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REVUE
àRGHÉOLOGIQUE
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Jaillet à Décambre 1877
XXXIV
PARIS. —IMPRIMERIE PILLET ET DUMOULIN
5^ RDB DBS OBANDfi-ACaUSnilS
^EVUE
ARCHÉOLOGIQUE
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DE DOCUMENTS ET DE MÉMOIRES
RBLATirl
I L'fiTVDK DIS mmJISNTS, A Li NOHISMATUIDI KT A LA PHILOLOfill
DE l'antiquité et DU IIOVEN AGE
PUBLIÉS PIB LES PBIHCIPADX ABCHiOLOSaiS
DE PLANCHES GRAVEES D APRES LES MONUMENTS OHIGINAUI
NOUVELLE SÉRIE
DIZ<HniTlfiHE AHKËB. - TRENTE-QO ATHlbKB TOLDMB
PARIS
AUX BUREAUX DE LA SfrCE kKCEtùhQQ\QJ}E
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N^
C. LUGILII SATURARUM RELIQUI^
EDIDIT LUGIANUS MUELLERUS
Troisième et dernier article (1)
Après ayoir essayé de montrer, par une suite de critiques rangées
systématiquement et appuyées par de courts exemples, que le nouvel
éditeur de Lucilius n'a pas donné ce qu'on attendait de lui, j'en
viens à Texamen et à la discussion de fragments entiers. Cette se-
conde partie sera, je crois, plus intéressante, puisqu'on aura le poète
sous les yeux, et j'espère qu'elle ne sera pas sans profit pour les fu-
turs éditeurs du satirique, car je me propose de donner sur chaque
point des solutions qui me paraissenl définitives. Bien entendu, une
partie seulement de ces solutions m'appartient.
Nonius Marcellns étant, comme je l'ai dit, l'auteur qui a conservé
le plus grand nombre des fragments de Lucilius, je devrai nécessai-
rement lui emprunter le plus souvent mes citations.
1. Charisius (p. 213), expliquant la particule m«, qu'il range
parmi les interjections, rapporté ce vers de Lucilius :
Nec laadare homioeiD qaemquam, neqae mu facere noquam.
I
Le dernier mot est incertain : les manuscrits varient entre iin^uam
etm^am. L'adverbe ungt^am me paratt plus simple, et mieux en
rapport avec la première moitié du vers. C'est le mot donné deux
fois (texte et note) par Dousa, ce que ne dit pas M. Millier, et, au
contraire, ce qu'il dit tend à nous égarer: « Inquam, vêtus codex
«Dousae. » M. Millier, qui est ingénieux pour trouver des pierres d'a-
choppement, s'est gardé de choisir entre les deux mots qui lui étaient
offerts. Il a découvert quelque part la glose in quemquam; et en re-
tranchant la dernière syllabe, il nous a donné cette nouveauté :
• Neqae ma facere iû quem.
(l) Voir les oaméros d'août et de décembre 1876.
XXXIV. — Juillet. i
2 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Qae signifie cela? Quem est-il synonyme de quemquamf Je con-
fesse, pour ma part, ne trouver ici aucun sens. Mais M. Huiler a son
idée ; pourquoi ne pas nous en faire part ? C'est toujours le même
mystère.
Lucilius avait évidemment imité ici Ennius, qui avait dit :
Dicit quod miDîmam est, neque, at aiaot, ma facere aadent (1).
Dousa nous communique cet utile renseignement, par lequel est
confirmée une expression rare, mu facere. Mais M. Mûller, par sys-
tème et par économie, s'abstient de rapprochements semblables.
Il me reste encore à demander qu'on justifie l'emploi d'un régime,
avec m, donné à la locution mu facere. Je paraîtrai sans doute aussi
curieux que M. Millier est discret.
Un vers qui n'offrait pas de difficulté a donc été défigure, de la
manière la plus inattendue, entre les mains du nouvel éditeur.
2. On lit dans Nonius (p. 395, v. Seges) le vers suivant, de Luci-
lius :
Solam auram advenam segetem immutasse statumque.
(( Un vent pernicieux a suffi pour compromettre la moisson.»
Dousa le père, choqué avec raison de la dureté du vers avec le der-
nier mot, a proposé en marge satumque. Croirait-on que cette belle
correction puisse être rejetée par quelqu'un? et qu'elle le soit par
un mélricien, qui approuverait ici l'affreux dactyle du cinquième
pied? La chose a pourtant lieu, et M. Millier aggrave son erreur vo-
lontaire en alléguant un bien singulier motif (p. 219) : a Comme je
a crois que Nonius ne sait ce qu'il dit, je laisse statumque; autre-
(( ment je n'hésiterais pas à admettre satumque^ correction que je
« me contente de mentionner (2). » M. Mûller n'avait garde d'ajou-
ter que cette rectification a été trouvée aussi, ou approuvée, par
Saumaise {Plinianœ ExercitationeSj p. 2S9) : « Segetem immutasse
(( satumque. Maie apud Nonium legilur, statumque, » Avec un pareil
système, la critique n'est plus qu'un vain mot. On vous met la lu-
mière sous les yeux, et vous dites : « Je vois bien cela ; mais dès
(( qu'une chose n'a pas de sens, elle appartient bien à l'auteur qui la
« rapporte, et par suite à l'original. »
Le substantif qui se trouve ici à la fin du vers est bien rare, soit
satum du neutre (le pluriel est fréquent), soit satus de la quatrième
(1) Dans Varron (L. L., VII, 101).
(2) « Nisi nugari crederem Nonium, nôndubitarem in ordinem verborum recipere
a quod Doosa proposait satumque; nanc coœmemorare salis habui. »
G. LUGILII SATURARUII RBLlQUIiG. ô
déclinaison ; il n'a pas été compris des copistes : d'où l'altération.
Quelle conclusion plus légitime? Eh bien, un sens si évident étant
rejeté, quel est celui que propose l'éditeur? Le croirait*on? Il n'en
propose aucun : effeclivement il aurait été bien embarrassé de le
faire ; mais il tient la leçon pour excellente parce qu'elle est absurde.
En vérité, cette manière de raisonner est neuve. Mais pourquoi Lu-
cilius soaffrirait-il de l'ignorance de Nonius? C'est Lucilius que
. Mûller édite.
3. Dans un article d'un chapitre intitulé : De doctorum indagine;
Nonius explique (p. 519) un sens particulier du mot Pauct, u les
honuoaes d'élite, les gens comme il faut », opposé à Jlft»/^i, a la foule,
le vulgaire » . Un vers de Lucilius, qui figure parmi les citations,
offre peu de difiSculté, bien que certains manuscrits aient une faute
d'orthographe^ qui produit une faute de quantité, mâle pour malle;
mais, par sa gravité môme, elle ne crée pas d'embarras. Voici le vers
tel que le donne Mercier :
Non paacia maie ae li ac sapientibus esse probatam.
Le manuscrit de Saint-Victor^ dont il s'est servi, était bien supé-
rieur à ceux qu'avaient eus à leur disposition les précédents éditeurs,
mais bien inférieur aux plus anciens qui sont aujourd'hui connus.
D'après ceux-ci, le mot maie, qw le sens repousse comme la mé-
trique, devient malle. C'est le mot suivant qu'ils ont fort altéré :
l'Harléien donne acriasapientibus ; Gerlach, malle ac sasipierUibus^
leçon qu'il a choisie parmi celles de ses manuscrits ; l'édition prin-
ceps de 1476, malle acsi a sapientibus. Cette grande variété indique
l'hésitation des copistes, et nous voyons ici ce que des philologues
ont appelé dittographie ; les exemples de ce genre de faute sont très-
nombreux.
Ceci considéré, il reste peu de difficulté. Le premier mot du vers,
Non, peut être conservé ; mais beaucoup de savants^ parmi lesquels
il faut déjà compter H. Estienne (i), qu'on a omis de citer, ont con-
jecturé iVam, que je crois préférable.
Nous voici en mesure d'examiner la leçon de M. Mûller:
Non paucis maUe a sapientibos esse probatum.
Avec non^ la phrase ne reconnaîtra pas dans l'honmie dont on
parle la qualité dont l'auteur fait mention, tandis que l'affirmation
donne un sens tout naturel. Je trouve encore à la négation Tincon-
vénient de prêter aune confusion, non pauct pouvant signifier mu/^i.
(1) Fragmenta poetorum veterum Latinorum^ p. 632.
4 REVDE ARCHÉOLOGIQUE.
Mais c'est sur ce qui suit que je dois insister. Ac est la leçon adoptée
par tous les savants. M. MûUer dit que les manuscrits l'ont conduite
donner a plutôt que ae : <( In quibus librariorum secutus Testigia
<( posui a pro eo quod minus concinne vulgo fertur ac. » Et dans
une note finale: iiAc pro a, ut in verbis Yarronis [apudNonium],
il 264,21 :
[Forando tamen] ac morbo stimulatuB eodem. •
La préférence de l'éditeur pour a me parait on ne peut plus mal-
heureuse. N'est-ce pas une faute de goût impardonnable que de vou-
loir annuler, par la suppression d'une lettre, tout l'article du gram-
mairien, et de faire àepauci une plate épithéte àesapientilms^ quand
l'adjectif, t)ar une rare distinction qu'on signale, avait été élevé au
rang de substantif? Comme ces deux mots, paud sapienteSy méri-
taient de figurer dans un chapitre qui a pour titre : f Recherches des
Savants » f II est clair que ac sapientibus est un redoublement d'idée,
qui enchérit sur paucis^ et qui n'a rien d'inconcinnum.
Quant à la construction de probor avec le datif, c'est là une régie
que les écoliers apprennent dans leur rudiment.
4. M. Francken, savant professeur à l'Université de Groningue, a
publié, il y a quelques années, des considérations sur Lucilius, rela-
tives au texte, à l'interprétation, àl!histoire(l}. Parce travail il a bien
mérité de Tauteur, du public, et surtout des futurs éditeurs des frag-
ments. H. Millier^ qui apprécie cet ouvrage, le cite assez souvent,
mais il n*en a pas tiré tout le profit qu'il aurait pu. Je vais en donner
une preuve.
On lit dans Nonius (v. Caries, p. 83) un vers de Lucilius incorrect
en deux endroits, et qui a beaucoup exercé les philologues. Voici la
leçon des anciens manuscrits:
Plauta una est pedibus eàrîoBÎs mensulibano.
Quelques-uns présentent en deux mots mensu libano. Ceux du
xv*" siècle et les anciennes éditions donnent Planta. kniïendePlauda^
Palmerius et Scaliger ont proposé Plauta. A la fin, mensu a été légi-
timement remplacé par mensa^ Va et Vu étant la même lettre dans
l'écriture lombarde. Le dernier mot est la grande difficullé. Scaliger
a conjecturé mensa Liboni; Palmerius^ mensa Libano (mais avec une
faute de quantité, l'a étant bref) ; Turnèbe, mensula vino, où lapre-
mière moitié seulement, mensula, est satisfaisante.
(1) Conjectanea critica ad ÎMcilii libros (I-X, et XI-XXX), années 1869 et 1871.
G. LUCILII SATURARUM RELIQUI>E. 5
De quoi est-il question ? Non pas assurément d'une personne, car
le mot cariosis ne saurait convenir dans ce cas^ et un exemple de
Yarron, qui précède dans Nonius, applique cet adjectif à des lits*
D'ailleurs le grammairien n'a pas traduit caries par senectus^ mais
par vetustas.
Le premier mol est indubitablement Clauda^ car il est impossible
d'appliquer Plauda à une table. D'autre part, les lettres C et P peu-
vent être facilement confondues dans les anciennes majuscules. J'a-
vais trouvé cette ingénieuse épilhëte, avant de l'avoir vue dans le
manuscrit de Guyet, que je n'ai connu que penclant l'impression de
mon Nonius. Je m'empresse de dire que la même conjecture a été
faite par M. Francken^ dont je cite en entier l'heureuse restitution :
Glanda iina est^ pedibus cariosis^ mensa Sabino.
Je n'iiurais pas manqué delà reproduire si ses Conjectanea m'é-
taient parvenus à temps; je m'en suis tenu au [Liboni de Scali-
ger (1).
Mais rien n'était fait aux yeux de M. Mûller. Rejetant toutes les
conjectures antérieures, voici le petit roman qu'il a inventé {Lucil.y
p. 129):
Planta unast, pedibus cariosis, mers Libiteinai (2).
M. UûUer n'explique jamais rien, pas mêmes ses propres conjec-
tures, qui ne sont pas ce qu'il y a de moins obscur. Tâchons donc de
deviner ce logogriphe. D'après un rapprochement qu'il fait avec une
expression de Piaule : oppido Acherunticus (senex), Tarn capularis,
on voit que, selon lui, il est question d'une femme qui avait les
pieds difformes et pourris, vrai gibier de la Mort. Cariosi pedes ! Qui
ne reculerait pas devant cette latinité? Et à la fin du vers, quel rap-
port, si l'on consulte la paléographie, entre mensulibano et mers
libitincti? Treize lettres au lieu de onze, bitinai au lieu de bano I Lais-
sons à l'éditeur le plaisir que lui a sans doute procuré cette trou*
vaille.
Tous les savants qui se sont occupés de ce passage ont cru qu'il
s'agissait d'une table^ aux pieds vermoulus et inégaux. Toute la dif-
(1) Clauda . . . mensa Liboni, est aussi la leçon de Lacbmann, comme on le ?oit
dans ses notes récemment publiées par M. Vablen fBerolini, 187Ô). Lachmapn
n'existait pins lorsque ont pirules Conjectanea de M. Francken.
f2] Archaïque, pour merx lAbttinae,
6 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
ficuUé repose dans le nom du possesseur, pour lequel M. Francken
nous a donné la leçon la plus probable (i).
Il est permis de penser qu'Ovide avait le vers de Lucilius présent
i la mémoire quand il décrivait les modestes apprêts d'un repas faits
par Philémon et Baucis {Met, Ylfl, 661) :
Mens» sed erat pes tertias impar.
Le sed mot clauda dit tout cela. Quant à l'application du mot pes
à une table, elle est fréquente. On lit dans Martial (XII, »29, 14) :
Mensarumqae pedes non timet Hermogenes.
Et l'on se rappellera le passage d'Horace {Sat.y 1, 3, 13) :
Sit mihi mensa tripes I
5. Nonius (p. 528) cite un vers de Lucilius dans lequel il note
l'emploi de la préposition de pour ab. Il est du vingt-sixième livre^
écrit en vers trochaïques.
Solus Jam vim de classe prohibait Valcaniam.
Ce vers est faux : il y manque une syllabe. Ajoutons que ;am con-
vient peu avec le passé proAifrutï. M. Mû lier a édité Solus idem^ mot
qui n'a guère de rapport avec jam (2), proposant encore etiamy qui
est bien meilleur. Il ajoute en note : « Ajax Duebnerns (3). » Cette
conjecture remarquable^ qu'il ne connaît que par M. Francken, n'a
pas obtenu son approbation. Elle avait cependant paru egregia au
savant qu'il consultait.
Je regrette que Diîbner ail donné à croire qu'il en était l'auteur^
quand il la devait à Passerai. C'est ce qu'il reconnaît lui-même dans
son exemplaire de Mercier, que je possède. Il y constate que la cor-
rection Ajax se trouve à la marge de Texemplaire de Tëdition de
Junius ayant appartenu à Passerai. C'est après mûre réflexion que
celui-ci était arrivé à cet heureux résultat (4). Il avait été guidé par
(1) « Agitnr de paapere quodam et simplici Sabine, qni non nisi unam mensam
« habebat vetustate et carie pedum ?acillantem. n (Francken, II, p. 01.)
(2) G*e8t toajoars la fantaisie qui inspire les conjectures de M. MOIler. Introduire
gratuitement un d {idem) ! Ce n*est pas là une lettre qu'on puisse glisser sans pro-
testation de la part de tous ceux qui s'occupent de la critique des textes.
(3) Voici ce que dit Dûboer dans la Revue de philologie, t. II, p. 210 : « Encore
« un vers que ni M. Gorpet, ni Iff. Gerlach ne se sont pas donné la peine de scander ;
« autrement ils auraient fait imprimer :
Solus Ajax vim de classe prohibait Vuleaniam. »
(h) Nous le saTODs par le manuscrit de notre Bibliothèque dans lequel ce sarant
examine divers passages de Nonius.
G. LUGILII SATURARUU RBLIQUIifi. 7
Homère et Ovide. Il avait particulièrement trouvé dans les MétO'
morphoses (liv. Xllf) le développement du vers de Lucilius:
Âgimus, prob Jupiter ! inquit^
Ante rates causam, et mecum confertur Clysses!
At non HectoreÎB dabitavit cedere flammis,
Qaas ego sustinui, ^uas bac a classe fagavi.
Et plus loin :
Nempe ego mille nieo protexi corpore puppes.
Sa conclusion est donc bien légitime : « Quare adducor ut legam :
Solus AJax vim de classe probibuit Vulcaniam. »
Les conjectures de Passerai, inspirées par le meilieu'- sens critique
et une vaste érudition^ sont presque toujours excellentes et empor-
tent l'assentiment. Elles sont malheureusement trop peu nom-
breuses.
6. Tant que M. Mûller ne s*en prend qu'aux grammairiens, on
peut être choqué du peu de mesure qu'il y apporte; mais quand il
se permet de tancer des écrivains célèbres, c'est là, selon moi, une
suffisance qu^on peut appeler outrecuidance. Dans une de ses notes
(p. 2i8), il fait le procès à deux auteurs ; ils sont atteints et convain-
cus de ne pas savoir le latin. Voici Tun de ces exemples :
Vestîmentis frigus atque borrorem ezactorum putat (1).
Voici l'autre :
Di me etsi perdant, tamen esse adjatam eipetunt (2).
iUaintenant voici la note du terrible pédagogue: « On blâme
« comme une sottise cette expression frigus eadgere, pour depellere.
« Cette autre, de Pacuvius, est assez absurde (3). » Au risque* d'en-
courir une semblable correction, je me permettrai de dire, à propos
du vers de Pacuvius, que les dieux, qui soumettent Ilione à de si
rudes épreuves, conservent rintention de la sauver, expetunt, mais
ne veulent pas (volunt) qu'elles cessent immédiatement. Je trouve
donc ce verbe d'une grande justesse.
L'autre critique est encore plus malheureuse. Le sens de eodgere^
(1) Lucil. ap, Non.y p. 290, v. Eœigere,
(2) Paeuu. ap, Non.f p. 104, v. Expetunt,
(3) « Inepte dictum iUud frigus exigere pro eo qùod est depellere yittiperatur.
« Ita etiam subabsarde Pacuvias niona di me etsi perdunt, icnnen esse adjutam ex-
« petunt pro volunt, »
8 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
éloigner, chasser, bannir, remonte aux origines de la langne, comme
l'atteste Texpi ession bislorique poit exados reges. C'est donc la signi-
fication figurée qui a dépla à H« Huiler. Les Latins étaient moins dé-
licats. Yoici plusieurs exemples de exigere pris dans un sens méta-
phorique. Térence, exigere fabulas (faire tomber des pièces de
théâtre, bannir de la scène) ; Plaute, ex, carpore lassitudinem; Ho-
race, otium (bannir la paix);*Oyide, telis senectam ; Valerios Flac-
eus, ferro animas.
Qui aurait cru que ce sens eût besoin d'être justifié?
7. J'ai cité dans mon second article un mot inconnu^ que nous de-
vons à M. Millier, flaccitam ou fladtanij supin du verbe neutre flacceo
(quœ flaceida facta est). Le vers de Lucilius auquel appartient ce
mot (i) est important, et le nouvel éditeur, loin de contribuer à en
corriger le texte, n'a pas même profité d'une notable amélioration
qui lui était offerte. Yoici ce vers d'après les manuscrits :
Conjagem fnfldamqae flatScam familiam impura dornam.
Outre flaticam, des manuscrits, M. Mûller ne change que l'adjec-
tif impura en impuram^ correction nécessaire et admise dans presque
toutes les éditions. Mais il aurait dû nous dire pourquoi il a conservé
conjugem infidamque : une construction si irrégulière est-elle une
licence poétique ? Quant à flaticam^ bien des conjectures ont été
faites; mais il fallait s'arrêter à la dernière, qui offre tous les carac-
tères de la certitude. Il y a trente ans (1847) qae le savant Dubner a
publié la restitution la plus heureuse, paMtcam (2)^ qui satisfait aussi
bien la paléographie que le sens. En reprenant mes notes, j'ai vu
qu'antérieurement j'étais arrivé, après bien des tâtonnements, à la
même conjecture, et qu'elle avait obtenu l'assentiment d'un de nos
premiers paléographes. Mais l'honneur de cette petite trouvaille re-
vient justement à Diibner. Et non-seulement il l'a faite, mais il en a
démontré la valeur en signalant la confusion fréquente du p avec
r/(3). Il a rétabli par le même moyen un antre passage désespéré,
en remplaçant le barbarisme prosferatur (4) par prosperatur. Voici
donc la restitution de Dubner ; elle est presque suffisante :
Conjagem infidamque, pathicam familiam, împuram domam.
(1) Nonius, p. 324^ v. Impurus; M. MOUer, p. 84.
(2) Revue de philologie^ t. II, p. 218.
(3) A cet égard, foyez Pezzl, GrammaUca storico-comparaiiva délia lingua la-
tina, p. 38; Roma, Torino, Firenie, 1872.
(4) Dans Nonias, p. 158, v. Prosferari.
G. LUGILII 3ATURARUM RRLIQUIiE. 9
t
Il blAme Corpet d'avoir supprimé que. Il aurait dû alors justifier
la place de ce mot. Mais il était plus facile de le corriger. De même
que les manuscrits donnent impura domum^ parce que rabréviation
remplaçant Vm s'est perdue, de même elle avait pu disparaître dans
lemotm/ltfam^ ce qui donnait infidaque; d'où l'on tire facilement
infidam aîque, qui donne satisfaction à. la grammaire.
Le vers de Lucilius me paraît définitivement constitué de la ma-
nière suivante :
Gonjagem infidam, atqne patbicam familiam, imparam domum.
Le dernier membre de phrase résume les différents déportements
de la maison.
M. Mûller s'est contenté de infidamque; il a connu et dédaigné
pathieain; je ne répète pas le mot qu'il a forgé : est-ce là une édition
qui marque un progrès ?
8. Je passe à un autre fragment, dont l'interprétation offre quelque
difiBculté; mais Ton peut afiQrmer que M. Millier ne l'a pas compris,
et qu'il a supposé sans motif une lacune, sans réussir à constituer un
vers qui marche bien.
Ce fragment se trouve deux fois dans Nonius Marcellus : au mot
Contenturum (p. 88 M} et au mot Rumpere (p. 382). Je transcris la
première citation : « Contenturum. Lucilius libre XXVII : Tu Luci-
« lium credis contenturum cum me ruperint (i), summa omnia fece-
« rim. » La seconde ne diffère qu'en ce qu'elle porte Contentum.
Les anciennes éditions ne divisent pas les vers, et n'indiquent pas
même par des capitales qu'un nouveau vers commence. Gerlach a
fait de même en i846. Corpet est le premier qui, en 1845, ait indi-
qué un vers» plus une portion de vers. Il a rejeté à la ligne sui-
vante : Summa omnia fecerim^ fragment qui ne peut appartenir qu'à
un Byslëme iambique, comme d'ailleurs le vers précédent. Or il est
bien connu que le vingt-septième livre de Lucilius était écrit en tro-
chàiques^ et que ce poëte n'a pas fait usage du grand iambique. Mais
notre philologue, aussi soigneux que judicieux, a cité une division
faite par M. Schœnbeck, laquelle me parait bien près de la vérité :
Laciliam credis
Tu cont6iitanini, qnmn me raperim, omnia somma feoerim.
11 est à regretter que l'ordre établi par Schœnbeck suppose une
(1) Hadrianus Jaoius a conjecturé rviperim^ réclamé par le sens, avec Tapproba-
tion de François Dooia et de Mercier.
10 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
lacune au premier vers, et reproduise aussi le système iambîque
pour le second, ce qui donne effectivement & ce vers une syllabe de
trop. On remarquera surtout que tu, placé dans l'original en tète de
la phrase, n'est plus que le troisième mot.
Voyons si M. MûUer complétera ramélioration commencée par
Schœnbeck. Voici sa leçon (p. 94) :
Tu Laciliam
Créais contenturum, cam me roperim, summa oquiia
Fecerim ima.
Voilà au moins des vers sur leurs pieds; mais nous verrons que
la constitution du second a coûté cher au critique. Ce fragment avait
déjà beaucoup occupé M. Mûller dans son ouvrage (1) sur la Métri-
que (p. 28): là son commentaire est beaucoup plus explicite, et il
faut le connaître, puisque la note consacrée à l'édition de Lucilius
n'a que cinq lignes.
Au lieu de chercher le sens en approfondissant les données du
texte, M. Mûller part d'une idée préconçue et torture les mots an
besoin, sans ménager le grammairien qui les a interprétés. Au mot
Rumpere (p. 382), où le même exemple est répété, Nonius explique
ce verbe par defatigare (2). Dans son premier ouvrage, M. Mûller ne
conteste pas tout à fait la possibilité de ce sens (3); mais, suivant
lui, ce n'est pas ici le cas. La concession de M. Mûller n'est pas très-
méritoire, car Nonius justifie cette signification par quatre citations,
dans lesquelles on voit les noms de Térence et d'Afranius. Toutefois
il ne l'a pas reproduite dans son commentaire sur Lucilius. Gela
l'aurait gêné pour faire sa charge à fond sur Nonius, ce qui lui pro-
cure toujours une grande satisfaction. « J'ai dit que Nonius était un
« franc imbécile (4), qui a donné au verbe rumpere le sens de fati-
« guer, tandis que c'est plutôt s'élancer (prorumpere). La chose est
a bien évidente, car on ne peut être arrêté que si l'on s'est lancé (5).»
(1) De Re metrica poetarum iatinorum^ etc. (1861).
(2) Les Français ont conservé cette expression ancienne : « Je suis rompu^ je suis
brisé. »
(3) « Sed quod dicit Nonias, poni Rumpere pro defetigando (J*aimerais mieax pro
« Defetigare), id quamqaam largior aliquando potaisse evenire, etc.»
(&) « Insignem stultitiara Nonii, qui rumpendi verbum pro defatigandi positam
« esse dicit h. 1., cum potius sit prorumpere, notayi, etc. n {Lucil., p. 255.) Dans
le premier factum, il y avait : « Nonius unico stupore in hoc peccavit et ia sequen-
tt tibus. » {De Re metr., p. 28.)
(5) « Quod etiam firmatur verbo quod prœcedit, contenturum, Nam quis poterit
a contineri nisi qui impetum fecerit? » {De Re metr., p. 28.)
G. LUGILII SATURARUU RELIQUIiB. 11
Il s'ensuit que le commentateur écarte un sen<^ du verbe Rumpere
que Nonius a justifié par quatre citations, et dont il y a bien d'autres
exemples, pour lui en attribuer un autre qu'on ne trouverait nulle
part.
Tous les critiques supérieurs, lorsqu'ils veulent élucider la signi-
fication d'un mot mal compris, ou qui peut donner lieu à une erreur,
prennent la peine de la justifier par des exemples analogues ; un
seul, quand il est frappant, peut suffire à la démonstration. M. Mill-
ier ne fait rien de pareil : il afiirme (1). Or c'est bien abusivement
qu'il prête à la locution rumpere se la signification de « s'élancer, se
porter en avant d. S'il s'agit d'un objet qui « se fraye un passage,
qui sort avec effort, qui s'élance avec violence», à la bonne heure.
Virgile est là pour nous l'apprendre :
Ant abi sab lacem deosa inter nubila sese
Divers! rampent radii.
Tantos se nabibas imber
Ruperat.
Mais transporter cela aux personnes, à un homme, nous dit-on,
qui concitatus et exctissis frenis (je dirais remissiSy ou immissUi ou
effusis) fertur in adversarium, cela me parait ne pouvoir être auto-
risé par aucun exemple.
Quant à l'addition conjecturale de ima, faite par M. Mûller {summa
omnia Fecerim tma), elle n'a que l'avantage d'atténuer le rejet gro-
tesque, Fecerim. Du reste, je ne la discuterai pas, ne devinant pas
ridée du critique. Je traduirais : « Quand j'aurai mis tout sens des-
«sus dessous, » et peut-être ne serait-il pas content. On serait bien
tenté de dire que celte addition est ridicule, si l'on voulait employer
une fois le langage de M. Mûller. Elle prouve en tout cas l'igno-
rance d'une locution bien connue, summa facere.
Il y a trois siècles que Dousa, avec une érudition égale à son juge-
ment, a confirmé la leçon du poëte par un passage exactement sem-
blable de Cicéron {Attic.^XVy i'S): u Âd me ex Formiano scripsit...
« sese de al tributione omnia summa fecisse. » M. Mûller a-t-il ignoré
cela, ou l'a-t-il dédaigné? J'ose dire que, sur ce point, comme sur
le sens de rumpere se^ le lecteur n'hésitera pas à suivre Tinterpréta-
tion de Nonius et de Dousa.
L'étude attentive du texte me parait conduire à une interprétation
tout opposée à celle que nous donne M. Mûller. J'y trouve la réponse
d'un citoyen malmené par Lucilius, auquel on conseillait de tout
(1) n dit à deax reprises : aperte . . . apparet.
tS RETITK AKnOfJ061<}€C.
fmn :i) pmr se Tnfer. Maïs II sarait qie le satiriqae aTait bec et
•nglesw « Crois-tn doac que Lacilias se tiendra coi [ucmtemimrmm].
« kmiae je me serjî mis ea quatre, et que j'aurai employé tes grands
à rendre compte de la mesnre du Ters, que Schœnbeck a
presqie troorée, en transposant deox nots et en nettant êmmim
mtÊÊÊÊmm an lien Je m^mma Mtitta. Mai>, aio^i que j'en ai fait l'obàer-
Ttfioa^ en dcscen«lant le mol tm an second Ters. il a donné à ce Ters
«M syllabe de trop. Laissons le pronom an rers précédent, et en
lèCe de la phrase : Tu Lmaimm crtdiê. Il n'y a ici ancnne apparence
de troGfaaL:{ne ; Bais, par la simple transposition de denx BOls, oa
bit «B béflâisticfae excellent : Tv crefiis LunBmm. Le fragment doit
se rètabiir ainsi, ei cela sans ancnne Tîolenee :
il Cinl encore dire nn mut de U su^pressioa da pronom snjet de-
vas! llnCnitif : CMlnrtanm, an lien de u cntmlanoi, ce doai
H. Mnller me dit mot. L'ellipse des pronoms des trois personnes, nais
svlMit de celni de la troisième, m'est pas rare en pnésie. Tokâ des
exemples de Tîrgîle :
Il y a ici ellip^^e de nv. Dans les exe-Tipl^s suivants, c^est le pro-
se qni est soos-entendu :
M. Madfigr dans sa célèbre ^rrammaire^ n a pas manqué de consola-
1er ce Eût. il cite, entre antres^ cet exemple (i) de Tite-4JTe (XXI-
12): tt Alcom precibns aliqnid motumm ratas transiit ad Hanniba
(1'^ Ln Latinxfiaieafc ■■■ ammia facerey sbb ra^eclir mmma» Od Lit dans ^i-
Sat^ c 115/ : « Qos 9^0 «*■"-—**» est, oBBia fiurere d» 'luid e nobis reiin>
fi
(2; n ne dfeB <|Be de» pcflHÉmn; faon» désiré qoAL pradai^ ana
I/vpHBDt psot ponitre jim fort quand on ae borne an
; B» Tiin^i— r- ■■■■—■■■* les textes ici ne aoat pan anan aârs : le
a été làBt des fins oana par les copistes apcè» on inSoitifl Ainm une
: « Qoaat id iiimiin Sage diceret »y a&e ane variante très^i
îd aman m mbffi »y qne je mis Ia vérité.
G. LUGILII SATURARUM RBLIQUliG. 13
« lem. » Il fait la remarque délicate que cette ellipse a lieu surtout au
futur de Tinfinitif.
Dans cette longue note je crois n'avoir rien dit de trop, mais j'ai
tâché de prévoir toutes les questions. En se bornant à de simples
assertions, on perpétue le doute, et l'on complique le travail de celui
qui réfute.
9. M. Millier fournit trop souvent la preuve d'une grande précipi-
tation dans son travail. Nous allons voir un désaccord complet entre
son texte et l'objet même de l'article. Il s'agit d'un vers fort mal-
traité par les copistes ; mais la grosse erreur de H. Millier ne leur
est pas imputable. Je transcris les anciens manuscrits de Nonius;
je donne un premier vers dont le second peut dépendre, mais je
ne m'occuperai que du second :
Idne œgri est magis an quod pane et viscère priTO
Qaod ?iscas dederas tu qoidem hoc est viscera largi.
Mercier (p. 184, v. Viscus) indique une lacune après le premier
vers, et ponctue ainsi le second :
Qaod Tiscus dedèras, ta quidem hoc est fiscera largi.
Hadrianns Janius lit ainsi :
Qood TÎscus dederas, tu primam hiBC Tiscera largi.
Et Dousa :
Qaod viscus dederas tamidom, hoc in visoera largi.
L'édition de Gerlach et Roth met une interrogation au commence-
ment: Quod viscus?
L'original avait bien besoin d'être amendé. Voici ce que M. Millier
en a fait (p. 65):
Quod viscus ? dederas tu hillam, hoc est viscera, large.
Substituer hillam à quidem, voilà qui est violent ! Supposer que
large^ le mot du poëte, a été altéré dans tous les manuscrits en faveur
de largi^ c'est supposer tout le contraire de ce qui arrive ordinaire-
ment. Et pour obtenir cet adverbe, l'éditeur donne ici carrière à son
imagination. Il suppose un malade soigné par deux médecins^ dont
l'un prescrit la diète, et l'autre, une bonne platée d'andouilles (1).
Mais une chose pllis frappante encore, c'est l'étourderie avec la-
quelle M. Millier a édité ce fragment. Nonius Ta donné deux fois, la
(1) « Quippe cui (aegroto) dederit, ut puto, hillam largiter. » (P. 236.)
1^ REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
première sous le mot Viscus (p. 18i) ; c'est celui que M. Mûiler a eu
sous les yeux. L'autre foi?, il ne rapporte que le second vers; mais
sous quel mot? Sous le mol Largi (p. 470), impératif pour largire,
archaïsme qui est précisément l'objet de sa remarque, puisqu'il traite
des déponents qui avaient anciennement la forme active f Que devient
alors la pauvre conjecture large ?
Intervenons un instant dans l'appréciation du passage. Un éditeur
n'est pas obligé de résoudre tous les problèmes introduits par la
faute des copistes. Dans le cas présent, par exemple, il doit conser-
ver tu qiUdetn, quand il ne trouve que killam pour le remplacer.
Hais n'y aurait-il pas moyen de justifier les deux mots du texte?
Les règles de la quantité ne souffrent-elles pas quelques exceptions?
C'est contre les règles que les Latins ont abrégé la finale dans egOj
cito^ modo (adverbe) et ses composés quomodo^ poêtmodo; puia
(supposez), etc. Faisons une comparaison plus directe : la première
syllabe n'est-elle pas brève dans l'adverbe siquidem (car), que les
anciens auteurs écrivaient 5t9tti(ton? Il y a plus, on trouve dans
Térencci et encore au siècle d'Auguste, si quidem abrégeant la con-
jonction, même quand chacun des deux mots conserve son sens pro-
pre, a si toutefois ». Ovide a écrit {Fast.^ IV, 603):
Hoc qooqne tentemas, û qaidem jejana remansit.
Fondé sur cet exemple, si ressemblant, j'ai édité avec assurance
de la manière qui suit :
Qaod TÎscas dederat, tu quidem hoc în viscera largi.
C'est un jeu de mots, comme Lucilius s'en permettait fréquemment :
Viscus^ t, glu, et viscus^ etis^ entrailles. On s'adresse à un chasseur à
la pipée : « Ce que la glu t'a procuré, donne-le à ton ventre. »
10. On lit dans le commentaire de M. Mûiler une note assez diver-
tissante sur le vers suivant de Lucilius: '
Goncursans, veluti angarius, clareque qniritans.
(c Quiritare est clamare (dit Nonius, p. 21) : iractum ab iis qui
a Quirites invocant. »
a Yarron, dit la note de M. Mûiler (p. 215), et Nonius qui le copie,
tt battent la campagne quand ils affirment que l'étymologie de
ucemot se rapporte à ceux qui invoquent les Quirîles : il faut
a plutôt en croire les glossaires, qui nous apprennent qu'il dérive
(( du cri des cocbons (1). b
(1) « Nugantur Varro et qui sequitur eum Nonius, cum Tocabulum illnd diciam
(c asseruntab eia qui Quiritium fldem iovocent; rectins in gloaariiB Terris vos
a memorator. **
G. LUGILII SATURARUH RELIQUliE. IS
II est difficile de (rouver le sens d'un mot latin mieux établi que
celui de 9tttri(o et ^mrt^or, crier au secours. Voici Tinterprétation
de Yarron (L. L,, VI, 68), si dédaignée par le critique : « Quiritare
« dicitur is qui Quiritium fidem damans implorât. »
Cicéron nous offre, dans une lettre d'AsiniusPoUion (Famif., X, 32),
un exemple qui est bien conforme à l'interprétation du grammairien :
« Quum quidem pransus... illi misero quiritanti : Civis Romanus
« mm^ responderet : Abi nunc^ populi fidem implora, »
Tite-Live (XXXIX, 8) : « Nulla vox quirilanlium inter stupra et
<( cœdes.exaudiri poterat. »
Pline le jeune {Paneg.^ S9) : a Messes nequicquam quiritantibus
« sociis auferuntur. »
Diomède (p. 377) constate le déponent, qui se irouvait aussi dans
Yarron : « Varro ad Ciceronem : De Fenestella quiritatur. Est autem
« quiritare Quirites ciere (i). »
D'où les substantifs Quiritatio et Quiritatus.
Quiritarey avec le sens que tout le monde lui donne, se rattache
étroitement à une exclamation connue par de nombreux témoigna-
ges : Porro, Quirites !
Sans doute différents cris d'animaux ont quelquefois été appliqués
à l'homme, mais en mauvaise part, souvent par dérision, et non
lorsqu'il s'agit d'un grand péril : ainsi latrare^ allatrarcy oblatrare^
gannire, rudere^ etc. L'humanité, dans ses créations, prend les
choses plus au sérieux^ et les Romains n'ont pas expérimenté sur les
cochons pour trouver une expression aux cris de douleur.
Je ne sais quels glossaires ont donné à M. Mûller l'explication
grossière qu'il nous propose.J'ai consulté le Glossaire de Philoxène,
et j'ai vu : « Quiritans^ em6o(oixevoç, > qui est bien le sens ordinaire.
On dirait la traduction de Nonius : « Quiritare est clamare. » Je lis
encore dans VOnomasticon : « Quirito, oxe^Xia^o. » Je ne nie pas
qu'on trouve ce mot avec le sens mentionné par M. Millier dans
quelques glossaires de Texirême décadence ; mais il parait être un
mot de la langue populaire, que les auteurs latins n'ont jamais écrit.
A la fln du yii'' siècle, saint Aldhelme donnait, dans un petit traité
de grammaire et de métrique, ce singulier verbe (2), que M. Millier
a peut-être puisé là : « Porci grundiunt... vulpes ejulant, verres
<( quiritant. »
(1) Cf. Petroo., c. 21 : « Gapienti loihi invocare Quiritam fidem. » — Vossias. dans
son Etymoiogicon^ a donné un excellent article sur Quiritare. l\ a vu, avant M. Diez,
que quiritare a fourni le mot italien gridare, et le mot français crier.
(S) A. MaiuB, Ciassicorum auciorunif etc., t. V^ p. 570.
M
Il fau ronnpttr qw ee sol a'etf pas le
In laaeîlkevB téwMfUfes. n doil pmdreden r Ci). ^
ee cas M saûi qw les copîsUs n oBettnt Tolootiers «se. Le
^ertt anne je le dis iiovi est fovai par le Caram F Ml wm ti ët
(Tl, 35) :
Il ae scnnrait i rien de chicaner sur l'orthographe. Il esl
UMtàkie qa'sii Bot qui a la première svllahe loofie n'a a«caB rap-
port arec QmiriSa^ qui a la première brère.
Je m'antle. Uèlade sérieuse que j'ai faite de FèditiM de M. Mml-
1er, dans llnteotioo sonoat de contrôler mon èdiiim de Nomns
Marcelliis, m*a foomi beaacoop d'antres sujets de critiqne ; ibûs
sll tant ticher d'éclairer le lecteor, il faut craindre de le btipier.
Un poète en a lait la remarqnet el il ajonle qa on doit laisser anv
antres qnelqne chose a faire :
Il n'est pas possible que M. Huiler ait fait ane publication absolo-
ment dèpoorme de mérite. Il est si yersé dans la lecture des anteors
latins, et particulièrement des poètes, que son saroir a dû profiter
an texte qu'il a donné et à son commentaire. C'est surtout sa coq-
naissance approfondie de la métrique qui lui a fait maintenir oa
trouTcr de bonnes leçons. Il se rend un compte aussi exact des tro-
chalques et des iambiques que des hexamètres : c'est une qualité
précieuse pour épurer le texte de Lucilins. Mais ce que je regrette,
c'est que M. Huiler n'ait jamais rencontré de ces corrections magis-
trales qui emportent l'asâentiment de tons, et dont la décourerte a
fait la gloire des grands siècles de la critique.
Si j'ai donné une telle importance à l'examen de cet ouTrage, c'est
a cause de la haute position que son auteur occope en Allemagne,
où il est le représentant presque unique de l'élude, assez négligée,
de la métrique latine. Son livre de Re metriea semblait assurer la
valeur de son édition de Lucilius. Pour moi, je l'ai dit, je ne voyais
pas tt une garantie du succès. Comme mes prévisions se sont coDfir-
(1) Ccst ahMi qu'il ett écrit psrForcdliiii et Fremid.
G. LUGILII SATORARUM RKLlQUIyE, 17
mées^ j'ai cru me charger d'une tâche utile en montrant les côtés
faibles de ce travail.
J'ai été aussi guidé par des motifs secondaires. J'ai sur le cœur les
injures dont M. Millier accable à chaque instant Nonius Marcellus,
oubliant deux choses capitales, d'abord que cet auteur est un Latin^
et qu'il est non-seulement injuste, mais ridicule de lui imputer les
balourdises qui abondent dans les mauvaises copies qui nous sont
parvenues ; ensuite que, depuis quatre siècles, des fautes innom-
brables ont ëlé corrigées dans ce texte, avec l'applaudissement de
tous les hommes qui réunissent la science et le goût. On ferait un
petit volume fort instructif pour les apprentis philologues, en réu-
nissant l'élite de ces rectifications, dans lesquelles on trouve jusqu'à
du génie. Ce serait un bel hommage rendu à plusieurs générations
de savants.
Et ce n'est pas seulement un ancien que M. Millier traite si cavaliè-
rement : sa critique tranchante, dédaigneuse et môme brutale, rap-
pelle la polémique des philologues du xvi' siècle. J^ suis sûr d'avoir
en Allemagne des approbateurs si je refuse l'indulgence à celui
qui la connaît si peu.
rai dit, en reproduisant le propre témoignage de M. Millier, com-
bien son édition de Lucilius l'avait peu occupé. Dans la rapidité de
sa production effrénée, il a peu de temps pour chaque ouvrage.
Les esprits transcendants ont seuls le privilège de faire vite et de
faire bien. Pour les lecteurs bienveillants qui m'ont suivi dans ce
long examen, ma conclusion est facile à deviner : une édition des
fragments de Lucilius est encore attendue.
L. QUIGHRRAT.
XXXIV.
LES ANCIENNES
BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROME
AU XV SIÈCLE
DOCUMENTS INÉDITS SUR LES TRAVAUX QUI Y ONT ÉTÉ EXÉCUTÉS
DEPUIS MARTIN V JUSQUE SIXTE lY.
Lorsque la papauté revint à Rome après un long et douloureux
exil, la ville éternelle présentait le spectacle le plus affligeant. Le
nouveau pape^ Martin Y (1417-1431), trouva ]es édiQces publics ou
privés dans un état de délabrement difficile à décrire. « Urbem
Romam adeo diruptam et vastam invenit ut nul la civitatis faciès in
ea videretur. CoUabeotes vidisses domos, collapsa templa, desertos
vicos, cenosam et oblitam urbem, laborantem rerum omnium caritate
et inopia (1). » Ce tableau, tracé par Platina, n'a rien d'exagéré. La
bulle du 31 mars 1425, par laquelle Martin V rétablit rofûce des
mcigistri viarum^ nous fait connaître des détails plus navrants encore:
elle nous montre les plus magnifiques monuments de Rome envahis
et dégradés par une populace qui, non contente de les transformer en
boutiques, en bangars, ou en écuries, y laissait s'amonceler les im-
mondices, de manière à compromettre gravement la salubrité pu-
blique (2).
(1) PlatiQft, Vitœ pontificum, in Martino V.
(2) Theiuer^ Codex diplomaticus dominii temporalis S. Sec/if, t. 111» p. 200,
n» 231.
LES ANCIENNES ByySILIQVIS BT ÉGLISES DE ROME. 19
Vû des pretnters soins de Martin V fat de remettre en état les
édifices (tonsaerés au enlte. Il consolida ceux qui chancelaient^ il res-
tafura ou rebâtit cent qui tombaient en rnioeSé yardeur qu'il apporta
dans ce pieux travail de conservation^ de restitution, était extrême.
Gf ftce au concours de riches prélats il put même faire un pas de plus
et s'occuper non-seulement de restaurer* mais encore d'embellir les
principales basiliques de sa capitale (1). C'est ainsi qu'il chargea
deux peintres célèbres, Gentile da Fabriano et Victor Pisanello, d'or-
ner de fresques la nef de Saint-Jean-de-Latran. La liste des édificee
qui furent réparés par ses soins est trop longue pour que nous
songions à la dresser ici.
Les successeurs de Martin V imitèrent son exemple. On peut dire
d'une manière générale qu'à Rome le tv siècle presque tout entier
se passa en travaux de ce genre. Les créations nouvelles furent rela«
tivement rares. Les basiliques élevées après le triomphe du chris-
tianisme étaient si nombreuses, si belles, qu'il valait mieux veiller à
leur entretien que de les remplacer. Le moyen âge les avait res*
pectées, et alors même qu'il y ajouta de nouvelles constructions il
ne s'écarta guère de ces modèles encore tout imbus de l'esprit de
l'antiquité. Le gothique fut impuissant à les détrôner; il ne jeta
jamais de profondes racines à Home, et tandis que le reste de l'Italie
se couvrait de cathédrales voûtées en tiers point, c'est à peine si dans
la tille éternelle on peut citer deux ou trois édifices de ce genre,
l'église de la Minerve, quelques parties du Latran, etc.
La renaissance, du moins à ses débuts, pensa qu'il serait prudent
de ne pas entrer en lutte ouverte avec les créations, encore si gran-
dioses, des premiers siècles de l'Eglise. Oà aurait-elle pris des
colonnes monolithes aussi parfaites que celles de Saint-Paul hors les
murs, de Sainte-Marie Majeure, de Sainte-Sabine, de Saint-Pierre-
ès^LiensI Comment aurait-elle improvisé des plans aussi savants et
aussi hardis que ceux de Sainte-Constance et de Saint-Etienne-1^
Rond? Qu'aurait-elle substitué aux décorations splendides forméesde
mosaïques à fond d'or et de marbres précieux rappoctés de toutes les
parties de l'univers t
(1) a Âd ejas imitationem omnes fere sanctœ Romane Ecclesiad cardinales eoram
tiUloB ruine pêne proximoA repararunt^ et ad mfignuid omatam usque perdaxe-
rant. » Vie de Martin V dans les Script ores deMuratori, t. III^ 2* part., col. S67.—
« Tempore ûicti ttartini Romani cœperunt edificare, et domosdirutasrestaarare, et
ipse papa otanes ecclesiaa parochiales fabricare et reno?are fecit^ et maxiaie eccle-
sfanl daodecim Apostoloram renoTavit, et amplîayit palatium ; ac sanctam Ma*
riim AetnndaMi de noro de plombo cooperiri fecit. » (Ib. col. S58.)
20 REVUE ARCHÊOIOGIQUK.
Les souvenirs religieux qai s'attachaient à loas jces vieux titres
les protégeaient également contre les entreprises des novateurs. Ces
souvenirs étaient si puissants que lorsque Nicolas V annonça son
intentionde reconstruire la basilique du Vatican, il lai fa llut invoquer
comme prétexte le manque de solidité de l'ancien édifice. Les huma-
nistes mêmes, du moins pendant la première période de la renais-
sance, étaient pleins de vénération pour les sanctuaires de la ville
éternelle. Sans remonter ici jusqu'à Pétrarque, dont on connaît les
efforts pour faire reconstruire la bay^ilique du Latran, il suffit de
rappeler l'intérêt qu'un des principaux champions des idées nou-
velles, Flavio Biondo de Forli (Hh 1463)^ portait aux monuments
chrétiens primitifs. Dans sa Roma instaurataj dédiée à Eugène lY,
il en célèbre souvent la magnificence. Un autre humaniste célèbre ,
Maffeo Veggio (*b 1458), consacra tout un volume à la description de
Saint-Pierre. Â Ravenne, cet autre berceau de l'art chrétien, on ob-
serve un phénomène analogue. Dès 1489 Desiderio Spreti y mit au
jour son De amplitudine^ vastatione et imtauratione dvitatis Raven-
nœ; il est impossible d'étudier avec plus d'amour que lui les pro-
ductions de cette décadence encore si belle, les œuvres impérissables
de Galla Placidia, de Théodoric et de Justinien.
Il était nécessaire d'indiquer, ne fût*ce qu'en quelques mots, les
considérations qui ont présidé aux travaux entrepris par les papes
du XV* siècle. Poursuivons maintenant l'étude des restaurations exé-
cutées par les soins de chacun d'entre eux.
En ce qui concerne le successeur de Martin Y, Eugène lY (1431-
1447), les documents dont nous disposons offrent des lacunes trop
grandes pour qu'il soit possible de donner une idée exacte de l'acti-
vité artistique de son pontificat. Ce n'est que pour les années 1437
et 1438 que nous possédons le compte des sommes dépensées par lui
pour Tentretien ou la réparation des anciennes églises romaines. Le
total de ces dépenses s'élève à un chiffre fort respectable : 3,384 du-
cats, 47 sous, 2 deniers.
La pièce suivante contient le résumé de celles des entreprises
de ce pape qui rentrent dans le cadre de notre travail. Je la reproduis
textuellement avec sa vieille orthographe.
MGCGCXXXVII ET MCCGCXXXVLil.
A lo nome de l' onipotento dio e de tufta la so corte celistiale, amen. In
questo quaterno serano scripte tutti li denari per me Demeneco de Fran-
cesco da Peroscia, scriptore de la penitenciaria^ recevuti per parte de lo
sanctissimo în Ghristo padre e signore nostro papa Eugenio IIII espesequi
LES ANGIKNIVES BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROME. 21
in Roma ia riparatione de sancto Pietro e a lo palazo e vigna alias giar-
dino (ou giardinî) in sancto Spirito e sancta Maria Majure, e sancto Jo-
hanni, e ducali cento spesi in sancta Maria di Tristevere, e la quitaoza do
ducati cento spesi a la Minerva, e la quitanza de ducatî cinquanta dati a
sancto Pauolo, ela quitanza de ducati vinti dati a sancto Agustino, e spesa
de ducati XVIII e Karl. VIII fatta in uno paro di candilieri di arjento, la
quale spesa fo facta per 11 maoi di miser Antonio Gastellano di Gastello
sancto Agnilo e per li mani di miser Lorenzo Sancto (?) e lo maslro a farlli
fo Andria di Cola Vechio. Ed. P. 1437-1438.
Suit le relevé des dépenses. Il serait sans intérêt de le transcrire
ici, car le comptable est entré dans les détails les plus minutieux; il
a noté les fournitures de chaux^ de planches, de clous, etc., etc. Je
me contenterai de reproduire plus loin les passages q li contiennent
quelques éclaircissements sur l'histoire des monuments auxquels ils
se rapportent. Je dois faire observer en outre que la lecture de ce
document offre une foule d'incertitudes, surtout en ce qui concerne
les noms propres.
Nicolas V (1^47-1455) est peut-être, avec Sixte V, le seul pape de
la renaissance qui ail procédé dans ses travaux d^architecture
d'après un plan d'ensemble. Ses projets furent même plus gran-
dioses encore que ceux de Thabile Sixte : ils ne tendaient à rien
moins que la transformation de la ville éternelle. Cette unité de
vues nous frappe surtout en ce qui concerne les restaurations entre-
prises dans les anciennes églises ou basiliques de Rome. Le biogra-
phe de ce pape, Giannozzo Manetti^ n'a pas manqué de la signaler et
de la mettre en relief. Je ne saurais mieux faire que de reproduire le
passage dans lequel il passe en revue cette partie de l'œuvre de
Nicolas V :
Gunctas sanctarum stationum œdes carie ac vetustate pœne consumtas
pontifex magnanimus atque admodum plus egregie reparare ac refoimare
decreverat, atque boc ipsum reformaudi et reparandi ofûcium lu pluri-
mis minoiibus sanclse Marise trans Tiberim, et bcalae Praxedis, et sancti
Theodori, ac Petri in Vinculîs nuncupati, pluriumque aliarum hujus-
modi basilicarum (ne omnium particularem mentionem faciamus) rcpa«
Vationibus constructionibusque incboavit. Ad majora deinde conversus in
septem celebratiores et principales, ut ita dixerim, totius Romanœ regio-
nis ecclesias animum adjecit. Johannis eoim Lateranensifa, Marise Majoris,
Stephani Gœlimontani, sanctorum Apostolorum, Pauli ezterioris, et Lau-
rentii extra muros, basilicas partim munivit, pârtim ornavit, partim mi-
rum in modum renovavit (1).
(4) Maraiori, /t. /. S. Ill^ u, col. 030-1.
22 BSVCB ÂKZUiMLOQWSE.
Un registre des arehivesd'Etatde Rome noas a coBsenrë le taUei«
des dépenses faites en 1^53 pour travaux exéculés dans les églîsei.
Nous reproduisons ce document en exprimant le regrelde n^en point
posséder d'analogues pour les antres années du pontificat de Ni-
colas Y.
1453.
Récapitulation des travaux exécutés en dehors du VaHean.
1000 ducati per lo lastricho e incholatnra di sanjU) Stefano (in) Cieli-
moDte(?).
236 d. per le finestre del vetro di detlo luogho.
25 d. per le fluestre del vetro di sauto Eusebio.
445 d. 12 b. per lo lavoro del tetto di sauto Apostolo.
254 d. 10 b. per lo lavoro di sauta Maria Rilouda.
2000 d. per sauto Todaro.
267 d. 68 b. nerachouclme di sauto Gelso. — T. S. 1453.
Absorbé par sa croisade contre les Turcs, Calixte III (lfô.^-1458)
se laissa surtout guider, dans les travaux auxquels il procéda dauy 1^6
basiliques de Rome, par se« affections oo ses souvenirs personnels.
L'église et le palais des Quattro Coronali, par exemple, dont il s'oc-
cupa activement, avaient pour lui un intérêt tout particulier :
Tune avait été son titre cardinalice, l'autre lui avait servi d'habita-
tion avant qu'il devint pape. L'église Saint^Calixte lui rappelait
le prédécesseur dont il adopta le nom. Il en était de même de Téglise
Saint- Sébastien hors les murs : ce sanctuaire s'élève en effet au-
dessus des catacombes de saint Calixte. Sans vouloir exagérer l'im-
portance des restaurations dues au successeur de Nicolas Y, il .eM
cependant permis d'affirmer, ainsi que cela résulte de nos extraits,
qu'elles ne se sont pas bornées à l'église de Sainte-Prisca. Sous ce
rapport il faut rectifier Tasseriion du savant auteur de VEistoire de
Rome au moyen âge (1).
Pie II (1458-1464) s'est relativement peu occupé des églises ro-
maines. La basilique de Saint-Pierre seule fut l'objet de sa soilicitado
constante. On trouvera mentionnées plus loin les différentes restim^
rations, presque toutes secondaires, qui furent exécutées eous «oa
règne.
' (1) Gregorovias, Storia délia città di RomOy VII, p. 752 : « déHe chiese, qoella sofa
di santa Prisca, fa da lui restaurata. » » M. Gregorovius a pris dans i» sens tr»p
Ultéral le témoignage de Platina, d'après lequel CaUzte UI « restituât solnm S.
Prise» in AYentino templum et mœaia urUs diru|kA wc Jére.aolo Jèqnfta ^»
LES ANCIENNES BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROME. 23
Le pontificat de Paul II, au contraire (1464-1471), correspond à
une reprise importante des travaux de ce genre. L'activité de ce
pape s'étend à tous les monuments de la capitale, païens ou chrétiens,
religieux ou civils. Citons surtout, parmi les églises ou basiliques
réparéesou embellies par sessoins, l'AracœliyleLatran, Sainte-Lucie,
Sainte-Marie-Majeure, etc., etc. Nous parlerons dans un travail spé-
cial des changements qu'il opéra dans la basilique de Saint-Marc.
Les documents sur les constructions entreprises par les trois der-
niers papes du xv« siècle, Sixte IV, Innocent Vllf, Alexandre VI,.
sont malheureusement en fort petit nombre dans les archives ro-
maines. Il y aurait de la témérité à vouloir retracer l'histoire de
leurs travaux à l'aide de matériaux aussi fragmentaires.
Qu'il noussuffise de dire, en ce qui concerne Sixte I V^^que par son
édit de 1474 (1) ce pape rendit les services les plus signalés à la
cause de la conservation des anciennes basiliques. On a cru à tort
que cet édit s'appliquait aux monuments païens ; en réalité il vise
exclusivement les éJifices consacrés au culte; plusieurs de ses dis*-
posi lions méritent d'être reproduites. Voici les principales d'entre
elles :
Cum provida sanctorum patrum décréta eos sacrilegos esse dlffiniant,
qui ecclesias et loca sacra altissimo dedicata dévastant, ipsorumque diri-
piuDt ornamenta... decet nos... curare ne perversorum crescente malitia,
eaçdem ecclesiœ et sacra dei templa, prœcipue almae urbis,... suis nuden-
tur ornatibus... Noanulii... de patriarcbalibus et aliis sacratissimis eccle-
siis et basilicis dictœ urbis porphyreticos, marmoreos et alios diversorum
geoerum, colorumque lapides ad ipsarum usum, decorem et ornatum de-
putatos ausu sacrilego abstulerunt, etc., etc.
Les matériaux qui servent de base à notre étude proviennent,
comme ceux qui concernaient Tétàt des monuments antiques de
Rome au xv*" siècle (2), des archives fondées au couvent du Campo
Marzo par le gouvernement italien. Ils' sont empruntés à trois séries
de registres : les mandats de la chambre apostolique, la trésorerie
secrète des papes, les comptes des édifices publics. Pour plus de
brièveté chaque série sera désignée par les lettres suivantes : M.,
T. S.^ E. P. Quelquefois aussi les registres de la Depositeria, con-
sacrés aux dépenses faites par les banquiers pour le compte de la cour
de Rome, ont fourni des indications utiles.
(1) Statuta aimœ urine Romœ (éd. de 1580), appendice, f 6.
(3) Voir la Rtvue archéologique du mois de septembre 1875.
yr,Q^ arucisi {Tf^npé jotnar ie cha-pu? è^ise les ■fanmratf <^ «^
npç#Mrt«»t. Oiaat a œi éfiis» mi^m». eU« «ai tep«é« par ardre
aip-iîbéti ne. Il n'a été fait 'fexc?:ti«ia rie jwar la !»n::.|iie d«
Vat*caa ^t pocr ^teue de Sai-t-Mar: : ie> pièces qzi tet canc«rn€iit
éttiit fort nor.hren.iftf. ii a pin ;r4f4niîe de l« paiaer â part et
♦J'<m faire i'OG;et l'aa aeconl artii!le.
Il r^te a liire tt:> mot des moaaaies iii»>ntio!iri«s «iaas ces dilTe—
rentft extriiU. Les rom^ubî^a .liàtiofoeal eatre le* fL^rins œ dacats
de ia criambre ap0f<i'6ii|ae ^4? rfimer*!' et les llorias oa dacats dm
pape /fNi^^ftft,. Les fkrios le snbdiTiâ^nt à leur tour c« bokwais
'i êh f màm f^ ti ceujrd en denier?.
Ia iiocoment snîrant me paraît difoe d'are rapporté parce qa'il
noas (ait rono^ltre ia part qae le p!is célèbre des scalptears ro-
mains de répfH{ae, maître Faal (Ij, a eoe à i'eiét:ation de l'aotel
de Saînie-Agnès (bon les mars?, et da maosolée da cardinal Louis
Scarampo dît Xezzarota, à San Lorenzo in Damaso. Ce prélat cé-
lèbre était mort en 1465, et le nonTeia pape, son ancien rirai ,
Paol If, avait donné l'ordre de lai faire des fanéraîUes magnifiques.
Mais pendant la nuit des ma.faîtears s'inirodoisirent dans Fè; lise
et riolérent la sépnltnre, en dépoaillant le cadarre de son anneau
et de ses Tètements. Le mansolée éleTé par maître Paul fat sans
doute postérieur â cet attentat, car le payement ne date qne de f 467.
Ce monument même ne devait pas être définitif; Ciacconio nous
apprend en effet qae « bajns tamnlas dia plane negtectns mansît,
sed tandem Henrici Honis liberalilate e marmore... reparator (2). »
Le nonreau mausolée, éleré en 1505, existe encore.
Wn» 5 DOT* magistro Paalo de Lrbe marmorario fl. aori d. c. coDlom in
hancmodum, ^idelicet qaioqaagiota pro parte solutioDîssepulcri manno-
rarei (#i>) perenm facli pro bonamemoria demi ai L. tilali sancti Laorentii
carlioalis et fanctœ RomanaB EcclesiaB camerarii et reliquos quinqaa-
giota siroiles florenof pro parte sololioniâ altaris per enm facti îa ecclesia
faactae Agnetit. Ed. P. 14e7-1471, f*tf.— Au f^ 16 da même registre, il est
question de mag* Panlos M ariani de urbe marmorarius.
(1) Voir VataH, IV, p. 431, et Grpgaroriiis, Storia dtlln nità di Homa^ Vil,
p. 778.
(7) Vtiœ.,, ponti/lcum^éâ. de 1S7S, t. II, eoL Ml.
LR8 ANCIENNES BASILIQUES ET EGLISES DE ROME. 25
Saints^ Apôtres.
6. Manetti, comme od Ta vu, parle en termes fort vagues des tra-
vaux que Nicolas V fit exécuter dans la basilique des Saints-Âpôtres.
L'extrait publié ci-dessous n'est pas plus explicite, mais il nous
fournit du moins une date. C'est cette considération qui nous a dé-
terminé à le publier ici.
1453. 21 décembre. Aspexe fatta nela chiesa di santo Apostolo... duc.
445, bol. 12 dicamera. — T. S. 1453.
Saint' Calixte.
Cette église, comme la plupart de celles dont nous nous occupons,
est un titre cardinalice. Le Liber pontificalis déjà en parle, dans la
vie de Grégoire III (740). Les travaux, assez importants, qui y furent
exécutés par ordre de Calixte III paraissent avoir jusqu'ici passé
inaperçus. J'en ai vainement cherché quelque mention dans nos
guides habituels (1).
1457. 8 juin. R. p. d. Èosmse de Monteserrato, s. d. d. dat&rio, sive
Jo. Sancii ejus familiari, pro eo récipient!, flor. auri de caméra ducentos
exponendos per eum in ccclesia sancti Callsti, quam d. n. mandat hedlfi-
cari.M. 1457-8,(^27.
San Celso.
Infessura déjà enregistre les changements effectués sous Nicolas V
autour de San Celso : n fece la piazza di San Celso cou giltar moite
case a terra (2). » Mais il ne parle pas de ceux dont l'église même fut
l'objet, et son silence a été imité par les auteurs modernes (3). Les
extraits transcrits ci-dessous viennent combler cette lacune.
1453, 25 juin. A maestro Francesco da Bologaa m» di legniame... du-
cati 10 papa conti allui e quali sono per opère date a lavoro del teto che
(1) Panciroli, / Te$ori nascosti neW aima città di Roma, éd. de 1600, p. S53-255.
« MartinelU, Roma ex etknica sacra* R. 1653, p. 86. — Nibby, Roma nelf anno
1838, etc.
(3) Loc cit.
(3) MartinelU, Roma ex eihnica sacra, 89. — Venutl, accurata e succinta descri"
zione,., di Roma modemay p. 175. — Nibby, Roma nelf anno 1888. —Mai, Spici-
legium romanum^ t. IX : Ecclesiaram urbanarum... magnas eatalogns — * Beschr,
der Sfadt Rom, t. III, 3« partie, p. 308-6.
26 RB^UE ÀRGHÊOLOOIQUE.
si doveva fare a la fa'ciata dioanzi di santo Celso, il quâle dapoi non si fini,
e il dettolavoro fatto veoDe a palazo d*achordo chollui. T. S. U^3, f« 443,
^ 161. — li septembre. A maestro Jacbomo di aaestro Maso e li conp.
maestri di muro... ducati 231, bol. 18 di caméra... cbe ducati 88 d. c.
SODO per paxi 34 di selicie a faite inlorno a santo Gelso e duc. 20 per in-
cholaturaet bianchatura la faccia dioanzi di santo Gelso, e duc 143, bol.
18 sono per lo muro a fatto a 3 butteghe faite nel chiostro di santo Gelso,
lequali N. S. adonato a la delta chiesa d'achordo per tutlo. Ib., f° 156.
— 29 octobre. Duc. 18 di papa conti a maestro Francesco da Bologna per
sue manifatture del tetto a fatto aie 3 buttighe fatte nel... (un mot illisi-
ble) de la mazina a lato a santo Gelso per la detta chiesa d'acordo. Ib.
Sainte-Constance.
Tous les visiteurs du musée du Vatican ont admiré, dans la salle
de la Croix grecque, le beau sarcophage de porphyre qui provient
du mausolée de Sainte-Constance, sur la via Nomentana, et dont
les bas-reliefs représentent des amours vendangeurs. Cet insigne
monument de la sculpture du iv* siècle a aussi été à Tenvi repro-
duit par la gravure. On connaît moins les vicissitudes par lesquelles
il a passé avant de trouver un asile définitif dans le musée Pio
Clementino.
D'après un antiquaire romain du xvi' siècle, André Fulvius, le
pape Paul II aurait donné Tordre de transporter ce sarcophage dan;^
la basilique de Saint-Pierre pour en faire sa sépulture, mais la mor t
l'aurait empêché de mettre son projet à exécution (i). La version de
Fulvius a été successivement adoptée par Lucius Faunus (2), Vis-
conti (3), et par les auteurs de la description allemande de la ville
de Rome (4).
Les documents conservés dans les archives romaines viennent
complètement détruire Tassertion de Fulvius. Us nous montrent :
l"" que Paul II destinait le sarcophage à l'ornementation de la place
(1) o n quai sepolchro Paolo Veneto secondo, comando cbe fasse portato net Vati-
cano, ove egli voleva essere sepolto : ma per dlvina providenza egli mori in quai
meso et il sepolchro essendo già à mezo il camino, fu ri portato io dietro, et riposte
nel laogo ove era prima. » VAnlichità di Roma^ Venise^ 1588, fol. 10. L'édition origi-
nale, en latin, est de 1527.
(2} • Idem (sepulcrum) in Vaticanam traduci Paulus pont. II, nt eo cooderetur,
impera?it, sed illi^ interea morienti^ parato sepulcro frui non licuit. » De AfUiquita-
tibuëwbù Romœ^ éd. de 15(iO> f" 12.
(8) Muêeo Pio-ClementinOj VII, p. 19.
ih) Besckreibung der Stadt Rom, II, ii^ p. 28A.
LES ANCIENNES BiSILIQUCS ET EGLISES DE ROME. ' 27
de Saint-Marc; S^'qa'il réalisa ce projet longtemps avant sa mort.
Le témoignage d'un contemporain, Paolo dello Maslro, confirme
et complète les renseignements fournis par nos registres. Cet au-
teur nous apprend même la date exacte de Tinstallalion du sarco-
phage sur la place de Saint-Marc : 14 août 1467. Nous reproduisons
plus loin son récit. Ainsi que nous le prouve le dernier en date de
nos documents, Sixte IV restitua le sarcophage au sanctuaire auquel
il avait primitivement appartenu. C'était là comme un prélude à. la
buUe de 1474, par laquelle ce pape défendit de distraire des édifices
religieux les ornements qui en faisaient partie. Le sarcophage d^
Sainte-Constance resta dans le mausolée de la via Nomentana jusr
qu'en 1788, époque à laquelle Pie YI l'incorpora au musée qu'il
venait de fonder.
•
i467. A di 14 d' Agosto di detto anuo venae nella Piazza di san Marco
queir arca di profido roscio, cb' era sepoltura di sauta Gonslanza, e stava
in santa Agneie nei loco che si chiama sauta Gonstaoza, e fécela ventre papa
Paoio 2«. Diario de P. dello Mastro, dans le BuonarroUi 1875, p. 144. —
17 «api. MagisIroGalasso, Aotonii Galassi deBononia, carpentarîo, (lorenum
auri de caméra unum et bou. XLIIII pro salario et mercede noveoi opéra-
rum manualjum exbibitarum in conducendo copertam portiream sepoUurœ
conductœ de saocta Agnese (1) ad dictum palatiiim [S. Marci] ad ratjoneiu
XI bon. pro opéra et pro valore certœ quanti tatis clavorum et lardi por-
cini oportuni pro conducendo dictam copertam. Ed. pub. 1467, A^ f* iî.
— 25 nov. Magistro Galasso Antonii de Bononia et Petro Paulo Marone
ejus socio, seu eorum slteri pro se et aliis recipienti, florenos auri de ca-
méra triginta sex pro satisfactione plurium expensarum per eos Tactarum
m conducendo sepuUuram porfiream de ecdesia sanclœ Agnesœ extra
muros urbis ad paiacium apostolicum aput (Hc) sanctum Marcum. E. P.
1467-71, fo7 v«.
1468. 23 février. Marcho Mathei de Pesauro muratori et ejos in hac
parte sociis florenos auri de caméra quatuor et bo. 32 pro eorum salarie
23 operarum per eos exhibitarum icraptando, muraudo et resarciendo
looam fn quadam capella sanctœ Agnetis extra muros urbis, unde fuit
aMata sepultura porflrea, de mandate s^^ à, n. papœ a die VUI usque in
diem XVIII Augusti proxime prœleriti inclusive, in diversis preciis.
E. P. 1467-71, M 9. .
1471. 3 nov. Magistro Paulo de Gampagnano carpentario florenos de
caméra quinquaginta pro ejus mercede et expensis per eum faciendis în
réconducendo sepulcrum (ou sepuUuram) sanctœ Gonstantiœ a saaclo
Marco ad sanctani Agneteni et reponendo ipsam (sic) in suo antiquo loco.
M. 1471-1473, f» 39.
(1) Le mausolée de Sainte- CoastaoQe est situé à c6Cé de régUse Saiote-Agaës.
^ REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Saint-Étienne-le-Rond.
Une inscription rapportée parPompeo Ugonio (i) nous a conservé
le souvenir des restaurations faites à cette église son^^ le pontificat
de Nicolas V. Cette inscription est ainsi conçue : Ecciesiam hanc
prothomartyrisStephani diu ante collapsam Nicolaus Vpontifex maxi -
mus de integro restauravU, anno 1453.
A en juger par un passage de Biomlo da Forli, qui composa sous
Eugène IV son célèbre livre de Roma instaurata, c'était surtout la
toiture qui avait besoin d'être réparée : « Ecclesia sancti Stephani
rotunda, de ipso monte Cœlio cognomen habens, quam tecto nunc
carentem, marmoreis columnis et crustatis varii coloris marmore
parietibus musivoque opère inter primas urbis ecclesias ornatis-
simam fuisse judicamus, eaque in Fauni œde prius fundat^ fuit (2). »*
Infessura généralise davantage : « (Nicolas V) fece coprire et
acconciare la chiesa di santo Stephano Rotonde et il luogo de' Frati e
dottoli (3). n 11 en est de môme d'Albertini : « Ecclesia S. Stephani
in Celio monte et alia ecclesia sancti Theodoli martyris apud pala-
tium majus a Nicholao papa V. inslaurata (4).»
D'après Pompeo Ugonio, Nicolas V a fait rétrécir cet édifice, de
forme circulaire, en supprimant la rangée de colonnes la plus éloi-
gnée du centre, ou plutôt en murant les entrecolonnemenis (5). Ce
pape pourvut en outre l'église d'un nouveau portique.
Quoi qu'il en soit, voici en quels termes les registres de la trésorerie
secrète de Nicolas V rapportent les payements faits à l'artiste chargé
de restaurer Saint-Étienne-le-Rond, Bernard Rossellino, le célèbre
architecte florentin (6) :
i453. 14 mars. Maestro Bernardo di Matteo da Firenze, abiiante a Roma,
ducali 700 di caméra... havuti... in V parlite, da di 14 di novembre 1452
a questo présente di...6 quali ducati 700 nostro signore a fatli dare al
detto maestro Bernardo par parte de lavoro fa a eanlo Stefano Ritondo.
— 23 avril, 100 florins pour le même motif. — 31 juin. 200 fl. per reste e
(1) Uistoria délie stationi di Roma, R. 1588, f* 290 V.
(2) De Roma instawata, liv. I, c. Lxix.
(3) Muratori, R, L S., t. III, 2« partie, col. 1132.
(û) Opuscu/um de mirabilibus nove et veteris urbis Rome^ tJd. de 1515, f" 82 v°.
(5) Op. /(/ucf., fo 200 vo. ^oit 9,\x%s\\dkBesehreibung der Stadt Rom, t. ill, 3«
partie, p. 407.
(6) Ainsi 86 trouve coDflrmée l'assertioo de Vasari, révoquée en doute par plusieurs
auteurs modernes. Voir Tédition florentine des Vite^ XI, 55 et 322, et rarticie. que
nous avoâs publié dans la Chronique des arts^ 1877, u*"* 18 et 21.
LES ANCIENNES BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROHE. 29
saldo d'achordo co Nostro Signore de lavoro che il detto maestro Bemardo
a fatto a santo Stefano Ritoodo. — Total 1000 florins. T. S. i453^ f^ 105.
4453. Am» Bemardo di Matteo da Fireoze maestro di muro... ducati
mille di caméra .. sono per lo palmentato di saoto Stefano Ritondo, e per
entonichatura d'esso, per li altari di marmo e porte di marmo e finestre
di marmo a fatte in detla chiesa a tutte sue spexe d*ogni e ciaschuna
cbosa; choxi è rimasto d'achordo cho N. S. T. S. 4453, ^ 143 (1).
Une belle yerrière due à maître Jean, 01s d'André, à mattre
Charles et à plusieurs autres artistes habiles, complétait la décora-
tion de l'édifice. Peut-être les quelques fragments de vitraux peints
que Ton aperçoit encore dans les fenêtres de la coupole proviennent-
ils de l'ouvrage exécuté sous Nicolas V.
1453. 6 mars. Maestro Giovanni d*Andrea e cbonpagni, maestri di fe-
nestre di vetro... 40 ducati di caméra... per parte dele finestre fa a santo
Stefano Ritondo... — 10 juillet. 36 duc. d. c. a Gbarlo suo conpagno per
ressto e saldo d'achordo de lavorodi santo Stefano Ritondo... — Même date :
A maestro Giovanni d'Andréa e li conpagni (ou : e il conpagno) dipinlore
di finestre di vetro... ducati 236 di caméra... per 8 finestre grandi e 2
ochi grande e 1^ (7) finestra picola e 36 ochi picoli a fatii a santo Stefano
Ritondo a fighure e a ochi. T. S. 1453, fo 104, 143, etc.
1454. 27 avril. A maestro Dominico da Montelupo fabro... duc. 28 bol.
51 d. c. per libre 827 di fero lavorato dato a santo Stefano Ritondo, cioe
4 finestre e una catena per ta volta e arpioni e grapi, per tutto d'achordo.
T. S. 1454, f« 81 v°.
1463. 16 sept. Ducati ciento.... a fraie Yalentino penitentlere di N. S. in
santo Pietro per la frabicha (sic) di santo Stefano in Cielimonte del quale
lui n'e pradrone [sic). T. S. 1462-64 f» 98 v«.
Saint-Eusèbe.
Les travaux entrepris sous le pontificat de Nicolas V dans Téglise
Saint-Eusèbe paraissent avoir été ignorés jusqu'ici. L'édifice ayant
été reconstruit en 1750, il serait sans doute difficile de trouver
quelque trace de la restauration du xv"" siècle et notamment de la
verrière exécutée par un des plus habiles artistes du temps, mattre
Giovanni d'Andréa, de Florence. L'ancienne façade seule nous est
encore connue, grâce aux gravures publiées dans les mirabilia
illustrés si nombreux à l'époque de la renaissance (2).
(1) Cette mention fait double emploi avec la précédente ; noos la reproduisons parce
qu'elle est plus explicite et qu'elle nous donne des détails plus préds sur les tra-
vaux exécutés par Rossellino.
(2) Le Cose maravigliose delValma città di Aoma, Venise, 1588,f>» 56 v*. Le même
bois se retrouve dans la Borna oniica e moderna^ de Franzioi, Rome, 1668, p. 308.
^^ REVUE ARGHÉOLOCnOVE.
1447» & sept. ...aorini icO d. c, bol. 37 di Roma paglutino par mâidatA
a mesaer Antonello d'ÂlbUno d« Româ per ripartrfîone délia ehlesa di
santo Easepio, per ipese in murare e coociare. — IVpoallefI*, i441*S,
f* 7 v«»
1453. 20 déc. A maestro Giovanni d'Andréa da Pirenae... docali Î5 *.
c. Gonti a lui per resto di dncali 36 che montoro VIIII flnestre di t«l» ^
ochi faite nela chiesa e a rlfettor îo di santo Enseblo c dncali X ebe *•
N. S. — T. S. 1453, M 56.
Saint-Jean-de-Latran.
Aprèfi la monographie si complète qne M. 6. Rohanh dé Fleury
vient de consacrer an Latran (1), on ne saurait guère s'attendre à
trouver des renseignements nouveaux modifiant d'une manière sen-
sible l'histoire de ce monument, telle qu'elle se présente à non»
dans l'ouvrage du savant architecte. Les documents réunis cî-dessous
tf ont d'autre avantage que celui d'être inédits (sauf les deux premiert
d'entre eux) et de préciser quelques points jusquMci obscurs ou dou-
teux. Ils nous font successivement passer en revue les travaux exé-
cutés au compte de la chambre apostolique sous Martin V et ses
successeurs. Le premier en date de ces papes parait surtout s'être
occupé de la décoration de la vénérable basilique; il chargea deoK
peintres célèbres, Gentile da Fabriano et Vittore Pisanello, du soin
de restaurer ou de remplacer les anciennes peintures (2). Il fit ^ga-*
lement refaire le pavé mosaïque. Ajoutons cependant que d'après
M. Rohault de Fieury les colonnes qui y sont figurées (Martin T
était un Colonna) remontent à une époque bien antérieure (3). Nous
ne saurions mieux faire, avant de reproduire les documents em-
pruntés aux archives romaines, que de rapporter au sujet de ces déco-
rations le témoignage de deux historiens romains du xv* siècle.
Toici comment ils s'expriment :
Pavimentum... navis mediae Lateranensis ecclesiae sumtuose Talde fecit
coDStrui lapidibusporphyreticiset serpentinis. Eamdemetiamnavim de noTO
pretiosis figuris et miraarte fabrica(is,in parte pingi procuravit ; sed morte
prœventus complere opus non potuit (4). — Testudinem ligneam eideiii
templo superinduxit, picluramque Geotilis pictoris egregii incohavit (5).
(t) Le Latran au moyen dge, Paris, 1877, 1 yoI. de texte etl ?ol. de planches.
(2) La Besehreilntng der Stadt Rom, III, i^ p. 515, parie de la codpération de
Masaccio, mais rien daoa nos docninents ne coDflrme cette usertion.
(3) Le Latran, p. 238.
(4) Muratori, R, 1. S., III, u, col. 867.
(5) Platioa, in vit a Martini V,
LES ANCIENNES BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROME. «U
1426. 17 sept. Presbitero Antonio Johannis dicto Quartaferia, anteposito
super pavimentis et pictorîs ecclesiœ sancii Johannis Lateranensis, flore-
nos Tiginti quinqoe au ri de caméra in deductionem expensarum per eum
fiendarum in pavimentis et picturis prsediclis. M. U26-30, f<* i! r> (1).
1427. 28 févr. Magistro Gentili de Fabriano egregîo pictori pi'o salario
Buo nnius mensis incepti die yigesimo octavomensis Januarii proiime priB-
teriti et fioiti die ultimo prsesentis mensis Februarii ûot. auri de catneiii
▼iginti quinque. M. 1426-1430, (^25. — Payements analogues jusqu'au mois
d'août de la môme année (2).
— 4 septembre. ...venerabili viro domino Antonio, dicto alias Quarta-
feria^... pro expensis per ipsum factis et fiendis pro reparacione circa pic-
turas ecclesisB lateranensis fl. quinquaginta. M. 4426-30, î^» 51 y**.
1431. 27 noY. Provido viro magistro Pisano pictori in ecclesia latera-
nensi flor. auri de caméra quinquaginta in deductionem sul saiarii et
mercedis ratione picturœ dictse ecclesîae. En marge : pro Pisanéllo.
M. 1430-1434, ^ 33.
Queste sono le spese facte in sancto Johanni a retrattare la nave majnre^
8 refare lo portichale nello anno 1437, a di primo di jugno ci fo comin-
ciato... (fournilures de tuiles, de bois, etc.) total 206 duc. 36 bol. 8 den.
— 17 oct. (1437). Per pignitura di lo bordone (?) pagay Pietro di Juvenàle
duc. — bol. XXX.
Queste sono le spese de le carrate (charrettes portant le bois, la
chauX| etc.) fatte per la nave de le riliquie di sancto Johanni nelo anno
1437 e le spese fatte in ipsa nave V anno 1438... (fouruiiures de chaux, de
pouzzolane, de ferraille, etc.) total 307 duc. 37 bol. 6 den. Ed. P. 1437-8.
Uneste sono le spese facte nella tribuna di sancto Johanni incominciate
nelo anno 1437, finite nello anno 1439... (rournitures de tuiles, de tra-
vertins tirés du Golisée, de bois, de chaux, etc.) total 211 duc. 18 bol.
14 den.
Queste sono le spese facte nella cappella di lo palazo di sancto Johanni,
cominciata nello anno 1437, e finita nello anno I43S... (fournitures de
chaux, de pouzzolane, de tuiles, etc.) Total 211 duc. 17 bol. 5 den.
1447. 21 avril. A frate Jachomoda Ghaeta... fiorlui 210 di caméra... per
paghare maestri e altre opère de la fabricha a nele mani di san Giovanni
a Laterano. T. S. 1447, T» 35 v<>. — 6 mai. Au môme, fiorini 500 di ca-
méra... per le opare di Santo Santorum. Ib., f^ 36.
1455. 18 mai. Magistris et manualibus qui laborarunt tam in palacio
quam in sancto Petro, quam in sancto Johanne Lateranensi et alibi a die
obitus felicis recordationis d. Nicoiai quinti usque ad prœsenlem diem...
474 ducats. T. S. 1455-6, f« 25.
(l}Ge document a été publié dann VArchivio storico italiano^ 1866, t. III, p. 10&,
d'après les registres des archives secrètes du Vatican. Nous le reproduisoos d'après
les registres des archives d*Etat.
(2) Même observation que pour le document précédent.
32 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Uo7. 3 mars. Venerabili viro domioo Gosmœ de HoDteserrato ipsius
domiDi noBlri datario ducentos floreDosauri de caméra ad exponeoduin
in Tabrica sancti Johannis Laferanensis. M. U56-8, f» 2 y«.
U58. li septembre, provido viro magistro Salvato de Tocco civi romane
et carpentario f\, auri de camena trecentos quadragintaprooperis^magis'
tris et assibuB Jignaminibus,clavi8, ferramentiset aliis quibuscumque et
tam in ecclesia quam in palatio Lateranensi et illius circonstantiis ubique
occasione festi coronationis ejasdem sanctissimi domini nostripapsenuper
ordinatl factis et fabricatis in honorem festi prœdicti. M. 1458-60, f» 7 \«.
1464. 15 mars. Antonio Paciuri... ducati quaranta d. c. ...per parte de
legname fa per la fabrica di S. Janni. Ed. pub. 1460-4, f» 119 v». — Id.
per lavoro facto a sue spese in gionte (7) XVII ne! teclo di S. Janni neia
magior nave e duc. 7 per costo e lavoro di cavaliatura... in esso tecto.
(Ib. fol; 120.)
— 30nov. fl. auri de cam. decem... magistro Dominico fabro ligna-
minis, pro manifactura plurium laboreriorum per eum faclorum apud
sanctum Johannem Lateranensem dum sanclissimus dominus noster papa
ibidem fuit. M. 1464-66, f» 31 v«.
1466. 17 avril. Magistris Guid'oni de Foro Sinfronis [Sempronii] et Hen-
rico de Alamania fabris lignaminis recipientibus pro se et nonnullis aliis
magistris et manualibus, seu magistro Dominico de Florentia, etiam fabro
lignaminis in palatio apostolico pro eis recipienti fl. auri de cam. triginta
quinque et bon... pro eorum salario et mercede operarum per eum data-
rum apud sanctum Johannem Lateranensem et sanctum Marcum usqne
in diem XV prœsentis mensis Aprilis. M. 1464-66, f*" 179.
1468. 22 avril. Venerabilibus reiigiosis priori et fratrlbus sancti Johannis
Lateranensis fl. auri de cam. quinquaginta, quos's"^^' d. n. eis dari mau«
davit pro actandis, seu resarcieodis organis ecclesiœ sancti Johannis Late-
ranensis prœdicti. M. 1468-9, f» 22 v^
1469. 14 juin. Magistro Henrico de Theotonia (?) clavigero [clavicario] fl.
auri de cam. quinque et bon. XV pro valoretrium serarum et octo ciaviura
ab eo emptarum et habitarum, unius videiicet pro serandis capitibus apo-
stolorum in ecclesia Lateranensi, eum duabus clavibus serœ pro seranda
Veronica in ecclesia principis apostolorum eum totidem clavibus et alte-
rius pro iumaca palatii apostolici eum quatuor clavibus. M. 1469-70,
f° 51 v*».
1469. 12 juillet. Domino Jo. Gafaro de Urbe bon. LVl provaloreseptem
clavium factarum pro ciborio... (un mot illisible) ecclesis Lateranensis,
ubi sunt reconditœ certœ rcliquiœ. M. 1469-70, f» 96 v».
1471. (s. d.) de havere m<» Francesco per lo soprapiû de lavoro fatto a
sanlQ Janni duc. 50. M. 1471-7, f» 70, v».
S. Laurent in Pesce.
Les descriptions de Rome sont fort sobres de détails sur l'histoire
LES ANCIENNES BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROME. 33
de cette église, et Von serait embarrassé de trouver des données
propres à compléter les renseignements contenus dans les deux
extraits suivants. A en juger par la profession de l'artisan auquel
les payements sont faits, la restauration devait surtout comprendre
des travaux de charpenterie.
1470. i5 Dov. Magistro Antonisio [Gasparis] de Camerino fabroligoami-
nis et sociis florenos auri de caméra quinquaginta pro parte solutionis
eorum ratiooe reparatiouis per eos factse et facieodœ io... ecclesia sancti
Laurentii [in Piscibus]. Ed. P. 1407-7i, f° 149.
147i; 15 janv. 50 fl. pour le môme motif. — 4 février. Duc. 50 d. c. per
sua santita a m« Antonigi da Cbameriuo e choopagni, maestro di legname
per... parte del teto di sauto Lorenzo de Pesci in borgho di saoto Pietro.
E. P. 1471, A, fo 80.
Sainte-Lucie.
L'église à laquelle se rapportent les deux mandats de payement
reproduits ci-dessous est Téglise Sainte-Lucie in Septemviis ou in
Septizonio (1).
1468. 7 déc. Magistro Dominico FraDcisco de Floreolia carpentario fl.
auri d. c. sex pro parte solutionis laborerii de mandate sanctissimi do-
mini nostri papœ facti et faciendi in reparatione ecclesiœ sanctœ Luciœ
sitœ apud sanctum Georgium urbis'q. titulus R"** D. Gardinalis S. Luciœ
existit. M. 1468-69^ fol 55.
1469. 9 janvier. A maestro Domenego da Fiorenza maestro di legname
fiorioi cinque, bo. LVIIII per pagar certi che lavororono in la chiesa di
santa Lucia Septemsolis^ videlicet a remondarla et conzarla el di de la sua
festa proxima paasata. T. S. 1468-69.
Sainte-Marie in Aracœli.
On fait généralement honneur au cardinal Olivier Caraffa de la
restauration si considérable à laquelle la basilique de TAracœli fut
soumise vers 1464 (2). Les documents qu'on lira plus loin permet-
tent de revendiquer pour Paul II une partie du mérite de cette en-
treprise; ce pape parait avoir notamment supporté les frais de la re-
construction de la toiture.
(1) Voir Fl. Biondo, Roma itutaurata, liv. III» ch. lvui ; MartinelU, Roma ex
etknica sacra, p. 366^ et le Catalogus magnus dans le tome IX da Spicilegium de
Mai.
(2) Dooati, Roma vêtus ae recens, éd. de 1639» p. 367. — Veouti, Roma modema,
p. 341. — Nibby, Roma nelV anno 1838, p. 343.
XXXIV. 3
34 RBYUE ARCHÉOLOGIQUE.
1468. 9 mars. fl. 2i02, bol. 56, .. a frate Cola (i) pioabatore per lô tccto
di AracelL T. S. 1467-8, ^ 97 ▼«. — 2 mai. 102 fl. 56, au même pour t«
môme motif. — 12 juillet. Fratri Nicolao plumbatori fl. auri cenlam, fa-
cientes de caméra centum duo» el bon. 56 per eum exponendo» in fabnca
ecclesiœ Aracelli. M. 1468-9, f*» 67 v. — 4 août. Id. in reparatione sea
reatauratione tecti ecclesiœ sanctœ Mariœ de Aracheli. — 27 sept. Id.
19 noY. Id. — 1469. 17 féy. Id., etc.
1472. 15 fév. Veduto et examinato diligentemente quanto adooMEOda
maestro Paulo de Gampagnano troTiamo esso csser creditore et derct ha^
yere per reste de la fabrica del tecto de sancta Maria de Aracoali, vidulo
{sic) el contratto et pagamenti facti et mensure et le stime facte per miser
Hieronymo Giganti et per rellatione de li magistri et etiam seconde la saa
domanda 125 fl. M. 1471 77, f» 83 v». — 2 mai. magistro Paulo de Gampa-
gnano carpentario, camerœ apostolicœ creditori ratione fabric» tecti et
eccl«si8^S. Mariœ de Aracœli... fl. de caméra X et bon. LVL — 28 jaillet.
Au même pour le même motif, 40 florins en déduction de sa créance.
M. 1471-77, fo» 47 et 52.
r
Sainte-Marie-Majeure.
La plupart des dépenses mentionnées ci-aprés paraissent s'appli-
quer à de simples travaux d'entretien, n'ayant pas pour but de mo-
difier telle od, telle partie de rédiflce. Nicolas V seul opéra des chan-
gements de quelque importance. Il construisit à côté de la basilique
un palais servant d'habitation aux chanoines et parfois même aux
papes (2). S'il fallait en croire Nibby (3), Valentini (4), Leta-
rouiily (5) et autres auteurs modernes, le successeur de Nicolas V,
Galixte III, aurait attaché son nom à une œuvre non moins inté-
ressante : lesoffite doré qui fut achevé sous le régne d'Alexandre ¥!•
Mais cette assertion repose sur une méprise ; ces sa vants ont confondu
Galixte III avec Célestin III. C'est en effet à ce dernier que tons les
historiens anciens attribuent l'exécution de cet ouvrage (6).
1438. Questosonole spese facte per sancta Maria Majure nello anno
(1) Ce Nicolas pourrait bien ôtre ideotiqae avec celai qui figure dans le regUire
coté : Edifices publics, 1A71.
(2) PauTinio, de Septem EecUsiis, p. 241 : « NicolausIV^qui din apud eamdem ba-
silicam permansit, palatiam sùo et canooicorum usui apud eam coudidlt. Idem fecit
Nicolans V qui claustrum, porticum, cubicula, trlclinia^ caméras ibidem extmxit. »
(3) Roma nelV anno 1838.
(4) La patriarcale basiliea Liberiana, Rome, 1839, p. 4.
(5) Edifices de Rome moderne, p. 630.
(6) De Aogelis, Basilicœ S, Mariœ Majoris.,. description Rome, 1021, p. 04* —
Severano, Memorie sacre, 1. 1, p. 600^ etc.
LES ANCIENNES ^ASILIQUES ET ÉGLISES DE ROME. 3^
1138... It^^^ ^di i2 di Genaro per pignitura de lo bordone pagay Pietro di
CîV>Y^ale duc. — bol. ¥XXI dea. 111. — item a di 8 di Agosto per pigni-
tara di uoo bordone cole arme di nostro sigoore pagay Pietro Giovenale
duc. — bol. Xpi den. IV. — elc, etc. Ed. P. 1437-1438.
1451. Janvier et février... Ducati 808, bol. 24 di caméra... per lo lavoro
di santa Maria Maggiore et di santo Todaro. T. S. 145i, i^ 3.
i455. 16 juillet. Provido viro Francisco de Burgo il. auri d. c. triginta
unum et bol. duos pro satisfaciendo tam cerlis laboratoribus quam ma-
gistris lignorum et pro clavis (7) emptis pro reparationibus facfis in sancta
Maria Majori^ videlicet tam in mundendo (sic) caméras et factura bostio-
rum quam alias. M. 1455-6^ î^ 106 v^. — 4 août. Provido viro Petro Johan-
nis de Varisio (ou Varisco) de Mediolano architecf [ori] florenos auri d. c.
vinginti duos sine retentione pro recompensatione calcis per eum
dimissœ in opéra et fabrica ecclesiœ sanctœ Mariœ Majoris de Urbe. M.
1455-6, ^ 46.
1465. 17 juin... Per tavole 500 conpro maestro Domenico arcbiteto de
caxa per voler fare le ture in santa Maria Maiore per la tornata del flolo
del Re, a razon de s. 24 lo cento. T. S. 1464-66^ f» 50.
1471. (s. d.) lo lavoro fatto a santa Maria Maggiore monta ducati 57. M.
1471-7, f» 70 v«.
Sainte-Marie-de-la-Minerve.
Une seule des restaurations dont nous allons parler doit être mise
au compte des souverains pontifes : celle qui est due à Eugène lY.
Les deux autres, malgré leur date, se rattachent aux travaux entre-
pris par le cardinal Torrecremata (mort en 146S). Si elles furent
soldées parla chambre apostolique, c'est que celle-ci avait recueilli
l'héritage du cardinal et se trouvait ainsi tenue d'acquitter ses dettes.
Ce fait résulte du texte même de la pièce transcrite sous le n"" 3.
Le portrait du cardinal orne encore l'église qui lui doit tant d'em-
bellissements; il fait partie d'une peinture attribuée à tort à Fra
Angelico.
Quant à m* Marc de Florence, l'architecte employé par le cardinal
Torrecremata, il n'est pas facile de fixer son identité. Nous trouvons,
en effet, vers la même époque, plusieurs artistes florentins portant
le même nom et exerçant des professions qui au xv* siècle pou-
vaient facilement se confondre. Citons parmi eux Marcus de Floren-
tia, faber lignaminis, 20 octobre 1464, Marcus de Florentia, mura-
tor, 16 octobre 1463, Marcus de Florentia, sculptor, 1463-64, Marco
d'Arigo de Florentia^ murator, 22 juillet 1467, Marcus Pétri de Flo-
rentia, carpentarius, 1469 et 1471 (1).
[i) Mandate de la chambre apostoliqae, passim.
36 ftETUB ARGHiOtOGIQDE.
4437. i«' avrO. pagay per liparalîone di la chiesa di sancta Maria di la
Ifinerm sopra la cappella di sancta Catheripa per comandamento di nostro
Signore dacati G. Ed. P. 1437-8.
1469. 8 mai. Yenerabili et religioso patri Leonardo de Pernno, ordinis
pnedicatoram^ floreoos auri d. c centom nginti exponendos per eom in
fabrica chori beats Mariae Hinenrae de Urbe. M. 1469-70, ^26 v.
1474. 27 mai. HoDorabiii Yiro magistro Marco de Florentia maratori,
creditori hereditatîs bonœmemOriœ domini JebannisdeTarrecremata^ car-
dinalis sancti Sixti, ratione fabricse ecclesis beats Maris apod MinerYam,
qaam idem cardioalis de noYo constnii fecit, prout, facta diligenti exami-
oatione et inquisilione reperiam et declaratam est per r^^ patres domi*
nos praesiden(tem) et clericos camerœ apostolics, quibns s. d. n. papa
ejosmodi negociam specialiter commiserat, florenos auri de caméra tre-
centos et Yîginti très, et baiocos quinquaginta très, pro residuo et coni-
plemeùto solutioois operis et œdificii per ipsam magistnim Marcam in
dicta ecclesia facti, quos florenos ideo declaratam est solvi debere de
prœdiclis pecnniis camerœ, qnia constat prsfatam bereditatem penrenisse
ad manns felicis recordationis domini Pauli paps II et ad cameram apo-
stolicam.... M. 1472-76, f» 78 v«.
Sainte-Marie dans le Transtevère.
Flavio BiondOy toujours si empressé à célébrer les trayaux entre-
pris par son protecteur, le pape Eugène lY, ne parle point de ceux
qu'il fit exécuter dans la basilique de Sainte-Marie du Transtevère (1).
Il y aura donc quelque intérêt à les remettre en lumière au moyen
d'un document authentique.
1437. 7 mai. A lo capitolo di sancta Maria di Tristevere per riparatione
di lo portichale e di lo camppinele de ipsa cbiesa per comandamento
di nostro Signore duc. C Ed. P. 1437-8.
Saint-Pierre- ès-Liens .
Il résulte de la pièce suivante que Sixte IV s'est occupé, aussitôt
après son couronnement, de la restauration de son ancien titre de
cardinal, la basilique de Saint-Pierie-ès-Liens. Mais il était réservé à
son neveu, Jules II, d'accomplir dans cet édifice des changements
plus considérables, dont les traces existent encore.
1471. Spese fatte per sancto Pielro in Vincula per recoprire 11 tecti de
la giesia e de lo palazo, tegole 6500 fomite. — Item per. tavole d'olmo
(1) Roma instauraia^ Ut. III, cb. ex.
LES ANCIENNES BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROME. ' 37
300. — Item per più ferramenti ducati 4. — Ftem per decorrenti e altri
legname ducati 3, — Item giornate 60 tenne coDcto Gratiadio (7) montono
ducati 15. —Saldo le sopradicte.cose e montano in tuto duc. 86. ^ En
marge : Magistri Francisci de lasula boaa JaQueD(sis) computa. M.
4471-77, fo 70 vo.
Santa Prisca.
Pompio UgoDio signale, mais d'une manière fort sommaire, les
travaux entrepris dans cette église par Caiixte III; il rapporte
également l'inscription métrique par laquelle ce pape perpétua le
souvenir de sa restauration (1). Le document qu'on va lire fixe la
date de ces travaux, mais il nous en laisse malheureusement ignorer
la nature et retendue.
1455. 11 sept. De mandate s. d. n. dedi domino Gosmœ confessori pro
opère sanctse Prises florenos auri de caméra centum. Depositeria, 1455,
Saint^ébastien Mrs les murs.
Les anciens auteurs n'ont pas mentionné les travaux dont la basili-
que de Saint-Sébastien hors les murs a été l'objet sous Caiixte III (^).
Nous savons d^autre part que vers la fin du xv!"" siècle cette basilique
offrait l'aspect le plus affligeant. Il est donc probable que le pape en
question se sera borné à quelques réparations urgentes et que c'est
dans ce sens qu'il faut interpréter le mot fabrica employé dans
le document dont voici la teneur :
1458. 15 février. R^^ patri domino de Honteserato s. d. n. papœ datario,
seu Jobanni Sancii ejusdem s. d. n. papse familiari pro eo recipienti, flo-
renos auri de caméra centum eiponendos per eum in fabrica S. Sebastiani
exlra muros urbis. M. 1457-8, f» 77 v®. —24 mai. 100 fl. pour le môme
motif. Ib., fo 99.
San Spirito inSassia.
Nous connaissons par l'inscription suivante la date des restaura-
tions entreprises par Eugène IV dans Téglise S. Spirito in Sassia :
(1) Historia délie Stationij ^ 304> L'iDscriptiOD existe encore.
(2) Panvinio, De septem ecclesiis, p. 98-99. — Panciroli, Tesori nascosti nelV
aima città di Roma, éd. de 1600, p. 754-758. — Severano, Memorie sacre délie
seite chiese di Romoy Rome, 1630^ 1. 1, p. 443-A45.
38 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Eugenttu Venetus pp. quartus ann. dniMCCCCXXXVII (1). Qoani à
retendue même da tra?ail, on ne peut en juger que par les pièces
transcrites ci-dessous. Nous y voyons que la dépense totale s'éleva,
pour cette église, à 237 ducats, 16 bolonais et 7 deniers. Le comp^
table étant entré dans des détails trop minutieux, il serait difiScile
de reproduire intégralement le texte du document. Il suffira de noter
les passages relatifs à des travaux d'art.
Queste sono le spese faite in sancto Spirito nello anno 1437... item a di
primo di Septembre per uua gioruata per uno pcr bol. XV, den. X la gior-
nata pagay a Minico (Domenico) e Buono (7) scarpellatori duc. — bol. 33|
den. 3. — Item a di dicto per una giornata pagay Mariano scarpellatore
duc. — bol. 16 den. 10. — 30 sept, per depignitura dele bordure pagai
m® Pielro di Giovenale duc. — bol. 27 — total : 237 duc. 16 bol. 7 den.
Saint-Théodore.
*
Nous savons par le témoignage d'Infessura que Nicolas V fit re-
construire à deux reprises différentes l'église Saint-Théodore située au
pied du Palatin. Voici comment le chroniqueur romain s'exprime
à ce sujet : a Fece di nuovo la chiesa di san Teodoro due volte; la
prima acconciô la vecchia, la quale, acconcia che fu, casc6 dai
fondamenti, et egli la rifece un poco più là, e poco minore che
era (2). » D'après Yasari, ce fut Bernard Rosseiino qui fut chargé de
ce travail (3). Le document que nous publions plus loin n'étant rela-
tif qu'à la seconde restauration, terminée en 1453 (4), il nous est
impossible de contrôler l'assertion du biographe. Tout ce que nous
pouvons dire c'est que dans notre document il n'est pas question de
Rossellino. Il faut ajouter que la réédification de l'église ne saurait
avoir été complète, générale, et que les auteurs ont évidemment exa-
géré les travaux de Nicolas V : ce qui le prouve c'est que l'église
conserve encore son abside primitive avec sa mosaïque du
vi«-vii« siècle.
1453. 7 janvier. M** Pietro di Giovanni da Varese maestro dimuro... duc.
100 di caméra conti allui per parte del lavoro di santo Theodaro di Roma,
T. S. 1453, P* 69. — Le môme entrepreneur touche en tout jusqu'au
31 décembre de lar môme année 2000 duc. — duc. 2000 di caméra...
(1) Forcella^ Iserizioni délie chieseed allri edifizii di Romaf t. Vl, no 1171.
(2) Maratori, A. 1. S., Ul, 11, col. 1132.
(3) Vite, IV, p. 221.
(k) Venoti, Roma modema, p. 308, et Nibby, Rotna neW anno 1838, se trompent
en iadiquant l'année 1450, comme date de la restauration de cette égUse.
LES ANCIENNES BASILIQUES ET ÉGLISES DE ROUE. 39
per lo lavoro di santo Todaro rifalto di nuo?o chôme n'a roghato Jan Jor-
dano. Ib., f» 197 a. (i).
1454. 27 ayril. A m* Bernardino da Spolito... duc. 3, bol. 28 di caméra
coDti per opère 15 e uno quarto a d§ito a fare la porta (?) di santo Todero
a bol. 16 la giomata. T. S. 1454, t> 81 v^
ËUG. MÛNTZ.
(1) Les recherches aaxquellesje me suis livré dans VArchivio notarile du. Gapitole
poar retroorer les actes de maître Jan Jordano sont restées sans résultat. Cette col-
lectioo est en général fort pauvre en documents du xt* siècle.
SEPULTURES GAULOISES
DE
FLAVIGNY
Rapport à Monsieur le Ministre de Vinstrwtian publique.
Monsieur le Ministrey
Depuis Tannée 1874, j'ai fait à différentes reprises des explo-
rations sur le territoire de Flavigny, canton d'Avize (Marne). J'ai
r honneur de présenter à Votre Excellence l'exposé de l'ensemble des
résultats obtenus et des faits archéologiques qui ont pu être con-
statés.
Dans le mois de mai 1874, sur de vagues conjectures dont je vou-
lais apprécier la valeur, je fis l'examen du sol sur une partie du ter-
ritoire de Flavignj. Cette contrée s'indiquait par deux tombes qui
avaient été trouvées il y a environ vingt ans. La description fort
imparfaite qui m'en avait été donnée me portait à croire qu'elles
étaient des sépultures de l'époque franque. Mes sondages accusèrent
l'existence de cavités qui descendaient bien au-dessous de la légère
couche arable particulière à la Champagne. Je fis pratiquer une
tranchée dans ces endroits, et quelques débris de céramique ne tar-
dèrent pas à me convaincre que j'étais en présence d'une sépulture
gauloise qui avait subi très-anciennement une spoliation ou un
remaniement. Les fragments de vases, les ossements humains pro-
fondément altérés, recueillis dans une terre noire, meuble, affir-
maient une sépulture. Plusieurs vastes excavations rapprochées
furent ensuite visitées isolément, sans que j'obtinsse d'autres résultats.
Une d'elles attira cependant mon attention. Elle affectait une forme
semi-circulaire, s'inclinait en une pente doucement ménagée, et
présentait dans ses deux parties latérales une tranchée qui parais-
sait destinée à recevoir les roues d'un char. La paroi faisant face à
mni iutBioiooBii. - ""■
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SÉPULTURES GAULOISES DE FLAVIGNV.
Lii^K^UV
SÉPULTURES GAULOISES DE FLAYIGNT. 41
l'entrée offrait une entaille qui>vait été vraisemblablement préparée
pour le timon. Il y a lieu de le croire, un guerrier avait été enseveli
à cet endroit sur son char, comme on a pu si heureusement le con-
stater à Somme-Bionne, à Berru et dans d'autres localités.
Des recherches continuées pendant plusieurs jours épuisèrent la
série des excavations qui avaient été remarquées. D'un autre côté,
les terrains voisins n'étant pas libres, les fouilles furent interrom-
pues. Une seule conclusion était autorisée : sans aucun doute il exis-
tait là un centre gaulois. Toutefois il était évident que les sépultures
avaient été visitées longtemps avant Texamen dont elles étaient
l'objet actuellement.
En 1875, les propriétés adjacentes à celles où se trouvaient les ex-
cavations dont il a été parlé, étant devenues libres, de nouvelles
recherches commencèrent^ Huit tombes furent successivement vi-
sitées.
La première tombe renfermant des objets a donné une épée dont le
fourreau se détachait par parties. L'ëpée, bien conservée, appartient
au type dont la Champagne a fourni tant de spécimens bien connus.
Elle ne présente rien de particulier. Une lance qui l'accompagnait^
(pi. XIII, flg. i ), dans un très-bon état, d'un beau travail, présentait un
détail intéressant. Les doux clous qui traversent la douille pour
fixer la hampe ont leur tète ornée d'une matière rose enchâssée dans
une capsule en cuivre. Cet ornement est-il en corail? On serait
tenté de le croire, si on compare cette matière décorative à celle
d'une rare fibule trouvée par H. Hanusse et cédée à M. Morel, dont
elle enrichit la belle collection. Les archéologues considèrent l'or-
nementation de cette fibule comme du corail rouge. Une particula-
rité dans le travail semble favoriser cette opinion. Un pivot traverse
la matière rose pour lui fournir un point d'adhérence. Il n'est ce-
pendant pas sans difficulté d'admettre qu'une matière aussi dure
que le corail ait été disposée et percée de manière à s'aju^er si exac-
tement dans la cavité formant la tète du clou et autour du pivot mé-
nagé au centre de cette cavité. Peut-être ne serai t-it pas hors de
propos de considérer cette matière comme ayant été appliquée et polie
par le procédé d'émaillerie décrit par M. Bulliot (1). Effectivement,
l'examen d'une des capsules dont l'ornement a été détaché découvre
une surface régulière qui révèle une adhérence obtenue par Fintro*
duction d'une matière en fusion. La méthode des Eduens, dit en
(1) L'Art de l'émaiflerie chez' les Eduens avant l'ère chrétienne^ par J.-G. Bul-
liot, p. 38 et Buiy.
42 aBV0B ARCHEOLOGIQUE.
effet M* Ballioi, coasûtait à rerser directement l'émail fonda sur le
bronze incandescent.
La matière ornementale de notre lance de Flavigny se retrouve
anssi snr l'ëpée de Somme*-Bionne qui accompagnait le char décoa-
yert dans cette localité. Ce genre d'ornementation, peu étudié jas-
qu'ici, donne un caractère gaulois à la sépulture de Somme-Bionne,
que de sérieux archéologues hésitaient à rattacher à l'époque gau-
loise.
Quatre anneaux en fer creux occupaient la région de la poitrine
du squelette. On remarque encore sur Tun d'eux des adhérences
proYenant d'une courroie . Enfin un bracelet en fer environnait les
deux os de Payant-bras. Ce bracelet est composé d'une seule pièce
formant ressort, dont les extrémités se rapprochent en se croisant.
M. Desor a exprimé un sentiment qui peut trouver son applicution
aux faits que nous signalons. En parlant des ornements et objets de
parure, il dit : « A l'époque qui nous occupe, le fer n'avait pas seule-
ment remplacé le bronze pour les armes et les ustensiles domestiques.
Il parait qu'on en faisait un si grand cas, peut^tre par suite de sa
nouveauté, qu'on l'appliquait même là où le bronze eût été plus ap-
proprié, par exemple pour les objets de toilette (4). > Les ornements
en fer sont assez abondants h Flavigny ; il a été trouvé des fibules,
des ceintures, des bracelets de ce métal. N'y aurait-il pas lieu d'at-
tribuer le groupe de sépultures de Flavigny au commencement de
l'âge du fer? Loin de s'opposer i cette idée, les armes en fer parais-
sent la favoriser. La lance se présente à Flavigny sous des formes
variées, qui autorisent à supposer que le type n^était pas bien fixé
alors, comme on le voit dans d'autres cimetières des vallées de la
Suippe et de la Bionne.
Une seconde tombe contenait seulement une fibule en fer et un
bracelet en jais.
L'ouverture de la troisième tombe laissa apercevoir un squelette
dont tontes les parties avaient conservé leurs relations anatomiques.
Sa position ne présentait aucune particularité digne d'être men-
tionnée. Une épée avait été placée à la droite du sujet. Sur cette
épée, garnie de son fourreau, s'étendait une chaîne en fer longue de
0"^50 (pi. XIII, fig. 2). Les mailles s'articulent d'une manière fort
régulière et vont en diminuant graduellement. Le côté le plus faible
était dirigé vers les pieds. La partie la plus courte de cette chaîne,
(i) Les Palafittes ou constructùms lacwtm du lac de Neuchâtel, par B. Deaor,
p. W.
SÉPULTURES GAULOISES DE FLAVI6NY. 43
dôniposëe de deux éléments^ comme où le sait, toachait à l'extré*
mite la plus forte et placée nécessairement dans la région sapé-
rieui-e du corps. Cette petite chaîne a O*",!!. Le premier anneau
et aussi le plus grand reposait sur le premier anneau de la grande
chaîne, de sorte que les deux chaînes réunies arrivaient à la hau-
teur de Tépaule. Parallèlement à cette chaîne, une lance, la pointe
dirigée vers le haut, était placée entre le sujet et Tépée chargée lon-
gitudinalement de la chaîne.
La position de cette chaîne indique clairement sa destination. Ce
n'était pas une ceinture. Son association avec l'épée indique à quel
usage elle était destinée (1).
Il ne sera pas sans utilité de faire remarquer que ces chaînes sont
proportionnées par leur force au poids des épées. J'ai pu plusieurs
fois en faire la remarque. Les faits que je signale sont nouveaux ;
naguère Pemploi de ces chaînes était encore indéterminé. Le résul-
tat de mes observations personnelles m'autorise à en indiquer
l'usage. Ces cjiaînes, d'ailleurs fort lourdes, n'atteignent pas la
longueur nécessaire pour former une ceinture. Elles mesurent,
comme nous l'avons déjà dit, environ 0^,50. En comparant ces
chaînes avec les ceintures proprement dites, on voit que le travail
des chaînes de suspension visait à la solidité, tandis que celles des-
tinées à servir d'ornement comme ceintures tendaient à l'élégance
par leur forme légère, où l'art et le goût s'afBrment. Enfin nous ap-
pellerons l'attention sur ce fait, que les tombes qui ont donné ces
chaînes renfermaient toutes une épée.
Le mobilier funéraire de la quatrième tombe se composait d'une
épée, d'une chaîne d'un travail fort solide, et d'un umbo dont nous
donnons le dessin. Cet umbo (pi. XIII, âg. 3) reposait sur la hanche
gauche; de nombreux fragments de fer, creusés en gouttière d'un côté
et arrondis de l'autre, gisaient autour de lui.
Une fusaïole en terre cuite^ accompagnée de deux coscinopora
(1) Le masée de Saint-ûennain possède plusieurs chaînes semblables, dont une
très-belle en bronxe, provenant également des tombes de la Marne. Moi-même,
dans le mois de décembre dernier^ J'ai ouvert, à Coizard (Marne), une sépulture
gauloise. J*y ai trouvé une lance dont la pointe arrivait à Textrémité supérieure de
rhumérus du sujet qu'elle accompagnait. Une épée de forte dimension, munie d'un
fourreau épais et pesant, s'étendait parallèlement & la lance, mais la pointe se dlri-
^kft vers les membres inférieurs. Cette épée était en rapport avec une chaîne en
tt/t qui se développait sur une partie de l'épée. L'extrémité la plus faible était enga-
gée souis les reins et se trouvait en contact avec des anneaux en fer destinés évidem-
ment à rattacher la chaîne à une ceinture en cuir ou d'une matière textile quel-
conque. Le rôle de la chaîne comme moyen de suspension est ici clairement indiqué.
44 REVUE ARGBÉ0L061QUE.
globularis ou orbitulina concava^ constituaient toute la richesse de la
cinquième tombe.
La sixième tombe recelait cinq anneaux en bronze, une fibule en
fer et un collier du même métal. Nous signalons derechef, à cette
occasion, l'emploi du fer pour la confection des objets d'ornement et
de parure.
Un bracelet de forte dimension et une fibule en fer coifstituaient
le mobilier de la septième tombe.
Enfin, la huitième tombe a donné uniquement une lance.
Cinq autres tombes furent également visitées; mais, bien qu'elles
fussent intactes, elles ne contenaient aucun objet funéraire. Les os-
sements y étaient seuls et dans un état qui ne permettait point de les
recueillir. Il en avait été, du reste, de même de tous les ossements
contenus dans les sépultures dont il a été précédemment fait men-
tion.
Lorsque ce groupe eut été exploré, les recherches durent être sus-
pendues de nouveau; car les propriétés voisines, qui contenaient
encore des tombes, étaient chargées de récoltes. Le 12 août seule-
ment il fut possible de reprendre les opérations. Quatre tombes
furent visitées alors ; deux ne donnèrent rien. Une des autres ren-
fermait une ceinture en bronze dans un remarquable état de conser-
vation (pL XIV, fig. 1, i a,ib).
« Cette ceinture mesure 0'',95 de longueur. Elle est artistement
(( ciselée. Les différentes parties qui la composent sont harmonieu-
« sèment disposées et alternent de manière à présenter une agréable
« variété, tout en laissant subsister dans la composition l'unité de
a dessin qui est indispensable dans un semblable objet de parure.
Nous n'entreprendrons pas la description détaillée de cette rare
« ceinture. Le dessin que nous en donnons suflBra pour s'en faire
« une idée, bien qu'on ne puisse juger de la perfection de l'œuvre
a que sur la ceinture elle-même. Nous attirerons particulièrementral-
(( tention sur les dix-sept pièces émaillées qui en font partie. L'émail
a est de couleur rouge. La teinte, sur certains points, est un peu
ce atténuée sous l'influence de l'oxyde de cuivre qui s'est nécessaire*
cr ment formé pendant un aussi long séjour dans la terre. »
Par quel procédé cet émail a-t-il été appliqué ? Ici, il n'y a point
lieu de penser, comme lorsqu'il s'agissait de la lance, qu'une pierre
habilement préparée ait été sertie, car la couche appliquée est mince,
et décrit des méandres qui auraient rendu le travail excessivement
difficile. Il n'y a donc point lieu de s'arrêter à cette hypothèse. Le
jprocédé d'émaillerie si bien exposé dans l'Art de rémaillerie chez les
SÉPULTURES GAULOISES DE FLAVIGNY. 45
Eduem, par M. BuUiot, ne paraît pas non plus pouvoir être considéré
comme ayant été mis en asage dans le cas qui nous occupe. Les par-
ties métalliques qui font légèrement saillie autour de la surface
émaillée répugnent au polissage nécessité par cette méthode. En
outre, l'émail est orné de dessins qui répugnent encore bien plus
énergiquement à Tiidée d'un frottement contre un corps dur comme
le grès. M. Bulliot a cité un autre procédé d'émaillerie qui consiste
dans l'application de l'émail en fusion sur le bronze chauffé; cette
dernière manière nous paraît celle qui s'indique le plus nettement.
Par l'examen attentif que nous avons fait à la loupe des parties
émaillées, il nous a été facile de constater des boursouflures qui
attestent l'action du feu. Pour les raisons que nous venons de donner,
nous ne pensons pas qu'un mastic coloré ait été appliqué par voie
humide, comme M. de Linas le suppose pour le casque d'Amfreville-
sous-les-Monts (1). Il y a donc lieu de conclure que l'émaillerie était
connue chez les Gaulois longtemps avant rétablissement des ateliers
éduens, et que cet art avait une perfection de procédé et d'exécution
bien supérieure à ce que l'industrie éduenne nous a légué dans les
fouilles du mont Beuvray. Je ne puis indiquer chimiquement les
éléments qui composent l'émail de la ceinture de Flavigny, car il
aurait fallu pour l'analyse mutiler un objet que le temps a respecté,
et je ne m'en suis point senti le courage. Il y a du reste lieu de
craindre que l'analyse la mieux faite n'indique pas rigoureusement
la composition chimique de la matière, puisque l'émail a dû néces-
sairement être pénétré par les sels qui se sont formés aux dépens du
métal sur lequel il est appliqué.
Quant à la chaîne, il n'y a point à discuter sur son usage; elle est
bien une ceinture. Elle était engagée sous la colonne vertébrale. Les
deux extrémités venaient se rejoindre sur les régions de l'abdomen;
on le voit, la ceinture ornait la taille du jeune sujet qu'elle accom-
pagnait. Elle était du reste le seul objet funéraire qui fût dans la
tombe. Les ossements n'ont pu être conservés ; ils n'étaient point
susceptibles de supporter le moindre mouvement. La mâchoire infé-
rieure est le seul ossement ayant un peu de solidité. Il est à peine
utile de faire remarquer combien cette ceinture d'un emploi b^en
déterminé diffère de ces chaînes massives dont il a été parlé précé-
demment.
Un torques ou collier (pL XIV, fig. 3) fut trouvé dans une tombe
(1) Les Casques de Falaise et d'Amfremlie'SOus^leS'MontSf pv Charles de Unas,
p. es.
46 REyujs AACHéoLOiÇiQnp»
niM( jii^ m^Bia ^Q^r que celle q^i copfjen?^ la (^i9tare. Qe çom€iei
en brQPs^ e$| p^r/aJiteQ^Bt conseryè. Le trayail en e8t sojgoé. Pps
oroements es^cés sur trats points différents font une forte saillie.
Cette répétition de trois ornemepts semblables esjt fréquente spr les
objets appartenant i Tart gavlois. La manière don^ les deux parties
du collier s'adaptent n'est pas commune. Les ie}^. parties js'ajusitwt
très-exactement par un procédé qu'on ne rencontre pas souvent.
Dans le mois de noyembre, six autres tombes furent aussi yisitèes.
Trois seulement recelaient des objets funéraires. Une contenait des
forces ou ciseaux. L'autre, une fibule en bronze (pi. XIY, &g. 3) de
la forme caractéristique de l'art gaulois. Les archéologues ont en
effet regardé ces fibules comme appartenant à un type spécial essen-
tiellement gaulois (1).
Enfin, la dernière tombe contenait seulement une ceinture enfer.
Cette ceinture a Q°^^18 de longueur. Elle ceignait un jeune sujet :
placée par le milieu sous l'épine dorsale, elle ayait ses extrémités
réunies sur le devant et encore accrochées, l'oxydation les ayaiit
comme soudées. Le genre de celte chaîne au point de vue du jLray^il
offre certaines analogies avec la ceinture en bronze. On y voit la
même inspiration, une facture offrant des traits de parenté. Il n'y a
point lieu d'en douter, c'est une ceinture ornementale. Bien qu'elle
soit en fer, c'est-à-dire dans des conditions de solidité évidentes, elle
ne sort pas de son rôle de parure. C'est un exemple de plus en fa-
veur de l'usage bien distinct des ceintures et des chaînes de suspen-
sion. Le dessin que nous en donnons est bien imparfait, car l'oxy-
dation a fortement altéré la délicatesse du travail, dont on pouvait
mieux apprécier le mérite lorsque la ceinture sortait de la terre.
Joseph de Baye.
(1) E. Desor, les Palafittes ou constrwtions lacustres du lac de Neuchdtel; Paris^
1805, p. 03. HanB Hildebrand, Studier i Jamforande Fomforskning^ Bidrag till
spannets historia ; Stockholm, 1S72, p. 121.
I ii m ii i i aaggtatfm»!
PLOMBS BYZANTINS
DE LA
GRÈCE ET DU PÉLOPONNÈSE
Stiae(f)
§ III. Troisième série : sceaux du PÉLOPtfNNàsE et de
l'helladb réunis.
Il paraît que le système des armées territoriales a été aboli en
même temps que la division des provinces, d'après ce principe ; ce
changement doit avoir en lieu à l'époque où les mercenaires étran-
gers remplaçaient peu à peu les anciennes légions {U^w)^ lorsque
les Ducas et les Comnènes arrivaient au pouvoir. Les deux thè-
mes de Hellas et Péloponnèse furent fondus dans une seule pro-
vince^ dont Tadministration était dans les mains d'un irpatTcop, titre
d'une signification plutôt civile, qui remplaça les anciens stratèges.
Les sceaux de la Macédoine et de la Thrace font entrevoir le même
changement pour ces deux provinces, circonstance qui aplanit bien
des difficultés dans les auteurs byzantins.
La plus ancienne notice de cette réunion se trouve dans un docu-
ment saus date, chez Eustathius Romanns (éd. Zach. à Liegenthal,
page 274), qui cite un xptT^ç '£XXdi$o; xal fleXoTcowi^aou. Zachariae fixe
la date vers le commencement du xi* siècle. Michel Psellus (éd. Sa-
thas^ 1 267 et p. 344) mentionne déjà unxpiT9)<; '£. xa\II. et un^Cwp
*£. xal n. au début du règne de Michel Ducas (cf. aussi Zonaras,
éd. Teubner, lib. XVI, p. 219).
Les sceaux enfin, que j'ai pu examiner^ ne remontent pas aa-delà
de l'avènement d'Alexis Comnène.
(1) Voir le naméro de mai.
48 RBYUB ARCHÉOLOGIQUE.
N« 18. Ck)nstantin Choerosphactes, prétear de THelIade et da Pélo-
ponnèse. (PI. V.)
^EXXiiç (à)(jLé xal TLekxmimfloç ^ijw Kajvaravxtvov irpaixtopa xbv Xoipowpa-
XTIIV.
Diam., 2 cent.
La personne de Constantin Choerosphacles est mentionnée à plu-
sieurs reprises dans les auteurs qui rapportent les événements sous
le règne de Nicéphore Botoniate et Alexis Comnène. Lorsque Nicé-
phore Bryenne s'avançait contre la capitale, les troupes impériales
n'étaient pas assez nombreuses pour opposer une résistance efficace
à l'usurpateur. Dans ce moment critique, Alexis Comnène, alors ma-
réchal de l'Occident, résolut d'envoyer des ambassadeurs à la rencon-
tre du prétendant, pour gagner da temps par une négociation feinte.
Un de ces deux délégués, qui réassirent parfaitement, fat Constantin
Choerospbactes, sar lequel le César Bryennius (éd. Bonn, p. i30)
donne les renseignements suivants : XoipodcpdbcTvii; RbivcrcacvrCvoç sU
irpo^Spouç T<{Te têXGv àv)|p vouvex,i{; te xai Xrfyioç xa\ icSffi xocfiSv toïç xaXoU
&K6<sa woXiTix^v xoafjLouffi avSpa. En 1081, il fut employé par Alexis, qui
avait su apprécier ses qualités diplomatiques^ pour solliciter le se-
cours de l'empereur d'Allemagne contre Robert Guiscard. Anna
Comnène (éd. Paris, p. 93) lui donne les titres de npoe$po; luà xore-
^avw. Il est à présumer qu'il a occupé le poste de xaTeTcovco ou pré-
teur des provinces grecques, un peu avant cette époque. La famille
des Choerosphacles est originaire du Péloponnèse. Nous trouvons
cité, dans la légende de saint Niphon, Michel Choerospbactes comme
citoyen riche et influent de Lacédémone. Dansbs historiens sont cités
encore : Léon Choerospbactes, envoyé comme ambassadeur de
Léon VI au roi des Bulgares Syméon ; Eustathe Choerosphactes, qui
succombe dans la bataille de Mantzikiert, icpcoToatnixpriTiç xai jiiaY^^P^*
Dans ma collection se trouvent encore les sceaux de Grégoire Choe-
rosphactes, préfet du chrysotricline et stratège des optimales, de
Georges Choerosphacles, palrice, et de Choerosphacte, juge des lé-
gions arméniennes (en Sicile).
N» 19. Bardas Hicanatus, préteur de l'Hellade et du Péloponnèse.
Recto :_La sainte Vierge, type des Blaquernes. Buste de face.
L. 1^ . . BY.
Verso : * 0Kê B O
HeeiTcocco
AOVACOBAP
PLOMBS BYZANTINS. 49
AARPAITCOPI
CAAAAOCSne
AOnOWHCY
TCOIKANA
— TCO —
«
0£OT($xE ^oi^Oet T(j) aZ $ouX(i) BapSa irpaCrcdpt '£XXa$oc xal Hekonrrrfiaoo tÇ
*IxavaT(o.
Diam., 0",02f). xi-xii* siècle.
'IxocvStoç, mot qui désigne ud garde da corps impérial, se trouve
comme nom de famille chez Michel Psellus (éd. Sathas, I> 381); le
nom de Bardas dénote une origine arménienne. Voilà des éléments
suffisants pour reconstruire la carrière de cet homme.
M"^ 20. Eumathius Philocalles, grand duc (amiral?) et préteur de
THellade et du Péloponnèse (H92).
Recto: Sainte Vierge des Blaquernes. Lég. MP - eî. Lég. circulaire
illisible.
Verso : CO .
MerA ACOAYKI
SnPAITCOPI
€A AAA sne AO
nomcTcocDi
AOKA A AH
(Eùp.aO(<;) fxaYfcrrpcj)) {jlcyoXo) Souxl xal TrpaiTwpi *EXXa5(o;) xa\ OeXoitowi^-
a(ou) tÇ OtXoxàXXr,.
Diam., C",03. Cabinet de Soubhi-Pacha.
Le rétablissement du nom Eum^thius est justlQé par un document
daté de 1192, de la bibliothèque de Patmos {Pandora, n* 454,
février 1861), qui contient le passage suivant: y^^ove ït^ toû xareicavoD
Kp^T7)ç lb>awou TOU 'EXa$ixoû o; 7)v olxsToç ofvôpoiTroç tou TravdeSaffTOu fAcyaXou
îooxèç xa\ -irpaiTopo; xupoîî Eù{xaO{ou tou <[>iXoxàXXyi. Le titre [xaYKrrpo; est
une supposition basée sur les titres qui sont donnés à ce général
dans lAlexiadey où se trouve la relation de ses expéditions contre
les Turcs de l'Asie Mineure, contre les révoltés de Chypre, etc. Il
résuite de ce document que le territoire administré par le préteur
des deux provinces grecques comprenait aussi l'ancien thème M^olIcxj
r.ùa'^oij et rile de Crëte^ au moins temporairement.
xxxiv. 4
oO REYUE ARCHÉOLOSfQUE.
N"" 21. Théophane spàthafô candidat, jnge de rbippodrome, da
Péloponnèse et de l'Hellade.
Recto : € B • Verso : • • • .
COASA*
eOOAN OAP*n
n AeAP- onoN-ic
KANA- AieAAA
AOC
(Kupije ^(rffiti T'^ a)Ç $ouX((^ 0)e(xpdEv(y) 9)irac6ap(o)xavS(i$d[T(o xpttTJ hA
Tou tint)o5p(rf[jiou) n(€X)oTrowTÎff(ou x)al *EXXdl5oç.
Chez un antiquaire. Diam., 0"',1S.
N® 22. Théophane, spatharo candidat asecretis, juge de Thippo-
drome, du Péloponnèse et de l'Hellade.
Recto : Panagia orante. Buste de face. Lëg.MP - 0T. Lég. margi-
nale effacée.
Recto: .OeOOAN
.RAORKAA
.CHKPHT. .
.PIT-eniT..
...A-neAO.
..S€AA
0eoçav(îî <r)'7ca6(a)p(o)xocv$iS(aT({> à)Ti\xçifiT[iç x)piT(Ti) iizX t(6u t7nco)5(po-
fxoo) n€Xo(irowTi(iou) xa\ *EXX(a8oç).
Diam., 0",02.
N"* 23. Constantin, protospathaire asecretis, protonotaire et juge
du Péloponnèse et de THeilade.
Recto: OKE Verso: ACHK
HOe .HTANO
COTAN PSKPHT
CnAOA AOnON
PHCO SCAAA
OeoTOXC (po)T^Ô£(t K)û>(vç)Tav(T(vc{) TcpcuTo)ff7ra0apiw àa7ix(p)îfr(i;) wpwrovo-
(Ta)p((cp) xal xpiT(îo n6)Xcyïrov(vi^<xoo) xat *EXXaS(Qç).
Diam., 0»,02.
PLOMBS BYZANTINS. 8f
N^ U. Eustathills, pfOtospathaire, préfet du chrysotricline, mysto-
graphe, Jtige de Thippodrome, du Péloponnèse et de THellade.
Recto: .... Verso: KPIT.
e. .0 eniTov
BACIAIK irmoAPM-
AcnAOP ncAonoN-
niTOv:J^r • c»seAA-
KAINOV — A—
hvct-tp
0(0
(Kupis fiorffiti) £ù(oTa)ô((co] ^aatXix(w) ?cp(i)ToaicaO(a]p((w) (l)icl tou xpuvo^
TpixXCvou fjLuaT(o)Ypa(pc^ ^P^'^?i) ^^^^ '^^^ l7nco$p(^fji(ou) n6Xo7cov(viQ)aou xal
•EXX(d[)a(oç).
Diam., 0",02.
N"" 25. Basile Xérus,. vestarque, juge du Péloponnèse et de THel-
lade. (PI. V.)
Recto : Deux saints débout et de face, peut-être saint Basile et saint
Nicolas.
06OT(Jxe ^oi^Oei BaffiXeCc^ peoripx^ (^*Q ^^'K%) neX(<wcov)i^aou xal *EXX(a)-
^o^) Ttj) Stip(cj)).
Diam.jO^Oa.
La famille des Xérus parait être attachée, sous la domination des
Comuénes, à la Grèce proprement dite. Nous y trouvons aussi un
métropolite de Naupactos de ce nom (Georg. Acrop., 98, 20). Quant
au titulaire de notre sceau, on peut l'attribuer â Basile Xérus, en-
voyé comme ambassadeur de Manuel Comnène en Sicile (Cin-
namus, p. 91, 92), mais aussi à un Xérus juge des Thracésiens et
plus tard préteur des Thracésiens (Michel Psellus, lett.54 etS7). Son
emploi comme juge des provinces grecques serait antérieur, parce
que dans ses lettres il porte le titre honorifique de TcpoeSpoç. Wad-
dington, Inscript, de la Syrie, n<^ 2724, publie le sceau d'un autre
Basile Xérus, proèdre et logothète général. La différence entre les
titres est trop grande pour assurer Tidentité de ces trois personnes.
N"" 26. Constantin Mavrikas, préteur du Péloponnèse et de THel-
lade. (PI. V.)
npa(T(op or^potY^^st MauptxS; Kcovoraynvoç FleXoTtowi^aou xai Tcaor^ç rri^
*EXXaSoç.
Diam.,C«»,02.
^2 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
La forme des lettres se rapproche déjà de celle qui éUil en usage
pendant le régime des Paléologues; le sceau appartient, par consé-
quent, aux dernières années avant le soulèvement de Léon Sgouros
et la conquête latine. Mon cabinet contient encore un autre sceau
d'un membre de la famille desMavrikas, celui de Michel Mavrikas,
vestarque et catôpan de Dyrrachium, qui appartient à l'époque d< s
Ducas.
■
Sceaux de différentes localités des deux provinces.
N*» 27. Constantin, prolospalhaire tagmatophylax, vestiarite et
juge du district de Malea (Haïna).
RectorSaintJeanévangélibte. Buste de face. Lég. •'• — € . (ô IG-
avv7)ç 6) 6eo(XoYOç).
Verso: *KëB-0
A
KCONACnA
TArMAT'CDV
AAKSBeCTI
APITTCOKPI
T-eVAFHM
AAeiAC
Kupie p(oi<)6(ei) KwytTravrCvw 7rpu)TO(r7:a(0api(o) Tay(xaT(o)(pt5Xax(i) xal pecrria-
Diam., 0"»,15. x-xi* siècle.
N^ 27. Léonlius, évoque de Lacédémone.
Recto : Croix simple sur deux gradins. Lég. *K€BOHeeiTtO-
CCOAOV.
Verso: *AeON
Ticoenic
KonoAeo
CAAKEA
AJMON-
Asovt((i) ImcncoTÇO) itcJXecoç Aax£Saifxov((a;).
Diam., 0»,015.
L'évôché de Lacédémone a élé élevé au rang d'une ûiétropole
PLOMBS BYZANTINS. 53
SOUS le patriarchat d'Eustratius, en 1083 Ainsi ce sceau, comme les
deux suivants^ appartient à une époque antérieure au x-xi® siècle.
N® 28. Tiiéodore, évoque de Lacédémone.
Reclo : * iTê B • O • Verso : _ • —
oeoACOP- enicKO
TC OCDVA ' noAAKe
XVO AAIMO
NIA-
Diam., 0"»,13.
N® 29. Théodore, évoque de Lacédémone.
Reclo: *K1B-0 Verso: en KO
oeoACOP- ncoAAKe
TCOANA AAIMO
ZICO NIA-
Les n"" 28 et 29 appart ienn ent probablement à la même personne.
L'explication du *YAXTO du n» 28 comme çpiXoxpwx^; ne me
paraît pas trop acceptable, cependant je n'ai rien trouvé de plus con-
venable.
N** 30. Gérasime, ëvèque de Korone.
Recto : Croix double, ornée d'arabesques, sur deux gradins.
Lég BOHe€IT(OGa)AOVA.
Verso : f G
PACIMCO
enicKon
COKOPCO
NHC
repaaifjLci) lirtoxo^o) Kopo)VY);.
Diam., 0",011 . x* siècle.
Le Quien {Oriens chr.) ne connaît pas d'évôque de Korone avant la
moitié du xin® siècle.
54 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
ti"* 31. Théodose, évêque de Korone.
Reclo : iQi O B O Verso : _ • —
HeeiTco eeoAO
ccoAOv cicoeni
ACO CKOn-KO
PCON- •
Kupie ^orffiti tÇ <nd SouXôS 0eo$O7((t> éîn<rxoir(a)) Koptov(if)ç)«
Diam., 0»,i6.
N"* 32. Théodore, évèque de Méthone.
O
Recto : Saint Jean réyangéliste. Buste de face. L I (0
O
Verso :
*KeB-e-
eeoACOP
en-Konco
Meeco
e
6
A
Kupie poi^Ofi 0eo$b)p(co) lir(ia)x^iTCi> M8d<o(vif|;).
Diam., 0",01S. xii* siècle.
Un autre évëque de Méthone a été déjà publié par M. Sabalier,
Nicétas, dans son essai sur les sceaux et plombs byzantins.
MITPO
nOAlTY
eHBON
N° 33. Constantin, métropolite de Thèbes.
Recto : * Verso :
FHCKCO
CTAT- N
Y — —
ZcppayU Ka>(v)crTa(v)T({)vou MY)TpoiroXiTou Bt)6(Î5v,
Diam., 0»,012.
Le premier métropolite mentionné chez Le Quien est celui dont
une lettre fut lue au synode sous le patriarchat d'Eustratiiis,
en 1080.
N® U. Jean, évêque d'Athènes. (PI. V.)
Diamètre, 2 cent, ©eoroxe poi^jOei loiawri l'jct<nc(k(|> 'AOtivûiv. viii'^ siècle*
PLOMBS BYZANTINS. . 55
N"* 35. Georges^ archevêque ou métropolite d'Âthèaes, (PI. Y.)
Recto: Sainte Vierge, type Hodegetria; buste de face. Lég. MP — 0T
S^cayU ^ÔT}vci)V ?cot{Asvoc rs(opY(ou.
Le terme de ico((X7iv signifie, à vrai dire, un évëque, tandis que
rarclievéque aurait dû être rendu par i^x^Tzol^ni^. Hais la mesure du
trimétre ne permettait guère l'emploi de ce terme. Ainsi il est fort
douteux si le terme de iroifA^v signifie sur notre sceau archevêque ou
métropolite. Nous penchons plutôt vers la dernière supposition.
Lequel des trois métropolites de ce nom de la liste suspecte de Pit*
takis, — ou s'il s'agit de l'archevêque Georges, de Le Quien, mort
en 1156, — je n'ose pas le décider.
N<> 36. Savas, métropolite d'Athènes. (PI. V.)
Recto : Sainte Vierge , type des Blaquernes ; buste de face.
L. eKTB.
Diamètre, 2 centimètres.
Le type du sceau nous force à le renvoyer au x* siècle et à regarder
ce Savas' comme Savas II, qu'il faut distinguer du premier de ce Qom,
mentionné par Le Quien , et qui était archevêque d'Athènes en 860.
N" 37. Xérus, métropolite (de Naupactus). (PU y.)
Chollambes.
Diamètre, 2 centimètres.
XéruSy métropolite de Maupactus, 1257, fut envoyé en mission
spéciale par Michel Ange d'Épire auprès de Jean Vatatze (Le Quien,
Ch.chr., 11,200; Georg. Acrop., 98, 20). Le titre d'hypertimos et
exarque de toute l'Étolie était attaché au siège de Naupacte.
Supplément à ajouter après le n9 3.
N"" 38. Léon, spathaire et protonotaire de l'Hellade.
Recto : Croix grecque sur trois degrés. Lég. . . .TCOGCOAOYA.
Verso: HhACON
B-CRAeA-
S ATONO-
. AAA'
Afov(Ti) p(affiXiX6)) <rïta6a(p£(i)) xat icpa)TOvo{Tap((j>) ( *E^)Xàô(oç).
