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REVUE BELGE
PHILOLOGIE ET D'HISTOIRE
PREMIÈRE ANNÉE
1922
REVUE BELGE
DE
PHILOLOGIE ET D HISTOIRE
RECUEIL TRIMESTRIEL
PUBLIÉ PAR LA
SOCIÉTÉ POUR LE PROGRÈS DES ÉTUDES PHILOLOGIQUES & HISTORIQUES
TOME r
1922
BRUXELLES
LES ÉDITIONS ROBERT S AND
86. Rue de la Montagne
1 92-2
p
^^
t. /
Notes sur deux passages d'Euripide
L'Oracle de la Médêe
Le roi d'Athènes, Egée, n'ayant pas d'enfant, s'est rendu
à Delphes pour demander à Phébus comment il pourra
obtenir une postérité. C'est le motif traditionnel qui con-
duit au même oracle Xuthus dans Vlon et Laius dans les
Phéniciennes. A son retour, le pèlerin s'arrête à Corinthe
et y rencontre Médée qui l'interroge sur son voyage (674 et
suiv.) :
MÉDÉE, Eh bien! que t'a dit Phébus sur la naissance
d'enfants?
Egée. Un oracle dont l'interprétation dépasse la sagesse
humaine.
MÉDÉE. M'est-il permis de connaître la réponse du dieu?
Egke. Oui, d'autant plus qu'elle exige un esprit ingé-
nieux.
MÉDÉE. Quel est donc l'oracle? Dis-le, s'il m'est permis
de l'entendre.
Al. 'AaKoO |ue TÔv TrpouxovTa |uri XûaaiTTÔba,
Mi]. TTpiv âv TÎ bpâ(T];iç r\ tîv' èEiKJ^ xQàvu; 680
Al. TTpiv âv TTttTpujav auGiç écTTÎav |liô\uu.
Ml]. Zù b'ibç TÎ xpiî^ujv Ti'ivbe vauaroXeîç x^ôva;
Egée explique ensuite sa présence à Corinthe en disant
qu'il se rend à Tré/ène pour y demander au sage roi Pit-
thée l'interprétation de la réponse du dieu.
I,. l'AHMKNTIEH
Voici le commentaire du scholiaste au sujet de l'oiiicle
(V. (>79) :
XpncTiLiôç ô bo6eiç tlù AÎYeî oùtôç êCTtiv.
'AaKOÛ TÔv TTpoùxovTa TTobdova, cpépiaie XaiLv,
ixï] Xûaijç, TTpiv Youvôv 'AGnvaioiv àcpiKéCTGai.
'AcTKGO OUV TIÎÇ YttCTTpÔÇ* TTÔba bè t6 jUÔpiOV, TTapÔaOV LUC ô
TTobeùjv Toû daKOÛ Tipoéxei. Aé^ei ouv on lxpr]aé |uoi )Liri cruveX-
6eîv èrépo!, -rrpiv èmPnvai inç TraTpîboç. Toûto 'fàp aiviTteTai,
ÔTTep aÙTÔç où cruviticriv. 'Aokôv toîvuv Xéyei tov irepi iri j "ça-
arépa tôttov. 'ApxiXoxoç (fr. 7!2)' « Kai Trecreîv bprjOTriv ètt' ddKÔv
KÙTTÎ -faoïpi Ya(^Tépa 7TpoO"PaXeîv jaiipoùç t€ MnpoîÇ »< bp/iOinv
XÉYujv, oia bpùoavTÙ ti. TTobeûjva bè eiubOadi XéYeiVTÔ toû ùvbpôç
afboîov.
Sur le V. 681 : é'uuç <cxv> èv ti] Traipibi Yévuj|uai. 'EEéxovTa
bè .uûXiOTa èv crubuaii TÉcro'apa, KecpaXi'i, x^îP^Ç' aîboîov, TTÔbeç.
Le scholiaste entend donc que àcTKÔç, « outre», a ici,
comme dans un passage d'Arcliiloque, le sens de -{aotrip,
« ventre », et que TTobeubv, proprement « cou de l'outre »,
désigne le membruni virile. L'oracle défendrait ainsi à
Egée davoir commerce avec une femme avant d'être de
retour dans sa patrie.
Plutarque, Thésée 3, donne le même sens à l'oracle et il
Je cite comme il suit :
'Aokoû t6v TTpoùxovTa Tiôba, |uéYot cpépTaie Xaiûv,
|uf-] Xûaiiç Tipiv bniuov 'ABnvéuuv eicraqpiKéo"9ai.
Apollodore, Bibliothèque, III 1o, 6, "2, coïncide avec J^lu-
tarque pour le premier vers (TTÔba, et non TTobctovai et offre
au second la variante Trpiv èç dKpov 'Aôiivaiuuv àcpÎKiicii. Les
manuscrits <le Tzetzès, Ad Lycophr., v. 494, p. 548, ont
sinq)lemcnt nôba ou TTÔba ôv ou Tiôba u). CA. aussi Anth.
Pnlui.XlV, loO.
Il faut retenir de là que la version TTobdova n'a pour
elle d'autre garant (pie le scholiaste : ce grammairien à
l'esprit obscène, en mettant l'oracle en vers, l'y a intro-
duite au lieu d(; TTÔba pour mieux faire concorder le texte
d'Euripide avec l'interprétation (pi'il inventait. Au sur-
DEUX PASSAGES d'eURIPIDE 3
plus, si le terme TTobâova avait figuré anciennement dans
l'oracle et s'il avait, comme le veut le sclioliaste, désigné
couramment le membriim virile, il n'eût point été besoin
d'un esprit ingénieux, Œocpri cppr|v, pour deviner l'énigme.
Il y a lieu de s'étonner de ce que l'interprétation du
sclioliaste ait pu se maintenir depuis l'antiquité jusque
dans les dernières éditions modernes. Elle est d'abord en
contradiction avec le caractère général des réponses du
dieu, qui n'a pas, que nous sachions, l'habitude de choi-
sir ses j)lirases à double entente dans un pareil genre
d'images. Elle est aussi tout à fait indigne du ton et du
style de la tragédie, et elle eût apparu comme une vulgarité
sans exemj)le sur la scène du drame. Aristophane lui-même
eût été le premier à tancer à ce sujet le poète qu'il surveil-
lait de si près.
A ma connaissance, M. P. Corssen est le premier
moderne qui ait eu le mérite de chercher à expliquer
l'oracle par une autre voie (Berliner philolog-ische Wochen-
schrift, 1913, col. 92 sq.)
Selon lui, le mot dO'KÔç est emploj^é dans un sens qu'il a
plus tard perdu, a Littéralement, l'oracle n'a rien dit
« d'autre que le symbolon pythagoricien : tù CTipubjuaTa àei
« auvbebeiuéva ëxeiv (Diogène Laërce VIII, 17). Hippolyte
(c {Philosoph. VI, 27), qui donne le symbolon sous la
(( forme : tôv ŒTpouiuaTÔbeaiuov 5fi(Tov, ajoute l'explication :
« èîTei ci ôboiTTopeîv juéXXovTeç eîç 6ép|ua 5e(j)Lioûcri là îjuÛTia
(( aÙTiûv TTpôç èTOi)aaaiav ti^ç ôboû. Le fait qu'anciennement
« le terme àcJKÔç n'était pas seulement employé pour une
« outre à vin, mais aussi pour un sac de cuir où l'on empor-
« tait en voyage des effets de toute sorte, est prouvé par
a V Odyssée, k, 19 :
bûjKe hé )u' èKbeîpaç dcTKÔv Poôç èvveuûpoio,
ëvGa bè PuKTcxuuv àvé|uaiv Kaiébiicre Ké\eu9a.
« Autrement en effet, les compagnons d'Ulysse ne vien-
« draient pas à penser qu'Éole y a mis pour lui des objets
ic d'or et d'argent. L'oracle ordonnait donc à Egée de
K retourner directement à Athènes, sans s'arrêter en che-
(c min. Egée, ne comprenant pas cet ordre et allant deman-
4 L. PARMENTIER
<c der à Pittliée le sens de l'oracle, pécha contre lui en
« s'efforçant de l'accomplir. »
Il ne m'a pas été possible de parcourir la Berliner philo-
logische Wochensclirift depuis 1914, mais je crois bien
que la plupart de ses lecteurs auront trouvé, comme moi,
l'explication de M. Corssen inacceptable. Une outre, àaKÔç,
est bel et bien une outre, et elle a pour destination de rece-
voir du liquide, même si occasionnellement il arrive au
poète d'imaginer une outre énorme, faite de la peau d'un
bœuf, une outre épique où sont enfermés les vents, comme
dans un ballon. Chez Homère, la vraie outre est toujours
en peau de chèvre, aiVeioç àanôç r2i4. Z: 78. 1 196 ; elle sert à
contenir du vin ou de l'eau, et le sac destiné à recevoir les
autres provisions, KÛjpuKOç (plus tard GuXaKOç) en est
expressément distingué, e257. i213. Chez Euripide, daKÔç
ne se dit que d'une outre à vin, Cyclope 143-161. 510-529,
Electre oll. D'autre part, le rapprochement avec le pré-
cepte pythagoricien est illusoire. Celui-ci recommande
d'être toujours préparé à partir, d'avoir toujours ses
paquets prêts ; il ne défend nullement de s'arrêter ni d'ou-
vrir son sac au cours du voyage.
Il n'importe guère ici de savoir si le mot irobctûv, « cou
de l'outre lié par une courroie» (Hérodote, 121,4. Pol-
lux II, 196) a été employé quelquefois pour désigner le
membrum virile. En effet, le mot de l'oracle d'Euripide est
-iTÔba, et il n'y a pas d'exemple que ttoùç soit jamais pris
dans un sens obscène. C'est en partant du mot îtoûç, et par
une tout autre voie que M. Corssen, que j'essaierai de
trouver la solution de l'énigme.
Une interprétation des vers d'Iùiripide, qui parait
simple à première vue, serait celle-ci : « Ne délie pas le
cou saillant de l'ontre. c'est-à-dire, ne bois pas ». Mais si
Hgée ne s'en -satisfait ])as, c'est évidemment que ttgOç ne
lui semble pas ijouvoir s'entendre comme un substitut de
TTobeujv. Et il faut bien que cette synonymie n'existe pas;
sinon, il n'y aurait en réalité ni piège, ni énigme. Au
surplus, avec un tel sens, ra<ldition inutile de TrpouxovTa
resterait inexpliquée.
Kuripide faisait représenter sa pièce devant un peuple
de marins; si ceux-ci ont essayé d'entendre l'oracle dans
DEUX PASSAGES D EUKIPIDE O
un sens imagé, les tropes qui se sont présentés le plus
naturellement à leur pensée sont ceux qui appartiennent à
la langue nautique. Le mot ttgùç désigne pour les marins
l'extrémité inférieure du cordage que l'on attache pour
tendre la voile et recevoir le vent (bouline). Cf. Euripide,
Oreste 707. Sophocle, Antigone 715, etc. Mais ce sens,
qui s'offre si facilement, ne peut s'accorder ici ni avec
TTpouxovTa. ni avec dcTKÔç.
Je crois que la solution de l'énigme gît avant tout dans
l'acception à donner au mot dcTKÔç. Pour les marins
d'Athènes, il suggérait un sens métaphorique très précis.
Ils désignaient par le terme dOKUJiua la gaine de cuir par
laquelle passait la hampe de l'aviron des rameurs, et qui
rappelait plus ou moins la forme d'une outre dont le goulot
serait tourné vers la mer. L'ascome, dit Alphonse Willems,
est une « outre ou bourse de cuir adaptée au sabord de
nage, et enserrant la hampe de l'aviron pour empêcher la
lame de pénétrer dans le navire », Aristophane, Achar-
niens 97, où le scholiaste explique : d(TKUj)ua bè ô tudç ô
(Juvéxuuv Triv KiiiTiriv Trpôç tlù crKa\|ULÙ.
Il devait naturellement y avoir dans l'oracle un piège,
et il réside dans l'emploi d'dcTKÔç au lieu du terme ordinaire
àoKVjjJLa. Piège peu grave d'ailleurs, et ne contrevenant pas
à ce qu'on peut appeler les règles loyales du Jeu oraculaire.
Il est presque impossible que les marins n'aient pas
employé à l'occasion le mot dcTKÔç comme synonyme d'do"-
Kuu)ua. Au surplus, le verbe signifiant « munir un vaisseau
d'dŒKubiuaTa » se dit simplement d(TKÔ0)uai.
Le sens d'dcTKÔç ainsi établi, il devient évident que
TTÔba signifie l'aviron qui fait marcher le navire, et l'on
comprend ainsi l'indication contenue dans TTpoùxovTa : c'est
l'aviron attaché à son bord et qui fait saillie hors de
l'daKÔç vers la mer.
L'oracle disait donc : Xe détache pas l'aviron de son
bord, ne cesse pas de ramer, c'est-à-dire, sans métaphore,
voyage sans interruption jusque chez toi. On reconnaît là
immédiatement un genre d'interdiction dont le folklore
offi'e fréquemment des exemples (ne pas se retourner, ne
pas regarder, etc.).
Je crois bien que l'énigme a été facilement comprise par
b I.. PAHMKNTIEli
les coQtemporainsd'Kuripide, et que nul n'a songé à l'inter-
prétation obscône où plus tard devait se complaire l'imagi-
nation d'un compilateur ctranger à la vie athénienne.
Au surplus, Euripide a mis son public sur la voie, et il
est étrange qu'on ne s'en soit pas aperçu. Médée, en sa
qualité de Œoqpfi qppiîv, a dû rapidement comprendre l'oracle.
Interrompant au v. 080, elle demande :
TTplv âv ïi bpâ(T),iç r\ tîv' èEÎKi] \Qàva;
Elle voit donc tout de suite qu'il s'agit d'un mode de
voyage imposé à Egée. Celui-ci répondant : a avant d'être
rentré chez moi », elle réplique vivement :
lu b'ujç TÎ xP'î^^ujv Tr|vbe vauŒToXeïç x^ôva;
« Eh bien! qu'as-tu besoin de venir naviguer dans ce
pays? » Le mot vauaToXeîç ici employé à dessein continue
la métaphore de l'oracle {^ly] TTatiou vauaToXuùv Trpîv ktX ). et
indique avec une certaine ironie que Médée s'est rendu
compte immédiatement de la faute d'Egée. Mais comme
celui-ci, en s'arrètant à Corinthe, a déjà contrevenu irré-
médiablement ;i l'oracle, la subtile^personne juge sagement
qu'il est inutile de l'indisposer en lui expliquant sa faute.
E,lle ne parlera plus de l'oracle, bien qu'elle laisse entendre
en quelque manière à Egée que le but du pèlerinage est
manqué, lorsqu'elle lui promet (717-718) de le rendre père
par les moyens de son art magique.
II
Ion. i')(')o.
Xuthus. sortant du sanctuaire d'Apollon Delphien à qui
il est veuu demander un enfant, rencontre le jeune Ion, et
conformément à l'oracle du dieu il le salue comme son fils.
Lorsqu'il s'est fait expliquer cette paternité inattendue, le
premier élan de son ccrur pouss(^ Ion à demander (jui est
sa mère (o40). Xuthus doit avouer qu'il ignore le nom et la
condition de la jeune Delphienne qu'il a jadis séduite pen-
DEUX PASSAGES D EURIPIDE '
daut les fêtes de Bacchus. Ion, déçu, exprime modérément
sa joie de retrouver son père, et n'a d'émotion vraie qu'en
revenant à la pensée de sa mère, avec cette invocation tou-
cliante qui termine le dialogue, 568-565 :
^Çl cpiXil jU^Tep, ttôt' dpa Kai aôv ôijjoiuai béjuaç;
Nûv TToGô) ae juaXXov r| irpiv, t^tiç eï ttot', eîcTibeîv.
'AW ïauuç xéGvriKaç, iiiueîç b'oùbèv âp buvaî)ue0a.
Je cite, telle que la donne le manuscrit, la fin gâtée du
dernier de ces trois vers. Je ne discuterai pas les correc-
tions généralement admises, aucune ne présentant un sens
satisfaisant (oubèv âv buvai'iueGa — oùbèv dp' 6vai|ue0' dv, etc.).
En changeant une seule lettre, ce qui est à peine une cor-
rection, je lirais simplement :
'AW i'cruuç léÔvnKaç, njueîç b' oùb' ôvap buvaijueG' dv.
(c O ma mère chérie, quand donc verrai-je aussi ton
visage? Maintenant plus qu'auparavant, qui que tu sois, je
désire te voir. Mais peut-être es-tu morte et, même en
songe, je ne le pourrais pas. »
Ainsi se termine par un cri d'une sentimentalité exquise
la scène où le pur adolescent nous a fait deviner son âme
méditative et rêveuse.
L. PAIUrEXTIER
Xénophon
Hellexika, I, 4, 13-17.
L'interprétation d'an texte renfermant quelques « cru-
ces » ne peut raisonnablement fournir un prétexte pour
faire un examen critique détaillé des méthodes employées
pour l'établissement de ce que l'on est convenu d'appeler :
les éditions critiques modernes des textes classiques. Qu'il
nous soit toutefois permis de remarquer, d'abord que le
« stemma », parfois bien compliqué, que l'on dresse en vue
d'illustrer la filiation des divers manuscrits d'un auteur
ancien, peut généralement se défendre aisément pour le
dernier et l'avant-dernier degré, mais qu'au-delà du
troisième degré nous voguons, neuf fois sur dix. dans la
pure fantaisie; ensuite, qu'en fait, une fois la valeur pri-
mordiale d'un codex établie, l'éditeur du texte s'en tient
rarement à cette source de la tradition ; devant une leron
qu'il croit meilleure, bien que fournie par une source qu'il
a lui-même démontré être moins pure, il n'hésite pas à
« corriger » son texte de base ; même, lorsqu'il se trouve
devant un passage qu'il ne comprend pas par suite de
quelque difficulté — que celle-ci soit « du domaine des
realia, de la pure logique, de la grammaire ou de la sty-
listique )) (^), peu importe — il déclare le passage corrompu
et cherche à le corriger; car « c'est un devoir pour le
lecteur et surtout pour l'éditeur d'établir les altérations
du texte et de chercher à les réparer » (-), au besoin par
fi) Th. Bikt : Krilifc und Hermcneullk clc, Miiiiclicii, li)i:5, |>. l:2i aiaiid-
bucli (VIvv. Millier, 1, 3).
(•') Th. Bikt: op. cit., ii. l-2i.
10 TH. I.KFORT
(les conjectures. Quel que soit le jugement que l'on porte
sur la valeur de cette méthode, il est difficile de ne pas
avouer que l'on obtient par elle un texte nouveau, ou plus
exactement, une recension nouvelle du texte, plutôt qu'un
texte critique. Kt ceci parait d'autant plus vrai que par la
divination et les corrections qui en sont le fruit, on intro-
duit dans la place le subjectivisme avec toutes ses consé-
<iuences (*).
Xous voudri(ms montrer par un exemple pris entre
beaucoup d'autres que le texte des manuscrits — les fautes
matérielles d'orthographe, de coupure, etc., mises natu-
rellement à part — est habituellement aussi intelligible
que les corrections faites ou proposées. Nous avons choisi
un passage des Hellenika, difficile et fort remanié par les
éditeurs ; nous donnons le texte du codex B reconnu comme
le meilleur témoin delà tradition textuelle (-); dans une
colonne parallèle prendront place les leçons des autres
codices aux passages modifiés; et dans une autre colonne
les corrections i)roposées ou admises par Keller dans son
édition critique-^). 11 paraît, en effet, superflu d'étaler toutes
les corrections proj^osées par les divers auteurs d'éditions
classiques; car cet ensemble n'importe pas à notre but et
n'aurait tout au plus qu'un intérêt rétrospectif. Notre
démonstration sera très simple puisqu'elle se contentera
de mettre sous les yeux du lecteur notre manière de com-
prendre le passage avec les justifications nécessaires
placées en note. La conclusion qui se dégagei-a d'elle-même
de l'examen de ce passage ne sera pas formulée pour
éviter le reproche de précipitation fait à l'auteur du
« ab uno disce omnes », bien que nous estimions que l'adage
soit en l'occurrence rigoureusement applicable.
(') (^'llc iiiftliddc :iii fiPiid repose sur uno péliliun de principe : l'usiigc de
lii lan},'ue a clé élaldi par les textes, ol l'on corrige les textes en vertu de
l'usage de la langue.
(-) C'est le l'ari.iiriits. \i;\H (autreinis Collirrninis VM)-!); début <lu
XIV .siècle.
(•') 0. Kki.i.kii : Xe/iop/iiDi/in /lishnin (jrdi'id, éd. luaioi-, Leip/ig 1890.
p. \xv, doniM' le laliIcMii ou sienuna de la lilialidti des rnanuscrils des llell»''-
iii<iues.
XENOPHON
11
AuliTS codd.
KaTttTrXéovTOç b'aÙTOÛ (Alcibiade)
ô Te èK Toû TTeipaïujç Kai ô èK toO
dŒxeuuç oxXoç nGpoîcreii Trpôç mç vaûç,
QavjJLÛlovTeq Kai ibeîv Pou\Ô|li€voi tôv
'AXKiPidbiiv, XéYOvreç ôti, oi |uèv ujç
KpÛTKJTOç ei'ri tûjv ttoXitûjv Kaî môvoç
dTTeXoYi'lOn UJÇ où biKaiuuç qpÙYor êtti-
PouXeuGeiç 5è ùttô tûjv ëXaiiov èKeivou
buvaiuévujv )aox6iipÔTepd Te XeYÔvTuuv
Ktti TTpÔÇ TÔ aÙTÛJV l'blOV KépbOÇ TTOXl-
TevjôvTuuv, èKeîvou b'àei TÔTe koivôv
aùEovTOç Ktti àTTÔ tûjv aÙTOÛ Kai dirô ^ù^oq b.c. F.
TOÛ TfjÇ TTÔXéujÇ buvÔTOU" èGéXoVTOÇ bè aÛToOM.D.V.
TÔTe KpivecjGai Trapaxpiîua tiîç aiTÎaç
dpTi Y6Yevïi|uéviiç ujç l'icrePiiKÔTOç eîç Td
,uu(TTiîpia, UTTepPaXXô|uevoi oi èxBpoi tô
boKOÛvTtt bÎKaia eivai dTTOVTa aÙTÔv
è(JTépi"|crav tjiç TtaTpiboç* èv uj xpôvuj
UTTÔ d|uiixctviaç bouXeùuuv iivaYKdcrGr)
hellci'.
OTl
Ions les mfi.
àTr€\oYiî6r|
loiis les mfi,
excepté F :
ÙTTriYYéXOri-
aÛTiûv V.
b'...T6Te
U.CP.M.D.V.
[àîreXoYnôri
d)ç]f-i
aÛTuJv (■*)
àe'i TÔ K. (3)
aÛTou (■')
(') Y a-t-il plus de motifs de siipprinier ici ôxi (lue dans les jilirase'r nù il
iiitrudiiit le discours direct ou In proposition iniinitive après un rerinttn
ilerlarandi où oTi (comme ici aussi i na plus guère que la valeur de nos deux
points (:)? Il sert donc d'introducteur c/nicra/ du discours.
(-) àTTe\oYtl6n< conlirnié indirectement par la leçon de F, est un passif rare,
peut-être unique; mais ce n'est pas le seul mol attesté chez Xénophon seule-
ment (cf. I.. Gaitier: La ttivgite de Xrnop/ion, Genève, 1911. p. 1.53-i."5.'5).
L'emploi de l'indicatif, mode de la i-éalité, marquerait donc (jue, dans
l'assemblée qu\ décida de surseoir au jjrocès des Hermocopides pour ne pas
retarder l'expédition de Sicile, seul Alcibiade aurait été l'objet d'un rapport
ou au moins d'une défense concluant à sa non-culpabilité.
(3j b(è) doit être maintenu ; il introduit un deuxième membre, et correspond
à émPouXeueeiç et à éGeXovToç bè...; le premier niend)re eTTiPouXeuBeiç...
était en construction adjeclive. la succession des trois génitifs normaux
buvaiuevujv, Xcy^vtujv et ttoXitcuôvtujv a mis dans l'oreille de Xcnoplion le
ton «génitir» si l'on peut ainsi dire; c'est ainsi cpie le deuxième membre, au
lieu de continuer avec la construction initiale, inti'oduit le génitif absolu ;
construction continuée par le troisième membre éOéXovTOç. Te enclilicpie
est certainement surpienant s'il a le sens copulatif; mais si [)ar hasard il ctail
le siu'vivant de Te d'Homère B Î19'2 et H* 48 il vaudrait la peine d'être remarque;
la langue de Xénophon n'est |)as incapable (t priori de pareille surprise.
{*) Cet emploi peu conforme à la granunaire me((rniii)te est une simple
rontcDiiintdlo du discours direct.
12
TH. LEFORT
B.C.F.M.D.V.
TOIOÛTOÇ...
OlÔOTTep
B.C.F.M.D.V.
^èv 6epaTTeùeiv toùç èxôicttouç, Kivbu-
veùujv àei Trap 'éKàcTTnv l'iuépav àîTO-
XioQav TOÙÇ 5è oikêiotùtouç TToXiiaç
T€ Ktti (JUYTÊveîç xai iriv ttôXiv ocTTacTav
ôpuùv èEa|uapTdvou(Tav, oùk ei'xev ôttuuç
uucpeXoiiT qpuYi), âTreipf ô|aevoç. oùk ëcpa-
(jav bè Tujv oïujvTTep aÙTOç ôvtujv eîvai
Kaivuùv beîcGai TTpaYiucJtTUJV oùbè jneta-
aT(i(Teujç" ÙTTctpxeiv yàp èk toû brmou |uèv y«pC(')
éauTiî) |Lièv Tuùv le i'tXikiuutuùv rrXéov éauTôi
exeiv TUÙV Te TipecpuTépiuv /un è\aT-
T0Û(j6ai, Toîç b'aÙToO èx6poîç toioûtoç
boKeîv eîvai oiôaTiep TrpÔTepov ucTTepov
bè buvao'6eîo'iv dTToWùvai toùç PeXTi-
(TTOUç, aÙTOÙç bè )Liôvouç XeiqpBévTttç
bi' aÙTÔ TOÛTO ûtYaTTàcrGai ùttô tôjv
TTOXlTÛJV OTl éTÉpOlÇ PeXTlOCTlV OÙK ElXOV
XpndOai.
Oi be, ÔTi TÛJv TTapoixo|Liévujv aÙTOÎç
KaKiJùv laôvoç aiTioç eïri...
Pour faciliter l'intelligence de notre traduction il ne
sera pas inutile de montrer au préalable le développement
des idées tel que nous croyons le saisir.
La foule venue d'Athènes et du Pirée aj^ant appris
l'arrivée de cet Alcibiade fameux qui va rentrer dans sa
patrie après un long exil, se presse sur les quais et, selon
l'habitude des foules, extériorise les sentiments qui l'ani-
ment et les pensées qui traversent son esprit.
I. Les uns : A. affirment qu'Alcibiade est un excellent
citoyen dont lu culpabilité a été contestée etc. etc.. (Voilà
aÙTiù ('-')
TOIOUTOIÇ...
oi'oiç TTepi
[jnéveiv ,uèv]
l'orrex. Ziir-
hovii) (a)
(') Celte le^oii de C csl iiilorossaiile; il est dailloiirs à leniarquor (|ik' ce
iiiiinusci'il donne souvent des leçons qui méritent de retenir l'attention.
C^) Cet emploi peu conforme à la graniiiiairc mécanique est une simple
contamina ho du discours dii'ect.
(') Le nominatif s cxiiliciue épaioment par rinllucncc du discours direct ;
il y a lonjilenips ipic H. Kiihner, dans la pi'Oini«"'re «'dilion de sa Ausfiilirf.
(hinuiiiiilil,, ^ 5t)\, 4, avait remar(|ué : « dass dcr (îricclic ciiic j^rossc
Ncigunn lialle den) Satze die Farhe derdirekten Hcdc hcihclialteii und nur die
Person vei"'iiiderl wiirdc. Niclil sclten ahcr wiirdc scllisl das SubjccI und
die l'er'son unveriindeit licilicjiallcn ».
XÉNOPHON 1 3
pour le passé). B. nient que son retour soit dangereux ;
car il ne peut vouloir ni renverser le gouvernement actuel,
ni changer de parti : (^)
1) Il n'a pas besoin de changer de parti :
a) il est toujours l'enfant gâté des démocrates;
b) il est toujours aussi suspect à ceux qui étaient ses
adversaires sous l'ancien régime (TtpÔTepov).
2) Il n'a pas besoin de renverser le gouvernement actuel
(OcTTepQV buvaffôeîcTiv) ; car il n'y a pas de gouvernement; on
se contente, faute de mieux, des individus qui ont pris le
pouvoir (6uvao"6eîcriv) (2).
II. Les autres prétendent :
a) qu'il est seul responsable des malheurs passés ;
b) qu'il en amènera vraisemblablement de nouveaux à
l'avenir.
Xous traduisons donc :
« Pendant que (l'escadre d') Alcibiade descend (vers le
port), la foule (accourue) et du Pirée et de la capitale se
masse en face des navires, pleine de curiosité et désireuse
de voir cet Alcibiade ; elle émet les réflexions suivantes :
Selon les uns, Alcibiade était le meilleur des citoyens
(opt. obliq.), pour lui seul en fait (indic.) on plaida l'in-
justice du bannissement ; objet des embûches de gens d'une
capacité inférieure à la sienne, qui tenaient des propos
autrement graves et gouvernaient à leur propre profit,
tandis que (bé) lui travaillait au bien commun en mettant
de son capital avec celui de l'Etat; alors qu'il voulait à
cette époque être jugé immédiatement sur la toute récente
accusation de profanation des mystères, ses adversaires,
pi'ofitant de son absence, le privèrent de sa patrie en
exploitant ce qui î^vait les dehors de la vérité ; pendant ce
temps, sous l'empire de la misère, il fut forcé de servir les
pires ennemis, exposé chaque jour à y laisser la vie, tandis
qu'il voyait ses partisans, ses concitoyens, ses parents, la
(') A iiolro avis iLieTOÎaTaoïç doit avoir le sens (]tu' f.ie6iaTTT,ui a souvent
(liez Thucydide par ex. 1, 35, 107, 130; VIII, 70; Xénoplion : llellen. I, 1,0,
sinon il tonne tautologie avec xaivà irpâYMCtTa.
(-) Nous sommes peu après la révolution de ill.
14 TH. LKFOKT
République entière se fourvoyer, impuissant qu'il était à
leur venir en aide, puisqu'il était tenu éloigné par l'exil.
Ils niaient que ce fût le propre de gens de sa trempe
d'avoir besoin de renverser le gouvernement ni de changer
de jjarli politique. En effet il se faisait que de la part de
la démocratie il jouissait toujours d'une considération
supérieure à celle de ses compagnons d'âge et nullement
inférieni-e à celle de ses aînés, tandis qu'à ses ennemis il
apparaissait absolument tel que sous le régime antérieur
(TrpÔTepov). Sous le dernier régime (ucfTepov) ^il se faisait
que) ceux qui exerçaient le pouvoir avaient mis à mort
les meilleurs citoyens; aussi (be) restés seuls ils étaient
acceptés par les citoyens pour le seul motif que l'on n'en
avait pas de meilleurs sous la main.
Les autres prétendaient etc.. ».
Tu. Lei-out.
Notes et conjectures
sur les œuvres de l'empereur Julien
Lu nouvelle édition des œuvres de Julien que préparent
AIM. Bide/> et Cumont annulera toutes les précédentes et fournira
enfin une base solide aux travaux des historiens et des philo-
logues. Il m'a été donné d'apporter une modeste — bien modeste —
contribution à cette œuvre scientifique. Pendant les loisirs forcés
que me faisait l'occupation allemande, j'ai eu de fré(iuents
entretiens avec mon excellent ami Bidez, qui a bien voulu me
consulter sur les nombi'euses difficultés (lue i^résente le texte de
Julien. C'est de ces entretiens qu'est sorti le présent article.
En le rédigeant je me suis reporté par la pensée vers ces
années terribles où j'ai trouvé un secours moral inappréciable
dans l'étude et dans l'amitié.
Pour les lettres de Julien, je renvoie à l'édition Bidez-Cumont,
dont les bonnes feuilles m'ont été communiquées ; les autres
ouvrages sont cités d'après les pages de l'édition de Spanheim.
Discours.
Or. 1, p. 3D-4A ; oùb' ujCJTrep êk tivoç xpa-fiKiîç )anx«vnç,
CpY\GX.
Lire qpadl, puisqu'il s'agit d'un proverbe. Cf. Or. I,
p. 31D-3!2A : eïEaç bè ojuuuç ôipé TTOie, cpacrî, rfi GexTaXiKt) net-
9avàYKi,i ; Or. IV, p. 14oD : èTtei 5è ômaaia, qpacriv (correction
certaine, que Hertlein a eu tort de rejeter pour reprendre
la leçon des mss. qpricriv), dKOiiç ècTTi TriOTÔTepa; Or. VI.
p. 200 C : Yeué(J9(ju bè xpuqpnç laiibè dKpuj, qpaai, tlù buKTÙXiu;
Misopogon, p. 3o3A : ë6oç, qpaaî, beuxépn cpùcriç; ep. 8:2,
p. 102, o : TÔ TipàYMOi aùiô, (paoi, beiEei.
Ibid., p. 12D ; Kaiioi tôv 'Obuaaéa a'uveT6v"0)mipoç êk ttuv-
TÔç àTToqpfjvai TTpoaipoù)aevoç ttgXùtpottgv eivai cpncri Kai ttoWùjv
16 P- THOMAS
àvGpuuTTULiv TÔv voûv KaTaYvôivtti Kai èTreXeeîv Taîç irôXecriv, ïv'
ê£ ânâvTUJV èTTi\e£à|uevoç 4'xoi xà KpÛTiCTTa Kai Trpôç iravioba-
7T0ÙÇ âv6pub7TOuç ô|ui\eîv bûvaiio, àWà t6v (Voss. : tô) |Lièv oùk
èpaaî\eucre7TOiK{Xujvii6ûJvè)Li7Teipiaçxpeî«-
« Locus corruptus », dit Hertlein. qui a recours à un
remède pire que le mal. Je serai peut-être plus heureux eu
proposant; dXXà tûj m^v ouk èç paaiXeiav ttoikiXuuv neujv
èiuTTeipiaç xpeî«- « mais lui (T'iysse) n'avait pas besoin d'une
expérience si variée pour gouverner (sa petite île
d'Ithaque) ». A cela s'oppose ce qui suit (p. 43A) : xôv bè
TTpôç TOcraÛTiiv »Vfe|uovîav xpeqpôiuevGV oùvc èv oîkîctkuj ttou xPHv
èibâo'KeaGui.
//)/(/.. p. 14B : ouxe yàp AaKebai)Liôvioi twv 'EXX^vuuv... ouxe
Tôjv pappâpuuv ci Kapxn^ôvioi..
La symétrie exige gutê Yàp <oi> AaKebai|Liôvioi.
IbicL, p. ISA : f] yàp ToiauTii KttTà luiKpôv u7Tobuo|aévn ouvn-
Geia Tttîç H^uxottç èvTexeîv ÙTToqjîav tujv KpeiTxôvuuv.
L'infinitif èviexelv ne s'explique pas. Wj^ttenbach le chan-
geait en èvéteKev. Petau suppléait uTé9UKev -èvreKeiv. Je pré-
férerais : f) Yàp TOiaÙTri... auvnGeia <(piXeî> xaîç vpuxaîç
èvT€Keîv. Cf. Or. VTI, p. 216 C : cp iXeî Yàp n cpûciç KpûiTTeaGai;
ep. ad Themist., p. 256 G : riKiata 5è qpiXeî Tfjç eù6ai)Liovîaç x]
PePaiÔDiç Tf) TÙx»3 TTiCTeOeiv, et ailleurs.
Or. VII, p. 210B-('. Il s'agit de l'impudence des
cyniques : oî b'àvaTraTOÛdiv èv tlù |Lié(JUJ là KOivà vô)ai)Lia
auYxéovTeç.
'AvaTTttTOÛO'iv a paru suspect à Cobet, (^ui corrige dva-
<crTpé(povTai Kai TTepi>TTaTOÛ(Jiv. Je n'hésiterais pas à le
remplacer par dTTOTraTOÛaiv. Le mot est grossier, mais
Julien ne se fait pas scrupule de l'employer ailleurs.
Or. VI. p 202B-C : èîTei Kai AïOYévnç eiTe àTTÉTrapbev eVie
âTTerrâTi-icrev eiie dXXo ti toioûtov eirpaEev, ûjanep oOv XéYOu-
ffiv, èv àYopâ... Cf. Lucien, Le hniuiuct ou les Lapithes, 3o :
ô Gau)uâcrioç bè 'AXKibàiuaç (un philosophe cynique) Kai èou-
p€i èv TÛJ juéaiu.
Ihii].. p. 22()K : eÏTa oùk àvacTxô|Lievov tô buu|uâTiov èv tuùv
KTiiiaàTUJV Toû Aiôç ùttô toO Kcpauvoû KaTeqpXèY€TO.
A KTniaâTuuv, (pli est absurde, je substituerais pXiiMÙTuuv.
VA. Denys d'Halicarnasse, Ant, Rom., X, l«i : auvepYOÙv-
Toiv Toîç pXi'iMac^i Kai tûjv ibiuuv Papiùv.
NOTES SrU LES ŒUVRES DE JULIEN 17
Oj-. VIII, p. 254 B : oiaTe lueiZIôvujv r\ Kaià toùç ctWouç * * *.
Hertleiii : « Lacunam indieavi; nain recte Petavius :
<c Dcest, inquit, ôpéYedGai vel simile quidpiam. « Peut-être
<è(piecr9ai>. Cf. plus lia ut p. 350D : èqpié)uevoç be tujv dTTÔvTuuv.
Lettre à Thémistius.
P. 2o6C : Ktti TOÙÇ èv TToXiTela lujvTaç oùk ëveaTiv aveu Taû-
Ttiç àvttTTveîv TÔ br\ \eYÔ)iievov * * *.
Je sui)pléerais : dvanveîv t6 br) XeyôiLievov <où5' àKapfj
Xpôvov>. Cf. Or. II, p. 66B : èKeîvuuv oùbè diKapfi xpôvov èv5i-
bÔVTUJV
Le banquet ou les Césur.s.
P. ?)38B : BàXX' eiç paKapiav, eiTrev ô Aiôvuffoç, èTrei (Tkuuît-
Teiç au TTÛvTaç aÙTOÙç Kai iToieîç oùbèv ùnèp éauTUJV Xéxeiv.
Les interprètes me semblent s'être mépris sur le sens de
la phrase soulignée. Cunaeus traduit : « neque permittis
cuiquam, uti pro se dicat. » Spanheim : « tu ne leur donnes
pas seulement le loisir de plaider leur cause. » Talbot :
(( tu les emi^êches d'ouvrir la bouche pour s'expliquer. »
Silène n'empêche nullement les héros de s'expliquer, mais
il s'amuse à réduire leurs prétentions à néant. Or, l'expi-es-
sion familière oùbèv XéYeiv = nugari, ineptire, et par exten-
sion iiullius monienti esse. Le sens est donc : efflcis at pro
se dieentes nuffari videantur, « tu démolis leurs plai-
doyers. »
P. 334 A : 'OXÎYOv ô ZeiXiivôç ujO'Trep ùtrô ttûktou beSioû TtXri-
yeiç, EïpriTai juév (Joi toûto, eme, kt6.
Il manque un verbe avec ôXîyov. Reiske en avait l'ait la
remarque : « Post ô ZeiXiivôç déesse videtur biaTropi'icraç aut
eTTicTTriaaç vel taie quid. » Il faudrait un terme plus expres-
sif que biaTTOptidaç ou èiriaTricTaç, un terme en rapport avec
ùjairep... tiXiiyêiç- Ce terme, Platon nous le fournira. Dans
un passage du Protagoras (c. 26, p. 339E) évidemment
imité par Julien ('), nous lisons : xai eYÙJ |uèv TipiÛTOV ibcTTrepei
(') Cf. plus liant (p. 333B) : boKeî YÙp elvaî ,uoi ttuuç dvi^p kutù tov Zi|iiu»-
vibrjv T6TpdYuuvoç aveu i|j6you t6tuym^voç. à rapprocher de Plaloii, l'rotu-
f/o}'as, c. 26, [). 339A-l$ : Klyti fdp itou Zijumvibnç— âveuvjJÔYou TexuYiuévov.
18 p. THOMAS
ÙTTÔ dYaBoû ttûktou TT\riYeiç èaKOTuOenv Te Kai iXif^xaaa.
Notons encore dans Platon, Gor^iHs, c. 41, p. 486B : gîctG'
oTi oÙK dv exo'Ç o, ti xpy\aa\o crauTtù, àW iXrfïiûJiK ^fv Kai
xaaiiâio oùk ëxuuv ô, ti einoiç; Lysis, c. 13, p. 21 6G : dWà tûj
ôvTi aÙTÔç iXiTïiû uttô tiiç toû Xôyou dîTopiaç. Nous resti-
tuerons donc avec vraisemblance : 'OXiyov <i\iYTi«^aç> ô
ZeiXnvôç uùcTTTep... tiXiiyciÇ- T^e mot îXiYYiâaaç a pu être faci-
lement (unis après ôXîyov.
Lettres.
Ep. 14 (p. 18-19) : 'E|Lioi |uèv ouv aicrxpôv eîvai boKeî — ti^v
bè ÙTièp TUL)v dGXiuuv dv6pâ)Truuv dîToXeiireiv TdEiv.
Dans ce passage, Julien semble s'être inspiré de Platon,
Apologie (le Socrnte, c. 17, p. 28D-E : 'Eyùj ouv beivà dv ei'nv
eïpYaaiaévoç — Xirroi.ui Trjv TdSiv.
Ep. 26 (p. 30-;^) : TTdvTa dSpôuuç èireiai )uoi Kai dîroKXeiei tiîv
qpuuvriv dXXo dXXo) TTpoeX9eîv où EuYXiupoûv tujv èjauùv biavoimd-
Tuiv, 6iT€ i^uxiKÛJV TTaGûjv eiTe ÔTTuuç qpiXov KaTovo)udZ;eiv Td
TOiaÛTa.
Telle est la leçon des manuscrits de dialcê; C'a : ijjuxpôv
Tâ)V7Ta6âiv. Il est aisé de corriger: ei'Te ijjuxikôv <ti>
TÛJV TTaGujv.
Il)i(l. (p. 32, 10-13) : ol 0eoi bè Tapaxdç |uév Tivaç iaeaQai
Trepi (Jè cpavepuùç èbriXouv, oùGèv juévTOi beivôv oùbè eîç epYOV
TÛJV d6é(7)Liujv pouXeujudTUJV.
L'expression eîç êpYOv peut-elle être coordonnée à beivôv?
Gela me paraît fort douteux. Je crois qu'il manque un par-
ticipe, et je suppléerais eîç ëpYOv <fiEov> ou <TTpoxujprio'ov>.
Cf. ep. 73 (p. 88, 16) : îv' n x^ipiÇ ^Mîv eîç ëpYOv TTpoxuupiîai;]
((( devienne une réalité, se réalise »).
Ep. 30 (p. 37, 0-7) : eiTe baiinoviujTépa xPnt^^M^vov tTrivoia,
eÏTe Tivi Geîa bôo"ei bid Tiva auvTuxiav dmixavov.
Il est clair que bid Tiva auvTUxiav d)nr|xavov ne peut pas
sei'vir d'exi)lication iiTivi Geîa bôaei, mais exprime une sup-
position différente. On suppléera en conséquence : <eÏTe>
bid Tiva auvTUxîav d)Lirixctvov. Cf. Suétone, Div. .Tul., 1 : sine
(lininilns siue nlhjua coiiiectiiru. Claud., 13 : cusii (juodnin
NOTES SUR LES ŒUVRES DE JULIEN 19
un (c'est ainsi qu'il faut lire avec Torrentius; mss : ne)
(Uoinitns.
Ep. 41 (p. 47, ll-l^) : dWa TÔ ye niuàç outuu biaTe6eî(79ai Kai
5iaKeî(J0ai Tiepi crè Kxè.
Quoique les mots Kai bittKeîcrOai manqueut dans M, il me
paraît que biaKCicrSai est la vraie leçon et (pi'il faut rejeter
les mots biaTe0eî(J6ai Kai. La bonne gréci/é veut biaK€ÎcrGai,
que Julien emploie partout ailleurs: ej). 82 fp. lOo, 5) : toùç
OUTUU biaKeijuévouç; ep. 89 (p. 126. 8-9) : niuàç bè outuu pa0ij,uujç
Ta TTpôç TOÙÇ 0eoùç biaKeijuévoùç; ep. 89 (p. 131, 5-6) : irepi
TOÙÇ oùbèv iibiKrjKÔTaç dvnXeuùç Kai àTTav0pujTTuuç biaKeîo"0ai;
ep. 136 (p. 197, 3-4) : jLtâXiCTTa rràvTuuv dWoTpiuuTaTa Tipoç
(p0opàv biaKei|Liévoiç; ep. 153 (p. 208, 20) : tô cruLi|ua biÛKeiTai
lueTpîuuç. La forme vulgaire biaT60eî(J0ai ne peut être qu'une
glose.
Ep. 58 (p. 63, 20-22) : Kaî ti)uîv koiviî Tipôç d)aqpoTépouç
xdpiç dvTiKeîo"0Lu, 'AXeSavbpeûm |uèv Ziîvuuva, o"oi bè drroboûvai
Triv 'AXeEavbpeiav.
Dans ce passage, xàpiç ne signifie pas « faveur, bienfait»,
mais « reconnaissance, gratitude », comme le prouve niaîv
dvTiK€Î(70uu. Xous écrirons donc : KOivr) Tipôç djucpoTépuuv xdpiç.
Ep. 60 (p. 66, 18-19) : eÎTa tiiç ôpiurîç dvacTTeiXavTeç.
On attendrait Triv ôpinriv dvacTTeiXavTeç, comme dans
Elien, Vnr. hist., XII, 64 : dvécJTeiXe bè ty\v ôpiufiv toû TTep-
bÎKKa ô TTTo\e|uaîoç. Mais on trouve aussi dvadTéXXeiv con-
struit avec l'accusatif de la personne qu'on détourne
d'agir et le génitif de la chose dont elle est détournée, par
exemple, dans Elien, Var. hist.. X, 15 : ôrrep Kai dvécTTeiXev
èKÊÎvouç... èvbôEou te d)ua Kai aeiavoTaTOu Yd|uou. De même le
génitif est employé avec le passif dans Elien, Var. hist..
XII, 64 : ô bè TTepbÎKKaç... dvecTTdXii toû bpôjuou, oîôiiievoç
èx€iv TÔ d0Xov. Xous api)uyant sur ce deinier passage, nous
corrigerons dans le texte de .fulien dvacTTeiXavTeç en dva-
CTTaXévTÊÇ. Cf. Sozomène, V, 7, 2 : dvaKonévTeç bè Tfjç
TTapauTÎKa ôpiufiç.
Ep. 61 (p. 71, 5-7) : Kai eî ,uèv èm ŒjuiKpoîç ei'n tô bidcpopov
Tvîç YvuJiuriç TTpôç Triv YXûjTTav, kokôv |uév, oiO'TÔv bè ô|nuu0" tuù
TToaû) YiveTai.
Telle est la leçon du manuscrit. Suidas donne o|uujç
TTÔ(7iy. Hertlein a corrigé ôjuuuç ôttujctoûv. .T'ai pensé à la
20 P. THOMAS
locution ujuujçYtTTUjç, (iiii est souvent défigurée dans les
manuscrits (voy. Cobet, \':ir. /cr/.. p. 2oo). Cf. ep. 107
(p. 100. 10), où ITerclier a restitué d|auu(JY6TTUJç (niss. ; dXXuuç
TTiuç ou simplement dWuuçi
Ihid. (p. 71), 7-10) : Boû\o|Liai ù|uûjv eYÙJ Kai xàç àKodç, ùjç âv
ùueîç ei'TTOiTe, Kui irjv Y^ÛTiav èEavaYevvqGnvai toutujv, ujv euoi
Y6 ei'n |a€Téx€iv dei Kai ôciiç è|uoi cpî\a voeî xe Kui irpàxiei.
Le génitif toûtuuv peut-il dépendre de èSavaYCvvnQiîvai
(«être régénéré par le bai)tème))i, qui serait construit
comme ègavdYCiv, èEavaipeîv, etc.? J'en doute fort et je soup-
çonne qu'il y a dans le texte une lacune que je comblerais
ainsi : èEavaYevvrjGiivai <.Kai dTroTpéTTeCTGai > toûtujv.
Un peu plus bas (1. 11:5) le texte porte : Oùbè Ydp oùbè eû\o-
Yov. Il manque un mot api'ès Ydp ; nous suppléerons : oùbè
Ydp eiKÔç ■ oùbè eùXoYOV.
E(). 81 (p. 99, 101^) : eiTa .ueid toû qpiXdvbpou t6 qpiXôGeov
TÎç èv YUvaiKÎ beùrepov TiGiiffi, Kai où qpaveîiai ttoXùv Tidvu tôv
luavbpaYÔpav èKTreTTujKLuç;
La leçon jueTà xoû qpiXdvôpou ne peut se défendre. J'ai
api)rouvé autrefois (Rcniie de l' Instruction publique en
Bel^-Kjue, t. XXXII, 1889, p. ioO) la correction de Reiske
jUÊTà TÔ qpiXavbpov, en citant à l'appui Aristophane, Chev.,
132, et Xénoplion, Cyroj)., II, 2, 4. Maintenant je serais
d'avis de supprimer tout simplement netà : un glossateur
aura voulu expliquer la construction toû qpiXdvbpou beÙTepov
par jjLeià (tô qpiXavbpov). Cf. Or. VIII (p. 24'2B) : oùk èv
beuTépuj TÛiv è)uiLv èGéiuiiv xd crd. Eunap.. Mt. sojthist.,
p. 4o9. 21-22 Boisson. : Gep)ad... XouTpd... rOùv y^ kutù tîiv
'Puj)naiKriv èv Bdiaiç beÙTepa.
Il faut ensuite accentuer qpiXôGeôv tiç au lieu de qpiXô-
Geov TÎÇ (Hertlein); tiç est l'indéfini et non l'interrogatif.
Le sens est : Pietntem erfj>a deos aliquis in muliere nmori
in imirituni ])()sthubet, neque videbituv innndru<^orue
pciinultuin t>i bisse?
l'4). 82 {{). 1U4, Oj : où TrpujTOç oùbè luôvoç eTraGov, iL Aïo-
vÙCTie.
"EîTaGov n'a pas de complément, lleiske suppléait vô> où,
ce qui produit un fort vilain hiatus. Nous restituerons
<toût'> dû.
Ibid. (p. 108, 13-19) : 'AXX' i'crujç èKeîGev 'AXéEavbpoç uiqpGn
NOTES SUR LES ŒUVRES DE JULIEN 21
(TOI }xéfaç, ÔTi Ka\\icr9évri |uèv dTréKxeive rriKpujç, KXeÎTOç 5è
aÙToO Tfjç Trapoiviaç epYOv èYéveio, OiKdixriç xe xai TTapiueviuuv
[Kai xô TTapiuevîujvoç iraibiov], èTiei xà rrepi xôv "EKXopa — Kai
xàç dWaç aùxoû naibiàç criujTTuj.
Je soupçonne qu'il y a une lacune après OiXcuttiç xe Kai
TTapiLieviujv, carPliilotas et Parménion ne furent pas, comme
Clitus, victimes de l'ivresse d'Alexandre.
Ep. 88 (p. 122, 12-14) : '0 ^èv oùv Oeôç où xoùç xÙTcxovxaç
oùbè xoùç ùppi^lovxaç, dWà xoùç dnrocrxepoOvxaç xujv xijliûjv eïvai
xoîç Geoîç èxOpoùç.
Le verbe dont dépend la proposition infinitive a disparu.
Spanlieim intercale cpiicTi après eivau Comme il s'agit d'un
oracle (1. 2 : xûùv xoû Aibujuaiou becTTrôxou xP'IO'Iliuùv), ne pour-
rait-on pas lire : xoùç diTOO"xepoûvxaç xûùv xijuûjv <dveî\ev>
eivai xoîç Geoîç èxOpoùç? L'omission de dveîXev devant eîvai
(ANEIAENEINAI) s'explique facilement.
Ep. 89 (p. 146, 7-8): ujCTTrep oi xà Tiaibîa ■ btd xoû (.s/c
Hertlein) TrXaKOÛvxoç ègairaxujvxeç.
Il ne s'agit pas de l'appât d'un gâteau déterminé, mais de
l'appât de quelque gâteau. Nous accentuerons donc : <bià>
TOU TXXaKOÛVXOÇ.
Ep. 98 (p. lo7, 10-11) : oùxuu XajUTrpdç * ** èît' aùxi] (Juytê-
Tpamuévnç.
Heyler : « Supplendum erit pîpXou vel jLiovujbiaç. » L'addi-
tion de pipXou n'est pas admissible à cause de l'hiatus
(PipXou èTr'). Il faut suppléer non pas simplement |uovuj6iaç,
mais aoi juoviubiaç. Cf. plus haut (1. 6-7) : dXX' eiri juèv xi]
Aàcpv);i Y^ÏPttTTxai ffoi Xôyoç.
Ibid. (p. 158, 19-21) : è|uoi y^P xô |uri Ttdvxa eKeivujv xûùv
dvbpuùv dYatrâv dbiKriMOtTuuv oùbèv ouxuu qpauXôxaxov eîvai
boKeî.
Texte corrompu. Je corrigerais : où b^Ttou x6 qpauXôxaxov
ou XUJV cpauXoxdxujv, en prenant qpaûXoç dans le sens de
« léger, peu grave, insignifiant, sans importance ». Où
qpaûXov dbÎKrma = non mediocris iniuria.
Ibid. (p. 159, 10), je maintiens la correction èîri KecpaXaiou
(pour èîTei Kai cpainv) que j'avais proposée dans la Revue de
l'Instruction publique, t. XXXII, 1889, p. 150, mais je ne
suis plus d'avis de regarder bi 'ôXiYtuv comme une glose.
■i- p. THOMAS
Nous avons, en effet, une redondance analogue Or. VT,
p. 182A : TÔ KÊcpâXaiov W el'iriju EuveXuuv èv Ppâx^i-
Ep. 111 (p, 172, 1-4): ov 5è èE aiôivoç àirav ôpâ tô tOùv
dvGpdjTTUJV Yévoç Ktti pXéîTei Kaî (Téperai Kai crepô|U€vov eO TipÛTiei,
TÔv |uéYav"H\iov Xé-fou, t6 cûjv àfuX^a Kui e^ijjuxov Kai ëvvouv
Kui otYaSoepYÔv toû voiitoû traTpôç * * *.
La lacune signalée par Petau pourrait être comblée
ainsi : <où vojuîIeTe 6e6v eivai; .
Ep. llîj (p. 179, 20-22) : oûkoûv èTreibr) aÙTOÎç ùttô toû 6au-
uadiuuTâTOu vôjuou TrpoeipnTai '*' * *, ïv' eîç Trjv PacriXeiav tûjv
oùpavôjv eùobiuTepov TTOpeuGuùO'i Kîé.
Après TTpoeipr;Tai, il y a une lacune qu'on a proposé de
combler de différentes manières. Reiske : « Post îTpoeîpi'iTai
videtur OXi^ecrGai vel cnevGxujpeîcTOai vel taie quid déesse, w
Hertlein : « Milii TTévea9ai vel simile quid déesse videtur. »
Comme il s'agit d'un précepte de la loi, l'infinitif doit
exprimer une action volontaiie plutôt qu'un état passif.
C'est pourquoi j'ai conjecturé dans le temps (Revue de
rinsiructioii itublique, t. XXXII, 1889, p. 151) : v.Tà ÙTrdp-
XOVTU àqpiévai ; cf. Saint Matthieu, XIX, 21, 27, 29; Saint
Marc, X, 21, 28-30; Saint Luc, XVllI, 22, 28-30. Je préfé-
rerais aujourd'hui -Ta uirdpxovTa TTpoéa"9ar-, L'omission
s'explique mieux par la ressemblance de TTpoeipr|Tai et de
TTpoécrOai. TTpoieo'Gai, pvoicere, «renoncer à..., abandonner,
sacrifier, )> est employé par Julien, Or. VII (p. 224B) :
juiKpà Trpoé)uevoi; ep. 82 (p. 102, 18): tô lf\\i TipoéaGai; ep. 89
(p. 130, 11 et 13) : Toîç beoiuévoiç TTpoé)uevoç... Kai oùbeTTOTé uoi
)ueTe)LiéXricre irpoeuévoi; ibid. (p. li(), 8) : tûj koi biç Kai Tpiç
TTpoécFGai iTrXaKOÛVTa toîç Traibîoiç).
Lellres ;ij)()<ryi>hcs.
Hp. 180 (p. 2211, li-li> : 'HpobÔTUj bè dpa tûj cruYïpacpeî Tipôç
èTTÎbeiEiv èpriiuîaç dXtiGoOç lipKeŒev einôvTi « Tiap' oïç gùtê aÛKU
eŒTiv oÛTe d\Xo dYaGôv oùbév, » oiaTiep gùtê dXXou tivôç èv Kap-
TTOÎÇ dYaOûO TTpOTépOU TUJV aÙKUJV ÔVTOÇ, OUTe ÉTl TTdVTUJÇ
dYaGoû béov tivôç rrap' oîç dv i,i tô aÛKOv.
Suj)primer dYaGoû devant TTpOTépou : c'est une interpola-
tion inepte ou une dittoajiaphie du second ÔYaGoû. "AXXou
TIVÔÇ èv KapTTOÎÇ dXXoU Tivôç KapTTOÛ.
NOTES SUR LES ŒUVRES DE JULIEN 23
Ihiil. {p. 281-232) : Kai là jnèv dWa tûjv aÙKUJV f\ ÔTToipivriv
€xei Tr]v PpûjcTiv n Tepcraivôfaeva èç t6 ôfaoïov ëpxeTai.
(iuel sens raisonnable peut-on tirer de èç tô Ô)lioiov epxe-
Ttti? Aux figues fraîches qu'on consomme en leur saison
(ÔTTUjpevfiv exei Trjv PpiLaiv) s'opposent les figues qu'on fait
sécher (lepcraivôiueva) pour les conserver. Nous remplace-
rons donc l'ahsurde èç tô ôfioiov par èç tô Taïueîov, « dans le
magasin, dans le garde-manger. » Dans la finale -|Lieîov le
copiste a cru lire -luoiov, et le mot Ô)lioiov s'est présenté à
son esprit.
Ep. 183 (p. 240-241) : àv {sic le ms. de Chalcé) b'ècpùXaEaç
èjuàv qppéva Kaio|uévav ttô6uj.
Texte évidemment corrompu. Je proposerais àvb'ëi|j u-
Eaç. Le verbe dvaipuxeiv, ((rafraîchir,» va fort bien avec
KaiO|uévav.
Ep. -184 (p. 244, 2-3) : 'Eyài bè ei juév ti (Juvi^beiv èjLiauTuJ toû
irpôç aè Yi"fvo|uévou Kai KaTà )uiKpôv èX\eii|iavTi KTe.
Supprimons KaTà : il n'est pas question de savoir si l'au-
teur a failli ])eu i) peu (KaTà juiKpôv), mais s'il a failli qiwl<iuc
peu (uiKpôv) à son devoir. Cf. même lettre, p. 246, 9-10 : eî
bè LUC à\r|6il)ç èWeivpavTâ ti toû irpôç crè KaOriKOVTOç. Ce malen-
contreux KttTd a été amené par le Kai (|ui précède.
Ibid. (j). 244, 0-6) : oùk l'ipvoùiufiv.
Il faut suppléer oûk <âv> ripvoùjuriv, car il s'agit d'une
hypothèse contraire à la réalité (cf. 1.4: èiTeipuJiuîiv âv).
Ibid. (p. 248. 10-11) : aÙTÔç èKaTépou Tr]v xpeiav oÎKeiou.
Il y a là une faute d'accentuation que les éditeurs,
jusques et y compris Hertlein, se sont transmise religieu-
sement. Il faut accentuer oikêioû. C'est l'impératif moyen
et non l'impératif actif : oiKeioûcr0ai -^ « s'approprier, assu-
mer ». Le sens est : « Assume toi-même (à toi seul) l'office
de tous les deux. » Cf. plus haut (p. 244, 8 9): Kai èv oFç
Xaïupdvuj TÔ TTàv Tf|ç xàpiTOç eiç èfiauTÔv oiKeioû|uaL
Ep. 194 (p. 264, 4-6) : TTivbâpuj )aèv dpYupéaç eivai boKeï Tàç
Moûaaç, oîovei tô ëKbiiXov aÙTÛJV Kai Trepicpavèç Tfjç Téxviiç èç
TÔ Tfjç uXriç XaiaTTpÔTepov dTreiKâlovTi.
Au lieu de XajUTrpÔTepov, lire XaïuTTpÔTaTov. Les copistes
ont la manie de substituer les formes du comparatif en
-T€poç à celles du superlatif en -TaTOç.
24 P. THOMAS
Ihid. (p. 26.'), :2-3 : èîTei jÀ^bè ô AiO)unbiiç ïcrujç àpYUpà
Xpuduùv dvTébuuKev.
Il me parait nécessaire d'écrire : icyuuç âv àpyupà
XpuaûJv àvTébuuKÊV.
Ep. 198 (p. "261, ^O-SS) : Toû Te yàp TpujiKOÛ, KaGânep ucrie-
pov 'A9iivaîoiç Kai AaKebui)aovîoiç toû..., irpocnKei tô TrXéov
èKÊÎvoiç fepYOu.
Diibner proposait de suppléer toû • TTepcjiK0Û> ou -^Mi]bi-
KoG>. C'est MiibiKOÛ qu'il faut adopter. Les guerres des
Athéniens et des Lacédémoniens contre les Perses s'ap-
pellent TÙ MiibiKd (ep. ad. S. P. Q. Atlien., p. 269B Spanli.) ;
celles d'Alexandre contre Darius, Ta TTepaïKâ (Le banquet
on les Césars, p. 320C Sp.). (Jf. Tliucyd., 1, 21-) : Tuùv bè npô-
TÊpov ëpYoïv luéYiCTTOV èirpâxÔil Ta Mr|biKâ.
Ibid. ip. 2»58, 17) : eiç KttKiav èTrapBévTeç.
La tradition manuscrite ne fournit que .. Kiav. L'édition
d'Aide a suppléé <eiç Ka KÎav. Je préfère <èç dbi Kiav.
C'est contre l' injustice, et non contre la méchanceté des
Corinthiens que proteste l'auteur de la lettre.
Ep. 201 (p. 27,-», 18-14) ; Kai TiàvTa ocra èbÔKei Trpôç Tqv toù
TTà6ouçTrapa|uu8{av up)aÔTT£iv.
Ne faudrait-il pas : 6oa ■ Mv ■ èbÔKCi, puisque toute la
phrase exprime une hypothèse contraire à la réalité?
Ep. 202 (p. 278, 1-8) : làç tujv eu YeYovÔTUJV Tiepioucriaç, tùç
eiç aé Te Kai toùç ôuotpôttouç doi Pap^âpouç ùrrô toû dSpoTÙTOu
Kai TToXueTOÛç KuuvcTTavTiou KevuuGeio"aç.
Après Kevuu0ei(Taç, je suppose qu'il y a une lacune et qu'il
faudrait ajouter (quelque chose comme xoiip^iv èâcraç.
('f. .Tul. Or. IV, p. i87(' : dXXà jà |uèv tiûv ttouttiùv x«îpciv
èd(Juj)uev.
Ep. 204 (p. 281. 6-9) : ibç TtavTaxô9ev ù|uîv t6 d.uépi)nvov
ÙTrdpxeiv tiîç èmiç (BacTiXelaç, ïva drroXaûovTeç * * * eTi uei-
Z^ovaç eùxàç TTOuîo'Be thç è.uiîç PaatXeîaç tû TrdvTuuv KpeÎTTOvi
Kai briiuioupYtù Geô).
Supi)riuions Tnç èjuiiç PacTiXeiaç après ÛTrdpxeiv : c'est une
dittographie du thç èufiç PaCiXeiaç qui suit. L'auteur dit
j)lus loin (1. IMi : toùç bè TravTaxôGev exovTaç t6 d,uépi|uvov. —
Après dîToXaùovTeç, nous suppléerons, non ])ar eipi'ivnç,
comme le veut lleiske, mais ricruxiaç. Cf. ej). 199 (p. 272.
16-17j : nbù uèv Kai t6 èir' ôXîyov nduxîaç dîToXaûcrai. — ■ Knfin
NOTES SUR LES ŒUVRES DE JULIEN '-^Ô-
nous ajouterons urrèp de\ ant tiîç è)uiîç ^acTiXeiaç, car ce géni-
tif ne peut dépendre de eùxàç TTouîo'Be. Ci. p. 281, 14-1 o :
uTrèp Toû pacTiXeiou iKeTripîouç XaTpeiaç iroieiCTÔai tuj lueilovi.
Sur le sens du verbe |uvn(TT£Ùeiv dans les lettres apo-
cryphes.
Le verbe luvncTTeùeiv se rencontre trois fois dans les
lettres apocryphes :
Ep. 180 (p. 229, H) : tuj KÙWei bè iffuiç àpK0Û0"av nboviîv
|uvn(TTeuuuv.
Ep. 186 (p. 251. 13) ; aÙTÔç iiiaîv toû ^éXouç tô èvbôo'ifiov
luvriCTeùeiç.
Ep. 196 (p. 266, 6-7) : 'E)noi Kai jpàfJLjJLa rrapà aoû )uiKp6v
àpKGÎ |Li6Yâ\nç nbovnç Trpôqpaaiv juviicTTeûdai.
De la comparaison de ces trois passages il résulte que
ILivri^^Teûeiv doit avoir le sens, non i^as d' « accorder »,
comme le supposait M. Cumont, avec hésitation d'ailleurs
{Sur l'authenticité de (luehjues lettres de Julien, p. 19,
note 1), mais celui du latin conciliare, « ménager, procu-
rer, fournir «. L'auteur est parti de l'expression bien con-
nue juvnCTTeueiv xâ|uov, conciliare nuptias ('), « ménager une
alliance, faire un mariage », et a étendu l'emploi du verbe
ILivncTTeùeiv à d'autres objets. Cf. Trpo£eveîv.
P. Thomas.
(') Cf. Corn. j\e|)Os, Allie, o -. Erat nupta soror Attici Q. Tullio Cireroni
easque nuptias M. Cicero conciUantt. Id., ibid., 12 : Atqne harum m ptiari m
coNciLiATOR fïiU . . . M. Antonius. Justin, VII, (î : Uxorem duxit concii.iantk
Niii'TiAS fratre. De là. conriliarp a pris le sens de « pi'ocurer » en général,
p. ex. conciliare (jloriiim, (/raliaiii, avrtorilatcm, famrem, dignitalem, pacem,
olium, ete. Quinlilien (VI, 3, l.j) dit mmw tonciliare risiun, « taire rire ».
Notes d'épigraphie byzantine
Los inscriptions suixautcs, connues depuis longt(uii])s et
])lus d'une fois commentées, donnent lieu à certaines obser-
vations qu'on ne trouvera point chez leurs précédents édi-
teurs. Ces textes figurent dans notre Fecueil des inscrip-
tions g-recques chrétiennes d'Asie Mineure, dont le i)remier
fascicule ])araîtra ])r(K'luiinenient. Mais ils risquent d'y
demeurer confondus avec la masse des funéraires plus ou
moins banales, tandis qu'ils intéi'cssent l'iiistoire litté-
j-aire, i)olitiqne et religieuse de rEni])ire d'Orient. C'est
pourquoi nous les re])roduisons ei-ai)rès, avec un bref com-
mentaii'c destiné surtout à compléter celui de nos i)rédé-
cesseurs.
I. L'épitHphe de Vcvcque Mncédonius.
A Paclia-Keuï, au sud de Palamout (Lydie), en 1886, un
Grec de Smyrne, d'origine française, zélé corres])ondant
de l'Eeole française d'Athènes, M. Aristote Fontrier,
déeouvrait un sarcoi)luige de mail)re rouge, dont le cou-
vercle portait une inscri])tion. Il la i)ublia dans la célèbi'c
revue de l'Ecole évangélique de Smyrne, Moucreîov xai
BipXioenKn, IV (1886), n° cpve' (oo9). M. P. Foucart, alors
directeur de l'Ecole française d'Athènes, rei)roduisit ce
texte dans le Bulletin de correspondance hellénique,
tome XI (1887), p. 82-89, d'ajjrès un estam])age i)ris i)ai-
M. Fonti-ier. Mais la jniblication ])i'incipale est celle de
M. L. Duchesne Bulletin de correspondance hellénique,
t. XI [1887], ]). 312). Le futur histoi-ien de l'Église aperçut
immédiatement l'intéi-èt de l'inscription, un des rares
2S H. GHÉGOIHK
(locuinciits é|)i^ra])]iiqu('s où il soit fait iiKMitioii d'une
secte hérétique. Voici le tifiilus. à peu près tel qne
M. Uucliesiie le ti-anseril :
+ "Ixveaiv dTTO(JTÔ\uuv èîTipàç àvrip ùjbe èv crapKei Te )uri kutù
adpKa iepateu-
crâ|uevoç, Kai Taùin laaKÛpuuv àipaiTOÙç èXOujv, èvGùbe aKiivoç
èvBéou ^JUx^ç dTToXéXuTrev,
TToXùç |uèv Xûuijjaç àaKncrei, ttoXùç 5è dYàmT, Yevà,uevoç eTricr-
KOTTOç 9eîoç' ôç bii Kai Kaià ttù-
anç aipécreujç Ô7rXi(Tâ|uevoç, inv diXii6n tuùv TraTépuuv tiîç
KaBoXiKiîç èKXiicTiaç biecrobcTaTO [ttîcjtiv].
.") MaKebôvioç outoç Xaiurrpôv èvTÛcpiov èîTiTeXei Kai tô Kaiù toû
'Avo)aoiou baî[|uovoç]
èv TToXXoîç Toîç ÙTièp XpicTTOÛ biujYMOîç àTT£vevKâ)U6voç KXéoç.
M. Diichesne a foi't bien traduit les quatre ])reniières
lignes.
« Cet homme a marché sur les traces des apôtres, et, quoi-
(pie vivant dans la chair, exercé le ministère sacerdotal
(Tune manière toute sj^irituelle; il a pris ainsi le chemin
des Bienheureux, et laissé ici l'enveloijpe de son âme
divine; son austérité, sa charité, ont jeté un grand éclat,
il a été un évêque vraiment divin. De j)lus, armé contre
toutes les hérésies il a gai'dé (« sauoé ». Duehesne) la viuie
foi des pères de l'Église catholique.» M. Duehesne, à la lin
de la ligne 4, supplée avec raison 1(^ mot TrîffTiv « api)elé
évidemment par le contexte et qui ne peut manquer que
par suite de quelque accident ».
M. Duehesne continue ainsi : « La dernière idirase est
l)eaueou]> moins claire. A la fin de la cinquième ligne, on
trouve un groupe de trois lettres AAI, j)uis un commence-
ment de lettre, ])eut-ètre «l'un M ou d'un N. On poun-ail
sui)i)oser que la ligne se continuait et sui)pléer bai[jaoviuj-
bouç bÔYMaTOç], aj)])osition à toû dvo|Lioiou (1' 'Avô)aoiov, \v
dogme des Anomœens). »
M. Fran/. Cumont a de|)uis ])r<)])()sé le su|)i)lémen( beau-
couj) j)lus simpli' : bai[)aovoç]. Quelques lettres mancpiaient
donc à hi fin de la ligne 4, comme à la fin de la lign*^ 5, la
|)ien-e étant légèrement endommagée du coté droit.
M. Duehesne, il est vrai, est imait que le texte souffrait
NOTES d"ÉPIGRAPHIE BYZANTINE 29
d'une lacune infiniment plus grave. « Le groupe KAITO
avant KATA, dit-il, interrompt le sens. S'il doit être main-
tenu, s'il ne forme pas digrapliie avec le groupe suivant
KttTà Toû, il exige un supplément plus compliqué. Les cinq
j)remières lignes ont, il est vrai, leurs dernières lettres au
bord de la cassure; mais je ne crois jias que la cassure
ait emporté beaucoup de lettres... Peut-être le gi-aveur
a-t-il omis, par distraction, un assez grand nombre de
lettres ou de mots. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas
l'inscription dans son intégrité. L^ne chose est claire,
malgré tout, c'est qu'elle parle des mérites que le défunt
s'est acquis en luttant contre les Anomœens et en su])por-
tant des persécutions pour le Christ. »
M. Duchesne montre ensuite que Macédonius, évèque
d'Apollonis en Lydie (^), doit être identifié avec Macédo-
nius, l'un des 04 évêques signataires, en 366, d'une lettre
au pape Libère (Jaffé, 228). Le document ne nous est point
l^arvenu; en revanche, nous avons la réponse de Libère,
qui « nomme dans l'intitulé les 64 évêques w, tous de
Thraee ou d'Asie Mineure. Les soixante-quatre étaient
des modérés, partisans de rôfioioûmoç plutôt que (h'
rôjUOOÙcriGÇ, mais en tout cas adversaires des Ariens purs
ou Anomœens, Persécutés sous Constance et Valens, ils
eherehèrent un appui à Rome, « en sacrifiant, dans la
lettre au pape Libère, les nuances qui les séparaient
encore de la pure orthodoxie ».
Il serait regrettable de renoncer à bien comprendre la
dernière ligne de l'insci'iption, celle qui précisément jmrle
des Anomœens et des persécutions subies par Macédonius.
Nous i)ensons, comme nous l'avons indiqué plus haut,
qu'aucune lacune grave ne nous emjîêche de lire cette der-
nière phrase. Le supi)lément ba{[juovoç], de M. Cumont,
suffit, comme le supplément [Triaiiv], de M. Duchesne. Si
(1) M. Duchesne dit ApoUonias, mais le véritaljle nom paraît être Apollonis.
Cf. \V. M. Uamsay, Hist. geogr. of A. M., p. 120; et le nom ttuc à lui seul
(Palamonf) paraît témoigner en laveur d' 'AiroXXuuviba. Cf. paXavîbi = bala-
mout.
30 H. GRÉGOIRE
doiiclo texte de la 1. li paraît inintelligible, c'est qu'il est
mal accentué et mal cou]»'.
En effet, la dernière phrase, telle qu'on la ])()nctue et
(ju'on racccntue dejmis Fontriei- : MoKebôvioç oûtoç \a)HTTpôv
èvTÛqpiov èTTiT6\€î Kttî TÔ Kaxà Toû àvouoiou bai[)aovoç] èv ttoXXoÎç
Toîç ÙTTèp Xpiaioû biiUT.Lioîç dTTÊvevKàpevoç kXéoç, est évidem-
ment incorrecte, ]misqu'elle senible coordonner l'indi-
catif èmTeXeî et le ])artiei])e dTrevevKÛuevoç. On voit que le xô
qui embarrassait M. Duchesne doit être l'articb» du sub-
stantif kXéoç dont il est séparé ])ar une série de dix mots,
mais on n'ajierçoit pas la raison d'une construction si
embarrassée. Cette critique subsiste, même si Kai signifie
aussi.
Mais la difficulté i)rincipale réside dans les mots èvrâ-
q)iov èTTiTeXeî. 'ETTiTeXiIi ne signifie pas autre chose qu'accom-
plii\ célébrer. 'Evrâqpiov ayant le sens de linceul, non
iV enterrement, rex])ression est intraduisible.
Nous croyons avoir résolu. ce petit problème en lisant
èvTÛcpiov èTti réXei et (mi mettant une virgule avant Xa)LiTTpôv.
MaKebôviOç oùtoç termine ainsi la ])ro])()sition ]ir('C('Mlente.
Et l'on tiaduira désormais :
« Enfin, il a aussi emporté (dans la tombe) — glorieux
linceul — la gloire (du triomphe) sur le démon Anomœen
au cours de nombreuses persécutions subies pour l'amour
du Christ. « Tout s'éclaire. La place singulière de l'article
TÔ ai)paraît maintenant naturelle, puisque XajUTrpôv èvrâqpiov
est Vattribui de tô... KXéoç.
Notre lecture et notre interprétation seront évidentes
pour quiconque aura reconnu, dans le texte ainsi constitué,
une allusion à un mot fameux dans la littérature grecque.
Nous n'avons j)as l'intention de faire ici l'histoire com -
j)lète de ce mot, bien que le sujet mérite d<' tenter quelque
|)hilologue. Peut-être un vers de Simonide est-il la source
j)i-emière d'une longue tradition : èvidcpiov bè toigOtov dut'
eùpùjç 0Ù6' ô navbaïadTuup âinaupubaei xpôvoç (fr. -i, à jjrojxjs
des morts de Salamine). En tout cas. déjà la métaphore y
ap])araît, èvTdqpiov étant employi' au sens de gloire .
Isoerate (p. l2oA, Archidumo.s), sans douti' d'après Phi-
listos, historien de Denys, pi'ête à un familier du tyran
cette j)hrase où l'on |)eiil iceonnaît re rinflnence de Sin)o-
NOTES d'ÉPIGRAPHIE BYZANTINE 31
nide et qui, à son tour, devint classique. Denj^s, assiégé
par les Carthaginois et menacé par ses sujets, veut fnii-.
Tûjv bè xpwjjiivvjv Tivôç To\|un(TavTOç eÎTieiv, ibç KaXôv ècriiv
èviâqpiov n Tupavviç, ai(Jxuv0eiç èqp' oîç bievon9r| ktX. (iucl-
qu'iui ayant osé lui dire : « la roj^auté est un beau lin-
ceul », il rougit de sa détermination, vainquit les Cartha-
ginois, rétablit son autorité, resta tyran jusqu'à sa mori et
transmit le sceptre à son fils (i).
Plutarque se réfère, en deux passages i^), à cette anecdote
qu'on lit aussi dans Diodore fXIV, 8, 4 -- XX, 78). Au début
du traité El irpecrPuTÉpiu TToXiTeuiécv, An Seni Respiiblicn
}>erenda s/7 (p, 783 d-e, éd. Bernardakis, V, p. 22) il s'ex-
prime ainsi : Où yàp x\ lupavviç, ujç tiç eirre Aiovucrîiu, Ka/ôv
èvtàqpiov àW èKeiviu ye Trjv juovapxîcxv juetà Trjç dbiKiaç lô yc
\kv\ iraùcracrôai crujuqpopàv leXeiwiépav èTToiiicre... TToXiieia bè
br|)U0KpaTiKri Kai vÔ)lii)uoç dvbpôç eOiCuévou TrapéxÊiv aÙTÔv eux
fiTTOv dpxôjuevov ujcpeXî)uuuç \\ ctpxovia KaXôv èvrâcpiov mç dXii-
6iijç iriv dîTÔ roû piou bôEav ruj Gavdruj TipocTTiGticri...
(c Non, ce n'est pas la tyi'annie, c'est la conduite d'uji
républicain, d'un citoyen docile aux lois, prêt à se rendre
aussi utile dans l'obéissance que dans le commandement,
qui nous fait vraiment, à l'heure de la mort, un beau lin-
ceul de la gloire gagnée ])endant notre vie. »
On aura remarqué que la construction KaXôv èvrdqpiov...
tnv diTÔ T. p. bôEav... Trpo(JTÎ6ricri est exactement imreille à
XaïuTTpôv èvTdqjiov... tô.., dTTevevKtt)iievoç KXéoç. Il est possible
({ue le passage très connu de Plutarque, cité plus haut, soit
le modèle de l'épitaphe, quoique Polybe et d'autres aient
imité la même expression (v. Thesniiriis. s. v. 'evidcpioç)
D'ailleurs, le mot du familier de Denys (^) n'a jamais
cessé d'être pojjulaire. Plus d'un siècde et demi a])rès
Maeédonius, l'impératrice Théodora en faisait une bril-
lante a])])licati()n à son ('poux et à elle-même, que iruMiaçait
(') Voir aussi Emex, Var. Hist., IV, 8.
{'-) Voir Pai i,Y-WissowA, s. v. Dionysios, V, S8() ; Cafo Major, 'H. Variantes,
Apop/itli. Reg., ITod; Dion., .S.j.
P) TûJv éTaîpuuv tiç 'EWoTribriç ovo,ua (t^licii, V. H., IV, 8). 'E\iwpiç |uèv
ouv, €Îç Tiûv cpiXuuv, diç b'ëvioî qpaaiv, ô TToiriTÔç iraxiip (Diodore, \IV, 8, .">
= t. III, p. 193, éd. Vogel). Plus loin (p. 194) Diodore rapporte un mol de
Pliilistos ([ni exprime la même idée an moyen d'une image plus grossière.
32 H. GRÉGOIRE
la sédition Xika (o32). Prooopc (B. P., I, 24) nous lapportc
sa virile harangue en ])résoiK'e de Justinieii et de la cour,
frai)])és de panique. Elle conclut i)ar cette citation d'iso-
erate ou de Phitarque : 'E)uè yàp tiç Kai TraXaiôç àpécTKei Xôyoç,
liuç KaXôv èvidcpiov n PacTiXeîa ècTTÎv. 11 se ])ourrait que beau-
coup d'entiv nous connussent ré])isode et le mot ])oui' les
avoir lus jadis dans Vllistoire du moyen âge de V. Duruy :
« Pour moi, j'adopte cette j)ensée des Anciens que le trône
est un glorieux tombeau » (*).
* *
Mais revenons une dernière fois à notre éjntaphe. Le
tour oratoire et i)oétique n'en a pas été assez remarqué.
Datée de 378 environ (2), elle présente déjà très nettement
le rythme byzantin. La loi dite de Meyer est appliquée
avec rigueur : dâpKa lepaTeucrâiaevGÇ, quatre atones entre
deux toniques, finale dactyliqu(^ (tonique); vpuxiiç diroXé-
XuTT€V (^), i\('U\ atones entre les dernières toniques, finale
dactylique; Xà)anjaç dcTKricrei, èiTiO'KOTTOç Geioç, aîpéaeaiç ôttXi-
(7â)uevoç, MaKebôvioç oùtoç, dTtevevKâiUÉVOç kXégç. La seule
dérogation à la règle serait èviâçiov èiriTeXeî (cinq atones
entre deux toniques). Or, si EFTITEAEI était réellement un
veibe, il finirait la phrase et la loi devrait trouver son
application dans cette clausule comme les autres. Ainsi
l'étude rythmicpie du morceau confirmerait, s'il en était
besoin, notre lecture ("').
On n'exigera point, ])ens()nsnous, que nous citions des
exemples de la tournure èiri léXei, assez rare à réi)oque clas-
sique, qui ])araît être avec léXoç adverbial dans le même
rapport que notre sur la fin avec notre enfin. On en
trouvera quelques-uns dans le Thésaurus, s. v. TéXoç,
col. 1996i). Platon lui-même a dit dans la République
fVl, j). oO()i)) : Mr) Trpôç Aiôç, r\ b'ôç, uj ZujKpaTeç, ô rXaÛKUJV,
ujdTTep èni léXei ujv dTTOCJTi'îiç.
(*) « J'ainii' l'ctie vieille iiuixiiiie (|iie l;i inmi'ijre est un ijlorieiix lineeiil »,
liaduit M. Cil. Dielil, Jnstinien, p. 52.
(-) Voir L. UiciiESNE, /. /.
(^) Pour diToXAûiirev.
(*) Voir eiieoie, sur répilaplie de Maeédonius, le Dûtiommire d'Arr/icologie
rlirctjenne et (le liturgie..., .s. r. Culholitiiie, eol. :2G3i(p()wr l'expression koSo-
AiK>i éKKXpaia).
NOTES D'ÉPIGRAPHIE BYZANTINE 33
II, Le Typikon de Nicéphore de Constantinople
et un poème méconnu de Nicéphore Blemmydès.
MM. Joseph Keil et voii Premei'steiu, les excellents
épigraphistes autrichiens, ont publié de 1908 à 1914 les
résultats de trois fructueuses exi^lorations de l'Asie
mineure occidentale. Parmi les nombreux textes byzantins
qu'ils ont copiés avec exactitude, et commentés avec le
même soin que les inscriptions antiques relevées par eux.
se trouve un curieux fragment (^) où ils ont cru reconnaître
le début du typikon ou règle monastique composée par
TsTicéi^hore Blemmydès i)Our le couvent qu'il avait fondé.
Voici ce fragment, restitué en partie ])ar les éditeurs, en
partie par nous-raême :
[AÔYOi NijKiçôpou
[îTpôç TTJàvraç
[toùç èv Xi'piaT)uj dbeX-
[cpouç. 'AY]aTTdT€ dXîXouç.
o [Eï Tiç UYiaJi'vov rô crô-
[|ua ô\iYUj]peî xôv irpo-
[Keijuévov e]îç èKiadOn-
[cTiv iLbe è]vTa\)uôv Trpo-
[qpaaiZlôJiuevoç irpocpâ-
10 [O'eiÇ èv à|u]apTrieç, (2) oûto-
[ç dcpoptlJéaGo eùbo-
[|udba )u]îav : — Eï'tiç u-
[|aôv dJvTiXÉYei èîTi-
[Ti|uub|Lie]voç Tiapà àb-
lo [eXqpoO rjd Kard bùv-
[ajuiv] Kè )nî ÙTraKOÙcTri
[d(pop]iZ;écr9o Ô|ulioç.
(*) Territoire de l'ancienne Baçjis. Près de Gjiire. Jéniseliéliir, eiinelière
turc. Pilastre à demi-colonne. Le champ de l'inscription se trouve sur la lar-
geur du pilastre. L'inscription vient d'un monastère dont il est question dans
les Denkschriften. — Keil et von Premerstein, Denkschriften de l'Académie de
Vienne, LIV(i911) II, p. 127,no23i. Fig. 80.
(^) TTpoqpaoïîIôiuevoç TTpoqpctaeiç év â|uapTiaiç. Paroles du psaume CXL, 4,
souvent citées. Par exemple, v. St-Grégoire de Nazianze, Migne PG, p. .391a
(XXXV1,2), etc..
34 H. GRÉGOIRE
Je 110 défendrai pas ici mes sui)])léiiieiits (1. 5, 7, 8, 9,
10, 12). Je ne crois j)as utile non plus de transcrire ce
texte dans l'orthograplie usuelle. Mais je ti-aduis : « Paro-
les de Nicépliore à tous les frères en Christ. x\iinez-vous
les uns les autres. Si quelqu'un, étant sain de corps,
méprise les préceptes proi^osés ici et qui doivent être
ap])ris par cœui", en alléguant des ])rétextes ])()ur i)éclier,
qu'il soit excommunié ])endan1 une semaine. Si quelqu'un
auquel un frère imi)Ose une ])enitence n'excédant j)as ses
forces, y contredit et n'olx'it point, qu'il soit i)areillement
excommunié. «
Or. il n'existe aucune ressemblance entre la partie con-
servée du typikon de Nicépliore Blemmydès (v. Nicé-
phore Blemmydès, éd. Heisenberg, ]). 93-99) et notre
inscription. Par contre, ces deux canons rappellent le ton
et le style d'une règle monastiqiu; autrement fameuse, les
canons de Nicépliore, iiatriarclie de Constantinople,
publiés par J. B. Pitra dans Juris Ecclesinstici (irnccoriim
historiii et moniimenta, t. II (1868). Il faut lire ce que dit
Pitra de la célébrité d(^ ces canons (]). 314 et 3lo). Le canon
Ef' (63) de Nicéiiliore porte : Ei xiç eùpéGri qpaTpmZ^ojv là toû
TTpoecTTÛJTOç Yivô|ueva Kai 0"uvTapâcrcruuv Triv d5e\9ÔTi'iTa, dqpo-
pilioQoj r|uépaç lé tnpocpaxuùv. Le canon pK^', !> 339, surtout,
rappelle notre second i)récepte, sur les ])énitences Katà
bùvauiv : TTepl 5è TeTpâbujv Kai TTapadKeuuùv ô èTTixiiuûJV 5oki-
piàcfaç THV èKâcTTOu bûva)uiv Kui là pdpn Kaià tô buvuTÔv ôq)ei\ei
bibôvai.
Il est vrai que les canons de notn^ ins('ri])ti()n ne se
retrouvent pas textuellement dans le recueil de Pitra.
Mais ce recueil est formé d'éléments assez disparates;
quelques ])réce])tes seuhmient y sont formellement jH'é-
cédés d{^ l'indication NiKiicpôpou. L'atti'ibution au patriai'che
de Constantiiioi)le (8U6-8I5) est en général douteuse (*).
Il est j)robable qu'on mettait sous son nom, j)<)ur leur
donner jilus d'autorité, beaucoup de ces cunons monas-
tiques.
S'il faut ainsi renoncer à mettre au nom de Nicépliore
Blemmydès ce fragment d'ailleurs insignifiant, nous avons
i| (tu |ieiil |M'n.sci- ;mssi :'i Mcridioïc Ir .Iimiiic (l:2()0-12(5f), <•!. I'ili:i, |i. ."{lt>.
NOTES d'ÉPIGIIAPHIE BYZANTINE 35
en revaiiclu' i>ii l'estituer an grand i)olygra|)ho byzantin du
xiii^ tsièele vingt « hexamètres » d'une eertaine importance
historique. Il s'agit d'une inseri])tion anonyme, aujour-
d'hui disj^arue, qui se trouvait sur hi porte Nord de la cita-
delle de Smyrne. Kirchhoff l'a donnée jadis (CIG, 8749)
d'après Chandler et Pococke. Mais M. Hasluck, l'épigra-
phiste anglais, mort si prématui'ément. m'en avait com-
muniqué une meilleure copie, retrouvée par lui dans les
])apiers du vo^-agenr Salter, au Eritish Muséum :
1 Tnvbe TTÔXiv TTàpoiBev dxaKXuTnv irep èoûcav
leîxeai luapiuaipouaiv èiJO'Teqpàvoiç t' èvi ttùpyoiç,
Kai x«pi(?i Ppûouaav, ôcrailçi TTioXîeBpov déEei,
eùcTTOov, eùàyu i av, èpibo|uov, eùKoéteipav,
o d\i TTepi|uâxiiTOv îbè x^ovi TTOuXuPoTeipi'i,
Xeip ôXooîo xpôvoio biéxiitafev, lîûre ve^pôv
TTÔpba\iç dYpia, pd\e bé )uiv Kaid Tcî'lÇ»
Ypnï bé )uiv SfiKaTO TTavÎKeXov îaxvoTrapeiuu,
KdWoç djaaXbùvada Kai dYXauiv èpaieivriv.
lO 'AWd 'PubiuTiç Koîpavoç ÔTTXoTépnç Muudwnç
Tiaiç AouKoqpÙTUJV èpiKubuuv PaaiXnuuv,
oiKieipaç |U0Y€0ucrav, d7Tocp0i)uévriv T'é\e(ai)puuv
YnpotÇ dfréEeaev Kai dK|miiTa TeiiEaro Yuîa,
puKvd {xic) Te napr'Yia Kai à^)ea XuYpà TOvuJCTaç,
lo 9r|KaT0 KOUpibir|v dnô Ypcôç TTevTaKopujvou.
Tôv bé Te Kai ^aaiXeiav, dva xQovôç nbè ttôXgig,
KàWifjLOv, eÙTTaTépeiav, èTTiÎpaTOv, eiboç dpiCTriv,
ôqjiv éTTUKeXov XapÎTeaai XeuKOTrapeîoiç,
qpur^v 9' ùv|jiKÔ|uoiaiv ei(TKO|uévnv KUTrapÎTTOiç.
Oeinç èç XuKdpavTaç dîTeipeaiouç auvavdcro"eiv.
Traduction :
« Cette cité jadis illustre ])ai" ses murs éclatants, ses
tours bien couronnées, cette cité, i)leine des agréments
qui grandissent les villes, beaux portiques, belles rues,
nobles i)alais, bains luxueux, cette cité disputée et sur
mer, et sur la terre fei'tile, la main du Temps destruc-
teur l'avait ravagée, comme la panthère sauvage déchire
le faon. Elle l'avait abattue, et rendue semblable à une
vieille aux joues décharnées, détruisant sa beauté et son
charme aimable. Mais le ])rince de la nouvelle Rome,
36 H. GRÉGOIRE
Jean, fils des j^loricux ('ni])ereiii'.s de la souche des Dueas,
eut ])itié de sa jx-iue, et compassion de sa ruine. Il fit
disparaître les traces de sa sénilité, rendit la solidité à ses
membres, effaça les rides de son visage, donna une vigueur
nouvelle à ses articulations usées; et, d'une aïeule qui
avait vécu cinq âges de corneille, il fit une jeune épousée.
O roi de la Terre et du Firmament, jjermets qu'ils i-ègnent
ensemble d'innomljrables années, cet Empereur et son
Impératrice, belle, bien née, adorable, dont le eorps est
cliannant, dont le visage est pareil à celui des Grâces
aux blanches joues, et la taille semblable à celle des
cyprès aux cimes chevelues. »
On li-ouvera dans mon Recueil un a])i)ai'eil critique
justifiant les leçons adoptées. (>e texte ])eut être con-
sidéré comme sûr. Mais le princijjal intérêt de la coine
de Salter est de nous i-évéler la date précise du poème :
<( At Smyriui (Jasile Gaie, on tht' bottom ofthe stones is
E ,S'MJ\â, (ëiei ,S"Mi\â) » L'an 6731 de la Création du monde
Cette date ne fait que confirmer les indications très
claires de l'inscription métri(iue en ce qui concerne les
souverains nommés aux derniers vers, Jean Vatatzès,
monté sur h; trône en l:2'-'2. et Irène (morte en 12-41), que
célèbr(mt à l'envi tous les contemporains (Acroi)olite,
p 67-68. Eonn (I (12-63. Heisenberg). Pacli^^mère. 1, \). 70).
Si donc la nouvelle copie, à cet égard, n'ajoute rien à ce
que savait déjà Kirchlioff (voir son commentaire dans le
Corpus de Eoeckh) la date donnée par Salter rend certaine
l'attribution à Nicéphore Blemmydès, que nous ])ro])osons
l^our la première fois.
A ftrioi i, on aurait pu latrirmer. Seul, à cette éi)oque,
l'universel Nicép.iore Blemmydès, le plus savant homme
de l'Empire de Xicée, théologien, i)hilosophe, physicien,
médecin. géograi)lie. poète, pouvait se risquer à com])oser
des he\amètres. M. Krumbacher disait de lui, en 1897 :
(Geschichte (1er hyzn iH/iischen Literntur, deuxième édi-
tion, j). iiK) : <( Sa culture classi([ue le fit recourir à l'hexa-
mèd'c. un xci's (pii avant son éi)oque est extrêmement rare
et qui ne fut emi)loyé un peu ])lus fréiiucminent (pi'aux xiv*
et xv*-' siècles, sous rinilucnce de l'humanisme. » C-ette
NOTES DÉPIGRAPHIE BYZANTINE 37
l'cniarqno stn- la rareté do riicxainètre à l'époque byzantine
(lenieure absolument vj'aie.
Les Byzantins, en effet, ne l'ont jçnère employé que pour
des pièces très courtes; les uMivres ijoétiques de longue
haleine sont en trimètres ïanibiques, ou en vers (c ])()li-
tiques ». Ainsi Georges Pisidès (vu* siècle) et Tliéodor-e
Stoudite (viii*'-ix^ siècle) n'ont écrit, le premier qu'un seul
poème en hexamètres, le second qu'une seule épigramme
eu distiques. Comparées à la masse énoi-me de leurs
œuvres ïambiques, ces exceptions coufii-ment la règle. Du
neuvième siècle il nous reste un curinen ei>ii>ruphiciini en
hexamètres, l'inscription de l'église de Skripou (Orcho-
mène) en Béotie (St)-zygowski, Byzantînische Zeitschrift,
III (1894), p. 8 et suiv.) Au dixième. Jean Géomètre fit
([uatre hymnes en distiques et un hymne alphabétique en
hexamètres, le tout en l'honneui- de la Vierge; il faut y
joindre le TTapâbeiO'oç, (99 quatrains en disticpies) et bon
nombre d'épigrammes. Mais Jean Géomètre est un isolé.
véritable classique, et humaniste avant la lettre. Chris-
tophe de Mytilène (xi« siècle) sur 145 i)ièces, n'en a écrit
que 18 en hexamètres (Ed. Kurtz. Die Gcd. d. Christ. Mity-
lennios, préface) (^). Enfin, Théodore Prodrome (première
moitiédu xii" siècle) s'est servi, lui aussi, du vieux mètre
épique (cf. Ki'umbacher. p. 749, cf. T-'ii) : de nouveaux spé-
cimens de son savoir-faire ont été publiés en ces dernières
années (Byznniinische Zeitschrift, XVI (1907), p. 75
et MO; Xli(190H)p. 264).
Il faut ensuite attendi'c le xiV siècle pour retrouver
des hexamètres. Pendant cette période qui embrasse le
XIII* siècle tout entier, la seule réaction contre la tendance
générale à délaisseï- ce vers est due à Xicéplioi-e Blenimy-
dès. Encore, n'avions-nous de lui que soixante-dix hexa-
mètres : Toû aÙTOÛ eïç tt'iv uovnv tûjv Zuucàvèpujv aiixoi
riptuiKOÎ (éd. Heisenberg, p. 112 sq.). Or, nous savons très
exactement, par l'autobiographie de Bleinmydès ^AuiTilCiç
,uepiKr|. p. I sqq.) où se trouvait en 12:!2-1223 ce savant
(*) Autres rélei'ftiicos (Unis Kniiiiljaclit'i". (Iciildri hoiii('ri(iiie en l'Iioiini'iii" du
général AI;miak<''.s. Ki'uiiihachci', p. TH. \o\v Indcr dr r(nivi-ai',c. s. v. Hexa-
)netiT .
38 H. GHÉGOIRE
homme. 11 habita Ephèse et Smynie eiitie l:2l.'iet ll>:2l-^"2,
dès l'avènement de Jean Vatatzès (12!2i2) il fut son favori,
et vécut à la cour, qui fésidait alors à Nymphaeon près de
Smyrne. Car h' nom (V Empire de Xicéc est donne assez
improprement à ce moment de l'histoire byzantine. Vatat-
zès et Th('0(h)re II Lascaris furent sni-tout les empei'eurs
de Nymphaeon et de Smyrne.
Au début de l'ill'l, Hlemmydès se i-endit à Scamandre
pour y étudier sous un maître nommé Prodrome. Mais
bientôt il rejoint Tenipereur à Nymphaeon et ne le quitte
qu'à la fin de \ll%^. Il était donc dans l'entourage immédiat
du sou\ei'ain au moment où s'achevaient les travaux des
fortifications de Smyrne. Jean Vatatzès devait tout natu-
rellement s'adresser à lui lorsqu'il voulut consaci-ei" pai'
une inscription en vers « héroïques » la renaissance de la
patrie d'Homère.
Ace petit })oème s'appliquerait parfaitement ce que dit
M. Heisenberg- (p. cv) d'autres pièces de circonstance,
« commandées » pai- Vatatzès : « Hlemmydès imperatoris,
ni fallimur, iussu duo carmina alterum heroïcis alterum
iambicis \ersibus composuit... atque imperatoris laudes
eis })ra'dicantui-... ». Tous les doutes sur l'origine de notre
morceau disparaissent lorsque l'on compai'e les soixante-
dix hexamètres sur Sosandra aux vingt hexamètres sur
Smyrne. Ils se ressemblent étonnamment par un même
mépris de la prosodie et des règles classicpies.
11 n'existe pas encore à notre connaissance d'étude spé-
cialement consacrée à l'hexamètre byzantin. M. Ed. Kurtz,
dans sa préface aux poèmes de Christophe de Mytilène
(Ed. Kurtz, Die (iedichic <l. Chrisloplioros Mitylcnaios.
Lpzg 1903, ]). IX) dit que les licences « byzantines» dont
usent les ïambogi-ai)hes se retrouvent dans les hexamètres
de l'époque. C'est-à-dire que a, i, u sont i'é])utés communs,
que les noms ])i'o])res excusent toutes les ii-i-égularités, et
que l'hi^tos est toujours i)ermis. Néanmoins, les hexa-
mètres de Théodore Prodrome, les derniers avant ceux de
Blemmydès, sont encore à peu près corrects. Et M. llei-
senbei'g déclare n'avoir i)u découvrir le «système» enqjloyé
])ar Blemmydès dans son ])oème sur Sosandra. l^n effet,
comment scander un \ ers comme Sosmuli-u il : oiZ^upôç
NOTES d'ÉPIGRAPHIE BYZANTINE 39
aïoç (TriKÔç, ouTOi pr|i5ioç oî)aoç, ou Sofuuidra 43 Tfj Xamôqppnv
dvaH, 6eîa juepjuaipuuv aiév, ou comme Sinyrne 7 irôpbaXiç
ctYpia, pdXe 5é |uiv xaià YCÎnÇ''
Je pense avoir trouvé le secret de cette versification bar-
bare. Blemmydès doit avoir poussé à leurs extrêmes consé-
quences les « licences » indiquées plus haut. Il a traité
comme longs jusqu à des iôta suivis d'une voyelle. Il faut
scander, Smyi-nc 7 : 7TÔpba|\iç àjYp{a| pàXe bé )uiv Karàl^cxiriç,
et Smyrnc 14 : piKvà Te!7rapri|ia Kai| dipea] Xuypà To|vijbcraç. Il
reste toutefois dans Sinyrnc deux vers irréductibles, H
et 18, mais AouKOcpûiaiv est un nom propre, et quant au
vers i.'-{, il suffit d'écrire dTTégeae ])Our le ramener à la
« norme ».
J'avoue que dans le poème sur Sosandra les vers irré-
ductibles sont plus nombreux, mais les copistes ont dû en
altérer un certain nombre. Quoi qu'il en soit, la fabrique
est la même.
Notre insci'iption ne manque ni d'un certain mouvement
poétique, ni d'une certaine fraîcheur. L'avant-derniei- vei'S
rappellera aux néo-grécisants une comparaison fréquente
dans les chants populaires romaïques Le poème de
Sosandra, un peu plus pédant et pesant, commence ainsi :
Tôvbe veuuv jueYeOûvtaTOv, ai'Y^j;i iraïuqpavôuuvTa
Kâpiei TTa|U)ue5éovTOç eY^ipc |Lié5ujv KâpTidroç,
Ppiapôqppuuv craôcppouv xe, Yot^nviôuuv, îeûbiKCç,
bouKÔpXacTTOç Muuâvvnç, kO&oç ôXriç PacriXeînç.
On le voit, l'allnre générale est pai-eille; cf. Tr|vbe ttôXiv
Tiâpoieev. AouKÔpXacTTGç = iraiç bouKoqpîiTUJV, etc
Au vers 22 de Sosandra, Nicée est dite eùpuàYUia comme
Smyrne eùaYuia; et il est même possible que l'aTraE eipii-
ILiévov, eùÛYUia, soit une faute pour eùpuaYuia. EuXoéTeipa,
d'ailleurs mal formé, paraît emprunté au vocabulaire de
Théodore Prodrome. Du moins pi'oposerai-je de corriger
en eùXoÉTeipa (^) le mot corrompu eùoXéTeipav qui figure
dans un poème de Prodrome (Byzantinisclie Zeitschrift,
(*) Cf. Frankei., Geschichte (1er t/riechisc/ien Nomina agentis aiif-Tv\p. I,
p. 127 (rt'l'érencc obligeamiaent communiquée par M. Emile Boisacq).
40 H. GHÉGOIRE
Xll (l'J03), p. !2()4j. Quant; ù TrevTUKÔpuuvoç, foi-mé d'après
TeTpaKÔpujvoç (Hésiode, fr. 171 Rziich ; et cf. Aristopliane,
Oisenux, (509) l^lcmmydès l'aura pris dans VAntholog-ie
(XI, 67). Ce mot est une vai-iaiite planudéeinie (le manu-
scrit palatin porte Aaï KopwveKdpri) ; <''f'st ])Our(iuoi Liddell-
Scott ne le cite que d'a])rès notre inscription, tandis que
Hailly l'omet tout à fait.
Henri Grégoire.
I
J
Astanetum
I. Comme nom commun, ce tenue n'existe ni dans les
dictionnaires latins, ni dans Ducange. D'Arbois de
Jubainville ne l'a point rencontré dans sa moisson de
noms en etiim. Nous le restituons d'après les chartes, où il
apparaît seulement comme nom propre de lieu. xVvant
donc de hasarder une conjecture sur l'origine et le sens du
mot, il faut cette fois commencer par en prouver l'exis-
tence. Voici d'abord, au point de vue linguistique, un
tableau des principales formes latines et romanes qui ser-
viront de base, rangées autant que possible par ordre de
dégradation.
On trouve Astanetum en 827, ])our désigner la foi'èt de
Staueux (j^rov. de Liège); Astanido en 814, Asianid en 888
et 930, aujourd'hui Esneiix, sur l'Ourtlie, près de Liège;
Astanid, Astancit, ^J66, désignant Astenet près de Wal-
horn, au sud d'Aix la-Chapelle; Astenidiim, ix'' siècle
(Essen, Prusse rhénane) nous montre a protonique atté-
nué en e; il est affaibli en/ dans Astinetum. 1170, dési-
gnant ."Tssenois (comm. d'Offagne, prov. de Luxembourg';
dans Astnide 874, Astnid 927, Astnidensis, Asinetensis,
Asnithe, Asnide, Asnede, au x^ siècle, on voit la voyelle
protonique disparaître, puis le groupe st se réduire gra-
duellement à ss, s, comme dans le wallon tchession == chas-
tillon (il s'agit encore pour ces formes d'Esscn en Prusse
rhénane); un Ilasnidi indéterminé de 912 montre l'appari-
tion d'un h initial, qui peut être parasite ou marquer un
retour à l'éiymologie; on arrive ensuite à des formes fran-
çaises, wallonnes, germaniques : Asteneit 966, Aste-
noit 1236, 12^'9, Hastenoit 1154, Astenoi 1192, Ila.ste-
noy loOo, Asneit, Asnoit, Assenais, Assenede, etc. Les
noms des lieux germanisés ont en général mieux conservé
42 J. FKLLF.rt
la consonne tinale, ede, et: Essen fait exception. La trans-
formation de la finale eit, ei en eu, propre au Nord-Est
wallon, apparaît dans /^aneux, Staneux. où Vx est une
graphie an.i logique des mots en osiis, eux. Enfin r final,
produit de l'analogie également (aforem, fr. eur, wallon eu)
appaïaît dans A.stenoir 1233, Asfeneur 1303. Ces formes
sont assez transparentes, assez nombreuses et assez dissé-
minées pour nous forcer à conclure à l'existence d'un sub-
stantif astanetum.
II. (^uel est le sens de ce mot? Il s'agit certainement
d'un lieu boisé, témoin le Slaneux, qui est une forêt entre
Theux, Polleur et Spa, témoin le lieu-dit bois cVEsneux,
commune de Boninne (Namur). Si le radical était un nom
d'arbre, (ju'il fût latin ou germanique, il n'aurait pas
échappé aux recherches. 11 n'est pas probable non plus que
ce soit un nom gaulois d'arbre, car en ce cas ce nom aurait
du rester bien vivant à l'époque gallo-romaine, comme
betullos, vernos, et se serait combiné de même avec le suf-
fixe latin ctum ; or, il n'en est rien : la littérature latine de
Gaule ne nous a pas cité une seule fois ce terme fécond en
applications toponymiques. J'en conclus d'abord que ce
terme doit signifier quelque chose de plus modeste qu'un
arbre. Mais vers quelle langue orienter ses recherches? Il
semble, d'après les formes et les identifications données
ci-dessus, que les Astauetum sont un produit de l'extrême
Nord, faisant son apparition assez tard, et qu'il est naturel
de les assigner à la langue germanique. Mais il y a des
localités plus méridionales du même nom, que nous
n'avons ])as encore eu l'occasion de citer faute de foi-mes
médiévales. Ce sont Asnois sur la Charente (Vienne),
Asnois sur l'Yonne (Nièvre), Assenny dans l'arrondisse-
ujent de Troyes (Aube), Hnstenoy k Outrcau (Nord), Athe-
iiay de la commune de Chcmii'é (Sarthe). A moins que la
ressemblance de ces noms avec les précédents ne soit un
leuri'e, une étymo'.ogie germani(iue ne s'im])ose i)as. Le
chanoine Roland (article Asiinctuni dans les Mélan<;'es
Kurlh), a la suggestion de Grandgagnage, Mém., ]). 39, a
eep<'niiant proposé un hyi)Othétique usfan (variantes astcn,
<tslin), (pii serait issu de l'allemand asi, branche, n(xHid.
Mais le collectif tiré de ust ou de :ist((n ne ])ouirait dési-
ASTANETl M 43
gner qu'une collection de branches, un tas de branchages
ou d'émondes; comme tous les bois sont évidemment des
réunions de brandies, il ne viendrait à l'espi'it de personne
de désigner ainsi un bois. On pourrait objecter vir^ulfiim,
mais uir^iiltuin est un buisson de belles baguettes droites
et poussant dru où l'imagination pratique voit déjà de
futures cannes, de futures flèches, de futures lances.
A preuve l'épisode de Polydore au début du III" livre de
VÉnéide, où virgiiltn alterne avec hastilia (vers 22-23) :
Forte fuit juxta tumulus. quo cornea summo
Virgiilta et densis hiistilibii.s horrida myrtus.
(c Des buissons de cornouillers et du myrte, se hérissant
en dards épais ».
Et plus loin (v. 37) : « Tertia sed postquam majore hasti-
lia nisu Aggredior... », de nouveau le buisson est apj)elé
hastilia, ce qui évoque une tout autre image que ramos ou
frondes ou l'allemand astc.
On comprendrait donc un collectif *hastiletiim au sens
de collection ou bois de verges droites et fortes propres à
faire des javelots, des piques, des lances. Or * hastiletum
serait un dérivé du latin hasta. Il y aurait avantage au
point de vue du sens et de la dissémination des Astanetnm
à recourir au latin hasta plutôt qu'au germanique ast.
Hasta, devenu asta en Gaule, aste ou haste en gallo-roman,
est resté très vivant et a pris des acceptions multiples :
lance, broche pour rôtir le gibier, verge servant de mesure
agraire, bâton féodal, tige d'asphodèle, etc. La difficulté
gît du côté linguistique, et elle est la même que pour ast :
d'où provient le an de astanetnm?
Nous renonçons à voir dans a.s/an le cas régime d'un
nom féminin de pi-emièrc déclinaison latine, comme
nonne-nonnain, Berte Bertain, pour deux raisons : 1° cette
désinence ne sattache qu'aux noms propres ou communs
de personnes ou d'êtres personnifiés (rivières, épée de
héros; cf. A. Thomas, Essais de philol. franc., p. 31-50);
or, si asta est un féminin, condition qui n'est pas réalisée
pour ast, il est difficile d'en faire une personnification;
2° il serait difficile aussi d'admettre que le suffixe etum ait
été joint au cas régime et non au cas sujet. Il faut donc se
44 J. FKI.LEI5
rabattre sur le suffixe nniis, mais hàtons-nous de dire qu'il
n'y a rien de téméraire dans cette nouvelle proposition.
Nous postulons l'existence d'un adjectif ustaiiiis, -a ou has-
tanus, -a. signifiant « de lance », bientôt devenu substantif
au sens de « bois de lance ». Ce n'est pas plus étrange que
*altaniis hauhain, *lon<>itnniis lointain, (pie villiinii.s, cam-
panwi, montanus, fontanus, issus de substantifs comme le
serait *astanus. A supposer qu'on ne trouve plus aucune
trace directe de rainpanus, monlonus, fontanus, il serait
nécessaire d'en admettre l'existence pour expliquei' cani-
pania ou campagne, inontania ou montagne, fontania ou
Fontange. Or, nous avons au moins trouvé astanea, qui
suppose astanns. Non pas un astanea incontestable, il est
vrai, mais ([ue le lecteui' juge notre intei"prétation.
Ducange a donc relevé un terme astanea, de sens indéter-
miné, dans un acte de vente de meubles (hisinensis eccle-
siae poui" le rachat de captifs. Le texte porte «...liostiales 3
pro byzanliis 12, astaneas 2 pro byzantiis 8, pulvinaria
serica ti-ia... », ti'ois manteaux pour douze besants, deux
astanea pour huit besants, trois coussins de soie. L'article
ajoute que certaines copies portent castaneas ; mais que
viendi'aient faire dans un inventaire de meubles deux châ-
taigniers, entre trois pallium et trois coussins de soie?
Tout au plus peut-on conjecturer qu'il s'agit de flèches ou
de bâtons à suspendre des habits. En Languedoc on trouve
un dérivé parallèle à astana, c'est le roman astonne, que
Du Cange explique par un texte de 1457 : « une lance que
l'on appelle ou ])aïs communément astonne, fériée à l'un
des bouts ».
Il ne nous parait donc pas invraisemblable que astane-
tiim soit issu de asta, par l'intermédiaire d'un astanns ou
astana. La sémantique ue s'y oppose pas. J'ai entendu
admirer une forêt de sapins par cette exclamation : « Quels
beaux poteaux télégraphiques! » Qu'on songe à l'impres-
sion (pi'une jeune futaie aux jets sveltes et droits ])ouvait
produire sur des barbares préoccupés de bataille et
d'armes : « Quels super-bes bois de lance! » l'u astanelnm
est une foi'èt de bois de lance. La toi)()gi'apliie ne s'()i)pose
pas non i)lus à cette étymologie. Poui- i)r()duirc des buis-
sons vigoureux, des jets de belle venue, il faut un tcirain
ASTANETUM 45
bieu aiTOsé. Or, uos astaiietiini ne sont point situés au som-
met des montagnes, mais en plaine ou dans la vallée. Le
frêne, le coudrier, le cornouiller (cf. lat. colurnus, cornus)
«t les autres essences qui servent à fabriquer des piques et
■des lances ne poussent pas sur les côtes sèches et rocail-
leuses.
III. Les localités où nous croyons reconnaître ce col-
lectif s'échelonnent de la Charente au Rhin, En voici la
liste. Quelques-unes sont munies d'un dossier historique
assez probant.
Asnois, sur la Charente (Vienne).
Asnois, sur l'Yonne (Nièvre).
Assenoy, arr. de Troyes (Aube).
Hastenoy, ancien lieu-dit à Outreau (Pas-de-Calais),
dans le Terrier de Saint-Wulmer de Boulogne, 150o, sous
la forme « A Winde vers Hastenoy » (Kurth, F. L., I. 248).
Astene. sur la Lj'^s, arr, de Gand (Flandre orientale).
Assenede, arr. d'Eecloo (Flandre orientale).
Assent, dép. de Bueken (Brabant) =- Aanoth, 839 (Piot,
Cart. de Saint-Trond, I, p, 5),
Asneux, dép. de Hamois (Xamurj =: Asteneur en 1345
(BoiiMANs, Seigneuries féodales de Liège; Roland, Mé-
langes A'«r//2, I, 291)
Bois d'Esneux, comm. de Boninne (Namur).
Esneux, sur l'Ourthe (prov. de Liège), Asfanido 81 i,
Hasfenoit 1154, Astenoit 1236, Aslenoir 1235 Asteneur
1363, Asteneuz 1381, Esseneux, xiv^ siècle (Simoms, « La
Seigneurie et le comté d'Esneux :», dans Bull, de rinstitut
arch liégeois, t. ^^lY, p. 108-169; Roland et Halkin,
Cart. de V abbaye de Stavelot-Malniedy, I, p. 66; Bormans
■et ScHOOLMEEsi'Eits, Cartul. de l'église Saint-Lambert de
Liège, t. I, p. 73; Poncelet, Fiefs...
Esneux, comm. de Vaux-Chavanne (Luxembourg).
Staneux, forêt au nord-ouest de Spa (prov. de Liège).
Astanelum en 827. Louis le Pieux tranche un différend
entre l'abbé de Stavelot et le receveur du fisc de Theux au
sujet d'un bois faisant partie du Staneux : <( silva que, in
loco nuncupante .4sfa;ie^izn7, inter duos rivulos Tailernion
et Dulnosuni esse videtur ». Sur l'emplacement de la silva
■contestée, les historiens ne sont pas d'accord. La topogra-
46 J. FEr.i.EU
phie exige qu'elle soit située au sud de Spa vers l'Amblèx e.
Néanmoins il est impossible de ne pas assimiler Astane-
tum et Slaneuw Si la forêt de Staneux actuelle, avec la
portion dite Devant Staneux est confinée par la Hoigne, le
Wayai et le ru de (Uiawion, elle englobait sans doute jadis
les bois situés plus au sud, aujourd'hui distingués par
d'autres noms ou en partie défrichés. Une carte du
xviii"^ siècle donne encore à cette partie méridionale le nom
de forêt d'Aineux.
Assenais, comm. de la prov. de Luxembourg, près de
Neufchàteau, est Astenoi en 1 192, Astenoit en 1299 (Goffi-
NET, Cart. d'Orval, p. 47; Cart. de < lairefontaine, p. 99).
Assenais, dép. d'Offagne (Luxembourg), Astinelum
en 1170 (IIanquet, Cantatorium Sancti-Huberti, j). 64;
KuRTH, Cart. de Saint- Hubert, p. 129), Astenoix, Astenoit
en 1300 (KuRTii, ibifl., p. 37L H7o'.
Assenais, dép. de Homi)ré (Luxembourg). Asionaiz
en I3o0, Astennor en Io.'kS (Roland, dans Mélanges Kurth,
p. 291).
Essen, au nord de Diisseldorf (Prusse rhénane) est
Astenidum au ix= siècle, Astnidc en 874 et 898, Astnid
en 927, Asnide, Asnithe, Asnede au x" siècle, avec Asni-
densis et Astnedensis comme adjectif ethnique iM. G. H.,
SS., t. III. p 541 ; Lacomhlet, Urk., 1, 69 et 31 ; F<)kste-
MANN, Altdeufsches Namenhuch, Ortsnamen''^, p. I 16;
GitANDGAGNAGK, Mém , p. o9 et Vocab., p. 2! 3) Jlsnidi
en 1039 {Annales Hildesheimenses). Essen est donc pour
Essent, qui est une réduction de Essenet, Estenet avec
régression de l'accent toni(iue conforme aux habitudes
germaniques.
Astenef, i)rès de Walhorn, au sud d'Aix-la-Chapelle
(Prusse i-hénane), était Astanid en 8SS, du moins à ce que
l'on conjecture d'une liste de biens cou firmes par l'empe-
reur Arnoulf à l'église d'Aix-la-(Jhapclle (Euxsr, Ilist. du
duché de Limbaurg-, t VI, p 87) Astaneit en 966, Astcn-
hert en 122(5 (Laco.miîlkt. Urk. . La finale de cette der-
nière foi'me semble (empruntée à une série à suffixe -rade
qui s'atténue en rc/, -/•/ ou bien elle est analogique du bas-
allem:ind ster -^ stet, on enfin ce peut èti-e une in)itation
à.\\stenair-Astencur wallon avec r parasite,
ASTANKIl JI 47
11 y a aussi des mentions dWstaneluni, dont l'identifica-
tion est impossible. Tele est celle qu'on trouve dans un
capitulaire de Charles le Chauve déterminant les régions
où son fils pourra chasser : a° 877 «... in Lens et Wara et
Asienido, et feramina et porcos capere potest...» (Baluze,
('«/>. l'cg. franc, II, col. 2BS). — De même pour un Hasnidi
de 90!2 (Lacomblet, Urk., I, p. 8:2: Ernst, o. c, t. VI,
p. 90). Il s'agit de terres appartenant à un certain Rohin-
gus qui est seigneur de Moi'tier et qui possède deux manses
à Wandre, plus des droits in alio loco Flasnidi vocato. Ce
lieu e>.t à chercher dans la région au nord de la Vesdre.
Un catalogue des revenus de l'église Notre-Dame d'Aix-
la-Chapelle, fait au XII* siècle (Ernst. o. c, VI, p. 85),
mentionne des biens in Asneit. Le lieu est cité entre
Eni>-eheies (José) et Jopilla (Jupille).
Enfin il faut examiner des cas où l'attribution à la
famille -e/ï/m est douteuse ou fausse. Elle reste douteuse
pour Moresnet, qui pourrait être un noir ou sombre Esnet
ou Esnen. Les formes anciennes nous manquent. Elle
reste douteuse aussi pour Stenay, cpii mérite une mention
particulière.
L'érudition intrépide de Jeantin Mannel de la Meuse,
p. o4 et 1813 sqq.) a donué comme antécédents à Stenay
les formes Asta d'une charte de la reine Gerberge de
l'an 968, Asienido du capitulaire de Charles le Chauve cité
plus haut (a° 877), Satanaciini la vraie forme courante, dont
nous reparlerons, et enfin Stadonis ou Stadiniso. La pre-
mière mention peut être écartée comme ne contenant pas
-etum ou -acum qui expliquerait la finale -ay de Slenay.
La seconde nous ramène du côté de Lens, comme on l'a vu
plus haut. La quatrième s'applique à Atton (Meurthe ; c'est
prouvé par des diplômes et des chronifjues de 793, 869. ^75,
88o, 906, 946, dont on trouvera le texte dans dom Bouquet
(t, VII, 616c, t. IX, ^i\b, 37-26, 381a, 391a). Reste Satana-
cuin, dont la première mention est assez tardive (876) et
qui de ce chef pourrait être suspectée Mais Stenay a-t-il
l'antiquité phénoménale que lui suppose Jeantin, la haute
antiquité que l'éclame le rédacteur de l'article Stenay dans
le Dictionnaire des communes de .Toanne? C'est une villa
regia à l'époque carolingienne, un caslrum à])artir du duc
48 J. FELLF.R
Godefroy le Bossu. Les variantes du nom sont insigni-
fiantes et donnent peu de prise à la recherche étymolo-
gique. On trouve Satunaciun villam à l'année 876 dans les
Annules Bertiniani (éd. Deiiaisnes, p 249, Dom Bouquet,
t. VII, 12 Ir/) « imperator a Carisiaco (Quierzy ^ movit atque
ad Satanaciim villam venit, dispositum habens Metensem
civitatem adiré », ce que la chronique de Saint-Denys tra-
duit ainsi « tantost se parti li enipereres de Karisi et s'en
alaa Sanienay .. » {Dom Bouquet, t. VII, I44c). On trouve
de même Satanaciim dans Hincmar (MGH., I, oOl, n° 83);
dans les Lettres de Gerbert, pour l'année 980, Saianaca
villa (D. Bouquet, VII, 291); Sathanaciim en 1069, 1090,
1096 fMiKAEUs, Op. dipl., t. I, p. 3^.3, 360, 365i. En 1076
Godel'roy le Bossu fortifie la villa : « in Sathanaco sui juris
oppido castrnm firmavit » (D. Bouquet, t. XIII, 628d).
Stenay depuis ce temps est nommé « Sathanaciim cas-
trum » ibid., 6316), « Slanaciim castrnm » avec ellipse de a
(ibid., 633/>) C'est la forme qui a triomphé. Jeantin, éty-
mologne de même force que nos anciens chroniqueurs, a
vu dans ce mot (en 1863!) Satan et Saturne et vingt autres
choses hébraïco-géologiques, toutes ensemble d'ailleurs et
l'une ne détruisant pas l'autre dans sa i^ensée. Houzé rap-
prochait Stenay de Staneux et par conséquent d'Astane-
tiim, et Ki'RTH a fait de môme dans la Frontière lingriis-
tiqiie (I, 46o). Le dernier qui s'est occui^é de cette question,
le chanoine C-G. Roland, dans son article des Mélanges
Kiirth déjà cité, écarte cette solution. Son argument capi-
tal est que la forme originaire est Satanaciim. Il note
cependant qu'on trouve Estenay, A stenay dans quelques
actes romans, mais il croit que c'est « par euphémisme w,
c'est à-dire par euphonie. Bien que nous ayons cherché à
renforcer l'argument principal en étalant plus haut les pas-
sages où l'on trouve Satanaciim, nous ne sommes pas aussi
tranquille sur la conclusion. Si on possédait des mentions
plus anciennes de ce nom, il n'est pas dit qu'elles concor-
deraient avec Satanaciim : il faut se défier de la finale
-aciim doni les chroniqueurs et les scribes ont affublé tant
de noms de lieux; Satan ou Sathan peut être le produit
d'une étymologie pieuse, qui, une fois inventée, devait faire
fortune. Ne s'est-il pas trouvé des scribes lettrés pour
A ST AN KIT M 49
rendre Brabani par Bratiispantiiini ou par Proponiis à la
faveur de quelque vague ressemblance? Ce qui pouvait
inspirer une certaine confiance dans Satanacum. c'est
l'existence d'autres noms similaires comme. S'a^/îonaj (Ain),
Satonnay (Saône-et-Loire), dont nous n'avons malheureu-
sement pas les formes anciennes. D'autre part, le rapport
phonétique entre Stenay, A>itenay, Satenay peut appa-
raître tout différent; Astenay, Estenay seraient les formes
pleines; Stenay la forme apocopée après une voyelle,
comme dans à 'Stenay pour à Astenay; enfin Satenay
serait le produit d'une insertion de voyelle, phénomène
régulier en wallon et en lorrain quand un mot commençant
par plusieurs consonnes suit un mot à finale consonnan-
tique. Comparez le wallon nos.se riwè et H rwè, uosse sitàve
et on stàve, lès sieûles et one siteùle, po stàrer et po V sità-
rer. On trouve alternativement dans des actes anciens
skevin, eskeoin et sekeoin, échevin. Un texte de 1269, rap-
porté pai' (louEFRov (ai-t. hauton), « tout le hauton du
secourgeon », nous montre .sec- usurpant la place de .se-,
esc- sans nécessité phonétique. Il faut donc attendi-e de
nouvelles données pour concluie.
Ces noms de lieux ont évidemment passé à des familles.
On trouve pai- exemple le nom de Desneux dans la pi-o-
vince de Liège. Dasnoy est le nom d'un géomètre qui a
publié en I808 un petit dictionnaire wallon-français pour
la région de Neufchateau (Luxembourg), qui est la région
des trois .4.s.seno/.s cités i)lus haut. Un Thiris d'Asfenoit
figure dans Bbouwers, Cens et rentes du comté de Nawur
au Xlir siècle (p. 245). Il serait facile de continuer l'énu-
mératiou, mais elle n'apporterait aucun renseignement
nouveau.
Jules Feller.
A propos de la traduction française
des Sermons de Tauler
par le Père Hugueny 0. P.^'^
MAGET et lUNf'FROWE.
Dans ses Tauleriana de 1911 {^), le P. Raymond-
M. Martin O. P. nous a dit tout le bien et tout le mal qu'il
fallait penser de l'entreprise du P. Noël, qui prit pour base
de sa traduction française des œuvres de Tauler l'édition
latine de Surius, à un moment où la bonne et correcte
édition des sermons du « docteur illuminé » publiée par
M. Vetter (^) existait déjà. Il fallait partir de celle-ci. C'est
ce qu'a voulu faire le P. Hugueny : dans deux numéros
de la Vie Spirituelle, il nous donne un échantillon de son
travail. On connaît du P. Hugueny l'excellente traduction
commentée des Psaumes et, dès l'abord, on était en droit
d'attendre de lui une version consciencieuse, correcte,
élégante. Cette attente est pleinement remplie, encore
qu'il puisse y avoir des i)oints de détail sur lesquels on
pourrait ergoter. Ses annotations explicatives et docu-
mentaires sont très précieuses et on ne regrette pas la
longueur de certaines d'entre elles Félicitons donc le
savant religieux de son travail et souhaitons qu'il nous
donne au plus tôt la traduction complète des sermons du
mystique dominicain.
f«) Dans La Vie Spirituelle. Dec. 1919. — Janv. \U-li).
(2) Revue thomiste. XIX.
(3) F. Vetter : Die Predigten Tanlers. Berlin. Wpidmanii. 1910.
52 A.-L. CORIN
Pourtant, dans le premier sermon tiaduit, celui de
Noël (*), il piopose, nou, il uous impose uue interprétation
nouvelle que je ne puis adopter et contre laquelle il me
faut prendre le parti de la tradition.
Le (c docteur illuminé» expose le symbolisme, courant
au moyeu-àge, des trois messes de Noël II en arrive à
« donner quelques explications au sujet de la seconde
naissance qu'on célèbre en ce jour, celle par laquelle le
Fils de Dieu, eu cette nuit, est né d'une mère et devenu
notre frère ». Celui qui veut voir Dieu naître spirituelle-
ment dans son âme comme il est né dans l'âme de Marie,
doit considérer quelles étaient les dispositions particu-
lières qui furent, en Marie, les conditions de sa maternité
spirituelle et corporelle.
Le texte se continue par cette phrase nettement tri-
partie, où chacun des trois prédicats est énoncé en double :
a) su waz ein liiter mag'et, eine Jiincfrowe.
h) UNI) su WHZ eine verlohete, vertriiweie jimcfrowe.
c) UND sii waz ing'eslossen, von nllern abgescheiden, wan
(1er en<>'el ging zti ir.
Un u un, ces trois points sont ensuite développés en
quelques lignes.
a) .su sol sin *- Ireii in inic (p. 11, 1. 11-20);
b) Maria waz eine vertruwete Juncfrowe ^ ge~
hol/jfen werde (p. 11, l. 20-23} ;
c) Maria was onch ingeslossen ♦- aile âing mussent
iizgon (p. Il, 1. 2S — p. 12, 1. I).
Le point en litige est le premier : le P. Hugueny traduit
maget par servante et l'oppose à juncfrowe. vierge.
Voici du reste les observations par lesquelles il justifie
sa <c trouvaille » :
(C Les servantes sont généralement applicpiées au service
intérieur de lu maison et plus embarrassantes qu'utiles au
dehors. (Test pour n'avoir pas compris cette réflexicm
de Tauler que les éditeurs postérieurs de ses serni(ms ont
traduit servante pai- vierge dans la pensée qu'ils abouti-
C*) L. Niiiinianii, dans .sa tliési- (ioclorali' (Halle, llMIi. l'alli-ihiic ;i niaîlic
Kckharl : je me réscivi' <\o iov(>nir sur cottn queslion.
TRADUCTION DE TAULER 53
raient à un symbolisme plus naturel en écrivant : « Être
« vierge, cela signifie qu'on n'a pas de fécondité au dehors,
« encore qu'intérieurement on produise les fruits les plus
« abondants ». Mais outre qu'on ne voit pas ce que peut
être cette fécondité intérieure de la vierge qui devrait êtte
de inôme genre que l'infécondité extérieure, si l'on veut
les opposer, cette interprétation fait violence au sens du
mot maget très distinct de Jiingfrau (^) et supprime un
des termes de l'énumératiou des couditions de la maternité
de Marie, un terme sur lequel Tauler insiste en souvenir
des paroles mêmes de la Vierge : Voici la servante du
Seigneur «.
La première difficulté que trouve le savant traducteur à
admettre l'interprétation traditionnelle est donc « qu'on
ne voit pas ce que peut être cette fécondité intérieure de
la vierge qui devrait être de même genre que l'infécon-
dité extérieure )).
Je ne me hasarderai pas à eu donner l'explication phy-
siologique qui s'offre d'emblée à notre esprit moderne,
parce qu'elle serait anachronique (^). Mais la philosophie de
l'École avec sa distinction de la jmissance et de V acte ne
pourrait-elle pas nous venir en aide? La vierge a une
fécondité potentielle, latente, plus grande que celle de la
mère devenue en partie déjà actuelle, extérieure.
Au reste, le sens spirituel seul importe : dans la virgi-
nité, état supérieur à celui du mariage, la vie intérieure
est plus riche, plus féconde, qu'elle ne peut l'être ici, où les
charges et les soucis de la vie matérielle, extérieure, acca-
parent toutes les facultés.
Mais c'est la deuxième difficulté rencontrée par le
P. Hugueny que je voudrais surtout écarter.
(*) Pourquoi (;ette orlliographe modernisée?
(2) Mais lisez ceci pourtant p. Il, 1. l-i-15: « also sol dise iiiagct ir ussere
minne /usliessen und nit vil gewerbes do mltte han, nût vif fruht do mifte
bringen n !
54 A.-L. COHIN
« 8i l'on veut les opposer )>, dit-il,
a) « cette interprétation fait violence an sens dn mol
miig-et très distinct de iun}>fraii et
b) « supprime un des termes de Ténumération des condi-
tions de la maternité de Marie, uu terme sur lequel Tauler
insiste en souvenir des paroles mêmes de la Vierge Marie :
Voici la seronnte du Seigneur ».
Je ne trouve que trois points, développés par le prédi-
cateur dans la suite de son discours. Ces termes de Ténu-
mération sont, comme le montre la synthèse initiale citée
plus haut :
a) être vierge ;
b) être fiancée ;
c) se tenir enfermée et à l'écart.
Un quatrième n'y trouverait place qu'à condition d'en
chasser le premier, essentiel : l'analyse du premier point
va nous le montrer tout à l'heure.
*
* *
Mais où donc le Père Hugueny a-t-il trouvé que « le
sens du mot ina.get était très distinct de (celui de) junc-
froiiwe »? En allemand moderne cette distinction s'im-
pose ; mais c'est là l'aboutissement d'une évolution séman-
tique qui ne faisait que commencer au moyen-âge.
Ecoutons le témoignage de Lexer :
Pour J II nef ro II ioe il connaît les sens suivants f*) :
1. junge herrin, allgem ;
2. unverheiratete, vornehuie dienerin, edeilrànlein ;
.3, ledigea frnncnziinmcr non iinbeflcckter keuschhcit ;
jungfraii :
4. aiich non mànncrn :
5. iiberhinipl ziir bezcichniing des feinen, unbcfleckten.
De ces cinq acceptions, trois renferment l'idée de
pureté.
Quant à inaget, il peut signifier (*) :
\ jiingfrnu, bcs. die Jung frau Maria: allgcin. ich œil
mâget gnn jiingfniu blcihen :
2. iibcitr. :iu<h non infinnlichen jn'rsonen :
(», Mlid. Handwli. : I. liKH.
(«) 1, 2(108.
TRADUCTION DE TAULEl! 55
w. (hmii ivie ndj . : nnberûhvi, uiiuerletzl. rein :
4 (Jic jun^rfrHU hIs zeichcn des tierki-eises ;
5, die weibliche schmn der jiingfrau :
6. uni'reies madchen, dienende jungfrau einei- orouine,
dieneriii. raagd.
C'est eucore l'idée de virginité qui est à la base de cinq
de ces six acceptions. Les mots de la même famille ne
connaissent point le dernier sens, qui n'est donc qu'ad-
ventice :
magetbaeve
magetUch
=^ jungfraulicli, fr. vierge.
" , , ,.. = lunglrauhchkeit, lungfernschaft, fr. nir-
magetschcift ''..,, ' J &
,, i gin lie.
magettnom \
et d'autres; de ce groupe détachons un composé particu-
lièrement probant :
maget-reine =^ rein wie eine jungfrau,
iv. pur comme une vierge '.
8i donc dans quelques cas exceptionnels magei peut
avoir la valeur de servante (j'en cite un plus bas), peut-on
dire que « c'est faire violence au sens de ce mot » que de
le considérer comme synonyme de Jimrfrouwe /
Le contraire serait plus défendable ! A toute évidence,
en tous cas, la traduction par servante fait violence au
sens du texte, que nous allons suivre pas à pas dans son
développement du premier poinr :
.Su ivaz eine luter maget, eine junrfrowe.
La symétrie de la phrase, signalée plus haut, indique
déjà que ces deux expressions vont de pair et que eine
juncfrouwe n'est autre chose qu'une apposition à luter
maget, une répétition de la même idée, pour l'emphase;
de même que vertruwete ne fait que reprendre verlobet et
que von allem abgescheiden varie l'idée de ingeslossen.
Au demeurant, que faut-il entendre par « une pure
servante » et plus loin, « une chaste et pure servante))?
S'il s'était agi de distinguer les deux concepts de servante
p6 A.-L. CORIN
et de i)i('i-^>e, u'eùt-il pus élé plus logique et plus clair
d'écrire : une servante, une vierge pure? — Mais non :
entendez : c'étaii une Jeune fille pure, une vier^-e, n'eu
déplaise au P. llugueny. Kcontez la suite :
>c \ein f>ei.stlich muter Gottes] sol sin luter reine ninget ;
ist fin wol ettewenne ^'eweaen uz der luterkeit, so sol su
nu widerkeren. so wurt sii mifier reine und nmgtlich ».
Qu'est-ce qu'une servante qui sort de sa pureté et qui,
par un retour sur elle-même, doit redevenir pure et vierge?
Vierf>e et non servante, en dépit du P. Hugueuy. La litté-
rature médiévale ne connaît d'autre sens à mâg'tlich que
celui de uier^e, virginal; j'en appelle à Lexer. Bien mieux :
tout au début du sermon, le P. Hugueny traduit lui-même :
MEGDp^LiCHER kûschikcH par sa vir(iinai,p: chasteté !
Kt faut-il répéter que cette (expression de la même idée
par deux synonymes est un procédé de style si familier à
Tauler et à toute son époque, (ju'on ])eut en puiser des
exemples à pleine main dans la littérature mystique du
XIV* siècle : liden und lazcn. siillenissc und rasle. ukhi
und lidig(^) etc.?
* *
C'est à ce moment que le prédicateur l'oriiiule sa défini-
tion de maget, dont le P. Hugueny a cru pouvoir extraire
le sens de servante : Ein maget betùtet aise vil als daz
uzwert unfruhtber ist ujul von innan vil fri'ihte hat ;
puis l'appliquant à Marie (*), i dit : innewendig sol su vil
frûhte haben, et cite à ra])pui le verset du psalmiste :
Toute la parure de la fille du roi vient de l'intérieur.
Le parallèle entre Marie, considérée comme servante
de Dieu, et la fille du roi me choque un i)eu ; il serait au
contraire ])arfait entre; la vierge et la fille du roi.
I
(1) Voyez aussi les (Hudi^s slylislit|ii(>s sur li- « livre dr l:i Sni;(;ss«' » de Siisn,
par Hoyor, dans la Znitschrift fur deulschv Philologie. t(î, p. 175, 39i].
