailhac,A'o/e  sur  l'archcol.  préliist.  du  Tarn  ;  E.  PietteetG.  Sagaze,  /es 
Tumulus  d'Aveznc  ;  Matériaux  pour  l'histoire  de  l'homme,  XlVe  vol.,  p.  481  et  4'.  9. 


1/-J  lU.Mi:    AllC.lli:OLOGIQUF.. 

nn'nt  avoir  pnsst^  par  le  ft'ii.  ('elle  préparation  n'ùlail  pas  indispen- 
sable pour  pratii|ii('r  celle  lorsioii,  et  ml  donnée  la  mauvaise  (|ualitù 
désarmes  j^auloises;  si  elle  élail  nêeessaire  pour  les  (létrcm[)er,  ces 
épées  ne  répondent  pas  ;\  ce  t)uc  nous  en  disent  les  auteurs. 

Tous  ces  détails,  sur  lesi|uels  nous  nous  sommes  trop  lonj^temps 
appesanti,  nous  ont  paru  utiles  pour  élaldir  (|ue,  tout  en  restant 
d'accord  avec  M.  Cîozzadini  sur  la  dillicultê  de  faire  rentrer  l'épée  de 
Cerelolo.et  nous  ajouterions  assez  volontiers  toutes  les  autres,  dans 
les  conditions  île  l'épée  des  liisloriens,  il  est  induhitaide  (juc  le* 
Gaulois,  en  deçà  comme  au  del;\  des  Alpes,  n'avaient  pas,  disons 
mieux,  ne  pouvaient  pas  avoir  un  type  unique  dï;[iées. 

Le  savant  archéologue  ne  conlirme-t-il  pas  noire  opinion  lorsqu'il 
rappelle  le  passage  de  C.  (Juadriganus  dans  Aulu-Gelle  (LIX,  13) 
où,  dans  le  duel  de  Manlius  avec  un  chef  gaulois,  ce  dernier  s'avance 
armé  de  deux  épées;  et  aussi  lors(iu'il  cite  la  petite  médaille  de 
Uimini  avec  une  télc  de  (lanlois  au  droit  et  au  revers  deux  épées, 
l'une  plus  courte  que  l'autre?  Maintenant,  la  plus  longue  est-elle  la 
ax/aica  dc  Poljbe  OU  la  GrAdoi  de  Diodore,  et  l'autre  la  xo::î;  de 
IMutariiue,  d'après  IJorgbesi  ?  Toute  délenninalion  de  forme  d'après 
des  termes  employés  indilïéi'emment  nous  semble  bien  ini:ertaine; 
l'essentiel  pour  nous,  c'est  l'usage  de  deux  armes  d'inégale  lon- 
gueur. 

M.  (lozzadini  reconnaît,  du  reste,  un  fait  qui  ressort  dc  toutes  les 
découvertes  de  la  Champagne,  et  qu'il  leur  défaut  impliquerait  le 
silence  de  César  sur  la  défectuosité  traditionnelle  du  glaive  celti(iue  : 
l'abandon  par  les  Gaulois  de  cette  arme,  à  laiiuelle  ils  substituèrent 
l'épée  ibérique.  Dans  Pausanias,  qui  nous  dépeint  les  Gaulois  enva- 
hisseurs de  la  Grèce  sous  des  traits  applicables  aux  Gaulois  de  l'Italie, 
il  n'est  pas  question  de  la  mauvaise  ijualilé  de  leurs  épées;  cl  il 
n'en  est  plus  (juestion  dans  Tite-Livc,  lorsqu'il  vient  à  nous  parler 
des  (jalales  d'Asie. 

M.  Gozzadini  ne  dit  pas  vers  (juclle  épo(jue  il  pense  (jue  la  substi- 
tution ait  eu  lieu.  En  se  refusant  à  admettre  que  la  sépulture  dc 
Cerelolo  soit  gauloise  et  en  la  reporlani,  tl'aprés  le  style  de  l'ceno- 
choé  qu'elle  renfermait,  à  un  temps  postérieur  à  l'expulsion  des 
Boiens  d'Italie,  il  suppose  évidcniiuiiil  i|ii*'  le  (  liaiigcment  d'arme- 
ment fut  postérieur  aussi  à  cet  événement,  si  niéini:  il  intéressa  les 
Cisdiiins  soumis  .ilors  aux  liomains.  Tel  ne  serait  pas  le  sentiment 
d'un  archéologue  dont  l'opinion  est  d'un  grand  [)uids  dans  ces  ques- 
tions, du  Gonx'rvateiii-  du  musée  de  .Saint-Germain,  iiuiaflirme  (jue 
l'adoption  de  l'éiiée  ibérique  par  les  Gaulois  cul  lieu  au  cours  des 


si':r'Ui;ri:iu:  antioi'i-:  i>i-;  c.kiikimi.o.  173 

guorrcs  piiniiiuos  (1),  sans  doule  au  cours  (l(j  la  seconde  cl  apnVs  la 
b.itailh;  de  (laimcs,  |>uisi|uo  Polybc,  i\  l'occasion  de  celte  jourriùe 
mùnioraldc,  si|,'nal(î  encore  la  dilTérencc  entre  l'épée  des  Gaulois  et 
celle  des  Espa^'nols  servant  dans  l'armée  d'Annibal,  et  ([u'aprés  lui 
etsansdoule  d'après  lui,  Tile-Live  revient  aussi  sur  celle  fameuse 
opée.  En  tout  cas,  la  balailie  de  Cannes  est  antérieure  de  vingt-cinq 
ans  à  la  sortie  des  Hoieiis  de  l'Ilalie. 

Nous  n'avons  pas  ii  choisir  cnlre  l'opinion  de  Cd^  deux  savants,  la 
nôtre  ôlant  que  l'épée  longue  et  l'épée  courte  durent  ôlre  en  usage 
concurremment. 

Le  guerrier  inluimé  à  Gcretoio,  àrpieliiueskilomélresde  Hononia, 
la  capitale  des  Boïens,  en  dehors  d'une  ville  selon  la  coutume  des 
barbares,  n'est  pas  un  Gaulois,  mais  un  l'Urusque  de  l'antique  Fel- 
sina.  Gomment  alors  était-il  accompagné  d'objets  qui  ne  se  rencon- 
trent que  dans  les  sépultures  gauloises  :  les  grandes  fibules,  la 
torsade,  les  forces  en  fer?  comment  élail-il  ceinl  d'une  épée  abso- 
lument idenliijue  aux  nombreuses  épécs  des  guerriers  qui  reposent 
dans  les  cimetières  de  la  Marne  et  de  l'Aube,  et  portée  comme  les 
leurs  au  côté  droit  (:2)? 

Pour  prouver  l'élruscisme  de  l'arme  de  Geretolo,  combien  le  mé- 
moire parvienl-il  à  citer  d'épées  en  fer  sorties  de  tombes  étrusques 
ou  présumées  telles?  Sept  :  une  d'une  tombe  de  Cœré,  deux  de  la 
nécropole  de  Foïano  près  Ghiusi,  quatre  de  Pielrabbondanle  au 
musée  de  Naples,  plus  la  représentation  de  deux  autres  sur  une 
peinture  murale  de  Gœré;  celles-ci  munies  de  leurs  fourreaux. 

Notons  que  M.  Gozzadini  mentionne  les  sept  épées  originales  sans 
les  décrire,  ce  qui  laisse  supposer  (j-u'il  ne  s'agit  (lue  de  lames 
seules.  Or  les  lames  en  fer,  simples  tiges  droites,  étirées  au  mar- 
teau, durent  nécessairement,  surtout  lorsqu'elles  devinrent  d'un 
usage  général,  être  toutes  à  peu  pi  es  semblables.  Dans  l'état  où 
l'enfouissement  a  mis  ces  armes,  rongées  (lu'nilles  sont  par  la 
rouille,  il  nous  semble  bien  dilïicile  de  les  approprier  à  tel  ou  tel 
peuple.  Il  en  est  tout  aulremenl  des  fourreaux. 

On  peut  signaler  des  épées  étrusques  analogues  aux  épées  gau- 
loises, mais  que  dire  de  leurs  gaines  ?  Ge  complément  de  l'arme, 
confeclionnéen  bois  recouvert  decuir,  s'est  bien  vite  détruit  ;  on  ne 
le  connaît  (lue  par  des  représentations  comme  sur  les  frises  de  la 

(!)  A.  Bertrand.  Les  populations  de  la  Gaule  et  de  la  Germanie,  llev.  foxhéol.  1878, 
p.  112. 
(2)  Diodorc,   1.  V,  XXX. 


17  l  I\KMr.   AnCMÉOLOGUjUK. 

cljambre  sf pulcraift  de  Cœic'  ;  il  n'a  pas  L'  moindre  rapport  avec  les 
fourriMiix  (Ml  fiM'  (les  i^in'cs  i^uiloisos  (P. 

Les  fmirri-aux  en  fer  conslitiiLMil  uiio  faltii'-ation  roinaniiiable, 
absolumenl  oritrinale,  non  sculemenl  par  la  matii^re  mise  en  œuvre, 
mais  en  raison  (l'un  type  ailopU',  uniforme  à  bien  peu  decliose  près 
pour  les  lioulerolles  el  les  bêlières,  cnlin  par  le  mo  le  de  travail. 
Nous  n'aflirmerions  pas  que  d'autres  peuples  que  les  (îaulois  n'aient 
pas  fait  usage  de  fourreaux  d'épées  en  fer;  mais  n'e.-t-il  pas  sup- 
posableiiu'en  ce  eas  ces  gaines  devaient  présenter  des  dissemblances 
notables  avec  celles  dont  nous  traitons?  Kn  raison  de  la  multiplicilù 
des  trouvailles  faites  en  (lawle,  il  y  a  toute  itrésomption  pour  (lue 
cetli'  fabrication  ail  été  praliiiuée  exclusivement  dans  ce  pays. 

Les  èpécs  étrusques  qui  viennent  d'être  citées  n'oiit  donc  que  fort 
peu  de  parenté  avec  celles  de  Ceretolo  et  de  Marzabotio,  dont  on 
cliercherait  vainement  le  prototype  ailleurs  que  dans  nos  cullec- 
lions  d'antiquités  de  la  Champagne. 

Dans  la  salle  du  musée  de  Saint-Germain  consacrée  au\  antiqui- 
tés gauloises  et  surtout  à  celles  exhumées  des  cimetiJ^res  de  la 
Maine,  au  milieu  de  Tensemble  le  plus  complet  (\\i\  ail  été  encore 
réuni  :  poteries,  torques,  bracelet';,  lihules,  ustensiles,  armes,  on 
peut  compter  plus  de  cent  épées,  simples  lames,  lames  dans  leurs 
fourreaux,  ou  fourreaux  seuls.  Le  contingent  serait  bien  plus  élevé 
si  nous  y  ajoutions  celles  (|ui  figurent  dans  d'autres  collections,  et 
en  premier  lieu  dans  la  collection  que  M.  Morel  avait  formée  à 
Châlons,  la  plus  riche  après  celle  de  Saint-Germain  (2). 

Ce  contingent  est  le  commentaire  le  plus  concluant  en  faveur  de 
l'origine  gauloise  des  épées  en  fer,  munies  de  leurs  fourreaux  en 
fer,  trouvées  dans  le  Bolonais. 

Nous  n'avons  pas  parlé  d'une  autre  découverte  moins  ancienne 
que  celle  de  Marzabotio,  parce  que  la  mention  en  est  réservée  pour 
la  lin  du  mémoire,  en  quelque  .sorte  comme  un  dernier  argument. 
Dans  deux  des  tombes  fouillées  dans  la  propriété  Himaci,  prés  la 
Certosa  de  Holugne,  deux  épées  semblables  il  celle  de  Ceretolo  ainsi 

(1)  NoCl  d'js  Verger»,  l'Ktrune  et  lc\  Klrmques,  pi.  Il  et  lit. 

(2)  lin  hVn  icnanl  aux  livraisons  parues  de  lu  Vliampnrjur  soutrrrnine,  nous  voyons 
dans  l'album  :  sépultures  de  .Montfcrcault,  Op-'e  \  droite  du  squelette,  pi.  I  ;  de  Mar- 
snn  'i  épc<s,  pi.  Il  ;  do  Sonuii''-I]ioi)ne,  épéi'  .'i  droite  du  siiuelottc,  reaies  de  cliar, 
pi.  VII;  de  Somsois,  épée  repliûe,  pi.  XVIII;  de  l'rosue,  12  épées,  pi.  XXIV;  de  Con- 
nantre,  épée  à  droite  du  .squelette,  pi.  XWI  ;  de  Corroy,  2  épées,  pi.  XXXII. 

Fourdrignicr  :  Découverte  d'une  bépullure  double  U  Souiuie-Tourbe.  lieudit  de  la 
GorgcMeillct;  2  épôcs  BU  côlc  gauche  des  squelette»,  restes  do  cbor,  pi.  X. 


Slil'CI.TUIlK    ANTIQUE    DK    CKHK TOLO.  175 

(|iic  dos  forces  en  fer  faisaient  partie  d'un  mol)ilier  fun(';raire  qui, 
d'aprô-^  rinvcnt'iire  des  olijels,  parait  élrus(|iie.  Celle  association  n'a 
rien  (jui  nous  surprenne,  el  si  ces  armes  reproduisent  le  type  des 
épées  (le  la  Marne  elles  sont,  à  notre  avis,  gauloises  comme  leurs 
congr'iitîieà  (l'iLalie.  (lomhien  d'Iiypotlièses  peuvent  juslilier  leur 
présence  au  milieu  d'anticjuités  d'un  caraclôrc  dilTérenl,  (|uand  on 
songe  que  les  iioiens  ont  envalii  cette  partie  de  l'Klrurie  vers  l'an 
390  avant  notre  ère,  bien  plutôt  môme,  suivant  Am.  Thierry,  et  n'en 
sont  sortis  (|u'en  181)  av.  J.-C.  Une  aussi  longue  occupation  pouvait- 
elle  laisser  vaini|ueurs  et  vaincus  lellemcnt  éliangers  k-s  uns  aux 
autres  (ju'ils  ne  se  soient  jamais  rien  emprunté  dans  leurs  usages 
réciproques?  Il  est  certes  moins  étrange  de  rencontrer  sur  certains 
pi)ints  de  la  Péninsule  des  objets  gaulois  dans  une  tombe  étrusque 
que  de  rencontrer  en  France  des  objets  étrusques  dans  une  sépul- 
ture gauloise,  ainsi  que  le  fait  s'est  produit  plusieurs  fois. 

Un  mot  encore  sur  les  armes  en  fer,  en  réponse  à  une  opinion 
émise  lors  du  Congrès  de  Bologne,  opinion  que  réédite  le  mémoire 
et  qui  se  réfute  par  la  seule  disproportion  enlie  le  petit  nombre  des 
pièces  trouvées  en  Italie  et  la  quantité  de  celles  recueillies  en 
France.  La  présence  de  ces  armes  dans  nos  contrées  serait  due, 
a-t-on  dit,  au  commerce  d'importation  d'objets  eu  métal  que  les 
Ëtrusi|ues  culrelenaieuL  avec  les  peuples  transalpins,  et  qui  s'éten- 
dait jusiju'aux  i-égions  du  nord  de  l'Europe.  Cette  importation  était 
alimenlée  par  l'industrie  du  bronze,  dans  laquelle  les  Étrusques 
excellaient;  mais  on  n'a  aucune  preuve  posiiive  qu'elle  ait  embrassé 
l'industrie  du  fer.  Par  quelle  étrange  anomalie  les  objets  en  fer, 
prétendus  importés,  seraient-ils  si  abondants  dans  le  pays  qui  les 
aurait  reçus,  et  si  rares  dans  celui  qui  les  aurait  produits? 

Dans  son  savant  plaidoyer  en  faveur  de  l'étruscisme  de  la  sépul- 
ture de  Cerelolo,  M.  le  comte  Gozzadini  ne  veut  laisser  subsister 
aucun  indice,  même  négatif,  tendant  i  confirmer  une  atlribulion 
gauloise.  Ainsi  il  a  soin  d'observer  que  si  on  n'a  recueilli  aucun 
vestige  de  casque,  ce  qui  rentrerait  dans  l'assertion  des  auteurs  ?ur 
l'habitude  des  Gaulois  de  combattre  tète  nue,  on  n'a  pas  davantage 
recueilli  de  vestiges  de  boucliers,  la  seule  arme  défensive  que  por- 
tassent ces  barbares  d'après  les  mêmes  auteurs. 

Il  n'y  a  véritablement  aucune  présomption  à  fonder,  dans  un  sens 
ou  dans  l'autre,  sur  l'absence  d'armes  défensives  dans  une  tombe 
de  guerrier  gaulois.  Les  fouilles  de  la  Marne  donnent  constamment 
des  exemples  de  la  façon  inégale  dont  les  objets  étaient  répartis  dans 
lei  sépultures.  Dans  la  quantité  d'armes  qu'expose  le  musée  de 


170  HKvri:  ahciikologiouk. 

Sainl-liiiiii.iiii  ou  no  rt'iii.iniuo  pas  jiliis  ilo  dix  umbos  de  bou- 
cliers. 11  j'OssèJe,  il  est  vrai,  une  (juinzaino  de  casques  en  bronze 
réputés  gaulois,  dont  deuv  sont  d'une  aulhcnlieité  inconieslable, 
ayant  tlê  exbuniés  des  sépulluivs  à  eliar  de  Herrn  et  de  Somme- 
Tourbe. 

De  niL^me  que  pour  les  êpêcs,  h  prcscncc  de  ces  casques  prouve 
une  fois  de  plus  (|ue  le  crédit  (jui  s'altarlie  aux  documents  écrits 
soulTrc  parfois  des  réserves.  Diodore(l)  est  le  seul  auteur  qui  décrive 
les  casques  que  portaient,  dit-il,  une  partie  des  Gaulois.  Ces  casques, 
l'arc  d'Orange,  le  tombeau  des  Jules  à  Sainl-Uémy  nous  les  mon- 
trent. II.'  étaient  toutefois  loin  d'être  les  seuls  en  usage  ;  témoin 
1(  s  originaux  du  musée  de  Saint-Gu'rmain  et  quantité  di'  télés  cas- 
(|uées  des  monnaies  gauloises.  La  vnriélé  de  formes  de  ces  coilTurcs 
est  également  à  noter. 

Dans  un  article  publié  dernièrement  dans  celte  Renie  (2),  un 
arcliéologue  hongrois,  M.  Pulszky,  Irailanl  de  l'expansion  el,  pour- 
rions-nous dire,  de  l'inlcnsité  de  rélém-MU  civilisateur  eelli(iue, 
en  a  étendu  les  manifeslations  jusqu'à  la  nécropole  de  Golasecca 
et  même  jusqu'à  celle  de  Villanova;  nous  doutons  que  sur  ce  point 
il  soit  d'accord  avec  les.<îavan!s  italiens,  et  nous  n'o.scrions  le  suivre 
aussi  loin.  Il  n'en  est  pas  moins  avéré  que  cet  élément  a  laissé  des 
traces  profondes  dans  le  nord  de  la  Péninsule,  dans  ces  champs 
moituaires  auxquels  les  archéologues  de  la  province  de  Côme  appli- 
(juent  les  noms  de  nécropoles  celliqucs,  gauloises,  ilalo-celliques  (3). 
On  doit  donc  s'attendre  à  ce  qu'il  se  révèle  aussi  j)ar  des  séi)ullures 
plus  ou  moins  bien  caractérisées  dans  les  autres  parties  de  l'Italie, 
cilles  Celtes  ont  séjourné  pendant  si  longtemps.  Si  l'encliainement 
des  époques  historiques,  allirmé  dans  le  Polonais  par  tant  de  belles 
découvertes,  a  présenté  jusqu'ici  une  lacune,  on  peut  sans  témérité 
considérer  la  sépulture  de  Ceretolo  comme  lepiemier  anneau  (lui 
reliera  les  Iron^ons  de  la  chaîne. 

Nous  sommes  arrivé  à  une  conclusion  différenle  de  celle  du  mé- 
moire «  di  un  anliquo  sepolero  a  Cerelolo  »,  parée  tjue  nous  nous 
sommes  placé  à  un  autre  point  de  vuetjue  son  savant  auleur.  Il  a 
recherché  les  allinilés  étrusques;  nous,  nous  avons  recherché  les 
allinités  gauloises. 


(1)  Diodorc,  LV,  xxi. 

(2;  licvue  archéolofjiquc.  Article  tr.nduil  de  l'allemand  de  F.  von  Pulszky,  1879, 
p.  \'M. 
(3)  Revisin  archeologka  dclln  provincia  di  Coino,  années  18*2  et  suiv. 


SKPUI.TUIIE    ANTKJL'I".    I)K   CKHI.TOI.O.  177 

Quello  que  soit  la  valeur  (ju'il  voudra  bien  accorder  à  noire  tra- 
vail, nous  n'avons  pas  besoin  d'insisler  sur  ce  point,  qu'étranger  à 
louliî  idécpréconruo,  nous  n'avons  pris  pour  base  que  les  documents 
que  nous  avons  ronslaininent  sous  les  yeux  au  musée  dt!  Saint-Gcr- 
luain.  Toulon  nous  inclinant  devant  l'aulorilé  de  l'éuiinenl  Conscr- 
val(Mir  du  musée  d(!  Pologne,  nous  avons  pu  supposer  que  ces 
dociimonis  lui  élaienl  moins  familii'rs  (jui;  ceuxconrernant  l'arcliéo- 
lo^'ie  étrusque,  et  nous  avons  pris  la  liberté  d'appeler  sur  eux  son 
attention. 

Nous  ne  doutons  pas  que  l'analogie  entre  le  mobilier  funéraire  de 
Cerclolo  cl  celui  de  nos  lombes  de  la  Marne  ne  fiappe  M.  le  comte 
Gozzadini,  comme  elle  nous  a  frappé  nous-mûmc.  Ilien  d'insolite; 
pas  même  rcnnorboé  en  bronze,  dont  des  similaires  de  même  style, 
moins  artistiques  il  est  vrai,  ont  été  cxtiaitcs,  —  nous  le  rappelons 
encore,  —  des  sépultures  de  iMarson  et  de  Somme-Tourbe. 

II. -A.  Mazard. 


\\\ix. 


UN  NOUVEAU 

CACHET  D'OCULISTE  ROMAIN 

DÉCOUVERT  A  FONTAINE-EN-SOLOGNE 
(Loin-ET-CiiEn) 


Voilà  plus  d'un  siècle  que  l'on  s'occupe  des  cachets  d'oculisles 
romains,  mais  ces  petits  monuments  sont  aussi  rares  que  précieux 
pour  riiisloire  de  la  médecine  dans  ranli(|uitt',  et  nous  ne  saurions 
trop  attirer  sur  eux  l'attention  des  archéologues. 

Nous  sommes  persuadé  que,  semblables  à  l'amateur  (1)  qui  nous 
a  cominuniiiué  le  cachet,  objet  de  cet  article,  beaucoup  en  possè- 
dent dans  leurs  vitrines  sans  se  rendre  compte  de  leur  importance. 

Pour  ce  motif,  on  nous  permettra  quelques  mots  sur  les  cachets 
d'oculiste  en  général,  avant  d'arriver  à  la  description  de  celui  qui 
nous  occupe. 

Ces  cachets  sont  en  pierre  d'un  grain  très  fin,  en  schiste  ardoisier 
gris  ou  verilâtre  ou  en  serpentine.  On  employait  aussi  le  bronze  à 
cet  usagCj  mais  on  a  très  peu  découvert  de  cachets  en  métal  :  la  rai- 
son en  est  bien  simple  ;  les  cachets  de  bronze  pouvant  se  refondre 
étaient  conservés  avec  plus  de  soin  que  ceux  de  pierre,  et,  lorsqu'on 
les  perdait,  l'action  de  l'humidité  ne  tardait  pas  à  les  tiétruire. 

Ils  sont  (juadrangulaires  et  plais  j  ceux  qui  s'éloignent  de  cette 
forme  sont  de  très  rares  exceptions. 

Les  tranches  portent  des  inscriptions  gravées  en  creux  et  au  re- 
bours pour  imprimer  des  empreintes;  quelques-uns  n'en  ont  que 
sur  trois  faces.  Ou  voit  parfois  des  lettres  ou  des  graffites  gravés  sur 
les  plat5. 

'I  '  M.  Drolonneau,  |.ar  l'obligeant  inicnnédiaire  de  .M.  II.  de  I..i  Val  iùrc. 


UN    NOUVKAU    CACHET    d'OCULISTR    HOMMN.  479 

Les  inscriplions  sont  presque  toujours  en  l.iliu  ;  on  on  a  poiii  tant 
découvert  en  j,'rec(l).  (Généralement  on  y  lit  le  nom  du  niéilecin  et 
celui  du  médicanicnl,  et  parfois  lu  nom  di:  i'airiîclion  que  le  collyre 
est  destiné  à  yuérir. 

Vers  ISOO,  MM.  Haudiimonl  et  Uu(iuénello  ont  rencontré  & 
Reims,  au  milieu  de  débris  d'origine  romaine,  une  collection  de 
18  instruments  de  chirurgie  ;  on  y  voyait  des  pinces  de  plusieurs 
l'ormes,  des  spatules,  des  scal])ols,  une  balance,  un  cachet  et  des 
fragments  de  collyres  secs  portant  des  inscriptions.  Ces  collyres  sont 
en  petits  pains  ou  bâtonnets  allongés,  rétrécis  aux  extrémités;  ils 
prouvent  que  l'usage  le  plus  ordinaire  des  oculistes  romains  était 
d'imprimer  leurs  cachets  sur  la  matière  même  des  collyres.  C'était, 
chez  les  anciens,  des  pommades  ou  onguents  semblables  à  une  pûle 
assez  consistante,  mais  ijuc  l'on  estampillait  lorsqu'elle  était  encore 
fraîche.  Tour  lui  donner  une  forme,  on  y  mettait  quelquefois  de  l'a- 
midon. Exceptionnellement,  l'inscription  était  empreinte  sur  le  des- 
sus delà  masse  du  collyre,  coulé  dans  un  vase  recouvert  de  cire; 
enlin,  on  a  constaté  un  autre  mode  d'employer  ces  cachets  :  c'était 
de  les  appliquer  sur  la  pâte  encore  molle  des  vases  destinés  à  con- 
tenir tel  ou  tel  médicament. 

L'époque  pendant  laquelle  on  employait  les  cachets  d'oculistes  est 
fort  incertaine  ;  on  ne  saurait  se  baser  pour  la  connaître  que  sur 
les  objets  qu'on  trouve  en  même  temps  et  particulièrement  sur  les 
monnaies  ;  or  on  verra  par  les  deux  pièces  recueillies  avec  le  cachet 
de  Fontaine  que  l'écart  est  trop  grand  entre  les  deux  pour  pouvoir 
en  déduire  une  date.  Toutefois  on  n'en  a  pas  trouvé  plus  tard  que  , 
la  fin  du  IV*  siècle. 

Depuis  les  Allemands  Walch  et  Saxe  qui  s'en  sont  occupés  au 
xviii"  siècle,  jusqu'aux  travaux  de  Sichel,  Grotefend,  Desjardins, 
Mowat,  Robert  et  Léon  Renier,  les  idées  se  sont  bien  modifiées  sur 
l'usage  de  ces  cachets  ;  on  les  a  longtemps  considérés  comme  des  es- 
pèces d'amulettes  dont  la  simple  application  sur  les  yeux  devait 
guérir  les  vues  les  plus  éprouvées,  maison  a  reconnu  depuis  que,  si 
quelque  empirique  a  pu  abuser  parfois  de  la  crédulité  publi(iue,  ce 
n'a  été  autrefois  comme  aujourd'hui  qu'une  regrettable  exce[ition. 

Nous  donnerons,  à  la  lin  de  cet  article,  quelques  notes  bibliogra- 
phiques à  l'adresse  des  personnes  ijui  voudraient  étudiera  fond  la 
question,  et  nous  passons  immédiatement  à  la  description  du  cachet 
de  Fontaine,  qui  est  le  lu4*  découvert  jusqu'ici. 

(l)  Cf.  Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  •l'^  trim.,  1879,  ['.  87. 


180  nr.vLi:  Anc.iii;oLU(;ioiK. 

Ce  cachot  a  t''lô  trouvi^  à  15  miHrcs  de  IV-lang  de  Pluies  el  près  de 
la  route  de  Soing*,  dans  la  commuiu'  de  Funtaiiie-rn-Sologne  (dô- 
partciiuMilde  I.nir-et-('luM).  Oïl  l'a  recueilli  en  curant  le  fossé  (jui 
sert  dÔLOulcMueul  à  la  bouile  do  rot  ('laiig. 

C'est  un  iiarallt'iipipùdc  en  roche  nniphiholi(jue  grisâtre,  ayant 
3G  millini.  sur  3i,  el  S  d'épaisseur.  1!  pèse  18  i,'ramnies  7  déci- 
gramnios. 

Les  deux  grandes  surfaces  sont  unies  et  marbrées  de  veines  fer- 
rugineuses; sur  l'une  d'elles,  l'oxyde  de  fer  a  formé  ijuchiues  taches 
proéminentes  d'un  (juarl  de  millimétré  environ.  Ni  l'une  ni  l'autre 
ne  porte  trace  de  signes  ni  caractères  quelconques. 

Les  quatre  tranches  portent  chacune  deux  lignes  d'inscriptions 
en  creux,  de  droite  à  gauche;  les  caractères  renversés  sont  évidem- 
ment destinés  à  faire  des  empreintes.  Ce  sont  de  belles  capitales  ro- 
maines, très  nettement  el  profondément  gravées,  et  les  inscriptions 
sont  bien  conservées  el  sans  la  moindie  lacune. 

Sur  deux  des  faces,  contigues  à  angle  droit,  le  graveur  a  com- 
mencé par  tracer  à  la  pointe  un  sillon  qui  sépare  les  deux  lignes. 
Le  sillon  le  plus  profond  se  termine  par  une  feuille  de  lierre.  La 
ligne  qui  se  trouve  au-dessous  du  second  commence  et  se  termine  par 
un  petit  signe  qui  a  la  forme  il'une  tlolc  renversée;  il  rappelle  beau- 
coup les  lacrymaloires  que  Ton  voit  dans  toutes  les  collections  de 
verres  romains.  Voici  l'empreinte  des  quatre  inscriptions  en  fac- 
similé. 


Cest-à  dire  ; 


UN    NOUVRAU  CACHET   n'OCULlSTF,    IIOMM.N.  18I 

M{arci)  C{laudii)  Bocli  Chloron. 
M{arci)  (][lawHi)  Uccli  Diagltntcm. 
M{arci}  C{l(twlii]  Jiecti  Vdaijium. 
M{arci)  C{l(iH(lii)  Herli  Amcrttnii. 

C'est  l'indication  de  (inalic  collyres  ciniiloyt'-s  pour  les  in.iiix 
d'yeux  p.ir  le  médecin  Mnrcus  Claiidius  Reclus,  le  Chloroii,  l<'  l)i  i- 
1,'laueei),  le  l'elai^Muiii  et  l'Anicelum.  C'est  la  première  fois  que  le 
nom  de  Iteclus  paraît  sur  un  cachet  d'oculisle;  c'est  un  nom  nou- 
veau à  ajouter  à  la  liste  de  Orotefend. 

Quant  aux  collyres,  trois  sont  connus  : 

Le  C/</orou,  (jui  est  souvent  indinué  pour  rendre  la  vue  claire; 
le  Dinglaucen,  dont  l'emploi  n'est  pas  déterminé,  mais  qui  est 
très  connu  et  que  l'on  faisait  avec  le  suc  du  glaucum(l),  et  VAnicr- 
tum,  médicament  à  base  d'anis  destiné  à  combattre  les  granulations 
des  paupières  et  en  général  toutes  les  tumeurs,  enflures  des  yeux 
et  autres  aiïeclions  du  mémo  genre  (2). 

Le  quatrième  collyre,  appelé  Peliujium  (pourpre),  est  tout  à  fait 
inconnu  jusiiu'ici;  son  nom  lui  vient-il  de  sa  couleur  ou  était-il  des- 
tiné à  combattre  la  rougeur  des  yeux?  Espérons  qu'une  nouvelle 
découverte  viendra  nous  éclairer  sur  ce  point. 

Deux  monnaies  romaines  ont  été  trouvées  au  même  endroit,  mais 
elles  ne  peuvent  guère  donner  l'âge  du  petit  monument  qu'elles  ac- 
compagnent. L'une,  une  pièce  de  Claude  et  Messaline  frappée  l'an  .'] 
du  règne  de  cet  empereur,  décrite  ainsi  par  MM.  Rollin  et  Feuar- 
dent  :  ÏI  •  KAWAI  •  KVIi;  •  :iEli\  •  TKPMANl  •  AVTOKP.Téle  lau- 
rée  de  Claude,  à  droite;  devant,  L  T.  I^  :  MEii:AAL\A  •  KAIi:  • 
2;EBA^  .  Messaline  debout,  à  gauche,  tenant  de  la  main  droite  deux 
petites  ligures,  de  la  gauche  des  épis;  le  coude  appuyé  sur  une  co- 
lonne. (Catalogue  d'une  collection  de  médailles  grecques  des  rois  et 
des  villes,  n°  8528.) 

L'autre  monnaie  est  un  Muxiinien  Hercule  (Cohen,  n"  214,  var. 
tête  laurée  à  gauche):  LMP  •  MAXIM! AN VS  P  •  AYG.  Tète  laurée  de 
Maximien  Hercule  à  gauche.  K:  GEMO  POPVLI  ROMANI.  Génie 
à  demi  coilTé  du  raodius,  debout,  à  gauche  tenant  une  palère  et  à 

(I)  Glaucium  ou  glaucion,  ceratitis  ou  pavot  cornu,  souvent  cité  par  Pline  et  Co- 
luiTiclle. 

(21  La  médecine  moderne  exclut  de  tous  les  collyres  l'anis,  le  musc  et  en  général 
tous  les  parfums  excitants.  L'anicctum  est  décrit  par  Oribase;  Gallien  et  Aétius 
connaissent  un  collyre  de  ce  nom. 


Ifxi  nr.vi'E  A  ne  H  1*0  Loo  ICI' F.. 

droite  une  corne  il'abomlancc;  lions  lo  champ,  A  T..  A  l'cxcrgiic, 

TH.  (Trùvos). 

HinLiounAniiR.  —  Wnich.  Sijîilliim  mcdici  oruiarii  Romani  nupcr 

in  npro  Jcnonsi  ivp(>rluin,  MCùi,  iii-4°. 
S(i.re.  1)0  votoris  mcilici  ocularii  gemma,  etc.  Utrcclit.  177'»,  in-8". 
Dulaure.  Explication  de  deux  nouveaux  cachets  d'oculiste  décou- 
verts à  Nais  (Mémoires  de  l'Acadéniie  celti(|ue),  18(jt). 
Tôchon  (t'Annrcy,  iJissertation  sur  l'inscription  grectiue  d'IACONOC 

AYKION,  et  sur  (juchiue:.  pierres  antiipies  (|ui  S(rvaiciit  de  ca- 

clu'ls  aux  médecins  oculistes.  Paris,  1810,  in-i". 
Viticelle.  Hecueil  de  monuments  antiques,  la  plupart  inédits  el  dé 

couverts  dans  l'ancienne  (îaule.  Paris,  1817,  in-8". 
Sichel.  Cinq  cachets  inédits  de  médecins-oculistes  romains;  Paris, 

18ir). 
Ernest  Baudrimont  et  Duijucnellc.  Article  publié  dans  le  Journal 

de  pharmacie  et  de  cliimie,  3'  sirie,  tome  XLllI,  année  18(13, 

p.  1)7. 
Michel.  Nouveau  recueil  de  pierres  sigillaires  d'oculistes  romains  ; 

Paris,  18U0. 
D'  C.  L,  Grotefend.  Die  Stempel   der  rœmischen  Augenarzte  ge- 

sammell  und  erkhert.  Ilannover,  1807. 
Ernest  Desjardins.  Cachets  d'oculistes  romains.  Extrait  de  sa  Notice 

sur  les  monuments  cpi(j^ajohifjues  de  Bavai  et  du  musée  de  Douai. 

Douai  et  Paris,  ReLim  arcJœoloijinue^  1K73. 
Aufjuste  Castnn.  Un  nouveau  caLhel  d'oculiste  romain.  Besançon, 

187-4. 
Charles  Bobart.  Nouveau  cachet  d'oculiste  romain.  Paris,  Dumou- 
lin, 1875. 
Héron  de  Villefosse.  Un  cachet  d'oculisle  avec  inscription  grecque, 

découvert  à  Arles.  Bulletin  des  Antiquaires  de  France,  1879. 
//.  ^/idrfc«a^  Sur  un  cachet  d'oculiste  découvert  à  Keims,  Becue 

archéoloijique,  1871). 

Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de  renvoyer  le  lecteur  à  l'excel- 
lente notice  de  M.  Ernest  Desjardins.  On  y  trouvera  une  bibliogra- 
phie 1res  complète  sur  cette  intéressante  question. 

iMarquis  m:  Hociu.mdeau, 

Corrrtponitnnt  <iii  MmtHerc  lic  imilnution  pubtiju*. 


BULLETIN    MENSUEL 

Di:    1/ A  (  w\  I)  É  M  1 1<:    DES    INSCRIPTIONS 


MOIS   DR  ri;vnir.n. 


M.  .Michel  |{i6al  pri'sonlo  dos  observations  relatives  au  texte  du  Chant 
des  frères  Arvdlcs  et  à  l'interpiétatidii  de  ce  texte.  On  sait  que  la  copie 
que  nous  possi^dons,  prise  vraiseinlilaldement  sur  d'anciennes  lultles  de 
lironze,  d'une  lecture  dc'jà  difllcile  ïous  les  «Muitercur?,  date  du  rc'gne 
d'lléliot;abale  et  nous  est  parvenue  très  altérée.  M.  Bréal  propose  de  la 
rétablir  de  la  manière  suivante  : 

ENOM  •  LASES  •  IVVATE 
NEVE-  LVEM  •  ARVES  •  MA  RM  A  R  •  SERS  •  INCVRRERE 
INPLEORES... 
SATA -TVTERE- MARS 
CLE  MENS  •  S  ATI  S  •  STA  •  BERBER. 
SEMVNIS  •  ALTERNE!    ADVOCA  BIT-  CONCTOS 
ENOM  •  MARMOR-IVVATO 
TRIVMPE 

qu'il  traduit  : 

«  Kïa,  Lares,  juvate.  —  Ncve  luem  arvis,  Marmar,  sivcris  incurrerc.  — 
Implores...  Sala  tutero,  Mars,  —  démens  satis  esto,  Berber.  — Semones 
alterne  invocabit  cunctos.  Lia,  Marmar,  juvale.  Triumpe  !  » 

C'esl-à-dire  : 

«  Oui,  Lares,  secouroz-nous  !  —  Ne  permets  point,  ô  Marmar,  que  la 
contagion  se  répande  sur  les  campagnes!  (Ici  le  prîître  doit)  implorer... 
ProtéLiS  les  semailles,  ô  .Mars,  —  .Sois  favorable  aux  semailles,  ô  Herber. 
—  (Ici  le  prêtre  doit)  invoquer  l'un  après  l'autre  touslea  Semons.  —  Oui, 
Marmar,  prête-nous  secours.  Triumpe!  » 

M.  Scnart  est  admis  à  conmiuniquer  un  travail  do  revision  sur  les 
inscriptions  d'Agoka-Piyadasi. 

.M.  Siméon  Luce  lit  un  travail  destiné  ;\  faire  mieux  connaître,  à  l'aide 
de  documents  nouveaux,  la  situation  matérielle  et  morale  de  la  chritelle- 
nie  de  Vaucouleurs  à  l'époque  ou  se  déclara  la  mission  de  Jeanne  d'Arc, 
dans  l'été  de  li25. 

AL  Léopold  Delisle  communique  une  note  sur  le  livre  d'heures  du  duc 
de  l?erry,  conservé  à  la  bibliothèque  di;  Hruxclies. 

M.  Joseph  Reinach  soumet  à  l'Académie  divers  bas-reliefs  en  pierre 
provenant  de  i\iluiyre,  dont  il  a  fait  l'acquisition  durant  son  dernier 
voyage  en  Orient.  Sur  l'un,  au-dessus  des  personnages,  se  lit,  suivant 
MM.  de  Vogué  et  Henan  :  Sclcm  Mutahol  Bcrch  (Seleni  Matabol  son  fils). 
On  dit  que  M.  Heinach  destine  ces  bas-reliefs  au  musée  du  Louvre. 

A.  B. 


MlliVKLl.ES  AriCIIÉOlOGÏQUES 

ET  GORRESPONDAKGE 


Kous   lirons  d'une  lettre  de   Hume,  qui  a  Ol6  communiquée  à 

l'Académie  des  inscriptions,  les  renseignements  suivants  : 

«  Ce  matin  mtîmc,  27  fi^vrier,  dans  cette  partie  voisine  de  l'arc  de 
Septime  Sévùre  qui  a  di'ji  donne  tant  de  monuments  importants,  les 
ouvriers  ont  mis  ;\jour  une  grande  base  de  marbie  qui  parait  avoir  sup- 
porté d'abord  une  statue  équestre,  mais  qu'on  a  dressée  ensuite,  et  sur 
un  des  côtés  de  laquelle,  dans  le  sens  de  la  hauteur  (i^j'iU),  on  a  gravé 
une  belle  inscription  de  quinzclignes  : 

FIDEI    VIRTVTIQVE    DEVOTISSIMORVM 
MILITVM    DOMNORVM    N05TR0RVM 
ARCADI    HONORI    ET    THEODOSI 

PERENNIVM    AVGVSTORVM 

POST    CONFECTVM    GOTHICVM 

BELLVM    FELICITATE    AETERNI 

PRINCIPIS    DOMNl    N      I    HONORI  uoslri 

CONSILIIS    ET    FORTITVDINE 

INLVSTRIS    VIRI    COMITIS    ET 

iHllllHiliJiiiiiiiiiiiliiiiniiiiiiiiiiiini        (Jiî"x  ''«"es 

IIIHHIIIHIi"'""""!lllllllll//llll/lllll  martelées) 

S    P  •  Q  •  R. 
CVRANTE    PISIDIO    ROMVLO    V  •  C. 
PRAEF    VRB    VICE  SACRA 
ITERVM    IVDICANTE 

«  Il  parait  bien  qu  il   s'agit  d'une  troisième  inbcripiion  mentionnant 
Silicon.  On  on  coiinaU  d.'jà  deux,  rédi;:éei  particuliùremcnt  en  son  bon- 


NOUVEMJ-.S   AlU'.IIKdLOGIQUES.  1  S."î 

neur  :  caA\o.  que  possi""!!*^  nniro  \ill;i  .M(''(lici8  (r'.  /.  L.,  V|,  1731),  et  cellf» 
qui  si;  (loiivt»  mi  palais  (lapraiiic;!,  i'i;al<'iii(Mil  à  Horiiu  ((!.  /.  /..,  VI,  1730). 
La  nouvelle  inscription  rappelle  la  défaite  de;  llaflagaisc  à  Fésules,  par 
Slilicon,  à  la  fin  de  iO.'l.  I,e  meurtre  de  Slilicon,  à  Havennc,  est  du 
23  août  40S;  c'est  alors  qu'auront  été  martelées  les  deux  lignes  contenant 
son  nom  avec  la  suite  de  son  éloge  et  ses  autres  ditjnités.  Le  nom  a  été 
de  inOuK»  ellacé  sur  l'inscription  <lc  la  villa  Médicis.  Le  UK'^me  préfet  de 
Home,  Kl.  Pisidius  Uuuiulus,  est  notunié  sur  l'inscription  du  paliis 
Capranica. 

«  Quelques  centaines  de  fragments  couverts  d'inscriplions  vieniiorit 
d'être  trouvés  dans  les  fouilles  de  l'Ksquilin.  M.  llodolplie  Lanciani  les 
publiera  dans  le  procliuin  fascicule  du  Bulletin  arrhcoloijiijw:  municipal. 

<'  Le  musée  Tibérin  n'a  pu  être  ouvert  au  public  :  ou  a  craint  que 
l'humidité  d'un  rez-de-chaussée  n'endommageât  les  stucs  et  peintures 
tirés  des  terrains  de  la  Farnésinc,  qui  y  avaient  été  déposés;  ils  i-eront 
probablement  Iraiisporlés  ailleurs. 

«  Léon  Xlll  a  di'cidé  la  prochaine  impression  des  divcis  catalogues  des 
manuscrits  de  la  bibliollK'(iue  Vaticane.  M.  de  Ho^si  donne  activement 
ses  soins  à  cette  grande  enlieprise.  » 

Tombe  gallo-romaine  du  cimetière  des  Mazières  {Cher) .  —  Le  nmsée 

de  Saint-Germain  vient  de  s'enrichir  de  deux  urnes  cinéraires  inN'-res- 
sanles,  ollertes  par  M.  Le  Fort,  correspondant  de  la  Société  des  anti- 
quaires de  France.  Ces  urnes  proviennent  du  cimeliérc  gallo-romain  des 
Maziéres,  prés  Sauzay-le-Potier  (Cher).  La  note  suivante,  remise  par 
M.  Le  Fort  au  directeur  du  musée,  donnera  une  idée  de  la  façon  dont  les 
Gaulois  du  ii"=  ou  m''  siècle  opéraient  le  dépôt  en  terre  des  cendres  de 
leurs  morts  : 

«  Celte  tombe  est  absolument  complète;  car  elle  renferme  encore, 
avec  un  mélange  de  terre,  la  dépouille  mortelle  qui  lui  avait  été  confiée  : 
UD  peu  de  cendres  et  quelques  débris  d'ossements  calcinés.  Llle  a  été 
mise  à  découvert,  le  S  octobre  1870,  par  une  fouille  que  M.  le  comte  Al- 
bert du  Peyroux,  propriétaire  de  !a  terre  des  Mazières,  a  bien  voulu 
organiser  sur  ma  demande.  File  consiste  en  deux  vases  de  terre  cuite  ; 
le  plus  pelit,  baut  de  180  millimétrés  et  large  de  9o  millim.  à  son 
ouverture,  de  liO  millimètres  à  la  panse  et  de  00  millim.  à  la  base,  cons- 
tituait proprement  l'urne  cinéraire;  le  plus  grand,  haut  de  230  milli- 
mètres et  large  de  183  millim.  environ  ù  son  ouverture,  de  293  millim.  à 
sa  panse  et  de  100  millim.  à  sa  base,  avait  été  renversé  comme  une 
cloche  sur  l'autre,  auquel  il  servait  à  la  fois  de  couvercle  et  d'enveloppe. 
Ces  deux  vases  difi'èrent  de  couleur  et  de  figure.  Le  premier,  en  grès 
Doir,  est  cerclé  sur  sa  panse  de  deux  doubles  lignes  légèrement  creusées, 
que  sépare  un  bandeau  de  quatre  cenlimèlrcs;  ses  dimensions  et  sa 
forme  sont  d'ailleurs  encore  données  de  nos  jours  par  les  fabricants  de 
céramique  grossière  aux  poteries  employées  dans  les  campagnes  ;\  divers 
usages  domciliques.  Le  second,  d'une  pâte  rouge  brique,  était  une  véri- 


180  nr.vrr  \RCni^ni,or.iouK. 

Uble  cruche,  à  vcniro  iVraB<^  cl  robomii,  donl  le  col  ol  ran?e  ftjrent 
rasîés  pour  livrer  passapo  X  l'urne  ciiu'rairc  ;  on  (li.-liuijuc  oncuri»  par- 
riiti'mcnl  le  point  ti'nllaclio  ilo  la  pansp;  en  oulre,  uup  fracluro  avait  àl& 
pratiqui*(î  dans  lo  fond  o^i^;illailo  do  la  cruclift,  A  IVITi't  de  coult'C  par 
cotte  ou\ertiire  nu  sablf  Hn  qui  a  comlili^  riuiio  ol  ^^•lrni  le  vide  entre 
elle  et  son  réceptacle,  do  telle  sorte  que  le  tout  faisait  uuo  mas<e  rom- 
pacte.  le  sable  s'tHanl  tassé  el  durci  comme  un  mortier  sous  l'iulluence 
des  siècles.  Aussi,  lorsque  le  réceptacle  a  lUé  dégagé  do  la  terre  dans 
laquelle  il  élait  noyi'-,  m'a-t-il  suffi  de  le  retourner  pour  enlever  l'en- 
jeiuble  eu  un  seul  bloc.  Mais,  soit  vice  de  fabrication,  soit  action  du 
temps,  le  liane  de  ce  \aso  s'était  corrodé  sur  un  point  où,  malgré  le» 
précautions  les  plus  soigneuses,  il  est  tombé  en  poussière  quand  il  a  fallu 
émietter  le  sable  aggloméré  qui  le  maintenait,  pour  extraire  l'urne  funé- 
raire, r.elle-ci  n'a  subi  aucune  avarie.  Après  en  avoir  éliminé  la  terre 
pure  qui  remplissait  sa  moitié  supérieure,  j'ai  réservé,  dés  que  j'en  ai 
aperçu  les  premiers  vestiges,  les  cendres  et  les  débris  d'ossements  mêlés 
de  terre  qui  occupaient  sa  moitié  inférieure.  Je  les  avais  enlevés  dans 
l'espérance  d'apercevoir  au  fond  du  vase  quelque  médaille  ou  quelque 
objet  propre  à  déterminer,  au  moins  approximativement,  la  date  de  l'in- 
cinération. Mon  attente  ayant  été  dé(;ue,  j'ai  remis  les  cendres  el  les 
ossements  à  leur  place. 

fl  Je  crois  d'ailleurs  que  la  tombe  est  du  ii"  ou  !oul  au  plus  du  m"  siè- 
cle. File  avait  dû  élre  originairement  recouverte  d'une  couche  de  terre 
de  oii  centimèlres  environ.  •-•  ^efort.  » 

Parmi  les  iravauv  publiés  dans  les  trois  dernières  livraisons  de  la 

Ba'i/«  archéologique  croate,  nous  citerons  les  i-uivants  : 

N"  'J.  AquœJasw  (les  eaux  de  Varazdin,  par  M.  Sime  Ljubich).  —  De 
l'emploi  des  métaux  dans  les  premières  civilisations  (Pilar).  —  Notes 
épiprapbiquos  sur  les  inscriptions  du  musée  d'Osiek  (Kssek). 

La  deuxième  livraison,  qui  renferme  ces  mémoires,  est  accompagnée 
d'un  très  curieux  fac-similé  d'inscriptions  glagolitiques  (caractères 
sla\e>  spécialement  usités  en  Croatie  cl  en  Dalmatie). 

N»  3.  Inscriptions  romaines,  découvertes  à   Sissek  en  1870-77.  —  Dos 
métauv  (l»ilar).  —  Description  des  monnaies  do  la  collection  do  M.  liiez. 
Oriovczanin  (collection    comprenant  trois   mille  trois  cent   trente-trois 
pièces,  dont  un  certain  nombre  ne  figurent  pas  dans  Cohen). 

N»  4.  inscriptions  glagoliliques  avec  fac-similé.  —  Les  métaux.  - 
Deux  mains  de  bronze.  —  Une  Vénus  prébislorique. 

Nous  avons   également    reçu  quelques  numéros  du  nulkttino  di 

archeoloiiin  r  storia  l)alm'it>i,  publié  h  Hapuse,  parle  professeur  Glaviuicb. 
Ce  recueil  m^'nsuel  a  publié  un  certain  nombre  d'in^^criplions  romaines 
inédites.  Il  fournit  des  renseignements  archéologiques  sur  les  principales 
villes  de  la  Dalraafie  cl  sur  l'histoire  de  celle  province  depuis  les  temps 
les  plus  éloi/nés  jusqu'au  règne  d'Auj^uste.  Nous  y  reviendrons  dès  que 
le  volume  de  1871»  ?cra  teruiiué. 


NOUVEM.FS  AnCHÉOLOGinCKS,  187 

lin   lingiiislo  rii^so,  M.   Aiiloinn  Roudiloviich,  virnl  do  pultlier  ù 

Kiev  un  yrand  ouvrage  inliUilc-  ilea  Shires  jnimilifs,  leur  lawjHQjeur  vin  et 
leurs  ilôxs  d'apn'i  Icx  données  Icxicourapfiiqucs.  C'est  un  trùs  curieux  tra- 
vail (le  paléontologie  linRuistiqun  ;  ninlgrt^  certaine»  lacunes,  les  critiques 
russes  le  placent  i  côté  du  ceMîïhro  ouvrage  do  Piolet  sur  les  origioc* 
indo-européennes, 

Ou   s'eiïorcc,   X  Athènes,    do   décider  le  gouvernement  h  faire 

transporter  dans  cette  ville  les  sculptures  trouvées  ù  Olynipie,  dans  ces 
dernières  années,  au  cours  des  fouilles  faites  par  les  explorateurs  alle- 
mands, l-es  habitants  de  la  localité  désirent  naturellement  les  garder  par 
orgueil,  et  peut-être  aussi  pour  arréler  les  visiteurs;  mais  la  difficulté 
principale  vient  delà  loi  qui  ordonne  de  garder,  autant  que  jio.^sible,  les 
antiquités  dans  les  cenires  où  on  les  trouve.  Kn  ce  qui  concerne  (Jlympie, 
il  y  a  des  circonstances  auxquelles  on  n'a  pas  songé  quand  on  a  rédigé 
celte  loi;  et  il  faut  espérer  que  le  t;ouvernemcnt,  tenant  compte  des 
faits,  consentira  au  Iranspoit  de  ces  sculptures  à  Athènes,  où  il  sera 
facile  de  les  loger  dans  le  musée  national.  Olynipie  est  d'un  accès  difli- 
cile,  et  mal  pourvue  pour  recevoir  les  élraugers;  taudis  qu'on  peut  dire 
d'Athènes  tout  le  contraire,  à  ces  deux  points  de  vue. 

Le  Cowrier  de  Lyon  reçoit,  de  Nyons  (Urômc),  de  très  intéressants 

détails  sur  des  découvertes  archéologiques  laites  par  M.  Morel,  receveur 
parliculier,  celui-là  même  qui  avait  envoyé  à  l'Kxposilion  universelle 
une  pièce  unique  en  son  genre  :  le  squelette  d'un  guerrier  gaulois, 
enterré  sur  son  char  et  entouré  de  ses  armes, 

M.  Morel  a  fait  pratiquer,  dans  un  champ,  des  fouilles  qui  ont  mis  à 
découvert  une  chambre  romaine,  pavée  cnmosaïque. 

On  voit,  par  le  niveau  de  la  mosaïque,  que  le  sol  aniique  était  au 
moins  ù  f^.SO  en  contre-bas  du  sol  actuel.  H  est  ù  croire  que  la  ce//rt 
était  précédée  d'un  petit  portique;  car  on  a  retrouvé  des  (ragmenis  de 
base,  de  tambours  et  de  chapiteaux  de  petites  colonnes  d'ordre  dorique. 
On  a  rencontré  dans  les  débris  beaucoup  d'objets  d'usage  domestique  : 
des  tuiles  romaines  brisées,  sauf  une  de  o2  centimètres  de  long  sur 
35  centimèlresde  large;  d'innombrables  débris  de  vases  en  poterie  noire 
et  rouge;  beaucoup  de  fragments  de  doUum  ou  vases  à  vin;  enfin  quan- 
tité d'os  d'animaux  domestiques,  reliefs  de  la  table  ou  provenant  de 
sacrifices.  On  a  trouvé  également  une  bague  dont  la  pierre  précieuse 
avait  été  arrachée  du  chalon;  quelques  fragments  de  bronze;  beaucoup 
de  clous  de  la  charpente  avec  leur  lètc  en  demi-calotte  sphérique  ;  cinq 
de  ces  épingles  en  buis  qui  servaient  à  retenir  les  cheveux  des  Uomaines, 
comme  aujourd'bui  les  épingles  d'écaillé  ou  de  mêlai  ceux  de  nos  con- 
temporaine.', ét.iient  mêlées  «  aux  briquailles  ». 

Le  colon  romain  qui  habitait  là  avait  plusieurs  moulins  en  pierre  vol- 
canique de  l'Auvergne,  témoin  de  nombreux  fragments;  il  se  servait  de 
pierres  à  aiguiser,  de  texture  très  compacte  et  très  hue,  comme  nos 
pierres  à  rasoir.  Klles  sont  restées  là,  brisées  ;  on  a  également  trouvé 


IHH  nr.vi'F  AncuÉOLOOiQUE. 

dans  les  ilrbris  un  petit  ooutonu  en  silex,  conlomporain  do  l'Aye  île  la 
pierre  rlivi^c  M.  Morel  in  ail  «léjà  pu  leciieillir,  ihiiis  le  imys,  quaiititi'  de 
gpik'iinens  de  l'Age  de  la  pierre  polie. 

Knfin.  la  dtV'Oiivciie  la  plus  intt^rcssanle  a  tic  celle  de  plusieurs  pelils 
cylindres  en  os  et  parfuis  en  ivoire,  de  cinq  ou  six  cenlinu-lres  de  long, 
creux  et  percés  de  trous  sur  les  cAtés.  M.  Morel  y  voit  des  gonds  qui 
ïuaintenr.ieiit  les  portes  romaines  en  liant  ei  en  bas.  C'est  ce  que  nous 
appelons  aujourd'luii  des  pivots  et  des  crapaudincs.  Ces  objets,  en  os  ou 
ivoire,  seraient  les  crapaudines  dans  lesquelles  pénétraient  les  tiges  de 
métal  Taisant  office  de  pivots.  [Temps,  7  mars.) 

La  lilirairie  Didier  vient  de  réimprimer,  sous  un  lilic  nouveau, 

Aluic,  un  des  plus  intéressants  volumes  des  liccils  de  iliistoirc  rvmaiitc 
au  \'  siècle,  par  M.  Amédée  Thierry.  Ce  volume,  depuis  longtemps 
épuisé,  est  celui  qui  avait  été  intitulé  jadis  Trois  vtinistres  de  l'Ktniire 
romain. 

On  a  vaguement  entendu  parler,  ;\  Paris,  des  fouilles  exécutées  à 

Pergame  pour  le  compte  du  gouvernement  prussien,  et  des  résultats  re- 
marquables qu'elles  ont  donnés.  Kn  attendant  que  le  nmséc  de  Uerliii, 
où  l'on  est  occupé  en  ce  moment  ù  rassembler  et  à  installer  ces  sculptu- 
res, les  ait  livrées  à  la  curiosité  du  public,  nous  croyons  intéresser  nos  lec- 
teurs en  leproduisant  ici  le  second  des  deux  articles  publiés  à  ce  sujet  par 
un  Allemand,  M.  ^Veber,  dans  l'Impartial  de  Smi/rne  du  2i  janvier  et  du 
4  février.  I.e  premier  article  est  consacré  à  l'tiistoire  du  royaume  de 
Pergame;  l'auleur  y  rappelle  les  victoires  des  Attalc  et  des  Euméne  sur 
les  Gaulois  et  montre  dans  quelles  circonstances  ont  été  élevés  les  mo- 
numents dont  les  débris  sont  devenus  la  possession  du  musée  de  Herlin. 

Voici  ce  second  article  : 

Les  fouilles  de  Pergame.  —  Dans  notre  premier  article,  nous  avons  dit 
que  la  victoire  d'.\ttale  i^ur  les  Caulois  nous  ramenait  directement  aux  ré- 
sultats des  fouilles  de  .M.  C.  Humann.  D'après  Pline  (//(sf.7ia^  34-84),  plu- 
sieurs artistes  repiéseiitèrent  les  batailles  d'Altale  et  d'Kuméne  contre  les 
Galatcs  ;  Pausanias  (1.  XXV)  avait  va  sur  l'Acropole  d'Allièncs  quatre 
groupes  de  statues  consacrés  par  Altale  et  représentant  :  !•  les  combats 
des  Dieux  avec  les  Géants;  2°  la  bataille  des  Athéniens  contre  les  Amazo- 
nes ;  3°  celle  des  Grecs  contre  les  Perses  à  Marathon,  et  enfin  4*  la  défaite 
des  (ialates  en  Mysie. 

L'art  grec,  toujours  attentif  à  syinl)olisL'r  les  événements  d'actualité  et 
à  les  rattacher  aux  faits  mythologiques,  établissait  un  parallèle  entre  les 
combats  des  Hellènes  avec  les  (ialales  et  ceux  des  Dieux  avec  les  Géants. 
C'est  dans  cet  esprit  que  les  Attalides  fondèrent  sur  l'acropole  de  leur  ca- 
pitale deux  grands  monuments  :  le  temple  d'Athéné-Polias-Nicéphore, 
et  nn  autel  de  Jupiter,  monuments  de  leur  recolUlai^sance  envers  les  dieux 
ausri  bien  que  de  leur  goût  distingué  pour  les  arts.  Soit  patriotisme,  soit 
\anité,  ils  voulurent  aussi  triompher  ;\  Athènes,  et  envoyèrent  par  consé- 
iiuenl  les  copies  des  quatre  grandes  batailles  du  monde  hellénique,  citées 


NOUVKLU'.S    AUClIKoMd.luL'KS.  [><>'.) 

lilus  hnul,  (l.uis  l.i  ville  (1(;  Miiinrve,  copies  que  Pausanias  vit  oricoro  dr; 
son  lciii[)s.  Oiiaiit  aux  orit^in.iux,  r|ui ')rnaieril  Vo.r'^amc,  un  stmiI  vifnt 
d'Olrc  trouvé,  c'est  le  combat  des  Dieux  avec  les  (iéauts  ;  il  décorait  le 
niouunient  que  les  fouilles  ont  mis  au  jour  prùs  du  sommet  de  l'acro- 
pole. 

L'acropole  de  Pcrgame  est  cerlalnement,  pai  sa  position,  l'une  des  plus 
fortes  que  l'on  puisse  voir;  la  nature  semble  avoir  tout  fait  pour  la  rendre 
imprenable.  Dirigée  du  nord  au  sud,  elle  a  trois  flancs  presque  taillés  ù 
pic  ;  du  côté  sud  seulement,  il  est  possible  d'approcher  du  sommet,  qui 
atteint  une  hauteur  de  illi)  mètres.  l'artoul  sur  ce  liane,  on  distingue  des 
terrasses  ménagées  sur  la  pente  de  la  colline,  plusieurs  lignes  de  dé- 
fense, protégées  par  des  portes  et  des  tours  se  succédant  l'une  ;\  l'autre. 

Le  sommet  est  une  grande  plate-forme,  sur  laquelle  s'élevaient  plusieurs 
lemph's,  dont  l'un  a  été  mis  à  jour.  D'après  les  inscriptions  et  les  bustes 
d'enipereurs  qu'on  y  trouva,  il  paraît  avoir  été  dédié  à  Auguste.  Un  autre 
a  été  complètement  détruit,  en  ce  sens  que  les  matériaux  en  ont  été  di- 
rectement employés  dans  la  construction  d'un  mur  de  défense.  Sur  une 
architrave  on  lit  une  inscription  d'après  laquelle  ce  second  temple  était 
consacré  à  la  fille  d'Auguste,  à  Julie  par  conséquent. 

L'emplacement  du  troisième  temple,  celui  d'Athéné  Polias,  le  plus  im- 
portant de  tous  et  qui,  d'après  les  anciens,  ornait  l'acropole  dePergamc, 
est  encore  inconnu. 

A  iiO  mètres  au-dessous  du  point  le  plus  élevé,  et  vers  le  sud,  M.  Hu- 
mann  a  trouvé  l'autel  de  Jupiter,  dont  la  décoration  principale  était  une 
frise  magnitiquc  représentant  la  (iigantomacliie,  c'est-à-dire  la  glorifica- 
tion du  maître  des  dieux  lui-même,  et  par  conséquent  l'une  des  quatre 
œuvres  originales  citées  plus  haut. 

Les  Atlalides,  au  comble  de  la  puissance  et  de  la  richesse,  avaient  cons- 
truit un  vaste  mur  d'enceinte  autour  de  la  colline  du  cbAtcau  ;  au  sud, 
il  allait  jusqu'au  pied  de  la  montagne.  Les  Byzantins,  trop  faibles  pour 
maintenir  une  si  grande  forteresse,  tracèrent  une  ligne  de  défense  allant 
de  l'est  à  l'ouest,  ù  une  hauteur  de 240  mètres;  ce  mur,  fort  épais,  passa 
précisément  au  sud  de  l'autel  de  Jupiter.  Peu  respectueux  des  chefs-d'œu- 
vre de  l'antiquité,  ils  ne  craignirent  pas  de  ruiner  l'autel  et  d'employer, 
pour  la  construction  du  mur^,  tous  les  matéiiaux  du  monument  grec  :  co- 
lonnes, sculptures,  statues,  tout  était  bon.  Pour  comble  de  malheur,  la 
pierre  i  chaux  leur  manquant,  ils  employèrent  beaucoup  de  marbres 
dans  ce  but. 

C'est  dans  ce  mur  que  M.  Humann  a  trouvé,  il  y  a  huit  ans,  quelques 
hauts-reliefs  dont  l'un  représente  un  Hercule  ;  il  en  fit  cadeau  au  .Musée 
royal  de  Berlin.  M.  llally,  docteur  ùPergarae,  en  avait  trouvé,  il  y  a  douze 
ans,  un  aut)-c,  portant  un  lion  qui  mord  un  géant  ;  il  en  fit  don  au  syllo- 
gos  de  Conslantinople,  où  il  se  trouve  encore. 

M.  Humann  engagea  alors  la  direction  du  Musée  de  Berlin  à  obtenir  un 
firman  de  la  Sublime-Porte,  à  l'effet  de  commencer  des  fouilles  à  Per- 


ilH>  HKVIK    AnCUÈOLOGIQLE. 

ganie.  On  n^^gligoa  la  chose  jusqu'à  renlr«^o  en  fonction?,  il  y  a  deux  ans 
et  demi,  liu  nouveau  directeur  du  Muséii  royal,  M.  (àonzo,  (jui  lit  aussitôt 
le»  démarches  nt^oe^saires  A  CûnslQutiiiuplc. 

En  attendant,  on  avait  trouvé  un  passage  dans  un  auteur  ancien,  qui  je- 
tait quelque  kuiuîTC  sur  la  question. 

Av)]Klius,  l'crivain  latin  assez  obscur  (il  vivait  peut-<^tre  dans  la  seconde 
nmitii^  du  ii*  «iècle  après  J.-C.\  cite  ilnns  son  Liber  mcmorinth  (VIII,  14), 
parmi  toutes  sortes  de  choses  merveilleuses,  «  un  autel  de  Jupiter  A 
Peipanie,  de  \0  pieds  de  hauteur,  avec  de  très  grandes  sculptures  qui  re- 
pn^scnteut  une  gigatitomachie  ».  Apparemment  Pausanias(V,  13,  8)  faiial- 
lusion  au  mOme  autel.  Le  passage  de  l'auteur  latin,  bien  interprété,  au- 
rait pu  devenir,  depuis  lonj^tenops,  la  baguette  divinatoire,  pour  nous  faire 
connaître  la  prt^seucc  d'un  trésor  si  considérable. 

Los  travaux  commencèrent  sous  la  direction  de  M.  llumann.  Le  troi- 
sième jour  des  fouilles,  il  put  téléi-raphierà  Berlin  qu'il  a\ ail  trouvé  l'autel 
de  Jupiter  et  onze  hauts-reliefs  de  grandeur  entière,  monuments  qui  lui 
prou^aie^t  qu'il  avait  sous  la  main  une  dos  œuvres  les  plus  grandioses 
que  l'antiquité  nous  ait  laissées.  On  reconnut  bientôt  ([iie  toutes  les  plaques 
à  hauls-reliefs  faisaient  partie  d'une  grande  frise  de  marbre,  à  laquelle 
appartenaient  aussi  les  fragmenls  déjà  trouvés.  Kncouiagé  par  ce  début, 
on  redoubla  d'cll'orls,  et  grâce  à  la  courtoisie  de  la  Sulilime-Porte,  l'Alle- 
magne entra  eu  possession  enlièrt'  de  tout  ce  qu'on  a  trouvé. 

Mais  abordons  le  monument  lui-même,  tel  que  les  fouilles  l'ont  fait 
connaître.  Sur  un  soubassement  presque  carré  (34  sur  37  métros)  et  haut 
de  C  métrés,  s'élevait  un  petit  temple  entouré  de  colonnes  en  lorme  de 
périptére.  Sur  trois  côtés  du  souhiissement,  immédiatement  sous  la  cor- 
niche qui  le  couronnait,  se  développait  la  belle  frise  de  la  riigantomachie. 
Le  quatrième  côté  était  occupé  par  un  grand  perron  monumental,  dont 
on  a  trouvé,  entre  autres,  des  traces  sur  un  haut-relief  dont  le  bord  était 
découpé  en  forme  de  marches.  Ce  perron  conduisait  sur  la  plate-forme,  au 
milieu  de  laquelle  s'élevait  le  polit  autel  formé  de  cendres  et  d'os  de  vic- 
times, et  où  l'on  a  trouvé  ai'ssi  des  Iragmenls  d'une  secoudo  frise  qui  re- 
présente le  mythe  de  Téléphos.  Cet  iniéiieur  était  tellement  ruiné  qu'une 
restauration  n'a  pu  encore  être  faite. 

Passons  aux  délails  mêmes  du  monument.  Le  soubassement  repose  sur 
trois  marches;  puis  vient  le  socle,  parfaiiement  uni.  Sur  ce  socle,  et  un 
peu  en  retraite,  s'élève  la  fiise  propiement  dite,  haute  de  '2'", 30,  et  formée 
de  grandes  plaques  de  marbre  poitaul  les  sculjilures  en  (pu'.-lion  :  ces  j)la- 
que»,  de  même  hauteur  que  la  frise,  vaiiaienl  en  largeur  de  (•'",70  i  f",!!', 
l'ne  corniche  très  riche  ol  très  saillante  couronnait  tout  le  soubaîsemonl 
et  protégeait  les  hauls-reliofs  contrôles  intempéries  de  l'atmosphère.  Une 
colonnade,  d'unlre  ionique,  faisait  tout  le  tour  du  monument  ;  les  colonnes 
cannelées  avaicMit  :t  mètres  de  hauteur. 

Les  figures  de  la  frise,  exécutées  en  hauts-reliefs  très  hardis,  souvent 
complètement  détachées  du  fond,  occupent  toute  la  hauteur  des  plaques 


NOUVKLLI'S    AnClIliOLOGlQUKS.  l9l 

et  ont  par  consûqucnl  une  loia  el  demie  la  grandeur  nulurdlc.  La  compo- 
silion  montre  les  deux  enga^i^s  dans  une  lulto  très  vive  et  très  passion- 
néc  avec  les  géants,  ce»  dcrnierB  reprcsenlés  sous  les  fornics  les  plus  va- 
riées cl  les  plus  fanlastirpies  :  dans  h\  plus  grand  nombre,  d'i-normes  sjt- 
pcnls  icmi)lai:('nl  les  jamlies;  beaucoup  ont  des  ailes,  d'autres  encore  ont 
la  forme  deraonslrcs;  quelques-uns  luttent  comme  desimpies  guerriers. 
Tous  s'élancent  avec  une  fureur  sauvage  contre  les  dieux.  Deux  des  prin- 
cipaux groupes,  composés  chacun  do  quatre  plaques,  représentent  l'un 
Jupiler  bramlissanl  son  égide  de  la  (uain  gauche,  après  avoir  lancé  ses  fou- 
dres avec  la  droile;  l'autre,  Minerve  saisissant  parles  ch(!veux  un  géant 
que  le  serpent  de  la  déesse  relient  dans  ses  plis  nombreux,  pendant 
que  Niké  descend  du  ciel  pour  lui  donner  la  couronne  de  la  victoire  el 
que  Gé  ou  la  Terro,  sortant  de  l'abîme,  se  lamente  el  intercède  pour  ses 
fils.   l'ne  autre  série  de  plaques  montrent   llélios   sortant  des  régions 
Infi'ricures  sur  un  cliar  tiré  par  quatre  chevaux  et  précédé  par  Kos  à  che- 
val. Sur  d'autres  plaques,  nous  trouvons  Apollon,  Aitémis  montée  sur  un 
lion,   Dionysos   accompagné   d'un  jeune  satyre,  Héphaistos,   Boréas  et 
l'osidon  à  la  tfile  intacte.  Détail  caractéristique  :  dans  ce  monument, 
les  noms  des  dieux  étaient  inscrits  sur  une  solive  audessus  de  la  frise, 
tandis  que  ceux  dos  géants  l'étaient  sur  une  autre  au  bas- 
Bien  que  la  composition  entière  soit  la  création  d'un  seul  maître,  et 
que  partout  elle  montre  la  même  fraîcheur  et  la  même  richesse  d'inven- 
tion, la  manière  dont  les  diiïérentes  parties  sont  exécutées  n'est  pas  com- 
plètement uniforme;  elle  trahit  au  contraire  des  mains  dont  l'habileté  et 
les  soins  admettent  des  degrés  variés.  Mais  l'ensemble  même  de  l'ouvrage, 
par  son  style  incomparable  et  la  hardiesse  de   traiter  lo  marbre,  excite 
une  admiration  bien  méritée. 

Ces  sculptures  apparlienuent  évidemment  à  cette  école  de  Pergame 
connue  jusqu'ici  par  le  Gaulois  mourant  au  Capitole,  le  groupe  du  Gau 
(ois  qui  tue  sa  femme  et  puis  i^oi-mème  dans  la  villa  Ludovisi  ;  cepcndanf 
elles  présentent  cet  art  sous  des  points  de  vue  tout  i  fait  nouveaux,  el  jet- 
tent, à  noire  grande  surprisa,  un  trait  de  lumière  sur  une  branche  de  la 
sculpture  antique  remarquablement  sympathique  à  nos  idées  modernes, 
et  peu  connue  jusqu'à  présent.  La  parenté  surprenante  de  quelques-uns 
des  motifs  avec  le  groupe  du  Laocoou  jette  aussi  un  jour  nouveau  sur  la 
question,  encore  débattue,  de  la  période  d'origine  de  ce  monument. 

Le  nombre  des  plaques  trouvées,  les  unes  entières,  d'autres  plus  ou  moins 
fracturées,  s'élève  à  94;  à  cela  il  faut  ajouter  plus  de  2,ii00  fragments 
de  petites  dimensions.  La  conservation  de  leur  surface  est  très  diverse  ;  cer- 
tains morceaux  sont  pour  ainsi  dire  intacts;  il  y  a  grand  espoir  que  les 
plaques  employées  dans  les  murs  des  fortifications  du  moyen  ûge,  après 
avoir  été  dôljarrassées  de  la  chaux,  apparaîtront  dans  un  parlait  étal  diî 
conservation.  Une  grande  partie  a  été  endommagée  soit  par  les  intempéries 
de  l'air,  soit  par  le  feu.  Il  est  hors  de  doute  qu'une  partie  considérable 
de  la  frise  a  été  enlièremenl  détruite,  pour  en  faire...  de  la  chaux. 


jnj  luvri:  AnciiKOLOGioUF.. 

Oulrc  les  fragments  de  In  seconde  frise  dont  nous  avons  déjà  parlé  plus 
haut,  on  a  déduivorl  une»  série  de  staUics  qui  paraissent  avoir  appartenu 
à  cet  auti'l.  Uc:-  sculptures  d'une  époque  plus  ant  ii-nnc  ne  so  sont  trouvées 
qu'en  exemplaires  isolés,  ctiln^  autres  une  Itîle  idéale  de  femme,  d'une 
exquise  beauté. 

Terminons  cet  article  par  quelques  appréciations  inspirées  par  la  vue 
dos  «culptures. 

Les  géants  sont  tous  représentés  comme  dos  bnibaro?  sauvages,  barbus, 
à  face  de  lion,  avec  des  serpents  en  yiiise  de  pieds,  serpents  qui  ne  sont 
pas  terminés  par  des  queues,  mais  par  des  létos.  C'esi  ce  détail  que  le 
grand  artiste,  l'auteur  de  cette  puissante  conception,  a  mis  i\  profil  pour 
porter  l'action  dramatique  jusqu'au  degré  le  plus  élevé.  Pendant  que  les 
géants,  qui  se  protègent  contre  les  attaques  des  dieu.x  soit  avec  des  bou- 
cliers, soit  avec  des  peaux  de  lion,  s'élancent  armés  de  roclicrs  et  de  troncs 
d'arbres  contre  leurs  adversaires,  les  serpents  enlacent  les  jambes  des 
Olympiens  et  de  leurs  compagnons  avec  une  force  si  terrible  qu'on 
croit  voir  les  os  se  briser  sous  leur  étreinte,  en  mémo  temps  qu'ils  en- 
foncent leurs  dents  dans  la  chair  des  cuisses.  Les  animaux  consacrés  au.x 
dieux,  tels  que  le  molosse  d'Arlémis,  lapaiilhére  de  Hacclius  et  l'aigle  de 
Jupiter,  qui  d'un  coup  de  grilles  abat  la  mâchoire  iulérieure  d'un  serpent, 
se  précipitent  sur  les  géants  avec  une  rage  brutale. 

l'armi  les  figures  de  géants,  on  dislingucsurtout  celui  qui,  par  l'extrême 
perfection  du  jeu  des  muscles,  par  sa  position  debout  et  enlacé  dans 
les  replis  du  >erpent  de  Minerve,  rappelle  le  fameux  gro'jpe  du  Lao- 
toon.  Parmi  les  dieux  nous  distinguons  Zeus,  Albéné,  Poséidon,  Artémis, 
Dionysos  Kos;  (.Vurore),  assise  sur  un  cheval  d'un  travail  exquis  et  d'un 
type  tout  diirércnt  de  celui  des  célèbres  chevaux  du  Parthénon;  Hélios  sur 
un  charà  quatre  chevaux,  et  un  Horée  ailé.  Uuehjues-uns  des  dieux  étaient 
suivis  de  leurs  compagnons.  Ainsi  on  reconnaît  les  Nymphes  d  Artémis,  à 
leurs  bûties  de  chasse;  derrière  Hacchus,  qui  est  revêtu  d'un  long  vêle- 
ment asiatique,  s'avance  un  petit  Satyre,  —  la  comédie  à.  côté  de  la  tra- 
gédie, —  qui  copie  lidèlemcnl,  d'une  manière  comique,  les  mouvements 
belliqueux  de  son  maître. 

Comme  curiosité  toute  spéciale,  nous  citerons,  dans  la  suite  de  Neptune, 
un  Centaure  marin,  dont  le  corps  de  cheval,  couvert  d'écaillés,  est  orné 
d'ailes  en  forme  de  nageoires. 

Les  grands  éloges  mérités  par  l'ordonnance  dramatique  dusi:jet,  appar- 
tiennent également  à  l'exécution,  par  la  main  desculpteursdillVrents  occu- 
pés à  cette  oiuvrc  gigantesriue.  Kn  opposition  avec  l'extrême  négligence 
de  traitement  dans  les  sculptures  d'Olympie,  on  trouve  ici  des  soins  mi- 
nutieux dans  l'exécution  des  ims  conmie  des  draperies,  soins  conduits  avec 
une  silrelé  étonnante,  qui  présupposent  une  connaissance  parfaite  du  corps 
humain  et  du  jeu  des  muscles;  o.l  cependant,  ici  comme  ;\  Olynipie,  les 
hauts-reliefs  nVtaieui  (ju'iiii  motif  de  décoration;  il  e>l  vrai,  à  l'crgarae 
ils  se  lrou\ aient  beaucoup  plus  près  de  l'œil  du  .-pectatcur. 


NOUVRLLKS  ABCHKOLOGIQUF.S.  103 

Les  mouvcmcnis  les  plus  hardis,  les  poses  les  plus  hasardées,  les  dépla- 
cements de  muscles  les  plus  orichev(2lr6>,  tout  est  rendu  avec  une  Udé- 
lité  qui  impose,  cldont  nos  sculpteurs  modciiies  auront  encore  heaucoup 
à  apprendre.  Ces  morceaux  de  sculptures  remarquahles  ont  démontré 
que,  l'iirt  moderne  ainsi  que  celui  du  moyen  .Ige  ne  sont  pas  hasL-s  sur 
l'époque  de  Phidias,  mais  bien  surcelle  des  succesïcurs  d'Alexandre;  la 
(iigantomachie  des  Attalides  jette  sur  cette  période  une  lumière  nouvelle 
et  complète. 

Les  monuments  trouvés  h  l'ergame  occuperont  encore  longtemps 
les  archéologues  et  fourniront  aux  artistes  des  sujels  d'étude  inappré- 
ciables. La  patrie,  fiùre  de  ces  belles  acquisitions,  conservera  un  souve- 
nir reconnaissant  à  tous  ceux  qui  y  ont  conlrihué,  mais  surtout  à  celui 
qui  le  premier  les  a  trouvées,  à  l'ingénieur  M.  C.  Ilumann. 

Ajoutons  encore  que,  d'après  les  journaux  allemands,  toutes  les  dé- 
penses, tirman,  fouilles,  direction,  frais  de  transport  jusqu'i  I5erlin  des 
marbres  trouvés,  s'élèvent,  pour  le  musée  royal  de  Berlin,  à  la  somme 
de  six  mille  cinq  cents  livres  turques. 

Nos  lecteurs  comprendront  facilement  que  dans  toute  l'Allemagne, 
des  Alpes  à  la  Baltique,  du  Uhin  jusqu'à  la  Vistule,  il  n'est  question  que 
de  Pcrgame  et  de  ses  trésors.  Le  musée  royal  de  Berlin,  par  ces  pré- 
cieuses acquisitions,  ne  s'est-il  pas  placé,  du  coup,  au  rang  des  premiers 
monuments  de  ce  genre  dont  l'Europe  est  si  tière? 

Quant  à  nous,  qui  habitons  le  pays,  si  nous  ne  voyons  pas  sans  un  cer- 
tain regret  ces  trésors  quitter  les  rivages  qui  les  ont  produits,  nous  nous 
félicitons  de  les  voir  échapper  à  une  ruine  complète  et  certaine,  pour 
être  dorénavant  un  objet  d'éludé  et  de  sollicitude  éclairée.      G.  Weber. 

Dans  une  des  dernières  séances  de  V Académie  des  iTiscripiions  et 

belles-lettres,  M.  Jules  Girard  a  analysé  en  ces  termes  l'ouvrage  que 
M.  Alfred  Croiset  vient  de  faire  paraître  sous  ce  titre  :  la  Poésie  de  Pindare 
et  les  lois  du  lyrisme  grec  (Hachelte,  1  vol.  in-8). 

«  Pindare  est  peut-être  le  sujet  le  plus  difficile  de  la  littérature 
grecque.  Aucun  n'est  plus  loin  de  nous  par  les  idées,  par  les  mœurs,  par 
les  foimesqui  en  déterminent  la  nature  et  par  le  caractère  tout  particu- 
lier de  la  beauté  poétique.  Le  premier  mérite  de  M.  Croiset  est  d'aborder 
franchement  ces  diflicultés,  de  s'interdire  les  jugements  précipités  et  les 
généralités  vagues,  et  de  vouloir  comprendre  avant  de  bLlmer  ou  d'admi- 
rer. C'est  ce  qui  l'a  conduit  à  placer,  en  tète  de  son  livre,  une  étude  sur 
les  conditions  du  lyrisme  grec.  Bien  qu'il  ne  s'agisse  que  d'un  seul  poète, 
cette  exposition  générale  était  presque  indispensable.  Avant  d'avoir  net- 
tement défini  les  éléments  et  la  nature  du  lyrisme  grec,  ce  qu'on  ne 
trouve  fait  chez  nous  dans  aucun  livre,  il  était  bien  difficile  de  distinguer 
ce  qui  était  imposé  à  Pindare  par  les  lois  mêmes  du  genre  et  ce  qui  lui 
appartient  en  propre.  L'auteur  commence  donc  par  expliquer  en  quoi 
consistent  les  éléments  du  lyrisme  grec  :  le  rhylhme,  la  danse  et  la  mu- 
sique, la  poésie  lyrique,  c'est-à-dire  soumise  à  des  conditions  parlicu- 
\\xi\  13 


t9i  RRVUE    ARCHÉOLOGIQUE. 

lii^res  par  son  association  avec  ces  éU^incnls  mati^riels.  Il  compUMc  ces 
nrfiniîTos  l'Uuic-'  en  rechercliant  comment  s'exi^culaienl  ces  ensembles 
que  fiinnaienl  les  conipi^silioiis  lyriques.  M.  Croisel  examine  ensuite,  en 
appliquant  plus  parliciilii'iem.Mit  .'ses  observations  aux  odes  lrionij»liales, 
la  matiîTe  cl  l'esprit  îles  poèmes  lyriques  :  les  sujets  (ju'ils  traitent,  les 
circonstances  où  ils  se  produisent,  le  genre  de  composition  et  de  style 
qui  leur  est  propre,  le  rôle  attribué  au  poète,  l'ordre  de  sentiments  cl 
d'idées  iubt'ront  aux  fiîtes  qu'il  est  chargé  de  célébrer,  enfin  la  part  d'ins- 
piration personnelle  qui  lui  est  laissée. 

«  Par  ces  études  préliminaires,  l'étude  dePindarc  lui-même  se  trouve 
asser  avancée.  Au  moins  l'auteur  est- il  en  mesure  de  traiter  avec  préci- 
sion les  difficiles  questions  où  est  directement  impliquée  la  personnalité 
du  poète.  Comment  parle-t-il  des  dieux  et  des  héros,  sujet  oblifjé  de  ses 
chanls?  Qu'est-ce  «pie  sa  piété  et  sa  morale?  Quelle  est  sa  politique  et 
quel  est  le  patriotisme  de  ce  Thébain  contemporain  des  jîuerres  médi- 
ques?  Quel?  sont  ses  rapports  avec  les  grands  et  avec  ses  rivaux'/  L'exa- 
men de  ces  divers  points,  en  faisant  pénétrer  dans  la  nature  intime  de  ce 
noble  et  fier  génie,  montre  aussi  quels  caractères  particuliers  il  a  impri- 
més à  ses  œuvres.  Vient  enfin  une  appréciation  approfondie  de  l'inven- 
tion des  idées,  de  la  composition,  où  rentre  l'obscure  question  des  allu- 
sions cl  des  allégories,  et  du  style,  si  souvent  mal  jugé.  Ces  nombreuses 
anahses  embrassent  à  peu  près  tous  les  aspects  de  ce  grand  sujet.  Ou  suit 
M.  Croiset  avec  confiance  dans  ses  umineuses  expositions.  Quelles  que 
soient  les  diveritences  d'opinion  qui  peuvent  se  produire  sur  des  détails, 
personne  ne  lui  contestera  le  mérite  d'une  science  bien  informée  et 
d'une  critique  sage  et  pénétrante.  C'est  un  grand  éloge  en  un  pareil 
sujet.  Je  crois  donc  pouvoir  recommander  ce  livre  i  l'attention  de  l'Aca- 
démie, comme  un  des  meilleurs  ouvrages  qu'ait  produits  chez  nous 
l'étude  dos  li\ies  grecs.  » 

L'evposition  du  Musée  des  Arts  décoratifs  sera  ouverte  au  Palais  de 

l'Industrie  le  10  avril  prochain.  Llle  comprendra,  comme  nous  l'avons 
dit,  une  très  remarquable  exposition  de  dessins  d'ornement  et  de  décora- 
lion  par  It's  anciens  maîtres,  exposition  préparée  sous  la  direction  de  M.  le 
marquis  de  Chennevières,  président  du  Musée,  par  .M.M.  Dreyfus  et 
Lplirussi,  et  qui  sera  le  pendant  de  celle  qui  a  été  organisée  l'an  dernier 
à  l'École  des  beaux-arts.  On  y  verra  des  œuvres  de  toute  beauté,  emprun- 
tées aux  collections  de  M.M.  le  duc  d'Aumale,  Ueslailleurs,  Bérard.Lesoufa- 
ché,  de  (Joncourt,  le  comte  de  la  Heraudiôre,  Odiot,  Ueurdeley,  etc,  elc. 
Kii  outre,  cette  exi'osilion  contii'udra  l'inlérc^sante  et  belle  collection 
de  céramique  et  de  verrerie  de  M.  P.  (iasnaull;  des  séries  de  tapisseries 
du  xV  au  xvtn*  siècle,  des  éventa, Is  depuis  le  xvi»  siècle  jusqu'à  nob 
jours.  Une  salle  sera  consacrée  à  l'histoire  du  tissu  ;  elle  sera  formée  avec 
les  collections  extrêmement  complètes  de  MM.  Kupont-Auberville,  Gay, 
Kscossura,  Coupil,  l'ti-.  Knfin  on  verni  une  vitrine  très  curieuse  renfer- 
mant la  (  ollcclion  de  boulons  arti.sliqo(!s  de  M.  le  baron  Pérignou. 


NOUVELLES   AUr.UKOLOr.lgUKS.  105 

L'exposii ion  sera  officiellement  inaugurée  le  9  avril  ;  r-lle  restera  ouverte 
pendant  le  Salon,  ei  une  porto  do  comnuinicalion  pcrinollra  aux  visiicurs 
d'aller  an  Miisôo  dos  Arts  il6coraiifs. sans  sortir  du  palais.  Los  salles  seront 
éciairc^es  le  soir  ;\  la  iuniiùro  Jaldochkoil'. 

Ilapvaaio;,  janvier    18S0  : 

Condos,  Observations  philoloijiqucs  (suite).  —  Nouvelles  archéologiques. 

—  Séances  de  la  Société  archéolosifine.  —  F, 'Institut  germanique.  —  Les 
anciens  plans  de  llonie.  —  I.a  Victoire  de  Samotlirace. 

huUcttino  di  anhcoloijia  cristiann,  dcl  commendatore  G.    Hattisla 

de  Uossi,  ;i"  série,  ;i°  année,  n"  3  ;   Ilonie,  1879  : 

Préface.  Le  Cimetière  chrétien 'primitif  de  Ravenne,  prés  de  Saint-Apolli- 
naire ni  c/«s5e.  Cimetière  chrétien  (ieS<rt6/^s  ((^astellamare).  —  Nouvelles. 
AncOne.  Chambre  sépulcrale  chrétienne,  appartenant  i  un  particulier, 
et  mosaïque  de  son  pavé. 

Bulletin  de  correspondance  hellénique,  4"  année,  n"  2,  février  1880  : 

K.  licuàn, Inscription  l'ilitigue  de  Délos,  découverte  par  M.  Th.  Homolle. 

—  J.  Marlha,  Deux  fifjunncs  de  Tamigre  en  terre  cuite.  (Ces  figurines, 
recueillies  dans  des  fouilles  exécutées  par  la  Société  archéologique,  ont 
l'avantage  d'être  euliées  dans  le  musée  d'Athènes  sans  avoir  subi 
aucune  espèce  de  retouche.)  —  Heaudouin  et  Pottier,  Inscriptions  de 
l'ompéiopotis.  —  P.  Foucart,  Inscriptions  d'Orchoméne.  (Catalogues  mili- 
taires. Fragmeiit  de  comptes.  Consécration  d'esclaves  à  Sérapis  et  à 
Isis.  Décret  de  proxénie.  Inscriptions  funéraires.)  —  Dimilsas,  MaxEoovtxà 
aLÇ,ya\.oko^iyÀ.  —  li.  Pottier  et  Am.  Hauvelle-Bisnault,  Inscription  de  Téos. 

—  M.  Baudouin,  Inmiptions  de  h'asos.  —  H.  Ilaussoullier,  Vases  peints 
archaïques  découverts  à  Knossos  (Cr^ie).  —  Nouvelles  et  correspondance. 
Inscriptions  de  Ivoloé  et  du  Pirée.  Bas-relief  de  Philadelphie.  Inscription 
de  Chio.  Inscription  métrique  d'Athènes.  Planches  3  et  4  :  figurines  de 
Tanagra. 


BIBLIOGRAPHIE 


Pérou  et  Bolivie,  n^cit  do  voyapos,  suivi  d'éludés  arcliéoloRiques  et  etlinogra- 
phiques  ft  de  tioti-s  sur  l'écriture  et  lis  Iftusues  des  populations  indiennes,  par 
Cn.  Wiener  ;  ouvrage  oonteuaiit  plus  do  Itoo  gravures,  27  cartes  cl  18  plans. 

M.  \Vienor,  charg(5  en  ISTii  d'une  niisî^ion  archi-ologique  et  scientifique 
par  le  Ministère  de  l'instruction  publique,  a  passé  prùs  de  deux  ans  au 
Pi'rou  et  en  Dolivie;  il  a  entrepris  dans  l'intérieur  de  ces  régions  un 
voyage  d'exploration  qu'il  raconte  avec  agrément  et  vivacité  ;  il  a  bravé 
toutes  les  fatigues,  tous  les  dangers,  pour  visiter  tous  les  monuments  de 
l'ancien  empire  des  Incas  et  pour  recueillir,  dans  le  commerce  des  habi- 
tants actuels  du  pays,  Européens,  Espagnols  de  sang  plus  ou  moins  mêlé, 
tribus  indiennes,  tous  les  souvenirs,  toutes  les  traces  d'un  passé  qui, 
bien  qu2  séparé  de  nous  par  moins  de  quatre  siècles,  présente  à  notre 
curiosité    tant   d'énigmes,    dont    la  plupart  ne  seront  peut-être  jamais 

résolues. 

Ce  qui  a  surtout  préoccupé  M.  Wiener,  c'est  l'histoire  de  l'homme 
américain  avant  la  conquête  du  pays  par  Pizarre.  11  l'a  cherchée  dans  les 
décombres  des  cités  mortes  et  des  palais  abandonnés,  dans  les  entrailles 
des  nécropoles  qu'il  a  fouillées  avec  ardeur,"  dans  toutes  les  collections 
publiques  et  privées  qui  ont  été  formées  dans  le  pays  aux  dépens  de  ces 
ruines  et  de  ces  cimetières.  C'est  dire  qu'il  a  recueilli  nombre  de  faits 
curieux;  son  livre,  édité  avec  luxe  par  la  maison  Hachette,  est  peut-être 
de  tous  les  ouvrages  fraiii;ais  celui  qui  permet  le  mieux  aujourd'hui  à  un 
esprit  curieux  de  se  renseigner  sur  ce  que  l'on  peut  savoir  de  cette  civi- 
lisation disparue;  civilisation  qui,  à  certains  égards,  était  supérieure  à 
celle  qui  l'a  remplacée.  Chaussées  pavées,  ponts  sur  les  lleuves,  travaux 
d'irrigation  el  de  culture,  tout  cela  était  mieux  entendu  et  plus  savant 
dans  l'empire  des  Incas  que  dans  l'empire  colonial  de  l'Kspagne,  ruiné 
par  de  mauvaiics  lois  el  par  une  administration  avide  et  ignorante,  ou 
que  dans  ces  malheureuses  républiques  qui  se  déhalleut  contre  une  anar- 
chie sans  cesse  renaissante.  Un  trouve  partout  des  traces  d'une  popula- 
tion nombreuse  et  industrieuse  dans  des  vallées  aujourd'hui  presque 
désertes  ;  des  huiles  en  torchis  sont  appuyées  aux  murs  en  grand  appareil 
des  tombes,  des  palais  el  des  maisons  d'autrefois. 

I/ouvrage  se   divise  en   quatre    parties,  d'étendue    et    d'importaocc 
inégale. 


niBLIOGRAPHIE.  107 

1°  Relation  do  voyage. 

2°  Iteclierches  archt^olopiqiics. 

3°  Observ.'iliona  sur  l'olliiiograpliic. 

4°  Kliules  liiiguisliiiiics. 

Dans  toutes  ces  parties  on  trouvera  des  oi)8ervations  intéressantes  et 
nouvelles,  des  croquis  curieux,  matière  enfin  à  bien  des  réilexions  et  à 
des  comparaisons  insiructivcs.  Nous  ne  saurions  donc  trop  recommander 
la  lecture  du  livre,  et  cependant  nous  avons  quelques  r(5scrves  i  faire. 
Nous  les  indiquerons  pour  montrer  avec  quel  soin  nous  avons  examiné 
un  essai  qui  témoigne  d'une  singulière  activité  d'^'spril  et  de  recherches 
poursuivies  avec  passion  sur  un  terrain  encore  presque  inexploré. 

Le  style  manque  de  simplicité;  parfois  d'une  familiarité  trop  abandon- 
née, il  tombe  dans  l'emphase  quand  l'auteur  expose  des  théories  sociales, 
religieuses,  artistiques,  qui  n'ont  pas  été  assez  digérées.  Nous  aui ions 
aimé  à  voir  M.  NViener  se  borner  i  rassembler  des  faits;  c'eût  été  le 
meilleur  moyen  d'échapper  aux  dangers  que  n'a  presque  encore  su  fuir 
complètement  aucun  de  ceux  qui  ont  touché  aux  études  américaines. 
\j'américanismc,  —  comme  on  l'appelle  aujourd'hui,  —  est  un  peu  ce 
qu'ont  été  si  longtemps  les  études  celtiques,  le  rendez-vous  de  tous  les 
gens  à  qui  manque  l'éducation  première,  l'habitude  de  la  méthode  et 
de  la  critique  ;  c'est  le  domaine  des  hypothèses  qui  prétendent  s'imposer 
comme  vérités  démontrées,  des  systèmes  aventurés,  des  rêves  étranges 
racontés  avec  des  termes  empruntés  à  la  langue  de  la  science.  Nous  n'ac- 
cusons pas  M.  Wiener  d'avoir  augmenté  le  nombre  de  ces  faiseurs  de 
systèmes  ;  mais  il  aurait  pu  se  distinguer  d'eux  plus  nettement  encore 
en  s'interdisant  tout  autre  rôle  que  le  seul  qui  convienne  aujourd'hui, 
—  dans  l'état  de  ces  recherches,  — celui  d'un  rapporteur  sincère  et  Gdèle, 
qui  décrit  des  monuments,  qui  traduit  et  rapproche  des  textes. 

Nous  citerons,  comme  exemple  de  cette  tendance  à  l'hypothèse,  tout 
le  chapitre  intitulé  :  Divinités  et  cultes  péruviens.  11  n'est  pas  clair  partout; 
mais  ce  qui  résulte  du  résumé,  c'est  qu'il  existait  au  Pérou  «  deux  reli- 
gions, l'une  scientifique  et  l'autre  populaire  ;  la  première  faite  d'abstrac- 
tions, l'autre  d'idolûlrie  et  de  rites  matériels.  11  parait  évident  que  l'acti- 
vité du  prêtre  était  partagée  entre  ces  deux  cultes,  qu'il  s'efforçait  de 
marier  en  leur  donnant  une  seule  forme.  »  Tout  cela  n'est  pas  impos- 
sible; mais,  dans  les  pages  qui  précèdent,  je  n'aperçois  rien  qui  per- 
mette de  regarder  cette  manière  de  s'expliquer  l'histoire  de  la  religion 
péruvienne  comme  autre  chose  qu'une  conjecture,  et  qu'une  conjecture 
qui  ne  se  fonde  seulement  pas  sur  un  commencement  de  preuve. 

La  partie  qui  est  le  mieux  faite  pour  intéresser  nos  lecteurs,  c'est  la 
seconde,  les  Notes  archéologiques.  Elle  se  divise  en  cinq  chapitres,  dont  le 
premier  est  le  plus  étendu  et  le  plus  nourri  :  Architecture,  Sculpture, 
Orfèvrerie,  la  Céramique,  Peinture.  On  trouvera,  dans  tous  ces  chapitres, 
beaucoup  de  dessins  intéressants  ;  il  est  regrettable  qu'ils  ne  soient 
presque  jamais  à  l'échelle.  Beaucoup  d'entre  eux  paraissent  aussi  avoir 


198  lU.VL'E   AnCMKOLOGIQUK. 

ôl6  gravies  d'apnV-;  des  croquis  iusiifdsnnts,  faits  bien  ;\  la  hflto  et  par  un 
crayon  encore  Irî's  novice.  Tels  i|u'il.s  sont,  ils  rendront  encore  service  à 
rarcht^olognc  :  on  y  remarquera  de  curieuses  rcssemlilancrs  entre  l'art 
des  Incas  et  celui  du  monde  classique  dans  sa  période  ori(Milalo  cl 
gre<'qtio  archaïque.  L'appareil  des  conslruclions  péruviennes  rappelle 
souvi'ut  celui  dos  conslruclions  les  plus  anciennes  du  liassin  de  la  Médi- 
terranée; la  pyramide  a  couvert  les  lomix's  comme  en  l'jgypte  ;  certaines 
poteries,  par  leurs  formes  bizarres,  par  leur  couleur  et  par  leurs  orne- 
ments, rapjiellent,  presque  à  s'y  méprendre,  les  plus  anciens  vases  phéni- 
ciens et  cypriotes.  Ksl-ce  A  dire  ijue  nous  sont^ions  lo  moins  du  niuudc  à 
supposer,  comme  l'ont  fait  quelques  américanistcs,  que  Péruviens  et 
Mexicains  descendent  d'une  colonie  phénicienne V  Nullement;  tout  ce 
que  prouvent  ces  ressemblances,  c'est  que  l'homme  est  partout  le  mCme; 
quand  il  est  arrivé  à  un  certain  point  de  son  développement  normal  et 
qu'à  certains  égards  les  milieux  se  ressemblent,  il  y  a  chance  pour  qu'il 
produise  des  ouvrages  qui  présenteront  de  grandes  analogies.  C'e^t  à  me- 
sure qu'il  avance  dans  la  civilisation  que  les  dilVérences  se  marquent  ; 
un  très  petit  nombre  de  peuples  dépasse  les  limites  d'une  civilisation 
naissante  et  rudimentaire.  Ouand  ils  ont  franchi  ce  premier  degré,  leurs 
œuvres  répondent  i  des  sentiments  et  à  des  idées  trop  complexes  pour 
qu'alors  les  moindres  dissemblances  de  race  et  de  milieu  ne  s'accusent 
pas  d'une  manière  beaucoup  plus  sensible  ;  mais,  dans  les  créations  des 
époques  primitives,  il  y  a  bien  plus  d'uniformité.  Ainsi  les  enfants,  dans 
le  premier  Age,  différent  bien  moiiislesuns  des  autres,  par  le  visage,  que 
lesjeunes  gens  et  surtout  que  les  hommes  faits  ;  i  mesure  qua  la  vie 
développe  les  pas>ions  et  les  peii.-ées  des  individus,  à  mesure  qu'elle  les 
engage  dans  des  routes  qui  s'écartent  de  plus  en  plus,  elle  le^  ilisliiigue 
et  les  différencie  davantage  par  l'empreinte  qu'elle  grave  sur  leurs  traits 
et  dans  toute  leur  physionomie.  G.  Perbot. 

<ï><«)xaixà,  étude  iiistoriquc  et  topograpliique,  .ivcc  sept  plariclics  et  une  carte  topo- 
graphique,  par  PAi'PADoroiLos  Keiiameis.  Smyrnc,  18"y,  in-8  (en  grec  moderne). 

M.  Paj'padopoulos  Kerameus,  conservateur  de  la  bibliothèque  et  du 
musée  de  l'École  évangélique  de  Smyrne,  est  déjà  connu  par  de  bons 
travaux  qui  ont  paru  dans  différents  recueils  de  l'Orient  grec  et  dans 
le  Bulletin  de  correspondance  hellénique  publié  par  l'Kcole  française 
d'Athènes.  Il  a  donné  un  catalogue  soigneusement  dressé  du  j)ctit  musée 
qu'il  dirige,  et  il  a,  dans  plusieurs  notes  intéressantes,  appelé  rattcntiou 
sur  certains  monuments  qui  font  partie  de  cette  collection  et  sur  des 
découvertes  d'antiquités  qui  ont  eu  lieu,  dans  ces  dernières  années,  sur 
la  côte  d'ionie.  il  a  étudié  avec  soin  la  topographie  et  les  ruines  de  toute 
la  contrée  voisine  de  Smyrne.  Dans  la  dissertation  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  il  cherche  à  faire  [)rolitcr  le  lecteur  de  l'élude  qu'il  a  faite,  i 
pluàieurs  reprises,  du  bile  et  des  ruines  de  l'ancieune  l'iuuée,  la  métro- 
pole de  Marseille. 

C'cil  là,  i  vrai  dire,  la  meilleure  et  la  plus  importaulc  partie  du  mé- 


BIRLIOCnAPlIIK.  i'M) 

moire;  nous  reprocherions  volontiers  à  celle  première  partie,  inlilulco 
Topojraphie,  d'être  trop  succincte,  et  nous  savons  grand  gr6  à  M.  l'appa- 
(lopoiilos  de  l:i  carte  (]iii  l'accompagne.  La  soronde  partie  a  pour  tilre  : 
Tlistoire  de  VhoaU'  dipuia  les  tcinp-i  Ira  plus  a/jciVns-  ju^'/u'à  7ios  jours.  Les 
textes  (les  autours  y  sont  rapproclu^s  avec  soin  ;  mais  nous  ne  voyons  pas, 
autant  que  nous  avons  pu  en  juger  par  une  lecture  uo  peu  rapide,  que 
l'autour  ait  introduit  lA  dcs  vues  un  peu  porionnelles.  Les  pages  qui 
semlileront  les  plus  nouvelles  sont  celles  où  il  c.>t  question  de  l'Iiisloire  de 
ce  district  et  do  sa  capitale  actuello,  la  nouvelle  IMiocée,  dans  les  temps 
modorncs  et  lors  de  la  guerre  do  riudi'[)oudance  ;  il  y  a  l\  quelques  faits 
peu  connus,  quelques  docununls  inôdils  qui  iiitéresscront  ceux  qui  s'oc- 
cupent de  la  Grùce  moderne. 
Quatre  appendices  font  suite  au  Mémoire  : 

1.  Sur  le  statcrc  de  Phocée  {i\  y  aurait,  ce  nous  semble,  plus  à  dire 
sur  cette  question  iuiporianle  pour  l'histoiic  des  dincrenls  systèmes  de 
poids  et  do  monnaies  qui  se  sont  partagi')  le  monde  grec). 

2.  De  la  juridiction  épiscopak  d'où  dépend  thocée. 

3.  Analecta  (quelques  remarques  assez  brèves  sur  des  personnages  ori- 
ginaires de  l'hocée  et  connus  parles  inscrij)tions). 

4.  Remarques  sur  les  planches  de  Vouvruijc. 

(-es  planches  sont  bien  môdiocres;  mais  les  ressources  dont  dispose 
l'archéologue,  à  Smyrne, sont  bien  restreintes,  et  il  convient  de  lui  savoir 
grè  de  l'intenlion.  G.  P. 

Thanatos  '30'  progiramiiie  pour  la  fùtc   de   Winckelmann,    côlëbréo   par  la  So- 
ciété archéologique  de  Berlin),  par  Caul  Robert.  In-Zi",  1879,  Reinier. 