Diamètre, 1 centimètre. x^-W siècle.
56 RRVOE ARCHÉOLOOIQUE.
Appendice j comprenant les sceaux des iles grecques et du thème
de la mer Egée.
N' 39. Jean, protospathaire et drongaire de la mer Egée.
Recto : o
TCO
A8
CCO
G
H
ACO
3
Verso: ICOÀNNH
B- ACnSAP^r-
T • Al TE • RE
AAr8C
1ùq[wt) p(aotXixS)) iTpa)TO(nt(QiÔQipia)) xai dpouY(Ysp(cj>) t(ou) AiYaiou iceXarfOuc
IX* siècle. Cabinet de Soabhi-Pacha.
N* 40. Jean» spalhaire et drongaire de la mer Égëe.
Recto : Ck)mme sur le n* 39.
Verso: ICOAHNCO
BICRAeiS
APovrr T
8Airnei
IttMT^jVM (ne) p(aa^ixS) (ncaô(apico) xat ^^ourf^{ai^ltû) toû kh({cdoM) ice-
(XxvQw;).
Diamètre» 2 centimètres, ix* siècle.
N* 41. Christophore, ?estiteur et anagraphe des dooze tles.
Recto :
Y
3
TCO
CCO
— e —
A8 1 ACO
H
R«ct5 ir'"?^ w T
-» «w ->
PLOMBS BYZANTINS. 57
Verso; >b
XPICTO
OOPCOB ' Bec
TITOP ;^;ana
PPAO • IRNIC
XpiaTOcp^p(j) p(affiXix^) p£ŒT7iTOp(0 Tcal àwc^foufêi A(i)$exavi{aou. .
Diamëtre, 25 millimètres, ix' siècle.
N^42. Stylien, protospathaire et stratège de la mer Egée. (PI. V.)
Recto: Croix double sur quatre gradins avec des arabesques. Lèg.
*R€BOHe€iTa)Ga)AOTA.
Verso : 2TuXiav((j}) p(a(jiXixÇ) •Jcpa)T0<nca6(apito)) x«l OTpaT(T)Yw) too Al^atou
it8XaY(ouç).
Diamètre, 2 centimètres, x"" siècle.
N** 43. Oreste, spatharocandidat et chartulaire de la mer Ëgèe.
Recto : * Kê B • © • Verso : SXT8
opecT • Tseres
CRABAP • neAAT
KANAA — »• —
Kypie poi^ôsi *Opi(JT(r{) <nca6ap(o)xavSiS(at<})) xal y^apTouXap{«p tou Alyaiou
iteXàYou(;j.
X® siècle.
N"" 44. Nicétas, spatharocandidat et turmarque de la mer Égëe.
K
Recto : Saint Nicolas, buste de face. Lèg. O A. Légende circulaire
A
détruite.
Verso: * NI K HT •
B • CRAe ' KA
NAIA • STP8
MAPXT; KA
TOAOY
Ntxi^T(^) ^(adiXix^) a^a6(apo)xav$t$(eKTcp) xal TOupfAc^pxC'y)) t(7)ç) xaôoSou.
XI* siècle.
L'explication du mot xaOoSoç, xit xaruTixà [xÉpTi, P^r <^ les îles de
rArchipèlage, de la mer Egée », a été donnée déjà par Reiske dans
^ REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
son commentaire du livre : De cerimoniis aulae Byzantinae, de
Constantin Porphyrogénëte (Gonst. Porphyr., éd. Bonn, vol. Il,
p. 379 sqq.).
N"* 45. b. 8. protospathairç, préfet du cbrysotricline, juge de l'hip-
podrome et de la mer Égëe.
Recto : Saint Nicolas, buste de face. Lég. ... ^.
Verso:
ACRAe
eniT • X TPI
T-eniT- m
nOAP ST •
AirneA •
7rp(oToa7ca6(ap((î)), litlT(oî3) ;^puaoTpi(xX{vou), (xpt)T(5i) éic\T(oo) linco5p{ofjLOu)
xal t(oî3) AlY(a(ou) icsX(fltYoyç).
xi*-xci® siècle.
N* 46. Paul, jage de la flotte de la mer Egée.
on A
Recto : Saint Pantëlémon, buste de face. Lég. A , H.
N M
Verso: HAYA
en A»Al$
KCCDPAnC
CPINONT-
AITAION
nAOON
IloeuXou ^cppayU xpivovTOç Alyaiov icXdov.
xi*-xii' siècle. Trimètre iambique.
La lecture est compliquée par la circonstance que le cachet a glissé
hors de l'empreinte, de manière que le K de la quatrième ligne est
monté à la troisièmon et le G de la troisième réparait dans la deuxième.
Les deux fonctions de juge de la flotte de la mér Egée et de juge du
thème de la mer Egée doivent être bien distinguées l'une de Tautre.
L'administration ottomane primitive distingue aussi entre les ka*
diasker (juges militaires) et les juges des provinces. Dans mon
cabinet, je compte plusieurs sceaux de juge du thème tmv 'Ap(i.eyugeîov
^f, distinctement le sceau de Ghoerosphactes xpiT^^ç twv 'ApfiL^vixâ)v ôe-
yjixmy jiigç des légions arméniennes.
PLOMBS BYZANTINS. 59
L'Ile de Chypre,
L'histoire de Chypre a été déjà exposée par M. C. Sathas dans le
deuxième volume de sa Meaaicovtx^ ptêXtoôioxYi. Les trois sceaux sui-
vants serviront comme un supplément au Recueil numismatique
ajouté par M. Lambros à cette mémorable publication.
N"" 47. Michel, magistre et catëpan de Chypre.
V
Recto: L'archange Michel, deboutet de face. Lég. |y||.
Verso: ^TTEB-e-
TCOCCOAb-
M I X À H A M À
nCTP • S KA
TenÂNOY
KYRPB
Rupie pfyffiti Tcp a^ SouXco M(X«^X [utrfim^f^ xal xaTS'itQévip Ku^pou.
L'identification avec Michel Branas (11S7), mentionné chez Cin-
namus, p. 178, comme commandant de Chypre, paraît facile : mais
l'absence du nom de famille de Branas à la fin de la légende me
parait s'opposer à cette idée. La famille des Branas occupait une
place trop élevée parmi l'aristocratie byzantine, pour qu'un membre
ait pu négliger la citation de ce nom sur ses sceaux. L'époque du
sceau d'ailleurs resterait presque la même.
N"" 48. Elpidius Brachamius, curopalate et duc de Chypre.
. Recto : Saint Démétre, debout et de face* Lég. — AHM.T. . OC.
(Kupi)e pOTi6(yi *E)X'i:iS{(û) x)oupo7càXaT(i x)ai 8oux(l R)u7cpou tÇ B(p)a-
Xa|x((5).
Le nom d'Ëlpidius Brachamius n'est pas mentionné dans les his-
toriens; cependant la famille des Brachamius jouait un grand rAle
dans la Cilicie pendant les troubles soulevés par Romain Diogéne el
soas Nicéphore Botoniate ; le nom est écrit tantôt Vakhramius, tantôt
Yrakhamius, étant d'origine arménienne : Bahram, Varahran, Phi-
laréthasBrahamius, petitdynaste arménien, après bien des péripéties,
réussit à se faire nommer duc d'Anlioche en 1077. En 1083, il est
presque indépendant de l'empire byzantin. Son fils Vahram (Ba-
XpafXYjç, Anne Comnène, 6, 135) provoqua l'occupation de cette ville
60 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
par le Seldjouk Suleiman en 1085. Nous devons reconnaître dans
notre Elpidius probablement un des fils de Pbilaréthas, qui^ étant
resté fidèle aux Byzantins, fut élevé par Alexis Comnène à la diguité
de couropalate et duc de Chypre.
N" 49. Léon, asecretis et duc de Chypre.
Recto : — >h ^ Verso : A C H
KTB • e PHTIC
COCCOA . KPITH
AeONT KYHP
- H — - * —
Kupie ^oi^Oet Afovn à<nixp9iTiç xa\ xpiTÎi KuTcpou.
Époque : xi^-xii** siècle.
Urie de Crète.
N^ 50. Michel, catépan de Crète. (PI. V.)
Kupis poiqôei tS (j<j) 8ouX(i) Mij^aYJX xarsTudév^ KpiQTïiç.
L'époque, à peu près le xi^-xii** siècle.
N* 51. Georges, protosyncelle et commerciaire de Crète.
Recto: Croix simple sur trois gradins. Lég. circul. >h R€BOHO-
T(0C(0A8A.
Verso : * f £ CO P f
ICOACVr
KC A • SK8
M 6PKIAP-
KPHTIC-
FecopY^ itpoTOouYxiXXo) xal xoufiepxtapicj) KpiiTY]?.
Époque : x" siècle.
L'agrégation d'une dignité ecclésiastique avec l'emploi de publi-
cain prouve que le clergé byzantin est resté fidèle à l'exemple da
Christ, qui se trouvait toujours en société avec les publicains et les
pécheurs.
A. MordthannJ'.
. Constaotinople, août 1876.
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS bB JUIN
Dans le bulletin de mai nous avons signalé les belles découvertes de
M. Schliemann à Mycènes. Nous devons pailer aujourd'hui d'un autre fait
archéologique, également de grande importance, que nos lecteurs con-
naissent déjà par un article de M. Desor : la découverte de la fonderie de
bronze de Bologne sur laquelle M. le comte Jean Gozzadini a attiré l'atten-
tion de l'Académie. On sait qu'il s'agit de qxmtorze mille pièces de bronze
enfouies dans un vaste dolium exhumé il y a quelques mois, place Saint-
François, sur l'emplacement de l'ancienne Feisina. G'itte fonderie est la
fklus considérable de toutes les fonderies connues. M. Gozzadini y signale
es séries suivantes : fibules, 2,397 ; haches, i^559 ; bracelets, 170 ; lances,
1 iO ; ciseaux, 9<^ ; faucilles, 89 ; rasoirs, 40 ; scies, 22 ; gouges, 20 ; limes,
17 ; couteaux, 15; mors de chevaux, 10 ; instruments fusiformes,6; épées,
5 ; figure humaine ithyphallique, i ; sans compter un nombre très-consi-
dérable de boutons, clous, disques, spirales, plaques ornées au repoussé,
et 500 kilogrammes environ de culots de métal. L'habile archéologue ita-
lien a en 1 heureuse pensée de mettre en regard de ces chiffres l'indica-
tion des séries correspondantes provenant de l'ensemble des fonderies de
France et de Suisse, qui se montent d'après lui à 67. Il en résulte des com-
paraisons instructives, telles que celle-ci :
BOLOGNK. FRAKCE ET SUISSE.
Fibules 2.397 7
Haches 1 .559 797
Rasoirs 40 3
Limes 17 1
On voit que les fibules, les haches, les rasoirs et les limes sont beaucoup plus
nombreux à Bologne que dans toutes les trouvailles de France et de Suisse
réunies. La France et la Suisse reprennent un léger avantage pour les
lances et les faucilles : 110 lances à Bologne contre 154 en France et en
Suisse; 89 faucilles contre iiO. Quelques objets, comme les instruments
fusiformes, ne se sont rencontrés, jusqu'ici, absolument qu'en Italie.
Les conclusions de M. Gozzadini sont les suivantes :
Quant à l'époque à laquelle on peut rapporter noire fonderie, il faut ex-
clure le plein âge du bronze ; car les rasoirs et surtout les rasoirs lunules,
les outils fusiformes, la figure humaine ithyphallique, quelque grossière
qu'elle soit, et surtout l'usage très-répandu des fibules, appartiennent
à des temps où le fer était déjà connu. Notre fonderie, qui parait con-
temporaine de la nécropole de Yillamva, remonterait vraisem Diablement
au xe ou XI'' siècle av. J.-G. La fonderie de Bologne est donc d'un grand
intérêt; elle nous donne de préûeux reuseignements sur l'époque de
transition entre l'âge du bronze pur elle pur âge du fer, et tend à dé-
montrer qu'il existait alors en Cisalpine un grand centre de fabrication
d'objets de bronze dont une partie était exportée au-delà des Alpes.
Nous ne pouvons maintenant que mentionner, faute d'espace, deux au-
tres communications très-importantes, l'une de M. Michel Bréal sur Je
déchiffrement des inscriptions de l'île de Chypre, l'autre de M. Alfred
Haury sur lesLiguns. La Revue donnera prochainement une analyse de
ces deux mémoirea. A. B.
•
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQDES
ET GOBRESPONDANGE
Qazeiie archéologique de BerKn, 35» année, !•' cahier :
G. Robert, Dœdalos et Ikaros, peinture murale de Fompei (pi. I et II ; la
planche I représente, en chromolithographie, une peinture intéressante,
qui parait réservée à une destruction rapide ; elle se trouve dans une
maison que Ton n'a pas achevé de déblayer et qui est restée inconnue à
presque tous ceux qui ont visité, même avec soin, les ruines de Pompei).
R. Ëngelmann, la Mosaïque de Sentinum (pi. III), au ^musée de Munich.
A. Klûgmann, l'Hercule de Polyklés. E. Hûbner, A propos dPun portrait âe
Eomaine, la figure du Musée britannique connue sous le nom de Clytie. M. Hœr-
nes, Oreste à Delphes, Dioméde et Ulysse, deux peintures de vase du cabinet
impérial des antiques à Vienne (pi. IV, 1, et pi. V).— Nouvelles : A. Mau,
Décowertes archéologiques en Italie, Procès-verbaux des séances de la So-
ciété archéologique à Berlin, de janvier à avril. Les' fouilles d'Olympiei
Rapports 12 à 16. Inscriptions d'Olympie, 33 à 53, expliquées par Dilten-
berger; 54 à 56, par M. Frankel.
llapvadarfç, t*"» année, n» 5 : Angelos Vlachos, Sur la poésie helléni-
gu6 moderne et particulièrement sur George Zalaoostas. A. K. Spath akis, Sur
l'activité pédagogique de Pestalozzi. Constantin Pop, le Temple d^Artémis à
Ephése^ d'après les découvertes de M, Wood» A. Manos, Esquisses monténé-
grines. D. P. L., les Derniers moments de Beethoven,— ^œuvs et coutumes:
les funérailles du patriarche de Venise, M., Sur Vinsecte appelé à(ppo<p($poc
à â(pp(o$T)ç (cicada spumaria de Linnée).
Archéologie, Les fouilles au pied de l'Acropole, par E. Dragoumis. Do-
doue. Antiquités romaines. Nouvelles. Séance du Syllogue philologique
Parnassos. Chansons populaires et inédites de différentes parties de la
Grèce, tirées d'une collection formée par P. Zerlendès.
Chronique, Nous apprenons par les nouvelles que les fouilles allemandes
à Olympie ont été de nouveau interrompues au mois de mai 1877, après
qu'ont été pris des moulages des morceaux de sculpture trouvés dans
cette campagne. La Société archéologique se prépare à continuer à Mé-
cènes les fouilles de M. Schliemann. On annonce d'Athènes la découverte
NOUVRLLÈS ABCHéOLÔGlQtlfeS. 6S
dé i|uatre nouveaux fragments de la balustrade du temple de la Victoire
aptère, représentant, comtne cenx qui ont déjà été recueillis 1) } a ItfUg-
temps, des Victoires dans différentes attitudes.
•'-^ Lé tome XXXIV des Mémoireê et documents de la St^té ^h^tôtre de
là 9aisee romande (1877) contient un excellent mém'ofi^e de M. Ch. Mot-él,
intitulé : les Associations de citoyens romains et les Curatotes cioiurti Rùmitnih
rum eùnoentus Helvetid. 11 y a beaucoup à apprendre dans les explicallôttli
a\lbsi judicieuses que savantes à l'aide desquelles Tauteur tait comprendre
ce qu'étaient ces associations formées dans les provinces par les cîtoyeiM
romains qui s'y étaient établis comme banquiers et négoCiaùts ; il tnontré
très-bien comment ces hommes d'affaires, établis au tnilieu d'une popu-
lation qu'ils exploitaient et qui le plus souvent leur était très-hostite, 6nt
dû chercher dans une intime union les moyens de mieux garantir leur
sécurité et leurs intérêts. Il y avait Jà une institution dont la nature et
les conditions n'avaient jamais été aussi bien étudiées qu'elles l*bnt été par
M. Morel. Ancien élève et secrétaire de M. L. Renier, son répétiteur d'épi-
graphie latine à l'Ecole des hautes études, M. Morel> que nous avions es-
péré voir se fixer en France, où sa place semblait marquée danâ le haut
enseignement, avait été enlevé tout d'un coup par un brusque change-
ment de carrière à ses collègues et à ses amis; on pouvait traindre qti'il
ne fût perdu pour des études où il avait déjà marqué sa place pài* plu-
sieurs travaux fort appréciés des connaisseurs. La dissertation qu'il nous
envoie aujourd'hui de Suisse suffit à prouver que, s'il a cessé d^enseignek*,
il n'a point cessé d'apprendre, et x[ue l'épigraphie et l'histoire peuVe^ût
encore attendre beaucoup de sa science et d^^son intelligeûte turiosité.
G. P.
— — Bulletin de V Institut de correspondance archéologique, avril IB'/'),
(2 feuilles) : Séances de Vlnstitut, 16 et 23 février, 2, 9, 16 mars. Mous y re-
marquons une communication, reproduite in-extenso dans le l)ulletin
(p. 78), de M. Lumbroso^ sur les procuratores Neaspoleos et mausoki Alexan*
driœ, ad Mercurium Alexandriœ, aâ diocesin Alexandrice, ad epistrategiam
Septem nomorum et Arsinoitum» M. dé Bossi a fait d'intéressantes observa-
tions sur certains titres de collèges funéraires qui n'avaient pas encore été
bien compris. M. Helbig a appelé l'attention sur les antiquités décou-
vertes à Mycènes par M. Schliemann. Â l'aide d'une tête de marbre qui
existe dans les magasins de la villa Ludovisi, M. Schreiber essaye de déter-
miner le vrai caractère du crobylos qui formait la coiffure athénienne au
commencement du v« siècle. -~ Les fouilles de Corneto, lettre de M. Dasti à
M. Helbig. A. Mau, Fouilles de Pompei^ suite. Leone Nardoni, Obseroalions
sur les vases archaïques retrouvés dans le camp prétorien et sur VEsquilin.
0. Montelius, Tombes et antiquités gauloises en Italie.
Bulletin de Vlnstitut de correspondance archéologique , mai IS77,
(2 feuilles) : Séances des 23 mars, 6, 13^ 20, 27 avril. Curieuses observations
de M. de Rossi sur une série de tablettes de bronze, qui se^terminent en
queue d'aronde, et sont munies de trous où passaient les clous destinés û
^^' REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
fixer ces monuments à une paroi. On y lit des inscriptions très-courtes où
figurent, soit au génitif, soit au datif, les noms de membres delà famille
Impériale, de personnages illustres, ou de fonctionnaires attachés au ser-
vice des empereurs. A Taide de différents indices relevés sur plusieurs de
ces tablettes, M. de Rossi arrive à rendra trè!?-vraisemblable la conjecture
qu'il avance le premier pour expliquer ces monuments ; selon lui, ces
tablettes auraient été comme afficbées sur la porte des écuries où n'auraient
pas eu le droit de pénétrer les agents chargés de choisir, en vertu de l'im-
pôt appelé collaiio equorum, les chevaux dont l'Etat avait le droit de s'em-
parer, dans les derniers siècles de J'empire, pour le service militaire ; les
membres de la famille impériale et certains ordres de fonctionnaires
étaient dispensés de cette charge, et ces plaques en auraient averti les
stratores auxquels était confiée celte sorte de conscription des chevaux.
— A. Miu, Fouilles de Pompeij suite. Kœrte, les Peintures du sarcophage de
Tarquinia dit del sacerdote (comparaison très-intéressante entre ces pein-
tures, celles du célèbre sarcophage de môme provenance qui est aujour-
d'hui au musée étrusque de Florence, et les peintures de Vulci découvertes
par François et conservées à Rome; mômes sujets : un combat d'ama-
zones, et regorgement par Achille des prisonniers troyens sur la tombe
de Patrocle). Henzen, Inscription de Concordia et inscription athlétique na-
politaine.
Bulletin de correspondance hellénique, {'• année, n^» 6 et 7. Som-
maire : i. Ch. Tissot, la Libye d'Hérodote. 2. C. Papparigopoulos, De Vuti-
lité.des ouvrages byzantins pour Vhistoire de la langue grecque actuelle. 3. Th.
Homolle, Fouilles à Délos, 4. 0. Riemann, Inscriptions grecques provenant
du recueil de Cyriaque d' Amène. 5. C. S. Condos, Mélanges de critique (cor-
rections au texte de Galien, Eustathe, Hésychios). 6. Paul Foucarl, Dé-
cret de proxénie. 7. 0. Rayet, Inscription de Philadelphie. 8. C. N. Sathas,
Fragments de Chérémon, ouvrage-perdu de Proclus, titre d'un traité de Por-
phyre. 9. A. Dumonl, Fragment de Voffice funèbre de VEglise grecque sur
une inscription d*Egypte. 10. Nerou tsos-Be y, iMScriprton de Sis en Cilicie. S.
Dragoumis, les Fouilles pratiquées sous le mur méridional de V Acropole. L.
Duchesne, la Colonie romaine d'Olbasa, en Pisidie. M. Collignon, Emplace-
ment et ruines de la ville de Caunos, Mylonas, Nouvelles acquittions du mu-
sée de laSociélé archéologique d* Athènes. Inscriptions des iles de Gyaros et de
Santorin, Fouilles aux abords de rErechtéion. Institut de. correspondance hel-
lénique, séance du !•' mai. (PI. Vj, buste du cosmèle Claudius Chrysip
pos; XI, la Libye d'Hérodote; XII, la région du lac Triton, cartes par M.'ch.
Tissot; XIII, inscription d'Egypte.
Sommaire du numéro de juin du Journal des Savants ; De Vétat des
personnes et des peuples sous les empereurs romains, par M. Naudet. Les
causes finales, par M. E. Caro. Le jardin fruitier du Muséum, par M. E. Che-
\Teul Archéologie de Vile de Samothrace, par M. Georges Perrot. Nouvelles
littéraires. Revue des livres nouveaux.
BIBLIOGRAPHIE
Dictionnaire universel des liitôratnres, par G. Vapbbbau.
Hachette, 1876 77.
Pour iodiquer le but que Fauteur s'est proposé d'atteindre et faire ap-
précier les services que son ouvrage est appelé & rendre, nous ne pouvons
mieux faire que d'emprunter quelques lignes à la préface et d'analyser le
reste de cette introduction : a La forme de dictionnaire, si commode pour
les recherches, a été appliquée de nos jours avec succès à tout ordre spé-
cial de connaissances, aux sciences physiques ou mathématiques, à la
chimie, à la médecine, à l'histoire naturelle, à l'industrie, aux beaux-
arts, aux sciences morales, à l'économie politique, à la politique, à la phi-
losophie, aux études historiques, à la biographie, à l'archéologie. Ces ré-
pertoires alphabétiques d'une spécialité définie ont été accueillis comme
d'heureux moyens de vulgarisation et d'utiles instruments de travail.
« Il était naturel que la littérature eût le sien; que, dans ce grand
mouvement d'ouvrages de forme encyclopédique qui se restreignent à un
seul objet pour l'embrasser et le faire connaître dans toutes ses parties, il
y eût l'encyclopédie littéraire, s'enfermant librement dans le domaine un
peu flottant des lettres pour le pénétrer mieux, réunissant dans un seul et
même cadre, pour l'offrir aune intelligente curiosité, tout ce qui intéresse
de près ou de loin l'art littéraire : hommes et choses, livres et auteurs,
histoire et théorie, faits et jugements, questions générales et partie tech-
nique, procédés et résultats.
«Cette idée si simple, si conforme aux tendances contemporaines, n'a
pas eu jusqu'ici les suites qulelle comportait ; la littérature, qui a conservé
une place convenable dans les dictionnaires universels de biographie et
d'histoire, tant en France qu'A l'étranger, s'est laissé peu à peu évincer
des grandes encyclopédies générales par les empiétements de la science,
et elle ne s'est pas dédommagée en se créant son encyclopédie particu-
lière mise au niveau du goût, de l'esprit et du savoir modernes. »
C'est cette lacune qu'a voulu combler M. Vapereau. 11 commence par
rappeler les tentatives qui avaient déjà été faites et dont aucune n'était de
nature à le décourager; puis il expose le plan qu'il a suivi, il énumère les
éléments entre lesquels il a dû répartir la place qui lui était mesurée avec
économie. C'est d'abord la Biographie littéraire, les hommes, les auteurs ;
il explique comment, dans la vie des écrivains^ il n'a dû voir que les faits
et les circonstances qui ont contribué, directement ou par réaction, au
XXXIV.
66 BETUe ARCHÉOLOGIQUE.
déyeloppement de leurs idées et de leur style; il montre ce qu'il a dû
aller prendre de la vie des hommes qui, par leurs titres principaux, ap-
partiennent à rhistoire politique, à la philosophie, à la religion, aux arts
ou à la science, mais qui se rattachent aux lettres par quelques écrits ou
par leur influence. Les morts seuls figurent ici ; pour le jugement des
œuvres et du rôle, il n'y a point de commune mesure entre les morts et
les vivants. Sous cette rubrique : les Choses, les Œuvres, M. Vapereau traite
des ouvrages qu'on ne peut mettre avec certitude sous des noms d'hom-
mes, et il explique dans quels cas il a cru devoir faire figurer & leur rang
alphabétique les titres mêra^s d'oeuvres dont l'auteur est connu et a dans
le Dictionnaire son article biographique. Il indique ensuite dans quel esprit
il a traité des genres littéraires et des types qu'ils mettent en œuvre, puis
de YMstoire littéraire proprem^'ut dite, des théâtres et des /oumotup, de la
ihéorieyjie V esthétique, de la rhétorique et de lu prosodie; quelle place il a
faite à la linguistique et à la grammaire; enfin, quels soins il a apportés à
la bibliographe. Grâce aux titres d'ouvrages auxquels il renvoie après cha-
que article de quelque importance, on sera toujours mis en état de pous-
ser plus loin l'étude dont le Dictionnaire n'aura pu résumer que les résul-
tats les plus généraux. Commencé, comme la plupart des ouvrages de ce
genre, avec divers collaborateurs auxquels M. Vapereau rend hommage
dans sa préface, ce livre s'est continué et achevé par voie de rédaction
personnelle: il en résulte plus d'unité et de proportion que n'en compor-
tent souvent les ouvrages de ce genre.
Si nous signalons aux lecteurs delà Revue ce Dictionnaire, ce n'est pas
qu'il puisse remplacer pour eux le Dictionnaire des antiquités de MM. Da-
remberg et Saglio, que publie la môme librairie, mais c'est qu'il a pour
eux un grand avantage sur cette publication, celui d'être terminé. La der-
nière livraison en a paru à la fin de mai. Or, le Dictionnaire unwersel
des littératures contient bien des articles qui peuvent rendre service à ceux
qui s'occupent d'archéologie. Ainsi, vous y trouverez une notice biogra-
phique sur tous les archéologues de quelque notoriété et la liste de leurs
principaux ouvrages; vous y lirez avec fruit, tout courts qu'ils soient,
des articles comme ceux-ci : Archéologie^ Costumes, Chœur, Théâtre, etc.
M. Vapereau nous permettra de lui signaler quelques erreurs ou quel-
ques omissions faciles à réparer dans un prochain tirage ; nos remarques lui
prouveront avec quelle attention nous avons examiné certains articles de
son livre. Page 127, 2^ colonne, Leipsus pour Lepsius. Dans l'article sur le
chœur antique, M. Vapereau s'exprime ainsi : « On ne sait au juste si des
femmes en faisaient partie ou si les rOles féminins étaient toujours tenus
par des hommes. Quelques passages d'Aristophane et les conditions d'har-
monie des chants et des voix tendent à repousser la seconde hypothèse. •
Nous ne savons quel historien hasardeux M. Vapereau a suivi là; s'il est
dans l'histoire du théâtre ancien, qui nous présente tant d'obscurités, un
point aujourd'hui mis hors de doute, c'est que jamais une femme n'a paru
sur la scène athénienne, ni parmi les acteurs, ni dans le chœur tragique.
BIBLIOGRAPHIE, 67
3a(yrigue ou comique. Dans la bibliographie de cet article, M. Vapereau
devrait citer un livre dont la lecture est sans doute très-pénible, mais qui
contient beaucoup de faits curieux et de vues ingénieuses, VHistoire de la
comédie ancienne, d'ÈdélesiSLud DumL'ril(2 vol.in-8°, Didier, i8o9). La notice
sur Démostbènc s'ouvre par un barbarisme, ATJixoaôi^vyjç au lieu de
ÀT)fAoaô^vY)ç, faute d'impression que nous ne mettons pas sur le compte de
l'auteur. Cette notice est rédigée avec soin et avec goût ; seulemeat^ nous
en voulons un peu à M. Vapereau de -renvoyer ceux qui no peuvent lire
Démosthène dans sa langue à la traduction de Sliévenart, si faiblement
écrite en français et si pleine de contre-sens. Pour les discours politiques,
nous préférons celle de Plougoulm, malgré ce qu'elle 4 parfois d'un peu
pompeux et d*un peu tendu; quant aux plaidoyers civils, on ne peut vrai-
ment les lire que dans l'excellente traduction de M. R. Dareste, publiée
en 1875, chez Pion, en deux volumes in-12. M. Vapereau oublie aussi de
mentionner un ouvrage capital, bien supérieur à celui de Beckker auquel
il renvoie, un ouvrage dont ne peut se passer quiconque s'occupe de
Démosthène; je veux parler du livre d'Arnold Schœfer, intitulé : Démo-
sihenes und seine Zeit (3 vol. in -8°, le dernier en deux parties; Leipzig,
Teubner, i85(>). 11 oublie aussi, parmi les éditions de Démosthène^ la re-
marquable édition des harangues politiques que M. Weil a donnée à la
librairie Hachette, dans la collection d'éditions savantes des classiques
grecs et latins (1873). Voici enfin une assertion bien déni^ée de preuves:
il écrit que Démosthène passa les premières années de sa jeunesse « dans
l'oisiveté et la débauche ». Ce n'est pas ainsi que Démosthène aurait pu
se tirer de la situation presque dt^sespérée où l'avait mis l'infidélité de
ses tuteurs, et triompher de l'hostilité d'une puissante coterie intéressée à
l'empêcher de se relever et de percer. La jeunesse de Démosthène, quand
on l'étudié de près, nous oCTre, au contraire, le spectacle d'une volonté
précoce, de desseins arrêtés bien avant l'âge où l'on commence d'ordi-
naire à vouloir, et poursuivis avec une inflexible persévérance au milieu
de difficultés sans cesse renaissantes. 6. P.
L'Histoire de rArchéologie, par Al. Odobesco.
La Roumanie, qui depuis quelque temps attire l'attention des hommes
politiques, conmience à se signaler aussi par des œuvres littéraires et
scientifiques.
Nous avons devant les yeux un gros volume in-8<' qui vient de paraître
à Bucarest, sous le titre de u l'Histoire de Varchéologie > (i). C'est le
cours professé par M. AI. Odobesco, — du 22 octobre 1874 au 14 mars 1875»
— à la faculté des lettres de Bucarest, dans la chaire d'archéologie
nouvellement instituée auprès de la jeune université roumaine.
L'auteur n'est pas un inconnu pour les savants français. Représentant
(1) Istoria Archealogiciy partea I : Anticitatea si Henascerea (Bucuresci, 1377,
Libraria Soece), in-8, 776 p.
™ REVOE ARCHÉOLOGIQUE.
d6 ion payB pour la wctîon roumaine & l'Exposition universelle de 4S67,
Il publia à Paris, en collaboration de son collègue M. Aurelianu, nn im-
portant travail historique et économique intitulé : Notice sur la houma-
nie. Il s'est fait aussi remarquer par des recherches archéologiques sdt
les monastères de son pays. C'est à lui que nous devons l'intéressante mo-
nographie sur le monastère (TArgis, ce chef-d'œuvre de rarchitectare
roumaifte au moyen âge. A ces écrits, qui lui ont valu une réputation
incontestable parmi ses concitoyens, il faut ajouter une étude parue il y
a trois ans, accompagnée d'une planche soigneusement chromolilhogra-
phiôe représentant le vase d'argile de Rlain (en Bretagne).
C'est A Paris que M. Odobesco a fait son éducation littéraire, sons des
maîtres tels que MM. Saint-Marc Girardîn, Patin, Egger, etc. Dans les
écoles françaises, il a puisé ce goût exquis et délicat q\fi se ressent de
1 amour sincère des œuvres classiques, cet esprit fin et pénétrant qu'on
reconnaît dann «ab ànt^u»
reconnaît dans ses écrits.
Le volume qu'il vient de livrer au public ne contient pas toute Tbis-
toire de l'archéologie. Le but de l'auteur, pour le moment, n'est que de
rechercher les vicissitudes et le caractère de cette science depuis l'anti-
quUô jusqu'à la moitié du xvrn* siècle. Cest dans un second volume qu'il
«6 ptoïKkse d'en détailler les progrès pendant les temps modernes.
A vrai dire, sa tftche n^était pas sans difficulté. La Roumanie est une na-
tion Jeune en comparaison des vieiUes sociétés de l'Europe. Son réveil ne
aate que d'un demi-siècle. Pendant ces cinquante-six ans, elle a réalisé,
au iMkinI de vue écononùque et politique, ce que d'autres peuples ont fait
jendawt dessièdes^ Mais le progrès n'est pas si rapide dans les sciences et
d^ns U\si lettre^j. Aussi le professeur insiste-t-il longuement sor le but de
l archiS>logie, sur la variété de ses branches, sur l'utilité que tire de ses
f^ hwhes la eonnaissance des institutions, des mœurs, en un mot, des
dvîlisAiîons auciennes.
Kl comment ne pas s'arrêter sur ces préliminaires loisqne, dans près-
quetous les pays. se sont trouvés des anUquaires qui, par défaut de goût
0* ^ viNue sci,^uce. ont fait retomber sur ces études le ridicule qui s'atU-
i-li*it a War pemuue, et ont ainsi diminué 1 importance de ce « critérium
ÎL'^'^.V^'*'*'*!? "^ ^"' apprécier et connaître les facultés inteUec-
ttteU*^ H |i»$ qittUt^ u»rjdes des homoies? »
n.ïï^iT^'t'^^'**^*'^^'' ialfoduclion, U aborde aTcc confiance
JJTI^Ï v'?* * ^^ "•* *«''" «u pour «i« dire, un. ...éthode
<J««Kv^».. utt» ««si « surtout i U in«>:«Ltioa soeosàTe des
A,.**. ««» «UMU^ fc« i:f.r*at« èt.p« querJ ^t «
**\A^,,^rî^ inciecfejv jrecs et latias^ il ^Mdifie et
BIBLIOGRAPHIE. 60
complète la classification de G. Olfried Muller (1) et admet quatre espèces
d'écriyains avant^coureurs de cette science : les pétiégèles, les lechniqae9>
les érudiis et les sophistes. Aussi les logographes et les mystagogues,
Hérodote et Pausanias, Varron et Vitruve, sont tour à tour consultés, ana-
lysés et mis en comparaison des nouvelles découvertes, qui confirment la
plupart de leurs assertions. Les savants commentaires de Rawlinson sur le
père de l'histoire grecque, l'élégante monographie de M. Egger sur Polé-
mon i'i), l'œuvre de Quatremère de Quincy (3), s'y trouvent résumés à
cOté de rapprochements intéressants, tels que peut les faire un homme
instruit et consciencieux.
Sa troisième leçon est une des plus substantielles. Il y compare d'abord
le récit de Pausanias sur le Jupiter Olympien de Phidias avec celui de
Pline l'Ancien, et rappelle les efi'orts qu'a tentés le duc de Luynes, avec
l'aide du sculpteur Simart, pour la composition d'une nouvelle Minerve
chryséléphantinc. Arrivé au groupe de Laocoon, il y apprécie les senti-
ments de Winckelmann et de Lessingsur ce miracle de l'art, «guesto nU-
racôlo delV arte », comme dit Michel-Ange, et les rapproche des vers que
Virgile nous a laissés dans son Enéide» Le vase diatretvm du musée de
Pesth et celui de Portland, les murrhines, les mosaïques connues sous le
nom de Pigeons du Capitale et d' 'AadfpcoToç otxoç, sont l'objet de ses
érudites investigations, qui nous mettent à môme de juger du reste de
l'ouvrage.
Après avoir ainsi examiné tout ce qu'il y a d'archéologie dans les œu-
vres de Lucien, des Philostrates, de Libanius, M. Odobesco passe en Italie,
pays qu'il a si attentivement visitiS pour nous parler de l'art romain depuis
Auguste jusqu'à la décadence de l'empire et depuis la chute de la Nouvelle-
Rome jusqu'à la renaissance.
Ici se déroule devant nous cette révolution qui fait renaître l'amour de
l'antiquité et dont le signal fut donné tantôt par Rienzi et Pétrarque,
tantôt par Goiglielmo di Pasireifgo et Giriaco Pizzicoli. L'activité du
ZY* siècle, avec l'Académie florentine et son coryphée Marsile Ficin; le
projet de Raphaël pour la découverte des anciens monuments, tout cela
est soigneusement décrit par le professeur enthousiaste d'une science à
laquelle il s'attache avec tant de zèle.
Et c'est de la môme manière qu'il procède pour le zvi« siècle, où nous
avons à enregistrer tant de travaux et de recherches, à rappeler des noms
illustres comme ceux des numismates Vico, Erizzi, Goltzius, des Ma-
nuce^ Scaliger, Juste Lipse^ savants que M. Nisard appelle « les gladiateurs
de la république des lettres » ; enfin, des Gujas, des Grotius et de tant
d'autres qui ont enrichi la science et ont épargné à leurs successeurs
tant de peines et de fatigues.
(1) Handbuch der Archœologie der Kunsf,
(2) Pabliée dans la Revue archéologique y I1I« anoée, 18^7.
(3) Jupiter Olympien qu VArt de la sculpture antique.
70 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Mais nous ne sommes pas môme arrivé à la moitié du livre, et nous
voyons combien il est difficile de donner une analyse complète de cet ou-
vrage. Disons donc, en abrégeant, que Tauteur n'y oublie rien qui puisse
donner une idée précise, claire et complète de tous les travaux et de
toutes les découvertes qui se sont succédé jusqu'au temps de Muratori, de
Du Gange, de Fabricius et de Mootfaucon.
Tel estle travail de M. Odobesco. Grâce à son érudition, on peut appré-
cier toute l'utilité des éludes archéologiques pour la connaissance exacte
des arts, des institutions et des mœurs chçz les anciens et même pour les
auteurs classiques ; son livre est un résumé complet de tout ce qu'on peut
dire sur l'histoire de l'archéologie depuis l'antiquité jusqu'en 4750.
La conscience qu'il a portée dans ses recherches et leur arrangement
systématique, les bonnes sources où il puise, l'indication exacte des ou-
vrages nécessaires pour toute étude d'antiquités^ enfin l'exposition lumi-
neuse et le style agréable qu*on y rencontre sont des qualités dont la jeu-
nesse roumaine s'empressera de profiter avec avidité.
Et si nous parlons seulement des Roumains, c'est qu'il y a peu de Fran-
çais qui connaissent assez le roumain pour le lire couramment. Aussi
souhaiterions-nous vivement que l'auteur voulût bien donner de son ou-
vrage une traduction en français, langue qu'il connaît si bien; ce serait là
un témoignage à la fois utile et sûr des bons souvenirs qu'il reconnaît
avoir gardés de la France et de son enseignement.
G. Deu. Téodorbsco. .
L'Egypte à petites journées {le Kaire et ses environs), par Arthur Rhoné,
corr. de la Société des autiquaires de France, 1 vol. de 630 passes, illustré de
55 dessins d'édifices, d'objets d'antiquité, de groupes de figures, etc., et de 8 car-
ies et plans inédits. Paris, E. Leroux, grand in 8, 1877.
« Je voudrais, écrit M. Mariette-Bey à Tauteur, que l'Egypte fût visitée
tous les. ans par des voyageurs comme vous ; je voudrais que tous les ans
on publiât sur l'Egypte des livres aussi intéressants et aussi consciencieu-
sement étudiés que le vôtre. L'Egypte moderne y gagnerait d'être mieux
connue et les erreurs, souvent extraordinaires, qui sont encore accrédi-
tées sur l'Egypte ancienne finiraient par se transformer en notions justes
et saines. »
Les notions justes et saines que M. Mariette, a le plus grand fouilleurdc
la vallée du Nil », se plaît à reconnaître dans le travail dont nous voulons
parler, c'est à l'illustre égyptologue lui-môme que l'auteur les doit; c'est
avec lui et avec notre regretté collaborateur Théodule Deveiia qu'il a vi^
site l'Egypte et s'est trouvé initié pour la première fois au caractère in-
time de l'Orient, comme aux mystères de l'antiquité égyptienne. Entouré
de compagnons d'élite qui ne cessaient d'observer toutes choses et d'in-
terroger M. Mariette sur ses découvertes ou M. de Lesseps sur ses grands
travaux, l'auteur de ce livre a bien fait de retracer, telles qu'elles se pas-
sèrent, ces journées d'un voyage que chacun peut lui envier.
Il a donc pris les choses comme elles venaient : il nous dépeint d'abord
BIBLIOGRAPHIE. 71
l'aspect de l'Egypte et de sa population, la physionomie des villes et sur-
tout du Kaire ancien, la cité la plus complète^ la plus remarquable et la
mieux conservée du vieux monde oriental. Le texte, rédigé sur les lieux
et pas à pas (seul moyen de peindre avec exactitude et vivacité de co-
loris)^ est accompagné de nombreuses vignettes et de cartes très-soignées :
on y trouve deux plans comparatifs d'Alexandrie moderne et d'Alexandrie
antique, que des fouilles récentes ont permis de restituer dans son en-
semble ; puis un plan archéologique du Kaire ancien, où chaque édifice >
se trouve marqué, et où les plus remarquables pour l'art et les souvenirs
ont leurs dates inscrites.
Un monument intéressant, un tableau tout fait, une coutume popu-
laire ou religieuse viennent-ils à se présenter, l'auteur, sans arrêter sa
promenade^ s'échappe par une transition pour pénétrer dans le passé et
en sonder les secrètes profondeurs. Cela fait, il remonte à la surface, dé-
crit ce qu'il rencontre encore, pour suivre une nouvelle piste si la curio-
sité d'en savoir davantage vient à le reprendre.
Ce système offre peut-être l'inconvénient d'interrompre parfois une
description qui, s'appliquant à des lieux aussi célèbres, ne saurait man-
quer dMntérôt. Cependant, il faut convenir que des digressions un peu
savantes, lorsqu'elles sont bien ménagées, donnent plus de relief aux par-
ties descriptives et que l'on y revient avec plaisir lorsque l'intelligence a
été quelque temps satisfaite par des notions positives. D'ailleurs, nous accor-
dons qu'un voyage d'Egypte ne s'écrit point comme une excursion en
Suisse, où tout ne parait fait que pour les yeux de l'artiste ; et, d'un autre
cOté, pour être archéologue, nous ne sommes pas de ceux qui, se renfer-
mant dans le texte d'une inscription ou la patine d'un bronze antique,
ne voient rien du pays qui les a produits. En Egypte plus qu'ailleurs,
l'art, la civilisation, ia religion et môme l'histoire sont en harmonie avec
la nature, la configuration et le climat si exceptionnels de la contrée : un
observateur consciencieux, voulant initier à ce qu'il a bien vu, ne peut
révéler le génie intérieur de l'Egypte sans dessiner ses contours extérieurs.
« J'ai fait deux choses en ma vie, écrivait un jour avec trop de modes-
tie M. Mariette : le musée de Boulaq et la découverte du Serapeum deMem-
phis. » Ces deux œuvres de sa prédilection occupent une place importante
dans le travail de M. Rhoné. La revue du célèbre musée égyptien et
l'étude de ses trésors, dont chacun représente pour le fondateur une
somme incalculable de labeurs et de joies, fournissent au narrateur l'oc-
casion de faire eu quelque sorte l'histoire à vol d'oiseau de la civilisation
égyptienne, et de toucher à quelques points d'archéologie dont l'intérêt
en jeu fera pardonner la longueur en discussion. Puis, tout en décrivant
les passages du ^îl (pour lesquels il est permis d'avoir autant de prédilec-
tion que pour l'ancien Kaire avant le percement de ses boulevards Hauss-
mann)f l'auteur nous conduit dans cette grande forêt de palmiers entre-
coupée de lagunes et de terres cultivées qui fut autrefois Mehphis et « où
règne aujourd'hui le silence d'un monde primitifs.
72 HKYUE ABCHiOLOGIQUB.
Marchant sar la aéte des digaei , naTigaant sor des radeaux improrlséa,
nous parrenoDS arec les Toyagears et leor illustre guide aux plaleaaz ro-
ckem et déserts de Sakkarah qui furent la nécropole de Memphis. Tra-
Tersant ces nuées de tomlieauz contemporains des premières dynasties
pharaoniques et dont la Becue a parlé en 1869, nous arrivons aux portes
de l'hypogée des Apis : lien célèbre que Ton cherchait Tainement depuis
l'expédition de Bonaparte, et que M. Mariette devina par une subite in-
spiration, mais ne découvrit qu'après une suite de luttes, d'efforts et de
persécutions dont l'histoire est un véritable roman. Les récits et les des-
criptions archéologiques sont ici éclairés presque à chaque page par des
dessins, des restitutions et des plans très-soignés qui forment sur cet inté-
ressant sujet une collection fort complète. On remarquera surtout le plan
détaillé inédit de^ souterrains du Serapeom, avec leurs chambres funè-
bres et leurs sarcophages colossaux, plau que M. Mariette communiqua
lui-même à l'autemr, il y a quelques années. Ce chapitre sera donc un
commeutaire agréable et un assez bon précurseur du grand ouvrage
scientifique que M. Mariette, encouragé par TEtat, se décide enfin à faire
publier sur le Serapeum de Memphis et son trésor d'inscriptioQs conser-
vées au Louvre.
Le livre de l^Egypte à petite$ jouméei, qui contient une bibliographie
asses complète, se termine par un Appendice historique^ sorte d'aide-mé-
moire uniquement consacré à l'archéologie positive. Sa partie fondamen-
tale est une étude des sources de l'histoire d'Egypte précédant un Bésumé
cknmoloqique de l'histoire d'Egypte depuis les premières dynasties pha-
raoniques jusqu'à nos jours. Cet essai est accompagné d'une très-bonne
carte archéologique de l'Egypte, dressée tout exprès par notre savant pro-
fesseur du collège de France, M. Maspero, et donnant pour la première
fois, avec la table des nomn ou provinces antiques, la concordance des
noms de villes égyptiens, grecs et arabes. L'éditeur de ce beau volume
semble faire présager la publication prochaine d'une nouvelle série de
petiiU» journées de voyage, où l'auteur décrirait de msu^ et muni de docu-
ments sérieux et pari'ois inédits, l'isthme de Suez vu avec M. de Lesseps,
\^ Haute-Egypte avec Mariette-Bey, et Jérusalem avec MM. Mauss et de
Saulcy.
Espérons que le succès, venant à couronner ce premier essai, encoura-
gera M. Rhoné à donner suite à son projet, qui a déjà l'approbation des
premiers savants et l'agrément des lecteurs intelligents, désireux de con-
naître un passé et une contrée qui n'ont pas cessé d'attirer invincible-
ment la curiosité et Tinlérét des nations civilisées, depuis l'antiquité grec-
que et romaine, et qui, selon la belle expression de M. Ernest Renan,
« sera bientôt comme une espèce de phare au milieu de la nuit profonde
de la Irès-haute antiquité ■.
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GOLASECCA (seconde période
DEUX PÉMODES
PREMIER AGE DU FER
um Là
NÉCROPOLE DE GOLASBGCA
ÂTant de parler des deux périodes auxquelles le titre de ce mé-
moire fait allusion^ jecrôis nécessaire de récapituler, pour plus de
clarté, les faits généraux qui se rapportent à la nécropole de Gola-
sécca.Dans cette récapitulation je serai bref, pour ne pas répéter ce
que d'autres ont écrit à ce sujet (1), ou ce que j'ai publié moi-
même (2). 2e m'étendrai davantage sur les différences qui existent
entre les deux périodes en question.
Je commence donc, sans autres préliminaires, en faisant seulement
remarquer que, parmi les faits que je vais relater, quelques-uns
sont la confirmation de circonstances déjà acquises à la science,
d'autres sont l'exposé de découvertes récentes que je soumets à
l'examen des paléoetbnologues.
La nécropole dite de Golaseeca s'étend sur les deux bords d^ Tessin
(1) G.*B. Glani, Baitaglia del Ticino ira Àmibale e Seipione; Milan, 1S2&. Ber-
ovdino BlondeUi^ Una tomba gaUo-italica scoperta a Sefto Calendê tui Ticino;
MSUn, 1867, dans les Mémoires du À. Mituto Lombardo. G. de MortUIet, Sépul"
tures anciitmes du plateau de Somma; Revue arehéoiogigue, Janvier 1866.
(2) P. Castelfranco, La neeropoii di Golaseeca, dans le Joamal // Secolo; Milan,
SO Joillet lS7ft. / Merlotitt^ etc., dans les Àtti délia Soc ttaliana di scieiue natu-
rali, toi. XVil, Ut. IV. Les Merlotitt^ station honaine dn premier âgé da l!ir, etc. ;
Matériaux^ 1876, 6« et 7« lifr. Una tomba délia necropali di Gokmaoat dto^ le
Bullett. di paktmlmia italuma^ janTieri875
XZSV. ~ Àa«f. 6
74 RBVUB ARCHEOLOGIQUE.
vl%CMp6 4HHI -riW 4 ^B Vlroïï 37 ^SMBRRI^ITTti'y IfSTWBw pii w
fleuYe.
Sur la rive ganche la nécropole est comprise dans Tespaoe borné
par Coarexza, Sommé, Vergiate^ rAtbaiiàdeSestchCalende, Lùanxa
et le fleuve ; sur la rive droite, entre le fleuve d'une part, et de
l'aulre Castelletto-Ticino, Ochignola et le Lazzaretto de Bargo-
Ticino. Celte aire devra s'étendre encore, et de beaucoup, lorsqu'on
aura pu pratiquer de nouvelles recherches. Le village de Golasccca
est sitÂéTlIns le voisifiage d'un des principauiL groupes desépullures,
les premières qui ont été fouillées (1) ; je conserverai donc à cette
importante station humaine le nom déjà bien connu de Nécropole
de Golasecca, mais, plus exactement, comme il s'agit d'un grand
nombre de groupes de tombes, épars (2) sur une foule de points, et
de rraces d'habilation^ (3)) oti detrait dUei StaHènê du premier âge
du fer, iur les deux rives du Tessin^ au sud du lœ Majeur.
Les monuments du premier âge du fer qu'on rencontre sur l'aire
désignée ci-dessus sont de trois sortes :
A. Les traces d'habitations ;
B. Les enceintes en pierres brutes visibles à la surface du sol ;
G. Les tombes.
A. Traces d^ habitations.
J'ai parlé d'uae de ces babitations (la pranière que j'arrivai à dé*
(i) G.-B. JGliani, Battaglia, etc.
(9) Ce n'est pas sans raison que Je me sois servi de Texpresiden groupe» éparg; en
éltèt, les tombes des deoi bords du Tessin ne semblent' pas distribnôes de façon à
'^UToflr «n déduire qtiel était le centre habité, ni quelles tombes sont les pins an-
ciennes. Avant tout, il no s'agit pas d'un grand centre, mais d'ane fottlb de pelita
noyaux ; ce n'est pas la grande nécropole d'une ville, ce sont les néoropolea en mi-
niature d'une foule de villages, de hameaux, de masures; les colUnes et les endroits
élevés semblent avoir été plus peuplés que les bas niveaux, et la rive gauche plus que
la dh)lte.. Pour se faire un critérium de respaidè 'dècupé par les habitants du pre-
mier Age du fer, dans chacune des deux périodes, pour cette localité, 11 sera bon de
dresser un plan topograpbique de tons ces moonmnnts; et c'est U un ouvrage que
Je compte publier lorsque Je parlerai plus particulièrement des habitatiom. Je crâia
cependant utile de faire observer, dès à présent, que les habitations devaient être nom-
breuses et clair-semées; isolées, ou réunies par petits groupes; que les centres princi-
paux étaient, sur la rive gauche, plusieurs collines connues sous le nom de Monte
GaliiascOf Moruorino, la Corneiia, les Corneiiane^ etc.; sur la rive draite, te Boeeo
dél Monte. Je crois que la publication de la carte de -nos tombes Jettera «ne lumière
' nouvelle sur la division en deux périodes de U néeiopole de Golasecca.
(s) P. Gastelfiranoo, '/ 'Merlôiitt, etc.
DEUX ^t^mm W *N»PW >W^ M PBH. 7»
iLips 4|qe w^e occasiDU.
B. Cnoeîiito i$i» ffim^ hautes.
JIM. Gîia^ BicMsdelli et de IKprtillet 3e sont d^jà Qccuf^ dqs en**
ceiofe^. L'ahbé Giani jcrut y reconnaître les Jlrai^ea des feiHes 4e T^r-
mëe de P. C. Scipioo^ et les jugea du même âge que les lombes (2).
H« BioQdelli y y\\ des monaments sëpalcraux celtiques, assurant
que a les Ceitfifi seuk eurent la couiume 4c ceindre de cette façon Ij^M
to^bçs de leurs maris (3) ». M. de Hortillet jugea ces enceintes bien
postérieures au^ lombes, attribuant ces dernières au premier âge du
fer, et ne se prononçant pas au sujet des premières (4).
Pour ma part, j'ai relevé les traces de quatre de ces enceintes sur
la rive droi^ du Tessin et de quarante-trois sur la rive gauche. Les
mieux conservées ont déjà été décrites assez fidèlement par M. de
Mortillet.; j'ai également publié une description de ces enceintes
da9S le volume du Congrès de Stockholm ; je renvoie donc pour les
détails à ce compte rendu (5).
La jplupart des enceintes sont circulaires ; quelques-unes sont rec-
tangulaires. Au centre des enceintes circulaires et dans le voisinage,
aussi bien que jdans une foule d'endroits où aucune enceinte n'est
visible, on trouve de nombreuses tombes, presque toujours groupées,
quelquefois isolées.
Ppur moi les enceintes sont contemporaines des tombes les plus
anciennes.
C. Tombes.
les tombes de la nérropole de Golasecca sont diyersement cons-
truites, et les objets qu'elles renferment varient souvent en forme ist
en nombre. Totitesont cependant quelques caractères communs xiui
portent à les attribuer au même peuple, ofu tout au moins à des popu-
lations suivant les marnes rites funéraires. En effet, chacune d'elles
renferme en général tiit^ urne dnéruire unique , oouTerte d'cme es-
(1) p. Gastelfmoo, 1 Merlotitt^ etc.
(S) G.-B. Giftni, BattagUa, etc., p. 15 et 16.
(3) B. Bioadelli, dans le Journal tl Crepuscolo du l^,Mpt. IBSj^^.p. '5JS6 : « ,
eteltuivamente dei Celti il cingere in tcA moào te sepQ'lUre Héi.fàfo /àtrit(. »'
(4} G. de MortiUet, Sépuituret anaefmes, etc. «^ ^ .' •
(9) Compte rendu du Congrès (TanthrcpoL etd'archéol.prehùi.f^toclOlkoUat'^lù.
76 RRVUB ARGH£oL06IQUB.
pèce d'écuelle à lëyre rentrante, abouchée ; et cette urne contient:
1* les 08 incinérés du défunt ; 2"* presque toujours un petit vase oc-
ceMot>0 (pi. XV, fig. 7, et pi. XVI, fig. 19) que Tabbé Giani appelle
lacrimatoire (i); 3* trés-souYent, mais plus rarementque le petit vase,
des fibules, des armes et d'autres menus objets en bronze, en fer, en
ambre, en yerre, etc., le plus souvent des objets de parure.
Outre l'urne cinéraire couverte d'une coupe^ et les menus
objets ci-dessus mentionnés, il arrive fréquemment que d'autres
vases de formes variées sont rangés autour de l'urne ; ce sont des
eoupesy des écuellesy de petites umes^ etc., etc. » Du reste, pour
d'autres renseignements généraux, je renvoie à la bonne description
de Giani, laquelle, tout ancienne qu'elle est, est cependant encore
une des meilleures (â).
Les descriptions de M. deMortillei(3)ne peuvent être qu'un guide
d'une importance secondaire, puisque ce savant distingué n'a fouillé
qn^une seule de ces tombes et a emprunté la plupart des autres
détails à l'ouvrage de M. Giani. Quant à l'unique et très-importante
tombe décrite par M. le professeur Biondelli (4) avec force citations
savantes, celle-ci ne peut pas servir de base à des conclusions géné-
rales, avant tout parce qu'il s'agit d'une tombe exceptionnelle^ et
ensuite parce que l'artiste chargé de graver les planches qui accom-
pagnent cette note a reproduit très-infidèlement quelques-uns de
ces vases. Je serai obligé de parler encore de ces inexactitudes.
Un autre caractère commun à toutes les tombes de Golasecca est
celui-ci, qu'aucune des poteries de cette nécropole n'a été faite au
tour ; on les a façonnées d'abord à la main et on a lissé ensuite avec
l'ébauchoir.
Maintenant que nous avons résumé les caractères généraux, nous
passerons à l'examen détaillé ; et ici je crois bon de faire noter que
mes observations sont établies sur plusieurs centaines de fouilles.
Avant tout, ici comme à Villanova (5), nous remarquons quatre
formes diverses de tombes :
i» Tombes simples, consistant en un simple trou dans la terre, sans
le moindre caillou, et dans lequel on a déposé l'urne.
2<* Tombes formées de simples cailloux, dressés régulièrement au-
tour de l'urne, laquelle est placée sur un sol également composé de
(1) G.-B. Giani, BaJttaglia^ etc., p. 1^5.
(S) Id., depuis la page 17 Josqa'à la page 25«
(3) G. de Hortillet, Sépultures, etc.
(4) B. BiondeUi, Unatomba^ etc.
(5) G. Gouadini, J>i m sepolereto druico soopirto presso Bohgna,
DEUX PÉRIODE? DU PREHIER AGE DU FER. 77
iailloax. Qaelquefois ane grosse pierre et une ou deux dalles gros-
sières servent de couvercle.
il m'est plusieurs fois arrivé de rencontrer des amas si considéra-
bles de ces pierres, qu'il fallait travailler pendant quatre ou cinq
heures, avec trois où quatre ouvriers, pourjsortir tout ce matériel de
la fosse.
30 Tombes formées d'un fond de cailloux, tandis que les parois la-
térales et le couvercle sont de dalles grossières. Il arrive parfois
qu'une ou deux des parois sont formées, comme le fond, de cailloux
non cimentés, posés à sec les uns sur les autres.
4"* Tombes de simples dalles brutes ; ce sont en général des tom-
bes quadrilatères, mais elles peuvent avoir aussi cinq, six, sept et
même huit cdtés très-irréguliers.
Pour la forme et la façon des urnes cinéraires, il est facile de re-
marquer des types assez différents les uns des autres. Lorsque je
commençai à pratiquer desfouilles à Golasecca, je ne donnai pas, tout
d'abord, une grande importance à ces différences ; mais plus tard,
ayant remarqué que certaines formes d'urnes correspondaient à des
Bbules d'une forme spéciale, qui à leur tour n'étaient jamais associées
i des urnes d'un autre type, il me vint le soupçon qae la répétition
constante des mêmes faits ne devait pas dépendre d'un simple hasard,
mais plutôt d'une différence d'âge de ces monuments; un semblable
soupçon devint bientôt pour moi une conviction, lorsque, pendant les
fouilles successives, je pus multiplier ces observations. Ce sont ces
différences et ces particularités qui m'ont conduit à subdiviser à 60-
lasecca le premier ftge du fer en deux périodes^ que je désignerai par
les noms de première et seconde ; la première est celle que je crois la
plus ancienne.
PREMIÈRE PÉRIODE.
Les urnes que j'attribue à celte période sont d'argile mal lavée et
contenant des grains siliceux en petite quantité ; elles ne sont pas
faites à l'aide du tour à potier et sont enduites à l'extérieur d'une s^r-
gile plus fine lissée ensuite à l'éhauchoir. Elles ont leur plus grand
diamètre horizontal vers la moitié de leur hauteur (pi. XY, fig. 8) et
sont toutes (sauf une ou deux exceptions sur des centaines de cas)
ornées de certaines bandes de triangles ou dents de loup^ gravées
lorsque l'argile était encore fraîche, sur la paroi externe delà moitié
supérieure de l'ossuaire. Ces dents de loup ont leurs pointes tour-
nées^ vers le bas et sont remplies d'autres petites lignes parallèles à
l'un des côtés, également gravées. Entre deux zones de triangles on
78 RETUE ARCHÉOLOGIQUE.
a fra<;ë une autre bandelette de traits fort courts croisés entre ent
comme des X. Les dents de loup, ainsi que les autres ornements, sont
tracées avec un inslrumenl à pointe tranchante, comme celle d'un
couteau; parfois, mais rarement, ces mêmes traits sont granufés
comme si on les avait traces avec une roulette ii couper la pâte, ou
mieux encore en appuyant suf Targiie fraîche un fil de bronze tordu
en spirale sur son axe (i). De plus, tous ces traits en creux étaient
remplis, h rorigine, d'une espèce d'émail blanc, lequel devait ressor-
tir avec un bel effet sur le fond sombre du vase. Il est quelquefois
assez difficile de distinguer cet émail, qui, étant d^une substance plus
délicate que la terre cuite, est plus ou moins effacé; mais on ren*
contre assez fréquemment des ossuaires sur lesquels cet émail est
encore assez visible et quelquefois même très-bien conservé. Il est
très-visible, par exemple, sur les tessons de Possuaire trouvé dans
la tombe de Sesto Calende (2), laquelle appartient à la première pé-
riode; lesdits tessons sont déposés aujourd'hui, avec d'autres
précieuses trouvailles, au musée archéologique de Brera. Dans le
mémoire du professeur Biondelli on remarque, pi. I, fig. 2, le dessin
d'un vase entier que jamais personne n'a vu, et qui, bien sûr, n'a
jamais existé que dans l'imagination du dessinateur chargé de ce
travail. En effet, tandis que les ossuaires renflés vers le milieu sont
les seuls qui soic*nt ornés de d0nf5 (fe loup gravées^ et que les os-
suaires renflés vers le col du vase ne sont jamais gravés, celui qui
nous est offert dans la planche en question présente l'étrange hy-
bridisme d'un ossuaire de la deuxième période enjolivé des orne-
ments de la première. Hais, je le répète, dans la collection de Brera,
ni dans aucune autre que je connaisse, le vase figuré dans l'ouvrage
de H. Biondelli n'a jamais existé. A Brera, on trouve bien les tessons
du véritable ossuaire de Sesto Calende; c'est là que j'ai pu les exa-
miner et reconnaître sans peine que cette urne cinéraire appartient
à la première pério te aussi bien par la forme, la gravure et l'émail,
que par les autt^ particularités de fabrication.
Ce n'est pas là la seule remarque que j'aurais à faire an sujet defs
dessins de l'ouvrage en question, et je devrais dire aussi quelque
mots sur les deux verres à boire^ ou supposés tels par le sâVàtit afd-
teur, lesquels ne sont autre chose que les pieds creux de deux coupes
identiques à une de celles que nous publions aujourd'hui (pi. XY,
(1) 6. Cbierici, S^tokn di Bismanùwif dans It Bull, di PaUU iialimm, OMn
1875.
(S) BiMAini, Vna ismha^ eie. '
DEUX PÉRBimS B9 MAMIBR A6E DU FER. 79
fi^i^i; mais j« ne eNi»paB néMsnirê d^nsister, ni de donner des
preuves de ce qae}'»?apce, bien persuadé que le savant archéoiogae
directeur du cabiBel numismatique de Milan saura, dans une autre
édîlion, rectifier ces inexactitudes au dessinateur, et d'autres tout
aussi graves; ce qui permettra au professeur Biondelli de conserver
dans son mémoire l'assertioD qu'un uexamen attentif n des objets trou-
vés dans la toaibe de Seste Ca lande a pu lui permettre « d'en donner y
en même tempe ^u'tiit destin fidèle j une description exacte (1 ) » .
J'ai dû faire les observations précédentes afin de prouver que, si .
la tombe de Sesto Galende est exceptionnelle quanta la richesse, elle
n'altère cependant pas le moins du monde ma théorie des deux pé-
riodes; laquelle aurait été un peu ébranlée si la tombe de Sesto
Galende avait été telle qu'on Ta présentée au monde savant.
Les ossuaires à renflement moyen se trouvent plus particulière-
ment dans les tombes fomées de simples cailloux, ou de cailloux et
de dalles; ce qui n'exclut pas qu'on en trouve quelquefois, mais
très-rarement, dans les tombes formées de dalles seulement, ou dans
une fosse sans aucun caillou. Il faut noter ici qu'il n'est pas commun
de trouver des urnes dans une fosse simple, et que cette particula-
rité est presque exclusive à la première période.
Le vase-couvercle de l'ossuaire de la plus ancienne période est
quelquefois en formed'écuelle è lèvrerentrante (pi. XY, fig.6) elquel-
quefois en forme de coupe à long pied (pi. XV, flg. 13 et 15). Ce
cravercle est généralement lisse, sans gravures, ou tout simplement
orné de légers traits ou d'un cordon en relief (pi. XVI, fig. 15).
n arrive assez souvent que d'aulres vases semblables au couvercle,
ou d'autre forme, sont groupés autour de l'urne principale.
Dans l'urne même se trouve presque toujours le petit vase acces-
soire commun aux deux périodes ; celui de la première période est
cependant un peu différent de celui de la deuxième, pour la pflte et
d'autres particularités de fabrication ; il a des courbes moins gra-
cieuses que dans la deuxième période, et le col plus court (pi. XV,
flg. 7).
Certains rases, d'une forme étrange, sont tout à fait particuliers à
cette période. Je veux parler de ces vases quadrangulaires, à pied
conique ou sans pied, ornés de dessins géométriques gravés, etsem-
blables à celui qu'a publié Giani (2). Dans la riche collection de
M. l'ingénieur Villa de GrecOi il y en a un intact, que nous repro-
(iV^BtaMli, Vm iMiéa, p, ft, Hfoei 7 et 8.
(S) G.-B. Giani, pi. VII, ig. 7.
80 REVUB ARGRÉOLOGIQUI.
daisons ici (pi. XY^ fig. 44). Je possède également dans ma collection
un vase de cette forme et des fragments de quelques autres.
Les cjlindres en terre cuite renflés aux deux bouts (pi. XVI, fig. 9),
en forme de bobine, sont particuliers à cette période. Ils sont identir
que à ceux de Yillanova (1), Felsina et autres localités, avec cette
différence qu'à Golasecca je n*en ai jamais tu de gravés en creux.
Les petits cônes en terre cuite, connus sous le nom que je crois
peu approprié de fustiioles^ sout communs aux deux périodes.
Les objets de parure, en métal ou autres matières, ne sont jamais
très-communs dans la nécropole de Golasecca, ce qui me fait suppo-
ser qu'il s'agit ici de tombes de pauvres gens ; le bronze y est moins
rare que le fer dans les deux périodes, mais particulièrement dans la
première. En outre, dans la plus ancienne période, ces fibules sont
toujours en bronze et des formes les plus simples (pi. XY, fig. 10,
U, 12); le petit canal dans lequel l'extrémité de l'épingle va s'insé-
rer est court et simple; quelquefois, mais rarement, la partie exté-
rieure de la fibule est ornée de petits points gravés, remplis d'une
espèce de pftte blanche probablement métallique; plus fréquemment
on y a tracé des dessins géométriques, gravés. La forme en êongiue
y est la plus commiine ; la fibule est fréquemment vide et ouverte k
la partie inférieure, si bien que si on tourne en haut la partie creuse
la fibule ressemble grossièrement à un bat$au; quelquefois deux
boulons (pi. XY, fig. 10) ou deux pointes saillent latéralement.
Les fibules à disques ou à grosses côtes en relief sont tout à fait
spéciales à la première période (pl.XY, fig. 12); elles ressemblent a
quelques-unes de celles de Yilla Nessi (2), dans la vallée de Yico, ou
des lacs de la Suisse (3). (Y. Desor.) i
Les épingles à cheveux, de 20 cent, de longueur environ (pi. XV,
fig. 1), 7 sont plus fréquentes que dans là période suivante.
Les beaux bracelets y sont rares; ils sont tous ouverts, peu ornés,
et d'une épaisseur moyenne de 7 millim. (pi. XY, fig. 3).
On rencontre plus que fréquemment, irès-conmiunément, certains
anneaux ou bracelets formés de trois ou quatre tours d'un seul fil de
bronze plié en deux (pi. XVI, fig. S). On en a quelquefois jusqu'à huit
ou dix exemplaires dans une seule tombe, et il y en a de toutes les di-
mensions, depuis le diamètre de 15 millim. jusqu'à 8 cent. Us sont
rares dans la deuxième période.
(f) G.Gosttdini^ Di un fcpo/erelo, etc., pi. 7, llg. 3.
^) ùùÊor, Lt M âffêâu iroAM, pL 8, flg. a.
DEUX PÉRIODES DU PREMIER AGE DU FER. 81
Les chaînettes» et de beaux colliers entiers formés de petits anneaux
de fil de bronze (pl« XY, flg, 6), appartiennent presque exelosiyemenl
à cette période ; dans la seconde j'ai également trouvé quelques frag-
ments de chaînettes, sans jamais avoir pu en recomposer des colliers.
Avec les urnes gravées j^ai également trouvé une pointe de lance
en bronzct une lame de poignard et un petit couteau (pi. XV, fig« 4)
également en bronze. Les pointes de lance en fern'ont jamais accom-
papié que les urnes de la deuxième période. Il faudrait cependant
faire une exception pour la tombe illustrée par le professeur B. Bien-
dellji déjà citée; mais il est nécessaire de faire remarquer une fois
encore que cette tombe est m generis; d'ailleurs, rien d'extraordi-
naire qu'un grand personnage, tel qu'on suppose le guerrier de Sesto
Galende, possédât des armes plus belles et plus rares que celles de
ses autres compatriotes.
SECONDE PÉRIODE.
Les urnes de la période la moins ancienne sont, à quelques excep*
tiens prés, d'argile soigneusement purifiée, et par conséquent sans les
griins siliceux notés plus haut. Elles sont également façonnées sans
l'aide du tour à potier et lissées à Tébauchoir ; de pins, leur surface
externe est enduite d'une couche d'argile encore plus fine, rouge ou
noire, i laquelle a été donné un beau luisant ; cette surface luisante
est enjolivée de quelques ornements non pas gravés, mais d*un briU
iant plus vif, comme (rtiiiî. Parfois quelques vases rouges (c'est-à-
dire de la couleur de la terre cuite) ne sont pas enduits superficiel^
lement de la couche de fine argile dont je viens de parler, et dans
ceca« ils offrent une surface un peu raboteuse, dépourvue de toute
espèce d'ornements lion.-— Il me semble que, tout aussi bien dans la
première période pour les vases gravés, que dans la seconde pour les
vases brillants, on ne devait enduire de cette seconde couche de fine
argile que les poteries qu'il s'agissait d'orner de dessins^ et lorsque la
terre était déjà un peu cuite ; qu'après avoir tracé les dessins voulus,
on devait soumettre la pièce à une nouvelle cuisson dans le but de
durcir et de fixer la seconde croAte. La supposition de deux cuissons
successives expliquerait plusieurs des particularités remarquéesdans
to façoïi des vases du premier ftge du fer. H. le professeur-Chietid
a été le premier à noter les deux cuissons, en pariant des ^égolturès
deBismantova(l}. : : J. . :.:
(i) GUffin, Sitpo/m dt Afimemlowb
Le proftlëas dmiarvésï'fst ptusiMégiinl &tni&ià seoonde pèriodS'qne
Vwûe (pi. XViI,âg.dlel Si); et èMte ferme, qui se répëtepenrpresi-
(IM'liMfiees vases, est k Golaseœa lemeililevrearaetère poar destin-
f suir les deux périodes. Dans les toasbôs on tretnre également des
ira&e^td'nae autre forme (1) que je suis d'avis de rtfp^rter également,
p0»r maiBteBamv à la seconde période ; ils sont dHrae forme iiflus
conique et pbia aJlongëe, moins ventrus. Giani nous présente un «de
ceavases^pl. III, fig. é de son livre; parfois ils^n'ontpas la lèvre
é¥Ésée«; Hs n'oné «pas ia>bofiohe veeouverte d'une coupe ni d'aucun
autre ^ase, et ils ne«€o»tiénnefft -pas d^ vase accessoire ; msts le»
autres particularités de la fafon et du modelage, aussi bien que les
âbules en bronae qu'ils contiennent, les font attribuer, sans aucnn
doute> è la deuxième période.
J'ai parlé ailleurs (2) de la méthode suivie pour obtenir les orne-
ments bruni sur brillant.
Le type tout i fait spécial de cette période est donc, ainsi que je
l'ai ditt celui des vases renflés vers le col. Ces ossuaires peuveniétre
ornés de différcAtes façons, si bien qu'une seule figure ne sufiBrait
pas» ainsi que j'ai pu le faire pour la première période, à lea repré-
aeoter tous (3). Quelquefois, outre les dessins brwÊÙ dont j'ai parlé,
les ossuaires sont également cerclés de cordons en relief au nombre
de deux à six (pi. XYI, fig. 23) (4). Les dessins consistent en lignes
obUques, irrégulièrement parallèles, tracées de droite à gaocbe ou de
gauôbe à droite (5) ; parfois les lignes obliques se croisent comme
loa mailles d'un filet (6); d'autres fois on retrouve les triangles de la
première période, mais toujours brunis, jamais gravés (7)«
L'ornementation, ici comme dans la première période, n'occupe
que la portion située au-dessus du plus grand diamètre de l'ossuaire.
Quelques-uns des vases à cordons, ornés du baut en bas, sont seuls
exceptés (pi. XVI, fig. 22).
Ces ossuaires, n*ëtant pas gravés, ne peuvent également pas avoir,
(i) C.-B. GisùS, Battaglia, etc., pi. III, fig. 4.
|f^ P. GastaUhiDeo, f Mêriotitt.
Vi^iM^* ÇAfmtBiaiiaglia, et6 lies flg. 4 et 7, pi. VII de lea ouvrage^ i e prfceu l Mi t
4ia JIMP de U première pérjiKie; tous les antres tues dee pteelies III, JV>«| W
■emblçpt 8e rapporter h la deuxième période. .
^ (4) Ûl^B. Gisnl, Battaglia, etc., pi. III, Qg. 7; pi. IV, Sg; 11.
(6) Id., fliid., pL IV, ig. 12.
(S) Id., ibid., pi. VU, flg. 5 et 6; pi. III, flg. 6, 6, 7, 9.
(7) Id., ibid., pi. m, flg. 5; pi. VII, flg. 5, . j
I
DEUX PËRIOftISS DU ^BHIBlI A6% DU FER. 93
p$r mn&èqaeniy le remplissait d'émaiT blanc si i^etnarciirMile cfoiînr 10
creux des sillons de la première période.
Les ossuaires de la deuxième période se rencontrent plus particu*
lièremfent dans les tombes à dalles; toutefois on en trouve aussi,
mais plus rarement, dans les tombes formées différemment ; en
trduTer dans une fosse simple, sans cailloux, est un fait tout ex*
ceptionnel.
Le vase-couvercle a toujours la lèvre rentrante, avec le pied gén'^»
ralement très-bas (pi. XVI, flg.20). Il arrive souvent que le couver^çti-
éeuêlle est rouge et nboleux, tandis que l'urne est des plus belles et
parfaitement lissée ; quelquefois c'est le contraire ; mais le type de
l'ossuaire est cependant toujours celui de la deuxième période..
Beaucoup d'écuel les, parmi les plus belles, sont ornées d'un dessin
truni composé de traits se croisant en losange (pi. XYI, fig. 20).
Le petit vase accessoire enfermé entre les parois de l'urne a les
mêmes dimensions que le petit vase correspondant de l'autre période ;
mais il a des courbes plus gracieuses, un col plus élancé (pL XVI,
fig. i9), et il est luisant, comme la plupart des vases de la même
période.
Quelques coupes et d'autres vases accompagnent souvent l'orne
principale. Les coupes ont presque toujours un pied très-t^as. L'anse^
toujours rare â Golasecca, est très-rare dans la plus ancienne pé*
riode, et l'est moins dans la seconde.
Le vase élégant que j'ai publié dans la planche i2, flg. 2 dea
Merlotitt (1) est particulier à cette période, aussi bien que l'autre
pourvu d'une anse.
Sous le fond de beaucoup d'ossuaires, d'écuelles et de vases^ accès*
soires brillants on Voit communément une croix brunie sur loi*
sant (2) qui a été prise par quelques savants pour on symbole reli-
gieux (3); il est assez remarquable qu'un signe semblable se re*
trouve également à Yillanova, à Yulci, etc. Cette croix brunie se
remarque aussi, mpins fréquemment, dans le fond intériear des
coupes ; M. Gaëtan Villa de Greco Milanese possède unede ces coupas,
trè^bcUe, et Giani en a également publié une (4). Dans lea deiiw
périçdes de Golasecca ta même marque, grossièrement grav^ lors-
que le vase était euit^ se voit quelquefois sous le fond Ae /^v^lq^es
(i) p. Cattdfranco, / Meriatiti^ pL XU, flf. s.
(S) id., Jbid., pi. XU, flg« 4 6.
(3) G» de NorÛUet, Le ngne de laeri^eUi., p. 126. ^ >
(4) 6:-B. ëtânl, Battà^îia, ete., pi. tV, llg. 4.
8& RE?inS AftGBÉOLOGIQUB.
Tftses.oa di^8 le fond: intérieur, ainsi que sur le bord ou le ventre
des vases accessoires.
Hais dans la deuxième période deGoiasecca un fait se présente qui
est encore plus remarquable : ce sont quelques signes, qui ont l'air d'ê-
tre des lettres ou des chiffres gravés lorsque la pt te était cuite^ et qu'on
rencontre tris^arement^ il est vrai^ sur la paroi extérieure du col des
petits vases accessoires, rien que sur ceux-ci. Le scrupuleux professeur
6.-B. Giani avait déjà fait connaître dans son livre plusieurs de ces
signes ; mais sa bonne foi a été mise en doute d'une façon injurieuse par
M. le professeur Biondelli ; si le professeur Biondelli avait pratiqué de
nombreuses fouilles, comme l'abbé Giani, il aurait reconnu aussi
bien que lui la vérité du fait. Aussi bien que M. Giani, j'ai tiré de la
terre, de mes propres mains^ quelques petits vases brillants, sur les-
quels sont gravés des signes mystérieux ayant un air de famille
avec l'alphabet étrusque, sans toutefois se rapporter entièrement,
que je sache, à aucun des nombreux alphabets déjà connus. Je pu-
blie deux de ces marques, les soumettant à l'examen des savants
(pi. XYI, fig. 27 et 28). A ce propos je dois faire remarquer ici que,
s'il n'est pas possible de douter de la bonne foi de M. Giani, on peut
supposer que des gens, peut-être par amour du lucre, n'ont pas
été aussi loyatix à son égard, et ont frauduleusement marqué quel-
ques-uns de ces vases, pour les lui vendre à un plus haut prix, le
reléguerais, par exemple, dans cette catégorie le vase qu'il a publié
à la planche lY, fig. 16^ dont les traits gravés ne m'Inspirent aucune
confiance.
Les fibules de la deuxième période sont déformes très-variées,
comme les vases ; elles sont presque toutes en bronze et quelques-
unes en fer, et reproduisent des types déjà connus dans d'autres né-
cropoles. Nous retrouvons avant tout les fibules renflées de la pre-
mière période, pleines ou creuses, mais parfois légèrement modifiées :
ainsi le petit canal dans lequel s'enchisse l'épingle ^ou languette -
mobile est généralement supporté' par une -tige plus longue et sou-
vent terminée en boule (pI.-XVI, fig. 24 et 26). On y voit aussi excep-
tionnellement des^ fibules en forme de bateau, mais dépourvues des
deux totiteiu latéraux.
Tandis que les deux types de fibules retirées de la première période
se^ répètent dans la deuxième avec les modifications notées ci-dessu^,^
la fibule à côtes (pi. XY, fig. 10) a complètement disparu; par contre,
d'autres types élégants ont pris la place de U fibule à côtes (pl^ XVI,
fig. 23-96) ; nous avons représenlé quatre de èes fibules des type^les
plus fréquents. Les mêmes, avec quelques variantes, péUVèntsè^ voir
DBUX PiaiODBS DU PRKMIBR AGE DU FBR. 85
dans le liTre de H. 6iani(i). Qaelques fiimles àé ViUan6ya(a) et
d'autres localités italiennes sont semblables à Tone des nôtres (pi.
XVI, flg^M).
Les fermoirs on plaques de ceintaron (pL XVI, fig. 18)'(3) appar-
tiennent à cette période presque exclusivement ; celles qu'on trouve
parfois, tout exceptionnellement, dans les ossuaires de la première
période sont plus étroites et plas allongées. Je possède une de celles-
ci ornée de dessins en zigzag, gravés sur la face extérieure.
Les épingles à cheveux (pi. XV, flg*. 1) y sont plus rares qae précé*
demment.
Les bracelets (?) de gros fil de bronze, non ouverts, mais avec les
extrémités superposées (pi. XVI, flg. 16), appartiennent plus particu-
lièrement à la deuxième période.
Des aurUcalpium en bronze (pi. XVI, fig. 17) et un autre objet du
même alliage, que je crois destiné à la cure des ongles, et que je
trouve souvent associé k Vauriscalpitony se trouve particulièrement
dans les plus belles tombes de la deuxième période. Dans la première
les mêmes objets, plus rares, sont formés d'une vergette qûadràngu-
laire, en bronze> tordue en spirale sur son axe (4).
Je n'ai trouvé de lancée en fer (5) que d^ns la deuxième période ;
la tombe de Sesto Galende, que je sache, est jusqu'à présent la seule
exception (6).
Et enfin, avec les ossuaires renflés vers le col, on trouve aussi les
perles d'ambre^ de verre blanc ou verdfttre, et de pfttes colorées.
Quelques fibules de cette période sont aussi formées, en partie, de
petits disques d'ambre réunis ensemble au moyen de rivets en bois
et de petits trous, comme à Villanova (7) et à Pel9ina;je n'ai jamaii
trouvé, à Golasecca, les fibules ornées de verroteries, communes à
Villanova.
RËCAPITULATION.
Dans la première période : Ossuaires en argile non soigneusement
(1) G.-B. Giani, Battaglia, etc., pi. V, fig. 10, il, 12, 13, 14, 15.
(a) 6. Goizadini, Di un sepolereto, pi. VIII^ fig. Ift.
(S) G.-B. Giani, pi. V, flg. 10, 17, 18.
(4) PV Gastelfruco, La fiecropoli di Rmo^ dans lé BulMt di paletnoioffia iêt^
iittna, 1875, n** 4 «t 5 ; et Matériaùx^eiCiy if «née, août 1075, :8* tt 0* Rtf.
(5) G.-B. Giaoi, pi. VUI, flg. 1.
(0) B. Biondelli, Di yna tomba, etc., pi. I, flg. 8.
(7; G. Gonadioi, pL vm, flg. 10.
M RB?UB ABCHÉOtOOIOUB.
46cwtée, xeiiflés yers le iniliea de la hf nte^, oraës de 4^^^ 4W
oal été wçis^ Iwque la terre était molle ; les sîlloMreiof lia d'iuw
sorte d'émail blanc.
I>4D8 r^si^iairc;, i^, petit Taae accessoire i ^l coijirt.
Chapes el écuelles à lé?re rentrante, avec pied cre^x gépér^Je-
QiejAt assez élevé.
Petits cylindres en forme de bobines, non incisés*
Fibule à côtes relevéeS| fibale renflée et fibule en bateau, toutes les
trois avec un court pédoncule ; filles «ont toi^ours en bronxe.
Armillès (?) formées de six à huit tours d'un mince fil dei>ronx6,
communes.
Chaînettes en bronze p^n rares, et quelquefois de beaux coUiem.
Armes en bronze.
Peu de fer.
Sigle : (?) nue seule, iormée de deux traits croisés, incisés ; pen
epmmpne.
4«e tout plus fféquen^ment dans les tombes de simples cailloux.
Dans la DEUXiiu période : Ossuaires en argile soigneusement dé-
cantée, renflés vers le col, généralement luisants, ornés de dessins
brup^4 réticulés, jamais gravés en creux.
Daijis l'ossuaire, petit vase accessoire au col élancé.
Ëcuelles à lérre rentrante, avec pied généralement bas.
Croix brunie, fréquente.
Les mêmes fibules que 4ans la première période, moins celle i
côtes relevées, et plus quelques autres nouveaux types. Quelque
uns des types de la preo^iére période ornés ep plus de rondeiW
d'ambre, avec P^peadice caudal plus prolongé et généralenf^iirteiFr
miné en boule. Fermoirs ponr ceinturon ; ils sont presque excluait
à cette période ; le tont en bronze.
Peu d'épingles k cheveux ; bronze.
Bracdets d'an trés-gr^llt de bn»ize anx extrémités superpoeèes.
Ambre, verres, pâtes colorées.
Lances de fer.
Le fer moins rare.
Caractères (peut-être numériques) de style étrusque, gravés^ lors^
que Targile était cuite, sur le petit va^e dit accetsairé.
Je n'ai attribué à aucune de ces deux périodes les (Uguee ^e 7er
airec Iborreau de bronOy n'en ayant jamais irouvé mm-mimê itins
les tomi>es de 4a «ioiopeie ; celle de la tombe de 8estD Gaténcto (()
(1) B. BiondtUi, pi. I, flg. S.
DEUX PÉAUMft ^M MUMim Mfe DU FER.
fltmbterftt ip^mtrir 1 ta {première pèrtoAe ;^ni^9ail pas h (Mne
éB l'aMrtûre i|«i icMmpignait ttHè aôtré À^e txMeF?éie daiil U
coHeetion dé^ Mw YRIs de Grtoo MiaiMe.
'fodtis bîfe obserfer ^ne lespoNS^riR» ^^ *^ot tfftfues^ itMi
qu'ils été samMlMté pour «elles "de Tige du bmne» Mnillri^
OMrtee ; i'^espÉm véservé pour la uni», dniis la pMgnée de la AifM
de M. VNift, «^aque 7 'eentrmètres ; <Mte de Seatè Galendé.Mpbiiée
à Brera, eai île la même mesure.
lielaiCciHleBsiia, ajouté àiseite autre parlicutarité q«e lesyafuMnb
de Seslo GtfleBde n^eot qure 34 oentimècraB davs leur pins grande
ba«tettr, feot ppéauitter Htu'il s'agît dHMmimes de pieiite taille. Et
quand même 'on voudra it donner peu d'itnpoitawee aux dimenaîons
dee peignées, attribuant cette brièveté à une mantère particvtiére
de les saisir^ on n'arrive ^pas auwi fteilement i écarter les prenv^
Connates par tesjamhardê. Snrceus-ci, modelés d'une fiiçon admi-
mMe, on dDserve les formes de ipule la partie inférieure de la jambe,
dapnîs la rotule jusqu'à la naissance dn •eoodepied (i). 0uaiit à mM,
loot bien «considéré, je crois que lé guerriet* de Sestp Galende né
devait pas avéir plus de i*,GO de hanteur. H. le professeur B. Bion-
dettî, avec les mêmes données, est arrivé i des conclusions tout b
fait opposées aux miennes en disant que l'aspect de ces jambards
démontre qu'illsont dû appartenir à un hoirane d'une stafure colbl-
aale (2). Les faraoeiets sont également de petite dimension t pi* XV,
«g. 3).
CONCLUSION.
D'après tout ce que je viens d'exposer, et si j'ai . su m^expliquer
cMremenlt, Yl doit résulter que les tombes de Golasecca appartien-
nent à deux période)» distinctes, dans la pins récente desquelles on
troùVe des vases plus savamment fabriqués qtie dans la période pré-
cédente, ainsi que des fibùfles i^ltis variées^ Vaitil)re, le verre, et
peni-'ettl» aUssfi des caractères numériques.
Ayant aitaiji UéiermTné les déuX périodes de tSc/lasecca, je crots
qu'il ne doit pas être difficile d'en déduire, par corollaire, les ftges
>MillifB'd'a«tres nécropoles ou strions de la bante hMe. f6 t^to en
désigner quelques-unes.
(1) niondem, Utia tomba, pi. I> flg. &«
(1) Id., « poipaeci di treâiêt firtÊêêm, P*^^ ta; % «MteiYi o0fo»Mle »j |^ it,
Ug. la.
tt RBTrà AlCflOiOLOOIQR.
L9: nteropole de VUla Neui dans la V^le di Yieo deyrait te rap-
poptieri la première période de GoUsiecca par les .flbales publiéespar
M. GaroTaglio dans la planche YII^ flg. 1, S, 3/ 4, 1, 8, de son
inëmolre intitnlé Ultime seaperte^ etc. (1). Je snis un peu en doate
au sujet des autres objets figarës sur la même planche, et particu-
lièrement de la petite perle colorée^ fig. 14, qui à Golasecca se rap-
porterait à la deuxième période. Il aurait été important de savoir
dans quels ossuaires a été trouvé chacun des objets de parure. — De
même, les vases pi. Yl, fig. 2 et 7 du même ouvrage sont identiques
i ceux de la première période de Golasecca; quant aux autres vases
de la même plancJie, j'hésite un peu à les classer, à cause de la
forme du bord ; toutefois il est à remarquer qu'ils sont renflés k la
moitié de leur hauteur. Pour l'ensemble ils.se rapprochent davan-
tage des urnes de Yillanova et Poggio Renzo (2). Dans un autre mé-
moire de M. Garovaglio (3) les fig. 10 et 11 de la pi. II se rapportent
sans aucun doute à la première période de Golasecca ; et la fibnle
n* 12 doit être également attribuée à la première période, ayant été
trouvée avec les deux autres objets que je viens de citer. On en peut
dire autant de l'épingle, à cheveux^ pi. II, flg. 16; delà flbule flg. 7, et
du couteau de bronze fig. 13. Je n'ai jamais vu, il est vrai, à Gola-
secca de semblables couteaux; mais j'ai déjà fait observer que les
armes de bronze n'appartiennent qu'à la première période.
JUalgesso semble se rapporter, au contraire» k la deuxième période
de Golasecca pour la forme de l'ossuaire et pour le petit vase acôes-
soire^ lequel a le col élancé ; c'est du moins ce que je crois re-
connaître en examinant les esquisses publiées par M. Garova-
glio (4).
Robarello correspond à la première périodei à cause du casque
publié par H. Garovaglio (5), identique k celui de la tombe de Sesto
Calende, et plus encore par les vases de la pi. IX, fig. 2 et 5. Le vase
fig. 3 de la même planche paraît être un type de transition entre les
deux formes d'ossuaires de la nécropole de Villa Nessi.
Bismanlova semble se rapporter à la première période de Golasecca,
k cause des ossuaires renflés vers le milieu, lesquels en outre sont gra-
(i) A. GvoTâgUo, Ultime scoperte delt <pooa gallica, etc., dant U Rmiita
ardieoi) délia prw, di Como, août 1S72.
(3) A. Bertrand, Rmme archéologique^ 1S74.
(3) A. GtfOTagUo, Ultime scùfterte nelle necropaU^ etc^ daat la BMeta eaxheo*
logiea délia prov. di Como^ déeembre 1S74.
(k) A. 6aro?aglio, iUd., aoAl 1S72, pi. yi, fig. S et S.
(5) Id., Md., août 1S72, pL IX, flg. 4.
DBUX PÉRIODES DUPRBKIEB AM DU FER. 89
Yës en cneux, et leurs sillons sont remplis du même émail blano (1).
A Golasecca nous ne trouvons pas le rasoir de Bismantova (2) et
la Qbtf le formée d'un gros fil dé bronze tordu sur son axe; mais une
fibule semblable, nous la. trouvons à Villa Nessi, avec des objets de
la première période de Golabecca. D'autre part, à Golasecca, avec les
ornes renflées vers le milieu je trouve quelques atmscalpium for-
més d'un fil quadrangulaire tordu sur son axe comme l'arc de la
fibule de Bismantova (3).
Une partie des tombes de Villanova devrait correspondre à nos
deux période», ainsi que j'ai cru le reconnallre en examinant les
planches do savant ouvrage de M. Gozzadini (4) et lors de la visite
que je fis â la splandide collection que cet illustre archéologue eut
l'obligeance de me laisser examiner. M. l'ingénieur Zannoni est éga-
lement d'avis qu'à Villanova il y a au moins deux périodes ; c'est ce
qu'il me dit de vive voix lorsque je visitai aveclui les tombes Benacci
pendant les fouilles ; en outre son assertion est confirmée dans une
de ses dernières publications (6), où il est dit clairement: « Dans le
« seul groupe Benacci j'ai trouvé neuf sépulcres, lesquels renfer-
« maient l'objet supposé un rasoir, et j'ajouterai que cinq de ces sé-
« pulcres appartiennent aux sépulcres de l'époque antérieure à Vil-
tc ianova» et selon moi pélasgique^ et quatre aux premières époques
a de Villanova. »
Rovio (6) a également une étroite parenté avec la première période
de Golasecca : avant tout, parles vases, lesquels sont renflés vers le
milieu et sont fabriqués d'après les mêmes procédés que Golasecca
première période et Bismantova (7); en second lieu, par le fil de
bronze quadrangulaire tordu sur son axe, comme à Golaserca pre-
mière période, à Bismantova, etc., et enfin par le couteau de bronze.
Les Merlotitt sont des traces d'habitation de la deuxième pé-
riode; ce qui résulte de la façon des vases de cette station, que j'ai
publiés en décembre 1871, c^est-à-dire dans un temps où je n'avais
pas le moindre soupçon des deux périodes de Golasecca, et, partant,
aucune idée préconçue. Plus tard j'ai encore trouvé, toujours aux
(1) G. Chierid, Sepolcri di Bismantova, p. 45.
(2) Id., ibid., pi. II, flg. 3.
(a) Id., ibid., pi. II, flg. 1.
(4, 6. Goixadini, Dt tin tepolcrtto^ etc.
(5) A. Zannoni, Suifiruunti ratoi di bronxo /extrait du BulUtt. deit Mitutp di
eorritpondensa archeolog.^ Rome, 1875, p. 9.
(e) P. Castelfranco» La rucropoli di Rovio, etc.
(7) 6. Ghierid, Sepolcri di Bismantova.
XXXIV. 7
90 KBYVB ARCHiOliOGlQIHI.
Merlotittj une fibule de bronze de la deaiième période (pi. XVI,
fig.26).
La plupart des fibules que j'ai étudiées & la bibliothèque de Ber-
game (1)^ indiquées comme provenant de Verdello et Zanica, se rap-
portent, pour les types aussi bien que pour la présence de l'ambre^ k
la deuxième période.
La tombe de Ck)mabbio^ décrite par M. Marinoni(2) comme appar*^
tenant à la dernière période de la pierre (t), se rapporte, à monaris,
pour la disposition et les dimensions des dalles et des cailloux de la
tombe, et pour la fa§on de Tunique tesson de poterie qui a été cob-
serve, i la première période de Golasecca (3). — Ce que M. Marinoni
appelle un groseier maillet de serpentin {ï} trouvé dans la même
tombe n'est autre chose qu'un caillou morainique quelconque,
comme on en trouve par milliers sur cette colline.
Et^ pour maintenant, je ne crois pas nécessaire de pousser plus
loin mes confrontations entre Golasecca et d'autres stations, le ci*ots
cependant qu'une série de déductions du même genre, basée sur les
fouilles de Golasecca, pourrait conduire à d'heureux résultats, déci-
sifs et certains, dans le difiScile problème du premier ftge du fer. En
attendant, comme ouvrier, je me suis hâté d'apporter de nouveaux
matériaux à Tédiflce de la science ; que les savants les examinent et
disent leur opinion.
POMPBO GaSTELPRANGO.
(1) p. Castelfranco, Paietnoiogia iombarda, dans les Atti délia Soe. ital. di
teienze nat.^ vol. XVIII, faac IV, 1S75.
(S) Camillo Marinoni, Nuovi ovanzi preistorici in Lomàardia^ S* Belazitme^ dans
les Jlfemorie délia Società Haliana di sciense naturali^ t. IV, n« 5, pi. I, fig. 5»
(3) La même tombe fut publiée plus tard par^M. Marioooi, dans la Storia d\Itaiia
li Atto Vanucci, comme ane tombe de Golasecca (I). Et alorst est-elle de Ce-
ioabbio ou de Golaseccat
(4) Camillo Marinoni, Nwm avanxi^ etc., pi. I, Sg. k»
aBeaBBB9SBB^BBBSSSBSBSaSS9eSB9BaaHBE9BSBHBH
lE DE Li PROVI
PÉRIODE ANTIQUE
Béiumé des opinions de M. P. Charles Robert (1)
M. PriTat, éditeur à Tooloose, publie en ce moment une nonrelle
édilion d'un ouvrage devenu rare et qui jouit d'une juste réputation,
YHîstoire générale du Languedoc^ par D. Devic et D. Yaissete. Les
auteurs avaient joint, comme preuves, à leur vaste ouvrage, de nom-
breuses notes dont la valeur est loin d'èire la même : on sait, en effet,
que si la critique historique était déjà puissante au siècle qui vit
Fréret, cerlaines parties de l'archéologie, et, parmi elles, la numis-
matique gauloise et même la numismatique du moyen âge {Vj\ en
étaient encore à leurs premiers pas. Aussi la note consacrée aux
monnaies était-elle i peu prés nulle. Une pièce d'argent des Yoikes,
d^un type fréquent dans le Languedoc, avait été prise par les savants
bénédictins pour une de ces imitationsdes espèces arabes qui se fabri-
quaient dans le Midi et contre lesquelles s'élevèrent saint Louis et
le pape Clément IV. H. Privât, ayant résolu de mettre les notes de la
nouvelle édition à la hauteur de la science moderne, s'est adressé à
des hommes spéciaux, et H. P. Charles Robert a biin voulu détacher
en sa faveur quatre planches du vaste album qu'il forme depuis de
longues années en dessinant i la ^lume, avec le plus grand soin, les
monnaies gallo-grecques, gauloises et gallo-romaines des collections
publiques et des collections particulières qui lui ont été ouvertes.
Ces planches sont accompagnées d'un texte sobre et didactique dans
lequel Tauteur a su tirer de faits bien établis les conséquences qu'ils
comportent et des aperçus nouveaux, sans céder i ces entraînements
(1) Voir la note namitmatiqae dans le t Q de YBistoire générait du Lan'
gyidoe; Toalooae; ISTS.
(S) L'oamce de Dabjr ne parât qa'ea 1790.
92 RBTUB ARCHÉOLOGIQUE.
d'imagination auxquels on est naturellement enclin quand on aborde
une époque aussi intéressante, mais aussi pauvre en documents écrits
et aussi mystérieuse, que la période celtique. Un résumé de ce tra-
vail, neuf à plusieurs égards, nous a paru de nature i intéresser les
lecteurs de la Revue voués aux études celtiques et ceux qui cultivent
la science des médailles.
Le cadre imposé i Tauteur ne comprend que les monnaies des
peuples antiques ayant occupé le territoire qui formait au dernier
siècle la province de Languedoc; mais de telles limites ne pouvaient
être rigoureusement respectées, car certains systèmes monétaires
qui avaient leur centre entre le Rhône et la Garonne se sont étendus
au delà de ces fleuves, et il n'est pas possible, dansTétat actuel de la
science, de distinguer nettement les origines et d'attribuer i chaque
pièce son berceau.
Les peuples antiques groupés dans rintérieur des terres, entre
ces limites^ n'appartenaient plus guère qu'à la race gauloise au début
de la période monétaire. Celaient les Helviens, les Yellàvès, les
Cabales, une partie des Rutbénes, et surtout le grand peuple des
Yolkes; qui a eu beaucoup de monnaies. Les Ibères n'occupaient plus
guère que des points voisins des Pyrénées. Le littoral était hubité
par des peuples mal définis et d'origines diverses, qui ne peuvent
revendiquer sûrement aucune monnaie. Seuls, certains Gaulois,
qui occupaient sans doute le golfe de Narbonne, nous ont laissé les
monuments d'un monnayage particulier.
En fait, et c'est la conséquence de ces habitats* le nombre des
monnaies gallo-grecques à légendes et des monnaies muettes et pure-
ment gauloises est bien supérieur dans le Languedoc au nombre des
monnaies ibériques. Il était donc naturel que l'auteur, dans ses pré-
liminaires, insistât principalement sur l'origine, le caractère et les
diverses phases du monnayage gaulois. Il rappelle, comme nous
l'avons établi, que la race gauloise, alors qu'elle couvrait une grande
partie de l'Europe, était en contact avec le monde grec aux deux
extrémités de sa domination^ c'est-à-dire par les établissements qu'elle
possédait dans là vallée de l'Ister et d'où elle dirigea tant d'expédi-
tions, et par les conquêtes qu'elle avait faites sur la partie des côtes
de la mer Intérieure qui appartient précisément aujourd'hui à la pro>
vince de Languedoc et qui se trouvait alors voisine! la fois de la Mas-
saliétide et des colonies grecques de l'Hispanie ; ces conquêtes la met-
Uient en outre à portée de l'Italie et de la Sicile. De telles rela-
tions, créées par la guerre et entretenues par le commerce avec la
race U phis civilisée de l'antiquité^ amenèrent naturellement tes
NUMISMATIQUE DE LA PROVINCE DE LANGUEDOC. 93
Gaulois à faire asage du signe d'échange et à imiter les monnaies de
leurs voisins, qui avaient coars sur toas les marchés. Ce fut donc à
des prototypes grecs que les Gaulois empruntèrent leurs modèles
vers la fin du iv* siècle av. J.-C, c'est-à-dire lorsque commença le
travail d'assimilation. Ceux du Danube fabriquèrent des tétra-
drachmes dont ils prirent les types à la Macédoine et à diverse«
contrées helléniques. Les Gaulois du nord et du centre de notre
Gaulée restés en relations avec les établissements danubiens sans
doute par la vallée de lister, reproduisirent surtout les statères d'or
de Philippe de Macédoine, qui étaient, du reste, copiés à cette époque
de tous côtés et même par les dynastes d'Asie, si bien qu'ils consti-
tuaient, en quelque sorte» un type international.
Les Gaulois du midi, s'ils copièrent aussi le statére d'or macédo-
nien, ce dont l'auteur ne parait pas certain, n'en Qreot pas leur prin-
cipale monnaie. Leur véritable signe d'échange primitif fut, chez les
uns, du bronze imité d'un type usité à Agrigente et dans d'autres
villes de Sicile; chez les autres, et les plus nombreux, de l'argen:
plus on moins copié sur le numéraire des colonies grecques dont ils
étaient le plus rapprochés, c'est-à-dire de la Massaiiëtide et des
comptoirs établis chez les Indigètes, au delà du promontoire pyré-
néen.
Dans ces colonies grecques du littoral^ comme dans la Grande
Grèce et dans l'Ile de Sicile, l'argent et le bronze seuls servaient
au signe d'échange, à l'appoint si Ton veut, et l'or s'employait au
poids. Il en fut de même, jusqu'au temps de Sylla, à Rome, où le
trésor était formé de lingots. Les Gaulois du sud, s'ils ne mon-
nayèrent pas d'or, en eurent aussi au poids, témoin les meules que
l'on gardait dans les étangs sacrés de Toulouse.
Les monnaies de bronze de type sicilien sont très-anciennes et
souvent de beau style. Elles sont frappées par des cheCs gaulois dont
les noms, AOYKOTIEN02, B(0EI02, BITOYKOi;, KAlANTOAOi: et
PirANTIKOS, sont écrits en grec; li'ur fabrication a duré très-long-
temps et a fini par donner des spécimens barbares et presque iodé-
chifi'rables. M. Robert croit que la plupart de ces bronzes appartiennent
aux environs du golfe de Narbonne, en sorte qu'à cette époque re-
culée (à peu près la même que celle où l'on introduisait dans le reste
de la Gaule le statére macédonien), si les Grecs conservaient le littoral
à gauche du Rhône et, en Hispanie^ une partie de la côte des Indi-
gètes, les Gaulois étaient maîtres de la zone centrale où s'éleva l'an-
tique Narbonne. Le port de cette ville, que Strabon qualifie plus tard
94 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
de port gnnlois par excellence, leur aurait ainsi permis d'avoir, comme
leurs voisins, un commerce extérieur, et d'expédier par mer, sans sa-
bir les rxigenres des Grens, les marchandises de la Gaule centrale et
même Tétain et les produits de Ttlc de Bretagne, qui remontaient la
Garonne et gagnaient l'Aude après un court portage à dos de bétes de
somme.
Quelques unes de cps monnaies de bronze portent le nom d'un
peuple, AOITOITAAHTÛN, écrit au génitif pluriel suivant Tusage
monétaire. M. Robert résume les pn mières hypothèses plus ou
moins aventurées dont ce peuple a été l'objet, depuis Pellerin qui
le plaçait en Laconie, sur le mont Taygéte, jusqu'à H. de la Saussaye
qui compose son nom des ethniques de deux peuples gaulois appar-
tenant l'un au pays de Langonia dans le Gévaudan, l'autre au pays
de Tallet dans le Roussillon. Il rappelle que M. Boudard veut trouver
dans ce mot l'ethnique de Toulon, sans remarquer que les monnaies
qui le portent n'appartiennent pas à la rive gauche du Rhône; enfin
il réîiume, en terminant, Texplication beaucoup plus plausible et plus
ingénieuse due à M. de Saulcy, sans la considérer toutefois comme
incontestable. Il est, ajoute* t-il, en numismatique comme en géogra-
phie, des points sur lesquels on ne peut entièrement porter la la-
mière.
Tout ce groupe de bronzes avec des noms d'hommes et de lieux
commence, avons-nous dit, par de beaux exemplaires de type et
d'arl grecs, et flnit, comme les statères d'or du centre et du nord, par
d'informes dégénérefccnces où le sujets s'il se reconnaît encore, tra*
hit, par son exécution, des artistes devenus inhabiles.
Quant aux monnaies d'argent, les plus communes sont imitées des
drachmes de Rhoda. L'auteur donne 9(5 variétés de ces imitations.
On sait que Tatelier monétaire de la colonie grecque fondée fur la
côte N.-E. d'Hispanie présente deux types, sortes d'armoiries par-
lantes; c'est: t* la rose vue en dessus avec ses pétales épanouis;
2* la rose vue en dessous et dont le disque est coupé en quatre par
les sépales barbues ; ajoutons que celles-ci se détachent à angle droit
du calice et forment quatre cantons dans chacun desquels un pétale
se replie comme il arrive lorsque la floraison est très-avancée.
Ces deux types, et surtout le second, paraissent n'avoir pas été
imités par les seuls Tcctosages comme on le pense généralement,
mais encore par les autres peuples gaulois qui habitaient entre
l'Océan et le Rhône, et même au delà de ce fleuve. On retrouve en
effet ces imitations fréquemment, non-seulementdans le Languedoc,
mais dans la Guyenne et même en Provence; Elles- étaient tellement
NUMISMATIQUE DE LA PROYINGE DE LANGUEDOC. S6
abondaDles, an dernier siècle, snr les plateaux de Vieille-Toulouse,
que les ouvriers, suivant Tabbé Aut^'bert, se louaient sans salaire
ppur y travailler la ferre, ceitainsd être largement rémunérés par
les trouvailles qu'ils y feraient.
La suile du texte et les planches nous montrent les dégénéres-
cences successives du second type, où les sépales barbues finissent
par ne plus former que deux barres en croix, tandis que les quatre
pétales recroquevillés se transforment en quatre objets ayant forme
d'olive ou de croissant.
L'auteur a formé de ce vaste système de monnaies d'argent plu-
sieurs sous-groupes bien enchaînés les uns aux autres. Ainsi quecela
se passe pour toutes les monnaies gauloises copiées sur des monnaies
grecques» le type primitif pur ne se rencontre qu'assez rarement,
mais il en existe des reproductions dont bon nombre semble relati-
vement peu ancien et ne semble peut-être pas au-delà des premiers
établissements romains dans le sud des Gaules. Cette partie du mé<^
moire est des plus importantes; elle donne aux collectionneurs un
excellent système de classification.
Dans un grand nombre de pièces, chaque canton de la croix pré-
sentCj comme on vient de le dire, un croissant qui n'est autre chose
qu'un souvenir lointain du pétale de i*ose replié. H arrive souvent
aussi qu'un petit globe se trouve dans la courbure du croissant. Des
nnmismatistes avaient vu dans ces représentations une allusion hié-
ratique aux astres. On trouvera, dans l'exposé si lucide des lois de
dégénérescence propres à la monnaie du midi de la Gaule, de puis-
sants arguments contre une école qui s'obstine i voir dans le champ
de toutes les monnaies gauloises des emblèmes religieux, comme si
les artistes qui gravaient les coins monétaires, il y a plus de deux
mille ans, s'étaient préoccupés, non de donner au signe d'échange
un type usité chez les peuples plus puissants et plus riches et l'aspect
auquel le public était habitué, mais de révéler aux générations fu-
tures les «lystères du culte. Sans être l'ennemi absolu du symfoo-
lisn^^ difis les types monétaires de la Gaule, l'auteur le repousse
dans la plupart des cas.
En résumé, Il ressort du travail que je viens d'analyser, que les
premières îmit9tions du numéraire grec, en or dans le centre et
dans la partie septentrionale de la Gaule, en bronze et en argent
dans le midi, étaient de bon style et de titre élevé pour les métaux
ftttHftïi; <^r de tels produits dénotaient une culture assez avancée,
car, saiis patrier de la gravure des coins qui exige la connaissance du
W REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
dessin et des outils diGSciles à fabriquer, TafOnage du métal et la
formation par la frappe de reliefs très-prononcés nécessitent des
notions de: chimie et des procédés mécaniques perfectionnés. ^ A
ces heureux et premiers essais du monnayage gaulois succèdent des
spécimens de plus en plus dénaturés, et il y a cela de remarquable
que la plupart de ces produits, où l'art grec a presque entièrement
disparu pour faire place à un faire bizarre, sont m'oins anciens
qu'on ne le croit d'or linaire. Il résulte, en effet, de la composition
mixte de certaines trouvailles, que bon nombre de ces monnaies dé-
générées appartiennent à une époque assez rapprochée des conquêtes
faites par les Romains dans le Sud, sous la conduite de Magnus
Maximus et de Cneius Domitius Jlnobarbus, et peut-être même de
rarrivée de César dans les Gaules. Il sembla que, après avoir fait
de belles monnaies à la grecque, les Gaulois auraient à peu près on-
blié la science et les arts monétaires, et peut-être laissé longtemps
chômer les ateliers où se fabriquait le signe d'échange. Ces faits
économiques dénotent une situation sociale moins bonne qu'au dé-
but. La fabrication de la monnaie, et le commerce dont elle est un
indice, n'auraient repris de Tactivité que lard, à l'époque où com-
mençait à s'exercer l'Influence romaine, et lorsque la culture grec-
que avait déjà subi en Gaule la déchéance dont parle Strabon. Ce
ralentissement dans la vie commerciale des Gaulois, cette sorte d'in-
terruption dans rémission de leurs monnaies, cet avilissement de
l'art, M. Robert n'a pas tenté de les expliquer dans son mémoire,
mais nous savons qu'il les attribue à la situation poliliquequi fut faite
à nos pères pendant la période qui s'étend entre l'influence grecque
et l'influence latine. Les Gaulois, suivant lui, en étaient à l'apogée
de leur puissance et du développement de leur force expansive lors-
que commença la fabrication de leurs premières monnaies, c'est-à-
dire des monnaies à la grecque. Cette race intelligente avait pénétré
dans le monde civilisé par des expéditions heureuses et s'étaîl mise
en relations avec lui non-seulement par le commerce, mais par lés
mercenaires qu'elle fournissait à des princes ou à des peuples riches
et efféminés; ce contact lui avait donné une certaine connaissance
des arts, qui se manifeste dans la gravure des coins, et des relations
commerciales qui justifient le grand nombre des monnaies ihises en
circulation (ij; puis les richesses enlevées chez les peuples vaincus,
(1) Les trouvailles qui se soecèdent depuis qa'on s'occupe de monnsiee g&alolset,
«V ceUes qui oot été perdues depuis SOOO ans, prouvent que la Gaole^ au débat,
iHY it on niunéraiTe très-considérable.
NUMISMATIQUE OB LA PROVINGB DE LANGUEDOC. 97
les tributs exigés en numéraire avaient ralenti la fabrication moné-
taire, tandi$ que le pouvoir exorbitant usurpé par des chefs forts de
leurs victoires avait amené peu à peu une féodalité excessive et qne
situation politique pleine d'antagonisme, qui ont dû nécessairement
arrêter la prospérité de la nation. Plus tard, les conditions semblent
se modifier : la guerre civile et les invasions d'outre-Rhin obligent
les Gaulois à s'appuyer sur les Romains, et donnent à cette couche
inférieure qui n'était ni esclave ni libre, suivant César, une cer-
taine influence. C'est à cette époque que le monnayage à l'ancien
type grec dégénéré reprend de Tactivité; puis, le commerce renais-
sant à traver les Alpes et par la mer Intérieure, l'influence romaine^
soutenue bientôt de la présence des Romains dans le sud des Gaules,
se développe rapidement, et les anciens types monétaires, à tradition
grecque, sont désormais sans utilité et font place à l'imitation du
numéraire romain. Comme l'or avait été longtempsemployéà Rome
à l'état de lingot, et que les monnaies de la. république n'étaient en-
core qu'en argent, les premières monnaies gauloises à la romaine
furent exclusivement d'argent et de bronze, non-seulement dans lesud
où c'étaitdéjà l'usage, mais dans le centre et dans le nord de la Gaule.
L'emploi de Por fut d'ailleurs interdit plus tard par César.
Ce monnayage, plus actif chez les peuples demeurés libres ou de-
venus stipendiaires que dans les colonies de droit latin, dura long-
temps et ne cessa qu'assez tard sous le principat d'Auguste, qqi in-
terdit d'abord l'argent, puis le cuivre, sauf dans deux ou trois ate-
liers où ce métal paraît avoir survécu. On doit savoir gré à M. Ro-
bert de chercher dans la situation générale des Gaules, si peu
connue pendant la période intermédiaire, l'explication des phases
diverses par lesquelles passe leur numéraire, et, sans considérer sa
manière de voir comme incontestable, nous ne pouvons que la signa-
ler aux numismatistes et même aux économistes.
Je m'aperçois qu'en examinant ce qui est dit dans le mémoire au
sujet des fièces d'argent primitivement copiées sur les drachmes
de Rhoda, et qui plus tard ne présentaient plus que deux barres en
croix, j'ai omis de signaler un fait fort curieux et qui parait bien éla*
bli. Certaines de ces pièces, de faire tout particulier , abondent
dans les collections allemandes et sont signalées de tous côtés, no-
tamment dans un recueil publié à Augsbourg, comme se rencontrant
habituellement sur la rive droite du Rhin et vers les sources du Da-
nube. M. de Saulcy, si bon juge en pareille m^ère, avait classé
dans sa vaste collection cette sorte de monnaies comme appartenant
98 ' HefUE ARCflËOLOGIOUE.
aux Tectosages d^ la ffH*èt Reri^hié, àùM parle César, oa anxToIo-
aates mentioiiiiiés* par Isidore de Séville. L'auteur^ tout circonspect
qa-il soit, adikiet cette origine germaniqae; il considère comme
impossible qii'nn senl trésor, apporté do sud de la Gauie en Sooabe,
ait fourni tant de spécimens, et comme on a également trooré de
ces pièces k I» croix aux environs de Génère, il en conclut qu'elles
s'étaient répandues et se fabriquaient^ comme Ta dit H. de Saulcy,
cbet des peuples de même famille habitant les uns vers le Rhône
et la Garonne, les autres sur le haut Danube. Seulement, il se de«
mande si ces habttantsdu Danube venaient, commeon le pense génè*
ralement, du midi de la Gaule, et avaient remonté le Rhône pour
pasfcr ensuite de l'autre côté des Alpes. A son avis, conforme, du
reste, è ce que nous avons souvent enseigné, il est plus probable que
les peuples d^outre-Rhin, qui usèrent du type monétaire qui nous
occdpe, s'étaient arrêtés en Son»be, dans le premier mouvement
d'immigration, après avoir suivi la vallée de l'Ister qui formait un
des grands chemins d'alors, tandis que d'autres hommes de la même
race, Tenus peut-être après eux, avaient poussé plus loin et avaient
gagné la vallée du Rhône, puis les plaines de la Garonne. Les divers
groupes de la nation, ùMs par des liens sans doute assez intimes,
avaient adèpté, eomnie signe d'échange commun, un type choisi par
les cénquérants que leur bonne fortune avait conduits jusqu'à la
mer fntérienre, où ils avaifent rencontré un antique et puissant foyer
de civilisation et de commerce auquel ils avaient demandé leurs
types monétaires.
Un chapitre spécial est consacré à l'atelier de Ntmes. Cette métro-
pole des Aréeomiqnes a eu des monnaies dont la pins ancienne, sur
laquelle d^ lit NAMÀZAT[QN], remonte à la période gallo-grecque;
puis vient un beau denier représentant un des Dioscures, et sur le«
quel les numismatistes avaient lu jusqu'à ce jour NEMAY; M. Ro-
bert pi^ssède on exemplaire plus complet de cette rare pièce qui
potlé NBHAY et qui appartient à l'époque de transition où l'al-
phabet grec était encore en usage chez les Gaulois, mais où les types
romains commeilçaient à pénétrer dans les ateliers monétaires.
Viennent ensuite les monnaies toutes latines. Ce sont d'abord des
pièces ett argent et en bronze de petit module, sur lesquelles on lit :
NEM. COL, et qui sont d'une époque aiitéi^ieure peut-être à César.
Nous avons déjà rappelé que la* Aibrîcatlon de l'or avait été interdite'
en Gaule par le (SékXeàt, qu'il en fdl! de même éè l'argent sous Au-
guste, et i|ne le Vr&ùté turiitni à l'argent. A ces pieli tes mdnnaies
NUMISMATIQUE DR LA PROVINGB DE LANGUEDOC. M'
succfcdent, dans la monographie coDsaerée à Ntme5^ U série de ces
curieux broDzes, du modale des as, qui portent les tètes adossées ^
d'Avgaste et d'Agrippa, et aa revers un crocoflile enchaîné à un
palmier. Ces bronzes constitaent, suivant toute apparence, les der-
niers soavenirs de l'autonomie monétaire dans la partie des Gantes
qui correspond au Languedoc. Leur abondance fut si considérable
que des spécimens s'en rencontrent fréquemment encore aujour-
d'hui, isolés ou en masse, dans les diverses parties de la Gaule.
M. Robert a donc émis Tavis que non-seulement Pantique capitale
des Arécomiques avait conservé, par tolérance légale, le droit de
frapper monnaie, mais même qu'elle avait été, pour des raisons
qu'on ignore aujourd'hui, le point principal où se fabriqua, pendant
un temps assez loiig<, le numéraire d'appoint nécessaire à la Gaule.
Des savants, et à leur tète l'auteur de VHistaire de la monnaie ro-
maine^ M. Hominsen, s'attachant uniquement aux légendes et à
certains détails du type» n'ont attribué à cet immense monnayage
qu'une durée de trois années. Voici sur quoi ils se basaient : le
droit montre les têtes adossées d'Octavien et d'Agrippa, avec la lé-
gende IMP. DIYI. F. Qr^ comme le titre d'Auguste, déféré au Ils
adoptif de César en 727, n'est pas mentionné sur ces bronzes, on en
avait conclu que l'ateli^ avait été fermé avant cette année 737. Mais,
d'autre part, la fabrication n'avait pu commencer qu'après la colla-
tion de l'imperium, titre reproduit par les pièces en question; elle
se trouverait ainsi limitée entre les dates extrêmes 784 et 727. Com-
ment, avec cette théorie, expliquerait-on que, sur les prodnics d'un
monnayage arrêté en 727, apparût le titre de père de ia patrie, qui
ne fat concédé à Auguste qu'en 752? On a dit, il est vrai, que les ma-
gistrats de Ntmes, dans leur reconnaissance, auraient devancé le dé-
cret dn sénat; mais ce n'est qu'une hypothèse. M. Robert, ne pou-
vant admettre que la production d'un numéraire assez considérable
ponr avoir servi à toute la Gaule n'avait eu qu'une si faible durée,
guidé d'ailleurs par les nombreux spécimens qui présentent cette
dégénérescence du faire et du type, propre seulement aux fabriea*
tioDs de longue durée, pense que le type ntmois est un modèle îm*
mobilisé.
A l'appui de sa manière de voir, M. Charles Robert entre dans des
considérations essentiellement namismatiques et fait une remarque
dont l'importance n'échappera pas au lecteur. On est trop porté, dit»
il, même chez les érudits, à considérer les monnaies comme des
monuments èpigrapbiques ordinaires et à chercher danslenr^ types
ou leurs légendes l'époque précise de leur émission. Orypisei qu'il
100 RETUB ARCHÉOLOGIQUE.
Ta constaté eik parlant da monnayage gallo^grec et gasiois» on s'at-
tachait, dans Tanliquité, à conserver aux monnaies certaines for-
mules et certaines représentations bien acceptées par le paMic et
propres à grandir le rayon de la circulation. // n'y avait donc pa$
une relatUm ab$ùlue entre le type au le conteste d*une monnaie et
r époque de son émission. Il en fut de même dans les colonies à la fin
de la république et jusqu'au moment où la centralisation impériale
eut réduit le nombre des ateliers et changé le caractère de la mon-
naie (1). Ainsi la tète d'Auguste et l'indication de l'une de ses magis-
tratures ne veulent pas toujours dire que la pièce remonte au temps
de cette magistrature, ni même qu'elle ait été frappée du vivant de
l'empereur. Quant au buste d' Agrippa, il formait alors un type po-
pulaire fort à la mode et qui fut conservé dans divers ateliers moné-
taires longtemps après la mort de ce personnage. Une de ces mon-
naies à type permanent est datée à la fois du X* consulat d'Auguste,
c'est-à-dire de l'an 736, et du IIP d'Agrippa, qui avait en lieu en
727. Une pièce d' Agrippa, frappée à Saragosse avec l'indication de ce
même troisième consulat d'Agrippa, ne remonte qu'au temps de Ca-
ligula^ ainsi que le démontrent le type de la tète et la présence des'
noms de deux monétaires qui signaient les bronzes de ce prince.
D'autres exemples sont encore cités. En résumé, nous pensons avec
l'auteur que rien n'empêche d'admettre a priori que les bronzes de
Ntmes aux télés adossées d'Auguste et d'Agrippa ont pu être frap*
pèes, comme les bronzes de Saragosse au type d'Agrippa, longtemps
après la mort des personnages qu'ils reproduisent.
Quelques considérations sur le type du revers des bronzes de Nî-
mes terminent le passage. Ce type est formé d'un crocodile enchaîné
à nn palmier, dans lequel on ne saurait voir autre chose que l'em-
blème de la conquête de l'Egypte. On sait, en effet, qn'Auguste lui-
même faisait représenter sur sa propre monnaie un crocodile avec la
légende : iBGVPTO CAPTA. Le revers des bronzes de Ntmes a été étn-
dié i fond dans une brochure due. à M. Frœbner, qui le considér»
comme la représentation d'un crocodile et d'un palmier en nature
apportés d'Egypte. M. Robert ne conteste pas cette origine, que
M. Frœhner appuie de nombreux exemples, mais il combat Topinion
généralement admise qui attribue l'introduction du type en question
k des vétérans venus comme colons à Ntmes. Il remarque, en effet.
(1) Il y ^Qt encore eependant, qoelquéfoii, darant rempira, des monnaies fkbriqoées
h d'anciens tjrpes, sans le inot : restitua. Téinoln la série frappée Ters le tenps de
Galllcj^ Mie la tAte des preniers.empeMaff.
NUMISMATIQUE DB LA PROYINGB DE LANOUBDOC. 1(M
qu'en Gaale les colonies d'origine militaire incontestable n*ont
jamais en de monnaies. Ces colonies sont d*abord Narbonne et Arles,
qui reçurent les vétérans de deux des plus célèbres légions d'Au-
guste, la X* et la YI* ; puis Arausio, derenu le centre de la yélérance
de la H* légion; Boeterr», de laVlI%et Forum lulii« de la VIII*. A ce
sujet, l'auteur signale une prétendue monnaie de la YI* légion qae
divers auteurs et M. de la Saussaye lui-même {Numismatique de la
Narbannaise) croyaient frappée à Ruscino. Il ne s^agit pas, sur cette
pièce, de la YI' légion YICTRIX, qui était en Espagne, mais de la
YI* légion FERRATA) qui était à Bérythe. Le moyen bronze reven-
diqué poar le Roussillon est en effet de cette dernière ville.
Un des derniers chapitres est consacré aux monnaies à légende
ibérique propres au sud de la Gaule. On désigne ordinairement sous
le nom de cellibériens ces caractères qui se lisent sur des monnaies
analogues, fréquentes en Espagne, et auxquelles M. deSaulcy a con-
sacré, dés 1840, un ouvrage qui fait encore \o\ aujourd'hui. M. Ro-
bert a préféré le mot ibérique et peut-être a-t-il eu raison, car
M. A. Heiss remarque, dans son ouvrage sur les monnaies de l'Es-
pagne, que les pièces présentant ces légendes particulières se ren-
contrent d'ordinaire, non dans la contrée que les anciens ont eux-
mêmes appelée Geltibérie, mais dans les parties de la péninsule où
la race ibérique parait s'être conservée presque sans mélange. Nous
n'analyserons pas cette partie du mémoire, où les attributions sont, en
général, données d'une manière dubitative, ainsi que l'exige l'in-
certitude qui règne encore et sur la langue dans laquelle sont écrites
les légendes et même sur quelques-uns des caractères dont elles se
composent.
Enfin, une rapide revue des monnaies faussement attribuées à la
province de Languedoc termine l'ouvrage et poutre les progrès qu'a
faits depuis quelques années la science des médailles.
Albxandhb Bbktrano.
PŒMANIOS
Le 45 septembre je quittai Âldindjik. Sur la roate de Cyzique à
Pergame» au pied des ntontignes qui séparent le versant de la Pro-
ponfide de celai dé l'Archipel, j'ai rencontré les ruines byzantines
que les Turcs nomment Eski-Hanias ou Manias K&lehsi (t). Ce sont,
suivant Hamillon (2), les restes d'une ville qu'il nomme Pœmanenos.
IIotfAav9)vjç est un adjectif comme KuCixy)V(((;, qui désigne plutôt le ter-
ritoire de la ville que la cité elle-même. Dans la plupart des histo-
riens byzantins nous trouvons cette Torme au neutre : t^ lIoifMcvYivoy,
lisons nous dans Nicétas Choniate (3) et dans Anne Comnène (i).
Les différentes notices des évéchés byzantins donnent noii^avortoç et
6IIoi(Miv(ou. Eh comparant ces difTéren tes formes on peut conclure que
le nom de la ville était Pœmanios ou Pœmanos.
Cette ville ou plutôt ses habitants sont mentionnée pour la pre-
mière fois par Pline. « Au ressort d'Adramytte sont portées les
affaires des Apolloniates, des Eréziens^ des Milétopolites, des Pcema-
néniens^ des Macédoniens ; en Hysie» des Abreitins, de ceux
qu'on nomme Hellespontins, et d'autres sans renom (S). » Le rhéteur
Aristide parle d'un temple d'Esculape que l'on admirait de son
temps à Pœmanios (6); malgré toutes mes recherches, je n'ai pu en
trouver les restes. Peut-être existait-il à l'ouest de l'acropole, prés de
cette source où les Turcs ont construit des bains maintenant aban-
donnés* Peut-être aussi occupait-il l'emplacement de la mosquée
(i) Etki-Hftniu signifie l'ancien Manias, et Manias-Kalehsi, la forteresse de lla-
Dias. Le nom de Manias est donné mûntenant à toute la contrée qui s'étend des
montagnes an lac Aphnitis.
(t) Hamilton, Hesearchet in Aiia minor, U, p. lOS.
(S) Page 888 de l'éd. de Paris.
{h) Altmade, p. ft39 de l'éd. de Paris.
(5) Lib. V, 30.
(6) Aristiâe> tome I, page 800 de l'éd. Dindorf.
raiMANio& 103
qui, sQiraQt une Iradition locale, aurail r«nH>lacû une église cliré-
tieoBe rasée fèt les musalmaiie»
Quant i Tétat poUUque de la ? Ule, nous n^en samns rien ; jusqn'à
présenl l.e» monnaies anciennes ne nous oni founii tucnn renaeigne-
ment i ce sujet. Nous ne connaissons qoe des impériales grecques
do Trajan portant pour légende noiMANHNON (1).
* Au commencement da moyen âge, Poemaoios devint un des sièges
épiscopaux de la province de l'Heltespont. Leqoien a retrouvé dans
les acies des conciles les noms de cinq de ses évéques* Ce sont :
Etienne, 4St; —Jean 438; — Mercure» 680; — Léonce^ 787; — Ni*
céphore, 879 (2).
Après celte époque nous ne savons plus rien de l'histoire reli-
gieuse de cette ville, sî ce n'est qu'elle avait encore au xiii* siècle
une magnifique église dédiée à saint Michel (3).
Ce qui rendit surtout Pœmanios célèbre, ce furent ses forteresses
remarquables pour l'époque, et les nombreuses batailles livrées sous
ses murs.
En 1113, une armée de cinq mille Tores sortis du Khorassan rava*
geait tout le pays situé entre les montagnes de l'Olympe et le golfe
d'Adramytte. L'empereor d'Orient envoya contre eux un corps de
cinq cents hommes sous les ordres de Camizès. Ce général rencontra
les Turcs à Pœmanios et leur livra batailts. Quoique vainqueur
dans un premier engagemeot, il fut pris et son armée fut taillée en
pièces (4). Ce fut encore près de cette place que s'arrêta l'empereur
Alexis 1*', lorsque trois ans plus lard il guerroyait contre les Turcs
campés sur les rives du Rbyndacus (5).
Au XIII* siècle, les deux combats que se livrèrent les Français et
les Grecs à Pœmanios sont, en Asie, les événements les plus impor-
tants de Ifi quatrième croisade.
AossilAt^oe Louis, comte de Blois, eut reçu de Baudouin le duché
de Nicée, 4I fit partir Pierre de Bracieux et Payen d'Orléans avec
cent vingt chevaliers pour conquérir sa terre (6). Théodore Lascaris,
avec des Grecs nssemUés de toutes paris et le secours du sul taa d'Ico-
Bium, se mit en campagne et rencontra les Français (6 décembre liOl)
(1) Barthélémy, Manuel de numismatique ancienne, p. 31S.
(2) Lequieo^ Oriens' chrisHanus , P. Oami, Séries episeop, eec/. ca^Ao/., Ratit-
bonne, 1873.
(8) Georges AcropoUte, cbap. siii, p. 18 del'éd. de Parii.
(4) Âlexiade, p. M» de l'éd. de Paris.
(5) Id.^ p. 461 de réd. de Paris.
(Ç) 6. de VUlehardoain, Bist&tre de la eanquéle de ÇonsiatUitwpie, g ^ei^jift.
104 RBVDB AROBÉOLOOIQtB.
c dans la plaine d'un château qu'on appelle Pumenienor. .Et il s'en-
« gagea une bataille avec bien grand désavantage pour nos gen&;
« car les autres avaient tant de gens que c'était une merveille ; et
c les nôlnes n'avaient pas plus de cent quarante chevaliers, sans les
a sergents à cheval. Hais Notre-Seigneur donne les aventures
c( comme il lui platt. Par sa grâce et par sa volonté, les Francs vain^-
« quirent les Grecs et tes déconflrent, et ceux-ci y reçurent granll
« dommage. Dans la semaine on rendit aux nôtres une grande partie
de la terre; on leur rendit Pumenienor, qui était un très-fort châ-
€ teau, et le Lupaire, qui était une des meilleures cités de la terre, et
a le Pulinach, qui^ était situé sur un lac d'eau douce, un des plus
a forts châteaux et des meilleurs qu'on dût chercher (1). »
La seconde bataille de Pœmanios fil perdre aux Français toutes ces
conquêtes, c'est-à-dire tout le pays situé entre Nicomédie et Lamp-
saque (2).
L'empereur Robert avait mis à la tète de ses troupes les deux Las«
caris, qui depuis fort longtemps ne cessaient de le pousser à la guerre.
Après avoir traversé l'Hellespont à Lampsaque^ ces deux princes ren-
contrèrent Yatace devant Pœmanios. Lés Grecs furent d'abord mis
en fuite, mais, ralliés par leur chef, ils fondirent sur les Latins et les
massacrèrent. Macaire de Sainte-Menehould mourut dans le combat.
Les Grecs, enivrés de leur succès inespéré, égorgèrent tous les pri-
sonniers français et crevèrent les yeux aux deux Lascaris, tombés
entre leurs mains pendant la mêlée. « Cette bataille, dit Lebeau, porta
« un coup mortel à l'empire franc ; elle releva le courage des Grecs
« en leur apprenant qu'ils pouvaient vaincre ceux dont jusqu'alors
« ils pouvaient à peine soutenir le regard (3). »
Reprise par les Grecs (4), Pœmanios ne tarda pas à tomber aux
mains des Turcs. C'est alors que nous voyons cette ville prendre le
nom de Manias. Les historiens turcs racontent qu'au démembrement
de l'empire seldjoukide, la Mysie échut en partage i Earasi. Les
deux fils de ce prince se haïssaient mutuellement; aussi, lorsque,
à la mort du père, l'alné monta sur le trône,' le plus jeune, Hadji-
Ubeki, se saura à la cour d'Orkhan, chef des Ottomans, et le, pria de
l'aider à conquérir le royaume de Karasi. Pour prix de ses services,
(i) 6. d« VUlehardonin, Histoire de la conquête de Conttantinople, § 819, 820
(texte rapproché da français moderne et mie à In portée de tona» par M. Nnttlia de
WaiUy).
(2) G. Acropolite.
(8) Lebeao> Bietoire du Bat'Snipire,
(4) 6. AeropoUte^ chap. xxxn.
POEHANIOS. 105
il lui promu les quatre nlles d'A!dindjik, de Balouk-Hissar, de Mch
niai et de Tirhala. Maoias était donc encore une ville importante
vers le milieu du xiy* siècle.
Un vieil insurgé bulgare, déporté à Manias au commencement du
règne du sultan Mahmoud, m'a afSrmé qu'à son arrivée dans ie pays
la ville contenait encore huit cents maisons, aujourd'hui complète-
ment abandonnées. Les Turcs ont formé à un kilomètre vers le nord-
ouest un misérable hameau composé d'une vingtaine de chaumières
qui suffisent amplement aux descendants des habitants de l'ancienne
Yille. Les ruines turques sont considérables. Quelques centaines de
constructions en pierre à demi effondrées existent encore au sud de
Tacropole. Près d'une source on voit les ruines d'un bain turc^ qui
peut-être occupe l'emplacement de Fancien temple d'Esculape. Entre
l'acropole et le plateau où existe encore une ancienne église byzan-
tine abandonnée, les musulmans ont jadis élevé une mosquée. Plu-
sieurs fragments d'architecture sont encastrés dans la muraille;
malheureusement on ne voit aucune inscription même orientale.
Il ne reste plus que trois monuments de l'époque byzantine : une
église, un petit édifice carré et la forteresse.
L'église est construite en briques dont plusieurs, au dire des ha-
bitants, portent des lettres et des croix en relief. Malgré toutes mes
recherches, je n'ai pu en trouver une seule et fixer ainsi l'époque
de la construction de ce monument. D'après le plan général on peut
affirmer qu'il est postérieur au x* siècle. Il n'y a pas de narthex, on
pénétre immédiatement sous la coupole principale, qui est à 8"^,68 (1)
du sol actuel. L'épaisseur de cette coupole est de 0^yî3. Il n'existe
aucune galerie intérieure. Sur les murs on voit encore des traces de
peinture. Le mirhab construit à l'extrémité du sanctuaire indique
que cette église a été jadis transformée en mosquée. Maintenant elle
est complètement abandonnée; depuis longtemps les bergers et leurs
troupeaux y viennent chercher un refuge, comme l'indiquent les
0^,80 d'accumulation qui ont exhaussé le sol primitif.
A une petite distance de Téglise il existe un autre édifice byzantin
dont il est difficile de déterminer la destination primitive. C'est un
carré de 7",85 de long sur T^^jâS de large. Au centre de ce carré
s'élève une coupole supportée par quatre grands arcs qui forment
pendentifs. Les murs sont formés d'assises de briques et de pierres.
Quatre musulmans sont enterrés dans ce monument.
(i) Ce chiffre noas parait «rroné, mais noai n'avons aacan moyen de le rectifier*
\ faut peai-être lire 0»,58. (Note de la Direction.)
XXXIV. 8
100 REVUE AtCéBÉOLdâlQUE.
La forleresse couronne les haiiteilfs 'd*iin rbéBër isolé qni dbtatfne
au nord-ouest la plaine de Manias: Lès nnihitles n'existent plM;
pour ainsi dire, que dans la partie nord-est, où elles otatetocôre^ une
dizaine de mètres de hauteur et six mètres d'épaisseur. Elles sont
tAlies avec des matériaux pris à des édifices plus anciens et ajustés
sans art. En deux endroits, j'ai compté vingt et quelques colonnes
de marbre blanc couchées horizontalement. Cette forteresse, dont
il serait diflScile de donner un plan exact, vu l'état de dégradation
où elle se trouve, était une des plus fortes de la Bitbyme. Anne
Comnéne la désigne sous le nom de tcoXC^viov lpù(jLV(h^ov (4).
Dans Tétat actuel elle offre peu d'ititârét. Elle est moins bien con-
servée que d'autres forteresses situées à quelques heures de distance,
comme Sousourlou Kalehsi^ Balia Kalehri^ Erin-papas KalehH^ etc.
La plupart des inscriptions et des fragments d'architecture cpii
étaient encastrés dans les murailles ont été pris dernièrement par iBs
Grecs de Mander-Keui pour la construction de leur église, fc à'ai pu
relever que les inscriptions suivantes dans l'ancienne Pœttanios:
i^" APIZTOKPATHZ 'AptcrroxpoCtT)^
AZKAHRIAAHTn 'Aene^tiicidlSi) tS
rîATPIMNHMHS natpl [Lyi/i}uiç
XAPIN X^ptv
Inscription gravée sur une stèle de lûarbre qiie' jlii fait dégager de
la muraille de l'acropole.
2» ////KAT ....x«rt
3* L'inscription suivante est gravée sur un bloc de marbre assez
fruste, encastré dans la muraille de l'acropole, & plus de six mètres
du sol, dans le sens inverse.
///// H I A2 1 Al AHMOI ////////////////////////
•^A/////////ANAPAKEKPIMENOIENTHI npOZ
PnMAlO Y 201 A I Ai KAITÛNAAAnN OIE N /./,//////
MENOIMETEXONTnNinTHPnNKAI/'A///////.///
MO/KIEin N ETIMHSAN
HP02TPAT0NA0PKAA|!0NQrANAPAfA>rAe<0NfE
NOMENONKAlAIENENKANTAni^TEIKAlAPETHI
(1) Àlexiade, pace kk9, éd. de Paris.