C^) Los iiirils Maria niflnwetc nùt icnn zû gftfclir/iev dingen pourraient
paraître interpolés. Il (;st une autre inter[)rétatiiiii possibl(> : endowrie. forme
dialectale de entmiqetr. aurait remplace, par eii-eur, une forme |triniilive :
pndorlilp. rridmfitr — ne pensait à... (Test ce (jue porleul le Ms. itfifi de (iand
el le Ms. :^78i de lîi-uxeilcs : Maria indu htc anders nie! <ian liemeIsclM; eiide
j^oddelike dinf;hen. Rapi>i'oclie/-en I Cor. 7, Hi : (( virjjo rorfitnl (\yi.i- domini
suni ».
TRADUCTION DE TAULEU 57
Kt qu'où veuille même faire commencer à ce verset une
pensée nouvelle, la phrase qui en termine le développement
me fournit un argument péremptoire pour établir l'identité,
dans noti-e texte, de ma^ei et de Jiincfrouive et confirme
que l'idée dominant tout l'exposé est celle de j)ureté, de
virginité : « alsua sol dise juncfrouwe in abg'escheidenheit
sein, aile ir sitten, ir sinne, ir g-elas, ailes inwert, so
bringet su vil frûlite und grosse frulit. .. ».
{( Ein maget beti'itet alae vil ah daz von innan vil frûhte
hat », disait la définition.
Celle qui produit ces fruits à l'intérieur, c'était tantôt
la mag-et, c'est maintenant la juncfrouwe. Mag-et et junc-
frouwe, c'est donc la même chose?
Si l'on veut tirer argument de l'usage que Tauler
fait de ce terme, on n'aura pas à se livrer à de longues
recherches. Le mot se rencontre deux fois encore dans ses
sermons :
Au sermon 76, p. 408, 1. 19, il est dit : Kunst /.s die dirte
ii^obe in den sûben goben und g-eht rehte der minnen vor
ois eine maget die einre frouwen dienet und norget.
« La science est le troisième don du Saint-Esprit; elle
précède l'amour, comme une servante va devant la dame
au service de qui elle se trouve ».
C'est presque la nutget du P. Hugucny; c'est l'escorte
que la bienséance du moyen-âge accordait à la dame de
condition, demoiselle de compagnie plus utile au dehors
qu'à la maison.
L'autre passage est franchement contre le trop ingé-
nieux interprète. Du moins nous a-t-on toujours parlé de
la parabole des vierges sages et des vierges folles. Or, ces
VIERGES folles Tauler les appelle : die torechtcn mf:gde !
p. 137, 1. 2.-).
Pour finir, pnuirait-on méconnaître la portée de l'obser
vation suivante ?
Tauler a employé, pêle-mêle, les mots maget et junc
ÔH A.-L. COIUN
froiiLVii. Voici dans qae! ordre ils se présentent dans notre
passage :
magei — juncfrouwe — juncfvouwe — magei — (maegi-
lich) — iniif>-et — mag-el — jancfrouive — jiincfronive.
Qu'il lui taille maintenant vraiment exprimer l'idée de
servante de Dieu, emploiera-t-il maget ? Que non! On
pourrait n'y plus voir clair : écrivain presque raffiné, il
voudra trouver le terme dont le sens précis rende impos-
sible toute confusion, et il écrira : die dirne Gottes (^).
S'il s'était agi pourtant de répéter une idée déjà
exprimée, l'emploi du même vocable ne lui eût-il pas donné
l)lus de poids ?
»
* «
Il est donc établi que ;
i. MAGET peut bel et bien être synoiiynie de juncfkoowe ;
c'est si vrai que tous ses dérivés et composés ne connais-
sent que ce sens de vierge, virginal;
2. Rien n'empêche de lui attribuer celui-ci dann le pas-
sage discuté, d'autant que, ayant à exprimei' l'idée de
servante dans ce même sermon, le pieux Dominicain met
une coquetterie de style à éviter le mot qu'il vient d'em-
ployer dans un autre sens, et à en trouver un, dont la
netteté rende impossible toute amphibologie : die dirne
Gottes ;
3. L'examen du développement stylistique de la pensée,
du contexte, des procédés littéraires, nous oblige, au con-
traire, à admettre Videntilé, dans ce passage, de
MAGET avec JUNCFROUWE.
Liège. A.-L. C-orin.
(^) Voyez aussi kuchen dirnen, Vettei-, p. 126, I. :2:2.
La littérature des proscrits
en Angleterre
Deux poèmes auglais du xiv* siècle idéalisant la vie des
proscrits dans les bois nous ont été conservés. La critique
littéraire se contente de signaler des points de contact
entre eux, mais sans être jamais entrée dans le détail de
leurs analogies et de leurs dissemblances. Leur influence
sui- les littératures modernes de l'Europe a cependant été
assez grande pour mériter un examen attentif.
L'un d'eux, intitulé par son éditeur, Thomas Wright,
J^e chant du proscrit de traillebaston, est en réalité, malgré
sa forme lyrique, une satire contre une réforme judiciaire
de la fin du règne du roi JMouard P"^ d'Angleterre, l'ordon-
nance dite de traillebaston (1305). Ce dernier mot, dérivé
du verbe ancien français trailler, c'est-à-dire traîner, halei-
de mot flamand treilen signifie remorquer), désignait des
i-ôdeurs armés de gourdins, des traîneurs de bâtons, qui,
à la fin du règne d'Edouard I*'' et au début de celui
d'I'Mouard II, semaient la terreur dans les campagnes
anglaises, et se livraient à des excès contre la population
paisible. Ils intimidaient témoins et jurés des cours de jus-
tice au point que leurs victimes étaient privées de la ])ro-
tection des lois. Ils paraissent d'ailleurs avoir joui de
l'appui de certains grands seigneurs qu'ils aidaient à s'em-
parer de l'avoir des roturiers.
Pour porter remède à ces désordres, le parlement du
printemps de 130o conféra au roi le pouvoir d'ordonner des
60 p. HAMELIUS
enquêtes judiciaires par magistrats spéciaux dans les
diveis comtés, en vue d'exercer une l'épressiou énergique.
Des maliaiteurs, le terme de traillebaston fut transféré
d'abord a l'édit promulgué contre eux, ensuite à la juridic-
tion extraordinaire instituée par l'édit. L'ordonnance elle-
même, datée du f) avril \?A)o et imprimée dans son texte
latin dans Rymer {Fœdera, II, p. 960-'J61), est adressée à
cinq officiels royaux, dont quatre sont nommés dans le
poème; deux, Henri de Spigurnell et Roger Belfloui-
(Rogerus de Balafaga dans Rymer) comme « gens de
cruauté », deux, Guillaume de Knoville et Guillaume Mar-
tyn, comme «gens de piété », (|ui prient pour le salut des
pauvres.
L'édit décrit avec quelque détail la vie des proscrits que
la littératui-e anglaise devait glorifier pendant des siècles
comme compagnons de Robin des Bois : « Vu que de nom-
breux malfaiteurs et perturbateurs de notre paix royale
commettent de joui- et de nuit homicides, brigandages,
incendies et autres dommages, errent et vaguent par les
bois, les parcs et autres lieux divers, soit dans la banlieue,
soit eu dehors, dans les comtés de (Jornouailles, Devon,
Somerset, Dorset, Hereford. Worcester, Shropshire, Staf-
ford, Wiltshiie et Southampton et y reçoivent asile au très
grand péiil des gens qui traversent ces régions et de ceux
qui les habitent, au mépris de notie autorité et au dom-
mage évident de notre paix loyale », les nouveaux juges
reçoivent l'ordre de rechercher les malfaiteui-s, les gens
(pii les abritent, qui les soutiennent, qui leur prêtent main-
forte et secours, qui les encouragent et dirigent dans leurs
méfaits. Ils doivent poursuivi-e aussi ceux qui composent
pour de l'argent avec les ci-iminels, qui les guident pour
frappei", blesser, maltraiter et tuer dans les foires et mar-
chés, par haine, envie et malice, les sujets du royaume,
notamment ceux qui, étant appelés aux assises, au jury ou
aux en(|uùtes conti-e les méfaits, y ont rendu leur verdict.
Cîar ces criminels ont souvent, par leurs menaces, empêché
les jurés de faire leur déclaration ou leur réquisitoire. Il
faut rechercher aussi ceux (jui font des paiements aux
traillebastons. qui les nourrissent et les entretiennent,
ceux (|ui les couvrent de leur puissance seigneuriale et qui
LITTÉRATURE DES PROSCRITS 61
se tout leurs défeuseurs, ceux qui extorquent de l'argeut
au moyen de menaces.
Par son énuraération pi-olixe des crimes, délits et com-
plicités qu'il dénonce, ce document législatif ressemble
aux règlements de police affichés de nos jours sur les murs
de la ville de Londres. Il permet par là même de se repré-
senter la société anarcliique on le vagabondage, le bracon-
nage et la violence étaient encouragés et utilisés par les
grands seigneurs, favorisés par la corruption et les
craintes des petites gens et subis lâchement par les mar-
chands et les voyiigenrs. l^e Robin des Bois des poètes a
de même des alliés pai-mi les nobles dont le rapproche sa
naissance, et des protégés parmi les pauvres dont il par-
tage la vie misérable. Quant aux commerçants, il leur
accorde généreusement la vie sauve après avoir prélevé
sur leurs richesses le tribut dû à sa vaillance
Cette sympathie pour les bandits, représentés comme
des victimes des officiers royaux, soit évêques, soit
vicomtes (c'est l'équivalent français du titre anglais de
sheriffj, éclate dans le poème conservé au manuscrit Har-
ley 2251! du Musée britannique et publié par Thomas
Wright ; Le chant du proscrit de traillebaston ('). L'auteur
du poème, écrit sous forme de monologue en dialecte anglo-
normand, la langue usuelle de la noblesse anglaise à cette
é])oque, critique l'édit comme tyrannique. puisqu'il expose
aux rigueurs de la loi le gentilhomme coupable seulement
d'avoir infligé à son valet un châtiment bien méi'ité « d'une
buffe ou de deux ». Tout en exceptant de ses récrimina-
tions la personne royale, il appelle la malédiction divine
sur les auteurs de l'édit, qui d'après lui est fautif en plu-
sieurs points. En menaçant des gentilshommes de prison,
il fournit au vicomte (sheriff un prétexte pour leur extor-
quer une rançon. Aussi le poète veut-il se tenir sous les
joyeux ombrages, où la fausseté et la mauvaise foi sont
inconnues, au bois de Beauregard, où vole le geai, où le
rossignol chante tous les jours sans relâche Les iué(diaiits
(*) Tfœ Political Sonys of Englarxl fruni t/ie reiyn vf .lo/in la l/ial of
Edward II. Londres 1839. — Une édition anléricnrc, datée de 1818, est due
à Francis Cohen, nommé plus tard Sir Francis Palgrave. Ayant collalionm' le
texte de Wright avec le manuscrit, je l'ai U'ouvi- parfaitement tidtMe.
62 F. HAMEIJUS
vauriens l'ont accusé de brigandage, au point qu'il ne
trouve pas d'asile parmi ses amis. Quoiqu'il ait servi son
sire le roi en paix et en guerre, en Flandre, en Ecosse et
en Gascogne, il se trouve sans ressources et toutes ses
peines ont été en pure perte. Des menaces de vengeance
contre les « jureurs » et les cruels à qui il veut briser
l'échiné et la croupe, les bras et les jambes, témoignent de
l'humeur batailleuse du proscrit. Ils sont accusés de pous-
ser au crime : « car par crainte de prison, maint homme
se fera larron ». Aussi marchands et moines devraient
maudire les auteurs de l'édit; la protection royale ne sau-
rait les préserver d'avoir à livrer leurs deniers. Tous les
suspects sont invités à se joindre au proscrit au vert bois
de Beauregard, où il n'y a nul procès, sauf bêtes sauvages
et joyeux ombrages, car le droit coutumier est trop redou-
table. Mieux vaut vivre libre qu'être appelé devant les
juges et souffrir la prison sous la garde de l'évêque. Qui
n'est ])as assez riche pour acquitter sa rançon sera livré à
mort. Dieu seul peut protéger l'innocent poursuivi par
l'envie, qui n'ose retourner dans sa propre terre. Il
demande aux b<mnes gens de prier pour lui, car il n'est pas
homicide ni voleur de plein gré.
Le quatrain final seit d'envoi; sa tournure est ingé-
nieuse :
CesL i-yiii Just fet al bois desouz vn lorer.
Lachaunte merle, russinole, e crye l'esperuer.
Escrit estoit en parchemyn pur moût remembrer,
Ktgittô en haut chemyn, qe vm le dust trouer. (*)
l'el est, en abrégé, ce poème mêlé de convention litté-
raire et de ressentiments x)ersonnels, d'allusions politiques
et de tableaux de la nature. Dans son essence, c'est un
témoignage de la résistance des hommes de guerre, indis-
ciplinés et brutaux, aux lois protégeant contre leurs exac-
tions les marchands et les gens d'église. La profession de
fidélité au roi qu'ils ont servi à la guerre n'est qu'un
(M CeUc lime fui faite au bois, sous un laurier.
Là «liMiileul le uierlr- el Ui rossignol et crie l'épervier:
Rllo est ('Cille sui- parihemin pour mieux se retenir.
El jetée sur la ({rand'route pour (luon l'y puisse trouver.
I
LITTÉRATURK DKS PliOSCRlïS 63
masque transparent, où perce leur haine de l'ordre social
et de ses gardiens. L'évocation du vert bois de Beanre-
<;ard, avec ses ombrages riants, ses chants d'oiseaux et son
gibier sauvage, relève la vie du proscrit par son charme
poétique, mais sans l'empêcher de se comparer au sanglier
des forêts :
Que ore vueille vivre come pork merra sa vye.
Pour l'histoire littéraire, ce poème n'est pas moins
curieux que pour l'histoire sociale, car il annonce une
longue série d'œuvres, comprenant les ballades anglaises
en l'honneur de Robin Hood et de ses archers, datant des
xv« et XVI* siècles, des pièces de théâtre du règne d'Elisa-
betii et notamment la comédie de Shakespeare intitulée
(Jomme il uoiis j}lairn (écrite probablement en 1699) et
aboutissant à l'époque romantique à la glorification du
bandit et du proscrit. Il faut dater notre satire anglo-nor-
mande d'une époque proche de l'édit du 13 avril 1)^05,
puisque quatre des juges nommés dans l'édit y sont men-
tionnés et caractérisés. Dans ce cas, un siècle et demi la
sépare des plus anciennes ballades de Robin des Bois, celle
de Robin Hood et du Moine, celle de Robin et de Ganda-
leyn, conservées dans des manuscrits de 1450 environ.
Dans l'intervalle se place un autre poème de proscrit, le
conte de Gamelyn, qu'on s'accorde à placer vers 1350. Ce
conte s'écarte sur plus d'un point de la satire que nous
venons de résumer : sa forme est, non didactique ou
lyrique, mais narrative, sa langue est le moyen-anglais,
non l'anglo-normand, son accent est plus vulgaire, plus
grossier, moins influencé que la satire par la poésie cour-
toise. Mais le fond de sentiments et d'idées y est le même,
ou à peu près.
La vie vagabonde du braconnier au sein des bois n'y est
nullement idéalisée : le vieil Adam, le « despensier » ou
chef d'office de la noble famille de Gamelyn, jure par
Saint-Richier qu' a il vaut mieux porter les clefs qu'errer
au bois sauvage et y déchirer ses habits » (vers 621-62:2).
Les oiseaux n'y chantent pas, la verdure n'y réjouit pas le
cœur. Les plaisirs de la chasse n'y figurent pas davantage.
« Il faut bien aller au bois quand on ne peut rester en
f>A P. HAMKLUIS
villo », avoue le jeune Gamelyn en réponse à un question-
neur. « Si nous rencontrons un clievreuil, nous tirons des-
sus, comme gens affamés et sans nourriture, qui sont en
mauvais point sous les tilleuls des bocages » (v. (i72-676).
Nous voilà loin de la poésie foi'cstière des ballades de
Robin Hood et des scènes pastorales de Shakespeare.
En retour, la même haine pour les gens de justice rem-
plit le conte de Gamelyn el la satire de traillebastoii.
Juges, jurés et vicomtes, tous les officiers du i-oi y sont
battus et injuriés par Gamelyn, qu'ils ont lié, condamné
et tenu en prison. Dans l'épisode final, le proscrit s'installe
au banc du tribunal, fait comparaître vicomte, juges et
assesseurs, et oidonne de les pendre haut et court. Cette
rancune contre les serviteurs de la loi n'empêche du reste
pas la réconciliation entre le proscrit et son souverain : il
est admis à faire sa paix, il est même nommé « chef juge
de la franche forêt » pour le venger des avanies que lui ont
fait subir les gens de la loi. Un autre point où le conte de
Gamelyn concorde avec la satire de traillebaston est
l'aversion pour les gens d'église, et surtout pour les pi-é-
lats. Ils sont roués de coups et bafoués dans le conte, où
par des plaisanteries assez lourdes on ne leur laisse passer
la porte (pTaprès leur avoir administré le sacrement de
l'ordre et leur avoir donné l'absolution à coups de gour-
din (v. o33); l'on y i-ecommande aussi de ne pas verser le
sang des hommes de Sainte Eglise, mais de leur rompre
bras et jambes (v. ol(3-o24). Dans la satire de traillebaston,
c'est l'évèquc qui gaide dans ses cachots les proscrits pri-
sonniers (p. 234). Tous ces détenteurs de l'autorité judi-
ciaire sont du reste dépeints comme des fauteurs d'injus-
tice et des oppresseurs. Pai- leurs persécutions et leurs
voleries ils chassent dans les bois et réduisent à une vie de
rapine'des hommes de race noble, d'âme généreuse et de
cœur pieux, ({ui deviennent malgré eux larrons et meur-
triers, et qui n'ont d'autre désir que de se réconcilier avec
leur légitime souverain et de reprendre leur rang dans la
société féodale. I^e guerrier- anglo-normand du règne
d'Edouard I""" et d'Edouard II a toute raison de se sousti-aire
par la fuite aux duretés du droit coutumier, aux exactions
des vicomtes et aux prisons épiscopales; Gamelyn ne
LITTÉRATURE DES PROSCRITS 65
réclame que son héritage paternel, et n'est que trop accom-
modant envers son frère aîné tyrannique et rapace.
Les vertus distinctives des proscrits poétisés sont le
courage et la force physique. Dans le conte de Gamelyn et
dans les scènes de Shakespeare qui en sont tirées, le héros
n'atteint à ses fins que par la vigueur musculaire. Son
grand triomphe est une partie de lutte où il casse les côtes
à un champion insolent et orgueilleux, soudoyé pour le
supprimer. Vis-à-vis de la ruse, il reste naïf et désarmé.
Il incarne déjà le type conventionnel très britannique du
grand cœur simple et droit, servi par une volonté ferme
et une musculature puissante. Mais les critiques anglais
font fausse route en voulant y reconnaître une création de
la muse populaire ou un idéal démocratique. Sa confiance
en son courage et en son adresse procède de la tradition
militaire des féodaux, tout comme l'orgueil de sa naissance
noble. Ses sentiments et son genre de vie sont ceux d'un
aristocrate et d'un guerrier; on pourrait ajouter d'un
sportsman, si l'on ne craignait de verser dans le moder-
nisme.
Jamais les légendes de proscrits ne se sont départies de
leurs tendances nobiliaires et féodales : le bandit y est
jours bien né, habile aux armes de guerre et de chasse
(l'arc est son arme favorite dès la satire de traillebaston et
le restera). Il est vaillant et loyal, et ses victimes, mar-
chands et moines, n'ont guère lieu de se plaindre, car ils
ne sont dépouillés que de leur superflu et ils méritent les
coups par leur bassesse. Les œuvres poétiques consacrées
aux proscrits couvrent d'un voile discret leurs actes de
brigandage et se contentent de ridiculiser leurs trop riches
victimes. Le jeune héros Gamelyn pille avec ses amis la
cave et le garde-manger de son frère dénaturé, mais c'est
en légitimes représailles des extorsions et des injustices
qu'il a subies avec la complicité des légistes et des ecclé-
siastiques.
L'étude de toute cette vaste branche de la littérature
anglaise a été dominée par des préjugés qui en faussaient
les conclusions. Les ballades de Robin Hood, dont aucune
ne remonte au delà du xv^ siècle, ont été arbitrairement
attribuées à une antiquité reculée. En y cherchant l'ex-
66 p. HAMELIUS
pression de sentiments populaires, on a voulu y trouver
une protestation des anciens habitants germaniques, des-
cendants des Anglo-Saxons, contre la Conquête normande
et la tyrannie des nobles de langue fi-auçaise. Ces théories
aventureuses, inspirées par la passion nationaliste et
dépourvues de toute base documentaire, sont abandonnées
(le jour en jour. Vne savante américaine, M"^ Louise
Pound, vient de leur porter un Jiouveau coup dans un livre
récemment paru sous le titre : Poetic Origine and the
Ballads (1921), oui elle démontre l'influence de la poésie
religieuse sui- les ballades séculières. Malgré la sûreté de
sa méthode, nous cro3'ons que certains aspects de la ques-
tion lui ont échappé et qu'il est possible de pousser plus
avant l'étude des sources de la légende de Robin Hood.
Qu'il nous suffise, pour aujourd'hui, d'avoir [)récisé les
relations entre le Chaut du proscrit de traillebaston et le
conte de Gamelyn.
Si nos conclusions sont coi'rectes, nous goûterons peut-
être un peu mieux la poésie bocagère de la Forêt d'Ar-
denne, dont la fraîcheur et le charme font|aimer la comédie
sentimentale Comme il vous plaini, de Shakespeare, la
robuste naïveté de son héros Orhindo, le vainqueur de la
lutte, ses scènes de chasse et son tableau des joies du
forestier. Xous y trouverous un écho éloigné du poème de
traillebaston, de son éloge du vert bois, de ses cliants
d'oiseau, dans la chanson qui flatte la mélancolie de
Jacques, le banni pensif et délicat :
Under the greenwood tree
Who loves to lie with ine
And turn his merry note
Unto tlie sweet bird's tliroat.
Corne hither, corne hither, conie liitlier,
Hère shall he see uo enemy,
But Winter and rough weather.
Quant aux romantiques français, ils ont connu tout
d'abord Robin des Bois par VIvanhoé de Walter Scott
(ISIÎI) et par un roman de Thomas Love Peacock. intitulé
Muid Marian (1822), traduit en français i)ar M""^ Daring,
sous le titre de Robin Hood ou la Foret de Shermood,
roman historique (1826). Un autre livre témoignant de
67 LITTÉRATURE DES PROSCRITS
l'enthousiasme qu'excitait sous la Restauration la littéra-
ture des proscrits est un recueil des ballades imprimé à
Paris en langue anglaise chez Renouard fl82o). La préface
en estsignée par un publiciste d'origine allemande, Loève-
Veimars. En 1830, Victor Hugo fit retentir au Théâtre
Français le cor de chasse d'Hernani, écho des sonneries
des forêts de Sherwood et de Nottingham, et mit sur les
planches son proscrit espagnol, couvert du froc de moine
dont s'étaient affublés les archers, compagnons du proscrit
anglais.
Paul Hamklius.
Les limites chronologiques
du moyen âge
Ce n'est pas sans de bonnes raisons que Godefroid
Knrth écrivait naguère ces lignes : « A proprement j)arler,
il n'y a pas de moyen âge. Ce nom provisoire, que les dic-
tionnaires de l'avenir ne connaîtront pas, ne désigne en
réalité que la jeunesse du monde moderne (^) ». Mais enfin,
depuis le xvii^ siècle (2), le terme est admis, universelle-
ment employé par les historiens. Comme cette autie
expression discutable : art i>-()thi(jue, l'usage l'a consacré.
Nous ne nous proposons [pas de discuter une nouvelle
fois la valeur de ces deux mots conventionnels, mais d'ap-
précier les divers systèmes qui déterminent les bornes du
moyen âge. En ces dernières années, en effet, on a clier-
clié, çà et là, à modifier les traditions qui les ont depuis
longtemps fixées : « Sous prétexte que le champ de l'his-
toire s'agrandit sans cesse et que les époques les plus rap-
(i) Qu'est-ce que levioyen àqe! p. .'îS.
(2) Dès 1639, le Liégeois Rausin écrit dans son ouvrage Leodium : « Qui
Iniquis (lomiiiiuni ferunt oculis, prjeter alla fabulantur in quibusdam inedii
etiani aevi instrunientis magislraluin Leodiensem, ele. » ; l'iiistorien alleniaud
G. Horn, dans son Arca Noe (1B(j6) donne le nom de médium aevum à la
période ([ui s'étend de 300 à loOO. après quoi commence Vliisloria nova
<]hristophe Keller (Cellarius). dans ses manuels qui eurent en Allemagne un
grand succès, adopte cette innovation. Voyez son Nuileus histonae (1()76) et
surtout son Itistoria viedii aevi a temporilius Constanlini luaf/ni ad Constan-
Hnopolim a Turcis ca.utam (l'*" éd. 1()88; "2'' éd. 1()98).
70 L. LECLÈRE
prochées de nous ont droit dans l'enseignement à une place
légitime, on voudrait élargir démesurément les limites du
moyen âge (*) ».
Pendant longtemps — et cette manière de marquer le
début et la fin de cette époque est loin d'être abandonnée
— on fut d'accord pour adopter comme date initiale 476,
l'année de la disparition de l'Empire d'Occident par la
déposition de Romulus Augustulc et par le passage de
l'Italie sous la domination d'Odoacre; et comme date
finale 14r)3, le moment où fut effacé de la carte le dernier
vestige de l'Empire d'Orient par l'entrée à Constantinople
des Turcs de Mohammed II.
On a proposé ensuite de déplacer — de peu — ces deux
termes, de faire commencer le moyen âge en 395, lorsque
Tliéodose mourant confia l'Occident et l'Orient à ses fils
Honorius et Arcadius; et de le clore en 1492, l'année pen-
dant laquelle Colomb découvrit la première terre dépen-
dant du nouveau Continent (*).
D'aucuns ont, depuis lors, émis l'opinion qu'il convien-
drait de pousser jusqu'à 1517, jusqu'au joui' où Martin
Luther afficha, à Wittenberg, les propositions doù allait
sortir la Réforme protestante.
Plus récemment, on a voulu aller plus loin encore dans
le xvi*= siècle, en reversant, il est vrai, au crédit de l'anti-
quité une partie du v^. A partir de 1904, les candidats à
l'agrégation d'histoire (en France) eurent, entre autres
épreuves, à rédiger une composition sur « la période com-
prise entre 476 et 1559», l'année du traité du Câteau-
Cambrésis. En 1912, par exemple, les futurs agrégés
d'histoire ont dû, par application de cette règle, étudier
notamment les questions d'histoire du moyen âge portées
au programme du concours : l'Italie de 1400 à 1559 (^).
(') L. Bréhikk, liei'iie internai ionalc de renseiqnemenl, 13 décembre I90il,
p. 524.
("•) (l'est, |>ar cxciiiplc, ce syslcine (|ui ;i (''lé iidoitlc |i:ii' Lavissk iM UAMBAun,
dans leur Hisfoirp f/f'nrrale, I. I-III.
(3) Il est vrai que le pioj^raiiime de la licenee es lettres acceptait, presque
simultanément (l!>07), les dates 3!t.")-Hît2 comme limites du moyen Àgo. Cette
contradiction avait, stolon la juste remarque de Cli. V. Langlois, « (|uelque
chose de comique » {Hcme 'mlernationalc de l'enseiqnement, V.\ mars 1909,
P. 235).
LIMITES DU MOYEN AGE 71
Presque en même temps, en considérant d'ailleurs l'évo-
lution des idées et non pas l'histoire politique, M. François
Picavet, le savant commentateur des pliilosopliies médié-
vales, que la Sorbonne et ses amis ont eu la douleur de
voir disparaître il y a quelques mois, s'exprimait ainsi
en 1905 : (c II faut reculer les limites entre lesquelles on
enferme, à d'autres points de vue, la civilisation médié-
vale, puisque les conceptions tliéologiques relatives à Dieu
et à notre union présente ou future avec lui prédominent
au premier siècle de l'ère chrétienne chez les partisans
de l'hellénisme comme chez les chrétiens et les juifs;
puisqu'elles persistent, avec une force égale, jusqu'au
xvn*' siècle, jusqu'à l'Edit de Nantes et au traité de Ver-
vins, jusqu'à l'apparition des travaux de Galilée, de Bacon,
de Harvey et de Descartes (^). D'après ce système, le moyen
âge commencerait au i"^' siècle de l'ère chrétienne et non
au v^; il s'achèverait ou plutôt, selon l'expression de
M. Picavet, « il laisserait une place de plus en plus grande
à la civilisation moderne » au xvii* siècle, et non au xv*
ou au xvi*'.
Que valent ces diverses mesures chronologiques? Notons
tout d'abord que si l'emploi des années 395 ou 476, 1453
ou 1492, pour désigner l'aube ou le crépuscule du moyen
âge, est commode pour l'enseignement comme pour la
rédaction des programmes et des manuels, leur précision
même leur enlève toute valeur scientifique. La succession
des événements historiques ne se découpe pas en tranches
aussi nettement séparées. Au point de jonction des
grandes périodes du passé, il y a des siècles mixtes. Cer-
tains caractères du moyen âge ont apparu avant 476, même
vivant 395; certains autres n'ont pas brusquement disparu
«n 1453 ou 1492. Inversement, les institutions antiques ne
se sont pas soudainement éclipsées après la mort de Théo-
dose ou l'avènement d'Odoacre; et à beaucoup de points
(*) Esquisse d'une histoire gencrnie el composée des philosophies médiévales,
[I. vi-vii. M. Picavet avait déjà lait ceUe proposition dans nne étude de 1901 :
Le moyen âge, limites chronologiques. Il la reprit en 1913 dans ses reinar-
<iaables Essais sur l' histoire des religions et des philosophies médiévales (p. 17).
72 L. LECLÈRE
de vue l'ère moderne s'est ouverte avant la découverte de
l'Amérique et môme avant la prise de Constantinople pai-
les Tui'cs.
Cette remarque préalable étant faite, examinons les-
quelles des dates que nous avons mentionnées sont les plus
conformes à la réalité historique, lesquelles évoquent des
événements assez nombreux et assez caractéristiques pour
servir d'introduction et de conclusion à une grande époque
du passé.
47H? Les faits qui se sont produits cette année-là, à
Rome, nous paraissent, vus de très loin, fort importants.
L'oiU-ils été aux yeux des contemporains? On en peut dou-
ter. Depuis trois quarts de siècle l'Empire d'Occident avait
perdu toute force effective; d'autre part, il allait encore
exercer pendant longtemps une grande influence politique
et sociale. D'ailleurs, il subsistait toujours en Orient; et
l'on peut même dire que l'acte de violence d'Odoacre, en
supprimant la dignité impériale à l'ouest de l'Adriatique,
rendait à l'Empereur byzantin la souveraineté sur l'Occi-
dent et rétablissait l'unité de l'Empire rompue en 395.
Ce n'est pas le règne si court de Rounilus Augustule,
c'est bien plutôt le gouvernement et la mort de Théodose
qui doivent servir de limite initiale au moyen âge. C'est
en 395, en effet, que se séparèrent l'Occident et l'Orient,
fait cai)ital dont les conséquences se manifestent encore,
même dans l'histoire la plus contemporaine de l'Europe.
Que sont, par exemple, les incidents de Fiume, les ques-
tions dalmate ou albanaise, sinon de récents épisodes de
la lutte pour la maîtrise de l'Adriatique entre les peuples
riverains de cette mer. Italiens ai)partenant au catholi-
cisme romain. Grecs ou Slaves dépendant du christianisme
oriental? La scission de 395 est d'autant plus remarquable
qu'elle a suivi de près l'érection du christianisme au rang
de religion d'Etat (353), les mesures de Théodose contre le
polythéisme agonisant, le passage du Danube par les Visi-
goths (376). Et n'est-ce pas précisément l'action combinée
des Germains et du christianisme qui, en détruisant l'em-
pire d'Honorius, ouvrit un âge nouveau? S'il faut donc
choisir entre ces deux années, 476 et 395, il ne peut pas y
avoir de doute, c'est la deuxième qui est la plus aisée à jus-
LIMITES DU MOYEN AGE 73
tifier; car si l'on peut dire que nous sommes toujours à un
« tournant de l'histoire », il est certain que la courbe du
chemin s'est particulièrement accentuée à la fin du
IV'' siècle. En 476, au contraire, le triomphe du christia-
nisme était assuré, les grandes invasions presque ter-
minées.
Pas plus que 476 pour le début du moyen âge, lUVA ne
nous paraît fournir une ligne de démarcation acceptable
pour en marquer le terme final. Sans doute, en cette année
se sont succédé deux événements considérables : la prise
de Constantinople, la fin de la guerre de Cent ans. Il faut
toutefois éviter d'exagérer l'importance de ces faits. Le
second n'a de valeur que pour l'Europe occidentale. Quant
au premier, gardons-nous d'y v(nr une coupure nette entre
le moyen âge et les temps modei-nes. C'est la Renaissance
et la constitution de fortes monarchies en Espagne, en
France, en Angleterre, c'est l'imprimerie et la Réfoime,
c'est Colomb et Vasco de Gama qui caractérisent les débuts
de l'ère moderne. Sur ces grandes nouveautés l'assaut du
29 mai 1453 n'a pas eu d'influence directe et sensible. L'ap-
proche et la victoire des Turcs ont sans doute chassé de
Constantinople des lettrés, des savants, des artistes qui,
en s'établissant en Italie, ont contribué à accélérer le mou-
vement de la Renaissance ; mais celui-ci avait commencé
avant leur arrivée dans la péninsule.
C'est pour ces raisons qu'il faut donner la préférence
à 1492. Cette année-là. la Renaissance a pris tout son
essor; les caravelles de Colomb ciaglent vers l'Ouest; les
Portugais s'avancent vers le cap des Tempêtes; Louis XI.
Henri VII, les rois catholiques d'Espagne ont achevé ou
poursuivent leur besogne centralisatrice; les guerres d'Ita-
lie se préparent. C'est bien là, comme aux environs de o95,
un des k tournants » de l'histoire européenne.
Mais n'allons pas plus loin, sous prétexte de logique; et
parce que la Réforme, la Renaissance, les grandes décou-
vertes et les progrès de l'absolutisme royal sont des phé-
nomènes qu'il est malaisé de dissocier, ne datons pas
de 1317 le commencement de l'âge moderne. Ce choix aurait
en effet pour conséquence, au moins bizarre, défaire de la
Renaissance et de la révolution économique, de Léonard
/4 L. LECLE'.^E
de Vinci et de Vasco de Gaina des événements ou des per-
sonnages médiévaux! .1 fortiori, fant-il rejeter la date
de ISoO, alors que déjà s'obscurcit l'éclat de la Renaissance
et que le Concile de Trente finit d'édifier l'œuvi'e de la
Contre- Réforme. Il serait extravagant de caser parmi les
questions d'histoire du moyen âge la Réforme et les
guerres européennes du xvi« siècle. « Je souhaiterais fort,
pour la beauté de la chose, écrit M. Hauser, qu'on donnât
un de ces jours à l'agrégation le sujet suivant : « Conq)o-
« sition d'histoire du moyen âge * la Renaissance. »
O Michelet! qu'en dirait votre grande âme? Et que devien-
drait votre admirable introduction?.. On fera difficilement
admetti'e à des historiens que la Renaissance fait partie
du moyen âge (^). )) Et « on ne fera jamais croire à per-
sonne, sauf à un candidat à l'agi'égation, que Luther ou
Charles-Quint sont des gens du moyen âge (^) )>. D'ailleurs
le système : 476-'15o9 ne pèche pas seulement par l'emploi de
la seconde date, mais aussi par l'usage de la première dont
la valeur est médiocre.
Quant â la thèse de M. Picavet, sa valeur est incontes-
table. La pensée chrétienne déborde à coup sûr des deux
côtés le moyen âge proprement dit, avant le v*" et après le
xV siècle (■'). Mais l'extension proposée par l'auteur des
Philosophies mcdiévidcs. parfaitement justifiée à condition
qu'elle se renferme dans le domaine des idées, ne peut pas
s'appliquer à l'étude des transformatio7is politiques. S'il
en était autrement, on en viendrait, de proche en proche,
â allonger indéfiniment l'époque médiévale, à l'étendre
<rune part jusqu'au jour où apparaît la première ébauche
des conceptions du moyen âge, et d'autre part jusqu'au
jour où a disparu — s'il a disparu — le dci-nier souvenir
(') Revue înlernalionale (If renseignement, io niais li)()!l, \\ . "l'-MS.
(2) Revue hi.stori(i?ie, CX», p. -235 (1913).
"(■^) L. ItRKiiiEK (toc. cit., p. o20) rilc, à l'appui de l.i llicse de M. l*icav«!l, un
oxenipift iult'rcssant : « Kn rUidiant la série <les loininenlateur.s d'Aristole,
/'dites par rAeadémie df Kcilin, M. Praccliter a sijçnali' nue vérilable eoupure
onlre Alexandre d'Aphiodisias (l!)«-:211) et Poi-phjre (233-30.')). Le |)rcmier
^arde eiifiti'e sf>ii indépi'ndance et adopte parfois des solutions o|)posées à
<"elies de, son maître; le sccnud (•(uniiuMice la série des commenlateurs pru-
dents qui se pri'oecupent seulement de rendre la logique arislolclicienne
iiilelligilile. Il a déjà l'espril de la scolastique. »
LIMITES DU MOYEN AGE 75
de ce temps. On aboutirait ainsi à des conséquences pro-
prement absurdes
Il est au surplus une raison d'un autre ordre que celui
des événements i^olitiques qui justifie le choix de 395 et
de 149!2, une raison meilleure peut-êti-e que les autres aux
yeux des historiens, toujours disposés à discuter de l'im-
portance relative des faits qu'ils étudient. Le moyen âge
ne doit pas seulement l'originalité de sa physionomie à
certaines institutions, à certaines croyances, à certaines
formes artistiques et littéraires ; il la doit aussi à ce lait
que les sources de son histoire ont un caractère particu-
lier, qu'elles exigent, pour être utilement employées, des
études déterminées. Pour décrire l'antiquité, les érudits se
servent des inscriptions, des papyrus, des monuments, des
œuvres littéraires; et ils doivent au préalable être initiés
à certaines sciences auxiliaires : papyrologie, archéologie,
épigraphie et paléographie grecques et latines. Les médié-
vistes doivent surtout consulter des chartes, des diplômes,
des annales, des chroniques; et les sciences auxiliaires
dont la maîtrise leur est nécessaire sont, pour une partie
au moins, spéciales à leurs études : paléographie des textes
en langues vulgaires, chronologie chrétienne, diploma-
tique— Or, à quel moment le premier groupe de sources
a-t-il, dans l'ensemble, cédé la place au second? Précisé-
ment vers 400, et dans le cours du V^ siècle. D'autre part,
les historiens modernistes ont à leur disposition, outre des
manuscrits, des documents imprimés; de plus, manu-
scrites ou imprimées, ces sources sont surtout des rapports,
des correspondances d'hommes d'Etat, d'ambassadeurs, et
non plus des textes hagiographiques, des chroniques, des
annales, des chartes. Pour recueillir et utiliser ces docu-
ments d'une nouvelle espèce, l'emploi de techniques nou-
velles aussi est indispensable. A partir de quel instant
s'est produite cette transformation? .1 la fin du XV' siècle.
Aug. Molinier, arrêtant à la veille des guerres d'Italie
ses travaux sur les sources de l'histoire du moyen âge,
a pu écrire : « Au changement de politique répond un
changement dans la nature des sources ('). » L'axiome
(*) Les sources de l'histoire de France, I. V, p. I.
7f) L. I.ECLÈRE
n'est pas moins vrai pour le début que pour la lin du
moyen âge.
*
* *
Concluons. Soit que l'on tienne compte de l'importance
et du caractère des événements, soit que l'on considère le
caractère des sources employées par les historiens, c'est
bien vers 400 et vers 1500 qu'on peut convenablement pla-
cer le point initial et le point final de l'époque qui a reçu,
depuis deux siècles et demi, le nom de moyen âge. Ne pré-
cisons pas davantage, ne choisissons pas telle année plutôt
que telle autre. Ce procédé scolaire risque d'induire en
erreur en faisant croire à l'existence de coupures tran-
chées. Ili.storiii non fecit snltiis. Bornons-nous donc, sans
plus, à admettre qu'on doit raisonnablement mener jusqu'à
la fin du iV siècle, et pas au delà, l'étude des tem})s
antiques; et qu'on doit faire commencei" celle des temps
niodernes dans les dernières années du xv*^ siècle, et pas
plus pjès de nous.
Cette conclusion n'a rien de révolutionnaire puisque ce
n)odc de répai'tition chronologique est assez généralement
admis. Nous avons pensé toutefois qu'il pouvait être utile
d'en montrer une fois de plus la valeur, en présence des
essais tentés çà et là pour lui apporter des modifications
parfois assez sensibles et toujours des plus contestables.
L. Leci.èke.
Mahomet et Charlemagne
Cl)
La fin du viii« siècle de notre ère a vu se réaliser dans
l'Europe Occidentale un état de choses sans précédent.
Pour la première fois depuis l'aurore des temps histo-
riques, le foyer, non seulement du mouvement politique,
mais du mouvement général de la civilisation, s'y est trans-
porté du bassin de la Méditerranée dans celui de la mer
du Nord. Le pivot de l'Empire romain était en Italie;
celui de l'Empire carolingien est situé dans la région
comprise entre le Rhin et la Seine. Les Morins qui, durant
tant de siècles, perdus à l'extrême pointe septentrionale du
moude civilisé, avaient passé pour les extreini hominiim,
occupent désormais une situation centrale, ei c'est Eome
qui se trouve maintenant reléguée et comme jetée en flèche
à la frontière de l'Europe nouvelle.
On n'apeut-être pas suffisamment réfléchi à l'importance
de cette transformation. Y étant accoutumés depuis un
millier d'années, nous ne nous avisons pas suffisamment
de ce qu'elle présente d'extraordinaire et presque de
monstrueux ou du moins d'anormal. Jusqu'alors, en effet,
la civilisation européenne s'est élaborée aux bords de la
Méditerranée par le travail successif ou simultané de
l'Egypte, de la Syrie, de la Phénicie, de la Grèce et de
Rome. Celle-ci, la dernière ouvrière de l'œuvre admirable,
(') Les pages suivanles exposeiil dune manière évideimiieul Jjeaucoii|) Irop
.sonimaire une idée qui a paru intéressante à des historiens auxquels j'ai eu
l'occasion de la faire connaître. 11 m'est impossible de lui donner ici les
développements (ju'ello comporte. Je me swis borné à en marquer les traits
principavix et surtoul à déterminer ciaircmoni le point de vne d"on elle
apparaît.
78 H. PIRENNE '
a réuni eu un seul Etat tous les peuples dont elle était
l'héritière. L'Empire fondé par elle, les comprenant tous,
est donc un Emi-ire essentiellement méditei-ranéen {^). Son
unité géographique frappe au premier coup d'oeil. Elle
fait sa force et lui communique une incomparable beauté.
Ses provinces se groui)ent autour de la mer comme les
parterres d'un grand parc autour d'un bassin. Au lieu de
les séparer elle les rapproche en les unissant les unes aux
autres par une navigation rapide et facile. C'est par elle
que s'échangent les produits des climats si divers, mais
également fertiles, de ce monde privilégié. Elle joint
l'Europe à l'Asie et à l'Afrique, ou plutôt on n'aperc^oit
pas alors entre l'Asie, l'Europe et l'Afrique cette opposi-
tion à laquelle nous sommes depuis si longtemps habitués.
L'Or^/.s- Roinaniis les a liées indissolublement ensemble
dans la communauté d'une même civilisation.
Kt cette civilisation, c'est dans les régions orientales
de la Méditerranée qui en ont été le berceau, qu'elle se
développe jusqu'au bout avec le plus de vigueur. Rome
n'en est guère que le centre politique et le gurant. Grâce
à elle. Antioche. Smyrne, Alexandrie et plus tard Cons-
tantinople peuvent communiquer en paix à l'Occident
leurs industries, leurs philosophies et leurs religions.
Qu'il suffise de rappeler ici la diffusion des cultes orientaux
et du christianisme
Or, c'est tout cela, c'est cet équilibre millénaire de notre
Europe qui se rompt, non point momentanément, mais
pour toujours, l()rsqu'ap[)araît l'Empire carolingien. On
dirait qu'un cataclysme a brusquement déplacé l'axe du
monde. Depuis soixante siècles, il se trouvait au sud du
continent, et le voilà fixé au nord. Des pays et des peuples
qui depuis toujours avaient été confinés dans la barbarie
ou qui en sortaient à peine, se trouvent appelés tout à coup
au premier rang. L'Orient et l'Occident sont séparés l'un
de l'autre. La navigation méditerranéenne n'atteint plus
les livagcs de la Gaule, et sa disparition y entraîne celle du
à
l'j il Oht sans (loulc iiuililc de luire reuiurquer que l'Empire ii':i élciulii
au nord sa froiilière jusqu'au tUiiii (|ue pour protéger, coniiiie pai uu glacis,
le liassjii (le la .Médilerraiiee.
MAHOMET ET CHAHLEMAGNE 7&
commerce et de l'industrie. Les villes, dont elle entretenait
l'activité, se dépeuplent et tombent en raines. A l'économie
urbaine se substitue une économie rurale sans débouchés.
Bref, dans tous les domaines s'accomplit un renversement
complet de l'ordre traditionnel. En sortant de la commu-
nauté méditerranéenne, l'Europe occidentale, c'est-à-dire
l'Europe carolingienne, se constitue en un monde distinct.
Qu'on l'observe du point de vue politique, du point de vue
religieux ou du point de vue économique, c'est partout le
même spectacle. L'Empire franc s'oppose à l'Empire
byzantin, l'Eglise latine à l'Eglise grecque, les grands
domaines et les seigneuries féodales aux cités manufac-
turières et au gouvernement bur(ïaucratique des teri-itoires
régis par Constant iiiople.
Comment expliquer un phénomène d'une portée si vaste
qu'il a déterminé le cours de la civilisation européenne?
La question vaut la peine d'être posée, car il semble que
les historiens aient négligé non seulement d'y répondre^
mais même de remarquer qu'elle existait. Oubli étrange,,
à première vue, mais qui pourtant se compiend sans peine.
Il convient, ce semble, d'en chercher la raison dans l'habi-
tude invétérée que nous avons prise de considérer en soi
et pour ainsi dire comme des quantités incommensurables
l'antiquité et le moyen âge (*). On dirait qu'enti-e celui-ci
et celle-là se creuse un abîme infranchissable. Du moins
personne ne se i-isque-t-il à le franchir. Les historiens de
l'antiquité s'arrêtent sui" l'un de ses bords comme les
médiévistes le font sur l'autre. Ni les premiers ne cher-
chent à descendre plus bas, ni les seconds à remonter plus
haut. Il en résulte qu'ils ne se rencontrent nulle part et
qu'il existe entre leurs positions une soi'te de no nian's
land. Chaque équipe de travailleurs étudie son sujet
comme s'il constituait un bloc autonome. Ils l'examinent,
non de l'extérieui-, mais du dedans, et il est clair qu'en
(ij Remaniuei' (juc |)ies(juc luiitcs les liisloinis dites générales ou univer-
selles commencent à la lin de lantiiiuilc. 11 laudrail. si l'on voulait traiter la
question dans tous ses développements, signaler que la conception philolo-
gique (jui réserve aux philologues l'élude de l'antiiiuité' a largcniciil cniilrihué
à la situation signalée ici.
S(^ H. PIRENNE
procédant ainsi ils n'en obtiennent qu'une vue incomplète
et déformée. Du point où ils se placent l'horizon qu'ils
découvrent est trop étroit; leur regard ne peut suivre le
prolongement de ses lignes dans le lointain.
Il faut bien reconnaître que les divisions que nous
imposons à l'histoire, en vertu de nécessités d'exposition
ou de recherches, ne répondent point à la réalité. Ce sont
des étiquettes commodes, des manières de parler aux-
quelles il convient de n'attribuer aucune précision scien-
tifique. Il en va d'elles comme des expressions par quoi
nous désignons les phases de notre existence. Qui songe
à attribuer quelque rigueur aux termes d'enfance, de
jeunesse, d'âge mûr et de vieillesse ? Entre la naissance et
la mort, notre vie n'est qu'une série de transformations
dont aucune ne commence ni ne s'achève à date fixe. Et ce
qui est vrai d'elle l'est bien plus encore de la vie de la
société. Sa continuité ne se ré^Jartit pas en compartiments
et, pas plus que le courant d'un fleuve, elle ne supporte de
cloisons étanches. L'antiquité ne finit pas, elle se piolonge,
à travers quantité de nuances et de dégradations, dans le
moyen âge, comme le moyen âge se prolonge lui-même
dans les temps modernes. Et du point de vue proprement
historique, ce sont justement les périodes intermédiaires,
les périodes de transition qui s'imposent surtout à l'atten-
tion, parce que c'est en elles que peuvent le mieux s'obser-
ver les changements sociaux qui forment l'objet même de
l'histoire.
Si cela est vrai, il en résulte que les médiévistes, en
abordant l'étude de l'Empire carolingien comme ils le font,
posent mal le problème à résoudre. Etant médiévistes, ils
l'envisagent uniquement du côté ou, si l'on veut, en fonction
du moyen âge, ils s'abstiennent de le regarder du côté de
l'antiquité Mais dès lors ils ne tiennent compte que d'une
partie des éléments de la question, et partant leur solution
n'y est pas adéquate. A leurs yeux, le peuple franc, dès la
<',ouquête de la Gaule pai- Clovis, a déternnné l'avenir de
l'Europe. Ils voient dans le royaume mérovingien le point
<le départ et la condition essentielle de l'œuvre cai-olin-
gienne. Kn conséquence, ils attribuent aux (lermains une
importance capitale. Ce n'est pas seulement l'école aile-
MAHOMET ET CHARLEMAGNE 81
mande qui salue en eux les fondateurs du monde nouveau
établi sur les ruines du monde antique.
Et je veux bien que tout cela soit exact, mais il ne l'est
que dans une certaine mesure. Il est évident que Clovis
prépare Charlemagne, et il ne l'est pas moins que les
institutions germaniques ont exercé une action profonde
sur les institutions de l'Europe médiévale. Mais il est
indispensable de savoir s'il devait nécessairement en être
ainsi, ou, en d'autres termes, il importe de se demander
si l'influence de Clovis et des Germains s'est imposée en
vertu de sa vigueur propre ou tout simplement en vertu
des circonstances. Et que l'on ne croie point qu'il s'agisse
ici de se livrer au jeu puéril de reconstruire l'histoire
autrement qu'elle n'a été. Il s'agit — ce qui est bien diffé-
rent — d'apprécier à leur valeur réelle les forces qui ont
agi sur son développement. La question n'implique rien
de moins que le jugement à porter sur les causes qui ont
provoqué en Europe ce renversement d'équilibre dont je
parlais plus haut. Il ne paraît pas qu'il y en ait de plus
essentielle à une appréciation scientifique de ce que l'on
est convenu d'aj^peler le moyen âge.
Si, au lieu de se renfermer dans l'étude de Clovis et des
Francs, on jette un coup d'œil d'ensemble sur la dissolution
du monde romain au v® siècle, et si, surtout, on y observe le
cours des événements, non pas au point de vue de l'Europe
qui sera, mais au point de vue de l'Europe qui est encore,
c'est à-dire non pas en portant le regard vers le nord, mais
en le portant vers la Méditerranée, le spectacle que l'on
découvre est bien différent de celui avec lequel nous
sommes familiarisés. Ce que nous avons coutume de consi-
dérer comme essentiel se révèle tout de suite comme
accessoire. La Gaule mérovingienne, au lieu de concentrer
sur elle l'intérêt, n'apparaît que comme une puissance
secondaire jouant un rôle assez effacé. On est surpris de
constater que, malgré l'effondrement de l'Empire romain
en Occident, la Méditerranée ne cesse pas de constituer le
foyer de la vie historiqite. Son attraction s'impose irré-
sistiblement aux barbares. Dès qu'ils ont franchi le Rhin
ou le Danube, c'est vers elle qu'ils se dirigent, impatients
de s'établir sur ses rivages et de jouir de sa beauté. Dans
0"-i H. PIRENNE
le courant du v* siècle, les Vandales s'installent en Afrique,
les Wisigoths en Aquitaine et en Espagne, les Burgondes
dans la vallée du Rhône, les Ostrogotlis en Italie. Les
Francs, qui se sont laissés devancer dans cette course* au
Midi, ne font pas exception à la règle générale. Clovis a
tenté de conquérir la Provence et il a fallu que Théodoric
intervint pour l'empèclier de pousser les frontières de son
royaume jusqu'à la Cote d'Azur. Mais ce premier insuccès
ne devait pas décourager ses successeurs. Un quart de
siècle plus tard, en 536, ils profiteront de l'offensive de
Justinien contre les Ostrogotlis pour se faire céder par
Vitigès la région convoitée, et l'on n'a pas assez remarqué
que, depuis lors, la dynastie mérovingienne tend inlassa-
blement à devenir, à son tour, une puissance méditer-
ranéenne. En o42, Cliildebert et Clotaire risquent une
expédition, d'ailleurs malheureuse, au delà des Pyrénées.
L'Italie surtout attire la convoitise des rois francs. Ils
s'allient aux Byzantins en guerre avec les Ostrogotlis puis
avec les Lombards, dans l'espérance de i^rendre pied au
sud des Alpes. Constamment déçus, ils s'obstinent néan-
moins à pousser leur pointe vers la mer bleue. Déjà, en 53.',
Theudebert a fi-anchi les Alpes, et lorsque Narsès, en 553,
aura reconquis les territoires qu'il avait annexés, de
nombreux efforts seront faits en 584-585 et de 588 à 5'JO
pour s'en emparer de nouveau.
On peut donc affirmer que l'invasion germanique n'a
pas mis fin à l'importance historique de la Méditerranée.
Elle reste pour les Germains ce qu'elle était avant eux, le
centre même de l'Europe, le marc nostruni. L'Italie con-
tinue même d'y jouer le rôle principal. (J'est parce qu'il
l'occupe que Théodoric (493-5i26) exerce sur les Etats
barbares une hégémonie à laquelle Clovis ne cherche pas
plus à se soustraire qu'aucun autre de ses contemporains.
L'équilibre traditionnel est encore tellement puissant que,
Théodoric disparu, Justinien (527-505) peut concevoir et
[)resque entièrement achever la reconstitution de l'Empire
romain. L'Afrique, l'Espagne, l'Italie sont reconquises;
la Méditerranée ledevient un lac romain. Byzauce, il est
vrai, épuisée pai- l'immense effort qu'elle vient de fournir,
ne peut ni parfaire ni même maintenir cette restauration
MAHOMKT ET CHAKLEMACNE 83
du monde antique. Mais si les Lombards lui enlèvent une
partie de l'Italie (568), si les Wisigoths s'affranchissent de
son joug, elle n'abandonne point ses prétentions, et la
lutte qu'elle soutient contre ses ennemis et d'où dépend à
ce- moment le sort de rEiiroi)e, pi'ouve bien que celui-ci
ne cesse pas de se jouer autour de la Méditerranée.
Ce qui est vrai du mouvement politique ne l'est pas
moins, s'il ne l'est davantage encore, de la civilisation.
Faut-il rappeler que Boëce (480-525) et Cassiodore (477-
c. 502) sont Italiens comme saint Benoit (480-543) et comme
Grégoire le Grand (590 604), et qu'Isidore de Séville
(570-636) est Espagnol? C'est l'Italie qui conserve les
dernières écoles en même temps qu'elle lépand le mona-
cliisme au nord des Alpes et qu'elle poi-te le christianisme
aux Anglo-Saxons (596). C'est chez elle que se rencontre
à la fois ce qui subsiste encore de la culture antique et ce
qui s'enfante de nouveau au sein de l'Eglise. Et pour
achever de montrer combien la physionomie de l'Europe
après les invasions germaniques reste conforme, dans ses
traits essentiels, à la physionomie de l'Europe romaine,
constatons enfin que, jusqu'au milieu du vu'' siècle, l'Occi-
dent demeure, ^-râce à la navigation méditerranéenne, sous
l'influence économique de l'Orient. De Byzance, d'Asie
Mineure et d'Egypte des maichands juifs, mais surtout
des marchands syriens continuent à l'approvisionner
d'objets de luxe, d'étoffes précieuses, de vins fins. Par
leur intermédiaire, il reçoit l'or nécessaire à la frappe de
ses monnaies et le j^apyrus dont se servent les copistes ou
les clercs de chancellerie.
Cependant la Gaule mérovingienne se débat dans une
effroyable décadence. L'Etat fondé par la conquête de
Clovis tombe bientôt en décomposition. Ce qui subsistait
encore de la civilisation romaine s'y dissout avec une
rapidité surprenante. La barbarie y domine partout, dans
la vie politique, dans la vie sociale, dans la morale privée.
Les faits donnent le démenti le plus tragique au thème
convenu de l'invasion germanique i-ajeunissant et vivifiant
par un afflux de forces fraîches la décrépitude romaine.
Les Francs ont bien accepté le christianisme, mais ils se
montrent aussi incapables d'en faire la règle de leurs
84 H. PIHENNE
mœurs que de le propager autour d'eux. Il faut que ce
soient des apôtres venus d'Aquitaine, d'Irlande (*) ou
d'Italie qui l'apportent en Alsace, en Suisse, dans les
Paj^s-Bas, en Angleterre. La démoralisation et l'inertie du
peuple valent celles de ses rois. Ce n'est pas la jeunesse,
mais la déchéance qu'atteste la société des temps mérovin-
giens, et Grégoire de Tours (538-594) qui a vécu au milieu
d'elle et en a été épouvanté, résume mélancoliquement son
impression dans ces paroles découragées ; inundus senescit,
le monde vieillit.
Si l'on se reporte au commencement du vii'^ siècle, on
remarque donc que l'Europe occidentale, malgré les
catastrophes qui se sont abattues sur elle et les boulever-
sements de toute sorte qu'elle a subis, n'a pas rompu avec
l'évolution historique de l'antiquité. Elle la continue sur
le même théâtre et sous les mêmes influences. Aucun
indice n'annonce la fin de la communauté de civilisation
établie par l'Empire romain des colonnes d'Hercule à la
mer Egée et des côtes d'Egypte et d'Afrique à celles
d'Italie et d'Espagne. Malgré l'invasion germanique le
monde nouveau n'a pas perdu le caractère méditerianéen
du monde antique. Aux bords de la Méditerranée se con-
centre et s'alimente tout ce qu'il possède d'activité Seul,
le ro3'aume franc, confiné dans son isolement septentrional,
semble privé de toute chance d'avenir.
Or, de tout ce qu'il était alors naturel et rationnel de
prévoir, rien ne s'est réalisé. Brusquement, un événement
imprévu s'est jeté au trav^ers du courant de l'histoii-e, a
interrompu la série de ses causes et de ses conséqneuces,
l'a fait en quelque sorte refluer sur soi-même, et, par ses
répercussions inattendues, a coupé court à la tradition.
L'invasion musulmane à laquelle, du vivant même de
Mahomet (571-632), personne n'avait pu ni songer ni se
préparer, s'est abattue sur l'Univers avec la force élémen-
taire d'un cataclysme cosmique. Il ne lui a pas fallu
beaucoup plus de cinquante ans pour s'étendre de la mer
Cj L'aclivilc de l'Kglisc irlandaise, loin d'inlirmor la tlièso exposée ici, la
conlirme au contraire. On sait que le christianisme fut introduit en Irlande, à
IV()0(jue romaine, |i:ii' des missionnaires venus de Marseille.
MAHOMET ET CHARLEMAGNE 85
de Chine à l'océan Atlantique. Eien ne résiste devant elle.
Du premier clioc, elle renverse l'Empire perse (637-644);
elle enlève successivement à l'Empire b^^zantin la Syrie
(634-636). l'Egypte (6i0-642), l'Afrique (698i, l'Espagne (711),
la Corse, la Sardaigne. les iles Baléares, l'Apulie et la
Calabre. Sa marche envahissante ne cessera qu'au com-
mencement du viii^ siècle, lorsque les murs de Constanti-
nople d'une part (718), les soldats de Charles Martel de
l'autre (732), auront brisé sa grande offensive envelop-
pante contre les deux flancs de la chrétienté. Alors elle
s'arrête. Sa force d'expansion est épuisée, mais elle a suffi
à changer la face de la terre. La poussée soudaine de
l'Islam a détruit l'Europe antique. C'en est fait de la
communauté méditerranéenne qui avait survécu à l'Empire
romain. La mer familière et quasi familiale autour de
laquelle elle se groupait devient subitement étrangère et
hostile Depuis des siècles, l'existence sociale, dans ses
caractères fondamentaux, était la même sur tous ses
rivages; la religion, la même; les mcxnirs et les idées, les
mêmes ou tout proches de l'être. L'invasion des barbares du
nord n'avait rien modifié d'essentiel à cette situation. Et
voilà que tout à coup les pays mêmes où notre civilisation
était née, lui sont ai-rachés, que le culte du prophète s'y
substitue à la foi chrétienne, le droit musulman au droit
romain, la langue arabe à la langue grecque et à la langue
latine. La Méditerranée avait été un lac romain : elle
devient un lac musulman. La navigation byzantine n'ose
plus s'y risquer au large; elle ne dépasse plus les côtes
de l'Italie méridionale. Plus de vaisseaux syriens dans
la mer Tyrrhénienne. De l'intercours encore si actif au
vi« siècle entre l'Orient et l'Occident on perd toute trace
au VIII'' siècle La substitution qui s'accomplit en Gaule à
cette époque de la monnaie d'argent à la monnaie d or et
du parchemin au papyrus nous fournit la preuve significa-
tive et irrécusable de sa disparition.
Ainsi, pour la piemière fois depuis son entrée dans
l'Empire romain, l'Europe occidentale se trouve placée
dans des conditions toutes nouvelles. La Méditerranée,
qui l'avait jusqu'alors mise en contact avec le monde
extérieur, n'est plus qu'une barrière qui l'isole. Coupée de
66 H. PI HENNE
ses relations avec Byzance, elle est forcée de se replier sur
soi-même et de vivre à huis clos. Et c'est alors précisément
que son centre de gravité, si l'on peut ainsi dire, se déplace
enfin du sud au nord et que l'État franc, qui jusqu'alors
n'a joué qu'un rôle historique de second ordre, devient
l'arbitre de ses destinées. Il est impossible de ne voir
qu'un jeu du hasard dans la simultanéité du blocus de la
Méditerranée par l'Islam et de l'entrée en scène des Caro-
lingiens. A envisager les choses de haut, (m aperçoit
clairement entre l'un et l'autre un rapport de cause à effet.
L'Empire fraric va jeter les bases de l'Europe du moyen
âge. Mais la mission qu'il a remplie a eu pour condition
essentielle le renversement de l'ordre traditionnel du
monde. Rien ne 1'^^ aurait appelé si l'évolution historique
n'avait été détournée de son cours et, pour ainsi dire,
désaxée par l'invasion musulmane. Sans l'Islam, l'Empire
franc n'aurait sans doute jamais existé, et Charlemagne,
sans Mahomet, serait inconcev^able.
H. PiRENNE.
La villa et l'oppidum de Saint=Trond
Pour désignei' l 'agglomération d'habitants qui s'était
formée auteur du monastère de Saint-Trudon, plusieurs
expressions ont eu cours du viii'^au xii^ siècle :
1° Villa Sarchiniiini est la forme la plus ancienne; elle
apparaît dès l'année 741 (*) et se retrouve en 959 {^) ;
en 1023, on rencontre Sarchinia tout court (3); en 106o,
Sarchinia et villa Sancti Trudonis sont des termes équiva-
lents (^). Villa Sancti Trudonis continue à être employé
dans le cours du xii« siècle (S). Quant à villa Sarchinium.
nous le retrouvons en usage en 1138 {^), en 1 138 C'^) et plus
tard, mais, cette fois, servant à désigner non plus Saini-
Trond, mais une de ses dépendances. (Mais ceci est une
parenthèse).
2" Oppidum apparaît dès 1060 (8); il tend dès lors, mais
sans y réussir complètement, à se substituer à villa. Dans
tout le cours du xii* siècle, il est mentionné (9).
(') Carlulaire de Sainl-Trund, édition Piol, l. \, \t. i : " basilicn Sancli
Pétri et Sancli Trudonis que l'st in villa Sarchinio oonstructa. »
(2) Id., p. H : « in monastcrio Sancli Trudonis, ... in villa Sarchinio. »
(3) Id., p. 14 : « monasterium .Sancli Trudonis positum in Sarcliinnia. »
(^) Id., p. 22 : « Villa Sancli Trudonis que Sarchinia dicitur ».
(5) Id., p. 55 (H40), p. 106 (llOi) \). 129 (1176). Parfois on trouve Sanctus
Trudo tout court. W., p. 76 (1147-1155) « Scnhini ilf Sanrtn Tn/dorir, p. 1 iT
(H84), « apud Sanctuni Trudonem. »
(^^ Id., p. 45.
(') Id., p. 47.
(8) Id., p. 20 : « Scrutum, lisez gruluni ejusdem oppidi. »
(^) Id., p. 30 (H07) : « medietateu) videlicet ejusdem oppidi in (iwu uionas-
leriuni situm est, et cambatum de toto oppido »: p. 33 (1 108) « acluin publiée
88 A. HANSAY
3° Biir^-iis et huri^cnsis sont usités à partir du milieu du
xii" siècle (*).
4° CivilHs enfin est employé con«îurremment avec uilla
et oppidum par le deuxième continuateur du Gcsta qui
écrivit vers J180(^).
On vient de s'en rendre compte, les expressions i)illa et
oppidum sont de loin les plus anciennes et les plus fré-
quentes. D'autre part, villa apparaît depuis le viii^ siècle
et oppidum n'est pas mentionné avant 1U6(). Il est vrai qu'à
partir de cette dernière date, oppidum devient rex])ression
consacrée; villa est beaucoup moins usité.
De cette substitution de oppidum à villa n'y aurait-il
rien à conclui-e?
Saiut-Trond, par exemple, n'aurait-il pas pris la désigna-
tion d'oppidum du jour où il aurait été emmuraillé ou for-
tifié? Ce serait une erreur de le croire, car l'abbé Rodolphe,
qui écrivit en M14-H15 la première partie du Gesta abba-
tum l'rudonrnsium. parle à un endroit de Yoppiduui de
(ippido San;liiiii() » ; p. 38 (1112) « In oppido uoslru »; p. 4i (1133) Sancti Tni-
(lonis ... opiduni populosum valde »; /c/., p. .57 (lliO), 05 (1144), 98 (1181),
104 (MOI), lit) (1170) où sont iisilés les tcrnios oppidum et oppidanus.
Ce sont les nirnics tonnes ipremploicnt j^énc ralemenl les trois pirniiers
réda(,'l<Mirs dn Geshi ahhadim Tnidoncyiahiui f.Ic elle d'après Icdition de Bor-
man).
L'abbe Rodolplie qui écrivit en 1114-111.) la vie des abbés de 103.5 à 1107,
emploie une fois la simple désignation Sarcliiniuni {Gesta, t. I, p. 22); partout
ailleurs, il use des termes oppidum et oppidanus (Id., p. 17, 18, 37, 38, 40
à t2, i.5, 48, 51, .57. 59, <)7. 1)8. 82, 83, 85, !I0, 118).
Le premier conlinuateur du ^jes7« qui éerivit en 11.3(5 1138 fait également
usage des qualiliealils appiduiu et oppidanus {Id., \>. 183 à 185, 191, 190, 198,
210. 217, 218, 223. 225, 220, 239i;une fois seulement il parle de hi vH la
Sancd Trudonis (ht., p. 230).
Le deuxième eontinualeur qui écrivit vers 1180, bien qu'il emploie aussi les
termes villa {Id., t. II, p. 18, 21, 25, 37) et civitas {Id., p. 22 à 24 et G7j, se
sert généralement des (pialifiealifs oppidum et oppidanus {Id., p. 13, 17, 18,
22 2.5,0.5,00, 72).
(') Il est fait mention dans le 'Àtrlulaire de Saint- irond. l. I, p. 70 (1147-
H.55j de huiyen.ses, dans b' Caiiulaire de Sainl-Lamhert. t. I, p. 94 (1 17 i), du
huryus .Sunrii Trudonis; on rencontre endn dans le Carhtlaire de Saint Trond,
I. I, p. 105 (I l()3) la curieuse fornu' « In opido liuifji Sanrll Trudonis ».
(-) Gesla, t. II, p. 22 à 21 d 07.
vil. LA DE SAINT-TKOND 89
Saint-Trond comme étant sine oinni viillo ci iniini-
tione (^).
Mais, s'il convient de rejeter la traduction ù'oppidiiin
par « localité fortifiée », que faut-il penser de sa traduc-
tion par (c localité juridiquement affranchie »?
Dans un article intitulé Le sens juridique du mot oppi-
dum dans les textes flamands et brabançons des XIP-
Xlir sick'lcs (2), M. Des Marez a fort bien montré que la
(lualification d'opj)idum pour désigner une localité se sub-
stitue fréquemment en Flandre et en Brabant à la qualifi-
cation de villa du jour où cette localité est affrancMe par
le droit urbain. Il ajoute que ce fut le cas à Saint-Trond
vers l'année 1140 (^).
J'admets la traduction donnée par M. Des Marez du mot
op})idum et, pour m'en tenir à Saint Trond, j'admets avec
lui qu'en 1140 cette localité était un oppidum, c'est-à-dire
une ville affranchie.
Mais, ajouterai-je, cette ville n'était-elle pas alors depuis
longtemps affranchie (car elle est qualifiée d'oppidum,
M. Des Marez ne l'ignore pas, en 1107 et en 1133)? Non, dit
M. Des Marez, car, en 1106, oppidum désigne l'endroit où
le monastère est bâti, et si, en 1133, l'évêque de Liège dit
également oppidum, ce qui semble le guider dans cette
appellation, c'est le nombre d'habitants qu'il trouve dans
l'endroit : oppidum populosum valde (*).
C'est là une double erreur. Dans le document de 1107, la
moitié de Voppidum est dite a^^partenir à l'abbaye; n'est-ce
pas la preuve que par oppidum il faut entendre la moitié
qui était la propriété de l'abbaye, plus l'autre moitié qui
appartenait à l'évêque de Metz? Remarquons d'ailleurs que
l'abbaj'^e exerce un droit sur les brasseries dans tout Voppi-
(^) Voici le texte iiilégral, Gesla, I. 1, p. 18: « niililes vero, qui de L-ircimi
atljaeeiUlbus villis ;ib inreslalioiieni iuimiL'oruni siiorum oppidum uo.struin
incolebant, cuni adhuc esset sine onuii vallo et niunitioiie. >> Ceci .se passait
pendant la prélature d'Adelard il (jui va tle 1035 à 1082. Comme en 1086 la
ville était fortifiée (Ge«<«, t. I, p. il), la fortification est postérieure à 10.5?} et
aiilérleure à 1080.
(-) Paru en 1910 dans le Festsc/irif ileinrUh Bninner.
(3) Id., p. 3fô.
(') Des Makkz, mivr. rite, \t. .Wi. n" 12.
90 A. HANSAY
(iuni. ce qui veut dire aussi bieu dans la partie qui lui
appartenait et où le monastère était bâti que dans la partie
dépendant de l'évêque de Metz (*).
Quant à admettre qu'en 1133 la localité de Saint-Trond
ait été qualifiée d'oppidum parce qu'elle était fort peuplée,
c'est inadmissible si l'on considère (et c'est ce qui a
échappé à l'attention de M. Des Marez) qu'elle est men-
tionnée comme telle, non seulement dans la charte de 1107
que nous venons de voir, mais déjà dans une charte de
l'année 1060, puis encore dans une charte de 1108, et enfin
une vingtaine de fois dans la partie du (îestn écrite
en 1114-1115 (2).
Le qualificatif d'oppidum n'a d'une part rien à voir avec
le fait d'une population urbaine plus ou moins dense, et,
comme d'autre part rien n'indique que ce qualificatif ait
changé de sens à Saint-Trond vers 1140, nous sommes
amené à reporter à dès avant 1060 l'affranchissement de la
ville. Et cela ne paraîtra pas inadmissible si l'on songe
que, vers le milieu du xi* siècle, Saint-Trond était un lieu
de pèlerinage extrêmement fréquenté où, par suite, les
marchands affluaient de toutes parts (dcsiu, t. J, p. 17).
Or, on sait combien le développement de la vie commer-
ciale a contribué à l'affranchissement des bourgeoisies.
C'est, du reste, vers la même époque (1066) ({ue la ville
de Huy fut affranchie, et il y a des raisons de croire que
Jluy avait été précédé par Liège dans la môme loi de
l'émancipation.
J'estime donc pouvoir conclure ({ue l'antique oillu de
Saint-Tiond sera devenue un opjndum, c'est-à-dire une
ville affranchie, vers le milieu duxi* siècle.
A. Hansay.
( ') Voici le texte, Cartulaire de Saint Trond, l. 1, p. .'ÎO : «niedietaleni vidc-
licel ejusdem oppidi in quo monastoriuin sitiim est, et cainbatum de tolo
oppido. »
(^) Voir ci-dessus, p. 88.
La date dans les actes
de Philippe le Bon (1419=1467)
De nos jours, les actes administratifs, tels que les lois
et les décrets, sont datés de l'endroit où le souverain qui
les signe est présent. Ainsi, des actes donnés par le roi
des Belges, Léopold II, le 31 mars, le 24 avril, le 12 juin
et le 23 août de l'année 1900, à Laeken, à Wiesbaden, à
Gastein et à Ostende, on doit conclure avec une entière
certitude que ce souverain se tï-ouvait réellement dans les
localités indiquées dans ces pièces.
Peut-on être aussi affirmatif pour les chartes du moyen
âge et tirer les mêmes conclusions de leurs données chro-
nologiques? Pas le moins du monde. Dans son remar-
quable travail La grande chancellerie royale (1328-1400).
M. Octave Morel a établi qu'au xiv' siècle « l'interprétation
de la date d'une lettre royale se réduit, en somme,, à un
calcul de probabilités, et ce n'est guère qu'en confrontant
un ensemble de lettres roya'es que l'on peut arriver à une
certitude morale sur tel ou tel séjour du roi(*))). Moi-
même j'ai montré pour les chartes des ducs de Bourgogne
qu'on pouvait difficilement prendre au pied de la lettre
leurs éléments chronologiques quant à leur lieu d'émis-
sion et à quelles singulières erreurs on aboutirait si on
leur accordait une confiance aveugle. Si je reprends
aujourd'hui cette question spéciale, à peine traitée jadis.
(') Publié dans les Mémoires el docnincnts do la Société de l'Ecdlc (Im
chartes. Paris, 1900, p. ^88.
(2) H. Nklis. Catalogue des vharles du sceau de l'Aitilience. Biiixoiles (1013),
p. I.XVLXIN.
92
H. NKI.IS
et limitée au seul règne de Philippe le Bon ( 1419-1 467)»
c'est que je dispose d'une documentation plus complète,
réunie en vue de l'édition, bien éloignée encore, hélas, de&
régestes des actes du conditor Bclgii.
Le petit problème à résoudre peut se libeller comme
suit: comment faut-il entendre une date ainsi inscrite dans
un mandement de Pliilip})e le Bon du 7 mais 1438 \i\. st) :
Donné en nostre ville d'Arran, le VIF jour de murs mil
C(J(^C trente sept, souh nostre seel de secret, en l'ul^sence
du grant (').
La date mentionnée dans cette pièce est-elle l'expression
de la vérité? Si elle ne l'est pas — ou ne l'est pas toujours
du moins — que représente-t-elle donc en réalité?
Tout d'abord, il pourra sembler étrange, aune observa-
tion superficielle, que, dans les chartes bourguignonnes,
l'indication du lieu d'émission puisse indiquer autre chose
que l'endroit véritable où se trouvait le duc. En effet,
d'une confrontation rapide entre les données chronolo-
giques des actes diplomatiques et l'itinéraire de Philippe
le Bon, dressé en partie par Gachard {^) d'après les sources
les plus sûres, c'est-à-dire les pièces de comptabilité, il
résulte clairement un accord parfait. Ne prenons comme
preuve que le tableau suivant :
Chartes
hoRiir.iXHT, JJ mars 1427 (n. st 1
Anal. A. Vkhrooiikn. Inv. des char-
tes tin Lnxeinliourg, t. IV (1917),
|.. 196.
/kveniîf.rchk. 20)»nr.s- J427{n. st ).
OriK- Acquits de Lille, cart. 191,
au.\ Arcli. gén. roy.
btiKT, -S' viai 1427.
Anal. DiKCJKKiOK. Inv. tnch. <l Ypres^
t. 111, [.. li2-2.
Itinéraire.
!.(• 14 mars 1427, le duc de
Bonrgoiïnc est près de Dord redit.
Cf GAnivnit. (Collection. .. t. I,
p. 72.
Du 15 au ôi mars 1427, Phi-
lippe le Bon est en mer devant
Zevevherghe.
Cf. Gaciiari) tbid., p. 72.
Du 0 au 10 mai 1427, Philippe
le Bon réside à Dclft.
Cf. GAniAui). Ibid., p. 72.
(*) Cfr. H. Nki.is, Calalof/ne des chartes du sceau de t' Audience, p. i.xxxvii.
(2) M. Gaciiaki», Collection des voyages des souverains des Pays-Bas,
dans Publicntions de la Commission royale d'histoire I. I fl876), p. 70-100.
ACTES DE PHILIPPE LE BON
93
Amsterdam, 18 mai 1427.
Copie. Acquits do Lille, carton 191-
192.
LiLLK. 7 jitillel 1427.
Orig. Ac(iuits de Lille, carton 177-
178.
Bruges. 26 août 1427.
Copie. Acquits de Lille, carton il .
ZiERiKZEE, 11 février 1428 (n. st.)
Copie. Cart. de Flandre B, \Y> 1604,
fol. 60, de la Chambre des comp-
tes, aux Arcli. dëp. du Nord, à
Lille.
Arras, 16 novembre 1428.
Anal. L. Devillers. Cartul. comtes
(le Hainaut, t. V, p. 38.
Bruges, 8 janvier 1441 (n. st.).
Cf. H. Nelis. Cat. chartes de l'Au-
dience, n 120.
QuESNOY 18 mai 1441.
Cf. H. Nei.[S. Ibid., n° 1.37.
Dijon, 22 décembre 1441.
Cf. H. Neus. Ilml., no 163.
Bruxelles. 2 décembre 1462 {^).
Cf. H. Nelis. Ibid., n» 870.
Bru<;f,s, 20 mars 1463 (n. st.).
Cf. H. Nelis. Ibid., n" 899.
Hesdin. 17 septembre 1463.
Cf. Gachard. Inv. arch. Chambre
des comptes, t. I, p.
Les 18 et 19 mai 1427, le duc
est à Amsterdam,
a Gachard Ifnd , 72.
Du 2 au 7 juillet 1427, Philippe
le Bon se trouve à Lille.
Cf Gachard. Ibid , p. 75.
Philippe le Bon passe tout le
mois d'août 1427 (excepté le 31)
Bruges.
Cf. Gachard. Ibid., p. 75.
Les 1 1 et 12 février 1428, le duc
est à Zierikzee.
Cf. Gachard. Ibid., p. 75.
Du 11 au 17 novembre 1428, le
duc réside à Arras.
Cf. Gachard. Ibid., p. 79.
Du 1 au 9 janvier 1441, le duc
est de résidence à Bruges.
Cf. Gachard. Ibid., p. 79.
Du 16 au 21 mai 1441, Philippe
le Bon est au Quesnoy.
CL Gachard. Ibid., p. 85.
Du 20 au 51 décembre 1441, le
duc se trouve à Dijon.
Cf. G.\CHARD. Ibid., p. 86.
Le duc de Bourgogne passa
tout le mois de décembre 1462 à
Bruxelles.
Cf. Gachard. Ibid . p. 86.
Le duc réside à Bruges du
22 févri» r au 24 juin 1465.
Cf Gachard. Ibid., p. 88.
Philippe le Bon résida au châ-
teau de Hesdin, du l^*" septembre
au 23 octobre 1465.
Cf. Gachard. Ibid., p. 90.
(') Voyez aussi les chartes du mois de décembre 1462, toutes datées de
Bruxelles .
94
H. NELIS
Lii.it, Jl juin 141)4.
(if.. NviniFK. (iedenku'uanJIf/fieden
uit de (jesvhiedenis vnv Geldn-
land, t. IV, p. 3i3.
Lii.LE, 2G octobre 1464.
CL 1. l>iE(;t;KiCK, htr. avili- d) prex,
1. m, p. :2o5.
Brl'xii.i.es. 24 mars 14(i5 in.sl.)(i).
Cf. st. BouMANs. Cjxrl. dr Namur,
t. III, p. ini).
Du ;2 au 17 juin t itii. le duc est
à Lille.
Cf. G\(:iiAr,ii. Ibid.. p. M5
Philippe !<' lUui t-sl à Lille, du
10 octobre au !26 novembre 146i.
(.{■. (ivf.iiAP.ii. Ibid., p. it.'i
hu i( iléeembre litjiau lit avril
1465. le duc neut d autre séjour
que Bruxelles.
Cf. GvniARn. Ibid., p W 100.
Si frappant que soit ce rapprochement, il n'en est pas
moins trompeur et de nature à induire gravement en
erreur. Sans doute, la chancellerie bourguignonne rédi-
geait des actes diplomatiques libellés de la ville où le duc
résidait momentanément, mais le contraire est tout aussi
vrai et fréquent. Il n'est par conséquent pas rare de con-
stater un écart considérable entre le lieu d'émission d'une
charte et l'itinéraire de Philippe le Bon.
Chartes.
BRijiiES. 26 janvier 1421 (n. st.).
Orip. Acquits de Lille, eart. 112.
Lille, 14 février 1421 (n st.;.
Cartul. de Flandre, fol. lOti, aux
Arch. dép. du Nord, à Lille
Château de Bellemotti, lez-Arras,
18 avrill421 (n. st.)
Acquits de Lille, cail. Ii:^.
Lille, 4 mai 1421.
Acquits de Lille, cari. li;{.
Gand, 31 mai 1428.
r,arlul. de Flandre, fol. t-40v". aux
Arcliiv. (Icp. du Nord. ;i Lille.
Itinéraire.
l>u il» au 31 janvier U27, Phi-
lippe le Bon est à Zierikzee.
Cf. Gachard Coll..., l L p. 71.
Tout le mois de février 1427, le
duc réside à Dordrecht.
Cf. Gaciiard. Ibid , p. 71.
En avril 1427. le duc de Bour-
gogne se trouve en mer devant
Zeuenberghe.
Cf Gacharii. Ibid.. p. 72.
Du l*"' au ô mai 1427 à Zeven-
berf/he; le 4 mai 1427 en mer;
du 5 au 10 mai 1427 à Delf'l
Cf. Gachard Ibid., p 72.
Le 51 mai 1428.1e due u est pas
à Gand, mais à Arras.
Cf. G\r,iiARi>. Ibid . \\. 77.
(>) Voyez IL Nki.is, I.h-. .il., n- i0(>!t-IO7(l.
ACTES DE PHILIPPE LE BON
95
IJruges. 15 juin 1428.
Acquits de Lille, cart. \'l.
Bruges, 12 janvier 1441 (n. st.).
Charte de la duchesse de [Jour
gogne.
Acquits de Lille, cart. 1446.
Bruxelles. 28 février 1463 h. st.l
Cf. H. Nelis, Catal. n» 897.
Bruges. 24 juin 1463.
H. Nelis. Catal. n» 933.
vSaint Omer, 16 août 1463.
H. Nelis, Catal. n« 939.
Salnt-Omer, 12 septembre 1463.
H. Nelis. Catal. 944.
Le 15 juin 1428, Philippe le
Bon est de séjour à VEcltise.
Cf. Gachard. Ibid., p 77.
Du 10 au 15 janvier IMi, le
duc et la duchesse de Bourgogne
se trouvaient à V Écluse.
Cf. Gachard. Ibid , p. 80.
Du 22 au 28 février 1463. le duc
se trouvait à Bruges.
Cf. Gachard. Ibid , p. 87.
Le 24 juin 146.5, Philippe le
Bon réside à Ardeiibonrg.
Cf. Gachard. Ibid., p 89.
Du 13 au 24 août 1463, le duc
est à Boulogne s Mer.
Cf. Gachard. Ibid. p. 90
Tout le mois de septembre 1465
le duc séjourne à Hesdin.
Cf. Gachard. Ibid., p. 90.
On peut donc considérer comme acquis le point suivant :
les lieux d'émission des chartes de Philippe le Bon ne
prouvent nullement que le souverain était présent dans
l'endroit y mentionné.
Il en résulte que ces données chronologiques sont pure-
ment conventionnelles ou plutôt administratives. Rien
n'est plus éloquent à cet égard que les habitudes de la
chancellerie ducale fonctionnant en Brabant. Ici, en effet,
les chartes de Philippe le Bon ou bien n'étaient pas datées,
ce qui était le cas le plus fréquent (^), ou bien elles étaient
données à Bruxelles ('-) ou à Louvain (•^), alors que le duc ne
se trouvait pas dans ces villes. L'acte suivant souligne le
caractère bureaucratique des lieux de séjour. C'est une
charte de Philippe le Bon, datée de Gand le IS*" jour du
(1) Cfr. Chambre des comptes, reg. n» 632. fol. SSvo, 43. i'S\"\ m, 132,
i34vo, 1.36, 152, 157v , 207, etc., aux Archives générales du royaume.
(2) Cfr. registre n» 632. fol 33 35, 36, 37, 48. 52vo, rjSv», 80, 98, 108v'>,
110, 128, 139vo, 1.55. 156vo, 1.58v'', 199vo, 204. etc., de la Chambre des
comptes, aux Archives générales du royaume.
(^) Ibidem. fol.:)7, 7ôv", 83.
96
H. NELIS
mois de mais 14312 (u. st.); or, à ce moment le duc ue
séjournait pas aux Pays-Bas, comme le porte d'ailleurs la
note cwtra-sigilliun : a Par nionseigiieiir le duc, à In rela-
tion de madame la duchesse, ainnt en son absence le g'ou-
vernement de ses pais. » (*)
Mais dès lors que les dates sont des indications admini-
stratives, elles ont dû néanmoins signifier quelque chose
aux 3'eux des rédacteurs qui les ont mises sur les chartes
bourguignonnes. En réalité, en dehors de la présence du
duc, le lieu d'émission peut se rapporter à divers ordres de
faits que nous devons déterminer.
Un des plus fréquents, et, à bien réfléchir un des moins
étranges, est l'attestation de l'intervention administrative
du chancelier de Bourgogne. Celui-ci, en effet, est non
seulement le premier personnage de l'Etat après le duc,
mais il est le chef d'une immense bureaucratie ; comme
détenteui" du grand sceau, il tient les clefs des rouages
politiques. Les lettres patentes et les mandements se com-
posent et s'expédient en quelque sorte sous sa surveil-
lance. Cette suprématie s'étale tout au long, pour qui sait
voir et comprendre, dans les actes de Philippe le Bon (2).
Le parallélisme suivant ne laisse aucun doute à cet égard.
Dates des chartes
Bruges, 2 février 1458 (n. st.
H. Neus. Catalogue n" i31.
Gan», 7 juillet au -îO juillet M58.
Ihid., nos i8r;-491.
Itinéraire du chancelier.
Le 2 lévrier 1458, le chancelier
est de passage à Bruges.
Reg. 20356 de la Chambre des
comptes, aux Arcli. cfcn. royau-
me (S).
Pendant tout le mois de juil-
let 1458, le chancelier séjourne à
Gnnil.
Ihid.
(') Cfr. L. Devilleks, Carlnlnhe des lumles de Uainauf. l. V, p. I il.
(2) Cfr. II. Neus. Catalogne. . ., p. -W et suivantes.
(') Les comptes de i'audicncier de Fiandrc-Boui'jiogue ((liiainbrc des
comptes, reg. nos 2035(3 et siiiv.) mentionnent réjoui ièremenl la présence du
chancelier : exemple : « Le Ville diidit mois [8 juin 1-4&7] monseigneur le
chancelier se partit de Valenciennes pour aler à Brouxelles. >i Cfr. reg. 20.3?)6,
fol. iv».
ACTES DE PHILIPPE LE BON
97
Lille. 24 août 1458.
Ibid., 110 198.
Arras, 1 septembre 1458.
Ibid., n" oOi.
Lille, 19 septembre 1458.
Ibid., H» o02.
AuTUN, 7 avril 1459.
Ibid., n» 348.
Dijon, 12 mai 1459.
Ibid., noS6â.
Bruxelles, 8 janvier 1460 (n. st.
Ibid., n" 643.
Paris, 28 août 1461.
Ibid., n» 774.
Valenciennes, 19 octobre 1461.
Ibid., n» 77fl.
LouvAiN, 17 septembre 1466.
Ibid., no 1182.
La présence du chancelier est
signalée à Lille le 25 août 1458.
Ibid.
Le chancelier est à Arras jus-
qu'au 11 septembre 1458.
Ibid.
Le chancelier se trouve à Lille
au moins depuis le 18 septembre
li58.
Ibid.
Le chancelier est à Aulun de-
puis le i avril 1439.
Ibid.
La présence du chancelier à
Dijon est signalée du 7 au 20 mai
1459.
Ibid
Tout le mois de janvier 1460,
le chancelier est de séjour à
Bruxelles.
Ibid.
La présence du chancelier est
signalée à Paris au moins depuis
le 29 août 1461, ainsi que pendant
tout le mois de septembre.
Ibid.
Le chancelier réside à Valen-
ciennes le 19 octobre 1461.
Ibid.
Le chancelier est signalé à Lou-
vain du 1«"" au 50 septembre 1466.
Ibid.
Ce tableau lui aussi ne doit pas induire en erreur; il
prouve simplement que des actes diplomatiques émanés
de Philippe le Bon sont datés de l'endroit où se trouvait le
chancelier de Bourgogne, gardien du grand sceau des pro-
vinces Flandre-Bourgogne; s'il en était autrement on ne
98 H,
pourrait faire concorder
comme celles-ci :
NELIS
des données chronologiques
Date des Chartes.
MoNS. 5 janvier 1459 (n. st.)
H. Nk.ms. Cnf. Il" r>iH.
Bruxi:i.i.i:s. 27 février /45'.)' n.s[.
Ihid., ii'>:i-2i.
Bruxelles, 9 mars 1459 (n. st.).
Und., n'537.
Bruxelles. «V avril 1459.
Ibùf., 11° 517.
Bruges. 15 mai 1459.
Acquits do Lille, carloii 11)71.
Bruxelles, 25 mai 1459.
H. Nelis. Cal. n" .563.
Bruxelles, 24 août 1459.
Ibid.. n» 386.
Itinéraire du chancelier.
Le chancelier est à Àiiiieries
le 6 janvier 14o9.
Be-;. iSGôO. fol. o d.- la Cham-
bre des comptes.
Le chancelier est à Aulun le
27 février 1459.
Ibid
Le chancelier réside hÀlilkume
le 9 mars 1459
Ibid.
Le chancelier est de résidence
à Anliiii le 5 avril li.j9.
Ihid.
Le chancelier est à Dijon le
16 mai 1439.
(>h. des comptes, reg. 20536,
fol. 46v»
Le chancelier est à Authnme
le 25 mai 1439.
Ch. des comptes, reg. 48650.
Le 24 août 1439, le chancelier
réside à Heaune.
Ibid.
Eu dehors du séjour soit du duc de Bourgogne, soit de
son chancelier, les dates des chartes peuvent aussi se rap-
porter à quelque autre fait administratif. C'est ainsi qu'il
faut expliquer, semble-t-il, une troisième variante dans les
données chronologiques Voici un exemple fi-appantde ces
paiticularités :
Bruxelles,
4 juin 1451.
H. Nelis. Ca/. n» «I
BRiiiEs. 4 juin 1457 j Vai.enciennes,
M. Nelis. Ca/. n" 13:>. I 4 juin 1457.
Chambre des comptes,
j reg. :203.')6 fol. iv».
ACTES DE PHILIPPE LE BON 9^
Valenciennes étant la localité où se trouvait alors le
chancelier (^), Brii<>'es la ville où était vraiselllblablelneu^
de résidence Philippe le Bon (2), comment laut-il expliquer
le lieu d'émission Bruxelles'/
Une snpposition se présente immédiatement à l'esprit.
Les chartes bourguignonnes mentionnent très fréquem-
ment qu'elles sont scellées du sceau secret en l'absence du
grant (3), ce qui revient à dire que les actes munis du
grand sceau — dont le chancelier était le gardien ("*) —
sont donnés dans la localité où résidait ce dei'nier; et par
contre, que les chartes qui portent le sceau du secret
peuvent être datées d'un endroit où ne se trouvait pas le
chancelier.
Mais nous savons partaiûemeut qui tenait ce sceau spé-
cial, destiné surtout à authentiquer les lettres scellées sur
simple qneue; c'était, en principe, le premier chambel-
lan {}) et [dus habituellement quelque secrétaire ducal. Le
cas qui nous occu[)e peut s'expliquer dès lors comme suit :
le chancelier résida à Valenciennes jusqu'au 8 du mois de
juin pour se rendre de là à Bruxelles; le compte de l'au-
diencier mentionne (pie tandis que le chancelier était à
Yalenciennes, le secrétaire L. Mesdach scella du sceau du
secret sept lettres patentes à simple queue et deux à
(') Lei'.omple do l'aiidiencio,r porte : Le VllI'^ dwlil mt»is\ jning t4'i7] mon-
seigneur le chunrefier se fuirtit de Valenciennes pour aler à Brouxelles,
Chambre des coinples, reg. 2i;}56, fol. iv aux Arch. gén. du royaume.
(-') La charte domiee a Bruges a la mention extra-siij'llum (( Par monsei-
gneur le duc »; celle du même jour doniice à Bruxelles contient la note beau-
coup plus i'X|tlicite : Par monseigneur le duc, à la. relation du Conseil.
(3) Cfr. H.iXelis, Calidogue.. , p. xxviii.
(*) Le rôle du chancelier est bien relaie dans une lettre patente de Philippe
le Bon du 14 janvier \ i'2'i (n. st. j : Acons proui'S et promellons en bonne fog,
par C'S présentes à iceulx île Coitrtrag, que sitost que nostre chancelier, lequel
A ET PORTE nostre GRAND scEL. sera devers nous, soit en noz pays de parderà au
ou ailleurs, et que iceulx de Courtrag g crieront ou envoienmt lesdictes lettres,
que icelles nous ferons sceller de riostre (/rand scel, sans aucune faulte on
difficulté. In. de Llmblrg-StirijM, Coutumes du quartier de Gand, t. XI (1905),
p. ^-.v.).
(5) Voir une cédule du 29 mars liiO : furent scellé du scel de secret par
monseigneur de Crog, preuiier chauihellan. Cfr. H. \elis, Catalogue... \). xxix.
Dans la chani^ellerie des rois de France du xiv siècle, le clunnbellan avait la
garde du sceau du secret; cfr. 0. Morel, La grande chancellerie, p. 3(14.
100 H. NELIS
•double queue, pour lesquelles il perçut 144 sous (*). Pour-
quoi insister spécialement sur ces faits, alors que uulle
pai't ailleurs on ne signale des détails pareils, sinon pour
marquer que le secrétaire qui gardait le sceau du secret ne
se trouvait pas à Valenciennes, en compagnie du chance-
lier, mais résidait dans une autre ville, probablement à
Bi'uxelles. Ainsi l'on comprend que trois chartes émanées
du duc de Bourgogne puissent être datées de trois endroits
distincrs.
liésumons comme suit les éléments essentiels de cette
notice :
1° Le lieu d'émission des chartes de Philippe le Bon est
une donnée administrative, variable d'après la chancel-
lerie qni l'expédie (chancellerie de Flandre-Bourgogne et
<îhanccll(M-ie braba.nçonne).
"1" Ce lieu d'émission peut se rapporter soit à la présence
-du duc de Bourgogne, soit à celle du chancelier de Bour-
gogni^, soit enfin, mais plus rarement peut-être, à celle du
premier chambellan ou d'un secrétaire ducal. Il va sans
dire que le duc a dû se trouver dans une même localité ou
bien avec son chancelier ou bien avec le chambellan ou
les tleux eu même temps.
Est-il possible maintenant de déterminer d'une manière
«ûre la signification de ces variantes chronologiques par
l'examen des notes extra-sigillaires ou de mentions tou-
<;hant les sceaux? C'est là une question très complexe dont
l'exposé serait tiop long pour être développé en ce moment.
Hubert Xelis.
(") fendant le leniftx rjue mnndil seigneur le chancelier a esti- à Valenciennes,
•a este scelle du scel de secret ce (/ni s'ensuit par L. Mesdach. Cfr. Chambre des
complcs. reg 20;356, fol. 4v'>, aux Arcli. gén. du loyaumc.
De la méthode à suivre
pour évaluer en monnaies modernes les valeurs anciennes
énoncées dans les textes historiques belges
du XI siècle au XVlir.
Dans les textes historiques, il est fréquemment fait
mention de valeurs. En général, leur énoncé dit i)eu de
chose à l'esprit; aussi l'idéal serait-il de pouvoir les expri-
mer en équivalents modernes.
D'ordinaire on renonce à faire ce calcul, vu les difficul-
tés d'aspect insurmontables qui se présentent dès que l'on
veut y procéder. Le but de cette étude est d'indiquer par
cpiels procédés on peut arriver à nue solution satisfaisante.
Le problème. — Qu'entend-on i)ar exprimer en mon-
naies modernes des valeurs anciennes? C'est fixer la
somme d'argent moderne qui con-espondrait exactement
aujourd'hui à celle dont le document ancien fait mention.
Cette détermination nécessite trois opérations succes-
sives :
1° établir la quantité intrinsèque de métal précieux à
laquelle la somme énoncée correspond ;
-o calculer la quantité de monnaie moderne qui pour-
rait être fabriquée avec le poids «le métal précieux ti-ouvé
par l'opération précédente ;
3" rechercher pour l'époque actuelle la proportion de
la diminution de puissance d'achat subie par les métaux
102 V. TOURNEUR
précieux, ou, coinnie on disait autrefois, celle du «surhaus-
sement des esi)èces >i.
En effet, depuis l'antiquité, nous constatons une baisse
croissante de la i)uissance d'achat des métaux précieux; la
guerre de 1914-1918, par la multiplication du papicr-mon-
"naie, a compliqué la situation à l'extrême, malgré les
efforts des banques régulatrices, et, par suite, le monde
«ntier se débat aujourd'hui dans des difficultés financières
inextricables.
La première des trois opérations auxquelles il convient
de procéder est simple en théorie; nous verrons ])lus loin
que, dans la pratique, elle doit être exécutée avec beau-
coup de prudence.
Les métaux précieux sont inaltérables; un mouton d'or
de Brabant, frappé sous Jeanne et Wenceslas, est encore
aujourd'hui tel qu'il se présentait lorsqu'il sortit des fers
des monnayeurs de l'atelier de Vilvorde; l'or qui a été
«mployé pour le fabriquer est de môme nature que celui
dont on frappait nos pièces d'or de 20 francs. Son poids
n'a pas changé de manière appréciable II nous est donc
loisible de déterminer la quantité de métal précieux con-
tenue dans cette monnaie ancienne.
Nous pourrons ensuite aisément établir à quelle somme
d'argent moderne cette quantité de métal correspond : il
nous suffira de calculer la quantité de monnaie contem-
poraine qui pourrait être fabriquée au moyen du métal
fin contenu dans la pièce ancienne.
Ce résultat, si l'on s'arrêtait là. serait cependant incom-
plet. A l'époque de .Jeanne et Wenceslas. l'or et l'argent
possédaient un pouvoir d'achat bien supérieur à celui dont
ils jouissent aujourd'hui. C'est la détermination de cette
propoi-tion qui fera l'objet de la troisième i)artie de cette
étude.
*
* *
Le.s (linerses espèces de valeurs. — Les valeurs énoncées
dans les textes historiques sont de trois ordres. On les
trouve exprimées :
1° en poids di'. métaux précieux;
2° en monnaies réelles;
•S" en monnaies de compte.
VALEURS ANCIENNES lOii
Examinons successivement les trois cas qui peuvent se
présenter. Le premier est le plus difficile à étudier.
Le métal jiesé. — A partir du xi^ siècle, pour énoncer des
valeurs, deux poids sont en usage : la livre et le marc.
La livre est une survivance de l'époque carolingienne;
elle ne se rencontre guère que pour édicter des amendes
tellement élevées pour l'époque qu on n'aurait pu les
payer : cent livres d'or (1066). La réduction de ces livres
en monnaie moderne est donc sans intérêt.
Il serait d'ailleurs difficile de tenter cette opération :
nul ne peut dire avec certitude quel était le poids de cette
livre. Il s'agit vraisemblablement de la livre de Charle-
magne. mais, malgré les nombreux traA^aux qui ont été
consacrés à la question il faut bien avouer qu'on n'est
arrivé à aucun résultat convaincant.
Je connais cependant un cas où la livre d'or est employée
pour spécifier un payement réel, dans un règlement de
payement de contributions à la Chambre pontificale (Saint-
Bertin, 1173-1 181). Cette livre est romaine.
A partir du xi'' siècle, — la plus ancienne mention que
j'en aie notée est de 1046 — les payements sont tarifés en
marcs d'argent. A cette époque, l'industrie et le commerce
ne s'étaient pas encore développés; la monnaie était peu
abondante dans noti-e pays; elle consistait encore exclusi-
vement en deniers et en oboles d'argent. Aussi, les paye-
ments quelque peu importants se faisaient-ils en métal
brut pesé à la balance. j)resque toujours en argent, parfois
en or.
En 1089. un abbé de Saint- Vaast acquiert un alleu en
pesant au vendeur 10 marcs d'argent; en 1096, l'évêque de
Liège Otbert achète Couvin à Baudouin de Jérusalem
moyennant oO marcs d'or.
L'attention, lorsqu'on se trouve en face de telles don-
nées, doit être attirée sur deux points : d'abord sur la
nature du poids, ensuite sur la qualité du métal.
Le premier travail à faire est d'identifier le poids dont
il est question. Déjà autrefois ce n'était pas chose facile,
et il se faisait que des contestations s'élevaient entre les
nu V. TOURNEUR
parties parce que le poids au moyen duquel ou devait peser
l'argent n'avait pas été spécifié (1145). Aujourd'hui c'est
bien plus difficile encore pour ces époques au sujet des-
(juelles nous sommes mal documentés. Les poids belges,
d'ailleurs, jusqu'à présent n'ont guère fait l'objet de
recherches approfondies. Et la question est complexe. Un
grand nombre de marcs différents ont été en usage sur le
sol de la Belgicpie ; on trouve mentionnés le grand et le
petit marc de Flandre, le marc de Brabant, le marc de
Cologne, etc. II faut établir d'abord avec précision quel est
celui dont il s'agit et en retrouver la valeur.
A la fin du xii^ siècle et au commencement du xiii'^, à côté
du marc pesé, on voit apparaître le marc compté. On doit
éviter avec soin de les confondre.
A Douai, en 1201, le marc valait 31 sols 4 deniers arté-
siens, soit 376 deniers artésiens, et à Courtrai, en 1203,
33 sols 4 deniers ou 400 deniers artésiens. Pour cette
époque, il s'agit donc de déterminer si le marc est un poids
ou une monnaie de compte, de façon à ne pas se laisser
induire en ei'reur.
Pour ce qui est du métal, en général c'est l'argent fin,
pur de tout alliage. Il est accompagné d'une multitude de
(]nalificatifs tous synonymes : argentiim piiruni . jninim et
probutnm. boiiiiin. fîniun, Ic^itiimiin. clariim.
Quand l'argent n'est pas fin, on en spécifie le titre.
Quelquefois la mention est éuigmatique pour nous. Qu'est-
ce que l'argent au titre de Cambrai {(^aineraccnse arg-en-
tum)? D'autres fois, le titre est clairement exprimé : pro
una qnaqiic inarca très fert[ones\ et dimidiiim ar^-enti
clari, i)our chaque marc, trois quarts et demi d'argent pur,
c'est-à-dire que le marc était au titre de "/g ou de ^"^/looo-
D'une manière générale la coutume de peser le métal
brut pour faire des payements cesse chez nous au début du
XIII* siècle. Elle a disparu devant l'abondance du numé-
raire frappé au nom ou aux armes des villes en Flandre et
eu lirabant. Elle a survécu dans des cas très particuliers :
certaines amendes et certains émoluments que devaient
payer ou recevoir les officiers des monnaies ont été expri-
més en marcs d'argent fin jusqu'à la fin du xviii' siècle.
VALEURS ANCIENNES 105
Lu monnnic rvcllc. — Depuis Pépin le Bref l'unité moné-
taire était le deniei' d'argent. Celui-ci se partageait en
2 oboles. Le denier et l'obole étaient les seules monnaies.
On se souvenait qu'il y avait eu un temps, à l'époque méro-
vingienne, où une monnaie d'or, le sou, avait valu 12 de-
niers d'ai'gent Le sou d'or avait disparu, mais l'expression
de sol avait survécu pour désigner un groupe de 12 deniers,
et comme on avait taillé 20 sous de deniers dans une livre
d'argent, on avait pris l'habitude de désigner sous le nom
de livre un ensemble de 240 deniers. Le nom du poids était
ainsi devenu un simple nombre. C'est pourquoi lorsqu'on
comptait des monnaies, on ne se servait pas de la numéra-
tion décimale, mais de la numération par livre, sols et
deniers,
la livre valant 20 sols ou 240 deniers,
le sol 12 deniers et le denier 2 oboles.
Depuis l'époque carolingienne, jusqu'à la fin de l'ancien
régime, ce mode de calcul a été seul en usage.
On dira donc : 1 livre 2 sols 3 deniers artésiens pour
267 deniers artésiens; 2 livres o sols 8 esterlius jwur
608 esterlius; 1 livre, I denier gros, au lieu de 241 gjos. La
monnaie réelle, dans toutes ces expressions, c'est le denier
artésien, l'esterlin, le gros
C'est elle qu'il faut étudier pour déterminer la quantité
d'argent qu'elle contient. Le nombre des monnaies est
exprimé par les expressions livres, sols, deiiiev, ce dernier
étant l'équivalent d'imité.
Cette manière de compter ne s'applique qu'à l'argent.
Les sommes en or sont exprimées en chiffres décimaux :
20,000 deniers d'or, denier étant ici aussi l'équivalent
d'unité, de pièce.
*
Lu inonnnic- de compte. — A partir du xvi*^ siècle, il fut
nécessaire d'aller plus loin encore. Les variations conti-
nuelles dans l'évaluation des monnaies rendirent néces-
saire la création de monnaies de compte, monnaies idéales,
immuables et invariables destinées à assurer la stabilité des
transactions, et qui s'évaluaient à leur tour en monnaies
réelles, celles-ci soumises à des surhaussements perpétuels.
106 V. TOI l{NE(;i!
Telles furent la livre de Flandre, la livre de Bi-abant ou
florin Brabant, l'argent courant de Brabant, l'argent de
banque de Brabant, le florin de Liège, etc.
Pour pouvoir déterminer la valeur de toutes ces mon-
naies de compte, à un inoinent donne, il faut savoir d'abord
à quelle quantité de monnaies réelles elles cori-es]iondaient
à ce moment-là, et calculer tout d'aboi-d la (quantité d'or ou
d'argent fin que celles-ci renfermaient.
Le calcul du métal fin. — Pour évaluer la quantité de fin
d'une monnaie, il faut en connaître le poids et le titre.
Ceux-ci peuvent parvenir à notre connaissance de deux
manières : par la méthode expérimentale ou par les docu-
ments d'archives.
Pour les temps antérieurs au xiv" siècle, à i>art quelques
exceptions offertes par les procès- verbaux d'analyses de
monnaies faites par des villes, il est de toute nécessité de
recourir à l'analyse chimique et à la balance pour décou-
vrir le poids et le titre des monnaies. Cette méthode qui
paraît infaillible est cependant la moins recommandable
des deux; les alliages étaient souvent imparfaits; partant,
certaines pièces renfermaient plus d'argent, d'autres plus
de cuivre; les monnaies étaient taillées à recours, c'est-à-
dire que pourvu que le poids de l'ensemble de la fabrica-
tion fût exact, certaines pièces pouvaient être plus lourdes,
d'autres plus légères. Le fort portait le faible, comme (m
disait autrefois. Par conséquent, pour obtenir expéri-
mentalement une détermination exacte du poids et du
titre d'une monnaie antérieure au xiv^ siècle, il serait
de toute nécessité de sacrifier un grand nombre d'exem-
plaires, ce qui n'est pas ])Ossible. La méthode expérimen-
tale ne peut donc fournir que des résultats très appi'oxi-
matifs
Tout autre se présente la question dès que les docu-
ments d'archives s'offrent à nous.
Le i^oids est exprimé d'oi-dinaire par rapport au marc de
Trouves. Le marc de Troyes des Pays-Bas se subdivisait
en 8 onces, chaque once en 2<1 esterlins et ceux-ci en 32 as,
<le sorte que le marc total renfermait 5,120 as.
XAr.ElîHS ANCIENNES 107
Le mai'c de Troyes des Pays Bas a été calculé an poids
du système décimal d'après les étalons de Bruxelles par la
Commission des poids et mesures du département de la
Dyle en l'an IX. Celle-ci l'a évalué à 246 gr. 07(».
Le titre s'énonçait de manici'cs différentes sui\ ant (ju'il
s'agissait de l'or ou de l'argenl.
L'or fin était dit à 24 carats. Chaque cai'at, c'est-à-dire
chaque vingt-quati'ième partie, se divisait en o2 parties ou
en 24 grains. Un pliilippus rider de Philippe le Bon, au
titre de 23 carats '^j^ et 1/1,5 était, dirions-nous aujourd'hui,
au titre de ^''-/looo- Le calcul long et comi)liqué de la réduc-
tion en millièmes du titre exprimé en carats est grandement
facilité par d'excellentes tables que l'on irouve dans le
Traite des inonnnics il' or et (l'urinent de Bonneville
(Paris, 1806).
Pour l'argent fin, il était dit à 12 deniers, et chaque
denier se divisait en 24 grains. La réduction en millièmes
s'obtient pratiquement par les tables de Bonneville.
La quantité des monnaies étant connue, leur poids et
leur titre ayant été l'amenés au système décimal, on ai'rive
à déterminer le poids de métal fin qu'elles renferment.
L'cvaliuiiion du nu'-lnl /in en inoruiuics modernes. — Si
calculer la valeur de la monnaie moderne qui ])ourrait se
fabriquer à l'aide d'une certaine quantité de métal fin est
une oi)ération simple en apparence, sa mise en pratique
exige de multiples précautions.
D'abord, il faut faire choix d'un système monétaire. Pour
nous, ce sera natui-ellement le système de l'Union latine.
Les conceptions qui ont présidé à l'élaboration de celui-
ci sont partiellement en opposition avec celles de l'ancien
régime : le rapport de l'or à l'ai'gent 1 : 15 1/2 n'est pas
celui d'autrefois; ensuite, la distinction entre monnaies à
valeur inti-insèque et monnaies d'appoint n'existait pas;
toutes les monnaies des anciennes provinces renfermaient
une quantité de fin corrospondiint à leur valeur réelle, ([uel
que fût leur titre.
Le franc argent à '^-^^/looo "<^^' pourra donc jamais être pris
en considération.
108
\'. TOURNEIjR
D'après le système de rUnion latine, le Irauc or corres-
pond à un poids de Ogr. 2903. Si nous avons affaire à une
somme exprimée en or, il suflira de diviser le poids de
métal fin par 0 gr. 2903 pour obtenir le nombre de francs
modernes auxquels elle correspond.
Mais, si l'on se bornait à cette seule opération, le résul-
tat ne serait pas exact : les monnaies d'or de l'ancioi
régime étaient alliées d'argent ; c'est cette circonstance qui
leur donne la belle couleur jaune que nous ne l'ctrouvons
pas dans nos monnaies modernes. Il faut donc calculer la
valeur de cette quantité d'argent et l'ajouter à celle de l'or.
Et c'est ici que le problème devient difficile Lorsque le
rai)port de l'or à l'argent est de 1:15 ^2' i^ faut 4 gr. oO
d'argent pour équivaloir à 1 franc or. Mais ce rapport a
fortement varié au cours des siècles, et il est indispensable
de onnaitre ce rapport pour pouvoir calculer avec exacti-
tude la valeur d'une quantité d'argent à une époque
d(mnée.
Pour donner une idée des variations subies par ce rap-
port, voici, dressé par un maître des monnaies de Brabant
qui vivait à la fin du xvi" siècle, le tableau des variations
du rapport de l'or à l'argent depuis 1350 jusqu'en 1680.
1350.
: 10 V2.
1418,
1 : 10, puis 9 ■V,.
1359,
; 12.
1420,
1 : 9^74-
13(51,
:10V2-
1426,
1:113,.
1380,
: 10 3/,.
1427,
1 : 10 '/2.
1381,
: 0 72.
puis à 9 "/g.
1428.
1 : 10 3/,.
1381,
■ 9-,.
puis
10.
1430,
1 : 11 -Vs, puis 10 '/g.
1388,
:10 V,.
1453,
1 : 12
1389,
: 93/,.
1466,
1 :10 3/,.
1392,
: 13.
1489,
1 11.
1393.
: 12 '/„
puis
12 '/-,
14 6,
1:10 3/,.
1404;
: 93/g.
li99.
1:11 '/s-
1407,
: 10.
1520.
1 : 10" .^. P"is i 1 V2
1408,
: 93/3.
1522,
1 : 12.
1409.
: 9V4.
1524,
1 : 10 '/«.
lilO.
: 93/,.
1526.
1 : 123/,,, puis lO'/s
14l(),
: 9.
1539,
1 : 12, puis 10 7/8-
1417,
: 10 V,,
1548,
1:11 V/^.
VALFARS ANCIENNES 109
4557,
i :
; 10 Vs-
1599,
1 : 12^/8.
4572,
: HV8-
1003,
1 :11%.
4576,
:ll V.o-
1609,
1 : 12 i/,.
4577,
: 11 V^.
1612,
1 : 12.
1579,
: 10 ^/g, puis
11.
1644.
1 :13-V8.
1581,
: 1 1 -'/g, puis
10
Vs-
1680,
1 : 13 ^/s.
1590,
: 11 V-
Je publie ce tableau sous bénélice d'inventaire : je ne l'ai
pas contrôlé, parce que ce contrôle exigerait un travail
très considérable. Il doit être en grande partie conforme
à la vérité, parce que les maîtres des monnaies s'en ser-
vaient lorsqu'ils avaient à calculer la valeur d'une monnaie
ancienne en monnaie de leur temps. »
Pour calculer la valeur d'un poids d'argent fin en mon-
naie moderne, il faut tenir compte de ce tableau; on
recherche quelle est la proportion entre l'or et l'argent en
l'année qui nous intéresse, et l'on multiplie 0 gv. 290,3,
poids d'un franc oi", par cette propoition pour obtenir le
poids d'argent correspondant à cette éjjoque à un franc or.
Il suffit de diviser alors le poids d'argent fin total par
le résultat de cette multiplication pour obtenir la valeur
moderne de l'ancienne somme d'argent.
*
* ♦
Le pouvoir d'achat des valeurs anciennes. — La monnaie
en elle même ne présente aucune utilité ; e!le n'en offre que
pour autant qu'elle puisse servir de moyen d'échange. L'im-
portance d'une somme n'est pas en raison du nombre plus
ou moins considérable de chiffres qui la constitue, mais
elle dépend de ce qu'elle peut permettre de se procurer.
Aussi sourions-nous simplement lorsque les journaux nous
racontent que dans le double fond de la valise d'un Russe,
arrêté à Paris, on a découvert deux millions de roubles...
Koltchak. Malgré cette somme plantureuse le possesseur
de la valise eût été bien en peine de s'offrir à dîner.
Nous avons assisté depuis la guerre à un accroissement
fabuleux du coût de la vie. Nous n'en cherchei-ons point
les causes, nous nous bornerons à constater le fait. Les
gouvernements se sont trouvés dans la nécessité d'aug-
menter les traitements de leurs fonctionnaires, et de
110 V. lOUHNEUR
réglementer la vente de certains produits de première
nécessité. Pour s'éclairer ils ont établi ce que Ton appelle
des « Index numbers ».
L'index number s'obtient en comparant les prix actuels
d'un certain nombre de denrées nécessaires à la vie avec
li'S prix de ces mêmes denrées en U>14.
C'est de la même manière qu'il convient de procède!"
si l'on veut détei-miuer le pouvoir d'achat des valeurs
d'autrefois.
Il faut commencer par relever le prix des denrées néces-
saires à la vie, le pain, le beurre, les œufs, la viande, le
poisson, les souliers, les liabits, les loyers si possible,
dans l'endroit même où la valeur à déterminer est spécifiée,
et dans le cours de la même année, vers la même date si
})ossible.
Ces investigations sont en général aisées, pour ce qui
concerne les grandes villes depuis le xv'^ siècle. On trouve
la documentation nécessaire principalement daus les
comptes relatifs à la bienfaisance; ces comptes sont en
général fort développés, et parlent précisément sur les
denrées particulièrement intéressantes pour notre sujet.
En comparant les prix anciens réduits en francs or,
avec les prix modernes également réduits en francs or, on
obtient le rapport déterminant le surhaussement de la
valeur de l'ai-gent.
Valeur du résiiltni. — Le résultat obtenu par cette
méthode est d'une exactitude mathématique pour les deux
premières opérations, pour peu qu'elles aient été bien
conduites (^uaut à la troisième, c'est la plus délicate
parce que les conditions économiques de la vie d'autrefois
étaient toutes différentes de celles d'aujourd'hui.
Avant la construction des chemins de fer et l'application
de la vapeur aux navires, les communications étaient
lentes; la distribution des produits nécessaires à la vie
s'opérait péniblement; lorscpie l'un d'eux venait à faire
défaut dans la contrée, il fallait un long temps pour qu'il
leparùt sur le marché. De là des hausses subites et inex-
plicables à première vue, des difféi-ences considérables de
NALEl'RS ANCIENNES 111
la valeur des mêmes denrées d'aunée en année, et même
de mois en mois.
Par suite de cet état de choses, on ne peut jamais
généraliser ni dans le temps ni dans l'espace. Chaque cas
doit être étudié sépai'ément dans son milieu et au moment
auquel il appartient. Plus tard seulement, quand on aura
poussé plus loin les études de nombreux cas particuliers,
on pourra tracer des tableaux géographiques et chronolo-
giques dont l'examen permettra d'avoir une vue générale
de la diminution du pouvoii' d'achat des métaux précieux
dans notre pays au cours des siècles passés.
* *
Exemple de réduction. — En 1450, un chapelain de
Sainte-Gudule, Gilles Van de Kerchove, possédait entre
auti'cs une rente de sept Philippus d'or et de quatre
florins d'or, dits florins de cens (septem denarios aureos
dictos Philippus riders et qnatuor florenos denarios aureos
dictos cheinsguldeneu. Archives des Hospices civils de
Bruxelles, carton B., liasse Evere )
A quelle somme cette rente correspondrait-elle aujour-
d'hui ?
A. i° Le Philippus rider. — Le Philippus rider de
Philippe le Bon était de GT '/g au marc de Troj^es et de
23 carats ^/^ et Vie d'aloi.
Son poids était donc de 'iii^ gr. ()7o \i)oids du marc de
Tro^^es) divisé par 67. o = 3 gr. G4.
Le titre de 23 carats 3/^ et Vie réduit en millièmes donne
992 millièmes.
Le poids de l'or fin sera donc de 3 gr. 64 X 0,992 -= 3gr.6L
L'argent de l'alliage étant seulement de 8 millièmes
peut être négligé dans ce cas- ci.
La valeur du poids d'or fin en monnaie moderne s'obtient
en divisant 3 gr. 61 par 0,2903 (poids du franc or), ce qui
donne 12 fr 4.io.
Les 7 philippus riders valent donc 87 fr. 04o.
2^ Le florin de cens. — Le denier d'or dit florin de cens
est l'ancien florin de Florence qui, au xv* siècle, avait
disparu de la circulation. On l'évaluait en argent.
En 1450, il valait à Bruxelles 2 sols 9 deniers gros, soit
33 gros.
112 V. TOURNEUR
Le gros, depuis 1434, était frappé à raison de 144 au
marc de Troyes, et au titre de 0 deniers.
Il pèse donc 246 gr. 070 divisé par 144, soit 1 gr. 708.
Le titre de 6 deniers coirespond à 500 millièmes. Le gros
renferme donc Ogr. Soi d'argent fin.
Les 33 gros valant 1 florin de cens correspondent donc
à un poids d'argent fin de 28 gr. 182, et les 4 florins à
112 gr. 728.
L'or était à l'argent comme 1 est à 10 '/.s-
Le poids du franc argent équivalait donc à 0,2903 (poids
du franc or) multiplié par 10 '^/g, soit 3 gr. 157.
Les 4 florins de cens réduits en argent moderne valent
donc 112 gr. 728 : 3,157 = 35 fr. 71.
Les deux rentes que possédait en 1450 Gilles Van de
Kerchove équivaudraient donc aujourd'hui à 87 fr. 045
+ 35fr. 71 = 122 fr. 755.
7^. Efforçons-nous maintenant de nous rendre compte
de ce que l'on pouvait acheter en 1450 avec ces 122 fr. 755.
Pour la facilité du lecteur, je laisserai de côté le méca-
nisme des réductions.
En 1450, le beurre se vendait à Bruxelles 3 gros (1 fr. 10)
la livre (0 kg. 467), soit 2 fr 35 le kilogramme.
Les œufs, 10 gros (3 fr 68) le cent, soit 0 fr. 036 pièce.
Le cent de hai-engs. 24 gros (8 fi-. 83), soit 0 fr. 088 pièce.
Un jeune cochon de boucherie, 70 gros (25 fr. 76), si nous
le supposons de 100 kilogrammes, ce qui est le poids moyen
ordinaire des jeunes cochons, cela porterait le prix du
kilogramme à 0 fr. 257.
Enfin, une paire de souliers tout en cuir valait 6 gros
(2 fr. 21).
C. Aujourd'hui, le beurre coûte 15 francs le kilogramme,
soit 6 francs or; un œuf 0 fr 80, soit 0 fr. 32 or; un hareng
0 fr. 40, soit 0 fr. 10 or; le porc 12 francs le kilogramme,
soit 4 fr. 80 or; une paire ordinaire de souliers 65 francs,
soit 2o francs or.
On peut donc dire que l'argent en 1450 possédait une
puissance d'achat bien supérieure à ce qu'elle est aujour-
d'hui; suivant les denrées, elle variait de 2 à 16 fois plus.
Victor Tourneur.
MELANGES
Notes épigraphiques.
I. Fra<>tnent inédit de dédicace d'archonte.
J'ai copié, en 4914, au Musée de Daphni, le petit frag-
ment d'inscription suivant, qui paraît bien être resté
inédit. Il est gravé sur marbre pcntélique. La plaque, qui
mesure actuellement O.ilO de long sur O.lo de haut, est
incomplète adroite et en haut. Épaisseur, 0.01. Lettres
de 0 01, terminées par de petites barres. Le M a la forme
onciale.
YnOMAKP
L'inscription, gravée dans une couronne de myrte, qui
subsiste en partie sous l'unique ligne conservée, appartient
visiblement à la série des dédicaces d'archontes trouvées
dans la grotte d'Apollon du flanc nord de l'Acropole
d'Athènes, ou qui en proviennent sûrement. La liste en a
été dressée par Cavvadias, 'Eqp. dpx., 1897, p. 8 et 87 et sui-
vantes (cf. 1)1. IV). On peut donc restituer en toute certi-
tude :
I 'AttôWuuvi]
ÙTTÔ MaKp|aîç|.
(/f. Cavvadias, /. /.. |). 8, n° 1: F. 'loùXioç MriTpôbaipoç
Mapa;6ubvioç) 0eo"|uo0eTr|O'aç, 'AttôWujvi ùttô MaKpaîç dvéôriKev.
D'après les caractères, noti-e dédicace ne serait pas anté-
rieure au II® siècle de notre èi'e : nous savons par IG. 111,
715 (cL 'Eqj. dpX-, /• /•• p. 13, n" 10 et pi. 111, I, i) que, vers le
114 MÉLANGES
milieu du m*' siècle encore, les archontes continuaient à
faire graver des inscriptions de ce genre dans la grotte
d'A])ollon.
2. l'l-:ii;incnt de dérlicncc copiée par Spon à I-^leusifi.
Nous avons signalé ailleurs le cas assez curieux d'un
texte trouve dans des fouilles récentes, pratiquées à
Athènes, et publié comme inédit bien qu'étant connu déjà
par une co])ie de Pittakis (^). Le cas n'est i)as unique. Un
fragment de dédicace, exhumé à Eleusis (l'éditeur ne s'en
est pas aperçu), ai)partient sûrement à une inscription
depuis longtem])S éditée : elle avait été copiée par Spon à
une époque où le marbre était encore intact.
Ce fragment est celui qui a été publié par Skias, dans
r 'Ecpriiuepiç dpxaioXoYiKri, 1899, p. 208, n" 35.
L'éditeur le restituait comme suit :
1 Ai
[TTaiépJa 5'EuTT
ou Tri 'Puu[|uaiujv]
la dpEavTtt [toû Kripûî-
[kuuv Yé]vouç, dpE[avTa Trjv èTTub]-
[vu|uov dpxi'iv, T. K\. A]uo"ià[6ou]
L'éditeui' ffui)])osait qu'il s'agissait ici d'un fils, inconnu,
du dadouque Tib. Claudius Lysiadès. De cette supposition
erronée, il tirait la restitution [toû KiipuKuuv Té]vouç, qui est
])ar hasard exacte! Il émettait aussi rhy])othèse qu'un autre
fj-agment, également trouvé à Eleusis, ai)pai-tenait proba-
blement de la même dédicace, ce qui est faux.
On s'en convaincra aisément en se rei)ortant à la dédi-
cace IG, III, 702 (2), 11. 5 à 10, d'où provient sûrement le
fragment i)ublié par Skias :
TTpeoPeûcravTa rrpoÎKa,
Ti|ur|6évTa bè ùttô 0eoû
(') il s';igit (lo l:i (Irdicncf IG, III, {V.H. |)iil)]ico i-oinmc inédite par KouPdii-
niotis, TTpaKTiKÙ xf]ç ùpxaioAoTiKf|ç 'Exaipiaç. 1!M(), p. iii, n" 9. <;f. lil.ll.
XXXVIll, lî»|.i, p. il!). iv"2:i.
(-) LdKWY, Inschr. gr. Bildhanern, i.iO; HoHKKrs-GAunNKit, his<r. of
Alliai, :)'2^.
MÉLANGES 1 15
Ko|u,uôbou JY] 'Puj)aaiujv
TToXixeia, dpEavia toû
KiipÙKuuv yévouç, dpSav-
Ta Tiîç iepdç ^epoudiaç.
Les lettres soulignées sout exactement celles du frag-
ment d Eleusis. Intacte au moment où Spon la copia,
l'inscription a été ensuite brisée. L'on voit qu'il reste bien
jjeu des restitutions proposées : c'est môme par le ]>lus
grand des hasards que l'une d'elles résiste à l'éj^reuve.
Rap])elons ici qu'on a également retrouvé dans les
fouilles d'Eleusis deux autres dédicaces qui avaient été
copiées autrefois par Fourmont et Cliandler, dont elles ont
l^ermis de rectifier les lectures (i).
?> Un ethnique à supprimer iZa)ua(JaTeûç).
Skias a publié dans 1' 'Eqpriiuepiç dtpxaioXoYiKri, de 1899,
p. 210, n° 89, deux fragments qui, d'après la forme des
lettres, les dimensions, la qualité et le travail du marbre,
appartiennent sûrement à une même dédicace. L'éditeur la
restitue :
l'O] biiuoç (tôv beîva -']^0K) Zanao"|a]-
léuuç Bu^Yarépa, Muiiôeiclav dqp' écriiaç.
Il observe lui-même cpi'on ne connaît pas d'autre exemi)le
de l'ethnique ZauacraTeûç, au lieu de TajAGOaieûç f-). Mais il
ne s'est ])as apei"çu que sa restitution se heui-tait à une dif-
ficulté i)lus grave : nous savons, par plusieurs textes, que
l'initiée de l'autel ne pouvait être choisie que pai'mi les
jeunes filles de pure race athénienne (^). Par conséquent,
ce n'est i)as un ethnique, mais un démotique qu'il faut cher-
cher à la fin de la 1. 1 . On y lira vraisemblablement — bouc
'A|uaH[av]Téuuç. Cette lecture nécessite une très légère cor-
(•) IG, III, 731 (= 'E(p. àpx-, 1883, p. 77 et I89i, p. 185, n» 31) et IM ('Ecp.
dpx-, i894, p.lBîi, II" 32).
(2) Sur la ville de Sainosale, ef. en dernier lieu l'article de Weissenbach,
Reaf-Enc, la, 2, p. 2220 sqq.
(') Pour ces textes, cf. Foicakt, «Les grands Mystères d'Eleusis », Méin. de
lAcad. des hiscr., WWIl, lilOO, p. 97 sq., et « Les Mystères d'Eleusis», Paris,
1ÎH4, p.277 sq.
116 MÉLANGES
rection : la dernière lettre conservée de la 1. la été lue C,
une forme de a qui est différente de celle des cinq autres
de la dédicace (Z). Bien (ju'il ne soit pas rare, à l'époque
impériale, de ti'ouver jusqu'à trois formes (^) pour une
mcm(i lettre, dans des documents attiques, il ])araît évident
que Skias a pris ici un Z i)our un E.
Paul Gratndor.
Une quittance signée de Watteau.
Une tradition qui s'est transmise dans la famille d'Aren-
berg affirme l'existence dans ses archives d'une quittance
du peintre Antoine Watteau. Personne, jusqu'à ce jour,
n'avait pu la découvrir.
Quand je fus chargé du classement des archives de la
famille, j'eus mon attention éveillée sur ce point.
Aussi fut-ce avec une véritable émotion que, ajirès avoir
rencontré dans un livre de comi)tes de la Maison la men-
tion d'un paiement fait au peintre Watteau ; « Paj'é au
S"" Vateau suivant mémoire et quittance 2>j0 livres », je
retrouvai dans les pièces-annexes le reçu signé du peintre.
Je tenais enfin la quittance tant recherchée!
J'en fis aussitôt p.irt au duc d'Arenberg dans une lettre,
datée du 21 mars 1914, et dans laquelle je lui donnais les
renseignements que je reproduis ici.
Le duc, appréciant toute l'importance de la découverte,
fil immédiatement photographier le document afin de le
pouvoir montrer à quelques personnes de son intimité.
C'est ainsi qu'une épreuve photographique en fut commu-
niquée au prince de Ligne et, en mai lOli, au marquis de
Biron.
Le duc, me réservant l'honneur de ma découverte, m'au-
torisa à publier la pièce. Elle allait devenir la base d'une
notice sur les œuvres de Watteau appartenant ou ayant
appartenu aux collections d'Arenberg, dont les éléments
inédits ont été tous ])uisés aux archives de la famille.
(') (^r. lutlainmeHl le (h-crci IG, III, -2 ■= IG, 11% 107:2. dû le o prend liois
foiines (liinirenlcs.
MÉLANGES 117
L'étude était complètement au point quand la guerre vint
en empêcher la publication. Je suis heureux aujourd'hui
d'offrir aux lecteurs de la Revue belge de philologie et
d'histoire la primeur de la publication de ce document
presque unique, me réservant de traiter le même sujet plus
longuement, au point de vi:e art, et de publier alors la
reproduction phototypique de la pièce originale.
Néanmoins je puis déjà indiquer que cette découverte du
reçu de Watteau est de toute importance, elle nécessite un
nouvel examen des tableaux donnés comme exécutés de sa
main selon la tradition courante dans la Maison d'Aren-
berg". Il s'agit de deux tableaux le Bain domestique et le
Bain rustique qui, aujourd'hui, sont attribués à Pater.
Cette quittance consiste en un petit feuillet détaché,
d'environ 10 centimètres sur 15. Le document a tous les
caractères d'une authenticité indiscutable. Il se trouvait
dans une liasse de pièces serré j de ficelles anciennes, qui,
certainement, n'avait pas été ouverte depuis le jour où le
caissier, il y a deux siècles, vers 1720, l'avait formée et
déi)osée dans les archives.
Le texte en est écrit de la main de M. Bureau de Saint-
André, caissier particulier du duc d'Ai'cnberg à Paris. Il
est l'édigé comme suit :
« J'ay receu de M'". Bureau De S'. André la somme de
« deux cent livres pour deux tableau que j'ay fait pour son
((. .Ait. M=^ le Duc D'Arenberg à Paris ce 4 may 1717. «
Un peu plus bas, sur la même feuille, de la main même
de Watteau, qui signe, il est éciit :
c( bon pour 200 <&.
Vateau. w
Au dos, le caissier a ajouté :
« Q^''^' du S. Vateau, pintre
ce 4 may 1717 200 %.
« Enreg. au 8 may 1717. »
Ce document est extrêmement intéressant.
La forme du nom de l'artiste retient d'abord notre atten-
tion: Fa/eaiz. L'orthographe de ce nom restait incertaine;
lis MÉLANGES
on l'a écrit d'une don/aine de manières : Vatteaiix, Vatau,
Vataiix, Vnllc'iui, Waltenii, etc. Ici, c'est Vateaii. Cette
forme, noiin la trouverons encore dans un inventaire des
tableaux des collections d'Arenberg de 1768 {^).
Et le prix que l'on payait ses œuvres, de son vivant,
n'est^il pas intéressant? Deux cents livres pour deux
tableaux !
La date, 1717, est la même que celle de Vl-^inbanjucnient
pour Cythcre; c'est la bonne époque, celle du plein
épanouissement du talent du peintre !
Vateau livrait ces œuvres au duc Léopold-Pliilippe
d'Arenberg, protecteur des arts, ami des lettres (1690-1754).
Il se peut que le due l'ait rencontré à Paris, où il aimait à
séjourner; ou peut-être, et tout aussi bien, à Raismes,
près de Valenciennes, où il possédait un château, ou
encore à Valenciennes même.
Une quittance authentique du grand peintre est chose
précieuse. Je ne connais, en dehors de la pièce qui nous
occupe, que le reçu donné ])ar Watteau au duc Philippe
d'Orléans en 1719(2).
Parmi les autogra])hes, on cite encore la signature qu'il
apposa au bas du procès-verbal de sa réception à l'Acadé-
mie : a Vateau » (3). On dit encore qu'il ne reste de cet
artiste que quatre lettres !
Le cliché de la quittance que nous comptons publier
ultérieurement i)ermettra, par la comparaison des écri-
tures, de distinguer avec certitude les vrais autographes
des faux qui circident nombreux.
Eu. Laloire.
Bruxelles, le \Vy octobre 1921.
(') D'après les anciens livres de coniiilos de la Maison d'Ai-enl)er£r, son nom
s'écrit encore Valuu.r (\~-l)\-\~îL^\\, Wattmu.r (177;î).
(-) « J'ay i-ecn de Monseij'rienr le ûw d'Oi'leans, :2(Kt livres |Miur un iietil
tableau qni re|ireseiile un jardin avei- Iniil lis,Mires.
Fayl il l'aiis, le II Aonsl ITl'.l.
Antoine Vateau ». (Pilon, VA., H'nllcdn cl son émir. Uruxelles,
l!t|-2, p. 12rj.)
(') I.e 28 août 1717. (.losz, V., \. Wallcav, Paris, éd. darl II. IMaz/.a et C'e.
p. U52.)
COMPTES RENDUS
Hermann Hirt. Der indogermanische Vohalismus. Heidelberg,
Cari Winler, 1921, in-8°, 256 pages.
Ce travail du professeur de sanskrit et de grammaire com-
parée à l'Université de Giessen forme le tome second d'une
grammaire indo-européenne qui comprendra quatre volumes,
le premier devant être consacré à une introduction et au
consonantisnie, le troisième à l'accentuation, le quatrième à
la formation des thèmes et à la morphologie ; les tomes III et
IV paraîtront, nous dit-on, dans un temps assez rapproché;
le tome 1 ne viendra que plus tard.
Ce tome second, qui traite du vocalisme indoe-uropéen et de
son apophonie, peut être considéré comme une deuxième
édition du mémoire publié par M. Hirt en 19U0 sous le titre
de : Bas mclogermamsche Ahiaut, fornehmlich in seinem
Verhalfais zur Betonung (Strassburg Triibner), mémoire
auquel j'ai consacré un compte rendu détaillé dans la Reime
de rinstruction publique (tome XLVI, 19U3, p. 189 sqq.),
mais dans le détail et dans la disposition de la matière, le
cadre étant élargi et l'analyse approfondie, il en diffère sensi-
blement. Une fois de plus, M. Hirt s'y révèle avec son érudi-
tion de premier ordre et sa forte personnalité, mais aussi avec
sa hardiesse coutumière. Un bon nombre d'étymologies adop-
tées au cours du xix" siècle, puis rejetées comme étant en
contradiction avec les lois phonétiques, reçoivent ici une
lumière nouvelle par l'interprétation propre à l'auteur ; on
ne saurait dire encore si cette lumière sera durable. 11 va de
soi que ce livre est d'un puissant intérêt et qu'il s'impose dès
l'abord à l'attention de tous les comparatistes, mais, ainsi que
je le disais ailleurs et à propos de son Handbuch der grie-
chischen Laid- und Formenlehre (l'"'' éd. 1902; 2'^ éd. 1912;
120 COMPTES RENDUS
cf. Revue des FAudes orecques, tome XXXI, 1918, p. 381),
ce travail de M. Hii't sera lu avec fruit par ceux-là surtout
qui peuvent exercer ua droit de critique et discuer in petto
les idées du maître.
Emile Boisacq.
Bacchi ide. Odi e Fram/menH a cura di Nie. Festa (Bihl. di
class. greci tradotti e illustr. col testo). Florence, Sansoni,
1911), in-8^ XLViii-154 p., L. 1.80 -t-5J p. c.
Petit livre, qui ne peut évidemment soutenir la compa-
raison avec la luxueuse édition de MM. d'Eichthal et
Th. Reinach. Gracieux opuscule néanmoins, qui se lit avec
plaisir et profit.