Dans  celle  dissertation,  fort  bien  composée  el  d'une  lecture  très  inté- 
ressante, l'auteur  reprend  une  question  que  Lessing  avait  traitée  jadis 
avec  toute  l'ori.^inalitô  de  sa  pensée,  mais  qu'il  n'avait  pu  résoudre  faute 
do  connaître  les  monuments  que  nous  possédons  aujourd'hui  (1);  presque 
tous  ceux  qu'il  étudiait  appartenaient  à  l'époque  romaine.  Un  contempo- 
rain, Julius  Lessing,  a,  paraît-il,  récemment  repris  le  sujet  dans  une 
étude  que  nous  n'avons  p;is  sous  les  yeux  (2).  Cet  archéologue  citait  déjà 
trois  représentations  de  Thanalos,  dont  la  provenance  grecque  était  cer- 
taine; M.  Hobert  a  un  peu  augmenté  ce  nombre,  mais  il  n'en  reste  pas 
moins  vrai  que  les  Grecs  ont  rarement  représenté  la  morl  personnifiée. 
En  revanche,  quelques-unes  de  ces  représentations  sont  d'une  beauté  de 
premier  ordre  ;  elles  paraissent  toutes  appartenir  au  temps  de  Praxitèle 
et  de  Scopas,  à  cette  école  qui  a  donné  à  l'art  de  la  statuaire  un  caractère 
sentimental  et  pathétique  dont  la  période  précédente  n'offre  guère  de 
traces. 

Grîlcc  au  concours  de  M.M.  CoQze  et  Jacoby,  les  monuments  décrits  cl 


(1)  Wie  die  Alten  den  Tod  gebildct,  etc. 

(2)  De  Mortis  apud  veteres  figura.  Bouu,  18C6. 


200  HKVrK   AnCHÉOLOGlQDR. 

expliqut?s  dans  cette  di.-:scrlation  ont  616  reproduits  avec  une  oiactitudo 
intelligente,  que  l'on  ne  réussit  pas  toujours  ;\  olitcnir  en  pareille  ma- 
tière. On  remarquera  surtout  deux  beaux  lekythoi  altiques  in6diis  jus- 
qu'ici (pi.  1  et  2).  il  y  a  en  tout  trois  planches  cl  plusieurs  figures  dans  le 
texte,  l'ne  dos  parties  les  plus  inli^ressanlt-s  cl  les  plus  neuves  de  la  dis- 
sertation est  le  chapitre  où  iM.  Hoherl  prouve  qu'il  faut  reconnaître  le 
(îi^nie  de  la  Mort  dans  une  tics  ligures  de  la  columtia  cœlutn  du  teniplo 
d'Éph6se,  rapportée  par  M.  Wood,  au  Musée  hrilannique,  cl  depuis  sou- 
vent décrite  et  représentée  (pi.  3,  reproduction  hélio<,'rap!'ique).  Il 
explique  la  scène,  de  la  manière  la  plus  vraisetnblalile,  par  le  retour 
d'Alceste.  qui  revient  ilu  royaume  d'Iladés,  csc(trtée  par  Hermès  l'svcho- 
pompc  et  par  Tiianalos,  en  présence  do  Perséphoné  debout  et  d'Iladès 
a^sis  sur  son  trône.  G.  1'. 

Géographie  de  Strabon,  traduction   ncivello,   par  Améhék  Tabdieu,  biblio- 
tliLcairc  de  l'Institut.  3  vol.  in-12,  Haclietto,  lbJ^O. 

M.  Tardieu  vient  d'achever  la  traduction  de  Strabon  qu'il  a  commen- 
cée depuis  longtemps  déjà,  et  dont  les  deux  premiers  volumes  avaient 
paru  en  1867  et  1.S73.  Celle  traduction  est  très  supérieure  à  la  plupart 
des  ouvrages  qui  font  partie  de  celte  rolleclioii  des  chefs-d'œuvre  des 
littératures  anciennes;  elle  csl  loui  entière  fondée  sur  une  revision  scru- 
puleuse du  texte;  en  ce  sens,  on  peut  dire  que  c'est  presque  une  édition 
critique.  Il  va  de  soi  qu'un  traducteur  qui  a  pris,  pour  établir  son  texte, 
les  peines  et  les  soins  donl  témoignent  les  notes  courtes,  mais  subslan- 
lielles,  qui  sont  placées  au  bas  des  pages,  n'a  rien  épargné  non  plus  pour 
rendre  le  sens  avec  toute  l'exactitude  el  la  précision  désirables.  M.  Tardieu 
n'a  pu  obtenir  le  résultat  qu'il  a  poursuivi  qu'en  résolvant  pour  lui- 
même  tous  les  problèmes  historiques  el  géographiques  que  pose,  pour  la 
critique  moderne,  la  lecture  de  Strabon;  nous  comptons  bien  que,  d'une 
manière  ou  d'une  autre,  il  nous  fora  profiter  un  jour  des  matériaux  qu'il 
a  dû  amasser  chemin  faisant,  el  qu'il  nous  donnera  un  commentaire  com- 
plet du  géographe  qu'il  a  si  bien  traduit.  Eu  attendant,  il  est  une  pro- 
messe qu'il  ne  saurait  se  dispenser  de  tenir.  Il  nous  doit  celle  table  des 
matières  qu'il  annonçait  dans  la  préface  du  premier  volume;  sans  doute 
elle  formera  un  volume  à  part,  n'ayant  pu  tenir  dans  le  tome  troisième 
du  la  traduction.  (;,  \\ 


LA 


BORNE  MILLIAIIIE  DE  PARIS 


{Lu  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,   séances  des 
24  et  2[    octobre  1879). 

Suite  (1). 


NOTE  DE  M.  A.  LONGNON  SUU  LES  VOIES  ROMAINES 
DE  PARIS  A  REIMS. 

«  L'élude  allcnlive  de  la  borne  milliaire  du  cimetière  Saint- 
Marcel  a  donné  i\  M,  Desjardins  l'idée  de  rechercher  une  voie  re- 
liant Paris  à  Heims  el  mesurant  lOo  milles. 

«  1°  Celte  route  ne  saurait  être  reconnue  dans  la  voie  qui,  de 
Reims,  va  h  Soissons  (Itin.  Ant.  379)  et  ;i  Senlis  (Table  de  Peut.), 
bien  qu'il  soit  possible  de  reconnaître  dans  la  roule  actuelle  de 
Senlis  à  Paris  le  tracé  d'une  voie  antique  complétant  les  deux  tron- 
çons précédents.  En  effet,  la  voie  de  Paris  à  Reims  par  Senlis  el 
Soissons  aurait  mesuré,  dans  celle  hypothèse,  au  moins  108  milles, 
3  de  plus  que  la  somme  indiquée  sur  la  «  borne  récapitulative  »  de 
Paris. 

«  2°  Elle  ne  peut  non  plus  être  assimilée  à  une  ancienne  route  de 
Paris  à  Reiras  par  Clayo,  Lizy-sur-Ourci,  Gandelu,  etc.;  celle  se- 
conde voie  est  en  effet  plus  courte  que  la  dislance  marquée  sur  le 
milliaire  de  Saint-Marcel,  puisqu'elle  ne  mesure  que  95  milles. 

«  3°  Il  y  a  donc  lieu  de  chercher,  entre  les  deux  voies  précitées, 
la  route  mesurant  105  milles  roinains  ;  or,  après  un  mûr  examen, 

(1)  Voir  loâ  numéros  de  février  et  inurî. 

X\X1\.  —  ■^"'•''  li 


.■Î'»J  RKVUK   ARCUKOLOGIQUK. 

on  est  nntiinMlpmcnt  amène'  h  ronslator  (ju'clle  (lovait  passer  par 
Nanleuil-k'-Uaiulûuiii,  Villers-Cottorets  et  Soissons.  Le  dernier 
tiers  (lo  relie  voie,  de  Soissons  î\  Reims,  décrit  par  l'Ilinérairc  d'An- 
tonin,  est  parfaileinenl  reronnu  sur  le  terrain;  on  n'a  donc  à  exa- 
miner ici  que  sa  p.irtie  antérieure,  entre  Taris  et  Soissons. 

a  La  roule  de  Flandre  (aujounrinii  de  Lille  par  Senlis)  emprunte 
juscjuW  Uoissy,  sur  une  lon},Mieur  de  1"»  kilomètres,  le  tracé  de  l'an- 
cienne voie  romaine  (le  I\iri>  à  Soissons,  qui  passait  ensuite  à  (lliene- 
viéres,  Moussy-lc-Neuf,  Ver  et  Montigny-Sainte-Kélicilé,  pour  arri- 
ver à  Nanteuil-le-Ilaudouin.  De  Nanteuil,  la  voie  ^ja^nail  Soissons 
par  IVroy-lès-tionil)ries,  Levi^^nen,  (londreville,  Vaunoise,  l'isse- 
leux.  Villers-Colterets  et  la  forél  de  Uetz,  suivant  ainsi  un  iiacé 
adopté  presque  constamment  par  la  granule  route  inoilerne  de  l'aris 
à  Ueims. 

«  L'existence  et  la  direction  de  celle  ancienne  voie  ont  616  consta- 
tées par  les  archéologuessoissonnais.qui  en  retrouvent  untronçonà 
■'»  kilomètres  aux  abords  de  Soissons  (1),  mais  nous  cessons  d'elle 
d'accord  avec  M.  Aniédée  Pieite  pour  la  partie  de  la  route  comprise 
entre  Villcrs-Cotterels  et  Nanleuil-le-I!auilouin.  M.  Piette,  se  fon- 
dant sur  une  assertion  de  Carlicr,  (jui  publia  en  17G4  une  Histoire  <lu 
ducl)6  de  Valois,  prétend  que  la  cliauss6e,  au  sortir  de  Villers- 
Colterets,  ne  se  dirigeait  pas,  comme  la  route  moderne,  par  Vau- 
cicnnes,  Gondrevillc  et  Levignen  (ii,  et  qu'elle  formait  une  courbe 


M)  Cette  voie,  dit  M.  Picttc  >  Kin.  r/nl,-rom.  du  «lépurt.  de  l'Ai'tne,  p.  199),  «  se 
détacliaii  de  la  voie  de  Heims  à  Amiens,  à  peu  de  distance  à  l'ouest  de  Soissons, 
non  loin  de  l'ancien  cimetic'-n' ;  elle  gagnait  M;iupas,  ancienne  coninianderie  de 
Malte,  et  de  là  s'engageait  dans  les  gorges  de  Clianctières,  à  l'eiiréniité  desquelles  on 
la  voit  se  frayer  un  passapc  dans  le  roc  ;  au  delà,  sur  le  plateau,  c'est  encore  une 
chaussée  verte,  élevée  de  T'ij-'iO  au-dessus  du  sol  ;  elle  continue  ainsi  pendant  It  ki- 
lomètres jusqu'à  sa  jonction  avec  la  route  actuelle  de  Paris,  qu'elle  côtoie  sur  la 
droite  jusqu'à  la  Croix  de  Fer.  Plus  loin  la  superposition  est  complète,  car  on  n'a- 
perçoit plus  traces  de  cette  chaussée,  reconnaissablc  jusque-là  par  sa  forme  bonit}éc 
et  surtout  crayeuse,  quoique  dégradée  parles  sillons  do  la  charrue.  »  (Cf.  Mém. 
de  M.  Clouet,  dans  le  Hull.  <if  l;i  Sn,:.  arcInoL  i/r  Soissons,  t.  1,  p.  13S.)  Il  u'cstpas 
hors  de  propos  de  remarquer  que  le  nom  môme  de  Mnitjnis  fait  allusion  à  un  pas- 
sage {jt'istus)  évidemment  dangereux  de  cette  ■mcicnne  voie. 

{2)  Itin.  f/nl.-roin.du  départ,  de  l'Aisne,  p.  201.  Voici,  d'ailleurs,  les  paroles 
mÊmesdf^  Carlicr  [Hisl.  du  durhii  de  Vnluis,  t.  I,  p.  2^|7),  <iui  atlribno  au  redresse- 
ment de  la  route  de  Nanteuil  la  ruine  du  m.irclié  de  Cré|)y  :  «  Le  chemin  do  Nan- 
teuil à  Viliers  Cotterets  passoit  autrefois  à  Cré|)y.  On  l'a  détourné  par  Gondrevillc 
afin  do  suivre  une  ligne  jilu»  droite  et  pour  é|)arj{ner  une  dcnii-lieue Les  voi- 
tures publiques,  qui  arrivent  préHcntement  à  Nanteuil,  passoient  outre  autrefois, 
surtout  pendant  l'été,  et  venoicnt  coucher  à  Cré|iy.  Ce  changement  a  occasionné  la 


I.  \    IIOUNI.    MlI.I.IAlHi:    MF.    l'AIlIS.  .'{OU 

prononcée  pour  passer  par  Crépy;  c'est  \h  une  erreur  évidonli;  fjue 
prouvent  lieux  textes  itinéraires  remnnl.int,  l'un  au  xiv°(l),  l'autre 
au  milieu  du  xvi"  siècle,  (|ui  assi},Miciit,  pour  le  moyen  ûge,  à  la 
route  (le  Nanteui!  i\  Viilers-Collerets(2)  un  tracé  presque  identique 
à  celui  de  la  iout(!  actuelle,  (juant  à  ro  qui  est  de  la  jiortion  de  l'an- 
cienne voie  d(>  Nantcuil  à  la  roule  de  Flandre  ipii,  de  hoiWH'.  heure, 
a  été  remplacée  par  une  roule  reliant  iJanimarlin  à  Paris  d'une 
part,  h  Nanleuil  de  l'autre,  il  est  bon  de  rappeler  que  M.  de  Lon;.'- 
périor  en  a  observé  des  vestiges  auprès  de  Ver,  le  l'alulium  Vcr- 
num  des  rois  francs,  où  Louis  le  l)è.L,aie,  venant  du  Nord  de  la 
France  par  (Juierzy  et  (]ouipiègne,  i)assa,  en  suivant  évidemment  la 
route  qui  nous  occupe,  pour  se  rendre  à  Saint-Denis  (:i). 

«  Il  y  a  donc  lieu  de  croire  que  la  roule  romaine  mentionnée  par 
la  luilliaire  de  Sainl-Marcel  passait  par  Nantcuil,  Villers-Cotterels 
etSoissons;  ajoutons  que  ce  tracé  est  aussi  direct  que  possible  et 
(|ue  l'enseinhle  de  la  roule,  —  de  Paris  ;\  Reims,  —  mesure  elîecti- 
vement  les  lOo  milles  romains  mentionnés  sur  ce  précieux  monument. 

«  L'antiquité  du  premier  tronçon  de  la  voie  (de  Paris  k  Reims 
mesurant  inrj  milles  romains),  c'est-à-dire  la  portion  comprise  en- 
tre Paris  et  Lou^^res,  est  i)rouvée  par  deux  textes.  L'un  est  une  Vie 
de  saint  Rieul,  cilée  par  l'abbé  Lebeuf,  et  selon  laquelle  ce  bien- 
heureux évèijue  du  m"  siècle,  allant  de  Paris  h  Senlis,  s'arrêta  à 
Louvres  (4).  L'autre  est  le  prétendu  diplùmepar  lequel  Dagobertl"' 
aurait  accordé  le  droit  d'asile  à  l'abbaye  de  Saint-Denis  et  qui,  ayant 
été  rédigé  certainement,  tout  faux  (|u'il  esl,  au  vif  siècle  (5),  parle 

chute  du  marché  au  bled  de  cette  dernière  ville,  dont  tout  le  commerce  est  passé  à 
Nanteuil.  »  —  Il  est  évident  que  si  Crépy. a  été  desservi  au  moyen  âge  par  une  route 
reliant  Nanteuil  à  Villers-Cotterets,  cette  route  fut  établie  pendant  la  période  féodale, 
durant  laquelle  Crépy  devint  le  chrf-licu  du  Valois,  dont  dépendaient  ces  deux  loca- 
lités. 

(1)  «  Aliter  per  Suessionem  do.  Remis  indirecte  :  Jonceri  sur  Veile,  Fine,  Greyne, 
Soysson,  forest  de  Heth  ,  Retzi,  Pistolen  fPisscleuxj,  Lisengacn  [I.evijnen],  Dam- 
martin,  Bourget,  Paris.  »  (Itinéraire  IJourgeois  ce  la  lin  du  xiv'=  siècle,  publié  par 
G.  Leiewcl  dans  répilos:ue  de  sa  Géo/jrojihie  du  mmjpn  (hjn.) 

(2)  Le  guide  dei  chemins  de  France,  dont  la  seconde  édition  parut  en  1552,  décr  t 
ainsi  cette  route  :  «  Nanteuil-lc-Hauldoyn,  Perray,  Levignen,  Vaulnoise,  Valsit-nne, 
Villiers-Coste-Uoz.  » 

(3)  Afin,  lierlin.  ad  ann.  877  :  «  Et  iter  agens  pcr  Carisiacum  et  Compendium, 
usque  ad  Vernum  palatium,  quatenus  ad  sepulturam  patris  sui  (ut  putabat),  apud 
monasterium  sancti  Dionysii  perveniret.  » 

(4)  Lebeuf,  Histoire  de  la  ville  et  de  tout  le  diocèse  de  Paris,  t.  V,  p.  4GS-469. 

(5)  C'est  ce  qui  résulte,  en  premier  lieu,  de  ce  fair  que  Doublet,  le  premier  éditeur 
de  ce  texte  {Histoire  de  l'ahUiije  de  Suint-Dcnis,  p.  G57;,  nous  apprend  que  le  pré- 


:\0\  REVUE   AnClIKOI.OGIOUF.. 

t^galcmcnl  d'une  «  voie  publique  »  condnis;iiit  du  palais  .-oyal  [do 
Paris"  ;\  ce  nu'^mc  liiMi  de  Loiivrcs  (1),  i» 


APPENDICE 

LI-IS  ROUNKS  MII.I.lAIilKS  ])V.  I,A  (lAII-K  l'OUTAM  LK  NOM 
I)i:  MAXIMl.N   llAZA  NUlMLISSIMVS  CAKSAll 

Du    l"'   mai   :»0j    au    i<f  janvier   aos. 

Il  existe  en  Gaule  neuf  bornes  inilliaires  (en  comptant  celle  de 
Paris)  qui  portent  les  noms  de  Maximin  Dazii,  qualifu'  de  nobilissi- 
mus  Caesnr,  et  qui  se  trouvent,  par  conséquent,  coinprisps  dans  la 
période  des  trois  années  30.')  (à  partir  du  l""  mai),  3U(i  et  307. 

—  1°  Celle  de  Villeneuve,  en  Suisse,  trouvée  sur  les  bords  du 
lac  de  Genève.  L'inscri[ition  en  est  ainsi  coneue  et  a  été  suppléée, 
avec  certitude,  de  la  manière  suivante,  par  M.  iMomnisen  (S)  : 

D'D  NN  CONSTANT  10  INV  AVG 
ET   MAXIMl  /NO  INVICT   AVG 
(nom  martelé)       SEVERO  ET  MAXIMINO 

NOBILISSIMIS    CAESS 
F  C  A  M  XXVI  (3) 

tendu  original  était  écrit  <<  sur  l'corco  d'ftrbro  »,  c'cst-îl-diro  sur  |i;i|iyrus  ;  en  sr- 
cond  lieu,  de  la  substitution  si  fréquonlc  de  l'e  à  l'idans  l'orlliograplio  do  beaucoup 
de  mots  du  texte  et  «(ui  reporte  certainement  la  rédaction  de  cl*  texte  à  l'époquo 
mérovingien  nt', 

(i;  (I  Id  est,  quisquis  fugitcvoriini  pro  (inolibct  scclvrc  ad  prx'faiani  baselicam 
bcatoram  marterum  fugicns,  Tricenam  ponieni  advenerit,  vcl  ex  parte  Parisius  vc- 
nicDS,  Monteui  Marterum  pra3ierifrit,  sivo  do  p  ilacio  iioslro  egrcdicns  pubticam 
vidiii  <ju(i:  jtcnjit  uil  I.Hvrrain  transierit » 

(2;  Inscnpt.  Confued.  llelvet.,  W  313. 

(3)  F(oruwi;  C{laudii)  \(nfjiis(i)  M{iltin  imisutim)  XXVI.  C'est  la  distance  à  partir 
déco  Forum  r/«uf/n  (qui  n'est  autre  ^ix'Oclodurus,  Martigny).  11  Taudmit  cependant 
KT  ou  commencement  de  la  3"  ligno  ou  à  la  tlo  du  lu  2'.  Do  plus,  le  mm  de  Sévère 
e\t  généralement  précédé  de»  deux  au'r<»5  nom*  de  rot  empereur  :  F,',-  VAI. 


LA    BORNE    MILI.IMRE    DR    PARIS.  liOli 

Il  est  évident  que  celte  inscription,  étant  antérieure  5  la  mort  de 
Constance  Cliloi-e  et  posléi-ieure  à  son  litre  d'Auguste,  est  comprise 
entre  le  1"  mai  305  et  le  2'>  juillet  .'iOG.  Le  nom  de  Sévère  fut  mar- 
telé sans  doute  après  le  commencement  de  l'an  .'{07,  lorsqu'il  entra 
en  luUcavccMaximicn,  lutte  dans  laquelle  il  fut  tué  presque  aussitôt. 

—  2"  Celle  du  Péagc-de-Uoussillon,  sur  la  route  de  Vienne  h 
Valence  (1),  est  antérieure  à  l'érection  de  Sévère  au  rang  d'Au- 
guste puisqu'il  y  est  qualifié  du  titre  de  nofnlissimm  Caesar,  et 
postérieure  à  l'abdication  de  Dioclélien  :  elle  est  donc  comprise  dans 
la  même  i)ériodc.  Un  peut  la  suj)pléer  ainsi  : 

[AVGVSTIS    NN 

FL- VAL • CONSTANTIO 

ET    GALERIO    VAL 

MAXIMIANO     ET] 

NOBILISSIMIS 

CAESARIBVS 

FLAVIO  VALERIO] 

SEVERO^ET    GAL] 

[VAL    MA]XIM[INO] 

On  remarquera  la  qualité  de  nobilissimi  Caesares,  précédant  les 
noms  des  empereurs  qui  sont  décorés  de  ce  titre. 

—  3"  Entre  Annemasse  et  Estrambières,  dans  la  Haute-Savoie, 
a  été  trouvée  une  borne  milliaire,  aujourd'hui  perdue,  mais  dont  le 
texte  nous  a  été  conservé  complet  (2)  : 

IMP    es   GAL   VAL  (3) 

MAXIMIANO   P  F   INVIC 

ET    FLA    VAL    SEVERO    P    F    IN    AVG  (4; 

•       ET    GAL    VAL    MAXIMI  N  NO  (.stc) 

ET    FLA    VAL    CONSTANTINO 

NOB  CAES   MP   (5) 

(1)  Allmer,  Inscriptions  de  Vienne,  I,  p.  138,  ti"  35  et  pi.  IV. 

(2)  Voyez  Louis  Revoa,  Inscriptions  antiques  de  la  Haute-Savoie,  p.  6i;  cf. 
AUmer,  1,  p.  144,  n»  39. 

(3)  Il  y  avait  sans  doute  GiîlS. 

(4)  Peut-être  y  avait-il  AVGG. 

(o)  Pent-ôtre  y  avait-il  :  NOBB  CAESS. 


nOG  HKViE  Mu;ni:oi.oc.ioiT.. 

Celle  inscriplion,  t-laiil  posUrieure  au  secoiul  aYi-nomonl  de 
Maximien  el  anlêrii-ure  à  la  morl  de  Sévère,  se  place  enlre  la  lin  de 
300  L'I  le  mois  de  mars  'MM. 

i"  Une  aiilre  lioriie  milliaire,  (rouvre  en  1.^56  (deux  ans  après 

la  publication  des  Jnscriplions  delà  Suisse  par  M.  Mouunsen),  cnlro 
Vevej  el  Clarens,  sur  les  bords  ilu  lac  de  Genève,  porte  riiiscriplioii 
suivante  : 

DDNN 

MAXIMIAN 

ET    SEVER    AVG 

ET    MAXIA^IN 

ET    CON5TANTINO 

N  OBB    CAESS  (1) 

Elle  doit  se  placer  à  la  môme  date  que  la  précôdenle,  c'esl-à-dire 
entre  la  fin  de  :10C  et  le  mois  de  mars  :i07. 

—  5"  M.  MoNval  nous  communique  re>lampage,  pris  par  lui,  de 
l'inscription  milliaire  du  ciraclièrc  de  Caro  (Moibilian)  (2).  La 
pierre,  irès  fruste,  peimetde  lire  seulement  les  mots  suivants  : 

///////////////////////// 

(croix  chrétienne)  t  NOB  CAES 

C  •  V  ■  MAXIAM 

////NO  P  F   INV 

/////I/////S    AVG 

Ce  fragment  présente  une  particularité  remarquable  : 
Les  noii;s  du  ou  des  Césars  précédent  celui  de  l'Auguste.  C'est 
celte  exception  même  (lui  fixe  la  date  d\i  monument.  H  est  évident, 
en  eiïel,  que  le  nom  de  cet  Auguste  a  été  ajouté  après  coup,  et  il  n'a 
dû  l'être  qu'à  partir  du  rapprochement  de  Constantin  avec  Maxi- 
mien ;  car  c'est  bien  de  Maximien  cju'il  s'agit  ici,  la  lettre  A  man- 
([uaiil  au  commencement  di-  l'avanldurniéie  ligne  doil  être   sup- 

(1)  Bonslctten,  Carte  archéoloyii/ue  du  canton  de  \uud,  p.  '.2. 

Cl,  Cette  borne  a  été  dûcouvertc  par  M.  de  Kùranflecli  en  1838,  ci  ille  se  trouTC 
signalilc  par  M.  Aurélicn  <l<;  Coursoii,  Cartulnirc  de  Itcdon,  1803,  p.  cixxvii  des 
VroUgommei  v\.  note  0.  L^  tixi'  donné  dans  celle  note  csl  iiicoujplet  et  inexact. 


LA    BOn.NK    MILMAIRK    DK    PARIS.  .107 

plùéo,  (|uoi(|u'il  n'en  rL'sto,n(m.s  dit  M.  Mowat,  atirune  Iraccsur  la 
pierre.  Nous  proposons  duiic  la  reslilulion  suivanle  : 

[  D  N  •  F  L  •  V  A  L 

CONSTANTINO 

AVG    ET 

DN    GAL • VAL 

MAXIMINO] 

NOB    CAES 

C  •  V  -MAXIMI 

[A] NO    PF    INV 

[SE  M  PERI?  ////!////  AVG 

////////////////// 

Cette  inscriplion  aurait  donc  été  gravùe  entre  le  31  mars  307  et 
le  4""  janvier  308. 

—  6"  Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  qu'on  trouve,  dans  la 
région  des  Alpes,  des  bornes  miliiaires  aux  noms  de  Maximien  Au- 
guste et  de  Maximin  Daza  César,  desquelles  ceux  de  Constantin  sont 
systématiquement  exclus  et  où  ligure  cependant  celui  de  Maximin 
Daza  en  qualité  de  nobilissimus  Caesar,  comme  la  borne  milliaire 
d'Annemasse  (Haute-Savoie),  dont  l'inscription  est  complète;  car, 
au-dessus  de  la  première  ligne,  la  pierre  présente  un  bourrelet  for- 
mant chapiteau,  ce  qui  prouve  que  l'on  a  utilisé  une  des  colonnettcs 
de  quelque  édicule  pour  en  faire  une  borne  itinéraire  (1). 

IMP    CES • GAL 

/////AL    MAXIMIANO 

P  •  F  •  INVIC    AVG 

E[Ti    MAXIMINO 

NOB    CAESARI 

Il  faut  nécessairement  placer  cette  borne  entre  la  fin  de  306  et  le 


(1)  Revon,  hiscriptiom  antiques  de  la  Haute-Savoie,  p.  33,  et  Allmer,  Inscrip- 
tions de  Vienne,  I,  p.  143,  n*  38.  Voyez  surtout  VAfias,  269-139,  pi.  xxxviii- 
xxui. 


308  REVUK    ARCHÉOLOGIQUK. 

31  mars. 307,  ptViode  postérieure  au  second  avèncmenl  de  .Maximion 
el  anu^ncure  au  rapprorliemeiililecel  em[)ereur  eUie  ConsUmiiu. 

—  1"  el  H".  Au  musée  d'Amieus  se  conserve  «  un  fraj^'inent  »  {\) 
que  M.  Mowala  signalé  tians  une  récente  séance  de  la  Société  des 
Anlitjuaires  de  France,  cl  doiil  la  teneur  esl  identiijuement  la  même 
que  celle  de  Paris  (juanl  aux  titresde  Maximin  Uaza.  Nous  la  resti- 
tuerons de  même,  el  nous  lui  assignerons  la  même  date.  M.  Mowal 
a  jiidicieusemenl  e\plit|ué  la  dernière  ligne  :  A  S{(imarabrira] 
L[eu(ja}  l(');  ce  qui  prouve  que  Tancien  nom  gaulois  du  chef-lieu 
de  la  cilé  des  Ambiani  avait  persisté  plu^  longl 'Uips  qur  celui  de  la 
cité  des  Parisii,  Lucotccia  ou  Lutetia.  De  plus,  on  remarquera,  par 
contre,  que  la  distance  esl  comptée  en  milles  sur  la  borne  de  Paris 
el  eu  lieues  sur  celle  d'Amiens. 


Borne  milliaire  d'Amiens.  Borne  milUaire  de  Paris, 

[DD    NN    M-AVR  [DD    NN    M  •  AVR 

MAXIMIANO  MAXIMIANO 

ET  •  FL  •  VAL  ET    FL • VAL 

CONSTANTINO  CONSTANTINOJ 

AVGG-ET  AVGG     ET 

(SIC)  BN    GAL    VAL  (2)  DN    GAL    VAL 

MAXIMINO  MAXIMINO 

NOB    CAESARI  NOBIL    CAES 

A  S     L     I  A    CIVPAR 

R    CV 

La  date  des  deux  monuments  est  donc  comprise  entre  le 
31   mars  307  el  le  1*^^'  janvier  308. 

On  s'esl  étonné  que  le  texte  conservé  des  deux  inscriptions  soit 
exactement  le  même;  mais,  (juand  une  partie  mani|ue  à  une  ins- 
cription milliaire,  cVsl  presque  toujours  la  partie  suiiérieure. 

—  y°  Enlin  nous  sii,'nalerons  un  autre  fragment  ijui  a  été  trouvé 
au  siècle  dernier,  à  Cenon,  au  conlluenl  de  la  Vienne  el  du  Clain 
(arrondissement  de  Cliàlellcrauli),  et  Irau^porlé  au  château  du  Fou, 

M)  Cntaloijuf  lin  must'c  ifAmiern-,  1K76;  p.  55,  ii"  L'34. 

(2)  Il  est  probable  que  en  U  (pour  D)  est  le  ré6ult;it  d'un  aocicn  H  mal  ofTfccé  et 
apparinnaut  à  une  inscription  aDtéricurc. 


i.\  n.)HNK  MiLi.iMui-,  Di;  i'Mus.  :jO!) 

où  l'a  vuUouriyiioii,  (jui  Ta  publii';  (Ij.  Il  est  facilt;  d'en  suiiplt-er 
le  lexle.  Son  disposilif  est  à  peu  près  le  inôrae  que  ceux  des  Ijornes 
de  Paris  et  (rAiiiicus,  et  il  se  pla(  e  à  la  môme  date,  c'cbt-à-dire 
entre  le  31  mars  3UG  et  le  1"  janvier  31)8. 

IDD  •  NN  •  M  •  AVR 

MAXIMIANO 

ET-  PL  •  VAL 

CONSTANTINO 

AVGG    ET 

'      DN    G  AL    VA[L] 

MAXIM[INO] 

[N]0B1L    CTAES] 

INVIC[TO] 

P  •  L  X  II  (2) 

Plusieurs  autres  bornes  milliaires  de  la  Gaule  portant  le  nom  de 
Maximin  sont  imputables  à  C.  Julius  Verus  Maximinus  Augustus 
et  à  son  fils  C.  Julius  Yerus  Maximus  nobilissimus  Caesar,  empe- 
reurs de  23  j  à  238. 

ERxtsT  Desjardins. 


(1)  Dissrrtation  sur-  l'endroit  appelé  «  Vieux  Poitiers»,  178G,  in-8,  p.  13;  repro- 
duit par  Dufour,  De  l'ancien  Poitouet  de  sa  capitale,  1826,  in-18,  p.  230. 

(2)  P(i'donev)  ou  P(iclavos)  h{eugae)  Xll.  Ce  qui  fait  XVllI  milles  romains  ou 
vingt-six  kilomètres.  Cenon  est  à  28  kilomètres  de  Poitiers;  la  borne  milliaire  ne 
provient  peut-être  pus  de  Cenon  môme,  mais  des  environs. 


i:xrL011ATlUN 


DL' 


TUMULUS  DE  KERIIUÉ-RRAS 

Eîf  PLOIJÉOÏÏR-LMYERN  (Finistère^ 


Enchâssant  avt^c  un  de  mes  nmis,  je  reconnus,  il  y  a  quehjues 
années,  trois  luniulus  au  sommet  d'un  coteau  dominant  le  petit 
cours  d'eau  qui,  venant  de  Plot,'astel-Sainl-CiL'rmain,  se  jette  dans  le 
porl  de  Ponll'Al)lié.  Deux  d'entre  eux  étaient  explorés;  le  troisième, 
grâce  à  ses  imposantes  dimensions,  avait  échappé  à  toute  violation. 

Ces  trois  lumulus,  placés  à  l'extrémité  est  de  la  commune  de  Plo- 
néour,  quoique  à  trois  kilomètres  seulement  du  bouri{  de  Plogasiel, 
sont  sur  les  terres  duvillage  de  Kcrhué-IJras,  dans  un  lieu  d'où  la 
vue  s'étend  à  l'intini.  On  les  découvre  du  bourg  même  de  Plogastel, 
où  il  existe  encore,  aux  issues  de  ce  bourg,  les  traces  très  apparen- 
tes de  deux  opiudums  considérables.  L'un  de  ces  retranchements  est 
rectangulaire  et  mesure  ÎJ'J  mètres  sur  100  ;  l'autre,  circulaire,  à  'iO 
mètres  nord-est  du  premier,  mesure  iO  mètres  de  diamètre  (1). 

Le  plus  grand  des  trois  tumulus  de  Kcrhué,  —  celui  que  nous 
venons  d'explorer,  —mesurant  IW)  mètres  de  diamètre  sur  0  mètres 
d'élévation,  ne  contient  pas  moins  de  o.OoO  mètres  cubes  de  terre. 
Je  comprends  que  sa  masse  énorme  ait  arrêté  les  explorateurs  qui, 
;'i  une  èpo(iue  impossible  à  déterminer,  ont  ouvert  les  deux  lerlros 

i\)  \.f  plateau  circonscrit  par  lu  premièTC  de  cch  enceintes  est  mis  vu  culturo  de- 
puis <iuclqu-«  annuel.  Le  rtiliivat.-ur  ipii  l'n  dL-friclii;  m'a  dit  y  avoir  trouvé  un 
urand  nombre  d.!  fragnicnu  de  poterie  et  d'objets  en  fir  (lu'ii  na  pas  pris  le  soin  de 
recueillir. 


KXIM-OIIAIION    IH:    T(  MlM.l  S    I)F.    KEHII  t :i:-llll  \S.  3il 

plus  modestes  qui  l'avoisincnl,  cl  qui  sont  situes  l'un  h  25  mètre» 
nord-ouest  (le  lui  et  l'autre  à  70  mètres  nord  de  ce  derniir. 

Comme  je  l'ai  déjà  dit,  ces  deux  mo- 
numents, (jui  ont  l'un  10  mètres  et  l'au- 
tre 25  mètres  de  diamètre,  ont  été  explo" 
rès,  et  le  plus  petit  d'entre  eux  laisse 
voir  à  son  centre  une  chambre  de  1"',40 
de  large,  ouverte  à  ses  deux  extrémités,  \^ 

creusée  au-dessous  de  la  surface  du  sol 
et  recouverte  d'une  table  mesurant  :i  mè- 
tres .nir  2°, 23,  (]ui  repose  sur  deux  pili(!rs 
construits  en  petites  pierres  maçonnées 
à  sec.  L'autre  petit  tumulus,  creusé  en 
plusieurs  endroits,  ne  laisse  voir  aucune 
pierre. 

Après  bien  des  pourparlers,  au  mois 
de  juillet  1875,  je  commençai,  avec  une 
dizaine  d'hommes,  rexploralion  du  grand 
tumulus  de  Kerhué:  mais,  avant  la  lin 
du  jour,  je  fus  obligé  de  me  retirer  de- 
vant le  mauvais  vouloir  du  fermier. 

Depuis  cette  époque  je  fis  de  nombreu- 
ses tentatives  pour  arriver  à  l 'exploration 
de  ce  beau  monument,  qu'il  me  tenait 
tant  à  cœur  de  visiter  ;  mais  tous  pour- 
parlers restaient  inutiles.  Enfin,  le  43 
novembre  dernier,  je  trouvai  le  proprié- 
taire mieux  disposé  et  traitai  avec  son 
fermier  du  droit  d'exploicr. 

Le  16,  au  malin,  malgré  un  froid  ri- 
goureux, je  me  mettais  en  roule,  dés  les 
cinq  heures,  avec  douze  hommes.  Arrivé 
sur  les  lieux,  tout  le  monde  se  mit  à  la 
besogne  avec  ardeur,  et  nous  ne  lar- 
dâmes pas,  dans  sa  partie  est,  à  faire  une 
large  tranchée  dans  les  flancs  du  tumu- 
lus. Mais  bientôt  le  locataire  de  Kerhué, 
voulant  tirer  parti  de  la  situation,  nous 
créa  de  nouvelles  dillicultés,  que  je  dus 
aplanir  par  quelques  écus  ajoutés  à  ceux  qu'il  avait  déjà  touchés. 
C'était  le  dernier  épisode  des  inquiétudes  que  j'eus  de  ne  pouvoir 
arriver  à  mon  but. 


:\\i  IIKMK     AllCIlKOl.OliigL'I.. 

Avaiii  la  lin  du  jour,  mes  liomincs  avaiciu  uns  à  dôcouvoii  quel- 
ques pelilcs  pienci  ijuc  je  lis  laisser  en  place.  Ces  i)ienes  parais- 
saient anionci'léts  avec  soin,  el  je  fis  |toussi'r  la  tranchée  en  allant 
vers  l'ouest,  jus(ju'à  re  que  je  fusse  arrivé  à  la  (in  do  rjuioncellc- 
nienl.  Mais,  i\  ce  niouunt,  la  nuit  était  venue. 

Le  leiidcinain,  nous  étions  au  jour  à  la  hesopnr,  et,  lovant  avec 
précaution  toutes  ces  pierres  (jue  nous  avions  mises  h  découvert  sur 
un  espace  de  six  à  sept  mètres  carrés,  nous  ne  tardâmes  pas  ;\  re- 
connaître qu'elles  recouvraient  deux  énormes  pierres  plates,  de 
"i  métros  sur  -■",40  et  3  mrtressur  3'°,.")0.  Nous  étions  évidemmcnl 
en  face  d'une  sépulture  en  forme  de  galerie  couverte,  dans  la(}uellc 
il  fallait  pénétrer  par  une  des  extrémités,  ou  en  essayant  de  se 
glisser  enire  les  deux  tables,  après  avoir  écorné  l'une  d'elles.  Ce 
n'était  pas  chose  facile,  car  elles  avaient  -40  centimètres  d'épais- 
seur. Ce  fut  \h  cependant  le  parti  que  nous  dûmes  prendre. 

Avant  de  pénétrer  à  l'intérieur  de  la  sépulture,  notons  le  soin 
pris  de  disposer  sur  ces  deux  grandes  tables  deux  couches  superpo- 
sées de  pierres  plates,  de  fa(;on  fi  empêcher  toute  inliltration  de 
pénétierù  l'intérieur  de  la  chambre  sépulcrale. 

Ainsi  que  nous  l'a  montré  notre  tranchée,  l'enveloppe  de  la  sépul- 
ture, c'esl-îi-dire  le  tumulus,  a  été  fait  de  terre,  à  l'exclusion  de 
tout  mélange  de  pierres.  Dans  cette  masse  de  terre  que  nous  avons 
remuée,  nous  avons  trouvé  quelques  fragments  de  poteries  gros- 
sières, parmi  lesquels   un  seul,  à  couverte  noire,  mérite  quebiue 


intérêt,  parce  (|u'il  porte  ufie  ornementation  en  chevrons.  Jo  l'ai 
dessiné  sous  le  n"  1.  Nous  y  avons  encore  constaté  la  [irésence 
d'assez  nombreux  éclats  de  silex,  île  morceaux  de  charbon,  et  enlin 


KXPI.OIWTION    DU   TUMULUS    Df,    KrinHI'K-nil AS.  'Wli 

(le  plusieurs  larges  espaces  de  terre  calcinée,  foyers  dus  projiahle- 
mrnt  aiiranipemcnl  des  indigènes  sur  les  lieux,  durant  la  construc- 
tion du  tiimulus. 

Notons  encore  que,  parmi  les  pierres  qui  recouvraient  les  deux 
tables,  nous  avons  relevé  une  pierre  ;\  concasser  le  blé  et  son 
broyeur,  l'un  et  l'autre  brisés,  comme  il  arrive  ordinairement  lors- 
qu'on rencontre  ces  objets  dans  les  sépultures. 

Pénétrons  maintenant  dans  la  cbambre  sépulcrale.  L'un  de  mes 
hommes  parvient  à  entamer  la  plus  petite  des  tables,  que  nous  sou- 
levons de  quchiues  centimètres.  Nous  reconnaissons  aussitôt  que  la 
chambre  est  remjilie  de  terre,  laissant  seulement  un  espace  vide  de 
i5  centiraèires  au-dessous  des  tables.  Nous  enlevons  cette  terre  assez 
diiricilcment  d'abord,  jus(ju';\  ce  que,  ayant  fait  uni-  excavation 
suflisante,  un  de  mes  travailleurs  puisse  se  glisser  à  l'intérieur  du 
monument. 

Le  soir  était  venu  ;  il  fallut  parlir,  laissant  toutefois  un  homme 
campé  sur  les  lieux;  car  tout  le  montle,  dans  le  voisinage,  parlant 
de  trésors  cachés,  on  était  assez  disposé  à  venir  déblayer  la  chambre 
à  la  lueur  de  la  lune. 

Le  lendemain,  d'assez  bonne  heure,  ayant  avancé  d'environ  qua- 
rante centimètres  vers  l'ouest,  sous  la  table  T'  (voir  le  plan),  nous 
rencontrons  en  F,  vers  le  centre  de  la  galerie,  entre  quatre  pierres 
ulacées  de  champ,  une  pointe  de  flèche  en  silex,  à  ailerons,  puis 


deux,  puis  trois.  Enfin  nous  en  relevons  successivement  trente- 
deux,  dont  l'une  a  conservé  une  partie  de  sa  tige  en  bois,  plus  une 
trente-troisième  en  cristal  do  roche.  Toutes  étaient  déposées  sur  un 
plancher  en  bois. 
J'ai  figuré  sur  Us  ft'iiillos  de  de>sin  qui  accompagnent  ce    mé- 


:ni 


REVUE   ARCHh'OLOGIQUR. 


mais  toutes 


mniro.  sous  los  n"*  5,  :)  et  /i.  If  \\rM\\  de  trois  de  ces  Ilèches  barbeircs 
en  silei,iiui  sont  tnillrcs  avec  une  adresse  vraiment  merveilleuse, 

et  au-^si  celle  en  cristal  de  roche  sous  le  n»  ;>. 

11  va  sans  dite  que  ces  trente-deux  pointes  de 

nèc.lie  ne  sont  pas  de  môme  taillt 

rentrent  dans  les   formes 
,  \      de  celles  ipie  j'ai   repré- 

Oue  penser  de  ces  ins- 
truments si    parfaitement 

obtenus?  Ne  doit-on  pas  y 

voir  des  armes  de  luxe  ou 

de   parade,  probablement 

réservées  à  un  cbef.'  Il  est 

en  effet  diflicile  d'admettre 

([ue  l'on  prît  tant  de  soins 

pour  faite  des  pointes  qui 

devaient  être  perdues  ou 

brisées  à  cbaque  In it lancé. 
Continuant  notre  exploration,  nous  trouvons,  prés  de  ces  flècbes, 
un  lit  de  pierres  de  petites  dimensions,  et  sous  ces  pierres,  déposées 
entre  deux  plancbes,  dont  celle  du  dessous  est  placée  sur  le  tuf  for- 
mant le  sous-sol  environnant,  un  premier  poignanl  en  bronze,  du 
type  de  celui  dessiné  pi.  YIl,  H-  1,  mesurant  14  centimètres  de  long 
sur  6  centimètres  de  large  au  sommet,  poignnrd  à  rivets  et  à  bout 
rond,  orné  sur  son  pourtour  de  deux  lilels  en  creux. 

Près  de  ce  poignard,  nous  trouvons  une  petite  baclie  en  bronze, 


bacbe  à  rebords  peu  saillants,  portant  encore,  à  son  extrémité  oppo- 
sée au  tranchant,  les  traces  d'un  mancbe  en  bois  (n'^  7). 
Un  peu  plus  loin  à  gauche,  en  nous  dirigeant  toujours  vers  l'ex- 


EXPI.on\TIO.N    DU    Tl!MlILL'S    DF.    KKIIHUK-BRAS.  315 

trémil^'  oueBtflu  caveau,  nous  rencontrons  un  morceau  de  bronzt!, 
puis  un  second,  puisenlin  un  Iroisiùnie  ;  le  louL  fornianl  l'ensemble 
(l'une  ép<l'C  à  double  filet,  dessinée  pi.  VII,  fig.  2,  intentionnellement 
brisée  avant  son  dépôt  dans  la  sé[)ullure.  Celte  épée,  lonf,'ue  de 
35  centimètres,  est  à  six  nvels  et  conserve  encore  autour  des  rivets 
des  fragments  de  son  manche  en  liois.  Kllc  esta  bout  rond,  plate  et 
mince,  ainsi  (]u'on  le  voit  dans  mon  dessin.  L'extrémité  de  l'épée 
destinée  ;i  êli-e  piise  dans  le  mancluï  est  trèscouile. 

Revenant  vers  le  milieu  de  la  galerie,  nous  trouvons  un  second 
poignard,  dessiné  pi.  VII,  lig.  1.  Ce  poignard,  mesurant  20  centi- 
mètres de  long  et  0  ceiitim.  1/2  à  sa  partie  la  plus  large,  est  à 
double  filet  et  à  bout  rond.  Sa  lame  est  plate,  légèrement  plus 
épaisse  au  milieu.  Le  manche  était  maintenu  par  six  rivets.  Il  était 
en  bois,  ainsi  que  le  montrent  les  rester-  fixés  aux  rivets,  et,  de  plus, 
la  partie  de  ce  manche  qui  couvrait  la  lame  était  légèrement  circu- 
laire, avec  échancrureen  demi-lune  au  milieu,  ainsi  que  le  prouve 
un  petit  bourrelet  en  métal,  excessivement  mince,  resté  adhérentà 
la  lame,  bourielet  qui  pourrait  bien  avoir  été  fixé  à  la  partie  supé- 
rieure du  fourreau. 

Près  de  ce  poignard  en  était  un  troisième,  de  même  type  et  de 
mènit!  dimension;  puis  enfin  un  quatrième,  également  semblable, 
mais  fortement  replié  en  deux. 

Ces  quatre  poignards  et  l'épée  étaient  disposés  en  cercle  autour 
des  pointes  de  (lèche,  la  pointe  tournée  vers  le  centre  du  cercle. 

Poursuivant  notre  exploration,  en  nous  dirigeant  vers  l'ouest, 
nous  constatons  toujours,  au  fond  de  la  chambre,  un  plancher  en 
chêne  recouvert  en  divers  endroits  d'une  couche  de  feuilles,  parmi 
lesquelles  nous  relevons  plusieurs  glands  et  des  noisettes,  dont  nous 
avons  pu  recueillir  quelques  exemplaires. 

Nous  arrivons  ainsi  à  l'extrémilé  ouest  de  la  chambre,  sans  ren- 
contrer autre  chose  (|ue  des  fiagments  de  charbon,  quelques  percu- 
teurs et  un  fragment  du  fond  d'un  vase;  celui-ci  dans  les  couches 
supérieures  de  la  terre  remplissant  la  galerie. 

Revenons  sur  nos  pas,  et  explorons  maintenant  la  partie  de  la 
chambre  placée  sous  la  table  T  (voir  le  plan),  eu  nous  dirigeant 
vers  l'est. 

En  0  nous  trouvons,  déposée  sur  le  plancher  du  fond,  une 
épaisse  couche  de  cendre,  dans  laquelle  il  est  facile  de  reconnaître 
quelques  petits  fragments  d'os  tombant  en  poussière  et  de  nombreux 
morceaux  de  charbon.  C'étaient  les  restes  incinérés  du  guerrier 
pour  qui  avait  été  élevé  ce  colossal  monument. 


316  RKVUE   AHCHÈOLOGIOUE. 

A  viii^'l  ('(«nlimùlres  plus  loin,  en  A,  nous  nous  heurtons  à  une 
inormc  puMii*  de  00  rontirnùlrcs  de  large,  arobouléc  contre  la 
muraille  soutenanl  la  lahie  T,  et  laissant  un  assez  large  espace 
libre  entre  celle  muraille  et  elle,  sorte  de  cachetle  admirablement 
protê^'ée  contre  loul  accident  extérieur. 

Eu  relir.mt  soigneusement  d'une  main  les  terres  fines  qui  l'en- 
combrent.  tandis  que  de  l'autre  main  nous  tenons  une  lumière, 
nous  ne  tardons  pas  5  en  sortir,  avec  une  exclamation  d'enlliou- 
siasme,  un  objet  en  pierre  polie  d'une  dimension  extraordinaire, 
mesurant  'M  centimètres  de  long.  (]et  objet  a  quatre  faces.  Je  l'ai 
prolilé,  sous  deux  de  ses  faces,  dans  les  dessins  accompa;^nant  ce 
mémoire  (pi.  VII,  Hg.  3  et  4).  Il  a  0°,0W  de  large, O^OIO  d'épais- 
seur au  milieu,  et  se  termine  aux  deux  extrémités  en  forme  de 
croissant. 

Sous  lui  était  la  grande  hache  en  bronze  dessinée  iil.  VU,  lig.  Ti, 
à  rebords  très  peu  saillants.  Cette  hache  était  enveloppée  d'une  gaine 
en  métal  dont  j'ai  pu  conserver  une  grande  partie,  aiusi  que  je  l'ai 
indiqué  sur  mon  dessin. 

Ces  deux  objets  placés  près  des  restes  du  défunt  et  si  soigneuse- 
ment protégés  contre  tout  accident  étaient  évidemment  les  objets  les 
plus  précieux  déposés  dans  cette  sépulture. 

Que  pouvait  élre  ce  grand  instrument  en  jnerre  polie  si  habile- 
ment travaillé?  Je  ne  sais;  car  je  ne  trouve  aucun  terme  de  compa- 
raison dans  mes  souvenirs.  Je  serais  cependant  disposé  à  y  voir  le 
signe  extérieur  de  l'autorité  tl'un  chef,  une  sorte  de  bâton  de  com- 
mandement, en  un  mol. 

J'eusse  voulu  pouvoir  préciser  la  nature  de  la  pierre  de  ce  bel  objet  ; 
mais  ses  dimensions  rendent  difficiles  les  pesées  qui  pourraient  fixer 
sa  densité.  J'en  suis  donc  réduit  aux  suppositions.  C'est,  je  crois, 
un  schisie  métamorphisé. 

En  H  (voir  le  plan),  au  côté  opposé  de  la  galerie,  nous  trouvons 
en>uile  un  cinijuiémc  poignard  en  bronze,  sous  leiiuel  nous  en 
voyons  un  sixième,  entre  deux  planches,  au  milieu  d'une  couche  de 
feuilles  de  chêne. 

Dégageant  autant  que  possible  celui  de  dessus,  nous  enlevons,  en 
passant  par-dessous  avec  une  truelle,  les  deux  en  même  temps,  et 
au  jour  je  reconnais  que  celui  de  dessus  a  conservé  la  prcsijue  tota- 
lité de  son  manche  en  bois.  Je  l'ai  dessiné  id.  VII,  fig.  0.  A  double 
filet,  à  rivets  et  à  bout  rond,  il  est  du  même  type  que  les  précédents, 
seulement  sa  lame  ne  mesure  (pieO^jO!)  à  paitir  du  manche,  tandis 
que  ce  manche  a  t»",!)!!.). 


KXPLOltM'iO.N    DU    TUMUHJS    UE    KKIiriUK-llllAS.  .'{17 

Depuis  qu'il  est  déposé  dans  une  de  mes  vilrines,  le  bois  du  man- 
che en  st''cliant  se  soulôvc,  et  j(!  rvn\n>  de  ne  pouvoir  le  conserver 
dans  sa  foniu'. 

Le  poignard  qui  se  trouve  entre  deux  planches  en  dessous  de 
celui-ci  est  à  laine  ondulée.  J'ai  dessiné  pi.  VII,  W'^.  7,  In  partie  de 
sa  lame  que  je  vois,  figurant  l'autre  partie  cachée,  ainsi  que  je  l'en- 
trevois. 

Un  peu  plus  loin  nous  trouvons  un  fragment  de  poterie,  morceau 
du  bord  d'un  vase  en  terre  rouge  assez  grossière. 

La  galerie  complètement  dégagée,  nous  reconnaissons  qu'elle  esl 
fermée  aux  deux  extrémités  par  deux  grandes  pierres  posées  de 
champ,  mais  placées  là  après  que  les  tables  avaient  été  mises  sur 
les  piliers  de  côtés,  car  ces  tables  ne  portaient  pas  sur  elles. 

Les  côtés  de  celte  galerie,  qui  mesure  3"',o0  de  long  et  {""joO  de 
large,  sont  formés  par  trois  grandes  pierres  posées  de  champ  et  pour 
le  surplus  en  pierres  maçonnées  à  sec.  La  hauteur  sous  table,  à 
partir  du  sous-sol  sur  lequel  reposait  le  plancher,  au  plafond,  est  de 
l'°,40. 

Chose  digne  de  remarque,  ce  caveau  sépulcral  n'était  pas  ici, 
comme  nous  le  rencontrons  d'ordinaire,  posé  sur  la  surface  du  sol 
environnant.  La  sépulture  avait  au  contraire  été  creusée  au-dessous 
de  celte  surface  jusqu'au  tuf,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  le  dessin  don- 
nant la  coupe  du  tumulus  et  de  la  chambre  sépulcrale. 

Il  faut  encore  noter  un  autre  fait  assez  important.  C'est  que  cette 
chambre  sépulcrale  a  été  intentionnellement  remplie  d'une  terre 
excessivement  fine  recouvrant  une  couche  de  pierres  posées  par- 
dessus les  objets  placés  sur  le  plancher  du  fond;  parmi  ces  pierres 
nous  reconnaissons  quelques  percuteurs  et  quelques  pierres  usées, 
sans  doute  des  molettes  à  concasser  le  blé.  A  la  façon  dont  les  inter- 
stices entre  les  deux  tables  et  les  pierres  des  côtés  étaient  soigneu- 
sement recouverts  et  entourés  d'une  épaisse  couche  de  petites  pier- 
res, il  était  impossible  que  les  terres  du  tumulus  se  fussent  infiltrées 
à  l'intérieur  de  la  chambre.  Si  nous  avons  trouvé  un  espace  vide  de 
quehiues  centimètres  entre  ces  terres  et  le  plafond  de  la  chambre, 
cela  est  dû  au  tassement  des  terres  dont  on  l'avait  remplie. 

Cette  magnifique  sépulture  est  digne  du  plus  grand  intérêt,  d'a- 
bord parce  qu'elle  était  assurément  non  violée  au  moment  où  nous 
en  avons  enlevé  les  dépôts  qui  lui  avaient  été  confiés;  mais  aussi  par 
l'importance  de  quelques-uns  des  objets  que  nous  en  avons  exhu- 
més, par  leur  nombre  et  par  cette  nouvelle  constatation  de  l'asso- 
ciation du  bronze  et  des  objets  en  pierre  dans  la  sépulture  d'un 
xxxix.  15 


'.\\S  nKViF  AR(.mUii.or.K>i!K. 

puorricr  qui  devail  ocruper  un  rang  consiik^rable  au  miliou  df  in- 
Itus  (|ui,  (|U('llf  que  fiU  leur  organisation,  avaient  corlaineincnl  f.iil 
un  effort  consiilêrablc  |>oiir  arriver  ;\  rrieitioii  duii  iiioiiumcnl 
au.^si  important  que  coliii*ci. 

Il  n'est  pas  s:ins  jnlénM,  je  rrois,  de  rappeler,  en  lerniiii.iiil,  les 
sépultures  ijui,  dans  d(ux  de  nos  déparlemenls  lireloiis,  leFini.slère 
et  les  Côtes-du-Nord,  ont  fourni  cilte  môme  associalioudes  armes  en 
bronze  et  des  jtointes  de  flèclie  en  ^ilex. 

Je  dois  à  mon  savant  ami  M.  Mie  mit  la  connaissance  de  deux  de 
ces  sépultures,  et  j'espère  qu'il  voudra  bien  nie  pardonner  de  citer 
ici  le  passage  suivant  de  sa  leltn'  :  «  l*ernietlez-nioi  de  vous  indi- 
quer deux  découvertes  ijui  sont  loin  d'avoir  la  valeur  de  la  vôtre, 
mais  qui  cependant  présentent  une  certaine  similitude,  au  moins 
par  la  perfection  des  flécbes  barbelées  en  silex. 

«  La  prennèrca  eu  lieu  il  y  a  un  certain  nombre  d'années  dans  le 
dolmen  de  Gourillach  en  Plounevez-LochriH.  Un  cultivateur  nommé 
Monan  y  recueillii  douze  pointes  de  fléelic  en  silex  d'une  extrême 
tincsse.  J'ignore  ce  que  sont  devenues  neuf  de  ces  llécbes;  l'une  des 
trois  autres  appartient  à  M.  le  docteur  Le  Hir  de  Morlaix  ;  les  deux 
autres  sont  au  musée  de  Saint-Germain,  à  (jui  elles  ont  été  données 
l'une  par  M.  Le  Hir,  l'autre  par  .Mérimée.  Avec  ces  pointes  de  llécbe 
fut  aussi  trouvé  un  poignard  en  bronze,  qui  figure  au.-si  au  musée 
de  Saint-Germain. 

«  Il  y  a  trois  ou  (jualre  ans,  dans  un  luinulusdc  l'arrondissement 
de  Lannion,  à  Plestiu,  autant  que  je  puis  le  croire,  Mgr  David 
(évéque  de  Saint-Brieuc)  trouva  trente-deux  pointes  de  Hèclie  en 
silex  également  d'une  extrême  linesse.  Si  mes  souvenirs  sont  exacts, 
les  pointes  de  IMounevcz-Loclirist  et  de  Plestiii  sont  aus.sl  tinement 
taillées  les  unes  que  les  autres.  La  pointe  de  celles  de  Pleslin  serait 
peut-être  seulement  un  peu  plus  aiguë.  » 

Je  puis  compléter  les  renseignements  (}ui  précèdent  par  le  pas- 
sage suivant  d'une  leltre  que  Mgr  David  m'a  fait  l'Iionncur  de  m'é- 
crire  : 

«  Dans  un  tuinuliis  géminé,  nommé  dans  le  pays  tiuiiioiu'da  (feu 
et  sing),  à  l'extrémité  de  la  petite  ville  de  Bourbriav  (et  que  j'ai  fait 
fouiller),  ont  été  trouvés  les  objets  suivants  :  ]'  trois  ou  quatre  poi- 
gnards de  bronze  absolument  semblables  au  plus  long  et  au  plus 
large  des  vôtres  ;  tienne  liaclio  en  pierre;  '.\°  un  bracelet  en  cuir 
avec  clous  d'or;  le  cuir  encore  visible  au  moment  de  la  découverte 
a  disparu;  4"  une  jiincelte  èpilatoire  en  or. 

<i  Les  déciles  en  silex,  très  délicatement  travaillées,  ont  I  i   forme 


kxi'i.iiha'hon   i)f    ri!Mtii.i.'s  di:  hi:itiii'i:-Ha  \s.  :jl<j 

exact(;  du  lirllc,  mais  aiiiiailii'iiiieiit  à  un  auln;  luiuulus  situé  ù 
Trémi'l,  près  IHcstin.  Lllcs clcvaicnlaUeindre,  à  peu  près,  le  iionihii» 
de  Ironie. 

«  J'ai  aussi  un  couIcmu  nu  pclil  poi^ii  iiil  en  hion/.u  iW.  la  formo  de 
votre  spéciiiicn  ondulô.  d 

Ces  Jc'coiivertes  ne  sont  pas  les  seules;  le  tuuiulus  de  la  fonH 
de  Cainoël,  près  Quiinperlé,  avait  aussi  livré  des  armes  en  bronze 
et  en  silex,  ainsi  ([ue  d(;s  chaînes  en  or  et  en  argent. 

Cette  dernière  trouvaille  c>l  au  musée  de  Cluny. 

Il  serait  intéressant  de  pouvoir  comparer  entre  eux  les  éléments 
de  ces  diverses  découvertes  et  de  les  datei-  l'une  |)ar  l'autre;  mal- 
heureusement la  chose  m'est  impossible. 

P.  DU  Chatf.llikh. 


LA  mCllESSE  ET  LE  CIIRISTLINISME 

A  LAl.E  DKS  l'KRSÉGUTIONS 


Il  n'est  pas  de  thème  plus  familier  à  ceux  qui  ('rri virent  apri^'s  le 
triomphe  de  l'Kglise,  que  les  imprécations  contre  la  dureté  des  ri- 
ches. Saint  Chrysostome,  saint  Augustin,  saint  Uasile,  Salvien,  saint 
Jérôme,  et  tant  d'autres,  montrent  l'orgneil,  les  violences  de  ces 
oppresseurs  qui,  trop  souvent,  dépossèdent  les  petits,  les  chargent 
d'injures  et  de  coups,  les  jettent  en  prison  et  ne  reculent  même  pas 
devaut  le  meurtre  (1).  «  Elle  n'est  plus,  dit  Salvien,  la  sublime  sain- 
teté des  premiers  âges,  de  celte  époque  où  tons  les  disciples  du  Christ, 
échangeant  des  biens  périssables  contre  les  trésors  d'en  haut,  ache- 
taient les  richesses  éternelles  au  prix  de  la  pauvreté  en  ce  monde.  A 
ces  vertus  ont  succédé  l'avarice,  la  cupidité,  la  rapine  {"l).  » 

Les  temps  ont  changé  en  effet,  et  la  victoii  e  même  de  l'Église  a  tout 
transformé  chez  les  fidèles.  Dans  leurs  rangs  ont  été  versés  les 
éléments  les  plus  divers  et  les  moins  pur-.  Heaucoup  ne  se  sont  ral- 
liés que  pour  suivre  le  torrent  et  par  celte  seule  raison  que  la  foi 
chrétienne  est  devenue  la  religion  de  l'État.  Le  but  que  poursuivent 
alors  les  écrivains  ecclésiastiques,  c'est  le  renoncement  des  riches 
aux  méfaits,  aux  violences,  ù  la  dureté  (jui  leur  fait  négliger  les  œu- 
vres de  miséricorde  :  que  les  heureux  du  siècle  gardent  leurs  tré- 
sors, mais  en  sachant  assister  l'infortune  ;  la  pauvreté  , disent  mémo 
les  Pères,  est  une  nécessité  en  ce  monde;  c'est  l'auslèn'  maîtresse, 
raiguillon  salutaire  qui  pousse  l'homme  au  tiavail;  sans  clle-la  so- 
ciété serait  frappée  d'inertie  et  de  mort  (3).  Le  nivellement  des  biens, 
tel  que  l'avait  rêvé  et  souvent  même  rèali>é  la  piomièic  communauté 
chrétienne,  ne  semble  plus  élre  leur  visée,  et,  chose  digne  de  le- 


(ly  b.  Ua»il.  floruilut  tn  iliiites,  §  0;Salvian.  Ik  ffuberniilione  Dei,  lib.  III,  v;  10. 

(2)  Advcrttis  avnrîtinm,  lib.  1,1?  1. 

(3)  S.  Cliry»0!>lora.,  lie  Ainui.   V.  3. 


LA.    niCHF.SSK    RT    LK   CriRIRTIANISMK.  .'{21 

marque,  un  concile  do  l'an  41")  condamne,  chez  les  lirrôliiiucs  pô- 
lagicns,  cette  proposition  ju^ée  Imi)  rigouiciiae  :  a  [.es  riches  ne 
peuvent  (Mre  sauvés  s'ils  ne  renoncent  à  leurs  hiens  {{).  » 

Une  parole  du  Seigneur,  dans  laquelle  tous  ne  distinguaient  pas 
sunisamnient  le  coniiiiandenient  du  siui|)le  conseil,  avait  conduit  à  la 
conclusion  condaMinùe.  Un  jeune  homme,  lit-on  dans  l'Évangile, 
s'était  approché  du  Christ,  en  lui  disant  :  «  I{on  maître,  (|ue  me  faut- 
il  faire  pour  acquérir  la  vie  éternelle  ?  »  Jésus  lui  répondit  :  «  Si  tu 
veux  entrer  en  la  vie,  garde  les  commamlements.  d  —  h  (Juels  com- 
mandements? »  reprit  le  jeune  homme.  Jésus  dit  :  a  Tu  ne  tueras 
pas,  tu  ne  commettras  pas  d'adultère,  lu  ne  déroheras  pas,  tu  no 
porteras  pas  de  faux  témoignage;  honore  ton  père  et  la  mère,  et 
aime  ton  prochain  comme  loi-mcmc.  »  —  Le  jeune  homme  répon- 
dit :  «J'ai  ohservé  tous  ces  commandements  dès  ma  jeunesse  ;  que 
me  man(|ue-t-il  encore?»  Jésus  lui  dit  :  «Si  tu  veux  être  paifait, 
vends  tout  ce  que  tu  possèdes  et  donncs-en  le  prix  aux  pauvres,  lu 
auras  un  trésor  dans  le  ciel;  puis  viens  et  suis-moi.  »  —  Le  jeune 
homme,  entendant  ces  mots,  se  retira  plein  de  tristesse,  car  il  avait 
de  grands  biens  ;  et  Jésus  dit  à  ses  disciples  :  «  le  vous  le  dis  en  vé- 
rité, il  est  diiïicile  qu'un  riche  entre  dans  le  royaume  des  cieux  ;  et  je 
vous  le  dis  une  fois  encore,  il  est  plus  aisé  à  un  chameau  de  passer 
par  le  trou  d'une  aiguille  qu'à  un  riche  d'entrer  dans  le  ciel  (2j.  » 

Telle  avait  été  aux  premiers  âges  la  persuasion  d'une  foule  trop 
prompte,  je  le  répète,  à  confondre  deux  traits  différents  dans  les  pa- 
roles du  Christ  ;  le  précepte  à  l'usage  de  tous  et  le  conseil  donné  à  qui 
veut  atteindre  l'état  de  perfection.  La  redoutable  image  du  riche  pré- 
cipité dans  l'enfer,  tandis  que  le  séjour  des  bienheureux  s'ouvrait 
pour  le  pauvre  Lnzare,  était  présente  à  tous  les  esprits.  Aux  réponses, 
aux  paraboles  du  Christ,  se  joignaient  d'autres  enseignements;  on 
se  redisait  les  allégories  du  livre  d'IIermas  et  la  brillante  vision  que 
rappelle  une  fresque  des  catacombes  deNaples(3).  Apparue  sous  les 
traits  d'une  femme,  l'Église  montrait  à  Hermas  une  tour  que  de  cé- 
lestes ouvriers  élevaient  au-dessus  des  eaux  avec  des  pierres  équar- 
rieset  resplendissantes.  Près  de  l'édiliccen  étaient  d'autres,  inégales, 
fendues,  non  dégrossies,  qu'on  brisait  et  qu'on  rejetait,  et  dont  quel- 
ques-unes tombaient  dans  un  brasier.  «  Maîtresse,  dit  Hermas  étonné, 


(1)  S.Augustin.  Epist.  CLXXW\,  Paulino  episcopo,  c.  i\,  §32,  33;  cf.  Labbe, 
Concil.,  t.  n,  p.  1520,  1530. 

(2)  Malth.  XIV,  16-24. 

(3)  Garrucci,  Storia  deil'nrte cristiano,  Pitture.  tav.  XCVI. 


3i3  RETDB   ABCHéOKCKÎIQUR. 

quelles  sonl  ces  pierres  hrules  que  l'on  n'emploie  pas?»  élever  ii 
lour  ?  »  Kilo  iiu'  n'-poiulil  :  «  Ces  pierres,  ce  soûl  les  riches  qui  ont 
cmbrassi''  la  foi;  lor^iue  vient  la  perséeution,  leurs  richesses  les  pous- 
sent à  renier  l>ieu.  >>  El  je  repris  :  «  Mnîlresse.  quand  seront-elles 
utiles  à  Uieu?  »  —  a  Lorsqu'elles  auront  été  éijuarries,  dit-elle,  ettlé- 
faitcs  dcsriihesses  décevantes;  alors  elles  pourront  entrer  dans  l'édi- 
fice du  Seit^ncur.  Une  pierre  ronde  ne  peut  devenir  carrée  si  elle 
n'efl  taillée  el  ne  |)erd  quelque  chose  de  sa  niiisse  ;  de  même  les  ri- 
ches do  ce  siècle  ne  deviennent  utiles  i\  Uieu  que  si  l'on  retranche 
leurs  richesses.  Juges-en  par  toi-même  :  tu  fus  autrefois  riche  et 
inutile  ;  maintenant  tu  peux  servir  el  tu  es  digne  de  recevoir  la  vie. 
Toi  donc  aussi, tu  as  été  l'une  de  ces  pierres  (1).  n 

Dans  un  traité  célèbre  sur  les  apostasies  de  son  temps,  saint  Cy- 
prien  montrait  de  même  les  riches  filalement  menés  à  la  chute  par 
leur  atlacliement  aux  liieiis  terrestres:  a  Ce  sonl,  dit-il,  autant  de 
liens  (jui  onl  enchaîné  leur  courage.  »  El  il  répétait  avec  le  Christ  : 
u  Si  tu  veux  être  parfait,  vends  tout  ce  (jue  tu  possèdes  et  distribues- 
en  le  prix  aux  iiauvrcs  {i).))  Avant  lui,  on  avait  écrit  :  «  Les  riches, 
pris  dans  d'étroites  entraves,  pensent  plusfi  leurs  trésors  qu'au  ciel  ; 
le  Seigneur  les  a  condamnés  par  avance  (3).  » 

On  n'en  était  que  trop  persuadé,  et  un  coup  d'œil  jeté  sur  les 
écrits  des  Pérès  montre  l'eiTel  d'un  enseignement  dont  la  rigueur,  la 
nouveauté,  appelaient  les  railleries  des  païens(4),  et  qui  venait  fa- 
talement rétrécir  le  cercle  de  la  propagation. 

Je  sais  que  des  découveites  récentes  onl  montré  que  la  dilTusion 
du  christianisme  aux  premiers  âges  ne  s'est  pas,  autant  qu'on  l'a  pu 
croire,  ciiconscrite  dans  les  classes  les  plus  humbles,  el  que  plus 
d'une  famille  puissante  a  écoulé  la  Vdix  du  Seigneur.  Mais,  à  côté  des 
monuments  tirés  du  sol  de  Rome  par  la  haute  sagacité  de  M.  de  Rossi, 
el  dont  on  ne  saurait  méconnaître  la  valeur,  des  aflirmations  précises 


(1)  Pastor,  III,  u,  3;  cf.  I,  m,  2  et  G. 

(21  De  lajtsis-,  XI;  cf.  Euseb.,  Hist.  eccl.  VI,  ti\,  sur  les  apostasies  d'Alexandrie  : 
Kat  T:o>)oi  (lîv  EJOùo;  twv  Tept^avEOTEfuv  ol  |iàv  àTTTr^Twv  ôeôiôte;,  passapo  auquel  la 
iraductioD  de  Kutin  donne  un  sens  plus  marqué  :  u  Quidam  ex  ijiBis  nobilibus  statim 
BC  6|ionic  impiis  artibusiiigessenint.  »  (VI,  31.) 

(3)  Minul.  VvAn,  Oclavius,  XVI;  Terluli.,  !h  patieult'i,  VII;   cf.  S.  Luc,  Vl,2/j,25. 

(4)  C<--lsc  b't'gaye  d'un  désaccord  qu'il  apo-çoit,  sur  la  qui-siiun  de  la  richesse,  entre 
la  doctrine  de  M  jI»o  el  Cflle  duClirisl.  Urigun.  Contra  Cvisuvi,  Vil,  3^.'j.)  Voir  laré- 
sonsc  d'Originr  ci  SiWien,  AdviTsus  iivuntitim.  II,  It.  La  niùnii;  <iuesiion  s'agitait 
pans  doute  dans  le  livre  d'Ammuuius,  De  consunsu  Moysis  il  Jeuu,  dont  parle  Lusèbo 
Ulitt.  vrci.  Il,  ltt^ 


I,  V    llICHF.SSK    I:T    LK    CmilSTlVNISMK.  333 

ne  nous  permettent  p.is  de  nous  tromper  sur  les  t-hîments  dont  se 
fornK'-nnit  surtout  les  premiers  },'roupes  clir.'liens.  Mifiulius  Félix, 
Terlullion,  siiiiil  Janine,  s'accordent  à  nous  montrer  la  masse  des 
fidèles  recrutée  dans  la  portion  la  moins  élevée  de  l,i  sociélé  ro- 
maine. «  Il  est  peu  de  riches  parmi  nous»,  dit  le  docteur  africain  (1), 
et,  lont,'temps  après  lui,  Lactaiire  nous  montre  la  conversion  des 
pauvres  plus  l'agile  que  celle  dos  privilé^^'iés  de  la  fortune  (2). 

Bien  des  ol)stacles,  an  elTct,  venaient  fermer  la  route  ù  celui  qui, 
vivant  dans  l'opulence,  S(!  sentait  entraîné  vers  le  clirisianisme.  Qu'il 
gardât  ou  qu'il  sacriliâl  ses  Itiens,  un  concert  de  malédictions  s'éle- 
vait des  rangs  des  païens  contre  le  nouveau  converti.  Les  colères 
que  soulevait  sa  résolution,  et  dont  Tertullien  nous  fait  comprendre 
toute  Pardeur(3),  se  montrent  dans  l'Iiisloire  d'illustres  personnages 
du  v"  siècle  :  Viclorin,  saint  Paulin  i\c  jNole.  Celait  de  la  part  de  ce 
dernier,  répétaient  les  grands,  un  acte  intolérable,  indigne  d'un 
homme  de  cette  race,  de  ce  talent,  de  ce  caractère  {ï).  Lui-même 
écrivait  :  «  Où  sont-ils  maintenant,  mes  proches,  mes  anciens  amis  ? 
Où  sont  ceux  avec  lesquels  je  vivais  naguère?  Je  suis  mort  pour  eux 
tous,  et,  comme  parle  l'Écriture,  je  ne  suis  plus  qu'un  étranger  pour 
mes  frères.  Ceux  qui  autrefois  m';ivaient  aimé  se  sont  éloignés  de 
moi  ;  ils  se  dérobent  en  ma  présence,  comme  un  fleuve  qui  se  pré- 
cipite, et  je  leur  suis  devenu  un  objet  de  confusion  [h).  »  Vers  le 
même  temps,  la  crainte  d'un  tel  soulèvement  avait  fait  hésiter  le  rhé- 
teur Victorin,  inclinant  vers  le  christianisme.  Parvenu  au  rang  de 
clarissisme,  il  redoutait  l'explosion  des  cris  de  la  noblesse,  presque 
entièrement  encore  demeurée  païenne,  et  qui,  lorsqu'il  reçut  le  bap- 
tême, s'emporta  en  imprécations,  «  grinçant  des  dents  et  séchant  de 
dépit  (6)  » . 

S'il  voulait  garder  sa  fortune,  le  riche  converti  rencontrait  en  môme 
temps  un  ècueil  près  de  ses  nouveaux  frères.  Aux  premiers  âges  de 
l'Église,  alors  que  les  enseignements  du  Christ  n'avaient  pas  encore 
pénétré  profondément  dans  les  esprits,  saint  Jacques  avait  dû  re- 

(1)  Tertull.  Ad  uxorem,  II,  8.  Min.  Frlix,  Octavius,  XXXVI  :  «  Plerique  paupe- 
res  dicimur.  »  Hieron.,  Prolog,  lib.  lll  Comment,  in  Epist.O'l  Gnlut.  :  «  Ecciesiade 
vili  plebecula  congregata  est.  » 

(2)  Inst.  div.  VII,  l  :  «  Eo  fit  ut  paupereset  humides  credant  facilius  quamdivite?.» 

(3)  Tertull,,  Apol.  III;  Ad  nation.  IV. 

(4)  S.  \mbros.  Epist.  LVIII,  Sabino,  §  3. 

(5)  Ejiit.  XI,  Severo,  §  3. 

^6)  S.  Angust.  Confess.,  VIlI,  2  :  «  Sacrorum  sacri|p;:iorum  particeps,  quibus  tr.nc 
tota  fere  Romana  nobilitas  inflata....  dciuibus  suis  stridobant  et  labesccbant.  » 


3t4  HEVIK    AUCHÉOLOGIQUK. 

prendre  l(*?  fldtMcs  et  leur  rappeler  que  ilcvanl  le  Seigneur  s'efTnrenl 
les  distiiielions  terrestres  :  a  S'il  entre  dans  votre  nsscniMée,  leur 
disait-il,  un  homme  brillamment  vtMu,  portant  un  anneau  d'or,  et 
en  nuMne  tem|)s  un  pauvre  en  haillons,  n'alU/.  pas  oITrir  au  premier 
une  place  d'honneur  et  dire  à  l'autre  :  Tiens-toi  debout  ou  ;i?sieils-loi 
au  bas  de  mon  escabeau.  Dédaigner  le  pauvre  et  s'arnMcr  à  la  con- 
dition -les  personnes,  e'esl  violer  la  loi  (1).  »  Deux  siècles  plus  tard, 
un  grand  docteur  rappelle  aux  hommes  leur  égalité  devant  Dieu, 
mais  c'est  en  un  sens  opposé  que  je  vois  donner  l'averlissemcnl.  I.n 
supériorilédes  pauvres  vantée  sous  tant  de  formes,  leur  droit  proclamé 
par  k'  Christ  d'être  presque  les  seuls  i\  esjiérer  l'entrée  au  royaume 
des  cieux,  les  avaient  gonflés  d'un  vain  orgueil,  el  les  chrétiens 
opulents  avaient  parfois  à  souffrir  de  leur  arroiiauce  (2\  Aucune  avi- 
dité jalouse  ne  venait  à  coup  siîr  animer  ceux  auxiiuels  Clément 
d'Alexandrie  reproche  cette  attitude  hautaine,  car  l'antique  loi  du 
christianisme  condamne  tout  regard  d'envie  sur  les  biens  du  pro- 
chain (3);  mais  le  coufi  portait,  et  plus  d'un  riche  en  devait  ressentir 
l'atteinte. 

Fallait-il  donc  ainsi,  pour  ne  plaire  (lu'à  quelques-uns,  et  suivant 
l'austère  parole  dont  s'était  elTrayé  le  jeune  Hélireu,  tout  sacrifier 
poursuivre  le  divin  Maître  ?  Ne  commettrait-on  pas  alors  une  im- 
piété envers*  ses  propres  enfants,  que  saint  Jérôme  recommanda  de 
ne  pas  laisser  dans  l'indigence  ('0  ?  Et  (lu'était-ce  aux  yeux  des  an- 
ciens, à  ceux  de  plus  d'un  chrétien  même  (5),  que  l'homme  sans  res- 
sources? Un  objet  de  mépris  et  de  risée.  Juvénal  l'a  écrit  : 

Nil  habot  infclix  paiipcrtas  durius  in  se 
Quam  quod  ridiculos  liomines  facit  (6). 

Un  récit,  moins  parfait  d'ailleurs  (ju'on  ne  pourrait  le  souhaiter, 
celui  du  martyre  de  saint  (Juentin,  présente,  à  cet  égard,  un  trait  di- 
gne d'attention.  Le  saint,  debout  devant  le  tribunal,  est  un  homme 
de  haute  naissance,  qui  s'est  dépouillé  de  ses  biens  pour  les  donner 


(1)  £pjv/.  Jarohi,  C.  2,  V.  fl, 

(2)  CIcin,  Alex.,  Quis  dites  salvctur,  §  3. 

(3)  Lactant.,  l/ml.  de  div.  V,  23;  S.  Clirysost.,  Hum.  in  iMzum  II,  f^  l  ;  Passio  S. 
Polliû>iis-,^i\  (lluinari,  Acia  sinara,  p.  ii05). 

(û)  A'/"»'-  tXX.  ad  Hedi/jiam,  c.  2. 

(5)  Eiiist.  Jacobi,\oc.  cit.;  S.  Ciirybost.,  In  insfripl.  Actor.  Aitost.,  §5,  oc. 
(fi)  Sdt.  III,  V,  152  Ilorat.,  Caitn.  III,  62:  «  Maguum   paupcrtas  opprobrium,  » 
.S.  Cbrysobl.  Hom.  LA  A' 17  in  Jo/innn.,  §  3. 


[A    HICIIKSSK    KT    LK    CIMIISTIANISMK.  325 

auxindiî^pnls.  Le  magistral  l'intorpollc  :  De  toutes  ces  riclics.sesf|ue 
t'avaiciiL  laissées  tes  nobles  parents,  tu  as  voulu  descendre,  pour 
l'amour  d'une  vainc  seete,  à  un  tel  de^'rô  de  misère  que  tu  semblesau- 
jourd'iiui  le  dernier  des  mendiants  :  j'en  rougis  pour  riionnciir  de 
ta  race  (t).  u 

L'attachement  aux  biens  terrestres,  le  souci  de  l'avenir  pour  les 
enfants,  le  respect  hiiinain,  le  mauvais  accueil  m("^me  qu'on  trouvait 
auprès  de  (|uelques  clirùtiens,  arrêtaient  plus  d'un  de  ceux  fjue  leurs 
cœurs  eussent  portés  vers  la  foi  nouvelle.  A  peser  les  paroles  du 
Maître,  à  les  entendre  commenter,  les  heureux  de  ce  monde  hési- 
taient, se  persuadant  que  les  biens  de  la  vie  future  leur  étaient  re- 
fusés, que  celle  d'ici-bas  leur  restait  seule,  et  se  rejetaient  dans  les 
plaisirs  (2).  La  i)ropagalion  du  christianisme,  le  salut  même  de  ceux 
qui  l'avaient  embrassé,  en  é[irouvai('nt  plus  d'un  dommage. 

Un  important  traité  de  Tertullien,  celui  ini'il  adresse  à  sa  femme, 
nous  montre  l'une  dos  faces  du  péril.  Les  mariages  mixtes,  unissant 
des  chrétiens  à  des  idolâtres,  mariages  que  condamnait  saint  Paul  et 
contre  lesquels  les  docteurs  ne  cessèrent  de  s'élever,  n'avaient  sou- 
vent pas  d'autre  cause  :  «  Le  plus  grand  nombre  de  ces  scandales, 
nous  dit  l'éloquent  Africain,  vient  de  femmes  riches.  Plus  d'une, 
orgueilleuse  de  sa  fortune  et  de  son  nom,  veut  une  maison  splen- 
dideoù  son  luxe  puisse  se  déployer.  Il  est  peu  de  riches  dans  l'Église, 
et,  s'il  en  est,  peu  qui  ne  soient  mariés.  Oue  feront  donc  ces  fem- 
mes? Elles  demanderont  au  diable  un  époux  qui  leur  puisse  four- 
nir des  litières,  des  mules,  de  gigantesques  coiffeurs  barbares.  Une 
chrétienne  rougit  de  s'unir  à  un  chrétien  sans  fortune  et  de  s'enri- 
chir ainsi  d'une  sainte  pauvreté  (3).  » 

Un  pareil  mal  appelait  un  prompt  remède,  et  le  grand  docteur 
d'Alexandrie,  Clément,  voulut  rassurer  Tàme  des  riches  en  leur  mon- 
trant que  l'on  pouvait  gagner  le  ciel  sans  renoncer  à  ses  biens.  Le 
point  capital,  à  ses  yeux,  c'est  d'en  user  selon  les  règles  de  la  charité. 
Tel  fut  le  but  de  son  traité  célèbre  :  Quel  riche  peut  être  sauvé?  Plu- 
sieurs causes,  écrit-il,  font  croire  aux  heureux  d'ici-bas  que  le  salut 
leur  est  plus  difficile  qu'aux  pauvres;  c'est  une  erreur  et,  comme  les 
autres,  ils  ont  droit  à  la  récompense.  Le  Christ  lui-même  n'a-t-ii  pas 
corrigé  la  rigueur  de  ses  premières  paroles  en  nous  recommandant 
d'espérerdans  la  toute-puissante  bonté  de  Dieu  ?   X'a-t-il  pas  béni 


(1)  §  10(Surius,  31  oct). 

(2)  Clem.,  Alex.  Quis  dive-'^  salvetur,  §  2. 

(3)  Ad  u.Torcm.U,  8. 


326  RKVUK  AncHi^ni.or.iQOK. 

les  rirlios  mnisons  de  Mnlhicu  et  de  Zacch^e  ?  Comnienl  nourrir,  vt^- 
lir  les  indi^renls.  coiiime  il  est  oiilonm'',  si  l'on  est  soi-iiit^iiio  le  pre- 
mier des  pauvres  ? 

L'hisloire  des  perst'cutions,  à  LKjuellc  j'ai  liàlf  de  revenir,  nous 
montre  un  autre  eneourapcnient,  plus  direet  il  plus  considérable, 
donné  à  rcux  i|ui,  sans  renoncer  A  leurfortuin',  s'altacheront  à  la  loi 
du  (-hrisl.  (^esl  dans  un  livre  d'dri.u'éne  que  j'en  trouve  la  première 
mar(]ue. 

Un  rliiéticn.  nommé  Ainliroisc,  le  liicnfaittMir,  Tanii  du  prand  doc- 
teur, fut  enveloppé  dans  la  persécution  de  Maximin  et  menacé  de 
mort.  Cet  homme,  né  avec  de  grands  biens,  ii-s  avait  conservés,  et 
ce  fut  au  nom  de  ces  biens  mômes  qu'Origùne  l'exhorta  au  martyre. 
Le  Christ  l'a  dit  :  «  Celui  qui,  pour  l'amour  de  moi,  abandonnera  sa 
maison,  sa  famille,  ses  champs,  retrouvera  au  centuple  ce  qu'il  aura 
laissé  et  gagnera  la  vie  éternelle.  »  Tel  fut  le  thème  que  saisit  l'ar- 
dente éloquence  d'Ori?éne,  montrant  à  Ambroisequeses  biens  mêmes 
lui  vaudraient  une  récompense  plus  haute  :  a  Que  je  voudrais,  dit- 
il,  si  je  dois  mourir  en  martyr,  avoir  à  laisser,  mol  aussi,  des  maisons 
et  des  champs  pour  n  cevoir  le  centuple  promis  par  le  Seigneur  !  De 
même  que  ceux  (|ui  n'ont  jioint  enduré  l'épreuve  des  tourments  et 
des  supplices  cèdent  le  premier  rang  aux  saints  qui  ont  fait  éclater 
leur  constance  dans  la  torture  et  dans  les  llaniines,  ainsi,  nous  qui 
sommes  pauvres,  nous  devons,  même  si  le  martyre  nous  couronne, 
nous  devons  nous  effacer  devant  vous  ;  car  vous  aurez  foulé  aux  pieds 
la  gloire  trompeuse  du  siècle,  dont  tant  d'autres  s'éprenneni,  et  l'at- 
tachement à  vos  grands  biens  (1).  » 

Ainsi  pouvaient  se  relever  et  monter  d'un  effort  au  premier  rang 
les  hommes  qui,  en  entrant  dans  l'Église,  avaient  conservé  celte 
opulence  dont  tant  de  saints  docteurs  condamnaient  la  possession  ; 
ainsi  s'ouvrait  plus  largement  pour  eux  cette  porte  du  ciel  que  des 
interprètes  trop  sévères  leur  avaient  voulu  tenir  fermée. 

La  voix  d'Urigène  ne  devait  point  demeurer  isolée  et  sans  écho.  IMus 
de  vingt  ans  après,  bien  loin  dos  lieux  où  il  avait  écrit,  en  Numidie, 
un  groupe  de  cluétiens  fut  appelé  à  confesser  le  Su^Mieur  dans  les 
tourments,  l'arnii  les  saints  piisonniers  se  trouvait  un  lidéle  nommé 
Émilien.  Bien  (|u'appartenant  à  l'ordre  équestre,  disent  les  Actes 
avec  cet  accent  de  préjugé  (jue  nous  trouvons  ailleurs  contre  les 
riches,  cet  homme,  d;ins  son  cachot  même,  s'imposait  les  jeûnes  les 
plus  austères.  Il  eut  un  songe  :  «  Il  me  sembla,  dii-il,  (jue  j'étais  hors 

t,   Hxhorl.  O'I  tiiarli/riii"i,  ^  l'i,    15 


\.\  inciif:i^*-R  r,T  !-k  c.iiiii^tivmsmk.  327 

do  1.)  prison,  ot  qiio  '}<■  rcnrontrais  un  païen,  mon  Mro  suivant  h 
cli.-iir.  M'iino  voix    piciiio  (riiisuKc,   rchii-ci  mo  deinnndn  ro  (juc 
nous   (icvcnions,  ((iniiiirnl  nous  vivions,  jitiv»''s  do  nourriUiro  cl 
pionjïésdans  les  lc'n(M)n's.  ic  lui  dis  :  <(  Pour  les  soldats  du  Christ, 
sa  parolo  est  une  iuniiôre  ^'datante  et  un  aliment  K-parateur.  »  — 
((  Vous  savez,  repril-il,  que  la  n)orl  vous  attend  tous,  si  vous  vous 
ohslincz.  »  CiaiLrnanl  (ju'il  ne  se  jonût  de  moi,  je  voulus  une  confir- 
mation de  cette  annonce  qui  comhlail  mes  vœux.  «  Kn  est-il  bien 
ainsi  pour  tous?»    lui  dis-jo.  Il  poursuivit:    «Le  glaive  est  sur 
vos  tôles.  Mais,  dis-moi,  vous  tous  (lui  renoncez  à  la  vie,  recevrez, 
vous  au  ciel  des  récompenses  égales  ou  des  couronnes  dilTérentes?» 
—  ((Il  ne  m'appartient  pas,  répondis-je,  du  dire  mon  sentiment  sur 
une  question  si  iiaulc  ;  cependant,  lève  les  yeux  et  contemple  la  mul- 
titude des  étoiles.  Toutes  ne  brillent  pas  d'un  môme  feu  et  pourtant 
toutes  sont  éclatantes.  »  La  curiosité  du  Gentil  ne  fut  pas  encore  sa- 
tisfaite :  ((  Eh  bien,  s'il  est  une  dilTérence,   quels  sont  ceux  d'en- 
tre vous  que  préférera  votie  Dieu  ?»  —  ((  Il  en  est  deux  que  je  n'ai 
pas  à  te  dire  et  dont  le  Seigneur  sait  les  noms.  »  Il  insista  une 
fois  de  plus  et  m'importuna  pour  obtenir  une  réponse.   «  Les  pré- 
férés, dis-jo,  seront  ceux  dont  le  triomphe  est  chose  rare  et  diffi- 
cile, ceux  pour  lesquels  il  est  écrit  :  Il  est  plus  facile  à  un  cha- 
meau (le   passer  par  le  trou  d'une  aiguille  qu'à  un  riche  d'entrer 
dans  le  royaume  des  deux  (1).  •> 

Telle  dut  ôirela  persuasion  qui  releva  plus  d'un  C(cur  ébranlé  et 
appela  dans  les  bras  de  l'Église  ceux  aux(|uels  le  sacrifice  des  biens 
de  ce  monde  eût  coûté  un  trop  grand  elTort. 

«  Riche  et  noble,  écrit  un  Père,  c'est  tout  un,  car  les  nobles  sont 
riches,  ou,  s'il  est  des  riches  sans  noblesse,  leur  fortune  leur  en  lient 
lieu  (2).  »  Un  trait  important  manquerait  donc  dans  celte  part  de 
mon  élude  si  je  n'empruntais  aux  procès  des  martyrs  une  particu- 
larité digne  de  remarque  et  que  je  ne  retrouve  pas  ailleurs. 

Un  rang  élevé,  je  le  répète,  rendait  aussi  étrange  qu'impardonna- 
ble, aux  regards  des  idolâtres,  l'abandon  du  vieux  culte.  Que  la 
tourbe  des  déshérités  suivît  la  loi  du  Crucifié,  aspirât  à  l'avènement 
de  ce  régne  mystérieux  qui  devait  tout  transformer  chez  les  liomnK.'s, 
leur  abjection,  les  appétits  qu'on  leur  prétait  sans  les  connaîlie, 


(1)  Passio  S.  Jacobi  et  Mariani,%8  (lîiiinart,  AcLa  sinrera,  ti(iiiion  de  1715,  p.  227- 
228). 

(2)  Salvian.,  Dti  fjnbcrmdione  Dei,  III,  10;  cf.  S.  Gaudeat.,  Sinno  AT,  ilie  n'i'<tli 
Machabœofurn,  inilio. 


3i8  REVUF.    AnCMÉOLOr.IOUE. 

pouvaient  encore  le  faire  eomprenlre.  Mais  la  noblesse,  romme  la 
forlune.  lievail  i^'ardfr d'une  seiiiblahle  rliuto.  Dans  les  eenlres  impor- 
lant<.  les  jjrands  étaient,  devaient  rester,  si  je  puis  m'exprinier  ainsi, 
le  bataillon  saerê  du  pafîanisme.  Aux  temps  anli(|ues.  alors  (jue  fui 
jetée  à  Bourges  la  première  semence  de  la  foi,  les  sénateurs  et  les 
principaux  citoyens  éiaicnl  aiiacliés  au  culte  des  idoles,  ceux  qui 
avaient  (  ru  étaient  les  pauvres,  selon  celte  parole  du  Christ  aux 
Juifs  :  ((  Les  publicains,  les  femmes  perdues  vous  devanceront  dans 
le  royaume  des  cieux  (1\  » 

l>e  longs  siècles  s'écouleront  avant  (|ne  tombe  celte  résistance.  Ce 
seront  les  nobles  qui  combatlnuii  à  Home  pour  le  rétablissement 
de  l'autel  de  la  Vicloire  (2)  ;  ce  seront  eux  qui  s'élèveront,  à  Vienne, 
contre  rinslitulion  d'une  fête  de  ri''glise(3),  et,  en  Afrique,  saint  Au- 
gustin saflligen  de  trouver  leurs  âmes  si  fermées  et  leurs  rangs  si 
impénétrables  (4).  Tout  elTort  fait  pour  rompre  un  tel  faisceau  sou- 
levait des  clameurs  furieuses,  et  dans  une  lettre  môme  où  l'em- 
pereur Julien  vante  sa  propre  tolérance  il  s'emporte  en  paroles  vio- 
lentes contre  Athanase  qui  a  osé,  dit-il,  baptiser  des  femmes  de  dis- 
tinction (5). 

Nulle  part  mieux  que  dans  les  procès  des  martyrs  ne  se  montre  l'ar- 
deur des  colères  soulevées  par  la  conversion  des  grands.  Sous  Dio- 
clétien,  en  Afrique,  au  milieu  d'un  groupe  de  fidèles,  se  trouve  un 
sénateur  nommé  Uativus.  La  torture  ne  lui  peut  arracher  que  des 
paroles  entrecoupées:  a  Assiste-moi,  (Christ  !  Aie  pitié  de  moi  I  Garde 
mon  âme!  Soutiens  mon  cœur  pour  que  je  ne  sois  pas  confondu  ! 
Donne-moi  la  force  de  supporter  les  tourments  1  »  Puis  il  regarde 
déchirer  son  corps,  plutôt  qu'il  ne  semble  le  sentir.  Le  proconsul  s'ir- 
rite et  interpelle  ce  transfuge  de  l'aristocratie  :  aMembredusplcndide 
sénat  de  cette  cité,  tu  étais  tenu,  lui  dit-il,  de  donner  le  bon  exem- 
ple et  de  ne  pas  désobéir  à  Tordre  des  princes  (ô).  »  Dans  des  Actes 


(1)  Gregor.  Turon.,  lliit.  Fninc.  I,  29. 

(2)  Symmach.,  Epist.  X,  5ii,  etc. 

(3)  S.  Avit.,  U'iinidd  de  Hotj'tlioni/iWi. 
(/i)  Epist.  LVIII.  Pamvvichio,  ^  3. 

(5;  Epist.  VI,  Ecilicin.  Voir,  pour  un  trait  de  infymc  nature,  les  Actes  de  S.  Adrien, 
i  0  (BolIftDd.,  8  kcpt.). 

(6)  «'  Et  liac  splendidissima  civitato  mapis  d"t)iieras  nlios  ad  bonam  mcntcm  to 
care  et  non  contra  prn;cepiuni  Imperatorum  et  Cn-saruni  facero.  •  {Artn  S.  Satur' 
nini,  Dntivt  et  aliomm^  §9;  Iluinurt,  Ardt  .itment,  p.  380.)  C'est  d'accord  avec 
TilleoiODt  que  je  crois  pouvoir  traduire  comme  je  l'ai  fait  les  mots  :  «  Ex 
hac  spiendidifutima  civitate  n,  r|ui  autrement  ne  présenteraient  aucun  sens. 
NouB  y  trouvons  pour  la  promièro  fois,  me  parait-il,  citiYavdaus  le  sons  d'ordo. 


i.A  RiciiKssE  i:r  u:  (;iiuistiam,smk.  32î> 

d'une  moindre  valeur,  mais  souvent  dignes  de  remarque  par  les  traits 
nombreux  qu'il  nous  conservent  des  originaux  disparus,  le  môme 
fait  se  rencontre  fn'îqucminenl.  Pour  les  cliréliens  d'un  rang  élfvé, 
les  juges  niulliplieiilà  Ijtilitii  les  adjiiralionsot  les  reproches;  «Noble 
comme  tu  l'es,  tu  te  dégrades  par  une  folle  croyance.  —  Tu  le  ra- 
vales an  rang  des  esclaves.  —  Pense  .'i  rillustration  de  la  lamille; 
reste  digne  de  tes  ancûtres;  ne  deviens  pas  roj)pr(d)re  de  ta  raci'.  — 
Né  de  parents  riches  et  nobles,  tu  ne  saurais  imiter  les  enfants  de  fa- 
milles grossiéreset  misérables. —  J'admire  que  quelqu'un  de  ton 
rang  puisse  descendre  jusqu'à  saluer  pour  son  niailre  un  homme 
pauvre  et  de  basse  extraction  que  Pilale  a  fait  mettre  à  mort  pour 
je  ne  sais  quel  crime.»  Ailleurs  c'est  un  chrétien,  membre,  comme 
Daiivus,  de  Vordo  de  sa  ville,  et  que  l'on  adjure  de  ne  pas  compro- 
mettre l'honneur  du  sénat  en  s'attachant  au  christianisme  (1;. 

Dans  tous  ces  traits,  il  n'est  rien  que  de  conforme  à  ce  que  des  té- 
moignages plus  dignes  de  foi  nous  disent  de  l'altitude  des  païens  de- 
vant la  conversion  des  grands,  et  l'autorité  d'une  série  de  textes, 
peut-être  négligés  outre  mesure,  reçoit  un  surcroît  de  valeur  de  cet 
accord  avec  les  données  de  l'histoire. 

J'ai  parlé,  je  parlerai  ailleurs  des  obstacles  que,  en  même  temps 
que  les  supplices,  les  païens  s'efforçaient  d'opposer  à  l'ardeur  des 
conversions.  Celui  que  je  viens  de  dire,  et  qui  tenait  en  dehors  de 
l'Église  les  classes  élevées  de  la  société  antique,  était  peut-être  l'un 

L'épithète  splendidisfù/ia  qui  y  est  jointe  accompagnesouvent  d'ailleurs  les  mots  ordo 
et  senatus  {Cod.  Theoil.  c.  12,  de  AgcntiOiif  in  rébus,  I.  VI,  c.  xxxvn;  c.  82  de  Decu- 
rionibus,  1.  VII,  tit  1).  A  titre  de  justification  je  rapprocherai  de  notre  texte  ce  passage 
parallèle  des  Acta  S.  Trophimi,  Sabbatii  et  Donjmadontis  où  nous  voyons  le  juge 
dire  de  môme  à  un  chrétien  qui  est  membre  du  sénat  de  sa  ville  :  'OpxiîojjiÉv  <jt 
Toy;  O$oùç,  \i.ri  xiItiTT^:,  Èvjgpîirai  tyiv  à?tav  toù  1îû-j),î'jtt,(;îov,  à>.>.'  c'jy'/wfx&vco;  i.-t/fh  xai 
eÛCTOv  (§11,  Boll.,  18  sept.).  Dautres  Actes,  suspects  d'ailleurs,  ceux  de  sainte  Apol- 
lonia,  donnent,  on  le  voit,  une  note  juste  dans  les  paroles  suivantes  dites  à  un  mar- 
tyr :  «  Tu  de  génère  nobilium  senatorum  natus  es,  et  deceret  nobilitatem  tuam  ut 
esses  aiuicus  deorum  uostrorum.  d  [^  28,  Bolland.,  9  febr.) 

(1)  Voir  les  Bollandistes,  Acta  S.  Juliani  et  tiasilissœ,  %  20;  Acta  S.  Sebastiani, 
§  80  ;  Acta  S.  Agathœ,  §  4;  Acta  S.  Pontii.  §  11  ;  Acta  S.  Irenœi  et  Mustiolœ,  §  U  ; 
Passio  S.  Hufini  et  Secundœ,^  2;  Passio  S.  Platonis,  §  7;  Acta  S.  Abdonis  et  Sen- 
nen,  S  5;  Acta  S.  Aureœ,  §  16;  Passio  S.  Svrapiœ  et  Sabinœ,  §  2  et  13;  Passio  Uar- 
ti/r.  Nicomed.  g  5;  Acta  S.  Adriani,  §  22  ;  Acta  S.  Euphemiœ,  §  15  ;  Acla  S.  Januarii, 
%  2;  Vita  S.  Muximi Itiitœ,  §  G;  Certamen  S.  Tlieodotœ  et  Socratis,  g  3;  Martyr. 
S.  Capitolinœ  et  Eroieidù,  §  2  (1,  20janv.;  5feb.;  3,  10,  22,  30  jul.;  2i,  29  aug.; 
2,  8,  IG,  19  sept.;  16,  23,27  oct.);Boi\o,  Passio  S.  Cceci/iœ,  p.  15',  De  Magistris,  i4da 
martyr.  Ostiens,  p.  ui  et  ux  ;  Acta  S.  Trophimi,  Sabbatii,  §  11  (cités  dans  la  note 
ci-dessus}. 


il30  HKVUK    AHCHKOI.OCJIQUK. 

iJt's  plus  iliflîcilcs  h  briser.  Les  hommes  ne  l'avaient  pas  créé  et  il 
nV^ullail  à  la  fois. le  sentiments  complexes  de  notre  nature  :  l'inslincl 
de  la  possession,  le  respect  humain,  l'orgueil  de  caste.  .Mais  l'heure 
f.ilale  était  venue  pour  le  vieux  monde,  et  le  fonnidahle  appareil  des 
défi  uses  qui  semblaient  le  faire  inexpugnahle  devait  s'écrouler  pièce 
à  pièce  devant  le  Ilot  montant  de  la  foi  nouvelle. 

Edmo.M)  l-i;  hiAM. 


LA 


MEDECINE   PUBLIOUE 


L'ANTIQUITE  GRECQUE 

Suite  (i). 


II 


Galien,  dans  ses  œuvres,  nous  fournit  un  renseignement  extrO- 
raement  précieux  pour  éclairer  la  question  que  nous  nous  propo- 
sons d'examiner  en  ce  moment.  En  effet,  dans  son  Commentaire  sur 
le  livre  d'Hippocrate  xar'  îviTpeTov,  c'est-à-dire  de  medici  officina,  le 
médecin  de  Pergame,  à  propos  des  officines  vastes  et  bien  éclairées 
dont  parle  Hippocrale,  ajoute  : 

o7oi  xat   vuv   xa-à    TToXÀi';    -Ôiv    tto'Xsojv     otoovrat    Îwijlî'voi;     toT; 

larpoTç (2). 

Ce  qu'il  faut  traduire  : 

<f de  semblables  (officines)  sont,  encore  aujourd'hui,  mises 

par  beaucoup  de  cités  à  la  disposition  des  médecins  qu'elles  em- 
ploient  )) 

(1)  Voir  le  numéro  de  février. 

(2)  Cl.  Galeni  op.  omnia,  éd.  C.  Gottlob  Kulin,  1830,  t.  XVIII,  in  Hipp.  hh.  de 
mec/.  o//".co»j?«.,I,  vni.  Galien,  qui  vivait  sous  Marc  Aurèle  et  Comaiodc,  et  qui 
passa  la  moitié  de  sa  vie  ;\  Rome,  veut  très  probablement  dire  :  «certaines  villes 
tant  i^recques  que  romaines.  » 


332  RKViiK  Aitr.HKOLoriiguK. 

Ainsi  donc,  Galicn,  mentionnant  dans  son  comrarntairc  les 
grandes  offu'inis  dont  pnrie  Uippocrate,  nous  aftlrnio  (|iio  iiiainlc- 
nanl  encore,  an  temps  où  il  î'eril,  eertaines  villes  en  donnent  de 
scmlilables  à  leur  médecin  en  titre  :  c'est  donc  (lu'autrefois,  au  temps 
où  t'rrivail  le  célèbre  auteur  que  (îalien  rommcnte,  les  villesavaient 
coutume  de  donner  également  ces  oflieines  à  b-ur  médecin,  et  les 
expressions  xal  vîv  du  passage  de  (îalien  donnent  à  ce  passage  toute 
la  valeur  d'une  révélation. 