PCBMAlflOS. 409
KAlAlKAinilHHIKAIEYlEBEIAlKAinEP/TOYKO/
JYN(|>EPONTn2THM0ASI//////EI2//////////////
NONSnOYAHNKAinOAAAKAIMErAAAnEPinO
H2ANTATOIJKOINOI2TOY2YNEAPI0YnPArMA
2INTnNnP02A0ZANK///////y///////////////////
^fi»^OHTCÏHA//////l II II ////////II///// ///////////
JHSEUXEAYTOM;
[(K Iv xlH 'A(r(a SrifAOt
[HpoorpotTOv Aop]xa[$t(&voç] dk^pa xtxptfA^vov Iv tij icp&ç
PwfAaIouç ftX(a xal T«av di^Sv ot Iv (1)
(aIvoi fUTix^VTWv ofiKntpcov xa\
• . • • XtttWV lT{(Air)9Q(V
Hpoorpat^ Aopxa$t(&voç dMpa è^vO^ yf
vo(a£vov xal fiuvrpcdfvTa irfow xal àp^tvi
xal $ixaui)9uvv) xal t^e6c(a xal ictpl tou. .•
OUVflpOVTOÇ TJ|v TaÇiv clç
.... oirou$^v xal TcAXa xal f^cydEXa irtpl icoi-
^oavra toTç xoCvotç tou, ouvt$p(ou irpdfyfAa-
otv tSv npbç S^ov X
dhmpuSvTuiv a
tvic t!ç éouT^.
4* 0AHM02
mniANAZKAHniAAOYEYNOIAZ
ENEKENKAlKAAOKATAeiAZ
'Iicirfav 'AaxXT)ina$ou c^o(ac
fvcxtv xal xaXoxflTj^aOCaç
« Le peuple (a .honoré) Hippias fils d'Asclépiade pour sa bienveil-
lance et sa probité. »
Haut, des lettres, 0",03. Marbre encastré dans un des murs exté-
rieurs de l'église byzantine.
(t) Le docteur Déthier, à qui J'ai loamis cette inicription, lerait d'avis de rettitaer
•l Iv IIei|iévcp oa ol Iv IIot|MCvA^
108 RBVUK ABCBiOtOaiQOK.
5* nNAlATONeÉONTIBEPIO/
Haut, des lettres, 0-,04; murs extérieurs de l'église bysantine/
r. 'io<A(oc r
Marbre formant linteau i la porte de l'aile droite (église byzantine),
e* EYTYXIATHI
APAKYPIARAY
AAMNHMH2
XAPIN 9
'Eutu^ff 1^
AptuwpCf n<M*
Stèle de marbre dans un petit bois, i enfiron deux cents mètres
de l'église byzantine.
7* ////// //I A IMI
/////20IAO2O
///eYPATEPA
////////HnATPI AAEY
//////VOTE IMI ANE I
////////NTOYANAPI A
////////HEMHTP02AY
//////02IA-EnillEAHQ
////////A2 A2 EniTO
^iXooo
• • • . . Ouyotttpa
mrrpMa lu*
• . • « . (IMtV tt»
• . • Tou dhf^Ca-
VTOÇ]. . . [ATiTp^ db-
Fragment de marbre. Maison de Hadji-Vaaili.
PCBMANIOS. 109
La plupart des monnaies qne Ton tronre ii Eski-Manias sont des
bronzes byzantins des y* et vi« siècles. Je n*ai vu aucune pièce
grecque soil autonome, soit impériale.
Près du lac ilanias, j'ai acheté à un paysan, avec quelques autres
monnaies, une obole debillon de Gui I*'de la Roche, duc d'Athènes,
porUnt : i l'aTers, ^ 6VI * DYX • ATENES, croix; et au rerers :
TbEBANI • GIYIS, chfttel surmonté d'une croix.
Al. Sorlin DoRiGiVT.
ConitaiitiiiopliB, oct»br« lt7S.
^essaBesHBSBssssBeBgvesaiBesBR
NOTE
8DB LES
RÉGiTKS ACIVH DU HDSÉI! DE GÀFODK
Le Masée de Capone, qui a été fondé il y a seulement quelques
annëesi est déjà l'un des plus riches de l'Italie méridionale, grâce
aux nombreuses acquisitions qu'il a faites dernièrement. On voit
aujourd'hui, dans les salles de ce musée, une centaine de statues de
tuf du plus f rand prix, et des monceaux de terres cuites dont le
nombre peut être sans exagération évalué à prés de sept ou huit
mille.
Les fouilles entreprises sur le territoire de l'ancienne capitale de
la Gapipanie ont toujours produit de grands résultats, bien qu'elles
n'aient jamais été conduites avec suite et méthode. Les travaux pour
établir la ligne du chemin de fer de Naples à .Capoue avaient mis au
jour prés de Santa Maria a Capua Yetere, bâtie sur l'emplacement
de l'ancienne vilie^ un certain nombre de tombeaux de différentes
époques : on y avait recueilli une riche moisson de vases peints, de
monnaies, de terres cuiles dont un grand nombre furent vendues
par des marchands d'antiquités à Naples, dont d'autres enrichirent
des collections particulières. Lorsqu'on 1883 M. Raoul Rocbette
écrivit dans le Journal des Savants ^$ articles sur les fouilles de
Capoue^ les objets qui en provenaient étaient déjà nombreux ; on
pouvait établir quelques classifications générales très-utiles pour la
connaissance de l'histoire de l'art dans cette partie de l'Italie. Les
découvertes des dernières années ont une importance plus grande
encore» et, grâce à la Commission conservatrice des monuments an-
tiques dans la province de la Terre de Labour, beaucoup de détails
intéressants nous sont connus. M. Wilamowitz en 4873, M. Ton
Duhn en 1876, ont inséré dans le Bulletin de Flnstitut de corresponr
RiCBNTES AGQWITIOlf S JIB MUSIJiK DE CAPOUE. iil
'4<m€e archM9gifH0 des xelatioas •étendue avec- des p))senraUQQs
critiques sur les différenis objets trouvés. Sans accepter toutes les
opînîttna qui <^mii.4mises dans ces articles, on invoquera cependant
touvral let^mfiîgnjige de ces deux arcbéplogues. Il faut enfin men-
Hiooaenl'iméressant article de M. Paul Girard, membre de l'ÉCQJe
française d'Atbénes {Revfiê archéologique^ août,ii^76); il. est accoçn-
pagBéide figorts laites, d'après des photographies et dounaptune idée
■Uèsrexttcte jde qp^lquas-aues des statues de tuf.
Les îiuM>iabraI]|les.t«rjreB cuites et les statues de, tuf .du musée de
€lipoue..pravieikii«Qt tontes du même eodroit. Le fQQds Paturelti
dans le village « délie Gurti », à quelques centaines. fde oièlres au
JiT.ii^a6aDtelli»a, est depuis longtemps copuu (1). E^n tStô on.dé-
conmtilaos i^etto pîèi^ de texre, à peine de revendue d'^n hectare,
-lMXe(M0s4^aaj5anctttiii-e^(dfipais toialement détruit. Il était gntié-
reuMt.pMfitraitra t«f ;.<vi y jftQiQtait.p^r un. escalier au pied.d
quel je trouvaient des Hrf^iûx accroupis. Au mois de nove^ibre 1S75
iM. ;Patai:eUi donnait, à. la Commission Qonsecvatrjce des fuonuments
I^(dét«i4s» suivante :.<i Le temple. i&tait .bâti ainsi que L'e^cajier d^ns
la direction de l'orient; au-dessus de l'escalier se troqyait ^un plan
ûeutorme çarrfte,, w Milmi^wiM yavait^un petit autel d!une
beUe^arcUteAtoren Ait du même, tuf queje.çeste du temp^le (2). >> Il
exista ^H.muiBi^ «a grand powbre de fragments qui peuvent, donner
iui6t«id^ du st|le de ce^^teiaple.» On a i^ouyé dans ces di^rniéres
Mfées.up.des sphinx qui^j&laient.^a bas de l'escalier; il est d'un
beau travail, de style sévère; les tresses de sa chevelure retombent
sur les épaula Sr On. voit lençore des .corniche^, également tnès^simples,
quelquesiiC^piteaux de, colonnes. et plusieurs petits autels qui rap-
pellent, par.{ear.fprme le ftançQpbage de Scipiou.Barbatus. .Sur plu-
sieurs pltaqqes.se.trotfvent des restes de peintures coo^istant princi-
palement en damiers, grecques et palmettes ; les seules couleurs
dpptiilàC^te dAsJrapes sopt le blanc, le noir, Je rouge.et.Ie. brun.
IJUrgra^udiiimt^re. d'ornements de terre cuite devaient concourir
à 4a Aération du.tWMP^e. Quant au revêtement de n^rhre dont
p%rle«D...^j|Qnliaocbette.(3),. il.n'a jamais existé (4). Il n'y a pas au
(i) Raoul Roehette, Journal des Savants^ articles sar les fooillea de Capoae, 1853;
M^mpnluf^1(ii*fNap.^^Qaf^/léiittlh P^ AM.et ^viao; Rieoîo, ScavamentidelMoh
dêlC <mtica Cflftua, p. i2;,JMd.^dt rXn^.^.iaoo, p. eS; FionUi, SulU seot)erte
archeidfigkhe^ p. ,15| etc.
.(2) (4»vm9*iftne HiQi^f^rvqtr^ (fei.i9iOfi.^pof* 1876^
(S) Journal des Savants^ 1853, p. 201.
(4) Mlnenrlni, Bii//e/. Napo/., nouy,<04rie,,, Il «p^jtse.
112 BETUK AKGHiOLOGIQUE*
musée de Gapone une seale plaque de marbre prorenant de ce sanc-
tuaire.
Si on n'ayait retrooYé en cet endroit que les restes d'nn temple,
ce serait une indication précieuse pour l'archéologie; on pourrait
déterminer arec une certitude presque complète le caractère et la
destination des objets découverts aux enrirons. Mais à ce sanc-
tuaire était juxtaposée une nécropole; les procés-verbaux de la Com-
mission mentionnent : Wexistence de tombes grecques(i); 3® l'exis-
tence de tombes romaines de divers styles prés desquelles on a trouvé
des statues de tuf et des terres cuites mêlées i des monnaies de Naples
et de Calés (2).
n est diflBcile ou plutôt impossible de savoir quelle était la posi-
tion exacte de ces tombeaux vis-à-vis du temple, si le sanctuaire a
été bâti sur la nécropole ou si la nécropole existait à c6té du sanc-
tuaire. Cette dernière opinion semble cependant la plus probable,
puisqu'on a trouvé des tombes romaines qui paraissent appartenir
à une époque assez avancée, tandis que le style des fragments du
temple peut faire assigner à sa fondation Tépoque de la première
guerre punique.
En étudiant les objets provenant de ces fouilles, on ne sait donc
presque jamais s'ils étaient destinés à la décoration du temple,
si c'étaient des ex-voto, on s'ils appartenaient à la nécropole ; il y a
là une source de confusions qui a donné naissance à une hypothèse
d'après laquelle la nécropole et le sanctuaire seraient en étroite rela-
tion.
Enfin, si l'on examine la quantité de terres cuites trouvées en ce
lieu, on ne peut se défendre de croire qu'il y avait une fabrique de
cette sorte d'objets aux environs du temple ; c'en était peut-être une
dépendance. Cette opinion ne s'appuie sur aucune preuve^ bien
qu'elle ait une certaine vraisemblance.
Il faudrait bien longtemps pour classer avec certitude les richesses
du musée campanien ; on ne peut entreprendre ce travail après un
examen rapide. Toutefois, grâce à la complaisance du savant abbé
JannelU, conservateur du musée, j'ai pu d'une manière générale me
rendre compte de ce qu'il renferme.
(i) Cmmmissiime c am er wi f i ic e, Pieoèi-wiMHii, aaaée tvn, p. its. Voir pour la
aatcription de œ qv'on «pp^Us à CapoM « l« tn^MfnGqiMi m le Buli. de rinst.
de eorr. «rtà., iS74, p« 174-175. Go aool dn zàtmfhtigm et difenes pudeiin, en
taf ; te oMfwcto «l 4|ilHMol fenné à» phqmi da tirf; en fome da toit ea posta
wS^ %0^^^^^^^^9^^^^^9 ^W^^P^^r» ^P^W%w ^WWw dk^w^Py B^* ^Bdk%
RECENTES ACQUISITIONS DU «USÉE DE GAPOUE» 113
Une première classe se composerail des stataes de taf, qai ne sont
pas tontes dn même style ni de la même époque; il faudrait les
ranger d'après l'ordre chronologique.
La deuxième comprendrait les terres cuites de style archaïque,
c'est-à-dire les anléâies arec peintures au bas, les bas-reliefs et les
tètes de caractère très-antique.
Les petites figurines de terre cuite, d'un style hiératique et encore
grossier, bien que moins archaïque, formeraient une troisième di-
vision. On rangerait enfin en dernier lieu les terres cuites d'un style
grec pur et sourent semblable à celui des figurines do Tanagre. Les
têtes votiyes en terre cuite appartenant à l'époque romaine termine-
raient le catalogue.
I . Statues en tuf.
Les statues taillèrs dans le tuf sont très-rares. On n'en rencontre
point dans les principaux musées de l'Italie, et l'ancienne Capoueest
peut-être le seul endroit où l'on en ait trouvé. Le musée en possède
plus d'une centaine de grandeur et de style différents.
On serait tenté au premier abord de regarder comme très-archai-
ques un assez grand nombre de petites pyramides tronquées, sur-
montées d'une sphère le plus souvent irrégulière, sur laquelle une
main inhabile a creusé, de quelques coups de ciseau, des trous des*
tinés à représenter lesyeux^ le nez et la bouche ; l'image est quel-
quefois si grossière que Ton a peine à reconnaître les principaux
traits du visage humain. Ces représentations si frustes appartien-
draient, d'après les renseignements recueillis par M. Von Duhn (1),
à la période romaine. C'étaient des cippes funéraires placés sur les
sépultures les plus humbles pour indiquer la position du mort ; on
avait déjà, avant ces fouilles, trouvé des objets de forme semblable
et ayant la même destination à Cumes et à Pompëi.
La plus grande partie des statues représentent une femme assise
sur un siège dont le dossier est large et élevé, et tenant sur ses ge-
noux ou entre ses bras un certain nombre d'enfants ; les unes n'en
ont qu'un, les autres en ont jusqu'à douze, nombre qui, contraire-
ment à l'assertion de M. Yon Duhn, n'est jamais dépassé. Ces statues
ne sont pas exécutées d'après un type hiératique ; malgré une res-
semblance générale, elles se distinguent les unes des autres par plu-
sieurs traits particuliers. Il y en a certainement parmi elles qui ap-
(1) BulL de F]n$i. de eorr. arch.^ 1876, p. 17S.
144 RBVnS AECHBOLOGIOnS.
partieniiifnl àuneépo<|ae tpès-recalée ; j'en citerai surlMiiiae^haatc
de 0"«M^ dontlefiifMlnes sont d'ane raideur extrême ; elle tient sor
ses genoux un enfant emmailloté dont il n^est pas possible de distîn-
. gner les trails. B'autreB ont le même caractère. Cet archaïsme, tonte-
fois, n'est pas de même nature que celui que l'on trouve sur les anté-
fixes de terre cuile et qui rappelle Pépoque tput à fait primitive de
Tart grec: au lieu des yeux relevés, de la bouche larf e et également
relevée au coin, du menton long et saillant, en un mot du type bien
connu des statues archaïques de la Grèce, nous voyons de^os yeux
saillants dont rextrémité s'abaisse. du c6té de la tempe, un nez et
une beucbe larges, un menton saillant,, mais assez .petit.
Une statue qui tient dans les bras douze enfants peut être regardée
comme le type le plus complet de ce genre de représentations ; elle
a 1",05 de hauteur sur une largeur de 0*,80 et une profondeur de
0",70. Cette femme est assise sur un grand siège dont le dossier dé-
passe les épaules. La tète est i moitié brisée, mais on peut voir en-
core que les cbevoux retombaient sur les^ épaules. Elle est v4tue,
conane toutes les autres statues de tuf ide la même classe, d'une
Innique qui forme» un pli aunlessous des seins et est serrée par une
oeîntane ;«ur les genoux est jeté un manleau» EUe tient de chaque
eôiétix enfants emmaillotés, dont les trails ne sont pas visibles.
Une autre femme, dont la tôte est bien*oonserfée et qui est vêtue
de la mètne manière, tient aussi douze enfants répartis 'd'une antre
-fafqn, trois d'nn côté de forme trèa-grossiére, neuf de Vautre; œs
dcvoiers ae sent pas dégrossis ; ils ne sont indiqués sur le bloc de
tufquepar de profondes naies* parallèles. Les dimenaîons sont un
peu lïiefndfes que celles de la statue précédente.
11 existe encore pln6ieiDr& autres types : Tune de ces femmes aux
traits fortement proMucés, aux sains saiilania» au lieu de tenir les
enfants en forme d'éventail^ lès tient aursésbras parallèlement dans
le sens de la profondeur. Il résulte de là que les formes sont extrè-
menient massives : latéte est rentrée dans les épaules, les genoux
avancent outre mesure ; c'est l'image réaliste et dis(^radeuse de la
fécondité. (Hauteur, i",OB ; largeur, 0",70.)
Un autre modèle se distingne encore par son caractère archaïque.
C'est une femme dont la chevelure retombe sur les épaules ; le cou
est fort, les seine trèstprononcés.<'Elle tient du bras gauche neuf en-
fants emmaillotés et grossiérameni indiqués; Deux enfants sont de-
bout, des deux côtèadelacliaise ; elle leur tient la tètt>avec la main;
l'un est un garçon revêtu d'une toge étroite parfaitement drapée,
l'autre une fille revêtue d'wie tuDîque talaire.^t»d'ua>m3f>t^u dont
RÉGBNTBS AGOMSITIOI^S DIT W09iX DE GAPOUE. IIS
l'ouiiét «tombé en ligne droite. (Hauteoir, 0",90; Urgear,0*,7t(;pro*
fondeur, 0*80.)
Ces diffërenis types sont plusieurs fois répétés et la plupart des
st^liies sont archaïques. Il serait peut-être facile de se tromper et de
prendra pour tn signe d'anliqoité reculée Tinhabileté de l'ouTrier,
qui a dégrossi à peu de frais la matière première pour quelque ci-
toyen paune de la Tille. Ces craintes doivent être écartées ; car on
trouve au musée de Capoue une statue en tof qui présente tous les
caractères signalés plus haut et en même temps une certaine finesse
dé travail, unfe certaine application de l'ouvrier. Le tuf à peine dé-
grossi des aoires statues est ici entièrement poli et Ton aperçoit Ja
trace d'efforts, infructueuXi il est vrai, pour donner aux formes un
peu de souplesse. ' .
Les statues de tuf les moins anciennes semblent faîtes d'après Vins-
piration de modèles grecs : les traits deviennent plus réguliers ; les
formes exagérées de la poitrine disparaissent ; on sent rinfliienced'ùn
art plus raffiné. Ces statues sont peu nombreuses; mais elles suffi-
sent à montrer que pendant une longue suite d'années la conception
de ce personnage, dont on essayera plus loin de déterminer là na-
tore, resta la même ; qu'elle ne subit que des changements tout à fait
superficiels, qui tenaient au développement de Tart.
Les différences môme entre les statues qui semblent appartenir, à4a
même époque sont importantes et méritent d'être remarquées. Rien
n'est plus varié que la coiffure de ces statues. Les unes ont les che-
veux épars sur les épaules, les autres les ont retenus par An bandeau,
d'autres par une sorte de coiffe, celles-là enfin ont la coiffure |[rec-
que. La forme des sièges est toujours à peu près la même; l'un d'eux
est orné de pilastres d'ordre ionique. Tous les enfants. ^pnt étroite- ^
ment emmaillotés d'après le système employé encore aujourd'liul
dans les environs de Rome et dans l'Italie méridionale; un seul est
nu. Les poses des. statues sont très-variées^; plusieurs d'entre. elles
penchent la tète et semblent regarder . avec amour le nourrisson
qu'elles tiennent sur leurs genoux ; Tune d'elles presse de ia main le
sein qu'elle présente à l'enfant. Une seule femme est dejbout et lient
l'enfant sur son bras ; cette statue a une hauteur de 0",80.
Sans vouloir entrer ici dans les détails, d'une dissertation mytho-
logique, il est cependant jpiicessaire de chercher quelle, peut être ila
signification de ce personnage féminin, de savoir s'il représente une
déesse ou des femmes mortelles.
Plusieurs hypothèses ont déjà été émises sur ce point. Voici «n
116 RRniB ARGHEOLOGIQVB.
quels termes s'exprime M. Wilamowilz(l) : c A l'endroit où se trouve
maintenant le jardin Paturelli existait, jusqu'à une époque posté-
rieure à la guerre d'Annibal, le ^nctuaire d'une de ces déesses-
mères, protectrices du mariage et des jeunes enfants^ qui forent Té •
nérées sous différents noms, partout où étaient établis des peuples
italiens, avant l'introduction d'éléments grecs dans leur religion. Les
femmes de Capoue consacraient leurs images, soit pour obtenir une
faveur, soit en qualité d'ex-voto ; elles se faisaient représenter por-
tant entre les bras les enfants qu'elles désiraient mettre sous la pro-
tection de la déesse. Elles consacraient aussi quelquefois l'image
m^e de la déesse, et ainsi se formait autour du sanctuaire une vaste
collection de statues semblable à celle qui existait auprès du temple
de la déesse Feronia à Terracine. A une époque plus récente com-
mença l'usage moins coûteux des terres cuites. »
D'après M. Von Duhn il ne s'agirait en aucune façon d'une déesse
telle que Feronia ou Venus Genitrix<2): « La femme assise, soit la
statue du temple, soit les ex-voto fabriqués d'après ce modèle, serait
unedivinité qui, dans son sein maternel, reçoit et protège le mort ;
que les morts, ou plutôt les âmes, par rapport i la divinité qui, dans
son vaste sein, leur ouvre amoureusement asile, soient représentées
comme des enfants ou même comme des « bambini » , ce n'est pas
seulement une nécessité artistique dans le cas présent, c'est un fait
confirmé par d'autres preuves. » M. Von Duhn rappelle alors le mo-
nument de Xanthos en Lydie, avec la différence que l'être qui tient les
morts est représenté au moment où il les emporte. Il allègue la ma-
nière amoureuse dont une Harpie embrasse un enfant emmailloté, sur
un scarabée qui se trouve au musée étrusque de Florence et qui pro-
vient d'une tombe de Cbiusi. a On a trouvé en cet endroit, ajoute t-
- il, des statues appartenant à la même conception que les statues de
Capoue. » (Gehrard, AkaA. Abhandlungmt pi. XLIX, 4, 5.) L'une
d'elles est assise sur un trône orné de deux sphinx qui rappellent les
sphinx découverts parmi lés fragments du temple danâ le fonds Pa-
turelli.... « Beaucoup d'autres représentations, retrouvées en partie
en Italie, en partie ailleurs et spécialement à Chypre et en Asie Mi-
neure, ont beaucoup d'analogie avec celles dont il est ici question. 9
L'hypothèse de M. Von Duhn est ingénieuse, mais diflScile à sou-
tenir, malgré les rapprochements dont il se sert et dont quelques-uns
peuvent servir à démontrer Topinion contraire.
, 1 1 BuiL de FlMt, de eorr, areh,^ iS7J, p. ii6.
/t)BiU, d9 riaft, df corr, arch., IÎ7). n. lSî-lB3 et p. ISS, DOte 1.
RBGBNTBS AGQU|8^T10N3 DU. MUSÉB DE GiUK)UB. i)7
Lea monamenU réunis jusqu'à présant ne sont peut-être pas en-
core assez importants, ni surtout assez yariës» pour donner au pro-.
blême une solution satisfaisante. Il faut attendre qu'une inscription
trouTée sur remplacement de l'ancien temple de Capoue nous ap-
prenne d'une manière précise quelle était la divinité qu'on y ado-
rait, si c'était une déesse de la maternité ou une déesse de la
mort. En tout cas, il semble déjà possible de faire les obsenra-
tions suiTantes :
1* Toutes les statues de tuf dont il a été question jusqu'ici, malgré
les différences de yêtement, de coiffure, de style, sont le produit de
la même conception religieuse. Or, en admettant qu'elles représen-
tent des divinités de la mort, comment pourrait-on expliquer que
Tune d'entre elles se tienne le sein et le présente à Penfant en pen-
chant la tête vers lui ? Sans doute il y a eu dans les religions anti-
ques une étroite relation entre les divinités nourricières, si on peut
ainsi s'exprimer, et les divinités infernales ou c chtboniques». îfais
n'est-il pas plus simple d'expliquer toutes ces représentations, où
semble exagérée la conception de la fécondité^ par le culte d'une
déesse de la maternité ?
2* On a rappelé qu'à Cbiusi on avait trouvé quelques terres cuites
représentant une femme qui tient sur son sein un enfant. M. Von
Duhn croit que c'est unedéesse de la mort ; mais quelles raisons donne-
t-il pour nier que ce soit une déesse de la maternité ? La présence de
figurines en terre cuite de même nature (fana ie« tombeaux de Pœstum
serait un argument plus fort* On n'en saurait cependant tirer des
conclusions aussi préciser que celles de M. Von Duhn.
3® Des figurines appartenant à la même conception et presque au
même style ont été trouvées à Préneste ; quelques-unes sont conser-
vées au palais Barberini. On croît généralement que ce sont des re-
présentations de la Fortuna Primigenia, la plus ancienne déesse de.
la ville, tenant entre ses bras Jupiter enfant, et l'on appuie celte
opinion sur un texte bien connu de Cicéron (i) : « Is est hodie locus
ieptus religiose fropter Jowjmm, qui lactens^ cum Junone Fortunae
in gremio sedenSf mammam appetens, castiitime colitur a matribus. »
On a trouvé, au même endroit, des inscriptions en l'honneur delà
FcMTtune et de Jupiter enfant. Il.estdonc vraisemblable que les figu-
rines prénestines sont ou une représentation d'une des plus ancien-
nes déesses-mères du Latium, ou un témoignage du culte que lui
rendaient les matrones* Rien au contraire ne prouve que ce soient
(i)DtfifwîMi.,a,a.
118 EEYVB ARCHiOLOOIQire.
des déesses de lamM^; lMr|urisence mémedtns Qiie^toiiibe{point
incertain) ne:8e9avl pas one i^JMfcsMÉhMlft'paiir adepler œtte-opî^
nioiiv
4* En admellani que le sanctuaire de Capone ait été censaerè à
une déesse-^qière^ tes statues de tuf conservées an mwée représen^
tent-elles-la divtiiî'té, ou les matrones qui accompliseaieni un vœu? -
Que ces slataes soient des ex-yoto, c'esl un point sur^ leqml ii^fie
peut guère y avoir de doute. Des inscriptions ont été trouvées sur
deii]i>d'enlre elles de» style relativement moderne, c'esl^kHlipe peot-
éUre do premier siècle de l'Empire. Elles sont actueitemenv an mu-
sée de Berlin. Ces inseriptiens son4 les saivasies :
IULIA
lA LF
DAT
CONFLE|IA
ML
Merito libens
SOLAN
A
QUART
V.S.
Yotum solvit
Cela suffit pour conclure que toutes l«i statues de tuf du musée
de'Capoue sont des ex-voto.
Un fait non moiffS' certain est que la conception première de ce
genre de représentations est une femme tenant entre ses bras an
enfant qu'elle allaite. On en a plusieurs preuves dans la découTerte,
déjà ancienne, d'une statue de marbre, laseulequ'onaittrowéedans
le fonds Paturelli, et qui est ainsi faite (i); dans l'existence d'un
grand nombre de petites terres cuites anciennes qui représentent
une femme allaitant un enfant ; le type en est pour ainsi dire hiéra-
tique. Le siège est quelquefois orné comme celui d'une divinité; et'la
coiffure du personnage assis est souvent formée d'une sorte de mo-
diw que Ton trouve sur la léte des divinités, jamais sur celle dDs
femn^s mortelles. La déesse du sanctuaire était dom représentée
tenant un seul enfant sur les bras. Quel nom doit-on lui donner?
EtaitMce due Fortune, une Feronia, une Bons Dea, une Venus Oeni*-
trix, une lunon Lucine? Aucun document n'autorise à- se pronon-
cer. U semble toutefois possible d'afBrmer que c'était une déesse de
(1) M. Von Duhn croit, non sans nlsoo, qae c'était l'idole da temple, bien qa'eUe
a'alt pas un caractère aithalqne trè»-prenoneé.
RÉGENTES AGQVhMOttS W MlAiMl' DB GAPOUB. If9
ItffMoDAté ef de h'mètëtttité,uMdes aiHsiemies dSeMêefr italiques. Si
la déesse da sanctuaire ne tenait qu'un' enhttt entre léi^trâs, les sta-
tues de tuf dn musée de Capoue ne penrent donc piAsétre la repré-
setttàlioAidecetype di?in. Où » fait remSfrquer la^ cKff&refice qui
existe entre les coiffures, les sièges, le nombre des^ enfants; h posi-
tion de la tMe> droite o« inclinée de celles même qui paraissent ap-
partenir i la mèmeépoque. L'opinton de M'. Wilattovitz, stelle n'a
pas acquis toute la certitude possible, semble donc très-vraisem*
blable. Il faut rappeler à son appui une inscription rapportée par
Pralilli dans son ouvrage intitulé « Délia Via Appia » et cité par
M. Raoul Rochette avec toutes les réserves qui sont nécessaires
quand il s'agit de documents fournis par cet auteur. Elle était ainsi
conçue:
VENERI «ENITRICI
PRO SVSCEPTA FROLE
On de peut que souhaiter la décourerte dé plusieurs ibecriplidhs
mentionnant le nom de la divinité et de nouvelles' farinvles dfex^
TOto; jusque-là Itfséivevses* hypothèses que nousi aVons rapportées
peuv!eni*8e soutenir. GeHedeTeiistenceifu* sanetuaire oonsaijré à'
une déesse-mère semble cependant la plus probable.
On doit encore citer plusieurs slatuas de tuf d'un autre modèle> et
d'une grande importance.
i"" Une grande elatne assise, de 1*,70 de haut sur 0^,95 de lar-
geur et 0*,40 de profondeur.
Elle représente une femme de haute stature. Les traits du visage
sont lôrtumenl endommagés et presque méconnaissables; on peut
encore cependant s'apercevoir qiiê lesl yeux étaieUt' trés-gro^ La
coiSure est semblable à celle que Ton rencontns irés-souvent sur les
peintures de vases ; les cheveux sont aplatis et rayonnent autour
d'un centre placé derrière la téite ; ils sont reUsnus par un- bandeM.
La télé est on peu indtnée a droite ; autour du couse troureu» col-
lier. Ce personnage n'eEtvétuquede le tuniqtie^ldngue, qui a^ sur las
seins des plis en forme d'étoile et est retenue au-dessous par une
ceinture neu^e d'une manière asses Iftche. Elle tient dais la. main
gauche une grenade, dans la main droite un objet dont il est di£Q-
cile de déterminer la nature et que M. Von Duhn croit être unetôie
de porc« Il semble^ va les dimensions de la statue^ que ce aoit la r^
présentation d'une divinité, une Pomone peut-être ; il n'es^pae ct^
420 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
pendant impossible qae ce soit l'image d'une femme offrant des dons
à la déesse du sanctuaire (1).
2« Dans une petite niche brisée à la partie supérieure et haute de
0"^50, un honime à moitié accroupi, vêtu de la tunique courte et de
la chlamyde ; c'est sans doute un ex-Yoto.
Sur quelques-unes des statues de tuf se voient des traces de cou-
leur blanche ; il est permis de croire qu'elles étaient peintes. Ce fait
cependant ne saurait être établi avec certitude.
H. Terres cuites de style archaïque. Antéfixes.
Parmi les objets de terre cuite dont Tarchaïsme est évident^ il faut
citer quelques reliefs très-importants qui se distinguent par leur
caractère presque oriental. M. Raoul Rochette, en 4853, en connais-
sait déjà quelques-uns et il s'était servi de la découverte de ces ob-
jets pour affirmer Texistence de la civilisation étrusque dans la Gam-
panie et à Capoue.
1^ Une femme ailée, vêtue d'une tunique à petits plis de style ar-
chaïque, tient par les pattes de devant deux lions ou panthères qui
retournent la tète (2). Ce type se trouve, paratt-il, plusieurs fois
sur des vases provenant de villes étrusques. On en a rapproché jus-
tement la description que fait Pausanias, à propos des reliefs du
coffre de Cypsélus, d'une femme ailée tenant d'une main une pan-
thère et de l'autre un lion, et m)mmée par lui Artémis : ''Apreiuç Si
oux oT$a If' hff Xo^cp irrépUYaç t)(W9i lonv licl tcov u^kiiv, xal tt) fjiiv 84tS
xoréxct icdlpSaXtv, ttI Se hi^a t£5v x.<ipcov ïioyza (3). Hauleur, 0",38;
largeur, 0",20.
â* Une figure de terre cuite de 0",38 de haut, dont le style rap-
pelle assez celui des basrreliefs assyriens. C'est un homme ailé cou-
vert d'une sorte de bonnet phrygien dont les pattes, qui se terminent
en s'arrondissant, tombent sur les épaules. Il est vêtu d^une large
tunique avec manches qui forme un sinus au milieu du corps et est
retenue plus haut par une ceinture. 11 appuie les deux mains sur des
objets qu'on ne peut distinguer.
M. Raoul Rochette cite plusieurs figures de terre cuite, trouvées à
Capoue, représentant un homme velu d'un costume asiatique, coiffé
(1} Cf. Gerhard, Àkad. Abhandlungen^ Atlas, pi. XUX, 3.
(1) Cf. la descript. de M. Raool Rochette, Journal des savanU^ 1868, p. 479.
(S) Paos. V^ m, 1.
RÉGENTES ACQinSITIONS^DU'MUSÉE DE GAPOUB. iSl
de la tiare phrygienne et étreignant le cou d'an lion. Il rappelle à ce
propos les différentes représentations de THercule assyrien. Il n'y a
actuellement aucune terre cuite de ce genre au musée de Capoue.
3* Une figure grosaiérement indiquée sur une pyramide de terre
cuite. Hauteur, 0",20. C'est sans doute un génie à quatre ailes.
4< Il faut encore citer un bas-relief assez curieux sur une anté-
fixe que le musée Italique (musée Kircher) a reçue du musée de Ca-
poue. C'est un génie ailé, de style grimaçant, qui tient dans chaque
main un serpent. Ses chaussures sont également ailées. On voit sur
ce morceau de nombreuses traces de peinture. Les chaussures et
l'espèce de pagne qui couvre le milieu du corps étaient peintes en
brun, le corps et la figure en rouge.
5"* Sur des antéfixes également se voient des femmes d'un style
plutôt encore oriental ou étrusque que grec archaïque, serrant de
chaque main le cou de gros oiseaux (1). Deux sont à Capoue, une
troisième au musée Kircher.
On peut former une seconde subdivision des tètes votives et frag-
ments de statues dont le stylo rappelle celui des plus anciennes sta-
tues de la Grèce. Les caractères généraux de ces figures sont : un
front pelit, sur lequel les cheveux ondulés descendent assez bas ; de
gros yeux dont l'extrémité est relevée, un nez étroit, une bouche re-
levée au coin et présentant les caractères du « rictus » des statues
. d'Egine; un menton très-long et très-saillant. Les tètes votives de ce
style sont nombreuses et de types différents. Quelques-unes sont
coiffées d'un bonnet en forme de cône tronqué, semblable à celui des
statuettes de Chypre (2). Cette coiffure se retrouve du reste sur des
tètes qui n'appartiennent pas à ce style très-archaïque.
A cette période semblent appartenir également des déesses-mères
en terre cuite^ dont la tète manque, mais dont la robe à petits plis
indique la haute antiquité.
Les antéfixes sont au nombre de trois ou quatre cents ; la plupart
d'entre elles sont peintes à la partie inférieure. Les différents modèles
se réduisent à une vingtaine de types. Ce sont ou de simples tresses
de palmettes, ou. des tètes de femme de style archaïque; souvent des
cheveux retombent sur les épaules, quelquefois elles sont entourées
d'enroulements de caractërei très-ancien. H. Von Duhn ne croit pas
à l'antiquité très-reculée de touter ces antéfixes sans exception. II
regarde^ par exemple, celle que M. Raoul Rochette a insérée dans un
(I) Cf. Raoal Rochette, /. c, p. A77.
(S) Musée Napoléon lU^ par M. de LoDgpérier, pi. XXIV.
xxziv. 9
• '
H2 lUmtt AMH*MMi|«(.
de ses n^es tomme •af^ait6ntmi4*«rohtinié éittiUCioft qui fleo*
mt4auji le règne d'Adrien. Lee masques de CkNPgeM^ott tStefe de per-
soaiukf es barbus tiraat la leogoe etrappelaot mi peu les qiasfies qm
Ton â troiurés daçs ke tenbe^nx de €enrelri, se reneMli^eM fk-e-
quemmeni. On ^oit «neone. at «H»ée Kircher plùsiewis entéttes
asesE cunteases, {tforenanl des fooHles de Gapoue :
è^ (Jne /emmie portant 4eaiL petits enimaux (deux petits tioiis ? «b
des porcs f ?) dans see bras.
S'* Un boste de Csmme de earaolère afebalqoe, -levant en Tair les
deux bras; c'est une posicion analogue à celte des orantes de t^att
efarétien.
On a trouvé dans les dernières fouilles une espace de comicbe en
terre cuite sumontée de Iroie tèties archaïques avec le bonnet pointu.
Mentionnons eneore des fragments de dieque d'un diamètre deO*>,W)
ou 0*«âO «aviron, qui sont décorés dkHH^aaeots en relief d*un tra-
vail assez fin ; ils sont couverts de grecques et de palmeltes eembla-
bles à celles que Ton trouve sur les vases les plue anciens dé la
Grèce et au&ei, rapprochement curieux, sur les cistes de bronze
provenant de l'antique Préneste.
Il est difficile de déterminer Tusagede ces disques de terre cuite.
Un renseignement recueilli par M. Raoul Rochette pevt cependant
donner quelque lumière sur ce point. Il a vu <i un sépulcre en ferre
cuite consisianl en deux moreeeux de tome demt^CfHndrique qui^
en s'ajustant l'un sur l'autre, composaient un cylindre complet. Ils
étaient fixés ensemble, à le base, en moyen d'un disque peint sur
enduit, représentant un masque de Gorgone, qui avait les dents Mail*
ches« et la langue tirée hors de la bouche coloriée en ronge (l).» Lee
disi}ues conservés eu musée de Gapoue avaient peut-être la môme
destination ; ce n'est toutefois qu'une hypothèse.
<
IIMV. Terre$ cuiUi 4$ style Mden et 4e Hfie grée.
Avant d'essayer d'établir une classification parmi les mflliefs de
terres cuites du musée de Gapoue, on peut rangM* dans une seule
catégorie les membres votifs, à quelque époque qu'ils aj^artfennent.
Les pieds sent au nombre de plusieurs centaines; un grand nombre
d'entre eux sont peints en rouge. Les mains sont moins nombreuses ;
on en trouve cependant quelques-unes. Parmi les ex-voto consacrés
(1) Jmwmal des smxmts, h c, p. 366.
V
RÉGENTES ACQUI^ITIOWlt DU MVSÉE DE GAPOUE. 123
k la iKesse du saDctuairâ, cm trouve aussi des pfa'aliûs, des seins iso-
lés eu ^6^ il^ôiffiës de poitrine, etc. On risque fort de se tromper sur
l^èpoquè'd'objëtsde ce genre; leur grossièreté vient souvent de ce
que te nôDft des objets de vil prit destinés à satisfaire la piété du
nMiH^uple. On pourntit^ par exemple, dans deux ou trois eents
ans, regarder comme des objets fort antiques les masque^ et tes
têtes de' parchsmitt ou de eartoA suspendus devant les autels des
saints daAs les églises de Niaples.
Les Hèîes votives n^appartiennent cependant pas toutes S la même
époque i les unes soht grossièrement travaillées, les autres se res-
sentent dé l'inAuence de Tart grec, un troisième groupe enfin, si-
gnalé nu c6mtoencement de cette note, appartient exclusivement i
l'époque romaine.
Les figurines en terre cuite du musée de Capoue se divisent en
deux classes bien déterminées; elles se distinguent les unes des
autres : 1* par la Ûnesse du travail ; 2* par la couleur de la terre ;
3« psr le poids. Les plus anciennes sont d'un travail grossier; quel*
qoes-unes ont encore les traits et le costume archaïques signalés
sur les objets appartenant à la classe précédente. Les autres sont au
contraire d*un style très-fin, qui rappelle celui des petites figurines
de Tanagre. Dans la première classe les statuettes sont presque
pleines, la terre est d'un gris foncé, la plupart du temps sans pail-
lettes noires; dans la seconde la terre est généralement rouge d'une
teinte plus ou moins foncée ; ejle présente à la cassure soit une
couleur de brique claire, soit une couleur rose tendre, soit même
quelquefois une couleur blanche. Les paillettes noires si nombreu-*
ses dans les terres cuites provenant d'autres villes de l'Italie, de Pré-
neste par exemple, ne s'y rencontrent presque jamais, {llles sont
assez légères.
Le classement de tous ces objets est encore impossible ; ils sont
amoncelés dans quelques salles du musée ; il faut attendre une or-
ganisation plus complète. On signalera donc seulement les types
principaux reconnus dans chacune de ces catégories.
Parmi les terres cuites de travail grossier^et de couleur grise, les
ptus nombreuses sont de petites figurines d'une hauteur moyenne de
û*,15 ou 0^,20 représentant une femme tenant dans ses bras un en-
fant. Les unes sont debout ; elles ont la tète recouverte d'un voile
qui retombe sur les épaules et enveloppe sôuvetit la partie inférieure
du corps de l'enfant ; on ne saurait mieux les comparer qu'à des
madones debout tenant l'enfant Jésus. Les autres sont assises sur un
siège à grand dossier, qui quelquefois monte plus haut que la tète
12Ï RBtUR ARCHÉOLOGIQUE.
et forme une sorte de petit dais ; elles ont la plnpart du temps lia tdte
couverte d'un yoile et un assez grand nombre d'entre eltes sont
coiffées d'une sorte de modius qui semble bien l'attribut d'une divi-
nité. Ces flgurines sont au nombre de plusieurs centaines ; mais les
types ne sont pas très- variés. On peut les comparer à celles qui ont
été publiées par Gebrard (1).
Un type assez fréquent rappelle la grande statue de tuf qui a été
décrite plus haut. Des femmes assises, quelques-unes aussi sous des
sortes de dais, tiennent d'une main une pomme ou une grenade, de
l'autre un oiseau, un gâteau ou des objets difficiles i distinguer. Ce
sont on des représentations d'une déesse de l'agriculture, d'une Po-
mone» ou des ex-voto figurant des femmes avec leurs offrandes entre
les mains. La première hypothèse semble toutefois plus probable ;
presque toutes les figurines de cette classe sont fabriquées, en effet,
d'après un type hiératique invariable.
Quelques-unes cependant sont destinées à perpétuer le souvenir
des offrandes faites à la dii^inité ; on voit, par exemple, un grand
nombre d'animaux, bœufs, chiens, coqs, etc.; un homme est repré-
senté tenant un porc entre ses bras. L'observation faite précédem-
ment doit donc être sujette à quelques restrictions.
On peut citer encore :
{• Une femme assise coiffée d'une sorte de bonnet phrygien ;
i? Une femme voilée de style archaïque,'portant sur le bras droit
une ciste cylindrique ;
3^ Un grand nombre de petites figurines représentant des person-
nages couchés sur des lits ;
4» Des enfants emmaillotés, dont quelques-uns sont coiffés de bon-
nets coniques ;
8"* Des personnages nus accroupis ; quelques-unes de ces repré-
sentations sont licencieuses ;
6"" Une femme ailée tenant d'une main une sorte de flabellum, de
l'autre une œnochoô (on pourrait rapprocher de ce type plusieurs
figurines ailées provenant des fouilles de Préneste, et les Lases qui
sont si souvent représentées sur les miroirs de métal) ;
l"" Un Hercule nu, vu de face ; il est couvert de la peau de lion qui
lui retombe derrière le dos et dont la tête lui sert de casque , il tient
de la main gauche sa massue et de l'autre un objet qu'on ne distin-
gue pas bien; ce type, autant qu'on peut en juger, est répété une
dizaine de fois;
(1) ÂKadem, AbtiamUwigefiy AUas, pi. XUX.
RÉGENTES ACQUISITIONS DU MUSÉE DE CAPOUE. 425
80 Un moule représentant un aigle ou un faucon ;
9* Un grand nombre de pommes ou grenades.
Il semble bien que ces terres cuites, dont quelques-unes rappel-
lent les. types mêmes des statues de tuf, soient comme celles-ci de
fabrique locale. On ne saurait avec autant de certitude aflSrmer
cette provenance pour les statues de la seconde catégorie. Elles ont
le caractère des figurines grecques h tel point qu'une confusion se-
rait possible entre les deux classes d'objets. Hais il faut se souvenir
que l'inOuence de la civilisation grecque dans toute la Campanie et
i Capoue même fut très-grande ; on se souvient des liens étroits qui
unissaient cette ville à la colonie grecque de Cumes. L^art grec de
la meilleure période a donc pu pénétrer i Capoue, et ces statues sont
peut-être le produit d'une industrie locale. On a aussi trouvé à Pré-
neste quelques figurines de style grec ; mais elles se distinguent par
une certaine raideur de formes qui est le caractère propre de l'art
latin. A Capoue, rien de semblable ; le type grec des statuettes est
exempt de toute influence étrangère.
En présence d'une collection de terres cuites appartenant à cette
classe, on est conduit à se demander si les figurines représentent des
personnages de la vie réelle ou des personnages mythologiques.
Cette question tant de fois posée n'est pas encore résolue d'une manière
définitive. L'étude de la collection du musée de Capoue, plus nom-
breuse qu'aucune de celles de l'Italie et de la France, pourrait sans
doute amener des résultats scientifiques.
Il est difficile de ne pas reconnaître dans quelques-unes de ces
terres cuites des personnages mythologiques.. Qu'il suffise de citer :
I* Une Diane portant le carquois sur les épaules ; un chien est à
pieds;
S"" Une Léda avec le cygne ;
3* Une femme coiffée d'une sorte de modius, tenant d'une main un
gâteau, de l'autre une pomme ou une grenade ;
4"* Des femmes entièrement 'voilées, dont quelques-unes portent
aussi un haut diadème , la plupart n'ont que les yeux et le nez à dé-
couvert. Il y en a au musée de Capoue une trentaine environ ; ce
sont sans doute des représentations de Déméter.
8^ Des amours ailés d'un style assez gracieux.
6* L'enlèvement d'une femme par un centaure doit aussi rappeler
une scène mythologique.
7* Les groupes obscènes de bacchantes et de panisques sont nom-
,126 RE?UB ARGHÉOLOGIQITB*
breux. Ils avaient été déjà remarqués par M. Raoul Rochette (1). il
semble toutefois qu'il y ail une erreur dans son appréciation : « Ce
groupe licencieux et si digne d'attention, comme un des rares monu-
ments qui peuvent nous faire apprécier cette face du caractère de la
civilisation étrusque, ne mérite pas moins d'intérêt pour son style et
pour son dessin, qui sont du meilleur temps de l'art étrusque de
Capoue. » La description correspond bien à celle des figurines qui se.
trouvent aujourd'hui au musée de Capoue. Mais il n'y a certaine*
ment dans celles-ci aucune trace d'art étrusque. Le style en est grec
et de la meilleure époque.
9*" Faut-il ranger parmi les terres cuites représentant des person-
nages mythologiques deux femmes vêtues de tuniques talaires et se
donnant la main? On a remarqué sur des monnaies de Capoue deux
simulacres de forme pareille, réunis sur une base commune (2). N'y
a-t-il pas quelque rapport entre ces deux représentations ? He peut
on pas en rapprocher aussi les doubles Fortunes d'Antium et de
Préneste? M. Raoul Rochette cite un monument important décrit
par Pratilli : c Une grande base carrée avec deux Fortunes en bas-
relief sur les côtés. » Il ne s'agit ici que d'une simple hypothèse, ou
plutôt d'une question mythologique à étudier lentement et à appro-
fondir.
La majorité des figurines de style grec représentent des jeunes
filles aux traits fins, à la mise élégante ; elles doivent être classées '
dans le groupe de statuettes grecques si connu sous le nom de
xopai. Les types en sont très-variés. Les unes sont assises, les autres
debout, d'autres étendues sur des lits. Leur pose est toujours gra-
cieuse ; elles sont toutes élégamment drapées dans leur manteau et
penchent un peu la tête. Leurs coiffures jsont presque toujours très-
haules ; les cheveux sont relevés vers le sommet de la tête et liés
par un étroit bandeau ; plusieurs de ces coiffures ressemblent à celles
que portent encore aujourd'hui les femmes napolitaines. Il* es^ pro-
bable que ces statuettes aux formes si variées représentent des per-
sonnages de la vie réelle. On serait autorisé à établir parmi les terres
de style grec pur deux catégories : 1* les unes représentant
des personnages de la vie réelle ; V les autres, des personnages
mythologiques. C'est un point qui ressort clairement de l'étude des
figurines de Capoue.
On trouve aussi un certain nombre d'hommes à la face grimaçante;
(1) Journal des êovants, 1853^ p. 6S3-ft8S.
(1) BmqI Roehetta, Journal du êonanU, 1861^ p. 6M et uh.
RBCBNTB8 ACQUISITIONS DU MUSÉE DB GAPOUB.
H7
ce sont probableiueot des acteurs comiques. Les' statuettes de ce
genre sont assez nombreuses au musée de Capoue et au musée de
Naples. Citons encore un petit bas-relief composé d'un homme et
d'une fémtie^ ayant enire om utf bfllier, et un demi^buste en terre
cuite d*ane hauteur de 0^,58 : il repi^ésente une femme avecun TOile
sur la tête et des pendants d'oreille ; elle retient son voile de la main
gauche et a dans la main droite une grenade.
Quelques-uBéb de» terres cuites anciennes de la première classe
portent des traces de cooleur blanche ; celles du second groupe
étaient presque toutes coloriées : on aperçoit âes traces de rouge, de
blanc et de bleu. Il n'y en a pas une seule toutefois qui ait conservé
entièrement ses couleurs.
Les tètes votives de l'époque romaine ne présentent aucun carac-
tère particulier. Il est inutile d'en taire ici une description spéciale.
E. Fbrniqub.
h^m, le !•* mû tev7.
^^Bl
SOLIMIACA FEST PAS SOULOSSE
(Rapport lu à la séance du 30 mat 1877 dé la Commiêmn
de la topographie des Gaules)
Si Ton en croit les mannscrits connus de rUinëraire d'Antonin,une
voie romaine conduisait de Langres (Andemantunnum) à Tonl par
43 lieues gauloises, dont le détail est établi de la manière sai-
vante :
\
MoB» mpm» XII
Solimariaca mpm. XVI
Tallom mpm. XV
La même route est indiquée par la Table de Peutinger ; ici, le
total des distances est identique à une lieue près, 42 au lieu de 43,
ainsi divisées :
Aodemantaimo (i). XI. Hom. VIIIL NoTiomtgas. MI. [ CS)] XV. TaUio.
Cependant cette voie, dont le trac%, aussi direct que possible,
n'est aujourd'hui l'objet d'aucune discussion, n'a pas moins de
48 lieues gauloises de longueur, c'est-à-dire 5 lieues de plus que
ne le portent les documents de Tépoque romaine. Il y a donc lieu
de chercher sur quelle portion doit porter la correction des textes
itinéraires.
Jusqu'ici la Commission de la topographie des Gaules n'avait pas
hésité sur la place qui devait être assignée aux trois stations inter-
médiaires de la voie de Langres à Toul.
(i) Par 8Qil6 d'ane snwt, reconnoe da reste par toai les aotears qui ont aérien-
sèment étudié ce docoment, le copiste de la Table a omis le trait qui devait relier
Andemanturmum à Moiaei il a traeé une ligae qui semble faire de la route de Moêa
à Tool un embraochement da la voie de Reims à,Bar-le>Dae {Caturices),
(S) Le Dom d'one station a été omis ici par le copiste de la Table.
SOLIUARIAGA .n'est PAS SOULOSSE. 129
Mosa indique incoBtestablement le lieu où cette voie passe la
Meuse à 20 kilomètres environ de Lapgres (1) ; le nom de Noviom(h
gu8 s'applique sans doute au village actuel de Nijon« dénomination
analogue, semble-t-il, à Noyon^Noyen et Nogeon (ou Nojon), formes
françaises plus ordinaires du vocable gaulois Noviomagus (2). Et de
fait, on tient ainsi compte à la fois et des noms des stations romaines
et des distances qui séparaient ces stations de la ville de Langres.
Quant à la troisième station, Solimariaca^ la solution n'est pas
aussi facile. Suivant l'Itinéraire^ Solimariaca aurait été située à
16 lieues du passage de la Meuse et à 15 lieues de Toul ; elle serait
en même temps à 7 lieues de Noviomagus (Nijon), car il ne semble
pas douteux qu'on doive la reconnaître dans la station anonyme de
la Table que 7 lieues séparent de Noviomagus et 15 lieues de Tbul.
Mais ces distances sont erronées, soit du côté de Nijon et de la
Meuse, soit du côté de Toùl. La Commission n'a pas, jusqu'ici, douté
qae la correction dût être appliquée aux distances qui séparent So/t-
mariaea de la station de Mosa; car, au dernier siècle, il semblait
reconnu que Solimariaca ne pouvait être placé ailleurs qu'aux
importantes ruines romaines de Soulosse, situées comme le SôKma-
riaea de l'Itinéraire sur la voie de Langres à Toul et à 16 lieues de
cette dernière ville» ruines qui ont fourni deux inscriptions
mentionnant les vicani Solimariacenses (3). Aussi la Commission,
dans son travail primitif, n'a-t-elle pas hésité à proposer la correc-
(1) Au Moalin-RoDge^ sur le flnago de Léniieal (Haote-Marne, arr. de Chaamont,
canton de Clefniont}.
(9) Rappelons cependant que AT^fon n'est pas partent nndéri?é de Novtomo^ttf, car
c'était anssi la dénomination d'une localité voisine de Chaillot, près Paris, qu'un
texte du m* siècle mentionne sous la forme de Nimio,
(S) L'une d'elles a été trouvée, en I69ft^ dans une des piles dû pont situé un peu
an-dessous de Soulosse et qu'on démolissait alors pour construire le pont actuel. «Le
pont détruit en 1094, dit M. Henri Lepage (/e Département des Vosges^ statisti-
que hittorique et administrative^ 3« partie, p. 499), n'a été qn'un ouvrage du
mojen âge, postérieur au changement de lit de la rivière et à la construction du*
quel on aura employé des pierres provenant de l'ancien vicus on des démolitions
de la forteresse. » Cette première inscription, fort coanae, est ainsi conçue :
■
lOVI OH-
VIGANI-SOLIUARI
AGBNSES- PAGIBIIDM
CVRAYERVNT -MtDDV
' GNATYS. ATBGNIE-F- ET
SERENVS • SILYANI LIE.
• • • l ' '
La seconde inscription, gravée sur une pierre carrée qui était probablement encas-
130 REVUS ARCHEOLOGIQUE.
tion de XVI en XX(. pour la distance <pii sépare Uam de SêU-
mariaca (f ).
Cependant, si Ton examine la qne&lioo au poiçt de yne de la cri-
tiqae des textes îtioéralres, on ^t frappé d'an fait qui ne par*
met pas de n^éconnattre Texistence d'une liMttion réellement ai*
Inée à 16 lieues de Moia. Le texte de ritinéraire et celui de la Table
sont, pour la partie de la voie comprise entre ifoia et SolimariaM,
complètement indépendants Tua de Tautre : effectîTement, la Table
ne se contente pas seulement de marqu^er 16 lieues outre Mo fa et la
station aoonyme qu'on peut identifier afoc SoHmariaea; eliedirise
cette distance en deux sections : YIIU et VU.. Ce fait» c'est du pioins
là le sentiment de la Commission, rend asseï^ difQcile la correction du
chiffre XYI de l'Itioéraiiie en XXi, car il faudrait admettre que^ cop-
curremment à l'erreur q.u'oq reiuarquci dans rUintéi^aire, un lapsus
dont les résultats seraient complétemeut ideiUiques, aurait éié com«-
mi& dans les distances,, différemment réparties,,,, que, la Table indi-
que entre JVo^a et SoUmariaca.
Ces considérations, en dépit des inscriptions de Çoulosse mention-
nant les fricani SoUtnariacenses^ conduisent à douter de l'identité de
Sotifnariaca avec Soulosse, dont l'une des preuves, non, pas cepeur
dant celle dont on fait le plus de cas, est l'analogie qui existe entre
les deux dénominations, analogie déjà constatée au xviii* siècle par
d'Anville, mais que Técole philologique moderne s'accorde à dé-
clarer nulle en /constatant que la forme vulgaire du nom SolifMiriaca
devrait être en Lorraine quelque chose comme S&utnerefi et non
Soulosse (2). Toiitefbis, en distinguant soigneusement les deux dé-
nominations SoUmariaca^ et. Soulosse, on pourrait supposer que, So-
/imonaeaayant été niine.au iv^ ou au v^ siécle^nnorencootre fortuite
trée àam le mar d^io temple, i été publiée par M. liapage (Ibid:, p. iMf^ d*eprèt
lequel non làiep io d a tee ni t
KERCVRIO*
ROSIIBIKT*
8ACR*
V>ICAN1*60
LIMARIAC
(1) A. Benraod, iêi VMêifimaùlÊ9ên^Gmi4e;p, 4S,iiete 7.
(S) Dane une note psbUie par la Rtouf ûrehMêtifiÊê (nonT. idrie, t. XXVI,
p. SS4)t Ltop* Paonler faiaaU déjà observer qae Smêhmfnt poureit veoir de Soinne-
noM.LealeieceailaBteedelâ pheoétique. dîaeit^il, nepeavent donner qoe ^ou-
nufff, SoNWMfy, Somneré^ 8om»99ré: 11 propaoeit déi placer SoUmariaca à Sonme*
féeovt. I^cbiftee dae dtetenoea ne permettent pei d*idopter cette interprétatieft.
SOLIMARIAGA N'B&T FA» SOQLOSSB. 431
a pu faire donner ii une localité, construite sur son emplacement
(tarant la domination franque, le nom de Sonlosse.
Cette hypothèse ne paraît mèn^e pas possible à la Commission.
Une inscription trouvée dans les, ruines de Soulosse et datée, grâce
à te mention du consulat de Lupuç ot de Haximus, de l'an 232 de
notre ère, ne laisse aucun doute say le nom romain des importantes^
ruines qu'on a considérées jusqu'ici- comme celles du vieui de Sofî-
mariaca : ce nom était, sous la forme SoKçia^ celui qui si^hsisle
encore aujourd'hui et qu'on retrouve au ix* siècle sous Is^ forme
adjeclive Solecense^ pour désigner le pagus dont Soulosse était alors
le chef-lieu (i). Voici, du reste,. la dernière ligne de cette inscription,
aujourd'hui conservée au château de Bazoilles. pr^s Neufchâteau,
et dont la Commission a pu se procurer récemment un estampage
grâce à l'obligeance de M. L. Edme:
QVI P06VER(tmO VICO SOLIGIAE.
Dès lors, l'erreur qn'on est forcé de constater dans les textes rela-
tifs â la We romaine de Lahgres à Toul s'explique tout naturelle-
ment. A Torigine, ces textes mentionnaient successivement deux
stations placées h 5 lieues gauloise» l'une de l'autre : la première,
Soliniariaca^ était située à 16 lieues de lUosa et à 7 de Noviomagus;
la seconde, Solicia^ était i 18 Ii/3ues de Tool. Cette succession de deux
noms dont les deux premières ayllabes étaient identiques produisit»
cela était difficile à éviter, un bourdon qui a supprimé l'une des sta-
tions, et ce bourdon qui^ commis d'assez bonne heur^, existe dans
tous le» manuscrits qui nous sont parvenns, était évidemment anté-
rieur à l'époque où les voies de l'empire furent tracées sur la Table
de Peutinger. 11 n'est pas inutile de signaler un bourdon entière-
ment identique, qui, par bonhenv, n'a pas affecté l'easembie des ma-
nuscrits connus de l'Itinéraire d'Antonio et* qui, lui^ résulte de la
présence du nom Duroôoriaro (Reims) à la suite du nom Durocaté'
lauMi (Châlons) dans la description de la voie de Milan à Boulogne :
le nom Durocortoro est omis dans les nunu^crits, que Tédition
de Parthey et Pinder désigne par les lettrés AC6M0QTUY, c^est-
à-dire dans neuf manuscrits (2).
Le texte des documents itinéraires doit donc être rétabli comme
suit:
(i) Ce peffU9 fleure notamment dans le traité de partage da rofaome de Lotfaeire
eatreXonla le Gerni»oiqae et Charles le Chaare {Annaleê Berfimiam^ aeno 87e).
(I) Uintrêrium Antonmi €t Bitrôsàiymitanumf édlt. Parthe^r et Pinder, p. 17),
132
RBVOB ARCHE0L06IQVK.
iTINtlAIBB D'AMTOmil.
Tabli bB PurnncEB.
Andemantunnnin
AndemaDtaBDnm
MOM
XJI
Mota
XI
NovîomaguB
Vin
Solimiriaca
XVI
Solimariica
VII
Solieia
TuUum
V
XV
Solida
Tollom
V
XV
Reste maintenant à déterminer l'emplacement précis de Solima-
riaca^ dont deqx inscriptions de Soulosse mentionnent les habitants :
il en juger par les distances, celte station de la route antique devait
être située un peu au sud de Neufchâteau et en faàe de Rébeuville
où l'on conserve, dans le mur extérieur de la remise du presbytère,
l'inscription suivante trouvée sur la voie romaine de Langres- et de
Toul^ et, d'après toute apparence, au lieu même de l'emplacement de
Solimariaca : .
* ■
IN H ' D * D •
DEABVS-JV
NONIBVSPE
DVLA • PRO • SA
LVTE-SRVri
AGRICOLE- ET
REGALIS*ET
PETTVRONIS
ETGRANNIGAB
V-S-L-M-(l)
Noua terminons donc cette note, déjà un peu longue, en émettant
le l^œu que le$ archéologues lorrains voudront bien porter leur at-
twtàon sur le point que nom signalons; il ne nous parait guère
douteux, du reste, que des trouvailles ultérieures ne permettent
d'y constater rexistence de la station romaine.
Auguste Longnon.
(1) Lepage et Gliartmi, le Départfment des Vasget, âifttis/iquehistorique et admin,'
a* partie^ p. 404. ^
LE CHAR DE GUERRE
BN IRLANDE
ET U MORT DE CUCHULAIN
Le dernier numéro de la Revue Celtique contient l*abrégé fait par
H. W. Slokes d'an récit légendaire irlandais qui, bien qu'écrit dans
la langue connue sous le nom de moyen irlandais (xii*-xiv* siècles),
nous reporte à des temps bien plus anciens.
CAchulain (t), roi d'Emain Mâcha (2),combat sur un char {carpat^
génitif carpatf). Ce char est attelé de deux chevaux (ech =: equas,
au génitif eich = equi^ ou gabuir^ génitif gabrd) réunis par uiï
joug (cunga)^ et qui ont chacun dans la bouche un mors {glomar). Le
char est conduit par un cocher (ara). Le cocher et le guerrier sont
assis chacun (3) sur un coussin (foirtche). Le guerrier est armé :
l"" d'une épée, claideb = cladibas == cladias^ mot identique au latin
gladius; V" d'un javelot, gai = gaisa. Ce javelot est lancé par le guer-
rier à son adversaire, qui^ l'ayant reçu, le lui renvoie ; et ce manège
redoutable se reproduit trois fois. Le nom de l'arme nous rappelle
et le nom des Gaisates (4) et le passage de Virgile, Enéide^ YIII,
(1) Ce nom BigDlfle « chien de Gnlann » (WindiBcb, Beitraege zur Geichiehte def
deulschen Spraehe^ IV, 370}. Snr ce personnage voir lei passages da Glossaire de
Gonnac uxqaels renfoie M. Stokes, Tkree irish glossan'es^ p. XL VII.
(f) Emain Hacha était situé près d*Armagh (? oir Annales du Quatre Maiiree,
édition donnée par O'DonoTan, t. I^ p. 72-79, note}. C'était la capitale de l'Ulster.
Elle aurait été fondée 4SH) ans afant J.*C. suivant un chroniqueur, 608 ans ayant
J.-G. suif ant un autre.
(3) SniTant le Glossaire de Cormac, le guerrier et le cocher aTaient chacun leur
sié^e. Celui du guerrier s'appelait foehlae^ celui de cocher se nommait /àitet. Le mot
foehiaê, /bchia, servait en général à désigner tout siège élevé. (.Whitley Stokes, Three
iriih giouariet, p. XXIIX).
(4) La plus ancienne mention de ce nom se trouve dans le Polyeharés d'Euphorion
qui vécut de 27| à 200 avant J.-G. [Etymolagicwn magnum, édition Gaiafor, 213, iOJ.
Buphoiion écrivait ratC^fteu.
114 aBVUB ARCHÉOLOGIQUE.
688-662^ qui nous montre lesGanlôis, armés de la gaesa^ escaladanl
le Gapitoie (4). La gai[8a] irlandaise a une poignée qa*on appelle «r-
kttd.iéa seole arme défensive dent il soit question est le bouclier,
leAif A &=: iseé taf ou fdMun, au génitif 9eeith=i scHi. On remarque
dans le costume du guerrier une ceinture, crîM, et un manleau
maintenu par une broche.
Outre Gûchulaîn, un autre guerrier a un char, c'es> Lugaid, chef
derarméecottirelaguellecombatCûchulain.MaiaGonali le victorieux,
qui venge Gûchulain, s'élance à cheval à la poursuite de Lugaid; il est
cavalier (marcocA). Cûchulain avait coupé la tête du père d'Erc^ fils
de Garpré. Lugaid a coupé la tète de Cûchulain et a emporté cette
tète comme un trophée. Conall à son tour s'empare de la tête de
Lugaid et il prend comme accessoire le royaume (rige = figia =
régia) du vaincu.
Des idées chrétiennes, et par conséquent récentes, ont été mêlées
k cette légende barbare et antique : Cûchulain mort apparaît dans le
ciel, monté sur son char, et chantant la venue du Christ (2).
11 avait laissé k Emain Mâcha, sa patrie, trois fois cinquante reines
qui l'aimaient> et qui à son départ pour la guerre avaient poussé un
grand cri : ce furent elles, ce furent ces cent cinquante concubines
du roi défunt qui aperçurent dans le cîeU monté sur son char de
guerre^ ce prophète du Christ !
Dans cette légende, un rôle curieux est celui d'un des deux chevaux
de Cûchulain. Ce cheval, le Gris de Hacha (3), prévoyant le mal-
heur de son mettre^ ne veut pas se laisser atteler par le cocher ; il faut
que le maître intervienne et le pauvre animal, obéissant ators^ laisse
tomber sur les pieds de Cûchulain des larmes de sang. Un coup de
gai[sa] atteint ce cheval; le joug se brise ; l'animal blessé se retire
du champ de bataille. Cûchulain, qui a déjà vu périr son cocher,
reste, en face de Tennemi, sur un char attelé d'un seul cheval. Mais
quand ce guerrier, frappé à mort et tombé de son char, se prépare à
quitter la vie, et que, afq^yé contre une fiem^amrtke^ qui se dresse
au milieu de la plaine, *- nous dirions contre un menkbr^ -^ il s*est
attaché k cette pierre àfitt de mourir debout, lé cheval blessé revient,
[i) Oompartt te j^aasaga de Straboa, IHve f^ «. i, S «, édUkm Mdol, fi. tV7^ où
1*00 vdt las ]\u(C0Mi( s^uBi^arer de Honie.
(t) Le nane fait est meiitionui par le GtowalM de Gomum. < W. Siokes, l%f«t irifh
y/off an>#, p. XLVII, 31.)
(S) MadM eat une i«iM d*IHuide qoi «nralt ftmda la foneveaie dlSaaiii \Àà>uUes
dm Çmtrt aH Ki i i )!» I, p. vs; ^ QiOiMdre de CeiiBae« ehet WMiMgr Sceken»
Threê itish ghssanei^ p. XLI, 17).
Ll CMAR DB 6UIIIM BN IBLANDB. 185
et, k coups dp dents, i coups de pieds, il défend contre les ennemis
le corps de son maître expir«nt. Plus tard il sert de guide i Tami qui
doit venger Cûchulain» il le conduit près du cadavre mutilé et pose sa
tête sur cette poitrine où le cœur ne bot plus. On comprend que ces
animaux fidèles accompagnassent dans la tombe les guerriers dëfuntâ.
La légende mise au jour par M . Whitley Stokes parait arriver à point
pour servir de commentaire aux découvertesde chars de guerre gau-
lois faites depuis quelques années et sur lesquelles M. Mazard vient
d^écrire une savante dissertation. LeSenchus Mér^ en nous montrant
quelle était en Irlande^ à Tarrivée de saint Patrice, Torganisation de
la justice et le druidisme, nous aide à comprendre ce qu'étaient au
temps de César en Gaule, dnq siècles ^«s tôt, le dmidisme et l'org»»
nisation de la justice : les institutions insulait^ «t les insittutions
continentales, malgré de grandes différences, offraient d'étranges ana-
lo^es. De même Ctichulain et Lugaid, cbtcan avec leur cfaar de
guem, cflf^at, de bois, dans un texte du moyen âge, nous rappellent
le tarpûMum d'argent (1) de Btïiftto, ce roi des Arvemes vaincu,
cent vingt et«n ans avut notre ère, par le consul Q. Fabius Maximus.
H. n'AllBOlS bK JUBAINVILU.
(I) noms, 1. m, c a. Saitant les Annaleê de* Quatre MêHres, édiUoo donnée
par O'Oonof an, 1. 1, p. M, Ctiniht>tMn loi d'IrlAsdi, mort tn I'mi ii de §.41.^ anrait
moMaé d'niM tipéditten un char d'or.
■te
BULLETIN MENSUEL
m
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS l>B JDILLBT
M. le docteur. Halléguen, de Cbftteanlin, fait savoir à rAcadémîe qu'il
a fait doQ i la Bibliothèque nationale de la Collection Fenguem. Il s agit
d'un manuscrit important renfermant les chants populaires, les proverbes,
les mystères de la Basse- Bretagne.
lu. Léopold Delisle communique une notice sur les manuscrits des bu-
vraffes historiques de Bernard de Gui.
M. Gberbonneau, correspondant de l'Institut, à Alger, envoie le fac-
similé d'une importante inscription portant le nom de Tusurpateur
Alexaoder, qui domina environ deux années en Afrique. Celte inscription
aété trouvée à Gonstantine; elle est déposée au musée de cette ville.
C'est la première fois que le nom de cet usurpateur figure sur un monu-
ment épigrapbique. On connaissait seulement quelques monnaies très*
rares frappées sous sa domination. La plus belle, en or, découverte égale-
ment à Gonstantine, est cotée 2,000 fr. par M. Cohen. On y lit :
IMP- ALEXA^DER P-F* AVG-
Lh marque P K montre qu'elle a été frappée à Carthage, Perctisstcm Knr-
thagine. Une autre médaille fait précéder d'un G le nom d'Alexander. On
avait pensé que ce G était Tabrévialion de Gains; mais la pierre de Cons-
tantine porte f^. DOMITIO. M. Léon Renier en conclut que G est l'abrévia-
tion deCeesar, abréviation incorrecte sans doute, mais que l'on employait
cependant quelquefois, quand on élail gêné par l'espace.
11. Edmond Le Blant communique un mémoire sur le Symbolisme dam
les représentaUom de Vantfquité chrétienne.
M. Homolle, membre de l'École, française d'Athènes, chareé de faire
des fouilles à Délos, annonce qu'il' a mis au jour le dallage d'une vaste
enceinte qui précédait le temple. Il a également découvert une statue et
vingt-sept inscriptions. Parmi ces textes il y a des dédicaces d'e^voto, des
décrets, des traités, des conventions. Lucullus est nommé dans un de ces
actes. Un Ptolémée est mentionné dans un autre. Une dédicace est due
à des marins de Tyr et de Sidon.
M. Albert Dumont, directeur de l'École française, adresse une série de
photographies représentant des bas-reliefs et stèles trouvés dans les fouilles
exécutées par la Société archéologique d'Athènes sur les versants de
l'Acropole. Plusieurs des décrets et actes contenus sur les stèles sont très-
importants. L'un est de l'an 362 av. J.-C, l'autre de 375 ; un troisième,
sans date précise, parait sûrement du quatrième siècle.
M. Hauréau communique un mémoire sous ce titre : Quelle est ta vraie
9(mree du panthéisn^ pro fessé par David de Dinan. A. B.
■■■■■■il
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES
ET GORRESPONDANGB
- — Nous avons la douleur d'aDuoncer la mort de notre collaborateur
et ami IL le comte Giaocarlo Gonestabile, correspondapt.de rinslilut de
France. Tous les lecteurs de la Bévue connaissent les beaux travaux de
M. Conestabile^ qui était l'nn des savants de l'Europe les plus versés dans
la connaissance des antiquités étrusques. Ce que tous ne savent pas c'est
qu'il avait organisé à Pérouse, sa ville natale, un magniâque musée, qui
restera comme un témoignage de sa générosité et des éminentes qualités
de son esprit. M. Conestabile, qui était duns la force de l'Age (il n'avait que
cinquaule-quatre ans), venait d'être nommé professeur d'arcbéologie à
Florence. C'est une grande perte pour la science.
On nous écrit de Saint-Brieuc qu'une nouvelle fonderie de bronze
c 'est le nom consacré pour ces sortes de dépôts d'armes et ustensiles bri*
ses) vient d'être découverte dans les Cûtes-du-Nord, sur une bauteur for-
tifiée dominant la Rance. Trois épées, malheureusement mutilées, trois
poignards, trois lances, plusieurs haches et un certain nombre de frag-
ments difficiles à déterminer font partie de ce petit trésor.
Une autre découverte faite dans ce même département des Côtes-
du-Nord mérite d'être signalée. Un cercle d'or battu au marteau, de 20
centimètres de diamètre, dont 14 d'ouverture, et 2 millimètres d'épaisseur,
pesant 120 grammes, a été recueilli à 0"^j50 de profondeur dans de
la tourbe. L'analyse de l'or a donné 0,82 d'or ti 0,18 d'argent. Ce
cercle était replié en deux en forme de croiosant et suspendu à un anneau
ouvert, d'or également. Nous devons ces renseignements à M. Gaultier du
Mottay, correspondant du ministère de l'instruction publique à Saint-
Brieuc.
La Commission de la topographie des Gaules vient de recevoir, de
M. le commandant Robert Mowat, communication de la découverte, faite
par lui, d'une nouvelle inscription gauloise ainsi conçue : Bratronos Nan-
ionien epad Aiextorigi Leucullo Suiorebeloci ioe. Cette découverte est inlé'-
ressante, non-seulement pour les éludes celtiques, mais aussi pour l'his-
toire de Paris ; le texte est gravé sur une pierre qui a été trouvée dans
rne de la Cité, sur l'emplacement même de la Lutetia Pansiorum. Le pro-
10
i38 RETUE ARCHÉOLOGIQUE.
cbaln numéro de la Bemie donnera le fac-similé de Tinscription arec ane
note détaillée de M. Mowat, qui nous est parvenue trop tard pour être in-
sérée dans la présente livraison.
BulleHn de VInstUut de correspondance archéologique, n* 6, juin 4877
(i feuille) : W. Helbig, FouUles de Caimeto, Nardoni, Sur wie amulette or-
ehaique singuHère trcwDée sur VEsquiUn. Adolphe Fuitwsengler, Sur deux
lypes (f Amour. Dans le premier de ces articles, M. Helbig donne une des*
cription intéressante d'un beau vase qui Tient d'être trouvé dans les
fouilles de Gorneto-Tarquinia ; c'est une belle coupe à figures rouges,
signée de l'artiste connu Pamphaios. Elle est ornée de figures à Fintérieur
et à Textérieur ; un des sujets représentés est le combat d'Hercale contre
Cycnus.
Musée arthéologique, deuxième volume, 1877^ .2* livraison - A. de
Cbampeaux et Héron de YîUefosse, SUÉue de Vému de Brégneê (Lot-et-
Garonne), avec une photogravure hors texte. J. €eslin. Etudes sur Fart
Aypriotey avec figures dans le texte. G. Schlnmberger, Bulles byzantines
inédUes (de même). A. Forgeais, Plombs historiés trouvés dans la Seine; bla-
sons et chevaKers (de même). A. de Caix de Saint-Aymour, Bpéesde Fépoque
du bratae (de même). Indicateur de l'archéologue et du collectionneur :
i. Bibliographie; 2. Académie des inscriptions.
Atti éella Sodetà di archeologia e belle arti per lapronmeiadi TorinOj
tome I*', 3* fascicule : A. Fabretti, Ades de la Société. E. Berard, Observa-
tions smr deux inicriptùms romaines trouvées à Villeneuve prés d^Aosie. A. Fa-
bretti, Fase de verre trowoé à Cavomr ; Sceau de bronze. Y. Promis, Inscrip-
fîon d^AsH exposte par le baron Vemaxxa. F. Chiapusso, Objets trouvés à
Suae. Maggiora-Vergano, L'ancien cteur de la cathédrale d^Asti. E. Mella,
De f abbaye et de VégUse de Saint-Ântoinê de Kanversa. G. ClaretU, La cloche
ducale omseroée dans le Musée ctcique^ et la famille Bonoleron.
'"'^Bulletin de la Co mmi ss ion arthéologigiue c o m mun ale de Bwwe, V année,
2* série, numéros 1 et 2, Janvier à juin 1877 : Rodolfo Lanciani, Mélanges
épigrapkiques. Ce sont, pour la plupart, des textes courts on très-incomplels
qui avaient été trouvés dans les grands travaux de Rome ou dans les
fouilles archéologiques, et qui avaient été conservés parce que l'on espé-
rait les compléter par de nouvelles découvertes, espérance qui s'est réa-
lisée pour quelques-uns d'entre eux. Tirginio Vespignani, Les rumes du
nymphie dTime motsm particulière (planches I à III). Ces planches donnent
une haute idée de l'élégante décoration de l'habitation de laquelle a fait
partie ce nympbée, dans le voisinage immédiat des tliennes de Constan-
tin. Ch. L. Viseonii, BTune table de jMfroMtf nmeermni le ligai impérial
AMàss Ovieta (pi. IV, V, VIII). Dans une maison de l'Bsquilin, qui parait
avoir été celle des Avidius, ont été retrouvés, avec des fraigmenls de tables
de brome portant des inscriptions qui témoignent de la clientèle étendue
des maîtres de cette demeure, un beau débris de terre cuite de travail
grec, qui semble représenter Thésée quittant Ariane. Pielio Eteole Vis-
coQti, JBKpWoalisR <fe qwafrt uiédrtllMW ciyeali (pL VI et VD). Loigi Brana,
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES.
139
Tabksd^jm du camp prétorien^ avec des bois dans le texte. Fiaoçois Le-
noroitnt, Fragment de statue â^un des rois pasteurs de l'Egypte (pi. IX).
— llapvaffwJç, ouYYpotH'(Aa icepioSixiv xati [x-Jjva lx5iWfA€vov, tome V,
B» de Juin i877 : Eieutherios Thomas, Etudes sur le Fhanar, Alexandre Mo-
rousis, Jean Soutzo, Anthropologie ^ analyse du livre de M. de Quatvtfages sur
Vespice humaine. Constantin Condos, Fetites dissertations philologiques (re-
cherches sur les mots SAra, $Atoç, mrrdcxtov, ivsttuxiov). Constaotin Bam-
bas. Esquisse historique de V Albanie et des Albanais. Timoléon Argyropou-
lo8, Svar le télégraphe qui parle. S. K. Sakellaropoulos, Découvertes arehéolo-
giquesà Rome (traduction d'un article de M. G. Boissier dans la Revue des
Deux Mondes). Le musicien^ épisode de la guerre civile en Espagne, traduit
du français. Th. Heldreich, La maladie des oliviers dans le district de Ccrinr
the. Courrier archéologique (fouilles de TAcropole^ de la rue d'Eole, de
Tanagre, de Spata, de Di^los, d'Alexandrie). Chronique.
Sommaire du numéro de juillet du Journal des Savants: Biblio-
thèque grecque^ par M. Miller. Archéologie celtique et gauloise^ par M. Alf.
Maury. Abélard^ par M. Ch. Levéque. Philosophie de Vinconseient. Reports
of the R. Cwnmission anhistorical manuscripts, etc.
BIBLIOGRAPHIE
Mission archéologique de Macédoine, par Léon Hbozbt et H. Daohet.
Dooiîème livraison.
La douzième livralsoa qui termine cet important ouvrage est beau-
coup plus considérable que les pr^'cédentes. Elle contient 16 feuilles
d'impression et 7 planches. Parmi les planches se trouvetit quelques-unes
de celles où y. Daumel, Thabile architecte de la mission, a prêté le plus
utile concours aux recherches archéologiques développées dans le coura
de l'ouvrage. Je citerai en particulier l'étude de la décoration poly-
chrome des chambres funéraires de Pydna elles restaurations de Tédifice
antique de Palatitza^ le premier exemple connu d'une grande habitation
royale appartenant aux beaux temps de l'architecture grecque. •
Le texte comprend les dernières pages du troisième chapitre, les cha-
pitres quatrième et cinquième, ainsi qu'un appecidice sur la Thessalie.
Chapitre quatrième : Dfprrhachium ou Épidamnos. — H. Heuzey a,
le premier, fait des recherches sérieuses sur la Tille de Dyrrhachium,
négligée Jusqu'ici par les voyageurs, malgré le rôle considérable
qu'elle a joué dans l'antiquité et encore au moyen Age. C'est une
étude très-complète et conduite avec une méthode excellente. Transpor-
tant le lecteur sur le terrain, dont le pLin H donne une représentation
détaillée, l'auteur décrit la position de la ville, construite sur une pres-
qu'île rocheuse, rattachée à la terre par une bande étroite de sable, et
distingue les deux parties dont elle s'est formée : sur la mer, la marine
ou Dyrrhachium, nom qui prévalut & Tépoque romaine; sur le rocher^
la ville haute qui commande le mouillage, ou Épidamnos. De l'étude du
terrain et de l'enceinle actuelle, il passe aux autres enceintes, plusieurs
fois reconstruites au moyen Age et à Tépoque byzantine, en rapprochai! ,
des ruines conservées les récits des Byzantins sur les deux sièges de Du-
razzo par Robert Guiscard et son fils Boémond. Cette histoire donne la
connaissance du terrain et des conditions de tout temps imposées à ceux
qui ont voulu s'y établir et s'y retrancher; elle fournit donc des élé-
ments sérieux pour remonter pi us haut et reconstituer l'enceinte ancienne,
qui a laissé moins de traces, mais dont les enceintes postérieures ont en
partie suivi le tracé. Le résultat de ces recherches si soignensement faites
est de donner l'explication raisonnée des opérations de Jules César pen-
dant le célèbre biocas do Dyrrachium.
BnLiooRArare. 141
Chapitre cinquième. Recherches »ur la côte (f £ptre, ApoUonie, Oricum et les
monts Acrocérauniens. — L'antiquité hellénique a laissé plus de traces à
Apollonie qu'à Dyrrhachium. Une colonne dorique encore en place marque
la position d'un temple d'une époque grecque encore assez pure. La res-
tauration du monument faite par M. Daumet (pi. III) donne un temple
bezattjle et périptère de 23 mètres de largeur sur 40 nètres de profondeur.
Dana Je monastère dePoIanni, qui conserve encore le nom altéré d'Apollo-
nie et qai semble avoir remplacé le sanctuaire d'Apollon, M. Heuzey a relevé
un grand nombre de débris andeos et s'en est habilement servi pour don-
ner une idée de l'aspect de la ville antique^ de la variété et de Télégance
de ses constructions, surtout du caractère hellénique qu'elle avait con-
servé jusqu'au milieu de l'époque romaine. Le.^ plus beaui de ces frag-
ments, acquis par les soins de l'auteur, sont venus enrichir nos collections
du Louvre. Une tête de femme voilée, en marbre de Paros, est analysée
par M. Heuxey a^ec un sentiment très-délicat de l'expression pathétique
de cette figure, et des procédés par lesquels l'artiste a rendu la douceur
grave et triste que les légendes attribuent à Déméter à la recherche de sa
fille. Des rapprochements avec une série de monuments analogues
viennent i l'appui de cette interprétation Ingénieuse.
La position véritable d'Oricuro, découverte par M. Heuzey, répond de
point en point à la description très-précise donnée par Jules César de
cette station maritime, la première place forte qu'il ait occupée après son
hardi débarquement en Epire {QverrecMk, lii, 39, 40). C'est un exemple
de tout ce que les études archéologiques ajoutent de précision et de vie
à la lecture des auteurs anciens. Autre chose est de lire seulement
dans le texte le récit des opérations, ou de les suivre pas 4 pas sur le plan
dressé par M. Heuzey. On y reconnaît le port intérieur dans lequel le
lieutenant de César, Acilius, avait fait remiser les vaisseaux, en les amar-
rant à terre, à l'abri même des murailles {is naoes nùsiras mteriorem in
portum post oppidum reduxù et ad terram reUgavit) ; la passe d'entrée que
lescésariens avaient obstruée; la barre de sable qui relie la plaee à la
terre ferme et par-dessus laquelle Sextus Pompée tenta de faire rouler
quatre de ses birèmey, pour attaquer les vaisseaux ennemis dans le port
intérieur (e/t altéra parte molem tenuit naluraUm objeetam^ qum pem» tusu^
kun oppidum effecerat).
Appendice, Monuments de la TkessaHOj inscriptions^ sculptures, monuments
byzantins. — Des études étendues de topographie historiqueont été exécutées
en Thessalie ; le résultat général de ces études est représenté par la carte G,
qui est l'assemblage, à une échelle réduite, des plans levés par M. Laloy,
garde du génie attaché à la mission. Ces plans, levés et dessinés sous la
direction de M, Heuzey, ont été mis grandement A profit par M* Kiepert
pour sa dernière carte moderne do la Thessalie. Void les résultats les plus
nouveaux de ces recherches topographique^ que l'auteur s'est borné à
indiquer sommairen^içnt : identificaliou de l'acropole de Koutouri avec la
très-ancienne forteresse de PalM Pharsalas et fisation plus exacte du
142 RBTUB ARCHÉOLOGIQUE.
champ dis bataille de César el dé Pompée ; relevé de nombreuies bottet
funéraires de deux espèces, les unes ayant servi aux sépultures par inhu-
mation, les autres sous lesquelles on trouve une masse de cendres et de
charbon, épaisse de 30 k 80 centimètres ; position de plusieurs Tilles de
la Thessalie et en particulier des trois places fortes de Tricca, Gomphi et
Métropolis; relevé d*un grand nombre de forts helléniqoes sur la frontière
occidentale de la Thessalie, répondant aux vtci et aux ca$teUa ignobiha
dont parle Tite Live. Ce rapide énoncé fait vivement désirer que M. Heu-
sey publie promptement la série de mémoires spéciaux qu'il avait rédi-
gés sur la bataille de Pharsale et les événements de la guerre civile en
Thessalie, de même que pour le blocus de Dyrrachium et le débarquement
de Jules César en Épire.
Un des meilleurs fruits de la mission, pour l'histoire'de l'art, est certaine-
ment le beau bas*relief archaïque de Pharsale, acquis pour le musée du
Louvre (pi. 23). Le mémoire publié par M. Heuxey dans le Jcumai de$ Sa-
vants a déjà fait connattre le sujet et l'importance de cette œuvre d'aK.
Il est toujours difficile de préciser l'interprétation d'un monument figuré,
lorsqu'il est isolé, et Tauteur ne propose qu'avec réserve d'identifier lea
deux personnages féminins du bas-relief avec Déméter et Coré. On peut
être plus hardi pour la valeur artistique; ce n'est pas une imitation eu
vieux style, mais une œuvre vraiment archaïque, marquant un pro|;rès
sensible sur le style proprement éginétique.
A quelle école attribuer cette œuvre d'art? Une théorie nouvelle, pro-
voquée par la découverte à Olympie de la Victoire et des statues du fron-
ton oriental du temple de Zeus, œuvres de ironies de Mendé, vient
d'être exposée par M. Brunn (BvUetm de r Académie de Munidi, 1876,
p. 316). Solvant son opinion, le monument de Pharsale, les beaux bas-
roUefs rapportés de Thasos par M. Miller, d'autres débris de sculpture
provenant de la Chalcidique de Tbrace, attestent l'existence d'une école
propre aux pajrs grecs du Nord. 11 est plus prudent, à mon arâ, de s'en
tenir à l'opinion de M. Heuxey qui attribue le bas-relief de Pharsale, non
à une école indigène, mais à un maître de l'école fondée en Béotie par
les sculpteurs de Sîcyone. Je pois apporter à l'appui de cette assertion le
témoif nage de plusieurs inscriptions do cinquième et du quatrième siè-
cle, trouvées en Béotie pendant cet dernières années ; elles font connaître
plosloors œuvres dues aux artistes de Sicyono el aux artistes thébains
formés sons leur influence.
Un aalra bas-relief, également rapporté an musée du Louvre, est sur-
tout intéressant pour la science. Llnscriplion gravée au-dessous ne laisse
aucun doute sur la signification du monument et sur les divinités aux-
qneUes il est consacré. Cest un repas sacré oITert aux Grands Dieux par
une femme appelée Dana. An centre de la composition est dressé un lit
de festin pour deux convivos; en avant, la table à quatre pieds et on an-
laL Un iMMBame vétn à la grecque verse une libatioa aor TaiiteL Cest le
prllre des Grands Diens qui oAne le saei H k o an non de Dana. Le carac-
BIBLIOGRAPHIE. 143
tère de ce dernier peraoaoage est d'autant moins douteux que plusieurs
règlements religieux, conserrés par les inscriptions, prouvent que, dans
un grand nombre de temples, il était défendu de s'approcher dé l'autel et
d*offric des yictimes sans l'assistance du prêtre on de la prétresfe. Dans
les airs, passent au galop deux cayaliers, comme sur un vase de Camiros,
oonsenré au Musée Britannique. Toute la scène est surmontée par un
fronton courbe d*où l'on voit émerger un attelage de quatre cheTaux et
nne tête radiée, image du soleil levant. I/étude do ce bas-relief, rappro-
ché du vase de Gamiros, apporte des renseignements précis sur le culte
si compliqué et resté si obscur des Cabires, qui se transforma en se gref-
fant sur le culte hellénique des Dioscures.
Les quarante inscriptions grecques ou latines (n»* 189-228) publiées par
M. Heuxey sont, pour la plupart, inédites. Les plus importantes sont
celles où s'est conservé l'ancien dialecte thessalien. La plus intéressante
est le décret des Pharsaliens qui admet dans la cité 176 nouveaux citoyens
et attribue à chacun d'eux un patrimoine de 60 plètbres. Dans la pre-
mière phrase, *A 'nikiç OapaaXfouv, toTc xal oôç ila^yflq oufA'KoXiTfuop.^voic
Tuà ou{i,itoX[f (i.e(99a]9ai, TcavaaupodujiiCa Kouxtxàv icoXiTe(av xarraicsp 4^p<raXiotc
toTc l[iapxSc iroX]tTeuo;Asvotç, les mots ice^oa.icpoOu{A(a doivent se Joindre à
au$A7coXe[Ji((9o«99t plutôt qu'ù fôouxe. Il est fflcbeux que ce texte ne contienne
aucune indication précise de la date. Gomme l'auteur^ je crois que cette
date est antérieure à la conquête macédonienne ; mais Thistoire inté-
rieure de la Thessalie est trop mal connue et les guerres y furent trop
fréquentes dans la première moitié du quatrième siècle pour essayer de
déterminer les événements auxquels le décret fait allusion. Même diffi-
culté pour établir quelle était la condition des nouveaux citoyens avant le
décretqui leur confère le droit de cité plein et entier. Ils faisaient déjà partie
de la cité^ mais formaient une catégorie inférieure^ voilà tout ce qu'on
peut affirmer. Les noms propres et les adjectifs patronymiques qui rem<
placent, comme en Béotie, le nom du père, nous donnent ausâi des ren-
seignements pour les formes du dialecte thessalien, qui se rapproche
beaucoup du béotien. Ainsi Efpofôaç est le même nom que celui du hé-
raut thébain appelé £tpco($ac dans un catalogue des Jeux d'Orchomène, et
'Hpcoiy)c dans un autre catalogue de Thespies.
Deux dédicaces à Aphrodite Peitho (n* 201) et à Zeus Soter (n* 203) ne
sont pas moins intéressantes pour la mythologie que pour le dialecte
thessalien. Signalons encore un fragment de catalogue des vainqueurs aux
jeux de Larissa, et surtout la série des listes d'affranchissement. L'inscrip-
tion de Halos (n*214) a été pour M. Heusey l'occasion de fixer le calen-
drier des villes de la Thessalie propre^ et de déterminer le nom et la date
de onxe mois de l'année ; dans l'ouvrage de Hermann {QrieehUche MonoAi-
kunde, p. 118), deux mois seulement étaient connus; ce simple rappro-
chement suffit à montrer le progrès fait sur ce point.
M. Heuxey a recueilli également un grand nombre de bulles d'or et
d'autres documents du moyen ftge; réservant l'ensemble de ces pièces
i44 aBYUB ABfiotoiiOaiQnK.
pour uiie publication ultémurei il s'est borné à donner quelques teites
qui intéressent pUis particuUôrflment l'histoire et la géographie de le
Thesaalie : rapport adressé après enquête à Tévéque de Stagi taries cou-
yents des Météores du xvi« siècle ; inscriptioas byzantines datées pour
servir à l'histoire de ces couvents ; chrysobulle de 4336, trèsH^urieux pour
l'ethnographie delaTbessaiieaumoyen âge; charte delà ville de PbanariOB
en 1205. Cette énumération suffit pour montrer avec quelle attention cu-
rieuse et toujours éveillée l'auteur a parcouru ces pays encore mal
explorés, et profité de sa mission pour sauver de l'oubli ou de la deitnie-
tion tous les monuments intéressant Tart et l'histoire à n'importe quelle
époque.
La table des chapitres permet d'embrasser l'ensemble des travaux de la
mission en Macédoine. On y trouve les mômes caractères et les mêmes
qualités que dans la livraison que nous venons d'analyser. La mélhode
consiste à choisir un certain nombre de poiots importants et à les étudier
à fond, avec toutes les ressources que fournissent l'exploration approfon-
die des localités^ la discussion des textes anciens ou du moyen Age, l'in-
terprétation ingénieuse des monuments archéologiques et des inscrip-
tions.
1) suffit de rappeler quelques-unes de ces études qui peuvent servir de
modèle aux explorateurs des pays classiques : Philippi, les mines d'or du
mont Pangée, les opérations des deux armées romaines avant la rencon-
tre décisive et la double bataille; les fouilles de Palatitza; l'exploration
mélbodique du cou» inconnu do TErigon pour déterminer la position
encore incertaine de Stobi, la découverte des ruines de cette ville dont
les débris et les inscriptions ont désormais fixé l'emplacement.
Outre ces grands résultats, exposés dans les livraisons précédentes de
l'ouvrage, il su£Qra de parcourir les tables pour apprécier tous les faits
nouveaux que la publication de M. Heuzey ajoute à la connaissance de la
géographie ancienne^ de la mythologie, de l'archéologie grecque, ro-
maine, chrétienne et byzantine, pour ces provinces de la Macédoine
jusque-là inexplorées ou à peine entrevues dans de rapides excursions.
P. FoncABT*
SBB
NOTES
Sra LB8
lOSAiQDES CHRÉTIENNES DE L'ITALIE
(0
IV
L'ORATOIRE DU PAPE JEAN YII
Quelques fragments dispersés en tous lieux, c'est là aujourd'tiui
tout ce qui reste du célèbre oratoire élevé en Thonneur de la Vierge
par Jean VU (705-707), un des nombreux papes grecs qui se suc-
cédèrent vers le vm* siècle sur le trône pontifical. Je vais essayer,
en m'aidant de ces épaves et d'anciennes éescriptions manuscrites,
de reconstituer là mosaïque qui décorait cet édifice et qui a long-
temps fait Tadmiration du monde chréti.en ; elle a suffi pour iUlMt*
trer un pontificat si court, et présente aujourd'hui encore un intérên^
majeur, parce qu'elle est la dernière en date des mosaïques exécutées
avant la renaissance carlovingienne et parvenues jusqu'à nous, du
moins dans quelques-unes de ses parties.
L'oratoire de la Vierge, aussi appelé la « cappella del Presepio •,
était situé dans l'ancienne basilique du Vatican, à. l'endroit où se
trouve aujourd'hui la porte Sainte. Le lAber pontificalis en men-
tionne la construction dans les termes suivants : «Hit (Johannes VII)
fecit oratorium sanct» Dei genitricis Mariae inter ecclesiam hêtUr
Pétri afpostoli : cujus parietes musivo depinxit... Sepultus est^ad
beatum Petrum apostolum ante altare oratorii sanct» Dei genitrici«,
quod.ipse construxerat (2). »
(1) Voir la Revue orcMologiqueywplûmhTQ 1874, octobre et novembre 1S75j dé-
cembre 1876, Janvier 1877.
(2) Ed. Vignoli, m vita Johannis Vil, % II et IV.
XXXIV. — Septembre* i I
146 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Petrus Mallius, Maffeo Yegio, Onofrio Panvinio, qui ont ya
cet oratoire intact, l'un au xii% l'autre au xv*, le troisième au
xvi^ siècle, se bornent à reproduire le passage ci-dessus relaté de
la chronique papale, sans y ajouter le moindre détail caractéris-
tique (1). Nous ignorerions jusqu'à la nature des sujets qui y étaient
figurés, sans le secours d'un archéologue romain de la fin du xyi*
et du commencement du xvii*' siècle, qui a rendu les services les
plus signalés à l'étude des antiquités chrétiennes : Jacques Grimaldi,
archiviste du chapitre de Saint-Pierre et notaire apostolique. Cet
érudit a pris soin de décrire et de faire dessiner l'oratoire et ses
mosaïques au moment où ils allaient disparaître sous la pioche des
démolisseurs de Paul Y (^), et sa description ne laisse rien à désirer
sous le rapport de l'exactitude. Comme elle n'a jamais été publiée
que sous forme d'extrait (3), je crois utile, avant d'aller plus loin, de
la reproduire intégralement d'après un manuscrit de l'Ambrosienne
de Milan (4). Elle est ainsi conçue :
HuJuB sacelli descriplio hsecest : In pariete venus Palatium apostolicum
tessellati operis prima historia est prœdicatio B. Pétri apostoli Jerosoly-
mitanis cum litteris aVlTAS HIEROSOLYMA, habens imaginem BeaU
Pétri stantis recti, manu elevata^ tenentis binas claves, cum civitate Jero-
solyma et populo circum se illum audiente.
Secunda prœdicatio ejûsdem Antiochenis habens similem imaginem
cum litteris GIVITAS ANTIOCHIA.
Tertia priedicatio Romanis cum simili imagine et litteris ROUA. B ruinis
servata imago B. Pétri prœdicantis Romanis videtur hodle sub foraice
novi pavimentiy muro affiza.
Quarta^ quando sanctissimi apostoli Petrus et Paulus coram Nefone dis«
putabant cum Simone Mago,
Quinta lapsus Simonis ex aère.
Sezta crucifizio Pétri.
Septima decollatio Pauli.
(1) Descriptio VaticanœBasilicœveterisetnovœ, éd. de AngeUs, Rome, 1646, p. 16,
— Acta sanetorwHf Jain, VII, p. 82. — De^^/em Urbis ecelesiis^ Rome, 1570, p. 44.
(S) Bn 1606 et non en 1630, comme le rapporte M. GregoroTius, Stwia délia
città di Aoma, t. Il, p. 234*
(3) Voir Seyerano, Uemorie sacre délie $ette ehiese^ Rome, 1680, t. I, p. 70, et
Torrigîo, Sacre grotte vaticane^ Rome, 1639, p. 117 et pasBim.
(4) A. 168, inf. fol. 02 y^ et se. — La même description est contenae dans la plu-
part des autres manuscrits de Grimaldi : Archives du chapitre de Saint-Pierre, à
Rome.— -Barberine, Bibliothèque nationale de Florence (p. III, ood. 173, fol. 102 t*), etc.
l'ai consacré une étude spéciale à ces manuscrits, ainsi qu'à leur auteur^ dana le
1. 1«' de la Bibliothèque des Ecoles françaises d^ Athènes et de Aome, p. 246-260.
MOSAIQUSS CHRÉTIENNES DE L'iTALIE. 147
la altero vero piriete, rapra portam sanctam^ hœ cernebantur histori»
opère mmivo : ADDunciationis, Vtoitationis» Nati?itati8 Gbristi cum mira*
culo mulieris taogentis arida manu preesepe^ quod hodie cernitur 8ub
fornict praedicto in ambitu sacr» coafesnonii in demolitione acceptum,
angeli ad pastoreSi adorationis magorum, preesentatioais in tempio, bap-
tedmi Gbristi in Jordane, miraculi cœci natî, mulieris tangentis fimbrias,
Zaccbei in siccomoro^ suscitationis Lazari, [cum Maria et Martba sororibus
prostratis ad pedes domini,] trîumpbi in die Palmarum^ cœnse cum disci-
polis antiquo more cubaotibus^ crucifixionia cum quatuor clavis, resur-
raetiopia» deseenaus ad limbum^ et quando angélus mulieribus apparuit
ad moQurnentum.
In DMâk) harum imaginum aderat beatisiima Deipara virgo, ex eodem
tessellato opère, gravi Yultu décora, armiUis et coronis orjsata, expansia
manibus grœcorilu, habitu coloris castanei^statursepalmorum quindecim^
quœ inde amota et Florentiam pia devotione Antonii Riccii nobilis Floren-
tini^ Episcopi Aretini, translata, in ecc^S-Marcimagnavenerationecolitur.
Ad cigua dexteram stabat rectas Joannea septimus Papa, cum planeta
et pallio, babens in capitè quadratum dîadenla (quod indicium est viven-
ti8)'et sublatom manibua offerena aacellum ipaum Deiparœ virgini, cujua
Pontificis imago a pectore aursum e ruinis servata videtur hodie sub for*
nice noyi pavimenti, proxime aram sanctœ Mariœ Prœgnantium.
Subtua pedea Deipar» yirginia muaiveia litteria Juxta typom in fine biiyua
operisappoaitum, yidelicet: >i<IOHANiNES . INDIGNYS . EPISGÛPVS . FËGtT*
Hinc inde ad latera imaginis surgebant duœ precioaœ columnœ... Infra
conatractus fornix nitebatur duabus eximiis columnis viteis albis intortis,
quea hodie ante majorem absldam templi cœteris aimilibus pulchriores et
rariorea Inapiduntur ; in cujua fomicia interiori circuitione effictae erant
8 muaito Imaginea Deipar» Virginia, filium geatantia, apoatolorum Petrl
et Paali, Pétri ad ainiatram et Paul! ad dexteram, cum litteria in gyro an-*
teriori arcua : DOMYS . SANGTAE . DEI . GENETRIGIS . MARIAS. Sub que
olim erat altare» poatea poaita ihi fuit porta aancta anni jubilei...
A cette description sont joints plusieurs dessins, tous inédits, à
Texception du plus insignifiant et du plus infidèle d'entre eux, le
croquis représentant les scènes de la vie du Christ. C'est de celui-ci
précisément que Fauteur des Vetera Monimenta, Ciampini , a fait
choix pour sa publication , et c'est dans la gravure informe (1)
(1) De Sacrii JBdi/idis, pL XXin. Les àéUàU sont teUement altérés dana la gra-
fure qull est impoesible d'y reconnaître la plupart des sojets. On a peine à com-
prendre comment Ciampini a pu déclarer qa'il n'expliquerait pas les scènes repré-
sentées sur son estampe t qoum per se omnibus pateant ». — On trouve dans les
cryptes du Vatican, près de la statue en marbre de saint Pierre, une peinture repré-
sentant les mêmes mosaïques. Hais cette reproduction^ sommaire et infidèle, parait
aite de mémoire et ne mérite aucune créance.
148 REVUE ARCHÉOLOGIQUE*
qu'il ea a donnée que tous les archéologues, depuis d'Agincourt
jusqu'à M. Rohault de Fleury, ont étudié ces compositions si
intéressantes au point de vue iconographique^ Les dessins de Gri-
maldi jetteront un jour tout nouveau sur l'œuvre de Jean Vil et
nous permettront de rattacher à des scènes déterminées les frag-
ments qui ont échappé à la ruine de l'oratoire.
Nous suiyrons dans ce travail l'ordre môme adopté par Grimaldi
et nous passerons successivement en revue les scènes de la vie de
saint Pierre et de saint Paul, celles de la vie du Christ, l'image de
la Vierge et de Jean VII, enfin l'image de la Vierge tenant sur ses
genoux Tenfant Jésus et accompagnée des apdtres saint Pierre et
saint Paul.
I
Scènes de la vie de saint Pierre et de saint Paul (1),
Cette mosaïque formait un rectangle comprenant six comparti-
ments disposés sur trois lignes.
1*" Dans le premier, en commençant par la gauche^ on voyait
saint Pierre nimbé, debout, la main droite levée, deux clefs dans
Tautre main; il parlait à plusieurs personnes agenouillées autour de
lui. Deux tours crénelées, de dimensions inégales, encadraient la
scène, au-dessous de laquelle étaient tracés les mois : CIVITAS.
HIEttOSOLYMA,
â*" Dans le second compartiment, en suivant Tordre horizontal,
(CIVITAS ANTIOCHIA), l'apôtre était figuré dans la même attitude.
Les auditeurs agenouillés occupaient un côté seulement du tableau.
3* Motif analogue aux précédents. Prédication de saint Pierre à
Rome (avec l'inscription ROMA). Cette composition est la seule qui
(1) On s'explique difficilement comment Hignanti, le dernier en date des historiens
de la basilique du Vatican, a pu dire que ces scènes étaient peintes à fresque (/</o-
ria délia sacrosanta patriarcale basilica Vatiçana^ Rome, 1867, t. I, p. 151), alors
que les fragments des cryptes du Vatican sont là pour nous prouver qu'elles étaient exé-
cutées en mosaïque. Le paragraphe que cet auteur consacre à l'oratoire de Jean VII
est d'ailleurs rempli de méprises. Il rapporte qu'on y avait représenté la vie de la
Vierge ; il confond la Vierge tenant l'Enfant (cryptes de Saint-Pierre} avec l'Adora-
tion des Mages (3. Maria in Cosmedin), etc., etc.
mosaïques GHBETIENNES de L ITALIE. 149
se soil conservée (1). Elle se trouve aujourd'hui dans les cryptes de
la basilique du Vatican (2), où son origine est rappelée en ces termes :
« Imago B. Peiri praedicantis Romanis, ex sacello Joannis VU papae.
Paulo V Pont. max. » Saint Pierre y est représenté presque de hce
et à mi-corps, levant la droite pour haranguer la foule. Il serait super-
flu de décrire son costume et ses attributs, car la figure a été refaite
presque en entier. Le bras droit seul, tout nu, parait ancien. Des
clefs, on n'en aperçoit plus de|trace. Au siècle dernier déjà, un écri-
vain a constaté l'état de détérioralion de cette ligure : a Nunc vero
deformatum adeo est, ac temporis edacitate ita exesum, ut ejus
dumtaxat fragmentum 11 circiter palmorum supersit, in quo praeter
apostoli capnt et peclus nil aliud equidem video (3). »
i^ La dispute contre Simon le Mage.^A notre gauche se tient un
soldat armé du bouclier et de la lance, puis vient Néron (NERO),
assis sur son trône. Au second plan on voit Simon (MA6YS) éten-
dant les mains vers saint PieiTe et saint Paul^ désignés chacun par
leur nom (S. PETRVS. S. PAVLVS) et nimbés.
5"* Les mêmes personnages. Au milieu, Simon s'enlève dans les
airs ; plus loin est figurée sa chute. A notre droite se trouvent les
deux princes des apôtres, l'un agenouillé au pied d'une tour et
priant avec ferveur, le dos tourné à Néron, l'autre debout, s'adres-
sant à l'empereur et lui montrant cette même tour. Le tableau
ne porte pas d'autre inscription que celle-ci : NERO.
&" Crucifixion de saint Pierre sur une croix renversée, décolla-
tion de saint Paul. Près de chacun des deux condamnés se tient un
bourreau. Il n'y a point de spectateurs. On voit qu'à cette époque
toute trace de répugnance pour la représentation des scènes de
martyre avait disparu.
(!) Toirigio, Sac. grotte Vai,f p. 121^ parle de plusieurs débris de cette mosaïque
qui ont été transportés h Saint-Phi lippe-Neri. J'ignore ce qu'ils sont devenus : a Alcune
altre figure di queslaistes sa cappella si vedono hora affisse nella cbiesa di S. Fllippo
Neri, in strada GiuUa, postevi nel 1633. »
(2) Giampini, De Sacris ^dificiis, p. 103, n» 15^ et Barbier de Montault, Souter-
rains... de Saint'Pierre, R. 1866, p. 23, n» 29.
(3) Dionysio, Sacr. Vatic, Basil, crypt. monumenta, Rome, 1773, p. 42.— La corn,
position est gravée dans la seconde édition de cet ouvrage (1825), pi. XVIII, n® 3. A
répoque même de la démolition les scènes de la vie de saint Pierre et de sa^t Paul
avaient déjà beaucoup souffert, comme le prouve ce passage deGrimaldi : « Histori»
beati Pétri versus Palatium apostolicum Ob madentem locum offuscatœ satis (cerne-
bantur).» De S. Sudario^ Arabr., A. n» 168, f» 16 v^
iSO RETUB ARGHÉOLOOIQUB.
II
Seines delatdedu ChrisU
Notre grayare, exécutée d'après an dessin de Grimaldi, montre
la disposition générale de cette partie de la mosaïque qui est diyisée en
huit compartiments. Nous examinerons dans l'ordre chronologique,
c'est-à-dire en allant de gauche à droite, les scènes qui y sont repré-
sentées.
A. UAnnonciaiion ; la Fmïotfon.— A gauche, l'ange s'aranceTers
la Yierge assise sur un trône qui occupe le milieu de la composition.
L'inscription suivante :
AVE 6RA
TIA.PLE
NA. DO
MINVS
TECVM
sert de commentaire à la scène. Plus loin, à droite , dans le même
compartiment, se trouve figurée la' rencontre de Marie et d'Elisa-
beth.
B. La Nativité ; F Annonciation aux Bergers. ^ A gauche on voit
saint Joseph. Au centre , au second plan , s6 trouve la Vierge ,
étendue sur un lit; derrière elle l'enfant Jésus enveloppé de langes
repose sur un coffre élevé (la crèche?), au pied duquel est agenouillée
une femme tendant vers lui ses bras nus. Plus loin encore, on aper-
çoit le bœuf et l'ftne. Une étoile gigantesque brille au sommet de la
composition. A notre droite, le premier plan est occupé par deux
femmes qui lavent le nouveau-né; du même côté, mais au fond, un
ange annonce la bonne nouvelle à deux bergers.
Cette composition est des plus compliquées; elle renferme plusieurs
sujets que Ton n'est pas habitué à rencontrer dans le même cadre,
du moins dans les premiers siècles du christianisme. Ce sont la
Nativité, le Bain de Tenfant Jésus, la Guérison de Salomé, l'Annon-
ciation aux Bergers.
Un seul fragment de ce compartiment si bien rempli est parvenu
jusqu'à nous : c'est celui qui nous montre la toilette du bambino.
Après avoir longtemps figuré dans les cryptes de la basilique de
mosaïques chrétiennes de L'ITALIE. ISi
Saint-Pierre (1), il est aujourd'hui exposé dans le musée chrétien du
Latran. Il mesure O'^iGO de haut sur 0'*>54 de large. L'enfant, tout
nu, est plongé dans une cuve; il est représenté de face; un- cercle
d'or entoure sa tête. La femme de gauche seule subsiste encore ;
elle soutient l'enfant confié à ses soins (2). L'exécution de ce mor*
ceau est fort sommaire; l'artiste ne s'est guère occupé que de tracer
les contours; de modelé» il en est à peine question.
Une autre partie de la composition, celle où l'on yoit une femme
tendant les bras nus vers l'enfant couché sur la crèche, nous est
connue par un dessin plus exact et plus détaillé que celui de 6ri«
maldi. Ce dessin, qui a jusqu'ici passé inaperçu, se trouve à la
bibliothèque Barberini (3)'; il reproduit jusqu'aux couleurs de l'ori-
ginal. Grftce à lui, nous pouvons résoudre \in problème qui a autre-
fois donné lieu à bien des discussions (4). La scène représente évi-
demment le premier miracle du Christ, la guérison de Salomé (6)\
(1) Toniglo, Sacre grotte Vaticane, p. 57. On y avait Joint cette épigraphe : c Ex
rainls antiquiBaimi sacelli Joannis VII in veteri basilica MDGIX. »
(9) Je ne pois m'empêcher de rapprocher de cette acène la fameoae peinture de là
eatacombe de Saint-Valentinien, dana laqaeUe Bosio {Roma iotierraneat éd. de 1089,
p. 579), Aringhi {Roma subterranea, t. II, p. 539), L*Heureax (Hagioglypta, p. 119)
et bon nombre d'auteara modernes ont cru voir le sopplice d'un saint plongé dans
de J*haile bouillante. Les PP. Cahier et Martin (Mélanges^ ï, p. 23) ont montré que
cette peinture représentait tout simplement le bain de l'enfant Jésus. Voir aussi la Sto-
ria deil' arte cristiana, du P. Garrucci, pi. LXXXIV et p. 99-03 (t. II). Les autres
parties de la mâme fresque offrent également une analogie frappante avec la mosaî*
que de Jean Vil.
(3) XUX, n* 19^ fol. 12, avec rinscription : « Ex ruinis antiquissimi sacelli Joanois
pape Vil in veteri basilica MOGVIIII in sacris ciyptis Vat. »
(4) Pendant longtemps on a oru que la femme à genoux était sainte Anastaaiei
Mais cette opinion a été réfutée par Baroiiins d^à, Martyr* fHm»*»96 déo., éd*
de 1598, p. 625.
(5) « Et dixit Joseph ad Hariam : Ego tibi Zelemi et JSalomen obstetrices adduxi..
comque permiaisset sellaria tangi [Zelemi] exclamavit voce magna et dixlt... Virgo
conoêpit, virgo peperit^ virgo permanet. Audiena hanc vocem alla obstetrix nomine
Salome dixit : Quod ego andio, non credam, nisi forte ipsa probavero. Et ingressa
Salome ad Mariam dixit : Permitte me, ut palpem te et probem utrum verum dixe-
rit Zelemi. Gumqne permisset Maria ut eam palparet, mlsit manum suam Salome ;
et cum misiflset et tangéret, statim exaniit manus ejos. Et pr» dolore cœpit flare
vehementissime et angustiari et clamare et dicere : Domine, tu nosti^ quia semper
te tlmui, et omnes pauperes sine acceptione retributionum cnravi } de vidua et or-
phana nihil accepl, etinopem vacuum a me nnnquam dimisi. Et ecce misera faeta
aum propter inoredoUtatem meam, quia ausa fui temptare virginem tuam. Cumque
ïuùc dioeret, apparaît jaxta iUam Juvenls splendidus dicens el : Accède ad infantem et
adora enm, et eontinge manu tua ; et ipse sanablt eam^ quia ipse est Bahrator s»«
cuti et omnium sperantium in se. Et confeatim ad infantem accessit Salome; et ado-'
152 REVUS AliGHÉÔLOGIQUB.
G, L'Adoration des Mages. —Un fragment considérable de cette
composition se troaye aujourd'hui dans la sacristie de Tèglise
Santa Maria in Cosmedin ou Bocca délia Verità (1). La Vierge y est
assise sur un trône garni de gemmes et recouvert d'un coussin bleu
et vert. Elle est tournée vers la droite du spectateur ; son visage se
présente presque de profil. Pour vêtement elle a une robe violette et
un manteau bleu qui couvre sa tète et qui est orné de quelques
cubes dorés, disposés en forme de croix sur la poitrine, sur l'épaule
et sur le capuchon. Sur ses genoux elle tient son divin fils, qui
porte une robe de drap d'or et qui étend une main pour recevoir
l'offrande d'un des mages, tandis que de l'autre main il étreint un
volumen. De ce mage il ne reste plus que le bras gauche (manche
bleue, garnie autour du poignet de filets d'or) et une cassette posée
sur un voile rouge et remplie, selon les paroles de l'Evangélisie,
de pièces d'or : a apertis thesaurU obiulemnt ei munera^ aurum et
thus et myrrham. » (Saint Mathieu, II, 11.) Un ange vêtu de blanc,
aux ailes bleues et vertes, est debout au second plan, entre l'enfant
Jésus et le roi; il invite ce dernier et ses compagnons à s'approcher;
sa gauche est armée d'un long baculus, que Crescimbeni a pris
pour une lance^ quoique l'on n*aperçoive pas de fer au bout. À côté
de lui, dans les airs, brille l'étoile, dont les rayons, démesurément
gros, ressemblent aux ailes d'un moulin à vent. Le dernier person->
nage de la scène s'appuie contre le trône de la Vierge, s'effaçant en
quelque sorte ; on ne voit qu'une partie de sa longue tunique
blanche; il baisse la tête dans l'attitude de la méditation ou de la
vénération ; ajoutons que, différent en cela de la Vierge, dei l'Enfant
et de l'ange, il est privé de nimbe. Ses traits dénotent plutôt la ma<*
turité de Tâge que la vieillesse ; sa barbe peu fournie et ses cheveux
commencent à peine k blanchir.
Ce personnage, je viens de le dire^ est debout derrière le trône de
la Vierge. Pendant longtemps les archéologues, par suite d'une con-
fusion qui tenait sans doute à ce que la composition était placée à
rui eom t«df U flmbriM pannorum, in qaibos infaoB erat inyolatoB^et itatim lanata
Mt nanus ejoa. » Thilo, Codex apoeryphus Nom Testamenti^ Ldpiig, 1832, p. 378
eisaiTaatoB.
(1) Il y a été iranaporté en 1S80, aind que le constate l'inscription qui raccompa-
gne et qui a été publiée par Creicimbeni, dans son Istoria délia Baeilica di S. Jfa-
ria in Cosmedin, Rome^ 1715, p. 143, et par II. Barbet de Jooy, danssesifoMit^tief
cMtiennei^ p. 44. On tronyera en outre chei le premier de ces auteurs l'acte de do-
nation relatif i ce fragment, qni fut d'abord placé dans la nef de S. Maria in Goame-
ditt, au-desaos de la porte principale (Crescimbeni, /oc eit,).
mosaïques ghbétiennes de L^ITALIE. ilK{(
une certaine distance du sol, dans la nef deila basilique» prirent le
dossier du trône pour un orarium faisant partie du costume de ce
personnage (1). De là des conjectures plus ou moins bizarres; Gres«-
cimbeni, qui prétendait en outre découvrir chez lui des traces de
tonsure, crut avoir affaire au fondateur même de l'oratoire, le pape
Jean YII (2), et son opinion a été récemment encore adoptée par un
savant anglais, H. Hemans (3). Nous ne nous arrêterons pas à la
réfuter, car nos lecteurs auront déjà deviné que la figure en question
est tout simplement celle de saint Joseph.
La description et le dessin de Grimaldi nous font connaître les
parties aujourd'hui détruites de TAdoration des Mages. A la suite
du premier de& rois, qui avait un genou en terre, s'avançaient ses
deux compagnons, portant comme lui des offrandes et ayant égale-
ment le teint blanc (4). Leur costume, Grimaldi le déclare expressé*-
ment, était celui des Perses (5) :
«
. In hîfltoria magorum habitus eorumdem, qui similis est illi hic ex-
presse et delineato pagina i i4 antiquissimi baldachini auro et argeuto di-
tissimo opère facti, quod veteri ciborio Joanuis seplimi inserviebat, de qua
umbelJa infra fusius dicetur.Magi, qui ad Christuoi adorandum ab Orienté
venerunt^ Persarum gestant habitum, habentes in capite parvos pileolos
rubri coloris, sicuti etiam Romœ gestare vidimus nobiles Hiberuenses
mnlieres apud Tyroni principem commorantes.
Ce souci de la couleur locale ne doit pas nous étonner chez un
artiste du vni"* siècle. Ne rencontrons-nous point, à peu de distance
de là, une préoccupation analogue chez les auteurs de la mosaïque
de Bethléem qui représentait le même sujet? Le costume des mages
y était reproduit avec tant de fidélité que lorsque, sous Ghosroés,
(1) Giampini, DeSacris JEdificiis^ pi. XXIV, et Grescimbeni^ p. Ik5. — Sar les
croquis de Grimaldi c'est on aoge qui est debout derrière le trône de la Vierge, mais
c*eBt là évidemment une erreur du dessinateur.— D'Agincourt est le premier qui ait
publié une gravure plus exacte [Histoire de FArtt Peinture, pi. XVII, n» s}. Bonne
reproduction dans r Evangile de M. Rohaait de Fleury, pi. XXIII. Photographia
dans la coUection Parker, n» 638.
(2) IsL délia bas, diS. Maria m Cosmedin, p. 143.
(3) A history of ancient christianity and saered art in Italy^ Londres, 1866,
p. 436 : « the pontifT standing behing Mary's throne. »
(4) « Tutti tre di camagiooe bianca. » Torrigio, Sacre grotte vatieane, p. 120.
(5) Voir sur le costume des mages le travail de M. Bayet, dans les Ardiivet des
Missions, 8* série, t. lU, p. hk9, 450, 468, et VEvangile de M. Rohault de Fleury,
1. 1, p. 68*60.
154 REYUX ARCHÉOLOGIQUE.
les Perses envahirenl la Palestine, ils reconnurent dans. cette mo-
saïque les images de leurs ancêtres et, en cette considération, s'abs-
tinrent de piller la basilique (I).
Jusqu'à ces dernières années il n'était yenu à l'idée de personne
que ce fragment, sur la provenance duquel nous possédons les ren-
seignements les plus certains, pût appartenir à une autre époque
que le reste de la mosaïque. Voici cependant que Schnaase, dans son
Histoire des arts plastiques (2), a combattu l'opinion universellement
accréditée, et revendiqué l'Adoration des Mages pour le xn*-xin*
siècle; il s'est principalement fondé sur l'expression sentimen-
tale des tètes. L'autorité d'un tel nom nous empêche d*écarter cette
hypothèse par la question préalable, et il nous faut passer en revue
non-seulement les arguments de Schnaase, mais encore les objec-
tions diverses que ses partisans pourraient élever contre la date de
la mosaïque.
La principale de ces objections est à notre avis la différence de
dimensions entre TAdoration des Mages et les autres scènes de la vie
du Christ. Ici les personnages sont presque de grandeur nature ; dans .
la Nativité au contraire, dans la Crucifixion^ ils sont au moins trois
fois plus petits. La solution de ce problème n'a rien de difficile : la
scène étant moins compliquée dans l'Adoration des Mages, les
acteurs moins nombreux que dans le compartiment B, par exemple,
il est naturel que Tarliste leur ait donné une taille plus élevée.
Le dessin de Grimaldi nous prouve d'ailleurs que l'Adoratiou des
Mages faisait partie intégrante des scènes de la vie du Christ, Bien
différent en cela de la gravure de Ciampini, sur laquelle il est im-
possible d'identifier la mosaïque de Santa Maria in Cosmedin avec
le compartiment correspondant « il ne laisse aucune place au
9 doute (3).
La technique et le style sont en outre absolument identiques dans
(1) Voirie compte rond», par M. L. Dochesne, de l'oanage de M. SakkeUon In*
titold *BfCi(rtoX^ owodix^ tâv b.'xwsKàxxts^ norcptapx^^v, etc. {J^tmé critiqué^ 1879^ i. 1,
p. 526).
(2) GeschichiederbildefidenKûnstey III, p. 572, Dosseldorf, ISOO. « Die Tbchliik
iBt roh, aber der feine, etwaa sentimentale Ansditick der Kœpfe, tind die elgen-
thtimliche von bysantinischer Wefae aebr Yersehiedene Schlankbeit der Kcarper
sind mit dem 8 Jahrhandert onirereinbar» und deoten entachieden aof daa 1%
Oder 13. »
(3) Plustenra eavants^ induits en erreur par la gravure de Ciampini, ont cna que
la mosaïque de S. Maria in Cosmedin était différente de r Adoration des mages de
l'oratoire de Jean VII. Voir Rohanit de Flenry, VBvangik, I, p. 71.
mosaïques chrétiennes de l'itâlib. iS5
ce firagment et dans ceux da Latran et des grottes de Saint-Pierre,
Les cubes d'émail, auxquels se mêlent d'assez nombreux cubes de
marbre, surtout dans les chairs (1), y sont fort espacés. Le ci-
ment qui sert à les retenir est plus apparent qu'à l'ordinaire;
M. Yitet déjà a constaté l'épaisseur et la grossièreté des joints, La
tonalité est claire, peu nourrie; on remarquera surtout l'emploi
d'un rose particulier et du jaune réalgar. Les attributs ne pré»
sentent pas moins d'analogie ; le nimbe, par exemple^ se compose,
chez le Christ, d'un disque d'or serti de filets blancs ou bleus
et marqué d'une croix* L'étude des types achève de prouver la com-
munauté d'origine: le corps est élancé, le visage conserve quel-
ques traces de régularité et d'élégance ; la hauteur du menton en
est un des traits distinctifs, (Comparer surtout la figure de Salomé
dans la Nativité du Latran avec celle de la Vierge de Santa Ma*
ria in Cosmedin.)
Resterait à examiner l'hypothèse où la mosaïque tout entière
aurait été exécutée ou refaite au xii^-xui* siècle. Ici la réfutation du
système de Schnaase n'exigera pas de longs développements. En
effet il a contre lui le témoignage unanime des inscriptions de
l'oratoire et celui des auteurs du xir au xvi* siècle. Il serait en outre
bien difficile de trouver Técole de peinture qui, à l'époque indiquée
par Schnaase, aurait fait usage de procédés et de types semblables à
ceux des fragments ci-dessus mentionnés. Ces procédés et ces types
s'accordent au contraire à merveille avec le style byzantin du
vui* siècle, H. Yilet a émis l'opinion que notre mosaïque était
due à des artistes de Constantinople^ réfugiés à Rome au début des
persécutions iconoclastes (2). Tout concourt à donner raison à l'émi-
nent archéologue, comme nous aurons encore l'occasion de le mon-
trer dans la suite de ce travail.
D. la Présentation au Temple ; te Baptême du Christ. — Dans
la première de ces scènes le nom de trois des personnages est tracé
à côté d'eux : ANA. lOSEPH. SYMEON. Ce dernier est debout sous
une arcade, ^* Dans la seconde scène le Christ se tient entre saint
Jean et un ange.
E. La guérison de F Aveugle; rBémorrciisse ; Zacchée. — Les deux
premières scènes, fort confuses dans le dessin de Grimaldi, compren-
(1) Msr Barbier de. Montanlt fait observer que dans eette moiafqae, oomiiie
due oeUe da tricUninm de L6on III, les ehain sont rendaes par le marbre roie
appelé « oaroagioDe » (Monàque du dôme à Aist4a'ChapelU, p. 40 ; Paris, 1801^). -
(S) Journal des Savants, ISSS, p. 851, et Etudes sur l'art, I, asi.
iS6 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Dent en tout cinq figures. Plus loin, à notre droite, on aperçoit ie
serviteur de Zacchée perlant un paquet et s'avançant vers un homme
agenouillé; Zacchée monté sur le figuier complète le tableau. I^
dessin est accompagné de la légende que voici : « ZacchaBUs in sic-
comoro habens bajulum sarcinam bonorum ante se portantem ac
pauperem, ut inquit Evangelium : Ecce dimidium bonorum meorum
do pauperibus. » Cette explication ne nous parait pas entièrement
satisfaisante, mais il serait difficile, avec les éléments dont nous dis-
posons, de lui en substituer une autre.
C'est sans doute de ce compartiment que provient le fragment
(h. 0",61, 1. 0"*,53) aujourd'hui conservé dans le musée chr|6tien
du Latran. On y voit le Christ, à mi-corps, tourné vers la droite,
légèrement incliné et bénissant d'une main^ tandis que de l'autre il
tient unvolumen. 11 est vêtu d'un manteau violacé fpourpre) ; son
nimbe, à fond d'or, est crucifère. Une barbe peu fournie couvre
son menton ; sa lèvre supérieure est rasée. L'ensemble de la physio-
nomie se rapproche de ce que l'on est convenu d'appeler le type
byzantin.
F. La Résurrection de Lazare(i);V Entrée à Jérusalem; la Sainte
Cène (i), — L'àTiisie a réuni ces trois sujets en un seul tableau,
sans tenir compte de la différence de lieu et de lemps. À gauche^
dans le fond, il a figuré la Résurrection de Lazare ; à droite, égale*'
ment dans le fond, les disciples couchés autour de la table de la
cène {cum discipulis antiquo more cubantibus). Le premier plan est
occupé par l'Entrée à Jérusalem. On y voit les Juifs jetant leurs vête-
ments devant le Christ.
6. La Crucifixion ; la Descente aux Limbes ; les saintes Femmes au
Tombeau, — Dans la Crucifixion le Christ est vêtu d'une tunique
courte^ aux manches également fort courtes (le colobium) ; il est atta-
ché à la croix par quatre clous (3). A ses côtés se tiennent deux sol*
(1) Grimaldi^ Cod, Magliab.y cl. Ill, n» 173, (^ 102, rapporte qae celte composi-
tion étail conserrée de son temps dans la Bibliothèque Angélique de Rome : « hec
hifltoria servatar hodie in biUiotheca angelica Sancti Augustini Rom». » — J'en ai
cherché en vain quelque trace dans cet établissement.
(2) Grimaldi, loc, cit, : a Servatur hodie dictum triclinium in eadem S. Augustini
bibliotheca. o Môme observation que pour la Résurrection de Lazare.
(8) Un contemporain de Grimaldi, Aogelo Rocca, décrit ainsi cette figure : o In
hoc musivo inter alias et multas quidem icônes, que Rome- in bibliotheca Ange-
lica aaservantur, imago Christi domini Salvatoris nostri quatuor clavis crod affixa, et
a coUo ad convexnm usque pedom amictu quodam castanei coloris velata, pedibus
tamen et brachiis nudatis, et diademate, signum crods pi*» se ferente, insignita
mosaïques chrétiennes de L'ITALIE. i57
dats^ dont l'un, Longin, lui perce le flanc^ tandis que l'autre lui pré-
sente l'éponge imbibée de vinaigre. Plus loin on aperçoit d'un côlé
sa mère» de l'autre saint Jean tenant un livre. Les deux autres scènes
ne nécessitent pas d'explication. Il nous suffira de faire remarquer
que la descente aux Limbes de notre oratoire est vraisemblablement
la plus ancienne de toutes (1).
Un fragment de la Crucifixion a échappé à la ruine de Toratoire.
11 est encastré dans le mur du déambulatoire des cryptes, avec cette
épigraphe : c Hsc Yirginis musiva imago eral ad sacellum Joannis
paps VII. 1 On y voit une figure féminine tournée vers la droite du
spectateur, levant en Tair, en signe de deuil, ses regards ainsi que
ses bras couverts d'un pan de son manteau. Son costume com*
prend une robe et un manteau d'un bleu violacé ; son nimbe est
d'or, avec une bordure bleue. C'est évidemment la Vierge. Â côté
d'elle se tient un personnage vu de profil et regardant dans la même
direction ; sa taille est plus petite et il est privé de nimbe. Nul doute
que nous n'ayons devant nous le centurion Longin. Ajoutons que
ce fragment est fortement restauré et qu'il n'offre plus que peu de
caractère (2).
La mosaïque de Toratoire de Jean VII est probablement une des
premières dans lesquelles la crucifixion ait été représentée en quel-^
que sorte publiquement^ officiellement. Au vi^ siècle, à Sauf Apol-
linare Nuovo de Ravenne, on évite encore d'offrir aux yeux des
fidèles cette image afiligeanle. Si on la figure à cette époque, c'est à
peu près uniquement sur des objets de petite dimension : les fioles
de Monza^ le manuscrit deRabula. Dans la porte de Sainte-Sabine,
récemment étudiée ici même par M. Kondakoff (3), on la relègue à
l'endroit le moins apparent, à une hauteur telle qu'il est à peu près
impossible de la distinguer à l'œil nu. Hais dès le commencement
du VIII" siècle toute trace de répugnance a disparu : on choisit pour
représenter le supplice du Christ un art solennel entre tous, la mo-
represenutur. Supra Toro diadema titolas hisce legebatur litteris : INRI. » De par»
ticula ex pretioso et vivifico ligno sacraiùsimœ crucis, Rome, 16Q9, p. 43, avec une
gra?are sur bois repr^ntaot le Christ en croix.
(1) M. Grimonard de Saint-Laurent fait remonter ces repr^otationa au xi« siècle
seulement {Guide de l'art chrétien, IV, p. 360).
(3) Reproductions : dessin ancien à la Barberine^ XLIX, n» 19^ fol. Il ; gra-
vures dans Dionysio, Sac, Vatic, bas, cryptarum monumenta, pi. LXXV, n* 1, et
dans Sarti et Settele, ad P, L, Dionysii opus de Yaticanis crijptis appendiXt Rome,
1840, pi. IV. •
(3) Revue archéoiogique , ininiSn,
158 RBVUB ARGHliOLOGIQUB.
sa'ique, et oa l'expose dans ua oratoire où« vers Noël, se pressait
chaque année une foule ônorme de pèlerins,
H. Là Vierge au donateur. ~ Il nous reste à examiner les deux
figures de la Vierge et du pape Jean VU qui occupaient autrefois la
compartiment central des scènes de la vie du Christ et k c6té des*
quelles était tracée cette inscription : Johannee i$uligims episcopue
fecU beatœ Dei genitrids servus^
La figure de la Vierge orne aujourd'hui le troisième autel de droite
(chapelle Ricci) de l'église Saint-Marc de Florence, Elle y a été
transportée en 1600, ainsi que le constate une épigraphe gravée
sur une plaque de marbre et dont on trouvera le texte dans Ton*
vrage de Richa (1). D'après Severano> ce fut le cardinal Pallotta qui
fit ce cadeau à la famille Ricci (2) ; d'après Torrigio, ce fut le cha-
noine Pierre Slrozzi (3) ; mais ce fait a peu d'importance. Il paraît
que, pour effectuer plus facilement le transport de ce fragment^
haut de plus de deux mètres, on le coupa en deux. C'est ainsi que
je m'explique la présence de la soudure qui traverse l'image dana
toute sa largeur. En outre, comme le fragment était trop étroit pour
garnir l'autel tout entier, on le flanqua de deux anges, de deux saints
et de chérubins, en stuc colorié, imitant la mosaïque (4).
Pans cette vénérable épave de l'oratoire de Jean VII, la Vierge, de
taille colossale, est debout sur une espèce de socle. Elle étend les
bras, comme Torante des catacombes, afin d'attirer sur les fidèles
les bénédictions d'en haut. C'est l'attitude qu'elle a également prise
dans le célèbre manuscrit syriaque de la Laurentienne et dans la
mosaïque de Saint-Venance,
Son costume mérite un examen détaillé. La robe est d^un ton
brun, conformément h la description de Grimaldi. Elle paraît avoir
été autrefois ornée de dessins semblables à des fleurs quadrilobées,
c'est du moins ainsi qu'elle est figurée dans la planche de Richa (5)
et dans celle de Passeri (6). Peut-être ces dessins ont-ils disparu par
(i) Noiizie storiehe délie chiese florentine^ Florence^ 175iï-1762, t. VII, p. 188*
(S) Mewwm eaore délie eette cAïue, t« I^ p» 72.
(8) Saére groHe Mf fcofit, Pi 131.
(A) D'après un document coDBervé dans les archives de U galeKa des OfllMi
{fUMû 1SS3. no 70) osi pseadomesalques aorùent été ijoiitéee dès Voriitaiei C'est à
eUes qae parait se rapporter la rMtaontioQ réosnte dont U est quesUoa dans Is
même docament*
(5) Chien fi»rentine,\, VU, p. 138.
(S) In monwmenia «oera ebumea aGorioad qyartam hujutoperispmritm exgKmUo^
net^ Florence, 1750, pi. VI. Dans cet onvrage, Passeri, ignorant la proveosaoe de la
mosaïque» croit qn'eUe représente une impératrice, une diva OMgutta emonyma^ p. 88.
mosaïques GHaSTlENNBS DE L'ITALIE. iB9
suite d'une restauration. Ce qui est certain, c'est qa'aujourd'tiui on
n'aperçoit plus que quelques grands cercles tracés sur le bas de la
robe. Une double rangée de perles traverse cette partie du vêtement
en diagonale. La parure est des plus somptueuses : sur chaque
épaule brille une sorte d'agrafe ornée d'un gros rubis ; des brace*
lets, un collier de perles et de saphirs, une couronne non moins
précieuse, ajoutent encore à la richesse de cette toilette, qui est
complétée par des souliers rouges et par un nimbe d'or, d'une
nuance plus verdâtre que Tor du fond.
Quant à la figure même de la Vierge, elle offre une régularité assez
grande; les sourcils soùt fortement accentués, le nez mince, la
bouche assez bien formée, le menton haut; bref, la recherche du style,
delà noblesse, s'y révèle dans chaque trait, autant du moins que l'on
peut en juger par l'état actuel de ce morceaui altéré en plus d'un
endroit par les restaurations. Des lignes d'un rouge brique rempla-
cent les plaquea de même couleur que l'on voit sur les joues de
sainte Agnès, par exemple, dans Téglise de la via Nomentana } ailes
tranchent sur le fond gris de la peau. Les contours des mains, dont
la coloration est plus terne et terreuse encore que celle du visage,
sont marqués en brun* Dans la droite on rémarque une tentative de
modelé; la gauche au contraire est toute plate, sans l'ombre de
relief. .
Lorsque la mosaïque de l'oratoire était encore intacte, on aperce^
vait à côté de la Vierge, à gauche, dans le même compartiment,
le pape Jean VII; il s'inclinait respectueusement devant sa protec*
trice et lui offrait l'édifice élevé en son honneur.
Ce portrait se trouve aujourd'hui dans les cryptes du Vatican, où
on peut l'étudier à là lumière d'une torche ; il mesure 0*',tt6 8e
large sur 0'*,75 de haut; le bas du corps manque. Le pape est vu
presque de face, il porte sur ses bras, couverts de sa chasuble^ le
modèle de l'oratoire qu'il a fait construire. Ses traits expriment une
certaine souffrance ; ce sont ceux d'un homme soucieux, malingre4
Sa tète se détache sur le nimbe carré : indicium viventis. Son costume
se compose d'une tunique jaune, à plis rouges, et d'un pallium sans
croix. •
La technique de ce portrait mérite une mention spéciale ; dans la
face« qui seule parait intacte, les cubes sont beaucoup plus fins et
plus petits que dans le reste du corps ; ils ont d'ailleurs perdu tout
éclat par suite de l'usure, et en maint endroit le ciment a pris la
place de l'émail ou du marbre. Mais le soin avec lequel ils ont été
choisis et assemblés prouve combien Tartiste tenait à reproduire
160 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
fidèlement^ à individualiser, les Iraits du pontife. G*est la dernière
fois> avant la renaissance qui a succédé à l'an mil^ que nous trou-
vons dans les mosaïques italiennes une science, un réalisme aussi
grands. Un siècle plus tard,, sous le pape Pascal, l'impuissance des
mosaïstes éclate au grand jour : des trois portraits qu'ils nous ont
laissés de ce pape aucun ne ressemble à l'autre (1).
m
La Vierge entre saint Pierre et saint Paul.
La Vierge avec TEnfant, tel était, Grimaldi nous l'apprend^le sujet
de la mosaïque placée au-dessous de la Vierge au donateur (2). Cette
composition se trouve aujourd'hui dans les cryptes du Vatican (n^80,
h. O'^^TS, 1. i%15 environ). On y voit Marie tenant sur ses genoux
son fils' qui lève la main pour bénir (on ne distingue pas d'après
quel rite). La mère a un voile bleu et un nimbe rayonné, d'une
forme assez bizarre ; le nimbe de l'enfant est crucifère. A droite et
à gauche sont agenouillés deux personnages, privés de nimbe et ten-
* dant leurs mains jointes vers le couple divin ; ils sont de petite
taille, et de prime abord on les prendrait pour des adolescents. Ce
n'est qu'en se plaçant k la distance voulue que l'on reconnaît dans
ces deux adorateurs saint Pierre et Saint Paul. 11 n'y aurait aucun
intérêt à insister sur la composition, car elle est entièrement refaite.