M Festa est un spécialiste de Bacchylide. Dès la découverte
des premiers fragments, il s'est occupé d'un auteur qui semble
avoir suscité chez les Italiens bien plus d'enthousiasme que
Ménandre(^). Avant la trouvaille de 1S9H, 20 années avant
la résurrection de Bacchjdide, la « Sirène babillarde » de
(]éos était déjà populaire en Italie; elle devait cette faveui-
aux vers grandioses que Carducci lui avait consacrés :
* Vederti, o Lidia, vorrei... Je voudrais te voir, ô Lydie, dans
un chœur candide de vierges, ceindre en dansant l'autel
d'Apollon, bien haut dans les soirs rosés, en marbre de Paros
rayonnant, parmi les lauriers, et répandre des anémones,
joie des yeux, et de ta lèvre harmonieuse, un hymne de
Bacchylide ».
Mais le génie de Carducci ne pouvait deviner la nature
d'un écrivain du vi" siècle avant notre ère. C'est pourquoi,
bien qu'aux Italiens les vers que nous venons de traduire
apparaissent peut-être comme une divination, rien ne res-
semble moins au poète grec que ces vers ma'estueux (\'In una
chiesa Gotica. Le profane même peut s'en rendre compte en
lisant l'une ou l'auti-e des excellentes traductions que nous
possédons C'^i.
(*) L'Ilîilie |)()ss('Ml;iil (lt''J!i deux Ixtiiiio.s (''dilions do Bacohylido : celle de
N. FeslJi iiii-mr'iTic {l'Ion'iuc, l«i)8)cl iiiio autre de A. Taccone (Ttiriri. 1907).
[-) Dksumisskmx. Paris, llaclicllc l«it«; u'I-jciniiAi cl Tii. Hkinaoii. Paris.
Leroux, I8!t8. (Irad. en vers).
COMPTES RENDUS 121
Celle de M. Festa Ips confirmera dans cette opijiiou que
Bacchylide est un grand poète de second ordre. Le style
apparaît bien plus clair que celui de son rival. Pindare. Mais
la iàche n'est pas aisée de rendre ces épithétes nombreuses,
où il semble lutter de condensation et d'éclat avec Pind;ire
même : aeiuvobÔTeipa, xotpiTcOvuiuov, Gpaoùxeip... M. Festa s'est
très bien tiré de cette ditiiculté, par exemple ch. II : « Prends
ton vol, ô Renommée, dispensatrice de gloire, et porte à la
sainte Céos l'annonce que dans la lutte aux bras vigoureux.
Argéios a remporté la victoire ». C'est textuel et cependant
sans efFort, sans contra nte. Le traducteur n'a reculé que
devant xapiTUJvu)uoç. Mais il a gardé pour la fin l'idée princi-
pale : la victoire d'Argéios.
Pour le texte, la destination du volume a imposé à M. Festa
l'obligation d'indiquer seulement par un astérisque les pas-
sages douteux. M. Festa n'a pas voulu parsemer ceux-ci de
crochets et de points. Le lecteur s'en trouvera mieux; le
philologue le regrettera d'autant plu> qu'il sera obligé de
recourir i^ Blass-Suess (Leipzig, A^ éd., 1912) et de compléter
ce dernier, pour les nouveaux frai^ments, au moyen du
Supplementum, lyricum de Diehl (3" éd., Bonn, 1917). M. Festa
n'a pas donné non plus de bibliographie ni de notes critiques.
Par contre, l'introduction de 40 pages satisfera le plus
difiicile; les remarques judicieuses et fines y abondent, et
dans presque toutes les questions débattues, on est de l'avis de
M. Festa : rivalité de Bacchy ide et de Pindare; comparaison
de l'aigle chez les deux poètes; le duel xapùeiov ; erreur de
Schmidt (6« éd.) en ce qui concerne le buste de Hacchylide, etc.
C'est donc bien à regret que je me vois contraint à une
remarque.
M. Festa a su nous apporter quelque chose de nouveau sur
le lieu d'exil de Bacchylide : c"e-t l'examen qu'il entreprend,
après d'autres sans doute, mais à fond cette t'ois, d'un passage
du irepi qpuYnÇ de Plutarque(i) (14 p. 605 G) : Kai Yàp toîç
TTaXaîoiç, ujç eoiKev, al Moûo"ai là KctWiOTa tûùv ouviaYMâTiJuv
Kài^boKiMÛJTaTa cpuYqv XaPoûaai OuvepYÔv èTTeTéXeffav. 0ouku-
bîbnç 'ABnvaîoç auvéYpavpe t6v TrôXeiuov tuùv TTeXoTTovvricriuuv
Ktti 'ABqvaiuuv èv OpâiKni Trepî rtiv ZKarrTriv u\r|V Zevôqpuuv èv
(') Go |)ass;ig(> vient dêlre ctiidié, mais à un aiili'c poiiil dr \ iic. pai-
(i. KoRTK, fleniips. 1918, p. 1 irM.47.
1-2 COMPTES RENDIS
rKiWoûvTi Tiîç 'H\eiaç" OiXidroç èv 'HîTeipoir Ti|uaioç ô Tau-
poueviniç èv 'A9nvaiç' 'AvbpoTÎuuv 'A9i]vaîoç èv Me-fotpoiç-
BttKxuXibiiç ô TTOiiiiriç èv TTe\oTrovvi'icru)i. Plutarque dit ailleurs
{Dion, 13) que Philistos a été exilé à Hadria; de plus, dans le
texte ci-dessus, après le mol BaKxu\îbr|ç on altend un adjectif
d'origine; enfin, affirme M. Festa. (7uvéYpai|;e tôv ttôXêiliov est
une expression verbale, forme un tout, dont BaKxuXibriç est
le sujet. M. Festa en conclut que nous avons ici afïaire à un
« pasticcetto ». Nous l'épondrons : 1" la théorie des interpo-
lations battue en brèche même pour le^; textes latins (^), l'est
plus encore pour les textes grecs (-); "^J' le pasticheur est bien
maladroit, puisqu'aprés avoir écrit cruvéYpaijJe tôv ■nà\ç.\xov,
il accorde à Bacchylide l'épithéte ô TTonÎTriç; 3° les noms
propres au nominatif sont sujets non de cruvéYpaipe tôv iroXe-
jLiov, mais de cruvéYpaqje seul. XuYYP«(peiv se dit très bien d'une
composition quelconque, même d'une poésie (cf Théocr. 20, 4);
4" la correction de Gobet ô 'IouXuîtîiç lève toute difficulté (3);
5" 'Ev 'HTreipuj peut être dû à l'une de ces innombrables
méprises auxquelles Plutarque nous a accoutumés ("*). Mais
c'est plus vraisemblablement une erreur du copiste; aussi, au
lien de èv 'H-rreîpuui, proposei^ai-je de lii^e èv TTiKiivoîç ou èv
TTiKiivibi. La confusion a pu être causée par un manusciit à
abréviations.
11 y a lieu de féliciter les éditeurs d'avoir eu la main si
heureuse en choisissant M. N. Festa pour publier le premier
volume de leur collection. C'est de bon augure.
Arth. Humpers.
(♦) Glakk, Rcvenl developments in lextual crilicisin (Oxford, l'.Hti: Tlir
Descent of Mannscripts (ibid., 1918), etc. >
(-) C'est la leçon qu'ont donnée aux crllùiuos d'outro-Rhin les récentes
découvertes de papyrus littéraires. Oi. (îkk.nkki.i., dans Journal of Hell.
Stndies, lî(i8, p. 17 sq.
(•*j Cobet est l'un de ces hellénistes dont les conjectures ont le moins à
craindre des découvertes de textes. Voyez en effet yeue Jahrhiiilier, 1917,
|). .306.
(^) P;u' exenijile en ce (jui coiu-erne la victoire d'un Aiitijjone (textes dans
Bclocli, III, 2, p. 128). Il est vrai qu'ici ej^alcment, je serais d'avis de suppri-
mer la coniradiclion entre dr ips. (and !."> l'AvriTOvoç ô beûrepoç; de même
Àpop/iHi. Ani. 2 et Qiiacs/. Sipnp. V. 2, 2) et la vie de Pelop. 2 ('AvTiYovoç ô
Y^pujvj en lisant, non pas Aûj0ujv (ainsi (|ue le propose Kelocli.), mais beùxepoç,
comme dans les autres textes. La correction de Helocli remplace une contra-
4liction pai' une autre. Nous reviendrons sur celte ([uestion.
COMPTES RENDUS 123
Alfred Humpers. Etude sur ta lan(jue de Jean Lemalre de
Belges, Liège, Vaillant-Garmanne, 1921, 1 vol. in-8°, 'Mi p.
(Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de
l'Université de Liège, fascicule XXVI).
Voici un de ces travaux modestes, mais utiles, qui récla-
ment de leurs auteurs des qualités solides, encore que sans
vif éclat : une longue patience, une attention minutieuse, un
sens critique toujours en éveil, et, par-dessus tout, une cer-
taine dose d'abnégation.
Ces vertus diverses. M. Humpers les possède en grande
part, et son étude sur la 1 ingue de Jean Lemaire peut pren-
dre rang parmi les bons travaux philologiques dont ont
fourni le sujet les écrivains de la Renaissance. Sa méthode
est rigoureuse et précise. Il a pris pour base de ses dépouil-
lements les dernières éditions parues du vivant de son écri-
vain. Encore a-t-il dû, au préalable, déterminer la date,
demeurée obscure et controversée, de la mort de Jean Le-
maire. Il a donc commencé par examiner ce menu problème
d'histoire littéraire dans une petite dissertation fort bien
conduite, à laquelle il renvoie le lecteur, mais qu'il aurait
pu reproduire dans le présent volume sans l'alourdir outre
mesure.
Le lexique qu'il nous offre cette fois comprend cinq divi-
sions. Les deux premières rangent dans l'ordre alphabétique
les mots ou les sens qui ont disparu de l'usage moderne, ou
qui, tout au moins, y sont devenus rares. Ces deux rubriques
constituent donc un glossaire destiné à faciliter la lecture de
Lemaire. Les trois suivantes groupent les mots récents, les
mots nouveaux et les sens nouveaux employés par Vindiciaire
belgique. On aura une idée de leur richesse quand j'aurai dit
que M. Humpers enregistre ainsi prés de .'^00 mots nouveaux
ou dont l'emploi n'avait pas encore été signalé à pareille
date. Il a naturellement eu soin de mettre chacun de ses arti-
cles en rapport avec les principaux répertoires du vocabulaire
français : le Dictionnaire général, Littré, Godefroy, Bonnard
et Salmon, et, pour le xvi'= siècle, Palsgrave et Delboulle. Il
n'a pas manqué non plus de recourir à certaines études philo-
logiques sur d'autres écrivains de la Renaissance, et il a tenu
compte des résultats obtenus par Allut, dans son livre sur
124 COMPTES RENDUS
Symphoi'ien Ghampier, et par M. Oulmont, dans sa petite
thèse sur Gringore.
La critique d'un 'ouvrage de ce içeni*e, qui est avant tout un
recueil de matériaux, ne peut guère se faire qu'à la longue et
par l'usage. Je ne suis pas sûi' que, par excès de prudence,
M. Hunipers n'ait pas accepté parfois des formes qui sont de
simples (( coquilles» d'impression. Je suis plus certain encore
que des dépouillements ultérieuis réduiront, dans une assez
forte mesure, l'origine lexicologique de Jean Lemaire. L'éru-
dit qui aurait le courage de soumettre à pare Ile analyse
philologique l'œuvi-e d'un Molinet, par exemple, y découvri-
rait. >elon toute vi'aisembiance, nombre de mots et de sens
dont il est ici fait honneur à l'auteur des Illustrations. Mais
je crains que nous n'attendions longtemps en'-ore ce lexico-
graphe intrépide... Aussi bien, c'est le sort fatal de semblables
recherches de niemeurer toiijoui's provisores, et quand on
signale, pour un terme, le premier emploi connu, il faut
presque toujours l'entendre avec cette réserve tacite : «jusqu'à
plus ample informé ». Il re>-le que, dans bien des cas. ,
M. Humpers a réussi à reculer sensiblement dans le temps la
première apparition constatée de maint terme et de maint
emploi. Il apporte ainsi une estimable conti-ibution à notre
connaissance historique du vocabulaire français.
Les mêmes mérites se retrouvent dans le consciencieux
dépouillement des faits de syntaxe qui complète son étude.
Le • lassement en est rigoureux, et, ici en' ore, une lai'ge part
se trouve faite au point de vue compai-atif. L'auteur pi-end
pour guides les tableaux densemble qu'a donnés M. Brunot
diins sa mag strale Histoire de la langue française, mais il
utilise aussi et avec raison le livre de M. Huguet sur la syn-
taxe de Rabelais, la thèse de Hamon sur Jean Bouchet et
nombre d'autres études de détail.
On l'egret le qu'un index généi'al ne termine pas le volume :
il en aurait singuliéi-enient facilité la consultation. M. Hum-
pers a préféré nous donner une bibliographie des œ 'Vi-es de
Lemaire, qui rendra de réels services, môme après celles de
Stécheret de Mi.-Ang. Becker. Les historiens littéraires trou-
veront à glaner au si dans les textes nombreux qu'il rassemble
au seuil de son élude i our établir combien a été grande l'in-
flu(Mice de son auteur. PeuL-èti'e aurait-il jju chercher davan-
COMPTES RENDUS \'2î)
tage à dégager de ces témoignages des raisons d'ensemble et
à tracer d'un trait plus net la courbe de cette influence. Une
défiance pleine de modestie l'a presque constamment retenu
de s'élever à des idées générales. Le peu qu'il nous dit pour
interpréter les textes recueillis est, du reste, assez judicieux
pour nous faire i^egretter qu'il n'ait pas osé davantage.
En rppeniiice, M. Humpers nous livre enfin une série de
noies critiques sur l'édition Stécher des œuvres de Lemaite.
Ces errata sont assez riches en omissions, additions, erreurs
de lecture, substitutions et confusions. Il paraît bien résulter
de cet examen attentif que la seule édition moderne de Vindi-
ciaire belgique a été procurée avec quelque négligence. Les
bévues y sont parfois curieuses, comme celles qui trans-
forment un chapeau en un houppeau, une potion melliflue en
une portion mellifltte. Et la moins étrange n'est pas celle qui
enrichit d"un personnage nouveau la Couronne margariti que,
en transformant le vers :
Et là, la vierge innocente et purette
en cet autre ;
Et Lala, vierge innocente et purette.
Décidément, il ne faudra désormais accorder à l'édition
Stécher qu'une confiance sagement mesurée. Et c'est encore
un enseignement dont nous sommes redevables à M. Humpei's.
Gustave Charlier.
Gustave Cohen. Ecrivains français un, Hollande dans la pre-
mière moitié du XVII" siècle, Paris, Champion, 1920,
in-8°, /56 p. et 52 pi. hors-texte. 5j francs (').
L'ouvrage du savant professeur à l'Université de Sfras-
bour;i apporte une contribution non seulement à l'histoire de
l'expansion française à l'étranger, mais encore à l'histoire
(') Cf. larlielL' de M. Gistave Lanson par» sous le même litre dans la
Revue des Deux Mondes, l*^"" oclobi'e 19:21, p. 555 583 et celui de M. Gistave
Cohen [)ublié par Le Flainhean, 30 avril 1921, p. 481-50-!. — Il faut coniger
dans l'arlicle de M. Lansori trois taules malencoulreuses : p. 555, au litre,
1. 3; lire : première, au lieu de : deuxième ; p. 56i, 1. 21, lire : /.57J, au lieu
de : i67S; p. 570, I. 9, lire : Lei/de, au lieu de : Liéfje.
126 COMPTES RENDUS
générale de la littérature et de l'humanisme dans la première
moitié du xvii' siècle.
La Hollande a été bien avant 1685, date de la Révocation
de l'Edit de Nantes, un refuge et un séjour de prédilection
pour les protestants français, et aussi, dans un grand nombre
de cas, pour les catholiques « lorsque ceux-ci avaient soif
d'indépendance et de liberté ».
Laissant de côté la pénétration de la civilisation française
en Hollande i)ar les relations commerciales et économiques,
ne s'inquiétant pas des « friseurs », des « perruquiers » et des
« danseurs » que la France y envoyait, M. Cohen n'a regardé
que l'élite imellectuelle : ce que la France a donné aux
Provinces-Unies de poètes, d'érudits et de penseurs.
La matière est distribuée naturellement en trois livres :
Un poète-soldat s'enrôle dans les Régiments français ati
serriœ ries Etnls : Jean de Schélandre, gentilhomme Ver-
dunois : c'est le Livre L
Des professeurs et des étudiants français affluent à l'Uni-
versité de Leyde, c'est la matière du Livre IL
Le Livr" HL suite et synthèse des deux autres, est consacré
à la Philosophie Indépendante, a Descartes faisant de la
Hollande l'asile de sa pensée solitaire.
Qui mieux que M. Cohen, grand blessé de la dernière
guerre, pouvait donner une âme à ces noms de grands et
brillants officiers et de rudes soldats qu'il fait défiler devant
nous en un tableau vivant?
Aux côtés du poète-soldat, l'auteur de Tyr et Sidon, nous
prenons part aux combats des régiments français au service
des Etats, et nous pénétrons leur existence. Ses vers nous
tracent, avec une minutieuse exactitude, les champs de
bataille et les marches de ces vaillants soldats : c'est la
Bataille de Nieuport et VOde pindariqxe sur le voyage fait
par l'armée des Etats de Hollande,., l'an 1(>02. et sttr la
Prise de Grave.
L'immatriculation de Jean-Louis de Balzac et de Théophile
de Viau en qualité d'étudiants à l'Université de Leyde. le
8 mai 1615, ouvre le Livre il.
Le peuple de mari-hands qui adora, selon Saumaise, « le
démon de l'or couronné (ie tabac et assis sur un trône de
fromatre », n'hésite pas enti'e la fondation d'une Université et
COMPTES RENDUS 127
une exemption d'impôts : il choisit 1' « Académie » et c'est
ainsi que le 8 février 1575 est installée l'Université de Leyde.
Les deux premiers professeurs nommés sont deux théolo-
giens français : Louis Gappel, Parisien, et Guillaume Feu-
geroy, de Rouen. Trois ans plus tard, des Belges prendront
place au sein du personnel enseignant : Drusius, d'Aude-
naerde, Vulcanius, de Bruges, Bollius, de Gand et, grand
entre tous, Juste-Lipse, qui enseignera l'histoire et le droit.
Après eux, c'est un défilé des meilleures gloires françaises
dans l'église des Béguines Voilées, puis dans le cloître des
Dames Blanches, où l'Université trouve en 1581 son établis-
sement définitif.
C'est Lambert Daneau, de Beaugency, un des plus grands
théologiens du xvi'" siècle, et après lui, Saravia, Du Jon, du
Moulin. Trelcat et Basting.
C'est Hugues Doneau, de Ghàlon-sur-Saône, le juriste
émule de Gujas, c'est Charles de l'Escluse, d'Arras, le fameux
botaniste, ce sont Baudius, de Lille, et Polyander, de Metz,
l'un juriste, l'autre théologien; c'est encore André Rivet,
l'excellent théologien protestant; ce seront plus tard Duban,
d'Autun, un des professeurs de Descartes au collège de La
Flèche, et Botté, qui se feront les propagateurs de la doctrine
cartésienne. Ce sont aussi des professeurs d'éloquence ou de
langue française, tels Jarrige, La Barre et Lamôle, mais ce
furent surtout : le plus grand philologue du xvr siècle,
l'incomparable Joseph-.Juste Scaliger et son digne successeur
du xvi" siècle, l'illustre Claude Saumaise (^).
Les négociations qui doivent décider ces savants français
à se rendre en Hollande sont longues et difficiles : «. les traités
« de Westphalie et de Nimègue ne sont pas menés a bout plus
« facilement que l'acquisition de Scaliger, de Rivet ou de
(c Saumaise par l'Université de Leyde {^) ».
Les voyages incommodes et le climat font hésiter longue-
ment un Rivet, un Scaliger, un Saumaise. Mais l'attrait du
gros traitement que l'on fait miroiter à leurs yeux — ce
(') Il ne faut pas conlundro le piiiUilogue Claude Saumaise, alias Suhnasius,
el railleur du Dictionnaire des Prc'cieusen, Baudeau de Soniaize. connue l'a
fait dernièremeul encore M. Emile Heuriul, à Toccasion de la souleuant;e de
Ihèse de M. Cohen (Le Temps, 16 février 1921).
(-) GrsT. Lanson, article cité, p. 500.
128 COMPTES RENDUS
peuple de marchands sait payer la science; Scaliger reçoit
2000 florins et Sauniaise verra son traitement porté à
3000 iîorins en 1644 — et surtout un bien plus précieux, la
liberté, ont raison de leurs hésitations. On ne leur impose
aucune ob'igation. Ils ne feront pas de cours : on ne leur
deman le que d'être là, de se livrer à leurs travaux, de décorer
l'Université par leur présence et leurs ouvrages!
Scaliger vécut seize ans à Leyde, Sauniaise y passera vingt
années.
Jalousies de collègues, querelles de préséance, rigueur du
climat peu favo able à ses rhumatismes : Saumaise (^) n'y
fut pas très heureux. Grognon, il réclame toujours, mais
toujours les Curateurs lui accordent tout, honneui-s et ai'gent :
ils tiennent trop à sa pei'sonne, purui'e et gloire de leur
Universiié!
Content ou mécontent, Saumaise, après des absences pro-
longées, revient toujours «en ce pais, parmi ces ventres de
bière » où il devint « fort flegmatique et catarreux ».
II y préférait la certitude de sa pension « payée à poinct
nomme, tous les trois mois un quartier», aux belles pro-
messes de France : « Une pension en France, et rien, c'est
tout un », écrit-il.
Avec la mort de Saumaise, se termine le régne de la philo-
logie française à l'Université de Leyde, mais il ne tint pas
aux (Curateurs qu'il ne fût continué par Tanneguy-Lefévre, le
père de M"* Dacier.
Les maîtres sont suivis à Leyde de nombreux étudiants. De
1576 à 1649, c'est une succession ininterrompue de jeunes
gens venus de toutes les parties de la France, selon un mou-
vemeni régulier dont les sommets sont à l'ai-rivée de Scaliger,
de Rivet et de Saumaise.
De mœurs peu exemplaires, ils aiment la tavei-ne, la
« Porte du Ciel », ou le « Lion combattant»; ils ne dédaignent
pas les femmes, pas plus que les dés et les rixes avec le guet
où les duels tiennent une grande place dans les annales
universitaires.
(') «Saiiniaisi! est catlioliquc -, tlil M. Lmiisoii, p. .iOT. Saumaise, né de père
(;aUioli(pie el de mère proleslanle, avait empniiilc le piolcslaiilismc depuis
loiifjleiiips déjà lorstiucî!^ 10:2.3 il épousa Anne Meivicr, une des filles du
savant 'losias Meiciei".
COMPTES RENDIS 129
Le Livre III synthétise les deux aspects de linfluence
française aux Pays-Bas.
Suivre Descartes dans les rangs des troupes de Maurice de
Nassau à Bréda en 1618. puis étudiant aux Universités de
Franeker et de Leyde et ensuite dans sa retraite à Santpoori,
à Harderwijk ou à Endegeest, telle est la tâche que M. Cohen
s'est imposée dans ce livre qui constitue la partie la plus
importante de sou travail (p. 355-689). Il a voulu être le
continuateur des biographes du grand philosophe, de celui du
xvir siècle, André Baillet et de ceux de nos jours. Adam et
Tannery.
Utilisant les sources déjà connues, M. Cohen y ajoute de
nouvelles pièces d'archives dont la plus intéressante est sans
doute le contrat d'édition du Discours de la Méthode, contrat
qu'il publie pour la première fois ( p. o03 et 5(J4). et dont il
nous donne un superbe fac-similé (planches XLI et XLII).
C'est surtout la part du sentiment, beaucoup plus large
chez Descartes qu'on ne le croit communément, que M. Cohen
a fait ressortir : bonté et complaisance envers ses domestiques
dont il fait ses élèves et ses amis; amour paternel pour sa
fille Francine, née d'un « divertissement »: « Amour intel-
lectuel » pour la Princesse Palatine Elizabeth : sentiment
religieux, attitude mystique : son catholicisme et ses relations
avec les Rose-Croix.
11 raconte aussi les querelles de doctrine : la lutte de
Descartes et plus souvent de ses disciples contre les partisans
de l'aristotélisme, de son élève Régius contre son détracteur
Voetius, pour ne pas citer les autres.
Pour compléter cette analyse biographique de Descartes,
M. (Johen apporte encore un document précieux : il nous fait
connaître (pi. LI, fi-ontispicej un portrait inconnu du philo-
sophe, conservé à la Galerie Ny-Carlstadt de Copenhague, une
robuste toile de Frans Hais, qui semble être « ou la réplique,
ou peut-être l'original » du tableau du Louvre.
.\joutons quelques lignes encore pour faire connaître un
des ouvrages utilisés par M. Cohen et dont l'importance est
considérable poui' l'histoire de l'humanisme au xvir siècle :
c'est la publication magistrale enirepi-ise par le D' P. C Mol-
huijzen, bibliothécaire du Palais de la Paix à La Haye, des
archive-; de l'Université de Leyde, sous le titre ; Bronnen
]'.M) COMPTES RENDUS
tôt de gescliiednn.s der Letdsche Universiteit (Rijks Geschied-
kundige Pubiikatiën, La Haj^e, M. Nijhoff. in-4°, T. 1,(1574-
1610), 1913; t. 11,(1610-1647). 1916; t. 111, (1647-1682), 1918).
Dans une forme particulièrement vivante et agréable, sous
une pi'ésentation impeccable qui facilite, par l'emploi de
judicieux titres courants et par l'existence d'un index ono-
mastique, le travail de recherche, M. Cohen nous livre « un
beau travail de restauration archéologique ».
Nous espérons que M. Cohen ne nous fera pas attendre
longtemps le deuxième volume de son étude qui nous mènera
jusqu'à la Révocation de l'Edit de Nantes.
Jean Baugniet.
Ch.=P. Julian et P. Fontan. Arithoiogie du Félibrige provençal
(1850 à nos jours). Poésie. Tome 1 : « Les fondateurs du
félibrige et les premiers félibres ». Paris, Delagrave, 1920,
in-12, 460 p. (Collection PallasK
Le mouvement littéraire dont Mistral a été l'âme pendant
plus d'un demi-siéclo continue de retenir l'attention. Les
anthologies néo-provençales se succèdent rapidement. Après
celles de Praviel et de Brousse (L'Anthologie du Félibrige,
Par-is. 1909), de Gaubert et Véran (Anthologie de l'amour
provençal. Paris, 1909), de Bourilly. Esclangon et Fontan
(Flourilege prouœnçau, Toulon, 1909). de Portai {Antoiogia
pronenzale, Milano, 1911), etc., voici un recueil qui prend
très avantageusement |)lace à côté de ses devanciers.
L'ouvrage comprendra trois volumes, le tome II étant
destiné aux poètes de la deuxième génération et aux poètes
actuels, et un tome 111 étant réservé à la prose. MM. .Tuliau
et Fontan limitent leur collection aux écrivains qui ont utilisé
la langue illustrée par les chefs-d'œuvre de Mistral ; ils
assurent ainsi à ce florilège une harmonieuse unité et ils
évitent de l'encombrer d'une Coule de compositions ayant
toutes les faiblesses des littératures patoisantes. Les auteurs
admis à figurer dans le premier volume sont peu nombreux,
à peine unevingtaine, parmi lesquels une large place se trouve
naturellement faite aux chefs de file, Mistral, Roumanille et
Aubanel. Le choix des pièces ou fragments destinés à donner
I
1
COMPTES RENDUS 131
une idée de l'œuvre de ces poètes prête à des chicanes, cela va
de soi. II était bien difficile, par exemple, de détacher de
Mireille un extrait qui remplaçât le poème entier, et peut-
être eût-il mieux valu renvoyer le lectenr aux éditions si
répandues de cette exquise épopée pastorale. Parmi les poésies
détaciiées du félibre de Maillane, je regrette de ne point ren-
contrer le Psaume de la Pénitence, auquel les événements
récents ont rendu un intérêt d'actu dite et qui montre mieux
que toute autre pièce la puissance du souffle lyrique cliez
Mistral. J'aurais aussi voulu voir reproduire l'hymne A la
race latine, remarquable par la splendeur du verbe, et qui
trahit une des vastes aspirations chères aux félibres de la
première heure. Mais il serait vain de nmlt'plier les observa-
tions de cette espèce. Constatons plutôt que, dans la copieuse
floraison poétique rassemblée par MM. Julian et Fontan, il
n'y a pas un morceau vraiment médiocre et indigne de figurer
dans une anthologie où les auteurs de second plan voisinent
avec les meilleurs écrivains. Les traductions françaises
accompagnant les textes provençaux ont été revues avec soin
et méritent toute confiance. Des fac-similés d'autographes et la
musique des chansons les plus connues donnent au volume un
intérêt documentaire Mais il faut surtout signaler, pour leur
exactitude, la richesse de leur information et leur valeur
objective, les notices bio-bibliographiques consacrées à chaque
poète. On y trouvera tous les éléments d'une histoire anecdo-
tique et critique du félibrige. Rédigées a l'aide des travaux
les plus récents, de ceux-là surtout qui ont enfin soumis la
production félibréenne à des investigations de nature scien-
tifique (notamment le livre d'Emile Ripert sur La Renais-
sance provençale, Paris, 1918), ces notices se recommandent
par une juste évaluation du mérite littéraire propre à chaque
écrivain, et elles déterminent avec précision le rôle joué par
chacun dans le relèvement national et littéraire du Midi.
A. Uayot.
Giulio Bertoni, Italia dialettale, Milan, U. Hoepli, 1916,
petit in-8°, 249 p., 31. 50, majoration 1 I.
Sous le titre, renouvelé d'Ascoli, (Vlialia dialetlale,
M. G. Rertoui, dont on connaît les savants travaux dialecto-
132 COMPTES RENDUS
logiques, i-ésume en uu manuel Hoepli ce que l'on sait du
lexique, de la phonétique et de la syntaxe de l'Italie septen-
ti-ionale,centi'aie et méridionale, l^e premier groupe comprend
les dialectes italo-gallo-Jadin et vénitiens. C'est celui que
M. Bertoni a le plus étudié, et sur lequel il donne les ren-
seignements les plus circonstanciés. Il sait très bien que la
notion de dialecte, inséparable de l'idée de loi phonétique,
est une constructiDu de notre esprit. D'ailleurs, la géographie
linguistique, telle que l'atlas de Gilliéron l'a rendue possible,
n'a-t-elle pas ébranlé à jamais la pseudo-science naturelle
des changements phonétiques? Mais il y a des groupes régio-
naux, des modes du langage, et cela étant assez typique pour
former un « dialecte m. on voit parfois ce dialecte essaimer en
dehors de sa province. L'Italie a des îlots linguistiques; et
M. Bertoni consacre un appendice à ce qu'il appelle les
colonies dialectales, telles que le génois à Bonifacio (Corse)
et ritalo-gallo-latin en Sicile.
La bibliographie de M. Bertoni est copieuse comme son
érudition. Au § 8 (élément français) il aurait pu rappeler la
communication de Paul Meyer au Congrès de Rome (1903),
quoiqu'elle soit de nature littéraire. L'histoire du langage
(et la linguistique est-elle autre chose?) est inséparable de
l'histoire littéraire et de l'histoire tout court.
Un index de 40 pages achève de rendre pratique et com-
mode ce traité consacré à la province la plus harmonieuse de
la terre parlante. .
A. COUNSON.
Bertha S. Phillpotts : The Elder Edda and ancieni Hcandina-
vian drama. Cambridge University Press, 1920, in-8".
Prix : 2 shillings.
L'origine du théâtre de l'Antiquité et des mystères du
Moyen Age est rattachée, par 'certains théoriciens, au rituel
du culte religieux, soit païen, soit chrétien. Ce sont des
conjectures plus ou moins plausibles. Sur ces fondations
hypothétiques. Miss Phillpotts édifie une nouvelle et double
hypothèse, qui renchérit sur les deux autres.
C'est, primo, que cei'tains chants de l'Ancienne Edda con-
tiennent des débris de drames en vers; secundo, que ces
COMPTFS MENDUS 133
di'anies étaient liturgiques et se rapportaient à un culte de la
fertilité pratiqué dans les formes de l'ancienne mythologie
Scandinave. Les idées bien connues de Sir James Frazer,
l'auteur du « Golden Bough » (Rameau d'Or) sont ainsi éten-
dues à un ensemble de documents littéraires obscurs et confus,
où l'apport des différents siècles, des différentes n itions, des
diflff^rentes religions est difficile, sinon impossible, à distin-
guer. Préhistoire, folklore, mythes primitifs, âme populaire,
on peut chercher de tout cela dans les deux Eddas, dans
l'ancienne littérature Scandinave, dans Saxo Orammaticus et
dans les savants écrits de leurs commentateurs et traducteurs.
Miss Phillpotts ne néglige aucun moyen d'information : elle
cite abondamment les suppositions de ses prédécesseurs, y
ajoute, par petites doses, de l'un à l'autre de ses dix-huit
chapitres, ses conjectures personnelles, procède par insinua-
ti'»ns, entasse les probabilités sur les possibilités, et finit par
échalaudei' une théorie d'aspect imposant, mais d'équilibre
instable, trop ténue poui' admettre une l'éfntation directe.
Nous objecterons cependant : 1" qu'il n'existe [)as dans
l'Edda de textes proprement dramatiques, rien que des dia-
logue- ou monologues insérés dans des narrations; ^2° que
les déguisements, interprétés par Miss Phillpotts comme
indices de costumes revêtus par des acteurs, peuvent faii'e
l'objet de récits aussi bien que d'actions scénique> ; ;^" que
les 'li-ames populaires (folkplays) anglais et Scandinaves,
appartenant à des âges modernes, ayant subi des influences
chrétiennes, sont susceptibles d'interprétations variées.
Une intrigue amoureuse, comprenant les avances d'un
galant, les refus d'une jeune fille, puis une reconnaissance
soudaine suivie d'accordailles, se conçoit très bien sans aucun
rituel magique de la fertilité ! Les luttes ardentes de deux
rivaux, aboutissant à la défaite et à la mort de l'un d'eux,
viennent naturellement compléter ce tableau des conflits
éternels de l'instinct. Il est naturel que la science philologique
s'efforce d'épuiser la série des hypothèses possibles, et, lot ou
tard, les dialogues et monologues de l'Edda devaient tenter la
curiosité d'une critique ingénieuse à reconstituer des genres
littéraires peut-être disparus. Mais ne serait-il pas plus simple
de se souvenir que la récitation publique des por-mes devait
revêtir un caractère plus ou moins théâtral et qu'un change-
134 COMPTES RENDUS
ment d'intonation et d'attitude d'un même déclamateup pou-
vait suffire à charmer un auditoire ? Nous en savons si peu
sur la société norvégienne avant l'adoption du christianisme,
l'interpi'étation de la mythologie germanique est sujette à tant
de contestations, que nous hésitons à suivre Miss Phillpott^,
tout en rendant justice aux grandes qualités de savoir et de
méthode de son exposé.
P. Hamelius.
Dorothea Zeglin. Der homo ligius und die franzôsische Mi-
msterialitât, Leipzig, 1915. in-8o. (Leipziger Hîstorische
Ahhandlunpen, XXXIX)
L'étude de M"*" Zeglin a été suscitée par celle de M. Pirenne
sur les origines de la vassalité lige. (Qu'est-ce qu'un homme
lige? Bullelins de l'Académie Royale de Belgique, classe des
lettres, 1909.) M. Pirenne taisait procéder la vassalité lige de
la ministérialité. M"« Zeglin s'est proposé de rechercher si
pareille hypothèse était fondée.
Les recherches de l'auteur sont très étendues et conduites
avec une méthode qu'il faut louer. La documentation est
abondante; on n'y rencontre pas le défaut de tant d'érudits
allemands contemporains qui ignorent systématiquement ce
qui se publie hors de chez eux.
Le travail de M"*" Zeglin apporte à la science des données
intéressantes au sujet des diverses acceptions dans lesquelles
est pris le mot ligius, comme en ce qui regarde les rapports
entre le vassal lige et son seigneur. Tout ce que l'auteur dit
notamment des divers aspects sous lesquels se manifeste la
fidélité particulière impliquée par la ligesse, est excellent.
Nous ne pouvons en dire autant de ce qui concerne la
ministérialité, où l'auteur se laisse trop dominer par l'esprit
de système. Si elle admet très justement l'existence d'une
ministérialité en Lotharingie, elle conteste l'existence d'une
ministérialité en France : les cheval iei's serfs et les fonction-
naires non libres que l'on y rencontre au xr siècle ne s'y
sont pas groupés en classe sociale; il ne peut donc, assure-
t-elle, être question de ministérialité.
C'est là, pensons-nous, une erreur : il est vrai que les che-
valiers serfs ne se sont pis groupés en France en une classe
COMPTES RENDUS 135
sociale fermée et héréditaire comme en Allemagne. Mais du
moment que l'on reconnait l'existence en France de ces che-
valiers serfs — qualifiés ministériales pai* la terminologie
historique allemande — il est légitime de parler de ministé-
rialité en France.
M"*" Zeglin n'admet pas la thèse de M. Pirenne d'après
laquelle la ligesse procéderait de la ministérialité. Elle estime
même que le lien féodal lii^e était précisément destiné en
France à suppléera l'absence de ministérialité; comme celle-
ci, la ligesse devait, en effet, assurer une subordination et
une fidélité plus entières que l'on ne pourrait en attendre de
la pat't d'un vassal ordinaire.
L auteur n'a pu, cependant, pensons-nous, établir le mal-
fondé de l'hypothèse de M. Pirenne. Elle a même été obligée
de convenir (p. 41 et 51) qu'en Hainaut, le iiget — redevance
à cause de mort, consistant dans l'abandon du cheval d'arme^
du vassal lige au seigneur — n'était pas la même chose que
le relief consistant en un cheval quelconque, que l'on ren-
contre en divers endroits. La possibilité d'y voir une sur-
vivance du meilleur catel demeure donc entière, nous
paraît-il.
Signalon-- enfin une erreur qui se reproduit par d-ux fois :
Galbert de Bruges est appelé Galhert von Frûssel (p. 39 et 42).
François L. Ganshof.
Hintzen (Johanna=Dorina). De kruistoclitplannen oan Philips
den Goede. Academisch I roefschrift teLeiden. Rotterdam,
W. Brusse, 1918, in-8", 196 p.
L'histoire des efforts tentés par le duc de Bourgogne,
Philippe-le-Bon. pour mener à bien une expédition militaire
contre les Turcs, est, comme on l'a dit, un sujet d'étude pas-
sionnant. Il touche à la fois à la littérature par les œuvr» s
livresques qu'il a provoquées, a la politique internationale de
lépoque en mettant aux prises le Bourguignon et les papes
avec l'empereur, le roi de Hongrie, le roi de France et les
égoïstes républiques italiennes de Gènes et de Yenise, et enfin
à l'administration financière delà papauté et du duc de Bour-
gogne. M. G. Doutrepont a fait connaître jadis avec érudition
136 COMPTES HENDIS
l'essentiel du point de vue littéraire ; d'autre part, en mettant
bout à bout les chiffres que M. L. Pastor a consacrés à la
Croisade dans sa GeschicJite der Pâpste on formerait un récit
suivi, exact et documenté, des tentatives des souverains pon-
tifes et de Philippe-Ie-Bon. Celui qui voudra traiter cette
étude devra non seulement consulter les documents imprimés
(surtout par Jorga, Cartel lieri et Pastoi"). mais en premier
lien les Archives Vaticanes, les bibliothèques de Paris, de
Vienne, d'Arras et de Munich, ainsi que les Archives du
Royaume, à Bruxelles, et les Archives départementales du
Mord, à Lille, etc.
Les conditions matérielles dans lesquelles M'*^ Hintzen a
travaillé (années de guerre) l'ont empêchée de s'adresser aux
sources d'archives; c'est dire assez que son travail est très
incomplet et ne renouvelle guère la question. Sa dissertation
constitue une agréable et honnête compilation, très bien pré-
sentée, au surplus, des matériaux réunis avant elle. C'est un
excellent guide, mais ce n'est que cela.
Du dossier réuni jusqu'à présent résultent, à l'évidence, les
deux points suivants : d'abord, que le projet de croisade ne
fut pas un rêve romantique de Philippe-le Bon, mais que le
duc de Bourgogne fit l'impossible pour pousser son idée
jusqu'à sa parfaite réussite; secondement, que les tentatives
de Philippe furent contrecarrées soit par l'hostilité des rois
de France et de l'empereur d'Allemagne, s it par la jalousie
des principautés italiennes. Celle-ci se résume assez crûment
dans une lettre d'Aug. de Ruhes et d'Othon de Carrelto au
duc de Milan. Francesco Sforza : PercJie ni il diœa de Bor-
gogna ne altri signori ultraniontani cercliaceno d'aquista>'
Ysole ne prnvintie in Oriente, v. ne seguirebe tuto ii>
CONTRARIO DE QDELLO NOY CERCHAMO. ( Voyez L. PasTOR.
Ungedrukte Ahten zur GeschiclUe der Papiste, 1, i9U4, 1S9;
M"'' H... n'a pas connu ce travail capital.)
Mais la Croisade se heurtait, on ne peut pourtant pas l'ou-
blier, dans les pays du duc, ainsi que dans toute la chrétienté^
à des difficultés financières que l'auteur n'a pas entrevues.
Pour faire l'expédition maritime que le duc rêvait d'accom-
plir, il fallait de l'ai'gent (;t même beaucoup d'argent; les
Etats du duc. et spécialement les Pays-Bas, furent donc natu-
rellement misa contribution; or, le moment était mal choisi.
\
COMPTES HENDTS 13T
en 1453, après la bataille de Gavi'e, pour être très exigeant en
fait de taxes, de dons gratuits, de dîmes en vue d'une entre-
prise que la population jugeait sans doute chimérique. De fait,
le clergé des Flandres a boudé aux appels financiers du duc
et paralysé singulièrement les eflorts de celui-ci en vue
d'aboutir; Philippe-le-Bon pouvait-il attendi'e meilleuraccneil
de la part des Liégeois qu'il devait priver de leurs libertos?
Tout bien considéré, le duc ne disposait pas des sommes
énormes sufAsantes pour réussir brillamment dans son expé-
dition. Là encore la correspondance adressée au duc de Milan
est pleine de saveur; le 29 avril 14()4, Albricus Ma lletta écrit
à Fr. Sfor/a : Che alcani hene informati dcJ prefato duca
di Belr<jO(ina dicono che iuy œran/ente non ha dinari et
(juelli délia Picardia riceiruti da nueMo re de Franza souno
za consumati et in maie vivere et in pagare debïtl vechii, et
ogui di consuma piu tra Imj (le duc de Bourgogne) et quelli
ch'ei governo. (Cf. L. Pastor, loc. cit., 1, p. 288.)
Au bref, après la dissertation non sans mérite de M"'' flint-
zen, il reste un gros et un beau livre à écrire sur ce sujet
captivant. Espérons qu'il voie le jour en Belgique; car c'est
chez nous que la Croisade de Philippe fut activement con-
seillée, préparée et payée de nos deniers.
H. NÉLis.
L. Lévy=Schneid£r. L'application du Concordat par un prélat
d'Ancien Régime, M^' Champion de Cicé (1802-1810).
Paris, Rieder et C'«, 1921, in-8°, xvi-604 p. {Bibliothèque
d'Histoire Moder ne) .
Le gros volume consacré par M. L. à l'activité de Cham-
pion de Cicé n'est pas seulement une biographie, grossie
d'une étude d'histoire religieuse, à un moment donné et sur
un terrain restreint, c'est encore et surtout un livre qui
ouvre des aperçus d'ensemble sur toute une époque, parti-
culièrement intéressante, de l'histoire de France, et l'éclairé
au point de vue politique et administratif, aussi bien qu'au
point de vue moral et religieux. Fortement ilocumenté, grâce
à la connaissance de toutes les sources imprimées et à la
découverte de nombreuses sources manuscrites, à ta Biblio-
thèque Méjanes d'Aix en Provence, dans les dépôts de Mar-
138 COMPTES HKNmS
seilleel de Toulon, aux Archives Nationales à Paris, 1 ouvrage
est en même temps composé avec une claire logique et écrit
d'une plume alerte : à côLé des historiens de profession qui y
trouveront maint ensei^iinement, il s'imposera au public
lettré, pour |)eu que celui-ci veuille bien ne pas s'effaroucher
de son ampleur.
Le personnage autour duquel gravitent les événements
relatés est un grand seigneur ecclésiastique de l'Ancien
Régime, dont la fine inteligence et l'habileté manœuvriére
méritaient d'être mises en lumière. Jérôme-Marie Champion
de Gicé était né à Rennes en 1735, dans une famille de vieille
noblesse, sans fortune. Après des études à Paris, au collège
Du Plessis, où il connut Morellet et Boisgelin, il suivit
lexemplc de son frère aîné qui allait être successivement
évêque de Troyes et d'Auxerre, reçut une abbaye en 1760 et
devint agent içénéral du clergé de France en 1765; ces fonc-
tions, qui firent éclater et développèrent ses talents d'admi-
nistr.iteur. le désignaient pour les hautes dignités : évêque
de Rodez (1770), puis archevêque de Bordeaux (1781), le nou-
veau prélat sut louvoyer adroitement entre les partis et fut
élu en 178!) piemiei- député du clergé de la sénéchaussée de
Bordeaux aux Etats-Généraux. Sur ce théâtre, il ne larda pas
à passer pour un ami des réformes, tout en ménageant les
ultra- royalistes parmi lesquels figurait son frère, et pour un
des auteurs de la réunion du clergé au Tiers-Etat, quoiqu'il
s y fiit secrètement opposé. Son rapport sur les travaux du
Comité de constitution, où il repu. liait « tout intérêt d'Ordre
ou de corps », le fit entrer au ministère : depuis le 4 août 1789
jusqu'au milieu de novembre 1790, il occupa le poste de garde
des sceaux, poste, scabreux pour un ecclésiastique au milieu
des débats sur les biens et la constitution civile du clergé.
L'archevêque s'y compromit, du reste, et ne put jamais, dans
la suite, en dépit de ses protestations, se laver du reproche
d'avoir éludé un bref du pape Pie VI du 10 juillet 179U,
déclarant schismatiques la constitution civile du clei'gé et ses
soutiens; à peine si on lui tint compte de la fermeté avec
laquelle il refusa ensuite de prêter serment à la constitution
et préféra s'expatrier, à partir de mai 1792, en Belgique
d'abord, puis en Hollande, en Allemagne et enfin en Angle-
terre ( 1 795) .
COMPTES RENDIS 139
L'exil lui ménagea beaucoup de déboires. Mal vu par le
€lergé émigré et par le comte d'Artois qui le considéraient
comme un révolutionnaire, il trouva le futur Louis XVIII et
sa cour de Milan assez peu accessibles à ses sages conseils en
vue d'une restauration éventuelle (179^)) : sou plaidoyer en
faveur d'une déclaration relativement libérale, maintenant en
partie l'organisation administrative de la Révolution, ne fut
pas apprécié à sa valeur; ses invites à agir « non en se repor-
tant à l'époque de 1789, mais en s'élevant à la hauteur des
circonstances », ne furent approuvées que par Saint-Priest,
tandis que d'Avaray les dénonçait comme de véritables
hérésies.
A cette époque, le régime consulaire venait de s'établir en
France et tentait de reconstruire l'ancienne société en se récon-
ciliant avec le Saint-Siège et en facilitant la rentrée de tous
les éléments modérés. Gicé n'était pas de ceux qui restent, par
principe, invinciblement attachés à une cause perdue. Il com-
mença par défendre, môme devant le Prétendant et son frère,
la conduite des prêtres qui acceptaient de jurer fidélité à la
constitution de l'an VIII (1800): il écrivit, quelques mois
après, divers mémoires « sur le rétablissement du culte catho-
lique en France » et en faveur du Concordat (1801); il con-
sentit enfin à renoncer à son siège épiscopal, comme le
demandait le pape Pie VII et négocia son retour au pays.
Cambacérés et Lebi'un, les deux consuls en sous-ordre, le
jugaient alors comme un politique, d'une famille hostile au
gouvernement, mais ayant « trop d'esprit » pour imiter ses
proches (p. 128). Lorsqu'il débarqua à Paris, en février 1802,
il éprouva quelques ennuis tout d'abord, avant d'être rayé de
la liste des émigrés, mais le 9 avril (19 germinal an X) il était
nommé archevêque d"Aix.
Le diocèse d'Aix englobait, depuis le Concordat, celui
d'Arles, avec les évêchés sulïi-agants d'Ajaccio, Avignon,
Dijon et Nice. L'étude de la politique ecclésiastique de Cham-
pion de Cicé dans ce domaine, de 1802 à 1810, remplit la
plus grande pai'tie du volume, .le ne puis l'aborder ici en
détail; il y faudrait plus de place qu'il n'en est légitimemenl
accordé à un compte rendu en l'an de grâce 1921. Je me
boine donc à signaler la tactique prudente et couronnée de
succès, grâce à laquelle le prélat, appuyé plus ou moins
140 COMPTES RENDIS
ouvertement par Portalis, sut peu à peu protitei- du Concordat,
qui reconstituait l'alliance du trône et de l'autel, pour rendre
au culte catholique son ancienne prépondérance, rétablir,
malgré Fouclié, l'influence souveraine du clergé sur l'instruc-
tion publique et intervenir presque en maître dans l'admi-
nistration départementale. Le préfet des Bouches-du-Rhône.
Delacroix, voulut s'opposer à ces emj)iétenjents; il fut brisé
(avril 1 808) et rempla é par l'ex-conventionnel Tliibaudeau,
qui se laissa complètement dominer, de sorte que, jusqu'en 1807,
l'ai'chevèque put travailler, presque sans obstacle à la restau-
ration du pouvoir ecclésiastique. Le conflit entre Napoléon
et le Saint-Siège et l'enlèvement de Pie Vil, qui traversa le
diocèse en prisonnier, avantd'être interné à Savone(aoiit1809i,
mirent Cicé en fâcheuse posture : entré!' En) pereui* et le Pape,
il semble bien avoir cherché à éviter les foudres du premier
plutôt qu'à prendre la défense du second; la mort le tira d'em-
barras. Quand il expira, le 22 août 1810, son œuvre était
accomplie; l'édifice bàli par lui et ses collègues de l'épiscopat
concordataire, à l'ombre de l'Etat napoléonien, était assez
solide pour servir bientôt d'appui au gouvernement de la
Restauration, qui. en revanche, allait conférer au clergé un
énorme accroissement de puissance (p. 580i.
La doctrine dont Champion de Cicé s'est inspii-é doit-elle,
C'imme il est dit à diverses reprises, être qualifiée de « galli-
canisme épiscopal », parce qu'elle serait une doctrine intei'-
médiaire entre le gallicanisme de la déclaration de 1682 et
l'ultramontanisme, [)arce qu'elle comporterait avant tout la
prépotence de l'évêque dans son diocèse? La chose et le mot
peuvent se discuter. Ce qui est certain, c'est d'une part que
ce gallicanisme était singulièrement approprié aux circons-
tances, et d'autre part que le livre de M. L. apporte une très
importante contribution à l'histoire de l'opportunisme ecclé-
siastique en France, au temps de la Uévolution et de l'Empire.
AlIîERT WAODINtTTON.
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PERIODIQUES
INDEX SOMMAIRE
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Philologie. Généralités. — 4, 8, 10. 20, 38, 31). 70. 73, 81.
— indo-européenne. — 30. 34, 38.
— grecque. — 20. 24, 26, 27, 30, 31, 34, 37, 40, 41, .04. 66,
71.81.
— latine. — 11, 24, 26, 30, 34, 36, 37, 38, 39, 40, 4L ."»4, 66,
71. 81, 84.
— romane (gén.). — 38, 39, 67, 84.
— espagnole. — 36, 48, 70, 73, 84.
— franc-aise. — 34, 38, 39, 49, 51, 54, .55, 56, 59, 61, 65,
67, 68, 70, 73, 79, 84
— italienne. — 70, 73. 84.
— roumaine. — 84.
— celtique. — 2, 50, 52. 54. 79, 81.
— germanique (gén.). — 30, 39, 52, 81, 84.
— allemande — 9, 15, 38, 39. 49, 82, 84.
anglaise. — 9, 15, 18, 30, 38, 39, 44, 45.
— néerlandaise. — 9, 15, 39, 67, 77, 78, 80.
Littérature. Généralités. — 30, 54.
— grecque. — 20, 26. 27, 30, 31, 40, 41, 58, 71.
latine. — 26, 27, 30, 40, 41, 46, 66.
— — du moyen âge et des temps modernes. — 6, 21.
30. 38, 39, 56.
— espagnole. — 14. 36, 46, 47, 48. 84.
— française. — 2, 3, 12, 17, 20, 22. 23, 35. 36. 38, 39, 45,
46. 51, 53, 57, 59, 61, 62. 65, 68, 70, 79, 84.
152 l'KHlODKjrKS
Littérature italienne (sauf Dante). - 38,46, 47, 84.
— italienne. Dante. — 1,4, 17, 19, 20, 22, 23, 35, 3H, 46,
53. 57, 62, 65, 68, 69, 74, 78, 83.
— portugai.se. — 48.
— roumaine. — 9.
— allemande. — 9, 14, 15, 27, 38, 69, 71, 73, 82.
— anglaise. — 20, 22. 38, 44, 45, 62, 69.
— néerlandaise. — 9, 11, 33, 74, 77, 78, 80.
— Scandinave. — 39, 82.
Histoire de l'antiquité. — 1, 26. 27. 28, 29, 31, 39. 40, 43, 44, 50,
52, 54, ()0, 64. 69, 75, 76, 83.
— du moyen âge. — 2, 5, 6, 14, 19, 21, 29, 32, 33, 44, 58, 60,
62, 64, 69, 71, 76, 79. 80, 83.
— moderne. — 2, 11, 12, 17, 19, 20, 22, 25. 43. 44. 45, 47, 49,
56, 57. 60, 65, 72. 74, 78, 79, 83.
.-. — contemporaine (sauf Napoléon P'). — 1,2. 17, 20, 43,
44, 49, 60, 72, 83.
. — contemporaine. Napoléon P^ — 16, 19, 20, 35, 49, 51, 53,
57, 61, 62, 65, 68.
— économique. — 1, 2, 7. 10, 19, 47, 50.
— des mœurs. — 2, 11, 16, 33, 40. 51, 72, 76, 79, 83.
. — des sciences. — S, 13, 17, 20, 27, 32, 40, 41. 44, 50, 55, 72,
76, 83.
— de l'art. — 1, 13, 16, 20, 27, 28. 29, .33, 35. 47, 50, 51, 63,
64, 65, 75, 79, 80. 81. 83.
Archéologie — 10. 14, 28, 29, 32. 50, 51, 54, 63.
Autres sciences auxiliaires de l'histoire. — 6, 7, 14, 18. 27, 61, 63,
64. 68, 71. 73.
I
PÉRIODIQUES 153
1. — Académie royale de Belgique. Bulletin de la classe
des Lettres, 1921.
Joseph Cuvelier Vu capitalisie du xiV^ siècle. [G. de Duven-
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Jules Leclercq. Le temple de .Jupiter Ainmon. 57.
J. BiDEZ. La jeunesse de l'empereur Julien. 197.
Cardinal D.-J. Mercier. Le génie poétique de Dante. 26.").
F^RNAND Khnopfe. Les œuvres d'ai-t inspirées par Dante. 2i)0.
Paul Errera. Dante et les Flandres. 298.
H. Vander Linden. L'inauguration de Guillaume l", roi des
Pays-Bas, et l'installation des États généraux à Bruxelles
(21 septembre 1815). 378.
G. des Marez. Les premières étapes de la formation corporative.
L'entraide. 412.
2 —Annales de Bretagne, XXXIV, 1919-1921.
G. S.\iNT-MiEUX. Les armements de M. de Chateaubriand, 1
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J. LoTH. Irl. acher, gall. ag-eriv, irl. uccarb. 51.
E. DÉPREZ. Une lettre missive du prétendant Jean de Bretagne,
comte de Montfort. 56.
M. Le Guyades. L'ancienne Faculté des Lettres de Rennes 77.
Henri Sée. L'agriculture dans les Côtes-du-Nord en 1844. 111.
E. Galmiche. La vie militaire à Saint-Brieuc sous l'ancien
régime et au début de la Révolution, 129.
E. DÉPREZ. Un pays de bocage du massif armoricain : le Bas-
Maine. i43.
LÉON DuBREUiL. Révolutionnaires de Basse-Bretagne : le conven-
tionnel Pierre Guyomar. 168,298.
J. LoTH. An privatif dans les langues celtiques. 187.
(J. DoTTiN. Un traité irlandais du moyen âge : La langue toujours
nouvelle. 190. 278.
F. UzuREAU. Les prêtres insermentés du Finistère (1791-1793). 261.
L. GouGAUD. Mentions anglaises des saints bretons et de leurs
reliques. 273.
G. EsNAULT. Le Laé. 319
Henri Sée. Le rôle de la bourgeoisie bretonne à la veille de la
' Révolution. 405
Georges Collas. La jeunesse de Chateaubriand à Fougères et à
Paris (1786-1791). 434.
154 PÉRIODIQIES
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R. Durand. Un chanoine de Dol au .wii*^ siècle. 4S().
F. DuiNK. L'évêque Hai-lrit [ix« sièelel. 492.
3. — Annales Prince de Ligne. I, 1921.
Richard Dui'iEKRErx. Le Prince de Lijrne et ses lettres à la
Marquise de Coigny 1.
Louis DuMONT-WiLDEN. Le Prince de Ligne et l'esprit européen .IL
Prince de Ligne. Œuvres posthumes inédites 21, 150, 212.
Les correspondants du Prince : Madame de Krûdener. 73.
Ernest de Ganay. Le Prince de Ligne à vingt ans 89.
Henri Lebasteur Impressions littéraires. Les poètes. 94.
Octave Uzanne. Missives et billets du Prince de Ligne à Casa-
nova. 114.
Gustave Charlier. Lettres à Eugénie sur les spectacles. 120, 189
Les correspondants du Prince de Ligne : Kotzebue. lOT.
Edouard Chapuisat. De Saussure et le Prince de Ligne 181.
Les correspondants du Prince : Madame de Souza 222.
4. — Nuova Antologia. CCXIII, 1921.
Alessandro Chiapelli. Novita' dantesche. li.
Oiacomo Boni. Studi danteschi in America. 97.
Cesare de Lollis. La fede di Dante nelP arte. 208.
Eugenio Barbarich. Dante soldato. 309
GiULio Bektoni. Etimologia idealistica. 3.")(!.
Angei.o Sodim. Statistica dantesca. 364.
CCXIV, 1921.
ViTAi.i.wo Brunkm.i. Dante Ira gli Slavi mei-idionali. 87.
5. — Nederlandsch Archief voor Kerkgeschiedenis
N. S., XVI 1920-1921
A. Eekiiok. Drie onbekende dokunienien beîrelt'ende de Pilgrim
Fathers in Holland. 1.
H. A. Enno Van Gei.der. TTumanisten en Lihertijnen, Ki-asnuis
en C. P. Hooft. 35.
Paul SÉ.IOURNK. Les corresponihmts de Sainte- H ildegarde à
Utrecht. 144.
P. Oscar. La biographie de s. (Maire d'Assise. 205. 277.
PÉRIODIQUES 155
N. LiPPENs. Un missel fi'auciscain belge du xv*^^ siècle au British
Muséum. 249.
P. Fredeganu. Drie stukkeu betreli'ende Zr. Francisca Taffiii
van S.-Omaars. 269.
6. — Neues Archiv der Gesellschaft
fur altère deutsche Geschichtskunde, XXXIV, 1920-1921
MiCHAEi, Tangl. Bericht ûber die Herausgabe der Monumenta
Germaniîe historica, 1916-1918. i.
P. Kkhr. Bericht iiber die Herausgabe der Monumenta (ierma-
nia? historica, 1919. xv.
Karl Strecker. Zu den Quellen fur das Leben das hl. Niuian. 1.
Amandus G'sell. Die Vita des Erzbischofs Arnold von Mainz
(1153-1160) auf ihre Echtheit gepruft. 27, 317.
Adoi.f Hofmeister. Eiae neue (Quelle zur Geschichte Friedrich
Barbarossas. De ruina civitatis Terdonaî. Untersuchungen
zum 1. Romerzug Friedrichs 1. 87.
Robert Hoetzmann. Studien zu lleinrich von Lettland. 159.
H. WiHEi>. Drei TJivschriften Cremoneser Diplôme aus dem lU.
und 11. Jahrhundert. 215.
M. Perlbach. Vier Fragmente der Paderborner Annalen. 224.
Hermann Degering. Ein unbekannter Brief zur Geschichte der
Liitticher Bischofswahl im Jahre 1119. 235.
LuDwiG Steinberger. Zum dritten Mal Heinrich der Taube. 239.
E. Posner. Das Register Gregors 1. "243.
WiLHELM Levison. Zur altesten Urkunde das Klosters Priim. 383.
Xarl Strecker. Drei Rhythmen Alkuins. 386.
GusTAv Sommerfei.dt. Zu Langensteins Abhandlungen iiber die
Landgrâfin Elisabeth von Thiiringen, und iiber die Prophe-
zeiungen dei* hl. Hildegard von Bingen 394.
H, Otto. Zur Frage nach der Entstchung der Limbui'ger Chro-
nik. 397.
7. - Archiv fur Urkundenforsebung. VII. 1918-1921.
Edmond E. Stengei,. Fuldensia. 11. Ueber die Karolingischen
Cartulare des Klosters Fulda. 1.
Adolf Hasenclever. Eine Kanzleiordnung Gattinaras aus dem
Jahre 1524. 47.
M. Treiter. Die Urkundendatierung in angelsâchsisclier Zeit
nebst Ueberblick iiber die Datierung in der anglo-norman-
nischen Période. 53.
156
PERIODIQUES
Karl Frolich. Zur Kritik der Naclii'icliteu iiber deu iilteren
Bergbau am Rammeisberge bei Goslar. 161.
Aij^'rtKU Hessel Studien zur Ausbreituiig der Karolingischen
Minuskeln. T. Spanien. 197.
8. — Archivio di storia délia scienza. II, 1921.
Epaminonda Crivelm. Le vicende dei nomi dei metalli. 1.
Antonio Favaro. Evangelista Torricellie Giovanni Ciampoli. 46.
RoiîERTO Almagia. Il primo téntativo di misura dei rapport©
quantitivo Ira le terre emerse e i mari. 51.
AiJGUSTO Bkguinot et wSir.viA Zenari Illustrazione dell' erbario
eomposto da G. B. Brocchi in Egitto e Nubia. 05, 185.
Mario Vall.vuri I fondamenti generali délia mediciua indiana. 70.
Studi e note Vinciane. 108.
La storia dclla scienza nelle vniiversità e negli istituti di cultura
superiore : Italia. Estero. 120
Gusïav Enestkôm. Sur l'auteur d'un traité a De motu » aut^uel
Bradwardin a fait allusion en 1328. 133.
Antonio F.\v.\ro. Galileo Galilei in una rassegna dei pensiero
italiano nel cor-so dei secolo decimosesto. 137.
Carlo Del Lungo. Del pendolo e dolla sua applicazioiu' ail' oro-
logio. 147.
GiNO LoRiA. Philip E. B. Jourdain, matematico e storieo délia
scienza (1879-1919). 167.
QuiDo Vetter. La storia délia matematica presso i Cei-hi. 199.
HuMBERTo Julio Paoli. 11 libro di Garcia da Orta (contributo
alla storia délia scieuza lusitana;. 202.
Mario Battistini Xote d'archivio. 211.
GiusEPi'E Steianini. Spigolature cestoniane. 215.
Enrico Rukini Gli studi geometrici di Eudosso da t'nido. 222.
Note Vinciane. 240.
Andréa Corsini. Storici italiani dclla scienza. Kaffaele Maturi
(1832-1910). 248.
<»iiGLiEF,Mo BiLANOioNi. A ])roposito de (( L'orecchio e il naso nel
sistema autropomctrico di Leonardo da Vinci » 250.
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F. HoLTiiAUSKN. Nordl'riesi.sclic studien. 1.
M. H. Jellinkk. Zwci Dichter des Reiiiacrl? 51.
— Zù Ilartmanns lyrik. 59.
— Zù den pseudoreinmarischen («edichto. 71.
PÉRIODIQIES 157
M. H. Jeli.inkk. Zur altsîichsischen Geiiesis 79.
G. HÛBENER. Das Problem îles flexionsschwundes im ags. S5.
E OcHS. Die heiligen und die Seligen. 102.
— Larmstange. 112.
A. Leitzmanx. Die Freidankcitate im Renner. 116.
— Zù den mnd Sprichwôrter.sammiungen. 121.
O. Behaghei,. Do'Utsch. 130.
— Mischen. 132.
— Ein possessiver dativ. 134.
— Deutsche priiposition mit lateiniseher casusform.
136.
— Eine vorlage Boners. 137.
J. Meier. Zur âltesten deutschen gaunerspraelie. 141.
W HoRN. Zui' vvortgeschichte. 141.
VON Grienbergeb. Sivitus. 143.
W. Braune. Gentilis. 145.
P. Ortmayr. Zur deutuug der abkûrzung j^f. N. 146.
V. MosER. Zur geschichte der neuhoehdeutschen schriftsprache
in Bern. 149.
K ZwiERZiXA. Steyrer bruch.stiick von Notkers psalmeniiberset-
zung. 192.
Th. V. Grienbkugek. Althochdeutschen texterklârungen. 212.
J. LoEWENTHAL. Religionswissenscliaf tliclie parerga zur german.
Altertumskunde. 239.
A. Bach. Die Schiirfung in der moselfrânkischen mundart von
Arzbach (Unterwesterwaldkreis). 266.
R. HiixNERKOPF. Die Rothersage in der Thidrekssaga 291.
F. HoLTHAusEN. Etymologien. 297.
K. Hentrich. Zum Vernerschen gesetz. 300.
E KiECKERS. Zum nomiuativus und accusativus sing. der ia —
Stamme im altenglisclien. 302.
E. KiECKERS. Zù altengl. specan und ahd. spechan « spreclien ».
304.
W. Stkij.er. Der leich walthers von dei- Vogelweide und sein
Verbaltnis zum religiôsen leich. 307.
Th. V, Griexbergkr. Althochdeutsche texterklârungen 404.
F. Panzer. Ein rumani.sches Siegfriedmiirchen. 429.
K. ZwiERZiNA. Ampezzaner bruchstiicke von Wolframs Wille-
halm 443.
E. ScnwEXTXER Zur wortsippe diinkel im germanischen. 452.
F. Vogt. Zum Kiirenberger. 459.
C H. DiEBEL. Ein eigentiimliches ordnungspriiicip bei Herbort
von Fritslar. 467.
H. Xau.maxn. Der grosze eber. 473.
158 PÉRIODIQUES
XLVI, 1921-1922.
R. PuiKSCii. Bruclistûcke deutscher dichtuiigen des 13-14. Jahr-
hunderts. 1.
R. LowE. Dei" wechsel von u und an in dcr gotischen a— décli-
na tion. 51.
K ViËTOR. Die kunstanseliîiuung der hofischen ejiigonen. 85.
F HoLTiiAUSEN. Wortdeutungen. 125.
E. Ociis Der lautwandel — b — > — \v— in Baden. 147.
G. NrccKKi,. Zu Heinrich von Morungen 156.
F. Klakbkk Zur alt.saclisischen Genesis. 164.
S SiNGivH. Blume. 168.
Th Sikbs. Krimgotiseh Kilcmschkop. 170.
10. — Bibliothèque universelle et Revue suisse, CI, 1921.
Jean Hurny La nationalisation chez les anciens Romains. 13.
Jacqueline de i.a Harpe. Sons terre en Italie. 77-
— Saint-Benoît, Subiaco, et le Mont Cassin. 355.
CIV 1921.
E. Tappoeet. Le mot et la chose 226.
11. — Het Boek. X, 1921.
Robert Foncke. Ruzie bij de Rederijkers te Mechelen (1718) 65.
E Kroxexberg Executie te Autwerpen van Niclaes van Olden-
borch drukker. 71.
Maurits Sabbe Uit de bi'ielwisseling van Clusius met Chr. Plan-
tin en J. More tus. 97.
Over Raadselliteratuur 114.
M. Boas. Gillis en Sambucus. 129.
C. P. BuRGER De haring in de gescbiedenis en in de lireratuur. 145.
J. F. M Sterck. Joannes Scorel en Jt)annes Secundus. 213.
J. Berg et B. M. Bkrg-v.\n der Stempee. Refereinen, uitgegeven
ten bâte van eene loterij. 225.
C. P. BuRGER Jr. Een buiidel nieuwjaarsdichten van de gerefor-
meerde school te .Antwerpen 273.
Maurits Sabbe In- en uitvoerre -hten op boeken en papier ge-
durende de 17* en 18<^ eeuw in Zuid-Nederland. 2-^5, 337
David de Kok. De zegen van S. Clara in het Oud-Nederlandsch»
321.
A. A. v.\x SciiEEVEN Werken van Marten Micron. 327.
C. P. BuRGER Jr. Een .Vnti-Roomscli painflet van 1564. 331.
PÉRIODIQUES 15&
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Ernksï Jovy. La CoiTesi^ondance de Bossuet. 1.
PiKRRK Vii.LKY. La cliroDologie des œuvres de Marot 49, 101, 171.
Georges Mongrédien. Précisions sur une lettre de Malherbe 125.
J. Mathorez. Les catholiques de langue allemande à Paris au
XVII6 siècle. 189.
13 — Bulletin du Cercle archéologique, littéraire
et artistique de Malines, XXVI, 1921.
Fern. Donxet. Jean van Wavere, i^eintre ou sculpteur mali-
nois 1.
G. Van Doorslaer. Un jîortrait malinois du xv® siècle. 15.
Em. Steenackers. La grande école à Malines (1450-1630). 21.
14 — Bulletin hispanique, 1921.
G. CiROT. Fernàn Gonzalez dans la Chronique léonaise. 1, 77.
J. Sarrailh. Quelques sources du Cudiz de Galdôs. 33.
G CiROï. Cervantes et les frères Tharaud. 57.
R CosTES. Pedro Mexia, chroniste de Charles-Q,uint. 95^
M. Bataillon. Les sources historiques de Zaragoza. \t^.
Pierre Paris. Bas-relief ibérique au Musée provincial de Cor-
doue. 173.
J.-.T.-A. Bertrand. Herder et le Cid. 180.
15. — Leuvensche Bijdragen, XIII, 1921.
J. MaiNSIon. Oud-Geutsche namenkunde. Eene bijdrage tôt de
kenuis van het Ouduederlandsch. 1.
A. J. Carnoy. The semasiology of American and other slangs. 49.
J. M. Kleine mededeeling [Hiklebrandslied]. 68.
E Ulrix Les chansons inédites du ms. f. f. 844 de la Biblio-
thèque nationale, à Paris. 69.
L Grootaers. Limburgsche accentstudien. 1, 80.
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landsch taalgebied. Ul (liijblad).
16. — The XIXth century and after, I, 1921.
J. A. H Marriott. Napoléon and nation-makiug. 853.
Lesi.ie Hore-Belisha Xapoleon the Deinocrat. 870.
Rose M. Huadi-ey. Tlie liousewifc a liUTidred vears ago. 1024.
160 PÉRIODIQUES
II, 1921.
HuMPiiKv Wari). An art dealer nnder Louis XV [Lazare Duvaux].
46L
17. — Le Correspondant, t 283. 1921.
Pierre de Nolhac. Ronsard humaniste. 1, 239, 410.
<T. Saint- Yyes. L'occupation française du bassin de la Ruhr. 877.
T 284, 1921.
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Robert Lavollée Les Mémoires du cardinal de Richelieu sont-
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Henry Cecil Wyld. Standards of correctness in English. 233.
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pondance de Bossuet. 208.
Paui. Du don. Un centenaire. La découverte du détroit de Magellan
(octobre-novembre 1520j. 214.
GuiLi.AU.ME de Jerphanion. Choses d'Orient. Sur l'antique Bjzance.
334.
T. 167, 1921.
Pierre d'Hérouvii.i.e. Sciences agronomiques il y a vingt siècles.
68.
Paui, Dudon. Sur le cercueil de Napoléon (1821-1921). 129.
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Psellos et Cérullaire. 178.
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T 168, 1921
Ferdinand Cavallera. Dante et son œuvre. 5, 166.
Paul Dudon. Ignace de Loyola au siège de Pampelune (1521 1U21).
20. — Le Flambeau, I, 1921.
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Taeda. L'Académie belge des Lettres françaises. 295.
Gustave Charlier. Au temps de Charles de Lorraine, 361.
Joseph Biuez. Les premiers philosophes grecs expérimentateurs
ou techniciens. 414.
Gustave Cohen. Ecrivains français en Hollande. 481.
Henri Grégoire. Les Bacchantes d'Euripide. Traduction nou-
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Albert Counson. Dante et Napoléon. 544.
II, 1921
{SzYMON AsKENAZY. La jcuncsse de Napoléon. 48.
Gustave Cohen. Les plus anciennes pièces du théâtre liégeois. 80.
Auguste Vincent. Les noms de lieux. 102.
Jules Vannérus. Toponymie politique. 257.
Fernand Khnopff. Les œuvres d'art inspirées par Dante. 349.
A. Anureadès. Etapes de la littérature grecque moderne. 470.
III, 1921.
Henri Pirenne. Godefroid Kurth. 1.
H. Carton de Wiart. Un gentilhomme de lettres : Le Prince de
Ligne. 84.
Philippe Sagnac. La Belgique au xvii* et au xviii® siècle. 141.
GiuLio Gagliani. La question romaine. 228.
Paul De Reul. Le Centenaire de Keats. 391.
21. — Franciscana, 1921.
B. Kruitwagen, Gérard van Saint-Quentin en Petrus van
Kamerijk (eind xiii»^ eeuw) resp. dichter en componist van een
rijmofficie van St. Elisabeth. 18.
P. Hii>DEBRAND. Xotes sur les Cai)ucins de Courtrai. 29.
A. Van den Wyngaert. Stukkcn nopens de Derde Orde (af-
komstig van Maastricht, aanvang der xive eeuw). 60.
11
162 PÉRIODIQUES
H. Néms. Les statuts du Tiers Ordre de Saint- François édictés à
Zepperen en 1487. 76, 193.
B. Kruitwagen. Gérard van Saint- (Quentin 's Trnnslatio critcis el
coronif Doininicœ. 304.
22. — De Gids. III, 1921.
Ph. h. Wickstbkd. Wordingengrondgedachte der Divina Comœ-
dia. 343.
.7. J. S.\i>VKRDA DE Grave. Over bet verband tusscheu « Vita
Xuova » ea « Divina Commedia ». 368.
G. BusKEN HuKT. De « Roman de la Rose » en Dante. 382.
Franz Erens. Kautteekeningea bij Dante's Monarchia. 391.
•T. P. Kuenen. De heinelsiereu bij Dante. 397.
J. HuiziNGA De iiguur van deu Dood bij Dante. 419.
Carel Scharten. Dante en Petrarca tôt Maria. 424.
André Joi-i-es. Het Amorvisioen in de Vita Nuova. 427.
W. G. C BijvANCK. Dante en Potgieter. 449.
.1. HuiziNGA. Welke voorstelling heef t Erasmus omirent Dante
gehad ? 464.
E. F. KossMANN. Twee puntdichten op Dante uit de zeventiende
eeuw. 473.
Frans Erens. Eeu aclittiende-eeuwer over Dante. 484.
IV, 1921.
W. G. O. BijvANCK. Een nieuwe Shakespeare-uitgaaf. 125.
E. C Abendanon. De beteekenis van den naam Celebes. 317.
23. —Il Giornale dantesco, 1921
L. V. Il diritto di intendere Dante. 1.
LuiGi PiETROBONO. Dentro e dintorno « La piccola Vallea » dell'
antipurgatorio. 7.
GuiDo VrrAi-ETTi 11 « Rifugio Dantesco » di Fonte Avellana. 23.
G. Maruefi I due Carli (Carlo 1 e Carlo II d'Angio) in un passo
del « Paradiso ». 32.
Camii-lo Guerrieri Crooetti. La naturadel linguaggio Adamitico
secondo la Bibbia, S Tommaso e Dante. 35.
(30RRADO Rrcci. La morte e l'invettiva del conte Ugolino. 40.
GiULO Salvadoki. Sanf Anna nel ciclo dell' umiltà e la riposta
alla canzone « Donne che avete ». 48.
LuiGi PiETROBONt). La donaziouc di Costantino e il pcccato ori-
ginale. 58.
EMir.io Bertana Dante e Mazzini 73.
PÉIUODIQUES 163
Giovanni Lattanzi L'ottimismo del poemadantesco. 85.
Primo Vannutelli. Pian ta opiota? 92.
GiusEPPE BoFFiTO. Dante geodeta. 96.
Enrico Sicardi. Appuuti sul teste délia « Vita Nuova n. 120.
Ettore Allodoli. Stendhal e Dante. 127.
GiULio Bertoni. Sulla poesia di Dante. 132.
Francesco Ercole. Medio Evo e Rinascimento nella dottrina
politicadi Dante. 141.
G. B. SiRAGUSA. Per la versionedel trattato « De Mouarchla ». 168.
GuiDO ViTALETTi. La commemoi'azione dantesca a Fonte Avel-
lana. 176.
GiULio Bertoni. Nota sul codice landiano délia « Divina Comme-
dia ». 189.
G. Folchieri. Sapere e amore nel « Convivio » e nella « Comedia »
di Dante. 194.
P. Ghignoni. Alla sogliadel Purgatorio (Canto LX). 213.
GuiDo ViTALETTi. Per la fortuna di Dante nel secolo xv. 217.
LuiGi Vai-li. XJlisse e la tragediaintellettuale di Dante. 227.
C. G. Crocetti. Poesia e storia nella « Divina Commedia ». 236.
LuiGi Pietrobono. Il cerchio di Dite, 245,
Giovanni Livi. Un personaggio dantesco. 265.
24. — Glotta, XI, 1921.
Albkrt Debrunner. Das hellenistische Nebensatziterativpra-
teritum mit av. 1.
Franz Hugo von Helle. Problem der lateinischen Silbentren-
nung. 29.
Friedrich Si.otty. Beitrlige zur Kenntnis des VulgJirlateins, 51.
E. ScHWYZER. 'Kleine Bemerkungen zu griechischen Dialektin-
schriften. 75.
E. KiECKERS. Ziir Satzappo.sition. 79.
Robert Munz. Ueber Y^^Î'fTa und biàXeKToç und ûber ein posido-
nianisclies Fragment bei Strabo. Ein Sprachwissenscbaftlich-
philologischer Exkurs zu Posidonius bei Strabo C 176 Uber
dialektiscbe Verschiedenheiten bei den Galliern. 85.
25. — 0ns Hemecht. Organ des Vereines
fur Liuxemburg-er Geschichte, Litteratur und Kunst, 1921.
Das chemalige Landkapitel Arlon. 3, 75.
Alphonse Rupprecht. Logements militaires à Luxembourg pen-
dant la période de 1794-1814. 10, 65.
La famille Schramm de Larochette. 16.
164 PÉRIODIQI ES
Das Eligiusamtzu Luxemburg 22, 56, 88, 117.
Die Kirche van Waldbredimus. 37, 49.
Sammluug von Akten.stucken zur Geschichte des Gnadenbildes
Mariil, der Trosterin der Betrûbten, zu Luxemburg 128.
.1. ScHMiT. Luxemburgische Folklore. Die Zahuspende. 130.
26. — Hermès, 1921
F. J.vcoHv. Das Proœmium des Lucretius. 1.
K. MuN.sciiER. Metrische Beitrâge, G6.
W. Otto. Das « Tor der Audienzen ». 104.
K. Prakchter. Diogenes Laeitius X. 16, 107.
Lucretius V. 165-180, 108.
G. WissowA. Die Varronischen di certi und iiuerti. 113.
R. Laql'eur. Scipio Africanus und die Eroberung von Neukar-
tbago. 136.
K. Praechtek. Por])li.\ rius in Aristot. Categ. Comni. p. 123. 29 ff.
Busse. 226.
F. Bechtel. Myth. AAGHnOI. 228.
E. VON Stern. Zur Beurteilung der ])olitiseben Wirksamkeit des
Tiberius und Gains Gracchus. 229.
C. Robert. Zu Euripides' Troerinnen. 302.
L. Deubner. Zum Freiburger Makedonierdialog 314.
U. Kahrstedt. Sparta und Persien in der Pentekontaetie. 320.
O. Weinreich. Blutgerichte EN YnAIOPQI. 326.
W. Spiegeliîer(;. VAPAAN, VAPAAI, ZAPAAI. 332.
O. Weinreich. Zu Apuleius. 333.
K. Praechter. Zu Philodem HEPI OPrHI, Fr. E (p. 4, Wilke). 334.
F. Bechtel. Thess. KEPKINEYI, BOYAEYI. 335.
G. WissowA. Naclitrag zu Seite 113 ff. 336.
27. — Neue Jahrbucher fur das klassische Altertum,
Geschichte, und deutsche Literatur. XLVII, 1921.
Gerhart Rodexwaldt. Die Form des Ereehtbeions. 1.
Georg Wissowa. Die Oîei-mani.scbe Urgescbiehte in Tacitus'
Germania. 14.
.ïoHANNEs li.BERG. Phllologiselu' Problème der Mediziugeschiehte
des Altertums. 31.
WiLiiEL.M Hoi/rsciiMiDT. Dlchter und L'ebersetzer. 45.
Emu, Abegg. Wilhelm von Ilumboldtund die Pi'obleme der allge-
meine Sprachwissenscliîift. 62.
Wilhelm Nestlé. Der Pessimismus und seine Ueberwindunii bei
den Grieclien 81 .
PÉHIODIQIES 165
WiLHEi-M Kroix. Die Kunst des Livius, 97.
JoHANNES Hali-er. War Kaiser Heinrich VI. ein Miiinesauger?
109.
Otto Weinreich. Alexaiidros der Liigenprophet und seine Stel-
luug iu der Religiositiit de II. Jahrhunderts n. Chr. 129.
J^ULios Stenzel. Ueber deu Einflusz der griechischen Spraclien
auf die philosoi)liische Begriffsbildung. 152.
WiLHELM Weinbergkr. Bezieliuiigen zwischen griechischer,
lateiuischer und unserer lioutigen Sehrift. 164.
Otto Regenbogex. Hippokrates und die Hi[)pokratisclie Samm-
lung. 185.
JoHANNES KoHL, Die homerische Frage der cliorizonten. 198.
Arthur Laudien Gerhart Ilauptmanns k Bogen des Odysseus ».
215.
Richard Laqueur. Câsars gallische Statthalterschaft und der
.lusbruch des Bûrgerkrieges. 233.
Paul Geigenmuller. Plutarchs Stellung zur Religion und Philo-
sophie seiner Zeit. 251
Rudolf Papenstecher. Die Landschaft in der Malerei des Alter-
tums. 271.
Karl Strecker. Die deutsche Heimat des Ruodlieb. 289.
Gerhart Salomon. War Heinricli (VII.) ein Minnesjiuger? Eine
Entgegnung. 305.
Alfred Gercke. .\uch ich war in Arkadien geboren. 313.
Heinrich Peters. Die Einheit der Ilias. 318.
Ernst Bickel. Gyges und sein Ring. 336.
Ludwig Deubner. Ein Stilj)rinzip hellenistischer Diehtkunst. 361.
Georg Steinhausen. Die Tragik der hoheren Menschen. 379.
28. — Bonner Jahrbucher, 126, 1921.
R. ScHULZE. Das PriEtorium von Vetera. 1.
H. Mylius. Die Rekonstruktion des Legatenpalastes im rômi-
schen Lager Vetera, 22,
Fr. Drexel. Ein Trierer Fragment. 45.
A. OxÈ. Der Grabstein des Pudens. 51.
H. AcHELis. Denkmaler altchiistlichei- Kunst in den Rhein-
landen. 59.
J. Hagen. Drei rheinische Miinzfunde aus dem Ende des 17. Jahr-
hunderts. 82.
F. WiNTER. Stilbesonderheiten in dei- rômischen Architektur
Galliens und der Rheinlande. 105.
166 PÉIUODIQ! ES
F. WiNTER. Die Darstelluug des Bliekes in der griechischeu
Kunst. 110.
H. Lehnkr Zukunftaufgabeii der rheinischen Altertumsvereine.
111.
A. Dyroff. Die lionner Marklsilule uud ihre Verwaiulten. 124.
P. ScHUBRiNG. Der antike Mythos in der Malerei des Quattro-
cento. 1118.
B. Sadée. Der neolitbische Festungsbau uud die Aclueennauer
der Uias, 129.
F. ÛELiiANN. Haustypen in Bibrakten. 132.
29. — The Antiquaries Journal. I. 1921.
A. \V. Clapham. Tbe Latin niouastic buildings of the Uhureli of
the Holy sepulchre at Jérusalem. 1.
A. O. CuRi.E. Tbe discovery of silver at Traprain Law 42.
E. C. R. Armstrong. Au imperfect Irish sbrine. 48.
C. Johnson. Jobn Plummer, Master of tbe cbildren. 52.
H. F. Westlake. a coffin cbalice from Westminster Abbey. 56.
L. H. DuDLEY BuxTON. Excavations at Frilford. 87.
E. A Rawlence. On tbe site of tbe battle of Etbandun. 105.
E. C. R. Armstrong. An Irisb bronze casting formerly presei-ved
at Killna Castle, Co. Westmoatb. 122.
Laurence Weaver. Discoveries at Amesbury 125.
Reginald a. S.mith. Irisb gold crescents. l'M.
Hekcui-es Read. Muséums in tbe présent and future. 167.
C. R. Peers et Reginald A. Smith. Wayland's smitby, Berkshire.
183.
Stanley Casson. Tlie Doriun invasion reviewed in the light of
some new évidence. 199.
W. L. HiLOBDRGH. Notes on some Englisb alabaster carvings.
222.
C. R. Peers. Two relic-holders from altars in tbe uave of Rie-
vaulx Abbey, Yorksbire. 271.
O. G. S. Cravvforu. Tbe ancient settlements at Ilarlyn Bay. 283.
II. DiKFORD S.MITH. An EngUsli Fifteentb-Century panel. 300.
J. B. P. Kaiislake. Furtber observations on tbe polygonal type
of settlemeut in Britain. 303.
Reginald W. Hooley. Note on a lioard of iron currency-bars
found on Wortby Down, Winchester. 321.
W. L IIilubuimtH. Note on h bron/e ])olycandelon found in Spain.
328.
PÉRIODIQUES 167
30. -American Journal of Pliilology XLII, 1921.
AV. H. KiRK. And aiui or. 1.
A. M. Sturtevant. Die Endung des Partizipium prâteriti der
germauischen starken Verben. 12.
T. D. GooDELL. Plato's Hedonism. 25.
R. B. Steele, Clitai'chus. 49.
D. A. Penick. Paul's Epistles compared with one another and
with the Epistle to the Ilebrews. 58.
J. W. D. Ingersoli,. The Fiist Ode of Horace. 73.
J. E. Harry. Sopliocles Philoctetes 13G0-1361. 77.
W. P. MusTARD. Petrarch'.s Africa. 97.
W. N. Brown. Vyàgbraniâri, or the Lady Tiger-Killer : A study
of the motive of bluff in Hindu- Fiction. 122.
Charles W. Peppler Comic terminations in Aristophanes. 152.
Paul Haupt. Abraham's bosora. 162.
F. A. Weight. Horace and Philodemus. 168.
Tenney Frank. Horace, Carm. III. 4 : Descende caelo. 170.
B O. FoSTER. Livy VII, XIV, 6-10. 174.
W. P. Shepard. Chansons de geste and the Homeric problem. 193.
Archer Taylor. The .Tudas curse. 234.
G. M. Boli-ing. Vulgate Homeric papyri. 253.
Clara M. Knight. The time-meaniug of the fo-participle in
Vergil. 260.
G. Bayley Dolson. 1. T., translator of Boethius 266.
E. H. Stdrtevant. V^^ords-ends and pauses in the hexameter. 289.
Clinton W. Keyes. Original éléments in Cicero's Idéal Consti-
tution. 309.
Tenney Frank. The Carmen saeculare of Horace. 324.
Harold II. Bender. Fluctuation between o - and à - Systems in
Lithuanian. 330.
W. M. Lindsay. Desultory remarks on Latin pronunciation. 335.
J. H. Baxter. Contributions to Late Latin lexicography. .340.
31. — Journal of Hellenic studios, 1921.
W. W. Tarn. Alexander's ÛTro|uvr)|uaTa and the a World-King-
dom ». 1.
W. W. Tarn. Héraclès son of Barsine. 18.
H. J. W. Tillyard. The problem of Byzantine Neumes. 29.
Marcus N. Tod. The progress of Greek epigraj^hy, 1919-1920. 50.
E. J. Webb. Cleostratus reddivivus. 70.
H. J. Rose. The Greek of Cicero. 91.
168 PÉRIODIQUES
32. ~ Leodium, XIV. 1921.
Lkon Laiiaye. Le concile décanal et l'Association des Trente
Prêtres à Liège 1.
A. PouLLET. Gens de lignage au Pays de Liège. 3.
H. VAN DE Weerd. Hoccascaute (in pago Texaudrensi). 7.
G. LE Paige. Un sceau du curé de Spontin (xiii'' siècle). 9.
(jT. Simenon Les serfs d'église à Jupille au xii® siècle. 11.
.r.-.T. Laminne La cosmogonie de Rupert de Deutz. 13.
.r. CoENEN. La topographie de nos monastères romans. 26.
A. P. Gens de lignage au pays de Liège. 36.
Demahkt. Histoire de la collégiale Notre-Dame de Huy. 37.
J. Langohr. Autour de Montzen; son église, sa paroisse, ses en-
virons. 39.
A. DE Ryckel Le couvent de Sainte-Marie-Madeleine de Bétha-
nie à Lens-Saint-Remy. 51.
.r. Ceyssens. Un conflit fiscal au xv^ siècle dans le pays de
Dalhem. 57.
DE LiMBouRG La manière d'écrii'e l'histoire d'une famille. 61.
Jean Gessler. La réception du cardinal-légat Nicolas de Ousa à
Hasselt. 62.
Théodore Gobert Les Sacs à Liège. 65.
J. Ceyssens. Au Val-Dieu. Un vieux manuscrit. 68.
Schoolmeesters. Les statues de la Sainte Vierge à la Cathé-
drale. 72.
J. Ceyssens. Les anciens records civils et ecclésiastiques comme
sources pour l'histoire. 74.
H. Gobert. Prières de XL heures en 1710 à Liège. 91.
L. Laiiaye. Les Sacs à Liège 94.
33. — Mechlinia. I, 1921.
Deftige herbergen in Mechelen. 2.
Une acquisition récente aux Archives de Malines. 6.
L. Antiieunis. Het Oud Apostelinnen Klooster. 7.
H. CoNiNCKX. Het altaar van het Smedersambacht.
O. Le Maire. Une Malinoise fondatrice du couvent des Carmé-
lites anglaises de Darliugton. 14.
H. CoNiNClvX. Albert Diirer à Malines. 17.
G. Van Doorslaer. Drie mannen van de oude « Peoene ». 19.
G. Van Doorslaer. Jean Ruyssche. 21.
O Le Maire. Notice sur la famille van Ileydenryck. 24. 41.
H. DiERicKX. La corporation des graissiers à Malines. 27.
.F. V7iTTMANN. L'ancien couvent des Apostolines. 30.
I
PÉRIODIQI'ES 169
R. Van Aerde. Musicalia. 31, 35, 55.
H. DiERiCKX. Het Stadsmuseuni. 33.
U. FoNCKE. Mechelsche folklore 39.
Fr. Van den Bergh. SchermoeLsblok 40.
G. Van Doorslaer. Beeldsnijderij in palmhout. 47.
G. Van Doorslaek. L'origine malinoise de l'organiste composi-
teur Jean Lestainnier. 49, 68.
Robert Foncke. In memoriam Victor A. de la Montagne. 52.
J. WiTTMANN. Anciennes maisons de campagne des Jésuites. 54.
H. CoNiNCKX. Henri Van den Broeck, peintre, dit : Henri uit de
Kroon. 60.
E. Stp;enackers. Over seholen van Oud-Mechelcn. 65, 88.
Robert Foncke. Mechelsche folklore. Van vroegere heiligen-
viering. 73.
R. Van Aerde. Musicalia (suite). 74, 81.
Robert Fonckk. Mechelsche folklore. Een oud lied : « Van den
ruiter ». 83.
G. Van Doorslaer. Valentin Klee, le premier fabricant de cuir
doré à Malines. 87.
34. — Mémoires de la Société de Linguistique de Paris,
XXII, 1920-1921.
H Pedersen. Deux étyniologies latines [sacerdos, sosijes]. 1.
A. Meillet. Du nominatif et de l'accusatif. 49.
— De quelques contradictions phonétiques. 56.
J. Vendryes. Sur les mots attaques ((ui ont pr) au lieu de pà. H4.
A*-C. Juret. Notes d'étyraologie latine. 68.
J. Vendryes. Sur quelques formations de mots latins. 97.
G. HôEG. Le dialecte des Dialexeis. 107.
V. Magnien. L'alternance rythmique chez Ilomèi'e (fin). 113.
A. Meili^et. a propos du nom iudo-eui*opéen de la « puce ». 142.
— Le nom de nombre « un ». 144.
— L'emploi du duel chez; Homère et l'élimination du
duel. 145.
V. Magnien. Deux questions homériques. 165.
J. Marouzeau. Xotes sur la formation du latin classi(iue. 174.
L. Laurand. Eîrioav et Fionisme de Thucydide. 182.
A. Meii,i-et. Les nominatifs masculins singuliers de démonstra-
tifs en latin. 201.
— Les noms du type FépYov. 203.
35. Meicure de France. CXLVIII, 1921.
J. G. Prod'homme. Napoléon, la musi(iue et les musiciens. 127.
170 l'ÉHlOniQl ES
CXLIX, 1921.
Gabriel Brunet. L'art de vivre en l'œuvre de La Fontaine, 40.
Georges Izambard. L'exemplaire conversion de Monsieur de La
Fontaine. 127.
CL, 1921.
Fi,ORiAN Delhorbk. Dante, critique littéraire. 419.
36. — Neuphilologische Mitteilungeu. 1921.
Werner Mulertt. Ueber die Frage nach der Herkunft der Troba-
dorkunst. 1.
V. Tarkiainen. Quelques observations sur le roman « Persiles y
Sigismuuda » de Miguel de Cervantes 41.
Léo Spitzer. Hispanistische Wortmiszellen. 44.
— Katalauisch ■ ■ -y lot. 50.
0. J. Tallgren. Fortuna « tempête ». 5.3.
W . SoDERiiJEi.M. Dante et l'Islam. 8i). ■
37. — Mnemosyne, 1921.
Paulus Thomas. Observationes ad scriptores latinos. 1.
GuiiJELMUS VoM-GRAFF. Silenus libaturus. 76. _
1. I. H. Ad luvenalis S. III. vs. 57. 81. ■
P. H. Damsté. Ad C. Valerii Flacci argouautica. S2, 118, 251.
J. VAN Wageningen. De siccandis unioribus (ad Min. Fel. Oct.
II § 3). 102.
C. Brakman. Prudentiana. 106.
— Ad historiam Appollonii régis Tyri. 110.
G. V. Euripidis fragmentum 4G6. 112.
GuiLiELMus VoLLfîRAFF. De inscriptionc Argiva. 113.
I. I. H. Ad Cicerouis pro Milone i:^ 68. 117.
J. H. VAN Haeringen. h Sciiptores forenses » apud Ambrosium
(exam. III, 3, 13;. 136.
Ch. Ch. F. Charitonides. Varia ad \'arios. 139.
G. V. Plutarch. Sol. 19. 4-143.
J. C. N.VBER Obscrvatiunculae de iure Romano. 144.
I. 1. H. Ad Senecae Fpl. xxii, 7-171.
F. MuLLER. De Hygini aetate. 172.
J. VAN YzEREN. De Cratylo Ileracliteo cl de Platonis Cratylo. 174.
J. J. E. HoNDius. Novae inscriptiones atticae 201.
J. RÉVAY. Lectiones Serenianae. 205.
I. I. H. Ad Ciceroni^ pro rege Deiotaro .^ 8. 208.
C. Brakman. Horatiana. 209.
PÉRIODIQUES 171
K. KuiPER De Theociiti Carminé XVIII. 223.
I. S. Phillimore. Ad Moretum. 243.
I. I. H. i d Ciceronis in Vatinium int. § 21. 245.
GUILIELMUS VOLLGRAFF. 'Ev |UljpTOU K\ab(. 246.
I. I. Hartm.\nn. De locorum similium consideraudorum ratione.
269.
GuiLiELMus VoLLGRAFF. De voce Tliracia abauTuiç. 285.
C. Brakman. De Ciceronis libris de Republica 295, 304.
I. I. H. Ad Luciani de Salvatione § 64. 309.
G. V. Ad legem collegii cantoi'um Milesii. 310.
I. I. Hartmann. Propertiana, 311, 337, 427.
Bonus e Gallia nuntius. 333.
I. I. H Lans Arnhemiae 335.
I. M. HooGVLiET. Ad Aristophanis Nubes, aunotationes criticae-
352.
1. I. H. Ad Platonis Rempublicam . 379.
C. Brakman. Nugae. 380.
G. V. Xenoph. Hell. IV, 2, 18. 381.
C. Brakman. Ad Cic. de Rep. IV. 382.
P. H. Damsté. Ad C. Valerii Flacci Argonautica. 383.
J. D. Meerwaldt. De Trimalchionis,Ctesibii, Platonis automatis.
406.
G. V. Ad Alemanem. 426.
I. I. H. Ad Ciceronis or.pro Sestio § 46. 448.
38. — Germanisch-Romanische Monatsschrift. 1921.
W. VON Wartburg. Romanische liexikographie seit 1912. 1.
Karl Luick. Ueber die Betonung der franzôsischen Lehnworter
im Mitteleuglischen. 14.
Heinrich Schrôder. Hyperkorrekte (umgekehrte) Schreib- und
Sprechformen, besonders im Niederdeutschen. 19.
Albert Leitzmann. Heimat und Al ter von Goetbes angeblicher
.Tosephdichtung. 31.
Alfred Schirmer. Die deutsehe Umgaugssprache. 42.
Ernst Fraenkel. Zur Bezeichnung der Zeiteiateilungen in den
indogermanischen Sprachen. 53.
Ernst Ociis. Die Gliederung des Alemannischen. 56.
Léo Spitzek. Zur stilistischen Bedeutung des Imperfekts der
Rede. 58.
— Spâtlat. iotticus. 60.
Max J. Woi.FF. Zum Wesen des Komischeu. 65.
Karl Holl. Goethes Vollendung in ihrer Beziehung zu Byrou
und Carlyle. 75.
172 PÉHIODIQI'ES
Hans Hkcht. Slielley iibcr politische Reformen. 87, 149.
Friedrich ScniiRR. Bas Aufkomuien der matière de Bretagne im
Lichte der veniiulerten literarliistorischen Betrachtuiig. 96.
Cari< Wesle. Die deutsche Suldatensprache iiii Kriege. 108.
.\nton BiicHNER. Rainiunds « geflugelte Wurst ». 117.
Charlotte Buhlek. Die Typisieruug in der Diclitung. 129.
GusTAV Neckel. Das Gedicht von Walthariu.s manu fortis. V^'è,
209.
Max J. Wof.FF. ttalienische Komôdiendichter. 160, 230.
Otto Cartkijjkki. Theaterspiele am Hofe Karls des Xiihnen
von Burguud. 168.
Adolf V. Groi.man. Goethes : Xovelle. 181.
Franz Harder. Zur Verwendung von Finalausdi-iicken in « pro-
videntieller Bedeutung ". 188.
Franz Dornseiff. Das Zugehôrigkeitsadjektiv nnd das Krenid-
wort. 193.
Oskar Walzel. Fritz von Unruh. 20U.
Fritz Necbert. Studien zur franzosischen Aufklârungsllteratur.
221.
KoNRAD Hentrich. Modales « tun » im Hoehdeutschen. 240.
— Lautliche Differenzierung als Folge des .Af-
fekts und ps^vchologisch — begriffliclier
differenzierung 242.
— Das Vernersche Gesetz in der Hoehdeut-
schen Umgangssprache. 244.
— Dieser — der nâchste. 2^5.
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Feux Rosenberg. Shakespeare in demUrteil HippoIyteTa.ine.250.
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SiGMUND Feist. Der Name der Germaneu. 29.
J. J. A. A. Frantzen. Kleine Beitriige zur Wortkunde. 42.
P. FiJN VAN Draat. The place of the adverb,a study in rhythra.rj6.
Jos. ScHRiJNEN. Genitivus mysticus. 88.
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M. Boas. De raetoromaansche versie der Disticha Calonis. 97.
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PÉRIODIQUES 173
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Cîlyde Murley. lYKOctANTHI and lYKINOI. 199.
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17 4 PÉRIODIQUES
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W. H. KiRK. Uti legassit. 246.
R. P. RoBiNSON. The inventory of Niccolô Niccoli. 251.
M. E. Dkutsch. Caîsar and the Ambrones (Suetonius JuUus,
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Paul Shorey. Tùxn i^i Polybius. 280.
A. S. Ferguson. On a fragment of Gorgias. 284.
G. M. Calhoun. Demosthencs against Bœotus I XXXIX), 37-38.
287.
A. G. L.mrd. The Persian army and tribute lists in Herodotus.
305.
H. W. Prescott. Callimachus' Epigram on the Nautilus. 327.
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and Professer Scott. 362,
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Tenney Frank. Horace's « Swan » song, Odes, II, 20. 386.
S. E. Bassett. On Iliad, II, 301 ff. 387.
J. O. LoFBERG. (( Unmixed milk » agaln. 389.
W. L. Westermann. Correction upon the « Land registers under
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J. A. Fort. Corrigenda on the Peroigiliiim Veneris. 7.
T. W. LuMB. Notes on Achilles Tatius (suite). 8.
F. H. CoLSON The fragments of Lucilius IX, on El and I. 11 .
Cyrii. B.mley. Notes on Lucretius. 18.
D. Emrys Evans. Case-usage in the Greek of Asia Minor. 22.
Ethei, Mary Steuart. The earliest narrative poetrjj^ of Rome. 31.
W. M. LiNDSAY. « Glossae coUectae » in Vat. Lat. 1469. Calomum
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k. S Fkrguson. EE rnOBOAHI. 43.
RoDERiCK McKenzie. GriBca. 44, 186.
M. T. Smii-ey. The MSS. of Callimachus' Hymns (suite). 57,
113 (fin).
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PÉHIODIQIES 175
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C. M. MuLVANY On Eth. Nie. 1, c. 5. 85.
F. W. Hall. Nuances in Plautine mètre. 99.
J. E Harry. Sophocles, AJax. 601-60.3. 106.
T. W. Allen. Notes on Greek geograiihy. 107.
J. Whatmough. Fordiis and f'ordicidia. 108.
J. U. PowKLL. NéiTobeç Ka\fiç 'A\oaij&vnç. 125.
Arthur Platt Sophoclea. 125.
A. S. Fkrguson. Plato's simile of liglit. Part. I. The siiniles of
the Sun and the line. 131.
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E. LoBEL. Sappho, Book I. The NeretVZ Ode. 163.
J. U. PowELL. 'lepà |)éEeiv. 165.
J U. PowELL. "Eppe KOKH T\r|vr|- 165.
E. S. FoRSTER. Some eraendations in the fragments of Theo-
phrastus. 166
Tenney Fr.\nk. The Scipionic inscriptions. 169.
A. E. HousMAN. Lucan Vil, 460-465. 172.
E. V. Arnold. A wilful exaggeration. 174.
A. E. HousMAN. The Codex Liiisieusis of Mauilius. 175.
E. H W. CoNWAi'. The singular nos in Vergil. 177.
Madeleine E. Lees. The ablative case in Vergil. 183.
E. A. Lowe. The oldest extant MS. of the combined Abstrosa
and Abolita glossaries. 189.
J. F. MouNTFORD. Some quotations in the Liber g-lossaruin 192.
Carl Scnocu. The earliest visible phase of the nioon. 194.
42. — The classical Review, XXXV, 1921.
J. W. Mackail. a lesson ou an Ode of Horace. 2.
T. L. Agar. The Homeric Hymns, XIV. 12.
F. A. Wright. Meleager : Notes and translations. 16.
A. S. Ferguson. Plato. Republic, 421 A. 17.
J. A. Smith TOAE TI in Aristotle. 19.
S. EiTREM. Miscellanea [phil. class ]. 20
J. P. Postgate. De uihilo nil. 23.
J. W. M. Ou the word « educare ». 26.
W. R. Halliday Pygmies and crânes. 27.
J. E. Harry. HAPa" nOAA and EN nOIlN. 27.
F. L. Lucas. Aeschylus and the huuting field. 28.
R J. Shackle. Pindar, Nem. HT, 59-63. 28
Arthur Platt. On Aetna, 597-598. 29.
A. D. Godley. Some translations. 51.
A. C. Pearson. The Rhésus. 52.
176 PÉRIODIQUES
C. E. S. IIeadlam. The teclinique of Vergil's verse. 61.
WiLMAM Kerry. .4.n écho of Euripitles in Propertius. 64.
J. Wh.vtmough. cil. I, 1538 (= YI, 335) 65.
E. H. BiAKENEY. Xote ou IgnatrEp ad Eph., XK. 66.
J . P. PosTGATE. Horatiana. 66.
W. M. LiNDSAY. Varro'.s (luae.stionuni plautiuaiuiii libi-i V. 67.
F. L. Lucas. The Octavia. 91.
T. L. Agar. The Homeric Hymus (XV). 93.
AusTiN Smyth. Notes on Aesehylus. 97.
J. U. PowELL. Aesehylus. Choephori 296 99.
J.C. Lawsox. Aesehylus, A^amemnon. 100.
Arthur Platt. Emendations of Xenophon's HeUenica. 100.
H. W. Garroi). Horace, Odesl, VIII. 1-2. 102.
W. R. INGE. Horace, Epp. 1, 2, 30. 31. 103.
Alexander J. T>. PoRTKous. Virgil's « Eclogues » : a metrical due
to the order of composition. 103.
S. G.vsELEE. Martial IX. 21. 104.
(î. C. Richards. HEPIAKTOI (0YPAI) 105
43. — The American Historical Review. XXVI, 1920-1921.
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1920. 1.
Robert L. Schuvlek. The recall of the Légions : a phase of the
decentraiization of the British Empire. 18.
Edward Channing. An historical retrospect. 191.
MiKiiAii. RosvoTTSKR. South Russia in the Prehistoric and Clas-
sical Period. 203.
L. M. Skaks. a Confedei'ate Dijjloinat at the court of Napo-
léon III. 255.
Frédéric Dun'Calf. The i)easants crusade. 440.
Frank A. Goi.dku. The American Civil War through the eyes of
aRussian diploraat. 464.
44. — The English Historical Review, 1921.
The Beginnings of the l'higlish Historical Review. 1.
Ai.iCE M. AsHLEY. The « .\liinenla » of Nerva and his suci-es-
sors. 5.
F. M. PowiCKE. Maurice of Rievaulx, 17.
Godfrey Davies. The battle of Kdgehill. 30.
W. A. MoNis. A mention of scutage in the year llOO. 4.j.
.TH. Round. A butler's serjeantrj'. 46.
I
PÉRIODIQUES 177
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HiLDA JoHNSTONE. Tlie Parliamcnt of Lincoln of 1316. 53.
C. Johnson Negotiations for the ransom of David Bruce in 1349.,
57.
C. H. Haskins & Mrs. Eric Geokcîk. Verses on the Exchequer in
the xvth century. 58.
CouA L. ScoFiELD. Indeuturcs between Edward Wand Warwiok
the Kingmaker 67.
Irkne Wright The early history of Jamaica, 1511-153^. 70.
J. E. Neale. The authorship of Townshend's « Historical Col-
lections ». 96.
(t. h. Wheei.er. The genealogy of the early West Saxon Kiags.
161.
Richard A. Nkwhali,. The war finances of Henry V. and the
Dukeof Bedford. 172.
Hosea Bai.i.ou Morse. The supercargo in the China trade about
the year 1700. 199.
J. H. Round. « Shire-house » and castle-yard. 210.
J. A. TwEMi-ow. The etymology of « Bay sait ». 214.
S. T. GiBsoN. The Eschcatries, 1327-1341. 218.
Winifred Jay. The House of Commons and St Stephen's Gha-
pel. 225.
GoDDARu H. Orpen. An unpublished letterfrom Charles I. to the
Marquis of Ormonde. 229.
.r. Hoi.LAND Rose. Lord Elgin's report on Levantine affairs and
Malta, 28th February, 1803. 234.
J. H. Round. The dating of the early Pipe Rolls. 321.
Charles H. Haskins. The « De arte venandi cum avibus » of the
Emperor Frederick II. 334.
F. M Greis Evans. Writs of assistance, 1558-1700. 356.
Lillian M. Penson. The Loudon West ludia interest in the
xvuith century. 373.
H. Idris Belle. A list of original Papal Bulls and Briefs in the
Department of Manuscripts, British Muséum. 393.
H. E. Salter. The beginnings of Cambi'idge University. 419.
G. R. Cole-Baker. An « attracted » script. 420.
Preserved Smith. Englishmen at Wittenberg in the xvith cen-
tury 422
45- — The North American Review. Vol. 213. 1921.
Martin T. Baldwin. The tariff aud the English language. 36.
Marshall Putnam Thompson. Royal Auvergne sans Tache. 225.
12
178 PÉRIODIQUES
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P, Scott Stevenson. Milton and the Puritans. 825.
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R. T. HiLL. The Vie de Sainte Eiiphrasine (fin). 44;.
M. Romera-Navarro. Estudio de la comedia himenea de Torres
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T, F. Crâne. The mountain of Nida. A postscript. 79.
G. L. Hamilton. The pedigree of a phrase in Dante (Pui-g. VII,
107-108). 84.
F. Vexler. Etymologies and etymological notes. 90.
P. E. GuYER. The influence of Ovid on Crestien de Troyes. 97.
A. M. EspiNOSA. Sobre la legenda de los Infantes de Lara. 135.
J. P. WicKERSHAM Crawford. A notc on the Boy Bishop in
Spain. 146.
R. Weeks. The Siège de Barbastre. 155.
A. Hamilton. Ramôn de la Cruz social reformer. 168.
A. H. Krappe. The sources of Sebastiano Erizzo's Di.scorso dei
gooerni cioili. 181.
A. S. CooK. Comparisons-Dante, Infei-no, 1. 80: Petrarch. Mon-
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4~. — Revista de Archives, Bibliotecos y Musées, 1921.
Cristôbal Espejo. La carestia de la vida en el siglo xvi y medios
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José Masia Millâs. Influencia de la poesia popular hispano mu-
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I
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haciendo la boda de Felipe II con doua Maria, reina de Ingla-
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Vicente Castaneda y Alcover Relaciones geograficas, topogra-
ficas e historicas del Reino de Valencia heclias en cl siglo xviii
a ruego de don Tomas Lopez. 85, 247.
Angel Gonzalez Palencia. Fragmentes del archivo particular
de Antonio Pérez, secretario de Felipe II. 111, 293.
M. S. Y. S Documentos relatives a la pintura en Aragon durante
los siglos XIV y xv. 136.
Carmelo Vinas Me y. Una pagina para la historia del lieleuismo
en Espana. 168.
Antonio Ma. Alcover. Los mozarabes baleares. 226.
48. — Revista de filologia espanola, VIII, 1921.
Américo Castro. Unos aranceles de aduanas del siglo xiii. 1.
T. Navarro Tojias. Historia de algunas opiniones sobre la can-
tidad silâbica espanola. 30.
Léo Spitzer. « Arribota ». 58.
Samuel Gili. Una nota para las « Cantigas ». 60.
Erasmo Buceta. Sobre una pai'onomasia en gonzalo de Bereeo G3.
Fr. a. de IcAZA. Cristôbal de LIereua y los origenes del teatro
en la America espanola 121.
José F. Montesinos. Contribuciôn al estudio del teatro de Lope
de Vega. 131.
J. Sarrailh. Algunos datos acerca de D. Antonio Linâu y Ver-
dugo, autor de la « Guia y Avisos de Forastei'os » (1620). 150.
F. DE Figueiredo. O thema de « Quixote » na litteratura portu-
gueza do seculo xix. 161 .
J. M Chacôn y Calvo. El primer poema escrito en Cuba. 170.
Leo Spitzer. Vieil esp. « poridad n esp. « puridad ». post.
« puridade », « secret », 176.
E. Buceta. La critica de la oscuridad sobre poetas anteriores a
Gôugora. 178.
A. C. « Viedro » 180.
49. — La Révolution française, 1921.
A. HouTiN. Quelques notes sur l'histoire des Jésuites. 28.
L. Lévy-Schneider. Le système corporatif dans le Nivernais à la
fin de l'ancien régime. 46.
A. Aui.ard. La mort de Napoléon et les journaux parisiens
en 1.S21.
180
PEHIODIQUES
R CHEVAiJiiKR. Les revenus des bénéfices ecclésiastiques au
xviii" siècle. 113.
.1 . DuRiEux. Thermidor, d'après des documents inédits. 150.
J. TiKKsoT. Rouget de Lisle et Quiberon. 167.
A. Aur.AUD. Le portrait de Barère par David [au Musée de
Bruxelles]. 170.
— La trahison de Marie- Antoinette 172.
Henri Hauskk. De quelques aspects de la Révolution améri-
caine. 193.
PoMMKRKT. L'esprit public dans les Côtes-du-Nord pendant la
Révolutiou. 21 1.
li. Durand. Le personnel judiciaire dans les Oôtes-du-Nord pen-
dant la Révolution. 218.
Louis Vii.LAT. L'histoire de la Révolution en Corse, 232,
J. Raspail. Les papiers de Lalande. 23C.
R. BoNNKT. Rouget de Lisle et Quiberon. 255.
— Féminisme et franc-maçonnerie à Confoleus sous
Louis XVI. 206.
— Le drapeau rouge pendant la Révolution. 258.
— Le mot allemand Reich et le mot français Empire. 259.
50. — Revue archéologique, XIII, 1921.
Jean Ebersolt. Miniatures irlandaises à sujets iconogra-
phiques. 1.
K. Friis Johansen. Un nouvel aryballe au Musée du Louvre. 7.
Victor Bérard. Textes et scolies de l'Odj'ssée. 21.
H. Breuie. Les bas-reliefs de Marqulnez (Alava). 25.
Fi, Passemard. Signes gravés de la caverne d'Isturitz. 33.
Maurice Besnier. Le commerce du plomb à l'époque romaine
d'après les lingots estampillés. 36.
F. de Mkly. Nos vieilles cathédrales et leurs maîtres d'œuvre.
77.
G. Seurk. Archéologie thrace 108
Henry Corot. A propos de l'exploitation du minerai de fer à
l'époque gallo-romaine. 127.
Louis Sirkt. Prométhée. 132.
W. Dkonna. Statues de terre cuite. 136.
G -I. Br.vtianu. Les fouilles de Curtea de Argesh (Roumanie). 1.
Henri SoTTAs. Le thiase d'Ombos. 24.
André Joubin. Quelques aspects archéologiques du Languedoc
méditerranéen. 37.
H. Brkuil. Les pétroglyphes d'Irlande. 75.
E. Vassee. Le bélier de Baal Hammon. 78.
PÉRIODIQUES 181
J. LoTH. Les traits caractéristiques du Gaulois d'après un livre
récent. 108.
S. DE Ricci. M. Ed. Naville et la linguistique égyptienne. 121.
Denyse Le Lasseur. L'école américaine de Jérusalem. 123.
XIV, 1921.
A. Merlin et L. Poinsot. Candélabres de marbre ti'ouvés en mer
près de Mahdia. 1.
Louis HautecœUr. Le Soleil et la Lune dans les crucifixions. 13.
F. DE MÉLY. Le rétable de l'Agneau des Van Eyck et les pierres
talismaniques. 33.
Adrien Blanchet. Le prétendu tombeau antique de Neuvy-
Pailloux. 81.
Maurice Besnier. Le commerce du plomb à l'époque romaine
d'après les lingots estampillés ifi>i). 98.
Salomon Reinach. Observations sur Valentin et le Valentinisme •
131.
Pierre Paris. Le faux sarcophage égyptien de Tarragone. 146.
André Julien. Le Musée de l'Ermitage. 165.
P. Deffontaines. De la méthode géographique en préhistoire.
171.
W. Deonna. Sostratos de Cnide et la vertu des formules invi-
sibles. 175.
51 — La Revue de Bourgog-ne, 1921.
Eugène Fyot. Les rues de Dijon : la rue de Condé. 1.
Pierre Perrenet. Sacs à procès : pour un peu d'encens. 33,
Etienne Picart. Le jaquemart de l'église Notre-Dame de
Dijon. 77.
Charles Oursel. Existet-il un Art bourguignon? 97.
Pierre Perrenet. A propos du centenaire de Napoléon. 134.
Ernest Andrieu. Une épave du triptyque de Lierre à Dijon.
156.
Jeanne Magnin. Du Fra Bartolomeo et de quelques autres j)ein-
tures de la Cathédrale de Besançon. 197.
Pierre de Nolhac. Pour le IV* centenaire de Pontus de Tyard,
Pontus de Tyard et Pierre de Ronsard, 237.
Eugène Fyot. La Chartreuse de Champmol. 297.
Pierre Perrenet. Dijon au XVII* siècle. Les Bleus, les Verts et
les ,1 aunes. 327.
Robert Schnerb. La mission en Bourgogne du Conventionnel
Bernard de Saintes.
Henri Drouot. Auxois ou Aiisaois ?
182 PÉRIODIQUES
52. - Revue celtique, XXXVIII, 1920-1921
Louis Gougand. Répertoire des fac-similés des manuscrits irlan-
dais {fin). 1.
E. C QuiGOiN. An Old Welsh Gloss, Armon Armenia, Initial G
in Welsli. 15.
J. Vkndryes. Les vins de Gaule en Irlande et rexx)ression fin
aicneta. 19.
Alf SoMMKHFKi/r. Le système verbal dans In Cathe Catharda
{suite j 25.
J. LoTH Notes étj'mologiques et lexicographiques {suite). 48.
Fr C. Diack. Place-names of Pictland. 109.
Joseph Dunn. Life of Saint Alexis. 133.
J. LoTH. Alternances AI : a; OU : o. 144.
J. LoTH. Notes étymologiques et lexicographiques. 152.
Alf. Sommerfklt Breton Bomm 178.
J. LoTH. La première apparition des Celtes dans l'île de Bre*
tagne et en Gaule. 259.
D. Hydic. The Reeves Manuscript of the Agallamb na Seno-
rach 289.
M. V. Hay. Columbanus and Rome. 315.
Jérômk Carcopino. a propos du nom des Germani. 319.
53 — Revue des Deux-Mondes, 63, 1921.
Frédéric Masson. La mort de l'Empereur. 48, 310.
Louis Madelin. Napoléon à travers le siècle (1821-1921). 73.
G. Lacour-Gaykt Bonaparte et l'Institut. 294.
Victor Giraud. Jean- Jacques Rousseau prophète religieux 415.
E. Wetterlé. La « langue maternelle » en Alsace et en Lor-
raine 526.
Saint-Denis, dit Ali Souvenirs du second mameluck de l'Empe-
reur. 7G7; t. 04, 27, 583; t. 65, L52, 620.
64, 1921.
André Hallays. Jean de La Fontaine. 96, 375, 848; t. 65, 395.
Edmond Pilon. Autour de La Fontaine. 121.
65, 1921.
Paul Hazard. Les plagiats de Stendhal. 344.
Louis Gillet. Dante et Ravenne. 446.
Gustave Lanson. Ecrivains français en Hollande au XVII* siècle.
555
PÉRIODIOUES 183
66, 1921
Edmond Pilon. Un centenaire romantique. Ondine Valmore. 202.
54. — Revue des Etudes anciennes, XXIII. 1921.
A. CuNY. Questions grécooiùeu taies, xii. L'inscription lydo-
araméenne de Sardes (2« art.) 1.
P Cloché Le discours de Lysias contre Hippothersès. 28.
C. JuLLiAN. Notes gallo-romaines, lxxxix. La question des
« poypes ». 37.
A. Blanchet. Recherches sur les « grylles », à projjos d'une
pierre gravée, trouvée en Alsace 43.
Ch. Martkaux. Note sur Chamerande. 52.
C JuLLiAN. Chronique gallo-romaine. 55.
P. Perdrizet. Copria 85.
L. Ha VET. La fable du loup et du chien. 95.
C. JuLLL^N. Notes gallo-romaines, xc. Les tares de la Notitia
dignitatum ; le duché d'Armorique. 103.
C. JuLLiAN. Inscription de Savigny (Rhône). 110.
J. LoTH. Le gaulois turno- dans les noms de lieux. 111.
J. LoTH. Turnomagus = Dormagen. 116.
C. JuLLiAN. Tor et plan. 116.
E. Dlprat. Notes sur Saint Jean de-Gargtiier. 120.
C. JuLLL\N. Locus gargarius 124.
A. Blanchet. Une inscription d'Antibes, composée sous Fran-
çois P^ 125.
C. Jullian. Chronique gallo-romaine. 127.
M. FoGHALi. Linguistique évolutive ou linguistique descrip-
tive? 138
M. Holleaux. Etudes d'histoire hellénistique, xii. L'expédition
de Philippe V en Asie (201 avant Jésus Christ), 2« article. 181.
C. Jullian. Notes gallo-romaines, xci. De Pontchartrain à *Ico-
randa, sur les routes romaines. 213.
J. Soyer. Les « BasilicjB » de la « civitas Carnutum » et de la
« civitas Aurelianoium » 219.
C. JuLLiAX et R. Gadaxt. Dallages de voirie urbaine. 221.
S. Chabert. Sépultures et inscription gallo-romaines découvertes
à La Tronche, près Grenoble. 225.
H. Prentout. Les inscriptions de la fontaine de la Herse, forêt
de Bellème (Orne). 227.
G. Chenet. Dépôt d'objets de l'âge du bronze et du premier âge
du fer dans des sépultures d'époque plus récente 232.
C Jullian. Chronique gallo-romaine 2 3.
184 PÉRIODIQUES
55. — Revue des Etudes arméniennes. I. 1920-1921.
GÉDÉoN HuET. L'Arménie dans certaines versions de Booon de
Hantone.
J. Artignan. Les plantes de l'antiquité classique. Sisumbrium.
56. — La Revue de France, II, 1921.
PiKRRK DK Noi.iiAC. La Pléïadc et le latin de la Renaissance 742.
III, 1921.
JosKPU DiDiKR. Quelques scènes de la « chanson de Roland ». 284.
Ch -V. Langlois. Mystiques du xvii« siècle. 738.
57. — La Revue hebdomadaire, V. 1921
Général Maxgin. Napoléon, homme de guerre. 80, 210.
A. CiiEsNiKR i)K CiiESNE. L'opinion publique en Angleterre à la
mort de Napoléon. i)2.
Marie de Roux. Napoléon législateur. 334.
FoRTUNAT Strowski. Napoléon et le gouvernement de l'intelli-
gence (fin VI, 81). 459.
VI, 1921.
LoRENzi Di Bradi. Lcs bandits de Prosper Mérimée. 48.
Henri Pourrat. Le secret impérial. 76.
Maurice BARRtcs. La grande mission de Dante. 203.
Raymond Poincaré Dante, colonne milliaire de la latinité. 321.
Francesco RuFiNi. Le caractère moderne de la pensée politique
de Dante. 331.
VII, 1921.
Ed.mond Jai-oux Le centenaire de Baudelaire. 66.
André Thérive. La légende de Dante hérétique. 79.
Jules Véran. Dante et les Troubadours. 93.
Gustave Dupont-Ferrier. L arrivée de Bonaparte à Paris. ^217,
340.
Franc-Nohain. Les fables de La Fontaine 405.
Jean Ravennes. Les petits écrits du chevalier de Boufflers. 467.
Louis Batiffol. La véritable figure du cardinal de Richelieu. 509.
VIII, 1921.
Jean Balde. Napoléon et l'éducation des filles. Madame Gam-
pan et la maison d'Ecouen. 333.
PÉRIODIQUES 185
X. 1921.
Jkan u'Elbék. L'étonnante aventui-e d'un gentilhomme gascon
sous Louis XIV [du Causse de Nazelle]. 85.
58. — Revue d'histoire ecclésiastique, 1921.
Paul Fournier. La collection canonique dite « CoUeclio XII par-
tiiim ». Etude sur un recueil canonique allemand du xi'' siècle.
31, 229.
M. ViLLKR. La question de l'union des Eglises entre Grecs et
Latins depuis le Concile de Lyon jusqu'à celui de Florence
(1274-143S). 260, 515.
L. Lauranu. L'oraison funèbre de Théodore i)ar saint Ambroise.
Discours prononcé et discours écrit. 349.
Fr. Callaey. L'influence et la diffusion de VArbor Vilœ d'Uber-
tin de Casale. 533.
59. — Revue d'Histoire littéraire de la France. 1921.
Arthur Chuquet. Mots historiques. 1.
François Vézinet. Un vers de Vigny et un problème de géogra-
phie biblique. 26.
Pierre Jourda. Un disciple de Marot : Victor Brodeau. 30, 208.
Paul Bonnefon. Scribe sous la Monarchie de juillet, d'api'ès des
documents inédits. 60, 241.
P. M BoNDOis. A propos du « Mariage de Figaro ». Une lettre de
Chamfort à Beaumarchais. 100.
Maurice Souriau. La langue de Voltaire dans sa correspon-
dance 105. 279.. 423.
Edouard Droz. Corneille et 1' o Astrée ». 161.
Gérard Gailly. Un point obscur de la vie de Gresset. 204.
Etienne Gros, .\vant Corneille et Racine. Le « Tile » de Magnon
(1660k 229.
Pierre Martixo. Stendhal et l'acteur Perlet. 261.
Fernand Baldensperger. a propos de nouveaux fragments du
«Journal n de Vigny : Quelques précisions chronologiques. 265.
Paul de Lapparent. Remarques bibliographiques sur quelques
ouvrages de Bossuet. 267.
Georges Prévôt. Les emprunts de Rémy Belleau à Jean Second
dans ses « Baisers » (2"' journée de la Bergerie). 321.
Gustave Charlier. La source principale de < Mateo Falcone».340.
Félix Boillot. La Fontaine coloriste. 346.
Edouard Droz. Corneille et 1' « Astrée ». 361.
Gaston Cohen. Prosper Mérimée et la Russie. 388.
186 PÉRIODIQl lis
Paul, A. Tuii.lat. Un précurseur des pacifistes contemporains :
Pierre Dupont (1821-1870) 397.
Gustave Cohkn. Notes généalogiques et documents inédits sur le
poète Jean de Schelandre et sur sa famille. 408.
Félix Portefaix. La date du « Repas ridicule ». 414.
Philippe Rexouard. « Les fleurs et antiquités des Gaules ». 416.
J. Dkhocquigny. Notes lexicologiques. 420.
60. — Revue historique, CXXXVI, 1921.
Charles Bost. Les « Prophètes » du Languedoc eu 1701 et 17U2.
Le prédicant-prophète Jean Astruc, dit Mandagout. 1 ;
CXXXVII, l
Eugène Déprez. La bataille de Najera, 3 avril 1367. Le « com-
muniqué » du Prince Noir. 37.
Septime Gorceix. Les sources de Voltaire et la chronique mol-
dave pour le récit de la capture de Charles XII à Bender. 60.
Joseph Rémacle. Napoléon III et la paix. 161.
Marc Bloch. Serf de la glèbe. Histoire d'une expression toute
faite. 220.
CXXXVII, 1921.
André Boudier. Charles Desmarets. corsaire dieppois. Docu-
ments inédits de 1445. 32.
H. Weil. Un précédent de l'affaire Mortara. 49.
Alfred Stern. L'insurrection polonaise de 18G3 et l'impératrice
Eugénie. 66.
LÉON Homo. Les piivilèges administratifs du Sénat romain sous
l'Empire et leur disparition graduelle au cours du iir siècle. 162.
Pierre de Labriolle. Le « Mariage spirituel » dans l'antiquité
chrétienne. 204
CXXXVIII, 1921
Léon PIomo. Les privilèges adininisti-atifs du Sénat romain sous
l'Empire et leur disparition graduelle au cours du iii« siècle. 1.
E. Waldner Lettre de Charles Marchand, abbé de Munster en
Alsace, à un confi-ère (16 >2) 53.
Adrien Bi-anchet. Les journées de juillet et août 1789 à Stras-
boui'g. 57.
61. — La Revue critique des Idées
et les livres, XXXI, 1921.
Pierre de Noihac. Ronsard lecteur d'Homère. 513.
Charles Du Bos. Notes sur Joseph de Maistre. 522.
PÉRIODIQUES 187
XXXII, 1921.
Jean Longnon. Le mirage hellénique, notes pour le centenaire
de l'Indépendance grecque. 17.
André Thérive. L'argot et la langue populaire. 272.
Jean Luoas-Dubreton. Mj'thologie d'alchimiste. 414.
Albert Thibaudet. Propos sur Fénelon. 423.
Louis DuMOXT-WiLDEN. Xai)oléon et le prince de Ligne. 517.
Tancrède de Visan. Bossuet à Metz. 544.
Albert Thibaudet. La question Rancé. 556.
Xavier de Courvilt-e. Le silence de La Fontaine. 678.
XXXIII. 1921.
René de Planhol. Les libertins du xvii* siècle. 38.
Xavier de Courville. Une forme racinienne de la tragédie lyri
que 50.
62 — La Revue mondiale, CXLII, 1921.
Ai,bert Cim. De Bossuet à Massillon. 39.
R. de Nolva. Keats et le culte littéraire français eu Italie. 61.
Desbordes- Valmore. Napoléon et Talma (pages inédites). 310.
G. Lacour-Gayet. Napoléon et la Pologne. 379,
CXLIII, 1921.
Comte Serge Fi.eury. Un frère de Napoléon en .Angleterre. 398.
Ci-ément Pansaers. Comment fut fondé le Béguinage. 205.
R. Paulucci di Calboli. Dante et Bonaparte. 375.
63. — Revue numismatique, XXIV, 1921.
F. Préchac. Le Colosse de Néron, son attitude et ses vicissitudes
d'après les textes et les monnaies. I, 105.
S. MiRON'E. Les Eros de Praxitèle et en particulier l'Eros des
Mamertins. 23,
J. Baii-hache. Histoire numismatique des règnes de François II
et de Charles IX. 38, 153.
Jkan Babelox. Un médaillon inédit de Charles-Quint au Cabinet
des Médailles. 79.
Fernand d'Hébraru de Saint-Sulpice et Armand Viré. Un atelier
monétaire clandestin au xvii^ siècle, au château de Saint-Sul-
pice (Lot). 89.
Adr. Bi-anchet. Les « Aboulcelbs », monnaies fabriquées en Hol-
lande. 91.
Ch Le Hardelay Contribution à la numismatique de Bretagne.
Variétés inédites. 185.
188 PÉRIODIQUES
A. David. Jetons des co-gouverneurs de Besançon. 193.
A. DiEUDONNÉ La collection Pozzi. 202.
Malbois Notes sur l'atelier monétaire de Visan (Vaucluse). 206
64. — Revue belg-e de numismatique
et de sigillographie. 1921.
L. LaI'Kranciii. La translation de la Monnaie d'Ostie à Arles
dans la tj'pologie numismatique constantinienne. 7.
B. DE JoNGHE. Monnaies au titre de duc de Bouillon, de Henri de
la Tour d'Auvergne prince de Sedan et de Raucourt (1504-
1623). 17.
Victor Tourneur. Le mcdailleur anversois Steven van Herwijck
(I55T-15G.J). 27.
Ch. Giij.e.man. Les jetons du comté au pajs d'Alost 57.
Victor Tourneur. Le sceau du Chapitre Saint-Pierre de Cor-
tessem 75.
Ch. Gilleman. Le graveur Fabien Jean Borduno. 79.
F. Vermeylen. Un jeton d'argent de Nuremberg. 80.
Victor Tourneur. Les méreaux de la Maison du Saint-Esprit dite
de Notre-Dame ou Fondation van Bruyssegem à Bruxelles. 82.
Jos. DE Béer. Trouvaille de Liège. 8G.
Robert Osterrieth. Trouvaille de Putte lez-Maliues. 89.
— Trouvaille de Turnhout. 91.
65. — La Revue de Paris, 1921, III.
A. Tanant. Napoléon chef de guerre. 51.
Henri-Robert. Napoléon et la justice. 72.
René Tournés. Le G. Q G. de Napoléon. Ir 134.
G. Pariset. Le système napoléonien de gouvernement. 242.
Louis Bertrand Une évolution nouvelle du roman historique. 326.
Emile Mâle. Eludes sur l'art de l'époque romane. 491, 711.
Henri Hauvette. Dante et la pensée moderne. 605.
1921. IV.
J. Dkssaint. Le centenaire de Joseph de Maislre. 139.
A. AuLARD. Bonaparte républicain. 329.
1921, V
G. G. Picavet. La légende de Tureune aux xvii" et xviii» siècles.
322.
Henri d'Almères. Dante étudiant à Paris. 398.
Antoine Albai-at. La langue française et le style archaïque. 870.
PÉRIODIQUES 189
1921, VI.
Comte Primoi.i. Gustave Flaubert chez la princesse Mathilde.306.
66. — Revue de philologie, de littérature
et d'histoire anciennes, XLV, 1921.
Paul Oltkamare. Le Codex Genevensis des Questions naturelles
de Scnèque. 5.
Bernard Haussoui-lier. Inscriptions de Didymes, Didymes au
i"" siècle avant J.-Chr. 45.
P. JouuDAN. Térence, Andricnne. 87, 62.
A. Cartault. Les Choliambes de Perse. 6'^.
Louis Havet. Iliade, 9, 164. — 65.
A Cartault. La Satire I de Perse, 66.
Louis Havet. La serniconjecture et les Suppliantes d'Eschyle, 75.
Un fragment de ^lénandre. Adelphes. 86.
Platon. Alcibiade, 133 c. — 87.
Arth. Humpers. Gloses homériques sur Ostrakon. 90.
67. — Revue de philologie française et de littérature. 1921.
J. Giei.iéron, Patologie et térapeutique verbales. Appendices. 1.
K.-J. RiEMENs. Les débuts de la lexicograi'ie franco-néerlandaise.
20.
J. GiLUÉRON. Essette-Mouchette dans l'Est du domaine gallo-
roman. 39.
Albert Dauz.\t. Une inscription du xv« siècle en français dans la
vallée de Suse (Piémont). 67.
.\. Dauzat Essais de Géografie linguistique, Animaus sauvages.
— 3. Contribution à l'histoire du hanneton — 4. Lever luisant
dans la basse Auvergne. 81.
G. EsNAULT. Lois de l'argot, V. 108.
,T. Gilliéron. Leurs étimologies : Tourbillon — Tourmente —
Entournor > entourer au .wi^'-xvir siècle — Ajourer et ajourner.
129.
F. Baldensperger. Bilboquet? 161.
68. — Revue politique et littéraire. Revue bleue, 1921.
G. MoNGRÉDiEN. Une vieille querelle : Racine et Pradon 52, 76.
Edme Champion. Le scepticisme de Montaigne. 189.
René Gillonin. Le mysticisme racial. 193.
Louis Madelin. L'Ecole des Chartes. 212.
Georges Bkunet Une théorie magique de la royauté. 248.
190 PÉRIODIQUES
Albert Mii-haud. Napoléon. 273.
Baron de Trèmont. Souvenirs sur Napoléon. (Mémoires inédits,
publiés par J. G ProcFliomme.) 'lll .
Henky Asselin. La langue française en Hollande. 287,
Martial Teneo. Napoléon Bonaparte et l'Opéra. 291, 34S.
Emile Macne. Le mariage de Tallemant des Réaux. 321.
Edmond Pilon. La maison du Bonhomme (A propos du tri-cente-
naire de La Fontaine). 403.
Capitaine Gagneur. Napoléon et le Mémorial. 419.
John Charpentier. Napoléon et les hommes de lettres. 482, 510,
540, 574.
Maurice Mignon. Le sixième centenaire de la mort de Dante. H43.
André Thérive. L'ancêtre de la « Divine Comédie ». 671.
69. — Revue de l'Université de Bruxelles, 1920-1921.
E. Dupréel. Socrate et l'histoire de la philosophie grecque. 42.
Charles Beckenhaupt. Henri de Kleist et sa poésie nationaliste.
274.
P. DE Reul. Bjron. 501.
P. Errera. Dame et les Flandres. 533.
P. BoNENFANT. Le premier gouvernement démocratique à Bru-
xelles (1303-1306). 506.
70. — Romania, XLVII, 1921.
S. Glixelli. Les Contenances de Table. 1.
M. LoR-BoRODiNE. Les deux conquérants du Graal : Perceval et
Galaad. 41.
P. Studer. Notice sur un manuscrit catalan du xv» siècle
(Bodley Oriental 9), 98.
E. HoEPFFNER. Le chansonnier de Besançon. 105.
P. Marchot. Wallon nôrè <* oraricium. 116.
P. Marchot. Wallon hi < ancien ht ail. Scaro. 117.
A. Piaget. Les Princes de Georges Chastelain. 161.
P. Marchot. Notes étymologiques. 207,
L. FouLET. Comment ont évolué les formes de l'interrogation.
243.
.1. Weston. The Perlesvaus and the Vengeance Raguidel. 349.
A. Thomas. Percoindar dans la Passion de Clermont-Ferrand.
360.
N. Bertoni. Iiitorno a una denominazione alto-italiana dell'
« ape » : annida. 362.
E. Hoepffner. Chanson française du xiii'^ siècle. 367.
PÉRIODIQUES 191
J. MoRAWsKi. L'auteur de lu seconde Vie des Pères. 381.
M. I'rinet. Remai-ques ononiastiques sur le WuKliarius. 382.
G. HuET. Un épisode de VYseniçrimus et quelcjucs récits appa-
rentés. 383.
A. Thomas. vVuc. franc, sisme u sisième ». 388.
A. Thomas. Xouveaus témoif^nages sur le jargon (1464 et 1484-
1486) 389.
71. — Sitzung-sberichte der Preussischen Akademie
der Wissenschaften, 1921.
ScHucHAKDT. Exkurs zu Spracliursprung. III. 194.