Il  faut  donc  admettre,  —  ce  que  personne  jusqu'ici  n'a  vu, — que, 
dès  une  haute  antiquité,  la  cité,  après  avoir  choisi  son  médecin  pu- 
blic, lui  donnait  ce  local,  celte  oflicine  très"  complexe,  ijue  l'on 
nommait,  suivant  les  dialectes,  larpeTov,  îr,Tpetov,  ou  même,  comme 
l'écrit  Asclépiade,  h-^ir^.  Lorsque  nous  aurons  montré  ce  qu'était 
cet  iatrium,  on  comprendra  que,  même  en  l'absence  d'un  texte  posi- 
tif, l'induction  seule  permettait  d'établir  que  la  cité  devait  pour- 
voir de  cette  offlcine  le  médecin  qu'elle  employait.  En  elTel,  quand 
un  médecin  public,  comme  ce  Démocéde  de  Crolonc,  dont  nous 
avons  parlé,  quittait  une  ville  pour  aller  exercer  dans  une  autre, 
qu'aurail-il  fait  de  l'oftkine  qu'il  abandonnait,  si  elle  lui  avait  ap- 
partenu? qu'aurait-il  fait  des  machines,  dont  beaucoup  étaient  fixes, 
des  instruments  variés,  des  lits,  des  médicaments  qu'elle  contenait, 
et  comment  aurait-il  pu  transporter  de  ville  en  ville  tout  ce  maté- 
riel? Bien  plus  :  est-ce  que  beaucoup  de  ces  médecins  n'arrivaient 
pas  (comme  Uémocède  lui-même,  fuyant  la  maison  paternelle,  ar- 
riva à  Égine),  dans  la  cité  où  ils  avaient  dessein  d'exercer,  sans 
appareils,  sans  outils,  sans  médicaments,  sans  même  le  modeste 
bagage  chirurgical  (pi'un  auteur  hiiipocrati(]ue(l)  recommande  d'em- 
porter avec  Foi  en  voyage?  et  alors  comment  pouvaient-ils,  ilans  des 
conditions  si  précaires,  accomplir  la  mission  si  importante  de  soi- 
gner, comme  médecins  publics,  une  clientèle  considérable?  mais 
tout  s'explique,  tout  se  comprend  si  l'on  admet,  et  il  faut  l'admettre 
sur  l'autorité  de  (îalien,  que  la  cilé  possédait  une  oflicine,  un  ialrintn 
public,  (ju'elle  mettait  à  la  disposition  du  médecin  qu'elle  avait  élu. 

Examinons  maintenant  ce  (|u'était  un  itilrium.  L'intritim,  à  pro- 
prement parler,  était  l'oflicine  du  médecin  ;  tout  méilecin  possé- 
dait un  iati  inm.  Ainsi,  par  exemple,  si  l'on  en  croit  Timée  (2), 
Aristote  lui-même,  qui  était  de  famille  médicale  cl  avait  écrit  sur  la 


(1)  Bienséancr,  g  8  et  Rcq.,  in  llipp.,  «'d.  I.iltré,  t.  fX . 

(2)  Tim.dcTaurom.,  lu  Uidol,  t'rurjtn.  hisl.  fjr/ec.,  fragm.  70.  p.  200-210.  Kusèbr 
cepcMniatil  (m  Pra'/i.  ivwuj.^  \V,  ii,  p.  701)  dit  (|ue  Tiuiûc  a  uieiili. 


I,\    MKDKCINK    PUBMQUK    DANS   l'aNTIQUITK    GHRCQUK.  333 

médecine,  avait  posst'ilt;,  puis  quitté,  un  iatrium  d*'  grande  valeur 
(■7roXuTt';i.-riTov  lotTpEtov).  liien  (les  causi's,  on  le  coMiprciid,  [jouv.iirnl 
(''tal)lii' la  réputation  et  ronsé(iuemnicnt  l'importance  de  tel  ou  tel 
ialiiuiii  eu  paiiiculier;  ainsi,  par  cxciiiple,  In  renommée  scienti- 
(iiiuc  (lu  inctlcciri  qui  en  était  le  possesseur,  ou  encore  la  bonne  si- 
tuation (le  l'iatriiim,  devait  avoir  une  inilucnce  :  rolliciiie  d'Kutliy- 
diiiue,  dont  nous  parle  Esi:liine  (1),  devait  être  assurément  fort 
achalandée,  car  elle  était  située  au  Pirée,  et  le  Pirée  était  le  quar- 
tier le  i)lus  ancien  et  le  plus  populeux  d'Alliénes  ;  c'est  par  là 
qu'allluaient  les  étrangers  et  aussi  les  maladies  :  la  peste  {loi\t.ô;) 
dont  Thucydide  fut  atteint  et  fut  témoin,  et  (ju'il  nous  a  décrite  (2), 
avait  débuté  par  le  Pirée. 

Il  n'est  pas  dou'eux  (jue  Tuflicine  la  plus  importante  de  toutes, 
dans  une  cité,  élait  l'officine  du  médecin  public  ;  elle  devait,  pour 
satisfaire  aux  besoins  d'une  clientèle  considérable,  ô(re  aussi  bien 
organisée  que  possible  :  c'est  cette  oflicinc-typc  que  nous  allons 
maintenant  décrire. 

L'ialriuin  public,  d'après  Galien  (3),  était  un  édifice  relativement 
vaste;  il  était  pourvu  de  hautes  portes  et  recevait  pleinement  la 
lumière.  Voilà  pour  l'extérieur.  Pénétrons  maintenant  dans  l'édi- 
fice et  voyons  quelles  en  étaient  les  dispositions  à  l'intérieur. 

D'abord,  on  [leul  tenir  pour  certain  que  dans  cet  iatrium  élait 
situé  le  logement  du  médecin;  c'est  là,  en  effet,  que  celui-ci  opé- 
rait et  soignait  les  malades,  là  qu'il  donnait  des  consultations,  là 
qu'il  préparait  les  remèdes  c'est  là,  sans  aucun  doute,  qu'il  devait 
loger,  lui,  sa  famille  et  aussi  ses  aides. 

A  côté,  devait  se  trouver  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  le 
«  cabinet  de  consultations  ».  11  est  certain,  en  effet,  ([ue  nombre  de 
malades  se  rendaient  à  Viatrium  pour  y  consulter  le  médecin,  et 
nous  en  trouvons  la  preuve,  par  exemple,  dans  le  passage  où  Xèno- 
phon  (i)  nous  rapporte  l'assassinat  commis  à  Cliio,  par  Etéonice 
escorté  de  quinze  spadassins,  sur  un  pauvre  diable  «  souffrant  des 
yeux  »  et  «  sortant  d'un  iatrium  »,  où  il  venait  évidemment  de  con- 
sulter riiomme  de  l'art. 

Plus  loin  était  la  salle  d'opérations  avec  son  imposant  arsenal  : 
dans  cette  chambre,  on  voyait  des  entailles  ingénieusement  prati- 
quées dans  les  murs,  des  leviers  divers  ;  la  poutre  transversale  dont 

(1)  EscliiD.,Ora^  contra  Tinmrc/i.,  I,§  /lO. 

(2)  Tluicyd.,  lib.  II,  §  kl,  48  ets3<i. 

(3)  Galm.,  loc.  cit.{ èv  otxoi:  ixîyciXo'.;,  Ojpa;  ij.ïy*^*^  vWtô;  7>),r.;;£t; ) 

(/i)  Xeii.,  Hiàl .  Grcec,  lib.  Il,  cap.  i,  §3. 

xxxix  16 


.'{.*{-l  IIKVIK    AnCHK:(>!,t>GI(.UK.. 

parle  Hi|i|iorrale  l'oiiiine  exisl.iiit  il';iilli'iirs  dans  toutes  les  maisons 
et  ilont  on  so  st'rv;iil  pour  li-diiii-i'  l(>s  luxations  de  la  cuisse  eu  y  sus- 
pendaiil  lipaticnt  parles  pieds;  liiisii  niiifiil,  appelé  plus  lard  lebanc, 
duquel  Hippocraledil  :  <i  II  iuiporle  au  iiiéderiu  pralii|uanl  dans  une 
ville  po[)uleuse  de  posséder  une  inaeliiiuî  ainsi  disposée  »,  et('.; 
tous  objets  mentionnés  dans  li'  livre  hippocralhiue  inlilulé  Des  arti- 
culdtions  (1).  En  outre  de  ces  divers  appareils  lixes  et  de  ces  nia- 
fhines,  s'y  trouvaient  des  instruments  (o:Y«va).  couteaux,  bistou- 
ris, etc.,  tous  d'airain;  des  bandes,  des  compresses,  des  lacs,  des 
ventouses,  des  cautères,  ele.  On  y  trouvait  encore  des  instruments 
spéciaux,  tels  (pie  l'arraclie-dents,  le  trépan,  l'outil  à  couper  la 
luette,  etc.;  des  sièges,  tous  d'égale  hauteur  pour  (jue  le  médecin  et 
le  patient  fussent  tous  doux  sur  un  môme  niveau,  et  enfin  une 
table  :  tous  objets  dont  font  mention  les  livres  bippocrati(|ues  inti- 
tulés De  l'officine  du  médecin  et  Du  inrderin  (2).  C'est  certainement 
celte  salle  (jui  devait  spécialement  recevoir  celte  lumière  abondante, 
soit  naturelle,  soit  artiiicielle,  (lu'IIippocrate  et  Galien  après  lui 
considèrent,  à  juste  titre,  comme  indisjiensable  pour  bien  opérer. 

Plus  loin  encore,  se  voyait  le  local  où  les  médicaments  étaient 
conservés,  préparés  et  débités  au  public.  Que  le  médecin,  en  effet, 
possédât  dans  son  /a/r/Mm  des  médicameats,  le  fait  est  prouvé,  par 
exemple,  par  le  passage  du  Serment  dans  lequel  le  récipiendaire 
s'enga^ie  à  ne  remettre  à  ptTsonne  du  poison,  ce  qui  implique  que 
les  médecins  possédaient  chez  eux  des  substances  médicamen- 
teuses C3). 

Que,  d'autre  part,  le  médecin  préparât  lui-même  ces  médica- 
ments, on  en  trouve  la  preuve  dans  le  passage  suivant  de  Pline 
l'Ancien  (i)  :  «  Les  médecins  (de  mon  temps},  dit  Pline,  ignorent  les 
caractères  des  substances;  la  plupart  môme  en  ignorent  jusiju'aux 
noms,  tint  ils  sont  loin  de  savoir  préparer  les  médicaments,  ce  qui 
jadis  était  leur  ollice.  » 

Sans  doute,  il  existait  déjà  tlu  teiiip^  d'iliiijiociate  des  «pap- 
aaxoz(ô).ai  (fabricants  et  vendeurs  d'amuleltes  et  aussi  de  drogues), 
puisque  Aristophane  en  fait  mention  dans  une  de  ses  pièces  (5); 

(1^  Hipp.,  éd.  Limé,  t.  IV,  §  /i7.  §  50-72. 

(2y  Hipp.,  éil.  Litlr.%  t.  III,  xai'  ir,Tf,ttov,  ri  l.  IX,  :ttpt  Ir.Tpoû. 

(3;  CcUe  coutume*  a  passé  des  (îrocs  :iux  Itoiiiuiiis  :  voir  Plante,  Meiratur,  act.  II, 
K.  IV,  V.  3-A,  ut  voir  aussi    le  téiiiuignagn  du  jurisconsulte  Paul    (lib.   III    Smt . 
I.  VI,  Ji  o:i^,qui  vivait  encore  bous  Alexaudro  Sévère,  etc. 

(4)  l'Un.,  //.  S.  XXXIV,  cap.  nv. 

(5)  Ari»topli.,*.Vii//r»,  v.  700elfccliol. 


f.  \    MlinKCINIi    l'UllLIgUK    DA.NS    L'AMiyUriK    G IIKCOIK.  .'J3.") 

mais  il  ne  paraît  pas  (lu'eii  Grèce  la  coutume  des  médecins  de  pré- 
parer eux-mômcs  et  même  parfois  de  porter  aux  malades)  leur, 
médicaiiiciils  ail  jamais  disparu;  du  moins,  on  retrouve  celte  cou- 
luiiie  mciilioiini-e  encore  dans  un  passa^^'e  de  Libinius  (I),  et  il  faut 
descendre  jusqu'aux  bas  siècles  pour  trouver  en  Grèce,  dans  le 
7niu.£VTâoio;  (2)  (le  piijini'Htitrius  des  Latin<),  l'analogue  de  notre 
pharmacien  actuel,  (jui  exécule  «  les  prcscriijtions  du  médecin  )),Tà 
Twv  larpôiv  tTriTaYfJLaTa. 

Que  le  médecin,  enfin,  débitât  dans  ce  local  les  médicaments  au 
public,  le  fait  n'est  pas  douteux,  témoin  le  passa-e  où  le  méilecin 
(sans  doute  Hippocrate  lui-même)  qui  prati(|uaii  ù  Tliasos  dit 
expressément  :  a  Les  Thasiens  ne  vinrent  pas  clierclier  de  secours 
dans  Viatriiim  (3).  »  —  Témoin  encore  ce  passa;^'e  oii  Platon  men- 
tionne «....  ceux  qui  vont  dans  Viatrium  pour  s'y  faiie  administrer 
une  potion  (4).  » 

L'aspect  de  cette  salle  devait  d'ailleurs  ressembler  beaucoup  à  ce- 
lui des  boutiques  de  nos  herboristes  actuels  :  les  matières  premiè- 
res, les  topiques,  les  purgatifs,  etc.,  y  étaient,  nous  dit  un  auteur 
hippocrali(|ue  (5)  «  rangés  selon  les  genres  et  les  grosseurs  «. 

A  ce  local  devait  évidemment  être  annexé  un  réduit  contenant 
les  ustensiles,  les  loyers  et  le  bois  de  sarment  (tî)  nécessaires  pour 
la  préparation  à  chaud  de  certaines  substances  médicamenteuses. 

Entin,  dans  Viatrium  se  trouvait  un  dernier  local  garni  de  lits, 
local  plus  grand  peut-être  à  lui  seul  que  tous  les  autres  réunis: 
c'était  la  chambre  des  malades. 

Avant  d'examiner  de  près  ce  dernier  local,  nous  demandons  la 
permission  de  présenter,  sur  tout  ce  que  nous  venons  de  décrire, 
quelques  observations  importantes.  Ce  qui  frappe  tout  d'abord, 
c'est  la  complexité  de  l'odlcine  médicale  :  comme  on  le  voit,  un 
iatrium  complet,  comme  devait  l'être  celui  du  médecin  public, 
comprenait,  indépendamment  du  logement  du  médecin  et  de  son 
cabinet  de  consullations,  une  salle  d'opérations  avec  son  arsenal, 
une  boutique  à  médicaments,  et  au  moins  une  salle  de  malades. 

(1)  Libanius,  op.  et  cd.  cit.,  t.  I,  p.  JG  D,  v.aT'  taip.  çapii-ax. 

(2)  Mentionné  par  Olympiodore  de  Tliùbes  {ad  Gorg.  Plat.),  qui  vivait  sous 
Arcadius  et  Tiiéodose  II.  (V.  Suumaise,  Exercit.  Plin.,  p.  470.) 

(3)  Hipp.,  éd.  Litlré,  t.  II,  Ei>.,  p.  6ô5. 

(4)  Plat.,  De  leyib.,  l,  §047. 

(5)  Dietisrnnrp,  in  Hipp.,  éd.  Littré,  t.  IX,  §  lu 

(6)  V.,  Marrob.,  lib    Vil,  cap.  xvi. 


336  IIKVUK    ARr.H|JoLO<;iOLK. 

GaluMi  avait  lionr  raison  de  nous  diro  quo  les  nflirincs  confiées  par 
lescilos  aux  nu-ciiTins  pulilics  étaient  de  vastes  édifices. 

Ce  qui  surpnMid  ensuite,  e*est  la  niulliplicité  des  emplois  (jiie  de- 
vait remplir  le  méderin  :  relui-ci,  en  eirt,  d'une  p:ul,  dans  l'in- 
lérieur  de  l'offieine,  était  tenu  de  donner  des  consultations,  d'opé- 
rer et  de  traiter  des  malades,  de  préparer  et  de  distribuer  les  médi- 
caments, enfin  d'euhvtenir  un  iiiiporlanl  matériel;  d'autre  part,  en 
dehors  de  l'officine,  il  était  tenu  de  visiter  tous  les  malades  (i)  qui 
réclamaient  son  intervention,  et  aussi,  disons-le  de  suite,  de  rester 
au  poste  d'honneur  que  lui  avait  confié  la  cité  (|uand  celle-ci  était 
désolée  par  les  épidémies  (2).  Une  pareille  tâche  eût  été  écrasante, 
si  le  médecin  public  n'avait  eu,  comme  les  méilecins  ordinaires,  des 
aides  dont  nous  aurons  à  parler  plus  loin  :  les  aides-esclaves  (et  ils 
devaient  être  nombreux  dans  le  vaste  iatrium  public)  étaient  très 
probablement  des  esclaves  publics,  fournis  au  médecin  et  entretenus 
par  la  cité;  la  dépense  pour  leur  entretien  n'aurait  pu  certainement 
être  supportée  par  les  ressources  personnelles  du  médecin. 

Ce  qui  étonne  enfin,  et  ce  qu'on  a  peine  h  comprendre,  c'est, 
étant  données  l'immense  clientèle  du  médecin  public  et  l'énorme 
consommation  de  médicamenis  de  toute  espèce  qui  en  dev:iit  résul- 
ter, comment  le  médecin  pouvait  se  fournir  de  médicaments  en 
suffisante  quantité  s'il  les  devait  acheter  de  sa  bourse  ;  mais  tout 
s'explique  si  l'on  admet  que  la  cité  lui  fournissait  gratuitement  ces 
médicaments;  le  précieux  document  suivant  va  éclairer,  d'ailleurs, 
d'un  jour  inattendu,  ce  point  important. 

En  effet,  une  inscription  athénienne,  recueillie  par  Uhaiigabé,  et 
sur  laquelle  nous  reviendrons  plus  loin,  loue  un  certain  Évenor, 
médecin,  parce  que,  «...  préposé  parle  peuple  pour  la  piéparation 
des  médicaments,  il  a  dépensé  un  talent  à  ce  service.  » 

Or  il  est  bien  certain  (juc  si  cet  Evenor,  qui  est  évidemment  ici 
un  médecin  public,  est  félicité  pour  avoir  dépensé,  de  sa  poche, 
cinq  mille  cinq  cent  soixante  francs  enviion  de  médicaments,  c'est 
qu'il  a  fait  un  acte  ()u'il  n'était  pas  tenu  de  faire,  et  s'il  n'était  pas 
lenu  de  dépenser  son  argent   en  médicaments,  c'est  qu'en  réalité 

(ly  II  cfii  ceriain  qu'en  Grèce  cl  dt'jà  du  tninp!»  d'Ilippocrato,  roiiimo  le  dit  for- 
ropllenn-nl  CiccDii  {De  oral.y  III,  .13),  clu'iuo  iinîdi'cin  faisait  tout  «cqui  so  r.-ipporlc 
à  l'art  d»!  guérir.  Cftic  coutume  a  ptithisiù  loiigtcmpH.  cummc  on  en  trouve  la  preuve 
daoB  hn  propres  déclaration»  do  Scribonius  Largu»  (fol.  162)  qui  vivait  HOusCiande. 
Les  8péciali»ic*  n'apparaitsent  qu'uni  époques  de  décudenci;  de  l'art . 

{2,  Voir  plu»  loin  l'inscription  d<>  Carpaih.». 


LA    MKHECINK    PUBLigUR    DANS    i/aNTIQI'ITK   GRRCQUE.  .'137 

la  cil6  (lovait  les  lui  fournir  :  cola  nous  paraît  forlclair;  mais,  conimo 
il  est  arrive';  i|iio  la  (iiiaiilitr  alloiit''c  par  la  cilû  (Hait  insulfisanle,  !>(;- 
nor,  en  médecin  dévoué,  n'a  pas  hésité  à  en  aclicler  de  son  propre 
argent,  alin  (jucles  malades  qui  lui  élaii-nl  conliés  ne  restassent  pas 
privés  (les  secours  de  la  tliérapeuli(|ue. 

D'ailleurs,  par  la  réllexion,  il  est  aisé  de  se  rendre  compte  (ju'il 
en  devait  être  ainsi  :  en  ciïet,  puisqu'il  est  avéré  (jue  le  médecin 
piiltlic  devait  soigner  gratuitement  les  malades,  il  est  évident  qu'il 
leur  devait  donner,  gratuitement  aussi,  les  mcdicaments  ;  car,  à 
une  époque  où  l'on  ne  distinguait  pas  le  médecin  du  pharmacien, 
soigner  les  malades  ou  les  médicamenter  c'était  «  tout  un  »,  et 
celte  gratuité  dos  soins,  c'est-à-dire  des  médicaments,  ne  pouvait 
certainement  s'obtenir  qu'à  la  condition  que  la  ville  elle-même 
pourvût  de  médicaments  l'officine  publique  :  ce  qui  avait  efTective- 
ment  lieu. 

Ainsi  donc,  il  faut  tenir  pour  certain  que  non  seulement  la  cité 
mettait  une  officine  à  la  disposition  du  médecin  public,  mais  encore 
qu'elle  garnissait  cette  officine  de  mcdicameiils  ;  pour  le  reste,  on 
n'a  pas  de  documents  précis,  mais  on  peut  admettre,  —  et  nous 
pensons  que  là  est  la  vérité,  —  que  la  cité  fournissait  (nous  verrons 
plus  loin  avec  ([uelle;,  ressources)  tout  ce  qui  était  indispensable  au 
médecin  pour  accomplir  sa  mission;  on  un  mot,  chaque  ville  possé- 
dait un  iatrium  public,  pourvu  non  seulement  de  médicaments, 
mais  encore  d'instruments,  de  lits,  de  meubles,  etc.,  et  d'un  per- 
sonnel esclave  pour  les  besoins  du  service;  le  médecin  public,  une 
fois  élu,  s'installait  dans  cet  iatrium;  son  successeur  en  prenait 
possession  de  même,  et  par  là  lout  s'explique,  tout  se  comprend 
sans  la  moindre  difficulté.  Ajoutons  qu'il  ne  paraît  pas  douteux,  — 
bien  que  les  dispositions  de  la  loi  de  Charondas  ne  soient  pas  par- 
venues jusqu'à  nous,—  que  la  mùine  loi  qui  institua  dans  chaque 
ville  le  médecin  public  imposa  à  chaque  cité  l'obligation  d'entrete- 
nir un  iatrium  public  :  l'officine  publique  a  dû  certainement  naître 
en  môme  temps  que  le  médecin  public;  c'est  en  quelque  sorte  l'outil 
qui  apparaît  en  môme  temps  que  l'ouvrier  pour  accomplir,  comme 
dit  Xénophon,  «  l'œuvre  médicale  de  la  cité  »  (tô  t/.;  tto'Xswç  laTptxov 

epyov). 

Revenons  maintenant  aux  malades  couchés  dans  l'iatrium. 

Il  est  en  effet  facile  de  prouver  que  l'officine  devait  contenir  des 
malades  :  par  exemple,  lorsqu'on  lit,  au  paragraphe  2  du  livre  hip- 
pocratique  Sur  le  médecin,  que  l'iatrium  doit  être  un  lieu  com- 
mode, où  le  vent  ne  puisse  ni  pénétrer  ni  être  gênant,  où  l'éclat  du 


338  mvi  I    Ancuftoi.or.iorK. 

soleil  iii'  Mt'ssc  pas  les  regards,  et  où,  consf^'fiucninitMil.  I.i  liiniicrc 
(loil  vciiii' oMi(]U('mcnl ,  il  est  clnir  (iiio  rniiicur  n  siirloul  en  vue 
rinlT'ic^l  lies  m.ijadi's  (jiii  s'y  Irniiveiil  rasscniiih'S.  (Icin  <'sl  si  vrai 
f|irau  iiK^mc  paragraphe  de  Idiivrage,  et  imniédiatcnicnl  après  la 
desniplion  de  cesdisposilions  adonner  fi  l'ialiium,  l'auteur ajoulc  : 
(I  On  fournira  aux  personnes  Irailêes  de  l'eau  itolalile  et  jnire.  «  Il 
s'agit  bien  évidemment  ici  des  personnes  traitées  dans  l'iatrium  (1). 
Lorsque,  dans/rs  Acliarnirm  d'Arisloj)liane(2).  I.amaclms  répond 
à  Dicéoiiolis  qui  l'a  engagé  à  se  faire  soigner  chez  les  disciples  de 
Pilîalus  : 

riauovi'aïai  /s'cciv. 

((  Foras  cITerte  nie  in  doniuni  Pillali 

a  Pœoniis  manibus,  r, 

il  est  infiniment  probable  (ju"il  entend  s'installer  dans  l'oiricine  de 
l'itlalus,  dans  l'iatrium  du  médecin  juiblic. 

Quand  Platon  {'.V]  nous  dit  ijue  «  dans  un  Klal  où  abondent  les 
malades,  il  faut  bien  que  des  officines  (tarpela)  s'ouvrent  en  grand 
nombre  »,  c'e.U  apparemment  pour  y  admeltie  les  nombreux  ma- 
lades accumulés  dans  la  cité. 

D'auiie  part,  il  est  certain  que  des  opérations  graves  se  prati- 
(juaient  dans  l'iatrium  :  comment  alors  admettre  (juc  les  malades 
qui  les  avaient  subies  devaient,  immédiatement  après,  (juitter  cet 
ialrium? 

Mais  d'autres  raisons,  plus  fortes  encore,  peuvent  être  invo- 
quées :  par  exemple,  ainsi  (jue  nous  le  dirons  jilus  loin,  tout  méde- 
cin possédait  une  classe  particulière  d'aides,  qui  étaient  les  aides- 
élèves,  auxquels,  moyennant  salaire,  il  enseignait  la  médecine;  si 
l'on  admet  (ju'iUe  trouvait  des  malades  rassemblés  dans  l'iatrium, 
il  est  naturel  de  penser  que  tout  individu  se  destinant  à  la  profes- 
sion médicale  allait  s'installer  dans  cet  ialrium  ;  or  c'est  précisé- 
ment ce  (jue  nous  laisse  entendre  Escbine,  ilans  le  passage  signalé 
plus  haut,  loi-squ'il  nous  montre  Timaniue  allant  «  s'installer  dans 
l'officine  d'Ilutliydniuc,  au  Piréc  ,  jiour  laisser  supposer  (ju'il  se 
propfise  d'étudier  la  médecine  »  : 

(1)  Voir  aussi  au  iiif;nif!  paragraphe  le   |i;usf,a;;t;  :  -y.  -roivjv  dv  Ir.Tptiio   Oepantuo- 

(uva,  etc. 

(2;  Aridioph.,  Acharn.,  v.  1222-12^3. 

'3;  Plat.,  Prrivit.,  lib.  III. 


LA    MKDI'.CINK    l'IMtMQUK    DANS    I,' A  NTInl  in',    (illKCOrK.  .'{.'ili 
ExaOexo  £v    lleicotie",  i-z'i  toO  RùOuoiV.o'j    îvTCtio'j,    Tico'iâdEi    [/àv    Tij; 

Cet  imporlnnl  passage  nous  iiinnlro  donc  d'alionl  qu'il  y  avait  des 
malades  dans  Viatrium,  puisrjue  Timarque,  se  proposant  ostensible- 
ment d'apprendre  la  iiH''ik'einc,  allait  s'y  élalilii-;  il  nous  montre 
ensuite  qu'on  y  soignait  toutes  sorles  d'affeclious,  l(s  unes  médi- 
cales, les  autres  chirurgicales,  de  manière  que  l'élève  pût  réelle- 
ment y  apprendre  l'art,  et  l'art  lout  entier. 

Du  reste,  le  passage  suivant  de  i'iaton  (1)  lèverait  tous  les  doutes, 
s'il  pouvait  en  exister  encore  : 

Toù;  u.£v   ooûÀou:;...   oî    ooùXoi  Ta  "oXÀa   JaTceuouffi  repiTGîyovre;   xai 

Iv  Toïç  îaxj^Eioi;  7T£çi[j.£vovTe; 

qu'il  faut  traduire  : 

« En  général,  les  aides-esclaves  (que  possèdent  les  médecins) 

traitent  les  esclaves,  soit  dans  les  visites  en  ville,  soit  dans  Via- 
trium  ...  » 

Ainsi  donc,  il  est  parfaitement  établi  que  des  malades  étaient  soi- 
gnés dans  toute  officine  médicale,  et  l'on  pense  bien  que  la  vaste 
officine  du  médecin  public  devait  en  contenir  une  grande  quantité  ; 
on  n'y  admettait  vraisemblablement  que  les  malades  atteints  d'affec- 
tions graves,  et  ici  encore,  c'étaient  les  pauvres  de  la  cité  qui  de- 
vaient surtout  profiter  des  lits  installés  dans  Viatrinm  public,  et  ce 
point  important  mérite  de  nous  arrêter  un  instant. 

On  peut  tenir  pour  certain,  sans  qu'il  soit  besoin  d'insistei-,  que 
les  malades  aisés  se  faisaient  de  préférence  traiter  à  domicile; 
d'autre  part  nous  venons  de  voir,  par  un  passage  de  Platon,  que  des 
esclaves  étaient  traités  dans  Viatrimn  ;  mais  il  faut  bien  comprendre 
ce  passage  :  Platon  veut  dire  que  (juand  il  y  a  des  esclaves  malades 
traités  dans  i'ialrium,  ce  sont  les  aides-esclaves  qui  les  soignent  ; 
d'où  l'on  doit  inférer  que  quand  il  y  avait  d'autres  malades,  non  es- 
claves, dans  ce  local,  c'était  le  médecin  lui-même  {qui  était  toujours 
en  Grèce  de  condition  libre)  qui  leur  donnait  des  soins.  Or,  puisque 
les  riches  se  faisaient  pour  la  plupart  traiter  à  domicile,  les  malades 
—  autres  que  les  esclaves — soignés  par  le  médecin  dans  Viatrium  ne 
pouvaient  être  que  des  citoyens  pauvres  ;  cela  nous  paraît  évident. 
D'ailleurs,  il  est  difficile  d'admettre  que  le  peuple  bienfaisant  ijui 

(1)  Plat..  De  legi/i.,  IV,  p.  720. 


3-40  HEVUK    ARCHEOIOOIODK. 

avail  f.iil  une  loi  pour  assurer  le  service  luédical  dans  ses  armées  (1), 
(jui  avail  (lêciiit^  il'enlretenir  aux  frais  de  l'Élal  les  soldais  muli- 
li's  (i),  qui  avail  dans  loules  ses  villes  des  refuges  pour  jiourvoir  à 
lous  les  besoins  des  élrangers  (il),  le-.|uels,  mOnie  pauvres  el  mala- 
des, trouvaient  des  médecins  pour  les  soigner  graluilement  ('i), 
n'ail  |>ns  songé  à  ses  propres  enfants,  jiauvres,  malades  elsans  asile. 
Quoi!  Its  pauvres  bien  j)orlants,  avaient  pour  se  noni-rir,  les  distri- 
butions de  vivres  el  les  repas  publics  (;>)  et  ou   Nui-  permellail  en 
liiver  r.iccès  des  établissements  de  bains  publics  jiour  se  eliauffer 
cl  se  coucher  la  nuil  (>).  —  ce  qui  démontre  en  somme  que  l'I-llat 
lémoignail  aux  indigents  un  certain  degré  de  sollicitude,  —  el  ces 
mêmes  pauvres,  alleints  par  la  maladie,  n'auraient,  dans  leur  la- 
mentable situation,  tiouvé  aucun  refuge:'  ils  .-luraient  trouvé  des 
soins  médicaux  gratuits  et  pas  un  abri  pour  reposer  leurs  memltres 
fatigués  par  la  douleur  el  par  l'épuisement?  En  vérité,  cela   ne  peui 
pas  élre,  et  il  faut  reconnaître  que  les  salles  de  malades  de  Viatrium 
public  étaient  spécialement  réservées  aux  citoyens  pauvres  ;    car 
eux  seuls  avaient  vraiment  besoin  de  cet  asile  public,  eux  seuls 
avaient  vraiment  besoin  des  secours  gratuits  que  le  médecin  public 
devait  y  prodiguer  :  oITrir  des  médicaments  à  des  malades  sans 
asile  n'eût  été  véritablement  qu'une  aiiiére  dérision. 

Nous  n'insistons  pis,  et  nous  verrons  plus  loin  qu'il  y  a  lieu  de 
croire  que  la  nourriture  des  citoyens  pauvres,  traités  dans  Tiatrium  , 
étiil  fournie  parle  médecin  lui-môme. 

m 

Nous  venons  d'étudier  les  dispositions  prises  par  les  cités  pour 
assurer  les  secours  médicaux  à  lous  les  citoyens  ;  examinons  main- 
tenant quels  avantages  pécuniaires  ces  mêmes  cités  réservaient  aux 
médecins  publics  qu'elles  avaient  élus. 

(1)  Xcnopli.,  De  repub.  Lncedcm.,  cap.  iiii,  7. 

(2)  PluUrq.,  inSolon.,  cap.  XXXI,  §  4.  On  ;i  dit  ^Arislid.,  Orai.  Pauathenaic.) 
qu'Atlienes  éiuit  la  hOule  ville  de  Gr{:cc  où  cette  couliimu  était  ûtablic  ;  mais  que 
Teut-on  prouver  parla?  En  France,  acluolicmunt,  il  n'y  a,  de  niCnie,  qu'un  seul 
Hôtel  des  InvalidcH. 

(3)  ArlMoph.,  .Sc//o/.  uU  Ave-:,  v.  1021. 

(A)  Voir  plus  haut  notre  citation  des  Vréccytes  hippocrati'iues,  cl  l's  inscriptions 
que  nous  ra))|>ortcr(in!t  plus  loin. 

(5)  Institués  par  Lycurt^ne 

(6)  Aristoph.,  Sriiol.  ni  l'tutui/i,  v.  535. 


LA    MKDKCINI.;    l'UIU.IQUE    DANS    i/aNTIQUITK    finRCOUi:.  .'Ml 

D'apn^s  le,  pass,i<,Nî  de  Diodorc  do  Sicile  que  nous  avons  rnpporlé 
plus  liaiil  au  >iij('l  (lo  la  création  des  nKNlccins  publics,  on  voit  que 
ceux-ci  «''taiciil  payés  sur  les  fonds  publics  :  l'cxpicssion  cr.y.oTo,- 
(xiçOo'c,  (|ui  est  c'UiploYcc,  sii^nidi'  à  la  lcltr(!  ((  honoraires  publics  d, 
le  tci'inii  jrrcc  (xiaOô;  étant,  au  puinl  de  vue  nirdiial  {)rofession- 
nel,  l'analof^uo  du  latin  «  liouds  »  (|uc  (licéron  eui|)loie  (1),  et  dont 
nous  avons  précisément  tiré  le  lernie  <(  honoraires  n. 

Ces  honoraires  publics,  ou,  si  l'on  veut,  ce  Irailenient  alloué  par 
la  cité  au  méu'ecin  fonctionnaire  public  (c;r,ao7i£'jD)v),  moyennant 
lequel  celui-ci  devait  SCS  soins  graluils  à  tous  les  citoyens,  tiaile- 
mcnl  annuel  (2)  que  le  médecin  recevait  des  mains  du  Tay-a;  ou 
trésorier  public,  élait  perçu  au  moyen  d'une  contribution,  d'un 
impôt  payé  par  les  citoyens.  11  est  vraiment  curieux  (ju'aucun  des 
auteurs  anciens  qui  ont  traité  de  l'organisation  intérieure  des  cités 
grecques  ne  mentionne  cet  impôt;  fort  heureusement,  l'épigraphic 
vient  ici  suppléer  ;\  celte  insuffisance  de  documents,  et  l'inscriplion 
qui  porte  le  n"  16  de  celles  consacrées  aux  décrets  de  proxénie 
dans  le  Mémoire  sur  les  ruines  et  l'histoire  de  Delphes,  par  M.  Fou- 
cart  (3),  comble  définitivement  celte  lacune. 

11  est  dit  dans  celle  inléressanle  inscription  : 

E5o;£  TÎ  Tîo'Xst,  £V  ayopa   teXci'oc,   gv'j.    '];x'^t>)    Ta  èvvdaw,    «DtXiCTi'wvi  xa'i 
IxYOvoiî  (ZTsXsiav  stasv  yooavt'a;  /.al  tou  taxcizoù. 

Il  a  semblé  bon  à  la  ville  (de  Delphes),  dans  une  assemblée 
régulière,  avec  le  nombre  légal  de  suffrages,  d'exempter  Philistion 
et  ses  descendants  de  la  choragie  et  de  Viatricon.  » 

La  chora;/ie,  c'est  ici  l'impôt  prélevé  sur  les  citoyens  pour  subve- 
nir aux  fiais  d'un  chœur;  quant  à  Viatricon,  expression  que  Ion 
rencontre  pour  la  première  fois  avec  le  sens  qu'il  convient  de  lui 
attribuer  ici  (i),  c'est  l'impôt  prélevé  sur  les  citoyens  pour  assurer 
le  traitement  du  médecin  public,  —  et,  aussi  ajouterons-nous, 
pour  subvenir  aux  frais  d'entretien  de  Viatriuni  public. 

Sans  doute,  les  inscriptions  de  Delphes  rapportées  par  M.  Foucart, 


(1)  Gic,  EpisL,  XVJ,  ep.  9. 

(2)  Voir  lU'rodote.  lib   III,  c.  131. 

(3)  Arc/t.  de^  niiss.  scient,  et  litt.,  2«  série,  t.  Il,  p.  218-219,  Paris,  1865. 

(Zi)  Dans  Xénopiion,  laTpixôv  (ëpyov)  désigne,  comme  uous  l'avons  vu,  l'art  médi- 
cal, et  en  particulier  la  charge  de  médecin  public.  —  Dans  Libanius  {op.  et  éd. 
cit.,  t.  I,  p.  56,  D,  xax'  latp.  çap|iax.)  îaTptxôv  semble  désigner  le  médecin  :  ixôXi; 
{iàX),ov  ittTpixov  ?i  Xoi|AÔv,  «  urbs  medicum  mas;is  quam  pestem  (peiliorrejcit)  ->. 


ni'J  RKVUK    ARC.m-'OI.Or.lQl'K. 

(Inns  son  .M(^mnirt\  MUit  do  214  :i  Ifi.l.  et  à  relie  époque  Delphes 
élail  sous  In  ilomiiiaiioii  romaine;  mais  la  eiiô  l'inil  onj^aiiisée  eo 
répiibliiliie,  el,  comme  le  témoigne  la  formule  (pii  rommcncc  le 
texte  (le  l'in-rriplion,  le  peuple  it>niiait  dis  déerels  :  r'esl  (ju'il 
avait  (■■mservt''  ses  antiques  usa;:es,  el  ï'iatricon  avait  été  prélevé  de 
toul  temps. 

Le  rliilTre  de  rel  impiH  ne  nous  est  pas  connu;  mais  il  faut 
admettre  (ju'il  était,  en  moyenne,  assez  élevé  (et  constituait  par 
conséquent  une  somme  totale  considérable),  puisque,  comme  le 
lémoi.îne  l'inscription  rap[»ortée  jdus  haut,  c'était  une  haute  faveur 
que  d"en  être  exempté.  Or,  comme  nous  le  montrerons  plus  loin,  le 
traitement  du  médecin  public  était  fort  modique  ;  c'est  donc, — el 
nous  insistons  sur  celle  lemaniue  toute  personnelle,  —  c'est  donc 
que  le  montant  de  rimjiôl  n'était  pas  versé  intégralement  entre  les 
mains  du  médecin,  mais  que  la  plus  grande  partie  du  produit  de  cet 
impôt  servait  précisément  à  subvenir  aux  fraisélevés  d'entretien  de 
['iatriuïii  public. 

Il  serait  fort  dilTicile  de  dire  quel  était  le  montant  de  la  somme  qui 
revenait  au  médecin  public  pour  constituer  son  traitement;  mais  il 
est  indubitable  (lu'il  variait  suivant  l'importance  de  la  ville,  puis- 
que l'impôt  prélevé  sur  les  citoyens  variait  nécessairement  lui- 
même  suivant  le  nombre  des  citoyens  sur  lesquels  il  était  perçu,  et 
très  probablement  aussi  suivant  la  fortune  personnelle  de  chacun 
des  citoyens  imposés;  el  ces  difTérences  inévitables,  suivant  l'im- 
portance des  villes,  dans  le  montant  de  l'impôt  perçu,  forcent  éga- 
lement à  admettre  que  ['(atrium  public  d'une  ville  riche  et  popu- 
leuse était  nécessairement  mieux  garni  que  celui  d'une  cité  moins 
opulente. 

Sans  doute,  nous  possédons  quelques  indications  numériques 
mentionnées  par  les  historiens  :  ainsi  nous  savons  que  le  traitement 
alloué  pour  un  au  (I)  à  Démocède  de  Grotoue  par  la  ville  d'Éginc 
était  d'un  talent  (2),  c'est-à-dire  de  ri,5G0  francs  enviion,  et  (jue  le 
traitement  que  lui  alloua  Athènes,  l'année  suivanle,  était  de  cent 
mines,  c'est-à-dire  d'un  peu  plus  de  'J,200  francs;  mais  il  faut  bien 
savoir  que  la  réputation  médicale  de  Déraocédc  était  considérable, 
et  que  ces  sommes  (jui  lui  étaient  oil'erles  étaient,  comme  nous 
l'avons  déjà  observé,  des  traitements  exceptionnels  destinés  à  l'atti- 


(1)    C'est  encore  l'expre«»ion   5r,|AÔaio;  |iio6o;  qui,  i>onr  désigner  ce  traitement, 
ett  rmployéc  par  Hérodote  (lib.  III,  c.  131). 

'2j  Un  talent  d'Égino,  rVsi-.'i-dirc!  10,000  dr;ichind«. 


I,A    MKHRCINF,    PURI.IQUR    DANS    1,'aM  IQIH TK    cnKCOUR.  34.'{ 

rer  et  à  In  conserver  dans  la  ril6.  On  ne  peut  donc  se  servir  do  ces 
chiiïri's,  qui  sont  dos  maximn  In^s  élevés,  pour  élablir  quel  pouvait 
ôtrc  le  tr;iil(  ment  moyen  d'un  médecin  iiuliiic  de  réputation  ordi- 
naire. 

Nous  avions  pensé,  en  l'nhsence  de  doeumcnls  précis,  à  tourner 
la  diflirullé  et  à  cherchera  lixcr,  d'une  manière  approximalive,  le 
montant  des  honoraires  puhlics  payés  au  médecin,  en  nous  basant 
sur  le  montant  des  honoraires  privés  touchés  par  un  médecin  ordi- 
naire pour  une  consultation,  uni'  visite  ou  une  opération  ;  malheu- 
reusement, bien  qu'il  soil  parfaitement  établi,  par  de  nombreux 
passages  d'auteurs  grecs  et  latins  (1),  que  le  médecin,  dans  toute 
l'antiquité,  se  faisait  payer,  en  argent  monnayé,  par  ses  clients, 
nous  n'avons  rien  trouvé  qui  nous  donne  le  chiffre  mémo  de  ces 
honoraires.  Il  existe  bien,  dans  Cratès  deThèbcs(2),  qui  vivait  sous 
les  premiers  successeurs  d'Alexandre,  un  passage  qui  donne  pour 
salaire  au  médecin  «  une  drachme  »,  c'est-à-dire  à  peu  prés  un 
franc;  mais  ce  passage  est  conçu  dans  un  style  tellement  satirique, 
qu'il  ne  peut  être  (|uestion,  comme  l'a  observé  M,  Littré,  de  prendre 
à  la  lettre  les  indications  numériiiues  qu'il  contient. 

Si  donc  il  faut,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  renoncera 
fixer  en  chiffres  le  montant  du  traitement  alloué  au  médecin  public, 
du  moins  nous  pourrons  facilement  établir  que  ce  traitement  devait 
être  fort  modique  et  était  loin  d'enrichir  le  fonctionnaire  auquel  il 
était  attribué.  A  vrai  dire,  même  en  l'absence  de  textes  positifs,  on 
pouvait  afhrmcr  (ju'il  en  était  ainsi  :en  elTct,  dans  sa  pièce  intitulée 
Pliitus,  Aristophane  (3)  nous  dit  expressément  que  les  médecins 
d'Athènes  étaient  mal  payés  ;  on  pense  bien  que  le  médecin  public 
était  du  nombre  et  devait,  lui  aussi,  lui  surtout  (qui  ne  devait  rece- 


(1)  Plat.,  Protagor.,  c.  m;  Aristot.,  Po/.,  lib.  III,  cap.  11;  Xenopli..  Memorab., 
lib.  1,  cap.  II,  §  54;  etc.  Libanius  {op.  éd.  et  Inc.  cit.)  est  bien  étrange  :  il  vou- 
drait que  les  médecins  ne  se  fissent  point  payer,  et  il  ajoute  plus  loin  {Decl.  XXXI, 
p.  711,  d)  qu'ils  ont  raison  de  toucher  des  iionoraires   (àpyjpiov)  ! 

Chez  les  Latins,  Pline,  //.  iV.,  1.  XXVI,  cap.  m;  1.  XXIX,  §§  3,  5,  8;  mais  Pline 
ne  mentionne  ([ue  des  traitements  fabuleux,  exceptionnels  ;  Cic,  Epist.  XVI,  ep.  4, 
9;  Plaut.,  AuluL,  act.  III,  se.  2,  v.  34j  etc. 

Il  faut  descendre  jusqu'à  la  loi  salique  pour  trouver  mention  d'un  chiffre  exact 
d'honoraires;  les  honoraires  [inedicatura)  perçus  alors  pour  la  guérisun  d'une  plaie 
étaient  de  <i  neuf  sous  »  (in  Pact.ieg.  salie,  tit.  19,  §  6).  —  Les  lois  des  Wisigoths 
donnent  aussi  en  chiffres  la  mention  d'honoraires  ;  c'est,  par  exemple,  «  cinq  sous  » 
pour  l'extraction  heureuse  de  lu  cataracte  {L-'g.  Wtstgot/t.,  lib.  XI,  sect.  5>. 

(2)  In  Dioyen.  Laeit.,  éd.  Didot,  lib.  VI,  cap.  v  (8G). 

(3)  Aristoph.,  Plut.,  act.  IM.  se.  u,  v.  i07-/i08. 


M\  RETDK    AnCUKOLOGIQUK. 

voiraurnn  salaire  des  nmlados^  (Mrc  mnl  ivlnbiK',  et  alors,  s'il  lou- 
chait dos  honoraires  ino(li(i\iis  ;\  AiIkmics,  dans  .|ut'lli'  ville  de  (în''ce 
aurait  il  pu  en  recevoir  de  idus  élevés?  Mais  voici  un  document 
plus  |in''(Ms  : 

Une  très  furieuse  iu.H-ription  ijue  nous  rapporterons  en  ciilier 
plus  loin,  et  qui  mentionne  les  récompenses  accordées  par  la  ville  de 
Bryconle  au  médecin  puldic  Ménorrile  pour  son  dévouement  et  son 

désintéressement  professionnels,   nous  dit  :  « attendu  qu'au 

lieu  de  se  faire  payer,  Ménocrite  vil  dans  la   pauvreté,  et  qu'il  a 
sauvé  nomlire  de   citoyens  f^ravemcnl  malades    sans  accepter  de 
salaire,  conformément  à  la  loi  et  à  la  justice,»  etc. 
Que  faul-il  conclure  de  ce  passage? 

Faut-il  admettre  (jue,  puisque  Ménocrite  (qui  élait  payé  par  la 
ville  comme  médecin  j'ulilic)  s'est  conformé  à  la  loi  et  à  la  justice 
en  no  réclamant  aucun  salaire  aux  malades  qu'il  soignait,  et  puis- 
que le  décret  flatteur  qui  lui  accorde  des  récompenses  mentionne 
cette  conduite  avec  louanges,  faut-il,  disons-nous,  admettre,  avec 
M.  Foucarl,  que  les  médecins  publics  ne  se  conduisaient  pas  habi- 
tuellement de  mémo,  et  que,  tout  en  recevant  des  appointements  de 
la  ville,  ils  se  faisaient  payer  par  leurs  clients,  exactement  comme 
les  autres  médecins  dépourvus  de  litre  officiel? 

Non;  et  d'abord,  un  fait  aussi  immoral,  —toucher  deux  salaires, 
—  aurait  enlevé  au  médecin  tout  son  prestige  en  lui  enlevant  toute 
sa  dignité.  D'autre  part,  il  esl difficile  d'admettre  (jue  les  cités  eussent 
toléré  celle  manière  de  faire,  d'autant  plus,  comme  nous  l'avons 
montré  plus  haut,  que  les  candidats  à  l'emploi  de  médecin  public  ne 
manquaient  pas.  Il  est  plus  difficile  encore  d'admettre  que  les 
citoyens  qui  avaient  payé  leur  contribution  pour  avoir  droit  aux 
soins  du  médecin  public  consentissent  à  payer  de  nouveau,  et  de  la 
main  à  la  main,  les  soins  que  ce  médecin  leur  devait.  Knfin  il  est 
encore  plus  difficile  d'admettre  q';e  le  décret  que  nous  citons  ail 
songé   à  féliciter   Ménocrite   de   n'avoir   pas  été  un   malhonnôte 

homme. 

La  véritable  interprétation  esl  celle-ci  :  .-inx  ninls  a  attendu  que 
Ménocrite,  au  lieu  de  se  faire  payer.. .  »,  il  faut  ajouter,  en  sous- 
entendu,  <(  comme  il  eûleii  le  Iroit  de  le  faire,  s'il  se  JiU  démis  de 
ses  fonctions  »  (i)  ;  auiremenl  dit,  au  lieu  de  chercher  à  s'enrichir, 
comme  lanl  d'autres,  en  exereanl   sa   prolcssion  pour  son  propre 

1)  Cette  inlerprûiBiion.  q-if  M.  Wcscbcr  héiit'- ^  admclirp,  eil  la  seule  pUmiblc, 
*l  nous  l'adopioiis  Bans  rc><T\e». 


LA    MKniXINK    PUBLIQUE    DANS    L'ANTlyUlïK    (iMKCQUK.  34") 

coiiiple,  Méiiocriic  a  prélùré  «  pendant  plus  de  vingt  ans»,  dit  l'ins- 
cription, remplir  les  fonctions  de  médecin  public  et  «  vivre  dans 
la  pauvreté»  :  c'est  donc  (jue  l'emploi  en  (|ueslion  était  pauvrement 
rétribué,  et  le  décret  que  nous  a  conservé  l'inscription  loue  à  juste 
titre  Ménocrite  de  son  véritable  désinléressement.  Mais  on  n'ou- 
bliera pas  que  si  ce  traitement  élait  modique,  c'est,  comme  nous 
l'uvons  dil,  ([ue  le  médecin  ne  loucbail  pas  intégralement  le  mon- 
tant de  l'impôt  nommé  îafr<con;  cet  impôt  devantcertainement  servir 
aussi  à  l'entretien  de  l'iatrium  public,  l'on  conqiri'ud  aisément  com- 
bien les  frais  nécessités  par  l'entretien  d'un  pareil  établissement 
devaient  amoindrir  la  somme  nette  ([ui  revenait  au  médecin. 

Il  convient  d'ajouter  qu'une  autre  cause  pouvait  contribuer  à 
diminuer  le  montant  de  la  somme  perçue  par  le  médecin  public  : 
c'est  que  tout  fait  supposer  que  les  malades  absolument  nécessiteux, 
couchés  dans  Viatrium,  dcvaieni,  étant  sans  ressources,  être  nourris 
aux  frais  du  médecin  :  et  d'abord,  quand  nous  lisons,  dans  le  livre 
hippocralique  intitulé  i>w  ??i^rfecm,  ce  passage  que  nous  avons  cité 
déjà  :  «  On  fournira  {■Kct^v/ti.v  oii) -àux  [lersonnes  traitées  (dans  l'offi- 
cine)  de  l'eau  potable  et  pure,  »  il  est  clair  que  c'est  le  médecin  lui- 
môme,  quel  .(lu'il  fût,  public  ou  non,  qui  devait  lournii'  celte  bois- 
son ;  et  si  le  médecin  devait  fournir  les  boissons,  il  est  plus  que 
probable  qu'il  élait  tenu  également  de  fournir  à  ces  mômes  per- 
sonnes les  aliments  solides,  —  l'alimentation  appropriée,  le  régime, 
quelque  léger  qu'il  soit  (1),  faisant  à  coup  sûr  partie  des  besoins 
indispensables  à  tout  malade,  liche  ou  pauvre,  traité  dans  l'ofllcine. 
Or,  l'alimentation  ne  rentrant  pas  dans  la  somme  des  soins  «  médi- 
caux »  dus  gratuitement  aux  citoyens  par  le  médecin  public,  les 
malades  aisés  traités  dans  l'iatrium  public  rembouisaientsans  doute 
à  ce  médecin,  exactement  comme  s'il  eût  été  un  médecin  ordinaire, 
la  valeur  de  ralimenlalion  fournie.  Mais  aux  frais  de  qui  les  malades 
pauvres  étaient-ils  nourris?  Nous  avions  d'abord  pensé  que  la  ville 
encore  supportait  cette  dépense,  mais  nous  avons  dil  renoncer  à  cette 
conjecture  par  la  raison  suivante:  c'est  qu'il  paraît  certain  que  les 
médecins  ordinaires,  qui  traitaient  les  malades  moyennant  salaire, 
recevaient  dans  leur  ollicine  (îJ),  —  par  charité,  —  soignaient  et  né- 
cessairement nourrissaient,  de  leurs  deniers,  les  malades  pauvres, 
et  ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'il  arrivait  parfois,  à  cause  de  lindi- 
gence  dans  laquelle  ces  médecins  eux-mômes  pouvaient  se  tiouvcr, 

(1)  Bienséance^  \u  Hipp..  éd.  Liitu',  t.  IX,  §  17. 

(2)  l'robablcnieiu  quand  l'oflicine  publique  l'tait  encombrée. 


346  HKVUK    Mli:ilkOLOGIQUE. 

que  ces  mnlailes  pauvres,  admis  dans  l'olVu'inc,  (''liiiciil  fort  mal  soi- 
pni^sot  nourris,  comme  il  arriva  à  Hioii,  (jui  en  soulTrit  cruellemenl, 
au  rapport  de  l)io(!;t''ne  Laërce(l)  :  ce  ijui  nous  force  à  conclure  (|ue, 
a  fortiori,  le  mi-Jeciii  puMic,  (lui  devait  ses  soins  ^'ratuils  à  tous  et 
qui,  plus  iii;e  tout  autre  médecin,  était  tenu  d'exercer  charitablement 
son  art,  devait  également  nourrir  de  ses  deniers  les  malades  nécessi- 
teux admis  dans  ronicine  pnblii|ue,  oidii^'ation  ([ui,  on  le  comprend 
(et  bien  (juc  le  médecin  irduvàl  certaincnu'iil  une  comix'nsalion  û 
cette  dépense  en  faisant  payer  assez  cher  leur  nt-uiiitiire  aux  ma- 
lades aisés)  pouvait  diminuer,  dans  um-  certaine  me.iire,  les  hono- 
raires qu'il  touchait  de  la  cité. 

Cette  obligation,  s'imposanl  aux  médecins  publics  en  raison  même 
des  fonctions  vraiment  humanitaires  iiu'ils  remplissaieni,  avait  le 
précieux  avantage  de  slimiiler  en  (juehiue  sorte  leur  zélé  et  île  les 
obliger,  en  intéressant  quelque  peu  leur  bourse,  à  faire  tout  leur  pos- 
sible pour  hâter  la  guérison  et  par  consé(iueiil  la  sortie  définitive  des 
pauvres  ([u'ils  avaient  en  traitement. 

On  voit  donc,  en  résumé,  que  le  législateur,  en  créant  les  médecins 
publics,  avait  eu  raisonde  compter  sur  leur  désintéressement  profes- 
sionnel, puis  lu'il  faut  reconnaître  que  la  somme  allouée  à  litie  de 
traitement  par  la  cité  au  médecin  public  était  fort  modique,  et  nul- 
lement en  lapporl  avec  l'importance  des  services  rendus! 2)  :  bien  que 
ce  médecin  eût  l'avantage  d'élre,  comme  nous  l'avons  dit,  logé,  gra- 
tuitement sans  aucun  doute,  dans  l'ollicine  publi(|ue,  nous  n'hésitons 
pas  à  allirmer  que  son  traitement  eût  à  peine  >uni  à  ses  besoins  s'il 
n'avait  trouvé,  en  delu)rs  de  ses  honoraires,  des  ressources  légiti- 
mement aocjuises,  et  dont  il  convient  mainlenanl  de  recherchei-  l'in- 
téressante origine. 

D'  A.  Vkhcouthe, 

.WcJtTiH  tiiititairr. 

(La  suite  prodiainemcnt.) 


(1)  Dioç.  Loert.,  lib.  IV,  7,  ttiou,  p.  107,  i-d.  Didot.  :  ...  i\t.ntf7ùyw  (Bîwv)  el;  voaov 
...  £v  Xa/xiSi.. .  à'TîOfiia  "Tiiv  voao/.o|ioOv7«i>v  ÔEivJ);  SieTiûîTO...  L'fxprcssiori  twv  voao- 
xoiioo /Tojv  dé>igne  un  médi-cin  }iarlirulier  vîtes  aides  :  il  ne  semble  pas  qu'il  soit 
questioQ  ici  du  oiédecii)  public,  et  nous  le  regrettons,  car  uljrs  nos  conjectures 
seraient  pleioemcMit  conlirniées. 

(U)  C  est  ainsi  qu'aujourd'hui  encore  nos  médecins  publics,  nos  nii''J>-cins  des 
hôpitaux  par  eiempli-,  touchunl  des  iraiicinents  extrêmement  modiques. 


'ÉRIT  L'INSTITUT  DRUIDIQUE" 


Au  numéro  de  déci'iubre  de  la  Bevur  (irchéologique,  M.  d'Arbois 
de  Jubainville  a  insôré  une  noie,  dans  la(ju(,'ll<;  il  relève  tous  les 
passages  des  auteurs  anciens  qui  parlent  des  Druides.  Son  bref  et 
substantiel  commentaire  a  pour  butd'éclaircir  la  question  de  la  sup- 
pression violente  ou  de  l'extinction  progressive  de  l'Institut  drui- 
dique. Y  eut-il  persécution  ?  M.  de  Jubainville  lecroit,  et  je  le  crois 
avec  lui .  Mais  je  pense  que  ce  fut  une  persécution  d'une  nature  par- 
ticulière, et  que  la  conduite  tenue  par  Auguste  et  Tibère  envers  les 
Druides  détermina  celle  que  Trajan  suivit  à  l'égaid  des  chrétiens. 
Pour  la  bien  comprendre,  il  importe  de  replacer  les  textes  dans  le 
milieu  liistori(iue  auquel  ils  se  rapportent,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
de  les  citer  à  nouveau  (2). 

César  avait  soumis  la  Gaule,  mais  il  n'avait  pas  eu  le  temps  de 
l'organiser.  La  première  conquête,  celle  du  sol,  était  achevée; 
restait  la  seconde,  plus  difficile  à  faire,  — celle  des  esprits  et  des 
mœurs.  L'organisation  sociale  qui  avait  si  héroïquement  soutenu  la 
lutte  subsistait  tout  entière,  et  les  Druides,  conservant  leur  ancien 
pouvoir,  continuaient  d'attirer  la  foule  à  leurs  jugements,  à  leurs 
écoles,  à  leurs  sacrifices  sanglants.  Auguste  n'était  pas  l'homme  de 
la  force,  mais  il  était  celui  de  l'adresse  :  il  n'eût  pas  conquis  les 
Gaules,  il  sut  les  transformer  par  cette  harbileté  patiente,  par  cet  art 
d'assoupir  et  d'éteindre,  qui  furent  tout  son  génie.  «  Il  fit  le  recen- 
sement des  Gaulois,  dit  un  de  ses  historiens,  et  il  ordonna  leur  vie 
et  leur  condition  politique  (3).»  Pour  certains  peuples,  il  changea 
les  limites  des  territoires,  le  nom  ou  la  place  de  leurs  capitales,  afin 
de  rompre  les  liens  de  fédération  ou  de  clientèle  et  d'effacer  les  sou- 
venirs du  temps  de  l'indépendance.  Des  peuplades  entières  avaient 

(1)  Note  lue  à  l'Acadéuiie  des  sciences  morales,  en  janvier  1880. 

(2)  M.  Fustel  de  Coulanges  a  déjà  répondu,  dans  le  numéro  de  février,  à  lu  noie 
de  M.  d'Arbois  de  Jubainville. 

(3)  ...aÙTtï)v  àîtoyfasà;  CTioir.ffaTO  /.a':  tov  |3iov  xr.-j  -.i  rto/.iTîixv  o'.:xo<j;xr,<;£.  Dion. 
,ib.  111,  ■2-2. 


34^  HKVUK    ARCHKOLOr.IOUK. 

rk'' cxlprmirn''es,  il  en  donnnlos  tcnvs  aux  riti's  voisines  ;  celles (jue 
la  guerre  avait  épuisées  furent  réu^ie^  à  d'autres;  des  clients  jias- 
siVenl  ;i  la  rondition  d'Klat  autonome,  et  ce  (|u'il  restait  d('>^  trois 
cents  nations  dont  parle  l'liilar(|ue  fut  réparti  en  Sdixanle  circons- 
criptions municipales,  ayant  chacune  un  sénat  de  cent  meinlires, 
pouvoir  délibérant,  et  des  duunivirs  ou  qualuorvirs,  pouvoir  d'exé- 
cution. Ces  ma},Mstr  ils  ju},'eaient  les  affaires  civiles  de  IcMirs  conci- 
toyens, sauf  appel  au  gouverneur  de  la  province,  (jui  tenait  réguliè- 
rcmenl  ses  assises  dans  les  plus  importantes  cités.  Par  le  seul  fait  de 
cette  organisation  nouvelle,  les  Pruides,  sans  étie  persécutés,  perdi- 
rent leur  pouvoir  judiciaire.  Si  quelipies-uns  arrivèrent  au  décu- 
rionat,  n  éme  aux  magistratures,  ce  fut  à  raison  de  leur  foiiuno  per- 
sonnelle ou  de  leur  dévouement  à  Rome,  et  non  [las  en  vertu  de 
leur  caractère  saceidotal. 

Auguste  fit  une  autre  réforme  d'une  extrême  importance.  Les 
Romains  étaient  fort  loiérants  à  l'égaid  des  cultes  étrangers.  Comme 
leurs  dieux  se  comptaient  par  milliers,  (jueliiues-uns  de  plus  ou  de 
moins  importaient  peu.  Aussi,  (|uand  les  Romains  avaient  soumis 
un  peuple,  ils  lui  prenaient  ses  divinités,  les  mettaient  dans  leur 
catalogue,  quel(|uefuis  dans  leurs  temples,  et  tout  était  dit  : 
l'Olympe  s'étendait  comme  l'empire.  Le  procédé  réussit  partout, 
excepté  avec  les  Juifs,  qui.  croyant  à  un  Dieu  unique,  ne  pouvaient 
accepter  Cette  union  sacrilège,  et  avec  les  Druides,  ijui,  formant  un 
clergé  national,  perdaient  leur  pouvoir  si  leurs  dieux  perdaient  le 
caractère  gaulois.  Au  lieu  de  proscrire  ces  dieux,  Auguste,  qui 
ré[iugiiait  aux  violences  depuis  qu'il  pouvait  s'en  passer,  les  res- 
pecta et  s'en  servit  ;  c'était  plus  lionnétc  et  surtout  plus  utile. 

La  Cauleavait,  comme  Rome,  ses  graiideset  ses  petites  divinités; 
il  latinisa  les  noms  des  premières  ou  mit  en  regard  de  celui  qu'elles 
portaient  le  nom  de  la  divinité  lomaine  correspondante;  de  sorte 
que  vainqueurs  et  vaincus  purent  venir,  sans  trouble  de  conscience, 
sacrilier  aux  mêmes  autels.  Mais  ces  dieux,  sujets  de  Rome  comme 
leur  peuple,  durent  laisser  s'établir  i\  c(Mé  d'eux  la  ilivinitô 
suprême  de  rLinpirc,  le  (Jénie  de  l'eiiip.  reur.  Dans  le  temple  im- 
mense récemment  découvert  au  somm  t  du  Puy-de-Dôme,  on  a 
trouvé  l'ex-volo  suivant  :  Nmir  Autj'ct' Di'o-  Mcnitri'  Dumiati. 

On  (onnalt  mal  l'organisation  religieuse  de  l'Lmpire;  cependant 
les  inscriptions  montient  en  beaucoup  de  cités  un  llamine  perpé- 
tuel, ("était  un  ciloyen  qui  avait  [lassé  par  toutes  les  charges  muni- 
cipales, omnibus  hoiioiibns  funclus.  Ce  prêtre,  le  personnage  le  plus 
considérable  de  la  cité,  Jouait  sans  doute  dans  sa  ville  le  rôle  rem- 


coMMKNT  pi^.nrr  l'institut  druidiqur.  3'i9 

pli  à  llniiio  p;ir  le  poiilif»'  iiiaxiinc,  et  celui  que  l'ôvftque  clirélieri 
remiilir.i  plus  laid  dans  sa  ciléépiscopale.  Voué  au  culte  des  diviiii- 
lés  locales,  mais  aussi  A  celui  des  dieux  de  l'Empire,  ce  llainine 
devait  ropousscM-  des  autels  l'ancien  prêltre  de  Teutalèsct  d'Êsus. 

A  Uonie,  Auguste  avait  reconstitué  le  culte  des  Lares,  ces  dieux 
de  coin  de  rue  et  du  foyer  doraesti(iu6,  tiue  le  petit  peuple  préférait 
aux  grandes  divinités  du  Capitole,  qui  étaient  faits  pour  le  quartier, 
pour  la  maison,  et  qu'on  aimait  d'autant  plus  qu'on  les  croyait  [)lus 
rapprochés  de  leurs  adorateurs.  Chaque  cité  gauloise  avait  aussi  des 
dieux  protecteurs  qu'elle  vénérait  particulièreiiient.  Auguste  recon- 
nut en  eux  des  divinités  tutélaires,  semblables  aux  Lares  de 
Rome;  il  honora  leurs  autels;  le  Romain  y  fit,  comme  l'indi- 
gène, les  libations  et  les  offrandes  accoutumées,  et  ces  Lares  gaulois 
ajoutèrent  à  leur  nom  celui  du  prince  qui  leur  ouvrait  le  Panthéon 
de  l'Empire.  Ils  s'appelèrent  les  Lares  aiigmtes  :  mot  à  double  sens 
où  l'on  pouvait  voir,  selon  sa  fantaisie,  un  souvenir  de  l'empereur 
ou  une  attestation  de  la  sainteté  des  Lares.  Un  ordre  nouveau  de 
prêtres  fut  nécessaire  pour  cette  religion  à  la  fois  ancienne  et  nou- 
velle. A  raison  des  dépenses  nécessitées  par  les  sacrifices,  les  ban- 
quets sacrés  et  les  jeux  qui  étaient  une  partie  du  rulle,  ces  prêtres 
furent  de  riches  plébéiens,  seviri  Augiistales^  élus  tous  les  ans  et 
qui,  au  sortir  de  charge,  formaient  la  confrérie  puissante  des 
Augustaux. 

Cette  réforme  religieuse  fut  complétée  par  la  grande  instituiion 
lyonnaise,  l'assemblée  des  députés  élus  par  les  cités  des  trois  Gaules 
et  qui  se  réunissait  chaque  année  autour  de  l'autel  de  Rome  et  d'Au- 
guste, au  confluent  de  la  Saône  et  du  Rhône.  Ce  culte  devint  la 
religion  ofliciellede  TEmpire  et  eut  son  grand-prétre,  \esacerdos  ad 
aram,  qu'on  nomma  ailleurs  le  flamen  provinciœ.  Ce  flamine  pro- 
vincial eut  sous  sa  surveillance  le  culte  et  le  clergé  de  la  pro- 
vince entière,  comme  le  Jîamen  des  villes  arrêtait  l'ordre  des  céré- 
monies pour  sa  cité  particulière,  et  il  a  légué  sa  primauté  religieuse 
à  l'archevêque  chrétien.  Dans  celte  organisation  sacerdotale,  il  n'y 
avait  pas  plus  de  place  pour  les  Druides  qu'il  ne  s'en  trouvait 
pour  eux  dans  l'organisation  judiciaire.  Ils  étaient  donc,  sans  avoir 
eu  de  violences  à  souffrir,  dépouillés  de  leurs  principales  attributions 
et  mis,  en  tant  que  prêtres  et  que  juges,  en  dehors  du  nouvel  ordre 
social.  Les  desservants  de  l'ancien  culte  relégués  dans  l'ombre 
y  seront  oubliés  avec  leur  souverain  pontife,  le  chef  des  Drui- 
des, dont  le  saccrdos  ad  aram  prenait  la  place.  On  ne  détruit  bien 
que  ce  que  l'on  remplace  :  Auguste  avait  trouvé  le  moyen  de  rem- 
xxxix.  i" 


350  HKVDK  AnniiKoi.or.iQUK. 

\)hccr  les  DniiJos.  Sans  (|U('  le  gouvcM-ncnuMil  eill  :i  s'en  mêler.  If 
nouveau  rlergc  des  Trois  Gaules  allait  exlirpci-  l'ancienne  foi  du 
cœur  des  populations,  cl  mill?  faits  prouvent  (|uc  retlcd'uvrc  fui  très 
rapidement  aeromplie. 

Aui,uiste  lit  aux  Druides  une  guérit'  (jiii  fui  plii^  dircile,  sansôlrc, 
d'aprùs  les  idées  des  anciens,  jilus  injuste.  De  toutes  les  et'rémonies 
druitliiiues,  celle  (|ui  attirait  silrement  la  foule,  ([ui  excitait  d'ar- 
dentes émotions  et  assuiait  le  créijil  de  ces  ministres  d'un  culte  ter- 
rible, était  le  sncrilicc  liniiiain.  .Mais  les  Druides  n'avaient  plus  de 
captifs  fi  immoler,  puis(|u'il  n'y  avait  plus  de  ^'uerre  entre  les  cités; 
el  Home  ne  laissait  pas  5  ses  siijels  le  jus  nncis,  excepté  aux  villes 
fédérées.  Un  sénalus-consulte,  de  l'an  î)i,  interdisait  aux  Romains 
et  à  leurs  sujets  les  sacrifices  humains  ;  les  Gaulois  entrant  dans  la 
société  romaine  étaient  soumis  à  >es  lois  générales  :  Auguste  n'au- 
lorisa  que  de  légères  libations  de  sang  faites  par  des  victimes  volon- 
taires. (2'élait  enlever  au  culte  druidique  son  principal  attrait,  ces 
spectacles  de  mort  qui,  à  Rome,  faisaient  courir  le  peuple  entier  aux 
combats  de  gladiateurs,  et  qui,  dans  l'ancienne  Gaule,  amenaient 
aux  pieds  des  Druides  d'innombrables  multitudes. 

Une  autre  loi,  bien  vieille  puisqu'elle  est  écrite  aux  XII  Tables, 
défendait  sous  peine  de  mort  les  assemblées  nocturnes  :  Qui  cœtus 
nocturuos  a<iitavcht,  capital  csto.  Celte  loi  de  police  fut  cerlaine- 
iiient  mi>e  en  vigueur  en  Gaule,  comme  partout,  et  les  gouverneurs, 
en  la  faisant  exécuter,  ont  ôté  aux  Druides  le  moyen  puissant  des 
prédications  incendiaires. 

Auguste  avait  supprimé  les  associations  qui  n'étaient  (loint  consa- 
crées par  un  sénatus-consulte  :  coUcii'ui,  prœtrr  antvjua  et  légitima, 
dissolvit.  11  ne  pouvait  donc  reconnaîire  Texistenee  légale  à  l'insti- 
tul  druidi<iue.  .Mais  enlever  a  celte  grande  corporation  le  droit  de 
réunion,  c'était  briser  tous  ses  liens  et  la  dissoudre. 

Knlin,  il  déclara  (jue  les  adbérenls  de  l'ancienne  religion  n'ob- 
lien. Iraient  jamais  le  droit  de  cité  romaine  (jui  pouvait  conduire 
aux  grandes  charges  de  l'Hinpire,  puisiju'on  avait  vu  r<'ceminent  le 
gadilain  Balbus  revêtu  de  la  toge  consulaire.  (î'était  écailer  de  l'an- 
cien culte  ceux  à  qui  l'ambition  faisait  tourner  les  yeux  vers  Rome  ; 
et  ceux-là  étaient  tous  les  notables  de  la  (iaule,  ipii  bienlAI,  deman- 
deront n  Claude  le  droit  de  briguer  les  magistratures  romaines. 
Four  les  obtenir,  même  pour  sollicitei  la  plus  modeste  des  charges, 
il  fallut  i-arler  l'idiome  de  Home.  Le  latin,  devenu  la  langU(!  de 
l'armée,  de  l'administralioii  et  des  alTaires,  relégua  le  celte  au  fond 
des  campagnes,  et  avec  lui  les  croyances  qu'il  avait  si  longlemps 
exprimées. 


COMMKNT    l'KlUT    l/lNSTITIT  DIlL'IltKjUK.  .'{"il 

Toutes  CCS  mesures  ét.iienl  encore,  di;  la  [lail  d'Auguste  et  aux 
yeux  des  Hoinaiiis,  l'exeicire  d'un  dioil  et  non  pas  une  violence, 
puis(iu'elk'.s  étaient  l'application  aux  vaincus  de  lois  faites  pour  les 
vainqueurs;  mais,  en  les  prenant,  l'empereur  portait  un  coup  mor- 
tel à  l'inslitut  druidii|ue. 

Sous  Tibère  éclata  la  révolte  de  Julius  et  de  Sacrovir,  qui  jeta 
l'effroi  dans  Rome.  Tacite  la  raconte  sans  rien  dire  delà  répression 
(lui  la  suivit,  et  (|ui,  attendu  le  caractère  du  prince,  doit  avoir  été 
inexorable.  Le  peintre  inimitable  des  tragédies  de  Home  s'infjuiète 
peu  des  sujets;  aussi  ne  raenlionne-t-il  pas  les  moyens  employés  par 
Tibère  pour  prévenir  le  retour  d'une  rébellion  gauloise.  Un  sénalus- 
consulte  perdu  au  Digeste,  et  dont  on  trouve  l'application  quelques 
années  plus  tard,  nous  montre  l'arme  dont  Tibère  se  servit.  Afin 
d'empêcher  les  Druides  de  parler  au  nom  du  Ciel  à  des  esprits  faciles 
à  entlaiiimei-  et  d'entretenir  la  superstition  par  des  sortilèges  et  des 
incantations,  leurs  pratiques  furent  assimilées  au  crime  de  magie, 
qui,  pour  un  provincial,  entiaînait  la  mort.  C'était  la  peine  portée 
par  les  XII  Tables  contre  les  enchanteurs,  Cereri  necator,  et  celle 
que  le  sénat  républicain  avait  appliquée  aux  fauteurs  des  Baccha- 
nales. Le  sénatus-consulte  dont  nous  parlons  (1)  étendit  aux  ma- 
giciens la  peine  décrétée  par  la  lex  Cornelia,  «  de  sicariis  et  vene- 
liciis»;  les  empoisonneurs  de  l'esprit  furent  mis  au  môme  rang 
que  les  empoisonneurs  du  corps.  Celte  loi  fut  appliquée  sous  Claude 
à  un  chevalier  romain,  surpris  au  tribunal  avec  un  œuf  de  serpent, 
qui,  selon  la  croyance  druidique,  devait  lui  faire  gagner  son  procès. 

Suétone  prétend  que  Claude  abolit  complètement  la  religion  des 
Druides.  Je  crois  que  ce  prince  renouvela  simplement  les  prescrip- 
tions d'Auguste  et  de  Tibère,  et  elles  étaient  suftisantes,  puisque 
Vespasien  n'y  ajouta  rien  après  la  grande  révolte  de  71,  que  les 
prédications  des  Druides  encouragèrent. 

Mais  on  ne  peut  donner  à  des  exécutions  partielles  le  caractère 
d'une  persécution  générale.  Si  un  certain  nombre  de  Druides,  con- 
tempteurs avérés  des  lois  de  l'Empire,  ont  dû  périr,  beaucoup  ont 
pu  échapper  par  leur  silence  et  par  l'obscurité  de  leur  vie.  Ainsi 
s'expliquent  les  passages  des  auteurs  qui  datent  de  Tibère  et  de 
Claude  l'abolition  de  la  vieille  religion  gauloise,  et  de  ceux  qui 
montrent  des  Druides  en  Gaule  deux  ou  trois  siècles  plus  tard.  Les 
dieux  meurent  avant  que  tous  leurs  autels  ne  tombent,  et  des  restes 

(1)  Ex  Se...  ejus  legis  [Corn,  de  Sic.  et  Venef.]  pœna  dumnarijubelw  qm  niula 
sacrificiti  /'eceiit,  hubuei  it.  Di;,'.,  XLVlil,  8,  13. 


3:»2  IIKVI'K    AIICIIKOLOGIOIK. 

de  druiilism»'  oui   Miivécu  longlonips  à   la  ruine  du  grand  corps 
sacerdotal  (]ui  avait  gouvornô  la  Gaule. 

Kn  ri'<uniô,  Auguste  ne  violenta  pas  les  consciences,  mais  il  ne 
laissa  point  de  place  aux  Druides  dans  l'organisation  sociale  (lu'il 
donna  aux  provinces  gauloises,  elil  lesrèduisitù  vivre  dans  l'oniltre 
et  le  silence,  en  leur  interdisant  les  actes  contraires  aux  lois  géné- 
rales de  ri-jupire.  Tilu-re  leur  appliiiua  d'autres  lois  républicaines  : 
il  proscrivit  les  praliijues  qui  paraissaient  entachées  de  magie;  et 
comme  les  Druides  s'occupaient  bien  plus  de  sorcellerie  que  de 
science,  vntes  et  mcdici,  il  se  trouva  malheureusement  que  la  loi 
établie  pouvait  les  frapper. 

Le  druidisme  était,  dans  l'immense  empire,  un  corps  étranger  et 
une  cause  de  malaise.  Les  empereurs  cherchèrent  non  pas  à  l'extir- 
per, mais  à  le  rendre  inerte  et  par  conséquent  innifonsif.  Il  y  eut 
certainement  de  nombreuses  victimes  ;  mais  ni  Tibère  ni  Clamie  ne 
semblent  avoir  ordonné  la  recherc>\e  des  fauteurs  de  l'ancien  culte, 
imjnisitio;  ils  ont  puni  les  actes  extérieurs,  la  manifestation  publi- 
(jue  de  druidisme,  qui  était  une  publique  révolte  contre  la  loi  et  les 
magistrats.  C'est  la  règle  de  conduite  prescrite  par  Trajan  à  Pline  à 
l'égard  des  chrétiens  :  «  Ne  faites  pas  recherche  des  chrétiens,  lui 
écrit-il;  mais  s'ils  sont  accusés  et  convaincus,  punissez-les.  Ne  rece- 
vez pas  d'accusations  anonymes,  et  ne  condamnez  point  sur  des 
soup(,'ons.  »  La  tradition  avait  une  grande  force  à  Uome;  les  précé- 
dents y  faisaient  longtemps  aulorilé.  Je  crois  que  ce  que  nous  savons 
de  la  politique  de  ïrajan  nous  dit  (jucUe  avait  été  celle  de  Claude 
et  de  Tibère. 

11  n'est  pas  besoin  d'ajouter  (juc  des  exécutimis  commandées  par 
la  politiijue  sont  réprouvées  par  la  con.sciencc;  mais  l'hisioire  est 
tenue  de  juger  les  anciens  d'après  les  idées  anciennes;  elle  iloil 
chercher  pourquoi  ils  ont  agi  comme  nous  n'agirions  pas,  el,  dans 
certains  cas,  elle  réclame  les  circonstances  atténuâmes  au  bénélicc 
des  persécuteurs,  tout  en  réprouvai'!  1 1  persécution. 

V.  Diuuv. 


BULLETIN    MENSUEL 


nK    L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 


m:)is    de   MAns. 


M.  GcfTioy,  dirccleur  de  l'KcoIo  Irançaise  de  Morne,  signale  à  l'Acadc';- 
mic  un  rt'cil  en  vers  français  de  la  première  Croisade.  Ce  récit  est  con- 
tenu dans  le  mannscrit  n°  SSi  du  fonds  de  la  reine  Christine.  Une 
seconde  lettre  du  directeur  de  l'Ecole  de  Rome  annonce  la  découverte 
d'une  iiiscription  romaine  importante,  paraissant  se  rajiporter  à  Slilicon. 
M.  Victor  Duruy  continue  la  iecturt'  de  son  intéressant  mémoire  sur 
l'histoire  romaine.  11  examine  et  discute  les  réformes  religieuses  et  finan- 
cit'res  d'Aui;ustc. 

M.  IlomoUe,  ancien  membre  de  rKcoie  française  d'AIhénes,  est  adnds 
à  coinriiuniquer  une  noie  sur  le  résultat  dos  fouilles  qu'il  a  faites  à  Délos. 
Une  mission  vient  d'ûtre  accordée  à  M.  Homolle  pour  coniinuer  ces 
fouilles.  Il  espère,  dans  cette  dernière  campagne,  achever  l'œuvre  si  bien 
commencée.  Nous  donnerons  cette  note  dans  un  de  nos  prochains  nu- 
méros. 

M.  Pli.  Herger  lit  un  travail  étendu  sur  le  mythe  de  Pygrnalion  el  le 
dieu  phénicien  Pygmée. 

M.  A.  de  Longpérier  fait  part  à  l'Académie  de  la  découverte  faite  à 
Tenez  (Algérie)^  d'une  mosaïque  antique  portant  une  inscription  dont  il 
n'a  malheureusement  reçu  qu'une  copie  incorrecte,  il  dépose  la  copie  de 
cette  insciiption  sur  le  bureau.  11  serait  désirable  que  la  uiosaïque  de 
Tenez  ne  fut  pas  détruite  comme  tant  d'autres. 

M.  Pavet  de  Courteille  communique  une  noiice  sur  le  manuscrit 
ouïgour  de  la  Hililiothèque  nationale.  Ce  manuscrit,  offert  à  Colbert,  el 
dont  le  décliilVrement  avait  été  vainement  tenté  jusqu'à  Abel  Rémusat, 
qui  n'en  lut  que  quelques  fragments,  est  coniplètement  analysé  par  le 
savant  académicien.  Les  manuscrits  ouigours  sont  de  la  plus  grande  ra- 
reté. M.  Pavet  de  Courteille  rend,  par  cette  belle  étude,  un  signalé  ser- 
vice à  la  science. 

M.  L.  lleuzey  lit  une  note  sur  un  vase  grec  de  la  Cyrénaïque  apparte- 
nant au  Louvre,  sur  lequel  est  peint  Hacchus  adolescent  porté  sur  un 
char  attelé  d'un  taureau,  d'un  griffon  el  d'une  panthère.  M.  Heuzey  ex- 
plique, par  d'ingénieux  rapprochements,  le  sens  de  cette  représentation 
mythique. 

M.  E.  Desjardins  continue  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Tissot  sur  l'ex- 
ploration archéologique  faite  par  ce  dernier  dans  la  vallée  du  Hagradas. 

A.  B. 


NOUVELLES  ARCllKOLOGIQUES 

ET  GOHliESl^ONDANGE 


On  nous  écrit  de  Naplos  : 

<(  Les  cierniùres  fouilles  de  l'onipi'i  ont  amené  la  dt'couverle  d'une  cliar- 
manle  ^luluellc  qui  poul  êlre  nii<c  à  côlc  des  plus  belles  œuvres  de  l'an- 
liquili'. 

C'esl  un  Faune  en  bronze,  qui  servait  d'ornement  aune  fontaine.  11  a 
été  trouvé  dans  une  grande  et  riche  maison  située  en  face  de  la  rue  qui 
pari  du  temple  de  la  Korlunc  et  se  dirige  veis  l'Kst,  et  dans  laquelle  on  a 
déjà  des  peintures  et  plusieurs  objets  intéressants. 

Il  est  debout,  lenverséen  arrière,  dans  l'allilude  de  l'ivresse,  le  poids 
du  corps  portant  sur  la  jambe  droite  un  peu  repliée,  tandis  que  la  gau- 
che est  portée  en  avant.  L'eau  s'échappait  par  l'orifice  d'une  outre  qu'il 
tient  sous  le  bras  gauche  et  qui  communique  à  un  tuyau  d'accès;  la  main 
droite  étendue  recevait  peut-être  ce  liquide  qu'il  regarde  couler  d'un  œil 
joyeux. 

(Jette  statuette  est  A  peu  prés  de  la  grandeur  du  célèbre  Faune  dansant; 
elle  est  admirable  de  verve  cl  d'entrain;  la  vie  circule  dans  ses  membres 
souples  et  bien  proportionnés,  et  ceux  qui  l'ont  vue  n'hésitent  pas  à  dé- 
clarer qu'elle  prendra  place  avec  le  Faune  dansant,  le  Narcisse  et  le  Si- 
lène parmi  les  chefs-d'œuvre  de  l'arl  antique  réunis  au  musée  de  Naples. 
Particularité  intéressante  :  le  pied  gauche  a  élé  rapporté,  dans  une  res- 
tauration qui  a  dû  être  faite  peu  de  temps  avant  la  destruction  de  Pom- 
péi,  probablement  à  la  suite  du  tremblement  de  terre. 

Pour  le  moment  cette  gracieuse  trouvaille  est  encore  dans  le  cabine!  de 
l'inspecteur  du  musée,  où  jusqu'ici  de  rores  privilégiés  ont  eu  la  faveur 
de  l'apercevoir.  •  {Journal  deGencvc  du   1(>  avril.) 

On  écrit  de  Trêves  à  la  (hizdte  de  Cologne  que  des  antiquités  ro- 
maines \ieiment  d'être  di'couvertes  aux  environs  de  cette  ville,  sur  la 
rive  gauche  de  la  Moselle.  Parmi  les  objets  mis  ;iu  jour,  on  remarque  des 
ustensiles  en  fer,  des  épée.s  un  bas-relief  en  bronze  représentant  un 
guerrier  que  couronne  une  Victoire.  Des  fouilles  entreprises  un  peu  plus 
loin,  pré»  de  Cordel,  ont  lait  découvrir  une  fabrique  de  verre  du  temps 
des  Honiains  ;   un  grand  nombre  de  vases  en  verre  de  diverses  couleurs 


NOUVELLES   AHCMKOLOGIQUES.  33ij 

et  des  débris  de  verre  de  toutes  sortos,  provenant  do  ces  fouillos,  ont  6.16 
transporlés  au  inusi'C  do  Trùvos. 

Im  MelroïKilitiiJi  sMustum  nf  art,  lu  Louvre  améiicain   qui   s'élève 

dans  le  Central  l'ark  de  New-York,  prè's  de  l'onlréo  de  la  cinquième  ave- 
nue, a  tîtii  inauguré  le  31  mars  par  le  président  des  Eints-Unis.  Cette  solen- 
nité avait  attiré  une  grande  foule  au  Central  l*ark.  Les  billiinenls  du  nou- 
veau musée,  construits  au  moyen  de  souscriptions  publiques  sous  la 
direction  du  général  de  Cesnoia,  ne  seront  entièromenl  atliiivés  que  dans 
plusieurs  années.  Le  pavillon  actuel  est  élevé  de  trois  étages  et  recouvert 
d'une  toiture  vilrée.  Au  rez-de-chaussée  se  trouve  une  vaste  salle  des- 
tinée aux  expositions  artistiques  et  industrielles.  Les  deux  principales  di- 
visions du  *(  Metropolitan  Muséum  »  sont  pour  l'instant  les  galeries  d'an- 
tiquités cypriotes  du  général  de  Cesnoia,  situées  au  premier  étage,  et 
celles  de  la  peinture,  de  la  sculpture  et  des  collections  particulières,  si- 
tuées au  deuxième  étage. 

Parmi  les  tableaux  des  anciens  maîtres,  on  remarque  les  œuvres  des 
grands  peintres  italiens,  flamands,  hollandais,  et,  parmi  les  peintres  mo- 
dernes, des  Rosa  Bonheur,  des  Dubufe,  des  Dupré,  des  Meissonier,  des 
Delaroche,  des  Corot,  dos  Millet,  des  Decamps.  L'école  américaine  est 
représentée  par  les  principaux  artistes  des  Ltals-Unis  et  forme  l'ensemble 
le  plus  complet  des  chefs-d'œuvre  de  l'art  national  américain  que  l'on  ait 
encore  vu. 

ITapvacT'îo;,  février  1880. 

INous  remarquons,  dans  ce  numéro,  les  articles  suivants  : 
K.  Papparigopoulos,  De  la  leltre  d'AIeiis  !«'•  Comnène  au  comte  de 
Flandre  liobert.  —  K.  S.  Coados,  Observations  sur  la  langue  (suite).  — 
Gr.  N.  Bernardakis,  le  Fragment  d'Euripide  récemment  retrouvé  et  la  tra- 
gédie à  laquelle  il  appartient.  —  M.  P.  Lambros,  le  Volcan  Argée  (avec  une 
ûguTc).— Mélanges  archéologiques  :  Cavvadias,  les  Fouilles  d'Olympie.  —  Dra- 
gatsis,  Hermès  éphcbiquc  trouvé  nu  Pirée;  le  Jupiter  de  Gaza.  —  Eus- 
traliadis,  Décret  attique  antérieur  à  Euclide.  —  S.  K.  S.,  le  Devin  Lampon. 
—  Romanos,  Inscription  honorifique  de  Corcyre.  —  Stamatelos,  Inscription 
funéraire  trouvée  prés  de  Vonitza.  —  Nouvelles  :  Fouilles  pûtes  à  Tanagre. 
Elles  ont  donné  vingt-trois  inscriptions  funéraires  et  une  vingtaine  de 
terres  cuites.  Découverte  d'une  tigure  de  femme  couchée,  en  marbre 
pentélique,  sur  la  route  de  Phalère.  Inscription  de  iNauplie.  Fragments 
de  sculpture  trouvés  à  Rhamnonte.  Statue  de  l'Amour,  découverte  à 
Salonique. 

Le  syllogue  ou  association  qui  publie  le  Parnasse,  a  donné  aussi, 
récemment,  un  couipte-rcndu  des  travaux  qu'il  a  accomplis,  des  résul- 
tats qu'il  a  obtenus  depuis  sa  fondation,  c'est-à-dire  depuis  quatorze  ans. 
Dans  le  discours  de  son  président,  M.  Dragoumis,  on  trouvera  des  détails 
intéressants  sur  le  congrès  des  délégués  des  syllogues,  que  le  syllogue 
Parnassos  a  convoqué  à  Athènes.  Soixante-trois  de  ces  associations  y 
étaient   représentées;  il  va  sans  dire  que,   de  beaucoup,    le  plus  grand 


356  nF.VLF.    ARCHÉOLOGIQUE. 

nombre  do  ros  associations  n|>parlioniicnl  aux  pro\inces  turques.  Toutes 
ont  pour  but  do  répandre  liustructiou  parmi  les  (.rocs;  elles  ftnuient  des 
écoles,  des  bibliolhùiiues,  et,  dans  quelques  endroits,  jusqu'à  des  musées 

locaux. 

Ilafvadcrd;,  revue  pi^riodiquc  cl  mensuelle,  nuim^rodc  mars.  Nous 

signalerons  les  articles  suivants  : 

S.  Kondos,SuiV(  tîca  obacrvations  sur  l<i  l'inguc  ancienne.  —  l'appadopoulos 
Kerameus,  Documeitts  inédits  xur  Diamandis  Ilysios.  (C'était  le  prand-pc^re 
de  Coraïs.  Il  a  enseigné  ;\  Smyrnc  pendant  toute  la  premitrc  moitié  du 
xviii*  siècle  ;  c'est  un  des  précurseurs  de  le  renaissance  de  l'hellénisme.) 

Sakollaropoulos,  La  rilUi  des  Visons  à  Ilcrniiumm  et  sa  bibUulhcquc  (ana- 

Ivse  d'une  publication  italienne  de  Comparciti).  —  Jean  Pio,  Les  dviuc  frères 
et  lesquaranie-tieufdraijons  (ce  conte  populaire  grec,  recueilli  à  Syra  par 
Hahn,  de  labouche  d'une  vieille  femme,  a  été  publié,  d'après  son  manuscrit, 
par  le  professeur  de  Copenhague).  — Nouvelles  archéologiques  :  Kuslratia- 
dis,  Décret  antérieur  à  £«<7i'/e  (c'est  celui  qui  a  été  publié  avec  un  précieux 
commentaire  de  M.  Foucart  dans  le  Jhillctin  de  correspondance  heUénique). 
—  Note  détaillée  sur  la  statue  de  ménade  endormie  trouvée  à  Athènes, 
près  de  l'hôpital  militaire.  —  On  annonce  d'Olympie  qu'on  a  retrouvé  la 
léte  du  petit  Baccbus  que  rHermés  de  Praxitèle  tenait  sur  son  bras  gau- 
che ;   elle  est  pleine  d'expression  et  tout  à  fait  diuuc  du  maître.  I.es  pieds 
de  rUcrmès  ont  aussi  été  rccueiliis  ;  il  ne  manque  donc  plus  à  cette  belle 
figure  que  le  bras  droit.  M.  Curlius  vient  d'arriver  à  Olympie  avec  l'ar- 
chitecte Adler;  ilsy  ont  pour  hôtes  M.  Newton,  de  Londres,  et  M.  Koehier, 
le  directeur  de  l'Institut  germanique  d'Athènes.  On  avait  cru  que  la  cam- 
pagne de  fouilles  qui  se  poursuit   en  ce  moment  serait  la  deriiiùLe  ;   il 
n'en  est  rien.  Le  parlement  allemand  vient  de  \oter,  pour   la  continua- 
tion des  fouilles,  un  crédit  de  100,000  marcs.  On   attend  aussi  sur  les 
chantiers  la  visite  du  savant  archéologue  Benndorf,   professeur  à  l'uni- 
versité de  Vienne,  accompagné  de  plusieurs  de  ses  élèves,  ainsi  que  de 
MM.  Pétersen  et  (iurlitl.  —  I.e  musée  de  Patissia  vient  de  s'enrichir  d'un 
bas-relief  archaïque  et  d'une  statue  d'Apollon  du  même  stsle,  trouvés,  il 
V  a  quelque  temps  déjà,  dans  les  environs  d'Orchomène,  —  La  Société 
archéologique  d'Athènes  vient  de  reprendre  les  fouilles  qu'elle  poursuit, 
depuis  plusieurs  années,  auprès  du  Dipylon.  —  Deux  nouveaux  fragments 
très  intéressants  de  la  balustrade  du  temple  d'AihénéNiké  viennent  d'être 
retrouvés  dans  l'acropole  ;   l'un  représente  une  Victoire  en  n)aiche,  l'au- 
tre une  Victoire  immobile  et  debout  ;  à  cette  dernière  manque  la  télé.  — 
On  annonce  de  Naupliedenouvellesdécouverles  d'objets  analogues  à  ceux 
qui  ont  été  recueillis  à  .Mycénes  et  A  .Spata  ;  ils  proviennent  de  tombes 
qui  viennent  d'être  ouvertes  ;  ils  appartiennent  au  même  art  et  présen- 
tent les  mêmes  motif». 

l.t's  Mémoires  de  l'Académie  de  Berlin  contiennent,  dans  le  volume 

de  1879,  une  intéressante    dissertation  de  .M.  Krnest  Curtius,   qui  a  été 
tirée  cl  mise  en  vente  à  part  sous  ce  titre  :  Dus  Archaische  Bronzerelief 


NOUVKLLKS    ARCHIvOLOGIQURS.  357 

aus  Olympia,  avec  trois  planclics  ol  sept  bois  (en  dépôt  chez  Dummlcr). 
M.  Curtiu3  y  étudie,  à  propos  d'une  pluquc  de  bronze  travaillée  au 
repouj^sé  et  A  la  pointe,  les  procédés  de  l'art  ^tcc  le  plus  ancien  et  le 
passa^'c  (lu  style  oriental,  imité  surtout  des  lapis,  ;i  un  style  plus  libre, 
où  les  ouvriers  grecs  commen(:ont  ;l  introduire  des  scènes  ernpiuiitées  à 
leurs  mythes  propres.  On  a  ici  une  surface  divisée  en  quatre  zones 
superposées.  La  zone  inférieure  représente  une  Artémise  persique,  ailée, 
tenant  en  main  deux  lions;  celle  qui  vient  ensuite,  Hercule  perçant  de 
ses  tlèclies  un  Centaure  ;  la  troisième,  deux  grillons  affiontés  ;  la  qua- 
tiiéme,  trois  aigles.  Cette  plaque  va  ?c  rétrécissant  de  bas  en  haut  ;  elle 
devait  être  api)liquée  sur  un  des  côtés  d'une  base  quadrangulaire.  Les 
remarques  ingénieuses  et  fines  abondent  dans  ce  mémoire;  .M.  Curtius 
arrive  à  la  conclusion  que  celte  plaque  serait  vraisemblablement  anté- 
rieure au  coffre  de  Kypsélos. 

Bulletin  de  rorrcapondancc  hellénique,  mars  et  avril  1880  : 

Max.  Collignon,  Note  sur  une  grotte  décorée  de  bas-reliefs  présde  Korykos. 
—  Jules  Martha,  Inscription  de  Rkodcs  :  donation  au  profit  d'une  commu- 
nauté d'éranistes.  —  0.  Riemann,  Notes  sur  l'orthographe  attique.  —  E.  Pol- 
tier  et  A.  llauvetle-Besnault,  Inscriptions  d'Erytrces  et  de  Téos.  —  Th.  Ho- 
moUe,  Supplément  à  la  chronologie  des  Archontes  athéniens  postérieurs  à  la 
122°  Olympiade.  —  H.  Potlier,  Objets  de  broîize  conservés  au  musée  du  Varva- 
keion.  —  L.  Duchesne,  Les  nécropoles  chrétiennes  de  l'Isaurie.  —  M.  Beau- 
douin,  Fragments  d'une  descripttion  de  lArgolide,  faite  en  1700  par  un  ingé- 
nieur italien. —  Th.  Homolie,  Dédicaces  détiennes. — P.  Foucart,  lHsenp(«o?t5 
d'Eleusis  du  V"  siècle  :  consécration  des  prémices  des  récoltes  aux  déesses 
d'Eleusis  (d'une  importance  capitale  pour  l'histoire  de  la  constitution  athé- 
nienne; rôle  curieux  joué  par  le  devin  Lampon).  —  E.  Pottier,  Fragment 
destéle  archaïque  provenant  d'Abdére. —  J.  Martha,  Inscription  relative  à  un 
stratège  de  laparalie.  —  Planches  :  II,  bronze  du  Vaivakéion;  VIII,  stèle 
archaïque  d'Abdére;  XI,  grotte  prés  de  Korykos;  XV,  inscription  d'Eleusis. 


BIBLIOGRAPHIE 


Antichitati  Scythice  ;  Cunun'n  mart  d'in  thesaurulu  de  In  Novo  Co'cask  eu 
f'iirin  (isfui^r  a  unoru  giuvcllc  Scyt/ticc  d'in  Museulu  Ertnilar/iu/ui  de  la  St- 
Prtershurgn. 

Antiquités  Scythiques  ;  La  [p-ande  couronne  de  Novo  Tclierkask,  avec  des 
cùii.sidci(itioiis  sur  diver.^  Iiijoux  scj/l/iùjiirs  du  musée  de  l'ErnuIdge  à  Saint- 
P^tersbnurg ;  par  A.  I.  Odouesco,  professeur  d'arcli(5nlopie  à  l'Université  de  Buca- 
rest. Extrait  du  tome  XI,  sect  II  des  Antudcs  de  l'Académie  roumaine.  1  vol. 
in-'jo,  de  1 H  papes  v\  22  planrhes,  dont  deux  cliroinolitliograpliies  ;  Bucarest, 
1879,  et  Paris.  Cli.  Klincksieck,  libraire  do  l'Institut  de  France,  et  Ern.  Leroux, 
libraire  de  la  SociOté  asiatique. 

Le  remarquable  mémoire  de  M.  Odobesco  comprend  plusieurs  divi- 
sions, dont  voici  le  sommaire  : 
Préliminaires. 

I.  Description  de  la  grande  couronne  de  Novo  Tcherkatk. 

II.  Sa  forme.  —  Le  style  de  ses  ornements.  —  Procédtîs  lechni(iiies.  — 
La  grande  phalùre  et  autres  joyaux  en  orfèvrerie  cloisoiiUL^e  du 
musée  de  l'Ermitage. 

IIL  Ornements  de  la  couronne.  —  (Quadrupèdes  :  hennés  et  chèvres  de  la 
Sibérie.  —  Les  coiffures  antiques  ornées  d'effigies  animales.  —  Le 
culte  de  la  déetse  asiatique  Anaïlis. 

IV.  Continuaiion  du  précédent.  —  Volatiles  :  Epeniers  et  colombes.  — 
Les  oiseaux  de  la  source  Ardouissour.  —  L'oiseau  rapace  des  Scy- 
thes. —  L'aigle  bicéphale  de  la  Ptérie.  —  Leurs  dérivés. 

V,  Fin  des  ornements.  —  Végétaux  :  V Aristoloche  clématite.  —  Analogie 
des  vertus  attritjuées  à  celte  piaule  avec  celles  de  la  Mandragore.  — 
.Minéraux  :  le  camée  en  ainélliysle  {Geua  Veneris)  et  les  autres  pierres 
précieuses.  —  I-a  couronne  ainsi  que  toutes  les  pièces  du  trésor  de 
Novo  Tcherkask  sont  des  joyaux  féminins. 

VJ.  tpoquc  de  la  fabrication  de  la  couronne.  —  Les  peuples  de  la  Scy- 
tbie.  —  L'ait  chez  les  Scythes.  —  Origine  de  l'orfèvrerie  cloisonnée. 

Appendice  :  Description  du  reste  des  objels  qui  composent  le  trésor. 

Kxplicalion  des  planrhes. 

Avant  de  développer  cet  intéressant  prugiauime,  il  me  parait  utile 
d'exposer  briévi'i.ieiit  les  circonstances  de  la  découverte  de  Novo  Tcher- 
kn'V  et  de  présenter  l'inventaire  des  objets  qu'elle  a  fournis. 

\:j\  \f<()i,  les  travaux  exécutés  à  Novo  Tclieik:i>k  iDoti  inférieur),  pour 
l;i   construction  d'un  aqueduc,  etilamrient  un   petit   kounjauc,  nuinmé 


BIHI.IOC.HAl'Hli:.  '{oW 

K!i(«kl)l,irli,  où  l'on  Irouva,  lisposi's  en  (ju;ilr(î  las,  dans  uiiii  cijuche 
d'argile  rapportée  :  i"  une  couronne  d'or  laminé,  ornée  de  pieiics  de 
couleur,  de  perles  flnes,  d'un  husle  de  femme  en  amélliyste,  d'animaux, 
plantes  et  pendelo(iues  en  métal;  'i<*  un  second  diadème,  en  or  massif, 
ciselé;  3"  une  paire  de  bracelets  hélicoïdes,  de  môme  matière  et  de 
m^me  technique;  4"  une  pyxide  ronde,  nmnie  de  béliéres,  or  gemmé  et 
ciselé;  '6°  deux  boîles  allongées  en  forme  d'étui,  avec  chaînettes  de  sus- 
pension; le  premier  objet  est  analogue  aux  pyxides,  le  second  est  revêtu 
d'un  cloisonné  polychrome  ;  6"  un  flacon  (ampulla),  or  gemmé,  chaînette  ; 
7°  un  cylindre  creui,  d'agate,  emboîté  dan^i  le  ])rotnme  et  le  train  pos- 
térieur d'un  lion  en  or;  8"  une  figurine  d'Éros  Aulctés,OT,  bonne  époque 
de  l'art;  9°  deux  coupes  sphéroïdales  en  or,  an.^c  unique,  tournée  en 
oreille;  10°  un  nombre  considérable  de  petits  bijoux  d'or  découpé,  quel- 
ques-uns incrustant  des  pâtes  colorées.  Je  passe  sous  silence  des  vases 
d'argent  et  de  bronze,  des  restes  de  fil  d'or,  d'informes  débris  en  argent, 
les  fragments  d'une  statuette  en  terre  cuite,  enfin  des  os  de  cheval. 

Il  n'y  avait  pas  à  en  douter  :  cet  attirail  faisait  partie  du  mobilier 
funèbre  d'une  personne  inhumée  sous  le  remblai;  et  l'absence  de  tout 
squelette  humain  porta  à  croire  que  la  tombe  principale,  située  au  centre 
même  du  kourgane,  restait  encore  à  découvrir.  En  effet,  un  savant  explo- 
rateur, M.  Tiesenhausen,  arrivé  là  par  hasard,  procéda  à  de  nouvelles 
fouilles  qui,  négatives  au  point  de  vue  du  collectionneur,  démontrèrent 
victorieusement  qu'un  cadavre  reposait  au  sein  du  monticule,  et  que  son 
dernier  asile  avait  reçu  la  visite  sacrilège  d'une  bande  de  pillards  :  les 
objets  repris  sur  l'inventaire  appartenaient  à  une  anne.xe  respectée  par 
les  chercheurs  d'or.  La  tombe  royale  de  Koul-Oba  et  les  récentes  obser- 
vations de  M.  Tiesenhausen  dans  les  kourganes  des  bords  du  Kouban 
(région  caucasique)  permettraient  certainement  de  reconstituer  l'ensemble 
delà  sépulture  du  Khokhlach. 

Un  léger  échec  n'était  pas  de  nature  à  reijuter  l'intrépide  membre  de 
la  Commission  impériale  archéologique  russe  :  un  petit  tumulus,  voisin 
du  Khokhlach,  ouvert  par  ses  soins,  rendit  trois  Kamcnnaia  baba,  statues 
en  pierre  grossièrement  sculptées;  l'une  d'elles,  représentant  un  guer- 
rier à  moustaches,  cuirassé,  casque  pointu  et  pendants  d'oreilles,  sortait 
du  type  ordinaire  de  ce  genre  de  figures.  F.a  poursuite  des  fouilles  con- 
dui»it  à  cinq  cavités  qui  renfermaient  des  restes  humains,  des  os  de  che- 
val, des  poteries,  des  bijoux  en  coquillages,  rien  où  l'art  eût  quelque 
chose  à  prétendre. 