L'Italie possédait jusqu'au commencement du xvii* siècle trois
grands cycles de mosaïques ou de peintures tirés du Nouveau Testa-
ment et tous trois antérieurs à l'an mil. Un d'entre eux subsiste
encore, celui de Sant'Âpoliinare Nuovo à Ravenne. Les deux autres,
les mosaïques de l'oratoire de Jean VII et les fresques du pape
Formose (891 -896), dans l'ancienne basilique du Vatican, ne nous Sont
(1) ReprodactioDB : dessins trte-soigaés dans les divers manuscrits de Grimaldi ;
gravures chez Dionysio, pi. XVIII, n» h, et d*Agincourt, Peinture, pi. XVII, n9 6.
(2) CrescimbeDÎ {loc. ciL) nie l'existence de cette mosaïque. Il prétend que Seve-
rano l'a confondue avec rAdoration des mages, dont il a été question précédemment;
qu'il a pris Tange placé près de la Vierge pour saint Pierre, et Tautre personnage
(saint Joseph) pour saint Paul. Cette assertion n'a pas besoin d'être réfutée. L'ins-
cription suivante fait d'ailleurs foi, indépendamment du témoignage de Grimaldi, de
la provenance de la mosaïque ci-dessus décrite : « Vetustissima hec virginis ma-
siva imago erat ad ciborium Jo. paps VII^ hic anno MDGXXI eposita (sic). »
mosaïques CHRETIENNES DE l'iTÀLÏE. iGl
plas connues que par les descriptions et les dessins de Grimaldi (1).
Nous venons de passer en revue les scènes représentées dans
l'oratoire de Jean VU ; elles sont au nombre de seize et embrassent
rhistoire du Christ depuis TAnnonciation jusqu'à la Résurrection.
C'était là aussi le thème traité par Tauteur des fresques du Yati-
can ; on y remarquait le Baptême du Christ, la Résurrection de
Lazare, la Crucifixion^ la Descente aux limbes, TApparition aux
apôtres(:2). ARavenne, l'artiste^ laissant de côté Tenfance du Christ,
si magistralement représentée sur l'arc triomphal de Sainte-Marie-Ma*
jeure de Rome, s'est attaché à illustrer son apostolat et sa passion.
Considérées sous le rapport des idées» les trois séries offrent plusieurs
points de ressemblance : Tëlément historique y a prévalu sur l'élé-
ment symbolique, seul en faveur dans les peintures des catacombes,
dans les sculptures des sarcophages, ainsi que dans celles de la porte
de Sainte-Sabine; les scènes s'y succèdent dans l'ordre chronologique,
en allant de gauche à droite (sauf dans les Miracles du Christ de
Saut' ApoUinare), au lieu d'être placées suivant les convenances ou le
caprice de l'artiste.
Mais au point de vue de la mise en œuvre (abstraction faite des
peintures de Formose, sur le mérite desquelles nous n'avons pas
de renseignements suffisants), quelle différence énorme entre les mo-
saïques de Sauf ApoUinare Nuovo» ce chef-d'œuvre de l'art arien^
et celles de l'oratoire de la Vierge i A Ravenne» Tartiste a résumé
en quelques traits d'une force, d'une netteté admirables les princi-
paux épisodes de la vie du Sauveur. Ses tableaux, au nombre de
vingt-six, ne comportent le plus souvent que trois à quatre person-
nages, généralement placés au premier plan. Mais quelle noblesse,
quelle grandeur dans ces figures, et comme elles rendent bien le
caractère populaire de l'Évangile ! Dans les mosaïques de l'oratoire
de. la Vierge le peintre a^ au contraire, réuni dans chaque cadre
plusieurs motifs absolument distincts, en reléguant quelquefois à
l'arrière-plan les scènes les plus intéressantes. Il n'y a pas un seul
de ses tableaux , sauf celui qui renferme l'Adoration des Mages,
(i) La Èibliothèque des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome a publié le cha-
pitre que Grimaldi a consacré à ces peÏDtures, 1876, p. 248.
(3} « In altero pariete erantbistorisB Noyî Testamenti, sed quia pulvis ob inclioatum
parietem in ipso facile consistebat, picturœ erant penilus cttcatao, bas solas notavi :
Baptismas. — SuscitatioLazari. — In i&edio parietis, supra altare apostolorum Si-
monis et Judas, est crucifixio cum latronibus, et Juxta crucom Maria mater ejus, et
sanctns Joannes Evangelista... — Deecensus ad limbum.— Apparet XI apostoIis.</ ■
Grimaldi, loc. cit,
XXXIV. 12
162 RBYCE ARCHÉOLOGIQUE.
OÙ noas trouYions une certaine unité d'action. Dana le compar-
timent F, par exemple, le Christ est représenté jusqu'à trois fois,
dans trois actes différents de son ministère.
Cet arrangement, qui est uue faute au point de vae de la compré-
hension des sujets, en est une aussi au point de rue de la décoration.
Avec une telle masse de figures, la plupart de dimensions inégales,
il est impossible d'atteindre au style. Si i Ravenne les scènes de la vie
du Christ s'harmonisent à menreille avec l'architecture, à Rome elles
ont perdu tout caractère monumental : ce ne sont plus guère que des
miniatures agrandies. En substituant aux fonds bleus des fonds d'or^
en adoptant une gamme peu nourrie, sans saveur, sans force, l'artiste
a commis une erreur encore plus grave. On peut affirmer que,[mâme
pendant la période carlovingienne, sous le pontificat de Pascal I** (817-
834), les mosaïstes romains ont plus d'entente du coloris, et que le
groupement de leurs figures répond davantage aux exigences du
grand art. L'auteur des mosaïques de l'oratoire de la Vierge leur
est inférieur sous ce double rapport, mais il l'emporte sur eux par
l'élégance du dessin et par ce sentiment de la vie, de la réalité, qui '
fait absolument défaut k ses successeurs. L'arrangement des drape-
ries, las proportions des figures, Texpression des tètes, nous prou-
vent qu'il a encore connu les bonnes traditions. C'est la dernière
fois, avant le grand mouvement de réforme provoqué par Giolto,
que nous rencontrons de pareilles qualités dans l'art italien. Aussi
nous a-t-il paru que l'œuvre à laquelle est attaché le nom de
Jean YII méritait d'être remise en lumière, et en quelque sorte res-
tituée» au moyen de témoignages authentiques. Grâce à la disserta-
tion et aux croquis de Jacques Grimaldi, il sera désormais possible
de pleinement tirer parti d'un monument aussi précieux au point de -
vue de Ticonographie chrétienne qu'à celui de l'histoire de la pein-
ture.
EUG. MUNTZ.
-i.\.
ir\ ^^Q
u
w^aammmiBïMfssssassmKSxmssss:ms^sBsssfsswisfSBats9gsssssssaB^^
NOTE
SU»
QUELQUES RESTES
i
L'AGE DE LA PIERRE
EN ANATOUB
L'Anatolie e§t une contrée d'une talto riehacM qu'il est fiataral qae
les sATanU venus pour Tétudier se «oient tout d'abord occupés des
pièces de choix : des monuments péiasgiques qui ont frappé les
yeux par leurs masses imposantes; des tombeaux phrygiens et
lyciens dont les inscriptions indéchiffrables étaient bien faites
pour exciter Tardeur et Témulation des chercheurs ; des rochers
sculptés dont les grandes figures rappelaient un type et un art tout
asiatique qu'on venait de retrouver à Ninive et i Babylone ; et suiv
tout d'admirables débris des civilisations grecque et romaine, mé»
dailies, inscriptious, temples et monuments publics retrouvés^ eta*
tuâs et œuvres d'art mises an jour» qui devaient permettre de refaire
à neuf l'histoire de ces grandes époques en contrôlant ou complétant
les récits des écrivains anciens, en même temps qu'ils enrichissaient
nos musées et formaient le goût de nos artistes.
Mais avant les Romains, les Grecs, les Phrygiens et les Pélasges,
Il terre d'Asie Mineure n'était pas inhabitée ; des hommes vivaieni
eons son heureux climat, et s'ils ne nous ont pas laissé des monu*
mente comparables k ceux de leurs successeurs, tonte trace de leur
séjour en ces lieux n'a cependant pas disparu et les champs de l'Ana^
tolie sont parsemés des débris de leur antique industrie. Ce sont ces
précieuses reliques que j'ai recueillies partout où il m'a été possible
de le faire et que je viens mettre sous les yeux du lecteur»
164 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
C'est un premier jalon planté à l'entrée d'une route encore peu
connue et que quelques-uns voudront peut-être bien suivre après
moi, avec beaucoup plus d'autorité et de chances de succès. Je le
souhaite, car l'étude plus approfondie des habitants de l'Asie Mineure
aux époques reculées qu'on a appelées l'âge de la pierre éclatée, et
plus tard l'âge de la pierre polie, pourrait jeter un jour tout nouveau
et bien favorable sur l'histoire des origines et des migrations de
l'homme.
On est d'accord pour attribuer à l'Asie centrale une place impor*
tante, peut-être capitale, dans ces grands événements, et l'on s'est
appuyé pour le dire sur deux bases dont je reconnais toute la soli-
dité : la légende sacrée ou profane, et la linguistique; mais ne serai !«-
il pas utile d*y joindre un troisième élément que j'appellerai palpa^
ble, les débris qu'ont pu nous laisser, de leur séjour ou de leur pas-
sage, les premiers habitants de ces contrées ?
Si Ton a pu dire que l'âge de la pierre n*a jamais existé en
Orient (1), c'est que, comme je le disais tout à Theure^ les explorateurs
de l'Asie occidentale, tout entiers aux curieux monuments et aux ri-
ches trésors, legs des sociétés historiques^ ont négligé la recherche
des débris des âges préhistoriques, qui eux»mémes n'avaient pas at-
tiré l'attention des habitants du pays en éveillant leur cupidité. Ce
sont en effet de bien misérables objets que les haches en pierre,
quand à côté d'elles le sol est semé de médailles, de statuettes et de
bijoux d'or, d'argent et de bronze.
La superstition, cependant, a sauvé un grand nombred'instmmenis
en pierre. Ici, comme dans beaucoup de pays, les paysans attachent
une idée de secours et de protection contre la foudre aux haches en
pierre qu'ils appellent en turc «yildirim tachi», traduction littérale
de la t( pierre de tonnerre » de nos paysans français. Gomme ceux-
ci, le paysan turc croit aussi que la hache en pierre possède des ver*
tus curatives contre certaines affections, et donne à tontes les « pier^
res à foudre »> quelle que soit leur composition minéralogique, une
propriété que l'antiquité n'attribuait qu'à une seule, la néphrite.
Est-ce à la source grecque que les Turcs ont puisé cette croyance?
Je ne le crois pas. Ils l'ont apportée avec eux des plaines du Turkes-
tan comme un pieux et légendaire souvenir d'un âge où leurs ancê-
tres n'avaient que la pierre comme auxiliaire dans la lutte pour la
vie. Et d'ailleurs, d'où les Grecs tiendraient-ils eux-mêmes cette
légende, s'ils n'avaient pas eu d'âge de pierre ?
(1) De RoQgemont, PAge du àranzet p. ftl<
QUELQUES mSSTES DE l'aGB DE LA PIERRE. 165
Une antre cause a contribué à conserver quelques haches en pierre :
c'est l'usage qu'en font les bijouliers, marchands de médailles, chan-
geurs, etc., comme pierres de touche, quand elles sont en quartz
lydien, et c'est le plus grand nombre.
J'ai pu, grâce à ces circonstances, me procurer une centaine d'in-
struments dont la variété de forme, de fabrique et de composition
minéralogique mérite une description détaillée.
Je dois ajouter que depuis quelques années un certain nombre
d'amateurs et archéologues ont eu la pensée de recueillir ces véné-
rables débris des temps anciens^ et pour Smyme je dois citer M. 6on-
zenbacb, dont la petite collection est aujourd'hui au musée de PËcole
évangélique et a été signalée par M. Pappadopoulos dans un article
cité dans la Revue archéologique, et M. Spiegelthal, qui le premier a
eu l'heureuse idée de fouiller le lac Gygès, où il a trouvé un nom-
bre' considérable d'instruments en pierre. Malheureusement sa riche
collection n'a pas été publiée en temps et lieu, et à cette heure elle
est disséminée dans les musées de Constantinople, Stockholm, Berlin,
Munich, et dans les cabinets de quelques particuliers, où elle reste,
sinon oubliée, du moins inconnue. Il est regrettable qu'un travail
d'ensemble n'ait pas été fait sur cette belle collection, dont l'intérêt
était encore augmenté par le lieu où le plus grand nombre des objets
avait été trouvé.
Je classerai les instruments que j'ai entre les mains d'après leurs
formes et leurs usages probables, d'après les lieux de provenance et
enfin d'après leur composition minéralogique, autant du moins que
me le permettront mes faibles connaissances géologiques et la diffi-
culté qu'offre à l'obsecvation une pierre polie, le plus souvent sans
assure et toujours sans cassure fraîche (1).
FORMES ET USAGES.
Pointes de. flèches (pierre écla-
tée) 3
Haches à un tranchant, pointe
opposée arrondie 66
Haches à deux tranchants (haut
et bas) ^ 1
Haches-marteaux 2
Marteaux 2
Pierres de foudre , armes de
jet 2
Instrumenta en forme de hache
sans coupant 2
Volette à écraser ou polir 1
Râcloirs? 2
Instrument à usage inconnu ,
troué à la partie supérieure. ' i
Gouge? i
Instruments, sortes de polis-
soirs? 2
Ciseaux 4
(1) Voir plus loin l'analyse, faite par M. Damoar^ d*uQ certain nombre de ces pierres.
166
RETUB ARGHÉOLOQIQUB.
PHOTBNANGIL
Anatolie« provenance inconnue . 1 2
Smyme (lonie) 7
Gebaii (Syrie) 1
Aphrodisias (Carie) 9
Egina ? (Troade) 13
Thyalira (Lydie) 8
Sardes (Lydie) 9
Magnéâe du Sipyle 9
Trailes (lonie) 7
Ephèse 8
Macri (Carie) 6
COMPOSITION MINÉRAL06IQUE.
Quarts lydien 15
Pierres argilo • Biiiceuses, —
•chistes, — quartzites 17
Pierres volcaniques 12
Pierres porphyriques 8
Pierres ampbiboliques. . « 7
Syénites 7
Jaspes 8
Serpentines 6
Pierres magnésiennes^ -> tal-
queusesy — stéateuses 5
Grès rouge * 1
Grenat? 1
Fibroiite? 1
Diorite. 1
La collection du musée de Smyme, qui provient de l'Anatolie et
particulièrement d'Iconium, peut se décomposer à peu près comme
suit :
Quarts lydien 28
Pierre volcanique noire 10
Pierres ampbiboliques 4
Porpbyre . ,
Grès rouge
1
1
Les sept ou huit autres sont des roches siliceuses, schistes, quart-
zites, etc.
J'ai encore vu, de côté et d'autre, quelques haches en pierre chez
des horlogers, des marchands, et aussi chez des paysans qui ne
voulaient pas s'en défaire, et j'ai retrouvé partout les mômes pierres^
laves dures, amphiboles vertes, et surtout schistes noirs de Lydie.
J'ai vu entre autres une belle hache à double tranchant, comme le
n"" 4 de la planche I^ en beau jaspe noir lydien, trouée prés du petit
tranchant (1). Elle sert de pierre de touche.
La description détaillée de tous ces instruments serait longue et«
(1) Lef dessins de M. Martin ont été déposés aamnaée de Saint-Germain. La Revue
n'a pu reproduire qu'an petit nombre de tjppes ; la bâche signalée ici est figurée sous
la n« i de notre planche XVUI.
QUELQUES RESTES DE L'AGB DE LA PIERRE. 167
ponr beaucoup d'entre eux, sans intérêt. J*ai pris dans le nombre
ceux qui m'ont paru mériter une attention spéciale, soit par leur
forme, d'où Ton peut déduire l'usage auquel ils servaient ; soit par
leur travail, leur faire, qui montrent très-bien le procédé de fabri-
cation ; soit enfin par la matière employée, qui, bien mieux que les
lieux où ils ont été trouvés, donnera leur provenance» le nom du
pays, voire même de l'atelier où ils ont été fabriqués.
Les dessins joints à cette note et auxquels je renvoie pour chaque
description particulière me permettront d'être très-bref et^ même,
dans certains cas, de ne pas me prononcer sur le nom ou Tusage
d'un instrument, laissant à ceux qui se sont spécialement occupés
de ces matières le soin de résoudre la question. Ces dessins sont
faits en grandeur naturelle. Ils donnent, autant que possible, tous les
détails et particularités que portait la pierre elle-même (i).
PL I, n"**!, 2 et 3.— Pointes de flèche ou de sagaie en quartz blanc
(type de la pierre éclatée). (Anatolie.) — Trois variétés de forme
que nous retrouvons plus tard dans les flèches en bronze (2).
N*" 4.— Hache à deux tranchants, en quartz noir lydien. Cette
hache a été faite avec un galet roulé (3). (Thyatire.)
N"^ 5. ~ Hache en serpentine, vert foncé, trouvée sur le Pagues
à Smyrne. La moitié supérieure de Tinslrument porte les traces
d'un emmanchement droit. (J'appelle ainsi l'emmanchement dans le
sens du grand axe de la pierre, et emmanchement transversal celui
où le manche est perpendiculaire à cet axe.)
N^ 6. — Instrument en forme de hache, dont le tranchant est
èmoussé intentionnellement ou a été émoussé par frottement et non
par suiie de chocs. Porte des traces d'emmanchement droit. Belle
pâte argilo-siliceuse^ violet foncé. (Sardes.)
PI. II, nM.--Lissoir? pierre grisâtre, calcaire siliço«argileux. Au*
cune trace d'emmanchement. (Sardes.)
N^S.--» Même instrument (lissoir ?) avec deux surfaces frottan-
tes, Tune à moitié brisée. C'est un caillou roulé de même composi-
tion que le n*" 6, planche L (Sardes.)
N"* 3. — Hache en pierre amphibolique cristalline^ noirfttre ; sa
(1) Voir ces dessins dans les albums du musée de Baint-Oermain, où ils sont
classés au mot Anatolie^ la classification da musée étant étal>lie d'après Tordre géo-.
graphique. {Noté de ia Direction.)
(3) Les n»* a et 3 figurent sous les Bème» aumérotsar notre plaodie XVUL
(3) Voir plsnche XVUI, n« I.
168 . REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
partie supérieure esl forlemenl usée par le'froUemenl du manche.
Je Tai trouvée moi-même sur le Pagues.
Ji" 4. — Jolie hache, malheureusement brisée en plusieurs en-
droits. Travail très-soigné. Quarlz-jaspe vert noirâtre à bandes plus
claires. (Sardes.) Aucune trace d'emmanchement (1).
N* 8. — Ciseau, absolument celui de nos charpentiers, à un seul
biseau. Pierre magnésienne, sorte de stéatite ou faux jade, vert
olive. La partie supérieure est brisée (2). (Tralles.)
' N"" 6. — Petit marteau. Pierre volcanique grise à petits cristaux
blancs de feldspath. La pointe est taillée en biseau arrondi. (Sardes.)
PI. III, n"" 1.» Belle hache en pierre magnésienne gris verdàtre,
trës-esquilleuse, translucide sur les bords. Ancien caillou roulé.
(Trallesi) Pas de traces d'emmanchement.
N<> 2. — Instrument, sorte de gouge, en quartz-jaspe lydien.
Provient d'un caillou roulé. Brisé en grande partie, excepté le tran«
chant. (Sardes.)
N*" 3. — Petite hache en pierre verte amphibolique, provenant de
Gebail (Syrie.) (3).
N*'4. — Petite hache en serpentine blanc verdàtre. Caillou
roulé (4). (Hacri en Lycie.)
PI. IV, n® 1. -r- Partie inférieure d'un instrument en forjme de
hache arrondie et peu coupante. On dirait une matière fibreuse si-
licifiée» Couleur : brun rougeâtre â zones noires, rouges, roses,
etc. (5). (Tralles.)
N^ 2. — Instrument en forme de hache. Pierre vert pomme, cris-
alline. (Magnésie du Sipyie.)
N"" 3. — Petite hache en jaspe vert asperge. Provient d'un caillou
roulé. Les deux biseaux sont bien indiqués et à angles encore vifs.
A été emmanchée droit.
N* 4— Petit ciseau en pierre volcanique, violet foncé. (Thyatire.)
N^ 8. — Hache. Triangle isoscèle aux trois sommets tronqués. Pierre
volcanique porphyrique. Parait avoir été emmanchée. (Ephèse.)
PI. Y, n"" 1. — Marteau-hache en syénite vert foncé à tache vert
(1) Voir plus loin U note de M. Damour, no 3.
(î) Voirpl.XVm, nM.
(3) Voir la note de H. Damoar, où cette hache figure sous len» 5.
{h) Voir pi. XVIII, flg. 5, et la note de M. Damour^ no 8.
(5) PI. XVIII, flg. 6^ et le n** 6 de la note de M. Damour.
QUELQUES RESTES DE L'ÀGE DE LA PIERRE. 169
clair. Parait avoir surtout servi comme marteau. A dû être emman-
ché transversalement. (Tralles.)
N* 2. — Ciseau en serpentine, vert olive tacheté» Provient d'un
galet roulé. Le polissage n'a pu faire disparaître les rugosités de la
pierre. (Sardes.)
N^" 3. —Petite hache en grenat ou tourmaline ? (Macri de Lycie.)
N* 4. — Hache d'un travail grossier. Calcaire siliço-argileux,
noir verdàtre.
PI. VI, n"» 1. — Instrument-râcloir ? en silex pyromaque blanc,
des calcaires crayeux de Smyrne. Les deux biseaux, d'un poli par-
fait, se réunissent par une arête large d'un millimétré et arrondie.
N'*^.— Instrument en schiste lydien, troué à la partie supérieure. La
partie inférieure est coupée carrément (1). (Provenance inconnue.)
N"" 3. — Petite hache à large tranchant, en serpentine gris ver-
dfttre tachetée. Travail assez grossier. L'usure des biseaux et autres
parties de la pierre â été faite par surfaces planes qu'on ne s'est pas
donné la peine de réunir les unes aux autres en abattant les angles
dièdres. Celte façon de faire se remarque sur un grand nombre d'ins-
truments, surtout dans ceux où la matière est commune. (Troade.)
N*" 4. -— Petit couteau en silex-agate vert. Provient d'un rognon
dont la patine n'a pas disparu entièrement par le polissage. (Troade.)
PL YII, n^" 1. — Jolie petite hache en pierre verte amphibolique,
jaspe vert d'un travail très-fini. Porte des traces d'emmanchement
transversal. (Provenance inconnue.)
N* 2. — Marteau. Pierre à bandes alternantes de silex brun-Jaune
et d'argile imprégnée de silice brun- rouge. (Provenance inconnue.)
N"" 3. — Hache d'un travail très-soigné en pierre porpbyrique
noire. Pas de traces d'emmanchement. (Provenance inconnue.)
N* 4. — - Partie inférieure d'une grande hache en diorite mouche-
tée, noire et blanc verdàtre. (Troade.)
PI. VIII, n» i. — Très-belle hache. Pierre amphibolique verte
d'un beau poli. Traces d'emmanchement. (Provenance inconnue.)
N« 2. — Hache d'une conservation parfaite, en jaspe rubané à ban-
des noires, brunes, rouges, jaunes et vertes, d'un beau poli. Neporle
aucune trace d'usure par emmanchement. La partie coupante n'a
pas une éraflure, c'est un bijou plutôt qu'un instrument.
Tous les autres instruments sont d'un travail assez grossier^ et
beaucoup proviennent de galets trouvés dans le lit des torrents,
(1) PI. XVIII, !!• 7.
t70 EEYUE ARGHiOLOaiQUB.
ayant grosso modo la forme d'une hache, et qu'on a uaéa à leur
extrémité la plus large, sans se préoccuper autrement des défectuo-
sités de la pierre. En général, il semble que, pour éviter un trop
grand travail, c'est la forme naturelle du galet qui a guidé les ou-
vriers primitifs dans le choix ^e rinstrument à fabriquer. Il n*y a
d'exception que pour les armes ou instruments de luxe, sortes d'à*
mulettes ou objets sacrés, qui, à ce titre et aussi parle choix de la
matière employée, méritaient un soin tout particulier.
Avant de conclure, il me reste à jeter un rapide coup d'œil sur la
constitution géologique de l'Asie Mineure et particulièrement de la
partie occidentale, qui nous occupe plus spécialement.
•En embrassant d'un regard ce vaste territoire, nous voyons une
série d'tlots, d'une époque géologique plus ou moins ancienne^ disse»
minés dans la mer calcaire crétacée dont le soulèvement a formé la
charpente actuelle de la grande presqu'île asiatique. Depuis cette
formation du Taurus un grand nombre d'éruptions ignées sont ve-
nues déchirer Técorce de la terre ; des volcans ont couvert le sol çà
et là de leurs coulées de laves et ont formé des montagnes comme le
Sipyle en donnant naissance à une série de roches métamorphiques
trés-curieuses, porphyres, marbres, jaspes* et autres.
Si nous partons du sud pour remonter au nord, nous voyons : en
Carie, le mont Phœnix avec ses beaux marbres et ses couches de
serpentines ; dans la plaine du Méandre, le Latmus avec ses schistes
micacés et le Bech-parmoq Dagh avec ses granits ; eu Lydie, le
Tmoius, composé de granit, gneiss, micachistes, etc.; dans laTroade,
le mont Ida, si bien étudié par M. Tchihatchef, avec ses granits,
syénites, ses quartz et ses serpentines ; enfin, dans la Mysie et la
Phrygie, le Cotylus et le Dindymène (presqu'île de Cyzique), tous
deux de formation granitique, et Nlcomédie avec ses grès rouges.
Dans l'intérieur, le massif de l'Olympe, l'Ak-Dagh, sur les fron-
tières sud-ouest de la Trythicène^ et les montagnes aux pieds des-
quelles est située Pessinonte avec ses belles syénites, appartiennent
au système granitique.
Dans le sud» les Portes Ciliciennes sont de formation secondaire,
et la partie de l'Anti-Taurus qui de Tyane remonte vers le nord-
ouest dans la Cappadoce est aussi antérieure au soulèvement du
Taurus.
Quant aux terrains d'origine volcanique, il suffit, en suivant le
même ordre, de citer le Pagues, le mont Mimas et la presqu'île Ery-
thrée, le Sipyle ; les trachytes porphyriques rouges d'Assos ; la Ca-
acécaumène ; la Phrygie presque entière ; en Lycaonie le Kara-
QUELQUES RESTES DE L*A6E DE LA PIERRE. 171
Dagh ; enfin en Cappadoce, près de Césarée, le mont Ârgée et
quelques portions de la chaîne de l'Anti-Taurus où l'on trouye des
schistes d'un noir de jais qui pourraient bien être d'origine ignée.
Cette description très-sommaire des terrains de l'Asie Mineure n'est-
elle pas suffisante pour expliquer la présence, en ce pays, des ins-
truments cités plus haut ? Je n'en rois pas un seul pour lequel il soit
nécessaire de recourir à une provenance étrangère, à une importa-
tion. L'Asie Mineure renferme tous les minéraux que j'ai nommés
dans le cours de cette note : ses fleuves et ses torrents roulent encore
aujourd'hui les mêmes galets dont les premiers habitants faisaient
des armes et des instruments pour les besoins journaliers.
La présence de certaines espèces^ pierres volcaniques; la fré-
quence de certaines autres pierres siliceases noirâtres et surtout
du quartz noir lydien ; la rareté des grés et l'absence, sur deux
cents objets que j 'ai vus, des belles haches en trémolite, jade, néphrite,
etc., qu'on trouve un peu partout en France et que j'ai recueillies dans
mon pays breton, sur un bien moins grand nombre d'échantillons,
tendent h prouver que nous sommes ici en présence d'une industrie
toute locale, pour ainsi dire autochthone. La variété des formes,
dont beaucoup me semblent nouvelles, les procédés de fabrication,
la grossièreté des matières employées et le peu de soin apporté à la
fabrication^ me paraissent militer aussi en faveur d'un art et d'une
industrie indigène.
Bien loin de n'avoir} pas eu d'âge de pierre, je crois que TAsie
Mineure a été, aux temps préhistoriques, un des centres les plus
actifs de fabrication d'instruments de pierre, le siège d'une popula«
tion relativement nombreuse^ et qu'à cette époque reculée^ comme
plus tard) ce pays privilégié s'était placé à la tète de la civilisation et
répandait sur les contrées environnantes les pi*oduits de son indus*
trie. Je ne mets pas en doute que des recherches ultérieures feront
découvrir des ateliers très-importants. De ce point de départ^ il sera
alors possible de suivre, grâce k une étude plus complète des haches
asiatiques, les routes que le commerce leur a fait prendre. Ces ha-
ches portent un cachet d'originalité tel qu'il me parait facile de r^
contialtre leur provenance, partout ob on las rencontrera.
Arthur Martin»
as
NOTE
SUR LA COMPOSITION DE QUELQUES
HACHES EN PIERRE
RECUEILLIES EN ANATOLIE PAR M. ARTHUR MARTIN M).
M. Alexandre Bertrand, conservatear da musée archéologique de
Saint-Germain, a bien voulu me confier; pour en étudier la compo-
sition, plusieurs haches en pierre qui proviennent de divers points
de la Turquie d'Asie ; je vais faire connaitre le résultat de mon exa-
men.
1^ Hache de couleur rouge foncé, forme ovale, arrondie sur les
côtés, trouvée à Sardes en Lydie,
Longueur 94 millimétrés.
Largeur 40 —
Epaisseur. ........ 26 —
Une parcelle chauffée à la flamme du chalumeau reste infusible ;
elle devient attirable au barreau aimanté après avoir été fortement
chauffée sur le charbon.
Elle raye le verre. Sa densité = 3,66.
Cette substance est essentiellement formée d'hydrate d'alumine
pénétré d'oxyde rouge de fer. Pareille matière a été recueillie, en
1843, à l'état brut, sous forme de. blocs isolés, au sommet du mont
Agios (lie d'Egine), par M. Lebas, membre de TAcadémie des ins-
criptions et belles-lettres, qui en a déposé un échantillon dans la
collection géologique de la Sorbonne. L'analyse que j'ai faite de cet
échantillon m'a donné les résultats suivants :
(1) Cet haches font partie de la collection de M. Arthar Martin. Voir Tv ticle
précédent : Note iur quelques restes de Vàge de pierre en Anatoiie.
COMPOSITION DB QUELQUES HACHES EN PIERRE. i73
Alumine 0(%5654
Eaa 1040
Oxyde ferriqae 2873
Silice 0413
9980
(Bulletin de la Société géologique de France, 2^ série, tome 22,
page 413.)
i? Hache Teinée de vert, de jaune, de bran et de rouge, forme
ovale, côtés arrondis ; rapportée de Smyrne.
Longueur 56 millimétrés.
Largeur 35 —
Epaisseur • • • 20 —
Densité = 2,71.
Raye fortement le verre.
Infusible.
Attire le barreau aimanté .
Cette matière peut être classée parmi les jaspes très-ferrugineux.
3"* Hache vert olive foncé, i surface plane, ébréchée au tranchant
et sur un des côtés. Trouvée à Sardes en Lydie.
Longueur. 60 millimétrés.
Largeur 33 —
Epaisseur. ........ 14 —
Densité = 3,27.
Raye le verre.
Structure compacte. Fusible avec bouillonnement en un verre brun
qui se laisse attaquer par les acides en produisant une gelée.
Un essai chimique m'a permis de reconnaître que cette matière^
composée de silice, d'alumine, d'oxyde de fer, de chaux et d'un peu
de magnésie, peut être rapportée à une variété compacte de l'espèce
idonate que l'on trouve en divers lieux et notamment à Locana . en
Piémont, et aux environs de Zermatt en Valais.
4"* Hache brune, marbrée de rouge, structure fibreuse, brisée au
sommet. Trouvée à Tralles en Lydie«
Matière infusible, rayant le verre, faiblement magnétique.
Densité = 2,76.
Longueur 92 millimètres.
Largeur 47 —
Epaisseur 20 —
174 RByms AaoHioiiOGiQUB.
Cette sutetance présente les caractères d'un bois silioîfié ferrugi-
neux.
5o Hacbe vert sombre moucheté de taches grises. TrouTée à
Gebail (Asie Mineure).
Longueur 28 nrillimètres.
Largeur 46 —
Épaisseur 11 -—
Densité =: 3,35.
Raye fortement le verre.
Fusible à la simple flamme de la lamj)e à alcool.
Cette hache, de très-petite dimension, et dont Je n*ai détaché
qu'une mince parcelle pour examiner sa fusibilité, me paraît formée
de jadéite.
6* Hacbe gris noirâtre, marbrée de taches jaune pâle. Trouvée à
Egina en Troade.
Longueur 63 millimètres.
Largeur • • . 36 —
Épaisseur 16 —
Raye le verre.
Densité = 3,22.
DifDicilement fusible en scorie noire.
Attire le barreau aimanté.
Attaquable^ en partie, par les acides.
La dissolution renferme de Toxyde de fer et de la magnésie.
Roche complexe formée de fer oxydulé, de feldspath, de péridot
et de hornblende.
7» Hache Jaune pâle trouvée k Tralles en Lydie.
Longueur 83 millimètres.
Largeur 43 —
Épaisseur 12 ^
Structure un ped feuilletée.
Densité = 2,92.
Rayée par Tacier.
Fusible en émail blanc. Contient :
Silice
Oxyde de fer (Peu)
Chaux (Peu)
Magnésie (Beaucoup)
Diaprés les caractères que je viens d'indiquer^ cette matiire peut
COMPOSITION DE QUELQUES HACHES EN PIERRE. 175
être rapportée à un jade-népbrite très^magnésien et contenant un
mélange de serpentine.
8* Hache blanc jaunâtre , maitrée de gris , tronrée k Hacri
en Lycie.
Longueur 35 millimétrés.
Largeur . . 17 —
Épaisseur 6 —
Rayée par Tacier.
Densité s 2,95.
Fusible en émail blanc.
La matière de cette hache paraît être identique à celle de la pré-
cédente.
A la liste qui vient d'être exposée, je dois ajouter une hache en
pierre, faisant partie de ma collection, et rapportée récemment de
rtle de Candie. Elle présente les caractères suivants :
Longueur 80 millimètres.
Largeur 36 —
Épaisseur 33 —
' Forme ovale.
Couleur noire.
Raye le quartz.
Densité == 3,79.
Infusible. Trés-faiblement magnétique.
L'examen chimique montre qu'elle est essentiellement formée
d'alumine avec une quantité notable d'oxyde de fer et un peu de
matières micacées. C'est à la variété de corindon granuleux vulgaire-
ment nommée émeril qu'on doit la rapporter. On sait que l'émeril
forme un gtte considérable et est exploité depuis longtemps dans 111e
de Naxos.
A. Davoua*
LES SÉPULTURES MIXTES
DE
CARANDA ET SABLONNIÈRES
Près Fère-en-Tardenois (Aisoe) ;
L'ALBUM DE MM. MOREAU (i).
Messieurs.
J'ai à vous entretenir très-sommairement et rapidement de l'un
des faits archéologiques les plus importants qui se soient, pen-
dant ces trois dernières années, accomplis en France, fait qui a déjà
forcé l'attention de la science et qui se présente à vous dans ces
conditions complexes et particulièrement intéressantes :
1* L'apparition et les fouilles consécutives et parallèles^ Tune
complétant l'autre, des deux grandes et opulentes sépultures mixtes
de Caranda et de Sablonniëres, du canton de Fère-en-Tardenois
(arrondissement do Château-Thierry, département de TAisne);
2^ Les soins infinis, l'attention la plus surveillante, la con-
science et la sûreté de méthode qu'ont apportée dans cette délicate
et longue entreprise MM. Frédéric Moreau père et fils , pro-
priétaires à Fère-en*Tardenois> rares qualités grâce auxquelles ces
deux nécropoles ont livré tous leurs secrets, jusqu'à leur dernier
secret ;
3* La publication du magnifique album où« dans les soixante
planches qu'on doit au talent de M. Pilloy, agent-voyer d'arrondis-
sement de Saint-Quentin, MM. Moreau ont réuni les plus parfaits et
(i) Lu kla Sorbonne, en 1877, dans la seetion d'archéologie (réunion des Sodétés
savantes).
SÉPULTURES MIXT£S DE G^RANDA ET SABLONNIÈRES. 177
les plus varies parmi les types très-nombreux qu'ils ont obtenus
des arts de tant de civilisations archaïques. J'ajoute que cette
importante publication, où rien n'a été épargné de ce qui pouvait
la rendre digne du trésor de renseignements que MM. Horeau four«
nissaient à l'archéologie et à l'histoire, est distribuée avec une libé-
ralité aussi large qu'intelligente aux établissements publics tels que
bibliothèques, aux sociétés savantes, aux hommes d'étude que
MM. Moreau connaissent ou se font désigner comme pouvant le
mieux utiliser les fruits de leurs recherches et en tirer le meilleur
parti dans le sens de l'intérêt général.
La place me manque pour entrer dans tous les détails des fouilles
et de leurs résultats. Je me contenterai d'indiquer les traits géné-
raux et les raretés recueillies par MM. Horeau dans leur musée, car
on peut en toute justice donner dès aujourd'hui ce titre à leur
richissime collection ethnique et archéologique (1).
Les deux sépultures de Caranda et de Sablonniëres avoisinent
intimement le département de la Marne, dont les nécropoles gau-
loises récemment découvertes oni fourni tant de renseignements
intéressants sur les mœurs et le mobilier des Gaulois d'avant la con-
quête. Avec le cimetière si rapproché de Chas^emy auprès de Braine,
du pagus Suêtsioneiuis aussi, elles complètent un ensemble géogra-
phique de la plus haute valeur. Les collections gauloises du musée
de Saint-Germain, qui se sont enrichies des dépouilles deChassemy^
en font preuve.
Comme Chassemy, Caranda et Sablonnières ont reçu, dans la plus
singulière et la plus complète promiscuité^ les restés mortels et les
offrandes funéraires des préhistoriques, des Gaulois des temps
celtiques, des Gaulois d'avant la conquête, des Gaulois après l'inva-
sion et s'incinérant à la mode du vainqueur, des Gallo-Romains se
faisant enterrer suivant les rites chrétiens, des conquérants franco-
mérovingiens et des carlovingiens, ceux-ci pourvus de ûbules qui ne
sont plus saxonnes ou bourguignonnes, c'est-à-dire de tradition ger-
maine, mais franchement démonstratives des influences déjà byzan-
tines. Moins celle de l'âge du bronze, qui est là, comme partout
d'ailleurs dans notre nord belge, peu fertile en manifestations mé-
talliques, toutes les civilisations antiques sont donc en présence dans
le sol siliceux de Caranda et de Sablonnières. Au sein de cet immense
fouillis où il ne faut marcher qu'avec les plus grandes précautions,
(1) Cette coUection est InstaUée dans l'hôtel habité par MM. Moreaa^ 98, rue de la
Victoire, à Paris.
XXXI V. 13
178 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
en faisant i chaque pas appel à Tanalyse la plas sévère et la plus
précautionnée, lacune de ces civilisations s'affirme avec tout le
développement comme d'un crescendo et decrescendo musical et
rossinien : début, maximum dMntensitë, décadence et enfln dispari-
tion et absorption dans une civilisation subséquente.
Yoilàlesprineipaux caractères des grands cOtés d'ensemble, en y
ajoutant ces différences à noter :
La nécropole de Caranda possédait à la fois les silex au sein et à
la surface du sol, tandis que Sabloonières n'en a fourni qu*à Tinté-
rieur des fouilles ; de sorte que Caranda peut être tenu comme une
station de peuplades préhistoriques campées et s'enterrant dans le
sable de cette butte, tandis qu'à première vue Sablonniëres ne paraît
être qu'un centre privilégié de leurs sépultures. Cependant il ne fau-
drait pas se hâter de tirer une conclusion aussi radicale, car une étude
géologique et plus approfondie du sol et de la configuration de Sa-
blonnières pourrait peut-être fournir d'autres déductions qu'il n'est
point encore l'heure de faire apparaître, et que, d'ailleurs, je n'aurais
pas le temps de discuter ici. Caranda seul possédait un dolmen des
derniers temps de la pierre polie. Par contre, ses hypogées sont
pauvres — relativement, cela va sans dire, et partout ailleurs ce serait
la richesse, — en témoignages des temps gallo-romàins, tandis qu'à
Sablonniéres le nombre et l'opulence des débris de cette belle époque
de Tart abondent, et probablement fourniront, avant la clôture des
fouilles, un nouveau et riche contingent à l'ample et précieuse
collection de HH. Moreau.
Caranda est le nom, incontestablement romain, d'un moulin à eaâ
que rOurcq, à sa naissance, fait tourner au pied d'un mamelon de
sables moyens eA qui appartient au village de Cierges, dernière
commune du canton de Fère*en-Tardenoi3 sur la limite extrême
du département de la Marne. Le moulin à eau de Caranda est cer-
tainement bâti sur l'emplacement d'une villa romaine, et on a re-
trouvé les cubes des mosaïques de ses pavages jusqu'en pleines
sépultures de la colline. La nécropole, voisine du mouUn, se
trouve au lieu-dit significatif de VHommée qui veut dire Vhomme
. mort. Beaucoup de nos villages du Laonnais ont de ces lieux-dits :
nomme morî^ la Femme morte^ THommée^ les Hommées^ lesquels
signifient cimetière en général, et tombe dans des cas particuliers.
VHommée^ les Hommêes correspondent à nos Tombois^ Tomboirs^
Champ à luziaux^ luziau en patois picard étant significatif de cer-
cueil. Or, de tout temps, la culture a fait à VHommée de Caranda
quelques trouvailles d'objets antiques-: débris de vases grossiers» fer-
»
SÉPULTURES MIXTES DE GARANDA ET SABLONNIÈRES. 179
t
railles oxydées, ossements plus ou moins décomposés. II faul dire
de suite que le sol y dévore rapidement tous les corps organiques,
bois, chairs et os.
En 1873, Touyerture d'une carrière de sable au lieu-dit VHommée
de Caranda fit brusquement apparaître tous les éléments d'un dolmen,
qui fat reconnu et défini dans une visite faite en 1873 par la Société
archéologique de Château-Thierry qu'accompagnait M. Frédéric
Moreau père. Un peu plus tard M. Moreau y conduisit des visiteurs,
et alors une fouille des plus sommaires, pratiquée aux environs du
dolmen, mit à jour des tases, des fibules, des^ ossements. C'est ainsi
que MM. Moreau furent mis sur la trace et la poursuivirent sans
relâche avec cette Intuition du métier de fouilleur de sépultures que
leur envieraient les plus ardents et déterminés parmi les savants et
les archéologues.
Avant de dire ce que furent les résultats de la recherche, il est
nécessaire, ne serait-ce que comme excellent exemple à donner et à
suivre, de dire comment on y procéda.
Des arrangements avaient été pris avec tons les propriétaires et
détenteurs du périmètre de terrain, environ trois à quatre hectares,
où les fouilles seraient à entreprendre avec probabilité de réussite.
Des ouvriers connus comme probes et dociles furent choisis et stylés
avec soin. Ils devaient ne marcher, par zone ou bande, que pied à
pied et avec précaution, étudier tout le sol jusqu'à la terre recon-
nue pour vierge de tout contact de Toutil humain, n'avancer que
lorsque ce sol aurait donné tout ce qu'il ne pouvait pas contenir
naturellement. Les terres rejetées en arriére appartenaient alors à
des enfants armés de râteaux. Ils les tournaient et retournaient avec
la clairvoyance de leurs jeunes yeux, et y trouvèrent des quantités
de perles microscopiques appartenant à des colliers mérovingiens,
de débris métalliques et organiques qui le plus souvent n'eurent
peut-être pas grosse valeur^ mais auraient pu en avoir, ce qui s'est vu
plus d'une fois aussi.
Un tout jeune homme, intelligent, pris sur les bancs de l'école de
Fére, fut mis à la surveillance, à l'enregistrement et au dessin des
objets trouvés. Les progrès de ce jeune homme comme dessinateur
ont été surprenants. H serait bon de voir les registres des procès-
verbaux quotidiens qu'il tient des trouvailles du jour et qu'il illustre
de représentations, à grandeur naturelle, de silex, de vases^ d'armes,
d'ustensiles, etc. Son œil s'est fait vite comme sa main, et ses cro-
quis sont maintenant remarquables; ses vases sont bien campés et
tournent bien. La collection de ces procès-verbaux, dont certains
180 REVUE ARGUÉOLOGIQUE.
sont Irès-dëtaillës^ est très-intéressante et rend commode la rédaction
des pages qui expliqueront bientôt les planches du splendide album
de MM. Moreau.
La surveillance était d'ailleurs incessante, bien que la distance
entre Fëre et Caranda fût de dix kilomètres. M. Frédéric Moreau
père, un octogénaire qui ne porte pas soixante ans et qui a trouvé sa
fontaine de Jouvence dans les nécropoles de Sablonnières et de
Caranda, n'a jamais perdu de vue ses fouilles^ môme un jour, et ne
s'en rapportait qu'à lui. Ardent, infaligable, plus actif qu'un jeune
homme, il est à tout. Sous ses yeux, la tombe signalée se nettoie à
la main ; le vase, l'ossement, le silex sont soigneusement enlevée.
Des paniers d'osier de diverses tailles, et remplis de mousse fine ou
de foin, attendent les vases qui, sortant du sol et tout imprégnés
d'humidité, seraient friables et facilement destructibles. La terre
dont ils sont pleins n'est pas mémo questionnée dans les petits pa-
villons que M. Moreau a fait construire tant à Caranda qu'à Sablon-
nières. Une voiture emporte tout le butin à la fin de la journée à la
ville, pour y être décrit et dessiné dès le soir môme, et les vases
sont rajustés, s'ils sont fracturés, par le valet de chambre de M. Mo-
reau père. Dans ce métier délicat, ce serviteur a acquis une patience
et un savoir-faire merveilleux, une habileté qui ferait pâmer d'aise
un fabricant italien d'antiques et de curiosités.
La recherche est donc là scientifique, systématiquement prépa-
rée, conduite et ordonnée de façon que rien ne se perde. Aussi rien
n'est perdu, ce que vont prouver quelques chiffres.
De Tété de 1873 à la fin de 187S, époque de clôture pour les fouilles
de Caranda, il a été fouillé S,600 lombes, en ne tenant pas compte
de celles des préhistoriques dont le sol avait dévoré toute l'ossature.
Sur ces 2,600 tombes, il y en avait 300 de Gaulois ensevelis de divers
âges, mais toujours d'avant la conquête; environ iOO seulement de
Gallo-Romains incinérés, et plus de 2,000 de Franco-Mérovingiens,
catëgorieqoe j'étendrais volontiers, je l'ai fait entrevoir plus haut,
jusqu'aux sujets des rois de la seconde race et d'après certains objets
trouvés. De cet ensemble de tombes il est sorti environ 6,000 objets,
sans parler des silex travaillés, qui se sont montés à plus de 20,000,
mais dont beaucoup ont été mis de côté comme n'ayant point assez
de valeur ou se doublant.
En détaillant cette immensité de débris par grandes époques, on
trouve d'abord les silex taillés par éclats et retouchés : lames, grat-
toirs, pointes de flèches, celles-ci souvent d'une grande finesse de
forme et de fabrication^ lesnmlei^ etc., enfin tout Poutillage et l'arme
8ÉPULTURRS MIXTES DE GARANDA ET SABLONiNIÈRRS, 181
ment archaïques au plus haut chef, auxquels sont consacrées huit
planches de Talbum de Caranda tirées en lithochromie et où les
spécimens ont conservé leurs couleurs, leurs formes et leur aspect
Yarié.
Le dolmen révélateur de Caranda est figuré sur un plan par terre,
et une planche représente les beaux silex qu'il contenait, notam-
ment une énorme lame traitée à petits éclats, tous objets prouvant
que ce dolmen appartient aux derniers temps de la pierre polie et
non à ceux du bronze, dont les armes typiques, je le répète, n'appa-
raissent ni à Caranda ni à Sablonnières.
Au contraire, les débris de vases archaïques, de terre mal pétrie,
de pâte grise incomplètement malaxée, de formes mal assurées et
mal assises, insuffisamment cuits, sont extrêmement fréquents à
Caranda. Une des planches fournit deux de ces petits vases complets
qui, évidemment, ont été tournés au doigt sur le genou ; affectant
les formes les plus brutales et rudimenlaires, ne portant pas sur leur
centre, s'ils sont gaulois, ils témoignent d'une industrie primitive,
débutante et qui doit se perdre bien loin dans la nuit des temps.
Cela semble procéder presque directement du préhistorique.
La céramique vraiment gauloise est représentée dans trois ou
quatre planches qui vous font passer des formes simples, sommaires,
peu artistiques, à des spécimens d'un art plus relevé, et correspon- .
dant directement, par leur taille, leurs lignes, leur ornementation
géométrique, aux beaux et grands vases de Chassemy que possède le
musée de Saint-6ermain« Deux débris de poterie grise, épaisse, atti-
rent surtout l'attention par l'application extérieure d'une çâte
rouge sur laquelle sont dessinés des ornements linéaires gris et
ronge foncé. Cela fait rêver à certains vases étrusques et prépare
l'œil pour les vases romains ornés de dessins à la barbotine et ton
sur ton. Il faut aussi noter un vase original, bordé de pointes aiguës
à cinq rangs autour de la panse, et qui ressemble à un hérisson dé-
rangé par un imprudent. Un autre est tout boutonné par de petits
disques en relief. A Caranda, la céramique prouve peu de synchro-
nisme dans les sépultures^ et son album a donc le mérite de nous
permettre d'établir, pour un même art, si tant est que cet art soit
bien le même, deux périodes, l'une d'apparition, l'autre de déve-
loppement.
Quatre autres planches offrent une belle série d'armes et d'objets
de fer sortant des tombes gauloises, tous oxydés, cela va sans dire,
mais bien complets : coutelas dans leur gaine ou nus, lame de poi-
gnard d'un seul morceau avec son manche, lames de couteaux de
182 REVUE ABGHÉ0L06IQÏÏE.
tailles diverses, nombreuse série de pointes de javelots et de lances,
toutes à renflement central. La forme d'un de ces fers dé flèches est
absolument celle d'une pointe de flèche de silex à ailerons, à appen-
dice caudal et à taille par petits éclats. Cette arme prépare le fameux
angon d'Âgathias et des Burgondes du v* siècle. Un fer de javeline
possède une longueur démesurée, car avec sa douille il ne compte pas
moins de 37 centimètres. Un autre fer de lance, mince» allongé, me*
sure 1°',04 centimètres, et si la hampe dé bois à laquelle il s'adaptait
possédait la même longueur, peut-être rëglementaire^alors cette arme
de jet comptait un développement de 2",15 centimètres et peut*ëtre
plus. Des lames d'épées droites ont, sans manche, une longueur de
70 centimètres. Ainsi s'établit la vérité du passage où Luôain, par-
lant, dans la Pharsale, de l'armement des Soissonnais, disait :
« Longisque levés Suessiones in armis» »
Trois planches sont consacrées aux torques ou colliers, aux
bracelets de bronze, à la bijouterie, boucles d'oreilles ornées d'os
percés, de pierres trouées, souvenirs des temps antiques, oa de
perles d'ambre ou de verre de couleur, ce qui nous rapproche de la
conquête. Des fibules ornées d'émaux de couleur feraient rêver à
l'art mérovingien, si l'on ne savait que les Gaulois connaissaient
l'émaillerie et le placage des métaux.
Pris ensemble, les armes, bijoux, objets divers, soit de bronxe,
soit de fer, applicables, à Caranda, à l'époque gauloise, sont au
nombre de deux cents*
Les sépultures gauloises, non alignées, non contiguës, forment
cependant de petits groupes dont l'ensemble occupait plus spéciale-
ment l'ouest du plateau. Généralement, elles étaient peu enfoncées
dans le sol et n'avaient qu'une profondeur moyenne de 30 centimètres
à peine. La culture a donc dû en rencontrer et détruire un grand
nombre. Les Gaulois s'inhumaient dans une orientation constante,
la tête à l'ouest et les pieds à l'est, ce qui est le fait aussi des Méro-
Tingiens à Caranda comme à Sablonnières^ tandis que les Gallo-Ro»
mains étaient tous tournés, à Sablonnières, du nord au sud.
Les tombes gallo-romaines, peu nombreuses à Caranda, je Pai dit
plus haut, étaient disséminées par toute la nécropole avec une pro-
fondeur en terre de 1"',50. Ce sont elles surtout qui ont porté le dé-
sordre dans l'antique cimetière des préhistoriques, dont les «Uex
apparaissent maintenant à toutes les hauteurs de la tranche de terre
remuée. Sablonnières présente le même phénomène, et plus intense
encore, car là les tombes gallo-romaines sont extrêmement nom-
breuses, surtout sur un point donné.
SÉPULTURES MIXTES DE GARAND\ ET 8ABL0NNIÈRES. 183
J'ai dit toat à l'heore qu'on a constaté environ 2,200 tombes mëro-
Yîngiennes à Caranda ; elles ont une profondeur de 60 centimètres
pour les sépultures sans sépulcres de pierre; quand ii y a sarcophage,
la profondeur est plus considérable, ce qui complète l'explication du
bouleversement du cimetière préhistorique déjà si sérieusement
entamé par rinfertion des morts gaulois et gallo-romains.
Le nombre des tombes franco-mérovingiennes a nécessité la mul-
tiplication des planches de l'album où les richesses funéraires de cet
âge sont amplement représentées dans vingt-trois feuilles consa-
crées : cinq aux armes ; douze aux plaques et boucles de fer, de
bronze, doublées d'argent, damasquinées, ciselées, etc. ; une aux
styles ou plutôt grandes épingles k cheveux et aiguilles, etc. ; deux
k la bijouterie proprement dite ; deux à la céramique.
Je n'entrerai pas dans le détail et me contenterai de citer les ori«
ginalités et les raretés.
Parmi les armes, scramasaxes, épées, couteaux^ angons, umbos
de boucliers, pointes de javelots et de flèches, haches dites francis-
ques et de formes très-variées, je signalerai une lame très-oxydée
de couteau et à laquelle s'est solidement attaché et soudé par la
rouille un fragment de silex taillé, originalité qui s'est représentée
dans les fouilles de Sablonnières. Cdrtains Id Sont cru autorisés à
affirmer l'absolue contemporanëité du couteau de fer et du morceau
de silex taillé, leur existence synchronique comme leur usage,
l'utilisation par les Mérovingiens de la pierre travaillée, au moins
comme manifestation mortuaire, tandis que je fi^y vois qu'un effet
de la promiscuité de cette sépulture qui a servi à tant de civilisa-
tions et de générations successives. Toutes les fois que j'ai étudié des
emplacements de atlex préhistoriques, à côté de ûeux-ci j'ai ramassé
des débris de céramique gallo*romaine, des fragments de poterie du
moyen ftge reconnaissablo à ses émaux bleus et verts, de faïence
moderne et de porcelaine blanche ou décorée. Prètendra-t-on plus
tard que la faïence, la poterie revêtue d'ui^e couverte stannifère, et la
porcelaine, étaient contemporaines des instruments de silex, et vice
versa ? Si la rouille a marié deux silex à deux lames de sabre et de
poignard^ elle a soudé aussi deux sabres mérovingiens l'unà rautre>
une lame encore à un disque de fer qui pourrait être une monnaie
romtide, enfin tout un groupe de fera de flèches. Le hasard de la
rencontre en terre a donc fait Ik des espiègleries archéologiques
dont il n'y a, selon moi> rien k tirer que des preuves multipliées
d'une promiscuité complète dans les deux nécropoles.
Parmi les vases mérovingiens de Çarânda, l'albtim Moreau offre
18i HBTDB ARCHÂOLOQIQUE
h l'attention une très-remarquable bouteille de grès gris qui res-
semble beaucoup, comme forme générale, h ces bouteilles, de grès
aussi, dans lesquelles nos moissonneurs emportent la boisson de la
journée et qu'ils appellent crapeau oa gourde. La face postérieure est
aplatie ; mais, sur la supérieure et au ventre, ce vase se renne en
courbes se préparant les unes les autres et du plus heureux effet.
Ce n'est ni gaulois, ni romain, ni mérovingien.
Une des planches de la bijouterie mëroringienne contient la re-
présentation d'une snperbe âbule composée d'un nojau en fer et
d'une mince feuille d'ai^ent travaillée an repoussé et montrant une
tète humaine coiffée d'un diadème ; cette fibule, entourée d'un petit
cadre carré et fait d'une lame mince d'argent en relief, formait le
centre d'un collier composé de vingt-six perles d'ambre. A une
vingtaine de mètres plus loin fut trouvée, sur an second mort
et exactement dads(la même position, une autre flbule de la même
fabrication, du même métal, du môme dessin, dans un même cadre
mais bordé d'un boudin en relief; quelques détails du travail au
repoussé offraient seuls de légères variantes, je ne dirai pas diffé-
rences. C'étaient probablement des bijoux d'hunneur et de distinc-
tion. Des savants autorisés croient voir 1& la représentation d'an
emperenrcbrélien du IV* siècle. Evidemment le travail et l'art de
ces deux médaillons sortis de la même main ne sont pas mérovin-
giens, et pourraient être attribués i l'orfèvrerie byzantine. Des bou-
SÉPDLTURBS MIXTES DE CAHAKDA ET 8ABL0NNlkRI«. IdS
des de ceinlDron (flg. 1 et 3) réTëtent nn travail également remarqua-
ble. Un certain nombre de bagnes (Rg. 3 et4) ont leurs chatons or-
nés de caractères raniques(?) de sigïes ou monogrammes, de croix
chrétiennes.
Les cercueils de pierre étaient assez nombreux ï Caranda, tous de
la tonne connue d'anges plus larges à la tète qu'aux pieds. Certains
étaient faits de piflire; d'autres, d'un béton composé, suivantles
ans, de cbanx et de grève de rivière riche en coquilles de foramini-
fèiijBs, on, suivant une autre explication, d'un travertin naturel,
mais dont le gisement n'a jamais èlé signalé par la géologie dans le
pays. Deux ou trois couvercles de sépulcres de pierre sont ornés de
croix gravées dans la dalle. Tous ces cercueils avaient été violés et
dépouillés è des époques probablement déjà lointaines.
Enfin, comme objet de grande rareté, il ne faut pas oublier un
amulelle formé d'un morceau de fer qu'on prétend météorique, ou
d'un fragment de bolide. Il est taillé en forme de grosse olive, cerclé
d'argent ei pourvu d'un petit anneau on béliére, h l'aide duquel on
le portait suspendu sur la poitrine (flg. S).
et ir'\\
Telest l'aperçu à vol d'oisean de la nécropole de Caranda. Celle de
Sabloonières, au nom significatif, a été signalée I peu prés au moment
où les fouilles de Caranda devenaient improductives. Elle est située
à l'extrémité sod-est de la ville de Fére-en-Tardenois et de ses der-
nières maisons. Elle conQne à un ancien tumulus aujourd'hui
couronné par nn calvaire, et à un grès de formes énormes et bizarres
qui fut jadis an centre de superstitions locales.
La sépQitare de Sablonniéres est plus vaste que celle de Caranda, et
a été étudiée à fond par HM. Moreaa avec la même conscience, la même
raélbode et le même succès dont la science va profiter largement.
186 REVUE ARGHÉOLOOIQUK*
Les silex y sont innombrables, souvent intacts^ très-soavant
d'une dimension et d'une beauté inconnues jusqu'ici dans le dëpar-^
tement de l'Aisne, si riche cependant en ce genre de souvenirs anti-
ques. Il en est qui semblent taillés dans la pierre précieuse, tant ils
sont élégamment colorés, jaspés et marbrés. Les haches polies sont
très-rares, de môme qu'à Caranda.
L'élément gaulois est admirable dans ses vases apodes et à bases
rondes ou ombilicales. On a trouvé très-peu d'armes relativement. On
a donc semblé être autorisé à penser que là, et eependant ce sont les
limites de la Marne, les populations devaient être pacifiques, si on
compare cette rareté des engins de guerre àla fréquence et au grand
nombre des armes de tout genre qui furent trouvées dans les cime^
tiéres gaulois du département de la Marne. Sablonnîères a eu son
char gaulois, mais dont les ornements et détails étaient en fer, tandis
que ceux du char de Chassemy, près BrainOi étaient en tHronte.
La sépulture de Sablonniéres a offert cette pariicularité curieuse
que, dans sa partie nord qui touche aux dernières maisons de FèrOi
on a trouvé des trous profonds de 60 ii 70 oentimètreS| remplis d'os*>
sements calcinés et de débris de vases romains réduits à l'état frag-
mentaire et dont pas un morceau ne se rajustait. Il y avait eu là un
trouble profond, qu'on a ainsi expliqué : les corps étaient incinérés
sans doute sur un bûcher établi sur le sol calciné comme celui d'un
de ces ustrina qu'on a rencontrés k Soissons et à Saint-Quentin, et
les résultats de la crémation étaient ensuite précipités dans ces
fosses. Pourquoi ces fosses communes et où s'accumulent tant de
débris de vases de toutes formes, de toutes terres et de tout emploi ?
Mais, d'autre part^ on a pensé qu'au moment où la masse de la popu-
lation gauloise se convertissait à la foi chrétienne, sous le Bas-Empire,
les catholiques ne voulurent pas môler leurs restes mortels à ceux
des païens, les ensevelissements chrétiens aux incinérations ro-
maines, et qu'à un moment précis que nul ne pourrait fixer aujour-
d'hui, mais qui se détermine historiquement, le vieux cimetière
galIo*romain fut fouillé, dépouillé des vases mortuaires et contenant
les restes de la crémation^ lesquels furent transportés plus loin pour
rester à part et ensemble. Ge qui est certain c'est que, dans la con«-
tre-partie de la nécropole au sud, le sol n*a plus de cas fosses à
débris multiples, mais renferme une très«-grande quantité non plus
d'incinérations^ mais de fosses à ensevelissements prouvés par ta
présence toujours de forU et longs clous de fer qui ont servi à assu-
rer les couvercles des cercueils de bois dont le sol a détruit les èlé*
ments; et dansées fosses, ces clous, au nombre invariable de doute.
SÉPULTURES MIXTES DB CARANDA ET SABLONNIÈRES. 187
occupent toujours la même place : deux à la tète, quatre sur chacun
des côtés de la bière, et deux à sa partie touchant aux piods dai morts*
Les vases gallo-romains de la famille rouge et lustrée sont nom-
breux, très-variés et très-beaux. Il faut surtout nôler parmi eux
une grande et belle coupe en forme de bol et sur le pourtour de
laquelle se développent les épisodes de la lutte athlétique du pugi*
lat à l'aide du cestè.
Je note à la hâte deux beUes buires^ ou pots à boisson, de terre
rouge clair et à inscriptions, Tune amoureuse, l'autre bachique,
toutes deux se développant autour de la panse dans des ornements
courants et linéaires, pour l'une noirâtres sur rouge, pour l'autre
lettres et enroulements à la barbotine rouge sur terre rouge, ce qui
est rare comme alliance de couleurs. Sur la première buire on lit :
AMO TE VIT A, et un X majuscule dont la haste de gauche est, au pied,
recroisetée par un petit X majuscule aussi (flg. 6 et6a). Lesuns tradui-
sent : Je faime pour la vie^ et prennent l'X recroiseté pour un trait
ou motif de convention indiquant la terminaison de la phrase; mais
dans ce cas il faudrait supposer un solécisme, la déclaration Je
faime pour la vie devant se rendre en latin par Amo te ad vitam.
D'autres proposent de traduire : Je faime, ma vie^ c'est-à-dire toi qui
es ma vie. Une troisième opinion se prononce en faveur de la liaison
intime et en un seul mot de vita et de TX majuscule, ce qui ferait ap-
paraître le petit nom d'une jeune fille gauloise appelée Ft^oa?, nomqui
ne serait pas plus étrange que celui de cette dévote gauloise appelée
Garaniusa et qui dédia une statuette à Mercure, son dieu de prédi-
lection, sur une inscription gravée aux pieds de l'idole de bronze
aux yeux d'argent trouvée, il y a trente ans, à Corbeny auprès de
Laon : Garaniusa meliori deorum Mergurio lirens votum solvit.
La seconde petite cruche, plus élancée de formes que la première,
porte cette inscription en capitales romaines un peu fantaisistes :
REPLE MlHI (ûg. 7 et 7 a), Remphi le pot pour moi. La lettre L de re-
.pieu été détraite par rhumlditèet les agents chimiques de la terre,
et se laisse deriner, plutôt que llre« k de faibles linéaments. La lettre
H du mot m<Aî a disparu complètement. Des traits comblent t'eipioe
resté vide entre l'inscription et la partie gauche de l'anse de la crache*
Dans un de ces linéaments, composé de lignes elliptiques et se rap*
prochant plus ou moins de la forme d'un pointu par en bas, des
savants veulent décidément voir un o. Pour eux TH de mihi n'aurait
pas disparu rongé par les sels de la terre, mais n'aurait jamais été
écrite. Il faudrait lire alors Ml comme abréviation de mihi dont le der-
nier I accouplé à TO pointu formerait une exclamation d'ivrogne :
188 HRrUE AHCHÉOLOGrQDE
10 1 l'ëqniTaleDt de EvoheBacehel Alors l'iDScription serait à lire
ainsi REPLEMMOt
Sans entrer dans le débat, constalons d'abord qae sur deux vases
SÉPULTURES HIXTB8 DE CARAKDA ET S&BLONNIERES.
romains l'archéologie co'nnan déjà deux. ioBcriplioDs équi?aleates :
Amo te, et Replk me copo hbri ; en second lieu, que du cimetière gallo-
romain de Soissons ileit aussi sorti un joli petit vase noir, lustré,
490 REVOE ARCH^OLOfllOUB.
uDe espèce de burette, où je lis le mot tinum à la barbotine blanche
ensuite, qae ces vues ont été' recueillis dans une contrée où les
potiers et faïenciers moderaes ont coaserré jusqu'en plein sifecle
dernier l'habitade de ces sortes de légendes que nous appellerions
volontiers geuloisei. Ils tournaient et illustraient des vases i
légendes amoureuses que les galants du village donnaient k leurs
maltraaaea ou à leurs fiancées, et où le lisaient ces serments aussi
fragiles qoe la Tatence : Je t'aims pour la t>ie, Agathe, ou Marie, ou
Bortenu, et ces Tiua menleari tenaient parfaitement leur place
sur la potière à cAlé des cruches sur le rentre desquelles s'étalait
on cartouche arec ces propos d'iTrogne : Ma feuhe, remplis lb
POT, rtfiê nùhi, ov je lk casse, menace que le potier galto-romain
n'a pas ose écrire sur ses élégants produits.
La verrerie gallo-romaÏDe est exlrêmemeot nombreuse et remar-
quable à Sablooniéres, qui a fourni de grands verres à boire rappelant
la hauteur et la conflgaralion conique de nos flûtes à vins mousseux
de Champagne.
Je cite, pour clore cet inventaire de raretés sorties de la sépulture
de Sablonnières, une très-remarquable fibule gallo-romaine composée
encore d'une mince feoille d'argent paraissant, celte fois, estampée
au flan. Elle est ronde, de la forme d'une grande médaille. Dans le
champ bordé et semé de perles, on voit un empereur romain se tenant
debout aur uo bige dent lea chevaux .sont an repos et s'écartesl i
dioile et k gauche pour laisser apparaRre le char. Delà maio gaoebe
l'ooperenr tint un ecxWtt» composé d'une longue bampe portant
SÉPULTURES MIXTES DE GARANDA ET SABLONNIÈRES. 191
un globe surmonté lui-même d'une croix. De la droite tendue et
levée en Tair, il fait un geste d'orateur. Ce n'est point une scène de
triomphe, mais une allecutiOf adlocutio^ comme on en connaît plu-
sieurs exemples en glyptique et sur des bn-reliefs. C'est là évi-
demment une médaille commémorative d'un grand événement
accompli sous ou par un empereur chrétien du commence-
ment du iv"" siècle, peut-être Constantin le Grand (304-337), plus
probablement Constantin II (337-341),quieut les Gaules dans le par-
tage de l'empire à la mort de son père. Gravée plus tard^ celte fibule
ou médaille d'honneur n'eût pas eu la beauté qu'il faut louer ici.
Elle a été trouvée dans la partie du cimetière de Sablonnières où se
constatent les sépultures dans oes cercueils au)ourd*hui tombés en
décomposition, mais qui se prouTent par la quantité des dons dont
j'ai parlé plus haut.
Les sépultures mérovingiennes de Sablonnières, si nombreuses, si
serrées, fourniraient leur riche contingent de dépouilles à invento-
rier, s'il ne fallait pas mettre fin à cette notice.
Cet hiver, la nécropole de Sablonnières a ité enveloppée et ques*
tionnée à l'aide d'un immense fossé qui en a délimité l'enceinte utile
i fouiller. On savait qu'elle demanderait encore trois mois de tra-
vaux, après lesquels elle aurait dit son dernier mot, comme Garanda
l'avait dit en l'automne de 1875. Les résultats de la dernière heure
compléteront heureusement ceux des débuts et enrichiront encore
la riche collection de MM. Morean et les renseignements utiles que
si généreusement, si libéralement et si amplement ils ont restitaés 1
la science. Celle-^û n*oubliM*a plus les noms des sépultures mixtee
de Caranda et de Sablonnières, et y accouplera pour toujours celui de
MM. Moreau.
Ed. Flruhy,
S^créime génénU d€ la Satiété msaéémqut
daUmn.
LA GAïSr EN IRLANDE
Dans noire note sur le char de guerre en Irlande, nous avons dit
un mot de l'arme de jet appelée par les Latins gaesa^ et dont la forme
celtique parait avoir été gaisa (2). Les archéologues liront peut-être
avec intérêt quelques autres indications relatives à cette arme,
extraites de documents irlandais.
Un des événements principaux de l'histoire fabuleuse de l'Irlande
est la conquête de cette lie sur les Fîr-bolg par les Tuatha-de-
Danann. Cette conquête aurait été le résultat de la bataille de Magh-
Tuireadh livrée, suivant les Annales des Quatre Maîtres^ l'an 3303
du monde, ou 1997 ans avant J.-C. Or voici ce que raconte le Glos*
saire de CormaCj rédigé, paratt-il, dans la seconde moitié du
IX' siècle de notre ère :
(( Pendant la bataille de Magh-Tuireadh (ou, suivant une ortho-
graphe plus ancienne, Mag-Tuired), Goibniu^ le forgeron {goba =3
'gobds^ thème gobann Ci)), était dans sa forge {cerd-cha^ littérale-
(1) Le mot irlandais^ depuis le viti" siècle au moins, est gdi, gae ss gaisa ; en
irlandais tout s simple entre deux voyelles est tombé, ainsi que les voyelles finales
des polysyllabes, vers le vii^ siècle de notre ère.
(2) Je ne pourrais dire quelle différence il y avait entre la gai[8a] et rarme appe-
lée en irlandais moderne sleagh, thème slega, mot dont la racine parait identique à
celle du parfait ro-selaing^ « il a frappé n, à celle du gaélique slachd « coupe », etc.
Voir W. Stokes, Three irish glo^iaries, p. lxxiv^ et B. Windisch, Zeitsehrift fur
vergleichende Sprachforschung, t. XXIII, p. 215. Il est question^ par exemple, de
cette arme dans les Annales des Quatre Maîtres, édition donnée par O'Donovan,
t. 1, p. 03, sous l'an de J.-G. Mais la gai[sa] me semble tebir dans i'andenne
littérature irlandaise une place beaucoup plus importante que l'arme appelée
sleagh. C'est, par exemple, à coups de gai[sa] que fut tué le fameux jPVnft,2S3 ans
après J.-C. {Annales des Quatre Mal très , 1. 1, p. 120). Finn est, comme on sait»
un des principaux' personnages de la légende d'Ossian.
(3) Grammatica celtica, 3« édition» p. 203. Windiscb, Beitraege xur Geschichte der
deutschm Sprache^ t. IV, p. 260.
LA GAISA EN IRLAND? 403
meol « la maison, ca[ja], du forgeron, cerd » (1)), et y fabriquait lés
pointes des ^at [«a]. En môme temps Luchtine,roaTrier9 5aer, faisait
les hampes. Le nom asité poar « hampes » était en irlandais crand^
€ bois » , plus anciennement crartUf thème *crannaj ou mieux
*quranna, identique à celui du latin quemiis, « chêne », avec une
métathèse de Yr fréquente dans les langues celtiques. La forme bre-
tonne du mot est prenn, qui suppose un thème gaulois prenno- (2).
Credni, le compagnon-forgeron, cerdy faisait les clous, semand, des
gai[8à]. Chacun des trois artisans exécutait sou travail en trois opé*
rations. Puis^ quand Golbniu avait terminé les pointes des gai[8a\^
il les saisissait avec sa pince, et les lançait dans le jambage delà
porte où elles se fixaient A son tour Luchtine lançait les hampes
dans la douille des pointes ; enfin Credni, tenant les clous -dans la
pince, imitait les deux premiers, et les gaisa se trouvaient ache-
vées (3). » Dans ce texte le mot gai[8a] est employé à la fois pour
désigner la pointe seule ou la partie métallique, et pour désigner
l'instrument tout entier. Un autre passage du même glossaire nous
donne un terme distinct pour désigner la pointe, c'est celtair, daçs
le composé di-celtair, qui veut dire « hampe de gaisa sans le
fer » (4). Celtair = celtari^s paraît identique au sanscrit kartari^
«couteau de chasse », et être presque le même mot que le latin
culter (5).
De gaisa^ en irlandais gai^ vient Tadjeclif ^atd^ := gaisatia-s, qui,
dans un manuscrit du huitième siècle, conservé à Saint-Gall (6),
sert de glose au latin pilatus^ « armé du pilum ». Il semble identique
au nom propre d'homme Gesatius d'une inscription de Brescia
(Corpus, y, 4144), dont la forme féminine Gesatia se trouve dans une
inscription de Rétie conservée à Munich {Corpus, III, 594:7). Ges(h
(1) Grammatica celtica^ 2* édition, p. 60. WliiUey Stokes dans les Beitraeye de
Knlm, t. VUI, p. 812, n» ft5.
(2) Windisch, dans les Beitraege de Kahn, t. VUI, p. 39.
(3) Whitley Stokes, Three irish glossaries, p. xl?, 32.
(4) /6id., p. 24, v» Gaire; cf. p. xxxfiii. Di est un préfixe négatif.
(5) Voir Curtins, Grundzuege der griechischen Etymologie, 4" édition, p. 147,
no 53. Le mot irlandais est employé comme synonyme de gaisa et a?ec la désinence
exigée en irlandais par la finale du thème latin dansnne pièce de vers reproduite par
le Glossaire deCormac, au passage cité dans la note précédente. Couteau, poignard,
se disait en irlandais sciati = scénd, génitif sçeine = scènes, accusatif sein s^
scénin {Glossaire de Cormac, dans W. Stokes, Three irisli glossaries, p« xxxvii,
30; cf. xux). Le manche du poignard s'appelait em == emâ^ gén. eime » emés^ dat.
eim =s emiy ace. eirri =3 emin {ibidem, p. 30).
(6) Grammatica celiica, 2« édition, p. 52, xi-xvi.
1X3LIV. 14
IM REVUB ARCHEOLOGIQUE.
ris, d'où vient Qesoriacumj Ge$$oriacum ou Ge$orriacumi e nom le
plus ancien de Boulogne«sur*Mer, peut aussi dériver de gaitaj si
son e égale ai et par conséquent est long, ce que paraît démontrer la
variante Gessoriacum par deux ss. On connaît en effet l'usage celti-
que de remplacer les voyelles longues par des brèves en doublant la
consonne suivante. D'ailleurs on trouve dans plusieurs manuscrits
de Ptolémée 1'^ de Oesariacum représenté par un 6tt (1). Giêùrit
voudrait dire probablement « fabricant de gaisa » : comparai l'ir-
landais archaïque (huitième siècle) lubgartdtr^sszluba-gartôris^ «jar-
dinier B y dérivé de lubgartj « jardin » , thème luba-garta^ en breton
moderne lUfrz (2)^, le suffixe de lub-gartôir est le même que celui
iegé$(hi8. Ainsi GêsMacum signifierait « propriété du fabricant de
gaisa » . Les trois noms que nous venons de citer ne sont pas les
seuls qui vraisemblablement nous offrent l'exemple de la présence
du nom de la gaisa dans les noms propres gaulois.
Giso^dummf rutob-Souvov, nom d'une ville de Norique dans PtoIâ«
mée (3), parait signifier « forteresse de la gaisa ». Ce terme semble
se retrouver dans le nom Gsso-cribate^ port de Gaule (4), et dans
celui A'Oct^esa^ ville d'Espagne (5) ; mais le plus prudent nous
semble être de laisser sans traduction deux noms de lieu dont Tor-
thographe exacte n'est pas établie par un nombre de textes suffi-
sants. Le nom du potier Volo-gesm {Corpus^ ill, 6010, 195) peut
renfermer aussi le même terme, sans nous autoriser i une oonclasion
plus certaine (6).
Le sol irlandais nous a présenté un terrain plus sûr que celui de
l'onomastique gauloise.
H. D'AbBOIS de JCBAlNVILLBé
(1) Ptolémée^ édition Wilberg, p. l&O ; cf. De^ardins^ Géographie de la GauU
t^aprèê la Tablé de Peuimger, p. S4 ; Léon Reaier, dana V Annuaire de la Société
des antiquaireê de France poar 1848^ p. 270.
(2) Grammatica celtioa, 2« édition, p. 782^ S88, 889, 1077. Sur lub^ tlitae lubâ,
voir ibidem, p. 241-242 ; et sur garty voir ibidem, p. 37. Le double r de GesorriO'
cum^ dans Ptolémée, aemlile indiquer nn o long.
' (3) Ptolémée, il, 13, 3, édition Nobbe, 1. 1, p. 127.
(4) Desjardliit, Géographie de la Gaule d'après la Table de Peutinger, p, i9Q*
(S> César, De Bello civili^ h I, c. 01, 68, 70.
(6) G'eat le nom de einq roie partlies qui régnèrent de l'an 00 à 220 de notre èfe.
Voir cependant GlOclc, KeHische Hamen, p. 28. Snr le thème gaiea^ « javelot », dans
les langnea germaniqaeo, consultée Foersteraann, Pereonen Namen, 2« édition, eol.
soit ses ; Orinm, Grammatik, II, 664, 404 ; Sebado, Woerterbuch, v* gér.
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS n'AOOt
^■^■mrt^BV^Ha^
M. Maximiû Delochd reprend la lecture de soû tnémoire ênf les Inùa"
sioftf dêê GauUnê en It&lié. f^out empruDions au Joumai offideî Panaltse iû
mémoire de M. Deloelie} dont la lectare a occupé la plus grande partie dei
Béances des 3 et 10 août.
M. DsTiOCHt rappelle le plan général du travail. La première partie eât
consacrée ft dÛscuter les théories récemment émise», notamment par
MIL Lemière et Alex. Bertrand. Suivant ces opinions, le point de départ
des populations gauloises qui ont envahi Tltalie septentrionale est sur le
haut Danube en Germanie, ou bien aux sources du Rhône dans le massif
des Alpes Lépontiennes. M. Deloche suit l'opinion des anciens et s'attache
à démontrer que les Gaulois envahisseurs venaient de notre Gaule.
Dans la deuxième partie, l'auteur a fait la critique du texte de Tite-
Ltve ^relatif à ees Invasions ; 11 a étudié les leçons diverses proposées,
recherché la date des premières exoédi lions parties de la Gaule pour la
contrée circumpadane^ déterminé a'après Tite-Llve l'étendue de la Gel-
tique, enfin comparé la géographie de notre pays au sixième siècle avant
notre ère avec celle du temps de César.
Dans la troisième partie, il a mis en regard les deux listes ethnogra-
Ïkhiqnes de Tlte^Live et de Polybe ; ces listes, comme on sait, renferment
es noms des tribus envahissantes. La quatrième partie, celle qui fait Tob-
jet de la lecture de ce jour, traite la suite de cette question.
Dans les chapitres 15 et 17 du livre H, Polybe nomme les peuplades
ffankrises établies dans l'Italie. Ce sont : les Taurisques^ les Agones. les
La! ou Lo9i, les Lebecii, les Isombres ou Insubres, les Gonomans on Ceno^
maûs, les Ananes ou Anônes ou Anianes^ les Bolens, les Liûgoms^ les
Sénons. En tout dix peuplades, oui se réduisent probablement à neuf par
snite de l'identité vraisemblable des Agones et des Ananes. Voici main**
tenant les nations que Tite-Live (ch. 34 et 35 du liv. Y) mentionne comme
ayant pris part à l'expédition de Bellovèse et à Celles qui la suiYirént : les
Bitnrigea, les Arvernes, les Sénons, les Eduéns, les Ambarres^ les Gar-
nntes, les Aulerques, les Insubres, les Cénomans, les Libuens, les Salu-
viens, les Loesiens ou Ligures, les Bolens, les Lingons. En tout quatorze
nations, qui se réduisent à douze par suite de l'identité, qui sera démon-
trée, des Edaens et des Insubres, aes Aulerques et des Cénomans*
M. Bertrand, dans sa comparaison des listes ethniques, affecte de con-
sidérer les noms inscrits par Tite-Live au chapitre 34 comme constituant
seuls la liste de l'historien latin ; il s'étonne que cet historien ait entrepris
au chapitre soivant de la compléter, sans rétlexion aucune, par l'adjonc-
tion des SaloTiens, des Bolens, des Lingons et des Sénons. Il est surpre-
nant, «joute M< Alex. Bertrand, que ce soit ce second ban d'envahisseurs,
dont M tradition la plus ancienne ne parle pas. qui seul ait fondé en
Italie dee établissements durables. M. Deiocbe n^aamet pas que le ehà-
196 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
pitre 35 soit une addition téméraire à la relation aulbentique contenue
dans le chapitre précédent. Il soutient môme que le premier paragraphe
du chapitre 35 devrait être rattaché au chapitre 34 ; il est donc nécessaire,
si Ton veut avoir la véritable liste ethnique de Tite-Live, de ne pas imiter
M. Bertrand, qui en exclut les noms du chapitre 35.
Si on compare les deux listes, on verra que trois, ou plus vraisembla-
blement deux des tribus mentionnées par Polybe sont omises par Tite-
Live : les Taurisques, les Agônes et les Ânanes. Les sept autres noms de
Polybe se retrouvent dans Tite-Live tantôt avec des variantes, tantôt
cachés sous des équivalents. Ainsi les Laï ou Lœi sont, aux yeux ae tous
les savants, les n^ômes que les Lœsi ou Lœvi Ligures de Tite-Live, les
mômes que les Levi de Pline et de Ptolémée, placés par ces deux auteurs
à côté des Libui ou Libiciy entre la Sesia et le Tessin, avec Ticinum
(Pavie) pour capitale.
Les Lebeciij aux yeux de tous les interprètes de Polybe et de Tite-Live,
sont identiques aux Libums des Décckdes, aux Lebici de Pline, aux Libeci
de Ptolémée. Ils étaient de race ligurienne, comme les JjBvi^ ettiraient
leur origine des Salyces (Salyes ou Saiuviens) des environs de Marseille ;
ils avaient pour capitale Yercellœ (Verceil). Les Isombres ou Insubres sont
ideniioues aux Ëduens de Tite-Live. Au chapitre 34 des Décades (liv. Y),
il est dit expressément que les Insubres formaient un pagus (district, can-
ton) des Eduens. Tandis que Thisforien grec a employé exclusivement le
nom particulier du pagus, Thistorien latin s'est servi de l'ethnique de la
Eeuplade entière. A ceux qui seraient surpris de l'importance donnée aux
isiibres, on pourrait rappeler que c'est un seul des quatre pagi des Hel-
vètes, le pagus Tigurinus (canton de Zurich), qui infligea aux Romains une
sanglante défaite, fit périr le consul L. Gassius et fit passer son armée
sous le joug. Il n'y a donc rien d'étrange à ce qu'un pagus des Eduens ait
rempli dans Tinvasion de la Cisalpine un rôle considérable.
Les Cénomans de Polybe (Gonomans, Kénomans) figurent dans le cha^
pitre 34 ^ous le nom d'Aulerques. Voici la preuve de cette identité. On
connaît en Gaule quatre peuples qui portaient Iq nom d'Aulerques ; ils se
distinguaient les uns des autres par un surnom spécial. G'est ainsi que
nous trouvons : des Aulerques Brannovices, clients des Eduens (au sud-
ouest de Mâcon) ; des Aulerques Diablintes (Diablintres, Diablites, Dia-
blindes) qui habitaient autour de Jublains, à l'est de Mayenne : des Au-
lerques Ëburovices (Evreux) ; enfin^ xles Aulerques Génomans, habitants de
la province du Maine (Sarthe). Il existe d'autres exemples de ces surnoms
destinés à distinguer les tribus sœurs d'une môme famille. Nous connais-
sons des Bituriges Cubiens, situés au centre de la France avec Avaricum
(Bourges) pour capitale: les Bituriges Vivisques ou Vibisques, situés dans
le Médoc, au pays bordelais. Nous avons des Volques Arécomiques dans le
pays de Nlnies, et des Volques Teclosages dans le pays toulousain.
Dans le chapitre 34, Tite-Live a désigné les Aulerques Cénomans par le
nom d'Aulerques, que César a employé aussi isolément, et dans le cha-
pitre 35 il les a désignés par le surnom seul des Cénomans, comme cela
se voit d'ailleurs dans César pour les Diablintes, dans Strabon pour les
"Tectosages et les Arécomiques, dans Pline pour les Vibisques.
Nous avons, d'ailleurs, la preuve que le nom d'Aulerques (chap. 34) et
celui de Cénomans (chap. 35) désignent tous deux la môme tribu. Tite*
Live parle, en effet, au chapitre 35^ d'une deuxième troupe de Cénomans
qui avait suivi les traces de la première. Or l'historien latin n'avait point
encore mentionné de Cénomans ; et il faut absolument, sous peine d'ad-
mettre un non-sens, les retrouver dans un texte précédent. Il est donc
certain que le nom générique de Cénomans désigne les Aulerques cités
expressément. Ajoutotis que, dans la liste, ils viennent immédiatement
BULLETIN MENSUEL. 197
après les Carnutes, gens du Ghartrain, dont les Manceaux sont toi*
sins. •
C'est le lien de rappeler un fragment du livre des OrigineSy de Caton
TAncien, cité par Pline> et où il est dit que les Génomans de la Gisalpine
avaient séjourné près de Marseille. M. Walckenaèr explique ce passage de
la manière suivante : Comme les Génomans, ainsi que leurs préoécesseurs,
passèrent en Italie par les mômes côtés des Alpes qui avoisinent Marseille,
jl n'est pas étonnant que du temps de Caton et avant que la conquête de
César eût fait connaître la véritable position des Génomans dans la Gaule
transalpine, on s'imaginât que ces peuples fussent originaires de Mar»
seille. Mais^ ajoute M. Walckenaêr^ Pline n'aurait dû reproduire cette
erreur que pour la combattre.
M. Deloche trouve cette explication difficile à admettre. Le passage des
Alpes par le mont Genè?re {sallm Juliœ Alpis] ne semble pas assez rap-
proché de Marseille pour motiver l'erreur attribuée à Caton. M. Lemière^
contrarié dans sa tbèse qui assigne les contrées du haut Danube ou de la
Germanie méridionale pour point de départ à l'invasion gauloise, suppose,
pour tirer à lui ce- passage, que les Génomans ont séjourné chez les Vol-
Gues ; Don pas chez les Volques Arécomiques, voisins du Rhône, comme
dut se le persuader Caton, mais chez les Volques Tectosages, qui occu-
paient la partie la plus fertile de la Germanie, près de la forêt Her-
cynie.
Suivant M. Deloche, il ne saurait y avoir de place pour cette conjec«
ture qui charge gratuitement d'une erreur un témoignage des plus graves.
Le texte de Caton dit. formellement que les Génomans d'Italie avaient au-
trefois résidé près de Marseille, chez les Volques, c'est-à-dire nécessaire-
ment chez les Volques Tectosages du pays toulousain, et non chez ceux
de la forêt Noire. Si Ton s'étonne qu'il y ait eu, à une époque reculée,
des Génomans sur les rives du Rhône, c'est qu'on recule devant cette
simple hypothèse, à savoir que les troupes de Génomans qui émigrèrent
du nord-ouest de la Gaule en Italie étaient descendues, avec d autres
bindes gauloises, le long de la vallée du Rhône, jusqu à proximité du
territoire des Massaliotes. Elles songeaient peut-être à chercher le long
des côtes un passage moins difficile que celui du Grand ou du Petit Saint-
Bernard. Il était resté sans doute, non loin de Marseille, quelques débris
de cette peuplade qui ont pu suggérer la remarque de Caton.
M. d'Arbois de Jubainville, dans une note lue devant l'Académie en
1875, sans prétendre que les Génomans de Caton fussent venus du Hartï
et non de Marseille, a contesté l'identité de ce nom avec celui des Auler-
Sues Génomans de César, se fondant sur des différences dans la quantité
es syllabes qui servent à écrire les vocables ethniques des uns et des
autres. Cette distinction parait périlleuse à M. Deloche; la langue cel-
tique nous est à peu près inconnue ; et il n'y a pas d'ethniques anciens
qui ne présentent des variantes considérables, qui ne s'allongent de cer- .
taines syllabes par un redoublement de lettres. Dans les meilleures édi-
tions de Tite-Live et de César on rencontre l'orthographe Cenomani à côté
de celle de CenomarmL
K. Deloche aborde ensuite les questions que soulève la présence des
Boîens sur les listes de Polybe et de Tite-Live. Cette partie du mémoire a
provoqué une discussion dans laquelle sont intervenus MM. Ch. Robert,
Victor Duruy et Alfred Maury. Les Boit sont-ils venus en Italie de la Germa-
nie ou de la Gaule? M. Lemière soutient qu'ils appartenaient au peuple
du même nom occupant le Hartz (forêt Hercynienne), la région déserte
au midi de l'Ister et un canton du Noricum. M. Deloche répond que, sui-
vant le témoignage de César et de Tacite, nous savons que cette peuplade
avait passé de Gaule en Germanie, que de Germanie elle avait passé en-
198 REVUE ARGHÉOLOi^IQUE.
suite dans le Noricum, et que de là elle se rendit, non pas en Italie,
mais en Gaule, pour prendre paft à rexpôdition des Helvètes, arrêtée
(b9 av. J.-C.) par César.
Pour démontrer la réalité de ces faits, il est nécessaire d'abord de dis-
tinguer deux peuples fissus sans doute d'une môme souche) qui portent
le nom de BoU, L'une aes deux fractions des Boii émigra de Gaule en Ger«
manie et occupa la forêt Hercynienne. L'autre, celle qui avait envahi
rjtalie, vers le cinquième siècle avant noire ère. fut chassée par les Ro^
mains, se réfugia sur les bords du Danube, et y fût détruite par les Dates,
dans les premiers temps de Tère chrétienne.
Il fut un temps, dit César (VI, 24), où les Gaulois, supérieurs en cod«
rage aux Germaine, attaquaient ces derniers, et, & cause du manque de
terre et de la surabondance de population, envoyaient des colonies au
del& du Rhin. Quelques lignes plus loin, l'auteur latin cite les Volkes
T^ctosages étabfls aux environs de la forêt Hercynie. Tacite, rappelant ce
témoignage pour le confirmer, ajoute que les Helvètes et, au delà des Hel-
vètei .les Bm occupèrent le pays situé entre la forêt Hercynie et les fleuves
du Rnin et du Mein.
Le grand historien prend soin de faire remarque^ jue ces deux nations
étaient gauloises, et que le nom de Bohême, subsistant encore de son
temps, rappelle l'ancien souvenir du lieu, bien que les habitants soient
changés. Un auteur grec de la fin du deuxième siècle avant notre ère,
cité par Strabon, parle aussi des Boii qui avaient autrefois habité la forêt
Hercynie, et qui eurent à repousser une attaque des Cimbres. Que devin-
rent-ils par la suite? César nous apprend qu'ils passèrent dans le Nori-
cwn et s emparèrent de la ville deNoreia; Tacite complète ce renseigne-
ment : la cause de cette transmigration fut une défaite infligée aux BoH
Sar les Marcomans, tribu germanique. L'an 59, les Boii, suivant l'exemple
es Rauraciy des Tulingif des Latobriçi, se joignirent aux Helvètes pour
aller chercher des terres sur les rivages de l'Océan, au pays des Santons*
Dans cette émigration de 368,000 individus, les Boii comptaient 32,000 âmes.
A la prière des Qduens, ils furent cantonnés sur le territoire de ces der-
niers et absorbés par la cité gauloise.
Quant aux Boii de la Cisalpine, Strabon (V, i) contient l'indication sui-
vante : « Anciennement la plupart des peuples celtes de la Cisalpine
s'étaient établis sur les rives mêmes du fleuve (le Pô). C'est là notamment
qu'habitaient les Boïens, les Insubres et les Sénons, ces derniers en com<
pagnie des Gésates. Les Sénons et les Gésates furent complètement détruits
par les Roumains. Les Boïeos, à leur tour, s'étant vus chassés par les Ro-
main? de leurs demeures, se transportèrent dans la vallée de l'Ister ; ils
de gagnes pâturages aux troupeaux des nations voisines. » Ces événements
sont précisés dans un autre passage de Strabon ; ils se passèrent au eom-
mencement du premier siècle de notre ère ; les Gètes étaient commandés
Îiar Byrebistas et les Boîens par Critasis. Au lieu de venir du Danube en
taliQ, comme on l'a prétencu, c'est vers le Danube que les Boîens de
la, Cisalpine allèrent chercher un refuge et trouvèrent la ruine. Cette der-
nière circonstance est importante en ce qu'elle permet de distinguer net*
tement les Qolens Cisalpins de ceux de la Germanie : ceux-ci, émigrés de
la Gau)e à une époque reculée, reviennent, quatre siècles plus tard, dans
leur pavs d'origine,
Tite-Live affirme que les Boîens envahisseurs de l'Italie sortaient de la
Gaula; son témoignage est confirmé par Strabon (IV, 4, § I). D'ailleurs,
nous savons par César et par Tacite qu'il existait en Gaule une ancienne
' BULLETIN MENSUEL. 199
peuplade du nom de Boit, puisqu'elle envoyait des colonies de l'autre
côté du Rhin ; cette peuplaae a donc pu fournir un contingent aux colo-
nies de la Cisalpine. Sous la domination romaine, il y avait encore en
Gaule une tribu du nom de Boii. A la fin du quatrième siècle, saint Pau-
lin, dans une lettre adressée au poéfe Âusone, parle des Boii pioei^ habi*
tant à l'ouest de Bordeaux^ dans la région méridionale du bassin d'Arca-
chon, couverte, comme on sait, de forêts de pins. Cette circonstance
explique Tépithète de picei. L'Itinéraire d'Antonin marque sur la voie de
Miurica à Burdigaia une station dite Boios, La Notitia procineiarum (fin
du quatrième siècle) contient la mention d'une dvitas Boatkan^ que sept
manuscrits identifient expressément à Boios.
Cette station, cette cité, se placent, comme les Boit de saint Paulin, dans
la contrée q)pelée Buies ou Buch, dans la localité qui portait jadis le nom
de Cap de Bucb. II est digne de remarque que les Boii émigrés en Ger-
manie- et qui se joignirent, en 59, à l'invasion helvétique, en se dirigeant
▼ers le pays des Santons, avaient pour objectif une contrée limitrophe de
celle des Boit ptc^t, du bassin d'Arcachon. N'est-il pas à présumer que la
direction projetée était motivée par les renseignements ou par des tradi*
tions conservés parmi les Boit de Germanie, et relatifs à la ncbesse du sol
et à la douceur du climat de ces régions fortunées? Lorsque les Helvètes
annoncèrent à César leur intention de s'établir chez les Santons, ils consi-
déraient ce peuple comme voisin des Volkes Tectosaees, lesquels, suivant
César, avaient autrefois émigré vers la forêt Hercynie, en compagnie des
Boii; il est intéressant de constater que. l'an S9 avant notre ère, les BoH
cherchaient à reprendre des terres près des BoHpicei du golfe de Gascogne,
non loin, disaient-ils, de Toulouse, la cité des Tectosages.
Toutefois M. Deloche ne se croit pas autorisé à conclure dans des termes
tout à fait affirmatifs. en ce sens que les émigrants gaulois nommés BoO^
qui, d'un côté, se rendirent vers la forêt Hercynie, et« de l'autre, fran-
ohirent les Alpes et envahirent la Transpadane, seraient sortis des BoU
pieei ; mais il y a des motifs sérieux d'adopter cette conclusion.
M. Ca. RoBEiiT. Sans contester que les peuples fixés dans notre Gaule
aient pu franchir le Rhin, il me parait que les Boii ne jouent dans notre
Gaule, au témoignage des historiens, qu un bien petit rOle. Si ceux qui
ont donné leur nom à la Bavière et à la Bohême étaient venus de notre
Gaule, ils y auraient laissé d'autres souvenirs. Il est difficile d'admettre
que les Boii du bassin d'Arcachon fussent venus en ligne droite d'Asie
sans s'arrêter sur quelque point du Danube, leur route naturelle. Je ne
prétends pas infirmer les assertions de César et de Tacite au sujet des
chocs en retour dont parle mon savant confrère, lorsqu'il s'agit d événe-
ments que la tradition a pu conserver fidèlement ; mais lorsqu'il s'agit
des premières migrations, qui se perdent dans la nuit des temps, je suis
moins confiant dans les assertions des anciens, auxquels la critique man-
quait quelque peu.
Il est incontestable que certaines monnaies gauloises se retrouvent sur
les confins de la forêt Hercynienne ; mais le système des tétradrachmes
gaulois do moyen Danube n'a aucune sorte de rapport avec le monnayage
de notre Gaule et de la forêt Noire, qui procède de la drachme. Je pense
que, dans la première migration (environ 500 ans avant notre ère),desBoti
venant de l'Asie se sont arrêtés en Bohême, que d'autres Boti ont poussé
plus loin ; ceux-ci ont pu prendre part ensuite à des mouvements par-
tiels de l'ouest à l'est. Mais je ne saurais douter que le mouvement géné«
néral n'ait été d'Orient en Occident; les migrations gauloises n'ont pu
s'astreindre à venir s'installer dans la Gaule avant de faire ailleurs aucun
établissement durable.
M. DiLocHB. Je puis dissiper les doutes de notre confrère d'autant plus
200 REVUE ARCHEOLOGIQUE.
aisément, que ce n'est point la peuplade boïenne de la Cisalpine qui alla
dans la forêt Hercynie et donna plus tard son nom à la Bohême, c'est la
bande de Boîens qui, partie directement de la Gaule, alla en Germanie et
y fonda ce grand établissement. Les Boîens de la Cisalpine, qui se réfu-
gièrent sur le bas Danube, furent anéantis par les Daceâ. Je suis obligé
d'insister à nouveau sur la distinction fondamentale qui sert de base à mon
mémoire et qui empêche de confondre les deux bandes d'émigrants
boîens dirigées Tune au nord-est, l'autre à Test. J'admets volontiers que
les flots de population qqi vinrent successivement s'élablir et former des
nations dans rEurope occidentale provenaient de l'Europe orientale et de
l'Asie, et qu'ils ont passé par la vallée du Dnieper, puis par les plaines de
la Lithuanie, et plus encore par la vallée du Danube, qui pénètre Jusqu'au
cœur de l'Europe centrale.
Ce premier ordre de faits accomplis à des intervalles éloignés et par
grandes périodes remonte très-haut; il a précédé de bien des siècles l'é-
poque qui nous occupe (cinquième siècle avant notre ère), l'époque
où certains de ces groupes de population, s'étant fortement dévelop-
pés, se sont épanchés au dehors et ont envoyé des colonies aux lieux
où avaient passé leurs aïeux. Ce mouvement d'expansion est formellement
attesté par César, Tacite, Strabou, etc. Je ne mentionne pas Tite-Live,
puisqu'il est en suspicion. Ce mouvement est irréfutablement prouvé ;
il l'est d'une manière spécîalô pour les Boit gaulois de Bohême.
M. Ch: Robert objecte la difficulté de parcourir d'aussi grandes dis-
tances ; mais on ne saurait comparer la progression d'une armée dans
un pays organisé pour la résistance, et couvert d'armées opposantes, avec
les migrations de peuples à travers des espaces à peu près déserts. Tacite
explique fort clairement ce phénomène. Voyez d'ailleurs les Helvètes qui
n'hésitent pas, au nombre de 368,000 individus, à entreprendre la tra-
versée de toute la Gaule, probablement avec l'intention d'éviter le
massif des Ce venues, de suivre la vallée du Rhône, puis celle de la Ga-
ronne jusqu'au golfe de Gascogne I II est vrai que si les Boii picei ont peu
d'importance, au iv* siècle de notre ère, cela ne prouve pas que cette peu-
plade n'ait pas été affaiblie ; nous avons plus d'un exemple de tels chan-
gements.
M. ALPaED Maurt fait observer qu'il n'y a rien d'étonnant que, parmi ces
populations venues primitivement d'Orient en Occident, il y en ait eu plu-
sieurs qui, à une époque postérieure, se soient portées d'Occident en
Orient ; le Tait s'est passé pour les nations gothiques.
M. Deloche. Nous avons des exemples frappants de ces chocé en retour.
Les Francs de Pépin et de Cbarlemagne, après avoir conquis l'Europe jus-
qu'aux Pyrénées et mêgaë jusqu'à l'Ebre, ont combattu sans relftche les
peuples germains et les races hunniques ; ils ont détruit les Thuringîens,
les Avares et d'autres peuples encore. N'est-ce pas là un véritable choc en
retour qui s'est prolongé durant plusieurs siècles de notre histoire ?
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES
ET GORRESPONDANGE
M. Adrien de LoDgpérier, au nom de la commission des antiquités
de la France, a fait connaître à TAcadémie dea inscriptions les récom-
penses décernées par ladite commission, savoir :
Première médaille à M. Germain Demay pour son Histoire des sceaux de
la Picardie et de l* Artois, — Deuxième médaille à M. Brosselard pour son
étude historique et archéologique sur les Tombeaux des émirs Béni Zeyan
et de BoabdU, dernier roi de Grenade, récemment découverts à Tlemcen.
— Troisième médaille à M. Peigné-Delacourt pour son Sistoire de Vahbaye
de Notre-Dame d'Ourseamp. — Six mentions honorables ont été en outre
accordées dans Tordre suivant : l'«, M. Gbabanneau, Grammaire limousiney
phonétique; 2% M. Bien de Marlavagne, Histoire de la cathédrale de Bodez;
3«, Richard, les Colliberts ; 4«, M. Gaston Raynaud, le Dialecte picard dans le
Ponthieu; 5«, M. Brassard, Histoire de la chàtellenie de Douai; 6«, M. L. Drapey-
roD, Caractère de la lutte entre V Aquitaine et VAustrasie sousks Mérovingiens.
Un nouveau cimetière mixte, mais contenant surtout des tombes
de l'époque franque ou mérovingienne, vient d'être découvert à Arcy-
Saînt-Restitue (Aisne). M. Frédéric Moreau, Theureux et habile explora-
teur des cimetières de Caranda et de Sabionnières, y a commencé des
fouilles* La plupart des tombes ont été violées à une époque ancienne»
Toutefois quelques-unes avaient échappé.. On nou§ cite en particulier
une sépulture en pleine terre à i™,80 de profondeur. Près du squelette,
dont la tête était au levant, ont été recueillis les objets suivants : A la
tête, une bouteille en verre ; au col, descendant jusqu'à la ceinture, un
chapelet de 200 perles en ambre et verre, terminé par 30 médailles en
argent avecbélière, des règnes des empereurs Valentinien, Tbéodose,etc.;
cinq ou six pendeloques-amulettes dont une bulle et un ornement en or,
forme croissant ; sur la poitrine, deux grandes fibules dorées et une lame de
silex ; aux pieds, d'un côté, deux vases en terre ornés de lentilles en verre,
et une hache en bronze.
M. Albert Dumont, directeur de l'École d'Athènes, écrit à l'Académie
pour signaler une découverte faite récemment à Spala, village situé aux
environs de la capitale de la Grèce moderne. Cette découverte présente une
202 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
importance ezceptioQDelle pour les progrès de Tarchéologie ; elle jette
quelque lumière sur les antiquités exhumées à Mycènes par M. Scblie-
mann. Le BuUe^ de correspondance hellénique, dont la création est due
à l'initiative de notre compatriote^ a déjà publié un article sur les anti-
quités de Spata. Elles étaient renfermées dans un hypogée que le hasard
a révélé. Les chambres souterraines qui le composent rappellent les se*
pultures étrusques.
Ces chambres ont été explorées par M.Stammatakis^ délégué de la Société
archéologique d'Athènes. Des centaines d'objets de petite dimension ont
été recueiUis^ parmi lesquels on remarque des ivoires^ des lames et des
feuilles d'or, diverses pâtes vitreuses, des fragments de vases. Quatre
petites plaques d'ivoire représentent un sphinx accroupi; elles sont de
style asiatique. D'autres plaques plus grandes nous montrent un lion dé-
vorant un taureau. C'est une scène symbolique bien connue dea archéo-
logues et qui appartient aux religions orientales. L'objet le plus curieux
figure un chef assyrien ; il est d'un haut relief. Le personnage apparaît
à mi-corps avec la tiare en tête et des cheveux tressés. Il y a, en ontre,
des pfttes minces de verre, ornées de reliefs qui semblent destinés & rece-
voir de légères feuilles d'or ? elles devaient orner les vêtements et servir
à former des colliers. On en a recueilli plus de mille morceaux. Les objets
d'or consistent en feuilles, qui paraissent avoir été plaquées sur des pâtes
de verre. Les vases appartiennent aux types les plus anciens des poteries
communes de Mycènes. Les bronzes sont peu nombreux et n'offrent que
des débris. Un seul crftne complet a été découvert.
M. Âlb. Dumont termine sa lettre par les observations suivantes : Cette
trouvaille est de celles qu'il laut étudier à loisir et avec d'autant plus de
maturité que l'importance en est plus évidentç. Pour en faire ressortir
dès à présent tout l'intérêt, il suffit de constater que la plupart des motifs
de décoration figurent dans la collection des objets de Mycènes ; que,
parmi les objets de Spata, il en est un assez grand nombre dont le carac-
tère oriental et môme assyrien est incontestable. 11 est donc permis d'es-
pérer que les découvertes de Spata serviront à expliquer celles de My*
cènes. {Journal officiel du 8 août.)
Une belle trouvaille, — Les nommés Augustin et Jules Bruyère, de
la commune de Saulzoir, travaillant à la chaussée dite de Brunehaut, an-
cienne voie romaine de Bavai à Cambrai, mirent à découvert, le 27 août
dernier, un vase d'argile contenant des fragments d'une riche vaisselle
d'argept. Ces fragments qui appartiennent à quatre ou cinq objets diffé-
rents, paraissent avoir été brisés et broyés à la hache ; quelques pièces
proviennent d'un ^lat d'argent ciselé, plus beau môme que celui trouvé
& Lillebonne. Ce serait, nous dit-on, une part de butin, dont le dépôt
daterait de l'invasion des barbares. M. le maire, prévenu de cette dé-
couverte, s'empressa d'autoriser l'achat, pour notre musée, de ces objets
qui sont d'un très-grand intérêt pour la science.
{Écho de la Frontière.)
NOUYELLES ARGHiOLOOIQUES. 203
-•*- inicripHon rcmaifie à RumiUy. «^ La chapelle Saiate-Magdeleioe à la
Haladière de Marlenay ayant été incendiée, il y a prèi de trente ani, M. le
docteur Ginet employa aux réparations de sa maison, à Rumilly, quelques
pierres de cet édifice, entre autres une qui porte deux panneaux à mou-
1 ures et inscriptions^ chacun de <K) centimètres de longueur et de IK) cen»
timètres de largeur.
Voici le texte donné par l'estampage :
MTAIVS VCI»
MODESTVS
VIVVS SIBI
FAC-CVR
1
•TAIO
MODES
"
I I •
VOI
VA n
McarcuB Taius Vd fUiutModêstiis viims tibi fadendum chsravit Le prénom du
père, Tcus ou Vctt», rappelle le nom gaulois de VGGVS, de l'inscription
de Grésy-sur-Aix.
L'inscription du second panneau est probablement relative au fils du
précédent : JtUius TaiuSy surnommé également Modeitus. Malheureuse-
ment on ne peut la compléter.
Dernièrement le PeHt Savcyard a cru publier un fragment de cette In-
scription, dans lequel les premiers explorateurs de ce monument ont in-
troduit le nom de Mercure, le titre de cotieul des citoyens, etc. Or^ n'ayant
pas nettoyé préalablement la pierre, ils ne se sont pas aperçus qu'elle
avait été encastrée sens dessus dessous, et ont lu ainsi & l'aventure.
(Uevue saooisierme du 30 juin.)
-~- Le Trcud^Ârgeni. — Il existe dans les Alpes provençales une foule
de grottes plus ou moins étendues dont l'exploration pourrait amener des
découvertes intéressantes pour la science. Ce qui le prouve, ce sont celles
qui viennent d'être faites dans la grotte du IVmi d'Argent, qui est située sur
le rocher de la Beau me, à une altitude de 1,000 mètres environ et à une
distance d'à peu près 4 kilomètres de Sisteron.
Cette grotte, de difficile accès coDune toutes ses pareilles, était à peine
soupçonnée, quand une circonstance tout k fait fortuite vint attirer sur
elle l'attention. Une bande de voleurs de grand chemin l'avait choisie
pour repaire, et la justice dut diriger de son côté ses investigations. Les
perquisitions du parquet terminées, trois hommes dévoués tf la science
eurent l'idée qu'elles pouvaient servir de point de départ à des recher-
ches d'un autre ordre. Ces trois hommes, dont le nom mérite d'être connu^
sont MM. Hector Nicolas, conducteur des ponts et chaussées, Emile Pardi-
gon, employé dans la même administration, et Gustave Tardieu, pharma-
cien distingué, tous trois demeurant & Sisteron. Après six jours d'un tra-
vail opiniâtre, que la chaleur rendait encore plus pénible, nos intrépides
pionniers ont fini par découvrir une foule d'objets qui tous peuvent servir
à l'histoire de l'humanité*
204 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
A la surface du sol, ils ont frouYé tout d*abord trois médailles romaines :
l'aue de Gordiaous Plus IH (222-244); l'autre de Glaudius Gothicus (215-
270); la troisième, de Julia Pia (446-217). Puis est apparue, dans la cou-
che ioférieure, une quantité considérable de silex taillés^ tels que grat-
toirs, couteaux, nuçleus, etc., mêlés à des débris d'os d'animaux, mam^
mifères et oiseaux^ parmi lesquels les ruminants dominent.
Enfin, dans des points spéciaux de la grotte, où les hommes de la pierre
polie se livraient à leurs travaux culinaires, on a découvert de nombreux
débris de poteries très-omementées, qui, rapprochés et soudés avec une
patience admirable, ont permis de reconstituer en entier un vase de di-
mensions trôs-grandes. (le Petit Marseillais.)
•«— Au nombre des prix décernés par l'Académie française dans sa
séance du jeudi 2 août, nous remarquons avec plaisir le nom de notre
collaborateur M. René Kerviler. Un prix de quinze cents francs lui a été
accordé pour son œuvre intitulée : la Bretagne à V Académie française et dix
biographies académiques, 1 vol. et 6 broch. in-8®.
Rivista archeologica délia provincia di CcmOj fascicolo 11, Luglio,
1877. — Ge fascicule est tout entier rempli par un article fort intéressant
pour nous, du chanoine Barelli, inspecteur des fouilles de la province de
Côme. Get article, intitulé VUlaggio preromano di Bondineto, avec 6 planches,
nous révèle l'existence d'une nouvelle station préromaine dans les envi-
rons de GOme. Gette station, suivant M. Barelli, dénoterait la présence des
Etrusques dans cette contrée à une époque très-reculée. Plusieurs cime-
tières préromains avaient été déjà signalés autour de GOme, notamment à
Moncucco. Mais M. Garovoglio qui les a étudiés, et dont les mémoires ont
été publiés par cette môme Revue archéologique de la pr<wince de Côme, les
qualifiait de gaulois: !feeropoli gàllica a Moncucco, tel était le titre de l'un
de ses derniers articles. Les Etrusques et les Gaulois se seraient donc
trouvés en présence dans la Yalteline. Il y a là une série de faits sur les*
^uels il est utile d'attirer l'attention. Nous recommandons à nos lecteurs
la Rivista archeologica délia promncia di Como,
Somtnaire du numéro d'aoOt du Journal des Savants : Abélard, par
M. Gb. Le^èque. La Philosophie de Vineonscientj par M. Ad. Frank. Nt^icesur
huU fragments depatéres de bronze, par M. £• Renan. Déchiffrement des ins-
eriptùms cypriotesj par M. Michel BréaL Nouvelles littéraires. Revue des
livres nouveaux.
BIBLIOGRAPHIE
Les premiers habitants de l'Europe, d'après les auteurs de l'antiquité et
les recherches les plus récentes de la linguistique, par H. d'âbbo» db Jubairtillb,
correspondant de Tlnstitut. Paris^ Dumoulin, 1877, in-8 de x et 350 pages.
M. d'Arbois de Jubainville s'occupe tout spécialement des Celles et des
Gaulois, qui, pour lui, sont une seule et même race; avant d'aborder
l'étude de l'établissement^ en Europe, des Celtes ou Gaulois, à une épo-
que qu'il place à la fin du vii« siècle et au commencement du vi* siècle
avant l'ère chrétienne, il a voulu établir quelles étaient les populations
qui avaient successivement occupé celte région. Son livre n'est pas, à pro-
prement parler, une œuvre de vulgarisation ; c'est un livre d'érudition,
qui demande à être lu et relu plusieurs fois et avec la plus grande atten-
tion. L'auteur a une connaissance complète des textes anciens; il a
môme eu la bonne fortune de mettre en évidence quelques passages
auxquels on n'avait pas encore songé ; ce sont là de véritables découvertes.
C'est à l'aide de ces textes, étudiés avec une critique scrupuleuse et em-
ployés à leur ordre chronologique, c'est aussi à l'aide de la philologie et
de la linguistique que l'auteur cherche à étayer les opinions nouvelles
qu'il propose.
Les pages consacrées par M. d'Arbois de Jubainville à sa thèse sont tel-
lement remplies de faits, de conjectures hardies, de rapprochements heu-
reux, qu'il est impossible, à propos d'un compte-rendu, d'entamer une
discussion approfondie; il est seulement permis de résumer les grandes
lignes de l'ouvrage. Disons qu'il 7 a du bon et beaucoup de bon dans le
livre dont nous parlons en ce moment; mais il y a aussi des hypothèses
qui, présentées d'abord comme telles, semblent ensuite acquérir aux yeux
de l'auteur la valeur d'une vérité prouvée. Or il ne faut pas oublier
qu'une hypothèse ne peut pas^ quelque séduisante qu'elle soit, servir de
point de départ pour arriver à la vérité indiscutable. Notons aussi qu'en
cherchant à deviner l'histoire antique au milieu des fables mythologi-
ques, des légendes des poêles, des récits traditionnels, on ne peut mar-
cher que pas à pas, avec la plus grande prudence. Songeons à ce que
nous obtiendrions si nous voulions faire l'histoire du moyen Age unique-
ment avec les légendes des saints, les chansons de geste et les traditions
populaires ! U appartient aux archéologues de venir compléter les recher-
ches des savants qui travaillent comme M« d'Arbois de Jubainville. Il faut
206 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
que^ son livre à la main, chacan s'occupe de rechercher ce que les Ibères,
les Phéniciens, les Ligures ont pu laisser de traces matérielles.
L'auteur distingue deux grands courants qu'ont suivis les populations
arrivées dans l'Europe : la race indo*européenne et les peuples étrangers
k cette race. Commençons par ces derniers.
D'abord les habitants des cavernes, auxquels M. d'Arbois donne une
origine finnoise ou touranienne ; à leur suj;et, il rappelle Judicieuse-
ment les textes grecs relatifs aux Gyclopes, textes qui s'appliquent fort
exactement à ces populations primitives, n y a là un argument nouveau
pour établir combien est peu exacte l'expression préhistorique que, faute
de mieux, on a adoptée. — Ensuite viennent les Ibères^ originaire! de
l'Atlantide, continent disparu, dont les Açores, les Canaries et Madère se-
raient des débris ; venus d^Afrique en Espagne, en Gaule, en Bretagne
et en Italie, ils auraient dû céd«r aux Ligures. M. d'Arbois applique à ces
hommes venus de l'Atlaniide les traditions druidiques, conservées par
Atnmlen Mareellin, qui Sont venir de$ îles un flot d'immigrants.
n passe aux Tnrses ou Pélasges» d'origine chamite, arrivés d'Asie Hi-
neare, se répandant dans le sud-est dé l'Europe. A la race ttifse appar-
tiendraittii les Étrusques, d'abord établis en Grèce, pnis chassés par les
Indo-Européens, arrivés postérieurement en Italie. «-^ Enfin les Phéni-
cieius tantôt dominant les Egyptiens, tantoi dominés par ceux-ci, à qui
on doit l'écriture ei l'extension du commerce maritime.
Passons maintenant an courant indo-européen. Nons trouvons d'abord
Içs Scyihes, et parmi eux les Chaiybes, les plus anciens forgerons de cette
patlie dn monde antique. Les Scythes se répandirent en Europe et en
Asie; en Europe ils poussèrent devant eox les Celtes, qui, par deux
branches, se répandirent en Belgique et en ftretagne , d'an cOté, dans le
sud-ouest delà Gaulé; de l'autre, les Thraces et les lliyriens, qui s'éta-
blirent au sud-est, appartenaient à la famille scythiqne«
Les Ligores ou Liguses, identiques aux Sicules^ qu'il fie faut pas con-
fondre avec les Sicanea, d'origine ibérique, se cantonnent dans l'Europe
occidentale et dominent, après les Ibères asservis^ en Espagne, en Italie et
en Gaule Jusqu'au moment où les Celtes les dépouillent de ce dernier
pay^, et les Ombres, de lltalie. Il nous semble que M« d'Arbois n'indique
pas positivement d'où venaient les Ligures, dont le premier sotivesir bis-
torique, suivant lui, est U déiiUte des Sicanes (sur les bords du fleuve
Sicane^ qui serait la Seine, Seqtiona?) et la retraite de ceQX*<i en Sicile.
Les Grecs, ancêtres des fiellènes, les Ombres et les Celtes, occupant
primitivement les vallées du haut Danube> s'ébranlent successivement.
Les Grecs supplantent* les Pélasges, marchent en sens inrerse de ceux^d
qoi étaient venus d'Orient en Occident, d'Asie Mineure en Grèce. En pas-
sant (p. 259), M* d'Arbois doute qu'Agamemnon ait jamais assiégé Troie. Il
admet un premier siège fait par les Pbéniciet» bien avant le règne
d'Agamemnon ', on second, longtemps après, par les Aehéens expulsés du
Péloponèse« ^ Les Ombres pénètrent en Italie entre Tinvasion ligare* et
BlBLlOaBAPHIK. iOl
linyasioD étrasqae» qui mettent fin à leur dominatioD ; les Latin» sont
18808 des Ombres.
M. d'Arbois nous laisse entrevoir Tempire celtique ou gaulois, compre-
nant la Bretagne, la* Gaule, TEspagne, Tltalie septentrionale, la BohAme,
la Pannonie, une partie de ruiyrie centrale. Ce sera le point de départ
du sujet qu'il traitera dans un autre volume, que nous attendons avec
antant de curiosité que d'impatience. A. de B.
Konographle des Bornes milliairefi du département du Cfrard, par
A. AuRBs, ingénieur en chef des ponts et chauBsées, correspondaot du miDiitère de
rinetraction publique et de la Gommiasiûn de topographie des Gaules. 1 toi. iii->8
de aie pages acconipagiié de cartes et planches.
Les bornes milliaires placées par les Romains sur les routes qu'ils ont
fait construire ou réparer sur le territoire actuel du département du Gard,
quoiqu'on partie détruites ou perdues depuis longtemps, subsistent cepen*
dant encore en nombre assez considérable pour être un sujet d'étude des
plus intéressants. On en compte aujourd'hui quarante-quatre sur la seule
voie Domitienne. Ce sont ces 44 bornes que M. Aurès s'est d'abord
donné la mission d'étudier; ce qu'il a fait avec la précision, la méthode
et la netteté qu'il apporte dans tous ses travaux. Parmi ces bornes, dit
H. Aurès (p. 16), 2 sont anépigraphes et remontent à la république;
8 appartiennent à Auguste, 6 à TibèrCi i7 à Claude, 9 à Antonio; 2 ne
peuvent être attribuées qu'à Auguste ou à Claude, mais sont malheureuse-
ment mutilées au point de rendre leur attribution à l'un et & l'autre de
ces empereurs complètement douteuse.
Cette étude conduit M. Aurès à diverses déductions] curieuses, et dont
quelques-unes sont importantes et tout à fait neuves. Il constate, par
exemple, que plusieurs des bornes milliaires de la voie Domitienne qui
sont encore en place se trouvent aujourd'hui sur des limites de communes;
il montre que plusieurs autres bornes dont l'emplacement peut être
également bien déterminé occuperaient également sur le cadastre une
position semblable. Il en conclut que les bornes mUliaires romaines étaient
encore debout sur leurs emplacements primitifs et y étaient remarquées
par tout le monde à l'époque où les limites des communes et des diocèses
ont été régulièrement déterminées pour la première fois ; bien plus, que
ces bornes ont été choisies pour servir de base à cette détermination*
Depuis cette. époque déjà si éloignée de nous, ajoute-t-il, les bornes ont pn
disparaître^ mais n'ont paâ entraîné en tombant le changement des limites
qu'elles avaient d'abord servi à marquer, et par conséquent l'existence
actuelle de ces limites peut suffire à son tour pour déterminer avec pré-
cision les anciens emplacements des bornes. Cette remarque trouvera
probablement son application sur d'autres voies romaines.
.Un autre résultat des recherches de M. Aurès serait que: « A l'époque
même où le mille romain, rigoureusement géogi^aphique, de 4481™,50
de longueuri était déjà adopté à Rome, l'unité métrique ainsi réglée
n'était pas encore en usage dans la Gaule Narbonnaise, où elle n'est
208 REYUE ARCHÉOLOGIQUE.
môme peut-ôlre jamais parveaue, et que l'on y employait toujours le
mille romain ancien de 1470<°,50 au plus de longueur. > Le chaînage
des bornes encore -en place sur la voie Domitienne serait la démonstration
de ce Tait.
Le IraTail de M. Aurès est certainement un travail important et très-
recommandable. A. B.
Fouilles faites à C2arnac (Morbihan), les Bosseno et le mont Saiot-MicbeP
par Jambs Miln. 1 beau vol. in-4 avec de nombreases planches.
M. Miln est écossais. C'est après avoir étudié les monuments de son pays
qu'il est venu chercher chez nous un aliment à son activité. Son zèle et
son instincl de voyageur et d'explorateur l'ont bien inspiré. Grâce à lui des
faits nouveaux et curieux nous sont signalés dans utie contrée sur laquelle
on semblait avoir tout dit: les environs de Carnac. M. Miln expose ces
faits avec un luxe de planches et de cartes que peut seul se permettre un
amateur riche et passionné pour le sujet qu'il traite. Les fouilles entre-
prises portent surtout sur des constructions gallo-romaines enfouies avx
Bosseno sous diverses buttes de terre, dont sept ont été explorées. Le livre
de M. Miln est le narré de ces fouilles presque sans commentaires. M. Miln
nons donne une série de documents, non de dissertations. C'est un exemple
que beaucoup d'archéologues devraient suivre. « Dans le récit de mes
fouilles, écrit l'auteur (p. 26), je me bornerai autant que possible à donner
la description de chacune des chambres explorées et à indiquer Les objets qui
y ont été découverts^ me réservant de faire dans mes conclusions quelques
observations d'ensemble sur la nature de l'établissement gallo-romain et
sur l'époque où il a été détruit. » Cet établissement était une importante
villa contenant maison d'habitation, maison d'exploitation rurale, bains
et sacellum ou petit temple à l'usage do la petite colonie dont la vUîa
était le centre. Les monnaies recueillies et qui comprennent un espace
de 184 ans, de Marc-Aurèle à Magnence, semblent indiquer que la villa a
été détruite au commencement du cipquième siècle^ probablement au
moment de l'introduction du christianisme dans le pays.
Une huitième fouille a été pratiquée sur les flancs du mont Saint-
Michel; elle a révélé l'existence d'une antique construction, complète-
ment ignorée jusqu'ici, non romaine, ce semble, et plutôt du commence-
ment du moyen âge. M. Miln y voit les ruines d'un ancien monastère fondé
par les premiers immigrants bretons.
•s.
EJC-VOTO m BRO.\ZE
TRCl'VE PRÉS II. NL'l'S ' :Ue i'O
L'EX-VOTO DE BOLAB,
Près Mts (COte-d'Or)
Parmi les objets antiqnes 4e toute natare , qne les vignerons ont,
depais une cinquantaine d*années^ retirés en si grand nombre du
quartier de Bolar^ sur le territoire de Nuits (Çôté-d'Or), le petit ex-
voto en bronze dont j'envoie le dessin à la Revue est, à mon avis,
un de ceux quMl convient de remarquer le plus.
La découverte en a été déjà signalée, il y a prés de trente ans, dans
une histoire de la ville de Nuits {Essai historique sur la ville de
NuitSf Côte^^Or^ par M. Vienne^ archiviste de là ville de Toulon;
Dijon, chez Lamarche et Decailly, 1845, un volume in-8}, et cet ex-
Yoto est gravé, au quart de sa grandeur réelle, sur les planches qui
sont jointes au volume dont je viens de rappeler le titre. Mais la
description en est, malgré cela, si insaffisante et si incomplète qu'il
peutêtrepermis, sijene me trompe, de le considérer, encore au-
jourd'hui, comme à peu prés inédit.
Voici, en effet, en quels termes Tauteur de l'ouvrage précité
s'exprime, dans le chapitre iniiiiïlé Appendice etAdditioUf page 374,
en donnant l'explication des planches qui ornent son œuvre :
« Mulet antique en bronze, au quart de sa hauteur.
« Cette pièce, qui ne représente pas plus un mulet qu'un cheval
« ou un âne, est d'une exécution trés-mëdiocre. On voit, sur le socle,
(c des séries de points, représentant quelques lettres, la plupart in-^
déterminées et auxquelles on ne peut attribuer aucun sens* On
tt présume que c'est un ex-voto. »
La vérité est, néanmoins, que les lettres qu'on voit sur le soele
de ce petit monument, quoique gravées par un artiste inexpéri-
menté , sont cependant trés*bien déterminées et présentent , en
outre, un sens parfaitement défini, puisqu'on y lit clairement,
de la manière indiquée sur le dessin que je joins à ma note,
XXXIV. — Octobre. 15
210 REVUE ÀRGHéOLOGIQUB.
et comme an de mes confrères, M. Floaest, a pu s'en assurer
avec moi :
Sur la face antérieure,
GALL[0 • L •
MATYRCI
El sur la face latérale gauche,
V • S • L • M • DEO
SEGOMONI • DONAYI
Les deux autres faces da socle sont anépigraphes.
La seale difficulté qae la lectare de cette inscription peut pré-
senter est à la première ligne de la face antérieure, et résoUe de ce
que les I et les L y sont assez difficiles à distinguer les uns des autres,
à cause de Texiguité de la partie inférieure des L.
Mais comme, dans la formule si connue Y * S * L * M (yoir la
pi. XIX), la troisième lettre est incontestablement un L, il est facile
de reconnaître ensuite, par comparaison, que la dernière lettre
de la première ligne de la face principale est aussi incontestable-
ment un L| et qu'ainsi il faut lire, sans le moindre doute :
GMLlO'Uibertus)
MATVRCI
\{otum) S{olvU) L(%bens) M{erito)
SEGOHONI'DONAVI
Je n'ignore pas que, pour suivre la règle ordinaire, il fallait écrire
au commencement :
6ALLI0
MATVRCI . L .
Mais on voudra bien remarquer :
En premier lieu, que je reproduis ici l'œuvre d'un graveur très-
inhabile;
Et en second lieu, que le nom de 6ALLI0 n'occupe qu'une par-
tie de la première ligne, tandis que celui de MATVRCI occupe la
totalité de la seconde et ne laisse, par conséquent, aucune place
J
l'ex-voto de bolar. 211
poar le L final, qai a été alors reporté forcément i la fin de la pre-
mière ligne.
Comme le principal intérêt de ma communication me semble
résider dans Tinscription que je viens de rapporter, et plus par-
ticulièrement encore dans le nom du dieu gaulois qu'on y invoque,
je me suis appliqué à en transcrire soigneusement le texte.
Quant au monument considéré en lui-même, il a été certainement
exécuté par un artiste gaulois, et le dessin très-exact que j'adresse
à la Revue suffit amplement pour le faire connaître, avec toute la
précision désirable.
Aubes.
BBB9Bi
CIMETIÈRE GADLOIS DD MONT-BLANC
A ÉTRÉQHY
CANTON DE VERTUS (Marne)
Passant quelques jours dans le département de la Marne, je dus à
Tobligeance de M. MoreU le zélé explorateur de la Champagne, de
connaître une découverte faite à Etréchy dans le mois de février
précédent, par quelques cultivateurs de l'endroit. M. Horel ayant
bien voulu m'offrir de me conduire sur les lieux, la chose fut
acceptée avec empressement et, nous y étant rendus le dimanche
27 mai, je pus^ grâce à son active intervention^ acquérir tonte une
série d'objets dont quelques-uns, je crois, méritent attention. Avant
de les décrire, disons un mot du lieu où ils ont été trouvés.
Au nord du village d'Etréchy est un coteau appelé dans le pays le
Mont-Blanc. C'est sur la pente sud de ce coteau, en partie planté
d'arbres résineux^ qu'en déracinant un jeune plant, dans le courant
de février dernier^ on ramena à la surface du sol les restes d'un
squelette et quelques objets en bronze. Il n'en fallut pas davantage
pour éveiller l'attention. On voulut voir si, prés de ce squelette, il
ne s'en trouverait pas d'autres, et le propriétaire de la parcelle où
on venait de faire cette rencontre, ainsi que ceux des parcelles voi-
sines, faisant forger des sondes, se mirent en demeure d'exécuter
des fouilles régulières, qui ont été couronnées de succès. Soixante-
seize tombes ont en effet été ouvertes par eux.
Dès les premiers jours de la découverte, une personne de Vertus,
venue sur les lieux, acheta, à titre de curiosité, moyennant un prix
minime, quelques bracelets et torques, qu'elle conserve aujourd'hui
sans vouloir s'en séparer. Mais la partie intéressante de cette trou-
vaille, se composant de trente et quelques vases, une épée et plu-
sieurs lances, douze torques, trente-deux bracelets, trois pendants
d'oreille, quelques fibules, trois plaques ornées au repoussé et quel-
*• ^* • s .• ^
CIMETIÈRE GAULOIS DU MONT-BLANC. 213
qaes autres objets en bronze, était encore entre les mains des
sieurs La Lire (Théophile), adjoint au maire, Schiitz, cantonnier,
Rigobert et Lessart, c(ui les avaient trouvés. Assez heureux pour les
acquérir, je les ai apportés.en Bretagne, où ils me sont un précieux
point de comparaison avec ce que je trouve ici.
L'une des quatorze fosses ouvertes par M. La Lire (Théophile)
renfermait, près du squelette, une épée en fer avec son fourreau, un
couteau ou poignard, deux lances et une fibule en fer, quelques-unes
des armatures en fer d'un bouclier, objets trop connus pour avoir
besoin d'être décrits; enfin, trois ou quatre petites plaques de
bronze, en forme de croissant, excessivement minces, une tige creuse
en bronze fortement arquée, et prés des pieds quelques vases, dont
Pun, inti^Tessant par son ornementation, peint blanc et rouge sur
fond noir^ renfermait des os de mouton.
•
Les plaques en bronze.
J'envoie le dessin de l'une de ces "plaques (voir pL XX, fig. 1). En
jetant les yeux sur ce dessin il est facile de se convaincre que son
ornementation, faite au repoussé, est des plus élégantes et procède
des mêmes principes que celle du casque de Berru.
Placées prés du squelette à droite, vers le milieu du corps, ces
plaques sont au nombre de trois ou de quatre. Deux d'entre elles
sont assez bien conservées; les extrémités du croissant seules man-
quent et il est facile de les compléter parrimaginàlion, Tune de ces
eittrémités (fig. 2) ayant été recueillie. L'autre plaque ou plutôt les
deux autres sont en moins bon état. Les débris conservés doivent,
en effet, faire partie de deux plaques semblables aux deux pre-
mières, car ces fragments ne se juxtaposent pas et, réunis, donne"*
raient, je crois, un tout plus grand que la plaque dessinée figure 1.
214
RB?UE ARCHÉOLOGIQUE.
(M
Ofttte plaqoe est munie en ( d'un bouton conique en bronze, de
fort relief. Ce bouton n'existe pas sur les autres; a-t-il (lisparu, je
ne le sais. Son ornementation, qui se répète simi-
lairement sur les quatre plaques, est faite au re-
poussé. Les dessins en sont assez réguliers et ont
un beau relief. Il est du reste impossible de ne pas
ètrefrappé de leur caractère oriental.
Quelle pouvait être la destination de ces crois*
sants?
M. AI. Bertrand, à qui je les ai soumis, sachant
bien que je ne pouvais m'adresser à personne de
plus autorisé, a jugé, comme moi, qu'ils devaient
avoir décoré un bouclier, et de plus il a pensé qu'ils
devaient être fixés à sa surface par couple, c'est-à-
dire deux à cbjique extrémité, ainsi qu'on le voit sur
un bouclier représenté sur l'arc de triomphe d'O-
range. Ils étaient retenus chacun par quatre petits
clous en cuivre, deux en c et d et un à chaque extré-
mité. Deux de ces clous, encore adhérents à l'une
des plaques, nous donnent par leur longueur (ûg. 3)
l'épaisseur du bois du bouclier. Ils ont 0",009 de
long de la tète à la courbure du i^iiet.
Ces plaques ont élé moulées par M. Abel Maître,
rhabile chef des ateliers du musée de Saint-Germain,
à qui je les avais confiées à cet effet sur le désir que
m'en avait témoigné M. Al. Bertrand: On peut voir
les moulages au musée de Saint-Germain.
Umbo.
Près des plaques était une tige en bronze (voir ci-
contre, fig. 5) formée d'une bande de cuivre enrou-
lée, sans que toutefois les bords se touchent. Très-
arquée et ornée aux extrémités et dans le milieu de
lignes gravées au burin, elle mesure 0'",44 d'une
extrémité à l'autre, sans tenir compte de la courbure.
Cette tige, qui faisait également partie, à n'en pas
douter, d'un bouclier avec les croissants plus haut
décrits, a son analogue au musée de Saint-Germain
dans l'umbo de bouclier provenant de La Cheppe (Marne). Elle était
fixée au bouclier par quatre rivets en e, ^ ^, h. La poignée du bou-
Cia[ETIÈRE GAULOIS DU [MONT -BLANC. 215
clier a été également retroavée. Nous en donnons oi-dessus le
contour (fig. 4).
Comme on le voit par les objets qu'elle a fournis, cette fosse était
celle d'un guerrier, et son mobilier est des plus intéressants.
Torques.
Les torques trouvés dans les autres fosses sont d'une belle conser-
vation. Les uns sont ouverts et plus ou moins burinés, les autres
sont fermés avec agrafe. Les plaques de quelques-unes de ces agrafes
sont des plus belles que je connaisse et ornées de dessins au poin-
tillé.
Bracelets.
Les bracelets^ tous en bronze comme les torques, sont les un
fermés, les autres ouverts. Tous sont burinés, quelques-uns très
élégamment ornés.
Pendants d'oreille.
Ils sont au nombre de (rois : l'un, trouvé dans une fosse renfermant
un squelette d'enfant déposé sur celui d'une femme, sa mère proba-
blement, est formé d'un simple fil de cuivre enfilant une perle de
verre bleu et un grain de corail. Les deux autres sont faits d'une
lamelle de cuivre, richement ciselée, s'adaptant à l'oreille probable-
ment par un fil du même métal; l'agrafe manque.
Fibules.
Les fibules sont en bronze avec ou sans ornements de corail. Elles
affectent des formes souvent trouvées dans la Marne.
Poteries.
Les vases, au nombre de trente et quelques^ donnent les types
bien connus des cimetières gaulois de la Champagne. Huit sont
peints, quelques-uns d'une façon élégante. De ce nombre est le vase
dessiné figure 6. Peint d'un rouge cinabre éclatant sur fond |brun,
son ornementation se compose, près du bord supérieur, de lignes se
croisant en losanges; sur la panse, de chevrons compris entre deux
bandes de lignes parallèles groupées par trois, peintes et profonde-
216 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
ment gravées dans la poterie ; enfin, vers la base, de deux lignes pa-
rallèles également peintes et gravées.
Le vase figure 7 a le col peint en blanc sur fond noir et est orné sur
la panse de lignes parallèles peu profondément gravées dans la pftte,
comprises entre deux bandes unies. Sa décoration peinte se compose
de lignes parallèles et de festons formés par des demi-cercles.
Trois autres vases ont une décoration analogue. Trois également
en ont une dans le genre de celle du vase figure 8, se composant de
lignes parallèles et de chevrons.
J'ai pensé quç les détails de cette découverte pouvaient intéresser
les lecteurs de la Revue; c'est ce qui m'a engagé à les consigner ici.
\ P. DU Chatbllibr. '
BBBBS^BBBB
ILE
DRUIDISME mUNDAIS
L'étude de la langue et de la littérature irlandaises est destinée à
nous donner mille renseignements curieux sur les idées, les mœurs
et les institutions de nos aïeux. Parmi ces renseignements, les uns
nous reportent aux âges les plus anciens de la race indo-européenne.
Ainsi, une chose établie aujourd'hui est l'identité de l'irlandais ml^
« œilo, = sualis^ et du breton heaul^ «soleil » (1); et cette identité
s'explique par un texte de la plus antique littérature indienne, par
un passage du Rig-Veda où le soleil est appelé l'œil bpillant de Mitra
et de Varuna (2)^ d'accord avec l'Iliade qui nous parle des regards dU;
soleil, terreur du pudique Jupiter et de la timide Junon (3). L'idée
que le soleil est un œil appartient donc au domaine commun de là race
indo-européenne, qui Ta portée sur les côtes froides et brumeuses de
rOcéan septentrional, comme sur .les rires brûlantes du Gange et
sous le ciel pur de la Grèce.
La comparaison du nom breton du premier novembre, kalan-
^oani;, c'est-à-dire «premier jour de l'hiver», et de l'irlandais
samhuint « fin de l'été» (4), nom du trente et un octobre, nous mon-
tre que l'idée de l'automne était étrangère à la race celtique^ comme
elle le fut originairement aux autres membres de la grande famille
indo-européenne.
Hais ce qui offre peut-être le plus d'intérêt c'est le rapprochement
des textes irlandais avec les textes grecs et latins relatifs à l'histoire
(1) GurtiiiB et Wlndisch, Gntndzuege der griecMschen Etymologie, k* édition,
p. 5^1 ; cf. Le Uen, Catholicon de Lagadeac, p. 121 ; Grammatica celtica^ 2« édition,
p. 251. •
(2) A. Kuhn dans les Mémoires de V Académie des sciences de Berlin pour 1873,
Classe de philosophie et d'histoire, p. 198.
(8) Iliade^ XIV, 844*345; cf. Grimm, Deutsche Mythologie^ p. 669; A. Kubn,
Die Herabkunft des FeuerSf p. 53.