DiELS. Lukrezstudien. 237.
vox Harnack. Xeue Fi-agmente des Werks des Porphyrius gegen
die Christen. Die Pseudo-Polycari^iana und die Schrift des
Rhetors Pacatiis gegen Porphyrius 266.
VON WiLAMOwiTZ-MoEi.LENDOREF Sphakteria. 306.
Kehr. Zur Geschichte Wiberts von Ravenna (Clemens III). I, 355.
ScHAFER. Ilonor, cilru, cis im mittelalterlichen Latein. 372.
Kehr. Beiicht liber die Herausgabe der Mouumcnta Germaniae
bistorica 192n. 401.
Stutz. Reims und Maiuz in der Konigswahl des zehnten und zu
Begiun des elften Jabrhunderts. 414.
HiLLER VON Gaertringen. Attisclic Inschriften. 436.
Heusler. Die deutsche Quelle der Ballade von Kremolds Rache.
445.
H. ScHUCHARUT. Possessivisch und passivisch. 651.
72 — Société d'Études de la Province de Cambrai.
Bulletin mensuel, XXI. 1921.
Edm. Leclair. Notes pour servir à l'iiistoire du clergé à Dun-
kerque pendant la Révolution. 6.
Edm. Leclair. Réclame pharmaceutique et remède secret. 18.
E.M. M.vrTHiEU. Reconstruction de Bouchain en 1594. 20.
J. Gennevoise. Le régime des pensions à l'abbave de Vicoigne. 21.
Th Leuridax. Quelques règlements de coniréi-ies d'archers et
d'arbalétriers. 23.
Notes sur quelques fiefs de la région de l.ille. 31.
Deux testaments de Brillon. 41.
Un compte de l'église d'Escarmain. 44.
Une taille de faux frais à Escarmain. 47.
Joseph Gennevoise. Vicognette et les refuges de l'abbaye des
Prémontrés de Vicoigne, 49.
192 PÉRIODIQUES
H. Trouillet. La Loi de Bousies. 75.
Documents divers sur Escarmain. 77.
Documents sur l'église et les pauvres du Maisnil-eu-Weppes. 78.
La seigneurie de Ligny. 80.
Em. Matthieu. Ecole de Lanh-ecies. 82.
Ed.m. Lecl.\ir. Le corps de Jean Levasseur ; son inhumation à
Lille en 179:^. 83.
Emm. Thieuli.et. Cloches de Notre-Dame de la Consolation à
Lille. 87.
DU Chastel ue i,a Howarderie. Les seigneurs de Bercus. 88.
A. BoNTEMPS. Busigny, Nord, a-t-il eu autrefois deux paroisses?
89.
La Société populaire de Fournes-en-Weppes, 93.
T. L. et E. L. La guillotine à Lille, 1792-17',)4. 99.
Edm. Leclair. V a-til eu un cours d'anatomie à Lille entre 1732
et 1736? 113.
Th. Leuridan. Les minutes notaiiales 115.
73 — Die neueren Sprachen, 1921.
EuGEN Lerch. Die « halbe » Négation. 6.
W. RiCKEX. Aler und andave. 55.
BiCHARi) ScHiEUEKMAiR. Ncupliilologische Strômungen. 130.
Kari, Bergmann. Kulturgeschichilich bemerkensvt'^erte Wen-
dungeu der frauzosischen Sprache. 140.
Fritz Strohmeyer. Dualismus in den franzôsischen Sprachge-
setzen. Die Artikellehre. 161.
Ernst Eriedriciis. Werthers Einwirkung auf den russischen
Originalroman. 178.
Erwin Rosenbach. h. G. Wells Glaube und Geschichtsbe-
trachtung. 206.
Richard Riegler. Italienisch-sj)anische Sprachniischung. 218.
Leo Spitzer. Argotfranz, frère miroton. 221.
H. ScHMiDT. Eino auffallende Verwendung von des. 223.
74.— Studiën XCV. 1921
T. W. Een berijnide vertaling van Thomas a Kempis' Ver-
Dolging. 53.
G. GoRRis. Espéranto, Tdo, en de Katholieke Internationale.
139.
J. Bkuns. Geoi'ge Eliot en haar romans. 215.
Oanisius-nummer. 321, 412.
PÉRIODIQUES 193
XCVI, 1921.
P. Albers. De stand van het Maria-Stuart vraagstuk volgens
Pastor. 62.
H. Padbkrg. Bante's Diviua Commedia, T, De Kern-Idee. 81.
75. — Syria, II, 1921.
Charles Dieui.. L'école artistique d'Antioche et les trésors
d'argenterie syrienne. 81.
Raymond Weill. Phéniciens, Égéens et Hellènes dans Ja Médi-
terranée primitive 120.
Franz Cumont. Catacombes juives de Kome. 145.
C. Léonard Woolley. La Phénicie et les peuples égéens. 177.
R. Normand. La création du Musée d'Adana. 195.
Edmond Pottier. Note sur la statue de Métellé. 203.
R. MouTERDE. Inscriptions grecques et latines du Musée d'Adana.
206.
DU Mesnii. du Buu'.son. Les anciennes défenses de Beyrouth. 235.
76. — Tijdschrift voor Geschiedenis, 1921.
W. S. Unger. De Regeering van Middelburg in de Middel-
eeuwen. 1 .
Otto Carteelieri. Ritterspiele am Hofe Karls des Kiihnen von
Burgund(1468). 15-
M. Engers. Grieken en Egyptenaren in Egypte onder de Ptole-
maeën. 31.
J. S. Theissex. Een paar Groningers als studenten te Leiden
in 1720-1722. 45.
A, A. Van Schelven. Zuid-Nederlandsche schoolmeesters en
schoolvrouweu in Noord-Nederland. 80.
77. — Tijdsclirift voor Nederlandsche Taal-
en Letterkuude, XL, 1921.
A. Kluyver. Bilderdijk's>l/s(7jeirf(1811). 1.
J. L. Walch. Theatraal. 31.
J. Van Mierlo jun. Hadewych en de ketteriu Blommardinne. 45.
H. J. Eymael. Hugeniana Costelick Mal, Vs. 284. Bunt werker. 64.
C. G. N. de Vooys. Een Utrechtsche navolging van Huygens'
Voorhout. 67.
J. Prinsen. Gloriant. 86.
W. DE Vries. Etymologische aanteekeningen. 89.
J. Prinsen. Ronimelsoo, I, 2. 111.
13
194 l'ÉIilODIQliES
K. Prikbsch. Die Passion der hl. Claristino in Mine iStrophen. 113.
D. C. Hksseling Kandeel. 131.
.1. Prinsen. Gedrukte nederlandsche fragmenten in de Univer-
siteits bibliotlieek te Cambridge 133.
.1. W. MuLLER. Een en ander ovei- den nieuwnederlandschen
tweeklank oi of oii fa ui »). 140.
<i. J, BoEKKNooGEN. De mansuaam Wuiten. 176.
\V. DE Vreese. Velthem, IV, 22, 65. 182.
A. A. Verdknius. Lexicologische aanteekeningeu bij stichtelijk
proza uit de Middeleeuwen. 193.
.7. L. Wai.ch. Nog cens : Het proza in Mariken uan Nieumeg-hen.
220.
J. W. Mvi.i.ER. Bontiverker. 139.
F. A STOKi/r. Juhannes in eodcni blijveii. 232,
"5 8. — Verslagen en Mededeelingen der Koninklijke
Vlaamsche Académie voor Taal- en Letterkunde, 1921.
Edw. Gaim.iard. Ivleine verscheidenheden. 20, 31, 40, 47, 58, 76,
90, 113. 142, 169. 201, 214, 234, 247, 325, 337, 447.
Léonard Wii.i-ems. Graaf Herman van Neuenabr en de troebelen
der 16^ eeuw. 33.
L. Reypens. Uit den vooi-arbeid tôt eene critische uitgave van )
Ruusbroec's « Brulocbt ». 77.
Alfons Fierens. Historisehe sprokkeling. 139.
J. Vercoui-me. Etymologisch kleiugoed. 165.
Hugo Verriest. Beschaafd Vlaanderen. 171.
GusTAAF Zegers. Het eerste eeuwfeest van .Tan van Beers : 1821-
1921. De dichter. 203. De leeraar, de p:pdagoog. 235.
Dantedag op 19 Mei 1921. 251.
AuG. Vermeyeen. Dante in 1921. 257.
.lui-. Persyn. Dante in de Nederlandsche letterkunde. 277.
LÉON Wii.r.EMs. Jan Cauweel's inleiding op M. de Casteleyn's
Consl oan Rheturiken (1555). 329.
OiMER Wattez. Jan van Beers. 348.
79 — La Vie wallonne, I, 1920-1921.
JuEES Fei-eer. Sur le sens du mot wallon. 49.
Auguste Dootrepont. Le Wallon à l'Université. 97.
Fernand Beondeau. Le martyre de Dinant en 1466.
Jean Haust. A propos de toponymie wallonne. Le mystère du
« Fond des Cris ». 145.
PÉKIODIQUES 195
EuGÈNK Poi.AiN Le folklore de Nijc-I en Wallonie. 152.
AuGUSTK DouTRKPoxT. Uii Koël inédit. 174.
.Iules Fkli-kr. Quelle langue parlaient le.s anciens Belges? 241,
2S9.
.lLit,i;H DuMONT. Le cloître i-oman de Nivelles, monographie archi-
tecturale, 'Ml.
.Tkan Haust Kos vieux mots Heel. 'SMi.
Paui, IIkupgkn. Vieu.x-Mons Prisons d'ancien régime, notice
historique. 340.
Jui.KS Fkllkr. Les noms de nos provinces. iiSâ
Alfrko Duchesnk. Grétry écrivain 40S. 450. 487
EuG. PoLAiN. Le « Perron » en Wallonie. Notice historique 430.
Em. I)ony. Citadins et paysans dans le Ilainaut de jadis, notes
de folklore. 481.
Paul Collkt. La Joyeuse Entrée à Nivelles, en Rrabant, des
archiducs Albert et Isabelle. 497.
Félix Magnkttk. Une carrière de joui-naliste au Pays de Liège :
Pierre-H.-M. Lebrun et le « Journal de Hervé » (1785-1793).
121.
80. — Dietsche Warande en Belfort, 1921.
Jan Paquay. De Apostels van Xeder-Germanië 3.
L. Grootakrs. Hoe staat het met het wetenschappelijk onder-
zoek der Zuid-Nederlandsche dialecten? 49.
J. Vax Mierlo. Uit de geschiedenis van onze Middeleeuwsche
letterkunde. 135, 309, 441.
H. Van DE Wkerd. De heiligc Willibroi-dus onder de Vlamingen.
389.
A. De Ceulexeer. Cai'paccio eu .Memlinc, en de Légende der
St. Ursula. 521.
Dom Rayxerius Podevvn. De oorsprong der vereering van
(( O. L. Vrouw van Vrede > in de St. Xiklaaskerk te Brussel.
723.
II, 1921.
L. Revpkns. Nienwe onoorspronkt'lijkdeid l)y llendrik Mande. 79.
81. — Philologische "Wochenschrift, 1921
Fk. Walikk. Zu Tacitus und Apiileius. 22.
E. Oktm. 'e\aqppô<; aïs Stilbegrifl'. 47.
W. Weixher(;kk. Abstrakte liegriffe und Platons Ideenlehre. 71.
M. MiiiiL. Bdppapoi q)ùa€i TTo\émoi. 71.
L. SonMiDT. Zu den Dialogen des Seneca 92.
196 PÉRIODIQIES
A Groth Di-eidecker, niclit Dreiruderer. 93.
Fr. Lkvy. Platon Gorgias4G0 c s. 115.
O. (JÛTiii.iNG. Evsvng. nach Matthaus 6, 27, 118.
A. Klotz. Die gallische uud germanische Sprache zur Zeit
Ctisars 118.
A KuRFELs. Zur Deutuug dcr vierten Ekloge Vergils. 141.
K. MuNscHKR. Eiii lu'ues Wort bei Thukydides. 1G3.
A. GuDEMAN. Glosseninder aristotelischen Poetik. 185.
K. LoscHHORN. Kritische Bemerkungen zu Juvenals Satiren. 211.
AV Gkmom,. Xenophon iind des Vôlkei'recht. 230.
Griknbkrgkk Cliumstinctus. 239.
Th. Birt Keiiie Gotterbilder bei Ilomer. 258.
C!. RiÏGER. Zu Demosthenes' Rede Ttepi ouvrôEeiuç. 284.
F. Kluoe. Lat. nôinen. 286.
W. Bannier. Zu attischen inschriften, XII 307.
W. Xesti.e. Nocbmals die Homerische Redaktions-Kotiimission
unter Peisistratos. 330.
O. RossBACH Zu Pausanias. 330.
F PoLAXD. Pindar, Paean VI 50. 332.
Tfi Bist. Zur Octavia des vermeintlichen Seneca. 333.
K. Praechter. Zur Leiikii)i)osfrage. 355.
F Kluge. Griech vùE, ôvuE, ôpru£. 379.
C. KocH. Zu Tacitus Annalen 6, 22. 380.
J. ScHNEi'z. Ueber die reelitsrheinis(;hen Alamannenorte des geo-
grapben von Ravenna. 381.
n O TTE. Zu .\nstoteles Politik Buch 8. 404.
P. Wessxer Die Donatscbollen des Codex Parisinus 7899 (P) des
Terenz 428,449.
O. RossBvcii Ilandscliriftlicbes zur Anthologia latina, aus der
Leidener Bibliothek. 475.
W. Baehrens Zu Vergil. 499.
A. W DE Groot Philologie und Matheniatik. 502.
Fr. WAi/rER. Zu Si lias Italicus. 525.
R IIerzog. Xocli eininal zu den Consular fasten von Ostia. 527.
R. Samse Zu Lukan II, 691 G93. 549.
Fr Pkister. Die Brahmanen der Alexandersage 569.
A KuRKESS Zu Sallusl IV. 597.
G. IIi;i..MRi:iCH. Zu Scribonius Largus 599.
— Ein beiteres Missverstaiidnis [Pauly-Wissowa.
« graniineen ». ]). 1698] 600.
A 8ussKANi). Clioi-pai-tie der Choëpboren des Aiscbylos 616.
K. Bl'scme. Zu (;ic-('ros Orator. 645
II PiiiLU'P. Emendatioues geographicic. I. 647.
PÉRIODIQUES 197
F. Orth. Lucretiana.. 668.
P. Lehmann. Johannes Scotas iiber die Katcgorieii. ()70.
A. KoLAÎi. DtM- Zusammenliaiif;- <1(M- ncuen Komcklic mit (1er
alten 688.
K. Fr. W. SoHMiDT. Zu Menaniler. (I) 714 II. l'.il.
(!nR. RoGGK. Die Angleichung bel refert und interest. 762.
L. Radermachkr. Ein unbekaniites Zitat 788.
Fr. Walter. Zu Taeitus uiid V^alerius Maxiinu.s. 789.
W. Baehren.s Zu Origenes. 792
F. BiCKEL. Varros di ccrti uiid inccrli. 8.52.
W. Baehrens. Zu Cicero an A.ttic. V. 4. 1 8:?S.
R. Laqueur. Diodors Bericht iiber die Schlat-ht an dei- .Mlia 861.
A. Dyroff. Der Xame « Germanen ». 885.
R. Philippsox. Diogenes Lacrtios X 14. 911.
.1. Mesk Zu Ciceros Briefen an Atticus 933.
G. Helmreih. Zu Galen. 957.
F. Kluge. ZTpu|uô&uupoç. 960.
Fr. Sciiemmel. Das Atbenaoum in Rom II 982
F. IIowAM). Zu Aristoteles' Poetik. 999.
A. Heisenbkrg. DieZeitde.s byzantiniseben Male)-.s l-;ulalio.s. 1024.
82. — Zeitschrift fur deutsches Altertum und deutsche
Literatur LVIII. 19^0 1921
K. Droege. Zur gescbicbte der Xibelungen dicbtung und der
Thidrekssaga. 1.
11. Frânkel. Aus der friibgescbicbte dos deut.scben i-ndreims. 41.
H. Patzig. Zum text der Liederedda. 65.
H Thoma. Ein neues bruebstûck des gediobtes auf Kaiser
Ludwig deu Baiern. 87.
l'v. Schroder. Zur Kritik des .Innoliedes. 92
E. Schroder. Gedrut 95.
II. Schneider. Das mittelhochdeutscbe heldeijepos. 97.
R. Hexning. Wettu irmingot uiul das Ilildebrandslied. 140.
F. Wallner Ein altbairisches zeugnis zur Dietricbssage 152.
X: Strecker. Der leicb « De littera Pytbagoru' ». 154.
-X Streckeu. Die alteste spur vom l'art leben des Erzpoeten ? 157.
W. H VoGT. Die frâsagnir der Landnâraabôk. 161.
F. VoGT. Strophenbindung bei Reinniar von Hagenau 205.
l'L Schroder. Lûckenbiiszer illiinmelreich \ . 40) 216.
M. H. .Iellinkk. Ueber das gediclit von» llinnnolreicb. 217.
V. Doll.mayr. Ein noues doppelblatt dor Parzival-bs G*^" 222.
K. Schroder. Ein burgundiseher ïrauennanio in Basel? 224.
<;. Neckki,. Dio gôttoi- auf dom goldnon boi-n. 225.
198 pÉRioniQi'KS
O. Neckki,. Christliclie kriegerethik. '2-V3.
Th. Baunack. \ùch dem wiiie hœre.t daz bibelinum (Prl. G8). 239.
G. Bakskcke. îlraban.s Lsidorglossieruiifi Wulahfrid Sti-abus und
das ahd. schrifttum. 241.
E. SciiRoDKR. Zu Koiirads von Warzbui-g tan/leich. 279.
F. BuRG. Die insclirit't des .stoines von Eggjuin. 280.
E. ScHRODKR Das gt'dicht vom .spitale zu Jérusalem
83. — Historische Zeitschrift. CXXIII, 1920-1921
Matthias Gklzkr Die Entstehung dei- iHiinischeu Nobilitiit. 1
Friedrich Mkinix kk. Die Lelire von den Interessen der Staaten
im Frankreich Richelieus. 14.
Cari, Neumann. Deliios Geschiclite der deutsclien Kunst. 81.
Félix Rachfaiil. Max Lenz und die deutsche Gescbiclitswisseu-
schaft. Zu seinem 70. Geburt.stage 189.
Karl Brandi. Ei-brecht und Wahlrecbt. 221.
Hermann O.nckkn. Fi'ie'dricli Engels und die Anfange des deut-
sclien Koniinuiiismus 2;}9.
Hans Rothfels. Zur Bisinarek-Krise von 1890. 267.
Carl Schmitt-Dorotic. Politische Théorie und Roman tiU :i77.
Fritz Vigkxku. Ketteler vor dem Jalire 1848. 398.
CXXIV, 1921.
Wii.HELM Erbex. Betracliluiigen zu der italienischen Kriegstii-
tigkeit der Scliweizer. 1.
Fritz IIartung. Carl Auguste von Weiniar als Landesherr. 41.
Siegfried Kh.ïler. Raiidglossen zur Beainten (ieschichte im
Neueren Preuszen. 63.
JusTUs IIasiiagex. Rheinisehes Geistesleben im spjiteren Mit-
telalter. 189.
Paul Lknei,. Heitriige zur Biographie des preuszischen Stîuits-
rats von Kelidigei". 220.
Friedrich Schneider. Neuere Dante-Literatur. 250.
Fritz Hartu.ng. Zur Frage nach den burgundischen Kinfliissen
auf die Behorden organisation in Oesterreich. 2.18.
Ernst Tr()klt.->ch. Der historische Entwicklungsbegriff in der
modernen Geistes- und Lebenspliilosophie. ii. Die Marburger
Schule, die Siidwestdeutsche Schule, Simmel. 377.
Karl Wenck. Die romische Kurie in der Schilderung eines
Wiirzburger Stiftsherrn aus den Jahren 1263 64, 448.
Friedrich Lexz. Karl Marx. 466.
Johannes Sein ltzk Zur Entstehungsgeschichte der Historisehen
Zeitschrift 474.
PÉlilODlQl ES 199
84 — Zeitschrift fur Romanische Philologie, XLI, 1921.
Ph. Aug. Eeckeu. Clément Marots Estreines aux Dames de la
Court. 1.
JosEF Bruck. kSecli, Zelter, Mantel. 15.
— Lat. Feminiua aui' — a als gei-iu. Maskuliiia und
Neutra. 20.
K. VON Ettmayer. Das webllatinisclie Passivum. 'M.
Ernst Ga.millscheg. Zur Kritik des Cantar de mio Cid. T)?.
EuGEN Herzog. Runi. -andrii. 70.
Sextil Puseariu. Der lu- genetiv ini Kvuiiiuiiseheu, 70.
Elise Richteii. Beitriiye zur provenzalischen Grammatik. 83.
Alfred Risop. Der Wandel von m'ame zu mon unie und Ver-
wandtes. 96.
Margarete Rôsi.hr. Der Londener Pui. 111.
Friedrk'h ScHiiRR. Sprach^escluchtlicli — sj)racbgeogra])lii.sche
Studien. I. 117.
O. ScHULTZ-GoRA. Eine Stelle in CJavaudans Kreuzlied. 14.S.
Peter Skok. Beitriige zur Kunde des romanischen Eléments ini
Serbo-Kroatischen. 147.
Hans Si>erber. Maxima und Minima im Wirken der sprach-
verjiudernden Krafte, 153.
Léo Spitzer. Franzosische Etymologien. IGl.
Albert Stimminc. Bemerkungen zum Text der Destruction de
Rome. 176.
W. VON Wartburg. Albii.s und seine Famille in Frankreich.
182.
Emu, Winkler. Arturiana. 193.
Adolf Zauner. C im Anlaut der Mittclsillie der Propai'oxytona
im Franzôsischeii. 210.
Carl Appel. Tristan bei Cercamon .' 219.
Norbert Jokl. Vulgarlateiuisclies im Albanesischen. 228.
Alfons Hilka. Die Berliner Bruchstiicke der altesten italie-
nischen Historia de preliis. 234.
Hugo Schlcharut. « Ecke, Winkel ». 254.
P. Hôgberg. Seltene Worter und Redensarten in Unterengadiu.
264.
F. Gennrich. Die beiden neuesten Bibliograpliieii altfranz. und
altprovenz. Lieder. 289.
H. SciiucHARDT. Rom. baf'ii = ital. a fa « Schwiile ». 347.
— Frauz. cibaiidière. 347.
— Siidrom. coca Kuchen. 348.
— Lat. eschara. 348.
— Si)an.; polaina ! 348.
200 PÉRIODIQIES
H ScHUCHARDT. Sariî. tirriôlu. 340.
— Tormentnm, -turbo. 350.
L. Spitzer. Frz. bègue, a stotternd ». 351.
G. RoHLFS. Franz, biche, ital. biscia, etc. 354.
L. Spitzer. Zu Kol.sen, Diclituugen der Trobadoi-s, III. 355.
— Zu Kolsen, Zwei provenzalische Sirventese. 361.
— Zu Kolsen's « Altprovenzali.sclies ». 363.
CHRONIQUE
Académie royale de Belgique. — Concours.
CLASSE DES LETTRES ET DES SCIENCES MORALES ET POLiriQUES
PROGRAMME POUR 1923.
\. Section d'histoire et des lettres.
Première question. — On deuidiule une histoire critique
(le l'Empire romain d'Occident, depuis la mort de Théodose
jusqu'à Homulus Aufjusfulus (SO.î-'û.îj.
Deuxième question. — On demande une étude sur la valeur
littéraire des pamphlets du XV I' siècle en langue néerlandaise.
Troisième question. — On demande une étude sur l'établis-
sement de la Compagnie de Jésus en Belgique et sur ses déve-
loppements jusqu'à la fin du règne d'Albert et Isabelle.
Quatrième question. — On demande une étude sur le rôle
économique des Juifs en Belgique (Pays-Bas méridionaux),
depuis le haut moyen âge jusqu'à la fin de l'ancien régime.
II. Section des sciences morales et politiques.
Première question. — Quelle est la cause principale de la
décadence de l'Empire romain '/ Sous quel règne s'est-elle
prononcée ? Jusqu'à quelle époque aurait-elle pu être enrayée
et par quelles mesures ?
Deuxième question. — On demande une étude sur les tr(ntés
(lui ont créé des unions internationales et sur l'organisation
de ces unions.
Quatrième question. — On demande une étude sur les cou-
tumes, la législation et les usages commerciaux d'Anvers sous
l'ancien régime à partir de l'impression de la coutume (l'étude
ne portera point sur le droit nuiritime, mais comprendra, pour
le surplus, une appréciation critique ainsi que l'exposé des
202 CHRONIQUE
rapports du droit co/nnicrcùd en cif/tietir (wec notre lé(/isl(t-
tion commerciale aclaellei.
Prix pour chacune des questions : 1,Ô0U francs.
Les mémoires doivent être envoyés à .M. le Secrétaire per-
pétuel de l'Académie avant le 1 ' novembre 1922.
CLASSE DES DEAUX-ARTS PROGRAMMK POUR 1923.
Histoire et critique.
Phkmikke gi'KSTiox. — On demande une nionoc/raphie his-
torique et critique sur un groupe de sculpteurs des XV7/"' et
XVIII'' siècles en BeUjique. Le qroupe peut être déterminé au
point de vue local, à celui du ç/enre ou à celui du style. --
Prix : 2,000 francs.
Dki'XIÈmi-: question. — Faire, au point de vue artistique,
l'histoire de l'illustration du livre dans les anciens Pays-Bas,
par la yravure sur hois, jusqu'iui milieu du A'\7' siècle. —
Prix : 1,000 francs.
Troisième question. — Faire l'histoire de la lithographie
d'art en Beh/ique, en s'attachant à la valeur esthétique des
œuvres. — Prix : 1,000 francs.
Quatrième question. — Faire la monoqraphie de l'œuvre,
comme portnutiste, de l'un des peintres suivants : Jan van
Bockhorst (Lange Jan), Flrasme Quellin. Lucas et Pierre Fran-
choys. — Prix : 3,000 francs.
Les mémoires doivent être envoyés à M. le Secrétaire per-
pétuel de l'Académie avant le 1 "^ octobre 1923.
PROGRAMME POUR l^'V.").
Histoire et critique.
Premikiu-: QiiESTiON. — Quel est l'étal actuel de nos connais-
sances, relativement à l'évolution de la peinture flamande,
depuis l'infiltration de l'influence yiotlesque jusqu'à l'appa-
rition du refable de /' « Adoration de l'Aqneau mystique » ? —
Prix : 2,000 francs.
Deuxièmi: QUESTION. — Ecrire l'histoire de l'architecture
civile en BeUjique, les restaurations exceptées, au XIX' siècle.
— Prix : 1500 francs.
CHRONIQUE 203
TuoisiÈMi- QUESTION. — Faite, à l'aide des sources authen-
tiques, l'histoire de la peinture au XVIII siècle, dans les pro-
vinces formant la HeUjique actuelle. Prix : 1,000 francs.
QuATiuÈMi: QUESTION. — Déterminer, à l'aide de construc-
tions existantes, de documents (jraphiques et autres, les carac-
tères de Varchitectnre privée diuis les centres urbains de la
Belgique au XV I' et au XV IF siècle. Indiquer les différences
et les rapports caractéristiques de ville à ville, en citant,
autant que nossible, les constructeurs. Prix : 1,500 francs.
C.iNQUiÈMi: QUESTION. — Faire l'histoire, au point de vue
artistique, de la sif/illoqraphie dans les anciens comtés de
Flandre et de Hain(tut ou dans le duché du Brabanl. Prix :
l.OOO francs.
Sixième question. - Faire l'histoire du théâtre musical en
Belgique, depuis les origines jusqu'en 18i8. On se placera spé-
cialement an point de vue de l'étude du répertoire des prin-
cipales scènes. On notent l'époque exacte de l'introduction des
grandes (cuvres étrangères, l'accueil que le public belge leur
a réservé et, éventuelletnent, leur influence sur les produc-
tions nationales. Pour ces dernières, on s'attachera à en ana-
lyser et à en préciser ht signification, tant dans l'histoire de
la musique en Belgique que dans l'histoire de la musique en
général. - Prix : 2,000 francs.
Les niémoirts doivent être envoyés à M. le Secrétaire per-
pétuel de l'Académie avant le 1-"^ juin 1925.
Institut des hautes études de Belgique.
Section IV. — Sciences liisloritjiic.s cl philoloifiqiies.
Directeur : M. Ouvemek. archiviste général du Royaume.
(lour.^ et lonférenccs de l'unttée académique 1921-1922.
MM. .T. EiDEz, Professeur à riniversité de Gand.
PItiloloi'ie i>recque et astrolof^ie chnldéenne.
(i. BoLiNNE, Professeur à l'Athénée royal de Bruxelles.
Les satires VI {Les Femmes) et X {Les Vœu.x) de .Juvénid
(cours).
.T. CuvEEiEK, Archiviste général du Royaume.
L'.4 rchivécovomie (cours).
204 CHRONIQUE
MM. Paui. de Keul, Professeur à l'Université de Bruxelles.
Le centenaire de Shelley.
Camille (Îaspar, Conserviiteur du Cabinet des niîiuuscrits
de la Bibliotlu'que royale do Belgique.
Le théâtre grec : l'interprétation icours).
PAur, Hamelius, Professeur à l'Université de Liège.
Les quatre fils Aymon, léifende ardennaise, Georges Clias-
tpllain, indiciaire de Bourgogne, Henri Conscience.
LÉON Leclère, Pro-Recteur de l'Université de Bruxelles.
La Question d'Occident.
Cn Pkrgameni, Professeur à l'Université de Bruxelles.
Études révolutionnaires {fin du XVI II" siècle) (cours)
Louis Speleers, Attaché aux Musées royaux du Cinquan-
tenaire, à Bruxelles.
Les cioilisations orientales anciennes (Asie antérieure et
Egypte) (cours).
Victor Tourneur, Conservateur du Cabinet des Médailles
de la Bibliothèque royale de Belgique.
La médaille en Belgique au XVII'' siècle et au XVI 11^
(cours).
H. Van der Linden, Professeur à l'Université de Liège.
La Révolution de 1830 (coui-s).
René Verdeyen. Professeur à l'Université de Liège.
Les origines et l'évolution de la liftéralnrc flamande au
moyen âge (cours).
Au<J. Vincent, Conservateur à la Bibliothèque royale de
Belgique.
Les noms de lieux au point de rue iihilologiquc et Insiorique.
La toponymie belge (cours).
Maurice Wii. motte, Professeur à l' Université de Liège.
Poètes et conteurs restés peuple.
Cycle de conférences sur le XVll' siècle français.
I. La littérature française du XVI1>' siècle. - Les origines du style classique.
MM. GusTA\E CoMEN, Profcsseur à l'Université de Strasbourg.
Les origines de la mise en scène du théâtre classique. La
oie d'un grand philositphe : René Descaries (d'après des
documents inédits).
.1. RoiJER CiiARBoNNEi.. Professour au Lycée de J^ille.
Le lyrisme de Bossuel L'arl iln portrait chez La Bruyère.
CHUONIQUE 205
MM. Mkdkkic Dui'ouK, Professeur à l'iniversité de Lille.
Le tricentenaire de Molière.
Jkan Pi.attaku, Professeur à l'Université de Poitiers.
Montaig-ne, précurseur du classicisme.
Paul Spaak, Directeur du Tliéàtre Royal de la Monnaie.
La formation du théâtre classique.
J. ViANKY, Doyen de la Faculté des Lettres de Montpellier.
La poésie lyrique et le roman en France, au XVII^ siècle.
'i. Les arts plastiques, jusciu'à la (;n>:itioti de Versailles.
MM. Gaston Brièrk. Consei-vateur adjoint au Musée de Ver-
sailles.
La peinture, la tapisserie, la gravure.
Paui- Vitry, Conservateur au Musée du Louvre,
L'architecture et la sculpture .
8. L'histoire.
M. Philippk Sagnac, Professeur à l'Université de Lille.
La conception de l'histoire en France, au XVI J^ siècle.
i. L'économie politique.
M. Hknri Hauskr, Professeur à la Sorbonne.
Les prédécesseurs de Colbert.
5. La philosophie et la religion.
MM. J. RoGKR Charboxnkl. — Le pessimisme naturaliste delà
Rochefoucauld et le pessimisme chrétien de Pascal.
Lévy-Bruhi-, professeur à la Sorbonne.
Descartes et le cartésianisme.
Rexaudet, Professeur à l'Université de Bordeaux
Sainte Thérèse, sa vie et son œuvre. La mystique de Sainte-
Thérèse. I^' humanisme dévot de Saint-François de Sales.
(>. La musique.
MM. LioNKi, DE la Laurencie, Ancien président de la Société
française de musicologie.
La musique instrumentale française du XV^IL siècle.
Henry Prunières. Docteui- es Lettres, directeur de la
(( Revue Musicale ».
L'opéra italien en France au XVI I^ siècle. — Lully.
206 (HMONIQUE
Archives de l'Etat en Belgique.
La publication du volume Lea Archives de l'Elat en Belgique
pendant la guerre {1914-191H) a permis de se rendre compte à la
fois des vexations eudui-ées par nos archivistes au cours de
l'occupation et de l'activité scientifique qu'ils n'ont cessé de
déploj'er pendant cette i)ériode néfaste. Sans parler de nombreux
inventaires sommaires, cinq gros volumes d'inventaires ont été
imprimés, qui, pour ne pas avoir été soumis au visa de la censure
allemande, n'ont vu le jour qu'après Tai-mistice.
Des considéi-ations budgétaires seules ont /impéché, depuis
lors, la publication de nouveaux inventaires, dont les manuscrits
.sont entièrement achevés A défaut de ces manifestations exté-
rieures du travail archivistique, les trois années qui viennent de
s'écouler ont été marquées par une série de mesures destinées à
améliorer la conservation et l'utilisation des archives
Presque au lendemain de l'armistice, des démarches ont été
faites auprès de M. le Ministre du llavitaillement pour demander
aux dirigeants du Comité national de secours et d'alimentation
que les archives de cet important organisme fussent conservées
et ti'ansférées dans le plus bref délai possible aux Archives de
l'Etat de chaque province. Grâce aux mesures prises par les
autorités compétentes, l'immense majorité des documents présen-
tant quelque intérêt ont été sauvés d'une destruction certaine.
Les historiens de l'avenir sauront gré aux archivistes de leur
avoir conservé une mine de renseignements provenant d'un des
organismes les plus intéi-essants de l'histoire contemporaine et
même de toute l'histoire. 11 appartiendra maintenant aux pou-
voirs publics de prendre des mesures pour assurer dune manière
efficace la conservation de ces archives. 11 est à peine besoin
d'affirmer que nos anciens dépôts ne sont pas outillés pour rece-
voir un accroissement aussi formidable que celui des documents
du Comité national Déjà à l'étroit pour la consei-vation des
archives anciennes, la plupart de nos dépôts n'ont pu jusqu'ici
réserver une place convenable à cette avalanche de papiers. En
plusieurs endroits, il y aura lieu d'agrandir con.sidéi-ablement les
locaux; en d'autres, il faudra aménager de nouvelles salles, de
manière à permetti-e d'entreprendre le classement des nouvelles
archives et éventuellement la destruction de certaines d'entre
elles existant en double ou n'offrant aucun intérêt au point de
vue historique. Les locaux que l'Etat a ilù louei- à Bi-uxelles et à
Gand ne peuvent être (jue des abris provisoires, en attendant (jue
les d pots proprement dits puissent recevoir l'intégralité des
collections nouvelles.
CHHONIQIE 207
La iiiênie question se pose jtour les Archives de lu friierre dont
il sera question plus loin
Une autre amélioration en ee qui eoneerne la eonservation des
archives est l'organisation définitive de l'atelier de restauration
de documents aux Archives générales du Royaume. Au début de
l'année 1914, le Gouvernement avait trouvé un docteur en sciences
chimiques, chai-gé d'étudier les divers procédés en usage dans le
monde pour restaurer les archives que l'âge, l'humidité, etc.
avaient détériorées et qui étaient vouées à une lente mais sûre
destruction. Après avoir étudié la littérature du sujet, le nouveau
fonctionnaire avait reçu l'autorisation de faire un voyage d études
à l'étranger et il se disposait à commencer par l'Allemagne, lors-
(jue la guerre éclata qui réduisit à néant tous nos beaux projets.
Les expériences furent néanmoins continuées pendant ])lus d'un
an encore, avec les moj-ens de fortune dont on disposait: mais,
dès la troisième année de la guerre, la plupart des prod its chi-
miques dont il fallait se servir devinrent introuvables et il fallut
attendre jusqu'en 1919 pour pouvoir rejjrendre les travaux
A défaut du docteur en sciences chimicjues, qui n'avait pu
attendre la fin des événements poui* chercher d'autres occujja-
tions, le restaurateur d'archives, qui lui avait été adjoint, conti-
nua à appliquer les principes scientifi(iues auxquels on s'était
arrêté et il fut parfaitement à même d organiser, avec l'aide-
restaurateur, le nouvel atelier dont le Gouvernement a bien
voulu doter les archives et qui, depuis bientôt trois ans, rend les
plus grands services. 11 est évidemment prématuré de se pronon-
cer sur l'efficacité absolue des procédés actuels de za])onisation.
Seul le temps nous fixera à cet égard Mais les observations
systématKiues et péiùodic^ues dont sont l'objet les documents
traités permettront, au bout de quelques années, de faire des
constatations qui conti-ibuei-ont puissamment à nous doter du
procédé idéal, surtout si les autres pays veulent bien se livrer,
de leur côté, aux expériences et observations scientifiques qui
seront suggérées par les praticiens.
En attendant, nos restaurateurs d'archi ves s'occupent également
<lu moulage des sceaux et dans ce domaine aussi, de nouveaux
j)erfecti()unements ont été introduits au point de vue technique.
A l'heure «[u'il est, on peut se procui-er aux .\rchives non plus
seulement, comme pai- le passé, des emi)reintes en plâtre et en
soufre, mais encore des empreintes en plâtre imbibé de cii'c ou de
stéarine et en soufre, des empreintes en plâtre teinté de la couleur
du sceau original et des empreintes en galvanoplastie ^^).
('1 Pour les prix, voir lîtrirli' iiiiiiislriicl du l'^^ ;i(»ùl 19:^1.
208 CHRONIQUE
Au point de vue de rutilisution des archives, il y a lieu de
signaler i)rincipulement l'organisation, aux Archives générales,
du Cours d'arcliivéconomie. créé par arrêté royal du 27 décem-
bre 1919, au moment même où l'on instituait une école d'ai'chi-
vistes aux Archives générales du Royaume à La Haye.
La création de ce cours, demandé depuis de longues années par
toutes les compétences, était le complément indispensable de
l'excellent examen de candidat archiviste, institué par l'arrêté
royal du 1* juin 1895. Désormais, nul ne peut être nommé défini-
tivement à un emploi scientifique dans les Archives de l'Etat,
s'il n'a suivi avec fruit, pendant un semestre au moins, le cours
d'arcliivéconomie. Il faut bien le dire : nos candidats archivistes,
qui connaissaient à fond l'histoire avec toutes ses sciences auxi-
liaires, n'avaient pas la moindre idée de la manière dont il fallait
faire un inventaire d'archives En prenant possession de leurs
fonctions, les jeunes archivistes étaient trop souvent livrés à
eux-mêmes, et quelques uns risquaient même d'être complètement
déformés par des chefs qui avaient passé leur vie dans les archives
sans avoir jamais appi'is ce qu'était un fonds d'archives et beau-
coup moins encore comment il fallait l'inventorier. Il faut dire d'ail-
leurs à leur décharge qu'ils n'étaient que trop i-arement à même de
lire des livres ou des revues s'occupant de (questions d'archives.
Cette situation désastreuse a heureusement pris fin. Depuis
1920, les candidats archivistes sont initiés, grâce à un cours
théorique d'une trentaine de leçons, aux méthodes scientifiques
d'inventorisation, préconisées depuis longtemps par les plus
hautes autorités archivistiques de tous les pays.
Les leçons théoriques sont suivies d'autant d'heures de cours
pratique, où le maître et les élèves s'asseyent à la même table et
élaborent ensemble le classement et l'inventaire d'un fonds d'ar-
chives C'est ainsi qu'au cours de l'année 1920. les archivistes
M"'' Nicodème. MM. J. Lefèvre. P Rolland et .1. Boisée ont
classé et inventorié le fonds du Conseil souverain de Justice,
organisé en 1787 par Joseph II, et qu'en 1921, l'archiviste
M. .1. Germain a classé et inventorié le fonds des Archives des
intendances, créées à la même époque. Pour se rendre compte de
l'intérêt de ces travaux, il suffira de dire que l'existence même
de ces fonds d'archives était ignorée juscju'ici.
Comme on le voit, malgré l'âpreté de la crise que nous traver-
sons en ce moment et au cours de laquelle les institutions scien-
tifiques ne peuvent guère c>si)érer, en Eelgicpie pas plus qu'ail-
leurs, être l'objet d'une sollicitude particulière, il semble (lue
nos Archives de l'Etat peuvent envisager l'avenir avec confiance
et sérénité. •!• Cuvelier.
CHRONIQUE 209
Lies Archives de la Guerre.
Dès les premiers mois de la guerre mondiale, la Commission
royale d'Histoire s'était préoccupée de l'importance (jue i)résen-
terait pour les historiens de ce conflit sans précédent la réunion
d'une documentation sûre et étendue, propre à éclairer les multi-
ples aspects de l'existence qvii fut faite à la population belge pen-
dant les terribles années 1914-1918.
Le rôle important joué par la Belgique dès l'ouverture des
hostilités ; la participation glorieuse de ses troupes à des combats
implacables ; l'attitude des civils, indignés, mais impuissants,
devant les excès d'une soldatesque sans frein et les calomnies
sans nombre répandues à ce propos par un ennemi sans scrupules;
la splendide résistance de nos populations contre les exigences
toujours croissantes du pouvoir occupant; les moyens multiples
employés par les autorités allemandes pour abattre notre moral;
la lutte chaque jour plus âpre contre les difficultés de la vie
matérielle; l'organ sation des groupements de réfugiés belges
dans les Pays-Bas, en Angleterre, en France; la situation faite
en Allemagne à nos soldats prisonniers et à nos concitoyens
déportés; autant de chapitres de l'histoire de la Belgiciue pen-
dant la guerre qu'il deviendrait difficile, sinon impossible,
d'écrire — tant la passion et les légendes avaient quelquefois
déformé les faits — si l'on n'avait pas à sa disposition de nom-
breux documents, précis, probants, à l'abri de toute suspicion,
d'où l'on pût tirer un récit authentique des faits et un tableau
fidèle de l'état des esprits.
La réunion de semblable documentation, naturellement impos-
sible pendant l'occupation même, fut. immédiatement ajjiès l'ar-
mistice, i'objet de toute l'attention de la Commission d'histoire.
Cependant, l'entreprise était si vaste que la Commission ne pensa
pas pouvoir s'y consacrer, et, sur l'initiative de son secrétaire,
M. Henri Pirenne, elle proposa au Gouvernement de la confier à
un organisme approprié.
Une commission si)éciale fut donc instituée, par arrêté royal
du 15 novembre 1919, sous le titre Commission chnrifée de
recueillir et d'inventorier les documents relatifs à lu guerre et à
l'occupation. Installée à Biuxelles le 14 février 1920, dans les
ocaux mêmes de la Commission roj'ale, elle a pris actuellement
le nom de Commission des Archives de la Guerre {C. A. G.).
Elle se compose de treize membres : MM. Henri Pirenne. pré-
sident; Dom Ursmer Berlière; Jos. Cuveliet-. archiviste-général;
G. Des Marez archiviste de Bruxelles; A. De Man, directeur au
Ministère des Sciences et des Arts ; A. De Ridder, directeur-
14
210 CHRONIQUE
général au Ministère des Affaires Étrangères; E. Graeffe, du
Corps diplomîiti(iue, à Mexico; A. IIi.nsay et L. Lahaje, conser-
vateurs des Archives de l'Etat à Hasselt et à Liège; P. Lam-
botte, directeur au Ministère des Sciences et des Arts; H. Nclis,
sous chef de section aux Archives généi-ales du Royaume:
F. Passelecq, avocat à IJi'uxelles. ancien directeur du Bureau
Documentaire Belge ;iu Havre, et J. Vanuérus, conservateur
honoraire des Archives de l'Etat à Anvers. Les fonctions de
secrétaire de la Commission furent confiées à M. Xelis, tandis
que M. Vanneras fut nommé (ïonsei'vateur des Archives
A côté du Comité central, installé à Bruxelles, 105, rue Terre-
Xeuve, existent des Coinini<sion.s i>ruoinciales instituées dans les
chefs-lieux des neuf provinces ; créét^s par arrêté royal du 10 octo-
bre 1020. elles ont principalement pour but de recueillir à la fois
les documents relatifs à la période de la guerre et les renseigne-
ments de tout genre concernant l'histoire de cette époque dans
chacune des provinces. Des instructions et un questionnaire
détaillé ont été élaborés pour leur faciliter cette double tâche.
Elles sont placées sous la présidence d'honneur des gouverneurs
de province et comprennent les érudits les plus familiarisés avec
nos documents d'archives.
Voici, d'ailleurs, la liste des présidents et des secrétaires de
ces comités provinciaux :
Anvers : MM. Schobbens, greffier provincial. etGielens, archi-
viste de l'Etat.
Brnbanf : le P. Ed. de Moreau, de Louvain. et M. Marinus,
folkloriste à Bruxelles.
Flandre occidentale : le Baron A. van Zuylen van Nyevelt.
archiviste de l'Etat, et M. ,E. Hosten, archiviste honoraire dé
Dixmude, à Bruges.
Flandre orientale : MM. R. Schoorman et Ch. Van den Haute,
conservateur et conservateur-adjoint des .\i-chives de l'Etat, à
Gand .
Hainaiit : MM. E. Poncelet, conservateur des Archives de
l'État et P. Faider, professeur, à Mons.
Liéfjce : MV[. E. Vierset, archéologue à Huy, et E. Fairon,
archiviste-adjoint de l'Etat, à Liège.
Limbourg : MM Rodants, greffier provincial, et G. Van Hee,
profcsseui" à Ilasselt.
Luxembourg : MM le chanoine Flamion, inspecteur de l'ensei-
gnement libre, et II. Michaëlis, ai'chiviste de l'Etat, à .A.rlon.
Namur : M.\l. Max Wasseige et Fr. Hubert, avocats à Namur
Secondée efficacement par les comités provinciaux, la Com-
mission centrale des Archives de la Guei-re n'a pas ménagé les
CHRONIQUE 211
efforts pour atteindre l'objectif qui lui a été assigné; le but
qu'elle poui'suit n'est pas, disons-le de suite, d'écrire l'histoire de
la Belgique pendant la guerre, mais bien uniquement de la
prépnrer, en rassemblant les matériaux nécessaires, qui sont
classés et inventoriés selon les principes observés dans les dépôts
des Archives de l'Etat.
La Commission recherche donc tous les documents générale-
mont quelconques, manuscrits ou imprimés, qui intéi'cssent la
période 1914-li)18 au point de vue belge; elle voudrait, en effet,
former un ensemble aussi comi)let (jue possible de renseigne-
ments de tout genre, sur la vie sociale, intellectuelle, politi<iue.
administrative et économi(iuc de la Belgique, en généi-al. occupée
et non occupée, ainsi que tout ce qui peut concei-uei* l'existence
des Belges installés à l'étranger, qu'ils fussent réfugiés ou
déportés (').
Dès maintenant, avec un budget très limité et un personnel
des plus restreint, la Commission des Archives de la Guerre a
déjà réuni un ensemble très appréciable de séi'ies intéressantes;
les espérances les plus légitimes sont donc permises sur l'im-
portance que prendront ses collections une fois qu'elle pourra
disposer de locaux autrement appropriés à leur destination que
le misérable bâtiment où elle a trouvé un asile provisoii-e : de
très importants fonds lui ont, en effet, été promis dont elle ne
peut prendre immédiatement possession en présence de l'exiguité
de son dépôt actuel.
Quoi qu'il en soit, je ne puis mieux faire, pour donner une
idée des résultats acquis à ce jour et des perspectives de résultats
féconds qui s'offi-ent à l'activité du ('omité central et des Com-
missions provinciales, que d'énumérer rapidement les collections
déjà rassemblées (') ; certaines d'entre celles ci ont fait 1 objet
d'un inventaii'e et sont indiquées ici par un astérisque.
(1) La Commission ne saurait assez insister auprès du public pour qu'on Mil
envole, quelle que soit leur imporlanco, tous les documents écrits, tous los
imprimés quelconques (journaux, revues, brochures, feuilles volantes, alfi-
clies, etc.), belges ou allemands, relatifs à l'occupai ion ou aux Belges exiles :
le moindre « papier y peut pré.senter de rinU''rèl à un point de vue quel-
conque, i)eut combler une lacune de notre doeuinontalion ; incorporé dans
une colleclion déjà constituée, bien cla.ssée, utilis:ible par les chercheurs, il
acquerra une valeur qu'il n'aurait j.imais présentée s'il était resté i.solé, perdu
dans les tiroirs d'un particulier, exposé à toutes les chances de destrudion.
Ajoutons encore qu'en principe tous les documents des Archives de la Guerre
sont secrets.
(') Celte liste, simplement énumérative, donnera inie idée de la variété des
collections déjà rassemblées. Ces collections ne sont pas toujours eenipléles
212 CHRONIQUE
I. — Archives.
A) Archives administratives d'origine allemande.
* Finanzabteilung beini General Gouverneur in Belgien.
Militar Bauamt.
Materialabgabestelle Maubeuge.
Passzentrale i Bruxelles).
Zentrale fiir Soziale Fiirsorge (Bruxelles),
Kriegslazarett (Pahiis des Académies, Bruxelles).
Armée Intendantur des Generalgouvernements.
Militar General Direktion der Eisenbabnen
Verwaltungs-Chef fur Flaudern.
Kaiserl. Deutscbes Gouveruements-Gei"icht von Briissel und
Brabant.
* Der Pressedelegierte f tir das Gouvernement der Stadt Briissel
u. die Provinz Brabant.
Chancellerie civile.
Coui- des Conij)tes.
Kreiscbef de Malines.
* Kreiscbef de o^ivelles.
Commissaire civil dans l'arrondissement de Louvain.
Commandanture de Bruxelles (Service des prisons et ijolice
militaire).
Commandantures d'Alost, * Clercken, Hérinnes, Middelkerke,
Péruwelz, Puers, Rouler.s, * Saint-Xicolas, Saventbem, Sotte-
gbem, * Tbourout.
Gouvernement d'Anvers.
Prison de Grammont.
Archives (militaires et administratives) provenant de l'état-
major de la Quatrième Armée.
Hafenilmter (Boom. Charleroi).
Archives militaires pi-ovenant de Spa.
* Maschinengewehr Scbarfzcbiitzen-Kommando « West » (Tri-
bunal militaire de Tongres).
malliourenseineiil, et nii cerlaiii noinbie do fonds ne sont que tragmentaires :
tout particulièrement, les arciiivcs allemandes pi ésenlont souvent do grandes
lacunes, qui s'ox|)liquenl aisément par les circonstances dans losciuelles elles
ont été relrouv(-es, dans les bureaux ou mémo dans les wagons où les autorités
occupantes les ont abandonnées (d'aucunes nous soni parvenues dans des
paniers à pigeons!)
Certains des fonds d'archives belges sont aussi fragmentaires, actuellement,
mais seront (toin|)léLés par la suite, les aulorilcs ou couiinissions dont elles
proviennent n'ayant pas encore pu se dessaisir jusqu'à nouvel ordre de tous
leurs documents.
CHRONIQUE 2 1 H
B. Arc.hioes administratives d'uvi-jçine belge.
a) Dans le pays.
(Certains de ces fonds concernent des organismes ayant fonc-
tionné, à la fois ou successivement, en lielgiqu'! et à l'étranger).
Archives coin:naaales : d)ssiers relatifs aux rapports des com-
munes avec les autorités allemandes (envois des commissaires
d'arrondissement, consécutifs à une circulaire du Ministère de
l'intéi'ieur du 20 avril lO'iOi. Des inventaires spéciaux existent
pour les coin naaes ai * B )acelles, * Flémalle-IIaute, * Hainin,
* Plainevaux, et * Temploux.
* Commission d'enquête sur la violation du droit des gens.
* Sûreté militaire belge; bureau d'études économitjues.
Reconstruction du ft)yer du soldat démobilisé : commission
centrale (arrondissement judiciaire de Bruxelles).
* Croix-Rouge de Belgique.
Dossiers relatifs à l'activisme (Malines).
* Comité National de secours et d'alimentation : Beeringen, etc.
* Œuvre d aide et protection aux Sans Logis de St-Gilles.
Œuvre pour l'exhumation et l'identification des soldats belges
(M"« Orianne).
L'Aide aux soldats belges (M""^' Van Hal).
* Commission des déportés, réquisitionnés et prisonniers civils
b) A l'étranger.
Office central belge pour les prisonniers de guerre (camp de
Hameln et Soltau, en pai'tie).
* Belgian Relief Committee de Londres.
Belgian Refugee Committee de Bristol.
* Cardiff War Refugee Committee.
Belgian War Refugees (.Angleterre).
Belgian War Relief Fund, de San Francisco.
* Comité officiel belge pour les Pays-Bas.
Conseil économique et Comité belge de La Haye.
Consulats belges en Angleterre; aux États-Unis d'Amérique;
en Fi-ance; aux Pays-Bas; en Afrique; en Amérique; en Asie.
Réfugiés belges eij France.
Office national belge du Travail (F'rance).
C. Archives internationales.
Commission internationale d'armistice de Spa.
D. Archives et documents d'origine privée.
Plusieurs journaux de guerre, manuscrits, tenus par des habi-
tants de diverses régions du pays.
214 CHRONIQUE
Documents relatifs aux rapi)Oi'ts individuels avec l'autorité
occupante (par exemple : perquisitions, saisies, arrestations), etc.
Documentation i-cunie par divers particuliers : * Fonds
L. Varier,, de Gand (Le chômage et les autres œuvres de secours
pi-incipalement à (Jiand); Fonds Th. Heyse (mouvement flamand) ;
Fonds II. Obreen (La Belgique occupée); etc.
II. " Imprimés.
A. Bibliothèque.
La (])ommission s'est attachée à rassembler tous les livres,
revues, brochures, pamphlets et placards ayant trait à la Bel-
gique pendant la guei-re; la documentation imprimée ainsi réunie
est déjà fort appréciable, car le catalogue sur fiches qui eu est
dressé au fur et à mesure des entrées est arrivé à ce jour au
numéro 5904.
B. Journaux.
Cette collection (dont les clandestins ne sont pas les moins
intéressants) conipi-end environ 200 journaux, pour lesquels il
existe un inventaire détaillé.
C. Coupures de Journaux,
Une collection générale d'articles de journaux est également
commencée en dehors des coupures faisant partie de fonds spé-
ciaux, tels que les Fonds Heyse, Obreen et Variez).
D. Affiches.
Cette série, dont l'intérêt documentaire est très grand, sera
fort importante et plusieurs milliers d'affiches ont fait lobjet
d'un premier classement : Affiches du Gouvernement-Général
(ordonnances: nouvelles; etc.), des gouveraeui-s de province, des
chefs d'arrondissement, des commissaires civils, des comman-
dantures, etc. Chacune de ces catégories est ensuite soumise à un
classement chronologique.
E. Bons de caisse de communes et de comités.
Environ 400 bons ont été réunis, provenant d'une centaine de
communes et comités divers.
m. — DOCU.VIENTS ICOXOGR.VPHKiUES ET PHOTOGRAPHIQUES.
Cartes postales illustrées, caricatures, portraits, photos,
clichés, etc.
Telles sont les collections réunies jusqu'à présent aux Archives
de la Guerre; l'énumération en est, certes, fort suggestive, car
CHRONIQUE 215
mieux que n'importe (luel autre exposé elle montre combien la
création de la Commission a servi les intéi-cls de ceux qui vou-
dront, j)lus tard, écrire l'histoire de la Belgi(iue de 1914-1918.
J. Vannérus.
Musées royaux du Cinquantenaire.
Cours pratiques d'archéologie. 1921-1922 (dix-liuilièiTK» année).
MM. le baron A de Loë. conservateur.
La Belgique avunt r histoire.
Le cours sera donné à deux séries d'auditeurs le vendredi
et le dimanche (au choix des élèves), à 10 heures, à
partir dr févi ier.
Jean Cap.art. conservateur.
La Civilisation égyptienne.
Le jeudi, à 14 h. 1 /2, à partir du 10 novembre.
Louis Spei.eeks. at'aché.
L'Archéologie de l'Asie anté, ieiire.
Le jeudi, à 15 h. 12, à partir du 10 novembre.
F. Mayekce, consei'vateur adjoint.
L'Art industriel en Grèce. Terres cuites et petits bronzes.
Le maidi, à 14 h. 1/2, à partir du 15 novembre.
Marcei. Laurent, conservateur-adjoint.
Histoire de la Céramique (2""" partie). Les porcelaines.
Le lundi, à IG h. 1/2, à partir du 14 novembre.
Henry Rousseau, conservateur.
La Scnlj)ture monumentale en Grèce [2'"'' partie).
Le jeudi, à 14 h. 1/2, à partir du l'' décembre.
Projections.
J. Iîommer. conservateur.
Etude détaillée de l Estampe japonaise.
Le mercredi, à 14 h. 1 2, à partir du 16 noveml)re.
Georges Macoir, conservateur.
Elude détaillée des collections du Musée de la Porte de Hat.
Le samedi, à Ifi h. l'2, à i)artir du 'i décembre.
Bibliothèque royale de Belgique, à Bruxelles.
Exposition rétrospective.
En octobre 1921 a été ouverte, à la lîibliollièque royale, une
exposition retra<,'ant l'histoire de cet établissement.
■Cette histoire se divise en deux périodes. La première corn-
21fi r.HKONIQUE
iiience en 1559, avec la formation, par Philippe II, d'une biblio-
thèque centrale de l'Etat, dans le Palais de la Cour, à Bruxelles;
la seconde commence en 1837, à la création de la Bibliothèque
royale actuelle, dans laquelle viennent bientôt se fondre les deux
tronçons princi])aux de 1 iincienne Bibliothèque royale : en 1838,
les manuscrits, formant une bil)liothèque indépendante depuis
1815; en 1845, les imprimés, constituant la Bibliothèque de la
Ville de Bruxelles depuis 1803.
Une partie générale retrace cette histoire, compliquée à sou-
hait, au mojen de plans, de gravures, de portraits, d'auto-
grajjhes.
Dans la deuxième paitie de l'exposition, la formation et l'his-
toire de chaciue collection spéciale, manuscrits, impiimés, cartes,
estampes, médailles, sont ilîusti'ées par des spécim ns intéres-
sants à des titi-es divers; le visiteur a devant les yeux une véri-
table coupe géologique de ce riche dépôt national.
The Angle American Conférence of Professors of History
The conférence met in London during the week of July 1 1-18.
Its unqualified success was due to the initiative and effective
management of the teaching staff of the University of London.
Ils purpose was tlireefold : 1. to conseci-ate in fitting stjle the
new building known as the Institute of Historical Research,
acquired by the University through private benefaction and
intended to serve as centre for historical investigatoi'S in Lon-
don; 2. to acquaint American and Canadian histoi'ians with the
"wealth of original materials and oj)poi'tunities for research
wliich London offers the advanced student; and 3. to emphasize
and by friendly personal contact to promote the community of
political, cultural and spii'itual values, whieh are the inheritance
and possession of ail English-speaking peoples.
The programme, mostly the joint effort of Professors A. P.New-
ton and A. F. PoUard of London, was a most judicious combina-
tion of professional. social, and diplomatie sessions. Both the
opening and closing meetings were held under the auspices of
the British Government : .\Ir. H. A. L. Fislier, eminent Napo-
leonic scholar and now Minister of Education in Lloyd (îeoi-ge's
Government, officially wclcomed the American University Dele-
gates in an inaugural address. and later, in the course of a
magnificent banquet offei-ed by the British Government to mark
the sessions' close, bade them a gracions and officiai farewell.
Of a diplomatie nature, too, was the gift by the Prince of Wales
CHRONIQUE 217
to each overseas delegate of a facsimile reproduction ol' a manu
script of the Black Prince.
TactfuUy cordial and warmly hospitable, the British hosts
conti'ibuted splcndidly to tlie social success of the conferen<;e
and the personal enjoymcnt of the American visitors. Whereas
the morniug hours were devoted to the readiiig and discussion of
historical papers and problems, the afternoous and evenings
were occupied with recei)tions and visits to i)laces of historical
and professional interest. Of an evening we were formally
entertained by our fcliow countrywoman, Lady Astor, of the
House of Gommons ; of an af ternoon tca and refreshments were
served to ail the participants, Bi-itish and American, together
with iheii" wives, at the rooms of the Roj-al Historical Society ; of
another afternoon we traniped off to Windsor to enjoy the sights
of the Castle, guided by the most omniscient of « ciceroni », the
King's own Librarian; or again, we made the pilgrimage to the
home of the Archbishop of Caiiterbury, Lambetli Palace, to be
shown its treasures in manuscripts, incunabula and objects of
art, and to share the warm hospitality of His Lordship and
Mrs. Davidson. The Sinn Fein agitation was then at its height,
nevertheless the worthy Archbishop (conservative member of the
House of Lords) had among his biddea guests the dyed in-the-
green Sinn-Fciner, Mrs. .T. R. Green.
The i)rofessional part of the programme was filled in part
with conférences, and in part with visits of exploration to Lon-
don's treasurehouses for historical investigations : to the Public
Record Office with its médiéval Rolls and Treasury Papers, its
extensive séries of Government Correspondence, Domestic and
Foreign; to the British Muséum, with its wealth of Pnpyri,
Greek, Latin find Oriental manuscripts; to the Gui Idhall, with
its rare collection of charters from Anglo-Saxon and Nonnau
times.
As for the conférences, they were either of interest to historians
in gênerai, or of particular interest to the workers in a spécial
field. Of a gênerai character was the session devoted to the
problem of « How to conduct a Semiuar in History » — it com-
menced with a painstaking paper by Professor C. H. Firth of
Oxfoi'd (in which he acknowledged his indebtedness to the
methods of the lamented Professor Frédéricq of Ghont, urgcd
the need of adopting the cours pratique or pro-seminary by the
Englishspeaking universities, stressed the value of strictly
limitiug the numbers — three or four, I believe, he suggested as
idéal — and counseled maintaining a certain unity in subject-
matter), and was followed by the informai talks of Pi-ofessors
218 CHRONIQUE
E R Turner of Micbigan, E. P. Clieyney of the University of
Pcniisylvania, T. F. Tout of Manchester and A. F Pollard of
London — each describing his partieular method of conducting a
seminary. A liappy phrase of Professor Chej'ney was wortli
remembering : that the number of students in a seminar shoiild
be no less than that of the Grâces nor more than that of the
Muses. Another interesting session generally attended concer-
ued itself with « Methods of Editing Oi-iginal Sources ». The
meeting was addressed by Mr. Hillary .Tenkinson of the Public
Record Office, who pied for the exact transmission of orthogra-
phie peculiarities and foi- the methods of editing emj)loyed by the
Surrey Record Society; by Sir Israël Gollancz, the distinguislied
authority on Engllsh Philology, who made an impassioned plea
for the pecuniary sui)port and increased professional interest of
historians in the Early English Text Society Publications: and
by Mr. G. X. Clark, the new Managing Editor of the English
Historical Review (succeeding Mr. Reginald Lane Poole), who
took occasion to dwell upon certain policies of the Review
regarding publications, and particularly urged the submission of
more manuscripts dealing witli the field of Modem History.
The discussion was terminated by the sound suggesti(m of
Mr. .T. Franklin Jameson, Managing Editor of the American
Historical Review, that the methods of editing historical sources
be fixed by gênerai agreement among scholars and internatio-
nalized.
Spécial conférence meetings were devoted to English Légal
Records (presided over by the vénérable and famed authority
on English Légal History, Sir Frederick Pollock), to the oppor-
tunities for original investigations in the fields of English
Ecclesiastical, Colonial, and East European History, and to
médiéval Administration (presided over by the tactful and amia-
ble Professor Tout of Manchester, a medicvalist of fir.st l'ank,
and, by reasou of his wide influence with the members of the
])rofession, the Dean of English Histoiùans). Other sessions
dealt with Diplomatie Documents, Naval. Colonial, and Indian
Records, and Médiéval Science and Thought. The discussion in
the session last mentioned was opened by the noted Franciscan
scholar. Mr. A. G. Little, who recommended the wi'itings of thé;
médiéval Schoolmen (particularly William of Occam) as a fruitful
field of research ; and continucd by Mr. and Mrs. C. J. Singer,
who volunteei-ed the interesting information that they were
making a complète list with invcntoried contents of ail manu-
scripts in European Libraries dealing with médiéval Science,,
that they planned making the London Institute of Historical
CHRONIQUE 219
Research both thc depositury of such data and the Clearinj?-
House of Information ou ail similar j)robleius the world over.
Such in sum were the agenda of proceedings. Altliough the
information imparted through the formai conférences was of
undoubted value, I believe that tbe chief benefits derived by the
participants were esscntially social and pei'sonal. T( enabled
one to visualize in the flesh and liear viva voce scholars whose
autboritative books and articles had become a by-word in the
historical guild — such as C. H. Pirth, Sir F Pollock, T. F Tout,
R. L. Poole, H. A. L. Fisher, J. P. Whitney. and J. Forteseue
amoiig the British ; and J. F. JHmeson, E. P. Cheyney, J. T. Shot-
well, H D. Foster and W. R Sbepherd among the Americans —
and to discuss with meii of similar iulerests aud possibly sym-
pathies problems of histoi'ical moment, whether of the past or
of the présent.
It is with impressions and toughts like thèse that 1 would
urge upon the historical workers and teachers of Belgium the
feasibility of organizing a conférence somewhat simi ar to the
above, but limited instead to the French-speaking world (of
France, Belgium and French Switzeriand). Such a conférence
could serve as a base for subséquent union with the now perma-
nently established Anglo Amei'ican Organization (independent of
the University of London. with committee représentation in
England, the British Doininions and America), and thus effect an
even doser intellectual rapprochement than now exists between
the Franco- Belgian and Anglo-American civilizations.
John R. Knipfing,
Ass't. Prof, of Hist.,
Oliio State University, U. S. A.
Répertoire des Chartes de franchises des villes de France.
La Société d'Histoire du Droit s'efforce de promouvoir la
publication des Chartes de franchises des villes de France depuis
les oi'igines jusqu'il la Révolution.
Comme travail pi'éparatoire aux éditions que lui ont promises
plusieurs érudits, la Société a jugé nécessaire de constituer uu
répertoire sur fiches de toutes les Chartes de franchises
existantes.
En vue d'assui-er l'uniformité du travail, elle a établi des
modèles de fiches de Recherches et de Documents.
220 CHRONIQUE
La Société serait heureuse d'obtenir de nouvelles collabora-
tions à la confection de ce répertoire.
Prière de s'adresser à M. (i. Espinas, 198, Boulevard Saint-
Germain, Paris (7 ).
Voici le programme élaboré par Ut Commission des Chartes de
franchises.
/. Division du travail. — Les collaborateurs qui voudront
bien apporter leur concours à la Commission des Chartes de
franchises, devront, au préalable, lui communiquer l'objet spé-
cial de leurs recherches, qu'ils entendent les applicjuer, soit à
une région particulière, soit au dépouillement de fonds d'archives,
de bibliothèques, d'ouvi-ages ou de périodiques déterminés. Il
est, en effet, souhaitable i)()ur la bonne marche de ces recher-
ches, que les collaborateurs volontaires s'attachent à inventorier
une ou plusieurs séries de fonds manuscrits ou imprimés, de
fnçon à éviter, autant que possible, dans leurs enquêtes tout
double emploi ou toute lacune. On comprendra aisément qu'il
serait inutile de dépouiller seulement certains ai'ticles disparates
d'une série d'archives ou quel{[ues tomes dispersés d'un pério-
dique.
//. Fiches de recherches (Manuscrits). — Ces fiches (petit
format, vertes) serviront à inscrire les séries d'archives ou les
fonds de manuscrits dans lesquels les recherches auront été
effectuées. Par exemple :
Lieu de Dépôt : Amifns
Dkpôt : Archives lommunales.
Cotes : AA 1 à 20.
JIJ. Fiches de recherches (Imprimés). — Sur cette série de
fiches (petit format, roses) on notera, soit des ouvrages isolés
(auteur, titre, lieu et date d'édition), soit des périodiques (titre
exact et complet de la collection, série, tomaison, lieu et dates
extrêmes des volumes dépouillés). Ainsi :
\ Nom : Gartner.
Auteur : j r. . ri
f Prénom : Joseph.
TiTRK DU LIVRE OU DE LA COLLECTION : Chartes de communes et
d' Il ffrant-hissotnents fn Bourgogne.
Série kt Tomaison : t. 1 à 4
f ^ l.i'U : D'jfiii.
CHRONIQUE
221
IV. Fiches de documents (Manuscrits). — Ces fiches (grand
format, vertes), destinées à classer méthodiquement les ren-
seignements extraits des textes dépouillés, seront remplies
d'après le modèle suivant :
( Nom original : Mous Albanus.
Nom actuel : Montauban ; dép. Tarn-et-Ga-
rvnne.
Nom original : Alfonsux, cornes Pictavensis et
Tolosartvs, mnrchio Provincie.
Identification : Alf/hnnsf, cowte de Poitii'rs et de
Toulouse, mat guis de Provence [12491253).
Forme originale: Anna Domini M° duantesimo
quinquogesimo primo, sabbato post oclabas
apost lorum Pétri et Pauli.
Concordance avec le style grégorien : 1251,
8 juillet.
Latin.
Mo)itauba7i .
Archives communales
A A 4, Livre dfs serments, fol 85.
Matérielle : Parchemin.
Diplomatii^ue : C"pie a7ionyme du 14^ siècle.
Juiidique : Confirmation des « libertés et bonnes
coutumes ».
1» Localité
2° Autorité;
concedante
3° Date
4" Langue
MANUSCRITE
6° Nature
DE l'acte
V. Fiches de documents (Imprimés). — Ces fiches (grand
format, roses) seront remplies comme les précédentes pour les
rubriques 1, 2, 3, 4 et 6 (nature juridique seule). Sous le n" 5
(source imprimée) on désignera l'ouvrage isolé ou l'article de
périodique dans lequel le document est édité, étudié ou analysé,
eu indiquant la page ou les pages extrêmes, et éventuellement le
numéro de la pièce, et en donnant la référence au texte utilisé
par l'auteur, d'après le modèle suivant :
Nom original : Mons Calvtdus.
Nom actuel: Montchauvet; dép. Seine-et-Oise,
cant. Iloudan.
Nom original : Simon, cotnes Ebroycensis.
Identification : Simon III de Mottifort, comte
d'Ér.reux (1140-1180).
Fi)rme originale : Manque.
Conioi'dance avec le style grégorien : [1167 en-
viron^.
1" Localité
2" Autorité
concédante
3" Date
222 CHRONIQUE
4" Langue : Latm .
Rhein, André. La seiyticurie de Montfort en
Ivi'line d>puis son originf jusqu'à son union
au duché de Bretacjne {X^-X[ V^ siècles), dans
5" Source ) ^'^^ Mémoires de la S déié archéologique de
IMPRIMÉE ] Ramhoui/lrt, t. 21 {PJJOj, p. 309-302, pièce
juslifcalive n° 5.
Edité d'après ; Bibl. nat., ms. français 30008,
Montfort, fol. 60.
6" Nature i Confirmation des coidumes acordées par
.JURIDIQUE \ Louis VI le Gros et Amaui y III de Mon' fort.
VI. Remarques. — On voudra bien observer pour l'utilisation
des lïehes de documents les reconiniandations suivantes :
1" LocAMTÉ. — Le nom actuel devra être snixi de la désigna-
tion du département, et éventuellement de celles du canton et de
la commune, orthograpbiées d'après la dernière édition du
Dictionnuij e des Postes.
2° AuTORiTi'i. — S'il existe i)lusieurs autorités concédantes, on
les mentionnera naturellement toutes.
3° D.VTE. — Si la date fait défaut, on conjecturera entre [ ] une
année ou du moins une époque approximative.
4° Languk. — On ne négligej-a pas de noter les traductions,
même modernes.
5" Source. — On indiquera le dépôt d'arcbives, la bibliothèque
ou encore la collection privée, qui renferme le document manu-
scrit, avec la cote, en spécifiant, pour les registres, leur nature
ou leur appellation traditionnelle : Curtuhiire miinicip'd. Registre
aux btms. Registre de copies; Liore blanc, Liore enchaîné, etc., et
en précisant les folios ou les pages, au besoin extrêmes.
6" Nature. — 1° La nature matérielle fera connaître l'état
actuel de la pièce : si elle est sur parchemin ou sur papier ; si elle
est détériorée: rognée, déchirée, moisie..., ou si l'écriture e.st
pâlie; enfin si elle est scellée ou porte des traces de scellement (<;).
2° La nature diplomatique indi(iuera si l'acte est une minute,
un orijrinal ou une copie, et, dans ce dernier cas, quels en sont
lauteur et le caractère : copie authentique ividimus. transcrip-
tion notariée), copie d'érudit, co])ie anonyme, etc.
3" Enfin, la nature juridique de l'acte mérite des explications
plus déveloi)pées. En piincipe, cette rubriciue doit renfermer une
désignation aussi sommaire et précise que possible de la pièce.
(') La Sociclé recevra avec une parliculière reconnaissance les photogra-
phies de documents dont ou voudra bien lui faire don.
CHRONIQUE 223
une sorte de titre; mais il convient de déterminer quels genres de
textes il faut rechercher et noter.
Généralement, les documents que doivent signaler les collabo-
rateni's concernent, ou les localités pourvues d'une commune,
c'est à-dire possédant un gouvernement plus ou moins autonome,
ou les localités qu'on peut appeler les villes de franchises : quelle
que soit l'origine de ces aggloméi-ations, qu'elles représentent
d'anciennes villes romaines, des villes neuves proprement dites,
des sauvetés, des bastides etc.. il semble que toutes peuvent
renti-er dans les deux gi-oupes politi(iues précédents. Les colla-
borateurs aui'ont, bien entendu, à noter avant tout les documents
qu'on appelle les chartes de communes ou de fi-anchises, mais il
serait insuffisant de se borner à ces deux seuls genres de pièces.
En effet, telle commune de pi'emier ordre, comme Douai, qui,
du moins à l'oi-igine. n'a pas reçu de charte i)i'oprement dite, a eu
cependant plus d'une fois ses « bonnes coutumes » confirmées
purement et simplement par le pouvoir public : ces confirmations,
qui transforment au besoin en même temps sa constitution inté-
rieure, ne sont en réalité que des concessions de chartes. Telle
autre ville, comme Corbie, ])ou!'vue au contraire d'une charte de
commune, a vu régler, et môme à plusieurs reprises, par la puis-
sance souveiaine, ses différends avec le pouvoir abbatijil local :
ces règlements ont infuencé, au fond, le fonctionnement de sa vie
communale. Certaines villes encoie possèdent des statuts muni-
cipaux, qui ne sont que le développement des churtes de com-
munes ou de franchises. Rappelons également les chartes de
pariage, qui sont très fréquemment liées, soit à la fondation de
villes neuves, de bastides ou de sauvetés, soit à l'organisation de
villes préexistantes, et les chartes d'affranchissement ou même
d'abonnement à la taille, particulièrement nombreuses en Bour-
gogne .
Mentionnons aussi certains serments très développés : tel
serment prêté par le seigneur local à la ville, comme celui de
I'évc(iue de Clermont en 1 198, est un exposé -^-éritable et com])let
des rapports politiques des deux pouvoirs; et tel autre, comme
celui que prête le Magistrat d'Hénin-Liétard à la commune vers
le milieu du xiii* siècle, est un véritable petit code urbain. Et
encore telles autres communes, comme Arras ou Aire-sur-la- Lj's,
ayant également reçu chacune une charte, ont aussi obtenu du
pouvoir public territorial, lune une « loi et coutume » criminelle
qu'on peut considérer comne une sorte de charte de commune,
l'aurre une concession générale relative à l'exercice de la justice.
Enfin, on notera les chartes cassant les communes et celles qui,
éventuellement, les auront rétablies.
224 CHRONIQUE
Tous ces documents, et d'autres similaires, tels que les eu(]uêtes
sur les coutumes, les recours aux chefs de cens, etc., présentent
cependant un trait commun fondamental, c'est leur caractère
juridique absolument général; s'ils ne sont pas la charte propre-
ment dite, ils la remplacent ou la complètent. A son exemple, ils
règlent ou transforment plus ou moins les institutions de la
localité à laquelle ils s'appliquent. Si l'on doit donc, par prin-
cipe, laisser de côté tous les actes juridiques ne visant qu'à une
fin particulière, nous croyons qu'il ne saurait en être ainsi des
pièces précédentes • leur utilité pour l'histoire du droit municipal
n'est guère moindre que celui des chartes proprement dites.
Le thème du sacrifice volontaire
dans la tragédie d'Euripide '
C'est un fait bien connu que la tragédie grecque
€mi3runte les sujets qu'elle traite à la tradition légendaire.
Mais peut-être, dans l'examen particulier de chaque tra-
gédie, n'a-t-on pas toujours tiré de ce fait toutes les
conséquences qu'il entraîne. Par une tendance naturelle,
on recherche avant tout quelles modifications l'auteur a
apportées aux données antérieures; on tâche à détermi-
ner la mesure de son originalité. N'y aurait-il pas intérêt
à modifier le point de vue, en se demandant ce que l'auteur
a gardé des données traditionnelles, et aussi les raisons,
variables peut-être, pourquoi il les a, en une large mesure,
respectées? Quand le mythe s'est fixé en légende, non seu-
lement il s'est localisé dans le temps et dans l'espace ; mais
encore la cristallisation s'est faite dans une société déter-
minée : les institutions et les croyances de cette société
doivent alors transparaître, d'une manière plus ou moins
distincte, dans la légende. On conçoit que les poètes tra-
giques qui la traitent, en dépit d'un puissant effort d'adap-
tation, ne puissent effacer entièrement les traces d'un
passé plus ou moins aboli ; on conçoit aussi que cei'tains
d'entre eux — un Euripide par exemple — esprits curieux
et attentifs, d'un parti délibéré, aient conservé ces restes
du passé, non point sans doute avec une fidélité et une
intelligence complètes, mais au gré de leur fantaisie amu-
(1) Conféreiicf fnitc :i IJnixelies au Cercle de Philologie rlassi(iiie le
17 février \9±2.
15
226 p. ROUSSEL
sée, par bribes et morceaux, sans grand souci de la dispa-
rate des dépôts anciens et des apports nouveaux.
L'étude d'un thème — celui du sacrifice volontaire ou
du dévouement paraît pro])re à illustrer ces réflexions.
Il n'apparaît point qu'Eschyle ni Sophocle l'aient traité (*) ;
au conti-aire, les tragédies d'Euripide nous en offrent
plusieurs exemples; et l'on n'a point tout dit lorsqu'on a
analysé, au'i)oint de vue de la technique euripidcenne,
les scènes dans lesquelles un héros ou une héroïne se
dévouent {'), ni non plus lorsqu'on a relevé les raisons
historiques pour lesquelles ce thème du dévouement atti-
rait le poète et plaisait au public (•'^).
Par persuasion ou par ruse, Apollon a obtenu des Moire&
que son ami Admète, dont les jours étaient comptés, pût
suspendre l'arrêt du destin, si quelqu'un consentait à
mourir pour lui : seule, l'épouse d'Admète, Alceste, y con-
sent. Il n'y a point là sacrifice rituel, mais l'équivalent.
Quand la reine des Perses, Amestris, femme de Xerxès^
devenue vieille, faisait enterrer, au témoignage d'Héro-
dote (^), quatorze enfants choisis dans les familles les phis
notables « pour rendre grâce en son nom au dieu que l'on
dit habiter sous la terre », elle entendait bien que le dieu,
en échange de ces jeunes vies, i^rolongeât sa propre exis-
tence, penchant vers son déclin. Alceste, elle aussi, est une
victime de substitution ; mais elle l'est devenue par un acte
volontaii-e ; au sens précis du mot, elle s'est dévouée ; elle a
(*j L'i(l(k' fie s;icri(ico apparail pciil-ôtre dans les Sept contre Tlièbes^
(l'Eschyle, où Kt»>ocle, se sentant niaiulil, croit qtio sa niorl seule sera agréable
aux (lieux (v. 708). Mais nulle part n'est exprimée nettement lidée (juMl
donne sa vie pour la cité, contrairement à ce (jue soutient (]. Robert, Oidipns,
t. I, p. 20G et j). 41(5 et suiv.
('^) C'est ce qui a été lait dans une récente élude; cl. Joiian.na Scilmitt,
Freiwilliger Opfrrtod hei Eurlpides i lieligionsf/esc/iichtlic/ie Versiir/ie n. Yor-
arlieiten, XVII, 2, 1921), avec le sous-lilre qui restreint singulièrement l'intérêt
du travail : Ein Beilray zu seiner dramathchen Technik.
('j 11 est bien assuré que la pénible jiuerre où était engaf^é Athènes a exalté
le palriotisnu' d'Euri|jidc et détermine le choix des sujets qu'il traitait r
cf. J. Oeki, Euiipidrs unir,- drin Ihiitk des nizil. >i. ilekef. Kricf/s, Bàle, 190.5.
(*) VII, 114.
THÈME DU SACRIFICE 227
attiré sni- sa tète la sanction de mort qu'une volonté ou une
colère surnaturelle avait prononcée contre Admète.
Nul ne conteste que le dévouement d'Alceste ait été un
sujet légendaiie; mais, parce que notre délicatesse morale
s'offusque du consentement donné par le mari à ce sacri-
fice, on a soutenu naguère que, dans la légende, Admète
n'avait pas eu à donner ce consentement. M. Maurice
Croiset écrit (^) : <( Tout s'est passé entre Apollon et la
jeune femme. Le dévouement d'Alceste, accepté par le
dieu... était iri-évocable, lorsque son mari l'avait connu...
L'important est de ne pas se mettre dans l'esprit que le
dévouement d'Alceste ait dû être entouré de formalités,
comme un contrat passé devant notaire, ni qu'elle avait
besoin pour l'accomplir d'une autorisation maritale en
forme... N'oublions pas qu'il s'agit de vieux récits popu-
laires, presque de contes d'enfants... qu'il faut interpréter
avec complaisance «.
Il est possible que la légende n'ait point précisé les con-
ditions de l'acte d'Alceste ; mais elle les sous-entendait, et
l'une de ces conditions, à coup sûr, était qu'xVdmète y
prêtât les mains. Nous savons assez que les sociétés primi-
tives ont, en toute occasion, un scrupule extrême des rites,
que tout engagement y prend la forme d'un contrat,
sanctionné par des gestes déterminés et des cérémonies
prescrites. Encore que la légende eût été entièrement
muette sur ce point, nul n'aurait pu croire que la volonté
unilatérale d'une femme, exprimée contre le vœu ou, du
moins, à l'insu de son mari, suffît à créer l'irrévocable. En
fait, Alceste s'est offerte, et Admète a accepté la substi-
tution.
Il est notable qu'un historien du droit, replaçant la
légende dans le milieu où sans doute elle s'est formée,
nous fait apercevoir l'inexistence du problème que veut
poser la critique littéraire. Dans son étude sur La solida-
rité de la famille dans le droit criminel en Grèce, M. Glotz.
dit : (( Si beaux qu'ils soient, certains dévouements sont
moins extraordinaires qu'ils ne paraissent. L'individu ne
(1) Revite des Éludes Grecifiies, 1912, p. 1 el siiiv. La inriiie idée est exprimée
par J. L. Myuks, Journal of Itellenic Sludics, 1917, p. 19."j et suiv.
228 p. ROUSSEL
compte pas dans le^évoç; sa peisonnalité disparaît dans
une existence colleclive... Ce n'est pas un miracle qu'un
^tre faible et inutile aime mieux se survivre dans un groupe
puissant que vivre dans un groupe décapité » (^). Nous
tenons le principe ([ui nous rend compte de la conduite
<i'Admète aussi bien que d'Alceste. Le chef du Yévoç, dont
l'existence est menacée, a le droit et presque le devoir de
provoquer et d'accepter les dévouements qui s'adressent
moins à sa personne qu'à la collectivité.
Il nous suffit de reconnaître le principe sans étudier le
détail, si curieux i)Ourtant, de l'œuvre dramatique (^j Cette
donnée fondamentale, Euripide l'a acceptée : il ne paraît
point qu'elle ait dû particulièrement choquer son public,
sinon le poète — non moins ingénieux que M. Croiset —
aurait bien imaginé quelque artifice pour la dissimuler. Il a
laissé dans l'ombre les circonstances du « contrat » où
Alceste donnait sa vie à Admète; mais il n'a point feint
une ignorance d' Admète (^). Remarquons aussi qu'il ne lui
a point attribué l'hypocrisie dont parfois on l'accuse.
Quand Admète supplie sa femme de vouloir bien ne pas
mourir (■*), il est prêt, pour sa part, à déchirer le « contrat »,
qui maintenant l'accable; mais — et c'est un principe juri-
(1) Op. luud., |). liiH.
{-) Les innombrables éUides dont VAlceslc a été h; sujet (voir en dernier
Jieu J. T. Shki'pauu, Journ. Ilell. Stud., 191!>, p. 37-47) n'en ont pas épuisé
l'intérêt. Dans cette pièce, qui date de i38. Euripide paraît répondre au pro-
blème posé en quelques vers fameux de YAnlifjune de Sophocle (v. 904
■et suiv.) : Antigone y déclare qu'elle meurt pour son frère, mais qu'elle ne
mourrait pas pour son mari et ses enfants. La conduite d'Alceste est toute
<;ontraire : c'est ici la fennne, étrangère au y^voç, qui meurt pour conserver
le Yévoç L'introduction des enfants d'Admcte et d'Alceste, due peut être à
Euripide, est une source de patliéli(iue; mais il y a lieu de croire tjue les
données de l'ancieiuie It'gende en sont (iu(!l(iue [leu brouillées. En fait, c'était
immédiatement après son mariage (juAdmcte avait etc menacé de mort; il
n'avait pas encore de descendance: le crinu; véritable de son père et de sa mère
était alors de n'avoic i)as consenti à assurer |>ar leur mort la |»erpétuilé de
la famille.
{'^) Il l'aurait dit expli(;itement, car nul n'aurait pu le supposer en un temps
■où une femme ne pouvait traiter la moindre aflaire sans l'intervention de
son KÛpioç.
(*) V. â.'iO : Ënaipe aauTnv, (b Toi\aivo, \xr\ irpobûjç. — Voir d'ailleurs toute
la tirade lyri(jue, en particulier les vers 27'i et suiv.
THKMK ni: SACHIFICE 32î>
diqiie — la volonté d'uu seul ne suffit pas à annuler
raccord-conclu entre deux pei'sonnes.
Dans les pièces cpie nous allons maintenant examiner, il
y a sacrifice rituel, égorgement de la victime volontaire.
Makaria(^) et Ipliigénie (2) meurent sous le couteau da
sacrificateur; Ménoikeus vei'se lui-même son sang('^).
Ainsi, ce thème se rattache étroitement à la pratique du
sacrifice humain.
Nul ne conteste plus, j'imagine, que l'antiquité grecque
ait connu cette pratique; en quoi les Grecs ne se distinguent
point, par un pi-ivilège spécial, des autres peuples t"*). Ils
se sont servis de l'être humain, aussi bien que de l'animal,
comme d'un moyen pour obtenir, en le mettant à mort,
certains effets utiles à la communauté, qu'il s'agisse
d'apaiser uu défunt ou de faire pousser la moisson. A <le
certains jours, pour satisfaire à un besoin de purification
collective et pour concentrer sur des tètes déterminées
les sanctions divines qui menaçaient le groupe, ils choisis-
saient des victimes expiatoires, qu'ils pourchassaient,^
battaient, mettaient à mort. C'étaient les i)harmakoi{^)^
vivants remèdes aux maux dont la communauté souffrait
ou dont elle redoutait l'approche. Quand la peste, la
famine ou la guerre suscitaient l'épouvante, on constituait
ces « boucs émissaires ^C^) pour dériver sur eux le courroux
d'invisibles i)uissances.
('j HvrakNdes, v. i7i cl ,sui\. - I.o lumi de M;ik;iri;i n'csl p;is (Idriiic dans la
pièce telle ([iie nous la possi-ddiis: mais il est liadilioimcl ri je le ^'ardc.
(-) Ip/ilffénie à Aiilis.
(^) P/wnirlrtines, v. 831-1018; \. 10!K)-1(1U:2.
{■*) Voir la bonne fliide de Fkikh. Schwknn. Die Mnischc/iop/rr l>el den
Grierlien n. Rihiirrn (licliyionsf/esr/i. IV/s. //. Vorttili.. W, 3, 19lo). — A. Lani;,
Folklore, \\1, 1910, p. 137 et siiiv., a encore eleve ties doiUes.
(•^) Sur les qpapiuaKoi ii Athènes et dans le reste de la Grèce, cf. J. Hakkison,
l'wleffnini'Tui tu Hir Stiidi/ off/rrrk Hcliyimu p. 9') el suiv. ; Sc.iiwknn. op. hvid.,
p. 3() et suiv. .le ne discute pas ici la (pieslion iW la survivance des
q)ap|aaKoi à l'eiKtcjue liisloricjue. — Pour rctvniologie du mot, souvent discutée
(cf. W. llwKiis, hido(/enii. Forsr/i., \\\, 1909. p. 375 et suiv.; A. Ki.or/.,
(Uottiu 111, 191:2, p. -23(» el suiv. I. le rapiiroclicmenl a\cc qpctpiuoKOV me paraît
incontestable.
C^) Ce ternie, emprunte ii une autre civilisation, peut n être pa> tuul-a-fait
adeciuat -. mais il est d'un usage conunode.
230
p. ROUSSEL
Makaria, I])higénie, Ménoikeus sont des pharmakoi
volontair3S(*) ; mais l'addition de cette épithète et la qualité
<ie ces victimes ne suffisent-elles ])as à rompre tout lien
«ntre ces héros tragiques et les boues émissaires (-? Le rituel
ne fournirait à l'imagination du poète qu'une donnée de
<lépart : le sacrifice humain. Puis cette imagination substi-
tuerait aux misérables, aux mendiants, aux condamnés u
mort, qui dans la i)ratique servaient de pharmakai, de
nobles créatures, des fils et des filles de roi. Ces victimes
d'élite ne devaient pas être conduites à l'autel comme
l'animal à l'abattoir; on leur attiùbuerait donc une libre
décision. Ensuite il est permis de conclure : « Derrière ces
-données de la légende se peuvent dissimuler des faits réels;
mais, dans l'utilisation poétique du motif, on travaille
librement sur les données » (3).
En fait, ni dans le choix des victimes, ni dans l'inven-
tion du motif volontaire qui détermine leur acceptation du
sacrifice, l'imagination poétique n'a opéré avec cette
liberté souveraine qu'on lui veut reconnaître.
La tradition légendaire connaît maintes jeunes filles
sacrifiées au salut de la communauté ; sans sortir de
l'Attique, nous trouvons les filles de Léos, héros obscur
pour nous, mais vénéré sans doute par la tribu Léontide
dont il était le patron; les filles du roi Erechtheus; les
filles d'Hyakinthos ("'). Dira-t-on qu'en tous ces cas, la
légende ait inventé regorgement de tendres créatures pour
toucher plus vivement la sensibilité des auditeurs ? On ne
le croira i)oint, si l'on se rap])elle le prix attaché à la virgi-
nité et les vertus spéciales dont elle revêt ceux qui la
(^) Jai iifjilij;!' Il (Icssciii les ;iulre.s exemples de saerilice volonlaire dans la
tragédie euripidéciine (^Polyxèiie offerte sur le tombeau d'Aeliille; Évadnè qui
se jette sur le hùdier de sou mari : Laodamia. l'épouse de Protésilas, qui
ressortit, selon uiui. a un tlicnii; loul dillérrnl, l'Iirixns dont nous ne savons
presque rien).
(-) UiK' li'aditinn dont nniis ne pouvons établir l'anciiMniflé rap(»orle que,
lorsqu'Kpiniéni<lc de Crète puritia .Vtliènes au vr siècle av. J. C. deux jeunes
gens s'étaient olleits volontairement à la mort: et. Allien., XIH. 00-.
(^) SciiwKNN, oj). /f(U(l., \>. 1:22; les phrases qui précédent la citation résument
sa doctrine.
(') Sut' CCS di\cr.i r;is. cl'. .S(.ii\vi:n>. p. 1 2i) et suiv.
THÈME DI SACHIFECE ~^':il
possèdent (M. Elle leiii- confère en particulier un triste
l)rivilège : c'est d'être des victimes entre toutes agréables
aux dieux. Euripide ne l'a point méconnu, qui, dans
les Phéniciennes, écarte comme impossible le sacrifice
d'IIaimon, fils aîné de Kréon, parce que, fiancé à Antigoné,
il n'a ]>lus la virginité absolue que requiert la divinité''^).
Ainsi les jeunes vierges, plus encore que les riîGeoi. sont
menées à l'autel non point dans la fiction, pour arracher
des larmes à l'assistance, mais, en réalité, à cause de la
merveilleuse efficacité du sang que répandra leur corps
non pollué.
Les héros coutumiers des légendes populaires sont des
l'ois et des enfants de rois Mais si, dans les légendes de
sacrifices, les victimes sont souvent de race royale, il en
faut peut-être chercher une autre raison. Les études de
M. Frazer nous ont familiarisés avec l'idée du sacrifice du
roi(^) Le roi primitif, i^rêtre et sorcier, presque dieu,
assure l'existence et le bien-êti-e de toute la communauté;
son énergie s'use à cette lourde tâche; une mise à moi't
rituelle substitue une force neuve à sa vigueur défaillante.
De par cette origine lointaine, le roi demeure comme le
pharnitikos désigné ; quand sa vie ne suffit plus a préserver
son peuple d'un péril, il le sauve par sa mort. Ou bien, il
donnera du moins l'un des siens, son premier né. Ce n'est
donc point à l'origine, mais bien plutôt par l'abâtardisse-
ment de la tradition que les pharmnkoi furent i)iis parmi
les rebuts de la société : le prestige même dont un groupe
social entoure certains individus les qualifie d'abord essen-
tiellement pour devenir des boucs émissaires.
La légende grecque n'ignore pas que, dans la balance de
la destinée, la vie d'un roi é(]uilibre en quelque sorte celle
(*i La rtniiai'(|iu' :i dt-jà cti- laite par I",. Fcliric dans un (■(iiii|<l(' iciulii (h>
réUidf de Scliwemi (Bert. p/iil. War/icrisclir.. I91it, col. I08j. .M. l'i;iim.E est
rauleur d'un ouvrage ; Die laillisc/ic Keusrhltelt im Altertmn {llcUffiimxfiescli.
Vers. n. Vorarb., VIj, où l'on U'ouvera des fails niMnIireux conlinnaiil les
indications données ci-dessus.
(••J) V. nU-OiO; cf. P. RorssKi.. Rev. El. (ireri/ues , lili:i. \>. '2VS.
(■*) Voir en particulier dans la .3« édition du ihilden Hoi/gli les tomes IV cl l\
intitulés Tho <ly'>i<i\<j»il et The Srapcrjoat, et d'autre part, l'étude traduite en
français sous le titre -. Lvs orif/itu:-! mdijiiiiirs ilr la raf/iutd' Paris. l'.)"2()).
232 P. HOUSSEL
de la cité. Si les emiemis tuent Kodros, Athènes échappera
à leur emprise('); et Kodros, par une véritable devotio{^K
les contraint à le sacrifier en dépit qu'ils en aient. La mort
de Léonïdas aux Thermopyles a été conçue après coup
comme un acte de même signification. L'oracle avait offert
l'alternative : le Perse devait faire sa proie de Sparte ou
d'un roi de la race d'Héraklès. Léonidas aurait ])u aban
donner la position qu'il défendait, quand une trahison en
rendit la défense impossible ; mais, plein du souvenir de
l'oracle, il s'est fait massacrer sur place, espérant bien
que son sacrifice ne serait point inutile (^). Kodros et
Léonidas apparaissent donc comme des victimes de sub-
stitution ; ce n'est point un sang vil qui rachète la cité ;
il ne faut pas moins que le roi lui-même pour détourner
sur lui la destruction menaçante.
* *
Légendes de jeunes filles sacrifiées, de rois se sacrifiant,
voilà ce que trouvait Euripide. Si les dernières mettent
déjà en évidence l'acceptation volontaire du sacrifice, les
autres, à l'ordinaire, réclament non point le consentement
de la victime elle-même, mais le consentement de ceux
dont elle dépend. Il est notable qu'Euripide ait accepté
l'une et l'autre donnée, et n'ait point jugé que le conflit de
sentiments était moins pathétique, s'il se passait tout
entier en dehors de -a victime désignée.
Dans Vl'^reclithens, dont nous n'avons conservé que des
fragments (*), l'oracle annonce au roi, engagé dans une
(ijVoireiv dernier lieu sur t-eUe légende l'article consacré par Kschkk à
Kodros dans l'Encycloiiédie de Pauly et Wissowa, l. VI.
(') Les Romains ont interprété son acte connue une dpvotio; mais ce rite
mériterait une étude parliculicre que je ne puis entreprendre ici. Voir, outre
ScHWF.NN, p. loi et suiv., les intéressantes remarques de AV. Fdwiku, The
religions erperienre of tlie roman peuple, p. iO(J-:20!J.
(3) Hérodote. VIL -220. On s'étoiine (jue Ht soi.t, Griecli. Gesrit., I. p- 220,
note 2 et U, p. 128, note 2, ait pu croire que. la légende de Kodros avait été
inventée sur le modèle de la mort de Léonidas, puistpi'on a reconnu depuis
longtemps l'élément légendaire (ju'inlroduit le chapitre (l'Hérodote dans l'his-
toire des Thermopyles : cf. H\i vettk, Hérodot". htslorien des ç/uerres medif/nes,
[I. .3r)f)-3rj7. — Bki.ooi, Grirr/i. Gescfi., t. Il', 2'"'' partie, i>. I0< considér(> au
contraire la légende de Léonidas comme un « duplicat » de celle de Kodios.
(■*) i'.ï. .Nvrch, l'raf/in. Irat/ir. ffraec, 2» éd., |). 1(57 et suiv.
THÈME nu SACRIFICE ?33
latte sans merci contre les Thraces, (lu'il doit sacrifier une
de ses filles. Il hésite ; mais sa femme raffermit son cou-
rage. Avec, une éloquence quelque peu didactique, elle
énumère les raisons qui la déterminent à donner la vie de
sa fille pour le salut commun. Il est difficile d'imaginer
que, dans une scène perdue, la jeune fille, consultée à son
tour, acceptait de bon gré la mort : la répétition eût été
insupportable. On croira plutôt que le ])oète n'insistait
point sur les circonstances du sacrifice (^).
Toute la première partie de VIphigénie ù Aiilis nous
dépeint la lutte tragique dans le cœur d'Agamemnon. Une
scène entre autres nous surprend, nous choque, et par là-
mème mérite d'attirer notre attention. C'est l'intervention
de Ménélas qui, avec une incroyable âpreté, exige le
sacrifice d'Ipliigénie(^). De quel droit intervient-il ainsi?
Agamemnon n'est-il pas maître, comme il le déclare, de
régler lui-même ses affaires de famille ?(^) .\ son ordinaire,
Euripide jette dans la discussion qui s'élève entre les deux
frères les arguments les plus divers, inspirés même par
des passions contemporaines ("*) ; et le sens du débat en est
quelque peu obscurci. On entrevoit pourtant que Ménélas
fait appel à la solidarité du y^voç; il a subi un affront et
tous les membres lui doivent de poursuivre avec lui et
par tous les moyens la réparation de l'outrage, u Faut-il
que ma fille meure parce que la femme de Ménélas
a été enlevée?)) demandera plus tard Klytemnestre (^).
Puisque cette mort est la condition i)remière de sa ven-
(V) L:i rpstiliilioii do hi piôco prôsciile mille diniiuiltés : les deux aiiiros
fillos devaient sv tuer en apprenant la mort de leur S(eur. (loninieiit cette
mort vnlontaiie élait-elle amenée, juslitiée, exposée? ^'ous l'ij^norons. Kn tout
cas, les trois sn-urs paraissent avoir eu l'âge de raison, et on les pouvait con-
sulter avant de disposer (l'eiles.
(■-) V. 303 et suiv.
(•*) V. 331 : Tov é|uôv oiKeîv oiKOv oÙK éâoo|uai;
('') Les diverses données, qui se croisent ainsi dans la discussion et l'obscur-
cissent, sont les suivantes -. 1" L'expédition est une enti-eprise de la Crèce
entière (ce (jui, ii la lin de la pièce, expli<jnera !a décision d'Ipliigénie) ;
i" Hélène est une femme adultère, ([ui ne mérite pas (|u'on lui sacrilie une
pure jeune Mlle; 3° Ajramemnon est représente comme un déma}{ogue, et
Kuripide atlaciue en sa pei'sonne des politiciens contemporains.
r>) V. HGGet suiv.
^34 p. RorssF.r,
geance, Ménélas considère qu'elle lui esr due. Le refus
d'Agaraemnon est une trahison à l'égard d'un frère ('). Et,
dans la suite, quand la nécessité impose à Agamemnon le
sacrifice, si Ménélas s'attendrit et s'il a compassion de la
victime qui lui est attachée par les liens du sang, les
paroles par lesquelles il manifeste son revirement décla-
rent avec solennité qu'en n'exigeant plus regorgement
d'Ii^higénie. il renonce à lui droit {-).
Mais voici qu'un groupe plus large que ce y^voç. dont
Ménélas est le représentant, exigera son droit, et l'armée,
réunie à Aulis, réclame à grands cris l'immolation. Certains
indices donnent à croire qu'Agamemnon lui-même a justifié
cette exigence cruelle. Après avoir reçu l'oracle, il avait
consenti au sacrifice, sous la pression de son frère, nous
dit-il, mais, s'il en faut croire Ménélas, liln-ement et sans
contrainte (^). Dès lors ce consentement donné constitue
un engagement irrévocable. Ulysse, en le proclamant, aura
beau jeu à ameuter l'armée {*j. Si, dès le début, Agamemnon
n'avait pas fait une promesse imprudente, l'armée aurail-
elle eu le droit d'intervenir ?('') Dans quelques légendes,
l'oracle, tout en réclamant une victime, spécifie expressé-
ment qu'elle doit être librement livrée par son père (^).
Dans les Hcraklides, Démophon, roi d'Athènes, déclare
qu'il ne forcera nul de ses sujets à sacrifier sa fille; si l'un
y consent, soit! Mais qui serait assez fou pour donner
volontairement au trépas ce qu'il a de plus cher?(^) Au
(*) Sl's plaiiilos ;i fM' nioiiit'iil sont naïves cl sim-rios; cf. v. iOI cl siiiv.
(-) Voir surtout le v. 499 : ooi vé|um toÛ|uov lu^poç.
(•') Les vers 97-98 du prologue sont contredits par les vers ;^00-:{()l, on
Ménélas déclare avec force : Kai iréiuTTeiç éKibv , où pîa — fjir] toOto ^eîtiç —
xjr| bdfxapTi.
(*) Ménélas a déjà insisté sur la valeur de lengatieuient coiilraité, v. 3t).") et
suiv. ; puis Agamemnon lui même déclare (juTIv-sse révélera à l'armée : S. KctX-
Xaç Qéocpai' éEriYn^aTo, Kâ|u' diç ûirëOTriv 60|ua kùt' éijjeub6|Liriv (v. K9 rjîW).
('') V. 94 et suiv. : Aganienmoii paraît considérer qu'après avoii- reçu l'oracle,
il aurait pu congédier l'armée sans aucune exiilication.
('■) Légende de la lille d'Aristodémos : cf. Pmsamvs, IV. 9, 4. L'oracle
<leinandc une lillc des Aipylides, tirée au .sort, |inis ajoute ; )^v bè acpaXfiTe,
■Kaiirap' àWoiou Tôxe Gùeiv, bibôvToç éç aqpoYnv éKouaûuç. Le sacrifice de
la fille d Aristodémos |)araîl avoii- été- le sujet d'une tragédie; cf. lîcr. EL
■arecr/ties, 191."), |>. :2t.'L
C) V. 41-2 el suiv.
THÈME nv SACRIFICK 235
•contraire, dans les Phénicicimcs, Kréon, dès que Tirésias
lui révèle la volonté divine, s'est rebellé; mais il sait que
le peuple ne prendra nul souci de sa résistance et arra-
chera de ses bras son fils MénoikeusC).
Cette discussion n'était sans doute point oiseuse; en
posant le problème du droit de contrainte (pie la commu-
nauté large peut exercer sur le groupe restreint, elle situe à
un certain moment les légendes, ou du moins certains élé-
ments des légendes traitées par Euripide. Celle d'Alceste,
nous Taxons vu, s'éclaire suffisamment dans le cadre du
Yévoç Ici. de nouvelles données interviennent. DanslcYévoç
primitif, dans le clan solidaire, on ne peut imaginer une
l'évolte de l'individu contre la volonté du dieu, qui ne l'ait
•<pi'exprimer le besoin du groupe. Mais la cité s'est consti-
tuée par l'union des ^févr\ et, bien (pi'elle ait hérité en partie
■de l'attachement qui liait les membres au y^voç, il arrive
pourtant que le conflit se ])roduise entre le sentiment du
grou])e particulier et le sentiment collectif. Ce conflit se
résoudra-t-il par un compromis ou par la violence? La cité
recourt à l'un et l'autre moyen : elle paraît souvent prête
à agir rudement contre le représentant du groupe qui ne
se plierait pas aux intérêts de tous ; mais aussi elle décerne
l'éloge à celui qui ne l'oblige pas à recourir à une con-
trainte, devant quoi elle éprouve quelque scrupule ou
quelque inquiétude. Ainsi l'esprit de sacrifice est magnifié
au point de devenir une condition essentielle de la valeur
jiième du sacrifice.
La cité, qui a intégré les "jévr], magnifie res])rit de sacri-
fice du TÊVOç, non de l'individu. Mais on sait assez que la
cité, i)eu à peu, a émancipé l'individu par la dissociation
des Yévn en familles étroites, oîkoi('). Pourtant, ce n'est pas
seulement à la fa\ eur de cette évolution (pie le consentc-
(1) V. <)T() cl suiv.
(-') Sur celle évoliilidii, oiilic l'cliidc de (1. Glolz, .sijîiialéc ci-dcssiis. |». '2'2~,
voir L. (iKKNK.T. lîerhcrrlics sur />• (IcrelojipemeJil de la pensée juvidif/iie et
}itnyttle l'ji (.'mv ( l'nris, 1017). D:iiis Vlpliicfenic ù Aiilis. a|)p;u"nt déjà j'opposi-
liim des iiili'ivts de IoIkoç particulier d Vj^aïuciiiiKHi ;i ceux du y^voç d'>iit il
l'ail i)arlic avei' son IVci'c.
236 p. ROUSSEL
ment de rindi\idu ])reiKl une valeur particulière; un autre
élément intervient, qu'Euripide lui-niénie nous permet de
reconnaître
Dans les Phéniciennes, à la volonté défaillante du i)ère
se substitue celle du fils qui mourra i»our Thèbes; dans-
Ylphigénic :) Aiilis, le consentement d'Agamemnon ne
satisfait point, tant que sa fille ne l'a ]>oint ratifié; enfin
dans les Iléraklides, Makaria, d'elle même, s'offre pour
assurer la victoire. En cet épisode où elle apparaît, Euri-
pide a dressé devant nos yeux, avec une saisissante préci-
sion, la figure du i>hiirmnkos volontaire.
Quand la jeune fille a déclaré sa résolution, entre elle et
lolas, impuissant protecteur des Héraklides, s'engage un
dialogue lourd de sens (^). Puisque l'oracle n'a point
spécifié la victime, le vieillard estime que le pi'océdé le
plus juste serait de -tirer au sort entre toutes les filles
d'Héraklès. Et en effet, le tirage au sort n'est-il pas con-
sidéré comme un appel à la volonté divine qu'il manifeste?
Makaria ne l'entend point ainsi : le sort, c'est la contrainte;
il n'3' a nul mérite à mourir si le hasard en décide. Mais si
l'on peut voir là comme une protestation consciente contre
un procédé traditionnel (~i, voici, dans la suite du dialogue,
un retour à des croyances traditionnelles : « Ma fille, dit
lolas, je ne t'ordonne ni te défends de mourir ». Et Makaria
qui l'entend à demi-mots, lui réplique : (( Tu parles sage-
ment; ne crains pas que la souillui'e retombe sur ta tète;
mais c'est volontairement que je meurs ». La doctrine est
ainsi nettement foi-mulée, et on la ])eut retrouver dans
ÏJphigcnieà AulisÇ-^) : le consentement de la victime libère
de toute souillure ceux (pii la sacrifient.
(') V. 5.i!l cl siiiv. — On srliimic (|iii' .lnli;iiiii:i Sclimill, op. hiiiil.. \k 'ri.
voie dans <•!• dialogin- snilcniciil « <his rrUirdicroédc Miniir/il <> i|ii'rll(' (Ic'cinivi'c
« m (illcri Dpi'()fio/iss:e/im ».
('-') Il est possible, connue le veut 11. Wk.m., Etudes sur le drinue (iiilique.
|>. 1:28, (|ue le tirapo au sort ait «'•li' « conlornicà rancienne version de la fable»,
.le donle, en elîel, im"Kni'i|iide ail inv(»nlé de loule pièce l'épisode de Makaria,
comme le veni encore .lolianna Sclimitl. p. Si el sniv. — .Noions (juc hlyleni
nesU'C aussi indi(|ni' le lirage au sort connue le procédé le plus jiisle {Ipli.
Au/., V. 1197 et suiv.); en sa passion, elle oublie (piArlémis a désif^né I»
victime.
(3) Cf. Mev. Et. Crectiiirs, 101."). p. "2(7 el suiv.
THKME ni' SAC.KIFir.K 237
Or. c'ctto doctrine nost point propre à Euripide : elle a
des ;ilt:K'hes lointaines (* ). Rai)pr()olions-en d'abord un
prineipe dn droit atticpie : on ne peut poursuivre un meur-
tier, quand, avant de succomber, la victime lui a accordé
son pai-don (-). FA ce i)rincipe, vivant dans les consciences,
Euripide aussi le fait intervenir à la fin de son Ilippolytc :
par une déclaration solennelle, le fils qui meurt du fait de
son père, l'absout du meurtre (3), le libère et le décharge
de la souillure du sang- répandu. En l'un et l'autre cas, il y
a une conception identi<pie : nul esprit courroucé, nul
démon vengeur ne sera déchaîné contre les survivants par
la victime résignée, celle qui accepte le sacrifice ou celle
qui pai'donne le meurtre.
L'assimilation n'est ni arbitraire ni scandaleuse. On a
reconnu depuis longtemps que le sacrifice rituel impliquait
une étrange ambiguïté (^). La mise à mort de la victime
apparaît comme un véritable crime, et mille restes de cette
croyance ont survécu. Le sacrifice humain a à peu près
disparu dans la (xrèce classique Pourtant, à une époque
tardive, on sacrifiait encore un enfant à Zeus Lykaios,
€n Arcadie^-^). Le sacrificateur, après avoir accompli le
meurtre rituel, quittait son vêtement, traversait à la nage
un lac et fuyait dans la solitude où il menait, neuf années
durant, la \ ie errante d'un loup : il expiait.
Cette expiation n'a pas été introduite après coup, quand
le sacrifice d'un être humain i)arut abominable, encore que
commandé par la religion (6). La conscience primitive ne
trace pas une ligne de di'marcation nette entre deux caté-
gories de créatures : l'homme et l'animal. Et, lorsqu'il s'agit
du sacrifice d'un animal, les rites qui précèdent, accom-
pagnent et suivent l'immolation, révèlent assez le trouble
(1) Il n'est pas ino|)poi'luii dindiciut^i" '<'• "|'"' i*' ""nsidt're lidt'o de la
souillure coiiime très ancienne en (îrece. et non point, ainsi (jue l'estime encore
G. (îlot/., citnune introdHite, à une époijuc^ relativement tardive, jiar i.i reli-
gion apollinienne ; cf. ('■f.knk.t, p. -IVA et sniv.
(2) Gi.oTZ, p. 6V); Geknkt. p. 143 et, du même auteur, Platon. Lois, livre \.
Irad. et commentaire (Paris, IÎM7), p. 13!), note 1"21, et p. I iO. note 1:27.
(3) V. 1447 el su'v.
{*) Cf. J. H.vKKisoN, Proleyo)nenii, p. 113.
('') Sohwen.n;, p. iO el suiv.
(6) Hypothèse de Gm i-i-h;, Crierh. Mj/Hn,/.. p. !»l!t.
238 p. RorssKL
émoi des consciences : « On s'excusait de l'acte qu'on allait
accomplii-, on gémissait de la mort de la bête, on la pleurait
comme un parent. On lui demandait i)ardon avant de la
Irappei"... Sous l'influence des mêmes idées, il ari-ivait que
l'auteur du meurtre était puni; on le frappait ou on
l'exilait. A Athènes, le prêtre du sacrifice des Boiiphoiiia
s'enfuyait en jetant sa hache; tous ceux qui av^aient pris
part au sacrifice étaient cités au Prytancion ; ils rejetaient
la faute les uns sur les autres ; finalement on condamnait
le couteau, ([ui était jeté à la mer. Les purifications que
devait subir le sacrificateur après le sacrifice ressem-
blaient d'ailleurs à l'expiation du criminel »(').
On conçoit, dès lors, que le consentement de la victime,
libérant de toute crainte les participants du sacrifice, ait
été désiré et sollicité. A Kos, le bœuf, offert à Zeus Polieus,
se présentait de lui-même à l'autel (-); à Argos, la chèvre,
offerte à liera, grattant le sol de sa patte, déterrait le
couteau qu'on y avait caché et manifestait ainsi son appétit
de sacrifice (•*). Mais Plutarque a formulé la thèse géné-
rale ("*) : (c Les anciens étaient si respectueux de tout être
vivant qu'ils ne se sont résignés à sacrifier des animaux
que sur l'ordre exprès de Del])hes ; encore l'ont-ils fait avec
une sorte d'épouvante (TapaTTÔ|uevoi Kai beiinaivovieç), et,
maintenant encore, on n'égorge nul animal avant qu'en
baissant la tête sous une libation d'eau pure, il ait adhéré
par ce signe au sort qu'on lui léserve )). L'interprétation
du rite peut être arbitraire et fausse (''); elle n'appartient
{^) H. HlBEKT et M. Mai:ss, Essai sur la nalmc cl Ut foiatimi du snrri/ice.
(Melanf/es d'histoire des religions, 190!)), p. -l()-47.
(-) Cf. M. P. Nii.ssoN, Griechische Feste, p. 17; .1. ll\itms(i.N, Tlir)nis, p. lo"}.
(3) Nii.ssoN, p. 58.
{*) Quaest. conr. Vlll, 8, 3; cl', sdiol. ;i(l Aristonli., Par., v. !)()(l ; l»lut.,
lie defecln orar., itî; scliol. ad Apitlloii. IJIiod., I, v. 42.').
(^) Fkazek, T/ie inaffiv art (Golden IioH</h'^, t. I), p. 88i, noie 7, i rnil tjuc la
viclinie devait iiianifeslcr par un sij;iu; ou iiii nTnibloiiicnt ([u'cllf »'tait coinine
saisie par l'esprit sacré. — .l'ai laissé de cote le cas du Ixeiil saciilie aux Bou-
plionia d'Allieiies : les forains que Ion déposait sui' l'autel étaient-ils destinés
à l'attirer alin «ju'il parùl se |)résonlor librement, ou à lui donner un caractère
sacré par le fait même (|u'il les avait consommés (cf. Ma>nhaki>t, Mytholog.
Forsrli , p. .")8 et suiv.)':' Les rites complexes des Boiiphonia prêtent à multiples
discussions. Aussi bien, ce (jui nous intéresse; ici, c est moins le sens réel
des rites (|iu' le-, iiilerpn'-tatioiis «lui de lionne heure en ont clé données.
THÈME Di: SACHIFICK 23î^
})as à Plutarque, mais elle s'accorde avec des seutiments
très anciens, qu'il a excellemment traduits.
Lorsqu'un être humain jouait le lôle de \ictiiiie, l'inten-
sité de ces seutiments devait s'accroître singulièrement (').
La communauté, qui sacrifie un des siens, souvent dans un
mouvement passionnel où elle croit reconnaîtie une force
extérieure et supérieure qui la dirige, s'inflige une i)riva-
tion et une souffrance; elle éprouve comme un remords.
L'idée de souillure n'est que la traduction matérielle et en
quelque sorte physique de la l'éaction éprouvée par le
groupe, une fois l'acte accompli. Sou sentiment d'inquié-
tude s'incaïue eu cet esprit vengeur du mort, que l'on a
déchaîné et qui peut causer mille maux. Mais si par avance
on a su l'apaiser, si, par des flatteries et des cajoleries, on
a enchaîné son courroux, si, eu un mot, son consentement
est acquis, le sacrifice produira tous les heureux effets
qu'on en attend sans aucune des conséquences funestes
(pi'on peut toujours redouter. Iphigénie, mourant inaj^ai-
sée, en dé]>it du bâillon qui, sur sa bouche, arrête la malé-
diction, fra])pera i)eut-èti-(' les auteurs res])onsables de sa
mort (2), Toute horreur disparaît et toute crainte s'efface
quand elle annonce à tous sa libre décision; la déesse lui
substitut^ uiu.^ auti'e victime et le sacrifice (hnient une
source de bénédictions (■*).
Les vents agitent Tair «Flieuroux frémissoTnents
Et la mer leur répond i)ar ses nnigissemeiits (*).
*
^ *
Telle est roriginc du prix attache au consentement de
la victime. Il n'y a ])as là ])ure création poétique, non plus
que ])ur ])roduit de la réflexion moi-ale. On saisit encore
dans les vers d'Kuripide l'eeho d'uni^ croyance ancienne
dont la conscience p()])ulaire avait consei'vé la forte
empreinte.
(*) HritEHT et Mviss, p. 12 et note 'i.
(-) Voir le eliarit saisissant du clifpur dans VAyiinieiunon dKscliyle, v. !23.')
et suiv.
(■^) La lin de la pièce d'Kiuipide nous est niallieureusement transmise de
suspecte manière.
(*) Racine, Iphif/dnie en Aulide, acte V. sct-nc VI.
240 p. ROUSSEL
Aussi bien tout le thème du sacrifice volontaiie, tel
qu'Euripide l'a traité, nous est-il ai)])aru, sous ses <Iiverses
formes, comme i^rofondément engagé dans le passé. L'ima-
gination du poèt(^ s'exerce dans certains cadres, travaille
sur certaines données qu'il respecte et qu'il vivifie.
N'accepte-t-il pas la donnée primordiale, l'arbitraire
volonté d'une puissance surnaturelle qui nécessite ces
nobles dévouements? A l'ordinaire, il n'est pas ménager
de ses critiques envers les dieux ; dans les pièces que nous
avons examinées, si i)arfois un blâme api)araît, bien vite il
est étouffé (^). L'identité s'établit naturellement entre le
vouloir du dieu et le besoin commun Dans les Phéni-
ciennes, quand Tirésias préi)are Kréon à la nécessité du
sacrifiée qu'il demandera de lui, le premier mot qui
s'échappe de sa bouche, c'est que le pays souffre (vo(Teî)(^).
Ce n'est pas une simple métaphore : la souffrance du pays
appelh^ le phnrmakos, l'homme dont les veines recèlent
comme un baume de guérison et de salut.
Sous ces termes, nous apercevons le sentiment antique
de l'efficacité du sacrifice^ pour la conservation de la vie
sociale. Euripide est pénétré de ce sentiment, et l'a traduit
magnifiquement dans son cxnivre, qui vaut ainsi i)our tous
les temps. Car il a su traiter un de ces thèmes qui émeu-
vent le plus vivement les profondeurs de la conscience
humaine. Dans toutes les périodes de grandes crises,
l'utilité pratique du dévouement total de l'individu à la
communauté ne se traduit-il pas par le sentiment mystique
de la valeur expiatoire et propitiatoire du sang librement
répandu?
P. ROUSSKL.
(*) Par exemple dans les Hértiklides, v. t:2o-i26 : timide (jueslidii du elid'ur.
Dans la première |)arlie de Vlpldgvnie à Aiilis, on voit poindre le conflit entre
la religion el riiumanité ; mais la péripétie de la pièce l'efface entièrement.
('-) V. H67. — L'expression se retrouve chez Eui'ipide (Hvrakfrs, v. 3i), chez
les historiens et les orateurs pour qualifier un(> ville que déchirent les luttes
civiles.
Le nom de lieu gaulois
CAMBOS, «La Courbe»
Au complément de son Altceltiacher Sprachschat: (*),
Holdei" dérive de l'adjectif cambos, «courbe», pris substan-
tivement, un certain nombre de noms de Heu, situés tous
en pays germanique, entre autres Kamp (Haute- Autriche),
Kani (Bavière), qui est Kanib en 1040 et (]hambe en 1094,
Kamp (Bas-Rliin, dans une boucle du llhini, qui est Cambo
en IO80. On voit par le dernier exemple que Holder admet
que la désignation Cambos a pu être choisie pour dénom-
mer un lieu habité situé à la courbe d'un fleuve ou d'une
rivière. Ce doit être là le cas le plus fréquent ; toutefois il
n'est pas exclu que quelque courbe d'une autre nature,
comme un coude dessiné par un chemin gaulois, ait pu être
parfois aussi la cause détermiiumte de la dénomination
Cambos.
On peut dire qu'en terre de langue française également
Cambos doit être à la base d'un certain nombre de dési-
gnations toponymiques et qu'il y a sans doute plus d'un
Champ(S) qui lui doit son origine, (^uoi qu'il en soit, voici,
à titre d'exemple, un cas de l'emploi de Cambos en terre
française, qui me paraît concluant.
Il y a dans le testament, en date de f)36, d'un diacre
nommé Grimo, de Longwy, une donation ainsi conçue :
<c Villa vero mea Chambo secta super Orto fluviolo,
(juantum jjortio mea continet, ad integrum omnia et ex
omnibus matriculi Choinse ecclesie in integro possi-
(') m. i():i!i.
242 p. MARCHOT
deant... » (*). Qu'il puisse s'agir dans ce passage d'un lieu;
tirant son nom du gaulois Cnmbos, malgré la graphie ch,.
c'est ce qui résulte de nombreuses analogies fournies
depuis 61 o par les dii)lômes mérovingiens, telles que
Charisago = Carisiacum, Chaciaco =■- Cassiacum (-).
Comme il n'y a, sur le cours de l'Ourtlie, aucune espèce de
localité, ni commune, ni dépendance de commune ou;
hameau, ni même partie ou section de localité, du nom de
(Ihamp(s), il faudrait bien admettre que la villa Chambo
du temps mérovingien eût disparu sans laisser de traces,
si l'on ne s'avisait qu'il y a de l'expression «super Orto
fluviolo» une autre interprétation, qui conduit à une iden-
tification tout à fait satisfaisante de Chambo. Il faut bien
prendre garde que, dans le latin des clercs et des notaires
mérovingiens, une expression Orto fluviolo peut parfaite-
ment n'être que le cas ablatif de Orto fliiuioliis (le mot
Orto étant pris au datif), signifiant simplement : un «flu-
violus» (c'est-à dire un petit affluent) de l'Ourtlie. Voici de
nombreux exemples analogues pour l'emploi de datifs dans
cette fonction : dans les inscriptions chrétiennes de la
Gaule Ursiniano siibdiacono... ossa : dans une inscription
du VII* siècle Qui foerunt fili Magna ; dans les « Leges
Alamannorum » filiuui duci, iii curte ducii'') ; enfin, même
avec un simple nom de chose, primus fuit abbas inonasterio
nostro dans une inscription du VI^ siècle {"-).
Une villa (liambo sise sui' un affluent de l'Ourtlie n'est
pas difficile à identilier ; c'est le village de Champs (sec-
tion de la commune de Longchamps), situé à environ
quatre kilomètres au nord-ouest de Bastogne, sur un petit
affluent de l'Ourthe portant aujourd'hui le nom de ruisseau
de Rouette, du nom d'une des localités arrosées. Précisé-
ment, un peu plus avant dans son testament, le diacre
(•) Bf.vkk, l'rkiijKicjiliiicli :iir ('•c.ttinr/ilc lier Hcgicninff.ihi'zirlie Cohhnt: nnd
Trier, I, 7. L'exciiiplaii'c de la Bililiotlicquo Royale <'Xi)li(Hie C/ioi/isp. adjectif,
par Huy (dans une arinolatioii en iiiar^ic).
(") MKïKK-l.iiitkK, llislor. fnim. Gramm., ^ 103.
{') BontciK/,, Kkhn. de linf/iiisl. romane, ^ 228.
C) Kxoniiilc pris à liiti not, llist. de lu langue franc 1, 91, et (ju'a bien
vdiilii iiH' cuiiiimiiiiciiM'r M. le professeni' Cli. Hruneau (Nancy), à qui j'ai
liiil pail de inuii inlciiin'latimi de "villa C/iaudion.
GAULOIS *CAMBOS 243
Grimo en vient à parler de ses biens qui sont situés à
Bastogne, Quant an village de Champs, son existence nous
est attestée au moins pour l'époque romaine par un
tumulus (^). En ce qui concerne l'interprétation môme de
fliwioliis par «ruisseau, petit cours d'eau», elle est aj^puyée
efficacement par le fait que jamais dans les documents du
haut moyen âge l'Oarthe n'est qualifiée de fluoioliis. C'est,
comme on sait, une rivière importante, ayant un cours très
étendu, navigable dans le dernier tiers. Voici comment
parlent de l'Ourthe les documents les plus anciens : in
fluvinm Ortc (895), sicut fliimen Urta surgit (870), jiixta
fluviiim Urta (893) (-). Son nom le plus ancien est bien
Urtiis, et non pas Urta, car elle est formée de deux bran-
ches (dites Ourthe occidentale et orientale), à la source de
chacune desquelles se trouve un village du nom de ()iirt(h)
(prononcé Our). L'analogie à d'autres noms féminins de
rivières aura fait changer le mot de genre.
Dans sa Frontière linguistique en Belgique, Kurth s'est
occupé le premier de la villa (Ihambo citée dans le testa-
ment de Grimo et a tenté de Chambo la première explica-
tion et l'identification. C'est un mot à «ph^^sionomie
celtique bien prononcée» (•^), qui ne peut désigner rien
autre que la commune de (Grand et Petit) Han sur
rOurthe dans le nord de la province de Luxembourg.
Kurth admet donc implicitement que Chambo serait un
celtique *IIambo inconnu du reste par ailleurs), qu'un
scribe mérovingien aurait écrit avec ch, par une sorte de
licence imputable aux traditions de l'orthographe franque;
comp. le bas latin ('hlodovechus pour le franc Illubawig^
etc.. En outre, Kurth ("*) fait de Chambo l'ancêtre de tous
les Ilan, Ilam, qui sont nombreux en territoire wallon, et,
surfaisant étrangement l'obscur vocable, il en fait aussi
l'ancêtre de tous les noms de lieu finissant en -han, qui
sont légion (par ex. : Bohan, Dohan, Poupchan, etc., sur la
Semois, où de prime abord poui'tant se reconnaît un nom
d'homme germanique Bodo, Dodo, Popjto, qui se serait donc
(') Annales (h llnslitut unlirol. (hi Litxemh.^ XXXIV, \\i.
('') Roi, AMI, Toponymie Naininoise, I, l.'iS-O.
(•^) Front, linyiilst., I, i64 et i(36.
(•») Op. vit., 1, 257.
244 p. MARCHOT
accolé bizarrement à un thème celtique ; pour cela, natu-
rellement, il eût fallu de toute nécessité que "Ilambo vécût
encore, comme appellatif à sens bien déterminé, en latin
vulgaire à l'époque des invasions franques).
L'opinion de Kurth est i^arvenue à faire illusion aux
toponymistes et aux romanistes, qui, après lui, ont étudié
les noms Han (et Hum) et les noms finissant par le suffixe
-han. Feller (M, qui a consacré, en 1912, à la question un
copieux mémoire, de valeur inégale, mais important par
la somme de matériaux acccumulés, n'arrive à se libérer
qu'imparfaitement de l'opinion de Kurth. Il pense bien à
un mot germanique qui signifie «courbure, incurvation)),
mais il ne sait pas rejeter délibérément Chambo, dans
lequel il voit le radical celtique camh-, «courbure)). Il ne
s'exprime pas bien catégoriquement ; on croit deviner qu'il
admettrait volontiers un celtique camb- influencé par le
germanique. Il croit, comme Kurth, que la finale topony-
mique -han (Bohan, etc j est, employée comme suffixe, le
même vocable que les Han et les Ham. L'année suivante,
en 1913, Ch. Bruneau, dans sa Limite des dialectes (~),
croit toujours que pour (Grand et Petit) Han «la forme
Chambo est attestée en 636)) et que tous les Han et Ham
viennent de r«énigmatique)) Chambo, mais il rejette ce
Chambo pour le suffixe -han et il démontre de façon con-
vaincante que ce dernier n'est autre que le germ. haim
{ail. mod. heim) (■').
Quant à la question des Han ou Ham, employés absolu-
ment, elle n'est pas encore résolue et elle demanderait,
naturellement, une étude à j)art. Il est à remarquer que le
mot germanique qui rendrait compte de Han Ham est en
ancien haut allemand hamma, de genre féminin (mod.
hammei, en moyen néerlandais hammc, aussi féminin, ce
qui postule un franc * hamma, féminin, lequel n'aurait pu
donner que des Hame. On ne pourrait non plus invoquer
un pluriel hammiin, car, en ce cas, parmi un si grand
nombre de désignations toponymiques, il se rencontrerait
(*) liiilletin (te lu Socic'lv vervicUtise d'arcltrol. et fllnstoirr, XI.
(^) P. 81.
e) p. 80-83.
(iAPLOIS *CAMBOS 245
bien quelques singuliers Hame. Des diminutifs toponymi-
ques de Hun Ilam et les formes anciennes indiquent un m
étymologique. L'aspiration, à l'initiale, plaide, évidem
ment, d'une faron assez catégorique, pour une origine
germanique ; pas d'une fa(;on absolue toutefois, les celtistes
n'excluant pas la possibilité de l'existence de h aspiré en
gaulois.
Dans le grand nombre des Bun, il en est assurément
une certaine (xuantité, tardifs, qui remontent, comme le
suff. -han, au germani(iue haim, ulogis, demeure» ; ce
sont des hameaux, (juai'tiers, sections, écarts, voiie des
lieux-dits sans doute déjà habités. Pour les autres, je sup-
poserais un belgo-gaulois *hainin()s « masure, baraque »,
ada])tation, à portée péjorative, du germ. haim.
Paul Marchot.
Les diminutifs de noms propres
de lieux.
Lorsqu'on cxiiuiinc une carte détaillée tl'uue région de
l'Eiirojx' occidentale, on y l'eniai'qiie de nombreux noni>
propres de lieux à forme diminutive : tantôt ils sont isoles,
tantôt ils sont ()i)posés au nom simi)le désignant un lieu
voisin.
Les diminutifs isolés sont de trois es])èces :
l'' Le.s- nomft communs devenus noms de lieux : Coutu-
relle , Espinette, Hospitalei, Montreux, Mouligneiiu,
Huent je, Ileiken, Meuleken (^).
2° Les noms de cours d'enu devenus noms de lieux. Nous
n'avons i-enconti'é ([u'un exemjde sûi* de ce geni-e de dimi-
nutifs : c'est le nom ancien d'un faubourg de la ville de
Namur {^}.
(') Voir aussi M. d'Akiiois de Ji baiwii.i.k, Rerlierrlies, S2I. ([iii citf (l<*s cas
:anciens : F«i'er«//e.v-la-Caiii|iagiio, Eure, t)90 Favariolas; etr.
(2) l:24o in .N'aiimco in vico qui dicilur Hoyolus. Roland, Tujk Mdin., loi ;
l:2ol cxU'a portain in Hoylo juxla fossatuni tirniilatis ville Namucensis.
Harbier, Gcronsitrt, 'liH ; t^îM as foni'bos do Namur. ron disl en Haioiiiel.
Cart. tSconiir, I, I iO. Le nom de ee faubourg est emprunté au ruisseau (jui le
traverse, le Hoyonl, Hoiii/oiil ou Hniii/on.r, aflluent de la Meuse ii Namur. Ce
ruisseau ajiparaît aneiennement sous les formes suivantes : 1291 rivum de
Houjoul; 13:2;} son moidin (jui siet sour Huyoïd ; 1402 Houyoul. Hoyoul;
1168 Hoyoux, llol., I.'il ; I tSli les eauvesde Hoioul, Ann. Soc. arch. A'., IV, ioG.
Le même nom désignait une porte de l'enceinte de la Ville. - Trois localités
ont porte le nom sim|)le de //«//, (lu'elies ont évidemment emprunté au ruis-
seau. Ce sont : Sni/it-Marti/i (Lmines N), jadis Snint-Mitr/in-llii(/list\ [lin/lisc, et
pi'imitivemeiit Hnti-I' Église ; Huii-IcCmirt . nom disparu désignant un lieu
voisin du précédent; et Hnlpliinr/w (Kmines .Ni. jadis lliti/ le-planviie. Deux de
ces localités, probalilenicnt la pi-cniicre et la dernière, purtenl au xni« siècle
•un nom légèrement diffcreni : 1218 in lloio magno... in lloio parvo, Roi., lio.
248 A. VINCENT
3" Les noms de lieux simples transformés, à un certuin
moment, en diminutifs (^). Ils sont assez rares (2).
Les gr()U])es formes du simple et du diminutif sont di;
deux es])èees :
1" Le diminutif et le simple sont deux noms communs
devenus noms de lieux; c'est -à-dii-e que l'idée dimiiiutive
al'feele le sens etymoloj;i(]ue :
Monl-sur-Murehienne, 11. et Moncenu-sur-Snmbre, H. ;
Fraire, X. et Fuiront (Fniire, N.) (ferraria) ; Heide (Lub-
beek, H ) et Heideken (ibid ) (^).
Ces couples sont assez rares; ils sont j)arfois difficiles à
<listiiiguer de res])èce suivante.
2" Le diminutif est dérivé du nom simple en tant que
nom propre de lieu; c'est-à-dire que l'idée dimimitive
ex])i'imée j)ar le suffixe n'affecte j)as le sens étymologique;
Vauclusotie signifie exactement <c petite Vaucluse )>, et
rien de ])lus. Dans ce cas, nous connaissons donc comi)lè-
tenient le sens (\u diminutif, même si celui du simple nous
est inconnu (*).
Ces eou])les renti-ent dans l'immense catégorie, encoi-e
(') J.c pliciKdiièiio se produil aussi dans les iiuius de cours d'eau.
C^) Citons les suivants : A r^oy*/es Somme, 797 Argubium, tl2."> Arguvium,
1298 Argouves, ti92 Arjioules, Mcm. Soc. Antiq. Pic, 3« s. I, 39-iO; Braibe-
teaii (Eprave N) 747 Brabante, 7")l-7()8 Brat^bante, 802 Hragbanle, v. llOi
Braibentel lier. cit. Stor. Malin., I; Ihirct (Tavignv Lux), 891 Banis, phis tard
Bœur, ilrld.; ÉraussinesiVEnQÏneix cl Kriiussines-\.n\nmg H.,7.j1 Scaneia Duv.,
Hecti., 1181-118.') altare de Seasines, Ana/cctes, V, xu« siècle, Scalcinae (lisl. ;
llamptedii (()|iiieylissem Bi, 1011 llanips, 1032 Ham, xv» Hamnie, 1219 Hani-
leal, ïailier et Wauters, 1371 Hammelay Cuv. />('«. 13 ; Lincheux Somme,
100.'), Linigeium, 1119 Linchuei, 1.')(I7 Ijiiclioel, Mém. Soc. Ant. Pic, .3« s., I,
.'')17; Longnevillrfli' Somme, 1088 Longavilla, 12()5 Loiigevilia, 13.'jl J>ongue-
villette, iliid. oi; le nom simple se retrouve encore en 1372 et en 1492; puis
le diminutif rester seul en usage; ManheuUes Meuse, 973 Mainliodoro,
1 i:)7 Manhure, H542 Mainhuel, LiiMiard, Uicl. top. M, 1 10; V/fAp/(^^(l$ossières^),
1211 Vissigni, 1219 Vissegni, Berliere Wo««s/., I, 118.
(^) Voir aussi i)"Aiutois, Herli., ."521, pour Aclti-rr.s (Theuiy, Kure et Loir)
rx' .Apiarias, et .\cherolles (ihid.) ix« Apiarolas.
(*) Appartiennent vr.iisemhlablenMMit à <-elte classe les noms en -oIk.i cités
par iiAitiiuis, /icr/(., .")21, et ijuil croit dérivés <lirectement d'ini gentilice ou
d'un cognomen en -lus : Queirolcs (^oriège. 917 C.airolus « *C,ari(dus), de
Karins; A/rtro//es-sur-Seine S et M. 78(; Madriolas, 829 Matriolas, de Matrius;
Mequeruil Indre-et-Loire, 808 Meicuriolus, de Meicurius, Xnlen.^ollc B.-Alp.^
v Valenliola, de Valenlius.
DIMINUTIFS DE NOMS DK LIEUX 249
peu ('tiulice, des groiijx's de noms pi-oprcs de lieux sem-
blables dont l'un au moins est affccti' d'une (b'termina-
tion (!)•
Souxent, la j^randcur relatixc des localilc's homonymes
est indiquc'c ])ar un adjectif, petit, f>r:iiul, etc. (2).
L'im])<)rtanee relative des deux localités foi-mant uu
couj)le a j)arfois été renversée de|)uis r('po(|ue où a été
ad()])1é le nom diminutif (^).
Ajoutons que les cours d'eau j)r(''sentent de nombreux
couples i\u ty])e qui nous occu])e, le diminutif d(''si<;nant
presque toujours un affluent, mais i)arfois aussi un cours
d'eau voisin de celui qui i)orte le nom simple ('').