Vers  l'époque  delà  découverte  du  trésor  de  Novo  Tcherkask,  on  trouva 
également,  sur  le  territoire  des  Cosaques  du  Don,  d'autres  antiquités  non 
moins  remarquables  :  un  bracelet  d'or  tin,  enrichi  de  pierreries  avec 
une  grosse  cornaline  au  milieu;  une  couronne  du  même  métal,  haute  de 
444  millimètres,  crételée  de  denlicules  arrondis,  ornée  de  pendeloques 
et  d'Amours  ciselés  (poids  494  gr.  8;)C.);  un  vase  sphéroïdal  en  or,  ana- 
logue aux  coupes  n»  Ode   Novo  Tchorkask,  oreilh  unique  en  forme  de 


300  UEVIIK  AncMF.oi.nr.KU'E. 

lynx,  col  entouré  d'iiii  l)<inileau  losant^é  dont  les  alvt^oles  mo  semblent 
avoir  incrusté  des  ^'leiiats  (poids  31»'^  gr.  .'i34).  Au-dessous  de  la  lùvre,  on 
lit  rin'^criplion  jrrrcquc  suivanlt».  IraciW'nu  |)(iintill6;  elle  donne  la  signa- 
ture de  l'ouvrier  ;\  tlcini  barljare  qui  fabriqua  le  \ase,  et  probablement 
aus.oi  le  poids  du  mi'tiil  : 

ZHBANOKOYTAPOYAAC   EnOIEI   XP   MH(t). 

La  lecture  de  mon  aperçu,  si  écourté  qu'il  soit,  a  dt'jà  fait  pressentir 
que  l'art  tlassiquo  joue  un  rôle  fort  sccomiairc  dans  les  M'[)ullun.'s  tanni- 
diennes.  Au  lifu  dos  mc'r\eilles  conlomporaines  de  l'ériclùs  ou  li'Alexan- 
dre  qui  fourmillent  à  l'enlour  de  Kertch,  nous  nous  trouvons  ici  en  pré- 
sence d'œuvrts  éj^alemenl  remarquables,  mais  où  la  rudesse  du  travail, 
l'rtrangelé  des  types,  accusent  une  influence  nouvelle  que  l'Asie  seule  a 
le  droit  de  revendiquei-. 

La  pièce  capitale  du  trésor  de  >'ovo  Tcherkask,  la  grande  couronne, 
est  un  dindùme  formé  de  deux  larars  d'or  superposées,  réunies  ensenible 
par  un  étroit  rabattu;  elles  déterminent  une  ellipse,  dont  l'axe  longitu- 
dinal mesure  20  centimètres,  l'axe  transversal  17  centimùlrcs.  La  hau- 
teur, de  ut>  millimétrés  nu  front,  va  en  diminuant  li'gùrcmtînt  jusqu'à  la 
nuque.  Deux  charnières  interrompent  k;  bandeau  vers  les  oreilles  et  aug- 
mentent sa  flexibilité.  Sur  la  lèvre  supérieure  couraient  des  mammifères, 
des  plantes  et  des  oiseaux  ;  ces  derniers  seuls  restèrent  soudés  à  leur  place 
primitive;  un  certain  arbitraire  a  présidé  à  la  répartition  des  autres  orne- 
ments :  vinglel  un  pctiis  ]àvolssurgis<aienl  du  plan  de  lalèvre,on  y  a  liclié 
lei  pieds  de  trois  reuues  et  d'un  bouqueliu  repouïsés  daus  une  épaisse 
feuille  de  métal.  Ces  animaux,  vus  de  profil,  marchent  :  deux  cervidés  et 
le  bouquetin  de  gauche  à  droite;  le  troisième  renne  de  droite  à  gauche. 
Les  cuisses,  les  omoplates,  les  yeux  et  les  oreilles  offrent  des  cavités  qui 
sertirent  probablement  des  turquoises;  des  alvéoles  analogues  marquent 
les  rugosités  de  la  corne  du  bouquetin;  un  annelol  sort  de  la  bouche. 
L'exécution  décèle  une  incontestable  barbarie,  mais  aucun  trait  caracté- 
ristique n'est  omis  :  on  reconnaît  le  Cenus  tavandus  à  sa  ramure  projetée 
en  arrière  et  ù.  ses  sabots  effilés;  ï'ibcx  à  sa  barbe  et  à  ses  énormes 
cornes  recourbées  en  arc. 

Lntre  les  pivots  apparaissent  quatorze  ouvertures;  dans  celles  (jui  cor- 
respondent aux  tempes,  on  a  inséré  une  plante  sai menteuse,  aux  feuilles 
cardimorphcs  et  retoml)ant(.'S,  (|ui  niid  parfaitement  l'aspect  de  VAristo- 
lorhia  dem  ilis  de  Pline. 


1)  L'u  o'Jeis  f.iiviini  partii!  dfi  celti;  di-rnicrc  iroiivaillt!  ont  l'ii';  vendus  ii  un  m^gn- 
ciaDt  :  M.  le  coniie  Alcxih  OuvarofT  est  aujourd'liui  propriiUairc  du  vosi'  do  Tcliiban 
Kouiaroula»,  vasodont  j'ai  loiiRuenicni  parlé,  On//,  dr  l'urff'vrene  rloivinnér,  t.  il, 
p.  l.Sî  à  t58.  Quant  aux  di'couvirlcs  do  M.  TioBcnliauson,  elles  apparlienneiil  ou 
mutée  de  l'ErmiiaKc,  ii  Sniut-Pétcrbtraurf;. 


itiiii.iocit  vi'iiir:. 


-m 


Deux  oiselets  n'ont  pas  bougé,  on  les  voit  X  la  partie  postériourfî  .le  la 
couronne;  ils  sont  au  repos,  les  ailes  repliées,  un  annclct  issant  du  bec. 
Un  cloisonnage,  hélas  1  veuf  doses  gemmes,  exprime  la  majorité  des 
plumes  siiniiK'es  sur  la  poitrine  par  des  inibricalions  gravées  (1). 

Le  reste  des  pivots  (il  devait  en  exister  viri'^t-quatrc)  supportait  à 
coupsûrun  renne  et  un  bouquetin  absents;  mais  cinq  lacunes  demeu- 
rent à  combler  :  trois  par  devant,  deux  par  derrière.  Ouels  objets  com- 
portaient ces  places  vides?  Voyait-on  sur  le  front  d'autres  aristoloches, 
ou  bien  un  ornement  spécial?  Des  oiseaux  décoraient-ils  l'occiput?  La 
réponse  est  diriicile,  sinon  impossil)ie  (2). 

Les  pendeloques  qui  garnissent  la  lévrc  inférieure  uni  la  forme  et  les 
dimensions  de  grains  d'avoine  en  balle  ;  elles  sont  striées,  accrochées  au 
moyen  d'anneaux  et  surmontées  d'élégantes  rosettes. 

Malgré  les  perles  qu'il  a  subies,  le  champ  de  la  couronne  a  conservé 
d'assez  notables  portions  de  son  décor  pour  [)erraetlre  de  le  restituer.  Au 
haut  et  au  bas  régne  un  cordon  de  perles  fines  alternant  avec  des  astra- 
gales métalliques;  ce  cordon  est  prolongea  l'intérieur  par  un  rang  de 
disques  accouplés  et  posés  de  champ  ;  les  intervalles  qui  séparent  les 
couples  (1  centimètre)  montrant  encore  des  rudiments  d'attaches,  on 
peut  en  conclure  qu'ils  étaient  occupés  jadis  par  des  chatons  ovoïdes. 

A  la  correspondance  du  front  surgit  une  ti!te  de  femme,  camée  en 
améthyste  d'un  puissant  relief  et  d'un  admirable  travail;  la- couche  supé- 
rieure de  la  pierre,  réservée  aux  cheveux,  est  violette;  les  carnations, 
taillées  plus  avant,  sont  blanchâtres;  le  col,  onduleux,  s'engaine  dans 
un  buste  d'or  ciselé,  dessinant  un  chiton  qui  voile  chastement  le  sein.  La 
figure  se  présente  de  face  :  les  yeux  sont  grands  ;  le  nez,  un  peu  endom- 
magé, et  la  bouche  ont  un  caractère  sensuel;  la  physionomie  est  calme, 
plutôt  douce  que  sévère.  La  hauteur  totale  du  système  est  d'environ  cinq 
centimètres.  Au  sommet  du  crûne,  on  a  lourdement  posé  un  magnifique 
rubis  cabochon,  dont  la  sertissure  à  biseau  est  retenue  par  des  griffes 
denticulées;  aux  oreilles  sont  fixées  des  mortaises  en  or  simulant  des 
enotia,  et,  plus  bas,  deux  perles  assez  grosses.  Ces  annexes,  destinées  à  la 
consolidation  du  camée,  offrent  la  môme  technique  que  le  reste  de  la 
couronne;  elles  n'ont  aucun  rapport  avec  la  tête,  qui  est  de  style  grec  et 
d'une  excellente  époque. 

A  droite  de  la  tète  s'étale  un  énorme  grenat,  cabochon  ovale,  long  de 
37  niillimèlres,  haut  de  18  millim.;  puis  vient  une  hyacinthe,  égale- 
ment ovale;  après  la  charnière,  une  aigue-mariue  carrée;  enfin  la  place 

,1  Dimensions  approximatives  :  mammifères,  iongiueur,  25  millimètres  ;  végé- 
taux, hauteur,  4  centimètres;  oiseaux,  longueur,  2  centimètres.  Sauf  les  derniers, 
toute  celte  oruementatiou  conserve-t-elle  en  réalité  sa  disposition  primordiale? 

(à)  Je  partage  les  scrupules  de  M.  Odobesco  quant  à  la  forme  réelle  de  l'oroe- 
ment  antérieur;  la  présence  de  deux  nouveaux  oiselets  sur  l'occiput  est  tellement 
vraisemblable  que  je  crois  pouvoir  l'admettre  sans  réserves. 


:16V  iiKvi'i'.   Miciir.oi.DC.iguK. 

dune  gemme  absctilc.  Kalrc  lu  grenat  el  l'Iiyacinlhe  on  voit  un  oiseau 
do  face,  aigle  ou  chouotle,  au  vol  abaissii  :  comme  les  mammifères  de  la 
cr»^;o.  il  Cil  on  or  repoussé;  sa  poitrine  ol  ses  cuisses  incruslenl  des 
aiiiandi's  (!«'  turquoises;  dos  traits  i^ravcis  rendent  le  plumage.  Tn  sera- 
blaltio  volatilo  couvrit  assuri'ment  jadis  los  opacoà  dénudés  qui  séparent 
les  autres  pierres.  Le  décor  séne-^tre,  identique  au  précédent,  est  encore 
moins  l'ion  conservé;  il  ne  possède  plus  qu'un  oiseau  cl  une  hyacinthe 
symétrique.  Les  pièces  do  rapport,  b.lles,  mouture  de  la  tête,  oiseaux, 
sont  soudées  ;'i  la  plaquo  excipiontc;  colle  plaque  osl  en  uiitre  semée  de 
perles  lines,  de  globules  en  cornaline  ou  on  Norre  vert  clair,  peilorés  et 
fixés  au  moyen  de  liges  mélalliquos. 

Un  dernier  détail  technique  :  le  vide  ménagé  enlrc  les  deux  lames  du 
bandeau  est  rempli  d'un  mastic  friable  et  noirâtre,  mixture  de  terre 
glaise  et  do  résine. 

Au  poinl  de  vue  de  la  forme,  la  grande  couronne  de  Novo  Tclierkask 
est  une  rémiuiscence  de  la  sphcndunc  antique,  réminiscence  où  les  élé- 
ments grecs  ne  font  pas  absolument  défaut;  mais,  i  côlé  du  camée  el  des 
pendeloques,  nous  trouvons  l'art  incorrect  el  les  procédés  techniques  qui 
caractérisent  les  objets  trouvés  ùans  les  sépultures  barbares  de  la  Russie 
méridionale.  Toutefois,  si  le  bassin  du  Dnieper  et  la  Ciimée,  comme  les 
rives  du  Don,  abondent  en  représentations  animales  appliquées  au  décor, 
elles  ne  sont  pas  moins  fréquentes  dans  les  réj^ions  du  Volga,  de  l'Obi  et 
de  rirtisch. 

11  est  alors  i  remarquer  que  plus  on  s'éloigne  des  bords  de  l'Luxin, 
c'est-à-dire  des  centres  liollénisés,  plus  les  objets  que  l'on  rencontre  sont 
soumis  à  une  intluence  dont  le  point  de  dépari  est  ésidemment  l'Asie 
intérieure  (1).  Tel  est  le  cas  des  mammifères  qui  surmontent  la  grande 
couronne  de  Novo  Tcherkask;  leurs  (ormes  rudenienl  charpentées,  leurs 
incrustations  de  turciuoises,  leur  habitat,  les  rangent  incontestablement 
dans  la  catégorie  des  bijoux  provenus  des  sépultures  ouralionnes.  Helali- 
vement  aux  types  ornithologiques,  les  petits  oiseaux  cloisonnés,  s'ils 
étaient  des  canards,  ne  seraient  pas  étrangers  au  symbolisme  gréco- 
scyilie  de  la  Tauride,  qui  appliqua  ces  palmipèdes  au  décor  du  célèbre 
aryfjalle  de  Koul  Oba  et  de  divers  autres  vases  (2);  mais  la  technique 
propre  à  iius  volatiles,  qui  sont  eu  réalité  des  colombes,  l'oiseau  cher  à 
Vénus,  n'a  rien  d'occidental. 

Kn  dehors  de  la  Scandinavie,  les  régions  éloignéesdu  cenlrede  l'Lurope 
n'ont  fourni  jusqu'à   présent   que  de  bien   rares  spécimens  d'orfèvrerie 


(i;  Los  rcciiii'-i  11.;.  i)un  rti  s  ili-  .M.M.  Ticsenliauseii  et  G.  Filiinonov  dans  lr> 
régioos  du  Caucasj  |icriiicltcnt  il'étubtir  iK.'tiuiiient  cotte  diatinclioii  ;  le  toini;  III  des 
(Jri'jifies  t/e  i'orfpvrerw  rlomuiuiée  en  coritii;udra  plusiiMir.s  exemples  frappaïU.H. 

(2)  De»  bractée»  greciucs  de  la  Tauride  reprilsi-nlciit  un  ai^te  au  vol  alniissé, 
mais  on  ne  saurait  lu  confondro  avec  les  oiseaux  analogues  ite  notre  courouue; 
rien  (Je  comuiun  entre  eux  nuo  l'ultiiude. 


IIIIII.IUCUM'IIIK.  'MV.i 

cloisonn(5e  ;  n(^anmoins  qiiolqucs-uris  cxlium<i3  au  siècle  dernier,  sur  les 
ConGiis  asialique»  de  l.i  Hussie,  sont  venus  accrollre  les  richesses  du  mu- 
sée de  i'Ermilage.  Ces  bijoux  déraonlrenl  que  les  procédés  du  cloison- 
nage furent  usités, dans  les  susdites  régions,  à  une  époque  où  l'industrie 
locale  des  métaux  précieux  vil  convergorà  son  profit  deux  courants  ailis- 
liqucs  opposés,  partis  d(i  l'est  et  de  l'ouest.  Tels  sont  :  un  praud  rap«ce  ter- 
rassant un  b)uquetin  (i);  une  sorte  de  poisson  ;\  t(Me  d'oiseau;  un  éper- 
vier  posé  sur  un  cygne;  enfin  d'autres  fragments  moins  caractérisés.  De 
pareils  objets,  qui  constituent  évidemment  les  plus  anciens  spécimens 
d'un  art  industriel  propagé  ensuite  en  Kurope  par  les  envahisseurs  gen- 
maniques  de  l'Empire  romain,  établissent  que  les  éléments  grecs  de  notre 
couronne  ne  sont  que  des  superfiMations  accidentelles,  superfétaiions 
dont  on  connaît  ailleurs  maints  exemples.  Du  reste,  aux  dimensions  et  à 
certains  détails  prés,  le  diadème  de  Novo  Tcherkask  rappelle  les  coiffures 
royales  des  Arsacides  (2);  nous  n'avons  pas  sous  les  yeux  une  simple  pa- 
rure funèbre  où  l'on  a  économisé  la  matière,  mais  bien  une  véritable  ci- 
daris,  solidement  construite  pour  servir  à  une  personne  vivante. 

Anaïtis,  Anahid  ou  Nana,  Mylitta,  déesse  vénérée  en  Asie  depuis  les 
bords  de  l'Euphrate  jusqu'aux  côtes  de  la  mer  Noire,  et  que  la  Tauride 
adorait  également  sous  le  nom  d'Arlémis  Agrotera,  s'offre  avec  les  dou- 
bles attributs  de  Diane  et  de  Vénus  Astarté;  elle  représentait  dans  tous 
les  cas  la  force  productrice  de  la  nature.  Or  il  est  indubitable  que  des 
animaux  et  des  plantes  furent  particulièrement  consacrés  à  une  divinité 
aussi  répandue.  Des  vaches  paissaient  à  son  intention  dans  les  plaines  de 
la  Mésopotamie  ;  le  cerf  accompagne  les  images  de  la  Diane  éphésienne, 
dont  l'ori.Lîine  asiatique  est  évidente,  et  ce  ruminant  forestier  était  le  fa- 
vori d'Anahid.  Appuyé  sur  les  excellents  travaux  de  M.  G.  Perrot,  l'au- 
teur reconnaît  que  les  bas-reliefs  de  la  Ptérie,  étudiés  par  ce  savant,  re- 
présentent la  fête  des  Sacées,  instituée  en  l'honneur  de  la  Diane  orientale  ; 
un  bouquetin  y  figure  vraisemblablement  aux  côtés  de  la  déesse.  Le  même 
animal,  fréquent  sur  les  monuments  de  la  glyptique  assyrienne,  inter- 
vient directement  dans  une  circonstance  relative  au  culte  de  Mylitta.  Un 
cylindre  babylonien  montre  une  femme  debout  sur  un  lion  couché;  la 
cidaris  qui  la  coiffe,  l'arc  et  le  carquois  qu'elle  porte,  les  emblèmes  sidé- 
raux qui  l'environnent,  caractérisent  suffisamment  la  divinité  euphrati- 
que:  devant  elle, un  personnage  en  adoration;  plus  loin,  deux  bouque- 
tins entrecroisés  (3).  Sur  une  aiguière  sassanide,  trouvée  au  siècle  dernier 
dans  le  gouvernement  de  Perm  et  publiée  par  le  président  de  Brosses, 

(1)  Antiq.  srijth.,  pi.  XI;  Orig.  de  i'orf.  dois.,  t.  Il,  pi.  XII. 

(2)  L'espace  me  fait,  hélas!  défaut  pour  entrer  d.uis  tous  les  développemenis 
apportés  par  M.  Odobesco  à  la  question  dt-s  coiffures  arsacides  ornées  de  figures 
animales  et  principalement  de  cerf?. 

(3)  Je  risque  une  interpréiaiion  qui  n'est  pas  conforme  à  celle  do  M.  Lajard, 
Rech.  sur  le  culte  de  Vénus,  p.  570,  ni.  VIII,  fi^'.  1. 


364  RRVUK    ARCilKOLOOlOOR. 

on  voit  Anaïlis  sons  une  archi\ullcoù  courent  dos  colonihcs  idcnliqnes 
aux  petits  oiseaux  cloisonnés  de  la  couionue  de  Nuvo  Tclicikask;  A  droite, 
un  enfant  nu,  chargé  d'un  bouquclin. 

l.'expiicalion  des  rapaccsau  vol  abaissé,  qui  interrompent  les  cabochons, 
est  nuiins  claire;  aux  exemples  déj  i  cités,  M.  DiioLiesco  en  ujoule  beau- 
coup d'autres,  car  «le  tout  temps  les  Orientaux  uni  alTecliomiù  l'aigle  et  la 
cliouctie  symboliques;  mais  un  seul  détail  des  bas-reliels  delal'it'rie  ten- 
drait à  établir  la  connexion  du  premier  avec  l'Anabid  des  Iraniens,  tandis 
que  la  seconde  tête  des  oiseaux  bicéphales,  qui  figurent  dans  la  représen- 
tation des  Sacées,  pourrait  être  un  emblème  de  la  chouette,  vénérée  chez 
les  peuples  tuuraniens  de  la  Scylliie. 

l'iine  parle  assez  longuement  des  vertus  de  l'aristoloche  en  général,  et 
de  l'aristoloche  clématite  ou  pontique  en  particulier,  pour  qu'il  soit  fa- 
cile de  comprendre  que  cette  plante  sarmcntcuse  devait  <^lrc  cliéic  à  Vé- 
nus. Ellejouail  dans  la  pharmacopée  aphrodisiaque  du  monde  classique 
le  rôle  du  /lôm  chez  les  Haclriens  et  de  la  mandragore  en  Asie  Mineure.  Au 
jiujel  de  la  n)andragore,  qu'il  me  soit  permis  de  reproduire  une  note  qui 
n'est  pas  la  moindre  parmi  les  curiosités  dont  abonde  le  Mémoire  de  M.  Odo- 
hesco;  on  l'a  malheureusement  rejetée  à  la  lin  du  volume,  i  une  place 
où  l'on  n'ira  guère  la  chercher. 

Pendantque  M.  ledocleur  Hrandza  explorait  la  Houmaniepourcn  étudier 
la  llore,  il  apprit  d'un  garde-forestier  des  montagnes  voisines  du  cou- 
vent de  Niamtzo (Moldavie occidentale),  lieu  fertile  enmandragores(Atropa 
helladona),  que  les  vieilles  villageoises  savaient  faire  des  charmes  d'amour 
(a  face  tincriloru  Je  dra(jos(i'),en  conduisant  la  nuit  les  jeunes  lllles  qui  dé- 
sirent être  aimées  dans  les  clairières  où  cette  plante  ciull  abondamment 
et  atteint  des  proportions  gigantesques.  Sur  les  toufles  du  végétal  fatidi- 
que, les  charmeuses  font  déposer  à  leurs  clientes  trois  bouteilles  de  vin, 
trois  pains  et  trois  écucUes  remplies  de  comestibles;  puis,  autour  du  tas, 
on  danse  une  ronde  en  chantant  une  évocation  dont  le  refrain  répète  in- 
cessamment le  nom  de  la  mandragore,  qualifiée  de  grande  dame  ou  reine 
{Domna  marc).  Il  est  évident  que  celte  pratique  superslilieuse  est  un  sou- 
venir populaire  de  la  croyance  professée  pur  l'antiquité  à  l'égard  des  ver- 
tus aphrodisiaques  de  la  mandragore.  .Notons  encore  que  les  paysans  rou- 
mains attribuent  les  mêmes  propriétés  mystérieuses  à  une  espèce  de 
fougère,  appeléeà  cause  de  cela  Navalnicu  (précipiteur).  On  croit,  eneffet, 
qu'aux  réunions  dansantes  les  jeunes  gens  courcMit  de  préférence  vers  les 
filles  qui  cachent  dans  leur  sein  une  feuille  de  la  plante  magique  (1). 

Le  second  diuilèmc  (poids  UiW  gr.  •ilt)),  beaucoup  plus  haut  au  front 
qu'à  la  nuque,  offre  deux  rangées  d'animaux  fanlasiiques,  séparées  par 
une  lripl(!  moulure  loiique.  I.e  rang  inféiieur  est  priy  dans  lu  masse;  le 
rang  supérieur  forme  une  créle  décou[iée;  les  yeux  et  les  membres  sont 

(I)  Page  13'.i.  —  l.c  qualilicalif  Dumfiu  marr,  attribué  A  la  niaïuirngon',  im< 
ii'*nible  contenir  un<-  allusiun  diructe  ii  la  Mnijna  Mater  des  Anciens. 


ninMOOR\PHiE.  365 

incrustés  do  turquoises.  I.e  travail  montre  les  mômes  caractères  que  la 
faune  de  lacoifliire  ii"  1  (I).  I,os  hraceiiîts  se  coinitosciit  d'un  pircii  sys- 
tème do  monstres  incrush's  ;  j'en  dirai  autant  do  la  pyxido,  de  Vampulla 
Cl  de  IV-lui  ciselé;  l'étui  cloisonui!,  avec  ses  triangles  bleus  et  rouges,  doit 
être  misa  part.  Tout  compté,  sauf  le  camée  et  l'Éros  Aulélés  qui  sont 
occidentaux,  les  petits  oiseaux,  l'étui  cloisonné  et  le  cylindre  d'apaie 
qui  aitparliennent  à  une  teciiniijue  spéciale,  l'ensenihlo  du  trét^^or  de 
Novo  Tclierkask  accuse  une  complote  unité  de  fabrication.  I.a  défunte 
(le  squelette  trouvé  à  l'intérieur  du  hourganc  ne  peut  Cire  que  celui 
d'une  femme)  a  été  inhumée  avec  une  parure  exécutée  par  une  seule  école 
d'orfèvres,  sinon  par  un  seul  orfèvre;  cette  parure,  faite  exprès  pour  la 
personne,  alors  qu'elle  vivait  encore,  l'accompagna  dans  la  tombe;  le 
reste  de  l'écrin  provenait  de  sources  diiïérentes. 

Voici  que  je  manque  à  ma  promesse  et  que  je  donne  des  conclusions 
prématurées  sans  attendre  celles  do  l'auteur  que  j'analyse  :  retournons, 
pour  ne  plus  les  quitter,  aux  Antiquités  sojthiques. 

Je  résume.  —  Le  symbolisme  animal  et  végétal  de  la  grande  couronne 
de  Novo  Tclierkask  est  en  connexion  absolue  avec  le  culte  de  la  déesse 
orientale  qui  réunissait  le  double  caractère  de  Diane  et  de  Vénus. 

—  La  coiiïure,  fabriquée  pour  une  adoratrice  de  la  divinité  tanaïdienne, 
date  d'une  époque  où  les  souverains  de  l'Asie  avaient  coutume  d'orner 
leur  tète  de  pareils  diadèmes  emblématiques. 

—  L'époque  susdite  comprend  au  moins  quatre  siècles,  mais  on  peut 
restreindre  une  période  trop  vaste  aux  cinquante  années  qui  précèdent 
l'ère  cbrélicnne  et  aux  cinquante  qui  la  suivent.  Les  trésors  lapidaires  et 
artistiques  de  Mitbridate  Eupator,  l'intéressante  histoire  de  Pythodoris, 
reine  du  Pont,  où  Anaïtis  était  particulièrement  honorée,  autorisent  celte 
délimitation,  contre  laquelle  le  camée  et  l'Éros,  bien  qu'ils  témoignent 
d'un  art  très  relevé,  ne  fournissent  aucune  objection  sérieuse. 

Au  centre  de  l'isthme  caucasien  habitaient  les  Aorses,  peuple  qui 
transportait  au  nord  les  marchandises  venant  du  sud,  et  que  le  transit 
enrichissait  considérablement.  Par  l'intermédiaire  des  Aorses,  les  négo- 
ciants perses  et  indiens  entraient  en  relations  commerciales  avec  les 
luétallurges  ouralicns  :  Arimaspes,  Gryphes,  llyperboréens  ;  en  langage 
moins  poétique,  Tschoudes.  Les  anciens  Cimmériens,  que  les  Scythes 
avaieut  jadis  refoulés  vers  les  rivages  septentrionaux,  étaient,  à  l'époque 
de  Strabon,  établis  à  nouveau  sur  les  territoires  du  Palus  .Méotide,  où  ils 
vivaient  à  proximité  des  Vanes,  ancêtres  des  Slaves.  Les  rives  du  Tanaïs, 

•  (1)  Les  anLuaux  sont  disposés  en  file,  cliaque  file  marchant  en  sens  inverse.  Sur 
la  crête  on  reconnaît  des  grilTons  aptères;  je  m'abstiens  ici  de  mentionner  es 
autres.  Grand  diamètre,  175  millimètres;  hauteur  du  frontal,  CO  millim.;  idem  à  la 
nuque,  20  millim.  —  La  collection  sibérienne  de  l'Ermitage  possède  une  couronne 
analogue,  dont  le  bandeau,  sommé  de  félins  couchés,  est  partout  d'égale  hauteur 
{^Anti'].  scyth.,  pi.  VI,  fig.  1  ;  Orij.  del'ovf.  cloison.,  t.  H,  pi.  XV,  fig.  1). 

XXMX.  18 


aCG  nr.vLR  arciiéologioue. 

cl  en  particulior  rrmjiori»r;j  de  ce  nom,  voyaient  donc  alors  se  coudoyer 
nombre  d'cU'ments  etluiogrHjthiqucs  tr^s  divers;  les  uns  adonm^s  au 
commeice  ou  à  l'agricullure,  les  autres  tout  simplement  pillards.  Tel 
6'oiïrait  l't^tat  du  pays  aux  dt'buls  de  la  grande  lutte  engagée  cuire  Home 
el  la  l'erse,  pendant  le  court  intervalle  qui  relie  les  temps  antiques  à 
Vive  modcme.  Cet  6lal  permet  l'explication  de  la  singulit"îre  hétiTOgé- 
néiliî  de  détails  qui  r«>gne  dans  le  trésor  de  Novo  Tcherkask. 

La  grande  couronne,  principalement,  confirme  l'Idée  d'une  fabrication 
locale.  Nulle  part,  ailleurs  que  sur  les  bords  du  Don,  on  n'aurait  pu  ras- 
sembler tant  d'éléments  disparates  pour  en  former  un  tout  eu  l'hon- 
neur de  la  divinité  tanaïdienue,  ;\  savoir  :  une  œuvre  de  glyptique 
grecque,  des  symboles  perses  et  ouralo-altaïques,  enfin  les  produits 
d'un  art  nouveau,  l'orfèvrerie  cloisonnée,  art  qui,  venant  sans  doute  à 
peine  de  naître  dans  ces  parages,  fut  adopté  avec  empressement  par  les 
Goths,  peuple  jeune,  vigoureux,  enclin  à  l'ostentation,  essayant  déjà  ses 
forces  et  s'initianl  aux  arcanes  industriels  dans  les  riches  cités  du  Pont- 

EuxiD. 

Le  diadème  massif,  les  bracelets,  la  pyxidc,  le  flacon,  l'étui  ciselé, 
tous  ornés  d'animaux  plus  ou  moins  monstrueux,  ont  un  caractère  parti- 
culièrement SL-plentiional,  c'est-à-dire  empreint  d'une  influence  toura- 
nienne  ;  l'étui  polychrome  se  rattache  aux  petites  colombes  cloisonnées  ; 
le  tube  d'agate,  avec  ses  terminaisons  félines,  rentre  dans  l'esthétique 
iranienne. 

L'existence  d'une  fabrication  locale  est  démontrée  par  le  vase  lanai- 
tique  de  M.  le  comte  A.  Ouvarotf,  qui  porte  la  signature  de  l'orfèvre 
gréco-scythe  Tcbibano  Koularoulas. 

On  peut  conclure  cniiarlie,  des  faits  exposés  ci-dessus,  que  le  trésor  de 
Novo  Tcherkask  renferme  les  prémices  de  l'art  industriel  qui  produisit 
les  merveilleux  bijoux  de  Pétrossa,  les  ornements  do  Childérlc,  les  cou- 
ronnes de  (.uarrazar,  enfin  cette  innombrable  muUitude  de  pièces  cloi- 
sonnées ou  gemmées  dont  regorgent  les  collections  de  l'iùirope  et  dont 
le  chifl're  est  journellement  accru  par  de  nouvelles  décou\erlcs. 

«  Les  Scythes  ont  exercé  avec  quelque  succès  l'art  de  l'orfèvrerie, 
auquel  ils  attachaient  un  très  grand  prix;  à  la  pratique  de  cet  art  ils 
appliquaient,  fcclon  les  localités,  les  idées  esthétiques  et  les  procédés 
industriels  de  la  Crèce  et  de  la  Perse,  pays  avec  lesquels  ils  so  trouvaient 
en  contact...  Selon  toute  probabllilé,  l'orlèvrerie  cloisonnée  nacjuil  en 
Scvthic,  ou  du  moins  elle  y  prit  une  consistance  eilcctive  et  un  dévelop- 
pement considérable.  Les  peuples  gothiques  des  premiers  siècles  chrétiens 
s'appruprii'ienl  bien  vite  un  genre  décoratif  qui  leur  plaisait,  et  ils  le 
colportèrent  aux  quatre  coins  de  l'Luropc. 

«  Ue  celte  fai.on,  l'orfèvrerie  cloisonnée,  —  l'art  préféré  des  Ccr- 
mains  —  qui,  dès  l'aubo  de  l'ère  ntoderno,  a  été  la  première  manifesla- 
lion  esthétique  des  peuples  nord-européens,  a  dû  tirer  son  origine,  non 
pas  de  la  décadence  du  goût  cl  de  la  d  ciépilude  de  l'art  classique,  non 


nTBLior.nAPHiE.  307 

pas  davanta2;p.  d'ompriinls  directs  Tuils  aux  civilisations  oricnlales,  mais 
surtout  de  l'ailoptiuii  t'I  de  la  traublormiliou  par  les  (iolhs  d'un  ^'erire 
décoratif  spécial,  pratiqué  pondant  les  longs  siècles  de  l'antifiuilé  sur  le 
territoire  scytliique  (I).  » 

En  voili  assez,  je  crois,  pour  inspirer  io  désir  de  lire  le  beau  volume 
de  M.  Ddobesco.  On  reprochera  peut-être  à  l'auteur  d'avoir  écrit  dans 
une  langue  qui  n'est  guî-re  usuelle;  mais,  voulant  proliler  de  l'hospita- 
lité qui  lui  était  olVerte  dans  les  yl«»a/cs  Je  l'Académie  roumaine,  il  lui 
était  impossible  d'agir  autrement.  D'ailleurs  le  roumain  n'est  pas  un 
idiome  qui  soit  trop  rebelle  aux  latinistes;  en  outre,  les  Antiquités  sey- 
thique.<;  sont  éraaillées  de  citations  grecques,  latines,  françaises,  alle- 
mandes et  anglaises;  citations  pleines  de  curieux  renseignements  biblio- 
graphiques. Plusieurs  gravures  sont  intercalées  dans  le  texte,  et  je  signa- 
lerai, parmi  les  planches  qui  représentent  la  majorité  des  objets  mis  en 
discussion,  les  n"*  I  et  XI,  deux  splendides  chromolithographies  qui  font 
honneur  à  rétablissement  Soccc  Sandcr  et  Teclo,  de  Bucarest. 

ClIAIlLKS   DE  I.INAS, 
Miiiil)r(;  lioiiiirairo  dn  l'AcadOinio  roiiniaino. 

Real  Encyklopaedie  der  christlichen  Alterthuemer  nntnr  Mitwirkung 
nielirerer  Faciigenossen  bearbeitot  und  hcruusgogebcii,  von  F,  X.  Khaus.  !'«  li- 
vraison. Un  caiiicr  de  96  pages  in-8,  clicz  Elerder,  à  Fribourg  en  Brisgau. 

jM.  le  docteur  Kraus,  l'homme  qui,  au  delà  du  Uhin,  a  le  mieux  étudié 
les  premiers  siècles  de  l'Église,  publie,  comme  on  l'a  déjà  fait  en  France 
et  depuis  en  Angleterre,  un  grand  Dictionnaire  des  antiquités  chré- 
tiennes. La  première  livraison  de  cet  intéressant  recueil  vient  de  paraître 
à  FribourR  en  Brisgau,  chez  l'éditeur  Hcrder  ;  les  autres  fascicules, 
nous  promet-on,  vont  bientôt  suivre.  En  rendant  un  complet  hommage 
au  savant  chanoine  Martigny,  le  véritable  créateur  de  cette  sorte  d'ency- 
clopédie, M.  Kraus,  placé  en  pays  protestant,  a  plus  parliculièi-ement 
insisté  que  l'auteur  français  sur  les  questions  controversées.  De  nom- 
breux collaborateurs  italiens  et  allemands  sont  venus  l'aider  dans  sa 
pensée  et  dans  son  entreprise.  La  Rcal-Encydopœdie  der  Christlichen  Alter- 
thùmer  écaric  les  questions  politiques  et  littéraires  qui  se  rencontrent 
dans  l'histoire  de  l'Église  primitive;  elle  se  borne  à  Fctude  des  antiquités 
proprement  dites,  en  ce  qui  louche  l'art,  la  vie  privée,  le  culte,  le  droit, 
l'administration  chez  les  premiers  chrétiens.  Le  côté  monumental  prend 
ainsi  les  premiers  pas  dans  ce  livre,  où,  par  une  innovation  heureuse,  les 
renseignements  bibliographiques  sont  très  largement  étendus.  Les  grc- 


(1)  Pages  121,  121'.  —  Je  ne  partage  plus  entièrement  les  idées  de  M.  Odobesco 
sur  l'origine  de  rorftvrcrie  cloisonnée;  il  a  très  bien  su  le  faire  entendre  dans  une 
note.  Toutefois  la  question  ne  me  semble  pas  encore  assez  mûre  pour  lu  discuter 
ici,  et  je  persiste  dans  mon  rôle  de  simple  vulgarisateur.  Les  récentes  découvertes 
du  Caucase,  que  j'étudie  en  ce  moment,  éclaircirout  peut-être  le  mystère  ;  <■  peut- 
être  »  est  soulitrné  avec  intention. 


368  RF.VOK   ARCHÉOLOGIQUE. 

Turcs  qui  accompBgnent  los  arlicIcB  y  sont  semres  avec  profusion.  A 
coUos  liu  Diiliduiinirp  tic  Marlipny,  que  l't'dihMir  a  yu  acqiK'Mir,  on  on  ii 
joint  encore  it'nutro?,  exrculécs  il'npii's  des  recueils  ^prciaiix.  l'arnù  ces 
articles  illuslrt^s,  je  citerai,  comme  se  recommandant  àl'atlcnlion  du  lec- 
teur, ceux  qui  portent  les  titres  à'AbraxaSy  Acclamations,  Adam  et  Eve, 
Amour  et  V^ijché,  Apvtrcs,  Arca,  Archéohnie.  Co  dernier,  qui.  parmi  tant 
d'autres,  porte  la  signature  de  M.  Kraus,  contient  une  l)ilili(it;r;ii)liii'  pré- 
cieuse pour  l'élude  de  ranliquité  chrétienne.  Là,  comme  ailleurs  dans 
son  recueil,  Tauleur  rend  pleine  justice  aux  érudits  de  notre  pays.  «  J'ose 
croire,  écrit-il  dans  une  lettre  qui  l'honore,  j'ose  croire  qu'on  s'apercevra 
que  je  Mche  sans  cesse  de  faire  connaître  chez  nous  ce  que  notre  chùre 
science  doit  aux  savants  français  et  de  ramener  ainsi,  aulanl  qu'il  est  en 
moi,  les  esprits  séparés  par  des  événements  que  je  déplorerai  toujours.  » 
Le  savant  allemand  s'est,  je  le  répète,  entouré,  pour  son  œ'ivre 
nouvelle,  de  nombreux  collaborateurs.  Rien  ne  pouvait,  à  coup  sûr, 
l'empî^cher  de  suffire  seul  i  cette  tilche,  si  des  travaux  multipliés  ne  lui 
en  eussent  enlevé  le  loisir.  \in  même  temps  que  le  conunencemetit  de 
son  Kncyclopédie,  et  sous  la  même  date  de  18^0,  il  luisait  en  eiïet 
paraître,  après  tant  d'autres  pulilicatioos  savantes,  une  seconde  édition 
de  sa  «  Rome  souterraine  »,  donnée  d'abord  en  1873  et  dont  on  sait  le 
succès  mérité.  K.  L.  P. 

La  vie  municipale  au  XV^  siècle  dans  le  nord  de  la  France,  par 
le  baron  A.  de  Calo>ke,  vice-président  de  la  Sociéiti  des  anliquaires  de  Picardie. 
Didier  et  C%  l'aris,  ISbO,  in-8  de  viii-33G  pages. 

M.  de  Calonne  a  retracé  le  tableau  de  la  vie  municipale  au  xv«  siècle 
dans  le  nord  de  la  France  en  prenant  particulièrement  pour  modèle  et 
pour  type  la  ville  d'Amiens,  dont  il  a  compulsé  les  riches  archives,  et  en 
comparant  les  règlements  de  cette  ville  aux  institutions  des  cités  voi- 
sines. 

Quelque  différents  qu'aient  été  à  la  fin  du  moyen  .Ige  les  privilèges 
municipaux,  il  y  avait  cependant  de  grandes  analogies  entre  eux.  On  trou, 
verait  de  ces  analogies  non  seulement  entre  les  \illes  d'une  môme  pro- 
vince, mais  entre  les  \ilies  des  dillétentes  parties  de  la  l'rance  et  même 
des  pays  limitrophes.  Le  tableau  de  la  vie  municipale  il'Aniiens  peut  donc 
offrir  un  reflet  suffisamment  fidèle  de  la  vie  municipale  au  iv»  siècle,  à 
peu  près  comme  on  peut  trouver  dans  un  fragment  de  miroir  disposé 
d'une  certaine  façon  une  image  analogue  A  celle  que  présenterait  le  mi- 
roir tout  entier. 

M.  de  Calonne  a  rencontré  dans  sa  t.lchc  un  devancier  illustre  et  par 
conséquent  redoutable  :  c'est  Augustin  Thierry,  qui  avait  tiré  des  archi- 
ves municipales  d'Amiens  les  principaux  matériaux  de  la  grande  collec- 
tion des  Momn/Kuts  im'ilits  de  l'Itistiùrc  du  Ticra  fAat;  mais  Augustin 
Thierry  s'est  surtout  occupé  des  institutions,  des  règlemei/ts  et  des  sta- 
tuts; M.  de  Oalonne  s'est  borné  à  en  faire  connaître  l'application  pen- 
dant une  période  déterminée  et  il  a  réussi,  a  la  suite  du  célèbre  historien. 


BIllLIOCnAI'HIE.  369 

à  faire  uuo  œuvre  originale  qui,  sur  certains  points,  le  complète  et  le 
commente. 

De  prime  abord  il  nous  montre  l'orprinisalion  municipale.  Il  nous  con- 
duit, le  jour  de  Siiinl-Siniou  et  Saiut-Jude,  orichaciuc  année  l'on  procède 
au  renouvi'IKtuicut  de  l;i  li)i,  dans  le  vieil  liôlel  de  ville,  llanquè  de  clo- 
chers qui  lui  l'ont  donner  le  nom  d'Ilùtcl  drs  doquicra.  Le  niaycur  et  les 
vingt-quatre  échevins  y  sont  réunis  pour  discuter  les  noms  des  trois  can- 
didats qu'ils  présenteront  aux  bourgeois  «  pour  de  l'un  élire  le  mayeur». 
Les  bourgeois,  présidés  par  le  bailli,  sont  assemblés  ;\  la  halle;  le  maire 
s'y  rend,  précédé  de  ses  massiers;  il  communique  les  noms  des  candi- 
dats choi.MS,  et  chaque  électeur  défilant  devant  le  greffier  indique  celui 
qu'il  préfère.  Le  nouveau  mayeur  élu  recevait  les  clefs  de  la  mairie  et  le 
sceau  de  la  commune  qu'il  devait  porter  désormais  à  sa  ceinture  dans 
une  bourse  de  velours  bleu,  brodée  de  fleurs  de  lis  d'or;  puis  il  prûtait 
serment  devant  le  peuple,  en  jurant  de  se  consacrer  loyalement  au  ser- 
vice de  SCS  intérêts. 

Le  mayeur,  dont  les  fonctions  étaient  obligatoires  et  pour  ainsi  dire 
gratuites,  personniûail  la  commune;  il  recevait  en  son  nom  les  grands 
personnages;  il  présidait  aux  banquets  municipaux;  il  assistait,  à  une  place 
d'honneur,  aux  festins  des  fiançailles,  des  mariages  et  des  funérailles  ;  il 
semble  que  ses  fonctions  aieut  surtout  consisté  dans  la  représentation. 
Comme  un  roi  constitutionnel,  il  régnait,  les  échevins  gouvernaient.  L'éche- 
vinage  administre  les  biens  communaux;  il  gère  les  finances;  il  exerce 
la  juridiction  civile  et  criminelle;  il  a  la  police;  il  subventionne  les  hôpi- 
taux et  les  écoles.  Si  le  mayeur  préside  l'assemblée  des  échevins,  chacun 
des  vingt-quatre  échevins  a,  comme  lui,  droit  d'initiative  et  voix  délibé- 
rative. Tous  assistent,  avec  lui,  aux  représentationsdes  mystères,  aux  passes 
d'armes  offertes  par  la  ville,  aux  cérémonies  religieuses,  aux  entrées  de 
princes.  Comme  partout,  ils  offrent  aux  princes  des  présents  de  vin  et  d'or- 
fèvrerie. 

La  sollicitude  de  l'échevinage  s'appliquait  surtout  à  l'alimentation  de 
la  cité.  A  cette  époque  où  les  voies  de  communication  laissaient  beaucoup 
à  désirer,  où  les  transactions  n'étaient  pas  faciles,  il  était  nécessaire  que 
les  pouvoirs  publics  se  préoccupassent,  surtout  en  temps  de  disette,  de 
l'approvisionnement  du  peuple.  Il  fallait  aussi,  pour  prévenir  les  abus 
que  le  monopole  des  corporations  privilégiées  aurait  pu  faire  naître,  sou- 
mettre à  une  réglementation  minutieuse  le  commerce  des  boulangers, 
des  bouchers  et  des  poissonniers.  Les  taxes,  multipliées  et  souvent  modi- 
fiées, pouvaient  ainsi  s'expliquer.  Mais,  à  force  de  vouloir  prendre  les  in- 
térêts de  ses  commettants,  l'échevinage  tombait  dans  la  minutie.  Il  dé- 
fendait aux  boulangers  qui  faisaient  du  pain  blanc,  de  faire  du  pain  bis  ; 
il  leur  défendait  de  livrer  du  pain  chaud.  On  comprend  mieux  la  surveil- 
lance exercée  pour  assurer  la  qualité  des  viandes  et  la  pureté  des  vins, 
surtout  des  vins  du  cru.  Car  il  y  avait  alors  des  vignes  aux  environs 
d'Amiens  et  jusqu'au  pied  des  fortifications.  «  Le  mois    de  septembre 


370  nF.VDE   AnCHF^OLOGIQUK 

voyait  inslallrr,  aux  principaux  carrefours  do  la  ville,  des  pressoirs  volanls 
que  chacun  Inunil  ;\  son  tour  afin  d'c'frasor  le  raisin  de  son  clos.  »  Les  vi- 
gnes des  en> irons  d'Amiens  ont  »'h''  arrachées  comme  beaucoup  d'aulres 
dans  les  mtVnes  ri\i:inns, depuis  qu'il  est  facile  de  faire  \enir  à  peu  de  frais 
les  vins  des  rt'gions  méridionales. 

Ka  salubrité  des  rues  préoccupait  aussi  l'échevinage.  Sous  ce  rapport, 
il  y  avait  beaucoup  ;\  faire.  Les  a  pourceaux  de  Monsieur  saint  Antoine  n, 
les  canards  ol  les  oies,  vaguaient  trop  souvent  par  la  ville,  l'n  \\i>l,  un 
seul  paveur  était  établi  à  Amiens;  aussi,  comme  on  le  choyait  !  La  ville 
l'habillait,  le  logeait  et  le  rétribuait  très  grassement.  11  forma  des  élèves. 
I.échevinage  prescrivit  aussi  aux  habitants  de  balayer  chaciue  malin  le  de- 
vant de  leurs  maisons  et  de  mettre  les  immomiices  en  tas,  afin  que  les 
.(  barrotiers  »  pussent  les  emmener  dans  leurs  tomberaux.  11  s'eiïorçait 
aussi  de  prévenir  les  incendies,  si  terribles  dans  les  villes  construites  eu 
bois.  Les  cheminées  en  bois  sont  démolies  par  ses  ordres;  les  corporations 
et  les  artisans  sont  tenus  d'avoir  une  certaine  quantité  de  seaux.  D'autres 
règlements  s'occupent  des  tavernes,  et  proscriventles  jeux  de  hasard.  En- 
fin l'échevinage  veille  particulièrement  ;\  la  police  des  métiers  et  à  la 
bonne  qualité  des  marchandises  fabriquées  dans  la  ville. 

Les  hôpitaux  relèvent  moins  directement  de  son  adniinistration.  Us 
sont  encore  entre  les  mains  de  l'autorité  ecclésiastique.  La  ville  cependant 
pensionnait  le  médecin  de  l'Hôlel-Dieu.  Elle  exerçait  une  sorte  de  tutelle 
sur  la  maladrcrie  et  s'occupait  de  l'entretien  des  enfants  trouvés.  Mais  la 
plus  importante  des  attributions  municipales  était  sans  contredit  celle 
qui  contiait  la  garde  militaire  de  la  cité  au  majeur  et  aux  échevins.  Ils 
surveillent  les  travaux  des  fortifications,  ils  organisent  les  diiïércnts  guets 
qui  veillent  à  leur  défense,  à  Amiens  couune  ailleurs  ;  ils  font  fabriquer 
des  canons;  ils  pensionnent  des  canonniers  et  dos  arbalétriers;  ils  équi- 
pent et  entretiennent  les  compagnies  de  leur  milice  qui  sont  appelées  à 
faire  un  service  militaire  en  dehors  de  leursmurailles,  etcependaut,  mal- 
gré la  résolution  des  bourgeois,  ils  ne  peuvent  empêcher,  en  1471,  les 
gendarmes  du  roi  de  venir  tenir  garnison  dans  leur  Tille,  qu'ils  traitent 
en  pays  conquis. 

Charles  VII ,  qui  rendit  les  armées  permanentes,  rendit  aussi  pcrma- 
nenlesles  impositions  royales.  Les  échevinages  furent  chargés  de  faire  la 
répartition  des  tailles.  .Souvent  ilsessayèrent  de  résister  ou  de  temporiser; 
ils  obtinrent  parfois  des  délais  ou  des  remises.  Les  impôts  communaux 
étaient  plus  facileinf'rit  perçus.  Les  bourgeois  en  ronnaisjaient  la  destina- 
tion ci  en  appréciaient  l'utilité;  ils  a>sislaientà  la  vériiication  des  comp- 
tes qui  se  faisaient  annuellement  ;  ils  élisaient  tous  les  ans,  le  mémejour 
que  le  maire,  les  quatre  agents  du  trésor  municipal,  le  grand  compteur, 
le  maître  des  présents,  le  receveur  des  rentes  et  le  maître  des  ouvrages. 
Les  détails  que  donne  M.  de  Calonne  sur  l'organisalion  llnancièrc  de  la 
ville  d'Amiens  sont  unedes  parties  les  plus  curieuses  de  son  savant  ouvrage. 

Je  regrette  seulement  qu'il  n'ait  pas  ajouté  aux  huit  chapitres  qu'il  coq- 


BIBLIOGRAPHIE.  371 

sacre  i\  la  municipaliti'  un  chapitre  spécial  dans  lequel  il  aurait  exposé 
les  rapports  do  la  municipalité  avec  le  [njuvoir  royal  et  ses  agents.  A  moins 
de  former  un  l'étal  souverain,  une  ville  ne  peut  être  entièrement  auto- 
nome; elle  a  des  relations  forcées  el  souvent  subordonnées  avec  l'aulo- 
rilécentrale.  I. 'auteur  dit  i  la  page  4.S  que  lcséclie\irisailmiiiibtrenl  libre- 
ment les  aU'aircs  de  la  cité  comme  leur  cliosc  propre  ol  qu'ils  ne  relèvent 
que  d'eu\-mi''ines.  delà  ejt-il  bien  certain  ?  Nous  avons  vu  le  roi  imposer 
SCS  garnisons  et  ses  contributions;  il  avait  réformé  en  i'iH'l  la  conslilulion 
municipale  elle-même.  Le  parlement  pouvait  aussi  intervenir  dans  l'ad- 
ministration communale,  comme  il  le  fil  en  1403,  en  envoyant  i  Amiens 
des  commissaires  réformateurs  chargés  d'examiner  la  gestion  Hnancière 
de  l'écliovinage.  Le  bailli  cl  mémo  l'évOque  n'avaienl-ils  point  de  préro- 
gatives spéciales  et  des  rapports  officiels  avec  la  municipalité?  N'y  avait- 
il  jamais  de  contlils  entre  eux  V  11  me  semble  qu'il  y  a  là  une  lacune  que 
M.  de  Galonné  pourra  combler  dans  la  seconde  édition  que  mérite  son 
livre. 

Celui-ci  se  termine  par  de  nombreuses  pièces  justiQcatives,  qui  occu- 
pent plus  de  120  pages,  et  qui  renferment  des  textes  inédits  et  curieux. 
Nous  y  voyons  figurer  une  plainte  contre  les  grands  maîtres  des  écoles, 
qui  s'étaient  emparés,  sans  autorité  de  justice,  de  livres  appartenant  à 
des  enfants  qui  fréquentaient  les  petites  écoles  tenues  par  les  clercs,  sous 
le  prétexte  que  ces  enfants  leur  devaient  une  redevance  annuelle.  L'n  au- 
tre texte  nous  fait  connaître  aussi  un  détail  de  la  lutte  qui  existait 
en  1438  entre  le  clergé  qui  voulait  conserver  la  haute  main  sur  les  petites 
écoles  elles  maîtres  qui  cherchaient  à  s'en  affranchir.  Plus  loin,  nous 
trouvons  l'énuméralion  des  différentes  livrées  de  l'échevinage,  dont  les 
couleurs  variaient  tous  les  ans,  présentant  successivement  toutes  les  cou- 
leurs de  la  palette,  accouplées  deux  par  deux,  depuis  le  bleu  et  le  rouge, 
jusqu'au  vert  herbeux  elàla  couleur  moutarde.  Ces  livrées  étaient  distri- 
buées chaque  année  aux  officiers  municipaux,  et  l'échevinage  avait  le 
soin  de  déterminer  quelle  nuance  devait  être  employée  «  à  dextre  », 
quelle  nuance  «  à  sénestre  ».  11  serait  trop  long  d'énumérer  les  curieux 
extraits  des  archives  municipales  que  M.  de  Calonne  a  reproduits  j  ils  ap- 
portent les  meilleures  preuves  ù  l'appui  du  livre  érudil  dans  lequel  il 
fait  revivre  l'organisation  communale  de  la  fin  du  moyen  ûge.  U  s'était 
proposé  pour  but  do  montrer  que  cette  organisation  avait  des  qualités  sé- 
rieuses et  qu'elle  pouvait  susciter  des  administrateurs  animés  de  l'amour 
du  devoir  et  de  l'amour  de  la  chose  publique.  Il  y  a  réussi. 

Albert  Rabeau. 

Étude  nouvelle  sur  Homère  :  la  Société  au  temps  d'Homère,  par 

Louis  Palliât,  in-8,  31  p.  Didier,  1880. 

M.  Pauliat  a,  par  moments,  un  peu  trop  l'air  de  croire  qu'il  a  décou- 
vert Homère,  et  il  ne  distingue  peut-être  pas  assez  entre  les  découvertes 
de  M.  Schliemann;  celles  d'iiissarlik,  si  mal  exposées,  ont  pour  lui  le 
môme  caractère  que  celles  de  Mycènes,  et  il  ne  lui  vient  pas  ù  l'esprit  le 


372  nF.vi'R  AncnKOLor.iQDR. 

moindre  doute  sur  l'idcnlil»^  do  la  ville  rclrouvt^e  à  Hissarlik  et  de  la 
Troio  homérique.  Ktifln  pourciiioi,  citant,  traduits,  de  noml)roux  vers 
d'IIonitTo,  n'iniiiquc-t-il  mille  part  eu  noio  le  numéro  du  cl.aul  et  du 
vers?  Ou  est  ainsi  fort  embarrassé  pour  vérilierses  citations  et  les  relier 
au  contexte. 

Ces  légers  défauts  d'exposition  feraient  croire  que  M.  Pauliat  est  un 
peu  nouveau  dans  ces  éludes;  mais,  on  rovanclic,  il  les  aborde  avec  une 
vivacité  el  une  fraiclieur  d'impression  que  n'v  portent  pas  toujours  ceux 
dont  l'accoulumanee  a  comme  émoussé  lu  curiosité.  .Nous  laisserons  pour 
ce  qu'elle  vaut  l'hypolliésc  d'après  laquelle  la  société  décrite  par  llomùre 
aurait  été  formée  par  l'émigration  vers  l'Occident  d'une  partie  de  la 
secte  des  Vflicyos  de  l'Inde  :  la  séparation  des  Ary.ls  remonte,  selon  toute 
apparence,  bien  au  delà  du  temps  où  s'est  établi  dans  l'Inde  le  système 
des  castes,  (le  ijui  est  intéressant,  dans  cet  essai,  ce  sont  les  remarques 
par  lesquelles  M.  Pauliat  prouve  combien  la  société  décrite  par  Homère 
était,  malgré  les  batailles  héroïques  de  l'Iliade,  une  société  plutôt  paci- 
fique, industrielle  et  agricole  qu'une  société  guerrière  :  la  guerre,  il  le 
montre  par  de  nombreux  passages,  empruntés  surtout  aux  comparaisons 
el  aux  épisodes,  n'était  pour  elle  qu'un  état  exceptionnel  et  violent,  l.e 
travail  sous  toutes  ses  formes  y  était  en  grand  honneur,  avec  l'épargne 
qui  en  est  la  conséquence  ;  c'est  ce  que  montrent  le  caractère  mémo  cl 
les  occupations  favorites  des  dieux  que  cette  société  honore  le  plus, 
aussi  bien  que  les  allusions  faites,  au  milieu  même  des  combats,  à  la  vie 
que  menaient  les  héros  dans  leur  patrie.  A  ce  titre,  r(>dy>?ée  représen- 
terait mieux  que  l'Iliade  re>piil  de  la  race  grecque  à  l'époque  héroïque. 
Il  y  a  de  la  justesse  et  souvent  de  la  finesse  dans  ces  observations,  qui 
nous  font  désirer  que  .M.  Pauliat  continue  son  travail  et  entre  un  peu 
plus  encore  dans  le  détail. 


LES 


MONNAIES  A  LÉGENDES  (IIIECQUES 


DYNASTIE  TURQUE  DES  FILS  DU  DANICIIMEND 

SUITE   AUX   RKGE.NTS   TRAVAUX 

DE  MM.  A.  DE  SALLET,    DE  BERLIN,  ET  MORDTMANN, 

DE   CONSTANTINOPLE. 


Dans  la  première  livraison  du  loipc  VI  (année  1878)  de  la  Zeit- 
schrift  fur  Niimismatik  de  Berlin  (p.  40-08),  M.  le  docteur  de  Sallet 
a  publié  sur  cerlaines  monnaies  bilingues,  frappées  au  xii"'  siècle 
par  des  émirs  établis  dans  l'ancienne  Cappadoce,  un  des  plus  inté- 
ressants mémoires  numismatiques  qui  aient  paru  depuis  nombre 
d'années.  Cet  article  avait  été  inspiré  lui-même  par  un  non  moins 
curieux  mémoire  de  M.  le  docteur  A.  D.  Mordtmann,  de  Gonstantino- 
ple,  inséré  dans  le  tome  XXX  de  la  Zcitschrift  der  deud^clien  mor- 
genlœndische  Gesellscliaft.  M.  Mordtmann  y  décrivait  une  grande 
pièce  de  bronze  acquise  par  le  cabinet  de  Berlin,  d'un  type  absolu- 
ment insolite,  à  légendes  à  la  fois  grecques  et  arabes;  les  léi^endes 
grecques  circulaires  portaient  :  O  ME  AMHPAC  AANOYNHC 
O  yTcT»  MEAHK  MAXAMATH,  c'est-à-dire  :  le  <jrandémir  Danou- 
nis,  le  jils  du  mélik  {mulek)  Mohammed;  au  centre  figuraient  ces  mots 
en  caractères  arabes  :  d'un  côté,  Emad  cd  dm;  de  l'autre,  fîls  du 
malek  Mohammed. 

Ne  pouvant  reproduire  ici  le  mémoire  du  docteur  Mordtmann.  je 
me  bornerai  à  dire  que  cette  monnaie  si  étrange  a  été  attribuée  par  le 

XXXIX.  —  Mai.  19 


274  REVUE   AnCUKOLOGlQUE. 

savant  an'ht'olopuo.  avec  toute  apparence  de  raison,  à  l)ou'n-Noun(i), 
le  Aavojvr,;  dos  chroniqueurs  byzantins,  dynastc  turc  de  la  famillo 
des  Fih  du  Danidimuid  ou  Daiiimiicnd,  le  piel  lépna  sur  une  por- 
tion de  l'Asie  .Mineure  vers  la  moilic;  du  xn"  sii^cle.  M.  Mordlmann 
est  entré  dans  du  longs  dôlails  sur  l'histoire  de  celle  dynastie  des 
Fils  dn  Dmiivhmnid  [mnitrc  d'rcoir  ou  savant),  ainsi  désignée  du 
nom  de  son  prini-ipal  fondateur,  el  qui  posséda  les  villes  de  iMala- 
tiya  (Mélitène),  de  Kai^aryia  (Césarée)  cl  de  Siwas  (Sébasle;.  Le  pre- 
mier de  fcs  princes  fut  Tilou  le  Danichmend;  mais  lo  véritable  ch;  f 
de  la  dynastie  fut  son  lils,  le  malek  (roi)  (îliazi  Ahmed  dit  (Jiimichti- 
kîn  [guerrier  d'anjent,  c'est-à-dire,  calant  son  poids  d'argent],  plus 
connu  sous  le  simple  nom  de  Malek  Ghazi.  Ce  prince  fui  un  des  plus 
redoutables  adversaires  des  premiers  croisés.  11  ligure  d'abord  à 
Dorylée;  en  HOO,  il  s'empare  de  Bobéinond;  il  le  garde  longtemps 
prisonnier  et  linil  par  le  relâcher  après  avoir  élé  sur  le  point  de  le 
livrer  à  l'empereur  Alexis;  puis,  en  H03,  il  contracte  alliance  avec 
ce  mCme  Hohémond,  avec  le  comle  d'Kdesse  el  le  roi  de  Jérusalem  ; 
longtemps  l'allié  du  Seldjoukide  Kilidj-Arsifin,  il  s'élail  brouillé 
avec  lui  à  propos  de  la  rançon  de  Bobémond. 

A  la  mort  de  Malek  Gbazi,  survenue  en  llOl,  l'aîné  de  ses  douze 
lils,  Mohammed  Ghazi,  lui  succéda;  il  lit  la  paix  en  112G  avec  les 
Seldjoukides  et  combattit  les  Byzantins,  auxquels  il  prit  el  reprit 
Kaslamouni,  el  les  croisés,  auxquels  il  fil  également  beaucoup  de  mal. 
Le  chroniqueur  turc  Hadji  Khaila  appelle  ce  prince  le  conqui^raut 
deVAnatolie.U  mourut  en  12i2-43,  et  sa  mort  marque  la  chute  de  la 
puissance  de  la  dynn>iie.  Son  frère,  Ynghi-Arskln,  appelé  aussi 
Yakoub'Arshîn,  Yajliou-Basfidn,  YaghiOassan,  le  'layouradîv  des 
écrivains  byzantins,  prit  en  mains  le  pouvoir  el  obtint  des  Seldjou- 
kides la  cession  d'Amasia.  d'Angora  et  de  toulr:  laCappadoce.  Quant 
à  Uou'n-Noun,  le  propre  lils  du  défunt,  le  Aavojvr,:  de  la  monnaie  de 
Bï.  Mordlmann,  le  Damlcnoun  de  certains  chroniqueurs,  il  eut  pour 
sa  part  Césarée,  Malaliya  et  Siwas,  mais  lut  bienUU  chassé  de  ses 
Liais  par  son  ancien  allié  Kilidj-ArsIAn  II. 

Yaghi-Ai-slàn  mourut  en  11G(M;7  et  eut  pour  succcsacurs  d'abord 
sonlils  MudjcbidAbou  Mohammed  l)jemal  Ghazi.  puis,  deux  ans 
après,  le  Ills  de  celui-ci,  Mahk  Ibrahim.  Dou'n-Noun,  allié  contre 
Kilidj-Arsiân,  d'abord,  en  417:2-73,  à  Nour-ed-dîn,  le  fameux 
alabekde  Damas,  puis,  plus  tard,  à  l'empereur  Manuel  Comnéne  iiu'il 

(t)  j'adopio,  pour  tous  ces  uoms  oricntaus,  rorlliogra-.lie  admise  par  les  éditeurs 
du  liecueil  ries  flistorieni  des  croùades. 


Li:s  M(i.\.NMi:s  r)K'^  dvniciimiim).  2/;j 

nlla  trouver  à  Conslantiiinpli;  nir^mo,  s'elîorra  à  plusieurs  reprises 
de  rétablir  son  aulorilù  à  Shvas;  mais  il  n'y  rùussil  jamais  cornplèle- 
nient. 

J'ai  oniprunlcces  détails  liisloiiqucs  au  iiu'moiro  de  M.  de  Sallel 
(saufquel(|ues  varianlis  tirées  du  Rcc.  ilesIIisl.dfsCr.);  M.  de  Sallel 
les  avait  JMi-inéinef'iniMuntt's  au  mémoire  du  docleiir  iMordtmann. 
('e  dernier  avait  hésité  sur  la  leclure  des  premici-s  niotsdi!  la  lé^'ende 
grec(|U('  ;  M.  di>  Sallel  a  iiiouvé  qu'il  fallait  bien  positivement  liic  O 
ME^TAC)  AMHPAC.  J'ajouterai,  ;\  to  propos,  que  plusieurs  arcliéolo- 
gucs  parisiens  ont  pu  voir  ici,  l'an  dernier,  un  mai^'niliijue  exem- 
plaire de  la  monnaie  de  Dou'n-Noun.  Son  propriétaire,  un  négo- 
ciant grec  d'Alliènes,  en  demandait  un  prix  fort  exagéré  et  ne 
consentit  pas  à  la  laisser  publier  ;  je  n'ai  pu  m'en  procurer  une  em- 
prcinle,  et  j'ignotesi  c'est  là  la  pièce  <|u'a  décrite  M.  Mordlinann  et 
qui  aurait  été  acquise  \  ar  le  musée  de  Berlin, mais  j'ai  liiu  de  croire 
qu'il  n'en  est  rien,  d'après  quelques  légères  variantes  dans  la  lecture 
de  la  légende  ;  ainsi,  sur  l'exemplaire  qui  a  circulé  à  Paris,  on  lirait 
fort  nettement  O  ME;  en  outre,  au-dessus  du  M  figurait  un  petit  f, 
le  tout  pour  O  MEf;  impossible  donc  d'hésiter  sur  la  lecture  OME- 
r(a;).  Je  rappelle  ici,  avec  MM.  de  Siilletet  Moidtmai.n,  (ju'il existait 
déjà  deux  représentations  de  la  monnaie  de  Dou'n-Xoun,  l'une  fort 
ancienne  dans  Adier  (i),  la  seconde  dans  St.  L.  Poole  (2);  mais  au- 
cun de  ces  deux  auteurs  n'avait  trouvé  l'explication  vraie;  tous  deux 
cependant  avaient  lu  fort  clairement  O  ME,  sur  les  exemplaires 
qu'ils  avaient  sous  les  yeux. 

Jusqu'ici  je  me  suis  borné  à  reproduire,  d'après  l'article  de 
M.  de  Sallet,  la  découverte  de  .M.  Mordtmann  ;  j'en  arrive  mainte- 
nant au  point  vraiment  original  du  mémoire  du  conservateur  du 
cabinet  de  Berlin,  et  je  demande  la  permission  de  traduire  pure- 
ment et  simplement,  voulant  laisser  à  M.  de  Sallet  tout  le  mérite 
d'une  nouvelle  et  fort  curieuse  attribution  d'une  autre  monnaie  con- 
nue depuis  longtemps  déjà. 

a  11  est  surprenant,  dit  le  savant  archéologue,  que  la  découverte 
de  la  si  remarquable  pièce  de  Dou'n  Noun  n'ait  pas  aussitôt  ouvert 
les  yeux  des  numismalistes  sur  l'attribution  véritable  d'un  autre 
type  monétaire,  d'un  intérêt  également  exceptionnel,  et  dont  les 
exemplaires,  bien  que  rares,    sont  cependant  connus  de  tous; 


(1)  Collech'o  nova  numorum  cvficorum,  etc.^  e  mums  lorginti)  <?;  Adleriano  ; 
éd.  secunda  supplem.  aucta.  Altona,  1795,  p.  179,  pi,  VII,  n"  CXVI. 

(2)  Cdinl.of  orient,  coins  in  theBrit.  Mus.,  111,226,  pi.  XI,C33. 


•ilCi  I\F.VIT.  An(;HK()LOGIQlF.. 

je  vinix  p.irlor  do  cos  pit-ros  de  cuivro,  jiis(|u'iri  unaniinoniont 
nllriliutVs  ;\  Molnmniod  II,  lo  conquônml  de  Const.uilinnpic,  ol 
.|iii  iM.i-i,iM  l.i  (•(••Irlirc  .M  I.i/.irn-  I.'-.mi.Ic  :  O  tA[:-;i;)  MEAHKIC  RA- 
CHC  POOMANIAC  KAI  ANATOAHC  MAXA'/^ATIC.  l'uiir  iieii  «lu'oii 
compare  ces  monnaies  à  celle  de  Dnu'n  Noiinja  forme  si  absolument 
seiiiMabledes  cararlères,  leur  identiléalisoiuc  el  fraiipanle.  relie  des 
Men  parlieulier,  dont  le  type  est  tout  spécial  el  fort  anormal,  puis 
celle  des  A,  des  A,  etc.,  elc,  etc.,  les  llnns  de  module  tout  pareil,  en 
lin  mot  ra?pect  général  si  parfaitcinent  le  même,  tous  ces  faits  réu- 
nis font  qu'il  est  de  toute  impossibilité,  pour  (jui  veut  s'en  tenir  aux 
saines  et  infaillibles  règles  de  critiijuc  qui  doivent  décider  de  toute 
bonne  attribution  numismatique,  de  classer  ces  monnaies  à  un  Mo- 
hammed du  xv  siècle,  et  d'en  faire  des  monuments  de  trois  cents 
ans  plus  jeunes  quela  pièce  de  Dou'n  Noun,  dont  ridentilicalion  peut 
être  considérée  comme  absolument  certaine.  Los  deux  types  moné- 
taires, le  numismatiste  peut  l'affirmer  avec  l'assurance  d'un  magis- 
trat appliquant  la  loi,  sont  nécessairement  presque  contemporains. 
Ni  les  monnaies  byzantines  des  derniers  Paléologues,  ni  les  mon- 
naies à  légendes  arabes  de  Mohammed  II,  n"onl  avec  ces  monnaies  à 
légendes  grecques  le  plus  imperceptible  degré  de  parenté;  seul,  le 

titre  0  UEva;  ueXr'xi;  -râc:/,;  'l'ojaavîa;  xat   'X^nzo'/.r,:,  avait  pu  faire  SOngCr 

à  Mohammed  II,  un  certain  nombre  de  médailles  de  ce  prince,  (uuvres 
d'artistes  italiens,  portant  des  titres  jusqu'à  un  certain  point  analo- 
gues. 

«  C'est  que  le  Mohammed  de  notre  monnaie,  (jnntd  mulehile  toute 
lu  Itomanie  et  de  l'Anutolu\  n'a  rien  de  commun,  en  elTet,  avec  le 
sultan  Mohammed  II  de  Conslanlinoide  ;  il  ne  peut  même  être  autre 
que  le  propre  frère  de  notre  Dou'n  Noun,  le  }nnleh  Machamalis  du 
docteur  Mordtmann.  Uajipelons  les  paroles  du  chroniqueur  turc: 
Ou  ilit  (jue  ce  Mdhniiniidl  Glnizi  {Ir  père  de  Dou'n  Xoun  fut  le  con- 
ijuèraiit  de  iAnatulieu.  ('/est  bien,  mot  pour  mot,  notre  \j.i^oL;  aà/.xiç 
TtaTT,;   /ivaToX^;  Ma/aaaTTjÇ » 

M.  de  Sallet  {joursuivait  en  chercbant  à  expli(|uer  le  second  titre 
de  rot  de  toute  lu  Homauie.  l'ne  note  additionnelle  de  M.  iMordt- 
mann,  parue  dans  le  tome  suivant  de  la  /witschrift  fiir  Aumisma- 
tik{i),  est  venue  fort  à  propos  rappeler  que  dans  tout  l'Orient,  et 
durant  tout  le  moyen  i^ge,  l'Asii;  Mineure  el  t(Uil  le  pays  au-delà  du 
IJosphorc  ont  été  conslammenl  connus  sous  le  nom  de  pays  de  Uoum, 
Romanic  ou  pays  des  Romains,  c'est-à-dire  des  empereurs  de  Ry- 

(1)  T.  VII,  1879,  p.  211. 


LES    MONNAIKS    DIS    H  \M(;ilM  KM».  !277 

zance.  De  môme  les  ScKIjoukidcs  d'Iconium,  maîtres  d'une  si  grande 
partie  de  ces  contrées,  sont  toujours  désignés  dans  les  historiens 
orientaux  sous  le  nom  de  Seliijoukidcs  de  Koum.  En  Perse,  encore  à 
l'heure  qu'il  est,  les  sultans  osmanlis,  héritiers  des  droits  des  princes 
d'fconiuni,  sont  appelés  les  sullans  do,  Houin.  Rien  donc  de  plus  na- 
turel (jue  de  voir  le  Daniciimend  M.ilck  .Mohanmied  (Jhazi  s'intituler 
MeXïixtî  TTotdTi;  'P(.)jjLavia;,  puisque  nous  savous  (lu'à  un  moment  donné 
il  fut  maître  d'une  notable  partie  de  ce  pays  de  Uouni,  la  Uomanie 
des  croisés  et  des  aventuriers  catalans. 

M.  .Mordtmann  ajoute,  en  guise  de  post-scriptum,  un  renseigne- 
ment nouveau  des  plus  importants  :  toutes  ces  prétendues  monnaies 
du  conijuérant  de  Conslanlinople  dont  lui  ou  le  savant  antiquaire 
Alischan  ont  pu  retrouver  le  lieu  d'origine  réel  proviennent  de  C6- 
saréede  Cappadoce  oudes  environs  de  cette  ville!  Ils  n'en  ont  vu 
aucune  qui  ait  été  positivement  retrouvée  à  Stamboul  même.  Voilà 
encore  une  bien  forte  preuve  ù  l'appui  de  l'ojjinion  de  iM.  de  Sallet. 

J'ai  fait  ligurer  au  n^-ide  la  planche  VllI  qui  accompage  cet  article 
la  pièce  de  MAXAMATHC  ijui  appartient  au  Cabinet  des  mé- 
dailles et  qui  a  été  publiée  pour  la  première  fois  par  M.  Ch. 
Lenormanl.  C'est,  je  crois,  l'exemplaire  le  mieux  conservé  qu'on 
connaisse  de  cette  monnaie  fort  rare.  Je  n'ai  pas  eu  le  temps  de 
vérifier  si  les  auteurs  qui  s'en  sont  occupés  ont  signalé  le 
petit  r  fort  reconnaissable  qui  surmonté  le  premier  M  de  la  légende 
et  qui  n'est  que  la  troisième  lettre  du  mot  METAC.  Le  graveur,  par 
un  scrupule  de  symétrie,  a  placé  au  point  corrcrpondant,  sur  l'autre 
côté  de  la  croisette,  un  petit  trait  de.liné  à  faire  pendant.  Il  existe 
plusieurs  coins  différents  de  cette  monnaie.  M.  de  Sallet  en  a  fait 
graver  quatre  dans  son  mémoire,  les  deux  figurés  dans  Sabalier,  et 
deux  auties  appartenant  au  Cabinet  de  Berlin. 

Voici  donc  que  nous  connaissons,  grâce  à  MM.  de  Sallet  et  Mordt- 
mann,  les  monnaies  de  deux  des  fils  du  Danichmend;  ce  n'est  pas 
tout,  car  il  existe  encore  au  moins  deux  autres  types  monétaires  d'un 
de  ces  princes. 

En  1875,  j'acquis  à  Smyrne  une  monnaie  de  cuivre  à  légendes 
grecques,  comprise  dans  un  petit  lot  de  pièces  de  Taucrède,  de  Ro- 
ger d'Antioche  et  de  Baudouin  Hd'Édesse,  pièces  avec  lesquelles  elle 
présentait  un  étroit  degré  de  parenté.  Sur  le  droit,  on  distinguait 
le  buste  nimbé  du  Christ,  entre  les  sigles  accoutumés  :  IC,  XC, 
buste  en  tous  points  identique  à  celui  de  certaines  pièces  d'Édesse 
et  aussi  des  empereurs  grecs  contemporains.  Le  champ  du  revers 
était  occupé  par  une  légende  grecque  trilinéaire  dont  les  deux  pre- 


i'H  HEVUK   AIU'.IIKOI.OUIOIIK. 

nii(^rrts  lifîncs  se  lisaitMU  claiiemriu  O  MEFAC  AMHPAC  (l(^  M  ti  IH 
tManl  \\h);  l.i  Iroisiriiu",  fdil  alli'ivo,  ("'lail  moins  facile  à  ilt'cliilTrcr, 
la  portion  sujK'Tieurtî  diM|ua(re  IiUlrcs  élaiil  S(!ijii;visil)le  ;  de  la  pre- 
mière on  n'nporcnvail  qu'un  point  informe,  puis  venait  la  jjortion 
Rupériourc  il'nn  P,  puis  ccWc  (Vuii  C  {siiima)  presque  carrt^  ou 
d'un  E,  enlin  celle  ir^s  certaine  diin  A,  d'un  A,  ou  d'un  A.  Per- 
suada a  lorl,  par  la  présence  du  Cluisl,  ([u'il  s'agissait  d'une  mon- 
naie purement  chrétienne,  induencé  jiar  la  ressemblance  extraor- 
dinaiie  de  celle  pièce  avec  certains  cuivres  des  Ueaudouiii,  des 
Tancrède  cl  des  Hoprcr,  dont  j'avais  précisément  acquis  des  exemplai- 
re."* faisant  partie  du  même  lot,  je  crus,  avec  M.  de  Saulcy,  reconnaî- 
tre dans  ces  débris  de  lettres  les  éléments  du  n(jm  de  Tai:crède,  et  je 
publiai,  bien  qu'avec  force  réserves  cl  la  plus  extrême  déliancc,  cette 
monnaie  dans  la  linuo  archêologiiinc  ilr  187*).  Les  choses  en  étaient 
là  lorsque,  l'an  dernier,  en  fi.'uilletanl  le  ('Mlalo'jitc  ilr  la  chUccUoh 
Thomsen,'}e  tombai  sur  la  description  d'une  pièce  classée  parmi  les  in- 
certaines et  qui  se  rapprochait  absolument  de  la  mienne.  ^1.  Ilerbst, 
conservateur  du  Musée  royal  des  médailles  de  Copenhague,  où  se 
trouve  à  présent  la  majeure  partie  de  la  collection  ïhomsen,  voulut 
bien  m'envoyer  d'excellentes  empreintes  de  la  pièce  en  question, 
pièce  surfrappée,  mais  sur  laquelle  un  retrouvait  tiès  parfaitement 
les  types  du  cuivre  de  Smyrne  :  au  droit,  le  buste  nimbé  du  Christ; 
au  revers,  l'inscription  trilinéaire;  de  la  première  ligne,  on  apcrce- 
vailles  trois  lettres  TAC:  de  la  seconde,  les  quatre  letlies  AMHP, 
avec  cette  différence  essentielle  que  le  Met  I'H  n'étaient  pas  liés  (ce 
qui  prouvait  déjà  (pie  c'était,  au  moins,  un  coin  dilTérenl);  enfin,  à 
la  troisième  ligne,  je  lus,  à  ma  grande  satisfaction,  très  di.stincte- 
ment  et  en  toutes  lettres  le  mot  PAZH  ;  la  légende  était  donc  com- 
plète cl  devait  être  restituée  :  O  MePAC  AMHPAC  TAZH. 

Presque  en  mémo  temps,  .M.  Lambros  d'Athènes  m'envoyait  fort 
obligeamment  Tempreinle  d'un  troisième  exemplaire  quehjue  peu 
différent;  même  type  du  droit,  mais  avec  une  variante  très  impor- 
tante de  la  légende  du  revers,  légende,  du  reste,  imparfaitement 
rendue,  grâce  à  un  déplacenienl  considérable  du  coin. 

(6  ixtY«l 

C  AMH  -.'/;]  (le  M  et  IH  suiit  liés) 

C  AMH    M/l  jil.) 

lïlAZH.' 

{-uiamc  la  précédente,  la  pièce  do  .M.  Laiubro>  parait  surfrajipée 


M'S   MONNAIKS   DKS    OANICHMF.ND.  279 

sur  un  n.in  plus  ancien;  j'ai  nùgllKÙ  de  dire  qu'il  semblait  fin  Ctro 
damrmc  di»  In  nii(Mine. 

Loisiiuc  je  rcriis  communication  de  ces  deux  pièces,  je  terminais 
précisément  ma  Nitmismafique  de  l'Orient  laUn^  qui  a  paru  au  com- 
racnctmcnl  de  l'année  1878;  j'avais  déjà,  au  chapitre  du  Tancrèile{\), 
indi(iuc  (|ue  je  icîlirais  à  ce  prince  la  pièce  en  question  ;  au  chapitre 
des  Addiliom  et  Corrections  (2),  je  me  contentai  d'insérer  la  note 
suivante,  que  je  reproduis  in  exlemo  : 

«J'ai  reçu  Ks  empreintes  de  deux  nouveaux  exemplaires  de  la  cu- 
rieuse monnaie  de  cuivre  portant  le  titre  de  ynind  nmr  en  gicc.  Je 
(uois  m.dntenant  que  la  véritable  légende  est  O  METAC  AMHPAC 
TAZH.  Malgré  la  présence,  sur  une  lace  de  la  monnaie,  de  la  figure 
du  Christ  nimbé,  je  ne  serais  pas  surpris  que  ce  fût  là  une  pièce  de 
la  mémo  série  que  la  pibce  bilingue  si  extraordinaire  publiée  tout 
récemment  par  le  docteur  Moidtmann  j'  dans  la  MorçienUmdische 
Zeitumj,  et  attribuée  par  lui  à  Ihnoun  ou  Dou'n-Noun,  prince  de 
Sîwas  et  de  iMalatiya,  de  la  famille  des  Daniclimend.  J'ai  vu  tout 
dernièrement  un  exemplaire  à  fleur  de  coin  de  cette  dernière  pièce, 
dont  les  légendes  grecques  étaient,  sur  une  face  :  O  YIC  i;^^  TOY 
MEAHK  MAXAMATH,  et  sur  l'autre  :  O  MEP.  AMHPAC  AANOY- 
NHC  (4).  Je  ferai  remarquer,  en  outre,  qu'Adler  avait  déjà  décrit 
cette  pièce  au  siècle  dernier,  mais  qu'il  l'avait  classée  fort  h  tort  à 
un  empereur  grec  de  Constantinople. 

((  Dou'n-x\oun  ou  Danoun  (AavouvTi;)  fut,  en  1174,  dépouillé  de  ses 
Étals  par  le  sultan  d'Iconium.  J'espère  reparler  un  jour  de  ces  mon- 
naies poitant  le  titre  de  grand  émir.  » 

M.  de  Sallet,  qui  n'avait  pas  encore  publié  son  mémoire,  ayan 
pris  connaissance  de  ce  passage  de  mon  ouvrage,  se  trouva  être 
absolument  d'accord  avec  moi,  et  reconnut  imméiliatemenl  dans  ce 
type  nouveau,  la  monnaie  d'un  troisième  prince  di>  la  dynuslie  des 
Danichmend. 

((Ainsi  que  le  suggère  M.  Schlumberger,dit  le  numismatiste  ber- 
linois, on  ne  saurait  douter  un  instant  que  cette  monnaie  n'appar- 
tienne, elle  aussi,  à  la  dynastie  des  lils  du  Danichmend  ;  ici  aussi, 
en  effet,  la  forme  des  lettres  oITre  la  plus  complète  analogie  avec 
celles  des  monnaies  du  Mohammed  roi  de  Romanie  et  d'Anatolie,  et 


(1)  Pagcii 


(2)  Page  Vi'i,  ad.  p.  45. 

(3)  Et  non  VIH,  aiusi  que  je  l'avais 
(1)  C'est  la  pièce  dont  j'ai  parla  pi 


is  cru  à  tort, 
us  haut,  pag9  275. 


3g0  nF.vi'K  AncMKOLor.iQrK. 

avec  fcllos  (If  Dou'ii  Nouii  ;  les  A,  nolaninitMit,  nvcv  hnir  jambage 
lie  ilroile  prolongt'  supriitMircmcnl,  sont  en  loiis  iioints  idenliqucs 
à  ceux  ilos  monnaies  de  Moliomineil. 

c(  Oiianl  à  la  (juri^lion  de  savoir  (juo I  lient  tMre  rc  \ii^ati  àaYipa; 
râ;T,  elle  ne  saurait  demeurer  longtemps  douteuse;  e'est  certaine- 
ment  du  premier  véritable  souverain  ilc  la  dynastie  des  Danicb- 
mend  qu'il  s'agit,  du  Malek  (Jhazi;  les  monnaies  ù  légendes  arabes  de 
son  (ils  lat^'bibassan  no  le  désignent  pareillement  que  sous  le  seul 
surnom  de  (îhazi  (1). 

((  Rappelons  le  peu  que  nous  savons  de  son  bistoire.  Après  avoir 
rendu  la  liberté  à  Hohémond,  «7  nmclnt,  ru  1103.  un  traite  d'alliance 
avrc  les  princes  chrétiens  d'Antioche,  dlùlesse  et  de  Jérusalem.  La 
monnaie  que  nous  éludions  vient  éclairer  d'un  joui-  nouveau  celle 
précieuse  indication  des  cbroniqueurs  musulmans;  elle  n'est,  en  elTel, 
qu'une  servile  copie  des  types  de  Tancréde,  à  la  fois  le  contemporain 
et  l'allié  du  Gbazi,  lequel  se  trouve  avoir  emprunté  à  son  voisin 
cbrétien  jusqu'au  buste  nimbé  du  Christ.  En  un  mol,  Gbazi  a 
frajtpé  des  cuivres  à  légendes  ijrecques,  en  tous  points  semblables  à 
ceux  de  son  voisin  chrétien,  et  pour  toutes  ces  monnaies  des  fds  du 
Danicbmcnd   comme  pour  celles  des  premiers  croisés,  l'existence 
des  légendes  grecques  relève  d'une  cause  uni(iue  :  la  présence  d'une 
race  grecque  sujette;  elle  n'a  pas  d'autre  signification.  Je  n'entre- 
prendrai pas  de  recbercber  s'il  existe  quelque  explication  politique 
de  ce  fait  que,  sur  leurs  monnaies,  Gliazi  et  son  pelil-liUDou'n  Noun 
s'intitulent  jjLe'Ya;  «ayipôtî,  alors  que  Mohammed,  lils  du  premier  et 
père  du  second,  est  désigné  sur  les  siennes  et  sur  celles  de  son 
frère  comme  [xeÀrîx  et  aeÀr.y-i;.  On  iiourrait,  à  la  rigueur,  y  voir  un  fait 
de  vassalité  à  l'endroit  du  roi  de  Jérusalem.  Quant  :\  l'âge  de  la 
monnaie  de  Ohazi,  il  peut  être  lixc  avec  précision.  Le  traité  d'al- 
liance conclu  entre  le  prince  musulman  et  les  croisés  étant  de  llu;{, 
et  lui-même  étant  mort  en  llOi,  ses  pièces  à  légendes  grecques  ont 
ilonc  été  frappées  dans  ces  deux  années  ilO.'J  et  1104.  » 

Kn  aclieAanlde  transcrire  ce  paragraphe,  je  ne  jiuis  m'cnipôcher 
d'insister  sur  ce  fait  si  extraordinaire  de  l'existence  de  ces  types 
monétaires,  en  (jucbiue  sorte  communs  ati\  i)remiers  chefs  croisés 
el  à  un  des  [ninces  musulmans  de  ces  contrées  (ju'ils  venaient  con- 
quérir, cl  cela  quehjues  années  à  peine  ajirés  la  prise  de  Jérusalem, 
h  l'aurore  même  de  ce  (ju'on  est  convenu  d'appeler  l'époque  des 
croisades.  On'-  d'horizons  inattendus  ce  simple  fait  soulève!   quel 

(Ij  Voy.  Knrninc.k,  Zfttsdir.  d.  r'rut  r/irii  morgculand.GcicUsch.,  t.  XXX.  p.  132. 


LES   MON.NAir.S    DKS   DANICIlMKNn.  281 

argument  pr(''cicii\  ;\  r.'ippui  do  celle  opinion  moderne  qui  tend  tou- 
jours plus  à  s'i'IaMii-,  '^^vm-ai  à  uno  plus  saine  critique  des  sources 
historiques,  et  ([ui  vont  voir  dans  les  croisrs,  nK'iiuo  dans  les  pre- 
miers d'enlro  eux,  iioii  jias  seuil  iiinii  de  pioux  ot  fanatiques  liôros 
venant  oxtorniinor  uuo  rclii^'iou  au  [uolit  d'une  autre,  mais  i>ien 
aussi  de  vôrilahlos  coufiuoraiils,  iutelliirorils  et  pratiques,  sacliant 
triompher  autant  ot  plus  par  une  liahile  diploniatio  que  par  le  seul 
ascendant  dos  armes  ! 

M.  de  Sallol  lormine  son  ailiclo,  si  plein  de  faits  nouveaux,  en  se 
félicitant  d'avoir  ajouté  à  l'heureuse  découverte  de  M.  Mordtmann 
toute  une  série  de  pièces  grecques  de  la  dynastie  des  Daniclimond  ; 
il  compte  avec  raison  jusqu'à  trois  de  ces  princes  dont  les  monnaies 
sont  actuellement  connues  :  MalekGhazi  (1080-1104),  Malck  Moham- 
med (IlOi- 1142-43),  et  Dou'n  Noun  (Hri7-1178). 

Il  est  temps  que  j'insiste  sur  les  dill'érences  présentées  parles  trois 
pièces  que  je  publie  :  celle  que  j'avais  d'abord  attribuée  h  Tancrède, 
celle  de  Copenhague,  et  celle  de  M.  Lambros.  De  celle  do  Copenha- 
gue, il  n'y  a  rien  de  plus  à  dire;  la  légende  est  bien  O  METAC 
AMHPAC  TAZH.  Quanta  celle  de  M.  Lambros,  elle  présente  un  in- 
lérèt  plus  considérable  encore,  car  le  Gliazi  y  porte  un  litre  dilTérent: 
METAC  AMHPAC.  AMHPGON,  dont  les  deux  derniers  mots  sont  la 
traduction  littérale  du  hmenx  Amir  Al  Ornera.  C'c&l  la  première  fois 
qu'on  retrouve  sur  une  monnaie  ce  titre  célèbre  ainsi  grécisé.  Malgré 
la  disparition  de  toute  la  première  ligne,  la  présence,  au  commen- 
cement de  la  seconde,  du  C  hnal  de  MEPAC,  la  double  reproduction 
du  mol  émir,  etc.,  rendent  la  lecture  de  la  légende  presque  certaine. 
Il  esl  étrange  de  retrouver  ainsi  habillé  i\  la  grecque  ce  titre  si  essen- 
tiellement musulman  ;  sur  des  sceaux  siciliens  que  publiera  procliai- 
nement  M.  Engcl,  de  l'École  de  Rome,  nous  le  verrons,  moins  litté- 
ralement traduit,  devenir  :  O  APXCON  TCON  APXONTGON.  Je 
rappelle  que  M.  Dofrémery,  do  Tlnsiiiut,  a  publié  sur  les  émirs  Al- 
Oméra,  un  1res  savant  et  très  complet  mémoire,  dans  le  Recueil  de 
mémoires  présentés  par  divers  savants  à  l'Académie  des  inscriptions 
(l"  série,  t.  II,  1832\ 

Au  premier  abord,  à  la  réception  des  doux  monnaies  de  Copen- 
hague et  d'Athènes,  dont  la  légende  de  la  dernière  ligne  était  mieux 
conservée,  j'avais  cru  que  ma  pièce,  trouvée  à  Smyrne,  leur  était  éga- 
lement identique,  du  moins  dans  ce  que  les  types  avaient  d'essentiel  ; 
en  un  mot,  que  j'avais  sous  les  yeux  les  monnaies  d'un  seul  et  même 
prince.  Un  examen  plus  attentif  m'a  convaincu  du  contraire.  Il  est 
impossible,  malgré  la  meilleure  volonté,  de  lire  sur  ma  pièce,  à  la 


989  RKvrK  AnciiKOLor.iguif. 

troisième  lijino,  le  mol  rAZH,  .|ui  se  (It'cliilTrn  si  ncltcinonl  sur  les 
exemplaires  tic  ('opeiiliague.  il  tl'AiluMies.  J'ai  dit  ijue  (lualrc  des 
lellres  cilaienl  jdus  ou  moins  visibles  dans  leur  porliou  supérieure; 
de  la  première  de  ces  quatre,  une  partie  insignilianlc  seule  est  con- 
servée; la  seconde  est  positivemeni  un  P  dont  on  voit  seulement  la 
fioucle  supérieure  (comparez  avec  le  P  absolument  identique  de  la 
seconde  ligne)  ;  la  troisième,  que  j'avais  prise  pour  un  E,  est  peut- 
être  bien  un  sii/rnn  eané  ou  tout  au  moins  un  siipiia  lunaire  déformé 
par  l'accident  de  frappe  qui  a  altéré  celle  portion  de  la  pièce  ;  enfin, 
la  quatrième  est  incontestablement  un  A,  un  A,  ou  un  A  ;  sur  ce  der- 
nier point,  il  n'y  a  pas  de  doute  possible. 

Comment  expli(iuer  ces  trois  lettres  PCA,  en  supposant,  ce  qui 
est  très  plausible,  puisque,  je  le  répète,  rextrémitô  supérieure  seule 
c>t  visible,  (jue  celte  troisième  lettre  s(mI  bien  un  A,  et  non  un  A  ou 
un  A?  Ne  pourrait-on  songer  ii  APCAAN,  d'aulanl  que  sur  celle 
même  troisième  ligne  il  existe  amplement  la  place  nécessaire  pour 
les  trois  lettres  disparues? 

Un  des  Daniilimend,  on  l'a  vu  plus  liaul,  s\rl  appelé  Yagbi- 
Arslân  ou  Vakoub-Arslân  ;  c'était  le  second  lils  du  Malek  Gliazi  ; 
comme  son  père  avait  grécisé  son  nom  princi|)al,  de  mémo,  d'après 
ma  supposition,  il  aurait  fait  du  sien  et  cabiuè  lidelement  les  types 
paternels,  en  substituant  APCAAN  à  TAZH. 

Nous  aurions  donc  ici  la  monnaie  d'un  quatrième  Danielimcnd. 
J'émets  une  simple  coiijeclure;  pour  être  plus  allirmalif,  il  fau- 
drait pouvoir  étudier  une  légende  en  meilleur- état  ;  en  tous  cas,  il 
y  a  ce  fait  inronlcslable.  (]u'il  est  impossible  de  faire  FAZH  avec  les 
lettres  plus  ou  moins  mutilées  (]ui  litiurenl  ^ur  ma  nionnaie;  bien 
que  les  chroniqueurs  byzantins  traduisent  plus  généralement  le  nom 
arabe  Arslân  par  ACAN,  la  forme  exacte  APCAAN  n'i'sl  j'as  jilus 
bizarre  en  grec  que  m;  le  sont  les  noms  do  fAZH,  AANOYNHC  uu 
MAXAMATHC.  Puissent  ces  (|ueliiiies  lignes  attirer  l'allenlion  des 
possesHiurs  d(î  monnaies  orientales  du  moyen  âge.  Cond)ien  de  ces 
lai  les  et  grossières  pièces  à  légendes  grecques  des  lils  du  Danieli- 
mend  gisent  peut  être  inconnues  dans  le  pèle-môle  des  trésors  en- 
fouis du;/,  les  anti<iuaires  et  les  brocanteurs  de  (lonslanlinoplo,  de 
.Smyrne  et  de  Ueyroutb  ? 

Je  crois  devoir  ajouter,  cw  terminant,  (|ue  la  liste  généalogique 
des  lils  du  Danicbmend.  tel!.' (|ii'ell«!  est  donnée  dans  le  Uecneil  des 
llistorii'us  des  rroisadcs  (Ihst.  orient.,  I.  I,  p.  xxii),  fournit  des 
indications  quelque  peu  diiïèrcntcs  de  celles  (ju'a  données  lo  doc- 
teur Mordtmann  ;  en  voici  la  copie  textuelle  : 


LES  MONNAIES   DKS   DANIGIIMEND.  283 

LES  FILS  DU  DANISCIIMEND 

Scijjnevr  de  Shvas,  de  Césaréc  et  de  Malaliya. 

Moliaiumed,  fiU  do.  Tilou  le  Daniclimend,  porta  le  surnom  de 
(îunuihlikîii,  et  se  distingua  par  son  ardeur  à  coinballre  les  Francs, 
il  mourut  Tan  .4!M)-50()  (IlOU  de  J.-C). 

Gliazi,  iils  et  successeur  de  Mohammed  Gumichlikîn,  mourut 
l'an'i^!)  (ii:j:i). 

Mohammed  11,  Iils  cl  successeur  de  Ghazi,  s'établit  à  Césarée  el 
mourut  l'an  537(1142-11-43). 

Doun-Nomij  fils  de  Moliammcd  II,  succéda  à  son  père  dans  le 
gouvernement  de  Sîwas  et  de  Césarée. 

Ydghi-Arsldn,  appelé  aussi  Yakoub-Arsldii  et  Yaghou-Bassân 
( 'laYouTTa^ïv),  fils  de  GhazI,  régna  à  Malatiya,  et  mourut  l'an  500 
(UGi-llCM). 

Ibrahim,  fds  de  Mohammed  II,  succéda  à  son  oncle  Yaghi-Arsldn, 
et  régna  à  Malaliya  et  Sîouas. 

La  principale  différence  entre  cette  liste  et  celle  de  M.  Mordt- 
mann  consiste  en  ce  fait  que  ce  serait  le  second  des  Danichmend, 
le  Machamalis  de  M.  Mordtmann,  qui  aurait  plus  particulièrement 
porté  le  nom  de  Ghazi,  tandis  que  le  premier  de  ces  princes,  le 
Malek  Ghazi  de  M.  Mordtmann,  se  serait  appelé  Mohammed;  en 
outre,  il  y  aurait  eu  un  second  Mohammed,  mort  précisément  en 
ili2-Ill3,  etce  serait  celui-là  qui  aurait  eu  pour  fils  Dou'n  Xoun 
et  pour  frère  Yaghi-Arslân,  que  M.  Mordtmann  nomme  d'ordinaire 
Yaghi-Bassàn.  En  résumé,  M.  Mordlmann  fait  du  Ghazi  eldu  Moham 
nied  II  de  la  liste  du  Recueil  des  Historiens  des  croistules  un  seul  et 
même  personnage,  qu'il  nomme  Ma!ck  Mohammed  Ghazi,  et  dont  il 
fait  le  Machamatis  de  la  monnaie  de  Dou'n-Noun  ;  en  second  lieu,  il 
nomme  plus  particulièrement  Malek  Ghazi,  le  premier  des  Danich- 
mend, tandis  que  le  Recueil  des  Historiens  des  croisades  le  nomme 
simplement  Mohammed. 

Je  n'ai  pas  qualité  pour  traiter  de  ces  points  litigieux,  el  jeu 
soumets  l'apprèrialion  définitive  à  de  moins  incompétents  que  moi 
en  fait  d'histoire  musulmane  ;  mais,  au  point  de  vue  des  monnaies, 
ces  mômes  divergences  n'ont  que  peu  d'importance,  et  le  fait  si  eu- 


2R4  nEVUK   ARCHéOLOf.IOUE. 

ricux  (lu  monnayage  à  légendes  grecques  praliquO  par  plusieurs  de 
ces  princes  subsiste  tout  entier. 

Seulement,  si  on  adoptait  la  chronologie  du  liccHcil  des  Ilisloricns 
des  rroisd'lrs,  il  faudrait  altriliucr  les  monnaifs  d'Atlirnes  et  de 
Copenhague avecla légende  O  METAC  AMHPAC  rAZH,  au  second 
des  Danichmend,  lecjuel,  d'après  le  Hccui'il,  aurait  réf^né  de  lltiO  à 
ll.'lo;  en  outre,  le  Machanidlis  de  la  monnaie  de  Dou'n-Noun,  père 
de  ce  dernier  et  frère  de  Vaghi-Arslàn,  serait  Mohammed  II,  lequel 
n'aurait  régné  que  de  ll3o  à  1 1  i2-l  I  i3. 

(JLSTAVi:  ScULlMBEnCER. 


LISTE  DES  naXGIPALES 

SÉPULTURES  ET  IIIMETIÈRES  MÉROVINGIENS  ^'^ 

DE  LA  GAULE  ET  DES  CONTRÉES  VOLSINES 
2"  Liste.  (Pays  allemands.) 


La  Revue  a  publié,  dans  le  numéro  d'octobre  1879  (2),  la  liste  de 
plus  de  six  cents  groupes  de  sépultures  et  cimetières  mérovingiens 
signalés  par  les  correspondants  de  la  Commission  de  la  topographie 
d<'s  Gaules,  aujourd'hui  Commission  ilr  In  i/éograplde  historique  de 
l'ancienne  Fraîice.  Sur  ct3  nombre,  quaranle-cinq  cimetières  seule- 
ment appartenaient  aux  contrées  étrangères  à  la  Gaule.  Nous  les 
donnions  avec  toute  réserve  en  attendant  les  listes  complètes  qui  nous 
étaient  promises.  Nous  recevons  aujourd'hui  les  listes  des  pays  alle- 
mands comprenant  le  duché  de  Bade,  la  Bavière,  la  Uesse,  le  duché 
de  Nassau  et  le  Wurtemberg.  Ces  listes  ont  été  recueillies  par  notre 
ami  le  docteur  L.  Lindenschmit,  avec  le  concours  des  archéologues 
les  plus  compétents.  Les  noms  de  chaque  localité  sont  soulignés  sur 
des  cartesspéciales  déposées  au  musée  de  Saint-Germain,  oîi  chacun 
pourra  les  consulter.  Le  nombre  des  cimetières  et  sépultures  de  ces 
nouvelles  listes  s'élève  à  quatre  cent  soixante-dix-sept;  ce  qui  porte 
à  plus  dcmilli'  les  cimetières  et  groupes  de  sépultures  reconnus  sur 
jes  deux  rives  du  Rhin.  H  y  a  là  les  éléments  d'une  carte  archéolo- 
gique d'ensemble,  déjà  fort  instructive.  MM.  le  docteur  Hamy  et 
Longnon  s'occupent,  avec  le  concours  du  commandant  du  génie  de 
la  Noë,  de  dresser  celte  carte  au  nom  de  la  Commission  de  géogra- 


'1)  Sous  ce  titre  sont  compris  indistinctement  les  cimetières  des  Francs,  de» 
Goths  et  des  Dourguignons. 

(2)  Voir  un  supplément  dan»  lo  numéro  de  décembre  1879  et  des  rectification* 
d&ns  le  numéro  de  janvier  1S80> 


i8() 


it i: V r F.  Auc II KOLor.ioi' f. . 


phic  histoiiqur.  \a  flnuo  Wrti  grnvor  ro  Inv.iil  cl  le  publiera  pro- 
chainomonl,  aviu'  les  obseivalions  i\nc  nos  savants  collaboraleurs 
vomlroul  Mon  y  njouliT.  Nous  faisons  un  nouvel  appel  à  nos  lecteurs, 
a  lin  que  la  nouvelle  carte  soit  aussi  eonii-lèie  ipir  i  b<-sil)le. 

Al.l  XANDUE    HkIITHAM). 


DUCHÉ  DE  BADE 

Par  le  profosseur  D""  K.  WAr.\i  n.  de  Carlsrulip. 

22  Mengcn. 

23  Mcrzhaufcn. 

24  K!)iingcn. 
2o  Sclierzinî,'en. 
2G  Bicngen. 

27  Norsingen. 

28  Kirchliûrcn. 

29  Soldeii. 

30  liollschwcil. 

31  Krclziugen. 

32  l-:hren^lotlen. 

33  riiiiningen. 

34  ^V,llllllall?on. 
3u  Htitor.^-heiin. 
3G  nallrechlnn. 

37  Miihlhcim. 

38  Uruniiadcrn. 
30  Dilleiulorf. 
40  Ailclhauscn. 
A\  Kailelburg. 
V2  Ub.Schwoi-stadl. 


1 

llallsladt. 

o 

Feiulenhoim. 

3 

Schwetzingcii. 

4 

A  tic  rb  a  (h. 
Alllus.-heim. 

G 

Wiescntlial. 

/ 

Sinsheiin. 

Bruch?nl. 
Mûiizcsheim, 

10 

Nos  près  Bade. 

11 

AUdorf. 

12 

Kirchoii  bci  Geisingcn.               | 

13 

Welbcliiiigeu. 

14 

Bonudoif. 

13 

Fulzen. 

IG 

Uausen  sur  Aach 
zell. 

près  RadoKs- 

17 

Hcllmaringen. 

18 

Schopriicim. 

19  Thiengcn. 

20 

Munzingcn. 

21 

^Volren\veil(T. 

BAVIERE 

Par  le  profcllpur  F.  Oulessculaci  n,  de  Muiiicli. 


rriii.i.E  VIII. 

1  Thûnpor^hciul. 

2  Klsctifcld. 

3  .V.Kiflhorcii. 

4  Hcidin^'sreld. 

5  Darsladt. 

('•  NVilaudsbcim. 


Fhui.i.e  IX. 
7  (iorsthnilz. 

«SiihiiadcimuliIeliciKadolzburg. 
9  Trauiifcld. 

Fiîuii.i;   XIII. 

10  ilaiiisfurt. 

1 1  LbcrtncrgCD. 


sKPur.TURES  FT  cniRTii:i\r.s  Mf^nnviNciKNs. 


i87 


Fboille  XiV. 

12 

Kronsdoif. 

13 

Im  Ilolilcnsloin. 

14 

nurglcngiMilc.ld. 

]li 

Doiiorlin^', 

10 

Obertraul)liiig. 

17  Minorilenhof. 

18  Kôferinjj;. 

10  Allcncssiug  (Schellencck) 

■20  Alkofcn. 

21 

Geisclharing. 

22 

Essiing. 

23  Gerolling. 

l'EUILLfl    XVII 1. 

24 

Uoggdcn. 

23 

Denzingen. 

26 

Illcrlissen. 

27 

Beileoberg. 

28 

Gross-Aitingcn. 

29  Schwabmunchen. 

30 

Langeneringen. 

Feuille  XIX. 