(4) O'OonofaDi Annals of the four masters, 1. 1, p. 43^
2f8 Revue arghéologiqub.
des Gaules. Qaand on vient de lire les documents que la littérature
de deux langues classiques nous fournit sur l'usage du collier d'or
chez les guerriers gaulois, quand, par exemple, on a sous les yeux les
passages de Tite-Live, vu, 10, de Gicéron, De finibus banorum et
malorum, l. i, c. 7, sur le torques entevë, suivant la légende
romaine, par Tl Hanlius à un Gaulois vaincu, vers l'an 360 avant
J.-C, on ne peut, ce me semble, se défendre de reconnaître les
indices de Tideniité des races dans la tradition irlandaise qui fail
remonter au roi Muineamon Tusage des colliers d'or, muin-cida^
portés par les rois et les chefs d'Irlande (i). La vestis versicolor du
Gaulois tué par Manlius, les 7roixiXfx«'^« (2) du roi Yirdomaros tué par
Marcellus, trouvent leur commentaire dans le passage des Annales
des quatre maîtres où l'on voit le roi d'Irlande, Eochaid^ décider par
une loi que le rang de chaque homme déterminera le nombre des
couleurs de ses vêtements : une couleurpour les esclaves, deux pour
les simples soldats, trois pour les seigneurs, six pour les ollams ou
chefs des poètes, sept pour les rois et les reines (3). Faut-il prendre
ces sept couleurs à la lettre? je l'ignore: en tous cas, les chefs gaulois
tués par Hanlius et par Marcellus se distinguaient de leurs soldats,
comme les rois d'Irlande, par les couleurs nombreuses de leurs
vêlements.
L'élude des textes irlandais sur le druidisme nous semble aussi
donner lieu à d'intéressants rapprochements avec les textes de la
littérature classique qui concernent la même institution. La Gaule
comme l'Irlande possédait deux classes dominant^es : à côté des nobles
ou hommes libres, soir (4)^ que le roi dlrlande Cairbre Cinncait
aurait fait exterminer en masse Tan 10 de J.-C. (5), et qui en Gaule
luttèrent en vain contre César, il y avait un certain nombre d'hommes
voués aux fonctions sacerdotales, à la magistrature, à l'étude des
sciences et des lettres. César les appelle druides*. Mais à proprement
parler le nom de druide ne désignait qu'une subdivision de cette
classe si importante dans laquelle Strabon, Diodore de Sicile et
Timagène distinguent trois groupes différents (6).
(1) Annales des quatre mcAtres, édition 0*DonoTan, t. I, p. 53; Annales de
donmacnoUde citées en Dote à la même page.
(3) Platarque, Marcellus^ c. 7, édition Didot, p. S50.
(3) Edition O'DonoTan, p. 62-65.
(6) Grammatica celtica^ 2* édition^ p. 81.
(5) Annales des quatre maitres, édition O'DonoTan, t. I^ p. 06.
(6) Strabon, IV, c. h, § 5, édiUon Didot, p. 166; Diodore de Sicile^ 1. V, c. 31,
édition Didot, 1. 1, p. 272 ; Timagène, cité par Ammien Marceliin, XV, 9.
LE DRUID1SHB IRLANDAIS. 2i9
Le premier de ces groupes, suivant les trois auteurs grecs, est
celui des bardes. Lucain, qui ne connaît que deux de ces groupes,
les bardes et les druides, n'hésite pas à donner aux bardes la pre-
mière place :
Vos qnoqae qui fortes animas, belloqae peremtas
Laadibaa in longnm Tates dimiititis aevom,
Plarima secnri fnëistis cannina bardi (1).
Les bardes étaient des hommes de lettres sans influence politique,
c'étaient de simples chansonniers peut-être un peu bohèmes, écrivant,
paralt-il, en vers libres, sans souci des lois de versification auxquelles
s'assujettissaient leurs puissants et fiers confrères des deux groupes
dont nous parlerons plus loin, les vates et les druides. Un vieux pro-
verbe irlandais dit que les bardes ne sont obligés de connaître ni l'écri-
ture mystérieuse dite ogham, ni le pied poétique (2). Dans un vieux
commentaire des lois d'Irlande on lit que le barde est un homme
étranger à la science et qui n'a que son intelligence propre (3).
Un dictionnaire comique, conservé dans un manuscrit du xiii^ siè-
cle, traduit le mot barth^i^bardus par mimus vel scurra : le second
de ces mots veut dire « bouffon ».*Le poète barbare qui, au milieu
du second siècle avant notre ère, courant à pied à côté du char d'ar-
gent de Luernios, chantait les louanges de ce roi arverne et se fit
jeterpar lui comme salaire un sac d'or (4), était un barde. Les bardes
étaient dans le monde celtique de fort petites gens.
Tels n'étaient point les vates et les druides. Les trois auteurs
grecs que nous venons de citer ne sont pas d'accord sur leur rang.
Strabon met en première ligne les vates et il est sur ce point d'ac-
cord avec Timagène, qui, suivant les manuscrits d'Ammien Marcel-
lin, son traducteur, aurait écrit eubages pour vates. Diodore met en
seconde ligne les vateSy qu'il appelle [xdcvrew, o devins». Diodore et
Strabon s'accordent pour nous dire que les vates^ faisaient des sacri-
fices :
OuaTstç 8i fspoicoio(, dit Strabou. Voici le texte de Diodore :
Xptjvrai Sk xa\ {it^vreoiv, àicoSo^YJç [uyikri^ à^touvTeç o^rouç * oSroi Bl Sià
(1) Pliarsale, l, 44&-4&6* Il est probable que dans ce passage Lncain a confond a
les bardes avec les vates de Strabon^ qui sont les file d'Irlande comme on verra plus
loin.
(1) Glossaire d'O'DonovaD, chez Whitiey Stokes, Three irish glassaries^ p. lxvi,
81. ' •
(8) Snpplémtnt au dictionnaire d'O'ReiUy, p. 580.
(U PûAidonias^ fragment 35; Fragmenta historkorum grœcorum, t. III > p. 201.
220 RETUE ARCHÉOLOGIQUE.
TTÎç tSv fepetodv ôiwfaç rît {i.£XXovTa irpoX^oixxi xal icSw to tcXyjOoç ïj^ooctv
&7n{xoov*
Ainsi non-^seulement les ra<^« gaulois faisaient des sacrifices,
mais par les sacrifices ils prédisaient Tavenir, et tout le peuple leur
obéissait.
Nous retrouvons en Irlande les vates gaulois. On y rencontre
même le mot dont s'est servi Strabon : fdith^vâtis, glosant le latin
propheta (1). Mais le terme consacré dans la plus ancienne littérature
irlandaise pour désigner cette classe d- hommes est file^ génitit filed=
v^{^fa-5, identique sauf le genre à Tinfinitif breton ^tr^louf ce voir»;
file veut dire «voyant)); et xomme ces voyants irlandais, pareils
à la vierge inspirée de Delphes, rendaient en vers leurs pensées» file
en est venu à signifier «poëto)) et correspond au latin poeta dans la
version irlandaise de la Bible (2). Ce fait s'accorde avec ce que César
nous dit de renseignement des druides; cet enseignement consistait
& faire apprendre des vers aux élèves (3) : or, parmi les druides de
César sont compris les vates de Strabon^ qui sont les file d'Irlande.
Comme le vates de Strabon, le file d'Irlande faisait des sacrifices;
comme le [AavTiç de Diodore, il acquérait par dès. sacrifices une
seconde vue : il y avait pour acquérir cette seconde vue un rituel
qui désignait deux procédés ; l'un s'appelait imbas forosnai, l'autre,
teinm laegda. Le glossaire de Cormac nous apprend ce que c'était
que Vimbas forosnai.
Le file mâche un morceau de la chair soit d'un cochon rouge, soit
d'un chien, soit d'un chat; il met ce morceau sur une dalle derrière
la porle, chante dessus des paroles magiques, et l'offre aux ifloles.
Ses idoles lui sont apportées, le lendemain il ne les trouve pas. Il
chante des paroles magiques sur ses deux mains, et ses idoles lui
sont rapportées, à moins que son sommeil ne soit troublé. Il met ses
deux mains autour de ses deux joues, il s'endort ; les gens attendent
et observent, et ne doivent aucuns ni le troubler ni le réveiller jus*
qu'à ce qu'il ait reçu une révélation complète des choses dont il s'agit.
Saint Patrice abolit Vimbas forosnai et le teinm laegda^ et, parce que
ni l'un ni l'autre ne pouvaient s'accomplir sans des sacrifices aux
idoles, ces rites furent prohibés sous peine d'excommunication (4).
Non-seulement les vates de Strabon, les (lavreiç de Diodore, font
(1) Gvammatica celtica, 2« édition, p. 333-230.
(2) Actes, XTii, 28. * '
(3) De hello galiico^ VI, 14.
(4) W. Stokes, Three irish glossaries^ p. xxxvi, 25 ; Senchus Mor, 1. 1, p. 4M5.
LB DRUIDISME IRLANDAIS. 221
des sacrifices, mais suivant Diodore tout le peaple leur obéit: icSv t^
itAvjOoç tyipocn^ Ginfxoov. En Irlande c'est à ces vates^ i ces [AavTsiç, c'est>à*
dire c'est aux fUe qu'appartient l'administration de la justice, et sous
le nom de brehonsy en vieil irlandais bretemon, c'est-à-dire «juges»
(de bretd^ « jugement »), ils se sont maintenus en Irlande jusqu'au
XYU* siècle (1). Alors leur influence était bien réduite ; mais, dit le
Senchus m&r^ depuis le temps où Amergia Giungel rendit la pre-
mière sentence en Irlande, il n'y eut en Irlande d'autres juges que
les file jusqu^à la discussion qui eut lieu à Emain Macba entre le
fie Ferceirtne et Nede fils d'Adna. A cette époque la compétence des
fiU fut considérablement restreinte (2).
La loi d'après laquelle jugeaient les file était traditionnelle, et se
transmettait sous le secours de l'écriture (3), comme la science des
druides de Gaule suivant César : neque fors esse exisUmant ea lit^
teris mandare (4) •
Il y avait chez les file une hiérarchie : au degré le plus élevé était
un chef unique appelé ollam = ollama^ génitif ollaman = ollama*
nos (8) (en irlandais moderne ce mot se prononce ôlav). Venaient
ensuite les. classes désignées par les termes suivants : 2^ anruth^
3^ cK, 4° cana^ B« rfo«,.6« macfuirmidh, 7» fochluc, 8* drisac, 9*» ta-
mariy 10"^ ollaire. Le nombre des serviteurs attachés à. la personne
variait suivant l'importance de la classe. L'oliam avait 24 serviteurs;
le dos, 4 ; le fochluc, 2 seulement. L'instruction exigée de chaque
classe était proportionnée à l'importance de cette classe. Vollam
devait savoir 350 poèmes ; l'anruth^ 175 ; le dt, 80 ; le cana^ 60 ; le
do5,40; lema(;/utrmt({A,40; lefochluc^30;\e drisac, 20; le taman^iO;
Vollaire^ 7. Ces poèmes étaient désignés par le nom neutre scél
= scil(Miy a narration, nouvelle», dont dérive le composé so-scéle
= sthscélia-n, a bon récit », « bonne nouvelle », a évangile »« en
sorte que les apôtres chrétiens de l'Irlande, pour nommer la doctrine
sainte^ se servirent du mot consacré par l'usage pour exprimer
l'enseignement traditionnel des fUe ouvates, se bornant à faire pré-
céder ce mot du préfixe su, « bon » , et à le faire suivre du suffixe ia.
Les scéla = scêlas (nominatif pluriel de scél) se divisaient en grands
et petits ; les grands paraissent avoir principalement conservé l'his-
(1) Senchw Mâr^ 1. 1, p. ¥i. Le mot gaulois vergo-bretos etX un composé dont6reM
est le second terme.
(1) Senchus Môr, t. I, p. 18-19.
(3) Senchus Môr, t. I, p. 31, 37.
(4) De bello gallico, VI, 14.
(5) Grammatiea celtica, 2« édition, p. 364.
2i2 REVUB ÀllGHBOLOGIQUE.
toire : on les distinguait en récits de démolitions, de razzia, de cours
faites à des femmes, de grandes batailles, de meurtres, de combats,
d'enlèvements, de fêtes, de campements, d'aventures, de tragédies
et de pillages (1).
Vollam paraît avoir exercé en Irlande la même fonction que le
chef des druides de Gaule mentionné par César (2), puisque César
ne distingue pas les druides proprement dits des votes ou (livretç de
Gaule, qui sont les file d'Irlande. Seulement, tandis que le chef des
druides de Gaule était élu par les druides, Vollam d'Irlande était, au
moins dans les derniers temps, à la nomination du roi. Cette nomi-
nation toutefois ne le dispensait pas d'avoir l'instruction exigée par
l'usage. Non-seulement il fallait qu'il sût par cœur les 350 poèmes,
mais il était indispensable qu'il eût la capacité nécessaire pour impro*
viser à propos un quatrain (3). Le mot d'ollam avait deux synonymes :
c'étaient H-/!/a, et sui-file^ au génitif tig-filed^ suad-filei. M = rto,
génitif H^ = fieras, c'est*à-dire « roi », et sui, génitif suad^ veut dire
tt savant d (4). Un des personnages investis de la fonction que ces
termes désignaient a joué un rôle important dans l'introduction du
christianisme en Irlande. C'est le H-/Ue Dubhtach : il rendit un juge-
ment en faveur de saint Patrice, dont le cocher avait été tué par
ordre du roi Laegaire (5). Un jour, saint Patrice venant à passer de-
vant la cour du roi réunie pour une fête, Dubthach seul se leva pour
faire honneur à l'apôtre d'Irlande (6). Puis, dans une assemblée de
grands personnages irlandais et d'ecclésiastiques, il fut décidé qu'on
supprimerait dans les usages d'Irlande ce qui était inconciliable avec
le christianisme, et dans cette assemblée ce fut Dubhtach qui exposa
les doctrines reçues jusque-là (7). On était alors dans la dixième
année du règne de Laegaire, roi de toute l'Irlande, en Tan 438 de
J.-C. (8). Telle est la date de l'alliance des fiie et de l'épiscopat, et
cette alliance eut pour effet à la fois l'établissement du christianisme
(1) Senchus Môr^ 1. 1, p. A4-47; W. Stokei, Three irish glouanes^ p. lvii, t, 3,
li, 15, ao, as.
(2) César, De betlo gallico, VI, 53.
(3) Senchut Môr^ 1. 1, p. ta»
{k) Senchut Môr^ t. I, p. U, 40, 42 ; cf. Grammatica eelUoa, 3* édition, p. 30,
255^ 250, 262.
(5) Senchus Môr^ t. I, p. 4-14.
(6) HoméUe sar la vie de saint Patrice, chez Whitley Stokes, Three nUddle irish
homilies, p. 24-25.
(7) Senchus Môr, u I, p. 14-17.
(S) Annals of the four maeters^ édition O'DonoTan^ t* I> P* 133; cf. Senchus Môr,
t. I^ p. VIII et suivantes.
LE DaUIDISMB IRLANDAIS. 2!S3
et la coQservatioa de l'ancienne organisation judiciaire. Les druides
n'entrèrent pas dans cette alliance et se maintinrent en protestant,
réduits peu à peu à la condition la plds infime : leur nom, drui =
druU, aujourd'hui draoi, génitif (fruad = dru%das{i)^ ne désigne plus
dans l'irlandais moderne que de vulgaires sorciers (2).
Aucun document irlandais ne nous les montre investis de l'admi-
nistration de la justice qu'un texte formel de Strabon attribue aux
druides de Gaule (3). Mais la littératore la plus ancienne de l'Irlande
atteste leur haute position antérieurement à l'établissement du chris-
tianisme.
Un vieux texte irlandais nous a conservé un formulaire païen poar
l'élection des rois : un homme, que l'on choisit, mange de la chair
de taureau, puis s*endort ; à son réveil, il dira les signes distinctifs
par lesquels on reconnaîtra le personnage à élire; au moment où
cet homme s'endort, quatre druides viennent prononcer sur lui des
paroles magiques qui sont la garantie de sa véracité (4). La plus
ancienne littérature d'Irlande nous montre les draides prophétisant
les grands événements, tels que les batailles et la mort des grands
personnages. Le druide Cunuallis prophétise la bataille légendaire
de Cnucha (5). Le druide Ollgaeth annonce la mort de i^ani, âls de
la reine Medb (6). Outre ce rôle sacerdotal, les druides comme guer-
riers tiennent une place dans Thistoire militaire. Dans le récit de la
bataille de Cindfeabrat, l'an 186 de notre ère, Dadira, druide, est
nomimé le premier des deux chefs de l'armée vaincue (7) . Une légende
relative à la bataille de Cnucha^ qui est un fragment du cycle de
Finn et d'Ossian, concerne l'histoire de deux druides : l'un, le père,
était attaché à la personne de Cathair le Grand, roi suprême d'Irlande
qui aurait vécu au second siècle avant J.-C. Ce druide s'appelait Nuadu
et se fit donner par le roi une colline sur laquelle il bâtit une forteresse,
(1) Grammatiea eeliica^ a« édition, p. 255 et suiTantes; cf. p. Il , 14.
(2) Ce mot oe dérive pas du nom da ch6ae, en gaulois dervo- (d'où l'adjectif der-
vonihut)^ en irlandais daur =a darva-, génitif darach ss darvaeat. Il dérive d'an
thème dru qui a fourni le premier terme da composé dru-nemeton, nom da liea où
en Asie Mineure se réunissait le conseU sapréme des Gaulois conquérants. C'était aa
dnhnemelan qo'en Galatie étaient jugées les causes d'homicide jugées en Gaale, par
les druides. Strabon, I. V, c. â> § 6 ; 1* XII, c. 5, § 1 ; édition Didot, p. 164, 485.
(3) Strabon, 1. IV, c. 4^ § ky édition Didot, p. 164.
(4) Wbitley Stokes^ dans la Revue celtique, 1. 1, p. 261.
(5) Rewie celtique, I, 36; Annals ofthe four masters, I, 39.
(6) Revue celtique, I, 38. Medb était femme d'Ailill, roi de Gonnanght vers le
commencement da i«' siècle de notre ère.
(7) AnnaU of the four masters^ édition O'Donovan, 1. 1, p. 106-100.
224 RBTDB ARCHÉOLOGIQUE.
dûn = dûnas, Tèquivaient irlandais da gaalois latinisé dûmum : dûn
est dans la légende de sainte Brigitte le terme qui désigne Tbabitation
du roi de Leinster(l). Laforleresse de Naadu était garnie de tours.
A la mort de Nuadu, Tadg son fils lui succéda et comme druide du
roi et comme possesseur de sa forteresse. Tadg eut une fille, qui lui
fut enlevée^ et la bataille de Gnucha fat livrée pour venger cet en-
lèvement. Dans cette bataille l'auteur du rapt périt. Mais la fille du
druide Tadg était enceinte et d'elle naquit le célèbre Finn, qui,
rejeté comme sa inère par Tadg, se fit mettre par jugement en pos-
session de la forteresse de son impitoyable aïeul. Ainsi Finn était le
petit-fils d'un druide (2). Finn fut père du fameux Ossian ; il vivait
au troisième siècle de notre ère.
La mission de saint Patrice au cinquième siècle réduisit les druides
à la plus humble condition. Suivant la légende, quatre d'entre eux
avaient, cinq ans d'avance, prédit au roi Laegaire l'arrivée de l'illustre
apôtre (3). Les luttes fantastiques des druides de Laegaire contre
saint Patrice occupent une notable partie d'une homélie irlandaise
sur ce fameux missionnaire, récemment publiée par M. WhiUey
Stokes, et dans ces luttes les druides furent toujours vaincus. •
Ainsi nous trouvons en Irlande les trois groupes entre lesquels se
divisait en Gaule celle des deux classes dominantes qui, à côté des
guerriers de profession, avait pour spécialité les fonctions sacerdo-
tales, la magistrature, la culture des sciences et des lettres. Le file
d'Irlande est identique au vates de Strabon, au fuivTtc de Diodore,
mais il a une autorité plus grande; en Irlande,le druide proprement
dit, quoique tenant un rang considérable, n'a pas une aussi haute
position que dans la Gaule contemporaine de César, où il juge les
crimes capitaux, réservés en Irlande au file. Enfin le barde, simple
poêle lyrique^ jouissait en Irlande comme en Gaule d'une très-
médiocre considération.
H. D'ArBOIS de JUBAINVILLE.
(1) Whitley Stokes, Three middle irùh homilies, p. 64.
(2) Hennessy, The battle of Cnucfta {Revue celtique, I, p. 86 et soiTantea}.
(3) yfldûey Stokes^ Three middU irish komliee^ p. 16-19.
INSCRIPTION DE PERIGUEUX
MENTIONNANT
LES PRIMANI
En visitant, au commencement de 1874, le musée archéologique
de Périgueux, j'ai reconnu le nom des Primanif soldats d'une pre-
mière légion, dans un texte lapidaire donné récemment par M. de
Saint-Exupéry, vicaire général (1). Les Primant n'ayant pas flguré
jusqu'à ce jour dans Tépigraphie militaire du sud de la Gaule, je
m'étais promis de publier Tinacription qui les rappelle :
La pierre, brisée en deux, a malheureusement perdu des parties
importantes, surtout dans le haut; elle ne présente plus que deux
lignes complètes. Sa largeur était de 0"',56. Sa hauteur primitive ne
peut être appréciée. Les lettres varient de 0",03 à Q^^O^.
(1) Les firagmento sur lesqaels se Ut ce texte farent recaeiUis en 1866 dans an mur
da palais épiscopal.
xxxiv. 16
226 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
M. le D' 6aly, organisateur du musée de Périgueux, et auteur
d'un excellent catalogue qui a paru en 1862 (1), a récemment
donné une leçon de ce texte (2). Frappé de Tespace considérable qui
sépare les deux hastes encore visibles au milieu de la quatrième
ligne, le savant archéologue a supposé que cet intervalle comprend
les deux lettres MI, d'où PRIMIANI. Uais la lettre M se montre
souvent très-large dans les inscriptions. En outre, l'espacement pri-
mitif des deux bastes s'est augmenté nécessairement du petit écarte-
ment qui s'est produit lorsqu'on a réuni les deux fragments par du
plâtre. Enfin, on ne saurait introduire un I avant TA, car la hasle
qui formerait la première de ces lettres est très-inclinée, ainsi que
le montre sa partie inférieure encore visible, et ne pourrait par con-
séquent convenir à une lettre verticale. C'est donc bien un H qui se
trouve au milieu de la quatrième ligne, et puisque le mol PRIMANI
n'est pas suivi de la marque de filiation, même abrégée, il ne doit
pas être considéré comme un nom d'homme au génitif. PRIMANI est
un nominatif pluriel^ désignant les auteurs de la dédicace.
Voici maintenant les quelques observations que me paraît com-
porter ce qui reste de rinscription.
On ne sait point si la ligne qui se termine par AYGVSTf était la
première, et, dans le cas contraire, de combien de lignes elle était
précédée. Dans Tune et l'autre hypothèse, il faut restituer au com-
mencement de l'inscription une formule déterminant les génitifs
AVGVSTI et AYGVSTAE. L'hypothèse delà destruction de plusieurs
lignes permettrait de supposer qu'il y avait PRO SALVTE suivi des
noms et des titres de l'auguste ; si au contraire aucune ligne n'a dis^
paru, il faut renoncer à la formule habituelle PRO SALYTE^ attendu
que la largeur du tableau, qui nous est connue, ne permettrait pas
de placer neuf lettres avant AYGYSTI. Alors le mot NYMINI,plus
court, que propose M. Galy, conviendrait parfaitement (3).
A la seconde ligne, il faut, semble-t-il, restituer ET * DOMYS *
(1) Périgaeax, Dapont et C% iD-8<>.
(2) « Namioi Augusti et deae Âugastae dedicat AbeUo Primiani (flUus) Tatelae
Vesonnae porticam ex pecuuia facieadam et ornandum caravit. i» Bulletin de la
Société historique et archéologique du Périgord, t. II, 1875^ p. 48 et suiv.
(3) On objectera peat-être à cette dernière lecture qu'il serait étonnant qae des
travaux exâcatés dans le propre sanctuaire de Tutela eussent été dédiés à une autre
puissance divine; mais de telles associaUons reUgieases ne sont pas sans exemple
dans les vœux. Je citerai par exemple une inscription de Lambèse : NVMINI AQVAE
ALRXANDRIANAE • HANG ARAM * NYMPHIS EXTRVXl (Léon Renier, Inscr. de
V Algérie^ no22).
INSCRIPTION «BNTIONNANT LES PRIMANI. 227
AY6YSTAE(4); si bien qae le commencement de l'inscription serait,
en ne tenant compte qne des lignes existantes: [NYMINI] AYGVSTI
[ET DOHYS] AYGYSTAE, formule d'ailleurs bien connue (2).
Les désignations impériales deTaient être suivies de la mention
sommaire de l'événement qui avait donné lieu à une dédicace. En
rencontrant plus loin le mot BELLO, on est amené à supposer que
cet événement n'était autre qu'une guerre qui venait d'éclater ou
plutôt de finir. Il est à regretter que le mot qui précédait BELLO soil
presque entièrement oblitéré et ne laisse voir que quelques courtes
amorces de ses premières lettres. A en juger, toutefois, par la direc-
tion verticale de sa baste, et par la courbure inférieure de sa panse,
l'initiale était un B, tandis que le bas de la seconde lettre, assez
bien accusé, semble appartenir à un E,et celui de la troisième à un L.
D'autre part, il ne faut pas oublier que le sens exige un ablatif
absolu. On arrive donc à proposer : BEL[LATO] BELLO, encore bien
que l'expression bellare bellum se justifie seulement par un exemple
que nous fournit Tite-Live (3). Ainsi expliquée, la troisième ligne
amène naturellement à la quatrième une désignation militaire, telle
que PRIHANI, soldats d'une première légion.
Les deux dernières lignes, qui rappellent la divinité à laquelle est
adressé le vœu, et la nature même de l'offrande^ sont mieux conser-
vées.
Le participe qui suit le mot PORTICYM et qui s^y rapporte cer-
tainement, malgré la différence de genre, est coupé par une lacune
correspondant à trois ou quatre lettres. Je pense, comme M. Galy,
que la lettre qui suit le préfixe EX est un F; mais il faut alors lire
EX[POL]IENDYM (4). Les Primant auraient simplement fait enduire
le portique d'un l^cforitimmarmora^i^m. C'est ainsi revêtus qu'appa-
(1) Dans le eas, moins probable, où U y aurait ea plnaiem lignes cootenaat les
noms de rempereur, il eût été possible que Timpératrice fût aussi nommée. lalia
emaie de Septime SéTère serait la senle dont le nom fût assez court pour tenir dans
l'espace ménagé.
(3) Orelli, flo* 277, 1505, etc.
(3) LIy. I, cb. 60 : a Hoc bellum a consnlibus bellatnm est. »
(4) L'interprétation : Sx P[ecunia] faciendum ne me parait pas admissible, parce
que la lacune qui règne entre le préfixe EX et la terminaison ENDVM est trop faible
pour sapporter cinq lettres. EX [POLJIBMDVlf parait beaucoup plus probable. Le verbe
expolire, qui se retrouve dans une antre inscription^ ET EXPOLEIT MON VMENTVH
(Hensen^ d« 05Sa), avait sonvent le même sens que s'il eût été accompagné du mot
teeiorium comme dans les expressions ex/)o/ito tectorus (Colomelle, VIII, 15) et
ieetmo poliatur (Vitrnve, V, 10).
228 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
raissent les por^ictM lapideae marmoralae d'après une inscription de
Vérone (i), et les portiques de la basilique de Pompéi.
Plusieurs archéologues périgonrdins s'accordent i retrouver les
restes du temple de Tutela dans la célèbre ruine connue aujour-
d'hui sous le nom de Tour de Yésone et longtemps appelée la
Yésune (2). Tout récemment encore, M. E. Galy a résumé ainsi
les résultats acquis par les recherches de ses prédécesseurs et ses
pfopres découvertes (3) : a Les monuments épigraphiques que nous
possédons nous portent à croire que cette rotonde à ciel ouvert
fut la cella d'un temple élevé à Yesunna.... Ce temple, sans coupole
subdiale, avec péristyle, ayant un pronaos ou portique au sud-est,
où se voit la brèche actuelle, était au cœur de la cité. Les principales
voies y aboutissaient. La tour, à partir du sol antique, mesure
27 mètres environ de hauteur et 20"',71 de diamètre, épaisseur du
mur comprise. Construite en appareil smillé et en blocage à bain de
ciment, elle était revêtue de marbre, que retenaient des crochets en
fer. Un grand nombre hérissent encore sa partie supérieure.
Les trous placés à Textérieur et décorés d'archivoltes rayonnées en
briques servaient à recevoir l'extrémité des poutrelles en bois, qui,
formant l'architrave, unissaient la colonnade circulaire ou péristyle
au mur de la cella (4). » En admettant que la Tour de Yésone,
malgré sa grande hauteur, soit bien le reste d'un temple, on doit
croire avec M. Galy que le portique restauré par les Primani, en
l'honneur de Tutela, appartenait à celte ruine et se confondait avec
celui dont le comte de Taillefer a déterminé l'emplacement.
En résumè^rinscription, en acceptant6dIa^o,se développerait ainsi:
NUMINI AUGUSTI ET DOMUS AUGUSTAE
BELLATO BELLO
PRIMANI
TUTELAE VESUNNAE TEMPLUM EXPOLIENDUM
ET
Embellir le sanctuaire de Tutela c'était encore pour des soldats
(1} OreUi, no 3283.
(2) Cf. le comte de Taillefer^ Antiquités d$ Vésone, t. I, p. 32S, et pi. 01
et IV.
(3) Catal. dQ Musée arch. du dôpartement de la Dordogue, p^ 7.
(k) Cf. aussi, sur la Tour de Vésone, le Congrès orchéologique de France, XXV«
session, 1858| p. 20 et sni?.
INSCRIPTION MENTIONNANT LES PRIMANI. 229
honorer leur mattre, car le calte de cette déesse était intimement lié
an culte des Augastes (1).
Mais qa'étaient ces hommes tirant leur nom d'une legio prima, et
comment expliquer leur présence à Yesunna?
L'hypothèse la plus naturelle consisterait à assimiler les Primani à
ces groupes de vétérans établis par César dans le midi de la Gaule (2)
et dont les successeurs ou les descendants ont porté, comme les
Primanide Périgueux, des dénominations ordinales, et se sonl signalés
comme eux pendant Tempire par leur zélé dans le culte des Augustes,
On sait que les SecundanU les Sextaniy les Septimani^ les Octavani
et les Decumani occupaient divers points de la Narbonnaise (3). Les
monuments nous ont conservé tes dédicaces respectives des Sextani
ArelatenseSjiés Septimani Baeterrenses et des Decumani Narbonenses^
en l'honneur de divers empereurs et impératrices, tels que l'une des
Faustine (4), Philippe jeune (5), Lucius Verus (6), Iulia Domna (7)
et Gordien III (8).
(1) Une étade qae Je prépare sur le caractère de la déesse Tatela me permettra de
soutenir cette affirmation.
(2) Je sais en désaccord avec l'école allemande suivant laquelle les colonies éta-
blies par César dans le midi de la Gaule auraient été formées d'éléments civils. Les
colons, par honneur pour Tannée, auraient dérivé leur nom du numéro d'ordre des
légions. On ne doute pas en France que ces colonies aient été réellement composées
de vétérans et Je me propose, dans un autre article, de combattre les arguments em-
ployés par les partisans du système opposé.
(3) Le père de Tibère, Tlb. Glaudius Nero, avait été chaiigé par le dictateur, après
Texpédition d'Afrique, d'installer des vétérans des légions dans le sud de la Gaule
(Suétone, Vie de Tibère , ch. IV). Arausio devint la résidence des Secundani; Arelas,
des Sextani; Baeterrae, des Septimani; Forum Julii, des Octavani; et Narbo Martius,
des Decumani, Ce sont là, du moins, les colonies qui figurent dans les énumérations
concordantes de Pomponius Uela {De situ orbis^ liv. II, chap. 5) et de Pline {Hist,
nat,^ liv. III, chap. 5).
(h) « Divae i Faustinae | Àog. | Sextani | Arelatenses. » Trouvée à Rome.
(Grôter, p. cclvii, WH.)
(5) « H. Iulio Philippe J nobilissimoGaes | principi iuventutis | Sep | Baeter | ....uit. »
Hersog, Gall, Narb. descr.^ append., epig. n^ 80.
(6) « Imp. Gaesari | divi Antonini | PU fil. di vi Hadriani | nepoti divi Traiani | Parthici
pronepoti | divi Nervae abnepoti | L. Aurelio Vero Aug. Armeniaoo pont, maxim |
tribunic. potestat IIII imp. Il cos II procosi Decumani Narbonenses. » Heraog, GalL
Narb, descrip,^ append., epig. n"" 5.
(7) « luliae Dom|nae Augustae imp C aes. L. Sep|timi Severi Pii Per|tinacls Aug.
AraiAbicidiabenici | p. p. p. m. trib. pot. UIII | imp. VÏTl cos II et | M Aureli Antoni)
ni Caes matri jitemque castrorum | Decumani Narb. » Heriog, GalL Narb, descr,,
append., epig. n» 6.
(S) • Imp. Gaesari | M. Antonio | Gordiano | Pio felid | invicto Aug. |p. m. tribun.
S30 RBYUE ARGHÉOLOOIQUE.
Celle assimilatioû semblerait d'autant plus logique qo'au temps de
César, c'est-à-dire à l'époque où les vétérans furent installés dans le
midi de la Gaule, la situation politique de Yesunna, où les traditions
pompéiennes ont longtemps suryécu (1), était, suivant toute apparence,
de nature à justifier le choix que le dictateur aurait fait de cette cité
pour l^inslailation d'une force militaire.
Mais ce rapprochement, qui m'avait d'abord séduit (2), soulève une
objection très-sérieuse. En effet, dans toutes les inscriptions relatives
aux vétérans du midi de la Gaule, le nom ordinal est suivi d'un dé-
terminalif topique, comme Sextani Ârelatenses^ Septimani Baeier^
rensesy Decumani Narbonenses. Au contraire, dans le texte de Péri-
gueux, on ne trouve pas après le mol Primant l'ethnique Vesunnenses;
si donc cet ethnique, qui seul marquerait bien l'idée d'une institu-
tion locale, est absent, c'est que Pnmant ne désigne pas un groupe de
vétérans incorporés â la cité des Petrocorii, mais bien des soldats
d'une première légion appelés, pour une cause quelconque, i faire
dans cette ville un séjour temporaire.
Maintenant peut-on, de l'emploi de ce nom Primant, tirer des
inductions au sujet de l'importance de la force militaire qui se trou-
vait à Vesunna? Cette question est assez difficile à résoudre. Les dé-
signations ordinales s'appliquent, en effet, dans les auteurs et dans
les textes lapidaires, aussi bien aux légions entières qu'aux détache-
ments plus ou moins considérables qu'elles avaient à fournir, soit
pour les guerres auxquelles elles ne devaient pas envoyer tout leur
effectif j soit pour les travaux de défense à exécuter sur les frontières,
soit enfin pour les travaux publics ordinaires auxquels l'armée
pouvait être appelée à concourir dans l'intérieur des provinces.
C'est ainsi que Tite-Live emploie l'expression de Secundani pour
désigner les principes et les hastati d'une seconde légion, qui forcè-
rent un camp ennemi sous les ordres du consul Caton, dans l'Espagne
citërieure, et plus loin une légion entière qui portait le même nu-
méro dans l'armée que commandait le proconsul L. Yalerius Flavius
à la bataille de Milan contre les Insubres et les Bo'iens (3). C'est
pot. n. C08 I p. p. I Decamani NarboDons. » Heitog, Ga//. Narb, descr., app.,
epig. n' 10.
(1) On rencontre dans le catalogue de M. Galy un nombre de personnages relati-
vement considérable portant le nom de Pompeias.
(2) Numismatique de la promnce du Languedoc, Tonloase^ 1870, in-/l% p. ftC,
note !•
(8) Tite-Li?e, Uf . XXXIV, 19 et (6.
[
INSGRIPTION MENTIONNANT LES PRIMANI. 23i
ainsi encore que Tacite, en parlant de la légion /^ Germanica et
delà P Alai^ae^ qui donnèrent dans les confins germaniques le
signal de Tinsurrection contre Galba aux calendes de janvier 69^
dit Primant Quintanique ^^JiWeu d'employer l'expression habituelle
prima ou quinta legio (1). Plus loin, en parlant de celte môme
légion 7^, alors en Italie, il dit encore Primant Une autre fois ce sont
de simples portions des légions tant bien que mal reconstituées sur
le Rhin, auxquelles il donne la désignation ordinale; par exemple,
dans le fécit de la lutte soutenue par Vocula contre Civilis (2).
Animien Marcellin (3) signale, dans Tarmée de Julien qui battit
les Germains près d'Argentoratum, la légion des Primani^ se dressant
au centre de la bataille comme une tour inébranlable.
Plus tard la Notice des dignités (4), dans rénumération tant des
forces territoriales placées sous les ordres des ducs et des comtes des
confins que des forces actives relevant directement des maîtres de la
milice^ désigne des légions et des fractions de légions par des adjec-
tifs numéraux.
Donc le mot PRIMANI, dans Tinscription de Périgueux^ peut aussi
bien désigner une légion qu'un détachement.
On peut se demander maintenant si les Primani avaient leurs castra
stativa à Périgueux, ou s'ils y étaient venus pour Texécution de tra-
vaux, ou bien s'ils s'y trouvaient simplement en passage. A l'é-
poque que l'on peut assigner à l'inscription, Périgueux n'avait
assurément ni légion ni fraction de légion en permanence. On sait
en efifet que Tarmée romaine des Gaules fut de très-bonne heure
concentrée presque tout entière sur le Rhin. Dès la seconde moitié
du I*' $iècle,'on ne rencontre plus dans l'intérieur des Gaules que
hPItalica^ qui partit de Lyon en 69avec Vespasien, et la VIII" Axi"
gusta^ qui fut^ après la défaite deVitellius, envoyée par Vespasien en
Auvergne et en Bourgogne, où elle a laissé des traces importantes, et
qui bientôt, sous Domitien, en 88, rallia l'armée des confins et s'in-
stalla à Argentoratum(5). Mais, sauf ces deux légions, on doit croire,
(1) tadte, BisL, liv. I, 55.
(2) Tacite, Hist., liv. IV, 36.
(3) XVI, 12, édit. de GronoviuB, Lugd. Bâta?., 1003, in-P».
(à) Edit. Bœcking, 1853^ in-8*, passim.
(5) C'est M. Léon Renier {Comptes rendus des séances de V Académie des inscrip^
lions et belles-lettres ^ Paris^ 1873, p. 623 et Buiv.) qui a éubli à quelle époque la
VIII* AuguBta B'eat trouvée dans l'intérieur des Gaules. Je pense qu'^e y futfinain-
tenne pendant un certain temps pour tenir en respect les cités qui avaient reconnu
réphémère empire gaalois.
232 REVOB ARGHÉOLOGIQUB.
ja$iqu*à preuve da contraire, qae toutes les légions qui firent succès-
sirement partie de l'armée des Gaules^ sinon toutes les cohortes auxi-
liaires furent massées sur le Rhin jusqu'à l'invasion des Barbares.
Le ténnoignage de Josèphe prouve qu'en temps ordinaire il y avait à
peine dans l'intérieur des Gaules douze cents légionnaires (1). Le
monument de Périgueux n'appartient donc pas à une légion ou à un
détachement légionnaire ayant ses quartiers d'hiver chez les Petro-
corii.
Est-ce alors comme travailleurs que des soldats d'une première
légion seraient venus à Vesunna? Des détachements légionnaires de
l'armée des Gaules sont fréquemment, il est vrai, cités dans les ins-
criptions comme ayant participé à des travaux. C'est ainsi qu'un
texte lapidaire provenant de la longue muraille voisine de Trêves
mentionne un travail heureusement terminé sur une longueur de
cinq cents pieds par des Primant ; c'est encore ainsi que la /^ Jlfttier-
t7ta envoya des vexillaires dans les carrières (2), et qu'elle a laissé
comme témoignage des constructions qu'elle éleva dans la vallée du
Rhin un grand nombre de briques marquées de son estampille (3).
La i* j|ftnen)ia, à laquelle appartenaient tous ces travailleurs, s'était,
après les changements opérés par ^es Flaviens, substituée à la J^ Ger^
mamcadans les confins rhénans. Mais le rayon dans lequel les légions
des Gaules ont eu des travailleurs n'est pas très-étendu et ne
dépasse guère les limites des confins militaires du Rhin. Il est donc
difficile d'admettre qu'on eût détaché des légionnaires rhénans pour
exécuter chez les Petrocorii des travaux, surtout lorsque l'état presque
permanent de guerre dansies confins germaniques exigeait qu'on eût
toujours toutes ses forces dans la main. Sous l'empire, d'ailleurs^
les cités gauloises avaient une organisation très -complète, dans la-
quelle les travaux publics avaient leur part en dehors du concours
des armées. La présence des Primani à Périgueux comme travail-
leurs ne me parait donc pas justifiée.
Mais, en dernière hypothèse, serait il admissible qu'une légion du
numéro un, traversant Périgueux ou s'y trouvant momentanément
par suite de mouvements opérés pour les guerres lointaines, ait
donné un revêtement de marbre au portique de Tutela? f^es légions
d'Espagne ont, à diverses reprises, envoyé leur contingent soit à
l'armée de Germanie, soit à l'armée de Bretagne. La /* Adiutrix
(1) De bello ludaico^ liv. II, ch. xvi» § A.
(2) Brambach, Corp. inscr, Bhen,^ n« 6S0.
(3) Brambach, op. laud,, pastim»
INSCRIPTION MENTIONNANT LES PRIMANl. 933
elle-même, qui avait ses castra stativa et son centre de recrute-
ment en Espagne, aarait, suivant Borghesi (1), fourni des se-
cours à l'armée des confins germaniques^ dans l'un des moments
critiques par lesquels passa cette armée du temps des Flaviens.
Ce n'est assurément pas la seule expédition lointaine pour laquelle
la /* Adiutrix envoya ses cohortes au delà des Pyrénées, avant son
départ définitif pour la Pannonie, et il est possible qu'ayant à suivre,
à l'aller ou au retour, une des routes traversant Périgueux^ elle ait
marqué sa présence dans cette ville par un témoignage de dévoue-
ment au prince, en honorant la divinité tutélaire qui avait protégé
le maître de Tempire dans une expédition heureuse.
P. Charles Robert.
(1) Borghesi, OEa?rei complètes, t. II, p. 204.
SUR QUELQUES
INSCRiraONS D'OSTIE
I
Dans la galerie lapidaire da Vatican se troaye l'inscription sui-
vante:
1.
PLVCILIOP-
PNPPRONGAMALA
AEDSACRVOLCANI
EIVSDEMPRTERTDEC-
5 A^D-LÉCTODD- INFANTS
IIVIRPRAÉFECTOL-CAESAR
AVGFCENSQAPONTIF-
TABVLARETLIBRORVM-
CVRA.TORIPRIMOCONSTITV
10 HICLVDOS'OMNESQVOSFÉCIT
AMPLIFICAVITIMPENSA-SVA
IDEM* fliumis * gladiatorium ' ded
IDEM- âedem * Caitoris * et * Pollucis • re$t
IDEM' eurtaor * pecuniae • jmblicae * exi
15 gendae * et • attribuendae • m ' comi
tiis • factns ' eellam * Patri • TUierino
restituit
I DEtA'thermas' quat • divtu * Pius • aedif
SUR QUKLOOeS IlfBGRIPTIONS d'OBTIB. 285
cavirat * in * ignis * consumptas * refeeit
20 porticum * reparavii
IDEM* oêdem* Veneris impensa * sua
restUuit
I DEIA* poniira * ad * maeelîum * &t * men
suras • (Kl • /brun» • vinar • 5 • p • /i^ctf
25 IDEM' navale ' a*L' Coilio * aedificatum
E X T R V, .itibus • /ipra • collapeum
restitua (1)
Atttc - statua (2) - a^nea * peq * |m6 * d * d * posit
est
30 H'^^HSXKS)
P(ublio)LuciliOyP[ubli)[filio'], P{ubli) n{epoti)j P[ubK) proniepoti),
Gamala[e], aed{iK) sacr{arum) Volcani^ ejusdem pr{aetari) tertiio)^
dec{urioni) adlecto d{ecuri<mum) d{ecreto) infants (sic), duum vir{p)
praefecto L{uci) Caesar[is]j Aug(iuti) f{ili\ cens{orio) , q(uaestori)
a{erari)f ponft/(tct), tabular{um) et librorum curatori primo con'
stitu[to]. — Hic ludos omnes quos fedt amplificavit impensa sua ;
idem munus gladiatorium ded(it); idem aedem Castoris et Pollucis
rest{ituit); idem^ curator pecuniae publicae exigendae et attribuent
dae in comitiis factus^ cellam Patri Tiberino restitua ; idem ther-
mas quas Divus Pius aedif[i]caverat pi ignis consumptas refedt^
porticum reparavit; idem aedem Veneris impensa hua restituit;
idem pondéra ad macellum et mensuras ad forum vmar{ium) s{ua)
p[ecunia) fedt; idem navale a L{udo) Coilio aedificatum extru {?)...
itibus fere collapsum restituit, — Huic statua aenea peq(unia) (sic)
pub{lica) d{ecurionum) d(ecreto) posit{a) est. Hic sestertium XI.....
Cette inscription a été publiée pour )a première fois par M. G.-L.
Visconti (4), et depuis par Cavedoni (5) et par M. Wiimanns (6).
M. Visconti et Cayedoni, qui Font successivement étudiée, sont
(1) uaTiTviT.
(1) rï'ATTÂ... POSlT.
(S) Les lettres : A dans volcdni (1. 3), O dhns ieciô (1. 5), dans proe/èc/d (1. 6}«
A dans tabuldrum \}. 8), A dans curd^o/i' (L 0)^ O dans ludôs^ daas quôt (1. 10), A
dans amplificdvit, impensd (1. Il), sont aocentoées. Les £ ont été aceentités dans le
texte.
(4) Visconti, Arm. delV Insi. di corr, areh. di Roma, 1S57, p. 8S9-S2è,
(5) Cavedoni, Bull, arch. Nap.^ Agosto 1S58, n. ser.^ n» 194.
(6) Wiimanns, SoDemplaimer, lat.,nik a.
236 RBVUE ARCHÉOLOGIQUE
arrives à des coDclusions opposées sur l'authenticité et la date de ce
monument. Nous nous proposons de le soumettre à un nouvel
examen, et nous espérons pouvoir donner de chacune de ces deux
questions une solution définitive.
Le marbre présente diverses particularités.
Les onze premières lignes sont écrites. en beaux caractères nets»
réguliers, de cette forme ronde, grasse et pleine qui fut en usage au
commencement et jusqu'au milieu du second siècle. Tout à coup le
caractère change; les lettres, superficiellement gravées, de form^
irrégulière, tantôt archaïque (I), tantôt récente, ne peuvent se
ramener à aucun type déterminé, ni à aucune époque définie. En
examinant de plus près, on peut retrouver sous les lignes la trace
d'autres caractères qui ont été effacés et surchargés; enfin, au com-
mencement des lignes 12, 13, 14, 18, 21, 23, 25, 26, 30, reparaissent
très-évidemment des lettres semblables à celles des onze premières
lignes (2).
On doit remarquer aussi que l'accentuation, très-fréquemment
employée dans les onze premières lignes, ne l'est plus qu'une seule
fois à partir de la douzième.
A partir de la même ligne, l'aspect du marbre change comme la
forme des caractères ; la surface, unie et polie d'abord, devient
inégale et rugueuse; et, si on regarde la pierre à jour frisant, on
s'aperçoit d'une légère dépression, qui commence sous la onzième
ligne et se continue jusqu'à la dernière, comme si le marbre avait été
gratté, pour être gravé à nouveau.
Ces observations, minutieusement faites par M. Yisconti (3), pour-
raient presque dispenser de voir la pierre, car elles ne laissent rien à
ajouter. Elles le conduisirent naturellement à cette conclusion que
Tinscription avait été effacée soit par l'usure, soit autrement, et
interpolée. Telle fut aussi, après examen du marbre, l'opinion de
MM. de Rossi et Henzen, dont M. Yisconti était accompagné au
Vatican, et dont il invoque le témoignage (p. 333).
Ces preuves, pour ainsi dire visibles et palpables, semblent déci-
sives contre l'authenticité du monument. Elles ne convainquirent pas
cependant Cavedoni, qui, à la vérité, n'avait pas vu l'original. Cave-
(i) M. ViBCODti signale, entre autres, une L ainsi faite : p. (0. et/., p. 330.)
(2) Nous avods distingué, par là forme des caractères, les différentes parties de
rinscription ; pour la première, et ce qui reste dans la seconde du fonds primitif,
nous STOns employé les caractères épigraphiques ; pour le reste, l'italique.
(S) G.-L. Viscontl, op. ciï., p. 830 et sui?.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS D'OSTIE. 237
doni(l) fait remarquer que la variation des caractères daos une
mdtne inscription n'est pas un fait unique; que le seul recueil de
Marini en présente plusieurs exemples (2) ; qu'elle s'explique de la
façon la plus simple, en supposant que Tinscription ne se composait
primitivement que de onze lignes, auxquelles on en a successivement
ajouté d'autres, à mesure que P. Lucilius Gamala se signalait par de
nouveaux bienfaits.
L'hypothèse pourtant ne résout qu'imparfaitement les difficultés
paléographiques, et ne tient aucun compte des autres, telles que la
dépression de la partie inférieure du marbre, la présence plus ou
moins évidente, dans la deuxième moitié de l'inscription, de caractères
différents de ceux qui les entourent et tout à fait semblables à ceux
des premières lignes. Ces singularités paraissent accuser non pas
seulement un travail de continuation, mais un travail de retouche :
la valeur des objections de M. Yisconti reste entière.
Aussi bien, à ces observations en quelque sorte matérielles, à ces
preuves extérieures, M. Yisconti ajoute de nouveaux arguments
tirés du texte même, contre l'authenticité de l'inscription; mais ils
m*ont paru, je dois l'avouer, beaucoup moins décisifs. J'écarte ceux
qui sont empruntés à la chronologie, car je suis en désaccord avec
H. Yisconti sur la date qui doit être assignée au monument (3).
Qu'il soit impossible de suppléer la lacune de la ligne 26:
EXTKV ..itibîAs^ ni de donner à ces mots aucun sens plausible,
l'objection n'a pas grande force (4). Est-il vrai qu'eu attribuant à
L. Coilius (L 25) l'établissement d'un navale,Von contredise la tradi-
tion qui faisait honneur à Ancus Marcius d'avoir bâti à Ostie des chan-
tiers de construction navale, et que cette ligne seule prouve la fausseté,
du monument tout entier? Tous les textes anciens attribuent en effet
à ce roi un tel ouvrage ; mais on peut affirmer que le navale primitif
fut agrandi, sans doute remplacé par un autre. Le silence des auteurs
ne prouve rien contre cette hypothèse ; car ils sont muets sur les
travaux hydrauliques accomplis à Ostie depuis le règne d'Ancus jus-
qu'au principat de Claude. Il se pourrait qu'un L. Coilius eût présidé
à ces travaux. La tradition ne recevrait pour cela aucune atteinte;
l'auteur des constructions nouvelles ne contestait pas l'existence des
constructions royales, et la gens Marcia, qui prétendait descendre
(1) Bull, arch. Napol,, n. ser., n^ iOA.
(2) Marini^ Atti, p. 29, 33, 125, 1S7, 237.
(3) Voir la suite de ce mémoire, p. 241 et buIt.
(4) VUconti, 0. ctï., p. 332.
238 RITOB ÂRCBÉOLOttlQim.
d'AncuS) n^en pouvait pas moins, eomme par to passé, représenter
sur ses monnaies le navafo, œuvre de son plus ancien et plus illustre
ancêtre (i).
Les raisonnements de M. Tisconti ne sont donc pas sans réplique,
et lui-même^ en se prononçant contre rauthenticité des seize der-
nières lignes de rinscriplion^ ne le fait qu'avec réserve. Cavédoni
conclut^ avec pleine confiance, en faveur du monument.
Voici quelques observations qui, si je ne me trompe, tranchent la
question entre les deux antiquaires.
En réunissant, pour le travail que j'ai entrepris sur la ville et les
antiquités d'Ostie, les monuments épigraphiques inédits ou déjà
publiés, j'ai trouvé chez le P. Yolpi (2) l'inscription suivante :
2.
NEPTVNO'CQNSER
EQVEST*ORDIN
LCOILIVS-LFPALPRI
SCVS'II-VIRCAPITAL
OSTIENS
N.AV/////////////////////
CAVSSA/////////////////
//////////////////////CVRAVIT
Neptuno Conser(vatori) equest{ri8) ordinÇii) L^ucius) Coilius, L{uci)
j\iHus)y PaKfltina tribu), Priscus^ duumvir capttal{i8) Ostief^
sium, nav(àl€) caussai?) [aedificandum ou restituendumf ]
curavit.
Le P. Yolpi nMndique pas à qui il a emprunté cette inscription ;
mais elle a été prise par Fabretti (3) dans les Bchedae^ autrefois Bar*
berines, aujourd'hui Yaticanes, qui sont de Ligorio (4). Quant au P.
Yolpi, il n'a été que trop souvent la dupe des fraudes ligoriennes. L'in-
scription de L. Coilius est placée au milieu de pièces apocryphes tirées
(1) Viteontl^ op. ctï., p. 3S9.
(3) Latium vêtus et novum^ i, VI, p. 100-200.
; (S) Fabretti, X, p. OSO.
(6) J.*B. de Rotai, oote 4 à la p. ftOO du t. UI dea CBatves eompldtea de Bol^esi.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS d'oSTIE. 239
des ouvrages de ce Taussaire (1) et trahit, elle aussi» la même origine.
On reconnaît la manière de Ligorio dans le nom et Torthographe
bizarre de Coilius, dans le titre, que porte Neptune^ de Comervator
equestris ordinis. J'ai relevé dans les inscriptions ligoriennes, dont
le recueil de Gudius est tout rempli, un grand nombre de Coilii (2),
dont le nom est toujours écrit de la même manière, qui est exception-
nelle, CoHius. Neptune porte souvent, dans les mêmes inscriptions,
le surnom de equester; quant à Tépiihète de conservator^ c'est celle
que Ligorio applique le plus volontiers et indistinctement à tous les
dieux.
Il esta peine nécessaire de discuter l'authenticité de ce monument,
car la fausseté en saute aux yeux. Non-seulement la fonction de
duumvir capitalis est sans exemple, mais il est contraire à toutes les
règles du droit public de Rome que la juridiction d'un magistrat
municipal s'étende jusque sur les crimes capitaux ; elle était resserrée,
même au civil, dans d'étroites limites.
Si l'on se reporte aux lignes 25-27 de l'inscription n* i, on y
retrouvera le même L. Coilius («1), le même natale, et jusqu'à cette
lacune qui, dans une inscription comme dans Tautre, rend le sens
indécis, sinon Incompréhensible.
On est en droit de conclure, sans la moindre témérité, que les
deux inscriptions sont l'œuvre du même artisan; elles auront été
composées pour se donner crédit l'une à l'autre.
Les lignes 16-17 sont de la même main. Le dieu dont P. Lucilius
Gamala a relevé la cella, Pater Tiberinusy n'est nommé qu'une fois, à
ma connaissance, dans toute l'épigraphie d'Ostie^ et cela dans une
inscription de Ligorio, qui est fausse (4) :
3.
PATRI-TIBERINOETNYMPHIS
SACRVM
(1) Lalium veU et nov.j p. 100 (Spon., MiscûlL^ III, p. 81 ; Gadios, p^ 2, 1,
e Ligorio), p. 108 (Spon., MisCy V, p. 175; Gadias, p. 12, 10^ e Ligorio)^ p. 102,
(e Ligorio, s. v. Pharmacopola)^ p. 202 (e Ligorio, 8. v. Tiberi)^ etc.
(2)M.Viscoûti fait la môme remarque au aujet de l'orthographe de ce nom, op,cit.,
p. 334.
(5) L'orthographe est la môme que dans rinscriptJoû publiée par le P. Voipi ; et
le fait est d'autant plus dig;ne de remarque que ce nom ne se retrouve pas une seule
fois ainsi écrit dans les inscriptions d'Ostie ou de Porto, au nombre de plus de mUle,
qui sont dans mes cartons.
(6) Volpi, Lot. veius, p. 202, e Ligorio, s. t. lY^er t (Gudias, p. 68, 6., e Ligorio},
2M REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
PRAEFCOLLFABRNAVOSTIENS
CVRANFAPRONIANOÉT
ARRIOMODESTINOET
SILVI0-MA10RAN0FL
TITINI0-VI0LENTE-IIIIVIRQVINQ(4)
Oq pourrait ainsi retrouver^ un à un, les éléments avec lesquels a
été composée l'inscription de P. Lucilius Gamala.
Ils sont empruntés, en partie, à une antre inscription (2) élevée en
rbonneur d'un personnage qui porte les mêmes noms et a exercé, à
peu d'exceptions prés, les mêmes fonctions que P. Lucilius Gamala.
L. 14-16 : c Idem curatar pecuniae publicae exigendae et aUri-
buendae in comitiis factus. »
Cf. Or. 3882: « Cura{tori) pecuniae publicae exigenld^ae et adtri-
buendae. »
L. 21-22 : c( Idem aedem Veneris impensa sua restituit. »
Cf. Or. 3882: « [Idem ae]dem Veneris sua)pecunia constituit. n
L. 23-24 : nidemponderaadmacellum etmensurasadforumvinarium
suapecuniafedt. »
Cf. Or. 3882 : « [Id]em pondéra ad macellum cum M. Turranio sua
pecuniafecit. »
Les emprunts sont même faits quelquefois avec une gaucherie
singulière; on trouve dans l'inscription qui a servi de modèle :
« Duumvir{o) censoriae pot{estatis) quinquennal{%) in comitis
facto j cura{tori) pecuniae publicae... »
Le faussaire transporte maladroitement à la fonction de eurat&r
pecuniae publicae la mention de cette élection dans les comices.
Un passage d'Ammien Marceilin (3) et Tinscription métrique de
L. Catius Sabinus (4) ont fourni l'idée du temple de Castor et Pollux;
une phrase de Capitolin (5), celle des Thermes d'Antonin le Pieux.
Le munus gladiatorium (l. 12) n'est qu'un développement des
lignes 10-11 ; pour le portique (l. 20), il n'est dû, comme le navale^
qu'à l'imagination de Ligorio.
(i) En règle générale, boub l'empire les manicipee avaient des //// viri; les co-
lonies, des II vtn (Borghesi^ Œuvres, V, p. 258). La règle ne soaffre paa une seule
exception à Ostle, sauf dans cette inscription et quelques antres manifestement
fausses. Cette raison n'est pas la seule qu'on puisse alléguer contre ce monument.
(2) Orelli, 3882. Elle est reproduite plus bas sous le n* 4.
(3) Amm. Marcell., XIX, 10, ft.
(4) Mommsen, C. /. L., I, p. 885.
(5) Capitol.^ Ant. P., 8.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS D*0ST1E. ^41
Ces remarques suffiraient à elles seules pour enlever au monument
tOQle autorité ; confirmées par les objections que suggère l'aspect du
marbre, elles me paraissent absolument décisives.
Tadtcets donc, avec M. Yisconti et contra Cavedoni, que le monu-
ment a été falsifié; j'ajoute qu'il Ta été par Ligorio (1). Ce n'est pas
d'ailleurs le seul exemple d'une semblable fraude* Borghesi (2) cite
un fragment que ce faussaire avait, par mégarde, complété de deux
façons différentes.
Selon qu'on se prononce pour ou contre l'autbenticité du monument,
la question de date est fort simple, ou devient assez difficile. Elle ne
se poserait même pas, si la ligne 18, « Idem thermos quas divus
Pius aedificaverat ii y ne devait pas être tenue pour une interpolation.
Le nomd'Antonin le Pieux, la qualification de divus qui y est jointe,
démontreraient que l'inscription est postérieure à l'année 161. Mais
cet argument tombe avec le système de Cavedoni qui nous parait
devoir être abandonné. Il faut donc borner notre examen à la partie
certainement originale du monument, et n'emprunter qu'aux onze
premières lignes les raisons de notre décision.
A en juger par les seuls caractères extérieurs, Tinscription est
certainement du second siècle. La forme des lettres ne laisse à cet
égard aucun doute (3) ; Torthographe Yolcani par un c est relative-
ment récente; l'accentuation (4) ne fait pas difficulté, puisqu'elle fut
en usage au moins jusqu'au règne de Septime-Sévëre.
Mais les données historiques fournies par le texte sont fort incer-
taines, et ont même paru à M. Yisconti contradictoires. On ne saurait
s'autoriser, pour dater le monument, du nom de Lucius Caesdr Au-
gusti filiuSy qui fut porté à plus d'un siècle de distance par plusieurs
princes de la famille impériale. La création de la cura tabularum,
que Gamala se vante d'avoir exercée le premier, ne nous renseigne
pas davantage ; car cette fonction ne se retrouve sous le même nom
(i) M. Visconti avait naturellement soupçonné Ugorio, maiç eans oser rien afflr->
mer.
(2) Ce fragment se trouve dans Muratorl, 2023, 6, et dans le ma. 5237 du Vatican.
Les deux inscriptions complétées ont été publiées, Tune par Spon, Mise, p. 114^
n<» 107, e sched. Barber. (Noris en admet Tautbonticité, Epist, Consol,, p. 26S ;
Maffei la rejette, Ars crit, lapid., p.&27), tontes deux par Mnratori, p. 354, 5 ; 719,
1, e Ugorio.
(S) M. Visconti le reconnaît, op. cit., p. 827.
(4) Cavedoni, BulUL areh, Nap.^ n. ser., n» 194. Sur cette question, Marini, Attif
p. 710, dont fiorghesi adopte les conclusions (GEuvres, III, p. 20), et qui arrête l'u-
sage des accents au règne de Trajan; Garrucci, / segni volgarmenie detti
accenti, p. 40-48, prolonge beaucoup plus la durée de l'emploi des accents.
xxxiv. 17
242 RBYUB ARCHÉOLOGIQUE.
dans aucune autre colonie, ni municipe, et d'ailleurs elle eût pu être
instituée à des époques diverses dans des lieux différents. Enfin le
titre de censar^ remplacé partout au second siècle par celui de quin-
quennalisH)^ paraît élre^plus ancien d'un siècle que la forme de l'é-
crilure.
Dans cette incertitude^ M. Yisconti a cherché en dehors de Tins-
cription elle-même les arguments décisifs qu'elle ne lui fournissait
pas ; il a pensé les trouver dans une autre inscription qu'il attribue
au môme personnage et que H. Mommsen (2), pour des raisons
d'une très-forte vraisemblance, croit être du premier siècle et anté-
rieure à l'année 43 .
tiien que celte inscription ait été très-souvent publiée (3), il est
nécessaire pour la suite de ce travail de la transcrire ici :
4.
PLVCILIO
P'FPNPPRO
NEPGAMALAE
AEDSACR-VOLK
5 AEDILI-D-DADLECTO
RATIS-DECVRIONI
ONTIFIChllYIR-CENSO
RIAEPOTQVINQYENNAL
INCOMITlSFACTOCVRA
10 PECVNIAEPVBLICAEEXIGEN
AEETADTRIBVENDAE
IN-LVDOSCVM ACCEPISSETPVBLIC
(1) Sar ce titre et snr celui de quinquennalùf yoir Henzen, Ann. Inst» arch,, 1858,
p. 1-9.
(2) Bpigraph, Analekt., 5, dans les Berichte der Sœchsisch, Gesellsch, der WiS'
senschaft, 1840, p. 205 et sui?.
(3) Eilo a été doonéo d*aborl par Ltgorio, à qui Tout empruntée certainement
Volpi, Lat,vet.^ VI, p. 15A-55, et peut-ôtro Gudius, bien qu'il ne le dise pas, p. 70, 1;
pw Don\^ De restUuenda salubrit , agr. Rom,^ p. 45; par Gori, Iruer» Donianaty
cl. II, p. 60, 4 (ex adyersariis Achillis Statii) ; par Muratori, p. 135 ; par Orelli,
3882 ; plus correctement^ par Mommsen, op, cit, p. 205-206, et d*aprèd lui par G.-L.
Yisconti, Ànn. Intt. arch.^ 1857, p. 323 et suiv.; par Wilmanns, BxempL inscr,,
1724. Fabretti n'en a connu que quelques lignes, VII, p. 520. Marini, sans pu-
blier rinscripUon, Ta corrigée d'après un manuscrit du Vatican, no 5253, p. 387,
I$cr» Alb,^ p. 58, n* 5.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS O'OSTIB. 243
vcar-remisit-etde'svo-êrogati
onem-fe;cit
16 em-svapecvniaviam- silice stravit
qvae'estivncta • foroab- arcvad- arcvm
em-epvlvmcvmtrichlinis-ccxvii
colonis- dedit
temprandivmsva-pecvniacolonis
20 ostiesibvsbisdedit
demaedemvolkanisvapecv
nia'restitvit
de;mvenerissva*pecv
nia'constitv.t
25 DEMAEDEM' FORTVNAESVA-PECV
NIACONSTITVIT
IDEM-AED-CERERIS-SVA PECV
NIACONSTITVIT
EMPONDERAADMACELLVM
30 CVM-M-TVRRANIOSVA'PECV
NIAFECIT
AEDEMSPEISVAPECVNIA
TITVIT
EM'TRIBVNALINFORO'MAR
35 MOREVMFECIT
VICSTATVAINAVRAT^DD
PPPOSITA- EST
EM'AHENEA-DDPPPOSITA
ROXVME TRIBVNALQVAES
40 ER'EAQVODCVM-RES'PVBLICA .
RAIDIASVAVEND.R.TOBPOL
ICITATIONEMBELLI- NAVALIS
HS XVCCREIPVBLICAIDONA
NC-FVNEREPVBLICO
5 SOCEFFERCEN...RVNT
P{ublio) Lucilio, Piubli) /(tito), P(,ubli) n{epoti), P{ubli) pronep{oti)
Gamalae^ aed{ili) sacr{onm) Volk(ani), aedilU d(ecurimum) d{e-
ereto) adlecto [jg]ratis decurioni, [p]otttifici, duumvir{o) eensoriae
24t REVUE ABCHiOLOGIQUE.
potiestaêiê) quinquennal^i) in comitU fadâ^ cura[tori\ pecuniae
publicae e3ngen[d]ae et adtrUmendae.
[Hic], in ludos cum accepisset pubUc(e) Incar^ remisit^ et de suo ero-
gatitmem fecit ; [idé\m sua pecunia viam silice stravit^ quae est
juncta faro ah arcu ad arcum; [id]em epulum cum trichlinis
ducentis et septemdecim colonie dédit ^ [\\tem prandium sua pecunia
colonie 08lie(n)sibus bis dédit; [%\dem aedem Volkani sua pecunia
restitua ; [idem ae]dem Veneris sua pecunia constitu[i]t ; [t\dem
aedem Fortunae sua pecunia constitu[t]t ; idemaed{em) Cererissua
pecunia constituit; [id\em ponderct ad macellum cum M{arco) Tu-
ranio sua pecunia fecit; [idem] aedem Spei sua pecunia [res ou
cons]tituit; [ii\em tribunal in Foro marmoreum fecit.
[H]uic statua inaurcUa d{ecreto) d{ecurionum) p{ecunia) p{ublica)
positaesty[it]emahenead(eoreto) d{e€urionum) p{ecunia) p(ublica)
posita [est] [p]roxume tribunal quaes{tori8)y [propt]erea quod cum
respublica praidia sua vend{e)r{e)t ob pol[l]icitationem bellinavalis
sestertium qu/inquies dedes ducentos reipublicai donavit. .
[Hu]nc funere publico.[decuriones] soc{ii\ effer[endum) cen[sue]runt.
Grâce à ce rapprochement, tout devient clair pour M. Visconti (1).
Le titre de censor s'explique à une époque de transition, voisine
encore des réformes municipales en vertu desquelles il fut remplacé
par celui de quinquennalis (2).
Lucius Caesar est le frère de Caîus Caesar, Tun des petits-fils
adoptifs d'Auguste, il ne peut même pas être un autre que lui, pense
H. Visconti. Des princes à qui ce nom pourrait être attribué,
L. Aelius Caesar, L. Aurelius Yerus, L. Aurelius Commodus, il
faut d'abord exclure L. Verus, qui ne fut jamais appelé Caesar : il ne
reçut d'Antonin lors de son adoption, et ne porta tant que vécut cet
empereur, d'autre titre que celui de Augusti filius (3); dès la mort
d'Antonin il fut associé à l'empire, et prit celui d'Auguste. Quant à
Aelius Caesar, à Commode^ on n'eût pas choisi, pour les désigner,
un nom aussi peu caractéristique et qui convenait également à l'un
et à l'autre, au risque de faire de ce monument une énigme {monu-
mento simile ad un enimma). Enfin il serait contraire à toute règle
épigraphique de nommer une personne par son prénom seul;
à l'époque d'Hadrien ou d'Antonin, Caesar n'est même plus un sur-
(1) Visconti, op. cit., p. 327-320.
(2) HenxeD, Âtm* InsU areh,, 1858, p. 1-9.
(S) Gapit, Ver., 3.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS D OSTIE. 248
nom, c'est nn simple titre (1). Si doqc le nom de Lucius Caesar a pu
6tre porté» comme il l'a été en effet, ce n'est que dans la gens
Julia.
C'est en vertu de ces considérations, et surtout sur rautorité de
rinscription no 4, que M. Visconti assigne au premier siècle et à la
première moitié de ce siècle le monument élevé en Thonneur de
P. Lucilius Gamala.
L'écriture seule semble présenter une sérieuse difficulté; M. Vis-
conti la résout en disant que le monument que nous avons sous les
yeux est, non pas celui qui fut érigé sous Auguste, mais une restau-
ration qui en fut faite à Tépoque antonine (2).
Tout le raisonnement se fonde en somme sur cetle hypothèse que
les inscriptions 1 et 4 sont relatives à un seul et même personnage.
Or, même en adoptant les conclusions de H. Mommsen, queCavedoni
rejette, il aurait du moins fallu démontrer cette identité. M. Visconti
l'admet comme une chose évidente de soi; le rapprochement minu-
tieux des deux inscriptions nous a persuadé du contraire.
La similitude du prénom ne préjuge en rien Tidentité des per-
sonnes : l'inscription même donne la preuve que le prénom Publius
était héréditaire dans la faihille desLucilii. Il en était fréquemment
ainsi, et Tépigraphie d'Ostie en présente un curieux exemple. On y
compte une cinquantaine d'Egrilii qui tous portent le prénom de
Aultu. Il s'est même produit par Taccolement continuel de l'A et de
TE un fait singulier d'orthographe : TA a fini par faire corps avec le
nom, et l'on a écrit Aegriliuê (i) au lieu de Egrilius.
On en peut dire autant des surnoms qui se conservaient soigneu-
sement dans les familles, comme un glorieux héritage, quand ils
avaient été une fois illustrés par un ancêtre : c'était précisément le
cas pour les Lucilii, qui comptaient plusieurs générations de magis-
trats (4). Les surnoms servaient à distinguer les différentes branches
d'une même gens, ou les différentes familles du même nom. Les
Lucilii d'Ostie avaient encore une autres raison pour se transmettre
le surnom de Gamala, si, comme le suppose M. Mommsen, il était
(1) Borghesi cite des expressioni analogues : T . GAES, T . AUG . F^ T(ltu8) Gae8(ar),
T(Uu8) Aug(a8ti) f(ilias), Œuvres^ III, p. 536; cf. Marini, Incr, Âlb., p. 53; Or.,
773.
(2) M. ViscoDii cite un certain nombre de semblables restaurations, mais qui
toutes se rapportent, il le reconnaît lui-même, à des inscriptions historiques.
(3) Kellermann, Vig., II, c. 2, 1. 80; V, col. 5, 1. 8.
Û) Voir à la ii* partie de ce travail.
246 RBVUE ARCHEOLOGIQUE.
emprunté à la ville syrienne de Gamala et rappelait leur origine (1).
Les magistratures énumérëes dans les deux inscriptions sont, à
peu de chose près, les mêmes; mais la carrière municipale était
assez restreinte pour expliquer les ressemblances, et il n'est pas
nécessaire de supposer qu'une même série de magistratures ne peut
être attribuée ()u'à un même personnage. Qu'on prenne au hasard la
carrière d'un citoyen considérable d'Ostie, on y retrouvera toujours
la questure, i'édilité, le duumvirat, et très-souvent l'édilité ou la
préture de Yulcain. On peut donc négliger les ressemblances qui
n'ont aucune valeur démoostrative ; on doit au contraire s'attacher
aux différences.
Elles portent sur les dignités religieuses, les magistratures, les
fonctions civiles dont les deux personnages ont été revêtus.
L'un des deux Gamala fat aedilis sacrorum Volkani {*t); l'autre,
aedilis et praetor tertius sacrorum Volcani (3).
Les inscriptions d'Ostie font connaître avec une suffisante exacti-
tude l'organisation du culte de Yulcain dans cette ville. II était placé
sous la surveillance d'un pontife, qui porte le titre de pontifex Vol-
cani et aeiium sa4rarum (4), et qui semble avoir exercé dans la
colonie une direction ou un contrôle sur tout ce qui touchait à la
religion (8). C'était la plus haute dignité sacerdotale, et elle parait
n'avoir été confiée qu'aux personnages les plus considérables de la
colonie ; peut-être même se donnait-elle exclusivement à d'anciens
magistrats romains, h des hommes de l'ordre sénatorial (6).
Le pontife était assisté par une hiérarchie de prêtres qui portent
les titres de aedilis (7), praetor. La préture avait trois degrés (8). Il
(1) Mommseo, /. c; Pape, s. ▼. ràftoXa.
(2) N« 4, 1. 4.
(5) N* 1, 1. 8-4.
(4) Mariai^ Atti, p. 40S (Wilmaniu, 1720) ; G. L. Visconti, Ann. Inst arch.^
1S68, p. 378^ 379 ; C, L G., 5097 (Lanciani, Bullet. Inst, arcK, 1866, p. S26 ;
Visconli, op, cit., p. 88j).
(5; G. L. ViBConti, op, cit., p» 378, 379, 381 ; Henzen, 6020 (Maratori, 158, 1 ;
GnascOi bucr, mus, Capitol,, 300 et 72; C. L. Viaconti, op. cit, p. 383 ; Wilmanns,
1735).
(6) VL*, Adlina Priscus Egriliaa Plarianus, qui fat pontife de Valcain, avait exercé
lafoDciion prétorieDoe de proe/*. aerari militaris (Mariai, Atti, p. 408); M. Antios
Greaceas Calparniaaas s'iatitale V{ir) C{larissimu8) {Ann. Inst, arch., 1868,
p. 370).
(7) Le titre complet est aedilis ou praetor sacris Volcani fadundis (Senzen, 5987;
Orelli, 1381); il 8*abrége ea aedilis^ praetor sacrorum Volcani,
(8) Or., 1381,2205 ; Henzen, 7011 (Giom. arcadico, 1828, XXXV, p. 215); Praetor
primuSf Or., 2204 (Mariai^ Iscr. Alb,^ p. 56 ; MorcelU, StU,^ II, p. 54) ; Praetor
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS D'OSTIE. 247
n'est pas douteux que rédilité ne fût inférieure à la prëture. Pour
justifier celte conjecture, li suffirait de remarquer que tel est Tordre
de succession de Tédilité et de la prëture dans la constitution
romaine, sur le modèle de laquelle furent organisés munieipes et
collèges et è laquelle ont été empruntées ces dénominations. L'exa*
men des inscriptions conduit au même ré^:ultat. A. Fabius Felicia-
nusy mort à dix-buit ans sans avoir obtenu aucune magistrature, fut
aedilis Volcani{i); le titre de praetor, sauf une seule exception, et
cela dans une inscription dédicatoire où la série des titres peutétre in-
complète (¥)y est porté par des personnages qui ont obtenu les bon-*
neurs municipaux, et qui ont exercé en outre d'autres sacerdoces ou
quiont le rang de chevaliers romains. Enfin dans les inscriptions (3)
où les titres d'édile et de préteur sont réunis, celui-ci occupe toujours
la seconde place, c'est-à-dire la plus haute.
Il faut de deux choses l'une : ou que les deux inscriptions appar-
tiennent à deux personnages distincts, ou que celle qui mentionne
les honneurs les plus élevée soit aussi la plus récente. Or Tinscrip-
tion4,qui est certainement postérieure à la mort de Gamala, puis-
qu'elle rappelle les honneurs funèbres qui lui furent décernés par
les décurions reconnaissants, est précisément celle qui n'indique
que le titre inférieur de aedilis sacrarum Yolcani.
Il est vrai que Marin! (4) propose de corriger et de lire [PR]AE(T)
au lieu de AED; mais tous les recueils d'inscriptions donnent unani-
mement la leçon AED; et aucun, sauf celui de Gori, ne présente de
lacune au commencement de la ligne 4. On doit donc lire AED(t7i£).
M. Yisconti (5) remarque que l'on a pu ajouter, quand Gamala fut
mort, plus ou moins longtemps après la rédaction première, les
deux dernières lignes relatives aux funérailles. C'est une hypothèse
gratuite^ et qui laisse d'ailleurs subsister ehtièresd'autres difficultés.
On lit dans l'inscription n"" 1 : « decurioni adlecto decurionum
décréta infants [6) » (sic) ; dans l'inscription n"" 4 : « decurionum
décréta allecto gratis decurioni ».
L'adlection gratuite était un honneur décerné seulement en recon<^
secundus, Gruter^ 318» 6, 308, 7; cf. Bfarini, AUi, II, p. 357 ; Prae tertius^ inscr.
n«> 1, 1. 8-ft
(1) OreUi-Henzen, 5987.
(2) OreUi, 1381.
(3) Or., 1381, iiîwr. n« 1.
ifi) Marini, Iscriz. alb,, p. 58, n® 5.
(5) G. L. Visconti, Ann, Inst. arçh,, 1857, p. 332.
(6) La lectare est certaine.
248 REVmS ARCHÉOLOGIQUE.
naissance de services rendus, soit par Vadlecius lui-même ((), soit
par sa famille (2). Elle dispensait du payement de la summa hono-
raria. Aussi ne manque-t-on jamais de mentionner sur les inscriptions
ce privilège quand on en a été honoré (3).
Il arrivait plus rarement encore que les impubères fussent adlecti;
les familles depuis longtemps illustrées avaient seules le crédit
d'obtenir pour leurs enfants cette faveur (4), et Ton n^avait garde de
Toublier. Si donc il n^y est pas fait allusion dans Tinscription n"* 4,
c'est qu'elle n'avait pas été accordée au personnage en Thonneur de
qui ce monument fut érigé; et, si elle ne lui avait pas été accordée,
ce Lucilius Gamala ne saurait être confondu avec celui de Tin-
scription n"" 1.
En continuant cet examen comparatif, on rencontre dans les deux
cursus le pontificat, puis les deux dignités équivalentes par le rang,
mais très-différentes dans la forme :
N<* 1. Duumvir praefectus Lucii Caesaris AugusH filii censorius (?).
^^À.Duumvir censoriae potestatis quinquennalis in comitits foetus.
Les deux personnages furent duumtiri Tannée du lustre, et firent
les fonctions de censeurs; mais l'un d'eux les exerça en son nom ;
l'autre, au lieu et place de Lucius Caesar; l'un, en vertu de l'élection
populaire ; l'autre, par délégation du prince qui était le véritable
titulaire. Il y a contradiction absolue entre ces deux modes de dési-
gnation, et l'on doit supposer que les deux magistratures appartien-
nent à la carrière de deux personnages différents, à moins qu'eila<(
ne se soient succédé dans le cursus d'un même personnage.
Mais, quelques rapports chronologiques qu'on établisse entre les
deux inscriptions, il est impossible d'en concilier sur ce point les
détails. Suppose-t-on l'inscription n"* 4 la plus récente des deux, on y
doit retrouver le iilre praefectus Lucii Caesaris. Qusind l'empereur ou
quelque prince de sa famille était nommé duumvir (5) dans quelque
(1) Je me borne à citer des inBcriptions d'Ostie : G. L. ViscoDti, Ann, InsL arch,
1859, p. 2A2 ; Wilmanns, 1725 a.
(2) Cardioali, Dipl, imp., 327 (Henzen, 7172).
(3) Aa sujet de la summa fionoraria, voit Marquardt, Rœm. Staatsverwalt, .1,
p. A09-50I. On trouve des exemples de décurionat gratuit dansOrelli-Henzen, 1971,
5330^40^7,3816, 6616.
(4) L'exemple de Gamala est unique à Oatie ; on trouve de même à Pompé! un
dôcurîon de six ans ; un autre de quatre ans à Amiterne, etc. (Orelli-Henzen^ 3745,
8747).
(5) Cela arrivait assez fréquemment. Voir, par exemple, Spart., Hadr,, 19 ; Zumpt,
Comm. epigr,^ p. 56 etsuiv.^Marini^ilroa/t, p. 175, 419; Borghesi^ Œuvres. I, p.
490; VI, 315; Marquardt, Rcem, Staatsv., I, p. 493.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS D'OSTIE. 249
ville, il se faisait représenter par un citoyen de la ville, qu'il dési-
gnait lui*m6me et qui devait à ce choix la préséance sur son collègue
dans le duumvirat. De là vient qu'on était fier du titre de praefectus
et qu'on aimait à s'en parer; on ne saurait admettre qu'il ait été omis
par mégarde. Le supprimer, c'eût été se faire tort à soi-même d'un
honneur trës-envié et manquer de respect au prince.
Le monument 1 est-il, au contraire, postérieur à l'autre, il est
incomplet. En effet, Lucilius Gamalan'a pu, pour les raisons données
plus haut, être praefectus de Lucius Caesar dans le duumvirat quin-
quennal mentionné par l'inscription n^ 4. Pour faire place à cette
magistrature, force est de supposer que Gamala fut deux fois duum-
vir^ d'abord à l'élection^ ensuite à la désignation de Lucius Caesar. Or
cette double gestion n'est nulle part indiquée.
Restent, pour épuiser la liste des honneurs, les fonctions de
curatorpublicaepecuniae^ d'une part; et de l'autre, celles de curator
tabularum et librarum.
On trouve assez fréquemment dans les municipes nu colonies des
curatores publicae pecuniae{i); mais je ne connais pas d'autre exem-
ple d'un titre aussi complet que celui de Lucilius Gamala. Ce titre a
Tavantage de nous instruire non-seulement sur la nature, mais aussi
sur rétendue des attributions de ce fonctionnaire (2). Il était en
possession d'une sorte de plein pouvoir sur les finances de la colonie,
en tout ce qui concerne non-seulement la perception, mais aussi
l'emploi des revenus publics, et par suite exerçait une action ou du
moins un contrôle sur toutes les entreprises et travaux publics. Aussi
la curapecuniae publicae est-elle quelquefois réunie à la cura operum
publicorum^ par exemple à Sutrium, et à Tibur(?); mais dans une
inscription suspecte (3).
Peut-être retronve-t-on ici sous un autre nom la cura kalendarii
fréquemment mentionnée dans les inscriptions (4), et qui parait ne
pas avoir existé à Ostie. Les kalendaria étaient des registres de
comptes en partie double où figuraient en regard les unes des autres
(1) OreUi, 2300, 3150, 3076 ; à Saint>Reroy (Glanam Uvium), an curator peculii
rei publicae Glamcùrumy ib. 200.
(2} Ces attribations ont les pins grands rapports avec celles des curatores don-
nés aux cités par les emperears, et qui étaient cliargés de contrôler r administration
des manicipes et particaUèrement l'administration financière. Voir Marini, Àtti,
p. 780, 786-7 ; Henxen, Ann. Intt, areh,, 1851, p. 1-35.
(8) Orelll, 3807,113 (?) ; cf. Marini, Iscr, alb., p. 56.
(k) OrelU-Hensen, 62, 2391, 3940, 4401, 7064, 7171 ; deax antres curatores kalefi'
darii nommés par des emperears, 4006, 4007.
280 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
les entrées et les sorties, un journal des recettes et des dépenses de
la cité (i); auxquelles présidait, ainsi que l'indique son titre, le
curator pecuniae publicae exigendae et adtribuendae.
H. Yisccnti assimile au ct«ra^orp^ct4ma^pu&/2ca^ le curator tabu-
larum et librorumq\\\ figure dans Tinscription nM ; et ii ne serait pas
éloigné de croire que ces deux curae sont une même fonction sous
deux noms ^^). Il serait bien extraordinaire que, sur deux monuments
presque officiels et élevés à un même personnage, une charge unique
portât un double nom. Il serait également singulier qu'on eût pris
soin dans une des deux inscriptions, et négligé dans l'autre, de
rappeler que P. Lucilius Gamala fut le premier titulaire de la cura
qui lui fut confiée, si les deux inscriptions visaient une même fonc-
tion. On regardait toujours comme un surcroît d'honneur d'être le
premier à recevoir une distinction inaccoutumée, à exercer une
charge nouvelle (3).
Aussi bien les attributions du curator tabularum et librorum
et celle du curator pecuniae publicae sont d'une nature très-diffé-
rente;
La cura tabularum et librorum ne se rencontre pas^ du moins avec
ce titre développé, ailleurs qu^à Ostie.
Le recueil d'Orelli ne contient pas d'autre curator de cet ordre que
C. Ummidius Quadratus ^4), qui fut légat de Tibère, puis de Claude
et de Néron, et qui exerça cette curatelle non pas dans un municipe,
mais à Rome même. Un autre est connu par une inscripiion de
Suasa (5).
Une inscripiion publiée par Gruter (6) donnerait lieu de croire que
ces curateurs formaient un collège de trois membres.
Sur une autre inscription qui provient des Iles Baléares, et qui se
(1) c. 7Aeo£f., XII, XI, 1, De curatoribus kalendarii; C, JuêLy XI, 32, 3, De
debitis civitat. Les particaliers avaient aussi des kalendatia,
(2) ViscoDti, Ann, Inst. arch,, 1857, p. 327.
(3) Voir, par exemple, parmi les inscriptions d'Ostie, Fabretti, p. 731, &50 (Gori,
Irucr. Btr,, I, p. 308, 50; Orelli, &109, corr. Henz., OreUi, lil, p. k^l; WUrnani»,
1727)» et ailleurs pour d'autres fonctions, Or.-Henz./6485, 69iS(4-
(A) Orelli, 3128.
(5) Bormann, Ungedr, lat Insehr,^ Programm des gr. Klost, Berlin, 1871, p. 10.
(6) Gruter, 237^8, « Romae ad Septem Lucemas » (C. /. L, VI, 916}. M. Mommseo
(S^ Recftt, II, 1, p. 5A5; a réuni les texte et inscriptions relatifs aux curatores tabtf
larum publtcarum ou tabuiûriorum publieorum de la ville de Rome. Les inscriptions
ont été données plus haut ; le seul texte est tiré de Dion Gassius, LVIl, 16.
A
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS d'OSTIE. 351
troaye aussi dans Orelli (1), on doit peut -6tre lire curatorlibrorum au
lieu de LIBB*ORque donne la copie, d'ailleurs très-fautive; mais la
leçon est au moins douteuse.
On peut rapprocher encore la fonction de curator tabularii cen-
sualis inscrite sur un monument de Tarragone (2). G. Yalerius Ara-
binus, qui en fut revêtu^ était, comme P. Lucilius Gamala, un per-
sonnage considérable dans sa ville; il avait obtenu toutes les magis-
tratures municipales et le sacerdoce provincial de Rome et d'Auguste.
Le sens des mots tabulae^ tabularium^ tabularius nous éclaire
suffisamment sur les fonctions exercées par Gamala.
M. Visconti restreint trop le sens deHabulae ptift/tcae en assimilant
le curator tabularum au curator kaleniarii. Ce ne sont pas seulement
les tabulas accepti et expensi (3), registres de comptes. On trouve dans
Cicéron le terme tabtUae publicae appliqué à des dépositions judi-
ciaires (4), aux registres de l'état civil (5), à la correspondance des
gouverneurs de provinces (6). Il sert à désigner des lois, des sénatus-
consultes (7), en un mot toutes sortes de documents écrits, tous actes
publics (8). On dit dans le langage ofHciel tabulae proscriptionis, —
testamenti^ — alimentariaej — censoriae^ ^ patronatuê, — honestae
mUsionis^ etc.
Les tabulae constituent donc les archives de la cité ; elles étaient
déposées dans un lieu appelé pour cette raison tabularium. Il y
avait un tabularium non-seulement à Rome (9), mais, pour l'ordi-
naire, dans les municipes (10); souvent dans les collèges (11), et
même dans les grandes familles.
On nomme tabularii ceux qui rédigent les actes publics; ils dres-
sent les rôles des impositions (12), enregistrent les naissances (13) ;
(1) Orem, 106.
(2) OreUi, 155.
(3) Cic, pro Placco, 17-18.
(4) Cic, pro Stf//a, 14, 15.
(5) Cic, pro Archia, 4.
(6) Cic, in Verrem, II, n^ 43.
(7) Cic., PAt/.,II, 36; JoBëphe, Ant. Jud.^ XIV, 10.
(8) Paaiy, Real EncycL, ft. y.: « Tabalae pubUcae aUe oaffentlicben Akten, Geaetie,
nnd Urkanden, oder Rechnungen. »
(9) Orelli, 3267.
(10) Orelli, 155 ; cf. Cic, pro Àrchia, 4; Just., Nomi. XF, praef. {Arehnmm).
(11) Gruter, 315, 10 ; Orelli, 3245.
(12) Dig., XLUI, 5, 3, § 3; L, 4, 18, § 10.
(13) Capit.^ Ant. Ph,, 9; cf. Gord., 4.
282 RETUB ARGRtfOLOGIQUB.
tiennent les archives des provinces et des villes (1), les comptes des
revenas de l'empereur (2) ; et, an moins à une époque très-basse,
rédigent les actes privés, les contrats (3). Ce sont en général des
affranchis ou des esclaves au moins jusqu'en 401 après J.-C.
Le mot tabulae désignait proprement la matière sar laquelle étaient
faites les inscriptions, les tablettes enduites de plâtre ou de cire, les
plaques de pierre ou de bronze et, par extension, les actes publics qui
y étaient gravés. On donnait le nom de liber aux autres matières plus
souples, écorce d'arbre, papyrus ou parchemin, dont on se serrait
pour écrire; mais on l'appliquait aussi à l'écrit comme à la matière.
On le trouve employé dans tous les sens où Ton se servait du mot
tabulae^ pièces judiciaires, actes de l'état civil, états militaires,
archives, édils, etc. (4).
Tabulae. et libri sont donc deux manières de désigner les actes
publics, suivant la matière sur laquelle ils étaient transcrits.
Le curator tabularum et librorum n'est pas autre chose que le con-
servateur des archives municipales (5) ; il a sous sa garde les actes
de la colonie, comme le curator actorum senatus^ ceux du sénat» et
probablement sous sa direction le service des tabularii et librarii
de la colonie.
Il est difficile de dire à quel moment de sa carrière P. Lucilius
Gamala obtint cette dignité, et quel rang elle doit occuper dans son
cursus. Cependant on peut conjecturer, d'après l'inscription de Tar-
ragone (6), qu'elle ne vint qu'après le duumvirat. C. Yalerius Ara-
binus, sur le monument qui lui fut élevé,
OBCVRAM TABVLARllICENSVALIS FI DELITE R HAD
MINISTRATAM
(1) c. Theod., VIII, ii, 5.
(2) Orelli, 2059, 2961, 3354, etc.
(3) C. Theod., XI, 8, 3.
(4) Javeo., IX, 84 et schol. a(2 /oc.; Veget., II, 1; Plin., £p., V, 14; cf. lÀbri
pontificales^ et la fonction a libris pontificalibus ; Scriba a iibris pontificalibus ;
Mommsen, /. R, N., 6680, 6851.
(5) M. L. Renier, dans une de ses leçons da Golléce de France et à propos de
rinscription de G. Ummidins Qaadratus, a donné une explication analogue de l'ex-
pression curator tabularum publiearum» C'est pour lui une variante du titre de
curator actorum^ ab aetù Caetaris^ senatw, M. Mommsen pense qu'ils forent in-
stitués pour assister l'administrateur de Vaerarium dans ses fonctions de conserva-
tear des archives de l'Etat (Mommsen, 8t, Recht^ H, i, 2* aufl., p. 545-546).
(6) OreiU, 155.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS d'OSTIE. 253
porte le titre de : omnibus honoribtis in republiea stia functus. Il
avait doDC parcouru toute la carrière municipale quand il reçut
la cura tabulari^ charge que tons les exemples précédents nous au-
torisent à considérer comme analogue à la cura tabularum et libro-
rum.
De riDscription de G. Ummidius Quadratus on ne peut rien con-
clure, même par analogie, puisque la charge de curator n'est pas
intercalée à son rang dans le cursus^ si ce n'est qu'à Rome, comme
dans les municipes, cette curatelle ne se donnaitqu'à despei*sonnages
importants (().
Un fait, du moins, est certain : c'est la distinction de la cura pecu-
niaepubUcae et de la cura tabularum.
11 n'y a donc de commun entre les deux Gamala que ce qui con-
vient également à tous les citoyens ayant parcouru régulièrement la
carrière des honneurs municipaux; toutes les fonctions moins ordi-
naires, et par là même plus caractéristiques, sont différentes.
En conséquence, c'est une erreur de s'autoriser des données histo-
riques de l'inscription n® 4 pour dater la première. .
Si l'on n'avait pas embrouillé la question en y introduisant cet
élément étranger, la solution en eût été beaucoup plus aisée. Le
système de M. Yisconti ne tient que si l'une des deux inscriptions a
été remaniée après la première rédaction^ l'autre refaite à un siècle
de distance : il est à la fois plus sûr et plus simple de s'en tenir aux
indications paléographiques.
Th. Homolle.
Athènes, 1876.
[La suite prochainsmenU)
Ce mémoire était imprimé déjà, qaand m'est parvenu le dernier fascicale de
VEphemeris epigraphicoy qai contient une étude de M. filommsen sur led deux In-
scriptions relatives aux Gamalae. {Bph. epigr., III, iv, p. 310 suif.)
(1) Il exerça probablement cette curatelle après la questure; elle est placée à ce
rang dans rinscription de Suasa. Dio, LVII, iO : xpeTc pouXsvTàc icpoexeipCo^aav.
UNE
INCANTATION MAGIQUE
GHALDEENNE
Le document en écriture cunéiforme dont nous publions aujour-
d'Iiui une traduction nouvelle est édité dans la planche 7 des Cuneir
form Inscriptions of Western Asia. Il a été déjà l'objet d'études
approfondies de la part de plusieurs assyriologues. J'en ai donné le
premier essai de traduction dans mon livre sur la Magie chez les
Chaldéens (1), essai déjà revisé et amélioré dans mes Études acca^
diennes (2). H. Sa y ce (3) et le regretté Georges Smith (4) ont ensuite
publié tous deux des versions indépendantes. Chacun de ces travaux
successifs a fait progresser l'intelligence du texte et a fixé le sens de
passages difficiles, rebelles aux premiers efforts. A son tour,
M. Friedrich Delitzsch (5), sans produire une traduction intégrale,
a fourni quelques très-heureuses explications. Enfin, revenant moi-
même sur mes anciennes tentatives, en m'aidant de ce qu'avaient
fait les savants distingués que je vieos de nommer et aussi du pro-
grés nécessairement acquis par mes études personnelles depuis quel-
ques années, j'ai repris à nouveau Tétude de ce texte important et
je crois en avoir mieux compris certains passages. En effet, dans une
(1) p. 59.
(2) T. II, p. 235-238.
(8) Records ofthepast^ t. III, 147-151.
(&) Ancien t history from the monuments. Assyria^ p. 18 et saiv.
(5) G, SchmiWs ChaldaUche Genesis^ p. 305.
UNE INCANTATION MAGIQUE GUALDÉENNE. 256
étude aussi neuve que celle de rassyriologie, et surtout lorsqu'il
s'agit de morceaux que leur style poétique et la nature môme du
sujet dont ils trailentrendent particulièrement difficiles, ce n'est que
par une succession d'efforts persévérants que Ton parvient à obtenir
un résultat complètement satisfaisant. Un seul philologue ne saurait
avoir la prétention d^arriver du premier coup à déterminer avec un
égal succès toutes les parties de l'interprétation. Il est bon, il est
même indispensable que plusieurs se succèdent dans la tâche, cha-
cun parvenant à son tour à saisir ce qu'un autre n'avait pas bien su
comprendre, jusqu'au moment où la traduction, voyant ainsi le
nombre des passages obscurs et douteux- se restreindre, les difficul-
tés se résoudre d'une manière heureuse, en arrive à ce point où Ton
peut désormais la tenir pour définitivement acquise et inébranlable.
Je ne crois pas me tromper en pensant que ce point est bien près
d'être atteint pour le document magique sur lequel je reviens aujour-
d'hui. C'est avec une certaine confiance que je soumets au jugement
des maîtres de la science assyriologique le résultat de mes curae
postêriores, car il me semble qu'il n'y a plus qu'un petit nombre de
détails de l'interprétation du texte qui pourront être encore contestés
et discutés.
L'incantation est destinée à guérir la folie, appelée le plus souvent
dans les documents de ce genre «la maladie de la tête >», mais dési-
gnée également, ici et ailleurs, par le nom assyrien plus précis fe'tt,
cf. l'hébreu nvt^i a errer». Cette folie est considérée comme le
résultat d'une imprécation, dont il s'agit de détruire les effets
funestes au moyen du chant déprécatoire et de l'accomplissement
d'une série de rites magiques. Telle est l'économie générale du
texte, dont l'importance singulière, au double point de vue de la
philologie et de Tarchéologie, explique la persistance apportée à
l'étudier et à en fixer la traduction.
Philologiquement, le document en question est capital, car aucun
autre ne fait toucher du doigt d'une manière aussi évidente la dis-
tinction, essentielle quoique méconnue par quelques-uns, entre les
textes accadienset les textes de langue assyrienne sémitique écrits
presque exclusivement en idéogrammes. Son examen attentif four-
nit donc une des plus sûres et des plus complètes réfutations de la
théorie qui a prétendu récemment nier l'existence de la langue
accadienne ou sumérienne {comme on voudra l'appeler, car il importe
de ne pas élever à l'état de question le débat soulevé sur le point,
bien secondaire, de savoir lequel de ces deux noms est le préférable)
et chercher dans les textes de cette langue de l'assyrien sémitique,
â66 REVUE ARCflÂOLOGIQUE.
déguisé sous une sorte de cryptographie idéographique (1). En effet,
le document se divise en deux parties bien distinctes : la première
où le malade est désigné à la troisième personne, que devait par
conséquent réciter sur lui le prêtre-magicien, la seconde où il parle
à la première personne et qu'il devait, par suite, pronoacer lui-
même en accomplissant un certain nombre d'actes rituels, auxquels
se rapportent les différentes strophes de cette seconde partie. Les
deux ne sont pas rédigées dans le même idiome, circonstance fort
instructive et digne de remarque ; le magicien se sert de la' langue
liturgique, qui dès lors avait cessé d'être un idiome parlé, qui était
devenue inintelligible pour le vulgaire et dont la connaissance était
un des principaux objets de renseignement dans les écoles sacerdo-
tales; le malade emploie sa langue usuelle, à laquelle on n'attachait
aucune idée sacrée et aucune vertu mystérieuse. La première par-
tie est donc en accadien, accompagnée, comme le sont d'habitude
les hymnes et les incantations rédigés dans cette langue, d'une ver-
sion assyrienne interlinéaire, dont la présence était devenue indis-
pensable aux siècles classiques de la culture des pays arrosés par
TEuphrate et le Tigre; c'est de la même façon qu'aujourd'hui les
^prêtres deTéglise copte ont besoin d^avoir dans leurs missels une
traduction arabe, pour comprendre le sens de la liturgie qu'ils
récitent. Cette version assyrienne fournit un secours inappréciable,
dont nous ne saurions nous passer dans l'état actuel des recherches,
pour l'intelligence du texte accadien ; mais si ce guide est encore
indispensable, nous sommes en position de le contrôler déjà dans une
certaine mesure par une analyse grammaticale rigoureuse du texte
original; nous constatons le caractère assez libre des versions assy-
riennes et nous pouvons le plus souvent déterminer en quoi elles
s'écartent des phrases qu'elles traduisent. La seconde partie du
document, comprenant les formules à réciter pour le malade, est
exclusivement rédigée en assyrien sémitique ; mais, comme dans les
textes astrologiques, on a suivi pour Pécrire le style particulier
d'orthographe qui fait prédominer l'expression idéographique, et
n'emploie qu'une part très-minime d'éléments phonétiques. Seule-
ment un texte assyrien, écrit d'après ce système d'orthographe
(1) Je demeure tonjoan convaincu de l'étroite parenté de la langue accadienne ou
sumérienne avec les idiomes de la grande famille touranienne et altalque. Mais il
reste beaucoup à faire pour la démonstration de cette parenté, et la question sera
sans doute encore longtemps controversée. Celle de l'existence môme de la langue
j&Bt, au contraire, tranchée d'une manière définitive pour tons les assyriologues sans
exception.
UNE INCANTATION KAGIQIJE GHALDÉBNNE. Vlà
presque exclusivement idéographique, ne saurait être un seul
instant confondu avec un texte accadien ; outre que les éléments
phonétiques qui apparaissent de loin en loin déterminent la langue
avec certitude, la succession des mots représentés par ii'es' idéo-
grammes est calquée sur l'ordonnance de la phrase sémitique^ tandis
que dans les textes accadlens l'ordonnance des élément^ lexiques
du discours est absolument autre, révélant à n'en pas doafèr que
Ton est en présence d'un idiome dont le génie grammatical diffère
radicalement de celui des langues de Sem.
Ce sont les formules de la seconde partie, celles qui sont placées
dans la bouche du malade à guérir, qui constituent le plus grand
intérêt archéologique du document. Il n'y a pas là, en effet, seule-
ment une incantation comme on en a tant d'autres exemples. Il y a
de plus, ce qui manque d'ordinaire, Pénumération détaillée de tous
les rites, de tous les actes qui accompagnent l'incantation. Ace point
de vue, le texte que nous traduisons est pour la magie chaldéenne
quelque chose d'analogue à ce que sont, pour la magie des peuples
classiques, la 4»ap[jLaxeuTpia de Théocrite et la YIIP églogue de Vir-
gile. Le lecteur jugera d'ailleurs lui-même de ce qu'est son impor-
tance pour rhistoire des usages aussi bien que pour celle des idées
superstitieuses qui tenaient tant de place dans la vie des Babyloniens
et des Assyriens, enchaînant tous les actes et faisant peser leur
inOuence sur tous les moments de la vie.
FORMULE DU MAGICIEN.
Incantation.
L'imprëcatioa de malice agit (1) sur l'homme comme un mauvais
démon,
le cri qui maudit existe sur lui,
le cri mauvais existe sur lui,
l'imprécation de malice est le moyen de maléfice (qui produit)
sa folie.
Cet homme, l'imprécation de malice l'égorgé comme un agneau ;
son dieu dans son corps l'opprime ;
sa déesse le charge de sa colère ;
le cri qui maudit le couvre comme un voile et l'écrase de son
fardeau.
Silik-moulou-khi (assyr. Maroudouk) l'a secouru ;
(1) Venion aaiyrieniie: « exiite ».
XXXIV. 18
258 ai^nJR ABCBÉOLQaiOI»^
vers son père Êa» dans sa demeure il ef t enlré et il a dit :
«r Mon père» l'imprécation de malicç agit sur rbomme comme an
mauvais démon. »
Une seconde fois il lui a dit aussi :
(( Qu'a fait cçt homme?. Il ne., le sai,^ pas ni comment il se guérira? »
Êa à son fils Silik-mpulQu-^i;ii (assyr. Maroudouk) a répondu :
« T/lpn fils, comment ne If sais-tu pas? Commuent faut- il que }e
te l'apprenne?
« Silik-moulou-khi (assyr. Haro,udouk), comment ne le sais- tu
pas? Comment faut-il que je te rapprenne?!
« Ce que je sais pourtant, toi aussi tu le snis.
« Vas, mon fils Silik-moulop-khi (assyr. Maroudouk},
u du haut des demeures brillantes prends sa main,
a dissipe son mauvais sort, délivre-le du mauvais sort. >
Le mal qui bouleverse son corps,
que ce soit une imprécation de son père,
une imprécation de sa mère,
une imprécation de son frère aîné,
ou bien l'imprécation et la malédiction d'un homme inconnu,
le sortilège, par la parole magique de Êa,
comme un oignon qu'il soit dépouillé i
comme une datte qu'il spit mis en pièces!
comme un nœud qu'il soit dénoué i
Le mauvais sort, Esprit du ciel, conjure-le I Esprit de la terre,
conjure-le I
FORMULES DU MALADE.
I. Gonmiecet oignon est dépouillé de ses tuniques, ainsi sera du
maléfice.
Le feu brûlant le dévorera ;
(*)
(1) Ici m trooTent les deaz seuls versets qui présentent encore de sérieuse» diiB-
cnltés, à cause des idéogrammes Jusqu'à ce Jour imparfaitement expliqués et des
expressions sans antres exemples connus, qui s'j rencontrent. En Toid la transcrip-
tion, teUe qu'on peut la donner :
ifia mMore la itmirisu
tnaE u KUR^ la itmimmedu.
Ges denx femcta doivent se rapporter aux opérations préUminaires de culture de
DNE lNGANTATIOf« MAfrlQOE CHALDÉENNE. 269
le sol ne recevra pas sa racine ;
il ne produira pas sa graine et le soleil ne veillera pas sur
elle;
on ne le présentera pas aux fêtes d'un ditu ou d'on roi.
L'homme qui a jeté le mauvais sort^ son fils atné, sa femme,
Topération violente, Tindigitation (i), le maléfice par écrit,
les malédictions, les péchés,
le mal qui est dans mon ventre, dans mes chairs^ dans mes*
plaies,
que (tout cela) soit dépouillé comme cet oignoB 1
qu'en ce jour le feu brûlant le dévore !
Que le mauvais sort s'en aille, et que, moi, je revoie la lu-
mière i
IL Comme cette datte est mise en pièces, ainsi sera du maléfice.
Le feu brûlant la dévorera,
elle ne retournera pas à son régime détaché,
on ne la présentera pas sur les plats d'un roi ou d'un dieu.
L^omme qui a jeté le mauvais sort, son fils aîné, sa femme,
l'opération violente, l'indigitatlon, le maléfice par écrit, les
malédictions, les péchés,
lé mal qui est dans mon ventre, dans mes chairs, dans mes
plaies,
que (tout cela) soit mis en pièces comme cette datte I
qu'en ce jour le feu brûlant le dévore i
Que le mauvais sort s'en aille, et que, moi> je revoie la. lu-
mière t
i
m. Comme ce nœud est dénoué, ainsi sera du maléfice.
Le feu brûlant le dévorera,
ses fils ne retourneront pas à la tige (qui les a produits);
il ne viendra pas (servir) à l'éclat d'un vœu.
L'homme qui a jeté le mauvais sort, son fils atné, sa femme,
l'opération violente, l'indigitation, le maléfice par écrit, les
malédictions, les péchés,
la plante, qae Ton ne fera pas; mais tontes les traductions qneTon a JnsquUd pro-
posées sont sûrement inexactes. Je préfère laisser ces versets en blanc en avouant
mon Impuissance, plutôt que de tenter i mon tour une version qui ne serait que
eonjecturale et que Je ne me verrais pas en état de Justifier d'une manière satisfai-
sante.
(1) Le sort Jsté en dirigeant le doigt contre celui que l'on veut en frapper.
260 REYDB ARCHÉOLOGIQUE.
le mal qui est dans mon ventre, dans mes chairs, dans mes
plaies,
que (tout cela) soit dénoué comme ce nœud I
qu'en ce jour le feu brûlant le dévore!
Que le mauvais sort s'en aille, et que, moi, je revoie la lu-
mière i
IV. Comme cette laine est déchirée, ainsi sera du maléfice^
Le feu brûlant la dévorera ;
elle ne retournera pas sur (le dos de) son mouton ;
elle ne sera pas présentée pour le vêtement d'un roi ou d'an
dieu .
yhomme qui a jelé le mauvais sort, son fils atné, sa femme,
Topération violente, l'iudigi talion, le maléfice par écrit, les
malédictions, les péchés,
le mal qui est dans mon ventre, dans mes chairs, dans mes
plaies,
que (tout cela) soit déchiré comme cette laine I
qu^en ce jour le feu brûlant le dévore I
Que le mauvais sort s'en aille, et que, moi, je revoie la lu-
mière I
V. Comme cette banderole est déchirée, ainsi sera du maléfice.
Le feu brûlant la dévorera ;
elle ne retournera pas au sommet de sa hampe ;
elle ne viendra pas (servir) à l'éclat d'un vœu.
L'homme qui a jeté le mauvais sort, son fils atné, sa femme,
l'opération violente, l'ind^gitation, le maléfice par écrit, les ma-
lédictions, les péchés,
le mal qui est dans mon ventre, dans mes chairs, dans mes
plaies,
que (tout cela) soit déchiré comme cette banderole i
qu'en ce jour le feu brûlant le dévore i
VL Comme cette étoffe foulée est déchirée, ainsi sera du maléfice.
Le feu brûlant la dévorera ;
le foulon ne la teindra pas pour en faire une couverture,
elle ne sera pas présentée pour le vêtement d'un roi ou d'un
dieu.
L'homme qui a jeté le mauvais sort, son fils aîné, sa femme,
UNE INCANTATION MAGIQUE GHALDÉBNNE. 261
l'opération violente, l'indigitatioD, le maléfice par écrit, les ma-
lédiclions, les péchés,
le mal qui est dans mon rentre, dans mes chairs, dans mes
plaies,
que (tout cela) soit déchiré comme cette étoffe foulée i
Que le mauvais sort s'en aille, et que, moi, je revoie la lu-
mière i
François Lenormant.
LA GAULE
DE 511 A 561
Si Ton connaît assez bien les limites de l'empire franc à la mort
de CloTis, on n'a que des notions assez vagues sur le partage qui en
fut fait alors entre les quatre fils du roi défunt Chacun des nouveaux
royaumes était composé d'an certain nombre de cités, réunies sans
aucun souci des anciennes circonscriptions provinciales ou des
limites naturelles, et formait même plusieurs groupes séparés les
uns des autres par des territoires appartenant è un tétrarque diffé-
rent. La partie de la Gaule soumise aux Francs antérieurement à la
guerre de 807, cette portion de notre sol que l'on désignait spéciale-
ment au VI* siècle sous le nom de France, Francia^ fut cependant
l'objet d'une division plus régulière : c'est dans la Francia que cha-
cun des fils de Clovis eut son siège royal, autour duquel s'arrondissait
la partie la plus appréciée peut-être de son royaume; les contrées
d'outre-Rhin passèrent tout entières, malgré leur importance terri-
toriale, aux mains de Théoderic, l'atné des fils du conquérant frano.
L'Aquitaine, c'est-à-dire la partie de la Gaule comprise entre la
Loire^ l'Océan, les Pyrénées et les Cévennes^ l'Aquitaine récem-
ment conquise sur les Wisigoths, semble avoir été partagée entre les
quatre frères, qui auraient ainsi traité la région d*outre-Loire comme
un domaine dont chaque roi désirait avoir sa part, surtout sans
doute à cause de ses vignobles fameux.
L'état de choses créé par le partage de 511 était une menace pour
l'avenir de la puissance franque, dans le cas où une étroite union
cesserait de régner entre les quatre nouveaux souverains qui avaient
toujours en face d'eux, dans la Gaule, les Bourguignons et les Goths :
les Bourguignons encore gouvernés par le vieux Gondebaud, l'oncle
de Clotilde« et dont la domination était demeurée intacte depuis
Langres jusqu'à la Durance, depuis les Cévennes jusqii'aux Alpes;
LA GAtTtB Dk Si 1 A 561. 263
I I
les Goths, dont les possessions eb Gaule se rédaisaient alors à la
Narbonnaise, Toulouse exceptée^ et à la Provence. Pendant les treize
années qui suivirent la mort de GloviSf Tunion des quatre rois paraît
n'avoir pas été troublée, et leur prestige s'en accrut de telle sorte
qu'Âmalaric, le fils et le successeur d'Alaric, l'adversaire de Clovis,
rechercha leur alliance et obtint la main de leur sœur. L'un des
ennemis héréditaires neutralisé tout au moins pour un moment, la
reine CloUlde excita ses trois fils, Clodomir, Childebert et Clotaire^
à la guerre contre les Bourguignons, prétendant venger sur les fils
de Gondebaud la mort de son père et de sa mère (523). La guerre
fut un désastre véritable pour la Bourgogne : le roi Sigismond, fait
prisonnier avec sa femme et ses enfants, trouva un bourreau dans
Clodomir, qui parvint h entraîner, en 524, contre les restes de la
nation bourguignonne, son frère aîné Théoderic que Clovis avait eu
d'une femme autre que Clotilde. Cependant Théoderic était lé propre
gendre de Sigismond ; mais c'était seulement par de lels sacrifices
que pouvait être maintenue la prédominance des Francs.
Clodomir tt*ouva la moi*t dans cette seconde compagne contre les
Bourgiiignons, qui, pour une dizaine d'années encore^ conservèrent
un peu d'indépendance. Le royaume d'Orléans, l'un des quatre Étals
démembrés du royaume de Clovis, devait être lui-même partagé en
trois lots, car Clodomir laissait trois fils en bas âge. Ce fait démontrait
le péril contenu en germe dans un système de partage qui, appliqué
d'une manière régulière, aurait infailliblement amené en quelques
générations l'anéantissement complet de la puissance franque.
Childebert et Clotaire comprirent-ils l'imminence du péril, ou
bien la convoitise fut-elle leur unique conseillère lorsqu'ils déci-
dèrent la mort des fils de Clodomir dont Clotilde réclamait instam-
ment l'élévation à la royauté? On l'ignore; toujours est-il que le
royaume d'Orléans fut partagé entre eux et Théoderic, non pas
cependant de façon à amener un groupement meilleur des territoires
soumis à chacun des rois survivants. L'enchevêtrement des trois
royaumes francs s'accrut même à la suite du partage de la Bourgo-
gne définitivement vaincue (53&) et de. celui de la Provence cédée
par les Ostrogoths (536).
Cependant la mort do Childebert (558), qui suivit à trois années
de distance la disparition de Théodebald, le petit-fils de Théoderic,
dont Clotaire avait seul recueilli l'immense héritage, rétablit pour
un moment l'unité de la monarchie franque. Qiiand Clotaire fut des-
cendu à son tour dans la tombe, on put croire tout d'abord que^ s'ils
n'écartaient pas les périls fatalement attachés au morcellement d'un
264 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
empire, les fils de Clotaire garderaient an moins une certaine mesure
dans le fractionnement des provinces méridionales qui attribuait à
plusieurs d'entre eux une partie de ces contrées éloignées du centre
de leur domination ; mais, à la suite de la mort de Charibert (567)
et du partage de ses États entre les trois rois survivants, on vit
bientôt reparaître ce bizarre luxe d'enclaves qui avait distingué les
royaumes de Théodebert, de Childebert et de Clotaire; et, cette fois,
il fut la cause de luttes acharnées, qui .coûtèrent la vie à plus d'un
prince du sang mérovingien.
On conçoit quel est l'embarras du géographe qui, en face d'un
tel système de partage, cherche à reconstituer, à l'aide des rares
documents contemporains, la carte de la Gaule franque sous les fils
de Clovis, sous ceux de Clotaire, ou à l'époque du traité d'An-
delot (587). Aussi les historiens qui ont consacré quelques mots h la
géographie du vi* siècle sont-ils arrivés le plus souvent à des résul-
tats que ne viennent pas toujours corroborer les textes de l'époque
mérovingienne. Il nous a donc fallu, le plus souvent^ renoncer à
discuter leurs opinions, et nous borner conséquemment à asseoir
notre étude sur les historiens, les hagiographes, les diplômes, les
chartes, les conciles et les monuments épigraphiques.
Si l'on en croit Grégoire, dont VHistaria Francorum forme une
solide base de discussion pour la question qui nous occupe, le par-
tage de l'empire franc à la mort de Clovis et le partage de la Gaule ,
cinquante ans plus tard, entre les quatre fils de Clotaire, auraient
un grand nombre de peints de contact : « Le roi Clovis étant mort,
dit notre auteur, ses quatre fils, c'est-à-dire Théoderic, Clodomir,
Childebert et Clotaire, prirent possession de son royaume, en le par-
tageant entre eux par portions égales (1). b Ailleurs, à propos du
partage de 561, le même auteur s'exprime ainsi : a Les quatre fils
de Clotaire, c'est-à-dire Charibert, Contran, Chilperic et Sigebert,
firent entre eux un partage régulier. Le sort donna à Charibert le
royaume de Childebert et Paris pour siège principal; à Gontran, le
royaume de Clodomir et Orléans pour siège; à Chilperic, le royaume
de son père Clotaire et pour capitale Soissons; à Sigebert, le royaume
de Théoderic et pour siège Reims (2). » Cependant, malgré de si
nettes paroles et l'identité à peu près certaine des sièges royaux, il
est impossible d'admettre avec dom Yaissete (3), l'abbé Lebeuf et
(1) Historia Francorum, 1. III^ c. i.
(2) Jbid,, 1. IV, c. xxn.
(s) Histoire générale de LanguedoCyt, l, p. 250 et 674.
LA GAULB DE 511 A 561. 265
d'aatres savants émioents, une correspondance étroite entre les
royaumes de 5f 1 et ceux de 661, par la raison bien simple que tout
le bassin du Rhône, c'est-à-dire le royaume bourguignon de 511,
ayant été définitivement soumis par les Francs en 534, dut figurer
dans le partage de 561. Il importe donc de traiter séparément les
États formés par chacun de ces partages.
■v
I
ROYAUME DE CLODOMIR.
(511-534)
Le royaume de Clodomir ayant disparu après treize ans d'exis-
tence, il convient de dire tout d'abord le peu que Ton sait de cer-
tain sur son étendue.
La capitale du royaume de Clodomir était Orléans, si Ton en croit
VHistoria epitomata {l)y dont le témoignage est corroboré sur ce
point par celui de Grégoire, suivant lequel le partage de 561 dévolut
à Gontran le royaume de Clodomir avec Orléans pour siège (2). Au
reste, la possession de la civitas ^Aurelianorum par Clodomir est
prouvée par le fait de la déportation de Sigismond, qui fut mis à
mort sur l'emplacement du village actuel de Saint-Sigismond (3)
(Loiret). Tours est, après Orléans, la seule ville que l'on puisse avec
assurance attribuer au royaume de Clodomir : ce prince en conféra
l'évéché à Ommatius, qui le gouverna de 521 à 526 (4). On tire de
Grégoire la preuve que Tours appartint ensuite à Clolaire> tandis que
les conciles démontrent qu'Orléans passait alors à Childebert, de
sorte qu'on pourrait ajouter foi à la réalisation du partage égal du
royaume de Clodomir entre ses deux frères germains. C'est là tout
ce qu'il y a de positif sur le premier royaume d'Orléans ; mais cer-
taines considérations, tirées surtout de la composition des États voi-
sins, permettent de désigner avec quelque certitude les cités qui for-
mèrent avec Orléans et Tours le gros du royaume de Clodomir.
La Touraine et l'Orléanais représentent un peu plus du tiers de la
(1) Fredegarii Hùtoria Franeorwn epUomata^ c. xxx.
(2) Hùtaria Franeorum, 1. IV, c. xxil
(3) Ce liea, dépendant alors do vicus Columna^ fat d'abord connu soub le nom de
« Poitft-Saint-Sigismond ».
(4) Historia Francorumy 1. III, c. xth.
266 RBTUB ARcmioLOGionB.
^iirti6 du pays quelei Frabcs possédaient alors sur, le cours de la
Loik'e, et, ce qui plus est, le tiers moyen. Celte circonstance, unie
aux exigences stratégiques qui ne durent pas êire complétemeift
sacrifiées lo^8t)u^Dn composa la parlie principale de chacun des nou-
veaux États, permet d'allribuer au royaUmie d'Orléans tous les pays
francs arrosés par le grand fleuve central de la Gaule.
Ainsi, la cité d^Auxerre, située sur la rive droite de la Loire, entre
le royaume de Bourgogne et la cité d'Orléans, devait obéir à Clodo-
mir, sous peine de n'avoir aucun lien direct avec celui des autres
royaumes francs dont elle aurait alors dépendu. La cité de Sens a
dû faire également partie du royaume d'Orléans, et ce serait à la
suite du partage de cet État entre les frères de Clodomir qu'elle
aurait elle-même été divisée en deux portions, l'une avec la ville
épiscopale rattachée au royaume de Tbéoderic, l'autre, comprenant
Melun et Château-Landon, attribuée au roi de Paris. La possession
du Blésois, pays placé à cheval sur la Loire, entre la cité d'Orléans
et celle de Tours, doit être nécessairement attribuée à Clodomir^ à
qui elle était nécessaire pour maintenir les communications par voie
de terre ou par voie d'eau entre la capitale et Tune des plus impor-
tantes villes de son royaume ; or, le Blésois représentant la parlie la
plus méridionale de l'immense cité de Chartres^ il nous parait qu'on
a quelque chance d'être exact en donnant la dvitas Camotum tout
entière au roi d'Orléans, en partant de ce principe que ce ne sont
pas les partages primitifs entre les fils de Clovis et de Clotaire qui
semblent avoir produit les premiers fractionnements des cités entre
les princes francs, mais bien les partages subséquents motivés par
la mort de l'un des quatre frères. L'Anjou, que la Loire traverse
après sa sortie de Touraine, appartint probablement, de 511 à 52i^,
au même roi que cette dernière province : cette opinion trouve une
sorte de confirmation dans le fait que la cité d'Angers fit plus tard
partie des États de Théodebert et de Théodebald, formant ainsi une
enclave fort éloignée des principaux groupes territoriaux du royaume
de Metz, enclave qui porte la marque évidente d'un partage secon-
daire. Les cités de Nantes et de Poitiers^ entre lesquelles coule ensuite
la Loire avant de tomber dans l'Océan, ont dû compléter vers l'ouest
le royaume d'Orléans, et les érudils qui ont le plus récemment
étudié les partages de la Gaule au vi* siècle aC'Cordent volontiers que
Poitiers partageait déjà, de 511 à 524, le sort de Tours, parce que^
disent-ils (1 ), ces deux villes furent depuis constamment unies sous
(1) Boanell^ Die Anfcenge des karolingisehen Hautes^ p. 100; ÈûdUet, Histoire du
LA OAVLB tlfi 611 A 561. 267
la domination saccessive de Clotaire^ de Ghat'ibert, ûé Sigebert, de
Chiiperic, de Contran et de Chiidebert II, qui faisaient gouverner
ces régions par un seul et même duc. À ces différentes cités, on peut
joindre a?ec quelque raison le Berry, situé au sud de l'Orléanais,
confinant d'une part, vers l'ouest^ à la Touiaine, et limité d'autre
parti vers Test, par la Loire, qui le séparait de la ciié d'Auxerre;
mais nous pensons que le texte de Grégoire relatif à un événement
de Tannée 530, texte où il est dit que la cité de Bourges était « alors »
du royaume de Ghildebert, ne doit pos élre employé, comme il Ta été
par M. Bonnell, pour prouver que le roi de Paris possédait le Berry
en vertu d'un récent partage (celui du royaume de Giodomir), car
les mots « lune temporis »^ dont l'historien des Francs s'est servi en
celte occasion, sont là simplement pour marquer une opposition en-
tre les possesseurs de Bourges, au temps où écrivait l'évèque de
Tours, et le prince qui y était obéi en 530.
En dehors de ces neuf cités : Sens, Auxerre, Bourges, Orléan$i,
Chartres, Tours, Angers, Nanies et Poitiers, nous ne voyons aucune
circonscription qu'on puisse joindre avec quelque vraisemblance aux
États de Giodomir. Quelle raison de placer le Mans, tivec Tabbé
Lebeuf (1) et M. Aug. Baillet (2), au nombre des cités dépendant du
royaume d'Orléans? Aucune, à notre avis ; car Giodomir possédait le
cours de la Loire franque sans avoir besoin de la civitas Cenoman'
narum. Objectera-t^n que cette circonscription fait partie du bassin
de la Loire? Nous répondrons à cela que la géographie physique ne
joua qu'un rôle fort effacé dans les partages de Tempire franc, et que
cette raison, si elle était prise en considération^ devrait faire égale-
ment attribuer à Giodomir le Limousin et l'Auvergne, qui font aussi
partie du bassin ligéritain; or, on sait que l'Auvergne obéissait à
Théoderic dés Tannée 515, et quant au Limousin, si un historien
allemand, M. Bonnell (3), s'est montré disposé à en favoriser Giodo-
mir, ce parait être uniquement dans le but de donner à Théoderic
un lot équitable dans le partage des possessions aquitaniques de son
frère défunt. Enfin, si même il était certain que les quatre fils de
Giovis eurent chacun une part dans les proVinces du sud-ouest de la
royaume d'Orléans^ p. 267*268, da lome V des Mémoires de la Société d'agrkulr'
tore d^Orlému.
(1) Dissertation dans laquelle on recherche depuis quel temps le nom de
Frtnee.,*f p* 84-*89*
(2) Histoire du royaume d'Orléans^ p. 264.
(3) Die Anfcenge des karolinqischen Hauses^ p. I<f9406.
268 BEVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Gaule, ce serait sans indice aucun qu'on donnerait au roi d'Orléans
la Novempopulanie, dont la métropole, Eauze, faisait partie du
royaume d'Austrasie en 549 (1).
L'abbé Lebeuf se croit obligé de recoonattre que Clodomir possé-
dait quelques domaines enclavés dans les Ëtats de ses frères (2) : il
s'appuie sur la Vie de saint Remy, écrite par Hincmar, au milieu du
ix^ siècle seulement, ouvragé où l'on lit en effet queClodoald, fils de
Clodomir, ayant reçu les ordres, obtint plus tard de ses oncles une
part d'héritage {partem hereditatis) et qu'il légua Douzy en Moazon-
nais h l'église de Reims, Reuilly en Rerry à l'abbaye de Saint-Denis,
et Nogent (aujourd'hui Saint-Cloud) à l'église de Paris (3). Mais les
mots pars hereditatis n'ont certainement pas, chez un auteur posté-
rieur de trois siècles aux événements qu'il raconte, la valeur précise
que chacun leur reconnattrait s'ils étaient employés par un contem-
porain : sous la plume d'Hincmar, ils signifient seulement une dota-
tion quelconque, une indemnité accordée au prince dépossédé. Il est
probable, du reste, que les oncles de Clodoald ne s'attachèrent nulle-
ment à lui donner quelques-uns des domaines qui avaient appartenu
à son père; ne serait^il pas étrange, en effet, que le roi d'Orléans ait
possédé le domaine de Nogent, à deux lieues de Paris, le siège royal
d'un de ses frères? Nous ferons les mêmes observations au sujet de
Douzy, localité de la dvitas de Reims, située sur les confins des ter-
ritoires de Trêves et de Verdun, c'est-à-dire au centre même du
royaume d'Austrasie.
On trouve encore, dans les travaux de l'abbé Lebeuf, diverses
hypothèses sur l'extension du royaume de Clodomir vers la Bour-
gogne; mais ces hypothèses reposent uniquement sur le refus de voir
un évèque de Neveri dans Vepiscopus Nivemensium du concile bour-
guignon d'Epaone en 547 (4), et sur une sorte d'identité établie
entre le royaume de Clodomir et celui de Contran, auquel échut, en
(1) M. BaiUet {Histoire du royaume d'Orléans^ p. 264 et 276] ne parle de la No-
?empopalanie qae sous ane forme entièrement dubitative.
(2) Dissertation dans laquelle on recherche depuis quel temps, . ., p. 87 à 00.
(3) « Hift ita geatis, flliaa Ghlodomiri filii Chlndowici régis, nomine Ghlodoaldas...
in clericom te totondit et, processa temporis yitas ac religionis sa» merito, parlem
hereditatis a patruis regibus obtinoit. De qua Diuiacam viUam in pago Mosoma«
gensi cum appendiciis suis sancto Remigio ac Remensi ecclesioD tradidit, et nUam
Ruilliacum in pago Biturico sancto Dionysio delegavit. Villam yero NoTientnm in
pago Parisiaco, eum omnibus ad se pertinentibus, matri ecclesi» Parisias dvitatis,
ubi presbyter extltit ordinatus, donaiit. » (Bouquet^ t. III^ p. 380.)
(4) Dissertation dans laquelle on recherche, etc., p. 54-66.
LA GAULB OB 511 A 56i • 269
^1, le siège royal d'Orléans ; identité qu'une étade un peu attentive
des deux grands partages de l'empire franc ne permet pas d'admettre.
Il ne reste plus guère maintenant qu'à terminer l'étude qui pré-
cède en indiquant le sort de chacune des cités que nous plaçons dans
le royaume de Clodomir, i la suite du partage de cet État entre
Childebert, Clotaire et Tbëoderic. Rappelons i ce propos qu'en
assignant à Théoderic une part dans la dépouille| des Bis de Clodo-
mir, nous sommes en contradiction ayec Grégoire, suivant lequel
Childebert et Clotaire se seraient partagé, en tenant la balance
égale {œqua lancé)^ le royaume de leur frère (1) finals les paroles de
l'historien des Francs venant ici immédiatement après le récit du
meurtre des fils de Clodomir, auquel Théoderic n'avait pas participé,
on comprend qu'il ait oublié de noter une circonstance que les docu-
ments nous paraissent indiquer formellement.
Childebert eut pour sa part de Thèritage de Clodomir une fraction
de la ciîé de Sens formée de Melun et de Château-Landon ; Bourges,
bientôt conquis, semble-t-il, par Théoderic ; Orléans et Chartres.
Clotaire reçut Tours et la cité de Poitiers, si importante au point
de vue territorial.
Théoderic devint possesseur de la cité de Sens, dont une partie
était passée à Childebert ; on lui donna aussi Angers. La composi-
tion du royaume d'Austrasie après le partage de la Bourgogne ne
permet guère de croire que la cité d*Auxerre ait pu être donnée à un
autre prince qu'à Théoderic.
Quant à Nantes, nous ne savons à qui l'attribuer ; car, par suite du
partage des États de Clodomir, son territoire confinait aux États de
Childebert (Bretagne), de Théoderic (Angers) et de Clotaire (Poitiers).
II
ROYAUME DR THÉODERIC, DE THÉODEBERT ET DE THÉODEBALD.
(511-51^5)
Théoderic, l'atné des fils de Clovis, qui, dès 508, avait soumis
TAuvergne et les pays limitrophes à la domination franque, eut la
meilleure part dans l'héritage paternel. Il paraît être le seul des
(1) « Hi qaoqae regnom Ghlodomerif Inter m «qna Unce diriseraot. 9 {HisU
Franeorvm, 1. ÛI, e. ztui.)
370 RBVUE ârghbologioue.
quatre frère& dont le pouvoir s'éteudlt sur la Germanie,. et il put
alusi s'imoûsoer dan les affaires de la Tburinge. Le roi de ce pays,
Heirmeafrid, l'associa à une guerre de spoliation eontre son frère
Bertbaire, et, pen de temps après, Tbéoderic, mécontent de son
allié, réduisait la Thoringe en proTînce franque (1).
Le royaume de Théoderic subsista de S4i à 555, geuverné suc-
cessivement par ce prince, par Théodebert, son fils, et par Théode--
bald, son petit-fiils. Il s'accrut considérableuient rers la fin du règne
de Tb.éoderic et le commencement de celui de Théedebert, le plus
grand des successeurs de Clovis, grâce à diverses circonstances telles
que la guerre contre les Wisîgoths dans le midi de la Gaule, le
meurtre des fils de Clodomir, la conquête du royaume de Bour-
gogne, et la cession de la Provence par les Ostrogoths. C'est au
royaume de Metz, sous le règne de Tbéodebert (534-547) ou sous *
celui de Théodebald (547-555), que se rapportent la plupart des indi-
cations éparses dans les bistoriens, dans les Vies des saints ou dans
les Conciles^ et c'est cet État que nous allons chercher à reconstituer
en nous aidant de ces documents.
En Gaule, la domination du roi de Metz s'étendait sur presque tout
le bassin du Rhin. Grégoire nous apprend qo'H possédait Cologne (2),
Ziilpichi(3), Trêves, dont Théodebert faisait souvent sa résidence (4),
Metz (5) et Verdun (6). Les bouches du Rhin, comprises peut-être
alors dans la cité de Cologne, faisaient aussi certainement partie du
royaume austrasien, car c'est là qu'on doit chercher le pays envahi
par le roi danois Clochilaic (7). Théoderic dominait en outre sur
une partie de l'ancienne Golhie, sur l'Auvergne (8), à Cahors (9), i
Limoges (10), et ses États conEnaient à la Septimanie; aussi tenta-
t-il de soumettre cette province wisigothe. Il y envoya, à cet effet, son
fils Théodebert, qui porta les armes victorieuses des Francs jusque
(1) Historia Francorum^ 1. IIT, c. i., m et tiii.
(î) Viîœ patrvm, c xii, §" 2.
(8) Historia Francorum, 1. III, c viii. Zflipich, le Tuibioeum des aateun latins,
est qualifié civitas par Grégoire; mais il fat depais rattaché iladtéde Cologne,
dont U faisait originairement partie.
(4) Vif m patrum^ c. ri, § 2; c. xtii, § 1 et 2.
(5) Biitoria Francorum, 1. IV, c. vn. Cf. Frtdegarh Historia Francomm «pi-
tomata, c, xix.
(6) Historia Francorum, 1. III, c. xxvi et xxxiv.
(7) Historia Francorum^ 1. III, c. m.
(8) làid , I. III, c. IX et xii; 1. IV, c. ti, vu, ix, un, xvi et aiias.
X9).md.„U III» c XII.
(10) Ibid,, I. X, c. xxiz.
sar le territoire de Bézier8(1); cependant ceMe villev si tai^ esl
qu'elle lojmba au pouvoir dçs Francsi, ne tarda pas à leur Atreeslavéa»
Il n'en fut pas de même de LQi^ye, d'Alais et d'IIzès^ qu'oa sait
avoir été incorporés alo^s ai^ royaiume de Het^. A ^^ i^^ psr quek»
ques paroles de Grégoire^ pn doit aussi, comi^ter Arles au bohApo
des conquêtes éphémères de Théoderic sur les 6otlis(2); mai&iJ esl
impossible au géographe bistorie^ de tjenir compte de ces mutations
continuelles de territoire.
Les autres historiens ou chroniqueurs du vi* siècle constatent que
Tbéodebert concourut^ en 534, au .partage de la Bourgogne conquise
sur les Bourguignons, et, en 537, à celui de la Provence cédée paji;
Viiigès.
On sait aussi que Châlonsrsur-Marne faisait partie des États de
Théoderic, car c'est là que ce prince décréta la rédaction des codes
franc, allemand et bavarois, comme on l'apprend du prologue même
de la loi bavaroise (3).
Les Ties des saints^ permettent de constater la domination de Théo-
deric et de ses deux successeurs sur diverses cités de la B.el£ique, de
la Lyonnaise et de l'Aquitaine. La Vie de saii)t Thierry, s^bbé, i\k
Mont-d'Or, nous apprend, par exemple, que le tils atné de Ciovi»
possédait ^eiws (4), et on a cru trouver, dans la Vie de saint Phal, la
preuve que Troyes lui obéissait également (5). La Vie de saint Jean,
de Réomé montre que Tautoritë de ce prince était reconjiue danslQ^
Tonnerrois, c'est-à-dire dans la partie la plus occid,entale de la civiio»
(1) Les chftteaax de Dio et de Cabrières, dont Tbéodebert {ibid., 1. IIU c. xxu) a^
rendit maître, dépendaient de la civitas Biterrentium,
(2) Lors de la mort de Théoderic (53&), son fils Tbéodebert retenait 4^, q^gep^dia,
la Tille d'Arles, que les Goths Tenaient d'enTahir de nouTean {Histi^ia^FrQncorvm^
1. m, c. xun).
(S) Pertz, Legesy t. I, p. 259.
(4) Vita saneti Theoderici, abbatis Remensis^ c. xi (apud Ma|)illon,, -4da5S..orrf..
Bened.^ sse. f , p. 68). Le roi Théoderic donna an saint abbé les domi^(nes de Veqj,
dières et de Jony, an pays de Reims (ibid., c xii; cf. ^lodoard, Hisiqrifl Bmnçf^m,
ecclesice, 1. 1, c. xiit).
(5) Saint Phal, qni était né en AuTergne^ fut çmmené prisonnier par \\9fmée ^
Théoderic à la suite de la réTolte fomentée par Arcadius Ters 530^ pni^ racheté par*
saint ATentin, solitaire des environs de Troyes {Vita saneti Fidoli, c. t, apnd Ma-
biUon, sec. I, p. 107). La Vie de saint Phal, que nons citons ici, attribue rexpédi-
tion d'AoT^igne à Théoderic II, petit-flls de Brunehaut; mais la, xpf(ption 4e.Game-
Uanos^ snccesseor immédiat de saint Lonp sur le si^ épiscopal ^eTroyei» cfm^
d'ailleors par sa participation ao condle d'Orléans de 511, apeinpis à.A4{j(^4ll
Valois de corriger cette erreur.
372 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
de Langres (i), et une autre partie de cette même cité, le Lassois,
aurait été comprise dans les États de Thëodebert, au dire du bio-
graphe de saint Yalentin (2). La Vie de saint Germain de Paris,
écrite par Fortanat, ne laisse aucun doute sur la soumission de Cba-
lon-sur-Saône, et même d'Autun, à Théodebert(3). Un écrit de la
fin du Yi* siècle, la Vie de saint Maur, prouve formellement la domi-
nation de Théodebert, puis de Théodebald, sur Angers, qui, sans
doute, avait jadis appartenu à Clodomir (4). La Vie de saint Yrieix
(1) Le raligieax do Réomé^ auteur de la Vie de saint Jean, dont U avait été le
contemporain, se sert des règnes de Théoderic et de Thëodebert pour indiquer le
temps jusqn'aQqoel se prolonge la vie de son héros, ce qu'il n'eût certainement pas
fait si le pays qu'il habitait n'a? ait pas été soumis au royaume d'Austrasie : « Sic-
qae osque in tempera Theoderici régis, qui filins exstitit prefsti ChlodoTei, et filii
ejus Theodoberti perdurayit. » {Vitasaneti Johannis abbatis Reomtensù, c. ii; apnd
Mabillon, sœc. I, p. 633.)
(3) Saint Valentin, né dans le Lassois, a In Laticensi subnrbano Lingonensiam
orinndQS fuit », fat chargé dans sa Jeunesse de la direction de la maison du roi
Théodebert : « Per idem tempus Theodebertus rex, una com fratribus^ Francomm
regnum potenter regebat : sub quo palatinam miliUam predictus vir, in adolescen-
tia, pro dignitate parentum, administraTit. d {Vita sancti Valentim, g. i, apnd Bol-
land., t. II Julii, p. 41.) Plus tard, Vaientin, ayant embrassé l'état ecclésiastique^
reçut de son ancien souTerain les marques d'une sincère Ténération, et lorsque,
après sa mort, il fut question d'élever une basilique sur sa sépulture, le roi Théode-
bert envoya à l'évèque de Langres une somme de cinquante sous d'or pour aider aux
ffais de l'entreprise {ibid,, c. vu). On a relevé, dans la phrase de la Vie de saint
Vaientin que nous venons de reproduire, l'erreur conunise par lliagiographe, qui
fait de Théodebert le frère et non le neveu des rois francs qui régnaient en même
temps que lui. Hàtons-nous de dire que cette erreur est peu grave et ne peut Jete^
aucun discrédit sur celui qui l'a faite, car elle pouvait être, facilement commise par
un contemporain de Théodebert, ce prince étant h peu près du même âge que ses
oncles. En effet, Ghildebert et Clotalre étaient au moins les troisième et quatrième
enfanta issus du mariage de Glovis et de Gotilde, lequel avait eu lieu en ft93, et
déjà en 511, au dire de Grégoire, Théodebert n'était plus un enfant : « Habebat Jam
tune 'Theudericus fliium, nomine Theudebertun, elegantem atque ntilem » {Bitio*
fia Francomm^ l. m, c. i) ; car son père ne tarda pas à renvoyer à la tête d'une
puissante armée pour réprimer, vers les bouches du Rhin, les dévastations du roi
danois aoehilaic (i6ûf., 1. 111, c m).