Les din)inutifs de nonis pi'opres de lieux ne sont qu'un
ij;r()U])e dans la catégorie imi)oi'tante des to])onymes foi-més
sur d'autres t()])<)nyines. Il im])orte, dans l'étude de la topo-
nomastique d'une région donnée, de recounaître et de
metti'c à ])art les noms de ce genre; on évitera ainsi les
erreurs commises jadis, (piand on em])loyait la nu'thode
<l(''fectueuse consistant à ('tudier les noms de lieux isolé-
(*) Voyez Ak;. Vincent. Les (Icloniiinatifs (l(;s iioiiis |ii-()[n-('s cli' lion sciii
I)l;ibIo.s (IhtUelhi pliiloloiiifjv- ri /lislorif/ifc, I, li)2(l, 17-^0).
(-) Dans boaiu'oiip dt' cas du reste, le (iiiiiiiiiilif allenie avec l'expression
en adjectif f(iuivaleiile : Si'ressla (Forville >', Ii2l}l Serencial. Roi. 18(5, cité
avec Srron (Forville N) en I li9 : di> niajori et niinori Seron Mir.-Fopp.,
(11335; Te/nn// (Tellin Lux.), 1-2(U Telineal, C//. Saint-llnberi, llSi Parvuni
Tellin, ihiil.x Marrinclle H. 8t)8-8C9 Marcianis, Duv., Rech., 301, 10!H Marcinel
HCRIl, rif s.. IV, 18<)i, 173, ii41-l'2ii Marcenieles, ibid.,L\\\\\, 19-2, 123!
Marchines les Petites C. Suinl-lAunherf , I; Jauchchtte R. Il7i Jawclie-
Iciie. Tarlier-Waulers, C. .lad., (>!, 1220 de Jacea niinori liCRH, {<■ s., VIII, .338:
.1/V;a// (Neufciiàteaii^lez-Vise Lg) diniinulil' de Airhiv, osl traduit imi tlainaiid.
en I i!((î, par Clexn Lllien Lcodiiim. Vil.
(^) C'est ainsi (jue Pcssesur n'est plus aujourd'hui (|u'un hameau de l'cssoux N,
1312 Pesesson, Holand, 33!); hannctli) n'est plustpi'un hameau de Doniielletlo.
Novare, Italie; de mcme, on liduvi' au xiv siècle, .Vncliy deles .Vucliel,
de Loisne, blrl., lop. Pas-dc-Caliti.f, I!» f.l//cAi/-an-Bois, P. de C, et Auchel,
P. de C).
{*) 11 existe même nn groupe formé d'un nom propre de région et dvi
diminutif correspondant : \g Fezeiizac, l'ancien Fidentimus payusAWvs., et le
Feienzaç/iict, petit « |)a\s » de ("■a.scogne, Gers.
SôO A. VINCKNT
ment (*). Ces eii'ciirs sont du reste ('X]>lic'ables, car Irvolu-
tion (lu siin])l(' et du diM-Ivi' en fait souvent des noms fort
iliffcicnts d'asijeet, ainsi qu'on le veri-a en examinant les
couples étudiés ci-dessous (*)
Les diminutifs de noms ])roi)res de lieux sont une forma-
tion essentiellement romane; dans les régions germa-
niques, leui- rareté est frappante. Poui- la Belgique fla-
mande, nous ne ])Ouvons en citer avec cei'titude ([ue deux,
inusités du reste aujourd'hui {^).
Dans les i)ays de langue allemande, il existe quelques
diminutifs de noms ])roi)res de lieux, tous d'oi'igine récente
])robablement; mentionnons /^er/z'/ir/jen et Berlin, Prusse,
(*j C'est ainsi (juc Warisunl-r N, 1272 Wnrisiiel, Annlecles, '.'^s.. Il, i2i5,
diminutif de nVrreMa-Ciianssée N, v. 13i3 Wares le cliaciiic, lionnans, Fiefs i>'.,
52. a été pris pour un « wai'écliaix », Aîifi. Soc. arrh. N., IV, ISo-o, 234 stj.;
Kurtli, Front, liny.. 38(3. classe Doireaii (Grez-I)oieeau B) xu'' Dueneel Tariier-
Wauters, C. Wuvre. 221, (limiiuilit' de i*>o//-le Val B., dans les noms germa-
niques en -zete, en exprimant dailleiirs son hésitation. Certaines formes
bizarres que Ion trouve dans les anciens documents résultent aussi d'erreurs
dans l'interprétation de diminutifs de noms de lieux. Domvosfel. localité
disparue à Domvast, Somme (ilil Domnus Vedaslus = « Saint- Vaàst », Mém.
Soc. Antiq. Pic, 3^8., 1, 298) est appelé en 1114 Domnus Vedastellus, ilticl.
3* s., IV, 1 W. — ^cdoncliel P. de C , 1179 Xiedoncel, diminutif en -cellus de
Kedon P. deC, H76Niedon, est traduit en 1072 par Nedonis cella de Loisne,
Dict /'. de C. 272. — Ban'onsel Nd, 1093 Bantoselio .Mamiiei-, 2t)0, diminutif
<le Banteiix Nd, est en 109.'> Bantulli curtis, Mannier, 2lj0; le rédacteur de
l'acte y a don(; vu *Bantulf-zele. — liiirsin I Vaud. 1139 Hrucines Jaccard, "JS.
dimimitif en -ellns de Unrsins Vaud, v. 1000 Hiucins Jaccard, .j9, est en
102t)-1032 Hruciniaco Romania WXVli, 31, mauvaise inlerprétalion de la
forme vulgaire, dont 1'/ final est tond)é de bonne heure. — De même, Co?t-
nantraïf Marne, 1131-1142 Conantrel, diminutif de Conimiitre Marne, 1131
Conantrium, Limgnon, Z>ù/. M^r/if, 72, a été confondu, au xvuie siècle, av(>c
les noms gallo-romains en -luuui ; du reste, le scribe ne dissinude aucune
doiniée du problème: 17.>jConantriacuni, alias Conantrel! uni, vulgo ConanU'ay,
Longnon, 72.
(') Voyez aussi .Kic. Vincf.m . tju('l(|ucs diniiinilirs de noms de lieu >Mc/(ni(/es
Camille de horman..., Liège, I91Î), p. r)49-.'w8), où sont e\|)li(pic> dix dimi-
nutifs de la Helgi(]ue (trienlale.
(•*) Pi'deSaintc-Gertnide (Schepdacl H) est, au xv s., Bedeken, llijdrofiin.
IX''. par opposition à l'ude-Sai/ilc-Atine (lUerbeek B) xv» S. .Vniiae l'e, iliid.:
d'autre pari, une localité non identiliée, empruntant le nom de l'EseauI, est
citée ainsi dans lespouillés; xiv® vScoIleke (=*Scelleke); xv'^Scelden Ueiisens,
Poiiilli-s, 102. On rencontre aussi, dans la Belgique flamande, quel(|ues rares
diminutifs de noms de c(turs d'eau.
DIMINUTIFS DE NOMS DE LIEUX 251
Oschiitzclien et Onchatz, Saxe, Skiiszrhcn et Sknss;t, Saxe,
Zermiittje et Zermaii, Valais.
C'est dans les ré<>ioiis romanes de l'Europe occidentale
que les diminutifs de noms de lieux abondent ivelleiuent.
Ils ne sont i)as rares en Italie (') ; ils ne sont ])as très rares
non i)lus en Espagne (^); mais c'est dans la région linguis-
tique française qu'ils sont les ])lus fréquents, et de beau-
coup; c'est d'elle que nous nous occuperons six'cialement
ici (3).
A quelle époque remontent les diminutifs de noms de
lieux de la région française? Il est généralement difficile
<le le dire d'une manière précise. On en voit encore se for-
mel' quelques-uns au xiv" et au xV siècle; la grosse majo-
rité existait déjà auxi*'; mais beaucoup sont sans doute
bien plus anciens, et ce t3'i)e toponomastique est assez
i'ourant dès l'c'poque romaine, dans toutes les i)ai'ties de
rEm])ire ("*).
(1) Citons FloroneUo (Fiano) (98i> Floraïuillo, Pieri, Toponomustica Scrr/iin)
et Fiano (8 17 Flojaiio, de * Floriannm) ; Gragnaiiella (('«asteinovo) et Griigrxntii
(Piazza al Sercliio) : Miglianello (Massarosa) cl Mif/li((no (Cainajore) ; Selthianella
(Barga) et I^'ehhitmo (Caniajoi'e) ; f'ojisunello (Garlai^iianu) el Pnnsano (Vil)-
biana) ; Veroneitu e{ Verona.
(-) Par exemple Anilares et An/hiritios, piuv. de Leôii: Canf(irljnl/(ts c\
Cant ri/tas (Ciiidad-R()drij;o, prov. i\v Salaiiiaii(|ne); C<tna}narcjot (Fiienles-
Claras) et Cttnamares, prov. de taienea; Conlolnlhi. prov. de Badajos, et Cor-
dolia, « Cordoue » : Tulavernelu et Tahtvcra la Vifja, prov. deCaeeres; Toral-
lola et Toralla, prov. de Lérida; TorrecuadradUla et Torrecnadrad • , prov.
de (inadalajara. — Le nom de Venezuela, « petite Venise », fut donné primi-
tivement .1 un village de la baie de .Maracaibo, qu'Ojeda et Aniéric Vespuce
avaient appelée, en 1 Wit, « golfe de Venise ».
(^) On ti-duve (jnelques diminutifs à forme romane dans des contrées
actuellement gerniani((nes. Dans le Sussex, à Litlleluimpton. I:27i llamptun.
1 iïtrî l.yttellianipton, sont opposés Faaiinvnpnett, 1:200 Kslliamptonet, i'^M'^
Esllianiplenet et ^yest/iampriel, h27i Hamptonel , 1278 Westliamconett 'R. <1.
RoitKKTs, T/ie placc-numea of Susse.r, llMit, (il, 171. 103;. Fn Braliant, a Coté
de Louvain B, 11. Luven, HHl Lovon, 801 Lovonniiun. xi» Lovanium, hurtli ■)0t),
se trouve Lovenjiml B, xr* Loviniel Mlili, &S, Vil. l.">0, 1183 Lovengiul.
BIjdragen, VII. 148.
(*) Exemples: Deolnlfpila It. Aiit.. a colé du simple Deohriga II. Ant.,
entre .Astorga et Pampelune, Fs|iagne; Flmentiiila Har., aujourd'hui Fiien-
zuola Italie, et Fhirenlia, II. AnI., Tali. Peut., aujiuird'luii Florertre. italien
Firenze. Masruliila, Nuiuidaruni ipii Masculula' habitant Cil. VII s. I')77."). el
Maaritla, en Nnmidie, nninicipium Mastulilanuni Cil. VllI \ll'2il; Miirsella,
dcf. m. MurseliMisium Cil. 111 s. 102i."{ Mursa minor llm., et Miirsa. an iioiii
■^O'^ A. VINCENT
Dans le doniaiiie français, le ('oui)le le i)lus ancien que
nous connaissions est ilu vi'' siècle : Otiana, localité dis-
parue à Martigny, Valais, 516 Actanis, Gremaud, Doc^
rcl. ù riust. (lu la/.. I, o; H78 Ottane, Jaccard 323; 1200
Otans, Gremaud, I, 140; 1269 Octans, ibid.. II. 140, et
Actiinclluin, auj. Vernayaz (Salvan, Valais). 516 Actunel-
luni (-= *Actanelluin), Gremaud, I, o; 1138 Atlionellum,
Ottonellum, 1732 Yerneya seu Octanez, .Jaccard 323.
On en trouve cites au viii' siècle : Mis.soul (My Lux)
770-779 Medolum, Roland. Orchimoni, 13, diminutif de
3/y Lux, 873 Médis, 11o7 Mies, Rcr. eh. Stiw.-Mnlm. (');
Ri^neux (Rouveroy H) 779 Hriniolo, 844 Ilriniolum. 1178
de Kenniolo, diminutif de (iniiul-Renf^ H., 770 Hrinio,
844 Hriniuni, 897 ville Ken, 1178 Grant R,eef>n, Duv., Rech.
On renconti'e i)oui' la i)remière fois au ix*" siècde : Pc^ai-
rolles, Héi'ault (l'une des deux localités de ce nom) 853 villa
Petrolianum (< *Petr()nianum) et Petronianellum ; 1110
castrum Pegairolas, E. Thomas. Divi. ioft. lier.. 141; le
nom sim])le de 855 n'est i)as identifié; (loiorcl. Aisne,
868-869 ('oi^vrel (forme modernisée^ ^^'aricllet. Lohbes, 193^
diminutif de doeuvrcs, Aisne, 868-869. Coviure, AVai'. 193,
1159 Cova, 1590 Ceuvres, Matton. Dirt lop. Aisne, 72;
Fk'iirjoux (L^leui'us, IL), ix" in \illa quae dicitur Fleder-
r\o]o BCRII. LXXVllI, 261; 868-^69 Fledelciolum, Duv.^
Rech., 310,1691 Fleurisoul. Laliaye-Radiguès 280; dimi-
initif de Flcurus H, 1U33 de Flerusio Berl.. Doc, 1,12;.
CuilhiWcL Aude, 870 Soloncllum \r- *Calavellumj, 1234
Calavellum. diminutif de (Inilhuii, Aude, 782 Callavum
villa, 870 ("alau, Sabartliès, Dicl. top. Au(h',V)D.
tl(? Belgrade, (Ici', cdl. Mms. CIL III 'MHH, Mtiisa civilas //. .\>il.. .Mm>;i iiKiior
Uav.; RomiiUt (ii" I), ;mliv nom de Uhjxilis = Scville, Ksiiagiie. li.')-IU) qui
RoimiUe negotiaiilui- CIL II I KJλ IGI-Ki!) civitatis lioiimlciisinm CIL II 1180;
Roiuitta (11" 2). en Dacie, aujouni'liui Heî-ka, Honniaiiic, -liH rolonia' sua*
Iluiniil., Dessau Itiscv. lai. .selecl., rilO: inunicipi lldniiilensiiini, ihid., iitio;
Suessula, dendr. Siiessul. CIL \ SIM, et Snessa. pirs de CaiKuic, Kalie,
193 in (îoioiiia Suessa, CIL, X, tTOO; Umila, civilas Iccnla, CIL. Mil. S. I i3Gi,
cl i'cuni major, en Afrique, res publica eolonia' Mariana' .\iij;iisla' Alexan-
driana' l Cliilanoriini iiiaioruni, CIL, Vil. S. l.'Ji'Ji.
(') La forme inndcrne ne dérive pas direclenient de Mciliihim, mais est
l'efaite sur Mica.
DIMINUTIFS DK NOMS DE LIEUX 253
("eux que nous xoyons se l'oriuer le plus lai<li\ eineiit
sont : .l/Ji,'7;/~r//r.s, Manie, MIT Anj^leduia, I llto Aiigli-
(lura; itl'ài Eugieurella Lon^non, iJicl. top. Marne, o,
(liniiiuitif {VAnf>liir(', Maine, 1128 Aiigluria, 1131 Angli-
tura, îjouiyuon. A; liurcclonncltc. lîasses-Ali)es, ville fon-
dée en 1231 i)ar le comte de ri-ovence Raymond Bérenger,
dont la famille était originaire di' Jiurcclonnc. Esi)ag'ne ;
Quilhincl (Hizanet, Aud(M, 7.S2 (^uilianum, 1189 Quilanum,
130!) (^uillianeto, 1318 (^uilliaïuim, Sabarthès, Dict top.
Aude, 3."')(), diniiiMitif de Quillun, Aude, 1145 (^uilliaiuini,
il)i(l.; I'^ni>ihoul (Eliein Lg), diminutif iVEn^-is Lg; au
milieu du xiii'' siècle encore, les deux localités sont homo-
nymes : 1232 inter Engeili \illam | Eiigis | quae est... sita
supt-r littus Mose versus castrum dictum (de Claromonle)..
risque ad aliam villam. que vocatui- Engeili [Engilioul],
Antilectes. 2^ s,, YII, 34o; le diminutif api)ai'aït au
XIV*' siècle : 1314 Kngiz... Engihoule, Livre fiefs Lg, 146,
147; Ai)i'>-iionet, Haute-Gar , bastide fondée au xiié' siècle
pai' Alphonse de Poitiers; Oiijonnet Hursinel, Vaud), nom
tiré de celui du couvent iVOiijon. Vaud, à qui ce village
fut donné en 1252 ])ar l'abbaye de Bonmont, Mai'tignier-
Crousaz, Dict. Vaud, 715; Mnrseillette, Aude, 993 Mas-
silia, 1178, Marsella, 12(59 Massilia, 1347 Masselheta,
1387 Masilia. 1395 Marselheta. Sabarthès. 228; oi)posé a
Marseille : \'ico<^nette (Yalenciennes, Nd), nom d'un refuge
de l'abbaye de Vieoi'>ne !Raismes,Nd); sa création, décidée
vers 1350, fut réalisée en i;j()8; 1404 Vicongnette, Soc. Et.
Prov. Cambrai, Bull. 1921, o'i; liarcillonnette. H. -Alpes,
1339 Harcelonia, 1478 Harccdoneta, 1492 Barcilloneta,
Roman. Dict. top. IL-Alp.. 9, oi)i)osé à liarcelomie.
Espagne.
La formation des couples a lieu de deux manières :
1° Les deux localités portent d'abord le nom simple: on
transforme ensuite en diiuiiuil if le nom de la moins impor-
tante (»).
{') Nous venons dv citer plusieurs cas de ee genre ; nieiitioniioris eiuore :
AinhresùiiaKx {Amfiresùi Lg) 1220 apud iilruinqiie Anihesiiuini, M(tn. I, 138.
120i .Vnii)resin... ,\nibresiniaus, Broiiwers, ('ens, I, 2i(): Brittuionnct,
AIp.-Marit. v. 8UH Kriganlione comme Brlanton Alp.-Marit. v. 800 Itijfjan-
lione, Longnon .4//((.s-. texte, 26: Linsmc(tii 15 et LhuenI i-i,' M-S!» I.vnseni
254 A. MNCENT
2° Le nom n forme (liminiitioc est donne'' (lirccicmcni à
une localité. C'est certainement le cas ])oin' ceux qui dési-
«>nent un faubourg- de ragglonicration ])riinitive, comme
Homclctte {Uomu], B.), Momelette {MomaUe, Lg), Moxhcron
(Moxhe, Lg), Pictrcmcau (Piétrain. E.).
Xotons qu'il existe des groui)es comi)tant, outre le
simple et le diminutif, un ou des noms en jtctit-, ^rand-, ce
qui décèle un stade de i)lus dans la formation de nouvelles
localités (^).
Les suffixes em])l()yés dans les dimiiuitifs de noms de
lieux français sont : -olus, -ellns, -ccllus. -inus, -ci, -clct,
-ert'i, -oi, -crot et -cron. Les trois premiers ont eu une
évolution ])lionétique normalement très vai'iée. et dont
l)lusieui"s stades anciens sont encore représentés dans les
foi-mes officielles modernes. Voici quelques exemi)les pour
chacun d'eux; on en trouvera d'autres i)lus loin.
lo -oins (-ol. uol, -ui'l, -ocl, -cul, -cuil, -en, -ieu, -oui, -ni,
-onil, -on) : IIoni)ii>nenl (Houvin, P. de C), 1177 Houvinol;
de Houvin, P. de C., 1079 Olvin, de Loisne, Dict. top.
P. de C, 207; Ilnmeroeille, P. de C. 1119 Homoroles
(= *Homeroles), 1200 Humerolles; de Ilnmières, P. de C,
10o8 Humieres, de Loisne, 209; Jnndrenouille (Jan-
drain H), x^ Gandrinul, Tarlieret Wauters, Cn. Jod., 293;
de Jandrain, B., 8oo Gundi'inium, ibid.; Matii>nolles
Pellciidis (Liiisini'ati. voisin de l'cllaiiios Ljï), Lyiisoiii Hnllei (Linceul, voisin
(les doux llallot Lg) HCIUI, 3» s. H, ii", lli.j-lîiii apiiii Liiisincid, .\,ialcrlcs,
^cs. VIIL 19^; Muvriiielle H. et Mfircliimnr-dn-Fntit 11 8()(S-ît Marciaiiis, item
Marcianis Duv., liec/i., 301, lOλ! Marciiici llCIiH :y s., IV, 17.*); Pinilhaç^iiet
IL-Loiro, V. 888 Pauliacuin, 1 Li8 Paulagi'to, et l'nnlhac H.-Loiro, v. 960
l'aiiliaco, XI' Pauliiajîo, (lliassaiiig:, Dicl. top. H. -Loire, i04, :203 ; Honielte
ll.-Al|)., 739 Rdiiia", XlVf Roiiiola, Itomaii, Dict. H.-Atv. 133: opposée à Rome^
(!) Bra/fi; H, Briffoeil cl Petil-Briffoeil (Wasnies-Aiuleniez-Brinoeil H) ;
Mar-hais B, Marinmiix et Peiit-Marhais (Marl)ais H); Matagne-ltiGrande N,
Mafaf/ïte (((-Petite N Maligriolles (Treii;nes N); Grand-Ueiui II, Grniul-Rigneux
et l'elit-BI(jïiei(.r (Uouvoi'oy H); Somme-Leuze ÎV, Somat (Malle N), Petite-
Somme (Horion Lux); \V((nze Li;, Waii:o((i (Viiialmonl Lg), Petit-Wdnze
(Antlicit Lg); Wuret-ln-Chaxssée N, Warisoidx N, Pe/JMi'f/;-e/ (Landeune N),
Petit-lVnrisoul.r (Wai'isoulx N). — Les noms comme Petite-Somme, Petit-
IVauze, Petit-W((ret, datent d'une époque où le sens des diminnl ils corres-
|ion<lants n'esl pins i)er<u.
DIMINITIFS DE NOMS DK T.IEI X 255
(Trei^ncs Ni. I !.")() MatluMioiilc, Kolaiid. Top. Xuiii, 'ilO;
de .Ua/c-»i,'7K'-la- Petite N. SdS-SdO Matagna. Waiiclict,
Lohhcs, ISti ; Mcrbocllcs iMcrbes-le-Chàteau llj, liill Mer-
biules, Devillers, Desrript. cari. II., I, 183; de Mcrhcs-le-
Chàteau H, 1084 Merbes. Du\.. licch., 440; Prooiscii.w
Aisne, 1082 Provisiolo; de Prounuis. Aisne, 1082 Prova-
siuni, Malton, Dict. top. Aisiw, 224: Wnsmiiel H., 1113
cuiu... Gamiolo, Mon., VIII, 342; de U';j.s/;j('.s- II., lOO^i duii-
niiis, Duv.. Rech., 174, n» 4 (^).
2° clliis (-cl, -ici, -cal, -ni, -nu, -nul, -c;iu, -cnul. -inul,
-inl, -in, -en, -ny ) : Afnny (Xeiif('biiteau-le/-Visé Lg), 1253-
1254 Abenilia, 1324 Aubenai, 1610 Aiibneau, 1760 xViifneau,
1706 Aufnai, Leodium, YI; d'Aubin, nom <le la paroisse
de Neufohàteau : 1324 Abin, ihid. : A wlcnelle {Andenne N),
1278 Andenelle liCRH, 5' s., III, 303; dWndennc X
1101 Andanam. Misson, 237; An}>renu H. 1118 de Angrello,
Mon., VIII, 342; d'Ancre H, 1075 Angra. Duv., Rech.,
152; Bnr.^enal (Leignon N), 1316 Barsinelles, Roland, 522;
de Hnrscne (Ciney N), 747 Barsina, Rcc. ch. Stnv.-Mnlm.,
49; Clcmodcnu (Villers-le-Tem])le Lg). 122' de Villier et
de Cleniondeal, Cart. Val-Benoit, I, 37; de dlenuont-lez-
Nandrin Lg, 1260 Clermont, Analecte.s. 2' s., VII, 394;
Offoil (Saint Bliniont, Somme), 1185 Aufouel; d'OfJcu.x
(Saiut-Hlimont, Somme), 1185 Aufoii, Mcm. Soc. nnt. Pic,
3"^ s., IV, 126,125; Willemenu H., 1107 Willemel, Duv.,
.-Ic^e.s-, 54; de ir///('/;/.s-, Nd, 1277 M'illcm. Roman. I-lsch-
}>en, XXV, 40.
3° -cellus (même évolution que -cllus) : Xcdonchel, P.
de ('., 1179 Xiedoncel, de Loisne, 272; de Xédon, P. de
C, 1176 Xiedon, ibid., 271 ; Rois.sin (Leuze-lez-Dbuy N),
1252 Rievenc'heas, Barbier, (iéron.sart, 259, 1265 Rion
(•eaux, Hrouwers, Cens, 1, 35; de Rhion ( Dluiy N),
1236 Ryum, Annlectes, IV, 78.
4° -inus : Quenestine (Saintes, B.), ix* Nahtinas sive ad
Sanctas, RCRII, LXXVIII, 257; 868-869 r.nactinis. Wa-
ricbet, /.()/)/)('.s, 188; 1 747-1748 (^uenestinne. Kurtb, liront.
lini>-., 201; de Quennsl H., J 1 19 Canatba. Duv.. Rech., 521;
(^) En lT8-i, on trouve en outre Waincrct, .iHaa du tlivàlndr lu t/iirrrr.
P.ifis, Desnos.
256 A. VINCENT
4219 Kauaste. Mon., 11. iî, 778; Solriiws, Nord; de Solrc-
le-Chàteaii, Nord.
o" -et : Uomeloitc (Bornai B.). lo74 Boinmalette; de
Boimil. H., V. 1100 Bornai. Tailier et Wauters, Cn. Jod.,
326. 32o; (:eyssaf>uet (La-Voûte sur-Loire, H. -Loire), 1255
Saissagiiet; àe (^eyssiic, H.-Loii-e, xi*^ Ceyssac, Chassaiiig-.
Diit. top. II. -Loire. 51.
6^ -elet : Endette, N., 1508 Evellet, (Jart. Ciney, 275;
d'Ene, N., 1456 Eve, Bormaiis, Seii>-n. féoil., 43; Jniirhe-
lette, B., 1174 Jam-lielette. Tarlier et Wauters. Cn.
Jod., 61: de Jamhe, B., lO'.'l .Jace, Evrard, Elône, 13,
1231 de .Tacea majore. . 1 mdectes, 2'' s. , I X, 321 .
7' eret : Roiiillerot (Rouilly-Saint-Lonp, Aube), 1152-
1180 Kuilleret, 1292 Ruillerot; de Roiiilly. 634 Kulliacnm.
1153 Kuilliat'um. Boutiot et Socard, Dict. top. Aube, 138.
%^ -ot : Beaiinotte, C. d'Or; de Beau ne, C d'Or; Mure-
lottes (MariUea, B), 1204 Marelotes, Tarlier et Wauters,
Cn. Jod., 247, 1216 Marlot, BCRH, 4' s., VU, 151; de
Marille.s, B., 1145-1164 Mariles, Annlectes, 2*^ s., VIII. 103;
Polisot. Aube, 1169 Polesot; de Polisy. Aube, 1101 Poli-
seius, 1103 Poliseius major, Boutiot et Socard, Dict. top.
Aube, i'HA; Wiuclusoite. Doubs; de ]';iu(luse, Douha.
9° -erot : EhiDÏ^nerot, C d'Or; de Eliwi^ny. V. d'Or;
Quéti^nerot. ("., d'Or; de Quéti^-ny, (\ d'Or.
lOo -eron : Mo.xheron {Moxhe, Lg), 1241 Moxeron. Brou-
wers, Cens, I, 239, 1252 Mugheron, Livre G. de Ryckel,
243, 1262 Moserou. BCRH, b^ s , IV, 29, 1497 Moxlierou,
Paquay. Pouillé, 105; de Mo.xhe, Lg., 1085 Mois. Ana-
lectes, XVI, 13, 1125 Moz, Bull. Soc. art. et liist. L<>-, VIII,
347; xiii'" Grande-Mugh, Granmug, Livre G. de Ryckel,
244, 1241 Mox, Broiuvers, Cens, I, 239.
Le diminutif prend naturellement le genre du simi)le;
mais cet accord est souvent vite perdu dans l'ccriture (').
(1) //«/m-siir-CiijiMil I'. (le (;., HOi Hoiiiii, 1 1 lit Miiiiiimmi inajiis de Loisno.
l)i(t. top. P. de C. 103; llrnlnellc I'. deC, 1081 lliMiiiiiicl. xiu' villa quae ah
Jlcniiiiiio Hoiiniiiclliis dicitiir; xir Hoiuiinellae. 1-281 Hi'-niiu'l, »'/>/.; Fal-
maf/îie^. 94G Falcniaiiia. Roland Top. Kaiu. ^08; Falmigriitnl y, 1210 Falo-
migimcle Analecles, XVI, .'">i ; l."io8 Falmyii^noidlt', ihid.. Il, V>{).
DIMINUTIFS DE NOxMS DE LIEUX 257
Un suffixe est parfois remplacé par un autre, phonéti-
quement voisin; cette substitution peut être j)assagère (');
mais elle est sou\ent définitive (').
Parfois, [)rimitif et dcrivc restent semblables à tra-
vers les siècles; tel est le cas pour Munncville, Calv. et
Mnnncoilli'ttc (Angerville, Calv. ; Mnnncvillc-la-iioiipil,
Seine-Inf , et Mannevillette, Seine-Inf. ; Membre, X., 1213
Mambre, et Mcnibrcttc (Vresse, X.j, 1184 Manibreta,
Kol. 184.
Mais ordiiiairenient simi)lc et dérivé se différencient
])lus ou moins 2>i"<>l<'i'dément.
("est dans le diminutif que se remarquent généralement
les modifications les i)lus notables.
Elles sont caus(''es en i)remier lieu par le déi)lacement de
l'accent tonique, qui est i)orté sur le suffixe. La voyelle de
la syllabe accentuée du simi)le, cessant de l'être dans le
<lérivé, s'altère i)resque toujours.
il devient e : Linnil, B , 'J48 Littemala subteiiore, Lacom-
blet, 1, 56, lloo Litmal Bijdragcn, 11, oOo; 1175 Liemale,
Mon., 1, 818, et Liinclctte, B., 1209 Limeletta, Cart.
(1) A>tr/icn\ de C, 1081 AIreel. 120^2 Aiiclii'l, 1270 Aiicliocl, IBIO Audunil,
1311 Aloiol, (le LoisiU', 18; Vlvch'melle (Enquiii P. (le C), IH!» FeJciiiol,
12i3 FlecliiiH'l, 1282 Flecliinool, do LoisiU', loi ; Vleurjou.i: (Fiennis H),
8()8-8(li| Flcciclciohmi, Duv. Rech. 810; I23r> Florisol Uol. 479; licsdùjneal-
lc:-lloul()(/ne ]'. <lo C, li2o Hesdiiiolae, 1338 Hosdignoel, xv» Hcsdiiigiieel,
lij03 liidogiu'i, de Loisiie, Dict. top. P. de C. 199; Hourifjnetil (Hmivin
P. de C), 1117 Houvinol, 12U Houvegiiel, ihid. 207 ; Melleçjnoiile (Melin B),
-13()6 Melieguouls, Boniians, Fiefs >'., 1, 82, 1374 Melleneel, Cuv. Dcn. 0;
l'rovisevx Aisne, 1082 Pruvisiolo, 1393 Provisueil, liOn Provisel, MaUoii,
Diii. top. Aisne, 221; Wa.smiiel II, 1118 ciiiu... Ganiiolo Mon. VllI, 312,
117-i Waïuiul Duv. Actes, n. s. 81 ; 12»)2 Wamicl, Mon. Vlll, Ul.
(-) Le suffixe -ellns fait place à -oliis dans Stapsoul {Sliwe N) xi<" Stable-
cellas (= Stables -f ellus; iniluenoe de -cellus dans réorilure). Uol. :>i,
1033 de Stavieceilis, I5erl. Dor. 13, 1170 Slavesoul lU.lUI, LWl, 92, 1.^08
Staveclionlle, xin*- Stapsoulle, 1209 Staules, 1230 Sables Roi., diniinulif de
Stave N, 8G8-8G9 Stabulis Duv., Recli., 310, xv<= Stawes Roi. — Le suffixe -ellus
est remplacé par -et dans : Bassuet Marne, ll4o Bazuel, xviiP Bassue
Longnon, Dict. top. Murne, 15, diminutif de liassK Marne; Bézuet (Bé/.u-
Saint-Germain Aisne), 1217 Besuel, XVIIF Bezois, Mallon, 28; Ponlniet
Aisne, 111(1 Ponlnde, 1220 Ponlruello, 1496 Ponl-Tniel, Malton, 22C, dinii-
juitif (le l'o/itru, Aisne.
17
258 A. VINCENT
A|}l.,U\■,^f()nt:^llc, Lj>-, 1034, Mosraale, Grandg., Mém.,Si,
H8o Moniale, Cart. StLamb., I, 104, et Mometctte (Mo-
malle, Lg), 1224 Momelette. ('art. St-Lamb., I, 210.
a devient / ; Bnif/c. H,, 1186 Braffe, Cliot.,413, et Brif-
fœil ("Wasmes-Audeniez-Briffœil, H.), 1186 lîriffœnl,
Chot., 486, 1215 Bi-ifuel, Vos, St-Mcdard, II. 161; Fal-
nuii>nc, X., 1)46 Faleniania, Roi., o()8, et Falini^noul, N.,
1210 Falemignuele, Analccics, XVI, 53; Matn^ne-hi-Petite,
X.. et Mn(ii^ne-la-(irun(l(', X., 868-869 Matagna, War.,
Lobbes. 186. 1199 Matania, Berl., Doc, 30, et Mati<>nolles
(Treignes. X.), 1150 MatLenoule, Roi , 510, 1470, Mati-
gneulle, BCKII, LXXI, 90;
e devient / ; Braives, Lg, 1070 Rro\ ia, Analcctcs, XVI^
10, 1190 de Broevis, Evrard, Flâne, 67. l334Breives, (\irt.
St-Lamb., III, 446. et Bvwioiille (Braives, Lg). 1325 Bre-
voles, 1330 Brivoles, Poncelet, Livre fiefs Lg, 83; Flo-
reffe, X., 1033 Florefia, Roi., 353, et Floriffoux, X., 1121
Floreffioluni, 1145 P^lorifuel, Roi,, 353 ; Pro//r;a/.s-, Aisne,
et Prooiseux. Aisne, 1082 ai)ud Provasiuni... cuni capella
de Provisiolo, Chartes St-Hubcrt, 54;
o devient e, puis parfois / ; (pilonne, H , 1108 Calona,
Chot., 416, 1147 Caloniam, Uuv., Actes, 119, et Calle-
nelle. H., 1186 Callenielle, Chot , 416, 1279-1280 Kalle-
nielle, Verriesl, Ins. jiir. T., 60; (Jonncu.x, X., 1147 Col-
nos, Rec. ch. Stav.-Malm.. table, 17, et Conjoux (Con-
neux, X.), 1299Cornisuel, 121i9 Conisul. Cart. St-Lamb., II,
o6o, 564; IIollo>>ne-niL\-Pierres, Lg, 862 Holoniiim, Rec.
ch. Stao.-Malm.. 89, et Ilognoul, Lg, 1044 Ilolinola,
1092 Ilolengnele, BCRII, 3" s., II, 281.
De mrme on devient en, i)uis généralement e : Dion -le-
Val, B, et -le-Monl, B.. 1155 Diun, Cart. AfJL, 155, et Doi-
ceaii (Grez-Doiceau, B.), xii<= Daencel. Tarlier-Wauters,
Cn. Wavre, 221, 1374 Dmvensial, Cuv., Dén., 8; Séron
(Forville, X.), 1149 Seron, Mir.-Fop])., III, 305, et Séressia
(Forville, X.), 1231 Serencial, 1500 Sereciau, Roi., 186.
oi devient / ; Ihilloy (Braibant, X.), 875 Halogis, RoL,
lo9, 1104, Halois, Rec. ch. Stav.-Malm., 275, et Ilaljoux
((•iney, X.), 1302 Halixuel, Cart. Clairefontaine, 109,
xv« Ilalisoul, Cart. Dînant, VIII, 29.
Parfois l'iiiflueuee analogique du simple a fait l'élablir
DIMINUTIFS DE NOMS DK LIEUX ~^59
:in moins tcmporaireiucut la voyelle priiiiitixc dans le
(li'rivé i/)
L'altération de la voyelle qui cesse d'être accent ih-c est
fréquemment suivie de syncope, enti-aînant même la chute
de consonnes \ oisines f^).
La consonne ou la voyelle finale du siin])le, une fois
suivies du suffixe diniinulif, subissent dilTc'rentes trans-
foi'inations.
La consonne forte s'affaiblit <>('n(''ralement :
Bccouvl, Somme, 1207 Hecurt. 1278 Becourt et lii'covdol
(Bécourt, Somme), 1301 Becourdel, Mrm. Soc. Aiil. Pic,
3^ s., I, 93 ; Ciuimoni (Huchenneville, Somme), 1100 ('al\ us
mons. 1163 Caiimont, et C;jn///(*/u/c/ (Huchenneville, Som-
me), 1164 Canmondel, Mcm. Soc. Aiit. Pic, 3^ s., I, 218.
(A'Ys.'iac, H.-Loire, xT", Ceyssac, 1229 Saissac. Chassaing,
(^) Cinnlnon (La Haiiiaidc H), toujours Caiiil)roii ou CainlHM'on, et Cam-
hroncliaii (Wodeoq H), 1;277 Caiiil)r('clit'l (ielcs Wontloki', Mo». Il, :2, 707,
1:278 Cainberonciel deles Woudoko, ihid. 70o, 1:289 Caiiihrecicl ki est ou le
|)aiT()clie de Wodeke, r/m/. 717; Vezati 11, 1031 Vesiiiis, Duv. ^r/r.v, 98, lOfM
Vesoniuin, iliid. 35, et Vezonchanx (Maubray H), 10(51 Vcsencolli, Duv.
Acte.'!, 36, 1131 Vesoncel Cli. St. Martin T., 1, 50, 1^273 Vezeuciiiel, 1-280 Vesen-
cliiel, Poman Fr.schgen, XXV, 101, 110; Garnirez H, 779 Waldneguiii,
Lacomblet, I, 1, 126o-l'280 Waufbcl, Cnrl. renies CJcs H., I, l-2i, (M yVait-
ilresetle (Waudrez H), 11(53-1179 Waudrisel. Berl. Doc. 1, 301, 12(55-1286
Wadrisel, V^art. rentes Ctes IL, I, 84; Wochm (Cortil-Wodon N), 1125 Veldunt
Roi. 25, 1227 Vodon, Devillers, Descr., L 175, et Wodeceaii (Cortil-Wodou Nj,^
1227 Vodencial, Dcv., I, 175, 1366 Vodeneliiaul, Barbier, Mafonne, 361,
V. 1380 Vodedieal, Boriuans, Fiefs y., 1156 Vodonvlria, ReL, 25.
(2) Chérutte Ljï. et Cherlal (Chératle Lg); Corlxiis 1?. 1210 Corbais, Tarlier-
NVauters. Cv. Perwez, 80, et (Jo/wo'/j- (loe. disp. à Corbais 15). 1757 (^orbisoux,
ilyid.. 81; C[)reinœ'S, 1015 Colrinas Reri. Doc. 11, v. 1343 Coraimie, Bormaus
Fiels N., 94, et Corwp«e (Stave N), 1180 de Coriiiellis, Berl. Doc, 24. 1281
Cojreneiles, Ann. Soc.arch. N, XXIV, 38^1; Dorimic'S, llOSHorina, Roi., 524,
et Dnrnal Nr v. 1131 Dornella liée. cli. Stuv-Malm., 313, xvi» Duiiialle Cart.
Ciney, 262; Holfugne-auv- Pierres Lg, 862 Holoniuin, Hec. ch. Stuc-Malm., 89,
1105 Holonge. iliid., 278, 1044 Holinola BCRII, 3 s., II, 281. 1085 Hoinole,
Corl. St-Laint>., 43, 664, 1234 Holegnuole. iind. 331, 1304 Holigiioule, ilrid. III,
44, XVI- Holnioule, Cart. binant, I. 123 ii; Linceitt Lg, 1031 Lviiscn liCRH,
3« s., 11,279, 1139Lyiiseni Hallei, d,id. 447, et Linsmean B, 1139 Lynseni
Pelleiidis, iliid. 447, 1 145-1 Kii Linsnieai Analecles, 2'- s., Vlll. 192, 1187
Linseiuel, ilnd., 2" s., IX, 257; 7V>//i?i Lux, 817 Teiins Cit. Sl-Hitliert 5, et
Tetnaii (Tellin Lux), 1184 Parvuiu Telliii. (7m/. 14L 12(54 Teliiie-il, iltid. 373.
1373-1374 Teliiiea/, H>id . (500.
260 A. VINCENT
DicL lop., II. -L, .'il, et Ccyssuouct (La-Voûte-siir-Loire,
H.-L.), 4255 Saissaguet, ibid..
Cependant, Brimont Marne, 1171 Brimons, a donné
Brimontel docaliti' disparue à Brimont Mai'ne , 1219 Bri-
montel Longnon, 38; d'autre x^ai't. le diminutif correspon-
dant à S('bouri>- Nd, 1142 Sevoreli Duv. Actes 1211, 1263-86
Sebourc Cari, rentes Ctes IL, II, 184, est SebourquiHii
(SebourgNd), 1142 Sevortoheel Duv. Actes 213, 126o-1286
Seborkiel, Cart. rentes Ctes H., II, 184, qui a eu passagè-
rement la consonne faible : 1163-68 Subui-geaus Duv. Actes,
n. s 59; aujourd'hui que le simple s'écrit par analogie
Seljonrg-, on a une tendance à adoptei- la forme correspon-
dante Seboari>uuiu.
La sifflante finale du simple se transforme parfois en
<'huintante dans lo diminutif (^).
Invei'sement, une chuintante, finale dans le simple,
devient parfois sifflante dans le diminutif (2) ;
(1) Vuarrens Vaiid, 1147 Warens, et Vi/arrengel Vaiid, 1184 Wairengel,
Jaccard, .d:2."); Vien fAnlhisaes Lg), 108:2 Vileinz Bec, ch. Stav.-Malni., ^40, cl
Vigeai (.Vntliisues Lg), v. M3I Vilengal ihid., 311, lolï2 Villegeal, Cart. Cinei/,
272, 1831 Vigoai Varidei- Macleii. DIrf. pror. Lg, 22o, 184(1 Viégcai Havard,
Dict. c. Belg. 246. En Belgique, cetlo Iransformalion sest généralement pro-
duite au xvie .sieele ou plus lard : Conneux y 1147 Colnos fier. ch. Stav.-
Mahn.. table. 17, et Conjoux [Goimeux'S), 1299Coi"nisuel, Cart. St. Lumb., II,
563, 1583 Conisoux, Cart. Ciney, 1011; Flennis, H., 1033 de Flerusia, Berl.
Doc. I, 12 et F/eiirjoHx (Fleurus H), Xl'^ Villa quae dicitur Flederciolo, UCHU,
LXXVIII, 261, 868-8()!) Fledeldolum, Duv.. Ilec/i. 310, 1691 Fleurisoul Laiiaye-
Radiguès, 280: Gfahal.s \), 1197 Glabais Tarlier-Wauters, Cn. (k-nappe 21 et
Glahjonx (Ways B), H80 (;iai)esul de .Morcau, Ch. Xlh \iHers, W. 1338 Glob-
soul (=*(ilabsoul), Anniecles, II, 280, 1397 Giabioel. 1(343 Glabl)ejuul Tar-
Iiei--\Vauler.s. 27: llullog (Hraibanl .Nj, 1104 Halois. lier. eh. Stav.-Mut.m., 273,
130:2 Halixuel, Gait. Clairefonlaine. 109, xvi-' Ilailizoux, Cart. Cineg, 203:
Mnlenihais-.Salrit-.Jo.ise B, IlOi .M()leiMl)ais, .\nalprtes, 203, Vill, 207, 132G Mo-
lebai.s Cuv. f>m., 1103, et Molonhhonl U'iiàleau «iisparu à Jodoigne B), 1104,
Molembi.sul, Analectes, 2» s. VIII, 203, 1326 Mollebejoul, Cuv.-Dcn. 403,
153f) Moleiibisul, Tarlier-W., Cn.Jod., 3. — Marfrisoux (Marbais B), 1272 Mar-
bizucl, Analecle.i, 3^' s. Il, 420, est un nom oflJLMel lige; la prononcialion
populaire est Mahjou.
(2) Vlumierge Lux, 1293 Fiamiergos Mon.. III, 357, el Flantisonl fLong-
champs-ie/.-Baslogin' Lux), 1109 Flaniosoulle Tandel, IV, 8: Maredret fSosoyp
N.) 1002 Merendrek, 1131 .Mcrendrerh, 1272 Marendiecli, xiii" Morendrel,
XVI'' Maredrel, Berl. Terrrs .Mar. 12-73, et .Maredsons (Denée, N.), 1183 in
DIMINUTIFS DE NOMS DE LIEUX 261
Quand le simple se termine par nne voyelle nasalisée,
le diminutif a n entre deux voyelles; cet n se mouille le
plus sou\ent : Cninbluin-l'Abbé P. de V , 10()8 Camblin,
Cardevacque, Mont-St-Eloi, 182, v. 1187 Cambeliu, de
Loisne, 81. et Cambli(;-neul P. de ('., 116i Canibelinnol,
1213 Cambelignuel, de J^oisne, 81 ; Ilesdin-l'Abbé P. de (' ,
1112 Hedinium, 1145 lledinnm, de Loisne 200. et Ilesdi-
g-neiil-lez-Boulog^ne V. de (\, ll2o Hesdinolae, 1208 Hes-
dingnol, de Loisne, 199.
Les désinem-es y, iiy provenant de — nciiin, placées
devant le suffixe diminutif, donnent une semi-voyelle, qui
tombe après un certain temps (V).
Les assimilations et les dissimilations sont fréquentes
dans les diminutifs (-).
Il y a chute de Vii initiale dans Ansucllcs ' Anderlues H^
1190 de Ilaineceolis Duv. Actes n. s. lo2, 17U0 Hane-
clioelles, Loix... aille de Mons, 4, (Haines +olus), diminutif
Mc'ieiid[rjici(>k>, l:20o Maieiidrerlioiil, 1387 Marcdclioiil, looT M:iiclioux,
l.")'J4 Miircdsoiis, ilntl. li-17; il y a peut ètn» eu iiiniieiicc aiialogiqvie de
dessous.
(') Aiichy-iiii-IUiis, P. df (',.. 877 villa Aiiciaciis, xiv Aiiciiy, de Lnisiic 19,
ot .■l?/f/*é'/, P. de C. 1(181 Alceel, 1^19 Aiuecl, 1-262 Anchol, rVm/. 18; Herce-
nay-en-Otlie Aube, 114(5 Breleiiiacum, llo3 Broi-enaiuiii, et Bercenelle (Berce-
nay-en-Othe Aube) 1292 Breecneelle, xiw^ Breceneile, Boullot et Socard,
Divt. top. Aulie, 7; Gii:enclij/-ni-Gohelle, P. de C, 1070 Juveneliii, 1329Given-
cliy de Loisne, 1(38, et Gioent/iiel (Givcncliy-en-(lolielIe, P. de C), xn>' Juven-
eel. i20i Juvenclieel, ihicL. xix" (livencclle; PoHsy Aube, liOl Poliseius,
1201 Polisy, et l'n/lsot Aube, 1 1(59 Polesot. I38H Polisot, BdUtiul et So-ard, 124;
Pamef. L'^., 1298 Puclies liaibier, Gir., 307, 1301 l>ucliey, Cli. Ile-Duc
Grmpr, 185, et l'issoiil Ol(tin:dle, Lg.). 1330 Pui-liues, xv Pouehoule, Cart.
Sf-L((ml)., III, 3.i0 et 341: Tliozrc (Mettel, N.). 1161 Toseias. BŒU, LXXVI,
()72, 132oTosei's Bol. i.~i2, et 7r//.so*// (Saiiit-C.erard, .N.i, 1160 Tdisdies Duv.
Arles, 27 i.
(2j Forseille (Héron Lg), 1 12."; de Forselis Ernsl Hist. U>nl,.,\ï, 126, 1137
Forcclle.s Evrard Flône 23, i26"i Foireille.s Hoiiiarn'd, XVII. o7rj, et iosseroulle
(^Hueeoi'giie Lg), (iroduil dune double dissiniilalion : 1299 Koi>illoles, Cart.
St-Lamh., III; 1326 Foiclieroules IJvir /icfs Uj. (iT . 161(1 Fosseroule Bor-
Mians Siifii). fvoil. ISC) ; .liiiiilh- Lg. 1 i70 Ju|.ille />V.7i7/, l.XXI. et Ju/xelle Lg,
Ilt7 Ju|)ilella, 1 186 Jupelella (iraudg. \'<>r.. 1212 .lu|irelle, Arxilcrles, -2'-- s.
VI, iril ; VilleneKre-Sdinl Visfre Marne, v. 12i0 Villa nova, 1271 Ville neuve,
Longnon, Dicl. top. Marne. 29t. et Villevtle. hameau de celle commune :
V. 1222 Ville novete : 137.'i Ville l.ouvele ; 1113 Villa L.vela. I."i82 Villelou
voile, ihid., 298.
262 A. VINCENT
de Haine-Sainl-Pniil, H. et Uiiine-Snint-Pierre, H. 868-9
Hagna, Wai., Lohbes, 905 villa Haiua Duv., Rech.
Il y a prosthèse de ii, phénomèue fréquent en Belgique,
dans Xniifnl ( Villers-sur-Lesse, N.), diminutif de Aiiff'e
(Ave-et-Auffe N.); Xniveroule, localité disparue près
d'Awirs, Lg. 1200 Xouverueles Cart. .St-Lanib. 122, 1341
Naweroule Bull. Inst. arcli. liégeois, IX. diminutif de
Awirs Lg, 1200 Auvire Cari. St Lamb., 122; Naxhelet
(Wanze Lg), 1289 Aiseleth, Barbier, Flor., 2« éd., II, 191,
i3o8 Ast'helet, Analectes XII, 75, 1445 Aisselet, Bormans,
Fiefs X 1292 (M, diminutif de Aische-en-Refail X. 805
Hasca, Roi., l/Jl, 1179 Aiz, Barbier, Flor, 2* éd. II, 3o, 1444
Aische, Bormans, Fiefs X. 289 (~).
Dans Angluzelles Mai-ne,le z a remplacé r auxvi^siècle :
1117 Angledura, 1233 Engleurella. 1501 Anglurelles, 1502
Angluzelles, Longnon, 4, 5 ; la même transformation n'a
pas eu lieu dans le simple : Anglure Mai-ne, 1128 Angluria,
ibid. 4.
Le diminutif de Mellet H. 1033 Melenck, Berl., Doc, 1298
Meling, Anal 2« S. IV, présente la même métatbèse que
Cognelée (Cliampion X.), 1239 C'olignees, Roi. : c'est Mi-
gneloiix, qui n'existe plus isolé, mais se trouve dans Pont-
à-Migneloux (Mellet H.), 123G per viam qua itur de
Gocellies Melhignul, Anal., IX 270.
Enfin, les diminutifs prêtent à de nombreuses déforma-
tions par étymologie populaire. Corenne X., a poui- dimi-
nutif Cornelle (Sta\e X.). qui se transforme aujourd'hui
en Corneille; Fumai Lg 1240 Female Anal. 2« S. VII, 364,
1252 Fiimal Anal XII, 44, a donné Famelette (Huccorgne,
Lg), déjà en 1252 Famelet ibid. ; le diminutif de Gougnies
H. 1265 Giiignies BrouNvers Cens I, 154, 1289 Goingnies
ibid. II, est Gazelle (MettetX.) 1265 Goinzelcs, ibid. I, 144,
1289 Goingniselles ibid. II 373; à Genappe 1067 Genape,
Tarlier et AVauters, Cn. Gen. 3, correspond Gempioul
(Vieux-Genappe, B ), 1374 Gemprioel C'iiv. Dén. 6, 1403 Ce-
(ij Cdinpart'z le nom de iamille Da-ilirlct, ortlioi^raplic aucioiitie i»uiir
d'Axliclel.
(^) l.a inÎMiic [)roslht'sc se ooiislale dans le imiii du ruisseau d'Aische, le
Nasclttinr, (|iii est le tioiii du village mis au diminutif en — ellus.
niMIM TIFS DE NOMS DE LIEUX 263
nepioul, 145V) Gempioel, Tarlier et AVauters, 3, que l'on
voit parfois tj-aiisformi' en Jeniine-Pioiil et Jeuiie-Piou;
Oujonnet (Bursinel Vaiul), diminutif d'Oujon Vaud, s'ap-
pelle couramment le (iei\cl.
D'autre part, ceitaiiies caiisen d'c-xolution ajj;issent sur
le simple sans atteindre son d(''ii\(', conti'ibuant donc à
accroître leur dissemblance.
La consonne finale du primitif peut se transformer ou
disparaître, au moins dans l'écriture, tandis qu'elle reste
protégée dans le corps du diminutif (*).
La syllabe finale du sim])le ])eut, au cours des siècles.
j)erdre une consonne ou une voyelle qui est restée intacte
dans le dérivé : (icnappe, 12ii2 Gena])ia, Tarlier et A\'au-
ters, Cn. (ion., 15, en flamand i)endant longtemi)s Gcna-
})ic. p. ex., 1374, Cuv.. Dcii., 6, et Gcinpioiil (Vieux-
Genaj)pe, B.), 1374 Gcmi)rioel, C"u\., 6; Rcucs, H., v. 1163
Roevia, Barbier, Flor., II, 25, 1198 Ravia, Du\ ., Actes,
n. s., 252. 1231 Roavie (document éci-it en français). Devil-
1ers. Dcscr., 1, 111, et Rcvioiix (Rêves, H ), 1474 Rivioel,
("uv.. (5.
(') «awW Li,'. llH-2 Kaiiiel Atial. -2" s. VU, 335, 1-21G Uammoil Grandj,'.
Yor. I. :il, 127^ Rainei, Anal. *• s. 111, 3()o, et Bamioiil (IXamH Lg), lOoO
Raiiiolul BCliH:i^ s. XVII, o67, VM> Haincilhoiil. .\nal. '2« s. Vlll, 179, 1831
Ramidiille ChùMet, H., 1 171 Castclin, D.'villcrs, Hescr. I, M, l?t!) Chesteliii,
Darras, Hist. Cfi., i, 14, 12()7 Cliaslclliii-, VcMTic.sl, Serrage, i98, 1170 Glias-
lellct liClUl, LXXl, 87. ol Chàtel'mean. 11., lài.'i Kaisteliiiicl, Hroiiwcr.s, Cens.,
I, 18. 1:5-20-1 Cliastoliiiiaul, VeiTio^l,-i:;3; KInin, Xd., 881, Stnini, Maiiiii.M', 278.
1-227 Kstniciii, Metn. Aeail. Arras, XXXVlll, 31 i, et Estmirmrl, Nd., lOOti .Sini-
mella. ManiiiiM', 279. 1170 Estrumel, Bruyollc, Divl. arr. Camlu-ai, 13{>."); Filât,
hg.,Hm, Fielon, fier. eh. Stav.-Malm., I33i Filolag. Cari. Sl-Lamh. 111, U6,
el Faymml, (Ferrières Lg.), 110.5 Fieligiiel, fier. ch. Slav.-Malm , xix« Fégiioiil,
1831 Fagnouille; Piétrain. M., 1216 Peterlieia BCRH, ■i<- s., VII, i:jl, I37t
Piplrt'liciii, Cuv. Dén. 9, et PhUremeaii (l'it'Mrain, H.), 1210 PetonuoU' ItCRIl ,
4e s. Vil, VA, 1272 Pelioniiol, Anal. 3« 7.. H, ■4:i.''i ; Warèt-la-CInirnsce, N.,
V. I;i43 Wares la Cliacliif, Bonnans Fiefs N.,îiî*, et iVarisouljc. >'.. 1272 Wari-
siiol. .Anal. 3'' s. Il, i23. — Rappolons onliu qualrc diniiiiulifs drjà cités
plus haut, où est conservé ïs de dcelinaisoii du uioveii-àge : .Xnsuelles =
Haines + olus, Conjou.r = Colnos -|- olus, Missoul = Mies -f- olus. Slap-
soul --= Slaves -|- ellus, remplacé ensuite par olus.
'2(^4 A. VINCENT
La syllabe finale du simple j)eut même tomber entière-
ment (*).
Le simple peut ('])i'ou\ei' des ti-ansformations internes
qui ne se produisent pas ou ne sont ])as durables dans le
diminutif {^).
Kniin, le nom sim])le est souvent allonge d'une dc'termi-
nation; nous avons i-encontrè plus liautdi\ers cas de ce
l)hénomène, très commun du reste.
Parfois le dcterminatif se soude au nom simi)le, ce qui
agrandit encoi-e l'écart existant déjà entre celui-ci et le
dérivé : Ilulsonniaux, X., v. 1400 Hu}' les Oneals, 146^
Hulesoniauls, Roland, 199, et Uouyet. X., 1558 Huyet,
.l/K-7/cr/c.s. II, 4o2; MnrrIuHH'lcU('. X , 1046 Marcha,
Ivoland, 207, 1260 Marcliedonmartin Ile i)atron est saint
Martin), Brouwers, Cens, I, 96. 1294 Marche l'escouve-
Ictte, ib'uL, 221. v-13yo Marche le Scovelette. Roland, 207,
16oo Marche-C'hovelette, 1701 Marchovelettc, Ibid., 208 et
Maquc-letle (Marchovelette, X.), 1234 Markelettes, 1492
Marquelettes, Roland, 209; Millci^rand (Trèbes, Aude),
900 villa Milianum, 1681 Millegiand et Milleret (Badens,.
Aude), 1119 de Millanello, 1539 Milharet, Sabarthès, Dict.
top. Aude, 240.
AUG. VlXCKNT.
l'i Soiiillir, Aude, l-22f) Solh;iiiiiiii, H {:5 SoIIki,' l.">7i Soillo, Sal);irtliès hirt.
top. Aiidr, i}{ Sovil/iaiiels \{nU\ li:2(') Sollinnclluiii, I i!t4 Sollianels, //;?>/.
{^) Vron, Sonnne, IIW) Virrnin, H()(» Vroii, Mrin. Suc Aiit. l'ic, S« s. IV,
i09, et Vironc/iaux, Somme, Xli« Viroiieels, Garclevac(nie Hist. Auc/u/, iOO,
12i4 Vironchaus, Mrm. Soc. Atit. l'ic, 'tO-2: Mair/mmic-aii-l'oTit, H., 8(j8-8()9
Marcianis, Diiv. Rcr/i.^Q], 1 1 i3 Maiciiics, Car/. St-Uimli.. l^i'i Marcliines
C/i. Ste-iyainlni, et Maniriclfe, H., 8()8-8()!) Marcianis Duv., lOi», Marcinel
BCRH, .> s. IV, 175, 12i0-liil Marceiiiles, ihkl.o^ s. XIV, 1!)2, l-2i2-l-2i:5
Marcclinis, ihid. 229; du xill* au xiv<^ siècle, on trouve du reslc aussi la forme
cil ch, qui n'a pas subsisté : 1297 Marclienolles Ch. Ste-Waudru, 1538 Marehi-
iielles, ^nrf/. If, :«1.
Les « Comédiens de Campagne »
à Bruxelles, au XVH siècle
Bruxelles a connu très tôt les représentations données
par les «comédiens de campagne», qui ne manquaient pas
de s arrêter dans la capitale des Pays-Bas espagnols,
quand, émigraut de la province française, ils s'aventu-
raient sur les routes du Nord. Dès 1598 on en voit paraître
à Gaud ; d'autres sont a Mons l'année suivante ; une
«bande» joue à Lille en 1609, et, pour la première fois, en
1615 une troupe vient jouer au Palais des Archiducs ; elle
y revient en novembre 1616, peu avant une troupe espa-
gnole. Malheureusement les registres du Trésorier de
L. A. S. n'indiquent pas le nom du chef de la troupe :
«A unos comediantes franceses 300 flos p très comedias
que representaron en palacio 300 florines».
De semblables mentions apparaissent plusieurs fois dans
les «livres de raison» des années 1615 à 1617 (^). Il est
certain que des comédiens étrangers étaient déjà venus
antérieurement à Bruxelles, puisqu'une résolution du
Magistrat, en date du 7 mars 1608, frappe toutes leurs
représentations d'une taxe d'un demi-sou par entrée (-').
Dans les Comptes des Hospices, nous avons relevé plu-
sieurs mentions de sommes perçues « van de Comedianten
op versehejden daeghen, als oyck van diversche monsters
van beesten ».
(') Pour les faits (|uc iimis ;i\aiicfr(iiis ici, ninis ne donnerons pas toutes
les références darcliives : ce sérail alourdir inutilement eelte élude <|ui
sera développée et aee(Mnpagnée de toutes ses jiièees justificatives dans un
travail complet ipie l'auteur se propose de publier.
1-) Cf. Hknnk et \V An Kits : Histoiir de la cille dr ISni.n'Ilcs. 11. 2«<).
266 H. LIEBHECHT
Ces premières troupes, arrivant à Bruxelles, ne dispo-
saient d'aucun local approprié ; mais comme elles appor-
taient une distraction dont les bourgeois étaient aussi
friands que les.... Magistrats, ceux-ci autorisèrent l'érec-
tion d'une scène i)rovisoire dans la grande salle nommée
de (c Scliermers Schole » ou « Ecole des Escrimeurs w, qui
servait de lieu de réunion à la Gilde de Saint-Michel et
qui était située dans l'aile postérieure de l'Hôtel de Ville.
Des abus ayant sans doute été commis, les Magistrats
revinrent sur leur décision, et par leur résolution du
26 janvier 1627, ordonnèrent la démolition de ce premier
théâtre (^) ; mais les avantages qu'offrait aux acomédiens
de campagne» le séjour d'une ville de Coui- étaient trop
certains pour qn'un obstacle matériel de ce geare pût les
arrêter. D'autre part leur venue régulière devait inciter
quelque propriétaire entreprenant à construire une salle
de spectacle à leur usage.
C'est en effet ce qui advint : à partir de 1649, nous con-
statons la présence annuelle d'une «troupe de campagne».
Bruxelles va devenir un centre de rayonnement : non
seulement les comédiens français y feront désormais de
longs séjoui'S, mais ils y reviendront après avoir poussé
jusqu'en Hollande ou représenté soit à Liège, soit à Gand.
On verra des «bandes» ne pas rentrer en France pendant
plusieurs années et passer à Bruxelles leurs contrats de
renouvellement d'association, envoyer à Paris un de leurs
membres pour y enrôler les sujets qui font défaut, à moins
que deux troupes venant à se rencontrer ne fusionnent
totalement ou partiellement.
En arrivant, le chariot comique s'arrêtait à l'une des
deux grandes auberges situées au Grecht ou Fossé aux
Loups. C'était tantôt à « Malines », tantôt à « La Grande
Carpe » que les comédiens prenaient logis : ils étaient ainsi
très à portée du théâtre situé derrière le Couvent de
Sainte-P]lisabeth, dans cette voie qui en a gardé jusqu'à
nos jours le nom de rue des Comédiens ('-), à moins <{u'ils
(*j Index (1er resolitiien rakendc de sltiiU llnisscl. aux Archives de la
Ville, fol. 72.
('-) Elle s'a|)jjf'lalt antérieurciiicnl le « Vieux Marche )■ ou le « Fossé au
Sable », (Cf. IIknne et Wai tkks, lac rit. 111, ."jH.^i.
COMEDIENS DE CAMPAGNK
267
ne trouvassent moins onéreux ou plus comniode de louer
le ((jeu de paume» du (ireelit, situé eu face dv, leur auberge,
presqu'nu eoin de la rue d'Argent (i).
Le théâtre de la Montagne Sainte-Elisabeth, bâti sur le
coté droit de la rue presqu'à hauteur de la rue Saint-
Laurent, comportait deux bâtiments avec une cour <]ui les
sépai-ait et un jardin derrière : la salle était consti-uite
dans le second bâtiment, et prenait jour sur le jardin.
Quant au ((jeu de paume», lieu favori des comédiens pour
y ériger leurs salles de plauches, il était également con-
struit dans un jardin, la nuaison à fi'ont de rue étant
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licstitiiti(i/i . iri coiijic cl vn jihtii, tic lu schtc cicccc ii/i
Jeu (le l'diniie du h'osKc uu.r Loups.
Loiignciir Idlalc : 1(10 jiicds (le pied cImiiI r.ilnilr a (l.:i(l m. cm irmi); lar-
geur tolalc : 'X.\ ijicds A gaïu-lic, l'ciiliri'; ain|)liillié:Un' en gradins avec tmis
loges ail |i(iinl If plus élevi' An cciilrele par(|ucl ou iiartiTrc m"i on se tenait
debout. I.i' plaiirlier on était à i |iii'ds sous le niveau de la seene. ii la(|uelle on
accédait par un ex-aiier. He cluuine coli'' (jnalre loi;('s. Profondeui' de la scène .-
■M pied>. On\ertiii'e au rideau : 17 pieds .\n l'und. le pelil liiéàlre, dit <> de
Jupiter )'.
occu))ée i)ar une boulangeiie qui devait sui)portcr la ser-
vitude du passage i)ar l'entrée doniuiut accès au tripnt.
(') Là oii l'ut longtemps rilùtel de la l'o.-le, actuellement occupé jiar un(^
banque.
268 H. LIEBRECHT
Ce jeu de paume, comme tous ceux de l'espèce, était de
forme rectangulaire, large d'environ 10 à 11 mètres
(35 pieds) et long de 30 (100 pieds). C'est dans cet espace
que le charpentier, avec lequel les comédiens passaient
contrat sitôt le local loué, devait aménager une salle et
une scène.
Le toit du jeu était posé à environ r)'"40 du sol, sur des co-
lonnes dont les intervalles étaient tout d'abord clos de i)lan-
clies. Le théâtre proprement dit — ce que nous nommons
aujourd'hui la scène — occupait le fond sur toute la largeur
et sur une profondeur de 32 pieds (9'"60), soit envii'on le
tiers de la longueur totale. L'ouverture au rideau n'était
que de 17 pieds (5™10) et le « plateau » allait en se rétrécis-
sant, de manière à ne laisseï- entre les portants du fond
qu'un espace de 7 pieds (2'" 10). Encore ce fond était-il occupé,
entre les derniers portants et le mur. par un second petit
théâtre, nommé dans les contrats ((théâtre de Jupitei"», et
dont le plancher était à trappes, pour permettre aux appa-
ritions de surgir dans ce guignol. Parfois, il était à deux
étages, et constituait un reste curieux des mises en scène
du moyen âge : «■ un téâtre avec un petit téatre au dessus »
dit un contrat de 1651 ; ((trois téâtrcs... un embas et deux
aultres téâtrcs dessus». j)récise celui de 1662. Al'avant-plan
de la scène, un fossé, profond de 30 à 40 centimètres, permet-
tait de loger la rampe, laquelle était constituée par une
planche percée de trous i)our y ficlier les chandelles et
pouvant s'abaisser ou se lever, selon les nécessités de
l'éclairage. Le plancher de la scène était en pente, vers la
rampe, avec une différence de niveau de 50 centimètres à
])eu pi'ès.
Les décors étaient formés par des portants symétriques,
placés sur sept plans différents éloignés de i pieds l'un de
l'autre. Chaque plan de décors débordant du précédent,
l'ensemble des 7 plans formait une ])ers})ective très fuyante,
jusqu'à la ((petite perspective» du fond. Chaque poi'tant
était large de 4 pieds (1'"20) ; c'était un châssis de bois sur
lequel on tendait la toile peinte ; à chaque mât on attachait,
en les adossant, deux châssis de décors différents, de telle
sorte qu'une simple rotation du mât faisait apparaître le
second décor : c'est l'origine des changements à vue.
COMÉDIENS DE CAMPAGNE ^69
Dans les coulisses, des deux côtés du théâtre, il y avait
<ies loges pour les acteurs, au nombre de 6 ou de 8, sur
■deux étages superposés.
Il est certain que des places étaient réservées sur la
scène aux spectateurs de marque, car un escalier de cinq
marches permettait de monter du parquet sur le plateau.
La salle comportait trois parties essentielles : les loges,
l'amphithéâtre et le parquet, les deux dernières séparées
par une barrière. Le parquet avait la largeur de l'ouverture
du rideau, soit dix-sept pieds ; il était en contre-bas, c'est-
à-dire que le plancher eu était à 4 pieds sous le niveau de
la scène à l'avant-plan ; comme on s'y tenait debout, le
regard était donc à la hauteur voulue.
Des deux cotés du parquet étaient placées des loges,
8 à 10 en tout : chaque loge avait une petite porte ; elle
était couverte et garnie de bancs ; une grille mobile, sur
le devant, permettait aux dames de la noblesse, qui n'as-
sistaient jamais aux représentations qu'en loges, de se
dissimuler aux regaids du parterre ; quant aux sépara-
tions entre les loges, elles étaient rudimentaires et ressem-
blaient à peu près à des bat-flancs d'écurie. Des allées
distinctes contournaient l'amphitliéâtre et donnaient accès
aux loges et au parquet L'amphithéâtre occupait le fond ;
il était en gradins, garnis de bancs, et répondait ainsi à
nos galeries ou aux balcons de nos théâtres. Enfin dans le
iond de la salle, au plus haut de l'amphithéâtre, ou plus
exactement derrière lui, il y avait encore trois ou quatre
loges. Derrière celles-ci s'ouvrait l'entrée de la salle : il
fallait y établir des barrières pour contenir la foule et
empêcher les gens d'entrer sans payer. L'amphithéâtre
était parfois divisé en deux, de manière à réserver aux
laquais une place séparée du reste des spectateurs (^).
(1) On sait que les documents concernant les théâtres provisoires construits
dans les jeux de paume sont assez rares. Nous avons retrouvé aux Archives
cinq contrats datés de Kiol, 1G32. 1G02, 1678 et 1080 (jui nous ont servi
à établir une descripliou assez niinulieuso de la scène érijîée au Greclit. Au
dernier contrai est juintc une pièce précieuse dont les données ont permis :
-M. Paul Saintenoy, rèmiuent arciillecte, détaldir avec nous le plan ci-dessus
qni reconstitue le tln'àlrc du Jeu de Paume du Fossé-aux-Loups. .Nous ne pou-
vons songer à ]iul)licr ici toutes ces pièces jusiificalives.
270 H. LIEBRECHT
Dans certains cas les acteurs stipulaient que la scène
devait être munie des trappes nécessaires à la repiésenta-
tion des «pièces à machines» comme rOry>/iée de Chai)otton,
VAndromèdeou la Toysan d'Or de Corneille. Parfois aussi,
devant la scène, de plain-pied avec le parquet et situé
comme l'orchestre de nos théâtres, il y avait un espace
réservé aux acteurs, sans communication avec les loges ou
le parterre et pourvu d'une porte qui y donnait accès des
coulisses : c'est ce que le contrat de 1652 nomme (d'ante-
théàtre» (^).
Il est certain, comme nous eu avons donné la preuve,
que des troupes de «comédiens de campagne» sont venues
à Bruxelles dès le début du xvii'^' siècle ; mais c'est à
j)artir de 1049 seulement qu'il est possible d'en ])réciser la
composition et de constater leurs séjours réguliers. En
février 1649, « les maistres comédiens de la Compagnie
Hollandoise estans présentement en cette ville de
Bruxelles, à leur grant regret, ilz ont entendu le triste
deuil de cette court, cause pourquoy les remonstrants ne
peuvent présentei- leur très humble service pour pouvoir
présenter quelques nouvelles pièces de leur théâtre » (~).
Aussi sollicitent-ils de S. A. S. un passeport pour gagner
l'Allemagne.
Le 19 décembre 1650, les « Commédiens ayant esté en
compaignie pour feu son Alteze d'Orange » louent, au
maître paumiei- Adrien Aubertin, le « Tripau » ou jeu de
paume du Grecht. moyennant tiei/.e florins par jour. Les
signataires du bail, pour les comédiens, sont Guérin et
Philandre. Cette même troupe alla passer la saison d'été
à Gand ; d'après la requête adressée aux Magistrats de la
Keure, elle comportait vingt sujets, tant acteurs qu'ac-
trices, sans compter les domestiques et les gagistes qui
les accompagnaient ('^j.
(') Ce (|iii cniitirmo Bapst: Essaisiir l'Hislnlre du Thrntrc, Paris 1893, p. 173-
(2) Papiers d'État et de l'Audience, Registre lOiO, folio 91. Ne serait-ce
liuinl la troii[>(' du (•(iniétlien Kloridor qui était en Hollande en H)-i9 et dont
parle «ionstantin Huy^^liens dans une lettre à (Corneille (31 mai lOiitj '.'
(■') (If. J'uosi'KK (li.AKYS : Histoire du T/icYilre à (kirid, II, p. l'.l-!20.
COMKniKNS nV. CAMPAGNK 27)'
Le H (IcH'einhre l(i.")l. la tioupe l'cnouvclle son bail ù
Bnixollcs, à douze florins seulement par joui*. Cette fois
c'est Germain Clairin, dit Villabé, qui ase fait fort pour
ses compagnons». Quelques jours auparavant, Toussaint
Le Riche, sieur de Hautefeuille, et Nicolas Dufranne, au
nom des comédiens, avaient passé contrat avec François
Drion, maître charpentier, pour l'érection de leur scène.
Mais le l'î avril H)oi2 ils jugent préférable de louer au
brasseur Jean Vander Elst son théâtre de la Montagne
Sainte-Elisabeth ; ce propriétaire ne semble pas avoir eu
un caractère très conciliant, et il ne tarde pas à se prendre
de (luerelle avec ses locataires, qui reviennent au jeu de
paume du Grecht le 27 novembre suivar.t : ce joui--là.rean
Philandre et Villabé passent une nouvelle convention
avec un autre charpentier. Jamais les « Comédiens du
Prince d'Orange )> ne semblent avoir été aussi bien dans
leurs affaires, car ils dépensent 825 florins en une fois pour
la construction de cette scène. Cependant Jean Vander
Elst perdit le procès qu'il avait intenté aux comédiens et
il fut très heureux de voir ceux-ci reprendre son théâtre à
partir de la Saint-Jean 16o3.
La troupe de Philandre était encore à Bruxelles en I600 ;
cette-année là elle eut l'honneur insigne de jouer devant
Christine de Suède, et il est probable qu'elle participa aux
brillantes représentations données en février I600 au
Palais de Bruxelles, en présence de la Reine(i). La troupe
des « Comédiens du Prince d'Orange » avait l'habitude de
ces représentations au Palais, où l'archiduc Léopold-
Guillaume, grand amateur de théâtre, la faisait venir trois
fois par semaine (2). Mais après avoir diverti de la sorte
Christine, elle prit le nom de « Troupe des Comédiens de la
Reyne de Suède », sous lequel on la voit passer un acte le
14 avril I600 : les signataires en sont Toussaint Le Riche,
M"« Anna de la Chassée, sa compagne (•'), Jean Philandre,
Charles Guérin et deux autres comédiens. Et si l'on
(') Cf. IIkmu LiKimrcin : Les Onfjines(lpl'0/)rra <) lini.relles («Le Klaniboau »,
31 décembre U):2I).
(■-) CI. LoSANocité par Fal)er : llistnirc du Thrùtrc /ramais en lielginue, I. .">9.
(■*) Le uom est évidemiiieiil mal oriliograpliic : Toussaint Le Riche avait
épousé Anne Lacliappe.
'21'2 H. LIKBRKCHT
s'étonne de la présence d'une troupe de comédiens français
<3ans la capitale des Pays-Bas es])agnols en pleine guerre
entre la France et l'Espagne, on pourra y voir une man-
nœuvre diplomatique de Mazarin : (( Par une espèce de ga-
lanterie, qui cachait peut-être quelque nouvelle intrigue
politique. Mazarin, malgré la guerre, fit i)artir de Paris
une troupe de comédiens pour divertii- Christine à
Bruxelles (i)^).
La dernière trace que nous ayons de son séjour à
Bruxelles est datée du 28 avril i6o7 : Philandre y donne
procuration à Xocl Yiot, boucher à Paris (^;. Le départ de
son protecteur, l'Archiduc-Gouverneur, éloigna sans doute
la troupe de Bruxelles. En 1057, MM. de Villiers virent
rcîprésenter à Bruges la Mort de Pompée, par une troupe
qui passait pour «avoir été à feu M. le Prince d'Oi'ange))(^i.
Puis elle prit la route de Hollande, où elle jouait à La
Haye en février 1658,
On sait que la troupe de Philandre est une des plus
fameuses parmi celles qui couraient la province : M. Henri
Chardon nous paraît avoir démontré qu'elle a servi de
modèle à Scarron pour écrire son Koninn Comique et
M. Henry Lyonnet a pu dire avec vérité, parlant de
Philandre lui-même, que sa « biographie, si elle pouvait
jamais être reconstituée, serait bien à coup sûr une des
plus intéressantes pour nous faire connaître la vie des
comédiens de campagne au xvii^ siècle (■*) ». Parmi les
acteurs principaux de sa troupe, dont nous n'avons cité
que les plus importants, remarquons la présence de
Germain Clairin, dit Viilabé, un des anciens compagnons
de Molière, un des signataires du contrat du 'àO juin 1643
(qui institua l'Illustre Théâtre), et dont on avait pei'du la
trace depuis 1645 (^), puis celle de Pierre Marcoureau, dit
(ij Les Anlénors Modernes, Paris, 180(i, .'5 vol., I, I il .
{-) Cf. IIeniu (".haudon, Scarron inconnu, 11, H'H. (\u'\ iii(Ii(iiu' par crn-nr
28 mai 1(>n.
(') Cfl KiG. Dksimus : Le Thi'ùlre Français sous Louis MV, p. !Çi.
(■*) Cf. H. Lyonnet : Dictionnaire des Omirdiens, I, "Jl col. 2 ; Jal : Diction-
naire critit/ue ; H. Ciiakdon : La Troupe tht -Honian Comiiiue- dévoilée ; du
iiiriiio ; Scarron inconnu.
(') 11 doit avoir qiiill»; Philandre vers UmI iioiir pn-iidrc la direclioii d'uni'
Injupc (Cf. CiiAiMT/.KAi : Théâtre Français, édiUou Monval. ]>. 181).
COMÉDIENS DE CAMPAGNE 273
Beaulieu. le père de Brécourt, et celle encore de Charles
Guérin, le père d'Isaac Fi-an(jois Guérin d'Estriclié, lequel
devait épouser, en l(i77, Armande Béjart, la veuve de
Molière,
Ku !()")() nous n'avons pas eu à signaler la présence à
Bruxelles de la troupe de Pliilandre. Par contre une autre
«bande» non moins célèbre y fait alors sa première appa-
rition ; c'est celle dite des « Comédiens de M."^ d'Orléans».
On sait que la Duchesse de Montpensier, tante de
Louis XIV, exilée après la Fronde au château de Saint-
Fargeau, y îivait lait venir une troupe de « comédiens de
campagne» qu'elle avait vue jouer à Orléanset qu'elle avait
ensuite attachée à sa personne (^). Cette troupe entreprit
à diverses reprises des tournées dans le Xord. Au début
de I606 elle séjourna, cinq semaines durant, dans le duché
de Luxembourg. Vers la mi-juillet, les comédiens arri-
vèrent à Namur, munis d'un passeport émanant du Comte
de Saint-Amour. La pièce n'était, paraît il, pas régulière,
et les comédiens furent incarcérés par ordre du Conseil
Provincial. Heureusement pour eux, le jeune duc
d'Enghien, fils du prince de Condé, intervint en leur
faveur. On demanda des ordres au Gouverneur Général,
Don Juan d'Autriche, qui les fit relâcher. Peu après il
leur délivra même un sauf-conduit qui leur permettait
d' <c aller, venir et séjourner dans les villes des pa^'s
de par deçà ». Ce sauf-conduit leur fut renouvelé, à la
demande du prince de Condé, le 2 janvier liiol, preuve
qu'ils séjournèrent aux Pays-Bas durant près de deux
ans.
Les (c Comédiens de M"" d'Orléans » y revinrent en IGliO :
le 26 juin ils sont à Gand et y jouent plusieurs mois
durant, de façon plus ou moins régulière (-). Rentrés à
Paris, où ils sont en janvier 1601, ils en repartent bientôt ;
à la mi-février ils sont installés à Bruxelles, et leurs repré-
sentations sont un des divertissements les plus fréquentés
(') Mnnoires de Ut Diiclirs.ie de Monlpeiisicr, II, :>i!>.
(■-) P. Ci.AVEs, np. cit., II. -2'2-2ri.
18
•274 H. LU". BRECHT
du Carnaval ('). Ils ont loué durant leur séjour le Théâtre
de la Montagne Sainte-Elisabetli. mais il leur advient de
le quitter, soit pour aller en pi-ovince, — notamment à
(Jand, où ils sont le 7 août 1661 — soit pour pousser
jus(|u'en Hollande, — ils jouent à La Haye en mai 1662.
Dans l'intervalle, revenus à l>iu\elles, qui semble avoir
été le centre de leurs opérations, ils se prennent de querelle
avec leur propriétaire, et transportent leurs Lardes, décors
et bagages au jeu de paume du Greclit. Le maître char-
pentier Etienne Mees devra leur construire une salle et
une scène, laquelle sera à trois étages, et devra comporter
la machinerie «i^onr juer la pièce de la machien de la
7'ov.so/j f/' Or et aultres». C'est en effet le i-épertoire des
pièces à machines, tel qu'on l'interprétait au Théâtre du
Marais, qui fit le succès des <( Comédiens de M"*" d'Or-
léans )). D'autres actes parlent de V Andromède de Cor-
neille et de la Descente d'Orphée aux Enfers, qui ne peut
être que la pièce de Cliappoiton. reprise au Marais, en
cette même année 1662, avec les décors de Denys Buffequin,
pour faire concurrence au succès de YErcolc A manie de
Cavalli.
La troupe quitte Bruxelles en avril 1662 : elle passe
contrat, le l**' avril, avec le maître batelier Pierre Wauters
pour le transport jusqu'à La Haye de toute la troupe, y
compris les valets et servantes, moyennant la somme de
loO floi'ins.
Les nombreuses pièces notariées signées par la troupe,
à Bruxelles et dans d'autres villes des Pays-Bas, j^ermet-
tent d'en détailler la composition : elle comprend des
acteurs de marque; elle est particulièrement nombreuse,
ce qui ne l'empêche pas de s'adjoindre encore de nouveaux
sujets. Les deux chefs sont Xicolas Dorimond, l'acteur-
auteur, et ce Philippe Millot. d'abord graveur, ensuite
comédien qui fut un moment le camarade de Molière, dans
la troupe de l'Illustre Théâtre, vers 1643. Mais il y a encore
Nicolas Biet de Beauchamps, avec sa femme et ses trois
enfants, futurs comédiens également ; Joseph Du Landas,
sieur du Bignoii, dit Du])in, petit gentilhomme ruiné
Cj lieliiliims rrrilnhlrs du lil IV'vricr Kitil ol du .") iii;irs suivaiK.
COMEDIENS DE CAMI'ACiNK 2i:j
devenu Jieteur par nécessité, et qui épousa en KJGo la l'ille
de Montfleurv ; Louis Dorimond et A.braham Mittalat,
dit La Source, ancien chel' de troupe lui-niènie. et qui ne
tardera pas à le redevenir (V).
Ce pendant qu'ils sont à La Haye (^j, arrive à Bruxelles,
en mai 1662, une autre troupe, qui s'intitule tantôt ((Comé-
diens du Roy d'Angleterre», tantôt ((Comédiens du Séré-
nissime Prince de Liège» Il 3" a là Rosidor, également
acteur et jjoète. avec sa femme Charlotte Mesliei', Claude
Jannequin, dit Rochefort, Denys Lavoy, qui semble en
être le chef, Jean de Surlis. — dont la scx'ur Catherine a été
également de 1' (( Illustre Théâtre » et dont la sœur Etien-
nette épousera Brécourt, - Jean Pallet dit Hellefleur, ua
ti-anst'uge de lu troupe des (( Comédiens de M"'^ d'Orléans »,
qu'il ne tardera pas d'ailleurs à rejoindre par raison senti-
mentale poui' épouser .leanne-Françoise de I^an (3). Les
«Comédiens du Sérénissime Prince de Liège» ne sont guère
en fonds quand ils s'installent au jeu de paume du Greclit ;
ils n'y resteront pas longtemps d'ailleurs, car ils redoutent
la concurrence de la ti-oupe rivale, plus nombreuse et plus
réputée. Il semble pourtant que les deux a bandes » se
soient rencontrées à Bruxelles et que la plus riche ait
porté financièrement secours à l'autre : un contrat de prêt
en fait foi, ce qui montrerait que cette rivalité entre les
troupes de campagne, dont parle Cliappuzeau, n'allait pas
sans exceptions.
Le 7 août 16(32, les (( Comédiens de M"'' d'Orléans »
reviennent à Bruxelles et louent le Théâtre de la Montagne
Sainte-Elisabeth, du quatorzième jour après la Toussaint
(1) Voir iiotainiiicnl sur celte troupe i-i-lébre, Ciiakixin : Troupe du u Ihniian
Coniiijuc y> p. lii; Micmku : l^e T/icàlreen Savoie, p. 1 i ; IJuorciioi i> : l.cs Ori-
gines (lit Théâtre 11 Lyon, passi/ii ; K. Tk.m tmann ; Friinziisise/te Sr/iaiispieler
nm lidi/risrlien Ho/er (■■.Talii'l)iK'li fi'ii-.Miinclieiierdoscliiclile-, liSH8);K. Roisskm :
Documents pour I Histoire du Théâtre franrais en lieltjii/uc «Revue helj^e d'His-
toire», T. I. 19i-i ; P. Clakys op. cit. passi)n. — Fahik : Histoire du Thééttre
franrais en Belgiiiue, surtout les pièces publiées eu addenda, dans les docu-
ments du tome IV.
(-) Intermédiaire des Clierriieurs et des Curieux, Hîi juillet 188i. col. 134.
( ') Philip|)e Millol avait épousé Marguerite Prunier, veuve de Hugues de Lan,
jadis membre de la troupe. Le mariage de Hellel'leuiet de .Icanne-Francoisedo
Lan fut célébré à lîruxelles le 3 janvier Itlli.").
^76 H. LIEBRECHT
jusqu'au trentième jour après Pâques 1663, moyennant
220 patacons, dont 100 payables anticipativement et le
solde quatorze jours après Noël. Nous ne connaissons pas
Je répertoire que la troupe interpréta : tout au plus est-il
permis de croire qu'elle prêta son concours aux fêtes don-
nées en avril 1(563 par le Marquis de Caracène, Gouverneur
Général des Pays-Bas. pour l'anniversaire de Leurs
Majestés. Elle repartit pour la Haye à la fin de l'année, _
songea à passer en Angleterre, où elle envoya Jean Pallet
dit Bellefleur pour préparer une tournée qui n'eut pas lieu,
et revint finalement à Bruxelles en janvier 1604. Mais ce
fut seulement pour y établir leur quaitier général et rayon-
ner de là dans les villes principales des Paj-s-Bas : en juin
1664 ils sont à Anvers (*) et en août à Gand, où ils inau-
gurent, le 20, la nouvelle salle de la Confrérie des Archers
de Saint-Sébastien (~). L'iiiver 1664-16(io ils le passent dans
la capitale et, en mars 166o, ils mettent ordre à leurs
affaires, la troupe réglant d'anciennes sommes d'argent
■dues à l'un de ses membres, Adrien de Marsennes, sieur
de Belleville, qui par ailleurs prête 46 florins à Abraham
Mitallat, dit La Source. Durant ce même mois de mars 1665,
il y a lieu de signaler à Bruxelles la présence de
Ouillaume Marcoureau de Brécourt qui, le 27 mars, donne
procuration générale à sa femme Etiennette de Surlis pour
la gestion de leurs affaires. Sans doute fut-il alors en rap-
port avec les « Comédiens de M"= d'Orléans ».
En avril 166o, ceux-ci ont repris la route de laHollande(''),
•et on les signale encore à La Haye. Enfin, pour la dernière
fois, ils reparaissent en septembre 1666 {*) à Bruxelles
et font louer par un des leurs, .Joseph Dupin, l'habituel
Théâtre de la Montagne Sainte-Elisabeth, qui leur est
concédé juscju'à Pâques 1667. C'est malheureusement le
seul détail que nous ayons relevé au sujet de ce dernier
séjour des « Comédiens de M"« d'Orléans », qui reprirent
la route de la France; ils jouent à Dijon en mai 1667.
('; Le 3 et le m juin, ils y passtMit plusieurs actes iiotnriés.
C^) P. Clavks, 11, 28.
(•') Inlenncd'aire des Chercheurs et des Curieux, loc. cil.
{*) Dès le mois de mai un de leurs envoyés, Philippe La Jeunesse, est à
Bruxelles en vue de préparer ce reiour.
COMÉDIENS DE CAMPAGNE 277
Ultime étape de PIiili|)pe Millot et de ses (•ompag'nons, qui
vont se fixer à Muiiicli où ils joueront de 1()07 à 1G71 et
deviendront la « Troupe franroise de l'Electeur de Ba-
vière». Siméon Chappuzeau dira d'elle qu'elle «n'est i)as
forte en nombre de personnes, mais elle est bien concertée
et l'ayant vue à Munich en deux voyages que j'y ny faits^
je reconnus que la Cour en estoit fort satisfaite (^) )>.
Nous ne pouvons songer, dans cette esquisse, à suivre
ainsi en détail toutes les troupes de «comédiens de cam-
pagne» dont nous avons relevé le passage à Bruxelles au
cours de la seconde moite du xvii* siècle. Leurs séjours
successifs, et parfois simultanés, forme une suite ininter-
rompue, et on peut dire que jamais la capitale des Paj-s-
Bas espagnols ne s'est trouvée sans une troupe de comé-
diens français. Les meilleures «bandes» y ont fait des
apparitions, et plusieurs d'entre elles y sont revenues, soit
durant plusieui-s années, soit à intervalles irréguliers.
Abraham Mittalat de La Source n'avait pas suivi ses
compagnons qui se rendaient à Munich. Il se mit à la tête
d'une nouvelle troupe qui s'intitula «Troupe des Comédiens
de la Reine de France», et dans laquelle on rencontre
Abraham Mittalat, Jolimont, tous deux transfuges de la
troupe de Millot, Guérin, de Raynez, Denys Claircelier,
sieur de Xanteuil, acteur-auteur que nous retrouverons
comme chef de troupe i- ; Jean Thomas, sieur de la Mette-
rie, Bernarde Boisvert, sa femme, et Demoiselle Gillette
Loiseau.
Le lo mars 1669, avant de se mettre en route i)Our leur
tournée d'été (•'), ils renouvellent leui- contrat d'a^^sociation
l)oui" une année, à peine de mille livres de dommage pour
les défaillants. L'acte stipule les attributions des i-ôles
dans le répertoire. De Nanteuil jouant les amoureux,
Bernarde Boisvei-t les amoureuses et I^a Source se réser-
(M S. Chai'PIZKai : T/iei'ilrc Frdmois. l'd. M(iii\;il, |i. \'-i~ .
(') Sur l'actenr-autt'iir De Nanteuil voir : La Timipr de Suntrtiil à Anr/oK-
li'mc tm 1()8iJ (•• Molic'risle «. 1888. ."iTi, Hk \i champs: li('< /irrc/ies sur les Tlicùtres
(le Viamr, 2.'i7 ; Dk M(»i iiv : Alurfjr I, /lassini ,- 1)k I.kuis : Dlilùiri/iniri'.
( ') En juin 1()69, ils jouent à Lille.
278 H. LIEBRECHT
vant les pères. De N'anteuil et Beruardc Boisvert «iront à
Paris de la part des dits associez pour choisir les person-
nes qui leur seront nécessaires », Ce sont ces deux manda-
taires (^ui engagèrent sans doute Jolimont, Raynez et
Gurrin, lesquels figurent dans les actes ultérieurs. Tandis
qu'ils étaient à Paris, les autres agréèrent le sieur Jean
Gillaret, sieur de Koncourt, sous la condition « qu'il se
pourra séparer de leur association quand bon lui semblerat
sans estre tenu en aucune amende moyennantqu'il laisserat
au prouffit des susdits comparants ses deux parts de déco-
rations du Théâtre ».
La troupe joua comme ses devancières à la Montagne
Sainte-Elisabeth, en 1669, puis Mittalat entraîna ses com-
pagnons jusqu'à Lalïaye, se souvenant des succès anciens.
Mais il semble que les « Comédiens de la Reine de France »
ne reçurent pas le même accueil, et qu'ils se séparèrent
peu après. On retrouve, à quelque temps de là, les éléments
dispersés de la troupe dans d'autres troupes voyageant en
Allemagne.
Dès le mois de juillet 1670 paraît une «compagnie»
nouvelle, composée de Jacques Pomier, sieur de Fontenelle,
Pierre Benar, sieur de Bonoeil. Jean- Baptiste Pohu, sieur
de Prél'leury, Jean Cliantemelle, sieur du Boccage, Laurent
de Mangot, tous accompagnés de leur femme, et Guillaume
Savoyen, sieur de Liancourt. A raison de trois patacons
par jour, la troupe s'engage à représenter de la Saint-
Remy au Carême suivant , sauf à subroger une autre troupe
dans ses droits et devoirs avec l'agrément du propriétaire ;
elle ne tarde pas à user de cette clause et, le 7 octobre, elle
cède la place à Jean Simonin, dit Chevalier, et à ses com-
pagnons, qui jouent durant tout l'hiver à la Montagne
Sainte-Elisabeth .
Le 11 juillet 1671, Catherine Bidou, en (jualité d'envoA'ée
-de la <( Troupe de Monsieur le Dolphin de France », prend
à bail le théâtre à dater de la Toussaint ])rochaine. Cette
troupe est celle des (( comédiens-enfants »d'Kdme Raisin (M,
(') On t'oiinail, |i;ii' (Iriiiijircsl iKilamiiuMit, l'Iiisldirc de la U'oiii)e des roim''-
dieiis-cnfants (rKdinc Uaisiii et celle de It'piiieUc iiia^Miiiic (lue cet aiu'ieii
organiste fil jouer devant la Heine. Plus tard il prcsenla sur une |>elite scène
COMÉDIENS DK CAMPAGNE 279
■dbveime depuis la ((Troupe du Dauphin de France ». Le
9 mars 1072, les acteurs (pii la composent renouvellent leur
contrat d'association «pour faiie la comédie ensemble à
commencer d'aujourd'huy jusqu'au jour des Cendres KH;^»,
à condition de partager tous les profits et sous dédit de
50 pistolles d'Espagne pour qui sortira de la troupe. IjCs
signataires sont Marguerite Siret. veuve du sieur Raisin,
(( se faisant fort poui' ses enfants Jacques, .Jean, Cato et
Babet Raisin» ; Jean de V^illiers ; Charles Savoien, sieur
de Clermont ; Guillaume Savoien, sieur de Liancourt,
Louis Mordan et la i)"*^ J. Siret C'est vraisemblablement
cette troupe qui était encore à Bruxelles en novembre 1672,
en même temps qu'une autre, puisque ]ei^ Relations ]'crita-
blea annoncent que le dimanche 6 et le lundi 7, ((une diffé-
rente troupe de comédiens fit tout son possible de bien
satisfaire la compagnie ».
Le même cas se produisit trois ans après : tandis que les
comédiens de « S. A. Monsieur le Ducq d'Hannovre », con-
duits par Scipion Clavel, jouent sur la scène habituelle, les
« Comédiens de la Reine de France», dirigés par Denys de
Nanteuil, font ériger au jeu de paume du Grecht une salle
et un théâtre pi'ovisoires. Les deux troupes paraissent
d'ailleurs avoir vécu en bonne intelligence : elles se prêtent
leurs meilleurs sujets, et font des tournées dans les pro-
vinces tantôt simultanément, tantôt l'une après l'autre.
La première des deux troupes prétend cependant avoir
le privilège exclusif de jouer aux Pays-Bas (^). Elle est
importante, par le nombre et la qualité de ses membres :
Germain Le Riche, Scipion Clavel, Romainville, Jacques
Valliot, Isabelle Yalliot, La Chevalier, et, à partii- de 1680,
Jean Barrié, dit Fonpré, (jui devait revenir à Bruxelles,
à différentes reprises, et être un des premiers <( entrepre-
neurs des spectacles » au Grand Théâtre sur la Monnoie.
la troupe lilliputienne composée de ses quatre enfants et du jeune Michel
Boyron. le futur Baron. Le plus jeune des enfants, Jean-Baptiste Baisin, jouait
si bien quil fut surnomme par le public «le Petit Molière». Il en ^'anla lliabi-
tude (le signer du nom de Molière, allant jusiiuà imilcr la graiiliie de son
illustre homonyme 1
(') Voir sa requête au (irand Bailli et aux Kchevins de la Keure lors de son
passage à dand en juin lOTi). (Cft P. Ciayks, »p. cit.. Il, 33.)
280 H. LIF.BHECHT
Entrée en conflit avec le propriétaire du théâtre de la
Montagne Sainte-Elisabeth, elle loue à son tour, le 14
novembre 1680, le jeu de paume du Grecht devenu libre :
c'est un nouveau venu, Pierre Chasteauneuf ('), qui signe
le bail pour lui et ses associés. Une représentation de la
Toyson d'Or, de Pierre Corneille, donnée par la troupe à la
fin d'octobre 1680 devant S. A. le Prince Alexandre
Farnèse, lui valut l'iionneur de pouvoir prendre le titre de
«Comédiens de S. A. le Prince de Parme», bien que le
patronage du duc d'Hanovre l'eût déjà rendue célèbre,,
depuis tantôt dix ans qu'elle était à ses gages (-).
L'âge d'or des «comédiens de campagne» touche à sa fin.
En janvier 1682 Bruxelles voit s'installer le premier
théâtre d'opéra et la première troupe à demeure. C'est
l'Opéra du Quai-au-Foin, qui ne disparaîtra définitivement
en 1695, que pour céder la place au Grand Théâtre. La
venue des «comédiens de campagne» est donc désormais
intermittente et il faudra le faste de Maximilien-Emmanuel
de Bavière et son goût de la comédie pour qu'une troupe
soit encore attachée à la personne du Gouverneur Général
et payée par lui. Le chariot de Thespis aura bientôt paru
pour la dernière fois au jeu de paume du Grecht et à la
Montagne Sainte-Elisabeth.
En février 1683, voici une troupe qui se dit à Monsei-
gneur le Prince d'Orange. Elle est composée presque entiè-
rement d'acteurs que nous avons déjà rencontrés : Germain
Le Riche, Charles de La Haye dit Romainville, Jean de
Surlis, De Fonpré, Chateauverd, Denys Lano3'^er et
Richemont. Son chef est Barthélémy Gourlin, sieur de
Roselis, qui allait entrer trois ans plus tard à la Comédie
Française, où il remplaça Lathuilerie (*).
En 1687 reparaît la troupe qui est venue ici dix ans
auparavant ; on y retrouve, outre son chef Jean Gillaret
(^) Pierre Pâtissier, dilCiiasteauiieiif, est sans doute cet acteur-coincdien
qui publia eu 1(503 La Feinte Mort de Pancrace et qui fil partie eu 1053 de la
troupe de Molière. Il avait épousé la fille de Jean Chantrelledit Duboccage, et
de Madeleine Biet.
(-') Cf. SiMÉON CiiAPi'A/.KAr : L'Allemagne protestante, p. 348.
(•') La troupe se dispersa à Rouen en 1080-1087.
COMÉDIENS DE CAMPAGNE 281
de Concourt, quelques illustrations comme ce même
Roselis et Pierre Trochon, dit Beaubour, autre futur
sociétaire du Théâtre Françjais.
Qu'importe désormais qu'en 1694 arrive, dans les baga-
ges de Maximilien-Kmmanuel, la troupe dirigée par .Fcan
de Marcelle, et qui joue sous le nom de l'Electeur de
Bavière; qu'en 1099 passe la troupe dite «de Rosidor»; que
peu après s'installe une nouvelle troupe réunie pour les
plaisirs du Prince et qu'il emporte à sa suite tantôt à
Munich, tantôt à Bruxelles, quand ce n'est point à Mons
ou à Namur durant son exil ! Le Roman Comique est bien
fini : on ne verra plus paraître à la Toussaint (da charrette
attelée de (juatre bœufs fort maigres, et pleine de coffres,
de malles et de gros paquets de toiles peintes, qui faisaient
comme une pyramide, au haut de laquelle paraissait une
demoiselle habillée moitié ville, moitié campagne», que
nous déciit Scarron à son arrivée au Mans et qui sans
doute fit plus d'une fois des entrées pittoresques dans le
Bruxelles de 1650.
Le théâtre est désormais organisé officiellement dans la
capitale des Pays-Bas espagnols. Les troupes de passage
ne pourraient plus y représenter, car un octroi exclusif
protège les ((Maîtres de l'Opéra». C'est un autre chapitre
de l'histoire théâtrale de Bruxelles qui commence.
Henri Liebreciit.
Les Chaumont germaniques
NOTK I)K TOPONVMIK.
Dans sa Frontière Iinf>-uisti(jii(' en Bel}>-i(jue ('), où il
ïi oiixert tant d'horizons nouveaux sur la toponymie do
notre pays, le regretté Kurth mentionne Claircfonliunc et
BonncDoic dans le Luxembourg, Colinont et Riinckelcn
dans le Limbourg, Lovcnjoul dans le Brabant, comme
autant de « noms à caractère foncièrement roman qui se
rencontrent dans nos régions germaniques. Ces noms, qui
ne sont pas les seuls sans doute, doivent leur origine à des
fondations monastiques qui y ont apporté l'usage du fran-
çais ou tout au moins du latin ; ils sont nés en plein moyen
âge, Pt ils ne doivent pas rentrer dans la catégorie des
vocables de formation romaine ».
Cette opinion de l'illustre historien est certainement
exacte pour Clairefontaine et pour Bonnevoie, mais est-
elle admissible pour les autres appellations?
Sans rechercher ce ({u'il peut en être de Runckelen et de
Lovenjoul, je voudrais, dans ces quelques pages, examiner
le cas de C'olmont et de ses congénères, les Calmunt plus
ou moins dénaturés ([ue nous rencontrons assez noml)reu\
en pays de langue germanique, dans le Limbourg hollan-
dais, dans l'Eii'el, dans la région l'hénaue, dans le bassin
de la Moselle et, plus spécialement, dans le Luxembourg.
Chaumont — (hilniis mons. la montagne dénudée (-) —
(1) ToiiH' 1, I{iiixi>lles. 18i)t). i>. ri2;i.
(•) Kn France on c;ite, pour quelques ("hannuml, la fornic ancienne Culidus
mon!', <( montaiïne eliaude », exposée au niitli, mais pour notre pays et h-s
ré^inns envisagées dans eel article, je n'ai jamais rencontré, jiour ma part,
ue Ciihiis iiiori.s.
2^4 J. VANNÉRUS
est, en effet, un nom très intéressant; d'abord à raison d&
sa fréquence extrême; ensuite, parce (|ue dans les paj'^s de
langue romane, où on l'a pour ainsi dire exclusivement
signalé jusqu'à présent, son origine ne laisse pas d'être
souvent très douteuse. C'est ainsi, par exemple, qu'étu-
diant les noms de communes de la Hauto-Marne (*), Lon-
gnon rangeait ])rudemment les deux Cluiumont de ce
département, Cliaumont-la-Ville et Cliaumont-en-Bassi-
gny, parmi les « noms d'origine romaine ou romane », en
expliquant comme suit la création de cette catégorie : « le
latin populaire étant l'origine de notre langue nationale, il
est souvent fort difficile de distinguer entre les noms de
lieux français qui, d'origine latine, remontent à l'époque
romaine, et ceux qui, d'origine romane, sont postérieurs à
cette période » ; il a donc « classé en une série uni(iue les
noms de commune formés en tout ou en partie de mots
latins qui, sous une forme romane, ont passé dans l'idiome
de nos ancêtres du moyen âge ».
Dès lors, si nous rencontrons des Cliaumont dans des
régions où l'on parle actuellement une langue germanique,
les circonstances dans lesquelles ils apparaissent ai)porte-
rout sans doute quehpies pi'écisions destinées à jeter de la
clarté dans cette? obscure question ('-). Reprenons donc le
problème, déjà touché par des auteurs allemands (•*), en
(*) E. I.ECi.KKC, Orif/ine des nn)iis de coiiniu/fics de la Ihtii/e-Monie. iM'.sumc
des conférences données à l'Flcolc des Hautes Kliitics en Sorlxiiini'. [cii'
M. A. Longnon. I.îingres. 1908. p. ^2-2.
(-) Evidemment, si nous n'avions à envisager (|ne le premier élément ca/-,
les Calmnnt germani(jues ne poiirraienl nous êlre d'aucun secours pour
éclaircir la (piestion, puisijue le llaniand Kaal et l'allemand A'«/(/ sont habi-
luellenienl, tous deux, considérés comme ayani l'té empruntés au lalin Cniviis ;
par contre, le terme -niunt \w possédant ain-un correspondant germani(iue
avec le sens de montagne, nos appellations ('nhnnnf conservent tnule leur
valeur probante au point de vue s|)écial où nous nous plaçons ici.
Il est curieux de constater, à i)ropos des nombreux Kahlenherg, i|ue leur
étymologie peut présenter um» dillicullé; analogue ;i celle (|ue nous avons
signalée poui' les Chaunionl, où l'on fient (|ueli|uefois liesiter entre Calriis
mons l'I Calidus mons ; scîulemenl, ici, il s'agit de décider entre la " montagne
chauve » (Kafilenherg) et la <c montagne froide » {Kaltenherg).
f'^) Dans son travail R/ieinisr/ie Ortsnamen ans vorn'imtsrher und roiniseher
Zeit fniisseldorf, 19tH) Fhanz Ckamkk a déjà signale un certain nombre de
Cahnunl, mais en essayanl d'expli(|uer par le celli(]ue les deux éléments
CHAI MONT tiEHMWIQUES 285
nous phirant spécialement au point de vue de la Belgique
orientale et des pays limitroplies de langue germanique.
CoLMOXT. pour commencer par le nom signalé par
Kurth, désigne, près de Tongres, un « cône boisé d'une
grande élévation », dominé par les ruines d'un château
certainement fort ancien, car on y voit un mur en arêtes
{<)})us spicntnm) (^). Colmont est cité à partir de 1096 sous
les formes suivantes {^) :
1096,1247 : Knlnionl. 127-2-xviii« siècle: CocZ/z/c/?/.
ll-2o, 117o, 1333 : Cuhuis I-J80 : Chiuinonl.
Mous. 128o : Kolcniont.
Ters 1183 : Culmiint. 1292, 1317, etc.: Chniiiont.
1200 : ChuliuuiU. 1308 : Kolciuiini.
1232, 123:;, etc. : Calinonl. 1318, 1365, etc : Colmonl.
1269, 1318, etc. : Cluiiinioiil. 1338, 1340 : Coclcnuuil.
Prononciation populaire : (^olmoi.
Colmont, mentionné comme place forte dès le xii'' siècle,
ne peut devoir son appellation à un monastère, comme le
pensait Kurth {^). Dès lors, l'origine romane de Colmont,
coiisliliuinls, (7f/- ;iiissi liicn ([iic -iiiiint ; c'csl là iiiic Iciil.-ilivL' assez liarilic,
où je lie veux suivre le Idpoiiyiiiisle rhénan, le plus souveiil très intéressant,
mais quelquefois Iroj) ingénieux.
D'autre i)art, K. Fokstkmann et H. Ji-;i.i.im;h.u s (Altdeutsc/ii's IS'uihctiIikcIi.
Ortsriamen, 11)13 et lOKi, i, HMiii, et II, io.'Ji) mentionnent sous la rubriciue
Kul (chauve) Kolnionl, Cliaumont-(iistoux et Kalinnilh (jjrés de Ilonihurfi-
sur-le-.Main), en considérant -mont comme un emprunt fait i)ar l'allemand.
Seulement, Chaumonl-Gisloux. du BrahanI walhin, n'est évidemment pas à sa
place dans un recueil de noms allemands.
(*) C. i>E BoKMA.N, Histoire du château de Colmont, dans le Uni/, de l Institut
arcliénl. licgcoix, t. V, Liège, 186:2, p. 97 à loi.
(-) Foiu'nies |)ar m; BnioiAN {op. cit.), Foiistk.mann et .Iullinoiiais (I. 1G-2H);
PoNCKr.KT, Fie/s de i église de Liéjc sous Ad. de lu Marrk, 1898, fjasst)n.
(3) il pourrait en être autrement d'un Cai.mom, encore appelé i'.ahnund et
Caeten, sis |)rcs de Melderl, à 7 kilomètres au sud-ouest de Tirlemont, et où
l'on a |>lacé un monastère Cf. à ce propos Moi i.akkt. «Essai sur le comte de
Brunengeru/, », dans le Bulletin de ta Commission roi/ale d'Histoire, i""-' série,
t. \, 18.')7, p. 17."jà 178, avec cart«' jointe ou est indiquée, entre .Meldert et
l'Écluse, une montagne avec le château de Calmont, siège d'une abbaye de
bénédictines (010-881'/). Tahi.ikk et Waiteks, Cotnmnnes hehjes, canton de
Wavre, 186i, p. 26i2, appellent ce mont C.ulfsberglie' ; cependant, la proximité
2S6 J. VANNÉUrS
sis en pays flamand, devient moins probable. On a bien
d'autres exemples de châteaux portant un nom roman en
territoire germanique — par exemple, Berbourg dans le
Luxembourg, qui est un ancien Jiel-Rcpuirc — , et l'on
pourrait peut-être invoquer pour Colmont une influence
romane, partant de Liège, de même qu'il est permis d'ex-
l)liquer le Beaurepaire luxembourgeois par l'orientation
romane constatée à la cour de Luxembourg depuis l'avène-
ment de Henri de Namur, en 1136. Cependant, les Calmunt
(]ue nous allons rencontrer en pleine Germanie, loin de
toute influence romane, qu'elle soit de source monastique
ou due à une dynastie., vont nous obliger à chercher ail-
leurs l'origine du nom de Colmont.
En effet, si nous jetons les yeux sur la carte, nous allons
rencontrer à l'est de Colmont, puis plus loin, dans la
région du Rhin et de la Moselle, toute une série de loca-
lités dont les noms s'apparentent directement à celui du
château limbourgeois.
C'est, tout d'abord, dans l'arrondissement de Maestricht
Kelmont, près de Beek-over-Maas; puis Colmond, près de
Voerendael, pour lesquels je manque malheureusement de
formes anciennes.
C'est ensuite, en nous dirigeant vers l'Eifel, Kalmuth,
près de Miinstereifel, dans le cercle de Schleiden, par où
passe un atiueduc romain bien connu et qui est mentionné
comme KHloinuni en 1243, Kolcmunt en 1263, KiilnicUen
en 1572 ('), Kolmnih en 1645 (dans Gelenius), Kulmund
en 1777 (sur la carte de Ferraris).
Plus loin, contre Remagen sur le Rhin, existe un Cal-
MUTH, appelé en 1138 Kalcmiinte, en 1166 et en 1212 (hde-
dc la frontii'ic liiij,Miisli(ju(' — .Mcldc^rl est tlainand, mais Ips localilcs limi-
ln)|)lios de rKcliise cl d(! Baiivecliaiii sont ac^tin-llciiu'iit roiiianiseos —
m'ein|)<"'('heiit de faire état de ce nom au puint de vue on je me plaee, d'autant
[dus (|ue l'ein[)laeement de (te monastère est conlesté : en effet, Tarlier et
Wauters (loc. cit.), qui ridentilicnl eomme Moulaert avec le Cahnuntis du
partage de 870, admettent (pi'il était situé à (liiaumont (-(lislonx), à trois lieues
de là.
(*) Cf. OutiscHi.AUEK, « Die Deutung aller Ortsnanien am Mitlel- und
Niederrhein », dans Annalm des Hisf. Yrrrivs fiir den Niederrfiein, t. 21-22,
1870, p. 170.
CHAUMONT GERMANIQUES 287
nuiiit, en ['2'')\1 {de) CnlcDionlc, eu lti!97 (Inlciuunti' en 1:298
KuiU'iuunie (^).
Ce n'est j^as le seul de la région, et nous pouvons
encore relever : Calsmunt ou Calsmind. montagne près de
W'etzlar, avec un château souvent cité (~); Kallmutt,
autre montagne s'élevant à l'est de A\'ertlieim, près de
lIomburg-sur-le-Main et appelée en llO(i Knlcitiiini (3);
Calmit ou CALMrrr, cime élevée de la Haardt du Palatinat,
près de Neustadt an-der TIaardt (^).
Tuis, revenant au Rhin même, c'est à 2 kilomètres à
l'ouest de Boppard que nous retrouvons un Kalmut, dont
le nom figure comme Mons Kn/cimiic dans une charte
de 12-2i (•').
Si nous remontons la vallée de la Moselle, nous rencon-
trons à Bremm (cercle de Cochem) une crête allongée, du
nom de Calmono, où furent plantées, d'après la tradition,
les premières vignes de la Moselle moyenne; en 1435, un
vignoble y est signalé in (hitmont et en 1431 un autre est
cité yii Liuig K'cilemoiil (6),
Plus en amont, c'est àAVittlich (ju'un document du milieu
du xiii" siècle place des vignobles in nioniibns (Innipellc,
Kalemonth (ou Kclomonih), Altrcnsni-t {').
La Sarre, également, possède son Kalmit-Hof près de
fi)AD. GoEKZ, Mittelrh. liegesten, II, 187!), n i:V2, et lY, i88G, n" 27.'57;
Ôi.icsciii.ù.KK, Inc. cit. ; Lacombi.et, Urkundenfmc/é des Niederr/ieins, I. II, n° 4(58;
hisKY, Dit Hegestrn der Erztnsch. vo7i KiJln, t. IV, ii<' 7:2,
(■') .le luaiuiuc de formes anciennes; c'est, en tout cas, pour le xin^ s., Kals-
mxint (l-2i-2, 1 -2.ir>, elc,), Calsmunt (12o2, 12o3, etc.j, A'a/mra< (120-4), Cah-
inuuth (1272), Calisnumt (1273, 1278), Kaksmunt (1270), Calzmont (1277),
(lidumnt (12n()), etc, (Ei.tester et Oœkz, Mittelrh. Urkundenlmc/i, t. III, et
Mittelrh. Reyesten, t. III et IV, pussim).
{^) FORSTEMANN et JeLLINGIIAIS, Op. Cit., II, looi.
(') La carte de l'étal-major allemand au 10(1,000' l'appelle Der huhiiit, celle
de Baedeker (.\lleniaj>ne du .^ud) Die Kalmil.
(•■) Ei.TE.STEK et GiEiiZ, Mitlclrh. i'rkdli., III. lit-t, ("/est à ce Kalmut, ou bien à
(^aluiutli sous Remagen, «luc s'applique ceilainonient la mention d'un Mous
C.aliiumt, cité dans le pays rlicnan en li;{<), rajjpoitee par Hrck, (Hierdeittschrs
Fhirnnnietihuch, 1880, p. 178. — Signalons encore qu'Oi.it;s(:Hi.Ai;tu (lor.cil.)
mentionne des prairies du nom de (.ahnnth près d'Ehrenlierg et de Ik'ilstein.
C^) Krihewh., Klein, .\rchive der Hhtiuproririz, t, III, l'.KKj, p. '.);>, il'après
les originaux .
Ç) Mittelrh. Irkdl,.. t. II, p. 121 ; Mittelrlt. Het,.. t. III, n- 7:i5,
28H J. NANNÉHIS
Mer/ig-, et non loin do là. près de Bouzonville, existe un
village de Colmen, appelé Koliiuin en 1 1;)3, ('olinc.s en 1179,
Colincn en 1 182, mais (^ui apparaît en 1338 et en 1377 sous
les noms plus transparents de (lolinonl et de doilinoni,
en 1700 sous celui de llolmcl i^).
Tous ces noms, dont la caractéristi([ue principale réside
dans la disparition de la nasale de mont — le contraire
serait étonnant dans des bouches germaniques — sont si
nombreux, certains d'entre eux sont à une distance telle de
la frontière linguistique qu'il est absolument interdit de
penser pour eux, comme le faisait Kurth, à une origine
romane : sans doute aucun, il faut les rattacher au latin, en
ligne directe. Nous sommes d'autant plus fondé à les faire
remonter jusqu'à l'époque romaine qu'ils apparaissent
dans une région qui fut romanisée à l'extrême ; à ce point
de vue, Kalmuth dans l'Eifel, avec son aqueduc romain,
et le Kiilemoiith de la région de Wittlich, cité entre des
noms aussi caractéristiques que (huji pelle et Alireii.siirt,
sont particulièrement significatifs.
Si, revenant vers la Belgique, nous arrivons dans un
pays qui nous intéresse davantage encore, le Luxembourg
de langue germanique (Grand-Duché et région d'Arlon),
nous verrons se confirmer cette opinion, malgré la proxi-
mité de la frontière linguistique ; ce n'est, en effet, pas
moins de cinq Chaumont germaniques que nous retrou-
vons là.
Tout d'abord, si nous n'avons aucun renseignement sur
le Calmuth itiif (lein lierre, (|ue Cramer y signale, nous y
connaissons par contre un lieu dit In der Kalmuth, où la
chapelle de IIoscheid-lez-Brandenbourg (au nord-ouest de
Diekirch) possédait une terre en 1570 {^).
C'est ensuite dans la commune de Saeul, au nord-ouest
de Luxembourg, Calmus, en patois luxembourgeois Ktxl-
mea, dont les documents nous autorisent à faire un Ciilinm
Mous, car nous le rencontrons sous les formes suivantes :
(*) De Bdi'TKii.i.Kii, Dict. Iqpoc/r. de l'ancien itrparl. dr Ut Moselle, 187i; Vkr-
KoiniKN, Chartes du Ln.retnhnnrfi, 11»^ 75!t et 12:21; « Archives de Marches de
Guirscli », dans .4 nna/e« de l'Inslilitl (irclieolofftrjite du Liixembourij, t. Xll,
Arlon, 1880, n" 2:^8.
(*) Heydinc.ek, Archidiueunahisiv I.onf/iiiono (/escri/^/io. Trêves, 188 i, i).2.'j().
CHAUMONT GERMANIQUES 289
Vers 1)-50U : Kulmccc (compte orig., latin).
I'!l7 : Knlniiinzc. Knimuzzc, (hiliniizze (compte orig.,
latin; (').
1IÎI8 : (^uliiicns (charte orig., latine).
13:27 : (.'a//?jn/j/c (charte orig., latine) (2).
1327: C.-i//7j»;i/ce (cartul., latin) (^).
1329 : Cnlniciitzc (charte orig., romane) C*).
1346 : CliHuniont deleyzSej}if()iiteiiiics{charte romane) (^).
1473 : Cnlmes; 141)5 : Kiilnicsz; \l)'Sl : Knlnwtz (comptes
tranchais) ('').
1509 : Kiilmes (charte orig., allemande).
1561 : Calmes (record, allemand, en copie),
1569 : Knliniis; Knlinusser Biisch ; Johan von Kninuis
^record orig., allemand).
1588 : Calmas; Calmes (i-ecord orig., allemand).
1608 : Calmesser Weg- ; Calmesser Busch ; Michell (Cal-
mes (doc. allemand, en copie) (\i.
D'autre part, sur une hauteur près de Consdorf (au sud-
ouest d'Echternach) est établi le hameau de Colbette,
frère authentique de Calmus comme le montre la liste sui-
vante, absolument convaincante, malgré sa bigarrure
extraordinaire :
(*) N. VAN Wekveke, Cdrtnl. du prieuni de Maiienl/tal, l. I, 1885, |). ^2:20
et 850-3ol (Piililic. de la Sect. /list. de Luxeinhourt/, t. 38 el 39).
(■^) X. VAN Wekveke, //!»'<'/?/. mml, des Archives du rhàlnni d'Aitsenltourg,
nos 20 el 24 (/^^ft//m^o«,s- susdiu^s, I. 47, 1899).
(') VViKTH-PAyiET, Ttihie chronolof/iqiip des (■litirl''s, rtc, n" IHH.
(*) [ni\ d'Àriscrdmiirfj, ii» 20. (Iclle loniio, ainsi (juo le Cfr(i)u'7is lU- 1318,
t'sl iiitt-rcssaiili' i"i lapiucKlier du nom Cahnenzfjoirc ou Kalnienzgaii, sons
lequel est égalenuMil connu le Clianniontois ou l'ar/iis C(il[v()\ini)Tdrri.iis, (|ui
eoinprenait les bassins de la Haute Moselle et de la Meuitlie icf. Vvmikk-
KiNKERE, La fariiKitùm territoriale .., II, 1902, p. io9).
('') A. HoiiiUEMoNT, Histoire de la langue française... an pai/s <lc Laxeni-
hoar;/, 1897, p. o8.
(•') J. (jRon et .1. Vannékis, Ih-ninnlirenient des (rtir... du Lii.a-ndtoin-ji, 1. 1.
1921, j). 2i, 37, tl() et itii.
(■; /«e. (/■.4«.s'e/i//o»/r7, u"s 1 10, 272, 117(1, 1171 et 1 17:5. On pciil scndde l-il,
nu'llie en rajjpoit ;ivee Calmus deux liaïueaux dcpiMidaiil de Moresiiet, Kclmis
et Kelmisrrlieide. dans raii'oiulissenu'nt dKupeii ; de uirme, le nom d'un pei'-
somiage, l'ahn ron Kalniis. qui scelli' en 1 i07 un aeeord avee le comte do
S|ianlieim et de Vianden (Archives du Goiivernenu'ui à Luxembourg,', comte de
Vianden).
i;^
290 J. VANNÉRUS
149o, 1301, 15:25, 1537 : Kolbant (comptes français)
1528 : Koluniniif (compte français).
1528, 1531 : Kolhunni. Kolbant (comptes allemands) (i),
1534, 1556 : Kolnier (doc. orig., allemands) (2).
1541 : Kolbant, Kolbannt (dénombrement allemand) (3),
1541, 1599 : Kolbet (doc. orig., allemand) (4).
1560 : Colmcth (record allemand) ij^). ,
1569 : Khollmunt (doc. orig., allemand) (6).
1631 : Colmet (doc. orig., allemand) (").
1695 : Colbeth (compte allemand) {^).
1743 : die Kohvetter Gutter {^).
1766-1771, 1777 : Calbet{^^).
1794 : Kalbet ou Colbet (").
1847 : Colbette (i^).
Cette série de formes, si hétéroclites à première appa-
rence, ne serait pas complète si je négligeais d'ajouter que
Colbette se prononce encore de nos jours, en patois
luxembourgeois, Koulwent.
A ceux qui pourraient s'étonner de ce chassé- croisé
déconcertant des terminaisons -miint, -met, -bet, -bant,
-wannt, -went, -wet, je me contenterai de signaler :
1° La variante Colmet, citée plus haut pour Colmen ;
2o Colming ou Colmingen. commune de Gommelange,.
arrondissement de Boulay, qui apparaît sous les formes
suivantes : Kolvengen et Colvengea en 1209 et 1287; Colvin-
(1) J. GRon elJ. Van.nkius. «/>. cit., p. 66, 130, ^211, 251, 316, 409 et 4o3.
(2) Archives du Gouverneinent à Luxoinboiir},s aveux ot dénombr. de fiefs.
(=') Archives gén. du Royaume, à Bruxelles, Ch. desC, rcg. 698 et 700.
{*) K. VAN Weuveke, Archives de Bet zdorf, n° 298 (Pulilic. de Luxembourg,
t. o3, 1908) ; Arch. gouv. Luxembourg, aveux et dcnoiu. de fiefs.
(^) Hakdt, Luxcmijurg. Weistlnimcr, Luxembourg, 1870, p. \A1.
(6) Arch. de Betzdorf, n» 367.
(') Arch. gouv. de Lux., aveux et dcn. de fiefs.
(») Breithof, L'abbaye d'Echlernach, Luxembourg. 1882, p. 11.
('•) Proloc. du notaire Promenschenckel au trihunal de Dickiicii (t. XIL
no 24).
('") P. UiHi'EUT, Circonscription du... Lii.remlioiirfj en 1760-1771, Lux., 1899;
carte de Ferraris.
(") Ann. de l'Institut archc'ol. du Luj-cmlmirf/, t. 10, 1878, Arlon, p. 134
(i2j Tal)le ulphabctique des villes... et maisons isolées du Grand-duché,
Luxembourg, 1847.
CHAIJMONT GEKMAMQliES 291
f;uin et C<>li}ini>in en 12()ïî; Coalnuiif^cs en loOi; (î(>lliii<>cn
en 1590; Colinin^cn en \()^'i; K<)lmnn<>i' an xvin" siècle;
Colbin^en on (lohuiu^cn en 1756 :*j.
8° L'emploi, bien connu, de bit au lieu de uni : « hid
gesammidir liant» (manu unita), dit par exemple, en 1282,
un document de Coblence; « das dorf lialvit dut lieysit
Derinbach, /)// alem redite, bit veldin... », lisons- nous
ailleurs, dans un acte de 1341 relatif à la région de Wittlicli.
Chose curieuse, une même charte de l'année i i?)2, émanant
d'un seigneur d'Ansenbourg (à 3 lieues au nord ouest de
Luxembourg), contient à la lois « bit eynander » et a mil
aile syme zubehoeren » (2).
4° Certains biens sis à Gilsdorf lez-Diekirch et devant le
meilleur catel, appelé dans les documents luxembourgeois
Ciinniilh. Kirnu't. Knlirmct. ('hurmei. Kurmctb. etc.,
sont désignés en lo91 comme Kurbctlcii (iiittcr (•*).
Enfin, pour achever l'énumération des Chaumont du
Luxembourg de langue germanique, il me faut signaler
deux noms de lieux qui se rattachent évidemment au
groupe des Calvi Montes. Le premier, Kalend ou Kaleni-
der, est celui d'un plateau très élevé, couvert de bruyères —
en 1852, du moins — et situé dans le Grand-Duché, sur le
territoire de Bigonville (au nord d'Arlon), du côté de Wol-
velange; on y a signalé un camp romain, traversé par une
« voie consulaire »('). Le second, Kolemt, est donné à un
petit groupe de maisons entre Habergy et Guelff, dans le
Luxembourg belge, au sud-ouest d'Arlon (^); seulement, de
même que pour Cal mont lez-Meldei-t, la proximité de la
frontière linguistique m'empêche d'inscrire Kolcnit sur la
(') De BoiTEii-LER, Uùiiimvaire ln/xigr. de l'ancien (IvpartemenI de la Moselle,
Paris, 187^ ; etc.
('-') Mittclrh. Reg., I. IV, 11° 93i; J. V.\>>Kms, « Dociiinetils luxeiiiljoiu-
geois... » dans Awn. de l'Institut arclicol. du Lu.veml>our</, t. 3:2, Arloii, 1902;
>'. VAN Wkkvekk, Cartul. de Marienthal, t. 11. \-H.
(3) Acte on ma pdssossion (ropio do I73();.
{*) Puhlicalions do la Soc. airliool. do I.iixonibourjï, l. VIII, l«5:2; carie du
Graiid-Puclic. par Hanscn. La noialion la plus exacte est sans doute Kaletnt.
(^) Tanhei,, C.ommunea lii.retnliourf/i'oisex, t. Il, p. -ttO. Labbo Loes a sijjnalc
sur le territoire de Ilaberfiy des Irouvailios de substructions romaines et
d'nrnes funéraires {Annales d'Arlim, t. l."?. I!t(l<s, p. | |."i).
292 J. VANNÉRUS
liste des Chaumont (xui ont dû recevoir leur nom en dehors
de toute influence romane.
D'ailleurs, j'espère avoir réuni suflisamraent de preuves
de l'origine romaine des Chaumont répandus en territoire
germanique et nous pourrons, je pense, admettre qu'il en
est de même pour la très grande majorité de leurs congé-
nères de pays roman : fort souvent, sans doute, les trou-
vailles faites dans la région viendront confirmer l'origine
latine du nom.
Ce nom de Chaumont peut donc s'ajouter à ceux (pie l'on
a déjà signalés pour montrer l'importance de la pénétra-
tion latine dans nos contrées, apportant ainsi sa contribu-
tion à l'histoire de la colonisation de notre pays par les
Romains.
Au point de vue plus spécial de la toponymie, cette note
aura encore, en montrant toutes les déformations subies
par nions dans les bouches germaniques, fourni un nouvel
exemple de la difficulté avec laquelle les populations
conservent dans leur vocabulaire un terme qu'elles ne
comprennent plus.
Jules VANNÉiits
Postscriptuni. — Aux exem])les déjà donnés précédem-
ment, je tiens à ajouter les suivants, trouvés alors que
mon article était déjàimi^rimé :
1" TTn i)iton volcanique est indiqué par les cartes alle-
mandes, comme Vulkan Kalem, au N -O. de Birresborn-
sur-la-Kyll (Eifel), à proximité d'un chemin romain et dans
une région très habitée déjà à ré])oquc gallo-romaine ;
2^ Le Dictionniiire topo^raiihùjiie du Haut-Rhin (Paris,
4868, p. 29) signale à ])roi)OS de la ferme de Chalmont (com-
mune de Lièpvre), que « ce nom se retiouve sous une forme
plus ou moins germanisée, dans la partie allemande du
déi)artement savoir : K(')Lmkt, à Hiederthal ; Kelmenrain,
à Froningcn ; Kàlmet, à Vieux-Ferrette; Calmet ou Kal-
MET. à Waldighofen; Kalmen, à Willer, canton d' Alt-
kirch ; an dcm Caelment. 1416». Ce même répertoire
mentionne encore (p. 233) à Bartenlieim (terr. de St-Alban),
en lo33, un lieu dit Uff dem Calmon.
Onuitgegeven Refereinen.
(Brussel, Hs. II. 119.)
Op de Koniiiklijke Hibliotlieek te Brussel bei'ust een
liandschrift met tôt dusver onuitgegeven refereinen, waar-
van de eigenaardige vorm en iuhoud een vi-ij nitvoei'ige
besclirijving volkomen reclitvaardigen. De inven taris ver-
meldt liet onder n"" II, 119. Het \verd gekoeht op de auctie
Serrure (^), den2?>^» November 1873, voor de som van 1 10 fr.
Serrure zelf was er in liet bezit van gekomen op de boeken-
veiling van Graaf de Hane de Steenliuyse, te Gent in 1843.
Het moet hem aan tijd ontbroken liebben, anders zou hij
stellig het vêle intéressants dat het bevat, hebben bekend
gemaakt.
Vôôr hem, had Mone het reeds doorbhiderd. Hij citeert
het dikwijls in zijn Uebcrsicht (-). Opmerkelijk is liet. hoe
weinig belang hij schijnt te hechten aan de 28 refereinen,
welke hij nochtans een eerbiedwaardigen ouderdom toe-
kent : « Aile sind im 16'" Jahrhundert geschrieben und die
nieisten auch nicht illtor (•^) ». Hij laat dus vermoeden dat
enkele uit de xv* eeuw dagteekenen ! Niettemin bepault hij
zieh bij het citeeren van een vers hier en daar.
De codex is een papieren kwartijn in perkamenten band
llJ.5 cm. lang bij 13. o cm. breed en bevat twee duidelijk
scheidbare deelen.
(•) Catalogue des livres délit Bililiolhr(fiic de M. ('.. P. Serrure. Briixcllos,
1873, dl II, w 2()07.
('^) Fr. Jos. Monk. Uehersicitl der Niederldndisrlien Yolks-Llleradir. TiHiin-
gcn, 1838.
(3) Mon.', Il"- 3fi-2.
294 F. LYNA
I. F° l-:2;2 en f'' 95-195, ei^igrammen, gelegenheidsgedich-
ten, samenspraken, spreuken, raadsels, etc.. in 't Latijn,
Fransch, Italiaanseh en Nederlandsch.
Het is een rommelzoo van rijp en groen. Ik vermeld hier
enkel :
F° 3. Een paai- strophen, waarnit wij den kopiïst van
het eerste gedeelte leeren kennen :
Iratis musis, irata Pallade, scribit
Omnia Grammaeyus nomine digna facit
Gandavus scribit Gi'ameij-s (sic) quod fuit ante
Urbs in luce nigris nune jacet in tenebris...
F. 3 v.-l I . Latijnsche gedichten.
F. 11 V.-14 Een sonnet en drie hekeldichten :
Teghen eenen grooten geux. — Tegen eenen bancqne-
routier. — Tegen eenen rentmeester van Hollandt.
F. 15. Questiones.
F. 16-22. Questiones quodlibeticae.
F. 152-154 V. De légende van Sinte Haringus(^).
F. 156-200. Historisehe en politieke liederen en gedich-
ten in 't Franseh en een paar in 't Latijn.
II. Het tweede gedeelte omvat een reeks refereinen en
gaat van F" 32 tôt F" 83, Het maakt een goed afgesloten
gelieel uit, en versehilt uitwendig zoô van het overige
handschrift, dat ik aanvankelijk meende dat hetlater was
ingelaseht geworden. Ik steunde hierbij op het geschrift
dat blijkbaar van ouderen datum is en waaraan zorg is
besteed. Hier en daar komen roode beginletters en rubrie-
ken voor. Ik had het evenwel mis Het papier vertoont
doorloopend hetzelfde watermerk : de kan met hengsel,
kroon en bloem (-). Dat merk wordt volgens Briquet (^)
aangetroffen in de laatste jaren der vijt'tiende eeuw en in
de eerste helft der zestiende eeuw. Wij zijn dus op een
hypothèse aangewezen. De verzamelaar heeft de beste
(') Mone heeft er i9 verzen van afgeschreven, d, i. ongeveer de lielfi v.ni
het heele gedicht. Zie : n"" 113 van zijn Uehersicht.
(-) Stoi'I'Ei.aak. Het papier in de Nedcrianden gedurende de Midilefeeuwrn
inzonderheid in Zcriand. Middelbiirg, 1809, hl. 80, pi. XIII.
(•*) Bkiquet. Dictionnaire historique des )nartii(es de papier. (1282-1600)-
Paris, 1907, dl. LV. ir^ I2()l2-12r>18.
ONUITGEGEVEN REFEREINEN 295
refereinen ait eeu gansche période bijeengegaaid en lieeft
ze ron ainore opgeteekeiul. Later heeft een andere hand
de witgebleven vellen volgepend. Ik geef hier de stok-
rijmen op :
1 (F. 32). Een Latijnscli gedicht met Xederlandsche
vertaling over de voorbehoedmiddelen tegen de pest.
2. (F. 82 V.). Rétrograde.
3. (F. 33-33 V.). Tsy souctmen wijsheit daer gheen in sij (*).
4. (F. 33 v.-3i V.). Joos Balau. Thelich gedochte licht
verborglien (-).
5. (F. 34 v.-3o V.). Referein oj) denzelfden stok.
6. (36-37v.).Dit es tsalichste weero datGod noyntwrachte.
7. (F. 37-38). Tes elcken om tzyne den duvel om al.
8. (F. 38). De vreese is meer in de huere der doot.
9. (F. 39-40). Veel zynder gheroupen maer lettel ver-
cooren.
40. (F. 40-42). Lof dien die es den wech de \vacrlieit en
dleven.
11. (F. 42-43). Of God met ons wilt wie zal ons deeren.
12. (F. 43). Een raadsel, dat als bladviilling moet die-
Tien(^).
13. (F. 43 V.). Lydt met den tyde liy ghevet huiidt. Dit
referein bevat maar twee stroplicn en vier verzen, doordat
tusschen f" 43 en f° 44 bladeii moeten uitgesohenrd zijn.
14. (F. 44-48). Zedelijk gedicht van 26 stroplien van 8 à
10 verzen (').
15. (F. 48-49). Zyn ditte ghoe si)illen zy draeyen nu Nvel.
16. (F. 49). Beneden op deze bladzijde hebben we één
enkel vers : Alzo langhc als ic volghe der heeren hove...
Het overige van het referein is achterwege gebleveu, waut
f» 49 v. en 50 v. zijn \vit.
17. (F. 50 V.-5I V.). Iloe zuldy ontvlien dat oordeel der
hellen.
(1) Zie helzclfde refereiii in : Refereynen int sol, (itiiuiens icijs. .\nlwer|ieii,
Jaii vaii Doesborcli (t 1.520).
(2) Mone, Op. cit., n' 362.
(^) (iedrukt bij Mono, Op. cit.. tv ."^ild, on in : (.nlaloqne drs /ivips rnrrs de
.Serrure, II, n"" 2007.
(*) Mone. Op. cil., n' -im.
29b F. LYNA
18. (F. ol v.-o!2 V.). Eu gheloeft al niet dat eenen selveren
steert heeft.
19. (F. 52 v.-o3 V.). Sweerels antierynghe dynct my
bedroch zjni.
20. (F. o3v.-54v.). Al sietmen die lieden men kentse
niet(i).
21. (F. 54 V.-55 V.), De rycke es nu de wel glieboerne(2).
22. (F. 55 V.-57 v.). Gedicht van twaalf, twaalfregelige
sti'oplien over 't recht.
23. (F. 57 V.-60). Amorues balade(^). Stok : Hier by moet
liefde cleen gheacht zyn.
24. {F. 60-63 V.). htrafgedicht op Gent(''). Samenspraak.
25. (F. 63 V.-65). Der zonnen lieht in dwater Imer scynen
ghedooglien.
26 (F. b5-66). Hoe zou een aerman ryck ghewerden.
27. (F. 66-68 v.). Gedicht van negen tienregelige stro-
phen.
28. (F. 68v.-70v.). O doot gliy moet wel een bitter
morseel zijn (4).
29. (F. 70-7 I ). Wat ick huer doe kin canse niet ghepaeyen.
30. (F. 71-72). Mont toe hoe zoo men machts niet segghen.
31. (F. 72 V.-73). Wist men die waerheit wy soudea
geschent syn.
32. (F. 73 \ .-74). Hoe sàl ick dan elcken te passe leven.
33. (F. 74 V.-76). Heden es vervult die scriftuere in liu
hooren.
34. (F. 76-78). Saude ic dacr niet voor gode yet verdienen.
35. (F. 78-79 v.). Al comter quaet af ten es gheeu won-
dere.
36. (F. 79 V.-81). Vint gliemeenen oorboor zoo doedy wel.
37. (F. 81-82). Want die keysers mogenthcyt es wel
tonsiene.