31  Druiâheim-Merlingen. 

32  Nordlingen. 

33  Berg  im  Gau. 

34  Nordendorf. 

35  Schrobenhausen. 

36  Langwcid. 

37  Obcrhausen. 

38  Kircbaraper. 

39  Unter^\eikertsbofen. 

40  Ober-Egling. 

41  Walleshausen. 

42  Erding. 

43  Nolziog. 

44  Freimann. 

45  Ascbheim  cisll. 

46  —        wcsti . 

47  Johanniskirchen. 

48  Obcrfuring. 

49  Haidbausen. 

50  Untersendling, 
31  Geltendorf. 


:.j 

l'ieitmanschwang  bci  Zanken- 

hausen. 

.)3 

Tùrkcnreld. 

U 

Kprcnhauiicn. 

5:; 

Itiniug. 

:;() 

Eching. 

3" 

(Jauling. 

îiH 

Delling  bei  Wcsslitig. 

;i9 

Auing. 

00 

ObcrndorC. 

61 

Sandau  bei  Laudsberg. 

62 

Seefcld. 

63 

Weslerschondorf  bci    Schwir- 

ting. 

6't 

Leulsteticn. 

e:; 

Widdersberg. 

C(i 

Possing. 

07 

Scheidsod  bei  Nederndorf. 

(-.8 

Taufkircben. 

69 

Oberhaching. 

70 

AVidIacbing  bei  Alxing. 

71 

Aham. 

Fecille  XX. 

72 

Mûhldorf. 

1'.] 

Uuresbam    bei    St.    Margare- 

Ihenberg. 

7i 

Eholfing. 

73 

Mamming. 

70 

Uanharding. 

77 

Moos  bei  Titlmonning. 

78 

Kirchhcim. 

79 

Zw.  Kay  und  Ilausmanning. 

80  Fûrst  bei  Picl!ing. 

Fecille  XXIH. 

81  Ebenbofen. 

82  Thalhofen. 

Feuille  XXIV. 

83  Friéding. 

84  Deiniii.?. 
83  Aufhoi'en. 

86  Wurmsee,  Roseninsel. 

87  Feldafin?. 


J88 


nr.Vl'F.    AIlCIlhOI.OGIOLT,. 


ss  Pupplinp  bei  Ncufahreii, 

8}i  l'.ihl. 

90  Holl. 

IM   Kplacli. 

yj  llaniiatinp. 

î»3  Wi'illuMii). 

!U  Wlidshofen. 

93  IViting. 

9C  Wr.rlh  im  SlafreL-cc. 

97  Ilapcn. 

98  Clou. 

99  Crossheirendorr. 

100  Laus. 

101  Marienberg. 

10'2  L'nlerslandkirclicn   loi    Feiid- 
bach. 


KO  llcrbling. 

Il)'»  Acrisag  bci  Pil7.iog. 

Fel'ili.e  X\V. 

lO:;  l'allinp. 

lOn  rritioltiiig. 

I(i7  Uiiinninp. 

I(is  MNllslclIcn  bci  lln'mninp. 

1(19  (lessenbausen. 

11(1  Miilloriiig  bi'i  Ilipfclhatii. 

111  llulzhaiisoii. 

112  Wnping. 

113  Issing. 

114  Villern  iind  Maicrhofen, 
I  ri  llcrp. 


Tabirau  drs  ffiiillrt  de  la  (!arl(  dr  r>a\i(r(  sur  loii|urllrs  se  IrouMiil  Im  noms  iodiquti. 


8 

0 

13 

lû 

8 

20 

23 

?4 

25 

BAVIÈRE    RHÉNANE 

Par    le    professeur    Meiii.is,    de    Durklaim. 


1  Albishcim. 

2  Kindonbcim. 

3  Gross  Dockcuhcim. 


4  Ciriinstndt. 
ii  Kirclibcini. 
C<  Fraiikciilbal. 


SKPULTUrtRR   ET  CIMETIKRRS  MKROVINOIRNS. 


289 


7  Wcissenhcim  sur  montagne. 

8  >Veissenlieitn  sur  S. 

9  Freinsheim. 
i(>  f']ri)olzlicim. 
1 1   Oggerslieim. 
il  Dinkhcim. 
M  Limburg. 

14  Muiidonhcim. 

15  MuUcrsladt. 


If,  Korsf. 

17  Kiiriigsbacli. 

IS  .NiMiliolon. 

!'.>  Musshach. 

20  llassloch. 

21  Spcyer. 

22  Kniirringen. 

23  Gcrshcim. 


HESSE    RHÉNANE 

Par    lo  D""  Liudeiisclimit,    de   Mayence. 


i  Main/,  (Mayence). 

2  Zahlbach. 

3  Weisenau. 

4  Hccblsbcim. 
il  Laubcnheim. 

6  Heidesheim. 

7  Bingen. 

5  Dietershcim. 
9  Sponslicim. 

10  Horweiler. 

1 1  Gr.  Winlernheim. 

12  Ob.  oim. 

13  Kl.  Winternheim. 

14  Bodcnlieim. 

15  Nackcnheim. 
10  Ebcrslieim. 

17  EIsbcim. 

18  Niedcr  01m. 

19  llarxheim. 

20  Luizweiler. 

21  Mommenheim. 

22  iSierstein. 

23  Udenheim. 

24  Selzen. 

25  Hahnheim. 

26  Kiingernbeim. 

27  Oppenbeim. 

28  Dexheim. 

29  WoiTstadt. 

30  Planig. 

31  Bûsenheim. 

XXXIX. 


32 

Sprendlingcn. 

33 

Frcilaubersheim 

34  Flonheim. 

35 

Ensheim. 

30 

Dolgeshcim. 

37 

Eimsheim. 

38 

Hillesheim. 

39 

Alsheini. 

40 

Albig. 

41 

Alzey. 

42 

Hessloch. 

43 

Esselborn. 

44 

Freimersheim, 

45 

Eppelsbeini. 

4(î 

Flomborn. 

47 

Engbeim. 

48 

Weslhofen. 

49  Osthofen. 

fJO  Abenheim. 

51 

Monsheim. 

52 

Worms. 

53 

Wicsoppcnheim. 

Au  côté  droit  du  lihin  existent  des 
cimclitres  mérovingiens  à  : 

Leehcira,  Darmstadt,  Bessungcn 
et  Virnhcim. 

Pris  Francf'/rt-sur-Mein  il  y  a  des 
cimetières  mérovingiens  à  : 

Nieder-Ursel,  Heddernheim  el 
Enkbeim. 

20 


290 


RRVUE   ARCHROI.or.IOnP.. 

DUCHÉ  DE  NASSAU 

l'ar  le  colonel  do  Cohauskn,  do  Wicsbaden. 


i  Rfidosheim. 

2  ficisonlieim. 

3  Sainl-narlholomaus. 

4  Winkcl. 

."i  Miltellioim. 

6  Oesirich. 

7  Ruine  KIoster-Gotleslbal. 

5  Oher  ^Vallllf. 

y  Medcr  ^Vallur. 
10  Schierslein. 


11  Scliierslcin. 

12  IlofC.orolli. 

13  Dolzlicirn. 

14  Wiesi)adcn. 
l.ï  Mosbac.h. 
10  liiehrich. 
17  Bier8ladl. 

15  Igstadl. 

19  Krbcnheim. 

20  ilocliheim. 


PRUSSE  RHENANE 


1  Xanlen. 

2  Kôln. 

3  Berzdorfbei  Brûhl. 

4  Oberholldorf. 
;i  Uberkassel. 

G  Godesberg. 

7  Meckenheim. 

8  Honnef. 

9  Ileppingcn, 

10  Niederhilzingen. 

11  Andernach. 

12  Engcrs. 

13  W'assenacb. 

14  Adenau. 
i:;  l'iaidt. 
Ifj  Kailich. 

17  Bubcnbeim. 

18  Niederberg. 


l'.l 

Medermendig. 

20 

Polcb. 

21 

Horchheim. 

22 

Brodenbach. 

23 

Udlcr. 

24 

Trechlingshauseo, 

25 

Simmcrn. 

20 

Dudcldorf. 

27 

Speicher. 

28  Trier. 

29 

I.cibach. 

30 

Diikenfeld. 

31 

Nieder-Biombach. 

32 

Baumbolder. 

33 

Iloppsl.idlcil. 

A't 

Tholey. 

33 

Landsweilcr. 

30  Schiiïweiler. 

■WURTEMBERG 

Par  le  professeur  D'  E.  Paulos,  de  Stuttgard. 


1  Kdelfingon. 

2  llalfinbach. 

3  Mûcktniibl. 

4  lagsthauscn. 
3  Olnhauscn. 
0  BùlliugcD. 


7  (iiiiidolshcim. 
s  Iiilerulisheim. 
'•  Ocdheini. 
H»  ingsirdd. 

11  Biizreld. 

12  Scliwaigern. 


SF.PUr.TUnF.«;    F.T    CIMnTliiRF.S   MKnOVINT.IRNS. 


291 


\2  Grailshcim. 

14  Sic  tien. 

1."j  Klinponl)org. 

K)  Michon'L'l.l. 

\1  Lauflcn. 

IH  Frauczimmern. 

19  Mcimsheiin. 

20  fiir^lingcn. 
:•!  nrinnigheim. 

22  Kallenweslcri. 

23  (ioiuinrigheim. 

24  Oltmarsheim. 

25  Wahllieini. 

26  Hessigheini. 

27  KI.Asbach. 

28  Horrliciiii. 

29  Klein. 

30  Gross-Ingers'aeim. 

31  Oppenweiler. 

32  Zell. 

33  Pfalhheim. 

34  Oelisheim. 

35  Murr. 

36  Bietigheim. 

37  Pleidelsheim. 

38  Kirchberg. 

39  Schretzheini. 

40  Dùrringen. 

41  Bissingen. 

42  Benningen. 

43  Rosswaag. 

44  Heulingsheim. 

45  Marbach. 

46  Zùbingen. 

47  Thamm. 

48  MaïkgoningeD. 

49  Eglosheioi. 

50  Asberg. 

51  Os>\veil. 

52  Rotlingen. 

53  Ncckargroningen. 

54  Scbwieberdingen. 

55  Aldingen. 

56  Hemmingcn. 

57  Kornweslheim. 


Bobingen. 


j8  Boplingcn. 

59  Weissach. 

60  Miitichingcn. 
(il    Slainiiiticiin. 

62  I'l:ichl. 

63  Zalzcnhausen. 

64  Dilzingen. 
6,")  Waiblingen. 
tif.  Wcil  itn  Dorf. 
'M  Zimmern. 

68 
69 

70  Kssingon. 

71  Feuerbach. 

72  Cannstadt. 

73  Beutelsbach. 

74  Stuttgart. 

75  Unler  Turkeim. 

76  Ohmcnheim. 

77  Merklingen. 

78  Ncrcsheira. 

79  Kosingen. 

80  Weildie  Stadt. 

81  Magstadt. 

82  Esslingen. 

83  Auernheim. 

84  Oslelsheim. 

85  Alt  Ilengslcdt. 

86  Maichingen. 

87  Mohringen. 

88  Keuinatb. 

89  Gnppingen. 

90  Sindelfingen. 

91  Darmsheim. 

92  Geehingen. 

93  Boblingen. 
Oi  Musberg. 

95  lIoFswalden. 

96  Heidenheira. 

97  Aidlingeu. 

98  Ehningen.     . 

99  Unter  Unsingen. 

100  Kircbheim. 

101  GiiUlingen. 

102  Kuppingen. 


202 


nF.VOE   ARCUKOLOGlOtr.. 


103  Nartingcn. 

104  Dellingcn. 
lOu  Altcnstedt. 
lOG  Geisliiigcn. 
107  llormariiigen. 
1(is  Allonsladt. 
loi»  Pfrondorf. 
110  Fommingen. 
m  Walddorf. 
112  Aufhausen. 
H3  Fiiltslein. 

H4  Unler  LenningCD. 
Ho  Oberslolzingen. 

116  Obcrscliwandorf. 

117  Nagold. 

1 18  Oeschelbronn. 

119  Reuslcn. 
!20  Mnlzingen. 

121  Hohenstadt. 

122  Gandringen. 

123  Motzingen. 

124  Kuslerdiugen. 
12;j  Detlingen. 

126  Hochdorf. 

127  Raisitigen. 

128  Wurmiingen. 

129  Ijgetizingen. 

130  Weilheim. 

131  Reullingen. 

132  Glems. 

133  rrach. 

I.'t4  Inimenhausen. 

13")  Altlieini. 

13(;  Gninmeltslelten. 

137  Ob.  Iflingen. 

138  Hieringen. 
13'J  Mfihriugcn. 

140  Frommenhausen. 

141  Nchren. 

142  Gônningen. 

143  ITullingCD. 

144  Hiellicim, 
1415  Doltingcii. 
14G  Hopfau. 
U7  Sulz. 


148 

Uert;rt'l(liMi. 

I4;i 

NVoilliciiii. 

150  Salmandiiigcn. 

151 

Gerliausseti 

152 

Ariicgg. 

153 

i;im. 

154 

l'iilcr  Kircbbcrg. 

i:;5 

Pelerzcll. 

156 

Hnmiensdorf. 

157 

Zell. 

158 

Itcrgacb. 

159 

iMederhol'on. 

160 

Dcibnensingen. 

161 

Wcinsletten. 

102 

llocbmoffingen. 

103 

Fluorii. 

104 

Bahlingen. 

165 

llausen. 

166  Magcrkingcn. 

167 

Rislissen. 

lOS 

Kbingen. 

109 

Obermarchllial. 

170 

Eracrkingen. 

171 

Haupheira. 

172 

Neukirch. 

173 

Slellcn. 

174 

Roltweil. 

175 

Deilingen. 

176 

Ob.  Oidisheim. 

177 

Mcsstetlen. 

178 

luncringen. 

179 

FlOzlingen. 

180  G.-.llsdorf. 

181 

Wchingen, 

182 

Nusplingcn. 

183 

Frobnslcttcn. 

184 

I.atigcii  Enslingen. 

185 

NVilllingeii. 

180 

Allli.-iib. 

187 

NciiTra  près  Ricdlingen 

188 

Rcis^lirigen, 

IS^ 

Aixhcira. 

190  Denkiiigen. 

191 

Hubsbcim. 

192 

Kg  Ci)  b  ci  m. 

SEPULTURES  ET  CIMETIÈRES  MEROVINGIENS. 


293 


\Q^  Ob.  Sôchmeien. 

194  Biiigcn. 

19!>  Hinswangcn. 

11)0  Feufra  près  Uotlwoil. 

197  Schwenniugeu. 

198  Trossingcn. 

199  Spaichingen. 

200  Baigheim. 

201  Diirbheim. 

202  Kolbingen. 

203  Inzigkofea. 
20  i  Scheer. 
20.'i  Ennetsch. 

206  Mengen. 

207  Herbertingen. 

208  Grotis  Tissen. 


209  Thuningcn. 

210  Oberllacht. 

211  Wiinnlingeii. 

212  MiihUieim. 

213  Sleltcn. 

214  P'riedingen. 
21.)  Knzkofen. 

216  Neudingen. 

217  Tultlingen. 

218  Unter  Essendorf. 

219  Aulendorf. 

220  Ailrach. 

221  Aichstellen. 

222  Schlier. 

223  Fischbacb. 

224  Friedrichshafen. 


ARCHÉOLOdlE  GAULOISE 

UN  CASQUE  EN  KEK 

ET    DKS   BOUTF.nOLI.KS   1)K    KOUnnEAUX    d'kPÉE. 


Lettre  à  M.  Alcxandrr  Bertraml,  dirçclcur  du  Mmrr  des  ouliquUcs 

iialioiuih's. 

Mon  cher  Directeur, 

Vous  avez  rendu  un  réel  service  aux  amis  de  l'archéologie  gau- 
loise en  faisant  publier  dans  la  Revue  archcologifjitc  l'instruclif  rap- 
port de  M.  Mailrc  sur  le  casque  en  fer  du  Musée  d'Agen  (1).  Les 
casques  gaulois  avérés  sont  encore  en  petit  nombre  :  quelque  célè- 
bres qu'ils  soient,  ceux  de  Falaise  (2),  de  laFosse-aux-PrtHresi3),  de 
Berru(i;,  ne  peuvent  satisfaire  à  tous  les  éclaircissements  qu'on  leur 
demande.  Ils  viennent  de  contrées  dont  le  rôle  n'a  jamais  eu  assez 
d'importance  pour  qu'on  puisse  augurer  par  elles  du  reste  de  la  Gaule. 
Ils  semblent  d'ailleurs  remonter  à  une  période  assez  reculée  pour 
qu'à  leur  occasion  nous  ayons  l'impression  d'une  lacune  au  regard 
des  temps  postérieurs,  jusqu'à  l'époque  delà  conquête.  Enfin,  ils  sont 
en  bronze  et,  soit  par  leurs  éléments  distinctifs,  soit  par  les  objets 
qui  leur  étaient  associés,  ils  paraissent  se  rattacher  à  cette  civilisa- 
tion particulière  (|ui  a  plus  spécialement  caractérisé,  avant  notre  ère, 
la  région  occidentale  de  notre  territoire. 

Un  parlait  peu  jusqu'ici  de  casques  en  fer;  cependant  n'élait-il 


(1)  Livraison  d'avril  1879. 

(2;  V.  Hriiie  arcfiéolo'/iqiif,  t.  Mil,  p.  200. 

(3^  Prèi  do  Thcil,  à  Hilly  (Loir-ct-Clicr).  Vo)Ci  Matihioux  i>our  l'histoire  nntu- 
rellf  ft  /iiimiiii r  dr  l'Itonune,  revue  dirigOo  à  Toulouse  par  M.  Km.  Cartailhac, 
7*  Wirie,  l.  VI,  187j.  y.   111. 

(i)  V.  la  note  de  .M.  A.  Bertrand  à  la  paRC  01  du  Hullrlin  de  tu  Soriélc  t/r» 
finlujuatrts  de  Franr^,  2'  trim.  do  1875,  cl  colle  de  M.  Ed.  Barthi^lcroy  dans  les  M<i- 
Dooircs  de  la  mCme  SociéU',  t.  XXXIV,  p.  92. 


ARCHI?,OLOGIR  GAULOISE.  295 

pas  probable  qu'il  devait  en  avoir  exista  dans  lo  Midi  et  dans  celte 
longue  zone  orientait;  où  le  fer,  à  la  faveur  do  l'immigration  galli- 
que  que  vous  avez  mise  en  relief  (1),  a  si  vivement  disputé  au  bronze 
la  prédominance  que  celui-ci  conservait  ailleurs? 

Aussi  les  révélations  iiue  l'Iiabilcté  de  M.  Maître  a  obtenues  du 
casquedu  musée  d'Agen  sonl-cllcs  singulièrement  précieuses;  elles 
apporloni  un  appoint  considc'rable  à  celles  qu'avaient  fourni'js  1rs 
débris  de  ses  congénères  renconliés  à  Alise.  Peut-être  est-il  en  mon 
pouvoir  d'y  ajouter  qucl(jue  chose,  et  j(3  vous  demande  la  permission 
de  vous  présenter  un  nouveau  casque  qu'avec  de  bons  juges  de  ses 
particularités  jo  crois  contenipoiain  de  ceux  que  vous  venez  de  nous 
faire  connaître. 

Le  temps  et  ses  morsuirs  lui  ont  été  funestes.  Le  rôle  humiliant 
qu'on  lui  avait  assigné  avant  que  la  fortune  l'eût  fait  arriver  en  des 
mains  plus  dignes  de  le  posséder  a  encore  aggravé  ses  malheurs. 

Vous  avez  assurément  connu  Kmilion  Dumas,  à  qui  la  géologie 
desCévennes  est  redevable  de  ses  plus  importanles  conquêtes.  Quoi- 
que naturaliste  avant  loul,  il  avait  l'esprit  trop  laigement  ouvert  à 
tout  ce  (jui  mérite  de  le  solliciter  pour  que  rarchéologie  n'y  tînt 
pas  une  place  lionorable.il  ne  négligeait  jamais  de  recueillir  les 
vestiges  du  passé  que  le  hasard  plaçait  sur  son  chemin,  et,  à  rôle  de 
ses  fossiles,  il  a  groupé  dans  son  riche  cabinet,  à  Sommières  (2),  un 
grand  nombre  d'antiquité^  intéressantes. 

Un  jour  qu'il  pérégrinait,  son  marteau  à  la  main,  à  quelques  kilo- 
mclres  au  sud-est  d'Alais,  il  avisa  à  la  fenêtre  d'un  mas  une  superbe 
giroflée  s'ébaudissant  de  toute  l'ardeur  de  sa  sève  aux  rayons  du 
soleil.  Son  regard  s'arréla  moins  toutefois  sur  les  fleurs  que  sur 
l'étrange  récipient  d'où  elles  surgissaieut.  Au  lieu  du  pot  tradition- 
nel, il  apercevait  une  sorte  de  grande  coupe  à  parois  minces  et  de 
teinte  rubigineuse,  à  laquelle  son  galbe  hémisphérique  laissait  si  peu 
de  base  que,  pour  la  maintenir  en  équilibre,  on  avait  dû  la  caler  avec 
de  petites  pierres.  C'était  le  casque  en  fer  dont  je  vous  envoie  des 
croquis  sous  tous  ses  aspects  et  que  je  suis  autorisé  à  mettre  à  votre 
disposition  pour  un  moulage  au  profit  du  Musée  des  antiquités  na- 
tionales. 

Sacrifier  la  giroflée  et  en  acquérir  le  contenant  fut  pour  Emihen 
Taffaire  d'un  instant.  Interrogé  sur  sa  provenance,  le  fermier  lui 


(1)  Voyez  Dktionudire  archéologique  de  la  Gnulc,  époque  celtique,  v  Galti. 

(2)  Chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Nimes,  à  la  limite  du  département 
de  l'Hérault. 


396  HKVUK   AnCHÉOLOr.IQUK. 

apprit  qno  sr\  rljarriio  l'avait  inopiiuMiient  fait  sorlin]uolqucsann(''Cs 
auparavant  d'ui:  champ  situi' sur  la  colline  vdisiiu-.  11  y  gisait  à  côté 
il"un  autre  morceau  lie  tôle  rouilU^e,  dédaigneusement  jeté  dans  un 
las  de  vieille  ferraille.  On  eut  la  chance  de  l'y  retrouver  cl,  incon- 
tinent, on  alla  visiter  le  cliami)  producteur  d'une  aussi  singulière 

récolte Il  s'étendait  au  beau  milieu  de  Voiipidnm  de  Vio-Cioutat  l 

L'instinct  de  l'heureux  chercheur  ne  l'avait  pas  trompé,  il  venait 
d'enrichir  ses  collections  d'une  pièce  du  idus  haut  intérêt. 

L'oppidum  de  Yié-Cioutat,  qui  couronne  uncéminence  isolée  vers 
le  point  où  se  rencontrent  les  limites  des  communes  de  Mons,  de 
Saiut-llilairede  Bielhmas  et  de.Monteils,  est  vraisemblablement  l'un 
de  ces  vingt-quatre  oppidums  qui  relevaient  de  la  cité  de  Nimes  et 
([ue  Strabon  et  Pline  ont  jugé  de  trop  peu  de  notoriété  pour  en 
faire  la  nomenclature  (1).  Une  voie  antique  se  dirigeant  vers  Uzès 
(Ucetia)  en  côtoie  la  base  méridionale.  M.  Germer  Durand  l'identilie, 
dans  son  Dictionnaire  topographique  du  (îard,  au  Vutnite  de  la 
célèbre  inscriiilion  géographique  du  Musée  de  Nimes  :  le  nom  de 
Droude  conservé  au  ruisseau  qui  coule  à  ses  pieds  me  semble  lui 
donner  raison. 

Son  enceinte  en  partie  boisée  et  encore  aujourd'hui  tracée  \m' 
de  massives  murées  en  pierre  sèche,  dont  quelques  parties  sont  res- 
tées debout,  enferme  une  superlicie  de  plus  de  deux  hectares. 

Si  l'homme  a  pris  quehiue  peine  pour  en  faire  une  forte  position, 
la  nature  l'y  avait  fort  encouragé  en  allribuanl  aux  pentes  qu'elle 
domine  une  raideur  peu  favorable  à  l'escalade.  Aussi  son  plateau 
a-l-il  été  occupé  dés  la  plus  haute  antiquité.  On  y  a  recueilli 
des  vestiges  certains  de  ces  populations  primordiales  que  civilisè- 
rent succe.ssivemenl  les  Grecs  colonisateurs  et  les  Romains  conqué- 
rants. Geux-ci  même,  à  l'inverse  de  ce  qu'ils  ont  fait  pour  beau- 
coup d'oiipidums  gaulois  dont  la  (liflicullé  d'accès  les  rebuta,  ne 
dédaignèrent  pas  de  s'y  établir  à  demeure.  (Juebiues  parties  du  rem- 
part destituées  de  leur  aspect  cyclopéen  accusent  la  main  de  répa- 
rateurs familiarisés  avec  les  procédés  des  ingénieurs  de  Home.  On  a 
rencontré  d'ailleurs,  en  fouillant  le  sol,  des  substructions,  des  iromjons 
de  colonnes,  des  poteries,  des  mosaïques,  des  ustensiles  en  bronze 
et  en  fer,  caract»'risli(|ues  de  l'époque  romaine.  Ils  sont  en  nombre 
assex  considérable  pour  expli(iuer  et  juslilierle  nom  de  Vié-Cioutat 
{retus  rivitas)  par  le<iuel  on  désigne  cet  emplacement  de  temps  im- 
mémorial. 

(1)  Siiab  ,  lib.  IV;  Pli".,  //i^^,  m,  'i  :  "  ()|'i»iila  iguobilia.  » 


ARCUKOUMJIK    (JAULOlSK. 


2in 


Je  pourrais  copiiM-,  pour  décrire  exactoiucnt  le  casque  qui  en  est 
sorti,  plusieurs  des  iiidic.ilions  fournies  par  M.  Mailre  sur  celui  du 
musée  d'Agcn.  Comme  ce  dernier  il  est  remarquable  par  la  régu- 
larité de  la  forme,  l'habileté  du  travail,  la  simplicilé  de  l'ormenta- 
tion.  Le  métal  s'y  révèle  d'excellente  qualité.  Malgré  sa  faible 
épaisseur,  qui  n'a  jamais  dii  dépasser  deux  milliinélics,  il  est  très 
légèrement  altéré;  l'oxydation  n'a  pu  y  développer  ([u'un  épidémie 
rugueux,  et  si  on  y  remarque  quelques  callosités  et  boursouflures, 
elles  ne  sont  pas  de  celles  ipii  ont  dénaturé  l'aspect  originaire  de 
tant  d'anti(|uités  en  fer. 

Une  seule  pièce  de  métal  emboutie  au  marteau  par  une  main  très 
experle  a  suffi  à  sa  fabrication. 

La  calotte,  longue  de  Û"\22,  laige  de  0"',187,  profonde  de O", 136, 
semble  hémisphérique  quand  on  la  regarde  de  face  (fig.  A),  mais 


elle  perd  celle  apparence  lorstju'on  l'envisage  de  profil  (fig.  A').  La 
projection  de  sa  courbe  dans  la  direction  de  l'occiput  lui  attribue  en 
réalité  la  forme  d'une  ellipse  irrégulière,  rétrécie  à  la  région  du  front 
et  sensiblement  élargie  à  l'arrière  (fig.  IV;.  Sa  base,  de  ce  côté,  était 
brusquement  arrêtée  par  un  coude  du  métal  contourné  à  angle  droit, 
afin  sans  doute  de  constituer  un  couvre-nuque.  Il  n'en  reste  que  de 
légères  amorces,  mais,  si  réduites  qu'elles  soient,  elles  montrent 
qu'après  avoir  été  dirigée  en  avant  pour  la  prolection  du  cou,  la 
feuille  de  métal  avait  été  repliée  sur  elle-même,  puis  ramenée  à  l'in- 
térieur cl  redressée,  de  façon  à  former  celte  bande  marginale  qui  s'é- 


Î98 


ni-M  K    MICIIEOLOOIQUE. 


lond  d'un  ltMiipnral;M'.iiilrorl((iioIaissov()irla  liKiui»  (', onC.  Lebonl 
cervicil  ilu  rastjuc  avait  ainsi  uiio  rpaissour  double.  Ello  avail  sa 
raison  d'tMro  dans  la  néccRsilé  de  prol("'pcr  cfllcarcmeiU  uno  région 
du  corps  I  arliruli('>rcment  exposée  ii  «le  Iraîlipss.^  allaqucs  de  la  part 


Vxî 


de  l'onnoiiii,  mais  vraisoinblablomenl  aussi  celle  bande  en  doublure 
devait  encore  favoriser  l'adaplation  de  quohiue  garniture  iiitcrieure 
ou  coilTc  molle  s'inlcrposant  outre  la  lOte  et  le  dur  métal  qui  la  re- 
couvrait. 

Si  je  ne  me  trompe,  les  casques  d'Alise  et  du  musée  d'Agen 
ne  présentent  pas  celle  disposition;  mais  vous  savez  qu'elle  n'est 
pas  sans  exemple.  Vous  aurez  assurément  remarqué  dans  les  beaux 
dessins  rapportés  par  noire  ami  Cli.  Cournaull,  des  régions  du  centre 
de  i'F'^urope  anciennement  occupées  par  la  race  gauloise  (1^  la  bande 
analogue  iiu'olTrenl  lescas(iucs  en  bronze  conservés  au  Musée  Maxj- 
milien  d'Augsbourg.  Elle  s'ymontic  à  l;i  vérité  moins rudimentaire, 
plus  ouvragée  et  plus  ingénieusement  comprise,  mais  le  prineipo 
est  le  même  et  celi-ait  de  ressemblance  avec  le  cascjue  de  Vie  Cioulat 
mérite  (jue  je  le  relève. 

Il  en  est  encore  un  autre  (|ue  Je  dois  faire  res^orlir  :  c'esU'absence 
de  tout  appareil  destiné  à  la  lixation  d'un  cimier  ou  irunc  aigrette. 
Son  sommet  absolument  lisse  n'a  jamais  comporté  le  panache  qui 


(1;  Ces  dessins. si  prcricin  pour  l'iHudn  de  i'arclxîoIOKic  Rauloisc  sont  dc^poscs  à  la 
bibliothèque  nnlionalc,  d>'partt'm<'nt  des  cstanipen. 


AHC1IIÎ0L0(;IK   (ÎAULOISE. 


2U!) 


décorail  1(^  casiiuo  (l'Amen;  pour  lui,  rommn  pour  los  casques  du 
musée  liavarois,  la  n'-gularité  du  galho  a  élé  en  ce  point  lo  seul 
élément  d'élégance  qu'on  ait  voulu  se  ménager.  Celle  simple  sphé- 
ricilé  de  la  ligne  devait  élrc,  au  surplus,  la  régie  dominante;  son 


adoption  usuelle  ressort  de  la  conformation  attribuée  à  un  très 
grand  nombre  de  casques  gaulois  figurés  sur  des  monuments,  des 
monnaies  ou  des  médailles.  11  semble  même  que  l'aire  géographique 
de  son  extension  ait  élé  fort  considérable,  puisqu'on  la  rencontre 
aussi  bien  chez  les  Proto-Etrusques  de  l'Emilie  que  chez  les  Galales 
de  Bavière,  et  (|u'elle  se  montre  en  Gaule,  dans  la  sépulture  du 
Vaudreuil  (1),  chez  les  Aulerkes  Eburovikes,  et  sur  les  monnaies  de 
Comios  le  célèbre  roi  des  Atrébalcs,  comme  sur  les  élégantes  mé- 
dailles marseillaises  au  type  d'Apollon  casqué  (2). 


(l)  Voyei  Notice  arcliéologique  sur  le  cimetière  gaulois  découvert  au  Vaudreuil, 
Eure,  par  l'abbé  Cochet,  Hac.  da  Suc.  savantes,  livraisou  de  mai-juin  18Gi,  et  fier. 
de  la  Nûr)>}an(lie,  livraison  d'octobre,  1864. 

(3)  Voyez  E.  Huchcr,  l'Art  gaulois,  2'  part.,  p.  9i  et  100,  n'*  151  et  161, 


300  HF.Vl'K    AHCHÊOLOGIQUE. 

On  pourra  m'objorler  sans  doute  qu'il  ne  rnnvicnl  pas  d'allribupr 
une  valeur  trop  positive  aux  liguiations  du  monnayage  gaulois.  Il 
doit  en  elTei  comporter  quelque  chose  de  conventionnel,  puisqu'il 
dérive  notoirement  du  monnayage  grec,  dont  il  s'est  souvent  borné 


à  reproduire  servilement  les  types.  Mais  Tobjectiou  n'aurait  dans 
l'espèce  qu'une  portée  relative:  loin  de  repousser,  pour  le  casque 
de  Vié-Cioulat,  la  possibilité  d'un  lien  avec  la  (îièce,  je  suis  au  con- 
traire persuadé  que  sa  fabrication  a  été  inlluencée  par  les  coutumes 
helléniques.  Ces  deux  bossages  en  arêtes  longitudinales  obtenues  au 
repoussé  et  figurant,  vers  la  base  du  frontal,  des  arcades  sourci- 
lières,  ne  sont-ils  pas  le  résultat  d'une  des  traditions  greciiues  les 
plus  accentuées?  N'yreconnaîtrcz-vous  pas  avec  moi  un  ressouvenir 
certain  de  cette  préorcupalion  des  artisans  grecs  de  donner  l'aspect 
du  visage  humain  à  l'armure  de  la  tête  elde  juslifier,  à  un  point  de 
vue  réaliste,  cette  qualification  d'hommes  d'airain  que  la  frayeur 
inspira  aux  premières  armées  perses  appelées  à  se  mesurer  avec  les 
hoplites  d'Athènes  ou  de  Sparte? 

Les  musées  sont  pleins  de  spécimens  légitimant  cette  manière  de 
voir.  Je  me  contcnti-rai  de  vous  rap|>eler  le  casque  grec  en  bronze 
n"  (3(j'.)K  du  muséedu  Louvre,  à  cause  de  ses  points  de  ressemblance 
avec  le  casque  de  Vié-Cioutat.  Comme  lui  il  est  d'apparence  hémis- 


AnciiKor.OGiF.  r.Aur.oisE.  301 

plK^rique,  absolument  lisse  cl  sans  moulures  basalos;  comme  lui 
aussi,  il  n'tMiiiuiinte  ;\  la  ligure  liiiin.iin(^  que  le  (racé  d'aicaïUîs 
sourcilièrcs  résultant,  il  est  vrai,  d'une  dépression  au  lieu  d'un 
relief,  mais,  pour  (Mre  plus  logiquement  rendue,  l'intention  n'en 
reste  pas  moins  la  mt'^uie  et  l'identilé  de  type  se  coiilirme  encore  par 
la  présence,  à  la  naissance  de  ces  arcades,  du  bouton  métallique 
qui  existe  à  la  même  place  sur  le  casque  de  Yié-Cioutat. 

Y  a-t-il  surmonté,  comme  cbez  son  congénère  du  Louvre,  un 
nasal  qui  aurait  disparu/  Lacbose  n'est  pas  impossible,  car,  au-des- 
sous de  ce  bouton,  le  bord  actuel  du  casque  paraît  plus  cITrité  (|ue 
dans  les  parties  adjacentes;  il  n'y  présente  pas  surtout  cette  épais- 


seur terminale  qui,  à  droite  et  à  gauche,  me  semble  caractériser  nor- 
malement une  ligne  marginale.  Je  garderai  toutefois  une  prudente 
réserve  sur  ce  point;  l'hypothèse  d'un  bord  droit  paraît  avoir 
autant  de  chances  de  vérité  :  on  ne  répugne  pas  à  supposer  à  notre 
casque  un  frontal  rectiligne  ne  se  départissant  de  sa  régularité  que 
pour  admettre  sur  les  côtés  l'échancrure  nécessaire  aux  oreilles. 
Tel  est  d'ailleurs,  à  sa  partie  antérieure,  le  caractère  du  casque  du 
Vaudreuil(i)  que  je  rappelais  tout  à  l'heure.  Cette  partie,  nettement 

(1)  Le  dessinateur  dont  l'abbé  Cochet  a  réclamé  le  crayon  a  pris  la  partie  anté- 
rieure de  ce  casque  pour  sa  partie  postérieure  et  l'a  représenté  i  contresens.  Mais 
son  erreur  est  démontrée  par  l'emplacement  de  l'échancrure  des  oreilles.  Il  en  est 
résulté  qu'il  a  disposé  les  sinuosités  de  la  jugulaire  protectrices  des  joues  dans  une 
direction  inverse  de  celle  qu'elles  devraient  accuser.  Si  je  ne  m'abuse,  l'habitude  de 
voir  des  visières  à  la  plupart  de  nos  coiffures  modernes  a  plusieurs  fois  occasionne 
des  méprises  dans  la  détermination  du  rôle  à  assigner  à  certaines  parties  de  quel- 
ques casques  antiques.  J'incline  à  croire  que,  par  la  force  de  cette  habitude,  on  a 
transposé  parfois  l'avant  à  l'arrière  et  réciproquement,  en  prenant  pour  une  visit're 
ce  qui  n'était  qu'un  couvre-nuque.  Je  citerai  notamment  les  casques  en  bronze  ligu- 
res par  Liudenschmitt  {Die  Alterthnmcr  unscrer/ieid/iischen  Vorzeit,  HeftllI,Taf.  2) 
et  celui  de  Vulci,  au  musée  étrusque  du  Vatican,  reproduit  à  la  pi.  LXXXIV  de  la 
belle  publication  ordonnée  par  le  pape  Grégoire  XVI.  La  partie  réputée  cervicale  y 


309  nF.VUF.   ARCIIl^.OLOGIQDR. 

accusée  parla  pelito  entaille  spini-circulaire  et  légiVement  obliiiuo 
tloslini'e  à  reci-voir  le  lobn  île  l'oreille,  n'y  présente  |»ns  seiileinenl 
un  bord  droit,  elle  laisst  voir  cnoiilic  nue  nttênualion  marquée,  un 
rétrécissement  voulu  et  tout  ;i  f;iit  siKuilii  atif  des  moulures  basales, 
se  prolonfieant  en  droite  li^ne  d'une  entaille  à  l'autre. 

On  se  persuade  volontiers,  en  ne  tenant  pas  compte  de  ces  mou- 
lures, que  ce  capquc  donne  une  idée  assez  exacte  de  la  physionomie 


D' 


^ 


•J  ,/ 


originaire  de  celui  de  Vié-Gioutat.  Je  n'hésiterais  guère  à  en  rétablir 
le  couvre-nuque  d'après  le  sien  et  je  m'y  croirais  encore  autorisé  par 
ce  luorrciin  ilc  tûle  rouHh'e  remis  parle  fermier  du  mas  avec  le  réci- 
pient de  ?a  girodée,  lig.  D,  D'.  Après  un  examen  prolongé  et  mûri  en 
compagnie  d'archéologues  1res  compétents  en  matière  d'armures,  je  le 


présente  un  amortissement,  une  sorte  de  troncature,  tout  îi  lait  irrationnels  si  l'on 
songe  à  l'intîrôt  qui  s'attachait  à  la  protection  du  cou  dans  une  coiffure  militaire  ; 
flics  s'expliquent  au  contraire  très  naturollcmcnt  si  l'on  en  fjit  la  partie  frontale. 
Les  casques  sarrasins,  continuateurs,  comme  beaucoup  de  casques  antiques,  de  la 
Tieille  tradition  orientale,  se  montrent  dépourvus  do  visière  sur  une  foule  de  mo- 
numents remontant  à  I  époque  «les  croisades,  ou  h  celle  de  la  domination  des  Maures 
en  Espagne.  Sans  doute  la  visière  n'était  pas  incoiniuo  dans  la  liante  antiquité,  mais 
lorsqu'on  voulait  s'en  ménager  l'avantage  on  faisait  reposer  la  calotte  du  casque  sur 
une  sorte  de  surface  plane,  aussi  élargie  h  l'avant  et  sur  les  côtés  qu'elle  l'était  U 
l'arrière.  On  le  reconoaiiia  aisément  par  l'oxamcn  de  beaucouj)  do  monnaies  gau- 
loise» ^voypz  K.  IJuchor,  i'Art  gnui„i\,  !'•  partie,  pi.  Il,  11^'.  •_' ;  pi.  XX,  fig.  2  ; 
pi.  XLVI.flg.  1  ;  pi.  XI.VIII,  (ig.  2;  etc.,  etc.  ;  3'  partir,  p.  81.  n"  127;  p.  83.  n°181  ; 
p.  fti,  n»131;  p.  100  el  101,  n'"  101  et  102),  ou  parles  processions  de  guerriers  re 
préseot4ies  sur  certain»  l<ronzes  ou  sur  des  stéli-s  funéraires  proto-i'trusquos  de  la 
liautc  Itilie.  I.a  H<<.iic  iirrMolnijique  s  publié  (livraison  d'ortobre  1867  et  planche  y 
annexée)  une  notice  sur  une  Bépuliuro  doSosto  C^alendr,  dans  la  (Jaule  cisalpme,  qui 
a  livr*  un  de  ces  casquea  ayant  une  visiire  semblable  au  couvre-nuque. 


AnCHÉOLOGIE  GAULOISE.  303 

cnnsiilrro  comitio  la  pnrlio  poslôrieurc  d'un  second  casque  dont  il  est 
riini(jue  et  dcM'iiicr  di'hris. 

A  vrai  dire,  on  liésile  loul  d'ahord  à  s'arrôlcr  à  celle  opinion  :  il 
semble  plus  nalurci  d»^  no  voir  en  lui  (lu'uno  pirce  délacliée  de 
noire  casque.  On  s'imagine  mAmf  (|u'on  va  l'y  rajuster  sans  diffi- 
culté, et  il  faut  l'insuccès  persistant  des  tentatives  auxquelles  on 
s'empresse  pour  imposer  la  cerlilude  de  son  indùpcndance.  il  ne 
reste  de  place  au  doute  que  sur  le  point  de  savoir  si  on  a  alTairc  à 
une  visiùre  ou  à  un  couvre-nuque. 

La  première  hypothèse  ne  paraît  pas  invraisemhlahle  lorsqu'on 
applique  la  pièce  sur  le  ressaut  des  arcades  sourcilières  :  elle  s'y  su- 
perpose èlroitemenl  et  paraît  décrire  la  même  courbe.  Mais  ce  ré- 
sultat s'obtient  aussi  aisément  lorsiiu'on  la  juxtapose,  du  côté  opposé, 
à  l'intérieur  de  la  calotte.  La  seconde  hypothèse  devient  alors  aussi 
admissible  que  la  première  et  on  demeurerait  fort  perplexe  entre 
les  deux  si  on  ne  remarquait,  sous  le  fragment  en  litige  et  à  la 
partie  la  plus  saillante  de  son  expansion  aplatie,  la  petite  tige  rivée 
qui  s'en  dégage  en  se  projetant  en  avant  (fig.  D,  d).  Malgré  son  état 
de  dèlèrioralion,  elle  devient  décisive  :  inexplicable  pour  une  vi- 
sière, elle  est  toute  naturelle  pour  un  couvre-nuque,  puisqu'il  était 
d'usage,  ainsi  que  l'a  rappelé  M.  Maître,  d'y  fixer  «  une  petite  tige 
ronde  aplatie  d'un  bout  et  enroulée  de  l'autre  en  forme  d'anneau  », 
à  l'aide  de  laquelle  on  suspendait  son  couvre-chef  lorsqu'on  en  dé- 
barrassait sa  tète. 

J'aurai  achevé  la  description  de  mon  casque  lorsque  je  vous  aurai 
dit  qu'il  ne  diffère  pas  de  ceux  que  nous  connaissons  en  ce  qui  con- 
cerne le  crochet  nécessaire  à  l'adaptation  des  jugulaires.  Si,  d'un  côté, 
ce  crochet  n'est  représenté  que  par  les  deux  trous  de  ses  tenons  dispa- 
ras, il  est  intact  de  l'autre.  11  s'y  présente  sous  la  forme  d'une  pièce 
d'applique  longitudinalement  fixée  par  deux  clous  de  rivure,  dont 
la  partie  externe  avait  une  valeur  ornementale.  Je  n'oserais  dire  que 
leur  tôle  semi-globulaire  a  été  décorée  de  ces  treillis  de  petits  sillons 
qui  agrémentent  les  rivets  des  casques  d'Alice  et  du  musée  d'Agen  ; 
la  rouille  l'a  déplorablement  rongée  et  je  n'ai  découvert,  même  à  la 
loupo,  aucune  trace  positive  de  ce  motif  de  décoration.  J'en  ai 
cherché  également  sans  succès  sur  le  bouton  frontal  qui  sert  de  point 
de  départ  aux  sourcils  simulés.  H  n'est  pas  d'ailleurs  rivé  et,  en  ne 
résultant  que  d'un  bombement  massif  probaMemcnt  réservé  par 
voie  d'épargne  au  cours  de  l'opéralion  du  martelage,  il  me  semble 
attester  une  technique  singulièrement  habile. 
En  résumé,   mon  cher  Diroctmir,  le  casque  de  Vié-Cioulat  est 


:K)4  nKVUF.    AHCIIKOLOOIOl'IV 

esscntiollcmenl  paulois  ;  la  situation  el  la  prando  ancicnncu'-  de 
l'oppidiiin  qui  l'a  livrr  ne  pcimctlonl  pas  d'en  douter.  Il  remonte  à 
une  époque  dtjà  rerulée  el  assurément  antérieure  à  la  conquête  de 
(A'sar,  puisqu'il  porte  l'empreinte  de  l'ordre  di^  elioses  (|iii  a  pré- 
cédé dans  CCS  répions  l'établisscnient  délinilif  de  la  domination 
romaine.  Je  n'ai  donc  pas  à  insister  pour  que  vous  admettiez  qu'il 
est  au  moins  le  contemporain  des  casques  de  provenance  indigène 
aux(iuels  je  l'ai  comparé.  J'ajoute  (ju'il  en  est  jiroche  parent  : 
plusieurs  traits  de  ressemblance  m'ont  permis  d'y  relever  l'air  ilr 
famillf  à  un  depré  maripié;  mais  je  ne  donnerai  à  cette  parenté  (jue 
le  rang  collatéral,  alin  de  tenir  compte  des  détails  qui  décèlent  une 
inllucnce  pallo-grecquc.  Ce  (jualilicatif  vous  surprendra  peut-être  ; 
on  l'a  employé  devant  moi,  au  musée  de  Saint-fîermain,  à  propos 
des  antiquités  que  mon  ami  Henri  lievoil  a  recueillies  dans  les 
Bouclies-du-Rliônc,  à  Servanne,  et  dont  il  a  libéralement  doté  nos 
séries  nationales.  Le  terme  m'a  paru  heureux;  il  correspond  judi- 
cieusement à  cette  nuanee  particulière  qu'on  ne  peut  méconnaître 
dans  les  antiquités  gauloises  de  nos  contrées  méridionales.  Grâce 
aux  colonies  grecques,  une  influence  civilisatrice  s'y  faisait  déjà 
sentir  plusieurs  siècles  avant  notre  ère.  alors  que  le  reste  de  la 
Gaule  demeurait  dans  cet  état  un  peu  fruste  qu'à  Home  et  à  Athènes 
on  appelait  la  barbarie.  Il  est  dés  lors  rationnel  ({ue  les  vestiges  de 
cette  période  portent  un  cachet  spécial,  analogue  à  celui  qui  justilie 
pour  des  temps  un  peu  postérieurs  l'épithèle  de  gallo-romain  ap- 
pliquée à  tant  d'ubj'-'ts  recueillis  sur  notre  sol  et  ne  remontant  pas 
au  delà  de  la  coniiuétc  Je  sais  qu'on  criti(jue  fort  cette  pauvre  épi- 
Ihèle,  mais  j'incline  à  croire  qu'on  raffine  à  son  sujet  plus  que  de 
raison;  pour  moi,  je  la  trouve  si  commode  et  si  intelligible  que  je 
m'enhardis  h  aflermir  sa  résistance  en  me  servant  d'une  expression 
parallèle  à  l'occasion  du  casijue  de  Vié-{joutat. 

Je  vous  ai  dit,  en  commençant  celte  lettre,  (ju'à  l'aide  de  cette 
précieuse  épave  des  Yolkes  Arécomikes  j'espérais  ajouter  quelques 
notions  nouvelles  à  celles  que  nous  possédions  sur  les  cas(iues 
gaulois.  Si  je  n'ai  itas  trop  présumé  de  son  intérêt,  laissez-moi 
tenter  la  même  entreprise  au  prolit  de  ces  curieuses  bouterolles  du 
fourreau  de  ([uelqucs  épées  gauloises  dont  vous  avez  entretenu  l'an 
dernier  la  Société  des  antiquaires  de  France  (I). 

A  l'occasion  de  celle  que  vous  veniez  d'acquérir  chez  M.  Lehman 
(lig.  E)  vous  en  avez  signalé  la  physionomie  orientale,  précisé  l'an- 

(1)  Bulletin  de  la  iîfKiéU  des  antiquaires  de  France,  ï*  triin.  do  1878,  page  .10. 


AnCHEOLOGIE   OAUI.OISE. 


305 


ciennclé,  cl  vous  avoz  montiY;  coinhiiMi  elles  sont  inléressanlcs  pour 
rarcliéologie  iialioiiale,  {luisiiu'ellesrournisseul  une  nouvelle  preuve 
(le  l'origine  asiatique  de  nos  ancûtrcs.  Vous  ajou-  i<^ 

tiezcju'il  n'en  avaitencoreété  découvert  que  sept  en 
France,  et  qu'en  majorité  elles  paraissent  avoir  été 
employées  pour  des  éjjées  en  fer,  alors  qu'en  Alle- 
magne on  les  rencontre  exclusivement  associées  à 
des  épées  en  bronze. 

Je  puis  accroître  de  deux  unités  la  statistique  que 
vous  avez  commencée. 

L'une  des  bouterolles  qui  vous  sont  inconnues 
(llg.  F)  a  été  recueillie  en  18 îO,  dans  le  département 
de  l'Ain,  à  Dompierrc,  où  on  a  mis  au  jour  de 
nombreuses  antiquités  en  bronze  de  facture  éminem- 
ment archaïque.  On  ne  sait  rien  des  conditions 
spéciales  de  sa  découverte,  ni  de  l'épéc  dont  elle  a  termiaé  le  four- 


reau. Elle  fait  actuellement  partie  de  la  belle  collection  que  la  ville 
d'Orléans  doit  à  la  munilicence  de  M.  le  vicaire  général  Desnoyers. 
Sans  ressembler  exactement  à  celle  que  M.  Lehman  vous  a  cédée, 
elle  appartient  cependant  au  même  groupe.  Elle  trahit  une  re- 
cherche plus  grande  de  l'élégance  en  même  temps  qu'une  meilleure 
entente  de  ce  qui  phiil  au  regard  sans  préjudicier  au  mérile  utili- 
taire. L'élargissement  de  sa  base,  harmonieusement  délimitée  par 
trois  lignes  courbes  se  développant  dans  une  direction  diirérente,  ne 
XXXIX.  21 


non 


P 


p 


Il I-VIF.    Anr.FI LOLOliluU F. . 

l'st  rôviilonlc  tlémonsli-alion.  Il 
en  esUle  mûmo  de  In  forme  don- 
née aux  ailclk's.  Toul  en  reslanl 
soumise  aux  lois  de  la  syméuio 
proportionnelle,  leur  dispo.silion 
supprime,  par  une  abrévialiun 
inklligentc,  les  inconvénienis 
inévilahles  de  l'exlension  qui  e*l 
le  propre  de  ce  type  de  boute- 
rolles.  Elle  est,  sous  ce  rapport, 
le  perfeclionncmcnt  1res  réussi 
des  intenliuns(pii  s'accusent  dans 
le  spécimen  compris  dans  voire 
nomenclature  cl  découvert  à 
.  Oucmiyny  (Cùto-d'Or),  dans  l'un 
des  lunmlus  do  Gosne. 

On  remarque  qu'à  l'inverse  de 
votre  bouterolle,  ou  de  celle  dont 
je  vais  parler,  elle  n'avait  point 
été    perforée    transversalement 
p,  pour  le  passage  de  rivets  devant 

la  Uxer  au  bois  du  fourreau.  On 
se  demande  dés  lors  comment 
elle  y  demeurait  attachée.  La 
simple  introduction  à  frottement 
n'ayant  pu  la  maintenir  d'une 
fa{;on  durable,  on  suppose  volon- 
tiers rinlervenlion  de  ces  (ils  de 
bronze  dont  la  bouterolle  Leh- 
man a  conservé  (|uel(|ues  vesti- 
ges. Le  double  méplat  ovalaire 
(|ui  termine  les  ailettes  en  cou- 
pant leur  plan  général  ;\  angle 
droit  aurait  été  pour  eux  un 
moyen  commode  d'arrôl  et  de 
lixilé;  mais  je  dois  déclarer  (|ue, 
s'ils  ont  lîxisté,  il  n'en  subsiste 
aucune  trace  sur  la  partie  du  mê- 
lai iju'ils  aui aient  recouverte. 

Ma  seconde  bouterolle  (Tig.  10 
est  encore  jilus  Intéressante.  Kilo 
r.'ii!    p;irlii'  ilu   liche   r;iliiii('l  de 


AnCFIKOI.OGIE   r.AULOISK.  'AOl 

M.  L.  Vallonlin,  ju;îc  d'inslruclion  à  Montéllmar,  qui  m'a  In  s  obli- 
geammcnl  permis  de  la  dessiner  avec  la  m3{,'nill(iue  «'■pée  en  bronze 
à  laquelle  elle  élail  associée.  Kpée  el  houlerolle  ont  été  lenconlrées 
ensemble,  en  ISîili,  à  La  Laupie,  canlon  de  .Marsanne  (Drùmej,  au 
cours  de  Iravaux  agricoles.  Des  ossements  et  des  fragments  de  poterie, 
qui  gisaient  au  même  lieu,  autorisent  à  penser  qu'elles  avaient  été 
déposées  dans  une  sépulture  (1;. 

Cette  deuxième  boutcrolle  se  rapproche  plus  que  celle  de  M.  l'abbé 
Desnoyers  du  type  que  vous  avez  mis  en  relief.  Rlle  est  encore  plus 
voisine  peut-èlre  de  celle  que  Yon  Sacken  a  reproduite  sous  le  u"  10 
de  la  19^  planche  de  son  mémoire  sur  le  cimetière  de  llallstatl.  Moins 
soucieux  de  l'élégance  et  de  la  commodité  des  courbes  resserrées 
dans  un  étroit  esfiace,  son  fabricant  a  résolument  pris  son  parti  delà 
projection  traditionnelle  des  ailettes.  Il  n'a  môme  pas  cherché  à  en 
atténuer  l'incommodité  en  dirigeant  leur  expansion  dans  le  sens  de 
la  hauteur  comme  dans  la  bouteroUe  Lehman.  Il  les  a  maintenues 
horizontales  sur  dix  centimètres  de  longueur  de  chaque  côté,  avec 
une  rigueur  de  principe  autorisant  à  croire  que  le  fourreau  muni 
d'un  semblable  appendice  devait  tout  accrocher  de  la  façon  la  plus 
gênante. 

La  découverte  de  La  Laupie  atténue  un  peu  la  portée  de  vos  in- 
ductions comparatives.  La  boutcrolle  qu'elle  a  fournie  protégeait 
en  elTet,  comme  celle  du  tumulus  de  Barésia  (Jura)  et  comme  celles 
d'Allemagne^  la  pointe  d'une  épée  m  bronze.  Cette  épée,  d'une 
admirable  conservation,  est  à  cranS;  à  arête  mousse,  et  à  nervure 
marginale  ('ig.  G).  Elle  rentre  très  nettement  dans  cette  série  pri- 
mordiale d'armes  en  métal  qui  a  propagé  jusque  sur  le  territoire 
transalpin  l'iiilluence  de  r(3rient.  Elle  présente  un  double  taillant  et 
mesure  une  longueur  totale  de  0"\78.  Si  sa  lame,  rétrécie  au-des- 
sous des  crans  et  s'élargissant  ensuite  pour  se  rétrécir  encore  avant 
de  finir  en  une  pointe  obtuse,  mérite  d'être  remarquée,  sa  soie,  dont 
toutes  les  particularités  et  les  contours  sont  demeurés  intacts,  est 
encore  plus  digne  d'arrêter  l'attention. 

Longue  de  0'",12,  elle  est  plate  et  élargie.  Sa  configuration 
sinueuse  laisse  supposer  qu'elle  n'a  pas  été  faite  pour  se  perdre 
dans  une  massive  poignée  de  métal  l'enveloppant  de  toutes  parts.  Il 
est  vraisemblable  qu'en  outre  du  volumineux  pommeau  à  incrusta- 
tions qu'a  fait  connaître  la  station  de  Hallstatt,  elle  comportait  sur 

(1)  Voyez  l'Arrondissement  de  Montélimar  nrant  l'hi^ioire,  par  Florian  Vallen- 
tin;  discours  de  réception  à  l'Académie  delphiualc.  Grenoble,  1879. 


308  nr.viT.  AncuROLor.iouF. 

chnriino  dfi  ?os  fnros  un  iil.irnçrc  d'ivoiro,  de  conu'  ou  do  liois  dur. 
I/aillit^riMir.'  on  l'iail  i,'ar;intK'  par  los  (|uatri3  rivets  disposùs  en 
Irimplo  (ini  la  traversent  encoro  ci  parce  ressaut  d'épaisseur  s'al- 
longeant  vers  sa  partie  initiale  sniis  forme  de  elievron  très  aipu. 

Ce  type  d'épée  en  liron/.e,  assez  fréquent  en  Alleniaf^ne  et  en  Au- 
Irichc  dans  la  vallée  du  Danube,  est  {'{paiement  ronnu  en  France. 
Il  y  est  notamment  représenté  par  l'épéo  du  tuniuhis  de  Harésja, 
par  celle  de  la  sépulture  inéi^alithiquo  de  reyro-Levado(l),  par  les 
épécs  recueillies  dans  la  Satine  cl  dans  la  Seine  et  conservées  au 
Musée  d'artillerie,  f/estde  lui  (jue  procèdent  ces  épécs  en  fer  do  nos 
luniulusde  lîourgogne  dans  lesiiuellcs  je  n'hésite  pas  à  voir  la  spa- 
tha,  mentionnée  par  Diodore  et  par  Tile-Live  comme  une  arme  essen- 
tiellement gauloise. 

Ainsi  que  je  l'ai  dit,  en  1872,  dans  ma  note  sur  les  sépultures  de 
Veuxhaulles,  ces  longues  épées  en  fer  ne  sont  que  la  reproduction 
des  épées  en  bronze  en  un  métal  nouveau.  Elles  témoignent  ainsi 
de  la  substitution  lente,  progressive  et  sans  secousse  du  fer  au 
bronze,  en  prouvant  qu'on  a  continué,  tout  en  employant  le  fer,  à 
respecter  des  formes  consacrées  par  un  long  usage  et  protégées  par 
la  faveur  universelle.  C'est  une  application,  sur  le  terrain  de  l'ar- 
chéologie, de  la  grande  loi  naturelle  de  l'évolution.  Constatons-le, 
mon  cher  Directeur,  pour  la  plus  grande  gloire  des  données  positi- 
vistes et  des  méthoile>  scientifiques,  que  plusieurs  de  nos  confrères 
recommandent  si  fort  à  nos  égards.  Je  crois  pouvoirleur  donner,  sans 
inconvénient,  cette  marque  de  bon  vouloir. 

Sur  cet  hommage  rendu  à  la  philosophie  de  leur  science,  je  prends 
congé  de  vous  en  vous  renouvelant  la  cordiale  assurance  de  mon 
dévouement. 

Eu.  Flol'est. 

(1)  A  Miere  (Lot),  voir  l'Essai  sur  les  dolmens  de  M.  de  Bonstetten. 


LA 


MÉDECINE   PUBLIQUE 


L'ANTIQUITE  GRECQUE 

Suite  (1). 


IV 


De  loul  temps,  les  médecins  grecs  ont  possédé  deux  sortes  d'aides 
(uTrripôW.,  en  lalin  ministri)  (2):  les  aides-élèves  ou  disciples  (jv-aOr,- 
Ta(),  appelés  encore    aides  libres  (iXeûOepot),   et  les  aides-esclaves 

(ooûXoi). 

Ces  deux  sortes  d'aides,  qu'on  appelait  aussi  «  médecins»,  dit 
Plalon  (31,  bien  qu'ils  ne  le  fussent  pas,  apprenaient  l'art  sous  la  di- 
rection du  maître  (xotr'  s-rrÎTa^iv  tôW  SeffTioxîov)  ;  les  premiers,  les  élèves, 
par  l'étude  (ôecopîav)  ;  les  seconds,  les  esclaves,  par  routine  (xa?*  eu.» 

TTSipt'av). 

Examinons  d'abord  la  première  classe  de  ces  aides,  à  savoir  les  aides- 
élèves. 

L'enseignement  médical,  en  Grèce,  a  toujours  eu  le  caractère  d'un 
enseignement  privé,  essentiellement  domestique,  et,  il  ne  faut  pas 
s'y  tromper,  dans  les  écoles  médicales  de  la  Grèce,  de  la  Sicile,  de 


(1)  Voir  les  numéros  de  février  et  avril. 

(2)  Ilipp.,  M.  Littré,  t.  Ul,  p.  27G,  Demed.  off. 

(3)  Plat.,  De  lerjib.,  lib.  IV,  §  720. 


310  nF.vuF,  AiicnÉoi.or.iQUE. 

la  (îrando  (irèce,  à  Cos,  i\  Cnido,  etc.,  renseignement  n'a  jamais  élé 

autre. 

Tout  jeune  homme,  dt'  condition  libre,  (juise  destinait  à  la  profes- 
sion mt'dirale,clioisissaitun  médecin,  con  tractait  un  engagement  (i) 
avec  lui,  s'installait  dans  son  ofllcine,  rommc  nous  avons  vu  Tiniar- 
que  s'installer  dans  l'ullicine  d'Euthydiijue,  et  là,  en  (lualilû  d'aide- 
élève,  commençait,  30us  l'mil  du  maître,  son  éducation  médi- 
cal e. 

Il  s'exerçait  au  maniement  des  instruments  disposés  dans  l'olli- 
cine  (2i  ;  il  étudiait  les  maladies  qui  y  étaient  soignées  (3)  cl  les  modes 
de  traitement  employés;  il  aidait  le  maître  dans  les  opérations  chi- 
rurgicales, et  apprenait  aussi  les  manipulations  pharmaceuliiiues. 
D'un  autre  côté,  II  accompagnait  le  maître  dans  les  visites  au  dehors  (4); 
il  pouvait  élr(>,en  tempsd'épidéniie,  envoyé, lui  et  Usautresdisciples, 
partout  où  le  mailre  jugeait  leur  présence  nécessaire  (a);  quand  il  avait 
enfin  acquis  une  certaine  expérience  de  l'art,  il  élait,  en  cas  de  né- 
cessité, laissé  seul  auprès  des  malades,  et  jouait  le  rôle  de  l'élève  de 
garde  actuel,  le  maîlre  confiant  à  son  initiative  le  soin  «  d'ajouter 
quelque  chose  au  traitement  si  l'utilité  en  sur^enait  (6)  ».  C'est  a 
cette  période  ultime  de  son  éducation  qu'il  pouvait  élre  envoyé  par 
lemaîlre,surloutsicelui-ciélailâgéet  possédait  une  nombreuse  clien- 
tèle, pour  visiter  à  sa  place  les  malades  de  condition  libre,  princi- 
palement ]v<  malades  très  éloignés. 

Son  éducation  terminée,  il  prononçait  solennellement  la  formule 
du  serment,  et  prenait  rang  parmi  les  médecins. 

Tel  était  le  mode  d'enseignement  adopté,  et  nous  trouvons,  dans  le 
passage  de  Xénophon  ipie  nous  avons  cilé  au  sujet  des  discours  de 
candidature  des  médecins  publics,  la  confirmation  de  l'existence  de 
cette  méthode  d'enseignement  médical  dans  les  cités  grecques. 

D'autre  part,  il  est  absolument  certain  (lue  cet  enseignement 
n'était  pas,  le  plus  souvent,  gratuit  ;  et  la  preuve  que  le  médecin 
qui  enseignait  l'art  avait  L'én.'ialement  grand  soin  de  se  faiie  payer 
par  lo  disciple  se  trouve  dans  deux  passages  liés  précis  des  écrits  de 

(1)  HvYi'f/içr, ,  voir  lo  tPxie  dn  Serment. 

(2)  Hipp.,  éd.  Liltré,  l.  IX,  Du  mi'ilcin,  ^  0. 
(3j  Hipp.,  éd.  I.itlré,  l.  IX,  Dumddecin,  %  3. 

tu.  Cela  S"  r.iisiiit  cnrorc  du  temps  de  (lalicn  :  voir  ilnlen.,  np.  cil.,  rie  Prœcogni- 
tinnty  c.  I. 

(5)  Voir  le  di-crct  récompensant  Ilippocrali',  ui  cd,  i-illnj,  t  IX,  p.  /lOl,  et  Pline, 
//.  A'.,lib.  VII,  cap. 37. 

'6»  Bicnsinnr.c,  loc.  cit.,  f^  17. 


LA    MHDECINR    PUnMQUR    DANS    l'aNTIOUITI';    GIUXQL'R.  HH 

Plalnn,  l'un  clans  le  .)frnon  (i),  l'aulre  dans  li;  Protarjonis  (i).  Il  n'y 
avait  qu'nno  cxcoplion  ;\  celle  rt^gle,  c'est  celle  qui  est  mentionnée 
dans  le  Serment,  et  a£,Tôéc  par  le  récipidndairedans  les  termes  sui- 
vants : 

« Ji3  tiendrai  les  enfants  (il.>  mon  maître  en  médecine)  pour 

des  frères,  et,  s'ils  désirent  apprendre  la  médecine,  ,ji'  la  leur  ensei- 
gnerai sans  salaire  ni  engagement....  Ci).  » 

Or,  on  pense  bien  que  dans  toute  cité  grecque  le  médecin  public 
avait  des  disciples  (4)  :  ceux-ci  en  cfTel  devaicnl  rechercher  particu- 
lièrement son  enseignement,  d'abord  parce  que  ce  médecin,  ayant 
été  choisi  par  l'assemblée  du  peuple  parmi  de  nombreux  concur- 
rents, devait  jouir  d'une  certaine  réputation,  ensuite  parce  que  sa 
très  nombreuse  clientèle  et  son  ofTicine  publique  bien  garnie  don- 
naient à  l'élève  toute  facilité  pour  beaucoup  voir  et  beaucoup  ap- 
prendre. La  preuve,  d'ailleurs,  que  le  médecin  public  avait  des  dis- 
ciples se  trouve  dan.s  les  Aclidniiens  d'Aristophane,  au  passage  que 
nous  avons  déjà  signalé  et  dans  lequel  Dicèopolis  répond  à  Lama- 
chus  :  «  Je  ne  suis  pas  médecin  public,  adresse-toi  aux  disciples  de 
Pittalus.  »  On  voit  donc  que  PiKalus,  qui  représente  ici  le  médecin 
public,  avait  des  disciples  ;  il  est  hors  de  doute  que  ces  disciples  lui 
payaient  son  enseignement,  et  nous  trouvons  là  une  première  source 
de  bénéfices,  qui  permettait  aux  médecins  publics  d'augmenter  légi- 
timement le  maigre  traitement  qui  leur  était  dévolu  par  la  cité. 

Il  en  était  une  deuxième,  que  nous  allons  maintenant  rechercher, 
et,  à  cette  fin,  il  nous  faut  parler  de  la  seconde  classe  d'aides  pos- 
sédés par  le  médecin,  à  savoir  des  aides-esclaves. 

Les  magistrats  d'Athènes  ayant  fait  une  loi  défendant  sévèrement 
aux  femmes  et  aux  esclaves  d'exercer  la  médecine  [o],  ces  esclaves 
n'ét.iient  pas,  comme  les  disciples,  destinés  à  devenir  médecins  ;  tou- 
tefois, comme  ils  aidaient  constamment  le  médecin  dans  tout  ce  qui 
se  pratiquait  dans  l'intérieur  de  l'onicine,  dans  les  opérations  chirur- 
gicales, dans  les  préparations  pharmaceutiques,  etc.,  ils  acquéraient 

(1)  Plat.,  Mono,  cap,  xxvii,  C.  D. 

(2)  Id.,  Pnjtdf/.,  cap.  iii. 

(3)  Ce  mode  antique  d'enseignement  médical  domestique  se  retrouve  daus  les 
lois  des  Wisigoths  [Leg.  Wixigoth.,  lib.  XI,  sect.  7). 

(4)  D'après  M.  Dechambre  [Gaz.  hehd.  méd.  chiv.,  cet.  1879),  qui  cite  les  méde- 
cins de  Marseille  dont  parle  Strabon,  le  médecin  public  ne  tarda  guère  à  ètnobiïgé 
d'enseigner  l'art. 

(5)  Hygin,  Fabul.,  cap.  cclxxiv. 


312  IIKVUi:    ARCMKOLOGIQUK. 

h  la  longiio,  dit  Plnton,  a|),ir  niu>  rxpérionce  roulmitMT  qui  érjuiva- 
lailùla  science  acquise  par  rtHiule  »,  une  certaine  lialiilude  de 
trailer  les  malades  :  c'est  par  ces  considt'rations  qu'on  sexpliijue 
pourquoi,  dans  le  récit  d'Ilùrodole,  Démocède  de  Crolonc,  réduit  en 
servitude,  cachait  sa  profession  de  médecin  (pi'il  n'avait  plus,  étant 
devenu  esclave,  le  ilroit  d'exercer  ouveitemeni,  et  répondait  à  Da- 
rius, après  maintes  hésitations,  «  (]u'il  avait  pris  simplement  une 
légère  teinture  île  l'art  en  fréquentant  les  médecins  ». 

Une  des  inscriptions  (ralïianchissemenl  (i)  trouvées  à    Delphes 
par  .M.  Foucart  nous  montre  un  certain  Denis,  médecin,  qui  vend 
au  dieu  (Apollon)  son  esclave  Damon,  mais  en  stijiulaiit  (juc  pen- 
dant cinq  ans  encore  cet  esclave  l'aidera   «  à  exercer  la  médecine  » 
(<njviaTpeu£Tto  {xet'    «Otoù)  ,    moyennant    la  nourriture    et   l'hahille- 
mcnt.  Cette  inscription  nous  intéresse  h  un  double  titre  :  d'altord, 
elle  nous  conlirme  dans  l'opinion  que  tout  médecin  en  Grèce  possé- 
dait et  entretenait  des  aides-esclaves;  conséquemment  le  médecin 
public,  qui  plus  que  tout  autre  médecin  était  chargé  de  travail,  en 
possédait  également;  mais,  comme  ce  personnel  domestique  devait 
être  nombreux  pourlesbesoinsdu  vaste  mf/ mm  de  la  ville,  nous  avons 
dit  et  l'o»  peut  raisonnablement  admctlie  que  les  aides-esclaves  du 
médecin  public  n'étaient  autres  que  des  esclaves  publics  entretenus 
par  la  cité  et  mis  par  elle  Ix  la  disposition  du  médecin.  Celte  insciip- 
lion  nous  montre  ensuite  que  ces  esclaves  aidaient  réellement  le  mé- 
decin «à  exercer  la  médecine  »,  mais  dans  des  conditions  toutes  spé- 
ciales que  Platon,  dans  sesloj.s,  nous  a,  comme  nous  l'avons  vu  déjà, 
nettement  délinies  en  ces  termes  :  «  Généralement  les  aides-escla- 
ves soignent  les  esclaves.,  soit  dans  les  visites  en  ville,  soit  dansl'ia- 
trium  »,  et  il  est  si  vrai  que  leur  tâche  vraiment  médicale  se  bornait 
à  soigner  les  esclaves,  que  Platon  ajoute  : 

((  C'est  par  là  qu'ils  rendent  plus  facile  à  leur  maître  la  tâche  de 
soigner  les  malades.  >■ 

xai  paaTiovr,v  outo)  to)  otar^ôrr^  'j:»fa(jX£uâCei  Twv  xaixvo'vTtov  tt,;  £7:1- 

|xtAe(a; . 

Ilesllrèsvraiccpendantque,  lorsque  ces  aides-esclaves  changeaient 
de  maître,  c'est-à-dire  (juitiaient  le  médecin  pour  éiro  vendus  à  un 
simple  particulier,  celui-ci  pouvait,  jiar  avarice,  h;  servir  ù  son  pro- 

(1)  Insrr.  Delph.,  n»  2.Ti,  np.  al.  —Ce  D^nis  n'est  nullement  un  médecin  puljlic 
comme  l'admet  M.  Foucarl. 


I.A    MKDF.Cl.NK    l'UllMoUK    DANS    l'aNTIOUITK    (;UI'.(:nL'i:.  'i)'A 

fit  de  leurs  connaissances  médicales;  nous  en  trouvons  la  prouve 
dans  le  propos  tenu  par  Diogône,  esclave,  à  Xéniades  qui  vient  de 
l'acheter:  «  Si  j'étais  médccin-iisriave,  tu  serais,  quoique  tu  sois 
mon  maître,  bien  obligé  de  m'obéir  (1).  »  Mais  la  médecine  exercée 
par  ces  esclaves,  dans  ces  conditions,  était,  on  le  voit,  toute  domes- 
tique, et,  en  Grèce  du  moins,  cette  pratique  ne  leur  conférait  aucu- 
nement et  ne  leur  a  jamais  conféré,  comme  on  le  croit  i\  tort,  Icijioil 
d'exercer  ouvertement  et  publiquement  cette  profession  (2). 

il  faut  donc  reconnaître  que  c'était  une  coutume  en  Grèce  pour 
tous  les  médecins  de  posséder  des  aides-esclaves  qui  avaient,  entre 
autres  fonctions,  celle  de  soigner  les  esclaves  malades,  et  il  faut 
bien  se  garder  de  voir  dans  cette  coutume,  comme  le  pense  ;\  tort 
M.  Foucart  dans  son  commentaire  sur  cette  inscription,  un  moyen 
déloyal  employé  par  certains  médecins  pour  diminuer  leurs  travaux 
en  envoyant  ces  aides-esclaves  faire  des  visites  à  leur  place. 

Deux  raisons  d'ailleurs  peuvent  être  invoquées,  qui  expliquent 
cette  coutume  : 

La  première,  applicable  à  tous  les  médecins,  c'est  que  ceux-ci,  en 
Grèce,  étant  toujours  de  condition  libre,  ne  voulaient  pas,  -—obéissant 
en  cela  au  préjugé  qui  a  régné  dans  toute  l'antiquité,  —  s'abaisser 
jusqu'à  soigner  eux-mêmes  des  malades  de  condition  servile.  La 
deuxième,  applicable  spécialement  au  médecin  public,  c'est  qu'en 
l'éalité  celui-ci  ne  devait  personnellement  aucun  soin  aux  esclaves 
malades  :  ceux-ci  en  elTet,  ne  comptant  pas  dans  les  cités  au  nombre 
des  citoyens  (et  conséquemment  aucun  d'eux  ne  payant  la  contri- 
bution nommée  iatricon),  n'avaient  aucun  droit  aux  secours  du 
médecin  public,  et  si  celui-ci  consentait,  comme  les  médecins  ordi- 
naires, à  les  faire  soigner  par  ses  aides-esclaves,  soit  en  ville,  soit 
dans  ['iatrium,  c'est  certainement  qu'il  avait  été  requis  de  le  faire 
par  le  maître  de  l'esclave  et  moyennant  un  salaire  convenu. 

Noustrouvonsdonc  là  une  deuxième  source  de  bénèficeslégitimcs, 
qui  permettait  au  médecin  public  d'augmenter  le  modique  traite- 
ment qui  lui  était  alloué  par  la  cité. 

Si  l'on  ajoute  à  ces  ressources  les  dons,  soit  en  nature,  soit  pécu- 


(1)  Diog.  Laërt.,  lib.  VI,  2,  4  (30),  Diogen.  —  Diogène  veut  dire  à  Xéniades  :  «  Si 
j'avais  appris  chez  mon  ancien  maître  la  médecine  en  qualité  d'aide-esclave,  tu 
serais,  toi,  mon  nouveau  maître,  si  tu  tombais  malade  et  que  tu  voulusses  me  con- 
sulter, bien  obligé,  quoique  mon  maître,  d'obéir  à  mes  prescriptions.  » 

(2)  Ces  aides-esclaves  ou  médecins-esclaves  sont  absolument  comparables  aux 
«  medici  domestici  »  des  familles  d'esclaves  chez  les  Romains. 


314  REVUE  AncuéoLor.iQUR. 

niaires,  que  le  mfiltvin  puMir  ne  pouvait  mnnqiior  pnrfnis  de  rece- 
Toir  ri  pouvait  li^pilimonionl  arceplor  soit  de  riches  étrangers  ç^nà- 
ris  par  ses  soins  d'une  alTeclion  grave,  soil  de  citoyens  au.\(juelsil 
avait  su  ronserver  quehjue  esrlavc  de  prix,  on  comprendra  que  ce 
médecin  se  trouvait  en  déliiiitive  dans  une  situation  (lu'on  jiourrait 
di''finir  :  «  une  modeste  aisance»,  presque  «  une  honorable  pau- 

?r('(t''  ". 

Maintenant,  on  peu!  se  demander  comment  il  se  pouvait  faire  qu'un 
emploi  aussi  peu  rétriltué  fiM  recherché,  comme  nous  l'avons  dit, 
avec  tant  d'empressement.  Sans  doute,  il  serait  injuste  de  méconnaî- 
tre l'influence  do  ces  sentiments  de  clnrit(^  si  naturels  à  l'homme 
et  qui  devaient  pousser  les  méilecins  grecs  h  prolitor  d'une  occasion 
si  favorable  de  mettre  en  pratique  les  nobles  préceptes  de  désinté- 
ressement imposés  par  le  Père  de  la  médecine;  mais  il  y  a  un  mtttif 
plusn'eK  nous  dirions  volontiers  ((plus  humain»,  qui  iléterininait  les 
candidats  :  c'est  que  l'emploi  de  médecin  public,  indépendamment 
des  immunités  qu'il  conférai!,  était  revêtu  d'un  caractère  essentiel- 
lement honorifique,  comme  constituant  une  liranche  importante  des 
services  publics;  c'est,  autrement  dit,  que  le  médecin  public  prenait 
rang  parmi  ceux  qui,  selon  l'expression  de  Xénophon,  «ad  laberna- 
culum  publicum  pertinent»  (ot  tiecI  8a|/.oi(av). 

Tontes  les  cités  en  Oréce  paraissent  avoir  eu  des  médecins  publics  ; 
ainsi  nous  en  avons  trouvé  h  Athènes (I);  h's  villes  moins  importantes, 
comme  Delphes,  Egiiie,en  possédaient  également  ;  HcNcniite,  qui 
n'était  (ju'un  simple  «  dôme  »  de  l'Ile  do  Carpathos,  possédait  un  mé- 
decin pul)lic.  Mais,  quelle  que  fût  l'importance  de  la  cité,  il  parait  cer- 
tain que  celle-ci  n'en  a  jamais  possédé  qu'un  à  la  fois,  et  c'est  ce 
qu'il  est  aisé  d'établir. 

Kn  elTct,  ettout  d'abord,  il  est  peu  admissible  que  les  cités  fussent 
cnétatde  mettre  plusieurs  ollicines  pubUipies  à  la  disposition  de  plu- 
sieurs médecins,  et  moins  admissible  encore  i\\u'  plusieurs  méde- 
cins fussent  disposés  à  se  partager  le  modique  trait. 'incnt  alloué,  déjfi 
insullisant  pour  un  seul  médecin. 

D'un  autre  cAlé,  dans  le  passage  du  Goryins  que  nous  avons  cité 
au  sujet  «h-  l'élection  des  médecins  publics  à  Athènes.  IMatou  dit  ex- 
pressément qu'on  doit  élire  «  le  plus  habile  »  (Tt/viw.'.caTov)  ;  l'ialon 
ne  dit  pas  «  les  plus  habiles  ». 

(1;  Il  est  fort  possible  que  le  médecin  Byractmain  qui,  A  MtVaro,  au  rapport  do 
Xénophon  (//l.»^  r/rrrc,  V,  6,  58),  pratiqua  sur  Ag<5^^a8  la  caignée  du  pied  filt  un 
médecin  public. 


LA    MKDKCINE   PUBLIQUE   PANS   l/ANTInlIITK   (JHKCnUr:.  .Tlii 

D'autre  pari,  dan»  une  inscription  quo  nous  rapporterons  plus  loin 
nous  voyon;  le,  iiK^dcrin  pulilic  Mônonriti;  loué  pour  son  empresse- 
ment h  soij^ncr  non  seulcuKînt  les  citoyens  habitant  (Lms  l'enceinte 
mftino  (le  la  cil*'!,  mais  encore  les  malades  des  faubourgs  etmAme  les 
élrant^crs  (ce  qui  pcniiet  de  eouclure  qu'il  n'y  avait  pour  la  citr  en- 
ti«'îre(|u'uu  seul  eluni(iucmédecin  public).  Une  autre  inscription  loue 
l'Argien  Kvenor  pour  avoir  soitjné  un  grand  noFuhre  de  citoyens  et 
mAme  (r(''lranu;<'rs  habitant  Athènes.  Or,  en  rrrompensnnt  ces  méde- 
cins dûvou(^s,  les  décrets  ijue  ces  inscriptions  nous  ont  conservés 
indiquent  implicitement  que  leur  tAche  était  lourde,  et  si  elle  était 
lourde,  c'ist  à  coup  sûr  iju'ils  l'ont  riccomplie  seuls,  sans  partager  le 
l'urdeau  avec  un  autre  confrère  public. 

D'ailbniis,  la  restitution  et  l'interprétation  que  nous  proposons 
plus  loin  pour  la  lacune  de  la  ligne  17  de  l'inscription  de  Carpathos 
viennent,  étant  jusliliées  de  tout  point,  à  l'appui  de  ce  que  nous 
avançons. 


Nous  venons  de  montrer  que  la  tâche  des  médecins  publics,  lâche 
pénible  et  mal  rétribuée,  constituait  une  mission  presque  tout  en- 
tière de  dévouement  et  de  désintéressement  ;  c'est  dire  que  la  con- 
sidération et  la  reconnaissance  des  citoyens  étaient  acquises  à  tous 
ces  médecins.  Quelques  médecins  publics,  cependant,  poussant  le  zèle 
aux  plus  extrêmes  limites  que  puisse  atteindre  un  cœur  plein  d'hu- 
manité, ont  mérité  des  récompenses  exceptionnelles,  dont  les  mar- 
bres nous  ont  conservé  la  mention. 

Il  est  remarquable  que,  aussi  loin  que  remontent  dans  l'histoire 
les  documents  concernant  le  peuple  grec,  on  trouve  la  profession 
médicale  toujours  honorée  et  souvent  récompensée. 

Ouvrons  VIliade  :  est-ce  que,  dans  cette  magnifique  épopée,  cha- 
que page  qui  fait  mention  des  chirurgiens  n'est  pas  une  page  qui  cé- 
lèbre le  savoir  et  l'habileté  des  vaillants  fils  d'Esculape?  et  quel 
éloge  pour  leur  dévouement,  quelle  récompense  pour  leur  zèle,  que 
cet  effroi  qui  saisit  l'armée  des  Grecs  à  la  seule  pensée  que  Machaon 
a  pu  être  tué(l)! 

Examinons  les  documents  épigraphiques.  Oue  dit  l'inscription  bi- 

(1)  Iliade,  v.  b06  et  âuiv.  du  iiv.  Xl^  que  nous  considérons  comme  authentique. 


316  IIKMK    AHCHÈOLOfilOUK. 

lingue  (le  1.1  fanuMiso  lablc  (U»l)ronzp  d'Idalion  (1)  gravi'o  au  v°  sio- 
cle  avaul  notre  èro  ?  Kilo  nitMitionnc  les  rtVoniponses  publiiiucs  (som- 
mes d'ariî<Mit  ou  t(MTes  exemples  d'impôl)  accordées  au  médecin  Ona- 
silosel  àsi'saides  pour  avoir,  dans  les  combats,  soigné  gratuitement 
les  blessé>.  Que  dit  encore  celte  1res  curieuse  insiriplion   trouvée  ù 
Uhodiapolis  de  Lycie  (2)  ?  Elle  loue  le  médecin  Heraclite,  (jui  a 
donné  ù  ses  malades  dessoinsabsolumentj,'ratuits  (îaTpeûoavxa  irpoïxo). 
Parcourons  les  livres  liippocrnliques  :  nous  y  trouvons  le  célèbre  dé- 
cret albénien  qui,  pour  récompenser  le  dévouement  et  le  désintéres- 
sement d'IIippocrate  de  Ces,  le  Père  de  la  médecine,  ordonne: 
1°  Hu'il  sera  initié  aux  grands  mystères,  aux  frais  de  l'Ktat; 
2"  Qu'il  sera  couronné  d'une  couronne  d'or  de  la  valeur  de  mille 
pièces  d'or  ; 

3°  Que  le  couronnement  sera  proclamé,  lors  des  Grandes  Panalbé- 
nées,  dans  le  combat  gymnique  ; 
4"  Que  les  enfants  de  Cos  seront  admis  au  gymnase  d'Atbènes; 
')•■  Qu'llippocratc  enfin,  aussi  longtemps  qu'il  vivi-a,  aura  le  droit 
de  cité  et  la  nourriture  dans  le  Prytanée  (3). 

Recherchons  enlln  les  documents  qui  concernent  spécialement 
les  médecins  publics:  ici  encore  nous  allons  voir  par  quelles  récom- 
penses éclatantes  lepeui)legrec  savait  reconnaître  un  dévouement 
exceptionnel. 

On  trouve,  au  n"  378  des  Anli<iuHvs  hcll(^niiiues  dr  Hhangaljé,  la 
copie  d'une  inscriiition (décret  athénien)  mentionnant  les  récompen- 
ses accordées  au  médecin  Evenor,  llls  d'Evépias,  Argien,  «  pour 
avoir  guéri  un  grand  nombre  de  citoyens  et  d'étrangers  liabil;inlla 
cité,  et  parce  (jue,  préposé  par  le  peu  [île  pour  la  préparation  des  mé- 
dicaments, il  a  dépensé  un  talent  à  ce  service.  » 

ycr'uiiJLOv  £auTOV  7:apeV/T,x£v  xaTa  r^.v  T£/vr,v,  r.olloù^  c,ï  Î3to  Toia  itoXi- 
tÔ)v  xai  Twv  aXXo)v  rôiv  èvoixoûvTwv  TÎj  itoXei,  xat  vvîv  îtcI  twv  «papuaxtov  aîpe- 
Os'i;  TT,v  TTapaTXE'jr.v,  TolÀaVTOv  àrrjXoxrtv. 

T  Voir  Moriz  Schmidt,  Die  Inschrift  von  lilolinn,  léiia,  1R75;  rt  Dccckc  ol  Sic- 
Hismund,  ffir  uichtigilen  ki/i>nsc/ieti  Inschriftcn,  dans  le  Rocuoil  do  Curtius,  vol. 
XII,  p.  217  20'i,  Leipzig,  1875.  Ce  précieux  document  seniblc  'comme  bi<n  d'autres, 
comme  le»papyru»  médicaux  égyptiens  clc.)  ûtrc  pasié  à  peu  prîs  innpcrru  dans 
le  monde  médical. 

(3)  Ln  Dm,  Voy.  firrhiiol.,  part.  V,  Asie  Mineure,  inscr.  1330,  et  L'orp.  Inscr. 
Grrrc,  6315  n.,  p.  Ilfi8. 

'3;  Ilipp.,  éd.  Liilré,  t.  IX,  p.  ûOl.  —  Le  décret  commence  par  la  formule  ordi- 
niirc  :    'EJo;t  '^%  flo-j/f;  xat  T<r.  fjt,\u.>  nLv   'A'>r,va((ov,  etc. 


LA   MÉDECINE   PUnLIQUR  DANS   L^NTIQUITÉ   CRRCQUr.  M17 

Or,  poui-  rûrnmptMiser  ce /(.'Icelccciésinléressement,  les  lionneurs 
suivants  sont  déL-crnôs  à  Evenor  : 

1"  L'éloge  public; 

2°  La  couronnt)  (1(3  fimiiiafîo  (OaXXovj  'JT^^avoî)  ; 

3"  Le  (ii'oil  de  cité  pour  lui  et  pour  ses  (lesccmJants,  avec  la  per- 
mission de  s'inscrire  dans  telle  tribu,  tel  dùiue  ou  telle  iiliralriefju'il 
voudra  ; 

4"  L'inscription  du  décret  sur  une  stèle  de  marbre  qui  sera  érigée 
dans  l'cnccinle  de  l'Acropole. 

Le  peuple  d'Athènes,  on  le  voit,  savait  récompenser  dignement 
le  médecin  public  qui  avait  bien  mérité  des  citoyens. 

Des  récompenses  plus  hautes  cependant  pouvaient  élredécernécs, 
comme  il  appert  de  l'inscription  de  Carpathos,  si  savamment  inter- 
prétée par  M.  Carie  Woscher  (1),  et  dont  voici,  à  cause  de  son  impor- 
tance exceptionnelle  et  d'après  cet  épigraphiste  consommé,  le  texte 
complet  et  la  traduction.  Nous  ferons  suivre  ce  document  de  quel- 
ques commentaires  nécessaires  : 

i ou  lipuxouvTio;  dr.t  •    'EreiS-J)  M'/iv[o- 

2.  xotjxo;  MïjTpoSwpou  ilaaior  osoaaofjisu- 

3.  xo)]c  tTr\  uTTsp  Ta  ay.oai  Ixtevcoç  te  xat  c&iXo- 

4.  Tijaw;  0£pa7:£uo)v  oiaTeTsXÉxEt  uâvraç, 

ri.  x]aTa  T£  xàv  Ij/Treipiav  xat  xàv  aXXav  iva- 

0.  (jjTiociàv  àv£Yx)ir,TOV  aiiTOV  Tap£(r//|Tai, 

7.  )v]oi|jLixaç  T£  oiaOé^to;  '{Z'JO[xi'v'x^  xa\  tioXXwv 

8.  £Î;  Toù;  £(7/[â]T0u[(;]  xivo-jvou;  lauscovrcov 

9.  où  (J.OVOV  Twv  8au.£Tav  àÀXà  xai  toÎv  Trapotxsuv- 

10.  TO)v  Tav  TTaaav  ÈxtevEiav  xa\  xaxoraOï'av 

11.  "TrapEyouLEVoç  TrapaiTio;  -^viôwEi  ra;  (70)t7iû[Î- 

12.  a;,  rpo  tou  te  aicOoOr^aEiv  oiaTCiScov  ev... 

13.  TToXXoùç  TWV  SajXYjTav  EV  £7:ixtvûuv[oi; 

14.  8iaOÉ(7SCl  Y^VOIIÉVOU;  £ffO)7£  IJL[l]!j6bv  o[û 

1o.      S£ça[jL£]vo;  £ij[voij.o}<;  te  xat  Stxjïio);  ?. 

16 OV  TÔÎV  XaT0tXeij[v]T01V   èv  TW  TTEptTroXLl'fi) 

17 ç  TTOCEuôaEvo;  StaTETEXs'xEt  •  ô'rto;  O'jv 

18.  x]al  Ô  SôtlAOÇ  0  BpuxouvTi'ojv  cpaivTiTat  Eu/api- 

19.  (TtJoç  xa\  Tobç  dtYaôoùç  rôiv  laTpwv  Tiixtov, 

20.  xuJpoiôÉvTOç  TOuÔE  TOu  'i/acpi'auLaTO;  •  AE'ooyOai 

(1)  Revue  archéologique,  1863,  p.  469.  La  ville  de  Bryconte  (Bpuxoj;?)  est  repré- 
sentée actuellement  par  les  ruines  de  BoujjYoûvra.  (\V.) 


3|t  nF.VUR    ARCIII^.OLOniOUF.. 

!21.  Tui]  ciiJK.)  tTraivt'dai  Mr.vôxpiTOv  MtiTioSwpofu 

22.  ^JoijUiov  X7.\  (Trtsavôiiai  y  puat'o)  (TTEÇ-avoi 

23.  x«j\  itafozvjaon  £v  t(T)  dtYwvi,  tôiv  'Aax)«a'ïïin- 

24.  w]v  Sri  6  ôâjjLo;  6  lipuxouvrlcov  traivîT  xa\ 
23.  ffTfi^avoT  /yaiii'i  <JT£^av(.)  I\ly)vdxiiTOv 

26.  Mr,Tpoû(OfOu  iauLiov  £[xzeipia;  ?vex«  xa\  x«Xo[xa 

27.  fMt;  •  Ê^éaTto  ol  My,voxp(T(;)  xai  el;  Ti;  rava- 

28.  YJjpEiÇ  TTixpaYÎvÊdOai  à;  cuvTeXouvxi  Upuxo-jvTi- 

29.  01  •  TO  Si  •ft^ôu.i'^O'i  Tï'XETijLa  elç  tÔv  (jT^ij>avov 

30.  TEXeaaTO)  6  Ta|xi'a;  •  usTa  û£  xiv  )i\j:ii)(jiv  ToùSfe 

31.  t]où  •|/a:p(<T(JLaTO;  IXs'ffOo)  6  Sîulo;  ■j;apa/p[r,[xa  l^va 

32.  «vSpa  •  6  û£  olpEOs{;  à[YY£i>>â]'70o)  £Vt[w](t[uv]«[xtw  ? 

33.  û]â(jL(.)  Tav  So'ffiv  Tou  (TTE^fiâvou  xai  (OOTE  àvaOs- 
3i.  (xeiv  si;  tÔ  hpôv  tou  IIoteioîvo;  toî»  IlopO|jLÎou 
3r»,  (îTixXav  XiOfvav  xai  àvaYpâl'ai  eî;  aùxàv  to 
30.  '{/âtpKJaa  xaOoTE  Ti[xar,Ei  ô  ôôtixoç  6  lipuxouvxlojv 

37.  MJr^vdxpiTOv  I\l7)Tpooc')pou  — âuiov  [£|JL7T£ipia]c 

38.  £V£;c£>'? 

((  (Un  lel),  citoyen  de  Bryconte,  a  dit  : 

(t  Attendu  que  Ménocrile,  fils  de  Môlrodorc,  de  Samos,  ayant  été 
médecin  iiublic  (oEcauLoaiEwo);)  pendant  plus  de  vingt  ans,  n'a  cessé 
de  soigner  tout  le  monde  avec  zèle  et  empressement;  que  dans  la  pra- 
tique de  son  art  {lu.-nç.i'x)  et  dans  le  reste  de  sa  conduite  il  s'est 
montré  irréprochable; 

«  [Attendu]  qu'une  peste  s'élant  déclarée  et  ayant  mis  en  danger 
la  vie  d'un  grand  nombre  non  seulement  de  citoyens,  mais  encore 
d'étrangers  doniiciliés  dans  la  cité,  Ménocrito,  à  force  de  soins  elde 
patience,  a  eu  la  plus  grande  part  au  rétablissement  de  la  santé  pu- 
blique; 

((  [Attendu]  qu'au  lieu  do  se  faire  payer  il  vit  dans  (la  pauvreté), 
et  qu'il  a  sauvé  beaucoup  de  citoyens  atteints  de  dangereuses  mala- 
dies, sans  accepter  de  salaire,  conformément  aux  loi»  et  à  la  justice  ; 
qu'il  n'a  jamais  hésité  à  faire  roule  (i>our  visiter  ceux)  des  citoyens 
qui  iiabitent  les  environs  de  la  ville  ; 

((  Pour  (pic  le  peuple  de  Hryconte  fasse  preuve,  lui  aussi,  de  re- 
connaissance en  rémunérant  par  des  honneurs  les  médecins  dignes 
d'éloges, 

«  Le  décret  ayant  été  ratifié, 

<i  11  a  plu  uu  peuple  do  IJrycontc  de  louer  Ménocrite,  fils  de  Métro- 
dorc,  de  Samos;  de  le  couronner  d'une  couronne  d'or  et  de  procla- 


LA    MKDRCINR   PUDLlyUE   DANS    l'aNTIOL'ITK   OnECOLF:,  :{lî) 

mer  aux  jeux  Esculapiens  que  le  peuple  de  Hryconte  loue  cl  cou- 
ronne d'une  couronne  d'or  Mênocrile,  lils  de  Môlrodorc,  de  Samo», 
à  cause  de  son  savoir  cl  de  sa  vertu  ;  (|u'il  soil  permis  à  Mênocrile 
d'assister  aux  fêtes  (jue  célèbrent  les  lirjconticns;  que  le  trésorier  pu- 
blic (6  Tajjiia;)  acquitte  la  dépense  faite  pour  la  couronne;  qu'après 
la  ralificalion  du  présent  décret  le  peuple  désigne  sui--le-cliami)  un 
citoyen  jijue  le  citoyen  désigné  annonce  au  peuple  assemblé  la  re- 
mise de  la  couronne;  qu'il  fasse  consacrer  et  ériger  dans  le  Icmple 
de  Neptune  l'orilimios  une  stèle  de  marbre  sur  la(|uelle  on  inscrira 
le  décret  par  kMjuel  le  peuple  de  Hryconle  honore  Mênocrile,  lils  de 
Mélrodore,  de  Saraos,  à  cause  de  son  savoir  (et  de  sa  vertu) » 

[Quelques  mots  manquent  à  la  lin  ;  le  préambule  de  l'acte  juanque 
égalcmenl,  le  marbre  ayant  été  brisé.] 

Voici  maintenant  quelques  observations  personnelles  au  sujet  de 
ce  document: 

On  voil  d'abord  que  le  médecin  public  devait  ses  soins  gratuits  ;\ 

tous  (ravra,-); 

Ensuite,  que  la  place  du  médecin  public  était  bien  au  milieu  des 
épidémies  qui  pouvaient  désoler  la  cilé,  el  Ton  voit  que  Mênocrile 
n'a  pas  déserté  ce  poste  périlleux  ; 

En  troisième  lieu,  que  Mênocrile,  au  lieu  d'envoyer  (comme  il  était 
en  droit  de  le  faire)  ses  aides-élèves,  ses  disciples,  visiter  les  mala- 
des des  faubourgs,  malades  de  condition  libre  mais  nombreux  el 
éloignés,  ou  encore  au  lieu  de  réclamer  pour  cette  lâche  l'assistance 
d'un  autre  confrère  public,  Mênocrile  les  allait  visiter  «  lul-môme  el 
lui  seul  »  ;  il  y  a,  par  suite  de  la  cassure  du  marbre,  une  lacune  ter- 
minée par  un  sigma  au  commencement  de  la  ligne  17  de  l'ins- 
criplion:  cette  lacune  doit  être,  selon  nous,  comblée  par  le  mot  aùro;. 
auquel  il  faut  attribuer  ici  la  signification  i)arliculiêre,  mentionnée 
dans  tous  les  lexiques,  de  «  seul,  n'étant  que  lui  seul  ». 

On  voit  enfin  que  Mênocrile  donnait  ses  soins  aux  étrangers,  se 
conformant  en  cela  au  rigoureux  précepte  hippocratique  que  nous 
avons  cité  au  commencement  de  ce  méuioire. 

Pour  revenir  à  l'inscription  elle-même,  on  trouve  que  les  honneurs 
accordés  à  Mênocrile,  honneurs  que  l'on  pourra  comparer  aux  ré- 
compenses décernées  à  Evenor  et  à  llippocratc,  sont  : 

1°  L'éloge  public  ; 

2°  La  couronne  d'or  ; 

3"  La  proclamation  du  décret  aux  jeux  Esculapiens  ; 

4"  La  permission  accordée  à  Mênocrile  d'assister  aux  fêles  que  cé- 
lèbrent les  Bry contiens  ; 


:J20  nF.Vl'E    AncilÉOLOGIQUK. 

.T'  L'ins;Ti|)iion  tlii  dccrct  sur  une  slèlo  de  inarluvqui  sera  érigée 
dans  le  Iciiiidr  de  NcpliiiiL'  l'orllmiios. 

La  dale  de  celte  précieuse  inscription  n  t'ic'  iiès  savaimncnt  déler- 
miiiée  p;ir  M.  Wi-sclicr  par  les  éléniciils  siiiv;ints: 

1"  Par  le  style  du  uioihuiumU  et  la  forme  des  caractères, 

2'  Par  certains  déîails  du  >lyle,  tels  (|ue  l'abondance  des  formes 
appartenanlau  dialecte  dorien,  et  certaines  expressions  comme  )>oi- 
jjLixà  ûiolOeci;,  disposition  pestilentielle,  pesle  (\),  expression  appar- 
tenant au  commencement  de  la  décadence  littéraire,  à  l'époiiue  on 
les  termes  abstraits  envahissaient  le  style  des  prosateurs; 

3"  Par  la  t,â'néal(igie  même  de  notre  Ménocrite  et  ceci  est  tout 
particulièrement  intéressant  :  M.  Wescbcr  pense  que  le  père  de  Méno- 
crite, Mélrodore,  est  le  même  Mélrodorc  dont  jinrle  Jami)li(ine  (2)  en 
ces  termes  : 

MTjTfôÔoipô;  ô  0ûf<iou  Tou  ■jraTfo;  'ETriyâcuiou. 

a  Metrodorus,  Thyrsi  filius,  Kpicliarmi  nepos.  » 

La  filiation  serait  donc  celle-ci  : 

Epicharme, 

Tliyrsos, 

Métrodore, 

Ménocrite. 
((Comme  Epicharme,  dit  M.  Wescher,  philosophe  pyihan^oricien 
natif  de  Cos,  lils  d'un  médecin,  médecin  lui-même  (.])  et  afiilié  aux 
Abclépiades,  disciple  de  i^vlliayore  auquel  il  survécut,  mourut  ;i  qua- 
tre-vingt-dix ans  vers  la  lin  du  v'  siècle  avant  notre  ère  (c'est-à-dire 
en  '»0U  ou  UO  av.  J.-C),  si  on  ajoute  à  cette  dale  la  valeur  de  trois 
générations,  c'est-à-dire  environ  un  siècle,  on  arrive  pnui'  noire  ins- 
cription à  la  lin  du  i\''  siècle  ou  au  commencement  du  m",  vers 
l'an  300  ou  iiOO  av.  J.-C,  épo  pie  assez  voisine  de  celle  que  semblent 
indicjuer  le  sl\le  du  monument  et  la  forme  des  caractères.  Les  dé- 
tails du  style  plaçaient  d'ailleurs  la  dale  de  ce  document  précisément 
entre  l'époque  macédonienne  el'répo(jue  romaine,  plus  prés  cepen- 
dant de  la  première  que  de  la  seconde,  à  cause  de  Tabondance  des 
formes  doriennes.  » 


(1)  Hippocralo  (l-:j>i\l.,  p.  1271)  dit  :  voùio;  yi  y.a)to\yv/T,  )oi|aixï;;  Thucydide 
(Hiit.,\i\).  Il,  t;  /i7)  (lit  biinplomont  >oiii6;.  Mais  Polybu  (//(a7.,  lib.  Il,  cap.  x\xi) 
dit,  comaiu  l'inscriplioii,  >oi|j.i/t;  ôiiOcji;  ;  d'ailleurs  l'olylit'  u'écrivnit  pas  bien 
loDKteni|m  aj)rù»  ré|<o(|uc  è  l.if|iiL-llea  ilè  rédigC*  le  tcMc  do  riiiscriplioii. 

(2^  Jambl.,  »/i  l'!jtli>uj.,  XXXIV  (2^1). 

(3;  Auteur  de  uâoaoi.'x:»  Bciontif.  cttnéd.,  cités  par  DiogènoLaCrce  (VIII,  p.  78).  W. 


LA   MÉDECINE    PDBLIQUE   DANS   l'ANTIQUITÉ   GRECQUE.  .'}'21 

Nous  ajouterons  qu'il  e.slcxti<>ni(;nicnt  proijable  que  ces  mt';tlecins, 
Ménocrite,  Alélrodore,  elc,  étaient  puM/cs  «  de  père  en  lils  »  :  celte 
conjecture  n'a  rien  de  hasardé;  il  est  certain  qu'à  une  époiiuc  posté- 
rieure, sous  Auguste  ou  nirnie  encore  sous  les  Antoriins,  certains 
médecins  ((  arcliiâlres  »,  (jui  plus  tard,  comme  nous  le  verrons, 
devinrent  «médecins  de  cités»,  tenaient  leur  emploi  de  leur  père, 
par  héritage,  et  nous  en  trouvons  la  preuve  dans  une  inscription 
d'Ephése  (1),  inscription  (jui  désigne  un  certain  Allah;  comme 
apx.iaTpo(;  8ià  y^vou;.  La  profession  médicale  étant  d'ailleurs  héré- 
ditaire dans  certaines  familles,  on  ne  voit  pas  bien  pourquoi,  au 
moins  dans  quelques  cilés^  l'emploi  de  médecin  public  ne  l'aurait 
pas  été  également. 

D'  A.   VEnCOUTRE, 

Médecin,  militaire. 

{La  mite  xtrocliainement.) 


(l)  Le  Bas,  op.  cit.,  parsV,  Asie  Mineure,  sect.  I,  lonic,  VIII,  Éphèie,  in&cr.  161 
et  Corp.  I/iscr.  Grœc,  2987. 


xxxix.  21 


MEMOIUE 


RESTAURATION  DU   PAllTUENON 


(i; 


Dan>  ce  Mémoire,  luésenlc  à  l'Académie  des  beaux-aris,  j'ai  cru 
devoii-  jiasser  raiiKk'inenl  sur  loiil  ce  qui  est  Mon  comiu  des  ar- 
IjjjU'S  ei  des  archéolugaes,  remellanl  à  plus  tard  le  suiii  d'écrire  lon- 
gueiuciii  sur  un  sujet  si  vaste. 

J'ai  choisi  pour  sujet  d'études  le  Parlliénon,  afin  de  mieux  affirmer 
mei  idéfs  sur  l'art  jjrec  en  général. 

C'est  après  un  séjour  de  prés  d'une  année  en  Grèce,  après  la  lec- 
ture d'une  biljliotlié'iue  d'arcliéologie  et  de  nombreux  voyages  en 
Uiient  que  je  cùmmençiià  mesurer  les  ruines  du  Partliénon. 

J'ai  pris  mes  mesures  avec  autant  de  soins  et  de  scrupules  (lu'il 
est  j  ossible  d'en  avoir,  écbafaudanl  presque  enliérenient  le  temple, 
vérifiant  plu>ieurs  fois  mes  cotes  avec  des  instruments  suffisants. 

ic  présente  donc  mes  mesures  comme  certaines. 

Établi  sur  le  soubassement,  en  pierre  du  Pirée,  du  premier  temple 
brûlé  par  les  Perses,  le  Parlhénun  est  construit  sur  plan  rectangu- 
laire et  recliligne. 