(3) En 5A7, saint Germain, alors abbé de Saint-Symphorien, se rendit auprès du
roi 'Théodebert à Chalon pour l'entretenir d'une affaire relative aux domaines de
Téglise d*Autun : « Contigit ut pro villis Augustudunensis ecclesin Theodeberto rege
GabUlone occurreret. » (Vita saneti Germoni Parisieruis, e. vui ; apnd Habfllon,
sœc. I, p. 235.)
(4) Ce fut, en effet, avec l'autorisation du roi Théodebert que Florus éubUt à
Glannafoliumy sur un de ses domaines, le monastère qui devint plus tard l'abbaye
de Saint-Maur-sur-Loira (Vita saneti Mauri^ apud Mabillon, assc. I, p^ 200), Le fait
important de la possession de l'Anjou par le roi d'Australie a échappé au savant
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LES }iEF^ DU MOYEN ACt
LA 6AULB 0E 511 A S6l . 2^3
conlirffie le fait de la possession da Limousin par le k*oi de Metz (1).
Enfin, la Vie de saint Dalmace, d'accord avec Grégoire, rapporte qae
Rodez passa, yers 533^ de la domination des Goths sous celle des
Francs d'Auslrasie (2).
Il ne faut pas non plus oublier un document . précieux pour la
fixation d!un point de la limite des États de Théodebert vers le
royaume de Paris ; nous voulons parler d'une lettre écrite en 538 au
roi Ghildebert par Léon, évëque métropolitain de Sens» d'où il
résulte que la ville épiscopale de ce prélat, mais non tout son dio-
cèse^ obéissait à Théodebert. Sur la foi de ce document, il importe de
placer hors du royaume de Metz la ville de Melun, dont Ghildebert
voulait faire le siège d'un nouvel évèché (3). Château-Landon doit
être également écarté de cet État suivant la Vie de saint Séverin,
écrite par ordre de Ghildebert (4), et cette exclusion amène néces-
sairement l'attribution de l'Étampois au même royaume que Melun
et Ghâteau-Landon, c'est-à-dire au royaume' de Paris. Ainsi, Théo-
debert n'exerçait certainement son autorité que sur la partie de la
civitas Senonum correspondant au Sénonais et au Provinois.
On peut tirer des souscriptions aux deux conciles tenus 2i Gler-
mont en 535 et en 549 quelque lumière sur l'étendue du royaume de
Metz. Le premier de ces conciles se réunit avec l'assentiment de
Théodebert, auquel l'assemblée adressa une lettre où les prélats se
disent les « évèques de ses églises (5) » , et les provinces occidentales,
du royaume austrasien y étaient représentées par les évéqties de
Cologne, de Trêves, de Metz, de Verdun, de Reims, de Ghftlons-sur-
Marne, de Langreset de Windisch; les provinces méridionales par
#
H. BonneUi qni^ dans le trayail qu'il a consacré aux partages de reropire franc sons
les Méroringiens, écrit que ce pays appartenait certainement {gewiss) à Ghildebert
{Die Anfœnge des karolingischen Hauses^ p. 201).
(1) Saint Trieix (ÂrediuB), qui appartenait à une illustre famille du Limousin,
passa sa Jeunesse à la cour du roi Théodebert, où il remplit divers offices. (Ftïa
soncii Aredii^ c. iii^ apud Ruinart, Gregorii Tur. opéra omnia, col. 1285.)
(2) « Scilicet posteaquam pia atque inclyta et Christian» religionis cultrix Franco-
rom ditio Ruteoam urbem, conjurante sibi popuU ejuà fayore, subjecit. » (Vita
sancti Dalmatii, apud Bouquet, t. III, p. 420.)
(3) Voyes la lettre de Léon dans l'appendice de l'édition de Grégoire de Tours
donnée par Ruinart^ col. 1328.
{h) « Edita a Fausto, presbytero, discipulo ipsius sancti Sererini abbatis, simplici
ordine composita, jubente glorioso principe Cbildeberto rege. » Ce fut aussi Child»^
bert qui fit élever une église sur le tombeau de saint Séverin, mort à Ch&teau-Lan
don en 507, tandis qu'il s'en retournait de Paris à l'abbaye de Saint-Maurice en Va-.
lais (Vita êoncti Severini Agaunensis, c. vui, apud HaMUon, sec 1, p. 570).
(5) Labbe et Gossart^ Sacrosaneta eontilia^ t. IV, 061. 1805.
XXXIV. ^ 19
S74 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
ceux de Bourges, de Clermont, du Gévaudan, de Rodez, de Viviers
etde Lodève(l) :1a présence de Deuterias, episcopus Lutevensis^
indique clairement que la partie de la Septimanie qui comprenait
Lodëve était restée au pouvoir des Francs.
Le second concile de Clermont suivit de fort prés le concile d'Or-
léans de 549, et il semble qu'il ne fit que renouveler les canons de
celui-ci; mais il ne comptait que dix évéques, tandis que le concile
d'Orléans en avait réuni soixante et onze. On a supposé que Tbéode-
bald, auquel appartenait Clermont, avait probablement exprimjé le
vœu que les prélats de son royaume se constituassent en assemblée
ecclésiastique (â), et, si Ton admet cette hypothèse, on possède ainsi
un instrument précieux pour nos études en raison des souscriptions
des évéques qui signèrent les actes du synode. Malheureusement
cette réunion, où ne figurèrent pas tous les évéques austrasiens pré-
sents au concile d'Orléans, n'était composée que de dix prélats : ceux
de Trêves, de Besançon, de Sion, de Chalon-sur-Saône, 'de Vienne,
d'Aix, de Digne, de Glandève, d'Eauze et de Bourges (3j.
(1) «Cum in nomine Domini, congregante sancto Spiritu, conaentieate domoo
nostro gloriosiBaimo piissimoqae rege Theodeberto, in Ârrerna urbe aancta aynodas
convenisset^ ibique flexis in terra genibus, pro longeyitate, pro regno ejos, pro po-
pulo Dominnm deprecaremur, nt qai nobis coogregationis tribaerat potestatem
regnam ejas DominuB noster felicitati attoUeret, imperio regeret^ Justitia gabema-
ret, in ecclesia ex more consedimus...
« Sabscriptiones episcoporam : Honoratus in Christ! nomine episcopas eccleai»
Bituricœ, constitationem no^tram relegi et subscripBÎ, die ti idos noTembria, post
coDsulatam Paulini J unions V. G. — Gallus, in Christi nomine episcopas eccleaie
Arvemicœ, consens! et subscripai. — Gregorias, in Chria^ nomine episcoppa ecdo-
si» Lingonicœ, c. et s. — Hilarins, in Christi nomine episcopus ecclesiao Gabalitanœ,
c. et s. — RuriciuSy in Christi nomine episcopus ecclesiœ Lemovicœ, c et a. —
Flavius, Deo propitio episcopus ecclesiso Remensis^ c. et s. — Micetius, Deo propitio
episcopus ecclesîe Treverorum, c. et s. — DeuteriuSi in Christ! nomine epiaoopos
ecclesi» Lutevensis^ c. et s. — DalmatiuB, in Deo episcopus eccleaie Rutenensis^ c.
et s. — Lupus, in Christo episcopus ecclesi» Catalaunicœ, c. et a. — Domitianus,
in Christi nomine episcopus ecclesi» Coloniensis, c. et s. — Venantios, in Chriati
nomine episcopus ecclesi» Vioctnensis, c et s. — Hesperius, in Christi nomine epi-
scopus ecclesi» ife/éfui>, c. et s.— Desideratua, in Christi nomine episcopus eccleai»
Veredunensis^ c. et s. — Gramatius, in Christ! nomine episcopus ecclesi» Vindo-
nissœ, c. et s. »
(2] C'est l'opinion exprimée par Mgr Hôfélé dans son Histoire des conciles (t. Ili,
p. 548, note 3^ de la traduction de l'abbé Delarc).
(3) « Subscriptionea episcoporum : Hesychius, ecclesi» Viennensis epiooopna, aub^
scripsit. — Nicetius, ecclesi» Trevericœ episcopus, s. — Desideratas, eccleaie Bitu-
ricœ episcopus^ s. — AspasiuSy ecclesi» Elosensis episcopus, s. — AgricoU, eodesl»
Cabiionensis episcopus, s. — Urbicus., eceleai» Yesuntiensis episcopus^ s. — Rofos,
LA OAULB DE 5H A 561. 27S
Un nouveau concile qui, sur l'ordre de Théodebald, se tint en
868 à Toul, nous permet d'attribuer a?ec certitude la civitas Leuco'
fwn au royaume d'Âustrasie. Malheureusement les actes de cette
assemblée sont perdus. Ou a seulement conservé une lettre par
laquelle l'évêque de Reims, Mappinius^ empêché d'assister à la réu-
nion, s'excuse auprès de Nicetiusi évêque de Trêves (1), lettre qui ne
fournit aucune nouvelle donnée géographique, puisqu'il existe plu-
sieurs témoignages certains de l'extension du royaume de Thëodebald
sur Reims et Trêves.
Ces diverses données prouvent que, vers l'époque de la mort de
Théodebert (547), le premier royaume de Metz se divisait en trois
groupes isolés dont un seul avait une véritable importance.
Le groupe principal se composait de la réunion des deux tronçons
qui, à la mort de Clovis, avaient formé le royaume de Théoderic :
1"* le groupQ germano-belge, contigu aux possessions d^outre-Rhin et
comprenant Cologne, Trêves, Metz, Verdun, Toul, Reims, Châlons-
sur-Marne et peut-être Troyes, auxquels on doit évidemment join-
dre Mayence, Worms, Spire^ Strasbourg et Bâle; S® le groupe aqui-
tain, composé de Clermont, de Limoges, de Cahors, de Rodez, du
Gévaudan, du Yelay, et sans doute d'Arles, dont la conquête comme
celle de l'Auvergne et du Rouergue avait été en 507rœuvrede Théo-
deric. Le partage du royaume de Clodotnir rattacha une partie de la
cité de Sens, comprenant la ville métropolitaine, et sans doute aussi
la cité d'Auxerre, au premier de ces tronçons, qui, après la conquête
de Bourges sur Childeberl (531 à 634 environ), ne fit plus qu'un
avec les provinces aquitaniques, s'étendant ainsi, sur près de
260 lieues, des rives du Rhin à celles du Tarn. C'est à cette impor-
tante agglomération de pays que Vinrent s'ajouter, dès l'époque
même de la mort de Clodomir senible-t-il, les cités de Langres (2),
ecclesi» Octodorensis epiflcopuB, s. — BasiliuB, ecclesis Glannatensis episcopus, s.
— AtoIob, ecdesis Aguensis episcopas, s. — Hilarius, eccleu» Dinietuis episco-
ptis, 8. »
(1) Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia^ t. V, col. 40ft-A05.
(2) H., BoDoeU (Die Anfœnge der karolingischen Hauses, p. 304, note 3), contre-
disant l'opinion généralement reçue par les érudits tant allemands qae français qui
se sont occapés de la question, suppose que Langres n'appartenait pas à Théoderic,
mais bien à Childebert, et il s'appuie, pour la démonstration de son hypothèse^ sur
l'histoire bien connue de la captivité d'Attale, neyeu ou petit-fils de saint Grégoire,
éTdque de Langres. Attale était l'un des otages que Childebert et Théoderic avaient
échangés Teni 532; mais la désunion s'étant élevée de nouveau entre les deux princes,
lés otagei furent réduits en servitude et le noble Attale devint l'esclave d'un barbare
de Trêves, de chex lequel il s'échappa au bout d'un an, poursuivi Jusqu'à Reims par
976 RETUfE ARGHiOLOGlQUE,
Besançon, Avenofaes (1), Constance et Sion, conquises sur les Bour-
gnignons, puis après la chute définitive delà Bourgogne, en 534, les
villes d'Autun, Chalon-sur-Saône, Vienne et ^Viviers (2). La cession
.de la Provence aux Francs en S36 accrut encore le royaume d'Aus-
tiasie de huit cités, — Avignon, Gavaillon, Apt, Aix, Riez, Senez,
Digne et Glandève (3), — que l'annexion récente des villes d'Uzès*
d'Alais et de Lodève, arrachées aux Goths, reliait à l'Aquitaine ans*
trasienne.
Le second groupe aurait compris Eauze,Ia métropole de la Novem-
populanie, et probablement quelque autre portion de cette même
province; mais peut-être Eauze se reliait *elle au groupe précédent,
le maître qu'U avait servi (Historia Francorum, 1. m^ c.xy). Attale était évidemment
un des otages fournis par Gbildebert, puisqu'il fut transporté dans le pays deTrèves,
appartenant au royaume deThéoderic; mais faut-il conclure pour cela, —en dépit
de la préface si précise du concile de Glermont de 535, et dont le savAnt éditeur du
Recueil des hùtoriens de France y dom Bouquet lui-même (t. IV, p. iii)^ a reconnu
l'importance au point de vue de la géographie politique, — que Langres appartenait
h Gbildebert? En dehors des impossibilités géographiques (Langres ne pouvait avoir,
en 532, aucune communication avec les Etats de Childebert)^ on peut objecter qu'At-
taie se réfugia auprès de l'évéque de Langres parce que c'était là surtout qu'il
pouvait trouver au plus vite un asile sûr contre les poursuites da barbare, et que
rien ne prouve qu'il fftt citoyen lingon. Nous rappellerons aussi que, en dehors des
textes attribuant au royaume de lIlBtx la portion nord -ouest de la cité de Langres,
c'est-à-dire le Tonnerrois et le Lassois (voyez plus haut, p. iOl), il existe un passage
de Grégoire {Historia Francorum^ 1. III, c. xxxv) dont on peut tirer la preuve de
la domination de Théoderic sur le pays avoisinant Dijon, lequel dépendait également
de la civitas Lingonum, dont U formait la section sud-est. Pour adopter le sentiment
de M. Bonnell, il faudrait donc non-seulement admettre la nationalité lingonne d*At-
tale, mais aussi un partage de la cité 'de Langres entre Théoderic et Ghildebert, par-
tage dans lequel le roi de Paris aurait eu précisément, avec la viUe épiscopale, la
partie la plus éloignée de son royaume. — A propos d'Attale, on peut se demander
par suite de quelle méprise Ruinart a pu voir, dans ce personnage, le comte d'Autun,
de même nom, auquel Sidoine Apollinaire adressa la lettre IS du livre V de ses
Epistolœ,
(1) La possession d'Avenches par le roi d'Austrasie résulte de ceUe des cités de
Besançon, de Windisch (ou Gonstance) et de Sion, que prouvent les conciles de
Glermont de 535 et de 5&9 : le territoire d'Avenches était, en effet, presque complè-
tement enclavé entre ces trois civitates,
(3) Nous avons soigneusement discuté ailleurs les résultats de la conquête de la
Bourgogne au point de vue du royaume d'Austrasie, auquel les neuf cités que nous
venons de nommer ont été annexées en 534 au plus tard.
(3) Aix, Digne Al Glandève, dont les évêques assistèrent en 5A0 au concile de
Glermont, sont les seules cités provençales que les documents désignent nomina-
lement eoDune soumises au roi d'Austrasie ; mais nous avons montré aiUeurs
comment Ton peut arriver à déterminer d'une manière à peu près certaine le lot
qui échut à chacun des trois rois francs, lors du partage de la Provence.
LA 6AULB DK 51i A 561 • 277
dont la séparait seulemenl la cité d'Agen, que rien ne proave avoir
été étranger au royaume de Ttiéoderic.
Le troisième groupe comprenait tout au moins la cité d'Angers,
provenant évidemment du royaume de Glodomir, et on devrait peut-
être unir à cette circonscription la cité de Nantes^ dont aucun texte
ne nous fait pressentir le sort durant la période' qui nous occupe.
Ce troisième groupe du royaume austrasien était situé entre le
royaume de Paris et une enclaye de celui de Soissons (Tours et
Poitiers).
Tel était, semble-t-il, le royaume de Metz lors de la mort du roi
Théodebert. Grégoire rapporte que Gbildebert et Clotaire s'étaient
ligués en 534 pour empêcber ce prince, déjà célèbre par plusieurs
expéditions militaires, de succéder à son père (1), mais il ne dit pas
que rien de semblable se soit produit ;durant le régne de Théode-
bald Jeune homme valétudinaire, qui succéda à Théodebert. Il parait
cependant que ce prince fut dépouillé par ses grands-oncles de plu-
sieurs cités qui avaient appartenu à son prédécesseur : ainsi, si l'on
veut accorder entre eux les documents qui intéressent la géographie
politique du milieu du vi* siècle, il faut admettre qu'Eauze, la mé-
tropole de la Novempopulanie, était en 551 au pouvoir soit du roi
de Paris, soit du roi de Soissons (2); Vienne, qui confinait aux
possessions bourguignonnes de Clotaire, aurait été usurpée par ce
prince en 549 au plus tôt en 553 au plus tard (3) ; enRn Uzés, con-
tigu aux cités provençales du royaume de Paris, leur fut réuni en
l'an 555 au plus tard et très-probablement, par conséquent, avant la
mort de Théodebald (4). Auguste Longnon.
{La suite prochainement.)
(1) Hiitoria Francorum, I. IV, c. xxuiet xxiy.
(2) Voy. plos bas, § III.
(3) Ibid., § IV.
U) Ibid., § ni.
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS «■ SDTBims
M. Léopold Delisle commanique à rAcadémie un manuscrit dont M. le
duc de la Trémoille vient de faire présent à la Bibliothèque nationale.
Ce volume contient : l'' une vie de saint Denis en français, à laquelle est
Jointe une histoire des origines du monastère ; 2® une série de trente ta-
bleaux représentant la vie du môme saint, avec légende en vers latins ;
3^ un choix d'offices liturgiques. Ce manuscrit^ qui a été exécuté en 1250
à l'abbaye de Saint-Denis, est une précieuse acquisition pour la Biblio-
thèque nationale.
M. J. Derembourg lit une note sur les inscriptions de Saffa, près Damas.
On sait que ces inscriptions, gravées sur des rochers en caractères cursifs»
avaient résisté jusqu'ici à tous les essais de déchiffrement. M. Derembourg
croit avoir fait faire quelques pas à la question. Il a été aidé dans ce tra-
vail par M. J. Halévy. L'alphabet tout entier parait être aujourd'hui bien
déterminé. Ces inscriptions ne seraient qu'une série de noms propres et
dateraient de la. fin du m* siècle de notre ère.
M. Victor Duruy communique une élude sur la période de l'histoire de
l'empire romain comprise entre les années 21 l.et 235.
M. de Saulcy lit, au nom de M. Eug. Révillout, un intéressant mémoire
sur les contrats conservés dans les papyrus égyptiens écrits en langue
démotique. La Bmme archéologique donnera une partie de ce travail.
M. E. Desjardins donne lecture, pour M. Ch. Tissot, de la suite des re.
cherches de géographie comparée relatives à la province proconsulaire
d'Afrique. Il s'agit spécialement^ dans cette nouvelle communication, de la
voie de Carthage à Theveste.
M. Germain lit une note ayant pour titre : Lettre inédite de Mimuel Fie$'
gftie, concernant les dernières années du roi d'Angleterre Edouard II.
BIM. Natalis de Wailly et Léopold Delisle font quelques réserves sur la va-
leur de ce document. A. B.
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES
ET GORRKSPONDANGE
Le derDier Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux
annonce les découvertes suivantes, faites durant les mois de mai, juin et
juillet : i*" à Bordeaux, rue de Grossi, n«" 12 et U, à une profondeur de
^■■^SO, au milieu de terres rapportées et de débris d'incendie : un taureau
en brome, plusieurs monnaies deTétricuset de (Constantin, et des fragments
de verre et poteries rouges et noires ; rue du Pas-SamUQeorges : une
mosaïque recouvrant un hypocauste de l'époque romaine; ctmrs d^ Alsace
et Lorraine, n<% 123 : neuf pierres dont trois portant des inscriptions, et
deux statuettes de bronze (un Bacchus ? et un Priape}. 2<^ A Pouyalet
près Pauillac : vingt et une haches de bronze dont dix-neuf bien conser-
vées. Ces haches étaient enfouies dans une vigne à G^fiO de profondeur
seulement.
le Bien puhUc, de Dijon, annonce qu'en creusant les fondations du
futur collège de la Compagnie de Jésus, aux allées de la Retraite, on a
exhumé un certain nombre de poteries remontant à l'époque gallo-
romaine.
La pièce la plus remarquable est une petite statue en terre cuite blan-
châtre, haute de 15 centimètres, «t représentant Vénus Ânadyomène.
D'une main, la déesse relève les tresses d'une abondante chevelure; de
l'autre, elle soutient une draperie.
Plusieurs de ces objets ont malheureusement souffert de la pioche des
ouvriers.
Les mômes fouilles ont amen^ quelques pièces de monnaie, entre autres
un jeton de la mairie de Claude Bossuet (1647), Toncle du grand orateur,
avec les armes de la famille et la fière devise : Currunt exemple majorunu
« Ils courent sur les traces de leurs pères. » Heureux présage pour le
futur collège !
Une décounerte en Terre-SaMe. — M. Clermont-Ganneau vient de faire
connaître, à la dernière séance de la Société nationale des Antiquaires de
France^ une découverte récente présentant un vif intérêt pour l'histoire de
l'art occidental, et en même temps pour la connaissance de la topographie
280 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
évangélique de Jérusalem au temps des croisades. Un paysan arabe a mis
au jour, en fouillant un champ situé entre le Mont des Oliviers et l'antique
Béthanie, aux portes de la ville sainte, un gros bloc cubique évidé dans
le rocher môme auquel il est adhérent. Ce cube est couvert, sur ses cinq
faces visibles, de peintures à fresque et d'inscriptions latines. Le frère Lié-
vin, du couvent de Terre-Sainte, et le capitaine Guillemot s'empressè-
rent d*aller examiner ce curieux monument, et M. Guillemot en exécuta
une série de dessins extrêmement soignés, que M. Glermont-Ganneau a
mis sous les yeux do la réunion en les accompagnant de quelques obser-
vations.
Sur les quatre faces verticales de ce cube sont peintes avec une habileté
remarquable quatre scènes évangéliques, dont deux sont bien conservées :
la résurrection de Lazare à Bét?ianie, et l'arrivée à Bethjphagé des disciples
qui allèrent chercher Tftnon et l'ftnesse sur laquelle Jésus devait faire son
entrée triomphale à Jérusalem le jour des Rameaux.
Les inscriptions, qui présentent tous les caractères graphiques des textes
du xji« siècle, ont malheureusement beaucoup souffert; ou peut cepen-
dant y déchiffrer encore avec certitude, entre autres mots : BeUiphagef
Hierosolyma, le nom de Bemardus Witardus de Borda.,», etc.
WUardus parait correspondre à une forme GuUardm, nom qui figure au
bas de plusieurs actes rédigés à Jérusalem sous la domination Cranque et
conservés dans le cartulaire de l'église du Saint-Sépulcre.
Ge monument d'une forme si singulière, ce bloc de rocher soigneuse-
ment taillé et orné sur toutes ses faces de peintures si délicates, n'est autre
chose que la pierre que Ton montrait, à l'époque des croisés, comme celle
sur laquelle le Ghrist se tenait au moment de monter sur ^ân^sse. Gette
pierre, qui, selon les chroniqueurs contemporains, se voyait au milieu de
la chapelle de fiethphagé, permet de déterminer avec la plus grande préci-
sion l'emplacement du site. Jusqu'à ce Jour fort iùcertain, que les croisés
considéraient comme celui de Bethphagé, du village voisin de la patrie de
Lazare.
M. Glermont-Ganneau publiera prochainement dans la Bemie archéoUh
giqae les dessins et une notice de M. Guillemot avec quelques explications
sur cette curieuse relique de l'histoire des croisades.-
Sommaire du numéro de septembre du Journal des Savants : Docu-
ments sur Oihcn de BamberÇj par M. A. Maury. Abélard, par M. Gh. Lévôque.
Déchiffrement des inscriptions cypriotes^ par M. M. Bréal. La NoœUe il8, par
M. Gh. Giraud. Note sur une balle de fronde antique^ par M. Ad. de Longpé-
rier. Nouvelles littéraires. Revue des livres nouveaux.
ÉTUDES SIGILLOGRAPHIQUES
LE TYPE NAVAL
Certaines villes ont fait représenter snr leurs sceaux l'image d'un
navire, symbole de relations maritimes importantes. D'autres, qui
tiraient de la poursuite des gros cétacés leur principal revenu, nous
offrent des barques de pèche appropriées aux périlleuses expédi-
tions. D'autres encore figurent une scène religieuse dont la mer
aurait été le théâtre.
Avant de passer à la description des bâtiments et des embarcations
que les sceaux nous ont transmis, il ne sera peut-être pas inutile de
rappeler que les artistes du moyen âge possèdent une qualité des
plus précieuses pour l'archéologie. Us reproduisent avec exactitude
les costumes, le mobilier ou les accessoires en usage au moment où
ils les exécutent. Et cependant l'étude spéciale qui va nous occuper
ne portera pas indifféremment sur tous les sceaux à navires. Quel-
ques villes éloignées des côtes ayant pris pour emblème des sujets
maritimes^ on a dû se demander si, entre leur imagerie et celle qui
nous provient de ports de mer où chacun, artistes, marchands et
bourgeois, connaissait parfaitement les vaisseaux et leur grëement,
il n'y avait pas un choix à faire. Après un mûr examen, les sujets
égendaires ont été éliminés et nous avons réservé notre attention
pour les vaisseaux provenant de villes dont la situation ne pouvait
qu'affermir notre confiance.
Je dois ajouter encore que, tout en restant des copistes fidèles, les
tailleurs de sceaux ne donnent pas toujours des reproductions com-
plètes. Surtout lorsqu'il s'agit des vaisseaux et de leurs mille détails,
l'artiste se contente de nous montrer les dispositions principalesi les
manœuvres qu'il a jugées indispensables.
XXXIT. — Novembre. 20
'^
n
282 RBYUR ABGHiOLOQIQUB.
§1.
Les navires graYés sur les sceaux appartîenoent toas à la classe
des bftliments de charge ei de traasportt yaisseaux ronds, marchant
i la Yoile, que le moyen âge appelait des nefs. La galère, leyaisseau
à rames, le vaisseau de guerre de l'époque ne se renconlre pas dans
cet ordre de monuments.
l** Les premiers navires figurés, quoique datés du xm* siècle,
nous reportent aux drakkars Scandinaves et aux navires normands
leurs successeurs. Comme ces derniers, ils sont également relevés de
la proue et de la poupe, munis d'un seul mât soutenu par des hau-
bans garnis d'enfléchures et par deux étais. Ils portent une seule
voile carrée, garnie de bandes de ris. La vergue se dirige par des
bras qui viennent s'attacher à la poupe. Le gouvernail consiste en
un aviron placé de côté et à l'arrière. Enfin une ancre est suspendue
extérieurement près de la proue.
La forme générale de ce navire, avec ses deux caps très-relevés et
sa muraille se relevant également i l'avant et i Tarrière pour aller
fortifier l'étrave et l'étambot, offre tout è fait l'image d'un croissant
L'ëlrave et l'élambot modernes sont ce qu'on entendait au moyen
âge par les deux rodes ou les deux flodies du navire, pièces de bois
principales ajoutées à chaque extrémité de la quille.
Chaque sceau ne renferme pas tous les détails que je viens d*énu-
mérer ; mais ce que l'un refuse, l'autre le donne; l'œuvre d'un gra-
veur répare les omissions d'un autre graveur.
Le sceau de Nieuport, en 1237, représente un bâtiment gouverné
à droite par un aviron que tient le timonier debout. Le mât, dont la
hauteur à partir de la quille égale la longueur du navire, est soutenu
par quatre haubans et deux étais. Au sommet du mât flotte une
flamme en forme de gonfanon . La vergue porte ici une voile carguée,
mais sur le sceau de la Rochelle, i308(pl.XXI,fig.2), la voile est dé-
ployée et Ton peut y compter trois bandes de ris, munies de leurs
garceltes. Le vaisseau de La Rochelle nous offre encore très^nette-
ment les deux pièces principales de la construction de la proue et
de la poupe, l'étambot et l'étrave modernes. Le type de Gravelines,
en 1244, permet d'observer comment les planches de la muraille se
relevaient pour atteindre chacune des extrémités de la nef. Dans ce
même type de Gravelines, le timonier manœuvre l'aviron, c'esl-à-
dire le gouvernail, au moyen d'une cheville fixée perpendiculaire-
ment au plan de la pale. Ce manche est ce que les hommes du
ÉTUDES SIGILLOGRÂPHIQUBS. 283
Nord appelaient le kelm, et les Romains, le clavus. Le gouvernail
da vaisseau de Lubeck, au lieu d'être muni d'une cheville, se
termine par une potence.
Parmi les navires compris dans cette catégorie, il en est dont les
caps sont surmontés de tètes de dragon et rappellent ainsi le caput
effigiatuftt, le brant de certains navires normands. Les Normands
tenaient eux-mêmes cet ornement des Danois, qui décoraient le chef
de leurs vaisseaux de figures sculptées, en métal. Le sceau de la ville
de Paris, 1366, et celui de la ville de Lubeck, daté par l'acte qu'il
authentique de 1647, mais appartenant à une époque bien plus
reculée, ofihrent des réminiscences de l'ornement que je viens de
signaler.
2^ Une autre série comprend des sceaux employés dans le premier
Uers du XIV* siècle, mais probablement plus anciens. Nous rencon-
trons ici, pour la première fois, les châteaux qu'on établissait sur les
nefs. Ces lignea castra, sortes de petites tours de bois, carrées et cré-
nelées, étaient d'ordinaire au nombre de trois. A l'avant et à l'arrière,
en dedans des parties recourbées de l'étrave et de l'étambot, s'élevait
un château monté sur des supports. Un troisième château se hissait
au haut du mât, où il existe encore maintenant à demeure sous le
nom de hune.
Les sceaux des villes de Dam et de Dunwich donnent des modèles
de châteaux de proue et de poupe et, dans ces deux exemples, ils
dominent toute la construction. Les châteaux du vaisseau de Dun-
wich, à base carrée» sont élevés sur des supports droits. Sur le sceau
de la ville de Dam, 1309 (pi. XXI, flg. 3),desépontillesàplusieursbras
soutiennent les deux châteaux, qui^ au lieu d'être construits de char-
pentes freltéeS| sont formés par une suite de colonnéttes gothiques»
chacun de ces châteaux est surmonté d'une bannière aux armes de
Dam et chaque bannière est soutenue par un personnage.
Les types de Santander et de Saint-Sébastien, 1336 (pi. XXI, fig. 4)
ne portent qu'un seul château, le château d'arrière. Il est établi sur
une voûte et parait composé d'une chambre percée d'embrasures que
surmonte une plate forme défendue par des créneaux.
La nef de la ville de Nieuport, en 1307 (pi. XXI, fig. 1), possède ks
deux châteaux d'avant et^d'arrière. Mais ils offrent ce caractère par-
ticulier qu'ils reposent immédiatement sur le vibord et s'appuient
à l'étrave et à l'étambot, dont ils n'atteignent pas la hauteur.
Les bâtiments de cette deuxième série présentent en abondance
des détails qui manquent à la première. Dans les types de Saint* Sé-
bastien (pL XXI, flg. 4), et de Santander deux matelots plient la voile.
284 RE\UB ARCHÉOLOGIQUE*
perches sar la vergue d'où pendent des cordages|de cargae. On remar-
que au sceau de Saint- Sébastien les enfièchures, ces cordelettes mises
en travers des haubans et qui servent d'échelle. Le raccage, le collier
qui permet à la vergue de glisser le long du mât, y est aussi très-
nettement accusé. On voit également la manière dont Textrémité
inférieure des haubans s'attache au bord du navire aux porte-han-
bans, et comment les deux bras de la vergue viennent aboutir à
proximité du timonier, qui tient un aviron à large pale triangulaire.
Sur le flanc du navire de Saint-Sébastien comme sur celui de Dam,
on distingue des sabords fermés. De la proue de ces deux navires
sort en outre une sorte de beaupré muni à son extrémité de deux
cordages flottants dont les bouts libres sont ramenés à bord. L*étam-
bot de la nef de Saint-Sébastien porte deux crochets en S dont Tusage
paraît difficile à préciser. Ils servaient peut-être k amarrer la cha-
loupe qui suivait à la traîne. Nous savons par les chroniqueurs de
saint Louis que la barge de cantier restait à la tratne, à la remorque
derrière la nef.
N'oublions pas l'ancre suspendue prés de la proue et dont le sceau
de Pampelune, en 1279 (pi. XXII, fig. 7), offre un dessin très^précis.
L'aflcre ressemble, à peu de chose près, à celle de notre temps : même
anneau à l'extrémité supérieure de la verge, même traverse en bois;
seulement, Textrémité inférieure, après s'être divisée en deux lourde^
pattes^ se termine, comme la supérieure, par un anneau. Quelle
était l'utilité de ce second anneau? Servait-il à attacher un cordage
pour aider à lever Tancre ? Cette supposition n'a rien d'improbable.
Dans l'exemple que nous avons choisi pour la description de l'ancre,
celle-ci est suspendue horizontalement le long du bordage par des
câbles passant par^-dessus le bord. Les autres navires où l'ancre est
suspendue, livrée à sa perpendicularité, ne présentent pas davan-
tage l'écubier, cette ouverture particulière destinée au passage du
câble de l'ancre.
La nef de la ville de Dam(pI.XXI, fig. 3)sefait surtout remarquer
par sa construction toute différente de celle des autres navires de son
époque. Il n'existe plus ici d'extrémités relevées, le bâtiment n'affecte
plus la forme d'un croissant. Le bordage présente seulement à l'avant
et à l'arrière la largeur d'une planche en plus pour exhausser la proue
et la poupe. Le gouvernail, placé tout à fait au milieu de Tarrière,
est maintenu de chaque côté par deux ferrures, deux gonds, les
vittes du gouvernail, que dans la langue libre du matelot on nom-
mait le mâle et la femelle, aiguillots et femelots^ lorsqu'on n'em-
ployait pas des termes d'une crudité encore plus significative. Ce
ÉTÇDES SIGILLOGRAPHIQUBS. 285
gouvernail, dit à la navarresque^ est ma par une barre qui reçoit
la tète du gouyernail, comme la reçoivent encore de nos jours les
barres des chaloupes et des canots. Il est à noter que dans ce navire
un matelot grimpe aux haubans sans se servir des enQéchures, qui
du reste ne sont pas apparentes.
i^ Les navires examinés jusqu'à présent offrent tous leurs châ-
teaux de poupe et de proue placés en dedans du bâtiment à une
certaine distance de Tëtambot et de Tétrave. Un seul d'entre eux,
celui de Nieuport^ en 1307 (pi. XXI, fig. 1), porte ses châteaux adossés
i ces pièces principales. Les nefs qui leur succèdent dans l'ordre
chronologique nous font connaître une disposition différente.
Dans le type de Southampton, 1495, les châteaux reposent sur les
pointes de la proue et de la poupe, et semblent y constituer une
habitation recouverte d'une plate-forme entourée de créneaux. Le
château d'avant dépasse même extérieurement l'extrémité du navire.
Sur la plate-forme du château d'arrière, deux personnages trans-
mettent des ordres ou communiquent des signaux au moyen de porte-
voix ou de trompettes. Deux buccinaleurs se remarquent également
au sceau de la ville de Calais, 13&1.
Sur le sceau du comte de Rutland, amiral d'Angleterre, en 1395
(pi. XXII, fig. 5) et sur lesceaude la villede Paris, en 1412 (pi. XXII,
fig. 6), les châteaux dépassent la poupe et la proue d'environ un
tiers de leur dimension; la plate-forme n'est plus crénelée. Une
galerie décorée de rinceaux et de pièces d'armoiries décore leurs
trois côtés extérieurs. Le château d'avant de la nef du comte de
Rutland, au' lieu d'être quadrangulaire, emprunte la forme d'un
pentagone dont un angle se projette en avant et hors du bâtiment.
Le mât, unique, est couronné d'une gabie en forme de corbeille,
garnie de flèches et surmontée d'une flamme à deux pointes qu'on
appelait le. tode.
Le type de Nieuport, 1407, offre également deux châteaux, habi-
tations encore défendues par des créneaux comme celles de la période
précédente, mais dépassant extérieurement les caps de la nef. Celle-
ci présente de plus, le long de son bordage d'arrière, une série de
créneaux que nous n'avions pas rencontrée dans les navires précé-
dents et qui rappelle la pavesade ancienne, la bordure de pavois des
nefs des croisades.
Un vaisseau de la ville de Paris, en 1472, porte deux châteaux
encore plus extérieurs que les châteaux du navire de Nieuport, et
chez lesquels les créneaux persistent encore.
Des châteaux d'une autre espèce se remarquent au sceau de la
286 ABTUB ÀRCHiOLOOIQOI.
Tille d'Amsterdam, en lS29(pl. XXII, Bg. 8). Ilftaffeetent la flgared'an
triangle dont l'angle le pi as aigu se prolonge hors de la nef. Le mât esl
couronné d'nne gable en corbeille ayec une longne flamme flottant
au sommet.
&U<
Les sceaux de deux villes baignées par le golfe de Gascogne nous
font assister au spectacle émouvant d'une pèche à la baleine. Uae
embarcation rapide^ aux caps très-relevés et montée par cinq hom-
mes, s'approche du cétacè. Trois rameurs assis nagent d'ua seul
côté) dégageant ainsi le bord qui côtoie Ténorme mammifère. Le pa-
tron^ debout à l'arrière, gouverne avec un aviron, tandis que sur
l'avant le harponneur s'apprête k lancer son arme. Tel est le type
de la ville de Biarritz, en 1351.
Sur le sceau de Fontarabie, 1335 (pi. XXII, &g.9u le canot^ demème
forme que le précédent^ mais dessiné avec plus d'élégance, ne porte
que deux rameurs. Ils nagent tous deux du même cùlé, le côté opposé
à la baleine, dont l'image est aussi plus correcte. Le harponneur, de-
bout, en est à sa troisième lance, et le patron, assis à l'arrière, semble
lui donner le signal de frapper une troisième fois. Des deux engins
qui ont atteint l'animal, l'un, celui de droite, nous fait connaître une
particularité curieuse. Chacun sait comment la pèche à la baleine se
pratique de nos jours. La baleine une fois piquée, le canot lui file
une certaine longueur de la ligne attachée au harpon et puis s'amarre
sur elle. Dès ce moment, la barque ne la quitte plus, tantôt entraînée
avec une rapidité vertigineuse par la bète qui fuit, tantôt au repos
pendant une sonde du cétacé, attendant qu'il reparaisse à la surface
pour le frapper de nouveau, s'èloignant ou se rapprochant a propos
sans jamais le lâcher, si ce n'est dans des circonstances extrêmes.
D'après le sceau de Fontarabie, les Basques, au moyen âge, n'en
usaient pas tout à fait de même. La ligne attachée au harpon de
droite, au lieu d'être amarrée au canot, conserve son autre extrémité
libre, et cette extrémité se termine par un flotteur, un tonnelet,
sorte de bouée qu'on pouvait suivre avec moins de dangers et sans
perdre la trace de la baleine.
Nous observons encore que le harponneur ne saisit pas son arme
des deux mains comme c'est l'usage à présent. La main gauche est
obligée de tenir la ligne dégagée.
ÉTUDES SIGILLOGRAPHIQUBS. 287
§ III.
Si maintenant on compare les renseignements fournis par les
sceaux a? ec ce que nous apprenneAt les docuiÉents écrits, on re-
marquera que les graveurs nous ont donné la nef la plus simple,
celle dont l'image rappelle la forme la plus connue. Du temps de
saiut Louis, il existait des nefs à deux mâts, le mât de proue et Tarbre
du milieu, et ces nefs se gouvernaient avec deux avirons de poupe,
un de chaque côté. Ces mêmes nefs portaient des châteaux qu'elles
tenaient des Romains, qui les avaient empruntés aux Egyptiens.
Les navires des sceaux ne nous montrent qu'une seule ancre; mais
les comptes de l'époque nous parlent de leur grand nombre; ils en
mentionnent douze et quelquefois vingt par chaque nef. Elles étaient,
il est vrai, moins pesantes que les nôtres.
Les trompettes ou les porte-voix figurés sur les sceaux de Southamp-
ton et de Calais ne datent pas du xrv* siècle. L'empereur Maurice, au
VI* siècle, dans son traité de VArt militaire^ prescrit à chaque corps
de vaisseaux d'avoir un porteur d'ordres et nû trompette. L'empereur
Léon, qui vivait trois cents ans après Maurice, en parle dans ses
Tactiques.
Le caput effigiatum nous vient des navires Scandinaves, et le clavm
du gouvernail romain se retrouve dans les vaisseaux normands.
Au reste, on constate dans la marine plus que partout ailleurs
l'influence de la tradition. Un navire de guerre égyptien, tiré d'un
bas-relief sculpté sur les pylônes du palais de Rhamsès lY, présente
au sommet de son udique mât une gabie en corbeille contenant un
personnage armé d'une fronde. C'est la gabie qui couronne le mât de
la nef du comte de Rutland en i395(pl.XXII^ fig. 5)^ de la nef d'Am-
sterdam en 1529 (pi. XXII, âg. 8). Ce vaisseau porte un petit château
d'avant et d'arrière. Il est gouverné comme les nefs du moyeu Age
par un aviron de poupe.
Sur le grand bateau du Nil, dessiné par Wilkinson, un personnage
assis à l'arriére gouverne la vergue au moyen de deux cordages
qu'il tient à la main. Ces cordages sont les bras de la vergue (pi. XXf ,
fig. 4), que nous avons signalés dans les types de Dunwicb, de Saint-
Sébastien et de Santander.
Nous venons de passer rapidement en revue les types qui peuvent
apporter quelques éléments à l'étude de rarchéologie navale. Bien
que A. Jal ail connu ces matériaux, il nous a paru nécessaire d*in-
sister, en les présentant dans un cadre séparé, sur des monuments
d'autant plus précieux qu'ils sont plus rares. . G. Dsmav*
LA GAULE
DE 511 A 561
Suite (1)
m
ROYAUME DE CHILDEBERT I*'
(511-568)
Les documents historiques ne nous apprennent rien de bien précis
sur l'étendue du royaume de Childebert avant la soumission com-
plète des Bourguignons, en 834, qui suivit d'assez près le partage
du royaume de Clodomir entre ses frères ; aussi nos recherches por-
teront-elles principalement sur la puissance de Childet)ert pendant
la période comprise entre les années 534 à 558, qui paraît n'avoir
amené aucun changement important dans l'étendue du royaume de
Paris.
Si l'on en croit Frédegaire, Paris aurait été désigné dès SU comme
le siège du royaume de Childebert (3). Cette allégation peut être
exacte, bien qu'elle repose sans doute sur le chapitre où Grégoire^ à
propos du partage de 561, indique Paris comme la capitale de ce
prince (3); en effets lors du meurtre des enfants de Clodomir, Childe-
bert résidait déjà à Paris, où demeurait également la reine Clotilde,
veuve de Glovis (4). Il est certain que Paris fut la capitale de Childe-
(1) Voir le niunéro d'oetobre.
(2) Bùtoria Francorum epitomaia^ c. xxx*
(8) «Et [ChUpericasI mox ParisioB ingreditor, sedomqae Ghildebtrti regU
pat* » (Bùtoria Franearum, 1. IV, e. xxu.)
(4) IM,^ 1. m, c. xTXii.
LA GAULB DB 811 A 861. 289
bert pendant la pins grande partie de son long règne» et c'est ponr
cette raison que Grégoire a quelquefois désigné ce souverain sous le
titre de r^x Pariiiorum (i).
Les ouvrages de Grégoire ne nous permettent d'attribuer en outre
avec certitude^ à Childebert, que les cités d'Orléans, de Bourges, de
Bordeaux et de Lyon. La ville de Bourges^ au dire de l'historien des
Francs, et il entend par là le territoire de la civitas Biturigum^ était
en 530 du royaume de Ghildebert et c'est pourquoi Arcadius, après
avoir tenté de livrer l'Auvergne à ce prince, y vint chercher un
refuge contre le courroux de Théoderic (2); mais il semble que le roi
de Metz, qui, au dire d'un hagiographe, assouvit alors sa colère sur
le Berry aussi bien que sur TAuvergne (3), s'empara alors du premier
de ces pays, que Ghildebert ne possédait sans doute qu'en vertu du
partage du royaume de Clodomir : l'évèque de Bourges figure effec-
tivement en 535 au concile réuni à Glermont sur l'ordre du roi
Théodebert, fils et successeur de Théoderic, concile dont les signa-
taires se proclament les fidèles serviteurs et les évèques des églises
du roi austrasien (4). Quant à Bordeaux, sa situation dans les Etats
de Ghildebert résulte de ce fait, qu'un prêtre bordelais, Heraclius,
qui devint plus tard évèque d'Angoulème^ fut employé par le roi de
Paris en qualité d'ambassadeur (5). Enfio, Lyon, ancienne cité bour-
guignonne, faisait partie du royaume parisien lorsque Ghildebert
nomma Nicetius à l'évèché de cette ville en 551 (6).
La réunion d'Orléans au royaume de Paris est établie par un pas-
sage de la Vie de saint Gall, où Grégoire parie d'une assemblée
d'évéques qui se réunit dans cette ville par ordre de Ghildebert, pour
juger la conduite de Marc, évèque d'Orléans, alors exilé (7). L'histo-
rien des Francs fait ici allusion au cinquième concile d'Orléans, de
549, dont nous parlerons plus loin à l'occasion des synodes convo-
qués par le roi de Paris.
Les hagiographes nous révèlent quelques faits de nature à jeter un
certain jour sur l'étendue du royaume de Ghildebert. L'histoire de
(i) Vitapairum, c. ix, g 1.
(2) Historia Franeorvm^ I. III, e. xii.
(3) Yita MMcti Fidoii, c. IT, apad MabUlon, Aefa S3. ord. 8. Ben.^ sœc. i^ p. 106.
\k) « Goltoras ?ettri, ecclesiaram vettrarum episcopi. » (Lettre adressée par le
synode de Glermont an roi Théodebert, apnd Labbe et Cossart, t. IV, ooL 1S05.)
(5) Eùtoria Francùrvm^ 1. V, c. xzxyu.
(e) Vitœ pairum, c. Yin, § S.
(7)i6trf.,e. Ti,g5.
200 BRY1» ARGHtOI.(Mft<ffB.
nHVenfion de saJiM Ftncié», par' exemple, autorise à y oompreBdre
h ville éTAmieDs (1), qn^on a qQefafneléis attribuée mi royaome de
Soissons, et nous tonchons certainemeDt îd la limite* seplentrioMle
du royaume de Ptfri& La Vie de saiAl Vigor promue que, avant B30,
date de la mort de ce* prélat, Bayeax appartenait à Ghildebert (2X et
la Vie de saint Mareoul nous donne la même assurance en ce qui
concerne Coutances (3^ L'aatorité de Ghildebert était reconnue dans
la péninsule afrmorieaine; et cela résulte nou-seulement de la Vie
conteurporaîne de saint Samsen (4K mais aussi des légendes de saint
Paul Anrélien (S}^ de saint Tugduat (6) et de saint Léonor (7), qui
(1) Non-ieulementHe M)i Chifdebert fit enserelir faooonbl«nient les corps des Étânu
Posden, Genden et Vietoric, qol venaleDt d'dtra décourerts « jnxUi priBdia vrbis
Ambiaimsis»; mais iidota ansir, à cette oceaaion^ régttse d'àmiens de- U terre da
Mesge (Somme, canton de Picqoigny). Ces faits sont rapportés dans on rédt publié
en psrtie an tome i*' de Jan?ier, p. 704» des Acia sanctoruniy par les Bollandistes^
qui ont cru à tort que les expi^essions <t ad nrbem Parisins, auribus Cbildeberti regjs,
qai iiloin tempère FhincorilmgiBiKtempri'ncipati regimioegubemabat»,s*appliqaaieiit^
à Ghildebert li, lequel, s'il pot: résider à Psrfs de 503 à S06| aprH la mort de Contran,
n'a eertainement Jamais possédé Amiens, l'a ne des rares cités demeurées fidëlesi
semble-t-il^ au fils de Frédegonde^ même dans les plus msayais Jours de son règne;
cette erreur a d'ailleurs déjà été signalée par Lecointe (Àhnaie» eceletiastici Franco-
mm, t. 1% p. 811).
(S) Saint Vigor, areta éVéquor de Bayeox, reçut da roi Ghildebert une montagne
située à un mille de Bayèox ; ce lien appartenait aupani?ant au flsc^ et il échangea
son ancien nom^ Phœnus, contre celui de Chrismalus, après que le saint prélat y
eut élevé nn monastère (Vita tancti Vifforis, apud Bouquet, t. III, p. 63S) qui,
réduit plus tard au rang de prieuré, a donné naissance au vOlage de Saint-Vigoi^
l»><vrand;
(3). Saint Marooul^ natif du Bessin, demanda à Ghildebert, qui le lui accorda^ un
lieu du Coteotin, appelé Naniui^ « locum quemdam in hoc page Gonstantino cui
Nantus est vocabulum », afin d'y établir un monastère {VitasanctiMarculfiy c. iv-tii,
apud MabiUon, Àcta SS. ord. Ben,, sasc. i^ p. 120-130). — llantM» est représenté
aujourd'hui par le Tillage de Saint-Marcouf (Hanche, anond. de Valogne^ canton de
Montebourg).
(è) Ge fut sur les instances de Samson que Ghildebert renvoya en Bretagne lejeone
Judual, le chef légitime des Bretons établis dans le pays qui forma plus tard les
diocèses de Saint-Brieuc, de Saint-Halo et de Dol (Vita saneti Samsonis, 1. I, c 53 à
60, apud Mabillon, sac. i, p. 170-180).
(5) Ge bienheureux, dont le nom est resté à la ville de Saint-PoI-de-Léoni fut
envoyé, paralt4l, par le prince breton Withur à Ghildebert, qui le força d'accepter
la dignité épisoopale sur les pays d'Ach: et de Léon : a Agnensem Leonensemqoe
pages. • (Vitatancti Pauli iitirtîtaniVo. iftu-xLVi;apud Bouquet, t. III, p. è33*è84.)
(6) Le légendaire de Tréguier rapporte que Tugdual fut, de l'avis de Ghildebert,
élu évèquedu pays trécorois, et consacré à Paris malgré toutes sesrésistanoai (A. de
laBorderie, Annuaire hUtorique et archéologique de Bretagne, année 1861, p. US).
(7) « lUo aatem tempore Ghildebortus, rex Frande, imperabat, aimiilqQe Biitao-
LA QAOLB 01 BM A BM.
9M
sont loîn touteroî^de remonter an ti* siècie; elle- était également
acoeptée dans le Maine et noaa ayens ici pour garants^deee fait la
Vie de saint Calais (I) et celle de saint Rigomer (2). On peul indkrire
de la Yie^ de saini Lnbtn qtie la eité de Chartres, ei sans ddnte' aussi
celle de Mea«x, faisaient partie du royaume de Paris, dont dépendait
aussi (3), au témoignage du biographe de saint Séyerîn, la rille de
Ghâteau-Landon, au diocèse de Sens (4). Un passage de la Vie de^
saint Cybar pourrait faire croire que Saintes reconnaissait la royauté
de Ghildebert (5). Enfin ce que la légende rapporte de saint Ferréol,
évéquedTUzésde 5K3^à 581, qui aurait passé trois années d'exil à
Paris sur l'ordre du roi Chiidebert, auprès duquel il arait été calom-
ié, peut aider à établir que la viHe épiscopale de ce prélat fut déta*
en 655 au plus^ tard da royaume de* Metz (6)^
t à tort que Tabbé Lebeuf a touIu domprendre l'Anjou dana^ le
roy^^fi de Paris (7). Fortunat relate bien, à ht vérité) dans la Yi'e
de sa^Mibin, un voyage de cet évéque d'Angers prés du roi Ghil-
debert (^nais la Vie de saint Maur prouve incontestablement que
dans les Asiéres années du pontificat d'Attbin<i qu» mourut en 550,
transn^Hs... — Ghildebertus aatem' rex conjaiqoe sjns, nomtee Ukrogodit, «1
[mates ^Bi obTiayerant festiye sancto ansUtiti [Ltonorio) et, petita episcopaU
ledietiQ^Haodentes eum dedDCiuU ad regiam. » {Vita sanoU Leonorii epiacapi in
tannia^fioriea, apnd Bouquet, t. Hf^ p. 439*)
[l) Ce ^Hment doue montre Ghildebert se rendant avec la reine Ultrogothe à sa
de J^Bra/tr, an Maine, qo'il donna ensidte à saint Galais^ ponry édiSer une
$ancti Cariiefif e. x? ; apnd Mabiiioa^ snc. i, p* 646-e47}«
Rigomer et sainte TenestinOi fanssement accawSs auprès du roi Childebert,
mt et reçurent do ce prince deux vilia sisea in pago Cenomanmco (VUa
^higomeri^ apnd Bouquet, t. lil, p. 4S7-438).
Saint Lubin, évoque de Chartres, fut invité par Ghildebert, en mâme tempsrqa'im
lotre prélat, nommé Médorée {crnn Medaveo oonsaeerdotéjyk venir oélébreo lea HMes
fde Pâques à Paris (Vita aancti Leobini^ apod Bouquet, t^ III, p. ASl}; or, ce Médovée
n'étant autre que l'évèque de Meaox, on peut voir dans ce fait une prenie de la
domination de Ghildebert sur iBLoivitas Melduorum.
(h) Voj. plus haut, p. 298, note 4.
(5) Vn démoniaque saintongeois annonçant l'intention de se rendre auprès dn roi
Ghildebert (Vita tontti Eparchii^ c xii, apnd Mabillon, s«c. i> pt 26a),. il pamit en
résulter que Saintes obéissait à ce«prince, car il est à peu près«ertaiD que le malade
ne se serait pas préoccupé d'un souverain étranger an pays où' il demeurait. Remar-
quons du reste que la cité de Saintes est cootigufi: à celle de Boxdeaui, qui Csllait
certainement partie du royaume de Ghildebert.
(S) Vaissete, Histoire gMrale de Languedoe, t. IP"-, p. 274%
(7) IHsseriatian dan$> laquelle on recherche depuis, quel temps le- nom de
France, etc. (Paris, 1740), p. S4.
(S) Vila sancH Albini ÀndegamnsiOf o« By> apud MiMUofly sat. r, po llih
292 RETUB ARCHÉOLOGIQUE.
la cité d'Angers obéissait au roi d'Âustrasie, lequel autorisa» en 343,
la fondation du monastère de Glannafolium^ aujourd'hui Saint-Maur-
sur-Loire (1). Il est probable qu'en 811 l'Anjou ayait été compris
dans le royaume d'Orléans et que, dans le laps de temps qui s'écoula
entre la mort de Clodomir et le partage de son royaume, Tévéque
d'Angers entra en relations avec Childebert, qu'il regardait sans
doute comme le tuteur des enfants de Clodomir et dont le siège
royal était^ en tous cas^ plus rapproché d'Angers que celui de
Glotaire.
Il se tint de B33 à 557 dans le royaume de Childebert sept conciles
fort importants, dont la composition nous est connue; mais les
souscriptions des prélats qui y assistaient ne peuvent malheureuse-
ment Jeter aucun jour sur le sujet qui nous occupe, car ces assem-
blées n'étaient pas uniquement composées d'évéquei du royaume de
Paris (2). Néanmoins le xv* canon du concile tenu en 5tô à Orléans
(1) Voy. ploui haut, p. 273, note 4.
(3) Le Becoad concile d'OrlôanB eat Ueu en 533, et, suif ant le procès-verbal qui
noas en a été oonserté, il fat réuni, «sor les ordres des glorieux rois», c'est-à-dire
éTidemment sur les ordres de Théoderic, de Childebert et de Glotaire, les trois fils
sanrivants de Clovis. La présence de sujets de ces trois princes parmi les trente et
un prélats qui composaient l'assemblée serait donc évidente, lors môme qu'on
n'y remarquerait pas des évoques notoirement soumis à Théoderic (les évoques
d'Autun, de Glermont, de Gahors) et à Glotaire (les évéqnes de Tours et de Poi-
tiers).
Le troisième concile d'Orléans, qni fut convoqué en 538, se composait des repré-
sentants de vingt-six diocèses; mais, bien qu'il soit daté et de la 27« année du règne
de Childebert», il n'est pas permis de le considérer comme un concile spécial an
royaume de Paris, car on y trouve les évêques d'Autun^ de Langres, de Ghalon et
d*Angers^ qui obéissaient alors au roi de Metz, et celui de Tours^ scget du roi de
Boissons*
On peut porter le même Jugement sur le quatrième concile d'Orléans, tenu en 541,
et qui, du reste, est ordinairement regardé comme un grand synode national. On
remarque, en effet, en dehors d'un grand nombre d'évèques du royaume de Paris,
quelques prélats du royaume de Metz, et entre autres ceux de Limoges, de Gler-
mont, de Rodez, du Gévaudan, de Ghalon et de Windisch. Cependant Richard {Ana-
iyris conciliorum, t. I, p. 531 et suiv.) a cru prouver que le royaume de Glotaire
n'y était nullement représenté, et son sentiment a été scdvi par le savant historien
allemand des conciles, Mgr Héfélé {Histoire des conciles, trad. Delarc, t. III, p. 385);
mais c'est là une erreur que prouve la présence à ce concile de l'évoque de Tours,
Injuriosus, que Grégoire, l'un de ses successeurs, nous fait connaître comme su]et de
Glotaire I«r.
Le cinquième concile d'Orléans fût assemblé en 540> par Childebert, et il devait
s'occuper, entre autres affaires, du Jugement de l'évèque d'Orléans, Marc, qui avait
été exilé. Néanmoins, ce concile ne fut pas seulement ouvert aux évoques du royaume
de Paris t on y voit figurer des représentants du royaume de Metz (les évoques de
LA GAULE DB SU A 564. 293
corrobore le fait, déjà énoncé pins haut, de la possession de Lyon par
Ghildebert(l).
Un concile peu connu et dont les actes sont datés, suivant les années
de régne des rois Childebertet Clotaire, du 31 janyier 55! (2), se réu-
nit à Eauze, sans doute, sous la présidence d'Aspasius, ëyèque métro-
politain de cette ville (3). Cette assemblée semble n'avoir été qu'un
concile provincial, puisque des neuf prélats qui le composèrent et
dont le siège n'est pas indiqué par les souscriptions, six appartenaient
certainement à la province ecclésiastique d^auze (4); son intérêt
Trères, de Verdao^ de Toal^ de Langres, d'Aatan, de Ghalon, de Bourges^ de Li-
moges^ de Glermont, de Gahon, etc.) et da royaume de SoisBOOB (les évêques de
Tongres (?) et de Tours).
Le concile réuni à Paris en 551 (oa en 555), par le roi Ghildebert, à l'effet de
poimrolr au siège épiscopal de Paris, dont le titulaire venait d'ôtre déposé,
comptait aussi, an nombre de ses assistants^ des prélats étrangers au royaume de
Paris^ comme le prouvent les souscriptions des évoques de Trêves, de Langres et de
Ghalon.
Le cinquième concile d'Arles, dont le procès-verbal est daté de la 43o année du
règne de Childebert (556)^ fut présidé par l'évoque d'Arles, Sapaudus. J\ se composait
do la plupart des prélats de la province d'Arles, à laquelle étaient Jointes les deux
anciennes provinces romaines dont Aix et Embrun étaient les métropoles, et il doit
être par conséquent regardé comme un concile provincial. Si Ton excepte les
diocèses de Viviers et de Die, la province d'Arles correspondait alors au pays cédé
en 537 aux rois francs par les Ostrogoths, et que ses nouveaux maîtres se parta-
gèrent alors.
Le deuxième concile de Paris, de 557^ dont le procès-verbal est daté suivant les
années du règne de Ghildebert, était composé de quinxe évèques seulement; mais
la présence de l'évèque de Tours^ Euphronius^ qui venait d'être promu à Tépiscopat
par le roi de Soissons^ ne permet pas encore d'y voir un concile spécial au royaume
de Ghildebert.
(1) U y est question de l'hôpital (xenodochium) fondé à Lyon par Ghildebert et
par la reine Ultrogothe, sa femme.
(2) « Facu institutio kalendss februarii, anno xl regoi domni nostri Hildeberhti
et Hlotharii régis. »
(3) Le texte de ce concile n'a encore été imprimé que deux fois. La première
édition a été donnée en 1763 à Ferrare par Eusèbe Amort dans ses ElementajurU
canonid veteriê et moderni (t. !•', p. 355-357), d'après un manuscrit du viii« siècle
appartenant alors an chapitre de Diess et dans lequel ce concUe porte le titre fautif
de Concilium Arelatense^ que l'éditeur a reproduit sans commentaire. De nos Jours,
un savant attemand, le docteur Friedrich, a réimprimé ce texte qu'il croyait inédit;
mais, sa méprise ayant été signalée par M. Uaassen, il a retiré son édition du com-
merce. Voyes à ce si^et 1® compte-rendu de VBiftoire des conciles de Mgr Héfélé,
publié dans la Revue historique (t. !«', p. 50A) : c'est à l'auteur de cet article^ M. Paul
VioUet, que nous devons communication du livre d'Amort, lequel n'existe dans au-
cune des bibliothèques publiques de Paris.
(ft) Noos ne croyons pas inutile de reproduire ici les souscriptions de ce concUe^
9H MPTO AKSiOUNIiWnB»
ponr ta gtegripbia histMiqiia rémiâdaM mtmC dans la fonmile
employée pour la date de ses actes et qoi suppose la posaasskMi de U
Novempopulanie par Childebert et Glotaire, à l'excliifiioii ds rai de
Metz, qui cependant possédait Eauze en B38.
Les docaments diplomatiques du règne de Childebert, de leur
cAlè, nous permettent d'ajouter quelques indications à celles que
nous avons déjà recueillies sur retendue des États de ce prince. Ce
sont d'abord plusieurs diplômes royaux relatifs au monastère d'Anille,
anjottrd'hui Saint-Calais (1), confirmant le fait déjà connu de la
domination du troisième fils de Clovis sur le Maine. Un autre
diplôme, par lequel Childebert accorda, en 558 à l'église de Paris
diverses propriétés sises dans le Melunais, le pays de Frëjus et
à Marseille (2), nous permet de ranger la dvitùs Fordjuliemium
et la dvitas MasMlienêium au iiombre des villes que le partage de
la Provence, cédée par les Ostrogoths en 687, annexa au royaume
de Paris.
Les documents épistolaires fournissent aussi leur contingent de faits
intéressants. Nous cilerons d'abord une lettre de Léon, évèque de
Sens (538), qui révèle le fait curieux du partage de la civitas Seno-
num entre le royaume de Metz, dont dépendait Sens, et le royaume
en ijoatant entre croeheU les noms des sièges épiscopanx des prélats connus par leu
présence à d'antres synodes de la même époque : « Conditione subscripsi in Del
nomine, Aspssios, [Elusanus] episcopns, insUtutiones sapra scriptes conditiones
sabscripsi. — Julianus peccator^ [0t^orr9n#t>episcopas],sabsoripsL — -Procoleianns
[Ausciensii] episcopus, s. — Liberias, [AlptMsiê] episcopns, s. — Theodorus, [Con-
sorannensis] episeopns, s. -*- AmeUust [Convenensù] episcopns, s. — Eusepios'
episcopns, s. — Marinns, episcopus, s. -^ Flavins, in Christi Domine pree^yter, ad
▼icem domini mei Thomas! episcopi, subscripsi.
(1) Bréquigny (Diplomata^ chartœ^ ete», t» I^ p. xit-xt) montre qne la date de ces
pièces a été tout au moins corrigée d'une matière fauti?e.
(2) « DonamuB ad sanctam matrem ecelesiam Parisiacam, nbi ipse domnns Ger-
manus preesse videtur, hoc est îpsam villam Cellas nominatam, ubi sanitatem recv-
persTimus, sitam in page Melidunense^ super atreum Sequans^ ubi lona iUam
ingreditur... Sed et ipse domnus pontifez petiTit nobis in PrOvinda locellum noetrnm
in page Furidreose, cui vocabulum est Gella... qaod nos, pro mereedis nostne
augmente^ concedlmns et condonamus... Condonamus etiam salines, et in MaasîUa
eum ediflcio quod super est esdiflcatum,... matri ecclesiae Parisiace. » (Pardessus^
Diplomata^chartœ, etc., t.'I«', p. 116-117.) C'est par erreur qne lediplôaw dont nous
▼enons de donner on extrait est daté de la dix-septième année du règne de Childe-
bert, c'e8t«à-dire de 538^ dans le Cartulaxre de Notre-Dame dt Paru (t I*'^ p. 376),
et il est étrange que cette date ait été reproduite dans le tome l« des Diplomata
imperii (p. 5^), publié en 1872 par M. G.-H. Perte, puisque la Pfofence ne fut pas
cédée aux Francs avant 637 et que saint Gennain^ qui flgnre id coanme évêque de
Paris, ne monta sur le siège épiscopal qu'en 556 seulement.
/
LA GAULB DE 811 A 561. 908
de Paris, auquel Melun était uni (1). Trois lettres du pape Vigile
(546 et 550} nous présenteut, d'autre part, révoque d'Arles comaie
un sujet de Chiidebert (2),
Si, après avoir épuisé les diverses séries de documenU contempo-
rains, nous interrogeons les traditions ecclésiastiques, celles-ci nous
signalent Beauvais comme l'une des cités du premier roi de Paris, à
qui la fondation de Tabbaye de Saint-Lucien est attribuée par Tobi-
tuaire de ce monastère (3).
On peut; en résun^ant les iu4ica}ioQ$ qui précèdent, constater
que le royaume de Paris, augmenté de la part que Chiidebert reçut
des États de Glodomir, du royaume de Bourgogne et de la Pro-
vence, formait, après 537, au moins quatre groupes isolés, et que la
capitale de ce royaume se rattachait au plus considérable des quatre
groupes.
Le premier groupe, limita au nord par la Gauche qui séparait le
territoire de Thérouanne, appartenant évidemment à Clotaire, de
celoi d'Amiens, n'atteignait pa$ la Loire dans la partie inférieure de
son cours, car ni Angers ni Tours n'en faisaient partie; mais il s'éten-
dait au delà de ce fleuve, au sud d'Orléans, en comprenant le terri-
toire de cette ville. A l'est, les cités d'Amiens^ de Beauvais, de Meaux,
et les pays de Melun et du Gfttinais (démembrés de la cité de Sens),
limitaient le royaume de Paris, contigu de ce côté aux royaumes de
Soissons et de Metz.
L'existence du second groupe nous est attestée par le lien qui
rattachait Bordeaux et Saintes au royaume de Ghildebert. Ge groupe
comprenait en outre la partie de la Novempopulanie que possédait
le roi de Paris.
Le troisième groupe était formé du lot qui fut attribué à Ghildebert
lors du partage de la Bourgogne ; c'est-à-dire, de Lyon et de son
vaste territoire, et très-probablement des cités de Mftcon, Genève et
Tarentaise.
Le quatrième groupe comprenait les cités que le partage de la
Provence, en 537, unit aux États du roi de Paris, et qui paraissent
(1) Raioart, S. Gregorii episcopi Turonensis opéra omnûi, col. 132S.
(3) Les deux premières de ces lettres sont relatites à Aarélien, évéqne d'Arles,
auquel le pape accorde le pallium et le vicariat', i la prière de Chiidebert; la seconde
est adressée k ce même prélat, qal devra engager le roi de Paris à recommander
l'honneur de la religion et les intérêts de l'Église de Rome au roi des Ostrogoths
(Sirmond, Concilia wtiqua Gallia^ U l, p, 274> 175 et 287)«
(3) De Foy, Notice des diplômes relatifs à rhistoire de Franc^^ t I«S p. 44 ; d'a-
près Louf et, Uisto^é d¥ pays de Beautoisis.
S96 RBYUB ARCHÉOLOGIQUE.
avoir été au nombre de sept : Arles, Marseille et Fréjus, indiquées
par les documents contemporains comme ayant appartenu à Ghilde-
bert, ainsi que Toulon, Antibes, Yence et Nice, dont l'attribution au
même prince est dictée par la logique (1).
IV
ROTAUMB DR GLOTAIR I^
(511-501)
Grégoire nous fournit sur la composition da royaume de Glotaire,
avant 555^ encore moins d'indications utiles que sur celle du royaume
de Childebert. Il nous permet seulement de connaître que la ville de
Toars, à Tévéché duquel Clotaire nomma Euphronias, en 5S6 (2),
appartenait à ce prince du vivant de Tévéque Injuriosus, qui mourut
en 546 (3), ainsi que la cité de Soissons où il fit ensevelir saint
Médard, mort en 545 (4). On trouve bien encore dans l'HUtoria
Francorum le récit d'événements qui prouvent la possession deCler-
mont, de Limoges, de Poitiers, de Cbalon-sur-Saône, de Dijon (au
diocèse de Langres) et de Reims pa^ Clotaire ; mais ces événements,
qui se rapportent aux années 556 et 557, avaient été précédés par
conséquent de l'union du royaume d'Austrasie è celui de Sois-
sons (555), et l'on sait d'ailleurs d'une manière certaine que toutes
ces villes, sauf Poitiers, avaient obéi à Théoderic et à ses deux suc-
cesseurs.
Les bagiographes nous ont transmis quelques faits dont nous
tirerons parti pour la géographie du royaume de Clotaire antérieu-
rement à l'an 555. La Vie de sainte Radegonde nous permet de
compter Noyon, dont dépendait Athies (5), Arras, dans le territoire
(1) Nous avons discuté aiUenrs la question da partage de la Provence.
. (2) Histaria Francorum^ 1. IV, c. xv.
(8) Ibid., 1. IV, c II.
(4) Ibid.,]. IV, cm.
(5) C'est à Athies, en Vermandois, que Clotaire fit ôlere^tiadegonde, prinoeise
thuringienne, qu'il épousa depuis : «Qa» venions in BoriemMrmcéÏBi régis Gblotbarii
in Veroma[o]deusem ducta Attelas, in villa regia, notriendi causa custodibus est
deputata. d {Vif a S. Radegundis, !. I, c. n; apud Habillon, Aeta SS, ordinis Ben.,
sasc. I, p. 820.) — Ce texte réfute victorieusement, ce semble, l'argument que le
chanoine Fenel tire de la Vie de saint Médard, pour établir que te diocèie de Ifoyon
LA 6AULB DE 511 A 561. 297
daqnel était comprise la ville royale de Yitry (1)^ au nombre des cités
appartenant au roi de Soissons. La possession de Poitiers par Clo-
taire, qu'atteste le même ouvrage {% nous est en outre confirmée par
la Vie de saint Junien (3). On peut aussi tirer dé la Vie de saint Hédard
la conviction que Tournai faisait partie du même royaume (4). Enfin,
la Vie de sainte Consortianous apprend que Clotaire avait également
des possessions eu Provence vers la vallée de la Durance, mais il est
à peu près certain que Tévénement à propos duquel il est fait allusion
à son pouvoir sur ce pays se rapporte aux dernières années de son
règne (tf).
Une chronique franque écrite vers l'an 720, les Gesta regum
Francorumj renferme une indication dont le géographe historien
n'obéisBâit pas à Clotaire : «Deaz témoignages tirés des historiens de saint Médard,
dit-il, noos proayent que Clotaire, ayant passé hostilement la Somme, rayagea tonte
cette contrée Jusqu'à Noyon, et, par conséquent, il fallait qu'elle appartint A Childe-
bert. » {Dissertation sur la conquête de la Bourgogne, p. 72.)
(1) Peu de temps avant son mariage a?ec Clotaire, Radegonde quitta la résidence
d'Âthies pour celle de Viduriacus, dont l'identité arec la villa royale de Victoria-
eus, où Sigebert fut assassiné en 575, n'est pas douteuse : a Quam cum preparatis
ezpensift Victoriaci yoluisset rex prœdictus accipere, per Beralcbam ab Attelas nocte
cum paucis elapsa est. » [Vita S. Radegundis, 1. I, c. m.)
(2) Radegonde, ayant qaitté la cour en 5Mi, vint résider dans la villa de Sais, en
Pdtou, que lui avait donnée son royal époux : « Postqnam opérante divina potentia
a rege terreno discessit, quod sua vota poscebant, dum Soiedas in villa, quam ei
rex dederat, resideret, in primo anno convenionis sue... d {Vita S, Radegundis,
1. Iff c. m.) Cf. le livre I, ch. xv, où la situation de Sais est parfaitement détermi-
née : « In villa que Suedas, Pictavo territorio, juxta predictum vicum Condaten*
sem » ; il s'agit ici de Gandes (Condate) en Touraine. Depuis, la bienheureuse fit
construire, avec l'assentiment du roi Glotairei un monastère à Poitiers. (Vita S. Ra-
deg., 1. II, c. V.)
(3) La Vie de saint Junien, écrite au temps de Louis le Pieux, rapporte que le
Uenîieurenx abbé, accusé devant le roi Clotaire, qui fut mandé par ce prince, voya-
geant alors en Aquitaine, se trouvait dans son domaine de Gavarciacum, aujourd'hui
Javarsay (Deux-Sèvres, commune de Bougon) {Vita sancti Juniani^ c. vin, apad
MabiUoo, Acta SS, ord, 8. Ben., sec. i, p. 311).
(4) Les divers biographes de saint Médard {Acta sanctorum, t. II JunU, p. 72)
gont d'accord pour reconnaître qu'il occupa en même ten^ le siège épiscopal de
Noyon et celui de Tournai, ce qui prouve à Tévidence que Tournai obéissait au
mâme souverain que Noyon.
(5) Consortia, qui demeurait sur le territoire d'Aix, vers la Durance, vint un Jour
auprès du roi Clotairci afin d'obtenir de lui des lettres de protection qui lui permis-
sent de vivre en toute sécurité dans le royaume de ce prince, où étaient apparem-
ment situés les établissements pieux qu'elle avait fondés ( Vita sanctœ Consortim,
c. XII, apnd MabiUon, sec i, p. 250) ; selon l'hagiographe, ce voyage eut lieu dans
les dernières années du règne de Clotaire^ puisque, immédiatement après, il écrit .
« Non post mnltos dies, mortuo regd'Chlothario.;. » (/6m/., c xv.)
xxziv. 21
298 aEYUB AHÇHÉOLOGipUE.
peut être tenté de se servir pour établir la compositipo de la partie
septentrionale des États du roi de Soissons. Il y est dit que Gbilde-
bert et Tbéodebert marchèrent avec une armée contre Clotaire qui,
hors d'état de résister, se serait réfugié in êilva in Arelauno (l)t.c'est-
à-dire dans la forêt deBrotonne, sUuée au diocèse de Rouen, çnr la
rive gauche de la Seine, vis-à-vis de Caudebec (2). Mais le chapitre
.des Gesta regum Francorum où Ton trouve ce fait est copié presque
textuellement sur le chapitre que Grégoire a consacré au même évé-
nement : la seule différence sensible entre les deux récits est Taddi-
tion du nom Arelaunum par le plus moderne des deux chroniqueurs,
puisque Tévéque de Tours dit simplement que Clotaire se réfugia
dans une forêt (m silvam confugit) (3). On ne peut donc faire fond
sur cette mention de la forêt d'ire/atinum, car, en supposant, comme
cela résulte de Tœuvre de GrégoirOi que le roi de Soissons fAt
attaqué dans ses États, on attribuerait à ce prince la possession de
fa civitas RothomagenHunij ce qu'ail est impossible d^admettre^ Ghil-
debert dominant alors sur les cités de Beauvais et d'Amiens qui
séparaient le territoire dOiBouen de la partie principale du royaume
soissonnais.
En dehors des textes historiques et hagiographiques que nous
venons de rappeler, la charte de fondation du moijiastëre de Si^int^-
André-le-Bas, de Vienne, est le seul document à consulter pour la
géographie du premier royaume de Soissons. Cette charte, datée de
la neuvième année du règne de Clotaire, est adressée par Ansemond
et Ànsleuba à leur fille Bemilia, dite Eugenia, à qui ils avaiept donné
une partie de leurs biens, pour la fondation d'un nouveau mona»»
tère destiné à leur sépulture (4), et elle prouve que Vienne fit partie
du royaume de Soissons avant Tannée 555, date à laquelle Clotaire,
par suite de la mort de Théodebald, réunit le royaume d'Austrasie à
ses États ; en effet, dans ce dernier cas, on n'eût j^am^s p^rlë à
Vienne de la neuvième année du règne de Clotaire, ce prince étant
mort en 861. Faut-il crofre, avec Bréquigny et Pardessus, que la
capitale de la Viennoise échut au roi de Soissons en 634, lors du
partage de la Bourgogne, et que la charte d'Ansemond n'est pas
postérieure à 5i3? Nous y serions assez disposé, j^î les soRLScriptîpns
(1) Geita région Francùrum, c. xzt.
(2) L'Identité de la fordt ù' Arelaunum et de la forât de Brotonne est pioa?de par
de nombreoi textes de Tépoqae franqoe, parmi leeqaeli on des plus probaota eet
la Vie de taint Gondé.
(8) Bùtoria F^ancorum^ t III, c. xi?ni.
{h) PardeBBiu, Diplomata^ ehatt , lûtiod., p. 14-96, t. I, p. 107.
LA GAULB DB 511 A 661. 299
des évoques réanis aa concile de Clermont en 549 ne nous faisaient
connaître réyèqae de Vienne, Hesychias, comme nn sujet da roi
d'Anstrasie. Or, le fait de la possession de Vienne, d'une part par
Tbéodebald en 549, de l'antre par Clotaire pendant une suite de
neuf années, ne peut s'expliquer que de deux manières : ou Clotaire
possédant Vienne au moins depuis 534 en aura été dépouillé après
543 par son neveu Théodebert, qui Taurait laissé à son fils Tbéode-
bald avec la totalité de ses États; ou bien la même cité métropolitaine
possédée depuis la soumission des Bourguignons par le roi d'Auslra-
sie, Tbéodebert, aura été enlevée à son successeur, Tbéodebald,
encore adolescent, par Clotaire, qui, quelques années plus tard, en
555, se sentit assez fort, grâce sans doute à d'autres annexions éga-
lement faites au détriment de Tbéodebald^ pour entrer en possession
de rbéritage de celui*ci, sans que le roi de Paris, Cbildebert, dont
les États furent pendant longtemps bien supérieurs en étendue à
ceux du roi de Soissons, pût y mettre opposition. C'est à cette der-
nière hypothèse que nous donnons la préférence (1).
Il résulte donc de ce qui précède que^ des trois royaumes francs
qui subsistèrent de 534 à 555, le royaume de Soissons est celui dont
la circonscription peut être le moins facilement déterminée. Si l'on
en juge par ce que l'on sait de l'état de la Gaule au milieu du
VI* siècle, il se composait de quatre groupes comme les possessions
de Théodebert et de Cbildebert. L'un d'eux comprenait le royaume
de Soissons proprement dit, c'est-à-dire les cités de Tournai, de
Cambrai, d'Arras, de Noyon, de Soissons et peut-être aussi celle de
Tongres, auxquelles les convenances géographiques prescrivent
en quelque sorte de joindre Boulogne^ Thérouanne et Laon. Le
second groupe, évidemment formé du lot qui échut à Clotaire dans
la succession de Clodomir, se composait des cités de Tours et de Poi-
tiers. Le troisième, répondant d'abord aux cités bourguignonnes que
le partage de 53i donna à Clotaire, contenait probablement Belley,
Grenoble, Valence et Die, et il s'accrut, en 537, de la partie de
la Provence qui fut attribuée au roi de Soissons à la suite de la
cession que les Ostrogoths firent de ce pays aux fils de Clovis; le
domaine provençal de Clotaire semble avoir été formé des cités de
Saint-Paul-Trois-Cbâteaux, Orange, Carpentras, Vaison^ Sisteron,
Gap et Embrun, c'est-à-dire de la partie septentrionale dé la Pro-
(1) U flradrait alon dater la charte d'Aniemond de 5S7 à SSl, la réoDion de
Vienne aoi Btata da roi de Soissons ne pouTant pas 6tre antérieure an concile de
QermoDt en 540> «
300 REVUE ARCHEOLOGIQUE.
vence. Enfin le quatrième groupe comprenait une partie de la
NoYcmpopulanie, province qui, en 551, paratt être divisée entre
Childebert et Clotaire(ij : nous serions assez disposé à y placer aussi
Toulouse, dont la possession par Clotaire expliquerait la participation
des guerriers de ce prince à Texpédition de Septimanie, en 533, car
il ne pouvait avoir un intérêt immédiat dans ce pays que si quelqu'un
de ses domaines y était contigu.
Auguste Longnon.
(1) Voyez plus haut, p. 203.
SUR QTJELQTJES
INSCRIPTIONS D'OSTIE
Suite (1)
Si Ludus Caesar Augusti filius n'est pas le petit-fils adoptif d'Au-
guste, il ne peut être qu'un des princes de la famille Âelia ou de la
famille Antonine qui portèrent le prénom de Lucius. Cette attribution
est tout à fait justifiée par la paléographie; et les objections qu'y a
faites M. Yisconti ne sont pas sans réplique.
J'aTOue ne pas bien saisir la gravité des confusions auxquelles ce
nom eût prêté (2). D'abord elles ne portent pas sur quatre person-
nes (3),mais sur deux seulement, puisqu'il y a plus d'un siècle entre le
petit-fils adoptif d'Auguste et les autres princes du même nom, et que
Lucius Verus ne fut jamais César. Ces deux Césars eux-mêmes n'eu-
rent pas ce titre concurremment, mais vécurent à plusieurs années
de distance. Il en est un au moins qui pouvait le porter, sans aucune
chance d'erreur, c'est L. Aelius Caesar, puisqu'il le porta le premier.
Une autre raison contribuait d'ailleurs à donner à ce nom une suf-
fisante clarté, c'est la nouveauté du titre conféré à Aelius Caesar par
(1) Voir le numéro d'octobre.
(3) Les Romains ne paraissent point en général avoir redouté cet inconvénient
Les expressions Caetar Augustus^ Àugustt fUius^ employées pour désigner les empe-
reurs ou leurs fils, n'étaient certainement pas plus claires que ceUe dont il est ques-
tion ici. Borghesi, Œuvres, III, p. 303-310.
(3) a Quattro Gesari. » Visconti, 0. c, p. 329.
302 RETUE ÂRCBÉOLOGIQUE.
Tempereur Hadrien. Quelque difficulté que nous éprourions à définir
en quoi consistait précisément cette nouyeautéi elle avait frappé les
esprits, et les historiens ont noté le fait en y attachant presque
l'importance d'une modification à la constitution impériale (1).
Le titre de Gaesar était donc sufiQsamment caractéristique; il n'y
avait dans l'empire qu'un César, comme il n'y avait qu'un Au^ste;
la confusion n'était pas possible. De là vient que le titre de Caesar est
inséparable du nomd^Âelius; qu'il est quelquefois employé seul ppur
désigner ce prince (2); et que chez les écrivains ou dans les ins-
criptions on rencontre quelquefois le nom de Lucius Caesar appliqné
au fils adoptif d'Hadrien (3).
(1) Spart., Ael. Ver.^ S : cCeionias Gommodas qai et Âellas VeraB appeUatus est,
quem Bibi Hadrianus adoptayit, nihU babet in Tita sna memorabile niai qaod
tantom Caesar est appeUatos, nbn testameoto nt antea solebat, neque eo modo qao
Trajanas est adoptatni, sed eo prope geoere qao nottris teinporibus a vestra de-
mentia Maximianoa atque Gonstantius Caesarea dicti sont : qaaai quidam prindpnm
filii Tiri, et deaignati aogiiatae majestatia heredea. » Cf. Aorel. Vict, Caes,^ in Ha-
driano s t Abhinc dlyiaa nomina Caesaram atqae AaguBti, inductamqae in rempa-
bUcam ntl dao, Ben plures aammae potentiae dissimileB cognomento ac poteatate
diaparl aint. » Aareliaa Victor doit attribuer par erreur à Hadrien, qui probablement
ne fut JamaiB adopté» ou le fut seulement in extremis par Tnjan, ce qui eat yrai
d*AeliuB VeruB. Lui-môme fait allusion aux doutes qui couraient sur ce si^etp Cf. Spart.,
Hadr,, 4; Dio, LXIX, 1. -^ La monnaie qui porte au droit la tète laurée de Trajan
aTOC la légende IMP * CAES • NER * TRAIAN • OPTIH ' AVG • GERH * DAC \ au 1^ la
tète laurée d'Hadrien et les mots HADRIANO TRAIANO GAESARI, eat d'une aathen-
tidté trèB-problématique , ou fut peut-être une supercherie de Plotine pour accré-
diter la fable de Tadoption. (Eckhel, D.N.V,, t. VI, p. 473-476.) Cf. la curieuse lettre
de Commode à Qodius Albinus (Capitol., Albin^, 2), qui renferme les renseigne-
ments les plus complets que nous ayons sur la portée du titre de Caesar ; Capi-
tol., L, Verus, 1; Spart., AeL Ver., 1. Lea monnaies d'Egypte an typed'Adina
Caesar offirent une particularité bien Bingulière : eUes sont datées par les années
d'Aelius Gaesar, contrairement à la règle générale, appliquée à Alexandrie comme
partout ailleurs, de dater par les années de l'empereur seul, et à laqueUe
on ne fit exception que pour Tibère, Aelius Caesar et les Césars de la fin du ui« aie-
de. « Qui mes ddnde yaluit usque ad Diodetianum, quo imperante factum Ite-
rum ut collega Maxlmlanus et Caesares adsdti annos sues non Diodetiani nume-
rarent. » Il est à remarquer que Spartien assimile Justement l'adoption d'Adius à
cdle de ces Césars. — Zoega y voit la preuve d'une asaotiation effective d'Aelias
Gaesar à la dignitéi périale, et peut-être d'un partage de l'empire entre Hadrien et
ton collègue. (Eckbel, DM.V., t. IV, p. «5-66.)
(2) GapitoU,!. Verus : «mortnoquepatreGaesare,in Hadrianifamiliaremanait.»
Gf* ib. il : « Illatumque ejus corpus est Hadriani sépulcre, in quo et Gaesar pater
ejns naturalis sepultus eat. » Cf. Justin., ApoL ï, initie : AouxCcp çiXoaâçcp KoCoopoc
fSosi {»t^ xal E0<Te6oûc eloiroiY)T^; dté par Cavedoni, op. cit
(S) Henien« linn. Inst Arch., 1857, p. 88-89. IserU, latina di Casa Caida (Wfl-
SUR QUELQUCS INSCRIPTIONS d'OSTIE. 303
Ainsi se trouye levée la deuxième^ objection de M. Visconti ; ainsi
se concilient les données chronologi(|iies tirées des faits, et celles que
fournit la paléographie de l'inscription.
La seule contradiction qui subsiste encore, c'est Tantiquitë du
titre de eaisor, abandonné partout, et à Ostie, les inscriptions en font
foi, dans le temps auquel nous attribuons cette inscription. On peut
résoudre la dirScuIté de deux manières, en lisant ou : Ilvir praefectus
L. Caesariê... cens&rius^ qui répondrait à l'expression Ilvir eensoria
potestate dont on trouve plusieurs exemples, un entre autres dans
l'inscription n^ 4; ou Ilvir praefectus t. Caesaris.,. censoris, et on
supposant qu'on ait restauré pour le prince impérial, et afin de lui
faire honneur, le titre antique et respecté de censar.
Si Ton admet les raisonnements qui précédent, on n'hésitera pas à
attribuer au second siècle de notre ère l'inscription de P. Lucilius
Gamala (n® 1).
Cette conclusion a le double avantage :
1^ De concilier le texte du monument avec la paléographie;
i"" De resserrer dans de trés-étroites limites la date de notre monu-
ment, n est postérieur à Tadoption de L. Ceionius Commodus, qui
porte dans Tinscription le litre de Caesar; il est antérieur à la mort
d'Hadrien, qui n'est pas appelé divus. C'est dans cet intervalle de
deux aimées au plus que fut érigé le monument (1).
mann8,l2fiS). Les mots entre crochets et ea minuscules sont suppléés par H. Hensen.
Pai emprunté à cette inscription la ligne 1 et une partie de la troisième. Cf. Càpf-
tol., Mf. Anf, Ph,^ 5 : «His itase habentibus, quum post obitum L. GaesaHs Ha-
drianus successorem quaeroret.... » etc. {L * Aureltus • L * Caesaris * / 'Nicomedes *
qui • et •] GBIONIVS • ET • AEUVS • VOCITATVS • EST • L • CAESARIS • FVIT •
A • CVBÏCVLO • ET • DIVI • VERI • MP • NVT[riïor] || || CVM •
CEIONIA • LAENA • VXORE • SVA • hIC • SITVS.
(1) La date de Tadoption de L. Caesar est très-contestée. Deux passages de Spar^
tien {Hadr.f 23; Ael, Ver,, S) semblent indiquer qu'elle eut lieu l'année oùL. Ceionius
Commodus était préteur : « Adoptayit ergo Ceionium Commodum Verum invîtis
omnibus, eumque Aelium Verum Gaesarem appellavit. Ob cujus adoptionem^ ludos
circenses dédit, et donativum populo ac militibus expendit : quem praetura hono-
ra?it, ac statim Pannoniis imposuit, décrète consulatu cum sumptibus; eumdem
Commodum secundo consnlem designavit. »
« Adoptatus autem Aelius Verus ab Hadriano ... statimque praetpr factus et
Pannoniis dux ac rector impositus, mox consul crcatus. Et quia erat depùtatuS
imperîo, iterum consul designatus. »
A en J^ger par les inscriptions, on serait induit à penser que L. Adius Caesar
fut adopté seulement quand il était consul pour la deuxième fois. En effet, il ne
porte ni le nom d' Aelius ni celui de Caesar sur les monuments de son premier con-
304 BETUB ÂROHiOLOGIQUB.
n
Le nom de P. Lacilius Gamala se retrouve sur six monuments,
y compris les deux qui ontèté publiés sous les numéros 1, 4. Réunies,
solat (OreUi-Henzen, 5, 1681^ 6086); et ceax de son second consulat, qni loi donnent
ces noms, reçus par adoption^ ne lui attribuent qu'une puissance tribunicienBe
(ib. ,826^827,820}. Les médailles du premier consulat font défaut; celles du second
portent, comme les inscriptions de la môme année, TR * P * COS * II , c'est-à-dire
qu'elles accouplent la première puissance tribunicienne et le deuxième consulat
(Eckhely D.N,V,, t VI, p. 525-526). Il faut enfin ajouter, pour réunir toutes les don-
nées du problème, une monnaie d'Alexandrie datée de la troisième année d*Aelius
Caesar : Dr. A-AIAIOGKAICAP — ÇT €IPHNH- L-r(Eckhel, D.N.F-, t,IV,p.65).
Ainsi, tandis que les monuments épigrapbiqups et les médailles semblent réduire
à une seule les puissances tribuniciennes d'Aelius Caesar, la monnaie d'Alexandrie
en porte le nombre à trois au moins; et l'on a grand'peine à comprendre, mâme en
ce délai de trois années, les magistratures et fonctions dont l'empereur honora son
fils adoptif. Tous ces témoignages, en apparence contradictoires, ne sont cependant
pas absolument inconciliables. Les textes de Spartien cités plus haut établissent au
moins que l'adoption est antérieure au deuxième consulat^ puisque AeUus fut désigné
pour cette magistrature après avoir reçu le nom de César. Ce fait n'est niïlleDient
infirmé par les inscriptions et les médailles. Il suffit d'imaginer, pour l'expUquer^
que le point de départ et, par suite, l'échéance des consulats et des puissances tribu-
niciennes ne coïncident point. Si les monuments du premier consulat ne font pas
mention de puissance tribunicienne, si les monuments du second ne portent que la
première puissance, c'est que les uns sont antérieurs à l'adoption, les autres à
l'échéance de la première année, comptée du Jour de l'adoption. Si, par exemple, le
premier consulat commence à courir du mois de mai 136, et la première puissance
tribunicienne de quelques mois plus tard^ tous les monuments éleyés dansTinter-
Talle ne mentionneront naturellement que le consulat; tous ceux qui ont pu être
élevés entre le mois de janvier 137, début du deuxième consulat, et le mois quel
qu'il soit oùexpirait la première puissance tribunideone, porteront un double consulat
et une seule puissance tribunicienne. Il est vrai que Spartien place l'adoption non-
seulement avant le deuxième consulat, mais avant le premier, avant même la prétare
Cette partie du texte doit être abandonnée , mais non pas sans expliquer Terreur de
l'écrivain ou du copiste. Les honneurs dont L. Ceionius Commodus fut revêtu
eurent certainement un caractère extraordinaire et se succédèrent avec une rapidité
tout à fait inusitée. Il est vraisemblable que l'empereur^ dans le dessein de faire de
Jui son collègue et son héritier désigné, usa de tous les moyens en son pouvoir pour
le rapprocher de soi. Il commença par lui conférer le rang prétorien; les termes
mêmes dont se sert Spartien indiquent^ ce me semble^ que la préture fut honoraire
et non point effective : « praetura honoravit, » Immédiatement après, l'historien
place la fonction de goaverneur des Pannonies : « ac staiim Pannomis imposifit.9
Cette fonction présente un caractère exceptionnel; car depuis que la Pannonie
avait été divisée en deux provinces, chacune d'eUes avait toujours eu son
gouverneur particulier, savoir un légat prétorien dans la Pannonie inférieure,
un légat consulaire dans la Pannonie supérieure (Marquardt, Rœm, Staait WerwcUt.^
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS d'OSTIB. 305
ordonnées, et, autant qae possible, datées, ces inscriptions permet-
tent, sinon de dresser la généalogie de cette famille, au moins d'en
sm?re l'histoire pendant deux siècles.
,p. 138-139). C'est donc par ane double violation des règles habituelles d'abord que
1m provinces furent réunies^ et ensuite qu'elles furent confiées toutes deux ensemble
à un simple prétorien. Après un très-court intervalle^ a mox consul creatus », peut-
dtre môme simultanément, « statim Pannoniis impasuit decreto consulatu cum sumjh
abus 9, L. Ceiooius Gommodus fut porté au consulat. Dans la seconde hypothèse, sa
nomination au gouvernement des Pannonies serait moins irrégulière. C'est au cours
de ce consulat qu'il avait été désigné consul pour la deuxième fois. Les expressions
de Spartien prouvent combien l'avancement de L. Ceionius Commodus fut h&té;
peut-être reçut-il en une seule année tous ces honneurs accumulés. On comprendrait
alors sans peine que les dates d'événements si rapprochés eussent été confondues
par Tauteur lui-même^ ou que Tordre du texte eût été brouillé par les copistes. En
plaçant Tadoption après le commencement et dans le cours du premier consulat (130)
on concilie, partiellement au moins, Spartien et les monnments.
Msis on arrive à un total maximum de deux puissances tribuniciennes, la première
à cheval sur les deux années 136 et 187, la seconde inachevée encore quand mourut
Lucius Caesar, le 1*' Janvier 138. Comment donc expliquer le chiffre 3 qui se trouve
sor la monnaie d'Alexandrie? La solution qui s'offre naturellement à Tesprit, étant
tout à fait conforme aux usages de la chronologie égyptienne, c'est que les puissances
tribuniciennes sont comptées à partir du 1»' Thot (= 20 août), sauf la première qui
se placerait après l'obtention du consulat, et avant le 1*' Thot. On arrive ainsi aax
résultats suivants:
1'* puissance tribunicienne, 136, entre Janvier et août;
2« — — 136, 29 août;
3« — — 137, 2» août;
c'est-à-dire à trois puissances tribuniciennes, comme l'indique la médaille d'Alexan-
drie ; la troisième n'étant pas encore achevée quand mourut Aelius Caesar. Mais il
se présente cette difficulté que, contrairement au témoignage des inscriptions et
médailles citées plus haut, le rapport des consulats et des puissances tribuniciennes
serait renversé et qu'on devrait trouver ensemble TR. P. II. COS. au lieu de TR. P.
COS. 11. Le résultat serait un peu différent, mais également contraire aux docu-
ments lapidaires ou numismatiques, si l'on fixait le terme de la première puissance
tribunicienne au !•' Janvier 137, car dans cette hypothèse la formule TR. P. COS. II
est inexplicable. D'ailleurs le choix de cette date, bien que conforme à l'usage suivi
par quelques empereurs, et entre autres par Hadrien, pour le renouvellement des
puissances tribuniciennes (Borghesi, OEuores, YI, p. 1-&7 ; V, p. 20-21 ; V, p. 69),
n'a point de raison d'être en Egypte, puisqu'elle ne répond pas au commencement de
l'année locale. Enfin, les autres monnaies d'Alexandrie se conforment, dans le calcul
des consulats et des puissances tribuniciennes, à la chronologie officielle : AHM *
E£OrC ' niAT ' B * OMONOIA. On doit donc tenir pour certain que le chiffre 3 (D
sur la monnaie d'Alexandrie ne vise ni consulat, ni puissance tribunicienne; il n'est
du reste accompagné d'aucune mention particulière. Le chiffre qui figure sur la
monnaie décrite parEckhel se rapporte donc à une chronologie exclusivement propre
à VEgypte. Par une exception dont Tibère seul avait profité Jusque-là, on maô^uait
306 REYUB ARGHÉOLOGlQtB.
S'il est vrai, cooMe le suppose M; Moiùmsén (I), que les Gamala
fassent originaires dé là Yiile syrienne dé Kiamala, ils devaient s^tre
établis à Ostie de fort- bonne heure, car nous les y trouvons déjà à la
fin du premier siècle avant notre ère, en possession des plus hauts
honneurs municipaux et d'une illustration héréditaire. Trois géné-
rations au moins d'ancêtres, distingués par les services qu'ils avaient
rendus ou les charges qu'ils avaient exercées, avaient précédé le
premier des P. Lucilii Gamalae que nous connaissions (2). Lui-même
avait probablement atteint Tâgo d'homme et abordé la vie publique
. à l'époque des guerres civiles qui suivirent la mort de César.
Deux passages, interprétés avec une grande sagacité, ont découvert
a Mf Mommsen ladate, au moins très-approximative, dece monument.
Parmi les indications si précieuses pour la topographie d'Ostie
que contient en grand nombre l'inscription n« 4, se trouve (L 35-36)
celle du tribunal quaestaris.
Le tribunal semble avoir été réservé aux plus hauts magistrats
judiciaires : les rois, les dictateurs y avaient siégé ; les consuls, les
préteurs, les gouverneurs de provinces y siégeaient (3). Dans les mu-
nicipes, les dunmviri juri dicundo avaient leur tribunal (4); le^
édiles (5), qui, sans être égalés aux IMri j. d., formaient souvent
collège avec eux sous le nom de duumviri ou quatuorviri aedilida
8or les monnaiei alezandrines les annéeè d'ÂelIasCaesar, comme on faisait de celles
des emperoars. C'est néanmoins un élément dont on doit tenir grand compte poor
fixer la date de l'adoption de L. AelinsCaesar; car Tantorité qa*U exerça sur l'Egypte
et qui loi ralnt cet honrenr, il ne la posséda que par le fait de cette adoption même,
qal Tassociait en qnelqae sorte à l'empire. Une fois mise à part la question de la
chronologie relative des consulats et des puissances tribunleiennes, la solntion est des
plus simples. L'année 8 sera Tannée en coars au mois deJantieflSS, et commencée
lel«'Thotl37.
La seconfle se placera entre t37 et 180.'
La première, entre lel«' Thtyl 180 et le mois, quel qu'Usolt, de l'iMoption.
Ce résultat est eonfoitae de tous points à celui que Ton ayidt obtMn plus haut $ il
est "en outre plus préds.
L'adoption eut donc Ueu en 130; il faut de plus^ pour répondre è la fois aux exi-
gences de la chronologie officielle des consulats et' des puissances trihcrnidenneé;' et
aux nécessités de la chronologie alexandrine, qu'elle ait été faite après' le mois do
Janvier, et avant le m6is d'août de cette année.
(1) Ep(gr, Anaiekt., 5 {Berichte der Steeks. Gnellich, def Wiuetuckaften^ p. 305 è -
308).
(a) Voir Inscr. n» ft.
(8) Dionys., II, 30 ; Uv., I, (7; XXIX, lO ; A. 6eU., xni, 33; Tac., Am., XVI^ 80;
Liv., VT, 15, VUT, 83; Clc, Verr., II, ii, 38.
(4) Or., 3310, 8303.
(5) Snet.f De Grammat, et Rhet.f 80 (0), éd. ReilTerscheid;
sua QUELQUES INSCRIPTIONS D*OSTIE« 307
potêitatê y SivmTïi le droit de s*y asseoir. Rien n'autorise â' croire
que les questeurs eussent un tribunal.
Quel est donc le questeur qui siégeait à Ostie? C'est cel|])i des quaes*
tores clamei qui chaque année était désigné par le sort pour aller
administrer la prmncia quaestoria OstienHs (1).
En 266 (487 U. C), le développement de la marine romaine et
rimportance toujours croissante du service des approvisionnements
par mer avaient déterminé la création d'une magistrature spéciale,
dont Ostie était le siège. Il est plusieurs fois question dans
les auteurs du qaesteur d'0stie(2); il disparut lors des réformes
administratives de Claude. Après le règne d'AugustOi la quaes^
tura Ostiensis n'avait plus de raison d'être. Les flottes de Pempire
stationnaient à Revenue et à Misène ; et quant à l'annone, Au-
guste avait organisé pour ce service tout un corps de fonction-
naires, dans lequel le questeur d'Ostie tenait une place mal définie,
et dont il troublait Téconomie hiérarchique. Claude, en rendant
aux questeurs l'administration de Vaerarium, leur ôta les deux
provinces de la Gaule et d'Ostie (W ap. J.-C, 707 U. C.) (3).
L'inscription est donc certainement antérieure au moins à
l'année 4i (4).
Un autre détail, également relevé par H. Mommsen, et qui lui
fournit des renseignements bien plus précis encore sur l'époque où
vivait Lucilius Gamala, sinon sur le temps où fut rédigée l'inscription,
c'est la libéralité avec laquelle Gamala vint en aide à )a .colonie
obérée, à l'occasion d'une guerre maritime.
Une fois les guerres civiles terminées, Home, maîtresse incontestée
de la Méditerranée^ n'eut plus à défendre sur mer sa domination.
Les derniers combats qui s'y livrèrent furent ceux que soutint César
Octave contre Sextus Pompée. Or, voici ce qui se passa durant
l'année 716 U. C. (37 av. J.-C.) (5).
(1) Lydtts de Mag., I, 27 ; cf. Tac., Arm,, XI, 23, T. Lit., Bp.t XV; Dio, LV/ft.
(2) Cic, Pro SutiOf 17, SO; De hartup» resp,^ 20> 43; Pro Jtfiir.,8, 18; Velleiiis, II,
H ; SneUy 7i6., S; Dio^ LUI, 28.
(3) Suet., Claud.f 24; Dio, LX, 24; cf. MMoauen, Staatirediti Il| ft«*'Àitil.f p. S96
et cuIt*
(4) M. MooimieB i àbandooné cet argument ; et, ne pooTant attriboev^Je- tribvnal
ao qneeteur maoleipal,* il propoee de lire : tributMi quaeiiiiims). Sph» Epigr,f m,
IT, p. 330.
(5} Dio^XLVm, 46-40; Appiao., B. C, V, 02. D'après an réoenltraTaUde
M. Mommsen {Epiu Bp»gr,, llf, iv, p. 830-831), le fait historique. anqoel U est fait
allusion serait bMueonp plus réeeLt U s'agirait d'un épisode de laguerre que «outint
308 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
La flotte d'Octare, déjà maltraitée par la tempête, avait rencontré
près du promontoire Scyllaeum la flotte de Sextus, qui lui avait
infligé une défaite; elle avait perdu plusieurs vaisseaux pris ou
coulés bas. Une seconde tempête changea la défaite en désastre. Le
nombre des vaisseaux était réduit de moitié; César se trouvait à la
fois sans bâtiments^ sans équipages et sans argent, aux prises avec
un ennemi exalté par le succès, avec des populations défiantes et
portées à la paix. Il enrôla des esclaves, les siens, ceux de ses amis,
des sénateurs, des chevaliers, leva des contributions sur les citoyens,
les alliés et les sujets, en Italie et partout. Dans cet embarras, c des
amis, quelques villes promettaient des vaisseaux et en armaient ».
Ainsi se passa cette année et la suivante.
Ne lit-on pas là l'explication des lignef 40-12 : « Propterea quod
quum reipublica praidia sua venderet oh pollidtationem belli navalis
sestertium decies quinquies ducentos reipublicai donavit. »
Une de ces quelques villes dévouées à Octave dut être Oslie. On le
comprendra sans peine, car aucune ville ne souffrait plus qu'elle de
la prolongation d'une guerre qui tenait la mer fermée et suspendait
les relations commerciales. Elle promit, mais ses finances avaient
été atteintes; pour tenir ses engagements, elle se vit forcée de ven-
dre ses biens communaux ; c'est alors que Gamala lui vint en aide
par un don de i ,B00,200 sesterces. Je crois l'opinion de M. Momm-
sen suffisamment justifiée par ces arguments.
Cependant Cavedoni (1) conteste la date assignée à cette inscription,
et la croit du deuxième siècle après notre ère. Des deux arguments
exposés plus haut; il néglige le premier ; au second, il n'oppose
qu'une interprétation au moins bizarre.
Le fait est beaucoup plus simple, suivant lui, que ne l'a pensé
M. Mommsen : la ville avait promis au peuple le simulacre d'un com-
bat naval ; mais, pour subvenir à la dépense des jeux, il fallait aliéner
les domaines municipaux ; Lucilius sauva la colonie de cette extré-
mité. Cette interprétation si simple a un double inconvénient : elle
choque la vraisemblance et les usages de la langue (2).
D'ailleurs, les critiques de Cavedoni fussent-elles aussi sérieuses
Maro-Aarèle contre leiMarcomaDs. Au cours de ces expéditions, l'emperenr se trooTa
en effet dans de grands embarras financiers (Eatrop., VIII, 13 ; Capit., If. Ani. pfu
17, 21); c'est alors qne la ville d'Ostie serait yenne en aide sa trésor en foarnissant
des yaisseanx on de l'argent pour les flottes de Mésie et de Pannonie (6f //um naoaie),
(1) BulL arch, Nap,, 1. c.
(3) Drakenborg, ad Liv. 111 ^ 61, 2 ; Da Gange, Gloss,, s. ▼. Belium; Dig.^ L,
12, De pùUicitationibus,
SUB QUELQUES INSCRIPTIONS D'OSTIE. 309
qu'elles le sont peu, en quoi justifieraient-elles la date qu'il donne
lui-même ?
En enlevant au fait rapporté 1. 40-42 son importance historique,
en le réduisant à un simple événement municipal, il s'est privé lui-
même du seul moyen qu'il eût de dater le monument, il suppose, il
est Vrai, que les jeux furent donnés en l'honneur d'Antonin le Pieux,
et à Toccasion d'une visite qu'il fit aux Thermes d'Ostie restaurés
par ses soins ; mais sur quel fondement, et pourquoi à cette époque
plutôt qu'un siècle avant ou après?
Cet argument, s'il avait une valeur, n'en aurait qu'une tout à fait
négative. Il en est ainsi de tous ceux que Gavedoni avance : il n'essaye
nulle part de prouver que le monument est en effet du second siècle,
il se borne à remarquer que rien n'empêche qu'il n'en soit, et que
sans remonter au premier siècle on peut expliquer tous les caractères
d'antiquité relevés par M. Yisconti. Aussi bien pour lui la preuve de la
date qu'il propose n'est pas à faire ; elle est faite. Convaincu de l'iden-
tité des deux Lucilii mentionnés par les inscriptions 1 et 4; persuadé
que la première avait été composée en l'honneur d'un personnage
qui fut préfet d'Aelius Caesar, et qui vivait encore sous le règne
d'Antonin le Pieux, il en concluait que la seconde était contempo*
raine à quelques années près, et postérieure, puisqu'elle rappelait la
mort du même personnage.
Nous avons vu ce que Ton devait penser de cette hypothèse. Il n'y
a donc pas lieu de rejeter ni de suspecter les résultats auxquels
avait été conduit M. Hommsen par les raisons que nous avons expo-
sées plus haut (1).
Vient ensuite une inscription datée; c'est un fragment des fastes
municipaux d'Ostie. Sarti acheta ce marbre en 1847 à Ostie même, et
le communiqua à Borghesi et à M. Mommsen qui Ta publié (2).
S.
ECESSVMC
PLVClLIVSC
iïVIR-
(1) M. MommBen, pour des raisons toat à fait différentes, arrive aajoard*hai aox
mêmes conclnsions qae Gavedoni, à savoir qne les deui inscriptions sont relatives à
nn seal et môme personnage, et qu'elles sont toutes deux de la fin du second siècle.
(2) Mommsen, Epigr. Anal., h {Beriehte der Sœchs, Gesellsch, der Wmenschaf-
ten, 1849, p. 200).
31P RBTUB ABfiBÉOLOGIOUB.
MSVELLIVS*M
MVALERIVS MESSALLA MAVR
VKIVNDRVSVS
TRIVMPHAVIT EXILL
YII-lDVS-rVN-NEROTO
SVMPSIT-CONG'D-
MVALERIVS
n-VIR-
C-AV|IAN
Tl CAESAR T9{1).
[Tnferiae actae ob d]eee$sum ^[ermantct]
Dunmvifii) : P. LuciUus G[amala]j M. Suelliwt M....
M. Valerius Messalla^ U. Aur[elvas Cotta cos.'] (2).
y K(alendas) lunÇias) Drusus triimphavit ex lU^jfrieo] (3).
VII Idu8 itin(tcw) Nero to[gain virilem] sumpsit^ amgiid^
rium) d(edit) (4).
Duumcirii) : M. Yalerius.... C. Avitin[us)....
Ti. Caesar IV [Drtaus Caesar H tos.] (5).
MM. Mommsen et Henzen (6), aussi bien que Sarti, sont d'avis
que la dernière lettre de la deuxième ligne est un G et que l'on doit
y suppléer le surnom 6AMALA. La lecture est d'autant moins dou-
teuse que le nom de Lucilius était moins commun à Osrtie; je ne me
souTiens pas qu'il soit pc^té par une autre famille que celle des
Gamala.
La date est certaine : à défaut des noms des consuls de Tannée
méme^ elle est indiquée et par réyénement dont il est fait mention
cette année-là, la mort de Germanicus, et par les noms des consuls
des deux années suivantes. Le duumvirat de Gamala est donc de
19 après J.-C. (= 772 U. C).
Le collègue de M. Suellius ne saurait être l'ancien partisan
(1) Les lettres : V dans LùciUus (1. 2), A daos Vdleriui (1. 5), B dans Caisar, sont
aecentaées.
(2) SO ap. J.-G. (773 U. G.)
(3) Sur les campagnes de Drasas qui durèrent de l'année 17 à l'année 20, voir
Tadt, Arm., II, A4, 53, 62 ; 01, 7 ; ToTation lai fat décernée par le sénat (II, 64),
U en ajourna la eélébratkm (in, 11) Jusqu'à l'année 20 (tll, 19).
(h) TacH., Arm. lil, 20 ; Soet, Tib.\ 5ft.
(5) 21 ap. J.-C. (774 U. €.).
(0) OreUi-Henien, 04ftt.
SUR QUELQUES INSfSI^IPTip/tS d'OSTIB. 9ii
d'Oct^ye. L'illustratico de la faqûlle à laquelle 4I appartenait, les
services qu'il avait rendus, avaient àti ouvrir à ce Gamala l'accès
d'une carrière rapide. Ces services mêmes supposent qu'il avait
déjà atteint l'âge d'bomme quand il se signalait de cette manière è
la reconnaissance publique^ c'est-à-dire en l'année 37 av. J.-C. On
ne peut croire qu'on lui ait fait attendre le duumvirat pendant plus
de cinquante années. Celui qui en fut alors revêtu devait être son
Als ou son petit^ls.
La famille continua à jouir de la confiance publique, et, probable-
ment sous la première ou la seconde génération qui suivirent, un
P. Lucilius Gamala exerça la fonction encore inexpliquée de XX vir
H' A' H S (1).
6.
^•CORNELIVSSTATIVS-XlJ-VIRHAH-S-
ILIVSGAMALA-VIR-HAHS P-M VIR LOCVM E|-D
P(ublius) Cornélius Statius vigintivir h.a.h.s,
[P{ubliu9) Luc]iliu8 Gamala [vigint%\mr h.a.h.8 p{ro) duumvifiis)
locum ei d{ederunt). (?)
Sans prétendre à interpréter ce «igle dont on n'a pas la clef, je
ne sais si l'on ne doit pas considérer ce vigintivirat comme une com-
mission extraordinaire cbargée pour une raison qui nous échappe
de remplacer les duamvirs, « XXviri h.a.h.s;(ro) duumviris» (2).
Une commission analogue est mentionnée dans une inscription de
Paierie (3) :
CACOWIVSL-F
PORRVS
Q-XVIRS-CPRO
lin* VIR
(1) Cette imcription est consenrée dans le cloître de Saint-PAid-hOTMes-lf ors.
EUe fient d'Ostie (Bfarinl, il f/t, U^ p. 806; Orelll, 8970, corr. Heni^n, fol. III,
p. 417). Je l'ai copiée moi-même. Les lettres en sont longoes, étroites et uo pea
grêles, mais de tx)nne forme.
(2) M. Monmisen lit XXvir h. a. <• p., U vir locum tt dn**.; Il i^onte: « eae Utte^
rae in boe solo lapide inventae qnid signifloent adhoc ignorator. »
(3) Henseo, 7i30.
312 RE7DB ARGHÉOLOGIQUB.
C. Aeonius L{uci) f{iUus) PorruSy qiuaestor)^ decemvir sÇenatus)
c^omulto) pro quaituorvir{i8).
C'était une des attribulions des duumyirs de disposer, d'accord
avec les décarions (1), da domaine communal, et d'en permettre
l'appropriation à un usage particulier.
Déterminer avec rigueur la date de ce monument n'est pas
possible ; les données de la paléographie, les seules que nous ayons,
ne permettent que des approximations un peu ragues. On peut du
moins conjecturer avec grande vraisemblance que ce personnage
vivait vers la seconde moitié ou la fin du premier siècle. Il pourrait
donc être le grand père ou le père du P. Lucilius Gamala qui obtint
tant d'honneurs vers l'époque d'Hadrien, et qui fut préfet d'Aelius
Gaesar (inscr. n"" 1).
Sur une inscription du musée des OfiQces à Florence, qui a été
publiée par Gori et souvent reproduite, on lit :
7.
CN-SENTIOXN-FIL
CN'N-TER-FELICI
DEC-DECR-AEDILICIO-ADL'D-D-D-ADL
Q-Â-OSTIENS-M/VIR-Q-IVVENVM
5 HIC.PRIMVS.OMNIVM.QVO.ANNO.DECADL.EST.ET
Q.A.FACT.EST.ET.IN.PROXIM.ANNVM.iî.VIR.DESIGNATVS.EST. (2)
Vient ensuite rénumération de tous les collèges dont ce Cn. Sentius
Félix a été patron ; elle est sans intérêt pour la question qui nous
occupe; je la passe et transcris seulement les trois dernières lignes :
(1) Les antoriBations de ce genre sont le plas souvent accordées par le sénat des
décorions; de là la formule si commane LDDD, loco dato decurionum deereto. Ce-
pendant il pouvait arriver qu'elles le fussent par les dunmvirs. En voici un exemple
qui m'est fourni par les inscriptions d'Ostie ; il s'agit d'un autel consacré à Sarapis
parL. Gassius Eotyches, néocore de ce dieu, et dont l'érection a été faite: PER.
MISSV I C • NASENNI | MARVLLI | PONTIFICIS' VOLCANI • ET |
AEDIVMSACRARVM-ETIQLOLLIRVFICHRYSIDIANI | ETM*
AEMILIVITALISICREPEREIANI-IIVIR. C./.G.,5M7.
(2) La lettre O dans les mots aedilidd^ arma, est accentuée.
(S) Fabreiti, p. 731, 450; Gori, Imcr. Etr,, I, p. 308, 50; Orelli 4100; corr.
Hens., m, p. 451 1 Wilmanns, 1727.
SUR QUELQUES INSGRIFTIONS D*OSTIE. 313
isCN-SENTIVS'LVCILIVS
GAMALACLODIANVS- F
20 PATRIINDYLGENTISSIMO
Cn. Sentio Cn. fil{io) Cn- n{epoti) Ter{ent%na tribu), Feliciy deciu-
rionum) decr{eto) aedilicio adl[ecto)^ d{ecuri<mi) d{ecurionum) d{ecreto)
adl{ecto)j q{uaestori) a{erar%) Ostiensiium), duumvir{o), q(uaestori)
juvenum. Hic primus omnium quo anno deciurio) adl{ectm) est et
q{uaestor) a{erari) fact{u8) est et in proûoim{um) annum duumvir
designatus est
Cn. Sentius Ijucilius Gamala Clodianus f{ilius) patri indulgentir
simo.
Sur an autre marbre, qui fait partie du môme musée, est gravée
rinscription suivante (i) :
8.
MEMORIAE
PLVCILI-GAMALAE
CNSENTIVS
LVCILIYS -GAMALA
CLODIANVS
PATRI
Le premier de ces deux monuments est placé dans l'escalier des
OfQces, sur le palier qui précède l'entrée du musée. C'est un cippe
élégant, flanqué de deux colonnes, et surmonté d'un fronton arrondi,
à droite et à gauche duquel sont placés deux masques en guise
d'antéflxes, et au milieu duquel est sculptée une couronne de feuilles
et de fleurs soutenue par deux génies ailés. J'ai copié cetle inscrip-
tion; récriture en est belle, pleine, ronde; elle est du même type,
appartient à la même époque que l'inscription de la galerie lapidaire
du Vatican (n« 1).
Je n'ai pas trouvé l'autre marbre publié par Gori. Mais il n'est
pas besoin de comparer la paléographie des deux monuments pour
affirmer qu'ils furent érigés vers le même temps, et par la même
main. La similitude des noms est un sûr garant de l'identité des
personnes.
(i) Mnrat., 19e&>7 ; Gori| Inter. Etr.^ 1, 1B«
XXXJV. 22
344 RBTUE ARGffiOLOGIQUB.
Elle prouve encore que l'auteur de ces deux inscriptious avait été
adopté par Cd. Sentius Félix.
Du temps de la république, l'adoption ne faisait pas seulement
entrer Tadopté dans la famille adoptive, elle le faisait sortir de sa
famille naturelle. Tout lien entre elle et lui était rompu, toutes
traces de son origine effacées; il perdait son prénom et son gentiii-
cium, et prenait ceux de son père adoptif (i). Il pouvait conserver
seulement son cognomen, qui lui était personnel et ne rentrait pas
dans la série officielle des noms, ou bien se composer avec son
gentilicium un cognomen qui en conservât au moins la mémoire (2).
Ces règles tombèrent en désuétude. Déjà vers la fin de la répu-
blique, bien que la nomenclature ofBcielle subsiste encore, le langage
courant en adopte une autre : Brutus, Metellus, Scipion^ Atticus,
même après leur adoption conservent leur premier nom. Sous l'em-
pire Tusage nouveau passe dans la langue officielle. L'ancien nom
de famille est conservé, sans être aucunement modifié; il passe seu-
lement du premier rang au second ^ à la suite des prénom et nom do
père adoptif. L'adopté porte donc deux noms de famille; on pourrait
presque dire que, dans le langage ordinaire, sinon en droit, il a
deux pères (3).
Le plus ancien exemple que M. Mommsen ait relevé de la nomen-
clature nouvelle dans les monuments épigraphiques est celui de
P. Sulpicius Quirinius, qui fut consul en l'an 12 av. J.-C. Ces exem-
(1) La filiation cessait d*ôtre indiquée par le prénom da père, auquel on sabstitaait
celai da père adoptif; la triba dans laquelle on avait été inscrit à sa naissance
était changée^ à moins qu'elle ne fût la même que celle de l'adoptant; le lien d'ori-
gine même était remplacé par la ville où était le domicile de l'adoptanu
(2) Le fils de L. Licinius LucuUus, en passant dans la famille de M . Terentias
Varro, prit les noms de M. Terentius M. f. Varro LucoUus, conformément au pr^
mier usage ; le fils de L. Aemilius Paullus adopté par P. Cornélius Scipio suivit la
seconde règle et s'appela P. Cornélius P. f. Scipio Aemilianus ; T. Pomponius Atticui
fit à la fois l'un et l'autre, après avoir été adopté par son oncle maternel Q. Caecilins :
la série complète de ses noms est Q. Caecilius Q. f. Pomponianus Atticos. Voir
Mommsen, Zur Lebensgeschichtedes Mngeren Plinius, Hermès^ 1868, p. 62-63.
(3} Qaand on indique la filiation, c'est par le prénom du père naturel, et non pas
par celui du père adoptif. Pline, fils de L. CaeciUus L. f. Gilo, porte avant son adop-
tion les noms de P. Caecilius L. f. Ouf. Secundus ; après son adoption par G. PIL
niuft Secundus, ceux de C. Plinius L. f. Ouf. Secundus (MommaeD, op. c, p. 60, 70).
Quelquefois on indique la filiation naturelle et adoptive concorrenoment. Auguste^
par exemple, dans les tables triomphales^ aux années 714, 718, est appelé Divi f. C. f.
(Mommsen, op. c, p. 66). C'est ainsi que P. LuciUus Gamala, d^à adopté par Gn.
Sentius, comme ses noms en font foi (Cn. Sentius LuciUus Gamala), appelle du nom
de père et son père naturel et son père adoptif.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS D'OSTIE. 315
pies sont très-rares sous la dynastie Julienne, se multiplient à
l'époque des Fiaviens, et deviennent bientôt si nombreux que la
généalogie des familles en est rendue inextricable (1).
Cet usage était donc devenu la règle à l'époque où vivait Cn.
Sentius Lucilius Gamala Clodianus. Cependant, comme, dans les fa-
milles aristocratiques, au deuxième et au troisième siècle, on aimai^
à indiquer par la multiplicité des noms les familles auxquelles on
tenait soit du côté maternel, soit du côté paternel, on aurait pu croire
que l'union des noms était la conséquence d'une simple alliance
entre les deux grandes familles des Luciiii et des Sentii^ et non
d'une adoption.
L'existence de deux monuments élevés par un seul et même fils à
deux pères de noms différents met le fait de l'adoption hors de
doute.
 en juger par les dates, le fils adoptif de Cn. Sentius pourrait avoir
eu pour père le P. Lucilius Gamala qui fut préfet d'Aelins Caesar.
C'est le dernier des Luciiii qui nous soit connu ; doit-on croire que
la famille s'éteignit avec lui, ou du moins disparut sous un nom
nouveau par le fait de l'adoption ?
Th. Homolle.
(1} Mommien, op. c, p. 66.
SUR LE DÉCHIFFREMENT
DES
INSCRIPTIONS CYPRIOTES
{Réiumé d'une communication faite par M. Michel Bréal
à J Académie des Inscriptions) (1)
Les inscriptions trouvées dans Tlle de Chypre sont de trois sortes:
en écriture grecque, en écriture phénicienne et en une écriture par-
ticulière, qu'on ne rencontre nulle part ailleurs et qu'on appelle cy-
priote. Les inscriptions de cette dernière espèce s'élèvent aujourd'hui
à environ quatre-vingts. Le premier qui en ait fait un recueil est
M. le duc de Luynes ; voici à quelle occasion. Il avait acheté en
1850deH. Peretié, consul de France à Beyrouth, unetablette de bronze
trouvée à Dali, l'ancien Idalium, et couverte sur ses deux faces d'une
écriture inconnue. L'année suivante il acquit encore du même ama-
teur un instrument de bronze, sorte de bout de massue, sur lequel
étaient tracés quelques mots dans la même écriture; il avait été dé-
couvert au même endroit. Cette double acquisition permit au savant
antiquaire de résoudre une question qui le préoccupait depuis long-
temps. Dans presque toutes les collections de médailles on trouvait,
au nombre des pièces non classées, un certain nombre de monnaies
portant comme emblème un bouc ou un bélier, et ayant une lé-
gende en caractères inconnus allant de droite à gauche. L'identité de
cette écriture avec celle des deux monuments dont nous venons de
parler le confirma dans la pensée que les médailles en question
étaient d'origine cypriote ; ce fut pour lui l'occasion de publier le
(1) NoiiB emprantODB ce rétamé wa comptes-feodiui officiels de rAcadémie des
ImcriptioiiB.
SUR LE DÉCHIFFREMENT DES INSCRIPTIONS CYPRIOTES. 317
beau Yolame intitulé : Numismatique et inscriptions cypriotes (Paris,
1852).
Dans les années qui suivirent, des collections commencèrent à être
faites dans Tîle de Chypre par M. Hamillon Lang^ consul d'Angle-
terre à Larnaca, par M. le général Cesnola, consul des États-Unis
dans la même ville, et par un savant grec, M. Demelrios Piérides.^
M. de Vogué rapporta au Louvre, de sa mission en Orient, onze in-
scriptions de cetle sorte, dont une bilingue.
Le déchiffrement commença en 1872. Les premiers travaux paru-
rent dans le journal récemment fondé des Transactions of the Society
for biblical archœology. Un article de M. Lang appelle l'attention sur
une inscription bilingue, en phénicien et en cypriote, qui faisait
partie de sa collection. Un second article, dû au regretté assyriolo-
gue Georges Smith, commence avec infiniment de sagacité le déchif-
frement au moyen de cette môme inscriptioo, dont il parvient à lire
quatre mots, savoir : Uelekyathon (te nom d'un roi d'Idalium qui
régna de 385 à 370 av. J.-C), Idalium, Cilium^ et le mot signifiant
c roi >. Ce mot n'était autre que ^aiXeuç. Smith lit ensuite un certain
nombre de noms sur les médailles, tels que Stasioicos, Evelthon,
Evagoras. Il reconnaît la nature syllabique de l'alphabet et il donne
exactement la valeur de dix-neuf signes.
Après lui, le célèbre égyptologue M. Samuel Birch, toujours dans
le même recueil, confirme la découverte de Smith et reconnaît dans
le cypriote un dialecte grec. Il commence h lire la tablette de Dali.
Mais le sens de cette inscription n'est pas encore clairement aperçu.
Un savant trop tôt enlevé à la science, M. Johannes Brandis, en
rectifiant la valeur de certaines lettres et en écartant quelques for-
mes grammaticales impossibles, fait faire un notable progrès au dé-
chiffrement. Ses observations sont consignées dans un mémoire
soumis à l'Académie royale de Berlin (5 mai 1873).
Le déchiffrement complet se fit l'année suivante : il se fit même
deux fois, d'un côté par M. Moriz Schmidt, de Taulre côté par
MH. Deecke et Siegismund, qui, travaillant d'une façon indépen-
dante, arrivèrent à des résultats identiques. Le mémoire de M. Moriz
Schmidt est intitulé : Die Inschrift von Idalion und das kyprische
Syllabar; lena, 1874. Celui de MM. Deecke et Siegismund parut
peu de temps après sous le titre : Die toichtigsten kyprischen
Inschriften. Il est inséré au tome Yll des Studien de Georges Gur-
tius. Ces deux travaux se rencontrent sur un très-grand nombre de
points ; ce qui n'est pas moins important^ c'est que les points où
Deecke et Siegismund avaient^ sans le savoir, dépassé Schmidt, con-
318 RBYUI ARGHÉOLOOIQVB.
arment ou complètent de la manière la plus heureuse les découTe^-
tes de ce dernier.
Depuis ce temps, des articles de M. H. L. Abrens dans le PhiloUh
gus (XXXY et XXXYl) et de H. Tbeod. Bergk {Journal littéraire
d'iena, 1876) ont encore fait avancer en quelques parties Tinterprè-
tation.
Le cypriote est un dialecte èolien, se rapprochant surtout de Tar-
cadien. Certaines formes dialectales^ comme le génitif en au des
noms masculins de la première déclinaison, se retrouYent sur
les inscriptions de l'Arcadie. D'autres particularités avaient déjà été
signalées par les lexicographes ou les grammairiens de l'anti-
quité : ainsi la forme trlç au lieu de t(ç, xdk pour xa(, itxikiç pour ic^c,
fSkoç pour AXoç. L'écriture, assez imparfaite en ce qui concerne les
muettes et les nasales, est d'une grande rigueur pour les autres con-
sonnes de Talphabety ainsi que pour les voyelles et pour les diphthon-
gues.
Le contenu de la tablette de Dali, qui, sauf quelques endroits, se
lit tout entière aujourd'hui, est un contrat fait entre la ville d'Ida-
lium et un médecin nommé Onasilos et ses frères, pour venir soigner
les malades à la suite d'un siège soutenu par la ville contre les
Perses et les Ciliens. Une récompense en argent, ou, à son défaut,
des pièces de terre, sont promises à Onasilos. Le contrat est déposé
dans le temple d'Athéné à Idaiium.
Le déchiffrement a reçu, depuis, une double confirmation. M. Pie-
rides a publié en 1875 une inscription trouvée dans l'tle, qui doune
le même texte deux fois, une fois en caractères grecs, l'autre fois en
caractères cypriotes. Le texte cypriote^ lu d'après les règles qui ve-
naient d'être établies, est identique au texte en lettres grecques.
L'autre confirmation est le texte bilingue rapporté en 1860 par M. de
Vogué. On lit en grec : KAPn £MI. Or, la partie cypriote porte
Michel Brâal.
(1) Nm lectean poniront coiuolter, pour plus de détail^ an mémoire de M. Bréal
lar le môme Bi^et, qui vient de paraître à la librairie Leroux, où est donné le sylla-
baire cypriote, ainsi que Tbistoriqae complet du déchiffrement.
J
SUR
DEUX MONUMENTS NOUVEAUX
DU REGNE DE RAMSES H
Une stèle nouvelle et un sphinx ont été trouvés le 8 mai 1876.
dans l'isthme de Suez, à la station de Ramsës. H. de Lesseps a bien
voulu m'en donner le dessin et me permettre de publier le sphinx
dans la Revue.
I
Le sphinx est posé sur un socle arrondi par-devant, d'environ
2*,30 de long, 0",81 de large, 0",51 de haut. H a perdu le nez, le
menton et la barbe ; le reste du corps ef^t intact. Il porte sur la poî*
trine la légende Rot des deux Egyptes (Ot^irmdri sôtpenri), qui
se poursuit entre les pattes de devant, Fils du Soleil {Ramsèsou
JUiamoun)^ vivificateur. Sur le plat du socle à gauche, Roi des deux
Egyptes (Ousirmdri sôtpenri) aimé d*Barmakhi; à droite, Fils du So-
leil^ maitre des deux pays {Rarnsèsou-Miamoun), aimé de Toum. Sur la
tranche du socle une double légende, commençant de face par les
deux cartouches du roi, posés sur le signe de Tor : à gauche, /'ffor,
taureau vaillant^ aimé de Rd, l'Hor vainqueur^ riche en années^ très-
puissant, le roi des deux Egyptes (^Ousirmdri sôtpenri) ^ fils de Rd,
{Ramsèsou Miamoun)^ aimé de Toum, vivificateur; à droite, VHor,
taureau vaillant^ aimé de Mdt, seigneur du Midi et du Nord, protec-
teur de l'Egypte et qui enchaîne les barbares, le roi des deux Egyptes
(Ousirmdri sôtpenri), fils de Rd {Ramsèsou Miamoun)^ aimé de
Toum, vivificateur. Autant que je puis en juger par le dessin^ le
sphinx ressemble au sphinx A,2Î du Louvre. Il faudrait avoir Tori*
ginal sous les yeux pour décider si la ressemblance est imaginaire
RETUK AaCH^OLOGIQDB.
SUR DEUX HONUHBNTS NOUTEAUX. 321
on réelle; par suite, si le monument est contemporain du roi dont il
porte le nom^ ou si c'est un monument de la douzième dynastie
usurpé, comme tant d'autres, par Ramsès II.
La stèle a 2",75 de hauteur, 1",70 de largeur, 0",74 d'épaisseur;
elle est sculptée sur les deux faces et sur les tranche..
Sur la face A, le roi Ramsès II, debout, coiffé du casque et vêtu du
pagne de cérémonie à tablier d'émaux, présente la déesse Mât au dieu
Harmakhi à tête d'épervier, assis et tenant de la main droite la croix
de vie qu'il tend au roi, de la main gauche le sceptre panégyrique.
Au-dessus du dieu et sous le disque ailé, les débris d'une légende.
Dit Harmakhi : a Je te donne les panégyries^ [ô mon /îb,] je présente
(( la vie à ta narine, ô dieu bon f » Entre le roi et le dieu, deux co-
lonnes d'hiéroglyphes contenant un discours du roi au dieu : a Jeté
adonne Mât, car je sais que tu [f]unis [à elle]; je l'élève sur mes
« deux mains vers Rd pour qu'il me donne la terre en paix, en paix,
« wpaiâ?/ » Suivent sept lignes d'inscription. A dit Rd-Barmahhi
à son fils qui l'aime^ le roi des deux Egyptes, maitre des deux pays
{Ousirmdri sôtpenrt), fils de Rd^ maitre des diadèmes {Ramsèsou
Miamoun), vivificateur. a Je suis réjoui de ce que tu as fait, mon fils
ce qui m'aimes, car je sais que tu m'aimes I Je suis ton pèreî Je te
(( donne le temps et l'éternité comme roi des deux pays ; que ta durée
i< de vie soit comme ma durée de vie sur mon trône terrestre ; que tes
n années soient comme les années de Toum; que tu te lèves comme
u Akhouti, que tu éclaires les deux pays; que ton sabre protège VÉ-
(I gypte, élargissant ta frontière, que tu prennes la Syrie, l'Ethiopie,
c les Libyens, les Arabes, les lies au milieu de la Grande Verte (i) par
• les prouesses de ton sabre, [et que tu les amènes] vers l'Egypte, roi
« des deux Égyptes (Ousirmdri sôtpenrt), fils de Rd [Ramsèsou Mia-
a fnottti), vivificateur! » Le bas de la stèle est occupé par les deux
cartouches du roi qu'adorent huit oiseaux à bras humains.
Sur la face B, le roi, debout, le casque en tète, présente la mola
au dieu Toum assis, à tète humaine et coiffé du diadème blanc, qui
lui tend, de la main gauche, le sceptre à tète de coucoupha, de la
droite, le signe de vie. Derrière le roi, sa bannière, l'Hor vivant,
taureau fort, aimé de Mdt, soutenue par deux bras dont Tun tient
un étendard, l'autre le signe de vie et le javelot. Au-dessus du roi,
dans le centre, les deux cartouches à moitié détruits. Entre le roi et
le dieu : Présentation de la mola au père Toum. Au-dessus du dieu,
(1) Un des noms de la mer cbei les Egyptiens, pins spécialement Ici la mer Mé-
diterranée.
322 RByiHE ABCHiOLOaiQini.
une légende qui se continae derriire lui : A dit Tourn, maUr$
des deux contrées de On (1) : « mon fils que faims (Ousirmâri
<i sôtpenri), je te donne la vie et la puissaMe, 6 dieu hon^ que tu vives
(( pour V éternité^ roi des deux pays t » L'inscription, de huit lignes,
est fort endommagée, pas assez pourtant pour qu'on ne puisse res-
tituer les formules banales dont elle se compose. A dit [Toum^ mai-
tre des deux régions d'On] : « mon fils chérie roi des deux Egyptes
a {Ousirmdri sôtpenri), fils de Rà {Bamsèsou Miamoun)^ vivificateur
n comme Rd
« les quatre piliers du ciel; te levant en soleil de t Egypte, tu illur
« mines les deux terres^ tu apparais vivant comme Earmakhi; vigour
« reuxpour l'éternité^ tu parcours le temps comme le dieu Nehebka (2),
« tu gouvernes la terre ^ te rajeunissant
a comme le dieu Lune, tu te renouvelles sans cesse à Vimage du dieu
a Nil ; nombreuses tes années plus que les grains de sable du rivage j tu
<i règnes sur la terre comme Rd, et Thoth écrit pour toi les doubles fêtes
n comme pour ton père Totounen ; braves, forts, [terribles] sont tes
(( deux bras, et ta vf^illance est comme Set; tu protèges V Egypte de
• tes deux cuisses et tu chdties toutes les terres ; fais
(( ; tues comme Rd au lever, roi des
a deux Egyptes (Ousirmdri sôtpenrî), fils de Rd {Ramsèsou Mior
a moun)j vivificateur, aimé de Toum, maitre des deux régions d' On î »
Sur la tranche de droite sont gravées trois légendes parallèles
comi^^ncant d^cune par le nom de bannière :
I. pïfor'R<i^ taureau fort, aimé de Rd, roi du Midi et du Nord^
protecteur de V Egypte^ qui enchaîne les pays étrangers, roi des deux
Egyptes (Ousirmâri sôtpenrt), fils de Rd {Ramsèsou Miamoun).
14. UBjor-'M, taureau fort, très-vaillant^ Hor vainqueur^ riche
en années, très-puissant roi des deux Egyptes (Ousirmâri sôtpenri)
fils de Rd (Ba^èsou Af tamoun).
IIJ. VBor-Rd, taureau fort qui frappe tout pays, qui réduit les
terres rebelles au néant, le roi des deux Egyptes [Ousirmdri sôtpenri),
fils de Rd [Ranjifièsou Miamoun).
L'inscription analogue gravée sur Tautre tranche est complètement
détruite.
La stèle et le sphinx soqt en granit rose.
(1) II y avait deux On en Egypte : On du nord, l*HéUopoUs des Grecs, et On du sud,
Hermonthis. Les deux contrées de On sont l'Egypte du nord et l'Egypte du sod.
(2) Le dieu Nehebka, serpent piuni d'ailes et de deux Jambes d'homme; parait
avoir personnifié une des formes de la durée. Son rôle est encore des plus obacors.
SUR DBIÏX MONjffllWTS VOVVEÀUX. 333
II
Ces monuments n'étaient pasisolés. Ils faisaient partie d'une longue
avenue qui menait à un temple. Les débris du temple sont probable-
ment cachés sous le tell voisin où l'on a découvert, il y a déjà long-
temps, une stèle en granit du même genre que la nôtre, mais plus
mutilée. Sur une des faces on voyait Ramsès II assis entre les dieux
Rft et Toum ; sur l'autre, une longue inscription où le nom du roi
était six fois répété. M. Lepsius pense avoir retrouvé dans le tell en
question, à Tell-el-Mashouta, l'emplacement de la Ramsés biblique.
M. Brugsch rejette cette conjecture et soutient que Ramsés doit être
identifiée avec Tanis, la San moderne.
A ne tenir compte que des renseignements fournis par la Bible, je
ne vois pas comment il. Brugsch, qui se pique d'orthodoxie, a pu ad-
mettre un seul instant cette identité. Il est dit au Livre des Nom-
bres (1) que Tanis d'Egypte avait été fondée sept ans après Hébron :
elle existait donc déjà au temps d'Abraham et avant l'émigration de
Jacob. Ramsés, au contraire, fut bâtie par les Hébreux pour le Pha-
raon persécuteur qui n'avait pas connu Joseph (2). Tanis et Ramsés
étaient donc, dans la légende hébraïque ou, du moins, dans l'esprit
des rédacteurs du Pentateuque, deux villes parfaitement distinctes et
non pas les deux noms d'une même ville.
C'est là une objection a priori. Les raisons dont M. Brugsch appuie
son hypothèse sont-elles assez fortes pour la détruire? M. Brugsch
produit à l'appui de son opinion des considérations de deux sortes.