(') Koint ook voor in den bundel van Jan v.iii Styevoort (l.'i'^i). Rorlijn
(M. Genn. 6;JJ). F. l.o.
(«) Mone, Op. cil., n"- 280.
(:*) Ihicl., ni-Si?.
(') llitgeg. naarhetHs. 16910-18 der Koninkl. Uibl. Brussel, (IooiLeendertz^
Tijdschrift voor Nederlandsdie Taal en Letterkunde, XX, 1900, bl. 70-71, onder
den lilel : Eeniye r/eneurhlijke rjedichten. — Zell'de refcrein in de werken
van Wir.s, Us. \my.i <I.t Koiiinkl. Hil)!. BrHssol, F" 78-79.
ONIUTGEGKVEN MEFKRKINEN 29'
. 88. (F. 8:i\.-83). Uees liefde es weerdicli jegheu ••■audt
glieweglien.
Een enkel van deze rerereiiien en lang niet liet beste is
geteekend : Joos Balau. Ik lieb geen enkele aanwijzing-
mogen ontdekken omirent dezen dichter. De andeie drageu
nocli naam, noch kenspreiik. De verzamelaar moet zicli
weinig oni het vaderKchap hebben bekoinmerd ; hij be-
kreunde zich mogelijk meer oiu liet gehalte der gedichten,
die van uiteenlooi^enden aai'd en verscbillenden ouderdom
zijn. N"" 1 trel'feu wij reeds aan in den bnndel van Doesboi'ch
die volgens Kalff « bezwaarlijk onder kan zijn dan 1520(^}))
î^"" 21 hebben \ve eveneens terngge\ onden in het liand-
schrift van Jan van Styevoort van lo24(-). N"" 29 moet
volgens Leendertz (•') dateeren iiit de tweedc helft der
zestiende eeuw, en maakt ook deel uit van een reeks onuit-
gegeven refereincn, door Frederiks en Vandenbranden i^)
toegesclireven aan Wils, factor van de Gondsbloem te
Antwerpen. Ik zeg toegeschreven, want ik ben overtnigd
dat er in den lijvigen bnndel waarop zijn naam prijkt,
lieel vvat voorkomt dat niet uit zijn pen is gevloeid.
Hetblijktdus dat die reiereinen op verschillende datumK
over een période van tenminste vijftig jaai' vervaardigd
zijn.
Xaar den geestzijn zij bovendien van ongelijke waarde.
Eenige van godsdienstigen aard, staan diclit bij de Middel-
eeuwen; zij zijn geschreven onder de obsessie van den
dood, kenmerken zich door een ascetische verachting van
de menschelijke natnnr, en geven zedelijken raad ten
beste (n''' 8, il, 28, 33, 34). Een enkel is streng allegorisch
(n'" 37). Audere vertoonen merkbaar den invloed van de
Hervorming. Zij gispen de goede werken, stcllen de biecht
( ') Kai.kf. (lesc/iit'denis der Sederfnndsrhr [.ef/i'rkiindr. (îroiiiiifîcii. ItMIT. Il,
1)1. 1-28.
(-j Zie : (",. G. N. DE VooYS. Eeii ongedrnlile Inmdel refvreinen van /.*-'/.
{Tijdsrln: v. ISederl. Taal en Lellerk., X\i, 11)0-2, bl. 78-7!t).
(•') Zie iiooger.
(■•) Fitt:i)EKiKS enVvN dkn Buwhkn. liiiupdpliisr/i Wonrdenlioek derSuord- en
Xuid-Nederlandsche Letterkunde. 1878, bl. ().>}.
298 F. LYNA
■en <le vasten aan de kaak en moeten in 't geheim of wel
vôôr liet uitvaardigen der eerste plakkaten vervaardigd
zijn (1521j (n''* 4 en o).
Een betrekkelijk groot aantal liebben een stei-k naar
voren tredende sociale strekking (n'^ 7, 9, 18, 17. 18, 19, 21,
2(), 30, 81, 35). Met zijn de beste. Ze zijn niet zelden door-
^loeid van edele verontwaardiging tegen de heerscliende
misbrniken, en sommige mogen wel naast die van Anna
Bijns worden gelegd. Zij varen uit tegen de « sjaiionyten
-en gheestelicke ypocryten » welker hand « altyts moet syn
ghesmeert ». De officieren noemen zij smalend « leever-
heeters ». De rijke menschen worden gescholden voor
<c ghiereglie balghen, vuj^l stinckende bucken ». Ailes gaat
verkeerd en « wist men die waerheyt wy souden gesclient
sjai ». Zij zijn vol mêewaren voor den « aennan » die alom
verdrakt en vertrapt wordt, en zôô lieftig gaan ze soms te
keer tegen den hardvocbtigen « rijckman », dat ik geneigd
ben te gelooven, dat sommige verzen wel konden inge-
geven zijn door de anabaptische ideeën die omstreeks de
jaren lo30 zoo ongelioord om zic.li grepen.
Zoo leest men in refei-ein 26, 1' strophe :
Ende al zijn daerme ghesmeten, zij moetent lierden.
Zij moghen hem selveii lecken willen zij versoent zijn.
Maer smeteu ze yemende, tzoïi moeten geboet zijn.
3^ strophe :
Wat heeren temmeren, metsen of maeken
Daerme moeter gheven stijlen en staeken,
Tnioet altoos vàn liueren halze diupen.
In den heelen bundel is ongelukkig maar één referein in
^t zotte (n"" 29). Het is een bitter-komische klaclit tegen
het huwelijk. Er zit gang en leven in. Ik geef het hier-
ac'hter weei'.
Uit het voorgaande blijkt teu overvloede hetbelang van
ons manuseript vooi' de Nederlandsche letterkunde. Kalff
heeft terecht gewezen op het geringe aantal refereinen
van vôôr de Hervorming, die tôt ons zijn gekomen. Wij
hebben een bundel, gedrukt bij van Doesborch, het hand-
ONUITI.EC.EVF.N HEFEREINEN 299
sclii'ift van Jau van St^^eyoort, enkele refereinen ait de
verzameling van Jan de Hruyne (^), de Gentsche uitgave
van 1539 (~). Dut is ongcveer ailes. De rederijkers staau
in k\vaden geur bij onze meeste letterkundigen. Die min
of lueer erfelijk geworden vooringenomenheid tegen hen
hebben Knuttel (3) en Kalff(') gepoogd den kop in te
drukken. Had Knuttel de gedichten en refereinen van
Doesborch en Styevoort gekend, hij zou wellicht een vol-
lediger en eervoller « eei'herstel « hebben bewerkt !
Onder de handschriften, die hier en elders nog op het
uitgeven wachten, zal wellicht nog wel Nvat goeds op te
diepen zijn, en Van Houts oordeel als zouden de Rederij-
kers enkel « in hun vadsigheyt een rondeelken weten op
te ruspen ». kon wel eens wat te streng uitvallen.
Ik laat hier een paar refereinen volgen nit den bnndel,
dien ik zooeven besproken heb. Ik hoop in de gelegenheid
te worden gesteld, eerstdaags, het handschrift in zijn
geheel en met het noodige comraentaar, te kunnen uit-
geven.
N^ 8.
Vreest liu gliy nieuscheii die zyt manslaclitig
Vreest hu eer de clyncke up den dume slaet(s)
Vreest hu der sponde die zyt vrauwe crachtich
Vreest hu die gods ghehodeu versmaet
5 Vreest hu die up vrauwen speelen gliaet.
Vreest hu gliy aile die vonnesse gheeft.
Vreest hu beghevene (''/ die vuyt huwer regliele staet
Vreest hu elc mensche die in nyde leeft
10 Keert hu vuyt souden ende niet en sneeft
Haut gods ghebodeu cleen ende groot
Vreest hu voor thende hu zelven ancleeft
Tôt gods dieuste weerde vrienden menjoet
De soi'ghe es meest in de huere der doot.
(') l ilgegeven door Uielens, I87!)-I881. (Sociott' des Bibliophiles auvcrsois).
(^) liefercynen... Geadl, Joos L;iini)reclit, 1539.
(3) K.MTTEL. Reclerijhers eerfterstel. (GIds, I, 1910, l3ovig.).
(■*) Kalff, toc. cit.
(5) eer het le laat is. — (•') lihtostelingru.
300 F. LYNA «
Vreest hu die draecht valsche ghetugheu
lô Vreest hu die lierders zyt vanden scapen
Vreest lui die vader noch inoeder en buglien
Vreest bu die met valsclieeden deu cost betrapen
Vreest hu die heereu eiide vrauwen cnapen(i)
Vreest hu die ghierich zyt voort eertsche goedt
20 Vreest hu ghy luxuryeusche papen
Vreest hu aile die wel weet dat(2) sterven moet
Vreest tviants temptacie so sydy vroet
En scuwet tgloet des liels eonroet(^)
liloet zyt niet in duechden ende hebter toe spoet
25 Vreest hu voort sterven scuut tviants stoet
De vreese es meer in de huere der doot.
Vi'eest hu ghy menschen hoe vaste ghy staet
Vreest hu keysers coninghen hertooghen
Vreest hu der doot tes ons toeverlaet
30 Vreest hu besculdicb tsyne voor gods ooghen
Vreest hu die heeden /weert daer es gheloghen
Vreest hu die anders beddeghenoot begheert
Haut Christus ghebodt naer hu vermoghen
Vreest hu die in gulsichheden tgoet verteert
35 Wilt altyts dyncken om den uppersten weei-t
Dat hy u wille verleenen in habrahams scoot
Herberghe om hu ziele met duechden bespeert(*)
Ende wilt hu altyts wachten voor tvians c]oot(s)
De sorghe es meest in de huere der doot.
40 Prince wilt dyncken altyts om sterven
Scuut plaetse der sonden weest daer in niet bloet
Tôt allen dueghden wilt stellen hu bederven (')
De sorghe es meest in de huere der doot.
N^ 29.
Messie de waerheit god wilt my vergheven
Van wonderlicker planeete was noynt gescreven
Dan myn wyf es want gheen vruecht en raepse
Kin canse niet ghepaeyen al blyvic huer beneven (")
5 (Jaetse staetse waectse of slae])se
Wiltse ter kercken ghaen ic vercnaepse (•*)
(') dionen. — {•) dut ghy. — (3) bende, jçebroed. — (*) vcrsicnl. - (s) kofjel.
('') \>(t{i'mg(m. — (") l)ij linar. — (**) vergezel ze.
OMITGKGEVEX lU-.FERKINEN 301
Gaetse te betlde ick outcousse ick ontscoeyse
Ick segge god sein u licf iiiesse gheeuse gaepse
Dan neniic wat rooswaters ende iek bespoeyse
10 Legghic goet vier an sy secht ick verbroeyse
En een rysekiu dunct huer te zeere lae^eu
Sy claeclit elkerlycke en secht ick vermoeyse
Wat ick huei' doe kin canse niet ghcjjaeyen.
Ick fleeuse ick snieecse en ick l'iatteirse
15 Ick strycse(') ick streecse (*) endo le stoffeirse
Met juweelkins costelic nae tnieuwe taeliekin (')
Ick stelle huer tuutkins(*) ende ick parreirse
le voude huer capproen zo doe ic huer falgekin(^)
le rjde huer kuerskin van naelge tôt naelgekin
20 le canune huer hoef en ic winde huer haer
Al voor myn duere maekic een baelgekin (")
Om datser uprusteu soude myn wederpacr
le slute deen duere hier dauder veynster daer
Om dat huer niet een windekin en soude bewaeyen
25 Om huer believeu doe ick myn beste maer
Wat ic huer doe kin canse niet ghepaeyen.
Ic gheve huer ducaten angeloten('; en lipkins('*)
Om huer eten cokyc partrj-sen en snipkins
Tvleeskin suuchse of en de beenkius cnaghic
30 Ick heffe huer stert up ick râpe huer slipkins
Huer troechskins (^) screpicii") en liuer kuekene vagic
Ghelieft u j^et anders lief dit vraghic
Om datse van huer selven maect zo veil quax('')
Sceltseme smytseme dat verdraeghic
35 le vaglie huer scoens ende ic wryve huer clacx (' -;
Xoch vintse an myn wercken altyt wat lacx
Al doe ic mynen wille naer den hueren draeyeu
Xoch claechse en secht ic doe hier lettel ghemac
Wat ic huer doe kin canse niet ghepaeyen.
40 Prinche de waerheyt en willic niet veinsen
Wat mond mach spreken oft herte ghepeinsen
Dat doeic huor hehben van lecker mocae^kins '3)
Moorbeisciieii i-ooin ghcbroct met freinsen {**)
(*) reinig ze. — (•') streel zc. — (^) modo. — {*) liaarvlecliton. — (^) shiicr.
(6) hekwerk. — (") Engeisch gciudeii iiuirilstuk. — (**) niuiilstiik nergeiis ver-
raeld. — (3) vaatwerk. — (*") iiiaak ik scliooii. — (") oinslag. — (*-) vlekkeii.
(•3) suort vaii decgkoek. — i"j aardbeziëii (« fraise »)
302 F. LYNA
Waermo pasteyeii ghesuuckerde vlaeykins
45 Feerkins iuden wyn appelen metten vicrsaeykins(i)
Heefse dit niet zo sechse zy es te veegherer)
le stoofse ic waermse ic heete huer baeykmsi^j
Dan draghicse up en neer lanex den steegherei*)
Sitse te liooghe ic stelse wat leeghere
50 Om dat huer den gheest wat soude verfraeyen
Xoch segghic al bem ic huer aldus weeghere
Wat ic huer doe kin cause niet ghepaeyen.
Frederik Lyna.
(1) suikererwten. — (-) doodelijk ziek. — (3) woUen klcedoren. — (■•) trap.
Les « homines de casa Dei »
du très ancien droit liégeois
Il a existé à Liège, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime^
une juridiction spéciale devant laquelle étaient faits tous
les actes judiciaires que nécessitaient les mutations des
alleux situés dans la principauté.
Cette cour, dont il est fait mention dès 1207 (^), siégeait
entre la cathédrale de Saint-Lambert et l'église Notre-
Dame (-). Dans les textes relatant les œuvres de loi
accomplies devant elle, ses membres étaient désignés
par les mots homines de casa Dei ou hoiuines de casa
Dei et beati Lamberti (•^), homines aUodiah's et (h' casa
(*) Analectes pour serrir à l'/iisloire eccl('-siasti(jue ilc In liclgii/iir .- t. 1»
Loiiviiiii, 1804, p. ;:i()2-3<)3 : Charte (l'Hugues do Pierrepout, évêque de Liège,
coiilirmanl une douation dEhroin de Fleron en laveur des abbayes d'Aulne et
du Val Sainl-Lamberl : ... intei- erclesiam beale Marie et errlesùtm heati
Lamberti, in loin iihi allodioruin solet fïrmari donatio. . .
(■-) Cf. I« texte cité à la note préeédonte et en général tous les actes éma-
nant do la cour allodiale : la formule inlcr samtam Mariam et Sanctiim
Lamlurtiim, entre Sainte-Marie et Sain t-Lamhert est toujours la mr-me. Citons
cependant le texte suivant particulièrement caracteristiciue : dk Iîorman,
Les ('cfievins de la Souveraine litstice de Lié</e, Liège, 18*.):2-18il!) ; 2 vol. in-i".
(« Société dos Hlliliopiiilcs liégeois )>) t. I, p. -iSH-W-i ri2()l, 5 avril) : ... entre
Sainte-Marie et Saint-Lainhier a Lief/e, la n oui a faite les tilns ai L'en justice . . .
(3) S. BouMANs et SciKioi.MEESTKus, Cartiilnire de l'éf/lise Sai7it-ljamfierl de
Liège, Bruxelles, 1803-1913; 5 vol. in-i" parus ; le .V par Ponceikt, («Commis
sion Royale d'Histoire»)!. 1, p. 36i-36.'5 (i23G, 26 sept.) ; Ibid. I, p. 371
(i23(), nov.) ; J. Ci VEi.iKii. Cartulairc de l'Abbaye du Val Benoit, Bruxelles,
l!)0(i, in-i" («Commission Royale d'Histoire»), p. i.3»)-l37 (1254, dèc.) ;
Barbiek, Histoire de l'Abbaye de Floreffe, Namur , 1802; 2 vol. in-8 , t. Il,
p. 11;) (1257. 19 juin); Analectes xxm, p. 889-390 (1257, 15 sept.) ; Cartulaires
de S;iiiit-LnH)liert et du Val lîenoit, jutssiui.
oOl F.-L. GANSHOF
IJei (^), vu Iranoais hoiuincs de (^ysc Dcii ou delU- chisc
Dieu (-), ou encore nluens. alloivens (•').
C'est l'arcliiprètre de Liège qui scellait de son sceau les
ivctes de ce tribunal (^); mais après que celui-ci eut ve^u en
1403, par la Modération de la Paix des Seize (•^), une orga-
nisation permanente et régulière, un sceau propre à la
cour l'ut employé concurremment avec celui de l'arclii-
prètre. Le nombre des membres, jusque-là variable, lut
fixé à un maïeur et douze conseillers.
Cette cour allodiale était la juridiction suprême en
matière d'alleux C^) ; pour que ceux-ci fussent considérés
i-omme tels, ils devaient être inscrits sur ses registres (').
*
* *
Que sont ces hontiiws de casa Dei't Des éi'udits se sont
fi) Saint-Lambert, II, p. 1-27-1-28 (i-2Gi, -20 juillet); Ihid. U. p. 131 (l-2(;i_
juillet) ; Val Benoit, |». 180 f 120.^, juillet) etc. — On renconlre aussi les formes
corrompues hommes de capitagio Dei (S. Bormans, Les Seigneuries atlndiales
/in Pays de Liège, Liège, 1867, in-8'' ; p. IS, n. 1, 1278), ou en français liommes
<le chef Dieu.
fz) Val Benoit, p. 176-177 (126-i, 7 sept.) ; llnd., p. 178-180 (1265. lo avril) :
lliîd., p. 183-186 (1267, 22 cet.) ; llnd., p. 186-187 (1267. 29 oct.) ;
Saint -La mberl. 11, p. 236-237 (127.3, 17 juillet) ; Carlulaires de Saint Lamherl
<'l (lu Val Benoit, passim.
(■') Par exemple dans S. P. Eknst, Histoire dn Limlmiirg (publiée par
Kd. Lavallaye;, Liège, 1837-1848, 7 vol. in-8', t. VI, \k 280-281 (1270j. — Cf.
Jiussi JAcyi Ks iiE Hemkicoiht, Patron del Tempnraliteit dans Uaikem et Poi.ain,
4!inilinues du l'aijs de Liège, Bruxelles, 1870-1884, 3 vol. in-i", (« Recueil des
Anciennes Coutumes de la Belgique ») t. I, p. 276.
{*) Val Benoit, p. 136-137 (12.34, déc.) ; Ibid., p. 147-148 (1258, 19 juillet) ;
Saint- Lambert, II, p. 127-128 (1261, 26 juillet) ; Val Benoit, p. 176-177 (1264,
7 sept.) ; (Carlulaires de Saint-Lambert et du Val Benoit, passim.
i^) B'iKMA.NS, Ordonnances de la Principauté de Liège, Bruxelles 1878, f»
{«Recueil des anciennes ordonnances de la Belgirpuî »)•. Première série, p. 397.
C") Hk.mkicoikt, Patron del Temporaliteil, p. 276 : ... les hommes de
Monsignor on les esf/iwvins de Liège ou les alluwens encre Sainte-Marie et
Suint-Lambert, i/ui sont les trois chie/'s de nosfre pays. . . — Sur la cour
idiodiale et son fonctioimement à partir du xv" sièchï, on se reportera aux
Seigneuries allodiales de S. Bohmans.
(') Ch. de Mean, Observationes et res judicata' ad jus civile Leodiensium
<3«éd. de M. G. de Louvrex), Liège, 1740, 2 vol.. î^;Obs., 121, n" 14. t. I, p. 268.
- Plusieurs cours allodiales siégeant en diverses localités de la principauté
ressortissaient à la coui' allodiale de Liège (M. G. i>e Loivkex, Becucil conte-
nant les cdils et ricjlenients faits pour le païs de l.iege et comicdc Looz, Liège,
Il HOMINRS DE CASA DEI » 305
bornés à traduire hoinincs allodiaiix ('), par où ils euien-
dent des propriétaires d'alleux.
Wohhvill (2) a élevé, avec raison, croyons-nous, des
doutes sur cette interprétation ; il lui opposait essentiel-
lement les objections suivantes :
L'expression homines de ca.sa Del, surtout lorsqu'on y
ajoute les mots et sancti Lumberti, paraît impliquer une
relation de dépendance personnelle entre les hommes
ainsi désignés et l'église de Liège, ce qui s'accorde mal
avec la notion d'alleutier (^).
D'autre part la paix d'Angleur du 14 février 1313 (*)
applique les mots hommes de chief Dieu et Saint- Lambert
à toute la population de Liège, patriciens et plébéiens. Il
n'est donc pas possible de limiter le sens de ce terme à
celui que lui donnait Sclioonbroodt.
Après Wohlwill, MM. Des Marez {% G. Kurth (6) et
Pirenne (~) ont contesté que les homines de casa Dei aient
été des propriétaires d'alleux.
Xous nous sommes efforcé de déterminer à qui s'appli-
quait en réalité ce terme d'homines de casa Dei et comment
I7.jO-17o2, i vol., i°, t. 11, p. 180) ; il convient de citer |)arnii elles, la cour
allodiale de Uociiei'ort, (jui parait avoir été parlioulièrement importante
(Lamotte, Etude historique sur Itt comté de Rochef'ort, jNamur, 1893, in-8°,
p. -m.)
(') IS'otaninient SciKKiMiKonKi dniisson Inventaire des Charles du Chapitre de
Saint-Lamhert à Liéf/e, l.iigf, IH()3, in-i" ; Dahis dans son Cartulaire de
l'Ablxiye de Hervkenrode (« Bullclin de l'Institut arcli(''ol()gi(|ue liégeois»), t. X,
1870 et t. XI, 1872 ; S. Bokma.vs dans ses Seif/nemies allodiales.
('^) Die Anjiiîtge der landsttindisrhen Xerfassiinfi im Uisthiim Liiîtich^
Leipzig. 1867, in-8«, p. 17<i-177.
(•*) Jean Boitu-HIEU, Somme Rurale, 1, 8i, cité par Esmeln, Cours élémen-
taire d'histoire du droit français, 2" éd., Paris, 1893, in-8°, p. 217, n. 2 :
Tenir en franc alleu si est tenir terre de Dieu tant seulement.
(*) BoRMA.Ns, Ordonnances ; Première série, p. Hl ss.
(•") Etude sur la propriété foncière dans 1rs villes du Mui/en Ar/e et spéciale,
ment en Flandre (20" l'asoicule du « Recueil de Travaux publiés par la Faculté
4e Philosophie et Lettres de lUnivcrsitc de Cand )>). (Jand et Paris, 1898, in-S",
p. 82.
(ti) La cité de Liège au Moyen Aye, Bruxelles et Liège, 1!I()'.I-1!»1U, 3 vol. in-H».
t. I, p. L"j7.
(") Sur la rondilion sociale de Henri de Dinanl, « Bullelins de l'Académie
Royale de Belgique », Classe des lettres, 1908, p. 01.
20
30t3 F.-L. GANSHOF
cette expression a pu désigner les membres d'une cour
allodiale.
L'église de Liège — ou plus exactement St- Lambert —
était originairement propriétaire du territoire de la ville
de Liège avec ses environs, ainsi que de tous les domaines
que des donations successives y avaient ajoutés ('). L'en-
semble de ces terres constituait l'alleu de Saint-Lambert.
L'immense majorité des habitants de cet alleu appar-
tenait, au ix^, au X'', au xi' siècle, aux divers échelons de
la non-liberté ou de la demi-liberté, et se trouvait donc
dans une situation de dépendance personnelle vis-à-vis de
l'église de Liège ; elle constituait la familia ecclesiœ, dont
les membres pouvaient être qualilës honiines de casa Dei,
quoique nous n'ayons pas d'exemple de l'emploi de cette
expression à ces éxsoques très reculées.
Dans cette familia de condition juridique inférieure, un
groupe d'hommes s'élève peu à peu à une situation sociale
plus élevée : ce sont les ministeriales, ceux des serfs ou des
demi-libres, que l'évêque a affectés à certains emplois de
sa maison, à certaines fonctions domaniales, ou dont il a
fait ses hommes d'armes (^). La classe se développe à
travers le xi" et le xii^ siècle ; au xiii", elle n'est i^lus loin
d'être l'égale des vassaux libres, avec lesquels elle se
fondra à la fin du siècle.
Or, pi'écisément au début du xiii® siècle, nous constatons
l'emploi du terme homines de casa Dei comme synonyme
de ministeriales (•^). L'expression prend un sens tech-
nique {*).
(1) WoHi.wii.r., op. cit., p. 8-9 ; Kuktii, op. cit., t. I, p. 157 ; t. III, p. 37i. —
L'églisp n'clail évidemment pus propriétaire de tout le territoire qui constitua
la principauté de Liège ; celle-ci conipresiait des régions dont révé(|iu^ n'avait
reçu (jue 1(! cowt?7r////s, c'est-à-dire le pouvoir public, ce qui n'entraînait pas
la propriété du sol.
(■-) Nous nous proposons d'expliquer le dévelopiiement liisloriijue de la
ministérialité liégeoise au cours d'un ouvrage d'ensemble — actuellement en
préparation — sur les minixtenales en Belgi(|ue.
(3j Dans ce sens, cf. Wohlwux, op. cit., p. 177-178.
(*) A Bâle pendant tout le xin"^ siècle /lomines de casa Dei et ministeriales
sont synonymes (Aknoi.u, Verfassungsgescliichte der deuischen Freistddfe ;.
Hambourg el (lotha, IS.'ii, 2 vol. iii-8"", t. 11, p. 180-181.)
<< HOMINKS DE CASA DEI » 307
Nous en avons la preuve dans plusieurs textes.
Le premier est une charte de Hugues de Pierrepont,
évôqne de Liège, du 22 juin 1203 (^), au sujet de l'inféoda-
tion de divers biens au comté de Looz. Dans le corps de la
charte, l'évèque prend certains engagements envers le
comte, pour lui-même et pour tota Leodiensis ecclesia,
barones et nobiles et niinistcriales. Dans les souscriptions,
on trouve, faisant pendant à Vecclesia, un groupe de
témoins annoncé par de clericis ; répondant aux barones et
nobiles, un autre groupe introduit par testes snnt de nobili-
biis uirls ; enfin un dernier groupe de témoins correspon-
dant aux ministeriales et précédé par les mots testes sunf de
casa Dei. Il ne peut y avoir dans ce cas de doute sur la
nécessité d'identifier les homines de casa Dei avec les
ministeriales.
La nécessité de cette identification s'impose encore à
raison même de la disposition des souscriptions des
témoins : on oppose les témoins de casa Dei aux témoins
nobles, comme, dans d'autres chartes, on oppose à ceux-ci
les ministeriales rassemblés sous l'expression de familia
ecclesiœ {-).
Cette disposition est encore la même ailleurs. Elle l'est
notamment dans une charte de juin 1227 [^), par laquelle
Thierry, sire de Heinsberg, reprend à titre de fiefs des
alleux qu'il a donnés à l'église de Liège ; elle l'est encore
dans une charte du 14 mars 1234('*), par laquelle Aruould,
comte de Looz et de Chiny, engage à l'église de
Liège ses avoueries de Tongres, Alken et Oreye. Dans les
deux textes, les homines de casa Dei souscrivent à la
(1) SainI -Lambert, 1. p. 387-;588.
(}) Par exemple, Annlecles, XVII, p. 7;^-7;') (1 l.'Ji : de nnbililms viris : . . . : de
familia Sancli Lumberli : . . .) ; Analectts, XXIV, p. 197 (1 l.>i: nobiles viri :... ;
de familia Sancli ÏMmberti : ...); Daius, Notice historique sur l'abbaye de
Beaurepart à Liège, «Bulletin de l'InsliUit archéologique liégeois», t. IX, 1868,
p. 3i0-341 (1 1.00 : liberi homines : . . . ; de familia : . . .) ; Miraei s-Foppens :
Opéra diplomatica, Louvain et Bruxelles, i vol., 1", t. II, p. 1178-1179
(1173: fiberi ho»i.ines : . . . ; de familia Sancti Lamberti : ...); Ibid., III,
p. ri77-578 (1 19() : de nobilibiis niris : . . . ; de familia majoris ecclesia' :...); etc.
(i) Salnl-Lambcrl, 1, p. "23(^:237.
(^) Saint-Lambert, 1. p. 307-3(59.
308 F.-L. GANSHOF
manière des niiiiisteriales, après les viri nobiles et sous une
rubrique différente (*).
Dans d'autres chartes encore, d'ailleurs, en 1213 (~) et en
i236(•^), on retrouve la même distinction.
Mais ce qui ne peimet plus le moindre doute sur la
nécessité d'identifier avec les ministeriales, les homines
de casa Dci, c'est l'examen des noms que portent ceux-ci.
Bodon de Hozémont (1203) est cité dans trois textes de
1176, 1178, 1196, comme minislerialis {'^) ; Garnier de
Nivelles (1203) l'est en 1196, 1204 et 1209 (^^ ; Gérard de
Hozémont (1203), l'est en 1203, 1204 et 1209 (6) ; Lambert
de Iluy (1203), en 1204 et 1209 (') ; ses ancêtres le sont
depuis le xi^ siècle (8) ; Libert et Rigaad de Lexhy ( 1203),
en 1203, 1204 et 1209 (9) ; Fastré de Hemricourt (1203-1227),
(1) 1:227 : . . . nohilium vero hominum : ... ; lioniinum etiam de casa Del :. . .
1234 : . . . viroruni nohilium -. . . . ; et hominuvi de casa Dei : . . .
(2) Ernst, VI, p. 181-182 (. .. tam nolnl'nim hominiiin ndslronon iiuam
homimtm de casa Dci.)
(■') Saint-Lambert, I, p. 367-3()9 (. . . miiltis utils noliililnis hnmlnilnis nostris
et de rasa Dei.)
(*) Daris, Beaurepart, p. 343-344 : liberi homines ■....; de familia ecclesia-
Sancti Lamherfi sunt testes : . . . Godinus de Hosemont et Boddo frater ejus. . . ;
MiRAEUs, II, p. 1183; MiRAKus, III, p. 577-378 — Pour ces diverses ideiUili-
catioiis, nous nous bornons à indiquer les sources en ne repi'oduisant une
partie du texte que pour une seule réiérence.
(5) MiRAEUS, III, p. S77-.578 {de noinliltits viris -. . . . \ de familia majoris
ecclesia' : . . . Wanieriis de Nivella . . .) ; de Reiffenberg, Momtincnts pour servir
à l'histoire des provinces de Namur, de Hainanf et de Luxemliourg, Bruxelles,
in-40 (« Commission Royale d'Histoire »), t. I, 1844, p. 13 ; Ilnd., 1, p. 129-131 ;
Saint- Lambert, 1, p. 157-159.
C') Daris, Beaurepart, p. 350-351 [de liberis hominHnis : ... ; de familia
Sancti Latnherti : Gerardus de Hozémont . . .) ; de Reiffenberg, Momiments, I,
p. 13: Ibid., 1, p. 129-131 ; Saint-Lambert, I, p. 157-1.'J9.
(") DE Reiffenberg. Monuments, l, p. 13; Saint- Lambert, I, p. 157-159 (c/p
hominibus suis ntilrllibns : . . . ; de favnlia : Latnlnrtns de Iloio. . .)
(8) Cf. par exemple : Saint-Lamiiert, I, p. 4G-48 (1090) ; Bulletin de l'Institut
archéoloçfique liégeois, l. XII, p. 21 (1124) ; Bulletin de la Coinmission Boyale
d'Histoire, 4e série, t. 1, p. 108-109(1129, 25 mai) ; Miraeis, III, p. 708-710
(1147) etc.
(•') Daris, Beaurepart , p. .3J!)0-351 (Rigaiid) ; de Reiffenbei»;, Momonents, I,
p. 13 (Libert et Rigaud) ; llyid., I, p. 129 131 (plusieurs témoins nobles suivis
des mots et (juamptures viri nobiles ; puis les noms de (pielques ministeriales
connus, el parmi eux Libert de Lexiiy) ; Saint- Lambert, I, p. 157-159 (Libert)-
(( HOMINES DK CASA DEI » 309
en 120;^, 1209 et 1220 (^j; Baudouin de Jeneffe (1227-1236),
en 1220 (~); Guillaume de Hozémont (1227), en 1209 (•^);
Godefroid de Skeuvre (1227), en 1220 (').
Lorsqu'en 1295 (»), le chapitre de Saint-Ijambert et le
mambour font allusion, dans une charte aux divers ordres
de la population qu'ils ont consultés, ils font encore une
place particulière aux homes de le chise Deii, c'est-à-dire
sans doute ici aux représentants des familles de minis-
teriales (6), dont la fusion avec la noblesse était encore
toute récente.
Nous arrivons ainsi à déterminer l'un des sens de l'ex-
pression homines de casa Dei, employée au xiii® siècle
comme synonyme de ininisterintes.
En tenant compte de cette signification, on comprend
pourquoi, lorsqu'en 1230 C) Baudouin de Jeneffe est investi
de la cliâtellenie de Waremme, il doit prendre l'engagement
que son fils aîné épousera feininnm de casa Dei et beati
Lamberii {^), c'est-à-dire une femme appartenant à la
ministérialité de Saint-Lambert,
C'est qu'en effet, Baudouin et son fils sont — on l'a vu —
des ministeriales de Liège ; or, si le fils de Baudouia
épousait une femme n'appartenant pas à la ministérialité
liégeoise, son petit-fils suivrait la condition de sa mère à
(1) Dakis, Beaurepart, p. 330-351 (lâ03j ; ue Reiffenrekg, Monunie/i/s, I,
p. 120-130(1209) ; Saint -Lambert, 1, p. 18(5-188 (nièmo disposition quàravanl-
(iernicre référence de la note précédente).
(■-) Saint-Laiiilwr/, I, p. 18()-I88.
(») llrki.
(*) llmL
(5) Charte inédite (L/'6<T f//«;7. 498); extrait reproduit |)ar \N Diii.wii.i., o/;.
cit., p. 97, n. 2 : euissieines tnandeit les chevaliers et le conscilh de Ititnes riles
de pais et les homes de la chise Den.
(••) Ce qui contribue à nous le faire croire, c'est notamment une autre charte
de 1293 (2 nov. ; Saint-Lamhert, II, p. 329-331) dans la(iuelle on annonce
successivement les sceaux des nobles homes, puis ceux des chevaliers du comte
de Looz, et autres chevaliers dele escheviet de Liège., (jui sont prt'cjscment
presipie tous des descendants de ministeriales, notamment Guillaume de
llemricourt et (lérard de Berlo/ cités en tête.
(■) Saint-La mliert, I, p. 239 (1230, 2 mars) ; Wohlwill (p. .-i-'i, n. 2 et p. 180)
avait déjà saisi la véritable portée de ce texte.
(*) BoioiANS {Seigneuries alludialcs, p. 9-10) avouait ne pas pouvoir s'expli-
quer cet usage: il s'iinajiiuait, en effet, (|u'il s'afjissait de la cour allodialc.
310 F.-L. GANSHOF
lui (*) et la c'iuitellenie de A\'aremme passerait dans une
maison sur laquelle l'évêque de Liège et le chapitre de
Saint-Lambert n'auraient pas nn pouvoir aussi direct que
sur un de leurs niinisieriales. Bien plus, l'église de Liège
verrait lui échapper une famille importante de sa minis-
tèrialité.
Cette restriction à la liberté de mariage est simplement
une mesure tendant à conserver l'intégrité du domaine.
Elle correspond absolument aux mesures analogues prises
en ce qui concerne les serfs.
C'est aussi en voyant en eux des ministeriales que l'on
peut arriver à comprendre pourquoi, dans une charte du
4 juin 1260 {^), le chapitre de Saint-Lambert réserve à des
honiines de casa Dei les fonctions de châtelain de la forte-
resse de Sainte- Walburge. Cette mesure est évidemment
dictée par le souci de ne pas voir cette importante
forteresse aux mains de vassaux sur lesquels le chapitre
aurait moins d'action. Des vassaux nobles, plus indépen-
dants, installés sur cette hauteur qui domine Liège»
auraient constitué pour la ville un danger considérable.
*
* *
A côté de l'acception technique de ministeriales, les
mots homines de casa Dei ont conservé le sens général de
membres de la familia de Saint-Lambert. Mais par suite
de l'affranchissement progressif de la population urbaine
de Liège et des autres villes soumises à l'autorité de
l'évêque, une partie importante de cette familia devait être
désormais considérée comme libre. Aussi, au xiii' siècle,
le terme familia n'a-t-il plus désigné exclusivement les
serfs ou les demi-libres de l'église (3), mais aussi quel-
quefois tous ceux qui relevaient, au temporel ou même au
spirituel, de la juridiction èpiscopale (^).
(1) En vertu du principe fructus ventrem sennUnr.
(2) Suint-Linnberl , II, p. 117-1 18 — Wohlwill {op. cit., p. 55, n. 2) avait
également coinitris qu'il était ici question de ministerialex.
(3) Comme par exemple dans un texte de 12G5 {Saint- Lamhrrt , il, p. 157-
158; cl'., WdHi.wn.i-, a/t. cit., p. 179, n. 1.)
{■*) (lest le cas notamnienl dans un acte du 20 juin 1215 relalil à Maostcicht
(A. WAr TKKS : De l'onyine et des premier.^ développements des lUierlis vomimi-
nnles en llelf/ùiiie ; l'reiirrs, Bruxelles, 1809, in-H", p. 159-1()1).
« HOMINES DE CASA DEI » 311
C'est conçue dans ce sens large de sujets de l'église que
la fâmilia Sancti Lamberti a pu, au xiii* et au xiv* siècle,
être indiquée par l'expression hoinines de casa Dei (*).
Ainsi s'explique le fait que la Paix d'Angleur du
14 février 1318 (^) qualifie les parties contractantes, c'est-à-
dire toute la population de Liège, de hommes de chef Dieu
et Saint-Lambert {^)
Pris dans cette acception générale de sujets de l'église,
les mots homines de casa Dei constituent en quelque sorte
un archaïsme, une survivance (**) du temps où, avant
l'affranchissement de la bourgeoisie, tous les sujets de
l'église étaient les serfs ou demi-libres de Saint-Lambert.
Mais peut-être faut-il donner encore au terme homines
de casa Dei un troisième sens : au sein de la population
urbaine de Liège, qui a dû comprendre très rapidement
des éléments adventices assez nombreux, les descendants
des membres de l'ancienne fnmilia de vSaint-Lambert
auraient constitué comme un groupement privilégié,
analogue à celui des homines sancti Pétri de Louvain,
descendants des membres de l'ancienne familia de l'église
Saint-Pierre (^).
On comprendrait ainsi une disposition de la charte de
l'évèque Albert de Cuyck, confirmée par Philippe de Souabe
en 1208 (*^), d'après laquelle des citoyens de Liège peuvent,
(*) C'est ce qu'avait déjà vu Wohlwi II (op. vil., p. 179) qui cependanl no
s'était pas reiiiiu (•onqjte ((uil n'était pas ici (jucslion de tninisteriales.
(■') BouMASs, Ordonnâmes ; Première série, p. lil-lio.
(■^) Art. 21 : ht se les parties avoieni inestier de conseille de dit capitle ni
ocquison des dis mais, H dis capitle les en doit conselhier, si avant qu'illi en est
tenus a chu qu'illi puissent eistre maintenus a loy si corn hommes de chef-Dieu
et Saint-Lambert, solonc la constumnie dei pays.
(*) WoHLwnj, (op. cit., p. 181) a déjà noté ce caractère de survivance.
(5) M. PntENNF. indique cette sij^nilication et l'ail ce rapprocliement dans sa
Note sur Henri de IH/ianI (p. 01) citée |)lus liant. — Sur les homines Sancti
Pétri, cf. H. Van r>F.K Linhen. Histoire de la constitution de la ville de Lonvain
au moyen âge, Gand, 189:2, in-8° (T«" fascicule du « Recueil de Travau.x publiés
par la Faculté de Pliilosopliie et I.ettres de l'Université de Gand), p. a-1 1.
{^} G. Kl RTii, Les origines de la commune d'' Licgc, « Hullelin de l'Institut
arcliéologi(iue liégeois, t. XXXV, 1905», p. 30i-;{09 ; art. l:î: Si aticui liheru
homini ad facicndam legem suam, iiniis aul duo liltcri homines defuerini, hene
Hcelùl civihus Lendiensihus cum eo et pru eo Jiirure, si lumen de casa Dei
fuerlnt.
312 F.-L. GANSHOF
si iamen de casa Dci fiicriiit, servir de co-jureiirs à un
noble (1).
Ainsi peut aussi se justifier l'appellation hommes de cise
Dieu donnée à des citains de Liège, c'est-à-dire à des
bourgeois {^), qui, à partir de la seconde moitié du xiii*
siècle, constituent de plus en plus l'élément prépondérant
dans la cour allodiale siégeant entre Sainte-Marie et
Saint-Lambert (^).
Comment se fait-il que ces homines de casa Dei, en qui
nous avons reconnu tantôt des ministeriales et tantôt en
général des sujets de l'église, soient juges en matière
d'alleux ?
Il convient de se demander d'abord ce que sont en
réalité ces alleux.
Il paraît peu probable qu'à l'intérieur du patrimoine de
Saint-Lambert, qui constituait un alleu, il ait pu exister
originairement des propriétés libres. Tout le sol devait
appartenir à l'église C*). Et pourtant, dans le courant du
xiii^ siècle, les œuvres de loi accomplies entre Sainte-Marie
et Saint-Lambert paraissent bien avoir des alleux jjour
objets (5).
Nous croyons que la solution du problème est indiquée
par quelques textes que nous avons réunis.
(•) Wolilwiil (op. cil , p. 178) a le lort, crojons-nous, de considérer les mots
si tamen de casa Dei fueriiit comme se ra|)i)orlanl au lil)er hoinu : liber homo
et de casa Dei paraissent des termes contradictoires.
{-) Parmi lesipiels se trouvent xles descendants de ministeriales, tel Thomas
de Heniricourt, marchand de vin, niaïeur de la cour allodiale en 1330
(Hainl-Lamltert, III, p. 3;3!2.)
(^) Saint-Linnherl , II, p. 127-128 ^1261, 26 juillet) ; Val Benoit, p. 171-172
n2G3, 2i) juillet) ; ll>iil.,p. 170-177(126-4, 7 sept.): Ihid., p. 178-180 (1265,
l;i avril); lliid., \k 180 (1265, juillet); Ihid, 186-187 (1267, 29 oct.; ; Saint-
Latnhcrl, H. p. 23()-237 (1275, 17 juillet); Cartulaires de Saint-Lambert et du
Val Benoit, passini.
{*) Dans ce sens: Wom.vvn.L, op. cit., p. 181 ; I)i;s Mahez, op. cit., p. 30-31
KiHTH, Cité de Liège, t. 111, p. 375; Ha.nsay, L'alleu urbain à Liège au Xlle
siècle, «15idlelin Philologique et Historique publié par la Société pour le progrès
des éludes historiques et philologiques», t. I, 1920, p. 35.
(5) Cf., noiaFnment Saivt-Lamiierl, II, p. 6.5-67 (1254, 16 janvier) : decein
lifr/iiitirÎK (le fiiirii allnditi incii.
c< HOMINES DE CASA DEI » 313
Le premier est une charte de 1146 ('), par laquelle
Henri de Le3'en, évêque de Liège, met l'abbaye d'Aflli-
gbem (2) en possession d'une terre sise à Frasnes-lez-
Gosselies (^) pour être affectée au prieuré que l'abbaye
avait en cet endroit. Or la terre dont il s'agit est un
nllodluni qiiod Albertiis de Tines atqiie iixor ejiis Agolon-
dis tenebant, et qui avait été donné à la dite Agolendis par
sou père lors de son mariage. Cet alleu est vendu à
l'abbaye d'Afflighem ; mais (jiiia vero Alberliis de familia
beatî Lantberti erat (■*) et ideo hoc idem allodiiiin ad eandem
ecclesiam jiertinebat, c'est Tévêque qui met l'abbé en pos-
session de la terre et qui recevra annuellement de celui-ci
un cens de deux deniers, récognitif, à n'en pas douter, du
domaine éminent de Saint-Lambert.
Il ressort nettement de ce texte qu'un membre de la
familia de Saint-Lambert ne pouvait, au xn« siècle, avoirt
de propriété foncière personnelle; il n'était qu'un tenan
de l'église; l'alleu dont il disposait appartenait à celle-ci.
C'est ce qui ressort également d'une charte à peu près
contemporaine (elle est des environs de 1147(5) dans
laquelle Gobert, neveu d'Henri de Leez, donne à l'abbaye
d'Afflighem un alleu de dix bonniers, situé près de la cour
de Lauzelle (^i. La donation est faite à charge pour le
donataire de payer chaque année un cens d'un denier
Sancto Lamberto... in die natali ejiisdem martyris ciiiiis
serviis ego >mm, ajoute le concédant. Ici encore ce cens —
dont la modicité indique le caractère récognitif du domaine
éminent — prouve que nous nous trouvons en présence
d'un alleu appartenant non pas au donateur, mais à l'église
de Liège, dont il est miiiisterialis ; ce donateur n'est qu'un
tenant.
f) E. DE Makneffe, Cartnlaire d' Aff'lighem (Analedes pour servira l'hisloire
erclesiasfiffue de la Belgùfite, 2^ section : Cartulaires et Doatmen's (-tendus,
Louvain, 189i-1896, in-S"), p. H7-118.
(-) Dépendance d'Hekelghem, province de Brahant, arrondissement de
Bruxelles, canton d'Assclie.
(3) Province d(^ llainani, arrondissement de Cliarleroi, canton de Gosselies.
{*) C'est-à-dire qu'il était ministerialis de l'cglise de Lièvre.
(5) DE Makneffe, Carlulaire d'Afflif/hcm, p. 1:21.
('") La ferme de Lauzelle est située sur le territoire de la commune de
AVavre (province iU' Hraliani, arroiulisscnicnl de Ni\ elles, ciief-lieu de canton).
314 F.-L. GANSHOF
Un troisième texte — celui-ci de 1207 (^) — n'est pas
moins caractéi'istiqne : c'est une charte de Hugues de
Pierrepont, évoque de Liège, notifiant qu'Ebroïn de Flé-
ron, chevalier, a donné aux abbayes d'Aulne {^) et du Val-
Saiut-Lambert (3) son alleu d'Alleur (■*) et de Hombroux (^).
Or, avant de faire le transfert entre Sainte-Marie et Saint-
-Lambert, hoc allodiiini prias quidem noniine elemosine in
maniis nostras reportavit, dit l'évêque. Il nous parait que
si l'alleu est reporté d'abord par le donateur entre les
mains de l'évêque, c'est qu'il dépend de celui-ci.
Quelles conclusions est-il permis de tirer de ces textes ?
Ils légitiment à nos yeux l'hypothèse que les alleux que
nous rencontrons dans les domaines de Saint-Lambert
sont des alleux de l'église (^), qu'ils constituent son
treffojid ('), et qu'une usurpation lente, mais incontestable,
fut nécessaire pour qu'on les considérât comme des alleux
appartenant à ceux qui, dans le courant du xiii'' siècle,
accomplissent à leur sujet des œuvres de loi. Ceux-ci ne
sont donc que des tenants, et la cour allodiale n'est
originairement qu'une cour de tenants (8), tout comme une
cour féodale ou censale.
De cette manière on comprend comment des homines de
casa Dei, des membres de la familia aient pu être des
hom ines allodiales.
(') Analecfes, 1, p. 362-363.
(') Dépendance de Gozée, province de Hainaul, arrondissemenl et canton
(le Tliuin.
(•*) Dépendance de Seraing-sur-Meuse, province de Liège, arrondis-
sement de Liège, ciief-iieu de canton.
(■») Province de Liège, arrondissemenl de Liège, canton de Fexhe-lez-Slins.
(5) Dépendance d'Alleur.
('') Dans ce sens : Woiii.wn,!., op. cit., p. 181 ; Klrth, Cite' de Licge, t. I,
p. l.o7 ; t. 111, p. 382 — Wohlwill tire argument — avec raison, ijensons-nous
— en faveur de (;etle hypothèse, du fait que les actes émanant de la cour
allodiale sont scellés par l'archiprètre, survivance de l'époque où le domaine
éminent de l'église sur les alleux correspondait à une realité.
(') Cf. dans P. Euueka, Le.t Masiiirs, Bruxelles, 1891, 2 vol. in-S», t. I.
p. 37i, un extrait de la traduction française faite au xui»-' siècle de la charte de
l'avouerie de .luinel, de 1201 : Ircffons el alhied y sont synonymes.
(•*) Dans Cl' sens : IMhknne, Henri de Dinaiil, p. 61 et Kiuth, (/ilr de Liège,
I, ]). l.")7, n. 3.
(( HOMINES DK CASA DEI » 315
Ce qui paraît, d'ailleurs, prouver que ces allodia n'ont
pu être de véritables alleux, c'est le fait même que tous les
actes juridiques accomplis à leur sujet devaient se faire
devant cette juridiction spéciale des homines de casa Dci.
S'il s'était agi de terres appartenant en pleine propriété à
ceux qui en faisaient le transfert, le tribunal compétent
eût été le tribunal public, c'est-à-dire celui des échevins.
*
* *
Il n'en est pas moins vrai que dans le courant du
XIII' siècle déjà, les homines de casa Dei étaient tenus pour
propriétaires d'alleux (i). Nous l'avons dit, ceci est dû à
une usurpation. Services et redevances dus pour les
tenures sont tombés peu à peu en décadence.
Certaines de ces tenures — celles notamment, sans
doute, qui avaient été attribuées aux ininisteriales — ont
pu être primitivement de ces fiefs de service, tenus à foi
sans hommage, qui ont été longtemps en Allemagne les
fiefs propres aux nilnisieriales (^). On conçoit que des fiefs
de cette nature aient pu perdre plus aisément leur carac-
tère et être considérés par leurs possesseurs comme des
alleux, lorsque, dans le courant du xii* siècle (•^), les ininis-
teriales liégeois reçurent des fiefs ordinaires. L'hommage
qui manquait aux fiefs de service, apparaissait, en effet,
désormais, comme l'élément essentiel du contrat féodal.
Mais la plupart des tenures faisant partie du domaine
allodial de Saint-Lambert ont été des biens censaux.
Originairement les membres de la familia qui en étaient
les tenanciers, ont dû acquitter de ce chef un cens
récognitif de la propriété de l'église, ou payer en cas de
changement de propriétaire ou de tenant un droit de
relief, dit droit de réquisition. Mais en même temps que
{}) Cf. KiKTH, CJlr de Lirf/e, 1, p. i.^7, ii. 8.
('^) ScHuoEDKR, Lrhrhiirh fier (lotit strlien Ficclilsgencliic/ile, o<-' édit., Leipzii;,
1907, iii-8», p. ii8 ; Kfjtuen, Die Enlsteliung lier deuischen Minisleiialitiit
« ViertclJMlirsi'hrift fur So/.ial- iind Wiftscliaftsgescliichte », t. VIII, 1910,
p. 508 -.WJ.
(•*) Nous savons par Gislebort de Mons, Clironi<iue (édition de L. V'andor-
kindere, Bruxelles, 190-i, in-8", « Commission Royale d'Hisloire »), c. -217,
p. 30"2-308. (ju'en I l9o. Hellin do Ville en Uesbaye, eomniandanl du cliàlean
de Hu> et miinslcrialis de l'évèque de Liej^e, avait fait lionimage au ci mile de
Nannir pour un fief qui n'est pas précisé.
316 F.-L. GANSHOF
les citains s'affranchissaient, les cens fonciers et les droits
de relief (*) de bien des terres tombèrent en désuétude {^),
le nom d'alleu qui s'appliquait à elles, en se pla^;ant au
point de vue de l'église à qui elles appartenaient, leur fut
désormais appliqué en se plaçant au point de vue de l'an-
cien tenant, considéré dorénavant comme propriétaire.
Nous n'avons guère conservé de textes relatant des
actes juridiques accomplis devant la cour allodiale anté-
lieurement à cette transformation, qui devait être achevée
au début du xiii^ siècle {^). Mais les origines de cette cour
remontent plus haut.
Elle n'a dû être d'abord qu'une réunion, au centre de
lalleu de Saint-Lambert, de membres de la familia de cette
église, qui tenaient d'elle une portion de son alleu. C'est
ainsi que s'explique la double appellation de ses membres :
homines de casa Dei et hoinines allodiales. Entre eux,
comme devant une cour de i)airs, ils faisaient tous les
transferts de leurs tenures, propriétés de l'église de Liège,
et dont ils n'avaient que le domaine utile ("*!.
Lorsqu'à la suite de l'évolution que nous avons esquissée,
ces tenui'es furent considérées comme appartenant à leurs
tenants, l'usage ne changea pas : ce fut toujours entre
Sainte- Marie et Saint-Lambert, devant les homines de casa
Dei, que s'accomplirent les œuvres de loi ; mais désormais
les hommes de cise Dieu constituaient une cour composée
d'alleutiers, et il en fut ainsi jusqu'à la fin de l'Ancien
Régime. François L. Ganshof.
(') Dans un acte de vente de mars 1225, il est «Micore question d'un alleu
fjrevé d'une rente et comportant un droit de relief (Souonbrooht, Inventaire
des citurtes de Saint-Lambert , \\° i8.)
(2) WoHi.wn.i., op. cit., p. 181 ; Ki kth, Citr de Liège, I, p. 157.
(^) C'est en 1207 {.inalectes, 1, p. 862-363), en elfet, (|ue nous rencontrons le
dernier texte où l'on trouve encore des traces recoiuiaissables du domaine
éminenl de l'église de Liège sur un alleu donl l'affectation est faite entre
Sainte-Marie et Saint-Lambert.
(■') Absolum(Mit comme cela se faisait encore à Saint-Trond en i25i : nous
y voyons à cette date une mutation d'alleu accomplie devant despares allodii...
(jui oinnes hahent de allodio ecclesie {Le livre de l'Abbé Guillaume de Ryckel,
publié par H. Puœnne, Bruxelles, 1896, in-8», << Commission Royale d'His-
toire », n. 331).
L'accession du Luxembourg
au Zollverein en 1842
L'union douanière belgo-luxembourgeoise a mis fin à
l'accord commercial qui, pendant trois quarts de siècle, a
uni les destinées économiques du grand-duché de Luxem-
bourg à celles du Zollverein.
L'entrée du Luxembourg dans le Zollverein ne fut con-
clue qu'à la suite de discussions longues et pénibles et c'est
à leur corps défendant que le roi grand-duc et ses sujets
se résignèrent à lier le sort de leur pays à celui des Etats
de l'Association commerciale allemande.
Les négociations engagées sous Guillaume I®% au lende-
main même du retour du Luxembourg sous sa souveraineté,
avaient abouti sous son fils et successeur Guillaume II à
la signature du traité du 8 août 1841. Mais lorsque le roi
grand-duc connut les conditions draconiennes insérées par
la Prusse dans le traité et qu'il constatât le mécontente-
ment que l'union projetée provoquait dans le Luxembourg,
il se décida à refuser la ratification des préliminaires
signés à Berlin par sou plénipotentiaire.
J'ai raconté ailleurs (^) l'effet que produisit la décision
du roi grand-duc. Le gouvernement prussien voulut y voir
une manœuvi'e de la France et un recul de l'influence ger-
manique. Le roi de Prusse écrivit à son roj-al cousin et
ami pour l'avertir des dangereuses conséquences de sa
résolution. Mais rien n'3' fit; le roi Guillaume déclara que
la force même ne le ferait pas céder et, pour mettre la
(') «Les ilestiiu'es éroiioiniques liii Ltixenibourfï en 18il. Zitllveroiii ou
Union belge? » Revue ge'nc'ra/e. février 19:2:2.
318 FL. nE LANNOY
Prusse et l'Europe en présence du lait accompli, il offrit à
la Belgique de conclure avec elle ime union économique^
ou tout au moins un traité de commerce. Cette union
repondait aux vœux des Belges et des Luxembourgeois.
Depuis 1839, une loi spéciale, dite loi de faveur, atténuait
pour les habitants du Luxembourg allemand la rigueur de
la législation douanière belge, et la Belgique, pour des
motifs sentimentaux et politiques autant que pour la sau-
vegarde de ses intérêts économiques, redoutait l'établisse-
ment de relations étroites entre le Grand-Duché et l'Alle-
magne.
Les menaces de la Prusse, la crainte aussi que le roi
Guillaume ne profitât de la suppression des douanes pour
favoriser la propagande orangiste dans ses anciens Etats,
paralj'-sèrent la bonne volonté du gouvernement belge : au
moment de conclure, il recula et perdit ainsi l'occasion
d'atténuer une des désastreuses conséquences du traité
des XXIV articles.
Guillaume II, abandonné par la Belgique, brouillé avec
la Prusse et pressé i^ar ses sujets luxembourgeois de faire
cesser le dangereux isolement économique de leur petit
pays, chercha en vain une solution qui lui permît de réser-
ver l'avenir en maintenant l'indépendance du Grand-
Duché.
Je voudrais, dans ces quelques pages, rappeler à la suite
de quelles circonstances il fut obligé de reprendre les
négociations avec la Prusse, et comment la Belgique con-
tribua, pour une part bien minime, il est vrai, à faire
entrer le Luxembourg dans le Zollverein.
Depuis le moment où le roi Guillaume avait refusé de
ratifier le traité d'accession du Luxembourg au Zollverein,
la Prusse avait employé tous les moyens pour vaincre
l'obstination du roi. L'échec des négociations avec la Bel-
gique avait été un premier succès i)our la diplomatie prus-
sienne; elle espérait bien en profiter x'our amener le roi à
céder. Mais le roi était soutenu dans sa résistance par le
représentant de la France à La Haye, M. de Bois-le-Comte,
et c'est ce qui exaspérait la Prusse. M. de Bois-le-Comte, à
LUXEMBOimC. ET ZOLLVEREIN 319
la tin d'octobre, avait rejoint son poste et l'on n'avait pas
tardé à constater que « le monde politique de La Haye
subissait son influence inquisitoriale et passablement tra-
cassière » (^). Le diplomate français avait offert au roi
d'appliquer au Luxemboin-g- les stipulations du traité com-
mercial franco-hollandais. Il lui avait aussi conseillé,
pour échapper à la pression qu'on s'efforçait d'exercer
sur lui par l'intermédiaire du gouvernement hollandais,
d'abdiquer la couronne grand-ducale en faveur d'un de
ses fils.
Ni l'une ni l'autre de ces deux propositions n'avaient
chance de réussir. La seconde ne plaisait pus au roi et,
quant à la première, elle était, de l'avis du prince de Chi-
may, « sous le masque de la conciliation, un puissant ali-
ment de discorde». L'union du Luxembourg à la France
était précisément ce que l'Allemagne redoutait par dessus
tout. On connaissait à Berlin les s^^mpathies des Luxem-
bourgeois pour la France et l'on prévoyait que si la garni-
son prussienne de la forteresse se trouvait noyée dans une
population que les relations commerciales rapprocheraient
chaque jour de la France, elle ne serait plus « qu'une senti-
nelle perdue de la Confédération ». C'est en éveillant la
crainte d'une alliance franco-luxembourgeoise que le
ministre de Prusse à La Haye, M. de Lottum, avait obtenu
l'appui de ses collègues dans la campagne injuste et pas-
sionnée qu'il menait contre le roi grand-duc; il avait même
trouvé un allié assez inattendu dans le ministre anglais,
Sir Edward Disbrowe. Ce diplomate, personnage borné et
violent (2), considérait la non-ratification « comme un
démembrement que la France voulait faire subir à l'Alle-
magne et que l'Europe ne devait pas tolérer ». Il avait
répondu à Guillaume II qui lui demandait son avis « que
le l'efus de i-atifier était contraire à toute espèce de
(') Dépèolie (lu priiicc de Ohiinay. 27 octobri' IStl. Lc> ilf|i(V*li('s helges pro-
viennent des A7Tlnves ihi Ministère des Affaires KIrangères de Bruxelles :
registres Pai/s-lSas, 4; Aufriche, 8: Prusse, (>; Grnnde-lireUunie, 18. —
Atcltives /uditico-comnierciales : .Vccession du Luxembourg au Zollverein. Dos-
sier spécial 18:2.
(■') « L'homme aux rares idées», eoninie l'appelail un di' ses eollègues.
320 FL. DE LANNOY
droit )) (^). Cette attitiule pouvait paraître étouuante, car
l'Angleterre n'avait aucun intérêt à favoriser l'extension
de l'Association des douanes allemandes et elle avait même
fait tout ce qu'elle avait pu pour empêcher cette associa-
tion de se former et ensuite de se consolider. Mais dans la
circonstance présente l'Angleterre faisait le sacrifice —
très grave à ses yeux — d'un intérêt commercial à un reste
de l'esprit de iSlo, au désir de ne laisser affaiblir aucune
des garanties armées que le Congrès de Vienne avait éle-
vées contre la France.
Le chef du Foreign Office, lord Aberdeen, ne se contenta
pas d'approuver l'attitude de son agent à La Haye, il voulut
agir |)ersonnellement sur l'esprit du roi et lui adressa une
dépêche qui pressait Guillaume II de revenir sur sa déci-
sion : « Les difficultés du roi grand-duc, déjà formidables,
peuvent devenir plus grandes encore, à moins que Sa Ma-
jesté n'écoute les conseils prudents et modérés... Le gou-
vernement de Sa Majesté (britannique) n'a aucun intérêt
direct dans cette affaire, sans doute, aucun dans l'adoption
de la marche qu'il approuve. Mais son opinion a été exclu-
sivement formée par la considération de ce qui paraissait
devoir le plus contribuer à l'honneur et à l'avantage du Roi
lui-même w ('^j. Lord Aberdeen ajoutait que son opinion
était partagée par les cabinets de Saint-Pétersbourg et de
Vienne. Le ministre d'Autriche à La Haye, M. de Senfft,
qu'on considérait à juste titre comme l'homme le plus
modéré et le plus influent du corps diplomatique, désap-
prouvait les écarts de langage et les procédés passionnés
de son collègue prussien, mais comme celui-ci il condam-
nait la conduite du roi : « Sans nier le droit absolu qu'avait
le roi à ne pas ratifier, il estimait qu'il était insolite d'en
faire usage et qu'on devait reprocher au roi moins son
refus que l'esprit anti-allemand qui l'y avait porté, après
qu'il s'était laissé entourer et entraîner dans le Luxem-
bourg par ce qu'il y avait de plus exalté parmi les révolu-
(1) Df'pêclio (le Bois-lc-Conilc, 30 oi-lobre 18 il. Les (lé|têclies fraii(;aises sont
extraites des Àrrliims du Ministire des Affaires Klrangires de Paris. Registres : '
Pays-Hds (543 (sept.-diV.. 1841), 04i (jaiiv.-juillel 1842j.
('■^j Dépêclie de lord .Vberdeen, 19 novembre 1811.
LUXEMBOURG F.T ZOLI.VE F. \ '-^'21
tionnaircs belges ». La Pi'ussc eût voulu cutiaincr l'Au-
tiiche à une action commune et obtenir d'elle qu'elle agît
à La Haye au nom de la Confédération germanique. Mais
Metteruich refusa; il consentit seulement à proposer à
Guillaume II sa médiation pour trouver une solution qui
satisfît en même temps le roi et le Zollverein « (^).
C'était dans ce sens aussi que la Russie consentait à
intervenir à La Haye. Le ministre de Russie suggérait au
roi grand-duc l'idée de ratifier le traité tout en faisant des
réserves pour les articles qui paraissaient blessants pour
l'amour-propre de la nationalité luxembourgeoise. Mais
les bons conseils pas plus que les menaces ne semblaient
faire impression sur l'esprit du roi. Il répondait à l'envoyé
russe, bien dévoué cependant aux intérêts de la Hollande :
« Vous pouvez envoyer chez moi 200,000 on '500,000 hommes
et vous n'en trouverez que 30,000 pour vous attendre, mais
vous les trouverez. Les temps où le roi de Hollande avait
peur sont passés. » Et il ajoutait : <c Xous verrons bien
comment ils me forceront à mettre mon Willem au bas
d'un traité quand je ne le veux pas ! » (-)
Aune note officielle publiée par le gouvernement prus-
sien dans le courant du mois d'octobre (^), le roi grand-duc
répondit par uu mémorandum qui fit scandale parce que
(M Calmes, hir Zollanschluss des Grnsslu-rzoijliims Liixcnilmij/ iiti Dculsifi-
/«m/(18i2-l!tl8), i, p. 1»)9.
('-) Dépèclio du marquis de la Rozièro, 12 oclobre I8i2 : « Jo suis, disait
Guillaume II au diplomate français, un petit roi, un très petit roi, mais je suis
maître chez moi, uu point sur un i, mais un poiut. J'ai des liens avec les sou-
verains du Nord; je suis le beau-frère de l'un d'eux, cousin-germain de
l'autre. C'est très bien, mais je n'entends pas être autre chose. "
( ') La note prussienne du 18 octol>rc déniait au roi p:rand-duc le droit de no
pas ratiiier un traité conclu par des plénipotentiaires, confornicment à leurs
instructions. Klle voyait dans la non-ralilication le triomiihe du parti anti-
all(>niand dans le Grand-Duché : « Ce parti, qui depuis 1830 et les années
suivantes a ('te si actif contre la maison d'Orange, a relevé la tète avec arro-
gance. La répulsion, on peut même dire lavcrsion contre l'Allemagne, le
penchant pour les voisins non-allemands, s'exprime sans réserve... Il est indé-
niable que ce n'est pas la jjrotection et l'encouragement des intérêts matériels,
mais des passions ijoliticjues qui sont les vrais motifs de l'activité politique
des partis du tirand-Ducht'. Le but de cette activité n'apparaît ([ue troj) claire-
ment, c'est la séparation complète du Luxembourg de IWlIemagne... »
21
322 FL. DE LANNOY
pour légitimer sa conduite, Guillaume II y faisait allusion
à une lettre privée de Frédéric-Guillaume et à l'approba-
tion qu'il avait reçue du roi de Prusse ('). C'était, certes^
un procédé très incorrect et l'on comprend qu'à Berlin on
ait qualifié la note hollandaise d' « incongrue w. Les minis-
tres prussiens auraient voulu recourir à des mesures de
coercition, soumettre l'affaire à la Diète, mais ces moyens
répugnaient à Guillaume IV.
Stifft, le directeur de la chancellerie luxembourgeoise,
plus Prussien que Hollandais, confiait secrètement à Lot-
tum son opinion personnelle : « D'après lui, il n'y avait
qu'un moyen de faire céder le roi... c'était de forcer le roi
de Hollande par la Hollande elle-même. Stifft conseillait
donc d'envoj^er un ultimatum avec la menace de mesures
contre le commerce hollandais si la ratification n'était
pas donnée dans un délai fixé et assez court pour que dans
l'intervalle un traité ne fût pas signé avec la France ou la
Belgique. ))(2) Ce fut la dernièi-e manœuvre de Stifft. Depuis
quelque temps déjà le roi grand-duc avait retiré sa con-
fiance à ce fonctionnaire infidèle. Au début de novembre
il le renvoya et nomma comme chancelier M. de Bloc-
hausen, le représentant le plus actif du parti français
dans le Grand-Duché.
Stifft partit, mais le conseil donné par lui était bon et
Lottum s'empressa d'eu faire son profit. Précisément les
États- Généraux venaient de se réunir; par eux on pouvait
(ij Noie de .M. de Slifft du 25 octobre 18il : « 11 y a encore un fait qui mérite
d'être relevé dans la note prussienne, disait le cliaiicelier grand-ducal, c'est la
correspondance particulière entre le roi grand-duc et S. M. le roi de Prusse
dont le mémoire ne fait aucune mention. CeUe correspondance, il est vrai,
n'est i)as conçue dans les formes diplomali(iues. Cependant, le sens du contenu
de la jireinière lettre du roi grand-duc, écrite à S. M. le roi de Prusse et ofli-
ciellement envoyée par l'intermédiaire du général aide de camp (}ui également
rai)porla la réponse de S. M. prussienne fut de demander, avant de prendre
auiunt; détermination, l'assentiment du moins tacite du roi de Prusse ;» la non-
ratilication. .Viires avoir exposé avec la plus complète franchise rend)arras où
la signature du traité avait placé le roi grand-duc, la réponse du roi de Prusse
ne pouvait être interprétée que dans un sens parfaitement conlunne aux désirs
du roi grand-duc et c'est alors seulement que la résolution définitive de ne pas
ralilier fut prise. »
(2) Lottum au roi de Prusse, 2i octobre 18il.
LUXEMBOIHG HT ZOLLVEREIN 323
agir sur le roi. rjOttura, aidé par Disbrowe, s'efforça d'en-
traîner les membres des Etats à refuser le budj^et, à moins
que le roi ne renonçât à la couronne grand-ducale en
faveur d'un de ses fils.
Cette ingérence étrangère déplaisait aux Hollandais,
mais la crainte de compromettre leurs colonies en se
brouillant avec l'Angleterre et la prospérité de leur com-
merce en rompant avec l'Allemagne les impressionnait
vivement.
Quelle que fût l'obstination du roi, il lui était impossible
de ne pas tenir compte du mécontentement de ses sujets (*).
L'écliec de l'entente avec la Belgique l'obligeait en quel-
que sorte à reprendre les négociations avec le Zollverein.
Une nouvelle lettre de Frédéric-Guillaume lui offrit l'oc-
casion de sortir de l'isolement dangereux où il se trouvait
placé. La lettre commençait par des menaces, mais elle
promettait au roi les bons offices de son cousin, s'il con-
sentait à cltercher un terrain d'entente. «... Votre gouver-
nement oublie vis-à-vis du mien ou plutôt des nôtres jus-
qu'aux . formes requises par la diplomatie européenne.
Toute l'Allemagne et bien au delà des limites de la coali-
(') Les hommes politiques les plus uianiiiauts (loniiMiciit torl an roi. Le
baron van Zuylen, (pii avait refusé d'accepter le ministère des Affaires Htran-
gères tant (|uo la (piestion de la ratification ne serait pas solutionnée, disait au
(li[)lomate français : « Ce maudit Luxembourg,' nous a toujours porté nialiieur.
Sous l'ancien roi, il lui a servi de prétexte à sa folle résistance; sous celui-ci,
il va nous impliquer dans des tiraillements... Qu'est-ce que ces Luxembour-
{jeois pour lesquels nous allons nous exposer à des complications? Des trans-
fuges, des félons qui, après la révolution belge, ont été les premiers à criera
la déchéance de la maison de Nassau... " Pour décider le roi à donner sa
rntilication, M. van Zuylen lui écrivit une lettre où il allait justpi'ii lui dire (juc
son refus de ratilier était un procède dvloyal. Le roi, après avoir reçu cette
lettre, lit venir un de ses conseillers, M. Rappartr - Allez, lui dit il, reporter
celte lettre à M. van 7,uylen et revenez dans une demi-heure avec la lettre tout
entière biffée de sa main ou avec sa démission. S'il persiste à croire son maître
déloyal, il lU' doit plus le servir ; dites-lui que je lui parle comme son roi que
je suis; si je pouvais lui parler comme |)articulier, je lui dirais autre chose. •
— Rappart était revenu ave(t la lettre biffée. — Falck, le ministre hollandais a
Uruxelles, désapi)rouvail aussi le roi. » C'est un ancien républicain, disait le
roi en parlant de lui, je l'observe avec attention; ce n'est pas d'aujourd'hui
que j'ai des soupçoris siu- lui... •• Cf. dépêche de Bois-le-Comte, !• novem-
bre 1841.
324 FL. DE LANN'Y
tion douanière retentit d'un seul cri d'indignation. Il n'y
a pas de doute que la Zollkonferenz qui va se réunir ne
demande des mesures de rétorsion. La Diète germanique
même agitera fortement la question luxembourgeoise. Et
moi, dont l'influence aurait peut-être j)u calmer la trop
grande agitation, moi, j'ai les mains liées. L'indiscrétion
commise par un ou deux de Vos trop zélés serviteurs, en
montrant deux lignes du commencement et deux lignes de
la fin de ma première lettre à Vous, cher et bon Guillaume,
me condamne à l'inaction... En un mot votre position peut
devenir très critique. »
Frédéric, après avoir rappelé ce qu'il avait fait pour
amener le roi grand-duc à ratifier, ajoutait : « Voici n)on
idée. Vous enverriez un négociateur ici et Vous nous feriez
dire : « Ah ^'a! entendons-nons. Votre traité était pour
quatre ans. Ce temps est trop long. J'ai eu de giands doutes
sur son opportunité j^our mon Grand-Duché : ces quatre
ans l'auraient peut-être ruiné. C'est pour cela que je ne
ratifierai jamais avec les quatre ans. Mais n'j' aurait-il pas
moyen de changer ces vilains quatre ans? Si vous acceptez
un an de durée, tout est changé. Un an ne fera pas de mal
au Luxembourg. Donnez-moi un an et je signe. » Qu'en
pensez-vous, cher Guillaume?...
(c Si au contraire Vous rejetez mes bonnes et loyales
intentions, je me trouverais au bout de mon latin. Je ne
pourrais plus faire prévaloir le cousin — chose bien cruelle
pour mon cœur — et je me trouverais dans la triste néces-
sité de ne plus me mêler personnellement de l'affaire et
d'en laisser faire une purement de gouvernement à gou-
vernement.. Si vous entrez dans mes vues, le cousin se
mettra en quatre pour faire adopter Vos propositions aux
autres cours du Zollverein. Tout en ne pouvant ^'ar a; j//r
le succès de mes bons offices, je n'en doute pas... »
Deux jours après, Frédéric-Guillaume ajoutait en post-
scriptum : « J'ai fait parler depuis à quelques gens du
métier sur le côté i)ratique d'un traité pour un an Ils
énoncent de grands doutes sur la bonne volonté d'y entrer
des autres États du Zollverein. Cette circonstance ne me
retient pas un moment de vous envoyer M de Luck avec
cette lettre La chose principale est que Vous renouiez
LUXEMBOURG ET /.OI.IA KiHEIN H25
avec nous autres. Prenez le niotiï (iiin un ou bien celui de
meilleures conditions pour la frontière des deux Luxera-
bourgs (chose plus faisable peut-être) ou tout autre motif,
mais renouez, renouez, renouez!!! iwniit que les clameurs
des Hollandais ou les mesures du Zollverein et de la Diète
de Francfort Vous 3' forcent. Je prie Dieu qu'il guide
Votre cœur et Vos pas. »
Le roi de Prusse engageait donc son cousin à ratifier en
y mettant comme condition ou bien de signer pour un an.
ou bien d'obtenir des conditions spéciales pour le maintien
des relations entre les deux Luxem bourgs.
Guillaume II, au lieu de choisir entre ces deux condi-
tions, se décida à les réclamer toutes les deux. Au début
de décembre, il renvoya M. de Scherff à Berlin pour
reprendre les négociations et proposer pour prix de sa
ratification })Oiir un an l'admission de tontes les condi-
tions que la Belgique mettrait au maintien de la loi de
faveur. Avant son départ, M. de Scherff fît connaître au
prince de C'himay la nouvelle résolution de son maître :
« Je n'ai pas besoin de vous dire, confia-t-il au ministre
belge, l'opinion du roi sur les relations à maintenir entre
les deux parties du Luxembourg. C'est donc à la Belgique
H nous aider à sortir d'embarras. Si nous sommes jugés par
la Diète nous devrons sans aucun doute subir le traité
pour quatre ans; si nous transigeons, nous serons libres
au bout de la première année — mais pour cela il nous faut
le concours du gouvernement belge... Il serait à désiicr
que le général Willmar reçût des instructions pour agir de
concert avec moi, de manière à ce que le maintien de la loi
du 6 juin et des compensations fissent (dans un instrument
séparé) partie de la transaction. » (') Le roi grand-duc se
mettait ainsi « à la merci de la Belgique », mais il créait
pour cette dernière une situation très délicate : « I^a ques-
tion du Luxembourg, remarquait Chimay, se trouve placée
entre l'Allemagne et la France. La première s'est unani-
mement prononcée sur la ratification. La seconde, ;ui con-
traire, obéissant involontairement peut-être à son instinct
(') DépOcbf (lu iniiice ilo Gliiniiiy. :2l iiovcinlnc IStl
326 FL. DE LANNOY
national plus qu'à la raison, s'est élevée contie. » (*) Si le
roi Léopold mettait au maintien de la loi de 1839 des con-
ditions inacceptables, il risquait de se brouiller avec la
Prusse; s'il cédait trop facilement, il mécontentait la
France. Avec une extrême habileté, le roi grand-duc
endossait donc à la Belgique la responsabilité du succès
ou de l'échec des négociations.
A Bruxelles, on espéra un moment que ce rôle d'arbitre
permettrait d'obtenir des avantages considérables. « Il ne
saurait échapper à votre attention, mandait M. de Briey
au ministre belge à Berlin, qu'il y a par le fait, une grande
différence entre notre position actuelle et celle que nous
avions avant lés embarras suscités j)ar le refus de ratifica-
tion du roi grand-duc. Nous pouvons aujourd'hui nous
montrer phis exigeant qu'auparavant. » (-)
Mais, malgré l'invitation du roi de Prusse et la promesse
de ses bons offices, M. de Scherff et ses propositions furent
fort mal accueillis à Berlin. Les ministres prussiens,
revenant sur une parole donnée précédemment, firent
valoir que l'établissement du traité pour un an ne valait
pas les frais et les pertes que causerait au Zollverein
l'union avec le Luxembourg.
Quant à la seconde demande luxembourgeoise, elle parut
tout à fait inadmissible. Un des membres du ministère
prussien, rencontrant M. Willmar, lui déclara que M. de
Scherff arrivait avec des conditions qui n'étaient pas
acceptables; et comme M. Willmar s'étonnait et faisait la
supposition que ces conditions devaient donc être bien
plus importantes que celles que la Belgique avait présen-
tées avant le 8 août, le ministre prussien répondit : « Celles-
là n'étaient déjà pas si modestes! La demande d'introduire
io,000 moutons dans un pays d'une population de
150,000 habitants, c'était vraiment vouloir le monopole de
la vente des moutons. » (^)
La Prusse ne voulait pas accorder les allégements récla-
més en faveur des produits métallurgiques belges paice
(') I)c|H'clie (lu priiKM' de (Iliiinny, Hi novoinhi'c ISil.
(•^) de Briey ii Willmar, 8 (i.Tciiihn' 18il.
P) I).'|mm1m> (Ii> WilliiiMi-. -_>:{ (i.'Tcnii.n- I8il.
LUXEMBOURG ET ZOLI.VEHEIN 327
que ces dégrèvements ne profiteraient pas aux provinces
rhénanes. Si les intérêts luxembourgeois se trouvaient
quelque peu compromis par la suppression de la loi belge
de 1839, on estimait qu'ils trouveraient une compensation
suffisante dans l'ouvertui'C du marelic allemand.
Aux efforts de M. de Scherff s'ajoutèrent bientôt ceux
de deux commissaires luxembourgeois, MM. Simons et
Pescatore, qui avaient tenu à défendre eux-mêmes les inté
rôts de leur pays. Ils faisaient partie de la commission
réunie par le roi pour l'éclairer sur la situation du Grand-
Duohé et avaient été naguère de çliauds partisans de la
révolution de 1830; on les savait très opposés à l'entrée du
Luxembourg dans le Zollvei-ein ,mais aussi très aigris de
l'échec des négociations avec la Belgique (').
L'accueil qu'on leur réserva à Berlin fut des plus frais.
Pour faire échouer leur mission, on avait écrit du Luxem-
bourg à divers membres du gouvernement prussien dans
un sens tout à fait mensongei' sur leurs antécédents On
avait même avancé que M. Simons, comme membre du
Congrès national, avait voté la déchéance des Nassau ; au
point de vue i)russion, c'était un grief fort sérieux (}j. Le roi
Frédéric-Guillaume les qualifia de « misérables » et refusa
de les recevoir ; ses ministres ne les écoutèrent qu'avec
froideur et défiance. Ce ne fut que lorsque la calomnie dont
ils étaient les victimes fut dévoilée qu'on consentit à dis-
cuter avec eux. Mais les pourparlers qui suivirent se res-
sentirent de la contrainte des premières entrevues. Leurs
instructions leur recommandaient « de s'adresser au
ministre de Belgique, de s'étayer de lui, d'agir de concert
avec lui ». Dès la i)remière conférence, on leur déclara de
la manière la ])lus formelle qu'on n'admettrait pas les modi-
fications de tarifs demandées par la Belgique et ils en con-
clurent que rai)pui du ministre belge leur serait inutile et
(1) Dé|M"'clic (le Willmar, 8 janvier lHl-_>.
(-) Dépôclie de Veiinorsi-li, 9 février l8t-2. M. Simons n'avait jias jH-is |iart an
vote (le 1^ dé.'héanci'. Son élertioii n'était pas ciu'oro validée à ce immienl. Le
ministre d'Aulriciie a La Haye, le eomte Sentit, avertit Metternicli que l'aecn
sation portée contre .\L Simons et son compagnon était fausse : « Ce n'est pas
exact en point de l'ait pour ces deux individus. » iSic .') Dépêche du 'lo jan-
vier 1842.
328 FL DK LA\.\_yY
même nuisible. Ils s apercevaient avec étonnement qu'on
traitait les intérêts matériels du Luxembourg avee un
superbe dédain; «n ne leur répondait pas quand ils pré^en-
tai(Mit des objections au traité du 8 août et on se contentait
de leur dire « qu'ils étaient Allemands et que leur vocation
devait être d'entrer dans la grande association comme i--
ciale allemande » (M-
Somme toute, la Prusse ne voulait faire aucune conces-
sion; elle estimait qu'en traînant les choses en longueur,
le Luxembourg se fatiguerait des difficultés de sa situation
et que, pour sortir de sf)n isolement économique, il signe-
rait le traité du 8 août.
Le gouvernement prussien fit donc savoir qu'il refusait
de signer le traité pour un an ; en môme temps, il rai)i)clait
au Luxembourg que ses devoirs d'État confédéré lui inter-
disaient de conclure un traité avec la France ou la Belgique.
Il semble (jue Guillaume II avait bien prévu que ses der-
nières i)ropositions seraient rejetées; il ne les avait faites
que pour amener une situation nette et précise où l'Alle-
magne et le Ijuxembourg retrouveraient leur liberté
d'action. L'cchcc de la mission de M. de Sclierff était donc
un succès ])our lui et l'on ])ouvait croire que les négocia-
tions luxembourgeoises seraient suspendues poui- long-
temi)s En réalité, elles étaient à la veille de leur conclu-
sion.
Les souverains anglais avaient invité Frédéric-Guil-
laume IV à être ])ar]"ain de leur second enfant, le prince
Edouard — le futur Edouard VII. Non seulement le roi de
I*russ{; avait accepté, mais, à l'étonnement de la Cour d'An-
gleterre, il annonçait au mois de janvier 184^2 qu'il assiste-
rait personnellement au baptême. Dans le but de donner à
la Hollande et à son roi une ])reuve publique de son
mécontentement, il décida qu'au lieu d'adopter la route de
Hollande, il j)asserait par la Belgique et viendrait s'em-
barquer à Ostende. Le gouvernement belge s'empressa
d'offrir au royal voyageur toutes les facilités; il lit rcmar-
l') l>('-|ir(li(' (le \\illin;ir, -_>:> JMiivii-r IHS:
LUXKMBOUlîG ET ZOL'.\ F. I IN 329
qiicr que grâce à son réseau de chemins de fer, le voyage
(le Liège à Ostende ne durerait que quelques heures. Il eût
voulu ménager nue entrevue officielle entre les souvei'ains
à Bruxelles ou à Laeken, mais Frédéric-Guillaume s'y
refusa. Tout au plus consentit-il à rencontrer le roi Léo-
pold à Ostende. Pour qui se rappelle la ré])robation que la
révolution de 1830 avait soulevée en Allemagne et la con-
stante défiance que depuis lors on nourrissait à Berlin
contre la Belgique et son souverain, la décision de Frédé-
ric-Guillaume constituait une véritable victoire morale (').
L'entrevue des deux rois fut d'ailleurs ])lus longue que ne
l'avait prévu le roi de Prusse. Par une nc^li^ence uolon-
taire de l'amirauté anglaise, le bateau chargé de trans-
porter le roi eut un retard de trente-six heures et Frédéric-
Guillaume fut bien obligé, })endant ce temps, d'être l'hôte
du roi des Belges.
Quand on connut à La Haye l'itinéraire choisi i)ar le roi
de Prusse, le gouvernement hollandais en ressentit une
très vive émotion. Sous la pression de ses ministres, Guil-
laume II fut forcé de s'adresser à Lottum pour obtenir que
le souverain prussien se décidât tout au moins ou à reve-
nir par la Hollande, ou à réserver à son cousin une entic-
vue à Aix-la-Chapelle ou à Cologne.
Mais Lottum veillait; il croyait cette fois avoir trouxc'
le moyen de vaincre l'obstination du roi grand-duc. Il ])ar-
vint à rallier son souverain à la manière forte et celui-ci
répondit à l'invitation du roi de Hollande qu'il n'avait pas
l'intention de revenir par la Hollande et qu'il ne conseil-
lait pas à son cousin de se rendre dans les provinces rln'-
nanes pendant le carnaval à cause des sentiments hostiles
du i)euple à son égard. Mais le roi ajoutait : « Si le roi
grand-duc accepte le traité du 8 août, alors je lui promets
de faire tout mon possible pour atténuer les dommages
causés au Luxembourg i)ar la su])i)ression des avantages
belges; alors je prolongerai mon voyage et je me icndi-ai
(') I.c ((iinlf (le Hricv linl ;i liiirc icin;ir(|ii»'r ;'i 1imi> iiii> :ii;(Mits à rétraii^er
riiiip rtaiice ([lie ce voyai^c avail |Mmr la Helgi(|ii(' : >' Otic niaiiifcstatioii (ios
seiitimeiils de l'illustre monarque, leur rcrivait-ila lail la plus vive impression
sur les esprits. >-> Dcpcclie <\\i ("> fi'vpicr 181:2.
330 FL. DE LANNOY
à La Haye pour remercier le roi de Hollande en mon nom
et au nom du Zollvcrein. » (^) Par une dernière habileté de
Lottum, cette note fut remise au ministre des Affaires
Etrangères de Hollande et non au chancelier du Luxem-
bourg-. Guillaume en jugea le ton menaçant et blessant. Il
fut frap])é de l'idée que ses sujets allaient voir dans le
voyage du roi de Prusse à travers la Belgique le prélude
de cette alliance germano-belge, si redoutée en Hollande
parce qu'elle isolerait ce pays de la France et le rejetterait
entre l'Angleterre, mal disposée, et rAllemagne, aliénée.
Les États-Généraux avaient déjà manifesté plus d'une fois
leur mécontentement; que feraient-ils si le roi se j^résen-
tait à eux avec la responsabilité d'avoir comijromis leur
politique et leur commerce pour un intérêt de famille qui
leur était totalement étranger (2)? Le roi avait bien affirmé
qu'il mourrait sur la brèche plutôt que de céder, mais il
n'avait pas le caractère obstiné de son père ; la crainte de
l)erdre toute popularité en Hollande eut raison de ses der-
nières hésitations. Il fit venir M. de Blochausen, lui
exposa l'urgence impitoj^able de prendre une décision
dont il n'avait même plus le choix et lui dit qu'il allait
envoyer à Londres des propositions d'arrangement. M. de
Blochausen entendit le roi avec une profonde douleur, mais
il ne put disconvenir que par le refus ou l'hésitation de la
Belgique, la position était devenue intenable (^).
Deux jours après les commissaires hollandais partaient
pour Londres. On n'avait pas choisi des agents du gouver-
nement luxembourgeois, mais deux ministres liollandais,
(1) Calmes, oi).vH. 1, p. l«-2.
f^) Dt'péchf de Bois-le-Comte, 12 février 1842.
(■') Le roi avait dit à M. de Blochausen : <■< Les choses ne peuvenl rester
coinine clh's sont : l'AlIenKiffne va nous être délinitivement fermée et toute
notre conihinaison jiour vivre sans elle était basée sur la ilisposition (|ue mon-
trait la Hel^i'iue d'accorih'r au Luxembourg un traité de connuenîe (|ui lui eut
icndu ceipie nous étions résij^nés à perdre du côté de l'Allemagne. Mais la
Helgi(|ue (M'aint de blesser la Prusse en ni'goi'iant avec nous. Elle n'ose évidem-
ment U' faire sans avoir son assentiment que la Oour de Berlin se gardera i)ien
<l(' lui diiiiiicr et pendant ce tcMups le Grand-Duché (!St exjjosé à mourir de laim;
le voyage du roi de Prusse i)ar la Belgique, en me présentait connue brouillé
avec lui, me compromet de plus en plus avec l'opinidn de la Hollande. »
Dépêche de Bois-le-Comte, 1?) février 18i2.
UXEMBOUKC. ET ZOLFAEREIN 331
le baron van Hecckeron et Rochusscn, pi-cuvc ('videntc que
l'affaire du Luxembourj^- écbai)i)ait en quelque sorte à la
direction du roi i;rand-(luc. Lottuiu avertissait son maître
que Rocbiissen était un de ses bomnies de confiance, que
par conséquent des concessions de la part de la Prusse
n'étaient pas nécessaires (^).
Les ministres hollandais étaient munis de ])h'ins pou-
voirs qui leur permettaient d'accepter la ratification pure
et simple du traité du 8 août. Cependant ils devaient insis-
ter pour le maintien de la loi de faveur. Le roi en faisait
même «une condition absolue )> de son accei>tation {h. Ainsi
jusqu'au dernier moment il conservait à la Belgique son
rôle d'arbitre.
A Londres, les négociations marclièrent rapidement; les
ministres hollandais étaient décidés à tout sacrifier pour
aboutir. Le roi de Prusse se fit fort d'obtenir du roi Léo-
pold la i)romesse du maintien de la loi de faveur et donna
la garantie que si la loi était retirée l'Allemagne ferait au
Grand-Duché des avantages plus qu'équivalents (^).
Pour sauvegarder la dignité du roi grand-duc, on décida
que le traité du 8 août serait annulé et remplacé par un
texte nouveau qui, à quelques détails près, ne fit que repi'o-
duire le premier traité ('').
Frédéric-Guillaume promit de passer par la Hollande.
A son retour d'Angleterre, il rencontra une seconde fois à
Ostende le roi Léopold. La Belgique avait abandonné le
Luxembourg ; elle aurait eu mauvaise grâce à compro-
mettre par une attitude intransigeante l'accord conclu
entre le Grand-Duché et le Zollverein, Léopold consentit
donc au maintien provisoire de la loi de faveur.
Les ministres hollandais redoutaient un nouveau revire-
ment de leur roi. A peine débarqué à La Haye, le baron van
(1) Dépik'he (II! Lultiim du -2!t janvier ISi-2.
('^) D.''i)('<-lie (le Bois-le-Coititt', 1^2 IV'viior l8i-2.
P) Dépêche (le IJois-le-Cointe, !» février lSi2.
(■•) « Les dates el les signatures constiliienl (mite la diflerence ». disait Bois-
le-Conile.
Un article dt'clarait (|ue .s. M. le roi de Prusse « a en vue de faire tout ce
qui sera possible alin que, dans le cas où la loi du ti juin 183!t serait revoqui'e.
les sujets de S. M. le roi grand-duc re(;oivenl un dcdonunajrcincnt suHisaiil pour
compenser cette révocation ».
3.i2 FL. DE LANNOY
Heeekeren se rendit à 2 heures du matin près du lit du roi
pour obtenir que lilocliausen apposât sa signature sur la
convention conclue à Londres. Blochausen poussait de
profonds sou])irs et levait les bras au ciel (^). Le chancelier
grand-ducal était désespéré de l'accession de son pays au
ZoUverein et il en rendait la Belgique responsable : « Si elle
n'avait reculé, disait-i), au mois de novembre lorsque le roi
était maître de la situation par sa fermeté et sa persévé-
rance, l'arrangement entre les deux Luxembourgs serait
aujourd'hui un fait accompli et déjà ancien. » Il attribuait
non sans raison les retards de la Belgique à l'influence de
la Prusse « qui à Bruxelles a paralysé l'action du gouver-
nement du roi » (^).
M. de Bois-leComte, jusqu'au dernier moment, avait tout
ignoré des négociations menées à Londres; il ne cachait
pas son désappointement et, comme Blochausen, il accu-
sait la Belgique : « Ce n'était, disait-il, que sur les instances
persévérantes de sa légation que nous nous étions engagés
dans une affaire qui gênait toute notre politique. » (^) Le
diplomate oubliait que son gouvernement et lui-même
avaient considéré l'entrée du Luxembourg dans le ZoU-
verein comme un recul de l'influence française et, quelques
jours après la signature du traité, il reconnaissait que cet
acte portait préjudice aux intérêts français. « Dans son
effet local, écrivait-il, l'accession du Luxembourg au ZoU-
verein est un préjudice pour le département de la Moselle
en substituant le tarif de l'Association au tarif existant.
.Jusqu'à un certain point, c'en est un pour la France en
prolongeant d'une dizaine de lieues la ligne des douanes
prussiennes et l'action directe de la Prusse sur notre fron-
(1) Calmes, op. cit. 1, p. 18.").
(-) Dé|M"'che de Vermerst-li, du o lévrier 184i2.
(•') Quand Blocliauseii vint, au nom de son maître, avenir M. de Bois-le-
Comte de l'accession du Luxembourg au ZoUverein, le dii)lomate lui répondit :
(( .le suis reconnaissant des paroles ((ue me fait porter S. M. Néerlandaise, mais
je ne prt'tcnds i)as cacher ([uc je suis pntfoiidcment blessé. On n'engage pas
une puissance connne la France dans une (|uesti(in, pour conclure ensuite sans
la prévenir. L'oi)inion (]ih' j'ai comMHini(iut'e à ma Cour reposait sur les paroles
même de S. M. iNcerlandaise. .l'ai itesdin |)onr me dégager de paroles royales. »
Dépêche du li février \H4'-2.
LUXEMBOURG ET ZOLFAEREIN 333
tière. » (^) Pour pallier la déconvenue qu'avait subie sa
politique et l'éclioc de ses efforts de plusieurs mois, le
diplomate franç^ais ajoutait que la lin de l'affaire du
Luxembourg- rendrait à la France sa liberté d'action
« parce que le rôle qu'on nous faisait ou qu'on nous prêtait,
bien ])lus que nous ne l'avions en réalité, nous gênait avec
l'opinion nationale hollandaise très prononcée pour la
séparation du Luxembourg- »(').
Le Luxembourg se résigna assez facilement à l'union
commerciale que la Prusse avait imposée à son souverain.
Somme toute, le Grand-Duché avait obtenu ce qu'il dési-
rait : l'ouverture d'un grand marché par son entrée dans le
Zollverein et la sauvegarde de ses relations anciennes
avec la Belgique par le maintien de la loi de faveur.
Fl. De Lannoy.
(') Dc|..'cli.- (lu !) iV-vriiT 181-2.
MELANGES
Inscription de Mégare.
Skias a fait connaître dans T'Ecpriiuepiç 'apxcxioXof ikiî, 1894,
p. 244, une petite plaque de marbre bleuâtre portant le
nom de
TTicriXaç.
Skias n'avait pu en déterminer la destination.
Elle doit évidemment être rapprochée de la série d'in-
scriptions funéraires de Mégare que nous avons publiées
dans la Revue archéologique, 1917, IV, p. 33-119. Comme
celle qui nous occupe, elles sont gravées sur de petites
tablettes de marbre et ne comportent souvent que le nom
du défunt, sans sa filiation. Le marbre portant le nom de
Pisilas a d'ailleurs été acheté à Mégare, mais, étant don-
nées ses dimensions très faibles (0.216 X 0.075 X 0.03). il
aurait pu aisément être apporté d'ailleurs.
Il ne paraît pas douteux que le nom de Pisilas puisse être
maintenant utilisé pour l'histoire de l'onomastique et du
dialecte de Mégare.
Paul Grainuor.
Simonide
(fr. 103).
Bergk, Poehie Lyr. (irncci. t. II, 1915, Simonide, fr. 103.
Eù6u)uâxujv dvbpuùv .uvncruJiueGa kt\
V. 3. 'îva aqpioi \xr\ KaOéXiiTui
'EWdç âTTO(pei)uév>i KpaTÔç è\eu9epiav.
Des notes critiques, il ressort que dans le cod. Pal. on
lit ce génitif inexplicable : dTToqpGiuévou. Planiule a corrigé
."■536 MÉ:.ANGES
en à7TOcpei|uévoiç Kàproç èXeu6epîaç. Jacobs, avec trop d'au-
dace, conjecture : ôtt' iqpGi'iLiou Kpaxôç èXeuGepiav. Dans la
0' édition de VAiiiholo^iH Lyricii (Bergk-Hiller7('rusius,
1913, n" 88) nous lisons : dTTOcp6i|uévov Kpaiôç èXeuBepinv.
Observons en premier lieu que les conjectures avec
Kpaiôç doivent cti'e écartées : l'a de ce mot est bref. Pla-
uude a proposé une correction plausible : Kàproç Mais Kap-
Toç è\eu6epîaç (ou iriç) — qu'on lise dfToqpeiiuévri avec Hillcr-
Ci iisius, ou àTToqp6i)Li€voiç avec Planude — n'offre aucun
sens; KpaTÔç èXeu6epîav est tout aussi peu intelligible. Que
signifie eu effet : « Afin que la Grèce qui périssait dans sa
force, ne leur enlève pas sa liberté? » ou bien : « Afin que la
Grèce n'enlève pas aux morts la force de la liberté? »
Le contexte ne peut-il nous suggérer une solution plus
simple? Que veut le poète? Perpétuer la mémoire de ceux
qui sont tombés devant la ville de Tégée, en combattant
pour la libert:é de la Grèce. C'est à ces morts que celle-ci
doit la gloire de n'être pas asservie. Aussi le poète débute-
t-il par cette forte parole : fivr|crdj|ae0a.
Un mot fait tacbe dans l'épigramme : c'est KpaTÔç. Il est
métriquement impossible, et c'est pourquoi Planude a bien
fait de l'écarter. Je me permets de proposer la lecture que
voici : KÛboç èXeuBepiiiç (') (ou laç). Nous traduirons alors,
si nous lisons d7TO(p9i)uév)'i : (c Souvenons-nous de ces
hommes... afin que la Grèce qui périssait ne leur enlève (^)
pas la gloire de sa liberté (reconquise). » Ou, si nous adop-
tons à7TO(p9i|uévoiç : « ... afin que la Grèce n'enlève pas à
ceux qui sont morts la gloire de sa liberté. »
Au point de vue paléographique, la confusion s'explique
par la « ressemblance générale ^> entre les deux mots Kpa-
TÔç et KÛboç (■'). Enfin le premier est plus employé : la sub-
stitution est donc normale.
Arth. Humpers.
(') J'avais pense aussi à k\€Îoç, lormo épiqii? de kX^oç.
(2) Il est à noier que Baillj s. v. KoBaip^uu ne donne au moyen de ce verbe
que les deux sens : ahnisser et accomplir. Mais il en est de KaGaipéui eomnie
de tant d'autres veri)es : le moyen a dû avoir, outre ses sens particuliers, tous
les sens de l'actif.
(3) Hai.i., -4 Companion ta clas.siral texls, Oxford, li)l3, |). 170; etc..
MÉLANGES 337
Bâtards de Brabant et bâtards de Bourgogne.
Malgré la notice du bai'on de Reiffenberg : Enfants
nnturels de Philippe le Bon, duc de B()iir^-()<>-nc. ijubliée
daus les Bullelins de l'Académie royale de Jiel^iqiie
en 1847 (t. XIV, u" 1, p. o85-597), l'obscurité la plus grande
plane encore sur les bâtards de la lignée des ducs de Bour-
gogne et des branches y apparentées. Tout texte contem-
porain sur ces j)ersonnages, dont quelques-uns occupèrent
une place en vue dans le monde politique et surtout ecclé-
siastique, doit donc être accueilli avec reconnaissance.
A. Bâtards de Brahanl.
I. — Le premier entant naturel dont les archives de la
Chambre des comptes, aux Archives générales du royaume
(Acquits de Lille) fassent mention, est un nommé Jehan,
bastard de Brabant. L'appellation de Brabant indique clai-
rement un descendant illégitime des ducs de ce nom. Une
série de pièces d'ordre diplomatique fournit quelques élé-
ments biographiques nouveaux : Le 30 novembre 1444
l'évêque de Soissons, Jean Millet, donne quittance d'une
somme de 100 livres reçue de Philippe le Bon pour l'éduca-
tion donnée à Jean de Brabant, celui-ci fréquente le cours
de la Faculté des arts à Paris.
« Nous Jehan, par la permission divine, évesque de
Soissons, confessons avoir receu de honorable homme et
sage, Martin Cornille, conseillier et receveur gênerai de
toutes les finances de monseigneur le duc de Bourgogne et
de Brabant, la somme de cent livres parisis monnoye royal
que mondit seigneur le duc par ses lettres données le
XXIP jour de ce mois a ordonné nous estre baillée et déli-
vrée, pour le nourrissement et gouvernement à l'estude de
Jehan bastard de Brabant, escolier en l'Université de
Paris en la faculté des ars, pour ceste présente année com-
maneant le premier jour de janvier derrainnement passé et
finant le derrenier jour de décembre proucbain venant, et
aussi pour robes, livres et aultres nécessitez dudit .lehan
de Brabant en la dite année, de laquelle somme nous nous
tenons pour contens et quittons mondit seigneur le duc
22
3:^8 MÉLANGES
son recepveur général et tous aiiltres. En tesmoing de ce
nous avons séeller ces présentes de nostre seel aux causes
et icelles avons signées de nostre main, le derrenier jour
de novembre l'an mil quatre cens quarente et quatre.
Johannes, Suessionnensis episcopus ».
(Acquits de Lille, carton 1148).
Deux années plus tard, le 21 août 1446, Philippe le Bon
ordonna de paj-er au précepteur, l'évèque de Soissons, une
nouvelle somme de 100 livres pour frais d'entretien de Jean
de Brabant. Le mandat de payement libelle pittoresque-
ment la destination de cette générosité : « pour la des-
pense et gouvernement tant de bouche et pour doctrine
comme pour robe, pourpoins, chausses, bûche en yver,
chandoilles, papier et autres nécessitez de nostre ame
Jehan, bastard de Brabant, escollier au collège de Navarre
à Paris, en la faculté des ars, pour ceste année présente. »
(Acquits de Lille, carton 1148).
Les études de Jean de Brabant n'étaient pas encore ter-
minées, qu'il avait déjà débuté dans la carrière cléricale
par l'obtention d'un important bénéfice ecclésiastique. Il
reçut le 11 mai 1433 d'Eugène IV la dignité archidiaconale
de Bruxelljes, au diocèse de Cambrai (cfr. A. Le Glay,
Cameracum christianum, p. 388). Peu après son écolage à
Paris, le protégé de Philippe le Bon fut mis aux études à
l'Université de Louvain avec une pension alimentaire de
200 livres par an. L'ordre de paiement du duc de Bour-
gogne au receveur général de Brabant, Guillaume de Pou-
pet, du 25 mars 1448, contient des détails biographiques
intéressants : Comme nous [Philippe-le-Bon] aions fait
nourrir et tenir à l'escole de Paris par l'espace de sept ans
environ nostre ires chier et bien amè maistre Jean de lira-
bant, arcidiacre de Bruxelles en l'è^-lise Cambray, et
jusques à ce qu'il a esté i^-raduez en la faculé des arts et
qu'il a esté admenè pardevers nous, ou il a esté lui et un
jeune clerc servant avecques lui depuis le mois d'octobre
ensuivant, que nous l'avons envoie et fait mettre à l'estude
de nostre ville de Louvain pour estudier en lois et y prou-
fiter comme il a appertient, sans ce que pour sa despense
pour le temps qu'il a esté par devers nous ne aussi pour le
MÉLANGES 339
temps (le son cstiide ou il est lui et un Jeune elerc servant
des ledit mois d'octobre dernier passé ne pour sa despense
extraordinaire de robes, pourpoins et autres ses nécessitez
selon son restât et pour son estude, lui avons fait aucune
provision, comme avons fait à ses frères les autres bastards
de Brabant de nostre hostel les autres ne autrement ne qu'il
ait eu de nous aucune chose sinon que Pavons fait pour-
veoir dudit archidiaconé, duquel il n'a eu possession
jusques à la Toussains dernier passée, pour avoir et pour-
chassier tant ù Bruges comme à Anvers la délivrance de ses
bulles a esté fait despense par emprunt à recouvrer ens la
revenue dudit archidiaconé...
(Acquits de Lille, carton 1148. — Arch. gén. roy.)
Maître Jean de Brabant donna quittance de cette somme
le 17 avril suivant (ibidem, carton 1148); mais peu après, le
3 juin de cette année, une nouvelle générosité ducale de
84 livres vint l'atteindre. Le mandat de payement de Phi-
lippe le Bon fournit, au surplus, sur le bâtard de Brabant,
deux nouvelles indications; d'abord celle de Bastard de
Brabant Vaisné, puis celle de son canonicat à N.-D. de
('ambrai. La pièce vaut d'être citée en extrait : à nostre
bien ame maistre Jehan bastard de Brabant l'aisné, pour
retite d'un don de iiii XL XVI L. monnoie dicte que nous
lui avons donnée et octroyée de nostre grâce especiale pour
une fois, tant pour luy aidier à avoir son habit de chanoine
en l'église Xostre Dame en la ville et cité de Cambray,
comme pour luy aidier à résider, vivre et soy entretenir sur
sondit bénéfice.
(Acquits de Lille, carton 1148)
Le passage de Jean de Brabant à l'Université de Lou-
vain est noté comme suit dans la niati'icule de l'année 1450 :
Dominus et magister Johannes de Brabantia, archidiaco-
nus Bruxellensis in ecclesia Cameracensi (Cfr. Edm. Reu-
sENS, Matricule de l'Université de Louvain, t. T, 1903,
p. 166).
Philippe le Bon n'oublia jamais sou protégé; c'est ainsi
qu'il l'aida dans ses dépenses domestiques de chanoine le
16 décembre 145:2 (cfr. Acquits de Lille, cart. Il i8j eu lui
340 MÉLANGES
allouant, sur les finances de l'Etatune somme de 100 francs.
Jean de Brabant ne reçut cette somme qu'au mois de mai
suivant et en donna quittance le 8 mai 1453 (cfr. Acquits de
Lille, cart. 1148). La quittance signale ainsi le motif du don
de 100 francs : pour une fois pour moy aidier à vivre et
entretenir mon maisnage sur ma dicte prébende de Cam-
bray.
Aux dires d'A. Le Glay (Cameracum christianum,
p. 388), Jean de Brabant serait mort le 20 février 1459.
II. — Un autre bâtard de la lignée brabançonne appa-
raît dans les documents d'archives, sous le nom de Phi-
lippe, baslard de Brabant; il figure dans une quittance, du
16 décembre 1450, attestant un don de Philippe le Bon
d'une somme de 50 francs, moitié du prix de sa pension
annuelle; il était à ce moment écuyer-panetier au service
du duc de Bourgogne. (Cfr. Acquits de Lille, carton 1148.)
Déjà auparavant, le 24 janvier 1448 n. st. Philippe de Bra-
bant avait donné quittance pour une somme de 18 livres
(cf. ibidem).
III. — Parmi les bâtaids de Brabant il y a encore à men-
tionner .1/7 /o//7e (/e Brabant, écuj^er-échanson de la mai-
son du duc de Bourgogne. Il reçut le 18 octobre 1447 de
Philippe le Bon une pension journalière de 18 livres
(cfr. Acquits de Lille, carton 1148), puis le 27 avril 1451
Antoine de Brabant s'acquitta pour le don d'une somme de
25 francs (ibidem, carton 1149).
IV. — Guillaume, bâtard de Brabant reçoit de Philippe
le Bon, le 19 novembre 1454, la somme de 1,000 écus d'or
pour l'équipement d'une galère destinée à combattre les
Tuics. Il était à la fois chevalier, conseiller-chambellan
ducal et commandeur de la Moree, de l'ordre de Saint-
Jehan de Jherusalcm. (Cfr Acquits de Lille, carton 1149.)
B. Bâtards de Bourgogne.
I - Un des bâtards les plus connus de Philippe le Bon
est Corneille de Bourgogne, seigneur de Beveren, capi-
MÉLANGES 341
taine général du duché de Luxembourg, moi-t ù Rupel-
inonde le 16 juin 14o2. Il touchait une pension annuelle de
2,000 francs pour laquelle il donna quittance le 12 mars 14oU
(n. st.) et le 13 avril 1451 (n. st.) (cfr Acquits de Lille, car-
tons 1148 et 1449).
II. — Une sœur adultérine d'Antoine est Mur^-ueriic de
Bourgogne, fille d'Isabelle de la Vigne, dont Olivier de la
Marche signale la présence, en 1454, à la fête du faisan de
Lille. Philippe le Bon fit octroyer à sa mère, le 25 avril 1450,
la somme de 60 livres pour lui permettre d'acheter une
maison à Louvain (cfr Acquits de Lille, carton 1149).
III. — Raplniel de Mercatel (t 3 août 1508) était fils de
Philipi)e le Bon et de dame de Mercastel, née de Belleval.
Il fut abbé de l'abbaye de Saint-Bavon, à Gand et amateur
de beaux manuscrits. Son ciirriciilnm uitae figure dans la
Revue bénédictine, t. XXI, 1904, ]). 353 354.
IV. — Il convient encore de mentionner Jérôme de
Bourgogne, fils illégitime de Corneille de Bourgogne,
siernalé plus haut, (i)ai- conséquent petit-fils de Philippe le
Bon), et de Marguerite Corbaulde. Le i)ape Sixte IV lui
accorda, le 21 mai 1471, la dispensatio canonica super
defectu natalium ; la bulle s'exprime ainsi à son sujet : te,
qui ut asseris clare memorie Cornelii de Burg'undia, filii
dum viverei naturalis dilecti filii nobilis viri Philippi ducis
Burg'undie, natus etiam naturalis existis. (Cfr Reg'istre
du Vatican, t. 660, fol. 80v''-90. aux Archives vaticanes.)
V et VI. — Le plus réputé des bâtards de Bourgogne est
inconlestablement Jean de Bourg'ogne, évêque de Cam-
brai de 1440 à 1473. On en fait très souvent un fils illégi-
time de Philippe le Bon, mais c'est à tort. Il faut le
distinguer de maître .Jean de Bourgogne, notaire papal ;
une bulle du 21 octobre 1436 d'Eugène IV dit de lui :
« te qui ut acccpiinus nK ducum génère procrealus ac in
decimo nono vcl circa tue etatis anno constitutus existis
[Rcg-. du Latran, t. 338. fol. 161, aux Archives Vaticanes ;
par contre, une bulle d'Eugène IV, du 27 mars 1438 (n. st )^
lui accordant en expectative la prévôté Saint-Pierre, à
Lille, dit formellement à son ))roi)OS qu'il était [rater g-er-
342 MÉLANGES
maniis de Philippe le Bon (cfr Regisirum Lateranense, t.
354, fol. 225, aux Archives Vaticanes). L'évéque Jean de
Bourgogne mériterait (qu'une étude lui fût consacrée.
C Bâtards de Bavière.
Un certain Guillaume, bastarl de Bavière, signe une
quittance, le 21 mars 1454 (n, st.), pour sa jjension annuelle
de 3,000 francs accordée par Philippe le Bon. Il était
écuyer et conseiller du duc de Bourgogne (cfr Acquits de
Lille, carton 1149).
H. Nelis
Pie VI et le serment de Liberté=Égalité.
La loi du 27 novembre-26 décembre 1790 enjoignit à tous
les ecclésiastiques « fonctionnaires publics » de prêter un
serment ainsi conçu : « Je jure de remplir mes fonctions
avec exactitude, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi,
et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution
décrétée par TAssemblée Nationale et acceptée par le roi. »
La formule de ce serment fut solennellement condamnée
par Pie VI le 10 mars et le 13 avril 1791 .
Le 10 août 1792, éclatèrent à Paris les événements qui
précipitèrent du trône l'infortuné Louis XVI et changèrent
la forme de l'Etat La chute du roi rendit caduc le serment
qui lui promettait fidélité. Aussi l'Assemblée Législative le
remplaça-t elle ])ar le nouveau serment de Liberté et d'Ega-
lité. Voici quelle en était la formule : « Je jure d'être fidèle
à la nation, et de maintenir la libei'té et l'égalité, ou de
mourir en les défendant. »
Ce second serment fut-il également condamné par le
Souveiain Pontife? Une réponse de Pie VI à l'évéque
d'Ypres, inconnue jusqu'ici, va nous éclairer sur l'opinion
i-oniaine.
MÉLANGES 343
Au mois de mai 1793, Mt'"" de Conzié, archevêque de
Tours, écrivait, de Dnsseldorf, à M»"" de Bovet, évoque de
Sisteron, qui était à Fribourg, en Suisse : « M^"" le nonce de
Bruxelles qui s'était réfugié à Dnsseldorf, où il a j)assé
riiiver, lorsqu'il a été forcé d'abandonner sa résidence
(novembre 1792), nous a dit avoir adressé, au mois d'oc-
tobre dernier (1792), au Souverain Pontife un Mémoire
très raisonné de M""" l'évoque d'Yijres, par lequel ce j)rélat
j)roposait au Saint-Siège les motifs respectifs de la diver-
sité des o])inions réi)andues dans son clergé français sur la
question du serment de Liberté et d'Égalité. Mf-'"" le nonce
prétend que ce Mémoire, fort bien fait, présentait tous les
moyens des deux partis. La réponse ayant été différée, il a
écrit de nouveau, sur les instances de M*''" l'éveque d'Ypres.
Enfin, dans les premiers jours d'avril (179.3), il a reçu le
Bref d'autre part, qu'il nous a communiqué en extrait,
assez mal traduit par son auditeur, mais fidèlement et litté-
ralement. Je n'ai pas cru devoir y rien changer. Quoique
le Chef de l'Église se réserve de prononcer ci-après sur le
serment et croie devoir, par prudence, différer sa décision,
on peut remarquer que les motifs des opposants sont qua-
lifiés de fortes raisons, et qu'en attendant la décision il
n'est })as permis de jurer. »
Voici maintenant la lettre du cardinal de Zelada, secré-
taire d'État de Pie VI. àM^^'le comte de Brancado, nonce
apostolique à Bruxelles : « Si Sa Sainteté eût décidé la
question élevée sur le nouveau serment prescrit par la Con
vention Nationale, elle ne vous en aurait certainement pas
laissé ignorer la décision. Mais, comme à l'instance de
M?'" l'évoque d'Ypres, que vous m'avez remise par votre
lettre du 13 novembre passé (1792), se sont unies les autres
instances d'une infinité d'évèques et d'ecclésiastiques fran-
çais, comme il y a entre eux diverses formules en ligne de
fait dudit nouveau serment, et beaucoup plus en ligne de
droit, les uns pensant de l'admettre absolument, d'autres
sous différentes conditions et d'autres finalement soute-
nant ])ar de fortes raisons qu'on ne doit pas l'approuver
d'aucune façon, les conditions môme exclues, ainsi Sa
Sainteté susdite, procédant avec cette prudence qu'exige
l'importance de l'affaire, a voulu qu'avant tout on se pro-
344 MÉLANGES
curât des éclaircissements du fait, pour ensuite prendre
en discussion sérieuse la controverse, et, après l'examen
le plus scrupuleux, la résoudre, avertissant, en attendant,
qne dans le doute il n'est pas permis de jurer, afin que
personne ne se laisse séduire, et qu'il ])ourvoie à sa con-
science. Cette conduite sage du Sai ut-Père pourra, de
votre part, se manifester audit M*^"^ l'évèque d'Ypres, afin
qu'il ne soit pas surpris par la dilation. »
Une copie de ces deux importantes lettres se trouve à
la Bibliothèque de Troyes(ms. 2871).
F. UzUREAU.
COMPTES RENDUS
Ch. Georgin. Homère illustré : Iliade, Odyssée, Poèmes
homériques. — Paris, A. Hatier, 1921, in-8°. Cartonné,
6 fi\ 50.
Cet ouvrage fait partie d-i la collection des Auteurs grecs
publiée sous la direction de M. Gh. Georgin et dans laquelle
Sophocle est déjà représenté par son Oedipe-Roi.
L'auteur y a réuni, avec les chants les plus connus, de
larges extraits de riliade et de l'Odyssée, en les reliant par
des résumés.
Il a ajouté des fragments des hymnes à Apollon Délien, à
Apollon Pythien, à Hermès, à Déméter, à Dionysos, deux
épigrammes, et une centaine de vers de la Batrachomyo-
mochie.
Ces textes sont précé lés d'un tableau sommaire des princi-
pales particularités de la langue homérique, et suivis de
remarques sur la grammaire, la versification et le style. Tous
ces renseignements seront fort utiles aux élèves.
L'annotation au bas des pages est destinée, lit-on dans la
Préface, à faciliter lintelligence du texte; pas de rapproche-
ments ni de jugements littéraires; le soin de les établir- est
réservé aux maîtres En réalité, les notes sont loin d'élucider
les principales difficultés et, en voulant les rendi-e aussi rares
et aussi succinctes que possible, M. Georgin a manqué son but.
C'est surtout à propos d'un auteur tel qu'Homère, dont les
étudiants doivent lire de longs exti'ails, qu'il impoite de leur
venir en aide dans la préparation du texte. Or, nous pourrions
citer quantité de vers qui, faute d'explications, rebuteront les
jeunes lecteurs. D'autre part, la plupart des notes offrent à
l'élève une traduction, alors qu'il eût suffi de lui signaler la
difficulté par un bref avertissement.
346 COMPTES RENDUS
A la fin du volume, un Index nominimi explique les noms
propres et un Indcr reruni donne le sens de quelques termes,
moins de 50, ce qui, pour plus de 40U pages de texte, est fort
incomplet : on n'y trouve pas, par exemple, les expressions
irébiXa, Treoaôç, Gpôvoç, Bptîvuç, k\i(7)U0ç, xépviijj, Trpôxooç, ha\-
Tpôç, pour ne citer que des mots empruntés au premier chant
de l'Odyssée.
Mais ce qui donne un cachet particulier à cette nouvelle
édition d'Homère, c'est l'abondance et la richesse des illustra-
tions, qui aideront les élèves à se rendre compte de la façon
dont le poète grec fut compris à travers les âges. Cette inno-
vation assurera certainement le succès de l'ouvrage.
J. HOMBERT.
Plutarco, Dell' Educazione deiFîgliuoli, k cura di C. Mondesi,
Florence, Sansoni, 1916, in-S"*, xxiv — 86 p. L. 1,20 + majo-
ration.
Cet opuscule appartient à la même collection que le précé-
dent. Le même plan y a été suivi : introduction, texte grec,
traduction en regard, notes explicatives, indices des noms
propres, des passages cités, des faits et des expressions
remarquables.
Après quelques mots sur la fortune de Pluiarque en Italie,
en France et en Angleterre. M"" Mondesi a essayé de replacer
dans son milieu le sage de Chéronée : elle a adopté, pour
caractériser ses tendances, et particulièrement sa morale, le
mot de Wedgwood : le christianisme inconscient. Peut être
est-il permis de douter que ce mot, d'ailleurs si expressif,
rende bien compte et de l'état du christianisme et de la situa-
tion du paganisme au ii* siècle après Jésus-Christ. On a
reproché avec raison à un savant allemand de mettre au début
de recherches de mythologie ancienne la parole célèbre : « Au
commencement était le Verbe ». Ces rapprochements sont
forcés. De même. M"*' Mondesi reti'ouve dans certains pas-
sages du traité de Plutarque quelque chose de comparable à
« l'esprit combatif, l'éloquence vive et passionnée des meil-
leures pages de saint Paul »; or, il y a un abîme entre les
COMPTES RENDUS 347
deux tempéraments comme entre les deux conceptions de
l'art et de la morale.
Ces critiques n'enlèvent rien aux mérites réels de cette
introduction. L'appréciation littéraire y est faite avec soin et
avec goût. On y aborde le problème de l'authenticité, problème
dont M"'' Mondesi connaît toutes les données, puisqu'elle y a
elle même consacré jaiis plusieurs pages (^). On sait que
l'authen licite a été mise en doute surtout par Wyttenbach.
Le savant hollandais s'appuie sur une série d'arguments;
parmi lesquels il en est de ti'és solides. Le plus convaincant,
c'est la différence de style entre ce ti-aité et les auti^es œuvres
morales de Plutarque. Sans doute, M"*" Mondesi a raison
d'objecter que, si ce critère a une valeur, il faut refuser à
Manzoni la paternité de ses œuvres de jeunesse; sans doute
talent et génie se transforment. Mais le nepl Traîbujv àYuuT»lç
a contre lui. non seulement d'être différent des autres traités,
mais encore d'être le premier de la série. Le doute est dès
l'Ts permis.
Ce doute est renforcé par les résultats de l'épreuve faite à
l'aide d'un «test mathématique» des clausules. M. de Groot,
dans son Ilandbooh of Ant/que Prose-Rhythni (^l a établi
que dans les œuvres authentiques de Plutarque, les clausules
— o — ':f se trouvent dans la proportion de 29 p. c. Ce sont
les clausules favorites de l'auteur. Or, nous avons constaté
que dans l'œuvre soupçonnée, le pourcentage de la clausule
favorite s'abaisse à 15, 5 p. c. L'étude de la prose métrique
n'en est encore qu'à ses débuts : malgré les travaux de Zie-
linski. de Havet, de Bornecque, de Zander, de Novotny, de
A. de Groote, le nombre des pages et des écrivains qui ont
été étudiés, est trop minime pour que la prudence dans les
conclusions ne s'impose pas. Néanmoins le test métri(|uea une
grande valeur quand il n'est pas seul, et c'est bien le cas ici.
Signalons, en attendant que nous puissions revenir sur ce
travail, que la même collection comprend une édition des
Caractères de Théophraste ('), édition due à l'auteur du livre
magistral Orazio Lirico, Fiorence, Le Monnier, 1920, in-S".
Arth. Hdmpers
(1) Sludi italiiint (Il fîfol. classica, t. \X, lOi:}, |). J-J s(|(i.
(2) T. I. (Jroniiij,^»'!!, Wollors, 1918.
(■') Teofrastn / Carat teri, a cura di ('.i(iif,n(i Pasiiiiali. lUI'.l.
348 COMPTES RENDUS
Les débuts de la Lexicographie Franco-Néerlandaise. Leçon
d'ouverture faite le 28 janvier 1921 par K.-.I. Riemens,
admis comme « privat-docent» à l'Université d'Amsterdam.
Paris, Champion li)21, in-S», 2\i p
Le Grand Dictionaire François-Flamen, imprimé en 1624,
à Rotteidam, par Isaac van Waesberghe, est orné d'un fron-
tispice encadré à droite et à gauche de six portraits en
médaillon, représentant les lexicologues Jacques du Puis,
M. Nicod, Ed. Mellema, Gabriel Meurier, Mathias Sashouf
et l'impiimeur anversois /. Waesbergue. M. Riemens, de qui
nous possédons déjà une Esquisse histo?^ique de l'enseignement
du français en Hollande (Leyde, A. W. Sijthotf 1919) a voulu
cette fois «rendre un peu de vie à ces vieilles figures effacées».
A cet effet il a réuni les principaux éléments bio-bibliogra-
phiques des cinq premiers « doctes personnages » cités plus
haui. Il examine en particulier le Vocabulaire françois-
flameng de Meurier (ijetses sources — la valeur du Diction-
naire fran(:ais- flamand de M. Sasbout (1579), qui donne,
pour la lettre l seule, 40 mots que Nicod n'a pas, des néolo-
gismes que Brunot trouve pour la première fois chez
Cotgrave{1614)et un Traité de la navigation, renerie et fau-
connerie, «emprunté sans doute aux augmentations fournies
par Nicod en 1573» (au dictionnaire de Robert Etienne, édité
par Jacques du Puys). En passant il signale que le Dictionaire
flaoneng francoys du même Sasbout (Anvers 1576) n'est
qu'une copie du Thésaurus de Plantin, moins le latin et que
le Dictionnaire ou Promptuaire flarneng-françois de Melle-
ma (édition de 1592) n'est qu'une revision de celui de Sasbout-
Plantin.
Dans la préface du dictionnaire de Mellema de 1624 figure
également le nom de Glat'.de Lniton, inconnu à B'unot.
(*) Ce Vocabulaire fui réiu»|irini('; plus tard vomina U'ulioncnre Vrunçois-
Flameng : celui-ci contient 1500 mots qu'on ne trouve pas chez. Cotgrave ; ils
furent publiés, avec 800 autres mots tirés des Dictionnaires Flamen-Franrois
de ioU-i et 1507 et iOO mots du Thésaurus de Plantin par H. Vaganay : Le
vocalmlaire français du XVF' siècle et detijc lexicographes flaviands du niêuie
siècle, 2000 uiols inconnus à Colgrave (Congrès pour l'extension et la culture de
la langue fr-ançaise, Liège 1905). — Je dois les détails de cette note à l'ama-
bilité de mon collcgiie, M. J. llaust, ijui a bien voulu me communiquer la
brochure de M. II. Vaganay.
COMPTES RENDUS 340
M. Rienicns croit pouvoir l'identifier avec le maître anversois
■« Claude Luythart », signalé dans une note, éciite par- un élève
sur un feuillet de garde d'un vocabulaire de Noël de Berlai-
raont. Ce Luitou aurait publié en français et en allemand,
d'après de Berlaimont, dix-huit règles de prononciation
Irançaise.
Le point de départ de l'œuvre des lexicologues précités
serait le Vocabulaire de Berlaimont, qui donne poui* la
première fois, dit M. Riemens une liste alphabétique de
vocables néerlandais-français. Ce vocabulaii'e a t-il quelque
rapport avec le Vocabularlo pa» a aprender franches, espan-
noly-flainincq, imprimé en 15:30 par Vorsterman? M. Riemens
le suppose el à cette occasion il attire l'attention, à simple titre
documentaire, semble-t-il, sur le Vocabulair pour aprendre
romain et flameng — Vocabulaer om te leerne Walsch en
Vlaemsch, sorti des i)resses de l'imprimeur anversois Roland
van den Dorpe au plus tard en 1501.
M. liiemens dit lui-môme (p. 23) que l'objet de sa leçon
«est si vaste qu'il demanderait au moins un volume pour être
traité à fond» et que «son étude ne prétend pas fixer le terme
des recherches à faire, mais en marque plutôt le point de
départ». Sa leçon en effetne fait qu'esquisser le développement,
de la lexicologie franco-néerlandaise du XVI*" siècle, et spé-
cialement de la seconde moitié, en la rattachante *ies person-
nages connus ; elle ne fait qu'effleurer les véritables débuts,
et ne cherche pas à démêler les raisons multiples qui ont
provoqué, à Anvers surtout, la publication de es nombi"eux
ouvrages lexicologiques de toute espèce < t de toute langue.
Ellf^ ne nou-< donne pas ce que promet le titre, mais a l'avan-
tage de soulever plusieurs questions importantes. Pour n'en
citer qu'ui.e : faut-il admettre que le vocabulaire de Noël de
Berlaimont est le point de départ des dictioinaire»; « qui sont
venus api-és, du moins des tomes flamands-français» (^)?
{') M. Uieinens ('cril que ce vocai)iiiaii'(' «semble l)i('ii remonter à i.">80 au
moins», et renvoie en note à sa notice dans Het Bock, VII. 37:2. Cet «an moins»
est de trop et la note aurait du être pins explicite. La pins ancienne édition
conntie date de 1.^36. Il y a une étition antérieure, on pourrait à lu rigiirur
350 COMPTES RENDUS
M. Riemens ne l'affirme pas, mais selon lui c'est « assez pro-
bable ». Nous doutons même de ce « probable ». L'argument de
l'ordre alphabétique est bien faible et la genèse du Thésaurus
de Planlin n'est pas de nature à confirmer l'hypothèse ; nous
y ajoutons que ce dictionnaire, comme d'ailleurs celui de
Sasbout (le 1576, s'adressait à un tout autre public que les
Vocabulana, Colloquia et Dictionariola du XVI* siècle, com-
posés plutôt à l'usage des mai'chands, des voyageurs et des
gens d'affaires.
Déjà en 1577 lan Waesberghe publie une édition a' régée du
dictionnaire de Sasbout, dédiée «aux très vertueux et discrets
modérateurs et instructeurs de la langue Françoise, M. Pierre
He3''ns et M. lean Borrekens»— «ses amis». Le but classique de
cette édition est évident. Est-ce le cas pour lédition de 1576
et pour le Thesaurusl Nous ne le croyons pas. Le caractère
nettement différent des ouvrages en cause ne plaide pas en
faveur d'une source ou d'une inspiration unique. La question
ne peut être tranchée que par l'étude comparée et méthodique
des différentes catégories de livres lexicologiques ; en atten-
dant le résultat de cette étude, résistons à la tentation des
hypothèses, et métions-nous de rapprochements basés sur des
données purement biblioscraphiques.
M. Riemens a forcément dû restreindre les limi es de sa
leçon ; on peut toutefois regretter qu'il n'ait pas compris dans
son examen e. a. le Dictionnarium ... latinum (jalliCMm et
theutonicum de Brechtanus (Anvers 1549), Het Tresoor der
Duytscher Taie de Jan van de Werve (Anvers 1552) et le
Dictionnarium tetraglotton (Anvers, C. Plantin, 1562). Les
dates sont imp irtantes et permettent de supposer quelque
influence sur les ouvrages lexicologiques de l'époque ; même
dater de 1530, mais alors tout au plus comme Icnninux a quo. CeUe cdilion
est-elle Vedilio princeps V On l'ignore ; on ne sait qu'une chose, c'est que l'édi-
tion qu'on croyail f'trc de iiHJ, est de tS40. Pendant plus d'un siècle les
bibliographes nous ont l'idclement transmis la lecture erronée (MDXl pour
MDXL) ; Mrlle Ki(»neid)erg, intriguée par un article de M. Kouiman dans le
Xieuwe Tualgils (1!H8, [>. Gn et s.) a remis les choses au i)oiiit dans la même
revue (1018. p. 172 17:}). La découverte bibliographique de Melle Kronenherg
est d'un intérêt tout particulier pour l'histoire des débuts de la lexicologie
Iranco-nécrlaiidaise et méritait bien les honneurs dune citation à côté de la
notice de l'auteur dans llil lUick.
COMPTES RENDUS 351
à défaut de cette influence ces dictionnaires méritent toute
notre attention. Cette remarque n'est pas une critique, l'omis-
sion étant peut-être volontaire ; elle n'enlève rien au mérite
de cet essai d'histoire lexicologique, que nous signalons volon-
tiers à nos philologues.
R. Verdeyen.
Paul Hamelius, Introduction à la liltérature française et
flamande de Belgique, Bruxelles. Office de publicité, 1921,
in-8°, 316 p.
Ce volume, écrit sous une forme pleine d'aisance et d'agré-
ment, mérite la plus sérieuse attention. M. Hamelius le dédie
aux étrangers et à la jeunesse. Il a droit à une diffusion bien
plus large. Tous ceux qui s'intéressent aux choses de chez
nous, les lettrés aussi bien que les simples curieux, y trouve-
ront leur compte. Pareil ouvrage a sa place marquée dans
chacune de nos bibliothèques.
La pensée génératrice du travail peut se formuler en ces
termes: si la nation belge, en tant que collectivité morale,
est une réalité historique, il doit exi-ter une littérature belge,
douée de traits spécifiques, quelle que soit la langue dans
laquelle elle s'exprime.
L'idée paraîtra neuve à beaucoup. Elle ne l'est pas tout à
fait. Elle a inspiré, il y a quelques années, à M. Camille
Liégeois, un article remarquable, paru sous un titre trop
modeste, car on j trouve une solide vue d'ensemble sur la
production littéraire de notre pays, depuis les origines
jusqu'au xix« siècle [Les Lettres belges au moyen âge, dans le
« Bulletin bibliographique du Musée belge», t. XIII, 1909,
p. 5-24). M. Hamelius ne paraît pas avoir connu cet article.
Il doit à ses pi-opres observations d'avoir découvert le carac-
tère national de notre littérature. La coïncidence est à relever.
Peut-être y verra-t-on une présomption favorable à la thèse
défen lue dans ce livre.
Tandis que M. Liégeois proposait aux méditations de ses
lecteurs une pure synthèse, M. Hamelius combine la méthode
analytique et synthétique. Il étudie, en des chapiti-es particu-
liers, une série de compositions et d'écrivains choisis parmi
352 COMPTES RENDUS
les plus représentatifs des diverses époques de notre histoire
littéraire ; en même temps, il s'attache à suivre le dévelop-
pement de cette hist ire et à découvrir, sous les formes
changeantes de l'idéal artistique, la continuité de la tradition
indigène. Un exposé ainsi compris offre le précieux avantage
d'éviter les nomenclatures. Il suppose un certain courage, en
ce qui touche à la période contemporaine. Mais quel est le
lecteur épris de vues générales qui ne souscrirait à une décla-
ration comme celle ci : « Dans une simple introduction,
destinée u dégager les figures principales et à établir les
lignes maîtresses de l'évolution, on peut passer sous silence
les auteurs secondaires. Mieux vaut fixer l'attention sur Ips
œuvres assez hautes pour interpréter l'esprit belge auprès de
la postérité et de l'étranger » (p. 8) ?
S'il faut louer le procédé d'exposition adopté par M. Hame-
lius, ce livre touche à trop de problèmes pour ne point laisser
place, sous d'autres rapports, à des divergences de vue.
Gomment interpréter historiquement le mot Belgique,
inscrit au frontispice du livre ? Comment concevoir, dans le
passé, cette entité en laquelle on a foi, la nation belge, si elle
n'a trouvé qu'à une époque récente son moule politique?
Tranchant dans le vif, l'auteur regarde uniquement comme
belges les œuvres nées sur le territoire du royaume actuel
(p. 7). Opération trop radicale, à coup sûr, notamment en ce
qui regarde la littérature du moyen-âge. Pour la production
flamande, on ne s'en aperçoit guère, puisque la littérature
néerlandaise de cette période se localise surtout dans nos
provinces. La difficulté est tout autre, lorsqu'il s"agit de la
production en langue française. Le moyen-âge nous a laissé
une foule de compositions dont la provenance ne peut être
déterminée qu'approximativement, d'après leur dialecte. Des
écrits de l'espèce trouveront-ils place dans le cadre rigide
tracé par M. Hamelius? Il semblerait plus logique de conser-
ver à ce cadre national sa souplesse traditionnel le; de regarder
comme nôtres, aux époques lointaines, les œuvres écloses
dans les régions qui constituaient la Belgique d'alors et qui,
remarquons-ie, prenaient part à notre vie collective. Avec le
système de M. Hamelius, il devient impossible de réunir dans
un même ensemble le groupe si nettement caractérisé des
écrivains bourguignons.
COMPTES RENDUS 353
La réalisation du plan général de l'ouvraji^e implique,
disions-nous à l'instant, un choix des œuvres regardées
comme la plus parfaite expi-ession de notre effort littéraire.
Besogne délicate, que ce choix ! A n'envisager que la littéra-
ture française du moyen-àge, je regrette l'omission à'Aucassin
et Nicolette, ce délicieux chef-d'œuvre dont la provenance
belge ne paraît plus aujourd'hui contestable (cf. G. Doutrëpoxt
et F, Bethunk, Bulletin d'histoire linguistique et littéraire
française des Pays-Bas, année 1901, Bruges, 1903, p. 23-24,
et années 1902-1903, Bruges, 1906, p. 85 ; Liégeois, art. cité,
p. 12). Tandis qu'un chapitre est consacré, avec raison, à
Guido Gezelle, l'illustre champion fie la littérature régiona-
liste flamande, peut-être ne serait-il pas hors de propos
d'accorder une mention à la littérature dialectale de la
Belgique romane, spécialement à celle qui fleurit à Liège
depuis 1854. Dans le mouvement littéraire français datant de
1880, on voudrait voir figurer, à côté de Verhaeren, de Van
Lerberghe, de Grégoire Le Roy et de Maeterlinck, l'un ou
l'autre poète d'origine wallonne, et l'on song ■ tout naturel-
lement à Fernand Séverin, à Mockel.. Enfin, puisque j'en
suis à relever ce que d'aucuns regarderont comme des lacunes
de ce livre, combien j'aurais trouvé à sa place, en tête du
volume et en guise d'introduction, un chapitre sur la situation
linguistique de notre pays (*) !
Si l'on peut signaler dans l'ouvrage quelques déficits regret-
tables, la sélection opérée par l'auteur, à la prendre dans son
ensemble, est cependant on ne peut plus heureuse. Ce qui me
trouble davantage, c'est la manière dont M. Hamelius conçoit
ce travail de haute vulgarisation, là où il traite de la
littérature médiévale. 11 s'arrête à des problèmes relevant
uniquement de l'érudition ; il prend parti dans des questions
controversées ; il répète sous forme dogmatique de pures
conjectures de savants ; il avance lui-même des hypothèses
nouvelles. Attitude périlleuse et sans profit, si ce n'est le
mérite de l'originalité. La nature de l'exposé commandait
plutôt, sur ce terrain, une sage réserve. A défaut de quoi plus
(') L"aiitL'ur L'i rit, p. ;} : « Si les (iciix laiigiu-s parlées |)ar les Belj,'es sont
celles de deux peuples voisins, les Franeais el les Hollandais... ». La luieveté
■de la formule risque de faire eroire (jue la Belgique flamande pi'ali(iue
couramment le hollandais.
354 i COMPTES RENDUS
d'un chapitre appelle une mise au point. Non que M. Hamelius
se laisse aller à de bien graves écarts. Mais il dit trop et trop
peu à la fois. Qu'il me soit permis de m'expliquer là-dessus.
au risque d'allonger démesurément cette notice.
Le chap. Il (Le cycle de Godefroi de Bouillon et de la
Croisade) soulève la question de la légende du chevalier au
cygne. Des recherches nombreuses ont scruté les origines de
cette légende, longtemps tenue pour un mythe germanique
(cf., p. ex., DouTREPONT et Bethune, Bull, cité, année 1901,
p. 37-44, années 1902-1903, p. 48-62). M. Hamelius les passe
sous silence. Il paraît avoir, sur le sujet, des idées person-
nelles et serait disposé, semble-til, à faire remonter les
éléments du récit à des sources latines, notamment à Ovide.