La  surface  du  sol  du  i'arlliénon  est  à  double  courbure. 

Les  génératrices  parallèles  sont  des  arcs  égaux  entre  eux. 

Avec  deux  tubes  de  verre  ajustés  aux  extrémités  d'un  long  tube 
en  caoutchouc,  j'ai  fait  un  niveau  d'eau  permettant  de  mesurer  le 
plus  exactement  et  le  plus  simj)lement  pussible  la  courbure  des  arcs 
au  droit  de  chaiiue  axe  de  culunne. 


(1)  Cette  rcsUuration  eal  eipomît;  au  Salon  de  1880  sotii  le  n"  C838.  Klk-  com- 
prend neuf  chluvsl».  f;tal  actuul  :  plan,  élcvalion,  |>crspeciive.  —  llc»lauration  : 
pUn,  2  façades,  a  coupe»,  délailB  et  relevé*. 


MÉMOIRE   SUR    LA    RESTAURATION    DU    PARTHÉ.NON.  323 

La  double  courbure  du  sol  du  Parlhénon  est  suffisanle  pour  per- 

meltni  aux  eaux  des  pluies  tle  s'écouler  ;i  rextéii(.'ur. 

L'axe  (les  colonnes  e.«l  inclinéde  l'extérieur  à  l'iiilérieur  du  temple. 

Le  fût  des  colonnes  est  conique. 

La  génécHtricc  intérieure  au  temple  est  une  ligne  droite,  la  géné- 
ratrice extérieure  <'st  la  coiirhe  la  plus  aniuée,  les  autres  généra- 
trices sont  des  courbes  intermétliaires. 

La  projection  horizontale  de  l'axe  de  la  colonne  d'angle  est  l'hy- 
polliénuse  du  trianL,'le  rectangle  qui  aurait  pour  côtés  les  projec- 
tions horizontales  des  axes  des  colonnes  de  face. 

Les  surfaces  joinlives  du  fût  des  colonnes  sont  des  cercles  hori- 
zontaux. 

Les  murs  de  la  cella  sont  inclinés  de  l'extérieur  à  l'intérieur  du 
temple. 

Les  surfaces  des  assises  de  ces  murs  sont  parallèles  au  sol  du  temple. 

Pour  la  restauration  du  plan,  le  dallage,  presque  partout  bien  con- 
servé, donne  les  meilleures  indications. 

Plusieurs  colonnes  du  sanctuaire  ont  encore  leur  contour  marqué 
sur  le  sol. 

Le  mur  qui  sépare  la  cella  de  l'opisthodome  ne  devait  pas  être 
percé  de  portes,  puisque  des  scellements  semblables  à  ceux  qui  réu- 
nissent entre  elles  les  assises  des  autres  murs  se  reconnaissent  sur 
toute  la  longueur  de  sa  base. 

Au  lieu  de  l'ordre  ionique  que  M.  Paccard  (1)  a  placé  dans  l'opis- 
Ihodomcj'ai  cru  devoir  mettre  deux  ordres  doriques  superposés, 
semblables  à  ceux  du  sanctuaire. 

Sur  l'Acropole  et  aux  environs,  aucun  fragment  de  marbre  ne  sau- 
rait se  rapportei'  à  un  ordre  ionique  existant  là.  Les  voyageurs  (jui 
ont  visité  le  Parlhénon  aflirment  tous  qu'il  est  complètement  d'or- 
dre dorique. 

Il  est  rationnel  de  continuer  dans  tout  l'intérieur  du  temple  le 
môme  système  de  points  d'appui. 

Des  colonnes  ioniques  placées  dans  l'opisthodome  auraient  à  peu 
prés  le  môme  diamètre  (jue  les  colonnes  extérieures  du  temple. 

Ces  ordres,  au  lieu  de  se  faire  valoir  réciproquenuni,  diminue- 
raient l'ell'et  l'un  de  l'autre. 

Les  colonnes  du  pronaos  sont  plus  petites  et  plus  éh' gantes  (pie 
celles  du  portique. 


(1)  La  restauration  du  Parlhénon,  par  M.  Paccard,  eet  à  la  bibiiotlièquc  de  l'École 

des  beaux-arts  de  Paris  (anuéc  Ibio). 


S^S  lll.vn:   AnCUKOLOGlQL'K. 

Il  .si  lion  (|iii'  U's  colonnes  iiilL'ricuii's  suivent  la  môme  progres- 
sion. 

Sur  les  coKinni's  du  pronaos  et  à  des  liaulcurs  régulières,  il  y  des 
scellements  (jui  indii|uent  l'existence  d'une  grille,  mais  les  scelle- 
menls  sont  grossiers  cl  celte  grille  a  dil  être  placée  là  dans  un  but 
d'appropriation,  alin  d'augnieiiter  la  surface  ulilisaMe  ilu  temple  alors 
(jue  les  objets  qu'on  y  déposait  sont  desenus  trop  nombreux,  l'eul- 
étre  même  celle  grille  était-elle  l'ouvrage  des  cbrélieus  ou  des 
Turcs. 

Les  scellcmenls  anciens  se  reconnaissent  facilement. 

Ceux-ci  sont  des  plus  mal  exécutés. 

C'e.»l  ainsi  qu'on  en  trouve  à  l'extérieur  du  temple,  au  pied  des 
colonnes  latérales,  où  l'on  a  dû  sceller  des  monuments  votifs. 

Tout  cela  est  postérieur  à  la  conslruclion  du  temple,  d'un  goût 
fàclieux.  et  je  crois  avoir  toutes  raisons  pour  n'en  pas  tenir  compte. 

Des  grilles  trouvent  mieux  leurs  places  aux  entrées  du  sanctuaire 
et  de  l'opisthodome. 

Il  ny  a  pas  de  traces  pouvant  expliquer  la  présence  de  portes  qui 
eussent  exigé  des  gonds  solides,  et  il  serait  d'un  bel  effet  de  voir  de 
l'extérieur  du  temple  la  statue  île  Minerve  et  les  objets  volifs. 

Encadrée  par  l'ombre  du  portique  et  du  pronaos,  la  statue  serait 
apparue  toute  lumineuse,  et,  si  on  voulait  quelquefois  la  cacher, 
il  eùl  sufti  d'un  voile  placé  derrière  la  grille.  Cette  grille  s'explique 
paifailement  pour  un  temple  dans  lequel  le  public  n'entrait  guère. 

Je  ne  crois  pas  (jue  l'on  devait  souvent  dérober  la  statue  aux  re- 
gards du  public,  car  la  religion  grecque  n'a  rien  de  mystique  et  de 
ténébreux,  et  je  me  représente  idus  volontiers  les  dieux  païens  étin- 
celants  de  lumière  que  dissimulés  dans  une  crypte. 

Voilà  une  des  principales  raisons  qui  me  font  croire  que  le  Parthé- 
non  était  byp.i'tbre. 

H  y  a  encore  pour  laisser  le  sanctuaire  à  découvert  des  raisons  ma- 
térielles bien  fortes. 

D'après  Us  mesures  que  nous  donne  Pausanias,  la  grande  Alliéné 
de  Phidias  aurait  eu,  avec  son  piédestal,  15  mètres  d'élévation. 

Il  n'est  pas  absolument  impossible  cpie  la  statue  soit  contenue 
dans  le  temple  couvert  ;  maison  ne  peut,  à  la  rigueur,  admettre  celte 
idée  (|u'à  la  condition  de  su|iposer,  au  milieu  du  plafond,  un  caisson 
profondément  creusé  pour  faire  place  à  la  tète  de  la  déesse,  à  moins 
que  l'on  ne  veuille  croire  à  une  voûte,  ce  (jui  n'est  pas  admissible. 

Le  Parlhénon,  étant  hyptelhre,  peut  être  construit  entièrement  en 
marbre,  ce  (\m  est  un  singulier  avantage. 


MK.MOinK  suH  i,\  iu;sTAun\TioN  r)i;  l'Aitriii  \<in.  '.iS.t 

Vitriivojparlantdcslcmplcsdc  Circp,  «littpi'il  y  h  AiIhtics  un  Ifin- 
plc  (le  MintMVt!  (|iii  a  liiiil  coInniKs  de  Cire  (  t  i|iii  est  liyp;L'llirc. 

Il  y  a  un  texte  qui  r.iroiito  (lu'un  soMnt  sV-tail  radié  dans  le  Icin- 
pled'Olyrapic,  péin  traiil  dans  l'épaisseur  du  plafond  après  avoir  sou- 
levé une  dalle  de  la  rniivei  ture.  On  a  voulu  conclure  de  cela  que  Irs 
temples  grecs  n'étaient  jamais  liyj  iellires;  mais  comme  les  portiques 
sont  dans  fous  les  cas  toujours  couverts,  un  bataillon  [lonrrait  faci- 
lement se  cacher  dans  l'épaisseur  du  p'afond  d'un  temfde  livprr'thre. 
Sirabon  dit  que  le  Jupiterd'Olympie  se  serait  heurté  au  plafond  de 
son  temple  s'il  s'était  levé  de  son  siège.  Oulri!  qu'il  ne  s'agit  que 
d'Olympie,  on  sait  trop  bien  comme  on  écrivait  Tbisloire  de  l'archi- 
tecture pour  que  l'on  puisse  conclure  de  là  que  le  Parthénon  était 
couvert  dans  toutes  ses  parties.  D'ailleurs,  Pausanias  contredit  Sira- 
bon en  racontant  que  la  foudre  frappa  le  sol  du  temple  d'Olympie 
lorsque  Phidias  demanda  à  Jupiter  de  lui  montrer  s'il  agréait  sa 
statue. 

La  grande  Minerve  ne  devait  pas  être  abritée,  puisque  Plutarquo 
nous  apprend,  à  propos  d'Alcibiade,  que  tous  les  ans  on  la  démontait 
pour  la  réparer. 

L'or  de  la  statue  ne  peut  craintlre  le  grautl  air,  et  l'ivoire  est  en- 
core ce  qu'il  y  a  de  moins  altérable  quand  on  entretient  de  l'humi- 
dité dans  le  temple  comme  on  sait  qu'il  élail  fait. 

A  quoi  bon  faire  évaporer  de  l'eau  aux  pieds  de  la  statue  si  l'on 
craint  la  pluie  et  si  le  temple  est  si  bien  clos  que  le  soleil  n'y  pénètre 
pas  ? 

Nous  avons  vu  que  la  double  courbure  du  sol  assure  l'écoulement 
des  eaux  de  la  manière  la  plus  simple  et  la  plus  sûre. 
L'extérieur  du  temple  aurait  autant  besoin  d'abri  que  l'intérieur. 
Avant  tout  le  temple  hypa'thre  est  d'un  plus  bel  elfet,   au  moins 
quand  les  dimensions  sont  grandes. 

Le  casijue  et  l'égide  de  Minerve  devaient,  comme  dit  toujours 
Homère,  briller  comme  le  soleil  au  milieu  de  sa  course. 
L'opisîhodome  sera  aussi  hypœthre. 

Le  trône  de  Xerxés,  les  statues,  les  lingots  d'or  et  d'argent  ne 
perdront  rien  à  être  exposés  à  la  pluie  et  au  soleil. 

Si  quelque  objet  craignait  de  s'altérer,  il  trouverait  place  sous  les 
portiques  intérieurs. 

D'ailleurs  le>  inventaires  du  temple  ne  nionlrentpas  qu'il  contînt 
d'objets  altérables. 

L'opisthodome  et  le  sanctuaire,  ayant  le  même  système  de  points 
d'appui,  auront  le  même  système  de  couverture. 


316  RKVLk.    AHCMKOl.OlMgLK. 

Il  parait  indiscutable  de  \Anct'T  à  l'iiiiri  uiir  du  Iciiiplf,  coinim;  à 
Pastum,  deux  ordres  doriques  superposi-s. 

Ces  ordres  n'avaient  (jue  seize  cannelures  nu  lieu  de  vingt,  comme 
on  peut  le  reconn.iltresur  le  sol. 

Les  ordres  seront  réunis  pnr  une  arcliitrave. 

Il  n'y  aura  pas  de  plafond  formant  étage  ou  tribunes. 

Ces  tribunes  inutiles  et  di>i,'ra("ieuses  ne  seraient  pas  plus  acces- 
sibles qu'elles  ne  scrnicnl  cotiviMinbles  pour  le  culte. 

Si  les  murs  du  sanctuaire  du  Parlbénon  sont  complètement  dé- 
truits, ceu\de  l'opistliodome  subsistent  et  ne  portent  aucune  trace 
dencnslrcments. 

Au-dessus  du  second  ordre  sera  un  entableiiient  conipkl,  et  enlin 
un  fronton,  tantôt  triangulaire,  tantôt  rectangulaire,  couronnera  le 

tout. 

Ce  fronton  sera  décoré  de  «culptures  représentant  des  combats 
béroiques. 

l'n  texte  apprenant  que  l'école  de  sculpture  è;.'inéliqne  a  large- 
ment contribué  a  la  décoration  du  Parlhénon,  j'ai  dû  placer  des  sta- 
tues du  style  de  cette  école  dans  les  frontons  intérieurs. 

Dans  la  restauration  de  M.  Paccard  le  toit  du  temple  a  cinq  pent(\s 
au  lieu  de  deux.  Cela  a  l'inconvénient  de  produire,  dans  les  fonds 
de  la  cclla  et  au-dessus  des  toits  intérieurs,  des  murs  de  pignons(iui 
prennent  l'aspect  de  murs  inilovens,  de  donner  aux  ordres  intérieuis 
peu  de  noblesse  et  d'.tvoir  pour  les  façades  latérales  un  prolil  désa- 
gréable, exagérant  l'écliancrure  du  toll. 

J'ai  représenté  la  façade  orientale  tlii  temple  parce  que  c'élait  la 
façade  p!-iiiri[iale  et  aussi  puce  (ju'il  était  inléiessani  d'cludier  la 
restauration  des  sculptures  du  fronton  oriental,  les  sculptures  du 
fronton  occidental  étant  parfaitement  connues  avec  leur  disposition 
depuis  la  publicalion  des  dessins  de  Carrey. 

Il  )  a  à  Alliéne»,  sur  l'acrofiole,  un  iiiusée  où  l'on  conserve  les 
moulages  des  ligures  (\u'\  sont  à  Londres  el  ([uclques  fra;,'ments  des 
deux  Pailliéiioiis. 

J'ai  pu,  en  iiiesuianl  les  ligures  et  en  observant  les  scelleiiicnls 
sur  II  liaM'  du  fronton,  assurer  h  cbaque  statue  sa  place  cerlamc. 

J'ai  ajouté  sept  liguies  et  romplété  les  autres. 

La  scène  représentée  est  la  naissance  de  Minerve. 

11  m'a  paru  ronvcnable  de  placer  au  milieu  Jupiter. 

A  sa  droite  sont  :  Minerve  (jui  agite  ses  armes,  Saturne  et  Mars, 
Iris,  Côrès  et  Froserpine,  Hercule,  Apollon  (|ui  conduit  les  clic- 
vaux  du  Soleil. 


Mi^MOinK  scn  F.A  nr<5T.\t'nvTinN  nu  I'ARTiiknon.  î^27 

A  gauche  lie  Jii|iilfi- sont  :  \'iil(Miri  (|in  vient  de,  h;  lirlivi-cr,  Jiinon 
cl  Vénus,  une  Victoire  tlont  il  reste  le  t-»yrse,  It'S  trois  IVinjuos  (jiii 
filent  des  jours  immortels,  enfin  Diane  qui  conduit  les  chevaux  de 
la  Nuit.  Au  f.iîtc  du  fronton  est  placée  une  stèle. 

On  ert  conserve  des  fntrments  au  musée  de  l'acropole. 

Ue  chniiue  côté  de  la  stèle  il  y  a  un  hibou  dont  la  tête  et  une  partie 
dti  dôtps  sont  au  itiAme  ïïiusée,  oîi  J'ai  encore  pu  mesurer  un  frag- 
ment des  ailes  des  grilTons  (pi  i  sonl  [il.irés  aux  extrémîtés  du  fnm- 

iôiï. 

Si  j'njoutc  que  j'ai  trouvé  sur  place  des  indications  suffisantes 
pour  la  disposition  dos  plafonds,  j'aurai  cxpli(iué  la  structure  du 
temple. 


Pour  la  statue  chryséléphanline  de  Minerve,  les  textes  sont  nom- 
breux et  a?sez  clairs. 

Sa  dimension  est  connue,  ajoutée  à  celle  de  son  piédestal. 

J'ai  représenté  le  piédestal  aussi  peu  élevé  que  possible,  afin  d'a- 
voir un  colosse  plus  grand. 

D'ailleurs  Pausanias  remarque  que  les  sandales  de  la  statue  sonl 
presque  à  la  hauteur  des  yeux  du  spectateur. 

La  statue  ayant  treize  mètres  de  haut,  comme  je  l'ai  supposé,  se 
trouve  suffisamment  à  l'aise  entre  les  colonnes  du  sanctuaire. 

La  petite  sculpture  trouvée  par  M.  Lenormant  dans  le  temple  de 
Thésée  donne  une  copie  grossière  mais  bien  vraisemblable  de  la  sta- 
tue de  Phidias. 

Il  y  a  encore,  sur  un  des  bas-reliefs  qui  sont  à  l'Acropole,  une  re- 
présentation meilleure  qui  confirme  la  première. 

Le  piédestal  représente  sur  sa  face  principale  la  naissance  de  Pan- 
dore. 

J'ai  mis  \h  des  statues  en  ronde  bosse  d'or  et  d'ivoire,  afin  d'aug 
menter  encore  l'efl^et  du  colosse. 

Le  serpent  est  à  droite  de  Minerve,  le  bouclier  et  la  lance  à  gauche, 
la  Victoire  dans  la  main  droite. 

La  tête  de  Méduse  est  en  ivoire  ;  l'égide  est  entourée  de  serpents,  et 
sur  le  casque,  à  trois  cimiers,  sont  les  dix  chevaux  du  Soleil. 

Je  crois  que  l'ivoire  n'était  employé  que  parce  que  c'est  la  seule 
matière  légère,  durable  et  permettant  un  travail  fini. 

Comment  construire  solidement  en  marbre,  sur  un  échafaudage  de 
bois,  ces  bras  en  porte-à-faux  qui  ont  0"',80  de  diamètre? 


338  nKVlK   AnCHÉOLOGIQUE. 

De  la  Polychromie  du  Parthcnon. 

On  Iroiivc  en  Egypte  une  des  plus  antiques  preuves  du  goût  des 
anciens  pour  la  polyrliromie. 

Les  Orientaux  ont  encore  aujourd'hui  conservé  pour  la  couleur 
le  poiU  antique. 

Chez  nous,  à  l'époque  gothique  et  à  la  Renaissance,  on  peignait 
autant  que  l'on  pouvait.  Les  statues  elles-mêmes  étaient  peintes  et 
très  viiroureusement.  Au  reste,  après  les  travaux  de  MM.  Hitlorf, 
Paccard  et  Garnicr,  la  polvchromie  chez  les  Grecs  n'a  plus  rien  qui 
doive  surprendre  et  l'on  ne  discute  que  le  plus  ou  moins. 

Si  l'on  en  jugeait  par  les  poètes  grecs,  les  rayons  du  soleil  en  plein 

midi  auraient  seuls  une  coloration  digne  de  leurs  dieux  et  de  leurs 

héros. 

Dans  Homère,  les  palais  des  rois  ont  le  seuil  d'airain,  des  poutres 

d'or. 

Tous  les  peuples  aiment  ce  qui  a  de  l'éclat  :  plusque  la  couleur, 
les  métaux;  et  plus  que  les  métaux,  les  pierres  précieuses. 

C'est  un  singulier  effet  d'une  mode  contemporaine  que  notre  goût 
soit  si  hien  modifié  qu'il  nous  faut  faire  un  véritable  elTorl  pour  ad- 
mettre le  goût  naturel,  qui  pourtant  n'a  jamais  pu  être  complètement 
dépouillé,  car  nous  aimons  encore  les  bijoux,  les  faïences,  les  tapis 
d'Orient,  les  peintures  japonaises. 

Les  Grecs,  qui  ornaient  rÉrechtéion  de  pierres  précieuses,  de- 
vaient chercher  à  produire  des  effets  aussi  riches  que  possible. 

Eux  qui  dans  leurs  temples  évitaient  les  longues  li^-nes  droites, 
devaient  encore  imiter  la  nature  jusqu'à  colorer  comuie  elle  tous  les 
objets  et  même  le  marbre. 

Un  long  séjour  dans  Jeiir  pays  habitue  les  yeux  aux  heureuses 
nécessités  de  couleur  (ju'impose  la  vive  lumière. 

L'éclat  du  blanc  des  marbres  nouvellement  taillés,  produisant  pour 
les  yeux  une  souffrance  physique,  ne  saurait  plaire.  Il  ilétiiiit  l'har- 
monie des  autres  tons. 

Les  valeurs  grises  paraissent  fades.  Il  n'y  a  que  les  tons  violents 
qui,  s'harmonisant  entre  eux,  peuvent  i)ruduirc  la  coloration  riche 
et  robuste  qui  convient  à  l'arcliiteclure. 

Il  est  reconnu  aujourd'hui  que  tous  les  temples  construits  en  pierre 
étaient  recouverts  d'emluits  colorés  vij^'nureu-^ement. 

Je  l'ai  constaté  comme  lanld'aulresen  Italie  et  en  Grèce.  Non  seu- 


MÉMOIRE   SUR    l\    HESTAURATIO.N    du    PARTHlt.NON.  'Mi 

lement  ces  temples  étaient  peints,  ir.ais  ils  étaient  rouverts  d'orne- 
ments plus  ou  moins  riches. 

A  Paestum  les  chapiteaux  portent  la  trace  de  palmettes.  A  Munich, 
où  l'on  conserve  des  fragments  du  temple  d'Kgine,  et  à  l'^gine  mi^me, 
la  plupart  des  ornements  sont  rccoiinaiss.djjcs. 

Le  musée  de  Pnlerme  contient  beaucoup  de  fragments  peints  et 
ornés  des  temples  de  Sicile. 

Au  musée  de  Naples  il  y  a  nombre  de  peintures  et  terres  cuites 
représentant  des  ornements  dn  temples  grecs. 

Le  temple  de  Thésée,  le  Parlhénon  lui-même  conservent  do  nom- 
breuses traces  de  peintures  et  d'ornements. 

Aussi  est-il  bien  difficile  de  ne  pas  croire  à  la  coloration  et  à  la 
décoration  des  temples  en  marbre,  alors  qu'on  est  obligé  de  reconnaî- 
tre celles  des  temples  en  pierre. 

La  couleur,  ayant  autant  d'importance  pour  l'aspect  des  monuments 
grecs  que  la  forme  elle-même,  doit,  comme  celle-ci,  avoir  eu  ses  tra- 
ditions suivies. 

Les  anciens,  habitués  à  la  richesse  de  tons  des  temples  construits 
en  pierre,  eussent  trouvé  les  temples  de  marbre  tristes  et  froids,  et 
n'auraient  plus  reconnu  leurs  dieux. 

Alors  que  le  moindre  membre  d'architecture  varie  si  peu  en  plu- 
sieurs siècles,  l'aspect  total  des  temples  n'a  pas  dû  changer  parce 
qu'il  a  fallu  employer  à  Athènes  le  marbre  du  Pentélique.  La  seule 
pierre,  dite  du  Pirée,  que  l'on  trouve  en  Attique,  est  semblable  à 
notre  meulière  et  ne  saurait  se  prêter  à  la  construction  d'un 
temple. 

Le  marbre  du  Pentélique  a  pour  seules  qualités  de  permelire  plus 
que  la  pierre  un  travail  fini,  d'être  plus  homogène  et  d'offrir  plus 
de  chances  de  longue  durée. 

Quand  la  peinture  des  colonnes  du  Parlhénon  a  disparu,  il  s'est 
formé  sur  le  marbre  un épiderme  coloré  dont  tout  lemonde  s'accorde 
à  reconnaître  le  bel  effet. 

Le  côté  sud-ouest  du  temple,  qui  est  resté  blanc,  permet  déjuger 
combien  les  parties  jaunies  sont  les  plus  belles. 

Je  n'ai  pas,  malgré  tous  mes  soins,  trouvé  sur  le  Parlhénon  d'au- 
tres tons  ni  d'autres  ornements  que  ceux  qui  ont  été  déjà  recon- 
nus. 

Il  n'y  a  pas  de  rouge  sur  le  fronton.  Les  triglyphes  et  les  mutules 
sont  bleus.  Le  fond  des  métopes  est  rouge. 

Il  y  a  du  rouge  sous  les  larmiers  de  l'entablement  etdu  fronton.  Je 
ne  puis  admettre  que  le  rouge  s'arrête  accidentellement  sous  les  lar- 


;nO  RKVDR    ARr.HROLOfilQUK. 

mirrs  nii  lieu  de  fes  recoavrir  quand,  «nrfoufnii  l.irmirrdu  fronkm, 
il  n'.i  l'.TS  ilt>  profil  cipnlih^  \\o  liniitor  iinp.<nrhro  prinfp. 

Il  sornit  nu  rcf^ic  singnli^r  qu'un  nrit^rm^  morriNro  (r.irrhiforffifeJ  ne 
soit  pas  tonl  entier  d'une  in/^me  couleur.  I.e  Ion  roupfe  Hfir\\  donné 
pour  l(S  rornirliosct  les  métopes,  je  (iev.iis  le  ronlinuer  ?nr  l'ofrlii- 
travp  et  les  ch.ipifeaux. 

Je  devais  aussi  peindre  le  fronton  en  bleu,  les  coloTirtes  en  j;»une 
comme  elles  le  sont  dans  les  autres  temples. 

Le  sol  ne  pouvait  rester  blanc,  ce  qui  eill  détruit  l'harmonie  et  le 
parti  de  décoration  dn  temple.  Je  l'ai  peint  en  rouge  comme  les 
hautes  parties  du  temple,  comme  il  ôMil  peint  fi  Kginc  et  Vfaiscïri- 
blalilemenf  dans  bien  d'autres  endroits. 

On  m'a  beaucoup  reproché  les  ornements  des  marches.  Je  crois 
que  leur  seul  défaut  est  d'être,  en  fnçade,  de  trop  petite  échelle. 

Il  n'est  pas  plus  singulier  de  tracer  des  ornements  sur  un  so(  déjà 
peint  que  de  décorer  de  dessins  en  mosaïque  un  sol  autrement  pré- 
paré. 

J'ai  pu  mesurer  sur  le  Parlhénon  les  ornements  indiqués  dans  la 
feuille  de  détails  de  ma  restauration. 

Il  est  certain  qu'un  ornement  tracé  sur  un  membre  d'architecture 
devait  être  prolongé  sans  inlermiltences.  Or  les  traces  d'ornements 
sont  interrompues  sur  de  grandes  longueurs,  sur  les  parties  le  mieux 
abritées  elles-mêmes  :  donc  l'architrave,  le  larmier,  le  sol  aussi,  pou- 
vaient être  décorés  d'ornements,  bien  que  n'en  ayant  pas  conservé 
de  traces. 

L'architrave  était  ornée  en  façade  de  boucliers  il'ordnnton  voit  les 
scellements. 

Des  scellements  plus  petits,  placés  entre  ceux  des  boucliers,  de- 
vaient retenir  des  inscriptions. 

Les  textes  prouvent  que  des  boucliers  d'or  ont  bien  été  placés  là 
quand  on  construisit  le  temple. 

Ils  furent  enlevés  et  on  les  remplaça  par  des  boucliers  en  bronze 
doré. 

Quant  aux  murs  de  la  cella,  je  ne  saurais  admettre  que  les  Grecs, 
qui  mettaient  dans  tout  ce  qu'ils  voulaient  embellir  si  grande  profu- 
sion d'ornements,  comme  le  iirouvcnt  leur  lillérature,  leurs  temples, 
leurs  vases,  leurs  armes,  (Mi^stiil  laissé  sans  les  décorer  des  surfaces 
qui  ont  jusqu'à  2^!r)0  mètres  carrés. 

(Comment  peut-on  croire  que,  seule  de  tous  les  arts,  la  peinture 
n'ait  pas  contribué  ?!  embellir  le  temjde  de  Minerve  ? 
Il  paraît  rationnel  de  représenter  sur  un  fond  bleu,  (jui  imite  le 


MÉMOIHI",    SUIl    L\    IU:STAni\TI<lN    I>i;    l'AHTIiKNON.  H-'H 

ciel,  les  batailles  des  Grecs  qui,  venant  de  vaincre  les  Perses,  éle- 
vaient un  loinple  ;\  la  déesse  des  combats.  Les  liommes,  de  grandeur 
naturelle,  coiiihaltront,  et  lesdicux  interviendront  comme  dans  les 
poômes  liéroïiiues  grecs.  Pausanias,  dira-l-on,  n'a  pas  parlé  des 
peintures  du  l'arthénon;  mais  il  a  visité  le  Paitbénon  trop  rapide- 
ment, s'atlacliant  plus  à  raconter  des  légendes  qu'à  décrire  le  tem- 
ple, et  il  a  parlé  de  peintures  murales  à  propos  d'autres  temples. 

Ce  qui  est  constaté  ailleurs  est  probable  pour  le  Partbénon,  qui 
devait  élre  le  plus  riclic  et  le  plus  beau  de  tous  les  temples  grecs. 

L'on  reconnaît  aujourd'liui  (lue  les  figures  des  frontons  et  celles 
des  métopes  étaient  peintes. 

N'est-ce  pas  la  simple  et  artistique  conception  sculpturale,  celle 
qui  porte  à  représenter  la  nature  avec  sa  forme  et  son  apparence 
réelles. 

J'ai  supposé  monochromes  les  draperies  des  dieux,  parce  que  cela 
m'a  paru  d'un  meilleur  elTet  et  qu'il  y  a  un  texte  disant  qu'à  la  pro- 
cession des  Panathénées  on  ne  devait  porter  que  des  vêlements  de 
lin  sans  teinture. 

Ces  vêlements  semblent  donc  avoireu  pour  les  Grecs  quelque  chose 
Ue  plus  solennel  que  les  autres. 

J'ai  dil  pourquoi  l'ivoire  de  la  grande  statue  de  Minerve  n'avait 
pas  été  employé  pour  sa  couleur. 

L'ivoire  a  des  veines  très  apparentes,  et  se  tache  irrégulièrement 
en  vieillissant  jusqu'à  ce  qu'il  brunisse  tout  à  fait. 

Quand  les  yeux  de  la  statue  imitaient  le  regard  humain,  ses  lè- 
vres devaient  être  rougies. 

Au  reste,  pour  représenter  la  chair  il  n'y  a  pas  de  plus  belle  colo- 
ration que  celle  fournie  par  la  peinture. 

L'ivoire  permet  de  peindre  avec  tant  de  finesse  que  les  peintres  en 
miniature  l'emploient  encore. 

Se  détachant  sur  un  fond  vigoureusement  coloré,  une  Minerve 
aux  chairs  d'ivoire  eût  fait  l'effet  d'un  spectre,  jusqu'à  ce  qu'elle  de- 
vînt noire. 

On  ne  pouvait  qu'augmenter  l'impression  produite  par  la  statue 
en  lui  donnant  l'apparence  de  la  vie. 

Je  termine  ce  mémoire  en  rappelant  que  M.  Paccard,  qui  a  eu  l'un 
des  premiers  la  plupart  des  idées  que  j'ai  voulu  développer,  disait, 
après  avoir  achevé  sa  restauration  du  Parthénon,  qu'il  n'était  pas  allé 
assez  loin. 

E.  LoviOT. 


NÉCROLOGIE 


LE    DOCTEUR    FRANZ    STARK 


Les  (îtudes  de  pliilolopio  germanique  et  celliquc  viennent  de  perdre  un 
de  leurs  repri^sentnnls  les  plus  autorisés.  M.  le  docteur  Franz  Stark,  con- 
servateur de  la  liibliolliùque  de  la  Techvischc  Ilochschule  A  Vienne  (Autri- 
che), est  mort  le  '11  mars  I.SSr»,  ù  la  suite  d'une  maladie  ct'rt^brale  occa- 
sionnée par  un  travail  excessif.  Il  était  né  le  17  janvier  IHIS  à  Krumau, 
en  Bohême,  avait  fait  ses  études  i  Vienne,  et  pendant  plusieurs  années 
avait  été  précepteur  dans  quelques-unes  des  prandts  familles  de  l'arislo- 
cratie  autrichienne.  Il  fut  ensuite  élu  dépul»'  au  parlement  de  Francfort. 
Après  la  dissolution  de  celte  a^semblée,  il  se  voua  exclusivement  aux 
études  de  philologie,  et  se  lit  principalement  connaître  par  des  travaux 
de  critique  onomastique  d'une  grande  valeur,  gr.lce  auxquels  son  nom 
sera  sauvé  de  l'oubli.  On  nous  saura  gré  de  réunir  ici  les  litres  de  tous 
les  ouvrages  dont  il  est  l'auteur  : 

1°  licitrœge  zur  Knndr  gcrmanischer  Versùncnnamen,  18!;7, 

2»  I>a?  Wiener  Wiichbildrccht,  nach  W'ciiier  Ihmdschrift  dcr  Gratzer  K.  K. 
l'nhersttœts  IHbliotheh,  ISOl. 

3»  Berichtiijunijcn  und  Evijivnzuniicn  zxi  dm  in  dcr  Fontes  rcrum  mistria- 
carum  Diplomutn  et  Acta  Vol.  XXI. 

4°  Keltiscke  t'orschunrjrn,  iSfiX. 

'."  Die  Kosenamen  der  Oirmancn,  I8GS. 

Le  docteur  Stark  n'a  pu  achever  une  couvre  importante  qui  devait  être 
en  quelque  sorte  son  testament  scientifique  et  qui  aurait  eu  pour  titre  : 
Snjntnlun(j  ait  und  nru-kellisrher  ttnd  (jcrmutiii^rhir  .Vu;/i'7i  und  drr  sprachli- 
clitn  Vorsihnu'j  iiher  Uildumj  und  hcdentunij  dir  !\'imrn.  Il  ne  lui  restait 
plus  qu'à  en  ré(ii|.'<'r  la  prrfacf,  (]uand  l'rtat  de  sa  santé  l'obligea,  il  y  a 
trois  ans,  à  renoncer  pour  jamais  au  travail.  Malgré  l'absence  regrettable 
de  ce  morceau  dans  lecjuel  Stark  devait  résumer  sa  doctrine  onomatoio- 
gique,  le  corp»  du  texte  principal  subsiste;  nous  avons  le  ferme  espoir 
qu'il  trouvera  facib ment  un  éditeur  et  (\n'uu  livre  de  cette  importance 
ne  sera  jtas  perdu  pour  la  science.  M.  .M. 


BULLETIN    MENSUEL 
DE    L'ACADÉMIE    DES    I  N  S  CUI  PTl  U.NS 


MOIS    D  AVniL. 


M.  Georges  Perrol  communique  une  lettre  de  M.  P.  Foucart,  directeur 
de  racole  d'Alhùncs,  annonçant  la  dt^couvcrte  faite  ;\  Kleii^jis  d'une  inscrip- 
liun  de  soixante  et  onze  lignes,  lorl  intéressante.  Cette  inscription,  qui 
date  du  v»  siùcle,  contient  une  invitation  aux  cités  alliées  d'Athènes  d'en- 
voyer aux  grandes  déesses  les  prémices  de  leurs  récolles. 

M.  Charles  Jourdain  conunence  la  lecture  d'un  mémoire  intitulé:  «  Les 
commencements  de  la  marine  militaire  en  France  suus  le  régne  de  Phi- 
lippe le  I5el.  » 

M.  Félix  Havaisson  fait  une  nouvelle  lecture  concernant  l'interprétation 
à  donner  aux  monuments  funéraires  des  (irec<.  Le  savant  académicien 
apporte  de  nouveaux  faits  ;\  l'appui  de  la  thèse  de  haute  esthétique  qu'il 
a  déjà  soutenue  devant  l'Académie,  et  qui  tend  à  démontrer  que  dans  les 
représentations  ligurées  sur  les  tomt)eaux  grecs  éclate  un  seuliment  très 
vif  de  rinnnortalité  de  l'âme  et  de  l'existence  d'une  vie  future,  idéale  et 
bienheureuse.  En  entrant  dans  l'Elysée  les  morts  trouvaient  des  condi- 
tions d'existence  voisines  de  cellesdes  dieux.  Voilà  ce  que,  bien  interprétée, 
nous  apprend  la  série  déjà  nombreuse  des  stèles  grecques  funéraires. 

M.  Gell'roy,  directeur  de  l'Ecole  française,  annonce  la  découverte  faite  à 
Pompéi  d'une  statue  de  bronze  de  0,oU  centimètres  de  hauteur,  représen- 
tant un  faune.  Cette  statue  est  une  des  plus  belles  qui  soient  sorties  du 
sol  de  Pompéi. 

M.  Max.  Ueloche  communique  une  note  sur  un  anneau-cachet  d'or  de 
l'époque  mérovinuienne.  Ce  cachet  a  été  trouvé  à  Saint-Cliamant  (Corrèze). 
M.  Deloche  y  dislingue  les  lellres  OiNOBEUTVS  •  FEET  •  (DONUHEHTVS 
FECIT);  les  lettres  suivantes  sont  plus  dilticiles  à  reconnaître;  le  savant 
académicien  croit  toutefois  y  retrouver  les  traces  du  mot  MEIJICAMEMVM, 
qui  lerail  rentrer  le  cachet  de  Saint-Chamant  dans  la  série  des  cachets 
dont  les  cachets  d'oculistes  présentent  le  type  le  plus  connu. 

M.  de  Wailly  lit  la  première  partie  d'un  mémoire  sur  l'orthographe  des 
amans  ou  notaires  de  Metz.  Il  s  attache  à  montrer  que  cette  orthographe 
est  complètement  uniforme  pour  certains  mots,  par  exemple  pour  notre 
verbe  j7  a  qui  est  toujours  écrit  ait,  cit  ou  et,  tandis  que  pour  les  mêmes 
mots  l'uniformité  n'existe  pas  dans  les  autres  actes  de  la  Lorraine.  11  prouve 
ensuite  que  là  où  l'orthographe  des  amans  cesse  d'être  uniforme,  elle 
contient  néanmoins  des  traces  d'orthographe  dialectale  plus  nombreuses 
que  celles  qui  se  montrent  dans  les  autres  actes  de  la  province. 

A.  B. 


NOUVELLES  AIICIIÉOLOGIQUES 


ET  GOHRESPONDArsGK 


On  mande  d'Olympie,  ;\  la  date  du  2S  mars,  qu'une  découverle  i:ti- 

porlanlo  vient  d'Olre  faite  dans  le»  fouilles  entreprises  parle  pouvernemont 
allemand  sur  l'emplacement  du  temple  de  Jupiter.  On  se  rappelle  l'émotion 
qu'a  produite,  il  y  aura  bientôt  trois  ans,  la  dt?couverte  du  fameux  Un- 
»?j(.s  de  Praxilùle,  signalé  par  Pausanias  parmi  les  chefs-d'œuvre  du  tem- 
ple d'Olympie.  Malheureusement  le  pelit  Dacchus  que,  d'aprùs  la  des- 
cription de  l'c^crivain  grec,  le  dieu  portait  dans  ses  bras,  n'avait  pu  Olre 
retrouvé.  Il  l'est  aujourd'hui.  L'enfant,  dont  lei  longs  cheveui  sont  rete- 
nus par  une  sorte  de  bandelette,  est  représenté  se  penchant  vivement  en 
avant. 

M.  Désiré  Charnay  est  chargé  d'une  mission  à  l'effet  de  photogra- 
phier et  mouler  les  édifices,  bas-reliefs  et  inscriptions  de  l'alenqué  et 
du  Yucatan,  d'entreprendre  îles  fouilles,  de  collectionner  des  types,  de 
recueillir  des  mensurations,  des  crUiies,  des  squeleUes,  et  d'étudier  la 
langue  maya. 

Il  y  a  quelques  jours,  des  ouvriers,  en  travaillant  à  des  fouilles  à 

hvatm,  près  du  lac  de  Bienne,ont  trouvé  un  magnilique  canut  lacustre  dans 
un  excellent  état  de  conservation.  (>e  canot,  en  chêne,  a  M)  pieds  de  long 
sur  2  pieds  0  pouces  de  large.  Un  antiquaire  de  la  localité,  le  docteur  Gros», 
l'a  acheté  du  propriétaire  du  champ  où  la  découverte  a  eu  lieu,  et  il  a 
présidé  à  son  dépail  pour  le  musée  de  Neuvovillc,  où  il  est  arrivé  «ans  ac- 
cident. 

-—  L'n  remarquable  monument  d'architecture  ecclésiastique,  découvert 
récemment  par  sir  (iilbert  Scott  dans  la  vall(*e  d'Avslebury  (comté  de 
Kuckingbani),  vient  d'être  en  partie  déblayé.  C'est  une  crypte  d'église  qui 
date  des  temps  les  plus  reculés  de  la  période  saxonne  et  qui  a  tous  les 
caractères  d'une  ba^ilicjuu  romaine.  Depuis  des  hiécles  elle  était  fermée.  A 
son  t'Xlrénul6  occidentale  on  a  trouvé  I«h  re!<le8  d'une  petite  feruMre  qui 
donnait  sur  la  nef  dt;  l'église.  I.c  plan  de  l'édillce  rappelle  celui  de  l'an- 
cienne église  du  Saint-ricrrc  à  Homei  il  purull  dater  du  septième  giùcleel 
devoir  Ctre  attribué  à  rinfluenc  e  des  «uccohscnr»  de  «iaiiU  Anu'iislin. 


NOUVELLES  ABCHÉOLOGIQUES.  33^ 

•<-—  Un  vase  phéiiii  icn,  —  Il  y  a  quelques  années,  la  Dibliotlièque  oatio- 
naLe  l'aisail  l'acqnisiliurj  d'une  ci(ju/,.iine  de  Iraguieuts  eu  hronz»;  prove- 
nant de  l'Ile  de  Chypre  et  portant,  puur  la  plupart,  des  caractères  phéni- 
ciens d'aspccl  Tort  antique.  L'on  supposait  jusqu'ici  que  ces  fragments, 
tordus,  ployc's,  déchiqueté»,  oxjdés  de  diverses  façons  et  en  apparence 
tri^-s  dilVéreiits,  devaient  appartenir  à  quatre  ou  cinq  objets  distincts,  et 
l'on  n'avait  pu  en  tirer  que  des  lambeaux  de  phrases  incohérentes.  Le  der- 
nier numéro  de  ÏAtkenœum  do  Londres  contient  un  article  de  fond  où  il 
est  démontré  que  tous  ces  fragments  appartiennent  en  réalité  ùl  un  seul 
et  m<2me  objet,  june  grande  coupe,  et  que  les  caractères  qui  y  sont  gra- 
vés rormenl  une  seule  et  mèiue  inscription. 

L'auleur  de  cette  découverte,  iM.  Clermonl-Ganneau,  a  réussi,  aprèa 
de  longs  latounemenls,  à  reconstituer  la  forme  primitive  de  la  coupe, 
dont  le  diamètre  se  trouve  être  juste  d'un  pied  babylonien.  L'inscription 
qui  courait,  en  une  seule  ligne,  tout  autour  du  bord,  extérieurement,  se 
révèle  maintenant  avec  une  valeur  historique  de  premier  ordre,  car  elle 
donne  en  toutes  lettres,  —  et  VAthenœum  la  reproduit  en  l'ac-similé  d'après 
un  dessin  de  M.  Clernjonl-tjanueau,  —  le  nom  fameux  de  Iliram,  roi  des 
Fhéniciena.  Llle  contient  la  dédicace  même  du  vase,  consacré  à  Baal,  dieu 
du  Liban,  par  un  des  serviteurs  du  roi,  gouverneur  d'une  ville  du  nom 
de  Carthage.  La  coupe,  enlevée  lors  d'un  pillage,  avait  été  aplatie,  mise 
en  pièces  et  cisaillée  dans  l'antiquité  même,  comme  le  prouve  la  compa- 
raison des  couches  d'oxyde  superposées  :  tel  est  le  traitement  que  les 
Clialdéens  avaient  lait  subir  aux  vases  de  bronze  du  temple  de  Jérusalem 
pour  en  emporter  plus  facilement  à  Babylone  le  métal  destiné  à  la 
fonte. 

Ce  monument,  ainsi  restitué,  devient  de  beaucoup  le  plus  précieux  des 
monuments  séuiiiiques  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale;  il  est  di- 
gne de  prendre  rang  à  côté  de  la  stèle  de  Mési,  roi  de  Moab,  découverte 
il  y  a  une  dizaine  d'années  par  M.  Clermont-Ganneau,  et  aujourd'hui  au 
Louvre.  Les  musées  étrangers,  quelles  que  soient  leurs  richesses,  ne  pos. 
sèdent  jusqu'ici,  dans  l'ordre  historique,  rien  de  comparable  à  ces  deux 
monuments.  (La  Chrunique  des  arts  et  de  la  curiosité.) 

Bulletin  de  VInsiitut  de  corrcspundance  archéologique,  n°  3  (mars 

1S80;  : 

Séances  des  IC  et  23  janvier.  — Fouilles.  A.  Pellegrini,  la  liasilica  Fulvia 
^niilia  sur  le  Forum  —  llelbig,  Fouilles  de  Corncto  (découverte  dans  une 
tombe  du  troisième  siècle  d'un  scarabée  de  fabrique  orientale.  —  Leone 
Nardoni,  Objets  de  l'wje  de  pierre  trouvés  sur  les  bords  du  lac  de  Némi.  — 
Lumbroso,  Orijincs  alexandrines  (correction  très  vraisemblable  d'un  pas- 
sage de  Slrabon,  vn,  735). 

Bulletinde  l'Institut  de  corresponiatice  archéologique,  w  4,  avril  1880 

(2  feuilles)  : 

Séances  des  30  janvier,  0,  13  et  20  février.  (Remarquer  les  indications 
données  par  M.  llelbig  sur  quatre  plumes  de  bronze,  d'origine  antique,  ana- 


330  nRVLF.   ARf.UKOLOGIQUK. 

logues  à  nos  plumes  inélalliquos,  qu'il  a  examinées.  Inscription  trouvée 
à  To.li  et  qui  miMUiouno  un  tribun  militaire  de  la  légion  quarante-et- 
unii-nx'.)  —  A.  Mau,  l'ouillcii  de  Pompii.  —  A.  Mau,  compte-rendu  d'une 
publication  onicielle  intituli'e  Vompei  c  la  reijionc  sottcrrata  dcl  Ycsmio 
ncW  miHii  7'J,  menions  c  twtiiii'  jmbblirate  ilnll  ufficio  hcnico  dcllc  scavi  délie 
provincic  meridiomU I ,  yapuU,  ISTK. 

Itullrtin  df  rinxtilut  de  correspondinrc  hcllàu<ine,  mai  18'^0  : 

K.  Mondry  Ileaudouin,  /'//'■  lie  Kdqmtho!^;  i.  Inscriptions;  2.  La  ville  de 
Bi-ycontc.  —  Monumnitii  futuraircs  n^rcmmcnl  di<ouvcr(s  à  Parikia,  datis  l'ilr 
(/€  Prtros  (restes  d  un  cimetiùrc  important;  plusieurs  inscriptions  métri- 
ques très  bien  conservées).  —  Maxime  Coliignon,  Ex-votu  au  dieu  cavalier. 
(Monuments  d'un  culle  qui  parait  avoir  été  très  répandu  dans  la  l'hrjyie 
et  la  l'amj>hylii'.  L'analo[;ic  n'est  qu'apparente  avec  les  bas-reliefs  de  la 
Thrace,  décrits  par  M.  Dumoiil.qui  représentent  le  mori  sous  les  traits  d'un 
cavalier.  PI.  It  et  10.)  —  H.  Haussoullier,  Insrriptiun  d'ilalicanin^se  ([c\[c 
très  lonp  et  très  curieux  où  il  s'agit  de  ventes  faites,  par  trois  temples, 
des  biens  de  débiteurs  qui  s'étaient  engagés  envers  eux;  parmi  les  noms 
des  débiteurs  et  des  acheteurs,  beaucoup  paraissent  appartenir  à  la  lan- 
gue carienno,  si  peu  connues;  M.  11.  en  adressé  une  liste  qui  aura  son 
inlérét  pour  les  linguistes),  —  llomolle,  la  Cinifédcration  des  Cyclades  ou 
tiùisiéme  siècle  avant  J.-C.  (détails  sur  une  de  ces  ligues  par  lesquelles  la 
(Irùce  a  tant  de  fois  essayé  de  remédier  à  cette  faiblesse  à  laquelle  la 
condamnait  la  dispersion  résultant  de  son  jaloux  esprit  d'indépendance 
municipale  ;  cette  confédéraiion  ne  parait  pas  avoir  duré  longtemps  ni 
avoir  pris  une  grande  importance).  —  iNouvelles  et  correspondance. 

Archa;olo<ji<^che  Zeitung,  37*  année,  4'  cahier  de  1S7()  : 

H.  Brunn,  Laocoon,  souvenir  de  Bcrnhard  Stark  (rédigé  d'api  es  une  con- 
versation que  Hrunii  avait  eue  avec  Stark  quelque  jours  avant  la  maladie 
dont  celui-ci  est  mort).  —  A.  Michaëlis,  i-^*os  au  milieu  du  feuillage  de  la 
viy}ie{\i\.  13,  14).  —A.  Michaailis,  !■:  Hcliefinitrologitiucd'0jfoid.—\.\'UT[- 
wœngler,  Bronze  provenant  d'Olympic  (pi.  ili).  —  H.  ^Veil,  Inscriptions  des 
vases.  —  l\  Gardner,  la  Mo7inaie  en  clcctrum  qui  porte  l'iuscripliun  ^avo; 
(7)  tyi(79;|jLa.  —  W.  lingelmann,  Ilerakles  et  Erginos  (pi.  16).  Nouvelles. 
Les  découvertes  de  Perijamc.  St'ituc  trouver  pies  de  Gaza.  —  Séances  de  la 
Société  archéologique  de  Herlin  ^noveml)re).  —  Chronique  de  la  fête  de 
WincktlmanniMhiinei,  Home,  Berlin,  Franclort).  Additions  et  coi  rect ions. 
—  Les  fouilles  d'Ulyinpie.  Happorls  37  et  3«,  par  0.  Treu.  Inscriptions 
d'Olympie  3:'G-32'J  ((i.  Treu),  330-332  (W.  Uittenberger),  333  (K.  i'urgold); 
G.  Treu,  sur  le  n"  87.  Table  de  l'année,  par  A.  ITaulicli. 


L'AUTEL  DE  SAINTES 

ET 

LES    TRIADES    GAULOISES 

{Note  lue  (I  l'Académie  des  inscriptioJis  en  décembre   1879). 


J'ai  l'honneur,  de  soumettre  à  rcxamcn  de  rAcadémie  un  autel 
gaulois  d'époque  romaine,  qui  m'a  paru  mériter  toute  son  attention. 

Cet  autel,  découvert  à  Saintes  (l),  a  été  acheté  par  M.  Henjamin 
Fillon.  M.  Fillon,  frappé  de  l'importance  historique  d'un  pareil  monu- 
ment, l'a  gracieusement  oU'erl  à  notre  Musée  de^  antiquités  nationa- 
les (2).  L'autel  est  à  double  face,  et  mesure  0"',82  de  haut  sur  0'",70 
de  large  et  O", 30  d'épaisseur.  Il  est  sculpté  dans  un  bloc  de  pierre  co- 
quillicre  blanche.  Son  état  de  conservation  laissant  beaucoup  à  dé- 
sirer, je  me  suis  hâté  de  le  faire  photographier,  puis  mouler  avec 
le  plus  grand  soin;  ce  moulage  et  ces  photographies  sont  sous  vos 
yeux.  (Voir  pi.  IX  et  X.) 

Le  personnage  principal,  sur  chaque  face,  est  un  dieu  assis,  les 
jambes  croisées  à  la  manière  orientale,  accosté  de  deux  divinités 
formant  avec  lui  une  triade.  La  tùte  du  dieu  à  attitude  bouddliirjue, 
je  ne  saurais  mieux  le  désigner  (et  je  demande  la  permission  de  me 
servir  de  celte  expression  laconique  sans  que  cela  tire  autrement  à 
conséquence),  manque  également  sur  Tune  et  l'autre  face  f3).  Les 
attributs  qu'il  tient  à  la  main  sont  fort  mutilés.  Toutefois  on  recon- 
naît facilement  que  sur  la  face  principale  (pi.  IX)  il  porlelesfl//?<m(4), 
attaché  sur  l'épaule  (5)  par  une  fibule.  La  main  droite  lient  un  tor- 

(1)  Au  faubourg  Saint-Vivien,  non  loin  de  la  route  de  Saintes  à  Ecurat.  (Rensei- 
gnements de  M.  l'abbé  Laferricre.) 

(2)  Musée  de  Saint-Germain-en-Laye. 

v3)  Ces  lûtes  semblent  avoir  été  brisées  intentionnellement. 

(4)  On  sait  que  \esagum  est  non  une  blouse,  mais  une  sorte  de  plaid  écossais. 

(5)  Epaule  droite. 

XXXIX.  —  Juin.  23 


338  IIKVUK   AIlCIiÉOLUUlQUli. 

tjues.  L'objot  que  serre  la  m.iin  gauche,  i)lus  diflicilcà  délorminer,  pa- 
ralu'lro  une  bourse.  Sur  celle  face  le  dieu  occupe  la  droilede  l'aulel  J). 

A  la  gauche  du  dieu  esl  assise  une  déesse  drapée.  Une  corne 
d'abondance  repose  sur  le  bras  gauche.  Dans  la  main  droile  esl  un 
objel  (le  caraclére  douteux,  pcut-élre  un  ciseau.  La  léle  de  la  déesse 
s'esl  relrouvée,  délachée  du  Ironc,  ;i  peu  i)rès  inlacle.  La  chevelure 
pend  par  derrière  en  chignon  ovale. 

A  gauche  de  la  déesse  et  presque  sur  la  tranche  de  l'aulel  une 
petite  divinité,  nu  licrs  de  grandeur  des  deux  autres,  se  tienl  debout 
et  complète  la  triwle.  Cetle  petite  divinité  esl  mulilée.  On  a  peine  à 
distinguer  les  détails  du  costume  et  les  attributs.  On  v  reconnaît, 
toutefois,  une  divinité  féminine  portant  la  robe  talaire.  La  tôle  man- 
que. Le  bras  gauche  esl  plié  sur  la  poitrine.  La  main  tient  une 
sorte  de  fruit,  pomme  ou  grenade.  Le  bras  droit  soutient  une  corne 
d'abondance  dépassant  l'épaule. 

La  face  postérieure,  dont  les  personnages  .sont  de  plus  petite  dimen- 
sion, n'a  pas  moins  d'importance  pour  nous.  (Voir  pi.  X.) 

Le  dieu  à  ullilude  bouddhique  tient  ici  le  centre  de  l'autel.  Dans 
la  main  droite  est  une  bourse.  L'objet  iiue  tient  la  main  gauche  est 
méconnaissable.  Deux  lOtes  de  taureau  ornent  la  base  du  siège  sur 
Iciiuel  le  dieu  repose  : 

A  la  droite  du  dieu  se  voit  une  divinité  féminine  à  longue  robe. 
Celte  divinité  est  debout;  le  bras  droit  tombe  le  long  du  corps  et 
parait  libre.  Le  bras  gauche  est  recourbé  sur  la  poitrine.  La  main 
porte  un  vase  ou  plus  probablement  un  fruit.  La  base  qui  soutient 
la  divinité  esl  sans  ornement. 

A  la  gauche  du  dieu  central  se  lient  debout  un  personnage  nu, 
de  sexe  masculin,  la  main  droite  appuyée  sur  une  massue,  une 
pomme  i2j  dans  la  main  gauche.  La  base  sur  laijuclle  rcjjose  ce  per- 
sonnage esl  ornée  d'une  tète  de  taureau. 

L'autel  de  Saintes  nous  mel  donc,  à  première  vue,  en  présence  des 
faits  suivants  : 

1"  Une  divinité  masculine  accroupie  à  l'orientale,  vêtue  du  sarjum 
cl  ayant  pour  attributs  certains  :  le  torqucsci  la  bourse  ;.{;; 

H'  (]ellc  divinité,  sur  chaiiue  face,  esl  en  relation  avec  deux  autres 
divinilés  formant  avec  elle  une  triade; 


(1)  La  gaiiclio  du  spccialour  qui  r(g:irdr  l'autel. 

(2)  Cet  objet  e»t  trct  tnuiil<;  vt  peut  ùtro  (lifiiciliinciit  déterminé. 

(3}  Nous  ne  parlons  pas  de»  autres  aliributH^  duiit  !•<  caractère   est  trop  con- 
Jcctursl. 


i/aUTI'L   1)1-:   SAINTKS   KT   LKS  TniAOKS  G\UL01Sr:S.  .'}.'}!) 

il"  Ln  Iriadcest  comjiosrc  d'un  cCtU)  du  dieu  à  nttiluilr  houtldliique 
vl  i\c  deux  déesses  ;  do  l'autre,  du  inèine  dieu  nccoslé  d'une  déesse 
seulement  cl  d'un  personnage  masculin  armé  de  la  massue. 

Aucun  lexl(>  ancien  ne  s'applifiuo  directcmenl  h  l'ensemble  de  ces 
représentation.?.  Nous  devons  donc  clierclier  la  lumière  d'un  autre 
côté,  et  procéder  par  voie  de  comparaison  et  d'analyse. 

Ce  monument  est-il  uni(iuc  ?  S'il  existe  des  moiiumenls  analogues, 
que  nous  apprennent  ces  monuments?  Telle  est  la  ([uestion  que  nous 
avons  dû  nous  poser  tout  d'aborJ. 

L'autel  que  nous  examinons  n'est  pas  unique.  Des  monuments 
analogues,  sinon  semblables,  ont  été  découverts  antérieurement  ù 
celui  de  Saintes.  De  plus,  nous  retrouvons  en  Gaule,  sur  plusieurs 
points  du  territoire,  unis  ou  séparés,  les  divers  éléments  mylliologi- 
quesipii  caractérisent  les  personnages  de  l'autel  de  Saintes.  Permet- 
tez-moi de  passer  en  revue  ces  monuments  dont  les  originaux  ou  les 
moulages  se  voient  au  musée  de  Saint-Germain  (salle  XIX).  En 
dcbors  du  dieu  de  Saintes,  nous  connaissons  six  divinités  à  atti- 
tude bouddhique  (1). 

N"  4.  —  Antcl  découvert  à  Reims {^2)  en  1837.  (Voir  pi.  XI.) 

La  divinité  accroupie,  comme  celle  de  Saintes,  fait  partie  d'une 
triade  dont  elle  occupe  le  centre,  ayant  Apollon  à  droite.  Mercure  à 
gauche.  Cette  divinité,  comme  à  Saintes,  est  un  dieu  (3).  Comme 
le  dieu  de  Saintes,  le  dieu  de  Reims  porte  le  torques,  non  plus  à  la 
main,  mais  au  cou.  La  télé,  cette  fois,  existe  :  elle  est  barbue  (4)  et 
était  ornée  de  magniliques  palmes  de  cervidc  dont  les  traces  sont 
encore  très  visibles  (o).  De  ses  deux  mains  le  dieu  presse  une  outre 
d'où  s'échappent,  en  abondance,  des  glands  ou  des  faînes  que  sem- 
blent altendro  un  bœuf  et  un  cerf  placés  au-dessous.  Sur  le  fronton 
de  l'autel  est  sculpté  un  rat  (6). 

(1)  Depuis  la  lecture  de  cetlc  note  un  fcplième  monument  des  plus  curieux  m'a 
été  signalé.  (Voir  rappciidico  à  notre  note.) 

(2)  Voir  :  Magasin  pittoresque,  lS/)7,  p.  164;  Revue  archéoL,  1852,  p.  501;  Revue 
numismatique,  nouvelle  série,  t.  III,  1858,  etc. 

(3)  La  triade,  ici,  se  compose  donc  de  trois  dieux  sans  déesse. 
{l\)  Le  dieu,  outre  la  barbe,  porte  de  fortes  moustaches. 

(5)  Nous  les  avons  fait  rétablir,  mais  à  l'état  mobile,  sur  le  moulage  du  musée  ; 
on  peut  ainsi  se  rendre  compte  de  l'état  actuel  et  de  l'état  primitif  présumé.  Le 
dessin  ci-joint  donne  une  idée  exacte  des  cornes  avant  la  mutilation. 

(6)  M.  le  baron  de  Wiite  voit  dans  le  rat,  dont  la  demeure  est  souterraine,  un  des 


;JU)  RKVUK   AnCHKOLOGIOUE 

Le  iliou  do  Tniili'l  de  Saintes  el  le  diiu  de  l'autel  de  Hciins  ne  font 
(ju'un.  Les  attributs  de  l'une  de  ees  divinilés  peuvent  léi-iliiuement 


servir  à  expliquer  ou  compléter  ceux  de  l'autre.  Le  dieu  de  Saintes 
devait  ôtre,  comme  celui  de  lleims,  barbu  cl  coniu{i). 


y  _>.  —  Statuette  d'Autan  (2). 
(Voir  pi.  XIF  et  Its  dessins  ci-joints.) 

Le  second  monument  n'est  plus  un  autel,  mais  une  simple  sta- 
tuette, La  posture  accroupie  du  dieu,  assis  les  jambes  croisées  sur 
un  coussin,  le  lonjaes  qu'il  porte  au  cou,  la  ICtic  barbue  et  vrai- 
semblablement cornue  (3),  permettent  de  le  rapprocher  sans  hési- 
tation des  deux  divinités  précédentes. 

Ce  dieu,  le  plus  complet,  le  mieux  conservé  de  tous,  donne  sur  le 
mythe  dont  il  relève  de   nouveaux   el  précieux  renseijjMiements. 


cymbales  de  l'iuton,  dieu  des  enfers  et  des  riclicsscs  minérales.   Cf.   Revue  archéol., 
1852,  l.c. 

't)  Kn  y  TfRardant  de  pr^s,  on  voit  sur  la  face  post(5riciirc  de  l'autel  des  traces 
qui  semblent  Cire  celles  d'une  des  cornes  du  dieu  h  attitude  bouddhique,  corne  dont 
l'extrémité  seule  a  échappé  à  la  d-struciian.  I,.i  suite  de  celte  étude  montrera  com- 
bien la  conjecture  que  nous  faisons  ici  est  vraisemblable. 

(2)  L'original  appartient  au  musée  de  ^aint-(iermnin. 

(3)  L'attache  des  cornes  se  voit  encore;  elles  étaient  fixées  par  des  tipcs  en  fer 
qui  ont  laissé  des  traces  d'oxyde  dans  les  deux  petites  cavités  qui  les  recevaient. 


I- A  UT  Kl,    I)i;    SVI.NTRS    ET    I,i:S   TIIIADKS    OAULOISE?, 


3  H 


LY'tudc  de  la  slatuctio  d'Autiifi  permet  d'affirmer,  en  premier  lieu, 
que  l'idée  de  Irinilé  élait  essenliellcment  liée  à  la  légende  dont  ce 
dieu  est  le  héros.  S'il  n'y  a  point  place,  ici,  pour  les  deux  divinités 


-^^^^^ 


acolytes,  comme  sur  les  autels  (l),  la  divinité  unique  porte  avec 
elle,  je  pourrais  dire  en  elle-même,  son  symbole  trinitaire.  Deux 
petites  tôtes,  dont  une  bien  ccnservée,  sont  accolées  au  crâne  du 


(1)  Il  ?e  peut  que  dans  le  laraire  où  ce  dieu  dtail  placé  il  fût  accompagné  de 
deu\  autres  divinités  qui  formassent  avec  lui  la  triade.  On  n'a  aucun  détail  sur  les 
circonstances  de  la  découverte  faite  par  un  paysan  dans  les  environs  d'Aulun. 


J42  RKVUE   AnCHKOLOGIOUB. 

ilieu,  iine:\paucho  et  une  ;\  droile,  au-dessus  des  oreilles  (1).  Le 


dieu  esl  uu  lric(''plinl 


Kn  second  lieu,  limporlance  du 
torques  esl  parliculièremcnl  accen- 
liiée.  Xon  seulement  le  dieu  porte 
le  tonjues  au  cou,  mais  un  autre 
lonjues  dressé  sur  nu  coussiu  que 
la  divinité  tient  sur  ses  {,'eni)ux  esl 
olïerlen adoration  à  deux. monstres, 
serpents  ou  dragons  à  écailles  ayant 
tête  (le  hélicr  ["l).  Les  deux  corps 
de  ces  serpents  forment  une  sorte 
de  ceinture  au  dieu. 

La  série  des  symboles  groupés 
autour  de  notre  divinité  s'augmente 
ainsi  d'un  élément  nouveau  :  Ir  ilra- 
fjon  à  ti'te  (le  bélier. 

N'"  3  et  \. 
Les  si  al  lies  (le  Velaux. 

Les  deux  statues  de  Vclaux,  ap- 
partenant à  M.  Gilles  (3),  qui  en  a 
)ublié  le  dessin  avec  commentai- 
res, vont  compléter  no- 
tre instruction.  Cessta- 
:-  -        tuesdécouverfesaulieu 
d\[laBo(liej)('rtuse,  pr^s 
Velaux    (Bouches- du - 
Uliône^  soni  de  gran- 
deur naturelle  [\).  Les 


(I;  J'avais  (l'abord  cru  reconnaître  trois  petites  tûtes,  mais  M.  do  LongpL^rlerm'a 
fait  observf-r  que  deux  petites  ti'tes  seulement  sont  reconnaissablcs;  la  place  ap- 
parente de  la  trnisitme  (celle  di-  l'occiput}  parait  produite  par  une  écaille  du  meta 
détachée  accidentcllcraont.  La  triade  se  compose  donc  do  la  tOte  principale  cl  do 
deux  petite». 

(2;  CosdraRonBsont  probablementdcsmonstrcsmirins.  lisent  une  queue  de  poisson. 

(3)  /.CT  Saliins  ntnnt  la  con'/ui'lc  romnitv,  par  Gilles. 

(4)  Je  n'ai  pu  examiner  ces  statue»  ni  m'en  procurer  de  pliotograpliies  prises 
directement  sur  le»  originaux.  Les  pliotoRrapliies  déposées  sur  le  bureau  ont  lîlé 
exécutées  d'apr^'ï  un  dessin  do  M.  Kd.  Flouest. 


l'autel  de  saintes  et  les  triades  gauloises.  313 

lôlesmanquonl.  Je  copie,  en  l'abrése.mt,  la  description  de  M.  Gilles  : 
«  Les  deux  statues  sont  en  r.ilcaire  coqiiillierd'iin  grain  lincliilanc, 
provenant  d'une  carrière  située  entre  Calissane  et  Condoux,  commu- 
nes voisines  de  Velaux  (1).  Ces  statues,  dont  le  torse  e^t  lonj,',  fluet  et 
arrondi,  sont  assises  sur  leurs  jandjes  à  la  manière  des  divinités  de 
l'Inde.  Elles  ont  dans  cette  position  0'",«.)3  du  haut,  ce  fjui  leur 
donnerait,  étant  debout,  une  taille  de  4'",7o. 

«  Les  bras  et  les  jambes  sont  nus,  le  bras  droit  incliné  en  avant, 
la  main  appuyée  sur  la  cuisse,  tandis  que  le  bras  gauche  porte  la 
main  sur  la  poitrine  dans  l'attitude 
de  la  prière.  La  poitrine  est  cou- 
verte d'un  pectoral  superposé  à  la 
tunique.  Ce  pectoral  est  orné  de 
grecques  et  de  quadrillages  sculptés 
en  relief.»  —  «  Les  deux  statues, 
ajoute  M.  Gilles,  paraissent  avoir  été 
identiques.  Toutefois  le  collet  de  la 
tunique  de  l'une,  qui  est  relevé  {T), 
semble  indiquer  que  le  cou  avait  été 
orné  d'un  collirr  que  l'autre  ne  por- 
tait pas.  » 

Les  points  de  rapprochement  sont 
ici  moins  nombreux  et,  à  part  l'hy-  r\ 
pothétique  collier  ou  torques,  se  bor- 
nent à  l'attitude  bouddhique  des  di- 
vinités. Mais  je  ne  puis  m'empécher 
d'attacher  une  certaine  importance 
au  pectoral  orné  non  d'une  simple  grecque,  mais  de  Tune  des 
plusordinaires  modifications  du  S'«-as?/^'a  ou  croix  gammée,  dont, 
j'espère  le  démontrer,  le  rôle  a  été  très  grand  en  Occident  comme 
signe  hiératique,  dés  une  époque  bien  antérieure  à  notre  ère (3). 

J'ai  à  mentionner  comme  cinquième  exemple  la  monnaie 
n°  232  des  planches  du  Dictionnaire  archéologique  de  la  Commis- 
sion de  la  topographie  des  Gaules {i),  où  cette  monnaie  est  ainsi  dé- 
crite :  «  Figure  de  face  accroupie,  tenant  de  la  main  droite  un  torques, 
et  de  la  gauche  un  objet  indéterminé.  Revers  :  Sanglier  à  droite; 


(1)  Canton  de  Berre  (Bouclies-dii-Rliône). 

(2)  Je  ne  comprends  pas  bien  ce  que  M.  Gilles  veut  indiquer  par  ce  mot  relevé. 

(3)  Dès  le  vi«  ou  vu*  siècle  avant  J.-C.  pour  le  moins. 

i!x)  Aujourd'hui  Commission  de  In  ge'ogruphie  historique  de  l'ancienne  France. 


314  HEVUR    ARCIIKOLOOIQUK. 

au-dessus,  un  symbole  [\).  »  ('.elle  monn:iie  a  t'ir  ilêrouvcrlo  au  inonl 
Bo  livra  y  (i). 


'  Je  signalerai  enfin,  une  divinitô  féminine  figurée  dans  Dom  .Mar- 
tin (3).  Les  J3ml)es  sont  croisées  sous  elle,  elle  porte  la  corne  d'abon- 
dance, et  la  tùle  est  ornée  de  deux  beaux  rameaux  de  cerf.  Du  temps 
de  Dom  Martin,  elle  faisait  partie  de  la  collection  des  Jésuites  de 
Besançon.  Un  ne  sait  ce  (lu'elle  est  devenue  ('0-  Ces  monuments  de 
nous  connus  ne  doivent  pasélre  les  seuls  portant  représentalion  pro- 
bable de  la  divinité  principale  de  l'autel  de  Saintes.  Ils  suffisent 
à  prouver  l'importance  et  l'étendue  de  ce  culte  en  Gaule  (5). 

Mais  à  quelle  époijue,  sous  quelle  infiuence  ce  culte  a-t-il  été  in- 
troduit chez  nos  pères?  A  quel  courant  religieux  doit-on  le  ratla- 
cher?  Je  ne  parle  pas  delà  date  à  laquelle  chacun  de  ces  monuments 
particuliers  a  pu  être  sculpté,  fondu,  ciselé  ou  fiappé:  mais  de  la 
période  à  lai|uellc  ilsapi)articnnent  en  tant  que  mythe,  que  ce  mythe 
doive  être  considéré  comme  indigène  ou  comme  importé  du  dehors 
et  naturalisé  en  Gaule. 

Nous  ne  connaissons  aucune  représenlation  figurée  de  divinités 
gauloises  notoirement  antérieures  ;i  la  conquête  romaine.  Bien 
que  César  aflirmeque  de  son  temps  les  Gaulois  possédaient  des  sta- 
tues de  Mercure  ;  Deiim  maxime  Mcicurium  oAunt,  hujiis  sunt  plu- 
rima  simulera,  tout  porte  à  croire  que  donner  un  corps  aux  dieux 
était  en  Gaule,  cinquante  ans  avant  notre  ère,  un  usage  exceptionnel 
et  récent.  Aucune  statue  ou  statuette,  que  nous  sachions,  ne  s'est 


(1)  Co  symbole  est  vraisemblablement  un  dragon. 

(2)  On  en  connaît  plusieurH  autres  de  type  anolognc;  elles  sont  attribuées  par  les 
ODB  aui  Cdlniduni,  par  les  autres  aux  Litiijiius. 

(3)  Dom  Martin,  lieliyion  drs  Cnulnis,  t.  Il,  p.  1H5  ;  Montfaucon. 

(/i)  M.  (iasian,  rorresponilant  de  l'Institut  et  bibliotliL^c.iire  de  la  ville  de  De.sançon, 
n'a  pu  recu<illir  aucun  rcnM'i^'ncmcnl  conornant  cet  antiijue,  qui  parait  perdu. 

(5)  Un  nouvel  autel  portant  représentation  du  dieu  A  attitude  boudiiinnc  nous  a 
été  dt'j.'i  signalé,  comme  noua  l'avons  dit  plus  Imui,  depuis  la  communication  faite 
à  i'Acadûmie. 


l'autkl  ni-;  smnti.s  f.t  i,i:s  tiuadk.s  r..\i;i,(jisKS.  rii.'j 

rcnconirée  dans  les  nombreux  ojtpiiln  exploivs  depuis  vingt-cinq 
ans,  au  milieu  d'anliiiuités  purement  gauloises  non  mcMées  à  des 
monnaies  romaines,  à  des  tuiles  à  rebords  ou  des  vases  dits  sa- 
•miens  (1). 

L'omnipotence  des  Druides,  dont  les  doctrines  éljientfndùsaccord 
si  complet  avec  l'antliropomorphisme  lehju'on  le  pratiquait  en  Grèce 
et  à  Rome,  était  un  suflisant  obstacle  à  l'inlroduclion  en  Gaule  de 
représentations  figurées  ties  dieux  nationaux,  dans  les  contrées,  du 
moins,  où  l'influence  de  ces  maîtres  des  consciences  était  domi- 
nante (2;. 

Mais  au-dessous  des  doctrines,  assez  vagues  pour  nous,  quo  pro- 
fessaient officiellement  les  collèges  de  druides,  toute  une  tmjtholofjie 
existait,  on  n'en  saurait  douter  aujourd'hui,  chez  Ir  petit  peuple, 
ainsi  que  cela  devait  être  au  scinde  tribus  d'origine  (injennc.  .Nous 
n'avons  aucune  raison  de  croire  que  la  race  celtique  ait,  sous  ce  rap- 
port, constitué  une  exception.  —  Oue  se  passa-t-il,  en  effet,  après  la 
conquête  romaine,  quand  la  main  autoritaire  des  Druides  ne  se  fit 
plus  sentir?  Tout  un  panthéon  nouveau,  en  apparence  du  moins, 
mais  dont  les  éléments  préexistaient  certainement,  sort  de  terre  tout 
à  coup.  Cet  épanouissement  de  la  religion  populaire  paraît  même 
avoir  été  favorisé  par  les  Romains.  Rome  désorganisa  et  dispersa  les 
collèges  sacerdotaux,  persécuta  peut-être  les  Druides,  mais  ne  fit 
point  la  guerre  aux  dieux  nationaux.  Les  dieux  cliers  aux  petites 
gens  furent  surtout  respectés  par  cette  habile  politique  qui,  en  frap- 
pant à  divers  degrés  Varistocratie  (3)  militaire  et  religieuse,  tendait 
à  émanciper  la  plèbe,  tenue  jusque-là  dans  une  sorte  d'esclavage  : 
Plèbes  pœne  servoruni  habetur  loco  [k).  Rome  exigeait  seulement 
que  ses  dieux  et  avant  tout  l'empereur  divinisé  fussent  honorable- 


(1)  Les  statuettes  du  Châtelet  et  notamment  la  statuette  dite  Jupiter  gaulois  du 
Louvre  ont  été  recueillies  dans  une  couche  qui  contenait  de  nombreuses  monnaies 
romaines.  Voir  Grignon  :  fouilles  de  177!i. 

(2)  Quand  il  s'agit  d'un  grand  pays  comme  la  Gaule  et  dont  la  population  était 
composée  d'éléments  très  divers,  il  faut  se  tenir  en  garde  contre  toute  généralisa- 
tion. Plus  la  science  avance,  plus  on  est  amené  Ji  reconnaître  que  la  plupart  dos  ren- 
seignements à  nous  transmis  par  les  auteurs  anciens  ont  un  caractère  purement 
local  et  chronologiquement  très  limité.  Il  ne  faut  jamais  dire  d'une  manière  absolue: 
les  Gaulois  avaient  tel  usage;  mais:  à  telle  époque,  les  Gaulois  de  telle  ou  telle  par- 
tie de  la  Gaule  avaient  telle  coutu.Tie. 

(3^  Les  Romains  ne  persécutèrent  pas  les  équités;  ils  leur  enlevèrent  seulement 
leurs  privilèges,  tout  disposés,  d'ailleurs,  à  bien  accueillir  ceux  qui  consentaient  à 
servir  leur  politique  et  à  accepter  le  régime  nouveau. 

(4)  Cœsar,  B.  G.,  vi,  c.  13. 


;)iG  UKVUK   AnCHKOLOGiyUE. 

ment  plaC(V>  à  cCtlà  dos  dieux  gaulois.  Avant  la  fin  du  premier  siècle 
de  notro  cro  une  foule  do  divinités  inconnues  du  monde  grec  cl  lalin 
prennent  place  ;i  côlé  des  dieux  romains  dans  les  laraires  et  les  tem- 
ple.» des  Trois  (inufcs.  . 

Le  nom  des  dieux  AnrxLio,  Ahinius,  Ari\o  il),  Hklknus, 
Horvo,  Ccrnunnos,  Kdelates,  Erge ,  Ksus,  Esumus,  Erumus, 
(îiiANNLs,  Ilixo,  Lavaratup,  Lcheren  ,  Lussoius  ou  Luxovius,  Majur- 
rus,  Orevaius,  Hudiobus,  Segomo,  Sinnuatus,  Succllus,  Takams, 
Teutates,  et  Yinlius  (Vintius,  distinct  du  Mars  Vintius  de  Vencc), 
figurent  sur  divers  ex-voto  ou  autels  (2). 

Les  déesses  Acionna,  yErecura,  Atliubodua,  IJelisama,  Borvona, 
Briciaou  Brixia,  Clutonda,  Damona,  Epona,  Lalie,  Uosmerta,  Sirona, 
Soïon,  Ura(3),  étalent  leur  nom  sur  des  inscriptions  dont  le  musée  de 
St-Germain  possède  ou  les  originaux  ou  les  moulages.  Sans  compter 
les  dieux  et  les  déesses  presque  complètement  absorbés  par  les  divi- 
nités romaines  et  dont  le  nom  gaulois  ne  ligure  sur  les  autels  qu'à  titre 
de  surnom  :  ApolloCobledulitavus;  ApoUoïouliorix  ;  ApoUoVerotu- 
tus  ;  Jupiter  Baginatus  ;  Mars  Camulus;  Mars  Cocosus  ;  Mars  Rudianus; 
Mercurius  Atesmerius  ou  Atusmerius;  Mercurius  Arlaius;  MercU" 
rius  Cissonius;  Mercurius  Dumias;  Mercurius  Vassocaletus  ('0- 

Ajoutons  à  cette  liste  les  divinités  plus  particulièrement  topiques: 
Mars  Bol  ri  nus  {dG  Bouy);  Mars  Vintius  (de  Vence);  les  dieux  Sf.r 
arbor  et  Uœsertc  (à  Basert  dans  les  Pyrénées);  les  déesses  éponymes 
des  rivières  et  des  forêts  :  Icauna  (l'Yonne);  Matrona  (la  Marne); 
Mosa  O'T  Meuse);  Sequana  (la  Seine';  Anluina,  la  déesse  de>  Ardennes 
et  les  nombreuses  déesïcs  mères  et  proxumesdont  le  culte  était  si 
étendu  et  si  varié,  et  dont  les  autels  le  plus  souvent  ne  portent  pas 
d'inscriptions. 

L'existence  de  toutes  ces  divinités  nous  est  révélée  par  des  monu- 
ments authentiques,  élevés  en  leur  honneur  durant  l'espace  de  deux 
cents  ans  qui  sépare  le  règne  de  Tibère  de  celui  de  Caracalla. 

Or,  Messieurs,  ces  divinités  personne  ne  préiendra  (pi'elles  fus- 
sent en  majorité,  du  moins,  do  création  récente,  d'importation  ro- 
maine. Tout  nous  induit  îi  supposer  que  ce  sont  de  vieilles  divinités 
celtiques. 


(1)  On  Harixo. 

(2)  Vingt-cinq  dieux.  Nous  cilons  Bonlomcnt  coin  dont  les  inscriptions  recuoillios 
aumuaiîc  doSninUGiTinain  nous  donnent  lo  nom. 

(3)  Oiintorzc  déesse». 
(k)  Douze  dieux. 


i/autkl  I)K  suntf.s  i:t  lk.s  tiiiadts  gauloises.  :{'i7 

Un  (Jieu  portant  le  sagnm  et  le  tonjnes,  un  dieu  dont  l'ofTlgie 
figure  sur  des  monnaies  gauloises  antérieures  à  Auguste  ou  tout  au 
moins  C(.nlemporain('s  iloca  piince,  doit  avoir  plus  parlieuliùreincnl 
cecaractùre.  L'intérùt  qui  s'attache  aux  divinités  de  l'autel  de  Sain- 
tes en  grandit  singulièrement.  Ucprenons  done  un  à  un  et  étudions 
séparément  chacun  dos  symboles  groupés  autour  de  notre  grande 
divinité  : 

i°  L'altitude  accroupie; 

2°  Les  cornes  ; 

3°  Le  lonjucs  ; 

4"  La  triade  et  la  tricéphalie  ; 

5"  L'outre  ou  la  bourse  ; 

G"  Le  dragon  à  queue  de  poisson  et  à  lôtc  de  bélier. 

AlkxandhI':  Hkiitram) 
{La  suite  prochainement.) 


LA 


MEDECINE   PUBLIQUE 


nANS 


L'ANTIQUITE  (niECQUE 

Suite  Cl  fin  (1). 


\1 


Tols  sont  les  précieux  documents  qui  font  connaître  de  la  façon 
la  plus  claire  I  organisalioii  de  l'assistance  médicale  dans  les  cités 
grecques. 

Certainement  nous  ne  savons  pas  tout,  et  peut-être  cette  assis- 
tance était-elle  plus  complètement  organisée  encore.  Qu'était,  par 
exemple,  ce  Trau.'mov,  situé  prés  de  la  mer,  et  dont  nous  parle  le 
poète  Gratés  (2),  sinon  iinc  sorte  de  maison  de  santé,  placée  sous 
l'invocation  dePa-on,  le  médecin  des  dieux  ?  Nous  considérons,  avec 
M.  Daremberg,  comme  inliniment  prohalde  qu'elle  était  dirigée  par 
des  laiijues,  et  n'a\ait  aljsoluuuiit  licn  de  commun  av(>r  les  temples 
d'Esculajie. 

Quoi  qu'il  en  soit,  d'après  tout  ce  que  nous  venons  d'exposer,  nous 
avouons  avec  sincérité  (jue  nous  ne  voyons  aucune  dilTérence  nota- 
ble entre  cette  organisation,  tcllo  (jue  l'avait  conçue  le  génie  bellé- 


'J)  Voir  Ici  numéros  do  TùvriiT,  rwril  oi  mui. 


iiiijiu',  et  notre  organisation  actuelle  :  qu'est-ce,  en  délinitive, 
que  ce  médecin,  payé  par  la  villi'  pour  soigner  gratuitement 
tous  les  malades,  UK^ine  les  pauvres,  de  la  cité,  sinon  l'ancêtre  très  re- 
connaissable,  le  représentant  à  [leine  niodilié  de  notre  médecin  ac- 
tuel de  rAssislancc  publique  ? 

Uu'est-ce  encore  que  ce  vaste  ialrinmqnc  la  ville  met  k  la  dispo- 
sition de  son  médecin,  et  dans  lequel  ce  dernier  est  tenu  de  recevoir 
des  malades,  qu'il  soigne,  gratuitement  encore,  et  de  concert  avec 
ses  discijiles  et  ses  aides-esclaves,  sinon  un  véritable  petit  liOpital, 
une  ambulance  si  l'on  veut,  —  le  nom  n'y  fait  rien  ;  —  et  comment 
est-il  possible  de  prétendre  avec  iM.  Briau  (qui  d'ailleurs  ne  fait  (lue 
reproduire  une  erreur  trop  répandue)  que,  seul,  le  christianisme 
triomphant  a  su,  faisant  preuve  d'une  charité  prétendue  inconnue 
des  païens,  fonder  des  refuges  pour  les  malades  et  instituer  l'assis- 
tance médicale  gratuite? 

Assurément,  dans  les  époques  de  grandes  calamités,  celle  assis- 
tance, organisée  comme  nous  venons  de  le  voir  dans  les  cités  grec- 
ques, devait  être  insuffisante. 

Ainsi,  quand  une  pcsle  survenait,  le  médecin  public,  dont  nous 
savonsmaintenant(iuela  place  était  au  milieu  des  épidémies,  se  mul- 
tipliait en  vain;  il  devait  être  le  plus  souvent  forcé  d'avoir  recours 
au  zèle  de  ses  élèves  pour  le  seconder,  exactement  comme  nous  voyons 
Hippocrate,  dans  une  circonstance  semblable,  obligé  d'envoyer 
ses  disciples  au  secours  des  innombrables  malades. 

Ainsi  encore,  quand  des  guerres  surviennent,  on  voit  les  blessés 
transportés  dans  les  villes  où  on  leur  donne  des  soins  dans  les  mai- 
sons des  particuliers  (1)  :  c'est  que  dans  ces  circonstances  l'iatrium 
public  devenait  totalement  insuffisant,  et  l'on  était  dans  la  nécessité, 
—  alors  comme  aujourd'hui,  —  de  faire  appel  à  la  charité  hospita- 
lière des  citoyens,  qui  n'hésitaient  pas  à  transformer  leurs  demeures 
en  ambulances. 

Mais  ce  qu'il  faut  bien  savoir,  c'est  qu'en  temps  ordinaire  cette 
organisation  de  la  médecine  publique  était  jugée  très  suffisanle,  et 
elle  l'était  si  bien  qu'elle  a  traversé  une  longue  suite  de  siècles  sans 
qu'aucun  de  ses  caractères  se  soit  notablement  altéré.  C'est  le  propre 
des  organisations  supérieures,  qui  répondent  eflicacenient  à  un  be- 


(1)  Voir,  par  exemple,  Justin,  Histor.,  lib,  XXVI II,  §  û.  Ces  ambulances  privées 
recevaient  môme  des  blessés  ennemis,  comme  on  en  trouve  la  preuve  dans  Xénoplion 
{Ânab.,  lib.  VII,  cap.  ii,  §  6)  ;  c'est  un  nouvel  et  bel  exemple  de  la  sollicitude  des 
Grecs  pour  les  maladis,  quels  qu'ils  fussent,  riches  ou  pauvres,  amis  ou  ennemis. 


;jîit»  ni:vi'i:  AnciihUiLOciQUi:. 

soin  social,  do  doniinci-  les  t'vrnemenls,  et  do  roMLM-i'ltM'nelItMik'iU  de- 
bout aumilipu  dos  drluis  dos  aulros  iiisliliilions  (iiii  s'roroulonl. 

Nous  allons  en  donner  la  preuve  : 

nunnd  Home,  aiinllaiil  son  hras  i)uissanl  sur  lo  mondo  onlior,  com- 
nioiiça  rassorvissoiuonl  i\c  la  (irtVe  cl  jota  un  roganl  ourioiix  sur  les 
coutumes  de  ce  monde  nouveau,  non  seulement  elle  n'osa  pas  loucher 
à  l'institution  des  médecins  puMicsdans  lescilésgrec(iues,  —  comme 
le  prouve  la  date  de  l'iu'^cription  de  Dolphos  que  nous  avons  rappor- 
tée plus  haut  h  propos  de  l'impôt  dit  iatricon, —  mais  encore,  séduite 
un  instant  par  la  beauté  do  cette  institution,  elle  tonla  de  l'a- 
dopter. 

Pline  (l)  nous  donne  un  renseignement  précieux  qui  lixc  l'époque 
de  cette  lenlalivo.  Voici  le  texte  de  Pline,  texte  dont  l'importance 
pour  le  sujet  qui  nous  occupe  a  jusqu'ici  échappé  à  tous  les  com- 
mentateurs : 

((  Cassius  Ilemina  ex  anliquissimis  auclor  est,  itriiiuim  e  mcdicis 
venisse  Roiiiam  Peloponneso  Archagalhum  Lysiani;i'  filium,  L. 
iEmilio,  L.  Julio  coss.,  anno  Urbis  DXXXV,  cique  jus  quiritium 
datum  et  tabernam  in  compifo  Acilio  emptam  ob  id  publice  :  vulne- 
rarium  eum  fuisse  e  rc  dictum  ;  miroque  gratum  adventum  ejus 
initio.  I) 

Ainsi  donc,  on  voit,  en  5^0  av.  J.-C,  Archngathc  vonir  du  Pélopo- 
nése  à  Uome  (2),  et  Rome  rin.^lituer  son  médecin  public,  puisqu'elle 
lui  fournit  gratuitement  («publice»,  «n/^'sf  publicosumplUJ)),dans  le 
carrefour  Acilius,  une  officine  {tahenunu)  [)our  y  soigner  les  malades, 
exactement  comme  nous  avons  vu  les  cités  grecques  fournir  gratui- 
tement à  leur  médecin  public  un  local  semblable,  un  iatrium. 

Cette  tentative  ne  réussit  pas  cl  Pline  nous  donne  d'assez  mau- 
vaises raisons  de  cet  insuccès. 

Voici  comment  il  l'explifiue  : 

((  Mox  asa.'vitiasecaiidiurendi(iue  transisse  nomen  (vulnerariuui) 
in  carnilicem,  el  in  l;i'dium  artem  omncsque  mnlicos » 

Pour  nous,  une  raison  plus  plausible  de  cet  insuccès  doit  Hrc 
cherchée' dans  ro[)position  jalouse  (jue  firent  à  cette  innovation  ^o«s 
les  (iiilnsmcilecinsy  qui  ne  purent  voir,  sans  en  être  mortifiés,  un 


(1)  Pli».,//,  s.,  lil).  WlX.cap.  M. 

(2)  l'iino  vfui  0\idciiiineiit  d:;i!  'ju'Aiciingatlic  fut  ji'  premier  iiirdcciu  f/nc  qui 
vint  &  Komo  :  la  preuve  (|u'il  y  OMiit  des  niédcciiiii  .'i  lloini!  avant  Arcluigutlic,  c'est 
que,  quelques  lignen  plus  loin,  IMiiie  dit  «  oiiirics  uicdicos  ».  —  Hcuiarqucz  l'ex- 
pression «  publiée  »'  :  c'est  le  ô^.iaogiij.  ^\i<)<ô  grec. 


LA   MÉDLCIN'K   PUHLIQUE   DANS   i/aNTIQUITI':   (UIFXQUC.  XW 

inùdocin  êlrangcr  (I)  dovonii',  (MiMCiiurranl  Icdioildc  cil*'-  elle  pri- 
vilôgL'  inouï  do  la  graliiilé  de  l'officine,  lo  niôdocin  ijujjlic  de  Uonie. 

Mais,  si  celle  tentative  ne  réussit  pas  à  Konic,  il  est  absolument  po- 
sitif (|ue,  dans  d'aulres  cités  romaines,  l'instilulion  yreciiue  parvint 
à  s'établir  ;  et  elle  s'y  établit  en  elTet  si  bien  (ju'c  nous  possédons  une 
inscription  funéraire,  du  réf^nc  de  Tiajan,  q\ii  mentionne  expressé- 
ment un  médecin  comme  «  salarié  »  de  Ferentinum,  ville  située  en 
plein  Lalium,  à  quebiues  lieues  de  Home  seulement. 

Voici  ce  précieux  document  : 

D  M 

AA  •  VLPIO-  C  •  FIL- 

SPORO    MEDICO    ALAR 

INDIANAETHERI  AE 

ASTORVM    ET    SALARARIO 

CIVITATISPLENDIDISSIMAE 

FERENTINENSIVM 

VLPIVS    PROTOGENES 

Ll  B-  PAT-  B-  M  •  F- 

«  DiisManibus.  Marco  Ulpio,  Caii  lilio,  Sporo,  nicdico  alarum  In- 
dianœ  etterlia)Asturum,etsalariariocivilatis  splcndidissimaî  Feren- 
tinensium.  Ulpius  Protogenes,  libcrtus,  patrono  bcne  raerenti,  fe- 
rit.  » 

[Viterbe;  OveWi,  Insa-.  /a^.,  n»  3507,  d'après  Muratori,  1016,  5.  Orelli  range 
Tofflce  du  «  médecin  salarié  »  dans  les  «  oflicia  municipalia  minora».] 

Ainsi  donc,  cet  Ulpius  Sporus,  après  avoir  été  médecin  militaire, 
chargé  du  service  médical  des  ailes  d'auxiliaires  designées  sous  les 
noms  de  Indiana  et  des  Astures,  était  devenu  le  médecin  public,  le 
médecin  «  salarié  »  (2)  de  la  ville  de  Ferentinum  (3). 

(1)  Les  médecins  grecs  ont  d'ailleurs  toujours  été  détestés  à  Rome;  voy.  Pline 
H.  N.y  lib.  XXII,  cap.  xxiv,  et  encore  lib.  XXIV,  cap.  i. 

(2)  Lucias-Titus  (voir  son  testament  ia  Scœvola,  Icg.  dl,  §  G)  emploie  le  mot 
«  salarium  »  (qui  indique  des  gages  en  argent)  pour  exprimer  le  salaire  du  médecin. 
—  ^lius  Lampridius  (i/c  Alex.  Sev.)  emploie  le  même  mot  pour  désigner  le  traite- 
ment alloué  au  premier  médecin  d'Alex.  Sévère.  —  Le  même  terme  est  encore  em- 
ployé, beaucoup  plus  tard,  dans  le  même  sens,  in  Codic.  Justin.,  lib.  X,  tit.  lu.  de 
medicis. 

(J)  Cette  inscription  est  encore  précieuse  à  un  autre  titre  :  elle  nous  fournit  un 
chapitre  nouveau  Ji  l'histoire,  si  incomplètement  faite  jusqu'ici,  des  médecins  miii- 


;jji  HKVUE   AHCHÊOI.OGIQUK. 

Or  ir.iutres  villes  romaines  avaient  (''palemonl  leur  médecin  sala- 
rié, au^iui'l  elles  fournissaieiil  une  oriicine,  comme  on  peut  l'inférei 
ilu  lexle  de  Galien  que  nous  avons  cité  plus  haut;  c'est  donc  que 
l'institution,  tout  luiléniiiue,  des  médecins  publics,  faisait  déliniti- 
vemenl  partie  des  institutions  adoptées  sinon  dans  tout  l'empire  ro- 
main, du  moins  par  (luelqucs  cités  italiennes.  La  lettre  (statut)  bien 
connue  d'Antonin  le  Pieux  {Dig.,  lib.  XXVII,  til.  1)  vint  d'ailleurs 
autoriser  les  villes  à  entretenir  un  nombre  limité  de  ces  médecins 
(«civitales;)o.«»»/...  medicosimmunes  habere»),  mais  malheureuse- 
ment ne  les  y  cotitraignit  pas  :  faulegravc  qui  ne  devait  être  réparée 
que  bien  plus  tard,  par  l'édit  de  3G8. 

Ici  se  présente  une  intéressante  question  : 

Pourquoi  le  peuple  romain,  pendant  la  durée  presque  entière  de 
la  domination  impériale,  n'a-t-il  jamais  complètement  adopte  cette 
institution  des  médecins  publics  ? 

La  réponse  est  aisée  : 

C'est  d'abord  que  les  Romains,  dont  la  principale  occupation  était 
de  faire  la  guerre  ou  d'assister  aux  jeux  sanglants  du  cirque,  et  dont 
le  régime  politiiiue  n'avait  aucun  rapport  avec  la  constitution  popu- 
laire de  la  Grèce-,  restaient  indilTércnts  à  tout  principe  d'humanité  ; 
c'est  qu'ensuite  la  médecine,  presque  toujours  exercée  à  Home  par 
des  esclaves,  des  alïranchisou desétrangers,  était  souverainement  dé- 
daignée; en  troisième  lieu,  c'est  que  l'indigence,  — énormément  ac- 
crue d'abord  par  suite  de  l'abondance  de  l'or  qui  faisait  négliger 
le  labeur,  puis  à  cause  du  peu  de  considération  qui  s'attachait  au 
travail  manuel,  —  l'indigence,  disons-nous,  était  non  pas  abhorrée 
comme  chez  les  Grecs,  mais  absolument  méprisée. 


taires  romains.  Elle  nous  montre  en  cITct  que,  après  un  certain  laps  de  temps  passé 
dans  les  armées  comme  fonctionnaire  militaire,  le  médecin  romain  pouvait  devenir 
fonctionnaire  dans  l'ordre  civil. 

Il  pouvait  également  rentrer  complètement  dans  la  vie  privée  :  une  inscription 
funéraire,  recueillie  par  M.  G.  Doissière,  à  Trœsmis,  dans  la  Mœsit;  inférieure  (sur 
les  bords  du  Danube,  au  piod  des  derniers  contreforts  des  Balkans;,  mentionne  un 
certain  Titus  Flascanius,  médecin,  inscrit  dans  la  tribu  Pollia  et  né  à  Favcnlia 
(aujourd'liui  Facnza).  Certainement  ce  médecin,  citoyen  romain,  n'était  pas,  au 
moment  d'!  sa  mort,  un  médecin  légionnaire,  car  il  porterait  ce  titre;  comment  se 
fait-il  qu'on  le  rencontre  à  celte  époque  si  loin  de  sa  i)alrif?  'rout  s'explique  si  l'on 
admet  que  llascanius  était  un  médecin  légionnaire  rentré  dans  la  vie  privée.  — 
Une  autre  inscription,  recueillie  aussi  h.  Tnrsmis,  signab'  un  certain  Valerius 
Thinmpuii  «  qui  militavil  in  legione  undccima  Claudia  n.  Notre  médecin  Hascanins 
pouvait  fort  bien,  comme  ce  Tbiumpus,  s'être  reposé  à  Trœsmis  des  fatigues  de  la 
guerre. 


LA   MÉDECINE   PUBLIQUE   DANS   l'aNTIQUITÉ  GnECQUIi.  35.'J 

Donc,  indilïï'rciicenux  srnliincnts  (riiiirnanilé,  d(';(lnin  pour  la  rni'- 
docinc,  mépris  do  la  pauvreté,  voilà  Irois  r;iis()iis(iui  expliiiueiitclairo- 
mcnl  pourquoi  l'instilulion  do  la  médecine  publiijue  ne  fut  guèn;  ap- 
préciée et  ne  pou  va  it  Aire  sériouscmcnl  adoptée  p.ir  la  Rome  des  Césars. 

Aussi,  qu'an  iva-t-il  ?  Chacun  le  pressent,  et  personne  encore  ne 
l'a  dit  :  il  arriva  (jne,  pour  ?alisfaire  à  l'impéricnix  besoin  des  se- 
couis  de  la  médecine,  rinitiativc  des  particuliers  dut,  à  Kouie,  se  sub- 
stituer à  l'action  publi((iie  loute-puissaiile  en  Grèce.  Il  arriva  (|ue,  le 
médecin  public  chargé  de  soigner  gratuitement  tous  les  citoyens 
n'existant  pas  dans  la  plupart  des  cites  romaines,  l'on  vit,  dans 
ces  cités,  tous  les  gens  de  condition  libre,  mais  peu  fortunés,  les  ou- 
vriers, les  artisans  libres  et  leur  famille,  les  prolétaires,  tous  les  ci- 
toyens pauvres  en  un  mot,  obligés,  pour  s'assurer,  entre  autres  bien- 
faits, des  secours  médicaux,  de  s'associer  et  de  former  des  groupes 
possédant  chacun  leurs  médecins  pailiculiers(l),  médecins  de  cor- 
porations dont  on  ne  trouve  aucune  trace  en  Grèce,  chaque  cité  grec- 
que ayant  ton  médecin  public. 

Il  arriva  encoi'cque,  la  plupart  des  cités  romaines  ne  possédant  au- 
cune officine  où  les  riches  pussent  envoyer  leurs  esclaves  malades, 
ces  richesse  trouvèrent  obligés  d'avoir,  dans  leur  propre  demeure, 
pour  ces  esclaves  (qui  possédaient  d'ailleuis,  comme  en  Grèce,  leurs 
medici  domestici  ou  médecins-esclaves)  un  local  particulier,  \evale- 
tudinarium,  dont  nous  parlent  plusieurs  auteurs  latins  (2),  mais  que 
les  citoyens  grecs,  qui  pouvaient  envoyer  leurs  esclaves  malades  dans 
Viatrium  public,  n'ont  certainement  jamais  connu.  Il  est  superflu 
d'ajouter  que,  puisque  l'assistance  médicale  publique  faisait  presque 
totalement  défaut,  on  était  constamment  obligé,  quand  survenaient 
des  guerres  ou  d'autres  calamités,  de  s'adresser  à  la  chaiitè  publique 
et  d'inviter  les  particuliers  à  ouvrir  leurs  demeures  aux  malades  (3). 


(1)  Voir  Briau,  l'Assistance  médicale  chez  les  Ro)7iai7is. 

(2)  Sur  le  vfdetudinarium,  cf.  Columelle,  De  re  rustica,  lib.  XI,  cap.  i,  et 
lib.  XII,  3;  Séiiècjue,  De  ira,  lib.  1,  c.  \\i;  et  Natm:  quœst.,  lib.  I,  pra'f.;  Tacite, 
De  orat.  dialog.,  cap.  xxi.  Ces  valetudinaria  particuliers  étaient  destiiiyà  aux 
esclaves  malades,  et  il  ne  faut  pas  les  coufoudre  avec  les  va'.etudi/tariu  des  camps, 
destinés  aux  soldats  blessés  ou  malades  et  dont  par'e  Hygin,  De  casiram. —  Quoi 
qu'en  dise  l'aiinotateur  de  Sénèiiue  (éd.  Loniaire,  1830,  vol.  V,  p.  ii2j,  les  Rainains 
n'ont  jamais  eu  de  valetudinaria  publics  ;  à  moins  que  l'on  ne  donne  ce  nom  au.\ 
ofHciues  publiques  que  possédaient,  comme  nous  l'avons  dit,  quelques  rares  villes 
romaines  seulement;  et  Mercurialis  (T'a/''»/',  lect.  in  med.  scri/d.  et  al.,  lib.  F, 
lib.  I,  cap.  12-13)  essaye  vainement  de  prouver,  en  s'appuyant  à  tort  sur  un  pas- 
sage deStrabon,  qu'il  existait  un  hôpital  d:uis  l'île  du  Tibro. 

(3)  Voir  TilP-I.ivp,  Dec.  2,  ^ap.  maii;  ot  b'.<y)  H'autres  aulL-urs. 

\xxix.  îL'k 


354  Ivl.VUK   ARCIIKULOGIQUK. 

Ainsi  donc,  quelques  cilôs  romaines  seulement  adoptirent  l'insli- 
lulion  tout  lielléiii(iiic  des  m/'decins  puldics,  celle  insliliilion  res- 
tant, en  GiiV'e,  —  où  lapluitarldes  villes  avaient,  malgiê  l'iiifluence 
romaine,  conservé  leurs  iradilions,  —  ce  qu'elle  avait  toujours  élé, 
c'est-à-dire  lionorée  pour  son  cnractôre  esseutiellemeul  moral,  sans 
cesse  entretenue  par  le  bon  vouloir  desciloyens-ijui  pajaient  volon- 
tiers un  impôt  dont  ils  tiraient  tant  de  profit,  peipétuellemonl  sou- 
tenue enfin  par  le  zèle  des  médecins,  (ju'enorgueillissail,à  juste  titre, 
Icui' emploi  public  et  que  stimulaient  d'éclatantes  récompenses. 

Tel  fut  pendant  de  longs  siècles  l'élat  de  la  médecine  publique 
sous  la  domination  romaine,  lorsque,  vers  le  milieu  du  iv*  siècle, 
le  christianisme,  tiiompliaut  et  libre,  résolut  de  faire  pénétrer  dans 
les  mœurs  publiques  les  principes  de  mansuétude  et  de  cliarité  qu» 
formaient  la  base  de  la  doctrine  nouvelle,  principes  jusqu'alors  pro- 
fessés dans  l'ombre. 

Or,  pour  montrer  claireinenl  au  peuple  rexcellcnce  de  ces  piinci- 
pes,  quel  moyen  plus  efficace  se  présentait  sinon  de  pourvoir  aux  be- 
soins sociaux  par  une  revision,  basée  sur  des  principes  justes  et  hu- 
mains, des  luis,  des  coutumes  et  des  institutions  qui  régissent  le 
peuple  ? 

C'est  précisémciil  ce  qui  lut  fail. 

Quand  des  coutumes  furent  jugées  iniques  (telles,  par  exemple, 
que  celle  autorisant  l'exposition  des  enfants),  ces  coutumes  furent 
abolies. 

Quand  des  lois  lurent  trouvées  nécessaires  (telles,  par  exemple,  que 
celle  presciivanl  la  fondation  des  écoles),  ces  lois  furent  créées  de 
toutes  pièces. 

Quand,  enlin,  des  institutions  déjà  existantes  dans  certaines  par- 
ties de  l'empire  furent  reconnues  bonnes,  elles  furent  conservées, 
protégées  et  vulgarisées;  et  c'est  jush'inenl  ce  qui  fut  décidé  (et  ce 
que  personne  jusqu'ici  n'a  vu)  touclianl  l'aiititiue  iuslilution  créée 
et  popularisée  en  Grèce  sous  le  nom  de  iMédecine  publiiiuo  :  un  édit 
de  Valcniiiiieii  et  Valeus,  daté  de  iUiS  (l),  donna  à  celte  institution, 
perpétuée  iiar  la  tradition,  une  existrnce  légale,  la  déclara,  comme 
on  dirait  de  nos  jours,  d'utilité  }mbli(jue[Sins  daigner  la  nommer  tou- 
tefois, parce  (ju'elle  était  d'origine  étrangère,  d'uiigine  greciiu.)  et 
l'im|)0sai  tout  l'empire,  en  la  modifiant  en  (juclques  détails  pour  la 
déligurer.  Gel  édit  fut  donc  véritablenieul  un  édit  non  pas  a  créateur  » 

:i;  Cod.  Tfuodoi.,  lilj  Mil,  tii.  III,  Icp.  s,  «,  lo. 