1^ Il a été trouvé sur un texte provenant de Tanis la mention d'un
a Ammon-Rarnsès du temple de Ramsès » ; ce temple de Ramsès^ où
Ramsès II identifié au dieu Ammon était adoré solennellement, au-
rait donné son nom à la ville entière, si bien que la ville de Ramsès
dont parlent les auteurs contemporains ne serait autre que Ta-
nis (3). Il faut distinguer ici le fait, donné par le monument, des con-
clusions que M. Brugsch croit pouvoir en tirer. Le fait est l'exis-
tence, à Tanis, d'un temple d'Ammon-Ramsès, nommé Pa-Ramsà-
sou-Amon, « la maison de Ramsès-Ammon ». Les conclusions sont
l'extension du nom du temple à la ville, et l'identité de la
(1) Nùm^es, XIII, 24.
(3) Exode, 1. XI.
(3) ZeUêchrift fùrJE^ypt Spr. tmd AUerihumak., 1872, p. l«-30. Dtpaii que cet
article a para, M. Brogech a repris la démonstration dans ion Dictiomawe ^ogra-
phiquede V ancienne Sgypte^ p. ftKKSd, mais sans y sjoatçr anenoe preuve noufeile.
394 RBYUB ARCHÉOLOGIQUE.
Ramsës-Tanis ainsi obtenue avec le Pa'Ramsèsou-dd'nakhtou
des monuments et avec la Ramsès biblique. Il me semble qu'à
tout prendre les conclusions ne sont suffisamment justifiées par le
fait lui-môme. Il est possible que le nom du temple ait été appliqué à
la ville et que Tanis se soit appelée PchRamsèsou; mais aucun mo-
nument ne rindique expressémeni. Si les monuments prouvaient que
la conjecture de H. Brugsch est bonne, il resterait encore à prouver
que Ramsés-Tanis n'est pas distincte de la Ramsés biblique, ce que
les monuments ne nous permettent pas de faire directement.
2» Dans l'itinéraire nouveau qu'il a tracé à l'Exode, M. Brugsch
propose pour les premières stations des Hébreux des identifications
qui, si elles étaient exactes, sembleraient démontrer que le point de
départ a bien été Tanis, partant que Ramsès et Tanis ne font qu'un.
Ramsès, Tanis, San,
Souccoth, Thoukou, »
Etbam, Ehétam, El-Qantarâb,
Migdol, Migdol Samout, Tell-es-samout.
Que Migdol soit le Higdol du Tell-es-samout ou l'une quelconque des
nombreuses tours de garde {migdol) qui défendaient de ce côté la
frontière de l'Egypte, cela importe peu pour le moment : les deux
stations de SouccoLh et d'Etham sont les seules dont la position
puisse influer sur la position de Ramsès. Philologiquement, j'ai
quelque peine h voir dans l'hébreu Souccoth et EthamV éqmydAeni de
l'égyptien Thoukou et Khetam. Les Hébreux avaient l'articulation
n qui commence le mot Ehétam, et avaient d'autant moins de
raison de mutiler un égyptien Ehétam, tsnn, en Etham,onx, qu'ils
possédaient une racine onn sceller^ dore^ identique pour le sens
et pour la forme à la racine égyptienne d'où est dérivé le nom
de Ehetau, clôturey château-fort. L'invraisemblance est ici d'au-
tant plus grande que, pour rapprocher Thoukou de Souccoth^ on
est forcé de penser que la tradition avait modifié un nom de ville
n'offrant aucun sens à des Hébreux en un nom de Souccoth, les ten-
tesydes plus significatifs. Ainsi, d'une part, les rédacteurs du livre
de l'Exode auraient transformé un mot égyplien en racine sémitique,
et, d'autre part, auraient déformé, de manière à le rendre inintelligi-
ble, un nom qu'ils avaient dans leur propre langue. Géographique-
ment, si je consulte la carte que M. Brugsch a jointe à son mémoire,
sur l'Exode, je vois qu'il place Thoukou sur les bords du lac Men-
zaléh, et fait passer la route des Hébreux assez loin vers le sud;
c'est pourtant à Souccoth même que la légende place le campement
SUR DBUX MONUMENTS NOUTEAUl. 325
des Hébreux. Quant à Ehétam, ce n*est pas à proprement parler un
nom géographique : il y avait le Khétam^ le château de Ramsé&-
Meïamoun de la ville de Tal^ c'est-à-dire uii Khétam déterminé. Je
ne connais pas de lieu qui se soit appelé spécialement Khétam.
En résumé, il me semble que Topinion de M. Brugsch n'est pas
suffisamment établie, et qu'il faudrait, pour la rendre probable, de
nouveaux documents plus clairs et plus décisifs que ceux que nous
avons jusqu'à présent.^ La découverte du sphinx et de la stèle que
M. de Lesseps m'a autorisé à publier donnent, au contraire, plus de
poids à l'opinion de H. Lepsius, et, sans oser encore rien affirmer^ je
serais assez disposé à penser qu'elle est juste et que Tell-el-Ha&houta
est, sinon la Ramsès biblique^ au moins une Ramsès.
L'inscription ne nous indique pas d'une manière évidente à quel
moment du règne de Ramsès II le sphinx et la stèle ont été érigés.
Cependant, en h rapprochant des inscriptions analogues de Tanis
analysées et publiées par M. de Rougé, je crois qu'on peut Tattribuer
aux vingt premières années du grand conquérant.
6. Maspero.
ii I — — <**>a».É-
\
ÉTUDE fflSTORIQUE ET PHILOLOGIQUE
SOR LES
DÉCRETS DE ROSETTE
ET DE GANOPE
§ 1". — Histoire des Versions.
Les versions dëmotîques des textes de Rosette et de Canope, dont
je publie le mot-à-mot de la page 1 à la page 89 et de la page 125 à
la page 176 de ma chrestomathie (1), ont eu un sort bien différent.
La première a d'abord attiré à elle seule presque toute l'attention des
savants qui s'occupaient des déchiffrements égyptiens. Elle a été
l'objet des recherches de Young, de Champollion, de Kosegarten, de
Spohn et Seyffart (je ne nomme ceux-ci que pour être complet), avant
d'être soumise à une analyse détaillée par le savant M. de Saulcy.
Cette (( analyse > a certainement ouvert la voie du dëmotique à
M. Brugsch, qui s'empressa du reste de reconnaître dans son principal
ouvrage que « la méthode de l'académicien français était excellente et
digne de diriger le zélé de ses imitateurs >. Eneffet^en laissant décote
quelques transcriptions, peut-être discutables^ il est indubitable que
les premiers pas dans la grammaire proprement dite ont été faits
par H. de Saulcy, et que certaines de ses assertions, qui ont soulevé
le plus d'orages, comme, par exemple, celle qui concerne la levée
ou la presse des hommes pour la marine, ne peuvent être maintenant
sérieusement attaquées par personne, ainsi que je le montrerai par
la suite.
Puis intervinrent les beaux travaux de M. Brugsch, et l'on put
(i) Chre$tomathied4motique^ !«' fàscicale, chex Vieweg, éditeur, rue Richelieu, 67.
LES DÉCRETS DÉ ROSETTE ET DE GANOPE. 327
espérer beaucoup de ses nouvelles découvertes. Mais, par un hasarà
vraiment singulier, son étude, tant de fois annoncée, de Rosette, ne
parnt jamais, et ce n'est qne tout dernièrement que M. Eisenlohr
entreprit de traduire, d'après les principes du mattre, les premières
lignes de ce décret, lignes qui ne présentent du reste pas grande
difficulté.
Quant à la version démotique de Canope, version si curieuse et
si importante, déjà découverte depuis nombre d'années, elle est
absolument vierge encore. C'est à peine si M. Brugsch en cite par
occasion quelques passages dans son dictionnaire hiéroglyphique.
Aucune traduction et même aucune transcription quelconque n'a été
tentée de ce texte jusqu'ici, et j'ai dû faire le voyage de Londres pour
m'en procurer la copie. Il est vrai que M. Mariette m'avait depuis long-
temps promis, par lettre, une photographie de Canope. Mais le temps
lui a sans doute manqué pour accomplir sa promesse, et, chose triste
à dire, la France est le seul pays d'Europe, je pourrais mémediredes
deux mondes, qui ne possède pas de plâtre de ce monument qutin
illustre Français a découvert. Espérons qu'à l'occasion de rExpoS:ltion,
tout au moinsf, M. Mariette dédommagera notre Musée égyptien,
dont il a été autrefois conservateur adjoint, et dont il publie main-
tenant en partie les monuments. 11 excusera, j'espère, la requête,
un peu hardie, d'un de ses successeurs indignes.
Ainsi nous nous trouvons en face de deux documents : l'un abso-
lument inédit, et Tau ire incomplètement étudié (car M. de Saulcy
même n'a jamais achevé son aimlyse); documents qui offrent, au
point de vue de la langue, des formules et du contenu, les plus
grandes analogies. L'un et L'autre ont été, selon leur intitulé, rédi-
gés par ordre de tous les prêtres d'Egypte réunis en concile. L'un
et l'autre sont des décrets officiels. L'un et Tautre ont pour but de
rendre au roi régnant des honneurs particuliers. Enfin l'un et Tautre
possèdent des phrases identiques, copiées sans presque aucun chan-
gement. Il est donc tout naturel que nous les étudiions l'un en
même temps que l'autre, et qu'après avoir montré leurs ressem-
blances nous fassions voir brièvement ce qui les sépare. Pour cela
nous croyons n'avoir rien de mieux à faire qu'à indiquer le^ cir-
constances diverses qui donnèrent lieu à la rédaction de ces deux
décrets.
Le premier en date, quoique le plus récemment découvert, est le
décret de Canope. Il a été rendu Tan 9 de Ptolémée Evergète I"', et
saint Jérôme, dans son commentaire sur Daniel, nûtili éta'indl(}tie
roee^sioit qMné ii dit qb^on doim& àce rdîlèndm'll't;Veï'gëte(bien-
328 aETUB ARCHÉOLOGIQUE.
faisant) qaand, dans sa grande expédition d'Asie, il eut repris les
statues des dienx égyptiens que Cambyse avait emportées en Perse.
M. Champollion-Fjgeac, qui a recueilli ce témoignage, le croyait
inexact : «Les rois d'Egypte, dit-il, prenaient leur surnom en parve-
nant au trône, ce qui n'est pas favorable au témoignage de saint
Jérôme.» Mais il se trouve que c'est lui qui se trompe; car, pendant
la première période de la dynastie lagide, tout au moins, les rois ne
recevaient leur surnom (et par surnom j'entends les expressions
honorifiques évergète, épiphane, etc. (1)) que quand les prêtres le
leur avaient solennellement décerné. C'est ainsi qu'Evergëte lui-
même n'a ce titre qu'à partir du décret de Canope, c'est-à-dire de la
neuvième année de son règne. Aotérieurement à cette date, rien de
semblable n'apparatt dans les protocoles officiels des contrats, et les
honneurs divins(2) ne lui sont point encore attribués. Par exemple, on
(i) J'ai à peine besoin de faire remarqaer que ces sarnomB n'ont ancan rapport
loit arec les cartoudiea-prénonui dea Ptoiéméea, aoit avec leon noms d'enseigne,
qui, du r^te, se trouTent seniement dans les textes hiéroglyphiqaes. Le surnom est,
an contraire, surtout employé dans les textes démotiqnes et grecs, sans pourtant
6tre exclu des hiéroglyphes.
(2) Dans les protocoles démotiques on voit suivre, pour les honneurs déoemés
aux rois, la progression snivante :
!• Soter s'intitule seulement a roi Ptolémée flls de Ptolémée » (voir, par exemple,
le n<> 2428 du Louvre). •
20 Pendant les premières années du règne aàsocié de PhUadelphe il en fut de
même. On continua à dater d'après les années du père, en Joignant seulement à
son nom celui de a Ptolémée son fils ».
3* A partir de la 68* année de Soter, et de son vivant ^ paralt-il, on commença à
dater par les années du règne de son fils, correspondant à peu près au commence-
ment de l'ère astronomique de Denis. La 58* année de Soter était la 10* de Phila-
delphe. Aussi trouvons- nous des monnaies et des contrats portant ce chiffre. Le pa-
pjrrus 242i du Louvre, par exemple, est daté de « l'an 19 de Ptolémée fils de
Ptolémée, et de Ptolémée son flls, Âristomacha, fille d'Âristomachus^ étant cané-
phore devant Arsiaoé Philadelphe ». La canéphorie d'Ârsinoé existait donc d^k;
mais il n'en était pas de même du cuite d'Âlexanâre et des rois lagides.
4* Du vivant encore de Soter, s'U faut en croire un passage d'AUiénée cité par
GhampoUion-Flgeac, le culte d'Aleiandre et de Soter est établi. La première mention
que nous rencontrons de ce double culte est dans le papjrrus 379 de Leyde, de
l'an 29 de Philadelphe (voir aussi au Louvre les papyrus 2A33, 2&&S,* etc.). Mais à
cette époque Soter était déjà mort sans doute, car on ne voit nommé que « le roi
Ptolémée flls de Ptolémée le dieu ». Vient ensuite la mention du sacerdoce
a d'Alexandre et des dieux frères », dans laquelle n'est pas compris Soter; et enfin
la canéphorie d'Arsinoé Philadelphe. Il nous parait donc qu'il faut complètement dis*
tinguer trois cultes royaux différents sous Philadelphe : d'abord la canéphorie d'Ar-
i^noé Philadelphe, qui est le premier en date; puis le sacerdoce de Soter, qui,
comme nous le savons d'ailleon» eut pour siège Ptolémato et ne figure pas dirâcte-
LES DÉCRETS DB ROSETTE ET DE GANOPE. 829
lit dans le papyras2438da Louvre: «L'an 2 da roi Ptolémée fils de
Ptolémëe et d'Arsiuoé les dieux frères, Triporimos fils d'Altibios étant
prêtre d'Alexandre et des dieux frères^ Ptolémëe fille de Thiana (?)
étant canéphore devant Arsinoé Philadelphe » ; et dans le papyrus
2431 : c L'an 4 du roi Ptolémée fils de Ptolémée et d' Arsinoé les dieux
frères, Alecros fils de Demos étant prêtre d'Alexandre et des dieux
frères, Arsinoé fille de Polmocrate (?) étant canéphore devant Arsi«
noé Philadelphe 1»; tandis que dans le papyrus 2415 du Louvre, daté
de Tan 12, et dans les papyrus Hay 469^ 472^ 473, 479 et 494, le papy-
rus Anastasi 14, le contrat de mariage provenant de sir Wilkinson,
et les numéros 2415 et 2425 du Musée égyptien portant les années
12, 16^ 17, 21 et 22 du même règne^ le sacerdoce d'Alexandre, des
ment dans les protocoles; et enfin le sacerdoce d'Alexandre et des dieaz firères, qnl
fat établi entre les années 10 et 29 à Alexandrie.
5« Sons Évergftte !•', rien n'est d'abord changé à ce qni existait sons Philadelphe ;
mais en l'an 0, à la suite des grandes expéditions militaires dn roi, ^e décret de
Canope loi donne le samom d'Évergète (on bienfaisant) et Joint son nom à celai
d'Alexandre et des dienx frères (voir pins haut).
flP Sons Philopator, à partir de l'an 8 toat an moins, l'athlophorie de Bérénice
Ëvergète, sa mère, est établie. Philopator porte d^à son somom et est associé à son
père pour ce qui concerne le sacerdoce alexandrin.
70 Sons Épiphane, en Tan 2^ selon on papyrns de Leyde, nons voyons fonctionner
la prêtrise d'Arsinoé Philopatre, mère dn roi; mais Épiphane n'est pas encore asso-
cié an cnlte alexandrin.
8* En l'année 8 d'Épiphane» le roi est déjà associé an culte d'Alexandre et des
Lagides^ mais sons le nom seulement de roi Ptolémée le victorieox s. U ne porte
pss encore son surnom.
90 En l'année intervient le décret de Rosette, donnant à Ptolémée le surnom
d'Épiphane et lui accordant tous les autres honneurs accoutumés. Ce n'est qu'à partir
de ce moment qu'on trouve les dieux épiphanes dans les contrats.
IQo £11 l'an de son règne, Philométor fait faire mention^ dans les actes, du sacer*
dooe de Ptoiémals en l'honneur de Soter (sacerdoce qui existait depuis Philadelphe,
comme nous l'avons dit); mais U fait Joindre au nom de Soter celui d'Épiphane, le
sien propre et celui de sa mère.
11» Entre l'an 6 et l'an 31 du même règne les dieux sauoeurs sont intercalés entre
Alexandre et les dieux frères dans le sacerdoce d'Alexandrie; mais en même temps
on i^oute les autres noms des rois lagides, ainsi que celui de la seconde Gléopàtre,
au sacerdoce de Ptolémais.
12* Sous Évergète II, le protocole, qui n'avait Jamais été si compliqué que sous
Philométor, commence à se simplifier. On ne mentionne plus qu'une fois le sacer-
doce des Lagides, ainsi que les canéphorie, athlopborie et prêtrise des deux Arsinoé
et de Bérénice, le tout avec la clause finale : « selon ce qui est établi à»Alexandrie
et à Ptolémais en Thébalde». Enfin les diverses reines, à partir de la première
Gléopàtre, sont simplement unies aux sacerdoces ordinaires des rois* On continaa à
suivre le môme système soas les règnes snivants, en se bornant A ajouter les rois
qui goufemaient alors à la liste (désormais unique) de leurs prédécesseun.
XXXI V. 23
330 REVUE AUGHÉOLOGIQtE.
dieux frères et des dieux évergètes est très-explicitement spécifié. De
même, PtoléméeEpiphanene prend ce surnom (illustre) qu'à partir
du décret de Rosette (neuvième année de son règne). En l'an 2 ce roi
ne figurait pas dans la liste des princes lagides qui avaient un culte à
Alexandrie, ainsi que le prouve le papyrus 373 de Leyde ; et dans
deux pafpyrus de Tan 8, que nous possédons au Louvre sous les
numéros 2408 et 3260, il n'est encore nommé que Ptolémée le Vict(h
rieux. Il est vrai qu'à cette époque le roi n'attendait plus le décret
des prêtres pour joindre son nom à celui de son père dans la phrase
concernant le sacerdoce d'Alexandrie ; mais, par respect pour les
idées généralement admises, il le fit comme roi et non comme dieu
jusqu'à la promulgation du décret de Rosette. Cet usage se continua
sous ses successeurs immédiats, qui ne devenaient complètement
dieux, dans les protocoles, qu'à partir du décret sacerdotal les concer-
nant.
Ainsi, contrairement à l'opinion reçue jusqu'ici, on peut affirmer
que le sur\iom d'Evergëte ne fut donné au premier roi qui le porta
qu'à partir du décret de Canope, et, comme ce décret lui même men-
tionne tout d'abord^ comme principal considérant, la dévotion du roi
pour les dieux, et les grands préparatifs «qu'il a faits à l'occasion des
images des divinités que les Perses avaient emportées d'Egypte, ce
qui força le roi d^aller dans des contrées lointaines pour s'en empa-
rer et les rapporter dans leurs temples », nous ne pouvons qu'admirer
la fidélité scrupuleuse du témoignage de saint Jérôme.
Il va sans dire que les statues des dieux n'avaient été, en réalité,
nullement le motif des expéditions d'Evergète jusqu'en Bactriane;
mais enfin, il les avait rapportées en guise de trophée de ses victoires,
et cela pouvait suffire aux prêtres égyptiens pour exalter le dieu
bienfaisant.
C'était donc au moment de la plus grande gloire des Lagides, au
moment où les armes égyptiennes venaient d'être portées plus loin
que sous les Thoutmès et tes Sésostris, que les différents ordres
sacerdotaux, se réunissant, aux portes d'Alexandrie, danfs lé sanc-
tuaire de Canope qui gardait quelques-unes des reliques d'Osiris(i),
déclarèrent : u que le roi et la reine avaient en tout temps fait de
grands bienfaits aux temples d'Egypte ; qu'ils avaient prodigué les
honneurs aux dieux et daigné se préoccuper du culte d'Aj^s Mnevis
(1) Plusiears Tillea d'Egypte avaient ainsi qaeiqaes^inea des p«rti»d«oe'eorp»
d'Oiiris que Typhoa avait lacéré, aioBi qae ra.,pToaf é tout
Canope était du nomlve, selon le décret lui-même.
LES DÉGRfifîS DB RMBTTB BT. BR GANOFB. 3S1
H du reste des animaax sacrés ; que, par zèle pour les dieux et
leurs statues, le roi avait fait sa glorieuse campagne et qu*il avait
alors sauvé le pays de la guerre en combattant pour /w, dans des
contrées lointaines, contre des peuples innombrables et les chefs qui
les commandaient; enfin, qu'il avait rendu le droit à tous les Egyp-
tiens et aux différentes races soumises à sa puissance, qu'il avait
empêché la disette en Egypte en faisant revenir des blés de Syrie,
de Phénicie et de Chypre, établissant ainsi un bienfait étemel et
un grand mémorial de son élévation d'âme. A ces causes, les dieux
Inenfaisants avaient bien mérité des dieux dont ils devaient attendre
l'affermissement de leur puissance et tous les autres biens et
honneurs. »
C'était donc le victorieux que l'on adorait en E vergeté. On ne
savait qu'imaginer pour combler d'avantages celui qui venait de mon-
trer sa toute-puissance, et si les prêtres d'Egypte, qui se rendaient
chaque année à Alexandrie pour rendre au maître leurs humbles
hommages, étaient cette fois rassemblés d'une façon plus solennelle
dans un des faubourgs de la ville, ils le devaient œulement à l'i-
nitiative officieuse d'un ministre voulant essayer de trouver quelque
chose qui pût attirer un instant l'attention d*un monarque blasé.
Au fond, Ëvergète restait toujours le conquérant grec^ traitant
avec une dédaigneuse bonté les divers peuples qui lui étaient sou-
mis. Egyptiens ou autres, et auquel les honneurs sacerdotaux
d'E^pte ne venaient apporter qu'une distraction. Quant aux prêtres
eux-mêmes, ils n'intervenaient alors que pour acclamer et faire tra-
duire dans leur langue ce qu'il avait plu à quelque secrétaire du roi^
ou plutôt au pontife grec d'Alexandrie, de leur dicter, et c'est pour
cela que nous rencontrons dans le décret un long passage de mys-
tique sur le quantième d'un mois macédonien, le 5 dios^ quantième
qui ne représentait absolument rien aux natifs, soit au point de vue
religieux, soit à tout autre.
On peut donc affirmer que l'original de Ganope est le texte grec
sur lequel se calque, avec une servilité scrupuleuse, mais aussi
avec quelques contre-sens, le texte démotique. Les prêtres, qui sont
censés rendre ce décret, n'ont évidemment été consultés que pour
certains détails de liturgie ou de calendrier religieux, et au fond|
nous n'avons en face de nous qu'une simple pièce de chancelleriei
qui n'intéressait personne et n'avait, au point de vue de Thistoire,
que l'intérêt ordinaire d'une réception officielle.
Il en est tout autrement pour le décret de Rosette.
Depuis Philopator, le temps des revers est ve^u pour les Ftoléci^ëes.
332 BBTUB AaCHiOLOOIQlIB.
Le fils d'Evergète s'est vautré dans toutes les dissolations. Battu au
dehors par les Syriens, il a encore au dedans mécontenté au plus
haut point ses sujets par des exactions de toutes sortes. Bientôt les
révoltes vont éclater partout, et, quand il meurt, laissant un enfant
en bas âge, l'Egypte est en feu, et les conquérants eux-mêmes^ les
Grecs d'Alexandrie, mutinés, massacrent le tuteur du roi.
Il fallut ensuite s'emparer de nouveau de l'Egypte : et de curieux
documents que je viens de découvrir m'ont prouvé que cette con-
quête dut se faire sur une beaucoup plus vaste échelle et nécessita
un temps beaucoup plus considérable qu'on ne l'avait soupçonné
jusqu'à présent. Je vais entrer ici dans quelques détails pour éclair-
cir ce point historique de la plus haute importance et le plus neuf
peut-être que les monuments originaux nous aient encore fouroi
sur les Lagides.
Jusqu'à l'inscription de Rosette, on ne possédait, sur les révoltes
du temps d'Ëpiphane^ qu'une seule source d'informations un peu
nette, Tbistorien Polybe qui, dans un célèbre fragment (liv. XXI,
19, 1, de l'édition Didot), réunissait la soumission de Lycopolis par
le roi et le châtiment des révoltés qui s'étaient remis en sa puissance
la vingt-cinquième année de son âge. On avait tout naturellement
conclu de cette assimilation que le siège de Lycopolis avait eu lieu
quand Épiphane avait vingl-cinq ans^ c'est-dire à la dix-neuvième ou
à la vingtième année de son règne. Vint ensuite notre décret portant
expressément que la prise de Lycopolis se fit en l'an 8. ChampoUion-
Figeac (1) put donc, le premier, prouver que le passage de Polybe
avait été mal compris et que l'historien avait seulement comparé deux
expéditions historiquement distinctes, dont l'une se passa en Tan 8 et
l'autre en Tan 20, pensait-il. Du reste, tout portait à croire que, comme
le soutint Letronne (2), ces deux répressions n'avaient eu aucun rap-
port direct entre elles, et que l'insurrection châtiée par Épiphane
quand il avait vingt-cinq ans avait dû être une tentative tout à fait
locale et momentanée. Mais deux papyrus, sur lesquels j'ai eu le
bonheur de mettre la main récemment, me permettent de dire qu'il
n'en fut pas ainsi.
L'un de ces papyrus, provenant de sir Wil inson^ se trouve au
British Muséum. Je l'ai copié le printemps dernier, dans mon troisième
voyage scientifique en Angleterre, voyage qui avait spécialement pour
objectif le décret de Canope, comme je l'ai dit précédemment. Ce texte
(1) Annales des Lagides, 1. 11^ p. 105-110.
(2) InscriptionB d'Egypte, t. I, p. 291.
LES DÉCRETS DB R08BTTB ET DE GANOPE. 333
contient nn acte de cession (oui) (1) fait par un cholcbyte de Tlièbes
nommé Osor, fils de Plions, à son frère le cholcbyte Pana, fils de
Pilous, an snjet de l'héritage de leur mère commune Ta-Âmen, fille
de Pana. L'écriture rappelle tout à fait la première période des
Lagides et c'est aussi à cette période que se rapporte la famille des
Pana et des Pilous dont j'avais déjà plusieurs contrats. Tout me sem-
blait donc des plus simples, quand, en jetant un coup d'oeil sur le
protocole, j'y décbifirai ce qui suit :
a L'an 4 du roi Horhoiep, virant éternellement, le dévot à Osiris,
a le dévot à Ammon-Ra-Sonter le dieu grand, b
J'avoue que cette date me mit dans la plus grande perplexité,
et que la possibilité d'un roi thébain, contemporain des Lagides,
et régnant, tranquillement, quatre ans, dans la vieille capitale de
l'Egypte, ne me vint même pas à l'esprit. Je cherchai donc fié-
vreusement, devant mon savant maître, M. Birch, auquel je com-
muniquai de suite ma découverte, quel pouvait être ce roi; et, tous
deux ensemble, nous pensâmes à Arsès, qu'Eusèbe indique parmi
les rois perses précédant la conquête d'Alexandre. Les prêtres
égyptiens, par patriotisme, avaient peut-être donné une forme plus
égyptienne à ce nom en le changeant en Hor-hotep. Mais c'était bien
peu probable ; et comment alors expliquer la paléographie du docu-
ment et les autres difficultés provenant d'une rencontre par trop for-
tuite de noms bien connus à moi sous les premiers Lagides? La ques-
tion me parut impossible à résoudre.
J'en étais là quand^ il y a fort peu de temps, M. Pierrot, avec son
obligeance habituelle, me passa quelques photogratphies de papyrus,
faites autrefois sur je ne sais quels originaux, par le regretté Théo-
dule Devéria, ancien conservateur-adjoint de notre Musée égyptien.
Parmi elles, le bonheur me fit rencontrer un contrat de mariage,
(1) Voir, pour tons mb pointe^ riatroduction jaridico^UfttOTiqoe qui précède ma
Chresiomathi» démotique (Vieweg, ôditeur). Cette introduction a été tirée & part.
384 ftivim iMBÉOLoaiQi».
proTeoànt aHMi de cholchytes tfaébains, et dent le protocole était
ainsi conça :
li><^\^ UidfO. r^f^ ^-^
oll
eV^-^C^çZfCvio^s.,
f<^
/o
tt L'an 14 da roi Anchta, vivant éternellement, le dévot à
« Osiris, le dévot à Ammon-Ra-Sonter, le diea grand. »
C'était tout à fait la même formate qae dans le papyrus de sir Wil*
kinson (bien qu'avec ua roi différent), et cette formule n'existe nulle
part ailleurs à ma connaissance. Pour l'écriture, môme identité avec
celle usitée sous les premiers Lagides. Nous avions donc certaine-
ment affaire à des documents appartenant au même groupera la même
dynastie, à la môme époque. Mais cette fois l'hésitation n'était plus
permise; car à la fin du contrat on lisait la souscription d'un notaire,
écrivant:
V^
« Au nom des prêtres d'Ammon-Ra-Sonter de la cinquième classe. »
J'ai prouvé ailleurs (1) que les prôtresde la cinquième classe, servant
de notaires à Thèbes, avaient été établis par le décret de Ganope en
l'an 3 d'Evergète I*'. Jusque-là il n'y avait que quatre classes de
prêtres dans chaque temple, et nous ne voyons en conséquence jamais
intervenir ce genre de notaires dans les contrats.
Ainsi nos papyrus étaient postérieurs à Evergète, et si les prêtres
de la cinquième classe n'étaient pas appelés selon la coutume et les
termesf du décret : c prêtres d*Ammon-Ra-Sonter et des dieux Ever-
géies^, etc., > c'est que les souverains dont les noms se Usaient en tèle
de ces actes avaient trouvé bon de rayer comme illégitimes tous leurs
(1) Voir le chapitre ooncerDant les notaires et l'enregistrement dans ma Chrewto^
mathie détnotiqtée'f^Hmtiyéàïttur), obapltra qoe }'ai lu à f Académie an
ceiAentd'aoftr dernier.
LES DÉGRBVS OS PUMmrjt ET M GANOPE. Stt
prédécesseurs grecs, en laissaitt pourtant snhsister te cinquième tribu
instituée par eux dans les races sacerdotales.
Mais quand tout ceci avait-ii pu se faire?
ÉYidemmeni sous le règne d'Ëpipbane, lors de la rèvolittiAn
(ta^xi) do^^ ^^^^ parlent le décret de Rosette et le papyras I*' de
Turin, d'accord avec tous les documents. Car c'est U la seule guerre
civile, ayant pour point de départ autre chose qu'une compétition de
personnes, dont l'histoire nous ait conservé le souvenir depuis la
conquête, d'Alexandre.
Je relus alors Polybe ainsi que les antres historiens, et l'énigme
fut Jpjiile à comprendre.
Au moment môme de la mort de Pbiiopaior^ iplon les Grecs eux*
mômey les émeutes avaient pris grande extension. Les Égyptiens,
sans doute las du joing étranger, avaient voulu s'affranchir d'une
tyrannie qui n'avait môme plus le prestige de la gloire. L'occasion
était favorable. Le cruel fils d'£vei%ète avait disparu et il ne res-
tait plus de sa race qu'un enfant livré au caprice de quelques
chambellans (i). Les Grecs eux-mêmes étaient divisés entre eux
et s'égorgeaient les uns les autres à Alexandrie (2). Les révol-
tés pou valent aussi compter sur l'appui d'Antiocbus, qui ne man-
querait pas d'aider, par tous les moyens, à Tanéantissement
d'une race rivale jusque-là victorieuse. N'était-il pas temps de recom-
mencer les glorieux exploits du roi Habbach contre l'usurpateur
étranger Xerces, exploits qu'une stèle du commencement du règne
de Soter exalte avec tant d'enthousiasme (3)? Et après Habbach que
d'jautres héros : Amyrtée, le roi des marais^ comme l'ont appelé les
Grecs, Achoris, Nectaneb I*', Teos. Les noms de ces courageux
révoltés, les libérateurs de leur pays, étaient encore bien populaires,
comme le montre une chronique démolique, écrite vers cette époque,
et que j'ai récemment fait connaître (4). Il parut tout naturel de les
imiter et de recommencer, contre les Grecs eux-mêmes, les maîtres
(1] «Contpaiptagaa pamUi œUte, qai^ in spen^ pegoi TeUctw, prœda edain dome»-
ticis erat, o dit Justin (li?. XXXI).
(2) Voir daos Polybe et dans Justin le récU dei'ipAurrection alexandrine qui éclata
ansaitôt que la mort de PbUopator fut connue (car on la cacha quelque temps), et
comment le principal ministre et favori du feu roi Agatbocle fut égorgé par le peuple
en présence même du Jeune souverain, que Ton assit^ comme par dérision, sur un
tribunal, pour Juger son tuteur. Voir aussi Annules des Lagides de CbampoUio
Figeac, t. II, p. 30 et 31.
(3) Cette siôle a été publiée par Ai. Bragacb.
(4) Dans cette revue môme.
336 EIYUK ahchAolooiquc.
d'alors, ces lottes ardentes auxquelles les Grecs ayaient autrefois
participé comme alliés quand la Grèce était libre. On se mit donc en
campagne. De toutes parts surgirent des soldats, des capitaines, des
dffnasteségjf liens j ^dE(rrai AlYuimoiv, comme dit Polybe (1). La révo-
lution s'étendit comme le Nil au jour de l'inondation, et, selon l'ex-
pression de Diodore de Sicile (2), Épiphane se vit sur le point de
perdre complètement la couronne, si ce n'est la vie elle-même, et de
n'avoir plus un pouce de territoire en Egypte.
Dès le début du nouveau règne, nous dit Justin (3), Antiochus
avait commencé la guerre. Il avait rapidement occupé les villes de
Phénicie et de Syrie qui étaient soumises aux Lagides (4) et déjà il
s'avançait contre l'Egypte, dont il avait réglé le partage par avance (5)
et où l'attendaient de nombreux auxiliaires égyptiens. Ce fut alors
que, d'après Tile-Live (6), Scopas, au prix de sommes considérables,
leva en Etoile six mille guerriers pour secourir Ptolémée, et que les
Alexandrins (7) envoyèrent une députation aux Romains pour
demander leurs secours. Les secours des Romains ne vinrent pas.
Mais Scopas fit en Palestine une diversion d'abord heureuse (8),
suivie, plus tard, d'une défaite complète (9) : il capitula à la seule
condition de la vie sauve. Enfin» sur l'ordre formel du sénat romain,
Antiochus consentit à terminer par un traité cette longue guerre, la
septième année du règne d'Épiphane, selon saint Jérôme (iO). Le roi
lagide se vit alors en mesure de combattre les Égyptiens soulevés
qui occupaient militairement presque toutes les provinces^ et chez
lesquels, suivant l'expression du décret de Rosette, « l'esprit de
révolte s'était affermi depuis longtemps », IxnoUou xp($vou (1 1). Malheu-
reusement la révolution avait manqué d'entente. Chaque province
(1) Polybe, fragment (Uv. XXI^ 10, i, édition Didot).
(3) Annaletdes Lagides deChampollion-Figeac, t. II, p. 12& {Excerpia Fâ/tf«.,p.ll2).
(3) Justin, Ut. XXXI {Hist. Rom. Script., édition de 1628, t. II, p. 673).
(A) Ibidem.
(5) Jnstin, Uy. XXX, p. 672.
(6) Dec. IV, liy. I {Hist. Rom, Script,, 1. 1, p. 832). Voir ansBi le frasmeotde Po-
lybe cité par Ghampollion-Flgeac, t. U, p. 03.
(7) Jnstin, Uv. XXX {Hùt. Rom. ScHpt., t. H, p. 672).
(8) Voir Annales des Lagides, U U, p. 03, 05 et 06 (Joaèphe, Antiquités jud.,
XII, 3, p. 300).
(0) Annales des Lagides^ p. 06-07 (Polybe, Exerpta Vales.^ p. 76; Josèphe, ^ii-
tiq.jud., XU, 8, p. 300; Hieron. in Dan.^ XI, t. III oper. D. Hieron.^ p. 1125-
1126; Xite-U?e, Hist,, XLIV, Uf. II).
(10) Annales des Lagides, t. II, p. 100 (D. Hieron. in Dan., XI, t. III, p. 1126).
(11) Rosette, ligne 22 da grec
LRS DÉCEBTS DB H06KTTB BT DB GANOPB. S37
avait élu ses chefs, ses dynastes^ comme dit Polybe, dynastes qui
s'étaient fait coaronner rois isolément, nos contrats nous le prou-
vent, bien loin d'être de simples préfets insurgés comme le pensait
Letronne(l). En Thébaldeoneutainsi deux monarques égyptiens
de race, Horhotep et Anchtu, qui se succédèrent Tun à l'autre, on
ne sait encore dans quel ordre, et dont le premier avait dû, nous le
verrons, proclamer son indépendance aussitôt après la mort de Phi-
lopator. Il en fut de même dans la Basse Egypte et, comme c'étaient
là les ennemis les plus proches, Épipbane s'attaqua à eux tout
d'abord quand il fut débarrassé d'Antiochus contre lequel il avait
jusque-là dirigé toutes ses forces de terre et de mer (2). Il paratt que
les rois thëbains et les autres dyfMstes, par une rivalité mesquine,
n'aidèrent pas leurs alliés naturels. Car le roi assiégea tranquil-
lement la principale ville des révoltés, sans qu'aucune armée
de secours vtnt l'inquiéter dans ses opérations (3). Et pourtant
rien n'eût été plus facile. Rosette nous apprend en effet que la ville
en question, Lycopolis du nome Busirite, était une forteresse presque
imprenable, a fortifiée contre un siège par de grands dépôts d'armes
et de munitions» . Cependant les Grecs purent, sans difficultés, Penvi-
ronner de retranchements^ de fossés et de murs solides^ et même cons-
truire des dignes aux canaux qui amenaient l'eau à la ville, en y
plaçant de la cavalerie et des hommes de pied pour les garder et
empêcher l'eau de déborder au moment ordinaire de l'inondation du
Nil, en l'année huitième. Une faible armée de secours et même
quelques hommes de bonne volonté auraient facilement détruit
ces digues et mis Épipbane dans le plus grand danger... Personne
ne vint... Les gens du roi prirent la ville de vive force (4), et,
selon l'énergie du texte démotique, ils donnèrent à V anéantisse'*
ment tous les impies qui y étaient renfermés (5), c'est-à-dire, sans
doute, passèrent tous les habitants au fil de l'épëe. Cette rigueur
effi"aya les autres révoltés de la Basse Egypte et, d'après Polybe (6),
(1) Imcriptions, t. I, p. 201.
(3} Rosette, Ugnes 20 et 21 du grec. Notons que, pour tont ce qui toocho le récit
des campagnes d'Epiphane, Rosette met l'ordre chronologiqae (Ugnes 20, 21,
22, etc.) à partir do débat de son règne jusqu'à l'an 3.
(3) Voir Rosette, lignes 22 et soi?.
(&) Rosette, ligne 26 du grec Pour le démotique, voir ma Chrefiomathiè démo-
iique^ p. 28, ligne 2 et suiv.
(5) Voir ma Chredomathie dimoiiqw^ p. 28, ligne 10 et soIt. Conférer le texte
grec, ligne 26.
(6) Uf . XXI, 10, 1 (édition Didot). . .
3S8 «lYVC ▲BCBfoLOQIQUB.
certains ^dyiastes des Égyptiens (^uvin» tSw AIy^ictuav), affolés de
terreur^ vinrent se remettre entre les mains du roi^ se confiant en sa
foi (fôfoxflcv ofSç aÔTobc eU t^v paoïXicaç 'n(<mv). Mais celui-ci, On plutôt
le tuteur qai gouvernait encore en son nom, en agit très-sévèrement
à leur égard, ce dont il eut lieu de se repentir par la suite et ce qui
attira même au roi de grands dangers (otç xaxcoç ixp-fi(xoLxo xal dç xw-
duvouc ffoXXoÎK Ive7ce7cv (1). Eu effet une telle politique n'était pas
faite pour ramener à l'obéissance ceux des chefs qui pouvaient
tenir encore, tels, par exempie, que les souverains de Tbébaide.
C'est à ces chefs qu'il faut appliquer Texpression oficep ^(rov t-n $ia-
oloCofiivoi se rapportant aux dynastes que Polycrate vainquit bien des
années après et dont Poiybe(2) rapproche la soumission de celle
des princes déjà punis à Lycopolis. Il s'agit en effet dans ce pas-
sage non pas, comme Ta dit L^tronne (3), de chefs épargnés par le
roi et qui se révoltèrent encore dans la suite, mais bien de petits pha-
raons, couronnés selon les anciens usages, qui avaient échappé par
leur neutralité et aussi par Leur position meilleure aux défaites de
l'an 8, et qui, au lieu de se soumettre comme l'avaient fait, inutile-
ment pour eux, cfuelques autres, résistèrent encore dix ans environ.
On vit donc,un peu tard,que la politique derépression à outrance avait
été funeste aux intérêts du roi, et comme ses tuteurs ne savaient à
quoi recourir et ne pouvaient s'entendre, on pensa qu'il n'y avait rien
de mieux ii .faire que de hftter le couronnement du jeune monar-
que (4) et de lui remettre à luirdmâme la conduite du gouvernement.
(1) Voir Letronne, Imcriptioru, 1. 1^ p. 291. Letronne est ie premier qui ait bien
distingué le siège môme de Lyeopolis de la soumission des dynastes des Égyptiens,
qui se fit à cette époque; mais il croyait qne ces dynasies étaient des chefs poli»
tiques des nomes, c'est-à-dire des goaTero^eurs grecs qui venaient de se révolter
contre le roi et qui, effrayés, se h&tèrent de f<|irç amende honorable.
(3) Polybe, Ut. XXI, 19 (fragment).
(3) Letronne, Inscriptions , 1. 1, p. 29i.
(4) Selon un antre fragment de Polybe (XVIII, 38, 3)^ ce conronnement eut Ueu
bien que le roi n'eût pas encore atteint sa majorité. « Mai», ajoute-t-il, on pensait
que quand il serait connu que le roi gouTernait par lui-m^fne, les afffiires d'Egypte
prendraient une meilleure toarniure. » Scc^as et ses Btoliens Tenaient d*ôtre répri-
més an moment même où,. L^copoUs étant prise par leurs armes, leur orgueil ne con-
naissait plus de bornes. Comme oo croyait fit pUs aToir Unt besoio de ces merce-
naires, Scopas fut tué et ses Etoliens reuToyés dans leurs foyers au monvent du
conronnement du roi. Hais aussi Epipbime ne put j^lus poorsuiyre ses un/xH ni
attaquer aTec ses seuls Alexandrins les révoltés de Tbébalde. Quand ^ en l'an-
née 19> il enlre|>rit oette.nanTelle CieiBPfigne,^ lui fallut 4a .owiTean a?oir recours
à des soldats mercenaires leTés en Grèce par Aristomachns (Toir Polybe, li?» XXI,
p. W).
LES DÉCRETS «B WmKm ET DE GANOPE. SiO
bien qu'il n'eût pas encore atteint l'ftge de sa majorité {oMk» [th tri;
En conséquence, on fit les apprêts nécessaires d'une façon trés-
solennelle (1). On voulutopposer les préjugés aux préjugés, et un roi,
sacré «acerdotalement à Memphis et couvert du pchent an roi qui
avait renouvelé à Thébes les antiques traditions. Memphis représen-
tait les premières dynasties et l'ancien empire comme Thébes incar-
nait pour ainsi dire l'époque suivante. On pouvait compter aussi sur
la vieille rivalité de la Haute et de la Basse Egypte, qui avait causé
déjà tant de révolutions. On sentait en effet que, comme roi grec, la
cause d'Épiphane était perdue pour les Egyptiens, et que si l'on vou-
lait les gagner il fallait faire rentrer complètement aux yeux des
prêtres la nouvelle monarchie dans l'ancien moule.
Tel estx à mon avis, la cause de ce curieux couronnement à Memphis
que nous décrit la pierre de Rosette, et qui ne paraît avoir eu aucun
analogue jusque-là depuis la conquête macédonienne. Alexandrie, oà
les premiers Lagides obligeaient tous les prêtres d'Egypte à se ren-
dre une fois Tan, n'était plus rien, en apparence, pour Epiphane. Il
les exempta même expressément de ce voyage (2). Il ne s'agissait
pluSy en effet, d'habituer les Egyptiens aux coutumes grecques, mais
bien d'habituer les Grecs aux coutumes égyptiennes et de faire
croire, s'il était possible, à un peuple profondément religieux, quMl
ne servait pas un étranger^ c'est-à-dire un ennemi^ et que Ptoiémée
était le fils légitime du Soleilroi, le grand Ra lui-même.
Le meilleur moyen pour cela était de gagner le corps sacerdotal
de la vieille ville sainte de. Memphis, depuis des siècles opposée à
Thébes, et qui était, en quelque sorte, intéressée dans la lutte qu'on
allait entreprendre contre la capitale de la Haute Egypte. C'est
ce que semble avoir entrevu , avec une espèce de divination ,
notre grand Letronne quand il dit, à propos de Hoselte : a On voit
bien que des gens de Memphis sont les premiers intéressés dans ce
décret. Toutes les fois qu'on sort des choses générales et qu'on par-
ticularise les bienfaits du roi, c'est une divinité ou un temple de
Memphis que l'on indique. On dit qu'il a étendu ses bienfaits à tous
les temples d'Egypte ; mais an n'en nomme pas un seul de Thébes ou
d^aucun autre lieu (3)... »
(1) Polybe» XVm. 38.
(8) RoMtte, Usn«8l0 et i7 do grec, p.. 17 et 18 de ma Chne$tomatikiê démcâiqw*
Gompaier ce teite à ce qae dit le décret de Ganope (ibidem^ p« 157 et 158).
(a) LetiODaf^ /Mcri|>|ï(Ni#, 1. 1> p. 196.
340 BBTUB ARCHiOLOOIQUB.
Je crois que ce petit problème n'en sera plus un désormais : Thè-
bes ne pouvait être indiqué, puisque c'était alors le centre même de
la révolte, et que d'ailleurs cette antique capitale (que nos papyrus
grecs nomment encore sous Philométor, Evergéte II et Ptolémée
Alexandre, Diospolis la grande) resta toujours le foyer persistant
du patriotisme égyptien et de l'opposition à l'étranger, et cela du
temps des Grecs comme du temps des rois pasteurs. Il ne faut pas
oublier, en effet, que, lors du renversement de Ptolémée Alexandre
et de son remplacement par Soter II, ainsi que nous avons eu l'occa-
sion de le dire précédemment (i), Thèbes profita de l'occasion pour se
soulever de nouveau, et que ce fut seulement après un siège de trois
ans que le roi put la soumettre (2). Pausanias nous apprend en
outre (3) que Soter, fatigué sans doute d'une si longue opposition ^
la domination macédonienne, détruisit la ville et ne laissa pas ves-
tige de ces temples magnifiques dont la splendeur effaçait celle de
Delphes et d'Orchomène. Ce récit est exagéré, puisque, comme le
remarque ChampoUion-Figeac^ nous avons encore à Thèbes de
très-belles ruines ; mais il n'en est pas moins vrai que cette grande
ville fut alors saccagée et qu'elle ne se releva plus depuis lors (4). Un
siècle après, du temps de Strabon, Thèbes aux cent partes n'était
plus habité qu'en villages.
Quant à Memphis, son importance parut s'accroilre encore à partir
d'Epiphane. On en avait fait de nouveau la ville sainte, enrichie
comme telle de nombreux privilèges légaux, ainsi que nous avons
eu l'occasion de le prouver à propos de Venregistrementj dans notre
Chrestomathie. Le roi devait s'y faire couronner comme au temps des
premières dynasties, et M. Letronne a recueilli (page 270 de ses
Inscriptions) nn certain nombre de curieux témoignages à ce sujet.
Mais tous les faits qu'il rapporte sont postérieurs à Epiphane, et en
effet c^est ce prince qui cessa de vouloir paraître un conquérant
grec pour devenir, comme son intérêt le lui imposait, un pharaon
égyptien •
Tout se fit donc à Memphis selon les vieux usages. Le roi, d'après
un passage formel de Rosette, mit sur sa tète cette coiffure étrange
(1) Voir ma Chrestomathie démotique.
(3) Paasanias, ÀtU, 0, 1. 1^ p. 54-65 de la traduction Glayier.
(3) PauBaniaa dit : « Ptolémée, après a?oir Tainca les Thébains, ne laissa sabsis-
ter aacan yestige de cette opalenoe sapérieare à celle des pins riches dtés de la
Grèce, à celle môme du temple de Delphes et d'Orchomène en Béotie. » {AnnaleM des
LagideSt t. II, p. 237.)
ik) Noos avons dit ailleurs qu'on n'ayait plus d'actes thébams k partir de Soter II.
LB8 DÉCRETS DB B08BTTB BT DB GANOPB. 341
qu'on appelle le pehent (1), diadème dont ETergète aurait ri sans
doute. Il se reyètit des vêtements traditionnels, entra aux sons des
harpes, des tambours, des trompettes et des sistres hatoriens dans le
temple par excellence, c'est-à-dire dans le sanctuaire de Ptah, et là
reçut gravement les hommages de prêtres couverts seulement d'une
peau de panthère, et de vierges saintes à peine voilées par une jupe de
mousseline collante. On commença aussitôt des cérémonies bizarres,
dont Rosette a malheureusement abrégé la description, et pendant le
cours desquelles Epiphane devint le fils du Soleil, \Ahç tou "HXCou (bien
que né des dieux Philopators, txywoç OeSiv 9tX(maT({p(ov), et comme tel rot
comme le Soleil^ le grand roi des contrées supérieures et inférieur
res (2), approuvé par Ptah, maître des divines panégyries comme
Ptah, image vivante d'Ammon et seigneur de la double couronne^
c'est-à-dire du pehent, qu'en effet il portait sur sa tète . A peine
ai-je besoin de dire que tous ces titres étaient absolument inconnus
à Ganope, qui nous parle seulement de « Timmortel Ptolémée, fils
de Ptolémée et d'Arsinoéi les dieux frères :»•
Les prêtres de Memphis eurent sans doute beaucoup de peine à
faire rendre en grec leur mystique langage^ si éloigné des idées
grecques, et ils durent épuiser pour cela toutes les assimilations pos-
sibles et même inventer des mots ou plutôt transcrire en grec les
termes égyptiens, comme le ^cvr de la ligne 44. Parfois même leur
traducteur grec renonça à les suivre, et, ainsi que M \ de Saulcy l'a
remarqué le premier, bon nombre de passages du démotique ne sont
nullement représentés dans la version grecque, et d'autres sont
(1) Rosette, texte grec^ ligne 44. Le nom égyptien est transcrit ^tn. Le pehent,
on psent, on plutôt encore le sent (car p est Tarticle], était la double couronne de la
Haute et de la Basse Egypte. Il se composait d'une mitre rentrant dans une autre
couronne, à forme étrange, ouverte du haut.
(2) H. Grébaut, dans son commentaire de V Hymne à AmmofhRa (p. 177, et surtout
p. 188 et suir.)i A Admirablement élucidé ce point, qu'avait déjà établi Letronne dan
la note 8 de son Commentaire de Rosette (p. 188 de ses Inscr,), Les rois d'Egypte
sont rois des deux régions en tant que fils du Soleil. U ne s'agit pas, en effets de la
Haute et de la Basse Egypte, mais, comme le dit Letronne, « des régions supérieures
et inférieures que le soleil domine dans son cours «.Aussi M. Grébaut dit-il avec rai-
son : « suten toui (roi des deux régions) ne signifie pas plus roi de la Haute et de la
Basse Egypte que se ra (fils du soleil) ne signifie roi d'Egypte. » Ces deux appellations^
toutes mythologiques, sont, en effet, en rapport étroit. Les pharaons étaient « rois
des deux régions », comme le Soleil lui-môme et en qualité de « fils du Soleil » . Us
n'indiquaient Jamais une autre généalogie à côté de leurs cartouches, comme l'a dit
Bion dans ses Êthiopiques : a AlSCone; (il aurait pu dire aussi Alyûmioi) toOc Bootr
>i(dv norépoc oOx èxfotCvou^i &XXà tbc dvtoc uloùç *HX(ou icopodidoûmv. » (Examen cri"
tiqve des dynasties égyptiennes, par M. Branet de Preste, p. 222*) Cette notion est,
342 RBW» ABeBélM.OQIQro»
abrégés, changéis on interTertis. le citeraii par exemple, le récit de
la oampagne de Lycopolis, beaucoup plas détaillé dans l'égyptien
que dans le grec, et surtout les phrases, trés-difflcilesà comprendre,
qui se rapportent aux cérémonies que Ton devait accomplir dans les
temples à l'égard du naos du roi, phrases dont le grec ne contient
guère qu'une trés-brëve analyse, non exempte peut-être de contre-
sens. Ainsi, il est bien certain qu'à la différence du texte de Canope,
le décret de Rosette a été primitirement écrit en égyptien, et c'est ce
qui noQs explique les difficultés très-grandes qu'on y rencontre en-
core et dont quelques-unes ne permettent guère que des conjectures.
Il paratt, du reste, qn'à l'époque même Vherméneutê s'est hearlé
contre des difficultés semblables qui l'ont fait parfois renoncer à
traduire.
Rien de plus égyptien, en effet, que ce décret sacerdotal. Si Ton
aperçoit entre lui et Canope quelques analogies, c'est seulement dans
les parties liturgiques, qui ont de tout temps exigé le concours des
prêtres, et encore, inéme dans ces parties^ on sent que les prêtres
étaient étroitement tenus en laisse du temps d'Evergète et qu'ils
étaient complètement libres à l'époque d'Epiphane. Ils profitèrent
largement de cette liberté, et, tout en essayant de rattacher ce dé-
cret aux anciens- par quelques formules, grecques d'origine, qui
furent sans doute empruntées à Canope, comme la mention de
« la bonne fortune », etc., ils lâchèrent la bride à leurs élans mys-
tiques et nous laissèrent ainsi- le plus beau spécimen possible de
galimatias religieux*
Hais il ne faut pas rire de leurs tentatives, qu'Epiphane dut sans
doute voir avec le plus grand plaisir, et qu'il acheta par de vastes
en effet» confirmée par tous les monuments. Quand donc Epiphane voulut substituar
au protocole rédigé à la façon grecque, Ba(rt>tii« nToXtfjLatoç nioXeiiaCou, Tanden pro-
tocole hiéroglyphique vl6c tov 'HXtov, fUf du Soieii, et que, comme moyen terne, il
laissa en même temps que la filiation solaire la mention ixyovoc Oeâv çtXometôfwt,
né des dieux philopators, il se contredit ringulièrement lui-même et se rendit en
même temps coupable d'une yéritable hérésie égyptienne. Les rois /^yiYfmeif d'Egypte,
comme les ùicas d'Amérique, n'étaient que les fils du Soleil.
Je n'ai pas besoin de dire qu'en insistant sur ces différences entre Rosette et Ga.
nope ]'ai touIu seulement montrer ce qui sépare les documents officiels grecs aux
deux époques. Quant aux documents hiéroglyphiques rédigés dans Tancien style, avec
une écriture toute religieuse, parles prêtres eux-mêmes, et sans que le roi eût à s'en
préoccuper, ils ont toujours contenu pou» les Lagides, et cela est bien naturel, les ex-
pressions traditionnelles fiisdu SoUil, seigneur deê deux régions, etc., comme les
stèles contemporaines des rois perses et des empereurs roBaiaa^ On eût bittB étonné
•«■MTenùM si on leur eût traduit leur» protocoles égyptiene.
LES DÉGRBTS OB ROSCTPE BT OE GANOPB. SMS
concessions faites aux prêtres (nous le savons par le décret lui-
même) ; car elles formaient pour sa politique une arme puissante
contre les mystiqnes possesseurs de la Thébaïde. Les expressions filB
du Soleil^ seigneur des panégyries comme Ptah (le dieu suprême de
Memphis), approuvé de Ptah, image d^Ammon^ grand roi comme le
Soleil^ maitre des deux hémisphères^ étaient là pour répondre aux
protocoles ampoulés d'Ancbtu et Horbotep, qui, jusque dans les con-
trats, se disaient les représentants légitimes d'Osiris et d'Ammon-Ra-
Sonter, le grand dieu de Thèbes.
On me demandera peut-être le résultat de cette lutte à la fois
civile et religieuse, et quand les rois de Thébes furent enfin obligés
de s'avouer vaincus? Il me faut, pour répondre à cette question,
retourner un peu en arriére, jusqu'au début même de la révolution,
afin de pouvoir calculer chronologiquement, d'après les documents
que j'ai entre les mains, quelle fut dans la Haute Egypte sa durée
totale et l'époque de sa terminaison.
Le début de l'insurrection thébaine a été très-*nettement indiqué
par un passage du papyrus grec premier de Turin^ dont on n'a pas
jusqu'ici saisi la véritable portée.
On se rappelle que dans ce papyrus se trouve le compte renda
ofBciel d'un procès intenté par le Grec Hermias, soldat comme tous
ses ancêtres depuis leur entrée en Egypte^ co(ntre Horus et ses col-
lègues, cholchytes de Thèbes(l). Il s'agissaitd'une maison qu'Hermias
disait avoir appartenu à ses pères et qui était sise à Thèbes, dans le
quartier desMemnonia. Cette maison^ les cholchytes l'avaient achetée
par acte en bonne et due forme. Mais ceux qui la leur avaient ven-
due la possédaient-ils légitimement? La chose était difiiclle à prou-
ver. Dinon, l'avocat des cholchytes, invoqua donc à ce sujet la pres-
cription, et voici comment le papyrus nous résume cette partie de sa
plaidoirie : «Ayant passé ensuite aux arguments de la partie adverse
et ayant relu son libelle indiqué plus haut, il dit que, de l'aveu fait
aux rois (2) par son adversaire, il résulte que le père de celui-ci est
sorti de Diospolis avec les autres soldats ([xeô' It^pqi)v orpaTtoirbyv) pour
se rendre dans le haut pays pendant la révolution (xapaxi^) qui â'ést
falite contre le père des rois, le dieu Epiphane; et il ajoute qu'en
(1) Voir le chapitre consacré à ce procès et aux diUéreiits contrats démotiquês f^iA
s'y rapportent, dans ma Chrestomathie démotique (Veiweg, éditeur).
(3) Peyron a mal compris ce passage. Il veut voir dans ies rois un pluriel d'honneur
pour le roi. Hais il n'en est pas ainsi ; il s'agit ici du roi Evergète II et de la reine sa
femme, qui, comme nous r avons prouvé dans notre chrestomathie y av&it éié prdh
daMée roi àa &îeme titre que son époux.
344 RRYUB ARGHÉOLOOIQUB.
supputant les temps, h savoir les 24 ans d'Epiphane, les 35 ans de
Philométor et les 29 ans qu'il faut compter de Tannée 25 à Tan-
née 53 d'Eyergète» il s'est déjà écoulé 88 ans, d'après son propre
témoignage, depuis que ni son adversaire ni son père n'ont eu do-
micile à Diospolis. II n'a donc plus droit d'entrer en procès au sujet
de cette maison, après tant d'années écoulées, et il ne lui reste plus
aucune possession ni aucun domaine sur le fonds en question. »
D'après cette supputation des temps, nous voyons que c'est en Tan-
née 1 d'Epiphane qu'avait eu lieu la révolution (rapaxi^), puisque Epî-
pbane a régné en tout vingt-quatre ans. Celte mention a fort troublé
les commentateurs. La plupart, voulant voir dans cette révolution
l'insurrection terminée par le siège de Lycopolis, supposèrent que
l'avocat avait un peu grossi les chiffres pour les besoins de sa cause
et qu'il avait ainsi pris pour point de départ de son calcul le com-
mencement même du règne d'Epipbane, au lieu de Tannée 8 ou 7,
comme il Taurait dû. Letronne {Inscriptions^ t. I, p. 286} pensa, au
contraire, qu'il s'agissait d'un trouble momentané qui avait eu lieu
dans le pays au-dessus de Tbèbes et qui avait nécessité la sortie des
troupes de la garnison envoyée pour le réprimer. Mais nos contrats
nous montrent que ces deux bypotbèses sont également erronées, et
que, si les soldats grecs sont sortis de Tbèbes en Tannée 1, au moment
de la révolution^ c'était parce qu'ils étaient cbassés par cette révolution
même, c'est-à-dire par les Egyptiens triomphants. On comprend
alors comment l'absence du père d'Hermias^ au lieu de durer seule-
ment le temps d'une courte campagne, comme semble Texigerl'by-
potbèse de Letronne, se serait prolongée durant de longues années
et serait devenue définitive. On comprend aussi comment cette sortie
des milices grecques^ que tout le monde connaissait^ devenait par elle-
même une date fixe qu'on n'avait pas besoin de préciser, tandis
qu'un simple mouvement de troupes n'aurait rien représenté au
souvenir de personne et n'aurait rien expliqué. Les soldats grecs
sortirent donc de Tbèbes la première année d'Epipbane, et ils sor-
tirent pour ne plus rentrer de longtemps dans cette capitale. Ils se
dirigèrent vers la Haute Egypte, soit que le roi y eût encore des par-
tisans^ soit plutôt qu*on les eût forcés de prendre cette route, afin
qu'ils ne pussent grossir les forces du gouvernement Sans (foute
aussitôt après la mort de Pbilopator, tandis que les Alexandrins
massacraient, comme nous Tavons dit, les anciens favoris du tyran>
les Thébains, soulevés, s'étaient portés en foule vers les casernesi
avaient désarmé les Grecs et les avaient forcés d'aller prendre leurs
cantonnements dans quelque district éloigné. Puis la révolution
LES DÉCRETS DV ROSCTTS ET VE GAKOPE. 34S
s'brgaDîsa. Un nonyeau roi, Egyptien de racei fat proctniié, et,
tandis que les ministres d'Epiphane occupaient toutes tears forces
è lutter contre cenx qui Tenaient attaquer l'Egypte par mer et par
terre, comme dit Rosette (I), c'est-à-dire contre Antiochus, qti\,
selon Justin, profita de la mort de Ptolémée Pbilopator pour tenter
la conquête de l'Egypte (2), on put à Thëbes rétablir en toute trm-
quîHité, à la mode égyptienne, l'administration et farmée, et se*
mettre en état de défense.
La guerre des Syriens dura sept ans, et ftit suivie de la campagne
de Lycopolis et du couronnement à Memphis. Mais il paraît çue la
soumission de la Basse Egypte suffit alors à Epiphane, qui, après le
licenciement des auxiliaires grecs de Scopas (3), ne se sentait pas de*
force à entreprendre la conquête de la Thébalde. Car, en addition-
nant les 4 ans d'Horhotep aux 14 ans d'Anchtu, nous trourons un
total de 18 ans, qui représente à peu près la durée minimum de
notre dynastie tbébaine. Or, il se trouve justement que, d'après un
décret bilingue (4), biéroglyphique et démotiquOi trouvé à Phylée,.
le roi rendit en l'an 19 un édit de philanihropia tout à fait analogue
à celui que, selon Rosette, il rendit en Tannée 8, après la soumission
de Lycopolis. Par cet édit, il faisait également remise de toutes les
sommes arriérées dues au trésor, comme, par exemple, des impôts
qui avaient été payés à une autorité illégitime. On comprend qu'une»
telle mesure était indispensable à la population, dont une partie
n'avait que très-involontairement participé à la révolte. Il n'y avait,
du reste, que deux partis à choisir : ou un massacre général, ou
une amnistie qui permit aux affaires de reprendre. Le massacre, le
roi l'ordonna, ) la vérité, pour les héroïques habitants de* Lycopdîe,
mais en même temps il accorda la remise des taxes et l'amnistie au
reste du pays soumis, et même, selon un autre passage (lignes 19
et 20 du grec), il permit aux soldats qui avaient combattu pour tes
insurgés, pendant le temps de la révolution (Iv vXç xax^i tV TapoexV
xaipoiç), de rentrer, s'ils se soumettaient, dans leurs propriétés pré-
cédemment confisquées.
(1) Lignes 30 et 21 da grec.
(S) « Mortno Ptolomao PhUopatore rege ^gypti, eontemptaqae psrmli tjutr fiW
«tate, qoi^ in spem regni relictas, preda etiam domeiticis erat, Ântiochoa rex Sjrim
oocupare ifigyptnai Btatnit, » etc.
(3) Voir plot haut.
(4) Ce décret a été pnblié par M. BmgKh ; mais de déploraUes lacnnes enlèfant
tontes les parties intéressantes dn texte, excepté poutaot ce qni concerne l'édit da
phUanthropia de l'an 10, plosleon fois mentionné.
xxxnr.
346 RBTUB ARGHiOLOGIQUE.
Il en fat de même après la prise de Tbëbes, et nous pouvons con-
sidérer la date de Tan 19, indiquée par le décret de Phylëe pour
redit royal de philanthropia, comme étant celle de la soumission
définitive de la Tbébaïde. C'est, eu effet, à cette date que se rapporte
aussi le fragment de Polybe dont nous avons parlé précédemment et
qui, après avoir mentionné la cruelle répression de Lycopolis (1),
continue ainsi : « Il arriva à peu près la même cbose quand Poly-
crate réduisit les révoltés {èizotnataç) en la puissance royale ; car Athi-
nis, Pausiras, Cbesoupbos et Irobastos, qui restaient encore parmi
les dynastes égyptiens, ayant cédé aux nécessités des temps, vinrent
à Sais et se remirent à la foi du roi ; mais Ptolémée» au mépris de
toute foi, les fit saisir, attacber tout nus à un cbar, puis bientôt
mettre à mort. Il partit ensuite pour Naucratis avec son armée et
retourna à Alexandrie par mer pour y prendre les soldats mercenaires
qu'Aristomacbus lui avait amenés de Grèce; car, bien qu'il eût
atteint Tftge de vingt-cinq ans^ il ne connaissait rien à l'art de la
guerre, et cela par un plan inique de Polycrate. »
Ainsi, Epiphane avait vingt-cinq ans quand il soumit ces derniers
révoltés. Selon Justin (2), il en avait cinq environ quand il parvint
au trône. Il suffit donc d'admettre une erreur de quelques mois^ de
part ou d'autre, pour arriver au cbiffre de l'an 19 de son règae^ que
nous indique le décret de Pbylëe pour l'édit de philanthropia. Tout
s'explique alors de la façon la plus satisfaisante, même les décrets
sacerdotaux, datés encore de Memphis^ qui décernent de nouveaux
honneurs au roi et à la reine après leurs nouvelles victoires. Il était
encore plus naturel, en effet, de voir triompher les prêtres de Mem-
phis de l'abaissement deThèbes que de les avoir vus triompher de la
ruine de Lycopolis.
La soumission de l'antique capitale ne paraît pas, du reste, avoir
été chose aisée, puisque ses rois résistèrent dix ans encore après la
prise de Lycopolis et la réduction de la Basse Egypte, et qu'Epiphane
dut se faire amener de grands renforts de Grèce pour en venir à
bout. Mais Thèbes conserva toujours son inimitié contre les Grecs,
et pour anéantir ce vieux levain il fallut plus tard que Soter II,
après un nouveau siège, la détruisit elle-même, comme nous l'a
raconté Pausanias.
(1) Ce passage (21, 10) commence aîDsi : « Lorsque Ptolémée, roi d'Egypte, asaid-
geait Lycopolis^ certains dynastes des Egyptiens^ frappés de terreur^ se li?rèrent à la
foi da roi ; mais le roi les traita fort mal, ce qui lui attira beaucoup de dangers par
la suite. U arri?a i peu près la môme chose quand Polycrate, » etc.
(a) XXX^ s, A. Consulter, sur cette question, Letronne, Inscriptions, 1. 1, p. 365.
LES DÉCRETS DE ROSETTE ET DE CANOPE. 347
Pendant ce temps Memphis faisait le panégyrique des conqué-
rants, et l'on rédigeait, dans les dépendances du temple de Ptah, la
chronique démotique que nous avons fait connaître, et qui repré-
sente les Grecs comme les libérateurs de l'Egypte et les successeurs
légitimes de ses héroïques défenseurs : Âmyriée, Achoris, Nectaneb,
Teos, etc. L'histoire a partout ainsi deux faces ou, si on le préfère,
deux manières d'être comprise, selon les partis.
Eugène Reyillout.
BBI
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
HOIB D'OGTOBAI
M. E. ReTillout continue la lecture de ses étudei démotiques.
M. Victor Duruy continujB sa communication sur l'histoire romaine.
M. de Saulcy donne lectare d*un travail de M* Eugène ReviUout relatif
à l'histoire d'une petite dynastie égyptienne qui s'éteignit à Thèbes l'an
huit du règne de Ptoiémée Epiphane. La Revus donne dans le présent
numéro ce curieux trairail in extenso.
M. E. Desjardins communiaue la suite des recherches de IL Tissot sur
la Toie romaine de Garthage a Theveste.
M. Ernest Renan présente une étude topographique de M. Clermont-
Ganneau sur le site de la ville biblique de leschanna, qu'il identifie avec la
localité actuelle d'Aîa-Sinia.
M. Joseph Halévy est admis à présenter des observations sur un vase
Judéo-babylonien portant une inscription magique dont il donne une
traduction sensiblement différente de celle qui avait été proposée précé-
demment. Pour M. Halévy ce vase et les similaires, qui ne sont pas rares,
sont des espèces d'amulettes destinées à préserver des influences démo-
niaques les familles qui les possédaient.
M. Paulin Paris communique une étude nouToUe sur la chanson d^An-
Hochê, publiée par lui il y a oientOt trente ans.
M. Egger donne des explications sur une inscription grecque provenant
des belles fouilles exécutées à Dodone par M* Garapanos. Gette inscription
parait être, comme la plupart des autres, l'abrégé rapide, et probable-
ment fautif sur plusieurs points, d'une pièce originale dont il s'agissait de
conserver le sens et la trace dans les archives du temple.
M. Natalis de Wailly communique une notice sur les actes en langue
vulgaire du treizième siéde contenus dans la collection de Lorraine à la
Bibliothèque nationale.
M. Menant est admis à communiquer des observations sur trois
cylindres assyriens portant des représentations et des inscriptions cu-
néiformes.
M. Clermont-Ganneau lit une note sur une inscription grecque rappor-
tée de Phénicie par M. Renan, où figure le nom d'un certain Abdousibos
(adorateur de Seb), un certain Tamor et le dieu Sairapés. Il redierche
quelles sont les deux divinités Seb et Satrc^f et quelle peut être leur assi-
milation dans le panthéon grec A. B.
1
I
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES
B!T CORRESPOND ANOŒ
— On noQs écrit qn'utié Importante décoavdrte a été faMé ternière*
ment sur la montagne de Mézieux, près Vienne (hère). Il s'agit d'une
statuette en lironze nvec base portant pour dédicace : GENIO AERARDIA-
RENSIVM. La base et la statuette ont 6t6 trouvées séparément 4 qnelques
jours de distance, mais sur le même emplacement. Il ne parait pas dou-
teux que les deux fragments appartiennent à un même tont. Les JEror-
diaremes représentent probablement la population d'un pagus inconnu.
Une autre découverte fort intéressante a été signalée à la Société
des antiquaires de France. Entre le village de Sàuliais et celui de Ven-
degies, près ValencienneSy des ouvriers travailtanrt à la chaussée romaine
de Bavay i Cambrai ont déterré un vase en terre coite qni contenait :
V quatre fragments d'un plat d'argent de forme o^vale <iù ^e trouvent
finement dselés des animaux, des figures humaines et di?ers ornements ;
^o la moitié d'un bassin rond en deux fragments, d'argent très«pur et
portant deux lettres grecques, A et H; 3* d'autres fragments de plats d'ar-
gent; 4<^ des fragments d'un plat de bronze doublé d'argent, dont le bord
est orné d'une chasse d'animaux. Tous les débris paraissent appartenir à
une bonne époque, comme l'indiqueraient d'ailleurs, à elles seules, les
lettres grecques gravées sur l'un d'eux. Cette communication a été faite
à la Société par M. Guillaume au nom de M. Cafflaux*
— ^ Un des derniers numéros de la R0vua,p. ^i, donnait quelques dé-
tails concernant les fouilles de Spata, près Athènes. L'importance de l'hy-
pogée exploré par M. Stammatakis nous engage à reproduire le court arti-
cle consacré à cette découverte dans le BàUetin de correspondance hellémque,
p. 261. Cet article, écrit avant que l'exploration des obambres fût complète,
donne sur le monument même de curieux renseignements.
•Hypogées déwuneriê à Spata. —Vers le mois de décembre dernier, on a
ftift à Spata, dans la Mésogée, une découverte curieuse. Au flanc de la col-
line sur laquelle est le village, une sorte de puits s'étant ouvert à la juite
d'un ébotilement, on se trouva à une {profondeur d'environ 7 mètres dans
une chambre souterraine.
L'hypogée^ dont l'entrée primitive est encore obstruée, se compose de
trois chambres d'inégales dimensions reliées entre elles par des couloirs.
Le couloir d'entrée s'ouvrait à l'ouest {i^fiti de large, 2",75 de longj^ La
380 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
première chambre (Si^^dO X ^*>S0) est celle dont la voûte s'est effondrée.
Au fond, à droite, vers le sud, un second couloir ({"^,90 X ^^,^0) conduit
dans une seconde chambre (3'*,75 X S'^jSS). Au milieu de ce couloir, on
voit encore de chaque côté les rainures des gonds. Enfin à Test un troi-
sième couloir (0°^,80 X l'^y^S) donne accès à une dernière chambre plus
petite que les deux autres (3°^,20 X 2"*,50) et beaucoup mieux conservée.
C'est la seule dont on puisse mesurer à peu près la hauteur (2»,50).
Ces trois pièces sont taillées de la môme manière : à parois verticales
Jusqu'à une hauteur d'environ 1b,50: à partir de là il y a un retrait hori-
zontal de quelques centimètres, et les deux parois longitudinales vont en
s'inclinant vers la partie supérieure, où elles forment un angle très-aigu.
C'est une toiture analogue à celle qui se trouve dans les hypogées étrus-
ques. La terre est une sorte de grès tertiaire^ tendre et qui a conservé
très-fralches encore les traces de l'instrument qui l'a taillé. Cet instrument,
dont la lame avait une largeur de 4 à 5 centimètres, parait avoir été une
hachette, analogue à celle qui est encore en usage dans le pays.
Nous n'avons remarqué aucune trace de sépultures, ni sarcophages ni
urnes.
Les objets trouvés dans les trois chambres sont les suivants, à notre
connaissance : quelques parcelles d'or; des os, quelques morceaux de
charbon, des fragments de verre ou de pâte de verre blancs, gris et bleus,
la plupart décorés de lignes courbes et de spirales; deux cônes tronqués
de petite dimension et percés d'un trou ; enfin un assez grand nombre
de grains d'argile de très-petites dimensions. A ces menus fragments,
que nous avons recueillis nous-mêmes dans l'hypogée, ou que nous
avons eu l'occasion d'examiner à Athènes, au ministère de l'instruction
publique, il faut ajouter quelques morceaux de bronze, signalés par
M. Milchbœfer, et un fragment de verre sur lequel on distingue un sphinx
(v. Mitiheilimgen des deutschen archœoL Instj iS77, p. 84). Des fouilles amè-
neraient sans doute la découverte d'un plus grand nombre d'objets. Il y
aurait lieu, croyons-nous, de sonder aussi le terrain environnant et tout
le flanc sud de la colline : on y trouverait probablement d'autres sépul-
tures semblables à celle que nous venons de décrire. J. M. •
<— — Nous extrayons d'une lettre que nous recevons de Belgique le p^
ragraphe suivant, qui est de nature à intéresser nos lecteurs :
« Fortiflcatiom nmames des villes de la Qaule. — Un archéologue,
M. Scbuermans, conseiller à la cour d'appel de Liège, publie dans le
Bulletin des Commissions royales d^art et d^archéologie de Belgique un arti-
cle sur les remparts romains d'Arlon, article sur lequel la Revue
archéologique ferait bien d'attirer l'attention de ses lecteurs.
L'auteur a remarqué dans ces remparts romains ce que voici :
!• Une assise régulière règne tout autour; à la base, elle est formée de
débris de sculpture, d'architecture, des autels, des inscriptions, etc., soi-
gneusement disposés les uns sur les autres, sans mortier.
2« Tout dans ces débris annonce les deux premiers ^siècles et la pre-
NOUVELLES ABGHÉOLOGIQUBS. 3S1
mière moitié da troisième; rien absolument n'y révèle le christianisme.
3« Au-dessus de ces débris, et d'une charpente aujourd'hui anéantie et
remplacée par un vide, le rempart forme une yoûte de blocage qui sou-
tient le corps de la maçonnerie.
H. Schuermans a recueilli un grand nombre de faits relatifs aux villes
de France, et il remarque que dans ces villes on a constaté partout la
même disposition et les mêmes circoustances.
En France, on a en outre observé que, très-souvent, les remparts à base
pareilles traversent des théâtres, des bains anciens, et limitent en
conséquence des villes réduites.
A Rome môme, M. Schuermans signale, & titre de rapprochement, un
mur pareil où Ton a trouvé récemment un nombre considérable d'in-
scriptions des cohortes prétoriennes^ dont la date concorde avec celles du
contenu des murs d'Arion, etc., etc.
M. Schuermans tire de ces faits le texte d'une loi qui, si l'on peut traduire
en fait sa pensée, aurait été ainsi conçue (ou quelque chose d'approchant):
L'empereur (soit Probus, soit Dioclétien), constatant que les barbares
ont passé le Rhin, pris en Gaule cinquante villes qu'il a fallu leur
reprendre, ordonne aux habitants décimés de ces villes dévastées, d'en
concentrer la défense en en réduisant les enceintes ; quant aux tombeaux
qui se trouvent en dehors de l'enceinte ancienne et aux édifices laissés
hors de Tenceinte réduite, les débris en seront placés, avec soin, comme
base pour les remparts à construire, et ces débris participeront ainsi de
la sainteté des remparts, consacrée par la législation de l'empire ro-
main. »
M. Schuermans indique les règnes de Probus et de Dioclétien, parce que
le premier est désigné par l'histoire comme ayant reconquis les villes en
question, et renforcé les fortifications de la frontière entre le Rhin et le
Danube, et parce que, sous le second. Constance Chlore a fait venir des
ouvriers de l'Ile de Bretagne pour réparer les ouvrages publics d'Autun.
Pour fixer ainsi entre les années 277 et 306 (de la prise des villes des
Gaules jusqu'à la fin du gouvernement de Constance Chlore) l'époque de
la construction des remparts à couches d'inscriptions et de pierres monu-
mentales, M. Schuermans s'appuie sur les témoignages d'AmmienMarcellin,
qui cite Sens comme étant fortifiée en 355 ; du rédacteur des Actes de saint
Pèlerin qui, au contraire, désigne Auxerre comme n'étant pas encore
entourée de murs en 260; d'Ausone qui, au iv^ siècle, mentionne l'en-
ceinte en parallélogramme de Bordeaux^ précisément celle où l'on vient
de découvrir des inscriptions dont la plus récente est seulement de
l'an 258, etc., etc.
Certes, les villes de la Gaule et notamment certaines d'entre elles, dont
parle César lui-même, avaient été fortifiées avant cette époque; certes
encore, les enceintes réduites, elles aussi, durent être l'objet de nouveaux
travaux de fortification au iv^ siècle, lorsque Julien eut & son tour à
reprendre un certain nombre de villes des Gaules sur les barbares; mais
8S9 ■«niB AROHioLOOiQim.
le fait da dépôt des pierres à inscriptioMB à la base de» remparts restreints»
M. Schuermans le considère comme ajant eu liea trop uniformémeiift par-
tout pour ne pas être la conséquence d'ordres formel du pooroir, et ces
ordres, il leur donne une date unique, celle qui est fixée d-dessos.
Aussi ya-t-il et doit-il aller, d'après sa thèse, jusqu'à repousser, comme
fait mal obserré, la prétendue trouraille de monnaies de Gratien parmi
les pierres monumentales de la base des remparts de Tours ; il fait re-
marquer que La Sauvagère, par qui ce fait est rapporté, ne parle pas de
visuy et peut avoir été induit en erreur sur la proyenance des monnaies
citées.
C'est ce foit, fait complètement isolé d'après M. Schuermans, qui seul
aurait empêché M. de Caumont de reconnaître, comme il était bien tenté
de le faire, la construction des remparts à inscriptions, etc., comme un
fait général du m" siècle.
Ce point est plus délieat que celui- où M. Schuermans^ pour réfuter l'o-
pinion d^un auteur qui date du i^ siècle les remparts en question, combat
certaine inscription d'Auxerre (c'est celle dont le Bulletin des Anltg. de
France de 1875, p. m, parle d'après Scaliger, comme provenant deMeaux);
cette inscription doit complètement être écartée comme objection, car
M. Em. Deqardins en a démontré la fausseté au mot JPîatuimimde sa Carie
de PevUinger, et il compte y revenir dans le lU* volume de sa Qéographie
historique et administratlive de la Gaule romaine,
M. Scfauerman&a adressé sa brochure aux Sociétés archéologiques, etc.,
des cinquante viUes des Gaules » oiù, d'après H. de Caumont, la composi-
tion interne des remparts romains serait identique & ce qu'il a trouvé à
Ârlon^ et il a demandé tous renseignements pouvant appuyer ou combat-
tre ses conclusions*
Mais il ignore si sa liste est complète^ et il réclame le concours de
votre Bévue. »
Nous recommandons volontiers à nos lecteurs de. répondre & Ti^pel
de l'archéologue liégeois. A» B.
*_ Le musée de Saint-Germain a reçu en don de M. Gélestin Port, par
rintermédiaire de M. J. Quicherat , une anse d'amphore portant le nom
d'un potier, qui jusqu'ici m parait pas avoir été lu exactement. On lit sur
l'tose nouvellement découverte : IVN MELlSSEi ÏT MËLISSE.
--«*- Sommaire dn numéro d'octobre da Journal des Savants : Philoso-
phie de rinconsàent, par M.. Franck. Doouments sur Othon de Bamberg^ par
M. A. Maury. Le Jardin ftuUier du JÊméum^ pas M» ChevreuL Le Procès
de Gaàilée^ par M. Bertrand. Drachmes des Qmlois Insubres, par IL de
LoDgpérier. Nouvelles littéraires. Livres nouveaux.
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LA ViEEGE AU GIEL
t .'..'' } f ï :, > i
i . REFRÉSENTéE '
f ' •
SUR UN SMCOPHME ANTIQUE
: . i
La tombe sculptée que reproduit la planché XXIir et dont je dois
une photographie à4'obligeance*de M., de Lâurière a été trouvée,
en juin 1872, dans la catacombe de Saint-Jean à Syracuse, par
M* Saverio Cayallari) direclèur des antiqùités'de la Sicile. Les men-
tions faites de ce curieux monument, les notices dont il a fait Tob-
jet sont déjà nombreuses, et M. Héron de Villefosse vient de lui
consacrer, dans la Gazette archéologiqûey uia mémoire fort intéres-
sant (1).
Une double particularité, a tout d'abord rebonimandé à l'altenlion
la tombe sicilienne : le nombre considérable des figures qui la cou-
vrent et les traces encore fort apparentes des couleurs qui les rehaus-
saient. J*ai déjà rencontré ailleurs, à Rome et en Gaule, de ces sarco-
phages peints et dorés (2), et nous sommes fondés à conclure que les
tombeaux sculptés qui ornent à cette tieuire nos collections offraient
autrefois, pour la plupart au moins, Taspect de ces bas-reliefis poly^
chromes si répandus au moyen âge.
• 1 *
, • t • Il
(1)1877, p. 157-168. Voici ribâicâtion des aatreft mentions bu mémoires dont une
part, publiée en Sicile, m'a été obligeamment communiquée parH. Jnlien Dorand:
Antonio Salinas, itof^tf^na àrchèoiogica Stci/tana/Âgosto 1872^ p. 5 ; De Rossi,
Builetlino di archeolog\a cristianal 1872; p. 82, 83; Isidqro.Carini, BùUèttino délia
commissione di aniichità. e belle arti di Sicilia. 1872, p., 27 ; Giuseppe Pitre,
Rivista europea, 1872, Letlere. sialiane; F. Matranga, Sul sarcofago siracusano,
1872; Ctinnu Su d* una nuovà iscriziine rinvenuta nèlle'catacômSe di Siracusa,
1872 ; Vincenzo di Giovanni^ Giornialedi Sicilia officiale^ 5 noy^.1872; F. Lantieri,
Sul sarcofago scoperto in' Siracusa;XSlZ. : • , ,:•';;..
(2) Voir mon Etude sur les sarcophages chrétiens antiques^ deja ville d*Àrles^
page 37 (sous presse). , ,..../....
XXXIV.' — Décembre, • • '25
3U RBTUE ÀRGHiOLOGIQUB.
Au centre de la cuve sépulcrale se détachent, encadrés dans une
large coquille, les bustes de deux époux dont Tépitapbe nous donne
les noms t
IC ADELTIÀ C F
POSITA COMPAR
BALEai GOMITIS
Nous avons ainsi sous les yeux la sépulture de la chrétienne AdeU
phia, femme cliirtsfeiinei époiue du comte Valerioâ.
La pièce principale du sarcophage ne montre rien^ dans ses bas-
reliefs, que nous ne retrouvions ailleurs :
Nos premiers parents chassés du paradis et recevant la gerbe et la
brebis^ symboles du travail auquel l'homme et la femme doivent se
livrer en cultivant la terre et en filant la laine;
La future renonciation annoncée à saint Pierre, auprès duquel se
voit le coq dont le chant éveilla son repentir;
L'hémorrhoisse aux pieds du Christ;
Moïse recevant les tables de la Loi ;
Abraham s'apprètanti sacrifier Isaac;
Le Christ guérissant un aveugle que lui présente Tun de ses dis-
ciples ;
La multiplication des pains;
La résurrection du fils de la veuve de Naim;
Les trois jeunes Hébreux refusant d'adorer Pimage élevée par Na-
buchodonosor;
Le miracle de Cana;
Les mages apportant des présents au Christ assis sur les genoux
de la Vierge;
Adam et Eve, avec Tarbre et le serpent;
Puis enfin, l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem.
Sur la droite du couvercle, on reconnaît la scène de la Nativité :
trois mages, coiffés^ me paralt-il, du bonnet phrygien et portant la
tunique tailladéOi sont guidés par l'étoile vers le Christ, emn^aillotté
et couché dans la crèche; le bœuf et l'âne se voient A ses pieds. Un
personnage Vêtn de i'exomide, un berger sans doute , est debout
entre le berceau et la Vierge assise et voilée, comme nous l'avons
déji vue dans la bande inférieure du bas-relief. Si ce couvercle^ un
peu plus court que la tombe, est bien pourUnt celui qui lui appar-
tient, le sujet de Tadorallon des mages aurait été représenté par deux
fois sur le même monument, et avec cette différence que d'un cAté
LA YIERGE AU GIBL. 3S5
le Chrifrt est au maiiloti tandis que de l'autre nous ie voyons sorti de
la première enfance (1).
J*aborâerai ailleurs les questions relatives à cette longue série de
sujets, ne me proposant de traiter ici que des reliefs qui présentent
un intérêt de nouveauté, je veux dire de ceux qui figurent sur la
partie gauche du couvercle de notre sarcophage.
Rien d'embarrassant pour la première scène, où la tête de Dieu
apparaît au-dessus du rocher que frappe Moïse. Ce trait, tout excep-
tionnel dans les représentations de l'espèce, rappelle les paroles du
Seigneur au chef des Hébreux : « En ego stabo ibi coram te supra
petram Horeb (2). » La cassette d'ivoire de Brescia nous offre seule
ici un analogue, dans la scène des tables de la Loi, oii la main divine,
que les artistes y figurent d'ordinaire, est remplacée par la tête même
de Dieu (3).
Le groupe qui vient à la suite, et qui est sans pareil jusqu'à cette
heure, a été- expliqué de façons très-diverses^
Une femme voilée siège sur une cathedra à scabellum; d'autres
sont debout à ses côtés ; une quatrième^ assise à terre, dans une atti-
tude de contemplation, joint et lève les mains en la regardant; toutes
sont également voilées. Une cinquième, marchant vers celle qui oc-
cupe la cathedra, est menée en avant par deux autres femmes qui,
comme elle, ont la tête nue, et dont Tune lui tient le bras.
Cherchons d'abord quelle peut être la figure principale. Notre
sarcophage même nous la fera reconnaître : c'est la Vierge voilée
et assise, telle que nous la voyons ici par deux fois dans la double
scène des Mages. La présence du scabellum placé sous ses pieds me
confirme dans cette pensée ; il accompagne les sièges d'honneur (4),
et souvent nous le voyons ainsi joint à ceux qu'occupe la mère du
Chrisl(5).
Sur les monuments où le Seigneur est représenté dans son carac*
(1) Rapprocher à ce sujet Eusèbe, Ckronic, annis Domini 3 et h, et S. fip!phaDe>
Contra hœreses, Lib. i, t. II, § 29.
(2) Exod.y XVII, 6.
(3) Odopîcî, Monumenti cristiani di Brescia /Jvr. VI, no j 7.
(4) Pausanias^ VIH, 37 ; Lenormant et de Witio, Elite des monumenis céramO'
graphiques, t. III, pi. IX ; Bosio^ Roma sotterranea, p. ^5 ; mon Etude sur les sar-
cophages d^ArleSy planches V et X.
(5) Bottari, Roma sotterranea^ t. I^ tay. XXXVIII et XL ; Ciampini, Vetera mo-
nimentOf t. II, tav. XXVII ; Deville, Description d'un bas^relief en ivoire {Mémoi-
res de la Soc, des Antiq, de Normandie, t. IV, 2« série) ; De Rossi, Bullettino di
archeologia cristiana, 1865, p. 60; ambon de Salooique publié par M. Bayet
{Bibliothèque des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome^ t. I^ pi. lY).
3K6 REVUE ARCHEOLOGIQUE.
tère divin, UQ scabellum est placé devant sa cathedra (i). La Vierge
figurerait-elle ici de même dans un acte autre que ceux de sa vie
mortelle? Le groupe de femmes, dont plusieurs sont voilées, que le
sculpteur a placées auprès d'elle, me porte à le penser, car il est
plusieurs textes qui nous la montrent entourée, au ciel, du chœur
des vierges et des saintes.
Ces textes, j'en dois rappeler un cerlain nombre, car, dansTèlude
si délicate de l'antiquité figurée, il importe de ne rien avancer qu'on
ne puisse appuyer de preuves.
Ce sont d'abord des écrits de saint Jérôme, saint Ambroise, Sut pice
Sévère^ Forlunat (2), qui nous montrent, groupées autour de la Hère
de Dieu, Anne la prophétesse, les saintes Marie dont parle l'Evan*
gile, Agnès, Thècle, Euphémie^ Eugénie, Casarie et tant d'autres,
à la tète desquelles la représente une mosaïque de Ravenne (3).
Autour d'elles sont encore les saintes femmes de l'ancien Testa-
ment, Sara, Rebecca, RacbeULia, Suzanne, que les Actes d'une mar-
tyre nomment avec celles que je viens de citer (i), et saint Jérôme,
(1) Bottari, 1. 1, ta?. IV et XV ; Garrucci, Vetri^ Uv. XVIII, flg. h ; mon Etude
sur les sarcophages d* Arles ^ pi. V.
(2) Saint Jérôme, Epist. XXXIX, Ad Paulavn super obitu Blcmllœ filia, § 6, met
dans la bouche de la morte, s'adreaaaot à sa mère affligée^ les paroles soîTantes : «
Putas me esse solam ? Habeo pro te Mariam matrem Dei. Moltas hic video quas ante
nesciebam... Habeo Annam qaoDdam in Evangelio prophetantam. » Saint Ambroise,
De institutione virginùf 1. 1, § 1 13 : « Agnis tais admixta, sine offéDsiooe yersetnr,
comes virgiDum, pedissequa Mariarum. » Salp. Sév.^ Dia/., Il, 13 : « Dicam, inquit
TobîS; » dit saint Martin racontant une vision céleste, « Agnes, Thecla et Maria me-
cum foerunt » Fortunat, Miscell., IV, 36 : « Inter virgineoa prima Maria choroa •',
VIII, 6 : « Inde Dei genitrix, pia virgo, Maria coroscat, Virgineasque Agoi de grege
ducit oves; » cf. la longue énumération de saintes qui suit ces vers; VIII, 7 : « Dt pa-
ri ter sanctemcrearis Juncta Marie, Gaudia perpétue concelebrare choro. » Grég. de
Tours, Mirac. S. Mart. V : « quem Maria suscepit cum virgioum choris. » Voir en-
core Nicetas Papblago, In laudem S. Promartyris et Apostoli Theclœ (Combefis,
Grœc(hlatinœ Pairum bibliothecœ auctarium, t. I, p. 461).
(3) Dans Ciampini, Vêlera monimenta, t. If, tav. XXVII, et mieux dans les
belles photographies de M. Ricci. Un tableau de môme sorte se voyait à Rome sons
Grégoire III; dans l'église de Saint-Pierre. (Anast. bibl., S. Greg. III, p. 10&:
a... In quo sunt expresse ab uoo latere effigies Salvatoris et Apostolorum, et ab
alio latere Dei Genitricis et sânctarum virginum. »)
(4) 'ExteivoMratà; xe(p«< «pooiriûÇaTO '>Àyo\)<fa • Aeôpo, Xpwrtà, (juv)taTotpi6iir,adv (te |Uti
Twv àyiwv xal èxXexTwv àpivaôwv <you, lôpfaç triç 'AôpaiJWttaç, *Pe6éxxac, 'Pax^jX, ACo;,
ïtiMTdwrjÇ, Tti; àyta; xaxà aàpxa aou MtjTpà; Mapîoç, Màperj;, MapCaç, 'Awr,;, 'EXwa-
SàO, ÔexX:?);, xat 66ç iioi iiex' aÙTÛv 8iavonravc<rOai el; toù; àxT)patou; alû>va;. (Postio
S. Heliconidis^ §20, Bolland., 28 maii, t. VI» p. 763.)
LA VIERGB AU CIEL. 357
$aiDt Ghrysostomc, leur associent des chrétiennes illaslres de leur
temps, Pauie, Blésille, Olympiade (1).
Vierges, veuves, chastes épouses, telles sont celles dont la foi de
nos pères a entouré le trône de la Hère de Dieu, dans le séjour
céleste, et notre bas-relief me paraît nous retracer l'image de ce
chœur des bienheureuses.
La disposition du groupe qui marche en avant me confirme dans
eette pensée : deux femmes, ainsi que je l'ai dit, conduisent, vers la
Vierge assise, une troisième, qu'elles tiennent par le bras. A mes
yeux, cette femme est la défunte que deux saintes présentent à
Marie.
Nouvelle pour nous, sous cette forme, l'image de l'admission du
chrétien dans le séjour céleste est déjà mentionnée, retracée, par les
textes, par les monuments. Des fresques, que nous ont fait connaître
le R. P. Garrucci, le commandeur de Rossi, nous montrent les
fidèles morts introduits au ciel par saint Pierre et saint Paul (2); les
tabernacles du paradis s'ouvrant devant eux; sainte Pétronille
accueillant Veneranda défunte (3); les marbres épigraphiques, les
Pères^ nous disent le chœur des vierges recevant une jeune fille,
les Champs Élysées, comme parle une inscription, acclamant l'entrée
du chrétien gaulois Marinus (4); les hôtes de la patrie d'en haut
s'empressant à la rencontre de saint Félix de Noie (5); losanges,
Marie elle-même avec ses compagne > virginales, applaudissent à la
venue au ciel des chastes filles échappées aux naufrages d'ici bas (6).
C'est à côté de ces monuments, de ces textes, que je crois devoir
placer la représentation nouvelle que nous offre notre bas-relief; il y
alà,si je puis parler ainsi, une traduction, faite par le ciseau, de la
pensée qui dicta à Grégoire de Tours ces mots écrits après la mort de
sainte Radegonde : Et scimus quidetn te choris sanctarum virginum
(1) Hieron., Epitaph, Pauioff § 31 : « Choris comitata virgineis, civis est Salrato-
ris eiffecta. o Epùt, XXII, ad Eustochium, § 41 : « Qualis erit illa aies cum tibi
Maria, mater Dei, choris occurret comitata virgineis. » EpisL XXXIX, ad Paulam,
§ 6 (ci-dessus^ p. 356, note 2). S. Chrysost., Epist. M, ad Oltjmpiadem, § 3 et 4.
(2) Garracci, Storia deil' arie cristiema, t. li, p. 116.
(3) De Rossi, Bullettino di archeologia crùtiana, 1863, p. 79; 1875, tav. I.
(4) Inscriptions chrétiennes de la Gaule, no« 657 et A21.
(5) Paul. Nol., De S. Felice, Natale, Vi, y. 139 et suivaau.
(0) « Qaaotis illa (Maria) Tirgiaibus occurret... qu» pompa illa, quanta angelo-
rom letitia plaudentiaro, quod habitare mereatur in ccbIo, que cslesti vita vixit in
sacnlo. Tom etiam Maria tympanum samens, choros virginales excitabit cantantes
Domino, qaod per mare sacoli sine saecularibas fluctibos transierunt. » (S. Am«
brou. De YirginUms, lib. II, c. II, § 16, 17.)
358 REVUE ARGHiOLOGIQUB.
et Dei paraiiso esse cmjunctam (i), et qui fit rêver pour Olympiade^
pour Paule, pour Blésille, une place dans le chœur céleste présidé
par la Vierge.
Un antre marbre, depuis longtemps publié par Lasinio (2), qui
n'en a point abordé l'explication, me semble offrir une scène de
même nature. Je veux parler d'un sarcophage de Pise dont je donne
ici la copie (pi. XXIV) et où le buste de la défunte, sculpté dans
Vimago clypeata, est accosté d'ungroupe de femmes dont les premiè-
res et la dernière, par un geste d'accueil, d'acclamation, tendent, la
main vers elle* Que ce soit là aussi le chœur des bienheoreuses se
portant au-devant d'une chrétienne, ainsi que récrit saint Jérôme (3),
ce geste me mène à le penser, et la partie gauche du bas-relief, où
l'on voit des brebis sous la garde du Bon Pasteur, se portant de
même vers l'image de la défunte, m'affermit dans ce sentiment ; car
ces troupeaux mystiques figurés sur les tombes des fidèles sont jus-
tement considérés comme des images des élus admis dans le séjour
céleste auprès du Seigneur (4).
Le sujet nouveau que nous offre le marbre de Syracuse représente
donc à mes yeux, je le répète, l'entrée d'Adelphia dans le chœur des
bienheureuses présidé par la Vierge, c'est-i-dire dans ce lieu de
félicité où la foi des Pères a placé d'illustres chrétiennes de leur
temps.
En Sicile, cette marque antique de la dévotion & Marie n'a rien
qui nous doive surprendre, si nous nous reportons au témoignage
des historiens du pays. L'un d'eux, que copie Marangoni, si bon
juge en cette question spéciale (5), Francesco Aprile, nous apprend
qu'au cinquième siècle, c'est-à-dire vers le temps où fut exécuté
(1) De gloria Confeti,^ c. qti. Cf. Hleron., hpisU LX, Epitaphiwn Nc^DO/sVmt,
§ 7 : «( Scimus qaidem NepotiaDam nostram esse cum Christo ek sanctoram mixtam
choris. »
(S) Raccolta di tarcofagi del Campo santo di Pisa, tav. XL et p. 12, 18.
(3) Bpist, XXII^ ad Euttochium, § 41 (voir ci-deasua notea 1 et 6 de la
page 357). L'absence du voile sur la tête de ces femmes, dont plasienrs doirent être
des vierges saintes, ne constitue pas ici une contre-indication. D'aatrea monuments
nous montrent^ eu effets des vierges et môme la mère du Christ représentées la tète
nue (De Rossi, Bullett, 1S6S, p. 76, 78 ; 1875, tav. I; Étude sur les sarcophages
d* Arles, planche XXVI).
(4) Passio SS, Perpetuœ et Felicitatis, § a, et la note d'Holstenius {Âcta sineera,
éd. de 1713, p. 9A et 107) ; le R. P. Cahier, Souvenirs de VBglise d*AfHque^
p. 272, 273. Cf. Passio S. Heîiconidis, citée plus haut^ p. 358, note ft : ^fje^wt à.'fim
wX èidexTÔv à}f.^6^^ <rov Sàffaç, *Pé6exxac, 'Paxi^X, etc.
(5) Belle case gentilesche e profane trasportatejid uso ed omamenio délie chiese,
p. 282.
LA VIERGE AU CIEL. 359
notre bas-relief la Vlei^e était particulièrement vëndrée des Sici-
liens; les temples païens, dit-il, se transformaient en églises dédiées
sous son vocable : à Syracuse, à Enna, à Catane, à Messine, à Agri-
gentej au mont Eryx, les sanctuaires de Minervei de Gérés, de Sa-
tarne, de Vénus, et d'autres édifices consacrés aux fapx dieux, per-
daient alors leur nom pour recevoir celui de la Mère du Sauveur (1).
Si je ne me suis égaré dans ces pages, la curieuse tombe d'Âdel-
phia nous offrirait ainsi une image d'un type de plus à joindre aux
représentations antiques de la vierge Marie.
Edmond Le Blant.
(1) I>elia cronoiogia unwersale délia SicUia^ p. 602.
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SIGNES SCULPTÉS SUR ROCHERS
On ancient rock sculpturings in Kamaan^ tel est le titre d'un
mémoire extrait du Journal de la Société asiatique du Bengale^ et
dont l'auteur, membre de cette compagnie^ H. H. Rivett Carnac, a,
dans son dernier séjour à Paris, il y a quelques mois, donné commu-
nication à la Société des Antiquaires de France et à la Société d'an<
thropologie.
Ce mémoire a droit à une analyse complète par les aperçus iné-
dits qu'il jette sur un sujet fort obscur^ et qui peuvent ouvrir la voie
à des inductions nouvelles.
Dés 1870, M. Rivett Carnac (auquel les importantes fonctions qu'il
remplit dans l'administration de l'empire des Indes nécessitent de
lointains voyages dans l'Asie centrale), constatait, d'accord avec le
colonel Meadows Taylor, le major Godfrey Pearse {Journal of the
Ethnologieal Society of London) (1) et d'autres antiquaires, Tidentité
des constructions funéraires antiques de l'Inde, barrows, cromlechs,
kistavens, avec les monuments mégalithiques de différentes contrées
de l'Europe. Il signalait, en outre, la présence de signes particuliers,
cup-markSf sculptés sur les pierres qui entourent certains tamulns
deNagpoor dans le Deccan. Son attention avait été attirée sur ces cou-
pelles, ainsi que nous les appelons en France, cavités circulaires i
fond arrondi en forme d'intérieur de coupe, par leur analogie avec j
des sculptures similaires, relevées sur des monolithes du nord de
l'Europe, et figurées dans Touvrage bien connu de feu James
Simpson {Archaic sculptures ofcups, cireles^ elc.;Edinburgh, 1867).
L'automne dernier,' M. Rivett Carnac, à la suite d'un voyage dans
l'Himalaya^ donna connaissance à la Société du Bengale de la décou-
verte quMI avait faite dans un défilé des montagnes deKamaon, de
(1) La Revue, Matériaux pour l'hittoire de VHomme, a dooné la traduction
de cet article^ vol. 6, 1870.
J
Pien-f dul'olmrT.drL
y<^0 ^v
SfGNBS SCULPTÉS SUR ROCHERS. 361
nombreuses empreintes de cup-marks, plas de deux cents, sculptées
sur un rocher s^éleyant à une hauteur de 70 pieds anglais au-dessus
du chemin. Les planches qui accompagnent le mémoirejmontrent la
disposition de ces coupelles. Elles sont réparties en lignes verticales
un peu sinueuses^ de longueur inégale, selon le nombre de ces
signes ; elles forment douze groupes» généralement composés de trois
rangées à peu pr%s parallèles, neuf supérieurs et trois inférieurs,
sans préjudice de diverses autres combinaisons toutes intentionnelles.
Ces coupelles, dont le diamètre varie de six pouces anglais à un
pouce et demi, ont de un pouce à un demi-pouce de profondeur et
présentent deux types. L'un, le plus commun, n'offre qu'une simple
cavité arrondie, tandis que dans l'autre les coupelles sont cerclées
d'une sorte de bague en creux. Plusieurs spécimens des deux types
se distinguent en plus par une sorte d'appendice, une rainure
étroite, qui parfois les réunit^ parfois forme des dessins, dont l'un
entre autres rappelle le Swastika.
L'auteur les rapproche des signes relevés dans l'ouvrage de sir
J. Simpson^ et pense que» lors même qu'il n'y aurait pas identité
absolue» les uns et les autres procèdent des mêmes principes, et que,
communs à l'Asie et à l'Europe, ils doivent reproduire la même
idée. (Voir planche XXV, dans laquelle nous avons dû nous borner
à représenter quelques figures, 1, S» 3, 4 de la notice» et au--dessou$,
8 à 10, quelques autres de VArchaic sculptures of cups^ drcles^ etc.)
Quant à l'origine de ces sculptures, M. Rivett Carnac n'a pu obte-
nir d'autres renseignements des indigènes sinon qu'elles n'avaient pas
été faites par les pères de leurs pères et qu'elles étaient sans doute
l'œuvre des géants ou des goalaSy race de bergers mystiques dont la
tradition, diaprés le major Pearse, se retrouve chez beaucoup de
peuples de l'Asie, en Egypte et, suivant Atkinson, en Sibérie.
A l'entrée du défilé au milieu duquel s'élève le rocher, dans une
localité appelée Chandeshwar, on rencontre un temple consacré à
MahâdeOj où s'arrêtent les pèlerins qui suivent la route pour se ren-
dre au célèbre sanctuaire de Bidranath. Il renferme un certain
nombre de stèles ou d'autels, l'auteur en a compté trente-sept, qui
lui parurent être en rapport direct avec les figures sculptées sur le
rocher voisin. Ils consistent en un piédestal grossier de forme phal-
lique, couronné par le symbole de Mahâdeo et dToni (Hahàdeo ne
doit-il pas être identifié à Siva ou Mahadeva?)^ et, par leur réunion,
complètent le culte si répandu du Lingam,.. (Y. la pi. n*" Il et 12.)
Pour les idées religieuses qui s'attachent à ce culte primitif du Lin-
gam, c'est-à-dire de la génération, nous renvoyons à l'ouvrage de
362 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Fréd. Creuzer, traduit et complété par J. D. Guigniaut (les Religions
de rantiquité^ vol. I, ch. S).
Les stèles les plus grossières étaient les plus significatires en ce
que, faute d'autres sculptures, leur sens mystique est simplement
indiqué par des signes eonventionnels rappelant les cup«marks : le
cercle extérieur symbolisant IToni, le cercle intérieur le Mahàdeo,
la rainure faisant office de gouttière pour récouletnent des libations
d'eau sacrée répandues sur le Lingam.
Le prêtre du temple assurait que ces stèles étaient extrêmement
anciennes et marquaient lés sépultures de saints personnages.
Dans une exploration au coi du Géante Pandakoli^ éleyè de
8,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et distant de 48 milles
de Chandeshwar, M. Rivelt Carnac reconnut, sur le sommet^ un
petit sanctuaire entouré de deux cercles de pierres. La clôture exté*
Heure, de 16 pieds de diamètre, était construite en pierres entassées
Tune sur l'autre, de gros blocs formant l'entrée ; le cercle intérieur,
composé de larges dalles de 3 pieds l/i de haut, renfermait plu-
sieurs Mahâdeos grossièrement ëquarris (v. la pi. n* 13). La dispo-
sition de ce temple, avec ses deux cercles concentriques et son couloir
d'entrée, n'était pas sans présenter une certaine connexion avec celle
des cup-marks et des stèles, et rappelle en outre celle des monu-
ments de Stonehenge et d'Âvebury en Angleterre. Deux monolithes
Mahâdeos placés à une faible distance du temple offraient aussi
quelque analogie avec le Friar's Hell de Stonehenge.
Plus tardj l'explorateur eut encore l'occasion de constater dans la
région, à Lodh tea factory^ la présence de semblables monolithes.
Deux entre autres se distinguaient par la figuration de cercles dési-
gnant, sur l'un, la lune identifiée à l'Yoni, et sur l'autre, le soleil
identifié au Mahàdeo (v. les pi. n^' 14 et 15). Trois milles plus loin,
un monticule entouré de deux enceintes de pierres, dont la plus
étendue mesurait 30 pieds de diamètre, supportait un kistaven
abritant une petite stèle consacrée au Mahàdeo. Une des plus grosses
pierres laissait apercevoir les empreintes de cinq rangées de cup-
marks; empreintes qu'on remarquait également sur divers blocs
plus petits répartis dans un champ de riz voisin*
Après avoir relaté les faits qu'il avait observés, H. .Rivett Gamac
en cherche l'interprétation, tout en réservant^ dit-il, l'opinion de
savants plus compétents. A notre avis, cette hésitation dispose mieux
en faveur de ses hypothèses que ne le ferait l'assurance dont on use
trop souvent dans les spéculations préhistoriques.
L'auteur insiste d'abord, dans son mémoire^ sur la ressemblance des
SIGNES SCULPTÉS SDR ROGHBRS. 368
signes gradés plus ou moins nettement sur les pierres dans Tlnde,
ayec les figures sculptées sur les mégalithes de l'Ecosse, de l'Irlande,
de la Bretagne^ de laNorwége, du Danemark, etc. Nous devons dire
cependant que si les représentations de l'ouvrage de sir James
Simpson autorisent cetie comparaison dans une certaine mesure,
Texamen que nous avons fait des dessins dont sont couvertes les
nombreuses dalles de la célèbre allée de Gavrin'is (Morbihan), et
dont tous les moulages de grandeur naturelle sont exposés au Musée
de Saint-Germain, ne confirme pas beaucoup cette analogie. Les
figures composées de cercles ou de demi-cercles concentriques y sont
nombreuses, mais elles sont fort développées et les orbes qui les for-
ment trés*multipliés.
Le moulage d'une pierre plate du dolmen de Locmariaker rentre-
rait mieux dans notre sujet. Deux sortes de stèles de (T^KO sur Qr,20
y sont sculptées en creux, chargées Tune de trois, l'autre de quatre
cercles, avec trou central, disposés en ligne verticale. (V. pi. n"" 16.)
Dans le Recueil des signes sculptés sur les monuments mégalithi^
ques du Morbihan de M. Davy de Cussé, la dalle n* 3 du dolmen du
Petit-Mont-Arzon montre dix-sept cavités qui, par la grandeur et
l'arrangement, rappellent un peu les coupelles du roc de Kamaon.
Quant à la haute antiquité des cup-marks, il est impossible d'en
assigner la date ; leur ancienneté ne s^appuie que sur la légende com-
mune qui les attribue k la dynastie mythologique des goalas^ rois
pasteurs, dont la domination a précédé dans l'Asie centrale la civili-
sation aryenne. Les constructions primitives en blocs non équarris
seraient également l'œuvre de cette race nomade. Il est incontes-
table que ces constructions sont dans Tlnde d'époque différente^
certaines peut-être assez modernes ; mais on n'en doit pas moins
admettre, selon nous, qu'elles sont dues à la continuité de coutumes
ou d'idées traditionnelles qui, à travers la longue suite des siècles,
remontent aux premiers âges.
L'arrangement des signes, des coupelles, sculptés sur les pierres,
n'est pas l'effet de la fantaisie : il suggère à M. Rivet Carnac une
hypothèse qui, sans être absolument nouvelle pour leurs similaires
en Europe, reçoit une valeur de certains rapprochements. A son
avis, ces lignes inégales, diversement combinées, présentent le carac-
tère d'une graphique primitive.
L'écriture agamhique ne consiste qu'en traits longs et courts, gra-
vés sur des grès tendres. Remarquons que de pareils traits eussent
été plus difficiles à pratiquer sur une roche dure, et qu'on a pu leur
substituer les coupelles, creusées facilement par le mouvement gira-
364 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
toire d'un outil quelconque, et moins sujettes à s'effacer par l'effri-
tement de la matière. M6me système de combinaisons de lignes
courtes et longues pour la télégraphie électrique, où l'on a dû reve-
nir aux procédés les plus simples^ notamment en Amérique dans
l'alphabet Morse.
La signification mythique des signes conventionnels sculptés sur
des monuments communs à l'Asie et à l'Europe ressort do leur con-
station sur les stèles consacrées au Mahâdeo. L'aspect de ces mono-
lithes est assez significatif pour ne laisser aucun doute sur la religion^
toujours pratiquée, du Yoni-Lingam. On peut dès lors supposer, sans
trop de présomption, qu'à une certaine époque ce culte primitif s'est
étendu sur une grande partie du globe, et reconnaître dans les traces
qu'il a laissées l'indice des migrations de la race nomade qui le prati-
quait. Partie des hauts plateaux de l'Asie centrale, cette race a mar*^
que ses étapes jusqu'en Occident par les monuments mégalithiques
et les symboles religieux. C'est surtout sur les hauteurs, dans les
lieux sauvages, presque inaccessibles, qu'on en retrouve les restes,
lieux où elle a cherché un refuge lorsqu'elle s'est vue refoulée par
des envahisseur^ plus civilisés, les Aryens, issus des mêmes ancê-
tres (?) et venus, eux aussi, d'Orient. (Voir la carte du baron de Bons-
tetten sur laquelle sont répartis les monuments préhistoriques.)
M. Rivett Carnac donne à la fin de son travail une dernière preuve
de la valeur de ces signes, qu'il appelle conventionnels parce que le
sens n'en échappe pas aux initiés, malgré l'absence de toute analogie
anatomique. Les amyns, natifs employés à certaines délimitations
cadastrales, n'emploient pas d'autres signes pour marquer l'empla-
cement des temples consacrés au Hahàdeo. Enfin, un des correspon-
dants de l'auteur lui écrit qu'ayant tracé sur le sable les deux figures
, et en ayant demandé le nom à un fakir, celui répon*
dit de suite : Mahâdeo.
Nous nous permettrons de clore ce long compte-rendu d'un mé-
moire qui, si nous ne nous trompons, renferme des faits curieux,
par une observation.
11 se peut, comme l'affirme Creuzer, que le culte antique des forces
productrices et génératrices de la nature, dont le feu et l'eau, le
soleil et la lune, l'homme et la femme, les organes de la génération
des deux sexes, sont les principaux éléments, ait été le culte par
lequel ont débuté tous les peuples ; mais nous n'en maintenons pas
moins qu'il faut n'en admettre les représentations . qu'avec une
SIGNES SGULfTÉS SUR ROGUBRS. 305
extrême réserve. Entraîné dans cette voie d'investigations, on s'ex*
pose^ en n*y apportant pas la sévérité indispensable, i voir trop
volontiers dans tontes les pierres dressées dans une contrée sauvage
les manifestations matérielles d'un antique culte phallique.
La thèse que produjt M. H. Rivett Garnac n'est certainement pas à
Tabri de la critique; on lui rendra toutefois cette justice qu'il n'a pas
fait œuvre de pure imagination, qu'il signale des faits en partie
ignorés^ que ses rapprochements sont ingénieux et qu'il a procédé^
dans ses déductions, assez logiquement du connu à Tinconnu.
H. Â. Mazard.
LA PIERRE DE BETHPHÀGÉ
FRESQUES ET INSCRIPTIONS DES CROISÉS
RÉCEMMENT DÉCOUVERTES AUPRÈS DE JÉRUSALEM
{D*après une communication du frère Liévin de Uamme
et du capitaine G, Guillemofi
Le frère Liévin de Hamme, dont tous les pèlerins de Terre Sainte
connaissent le nom et à qui Ton doit un excellent Guide de la
Palestine^ a bien voulu m'adresser les documents suivants, relatifs
à une importante découverte archéologique.
Il s'agit d'un monument des Croisés, aussi intéressant pour l'his-
toire de l'art occidental en Orient que pour la connaissance de la
topographie des environs immédiats de Jérusalem.
Le frère Liévin a rencontré en cette occurrence, dans le capitaine
Guillemot, un auxiliaire non moins consciencieux qu'habile ; c'est au
crayon deM. Guillemot que nous devons les dessins gravés ci-après.
J'y joins une notice rédigée par M. Guillemot et contenant les idées
communes aux deux collaborateurs sur l'origine et la destination de
ce monument. Ces idées me paraissent tout h fait fondées dans leur
ensemble; elles sont d'ailleurs en grande partie justifiées par des
textes catégoriques, que je mettrai tout à l'heure sous les yeux du
lecteur avec quelques observations sur divers points de détail.
Les dessins publiés ici ont d'autant plus de prix que le monument
a beaucoup souffert depuis le déblayement. Le frère Liévin m'écrit,
à la date du 5 octobre, qu'une partie de l'inscription peinte sur le
côté occidental est tombée peu après qu'il en avait été pris copie.
Les fouilles entreprises pour dégager le monument ont rencontré
du côté des indigènes toute espèce d'obstacles, qui n'ont pu être
surmontés que grâce à la haute intervention du gouverneur de la
LA PIERRE DE BBTHPHA6É. 367
Palestine, S. Etc. Reoûf pacha, et auxbons offflces de son secrétaire
Georges Balit; Reoûf pacha a rendu à la science, en cette circon-
stance, un véritable service, qui ne doit point être oublié, etqui per-
met de compter sur lui pour l'avenir comme sur un protecteur i la
(ois éclairé et bienveillant des recherches archéologiques.
Jénualem, 27 mpteabre 1877.
En partant du couvent des carmélites du Mont des Oliviers pour aller
à Béthanie^on suit^ dans la direction de Test, un sentier qui contourne
le flanc sud de la montagne.
Ce chemin descend doucement l'espace de cinq cents mètres environj
puis il tourne brusquement vers le sud , passant sur une sorte de
digne naturelle qui réunit le Mont des Oliviers à la montagne de Bé-
thanie.
Arrives maintenant vers le milieu de cette digue et faites face à l'est,
du cOté de la mer Morte; vous aves alors derrière vous, à l'ouest, le
groupe des sanctuaires de l'Ascension, du Pater et du Credo; au nord, à
votre gauche, vous êtes dominé par les nouvelles constructions de Yamhi-
mandirite russe ; la route de Bétbanie, k votre droite, se dirige vers le sud,
et si vous avancez de quelques pas vous ôtes sur le lieu où les plus an-
ciennes traditions placent Bethphagé.
Vers le printemps dernier, un fellah de Djebel Tour (1) creusait en cet
endroit pour chercher des pierres à bâtir; sa pioche rencontre un blocs
poli et résistant; il déblaye, et bientôt il aperçoit des peintures et des
caractères. Notre homme, dans l'espérance d'an bakhchich^ s'empressa
d'avertir les Russes, ses voisins. Mais ceux-ci, préoccupés déjà des bruits
de guerre, firent recouvrir le tout, disant qu'on verrait plus tard.
Depuis des siècles, les RR. PP. franciscains ont coutume d'aller, tous
les ans^ célébrer la fôte de sainte Magdeleine à Bétbanie ; à leur retour^
ils s'arrêtent à Bethphagé pour y réciter l'évangile du dimanche des
Rameaux. Pendant cette courte cérémonie, un assistant, qui avait aperçu
quelques lettres sur la stèle mal recouverte, s'empressa de nettoyer cette
place et mit à jour trois lignes d'une inscription latine en caractères
romans de la deuxième époque. -Le révérendissime Père custode des
lieux saints, jugeant immédiatement l'importance de cette découverte,
chargea le frère Liévin de commencer au plus tOt les fouilles et de faire
relever et dessiner tout ce qu'on pourrait découvrir.
Cela se passait le 23 j uiUet i 877.
Peu de temps après, le frère Liévin, accompagné d'une escouade d'ou<*
vriers armés de pelles el de pioches, m'arrivait au Mont des Oliviers,
pour réclamer mon concours.
(1) Djebel Tour^ nom arabe da Moat des Oliviers et particalièrement da petit
village qui en occupe le sommet. C.C.G.
368 REVUE ARCHÉOLOGIQUE*
C'est donc auxTigilanls gardiens des saints lieux que revient l'initiative
de cette publication et de la découverte.
A peine nous vit*on à l'œuvre, que la cupidité des fellahs vint nous
créer des embarras.
Chaque habitanlde DJebelTour,en particulier, Voulait être propriétaire
de ce terrain vague, jusqu'à ce moment délaissé; et, pour comble, le
village de Béthanie soutenait que cette place était une enclave de son
territoire. J'eus pourtant le loisir de relever deux débris d'inscription et
de faire un croquis du côté nord de la fresque, représentant le nialtre du
castellum accordant aux deux disciples la permission d'emmener l'ânesse
et son ftnon.
Le lendemain, quand je revins pour. rectifier mon dessin mis au net,
et étudier les détails, la fouille avait été entièrement comblée et vidée de
nouveau en partie ; par bonheur ce dont J'avais besoin n'était pas caché.
Le jour suivant, même comédie : il n'y avait que la face ouest qui res-
tait en partie découverte. 11 me fut cependant possible de dessiner les
quelques figures portant des palmes, et à peine visibles, qu'on entrevoit &
droite et & gauche de la niche. Deux Jours après, tout était entièreipent
comblé : on ne voyait même plus le djsssus de la stèle.
Ces débats venaient de ce qu'une partie des fellahs voulaient. oovrii la
fouille pour obtenir un bon bakhchich et les autres la recomblaient par
jalousie.
Dans cette extrémité, le frère Liévin eut recours au pacha, qui, en
administrateur éclairé, s'empressa de nous couvrir de sa protection. Des
ordres furent donnés, par Son Excellence, aux chefs des villages de Bé-
thanie et de Djebel Tour; un gendarme fut placé près des fouilles et nous
pûmes continuer paisiblement notre travail.
La fresque, qu'heureusement J'avais copiée avec soin, avait été singu-
lièrement éprouvée par le contact des pioches et par le frottement. inces-
sant d'une terre mêlée de pierres de toute grosseur ; plusieurs lettres des
inscriptions avaient disparu.
Je m'empressai d'abord de relever tout ce qui restait d'inscriptions :
c'était une bonne inspiration, car, pendant une courte absence, la plus
grande partie fut brisée par une main inconnue.
La stèle de Bethphagé. — Cet édicule est un carré long, un peu irréga-
lier. 11 mesure i'°,30 dans sa plus grande longueur; la largeur, au nord,
est de 1°^,13; au sud, elle n'a que i'^fifi.
La hauteur, irrégulière au nord, a une moyenne de 1 mètre ; au sud
elle ne fournit que O^^jOG.
Son cube est donc de 1 ",339,975, c'est-à-dire un peu plus d'un mètre et
un tiers.
La matière est celle du sol même. C'est un calcaire très-maigre^ poreux,
ayant un lit accentué^ très-irrégulicr et alterné de couches dures et
tendres.
li
I I
•=1
370 RETUE ARCHÉOLOGIQUE.
Par conséquent celte pierre présente de grandes difficultés pour la
taille : il est môme impossible de Tobtenir un peu propre.
Les Arabes la nomment nairy (du feu), c'est une abréviation de « pierre
résistant au feu ». Elle n'est employée que pour les fours et les voûtes.
Le bloc monolithe de Bethphagé n*a pas été transporté; des incisions
que j'ai pratiquées sur les quatre faces m'ont prouvé qu'il faisait partie
de la roche même qui, sous toute la digue, est de môme nature. Il fant
donc admettre que ce cube n'a été isolé de la roche mère, à laquelle H
appartient, que sur ses quatre faces latérales. Au reste, c'est ainsi qu'on
a procédé au Saint-Sépulcre et au tombeau de la vierge Marie.
Ainsi, l'édicule qui nous occupe est bien une stèle.
A première vue, on prendrait ce petit monument pour un autel, ou en-
core pour un tombeau. Pour le premier cas, il n'existe aucune trace des
gradins et autres accessoires qui complètent un autel. Pour le second,
on n'aperçoit pas la moindre ouverture. Le stuc blanc qui le recouvre est
encore très-solide en certains endroits. Les peintures sont finement exé-
cutées et d'un caractère saisissant. Cependant les inscriptions ne laissent
aucun doute sur l'origine de cette décoration.
Hais n'est-ce qu'une restauration? k quelle époque cette pierre a-t-elle
été taillée 7 C'est le secret des siècles.
Ceux qui l'ont ainsi ornée ne doutaient pas qu'autrefois ce rocher dé-
passait le niveau du sol, présentant une sorte de siège rustique, et qu'un
personnage illustre s'y est reposé, en un jour mémorable.
Un ardent amour embrasait les premiers chrétiens pour tout ce qui
touchait aux souvenirs de la vie humaine de leur divin Maître, et les
lieux témoins de ses miracles se gravaient profondément dans ces âmes
fortement impressionnées.
Résurrection de Lazare. — Le choix de ce côté sud pour cette belle com-
position, qui est en regard de Béthanie, celui de la cession de l'ânesse et
de son ftnon dans la direction de Bethphagé, me fait penser que la partie
ouest en face de Jérusalem devait probablement représenter l'entrée
triomphante de Jésus dans la ville sainte. Les quelques personnages, por-
tant des palmes, qu'on aperçoit encore malgré leur altération, sur les
deux côtés de la niche, sont en faveur de cette hypothèse.
Cette peinture de la résurrection de Lazare est bien supérieure à ses
voisines. Je crois pourtant qu'elle est de la môme main.
Sur la façade du Saint-Sépulcre^ au-dessus de la colonne voisine du
pied'^droit et de la porte d'entrée, on voit une résurrection de Lazare
sculptée dans le prolongement du linteau. Elle est en grande partie iden-
tique à celle de Belhphagé. Le peintre n'aurait-il pas copié le sculpteur?
et, dans cette étude d'un bas-relief très-vigoureux et très-saillant, n'au-
rait-il pas acquis une plus parfaite entente de la ligne ainsi que du jeu
des omhres et des lumières? Quoique cette jolie page ne soit pas com-
plète, combien je suis heureux d'avoir pu la copier à temps 1 Aujourd'hui
l!
j!
il
372 RBVDB ARCHâOLOGIQDB.
elle est biea eadommagée : àet doigts mouillai se sont promenés lur lei
figuras et les oot elTscées, plusieurs teies ont même diipsra.
La fresque de la face me paratl la bénédiclion do la restauration do
petit sanctntire.
L'entaille en qtuua Saronde qu'on voit à li partie supérieure, ver^ le
milieu, ne peut étreqn'une pièce rapportée sur une partis dâreclueuse de
la stèle.
Ancienne coMsIructûn m^rée, colùrme, etc. — En d^ageaat le passage
des touilles pour fadliler la sortie des terres, on « rencontré une con-
3. — A. Lb pierre peinte. — B. Cobnne trouT4« debout, probablement i m place pri-
mitiTS. — C. Fragmenl d'abside de 1b,3D de longueur. — D. Sappoiition d'uae cha-
pelle drculaire dontledébriid'Abtide ocrait l'Indice. ~ X. Fonille». — 1. Cliemin de
Bdtlisnie. — S. Sud-est.
struction circul^re d'un aspect bien plus ancien qtie la décoration d»
la sièle ; l'appareil asiei grand, la disposition des matériaui et la facture
n'ont rien de commun avec le traraîl de» croisÉi. En outre, A deos mè*
Ires à l'intérieur de la courbe se trouve un fragment de colonne, encora
debout sur sa base.
Serait-ce le premier, l'ancien sanctuaire, que les restauraleun n'au*
raient pas pu, faute de ressources, réparer dans toute sa grandeur t
Des fouilles complètes peuvent seules le prouver.
Dans tous les cas, d'après la place de ces débris, en calculant la portée
LA PIERRE 1>E BETEIPHAOÉ. 373
de la coarbe de l'ancienne coDitruction, an acquiert ta certitude que le
milieu de la slèle en eit l'aie.
La eltmm de Bttbpbagé. — Si'ftuKon probable du vitlage détnàt. — U
4.— A. Li pierre et Im fODillM.— B. atemfirecoaTBrteaetMr-
T*Dt encore. — C. CIteraes en ruine, — D. Situation du vil-
lige de Betbphkgd, probable par Irinombreni ddbrli qu'on y
trauTe. — 1-3. Cbemin de Idrutalen, pw l'Aiceailon, le P»-
ler, etc.
grandeur et la prorondeur de ces citeraes, réunies lur un étroit eipace,
leur anllqullé bien reconnue, sont des preuves incoDleftablei qu'il exifr-
lait un Tillage important dans leur voisinage.
374 BEYUB ARCHÉOLOGIQUE.
Deux de ces réservoirs sont en ruioe; mais les deux «aires servent
encore pour abreuver les bestiaux. Un petit ravin pierreux» qui alimea-
tait autrefois ces citernes, les sépare, vers Touest, d'un mamelon qui
pourrait bien être la place où fut Bethpbagé. J'ai vu sur ce terrain des
tronçons de colonne, des fragments de pavés en marbre, une énorme
quantité de débris de poterie juive et des cubes de mosaïque de toutes
couleurs.
Tout cela a été mis à jour par la culture.
Ayant rencontré un jour, sur ce lieu, le propriétaire, au moment où il
sortait d'une fouille une belle pierre d'aqueduc^ visiblement très-ancienne,
je lui demandai s'il en trouvait beaucoup de semblables ; il me répondit :
« Tu vois toute cette place ; je ne peux creuser nulle part sans y trouver
des murs. » Puis il ajouta avec un accent de conviction : « Il y avait autre-
fois une ville en cet endroit. » C'est au reste l'opinion de tout le pays.
Il ne me parait pas admissible que Bethpbagé fût placé au bord du
chemin qui, resserré à droite et à gauche par deux montagnes, est un
gouffre pour le vent d'ouest, si terrible en ce pays.
Qu'on examine l'exposition des villes anciennes environnantes : Jéru-
salem^ Bethiéhem, Béthanie, etc., toutes sont bâties sur les pentes
sud-est. Or le mamelon, près des citernes, a la même exposition.
Maintenant, si on veut consulter l'Evangile, on acquiert une nouvelle
preuve de ce que j'avance. Le Sauveur venait de Jéricho allant à Jéru-
salem; il avait dépassé Béthanie et franchi l'espace ondulé par les
collines qui séparent le vallon de Béthanie de celui de Bethphagé. «Allez»
dit-il à deux de ses disciples, à ce village qui est devant vous, et vous y trou-
verez en arrivant une ânesse attachée, et son ânon avec elle ; détachez-les,
et me les amenez. » (Saint Matthieu, cfa. XXI, v. 2.) Or le chemin ne peut
pas avoir changé, puisque forcément il doit passer sur l'étroite digue pour
joindre le mont des Oliviers. Si donc le village était sur le chemin, pour-
quoi y envoyer les disciples, puisque le Sauveur devait y passer lui-
même?
Les lieux sont parlants ! Regardez sur le plan, ^ l'endroit où le chemin
de Béthanie fait un léger contour (X), et vous vous assurerez que les deux
disciples, pour couper au plus courtj descendirent rapidement le vallon
pour remonter le mamelon de Bethpbagé, tandis que Jésus, avec le reste
de ses disciples, continuait k suivre le chemin dans la direction du mont
des Oliviers, et, ce trajet étant plus court, ils durent y attendre un certain
temps le retour des envoyés.
Maintenant, qu'importait aux fidèles le souvenir du village même de
Bethpbagé ?
Ce qui s'est gravé dans leur mémoire et a survécu par là tradition,
c'est le rocher sur lequel Jésus s'est reposé au bord du chemin et d'où,
peut-être, il est monté sur l'ânesse.
LA PIBRRK DE BETHPHAGË. 375
La qnestion topographique souleyëe par cette troaraille n'ayant
pas moins d'intérêt que la queetioa archéologique proprement dite,
j'ajouterai aux plans détaillés de M. Guillemot un petit croquis
montrant l'ensemble des positions relatives de Jérusalem, Kefr et-
Tour (Tillage du mont des Oliviers) et Béthanie. On verra ainsi d'un
coup d'ceil quel est l'emplacement précis de la pierre de Betbphagé
par rapport à ces points.
Tout à l'heure cette image fidèle du terrain va nous permettre de
suivre plus facilement les textes que nous aurons à discuter.
En somme, le monument décrit et dessiné par M. Guillemot con-
siste en nu cube monolithe, évidé dans le rocber même auquel il
adhère par sa face inférieure. Les cinq faces visibles de ce dé, qui
semble comme posé sur le sol calcaire avec lequel il fait corps en
réalité, sont ou étaient couvertes de peintures à fresque très-
soignées et d'inscriptions également peintes.
L'identification des scènes évangèliqnes, représentées sur tes faces
nord et sud, est indiscutable; c'est bien, comme l'ont reconnu le
frère Liévio et U. Guillemot, l'envoi des disciples i Bethphagé et la
376 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
résurrection de Lazare; il est permis de faire des résenres sur
l'explication des faces ouest et est, si maltraitées.
Les analogies signalées par M. Guillemot entre la manière' dont
la résurrection de Lazare est figurée sur notre monument et sur le
bas-relief du portail de l'église du Saint-Sépulcre ne sont pas force-
ment l'indice d'une imitation directe; elles peuvent avoir pour
origine l'identité de la tradition iconographique à laquelle puisaient
indépendamment l'un de Tautre le peintre et le sculpteur occidentaux.
L'entaille c en queue d'aronde > de la face est, entaille qui appa-
raît plutôt rectiligne sur le dessin, pourrait bien être une mutilation
postérieure, contemporaine de la niche qu'on remarque à la face
ouest. L'édifice religieux qui abritait ce bloc orné de peintures a dû
probablement, avant de disparaître complètement, être, comme cela
arrive souvent, approprié à un usage domestique et servir de
maison ou de resserre à quelque fellah; l'entaille a pu être faite
alors pour recevoir une poutre.
Les inscriptions qui accompagnent ces peintures ne sauraient
laisser de doute sur la date à laquelle elles ont été exécutées. L'as-
pect épigraphique des caractères et aussi les probabilités, sinon les
nécessités historiques, nous reportent au xu* siècle, à une époque
antérieure à la reprise de Jérusalem par les musulmans.
Ces inscriptions ont malheureusement beaucoup souffert; cela est
fort regrettable parce que, à en juger par le peu qui en reste, elles
nous auraient fourni des renseignements explicites sur ce curieux
monument.
C'est aux médiévistes qu'il appartient de s'exercer sur ces débris
épigraphiques rendus encore plus obscurs par. l'emploi de nom-
breuses abréviations, insertions, ligatures; ils en tireront peut-être
quelques éléments nouveaux d'information.
L'inscription de la face supérieure ne nous dit pas grand'-
chose :
IIN(A)CV(Cou Sî). . .
. . . NT DX
.... SE HVC A T(R?A). . .
Celle de la face est (angle nord) pourrait se lire, entre autres ma-
nières:
. . . hic est p{ictU8 ?f)
.... in diebus (I...) m{€n)8(i8)??.„.
LA PIBRRB DE BETHPHAQÉ.
7. — Fttee vertlcftle e«t, tngle nord.
Il s'agirait donc peut-être ici de U date de l'achëvementdes pein-
tures. Hais cela n'est rien moins que certain.
L'iDScriptioQ qui court au bas et tout dn long de la face ouest est
beaucoup mieux conservée; elle est diUribuée en quatre lignes cou-
378 RBTUB ARCHtOLOOIQnB.
pées en deux parties par ud cadre au milieu duquel on distintpie le
buste d'un personnage bénissant de la. main droite; la tête de ce
personnage a été détruite par la niche pratiquée après coup.
Au début de la première ligne le nom de Bethphage esl dm ;
ce mol essentiel nous donne la clet de tout cet ensemble archéolo-
gique; il devait être suivi d'une dizaine de lettres dont la pre-
mière était un N, car il n'est pas probable qu'il faille couper Beth-
phagen. Il y a d'ailleurs entre E et N un espace appréciable.
Au-dessous est une série de lettres entremêlées d'abréviations et
d'insertions, et assez difGciles à grouper ; on y reconnaît sans peine
Hierosolima ou Iherosolima; par moment on serait tenté de voir :
(pulï)um cu(m) as{i)na ductos ad?... ce qui, je l'avoue, est assez ma-
laisé k construire grammaticalement.
La troisième ligne n'ofTre plus que quelques caractères Tort en-
dommages, sur l'interprétation desquels je m'abstiendrai de tonte
conjecture.
La quatrième ligne est de beaucoup la mieux conservée; on y lit
couramment :
Bentardi Witardi de Borda Fok ou For{t...f)
(1) Nom avons dû coaper la eravura es deux k cause dn format de la Revue ar-
ehéologique ; cette moitié et celle qui lai correepondà la pageaniTante doireotâtie
rappniehéea par la peiuâe et conddértes comma faiunt une bande coatlnne.
LA PIBBBE DE BETHPHAGÉ. 379
Malbdnreusement lo nom de l'endroit d'où était originaire câ per-
sonnage ne noue est pas parvenu intact; cela aurait peut-être per-
mis de J'identiBer.
Qu'était-ce que ce Bernard Witard? Ce nom de Witard, k L'aspect
germanique, correspond ï Guitard, par suite de l'équivalence bien
connue : W=G. Le Cartulaire de l'église du Saint'Sépulcre contient
à plusieurs reprises le nom d'un Guitard qui a souscril plusieurs
actes rédigés sous la domination des rois francs à Jérusalem : Johan-
nés Guilardus (1). Dans le premier de ces actes figure, à cdté de
Johmnes Guitardu», un Aimericus Guitardi dont la parenté avec la
premier est évidente. Jean Guitard devait être'un personnage de
quelque importance : il était au nombre des bourgeois de la Mahu-
merie, autrement dit d'ËI-BIré; c'est lui qui ouvre la liste de ceux
FsceoDCit {râgkrdsiitlânisRlem).
3 i"* moitié de çauehe.
qai prêtent serment de fidélité au couvent du Saint-Sèpulcre. H n'y
a rien d'impossible à ce que notre Bernardus Witardus ou Guitar-
das ait appartenu à cette famille. Peut-être est-ce Ini qui a fait (eâ
frais du monument.
Les restes de constructions '.releTés autour du bloc méritent une
attention particulière. Le mur fruste EE n'appartient peul-élre pas à
l'édiûce primitif; cependant il semble résulter d'une observation
(1) B. de HotiÈre, Cartulaire de Péglùe du Saint-Sépulcre, p. 3tS, l'ui lise,
ion» Is règne de Btadonla III;. p. Uà; p. 350.
380 RBVUE ABGHiOLOGIQUB.
du lieutenant Kitcbener R. E. (1) que celte paroi offrait, elle aussi,
des yestiges d'une décoration peinte, assez grossière il est yrai. Le
segment C est bien court pour permettre de restituer en toute sûreté
l'édifice parfaitement circulaire imaginé par H. Guillemot; on pour-
rail n'y voir à la rigueur qu'un simple fragment d'abside normale-
ment orientée. Toutefois je produirai plus loin un texte qui paraît
plutôt en faveur de la théorie de M. Guillemot.
Il serait de la dernière importance d'établir positivement que l'é-
glise est, comme le pense M. Guillemot, de construction antérieure
à rexéculion des peintures; il faudrait avoir à ce sujet des données
certaines. C'est dans un cas pareil que la loi technique de la taille
médiévale des pierresy loi que j*ai fait connaître ailleurs (2), trouve-
rait une application décisive. Je recommande instamment que l'on
soumette à ce diagnostic, si sûr et si simple à la fois, les matériaux
de l'édifice en question : l'étude d'un seul bloc pourrait permettre
de se prononcer sans hésitation.
Quant au souvenir consacré par Térection de l'édifice recouvrant
ce bloc de rocher, c'est bien celui de Tépisode évangélique raconté,
avec quelques légères variantes, par saint Jean (XII^ 42-19), saint
Marc (XI, i-H), saint Luc (XIX, 29-44), saint Matthieu (XXI, 4-1 i).
Le frère Liévin et M. Guillemot voient dans ce bloc « le rocher sur
lequel Jésus s'est reposé sur le bord du chemin, et d'oû^ peut-être^
il est monté sur Vdnesse » . C'est à cette dernière explication, expri-
mée d'une façon un peu hésitante, qu'il convient de s'arrêter; telle
était en effet la tradition formelle du moyen âge, à l'époque même
où remonte l'achèvement des peintures. J'en trouve la preuve irré-
cusable dans le Libellus écrit vers 1172 par le moine allemand
Theoderich (3).
a Milliario ab Hierosolymis Bethania, ubi domus Simonis leprosi,
a Lazari et ejus sororum Marisa et Marlhae erat^ distat, ubi Dominus
a sœpe hospitari solebat. Sita estautem Bethania juxta vallemOliveti,
« montem a parte orientali terminantem. A Bethania ergo in die
« palmarum dileclissimus Dominus nosler Jésus Christus praecedens
(( et Bethphage veniens,quilocusinterBethaniam et montem Oliveti
« médius est, ubietiam honestacapellainipsius honore est fabricata,
(1) Le lieutenant Kitcbener a ?isité les fouiUes, et l'obserration de oe détail m'a
été communiquée de Londres.