Je ne prétendrai pas qu'il ait tort. Néanmoins, l'exposé
manque de méthode et de netteté. Il s'y mêle des réminis-
cences de travaux antérieurs, intelligibles pour les seuls
spécialistes. J'imagine que ces pages doivent laisser le lecteur
perplexe.
Plus loin, lorsqu'il aborde les diverses branches du cycle
de la Croisade, l'auteur obéit à une suggestion malencontreuse
en proposant de les attribuer toutes à Renaud de Saint-Trond
(p. 30) Sans parler du trouvère Richard le Pèlerin, person-
nage peut-être problématique, Graindor de Douai a attaché
son nom à la chanson d'Antioche et à celle des Chètifs (cf.
DouTREPONT et Bethune, Bull, cité, années 1902-1903, p. 114;
Liégeois, art. cité, p. 10-11). La mention de Renaud apparaît
seulement dans un remaniement des Enfances Godefroi, à la
suite de morceaux adventices ; elle est inconnue aux plus
anciens manuscrits. D'après les dernières recher^-hes, cette
branche des Enfances aurait été écrite entre 1160-1187 par
un poète originaire du pays de Bouillon, tandis que le
Chevalier au Cygne se placerait entre 1170-1192 et serait dii
à un trouvère de la région de Saint-Quentin (Maria Einstein,
Beitrdge zur I^berlieferung des Chevalier au Cygne und der
Enfances Godefroi, Erlangen, 1910. Dissertât, de l'Univ. de
Berne) .
Au chap. III Le roman des ([uatre fils Aymoii. Karel ende
Elegast), on est dérouté de ne point voir citer l'étude de
Bédier, qui place à l'abbaye de Stavelot et Malmédy le berceau
de la légende de Renaud de Montauban (Les Ugendes
COMPTES RENDUS 355
épiques, t. IV, 1913, p. 189-278). Concernant Karel ende
Ele(jast, était-il superflu de rappeler que le thème fondamen-
tal de ce roman a dû figurer, suivant l'opinion commune,
dans Basin, chanson de geste française connue par des
allusions et des imitations étrangères (cf. Léon Gautier,
Bibliogr. des chansons de geste, p. 62-63 ; Liégeois, art. cité,
p. 10) ?
Dans le chap. IV, à propos du Heinaert moyen- flamand,
l'auteur fait sienne la thèse qui a été en faveur durant ces
dernières années. Il voit dans le fameux poème une œuvre
bi-partite, due à deux écrivains très différents de tempé-
rament, Willem et Arnold, La thèse est rendue attachante
par l'exposé plein de vie qui en est fait ici. Elle se présente
toutefois avec un cachet Me certitude qu'elle ne peut reven-
diquer. Aussi le chapitre court-il le risque d'être vite démodé ;
déjà, le débat relatif à la composition du Reinaert a repris de
plus belle (cf. Kloeke, Het aandeel ran Willem en Aern ut
in dcn Reinaert L dans «Tijdschrift voor Nederlandsche
Taal- en Letterkunde». t. XXXVllI, 1919, p. 34; L. Willems,
De, nieuive Prolog van den Reinaert en het Arnoiit
vraagstah, dans « Verslagen en Med. der K. Vlaamsche
Académie ^s Februari 1920, p. 157-203; A. Kluyver, De
heer Wiltems en de proloog van " Reinaert ", dans
K Nieuwe Taaigids », t. V, 1920, p. 225 ; Jellinek, Zwei
Dichter des Reinaert '? dans « Beitràge zur Geschichte der
deutschen Sprache und Literatur», t. XLVI9, 20, p 51-58).
Au chap. VII, M. Hamelius propose d'attribuer à .lean
d'Oulremeuse les Voyages de Mandeville ainsi que le vaste
remaniement du cycle de la Croisade dont font partie des
poèmes tels que Le Chevalier ait Cj/gne et Godefroid de
Bouillon publié par Reiffenberg, Baudouin de Sebourc et le
Bastart de Bouillon. L'hypothèse est faite pour surprendre,
surtout en ce qui concerne les longs romans de croisade du
XIV'' siècle. Faute d'espace, l'auteur renonce à développer
les raisons qui ont déterminé une conjecture si audacieuse ;
il renvoie, là-dessus, à son édition de Mandeville dans la
«Early English Text Society». Je n'ai pas cet (ouvrage sous la
main. Loin de moi, par conséquent, la pensée de me pronon-
cer à ce sujet. Néanmoins, quelques réflexions ne seront
peut-être pas hors de propos. On a beaucoup prêté à Jean
35(i COMPTES RENDUS
d'Outremeuse. St Bormans, dans l'Introduction qu'il a jointe
au Myreur des Histors et à la Geste de Liège («Gommiss roy.
d'hist.», in-4°, 1887, p. xii-xx), porte à l'actif de l'écrivain
liégeois plusieurs œuvres perdues : un remaniement de la
Geste d'Ogier le Danois, peut-être une Geste de Jean de
Lanchon et une Geste de Hiion de Bordeaux, puis encore une
composition sur la guerre de la Vach^, incorporée par la
suite dans la Geste de Liège. Dans son Etude critique sur
Jean d'Outremeuf^e (Acad. roy. de Belgique, Mémoires in-8°.
2« sér., t. VII, 1910), où il démontre péremptoirement que le
prétendu chroniqueur est un pur romancier, doublé d'un
impudent faussaire, God. Kurth admet que cet homme si peu
digne de foi aurait du moins été un poète fécond (p. 12). On
se demande si la méfiance n'est pas de mise, même à ce propos.
Pcur ma part, j'incline à regarder comme non avenues toutes
ces compositions sur lesquelles on n'est renseigné que par le
témoignage de l'écrivain lui-même. En ce qui concerne les
Voyages de Mandeinlle, le problème est plus troublant.
Gomme audace dans l'imposture, ces Voyages valent le
Myreur des Histors. De plus, il existe des rapports non dou-
teux entre les deux œuvres. Faut il les ex[)liquer par une
paternité commune ? L'étude philologique de la rédaction pri-
mitive des Voilages serait d'un précieux secours pour trancher
la question ; malheureusement, il ne faut pas songer à porter
un jugement sur ce point d'après les textes imprimés dans
l'édition de Warner. En revanche, nous sommes armés pour
nous faire une opinion touchant l'immense compilation du
XI V'' siècle qui a comme centre l'histoire des croisades.
Outre les poèmes cités par M. Hamelius, cette compilation
comprenait diverses branches aujourd'hui disparues, entre
autres le roman de Baudouin de Flandre, conservé dans une
mise en prose de la seconde moitié du XV* siècle, mais dont
le hasard m'a fait retrouver autrefois un fragment de 160 vers
(voy. Revue des Bibliothèques et Archives de Belgique,
t. IV, 19j6, p. 429-438). Gaston Paris, à qui l'on doit la recon-
stitution de ce vaste cycle poétique [Journal des Savants, iS93,
p. 288), croyait, à la fin de sa carrière, que plusieurs auteurs
avaient dû y collaborer (Esquisse historique de la litt. franc.
au moyen âge, 1907, p. 211). A en juger par la langue, rien
n'autorise à croire qu'aucun de ces écrivains ait été Liégeois.
COMPTES RENDUS 357
Au contraire, pour Baudouin de Sehourc et le /:aslart de
Bouillon, nous avons des études récentes qui établissent que,
par leurs traits linguistiques, ces deux compositions appar-
tiennnnt à la région de Yalenciennes (H. Breuer, Sprache
tend Heiiuat des Baldtdn ron Sebourt/, Bonn, 1904, dissei'tat.
de Bonn ; — A. Deutscmmann, Untersuchung ûber die
Sprache der Chanson de geste aHugaes Capet» und ûber die
Identitdt des Verfassers mit dem des aBaiiduin de Sebotcrc»,
Halle a. S., 1909, dissertât, de Leipzig ; - H. Harms. Sprache
■und Heimat des aBasiart de Buillomy, Rostock, 1911,
dissertât, de Rostock. Sur les rapports étroits unissant les
deux branches principales du cycle, on peut encore citer
W. Kleinsch.midt, Das Verhâltnis des (diauduin de Sebourc^^
zu dem iiCheralier au Cygne», «Marco Polo», «Hrandan»,
«Barlaam et Josaphat» und den Fabliaux, Gottingen. 1908,
dissertât, de Gottingen). Jean d'Outremeuse a eu entre les
mains ne fût-ce qu'une partie de l'énorme compilation, puis-
qu'il insère dans sa chronique le contenu du roman de
Baudouin de Flandre (cf. Bormans, ouvr. cité, p. cxvi).
Pour être en droit de lui attribuer la paternité de l'ensemble,
il faudrait des raisons d'une force peu commune. On se heurte
ici contre des invraisemblances d'ordre philologique. Le
chroniqueur liégeois, de même que son contemporain Jacques
de Heraricourt, écrit une langue donnée «l'une physionomie
bien à elle, une langue largement mâtinée de francien et
d'éléments hétérogènes, mais dont le fond est dialectal. Cet
instrument linguistique n'a rien de commun avec celui du
dernier cycle de la Croisade, si ce n'est l'alllux des formes
centrales, et encore d ins des prop >rtions bien différentes.
Dans le chap. VIII, M. Hamelius qualifie de légende
flamande l'histoire de sœur Béatrice. Il s'agit du conte de la
sacristine, un des miracles de Notre-Uame les plus répandus
au moyen âge. Certes, il s'en trouve plusieurs versions dans
la littérature néerlandaise, ancienne ou moderne. Mais cetie
légende se rencontre partout (cf. Dot irepont et Bethune,
hitlletin cité, années 1902-1903, p. 154 155). En Belgique, elle
a toujours joui d'une popularité spéciale. Elle ^'est localisée
au monastère de Pare-les Dames, prés de Louvain, et surtout
à celui de l'Olive, près de Mariemont. Outre la pièce qu'en a
tirée Maeterlinck, elle a, tout récemment encore, en 1920,
358 COMPTES RENDUS
inspiré le poème de .Tub^s Delacre pris comme sujet du
Concours de Rome pour la musique.
Les remarques qui viennent d'être formulées atteignent
uniquement la portion de l'ouvn^age consacrée à la littérature
médiévale et ne visent pas autre chose qne les menus problè-
mes d'érudition inhérents à l'étude de nos lettres anciennes (i).
Il serait regrettable qu'on exagérât la portée de ces modestes
notes. L'essence même de l'histoire littéraire, c'est l'évalua-
tion esthétique des œuvres et leur interprétation historique.
Le livre de M. Hamelius me parait remarquable sous ce rap-
port. L'auteur discerne avec pénétration ce qu'il y a de saillant
dans la vie, le caractère et la production des écrivains. H
dispose d'un esprit critique et d'un goût très averti. Rompu
à la pratique de l'histoire littéraire, il s'entend à situer
œuvres et auteurs dans leur perspective véritable. Enfin,
habitué aux études de littérature comparée, il relève ses ana-
lyses d'œuvres belges de rapprochements, instructifs pour le
grand public, avec les principales productions des littératures
étrangères.
L'auteur ne se contente pas, au surplus, de mettre l'effort
littéraire de la Belgique en parallèle avec celui des autres
peuples. Soucieux de découvrir un lit-n entre les écrivains
indigènes de différentes époques, il signale volontiers des
points de contact de l'un à l'autre. Ainsi, il aperço t des res-
(') Dans le dét;iil de la n'-dactioii, les dcfecliiositôs sont vraiineiil clairse-
mées cl il s'agit, le plus souvent, d'inadverlances. .J'ai relevé les suivantes :
P. 58, « l'ode VIII de Dante » : le terme ode prête à confusion ; il s'agit du
n" LXXXII des Itiine dans Le opère di Dante, Teslo critiro délia Sorietà dantesra
italiana, Firenze, Bemjiorad, 1921.
P. 131, Raoul I.efèvre ne doit pas être inscrit, à côté de Van Ma(îrlant, |)arnii
les imitateui's de Benoît de Sainte-More. Cf. A. Dayot. La h-ffcnde de Troie à la
Coiirde Boiirijofjne, Bruges, 1008.
P. 270, la prosodie de Verhaeren « ne s'est jamais risquée jusqu'au vers
libre. Elle est restée fidèle ii la rime ». Lire : jusqu'au vers hlanc.
P. i2, à « dépravité » substituer dépravation.
P. 80, « envahies n ?
P. 108, « critiqucuse » ?
P. 181, « zélateur » n'a pas tout à lait le sens (jue l'auteur y allaclie.
P. 81, 141, 195, 210, « renseii^ner » est (tris dans son acception belge.
P. 70 71,i)0 1. i, 19il. 13, h; rap|K)rt du possessif au possesseur n'est |)as clair.
P. 19, 21, 22, i9, écrire (juelfe plutôt (pu; « guelplic ».
P. 2-t3 I. 9, il doit y avoir une erreur d'impression.
COMPTES RENDUS 359
semblances entre Georges Ghastellaiu et Maeterlinck (p. 115);
il montre en Van Hasselt le prédécesseur de Vaii Lerberghe,
de Maeterlinck et de Verhaeren (p. 199) ; il note une parenté
d'àmeentre Maeterlinck et Octave Pirmez (p. 2'^1) ; il retrouve
dans le monde poétique chanté par Verhaeren l'influence des
théories d'Edmond Picard sur l'art, social (p. 259) Si intéres-
sants que soient ces rapprochements, certains ont quelque
chose de spécieux ; par exemple, lorsque se juxtaposent le
Traité de la Sainte Eglise gallicane de Jean Lemaire et le
Biienhorf de Marnix (p. 134), ou encore lorsque l'auteur éta-
blit une relation entre les Quatre Fils Aymon et le Reinaert
flamand (p. 54-55). Pour que les traits communs à ces deux
dernières compositions soient vraiment caractéristiques du
terroir belge, ils devraient avoir été inventés chez nous ; or
le Reinaert flamand les tient du Plaid français. Dés hTs, c'est
bien en vain que l'on insiste sur cette hypothèse que Renaud
de Montauban pourrait s'être appelé d'abord Renard (p. 34, 55);
philologiquement, cette supposition n'a rien d'inadmissible,
puisque l'échange des suffixes — aldet — ard est fréquent au
moyen âge ; mais elle est sans objet, du moment que le nom
de Renard, désignant le protagoniste de l'épopée animale, nous
vient de France.
Malgré le soin avec lequel M. Hamelius rattache l'une à
l'autre les œuvres étudiées, le travail laisse, dans quelque
mesure, l'impression d'une suite de monographies, à peine
reliées entre elles par le fil d'une idée directrice. 11 se trou-
vera peut-être des lecteurs, rétifs à la doctrine unitaire d'une
littérature nationale, pour y voir une mixtion d'éléments
français et flamands, plutôt qu'une véritable synthèse. Comme
forc^ synthétique, assurément ce livre ue saurait faire oublier
l'article de M. Liégeois que je rap[>olais lantôt. Les traits
distinctifs attribués a l'ensemble de la littérature belge (p. 9)
pourront paraître grêles et, jusqu'à un certain point, incon-
sistants. Ne contestons pas le premier : la prédominance des
intentions morales et politiques. Le second — le caractère
collectif du sentiment et de la pensée — se vérifie chez nos
vieux auteurs et jusque chez Conscience ; en revanche, loi's-
qu'on arrive à la période contemporaine, si féconde et s.i bril-
lante, ne faut-il pas plutôt déplorer le malentendu qui sépare
nos écrivains de la masse de leurs compatriotes et qui fait
360 COMPTES RENDUS
que notre littérature n'a pas encore retrouvé, auprès du grand
public, la faveur à laquelle elle a droit ?
Mais trêve de chicanes ! L'ouvrage que voilà contribuera à
dissiper des malentendus de l'espèce. En faisant mieux com-
prendre le génie de nos lettres nationales, il les fera mieux
aimer. Un tel livre sert intellectuellement le pays. Il nous
manquait Saluons-en l'apparition avec joie.
Alphonse Bayot.
H. Bornecque, L. Druesneset L. E. Rogie. Conunentaire de pages
choisies. — Paris, F. Rieder et G*S 1921, in-8". Cartonné,
4 fr. 50.
On sait avec quel goût sûr et quel esprit judicieux M. Bor-
necque s'entend à commenter les belles pages des écrivains
français, et la plupart des professeurs belges mettent au
nombre de leurs meilleurs instruments de travail les guides
publiés par le distingué professeur de l'Université de Lille,
notamment son Commentaire littéraire du Recueil de mor-
ceaux choisis d'auteurs français et deux volumes d'Explica-
tion littéraire des ouvrages et textes français.
Le nouvel ouvrage qu'il vient de faire paraître avec l'aide
de MM. Druesnes et Rogie, est en tous points digne de ses
aînés; il ne ren Ira pas moins de services aux jeunes maîtres
chargés de l'enseignement du français et surtout à nos étu-
diants en philologie romane. C'est un recueil de morceaux
lires des auteurs français du xvi® au xx« siècle, choisis de
manière à donner une idée exacte et complète des maîtres de
la langue; tous les textes sont accompagnés d'une explication
littéraire et de l'indication d'exercices destinés à compléter
les commentaires. Il n'y a d'exception que pour quelques pages
intéressantes au point de vue de l'histoire de la littérature, et
qui sont mises en appendice, sans être commentées.
Les explications des noms propres et des mots difficiles, les
observations grammaticales, se trouvent au bas des textes;
ceux-ci bont suivis d'analyses littéraires.
Une même méthode est généralement suivie, celle que doit
adopter tout maître soucieux de faire un enseignement fruc-
tueux : en premier lieu est indiquée la place du morceau dans
COMPTES RENDUS 361
l'ouvrage entier, puis vient le plan du morceau, enfin le
commentaire, portant d'abord sur le fond, ensuite sur la
langue et le style.
Un travail préparé aussi consciencieusement n'épargnera-
t-il pas aux professeurs bien du temps et des recherches? Il
ne leur restera qu'à développer et à enrichir ces notes judi-
cieuses, selon leur science et leur talent.
J. HOMBERT.
Gustave Lanson. Manuel bibliographique de la littérature fran-
çaise moderne, XVl', XV II', XVIIF et XIX' siècles. Nou-
velle édition revue et augmentée. Paris, Hachette, 1921,
1 vol. in-8", 182U p., 80 fr. (séparément en 5 fasc. :
1, xvP s., 14 fr. ; 2, xvii« s., 17 fr.; 3, xviii^ s., 20 fr. ;
4. XIX* s., 30 fr, ; 5, Supplément et Index général, 15 fr.).
En 1904, M. -G. Lanson commença, à la Sorbonne, un cours
de bibliographie de la littérature française moderne. Dans ce
domaine, aucun guide convenable n'existait à cette époque ;
chacun devait refaire lui-même sa bibliographie. Cette tâche,
fastidieuse pour la plupart des travailleurs, était au-dessus
des forces des étudiants; le savant professeur voulut faire
bénéficier ceux-ci des informations recueillies par lui durant
vingt-cinq années de travail. Combien d'autres cours de biblio-
graphie spéciale ne seraient pas donnés avec autant de fruit
dans nos Universités, pour ne rien dire delà bibliographie
générale !
De 19(J9 à 1912, M. Lanson publia son cours en 4 fascicules
comptant 1520 pages, et 23130 numéros. Il disait dans sa pré-
face (1908) ; (c Le travail purement bibliographique que je
présente ne correspond tout à fait ni à mon éducation litté-
raire ni à mon goH, qui me portent plutôt vers l'étude
historique des faits et l'analyse esthétique des textes. Pour-
quoi donc l'ai-je fait? Parce que personne ne le faisait, et
qu'il fallait enfin que cela fût fait! Parce que je suis profes-
seui% et tenu de fournir à mes élèves la meilleure prépai'a-
tion que je conçois. Parce que, cet outil créé, il sera facile à
d'autres ou à moi de l'améliorer ».
Ce manuel a, suivant le vu-u de l'auteur, épargné aux
jeunes gens les tâtonnements dont on avait souftért avant
362 COMPTES RENDUS
son apparition; bien plus, tous les chercheurs s'occupant
d' Histoire littéraire y ont eu constamment recours.
On y sent, à le pratiquer, l'élan même de son auteur; ce
n'est pas ici une simple liste-inventaire, mais le résultat d'un
choix fait après soigneuse réflexion, et du reste avec beau-
coup de souplesse : « La peur des responsabilités, dit
M. Lanson, n'est pas une vertu en bibliographie, non plus
qu'ailleurs ».
En 1914, pai'ut une deuxième édit'on, unifiée, pourvue
d'une liste générale des abréviations, d'un supplément, et
d'un index général (eu tout, 1736 pagesi.
Le Manuel a eu un tel succès que nous pouvons aujourd'hui
en saluer une nouvelieédition, préparée par l'auteur lui-même.
Les [jages 1 à 1526 (n"' 1 à 23130) S'ut les mêmes que dans
la 2^ édition. Le chapitre XXV, intitulé : Au commencetnent
du XX^ siècle. Tendances et théories, comprend en plus,
comme § 3, La littérature de la guerre; celle-ci fait l'objet
d'un choix réglé, non sur l'intérêt historique, mais sur l'in-
térêt littéraire; elle nous mène jusqu'au n" 23337. Enfin, les
pages 1537 à 1738 forment le Supplément (qui comprenait
130 pages dans la 2" édition), subdivisé de la même façon que
le corps de l'ouvrage. Un index général des noms propres,
sur trois colonnes, occupe les pages 1741 à 1795; et la table
des matières sur deux colonnes prend les pages 1799 à 1820.
La nouvelle éditioa que nous donne M. G. Lanson de son
Manuel est un instrument exact, d'un maniement commode
et rapide. L'auteur compte le perfectionner encore iiar la
publication d'un supplément, environ tous les cinq ans.
Ceux qui s'intéressent à l'histoire littéraire et aux domaines
voisins, les bibliographes, les bibliothécaires, seront unanimes
à féliciter le savant professeur de l'Université de Paris pour
la publication de celte édition de son Manuel; elle sera
installée à la portée de leur main sur leur table de travail.
AuG. Vincent.
Frans Van Kalken. Histoire de Belgique. Bruxelles; Office de
Publicité; 1920, in-8°, 644 p.. fig., 15 fr.
Nous regrettons que des circonstances fortuites aient
empêché jusqu'à présent de donner un compte rendu de
COMPTES RENDUS 363
YH/'stoire de Belgique de M. Van Kalken. Quoique parue
depuis près de deux ans nous croyons indispensable de la
présenter aux lecteurs de la Revue.
L'ouvrage de M. Van Kalken est un manuel, en ce sens
qu'il est conçu et ordonné de manière à répondre aux nécessités
de l'enseignement moyen belge. Du manuel, il a toutes les
qualités : la précision, la clarté, la méthode; les divisions en
Parties et en Chapitres se justifient historiquement et logique-
ment: enfin, il présente l'attrait d'être fort bien illustré au
moyen de documents contemporains. Ajoutons que l'impres-
sion en caractères plus gras de certains noms et de certaines
phrases a l'avantage de fixer mécaniquement l'attenti-'n de
l'élève sur les personnages les plus importants et sur des idées
essentielles à la compréhension de notice histoire.
On peut afl^rmer cependant que le volume de M. Van Kalken
dépasse largement le cadre et la portée du manuel scolaire.
L'auteur ne s'adresse pas seulement aux élèves de nos
Athénées et de nos Collèges; il écrit pour tout le public cul-
tivé de chez nous et de l'étranger. Il lui fournit le guide sûr
et bien documenté qui permet aussi bien de prendre, du cours
de notte histoire, une connaissance générale, que de vérifier
un détail ou de rappeler à l'esprit les ti^aits les plus caracté-
ristiques d'une époque déterminée.
M. Van Kalken s'était jusqu'à ce jour fait surtout connaître
par d'excellents travaux sur les derniers siècles de notre
histoire. Rien d'étonnant dans ces conditions à ce qu'il ait
donné dans son Histoire de Belgique un développement
particulièrement étendu aux chapitres traitant des époques les
plus récentes. 11 nous en fournit lui-même la raison : l'in-
fluence considérable que les xvir et xYin'' siècles ont exercée
sur la Belgique d'aujourd'hui; ce que l'on ne peut songera
contester, surtout après la lecture du tome V de VHistoire de
Belgique de M. Pirenne.
C'est, d'ailleurs, parmi la bonne centaine de pages consacrée
par M. Van Kalken à ces deux siècles que nous avons ren-
contré les trois chapitres qui nous ont paru les mieux venus
de tout le volume : celui qui traite de « la vie économicjue et
sociale aux Pays-Bas durant le xvii" siècle » ; le chapitre
consacré au « règne de Joseph II de 1780 à 1787»; enfin
« Li Révolution Brabançonne (1787-1790) et la Restauration
36 i COMPTES RENDUS
autrichienne (1790-1792) ». Le premier de ces trois chapitres
surtout constitue un tableau saisissant de la médiocrité écono-
mique, intellectuelle et politique dans laquelle vivait — on
serait tenté do dire « vivotait » — la Belgique après l'expulsion
des Protestants et la fermeture de l'Escaut. Ici, comme dans
les tableaux analogues que l'auteur a donnés pour les autres
périodes de notre histoire, il a réussi à être complet, sans cesser
d'être vivant : la chose n'est pas aisée dans ce genre d'exposés.
Notons encore le grand développement donné par M. Van
Kalken à l'histoire de la Belgique de 1S30 au Traité de
Versailles. On y trouve, en cent cinquante pages environ,
une synthèse claire, fouillée et solidement documentée de
révolution de notre pays, tant au point de vue économique et
social, intellectuel et artistique qu'à celui de la politique
intérieure et extérieure. Aux deux extrémités de cet excellent
aperçu, on remarquera particulièrement les chapitres où
l'auteur expose la formation politique et diplomatique du
Royaume de Belgique en 1831 et ceux où il résume le rôle de
la Belgique pendant la dernière guerre, en apportant notam-
ment dans la présentation des événements militaires une
exactitude et une précision dignes d'éloges.
M. Van Kalken nous permettra cependant de lui chercher
quelques chicanes
Pourquoi parler des Kerels (p. 52 et 113-114) que M. Van
Houtte a, croyons-nous, fait rentrer définitivement dans le
domaine de la légende (Les Kerels de Flandre ; Louvain,1898)?
Pourquoi attribuer l'assassinat de Charles le Bon en 1127 à
l'irritation de Bertulphe, prévôt de Saint-Donatien de Bruges,
contrarié par le comte dans ses opérations d'accaparement lie
grains (p. 74) ? On sait par les récits contemporains de Galbert
de Bruges et de Gautier de Téronanne que le mobile de
Bertulphe et de sa famille était leur ressentiment contre le
comte qui avait fait reconnaître que ce puissant lignage devait
compter au nombre des serfs de son domaine.
Enfin nous nous permettrons de faire remarquer que les
cantons d'Eupen et de Malmédy (p. 459) ne sont pas les deux
seuls anciens territoires belges réunis à la Prusse par l'Acte
de Vienne du 9 juin 1815 : les cantons de Rolduc, Neder-
kruchten, Saint-Vith, Schleiden, Kronenburg, l'ari'ondisse-
ment de Bitburg et partie de celui de Diekrich eurent le même
COMPTES RENDUS 365
soi't. On pourrait discuter aussi les effectifs allemands devant
Liège en 1914 (p. 6U6-(J07).
Ce ne sont là, d'ailleurs, que des détails, qui n'enlèvent rien
à la valeur de V Histoire de Belgique de M. Van Kalken. On
peut sans hésiter prédire à cet ouvrage un bel avenir et de
nombreuses éditions. Il est permis, croyons-nous, de le
■compter au nombre des meilleures productions de l'école
historique belge au cours de ces dernières années.
François L. Ganshof.
Giuseppe Pavani. U7t i^escoDO belga in Italia nel secolo X. Studio
storico-critico. Torino, 1921, in-8°, 181 p. Prix : 5 lires.
Rathier de Vérone, né dans le diocèse de Liège vers la fin
du IX* siècle, moine de Lobbes, évêque de Vérone et de Liège,
mort à Namur en 974; tel est le personnage dont M. Pavani,
à la suite desFrèresBallerini(1765)et de AlbrechtVogel{1854j,
nous présente la biographie. Hauck lui a décerné le titre
mérité de plus grand théologien du x^ siècle. Mais très érudit
et excellent professeur, Rathier manquait totalement de la
mesure nécessaire à l'évèque. A trois reprises on le voit forcé
de quitter le siège de Vérone et, à Liège, l'opposition de la
noblesse obtint le même résultat après un an et demi seule-
ment d'épiscopat. 11 décourageait peu à peu par sa violence
et son manque de doigté ses plus puissants protecteurs. Et,
privé de ressources, abandonné de tous, il dut plus d'une fois
errer de-ci de-là, cherchant des occupations et du pain.
Pendant les sept dernières années de son séjour à Vérone son
zèle à améliorer les mœurs du clergé est incontestable. Ce
fut d'ailleurs toujours, à ce qu'il semble, un évéque modèle,
pénétré de la sainteté du sacerdoce chrétien. Tout en recon-
naissant certains de ses défauts, la fierté et l'irascibilité,
M. Pavani s'attache surtout à montrer en Rathier le grand
évêque réformateur du x'= siècle. Je ne veux pas lui contester
cette gloire; mais il faut bien avouer que ses excellentes
intentions, mal servies par son caractère, ne réalisèrent jamais
cette purification du clergé qu'elles recherchaient si persévé-
ramment. L'auteur a quelque part une comparaison assez mal
choisie : « Ci sembra, écrit-il, che Raterio sia una di quelle
366 COMPTES RENDUS
« rosa tra le spine ». Pour moi, Rathier, encore que très
respectable et même, si on le veut, sympathique à certaines
heures, ressemble beaucoup plus à une épine qu'à une rose.
Rentré à Lobbes à la fin de sa carrière, l'ancien évêque
désabusé parvint encore à troubler profondément ce monas-
tère et il força même l'abbé Folcuin à lui céder la place.
M. Pavani se contente de dire à propos de cet incident, qui,
je le veux bien, ne devait pas être conté longuement dans son
livre : « Fu un po' in discordia anche con Folcuino, ma poi
si réconcilié ». Bref, je me demande si M. Pavani ne nous
présente pas Rathier sous un trop beau jour en tenant trop
compte de ses intentions et en le jugeant trop d'après ses
propres écrits. A part cela, j'avoue que le travail est des plus
sérieux et des plus critiques. Parmi les meilleures pages il
faut citer celles où nous est donnée la clé qui aidera à mieux
comprendre cette œuvre étrange de l'évêque, intitulée :
« Excerptum ex dialogo confessionali ». La bibliographie est
bien diessée, mais on y oublie quelques études belges qui
méritaient d'être mentionnées, en particulier la notice com-
posée par Godefroid Kurth dans la Biographie nationale de
Belgique.
E. DE MOREAU.
J. Cuveller. Un capitaliste du XIV^' siècle (« Bulletin de la
Classe des Lettres », Académie royale de Belgique, 1921,
p. 4f)-56).
Id. Les origines de la fortune de la. maison d'Orange-Nassau.
Contribution à l'fnstoire du capitalisme au moyen âge.
Bruxelles, 1921, in-8°, 114 p., pi. de sceaux (Mémoires
publiés par l'Académie royale de Belgique, Classe des
Lettres, in-8", 2" série, t. XVI).
On connaît la théorie buchérienne de la société acapitaliste
du moyen âge. Née d'une regrettable limitation de cadre,
basée sur la généralisation arbitraire de l'état de moinrlre et
tardif développement économico-social, caractéristique de
l'évolution historique de l'Allemagne, cette théorie a été, plus
récemment, reprise par W. Sombart sous une forme bien dif-
férente et avec plus de radicalisme encore. Le Moderne Kapi-
COMPTES RENDUS 367
talismus (*) de l'ériidit professeur de Berlin, inspiré et sou-
tenu par les convictions politico-économiques de l'auteur,
arrivait aux conclusions que le choix de l'objectif allemand
avait imposées à l'esprit perspicace de son collègue de Leipziî?.
Ainsi en se départissant de la méthode scientifique pour obéir
aux sollicitations d'un nationalisme trop étroit ou d'un
marxisme trop rigoureux, l'érudition allemande, par deux
fois, faisait fausse route.
La critique pénétrante et les études d'histoire économique
et constitutionnelle de Pirenne, les premières, battirent en
brèche la théorie de l'économie médiévale anticapitaliste. Le
moyen âge urbain ne fut pas absolument revêche au capita-
lisme, puisque, partout où les villes atteignirent leur plus
beau développement — dans les Paj^s-Bas, par ex., et dans le
Nord italien, j)Our ne citer que ces deux exemples devenus
classiques —, elles durent leur vitalité et leur essor à l'orga-
nisation capitaliste de la haute finance, de l'industrie d'expor-
tation ou du commerce interrégional. Les ti-avaux de Pirenne
ne restèrent pas sans lendemain; ils suscitèrent des recherches
laborieuses qui permirent notamment de reconstituer le capi-
talisme médiéval dans son élément subjectif, de faire revivre
des types concrets de capitalistes du moyen âge. Et tour à tour
on a ressuscité chez nous la figure d'un Jehan Boine Broke,
d'un Thomas Fin, des Saphir, des Gui, etc. Et que d'autres
capitaines d'industrie et représentants du grand commerce et
de la finance, pour lesquels la pénurie de documents n'a per-
mis de découvrir qu'un nom. une profession et un faisceau de
pi'euves, parfois bien éloquentes, de l'acquisition rapide d'une
vaste fortune (^) !
A. la galerie de nos capitalistes du moven âge les travaux
de M. (]uvelicr viennent d'ajouter une nouvelle figure, non la
moins intéressante ni la moins personnelle. Car Duvenvoorde
n'a pas seulement chargé d'or le blason de la famille dont il
n'était qu'un bâtard, qu'elle n'eut d'ailleurs aucune hâte à
(*) Une seconde édiliou, complètonicnt retondue el considérablement aug-
mentée, a paru à Leipzig en 1916.
('-) Sur le capitalisme au moyen âge, on lira la dissertation remarquable île
M. H. Pireruie : Les pvriodes de l'fnstnire sociale du capilnlisnte {a Bull, de
l'Acad. royale de Helgiciuc », Classe des Lettres. I!»l i, p. iî.'JS Si\.).
368 COMPTES RENDUS
reconnaître; il n'a pas seulement bâti en l'espace de quelques
années une fortune colossale qui eut le privilège bien rare de
se maintenir intacte pendant des siècles et de conduire à un
trône; il a réussi, malgré ses origines obscures, en dépit de sa
tache de naissance, à se hisser au faîte de la hiérarchie des
fonctionnaires féodaux et à jouer un rôle marquant dans l'his-
toire des Paj'^sBas au xiv« siècle. Il semble même établi que,
seuls, les revers de fortune qui attristèrent la fin de ses jours
l'empêchèrent de se tailler dans ses vastes domaines, entre le
Brabant et la Hollande, une principauté indépendante.
Qui donc était ce Duvenvoorde dont le nom jusqu'ici était à
peine connu ? M. Guvelier nous le dit dans le premier chapitre
de son mémoire, et la notice biographique qu'il lui consacre
est d'une telle richesse de détails qu'on pourrait à peine croire
qu'elle a été rédigée sans l'assistance de sources narratives.
Sans doute les chroniqueurs de l'époque ont coudoyé Duven-
voorde; peut être même y en a-t-il parmi eux qui lui furent
redevables d'informations précieuses, reprises dans leurs
œuvres. Son rôle n'était pas assez brillant ni assez apparent
pour retenir longuement leur attention. Heureusement notre
homme a laissé des traces de son activité politique, économique
et sociale dans les sources d'archives si précieuses pour com-
pléter et rectifier, dans les sources littéraires, ce que l'absence
de jugement politique ou de sens psychologique, ou simple-
ment le manque de recul a fait négliger ou mal interpréter.
Et que de documents les Archives nous ont conservés au sujet
de Duvenvoorde! Il y en a de quoi étonner celui que le com-
merce journalier avec les Archives n'a pas convaincu de la
richesse d'information qu'elles recèlent, du soin jaloux avec
lequel les administrations d'antan gardaient leur documenta-
tion. Aussi doit-on féliciter le savant archiviste général du
royaume d'avoir pu déterrer et réunir cette riche documenta-
tion, éparpillée dans tant de publications et de dépôts, et
d'avoir prouvé magistralement par son mémoire que « l'utili-
sation judicieuse de nos documents d'archives peut éclairer
d'un jour nouveau les phénomènes d'histoire économique et
sociale qui apparaissent dans les Pays-Bas au xiv^ siècle ».
Bâtard d'un petit seigneur hollandais que le manque de
ressources avait réduit à entrer dans le fonctionnarisme,
Duvenvoorde naquit en 1291 . 11 ne devait que bien plus tard se
COMPTES RENDUS 369
voir reconnaître le nom patronymique de son père, pour se
contenter en attendant du sobriquet jieu harmonieux de Huik-
herieme. Ce fut un oncle paternel, majordome du comte de
Hollande, qui « découvrit » le petit Suikkerieme et le fît
admettre à la cour en qualité d'écuyer Aussitôt Duvenvoorde
se fît remarquer par ses brillants talents. Tout jeune encore, à
l'âge de '2iS ans, il fut investi par la confiance de son maître
des fonctions importantes de chambellan du comte en Hol-
lande et en Hainaut. Nommé peu après chambellan à vie, il
n'a pas dû tarder à s'imposer au prince comme son expert
financier. Gréé chevalier, puis légitimé, il devint le conseiller
le plus influent du comte qui le désigna comme un de ses exé-
cuteurs testamentaires. Sous le régne de Guillaume II, son
influence subit si peu de recul que le prince lui confiait,
durant ses absences, la gestion des affaires de Hollande et de
Zélande. Après la mort du comte, il resta jusqu'à la fin de ses
jours l'homme de confiance de l'impératrice Marguerite, la
sœur de Guillaume II. La fortune cependant réservait des
revers à celui qu'elle avait tant favorisé. Duvenvoorde, qui
avait eu le bonheur de voir couronner de succès sa politique
de rapprochement de la Hollande et du Brabant, vit s'éva-
nouir le rêve de voir ses maîtres ajouter le duché de Brabant
à leurs Etats héréditaires; de plus il assista à la sécession du
Hainaut. Il mourut en 1353 dans son château de Malines, non
sans avoir reçu du Pape une indulgence plénière in articulo
tnortU.
Voilà trop imparfaitement résumé le premier chapitre du
mémoire. Plus d'un événement important de notre histoire
politique du xiv^ siècle y apparaît sous un jour nouveau ; je
me bornerai ;i relever ici les données si intéressantes concer-
nant la participation à l'œuvre d'unification de nos provinces
des financiers capitalistes mués en seigneurs féodaux.
Le chapiti'e II s'intitule : « La Constitution de la fortune de
Duvenvoorde >; il est divisé en trois paragraphes, étudiant suc-
cessivement les opérations financières, l'acquisition de rentes
et de propriétés foncières et les affaires commerciales. C'est,
à mon avis, le chapitre capital du mémoire.
S'il fallait juger de l'importance respective des trois facteurs
qui ont fourni leur ai)point dans la constitution de la fortune
du chambellan, d'après le nombre de pages que l'auteur con-
•24
370 COMPTES RENDUS
sacre à chacun d'eux, on risquerait bien fort, je crois, de se
faire une opinion erronée. En eflet, ce chapitre se présente
sous la forme d'un tryptique dont le panneau central repré-
sente la constitution de la fortune foncière, les volets respec-
tivement les spéculations financières et les opérations com-
merciales. Le groupement en dyptique aurait, me semble-t-il,
rendu de façon plus expressive le mouvement réel de l'œuvre
capitaliste de Duvenvoorde. La division admise par M. Guve-
lier se justifie néanmoins. Si elle ne rend pas la perspective
exacte, elle n'en est pas moins parfaitement rationnelle. Au
surplus la disproportion frappante entre le paragraphe qui
traite de l'acquisition des rentes et des propriétés foncières et
ceux consacrés aux opérations financières et commerciales
s'explique aisément quand Ton tient compte des sources
d'information dont disposait l'auteur. Nous ne possédons plus
les archives personnelles de Duvenvoorde et si nous sommes
abondamment renseignés sur la constitution de la fortune fon-
cière, c'est que les biens-fonds ne disparaissent pas et que les
titres de propriété, les titres féodaux, les privilèges, les actes
constitutifs des servitudes et rentes dont ils sont grevés se con-
servent avec eux. En outre, la plupart de ces actes relèvent
de la juridiction gracieuse d'administrations publiques, qui en
gardent le texte dans des registres d'entérinement. Il en est
tout autrement des transactions financières et commerciales.
Celles-ci se passent facilement de l'intervention du pouvoir
public et en général les documents qui s'y rapportent cessent
d'ofïVir un intérêt réel, même pour les parties, dès que
l'affaire est liquidée ou que la prescription devient acquise.
C'est par cette considération qu'il faut expliquer que presque
toutes les opérations financières et commerciales, dont il est
question dans ce mémoire, se sont traitées avec des princes
régnants.
La ricliesse d'information concernant l'achat de rentes et
biens-fonds a permis de tracer un tableau détaillé de la créa-
tion de la propriété foncière la plus considérable des Pays-Bas
au XIV* siècle. Emaillant discrètement son exposé de considé-
rations judicieuses, recherchant les raisons économiques ou
politiques qui motivèrent les divers achats, l'auteur nous
montre en Duvenvoorde un homme d'affaires avisé, spécula-
teur aussi habile et prévoyant dans les acquisitions, qu'excel-
COMPTES RENDUS 371
lent administrateur, s'entendant à merveille a mettre ses
propriétés en valeur. Par des achats avantageux et une exploi-
tation rationnelle il consolida et agrandit sa fortune, tandis
qu'il établissait sur des assises solides sa puissance politique
et le prestiije de sa famille. Qu'on ne s'y trompe pas cependant.
Ce ne fut pas la terre qm créa sa fortune. Celle-ci n'est le pro-
duit ni de l'accaparement du sol ni de l'accumulation des
rentes foncières. Malgré ses apparences, la fortune de Dnven.
voorde ne plaide pas en faveur do la théorie sonibartienne, et
M. Guveliera i;randement raison de le souligner. La constitu-
tion de la fortune foncière ne représente en majeure partie
que le placement intelligent, fructueux et définitif d'nn avoir
acquis par d'autres moyens et qui, bien placé, produit un sur-
croît de revenus formant un accroissement régulier et pro-
gressif du capital investi. En d'auti'es termes, l'acquisition de
rentes et de biens- fonds n'est que l'enchaînement à la terre
d'un capital préexistant, sa transformation, sa consolidation.
C'est le second tableau du dyptique. Et immédiatement surgit
la quest on capitale : quelle a été la source première et réelle
des richesses accumulées par le chambellan hollandais?
Sur ce point les documents sont moins prodigues de rensei-
gnements. Doit-on en reporter l'orig-ine aux largesses de
Guillaume l" de Hainaut, son maître, prince généreux s'il en
fiît? Elles lui auront évidemment fourni un premier appoint
qui n'était pas à dédaigner; elles ne furent pas cependant l'élé-
ment générateur de cette fortune immense. D'ailleurs la gêné,
rosité du comte se manifesta surtout par des cessions de rentes
et de fiefs. Les richesses de Duvenvoorde dérivent-elles
d'affaires commerciales avantageuses? Cela est moins probable
encore, M. Cuvelier démontrant le caractère accidentel des
transactions conclues par le chambellan. Restent les opéra-
tions financières. Il me paraît indiscutable que c'est en elles
qu'il faut chercher la souice réelle et principale de cette
grosse fortune. Il y a peu de pages dans le mémoire de l'émi-
nent archiviste général qui ne portent témoignage de l'activité
et de l'habileté financières de Duvenvoorde. Il y apparaît
comme un banquier hors ligne, un i)rofessi(mnel de la finance,
maniant l'argent avec souplesse et prudence, ne sacrifiant
jamais à la sentimentalité quand il s'agit, soit de fixer le taux
de l'intérêt d'emprunt, soit de faire exécuter un contrat. Seul
372 COMPTES RENDUS
parmi les créanciers d'Edouard III d'Angleterre il parvient à
rentrer rapidement dans ses fonds et plus d'une propriété lui
échoit à bon compte parce qu'elle a servi de gage pour le rem-
boursement d'un prêt dont les débiteurs ne peuvent se libérer
à terme. S'il ne dédaigne pas les opérations fructueuses de la
spéculation au change et aux rentes viagères, il a une préfé-
rence marquée pour le prêt à intérêt; il est même un des prin-
cipaux bailleurs de fonds des princes de son époque. Avec
une clientèle de choix, dont il n'exige pas moins des garanties
solides, au taux d'intérêt usuraire qu'il réclame, sans le don-
ner lui-même quand il est dans la nécessité d'emprunter, ses
opérations bancaires ne pouvaient laisser de lui rapporter
gros. Possédant au plus haut degré le génie de l'argent, le
financier put enrichir le chambellan et lui permettre de
rehausser le prestige de ses hautes fonctions par l'acquisition
d'une fortune foncière colossale.
Doit-on avec Sombart chercher dans le code pénal la qua-
lification des moyens auxquels Duvenvoorde eut recours pour
accumuler ces immenses richesses? Je ne crois pas qu'il faille
faire peser de graves soupçons sur sa mémoire pour expliquer
son enrichissement. Les fonctions dont il s'acquittait à l'en-
tière satisfaction de ses maîtres ont pu et dû lui faciliter sin-
gulièrement l'accès à la fortune; seul toutefois le caractère
économique de l'époque à laquelle il vivait, fournit la clé au
problème de la constitution de cette fortune. Il ne s'agit pas en
l'occurrence d'une forme franche, d'un cas spécial d'amoncel-
lement de richesses, comme Sombart voudrait nous le faire
croire; nous nous trouvons devant un phénomène social,
illustré par d'autres exemples. Duvenvoorde rei)résente un
type déterminé de capitalisme; il appartient à une classe de
capitalistes, exceptionnels sans doute, mais pas anormaux dans
la société dans laquelle ils apparurent. Le moyen âge urbain
a, au point de vue économique, préparé les temps modernes :
il s'y rencontre, dès les premiers siècles de l'existence des
villes, de ces hommes de volonté et d'action, doués d'initia-
tive âpre et avide, trop conscients de leur supériorité et de
leur force pour ne pas rompre en visière à la doctrine écono-
mique régnante, héritage des conceptions économiques de
l'époque domaniale. Duvenvoorde nous offre le type accompli
de ces capitalistes médiévaux. Tout dans la constitution et la
COMPTES RENDUS 373
consolidation de sa fortune trahit l'esprit capitaliste. 11 ne
recherche pas l'argent dans le but exclusif d'augmenter sa
puissance. Ses volontés dernières nous prouvent qu'il reste le
capitaliste jusque dans la disposition de sa fortune. Car
M. Cuveliei" n'a pas voulu déposer la plume sans nous dire
quelles furent les destinées de ses biens. N'est-ce pas en eflet
un phénomène exceptionnel de voir une fortune d'un pareil
montant, d'abord se constituer et se consolider en une vie
d'homme, puis résister pendant des siècles à la loi de l'émiet-
tement et de l'etl'ritement pour se conserver en bloc dans la
même famille?
Comme tant d'autres capitalistes du moyen âge, Duven-
voorde, sans sacrifier au désintéressement, fut généreux de
fondations pieuses et charitables. Il crut bon de les faire de
son vivant : son testament ne contient pas de nouvelles libé-
ralités en faveur des pauvres et du clergé. Par contre ses
bâtards n'y sont pas oubliés; ils reçoivent des apanages. Son
mariage avec Helwige de Viaenen étant resté stérile, le gros
de la succession échut, par disposition testamentaire, à son
neveu, Jean de Polanen, seigneur de la Leck, pour être
apporté en dot par la petite-fille de ce dei'nier à Englebert de
Nassau. Ainsi la fortune délaissée par Duvenvoorde forma le
premier et principal noj^au de la puissance d'une famille dont
le nom ne tarderait pas à se couvrir de gloire. Allemande et
frauçaise par le sang, la famille régnante de Hollande est
essentiellement nationale par ses origines économiques. L'un
des principaux artisans de notre unité nationale durant la
période pré-bourguignonne, le bâtard Suikkerieme, devenu
le chambellan-financier Duvenvoor,ie, a préparé, à son insu,
la dynastie qui devait régner sur les provinces unifiées du
Nord.
En retraçant avec tant de talent la carrière brillante du
fondateur de la fortune des Orange-Nassau, en faisant revivre
en Duvenvoorde un type si caractéristique et si personnel de
capitaliste médiéval, le savant archiviste général a ajouté des
pages de haute valeur à son œuvre historique, déjà si fécond
et si varié. Grâce à son mémoire, complétant sa lecture à
l'Académie, l'histoire économique du xiv^ siècle s'est enrichie
d'une contribution précieuse à un problème capital de son
évolution. La thèse de l'économie médiévale acapitaliste a
374 COMPTES RENDUS
reçu un nouveau coup de boutoir qui la relègue davantage
parmi les légendes que la réaction romantique a fait naître
Outre-Rhin.
Henri E. de Sagher.
Henri Stein, Charles de France frère de Louis XI (Mémoires
et documents publiés par la Société de l'Ecole des Chartes, X);
Paris. Picard, 1921. in 8", ix-871 p., 50 fr.
Ce livre constitue vraiment un modèle de biographie : il
joint à une information des plus étendues, — comme on
pouvait l'attendre d'une œuvre produite par un des meilleurs
connaisseurs du xv* siècle français, — une critique très
pénétrante, un constant souci d'exactitude et d'impartialité.
Sur bien des points, il renouvelle un sujet que l'on pouvait
croii'e épuisé depuis longtemps : les origines de la Ligue du
Bien public et les principales phases de la guerre à laquelle
elle donna lieu.
Charles de Fi-ance passait jusqu'à présent pour avoir été
l'âme de la coalition des princes contre Louis XL De l'étude
de M. S., il ressort nettement qu'il en fut plutôt le chef
nominal et inconscient. Son rôle a été, en tout cas, fortement
exagéré par les chroniqueurs aussi bien que par les historiens
modernes. Il fut avant tout le jouet des circonstances, un
instrument passif entre les mains de conseillers ambiiieux et
intrigants.
L'auteur a su dégager admirablement les facteurs essen iels
qui ont déterminé la psychologie du frère cadet de Louis XL
Il insiste en particulier sur l'ambiance qui a entouré sa
jeunesse inexpérimentée, les faveurs toutes spéciales, la
véritable sollicitude dont le a petit seigneur » a été l'objet de
la part de son père et qui lui ont attiré la jalousie de son frère
aîné Le titre de duc de Berry lui fut octroyé dès avant l'avè-
nement de celui-ci. peut-être même à sa naissance. Il ne tenait
donc pas /ow^ de son frère, ainsi que l'ont affirmé plusieurs
historiens : Louis XI ne fil que lui donner le Berry en
apanage (1401) Le jeune prince acquit, semble-t-il, en Berry
une certaine popularité, bien qu'il abandonnât presque toute
l'administi-ation a ses officiers. C'est à son initiative que fut
créée, en 1463, l'universit'' de Bourges.
COMPTES RENDUS ."^"5
Les princes coalisés dans la Ligue du Bien public l'éussiient
non seulement à l'entraîner dans leur conspiration, mais à le
mettre seul en avant. Ils demandéient pour lui à Louis XI
un plus grand apanage que le Berry, et Bourges devint leur
quai'tier-général. La premiéi'e phase de la guerre du Bien
public, dans laquelle le comte de Charolais joua, on le sait,
un rôle considérable, se termina par un compromis entre le
roi et les coalisés : Louis XI fut contraint de cédera son frère
le duché de Normandie. Dés lors, la lutte allait changer de
terrain. Charles de France ne sut pas d'ailleurs profiter de la
situation : ballotté et indécis, il désirait à la fois complaire
à ses nouveaux sujets et se débarra-ser des importuns et des
ambitieux, qui l'assaillaient de demandes. En outre, il se défia
du comte de Charolais et tenta notamment de se rapprocher
des Liégeois en voyant que le comte semblait lui lefuser la
mai II de sa fille. Trahi par le duc de Bretagne, il ne sait quel
parti prendre. Finalement il accepte un arbitrage. Grâce aux
lettres de l'ambassadeur milanais et à d'autres documents
inédits, M. S. fait connaître les curieux détails des négo-
ciations qui s'engagèrent à ce moment entre le roi et son frère,
les embarras de celui-ci, surtout après sa fuite en Bretagne,
oîi il fut moralement prisonnier du duc François II. C'est là
que s'ourdit une nouvelle coalition, plus formidable que la
première. Encore une fois, Charles de France ne sut pas
profiter des difficultés où se débattait le roi : il ne put se
résoudre à faire cause commune avec le duc de Bourgogne,
qui l'engageait à réclamer la Champagne comme apanage.
On le voit entre autres se rendre en pèlerinage à Trégnier au
tombeau de saint Yves, ce patron des avocats qui sait apaiser
les différends entre frères. Enfin il doit se contenter de Vapa-
nage de Guyenne.
Charles de France fut très bien accueilli en Guyenne et son
administration, dont M. S. montre tout le mécanisme et le
fonctionnement, contribua à faire revivre ce pays, si éprouvé
par les récentes luttes intestines. Contrairement â l'opinion
de plusieurs historiens, il résulte de l'étude attentive des
sources que l'influence du nouveau duc y fut salutaire et qu'il
ne rencontra guère d'inimitiés.
L'auteur consacre alors un chapitre aux projets de mariage
de Charles de France et spécialement à la question du mariage
376 COMPTES RENDUS
avec la fille du Téméraire, qui fut de nouveau agitée en 1469
malgi'é la promesse solennelle faite par Charles sur la croix
de Saint- Laud de ne pas rechercher la main de cette princesse.
M. S. fournit à ce sujet une série de détails nouveaux et
suggestifs. Pendant ces négociations avec le Témérai'e se
prépare une nouvelle coalition contre Louis XI : cette fois,
Charles n'y participe qu'indirectement, et il meurt d'ailleurs
au milieu des préparatifs de défense contre une invasion du
duché par les troupes royales.
Le dernier chapitre est consacré à la mort du prince, qui
parut mystérieuse aux contemporains et sur laquelle circu-
lèrent les bruits les plus fantaisistes : Louis XI fut même
accusé de l'avoir provoquée. L'auteur prouve de manière
irréfutable que cet événement fut dû à des causes naturelles.
M. S. a joint à son travail cinq appendices traitant succes-
sivement : 1) la chancellerie de Charles de France; 2) les
monnaies frappées au nom de ce prince; 3) ses portraits;
4) ses livres d'heures ; 5) son itinéraire. Prés de cent cinquante
pièces justificatives, dont plusieurs assez étendues, suivies
d'un excellent index des noms de lieux et de personnes,
complètent cette monographie si fouillée et si solidement
construite.
H. Vander Linden.
J. Gessler en C. Vanderstraeten. Alpemeen Repertorium der
Hasseltsche ordonnantieboelien. Hasselt, L. CroUen, 1921,
in-8", 11-122 p.
Ce répertoire est, en définitive, le relevé par ordre alphabé-
tique des noms de personne-^ et des noms de lieux ainsi que des
matières renfermées dans les treize registres ou liasses in-f"
des ordonnances du magistrat de Hasselt, depuis l'année 1402
jusqu'en 1796. (]omme ce travail a été fait avec grand soin et
que les auteurs se sont efforcés de condenser en un minimum
de pages le maximum de matériaux, on devine l'utilité de
cette publication pour les futurs historiens de la ville de
Hasselt.
A. Hansay.
PERIODIQUES
INDEX SOMMAIRE
Linguistique. — 10.
Philologie. Généralités. — 10, 29, 3G.
— indo-européenne. — 8.
— grecque. — 8, 9, 12, 15. 27, 33.
— latine. — 4. 8, 9. 12,14. 15. 20. 27, 31, 33, 30.
— romane (gén.). — 19, 36.
— espagnole. — 19, 36.
— française. — 7, 8, 27. 36.
— roumaine. — 36.
— celtique. — 1, 2, 8, 36.
— germanique (gén.) — 4. 8, 31, 36
— allemande. — 4, 31, .33. .34, 36.
— anglaise. — 6, 8.
— néerlandaise. — 31. 32
Littérature. Généralités. — 10. 13, 14. 17. 23.
— grecque. — 8, 9, 12. 13, 14, 15. 27, 28, 32, 33, 35.
— latine. — 5, 12, 14, 20, 22, 27, 28. 33
— — du moyen âge et des temps modernes — 7, 12,
27. 34.
— espagnole. — 13, 19, 36
— française. — 1. 2, 3, 5, 7, 11, 13. 14. 18. 21.22, 23,
24, 26.
— italienne (sauf Dante). — 3, 18, 19, 23.
— — (Dante). — 3. 6, 11, 32.
— roumaine. — 23.
— allemande. — 3. 4, 13. 21. 34.
— anglaise. — 6, 13. 16. 21. 29, 32.
— néerlandaise. — 13. 14, 29, 31, 32.
378 PÉRIODIQUES
Littérature Scandinave. — 13
— slave. — 29.
Histoire de l'antiquité. — 1, 10, 12, 17, 20. 25, 27, 28, 35
— du moyen âge. — 1. 10, 14, 17, 23, 25, 35.
— moderne. — 2, 3, 10. 14, 17, 25, 2G, 35.
— contemporaine (sauf Xapoléou 1""^). — 1,3, 5, 6, 10, 14,
16, 23, 32, 35.
— contemporaine Napoléon I^'. — 3, 22, 24.
— économique et sociale. — 10, 22, 30, 33, 35.
— des mœurs. — 4, 15, 20, 28, 29, 33.
— des sciences. — 7, 12, 34.
— de l'art. — 10.
Archéologie — 10, 12. 20.
Autres sciences auxiliaires de l'histoire. — 1, 2, 5, 10, II. 16, 17,
22, 25.
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di Dante. 237.
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C DE L()i,i,is. Gustavo Flaubert. 328.
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Bearbeitungen. 173.
C Wesle. Der Donauvibergang im alteren Xiebelungenepos. 231.
— Zur Sage von Ermenrichs Tod. 248.
R. Blumei,. Zusammensetzung der Vocale. 265.
— Reim und tonliolie im ueuhochdeutschen, 275.
— Der Sclieinspondcus ini deutschen hexanieter und
pentameter. 297.
R. Pai.gen. m. F. 3, 7. 301
— Salliure, schantiure, pareliure. 309.
— Lapsit exillis (P. 469. 7). 312
A. LKrrz.MAXN. Zum Codex palatinus 341. 313
— Zu den altdeutschen tischzuchten. 320.
E. Ociis. Zwei diinkle stellen im Georgslied. 333.
F. HoLTHAL'SKX. Zum Heliand, v. 5778. 337.
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Henry Druey. I^a révolution vaudoise de 1845. 317.
Chaklks Burxier. Les épigranimes champêtres de Martial et les
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Martial ot les odes rustiques d'Horace. 3().
380 PÉRIODIQUES
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P Mazon. L'association Guillaume Budé. 478.
8. — Indo-germanische Forschungen. XXXIX, 1921.
K. Brugmanx. Zur Frage des Ursprungs der Personalendungen
des indogermanischen Verbums. 131.
— Griech. aï al s sinnverstarkendes Vorderglied in
Nominalkomposita 140.
— biKeîv als Aorist zu pdWeiv. 144.
— Boot. TTiTeûuu 149.
— Altlat. humus Gen. Sing. = gr. x^ovôç. 1.51.
— Lat. sevërus. 154.
— Analogische Neuerungeu in den Ausgângeu der
Formen des Verbum finitum in den idg.
Spracheu. 157.
F. MÛLLER. Lat. barba. 172.
R. Thurneysen. Alte Problème. 189.
A. Debrunner. Homerica. 202.
E. KiECKERs. Der elliptische Dual im Ergânzungswort. 207.
M. Leumann. Avestiscb srifa. 209.
— Zur lateinischen Sprachgeschichte. 209.
A. Wai.de. Umbrisch purditom. 216.
J. PoKORXY. Die Herkunft des irischen Artikels. 217.
J. Wackernagel. Zu altir. fitir. 220.
— Zu der altpersischeu Stelle in Aristophanes
Acharnern. 2, 224.
E. ScHRÔDER. Die 2. Pers. Sing. Perf. st. Flexion im West-
germanischen. 224.
— Zu if. 39, 72 (gadrobe, parterre). 230.
W. HoRN. Zu IF. 39, 72, ae. bèocere. 230.
Zu if. 39, 67, got. wit » wir beide «. 231.
G. Ipsen. Lat. cuprum, griech. Koirpoç und idg. *aios. 232.
PÉRIODIQUES 381
9. - Glotta. XI, 1921.
H. Blase. Zum Konjunktiv iiu Lateiuisclieii . 2. Der Konjunktiv
im bediugenden Satze. 145
O. N. IIatzidakis. Griechiselie Miszellen 1' Ape\T€poç. Il . ZapTTdjvuj =
verschrumpen, zusammeiizielien. III. KovaKi — Koveuuj. IV. Zum
Verstjindnis einiger Komposita 175.
E KiECKEKs. Zum Sclialtesatz im spâteren (iriechiscli. 17!».
— Zum ÔTi recitativum. 183.
— Zu inqiiit, rpr\a\v.. Iwiszt en 184.
Manu Leumann. Laieiuische Etymologien und Bedeutungen
unxicia, axitia u. axitiosiis ; fiislibalus, — buliim-, — biilator;
mîscelliis. 185.
Manu Leumann. Part, perf, pass. mit-fui im spatcreii Latein. 192.
— eg-ressnm iri. 195.
— Zum spjiteu griech. r]v. 195.
Paul Kretschmer. Ares. 195.
F. Hartmann. Xachtrag zu Germnnus Glotta 9, 1 ff 198.
E Methner. Zu dem Aufsatz von H. Blase « Zum Konjunktiv im
Lateiuisohen » Glotta X. S. 30 ff. 204.
M. HAMMARSTRom. Griecbisch-ctruskische Wortgleichungen. 211.
R. Thurneysen. Alt-Italisches. 1 Vulskisch. 2 Marrukiniscli. 217.
Fr. VoLLMER. Noch einmal "est und 'est. 221.
Leo Spitzer. liai, camporeccio, camperecciô lândlicli. 224.
Paul Kretschmer. Pelasger und Etrusker 276.
J. Wackernagel. Zu Hesiod und Horaer. 280.
Th. Kakridis. Die Bedeutung von ttoXùtpottoç in der Odyssée. 288.
A. Nehring. Lat. sa//uA* 291.
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J. Mathorez. Ra])ports intellectuels de la France et de la Hol-
lande du xiii'^ au xviiie siècle. 157.
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A. Ernout, Linguistique historique et linguistique générale.
205, 258.
L. Léger. L'académie polonaise de Cracovie. 265.
11. — Mercure de France CLI, 1921.
Canudo. L'heure de Dante et la nôtre. 577.
M. CouLON. L'œuvre d'Ernest Raynaud 599
CLiII, 1921. — R. DuMESNiL. Flaubert et l'opinion. 289.
H.-C. Un problème d'histoire et de cryptograijhie. 385.
P. MoNKiER. Gustave Flaubert coloriste. 401.
H. Mazkl. Les trois tentations de saint Antoine 626
G. Lazzeri. L'année de Dante. 644
CLIII, 1922. — .T. Gaument et L. Cmouville Ninon, Molière et
les dévots. 36.
G. Bruneï. Le comique de Molière 2*^9.
E. Levrat Le cas du Malade imaginaire. 387.
G. d'Aui-an. L'œuvre critique de Reray de Gourmont. 594.
G LoTE. — Voltaire et la déclamation théâtrale. 669.
12 — Le Musée belge. XXV, 1921.
J. Wai.tzixg. Pour l'étude de TertuUien. 7.
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L. Lauraxd. Contribution à la bibliographie du Cursus grec. 133.
J.-P. Waltzing. Inscriptions latines de la Belgique romaine.
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Ernest Merciiie. Sur l'emploi de siniia comme substantif mas-
culin 148.
J. HuBAU.x. Virgile et Méléagre de Gadara. Yirgile, Bue , Vlll,
17 et 50 sq. 149.
Ernest. Merciiie. Un aspectde la i)rose de Sidoine Apollinaire. 165.
J. Herbillon. Artémis Laphria. 181.
J.-P. Waltzin(;. T<]ncore Minucius Félix et TertuUien. Théodore
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M. il. N. Le songe dans V Enéide. 197.
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13. — Neophilologus VII, 1921-1922.
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GusTAV HuBENEU. Die Entstehung von GiiUioers' Travela und die
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R. Priebscii. Eiu Beitrag zu den Quellen des Esmoreits. 57.
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E. Remy. Le concept cicéronien de la gravitas. 5.
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B. Lebbe. L'enchaînement des parties dans les discours de
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L. Vermeirsch. Vondel als lyrisch dichter vervolg). 5L
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E. Remy. L'exorde et la péroraison de la troisième Catili-
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EuGENio Mêle. Nuevos dates sobre la fortuna de Cervantes eu
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A.-(ii. Solalixde. La feclia del « Ovide moralisé. » 283.
Leo Spitzeu. Judéo-esp. « meldar ». 288.
Narciso Alonso Cortes. El autor de la « Comedia Doleria » 21)1.
F. Kruger. a propôsito de « de aqui a » hasta. 295.
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O. Navarre. Le papyrus d'Ilerculanum et le texte des Caractères
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21 — Revue germanique, 1921.
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K. Seilmèrk. Une correspondante de M^'' de Staël à Weimar il y
a cent ans. Sophie de Schardt. 123.
li. Michaud. Emei'son et la gaie science. 231.
D. Saurat. Les sources anglaises de la pensée de Miltou. 359.
L. Cazamian. Goethe en Angleterre. Quehiues réflexions sur les
problèmes d'influence. 371.
<;. RoTH. Ce que Sainte-Beuve a su d'anglais. 378.
22. - La Grande Revue. 104, 1920-1921.
Elie Fauue. Napoléon. 35.J, 541.
Ernest Tisserand. Les mauvais génies de la Fiance. Gabriel-
Lucien (^uvrard. 415.
25
386 PÉRIODIQUES
105, 1921. — Eme Faure. Napoléon (suite^ 29, 213, 382.
106, 1921. — Georges Renard. Histoire technique et sociale
de l'imprimerie. 25.
AUREL. Ovide et l'art d'aimer. 365.
L. Lemonnier. Baudelaire au lycée Louis-le-Grand, 426.
107, 1921-1923. — A. Provost. Les sources de «Thaïs», d'Ana-
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G. DE BÉvoTTE. La popularité de Molière. 353.
23. — La Revue latine. III, 1921.
A. DEiiAcouR. Gabriele d'Annunzio. 336.
A. Thérive. Une nouvelle critique du romantisme social et litté-
raire. 459.
IV, 1921. — André Thérive. La gloire de La Fontaine. 645.
Rachel de Villers. Essai sur l'influence française en Roumanie.
681.
A. CouNsoN. La Chevalerie. 759.
K. Hanquet. Godefroid Kurth, historien. 850.
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A. Thérive. Les frères Tharaud et le roman historique. 1098.
24. — La Revue mondiale. CXLVI, 1922.
Martin Ginouvier. Raspail et Napoléon 1'^''. 63.
H. d'Almèras. Les années d'épreuves de Molière (1643-1653). 151.
G. MoNGRÉDiEN.Un rival de Molière : le comédien Montfleury. 280.
Lacour Gayet Bonaparte, membre de l'Institut de la République
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J. LoRTEL. Le féminisme de Diderot. 426. ,
25. — Revue belge de numismatique et de
sigillographie, 1921.
J. L. HoLLEXFELTZ. Lcs monnaies aux types dégénéi'és des deux
Tétricus. 115.
E. BERNAYsetJ. Vaxnérus. Un esterlin à tête, frappé à Arlon
dans les derniers mois du règne de Jean l'Aveugle. 121 .
V* B. DE JoNGHE Monnaies de Frédéric-^Laurice de la Tour
d'Auvergne, prince de Sedan, de Raucourt, et i^rétendant au
duché de Bouillon (1622-1652). 127.
V. Tourneur. La médaille de Philibert Guigonard. 137.
A. ViSAKT DE BocARMÉ. Les jetons de la Généralité des Huit
Paroisses. 145.
J. Vannérus. Matrices et sceaux luxembourgeois (2« série). 165.
V. Tourneur. Demi gros d'Albert de Bavière. 197.
PÉRIODIQUES 387
A. ViSART DE BooAHMÉ. Les jetous de la Chambre des Comptes et
du Bureau des Finances. 200.
V. Tourneur. Les méreaux de la maison du Saiut-Esprit dite de
Notre-Dame ou fondation van Bruyssegem à
Bruxelles. 205.
— Les sceaux de Guillaume de Duvcnvoorde. 207.
26. — Revue politique et littéraire et Revue bleue. DX, 1922.
A. Lk Breton. Les comédies-ballets de Molière. 40, 76.
Y GiRAUD. A l'ombre de Port-Royal. Comment fut composé le
Discours sur les pensées de Pascal. 43.
G. Geffroy. Les frères Zemganno. 65.
M. d'Auriac. Pierre Corneille a-t-il collaboré à Psyché ? 88.
27. — Rivista di filologia e di istruzione classica.
XLIX, 1921.
R. Sabbadini. Apicio. 1.
G. A. PiovANO. Il corre délie Coefore ed appunti Eschilei. 7, 195.
Lencii.vntin de Guberxatis Studi sull' accento greco e latino.
IX. Turbamenti nei fenomeni di apofonia latina. 33.
C O. Zuretti. ITIXOMY0IA. 42.
E Stampi. Come ho tradotto Catullo. 57.
S. CoxsoLi La satira IX di Gio vénale nella tradizione délia
cultura sino aile fine del medie evo. 79.
C. O. Zuretti. Ancora sull « orma di pie mortale ». 98.
U. MoRicA. Le tragédie di Seneca. 4. Il coro nelle tragédie di
Seneca. 161.
F. Stabile. Critica e lingua délia « Vita Alexandri Magni »
o « Historia de preliis » di Léo archipresbyter secondo la
recensione del cod. Bambergensis. 215.
D. Bassi. Ovidio Metamorfosi XV 805-6. 228.
P. FossATARO. Xeottolemo e Orazio. A proposita d'un saggio
suir opéra irepi TioîriMctTov di Filodemo. 230.
F. Pellati. Vitruvio e la l'ortuna del suo traLtato nel monde
antico. 305.
F. Stabile. Costruzione parattatica appositiva in Cato? 336.
D. Bassi. Papiro Ercolanese 873. OiXobriuou Trepi 'OmXîaç. 340.
B Terracini. Gallico e latino. A proposita di un récente libro
sulla lingua gallica. 401.
V. UssANi La canizie précoce di Virgilio e le biografie virgiliane
al Petrarca 431
S. CoNsoLi. Reminiscenze virgiliane nelle piose di L. Aiiueo
Seneca. 456.
388 PÉRIODIQUES
28. — Sitzungsberichte der Preussischen Akademîe
der W^issenschaften, 1921
U. v(»N WiLAMOWiTz-MoELLENDORF. Zui" Griechischeu Geschichte
und Literatur. 1. Ein vergessenes Homerscholion. 729.
E. Meyer. Tougener und Teutonen. 750.
C. ScHDCHiiARDT. Rhetlira und Arkona. 756.
J.Ilberg. Aus eiuer verlorenerllandschrift derTardae passiones
des Cselius Aurelianus. 819.
A. VON Harnack. Nachtrage zur Abhaudlung a Xeue Fragmente des
Werks des Porphyi'iusg egen die Christen » (s. o. S. 266 ff .1. 834.
K. Hou.. Der Kirchenbegriff des Paulus in seinem Verhaltnis
zu dem der Urgemeinde. 920.
29. — Studien. XCVI, 1921.
J. VAN Heugten. Theodoor Michailowitsj Dostojefski. (1821-
1881). 133.
L. P. P. Francke. Cbesterton over Joden en Zionisme. 288.
F. VAN LiTH. De vertaling van bet « Onze Vader » in bet
Javaanscb. 353, 405.
J. C. J. Groot. De katholieke Engelscbe dichter Francis
Tbompson. 375.
L. DE JoNGE. Paradijsvloek en Paradijszegen. 450.
P. Albeks. Bezeteuen en beksen in Duitscbland na den 30- jarigen
oorlog volgens Duhr. 462.
30. — Taxandria (Turnhout). 1921. 1.
J. E. Jansen. Boerenverbuis in de Kempen. 3.
R. Verstreyden. Ambacbtsbrieven van Herentbals. 9.
P. J. Goetschalckx. De Heeren van Oostmalle. 26.
1921. 2. — P. J. Goetschalckx. De Heeren van Oostmalle
(Vervolg;.l. *
F. DoNNET. Une tentative de vente de la Seigneurie de
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A. Verheyen. Wezel- bof. 35.
1921. 3-4. — L. Stroobant. Les Sires de Ryckevorsel. 1.
31. — Tijdschrift voor Nederlandsche Taal-
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G. Neckei.. Zur Lebre von den germaniscben Synkopen. 233.
J. F. M. Sterck. Tessalica 246.
C. B. VAN Haeringen. Sporen van Fries buiten Friesland. 269.
C. G. N. DE VooYS. Twee mystieke traktaatjes uit de eerste belft
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C. Bake. Huygens en de Groote Zaal. 310.
PÉIUODIQIJES 389
32. — Dietsche Warande en Belfort. II, 1921
St. De Ci.ippelk. De Hamlet fij,'uur. 141.
JuL. Peusijn Dante in de Nederlandsche letterkunde. 269.
Jos. Mansion. Na het conji;res te Mechelen. (Plet spellingsvraag-
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Edm. ItuHBENS. De roi van Edward Ducpétiaux in de omweuteling
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E. Orth. Euripideum. 1052.
J. SiTZLEK. Zn griechischen Lyrikern und Tlieokrit. 1053.
A. Zlm.merman. Zum lateinischen Gôtterbeinamen Sispes bezw.
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J. SiTZLER. Zu Herodot. 1076.
M. MuHi.. Isokrates und die Volkerrechtsidee. 1078,
K. WiTTE. Horazens soehzehnte Epode und Yorgils Bucolica.
1095.
R. Samse. Zu Lukan III. 284, 288, 1125.
K. KuNST. Der Oidipusmythos. 1149.
R. Stube. Heiszt fleve « vvichern » ? 1171.
Th. Grienberger. Codanovia. 1198.
Fr. Xetomtzky. Das Festland von der Atlantisinsel Platons*
1221.
K. Lkhmann-H.\rtleben. Die Hohlenprozession von Acharaka.
1245.
34. — Zeitschrift fur deutschen Altertum und deutsche
Literatur. LIX. 1921-1922
J. Schatz. Eine Reinibibel des 12-jabrliunderts. Xeue bruch-
stiicke des sog. Mittelfrankisclien legendars. 1.
P. Hagen. Das bucb von der Xaebfolge Christi und Tbonias à
Kempis. 23.
R. O. ^Ikver. Die (^uellen des Borteu. 36.
E. ScHRoDKK. Zum text der Warnung. 46.
— Meister Renausz. 47.
— - Sprichwort. 48.
H. Sperber. Ein gesetz der bedeutung.sentwiekelung 49.
Anhang : A us dem gebiet der belagej'ungsteehnik stani-
mende ausdriicke. 61.
J. Petersen. Aufluhrungen und biilineni)laii des iiltern Frank-
furtPi- pnssionsspiel. 83.
390 PÉRIODIQUES
A. BiENER. Zur méthode der untersuchuugen ûber deutsche
wortstellungen. 127.
R Hknning. Auf alten colonistenwegen. 145.
E. ScHRODKR. Der frauen Turnei. 160.
— Fragment eiues mhd. prosaromans aus dem anl'ang
des 13-jalirhunderts. 161.
K. ScHiFFMANN. Die liandschrift des Linzer Entechrist. 163.
35 — Historische Zeitschrift. CXXV, 1921.
L. V. Sybel. Eutwickelungsgeschichte der christlicheu Autike. 1 .
A. Frus. Die Aufhelning des Artikels V des Prager Friedens. 45.
W. Lenel. Zur Geschichte Venedigs. 65.
M. Laubert. Die Sendung des Gnesener Erzbiscliofs v. Przyluski
nach Berlin im April 1846. 70.
R. Herzog. Nikias und Xenophon von Kos. Zwei Character-
kôpfe aus der griecliisch-romisclieu Geschichte. 189.
F. Meinecke. Drei Generationen deutscher Gelehrtenpolitik. 248.
36. — Zeitschrift fur Romanische Philologie, XIjI, 1921.
Angei.a Hàmki,. Der Humor bei José de Esprouceda. 389.
Stefax Hofer. Beitrage zu Kristian's Werke. 4089.
C. Dicui.ESCU. Altgerm. Bestandteile im Rumanischen. 420,
J. Briich. Die Entwickelung von -us, -um, im Volksiatein, 429.
Ion. D. Ticèloîn. Zum Rumanischen. 435, 588.
G. Blaist. Bigre. 447.
— Met und Steinmetz. 450.
Adoi.f Koi.sen. Altprovenzalisches. 538.
W. MeyerLubke. Beitrage zur romanischen Laut- und Formen-
lehre. 555.
Kari, Strecker. Ein neuer Dungal? 566.
J. BrIich. Zur Entwickelung der betonten Vokaleim Volksiatein.
574.
— Etymologien. 582.
M. L. Wagner. Zu Rum. fenwie « Frau, Gattin », 586.
Vie. Garcia de Diego. Etymologiae hispanae notae. 587.
G. Baist. Esligier. 591.
— Falca. 592.
— Die Halle. 593.
O. ScHULTz-GoRA. Zur Pastorela de Gui d'Uisel Uautrier ciwiil-
gaua. 594.
CHRONIQUE
Association des Arcliivistes, Bibliothécaires et Conservateurs
de Musées.
Séances de février 1922, à Bruxelles.
Section des Archives. — Dimanche 5 février.
La séance est ouverte à 10 12 heures, aux Archives générales.
Présents : 13 membres et 3 invités.
M. Hansay, président, rend hommage aux membres disparus.
Le Bureau est ensuite renouvelé ; sont nommés : président,
M. Brouwers, vice-président, M. d'Hoop (pour 2 ans); vice-
président, M. Dierickx; secrétaire, M. Cam. ïihon (pour 1 an).
M. Brouwers étant absent, M. d'Hoop prend la présidence.
M. Vannérus lit une lettre de M. Fairon (Liège , au sujet du
nouveau barème de traitements ; tont en réservant une discussion
ultérieure, l'assemblée vote des remerciements aux archivistes
dont le dévouement a amené l'adoption de ce barème.
M. VaNiNékus, revenant sur une question déjà traitée par lui
à la réunion du 14 février 1909 et au Congrès international des
Archivistes et Bibliothécaires de 1910, parle de la conservation
des anciens registres paroissiaux et tout spécialement des doubles
originaux de ces reg-istres (177S à 1796). Il fait reprendre par
l'assemblée les vœux qu'il a présentés au Congrès de 1910. (Voir
Actes, p 660).
Le Bureau est chargé de préparer la réalisation de ces va-ux, et
notamment le transfert aux Archives de l'Etat des doubles origi-
naux de 1778 à 1790. actuellement conservés au greffe des
tribunaux.
M. Nélis parle de la guerre et les archives ; pertes en Belgique
et dans le Nord de la France. Archives de guerre à T Etranger.
Histoire économique de la guerre et l'entreprise de M. Shotwell.
392 CHRONIQUE
La guerre a amené la destruction de nombreuses archives en
Belgique et dans le Nord de la France. D'autre part, la guerre a
accumulé les documents et a provoqué l'éclosion de toute une
littérature. Dans presque tous les pays des organismes ont été
créés en vue de réunir ces souvenirs M. Xélis expose ce qui s'est
fait dans ce domaine en France, en Italie en Angleterre, en
Allemagne, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie
Enfin l'orateur retrace l'activité de la 3'' division de l'Institut
Carnegie de New-York, dirigée par M. ShotAvell, et (jui a entre-
pris de faire l'histoire économique et sociale de la guerre. Il a
amené la coustitution en Belgique d'un comité auxiliaire sous la
présidence de M. Pirenne; des comités analogues existent aussi
en France, en Angleterre, et ailleurs .
M"'' NicoDÈME expose les progrès réalisés dans le moulage des
sceaux. Le moulage des sceaux ne date que de la Révolution fran-
çaise ; depuis lors, de nombreux progrès ont été réalisés. Une
collection d'empreintes exposées dans la salle montre la valeur
des divers procédés ; elle prouve que les Archives générales du
Royaume peuvent à cet égard rivaliser avec tout autre établisse-
ment similaire
Section des Bibliothécaires. — Dimanche 5 février.
La séance est ouverte à 10 1/2 heures, à la Bibliothèque royale
(Section des Manuscrits), sous la présidence de M. le Chanoine
Van Wafelghem. Présents : 18 membres.
M. Tourneur adresse à M. O. Grojean, (|ui a quitté la Biblio-
thèque royale, quelques paroles d'amical hommage auxquelles
s'associe l'unanimité de l'assistance.
M. Verlant parle de l'instruction que reçoivent les bibliothé^
caires aux Etats-Unis. D'ai)rès les renseignements nombreux et
précis, extraits du volume récent de Friedel {Training for libra-
rianship New-York, Lipi)incott, 1921, in-8°), on constate combien
les Américains sont soucieux d'avoir des bibliothécaires bien
informés de toutes choses, possédant une instruction générale
variée et une éducation professionnelle orientée intelligemment.
Un échange de vues amené par cette communication met en
lumière le fait que les bibliothécaires anglo-saxons se préoccupent
attenLivemeiit des (juestions actuelles.
M.V.vuTHiER retrace l'activité de la Rivista de archioos, biblio-
tecas y inuseos de Madrid. Le plan de cette publication est
analysé en détail L'Association trouverait sans doute dans la
revue espagnole d'utiles indications pour le périodique qu'elle
médite de faire parai tre
CHRONIQUE 393
M. ViNCKXT analyse et discute deux douzaines de bibliographies
récentes que les bibliothécaires auront a^vantage à avoir con-
stamment sous la main
M. Hacks ne veut pas remettre en (jucstion le principe de la
clusai fient ion décimiile, mais montrer avec quelle légèi'eté se forme
l'opinion des « antidécimalistes » les plus passionnés.
Dans la revue Ilet Boc'k{l5 octobre 1921 )se lit cette déclaration :
« C'est une chose jugée que pour les grandes bibliothèques srientifi-
que-^i, hi classification décimale <tst tout à fait inutilisable ".
L'origine de cette assertion est une étude de M. Hanson, de
Chicago {Library Journal, 13 février 1921). où il n'est apporté
pour condamner le système décimal d'autres arguments
que des considérations émises par Karl Dziatzko en 1897.
{Die moderncn Bestrebungen einer Generalkatalogicsierung ,
^ Samndung- Bibliotheksivissanschaftlicher Arbeiten, fasc. 11 .
Les critiques de Dziatzko ont un caractère tout théorique, ({ui
empêche de leur accorder la moindre valeur.
L'assemblée adopte enfin deux motions : la première, souhaitant
de voir sui)primer, comme il le fut jadis, et pour les raisons qui
ont alors prévalu, le Conseil de la Bibliolhè([ue royîile, et la
seconde, exprimant le regret que dans l'organisation récente des
bibliothèques publiques, il n'ait pas été fait appel au concours de
l'Association, (jui groupe les spécialistes des principales biblio-
thèques du pays.
'Section des Conservateurs de Musées. — Samedi 4 février.
La séance est ouverte à 2 heures aux Musées Royaux du
Cinquantenaire, sous la présidence de M. le baron de Loë.
Présents : 9 membres
Le mandat des membres du bureau est prorogé ; M. Van den
Ven, secrétaire, ayant quitté les Musées, est remplacé par
M. Macoii'.
La section décide de présenter une série de nouveaux membres
à l'assemblée générale. 11 est décidé également de proposer l'ad-
mission de tous les conservateurs de Musées à caractère scien-
tifique.
M. i,E B.VKox Dii Loi: rapi)elle qu'en 1914, dans une assemblée
générale tenue à Tournai, le titre suivant avait été adopté :
Association des Conservateurs d'Archives, de Bibliothèques et de
Musées. La section demandera à l'Assemblée générale de
reprendre ce titre i)Our l'Association.
La section propose d'inviter l'assemblée générale à constater
avec satisfaction ce qui a été décidé pour le barème des .Archi-
394 CHRONIQUE
vistes et Bibliothécaires, et à demander que les Musées de l'Etat,
dépendant de la direction des Beaux- Arts, soient mis sur le même
pied.
La section émet ensuite le vœu de voir ressusciter le plus tôt
possible le Bulletin des Musées Royaux, le seul lien entre les
Musées et le Public. Il y aurait lieu de faire paraître un numéro
unique destiné à clôturer l'exercice 1914, interrompu par la
guerre, et à annoncer la reprise de la publication du Bulletin sous
un nouveau format imitant celui adopté par les Musées
Américains.
La séance est levée à 4 1/2 heures.
Assemblée générale. — - Dimanche 5 février.
La séance est ouverte à 2 1,2 heures au Cabinet des manuscrits
de la Bibliothèque Royale, sous la présidence de M. le Chanoine
E.. Van Wafelghem, de la section des Bibliothécaires. Sont pré-
sents : 32 membres.
Le président souhaite la bienvenue aux nouveaux membres et
fait des vœux pour la prospérité de l'Association. Il rend hom-
mage à M. Oscar Grojean, appelé au Cabinet du Ministre des
Sciences et des Arts, et l'invite à rester membre de l'Association.
M. Grojean l'emercie et assure celle-ci de son bienveillant concours.
M. A. d'Hoop, trésorier, fait rapport sur la situation^financière
depuis 1914 ; celle-ci est en tous points excellente.
MM. Nélis et Gaspar sont élus par acclamation respectivement
secrétaire-général et trésorier en remplacement de MM. Grojean
€t d'Hoop.
M. TiHON fait rapport sur la séance de la Section des archi-
vistes ; M. Hacks sur celle des bibliothécaires, et M. Macoir sur
celle des Musées.
Abordant la question des publications de V Association,
M. Vincent préconise la publication de fascicules consacrés
chacun à un seul sujet ; certains de ces fascicules seraient de
vrais syllabus facilitant la préparation professionnelle. Après
discussion générale, une commission, composée du bureau de
l'Association, et de délégués des sections, ^IM d'Hoop, Fierens-
Oevaert. Macoir et Vincent, est chargée d'étudier la question des
publications.
La cotisation annuelle est portée à 10 francs à jjartir de l'J22.
M. C. Gaspah attire l'attention de l'Assemblée sur VOeuvre
nationale pour la reproduction des manuscrits à miniatures, créée
récemment à Bruxelles sous le patronage de la Société des Biblio-
philes. Elle vise à i-eprodnire les ])Ius beaux manuscrits composés
CHRONIQUE 395
€11 Belgique ou existant à l'étranger et d'origine belge. La
première publication sera le Livre d'heures de S D. de Hennesy
École ganto-brugeoise), par les soins de M. .foseph Destrée.
M. Victor Tourneur donne une conférence sur les : Archivistes
et Bibliothécaires d'autrefois. Il s'en tient aux bibliothécaires et
archivistes au service de nos anciens souverains, qui dépendaient
en fait des gouverneurs généraux des Pays-Bas. à Bruxelles, et
<les corps de juridiction (Conseil d'Etat, Conseil privé et Con-
seil finance). Il va sans dire que la bibliothèque dont il s'agit ici
n'a rien d'un dépôt public (c'est celle du Palais Royal), et que les
archives sont strictement fermées pour les éiudits. Le sujet,
éclairé par des textes d'archives savoureux, ne manque i)as
d'apei\-us nouveaux, piquants et singuliers. M. Tourneur, familier
depuis longtemps avec les vieux parchemins, fait revivre ses
bibliothécaires et ses archivistes dans leur milieu naturel, leurs
livres, leurs manuscrits, leurs dossiers et leurs grimoires. Un
seul nom émerge de l'ensemble: c'est Viglius, personnage poli-
tique de valeur et homme de lettres ; les autres furent des fonc-
tionnaires zélés ou des personnages falots
La séance est levée à 5 heures.
British Muséum.
Exposition de ])apyrus grecs et latins.
Le 10 mars 1922 s'est ouverte au British Muséum une exposi-
tion de papyrus grecs et latins, donnés à cette institution par
lEg-ypt Exploration Society (jadis Ei^ypt Exploration Fund). La
section gréco-romaine de cette société célèbre en ce moment son
25' anniversaire, l'n guide de l'exposition donne une introduction
générale et des descriptions détaillées des pièces exjiosées. On
remartiue. parmi cette riche série de documents de tous genres,
les Péans de Pindare. les poèmes de Cercid'as et le texte de l'his-
torien d'Oxvrhvnclius.
V Congrès international des Sciences historiques
(Bruxelles, Pâques 1923).
Donnant suite à la proposition qui leur était faite i)ar la Royal
Historical Society et la British Academy, les historiens belges se
sont rcnconti'és à Bruxelles, le diniaiiclu' 2 avi-il, i)Our étudier la
396 CHRONIQUE
possibilité de réunir en Belgitiue le V* Congrès international des
Sciences historiques.
A l'unanimité, l'assemblée a décidé de se charger de la mise
sur pied de ce congrès; celui-ci aura lieu à Bruxelles en 1923,
pendant les vacances de Pâques — vraisemblablement au cours
de la semaine suivant Pâques. U a été constitué un comité orga-
nisateur, dont le bureau comprend : M. H. Pirenne. président;
le R. P. Delehaye S. J. et x\I. F. Cumont, vice-présidents;
M. G. Des Marez, secrétaire-général; M. Ch. Terlinden, tréso-
rier; M. F. L. Ganshof, secrétaire. Le secrétariat est provisoire-
ment fixé à Gand, 7, avenue Saint-Denis.
On sait que les Congrès précédents eurent lieu à Paris (1900),
Rome (1903), Berlin (1908) et Londres (1913).
Pour i)ermettre de juger du champ de leur activité scientifique,
rappelons quelles étaient les sections organisées au Congrès de
Londres : Histoire de l'Orient — Histoire grecque, romaine et
byzantine — Histoire du moj'en âge — Histoire moderne et con-
temporaine — Histoire religieuse et ecclésiastique — Histoire du
droit — Histoire économique — Histoire de la civilisation (phi-
losophie, sciences, doctrines i^olitiques et sociales) — Histoire de
l'art et archéologie — Sciences auxiliaires.
Il va de soi que ce cadre n'est pas immuable et qu'il est suscep-
tible de subir des remaniements. C'est ainsi que dès à présent la
création d'une section relative à l'histoire du monde pendant la
guerre a < té décidée.
Nous tiendrons régulièrement nos lecteurs au courant de l'état
d'avancement des travaux préparatoires au Congi'ès. G.
Aux Archives du département du Nord.
Il m'a été donné, tout récemment, de passer une journée aux
Archives du Xord, et je me fais un devoir — un agréable devoir
— de signaler ici l'exceptionnelle activité que ne cesse de
déployer le conservateur, M. Max Bruchet, pour mettre en valeur
son magnifique dépôt.
M. Bruchet conç^-oit ses travaux professionnels d'une manière
essentiellement pratique et intelligente, en vue de mettre le plus
vite possible à la portée des chercheurs les moyens de découvrir
rapidement ce qui les intéresse. Il a compris que, pour cela, les
répertoires numériques, les index idéologiques, les tables ono-
mastiques, etc., sont d'une utilité primordiale, et, depuis quel-
ques années, il s'est résolument attaché à la besogne, ingrate et
fastidieuse, de dresser de pareils index et répertoires.
CHHONIQUE 397
Les archives de la Chumbre des comptes, tous les historiens le
savent, constituent, avec les f'uncls ecdésiustiques, le gi"OS du
dépôt de Lille. Ces archives n'étaient encore que partiellement
connues et accessibles et il importait d'en rendre la consultation
possible dans le plus bref délai. A cette fin, M. Bruchet vient de
publier un « Répertoire numérique » (i), et il faut le louer sans
réserve de la manière dont il l'a conçu et réalisé. Pas de phrases,
mais des noms de personnes, des noms de lieux, des dates, des
numéros, des indications claires et concises quant au contenu des
fonds. Le tout habilement disposé au point de vue typoj^ra-
phique. Le tout précis et exact.
Les inventaires précédemment publiés de la Chumbre des
comptes s'arrêtaient à la cote B-3665; or. le répertoire de M. Bru-
chet (fascicule I) nous conduit à B-2021G; c'est assez dire quelle
masse de documents figurent là. Et quelle mine merveilleuse que
tout ce fonds! Comme on se sent sollicité ])ar tant de documents
dont si peu a été tiré jusqu'à présent! Et comme on voit aussi,
rien qu'à la lecture des rubriques, combien il reste à faire dans le
seul domaine, par exemple, des institutions du moyen âge! Voici
des comptes de domaines, d'épiers, de cours de justice, de fiefs;
voici des « cartulaires » de rentes, cens, « gavènes », morte-
mains, etc.; voici des comptes de fiefs, de watergravies, de véne-
ries, d'églises, d'hôpitaux, des monnaies, des tonlieux, des
aides, etc.; voici des procès, des plans, des archives seigneu
riales, des « coutumes » ; voici les lettres missines (fonds remar-
quable) ; voici encore des comptes de l'artillerie, des lombards,
des villes, de l'hôtel des i)rinces, etc. Et tout cela, en très grande
partie, concernant nos provinces. Puis, dans le 2'' fascicule, un
tableau synoptique, un index (tables) de 185 pages à 3 colonnes
de petit texte et où les noms sont exactement orthographiés et
soigneusement identifiés ; une « concordance de l'inventaire
Bemay » (il s'agit des k sceaux de la Flandre »), une « concor-
dance de l'ancien tome i » qui fut remanié naguère ('), une « con
cordance de l'inventaire Godefroj- » '*). une « concordance de
l'Etat général de Flandre » ').
En publiant ce « Répertoire .), M. Bruchet a, une fois de plus,
rendu à la science historiciue belge un service éminent Travail-
Ci .\r('liives dciiaili-iiiciitalcs du Nord. Hcpoiluirc iiinncricuie. rédige par
MaxBkiciikt, archiviste du departenieiil, série B. Cliaml>re des cnmples de
Lille. Fascieule 1 : liilroduction, bibliographie, répertoire (i..\vii-r)l.') pages).
Fascicule II : Taldeau syiioplitjue, index et concordances (xxxn-:2o3 pages).
Lille, l>aiicl, 19:21, :2 volumes iu-i».
(-') Cf. Verkiest, Les arcfiives deparfementnlrs du Sonl à Lille, hiiixelies.
1913.
398 CHRONIQUE
leur acharné, consciencieux, averti, connaissant son métier et
Texer^'ant avec amour, désintéressement et altruisme, il peut être
cité comme un modèle. Et nous autres, Belges, nous lui devons
une très vive reconnaissance.
M. Bruchet, inlassable, dépense son activité à de multiples
travaux. Je signale notamment qu'il a entrepris le classement,
toujours différé par ses prédécesseurs, des Archives ecclésias-
tiques, riches surtout de chartriers et de cartulaires magnifiques.
Déjà le fonds de l'abbaye d'Anchin est ordonné et inventorié
sommairement. Et là aussi des mines inexplorées appellent le&
travailleurs.
Léo Yerriest.
Un guide classique en Italie.
C'est une heureuse idée qua eue Miss Frauces Ellin Sabin de
donner aux voyageurs en Italie loccasion de relire commodément,
en parcourant le paj's, les textes classiques qui s'y rapportent.
A propos de chaque ville et de chaque site remarquables elle
réunit les fragments d'auteurs grecs ou latins qui les décrivent
ou racontent les grands événements qui s'y sont passés. Ces
textes sont accompagnés d'une traduction anglaise en prose ou
en vers, judicieusement choisie et contrôlée. Je ne crois pas qu'il
existe de recueil analogue en français. Le succès qu'obtiendra
certainement celui de Miss Sabin lui vaudra sans doute de trouver
en Gaule des imitateurs (Classical Association of places in Italy,
Boston. Marshall Jones, 1921, in-12°, 526 p.).
Les traités de morale d'Aristote
Mgr. Auguste Pelzer, de la Bibliothèque Vaticane, iiublie dans
la Revue néo-scolastique (août et nov. 1921) deux articles — qui
n'intéresseront pas seulement les médiévistes — sur les plus
anciennes « versions latines des ouvrages de morale conservés
sous le nom d'Aristote ". Les conclusions de cette étude très
fouillée, qui repose sur une connaissance étendue et précise des
manuscrits, paraissent définitivement acquises. De la Morale
Eudémienne, sauf la partie qui lui est commune avec la Morale
à Xicomaque, seul un fragment du livre Vil a été connu au
xni'^ siècle : il est inséré dans le Liber de bona fortuna dont le
l'édacteur est inconnu.
La Grande Morale a été traduite par Barthélémy de Messine à la
cour du roi Manfred (1258-12G6). Le traité Des Vertus et des Vices
CHRONIQUE 399
a eu pour traducteur Robert Grosseteste, l'érudit évê(iue der
Lincoln (12l^5-125!i). Quant ù la Morale ù Niromaque on en trouve
d'abord plusieurs versions partielles (livres II-llI et I) sous le
nom d'Ethica oetiis et d'Ethicn nova. Faites sur le grec, elles sont
comi>létées par des traductions dérivées de l'arabe : celles de la
paraphrase d'Averroès et de l'Abrégé dit d'Alexandrie; celles-ci
ont pour auteur Hermann l'Allemand, mort évèque d'Astorga,
qui les termina en 1240 et en 1243 ou 1244. Mais en même temps
s'achevait ailleurs une traduction complète et directe des dix
livres de la Morale à Mcomacjue. C'est encore à Robert Grosse-
teste, et non comme on l'a cru à Guillaume de Moerbeke ou à un
prétendu Henri Kosbien. que revient l'honneur d'avoir mené à
bonne fin cette œuvre considérable entre 1240 et 1243. L'évêque
de Lincoln compléta cette œuvre en faisant passer en latin les
commentaires grecs d'Eustrate de Nicée, de Michel d'Ephèse et
d'Aspasius, et il intercala dans son propre texte de la Morale à
Xicomaque des annotations personnelles et en couvrit les marges
dé son manuscrit. Une partie de ces éclaircissements est emprun.
tée à Surdas et les indications précises que fournit à cet égard
Mgr. Pelzer (p. 393) viendront à point aux futurs éditeurs du
grand lexicographe byzantin.
Rome. — Bibliothèque Vaticane.
La Bibliothèque Vaticane vient de s'enrichir d'une importante
collection de manuscrits et d'incunables ; c'est l'accroissement le
plus considérable qu'elle ait obtenu depuis l'acqui-sition de la
Barberina. 11 s'agit de la bibliothèque formée dans la première
moitié du xix^ siècle par Giau Francesco de Rossi qui, ayant
épousé Louise Charlotte de Bourbon, dont il avait commencé par
être le majordome, consacra une i)artie des revenus de sa noble
épouse à satisfaire sa passion pour les beaux livres. II acheta
notamment au Collège Capranica la précieuse collection qu'avait
léguée à celui-ci en 1458 le cardinal de ce nom. Lorsque Rossi
mourut en 1854 sa bibliothèque fut donnée par sa veuve aux
Jésuites et après 1870 ceux-ci la transportèrent à 'Vienne. Elle est
enfin revenue dans la ville où elle a été formée et sera désormais
au Vatican accessible à tous les érudits. 11 suffira, pour donner
quehjue idée de sa valeur, de rappeler qu'elle comprend une
cinquantaine de mss. grecs, plus de onze cents mss. latins, dont
dont beaucoup sont ornés de miniatures, et deux mille cinq cents
incunables. Le préfet de la Vaticane, Mgr. Mercati, avec un
-iOO CHRONIQUE
empressement libéral, a aussitôt pris les mesures nécessaires
pour que ce trésor fût mis à la disi)Osition des savants. Il existe
des catalogues imprimés des mss. grecs et des mss. à miniatures
et un inventaire soigné des mss. latins.
Le vieux calendrier romain.
Des fouilles exécutées par M. Gioacchino Mancini sur la i)lage
d'Antium lui firent retrouver un petit édifice, dont le crépi,
réduit en menus fragn)ents. était couvert de caractères latins. Il
recueillit ainsi trois cents morceaux de ce cju'un examen plus
attentif montra avoir été un calendrier accompagné de fastes
consulaires M is ce qui donna à cette découverte une importance
singulièi-e, ce fut la constatation que ce calendrier romain était
le plus ancien que l'on connût, et antérieur à la réforme de Jules
César (46 av. J. C ', c'est-à-dire qu'il est essentiellement celui
dont on attribuait la j^aternité au vieux roi Numa II était formé
de 355 jours répartis en douze mois de 29 et de 31 jours et l'on
introduisait tous les deux ans un treizième mois (Mercedo/iiiis)
jîour rétablir un accord approximatif avec l'année solaire. Ce
mois venait se i)lacer le 23 février au moment où, dans le calen-
drier Julien, on intercale le jour supplémentaire des années
bissextiles (bissextus mite Kalendas Mavtias). Sur la paroi de
l'édifice ruiné, les mois étaient disposés en colonnes parallèles
et à certains jours sont indiquées des fêtes qui n'apparaissent
pas dans les calendriers postérieurs. Les fastes, où les noms des
consuls sont notés en noir et ceux des censeurs en rouge, couvrent
la période qai s'étend de 113 à S2 av. J. C , et ils comblent une
lacune des Fastes Capitolins. Calendrier et Fastes viennent d'être
publiés avec un commentaire plein d'érudition par M. Mancini
{Calendario e Fasti consolari e censorii. Rome, Tipogr. Accad
Lincei. 1921)
Alfred Gauchie
(24 octobre ISGO — 10 février 1922)
Le 10 février, le clianoine Alfred Caucliie, professeur à ITni-
versité de Louvain et directeur de l'Institut historique belge à
Rome, est mort dans cette dernière ville, victime d'un accident
de voirie. Renversé, au Largo Argentina, par un attelage, il eut
le crâne fracturé et mourut le lendemain matin à l'hôpital du
Saint-Esprit.
CHRONIQUE 401
Cette mort tragique a consterné tous les amis du défunt, et,
comme le disait un de ses disciples, le R. P. E. de Moreau, elle a
l'ait verser des larmes à des yeux (|ui, depuis longtemps, n'étaient
plus habitués à pleurer. C'est que le chanoine Gauchie, savant
de grande valeur et initiateur intrépide, avait su conquérir le
res])ect, sinon l'affection de tous par la loj'auté de ses efforts
scientifiques, sa bonne humeur, sa jovialité et son amitié franche
et durable. Chose rare poui- un homme d'études, il était devenu
pojjulaire dans tous les milieux où l'on avait vu apparaître sa
l'obuste figure, où l'on avait entendu sa grosse voix un peu
pâteuse et où avaient retenti ses éclats de rire larges et sonores.
Il ne fallait l'avoir frécjuenté que peu de temps pour reconnaître
de suite en lui l'homme dont l'uniciue but était la recherche et
l'affii'mation de la véi'ité. C'est là ce qui explique que le chanoine
Cauchie, prêtre et professeur à l'Université catholique, était
honoré de l'estime de tous ceux de ses collègues qui ne parta-
geaient point ses croyances ou différaient de lui par leurs opi-
nions philosophiques. Tous l'aimaient parce <iue tous avaient fini
par découvrir en lui un cœur d'or, un ami sûr et fidèle. Enfin, sa
loyauté scientifique allait de pair avec la sainteté de sa vie de
prêtre, et cette sincérité de ses convictions sacei'dotales n'en
imposait pas moins que son culte désintéressé de la vérité.
Dans un organe comme la Revue beli^e de philologie et d'hisloirc.
c'est sui'tout la place (ju'Alfred Cauchie a i)rise dans le mouve-
ment historique national <iui doit être mise en lumière. Xous ne
parlerons donc point du professeur et du rôle particulièrement
actif et influent qu'il a joué à l'Université de Louvain, si ce n'est
pour autant ([ue ce rôle est de nature à mieux faire comprendre
comment le regretté défunt contribua à la marche progressive de
la science historique en Eelgiciue.
Comme historien, Alfred Cauchie occupa en Belgique une place
à part. iSans vouloir trop systématiser, nous croyons cependant
pouvoir dire que l'Université de Gand produisit surtout des tra*
vaux d'histoire constitutionnelle et écoiiomi<jue. celle de Bruxelles
des travaux d'histoire du droit et d'histoire ])oliti(iue, celle de
Liège des études consacrées principalement à l'histoire de l'an-
cienne principauté de ce nom. A Louvain. Alfred Cauchie s'occupa
surtout et engagea ses élèves à s'occuper d'histoire ecclésiastiiiue
et des rapports entre l'Église et l'État.
Il y fut amené tout naturellement par son enseignement. Pro-
fessant il la fois à la Faculté de Philosophie et Lettres et à la
Faculté de Tliéologie. il avait une charge fort lourde. 11 avait
•26
402 CHRONIQUE
succécli' au fhauoine .Tungraaun {-f 1895) comme professeur (l'his-
toire ecclésiastique, il avait créé lui même un cours d' « Introduc-
tion à l'histoire ecclésiastique » — véritable cours d'encyclopédie
— et il avait transformé en un vaste organisme triparti te l'ancien
« Séminaire d'histoire ecclésiastique » de Jungmann (t), destiné
surtout à familiariser avec la critique des sources les étudiants
en droit canon.
Esprit d'ordre et de systématisation, le chanoine Gauchie avait,
dès le dél)ut, évité l'éparpillement de forces que semblait devoir
produire le nombre des cours dont il était titulaire : Exercices
critiques sur l'histoire, critique historique et application à une
période de l'histoire, institvitions du moyen âge, histoire de
l'Église, introduction à l'histoire ecclésiastique. 11 ne laissa
point subsister de cloison étanche entre son enseignement à la
Faculté de Théologie et celui qu'il donnait en Philosophie et
Lettres, et, concentrant ses efforts sur les cours pratiques, il fit
du « Séminaire historique » — une de ses principales créations —
le laboratoire commun où étudiants ecclésiastiques et étudiants
laïques travailleraient sous une même direction et se coudoie-
raient dans une camaraderie très utile pour leur information
réciproque.
Ce « Séminaire histoi-ique », créé en 1890 sur le modèle des
cours })rati(|ues inaugurés à Louvain par Jean Moeller et intro-
duits à Liège par Godefroid Kurth, présente ceci de particulier :
il compoi-te trois sections : les Conférences historigup.s, les Exer-
cices critiques sur les sources, le Cours pratique d'institutions
médiévales. Les « Conférences historiques » ont surtout pour but
d'initier la généralité des étudiants en théologie au travail per-
sonne], sans y consacrer le temps qu'exigent les travaux cri-
tiques sur les sources; elles concourent à parfaire la formation
historique des élèves pour lesquels l'histoire n'est qu'une branche
auxiliaire. Les « Kxercices critiques sur les sources » — la sec-
tion du Séminaire historique (jui continue en réalité le Séminaii'e
de Jungmann - groupent les étudiants en droit canon et les étu-
diants laïques qui i)réfèrentla matière de l'histoire moderne pour
leurs travaux personnels. On s'y applique à toutes les o})érations
du travail histori(iue : heui"isti(iue, criti(|ue, construction et .syn-
thèse, alors <iue les « Conférences historicjues » apprennent sur
tout à utiliser et à critiquer les auteurs ou, si l'on veut, les travaux
modernes. Enfin, le « Cours pratique des institutions médiévales »
est destiné à donner aux étudiants de la Faculté de Philosophie et
(1) Voir, sur ce cours, Hoiuniatjc à Godefroid Kurth à l'occasion du
\ A' V"" anriiversdirr de ht fmdalio» de soji cours pratupie d'irisloire, p. 111.
CHRONIQUE 403
Lettres la iiièine fonnation (jne reeoivcut, dans la seconde sec-
lion, les étudiants en droit canon Ce (jui j)lus est, les membres
d'une section ])euvent suivre les travaux de l'auti-e. et cette
interdépendance des trois sections du « Séminaire historique » (*)
a comme conséquence de donner aux étudiants laùiues se prépa-
rant au doctorat des notions élémentaires, sinon étendues, de
droit canon et d'institutions ecclésiasti(|ues. C'est là un avantage
«jue seul le « Séminaire lnstoi"i([ue n de Louvain est en état de
fournir aux aspirants historiens.
Ce travail en commun d'étudiants ecclésia$ti(|ues et laïques
explique, tout autant (jue l'enseignement principal d'Alfred
Cauchic, })Oui'([Uoi le (( Séminaire » de Louvain a, dans l'ensem-
ble, ])roduit de nombreux travaux d'histoire ecclésiastique, et
])our(iuoi nous nous sommes cru autorisé à dire que c'est là ce
([ui caractérise l'action d'Alfred Cauchie dans l'ensemble de la
])roduction historique des universités belges.
Ce serait cependant sous-évaluer considérablement le rôle
d'Alfred Cauchie comme directeur du « Séminaire historique » de
Louvain que de restreindre le tableau de son activité à l'hisloire
ecclésiasti(iue Ce (jui caractérisait, en effet, le regretté défunt,
c'était l'universalité de ses connaissances, son esprit progressif
et ses merveilleuses qualités d'assimilation et d'adaptation.
Dès lors, Alfred Cauchie a familiarisé ses étudiants avec
l'histoire des pays les plus divers et les a lancés dans l'étude des
branches les plus variées de l'histoire spéciale. Si l'histoire
ecclésiastique comme telle avait ses préférences, il ne négligeait
point l'histoire économique, l'histoire des institutions, l'histoire
des sciences et des lettres, et même il a dirigé avec une remar-
(juable compétence des études sur l'histoire de l'art (*).
C'est cette variété de sujets, au milieu descjucls il se mouvait
à l'aise, qui mérite d'être particulièrement signalée comme un
des grands mérites du professeur de Louvain. Qu'on nous per-
mette dès lors d'aligner ici, à titre d'exemple, l'objet de quelques
(1) Voir ;'i ce siijcl yHoinntdi/e l'i (lodcfroid Kiirth, déjà cite, p. 13.^ svv. ;
A. (-AiCHiE, The teachiny nf Histvri/ ut l/ie Univcrsiti^ itf Louvain, dans Tfie
('.atltulic Univeisity bulletin (\Vashiii{îlon), t. XIH, 1907, p. 516 svv. Voir aussi
la plaquette Le Séminaire (iist(»i(iue, Louvain, Cli. Peelers, IflOiî.
(■-) Voir la dissertai ion de R. Lemaikk, Len ori(fines du style yot/ii(/ite en
liialiant.T. I. L'arcliitertiife rotnane. {Vii6L-\cvi\(} li du " Recueil «les travaux
pultlifs par les membres des Couloreiices d'histoire et di- philologie ».)
itruxelies, IDOG.
404 CHRONIQUE
■études faites au « Séminaire historique » de 1902 à 19 li" : on sera
étonné de constater Textrênie variété et la richesse des études
produites sous la direction d'Alfred Gauchie (').
Signalons d'abord, pour les « Conférences historiciues », l'étude
de i. épotjue de la Réforme, qui provoqua des travaux sur la
théorie de la justification chez Luther, Tetzel et la prédication
des indulgences, Luther et la Bible, Mélanchton, la confession
d'Augsbourg. Bossuet et son livre sur les variations protestantes
{i;)()2-1903). L'année suivante, on étudie la Réforme catholique
après les troubles du Protestantisme, et voici les études aux-
quelles se livrent successivement les étudiants : Michel Eaius, la
théologie positive du Père Petau, Saint Charles Borromée, les
opinions de Bellarmin sur les rapports entre 1 Église et l'État, le
probabilisme dans l'Eglise catholique, l'histoire de l'Index.
Yeut-on savoir comment travaille la section du « Cours pra-
tique des institutions médiévales » ?
Voici les sujets traités en 1904-1905 : l'hagiographie mérovin-
gienne eu Belgique, Saint Jean Chrj'sostôme et son influence
dans le monde latin, les polémistes et la querelle des Investi-
tures, l'histoire de l'abbaye de Villers, les Cathares, le mouve-
ment franciscain au xiir siècle, la littératui'e franciscaine
primitive, les origines de l'Ordre des Frère.-- Prêcheurs, l'Inqui-
sition, les corporations de îs^amur aux xiii" et xiv« siècles, les
institutions charitables des Pays-Bas au moyen âge.
En 1912-191.3, à la section « Exercices pratiques sur les sour-
ces ». on s'attela à l'étude des questions suivantes : La situation
juridique de l'Église dans les Paj'S-Bas sous l'ancien régime, la
propriété ecclésiastique et les immunités fiscales, l'organisation
de la dîme à la fin de l'ancien régime, la condition juridique des
ordres religieux dans les Pays-Bas à l'époque moderne, le Murs
Gallicus de Jansénius.
Le meilleur moj-en, toutefois, de se rendre compte de l'univer-
salité des sujets abordés par les disciples du chanoine Cauchie,
c'est de parcourir la liste des travaux publiée dans le « Recueil
<ies travaux i)ubliés par les membres des Conférences d'histoire
et de philologie de l'Univer.sité de Louvain », qui en est aujour-
d'hui à son quarante-sixième fascicule, et où l'histoire de France,
d'Italie. d'Angleterre, d'Allemagne et d'Amérique est représentée
aussi bien que notre histoire nationale.
0) Voir les « Rapports du Séminaire historique » de 1902-4903 à 191â-i913
dans Y Annuaire de l'I'nUersité calliolique de Louvain. (I.ouvain, Van Lintliout,
pul)li(;ati(>n annuelle. )
CHRONIQIE 405
L'action tlu cluuioine Cauchie ne se fit pas sentii- seulement à
Louvain même : elle s'étendit jjIus loin et, partout où elle se
manifesta, elle fut féconde. En lHK8-lSSÎt, Alfred Caucliie avait
été envoyé par son évéciue. Mgr Du Kousseaux. en Italie i)()ur
s'y livrer à des recherches aux Arcliives vaticanes et dans les
autres dépôts littéraires de Ronie.
Ce fut, pour resi)rit ouvert tiu'étail le défunt, une véritable
révélation. Il comprit de suite (piels trésors Rome et l'Italie
recelaient au point de vue de notie histoire nationale, ('e i)re-
mier voyage fit d'Alfred i auchie rexi)U)rateur infatigaljlc qui
allait travailler désormais à reconnaîti-e et aussi faire reconnaître
])ar ses élèves les terrse incognitœ des grands dépôts d'archives
de l'étranger.
C'est ainsi que naquit chez lui l'idée d'obtenir du Gouverne-
ment l'érection à Rome d'un Institut historique belge. Déjà
en 1889, le regretté savant développa cette idée : elle ne fut
réalisée qu'en 1902 par feu Jules de Trooz, alors ministre de
l'intérieur et de l'Instruction publique. Ce fut surtout la bro-
chui-e De lu création d'une École bel^fe à Rome (Tournai, 181)6) qui
exerça une influence décisive sur l'esprit du Gouvernement et
décida le Ministre à créer une Ecole belge à l'instar des autres
Instituts nationaux existant à Rome. Alfred Cauchie y disait,
entre autres (p. 64-()5 : « Ou peut le dire sans exagération, Rome
est devenue la métropole, la cajjitale des études historitiues.
Quelle utilité donc n'y aurait-il pas pour notre pays à y députer
(pielques-uns des siens ? Il y a là non seulement matière à des
travaux considérables, il y a là un milieu scientifique éminem-
ment salutaire au jeune historien (jui, tout en s'adonnant au tra-
vail personnel, désire se préparer soit aux fonctions d'archiviste,
soit à la carrière professorale dans l'enseignement supérieur. La
Ik'lgique ne peut donc rester étrangère à ce mouvement inter-
riational. Il y va de ses intérêts les plus chers. »
Kn mettant en relief la nécessité de l'Institut liist<)i'i<iue belge,
Alfred Cauchie pouvait invoquer son expérience personnelle.
Chargé à diverses reprises de missions scientifiques en Italie,
sous les auspices de la Commission royale d'histoire, il en rap-
porta des trésors qui enrichissent considérablement l'histoire de
Belgique : les ■< Archives farnésiennes » de Najiles et de Parme,
les « Nonciatures » au dépôt du Vatican, les })apiers de Roita-
.\dorno et de Belgioioso à Milan servirent de matière à des
publications variées et inspirèrent plusieurs travaux de ses
élèves. Il attachait surtout de rimi)ortance aux « Nonciatures »
et un explorateur d'archives américain, le professeur Russel
Fish, a rendu justice aux efforts du défunt en ce domaine en
406 chroniqt:e
affirmant que ce sont les Belges (jui ont fait le i)lus pour faire
connaître cette source capitale de l'histoire moderne (*).
Devenu membre de la Commission royale d'iiistoire, le chanoine
€auchie continua à appeler l'attention sur l'importance des
recherches à entreprendre dans les dépots d'archives de l'étran-
ger. Le rap])Oi't qu'il soumit à ce sujet à la Commission est
remarquable : il coueenie L'orgunisalion de niifisiuns scientifiques
en vue de répertoriser ù l'étranger les documents diplomatiques
relatifs à Vhistoire de Belgique {-) et met vivement en lumière que,
<( si la Belgique doit regretter bien plus que les grands Etats de
ne pas posséder chez elle une partie considérable des sources de
son liistoire moderne », c'est pour elle une nécessité impérieuse
d'organiser des missions de recherclie à l'étranger.
Cet appel fut entendu, et, on se le rappellera, des missions
furent oiganisécs avec, comme but, Rome, Xaples, Parme,
Simancas. Vienne. Lille et Paris.
*
* *
Il ne nous appartient pas de signaler ici le rôle (}ue le chanoine
Cauchie joua au sein de la Commission royale d'histoire: ses
confrères s'en chargeront dans les Bulletins de cette institution
scientifique. Mais nous ne sortirons point du cadre que nous nous
sommes tracé en rai)pelant la part importante que le défunt a
prise aux divers congrès d'histoire, soit internationaux {^), soit
nationaux. C'était pour l'homme éminemment sociable et expansif
qu'était Alfied Cauchie une joie profonde que de prendre part
aux congrès organisés par la « Fédération historique et ar(;liéo-
logique de Belgiciue ». dont on a repris la tradition, brisée par
la guerre. 11 y retrouvait ses collègues et amis des autres univer-
sités; il y revoyait de vieilles connaissances: il s'y distrayait
dans les agapes fraternelles et les réunions; il finissait toujours
par faire quelques stations dans les cafés de l'endroit, en compa-
gnie de confrères, et il s'y livrait tout entier, inter pocula, racon-
tant des (; bons mots », taijuinant les na'ifs ou les gens suscei)tibles.
instruisant souvent, égayant toujours tout le monde. Dans ces
réunions, Henri Pirenne, (Jodefroid Kurth et .Alfred Cauchie
formaient une trinité bien intéressante et lorsque 1 excellent
(') Voir le Hvr(3 de Ki ssKr.i. Fisii, Guide In Un- tittderiids for Àmcriitin
llistonj in liomari tind oUirr Unliim (irrhirrs. W:i,sliiii^l liMI. (l'uldic.ilion
de la r.;iniej;i(; Instiliition.)
(-) liullciin de ht Cntiimissùw n>i/(de d'Iiistoiif, t. I.XXIll. 1!H)'(.
(3) C'csl an ;-$'■ Coii-iPÙs scieiililiqiic iiilonialioiial des calholitiiies tenu ;i
Bruxelles en l,S94- (|iiAII'red «lanchie lit ("onnaître les jinpiers de Hoita Adorn...
si importants puni- le rèj^ne de Marie- Iliérese.
CHRONIQUE 407
Paul Fre(lei'ic(i s'y joij;iiait, il ne fallait •iuùi-e attendre lonj^tenips
pour entendre les éclats de rire fuser et les exclamations jaillir.
Ces congrès furent pour Alfred Cauchie l'occasion d'appeler
l'attention sur certains ])i-t)l)lènies négligés, de faire connaître
des sources ou des collections de sources, de suscitei* l'iniative
en faveur de telle ou telle entre])rise d'imi)ortance générale.
Ainsi, au Congrès de Gand, en 1907, il insista sur l'iinpoi-tance
des archives farnésiennes ; au Congrès de Liège de 1010, il
rappela l'utilité des archives privées de l'étranger; au Congrès
de (iand de 10!.*{ il exjjosa l'intérêt de l'étude du janséuisnie en
Iîelgi(|ue. dans l'espoir de provocjuer des travaux dans ce
domaine. Ici aussi, l'univci-salité des connaissances du défunt fut
r«^mar<[uée en toutes occasions, et il se mt)ntra toujours un
initiateur.
La (juestion de linveutorisalion des petites archives, qui
s'imposa à l'attention des historiens quehjues années avant la
gueri-e. grâce à l'initiative de M. H Pirenne, trouva en Alfred
Cauchie un zélateur et un propandiste actif. Il prit une part
iini)ortante aux discussions que cette question souleva lors des
différents congrès de la u Fédération historique et archéolo-
gijjue » et, par l'influence qui! exerçait dans le monde ecclc';-
siastique belge, il parvint à faire réaliser ce travail d'inventaire
dans certains diocèses où il pouvait compter sur le concours
dévoué de ses nombreux anciens élèves. Il est intéi-essant de
signaler à ce sujet le rapport présenté par l'abbé .T. Paquay à
r « Association des anciens membres du Séminaire historitiue de
Louvain » en 1012.
Xous sommes ainsi amené à dire queUpies mots de l'influence
que sut exercer Alfred Cauchie au point de vue scientificiue dans
les milieux du clergé belge. Dans ces milieux, il pouvait compter
sur de nombreux anciens élèves qui, tant en Flandre qu'en
Wallonie, continuaient dans la mesure de lenrs moyens à s'oc-
cuper d'histoire, entretenant la vie des cercles archéologicjues
locaux ou régionaux, collaborant aux revues comme Leodiuni,
les Annales de la Société d'Emulation de Bruges, etc. Le chanoine
Cauchie s'efforçait de les encourager, de les aider, de maintenii'
chez eux le feu sacré, en leur demandant de collaborer à la revue
fondée par Reusens, les Amilcctes pour servir à l'histoire ecclé-
siastique de la Belgique. En 1000, il allait offrir à ces « anciens »
roccasion de reprendre un contact plus intime avec Louvain. en
créant la Revue dliistoire ecclésiastique. Cette Revue est, avec le
(( Séminaire historiciue », la i>lus belle entreprise du défunt.
408 CHRONIQUE
Nous iiavons }i;uère besoin de l'appeler ici rexcollence de cette
l)ublic'ation : les milieux scientifi(iues les plus îiutorisés d'Alle-
magne. d.An}:;leteiTe. de Fi-ance. d'Italie, d'Autriche, d'Espagne
et d'Amérique ont maintes l'ois rendu hommage à cette oeuvre de
grande envergure. Ce que nous désirons mettre ici en relief,
c'est le rôle que. dans la pensée d'Alfred Gauchie, cette Riviie
devait jouer ])our la formation intellectuelle du clergé belge.
Comme le disait le défunt dans son article-programme : Les études
iVhistoire ecclésiastique (i), « [II] apparaît non seulement pour les
classes supérieures, mais avant tout pour le clergé, la nécessité
d'une forte culture scientifi(iue et notamment d'une forte culture
historique. Il importe (jue son éducation commencée au collège
et continuée soit dans les séminaires, soit dans les scolasticats
des congrégations, soit aux universités, se poursuive et se pro-
longe à travers toutes les étapes de son ministère : il est dange-
reux de s'en remettre toute sa vie aux connaissances ac([uises
pendant les années de formation sacerdotale et professorale. »
Cette vérité-là, Alfred Cauchie l'a prèchée toute sa vie au clergé
belge, et si celui-ci compte dans ses rangs tant de travailleurs
sérieux, c'est surtout à l'influence du maître de Louvain qu'on le
doit. Signalons surtout les efforts du défunt j)Our introduire
dans tous les diocèses de Belgique l'œuvre de la rédaction des
monog-raphies paroissiales (2), d'après un plan uniforme établi à
Louvain, et la belle entreprise, destinée à rehausser le niveau de
renseignement libre et connue sous le nom de Collection belge de
manuels d'histoire. Le comité de rédaction de ces manuels — ceux
qui ont paru sont excellents — est composé de MM. P Demeul-
dre. A. Kempeneer, A. Pasture, V. Schollaert. J. Warichez,
A. Wauthy, membres du clergé belge, et M. C. Leclère, pro-
fesseur à l'athénée de Liège, tous anciens membres du Séminaire
historique.
Le chanoine Cauchie a donné au clergé belge un magnit'i(iue
exemple de travail et d'honnêteté scientifi(]ue : nous esj)éi'ons
qu'il ne sera j)oint oublié.
Le défunt était un membre fidèle de la « Société pour le ])ro-
grès des études philologiques et histori(iues n. Il assistait régu-
(*) Hevne d'histoire rcclvsixsllii'tc. I. I, fasciiiile 1 (1900), p. :27-28.
(■') Voir le « Rapport sur les pclilcs arcliivcs et moiio^iMpliios | nroi.ssialcs »
(|ui se trouve dans le Bulletin de t'Assoriatii)n des itiiciens tneinlires du Svmi-
naire kistoriqiir, 1912 (Louvain, IÎ)I2) el dans le louic WXVIIl (\rs A/ndecIcs^
pour serrii- à l'histoire ecclrsiastit/ite de ta liet(/l(/iie.
CHRONIQUE 109
lièrement aux séauces et y prenait souvent la i)ar()l('. Ici encore,
son action s'est caractérisée par des initiatives fécondes, des idées
(ju'il lançait dans l'espoir de provo<|uer des travaux, des ])lans
d'étude ou de travail ([u'il ])roj)Osait à 1 attention de tous.
C'est à ce titre que la Revue belge de phUologic et d'histoire
— organe de la « Société » — se devait de lui payer un tribut de
reconnaissance et de rappeler son souvenir. La mémoire de ce
travailleur achai'né, de cet orjajanisateur incomparable, de cet
homme de cccur et de ce saint pi-êti-e lestera en bénédiction :
il survit dans ce que Dom Ursnier Berlière a si justement ai)pelé
w sa postérité intellectuelle » {-).
Louvain. Lkox Van dkh Essen.
Alexis Lallemand
(1H40 l'J'il)
Le VA mai dernier est décédé à Gand, dans sa 81" année, Alexis
Lallemand, i)rofesseur honoraire d'histoire et j^éo^raphie à
l'Athénée de Bruxelles.
Né à Moutfort (hameau d'Esneux-s/Ourthe), A. Lallemand fit
ses études moyennes à Saiut-Trond et conquit le diplôme de
docteur en philosophie et lettres à l'Université de Liège, en 1867.
Il donna toute sa carrière à l'enseignement moyen, occupa succes-
sivement les chaires de grec et d'histoire au Collège communal de
Nivelles, d'histoire et géographie aux Athénées de Bruges (1871-
1880). de Gand (1880-1889) et de Bruxelles (1889-1902).
lCs])rit lucide et méthodique, travailleur probe et tenace, il
publia un cours complet de i^-éographie et toute une série de ma-
nuels historiques à l'usage des Athénées et lOeoles moyennes,
régulièi'ement remaniés et tenus à jour, (jui sont demeurés d'ex-
cellents instruments de travail. Nous citerons notamment : His-
toire de l'antiquité. 4^ éd. illustrée ; Cahiers d'histoire [Antiquité,
3* éd. ; Moyen âge, 4* éd. ; Temps modernes et contemporains,
3* éd.; Histoire de Belgique, 2" éd.) ; Précis de l'histoire universelle
(en collaboration ; 2 vol. ; 3'' éd.) ; Petite histoire de Belgique
(4* éd.). Les grands faits de l'histoire contemporaine (éd De Boeck;
*J3.") pages^ viennent d'atteindre la /u///iè/;(t' édition (1921) ; ce petit
ouvrage est un modèle de concision et d'exactitude objective;
(-') .Xrliclc iiccriilo^iqiie dans /.? /{((/>/></ de (;ii;n-lei'-i. On houvcia la hililio-
};ia|i!iie (hi (iéfuiil dans li's l'' cl (}' su|i|ilénicnls de la liiliiiiitjriipliii (nudriuiiiiie
|uil»lic)' par riniviTsili' de l.niivaiii.
410 CHROXIQîE
feu A. Fierens, Inspecteur de l'Enseignement moyen, en avait
fait une adaptation en langue flamande, qui a eu elle-même plu-
sieurs éditions (la dernière, en 1921). D'autres maniids historiques
d'A. Lallemand ont été ti-aduits de même en flamand par le
professeur Roumen.
A. Lallemand a édité en outre, en collaboration avec W . De
Vreese : Documents fondamentaux de riiistoire de Delifique
(chartes, édits et actes diplomatiques',, Liéf^e, H. Dessain, in-S",
280pa{îes.Il fut en 1909, lauréat du Cercle \ei-viétois de Bruxelles
et son ouvrajre couronné : La lutte des Etats de Liège contre la
Maison de Bourgogne. i;i901492, Bruxelles, A. De Boeck, in-S»,
159 pages, est une des meilleures vulgarisations qui aient i)aru,
en ces vingt dernières années, dans le domaine de l'histoire
A. Lallemand collabora. jusque dans les derniers temps de sa vie, à
plusieurs périodiques savants et. Wallon de cœur comme de race,
il fut au nombre des correspondants les plus fervents du Diction-
naire Wallon, dont il enrichit les matériaux d'approche de con-
tributions précieuses
Km. Doxv
Jean Lesquier
1879-1921
Les papyrologues français ne pouvaient manquei- de réi)ondre à
l'appel des fondateurs de la nouvelle Revue de philologie et d'his
toire. Il leur est agréable de resseiTer ou de nouer des relations
toujours plus étroites avec les savants belges. Malheureusement
cette collaboration doit être inaugurée par un article nécrolo-
gique L'un des nôtres, le plus actif d'entre nous, Jean Lesquier.
n'est plus. Il a lutté douze ans, avec une lucidité calme, contre un
mal impitoyable, sans cesser de travailler et de produire; et
après ces douze ans de labeur et de souffrance, ai)rès cette courte
carrière de recherches heureuses et d'amertume poignante, gar-
dant jusqu'à l'ultime seconde sa pleine conscience et sa grande
âme, le 28 juin dernier, notre ami, sans révolte, a glissé stoïciue-
ment dans la mort. Nous écoutons tristement nos souvenirs.
11 n'est point pour nous de tâche plus impérieuse, il n'en est
point de plus pénible que de retracer les étapes de sa splendide
et brève existence de savant. La réputation de Jean Lesquier
était universelle dans le monde des érudits attachés aux études
égyptiennes. Il était en relations de science et d'amitié avec les
CHRONIQUE 411
papyrologues d'AiigleteiTc, dltalic. de Russie. (rAutriclic: il
corresj)oii(lait, avant l'.n4, avec les professeui's alleinaiuls. C'est
notre devoir de dire qu'il eût avec joie aj)porté sa collaboration
à la Renne heh-e d'Hintoire et de Pliil<>U>gic.
Jean Lesquier eomnienea ses études au C'ollèye de Lisieux. sa
ville natale; il les continua à Paris, à l'Eeole Bossuet. au Lycée
Louis-le-(ii"and et les termina à l'Ecole Xormale Supérieure, où il
entra à la suite du coneoui's de 1900. Très vite, il se spécialisa
dans les questions d'histoire ancienne. Sous l'impulsion de son
maitre, M. G. Blocli, « un de ces maîtres pour qui l'enseignement
est l'amitié » ('), il s'orienta vers l'égyptologie gréco-romaine, à
laquelle dos fouilles fructueuses venaient do donner un renouveau
d'atti-ait et d'actualité. Soutenu par les documents anciens et nou-
veaux, l'élève composa avec clarté et concision, sous la direction
du maître, son premier travail original, un diplôme sur Le recru-
tement de l'armée romaine d'Egypte au /•'" et au II"^ sièc e. esquisse
fragmentaire du livre admii'able ([u'il })ul)lia en 1918. Agrégé
en l\)0'A, Les(iuier fit. on mission officielle, deux séjours à Berlin.
Il y suivit, sans laisser entamer sa personnalité, les savantes
le^-ons des papyrologues allemands, entre autres celles de M. Paul
M. Meyer. sur le conseil duquel il étudia Les actes de dioorce
^•récuégyptiens{^). 11 collabora aussi j)ar l'édition de plusieurs
textes aux Berliner (Iriechische Urknnden. Rentré en Franco, il
fut nommé professeur au Lycée dé Saint-Quontin. ("était réj>oque
où Pierre Jouguet, revenu d'Egypte avec une bollo moisson de
papyrus et d'oslraoa. engrangeait ses collections à l'Université
do Lille. Initiateur zélé ot bienveillant, Jouguet avait eu le mérite
d'instruire et d'entraîner ([uelcjucs élèves; Lesquier vint,
empressé, se joindre au i)etit grou|)e. Ainsi fut fondé l'Institut
papyrologicjue de Lille et comuionça la jjublication des Pupy-rus
jurées de Lille Lo pi'omioi- fascicule i)arut en 1907 sous les signa-
tures do Jouguet et de Losciuior. .Auparavant ils avaient donné
communication à l'Académie des Insci'ii)tions et Belles-Lettres
du plus important de ces textes : Plun et deris de IraïKinx de
Fuji 27 de l'tolémée Philadelphe ("'). Le deuxième fascicule,
Lesquier le i)ublia avec moi en 190-^, après que nous eûmes pré-
senté à r.Académie, ])ar l'intermédiaire de .M. Bouché-Leclercq,
le pins beau papyi'us du recueil : Frui^ment d'ioi code ') Dans
(') Jean Los(|iiici'. Anin'i- Ihnnnhie, l'iôracc. in /Irif.
(-') Ret\,lp Phil. I. \\\, |.. ■\m. I9(lt;.
(3) Séance ilii i:! juillet t'.MIC).
C) Séance ilii 17 jaiivief l'.tOX.
4lL^ CHRONIQUE
l'entre-temps, notre ami i)assHit au Lycée de Douai, puis, sur la
demande de M. Cliassinat et la désignation de notre commun
maître et ami .longuet, il s'embanjuait jjour l'Egypte et faisait,
de février à avril lilOH, une campagne de fouilles à Telineli-
Acoris. Ses recherches, entreprises après celles de MM. Jouguet,
Lefebvre et Bary sur le même site, ne donnèrent pas de papyrus,^
mais il déblaya d'intéressantes constructions. Son rapport ('),
fait surtout au ])oint de vue topographiciue et ai-chéologique, est
un modèle d'exposition modeste et i)récise ; tout fouilleur débu-
tant fera bien de le lire avant de se présenter sur le terrain.
Nous arrivons au moment fatal : un Iiasard aveugle, la location
d'une chambre malsaine, fait qu'à 28 ans, au moment de passer
des promesses aux réalisations. Lesquier contracte le germe du
mal odieux qui allait lui compter, à une si brève mesure, le reste
de ses jours Le malade sait la vérité et. au lieu de sombrer dans
le désespoir, il organise la vie ralentie qui lui est permise. Plus
de v(îjag-es, plus de fouilles, plus d'enseignement; la retraite pai-
sible est nécessaire, mais retraite fébrilement studieuse, retraite
dont chacjue minute est dense de travail et de vie De cette
période, par un miracle de volonté, datent les œuvres maîtresses
de Lesquier; ses thèses d'abord, Lt'S institutions milituires des
Lagides (1911) et les Papyrus de Magdôla (1912), jniis une
Grammaire égyptienne, d'après Ad. Erman '1914), enfin son der-
nier grand ouvrage, L'Armée romaine d'Egypte d'Augusle à
Dioctétien (1918;.
Le livre sur les Institutions militaires des Lag-ides renouvelle,
grâce à sa documentation, les idées antérieurement admises, et
éclaire sur bien des points des questions obscures jusque là ; c'est
pour longtemps l'ouvrage fondamental sur ce sujet. Nous y trou-
vons, après un dépouillement scrupuleux des textes littéraires,
épigraphiques, papyrologiques, après un examen impartial des
opinions émises par des devanciers, une claire synthèse de nos
connaissances sur l'armée ptolémaïque. Lesquier y étudie .succes-
sivement la composition générale de l'armée et sa division en
différentes armes; l'origine et la situîition respective des clé-
rouques et des Tf\ç éTriYovriç; l'organisation intérieure des troupes,
le commandement et l'administration; le recrutement aux diffc-
lentes époques des réguliers, des mercenaires, des indigènes, des
officiers: la condition juridicjue des hommes; les cléi-ouchies et
les opérations aux(iuelles elles donnent lieu : la culture des KXfjpoi.
leui" situation fiscale et juridiciue; la marine sui- hniuelle les
(') liulleiin de l'irixlitiit frnniiiis d'nnlii'iiliitjic oiic/é/tilc, 1. VIII.
CHRONIQUE 413
témoignages sont si rares; la ])()lice des appariteui's et des gen-
darmes; enfin, dans un dernier chapitre, il examine les survi-
vances des institutions j)toléniaï(ines dans les institutions de
rem])ire romain. L'Associntion pour rEncoiiriii'ciuenl des Eludes
Grecques ne i)Ouvait mieux faire (jne de reconnaître les mérites et
la haute valeur d'une telle œuvre en décei-nant à son auteur,
coniuie elle l'a fait, la plus haute de ses récomi)enses, le prix
Zographos (*).
Les l'upy^ru.s l'e Mu^dàhi sont la réédition des pétitions que
MM. .Touguet et Lefebvre. malgré les difficultés de décljiffi-ement
et d'interprétation, s'étaient hâtés de publier dans le Bulletin de
Correspondance Hellénique pour satisfaire à la curiosité avide des
savants. Des corrections, des lectures avaient été proposées
ensuite i)ar (luelques paj)\ l'ologues, M. Wilcken enti-e autres.
Lesquier repieud les originaux à loisir, réussit encore, à force de
ténacité, à améliorer le texte, et en donne une édition définitive
avec apparat critique, traduction et commentaire explicatif.
!Mais la nouveauté essentielle de son livre réside sans aucun
doute dans la copieuse Introduction. Pour permettre aux tra-
vailleurs de tirer des documents tout le profit possible, il \
dégage des circonstances particulières à chaque affaire le formu-
laire des actes; il indicpie la procédure suivie et les juridictions
compétentes ; il extrait des dates, spécialement des doubles dates,
des renseignements chronologi(iues, et trace enfin un tableau
animé de la vie quotidienne dans ce coin de l'Arsinoïte aux alen-
tours de 220 avant Jésus- Christ.