\.\    MKDKCI.NK    l'IJhl.lnri':    MA.NS    L'aN  i'iMUlTK    (iHi;COUK.  .'J.'JK 

comme  011  le  croit  à  lort,  mais  simplomont  «  modificateur  et  viiîg.i- 
risaleur  ».  Mais  cet  ùdit  était  d'aulanl  plus  nécessaire  et  opporlim 
que,  précisément  au  iv*  siècle,  non  S(;ulcme(il  la  m.ijorité  des  cités 
romaines  élaienl,  comme  nous  l'avons  dit,  totalement  privées  des  se- 
cours de  la  médecine  puhliijue,  dont  elles  ifîiioraienl  jusqu'au  nom, 
mais  encore,  dans  ces  mômes  villes,  les  médecins  parliculiers,  —  les 
seuls  auxquels  on  pouvait  s'adresser,  —  étaient  fort  rares  el,  à  cause 
même  des  richesses  qu'ils  possédaient,  absolumenl  dépouivus  de 
zèle:  or  c'estàcette  situation  lamentable,  —  qu'Ammien-Marcellin  (1) 
nous  dépoint  en  disant  qu'à  cette  époque,  à  Rome,  «oiimis  proTessio 
medendi  torpescil»,  — que  voulut  remédier,  dans  l'intérêt  du  peuple, 
l'éditde  Valenlinien  et  Valens  étendant  à  tout  l'empire  les  bienfaits 
de  la  médecine  publique. 

Sans  doute,  on  pourra  s'étonner  que  ces  empereurs,  fameux  dans 
l'histoire  par  l'atrocité  de  leurs  actes,  aient  consenti  à  apporter  dans 
les  dispositions  léi^'islalives  nouvelles  une  amélioration  entre  autres) 
aussi  heureuse  ;  mais  on  admettra  si  l'on  veut  l'explicilion  suivante  : 

«  Le  sangdes  empereurs  païens,  dit  Chateaubriand  (2),  se  retrouve 
dans  les  cruautés  de  Valcntinien,  lecaraclèredes  empereurs  chrétiens 
dans  les  lois  qui  ordonnenl  des  médecins  pour  les  pauvres.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  sont  les  modifications  apportées  par  cet  édil 
dans  l'institution  de  la  médecine  publique  sur  lesquelles  il  convient, 
pour  être  complet,  d'appeler  maintenant  toute  l'atlenlion  du  lec- 
teur. 

Hâtons-nous  de  dire  que  ces  modifications,  étant  toutes  «de  détail», 
n'allérèrentnuUementetne  pouvaientallérer  l'essence  même  de  l'ins- 
titution que  nous  étudions  ;  elles  devaient  cependant  amener,  comme 
nous  le  verrons,  des  conséquences  importantes,  curieuses  par  leur 
imprévu,  et  que  personne  jiisiprici  n'avait  aperçues. 

Examinons  donc  ces  modifications,  avec  les  détails  iju'elles  com- 
portent. 


Vil 


I.  Une  première  modification  porte  sur  le  nom  qui  fut  attribué 
aux  médecins  publics  : 
En  effet,  à  partir  de  l'édit  de  368,  le  Sr,ao(7t£Ûo)v  grec  devint  Viz/îoL- 


(1)  Amm.  Marcellin.,  lib.  XIV.  —  Vers  Tan  337. 
(2/  Clialeanbnand,  Ètiul.  /tist.fS"  dise,  l""*  partie. 


35t3  HEVUE   AHCMÉULUUIUUE. 

Tcoc  TT.ç  TroXew;  ;  (Ml  m(>me  teni|i.<.  les  snlaridrii  ou  mcilici  iininuues 
romains  s'appclironl  désonnais  (irchiatri  popultircs  cl  munici- 
pairs  1 1  i . 

II.  Ine  ileiixiùine  modilication  porle  sur  le  nombre  des  méde- 
cins publias,  (jui  fut  défini  pour  chaque  ville. 

Kn  cITcl,  nous  avons  vu  qu'aulrefois  les  cilés  grec(iucs  ne  possé- 
daient chacune  qu'un  médecin  public;  que,  d'autre  part,  quehjues 
cités  romaines  n'en  possédaient  qu'autant  qu'elles  le  voulaient  bien, 
et  même  il  ne  parait  pas  que  Home  clle-inème  en  employât  un  seul. 
Or  l'édil  dont  nous  parlons  oblige  toutes  les  villes  à  se  pourvoir  de 
plusieurs  médecins  publics,  et  institue  ceux-ci  d'abord  à  Home,  en 
nommant  un  médecin  pour  chaiiue  (juarlier,  soit  ([uatorze,  sans  comp- 
ter le  Portique  du  Xyste  cl  le  collège  des  Vestales  (2).  "  C'est 
ainsi,  dit  M.  Perrot,  qu'à  Paiis  chaque  arrondissement...  a  son 
médecin  en  titre.  »  Conslantinople  cul  aussi  ses  médecins,  et  toutes 
les  autres  cités,  grecques  ou  romaines,  de  l'empire  furent  obligées 
d'en  posséder  également,  mais  dans  les  proportions  autorisées  par 
Aiilonin  :  une  petite  ville  n'en  pouvait  posséder  que  cinq,  une  plus 
grande  sept,  et  les  métropoles  dix  (3).  Tout  l'empire  fut  ainsi  (comme 
l'avait  été  la  Grèce)  pourvu,  par  décret,  de  médecins  publics  :  ces 
médecins  sont  les  mêmes  que  ceux  dont  il  est  fait  mention,  dans  les 
recueils  d'inscriptions  grecques  el  lalines,  sous  le  nom  A'archidtrcs 
des  villes  (-4). 


(1)  Sans  doute,  longtemps  avant  l'édit  de  Valontinien  ces  «  médecins  de  cités  «  (àp . 
•/iaTj>oi  "twv  ToXewv)  existaient  dtjà  sous  ce  nom  dans  plusieurs  villes  grecques,  puis- 
que, en  somme,  les  premiers  arcliiùtres  apparaissent  sous  Néron  ;  mais  c'est  l'édit 
de  3G8  qui  donna  à  ces  arcliiùtres  une  existence  légale,  et  c'est  pourquoi  nous  les 
faisons  apparaître  à  celte  date.  (C'est  aiusi  que  les  arclilAtres  palatins  cxistaicDt 
bien  avant  qu'ils  fussent  reconnus  offlciellement  par  les  décrets  de  320  et  de  /|13.) 
—  Ajoutons  que  les  nouveaux  médecins  publics  (arcliiltrcs  niunici|)auxou  r.rcliifttres 
populaires)  jouissaient,  en  leur  qualité  niùine  d'arcliiàtres,  de  privilèges  particu- 
liers; maison  pense  bien  que  notre  interitio:i  n'est  nullement  de  faire  ici  l'histoire 
de  l'arcliiÀtric,  histoire  d'ailleurs  connue  par  un  travail  récent  de  M.  liriau. 
Disons  seulement  qu'un  de  ces  privilèges  (exemption  des  logements  de  guerre) 
a  persisté  en  France  au  moins  jusqu'à  la  liu  d'i  xvn'  siècle. 

(2)  Sur  la  médecine  des  Vestales  \oy.  Plin.  Jun.,  Episl.,  lib.  VU,  ep.l'J  :  «  ...ma- 
tronarum  curn-  maudantur  Virgines.   < 

(3)  Modcfctin.,  lib.  Il,  Di'jcsl.,  lib.  XWII,  lit.  I. 

(k]  Aiiiki  on  trouve  dans  une  inbcription  d'Euiomog  de  Carie,  rapporté"  par  Le 
Bas  (o/i.  et  loc.  ctt  ,  Infcr.  31A-318j,  un  certain  Ménécrate,  qualifié  do  à  àp/iatpo; 
-rf,;  ninai-  Ainsi  cncon,  on  itouve  dan»  Orelli  (op.  cit.,  inscr.  30'J/i)  un  <<  nques 
romann^  >■  quididé  d'nribifttn-  de  la  ville  de  Dénéveiit,  <<  arcliiater  lienevenla- 
nus  ». 


i.A  MKDi-.r.iNi:  l'i  lu.iori'   n\Ns  t.'AMioi'iTK  nnFCnuK.         357 

[II.  Une  Iroisi'^mc  Tiiodilicnlidii  n  Irait  au  modr  il'rlection  fies 
médecins  publics. 

En  eiïel,  nous  avons  moiiti-r-  plus  haut,  au  rommencement  de  ce 
mémoiri',  d'après  certains  passages  diî  l'Ialon  et  île  Xrnoplion,  f|ii(;  le 
médecin  piihlic  dans  les  cités  grecques  était  élu  par  l'assemldée  du 
peuple  :  or,  à  partir  de  l'édil  de  Valcnlinien  et  Valens,  ce  mode 
d'élection  des  médecins  publics  pour  tout  l'empire  sul.it  quelques 
modilic dioiis  : 

«  Il  semble,  dit  Peyrilhe  (1),  que  l'élection  des  archiâlres  populai- 
res fut  d'abord  laissée  au  corps  même  des  arcliiàtres,  sauf  l'ai^rément 
de  l'empereur,  et  sous  la  condition  de  l'unanimité  des  suffrages  et 
la  défense  expresse  de  rien  accorder  ni  à  l'in  lulgencc  ni  à  la  recom- 
mauiialion  des  grands. 

((Mais,deux  nns  après  la  promulgation  de  la  loi  dont  il  est  question, 
c'est-à-dire  en  370,  les  mêmes  empereurs  qui  l'avaient  portée  ré- 
glèrent, par  un  autre  rescrit,  la  forme  de  l'élection,  et  la  déclarèrent 
bonne  lorsqu'elle  réunirait  sept  suffrages  qui,  dans  le  nombre  de 
treize  (électeurs),  emportaient  la  pluralité  (2).... 

a On  pourrait  entendre  la  loi  d'une  autre  façon  et  dire  qu'elle 

exigeait  au  moins  sept  électeurs.  Le  candidat  nouvellement  élu  pre- 
nait toujours  la  dernière  place  parmi  ses  pairs.  ;) 

Mais  celte  loi,  contiant  l'élection  des  arcliiàtres  de  Rome  au  corps 
même  des  archiâtres,  ne  pouvait  s'appliquer  aux  villes  peu  impor- 
tantes de  l'empire  :  «  car,  dit  très  bien  Peyrilhe,  cette  loi  suppose 
treize  électeurs  ou  au  moins  sept,  et  dans  les  petites  villes  il  ne  pou- 
vait y  avoir,  au  moment  de  l'élection,  que  six  électeurs,  quatre,  et 
moins  encore.  » 

Voici  alors  ce  qui  fut  légalement  établi  pour  les  cités  moins  impor- 
tantes de  l'empire  : 

«  Lorsqu'il  s'agira  d'incorporer  un  médecin  dans  le  nombre  fixé 
pour  une  ville,  le  gouverneur  de  la  province  (((prrescsprovincire)))ne 
se  mêlera  pas  de  l'élection,  elle  sera  laissée  à  l'Ordre  (c'est-à-dire, 
selon  Donat,  qui  s'appuie  sur  leCo^.,  lib.X,  tit.  IX,  à  l'ordre  muni- 
cipal) et  aux  Possesseurs  (c'est-à-dire  aux  citoyens  propriétaires  qui 
n'entraient  pas  dans  les  assemblées  de  la  curie  ou  du  corps  de  vil  le)  (3).  » 

On  voit  donc  que,  dans  l'immense  majorité  des  villes  de  l'Empire, 
l'élection  des  médecins  publics,  essentiellement  «  populaire  »  jadis 


(1)  Hist,  de  la  chirurg.,  p.  711-71i. 

(2)  Co,i.  Theodos.,  lib.  XIII,  tit.  ill,  le::.  9. 

(3)  Dlpifinus,  Di'/pst,,  1  b.  L,  tit.  IX.  (Ipin^d. 


S.IS  aKVL'i:  Am:iikoi,(H;i«.ii'K. 

en  (inVc,  devint  «  niuniripalo),  uiaisquVii  iltMinilivp  c'osl  toujours 
la  cité  ollo-nu^ini'  qui  fait  rùloclioii. 

IV.  l'ne  qualricuio  cl  dernij'ro  modilicalion  a  trait  aux  moyens 
mis  par  la  rito  !»  la  disposition  des  nn'derins  publits  pour  leur  pi-r- 
mcttro  racroniplissemml  de  leur  mission. 

En  offt't,  si  IV'dil  de  308  n'apporta  ajicun  chanpenioiit  dans  U's  de- 
voirs exigés  de  tout  temps  des  mâleoins  puldics,  |inis{|ii'il  reeoni- 
niande  expressément  à  ces  médecins  <  de  préférer  l'honneur  de  ser- 
vir les  pauvres  h  la  lionle  de  ramper  sous  les  riches  »,  il  apporta  une 
iiî'porlante  modincaiion  dans  les  avanlu^a's  matériels  que  les  cités 
réservaient  ;\  ces  médecins.  Voici,  elf-ctivement,  ce  (jue  dit  la  loi  : 

«  Quoique  les  soins  de  ces  médecins,  auxquels  le  public  fournil 
les  choses  nécessaires  à  la  vie...,  doivent  être  gratuits  '1),  néan- 
moins nous  voulons  bien  tolérer  iju'ils  revoivenl  ce  ([ue  l'on  oITrirail 
après  la  guérison,  comme  la  récompense  du  zèle  et  de  l'empresse- 
ment (ju'ils  auront  mis  à  la  procurer  ;  mais  nous  leur  défendons  de 
rien  accepter  de  ce  qui  leur  aurait  été  ju-oinis  durant  le  danger.  » 

Ainsi  donc,  comme  par  le  passé,  les  médecins  sont  payés  par  les 
cités,  sur  les  fonds  puldics,  et  doivent  en  retour  leurs  soins  gratuits; 
mais  (et  c'est  ici  que  nous  appelons  l'atlenlion  sur  les  conséquences 
curieuses  des  modilications  que  nous  étudions)  il  n'est  plus  ques- 
tion de  leui  fournir  cet  /Vï/r/wm,  celle  oflicine,  ce  vaste  local,  que  les 
cités  élairnl  tenues  de  mettre,  en  plus  des  ap[)oinlemenls,  à  la  libre 
di8[)Osition  du  médecin  pour  y  traiter  les  malades  gratuitement  :  la 
loi  n'en  fait  aucune  mention,  aucun  auteur  n'en  parle,  et  il  y  a  une 
autre  raison  encore  qui  montre  qu'en  elVet  ces  locaux,  libéralement 
concédés  autrefois,  ne  furent  plus  accordés,  c'est  (|ue,  Fi  l'on  songe 
que  les  villes  de  troisième  et  dernier  ordre,  les  1res  petites  villes  de 

(1)  Tout  ce  passagp,  rapproché  des  préc(*(lents,  montre  bien  que  la  tlièse,  absolu- 
ment InOdito,  toute  personnelle,  que  nous  soutenons  ici,  h.  Bavoir  que  le  christia- 
nisme, en  établissant  les  méilociiiB  publics,  n'a  rien  ciô()  et  n'.i  fait  qu'étendre  à  tout 
l'ompire,  on  la  modifiant  légùrcuient,  l'antique  institution  grecque,  i  st  l'expression 
exacte  du  la  vérité.  Le  médecin  do  cité,  institué  pur  lo  cliréiifu  Viib  niinien,  est  élu 
et  payé  par  le  public  ot  doit  si's  soins  gratuits,  •xactcment  comme  le  médecin  public 
créé  |.Dr  le  paien  Cliarondus  était  élu  et  payé  par  le  public  et  dev.iit  ses  soins  gra- 
tuits :  CCS  médecins  sont  donc  bieti  les  mômes,  puisque,  en  dépit  des  modilications 
apportées,  nousnc  voyonsenire  eux  aucune  difTérenco  sérli-use.  C'est  ce  qui  prouve, 
une  fois  de  plus,  combicu  les  rapprudicments  les  plus  lé(;iiimcs  (avec  toutes  leurs 
eonhéqucnce»)  rcbient  parfois  lotigienips  méconnus.  —  D'ailleurs,  les  rapproche- 
ment» ne  k'urréteiit  pas  là  :  nous  verrons  tout  ti  l'iieiire  qu(!  si  lo  médecin  public  do 
Cliarondb»  a  eu,  pour  y  soigner  les  malades,  les  «  oflicines  publiques  »,  le  médecin 
d'i  cité  de  Vnlcntini"  o  a  eu  «•  les  hôpitaux  » 


LA   MKDKCiNi;  i'i'i)i.int;i:  DANS  i/antioiiitk  r.WKCQlU:.  DoO 

l'cmpiic,  (Hait'iU  tonnes  d'ontroloiiir  jusiju'ri  cinq  nuMlfcins  pnblics 
(sans  conipler  tics  i,M:ninnniri('iis  cl  di-s  rlMHcnis),  on  coniproml  que, 
bien  loin  de  pouvoir  romiiii-  iino  (jflicine  à  cliacun  de  ces  médecins, 
lescilôsso  trouvèrent  dans  riiii|iossil)j|jié  in.itôricllo  d'entretenir  un 
seul  idtriuin  ;  le  traitement  lixe  qu'(dles  allouaient  .i  ces  cinq  méde- 
cins était  déjà  pour  ces  cités  une  charge  fort  pesanle  (1),  et  il  est 
permis  d'inférer,  de  la  facullô  laissée  Ji  ces  médecins  d'accepter  un 
salaire  de  leurs  malades,  qu'ils  ne  recevaient  et  ne  pouvaient  lece- 
voir  de  la  cité  qu'un  traitement  extrêmement  modique. 

Est-ce  d'ailleurs  à  une  époque  où  les  invasions  barliares  commen- 
çaient àalTaiblir  la  puissance  de  Tempire,  à  bouleverser  les  fortunes 
privées,  à  tarir  les  sources  qui  portaient  l'or  à  Rome,  et  conséquem- 
mcnt  à  diminuer  les  fonds  publics,  qu'une  pauvre  petite  cité  grec- 
que, qui,  dans  des  temps  meilleurs,  pouvait  sans  li-opdc  gène  s'impo- 
ser pour  posséder  un  médecin  j'ublic  et  lui  concéder  gratuitement 
une  oflicine,  aurait  pu,  en  plus  du  Irailemeiit  de  cinq  médecins,  four- 
nil' à  l'entretien  dispendieux  d'un  pareil  élablissement  ? 

En  vérité,  on  ne  saurait  l'admctlre. 

Eb  bien  1  si  l'on  se  rappelle  ce  que  nous  avons  dit  de  ces  officines, 
qui  n'étaient  autres,  comme  nous  l'avons  montré,  que  de  véritables 
ambulances  bien  pourvues  de  médicamcnis,  entretenues  par  les  de- 
niers publics,  dirigées  par  le  médecin  public,  et  ouvertes,  dans  cha- 
que cité  grecque,  au  public  pauvre,  demandons-nous  ce  qui  dut  ar- 
river ([uand,  par  l'eUet  inévitable  et  sans  doute  imprévu  de  l'édit  de 
Yaleulinieu  et  Valeiis  dalé  de  ;iG8,  ces  olticines,  déjà  sans  doute  de- 
venues rares  et  à  peine  suffisantes  à  cette  époque  calamiteuse,  du- 
rent, comme  nous  l'avons  dit,  cesserdéllnitivemcnt  d'exister. 

11  arriva  ceci  :  c'est  que  les  malades  indigents,  ne  trouvant  nulle 
part  dans  les  paysgrecs,  c'est-à-dire  dans  tout  l'Orient,  le  refuge  spé- 
cial que  les  villes,  trop  appauviies,  ne  pouvaient metire  désormais, 
dans  leur  intérêt,  ù  la  disposiliondes  médecins  publics,  ces  malades, 
errants  ou  gisants  dans  les  rues  et  sur  les  places  publiques  (princi- 
palement dans  les  grandes  cités  qui  sont  les  rendez-vous  habituels 
des  indigents  sans  asile),  durent  présenter  et  présentèrent,  par  l'excès 
môme  de  leur  infortune,  le  tableau  le  plus  toucliajil  qui  ait  jamais 
été  offert  à  la  commisération  des  hommes. 

Et  alors  encore  qu'arriva-t-il? 

Il  arriva  tjue  la  charité  des  particuliers  opulents,  vivement  touchée 

(1)  Ce  traitement  dut  mOmc  Ctro  retiré  provisoirement  aux  niûlecins  sous  Justi- 
nien  (voir  Procop.,  Ilist.  A)'C.,  et  Prurjm.  Jmt.  Sanct.,  a  Pitro-Pillico  éd.,  cap.  ixi). 


3t0  nr.YiK  vncm^oLoGiyui:. 

par  ces  émouvants  spoclaclos  de  malades  sans  asile  et  sans  pain,  pI 
puissamiut-nl  solliriltV  aussi  par  rinlluenrc  des  itriiiciiirs  nouveaux 
pioclr.inés  parles  préhils,  riva,  pr('ei>êintMU  en  OneiU,  it  jiislemeiil 
pour  remplacer  les  oflirines  urbaines  disparues  par  l'elTt;!  de  la  loi  de 
3G8,  les  premiers  lu'ipifaux  dont  il  soil  fait  meiilion  dans  l'hisloire. 

Kl  eela  est  si  vrai,  ipie  les  premiers  Ljiands  établissements  vériln- 
blement  destinés  aux  malades  ont  été  fondés,  le  premier,  en  372 
(dateprèci.se  importante;!  signaler  pour  la  thèse  que  nous  soutenons), 
à  Césarée,  par  saint  Hnsile,  év(V|ue(l),  les  autres  à  Amasie  vers  la 
m^me  époque  (2),  les  suivants  enlin,  —  toujours  en  Orient  cl  dans 
les  prandes  villes,  —  par  saint  Jean  Clirysoslome,  (|ui  rivalisa  de 
zèle  avec  saint  Basile  (3). 

Il  n'est  pas  indiffèrent  de  remarquer  que  ce  n'est  (|u'en  380  qu'on 
voit  apparaître  en  Itilic  le  premier hùpital,  le  fameux  voîoxoueTov,  où 
Fabiola,  au  rapport  de  saint  Jérôme  ('0,  f  lisait  soi.qner  les  malades 
qu'elle  recueillait, —  comme  on  les  recueillait  eu  Orient,  —  sur  les  pla- 
ces publiijues  :  «  quoaî;,'rolanlcs  colligeret  de  plateis».  Mais  on  s'ex- 
plique aisément  ce  retard  dans  la  création  des  hôpitaux  romains:  c'est 
que  l'Italie,  qui  n'avait  jamais  voulu  adopter  entièrement,  faute  de 
les  bien  comprendre,  les  institutions  bienfaisantes  de  latjirèce,  et  qui 
par  suite,  comme  nous  l'avons  aussi  montré,  avait  à  peine  connu  les 
officines  publiques,  sentait  moins  vivement  (pie  l'Orient  la  nécessité 
de  créer  des  refuges  analogues;  c'est  sans  doute  aussi  que  l'Italie, 
pour  la(|uelle  l'institution  des  médecins  publics  était  véritablement 
une  nouveauté,  avait  cru  un  instant  cette  institution  très  suffisante, 
ne  voyant  pas  tout  d'abord  que  di's  soins  m.'dicaux,  même  gratuits, 
sont  bien  inefficaces  quand  le  malade  n'a  ni  asile  ni  pain. 

Ainsi  donc,  c'est  bien  en  Orient,  r'esl  bien  dans  les  villes  grec(|ues, 
et  non  .lilleurs,  que  l'on  voit  «rres.sr/j;r///e»mppai'aîlre  les  hôpitaux, 
et  nous  connaissons  maintenant  le  véritable  motif  (jui  a  dèleniiiné 
cette  création:  d'autre  part,  il  est  aisé  d'expliipier  pourquoi  cc^  hô- 
pitaux se  multiplièrent  rapidement  également  en  (Mi. -ni,  dans  tous 
les  pays  où  l'induence  grecque  était  prépondérante;  en  voici  l'in- 
téressante raison  : 

Chacun  sait  que,  dès  une  h.iule  anli(|nitè,  luiiiil'ic  de  cités  dans 
la  Grèce  hospitalière  avaient  civè,  pour  rec.'Vdir  gialiiitement  les 

(1)  S.  Basil.,  E/nst.  170.  —  Cisarc-c  de Cappadoco  était  'a  lairio  de  saint   Basilf. 

(2)  S.  Ilanil.,  A/'m/.  143. 

(3)  PalladiuK,  in  Viln  s.  Cliri/$o*tr,vti,  cap.  v. 

(6;  S.  Hicronyiu.  [Lput.  wl  Oceunumtle  vwrie  Fahiol.),  li!'.  III,  '  |'.  lO. 


L\  MKDRCINR  Piiu-ini  K  ows  i.'ANTii.n'iTr:  r,iM:r:Qfi:.  .'îr'i 

étranpors  (|iii  n'avnienl  pas  des  rclalioiis  rtaMics  avec  quelqu'un 
des  liahilaiits,  des  refuges  nonimés  plus  larl  rmodorliia^  et  ipie  des 
citoyens  nommés  «  proxônes  »  étaient  chargés  (1)  de  pourvoir  à  tous 
les  besoins  de  ces  étrangers;  cotte  Ix-lie  itistitulioti,  dédaignée  aussi 
par  les  Uoinains,  persista  en  Oritnt  coninie  toutes  les  institutions 
charitables  fondées  par  les  Grecs  (2),  el  quand  la  fatale  époque  de  la 
décadence  arriva,  accumulant  le«  ruines  et  multipliant  les  pauvres, 
ces  établissements  primitivement  destinés  au\  étrangers  servirent 
de  refuges  aux  indigents,  aux  vieillards,  aux  orphelins  sans  asile,  el 
ils  reçurent  ;ilors,  suivant  ces  destinations  diverses,  les  différents 
noms  de  ptocltotroiiliia,  (jeronlocomin,  orplmnotrophid,  etc.,  (|ue  l'on 
trouve  mentionnés  dans  les  écrits  de  saint  Epiphanc  el  d'autres  Pè- 
res (3).  On  comprend  aisément  alors  que,  lorsque  la  nécessité  se  lit 
sentir  de  créer  de  nouveaux  refuges  pour  les  malatles,  beaucoup  de 
ces  établissements  se  trouvèrent  tout  naturellement  disposés  pour 
être  à  peu  de  frais  transformés  en  hôpitaux  ;  on  n'eut  pour  ainsi  dire 
qu'à  changer  leur  nom,  et  c'est  pounjuoi  ces  hôpitaux  abondèrent 
en  Oiienl,  alors  qu'en  Italie  ils  étaient  ii  peine  connus. 

Ainsi,  depuis  la  création,  par  Cliarondas,  du  médecin  public  ou 
8Yi[jL0(Tieut.)v,  jusqu'à  la  fondation  du  premier  hôpital  (voGoxoasTov) , 
tout,  —  elnous  sommes  heureux  d'être  le  premier  à  proclamer  cette 
vérité,  —  tout  dans  l'institution  que  nous  venons  d'éludiersouslenoni 
de  Médecine  publique,  appartient  au  génie  grec;  et,  chose  admirable! 
si  celte  institution  s'est  perpétuée,  comme  nous  Tavons  montré,  sans 
moditications  dans  son  essence  pendant  de  longs  siècles,  jusqu'aux 
derniers  moments  de  la  décadence  romaine,  elle  n'a  jamais  disparu 
entièrement  pendant  tout  le  moyen  Age,  et  pour  en  suivre  la  trace 
nous  n'avons  qu'à  citer  l'exemple  du  célèbre  Hugues  de  Lucques, 
au  xiii"  siècle,  vers  1260,  médecin  public  ou,  si  l'on  veut,  médecin  sa- 
larié (au  traitement  de  600  livres)  de  la  ville  de  Bologne  :  de  telle 
sorte  que,  dans  le  moment  présent,  nous  retrouvons  dans  la  Grèce 
elle-même  el  vivante  encore  au  milieu  des  ruines  celle  institution 
qui  a  défié  vingt-quatre  siècles!  Écoutons  M.  G.  Perrol  :  «  En  Rou- 
mélie  el  en  Anatolie.  dés  que  la  communauté  grecque,  dans  une  ville 
quelconque,  est  assez  intelligente  pour  sentir  le  prix  des  services 
d'un  médecin  et  assez  aisée  pour  pouvoir  supporter  cette  dépense, 
elle  engagea  l'année  un  docteur  ayant  étudié  en  France,  à  Pise  ou 


(1)  Voir  Schoi.  in  Aristnpfi.  Aves,  v.  1021. 

(2)  Les  caravansérails  actuels  des  pays  orientaux  en  sont  la  prouve  irrécusable. 
{3)  S.  Epiphan.,  A(fv.  /i.-erex,\\b.  Ill,  p.  905. 


302  FU.VITK    Anr.HKOLOGlQUK. 

ù  Alhi^nns;  relui-ci  toiirlio  par  an  une  soinino  il«^lermin^M\  niOTon- 
nant  la,jU(>llo  il  doit  ses  visites  à  lous  les  iiuMnhrcs  ilo  la  rommunauté 
qui  jiipont  hon  ilo  l'appeler...  Ces  frais  sont  couverts  au  nioven  d'une 
folisation  réglée  par  les  priiniits  pour  cliaiiue  fainille  d'après  la 
forlune  qu'elle  est  censée  posséder  (1).  » 

El  niainlenanl,  que  pourrions-nous  ajouter?  —  Ce  no  sont  pas 
seulement  les  œuvres  ininiilahles,  (aillées  dans  le  marbre  par  le  ci- 
seau des  Cirées,  qui  sont  indestruciibles  ;  les  institutions,  comme 
celle  que  nous  venonsd'éludicr,  sorties  parfaites  du  génie  hellénique, 
sont,  elles  aussi,  impérissaMos  (2)  I 

D'  A.  Vkhcouthe, 

MriUciii  miUlairr. 

(1)  Explorât,  archéolog.  de  lu  Gaint.,  de  lu  Bdliijn.,  etc.,  oxéc.  en  1801,  par 
MM.  G.  Pirrot,  Guillaume  et  Dtlbet;  Paris,  1872.  —  Ditliyiiic,  p.  48,  uot.  ad  insc. 
1)0  :;7. 

(2)  Ce  n'est  pas  lîi  la  seule  coutume  mt'dicaio  antique  que  l'on  renconirc  dans  la 
Gi^ce  actuelle  :  on  retrouve  encore  aujourd'hui,  chez  quelques  peuplades  grecques, 
«  \'hà  édité  de  la  profession  médicale,  la  méthode  d'enseir/nement  médical  dotnes- 
tique  et  la  médecine  pénodcttte  ». 

a  Dans  une  des  profondes  vallées  (le  Zagori)  qu'abritent  les  escirpements  du 
Pinde,  existent  encore  aujourd'hui,  dit  M.  A.  Bertrand  (1),  cinq  ou  six  villages 
grecs  échelonnés  sur  les  flancs  de  la  montagne,  ot  dont  les  habitants  ne  se  sont 
jamais  mêlés  aux  peuplades  qui  les  environnent...  Là  aus^i  les  mcDurs  sont  restées 
les  mœurs  d'autrefois...  C'est  une  croyance  ti  ùs  enracinée  dans  une  partie  de  la 
Grèce  que  les  habitants  du  Za;:ori  naissant  chirurgiens  et  médecins  à  la  fois;  chaque 
famille  asaspécialilé  et  sa  tradition  héréditairr  :  les  fils  succcdeul  aux  fières,  et,  à 
défaut  de  fils,  di-s  parent'!  ou  des  élnni/jers  s'('n^ageut  tout  jeunes  dans  la  famille 
commo  élèveso^x  domestiques,  ce  qui  est  îi  peu  prts  lamCme  chose;  les  uns  sont  des 
rebouteurs,  les  autres  des  herniaires  habiles  ;  il  en  est  qui  pratiquent  avec  succès 
l'opération  delà  cataracte  ou  de  la  lithotoniie.  On  les  trouve />rj;-<rouran^  les  villes  et 
les  rivmjes  de  l'Orient...  Après  avoirparcouru  le  monde,  ils  reviennent  vieillir  tran- 
quilles, riches  souvent,  dans  le  village  qui  les  a  vus  nulire.  » 

(I)  X.  BertrUDil,  l'jludei  de  mythul.  et  d'iirc\èoL  grerq.  d'.ithânes  à  Argot,    nanties,  1858, 


RESTITUTION 

A  LA  VILLE  DE  MYL/E  EN  SICILE 

UK    PLUSIKlIllS    MONNAIES 

ATTniBUiÏES  A  M YTISTRATUS,  de  la  mkmi:  île 


Le  chancelier  François  Dacon  de  Vérulam,  ce  vrai  père  de  la 
philosophie  expérimentale,  a  dil  quelque  pari,  dans  un  de  ses 
nombreux  ouvi-ages  : 

tt  Si,  chevauchant,  tu  renconlrcs  une  erreur  en  ton  chemin, 
quelle  que  soit  cette  erreur,  descends  de  ta  monture,  et,  toute  affaire 
cessante,  arrûte-toi  pour  la  déraciner.  » 

Profondément  pénétré  de  l'excellence  de  ce  précepte  que  le  céléhre 
moraliste  nous  donne  à  tous,  ici,  sous  une  forme  allégorique,  mais 
suffisamment  transparente,  —  précepte  qui,  s'il  était  plus  souvent 
observé  (ju'on  ne  se  montre  communément  disposé  à  le  faire,  aurait 
pour  résultat  de  débarrasser  la  science  d'une  foule  de  notions 
inexactes  ou  d'attributions  parasites  que  la  tyrannique  routine  per- 
siste seule  à  respecter,  —  je  voudrais  aujourd'hui,  puisque  j'en 
trouve  l'occasion,  essayer  à  mon  tour  de  le  mettre  en  pratique. 

Voici  à  quel  propos^  et  ce  qui  m'y  engage. 

1 

Dans  le  deuxième  volume  de  l'important  ouvrage  intitulé  :  Cata- 
logue of  ihe  Greek  Coins  in  the  Britisli  Musoum,  —  lequel  volume,  dû 
à  la  collaboration  ilo  MM.  Stuart  Poole,  Barclay  llead  et  Pcrcy  Gardner, 
a  été,  comme  chacun  sait,  consacré  tout  entier  à  la  numismatique 
générale  de  la  Sicile,  —  on  a  classé  (page  116)  sous  la  rubrique 
d'une  ville  appelée  Mijtistratus,  trois  monnaies  de  bronze,  deux 
hemUitrœ  et  une  uncia,  sur  lesquelles,  vu  l'intérêt  particulier  qui 
s'y  allache,  je  désire  ramener,  pour  un  moment,  l'atlenlion  des 


:ir>l  nr.vir.   \ar.iiKt»i.tM;n.»UR. 

homiiit^s  (l'élude,  et  en  nD'^mc  temps  leur  soutnotlro  h  ce  sujet  (\we\- 
qu»s  observations  riilitiuos  dont  ils  no  lanliM'onl  pas,  je  l'espùre,  h 
apprécier  la  raison  d'être  et  l'opportunité. 

Toutefois,  avant  de  pénétrer  jus(|u'.iu  vif  de  la  (juestion,  il  est 
nécessaire  tien  déblayer  les  almrds;  en  d'autres  mois,  de  commen- 
cer par  indiiiuer  dés  h  présent,  ei  aussi  hriévement  (|uc  possible, 
sur  (]uoi  elle  roule  ;  comment,  de  mon  cùlé,  je  l'ai  comprise  et  dans 
quel  esprit  je  me  propose  de  la  traiter,  ou  plutAt,  sous  quel  aspect 
très  dilTér.nt  j'estime  qu'elle  aurait  dû  être  envisagée;  me  réser- 
vant, d'ailleurs,  de  fournir  un  immi  plus  loin  un  ensemble  de  preuves 
qui  sera,  si  je  ne  m'abuse,  de  naUire  à  conliniier  l'exacUtude  du 
point  de  vue  où  je  vais  me  placer. 

Je  le  dis  donc  tout  de  suite  et  sans  la  moindre  hésitation  :  l'attentif 
et  1res  minutieux  examen  auquel  j'ai  soumis  plusieurs  fois  le.>  types 
de  Ces  médailles  m'a  conduite  penser  qu'on  s'était  un  peu  trop  hâté 
de  les  classer  à  .)fylistnilns,  et  que,  tout  bien  considéré,  elles  n'ont 
pas  été  mises  là  à  leur  véritable  place.  i}ien  qu'au  premier  aperçu 
cette  attribution  puisse  sembler  très  justifiable  en  soi,  eu  égard  à  . 
la  fabrique  indubitablement  sicilienne  des  trois  pièces,  et  principa- 
lement à  la  légende  de  deux  lettres  qu'on  y  lit  au  revers,  elle  n'en 
soulève  pas  moins,  quand  on  y  réllécbit,  des  dilTicultés  ou  des 
objections  de  plus  d'un  genre,  et  je  ne  crains  pas  d'ajouter  que,  pour 
ma  part,  elle  est  loin  de  m'inspirer  la  même  conliance  qu'à  mes 
doctes  confrères  de  Londres.  Assurément,  personne  plus  que  moi  ne 
sait  rendre  à  leur  mérite  scientifique  le  juste  hommage  qui  lui  est 
dû,  ni  ne  serait  mieux  disposé  à  s'incliner  devant  la  grande  expé- 
rience qu'ils  possèdent  de  la  matière  ;  mais,  malgré  ce  qu'a  d'impo- 
sant à  mes  yeux  la  légitime  autorité  dont  ils  jouissent  depuis  long- 
temps dans  le  monde  des  numismatistes,  je  ne  saurais,  en  cette 
circonstance,  partager  leur  opinion  ;  aussi  n'est-'e  point  sans  en 
éprouver  un  véritable  regret  que  je  me  vois  aujourd'hui  obligé  de 
me  séparer  d'eux.  Ceciui,  d'ailleurs,  m'empêcherait  d'accepter  leurs 
conclusions,  c'est  la  ferme  conviction  où  je  suis  arrivé  et  où  j'espère 
pouvoir  amener  le  lecteur,  que  la  légende  de  deux  leiires  dont  je 
parlais  tout  à  l'heure  n'a  pas  été  interprétée  comme  il  convient  et 
qirellerenfermeunsensentièrementdi(Térenldeceliii(in'onlui  i)réte. 

Je  m'exj)lique. 

Kn  effet,  si,  d'une  part,  —  chose  (pie  ji'  n'.ii  nulle  envie  d(>  con- 
tester, —  les  deux  lettres  YM  dont  cette  lég(  nde  se  compose  et 
qu'on  doit  lire  évidemment  (ainsi,  du  reste,  (|uon  l'a  fait)  en  allant 
de  droite  à  gauche,  peuvent  élre  considérées  comme  ayant  été  em- 


HESTITUTlUN    A     l.,\    VII.I.K    KK    .MVl.I:,    KTC.  .'{(>j 

ployées  dans  le  but  do  dùsigtier  la  syllabe  initiale  de  Mytistrutus, 
d'une  autre  i)art,  il  n'y  a  pas  non  plus,  on  me  l'accordera,  de  raison 
lellenienl  décisive  ou  absolue  (jui  s'oppose  à  ce  qu'on  les  appli(iue 
tout  aussi  bien  à  Mi/lœ,  ville  maritime  dépendant  également  de  la 
Sicile,  outre  qu'elle  se  trouve  être  aussi  la  seule  de  cette  Ile  qui, 
avec  la  première,  ait  porté  un  nom  commençant  par  les  mômes 
lettres.  Ce  nouveau  motie  de  traduction  de  la  lé^'erulc,  au(piel  il  ne 
parait  pas  qu'on  ait  sonyé   ou  (jue,   peut-être,   on  a   cru    pouvoir 
mettre,  sans  inconvénient,  de  côté,  mais  dont  cependant  il  devient 
nécessaiie  de  tenir  ipieliiue  compte,  ne  laisse  pas,  comme  on  voit, 
de  causer  une  certaine  perplexité  ;  car,  en  délinitive,  il  faut  opter 
entre  l'une  ou  l'autre  des  deux  combinaisons.  Le  tout  est  de  savoir 
quelle  est  la  bonne.  Or,  par  le  fait  môme  (juc  celle  ressemblance 
d'initiales  laisse  ii  tout  cliacun  la  libie faculté  d'envisager  la  (|uestion 
sous  le  jour  qu'il  suppose  devoir  être  le  meilleur,  et  que,  d'ailleurs, 
rien  n'indiijue  qu'on  doive  interpréter  ces  initiales  dans  tel  sens 
plutôt  que  dans  tel  autre,  il  en  résulte  alors  que  l'élément  épigra- 
pliique,  si  précieux  d'ordinaire  et  d'une  importance  presque  tou- 
jours si  capitale,  ne  sulTit  plus  ici,  à  lui  tout  seul,  pour  nous  guider 
dans  notre  clioix  ;  du  moins  ne  conslilue-t-il  plus  qu'un  mo\en  de 
classification  très  secondaire  et  qui,  j'ose  le  dire,  n'a  rien  en  soi  de 
particulièrement  démonstratif.  Ce  n'est  donc  pas  uniquement  sur 
l'examen  pur  et  simple  d'une  inscription  réduite  à  une  syllabe,  — 
laquelle  syllabe,  en  raison  môme  de  l'ambiguité  qui  s'y  attache,  est 
susceptible  de  s'expliquer  à  volonté  de  deux  manières  divergentes, 
—  que  l'on  doit  s'appuyer  pour  arriver  à  déterminer  le  vrai  lieu 
d'émission  de  ces  médailles,  mais  bien  plutôt,  à  mon  avis,  sur  la 
composition  du  sujet  ou  type  principal  qui  en  forme  l'empreinte, 
sur  la  nature  des  symboles  accessoire^  qui  y  sont  associés,  et  sur 
l'ensemble  général   des  caractères  matériels  de  leur  fabrication. 
C'est  là,  et  non  ailleurs,  qu'il  faut  cbercber  et  qu'on  pourra  espérer 
de  trouver  la  clef  du  problème.  Je  vais  essayer  d'en  fournir  la 
preuve  à  l'aide  d'exemples  comparés  et  d'arguments  tirés  tant  de  l'his- 
toire particulière  que  de  la  situation  géographique  de  ces  deux  villes. 

Uu'on  me  permette  encore  un  dernier  mot;  après  quoi  j'entre  en 
malièie. 

Pour  des  causes  que  j'ignore,  mais  dont  on  pourrait  supposer, 
sans  trop  d'invraisemblance,  que  la  principale  aura  été  motivée  par 
la  conservalion  défectueuse  des  exemplaires,  iM.  Percy  (lardner, 
ranti(iuaire  chargé  de  rédiger  colle  partie  du  Catalogue,  n'a  pu 
ou  n'a  [jascrii  divoii  reproduire  la  ligure  d'aucune  de  ces  trois  mé- 


M'ii)  KEVUK   Alli'HliuLUUlUUK. 

ilailles  :  omission  fâcheuse  cl  rcgrellnblo  ;i  laiinollc,  copendnnt,  jo 
l;u-|ierni  ilo  siippli'er,  nu  moins  minnl  à  ce  (jui  concerne  le  n"  1.  en 
olTraiil  ici,  aux  nuiiiism.itisles  désireux  do  se  mieux  rensei^Mier,  le 
dessin  très  lidèle  cl  foi  l  habilement  rendu  (juo  M.  le  haron  Lucien 
(le  llirsch  a  hien  voulu  exéculer,  h  ma  prière,  d'après  le  i)eau  spé- 
cimen qu'il  possède  el  (jui  est  entré  récemment  dans  sa  riche  collec- 
tion. Je  suis  heureux  de  lui  di  renouveler  puhliquement  mes  sin- 
cères remerciements. 

Uc  la  sorte,  chacun  pourra,  en  consultant  ce  dessin,  se  f.,irc  du 
style  et  du  genre  de  travail  propres  ù  ces  monnaies  une  idée  assu- 
rément beaucoup  plus  juste  que  celle  qui  résulterait  jjresque  forcé- 
ment d'une  simple  et  sèche  description.  Car,  si  exacte  et  si  nnnu- 
lieuse  qu'elle  puisse  être  d'ailleurs,  il  est  hien  évident  que,  pour 
traiter  une  (juestion  du  genre  de  celle  q\i\  va  nous  occuper,  rien  ne 
saurait  remi)lacer  le  précieux  avantage  d'avoir  h  sa  disposition  et 
sans  cesse  sous  les  yeux,  sinon  le  monument  original  lui-même,  du 
moins  une  bonne  copie.  Le  lecteur  y  trouvera  en  outre  un  moyen 
excellent  el  toujours  à  sa  portée  de  vérilication  et  de  contrôle,  ce 
qui,  par  suite,  le  mettra  mieux  en  état  qu'il  ne  l'eiU  été  sans  cela 
d'apprécier  avec  pleine  connaissance  de  cause  les  divers  arguments 
que  j'ai  à  faire  valoir  en  faveur  de  ma  thèse. 


U 


Voici,  niaintcnani,  en  (luels  termes  textuels  le  catalogue  précité 
rapporte  les  trois  médailles  dont  je  me  suis  proposé  de  combattre 
l'attribution. 


IIkMII.I  1  IIDN. 


N'  1. 


Hoad  of  Ilephaislos,  H,  bearded  wtaring  |>ilos. 
YM  in  Ihe  midsl  of  :SS  :  ail  wilhin  olive-wreath. 


iiKSTirurioN  A  i,.\  \ii,i.K  i)K  MVL.i;,  Kic.  ;i(i7 

(;K.  1  J")=:moiiul(' H  l/J  do  Mioniict,  iii)i(l3  4->7  =  27,:{(>  gr.  fr. — 
IJrilisli  .Miisciiiii  ol  culleclion  île  M.  le  baroii  do  llir»jcli,  ;\  Pans.) 

N'^i.  —  Similar. 
!>'.  —  Similar  ?  ^dcfaced). 

{M.  1,15  =  8  1/i  de  iMionnet,  poids  4't8  =  20  gr.  fr.  —  The 
above  coins  resiruck  on  coins  of  Syracusae  :  Obv.  Ilead  uf  Pallas; 
K.  Slar-Fiscli  bclwen  Dolpliins.) 

Ungia. 

N"  3.  —  Similar  type. 

I^'.  —  Y  M,  in  centre  •  aroiind  wicli  ilirec  lisclies,  witli  heads 
closes  to  mark  of  value  and  lails  al  circumference  ;  border  of  dois. 

(.E.  8  =  ;)  do  Mionnct,  poids  103  =  0, 07  gr.  fr.  —  Brilish  Mu- 
séum.) (1). 

Il  y  a,  dans  ces  médailles,  plusieurs  choses  à  considérer  et  qui 
méritent  noire  attention  ,  savoir  : 

1°  Le  type  imprimé  sur  le  droit,  et  que  les  trois  pièces  ont  de 
commun  ;  2"  celui  qui  paraît  seulement  au  revers  de  ïuncia;  3»  le 
mode  de  fabrication  et  l'épaisseur  relative  du  métal;  A"  la  forme 
abrégée  de  la  légende  et  la  marche  de  l'écriture;  :)"  enfin,  les  mar- 
ques pondérales.  Tout  cela  compose  un  ensemble  de  caractères  spé- 
ciaux qui,  pris  à  part  et  envisagés  chacun  séparément,  n'auraient 
rien  par  devers  eux  que  de  très  ordinaire,  mais  dont  la  réunion 
intentionnelle  dans  un  même  cadre  donne  à  ces  monnaies  un  cachet 
sui  generis,  qu'on  ne  rencontre  jamais  à  ce  degré  sur  le  numéraire 
de  celles  d'entre  les  autres  villes  siciliennes  dont  l'attribution,  depuis 
longtemps  fixée,  est  désormais  à  l'abri  de  toute  critique. 

Pour  peu  qu'on  ait  pris  la  peine,  après  lecture  faite  de  la  descrip- 
tion ci-dessus  reproduite,  d'en  comparer  la  teneur  avec  le  dessin 
qui  la  précède,  on  n'aura  pas  manqué  de  remarquer  qu'en  dehors 

(1)  Il  est  presque  superflu  de  faire  observer  que  ces  pièces  sont  d'une  grande 
rareté  et  qu'elles  n'avaient  point  été  étudiées,  ou  du  moins  classées,  avant  la  publi- 
cation du  catalogue  anglais.  J'ignore  s'il  en  existe  quelques  exemplaires  ailleurs  qu'au 
British  Muséum  et  dans  la  collection  de  M.  de  Hiiscli  ;  mais  je  crois  devoir  constater 
à  titre  du  renseignement,  que  le  cabinet  national  de  France  n'en  possède  aucun  de 
cette  espèce,  bien  que  pourtant  il  soit  d'une  extrême  richesse  en  monnaies  siciliennes 
de  tous  métaux. 


308 


IIKVLK   MlCHKOLOGiyUE. 


des  diverses  particularilés  que  je  si},'nalc,  il  en  est  une  principale  el 
Irt-s  essentielle,  (ju'il  iinpoiie  d'auianl  plus  de  constater  dès  h  présent 
el  de  niellre  en  linniiTe,  que,  sans  pn-judice  des  autres  it  avant 
toutes,  il  s'en  di-gage  un  enseignement  bien  propre,  j'ose  le  croire, 
à  conlirmer,  —  fiU-elle  môme  seule,  —  r()|)inion  i]ue  je  soutiens  el 
que  je  vais  déveioiqn-r. 

Je  veux  parler  de  l'exlrôme  analogie,  de  l'ùtroilc  parenté,  ou, 
mieuv  encore,  de  la  couiplMc  identité  de  types,  de  fabri(|ue,  de 
forme,  et  autres  rapports  [ilastiques  (ju'olTrent  ces  trois  monnaies 
avec  certains  bronzes  bien  connus  pour  appartenir  à  IJimia,  la  plus 
considérable  des  sept  îles  appelées  Èolienncs  ou  llriiltuistiades  ; 
lacjuelle  ville  de  Lijxini  se  trouve  élre  aussi  la  seule  (jui,  dans  la 
Sicile  ou  dans  les  paraj^'es  limitropbes,  ail  adopté,  pour  son  numé- 
raire, l'image  d'HepImistos  :  ('lligie  dont  la  présence  sur  ces  der- 
nières monnaies  constitue  une  allusion  directe  el  on  ne  peut  plus 
claire  soit  au  nom  propre  de  ces  îles,  soit  à  la  nature  volcaniiiue  de 
leur  sol.  Cette  ressemblance  que,  pour  le  moment,  je  me  borne  à 
indiiiut-r,  —  sauf  à  y  revenir  en  temps  et  lieu,  — est  en  effet  si 
frappante  et  à  ce  point  manifeste  qu'à  ne  regarder  iinii|uement  que 
l'ensemble  des  types  de  nos  bronzes,  ainsi  que  la  manière  toute 
spéciale  dont  les  marques  de  valeur  y  ont  été  disposées,  on  serait 
tenté  de  croire  qu'on  a  sous  les  yeux  des  monnaies  iiulubilables  de 
Lipara^  n'était  que  la  légende  Y  M,  écrite  en  lettres  de  grande  pro- 
portion à  la  place  la  plus  apparente  du  revers,  ne  venait  nous  donner 
la  pleine  certitude  du  contraire.  Le  lecteur  pouira  lui-mtMue  appré- 
cier le  caractère  de  celle  ressembhuue  au  moyeu  de  la  ligure  dun 
de  ces  bronzes,  qu'il  m'a  paru  indispensable  de  lui  mettre  sous  les 
yeux  à  cet  elTel. 


C'est  sans  nul  doute  à  cause  de  toutes  ces  circonstances  réunies 
quf  Torremu/.y.a.  guidé  par  son  instinct  et  par  sa  grande  pratiijue 
des  monuments  nunii>mali(iues,  s'était  di  ci  lé  à  classersuus  la  rubri- 


llKSTiriTlO.N    A    |,\    Vil. 1.1.    I>i;    MYL.K,    KIC.  'M')\) 

que  de  Liinira  un  siiécimon  loiil  pareil  à  celui  de  M.  de  llir.seli  et 
aux  deux  iireiuiers  nuniéros  du  calaloguc  anglais,  mais  doiil  l'ins- 
cription, à  peu  de  chose  prés  coinplètemcint  effacée,  ne  lui  laissait 
plus  apercevoir  (|ii(!  des  traits  vaf^'ueset  de  forme  irid('3cise  (I).  On  ne 
trouvera  pas  mauvais,  je  pense,  (jiie  je  rappelle  en  pa.ssant,  ne  fùl-ce 
(lu'à  simple  titre  de  document  rétrospectif,  sur  quels  motifs  il  fondait 
son  opinion. 

«  (juamvis  numus  ;eneus  i.'^le  cujus  iiicluiam  inilii  iiiisil  Cijues 
Horatius  Alessi  Catanensissitancpigraplius,  ad  Liparaiii  (amen  spec- 
tare  non  inficior.  Est  in  eo  caput  Vulcani  juleo  lectum,  |)roiil  in 
aliis  ipsius  insulu'  numis  a  me  edilis  in  lai».  XCIV  mei  opcris  ;  sunl- 
que  in  adverso  intra  lanream  coronam  globuli  sive  pilœ,  quae  etiam 
liabentur  in  aliis  cjusdem  populi  numis.  »  (Auctar.  Secund.,  p.  14, 
tab.  Vlll.) 

L'attribution  que  l'antiquaire  sicilien  se  décide  à  adopter  et  que 
la  mauvaise  conservation  de  la  pièce  rendait  en  effet  bien  naturelle, 
suffit  à  montrer,  par  son  exemple,  ce  qui  serait  infailliblement  arrivé 
pour  nous  si  les  médailles  dont  il  s'agit  ici  eussent  été,  comme  la 
sienne,  privées  de  tout  ffl  conducteur  ou  point  de  repère  épigrapbi- 
que.  Quel  esl,  je  le  demande,  le  numismatiste  expérimenté  ou  sulli- 
samment  versé  dans  l'élude  de  ce  genre  de  monuments  qui,  en  un 
semblable  cas,  n'aurait  pas  été  tenté  d'en  faire  autant  que  lui  et  de 
se  dire  tout  d'abord  :  Voilà  évidemment  un  bronze  de  Lipara  !  Ce 
premier  point  ou  renseignement  est  donc  bon  à  retenir.  Passons 
maintenant  à  un  autre. 

L'examen  que,  de  son  côté,  réclame  nécessairement  la  légende 
inscrite  au  revers  de  ces  trois  pièces,  je  veux  dire  la  forme  particu- 
lière des  deux  lettres  dont  elle  se  compose,  jointe  ù  la  direction  de 
droite  à  gauche  qu'elles  affectent  dans  leur  marche,  nous  fournissent 
encore  un  critérium  précieux,  un  nouveau  trait  de  ressemblance 
avec  les  monnaies  de  Lipara,  qui  n'est  ni  moins  explicite  ni  moins 
important  à  relever  que  le  précédent.  En  effet,  sur  un  assez  grand 

(1)  Quoique  le  dessin  donné  par  Torremuzza  soit,  à  propromcnt  partir,  plus  Voisin 
de  la  caricature  que  du  vrai  sentiment  de  l'antique,  néanmoins,  lorsqu'on  examine 
ce  dessin  avec  un  peu  d'attention,  son  dofaut  d'exécution  n'empCche  pas  de  recon- 
naître assez  aisément,  sous  le  symbole  bizarre  ligure  au  revers  de  la  pièce  par  le 
graveur,  tous  les  éléments  constitutifs  de  la  lettre  Y  qui  fonctionne  dans  le  mot 
Y  M.  —  De  même  que  sur  nos  pièces,  la  légende  du  revers  ainsi  que  les  globules, 
sauf  le  dernier  qui  manque,  sont  entourés  d'une  couronne  d'olivier  :  seule  difTé- 
rence  qu'elle  présente  avec  les  autres  bronzes  de  Lipara,  lesquels  sont  géuirale- 
raent  bordés  d'un  grènetis. 

XXXIX.  2.0 


j70  '"^^l  '■    \Ui  lll.ni.txiigl  K. 

nombre  île  bronzes  atlriUuôs  à  celle  Ile.,  on  trouve  souvent  l'elliniquo 
riiit  ^i'  .Iroilo  à  gauche,  el  en  lollrcs  plus  moins  arrhaïtiues,  .sjc  : 
NOIASAHIA  Jj  ;  parfois  aussi  rûduil  à  trois  (i)  ou  ;i  deux  (il)  ini- 
tiales: niA  et  lA.  Or  c'est  précisément  cette  ilerniére  forme  épij^ra- 
phi.iue  (ju'on  voit  se  proJuire  au  revers  de  nos  médailles  où  l'ins- 
eriplion  ,  abrégée  de  la  même  manière  qu'à  iJpnra  et  réduite 
également  à  sa  plus  siiniile  expression,  donne  pour  amorce  du  nom 
qui  reste  à  découvrir  la  syllabe  Y  M.  Comme  il  n'est  guère  possible 
dadmettre,  —  élanl  données  et  la  grande  dimension  des  lettres  et 
la  place  prépondérante  qu'elles  occupent  au  milieu  du  ciiamp, — 
que  ces  lettres  aient  pu  être  employées  à  l'elTel  de  désigner  un  nom 
quelcoutiue  de  magisirat  monétaire,  il  s'ensuit  nécessairement 
(ju'elles  doivent,  à  n'en  pas  douter,  indi(|uer  un  nom  de  peuple  ou 
de  ville,  et  (jue  ce  nom  n'est  point  celui  de  Lipani. 

N'oublions  pas  non  plus,  —  car  la  remarque  a  son  importance, 
outre  (ju'elle  achèvera  de  compléter  lorai)prochemenl,  —  (pie  parmi 
les  symboles  monétaires  adoptés  y)âv  Lipnru,  c'est  peul-élie  celui 
du  dauphin  {ï)  qui  y  ligure  le  plus  souvent.  L'uncia  décrite  ci- 
dessus  sous  le  numéro  3  nous  montre  trois  de  ces  animaux  disposés 
en  triangle  autour  de  hi  marcjue  de  valeur  :  ce  qui,  par  cunséquen!, 
semble  annoncer  on  ne  peut  plus  clairement  que  la  pièce  qui  porte 
un  emblème  d'un  caractère,  oserai-je  dire,  aussi  essentiellement 
ncptunien  [o)  que  celui-là,    ne  saurait  appartenir  (lu'à   une  ville 


(1)  Hcklicl,  tome  I,  p.  270.  —  Torrcmuz?,-!,  tab.  XCI.V,G  et  7.  —  Sestiiii,  dusses 
gt*i)(?raleï ,  p.  23.  —  FiorcUi,  col.  SantanKclo,  p.  87.  —  Cal.  r<f  Rrit.  Mus.,  t.  II, 
p.  250,  11"  1,  0,  32.  —  Cab.  nat.  do  Francr,  ei  ailleurs. 

(2;  llunltr,  p.  17&,  n"  0.  —  C;ib.  Allier  do  Mautcrochc,  pi.  Il,  n»  2.  —  II.  Hoff- 
inann,  Bulletin  périodique,  n"  1023. 

(3)  nrili'>li  Muséum,  lo<-.  ci/.,  n"  15.  —  Cab.  nat.  do  Franco. 

(S)  Briiivli  Muséum,  /.  c,  i>.  258,  n»«  1<;  h  -51,  ot  p.  2C2,  ii»'  70  :i  ■;2.  —  Cib.  nat. 
de  Franco,  (tailleurs.  —  Ecltliil  dit  .\  c-  propos  (/of.  cit.):  «  Dolpliini  in  numls 
ioiutaruiu  ratio  obvia.  » 

(û)  Quand  je  dis  que  lo  ilnuphin  est  uu  cmblî-mo  cxsentielkniritt  uffitwiim,  il  ne 
faudrait  pas,  cependant,  prendre  les  termes  dont  je  me  sers  trop  au  pied  de  la  lettre, 
ni  auireiiKiii  qu  au  sens  nlatif  le  plus  généralement  admis  pour  cet  embR'me,  et 
«ou»  rOoervc  formelle  de»  applications  particulières  auxquelles  il  est  quelquefois 
BUftccptiblo  de  »c  prêter.  Jo  no  prétends  pas  lo  moins  du  monde  donner  à  entendre 
quo  je  le  con»id(:rc  cuinino  une  ligure  alliKoriquo  exclusivement  liée  au  culte  de 
l'oteidori,  n'.iyant  de  connexion  qu'avec  lui  ou  avec  les  diverses  phases  de  son 
mythe  j  en  un  mol,  dc»lin<io  uniquement  k  déterminer  et  h  rendre  plus  compréhen- 
^iblt•B  les  Mjirt-uiilationi  planiques  ou  le  «erire  (i";icti\itii  in.prcs  h,  ce  personnage. 
Loin  du  Ui  :  Je  suis,  au  contraire,  pernuadi)  ijuo  la  pn'scnce  do  ce  f(*tacé  sur  une 
monnaie  n'implique  p:i»  toujours  ni  nOce.ssaircmcnl  l'id-'c  ubsclue  que  la  vill"  qui  l'a 


ItKSTlTlMlON    A    l\    VII.I.i;    l)i;    MM.i;,    KTC.  371 

siliiéc  non  p,is  d  uis  riiilnicur  du  |p;iys,  mais  liY's  probablcmcnl 
l)r(''S(l('s  Itonls  de  l,i  mer,  cl,  qui  plus  (3!»l,  assez  rapprochée'  de  l'Ile 
i\cLiiiani  pour  (iiic,  en  raison  de  ce  voisinage  el  des  relaiions  tant 
polili((nes  fjiie  rommereinles  ([ui  devaient  inévitablement  en  résul- 
ter, l'idée  soit  venue  à  celle-ci  d'imiicr  les  (y|)es  et  les  procédés 
monétaires  de  celle-là. 

Oiianl  ,i  ce  ([iii  concerne  en  particulier  les  marques  pondérales 
imprimées  au  revers  de  ces  médailles,  c'est  un  point  de  détail  sur 
Icipud  nous  aurons  l'occasion  de  nous  exiiliquer  un  pea  plus  loin. 
l*oiir  le  moDieiil,  il  sulliiM,  je  pense,  d'avoir  indiqué  au  lecteur  les 


émiso  (lovait  ùtre  plus  ou  moins  en  contact  avec  les  choses  de  la  mor.  tl  peut  aussi 
en  certaines  circonstances,  avoir  une  autre  signincation,  et,  sans  rien  perdre  pour 
cela  de  son  caractère  originel,  se  rattaciicr  à  des  fables  d'un  or  ire  di(Tr:rent.  En 
elTet  ,  .s'il  est  vrai,  d'une  part,  que  dans  les  religions  de  la  Grèce  la  figure  du  dau- 
phin constituât  l'un  dos  attributs  les  plus  distiiictifs  de  Puseiilo.i,  qu'il  en  fût  pour 
ainsi  dire  l'acolyto  naturel  et  le  i)lus  liabitufl ,  il  n'est  pas  moins  certain,  d'autre 
part,  qu'un  assez  grand  nombre  de  monuments  antiques  nous  montrent  cet  animai 
fréquemment  as>ocié  au  culte  de  divinités  autres  que  Puseiiion;  à  celui,  par  exem- 
ple, de  Vénus  marine  {'Aipooiro  IIovTtaou  '£-iT:ov-ta),  expression  poétii|ue  et  fémi- 
nine de  l'élément  liumido,  en  tant  que  déesse  née  de  l'écume  de  la  mer  et  comme 
ayant,  dit-on,  pris  part,  métamorphosée  en  dauj>fiin,  à  la  grande  lutte  connue  sous 
le  nom  de  Titanomachie.  La  Vénus  marine  était  plus  spécialement  adorée  dans  les 
ports  et  chez  les  habitants  des  côtes,  surtout  en  Asie  Mineure. 

On  peut  encore  rattacher  ce  symbole  au  mythe  de  son  fils  liroi,  dieu  qu'on  voit  sou- 
vent monté  sur  un  dauji/dn,  parce  que  cet  animal  passait,  suivant  de  vielles  traditions 
pour  ôtre  l'actif  messager  do  l'amour;  ainsi,  d'ailleurs,  qu'en  témoigne  le  rôle  impor- 
tant qu'il  joue,  précisément  en  cette  qualité,  dans  les  préliminaires  de  l'union  de 
Poséidon  avec  Ampliifrile.  Enfin ,  la  relation  intime  du  dauphin  avec  Apollon 
considéré  comme  dieu  navigateur  et  conducteur  des  colonies  (  'Afxr,y£rr,;)  n'est  pas 
non  plus  dillicilo  à  établir;  pour  peu  qu'on  veuille  se  rappeler  que  le  surnom  de 
Aî).^(v'.o;  lui  fut  donné  en  reconnaissance  do  ce  qu'il  avait  pris  la  forme  d'un  dau- 
phin pour  guider  le  héros  Casialin.t  et  ses  compagnons,  de  Vile  île  Crète  dans  le 
golfe  de  Crism,  aux  environs  duquel  on  construisit,  d'après  l'ordre  exprès  du  dieu, 
la  ville  de  Delithes  ainsi  que  le  sanctuaire  devenu  plus  tard  si  fameux  par  son 
oracle.  Voilà  pourquoi  et  à  quel  titre  ce  mammifère  marin,  improprement  qualifie 
de  poisson  par  quelques  antiiuuires,  paraît  au  droit  et  au  revers  de  la  plupart  des 
monnaies  de  cette  ville,  dont  il  devient,  de  ce  fait,  le  type  parlant.  Ce  côté  mytho- 
logique de  la  légende  d'Apollon  a  été,  du  reste,  on  ne  peut  mieux  étudié  et  mis  en 
lumière  par  M.  Henri  de  Longpérier,  dans  le  remarquable  Mrmoire  que  ce  jeune  et 
si  regrettable  savant  avait  consacré,  il  y  a  quelques  années,  à  l'examen  de  la  numis- 
matique de  Ddphei  {Rev.  numism.,  1809,  p.  169  et  suiv.).  Je  ne  saurais  donc  rien 
faire  de  mieux  que  d'y  renvoyer  ceux  qui  seraient  curieux  d'avoir,  à  ce  sujet,  de 
plus  amples  éclaircissements. 

Mais  dans  le  cas  tout  spécial  qui  nous  occupe  ici,  la  figure  du  dauphin  se  trou- 
vant intentionnellement  associée  à  rimajre  d'//(?/J/lrt(s^J^■,  aussi  bien  sur  les  bronzes 
de  Lipara  que  sur  Yuncia  que  j'attribue  à  M'jlœ,  et  ce  symbole  n'ayant,  que  je  sache 


37J  IIKVUK  AHCHiioLOGiyui:. 

principaux  irnib  d'analogie  ou  de  iesseu\blance  (jui  rallai  luiii  l;i 
faliiicalion  de  nos  trois  bronzes  au  monnayage  de  l'ilc  de  Lipara. 

Toulc  la  question,  niainlenanl,  se  rciluil  donc  à  savoir  ([uelli'  est, 
de  Mylii  ou  de  Mylislratus,  celle  des  deux  villes  dont  la  siliialion 
géogriphiiiue  peut  le  mieux  se  prùler  à  remplir  ellicacement  les 
conditions  de  notre  proj,'ramnie. 

C'csl  là  ce  qu'il  convient  d'exaniinir. 

Je  coinnioncerai  par  présenter  les  raisons  (|ui,  selon  moi,  militent 
en  faveur  de  Myln  ;  ensuite  je  produirai  celles  (jni  s"oiij)usent  à  ce 
qu'on  se  range  du  côté  de  Mytislratus. 


111 


Fondée,  à  ce  que  l'on  croii  généralement,  vers  le  mi  lieu  du  vii^^  siècle 
avant  noire  ère  par  des  émigrés  zanclcens,  —  les  mêmes  (jui,  un  peu 
plus  tard,  allèrent  coloniser  i/tme/vf  (1),  ~  la  ville  de  Mylœ  (MuXaî) 
avait  été  conslruile  sur  la  rive  nord-est  de  la  mer  Tu'rhénienne,  à 
rcxirémité  du  piomontoire  qui,  de  ce  côlé  de  la  Sicile,  i-egardc 
juste  en  face  des  iles  d'Eole,  dont,  en  outre,  il  ne  se  trouve  séparé 
que  par  une  distance  navigable  de  peu  de  milles  géo,i:iapliiques.  Il  y 
a  tout  lieu  de  penser  (ju'un  pareil  emplacement  ne  fut  point  choisi  à 
la  légère  ni  sans  de  graves  motifs,  mais  principalement  dans  le  but 
d'établir  à  cet  endroit  un  poste  stralégiiiuc  entouré  de  fortes  mu- 
railles, el  très  probablement  aussi  muni  d'une  acropole  capable  de 
défendre  au  besoin  cette   partie  du  littoral  contie    une  invasion 

aucun  rapport  mùine  éloigné  avec  le  culte  du  ce  dieu,  il  faut  bien  des  lors  se  décider 
à  reconnaître  qu'il  n'a  pu  éire  employé  là  qu'en  qualité  d'emblèmo  |)nroment  topi- 
que et  dans  le  but  non  douteux  de  rup|)elLr  idéo(;raplji(|ucinent  lasituaiion  maritime 
des  deux  villes.  C'est  égaicmeut  de  cette  dernière  manière  plutOt  que  dans  uu  sens 
relatif  au  culte  d  .1/jo//o«  De/pfiutien  qu'il  conviendrait,  je  crois,  d'interpréter  la 
présence  du  dauphin  sur  les  monnaie»  archaïques  de  Zaïicli:  En  effet,  ces  monnaies 
nous  montrent,  sur  le  côté  du  droit,  un  dn  ces  animaux  nageant  au  milieu  d'un 
demi-cercle  très  suillant  el  en  forme  de  fum  tlle  ou  de  faux  [r,  s^yx/r,  ou  -6  ^^àyxXov)  : 
allusion  manifeste  à  la  couliKurution  générale  du  purt  et  au  nom  projiru  de  lu  ville; 
de  même  que  le  ly|)e  imprimé  au  revers  de  ces  pièces,  et  disposé  en  j)eiits  comjjar- 
timcnUk  alternativimint  eu  relief  et  en  cruux,  représente  très  probablumenl  le  plan 
sommaire,  et  réduit  ii  sa  plus  biin|)le  expression,  des  principaux  édillces  qui  déco- 
raient le  pourtour  de  ce  port. 

(1^  Scymu.  Clii.,  v.  USO-7.  —  Strabon,  lib.  vu  :  <i  rr.v  'I|j.£pav  |j.tv  ol  Mv>ai;tx':i'ï«v 
ZaT'V '■•'•''•  "  ~  Tliucyd.  vi,  b.  —  lî.  Iloclaatc,  Htst.  tics  cjI.  y/.,  t.  111,  |'.  320,  323. 
Urunct  de  Preslc»,  Ltabl.  des  Unes  en  Htctie.  p.  07. 


nRSTiTUTroN  A  f,\  vir.r.R  dr  myl i:,  rtc.  HT.'J 

('Iranpri'C.  Do  ce  fait,  Myhr  devenait  en  (|ucl(Hift  sorte  l'une  des 
fiefs  de  la  Sicile  dans  la  ré^'inn  du  nord-est.  S'il  en  eiU  été  autre- 
ment, il  no  serait  (?iiére  aisédecnnipremlre  j)oiirqiioi  les  Alliénicns, 
h  répmiiie  de  leur  première  et  infrurtueiise  expédition  en  Sicile, 
sous  la  conduite  de  l.nchh  et  fie  Chnrœddrx  ('j20  av.  J.-C),  pour- 
quoi, tlis-je,  les  Alliéniens,  a[très  avoir  ravagé  d'abord  les  îles 
ftoliennes,  qui  él.iionl  favorables  aux  Syracusains,  auraient  jugù  à 
propos  de  commencer  leurs  opérations  militaires  par  mettre  le  siège 
devant  MyUi\  dont  la  possession,  en  leur  assurant  un  port  de  dé- 
barquement et  un  refuge  éventuel  (1)  pour  leur  (lotte,  devait  avoir 
pour  conséquence  immédiate,  comme  en  effet  on  le  vit  bientôt,  d'en- 
traîner la  re(Mition  do  la  puis'îanti'  .U<?sMna,  autre  alliée  de  Syra- 
cuse [T)  (ii-T)  av.  J.-C). 

Bien  (ju'à  vrai  dire  les  nuleurs  .inriens,  riiez  lesquels  on  [louiinit 
espérer  do  rencontrer  (lui'lqucs  renseignements  au  sujet  de  Myhi', 
se  soient  généralement  montrés,  sous  ce  rapport,  d'une  extrême 
sobriété,  et  ([u'ils  aient  peu  parlé  de  cette  ville,  son  nom  n'a  point 
été,  cependant,  tellement  mis  en  oubli  qu'il  ne  se  trouve  plusieurs 
fois  mêlé  à  divers  événements  dont  l'Iiisloire  a  pris  soin  de  nous 
conserver  le  souvenir. 

C'estainsiqu'ellenousapprend  qu'en  l'an  396av.  J.-'].,souslerégne 
de  Denys  l'Ancien,  les  Rliégiens,  alarmésdes  dangers  (|ue  l'ambition 
sans  cesse  croissante  de  l'astucieux  tyran  pouvait  leur  faire  courir,  et 
persuadés  qu'il  n'avait  relevé  la  ville  de  Mesfiaun,  saccagée  peu  de 
temps  auparavant  par  les  Garihaginois,  que  dans  une  intention  visi- 
blement hostile  contre  eux,  voulurent  prévenir  ses  dessein?.  Dans 
ce  but,  et  pour  le  taiir  plus  efficacement  en  échec,  ils  appelèrent  à 
eux  et  établirent  à  ^fyla'  (l)iodor.,  XI Y)  tous  les  bannis  syracusains, 
ainsi  que  le  reste  des  habitants  de  Naxos  et  de  Catane  qu'il  en  avait 
violemment  expulsés.  Ils  ne  s'en  tinrent  point  là  ;  dans  la  crainte 
que  ces  mesures  ne  fussent  encore  insuffisantes,  ils  rassemblèrent 
une  armée  qu'ils  envoyèrent,  sous  le  commandement  û'IIrloris, 
mettre  le  siège  devant  il/cs^rt^a.  Mais  cette  attaque  ne  réussit  pas; 
Héloris,  repoussé  avec  une  perte  de  plus  de  cinq  cents  hommes,  se 
hâta  de  battre  en  reti-aile.  Alors  Denys,  profitant  de  la  circonstance, 
sortit  brusquement  de  la  ville  à  la  tète  des  Messiniens  vainqueurs  et 
marcha  rapidement  sur  Mylœ,  qui,  prise  au  dépourvu,  fut  obligée 
incontinent  de  lui  ouviir  ses  portes.  Ce  vigoureux  et  liaidi  coup  de 

(1)  Suivant  Sil.  Italicus  (Hh.  i!i),  co  port  ne  passait  pas  pour  ètro  dos  plus  sûrs. 

(2)  Thucyii.,  III,  8(5,  90.  Dio.i.  Siciil.,  XII.  nii. 


374  iiKM'K   Aiu:iiKoi.oi:io»'K. 

iiiaiii,  auquel  \c>  Ulu'gicns  »  l;iicnt  loin  ilc  s'allemlie,  acheva  de  le 
rcudro  maître  de  loul.'s  les  plaas  foriiliêes  d.;  la  tùlo  nord-osl,  au 
nombre  desquelles  .Uy/<r  avait  jusiiuelù  passé  pour  une  de  relies 
dont  il  tHail  le  plus  diflicile  de  s'emparer. 

Nous. avons  de  plus  (lue,  vers  l'an  207  avant  noire  èie,   le  roi 
lliéron  II,  aussitôt  après  s'ùlre  assuré  l'appui  des  citoyens  les  plus 
influents,  it  surtout  du  principil  d'entre  eux,  Lepliue,  en  épousant 
sa  liil''  PItdistiilr,  se  déci.la  à  entreprendre  une  expédition  contre 
les  Manicilins,  dont  les  ravages,  depuis  qu'ils  dominaient  à  Mrssana, 
n'avaient  point  cessé  de  s'exercer  sur  tous  les  territoires  limitrophes 
de  cette  ville.  Ktanl  parti  de  Syracuse  à  la  léte  d'uno  armée  bien 
disciplinée  Cl  dont  il  avait  chassé  tous  les  mercenaires,   il  s'avança 
snns  perdre  de  temps  sur  Mylcv,   huiuelle  faisait  alors  cause  com- 
mune avec  son  ancienne  métropole,  la  prit  de  vive  force  et  lit  mettre 
bas  les  armes  à  quinze  cents  hommes  qui  y  élaietil  renfermés  (Uio- 
dor.,  lib.  XXll)  :  circonstance  d'où,  par  parenthèse,  il  est  permis 
d'induirc(iuc,  pour  avoir  contenu  une  garnison  aussi  nombrouse(re- 
lalivcment  surtout  à  l'époque),  cette  place  ou  forteresse  était  con- 
sidérée, ainsi  que  je  le  disais  tout  à  l'heure,  comme  un  point  straté- 
gique d'une  très  haute  importance,  et  dont  la  conquête  avait  dû 
exciter  plus  d'une  foi.>.  les  convoitises  des  souverains  de  Syiacuse. 

Q  jelques  années  plus  tard  (eu  2U0  av.  i.-C.)  ce  fut  encore  en 
vue  et  dans  les  eaux,  de  M{/liu,  que  les  Romains,  commandés  par 
Uuillius,  rencontrant  l'escadre  des  C3rthai,Mnois,  qui  croisait  devant 
la  ville,  alin  sans  doute  d'en  défendre  les  approches,  remportèrent 
leur  première  victoire  navale,  victoire  dont  le  résultat  presque  ines- 
péré, eu  égard  à  leur  infériorité  en  fait  d'exprriencu  nauli(iue, 
valut  au  consul  les  honneurs  d'une  colonne  losUale  érigée  au  milieu 

du  Forum. 

Enfin,  ce  fut  également  de  son  port,  oii  elle  était  coiuenlrée,  que 
sortit  h  llolle  de  S-r/ii*  l'omjin-  pour  alh  r  se  faire  battre  jiar  celle 
iVAijripp^,  lieutenant  d'Aui/nste  {3U  av.  J.-t:.).  Suétone  (li/.  Ang., 
11,  10;  dit  que  ce  combat,  qui  cmt  des  suites  si  funestes  pour  le  parti 
de's  pompéiens,  se  livra  entre  i\iiulucliHiii  el  .U///;i',  et  ipie  cette  dei^ 
niérc  en  acquit  un  nouveau  lustre. 

Tels  sont  les  <|uelques  documents  histon(|iie.^  qur  nous  sommes 
parvenu  à  réunir  uu  sujet  de  Myld'.  Ils  sont  en  petit  nombre,  ù  la 
vérité,  mais  néanmoins  ils  suflisent  déjà  pour  montrer  que  cetlo 
ville  n'avait  jamais  cessé  de  constituer,  mèuie  vers  la  lin  de  la 
Képublique  romaine,  unp  place  (le  guérie  dont  la  coii.-eivation  ou 
l'acquisition  nVlaienl  p"iiil  à  négliRer. 


iiKSTiTUTioN  A  r.\  vii.m:  nn  mvli:,  v.rc.  :\':\ 

La  silualioiioxcoplionnollo  de  Myl(f,  à  la  pointe  la  plus  avancée 
(lu  cap  coiiim  de  nos  jours  sous  le  nom  de  Mihizzu^  celle  silualion 
dis-je,  (|ui  l'isolait  et  en  faisait,  en  quel(|uc  Rorle,  uno  ville  à  pari 
du  rest(!  de  la  Sicile,  non  uK^ins  d'.iilleurs  r|ue  son  exln^me  voisinage 
de  Upara,  duienl  sini^ulièrenienl  favoriser,  dès  le  principe,  les 
relations  tanl  politi(|ucs  que  commerciales  qui  ne  pouvaient  man- 
quer de  s'établir  entre  deux  cités  aussi  rapprochées  et  dont  les 
navires  que  chacune  d'elles  possédait  leur  assuraient  une  voie  sans 
cesse  ouverte  de  communication  récipro(iue.  Il  n'en  faut  donc  pas 
davantage,  ce  semble,  pour  s'expliquer  comment  ^fylll\  beaucoup 
moins  puissante  que /.//)r//-(i,  a  pu,  à  un  moment  donné,  en  subir 
l'inlluence  morale  et,  par  suite,  se  trouver  presque  inévilablement 
amenée  à  conformer  son  système  monétaire  a  celui  d(>  celte  der- 
nière. 

A  vrai  dire  ce  n'est  là,  de  ma  part,  qu'une  hypothèse  dont  on 
serait  en  droit,  je  le  sais  bien,  de  ne  tenir  que  peu  ou  point  de 
compte  si,  heureusement,  pour  la  corroborer  et  lui  donner  du 
même  coup  un  assez  haut  degré  de  vraisemblance,  la  numismatique 
ne  venait,  fort  à  propos,  à  notre  secours,  en  nous  fouinissant  plus 
d'un  exemple  de  ce  genre  d'imitation  monétaire  entre  des  villes  éta- 
blies sur  des  terr'itoircs  liés  dilTérenls,  mais  néanmoins  placées  dans 
des  comlilions  géographiques  à  peu  de  chose  près  identiques.  Je 
me  contenterai  de  rappeler  les  deux  suivants  : 

Les  types,  le  poids,  ainsi  que  le  mode  général  de  fabrication  qui 
distinguent  eorlaines  monnaies  de  Messana,  ne  sont-ils  pas,  —  sauf 
en  ce  qui  concerne  la  teneur  des  légendes,  —  exactement  les  mêmes 
que  ceux  qu'on  tr-ouve  à  Rliegium  et  qu'on  est  convenu  d'attribuer 
à  l'époque  du  tyran  Anaxihis  (i)'^  Cependant  personne  ne  s'en 
étonne,  quoique  tout  le  monde  sache  fort  bien  que  ces  deux  villes 
étaient  séparées  l'une  de  l'autre  par  le  détr-oit  du  Phare  (Sicuhnn 
Fretum)  ;  que  la  pi-emiér-e,  peuplée  en  grande  partie  de  Péloponc- 
siens,  dépendait  de  la  Sicile,  tandis  que  la  seconde,  d'origine 
chalcviienne,  se  rattachait  à  la  presqu'île  italique.  Ce  n'est  qu'un 
peu  plus  tard,  après  la  mort  du  tyran,  qu'on  voit  dans  ces  deux 
villes  les  types  monétaires  changer  de  caractère,  et  que  chacune 
d'elles,  reprenant  sa  liberté  d'action,  s'en  tient  désormais  à  ceux 
qu'elle  a  créés  en  vue  de  son  usage  particulier  et  pai-ce  que  sans 
doute  ils  relevaient  plus  directement  de  ses  traditions  locales. 


(1)  Conip.,  dans  le  Catal.  du  IJrit.  Mus.,  Wicjiwn,  tome  I,  p.  373,  avec  ytessana, 
tome  II,  p.  100. 


376  nrviF  AnciiKoi.iKîiouK. 

On  in'ol>jrfton,  —  ]o.  m'y  atlcmls  !  —  (|iie  le  ras  qui  so  prc^sonto 
pour  Messana  et  pour  lihciiium  n'ost  point,  au  fond,  loul  ;\  fait 
iihMiti(]ue  à  relui  de  I.ipara  tt  de  .l////<r  ;  que,  du  temps  d'Anaxilas, 
Messaiia  et  Hhcijium  se  trouvaient  placres  dans  d'autres  conditions, 
puisque,  en  réalité,  elles  subissaient  tontes  les  deux  l'autorité  de  ce 
tyran;  que,  do  plus,  n'est  lui  qui,  après  avoir  repeuplé  de  colons 
venus  de  divers  pays  Tancienne  ZnnvIiK  jiresque  entièrement  dé- 
truite, avait  donné  à  la  nouvelle  cité  le  nom  de  Mossnna.  en  mémoire 
de  la  contrée  dont  il  était  originaire  (1),  et  qu'il  doit  sembler,  par 
conséquent,  tout  naturel  (|ue  les  deux  villes,  obéissant  à  un  môme 
chef,  aient  employé  réciproquement  les  mêmes  types,  les  mêmes 
poids  et  les  mômes  procédés  de  monnayage. 

L'objection  est  subtile,  j'en  conviens,  et  a  de  prime  abord  une 
apparence  de  vérité;  mais  elle  n'est  point  irréfutable,  et  je  ré- 
ponds : 

Si  nous  savons  positivement  que  Mcasann  et  Ehoiiium  ont  été  sou- 
mises toutes  les  deux  au  pouvoir  despotique  dAnaxiJas,  —  fait  qui, 
je  le  répète,  explique  très  bien  pouniuoi  leurs  monnaies  respectives 
n'offrent  aucune  dilTérence  malérielle  appréciable  dans  les  types, 
dans  le  poids  et  dans  le  mode  de  fabrication,  —  en  revanche  nous 
ignorons  absolument  ce  qui,  en  matière  gouvernementale,  a  pu  se 
passer  entre  Mijlœ.  et  Lijxira.  Où  son!,  —  (|u'on  me  les  montre!  — 
les  documents  bisloriiiues  qui  prouvent  (jue  ces  deux  villes,  rappro- 
chées comme  elles  l'étaient,  ne  se  soient  point  trouvées,  à  un  mo- 
ment (pielconque,  dans  des  conditions  politiques  similaires,  ou,  ce 
qui  revient  au  même,  dans  un  étal  de  dépendance,  vis-à-vis  l'une 
de  l'autre,  à  peu  de  chose  près  analogue  et  de  nature  à  juslilier 
l'emprimt  fait  par  la  première  aux  procédés  monétaires  de  la  der- 
nière ?  En  d'autres  termes,  (jui  pourrait  assurer  iiue  I.ipara  n'a 
point  été  tentée  de  protiler  de  ce  voisinage,  et  des  avantages  de  toute 
espèce  que  lui  ollraient  sa  position  insulaire  et  sa  puissante  marine, 
pour  exercer  sur  .Uy/œ  et  sur  celle  partie  avancée  de  la  cAle  sicilienne 
une  sorte  d'hégémonie  ou  de  suprématie  temporaire,  dans  le  genre 
de  celle  (|ue  l'Ile  de  '/'//a.sos,  entre  autres,  exer(;a  pendant  de  longues 
années  sur  certaines  villes  du  littoral  méridional  île  la  Thrace? 
Sans  le  secours  de  cette  hypothèse,  que  je  hasarde  ici  parce  (jue  je 
la  crois  très  vraisemblable,  —  mais  (ju'on  est  libre,  d'ailleurs,  de 
prendre  ou  de  ne  point  prendre  en  considération,  —  il  me  parait 
bien  didicilc  d'expliiiufi-  d'une  f.iron  plausible  ce  (pii  aurait  |)ii 

(1)  Bruncl  dfi  Prenlc»,  loc.  vtp.  loul.,  p,  129. 


IlRSTITI'TrON    A    I.\    VII. IK    I)F.    MYM',    F.TC.  'Ml 

donner  .■inx  liahitaiits  do  Mi/hv  l'idée  d'irnilor  .'inssi  servilcmonl 
([n'ils  l'ont  fait  la  monnaie  de  Lipara,  pliilAt  (pie  d'imiter  relie  de 
leur  métropole  Mi'ssana  on  d(!  (luelque  autre  ville  limitrophe  avec 
laquelle  ils  se  seraient  iiouvés  encore^  plus  intimement  en  contact. 

Deuxième  exemple  : 

L'enseignement  qu'on  peut,  sous  ce  rapport,  tirer  des  monnaies 
archaïques  de  Kairhrdon  et  de  Bi/znntium,  rrnlre  absolument  dans 
le  même  ordre  d'id(3es.  Ces  monnaies  sont  trop  connues  de  tous  les 
numismatistes  pour  que  je  m'arrôle  à  les  décrire.  Il  suffira  de  rap- 
peler ipic  la  seule  et  tiés  petite  différence  qu'on  y  remarque  réside 
uniquement  dans  ce  détail  particulier  :  que,  pour  les  unes,  le  bœnf 
qui  en  forme  l'empreinte  mai'clic  sur  ?m  rpi  couche,  tandis  que  pour 
les  autres  il  marche  sur  un  dauphin.  A  cela  prés  et  abstraction  faite 
des  légendes,  tout  le  reste,  style,  métal  et  procédé  de  fabrication, 
est  exactement  semblable.  Ce  (jui  pourtant  n'empêche  pas  de 
constater  que  ces  deux  villes  ,  bien  que  très  rapprochées  ,  ne 
fussent  situées  chacune  dans  des  contrées  entièrement  opposées  : 
la  première,  près  de  la  côte  asiatique,  et  la  seconde  près  de  la  rive 
européenne  du  Hosphore.  Aussi  est-ce  en  partie  celte  étroite  confor- 
mité de  types,  cette  identité  absolue  de  fabrique  avec  les  monnaies 
de  Kalchedon,  qui  causa  autrefois  la  méprise  où  l'on  était  tombé 
et  dans  laquelle,  il  n'y  a  pas  bien  longtemps,  on  tombait  encore, 
lorsque,  par  une  interprétation  erronée  de  la  légende,  ou  plutôt  du 
monogramme  servant  de  légende,  on  attribuait  à  une  ville  de 
Bilhynie  nommée  P!/(hopolis{[),  et  qu'on  supposait  voisine  de  Knl- 
chedon,  toute  cette  classe  de  monnaies  archaïques  d'argent  que  nous 
venons  de  citer,  lesquelles,  mieux  étudiées  aujourd'hui,  ont  été  res- 
tituées avec  juste  raison  à  l'atelier  de  Byzantium  (t2).  Du  reste,  l'al- 


(1)  Mionnet,  Suppl.  II,  p.  497.  —  Catal.  Allier  de  Hauteroclic,  p.  70.  —  Feuardent, 
Catal.  d'une  collc-t.  de  méd.  gr.,  Paris,  1863,  p.  296,  n»*  6573-78.  —  Voy.  à  ce 
sujet  la  note  explicative  que  ce  dernier  auteur  a  ajoutée  après  sa  description,  note 
dans  laquelle  il  s'attache  à  justifier,  par  des  raisons  tirées  exclusivement  de  la  res- 
semblance de  ces  monnaies  avec  celles  de  Ka/chedon,  l'ancienne  attribution  à  Pijtho- 
polis.  N'oublions  pas  non  plus  que  ces  mûmes  médailles  avaient  été  également 
classées  par  quelques  antiquaires  soit  à  la  ville  de  Py/oî  de  VElide  'Eckliol,  II, 
p.  269  ;  Pellerin,  Rec,  t.  I,  tab,  xxviii),  soit  à  Pylos  en  Messënie  (Mioi.uet,  t.  IV, 
p.  213),  parce  qu'on  prenait  le  signe  VY  inscrit  au  droit  de  ces  médailles,  pour  la 
syllabe  IIV,  initiale  du  nom  de  la  ville. 

(2)  Cata/.  of  tlie  lirit.  .!/«<.,  London,  1ST7,  tome  III,  p.  93.  —  Waddington, 
jVi'langcs  île  utimisin.,  2"  série,  p.  73  du  tirage  à  part.  On  lira  avec  prolit  cette 
courte  mais  très  substantielle  notice  dans  laquelle  le  savant  académicien  a  démontré 
clairement,  et  do  façon  à  n'y  plus  désormais  revenir,  que  Pinder  et  autres  érudits  se 


378  HKVUK   AHCHKOLOGHilIE. 

lianrc  mon^tairo  onlrc  h'nichfduu  ft  Ihjznutiuw  n'(^?t  pins  un  fail 
qui  soit  h  disciitor,  il  a  t'ii^  depuis  lonKliMiips  surabondamment 
iliMuonlri'  non  pas  seulement  par  un  àchangiMnuluel  de  types  autres 
que  ccu\-lù,  mais  eneore  par  l'existence  de  toute  une  série  de  mon- 
naies de  enivre  frappées  à  une  époque  postérieure,  monnaies  sur 
le  revers  descjnelles  on  lit  le  nom  collectif  des  deux  villes,  distribué 

en  deux  lignes,  .r:  ^^  ;::il,^  U-l.h.  1,  H.  p.  ^0;   Mionnet, 

I,  p.  370,  et  Siippl.  H,  p.  2\2  ;  Brit.  Mus.,  III,  p.  107,  etc.). 

Ainsi  done,  d'apiès  ee  (lu'on  est  en  droit  duilcrcr  de  ces  exem- 
ples et  de  l'application  (ju'il  est  bien  permis  d'en  faire  à  la  question 
qui  nous  occupe,  on  n'aura  plus,  je  pense,  aucun  sujet  de  s'étonner, 
on  devra  même  trouver  tout  naturel  (lue  les  bronzes  de  Myhr,  — 
abstraction  faite  de  la  légende  (jui,  seule,  les  dilTéreneie,  —  olïrent 
dans  tout  leur  ensemble,  comme  dans  les  plus  petits  détails  de  leur 
fabricaiion,  une  reproduction  ausd  exacte,  aussi  comi)léte  de  ceux 
de  Jjpaïa.  Ce  cas  inh  niable  d'imitation,  de  la  paît  de  Mi/lu^. 
autorise  en  outre  à  penser  que  si  celte  ville  n'a  pas,  ainsi  que  je 
le  supposais  tout  à  l'heuie,  subi  directement  et  dans  toute  la 
rigoureuse  accejition  du  mol  la  prépondérance  plus  ou  moins  elTec- 
tive  de  Lipara,  il  a  du  alors  nécessairement  exister  enlre  les  deux 

IronipaieiU  en  considérant  le  sigiip  \p  mentionné  ci-dessus  comme  une  forme  du  II 
particulière  aux  iiabitauls  du  Ijyzance  et  en  croyant,  par  conséquent,  que  le  nom  de 
celta  ville  s'écrivait  par  un  11  :  (llvïa;  pour  liO^a;).  it  Le  ii;;no  ^,  dil-il,  n'est  point 
un  11,  mais  une  forme  du  B  usitée  dans  l'ancien  alphabet  dorico,  forme  qu'on 
retrouve,  avec  différentes  modiflc:itions,  sur  des  vases  archaiiiues  de  fabrique  corin- 
thienne, ainsi  que  sur  un  certain  nombre  d'inscriptions  trouvées  h  Corcyre.  »  D'où 
il  suit  inévitablement  que,  du  moment  où  il  est  avéré  que  ce  signe  n'est  pas  un  If, 
comme  l'ioder  l'avait  supposé,  il  ne  peut,  sous  aucun  prétexte,  indiquer  la  lettre 
initiale  du  nom  de  l'ylos,  pas  plus,  du  reste,  qu'il  n'autoriserait  Ji  maintenir  l'attri- 
bution h  Pijtliopolis. 

Qu'on  me  permette  ('o  faire,  au  si.jt-t  de  cette  dernière,  une  petite  observation. 
Kn  qu.iliflant  /'i///(o/«o/i.v  de  ville  itnnyinnire,  M.  NVaddington  me  seml)le  ^Ire  allé  un 
peu  loin  dan»  son  appréciation.  A  coup  hùr  il  ne  saurait  avoir  oublié,  autrement 
que  par  dislraeiion,  que  l'existence  de  cette  ville  est  formellement  attestée  par  l'in- 
tarquo  qui,  dan»  la  Vie  ih'  T/iéscf  (aO>,  raconte  tout  au  long,  sur  la  foi  de  Méné- 
cral(r«,  l'hiitioire  do  >a  fondation  par  le  héros  alliénien,  et  pour  quelle  raison  il  lui 
avait  donné  le  nom  de  Pi/thopolii.  ().iol  qu'il  en  suit  de  la  vérité  de  cette  tradition 
rapportée  par  IMutarque,  il  parait  du  moin»  certain,  ainsi  que  l'a  déjà  remarqué 
r.ioul  Ilocheile  (/.  c,  t.  ]I,  p.  20^),  que  cette  ville,  loin  d'être  nnnr/inaire,  était 
A'otùjtne  iithi'nirnnr,  et  que  lia  fondation  remontait  probablement  à  une  très  haute 
antiquité.  f:ilcnnc  de  IJyznnrp  in  mentionne  en  ces  termes  :  ètti  xal  â'/lr,  ll'jOon:o)i; 
Mv<jta;  ;  cl  Pline,  de  aon  rôle,  la  elle  également  'hh.  V,  32  .  —  Mais  do  ce  que  cette 
»lllc  a  e»i»lé,  il  n^.  »'ensuil  pas  pour  cela  que  nous  en  possédions  des  monnaies. 


HKSTITUTION    A    LA    VILI.K    DV.   MVL.i:,    ETC.  37îJ 

cilùs  une  sorle  île  coriconlal  |iolili(|iiL'  suivi  d'une  convention  moni';- 
laiie  ;mal()t,Mie  à  celles  (juo  l'on  coiUKiil  aillfiirs,  et  dans  le  (,'rrire  de 
l'alliance  (jue  je  signalais  ci-dessus  enire  Ihjzdnlintn  el  Kakhedon  ; 
convenliou  eu  vertu  de  laquelle  leur  numéraire  respeclif  aurait 
JMui  cliez  l'une  couinic  chez  l'autre  d'un  libre  cours  et  d'une 
valeur  écliangealjle  entièrement  réciproque. 

Va\  pourrait-on  dire  autant  de  Mytistnilus'}  ou,  ce  ((ui  revient 
au  mémo  ,  serait-on  suffisamment  fondé  à  lui  appliquer,  si  ce  n'est 
tout,  au  moins  une  parlic  quclcon(iue  du  raisonnement  résultant  des 
faits  qui  viennent  d'être  exposés  ? 

Non  seulement  j'ai,  en  ce  qui  me  concerne  personnellement,  l'in- 
time conviction  du  contraire,  mais  cncoie, — ce  qui  vaut  mieux 
qu'une  présomption  inoiale,  —je  crois  être  en  mesure  de  montrer 
que  la  chose  est,  de  soi,  matériellement  impossible,  tant  au  point  de 
vue  de  l'hisloire  que  sous  le  rapport  elhnniogique. 

(le  deuxième  côté  de  la  question  réclamant,  à  son  tour,  quchjucs 
développements,  nous  demanderons  au  lecteur  la  permission  d'en 
renvoyer  l'examen  au  paragraphe  suivant. 

FeUDINAND    Lio.Ml'OIS. 

{La  suite  prochainement.) 


KNCiiKH  nli:i,ii|.:i;s  iil!Si;i;\  AïluNS 


i;i\sr;i!ii'T[ox  lïKsniiMorx'AZATi 


Les  travaux  de  la  commission  du  Corpus  inscriptinnum  somiticarum, 
ainsi  que  l'article  ingénieux  de  mon  savant  confrère  M.  le  comte  de 
Vo.iriit!',  publié  récemment  ilans  le  Journal  usiatiiiue  (1),  me  ramè- 
nent de  nouveau  vers  ce  texte,  qui,  même  après  la  découverte  de  la 
stèle  de  Byblos,  reste  encore  le  morceau  le  plus  étendu  qui  nous  soit 
resté  de  la  littérature  phénicienne  (>>).  Je  me  sers  avec  intention  du 
mot  /i7^c;ïït»;T,  car  notre  inscription  ne  présente  aucun  caractère  d'un 
monument  épigrapliique;  mais  nous  avons  bien  là  devant  nous  une 
pap;e  telle  que  les  auteurs  médiocres  parmi  les  Phéniciens  devaient 
en  écrirt'.  La  netteté  et  la  concision  du  style  lapidaire  y  l'ont  défaut; 
il  règne  au  contraire  dans  notre  inscription  une  abondance  et  une 
prolixité  qu'on  n'a  pas  l'habitude  de  rencontrer  sous  le  burin  du 
graveur.  L'observai  ion  (jue  nous  venons  de  faire  nous  paraît  être 
d'une  certaine  importance  pour  l'interprétation  elle-même.  On  n'a 
pas  le  droit  de  serrer  de  trop  près  chaque  expression  d'une  pareille 
composition  de  rlièloriiiwe  sémiti(iue,  où  l'on  a  multiplié  et  répété  à 
satiété  les  mêmes  mots  et  les  mêmes  pensées,  comuK^  <>n  en  aurait 
le  devoir  s'il  s'agissait  d'une  œuvre  dans  laquelle  on  sentirait  le  dé- 
sir et  l'elTort  de  l'aulcur  d'être  bref  et  concis. 

iNous  su|)posrrions  volontiers  (\nc:  c'est  à  l'-m-AsiiiInrcI,  l.i 
mère  d'Eschmoun'ax.ar,  (|iie  revient  riioiiiicur  d'avoir  mis  dans  la 
bouche  de  son  lils  royal  les  vinj,M-(liMi\  lon;,'ues  \\'/,i\c<  (|u"on  lit  sur 
l(î  sarcophage  ilo  Sidon.  Ou  a  déjà  remarqué,  avec,  raison,  (ju'il  serait 


(1)  F«5»rior-avril  1880,  p.  278-280. 

(2)  JouriKi/  '1^'"'      l'-i'K,   I,    p.    K7   fl  siiiv.    '.V<i/cv  l'iiii/iii)  liiiiurs.    IK77.  p.  .'5H  <'t 

•uiv.}. 


UUSliUV.MlU.NS   SUIl    Li.NSCIllI'IlO.N    It^KSillMOL!  \ 'a/,  \lt.  l]Sl 

peu  probahle  (|u<j  le  roi  eùl  écrit  lui-inèiiic  cclto  plirasc  :  <i  J'ai  élô 
enlevé  avant  mon  temps  (1.3),))  ce  (ju'il  n'aurait  pu  faire  (jue  sur  son 
lit  lie  mort,  convaincu  de  sa  tin  prochaine.  Nous  croyons  également 
qu'Esclimoun'azar  est  mort  sans  laisser  un  héritier  direct.  Ce  n'est 
pas  que  nous  adoptions  l'interpiélalion  de  M,  Munk,  «jui  lisait  ■JZ'S 
(ibiil.),  mol  qu'il  traduisait  :  «sans  (ils  »,  Mais  la  mort  prématurée  du 
roi,  dont  il  est  iiiicslion  dans  notn;  inscription,  et  surtout  la  crainte 
d'une  violation  du  loinheati  (jui  y  este.\|)rimée  avec  tantde  bavardage, 
font  penser  involontairement  à  l'extinction  de  la  lace  royale,  pour  le 
moins  en  ligne  dii'ccte,  ce  qui  Taisait  redoulei-  à  la  mère  survivante 
une  profanation  qui  était  assez  dans  les  habitudes  des  dynasties  (|ui 
se  succédai(?nt  dans  les  pays  de  l'Orient.  Qu'on  songe  seulement  aux 
éloquent'.'s  paroles  d'Isaïe,  xiv.  11),  lorsqu'en  parlant  du  roideliaby- 
lone  il  dit  :  uTuas  éléjetéborsde  ta  tombe  comme  un  germe  abject, 
comme  le  haillon  qui  couvre  les  cadavres  percés  du  glaive,  »  etc.  La 
mère,  la  prêtresse  d'Astarté,  qui  avait  aidé  son  fils  dans  la  construc- 
tion de  tantde  temples  et  monuments  considérables,  lance  donc  ses 
imprécations  contre  les  collatéraux  ou  les  familles  nouvelles  qui  en 
montant  sur  le  trône  dévasteraient  le  caveau  où  son  fils  repose,  et, 
parmi  ces  imprécations,  on  lit  le  vœu  significatif  :  «  Qu'ils  n'aient 
pas  de  postérité.  »  Devenue  veuve  de  bonne  heure,  privée  mainte- 
nant de  son  fils,  enlevé  avant  l'heure  et  sans  postérité,  la  mère  aussi, 
dans  son  accablement,  fait  encore  prononcer  fort  bien  à  son  fils  les 
mots,  empreints  d'une  profonde  tristesse  :  «  orphelin,  fils  de 
veuve  »  (1). 

Nous  donnons  maintenant  la  traduction  de  l'inscription  en  la  fai- 
sant suivre  de  quelques  notes  justificatives  : 

«  Dans  le  mois  de  Boul,  l'année  quatorze  du  régne  du  roi  Esch- 
nioun'azar,  roi  desSidoniens,filsdu  roiTabnit,  roi  des  Siduniens,  le 
roi  Eschmoun'azar,  roi  des  Sidoniens,  parlait  ainsi  :  J'ai  été  enlevé 

avant  mon  temps, orphelin,  fils  d'une  veuve,  et  je  repose  dans 

ce  caveau  et  cette  tombe  à  l'endroit  où  j'ai  fait  la  construction. 

(i  J'adjure  toute  la  famille  royale  et  tout  autre  homme  qu'ils  n'ou- 
vi'cnt  pas  ce  lieu  de  repos,  et  qu'ils  n'y  cherchent  pas  des  trésors, 


(1)  Parmi  les  opinions  si  nombreuses  émises  au  sujet  des  trente  el  une  lettres  des 
1.  2-3,  les  dix  qui  commencent  la  phrase,  et  les  neuf  qui  la  terminent  ont  divisé  le 
moius  les  interprètes.  Pour  l'explication  :  «j'ai  été  enlevé  avant  mon  temps»,  se  sont 
mis  d'accord  :  Munk,  Gildemcister,  J.-M.  Lévy,  .Sclirce Jer,  Kœmpf,  Derenbourg, 
ilalévy;  pour  celle-ci  :  «orplicliu,  fils  de  veuve  »,Hœdigcr,  Hitzig,  Quatremére,  Blau, 
Schrœder,  Derenbourg. 


3S2  UKMK    AUr.UKOl.tiCIOL'K. 

car  porsomu'  n'y  a  plarr-  des  (rr-sors;  \n\\^,  qu'ils  ne  dévaslenlpas  le 
cavonii  (111  ji'  repose,  ei  ne  me  clinri^'enl  poinl  -laiis  ce  lieu  de  repos 
de  la  rliainlMe  de  repos  pour  un  aulre.  (Jiianil  intime  des  lioiniues  le 
rordonneraient,  n'écoule  pas  leur  bavardage.  Car  loul  membre  de 
la  famille  royale  el  tout  aulie  bomiiie  qui  ouvriraient  eetle  rbambre 
de  repos,  ou  ilévnsh  raient  ee  raveau  où  je  rc'po'-e,  ou  cliargoraient 
ce  lieu  de  repos,  qu'ils  ne  trouvent  pas  de  lieu  de  repos  avec  les  He- 
pbaim  et  qu'ils  ne  soient  ensevelis  dans  une  tombe,  et  qu'ils  n'aient 
ni  lils,  ni  postérité  (jui  leur  snreède,  et  que  les  divinités  saintes  les 
enferment  dans  le  royaume  du  (dieu)  Puissant  qui  les  domine,  alla 
de  les  exlerniiner,  re  mcmbie  de  la  famille  royale  ou  re§ hommes  (1  ) 
qui  auraient  ouveit  celle  chambre  de  repos,  ou  dévasté  ce  caveau. 
i:t  ce  rejeton  de  la  famille  royale  ou  ces  hommes,  puissent-ils  n'avoir 
ni  racine  en  i  as,  ni  fruit  en  haut,  ni  forme  parmi  ceux  qui  vivent 
sous  le  soleil;  car  moi,  le  défunt  (-2),  j'ai  élé  enlevé  pendant  mon 
temps,...,  orphelin,  fils  d'une  veuve. 