(3) Dans mon Report /F inséré dans les Quarterly statemenis du Palestine Explo-
ration Fmd (april 187&, pp. 91, 02, 93). C'est la taiUe diagonale des blocs plans,
procédé apporté par les Occidentaux en Palestine et qui disparut avec eux.
(3) Tbeodericus, Libellus de locii sanctis^ éd. Tobler, p. 52.
LA PIERRE DE BETHPHA6É. , S8I
(( binos ad adducendam asinam et pallam misit discipulos, et stans
a super lapidem graniem^ qxii in ipsa capella manifeste videtur^ et
(( asino insidens per montem Oliyeti Hierosolymam properavit, cai
(f turba multa in descensu montis ipsius obviam processit... »
Ainsi, dans la seconde moitié du xii^ siècle, Ton montrait, entre le
mont des Oliviers et Béthanie, remplacement de Bethphagé et le lien
d'où Jésus avait envoyé deux de ses disciples chercher l'Anon et
Tânesse; là s'élevait une honesta capella^ et dans cette chapelle Ton
voyait la pierre même sur laquelle se tenait Jésus avant de monter
sur rdnesse ou l'dnon.
Ce roc sanctiQé aux yeux des croisés par le contact des pieds di-
vins qu'ils croyaient s*y être posés, n'est évidemment autre chose
que notre dé monolithe, soigneusement évidé dans la masse du rocher,
amoureusement couvert sur toutes ses faces de peintures délicates
qui rappellent plutôt les fines enluminures d'un missel précieux
qu'une fresque ordinaire chargée de masquer la nudité d'une
paroi.
La position même de ce bloc et des murs ruinés qui l'entourent,
la proximité de Béthanie, la présence du nom de Bethphagé dans
les inscriptions, la nature topique des scènes choisies par le peintre,
ne peuvent laisser à cet égard aucune espèce de doute. On s'explique
alors la valeur exceptionnelle des peintures : ce n'est certes point à
un médiocre artiste qu'on avait confié le soin d'écrire sous forme
d'images, sur l'objet même de cette vénération, la pieuse légende
qui s'y rattachait; ce n'était point là une pierre ordinaire^ mais un
joyau sans prix auquel il fallait une monture digne de lui. Le
peintre, inspiré par les souvenirs vivants et présents au contact
desquels il travaillait^ n'est certainement pas resté au-dessous de sa
tâche.
Il faut se rappeler à ce propos que les croisés avaient une prédi-
lection particulière pour la peinture à fresque ; ils avaient couvert
à l'aide de ce procédé expéditif les murs de toutes les églises des
lieux saints; plusieurs pèlerins, entre autres Jean de WUrzburg, nous
ont conservé la description de ces peintures, dont les sujets, emprun-
tés à l'Ancien et au Nouveau Testament, étaient en rapport avec la
dénomination de chaque sanctuaire.[Ces peintures étaient accompa-
gnées de longues inscriptions, le plus souvent en vers rimes suivant
le goût de Tépoque, dont nous avons en beaucoup de cas la trans-
cription.
Il est vraiment fâcheux que Jean de Wiirzburg, qui était à Jéru-
salem vers 1165 et qui a complaisamment copié tant de ces
382 RBYUE ARGHéOLOGlQUE.
inscriptions, n*ait pas eu roccasion, oa l'idée^ de risiter le sanc-
laaire de Bethphagé; il n'eût pas manque, suivant son habitude, de
nous décrire en détail ce cube couvert de peintures, et nous eussions
été probablement en mesure de restituer, grâce à lui^ les épigra-
phes disparues (1). Il semble que le sanctuaire se soit trouvé en de-
hors de sa route; il ne le mentionne qu'en passant, et comme s'il
l'avait seulement aperçu de loin :
« Inter eandemBethaniam et summitalemmontisOiiveti, (anqnam
«in medio, erat Bethphagé, viens quidam sacerdotum^cuj us indi-
ce cium adhuc exstant quasi turres duaa lapidesB, de quibus est nna
a ecclesia (2). n
Cette tour en forme d'église, ou cette église en forme de tour, si-
gnalée par J. de Wiirzburg, s'accorderait bien avec l'hypothèse
d'une chapelle construite sur un plan circulaire, comme était du
reste celte qu'on avait élevée au sommet du mont des Oliviers^
sur le lieu de l'Ascension.
L'on remarquera, si Ton veut bien se reporter au plan que je donne
plus haut, avec quelle précision le pèlerin allemand marque l'em-
placement de Bethphagé, entre le sommet du mont des Oliviers et
Béthaniey à peu près au milieu.
Cette détermination topographique suffirait pour lever les der-
niers doutes, s'il en restait, sur l'identité de la Bethphagé des
croisés et de la région de noire récente trouvaille.
La description de la Citez de Iherusalem est tout aussi claire :
« Entre le mostier de la patemostre et Bethanie, en la coste de
(c la montagne, avoit un mostier qui avoit a non Bethfage. La vint
« Ihesu Cris le jor de le pasque florie , e d'ilueques envoia il en
(( Iherusalem dos de ses disciples por une asnesse, e d'iluec ala il
a sor Tasnesse en Iherusalem, quant il l'orent amenée (3). »
Comparez encore l'anonyme VU du xii"" sièle :
« Inter montem Oliveti et Bethaniam est Bethphagé, ubi Domi-
(( nus misit Petrum et Johannem pro asioo, et non longe est Betha-
a nia ubi Dominus suscitavit Lazarum et dimisit peccatrici (4) ».
Et aussi ce que dit le texte des Pèlerinages de la Sainte Terre^ fai-
sant suite à la Citez de Iherusalem:
(1) Et qui étaient peut-être également des inscriptions métriques.
(S) T. Tobler, Dtscrip. Terr. Sonet,, p. 13&. Le vicus quidam tacerdohtm est éri-
demment une réminiscence de saint Jérôme ad Matth.^ 21.
(3) T. ToUer, Descriptiones Terrae Sanctae^ p. 223. L'aatear anonyme de la Citei
de Ikerusaiem écrirait Ten 1187.
(à) T. Tobler, Descriptiones Terrae Sanctae, p. 105.
LA PIRRHE DE BETHPHAGÉ. 383
a Entre mont Olivete et Bethanie est Befae où Nostre Sire com-
<i manda saint Pierre et saint Jaque et les autres déciples por aller
<( guerre Tanesse et son poulain (I). x>
Dans la première moitié du xiie siècle l'emplacement de Bethphagé
était encore un peu flottant; il est, en tout cas, permis de croire qu^à
ce moment la construction d'une église et la décoration du rocher
n'étaient pas encore venus fixer la tradition, sinon lui donner un
corps. Voici en effet ce qu^en dit Sdewulf, dont la relation remonte
aux premières années de la domination des croisés (1102) :
(( Bethphagé, ubi Dominus premisit discipulos ad civitatem^ est
a m monte Oliveti, sed fere nusquam apparet (2). »
Je n'ai point la prétention de passer en revue tous les textes con-
cernant celte question. Je me bornerai, pour ce qui est des temps an-
térieurs aux croisés, à citer le témoignage du moine Bernard, dit
Bernard le Sage, dont la relation date de 865 environ :
« In descensu etiam de monte Oliveti ad occidentalem plagam
(( ostenditur marmor, de quo descendit Dominus super puUum
(( asinsB (3). »
Que faut-il entendre par le côté occidental du mont des Oliviers?
Si c'est la région comprise entre l'église de l'Ascension et Jérusa-
lem, il ne saurait être question de notre emplacement, sis à Vest de
cette église. Mais il y a peut-être lieu de tenir compte de ce fait que
Bernard semble, dans sa description, revenir de Bethanie vers Jéru-
salem, et qu'il met Bethanie in descensu ipsius montis. Peut-être
y a-t-il lieu de corriger orientaleni en occidentalem. Ce qu'il importe
de retenir des paroles de Bernard c'est Tintervenlion do cette pierre
ou de ce marbre dans la légende de Jésus et de l'ânesse.
Il est assez singulier que le pèlerin grec Phocas ne souffle pas
mot de notre sanctuaire de Bethphagé. Son pèlerinage remonte à
l'année 1177; il avait donc pu connaître etVhonestacapella elle
rocher sacré vus cinq années auparavant, en 1172, par Tbeoderich.
Le moine grec Epiphane (vers 1170) ne parle pas non plus de
l'église de Bethphagé, mais il fait au moins mention de l'endroit
vénéré :
(( 'ExeiBev (de VEglise de V Ascension) o3v ^<j[Xiv &>; àico (xiXiou lirrlv ô
« T^noç, Iv s Ixa0i9sv 6 XpKTTb; tnà tou iccoXou (4). ))
(1) D'après le texte donné par M. de VogQé, Églises de la Terre Sainte ^ p. hkS.
(2) Relation du voyage deScetoulf (éd. de la Société de géographie), p. 30.
(3) T. Tobler, Descript. Terrae Sanctae, p. 95.
(4) Je n'ai pas à ma disposition les éditions connues d*Epipbane; ma citation est
384 REVUE ARCHEOLOGIQUE.
Plus loin on trouYait Béthanie. Epiphane , ou dn moins le texte
d'Epîphane, ajoute même un détail qai a son importance; il dit
qu'en ce lieu était un olivier, dont chaque année, au jour des Ra«
meaux, Ton cueillait une branche moyennant redevance, après qnoi
Ton se rendait processionnellement de là à Jérusalem (1).
A partir de ce moment la tradition grecque semble avoir accepté
la manière de voir des croisés sur ce point.
La description en vers de Perdicas (1S50) nous parle de Beth-
pliage et du petit village d'où avaient été amenés Tânon et
Pânesse :
V. 139. Toutou {Atxpov 5è TtapexTOç xai BeT^aYTJc 6 toicoç
Toutou tow ipouc àvTtxpl» wpo; votiov to [xépoç
V. 145. Kai ^ Svov à^aaa xa\ tcwXov afiLUcp^xcofAt) (t).
En 1212 Willhrand d'Oldenburg voyait encore le caslel de Beth-
phagé en gravissant le mont des Oliviers. La légende ne va pas
tarder à s'obscurcir ; pour Riculd (1294) le lieu du figuier maudit (3)
commence à s'y mêler et même à l'effacer :
« De Béthanie a vng millier venismes en betbfage qui est en
c( coste le monl Doliuet et trouuasmes le lieu du figuier que dieu
c( maudit. »
Vers 1283 Bethphagè n'est plus qu'un viculus desertus :
« De belhania modico inlervallo in valle inter montem olyveti et
« montem offensionis est betphage viculus nunc desertus a sinis-
« tris vie que de bethania ducit in ihernsalem in latere auslrali
« montis olyveti (4). »
empruntée à une réimpression du texte contenue dans un ouvrage non encore publié
Je crois, et dont l'auteur^ Benjamin Joanoidès, a bien voulu me donner, en 187 A,
quelques bonnes feuilles imprimées à Jérusalem. Je demande pardon de renvoyer par
anticipation à un ouvrage qui n'a'peut-étre pas encore vu le Jour : Toû Tcpooxuwi^a^
piou -wiç àylaç yr^^ «ôxo; a'; wapapTYiiia y', p. lé ; (ne pas confondre avec la
• deuxième partie du même ouvrage parue eo 1867).
(1) Il se pourrait que ce détail fût le résultat d'une addition postérieure au texte
d*Epipbane; cette redevance payée pour cueillir le rameau d*olivler semblerait im-
pliquer une de ces tolérances lucratives accordées aux chrétiens par les musulmans
redevenus maîtres ches eux. Comparez à ce sujet le passage de Quaresmius cité
plus bas.
(2) iip. Benjamin Joannidës^ op. cit^ mn^vt\\UL p'p. là (teûxoca')*
(3) Ce lieu se montre aujourd'hui à environ vingt minutes de Béthanie, au bord
du chemin qui mène à Jérusalem. .
{h T. Tubler, DetcripL Terrae Sanclae^ p. 336<
LA PIERRE DE BETHPHAGÉ. 385
Il n'est plus question, comme on Toit, ni de l'église ni de la pierre.
Le souyenir de la localité n'est pas cependant encore oblitéré, car
en 1320 Francesco Pîpino dit dans son Tractatulus :
a Foi item in Bethphage in latere montis Oliueti Ynde Dominus
misit discipulos pro asinoin ihrusalem (1). »
Au XY* siècle l'endroit est toujours montré aux pèlerins, comme,
le prouve la relation de Jean Poloner (1422) :
« Item a Honte Oliveti versus Jordanem seu orientem per
« quinque stadia cernitur locus desolatus juxta vallem (yillam)
« Bethphage dictam, unde Christus misit Jacobum et Johannem ad
tt afferendom asinam et pullum ejus, et est in medio viae inter
« montem Oliveti et Bethaniam (2). »
L'ouyrage de Quaresmius, qui se place entre 1616 et 1626, consacre
à la question de Bethphage une longue dissertation (3); toute la
partie proprement archéologique et exégétique traitée en cet endroit
par l'estimable franciscain n'a qu'une assez médiocre valeur. Il est
beaucoup plus intéressant lorsqu'il nous apprend que chaque année,
au jour des Rameaux, une procession franciscaine se rendait du lieu
traditionnel, dit Castellum contra vos on Castellum Asince, au couvent
de Saint-Sauveur, à Jérusalem. La procession était dirigée par le
Père custode en personne, qui jouait le rôle de Jésus. On allait sur
remplacement de Bethphage; là on lisait Tévangile de saint Mat-
thieu relatif à l'épisode ; puis le Père custode envoyait deux moines
au Castellum Asinœ^ ceux-ci en ramenaient un âne disposé d'avance
et y plaçaient des vêtements; le custode y montait. On s'acheminait
alors vers Jérusalem en chantant des cantiques, en jonchant le sol
de vêlements, de fleurs, de branchages , et en faisant aux stations
consacrées les haltes indiquées.
Toutes les communautés chrétiennes, même schismatiques, dit
Quaresmius, participaient à cette cérémonie. Il parait que les fran-
ciscains avaient obtenu du gouverneur musulman l'autorisation
de faire cette procession publique parce qu'une fois, en temps de
sécheresse, une procession analogue, organisée exceptionnellement
en vue d'obtenir la pluie, avait été suivie de succès.
D'ailleurs Quaresmius dit que de son temps il n'y avait plus de
traces de Bethphage; que les fidèles en avalent seulement conservé
la mémoire. À ce propos il cite les paroles d'un de ses prédécesseurs.
(1) Texte éd. par T. Tobler à la fin de sa Dritte Wanderung^ etc., p. 300.
(3) T. Tobler, Descript. Terrae Sanctae, p. 236.
(S) Elucidatio Terrae Sanctae, II, 331 et sui?.
XXXIV. 27
386 RBVU« ARCHÉOLOGIQUE.
le père Anselme de Cracovie, qui rédigea vers 1508 une description
de la Terre Sainte :
(( A torrenteCedron ascendendo per transversum horti, et praeter*
(« eundo ecclesiam orationis Christi, quae est ad dexteram partem
« yiae, e&i lapis de quo Dominus ascendit asinum^ quando in die
tt palmarumvenit Jérusalem : in quo lapide demonstratur pedum
(( yestigium ; quia quando ascenderat summitatem mentis Oliveti,
(i necesse babuit ire pedes, ne asinus casum peteretur ad lapidem;
« quia est via difflcilis de monte Oliveti ad civitatem (1). d
Quaresmius ne cacbe pas l'étonnement que lui cause ce passage
du P. Anselme; il dit n'avoir jamais ouï parler de cela ni rien va de
semblable.
La découverte qui vient d'être faite permet de mieux comprendre
ce que le P. Anselme entendait par ces mots : topû de quo Datninus
ascendit asinunij etc. Il est probable que la tradition monacale, en
partie perdue à l'époque de Quaresmius, gardait encore à l'époque
du P. Anselme le souvenir plus ou moins net de la pierre consacrée
par les croisés, bien qu'elle ne fût plus visible pour les pèle-
rins, au moins dans sa totalité (p.-è. seulement la face supérieure?).
Il serait du reste facile de montrer, en reproduisant les témoi*
gnages des pèlerins du dernier siècle, que la légende* malgré quel-
ques oscillations, ne s'est jamais beaucoup écartée du lieu aujour-
d'hui parfaitement déterminé par la mise au jour de notre
monument. Le renseignement consigné au début de la narration de
H. Guillemot fait voir que cette légende s'était en somme maintenue
jusqu'à nos jours avec une précision remarquable. Les moines latins
de Terre Sainte, dont la critique a eu quelquefois le tort de traiter
trop cavalièrement les inforinations , sont en général restés les gar-
diens fidèles de la tradition telle qu'elle était constituée à l'époque
des croisés. Il est instructif de comparer à ce que nous a révélé cette
trouvaille récente les détails donnés en i876(c'est«à-direavantqu'elle
ne fût faite) par le frère Liévin dans son Guide de Terre Sainte» sur
l'emplacement traditionnel de Belhphagé (2)
(1) Je me borne à reproduire la citation faite par Qaaresmios lai-mème, n*ayaDt
pas le temps et le moyen do recourir au texte original da Père Anselme, pabEé
pour la première fois en 1512^ à Cracovie, sous le titre de Descnptio Terrae Sanetae
ejusque itmerarium. Ce texte a été depuis plusieurs fois réimprimé.
(2) Guide 'indicateur des sanctuaires, etc., 1876 ; I, 280 : « Arrivé sur ce point
élevé d*où Ton domine une vallée à pente raide et escarpée, on suit un sentier ven
le sud -est pour atteindre (à 350 mètres) un endroit qui semble faire l'effet d'une
digue unissant les montagnes voisines, c'est-à-dire le mont des Oliviers et celui
LA PIERRE DE BETHPHAGÉ. 387
Kous connaissons donc désormais, d'une façon absolue, le point
mémd 06 les Croisés localisaient l'épisode évangëlique auquel se
rattache le nom de Betiiphagé.
Les ruines relevées par M. Guillemot non loin de la pierre
peinte appartiennent incontestablement à la Bethphagé tenue pour
telle par les croisés. Cette Bethphagé médiévale est-elle identique a
la Bethphagé de l'Evangile? C'est la, selon moi, une question tout à
fait distincte de la première, et à laquelle je ne veux point toucher
ici. Il est certain que la nouvelle localité offre aux combinaisons de
l'exégèse topographique un élément de calcul tout aussi acceptable
que les données sur lesquelles on a opéré jusqu'ici.
L'on sait combien les avis différent sur la position réelle de Beth-
phagé; les uns, s'en tenant à l'interprétation littérale, mais appa-
remment trop étroite, du texte grec de saint Lu&(l), veulent à
toute force la mettre à Test, ou au sud-est de Béthanie, par exemple
à Abou^DIs; d'autres la considèrent comme le village actuel de
Seivân (Siloam); d'autres, s'appuyant principalement sur l'autorité
du Talmud, font de Bethphagé un faubourg de Jérusalem, adjacent
à la ville même et touchant à ses murs.
Pour moi, j'avouerai que je me suis longtemps demandé et je me
demande encore si Bethphagé n'est pas tout simplement le vil-
lage même du Mont des Oliviers, entourant l'église de l'Ascension, le
Kefr et'Tour, Je crois ce village ancien à cause de sa dénomination do
Kefr^ h cause de sa situation, des restes antiques qu'on y voit. Kefr
et'Tour y eut ùireseiûemeni village du Mont des Oliviers; ce n'est pas
là proprement un nom; cette localité devait avoir à l'origine un*;
désignation plus personnelle qui s'est perdue. Or les textes évangr-
liques nous parlent d'une localité antique dont le nom a disparu
depuis : c'est Bethphagé, le village du Mont des Oliviers.
Ce système aurait de plus l'avantage de s'accorder avec les pas-
qui domine Béthanie. C'est remplacement de Bethphagé. » Ce passage se retrouve
d'ailleurs à peu près textuellement 'dans la première édition du Guide-indicateur
qui remonte à 1869.
(1) Ce texte dit en effet : xai èylveTO û; iî^ytaEV elç B^iôça-rt xaî BriÔaviav wpoç tô
6poç xa>oi3{i£vov èXaCoïv; Jésus venant de Test^ il est clair qu'à prendre ces paroles au
pied de la lettre Bethphagé» mentionnée avant Béthanie, serait à l'est de celle-ci. Mais
h cette objection Ton peut répondre, sans aller plus loin, par la comparaison avec le
passage parallèle de saint Marc (XI, i) : Kal Ôrt iinfCÇoudiv elc *Iepo(r6).vi(jLa xai el;
BriOoviav irpo; ta Spoç xcov â).a((i)v. Ainsi dans cette phrase, reproduction presque
textuelle de la précédente, Jérusalem remplace Bethphagé, et est également
mentionnée avant Béthanie; dira-t-on pour cela que Jérusaiem est à l'orient a'e
Béthanie?
388 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
sages lalmudiques, qui tous peuvent s'expliquer, il me semblei de la
façon la plus satisfaisante» si Ton admet que Bethpbagé marquait à
l'orient le point où finissait la zone sabbatique enveloppant toute la
ville sainte. Le mont des Oliviers était justement éloigné de Jérusa-
lem d'une marche sabbatique (Actes des apôtres^ I, 12); par Mont
des Oliviers il faut entendre forcément un point particulier de cette
montagne, car elle s'étend sur un vaste espace et il s'agit d'une dis-
tance fort petite (deux mille coudées) ; la latitude qui nous est
laissée est donc très-faible. Quel pouvait être ce point particulier^
sinon le village de la montagne qui en occupait le principal som-
met et qui en porte aujourd'hui le nom ?
En raisonnant dans l'hypothèse que Bethpbagé, où qu'elle soit, était
un des repères du périmètre sabbatique de Jérusalem, on pourrait
essayer d'en fixer l'emplacement par une méthode inverse, c'est-à-dire
en mesurant sur le terrain le rayon sabbatique de deux mille coudées.
Mais il faudrait pour cela déterminer préalablement la valeur
linéaire exacte des deux mille coudées en question, et savoir en
outre de quel point de Jérusalem on doit les compter.
Je ne saurais traiter utilement ici une question qui demanderait
de longs développements, et sur laquelle j'aurai occasion, je l'espère,
de revenir ailleurs (1).
Ch. Clermont-Ganneau.
(1) Je crois devoir consigner ici, bien qa'elle n'ait qu'an intérôt secondaire, une
assez curieuse déviation et confusion de la légende chrétienne chez les musalmaDs.
Tout près deBétbanie, vers le sud-sud-est, est un plateau^ avec de nombreiuet
excisions dans le roc : tombeaux, assiettes de maisons, lits de carrière^ etc. Là
les fell&hs m'ont désigné certain rocher comme rdne pétrifié de Lazare (!}.
INSCRIPTIONS DE SÉTIF
On sait combien sont rares les monuments [épigraphiques élevés
en l'honneur des deux empereurs Pupien et Balbin et du César
Gordien le jeune. Jusqu'ici on n'a encore signalé qu'une seule ins«
cription dans laquelle ces trois princes sont mentionnés avec tous
leurs noms et tous leurs titres. Découverte à Bouhira, à 14 kilomètres
au nord-ouest de Sétif, elle a fait l'objet d'une importante commu-
nication de M. L. Renier devant TAcadèmie des Inscriptions et
bel les- lettres, au mois de juillet 1873 (1). Les deux nouvelles inscrip-
tions relatives à ces empereurs dont je vais donner le texte ont été
trouvées dans la même contrée : elles ont été relevées à Sétif en
1844 et en 1846, et il est probable qu'elles sont aujourd'hui détruites,
car elles ne figurent ni dans le Recueil des inscriptions d'Algérie,
ni dans les Annuaires de la Société archéologique de Constantine.
Moi-même j'ai relevé avec soin tous les textes conservés encore à
Sétif et je n'ai trouvé aucune trace de ceux que je signale aujour-
d'hui.
Les deux copies trés-imparfaites que je donne ci-dessous m'ont été
communiquées par mon confrère et ami M. Anatole de Barthélémy :
elles sont extraites d'un recueil manuscrit d'inscriptions relevées en
Algérie, sans doute par un officier, pendant les années 1844^ 1845,
1846 (i).
I
La première est accompagnée de la mention suivante : Sétif, 1846.
(1) Acad. des inscr,, C. R., 1873, p. 208; Journal officie/, 30 Juillet 1873. —
Cf. Ànn, de la Soc, archéol, de Constantine, XVI (1873-7A), p. 366.
{%) Un renseignement que Je dois à l'obligeance de mon confrère M. Bourquelot,
bibliothécaire de la ville de Provins, m'autorise à croire que ce recueil a été formé
par M. A. Fourtier, ancien payeur de Tarmée d'Afrique.
390 RETUB ARCHÉOLOGIQUE.
En voici le texte tel qu'il m'est transmis. D'après le dessin, elle était
gravée sur un piédestal rectangulaire entouré de moulures.
IM PCA E SMCAVA O
PVPI ENIOM . . . II. .
RIOFELICIAVCRO N
MAXI iiBPOTE PPC
ROCOSET-
IMRCAES-FAEHO
CALVIARTRINO
PICH HCI AVCPSINT
M I XTRI R POSI ICS
P P O C O S E T
MANTONIOCODIAN
NORIIISI MCCNESAR
AVCP A/0 N XOR VA/C
CCRDMNOKVMRES
NERVAVCMAKTV
Cette copie est défectueuse, mais la division des lignes a été exac-
tement observée et il est facile de rétablir le texte original, qui
devait être ainsi conçu :
IMPCAES ■ M • CLODIO
PVPIENIOMAXIMO
PIOFELICI AVGPONT
MAXTRIBPOTP PCoS
II- PROCOSET
IMP • CAES • D CAE LIO
CALVINO-BALBINO
PIOFELICI AVG PONT
MAX TRIBPOTP PCoS
IIPROCOS ET
M ANTONIO • GORDIANO
NOBILISSIMO ■ CAESARI
AVGPFNEPOTJDIVORVM
INSCRIPTIONS DE SÉTIF. 39t
GORDI ANORVMRES P
NERV- AVGMART-VET-
[Sitifensium]
Je pense qu'il faut ajouter une ligne absente dans la copie et lire :
aImp(eratori)C8Bs(ari) M(arco) Clodio Pupienio Maximo Pio Felici
Âug(usto) , pont(iQci) max(imo) , trib(Qnicia) pot(eslate) « p(atri)
p(atriaB), co(n)s(uli) iterum, proco(n)s(ali), et imp(eralori) C3es(ari)
D(ecimo) Caslio Calvino Balbino Pio Felici AugCusto), pont(ifici)
max(imo), trib(unicia) pot(estale), p(atri) p(atriae), co(n)s(uli) iterum,
proco(n)s(uli),
a Et H(arco) Antonio Gordiano nobilissimo Caesari Aug(usto) P(io]
F(elici), nepoti divorum Gordianorum.
c(Resp(ublica)Nerv(iana) Aug(usta) Mart(ialis) yet(eranorum) Siti-
fensium. ù
II
La seconde copie porle cette indication : Sélif, remparts du camp,
1844. D'après le dessin, la pierre était brisée de tons les côtés (1).
La voici :
•MCAESMCLODIOI
.NIOMAXIMO P...
CIAVCPONTIMAXIR
.RO OR
IMPC A E S DON...
....NORA
....AVC
A la première ligne, dans IMP, les lettres M et P devaient être liées.
Ce fragment d'inscription doit être ainsi restitué :
tMPCAES-MCLODIO -Pttpt
«NIOMAXIMO- Pio'feli
(1) Va autre deuin de cette inscriptioa m'a M communiqué à Sëtif ; il m trouve
dans un album conaerré aux bureaux du génie; il y porte le n* XXXIT.
392 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
CI-AVG-PONTMAX-TRîé-
POt'p'p'cos'ii'procOS' ei
IMP-CAES'D*CAEIio*ca{
viNO • ^klhino ' pio ' fe
lici ' AW O . . . etc.
L'inscription était conforme à la précédente^ mais les lignes
étaient divisées autrement : il faut la lire de la même façon. — Je
ferai remarquer que ces deux copies portent PVPIENIO au lieu de
la forme PVPIENO donnée par l'inscription de Bouhira.
Ces deux textes ont été gravés dans l'intervalle d'un peu moins
de trois mois qui s'écoula entre l'élévation et la chute des deux
empereurs Pupien et Balbin, mis à mort par les prétoriens au mois
de juin 238. Ils attestent l'attachement et la reconnaissance des
Africains pour ceux qui venaient de frapper le meurtrier des Gor-
diens; ce sont, en outre, de précieux documents pour l'histoire
encore si peu connue de cette époque. Déjà^ grâce aux travaux
d'Ëckhel(4)et de Borghe$i(2), bien des obscurités ont été éclaircies ;
on sait maintenant ce qui s'est passé à Rome entre la mort d'Alexan-
dre Sévère et l'avènement de Gordien III. Les médailles et les ins-
criptions ont servi à établir la chronologie du régne de Pupien et à
rectifier les erreurs et les contradictions de Capitolin. De son côté,
M. L. Renier (3), avec sa merveilleuse sagacité et sa profonde éra-
dition, a pu reconstituer, à l'aide des textes d'Afrique, toute l'his-
toire des événements qui se déroulèrent dans cette province après
que Gordien le Vieux eut été proclamé empereur par Tarmëe
d'Afrique.
Quelle relation de parenté y avait-il entre l'empereur Pupien et
le Pupienius Africanus, collègue* de Maximin dans le consulat,
en 236, et dont le nom a été retrouvé par M. Henzen dans les fastes
sacerdotaux découverts à la basilique Julia (4)? L'empereur Pupien
n'a été que deux fois consul ; nos marbres d'Afrique et les médailles
(1) Eckhel, Doctr, num. vet., t. VII, p. 203.
(2) Borghesi, SulV imperatore Pupieno (dans ses Œuvres complètes^ V, p. A85
et sni?.)*
(3] L. Renier, k son cours da mois de mars 1860. Cf. Journal officiel do
30 jaiUet 1873.
(&) Orelli-Henzen, n^'eObS. Un fragmeot d'inscription découvert en Angleterre,
en 1871, contient aussi la mention de ce consulat (C. /. £., t. VII, n^ 833 6).
INSCRIPTIONS DE SÉTIF. 393
en fournissent les plus certains témoignages. Or Borghesi (1) a
prouvé que c'était en 234 qu'avait eu lieu son second consulat; on
ne peut donc identifier l'empereur avec le consul de 236. Il est néan-
moins intéressant de constater que tous deux portent le même pré-
nom M{arcu8) (2), et de remarquer ce surnom d'A fricanuSy curieux
à rapprocher de nos textes d'Afrique. Le consul de 236 appartenait
probablement à la famille maternelle de l'empereur.
m
Dans le même recueil se trouve une autre inscription impériale
découverte également à Sélif, mais appartenant au règne de Septime
Sévère ; elle est accompagnée des mots : o Trouvé dans les ruines
d'un temple de Diane, Sétif; actuellement à la Manutention^ 184K. »
Ce texte a été donné par M. L. Renier^ dans les Inscriptions
d'Algérie^ sous le n"" 3272 ; mais le savant auteur ne l'a pas vu lui-
même ; il l'a publié d'après plusieurs copies. Deux de ces copies
portent à la H« ligne la variante TRIB • POT • XV • qui se lit aussi
sur la copie prise en i845. D'un autre côté, j'ai vu moi-même la
pierre^ en 1873, en 1874 et en 1877, et j'ai pu constater trois fois que
le chiffre de la puissance tribunicienne était réellement XY et non
pas XVT. C'est l'I du mot IMP, placé immédiatement après, qui a
causé l'erreur.
A la 15* ligne j'ai lu également, comme M. Dermitanis et le copiste
de 1845, VrP*P-COS-ir avec un point très-apparent après le chiffre
du consulat. Et en effet la XV* puissance tribunicienne de Septime
Sévère nous reporte en 207, c'est-à-dire à l'année qui a précédé le
troisième consulat de Caracalla. Le chiffre YI pour la puissance tri-
bunicienne de ce dernier ne s'accorde pas avec les autres dates, et
correspondrait à l'année 203, ce qu'il est impossible d'admettre si on
examine les autres éléments chronologiques de l'inscription, puisque
Caracalla n'a été consul pour la seconde fois qu'en 205. Il y a donc
là une faute du graveur? Je suis certain que la pierre porte à la
11'» ligne: TRIB -POT- XV, età la ^5* ligne: YI-P-P-COS-IL
Ant. Héron de Yillefosse.
(1) Œuvres complètes, t. V^ p. 503.
(2) OreUi-Henzen, n* 6053.
NOUVELLE NOTE
SDR un
LimilDE REiERHÉ M i M M VERRE
TRËS*ANCIEN
En pabliant dans ce recueil (1) mes recherches sur an vin antique,
contenu dans un vase de verre scellé à la lampe, j'ai insisté sur l'in-
térêt que présenterait l'analyse des liquides analogues, observés à
diverses reprises dans Tintérienr des vases de verre conservés dans
les musées, et qui ont eu le privilège de piquer la curiosité des ar-
chéologues. Déjà j'ai pu donner les résultats que j'avais obtenus sur
le liquide renfermé dans un verre bleu du musée du Louvre, liquide
que les conservateurs du musée ont bien voulu m'autoriser à
extraire et à étudier : c'était de Teau pure, introduite sans doute
par voie d'infiltration à travers les fêlures du verre, fortement fis-
suré.
Depuis lors j'ai reçu de M. Girardin, correspondant de Tlnstitut
(Académie des sciences), un autre vase de verre renfermant un
liquide, vase tiré du musée départemental de Rouen. Yoici un
extrait de sa lettre, qui précise l'origine de l'objet : « Le petit
« objet en verre rempli de liquide que je vous ai envoyé, et qui
« provient du musée départemental d'anliquités, n'est pas une fiole,
« ni un vase lacrymatoire, mais une partie intermédiaire du pied
(( d'un verre à boire. C'est ce que les antiquaires nomment un
(( baluitre. L'ancien directeur du musée, l'honorable M. Deville,
« qui fut correspondant de l'Institut (Académie des inscriptions),
(( avait placé ce petit godet parmi les verreries de l'époque ro-
» maine.
(1) Tome XXXIII, p. 392
LIQUIDE RRNFERilR DANS UN VASE DE VERRE. 305
a Hais le sous^directeur actuel du même musée, homme fort
a expert, lai donne une origine beaucoup moins ancienne; il le
(( regarde comme un des produits des gentilshommes verriers de la
« Renaissance. Il est de fait que par sa forme et sa pâte il se rap-
« proche parfaitement des verres de cette époque, qui sont assez
fl nombreux dans la collection du musée.
« Voilà le seul renseignement que je puisse vous fournir sur ce
u petit vase »
M. Péligot, de l'Académie des sciences, si expert en pareille ma-
tière, m'a confirmé l'opinion précédente, en me montrant des
verres à boire, de forme analogue, qu'il possède. Cependant il serait
porté à faire remonter le balustre de Rouen à une époque antérieure
à la Renaissance, c'est-à-dire à la période du moyen âge, en raison
de la forme du vase et surtout du degré de son altération ; car ce
vase est assez fortement irisé à sa surface. Cette irisation résulte,
comme on sait, d'une altération produite par les agents atmosphé-
riques.
Elle a dû exiger pour se développer un temps d'autant plus con-
sidérable que le verre est lui-même plus résistant aux agents chi-
miques. Or, en fait, la résistance, à l'action lente de l'eau, du vase
que j'ai étudié est très-notable, comme il sera dit plus loin : ce qui
tend à prolonger la durée que Ton doit assigner à l'existence de ce
verre.
Voici les résultats de mon examen, relativement à la nature du
liquide inclus et à son mode d'occlusion.
Le balustre est rempli presque en totalité par un liquide incolore
et transparent, dont la mobilité rappelle celle de Teau. Il est com-
plètement clos, sans qu'on y aperçoive aucune soudure, pratiquée à
la lampe ou autrement. Cependant, en examinant atlenlivement sa
face supérieure (laquelle formait autrefois le fond du verre à boire
dont il faisait partie), on y aperçoit un enfoncement, par lequel on peut
soupçonner que le liquide a été introduit. En dégageant et en creu-
sant légèrement cet enfoncement avec une aiguille, de façon à le dé-
barrasser des matières pulvérulentes et des enduits accumulés par le
temps, on réussit en effet à déboucher un orifice très-capillaire. Cet
orifice était suflisant pour laisser suinter une gouttelette de liquide,
lorsqu'on agitait violemment le balustre. Cependant la communica-
tion se faisait par des pertuis excessivement étroits et prolongés ;
car il ne m'a pas été possible de faire sortir ainsi plus d'une goutte
de liquide. J'ai pensé alors à extraire celui-ci en plaçant le vase ren-
versé dans un flacon plus grand» sur lequel j'ai fait le vide. Mais cet
396 RBVUB ARCHÉOLOGIQUE.
artifice n*a pas accru le saintement, même au bout de plasieurs
heures de séjour du vase dans le vide ; sans doute parce que la sortie
du liquide avait lieu à travers des conduits tout à fait capillaires et
dans lesquels la circulation du liquide s'opérait avec une extrême
lenteur et difficulté.
Cette circonstance me fait penser que Torifice et les conduite qui
le suivent n'ont pas été pratiqués intentionnellement dans le ba-
lustre : c'est probablement un simple défaut de fabrication, le verre
fondu ne s'étant pas exactement ressoudé avec lui-même, lors de la
fabrication initiale. Toutes les personnes qui ont fermé des vases de
verre à la lampe savent combien cet accident est fréquent.
En tout cas, j'ai dû ouvrir le vase à l'aide d'un trait de lime pour
en extraire le contenu.
C'est un liquide clair, insipide, incolore, neutre aux réactifs. Il
ne renferme aucune matière organique, soit fixe, soit volatile. Éva-
poré sur une lame de platine, il y laisse un résidu trés-faible, con-
stitué en majeure partie par du sulfate de soude, avec un peu de
sulfate de chaux, joint à des traces de silice et de chlorure de so-
dium. Le sulfate de soude et la silice sont attribuables à l'action de
l'eau sur le verre. Le sulfate de chaux et le chlorure de sodium
préexistaient probablement dans le liquide, avant son introduction.
J'ajouterai que ce verre doit avoir été de bonne qualité, pour avoir
éprouvé si peu d'altération sous une influence aussi prolongée,
exercée par le liquide aqueux.
La composition de ce dernier représente de l'eau commune, très-
peu chargée de matières solubles. Il me parait difficile d'admettre
que cette eau ait été placée intentionnellement dans l'intérieur du
balustre. Je suis porté à croire de préférence, que cette introduc-
tion d'eau a eu lieu accidentellement, le verre à boire ayant été
rempli d'eau commune, qui aurait pénétré peu à peu par infiltration
dans l'espace vide du balustre placé au-dessous. L'orifice s'est ensuite
obstrué, sous l'influence des poussières et de l'altération du verre.
Avant que l'obstruction fût accomplie, la pénétration accidentelle
de l'eau a-t-elle frappé les propriétaires du vase, de façon à être
aidée ou provoquée? Avait-elle été prévue par les verriers, dans les
conditions mêmes de la fabrication? Se rattache-t-elle à quelque
jeu, ou à quelque pratique mystérieuse ? C'est ce que l'analyse chi-
mique ne saurait décider, ce que l'on ne saurait dire, tant que l'on
ne possédera pas quelque renseignement nouveau et précis à cet
égard, renseignement tiré soit de l'examen d'autresvases analogues,
soit de documents écrits.
LIQUIDE RENFERMÉ DANS UN VASE DE VERRE. 397
On conçoit dés lors qu'il soit difficile d'assigner une date précise
à l'introduction du liquide dans la cavité du verre. En effet, cette
introduction n^est pas nécessairement contemporaine de la fabrica-
tion ; mais elle peut avoir eu lieu par suite de quelque circonstance
fortuite et à une époque quelconque, le liquide s^étant conservé en-
suite par l'effet de l'occlusion ultérieure de l'orifice.
A fortiori ces conclusions sont-elles applicables aux liquides qui
ont pu être trouvés soit dans les tombeaux, sous la terre, soit dans les
ruines d^une ville ensevelie. Toutes les fois que ces liquides n'ont pas
été renfermés dans des espaces strictement clos, tels qu'un vasescellé
à la lampe, il y a lieu de soupçonner une introduction fortuite et que
ne justifient que trop les infiltrations et passages d'eau dont le sous-
sol est incessamment le siège, à la suite des chutes d'eau atmosphéri-
ques. Une telle origine est attribuée avec raison, par la plupart des
antiquaires, à certains liquides aqueux rencontrés à Pompéi, renfer-
més dans des vases métalliques.
Si des substances organiques fixes et privées d'eau, telles que des
graines, du pain, des matières grasses, des parfums résineux, ont pu
venir jusqu'à nous sous la terre, c'est toujours avec des altérations
profondes. Les allégations relatives au blé de momie, qui aurait germé
et fructifié, sont aujourd'hui reconnues erronées par les botanistes et
les agriculteurs; les personnes qui ont fait autrefois ces essais ont été
dupes des Arabes et des guides. Mais aucun échantillon récolté dans
des conditions authentiques n'a jamais germé. A fortiori en est-il de
même du blé trouvé à Pompéi^ lequel n'a pas été carbonisé par la
chaleur, comme on le croit souvent ; mais il a éprouvé une altération
lente, comparable à celle qui transforme les matières végétales en
tourbe et en lignite (i).
Si les matières organiques solides sont aussi profondément altérées,
a fortiori en sera-t-il de même des matières organiques putrescibles
et dissoutes dans l'eau. Un liquide d'origine organique très-riche en
eau, tel que le vin, le sang, le lait, placé dans une fiole ou dans
tout autre vase largement ouvert et communiquant avec l'atmo-
sphère, dans des conditions telles que le vase soit exposé à être en-
vahi par des insectes (voir plus loin), un tel liquide, placé dans de
telles conditions, je le répète, ne saurait se conserver, je ne dis pas
des siècles, mais même une année, sans se décomposer entièrement.
Au bout d'un temps dont la durée dépend de la grandeur de l'ori-
(1) Voir les analyses de M. de Luca, et les obsenrations que J'ai faites A cet égard
{/oumal de pharmacie, 3* série^ t. XLIV, p. 40A, 1863).
3U8 RBVUE ARGHBOLÔOIQUE.
fice du vase, el des coilditions de renoavellemenl de Tatmosphère
qui l'entoure, et de pullulation des germed qui peuvent y pénétrer^
le liquide ûu, pour mieux dire, les produits de sa putréfaction ou de
sa fermentation disparaîtront complètement, en laissant seulement
quelques résidus presque méconnaissables. Encore ces résidus au--
ront-ils été exposés à être dévorés par les larves d'insectes, dont on
a retrouvé souvent les poils et autres débris micro.scopiques au fond
des fioles (voir Roma sotterranea^ par de Rossi, t. III, p. 716).
Tout ceci accompli au bout de peu d'années, le vase restera vide
de liquide, jusqu'au jour où les eaux souterraines^ plus ou moins
chargées de sels de fer et de matières humiques, qui les colorent
en brun, suivant la nature des terrains traversés, pénétreront dans
le vase. Cela n'arrivera d'ailleurs que dans certains cas; mais^ Cet
accident une fois réalisé, le nouveau contenu du vase s'évaporera
commole premier, et la même suite d'accidents pourra se reproduire
plusieurs fois dans le cours des siècles. Chaque nouvelle infiltration
laissera un dépôt brunâtre, souvent ferrugineux, et qui se retrou-
vera au fond des liquides ultérieurement déposés dans le vase^ sans
préjudicedes substances résultant de l'altération du verre lui-même.
En définitive, les liquides trouvés aujourd'hui dans les vases ou-
verts que l'on récolte sous la terre ne sauraient, en général, avoir
aucune relation avec les liquides qui ont pu y être placés il y a bien
des siècles. Cette relation n'existe, je le répète, que pour les liquides
contenus dans des vases absolument clos et scellés. C'est seulement
dans les cas de ce genre que l'analyse chimique présente de l'inté-
rêt pour établir l'origine des liquides et la destination des vases.
Mais pour les vases ouverts et placés dans les conditions précédem-*
ment décrites, il n'existe d'arguments valables que ceux qui sont
empruntés à des témoignages historiques et archéologiques.
M. Bkrthelot,
De l'Académie des scùnces.
DECRET
RN l'hONNKUII de
PHANOGRITOS DE PAEIUM
L'iûscription a élé envoyée d'Athènes par Panvel et se trouve
maintenant an Hasée du Louvre. Elle a élé souvent publiée et sou-
vent citée (1). Je la reprends aujourd'tiui, parce que Texamen de
l'original m'a permis de compléter en quelques endroits les copies
précédentes. La date du monument n'a pas encore été déterminée ;
les raisons exposées dans cet article paraîtront, je Tespére, suffi-
santes pour la fixer et pour rattacher ce décret à l'un des événe-
ments les plus importants de l'histoire grecque dans la première
partie du iv* siècle.
La »tèle, en marbre pentélique, est brisée dans le haut, mais
entière des deux côtés et dans le bas; quelques lettres sont effacées
au commencement et à la fin des lignes; seules, (es lignes 18-2Û
sont complètes et comptent vingt-huit lettres. L'iûscription est gra-
vée (TTotx7)$^v. La copie ci-dessous reproduit, un peu plus exacte-
ment que les précédentes, la forme des caractères épigraphiques.
(i) Corpm inacr, gr, 84; cl. Addenda, p. 917» -^ SolMBfer, PMlologuf, 18Ô0,
t. XVII, p. 100. -^ Kircbhoff, Abhandl, Berlin, Akadem,, 1801, p. 590. ^ Corpuf
inscr, a//tc., II, 38.
400 RETCB ARCHÉOLOGIQUE.
[OAHMOi]
ASEHEHA HAIEAHKA
. . . IAHM..AOK THHEYEPr. . .
. JATPAy HAEIAIOIHEI EH.K
. OnOAEl K. . .SIAIAEAYTOHEPIÏEH.
8 . A E I STOPPYTAH EI0HEI2:AYPI0H..
KE + AAOSEIPETAMEHAAAAKAOAPEP.
H IBOAE lAHArPAyAlAE+AHOKPITO.
TOHPAPIAHOHPPOÏEHOHKAI EYEPT.
TH HAYTOH KA I to5:e i< roHos: E H2:TH/ .
10 . A I O I HEI \i A\ZTHZA I EHAKPOPOAE.
. OrrPAMMATEATH2BOAH2:£P EIAH"".
. H r r EAEToi 2:'.2:t path ro i s: p e p i . . .
.EriHTOPAPAPAOKAlEIOISITP .T. . .
• EPI OOHTOEAAASIAHAhlA . T » . h ? E . 2
IBAIPOAEMIAIAHTITOYTAHEHAI .AIT
HHPPOïEHIAHKAITHHEYEPrESI . . .
A I KAAESIAIAYTOHEP lïEH I AEIST. .
PYTAHEIOHEISiAYPIOHME I I SIAIAET
OAPrYPIOHTOEIPHMEHONTOSAPOAE
20 KTASEKTAN KATABAAAOMEHAHXPHMA
.ANEPEIAAHTAEKTnHHOMnHMEP. . .
•
Ma copie diffère un peu de celle qui a été publiée dans le
deuxième volume du Corpus inscriptionum atticarum (1). L. 1 :
ENE2I; il y a certainement ENEKA; à la fin de la même ligne, au
lieu de E, je distingue NAIE4NKA. L. 2 : AHM. . . . OK. . . .
THN. Les deux lettres OK ont conduit tous les éditeurs, depuis
Bœckh^ à restituer 4»av]ox[p{Tou] d)v tU^tdav, d'autant plus que Pha-
nocritoR est le nom du personnage honoré; mais il était alors
impossible de trouver une construction satisfaisante pour les lettres
^(A. Avant O, il y a un A dont la lecture est certaine, et avant
(1) M. KoBhler n'a pa reyoir ce texte sur l'original ou sur an estampage, comme
Il Ta fait pour presque tontes les pièces de son excellent recneil ; il a pnblié l'in-
scription en choisissant les meilleures leçons des anciennes copies.
DÉCRET EN L'HONNEUR DE PHANOGRiTOS DE PARIUM. 401
AHM, nn I plus douteux, mais déjà donné dans une ancienne copie
de Eœhler {Corpus inscr. gr.^ Addenda^ p. 897). La restitution que
j'ai adoptée, liiv xa[i Tb>]t $iqfx[ta>i] $ox[^i xa\] t^v eôepyeaCav donne exac-
tement le nombre des lettres qui manquent. Une formule analogue
se rencontre dans le probouleuma d'un décret athénien copié par
M. Cari Curtius et qui date de Tannée 350 environ [àvotypa^ai Bl xa\
t}|v] icpoÇevfav, liv xal t5i $i{[jl[(i)i 8oxÇ)i, rbv Ypa[jt[JL]aT& T^i; fouX^; (i).
Au-dessus des lignes actuellement conservées, Kœhler avait lu quel-
ques lettres qui ont disparu : 0AHM02, à la fin de la ligne (2). Peut-
être y avait-il [xh àp^upiov ô âmfiYYÊ^aTo] b ^[uoç [xf(tkl]ct^ ?VExa
[mpa^oujvai. C'est une simple conjecture; mais elle correspondrait
assez bien à l'interprétation que je propose pour la ligne 19.
A la fin de la ligne 3, le graveur a omis les lettres AN qui se répé-
taient au commencement du mot suivant. L. 4-5 : les copies de
Clarac et de Mûller portaient EI2, d'où la restitution de Bœckb,
adoptée par M. Kœbler^ elç'Axp(koX[iv]. M. Eirchhofif, remarquant
que cette restitution exigeait une lettre de trop, voulait Iv 'Axpo7c<$-
Xct. L'estampage prouve qu'il avait raison. L. 1< : à la fin, une
ancienne copie donnait A; cette lettre n'est plus visible; Ttpor^yY^tXe
ou 'KOLp'fyfftikt,
Pour les lignes 13-15, qui sont les plus importantes du décret» il
est intéressant de passer en revue les différentes leçons ou restitu-
tions adoptées par les éditeurs qui se sont succédé. On peut ainsi se
rendre compte de la méthode à suivre pour rétablir un passage en
partie effacé, et des résultais auxquels peut conduire l'application
rigoureuse des règles de Tépigraphie grecque.
Lorsque Bœckh publia pour la première fois ce décret dans le
Corpus inscr . grœcarum^ il avait à sa disposition les copies de Clarac
et de Millier.
E I Ol STP
. E P I O O H T O E A A A 2 A l^l A H A . 2; I
AIPOAEM I O 1
Les deux copies étaient fautives en plus d'un endroit et le savant
éditeur ne dépassait pas la limite des corrections possibles en res-
tituant
(1) Corpus iMcr. atHc.,t, II, 89.
(2) Corpus inscr, gr.^ i. I, Addenda, p. 897.
XXXIV. 28
402 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
^] Ê7c[u]ôovTO làXb>ffav av a[t] ««[ttiyoi wç tïv-
ai 'ï7oAefji([(i)v] (I).
Bœckh croyait trouver dans ce passage une allusion aux événe-
ments qui précédèrent et amenèrent la bataille navale de Naxos
en 377. Un convoi de blé qu'attendaient les Athéniens était arrivé
au sud de TEubée ; mais la flotte lacédémonienne croisait dans les
Cyclades et pouvait l'intercepter; les vaisseaux chargés de blé
n'osaient donc continuer leur route. En l'apprenant, les Athéniens
firentun grand effort; ils mirent en mer la flotte, qui, sous le com-
mandement de Chabrias, battit près de Naxos l'amiral lacédémo-
nien (2). Suivant Bœckh, Phanocritos aurait apporté aux généraux
athéniens l'avis qui empêcha le convoi d'être pris par les ennemis.
Plus tard Bœckh eut connaissance de la copie de Kœhler: 1. 15,
àlafln, ANA . T; I. i6,AinOAEMIAI. Il ne tint pas compte de
cette copie pour la fin de la ligne 15 ; mais il modifia sa restitution de
la manière suivante : ^deXwjav &v al <ti[tv)yo\ x»p]^ iroXs(xCai, en supposant
avec quelque raison qu'il y avait plus de chances d'altération à la
première lettre de la ligne. Mais il ne lui paraissait pas moins évi-
dent qu'il était question des événements qui avaient précédé la
bataille de Naxos (3). En 1860, M. SchaBfer publia de nouveau le
texte en faisant usage d'une copie communiquée par M. Dareste(4).
Comme il voyait dans cette transcription la legon AI déjà donnée par
toutes les copies précédentes, il la fit entrer dans sa restitution
laX(i)(rav ht a[\ a\vf\'^o\ pi]ai 'ï7oXe(ji(ai. Mais préoccupé du passage de
Diodore, il eut le tort de ne pas admettre la leçon Itr'Oovto donnée
par M. Dareste comme dans les autres transcriptions, et de la corri-
ger en l7r[u]0ovTo. Du reste> comme Bœckh, il rapporta ce décret à la
bataille de Naxos. Cette interprétation, devenue pour ainsi dire
classique, a passé dans THistoire grecque de Grote et dans maint
autre ouvrage.
Cependant l'examen attentif des faits historiques pouvait suggérer
(1) La yariante deSchœmann ai a\.[Tf\'^o\ (ma tûv] 7coXe(j,tci>v est plus simple, mais
rend nécessaire une noayelle correction dans les copies.
(2) Diodore, XV, 34.
(3) « De sententia dubitare non licet; et rem ex Diodoro narratam hoc decreto
contineri prorsos manifestam est. » Addenda, p. 897.
(4) Philologus^ t. XVII, 18G0, p. 161.
DÉCRET EN l'hONNEUH DE PHANOGRITOS DE PARICM. 403
de sérieuses objections; enoutre, des expressions poétiques telles
que piai ou x«*pl wXejxfa ne conviennent guère au style très-simple
des décrets attiques. Mais la critique fondamentale a été formulé^
par M. Kirchhoff (i). Les lignes 19 et 20, conservées en entier, ont
vingt-huit lettres; celles dont la restitution est certaine ont aussi le
même nombre. L'inscription étant gravée très-exactement oroixtiWv,
il est contraire aux règles de la critique d'admettre une restitution
qui exige un nombre de lettres variant de 29 à 31 ; cette irrégularité
ne peut être admise, lorsqu'elle porte deux fois sur un passage
restitué. Appliquant rigoureusement cette règle, M. Kirchhoff
maintint la leçon I^COovto donnée par toutes les copies, et, mettant à
profit la lecture de Kœhler pour la fin de la ligne 15, il en tira la
restitulion suivante, qui donne le chiffre de vingt-huit lettres.
xal t\ o\ aTpa[TJfiYO
\ l-ïcJôovTO, £dtXto)ffav av a[î] T[pii^pei;
La simplicité de l'expression et la clarté de la phrase ainsi rédi-
gée suffiraient à elles seules pour prouver la justesse de la restitu-
tion. L'examen minutieux que j'ai fait de ce passage en confirme
l'exactitude. 11 y a, sans aucun doute possible, èiztàovzo ; et du mot
Tpti^pEic, trois lettres sont distinctes en entier et trois eu partie. Il
n'y a plus à hésiter sur le texte de ces lignes ; avec les mots at oiTvrroC
disparaît toute raison de rattacher ce monument à la bataille de
Naxos. J'essayerai plus loin démontrer à quels événements le décret
fait allusion.
Voici la transcription du texte et la restitution, quidiffèrent,pour
les premières lignes, de celles du Corpus inscriptionum atticarum.
àf^ùXloLÇ foexa ficapaSoulvai, làv xa- (2)
\ t£)]i 8TÎfJt[(oi] 8ox[rii, xal] t>v euepY[£(T((av)
àv]aYpA|/[ai Iv arJ^^Xei Ai6(vei Iv ['A]x-
(1) Àhkandlungen Berlin, Akademie, ISdl, p. 599.
(2) Les lettres restituées sont mises eotre crochets ; les parenthèses indiquent les
lettres ajoutées pour écrire les mots suivant Porthographe ordinaire ; dans les ins-
criptions attiques de la première moitié du it« siècle on emploie fréquemment les
lettres s et o pour les diphthongnes et et ou.
40i REYUB ARGHiOLOGIQUB.
S$ a f U ti icpUTon^ETov elç aSpcov.
KefoXoç eTire xà (i.lv AXa xoeOdciccp [t*
riv Ilapucv^ np^Çcvov xal ty^ef^i^
tTjv a&riv xal To(b)ç ^xy<Jvo(u)ç h <priiX[e-
10 t] XiO(vei xal ot9Î9ai Iv 'AxpoicoXe[t
T]èy YP*Ht[A«Tla TÎiç po(u)XTiç litetî^ it[p-
o]i^YY^(0^* ToTç (jTpaTT)y<Hç wepl [tGv
v]eSv To(u) icapa7cXo(u) xal el o\ ffTpaT[7iYo*
l] £ic(dovTO, IdcXcoaav âv a[t] T[pi]i^[p]e[i]ç
15 a! TcoX^fAïai, dlvrl toutciïv e(l)va( [x]al t-
jjv ^poÇevtov xal t?iv 8&epYeai[av x«
al xoX^aai a&r^v êirl Ç^vta e!ç rfb iz
puTocvelov elc aupiov, {jie[p]((rai Si t-
& àpYuptov rb icpoeip7)pivov To(b)ç âicoSé-
20 xxaç Ix tSv xaTa6aXXo(Aiv(i>v XP^f^'
tJoiv, liceiSàv tk ix tSv vJfAuiv fjLep[(a(o-
<n].
« remettre l'argent que le peuple avait promis poar la nouvelle, si
« le peuple est aussi de cet avis ; inscrire le titre de bienfaiteur sur
« une stèle de marbre sur l'Acropole et l'inviter pour demain au
« prytanée au repas d'hospitalité.
« Këphalos propose une résolution conforme, sur les autres points,
« à celle du conseil, mais le secrétaire du conseil inscrira sur une
a stèle de marbre Phanocrttos de Parium comme proxène et bien-
ce faiteur, lui et ses descendants, et la placera sur l'Acropole,
« attendu qu'il a averti les généraux du passage des vaisseaux, et
« que, si les généraux l'avaient cru, les trirèmes ennemies auraient
a été prises ; en récompense, qu'il ait le titre de proxëne et de
(( bienfaiteur^ et qu'il soit invité pour demain au prytanée au repas
« d'hospitalité; les apodectes remettront la somme promise, en la
(c prenant sur les fonds qui leur sont versés, lorsqu'ils remettront
« les sommes prescrites par les lois. »
La partie supérieure du marbre, qui a disparu, contenait l'inti-
tulé du décret et le probouleuma ou décision préalable du conseil
DÉCRET EN l'HONNBUR DE PHAN0GR1T08 DE PARIUM. 405
des Cinq Cents qui introduisait l'affaire devant l'assembiëe du
peuple. La fin seule en est conservée (1. 1-5). L'inscription du titre
de bienfaiteur accordé à Phanocritos, sur une stèle exposée à l'Acro-
pole, et l'invitation au prytanée sont les honneurs décernés d'ordi-
naire dans les décrets de ce genre. Si l'on admet la restitution des
premières lignes, dont le commencement est donné seulement
comme une conjecture^ le conseil proposait, si le peuple était du
même avis, de remettre à Phanocritos la somme promise à ceux qui
apporteraient un avis.
La seconde partie, conservée en entier, est le décret du peuple^
rédigé par Eéphalos, et adoptant l'avis du conseil en le modifiant et
en le complétant sur quelques points.
Ce décret du peuple fut voté le même jour que le probouleuma.
Si les deux délibérations avaient eu lieu à des jours différents, il
aurait fallu de nouveau marquer le nom de la tribu qui avait la
prytanie, et le nom du proèdre qui avait présidé. Ces indications
n'étant pas données, il en ressort que la tribu prytane et le prési-
dent étaient ceux qui figuraient en tête du profiouleuma, et par
conséquent que les deux votes du conseil et de l'assemblée eurent
lieu dans la même journée.
Képhalos, du déme de CoUytos, est l'orateur bien connu qui,
pendant de longues années, prit part aux affaires publiques. D'après
Suidas, il vécut à l'époque des Trente Tyrans (1). Nous voyons, en
effet, que, membre du conseil vers l'année 400, il prit la défense
d'Andocide contre le dadouque Callias et convainquit celui-ci de
mensonge (2). Lorsque Andocide prononça son discours sur les mys-
tères, Képhalos prit encore la parole en sa faveur (3J. Son activité
politique se prolongea pendant tout le premier quart du iv* siècle.
Ce fut lui qui fit passer en 379 le décret pour porter secours aux
exilés thébains et les aider à chasser la garnison lacédémonienne
de la Cadmée (4). Un fragment de décret rédigé par lui pour con-
clure une alliance avec Mityléne est attribué par H. Kœhler à l'an-
née 378 (5). Dans une inscription récemment retrouvée, et qui est
postérieure à la paix d'Antalcidas, nous voyons Képhalos élu le
premier des cinq ambassadeurs envoyés aux habitants de Chios, et
■ (1) Kéça^oc *AOT)vatoc^ ^jxcop xal dyijjiafcoYè;, ô; icpcoioc icpooiiiia xaièmXoYOvcicpooé-
^ e. réfove 8à licl t9)c àvapxîac* Suidas. -* KéfoXoç KoXXureO;. Dioarque, I, 76.
(2) Aadoc, De myst,, 116.
(3) Andoc, De myst.y 150.
Ih) Diodore, XV, 26; Dioarque, 39.
(9) Corpus inscr, attie,^ t. II, 18.
406 REVUE ARGHéOLOGIQUB.
il est probable qu'il fat l'auteur du décret volé dans cette occasion (1).
Pour les orateurs de la génération suivante, Képhalos fut comme
un type d'éloquence et surtout d'honnêteté politique (2). Il s'était
glorifié de ce qu'aucun de ses nombreux décrets n'avait été accusé
d'illégalité, et Eschine opposait cette parole à Timpudence d'Aris-
tophon qui se vantait d'avoir été soixante-quinze fois accusé et
acquitté (3). Ce contraste entre les deux orateurs servit de thème
aux rhéteurs anciens qui composèrent des discours prononcés par
Képhalos et Aristophon pour se disputer une récompense publique.
Le décret de Képhalos est conforme au probouleuma, mais en y
ajoutant sur quelques points. Outre le titre de bienfaiteur proposé
par le conseil, il donne à Phanocritos celui de proxène, avec héré-
dité pour ses descendants. Ce double titre de proxène et bienfai-
teur, comme le marque expressément le décret, était la récompense
de l'avis apporté par Phanocritos sur les mouvements de la flotte
ennemie.
Deux décrets du iv* siècle nous ont conservé le témoignage d'hon-
neurs accordés a des étrangers pour des services semblables. En
358, un certain Philiscos reçut des Athéniens le même titre héré-
itaire de proxène et bienfaiteur pour avoir fait connaître, suivant
une restitution plausible, une entreprise de la flotte des Byzan-
tins (4). Du second décret, qui est de 332^ le commencement seul a
été retrouvé^ mais le titre gravé sur le haut de la stèle résume
l'objet du décret :
*Pï]6ouXaç Scuôou ôoç, Kotuoç diSeXcpb; avYeX[o;] (5).
Le considérant « et, si les généraux l'avaient cru, les trirèmes
ennemies auraient été prises, » mérite d'attirer l'attention. Il ne se
(1) KoumanoudiS;; 'AOi^vaiov, t. V, p. 520; Kœhler^ MittheiL arch. Instit. in
Athen,^ t. 11, p. 138. — L*orateur qui proposait un décret de cette nature était sou-
vent élu comme le premier des ambassadeurs chargés des négociations. Voyes Cor-
pus inscr, attic»i t. 11^ 17.
(2) Démostb.^ Pro Corona, 219. — Eloge de Képhalos dans le discours de
Dinarque, 38-39, 16.
(3) 'EtoXjmi ô * âv (»|jLÏv note creiAvuve(T6ai 'Apioro^ûv èxetvo; ô 'AÇioviev; Xé^wv ôri
Ypaçà; ica(>av6[ji(ov Tcé^euysv é66o(i,if)xovTa xal icévre * àXX' oby\ à KéfaXoç 6 icaXaiàc
èxeïvo;, ô Soxcôv fiT)p.0Ttxa>xaT0c ye^ov^vat, ovx ovto);, àXX' Inl xotç èvavriot; éçiXori^ietto,
XéY(«>v 5ti irXetara toqcvtojv ysypoifcbç ^^<r\iJoeza où$e{i.tacv icu>7Cote Ypocf^ tcé^euye icoipa-
v6(Mdv. Escb., m, 19/i.
(Il) npo^evCa xal eùepye<Tia ^iXtcrxcoi Auxou oàtxSn xai êxY6voic. Corpus inscr, a<<i'c,
t. U, 69.
(5) Corpus inscr, attic, t. Il, Addenda^ 175 6.
DÉCRET EN L'hONNEUR DE PHÀNOGRITOS DE PARICM. 407
trouvait pas, je pense> dans le probouleuma. Celle addilion n'a pas
seulement pour but de faire ressortir Timporlance du service rendu
par Pbanocritos; c'est surtout un blâme infligé aux généraux qui
n'avaient pas ajouté foi à Tavis qu'il avait apporté. Nous touchons
là du doigt un des côtés les plus fâcbeux de la constitution athé-
nienne. Rien ne fut plus funeste aux affaires d'Athènes que cette
immixtion de l'assemblée dans le détail des opérations militaires.
Sur la proposition d'un orateur, le peuple déclarait que les généraux
avaient eu tort de ne pas croire Phanocritos. Sans doute, l'événe-
ment avait prouvé qu'il était exact; mais sur le moment, il y eut
évidemment des renseignements différents, contradictoires, et il
pouvait être fort difficile de distinguer le vrai du faux. Le résullat
de celte intervention du peuple et de ses orateurs, qui se produisit
fréquemment dans les affaires militaires^ fut de troubler ceux qui
commandaient les forces athéniennes; il leur fallait se préoccuper
presque autant de l'opinion des Athéniens que des mouvements de
Tennemi; quant aux orateurs, ils se mêlaient d'autant plus de la
conduite de la guerre qu'au iv*" siècle ils ne commandaient plus les
expédilions, et pour bon nombre d'entre eux c'était un moyen de
se faire acheter leur silence ou leur protection.
Le sens des mots to àpYupiov to eIpv)[jLevov peut présenter quelque
doute. Dans le probouleuma^ il avait été, je crois, question de ce
payement, mais sous réserve de l'approbation du peuple ; to elpifis-
vov pourrait donc signifier l'argent dont il a été parlé précédemment.
Hais cette somme était donnée à Phanocritos, comme salaire de son
avis ; celui-ci semble être venu à Athènes pour la réclamer comme
une somme due. Il est très-probable, en effet, que cette récompense
avait été promise à l'avance, afin de provoquer les renseignements.
C'est dans ce sens que j'ai restitué à la première ligne à^Ye^Qa;
£v£xa et que l'on peut faire usage des mots 6 Stîjao; qui sont donnés
par une ancienne copie. Dans le décret du peuple, j'entendrais
donc aussi la somme promise.
Les deux dernières lignes ont simplement pour objet de désigner
ceux qui doivent faire le payement et les fonds sur lesquels l'argent
doit être pris. Les apodectes formaient un collège annuel de magis-
trats désignés par le sort, au nombre de dix, un par tribu. Leurs
fonctions consistaient à recevoir tout l'argent de l'État, tribuls, con-
tributions, revenus (1). De nombreuses insciûptions les montrent
(1) 'Airo^ixxai 5à^<rav $bxa ot xou;Te 96^0^; xal xàçeliço^; xal xà xéX't\ àir>3éxov:o.
Pollax, 07. ^ 'Aç^(riTti xXvipidtol, 6sxa xàv àp(0(jL6v xaià ^uXif^v. Harpocratio.
408 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
aussi chargés de poursuivre le recouvrement des sommes dues par
les débiteurs publics; ils les recevaient en présence du conseil et
effaçaient des registres les noms de ceux qui s'étaient acquittés (1).
L'argent restait dans leur caisse jusqu'au moment où ils le remet-
taient aux trésoriers des divers services^ suivant une sorte de budget
réglé par les lois et les décrets (5).
Le problème le plus intéressant serait de fixer la date du décret
et de retrouver les événements auxquels il est fait allusion.
M. Kirchlioff; sans entrer dans une discussion détaillée de la
date^ est d'avis que le caractère paléograpbique de rinscripti'on doit
la faire placer entre la 97^ et la 100* olympiade (3). Cette opinion
est très-exacte, mais on peut arriver à une plus grande précision.
Pendant le premier tiers du iv® siècle, il y eut deux guerres où
les Athéniens combattirent sur mer : la guerre de Corinthe
(394-387) et la guerre thébaine (378-362). Il s'agit de dégager du
décret toutes les circonstances qu'il indique sur l'événement et de
trouver un fait de guerre qui réunisse toutes ces circonstances, ou
du moins les plus importantes.
Celles qui sont marquées expressément dans l'inscription ou que
le raisonnement en peut tirer, au moins comme des indications
probables, sont les suivantes :
Deux flottes de guerre étaient en présence.
La supériorité des Athéniens était telle que, s'ils pouvaient
atteindre les vaisseaux ennemis, ils étaient sûr» de s'en emparer;
tout au moinf^ l'auteur du décret présente . ce point comme certain.
La flotte athénienne était commandée par plusieurs généraux.
Ceux-ci n'essuyèrent pas de défaite, mais, par Terreur d'apprécia-
tion qu'ils commirent, ils laissèrent échapper un succès assuré.
Ilsétaientassezprèsde l'ennemi pour l'atteindre, s'ils apprenaient
à temps la route que celui-ci avait prise; pas assez près pour le
faire observer par leurs vaisseaux.
Une somme d'argent paraît avoir été promise à celui qui appor*
(1) Bœckh, Seewesen, p. 57 et p. 384.
(2) 'AX).T^ ô' àpx^ lîpè; ^v al irp6(To5oi twv xoivcâv àvGi^épovrai, icop' &v ^)xrrrovTci»v
(jiepiCovTai 7rp6; éxdumriv SioîxTidiv * xaXoûui 6' àTcoSéxTa; Touiouçxal Tocj&Caç. Aristote,
Po/iY., VI, 7.— Cf. Corpus inscr. attic, t. II, 181 et 115 h; 'AÔTJvaiov, t. VI, p. 153.
(3) « On pourrait penser aux temps de la guerre de Corinthe et aux entreprises
de Thrasybale et dlpbicrate dans œs parages. Cependant Je sais bien qu'il serait
téméraire de vouloir donner une valeur sérieuse à cette apparence. On se contentera
de savoir qu'en tout cas l'inscription se place de la 97« à la 100* olympiade. »
Kirchhoff, Abhundl. BerLAkadem*, 1861.
DÉCRET EN l'hONNEUR DE PHANOGRITOS DE PARIUM. 409
terait un renseignement exact; d'où l'on peut penser que la situa-
tion respective des deux flottes se prolongea pendant quelque
temps; par exemple, les trirèmes ennemies se seraient réfugiées
dans un port que les Athéniens ne pouvaient bloquer.
Phanocritos apporta cet avis aux généraux, mais ceux-ci ne le
crurent pas; ce qui s'expliquerait par ce fait que des avis tout dif-
férents leur parvinrent en même temps.
L'assemblée reconnut que l'avis de Phanocritos était exact et lui
attribua la récompense promise.
Nous ne trouvons dans les opérations maritimes de la guerre
thébaine aucun événement qui réponde à ces données. Pendant la
guerre de Corinthe, époque à laquelle conviennent mieux la men-
tion de Torateur Képhalos et l'orthographe de l'inscription (i), les
côtes de la Tbrace et de l'Hellespont furent le principal théâtre de
la guerre maritime, et le rôle joué par un habitant de Parium con-
duit plutôt à chercher dans cette région.
Les deux campagnes de Thrasybule et d'Iphicrate, auxquelles
M. Kirchhoff a pensée ne peuvent convenir pour deux motifs :
d'abord, ils commandèrent seuls; ensuite, ils rencontrèrent l'en-
nemi et le battirent (2).
Dans la dernière année de la guerre, au contraire, Xénophon
rapporte en détail des événements qui répondent de la manière la
plus exacte aux indications contenues dans le décret.
Un lieutenant d'Anlalcidas, envoyé dans l'Hellespont, ravage en
passant Ténédos et va au secours d'Abydos; les généraux athéniens
réunissent leurs vaisseaux pour l'y assiéger. Kal ô NtxtSXoxoç ^d(ov
^ASud^voTc iiÙM IxeTfffi * icaparpeicofAevoç Bi elç TeveSov l^ou t^v x<>^pav xal
•)llfiri[ULxa Xa6^v àicéicXeuasv eU "AêuSov. Ot Bi tcov ' A07)voei(ov arpar^Yol âGpotff-
OévTeç ành 2afxoOpaxv)ç Te xal Baaou xat tÛ)v xax ' Ixecva "/jtùpiia^ l6oi{6ouv toTc
T&veS(oiç. *û< S' tJtOovto elç '^A&Sov xaraiceicXeuxoTa t^ NixoXo^^ov, 6pfxio(xe-
voi Ix Xeppoviicou licoXiopxoov aOrbv ^x^vTa vocuç izvns xal etxocn 8uo xal Tpià-
xovra ToTç [AcO' Ioutcov (3). Dans cette Circonstance, la flotte athénienne
(1) Sauf TovTcdv, la diphthoDgue ou est toujours exprimée par o, et et par e. Cette
orthographe, reste de l'ancienne orthographe des inscriptions attiques dn cinquième
siècle, se conserva, en diminuant de plus en plus, Jusqu'à la moitié du quatrième.
Cette modification s'opéra d'une façon trop irrégulière pour en tirer une règle
absolue; cependant on peut dire en général que plus il y a de mots où o et e rem-
placent ou et ei^ plus l'inscription se rapproche des vingt premières années du qua«
irième siècle.
(2) Xénoph.^ Hellen.y IV, viii, 25 31, 3&-39.
(3) Xénoph., Hellen., V, i, 6-7.
410 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
était commandée par plusiears généraux; sa supériorité ressort
évidemment du nombre des vaisseaux, 32 contre 25, et de ce fait
que Nicolocbos n'osa pas sortir pour livrer bataille. Les vaisseaux
athéniens ne pouvaient bloquer Abydos; suivant le témoignage de
Polybe, les vaisseaux entrés dans le port de cette ville sont à Tabri
de tous les vents, mais en debors du port il est absolument impos •
sible de rester à Tancre devant la ville, à cause de la rapidité et de
la violence du courant (i). li est probable que les Athéniens croi-
sèrent à une certaine distance ou plutôt s'établirent sur la côte
d'Europe, i Sestos. En tout cas, ils n'étaient pas assez prés du port
pour qu'il fût impossible à la flotte lacédémonienne de sortir sans
être vue, comme le montre la suite des événements.
*iU ^ YJxouce (Antalcidas) NixdXo^^ov olrv TttTç vau9i 7toXtopx£ro6ai h
^A6u$u tmo 'Icpixpdetou; xa\ AiOT(p.ou, iztÇr^ &X'^'^^ ^^^ 'A&i^ov. 'ExecOsv &
Xocfôv TO VQRiTtxbv vuxToç dlvi^yeTO, 8ia9ire(paç Xoyov b>ç (Aet«ite(i,ico(jiév(uv KoX-
^YI^ovCcov * ^p[i.i9afjLEVo< $i Iv IlepxcoTy} ^(ru)^(av eT^^ev. Ata6tf(i£V0i Bi ot icept
AT)[Aa(veTOV xal Aiovuoiov xal Aeovti^ov xal ^^ovCocv l$(tt>xov aurcv -àjy hà
Ilpoxowi^aou * 6 ^ èiztX IxcTvoi TcapcTuXeuaav, Oirodrp^^aç sic ''AfivSov d^i-
xero (2).
Le stratagème d'Antalcidas fait très-bien comprendre comment
Phanocritos put apporter un avis exact aux généraux athéniens
sans trouver créance auprès d'eux.
La situation d'Antalcidas était critique. Les Athéniens allaient être
renforcés par une petite escadre; d'autre part^ une flotte syracusaine
devait se joindre aux Lacédémoniens. S'il restait dans le port
d'Abydos^ les ennemis augmentaient leurs forces et pouvaient atta-
quer et écraser séparément les Syracusains. Il fallait absolument
sortir d'Abydos. La chose était impossible ouvertement; il eut
recours à la ruse. Les généraux athéniens étaient en face d'Abydos,
sur la côte d'Europe, très-probablement à Sestos; ils avaient promis
une somme à celui qui les avertirait des mouvements de la flotte
lacédémonienne. Antalcidas partit de nuit, après avoir répandu le
bruit qu'il allait à Chalcédoine, sur le Bosphore; mais, après quel-
ques heures de marche^ au lieu de continuer dans cette direction,
il s'arrêta sur la côte d'Asie, et cacha sa flotte dans le mouillage de
Percoté, qui est à mi-chemin entre Abydos et Lampsaque. Parium
se trouve à l'endroit où l'Hellespont s'élargit en formant la mer de
Propontide (mer de Marmara). Un habitant de cette ville, naviguant
(1) Polybe, XVJ, 20.
(3) Xénoph., Hellen.^ V, i, 25-26.
DÉCRET EN l'hONNEUR DE PHANOGRITOS DE PARIUM. 411
00 péchant dans le voisinage, avait bien pu voir les trirèmes lacé"
démoniennes longer la côte et se remiser à Percotë ; il se hâta d'aller
trouver les généraux athéniens soit à Sestos même, soit lorsqu'ils
étaient déjà en route pour Chalcédoine, et les avertit de la position
de l'ennemi, n^ffiCke, toTç orpaTYi^oi; icepl Ttov vewv tou itapaicXoo. Si
Pbanocritos avait été cru, c'en était fait d'Antalcidas ; ses trirèmes,
inférieures en nombre et n'ayant plus l'abri des remparts d'Âbydos,
auraient été prises dans le mouillage de Percoté. Mais les faux
bruits qu'il avait eu l'habileté de répandre le sauvèrent; il est bien
évident que, dès qu'il fut sorli d'Âbydos en remontant THellespont,
des gens de la ville, apostés par lui ou partisans des Athéniens,
se hâtèrent d'apporter aux généraux l'avis de son départ, et de leur
apprendre qu'il se dirigeait vers Chalcédoine. Ces renseignements,
unanimes, assez vraisemblables du reste, décidèrent les généraux
à poursuivre les ennemis dans la direction delà mer de Proconnèse ;
l'avis isolé de Phanocritos, qu'il leur soit parvenu à Sestos même ou
qu'ils l'aient reçu lorsqu'ils étaient déjà en route, ne fut pas accepté
comme vrai par les Athéniens.
L'audacieux stratagème d'Antalcidas produisit les plus heureux
résultats; son succès changea la face des affaires. Tandis que les gé-
néraux athéniens le cherchaient inutilement en voguant vers le
Bosphore, Antalcidas rentrait à Abydos, en sortait librement cette
fois, capturait la petite escadre de Thrasybule, ralliait la flotte syra-
cusaineet, à la tète de plus de quatre-vingts vaisseaux, s'assurait
Tempire de la mer. Les Athéniens, découragés par la supériorité
maritime de leurs adversaires, aussi bien que par l'alliance de
ceux-ci avec le Grand Roi, se résigaèrent à subir la paix d'Antalci-
das, qui leur enlevait toute espérance de rétablir leur ancien empire
maritime (1). Le succès des Lacédémoniens était dû à la manœuvre
audacieuse d'Antalcidas et à l'habileté avec laquelle il trompa les
généraux ennemis; l'inscription nous montre quelle petite cause
aurait pu changer le sort de la guerre.
Phanocritos vint à Athènes réclamer la somme promise, et le
peuple lui rendit justice. Le décret fut donc voté avant la paix
d'Antalcidas ou peu de temps après, sous l'archontat de Théodotos
ou de Mystichidès.
P. FOUCART.
(1) Xéooph., Heiien., V, i, 27-29.
SUR
TROIS INSCRIPTIONS PKLI
RÉCEMMENT DÉCOUVERTES
Le Bulletin de l'Institut de Correspondance archéologique de Rome
coDtienl, à la dale du 30 septembre 1877, un article de M. Henri
Dressel, qui fait connattre trois inscriptions récemment trouvées
sur le territoire des anciens Péligniens. Ces inscriptions sont en
dialecte osque. Comme elles présentent toutes trois de l'intérêt, nous
les reproduisons ici, en ajoutant des notes sur les points où nous
pensons utilement compléter le commentaire de M. Dresse!.
TEXTE : TRADUCTION :
A A
T • NOVNIS T.Nonius
L • ALA FIS • C L. Alfius C. {filius)
HEREC • FESN Herculi fanum
VPSASETER œdificaretur
COISATENS curaverunt
La forme upsaseter est intéressante en ce qu'elle nous donne un
imparfait du subjonctif qui no s'était pas encore présenté. La forme
latiûe correspondante serait operaretur.
Le sens de « sanctuaire, temple » pour le mot fesnum ou fesna se
trouve désormais hors de doute. — Le s de coisatens devra faire
écarter définitivement toutes les étymologies qui rattachent curare à
vir par Tintermédiaire de curia^ coviria.
TROIS INSCRIPTIONS PELI6NIBNNBS. 413
TEXTE : TBADCCnON :
MEDIX • ATICYS Magistratus publia
BIAM • LOCATIN viam straverunt
P • SADRIES • T P. Satrius. T. {filius)
V'POPDIS-T F. Popilius. T. (fUius)
Locatin^ dont la première lettre est réduite à une simple barre ver-
ticale, est pour locatins, et doit être rapproché des parfaits comme
coisatenSy teremnatens. La différence de voyelle dans la dernière
syllabe vient peut-être de ce que la forme primitive de la dési-
nence était tienSf comme on le voit par sistiatiens dans l'inscription
de Velletri. Le verbe locare se trouve aussi dans le texte bilingue
de Tuder (Fabretti, 86 A), où la partie latine le traduit par locavit
et statuit. La forme biam, pour viam, est nouvelle en une inscription
italiote. Elle peut être rapprochée de l'ombrien benust = venerit. —
L'intérêt de ce texte est dans l'expression medix aticus. On avait
déjà des medix tuticus, des medix degetasius ; mais les medix
aticus (ce sont des nominatifs pluriels) sont nouveaux. On peut
expliquer Tadjectif de deux manières : ou bien en songeant au latin
actusy dans le sens de a route », ce qui conviendrait pour une in-
scription où il est question de la construction d'un chemin. Le chan-
gement de actus en ahlus, dttis^ serait conforme à la phonétique
d'une langue qui donne saahtum pour sanctum^ Ohtavis pour
Octavius. On aurait donc ici des curatores viarum. Une autre expli-
cation convient peut-être encore mieux. Sur les Tables Eugubines
(III, 24, 29) se trouve deux fois Ténumération suivante : ahtisper
Eikvasatis, tutaper liuvina^ trefiper liuvina^ «pro — Iguasiensibus^
pro civitate Iguvina, pro tribu Iguvina ». La gradation exige un
mot signifiant «familia, gens». Si l'on admet un mot ahtum ou
ahta ayant ce sens, Tadjectif aft(n«« signifiera «publici», en sorte
que les medix aticus seraient synonymes de medix tuticus.
... SVR • PRISTAFALACIRIX • PRISMV • PETIEDV • IP • VIDAD
... IBZ)V • OMNITV • VRANIAS • EGVC • EMPRATOIS
... LISVIST • CERPVM SACARAGIRIX • SEMVNV • S VA
... ETATV • FIRATA • FERTLID PRAICLME • PERSEPONAS
... AFDED • EITE • VVS • PRITROME PACRIS PVVS • ECIC
... LEXELIFAR • DIDA • VVS • DETI • HANVSTV • HERENTAS
Cette inscription, la plus importante des trois, est malheureusement
414 RBVUB ARCHÉOLOGIQUE.
en mauvais état. La première ligne est effacée et là partie qui
manque sur le côté gauche, où la pierre est brisée^ paraît avoir
compris à chaque ligne plusieurs mots. Une particularité de ce
texte, c'est l'emploi de la lettre B c[u'on trouve aussi dans les in-
scriptions gauloises, mais qu'on n'avait pas encore rencontrée en
osque. Il semble qu'elle représente un d ayant pris le son sifflant,
comme le B en grec moderne ou comme notre z français. Ce serait
donc l'équivalent du q ombrien. On trouve cette lettre dans petiedu,
ibiu (1), dans viiad et afied. — Cette inscription ne peut s'expliquer
qu'à l'aide de restitutions conjecturales où nous ne voulons pas nous
arrêter longuement. Essayons seulement de reconnaître quelques
mots. Nous avons d'abord le nom de la déesse Perséphone, qui, ainsi
qu'on le savait déjà, avait ses temples en Italie. Les deux féminins
pristafalacirix et sacaracirix supposent deux mots latins prœ-stabla'
trix (d'un verbe stabulare^ a établir », ou d'un substantif 5(a6u/um,
« place, stalle »), a celle qui préside, la prieure », et sacratrix, « la
prétresse ». Il s'agit donc d'un collège de prêtresses de Proserpine.
Ces suffixes en cirix, crix (pour trix)^ tranchent un long débat de
grammaire comparée : il est désormais certain que le t latin peut se
changer en c.
On peut se demander quel était le masculin de ces féminins en
crix. Je crois qu'il était en cefy de sorte qu'on doit supposer, par
exemple, un prœstaflacer. Justement il est resté dans le rituel ro-
main un mot, inexpliqué jusqu'à présent, qui présente cette for-
mation : falaceff le nom d'un des quinze flamines. Regardé à la lu-
mière que viennent d'apporter ces féminins, /atoc^ se révèle à nous
comme un synonyme de flamen; il n'y a que le suffixe de changé.
L'a intercalé devant l est tout à fait conforme à la phonétique osque.
Ce falacer^ qui est donné par Yarron, s'est retrouvé sur une inscrip-
tion : T. Flavio Primigenio falacri Deœ Pomanœ T. Flavius T. F.
Nigrinus omamentarius.
Si maintenant nous voulons distinguer les verbes, nous rencon-
trons trois impératifs : omnitUy ..etatu^ hanustu; cinq subjonctifs :
viiad j fertlidy afAed, dida, deii; et un futur antérieur : ... lifuist.
La présence des impératifs et des subjonctifs peut nous faire soup-
çonner que nous avons ici quelque décret ou règlement : à cause des
mots précédemment reconnus, sans doute le règlement d'un temple
(1) Nous avons ici la même enclitique que dans isi-dum. On est donc amené à
voir dans la première partie de petiedu un mot de natu re pronominale : Je crois que
c'est le latin quoties. ,
TROIS INSCRIPTIONS PÉLI6NIE^NES. 415
de Perséphone. Le caractère religieux de ce texte est attesté aussi
par le mot final. En effet, herentas n'est pas, comme l'a supposé
Mommsen, et comme sur son autorité on l'a admis sans objection,
le nom italique d'Aphrodite : nous l'avons déjà dit ailleurs, et cela
est confirmé ici, c'est un mot qui exprime une idée de consécration.
Je rappelle l'expression dunom Atr^^um dont j'ai déjà traité ici. —
Le caractère du monument est encore attesté par Cerfum Semunu
qui veut dire Divum Semonem. — L'une des prescriptions parait se
rapporter à des sacrifices aux mânes (firata^ cf. feralia) offerts en
l'honneur ou sur l'autel de Perséphone, puis à une autre cérémonie
malheureusement absente de la pierre, que la prêtresse devait célé-
brer {afied^ comme habitety fréquentatif de haberé). La dernière
phrase pourrait être complétée ainsi : eite uns pritrome pacris puus
edc [me As est pis ferenar] lexelifar dida^ uns deti hanustu. Her entas.
Ce qui serait en latin : aitem ea prœterea munera quœ ibi mos est quis
ferendœ libationis causa det, ea dentur curato. Sacrum sit. » Pritrome
ferait littéralement en latin in prœtrum; lexelifar^ cf. lixulœ, « gâ-
teaux de farine, de fromage et d'eau » (Varron), et libare. Le sens de
hanustu est deviné. Quant à herentas^ j'en fais un membre de phrase
à part, comme sur la table d'Herculanum, où l'on a : Herentateis
sum.
P. S. — Sur un estampage que je dois à l'extrême obligeance de
madame la comtesse E. Lovatelii, je distingue un point à la der-
nière ligne après L EXE. Il faudrait donc séparer les deux mots.
Miguel Bréal.
BULLETIN MENSUEL
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS DB NOTBHBBE.
M. Edmond Le Blant commanique une note sur une EpUaphe du cMtre
de Saint-Sauveur à Aix. Celte épitaphe est de l'époque carlovingieDDe.
Les inscriptions de cette époque sont très-rares. C'est à ce titre que M. Le
Blant reyient sur ce texte obscur déjà publié par Pereisc et que, vu la mu-
tilation de rinscription, on ne pourra jamais rétablir que partielle-
ment.
M. Clermont-Ganneau continue son étude sur le dieu Satrapes men-
tionné dans rinscription grecque rapportée de Phénicie par M. Renan.
M. Léopold Delisle communique une note sur un manuscrit français
des Grandes chroniques conservé au Britisb Muséum. Ce manuscrit, copié
en France au xiv* siècle, est orné d'un grand nombre de peintures. Les
Grandes chroniques y sont conduites jusqu'à la mort de saint Louis. On
ne parait pas s'être servi jusqu'ici des renseignements très-précieux qu'il
contient.
M. le D^ Lagneau est admis à lire un mémoire sur l'usage des armes
empoisonnées chez les anciens peuples de l'Europe : les Celtes, les Gau-
lois, les Scythes, les Germains, les Daces et les Francs.
M. Gaston Paris commence la lecture d'une notice intitulée : Sur la date
d'une chanson de geste relative au pèlerinage de Charlemagne en Orient.
Nous devons, en terminant, mentionner un don vraiment royal fait à
TAcadémie des inscriptions, de quatre-vingt'treize manuscrite sanscrits, par
le rajah Rajendralala-Milra-Badabur. Ces monuments, précieux autant
par leur antiquité que par les ouvrages qu'ils contiennent, sont formés,
pour la plupart, de bandes de fort papier ou d'écorces végétales empilées.
La largeur de ces bandes varie de 3 à 8 centimètres, leur longueur est de
30 à 40 centimètres. Chaque manuscrit, d'épaisseur naturellement très-
diverse, est maintenu en dessus et en dessous par des planchettes du
format des feuilles. Ces planchettes remplacent les plats de nos reliures.
Une simple ficelle, nouée au milieu, réunit l'ensemble et en forme un
objet d'un transport commode. Le rajah fait ce don à l'Académie en re-
connaissance des services rendus par Tillustre compagnie à l'histoire
ancienne de l'Inde. A. B.
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES
ET GORRESPONDANGE
— ^ Nous extrayons d'une lettre de M. René Kerviler, datée de Lorient,
les passages suivants :
• Je viens de fouiller avec le concours de mes deux beaux-frères et de
mon beau-père un intéressant tumulus situé dans la commune de Cardan,
sur la ferme nommée Kerroc'h-Bîban, qui appartient à la famille de ma
fenmie. Les travaux ne pouvaient être mieux dirigés, car les quatre direc*
teurs des fouilles représentaient les quatre branches de Fart de Tlngénieur :
monbeau-père, M. Guieysse, le génie maritime; mes deux beaux-frères,
MM. Léon et Ernest Guieysse, le génie militaire et les eaux et forêts; enfin
votre serviteur, les ponts et chaussées. On n'exécute pas tous les jours des
fouilles dans ces conditions. Le pied du tumulus est un cercle de 19
mètres de diamètre. Le tumulus, élevé sur un sol incliné à 1/iO de pente,
mesure 3>^,10 au-dessus du sol à son sonmiet. Une première tranchée
exécutée jusqu^au sol nous a fait reconnaître qu'il n'y avait point de ga-
lerie en pierres levées et nous a fait entamer le bord d'un galgal. Une
seconde tranchée nous a permis d'explorer le galgal tout entier composé
de pierres sèches, sans terre, d'assez grosses dimensions, de i^^ySO de
hauteur maximum et recouvrant un foyer composé de deux grosses
pierres debout de 0^^,80 sur 0»^40. Le fond du sol naturel, sur un rayon
de i°"^50, était tout recouvert de traces à'incinérationj charbons, cendres
noires et grasses ; mais nous n'avons trouvé aucun vestige d'ossements et
de poteries. Le foyer avait été tout entier recouvert par le galgal sans
qu'on eût conservé aucun instrument ni objet ayant appartenu au mort.
J'oubliais de vous dire que le galgal était entouré de grosses pierres et le
tout recouvert de l'^ySO de terre. Nous sommes absolument certains que ce
tumulus était vierge. Nous sommes les premiers qui l'ayons fouillé. Il
était intact et nous n'avons trouvé dans les pierres du galgal que les dé-
bris d'une meule en granit avec une grosse molette à main ayant servi à
écraser le blé sur la meule. C'est donc un tumulus anonyme. Il me parait
devoir remonter à la première période de l'époque d'incinération. 11 y a
dix ans on en a trouvé et détruit un presque semblable à Quidel, mais au
centre on trouva un pot contenant les cendres du mort. Ici, rien absolu-
ment que l'aire d'incinération et le foyer. René KEBViLsa. >
XXXI V. 29
418 RETUE ARCHÉOLOGIQUE.
Un nombre considérable de hacbes en bronze, plus de cent^
avaient été découvertes en i875 par un cultivateur de la commune de
Prat (canton de la Roche-Derrien, Côtes-du-Nord), au lieu dit Kergoat. Six
de ces bacbes viennent d'^.tre données au musée de Saint-Germain par le
ministère de rinstruction publique, auquel son correspondant, M. Lusel,
en avait fait bommage. Ces six bâches à douille carrée n'avaient jamais
servi. Elles semblent avoir été enfouies sous terre au sortir du moule.
On annonce qu'on vient de faire, sur la ligne des Dombes, une
découverte importante au point de vue arcbéologique.
En creusant les rocbers aux environs de la station de Cize-Bolozon, un
peu avant La Gluse^ on a trouvé des tombes antiques contenant des sque*
lettes et divers objets, le tout en parfait état de conservation. Ces
tombes paraissent remonter aux temps les plus reculés de la période cel-
tique. (Nati(maL)
Nous recevons de M. Aurès la lettre suivante :
« Monsieur et cher confrère,
« L'ex-voto de Bolar, dont la Rewie archéologique a bien voulu s'occuper,
en publiant ma note dans son avant-dernier numéro, n'était pas inédit
comme je Tavaiscru, et la Société Eduenne en avait publié, dès 1848, un
bon fac-similé, dans l'ouvrage intitulé : AiUun archéologique, page 262.
« C'est M. le commandant Mowat qui vient de porter ce fait à ma con-
naissance, et je m'empresse de vous le signaler, pour le cas où il vous
paraîtrait nécessaire d'ajouter une note rectificative dans la Berme.
« Votre tout dévoué confrère, âdrès. »
ArchcBologische Zeitung, 35« année, 2* cahier :
H. Blûmner, Suite de monuments intéressants pour la tedmologie (pi. 6 et
7). J. J. BernouUi, Buste dWspasie (pi. 8). J. Schubring, Vlnscription delà
Victoire de PœonioSy à Olympie, H. Dûtschke, Antiques de Florence. I. Un buste
du roi Pyrrhus (pi. 9). A. Michaêlis, Thésée et Médée (avec un bois).
J. Friedlaender, Figure romaine de bronte argenté, trouvée en Poméranie
(pi. 10). — Nouvelles : M. FrsBokeK Nouvelles acquisitions du Musée britan-
nique. A. Mau, Découvertes archéologiques en Italie, — Séance solennelle de
l'Institut de correspondance archéologique à Rome. Séances de la Société
archéologique à Berlin (mai et juin). — Les fouilles d'Olympie. Rapports
17 et 18. Inscriptions d'Olympie, n*»» 57-85, expliquées par Dittenberger.
(Sur remplacement du temple de Héra, dans l'Altis, a été retrouvée une
statue que la description de Pausanias fait reconnaître pour iin original
de Praxitèle, un Hermès portant Baccbus enfant. 11 ne manque guère
que le bas des jambes, au-dessous du genou.)
Ârchœologische Zeitung, 35* année, 3» cahier :
A. Klugmann, les Sanctuaires d'Hercule vainqueur à Rome, G. Kœrte,
Monuments étrusquèsprovenantde la nécropole d'Oi^ieto (pi. il). E. Petersen,
Thésée et Pirithoos dans l'Hadès (pi. 12, 1). A. Michaêlis, le Chanteur parmi
les satyres (pi. 12, 2). H. Bluemner, Bas-relief qui représente la boutique
NOUTELLES ARCHÉOLOGIQUES. 419
(fufi marchand de vin (pi. 13). J. Friedloeader, le prétendu Buste de Pyr-
rhus (un bois). M. Hœrnes, le Don d'un gigot de chevreuil^ sur un vase
(pi. 14, i). E. Curtius, Philochoros et la mort de Phidias. E. Petersen,
Une terre cuite du musée de Copenhague. G. Lœschcke, Sur VexpUcation de
la planche 4, 1; inscription fausse d'un vase. M. Frœnkel, Inscription
d'0/ympte, no 86 (pi. 14, 2).
Bulletin de l'Institut de correspondance archéologique, n°» VIII et IX,
août et septembre 1877, 2 feuilles :
A. Mau^ Fouilles de Pompéi, Zangemeister, Fouilles exécutées à Ascoli du
Picenum pour retrouver des balles de fronde. H. Dressel, Trots inscriptions
en dialecte pélignien. Th. Mommsen, compte rendu de l'ouvrage intitule :
c Le antiche lapidi di Aquileja^ pubblicate per Carlo D^ Gregorutti, iscri-
zioni inédite », Trieste, Jul. Dase, 1877, in-8.
Nous signalerons à nos lecteurs l'intérêt et l'importance des fouilles qui
ont été exécutées aux frais communs du municipe d'Ascoli et de Tlnsti-
tut de correspondance archéologique dans le lit de l'un des deux torrents
qui coulent au pied des murs de la ville. On sait la discussion encore
pendante entre MM. Zangemeister et Mommsen d'une part, et de l'autre
M. Ernest Desjardins, au sujet d'une série de balles de fronde que ce
dernier a publiées et dont le musée de Berlin a fait l'acquisition, balles
de frondes provenant d'Ascoli. Nous reproduisons les conclusions du rap-
port de M. Zangemeister.
« ï^ C'est un fait indiscutable qu'on trouve, et en grande quantité, dans
le fleuve Castellano des balles de fronde antiques. — 2« Presque toutes
ces balles sont privées de patine, à l'exception d'un petit nombre qui en
conservent quelques restes. La couleur prédominante est le gris; on a
quelquefois une teinte noire ou tirant sur le fer, phénomène produit par
le contact du bois ou du fer; dans beaucoup se trouvent de petites en-
tailles. — 30 Sur 238 balles de fronde retrouvées il n'y en a que deux
qui portent indubitablement des inscriptions. Les balles à inscriptions se
trouvent donc avec les autres dans le rapport d'environ 1 pour 100 ou au
plus, en comptant les incertaines, dans celui de 3 pour 100. — 4° Il est
pourtant certain que les anciens ont mis des inscriptions aux balles de
fronde sur un ou deux côtés, mais aussi parfois sur tous les quatre. —
S"" Il ne s'est trouvé dans les fouilles récentes aucune de ces nombreuses
inscriptions mises au jour récemment et dont l'authenticité fut l'objet
d'une discussion que tous se rappellent.— C» Les balles de fronde, qu'elles
portent ou non des inscriptions, sont toutes fondues; elles ne sont pas
estampées et encore moins palimpsestes. »
Bulletin de la commission archéologique communale de Rome, an-
née V, no 2 (juillet à septembre 1877) :
R. Lanclani, D'wi buste qui représenterait Antonia, femme de Drusus (pi. X).
Aug. Castellani, Sur un char sacré, ou une « iensa », avec revêtement de
bronze, et sur ses bas-reliefs {^\. XI, XII, XIII, XIV et XV). Ch. L. Visconti,
Sur une statue d'Apollon jeune, ou de Cupidon avec la lyre (pi. XVI et XYII).
420 REVUE ARGHéOLOGIQDB.
A. Aquari, Deux sarcùphages décomerti récemment dans la Tîgne Aquari»
hors la porte Latine (pi. XVIII et XIX).
'AÔTÎvaiov, 6« anni^e, n»» i et 2 :
Chronique du patriarcat, de Cyrille Laariotès, publiée pour la première
fois^ avec des prolégomônes et un tableau chronologique des patriarches
de Constantinople, par Manuel Gedeon. D. S. Stroumbos, Des délM-
tions scientifiques. Euthyniios Kastorchis, Du caractère de Vaneienne poésie
satirique des Romains et de sa parenté avec les ancienne* impromsaHom
poétiques des Grecs. Constantin Condos, Observations critiques et grammati-
cales. Et. Koumanoudis, Inscriptions du voisinage de FAsklepieion et
autres inscriptions, — livres nouvellement parus. — ObservaHcns mitéeroUh
giques.
Comme toujours, le compte-rendu épigraphique de M. Koumanoudis
contient beaucoup de pièces intéressantes. Nous signalerons, outre quel-
ques fragments de décrets antérieurs à Tarchontat d'Euclide, deux dé-
crets de proxénie; une prière à Esculape en 25 vers, très-bien conservée;
un hymne au même, qui en compte 22 et qui est maiheureuaement mu-
tilé; un décret, de 68 lignes, en l'honneur de • Spartocos, Pairisadès^ et
Apollonios, fils de Leucon •. Il semble résulter de cette dernière pièce
qu'en 347, année où le décret a été rendu, Spartocos, que, d'après
Diodore, on fait mourir en 349, était encore vivant, et régnait sur le Bos-
phore avec son frère Parisaidès. Enfin, on ne lira pas avec moins d'inté-
rêt un décret, signé par Démade en 320, qui a trait à des travaux de
voirie qui doivent être exécutés au Pirée par les soins et sur les {^ds
des astynomes. C'est le plus long et le plus important des décrets signés
de cet orateur que nous possédions.
'AÔTjvaiov, t. VI, no 3. — Ce numéro présente un intérêt tout par-
ticulier. Il contient sept planches lithographiques qui donnent, outre un
plan, une coupe et une vue perspective, la représentation, en grandeur
naturelle, d'un certain nombre des objets trouvés en Attique, à Spata,
dans des fouilles dont la Revue a déjà parlé dans son numéro précédent.
Le tout est précédé de quelques pages dans lesquelles les directeurs de
VAthiTiaeon rappellent les circonstances qui ont amené cette découverte
et décrivent brièvement les tombeaux de Spata. Les planches sont d'une
exécution médiocre; elles n'en rendront pas moins service en attendant
une reproduction meilleure; elles suffisent à marquer l'analogie frappante
qui existe entre les objets trouvés à Spata et ceux qu'ont mis au Jour les
fouilles récentes de Mycènes.
Actes de la Société archéologique d* Athènes (UpoLxrxxk «njç Iv 'AOyivoûç
apj^aioXoYixîiç iTaipCa;), de janvier 1876 à janvier 1877;in-8% 1877. —
Pourquoi le compte-rendu de la séance tenue le 9 janvier 1877 est-il
publié si tard? Nous l'ignorons; cette mince brochure aurait pu, ce
semble, être imprimée en quelques jours. On regrette d'autant plus ce
retard qu'elle renferme d'intéressants détails sur les fouilles que la So-
ciété archéologique a dirigées ou surveillées pendant le cours de Tannée
NOUTEUES ARCHÉOLOgIqURS. 421
i876. Voici de quoi se compose le cahier : i® Discours du président,
M. Philippos loanoou, 2^ Rapport du secrétaire, M. Koumanoudis. Rap-
port du trésorier. Rapport des censeurs (lu dans une séance suivante, le
23 janvier). C'est surtout le rapport de M. Koumanoudis qui est de nature
è intéresser les archéologues. Il passe très-rapidement sur les fouilles de
MycéneS) en rappelant que M. Schliemann s'est réservé le droit d'en
faire connaître le premier les résultats par une description complète
accompagnée de planches; mais, à l'aide d'un plan qui est joint à ce
cahier, il indique les principaux résultats des travaux exécutés sur le
versant méridional de l'Acropole.
Pour tenir nos lecteurs au courant des progrès de l'archéologie
chrétienne, nous croyons devoir reproduire l'analyse suivante du troi-
sième volume de la Borne souterraine de M. de Rossi, donnée par l'auteur
lui-môme sous forme de circulaire adressée aux bibliothèques et aux sa-
vants qui possèdent le premier volume :
« Le troisième volume de la ilomaso^^err(mea,.attendu depuis longtemps,
vient de paraître. 11 est beaucoup plus étendu que les précédents, et
accompagné de belles planches chromolithograpbiques et lithographiques,
et enrichi de dessins intercalés dans le texte. Ce volume complète entiè-
rement la description du gigantesque cimetière de Callixte, et renferme
aussi l'illustration de celui de Generosa près le bois sacré des Arvales.
J'indiquerai d'abord quelques points culminants historiques de ce que
contient le volume : le pape Caïus et les épigraphes des dépositions et
translations successives de son corps dans l'intérieur du cimetière de
Callixte ; les monuments et le texte inédit des actes de saint Hippolyte et de
ses compagnons, appelés les martyrs grecs ; sainte Sotère, aïeule de saint
Ambroise, et son tombeau de famille ; les monuments et les inscriptions
métriques de plusieurs diacres illustres de l'église romaine sous les pon-
tificats de Marcellin, de Libérius et de leurs successeurs ; le tombeau,
les images et la basilique des martyrs Simplicius,Faustinus, Viatrix, Rufi-
nianus, dans le cimetière de Generosa ; les rapports de cette nécropole
chrétienne avec le bois sacré des Arvales ; le pape Damase et Symmaque
préfet de Rome, dans leurs relations mutuelles pour la conservation des
temples païens comn]e monuments publics. Enfin un grand nombre d'au-
tres points^ dont rindicalion serait trop longue, intéressent également l'his-
toire chrétienne et profane.
Les antiquités figurées et les arts ont aussi une part assez large dans ce
Yolume. L'architecture y est représentée par les plus remarquables variétés
des cubicula de formes polygonales et circulaires ; des arœsolia décorées
de marbres et garnis de transennae ; et par les hexèdres^ les mausolées^
les oratoires bâtis à la surface du sol. La peinture est enrichie de fresques
d'une notable valeur. Elles appartiennent à deux périodes distinctes :
l'une allant de la seconde moitié du m*' siècle aux commencements du
iv<; l'autre, du iv*' siècle avancé aux premières années du v^Une fresque
très-belle appartient au vii« siècle. On trouvera encore dans ce volume
4^22 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
les sarcophages ornés de bas-reliefs du cimetière de Gallixte, avec un
coup d'œil général, surtout chronologique, sur cette importante classe
de monuments chrétiens. Enfin on y verra, examinée et classifiée, toute
l'immense variété de menus objets de tout genre, d'art païen ou chré-
tien, en pierres précieuses, ivoires, métaux, verres et autres matières,
employés comme signes de reconnaissance des tombeaux dans les cata-
combes.
L'épigraphie est ici représentée par un millier d'inscriptions inédites
latines, grecques, et une hébraïque d'un Juif chrétien, la seule en cette
langue qui ait été trouvée jusqu*à ce Jour dans nos souterrains sacrés. La
synthèse chronologique de toute la masse épigraphique du cimetière de
Gallixte n'embrasse pas moins de cinq mille inscriptions plus ou moins
entières ou réduites à des fragments.
La partie la plus instructive du volume et qui pourra, je l'espère, com-
penser pour les lecteurs l'aridité inévitable de la description analytique
des monuments, est sans doute le traité général sur les cimetières à la
surface du sol et sur leurs rapports avec les souterrains. On y discute pour
la première fois, ou bien Ton remanie pour les formuler définitivement,
toutes Jes questions londamen taies sur les conditions juridiques, Tadmi-
nistralion ecclésiastique, l'usage liturgique et sacré, l'histoire et la chro-
nologie des cimetières chrétiens de Rome sous terre et sur terre. Ce vaste
sujet touche aux points les plus variés de l'archéologie sacrée et profane ;
je me bornerai à en indiquer seulement quelques chapitres principaux :
Légalité des cimetières chrétiens à titre de possession privée, de collèges
de famille, du corps moral de Yecdesia fratruniy sodales /Vafrcs.— Adminis-
tration ecclésiastique confiée d'abord à sept diacres et organisée et distri-
buée en autant de régions, dont on détermine les limites ; puis passée
aux praepositi, — Autorité des prêtres titulaires, leur service à tour de
rôle pour les nécessités du culte dans les principales basiliques des cime-
tières; maTisionariiy cubicularii, custodes mariyrum, — Les fossoyeurs;
leurs arts et métiers ; leur position précise dans le clergé. — Prix des
tombeaux; formules des contrats ; archives des cimetières. —Réunions
liturgiques, oblation eucharistique, agapes, psalmodie, et autres rites et
usages religieux et funèbres dans les cimetières sous terre et sur terre ;
aux natales des martyrs et aux obsèques et anniversaires des fidèles. Les
églises souterraines, leur disposition, autels, chaires et autres accessoires.
— Les rites funèbres des païens et leurs édifices attenants aux tombeaux
comparés à ceux des chrétiens. — Les basiliques, les oratoires, les mau-
solées, les hexèdres, les édifices pour la cusiodia et le culte des cimetières,
les hospices, les monastères ; cimetières peu à peu devenus bourgs et
villes. -" Terminologie architecturale de toutes les formes de ces édifices
et des hypogées et de toutes les variétés des tombeaux. — Enfin limites
chronologiques précises des nécropoles chrétiennes suburbaines, démon-
trées par un examen général aussi attentif que minutieux des données
de tout genre, depuis les monuments historiques les plus illustres jus-
NOUVELLES ARCHÉOLOGIQUES. 423
qu'aux plus vulgaires ; depuis les objels les plus précieux jusqu'aux plus
communs et sans valeur. Cette énumération semblera peut-être beaucoup
trop promettre, mais je crois pouvoir affirmer avec vérité qu'elle ne dit
pas tout. Il suffirait d'un coup d'œil donné aux tables analytiques à la fin
du volume pour comprendre combien est riche et variée la matière du
traité, que je recommande d'une manière spéciale à l'attention et au
jugement bienveillant des savants et des amateurs de l'archéologie pro-
fane et sacrée. Il est bien possible que mon texte ne satisfasse ni toutes
les exigences, ni l'attente que j'ai peut-être trop excitée. J'aurai pour
excuse l'ampleur môme du sujet et la difficulté de coordonner le nombre
infini d'observations minutieuses dont j'ai voulu tirer parti pour formu-
ler une synthèse doctrinale claire et solide.
Mon frère a ajouté à la fin du volume deux mémoires^ l'un architecto*
nique, l'autre physique. L'un et l'autre traitent des sujets tout à fait nou-
veaux. Le premier a pour titre : o De la méthode technique adoptée par
les anciens fossoyeurs pour diriger l'excavation dans le labyrinthe des
cimetières suburbains » ; le second : « De la conservation des matières
organiques et animales dans les catacombes romaines, et analyse chimi-
que et microscopique d'une bouteille de verre contenant du sang ».
L'auteur espère que ceux qui ont bien voulu acquérir les deux pre-
miers volumes (dont le second est devenu introuvable) ne refuseront pas
le troisième. Celui-ci est inséparable des deux autres, car il complète
d'une manière définitive la description de la gigantesque nécropole do
Caltixte et les notions générales sur les cimetières chrétiens^ esquissées
dans le tome premier. Aussi les trois volumes forment une œuvre en-
tière et complète en son genre.
Cette circulaire a pour but d'annoncer à ceux qui possèdent les deux
premiers volumes de la Roma sotterrcmnea l'apparition du troisième et sa
prochaine expédition.
Rome, 15 juillet 1877.
Jean-Baptiste De Rossi.
(Le premier volume a été réimprimé, et pourra être fourni à quicon-
que le demandera ; prix, 65 fr. Les tomes 1 et III^ contenant les notions
générales sur les cimetières chrétiens, peuvent être considérés comme
une œuvre à part, et une introduction à l'étude de ce noble sujet.) »
M. Cb. de Ujfalvy, chargé d'une mission scientifique par le ministère
de l'instruction publique, et dont nous avons donné plusieurs fois des
nouvelles pendant le long et remarquable voyage qu'il vient de faire à
travers l'Asie centrale, est arrivé à Saint-Pétersbourg. Il est rentré en
Russie par le Semiretche ou le pays des Sept Rivières, après avoir visité
Kouldja, Semipalatinsk, Omsk, Troïtsk, Werk-Ouralsk et le pays des
Bachkirs^ dans les monts Oural.
M. de Ujfalvy rapporte de la Sibérie deux belles trouvailles ; ce sont des
objets (dix-huit pièces) de l'époque de la pierre, recueillis à Samarowa, à
àU RBVDE ARGHÉOLOGIQUB,
l'endroit où Tlrtiscb se jette dans l'Obi, et dix fragments en pierre,
bronze et argent, trouvés près d'AkunsHinsk^an nord-ouest du lacBalkacb.
On sait que l'existence d'un .&ge de pierre en Sibérie a été mise en
doute par certains savants. La découverte de M. de Ujfalvy démentirait
cette assertion.
Notre compatriote doit donner à Saint-Pétersbourg, notamment à la
Société impériale de géographie, plusieurs conférences avant son départ.
L'accueil qui lui sera fait ne sera sans doute pas moins sympathique que
celui qu'il trouvera en France après une expédition si longue et s! frac*'
tueuse.
Une découverte archéologique du plus vif intérêt tient d'être faite
en Italie. Il s'agit d'une ville souterraine, d'une nouvelle Pompéi qui a
été retrouvée inopinément près de Manfredoniai au pied du mont Gar-
gano, dans la Fouille.
On a d'abord rencontré un temple de Diane, puis un portique d'une lon-
gueur d'environ 20 mètres, avec des colonnes sans chapiteaux, et enfin
une nécropole de 15,000 mètres carrés.
Un grand nombre d'inscriptions ont été mises au joar, et quelques-unes
ont été envoyées au Musée de Naples.
La ville découverte est l'antique Sipontum dont parlent Strabon, Polybe
et Tite-Live, et qui fut engloutie à la suite d'un tremblement de terre.
Les maisons se trouvent à 20 pieds au-dessous du sol cultivé.
Le gouvernement italien a pris les mesures nécessaires pour la conti-
nuation des fouilles sur une grande échelle. De même qu'à Pompéi, on
fait chaque jour de nouvelles découvertes à Sipontum : c'est ainsi qu'on
a trouvé tout récemment un monument érigé en l'honneur de Pompée
après sa victoire sur les pirates, et une grande quantité de monnaies de
bronze et d'or. (Débats.)
Sommaire du numéro de novembre du Journal de$ Savants : In-
scription inédite de Dodone, par M. E. Egger. Philosophie de Vlnconsdent, par
M. Franck. VArt et l'Archéologief par M. Gh. Lévéque. Origines des ordres
grecs, par M. G. Perrot. Le Jardin fruitier du Muséum, par M. ChevreuL
Un Monument de l'astronomie grecque, par M. A. de Loogpérier. Nouvelles
littéraires, etc.
Erratum. — Une erreur importante s'est glissée dans le dernier nu-
méro de la Revue : le groupe démotique qui précède la phrase a au nom
des prêtres d'Ammon-Ra-Sonter de la cinquième classe », p. 334, doit au
contraire suivre les mots t cinquième classe », auquels il se rapporte.
FIN DC TRENTE-QUATRIÈME VOLUME.
TABLE DES MATIÈRES
C0NTBMUB8
DANS LE TRENTE-QUATRIÈME VOLUME DE LA NOUVELLE SÉRIE
LIVRAISON DE JUILLET
I. — C. Ludlii saturaram reliqule^ edidit Lucîanas Muellerus (troisième
et dernier article), par M. L. Qoichbrat 1
IL — Les aociennes basiliques et églises de Rome^ aaxv« siècle. Documents
inédits sur les travaux qui y ont été exécutés depuis Martin V jus-
qu'à Sixte IV, par M. ëdgbnb Mûntz 18
III. — Sépultures gauloises de Fiavigny, rapport à M. le ministre de Tio-
struction publique, par M. Joseph de Rate 40
IV. — Plombs byzantins de la Grèce et du Péloponnèse {suite), par M. A.
MORDTHANN J^ h^
RuUetin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois de juin) 61
Nouvelles archéologiques et correspondance 62
Ribliographie 65
Plarchb I. Sépultures gauloises de Fiavigny.
LIVRAISON D'AOOT
I. — Deux périodes du premier âge du fer dans la nécropole de Golasecca,
par M. Pompeo Gastelfranco 73
II, — Numismatique de la province du Languedoc, période antique (résumé
des opinions de M. P. Charles Robert)^ par M. Alexandre Bertrand. 91
III. — Pœmanios, par M. Al. Sorlin-Dorignt 102
iV, Note sur les récentes acquisitions du musée de Capoue, par M. E.
Ferniqcb 110
V. ~ Solimariaca n'est pas Soulosse (rapport lu à la séance du 30 mai 1877
de la Commission de topographie des Gaules), par M. Adgustb
LONGNON 128
VI. — Le Char de guerre en Irlande et la mort de Cuchulain, par M. H.
D'Arbois de Jdbainvillb ISS
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois de Juillet) 137
Nouvelles archéologiques et correspondance .... 138
Bibliographie 140
Plahghb II. Golasecca, 1" et 2« périodes.
xxxiv •»^
426 RRVUE ARGHBOLOGI\}DB.
LIVRAISON DE SEPTEMBRE
I. — Notes sur les mosaïques chrétiennes de l'Italie (KOratoire da pape
Jean Vil), par M. Eucènb Mdntz 1&5
II. — Note sur quelques restes de Tftge de la pierre en Anatolie, par
M. Arthdh Hartiti 163
III» — Note sur la composition de quelques haches en pierre, par H. A. Da-
HOOB 172
IV. — Les Sépultures mixtes de Garanda et Sablonnières, par H. Ed.
Flbdry 176
V. — La Gaisa en Irlande, par M. H. d'Abbois de Jobainville 102
Bulletin mensuel de TAcadémie des inscriptions (mois d'août) 195
Nouvelles archéologiques et correspondance 201
Bibliographie 205
Planches 111. Fac-similé d'un dessin de Grimaldî.
IV. L'Age de la pierre en Anatolie.
LIVRAISON D'OCTOBRE
I. — L'Ex-TOto de Bolar (près Nuits); par M. Aorbs. . . « 209
II. — Gimetière gaulois du mont Blanc, par M. P. Do Ghatbllibr 212
III. — Le Druidisme irlandais, par M. H. d'Abbois db Jdbainvillb 217
IV. — Inscription de Périgueuz mentionnant les Primani, par M. Charlbs
Robbrt • 225
V. — Sur quelques inscriptions d'Ostie, par M. Th. Homollb 234
VI. — Une Incantation magique chaldéennoi par M. François Lbhormakt. . S5A
Vn. — La Gaule de 511 à 561, par M. A. Longnon 262
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois de septembre) . . 278
Nouvelles archéologiques et correspondance 279
PUNCHBS V. Ex-voto de Bolar.
VI. Cimetière gaulois du mont Blanc.
LIVRAISON DE NOVEMBRE
1. — Études sigillographiques (le type naval), par Bf . Demat 281
II. — La Gaule de 511 à 5C1 {suite et fin)^ par M. A. Longnon 288
III. — Sur quelques inscriptions d'Ostie {suite et /în), par M. Th. Homollb. 301
IV. — Sur le déchiffrement de quelques inscriptions cypriotes, par M. Mi-
chel BRéAL ^ 316
V. — Deux monuments nouveaux du règne de Ramisès 11, par M. Maspbbo. 319
VI. — Étude historique et philologique sur les décrets de Rosette et de Ca-
nope. par M. Edgbnb Revillout 326
Bulletin mensuel de l'Académie des inscriptions (mois d'octobre) 348
Nouvelles archéologiques et correspondance 349
Plancbb VII. Nefs du moyen Age.
TABLE DES MATIÈRES. 427
LIVRAISON DE DECEMBRE
I. — La Vierge au ciel (représentée sur un sarcophage antique), par
M. Edmond Lb Blant 352
II. — Signes sculptés sar rochers, par M. H. A. Mazard 300
III. — La Pierre de Bethphagé (fresques et inscriptions des croisés), par
M. Cleriiont Gannbad 300
IV. — Inscriptions de Sétif, par M. Ant. Héron de Villefossb 389
V. — Nouvelle note sur un liquide renfermé dans un vase de verre très-
ancien, par M. Bbrthelot 394
VI. — Décret en Thonneur de Phanocritos de Parium. par H. P. Fodgart... 399
VII. — Sur trois inscriptions péligniennes, par M. Br^l Û12
Bulletin mensuel de TAcadémie des inscriptions (mois de novembre) . 410
Nouvelles et correspondance 417
Planches VIII. Sarcophage de Syracuse.
IX. Sarcophage au Gampo-Santo de Pise.
X. Rochers et pierres sculptés.
TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D'AUTEDRS
—L'Egypte à petitesjoarDées (leKaire
et ses environs), par M. Arthdr Rhoné,
p. 70-72. (Bibl.)
— Foailles faites à Garnac (Morbihan),
les Bosseno et le mont Saint*Michel,
par M. Jamb Miln, p. 208. (Bibl.)
A. B. — Bulletin mensuel de 1* Académie
deb inscriptions, mois de Juin, p. 61
(juillet) ; — mois de juillet, p. 136 (août);
— mois d*août, p. 105-200 (septembre) ;
— mois de septembre, p. 278 (octobre) ;
— moia d'octobre, p. 348 (novembre) ;
— mois de novembre, p. 410 (décembre).
A. B. ~« Monographie des bornes mil-
liaires du département du Gard, par
M. A. Adrès, p. 207-208 (Bibl.).
A. B. — Fortifications romaines des vires
de la Gaule, p. 350-352. (Nouv. et cor.)
A. de B. -^ Les Premiers habitants de
l'Europe, d'après les auteurs de l'anti-
quité et les recherches les plus récentes
de la linguistique, par M. H. d'Arbois
DB JDBAI^VILLB, p. 205-207. (Bibl.)
AiBots DB Jdbainvillb (H. d'). — Le Char
de guerre en Irlande et la mort de
Guchulain, p. 133-135 (août).
Arbois DB Jubairvillb (H, D*). — LaOàisa
en Irlande, p. 102-104 (septembre).
Arbois db Jdbainvillb (H. d'). — Les Pre-
miers habitants de l'Europe, d'après les
auteurs de l'antiquité et les recherches
les plus récentes de la linguistique,
p. 205-207. (Bibl. par M. A. de B.)
Arbois db Jdbainvillb (H. d'). — Le Drui-
disme irlandais, p. 217-224 (octobre).
Adrès (A.). — Monographie des bornes
milliaires du département du Gard,
p. 207-208. (Bibl. par M. A. B.)
AuRÈs. — L'Ex-voto de Bolar, près de
Nuits (Côte-d'Or), p. 200-211, pi. XIX
(octobre). — Rectifications concernant
Tei-voto de Bolar, p. 418 (nouv. et corr.)
Bayb (Josbph db). — Sépultures gauloises
de Flavigny. Rapport à M. le ministre
de l'instruction publique, p. 40-46,
pi. XIII et XIY (juillet).
Berthelot (&I ). — Nouvelle note sur un
liquide renfermé dans un vase de verre
très-ancien, p. 304-398 (décembre).
Bertrand (Alexandre). — Numismatique
de la province de Languedoc. Période
antique, p. 01-101 (août).
AW
REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
Bréâl (Michel^. -^ Sur le déchiffrement
de quelques inscriptions cypriotes^ p.
316-318 (novembre).
Bréal (Michel). — Sur trois inscriptions
péligniennes' récemment découvertes,
p. 412-/il5 (décembre).
Castelfranco (PoHPEo). — Deux périodes
du premier âge du fer dans la nécro-
pole de Golasecca^ p. 73-90, p. XV ,
XVI (août).
Chatbllier (P. Dc). ~ Cimetière gaulois
du Munt-Blanc, à Etréchy, canton de
Vertus (Marne), p. 212-216^ pi. XX,
2 fig. (octobre).
Clermont-Garnbau (Ch.). — La Pierre
de Betbphagé, fresques et inscriptions
des croisés récemment découvertes au-
près de Jérusalem^ p. 366-388. fig.
(décembre).
Dahour (â). — Note sur la composition
de quelques haches en pierre, p. 172-
175 (septembre).
Daumbt (H.). — Mission archéologique
de Macédoine, par MM. Léon Henret
et H. Dacmet. p. 140-1^6 (Bibl. par
M. P. Fodgart).
DsMAT (G.). — Etudes sigillographiques.
Le type naval, p. 281-287, pi. XXI,
XXII (novembre).
DutfONT (Albert). — Découverte à Spata
près d'Athènes^ p. 201-202 (Nouv. et
corr.).
FER51QDB (E.). — Note sur les récentes
acquisitions du musée de Capoue.
p. 110-127 (août).
Flburt (Ed.). — Les Sépultures mixtes
de Caranda et Sablonnièree, près Fère-
en-Tardenois (Aisne), p. 176-101. 10 fig.
(septembre).
FoccART (P.). — Mission archéologique
de Macédoine, par MM. Léon Henrey
et H. Daombt, p. 140-144 (Bibl.).
FoccART (P.). — Décret en l'honneur de
Phanocritos de Parium, p. 390-411
(décembre).
G. P. — Les Associations de citoyens
romains et les Curatores civium Roma-
norum conventus Helvetici , p. 63
(Nouv. et corr.).
G. P. — Dictionnaire universel des litté-
ratures, par M. G. Vaperbau, p. 65-67
(Bibl.).
Hbnrbt (Lion). — Mission archéologique
de Macédoine, par MM. Léon Henret
et H. Dacmbt, p. 140-144 (Bibl. par
M. P. Fodgart).
HÉROH DE ViLLEFOftSB (AlIT.). — luscrip-
tioos de Sétif, p. 389-393 (décembre).
HoMOLLB (Th.). — Sur quelques inscrip-
tions d'Ostie, p. 234-253 (octobre).
— Id. (mile), p. 301-315* (novembre).
J. M. — Hypogées découverts à Spata,
p. 349-350 (Nouv. et corr.).
Kerviler (René). — Fouille d'un tumn-
lus breton, p. 417 (Nouv. et corr.).
Le Blant (Edmond). — La Vierge an ciel,
représentée sur un sarcophage antique,
p. 353-359, pi. XXIII et XXIV (décem-
bre).
Lenormant (François). — Une incanta-
tion magique cbaldéenne, p. 254-261
(octobre).
LoNGNON (Auguste). — Solimariaca n*est
pas Soulosse, p. 128-132 (août).
LoNGNON (Auguste). — La Gaule de 511
à 561, p. 262-277 (octobre).— Id.(*u»7e),
p. 288-300 (novembre).
Martin (Arthur). — Note sur quelques
restes de l'âge de la pierre en Anatolie,
p. 163-171, pi. XVIII (septembre).
Maspero (G.). — Deux monuments do
règne de Ramsès 11, p. 319-325, 1 fig.
(novembre).
Maiard (H. A.). — Signes sculptés sur
rochers, p. 360-365, pi. XXV (décem-
bre).
Miln (Jamb). *- Fouilles faites à Gamac
(Morbihan), les Bosseno et le mont
St-Michel, p. 208 (Bibl., par M*^).
MoRDTVANN J' (A.). » Plombs byxantins
de la Grèce et du Péloponnèse, p. 47-
61 (juillet).
McNTZ (Edg.). — Les Anciennes basiliques
et églises de Rome au xv» siècle. Do-
cuments inédits sur les travaux qui y
ont été exécutés, depuis Martin V jus-
qu'à Sixte IV, p. 18-39 (juillet).
MuNTz (Eug.). — Notes sur les mosaïques
chrétiennes de l'Italie. IV. L'Oratoire
du pape Jean VII, p. 145-162, pL XVII
(septembre).
Odobesgo (Al.). — L*Histoire de TArchéo-
logie, p. 67-70 (Bibl., par M. G. Dbm.
Téodobbsco.).
Quichebat (L.). — G. Lucilii Saturamm
Reliquiœ. Edidit Lucianus Moellerus.
Troisième et dernier article, p. 1-17
(juillet).
Rbvillout (EuGiNB). -^ Etude historique
et philologique sur les décrets de Ro«
TABLE DES MATIERES.
431
sette et de Ganope, p. 326-347 (novem-
bre).
Rhoné (Arthur) . — L'Egypte à petites
Journées (le Kaire et ses environs) ^
p. 70-72 (Bibl., par M*").
RoRBRT (P. Charles). — Inscription de
Périgueux mentionnant Les Primani,
p. 223-233. 1 fig. (octobre).
Rossi (Jban-Baptistb de). -^ Analyse da
troisième volume de la Rome souter-
raine deM. DB RoBSi, p. 421-423 (Nouv.
et corr.).
SoRLiN DoRiGNT (Al.). ^ Pœmanios, p.
102-109 (août).
TÉODOREsco (G. Dbm.). — L'Histoire de
TArchéologie, par M. Al. Odobbsco,
p. 67-70 (Bibl.).
Vaperbau (G.). — Dictionnaire universel
des littératures, p. 65-67 (Bibl., par
M. G. P.).
TABLEaMÊTHODIQUE
(. SOOIÉTÉS ET NOUVELLES. — II. ÉOTPTE ET ORIENT.
(II. GRÈCE. — IV. ITALIE, — V. FRANCE. — VI. PAYS DIVERS.
VII. BIBLIOGRAPHIE, LINGUISTIQUE.
I. SOCIÉTÉS BT NOUVELLES.
Noa?elles archéologiques et correspon-
dancp, p. 62-^4 (juillet); — p. 137-130
(août); — p. 201-204 (septembre); —
p. 270-280 (octobre); — p. 340-352
(novembre); — p. 417-424 (décembre).
Bulletin mensuel de TAcadémie des
inscriptions par M. A. B. ; mois de
Juin, p. 61 (juillet); — mois de juillet^
p. 136 (août) ; — mois d'août, p. 105-
200 (septembre);— mois de septembre,
p. 278 (octobre); — mois d'octobre, p.
348 (novembre) ; — mois de novembre,
p. 416 (décembre).
Prix de TAcadémie des inscriptions, an-
tiquités de la France, p. 201 (Nouv.
et corr.).
Un prix de TAcadémie française, p. 204
(Nouv. et corr.).
Sommaire de publications archéologiques,
p. 62-64 (Nouv. et corr.); — p. 138-
130 (Nouv. et corr.); — p. 204 (Nouv.
et corr.) ; — p. 280 (Nouv et corr.) ; —
p. 352 (Nouv. et corr.); — P. 418-421
et p. 424 (Nouv. et corr.).
Mort de Giuncarlo Conestabile, p. 137
(Nouv. et corr.).
II. EGYPTE ET ORIENT.
L'Egypte à petites journées (le Kaire et
ses environs); par M. Arthur Rhoné,
p, 70-72 (Bibl., par M***).
Deux monuments nouveaux da règne de
Ramsès 11^ par M. Maspbro, p. 310 325
(novembre).
Etude historique et philologique sur les
décrets de Rosette et de C»nope, par
M. EuGBNB Rbvillout, p. 326-347 (no-
vembre) .
Une découverte en Terre Sainte, p. 270-
280 (Nouv. et corr.).
La Pierre de Bethphagé^ fresques et ins-
criptions des croisés récemment décoa-
vei tes auprès de Jérusalem, par M. Ce.
Clbrhont-Gannbau, p. 366-388. flg.
(décembre).
Une incantation magique cbaldéenne, par
M. François Lenorvant, p. 254-261
(octobre).
Pœmanios, par H. Al. Sorlin Dori&nt,
p. 102-100 (août).
Note sur quelques restes de T&ge de la
pierre en Anatolie, par M. Arthur
Martin, p. 163-171, pi. xviii (septem-
bre).
Note sur la composition de quelques ha-
ches en pierre^ par M. A. Damour,
p. 172-175 (septembre).
Sur le déchiffrement des inscriptions
cypriotes, par M. Michbl Bréal^ p. 316-
318, 1 flg. (novembre).
•
III. GRÈGE.
Découverte à Spata près d'Athènes^ par
M. Albert Dumont, p. 20).-202 (Noav.
et corr.\
Hypogées découverts à Spata, parM. J. H.
p. 340-350 (Nouv. et corr.).
Décret en Thonneur de Phanocritos de
Parium, par M. P. Foucart, p. 300-
411 (dAcembr(3).
Mission archéologique de Macédoine, par
MM. LÉON Heurey et h. Daumet, p. 140-
144 (Bibl. par M. P. Foucart).
Plombs byzantins de la Grèce et du Pélo-
ponnèse, par M. A. Mordtuann, Jr,
p. 47-61 (juillet).
IV. ITALIE.
Deux périodes du premier Age du fer dans
la nécropole de Golasecca^ par M. Pom-
43i
REYUE ARCHÉOLOGIQUE.
PEO GASTBLFBANGO, p. 73-00^ pi. XV, XYI
(août).
Sar quelques inscriptions d'Ostie, par
M. Th. Hoholle, p. 234-253 (octobre).
— (suite), p. 301*315 (novembre).
Sur trois inscriptions péligniennes récem-
ment découvertes, par M. Michel Bréal,
p. 41 2- Al 5 (décembre).
Note sur les récentes acquisitions du Mu-
sée de Gapoue, par M. E. Ferniqdb,
p. 110-127 (août).
Les Associations de citoyens romains e^
les Curatores civium Romanorum con-
vt)ntuB Helvetini, par M. G. P., p* 63
(Nonv. et corr.).
Ville souterraine découverte à Manfre-
donia, Italie, p. 424 (Nouv. et corr.).
Balles de fronde antiques, p. 410 (Nouv.
et corr.)-
Analyse du troisième volume de la Rome
souterraine de M. de Rossi, par M. Jean-
Baptiste DE Rossi, p. 421-423 (Nouv.
et corr.).
Les Anciennes basiliques et églises de
Rome au xv* siècle. Documents inédits
sur les travaux qui y ont été exécutés,
depuis Martin V Jusqu'à Sixte IV, par
M. Euo. MoNTZ, p. 18-39 (Juillet).
Notes sur les mosaïques chrétiennes de
ritalie. IV. L'Oratoire du pape Jean VII,
par M. Edg. Muim, p. 145-162, pi. zyh
(septembre).
La Vierge au ciel, représentée sur un sar-
cophage antique, par M. Edmond Le
Blant, p. 353-359, pi. xxiii et xxiv
(décembre).
V. FRANGE.
Le Trou-d' Argent, grotte des Alpes Pro-
vençales, p. 203-294 (Nouv. et corr.).
Fonderie de bronze des Gôtes-du-Nord,
p. 137 (Nouv. et corr.).
Découverte de haches en bronze à Prat,
G6te8-du-Nord, p. 418 (Nouv. et corr.).
Découverte d'un cercle d'or battu dans les
Gôtes-du-Nord, p. 137 (Nouv. et corr.).
Fouille d'un tumulus bretouj par M. René
Kervilbr, p. 417 (Nouv. et corr.).
Découvertes de tombes celtiques dans les
Dombes, p. 418 (Nouv. et corr.).
Sépultures gauloises de Flavigny. Rapport
à Monsieur le Ministre de Tinstruction
publique, par M. Joseph oe Baye, p. 40-
46, pi. xm et XIV (Juillet).
Gimetière gaulois du Mont-Blanc, à Etré-
chy, canton de Vertus (Marne), par
M. P. DU Ghatellibr, p. 212-216, pi. xx.
2 fig. (octobre).
Découvertes àBordeanxet Paoillac^p. 270
(Nouv. et corr.).
Découvertes romaines à Dijon, p. 370
(Nouv. et corr.).
Fouilles faites à Gamac (Morbihan), les
Bosseno et le mont St-Micbel, par
M. Jame Miln, p. 208 (Bibl. par M***).
Nouvelle note sur un liquide renfermé
dans un vase de verre très-ancien, par
M. M. Berthelot, p. 394-398 (décem-
bre).
Une belle trouvaille; débris de vaisselle
d'argent, p. 202 (Nouv. et corr.).
Vaisselle romaine d'argent dt^couverte
près Valenciennes, p. 349 (Nouv. et
corr.).
Solimariaca n'est pas Soulosse, par M. Au-
guste LoNGNON, p. 12a-132 (aodt).
Monographie des Bornes milliairea du dé-
partement du Gard, par M. A. Aurêb,
p. 207-208 (Bibl. par M. A. B.).
Inscription de Périgueux mentionnant
les Primani, par M. P. Charles Robert,
p. 223-233. 1 fig. (octobre).
Nouvelle inscription romaine découverte
par M. Robert Mowat, p. 137 (Nouv.
et corr.).
Inscription romaine à Rumilly, p. 203
(Nouv. et corr.).
L'Ex-vetode Bolar, près Nuits (G6te-d'0r),
par M. AuRÉs, p. 209-211, pi. xix (oc-
tobre).— Rectifications concernantrex-
voto de Bolar, par M. Aurss, p. 418
(Nouv. et corr.).
Anse d'amphore du Musée de StrGérmain,
p. 352 (Nouv. et corr.).
Statue en bronze découverte à Méxieox,
près Vienne, p. 349 (Nouv. et corr.).
La Gaule de 511 à 561, par M. Auguste
LoNGNON, p. 252 277 (octobre). — Id.
(suite) i p. 288-300 (novembre).
Les Sépultures mixtes de Garanda et
Sablonnières près Fère-en-Tardenois
(Aisne), par M. Ed. Fleurt, p. 176-
191. 10 fig. (septembre).
Gimetière Franc d'Arcy-Sainte-Restitae,
fouillé par M. Moreau^ p. 201 (Nouv.
et corr.).
Numismatique de la province de Lan-
guedoc. Période antique, par M. Alexan-
dre Bertrand, p. 91-101 (août).
TABLE DBS MATIERES
435
VI. PAYS DIVERS.
Fortifications romaines des villes dé la
Gaale, par M. A. B., p. 350-352 (Noav.
et corr.).
Le Draidlsme irlandais, par M. H. d'Aa-
BOIS DE JUBAINYILLI, p. 217-324 (OCtO-
bre].
Le Char de gaerre en Irlande et la mort
de Guchulain, par H. H. d'ARBOis db
Jdbainyillb, p. 133-135 (août).
La Gaisa en Irlande, par M. H. d'AaBOis
DB Jdbaintillb, p. 192104 (septembre).
Mission de M. Gh. de Ujfalvy en Sibérie,
p. 423-424 (Nouv, et corr.).
Signes sculptés sur rochers, par M. H. A.
llAZABD^ p. 360-365, pi. zxv (décembre).
Inscriptions de Sétif, par M. Ant. HiaoN
DB ViLLBPOssB, p. 380-393 (décembre).
Vn. BIBLIOGRAPHIE, LINGtfISTIQUE.
Bibliographie, p. 65-72 (juillet) ; — p. 140-
144 (août); — p. 205-208 (septembre).
G. Lucilii Saturaram Reliquie. Edidit
Lncianus Muelleras. Troisième et der-
nier article, par M. L. Qdighbbat^
p. 1-17 (Juillet).
Dictionnaire universel des littératures,
par M. G. Vapbebau, p, 65-67 (BiU.
par M. G. P.).
Les Premiers habitants de l'Europe, d'a-
près les auteurs de l'antiquité et les re-
cherches les plus récentes de la linguis-
tique, par M. H. d'Abbois db Jobair-
«ILLB, p. 205^207 (BibL par H. A. de
B.).
L'Histoire de TArcbéologie, par M. Al.
Odobbsco, p. 67-70 (Bibl. par M. G.
DenL Théodoresco.).
Etudes sigillograpbiques. Le Type naval,
par M. G. Dbmat, p. 281-287, pi. xxi,
zzn (novembre).
FIN DE LA TABLE.
l'aria. ~ Tjp. Pillbt et Dumoclim, 9, rne «lei Grands- A nguBlini.
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