((  Car  (3)  moi,  Esclimoun'nzar,  roi  des  Sidoniens,  fils  du  roi  Tabnit, 
roi  des  Sidoniens,  pelil-lils  du  roi  Eschmoun'azar.  roi  des  Sidoniens, 
et  ma  mère  Èm'aschtôrct,  prôtresse  de  notre  dame  Aschlôrci,  la  reine, 
fille  d'Eschmoun'azar,  roi  des  Sidoniens,  nous  avons  bAli  les  temples 
des  divinités,  le  temple  d'Aschlôret;\Sidon;  terre  marilime,  et  puisse- 
l-elle  nous  faire  voir  Asriitôret  dans  les  cieux  magnifiques;  c'esl  nous 
encore  qui  avons  bâli  un  tem{>le  pour  Eschmoun,  le  prince  du  sanc- 
tuaire, voué  au  pauvre  malade,  sur  la  montagne,  et  puisse-t-il  nous 
le  faire  voir  dans  les  cieux  magnifiques;  c'est  encore  nous  qui  avons 
bâli  deux  temples  pour  les  divinités  des  Sidoniens  à  Sidon,  Ilm-ic 
nianliiue,  un  temph.'  pour  le  IJaal  de  Sidon  et  un  temple  pourAsch- 
lôret  des  cieux  de  Baal.  Aussi  le  maître  des  rois puissc-l-il  nous  don- 
ner Dur  et  Yùft'i,  les  iuagnirn|ucs  terres  de  blé  qui  sont  dans  la  plaine 
de  Sarùn,  en  récompense  des  grandes  choses  (|ue  j'ai  exécutées,  et. 
(ju'il  nous  les  ajoute  à  la  frontière  du  pays  pour  i}u'elles  reslenl  aux 
Sidoniens  éternellement. 

(1)  fJons  prenons,  avec  M.  Clcrmont-Gannoau,  r^TH  pour  In  pluriel  de  N'H.  C'est 
ccrtaiiKitncnl  la  maiiiùrc  la  plus  simple  d'oxpliiiucr  ce  mot  rpii  a  tant  tourmcntij  les 
iiit'  rpn  tes  de  notre  inscription  et  du  Tarif  de  Mars'^ilic.  I,a  trndance  de  prolonger  les 
mots  il  lu  fin  par  l'nddiiion  du  /'/».'  se  montre  dans  les  propositions  rT'y  et  D-S. 
Le  n('ro-li(hroi^me  ar^'^-priir  1'23;  le  iaiiRnce  tnlmiidiTie  offre,  à  côt(^  de  in^*3 
et  Nn'*2,  f/uifter/i,  encore  l.i  forme  riT*2.  l'.icn  ne  parait  donc  s'opposer  à  cette  in- 
génieuse conjecture. 

(2)  Proprement  :  l'objet  de  la  compassion  divine  ;  comp.,  en  arabe,  almarliowju 
(.1    \i.rm  lisonh  A/,  Il  conjonction  aux  sens  si  in'jltiples  et  si  fréquente. 


OBSEUVATioNS  suu  l'inschip Fio.N  d'ksciimol'n'a/aii.         383 

«  .l'adjuro  toule  In  famille  royalo  et  loul  lioniiiio  (fu'iis  n'ouvrent 
pas  ma  cliambio  et  qu'ils  ne  bouleversenl  pas  ma  cliainhre,  qu'ils  ne 
me  chargent  pas  dans  ce  lieu  do  repos,  cl  tin'ils  ne  dévastent  pas 
mon  lieu  de  repos  pour  que  les  divinilés  saintes  ne  les  enferment 
[las  (dans  le  royaume  du  dieu  Puissanl),  ni  no,  les  exterminent,  le 
membre  de  la  famille  royale  et  ces  hommes  et  leur  posiérité  à  tout 
jamais  (I).  » 

La  lecliire  de  notie  traduction  aura,  nous  l'espérons,  confirmé 
notre  jugement  sur  le  style  dilTus  du  texic;  on  aura  encore  reconnu 
jusijue  dans  les  singuliers  et  pluriels  qui  alternent  d'une  manière  si 
élran  :e,  surtout  I.  18  et  19,  (jue  c'est  la  mère  qui  a  composé  l'épita- 
phe  do  son  iils,  et  qu'elle  ajoute  tantôt  sa  personnalité  à  celle  du 
royal  défunt,  lanlûl  rapporte  tout  l'honneur  «des  grandes  choses» 
à  l'enfanl  (ju'elle  a  peidu. 

Nousavonsconservé  à  chaque  termeemployédans  l'inscription  pour 
désigner  le  sépulcre  son  sens  propre;  mais  il  est  impossible  de  mé- 
connaître que  ces  termes  dilTérents  se  rapportent  souvent  au  même 
objet.  Les  phrases  «  qu'ils  n'ouvrent  pasce  lieu  de  repos  {mischhdb)  »  à 
la  I.  1,  «  celui  qui  ouvre  cette  chambre  de  repos  ('i7//M»/sc/i/ia/^)i)  aux 
I.  7  et  10,  et  ((  qu'ils  n'ouvrent  pas  ma  chaml)rc  {'illati)  »,  1.21, ont 
évideuiment  le  môme  sens.  Il  doit  en  ôtre  de  môme  pour  les  phra- 
ses suivantes  :  «  qu'ils  ne  dévastent  pas  le  caveau  où  je  repose  [khil- 
litjnischkâhi  »,  1.  TJetS,  «  ou  dévasterait  ce  caveau  {khillitzou)  »,  l.  11, 
et  «  qu'ils  ne  dévastent  pas  mon  lieu  de  repos  {nmchkàbi)  »,  l.:21.  Les 
mots  ((  qu'on  ne  me  charge  pas  dans  ce  lieu  de  repos  »  rendent  la 
môme  idée,  qu'ils  soient  suivis  des  mots  «  d'une  chambre  de  repos 
pour  un  autre  »,  1.  6,  ou  non,  comme  i.  8  et  21. 

Nous  maintenons  ;\ /.-///7/iMa  signification  de  l'hébreu  mckhUldh 
me'dràh^  grotte,  caveau.  Ces  mots  se  disent  d'une  caverne  artificielle, 
avec  une  voûte  en  maçonnerie,  telle  qu'était  le  sépulcre  du  roi  de 
Sidon.  Si  khillat  désigne  le  caveau,  les  lettres  n'C"»  ne  peuvent  pas 
dériver  de  la  racine  ndsd,  soulever,  emporter,  et  l'on  doit  penser  h 
scliddli,  détruire,  dévaster,  —  Nous  prenons  le  noun  de  p^^"-  pour  le 
suffixe  de  lai"  personne;  car  le  noun  épenthétique,  possible  après 
Sn(1.  5  et  21),  est  absolument  inadmissible  après  le  pronom  relatif 
*C'N  (1.7). — Xousproposonspour  p,  qui  se  lit  deux  fois  à  la  1.  •),  de  le 
considérer  comme  réquivalentde -2.  On  ne  connaîl  pas  encore  le  suffixe 
de  la  3°  personne  du  singulier  féminin,  qui  correspoudeau  masculin 

(1)  Il  a  paru  superllii  de  réimprimer  le  texte  phénicien,  qui  est  entre  toutes  les 
innins. 


3Si  lU.VLr.    AllCIIKOl.OCUnLI.. 

mim;  mais  |uns(|UC  rcuiploi  de  luiin  pour  //('»,  il  iK'  bdiiàtn  pour  hd- 
hein,  est  couslakS  il  s'ensuivrait  rogiilitTeinciil  (|m' p  piU  ôlre  =  n2. 
Misrhhiib  <|ui  prêeiMe  esl,  il  est  vrai,  un  nom  masculin;  mais  lau- 
Icur  a  pensé  à  hillit  ou  'illit,  (jui  l'accompaj^ne  toujours  l).  Il  faul 
alors,  pour  ne  pas  avoir  un  pléonasme,  lire  avec  Muiik  ■•«im.  <••'  que 
nous  avons  tradiiil. 

I.a  I.  1)  pré.-ente  plusieurs  tlilicullés  tpiine  sont  pas  encore  résolues. 
La  répétition  de  rrx  après  le  suflixe   (Ji,  lorsijue  le  sujet  esl  placé 
entre  ce  suffixe  et  nx,  n'existe  probablement  pas  en  hébreu,  à  moins 
(]ue  zrx  nesoil  suivi  d'autres  régimes,  et  encore  pour  ce  cas  on  itcut 
comparer  1  Sam.,  xxiii,  11  et  X'i.  Puis  on  comprend  (lue  le  suflixe 
puisse,  comme  Exode,  II,  U,  ùlre  expliqué  par  un  nom  véritable; 
mais  crx  n'ajoute  rien  à  la  termin;iisoii  niim.  Du  reste,  rien  ne  s'op- 
poserait à  ce  (juc  PN  fut  employé  pour  r'x  (.i).  Mais  on  n'a  pas  besoin 
d'avoir  recours  à  celte  exlrémilé.  En  donnant  au  verbe ///sv/tV  le  sens 
de  faire  enfermer,  vl  devient  préposition  et  on  traduira  :  les  ilivini- 
tés  saintes  les  feront  enfermer  avec  le  royaume,  etc.;  si  l'on  lui 
donne  la  signification  de  livrer,  et  serait  égal  à  Sx  (cf.  1  i>nm..\\.  1H; 
XXX,  21  et  jiussiin),  et  on  traduirait  :  livreront  au  royaume,  etc.  — 
ijuel  est  le  vrai  sens  de  'mldii'!  Nous  pensons  (juc  c'est  un  surnom 
du  dieu  Puissant,  exactement  comme  Schaddaï,  qui,  après  avoir  été 
longtemps  employé  comme  adjectif  de  V/,  se  présente  plus  tard  seul. 
Isaii',  x,  34,  il  estdit  :  le  Li  l>an  tombera  """ixz,  «  par  le  Puissant  » .  .lrf(/tr 
est  celui  qui  domine,  tourmente  les  profanateurs  du  tombeau,  en- 
fermés dans  son  royaume,  ou  livrés  à  son  empire  par  les  saintes  divi- 
nités chargées  de  cette  mission.  Aildir  est  pour  nous  une  sorte  de 
Pluton,  dans  le  royaume  duquel  les  méchants  ne  devaient  pas  jouir 
du  calme  des /?a///j</ïm  (I.  8).  La  mythologie  phénicienne  offre  en- 
core un  autre  adjectif,  atlribut  de  Dieu,   ijui  n'a  pas  pu  se  cristalli- 
ser et  devenir  nom  propre.  Nous  voulons  parler  de  rdni,  élevé,  qui 
est  l'élément  divin  d;ms  les  noms  de  Ilirdin,  Abrdin,  et  de  liaalrdin, 
Rdmbaal  ;  voy.  Levy,  Phœniz.  Sludim,  I,  7  ;  Schneder,  /.  c,  p.  l'J'J. 
Cette  opposition,  ce  nous  semble,  jette  une  nouvelle  lumière  sur 
la  doctrine  des  Phéniciens  relative  aux  choses  d'oulre-toiube,  sur- 
tout si  l'on  considère  en  même  lemps  les  vœux  exprimés  plus  bas, 
1.  lGcll7. 


(1)  L'in&criptioii  de  DJrbal  a  bien  //''  p')iir  If  fiiiiiniii  du  suflUc;  iimi--  il  y  icpond 
ou  ydw,  qui  s'y  lil  pour  le  inaiculin. 

(2)  Halc»y,  M'-l(infjrs,  p.  21. 

(3)  Schmdor,  Die  fthun.  Siiinr/,r,  p.  213. 


OltSKHVATlONS   SUU    l'i.NSCHII'TIU.N    d'k.SCIIMOL'N 'A/AU.  HHi) 

On  a  ilrjà  fait  observer  que  le  sche'ol  de  rRrrilure  montre  une 
sin^'ulii'ic  analogie  avec  le  HadcVs  de  la  mylliologie  cla<sj(jui'  (1).  Le 
sche'ûl,  comiiie  le  ll.ulrs,  est  un  lieu  de  sdeticc,  de  lénèhrcs  cl  d'ou- 
bli. Lrsjiisics  et  les  injustes  y  s(»nt  eoiifoii  lus.  Cointiic  on  s't'X|»li- 
quait  diilicilement  le  [)assage  de  l'existence  à  la  nod-cxislciict',  on  se 
contentait  de  ce  |)Ale  rcdct  de  vie  ipii  continu  ait  appis  la  mort.  La 
conscienc(;  se  réveille  aussi  bien  cliez  lesdrecs  (juc  cln  z  les  ll'breux, 
et  les  propbèles  ainsi  que  les  poètes,  sans  se  laisser  aller  encore  aux 
écarts  aux(juels  rimni^Miiation  se  plaît  plu>  lard  dans  la  di'scriplion 
(lu  i)araiiis  ou  du  jardin  d'Kdcn  et  de  l'enfer  ou  de  la  vallée  de  llin- 
nôni,  font  néanmoins  entrevoir  une  distinction  dans  le  sche'-ol  entre 
le  sort  de  l'bomme  de  bien  et  ce'ui  du  mécliant.  On  [larle  des  an- 
!j:oisses,des  tortures  du  sche'ol.  Job  (xviii,  14)  nomme  le  tniHck  balld- 
hôl,  le  roi  des  terreurs.  Puis  on  voit  d'un  côté  des  pi-rvers  qui,  comme 
la  bande  de  Kôrali,  descend  vivante  sous  terre,  et  de  l'autre  de  ra- 
res élus  (|iii,  comme  llénocb,  Klie,  peut-être  .\ron  et  Moi-e,  montent 
au  ciel.  Ne  pas  éire  précipité  dans  les  profondeurs  de  l'abîmeel  voir 
au  ciel  Dieu  dans  tou'e  sa  mas^nificence  est  un  vœu  et  une  espérance 
pour  les  bommes  pieux,  Psaumes,  xvi,  9-10;  lxxiii,  24,  et  pas- 
si  m  {-1). 

Les  mûmes  idées  régnaient  parmi  bs  Pbéniciens.  On  pouvait 
reposer  en  paix  parmi  les  Hepbâïm,  ou  ôirc  tortuié  dans  le  royaume 
du  Puissant,  qui  a  bien  des  rapports  avec  le  loi  des  terreurs  (3). 
Mais,  après  avoir  élevé  tant  de  monuments  à  Ascliiôret,  à  Ksclimoun 
et  aux  autres  dieux  de  Sidon,  la  mère  du  roi  ose  bien  espérer  que 
ces  dieux  permettront  à  son  lils  de  les  contem(der  dans  ks  cieux 
magniliiiues.  C'est  le  vœu  d'approcber  de  Dieu,  que  forme  le  p.>al- 
misle,  LXXIII,  ii8. 

Par  ce  (jui  précède,  on  voit  que,  bien  loin  de  changer,  1.  10,  lien 
en  "jiw'ii,  je  lis  au  contraire,  I.  17  également,  'iir^',.  Les  deux  vœux 
sont  les  mômes;  seulement,  1.  16,  le  second  régime  du  Aj/î/ du  verbe 
IVw,  voir,  est  exprimé  par  la  répétition  du  nom  de  la  dée.sse,  tandis 
que,  I.  17,  lesullixc  ^£i(/qui  suii  le  noun  nnipLice  le  nom  d'Escb- 
moun.  Dans  les  deux  pa.ssages  dttn  a'2w?  est  une  détermination  du 
lieu  où  les  dieux  se  trouvent,  détermination  qui  peut  se  passer  de  la 
préposilion  (cf.  F  Hois,  viii,  .4;];  I  Sam.,  11,  20  et  32).   —  Je  donne  à 


(1)  Voir  en  dernier  lieu  Sciieukel,  lUhel-Lexicon,  s.  v .  «  Hades  » ._ 

(2)  On  a,  avec  raison,  comparé  '-"pn  dans  ce  verset  avec  Hu'?,  Gen.,  V.  24. 

(3)  Le  verbe  yïp,  employé,!.  10  et  22,  rappelle  i'iiébreu  7113,  qui  se  reuconire 
si  souvent  dans  la  phrase:  ceite  âiuc  sera  retranchée. 

xxxix.  '26 


386  HKVUK   AnCHKOLOGIQUK. 

Eschnioun  son  tilro  do  «  princi»  on  chef  du  sanctuaire  pour  le  pauvre 
malade  I),  l't  renvoie,  pour  l'IialtiUidc  de  eonslruiri' K's  Icniples  de 
l'Esculape  phénicien  sur  des  monlagnes,  aux  passages  que  j'ai  cilôs 
ailleurs  {\). 

Le  niolTy,  (pii  pri'cèd«>ir' (1. 18),ne  nous  iicrnict  guère  de  pren- 
dre ce  verbe  pour  un  parfait.  Nous  pensons  donc  (juc  c'est  un  futur 
qui  exprime  un  vœu,  comme  les  deux  •^v  (•i"'u:>,  1.  K)  et  17).  On  a 
fait  observer  (juc  le  désir  de  nouvelles  acquisitions,  que  le  roi  des 
Sidoniens  présenterait  au  «  maître  des  rois,  paraît  »  étrange  dans  la 
bouche  d'un  mourant.  Aussi  la  mère  du  roi  lui  fait-elle  dire  ]S,  à 
nous.  C'est  ;\  elle  et  siirloul  aux  Sidoniens  (ju'elle  pense,  comme 
elle  dit  I.  20  :  «  Pour  que  (ces  pays)  restent  aux  Sidoniens  éternelle- 
ment. » 

J.  Oerenbourg. 

(1)  Jounuil  tisiat.,  I.  c. 


BULLETIN    MENSUEL 

DE    L'ACADÉMIE    DKS    INSCUIPTIONS 


MOIS    DE     MAI. 


M.  Léopold  Dclisle  annonce  à  l'Académie  le  don  fait  par  Lord  Ash- 
burnhaui  de  la  partie  du  inanuscrlLcontcnaniraiicienne  version  laline  du 
Penlateuque  qui  avait  rlé  jadis;  soustraite  à  la  bibliothèque  de  Lvon  et  ven- 
due en  An^Meterre  par  Libii.  Dus  que  le  nuMe  Inrd  eut  acquis  là  certitude 
que  les  cahiers  achett-s  par  son  ptre  avaient  ùié  Irauduleusement  arra- 
chés au  manuscril  de  Lyon,  il  s'est  empressé,  quoiqu'il  eût  tout  droit  de 
les  conserver,  de  les  oflrir  trracieusement  à  la  France.  Les  érudits  de 
tous  les  pays  applaudiront  à  cet  acte  de  délicate  générosité. 

M.  Natalis  de  Wailly  termine  la  première  partie  de  son  mémoire  con- 
tenant des  observations  grammaticales  sur  les  actes  des  amans  (notaires) 
de  Metz.  ' 

M.  Geffroy,  directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome,  fait  part  de  la  décou- 
verte d'une  importante  chambre  sépulcrale,  fouillée  avec  succès,  dans  les 
terrains  voisins  de  la  Farnéïiue.  Deux  urnes  cinéraires  rondes  et  quatre 
carrées,  trois  anneaux  d'or,  une  statue  de  femme  un  peu  plus  grande 
que  nature,  deux  bustes  en  marbre  et  une  intéressante  in<cription  sont  le 
fruit  de  cette  exploration.  Cette  sépulture  semble  remonter  à  l'époque 
des  Autouins. 

M.  Miller  communique  une  note  sur  un  nouveau  fragment  inédit  d'Eu- 
ripide. 

M.  le  D^  Lagncau  lit  un  mémoire  relatif  à  quelques  dates  intéressant 
l'ethnologie  de  l'Europe  occidentale. 

M.  de  La  Villoniarqué  étudie  diverses  gloses  armoricaines  tirées  d'un 
manuscrit  de  Virgile  de  la  bibliothèque  de  Berne  remontant  au  onzième 
siècle.  Suivant  M.  de  La  Villemarqué,  ces  gloses  contiennent  des  mots  qui 
ne  relèvent  ni  du  comique,  ni  du  gallois,  ni  du  gaélique.  Il  est  convaincu 
que  ce.-  gloses  ont  été  écrites  en  Bretagne  ou,  sinon,  par  des  moines  bre- 
tons probablement  en  fuite  devant  l'invasion  normande. 

^  M.  de  Mas-Latrie  communique  à  l'Académie,  en  en  faisant  ressortir  l'in- 
térêt, diverse-  pièces  tirées  des  archives  des  inquisiteurs  d'État  de  Venise 
qui  n'avaient  encore  été  signalées  par  aucun  hi.^îorien. 

^  Une  seconde  lettre  de  M.  Geffroy  annonce  que  la  commission  municip  ,1e 
d'archéologie  romaine  vient  de  publier  un  nouveau  fascicule  de  son  Bul- 
letin périodique.  Ce  fascicule  contient  plusieurs  centaines  d'inscriptions 
récemment  trouvées  sur  l'Esquilin.  A.  B. 


NOUVKLLFSAIiCIlEOLOGKlliES 


ET  GOHKESPON  DAIs G K 


Un  monument  om'iois  dans  Ica  Vosges.  —  Il  viont  de  se  faire  dans 

le  lil  de  la  Muselle  une  dcV'ouvcile  qui  aura  une  iulluence  sensible  sur  la 
science  de  la  inythologi"' gauloise,  si  peu  connue  encore.  M.  Félix  Voulût, 
le  conservateur  Jn  .Musée  des  Vosges,  A  Kpinal,  avait  éiu<lié  depuis  long- 
temps un  penre  de  groupes  sculptés  dont  on  8  trouvé,  dans  les  soixante 
dernières  années,  de  nombreux  spécimens  plus  ou  moins  mutilés.  Ces 
groupes  ont  presque  toujours  été  intitulés  :  «  Un  cavalier  armé,  frappant 
de  son  arme,  terrassant  et  foulant  aux  pieds  de  son  che\ai  un  monstre anyui- 
péde.  »  Presque  loi. s  les  arebéologues  y  voyaient  la  représeiilalion  trioiii- 
phale  d'un  itomain  (général  uu  einpereni)  vainqueur  d'une  tribu  pan- 
loise.  M.  Voulot  pensait  au  contraiie  que  ces  sculptures  représentaieiit 
une  sorte  de  domination  toute  pacifique  de  la  lumière  sur  les  ténèbres, 
d'un  dieu  solaire  gaulois  sur  une  divinité  de  la  nuit  et  des  profondeurs 
caclu'-es  des  eaux.  Le  sujet  ne  lui  seuildail  pouvoir  être  complet  que  s'il 
ccuronnail  une  colonne.  Un  de  ces  groupes,  conservé  au  umsée  d'Kpinal, 
ayant  été  retiré  par  hasard  de  la  Moselle,  entre  l'orlieux  et  CliAtel, 
M.  Voulot  proposait  déj;i,  il  y  a  deux  ans,  fiu  conseil  départemental,  de 
voter  des  fonds  destiné.>  à  rechercher  la  colonne  qu'il  supposait  enfouie 
dans  les  eaux  lie  la  rivière,  pour  servir  à  reconstituer  le  monument  com- 
plet, groupe  et  colonne,  au  j  irdin  du  Musée  des  Vosges. 

On  voyait  bien,  aux  bisses  eaux,  un  certain  nombre  de  pierres  de  taille 
laisser  paraître  leur  surface  supérieure;  mais  cliacun  croyait  qu'elles 
devaient  provenir  (les  débris  d'un  temple.  Apiè'  de^  obstacles  de  toute 
nature,  le  pcisévérant  arcln'ologue  est  parvenu  à  retirer  de  la  rivière 
tous  les  élémcnis  de  la  colonne  qu'il  avait  rêvée,  plu-ieurs  blocs  se  tion- 
vanl  caché»  à  un  uiétre  de  prufundeiir  suus  le  fond  du  cuuit,  d'eau  cl  à 
quatre  mètres  souh  la  surface  bupérieure.  Aujourd'lmi  toutes  les  assises 
du  c«  curieux  monumenl,  .-orio  de  pilitîr-colonne  d'nn  genre  aussi  ancien 
qu'outillai,  purnionié  du  groupe  seulpté,  sont  venues  (dncotiiir  i\  for- 
mer uue  coubliuclioo  complète,  d'un  aspect  imposant.  LUe  urne  depuis 


NOUVKLLKs  Anr.iiKdr.or.ioiiRs.  :\h'.) 

que!qiu'«  jours  lo  poi^liqun  janiiti  du  musro  d'Kfiin.il,  oiW'IWï  se  iltMache 
sur  d''  ^.Tauds  arbri's  dcuii-.M-'  ulaiii't"  et  produit  le  meilleur  pflVl. 

Mui9  le  poiiil  cttpilul.  nu  sujet  du  pilier-colonne,  est  celui-ci  :  M.  Vou- 
lut a  remarque'  une  sur  le  d'équalirtn  eulre  h-  pilier  et  la  rolorine,  enlre 
le  (16  du  premier  et  le  l'ilt  de  la  gecoiule  que  sup()orte  le  pilier,  (lefle 
équatioti  cou.>lnlée  lui  a  permis  de  conclure  qu'.m  mouuuu'ut  du  intime 
genre  exliumt^  il  y  a  un  un  à  Merten,  près  de  Meiz,  MM.  ProsI  et  iJuj  r- 
din,  les  savanis  auteurs  de  nolic.es  sur  cette  construction,  avaient  cru  à 
tort  que  la  moitié  de  l'ancicu  fill  manquait.  L'.'qu.iliou  du  |<ilier-colonne 
de  Portieux,  appliquée  au  >péciuicu  de  Merliui,  permet  de  recotisliluer  ce 
dernier,  quant  au  lïli  du  moins.  (I  eu  est  de  mûme  de  la  célèbre  colonne  de 
Cussy,  où  la  hauteur  des  deux  piédestaux  suporpo.-és  égale  ex.icte- 
ment  celle  de  la  partie  ancienne  du  fût.  Il  faudra  donc,  selon  les 
conclusions  mutliémali(]ues  de  M.  Voulol,  pour  rctrouvcria  vraie  colonne 
de  Cussy  antique,  en  démolir  3  m.  3o  dont  elle  a  élé  grafuileraent  sur- 
haussée ou  IS2."»,  eu  comprenanl  urj  chapiteau  d'un  style  hybride.  Au  con- 
traire, .M.  Voiilol  estime  que,  de  deux  pierres  placées  au  pied  de  la  colonne, 
l'une  constituait  le  tailloir,  l'autre  une  partie  du  corps  de  l'ancien  chapi- 
teau, et  qu'il  n'y  aurait  plus  pour  le  rcompléter  qu'i\  ajouter  dans  le  lias 
une  partie  servant  à  continuer  les  rinceaux  et  i  le  relier  à  la  colonne 
cylindrique  qu'il  devait  couronner. 

Quant  au  cavalier,  M.  Voulut  ayant  observé  que,  dans  tous  les  groupes, 
il  portnil  vivement  la  jambe  gauche  en  avant,  la  jambe  droite  en  arrière, 
en  a  conclu  que  ce  n'était  pas  un  homme.  Puis,  se  basant  sur  ce  que  di- 
vers peuples  de  I  antiquité,  notamment  les  E,:ryptiens,  .-^'orientaient  au 
sud,  et  croyaient  que  le  soleil  se  levait  ;\  la  gauche  du  monde,  reconnais- 
sant d'ailleurs  sur  les  chapiteaux  de  .Merten  et  de  Cus.^y  la  figuration  des 
quatre  saisons,  il  conclut  que  le  ca\  aller  devait  représenter  un  dieu-soleil. 
Pour  lui,  ce  cavalier  est  supporté,  ainsi  que  son  cheval,  par  un  monstre 
moitié  humain,  dont  les  jambes  sont  des  serpents,  monstre  rampant  qui 
aide  le  dieu-cavalier  à  passer  un  gué.  En  effet,  M.  Voulol  a  reniai  que 
que  tous  les  groupes  de  ce  genre  dont  la  provenance  exacte  est  connue 
ont  élé  exhumés  à  l'emplacement  d'un  gué  ou  d'une  mare  antique. 

Ainsi  s'évanouissent  ces  hypothèses  soutenues  jusqu'ici  de  colonnes 
triomphales,  de  victoires  d'un  général  romain  sur  une  tribu  cauloise, 
de  grandes  batailles  livrées  sur  les  jioiuts  où  les  groupes  ont  été  décou- 
verts. .M.  Voulol,  étudiant  en  détail  la  léte  du  cavalier  et  celle  du  cheval 
sur  la  sculpture  équestre  de  Portieux,  a  reconnu  que  le  cavalier  portait 
une  coiiïure,  et  que  le  cheval  avait  sur  la  tôle  une  Irin.le  de  fer  placée 
exactement  dans  l'axe  de  la  main  droite  du  cavalier.  D'après  un  bas-relief 
apparlenanl  à  un  amateur  distingué,  M.  Engel-Dolir.is,  fabricant  à  Oor- 
nach,  M.  Voulut  élaMil  que  le  cavalier  portait  un  casque,  et  comme  il 
devait  tenir  horizontalement  en  arrêt  un  javelot  appuyé  sur  la  léte  du 
cheval,  lesi:je;  se  trouve  dune  absolument  reconstitué. 

M.  Voulot  a  fait  dernièrement,  à  la  Sorbonne,  uneleolcre  très  étendue 


;UU)  REVDK    AnCHKOl.OOIODF. 

ol  irt^s  rcmarqiit^o,  dans  hiquollt!  il  appuyé  ses  indications  do  dessins  cl 
d'un  excclh-nl  moulage  colorii^.  A.  H. 

(La  Chronique  dea  arts  rt  ilr  ht  curiositt^.) 

Dnns  le  n»  de  mai  de  la  Contnn))orary  Jlniar,  M.  Fr.  I-cnormant 

commonro  une  série  d'articles  consacrés  ;ï  mie  question  qu'il  connaît 
mieux  que  personne  en  France,  pour  l'avoir  étudiée  A  plusieurs  reprises 
soit  dans  ses  cours  de  la  HiLlinlliéquo,  soit  dnns  des  travaux  destinés  à 
des  recueils  spéciaux.  Cette  question,  aujotird'hui  un  peu  oubliée,  a  jadis 
passionnt'î  les  savants;  nous  voulonsparler  de  l'histoire  du  colle  (ri;ieu>is  et 
de  ses  mystères.  Les  mystères  d'Klcusis,  étwk  iV  histoire  rcUuicnsc,  tel  estle 
litre  que  porte  cet  essai  ;  M.  Lenormant  annonce  que,  dans  un  sujet  qui  a 
ii  souvent  égaré  l'iniai^inalion,  il  n'avancera  pas  une  assertion  qui  ne 
s'apiiuie  sur  un  texte  ancien,  sur  un  monument  écrit  ou  figuré;  quel- 
ques-uns de  ses  lecteurs  regretteront  i.eut-éire  que  la  l'orme  adoptée  cette 
fois  par  lui  pour  exposer  ses  idées  ne  lui  peraTCtto  point  l'emploi  des  notes 
et  l'indication  des  sources. 

LcsfonUlcade  home  — En  enlevant  les  pierres  de  la  voûte  écroulée 

d'un  tombeau  nouvellement  découvert  sur  les  bords  du  Tibre,  on  a 
trouvé  huit  urnes  cinéraires.  L'une  d'elles  est  en  travertin,  d'une 
forme  ovale,  grossièrement  travaillée  et  suns  aucune  inscription.  Une 
autre,  en  marbre,  a  43  centimètres  de  haut  et  34  de  large;  elle  est 
admirablement  sculptée  et  a  un  peu  la  forme  d'un  petit  temple.  Aux 
coins  se  trouvent  des  colonnes  en  spirales  avec  des  chapiteaux  et  des 
bases  d'ordre  corinthien  ;  le  couvercle  forme  le  fronton  ,  sur  lequel 
sont  sculptés  deux  oiseaux.  F.ntre  les  cotonnettes,  sur  un  panneau,  on 
lit  ces  mots  : 

OSSA  •  A  •  CRISI'INI  •  CAEPIONIS. 

Au-dessous  se  trouve  un  trépied  d'un  dessin  élégant,  en  relief,  avec 
un  uTifTon  se  tenant  sur  un  piédestal  de  chaque  côté.  Sur  les  côtés  de 
l'urne  sont  deux  dauphins  entrelacés.  En  même  temps,  on  a  trouvé  la 
moitié  de  droite  d'une  grande  inscription  appartenant  évidemment  ;\  la 
partie  extérieure  du  tombeau. 

En  voici  le  texte  : 

R  •  STL  •  IVD  •  TH  •  MIL  •  Q  •  TU  •  PI.  •  PH 

I  •  CAKSAHIS  •  AVC.VSTI  '  KT 

EsAllI  •  SA\(;VSTl 

NA  •  CAKPIOMS  •  F  •  VXOH 

iCiVS  •  U  •  F-  C  •  N  •  C  •  I:T  •  (iKMlM. 

La  continuation  des  fouilles  le  long  de  la  Voie  Sacrée  a  fait  découvrir 
m  fitu  un  piédestal  et  la  fondation  d'un  second  piédestal  qui  suppor- 
taient les  deux  culoniic-  de  l'aile  j^auclie  du  temple  dr  Homulus,  fils 
\<2  Maxnnco,  correspondant  exactement  avec  celles  de  r.iile  droite:  le 


NOUVFM.f-S   A n C H F?:0 LOGIQUES.  .'iîM 

dôbhyomonl  autour  do  cfs  colonnes  un  de  leur  piédestal  a  {•[(>.  terminé 
le  20  avril. 

Les  ouvriers  sont  en  co  moment  occupés  i  démolir  l'ancien  portique  A 
l'endroit  où  il  a  (Hé  surélevé  pur  Urbain  VIIF,  pour  le  réédificr  dans  sa 
position  primitive  au  niveau  de  la  Voie  Sacrée. 

(Chronique  des  artx.) 

Les  éludes  urcliéolûgiqucs  ont  fait  beaucoup  plus  de   progrés  en 

Espagne  depuis  vingt  ans  qu'on  ne  le  penserait  si  l'on  en  voulait  juger 
par  les  quelques  jiublications  qui  ont  vu  le  jour  dans  la  Péninsule  sur  ces 
matières  pendant  ce  mCme  laps  de  tomps.  Pour  que  les  résultats  acquis  ne 
risquent  pas  de  se  perdre  faute  d'être  enregistrés  en  temps  opjjortun,  les 
archéologues  les  plus  distingués  de  l'Kspagne  viennent  de  se  réunir  pour 
fonder  un  journal  spécialement  destiné  à  l'urchéologie  nationale,  sans  ex- 
clusion d'aucune  époque  à  partir  des  temps  prébisloriques  jusqu'à  nos  jours. 
Ce  journal,  dont  le  premier  numéro  vient  de  paraître  tout  dernièrement, 
a  pris  pour  titre  licvista  de  arqueologia  cspaTwla.  Aucun  nom  de  directeur 
ne  6gure  sur  la  couverture.  Les  communications  scientifiques  et  les 
manuscrits  devront  être  dirigés  à  M.  le  directeur,  la  correspondance 
administrative  à  M.  V administrateur  de  la  Revue,  l'un  et  l'autre  rési- 
dant i\  Madrid  :  Princcsa,  S,  bajo.  La  Revue  promet  un  numéro  de  qua- 
tre à  cinq  feuilles  par  mois,  sans  répondre  d'une  exactitude  rigoureuse 
dans  la  date  de  l'apparition  de  chaque  livraison.  Le  prix  de  souscription 
est  pour  un  an  de  35  francs  dans  fous  les  pays  de  l'union  postale.  Quatre 
sections  sont  faites  :  1°  pour  les  articles  de  fond,  qui  rouleront  sur  la  nu- 
mismatique, l'épigraphie,  la  glyptique,  le  costume,  les  armures,  l'archi- 
tecture et  la  sculpture;  2°  pour  l'étude  des  riches  collections  archéologi- 
ques, tant  privées  que  publiques,  qui  existent  en  Espagne  (cette  partie 
sera  cosmospolite,  puisque  dans  les  collections  espagnoles  sont  conservés 
des  objets  de  toute  époque  et  de  tout  pays);  3°  pour  une  chronique  de 
l'archéologie;  4°  pour  la  critique  des  livres  nouveaux  rentrant  dans  le 
domaine  de  la  Revue.  Les  reproductions  d'objets  d'art  seront  exécutées  à 
partir  du  second  numéro  par  la  phototypie,  c'est-à-dire  qu'elles  offriront 
des  garanties  d'exactitude  matérielle  qu'on  ne  peut  pas  se  promettre  de 
la  gravure  confiée  à  la  main  de  l'artiste.  Le  premier  numéro  débute  par 
l'Introduction  d'une  série  importante  d'articles  que  publiera  rt'niinent 
académicien  Don  Francisco  Fernandcz  y  f.onzalez  sur  l'archéologie  de  l'Es- 
pagne pendant  la  domination  arabe,  en  laissant  de  côté  tout  ce  qui  est 
épigiapliie  ou  numismatique  pures.  11  vient  ensuite  une  monographie, 
qui  paraît  solidement  déduite,  de  M.  Francisco  Codera,  le  professeur 
d'arabe  de  l'université  de  Madrid,  sur  trois  médailles  d'or  de  Murcie  por- 
tant respectivement  pour  dates  les  années  de  l'hégyre  (ii-G,  6oO  et  (jj6. 
M.  Codera  cherche  à  résoudre  la  difficile  question  de  savoir  pour  quel 
prince  arabe  elles  ont  été  frappées.  Cet  article  est  suivi  d'un  exposé,  à 
l'usage  du  grand  public,  des  rapports  qui  existent  entre  l'architecture  by- 
zantine et  l'architecture  romaine.  L'auteur,  M.  Enrique  Rouget,  proteste 


,'j'J2  «Kvi'K  Aii.':nK(>i.nr,K»i  k. 

conliP  la  (lésipualion  «io  byzantins  qu'on  donna  comnninj^mpnt  ;\  des  édi- 
tlifs  coinnu^  li  oalh«'"iinile  de  Z mittru  i-l  la  «  catliédralr  vieille  *  de  Sala- 
manque.  qui  n'opi  rien  de  byzantin  que  la  coupole.  Le  numéro  se  ter- 
mine par  une  bildiographie  ilis  périodiques  (Journal  asiatique,  lievue  ar- 
rhi^Ugtqur,  Cazrtte  dts  bcattx-arts,  revues  anglaises,  porluj^aises, etc.).  11 
nous  est  agréable  de  souhaiter  la  bienvenue  à  la  nouvelle  Hevue  archéo- 
logique fspagncle,  et  nous  espérons  que,  répondant  à  un  besoin  rétl  el 
d.n^  la  rénin>uie  el  à  l'étranger,  où  sont  si  peu  connues  les  cosns  si  inté- 
ressantes de  EsjMiTia,  elle  est  appelée  i\  un  duiabb"  succès.  Cd.  ii. 

Dansuudiscouis  prononcé  le  22  m.irs  1880, au  nom  de  l'université 

de  Berlin,  pour  fêter  le  jour  de  naissance  de  l'empereur,  M.  Ernest  Cur- 
tins  a  résumé  les  ré.-ulluls  généraux  des  travaux  d'Oiympie,  tels  qu'ils 
se  présentent  au  terme  de  l'avanl-derniére  cainiiagne  des  fouilles  ;  il 
eu  a  fait  ressortir  l'iinpurlanco  pmir  l'hiiloiie  de  l'art  et  pour  la  con- 
naissance de  l'antiquité. 

Nous  sommes  heureux  d'annoncer  à  nos  lecteurs  la  publication  du 

second  volume  de  ['Histoire  de  l<i  diiinalion  dans  ranltquiié,  par  M.  Rou- 
ché-l-edercq.  La  Ilnue  a  rendu  compte  du  pieniier,  qui  a  i<aru  l'an 
dernier;  elle  a  signalé  à  ce  propos  iinipoi  lance  et  l'intérêt  d'un  ouvrage 
qui  fait  le  plus  grand  honneur  i  l'érudition  IVangaise  et  à  l'Université; 
elle  a  indiqué  le  plan  que  comptait  suivre  l'auteur.  On  pouvait  craindie 
qui-  Cf  lui-ci,  chargé  d'un  lourd  ensi  ignement  à  la  faculté  des  lettres  d 
Paiis,  n'avançai  que  lentement  dans  la  lAche  qu'il  a\ait  entreprise;  ce 
second  volume,  succédant  de  si  près  au  premier,  vient  rassurer  ceu 
qui  auraient  pu  éprouver  cette  appréhension. 

Il  porte  pour  sous-titre  :  Les  Sacerdoces  divinatoires  ;  Devins:  Chres- 
»no/"yu'.s;  SibyUes;  Oravlcs  drs  dieiu'.  On  y  lira  particulièrement  avec  le 
plus  vil  intérêt  toute  celte  histoire  si  confuse  el  si  peu  connue  des  oracles 
^lbylliU8,  on  y  verra  d'où  vient  le  type  de  ces  sibylles  qui  jouent  un  rôle 
si  étrange  dans  les  idées  religieuses  du  moyen  Age  el  auxquelles  les  pein 
1res  de  la  Hi  iiais.-ance  ont  lail  une  si  belle  place  dans  quelques-unes  de 
leurs  œuvres  les  plus  célèbres. 

Il  vient  de  se  fonder  à  Home  une  n  vue  qui  porte  le  litre  suivant  : 

Etudes  et  documents  d'Ui!>ioirc  el  de  dioi'  (Slodi  e  dt>cumeiiti  di  sloria  e 
dirilto).  Voiti  le  sommaire  des  deux  premiers  fascicules  : 

Piéface.  -  (i.  B.  de  Kossi ,  l'Éloge  fuiiihe  de  Twia,  écrit  par  son 
mari  (î.  Lucretins  Ycspillu,  roW'Ul  en  l'an  île  home  73.t  (  jiremiére  partie 
avec  une  plaiicht:  liihographiée  et  un  dtssin  dans  le  texte).  —  Ali- 
brandi,  Sur  quelques  fiayments  des  anciens  junsionsultes  nmioins.  Art.  1. 
Krugmuntr  ilu  li\rc  V  des  lii^ponses  <le  l'ui'inien.  —  C.  L.  Viscotili,  le 
{juinave  et  le  Tiien»  du  médailiier  du  Vutirun.  —  C.  He,  D'un  nouveau 
rnanusciit  du  commentaire  d'  Uulyuro  sur  le  tttrc  dts  l'undedes  De  regniis 
juiis.  —  (i.  Toniisbclli,  l'ne  Utlrc  de  Clmitiit  IX  au  duc  de  l'aime  tt  de 
fluisunce.  —  <«.  Stevenson  ,  la  Jtasiltque  île  suinte  Simforosa  sur  la  voie 
Til'iirtmc.  —  Hcvuc  de.^  péiioiilque.v  —  Uucumcnt.i.     -  'J:lti,  le  Statuts 


NouvF.i.  i.!'s  Aucuifor.or.iriUFs.  ;{!);{ 

des  marchands  de  Rome;  descriplinn  du  iii.iiiu-nii,  et  fciiillos  1  A  IS  du 
lexlff  (iivec  iino  planche  en  hiMiotypic).  —  l.iiii^i  Uni//,!,  Urrjestc  de 
Véglise  de  Tivoli.  Pir-Hice  l'i  docuini'uts  I  ;l  .;. 

On  s'abonne,  pour  'Il  liatii;s  piran,  en  écrivant  à  M.  (Willi,  palais 
Spada  i\  Home. 

Nous  remarquons  dans  le  numi'Mn  d'avril  du  Parmussos  les  articles 

Buivanis  : 

Conslanlin  Condos,  Observations  sur  l'ancienne  langue  grecque  (suite). 

—  Jean  Saraaiélis,  Ledr/ue  du  dialecte  de  TréMzonde.  —  l'aul  I.anjhros, 
Monnaie  inédite  de  Midut  Pnloologue ,  empereur  de  NicÀc  (avec  un  bois). 

—  Spiri'lion  P.  I.ambros,  Notice  nécrologique  sur  G.  Wagner. —Séances du 
sylloyue  Parnassos. 

\/.\  Revue  de  l'histoire  des  religions,  qui  se  publie,  chez  lirnesl  Leroux, 

sous  la  direciion  de  M.  Maurice  Vernes,  vient  de  donner  s^on  premier  nu- 
méro. Ce  caliier  lait  dé.>irer  les  autres,  qui  doivent  se  succéder  de  deux  en 
deux  mois.  En  voici  le  sommaire  : 

Maurice  Vîmes,  Intro  ludion.  (L'auleur  y  indique,  en  excellents  termes, 
le  point  de  vue  où  se  place  le  nouveau  recueil  ;  il  y  dé\eloppe  ce  principe, 
qui  est  imprimé  on  gros  caracli-ros  sur  la  couxcrture  de  la  revue  :  la  Re- 
vue est  {virenifint  historique;  elle  (xclut  tmt  travail  qui  présenterait  un  ca- 
ractère polémique  ou  doymatique.)  —  liûuché-Lechrcq,  la  bivinadon  italique 
(fragment  du  grand  ouvrage  en  cours  de  publication,  dont  nous  avons 
déjà  entretenu  nos  lecteurs).  —  L'unité  du  sanctuaire  chez  les  Hébreux, 
d'après  M.  Wellhausen.  —  Sjiooner,  Exploration  des  monumeîits  du  Cam- 
bodge (avec  2  planches).  —A.  Barth,  Bulletin  critique  de  mythologie  aryenne 

—  Maspero,  Bullelin  critique  de  la  religion  de  l'Egypte.  —  Documents  inédits 
sur  la  s^rcelkne.  —  Vinson,  Éléments  mythologiques  des  pastorales  basques. 

—  Clermonl-Ganneau,  la  Mythologie  iconique  (pages  eniprunlées  à  la  pré- 
face d'un  li\re  lemarquable  que  nous  apprécierons  prochainement).  - 
Dépouillement  des  périodiques  et  des  travaux  des  sociétés  savantes. 

Nous  ne  pouvons  que  souhaiter  une  heureuse  fortune  à  un  recueil  qui 
répond  à  un  besoin  depuis  longlemiis  senti.  Le  choix  des  collaborateurs 
nous  répond  du  caractère  vraiment  scieniitique  de  la  méthode  qui  sera 
suivie  et  de  l'inlérôt  des  informations  que  trouveront  ici  groupées  tous 
les  amis  de  ces  études. 

Le  second  numéro,  qui  est  sous  presse,  contient  les  articles  sui- 
vants : 

Formation  d'une  religion  officielle  dans  l'empire  romain  sous  Auguste,  par 
M.  V.  Duruy.  —  Esquisse  du  développement  religieux  en  Grèce,  par  C.  P. 
T\e\e.  —  La  d'Vination  italique  {f\u),  p-àr  M.  A.  Houché-Leclercq.  —  Bul- 
letin critique  de  la  religion  juive  (judaïsme  ancien),  par  M.  Maurice 
Vernes.  —  Bulletin  des  religions  de  l'Inde,  par  .M.  A.  Barth.  —  Couiptes- 
rendus.  Dépouillement  dos  périodiques.  Chronique.  Bibliographie. 

Bulletin  de  la  commi-^sion  archéologique  comtnmule  de  Rome,  8*  an- 
née, 1880,  n»  1,  janvier-mars  : 


394  hkmk  aucukologiodk. 

I{.  I.anrîaDi,  Préface.  (Jplanl  un  ropaitl  sur  l'enyomblo  do?  travaux  de 
la  l'omniission  depuis  s;i  fondation,  M.  L.  indique  dans  quoi  esprit  ils  ont 
tM6  conduits,  cl  donne  un  catalo^'uc  sommaire  dos  objets  varices  qu'elle  a 
recueillis;  il  se  plaint  avec  vivacité  de  l'insuffisanco  des  locaux  dont  il 
dispose  et  il  insiste  sur  la  niHcssiti^  de  construire  le  plus  tôt  possible  un 
musée  municipal  nssoz  spacieux  jioiir  que  les  monuments  puissent  O.lte 
tous  exposés  dans  de  bonnes  conditions  et  (jue  les  riches  séries  déj;\  for- 
mées soient  mises  à  la  disposition  des  travailleurs.)  —  II.  I.anciani,  sup- 
pléments au  tome  VI  du  Corpus  inscriptiorium  latvinnnn  (suite).  l'I.  I-IM. 
—  Enrico  Fabiani,  Amphore  aramaique  du  Camp  prctoncn.  IM.  I-IV. 


BIBLIOGRAPHIE 


La  Tapisserie  de  Bayeux,  reproduction  d'après  nature,  en  70  planclits  plio- 
totypograpliiques  inaltùiablcs,  avec  un  texte  historique,  descriptif  et  critique,  par 
Jules  Comte.  Paris,  Uothsciiild,  1879. 

Il  existe  peu  de  n^^nniirnonts  du  moyen  ftpe  qui  jouissent  d'une  côlôbritt' 
plus  mOriléo  que  la  tapisserie  de  Hayeux  ;  il  y  eu  a  peu  assurément  qui 
aient  été  rolijct  d'un  plus  grand  nombre  de  mémoires  et  de  dissertations. 
Elle  a  été  mainte  fois  reproduite  par  la  gravure  tant  en  Angleterre  qu'en 
France,  non  seulement  dans  des  ouvrages  de  science,  mais  dans  bon 
nombre  de  livres  destinés  au  grand  public. 

Les  Anglais  surlout,  pour  qui  la  tapisserie  de  Bayeux  est  un  document 
historique  encore  plus  précieux,  s'il  tsl  possible,  que  pour  nous,  n'ont  épar- 
gné aucun  frais  pour  en  obtenir  des  reproductions  d'une  exactitude  irré- 
prochable. 

Il  y  a  bien  des  années  déjà,  en  iVlC,  la  Société  des  antiquaires  de 
Londres  envoya  à  Bayeux  le  dessinateur  Charles  Stothard  pour  en  re- 
lever les  moindres  détails.  Il  exécuta  un  fac-similé  de  la  tapisseiie, 
qui  fut  publié  en  181S,  dans  le  6*^  volume  des  Vetusta  monumcnta,  et 
qui  peut  passer  pour  un  vrai  chef-d'œuvre  si  l'on  songe  à  la  façon  dont 
on  comprenait  le  moyen  Age  au  commencement  de  ce  siècle.  .Mais  l'inap- 
préciable concours  que  la  photographie  est  venue  apporter  aux  études 
archéologiques  nous  a  rendus  aujourd'hui  plus  difticiles;  on  ne  se  con- 
tente plus,  pour  des  monuments  d'une  pareille  importance,  de  reproduc- 
tions par  à  peu  près;  on  exige  une  exactitude  mathématique,  qu'un 
dessinateur,  quelque  habile  qu'il  soit,  ne  saurait  atteindre.  Les  Anglais, 
qui  ont  eu  le  mérite  de  publier  la  première  reproduction  fidèle  de  la  tapis- 
serie de  Bayeux,  ont  eu  celui  de  sentir  les  premiers  l'utilité  qu'il  y  au- 
rait ;\  faire  photographier  en  entier  cet  incomparable  document. 

Le  Committec  ofcouncil  on  éducation  s'entendit  en  1871  avec  la  muni- 
cipalité de  Bayeux,  et  chargea  un  artiste  de  talent,  M.  Dossetcr,  de  pho- 
tographier la  tapisserie.  Malgré  mille  difficultés  de  détail,  résultant  de 
l'impossibilité  de  déplacer  le  monument,  M.  Dosscter  réussit  à  en  pren- 
dre de  bons  clichés,  d'après  lesquels  il  exécuta  deux  séries  d'épreuves, 
l'une  en  vraie  grandeur,  l'autre  réduite  de  moitié.  Un  exemplaire  soi- 
gneusement colorié  de  chacune  des  deux  séries  a  été  offert  par  les  mem- 
bres du  Committce  à  la  ville  de  Bayeux;  un  autre  exemplaire  égdlemen 


.'JlWi  HKVLK.  Anciii'oi.iuagri.. 

colorit^  a  Hô  di*po>6  au  rnuséo  do  South  Kpn>inglon.  n(>[niis.  la  Sociélii 
il'AriiniloI  a  fuH  puliliiT  ;\  >os  fr.ii>  les  cUmix  simIds  do  iili<i|(ij;r;i|ihi('8  exe- 
cutives par  M.  Do-iSflcr.  Kiiliii  une  ri'prodiu'tion  n'diiile  de  ces  olii  liés  a 
«'•ti''  piiltlit^e  pnr  M.  Tiarjk  Mode  l'dwkt*  dans  ^ou  oxct'IIt'nle  monographie 
de  l.i  tapisserie  do  n.iyciix  1  .  ('>•  sont  les  jdanclu's  de  cel  ouvrage,  doiil 
l'«*diicur  Hothschild  s'est  rendu  acquc^'our,  qui  ont  servi  i\  iilu^t^e^  lo 
livre  de  M.  ("onjte. 

Ku  publiant  une  nouvelle  description  de  la  tapisserie  lie  lîaveux, 
M.  r.onite  a  plutôt  voulu  faire  une  (inivre  de  vul^;arisalion  qu'une  œuvre 
d'i^rudition  pure.  Il  a  surtout  voulu  oiïiir  au  public  français  une 
image  absolument  exacte  de  ce  monument,  dans  lequel  le  moindre 
d/tail  a  son  importance.  «Mettre sous  les  yeux  du  lecteur  une  reproduction 
intégrale  do  la  la|>isserie,  en  suivie  avecini  pape  à  page  le  développement 
ininteirompu,  rendre  la  si)cces>ion  de?  l'ail>  plus  claire  par  (juelques  ex- 
plicaiions  empruntées  ;\  l'histoire  et  à  l'arc  liéologie  ;  sur  les  point>  contro- 
versés, reproduire,  en  les  r^sumanl,  les  interprétations  les  plus  probables; 
mais  en  m(?me  temps  éviter  tout  vain  étalage  scientitique»,  voilà  le  but 
que  s'est  proposé  M.  Comte.  Je  m'empresse  de  dire  qu'il  a  su  remplir 
avec  autant  de  mesure  que  de  goi\t  le  programme  qu'il  s'i'-tait  tracé.  Un 
ne  trouvera  j)as  dans  la  dissertation  do  M.  Comte  des  aperçus  bien  nou- 
veaux; il  n'a  guère  fait  en  somme  que  résumer,  il  l'avoue  lui-même,  les 
principales  observations  contenues  dans  l'excellente  notice  de  M.  l'abbé 
Laiïetay  (2),  ou  dans  lo  grand  ouvrage  de  M.  F-ivvke  ;  mais  entre 
ces  ob>ervations  il  a  su  choisir  les  meilleures,  et  l'on  peut,  giAcoAlui, 
avoir  une  connaissance  suffisante  des  théories  consignées  par  M.  Fowke 
dans  Bon  bel  ouvrage,  presque  introuvable  en  Fiance. 

Les  conclusions  de  M.  Comte  sur  l'origine  et  sur  l'ûge  de  la  tapisserie 
sont  les  mOmes  à  peu  prés  que  celles  de  MM.  Fowkeet  (.alVelay.  Pour  lui, 
la  tapisserie  est  une  œuvre  normande,  in^pirée  i)ar  lévéque  Odon,  com- 
mandée par  lui  peut-ètie,  ou  par  le  chapitre  de  Ha\eux,  et  exécutée  très 
probablement  sous  la  direcùon  la  reine  Maihilde.  La  reine  a-t-elle,  elle- 
même, tenu  l'aiguille 'i!  les  biodeuses  étaient-elles  Anglaises  ou  Françaises? 
C'est  un  point  sur  lequel  il  ne  se  prononce  pas. 

On  ne  peut  guère  aujourd'hui  présenter  d'objeciions  sérieuses  à  ces 
conclusions;  elles  s'appuient  sur  des  arguments  nomlireuv  et  pour  la 
plupart  inailaquables.  J'aurais  voulu  cependant  que  M.  Comte  fût  plus 
sé\ère  dans  le  choix  de  ces  arguments;  il  en  est  de  for!  im[)oriants  qu'il 
passe  presque  sous  eileacc,  d'autres  moins  bons  aux(]uels  il  s'arrèic  trop. 
Je  m'étonne,  par  exemple,  qu'il  n'ait  pas  fait  une  élude  comparative  entre 


(1)  The  Itfii/eiir  ia/iestn/ rr/iio/luccd  tu  nulolj/i'e  plates,  tiilli  hittoric   notai,   by 
Frank  Mode  F<twko    l.ondrcn,  1K75,  ^r.  iii-Zj",  aux  fr.ii»  ilc  l:i  Suciété  d'Anindi'l. 

(2)  Solirr  hisltiiit/ur  et  f/r »r/-//(/iir  .sur  la   tiijussrrir   dite  iln   la  reine   Miitliilde 
(exposée  k  la  Bibliuilièquu  de  Ua}uu&;,  pur  ral>l>c  J.  Laiïetay;  2"  ùdil.,  Uaycux,  1877, 


iJiBLiooiiAPnii:.  'VJI 

les  dessins  de  lat;ipiss(!riccl  les  minialuresdes  inaimscrit8fraii(,aisouanglo- 
normaiids  du  xi" siècle  que  nous  posRi^dous  en  assez  grand  nombre  dans  lus 
principales  bibliothèques  d(!  I-'iaiice  ou  d'Angleterre.  Je  m'étonne  qu'il  men- 
tionne à  [teinta  ce  poème  dans  lequel  H.iUiiiy  de  Houriiueil  décrit  une  tapi^ise- 
rie  semblable  à  (elle  de  IJayeux,  qui  aurait  orné  la  chambre  de  la  i)rincesiC 
Adule,  la  tille  de  Guillaume  le  Conqiiér.uit  (1).  A  coup  sûr  la  tapisï<erio  de 
la  princesse  Adèle,  si  elle  a  jamais  été  autre  chose  qu'un  produit  de  l'ima- 
gination de  Haudry,  ne  peut  être  la  mOme  que  celle  deMayeux,  car  celle- 
ci  me.^ure  70  mèlies  de  long,  et  n'auiail  jamais  pu  tenir,  comtiic  le 
dit  le  poète,  dans  l'alcOve  de  la  princesse.  Mais  si,  comme  c'est  probable, 
la  description  de  Itaudry  est  une  œuvre  de  pure  imagination,  ne  d-jit-on 
pas  croire  que  son  auteur  connaissait  la  tapisserie  de  Bayeux,  et  qu'il 
s'en  inspirait,  quand  on  voit  le  curieux  parallélisme  qui  existe  entre  son 
récit  et  les  scènes  représentées  sur  la  toile  ? 

Le  poème,  il  est  vrai,  ne  commence  qu;\  la  mort  d'Kdoiiard  ;  mais  tous 
les  détails  qu'il  mentionne  se  retrouvent  presque  dans  le  même  ordre 
sur  la  tapisserie.  C'est  d'abord  l'apparition  de  la  comète  de  lOGG;  l'allocu- 
tion de  Guillaume  aux  Normands,  à  la  suite  de  laquelle  il  ordonne  de  cons- 
truire des  navires;  l'abatage  des  arbres,  la  construction  des  vaisseaux,  le 
transport  des  trou[»es  et  des  chevaux,  l'arrivée  en  Anglelerie,  la  bataille, 
la  mort  d'Harold,  la  fuite  des  Anglais.  Le  poète,  eu  décrivant  la  bataille 
d'Hastings,  entre  ^Jan^  de  longs  détails  bur  la  tactique  employée  par  Guil- 
laume, sur  le  rôledes  archers,  qui  cherclient  à  attirer  Tennemi  au  combat, 
qui  le  harcèlent  de  leurs  flèches,  et  l'étonnent  par  leur  façon  de  combattre 
inconnue  aux  Anglais.  On  retrouve  tout  cela  sur  la  tapisserie  de  Bayeux. 
11  n'y  a  pas  jusqu'aux  légendes  si  précieuses  qui  accompagnent  cliaque 
scène  qui  ne  soient  mentionnées  par  le  poète  : 


Lillera  signabat  sic  res  et  quasque  liguras. 
Ut  quisquis  videat,  si  sapit  ipsa  Icgat.  (v.  565-566.) 


M.  Delisle,  en  publiant  les  vers  de  Baudry,  signalait  ces  importants  rap- 
prochements et  concluait  (ju'il  faudrait  dorénavant  en  tenir  comp.e  toutes 
les  fois  que  l'on  discuterait  l'ûge  de  la  tapisserie  de  bayeux.  M.  Comte,  qu; 
a  certainement  lu  le  poème,  n'en  a  pas,  je  crois,  tiré  tout  le  parti  qu'il 
convenait. 

Kn  revanche  il  accorde  peut-être  trop  d'iu)portance  à  certains  détails 
qui  ne  sont  pas  aussi  caracléii>liques  qu'il  semble  le  croire.  C'est  aitiïi 
que  l'emploi  de  l'arc  plein-cintre  dans  toutes  les  constructions  tiguroes 
sur  la  tapisserie,  Tabsence  totale  d'arcs  brisés,  ne  sauraient  prouver  que 


(1)  Ce  poème  a  été  publié  par  M.  Léopoid  Delisle  (Caeu,  Le  lilanc-llardel,   1871, 
in-ù"). 


;{'J.S  IlEVUR   ABCHÉOLOGIQUK. 

l'auteur  vivait  au  xi*  siî'cloct  non  nu  xii».  Tout  lo  monde  ?ait,  en  pfTol,  que 
si  l'arc  brisô  osl  devenu  d'un  usage  j:i'iii^rnl  en  architecture  di^'s  lexii"  sii^- 
clc,  l'arc  en  plein  cintre  n'en  n  pas  moins  eontinui^  à  Ctre  employé  à  peu 
prùs  seul  dans  toutes  ces  reprt^senlations  d'édifices  que  l'on  voit  sur  une 
foulo  de  peintures,  do  pit''cos  d'orrt''vreiip,  de  fra^Miierils  d'iMolTes,  etc. 
I-es  éniailleurs  de  Limoges  en  jilein  x  ii"  sii'de  flj^uraicnl  encore  sur  leurs 
chAsses  des  iMicules  en  plein  cintre.  C'est  donc  une  particularité  qui  n'a 
pas  grande  valeur  en  elle-même  pour  dater  la  tapisserie. 

L'emploi  des  raniCï<  comme  gouvernail,  l'absence  d'armoiries,  sont  éga- 
lement des  dt'taiis  (jui  ne  peuvent  dénoter  exclusivement  une  œuvre  du 
XI*  siècle.  Ils  conviendraient  aussi  bien  à  un  travail  de  l'an  1  liiO. 

Lnliu  les  lettres  employées  dans  les  légendes  appartiennent  bien  à.  la 
fin  du  II*  siècle,  mais  il  n'en  est  pas  une  peut-être  qui,  prise  isolément, 
ne  pourrait  se  rencontrer  également  au  siècle  suivant.  11  est  donc  témé- 
raire do  dire  que  w  les  W  qui  sont  employés  dans  la  tapisserie  suffiraient 
à  donner  sa  date  ». 

Ce  sont  là  des  arguments  assez  faibles,  cl  auxquels  on  peut  renoncer 
sans  amoindrir  en  rien  la  valeur  des  conclusions  auxquelles  M.  Comte 
s'est  rangé  après  MM.  Laffetay  et  Fowke. 

Après  avoir  discuté  l'Age  et  l'origine  de  la  tapisserie,  M.  Comte 
en  a  minutieusement  décrit  toutes  les  parties.  Cette  description  est  faite 
avec  beaucoup  d'exactitude  et  de  tact.  Il  a  sur  presque  tous  les  points 
obscurs  adopté  l'opinion  la  plus  plausible,  et  il  a  su  se  mettre  en  garde 
contre  les  solutions  par  trop  ingénieuses  que  l'on  a  parfois  données  de 
certaines  scène?.  M.  Fowke,  par  exemple,  dans  son  remarquable  commen- 
taire, est  parfois  bien  subtil,  dans  la  scène  où  l'on  voit  llarobJ  arrêté  par 
le  comte  Gui  et  conduit  par  lui  à  Beaurain  (pi.  S  et  'J)>  i'  croit  pou\oir 
distinguer  le  comte  de  son  prisonnier,  ù.  ce  que  l'un  monte  un  cheval  et 
l'autre  un  mulet,  ce  qui  semble  au  commentateur  une  précaution  prise 
pour  emi'èchei'  llarold  d'échapper  ci  son  escorte.  Or  il  faut  bien  dire  que 
les  montures  des  deux  personnages  ne  présentent  aucune  des  ditl'é- 
rences  spécifiques  qui  devraient  les  caractériser  et  que  l'artiste,  malgré  son 
inhabileté,  aurait  su  figurer  s'il  avait  eu  l'ingénieuse  idée  qu'on  lui  sup- 
pose. On  est  trop  souvent  porté,  comme  dans  ce  cas,  à  prêter  trop  d'es- 
piil  aux  artistes  dont  ou  interprète  les  œuvres,  (iela  est  vrai  pour  toutes 
les  époques,  mais  surtout  jiour  le  moyeu  ûge.  M.  Comte  l'a  compris  et  a 
EU  se  garder  de  cet  écueil. 

Ln  résumé,  le  livre  de  M.  Comte  olTrc  un  exposé  bien  lait  des  principales 
conclusions  auxquelles  l'étude  de  la  tapisserie  de  Hayeux  a  conduit  les 
érudils,  et,  (luoiqu'il  prétende  n'être  qu'une  œuvre  de  vulgarisation,  il 
pourra  rendre  de  réels  services  aux  arcbéologucs.  (Vesl  donc  une  publi- 
cation reconim.indable  à  tous  les  points  de  vue,  qui  \ient  se  joindre  i\ 
cette  nombreuse  liste  de  beaux  et  de  bons  ouvrages  édités  depuis  quel- 
ques années  par  la  maison  Itothschild. 

H.  !.. 


HIIILIOGUAI'IIIK.  'V'i'J 

Manuel  de  philologie  classique,  d'apW'H  le  Trienuium  philnlngicum  de 
\V.  Fround  et  Ira  (htriiicrs  travuiix  t\i-  r'/nidiiion,  par  Saiomon  Hkinacii,  ancien 
élùvo  do  l'École  nonuale,  agPvigù  do  rUiilyersiié.  I  toI.  in  b  de  405  paKos,  1880, 
Haclictto. 

Nous  appelions  depuis  longtemps  de  lous  nos  vœux  le  moiuenl  où  les 
Iravadleurs  fiançais  (jui  abordctil  l'étudo  de  l'anliquilé  auraient  à  leur 
disposition  un  de  ces  manuels  comme  rAllema^;neen  possède  à  peu  près 
pour  toutes  les  branches  de  lu  connaissance  humaine. Celui-ci  a  pour  ca- 
nevas premier  un  ouvrage  allemand,  liiTrienniumfthiloloijicum  de  Freund, 
le  savant  aul(  ur  du  Dutiujuinire  latin  qui  a  él6  Iraduit  par  M.  Theil  ;  mais 
il  sul'Hl  de  le  parcourir  pour  deviner  tout  ce  qu'y  a  ajouté,  à  l'aide  de  ses 
propres  leclures,  M.  Salomon  Reinacli.  Dans  une  courte  préface,  il  in- 
dique, en  termes  excellents,  quels  sentiments  l'ont  conduit,  pendant  ses 
années  d'école  normale,  à  entreprendre  ce  long  et  difficile  travail  : 
«  Dans  la  pusition  privilégiée  où  je  ma  trouvais,  A  portée  d'une  biblio- 
thèque clast^ique  admirable  où  d'éminenls  rrudits  provoquaient  et  diri- 
geaient mes  recherches,  je  songeais  souvent  aux  maîtres  d'éludcs  de  nos 
lycées,  aux  professeurs  de  nos  collèges  communaux,  à  tant  de  jeunes 
gens  laborieux  qui,  leurs  années  scolaires  terminées,  sont  arnltés  au  seuil 
d'études  nouvelles,  moins  par  Icmanque  de  connaissances  premières  que- 
par  l'ignorance  des  sources  où  la  science  se  puise  et  où  ses  lésullals  s'ac- 
cumulent. C'est  pour  eux  que  j'ai  travaillé,  pendant  les  heuresde  loisir  de 
mes  deux  dernières  années  d'école;  c'est  à  eux  surtout  que  je  m'adresse, 
et  c'est  leur  approbation  qui  sera  ma  meilleure  récompense.  Je  ne  pré- 
tends pas  leur  apporter  la  science  :  je  dis  où  elle  est  et  où  elle  en  est  ; 
je  ne  leur  offre  pas  les  matériaux,  mais  les  instruments  de  leurs  travaux 
futurs.  » 

Voulez-vous  juger  de  la  manière  dont  M.  R.  a  rempli  son  programme 
et  de  la  variété  des  matières  qu'il  a  fait  entrer  dans  ce  cadre  ?  vous 
achèterez  et  vous  manierez  ce  volume,  qui  est  d'un  foruiat  commode 
et  d'un  prix  très  modique.  Le  manuel  doit  prendre  place  dans  la  biblio- 
thèque de  tout  apprenti  philologue,  sur  un  rayon  bien  à  portée  de  la 
main.  Nous  ne  pouvons  que  transcrire  ici  la  table  des  chapitres  ;  elle 
donnera  l'idée  de  tout  ce  que  l'on  peut  demander  à  ce  compagnon  de 
travail,  avec  la  certitude  de  trouver  dans  ses  analyses  et  ses  notes  un 
commencement  de  réponse  ou  d'être  au  moins  renvoyé,  comme  par 
un  intermédiaire  obligeant,  à  l'ouvrage  qui  contiendrait  le  renseigne- 
ment désiré,  la  partie  de  la  science  à  laquelle  on  prétend  s'initier. 
Livre  L  Objet  et  histoire  de  la  pliilologie. 

—  IL  Bibliographie  de  la  bibliographie. 

—  m.  Épigraphie,  paléographie  critique  des  textes. 

—  IV.  L'art  antique  et  son  histoire. 

—  V.  Numismatique. 

—  VI.  Grammaire  comparée  du  sanscrit,  du  grec  et  du  latin. 

—  VII.   Histoire   politique  et  littéraire,    philosophie   et   science   de 
l'antiquité.  (Bibliogrn-)Mc). 


4(K)  IIKVUK    AnCHKOLOGiyUK. 

—  \lll.  Musiqiifi  lies  anciens. 

—  I\.  Mi'triqui'  di's  anciens. 

—  X.  I.cs  niiljquilt's  de  la  Cirèce. 

—  .M    Aiiliqiiili's  roniuinos. 

—  XII    Mytiiolopio. 

Lo  Ipxlo  est  parlay(^  en  trois  groupe.^,  qui  l'accompagneiil  et  qui  l'ai- 
dent perpéluelloineiit.  I!  y  a  d'abord  les  paiagraiihes  (qu'on  aurait  peut- 
t^tre  bien  fait  de  numéroler)  dans  lesquels  sont  intljqui^cs  1(  s  idées 
pt'ni'ralts  et  les  faits  les  plus  inipoilanls  ;  \ieniicnl  ensuite  les  com- 
pléments, en  caraciéres  moins  gros,  pour  lesquels  eonl  résertés  les 
di  tails  et  les  faits  d'importance  moindre;  enfin  des  notes  au  bas  des 
pages  comprennent  les  renvois,  citations,  lisies  d'ahréviations  ou  de 
foruies.  On  a  peine  à  comprendre  conmient  il  a  été  po.^sible  de  resserrer 
dans  un  volume  de  quatre  cents  p.iges  tant  de  matière;  le  mérite  en 
revient,  dans  une  certaine  mesure,  à  l'habile  éditeur  et  à  la  netteté  du 
caractère  qu'il  a  choisi.  Toutes  fines  que  soient  les  lettres  employées 
pour  les  notes,  elles  se  laissent  lire  môme  par  des  yeux  déj:i  fatigués; 
elles  n'effrayeront  pas  les  jeune-  gens  auxquels  ce  livre  i  si  surtout  destiné. 

Il  serait  ;iisé  de  se  donner  le  plaisir  de  relever,  dans  chaque  partie 
pour  laquelle  on  .-erait  compétent,  des  omissions  ou  des  erreurs  qu'ex- 
pliquent à  la  fois  la  nature  même  du  livre  et  le  désir  très  vif  et  très 
sincère  qu'avait  l'auteur  de  le  mettre  le  plus  tôt  possible  à  la  dispo.^iiion 
do  ceux  auxquels  il  était  destiné  ;  la  première  édition  d'un  i)areil  ouvrage 
ne  peut  être  qu'une  sorte  de  brouillon,  un  exemplaire  formé  d'épreuves 
que  l'on  comrimnique  au\  gens  du  métier,  aux  Fach'jtiiKSscn,  comme 
disent  les  Allemands,  pour  les  iu\iier  à  fournir  bénévolement  leurs  a'idi- 
tions  et  leurs  corrections.  M.  R.  appelle  de  si  bonne  grâce  sur  son  œuvre 
les  sévérités  de  la  criiique  qu'il  les  désarme  d'avance.  Nous  lui  signale- 
rons le  chapitre  Consacré  à  l'histoire  des  arts  comme  méritant  une  revi- 
sion attentive;  d'autres  lui  feront  sans  doute  des  ob.-ervations  du  même 
genre  sur  d'autres  parties.  Quelques  fautes  que  l'on  puisse  relever,  pour 
apprécier  le  service  rendu  il  faut  songer  au  profit  que  tirera  d'un  pareil 
manuel  le  jeune  liomme  inexpérimenté,  mais  intelligeul  et  laborieux, 
qui,  loin  des  grandes  bibliothèques,  loin  des  maître>  qui  pourraient  le 
prendre  par  la  niain  et  le  guider,  entreprf'tidra  seul,  dan^  (juelque  sous- 
préft'clurc,  soit  de  se  préparer  A  un  examen  de  licence  ou  d'agrégation, 
soit  de  réunir  les  matériaux  d'une  thèse  de  doctorat.  Consultez-le,  après 
qu'il  aura  pratiqué  pendant  un  an  ou  deux  le  Manuel,  et  la  gratitude 
dont  vous  recevrez  la  confidence  vous  di.>-poseraà  liiouiplier  moins  fière- 
ment des  mé(»iises  écbapiiées  i\  une  rédaction  qui,  vu  la  quantité  des 
ou>rage»à  dépouiller  et  à  ciler,  paraîtra  toujours  u\oir  i  lé  qiu'lque  peu 
hAtive  !  (•.  I'kuuot. 


Paris.  —  Typ.  I'ili.i.t  ii  Dlmuilik,  j,  rue  dub  GruiiJs-Augusiiij.s. 


TABLE  DES  MATIERES 


CONTINUBS 


DANS  I.L:  TllIiNTE-NEUVlÈME  VOLUME  DE  LA  NOUVELLE  S^lUE 


LIVRAISOX  DE  JANVIER 


I .  —  Les  terres  cuites  de  Babylonc,  par  M.  Léo.n  Helzet I 

II.  —  La  Victoire  de  Samotlirace,  par  M.  Cn.  Ciiaiipoiseau 11 

III.  —  Note  sur  des  inscriptions  et  des  antiquités  provenant  de  Bourbouiic- 

les-Bains,  par  M.  Cuabouillet 18 

IV.  —  Catulle,  XXIX  (texte  et  commentaire),  par  M.  E.  Benoist 38 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  inscriptions  (mois  de  décembre)      51 

XouvoUes  archéologiques 56 

Bibliographie C3 

Planches  I.  —  Terres  cuites  babyloniennes. 
H.  —  La  Victoire  de  Samothrace. 
III.  —  Antiquités  de  Bourbonne-les-Bains. 


LIVRAISON  DE  FEVRIER 


I.  —  Noticesur  des  inscriptions  et  des  antiquités  provenant  de  Bourbonne- 

les-Bains  {suite),  par  M.  Chabouillet 95 

II.  —  La  borne  milliaire  de  Paris,  par  M.  Ernest  Desjardins 86 

III.  —  La  médecine  publique  dans  l'antiquité  grecque,  par  M.  le  D""  A.  Vi;r- 

COUTRE 99 

IV.  —  Lettre  à  M.  le  Directeur  de  la  Revue,  par  M.  Fcstel  de  Coulanges..     lll 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  inscriptions  (mois  de  janvier) . .  114 

Nouvelles  archéologiques  et  correspondance 115 

Bibliographie , 121 

Planche  IV.  —  Antiquités  de  Bourbonne-les  Bains. 

XXX)  X.  'z7 


40i  HKVUK   AIlCHKOLOUigUli:. 


LIVIIAISOX  nE  MARS 

1.  —  Notice  sur  di's  inscriplions  etdes  antiqiiitt5s  proveiKint  do  Bourbonne- 

Ics-Hains  [nuit''),  par  M.  Chaboui.i.it 120 

II.  —  La  borne  milliairo  de  Paris,  par  M.  Krneit  Uksjaiu'ins 140 

IH.  —  Scpuliiiri'  antique  de  Cerclolo  (près  de  Bologne,  Italie),  par  M.  H. -A. 

Maiaiid 101 

IV.  —  Un  nouveau  cachet  d'oculiste  romain  découvert  à  Fontaiiie-en-Solo- 

gne    Loir-et-Clier),  par  M.  le  marquis  de  BociiAMnEAU 178 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  inscriptions  (mois  de  février).  183 

Nouvelles  archéologiques  et  correspondance 18û 

Bibliographie , 196 

Planche  V.  —  Bjruc  milliaire  de  Paris. 

LIVRAISON  D'AVRIL 

I.  —  La  borne  milliaire  de  Paris  {suite  el  /i«),  par  M.  Ernest  Desjah- 

DI?IS 201 

II.  —  Exploration  du  tumnius  de  Kerhué-Bras,  par  M.  P.  du  CiUTEtUEn..  210 
m.  —  La  richesse  et  le  christianisme  à  l'âge  des  persécutions,  par  M.  Edmond 

Lb   Blant 220 

IV.  —  La  médecine  publique  dans  l'antiquité  grecqne  {sui(e),  par  M.  le  D'' 

A.   VtncouTRB 2'.<1 

V.  —  Comment  périt  l'institut  druidique,  par  .M.  V.  DunuY 267 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  inscriptions  (mois  de  mars) 253 

Nouvelles  archéologiques 254 

Bibliographie 238 

Planches  VI.  —  Tumulus  de  Kerhué-Bras. 

VII.  —  Les  trois  routes  romaines  de  Paris  à  Reims. 

LIVRAISON  DE  MAI 

1.  —  Les  monnaies  à  légi^ndes  grecques  de  la  dynastie  turque  des  fils  du 

Danichmeud,  par  M.  Gustave  SciiLUMnKUCEii 273 

II.  —  Liste  des  principales  sépultures  el  cimeti.  res  mérovingiens  de   la 

Gaule  et  des  contrées  voisines,  par  M.  Alex.  Bkiitrand 285 

III.  —  Archéologie  gauloise,  par  M.  Ed.  Floubst 294 

IV.  —  La  médecine  publique  dans  l'antiquité  grecque  (si<(ïe),  par  M.  le  D' 

A.  Vercol'Tre 309 

V.  —  Notice  sur  la  restauration  du  Parlhénon,  par  M.  E.  I,oviot 322 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  inscriptions  (mois  d'avril) 33.'i 

Noiivelleà  archéolugiijues , 334 

PLA^CliE  VIII.  —  Monnaies  des  Danicbmend. 


LIVUAISON   Di:  Jl  IN 

I.  —  L'autel  de  Sainte»  et  les  triades  gauloises,  par  M.  Alex.   Bertran» 

(prcoiicr  article) 3o7 


TA  II  M',    MRS    MATlkUES.  iO^J 

il.  —  LatnWeciiio  piiblique  dans  l'iiniiquiiii  (;rcc(|iie  {suite  et  /iu],  par  AI.  le 

U""  A.  VKncotiTriK ■'''«8 

11.  —  Uesiitutinn  A  l:i  vill(!  de  Milii',  en  Sicile,  de  plusieurs  niomiaics  aliri- 
biii'i'H  .1    Mytislratiis  Ue  la  iiiùine    ile,    par  M.  F^nniNANU  IJoMi'ois 

(premier  article) 303 

IV.  —  Observutions  sur  rinsciiptioii  d  Lsclimoun'jzar,   par    M.  J.   ni'.m;N- 

BOUHtt •***" 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  iiiscriplions  (mois  de  mai) 387 

Nouvelles  arcliéolosiipies  et  correspondance 388 

Bibliograpliie •  ■ ^'J^ 

Planches  IX.  —  Autel  gaulois  de  Saintes,  face  anléricurj. 
X.  —  Autel  gaulois  de  Sainte»,  face  postérieure. 


TABLE  ALIMlAliETIOUE 


PAU  NOMS  D'AUTEURS 


*'*■.  —  Étude  nouvelle  sur  Homère  :  la 
Société  au  temps  d'Homère,  par 
M.  Louis  Paci.ut,  p.  271-272  (Bibl.). 

Anonyme.  —  Leçons  de  calcul  d'Arya- 
bliata,  par  M.  Léon  Rodet,  p.  127-128 
(Bibl.). 

A.  B.  —  Bulletin  mensuel  de  l'Académie 
des  inscriptions,  mois  de  janvier,  p. 
ll/(  (février)  ;  — mois  de  février,  p.  183 
(mars)  ;  — mois  de  mars,  p.  253  (avril^; 
—  mois  d'avril,  p.  333  (mai);  —  mois 
de  mai,  p.  387  (juin). 

A.  B.  — Un  monument  fjaulois  dans  les 
Vosges,  p.  388-390  (Nouv.  et  corr.). 

AiXAr.D  (Pâli,).  —  L'art  paien  sous  les 
eni|iereurs  clirétiens,  p.  123-125  (Bibl. 
par  M.  P.  Ducuesxe). 

Babfau  (Albert).  —  La  vie  municipale 
au  w"  siècle  dans  le  nord  de  la  France, 
par  M.  le  baron  A.  de  Galonné,  p.  26S- 
271  (Bibl.). 

Benoist  (R.).  —Catulle,  p.  38-50  (jan- 
vier). 

Bertrand  (Alexandbe).  —  Liste  des  prin- 
cipales ;-épulturcs  et  cimetières  méro- 
vingiens de  la  Gaule  et  des  contrées 
voisines.  2"^  liste  (pays  allemands), 
p.  285-293  (mai). 

Bertrand  (Alexandbe).  —    L'autel  de 


Saintes  et  les  triades  gauloises, 
p.  337-3/i7,  5  fig.,  pi.  IX  et  X  (juin). 

BoMPOis  (Ferdinand).  — Picstitution  à  la 
ville  de  Myla;  en  Sicile  de  plusieurs 
monnaies  attribuées  à  Mytistratus,  de 
la  même  île,  p.  303-379,  2  fig.  fjuin). 

Bouché-Leclercq  (a.).  —  Histoire  de  la 
divination  dans  l'antiquité,  p.  C3-Gi 
(Bibl.  par  M.  G.  Maspero). 

Calonne  (baron  A.  de).  —  La  vie  muni- 
cipale au  xve  siècle  dans  le  nord  de 
la  France,  p.  26S-271  (Bibl,  par 
M.  Albert  Babeau). 

Ciiabouillet.  —  Notice  sur  des  inscrip- 
tions et  des  aniifiuités  jirovenant  de 
Bourbonne-les-Bains,  p.  18-37.  pi.  lil 
(j:-.nvier)  ;  —  [suite),  p.  C5-S5,  pi.  IV 
(février);  — (.yu/7e),  p.  129-1Î5  (mars). 

Cmasipoiseau  (Charles).  —  La  Victoiie 
de  S;imotbrace,  p.  11-17,  l  fig.,  pi.  H 
(janvier). 

Chatellieb  (P.  du).   —  Exploration   di: 
tumulus  de  Kerhué-Bras  m  Pionéour- 
Lanveni  (Finistère),  p,  210-219,  8  fig. 
pi.  VII  (avril). 

Comte  (Jules).  —  La  tapisserie  de 
Bayeux,  p.  395-393  (Bibl.  par  M.  R.  L). 

Derenbourg  (J.).  —  Encore  quelques 
observations  sur  l'inscription  d'Escli- 
moun'azar,  p.  380-386  (juin). 


<!••- 


lu.vi  K  vnciiKoi.or.Ktrr. 


Dr<;jABDiNs  'Kn\FST;.  —  î.n    borne  mil-    | 
liaircdi-  Paris,  p.  SC-OR,  '_>  Hg.  (fiHTiir)  ; 
—   (suilr:.  y.   liC.-H'.O,  pi.  V  (mars); 
_  {suiir),  p.  i01-:209.  pi.  VI  (avril). 

^lCllES^B   (P.i.  —  L'i»rl  p.iicn  sous  les 

oinporpurs   clin'tioiis,    par    M.    Pail 

Aii.AnD,  p.  123-12:»    nibl.;. 
Dini'Y  (V.).  —  Comment  pûrit  l'institut 

driiid-quc,  p.  2/i7-232  (avril). 
EnFns(GF.oi\r.F.s).  —  I.'Kpyptc,  Alexandrie 

et  le  Caire,  p.  121-123  (Bibl.  p:irM.  G. 

PEnnoT). 
E.   I-   B.  —   Henl    Encyklo|.aedic    <ler 

cliristliclien  A'tertliuemcr,  von  F.  X. 

KnAis,  p.  207-2GS  (Bibl.). 

Floiest  (Ed.).  —  Archéologie  gauloise. 
Un  casque  en  fer  et  des  bouterolles  de 
fourreaux  d'épée.  p.  29ii-308.  10  fig. 
(mai). 

Fi'STPL  DE  CouLANGES.  —  Lettre  à  M.  le 
Directeur  de  la  Revue,  p.  111-113 
(rivricr). 

Q  (Cn.).  —  Les  études  archéologiques 
en  Espagne,  p.  301-392  (Nouv.  et 
Cîrr.). 

G.  P.  —  Les  institutions  sociales  et  le 
droit  civil  à  Sparte,  par  M.  Ci.Aiinio 
Ja^:set,  p.  128  (Bibl.). 

C,  p.  _<[iw/.at/.â,  étude  historique  Cl  to- 
pographique, avec  sept  planches  et 
unecartetopographique,parM.PAPPA- 
DOPOLLOSKEnAMELS,p.  108-199  (lîil.l.). 

G.  P.  —  Thanatos  (30'"  programme  pour 
la  fête  ('2  AVinckclmanii,  célébrée  par 
la  Société  archéologique  de  Iterlin), 
par  M .  Caiii.  HonEnT,  p.  1 99-200  (lUbl.). 

G.  p.  —  Géographie  de  Strabon,  par 
M.Amkdée  Tardieu,  p.  200  (Bibl.). 

Hel/ey    (Léon).    —   Les    terres  cuitfs 

babyloniennes,  p.  1-10,  pi.  I  (janvier). 
Jarnet  fCLAiDio).    —    Les  institutions 

sociale»  et  le  droit  civil  h  Sparte,  p.  128 

(Bibl.  par  M.  G.  P.). 
Kracs'F.X.).  —  Boul  Encyklopnedie  der 

chrisilichen  Allertbuemer,  p.  207-208 

(Bibl.  par  M.  E.  L.  B.). 
Le  Bi-ant  (Edmond).  —  La  richesse  et  le 

chrisiianisnie  h  l'ùge  des  persécutions, 

p.  220  230  ^•^v^ilj. 
Lbeman  (D')-  — Cimelièresmérovingien. 

(ieh   Pays-Ba^    p.     50-07     ^Nouv.    <t 

corr.;. 
LEPonT  (L.).  —  Tombe    gallo-romalni' 

du    rimctit-ro    de     Mazifrre»    Cher), 

p.  185-180  (Nouv.  et  corr.). 
Li!<*s'CMAnif.snE).  -  Antiqtiii'"'^  •■'•yilii- 


ques,  par  M.  A.  L  Odobesco,  p.  258- 
207(Bil.l.). 

LovioT  (E.).  —  Mémoire  sur  la  restau- 
ration du  Parthénon,p.  322-331  (mai). 

MAsrrno  (0  ).  — Histoire  de  la  divination 
dans  l'antiiir.iti-,  par  M.  A.  Bot  ciié- 
Li:ci.Ei\ro,  p.  63-66  (Bibl.). 

MA7,Ann  (H. -A.).  —  Sépulture  antiiuo 
(le  Coretolo.  pr^s  de  Bologne  (Italie), 
p.  101-177  (mars). 

OnonFSf.o^\.L).  — AntiquitéBsrylhiques, 
p.  258-207  (Bibl.  par  M.  Ch.  de  Linas). 

PAPPAi>oron,os  KEnAMEis.  —  «I>wy.aixd. 
élude  historique  et  topograpbique, 
avec  sept  planches  et  une  carte  topo- 
graphique, p.  198-199  (Bibl.  par 
M.  G.  P.). 

Pai'dat  (Louis).  —  Etude  nouvelle  sur 
Homère:  laSociété.iu  temps  d'Homère, 
p.  271-272  (Hibl.  par  M.  ***). 

Perrot  (G.).  —  L'Egypte,  Alexandrie  et 

le  Caire,  par  M.  Georges Ebers,  p.  121- 

123  (Bibl.  . 
Perrot   (G.).   —    'I(TTOpixT^  ÊxO£<Tt;  twv 

Tipà^Eiûv  Tr,;  Èv    'AÔir.vaï;  àp/aio)  oy tv.ti; 

ixaipia;  ànô  tt,;  !5pû(Tîw:a'JTr,;TÔ  1837 

jAr/(>i  To'j  1879  t:)£'jt(I)vto;,  p.  125-127 

fBib!.). 
Perrot  (G.).  —  Pérou  et  Bolivie,  récit 

de    voyages,     par    M.   Ch.    Wiener, 

p.  196-108  (Bibl.). 
Perrot    G.).  —  Manuel  de    philologie 

classique,  par  M.    Sai.omon  Beinach, 

p.  309-/(00  (Bibl.). 

Reinach  (Joseph).   —  Statue  de  Jupiter 

découverte   ;\  Gaza   (Syrie),  p.  57-58 

(Nouv.  et  corr.). 
Reinach  (Salomon).  —Manuel  de  fihilo- 

logie  clussique,  p.    399-/|00    (Bibl.  par 

M.  G.  Perrot). 
R.  L.  —  La  tapisserie  de  Bayeux,    par 

M.  JiLES  Comte,  p.  395-398  (Bibl.). 

R.  M.  —  Nécrologie.  Le  docteur  Franz 
Stark,  p.  332  (mai). 

Robert  (Carl).   —  Thnnatos  (.iO""  pro 
gramme  pour  la  fête  de U'inckelmann, 
célébrée  jiar  lu  Société   archéologique 
de     Berlin),    p.     102-200    (Bibl.     par 
M.  (1.  P.^ 

nor.HAMREAi'  (marquis  de).  —  l.'ii  nou- 
veau cachet  d'oculiste  romain  décou- 
vert i\  Fonlaine-en-Sologne  (Loir-et- 
Cher),  p.  178-182.1  «g.  (mars). 

RoDRT  (Léon).  —  Leçons  de  calcul  d'A- 
ryabhaln,  p.  127-128  (Bibl.  par  un 
anoiiymo). 


TAHLE    DKS    MATI  KUFS. 


Sr.ni,UMBF.nr.En  (Gustave.  —  Les  mon- 
naies ;i  U'Rondf's  grecques  de  la 
dyiiastioturi|UC(Jesfils(iiiI)aniclimciKl, 
p.  273  28'i,  pi.  Vlll  (mai). 

TAfiDiEU  (Amkdée).  —  Géographie  do 
Sirabon,  p.  200  (Bibl.  par  M.  G. 
P.). 

VEncouTRE  (D'  A.).  —  La  médecine 
publiiiuc  dans  l'antiquité  grecque, 
p.  99-110  (février);   —  (.vKîYe),  p.  231- 


407 

2'»(i(avril);  — (vui/f?),  p.  309-321  (mai); 
-   {suiti:  ut  fiu),  p.  ;j '(8-302  (juin). 

WEium  (G.).  —  F^cs  fouilles  dcPcrgame, 

p.  188-193  (Nouv.  ctcorr.). 
WiKNKn  (Cil.).  --  Pérou  et  Bolivie,  r^^cit 

(le,    voya(î<s,    p.    106-198    (Bibl.    par 

M.  il.    l'EllIlOT). 

X.  —  Biilleiin  mensuel  do  l'Académie 
des  inscriptions,  mois  de  décembre, 
p.  51-55  (janvier). 


TABLE   MÉTHODIQUE 


I.  SOCIÉTÉS  ET  NOUVELLES.  —  II.   EGYPTE  ET  ORIENT. 

m.   GRÈCE.  —  IV.  ITALIli.    —   V.   FRANCE.   —   VI.    PAYS  DIVERS. 

Vil.    BIBLIOGRAPHIE,    LINGUISTIQUE. 


1.  SOCIÉTÉS  ET  NOUVELLES. 

Nouvelles  archéologiques  et  corrci;.  a- 
dance,  p.  56-62  (janvier)  ;  — p.  115- 
120   (février);  —  p.  184-195   (mars)  ; 

—  p.  254-257  (avril);  —  p.  334-336 
(mai);  —  p.  388-394  (juin). 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  ins- 
criptions, mois  de  décembre,  par 
M.  X.,  p.  51-55  (janvier);  —  mois  de 
janvier,  par  M.  A.  B.,  p.  114  (février); 

—  mois  de  février,  par  M.  A.  B., 
p.  183  (mars);  —mois  de  mars,  par 
M.  A.  B. ,  p.  253  (avril);  —  mois 
d'avril,  par  M.  A.  B.,    p.  333  (mai); 

—  mois  de  mai,  par  iVl.  A.  B.,  p.  387 
(juin). 

Réclamation  de  l'Académie  des  sciences 
de  Vienne  (Autriche),  p.  G2  (Nouv.  et 
corr.). 

Thanatos  (39e  programme  pour  la  fùte 
de  Winckclmann,  célébrée  par  la  So- 
ciété archéologique  de  Berlin),  par 
M.  Carl  Robert,  p.  199-200.  (Bibl. 
par  M.  G.  P.). 

'loTOptx^i  ëzOîTi;  Twv  Tcpâ;£wv  Tr,;  Èv  'AOvi- 
vaî;  àpxaio/OYiy.îiîStaipiotçàTiô  tt,:  lop-j- 
(7£w;  a-jTT,;  -6  1837  jxî/.pi  toû  1879 
-tlvj'ûi'no;,  p.  125-127."  (Bibl.  par 
M.  G.  Perrot.) 

Antiquités  grecques  et  romaines  entrées 
en  1879  au  musée  du  Louvre,  p.  115- 
117  (Nouv.  et  corr.). 

Un  vase  phénicien  de  la  Bibliothèque 
nationale,  p.  335  (Nouv.  et  corr.). 


Inauguration  du  Metropolitan  Muséum 
of  art,  New- York,  p.  255  (Nouv.  et  corr.). 

Exposition  des  arts  décoratifs,  p.  194- 
195  (Nouv.  et  corr.). 

Mission  de  M.  Désiré  Charnay  au  Mexi- 
que, p.  334  (Nouv.  et  corr.). 

Sommaires  de  publications  archéologi- 
ques, p.  G2  (Nouv,  et  corr.)  ;  —  id., 
p.  118-120  (Nouv.  et  corr  );  —  id., 
p.  186  et  p.  195  (Nouv.  et  corr.);  — 
id.,  p.  255-257  (Nouv.  et  corr.);  — 
id.,  p.  335-336  (Nouv.  et  corr.)  :  —  id., 
p.  392-394  ^Nouv.  et  corr.). 

Nécrologie.  Le  docteur  Franz  Stark,  par 
M.  R.  M.,  p.  332  (mai). 


II.  ÉGÏPTE  ET  ORIEXT. 

LEgypte,  Alexandrie  et  le  Caire,  par 
yi.  Georges  Ebehs,  p.  121-123  (Bibl. 
par  M.  G.  I'ekrot). 

Enlèvement  de  l'aiguille  de  Cléopâtre  à 
Alexandrie,  p.  61  (Nouv.  et  corr.). 

Les  terres  cuites  babylonienne?,  par 
M.  LÉON  Heizey,  p.  1-10,  pi.  1  (jan- 
vier). 

Encore  quelques  observations  sur  l'iiis- 
criplioud'Eschmoun'azar,  parM.  J.  Dt- 
uenbourg,  p.  380-386  (juin). 

Statue  de  Jupiter  découverte  à  Gaza  (Sy- 
rie), par  M.  Joseph  Ri:inacu,  p,  57-58 
(\ijuv.  tt  corr.,. 


410 


IU:VUK    AUCIIhiOLOGIQUE. 


Ix*  fouillo*  de  IVr^jamc,  par  M.  G.  We- 
B»:n,  p.  J88-J03  (Nouv.  i-t  corr.}. 

«iHoxztxd,  ctiido  liistoriflU"  cl  topojrra- 
plii(|in',  avec  sept  plbiiolirs  et  une  ciirto 
inpogrnpliique,  par  M.  l>Ai'rAnnpoui/)s 
kttHAur.Ds,  p.  l'.tB-lOO  ^llil;l.  par  M.  C 

III.  GuÈci:. 

Les  mystères  d'Eleusis,  p.  390  (Nouv.  cl 
corr.). 

Miimoire  sur  la  roRtauralion  du  Partli'- 
noi),  par  M.  E.  Loviot,  p.  3'-'2-331 
(mai;. 

Transport  des  sculptures  d'Olympie  à 
.\tlièiies,  p.  187  (Nouv.  et  corr.). 

Fouilles d'Olynipie,  p.  Gl  (Nouv.  et  corr.). 

Découverte  à  Olympie  au  mois  do  mats, 
p.  33i  ^.Nouv.  et  corr.}. 

La  VictoirpdeSamotiiraco,par  M.  C»A[i- 
i.esCiiAMroii.E.\o,  p.  11-17,  1  lig.,  pi.  II 
(janvier). 

Les  institutions  sociales  et  le  droit  civil 
à  Sparte,  par  M.  Claudio  JA^i^ET, 
p.  128  (liibl.  par  AL  G.  I'.). 

Les  monnaies  à  légendes  grecques  de  la 
dwi;i!-tie  turque  des  fils  du  Danicli- 
meud,  par  M.  Gustave  ScuLUUBEitGLit, 
p.  273-284,  pi.  VJIl  (inai^ 


IV.  IT.VLIE. 

Restitution  à  la  ville  de  Myla,<  en  Sicile 
de  plusieurs  monuaics  attribuées  à 
Myii>tratus,  de  la  même  île,  i)ar 
M.  Ferdinand  Bompois,  p.  303-379, 
2  fig.  (juin;. 

Dernière  fouille  de  Pompéi,  p.  254  (Nouv. 
et  corr.). 

Inscriptions  découvertes  à  Rome,  p.  184- 
185  (.Nouv.  ut  corr.). 

Les  fouilles  de  Rome.  p.  390-351  (Nouv. 
et  corr.). 

.Sé|)ulture  .iniiquc  ut;  Cereiolo,  près  JJo- 
lo^ne  (Italie),  par  M.  H.  A.  Maraud, 
I*.  101-177  (marby. 


V.  I  U.\NCt. 

hiploralion  du  lumuluH  de  Kerliué-Uras 
en  l'Ionéour-Lanvern  (Kinislère),  par 
.M.  I'.  i.L  (.inTr.i.uen,  p.  2lo-i!lW,  b 
lli;.,  pi.  Vil   aviil,. 


ArcliéoloRJc  pauloisc.  Un  casque  en  fer 
«•t  des  lio-.rif'rolW's  de  lourreaux  d'épi'c, 
par  M.  Ed.  Flouest,  p.  294-308,  10  fig. 
(mai). 

Gomment  périt  l'institut  druidique,  par 
M.  V.  Dunuy,  p.  247-252  lavril). 

Lettre  h  M.  le  directeur  de  la  Revue,  par 

M.  FlSTBL    DR    GOULANCES,   p.     111-113 

(février). 

L'autel  de  Saintes  ot  les  triades  gauloi- 
ses, par  M.  Albxanuiib  Recitrand, 
p.  337-347,  5  fig.,  pi.  IX  et  X    (juin). 

L'n  monument  gaulois  dans  les  Vosges, 
par  Al.  A.  B.,  |i.  388-390  (Nouv.  et 
corr.). 

Statue  de  Vénus  découverte  à  Nîmes, 
p.  Gl  (Nouv.  et  corr.). 

La  Véuusde  Nîmes,  p.  117-118  (Nouv.  et 
corr.). 

Découverte  gallo-romaine  do  M.  Morel 
a  Nyons  (Drômc),  p.  187-188  (Nouv.  et 
corr.). 

Notice  sur  des  inscriptions  et  des  anti- 
quités provenant  de  Rourbonne-lrs- 
Bains,  par  M.  Giiabouili.et,  p.  18-37, 
pi.  m  (janvier;;  —[suite),  p.  05-85, 
pi.  IV  (février);  —  [suite],  p.  129-145 
(mars). 

Tombn  gallo-romaine  du  cimetière  de 
Mazières  (Gher),  par  M.  L.  Lekort, 
p.  185-180  (Nouv.  et  corr). 

Un  nou\eau  cachet  d'oculiste  romain 
découviTt  à  Fontaine-en-Sologne  (Loir- 
et-Glier),  par  M.  le  marquis  de  Ro- 
CHAMUEAt',  p.  178-182,  1  fig.  (mars). 

La  borne  milliaire  de  Paris,  par  M.  Er- 
NKST  De.'^jardins,  p.  80-08,  2  fig.  (fé- 
vrier); —  (AUt/f),  p.  140-100,  pi.  V 
(marsk  —  {suite),  p.  201-209,  pi.  VI 
(avril). 

La  tapisserie  de  Bayoux,  par  M.  Jules 
GoMiE.p.  395-39ti  \Bibl.  imrM.  R.  L.). 

La  vie  nmnicipale  au  xv*  siècle  dans  le 
nord  de  la  France,  par  M.  le  baron 
\.  UE  Galonné,  p.  268-271  (Bibl.  par 
M.  .Alreiit  Habeal). 

VI.  PAYS  ÉIUAKGLhS. 

Nouvelle  découverte  archéologique  à|Mo- 
naco,  p.  58-01  (Nouv.  et  corr.). 

Découverte  d'un  canot  lacustrecu  Saisse, 
j).  .■i3.'i  (Nouv.  et  corr.). 

Découverte  d'un  tombeau  romain  ii  Bay- 
f>rd  (Auglclerre),  p.  01-02  (Nouv.  et 
corr.;. 


TAliLi:    DES   M  ATI  liULS. 


411 


Eglise  de  la  période  saxonne  découverte 
à  Ayslebury  (Angleterre),  p .  334  (Nouv. 
et  corr.). 

Anti<iuitijs  roin.iinn^  dûcoiivertes  à  Tiè- 
ves,  p.  2j/j-'jr)5  (Noiiv.  et  corr.}. 

Listn  des  principales  sépultures  et  cime- 
tières niéroviDRiens  de  la  Gaule  et  des 
contrées  voisines,  2"  liste  (pays  alle- 
mands;, par  M.  Alexaimore  liERTnAND, 
p.  28:)-293  (mai). 

Cimetières  mérovingiens  des  Pays-Bas, 
par  M.  le  Df  Leeman,  p.  50-57  (Nout. 
et  corr.). 

Antiquités  scytliiques,  par  M.  A.  J. 
OooiiEsco,  p.  l>.')8-i;67  (Bibl.  par 
M.  Chaules  de  Linas). 

Les  Slaves  primitifs,  p.  187  (Nouv.  et 
corr.). 

Les  études  archéologiques  en  Espagne, 
par  M.  Cu.  G.,  p.  391-392  (Nouv.  et 
corr.). 

Pérou  et  Bolivie,  récit  de  voyages,  par 
M.Cii.  WiENF-n,  p.  196-198  (Bibl.  par 
M.  G.  I'erhot). 

VU.  BIDLIOGRAPIIIE,  LINGUISTIQUE 

Bibliograpliie,  p.  C3-C4  (janvier)  ;  — 
p.  121-128  (février);  —  p.  19G-200 
(mars)  ;  —  p.  258-272  (avril);  — 
p.  395-400  (juin). 

Manuel    de    pliilologie    classique,    par 


M.  Sai.omon  Rkinacii,  p.  309-/li00  (Bibl. 
par  M.  ('• .  l'BnnoT). 

Elude  nouvelle  sur  Ilomcrc  :  la  Soriété 
au  tcm|)3  d'IIoiniTc,  par  M.  Louis  Pau- 
LIAT,  p.   271-272  (Ilibl.  par  M.  *'*). 

La  poésie  de  Pindaro  et  l«;s  lois  du  li- 
rismegrec,  j).  193-iy.'j  fiNouv.  et  corr.). 

Catulle,  par  M.  E.  Benoist,  p.  38-50 
(janvier). 

Réimpression  d'Alaric,  v«  siècle,  p.  188 
(Nouv.  et  corr.). 

Elistoirc  delà  divination  dans  l'antiquité, 
par  M.  A,  IfoucHK-LF.r.i.KficQ,  p.  63-64 
(Bibl.  par  M.  G.  Maspero;. 

La  riciiesse  et  le  christianisme  à  l'âge 
des  pi'rsécutions,  par  M.  Edmond  Li 
Blant,  p.  220-230  (avril). 

L'art  païen  sous  les  empereurs  chrétiens, 
par  M.  Pâli.  Allard,  p.  123-125  (Bibl. 
par  M.  P.  Duciiesne). 

Real  Encyklopae  lie  der  christlichen  Al- 
tertliuemer,  von  F.  X.  Kuacs,  p.  2<J7- 
2C8  (Bibl.  par  M.  E.  L.  B  ). 

Génçrapliie  de  Strabon,  par  M.  Amédéb 
Tardieu,  p.  200  (Bibl.  pur  M.  G.   P.). 

La  médecine  publique  dans  l'antiquité 
grec(pie,  par  le  D^A-Vercoutre,  p.  99- 
110  (février):  —  (suite),  p.  231-246 
(avril);  —  (suite},  p.  309-321  mai  :  — 
(suite  et  fin),  p.  348-362  (juin). 

Leçons  de  calcul  d'Aryabliata,  par 
M.  LÉON  Rodet,  p.  127-128  (Bibl.  par 
un  auonyme). 


Nota.  —  Par  erreur  typographique  le  numéro  d'avril  a  été  paginé  dans  les  300 
au  lieu  des  200.  Il  n'en  est  pas  tenu  compte  dans  la  table. 


FIN    DE    LA  TAULE. 


Paria.-a  Typ.  Pillet  et  Dumoulin,  ;;,  rue  île»  Gr.-Augustins. 


Revue  Archéoloôique  I880 


TERRES   CUITES  BABYLONIENNES 


ET  SON  PIÉDESTAi 


>    l.Çi5 


DAMO 

CLAVDIA- 

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ANTIQUITES  DE  BOURDONNE  LES  BAINS 


Kevue  Archëoloôique  1880 


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vIULUS  DE  KERHUÉ 


Revue  Archéologique   1880 


MONNAIES  DES  DANICHMEND 


AUTEL   GAULOIS   DE  SAINTES 

FACE  ANTÉRIEURE 


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AUTEL  GAULOIS  DE  SAINTES 

FACE  POSTÉRIEURE 


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