Cependant son intelligence avide cherchait et trouvait un nou-
veau champ d'activité. Aux papyrus grecs il ajouta l'étude des
hiéroglyphes et publia en 1914 une Grammaire égyptienne d'après
la .?" édition d'Adolf Erman '-). En vérité ce n'était pas
une traduction, ni même une adaptation de l'œuvre d'Ermau.
Sans doute la doctrine du maître était conservée, mais Lesquier
en modifia l'exposé d'une manière profondément originale. Les
livres de ce geni-e, et ceux d'Erman lui-même, avaient juscju'à ce
jour enseigné conjointement l'écriture et la grammaire 11 sem.
blait à Lesquier que c'était là commettre une erreur de péda-
gagie, provoquer la tentation d'attacher autant et plus d'impor-
tance à l'écriture, à cause de son étrangeté, qu'à la grammaire, et
ainsi courir le risque de mettre plus de divination que de science
dans la traduction des textes. Pour cette raison donc, et aussi
pour éviter des complications, il Jugea bon de faire étudier
(') l'artaj,'!' («Ile aiuiée-là (1913) entre J. Maspéro et Jean l.fsiiuiiM-.
('; Hil)li(>llièiiii(' (l'i'tiulo (le l'Iiistiliit du Caire, I. Vil.
414 CHRONIQUE
(l'abord la langue el la grammaire, en se servant des ti-anscrip-
tions admises, et en second lieu l'écriture et l'oi-tliograplie, les-
hiéroglyphes eux-mêmes Ce lut une véritable l'évolution, et il
rencontra des résistances. Un recueil de textes hiérogl\ phiciues
(pi'il préparait et se proposait de publier aurait été une démons-
tration pratique de sa théorie, et peut-être y aurait rallié des
incrédules ou des indécis.
Mais déjà le laborieux chercheur avait commencé i)ar de vastes
lectures, ])ar le dépouillement de plusieurs milliers de papyrus,
ostraca, inscriptions, la pi-éparation de son livre magistral :
L'Armée romaine d'Egypte d' Auguste à Dioclélien ('). Le sujet
était neuf. Seul, M. Wilcken dans ses Grundziige (2) y avait
consacré (juelques alinéas justes et denses. Mais la documenta-
tion de ces treize pages s'arrêtait à 1912; le livre de Lesquier
a GOO pages et parut en 1918. Xon seulement les revues spéciales
en signalèrent la publication et adressèrent à l'auteur le tribut
d'éloges auquel il avait droit, mais le grand public même en fut
informé par un article ingénieux où M Gagnât, dans la Revue des
Deux-Mondes (•*). résumait et adoptait le nouvel ouvrage Que
l'on veuille étudier le rôle de l'armée dans les annales de l'Egjpte
romaine ou plus spécialement l'histoire des différents corps et de
la flotte; que l'on s'intéresse au commandement général des
troupes et aux états-majors; qu'on s'attache à la question jadis
si discutée des trois prétendues épicriseis (militaire, fiscale,
éphébiquej: qu'on désire se renseigner sur le recrutement des
hommes, leur patrie, leur condition, leur vie quotidienne, en
service où privée ; qu'on cherche à se documenter sur la situation
des vétérans, sur la façon dont s'effectuaient les fournitures
militaires en l'absence du service spécial dintendance, sur
l'emploi des troupes d'occupation et leur l'épai'tition à travers le
territoire, il faut et il faudra toujours désormais recourir au livre
de Lesquier. Les trouvailles ultérieures n'en poui-ront modifier
que des points de détail. Ce n'est pas seulement l'interprétation
intelligente de textes consciencieusement compilés, c'esr, une
construction clairement ordonnée, hai-monieuse de pro])ortions,
attrayante de style; c'est une encj-clopédie, par endroits divina-
toire, qui porte en elle la diversité et le bruissement de la vie.
En 1920, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, par l'attri-
(') .MéiiKiircs di' llnstiliil fniiKîiis du Caire, t. il.
(2) Ch. XI, MUiftir nnd Polizci, B. : Hvinisclie Zctt, p. :i!)0-iO;5.
(•*) René OA(iNAT, L'armée d'occujKdId/i de l'IUjijptc soks les iîomainSf
i'^'^ ntiirs 1!)20.
CHRONIQUE 415
bulioii du jtrix Hordin, u ajouté l'autoritô tic ses stilfra'^'es aux
apprécialions unaniineinent élo^^ieuses des critiques.
Les recherclies nécessitées par ses travaux de longue haleine
n'empêchaient pas Lesquier de fournil- à différents périodiques
une collaboration ap])réciée. 11 axait donné à la Revue do Philo-
logie (') une Note sur une instriplion iVAshmounein; à VArchiv
fiir Papyrusf'orschunif (-), des reinar<iues Sur deux didea d'Ever-
i^ète et de Philojiator. Dans la Renue Archéologique (j) il avait écrit
des articles sur Talabai-tiue et sur les ])apyrologues italiennes. Il
avait préparé avec inoi le fascicule III des Papyrus grecs de Lille,
dont la publication arrêtée i)ar la guerre ne saurait plus tarder.
Tout dernièi-enient dans le volume du Cin(iuantenaire(*j de VAsso-
ciiilion pour Vcncouragenwul des éludes grecques, à ])ropos du
Pap^-rus 7 de Fribourg-, il revenait par un mémoire oii sa coni-
])étence faisait merveille sur la (luestion des tenures clérou-
chiques et du lotissement des K\)Îpoi i)ar les Lagides. Les pro-
blèmes calendériques avaient toujours eu pour lui un intérêt
très vif; il poursuivit la solution de (iuel(|ues uns dans l'intro-
duction des Papyrus de Ma^-dola et dans son dernier travail ('•) :
Les nouvelles études sur le calendrier ptolémaïque. 11 s'en préoccu-
])ait et m'en entretenait encore sur son lit de mort. 11 m'avait aussi
parlé à plusieurs reprises et me i)arla à ce moment encore d'un
livre de vulgarisation sur 1 Eg3i)te et d'un ouvrage sur les Civili-
sations primitives de la .^L'-ditei'ra/tée. « J'aimerais les achever
vite, me disait-il. sans laisser i)araitre son inquiétude, .si toute-
fois on m'en laisse le temps. » Xommé en novembre 1920 à la
Faculté d'Aix-en-Provence, il eut la double joie d'y enseigner
'luchiues mois et d'y vivre dans ce Midi (ju'il aimait avec délices.
La mort l'a emporté comme il en revenait, sans lui laisser la dou-
ceur de l'evoir son i)ays natal.
Si maintenant, détaché des œuvres dont on vient de parler, on
essaie de définir l'intelligence (jui les a composées, on trouve
chez Lesquier les dons naturels de l'historien né et les (jualités
acquises ou dévelojtpées du vrai i)apy]ologue. Papyrologue,
Lesquier avait la j)atience tenace et prudente du déchiffreur, la
circonspection avisée de l'interprète, la sagacité et l'habileté à
confronter les textes, à en extraire la substance. Historien, il était
maitre de sa documentation, la dominait; il avait l:i vision nette
(*) T. :>2, j). :2o:i-2-2r;.
(2) T. IV, p. ^Si-'JOT.
(3) Revue urcliéoloyùiue. l'JIT, i-. ".i.) l(i:]. 2«:j--28t.
'■*) Rev. des Et. gr., t. 32, p 3:)î»-.375 (IJ)iJI).
(^) Rrr. F.fiiipli>h,iii,,,ie, II, p. I-.38 (10-21).
416 CHRONIQUE
des faits, des objections possibles, la sûreté du jugement qui
chemine droit, écarte l'ombre des doutes, des obstacles, devance
parfois par l'intuition l'autorité des témoignages et fait jaillir la
vérité. Cet érudit, à qui son mal avait enseigné cruellement le
prix des minutes, était arrivé, à force d'activité méthodique, à
économiser le temps. La liste de ses ouvrages écrits en quelques
iinnées en est la preuve — et je n'ai rien dit de ses remarquables
contributions à l'histoire locale, à l'étude des antiquités lexo-
viennes. Aux autres même il désirait éviter des efforts inutiles et
faire gagner du temps. Les précieux index, les tableaux multipliés
dans ses livres ne sont pas un étalage d'ériidition. c'est une œuvre
d'assistance, c'est la main tendue au chercheur qui tâtonne. C'est
que Lesquier avait la foi du savant; il était de la race des por-
teurs de flambeaux et voulait, avant de disparaître, léguer à des
successeurs la flamme qui doit survivre. La Science peut le
pleurer : en lui s'est éteinte une intelligence radieuse. Ses amis
aussi le pleurent : à ses éniinentes qualités d'esprit, Jean Lesquier
joignait les plus rares dons du cœur. Il dissimulait parfois sa sen-
sibilité sous un air ironique ou enjoué, mais son amitié se révélait
avec le temps sérieuse, délicate et profonde. Rarement un mot, un
geste, une intonation décelait au dehors cette tendresse virile,
mais toujours ses actes en étaient la démonstration touchante.
Et son grand cœur a cessé de battre ! Interdits devant l'évidence
brutale, nous avons, nous, ses amis, l'angoisse de nous sentir
amoindris par sa disi)arition ; nous souffrons d'une stupeur dou-
loureuse : une partie de notre être s'est arrachée de nous pour
entrer dans l'ombre avec lui.
Paul COLI.ART.
ERRATUM
X" I, page 139. ligne 4, lire Miluii au lieu de Mil.in
Sur le sens méconnu
de quelques mots homériques
(aîôXoç et ses dérivés)
Le terme aiôXoç est une éi)itliète assez fréquente chez
Homère, et qxii reparaît ^'à et là dans la poésie ])Ostérieure.
Voici comment nos dictionnaires (^), d'accord avec la tra-
dition dos gi'amma irions anciens, établissent la succession
dos sens de ce mot : i. qui se meut rapidement; 2. brillant;
3. bigarré, versicolor (d'où variable, changeant); 4. (au sens
moral) rusé, trompeur.
Les dictionnaires, de môme que les lexiques si^éciaux et
les commentaires, tendent à expliquer par l'un des deux
premiers sons, « rai)ide » ou ce brillant » tous les om])lois
de aiôXoç chez Homère. Je voudrais démontrer ici que le
mot aiôXoç n'a jamais à ])ropromont i)arler aucun de ces
deux sens dans l'épopée, et qu'il faut toujours partir du
sens de versicolor, bigarré, c'est-à-dire marqué de couleurs
qui tranchent l'une sur l'autre.
A première vue, il peut ijaraîtrc étonnant que, depuis les
anciens jusqu'à nos jours, les grammairiens se soient à ce
])oint méi)ris sur la signification d'un i)areil mot. Mais il
faut songer que, dès l'époque alexandrine, beaucoup de
termes homériques avaient cessé d'être vivants depuis des
siècles, et qu'ils nous ont été ex])liqués par des savants de
cabinet. Certes, ils avaient certains j)rincii)es excellents.
Aristarque, ])ar exemi)le, disait (lu'il fallait cxi)liqiier
C) Les arlicli's (le Puiie-Sengobuscli, I.idtloll ol Scott, Uailly, ft de Passow-
Criniert, le plus récent de tous, soiil (unir lesseiitiel conformes dans leurs
interprétations.
27
418 L. PARMENTIER
Homère par lui-même. Je ne doute pas qu'un système
d'érudition ])urement livresque ne puisse souvent suffire
quand il s'agit d'un auteur qui lui-même a travaillé sur une
table avec des livres. Le ])rofesseur Bergeret, sans sortir
de sa bibliothèque, finira peut-être par nous donner un
excellent Virgiliiis naiiticus. Mais avec un Homère, qui,
lorsqu'il peint les objets et les êtres, en a la vision nette et
directe, il faut souvent se mettre comme lui en face de la
nature même, et essayer de retrouver la qualité s])éeiale de
sa perception. C'est là un effort que les grammairiens,
anciens et modernes, s'avisent rarement de s'imposer.
J'examine d'abord les cas où l'on donne généralement à
aiôXoç le sens de «rapide, agile ». M 167 oqpiÎKeç juéoov aiôXoi
r|è luéXiCTOai. Le scholiaste T explique : tô juécrov eÛKivriTOi bià
xnv èvTO|Lniv, et son idée a été admise par la plupart des
modernes, Cronert, Liddell, Huttmann, Ameis-Hentze, etc.
Bailly explique : « guêpes au corsage mobile, c'est-à-dire
qui peuvent se replier en tous sens ». Xous entendrons
qu'il s'agit de la couleur des guêpes, et que c'est aussi une
désignation de couleur qu'il faut chercher dans le terme
aîôXoç joint à oîcTTpoç (x300), à propos d'une sorte de grosse
niouehe à aiguillon qui affole un troupeau de vaches.
M 208, réi)ithète aiôXoç est appliquée à un serjxmt et de
iu)uveau je la trouve traduite par « se remuant vivement »
{sic h ringelnd Cronert, iorig-gling Liddell, etc.), ou quel-
quefois «brillant» (schillernd Ameis-Hentze). Il convient
ici d'indiquer le contexte. Zeus envoie un présage pour
arrêter l'élan des Troyens victorieux. Un aigle apparaît
au haut des airs (ùvjJiTréTriç), tenant dans ses serres un
énorme serpent ensanglanté, encore vivant et se débattant.
Il parvient à mordre au cou l'aigle, qui, de douleur, est
obligé de le irich(n\ Le monstre tombe à terre au milieu de
l'arnK'e.
TpiBeç b'èppi-j^aav, ôttujç ïbov aîôXov ôcpiv
Kei)Lievov èv )Liécraoi(7i, Aiôç lépaç aÎYiôxoio.
On ti'ouvcra que ce serjx^nt, tombé du i)lus haut des airs
<'t qui s(î (h'battrait encore, aurait vraiment la vi(» dure.
I
I
MOTS HOMÉRIQUES 419
En réalité, aîôXoç a ici le même sens que cIr'/. Sophocle,
TrHchinienncs 11 et (S3i aîôXoç bpâKoiv, où les eoinmcnta-
teurs d'Homère auraient pu voir que le lexique de Dindorf
traduit exactement par versicolor.
Comme nous le constaterons dans beaucoup d'autres cas,
ré])itliète aïôXoç alterne, déjà dans la langue épique, pour
le mot ôcpiç, avec celle de TroïKÎXoç, qui est restée en grec le
terme vivant pour exprimer l'idée de couleui- variée. C'est
ce qu'on voit chez Hésiode, Théo^-onie 300, à ])ropos
d'Écliidna qui est décrite comme un TréXuupov ocpiv, beivôv xe
fiéyav Te, ttoikîXov. Cf. Pindare, Pyth. IV 249 Y^«UKÛJTra...
TTOïKiXôvujTGv ôcpiv. VTIT 4() bpÛKOVTa TTOïKiXov. EuripIdc,
Iph. Taiir. 124i ttgikiXôvuutoç oîviuttôç bpÛKuuv.
Il me paraît très vraisemblable que la désignation la
plus ancienne, aiôXoç, a i)i)'ar tenait au dialecte éolien et
qu'elle a été supplantée peu à peu dans l'usage courant par
son synonyme ionien TTOïKiXoç. Très souvent, notamment au
commencement du vers, les deux mots sont méti"iquement
équivalents, et en pareil cas le terme banal a pu quelque-
fois, au cours de la tradition, être substitué par les aèdes
au terme ])lus rare. Par exemple, au chant K, particulière-
ment ionisé, 30 {TTapbaXéi;}) ttoikiXî] et 149 (o"âKOç) TTOïKiXov.
(^uoi qu'il en soit, tous les passages d'Homère où s'est con-
servé le terme aîôXoç doivent être considérés comme appar-
tenant à une couche ancienne.
L'exemple de X o09 où les vers qui dévorent un cadavre
na sont a])i)elés aiôXai eùXai (on traduit ivimmelnd, wri^-g--
Iini>-) ne peut plus maintenant faire difficulté. L'épithète
s'applique aux taches bigarrées que font les vers sur le
cadavre.
Nous avons laissé j)our la fin le ])assage que l'on cite
d'ordinaire en premier lieu à l'apimi du sens i)rimitif de
« rapide », et peut-être des lecteurs l'ont-ils déjà oi)i)Osé
dans leur i)ensée à l'opinion que nous présentons. Il s'agit
de l'expression TTÔbaç aîôXoç îttttoç T 404, dans laquelle on a
cru devoir reconnaître sans hésiter un équivalent de
TTobûjKriç. L'expression ne se trouve chez Homère que dans
cet unique j)assage,et l'on comprend (]ue le contexte mérite
un examen détaillé.
Achille, a])rès la mort de Pat rode, s'est armé pour
420 L. PARMENTIER
retourner au combat; il s'approche de son char tout prct à
remmener, et iiiter])elle ses chevaux (400) :
EàvBe TÉ Ktti BaXîe, TriXeKXuià TéKva TTobàpYnÇ/
L'un s'ai)pelle Xaiithos, c'est-à-dire bai — nous dirions
Baj-ard — et l'autre Balios, pommelé. Ils sont fils de la
cavale Podargé, fécondée par le vent Zéphja-e (TT loO).
Achille leur demande de le ramener vivant de la mêlée et
de ne pas le laisser mort, comme Patrocle, sur le champ
de bataille. Alors vient le passage célèbre où le cheval
Bayard obtient le don de la parole et prédit à Achille sa
mort prochaine :
Tôv b'dp' ÙTTÔ luYÔqpi 7Tpoa"éqpri rrôbaç aiôXoç ïttttoç
ZâvGoç, dcpap b'ninucTe Kapi'iaTi, uâaa bè xahr]
levf\r]ç è£epi7ToDcra Tiapà Ivjov oùbaç ÏKavev.
Ces vers sont de la meilleure frappe homérique ; quel-
ques traits essentiels et nets y font vivre tout un tableau :
Achille, éclatant dans son armure, et le cheval attelé qui,
affligé, baisse la tête vers ses pieds, tandis que sa longue
crinière descend jusqu'au sol. Que vient faire, dans un tel
tableau, ré])ithète banale « aux j)ieds rapides », à propos
d'un cheval en arrêt et qui voudrait ne pas partir? Notons
d'ailleurs que dans le grec il n'y a point ici une épithèt(!
constante et que le mot voisin appelle en quelque sorte
mécaniquement (])ar exemple juuuvuxeç ou TTobujKeeç ïnTioi),
puisque rrôbaç aiôXoç ittîtoç est une expression unique.
Cependant, si nous recourons au sens « varié de cou-
leurs » que nous avons établi i)our aiôXoç, comment expli-
quer qu'une telle qualification soit donnée à un cheval baiV
Ici nous avons bien un cas où la méthode des rechercdies
livresques ne peut rien donner. Il faut essayer de bien
regarder les chevaux, comme le faisait Homère, ou s'adres-
ser à ceux qui savent les voir mieux que nous. S'il était
encore en vie, ce serait le moment d'interroger Paul-Louis
Courier, éminent helléniste et traducteur des traités lii])-
piques de Xénophon, en même temps qu'officier d'artillerie
à cheval, chargé de la remonte en Italie. A son défaut, je
me suis adressé siiiiplenicnt au vétérinaii'e de mon village,
et il m'a a])pris tout de suite ce que c'est qu'un cheval bal-
MOTS HOMÉRIQUES 421
zan. A])rès cela, je n'ai i)lus eu qu'à ouvrir Littré : a Balzan.
Cheval balzan, cheval noir ou bai, qui a des marques
blanches aux pieds. — Balzane. Taxîhe blanche circulaire,
entourant, en l'orme de ceinture, une ])ai"tie i)lus ou moins
large de l'extrémité des membres chez le cheval. »
Ainsi nous découvrons dans le tableau d'Hoinère une
touche nouvelle qui nous donne le signalement caractéris-
tique du cheval d'Achille; ceux à qui s'adressait le poète
voyaient dans son tableau la tête brune de Xanthos pen-
chée vers la ceinture aux ])oils blancs de ses membres infé-
rieurs. Le nom de cheval bausant est très fi-équent dans
les chansons de geste ; Ern. Langlois en signale plus de
cinquante exemples (^).
Du môme cou]), nous comprenons la raison du nom de
Podargé donné à la mère des chevaux d'Achille. Nous ne
voulons ])as allonger ce travail en y joignant une ('tude
détaillée sur l'adjectif dpYÔç, mais il est certain que son
sens primitif est celui de «blanc», et non « rajjide »
comme on l'admet souvent à cause de son application à des
chevaux ou à des chiens. Cf. àpYiôbovTeç (Jueç \ 413. — kuv€ç
A 292. C'est donc encore un cheval bausant que Ménélas
Y29o et Hector 0 185 appellent du nom de ÎTôbapTOç.
S'il restait des doutes sur l'interprétation de notre pas-
sage, j'espère qu'ils seront levés entièrement i)ar le rap-
j)rochement (^ui va suivre avec des vers de la parodos de
Vlphi^'cnie il Aiilis d'Euripide (~). Les jeunes femmes du
chœur sont venues contempler les guerriers grecs et dans
des strophes toutes pleines de réminiscences de l'Iliade,
elles racontent notamment qu'elles ont vu Achille, en
armes et à pied, luttant de vitesse avec un quadrige traîné
l)ai" les célèbres chevaux d'Eumèle (B 763, M' 376). Les
quatre chevaux sont décrits comme il suit, 221 et suiv. :
(*) Tailles (les tin)iis iiro/irrs de Imite naliire riuiipris diins les ch(inso7is de
geste imprimées (coiuinmiicalioii de mon collègue Aiig. Doutre|>oiil). Ou vou-
drait savoir si la jument de Roland ou le l'.ayard des (|ualre lils Ayniou elail,
eomme le elieval d'Achille, un cheval bausanl.
(-1 La pièce a été mise à la scène après la mort du poète par son lils. Il
importe peu ici (jue cette parodos soit une des parties ipii paraissent oMiirdes
traces de retouches anciennes.
422
L. PAUMRNTIER
Toùç )uèv juécjouç ZIuyîouç
XeuKOCTTiKTLu Tpixî PaXioùç,
TOÙÇ b'è'Euj aeipocpôpouç
dvTi'ipeiç Ka|U7Taî(Ji bpôjuuuv,
TrupŒÔTpixotç, |uovôxa\a b'ÙTTÔ crqpupà
7TOiKi\o5ép)Liovaç
L'imitation d'Homère est manifeste; les couleurs des
elievaux sont les mêmes et leur nombre est simplement
doublé. Au joug- sont les chevaux PaXioi. Les i)areils d(^
Xantlios (TTUpCÔipixeç et balzans comme lui, ùttô (Jqpupà
TTOiKi\o5ép|UOvaç) sont guidés i)ar des longes, aux deux côtés,
c'est-à-dire au poste difficile, à cause de la manœuvre
qu'ils devaient faire au virage près de la borne (V 330.
Soidîocle, Electre 720). Il semble donc qu'à cette é])oque
les balzanes étaient considérées comme une qualité des
cbevaux. En tout cas, il résulte de ce rapprochement que
le sens de irôbaç aîôXoç mnoç était encore exactement com-
pris par l'auteur de la strophe d'Iphigénie à la fin du
V* siècle. Mais il a senti qu'il devait pour son public sub-
stituer le terme ordinaii-e TroïKiXoç à celui d'aîôXoç.
Dès lors, il devient évident qu'il ne faut plus traduire
a aux coursiers rapides », mais bien « aux coursiers tache-
tés )), l'épithète aioXÔTToiXoi donnée deux fois aux Phry-
giens r 185 et Hymn. Yen. 137. Si Théocrite (22, 34 aioXô-
muXoç Kâ(JT(jup) se rendait bien compte du sens ancien de
l'expression, c'est une auti-e question. Ij'Etymologiciim
magnum s. v. aioXÔTTiuXoç, exjîlique, comme les modernes,
(Triiuaîvei t6v Taxùv Kai eÙKÎvriTOV ïttttov. Mais Suidas, s. v., a
gardé une trace de bonne érudition en glosant : ttoikîXouç
ÏTTTTOUç Ix^uv.
C'est encore i)ar « rapide » (eÙKÎvriTOv Kai Taxeîav) que le
scholiaste d'Eschyle explique aiôXiivdans le v. 494 des iSept.
Xiyvùv )aéXaivav, aiôXtiv rrupôç Kdcriv.
M. P. Mazon a rendu, autant qu'il est possible, l'impres-
sion du terme en traduisant : « une vapeur noirâtre, sœur
tourbillonnante du feu ». Je ne connais pas de mot fran-
çais qui pourrait exprimer exactement ce qu'il y a de
variable et d'inconsistant dans les teintes de la fumée.
MOTS HOMÉmUCES 423
Abordons une seconde catégorie de passages, ceux où
l'on attribue généralement à aîôXoç le sens de « brillant ».
Hymne ù Hernies 33. Le petit brigand d'Hermès, à peine
né, s'enfuit de la grotte de sa mère et il s'écrie, en rencon-
trant la tortue dont l'écaillé va lui servir à fabriquer la
première lyre :
7TÔ6ev TÔbe KaXôv d9up)ua
aîôXov ôcTipaKov ecao x^^^Ç ôpecri lubouaa;
Cf. 40 èpaieivôv d6up)ua. Il est clair que ce n'est pas à
cause de son éclat qu'Hermès appelle l'écaillé un beau et
aimable jouet. Elle lui plaît à cause de son bariolage de
couleurs, de môme que les coquillages réjouissent nos
enfants.
On traduit également par « brillant » l'épitliète aiôXoç
donnée au fameux bouclier (crâKOç) d'Ajax II 222. TT 107, à
moins qu'on n'aime mieux entendre, avec Buttmann, « facile
à mouvoir » ! Ici le vrai sens d'aiôXoç apparaît sûrement si
l'on compare l'épitliète de TroïKiXov donnée K 149 (en tête
d'un vers; ancicnnemeni aiôXov?) au cràKOç d'Ulysse.
Cf. aussi TTavaioXov 0"âK0ç X oo2 — dcnriba A 374.
Au V. E 29o, les armes (Teùxea) du Phrygien Pandaros
sont dites aiôXa TrajucpavôuuvTa. Evidemment aiôXa marque
ici une qualité différente de celle de (c brillant », exprimée
dans 7ra|uqpavôujvTa. C'est de nouveau le terme rare conservé,
au lieu de TroïKiXa que nous trouvons très souvent avec
xeùxea F 327, A 432, M 396, X 181, etc. De même, avec
êvxea K,7o, apiuaia A 226, etc., biqppoç K oOl.
Les héros grecs aimaient à orner leur armure de cou-
leurs variées. Le sens de afoXoGdjpj-i^ A 489, TT 173 nous est
expliqué à souhait par TT 134 edjpiiKa TTOïKiXov daTepôevTa.
Comparez de même TravaîoXoç IvjOi^p A 186, 2io, K 77,
A 236 et aioXo|uÎTp)iç E 707 (cf. Théocrite 17, 19) à KecTTÔv
ijudvTa TTOïKÎXov (ceinture d'Aphrodite) Z21o,
On ne traduira plus l'épitliète si fréquente d'Hector (une
fois d'Ares, Y 38), Kopu9aîoXoç, par « qui agite son casque »
(ô Kivuùv Tiiv KÔpu0a), mais Ton pensera aux reflets de cou-
leur changeante de cette pièce de son armure. AîôXoç en
vient ainsi assez souvent à acquérir un sens voisin de notre
adjectif (c chatoyant ». Ce dernier mot, au sen.-^ insuffisam-
424 L. PARMENÏIER
ment expliqué, vient de « chat », sans doute à cause des
teintes changeantes de son œil (Littré) et, comme l'a dit
un poète, « des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin »,
étoilant « vaguement ses prunelles mystiques ».
Sophocle a conservé particulièrement bien le sens pri-
mitif d'aîôXoç. Xous avons déjà vu plus haut aiôXoç bpÛKuuv.
La manière dont il faut comprendre aiôXa vuH, Triuli. 132,
nous est clairement expliquée par Eschyle, Prométhée 24
7roiKi\ei)uujv vOS, la nuit au manteau parsemé d'étoiles. Cf. ■
Euripide, frg. 503 ôpcpvaia vùE aioXôxpuuç. Hélène 1096 ào"Té-
PUUV TTOlKÎ\|UaTa.
Dans VAJcix 102o, où Tencer dit en présence d'Ajax
percé de son épée : ttûjç O"' dTTOcnrâo'uu TTiKpoû TOÛb'aiôXou
KViObovTOç, l'épithète aiô\ou me paraît de circonstance,
comme TriKpoû, et elle tend à peindre l'aspect du glaive
taché du sang d'Ajax.
Enfin Philoctcte 1 157, è)uâç o'apKÔç aîôXaç représente avec
réalisme la couleur des chairs du pied gangrené de Phi-
loctète.
L'idée de teintes variées impliquée dans aiôXoç apparaît
encore par les mots xaÙTÔv TTiépov qui suivent cet adjectif
chez Eschyle, Sui)pliaiites 327 :
aiôX' dvôpujTTuuv KaKOf
TTÔvou 5' ïboiç dv oùbai^oû taÙTÔv Trxepôv.
M. P. Mazon a traduit avec son bonheur ordinaire : « Les
malheurs humains ont des teintes multiples : jamais ne se
retrouve même nuance (littéralement « plumage») de dou-
leur. »
*
* *
11 faut placer ici dans la succession des sens l'emploi des
mots de couleur aiôXoç et ttoikîXoç pour rendre la variété
de timbre de certains sons. C'est un trope naturel et que le
style moderne a tourné au procédé. Je n'en trouve des
exemples certains pour aîôXoç qu'après Homère.
Euri])ide, Ion 499 oupi^^vjv ùtt' aîôXaç îaxâç 0)lIvujv.
Cf. Piudare, Olymp. III 8 TTOïKiXÔYapuç (pôpm-fE, IV 2 ttoiki-
XôqpopiuiTE doibâ. Dans Olymp. IX 42 aîoXoPpôvTaç (Zeus)
que l'on traduit « vibrantia fulmina iaculaus )) pourrait, je
pense, s'appliquer aussi bien au son qu'à l'éclat du tonnerre.
MOTS HOMÉHIQUES 425
Aristophane, Grenouillefi 247, fait dire au clia'ur discoi-
dant des grenouilles :
evubpov èv PuGô) xopeiav
aîôXav è(p9e-fHâ)Liea0a
Tro)ucpo\uYOTTa{p\âcr|uc(CTiv (^).
Une expression sûrement ancienne, que l'on trouve dans
les Problcmes d'Aristote 941 B 24, appelait aiôXoi les jours
d'automne pendant lesquels les teintes du ciel et les vents
sont particulièrement variables et changeants.
Si le nom du dieu du vent, Aiolos, est le même que notre
adjectif, ce serait sans doute son allure inconstante et
changeante qui l'a fait aj^peler ainsi. En effet, l'idée de
« rapide », admise généralement, si elle convient bien à la
tempête, ne caractérise j)as proprement le vent dont la
variabilité est ce qui frappe le plus, surtout chez un peuple
de marins.
Le sens moral de « rusé, trompeur », appai'aît dès
l'époque épique pour aîôXoç et nous retrouvons ici de nou-
veau le parallélisme parfait avec ttoikî\oç. Hésiode, Théog.
5H TTOïKÎXov, aioXô|unTiv (Prométhée), frg. 27,4 ZÎŒuqpoç aioXo-
jui'iTriç. L'épithète a été répétée par les épiques tardifs,
Oppien, Ha/. II 503, etc. Cf. chez Homère TTOïKiXoMnTnç
A 482 et souvent. Eschyle, Suppliuntcs 1037 aioX6|unTiç 9eôç
(Aphrodite); cf. TTOiKiXo|uriTibeç diai Sophocle, frg. o33, ttoiki-
Xôqppuuv Euripide, Héciibe 131. Eschyle, Prométhée 661
aioXoOTÔjuouç xPH^^MO^Ç; cf. TTOïKiXujbôç Z91YS Sophocle, Ocd.-
Koi 130.
L'équivalence d'aiôXoç et de ttoikiXoç est restée sensible
jusque chez les poètes les plus tardifs et ils ont pu ainsi de
tout temps user d'un jeu de synonymes commodes pour
varier l'expression. Quelques exemples :
aioXôpouXoç Oppien, Cyn('i>-. I 4o2; cf. ttgikiXôPouXoç
Hésiode, ']'hi'0'>-. o21. — aîoXobdKpuç Xonnus 20, 79 et ttoiki-
XôbttKpuç 10,45. — aioXôbeipoç Ibycus 8, Xonnus 47, 31 et ttoi-
KiXôbeipoç Hésiode, Tranaiix 203, Alcée 81. — aioXôbuupoç
Epiménide 19, iroïKiXôbuupoç Xonnus, lo. 12, lo. — aioXô|uop-
(') Il serait trop loiigr d'éludier ici, le texli' iiY-lanl pas sur, la vaU'iir daiôXav
chi;/. Aristopliane, Tfie.onopliories lO.'il, aîôXav vékuoiv èm TTopeictv. Kn Imil
cas le sens n'est pas OKoreivriv isclioliasle).
426
L. PAKMF.NTIER
cpoç Orjih.Ar}^-. 975, TTOïKiXôiuopqpoç Aristophane, Pliitus 530.
— aioXôvuuTOç (Taubv) Oppien, Cyiiég. II 590. Cf. plus haut
TTOïKiXôvuuTOç. — aioXôcpuXoi Oppien, Hul. II 420 et ttoikiXô-
(puXoç ibid. 1617, etc.
1
Il nous reste à étudier trois exemples anciens où appa-
raît le verbe dérivé aiôXXuj dans la poésie grecque. On
indique comme première signification « agiter vivement
en tous sens », mais il est certain que pour l'un des trois
cas au moins, on traduit sans difficulté en partant du sens
premier que nous avons donné à aiôXoç. Hésiode, Bou-
clier 399, décrivant la saison la plus chaude, dit que c'est
l'époque où les raisins verts (ôjuqpaKeçi aiôXXovTai. Entendons
que les grains de raisin se bigarrent, commencent à
prendre des tons blancs et rouges, exactement comme
l'espèce de cerise que nous avons, pour la même raison,
appelée bigarreau.
Le second emploi de aiôXXeiv se trouve dans une curieuse
comparaison de V Odyssée u 25 et suiv. Il s'agit d'Ulysse
qui se retourne dans son lit, pendant qu'en proie à l'insom-
nie il médite la perte des prétendants.
'ATàp aÙTÔç éXicrceTO ëv0a xai evGa.
'Qç b'ôie YotcTTép' dvrip ttoXéoç irupôç ai9o|uévoio,
è)aTTXei)"iv kvîœiiç te Kai aï)uaT0ç, êvGa xai ëv6a
aîôXXi,!, \xù.\a 5' djKa XiXaiexai ÔTTTr|9fivai,
ùjç âp' ô y' ev9a Kai evGa éXiodeTO juepiuripilujv
ÔTTTTuuç 6ri juviiOTiipoiv àvaibé(Ji x^ipotÇ èqpr|(7ei
jucOvoç èùjv TToXéai.
Le genre de mets que fait rôtir ici le cuisinier nous est
connu notamment par a 44 et par Aristophane, Nuées 409.
C'est un estomac de chèvre ou de porc, rempli de graisse
et de sang. « De même qu'un homme, quand, à un grand
feu flambant, il rend aiôXoç de côté et d'autre un estomac
plein de graisse et de sang, désireux de le faire très vite
rôtir, de même Ulysse se retournait de côté et d'autre, en
méditant comment il frapperait les prétendants. » La com-
paraison paraît un peu étrange parce que d'une part nous
avons le cuisinier agissant sur un objet étranger, et de
MOTS HOMÉRIQUES 427
l'autre Ulysse agissant sur lui-même, mais ce dédouble-
ment d'Ulysse a été préparé par les vers qui précèdent
(io sqq.) où il a adressé la parole à son propre cœur. On
traduit aiôX\i,i comme s'il y avait èXicTCTii, entendant que le
cuisinier tourne en tous sens son gaster farci. Assurément,
il doit le déplacer et le faire rôtir de tous côtés, mais je
crois que le poète n'a pas simplement répété ici une troi-
sième fois l'idée de éXicrcreiv, exprimée au début et à la fin
de sa comparaison, et suffisamment suggérée par le tableau
qu'il présente. Il a introduit une image nouvelle, en nous
montrant l'aspect que gagne l'espèce de gros boudin pen-
dant la rapide opération du cuisinier : il prend couleur,
c'est-à-dire il devient aiôXoç, de blanchâtre qu'il était, à
mesure que sa surface est rôtie au feu. Il me parait donc
que le verbe aîôXXeiv est ici un terme culinaire, à rappro-
cher à quelques égards de nos expressions « rissoler, faire
revenir )>.
Je ne m'arrêterai guère au troisième passage, Pindare,
Pyth. IV 233, parce que le texte n'y est pas sûr. Jason par-
vient à conduire les bœufs d'Aiétès, qui vomissent la
flamme, et grâce aux recettes magiques de Médée le feu ne
l'atteint pas : Ttûp bé viv oùk aiôXXei (manuscrits). Pour des
raisons métriques, les éditeurs admettent la correction
médiocrement poétique èôXei (Boeckli), plus-que-parfait de
eïXuu. On voit cependant quelle belle image mettrait ici le
verbe aiôXXei. Le héros conduit les bœufs qui soufflent la
flamme, sans même que le feu le bariole de ses reflets.
Les fervents de la paléontologie linguistique rappelle-
raient sans doute ici que Aiolos, fils d'IIellen, l'ancêtre
éponyme des Eoliens, a un frère Xouthos, qui porte égale-
ment un nom de couleur (fauve), et l'origine et le sens pri-
mitif du nom des Eoliens pourraient leur donner l'occasion
d'hypothèses analogues à celles que l'on trouve par
exemple chez Victor Hehn à propos du nom des Pkti et de
celui d'autres peuples {Kiiltiirp/Jnnzen iind flnusticre,
p. 17. 8« éd.).
wSans m'aventurer dans un domaine aussi fantaisiste, je
crois pouvoir indiquer, à la fin de cet article, qu'il convient
428 L. PARMENTiER
de reviser l'explication que l'on a donnée jusqu'à ce jour
du nom grec du cliat aiéXoupoç. On le dérive de aîôXoç, pris
dans le sens que nous rejetons, et de oùpâ « queue », et on
l'explique comme « l'animal qui remue la queue ». Ce serait
très bien s'il s'agissait du chien, mais il suffit d'un instant
de réflexion pour reconnaître combien une telle qualifica-
tion est peu caractéristique du chat. Ici encore, les gram-
mairiens et les étymologistes, bien que comptant sans
doute parmi « les savants austères » qui aiment les chats
«frileux et comme eux sédentaires », ont négligé de con-
fronter avec la réalité l'explication que leur suggérait la
lettre écrite. Je me compte parmi eux, car je n'avais pas
songé à tirer à l'égard de la gent féline la conclusion qui
résulte de l'étude précédente. C'est un de mes amis, à la
fois savant biologiste et très érudit helléniste, le D'' Robert
Legros, qui m'a expliqué que aîéXoupoç devait signifier
l'animal à la queue tigrée. Ainsi se révèle à nouveau le don
merveilleux qu'avaient les anciens Ioniens pour distinguer
dans les objets et les êtres la qualité unique et vraiment
caractéristique. Dans la faune qui leur était familière, le
chat — il s'agissait alors sans doute du chat sauvage —
était le seul animal dont la queue offrait cette particularité.
Les linguistes ne seront pas embarrassés pour imaginer,
pai- des rapprochements avec des langues éloignées, une
ou plusieurs autres étymologies pour le mot aiéXoupoç. Il
n'en reste pas moins qu'au v« siècle encore la valeur
descriptive du nom de l'animal était si bien sentie qu'on
répondait naturellement i)ar aiéXoupoç à l'idée de ttoikiXgç.
Un témoignage pittoresque nous en est apporté par le
drame satyrique de Sophocle récemment découvert, les
'IXveuTtti, v. 295. La nymphe Cylléné décrivant comme il
suit la tortue avec laquelle Hermès a fabriqué sa lyre :
ppaxùç xuTpuubriç ttoikîXi,! bopa KaTeppiKVuujuévoç
le chœur devine tout de suite qu'il s'agit du chat et
répond :
ùjç aiéXoupoç eÎKâcJai TréqpuKev iî tujç TTÔpbaXiç.
L. Pakmentier
Auguste et Athènes
I
L'initiation d'Auguste aux Mystères d'ÉIeusis
La date de l'initiation d'Auguste aux Mj'stères d'Eleusis
pose un problème qui ne semble pas avoir été résolu encore
d'une manière satisfaisante.
Fouoart s'était contenté de i^lacer l'événement en 24 (^),
sans s'être aj^ercu qu'il était difficile de concilier cette
date, qui nous est donnée par Dion Cassius (*j, avec celle
de 31, qui nous est fournie par un autre passage du même
historien (•^), i^our l'initiation du môme empereur.
Giannelli a bien vu la contradiction qui semble exister
entre ces deux textes, et il a essayé de la faire disparaître
de la manière suivante (^) : Auguste aurait bien été initié
en 31 ; si Dion mentionne encore cet événement à l'occa-
sion de l'initiation de l'Hindou Zarmaros, qui se place
dans l'hiver de 21-20, c'est i)0ur rappeler que l'empereur
avait été lui-mcme i)récédemment initié.
J'estime que cette exjDlication n'est pas admissible : elle
oblige à solliciter un texte qui semble pouvoir s'expliquer
plus simplement.
Ce que Giannelli paraît bien avoir établi, c'est que l'ini-
tiation d'Auguste eut sûrement lieu en 31. Le seul des deux
textes de Dion qui soit parfaitement clair est celui où l'his-
(') P. FoiCAKT, « Les Roiuaiiis iiiilii's aux Mystères d'Klousis ». Hc'ue de
Phil., XVII, 1893, p. IS)8, ii. 1. Garki. i, llendknnto delf Acatd. Sa/ndl, 1000,
pp. .J.J sqq.
(•') DioCas., LIV, il.
(<) Dio. Ll, -4.
(') GivNNEi.i.i, « I iioiiiMiii :i(l Kli'iisi », Mli Armd. lorlnu. !.. I91i-iî>l;j,
pp. iii^i sqq. Cf. aussi (J.vuimi viskn, Àiif/ustus und seine Zeit, I, pp. 380, 83:2;
II, -481, n. !(; DKiMANN-diioKHK, Grsrlnrlile Hinn.i, IV, p. 291 ; vi»' Domaszkwski,
CjCscIiIcIiIl' (fer n'iiniscfien AVf/.vr-, 1, p. l.'iT.
430 p. GHAINDOR
torien nous assure qu'après Actium, Auguste se rendit à
Athènes et y fut initié avant de se transporter en Asie, il
faut comprendre à Samos, où il passa un ijrcmier hiver (i) :
Ktti ô )uèv ibç oùbevôç ëri beivoû rrapà tûjv èCTpaTeujuévujv è(7o-
Mévou, TÛ T€ èv rr] 'EWàbi biûjK^ae Kai tuùv toîv 9eoîv laucTTr)-
piuuv .ueiéXa^ev (~i, ëç xe xriv 'Aoiav KOiuiaBeiç kui èKeîva Trpo-
(JKa9i(TTaT0 (LI, 4,1, éd. Boissevain).
Le fait qu'Auguste se rendit à Athènes immédiatement
après la bataille est confirmé par Plutarque {^). Certes,
c'était pour s'occuper des affaires de la Grèce, mais on peut
penser que l'approche des Mystères ne fut pas sans
influence sur sa décision.
Le second passage de Dion nous reporte à l'hiver 21-20,
au moment où Auguste passait, une fois encore, l'hiver à
Samos. Parmi les ambassades qu'il y reçut, il y en avait
une de l'Inde : eîç b'ouv tôiv 'IvbOùv Zdpiuapoç, eiie bx] toû tûjv
CoqpiaTÛJV Yévouç ujv, Kai KaTàTOÛTO ùttô qpi\0Ti|uiaç, eiTe Kai ùttô
TOÛ "féptJuç Karà tôv Trârpiov vô)aov, eiie Kai èç èîTibeiEiv toû t6
AÔYOÛaTOu Kai tûjv 'AGnvaiuuv, Kai yàp èKeîae ii\9ev, dTTo6aveîv
èGeXiîaaç è)uuiî0»-i t6 Ta toîv Oeoîv, tujv |uu(7Tripîujv Kaînep oûk èv
Tuj KaôiÎKOVTi Kaipiî), ujç qpao"i, bià tôv Aûyoucttov Kai aÙTÔv
lueiauimévov Yevo|uévujv, Kainupî èauTÔv Z^iÎJVTa èSébuuKev (*).
Giannelli se débarrasse un peu trop aisément de la diffi-
culté que présentent les mots xai aÛTÔv luejuuiiiuévov en com-
prenant qu'Auguste, qui avait été initié en 31, obtient,
en 21, en faveur de personnes qui lui étaient agréables, une
réjjétition des Mystères qui avaient déjà été célébrés.
Il n'y a cependant qu'une manière de traduire le texte de
Dion : « Zarmaros... fut initié aux Mystères des deux
déesses, les Mystères ayant été célébrés à une date excep-
tionnelle, dit-on, à cause d'Auguste qui fut initié lui
aussi... »
(1) Sur la succession des événements, cf. les textes réunis en dernier lien
par FiETZi.EK elSKKCK, liral-Enr., X, pp. .S32 S(|.
(2) Pour pouvoir placer l'initiation en 15) (V), Gaiuiici, o. /., p. 57, esloldigé
de traduire <•(! verbe par « assista » ! A supposer que cette traduction fût pos-
sible, Dion eùl-il rappelé qu'.\uguste fut, comme les non-i)iitiés, simple spec-
tateur des cérémonies pnhH<jues des Mystères?
(^) Put., Ant., 08.
(■•) Pour la date, cf. la bibliographie citée par Diehi., lies yestar diri Avgusli^,
Honri, 1018, note du ,!^ ."il.
AUGUSTE ET ATHÈNES 431
Si Dion a voulu dire qu'Auguste avait été précédemment
initié, il faut avouer qu il s'exprime en termes peu clairs
et qu'un adverbe n'aurait pas été inutile pour préciser le
sens de luejuurmévov. D'ailleurs, pourquoi rappeler cette
initiation en 21, si elle a eu lieu déjà en 31 ? Le bià marcjue
clairement que ce n'est pas uniquement pour plaire à
Auguste, qui désirait assister à la mort de Zarmaros, que
l'on répète les Mystères, mais aussi parce qu'il voulut lui
aussi se faire initier.
Mais alors, comment éviter la contradiction ({ue nous
avons signalée?
Faisons d'abord observer que ni Foucart ni Giannelli
n'ont remarque l'existence d'une autre difficulté tout aussi
sérieuse : quelle que soit la date à laquelle Auguste a été
initié, il est sûr que ce n'est pas en Anthestérion, dans le
mois qui correspondait à peu près à février-mars ('). La
première fois qu'il vint à Athènes, ce fat en septembre 31,
immédiatement après la bataille d'Actium, pour se rendre
ensuite à Samos où il séjourna une partie de l'hiver et qu'il
quitta précipitamment, au milieu de l'hiver encore, pour
gagner Brundisium, à la nouvelle des troubles suscités par
les vétérans. Après avoir passé 27 jours dans cette ville,
il retourne en toute hâte en Asie, pour s'arrêter à Rhodes
d'abord, passer ensuite à Ptolémaïs et de là en 3^]gypte {^).
Il est donc impossible de supi)oser qu'il ait pu assister
aux Petits Mystères qui avaient lieu en Anthestérion.
Par contre, il aurait pu se trouver à Athènes pour les
Petits Mystères de 21. Au début de l'année, il était encore
en Sicile qu'il quitte pour le Péloponèse. Dion, après la
mention de son séjour à Sparte, ajoute seulement qu'il
enleva Erétrie et Egine aux Athéniens avant d'aller
passer un second hiver à Samos (•*). Il ne nous dit même
pas qu'il séjourna à Athènes, encore moins qu'il assista
aux Petits Mystères de 21 ■*) : il n'aurait pas manqué sans
(') BisciidKK, lUal-En(., X, p. i.j'.)l.
(2) Sur tous ces faits, cl", les textes réunis \):\r ordre chronologique dans la
Heal-Enr.,\, p. 332-33i.
(■') Pour tous ces t'vénoinoiils, i-f. ifiiil., p. 3'JO.
(^ Di... LIV, 7, 1-3.
432 P. GRAINDOU
doute de nous signaler le fait, puisqu'il mentionne à deux
reprises l'initiation d'Auguste, en 31 et après septembre 21.
D'ailleurs, il est certain, d'après le même historien,
qu'Auguste avait déjà été initié en 31; si même l'empe-
reur participa aux Petits Mystères de 21, il aurait donc dû
en être dispensé lors de sa première initiation. Cependant,
les Petits Mystères constituaient une préparation, mais
une préparation obligatoire (^), si bien que, lorsque Démé-
trius Poliorcète voulut recevoir en une fois l'initiation
complète, on fut obligé de donner au mois Mounichion le
nom d'Antliestérion, pour pouvoir célébrer les Petits
Mystères, puis de l'appeler ensuite Boédromion, mois où
les Grands Mystères se plaçaient (').
Plus tard, il ne semble plus qu'on ait eu besoin d'avoir
recours à de pareils subterfuges.
Un décret de 215-214 atteste que l'on pouvait répéter les
Petits Mystères dans un mois autre que celui d'Anthesté-
rion et qu'il était même d'usage de les célébrer deux fois
les années où avaient lieu les Grandes Eleusinies (^). Même
une dédicace d'Eleusis nous apprend qu'il était permis,
GeiLiiTÔv, de procéder deux fois à la célébration des Mys-
tères la même année, comme on le fit pour l'empereur
Lucius Vérus ("*).
Mais, jusqu'ici, rien n'atteste que dispense pouvait être
accordée des Petits Mj^stères, même à des empereurs. Il
semble toutefois que ce fut le cas i^our Marc-Aurèle et
Commode, initiés tous deux en 176. Pour ce qui les con-
cerne, Foucart s'est borné à dire : « Si l'on suppose qu'ils
observèrent la règle, comme l'avait fait Hadrien, ils furent
initiés aux Petits Mystères en mars 176 et aux Grands en
septembre {^). » Giannelli s'est contenté d'affirmer, je tra-
duis, « que l'empereur était déjà à Smyrne, au printemps
de 176, où Commode le rejoignit. De là, ils i^assèrent en
(1) Foi'CAUT, Ijes Mystères d'Eleusis, p. 267.
(•') Pi.t T., Dem., 26. Cf. Giannei.i.i, p. .324 et ii. 1.
(•') IG, IMII-, 847, 1. 22 (cf. van deu Loeff, De Indis Kleimniis, Diss.,
Leydc, 100.3, p. 7; Stexoei,, lieul-Enc, V, p. 2331; Griecli. KultnsaUertiiinef^,
p. 182.
(<) 'Eqp. dpx., 1895, p. 111, iio 27, 11. 23 sq. = SIG\ 860.
(:■) FntcMtr, Rcv. l'/ril., XVII. p. 20ri.
AUGUSTE ET ATHÈNES 433
Grèce et, en automne, ils se trouvaient encore à Athènes.
Au commencement de novembre, ils retournèrent en
Italie 0). »
Si les deux empereurs ne se trouvaient pas à Smyrne au
mois d'Antliestériou, comme on l'a parfois supposé (-), il
semble bien qu'ils ont passé l'été en Asie Mineure ou, en
tout cas, ne se sont pas rendus à Athènes avant l'été (^).
A supposer même que nous nous trompions sur ce point,
il est sûr qu'Auguste n'a j^as été initié avant ol et qu'il
n'était pas à Athènes avant le mois de septembre. Comme
il a certainement été initié cette année-là, il dut sûrement
être dispensé des Petits Mystères. D'ailleui's, même si l'on
admettait avec Foucart que sa première initiation ne date
que de 21-20, elle aurait eu lieu après la célébration des
Mystères de Boédromion pour lesquels Auguste arriva
trop tard, et il ne pourrait, cette année-là non plus, être
question de son initiation aux Petits Mystères.
Comment échapper à la contradiction qui semble exis-
ter entre les deux textes de Dion et à la difliculté résul-
tant de l'obligation de se présenter d'abord aux Petits
Mystères?
Je n'aperçois que deux solutions possibles. Ou bien
Auguste a été initié aux Petits Mystères qu'on aurait
répétés pour lui, en 31, et aux Grands en 21 ; ou bien il
aurait été admis dii-ectement aux Grands Mystères en 31
et au troisième degré, à l'époptie, en 24.
La première doit sans doute être rejetée ; si Dion a soin
de mentionner les conditions exceptionnelles de l'initia-
tion de 21, il ne nous dit rien touchant celle de 31.
Et nous conclurons qu'Auguste a été initié deux fois aux
Grands Mystères, pour respecter tout au moins la pres-
cription qui exigeait un intervalle minimum d'un au entre
l'initiation proprement dite et l'époptie (■») : cette dernière
se conférait, elle aussi, en Boédromion (&). Beaucoup
(') GlAVNEl.LI, p. 381.
(^) Clinton, Fasfi Roniani, ;i raïuiéo 176.
(3) vox RoiiDEN, Real-F.m., 1, p. 2301.
(*) FoiCART, Les Mystères d'Eleusis, p. 432; M. Brillant, Les Mystères
d' Eleusis, pp. 84 sq.
(^) Ftn CART, p. 432.
•28
434 p. GRAINDOR
n'allaient pas jusqu'à ce degré suprême, mais l'on peut
croire qu'Auguste fut de ceux dont parle Sénèque et
qui revenaient à Eleusis pour y chercher peut-être « un
surcroît de garanties pour la vie future (^) « : non semel
quiiedam sacra tradiintur; servat Eleusis quod revisenti-
biis ostendat {^).
II
Un décret d'Athènes en l'honneur d'Auguste
Kirchner a copié au Musée épigraphique d'Athènes un
fragment de décret trouvé dans la Bibliothèque d'Hadrien
et l'a publié dans Veditio minor des IG, 11^. 1071. C'est un
fragment de stèle de marbre pentélique de 0"30 de haut
sur 0™27 de large et 0"^09o d'épaisseur (complet en haut
seulement). D'après l'écriture, le texte daterait du début
de l'Empire. Nous allons essayer de montrer que l'éditeur
avait deviné Juste et qu'on ne doit pas se contenter d'ad-
mettre, avec Hiller von Gaertringen (3), qu'il y était peut-
être question du jour anniversaire de la naissance d'un
empereur (1. 8).
— — — — Aîaviiç — — — —
— — — — loç èTT£aTdT[ei] - —
— 'AvTmdTpou vu 0\ — —
— — [TTpiÔTepov èvjJiicpiaaTO ô b[fi|uoç]
D [Kai(7ap]i ZePaatiJùi TTpàTTe(79a[i] —
— — uuv xaîç é'vaiç Tijuaîç — — —
— — eTtti v Tr)v |uèv bujbeKaT[riv] —
— Yevé6\iov éopTâIei[v]
— ['AttôJWuuv iriv èpbôjunv iep[àv]
10 uuv eiai bniuoTeXeîç — —
— — — TrapôvTuuv }JLe — — — —
— — — — [6euu]poûvTa — — —
Quoique nous possédions peu de décrets du temps d'Au-
(ij Jhid., p. iin\,
(2j Sen., Quaest. «a/., VII, 31,
(3) IG, H-, /. /.
AUGUSTE ET ATHÈNES 435
guste et même de l'Empire (^), le texte étant complet en
haut, on doit restituer le début comme suit :
['0 beîva Toû beîvoç (dème) rjpxev] Aiaviiç [ènpuTdveuev]
[ô beîva èYpa|u)aàTeuev,] — loç è7TeaTâT[er êboEev xni]
[pou\f|i Kai Tuiji btTjuuur 'AvTÎTraTpoç] 'AviiTTotipou 0\[u€Ùç emev]
[là )aèv dWa Trâvia KaGàrrep TrpjÔTepov èipirpicraTO ô b;^n)uoç]
[ô 'AGnvaiuuv AÙTOKpdTopi Kaîcrap]i lePaaTuùi TrpàTTeaea[i] -
On n'emploie i)lus, après le milieu du iv® siècle avant
J.-C, de ces i)réambules où le nom de la tribu au nomi-
natif est suivi de ô beîva .. iTieoràTei{^). Il y a ici, semble-t-il,
un retour vers le passé qui s'expliquerait bien si le décret
était soit du temps d'Auguste, soit du ii'^ siècle, é])oques
où l'archaïsme fleurit en art, en littérature et même en
épigraphie.
Si la rédaction, telle que nous la restituons, était
logique, comme elle l'était dans les décrets que l'on imite
ici, le nom du secrétaire et de l'épistate serait accompa-
gné du patronymique et du dème, comme il l'était sans
doute pour l'archonte, à en juger par l'étendue de la lacune
(elle nous est, semble-t-il, exactement connue par la 1. 4)
et comme il l'était sûrement pour le nom du ro<>-ator. Mais,
dans les rares décrets d'époque impériale, on observe la
même hésitation que celle que suppose notre restitu-
tion (3).
L 8. — Après le nom propre au génitif qui ne peut être,
à cette place, que le nom du ])èrc de l'auteur de la proposi-
tion, il faut restituer son dème. Les deux premières lettres
qui subsistent seules permettent d'hésiter entre OXueùç ou
0a\r|peuç (*) : la seconde letti-e est, en effet, donnée comme
(!) IG, II-Ill-, 10()!)à 1087.
(2) Cf. notamment IG, U\ 107 = S[G^. 164 (368-367). - Parmi les derniers
exemples, cf. IG. II III^, 213, 211 (347-316). Larfeld, Handb. d. qr. Epigr.,
II, p. 619.
(■*j IG, II-III-, 1072 : les noms de larclionte, du secrétaire, du rof/alur sont
suivis du nom de leur père et de leur (Icnie, tandis (|ue ce dernier est seul
ajoute au nom du proèdrc; 1077 : le palr()ii.vnn(]ue et le dème sont cités pour
l'archonte et le secrétaire, ni Tun ni l'autre pour l'cpislatc et le patronymicjue
seul pour le proèdre tiui a mis aux voix.
{*) Cf. la liste des déiues de von Schoefker, Real-Fnc, V, p|). 1 1 1 sqtj.
436 p. GRAINDOR
n'étant qu'en partie conservée, mais l'éditeur l'ayant
transcrite par \ semble bien indiquer que OXueûç est
seul possible. Nous connaissons d'ailleurs un person-
nage, fils d'Antipatros, de ce dème. C'est un 'AvTiTTaT[po]ç
('AvTmdTpou) 0X[u£Ù]ç, qui est mentionné dans une liste
de nature incertaine (^), en même temps qu'un [Oi]vôq)[iJ-
X[oç] ZuvbpôjLiou TTeipieuç. Pour ce dernier, on peut déter-
minei' approximativement l'époque où il vivait. Il ligure,
notamment, sur une liste de notables du début de l'Em-
pire (~), en même temps que KaWiKpaTÎbriç Zuv5pô|uou Ziei-
pieùç (3), son frère, le même sans doute qui fut archonte
en 38-37, en 34-33 ou vers 33-3i> C»).
Comme le texte doit dater du commencement de l'Em-
pire, on restituerait donc volontiers, à la l. 3, ['Avrinarpoç]
'AvTiTTaTpou 0\lU6Ûç eiTTÊv], d'autant plus que d'autres
indices vont nous ramener vers la même époque.
L. 4. — Comme il est question, à la 1. 6, d'honneurs
votés l'année ])ré('édente (^), l'on doit sans doute restituer
ici [tù jLièv dWa Tràvra KaGànep Trpjôtepov, etc. C'est la for-
mule bien connue qu'on emploie, à Athènes, pour les amen-
dements : l'auteur de la proposition s'en servirait ici pour
amender un décret voté non pas immédiatement avant,
(*) IG, III, 1297. Personnage omis par Kirchner dans la Prosopographia
Attica et SuNDWALL, ISacklruge z%ir Prosopogruphio Attira, Ofversigt afFinska
Yetenskaps-Sncietetcns Forhandlingar, LU, 1909-1910.
(2) 'Ecp. dpx-, 1898, p. 19, n» 16, 1. 10. IG, III, 1296, 391o. Cf. Prosop. Alt.,
I, p. 106, n° 11369. Wilhelm, Beitràge zur griech. Inschriftenkundc, Vienne,
1909. p. 88.
(3) 'Ecp. dpx-, /. f-, 1. 8. /G, III, 89, 618-650, 1019. Prosop. Att., I, p. 531,
n» 7990.
{■*) KoLKE, Die uttisc/ien Arrhnnten von 2'J2-29 1-3 1-30 v. Chr., Abhandl.d.
Gesell. d. Wissensch, zu Giittivgen, PhU.-Inst. Kl., nene Folge, X, 1908, p. 1 il ;
KiKCHNER, Real-Fnc, X, p. 1613. n° 2 et IG, Il-lll^, pars i, fasc. 1 , p. ^5 (38-37);
KiucHNER, Uhein. Mus., LUI, p. 391 (31-33); P. Roussel, Délos, colonie athé-
nienne, Paris, 1917, p. 381 (±33-32). Pour les différents archontes de ce nom,
cf. aussi notre « Chronologie des archontes athéniens sous l'Empire » (Mém.
Ac. Belgi(/ne, VIII, 1922), p. 66, n. 2 et 81.
(^) ^vaiç Ti|uûîç. Pour le sens de cet adjectif, cf. l'expression ëvoi ëqpnPoi
qui désigne les cphèbes de l'année précédenle {IG, II-Ill-, 1011, 1. 10). Meis-
terhans-Sciiwy7>:r, Graminatik der allisrhen liisiliriften'^, p. 8(), n. 731 : il faut
accentuer ëvoç et non ëvoç. L'éditeur des IG, H-, hésite entre ces deux ortho-
graphes.
AUGUSTE ET ATHÈNES 437
comme c'est généralement le cas, mais pour ajouter de
nouveaux honneurs à ceux qui ont été décrétés un an
plus tôt, en faveur de rem])ereur, par le ])euple d'Athènes.
Pour le verbe TipâiTeaGai (1. 5), usité dans cette formule,
qu'il me suffise de renvoyer à un décret des AthcMiiens
pour la femme de Septime-Sévère : tù )uèv dWa [îràvia ouruuç
7Tp]àTTe[a6ai, KaGuûçl, etc. (^).
(^uant au nom de l'empereur, il faut, croyons-nous, le
restituer [AùiOKpàTopi Kaiaapji ZePaaTÔii, Il s'agirait d'Au-
guste lui-même, qui est plus d'une fois désigné de la sorte
dans les textes attiques {^). Non seulement l'écriture et le
nom d'Antipatros nous ramènent au début de l'Empire,
mais le jour anniversaire qu'on décide de fêter, à la 1. 8
(YevéÔXiov éoptà^eiv), ne i)eut guère être que celui de la nais-
sance d'un empereur (^), comme l'a vu déjà Hiller von
(1) /G, 11-1112,1076.
(-) IG, 111, 6o : AÙTOKpdTopoç Geoû uioO ZePaOToO. De même dans i30,
431, 130. AÙTOKpd[Topoç Kaioapoç lepaOToO]? i32. Pour les tiU"es d'Auguste
dans les insfriiilions attiques, ci", aussi notre Chronologie, pp. 56. .jS, 60.
(^) Il est bien invraisemblable, en effet, qu'il s'agisse du milalis imperii
(Cf W. ScHMuiT, « Geburlstag ini Altertuni» [Rfligionfjrsr/iichlliclie Versuclie,
VII, 1], p. 76; WissowA. Reli(/io)i iind Kultvs dcr Romcr-, p. 3io; Wii.lems,
Le droit public romain', p. ili; ^Iommsen, Riim. Str., Il'-, p. 797, 813, n. 1,
841, n. 3), àpx»iç "ffvéOXiov (/G, ll-lU-, 1077, I. 30. L'expression est omise
dansMAc.iE, De Romanornm juris publia sacriqne voiabnlis solemnibits, Leip-
zig, 1905). Les témoignages les plus anciens relatifs au natalis imperii ne
remontent pas plus haut que Callgula, le premier dont on ait, à notre connais-
sance, célébré ce natalis (Schii.ten, Real-Enc, V, p. 478; W. Schmidt, o. /.,
p. 76). Or, notre décret ne paraît pas pouvoir descendre aussi bas : plusieurs
indices attestent sutli.sannncnt (ju'il est du début de l'Empire. De plus, le
natalis imperii avait moins d'importance que le natalis genuinus (Scni ltex,
/. /.), si bien que certains empereurs, comme Septime Scvére, donnaient des
fêtes à l'occasion de ranniver.saire de leur naissance, mais non de celui de leur
accession au trône (« Ilist. Aug. », Vit. l'ertin., 15). Enlin, il s'agit vraisem-
blablement d'Auguste et, dès l'antiquité, on hésitait déj;'i sur la date de son dies
imperii, les uns le faisant remonter au 7 janvier ou au 19 aoiU 43, d'autres au
16 janvier 27, d'autres enfin au ^'"^ juillet 23, date d'où partent ses puissances
triiiuniciennes. (Cf. Schii.ten, /. /., p. 477; Fitzleu-Seeck, Real-Knc., X,
p. 287, 3i8.) C'est cette dernière date (ju'Augustc lui-mCMnc devait préférer
(Mommsen, Riim. Str.'-, IV, pp. 46 sq.;. S'il s'agissait donc d'Auguste dans notre
décret, comme c'est à pCH près certain, il faudrait admettre (lue ce docunn-nl
ne serait pas antérieur ;i 23 et (]ue le précédent décret ijui y est mentionné
serait de 24, l'année précédente (^vai Ti)uai) : il est bien invraisemblable que
438 p. GRAINDOR
Gaertringen, et d'un empereur qui, vraisemblablement, ne
peut être qu'Auguste.
Ce n'est pus seulement parce que le Sénat romain, lui
aussi, avait décidé, en 30, de fêter l'anniversaire de la nais-
sance d'Auguste, dans un sénatus-oonsnlte qui putiusjurer
le décret d'Athènes (^), c'est, surtout, parce que ce YevéGXiov
est ici rapproché du nom d'Apollon. On racontait qu'Atia
avait conçu Auguste dans un temple d'Apollon, des œuvres
d'un serpent dont elle avait même gardé l'image sur le
corps, signe tangible de l'origine divine, apollinienne,
d'Auguste (2), légende inspirée sans doute par celle
d'Olympias et du serpent d'Ammon, « père » d'Alexandre.
Auguste lui-même n'attribuait-il pas à l'aide du dieu ses
victoires navales de Sicile et d'Actium, et n'est-ce pas en
souvenir de ces victoires qu'il fit édifier, dans sa demeure
même du Palatin, un temple d'Apollon {^), qu'il consacra au
dieu un certain nombre de navires pris à Antoine et insti-
tua en son honneur les fêtes pentétériques des Aktia (^)?
Et c'est encore Apollon qui figure, avec Artémis, sur la
cuirasse historiée de la fameuse statue d'Auguste de Pri-
maporta et sur des tessères d'Athènes au nom de l'emi^e-
reur (5),
Pour le septième jour dont il est fait mention à la 1. 9,
Hiller von Gaertringen s'est borné à renvoyer à Hésiode
("EpY., 770), où le poète nous dit que c'était le jour de la
naissance d'Apollon. Mais c'est aussi à ce dieu qu'appar-
tenait sans doute, on l'avait supposé depuis longtemps, le
7 Boédromion. C'était vraisemblablement le jour des Boé-
les Alliéniens, qui avaient beaucoup à se faire pardonner, pour avoir suivi le
parti d'Antoine, aient attendu si longtemps pour voter des honneurs à
Auguste.
(1) Dio, LI, 19, 2.
(2) ScET., Ang., 94, A; Dio, XLV, 1,2; Imhoof-Bixmer, Monnaies grecques,
p. 300, 21a; Real-Enc., X, p. 277.
(') Gari)TH.\i;sen, Angnsins iind seine Zeit, I, p. 873; Real-Enc, X, p. 319;
WissowA, Religion nnd Knlliis der R<mier^, p. 290.
{*) Cf. les textes cités, Real-Enc, X, p. 332.
{^) Cf. la biblioi,Mapliie dans Gagnât et Chapot, Manuel d'archéologie
romaine, I, p. 021. Reproduite en dernier lieu dans Spkinger-Woi.ters, Vie
Kunst des AUertums^^, p. 171, fig. 920; Lïibke-Pekmce, Die Kunst d. AUer-
tums^^, p. 443, fig. 628. Festschrift Hirsrhfchl, \)\>. 305 sqq.
AUGUSTE ET ATHÈNES 439
dromia, de la fête d'Apollon Boédromios, le dieu qui aide
dans les combats, comme il avait aidé Auguste en Sicile, à
Actium (^).
Mais y a-t-il moyen de mettre la date donnée dans noti-e
décret d'accord avec celle de la naissance d'Auguste?
Le douzième jour qui y est mentionné n'est pas une date
du calendrier romain, auquel cas on attendrait npô suivi
d'un nom de nombre et du génitif de celui des calendes,
des noues ou des ides. Comme Auguste est né le 23 sep-
tembre, ce douzième jour serait celui de Boédromion. qui
chevauchait sur les deux mois juliens de septembre et
d'octobie (2). Et le premier Boédromion aurait alors, à
l'époque du décret du moins, concordé avec le 12 septembre
de l'année julienne.
Notre décret ne peut avoir été voté avant 27, à cause du
titre d'Aiigustus attribué à l'empereur. Mais il ne doit pas
non plus être placé beaucoup plus bas : on ne compren-
drait guère que les Athéniens, qui avaient beaucoup à se
faire pardonner pour avoir pris le parti d'Antoine, eussent
longtemps tardé à décerner à Auguste les honneurs men-
tionnés dans notre texte, qui complètent ceux qui avaient
été votés l'année précédente (3).
Peut-être le furent-ils en 26-2o, en ])révision de l'anni-
versaire de 2o {'*). En 25, le premier de l'an attique, le
premier Hékatombaion tombe vers le 16 juillet (^). Le
premier Boédromion équivaudrait alors au 1 3 et non au
12 septembre, comme nous l'avons supposé. Mais on sait
(1) Miii.i.KK, Uoricr, I, pp. 331: Mommsk.n, f>s/c der S/adl Athen, p. 170;
Stengei., Renl-Ettc, III, p. oOi sqq. et Suppl., I, p. 233 et Griech. Kultus-
alterlihner\ p. 226.
(2) BiscHOFK, Kalender, Real-Enc, X, pp. 1382 et 1591. n» 3i.
(3) Parmi ceux-ci, il faut sans doute compter l'érection du temple d'.Auguste
et de Rome sur l'Acropole ilG, 111, 03. Jideich, To/tof/rap/ne von Athen,
p. 233). Nous avons supposé dans notre «Chronolojîie des archontes athéniens
sous l'Empire» (Ment. Ac. Bclgii/iie, Vlll, 1922), p. 31, qu'il avait dil être
construit entre 27-20 et 18-17.
(*) Le décret de l'année précédente tomberait alors en 27 et aurait été rend»
lors de l'octroi du titre lïAin/ttsfus et d'autres honneurs par le Sénat, à
Auguste (/{<?a/-£wr., X, pp. 312 sq.).
(5) Cf. les tables de Ungkr, Zeitrcchnung drr Grirr/ien itnd lUimer'-, p. 704
et celles de Schmuit et de Ginzki., dans le Handlmch der mat/triiialisc/ie)i und
tecfniiscficu Chronologie de ce dernier. 11, p. 170.
440 P. GRAINDOR
que les concordances que l'on a établies entre les calen-
driers julien et attiquo, pour cette époque, ne sont qu'ap-
proximatives et qu'il faut compter avec une erreur d'un
jour ou deux, soit en avance, soit en retard (*).
Il existe, on le voit, un faisceau de ])résomptions qui
semblent indiquer que notre document est bien contem-
porain d'Auguste. Par une singulière rencontre qui a dû
sans doute influer sur le vote de l'amendement, le 12 Boé-
dromion est précisément l'anniversaire du retour de Tlira-
sybule {^), le restaurateur de la démocratie comme Auguste
l'était ou plutôt prétendait l'être de la constitution républi-
caine.
Quant au 7 Boédromion qui aurait correspondu, d'après
nos déductions, au 18 septembre, c'est à peu près la date où
Auguste dut arriv^er à Athènes, où il se rendit, on le sait^
immédiatement après Aetium (^).
Quoique les trois dernières lignes du décret soient très
mutilées, on devine que brmoieXeîçne i)eut guère s'appliquer
qu'à des fêtes données aux frais de la Cité ; et il faut peut-
être restituer [0€]ujv eîcTi 5ri|U0Te\eîç [éopiai] (■*) : on a supposé
déjà que le 12, jour du retour de Tlirasybule, était aussi
celui d'une fête d'Athéna à laquelle il avait offert un sacri-
fice (^). Le verbe, au présent, indique qu'il s'agit non de
fêtes nouvelles créées par le décret, mais de fêtes déjà
existantes et confirme notre hypothèse concernant les
dates du 7 et du 12 Boédromion.
III
Un écho des « Ludi saeculares » à Athènes
La dédicace 'Eqp. dpx., 1887, p. 113, n° 33 nous apprend
que Quintus Pompeius, fils d'Aulus, avait exécuté et con-
{') Un(;ek, o. /., p. 76i.
{-) PixT., De f/lor. Atlieri., 7 : xf) bè biubeKoiTri (Boribpo|uiâ)voç) xapiOTiÎpia
ëBuov éXeuSepiaç, év éxeivr) yàp oi àizo 0vXr\q KaTfjXGov. Cf. Mummskn, Feste
der Stadl At/ien, p. 178, n. 2. Ste.ngel, Gr. Kiiltusallerlihner\ p. 228.
(3) Cf. ci-dessus, p. 130.
(*) Cf. OGI, îîi), 1. 11; Insr/ir. v. Priene, 113, 1. 71. On trouve aussi Travr)-
"fupiç br^iLioTeXnç, OGf, 1, II. 43, 11; .^0, 11. 31, 3.') et 6uaia bri^oxeXt'iç, S/G',
lOlîi, î. 20.
(^) Xen., HelL, 11, 1, 39; Mommsen, l. /. ; Stengel, p. 228.
AUGUSTE ET ATHÈNES 441
sacré à Eleusis, avec ses frères Aulus et Sextus, une statue
d'Aiôn, eîç Kpâxoç 'PuO|uriç Ktti 5ia)aovnv jnuCTiripîujv (•).
De l'absence du co^iiomen {-), du fait que l'iota adscrit
est toujours indiqué et que le nom d'un empereur n'est pas
associé à celui de Rome, Dittenberger a déduit très juste-
ment que le monument était, au ])lus tard, de l'époque
d'Auguste. On peut ajouter qu'il ne peut guère non plus
remonter beaucoup plus haut, non seulement à cause du
gentilice des dédicants, mais les formes onciales des lettres
€, <7, ui, bien qu'usitées sous Auguste déjà, sembleraient
même inviter à descendre plus bas, n'étaient les bonnes
raisons qu'on a fait valoir contre une date trop tardive.
On n'a pas jusqu'ici, semblo-t-il, cherché à trouver le
motif qui a pu pousser Quintus Pompeius et ses frères à
ériger ce monument et pourquoi ils l'ont élevé à Eleusis.
Si Aiôn est la personnification de l'éternité, le mot aîubv
avait aussi le sens de « durée de la vie » et de « siècle » \^},
autant dire celui de saeculum. Et il est bien tentant de
supposer que c'est à l'occasion des saeciilares ludi que le
monument a été dédié. Il y eut précisément des jeux sécu-
laires en 17 avant J.-C, sous le règne d'Auguste, à l'époque
duquel on avait conjecturé que la dédicace d'Eleusis
devait se placer {*). Cette dédicace est faite, observons-le,
par des citoyens romains et c'est à peu près la seule de
l'espèce que nous possédions, d'où l'on doit inférer qu'elle
a trait à un événement dont le retour ne devait pas être
fréquent.
Cette hypothèse explique aussi très bien pourquoi la
statue d'Aiôn a été érigée dans le téménos d'Eleusis plutôt
qu'à Athènes,
(») SIG^, 112o.
(-) Sur l'emploi du cof/iiomen, qui est générnl sous Claude déjà, cf. en der-
nier lieu Dean, A sludy of the coynoiniua of soldiers in l/ir lioman légion,
Diss. Princeton, liMO, |). 108 f,qq.
(■') Cf. L.vcKEiT, Aion, Ik'id-Knc., Siippl , 111, pp. Ul scpi. (nous n'avons pas à
notre disposition la diss(M"tation de i'anteur de cet article, Aion, Zeil und
Eu'igkcit i?i Sprac/ic und He/ii/ion der Grier/ien, 1 Teil, Spnic/ie, Konigs-
berg, li>lt)), qui cite (p. (58) notre dédicace, sans en donner une interjirétalion
nouvelle. Cf. aussi Deciinek, dans Roschek, Le.rikon, III, p. :21:28. Pour les
autres références relatives à celte dcdicaci-, cf. SIG\ I. l.
(*) Pour les saecidares Ituti, cf. eu dernier lieu Nilssos, /fra/-/-."w< .. la.
pp. 1696 sqq.
442 p. GRAINDOR
Les liidi saeculares, tout au moins à l'éi^oque républi-
caine, étaient des l'êtes de caractère funéraire, une sorte
d'inhumation du siècle défunt, accompagnées de saciifices
à Dis pater et à Proserpina, autant dire à Pluton et à
Perséphone, car ces liidi étaient d'origine grecque; ils
avaient été institués à la suite d'une consultation des
Livres Sibyllins, en 249(0.
Certes, avec Auguste, le caractère de la fête se modifie.
C'est la naissance du siècle nouveau j^lutôt que la mort du
précédent que l'on célèbre maintenant (2). Mais ces ludi
rénovés comportaient cependant encore des sacrifices à
la Terra mater, qui eurent lieu la nuit du 3 juin (^). D'après
Zosime même (^), il faudrait aussi compter Hadès et Per-
séphone parmi les divinités auxquelles on sacrifiait à
cette occasion.
D'ailleurs, d'après Philon de Byblos {^), Aiôn aurait
appris aux hommes à se nourrir des fruits des arbres : par
là, il méritait d'être associé à Dèmèter qui leur avait
enseigné la culture du blé.
Notre dédicace se placerait donc vers le mois de juin de
17 avant Jésus-Christ. Et les mystères dont il y est ques-
tion n'auraient rien à voir avec ceux de Mitlira, même si
les rapports existant entre le culte de ce dieu et Aiôn
étaient plus certains et mieux définis (6). Ces mystères ne
peuvent être que ceux d'Eleusis, endroit de la découverte
de la base dédiée par Quintus Pompeius C); au début d'un
siècle nouveau, il leur souhaite ainsi qu'à Rome une durée
éternelle, cette aeternitas dont le nom apparaît sur les
(1) WissowA, HcHgion und Kulhis (1er Romer'^, p. 309. Nilsso.v, /. /., p. 170i.
(2) WlSHOWA, p. i31. NiLSSON, p. 1716.
(3) NiLSSON.,pp. 1713 sq.
(*) ZosiM., II, 3.
(5) Ap. EusEB., Praep. er., I, 10, 10.
(6) SIG^, l. L, n. 2, 4. Cf. Cumont, Les Mystères de MU lira, I. p. 7(5, et Les
Mystères de Mit/ira, 3« éd., pp. 106 sqq.
C) D'après IIkuodian., III, 8, à l'occasion des jeux séculaires de 20i, Sep-
time-Sévcre fit célébrer lepoupYÎaç Te Kai Travvuxîbaç éTTiTeXeoGeioaç éç
luuOTripîuuv CfiXov. Si c'était bien, comme on l'a dit, pour rivaliser avec les
Mystères d Eleusis (Foucakt, Rev. de P/iil., \\U, p. 207), c'est qu'il existait
sans doute quelijue rapport entre les deux fêtes.
AUGUSTE ET ATHÈNES 443
monnaies impériales dès Auguste, mais dont la figure ne
se montrera qu'à partir de Vespasien (').
De même, sur des monnaies d'Alexandrie, de 139, année
qui marque le début d'une période sothiaque {^), on voit
figurer le Phénix, accompagné de la légende AIQN, de cet
autre Phénix qui renaissait de ses cendres : il n'y aurait
donc rien d'étonnant si on avait érigé une statue à ce dieu,
à la naissance d'un siècle nouveau.
Paul Graixdok.
(1) ArsT, Heal-Enc, I, p. 69i; Deibner, /. /., p. 21io.
(2) Head, Historia numorum'^, p. 863.
Etymologies wallonnes et françaises
* GABA et ses dérivés wallons.
Sous le type *gaba « jabot », Meyer-Lûbke cite quel-
ques formes dialectales modernes, notamment le picard
f^'civ, le wallon ^>a/" et le namurois djef [sic] «jabot du
pigeon ». Ces indications, en ce qui concerne nos dia-
lectes, ne sont pas des plus exactes. Quoi qu'en disent G.,
I, 228, II, 508, P'orir et Sigart, ^af — ou mieux >>Hve
comme en ancien français — n'a pas cours au pays liégeois
(le jabot du pigeon s'y api^elle face) ; ce n'est même pas du
wallon proprement dit. Gave appartient au picard et au
messin. De là il pénètre en Wallonie dans le gaumais, le
chestrolais, le givétois (sous la forme ^'aue, qui se pro-
nonce g'af) et dans le namurois, où il devient djafe (Namur,
Stave, Ciney, etc.). Il y donne plusieurs dérivés, tels que
gavé (Givet) « gaver » ; g-aoiot ou gavion (Fosse-la- Ville)
« larynx, gorge »: gavéye (Neufclmteau) « jabot d'oiseau,
devant de chemise, gorge », proprement « gorgée, plein la
gorge » comme le gaumais gavàye, gafàye; gavii, gafii
(Virton : Cl. Maus) « qui a un gros jabot »; etc. Quant à
djef, qui nous est donné comme namurois, il ne me paraît
pas des plus sûrs. Je n'y vois, pour ma part, qu'une gra-
phie approximative de djève, qui existe notamment à
Fosse-la- Ville au sens de « gésier », à Gembloux, en Iles-
baj-e, en Famenne et dans la province de Liège au sens
péjoratif de « gueule », en parlant d'une personne (-). Reste
(') AitKKViATiuNS : G == Graiulgagnago, Uict. etym. nallon ; BSV^' = ISufletin
de la Société de Litt. wallimne ; BD = Bulletin du Dictionnaire iciillon ;
Meyer-Liibke = liomanisches Etym. WUrterlnicli ; \v = wallon.
(2) Par exemple, en liégeois, cloyiz vosse djcve; dji li f'rè peler s' djève.
A Malniedy-Stavelol, djéve signifie « bonehe bavarde, caiiuet », d'où les dérivés
djèv'ter, djèv'ler « jacasser ». A Dinant, Gembloux et en Famenne, le son r, tout
en restant long, n'est pas aussi ouvert qu'en liégeois. A Charleroi, dans le
446 J. HAUST
à voir si ce mot bien wallon djève s'explique par le type
proposé.
M. Dauzat(*) a publié récemment une étude approfondie
sur *gaba et ses dérivés. Il admet plutôt un type primitif
*gava, d'origine probablement celtique, et démontre que
*gauta « joue » postule un intermédiaire *gavita (et non
*gabata comme « jatte »). Tromjjé par la mauvaise gra-
phie djcf de Meyer-Lûbke, il estime que « seul, ce mot
namurois [lisez plutôt : « liégeois »] est phonétique m. Je ne
puis partager son avis : *gaba ou *gava aurait donné en
liégeois djëoe, comme f aba > /eue et l'imparfait -abam
> -ève. Pour expliquer djève, il faut comparer cavea
ytchève «grande cage pour transporter les pigeons, les
poulets, etc. », * s api us > sève « sage, lucide », et partir
d'un déi'ivé *gabia (que Meyer-Liibke ne donne pas) ou
mieux gavia. Dans l'étude intéressante que j'ai signalée,
M. Dauzat admet que gavia, mot rare et isolé en latin,
attesté seulement par Pline l'Ancien au sens de « mouette »
(cf. Mej-er-Liibke, n° 3708), se rattache nécessairement à
*gava, la mouette étant remarquable par la grosseur exté-
rieure de son jabot. Le wallon djève attesterait que gavia
a survécu à l'extrême Nord-Est du domaine roman.
Au reste, ce n'est pas le seul dérivé important que le
wallon a conservé sous une forme originale.
A propos du liégeois-namurois j!,''awe, s. f., «guimbarde,
petit instrument sonore... », G., I, 233, pour toute explica-
tion, se demande s'il faut y voir une onomatopée. En réa-
lité, le sens de « guimbarde », aujourd'hui le seul connu,
est secondaire. Il est certain que gawe répond littérale-
ment aufr./oHc et vient, comme ce dernier, de *gauta,
dont nous parlons ci-dessus; comi)arez caive, anc. fr. coiie,
queue; hawe, houe, mawe, moue, etc. Le sens primitif se
perçoit encore dans l'expression ironique fé aler s' gawe
« faire aller sa bouche, pour manger ou pour parler », et
dans le dérivé gawi (Namur) « brifer, gruger », djaivyi
(Luttre) « bavarder ».
Coq d'AwoHs' (lu 13 mars 1909, on signale bien dji've « caquet » : fc aler
s' dji-ve su lot r monde ; mais il faut probablement lire djève, à moins que è
ne se soit n'cllemcnl abr('t,'c par altération.
(!) Romania, t. \LV (1919), p. 250-258.
ETYMOLOGIES 447
On notera dans ces deux derniers termes ^- = dj, comme
dans ^'aue, djâve, que nous avons cités plus haut; de même
le fr. s'engouer a la môme origine que./oae. On ne s'éton-
nera donc pas si nous voyons dans badjaive un composé de
<>-iime. G., I, 42, ne connaissait en liégeois que la forme
budjowe et le sens de « babil, caquet, bagou ». Eu fait
budjawe est la forme première, connue aux environs de
Liège et encore à Liège même (comp. caive « queue », que
le liégeois altère en cowe). Ce mot signifie : 1. <( bajoue »,
équivalent littéral, qui subsiste dans l'expression on II a
fèt peter s' badjawe « on l'a souffleté » ; 2. bouche bavarde :
cloyiz vosse badjawe, fé aler .s' badjawe; 3 personne
bavarde; 4. caquet, bagou : // a 'ne fameuse badjawe.
Le liégeois badjawe répond donc à deux mots français
bajoue et bagou, auxquels les étymologistes n'assignent
pas la même origine. Ont-ils raison? Il est permis d'en
douter. Le fr. bagou, pour Clédat, est un terme d'argot, ce
qui dispense ai)paremment de plus am])les explications.
Diez, Scheler, Kcirting, Meyer-Liibke ne le signalent j)as.
Pour le Dictionnaire général — qui reprend en somme,
avec des atténuations i)rudentes, l'opinion de Littré — ,
(c bagou est peut-être substantif verbal de l'anc. fr. bagou-
ler, parler inconsidérément, lequel semble composé a\^ec
la particule péjorative ba et goule pour gueule, cf. déba-
gouler ». On peut se demander si bagouler n'est pas un
ancien *bagouer influencé par goule. Le w. badjawe appuie
cette présomption. Ajoutons que « bajoue » se dit bajole en
rouchi, bajote à Tournai (Comp. jouter ic mettre en joue,
viser », à Wiers-lez-Tournai); or, dans ces mots, la finale
ne peut s'expliquer que par des influences analogiques.
Chestr. anêvè, dusnévé; gaum. auàvéy, dénàvéy.
Dasnoy (p. 22, 172) et M. Liégeois (BSW., 37, p. 294, 323)
signalent ces mots à Neufehâtoau et à Tintigny; de môme
Cl. Maus dans son Vocabulaire des environs de ]'irti>n
(manuscrit, 1850). Voici, d'après des enquêtes person-
nelles, de quoi com])léter leurs données sommaires :
anèvè (Xcufchàteau, Recogne), v. tr., engendrer, produire,
introduire (des êtres, plantes on choses nuisibles) : ène pikeùre
448 J. HAUST
du gurzuliè [groseillier] anêve lu panaris / lès nich'tès d' la mûjon
[saletés de la maison] anêvant lès pïices ; lès pwinnes [cbieiulents]
s'anl anêoè par tout V (champ. I De même le gaumais anâvèy :
(•a anàoe lès puces, dit-an (Tiutigny); èç djeû la n'anâvrè rin
d" bon (Buzenol); vèy^ [vous avez] anâvèy in tas de p'tites biètes,
i n' fôt-m' lès layi sanàoèy (Musson) « il ne faut pas les laisser se
multiplier •■; lès môvêses-yérbes s'anâoant da note niêje (Virton).
dusnévè (Xeuf château. Recogne), dènâvèy (gaumais), v. tr.,
1. détruire, extirper (une race nuisible, de mauvaises herbes) :
dju n su- in foutu f/' dènaoè lès pavines [chiendents] du note
tchamp (Buzenol) ; — 2. expulser : djè Vans dènàvè de d' tchû nos
(Musson) « nous l'avons expulsé de chez nous " ; — 3. faire dis-
paraître, escamoter : tu m'es bintot eu dènâoé m' batan ! (Prouvy-
Jamoigne : BSW 49, p. 150); — 4, v. réfl., se débarrasser (d'une
chose nuisible, d'un importun) ; — 5. (réfl. ?) « émigrer, rassem-
bler ce qu'on a et quitter un lieu, un pays » (Cl. Maus) (*).
Si l'on détache les préfixes de-, dus- (fr. dé-, lat. de- ex-)
et a- (qui, dans cette région, représente le fr. en-, lat. in-,
anssi bien que le fr. a-, lat. ad-), il reste un radical nèo-,
nâv- (2), où nous reconnaîtrons l'anc. fr. naif, naïf. lat.
nativum. Les formes *ennaiver, *desnawer ne sont, je
pense, signalées nulle part; .Kôrting et Meyer-Lùbke n'in-
diquent aucun dérivé verbal de naiiviis (^); ce type latin a
cependant, comme on le voit, provigné dans la région de
Neuf château- Virton- Verdun.
Liég. bak'neùre, fr. techn. bacnure.
Le Sii})j)lénient de Littré accueille bacnure ou baque-
nure, t. de mine, syn. bouveau. Le mot est emprunté du
liég. bak'neùre, syn. trintche « tranche » : c'est ainsi que
nos bouilleurs appellent une galerie menée horizontale-
ment à travers bancs de roche pour atteindre la couche de
houille, po r'côper l vanne. G., I, 42, ne donne pas d'éty-
(') Vahi-et, bict. du patois meusien, signale à CbaUancourl se dénavi « se
défaire, se dépouiller : i n' veut-m' se dénavi de s' bin. Ktym. du lai. dehahere,
avoir de moins, manquer » (!).
{^) Pour le gaum. à = w. ê, comp. àdi, alùdi, plàji, wàli, etc.
(^) Godefroj cite lanc. fr. naifver ( 1060) « représenter naturellemeni ».
La tonique i de naïf devenant atone dans naiver, disparaît nécessairement;
comparez le rouclii aide (aide, s. f .) à côté de aider.
ETYMOLOGIES 449
mologie. Bormans, Voc. des houilleiirs lic^-eois, y voit un
dérivé de banc (!). 11 signale le syn. bakcn'inint (inusité);
mais il oublie le verbe bak'tier, qui est d'usage courant au
bassin de Liège comme synonyme de triiitrhi (« tran-
cher » : pratiquer une bacnure). On ne peut séparer bak'ner
du néerl. bakenen « baliser, jalonner » (i) : dans le creu-
sement d'une bak' neuve, le géomètre doit fréquemment
jalonner la galerie pour s'assurer que les ouvriers tiennent
la direction voulue. Cette action pai'ticulière a donné son
nom à l'ensemble des opérations.
Liég. canabùse.
Ce mot signifie (c sarbacane » : lès-èfants soflèt dès peùs
avoii 'ne canabùse (syn soflète). G., I, 99, écrit cane-à-bùse,
comme si c'était proprement une « canne à tuyau ». Cette
explication n'a manifestement que la valeur d'une étjauo-
logie populaire. Le néerlandais appelle knapbiis (^) un
autre jouet qui ressemble à la sarbacane, à savoir la canon-
nière — que le liégeois appelle bon haie. Malgré la diffé-
rence de signification, il y a une telle ressemblance de
forme entre knajtbiis et canabùse que je n'hésite pas à voir
dans le second un emprunt du premier. Pour l'insertion
de a dans le groupe initial kn-, comparez le fr. canapsa (de
l'ail. Knap])sack), canif et canivet. La finale s'est allongée
sous l'influence de bùse (tuyau i; comp. harkibùse (arque-
buse).
"SV. cakédô et heùpon « gratte-cul ».
J'ai relevé cakèdà (églantier; gratte-cul) dans l'est du
Brabant (Xoduwez, Marilles, Jodoigne, Gistoux, Chastre,
Perwez) et au nord de Namur (Gembloux, Meux). Ce terme
est inédit; Rolland lui-même ne donne rien d'analogue
dans sa Flore populaire, V, !229. On y reconnaîtra le flam.
et néerl. hagedoorn (aubépine), qui a i>assé par les étapes
(!) Dérivé du néerl. haken <( l)alise, bouée; », d'où le w. hakhie, l. de bat.,
méiiie sens (G., II, oOO). L'aeceplion iiriuiilive de Ixike/t est w signe » en
général; ef. Kluge isakk; Franek-van Wyk iîaak; Scluiennans, De Bo n.vKE,
BAAK.
(2) Composé de knap, crae, el de l>us, i)oile, canon (de fusil).
29
450 J. HAUST
*hagcdôr. *hakèd<), pour aboutir à cakèdô par assimilation
régressive (M.
Entre l'églantier et l'aubéptne, la confusion n'a rien de
surprenant : ces deux arbustes sont communs dans les
haies ; ils ont tous deux des épines et des fruits rouges. Au
reste, l'ail, hagedorn (littéralement « épine de baie ») se dit
à la fois de l'aubépine et de l'églantier. D'autre part, si le
west-fl. hiepe signifie a baie d'aubépine » (^l, l'ail, dialectal
hiefe est synonyme de hagebuite « fruit de l'églantier,
gratte-cul ». La divergence s'explique ici encore par le
sens général de « épine », qui est celui du primitif anc.
saxon hiopo, anc, h. ail. hiiifo(^).
G., I, 293. propose dubitativement de rattacher à ce pri-
mitif le liég heiipon « gratte-cul )> {'*) . Je tiens cette éty-
mologie pour assurée. A première vue, la protonique eu
pourrait faire difficulté {^) ; mais, si l'on compare le liég.
reùpe, -er (rot, roter), qui est emprunté de l'ail bavarois
riilp. et si l'on tient compte de ce que des dialectes du haut
ail. moderne ont hiefen, hiifeii (gratte-culi, on en conclura
que le liég. heiipon provient d'une forme bas- ail. *hiipeji.
Malm. déve, dêve.
Villers (1793) donne, en dialecte de Malmedy, dève, s. f.
« écorce de bouleau » C'). Scius (//?., 1893) écrit déve, c'est-
à-dire dëue. Ce mot n'étant pas connu ailleurs chez nous,
on lui supposera de prime abord une origine germanique
et, de fait, nous en retrouvons l'équivalent dans le bas alle-
mand d'Eupen, tout proche de Malmedy. Le Wôrterbuch
der Kiipener Spniche a un article : dauer, m., « écorce
('^ Comp. le fr. dcyirujandv pour dchinya/idc.
(2) Cf. De Bo, West-vl. Idiot. : « hiepe, fr. cenelle, péchalle (!), baie d'aubé-
pine ». — L'auteur fait au ii('g. pîtchale l'honneur de le prendre pour du
français.
(^) Voy. Weigand hieh:, Kalk-Torp mype.
(*) G. fait fiai dune forme nam. Iicùtan {'!). qui parait des plu.s suspectes,
il a ton de comi)arer le liég. hivc (ou niieu.x hife)i( gousse d ail ».
(■'} On s'attendrait à ■''liùiion (pour *liipon; coinp. liég. Vùli- \h)\iv *lHè
« l'îlol»; lii'iff'jje pour liifi'i/r, etc.). — On trouve hnpion ;i Krezée, lieùpion ii
Verviers, avec le sullixe diminutif -io«, fr. ilhm. Comp. l'art. Iiortm (à lialleux
hurion).
('') G., dans ses Ljtrails de Villers, écrit a tort dèee.
ETYMOLOGIES 451
sèche du bouleau», dauere « Tac ti on d'éeorcer le bouleau )>.
Toutefois, l'on y déclare que ces mots se dérobent à toute
explication satisfaisante. Si l'eupenois daoer est aussi isolé
dans le bas allemand que le malmédien doue dans le wallon,
la question en devient plus obscure. Dès lors, il est bien
tentant de s'adresser au celtique dervu k chêne » (^).
L'écorce du bouleau servant à tanner comme celle du
chêne, une confusion a pu se produire entre les deux
essences.
Fr. s'ébrouer, anc. fr. espro(hler; liég. sprognî.
I. L'anc. fr. es})ro(Ii]er vient du francique sprowan
(Meyer-Liibke, n° 8188), forme ancienne de l'ail, spriïhen
« faire jaillir ». La façon dont Godefroy en parle prête fort
à la critique. Il fait deux articles au lieu d'un seul et, si
dans le second espro{h)er, v. a , « asperger, éclabousser »
est défini correctement, dans le premier où il range trois
exemples du v. n., il passe trois fois à côté de la traduction
exacte : (son cheval) esproha signifie, non pas « hennit »,
mais (( s'ébroua »; chat qui esproe « souffle de colère », et
non (( miaule » ; de même, en parlant d'un oiseau à qui vous
tenez en votre bouche le bec jusqu'aux 3'eux, s'il esproe
bien après, dont est il sains, il faut comprendre : « si cet
oiseau souffle de colère contre vous, c'est un indice qu'il
est sain » (^). De plus. Godefroy oublie la forme sproher,
que G , II, 639, signale dans une variante de Jean d'Outre-
meuse au sens de « cracher » Enfin, d'après Godefroy,
esproement « exprime l'idée de moquerie »; nous y ver-
rons, au ])ropre, un éclat de gros rire, une explosion de
rire qui asperge autrui.
On n'a pas encore, que je sache, cherché dans l'anc. fr.
espro(h)er l'origine du fr. niod. s'ébrouer. Cependant les
l'i C.ilé jiar Moy('r-Liil)k(', n" T.'J.'ii. Voy. Du Gange : dcrvitm, ceKiciiic dcrw
{v\\viw} ; (ioilefroy : dervee (oliôiiaie).
(-) God. ne donne pas de U'aduelion; celle du Lc.iù/ur de Udiiiiard et
Salinoii : « erier », ne vaut rien. — De même, le wallon dit ipi un elieval (|ui
s'ébroue {(/ul spnxjne) est sain ; sprof^ni peut se dire aussi d'un eiiat (jui suutlle
hruyannnent de peur el de eolère. Le wallon peut ici servir de guide : dans
tous les exemples cités, csproher ri'pond au w. spror/ni, oii nous voyons
d'ailleurs un dérivé du trancique sproiritn : voy. ci-après.
452 J. HAUST
hypothèses émises pour expliquer ce dernier sont nom-
breuses et diverses. Pour l'un, « ébrouer dérive i)eut être
de *broii (— brave\ l'ébrouement du cheval pouvant passer
pour un signe de courage » ') ; comme si ce n'était pas tout
aussi bien et ])lutôt un signe de surprise et d'effroi ! (') Pour
l'autre, n'ébrouer se rattache à s esbroufer et vient donc du
provençal esbroufa qui a le même sens (^j; mais comment
justifier la chute de /"? Pour le Dict. général, « peut-être
s'ébrouer se rattache-t il au même radical que ébrouer,
t. techn, : plonger dans l'eau (des tissus sortant du métier),
l'ébrouement des animaux ayant pour résultat de faire
sortir une sorte de vapeur par les naseaux » f^). En somme,
la question reste pendante, car même la dernière hypo-
thèse, la plus sérieuse, ne va pas sans quelque difficulté de
sémantique.
Pour moi, il me paraît naturel d'admettre que esproer,
au lieu de disparaître comme on le croit, a donné régulière-
ment *cproucr, lequel est devenu ébrouer, v. intr. (1564),
puis V. réfl., sous l'influence du synonyme s esbroufer.
L'homonyme ébrouer, anc. fr. esbroer abbriihen), t. techn.,
a \)W aussi influer sur le changement anormal de pr en br.
Pour le traitement vocalique, la concordance est remar-
quable entre ies)broer, {é,brouer : alî. niod. iab briihen et
esproer, ébrouer : ail. mod. spriihen. Enfin cetfe hypothèse
a l'avantage de montrer la survivance de esi)roer dans
la langue moderne et la parenté du fr. s'ébrouer avec le
w. sprogni, qui a le même sens.
II, L'article de G., II, Î-JUG, sur le liég. sprogni, est
incomplet et ne donne pas d'étymologie. On le remplacera
par ce qui suit.
FoRMKS DIALECTALES : sj>ro£>-ni Liégc (Forir : // dfvk
sj)r()gne}, Fléron;-/ Rtavelot, Malmedy, Doncols, Wardin
(1) KuiiTi.Nd, Dirt. d'étyin. fr. ; c'csl l'opinion 'le Dicz, adoptée par LiUre.
(2) Comp. « un él)rouemeiit de clieval souttlant de peur » Zoi.a, Une paye
d'amour, p. -102.
(3) L. Ci.KDAT, Dict. i-lym. tte la larif/ar fr., 1912.
(*) C'est l'opinion de Sclieier et aussi de Meyer-Liihke, n» 1323 ; ce dernier
dérive du germ. Iirôjari : e7;ro«e/(abl)riiiieM) et s'éhrouer (sclniauben). Ch. Jouet
(It'fend la môme thèse dans Ihniianla, 1\, p. 118. Voy. enlin les Fra/iziisiscfic
Studien, VI, p. 31, 33.
ETYMOLOGIES 453
lez-Bastogne, Gives et dans le Coiulroz; -er Jupille. Trem-
bleur; -è Bande; sprougnè Neufcliàteau ; sprugni Ver-
riers; sproni Nanuir, Crelien (Ben-Ahin : Il dj'vù spronih,
il a sprog-ni : c'est signe qu'il est hèti ou sain). Les gra-
phies suivantes sont suspectes : sprongni (G.) ; sprôgner
Verviers (BSW., 40, p. 458; lire o?); spreûgner Jupille
[ib., 49, p. 375; lire œ'i); sprôni Naniur (Pirsoul; lire
sproni'f).
Significations : 1. s'ébrouer, souffler bruyamment de
l'eau liors de la bouche et du nez; se dit surtout du cheval.
C'est le sens le plus ordinaire; on le connaît partout : de
Liège Verviers à Neufehâteau et à Namur; 2. éternuer, en
parlant de l'homme : Doncols, Wardin, Bande et dans le
Condroz; 3. pouffer de rire au point de s'engouer (Mal-
med3'^ : Villers). ou mieux : rire en projetant de la salive,
rejeter de la nourriture en riant la bouche pleine (Fléron);
4. souffler de colère, en parlant d'un chat (Jupille :
BSW., 49, p. 375) ; 5. « souffler un liquide qu'on a mis dans
sa bouche » (Verviers : Remacle, v° sprugni) ; <c pousser un
liquide avec la bouche au visage, etc.; imprégner avec la
bouche une étoffe d'eau, d'huile « (ib. : Lobet, v° spriig-ni);
«. répandre de l'huile grasse ou de pétrole sur une chaîne
trop encollée : l'ouvrier projette le mélange d'eau et d'huile
par la bouche! » fib. : M, Lejeune, Voc. de V apprèteiiv en
draps : BSW., 40, p. 458); 6. v. unip., bruiner (Stavelot,
Malmedj') : / sprog-ne, il a sprogni; il a tourne one supro-
gnore « il est tombé une légère ondée»; à Faymonville,
on emploie dans ce cas le diminutif sprœg-n'ter, d'où
sprœgn'iœre « bruine, légère ondée ».
Etymologie . dérivé, à l'aide du suffixe diminutif -icu-
lare, du francique sprowan (i), forme ancienne de l'ail.
spriihen « faire jaillir, projeter avec force (pai- ex. des
étincelles)». Le type schématique *spro\N-iculare abou-
tit normalement à "sproeillier *spro-yi, d'où sprogni, par
épaississement de r en gn (-). Dans le liégeois Jean
d'Outremeuse on lit : « a rote sa lenge et les piechez sprel-
hoii (var. sj)rohoit) hors de se boche » | ^ il a déchiré sa
{■) Meyer-Liihke, u° 8188, tire de là l'aiie. fr. esproer.
(2j Comp. Iiouyot (bowle de neige) > honynol, etc.
454 J. HAUST
langue et crachait les morceaux] (*) ; sprelhoit est sans doute
une graphie inexacte pour 'sproelhoii, imparfait de "sproel-
hier. G., II, 639, a deviné dans ce verbe un fréquentatif de
l'ail. Hpviihen: mais il a négligé de le rapprocher du
moderne sprogni, qui en est pourtant inséparable. Compa-
rez au surplus le malm. / sprog-ne, qui répond à l'ail, es
sprûht « il tombe une pluie fine », et ce que nous disons
l^lus haut du fr. ébrouer.
Ane. fr. gistel, w. custèl, cristal, rouchi aguistiller.
I. Godefroy à l'ai'ticle suivant :
gistel, s. m., fût d'une arme? le manche? " Puis prent une
[corr. une] malhe erant de fier par le gistel « (Jeh. des Preis,
Geste de Lieg-e, 24795, ap. Scheler, Gloss. philol.).
L'éditeur de la Geste, A. Borgnet, traduit par « le
manche ». Scheler dit à ce propos : « Je ne connais pas ce
mot et je renonce à en préciser la valeur. M. le professeur
Le E,oy est tenté d'y voir l'ail. t>-estell (monture); il a peut-
être rencontré juste, mais je doute que le mot allemand ait
jamais été appliqué au fût d'une arme et que le wallon
présente d'autres cas d'application du préfixe alle-
mand -<>-e ».
Pour le dernier point, Scheler se trompe certainement :
il existe une bonne poignée de termes wallons qui repré-
sentent des mots germaniques pourvus du préfixe ge-.
Scheler pouvait trouver dans Grandgagnage les plus
connus, guilite, giiimène, giiinàde. L'autre objection ne
paraît pas plus sérieuse. Admettons que le germ. gestel{l)
n'ait jamais été aj)i)liqué au fût d'une arme; il s'agit de
savoir si telle accei)tion est possible. Or le sens générique :
(c disposition, arrangement, assemblage ». d'où : « mon-
ture, charpente, bâti, châssis, pied ou base », conduit
logiquement à celui de : « manche (d'un outil), hamjje (d'un
maillet d'armes) ». Dans son Glossaire, Scheler note sou-
vent des mots dont Jean d'Outremeuse, ])our le besoin de
la rime, n'hésite pas à étendre la signification; il dit lui-
(•) Mi/reur des fiistors, IV, 383. — Godefroy reproduit ce texte sans la
variante et avec : arotc, au lieu de nrote, que G. corrige ; a rote.
ETYMOLOGIES 455
même que cet auteur « a su enrichir le vocabulaire de son
temps par une multitude de termes, très légitimes de façon
et de sens, qu'il a puisés dans le terrain natal ou créés
selon le besoin accidentel de sa pensée ou l'entraînement
de la versification » (préface du Glossaire, p. 6). Gisiel est
dans ce cas. Il signifie « manche )> et représente le germ.
g-estcl[l). Nous allons montrer d'ailleurs que nos dialectes
ont conservé le mot dans une acception analogue.
II. De Malmedy à Namur, le brancard d'un chariot et
surtout d'un tombereau, ainsi que l'espace com])ris entre
les deux bras du brancard, s'appelle ciistàl (Verviers :
Lobet; ard. : Body, Voc. des charrons), criistal (Bormans,
Voc. des honilleiirs lié>>-eois i^}; nam. : Pirsoul). cristal
(G., II, olo t. de min., avec un sens quelque peu différent),
cristèl ^Jupille : BSW , 49 p. 363). Le mot est ancien : braz
de crustelles figure dans nos Chartes des Métiers, I, 82 (^l,
et G., II, o73, cite ce texte de 1723 : « chevaux attelés,
comme l'on dit, al cristalle ». De source orale, j'ai recueilli
crustal à Dorinne, Ben-Ahin, Marche et Heure-en-Fa-
menne, Erezée, Villers-Sainte-Gertrude, Vielsalm; ciistcl
à Masta-Stavelot et à Thimister-Clermont; enfin, près de
Malmedy : kœstœl à Gueuzaine, kcstèl à Robertville. Le
genre varie : masculin à l'origine, il est devenu presque
partout féminin à cause de la terminaison.
Les dernières formes, originaires de la frontière linguis-
tique, reproduisent nettement le germ. g-estel(l) qui, outi-e
le sens général indiqué ci-dessus, désigne le train d'un
chariot. Cette signification apparaît encore dans l'ancien
wallon braz de crustelles et attelé al cristalle. Comme le
mot s'employait surtout à cette occasion, il a fini par dési-
gner spécialement la limonière ou prolongement de l'avant-
train (3). Pour la forme, on notera i° l'altération de -cl en
(ij Bormans est le seul qui pruiuise une étymulugio ; il croit y voir deux
mots flamands : kruyen, pousser, traîner, et stall
(2) Le texte porte : hraz de Brus/elles. 11 est cité dans G., Il, .o6'2, où Scholer,
moins heureux (jue dliahilude, voudrait lii-e : bars de Britscelles (= civières
de Bruxelles)! La correction crustelles, qui sinipose à l'évidence, est de
Body, l.l.
(') De même dans certains dialectes jjermaniques. Le HVir/. (1er hirenili.
Mimdart (1906) traduit gestell par Gaheldeiclisel.
456 J. H A LIST
-al[e] sons l'influence des nombreux diminutifs en -aie,
fr. elle; 2° répenthèso de r après A* initial ; comparez scrâne
« échine » (anc. li. ail. skina); croiizire, à Sibret, pour
conzire, coiisire « amas de neige »; crèssôde « pâquerette »
(con solida); 3° le durcissement de ^- initial en A*.
m. Il faut attribuer la même origine au montois a^-iiis-
tiller « ajuster, arranger » (ED., 1911, p. 52). Sigart essaie
de l'expliquer par *(ijiistiller qui serait un diminutif de
ajuster, mais c'est pure fantaisie. Ce verbe se décompose
en a-^^'estel-\-ier et signifie proprement « pourvoir de l'ap-
pareil convenable, appareiller». Comparez l'ail, anstellen
« arranger» et le fr. agréer, t. de mar., « garnir (un navire)
de ses agrès » (de l'anc. lioll. gereideii : ])réparer).
AV. gô, gôti; gaum. djô, djwôti; fr mugot. mijoter.
Le w. gô, s. m., signifie : «petite provision de fruits
qu'on tient en réserve pour ses menus appétits ». G , I, 234,
paraît l'assigner au dialecte namurois; mais on clierche
vainement ce mot dans les glossaires de F. D. (manu-
scrit, 1850) et de Pirsoul. En revanche, gô se lit dans une
pièce ancienne de Marche-en-Famenne (*) et se dit surtout
à l'est de Liège, vers la frontière linguistique. A Malmedy,
Villers (1793) a un article gô, s. m., « magasin, corps de
réserve, magot » (2). A Stavelot : fé s gô « faire sa
réserve », surtout de fruits (3). A Fayraonville-Weismes,
où l'on prononce i)arfois cô, M. J. Bastin distingue deux
sens :« 1. i)ro vision de fruits cachée, mise en réserve;
2. portion de fruits donnée en cadeau » (■*). A Verviers
enfin, Lobet, ]). 223 : gô « dépôt (d'argent ou autre effet en
quantité), magot ». Nos autres lexicographes ignorent ce
mot, qui d'ailleurs n'existe pas en liégeois. Dans les témoi-
gnages cités, nous ne trouvons i)as racce])tion suivante :
« endroit d'un bois où abondent les fruits à cueillir, notam-
iiH'iil les myrtilles ». Tel est pourtant le sens unique que je
(•) Li Marii-dje )ii(inij)i(' (ISOfi), v. 202 : tant qu'i un' aurc <lrs pome.i T) go.
1') Grandga(;nagk, K.vlraits de Villers, p. ai.
(■') Haist, Voc. de Stavelot, p. 18 (BSW ii, p. liOS). De im-im' a Sprimoul
et d;ins toute la région verviéloise.
{*) Voc. de Faymonville, p. 36 (BSW tSO, p. tm-, corr. *•. f. en .s-, tn.).
ETYMOLOGIES 457
eonnaissais à Vorviers dans mon enfance (^) ; nous pronon-
cions gon, avec la résonance gutturale i^ropre au vervié-
tois devant voyelle ou à la fin de la phrase, et gô devant
consonne (-). (*ette nasale provient d'une altération : f>-ô,
isolé dans la langue ou du moins ])araissant tel, a subi
l'analogie des nombreuses finales en -on : -ô = fr. et liég.
-on (3).
De la pointe nord-est du domaine roman, il faut des-
cendre au pays de Virton pour trouver l'équivalent de
notre g-ô. A Tiutigny et à Sainte-Marie-sur- Semoi s, un
(Ijow, c'est aussi une « provision de f Juits tenue en réserve
dans une cachette » (BSW.. 37, p. 344). Le Vocabulaire des
environs de Virton, par Gl. Mans (manuscrit, I85U), éci-it
Jnii, avec la même définition; il a de plus cet article :
« saiiré, jaunir : mette des peiinie saura; syn. jouoti, de là
ain jouo de peunie i^. Au lieu de Jau. jouo, jouoti, lisez djô,
djouo ou djouw, djouàti ou djwôti, comme j'ai entendu
prononcer, près de Virton, à Saint Léger et à Musson. De
là le fr. dialectal : « mettre joùtir des nèfles », que donne
le Larousse illustré.
Ce verbe dérive de djô, djouw, qui avait donc à l'origine
un t finaL Or le liégeois possède un verbe g'ôti. dont le
rapport avec g-ô devient par là manifeste et que nous
devons dès lors comi^rendi e dans nos recherches.
On n'a encore publié sur g-ôti que des notes incomplètes
ou peu exactes ("*). En partant du ]nnmitif g-ô, nous pou-
vons résumer comme suit le développement sémantique de
ce verbe intransitif : c'est, à l'origine, un terme d'écono-
mie rurale, conservé comme tel dans un coin extrême de la
Wallonie (Malmcdy, Faymonville, Yielsalm); non loin de
(') Il existe aussi à Malmédy : su wener (se glisser) cl' 70 a //o fol pluuk'lanl
dès frambï'lies (Annonac do r samdne, I90G, p. 30).
(-) Voy. Mélanf/es wallons (Liège, 1892), p. 28.
(3) Voy. BSW t)3, p. 306, où j'explique do iiiriuo tkiîi, \. d. d'Aycncux,.
altération de nd, forme inaseuliiie du fr. noue : *iiaii(ia.
(■*) Trois articles de G., I, 239, 3.53, 11, 529, douiu'iit sans explioation deux
sens différents que l'auteur ne songe pas à raj)pr(>clier. Dans ses E.riniils de
Yillers. il écrit (j(ilelii('.) au lieu de yôli. M. J. Bastin. /./., signale, avec des
exemples typiques, deux significations dont il faut intervertir l'ordre. Iluiierl
et (i. écrivent (/o// (?) au lieu de i'inclioatif yoli. Cambrcsier, Uemacle. Lobet
n'en parlent pas.
458 J. HAUST
là (Liège, Huy), il survit daus des expressions métapho-
riques, avec un sens dépréciatif.
I. Proprement, en parlant des fruits qu'on met sur la paille ou
dans le foin : " mûrir dans le fruitier "•. sens attesté pour Malmedy
par Villers (1793), pour Faymonville par M. J. Bastin, qui donne
cet exemple : lès bilokes qiii-arîn tourné d'vant d'èsse mawes, ô lès
met g-ôti o foûre «■ les prunes tombées avant d'être mûres, on les
met mûrir dans le foin ". [Comme on vient de le voir, c'est
l'unifiue acception du gaumais djouôti et du fr. dial. joCitir]. \ Par
analogie : 1. à Vielsalm. les pommes sauvages, dont on veut faire
du vinaigre, sont mises en plein air pendant deux ou trois
semaines pour les laisser gôti, syn. atinri, maw'ri « s'atten-
drir, mûrir » (BD 1906. p. 35) ; 2. à Faymonville, » s'avachir,
s'amollir [= blettir] par un commencement de dessiccation, se
dit des fruits qui n'arrivent pas à maturité, des feuilles, de
l'herbe, qui, peu de temps après avoir été coupées, deviennent
flasques, surtout sous l'action du soleil » (J. Bastin, /./.; voy. les
exemples). [L'influence de rôti « rouir, pourrir n n'est peut-être
pas étrangère à cette extension de sens.]
II. Par métaphore et toujours péjorativement: 1. en parlant
d'une préparation culinaire qui a mijoté trop longtemps sur le
feu : - se dessécher, perdre sa saveur " : i n' fût nin lèyî gbti
V café (G., I, 355). de gôii café iib.|; qwand on ratint lès-autes
po diner, lès- cvompîres gôtihèt (Forir); C feû /j' va nin assez rû,
lé djig-ot gôtih (Muy); // tchar est g-ôtèye. li rosti a V gos' di gôti
(Liège) : ce goût de gôti diffère du goût de bâti » havi, desséché
à la surface - et de celui de bvoûlé •• brûlé, carbonisé • ; 2 en
parlant d'une personne qui reste paresseusement au coin du feu :
" se cuire, croupir ". Duvivier donne cet exemple : / s' gôtih èl
coulêye de feû, où le réfléchi est sans doute amené par l'analogie
de /■ s' rostih, i s' ciit « il se rôtit, il se cuit ". Je n'ai entendu à
Liège que le v. intraiisitif : èle gôtih èl coulêy^e, à propos d'une
femme indolente, d'/zje crope è-cindrs\ 3. en parlant de l'eau
qui se corrompt faute de juouvement : " croujiir » ; c'est le sens
uni(jue que donne le liégeois Rouveroy (ap. G., II, 559) Le même
a un article gômi, où il se contente de renvoyer à gôti.
Enfin ^'ôti a donné, à Erezée, le diminutif <>-ôtinrr,
X. intr., I. « mijoter»; 2. en parlant d'une personne:
« traîner (en route), croupir». Quant a }>odiner, auquel G.
compare fi'ôti, sa structure phonétique, malgré la ressem-
blance pai'tielle des significations, dénote une origine dif-
ETYMOLOGIES 459
férente. On dit, à Liège et à Jupille, f>o<Uner, 1. « mijoter,
mitonner » : dj'a niètoii m' rosti ^odiner sa l costé de fciï ;
2. fig. « dodiner, dorloter » (^). Le verviétois gondiner
(Lobet, p. 224 : « gratiner, mitonner », avec une fausse
nasale on ( = o), peut s'expliquer par croisement de g-odiner
et âeg-ôti.
Voilà, en somme, ce que nous savons actuellement de g-ô
et de g'ôti dans le domaine wallon. Quelle est l'origine de
ces mots? (^) Leur habitat paraît dénoter une provenance
germanique. De même la comi)araison phonétique avec
d'autres termes, tels que hô « giron », hôt'lèye « * giron-
née » (du néerl. schoot, gothique skniiis); pâti « patrouil-
ler, manier indécemment » (Stavelot), dérivé de pôle
«patte» (néerl. poot, francique paiita); rôti <( rouir »,
gaum. roiiôti (néerl. voteii, francique rofjan, d'une racine
germ. raiit « pourrir» : Klugo. \-° rôsten). D'après ces ana-
logues, un type *g-aiit, *gôt, expliquerait g-ô, g'ôti. Seule-
ment, rien dans les langues germaniques ne permet
d'étayer cette conjecture.
Un fait certain — et qui doit déjà nous satisfaire — c'est
que nous reconnaissons gô, gôti dans le second élémeni du
fr. mus>-ot, mijoter.
Lie h-, mijoter « faire cuire doucement et longtemps » n'a
pénétré que depuis peu (Acad., 1798) dans la langue géné-
rale. Il provient des dialectes du Xord et de l'Ouest (meu-
sien, ronchi, picard, normand, manceau), où il a des formes
et des acceptions diverses : 1. a faire mûrir» ^norm. mig'eo-
ter), a mûrir sur la planche » (Haut-Maine ; id.) ; 2. « cacher
son argent, thésauriser» (rouclii : mig'oler, miigoter);
3. « bouillir à petit feu » (boulonnais : miigoter). Il dérive
de mig-eot « lieu où l'on garde les fruits jusqu'à maturité »
(Haut-Maine); migoe « provision de ])ommes d'hiver, etc. »
(Bayeux); m «^>-of « provision de fruits qu'on garde pour
l'hiver et qu'on laisse mûrir sur la planche» (norm);
mijau : 1. même sens; 2. «collection d'objets faite en
(1) Duvivier donne -. « rjorliner, dodiner, dôrlnliucr, fr. (lodiner, dorloter».
J'ai entendu en liégeois : si ç/odincr « se dorloter ».
(-) G., qui d'ailleurs ne soujx/onne pas de |iarenté entre go et gi>(i, compare
simplement go avec gi'»nà, lequel n'a certainement rien a faire ici.
460 J. HAUST
caelietle » (Ard. fr.); mi^ot, mii^ot « magot, trésor caché »
(rouchi, picard) ; etc. (')
En français moderne, le Dict. ^én. admet mugot « magot
(d'argent) » La forme la ])lus ancienne date du xi<^ siècle :
miisg-ode, dans la Vie de saint Alexis, v. 254, où le sens
est : « provision (de bouche), réserve (d'aliments) )> {^).
L'étvmologie reste incertaine (3). Le dernier qui en parle,
Meyer-Liibke, n° 5776, pose comme étj'-mon *musgauda
(magasin, grenier, réserve), d'origine inconnue, probable-
ment gauloise C*)
Xotre étude contient, croyons-nous, des données inédites
qui peuvent servir à préciser la question. Il en ressort
notamment que miisg'ode est bien un mot composé, dont le
second élément — le plus significatif — a ])aru suffisant
au wallon et an gaumais. De plus, l'aire de ffo, djà, oriente
les recherches vers le domaine germanique. Le premier
élément de tniisg-ode pourrait bien être le moyen h. ail.
m nos (cibus; ail. mod. nms), comme le jn-oposait Storm {■').
Le second reste éuigmatique. Sans avoir la prétention de
le déchiffrer, je terminerai sur ces réflexions :
Le groupe g-ô, gôti, djà, djonôti, postule un type *gau-
tum, antérieur à *(mus)gauda.
On admet gabata (écuelle), *gauta (joue) pour expli-
quer le fr. « jatte », « joue » (Meyer-Liibke, n» 3625). Notre
*gautum y serait-il apparenté? J'attire plutôt l'attention
sur ce fait que, à côté de gô, le dialecte de Faymon-
(') Voy. notamment de Monlesson, Vac. du Haut-Mitine : migeot, -er ;
Goll'art, Gloss. du Mouzonnais : mijnu; Baiuloii, Patois de Relhcl : miyvim ;
Sigarl : mic/ot, -cr ; Ilocarl : magot, -cr, -eu; Gorblct : muffoler ; .loiiancoux,
Dcllxmlle : magot; etc. — Vax Wallonie, nigo (nani. : G., II, 10:2; aussi à
(lliaiicroi) « amas caché de fruits, d'argent, etc. » s'est altéré de innjo sous
l'influence de Jiid. — Le fr. )aag<)l lui aussi est considère coninic un(> alté-
ration de mufjut.
(•) Voy. Godei'roy : laarjoe, margoe, majoe, etc., s. f., « amas, pi'ovision ;
cellier où l'on conserve les pommes ».
(3) Voy. notamment Sclieler, v« miigol ; Romania, II, 85; G., Paris, Vie de
Saint Alexis, p. fWi; X. /'. rovi. Pliil.', XXXII, -i45; XXXIII, 433; Jouancoux,
II, 'iio.
{*) Il cite le wallon migo; lisez : rouchi (Sigarl), au lieu de : wallon.
(^) Romania, II, 85. — Comp. le moy. h. ail. muoshàs, maosteile.
ETYMOLOGIES 461
ville (^) possède une forme cô. Peut-on en déduire que
*gautum est altéré de *cautum?
Le latin cautum (lieu protégé, enclos; de cuiitua,
cavT're), qui a survécu dans le Sud (*), conviendrait assez
pour le sens (endroit préservé : réserve); mais les condi-
tions géographiques ne lui sont 2>as favorables : il faudrait
qu'il eiît passé sur le Rhin et fût, de là, revenu chez nous,
ce qui est bien problématique.
Dès lors, notre *cautum ne poui-rait-il provenir de
cavatum (endroit creusé : creux, cachette), accentué à la
mode germanique sur l'antépénultième?
En dernière analyse, si la réponse à ces questions est
négative, il ne nous restera qu'à supposer à tout ce groupe
une origine celtique.
Liég. gossê.
J'ai entendu ce mot 1° à Ampsin et à Bergilers (Hesbaye
liégeoise) on gosse d'ansène « un petit tas de fumier
déposé sur le terrain à fumer :» ; 2° à Jupille et à Liège-
Cointe : on gossê d'foùre « une veillote, un tas de foin
plus petit que la hoiignète ». Le sens générique est donc
« petit tas arrondi ». A part Body, ]^oc. agr , qui atteste
aussi le 1" en Hesbaye, et G., I, 235, 3o4, qui attribue les
deux sens au hesbignon g-ossiâ, gocha [nam. -ya = liég. -c :
-ellumj, nos lexicographes se taisent à ce sujet (3).
Hubert, Duvivier et Forir donnent le terme suivant que,
personnellement, je n'ai pas retrouvé : g-oss'lé u chargé,
bien i-empli », syn. de hop lé, hoz'lc. On aurait tort d'y voir
l'altération de ce hoz'lé, hoss'lé, qui dérive de hozc « hou-
(1) Ce dialecte, à rextrènie N.-E. du doniaiiie roinaii iMaliiiedy), est rciiuir-
quable par l'abondance de ses formes archaïques. M. J. liastiu en a étudié le
vocabulaire et la morphologie (BSW, t. 50 et .'il).
('-) Frioui, Espagne, Portugal ; voy. Meyer-I.vibko, ii» 178i; Kdrting, n° 2030;
Diez, p. Wi, et Du Gange.
(3) Forir a deux articles qui ne mcritenl aucmic conliance : « goc/iù veil-
lote » et i< goral sorte de gerbe de blc ». l/un reproduit une erreur de G.,
I, 23ri, que G. lui même a corrigée \). 3.'ji; la dclinilion de l'autre est suspecte
et la l'orme gorul est sûrement une co(iuille pour ;/urui. J'ai constate gossia
(de fumier) à Crehen (Hesbaye).
462 J. HAUST
seau » (*); <>-()ss'lé vient de gosse, comme hop'lc de hopè.
Le sens propre est : « tassé, bourré ».
D'où vient gossè lui-même? G. n'en dit mot. Body com-
pare le hesb. gosse à Tard, cossèt « veillote », et cette indi-
cation se trouve être juste : il nous reste à le démontrer.
Le liég. cossèt, nam. coiichet (de même souche que le fr.
coche, cochon), signifie proprement « petit porc » et, au
figuré, dans certains villages ardeur ais (Vielsalm, Jalliay,
Sprimont), « veillote)), petit tas de foin qui ressemble au
dos arrondi du cossèt {-) Du même radical, à l'aide d'un
suffixe équivalent, on a formé cossè, dont l'initiale s'est
ensuite adoucie (^) : une charte liégeoise de 139(i, relative
aux habitants de Jupille. contient en effet cocheaii, forme
francisée qui atteste au xiv*^^ siècle l'existence du type wal-
lon cossè ('*); une autre charte liégeoise de 1403 porte la
forme gocJienii [^').
(A suivre.) Jl:an Haust.
(1) L'anc. liég. qosseaii.r (G., II, 399j est une mauvaise leçon i)Our liosscaux
(voy. BSW o, p. 467].
(2) De même Tandain s'appelle cochon à Bosséval (Brineat, Enqiicte, I, 31).
A Coruesse et à Surister, leà « loup » = petit tas de foin : fc dh leùs, rilèver
a leùs. A Vielsalni, d'après Body, poùtrin « poulain » = gros tas de blé.
Meyer-Lubke, n" 9406, admet que veillote dérive de vitulus « veau » (comp.
cependant Thomas, Mélanges, p. 163). — On peut voir, dans Behrens, Beitnhje,
p. 19(1-19^. une dissertation sur les noms d'animaux pris métaphoriquenienl.
(•') .Même variation de sullixe dans le verv. (fossc « aisselier, gousset (pièce
de cliarpenlcj », que Lohet, p. 2:24, donne à côté de gossrt « gousset ». Pour le
radical, ce yossc n'a évidemment rien à démêler avec le nôtre.
(■•) « S'illi advenoit que... demoraist sur les |)reis foiire en coclienus, par
faute de clierons ou par plovaige, lydis sorseans... devront contrewardier
leurs biestes qu'ilhs ne l'aclieiit damaiges asdis cocheuns de fours » {Cartnlaire
de l'abhayc du Val-Benoit, p. 721, éd. J. Cuvelier). — Ce cocheau pourrait
expliquer le fr. écocheler, t. d'agric, javeler, d'origine inconnue d'après Litlré
et le Dicl. général.
(■•) « Pour le dit four aidier feneir et commourneir puis le mettre en grans
gocheauz ». Texte cité |)ar L. jErNEHOMME, FUnnaUcllaule, p. 29.
Un lignage namurois au XIF siècle
Les Falmagne
L'étude de la condition des personnes et des terres au
moyen âge soulève encore bien des problèmes. Si l'on n'est
pas parvenu plus tôt à des solutions définitives, c'est que,
trop souvent, on est parti de théories toutes faites. Des con-
clusions générales ne pourront être énoncées avec certi-
tude que lorsque nous posséderons de très nombreuses
études de détail, basées sur des documents originaux.
Pour ma part, ayant conçu le projet d'écrire une histoire
des classes rurales dans le Namurois au moyen âge, j'ai
commencé par rédiger des monographies de villages, voire
de simples fermes, en me plaçant surtout au point de vue
de l'évolution et de la répartition de la propriété foncière.
Comme l'histoire du sol ne se conçoit pas sans celle de ses
occupants, j'ai parallèlement essayé d'établir les vicissi-
tudes subies par des lignages de rang et d'imijortance
divers.
C'est une étude ):)i'éliminaire de ce genre que je présente
aujourd'hui. Elle a pour objet le petit village de Falmagne,
situé à 9 kilomètres de Dinant. Elle comprend trois par-
ties. En premier lieu, je passe en revue les personnages
du lignage, cités dans les sources narratives et diploma-
tiques, en ayant soin de relever, pour chacun d'eux, les
particularités et les qualificatifs, indices de leur rang-
social; j'étudie ensuite l'alleu lui-même; enfin, dans un
dernier paragraphe, je groupe quelques remai-ques d'un
caractère général.
Un mot d'abord sur le passé de Falmagne, antérieur à la
période qui nous occupe. Le sol de cette localité n'a livré
aucun vestige romain ; par contre, on y a découveit plu-
464 F. ROUSSEAU
sieurs cimetières francs (^), Il est possible que le village
ait donné son nom au i>îig-iis Falniancnsis, ou de Fa-
menne (*); dans ce cas, Falmagne aurait eu une certaine
importance à l'époque mérovingienne.
A. La famille de Falmagne.
I. A\'iDRic DE Falmagne, qualifié de uir nobilis, vir iiobi-
lissimiis, donne à l'abbaj^e de Waulsort, le 8 octobre 946,
jour du transfert dans ce monastère des reliques de saint
Bloque, un cens d'une demi-livre de cire à percevoir
annuellement sur chaque maison de son alleu de allodio
inco Fidemaniiia, quod teneo jure paterno), et engage les
membres de sa famille {precipio genti inee) à se rendre une
fois l'an à l'église de Waulsort, de même qu'ils ont l'habi-
tude de venir à la messe à Falmagne aux principales fêtes
de l'année (^).
La charte qui nous fournit ces renseignements est un
faux composé de toutes pièces vers 1 loO par Robert, moine
de Waulsort (■*;. Auteur de la Vita Foraiini et peut-être de
VHistoria Walciodorensis monasterii, ce religieux était très
au courant de l'histoire et des traditions de son monas-
tère(^). On peut donc supposer que le AVidric de l'acte de 946
n'est pas un personnage imaginaire, mais bien un ancêtre
encore connu au xu*' siècle de la famille de Falmagne.
II. Du temps d'Otbert, évêque de Liège (1092-1117), un
certain Gerulfe, vir nobilis, possédait, jure hereditario,
avec sa femme Berlexde et ses deux fils Heribert et
WiNAND, des droits sur l'église de Falmagne et des biens
allodiaux dans cette localité (6). Gerulfe était le fi-ère
d'Albert de Briey (") (en Lorraine), qui, en 1084, adnii-
(') Annales Sfjcivfi- arch. de N(i»iiir, l. VII, p. 308; t. XIII, p. 52(3; t. XXI,
p. 108.
(2) Chanoine Rur.AM), u Toponymie naniuroise », ibid., t. XXIII, p. .^07.
(3j Anniertes piinr servir à l'/iist. crrh. t. Il, p. 2(55; H. Piuenne, Album
t/clye de diplo7)iati(pte, planche XVI.
f^) H. PniENNE, op. cit., notice de la |)lanihe XVI |»ar H. ScuinEKT.
(^) Cfr. L. Lahaye, Étude sur i abbaye de yVaulsort, pp. 101, 103 cl ss.
1^') Maktène et Di RAM), Aviplisshna rollectio, t. I, eol. 867, 8(38; Analertes,
XVI, pp. 31,34.
(') Analertes, XVI. p. 34.
ligna(;e NAMirmis 465
Distrait le domaine (prediiim) de Donceel en Hesbaye
comme fondé de pouvoir de Régnier de Briej'. serons et
membre de la familin de la célèbre marquise Mathilde de
Toscane, veuve de (iodei'roid le Barbu (^).
III. GoDEFRoii), qui lut nrcliei)é(]iie de Trêves de lli24
à i 127, était né à Falmugne de parents nobles. Son père se
nommait Rutfrid et sa mère Fridesinde. 11 était venu dans
la cité archiépiscopale à la suite de son oncle Ariioul qui
remplit les fonctions de prévôt de la collégiale Saint-Pierre
de cette ville, et qui construisit une église dédiée à la
Sainte-Croix, près delà Porte blanche (^).
IV. HiLLiN, circheoèijiie de Trêves, major natu et diiçni-
iate ejiis parentele (^), se rattachait au lignage de Falmagne
par sa mère. En 1164, il rappelle que celle-ci et ses
ancêtres reposaient dans l'église de ce village ("*). Il était
frère utérin d'Anselme de Falmagne (■''), et avait une here-
ditatis portio dans l'alleu de ce nom (^). Pendant sa jeu-
nesse il avait étudié en France. Sa science et ses bonnes
mœurs lui valurent d'être élevé, vers 114.-), à la dignité de
doj^en du chapitre de la cathédrale de Trêves ("). En 1152,
il remplaça Albéron de Montreuil sur le siège archiépisco-
pal. Henri l'Aveugle, comte de Xamur, avoué de la puis-
sante abbaye de Saint-Maximin à Trêves, paraît ne pas
avoir été étranger à son élection (S). Il mourut en 1 169.
V. Anselme de Falmagne, senior, ulraqiie liiiea ^-eiie-
rosi saiii>iiiiiis ingeiiuiis ; liber hoino ; iiohllls el liber;
(*j .1. DE (Ihf.stukt dk IIaneffe, m La terre fniiiclic de IlaiicH'' -, dans Hnll.
Inst. (irch. lit^i/rois, l. 38, |)p. 91, 11-i, llti.
(■-) Gesla Treverornm, MGH. SS., 1. VIII, p. li)8; Gesta Gmlefndi un/iiepis-
copi, iliiiL, \). :200,
(3) Analectes,\.. \VI, p. 3o.
(*) Ibidem, p. 33.
(^) Dans un acte de I H)3, Anschnc de Falmagne est appelé rnrne geniminis
de l'arclievèipie llilliii {A)iiiiflssi)n(i cnllectin, t. 1, col. 8137). Par enutre,
en HG'i, ililliii liii-inèiiie spéeilie tprAnselnie est son frère utérin {AnitU'cfcs,
l. XVI, p. 3:2). Deux autres ehartes de 1 103 et 1 KiC) {Ihid., pp. :28, 3-ii désii;nenl
Anselme comme frère utérin de rarciievè(|ue. Le doute n'est donc plus pos-
sible. Le terme f/eniKinus employé dans le premier acte de H63 est certaine-
ment fautif.
(6) Analectes, t. \VI. p. 33.
(') MGH. SS., t. XXIV. p. 380 Gallia Chrktiana, t. Xlll. col. ;in.
(*) Cfr mon étude sur Henri IWveugle, comte de Namur. p. ."i.").
30
466 F. ROUSSEAU
illiistcr vir, frère utérin de l'archevêque Hillin, est cité
dans six actes de 1146 à 1 166 (*).
VI. Anselme DE Falmagne, _/zz;î/or, nobilis vir; nobilis
et liber; liber ; miles, fils d'Anselme senior, est cité dans
treize actes de 1163 à 1^213 (^). II était consang-uineiis
d'Henri, dit de Leyen, évêque de Liège (ll4o-1164) (^), et
neveu de Godefroid de Héron, en Hesbaye (•*). Anselme
junior avait des droits sur l'église et la dîme de Glime
dans le Brabant En 1212, il les céda, conjointement avec
Jac<xues de Glime, à l'abbaye de Malonne (^t.
Une charte de 1 163 nous fournit une liste de co'>-nati des
deux Anselme de P'almagne, à savoir : Jean de Dave;
A\'autier et Godefroid de Verenne (en Famennej; Guil-
laume et Gervais de Neuville (en Fameune); Thierri de
Faing; Arnoul de Givet et Baudouin d'Orehimont, tons
qualifiés de liber i homines ('■'').
Dans cette liste, plusieurs noms méritent d'être relevés.
Baudouin d'Orehimont, chevalier, était le chef de la
grande famille ardennaise de ce nom; il possédait en outre
des propriétés en Hesbaye ('). Thierri de Faing, dans
l'Entre-Sambre-et-Meuse, peut être i-egardé comme l'un
des principaux feudataires d'Henri l'Aveugle, comte de
(') En H-i6 (Bull. hist. arcli. Htgenis, t. IX, p. 337): 1103 {Auiphssimu col-
leclio, t. I, col. 8Go; Analectes, t. XVI, pp. -IS, .30); ll()i (Amdectes, t. XVI,
p. 3:2j ; 11(36 (llein, p. 34); Historia iValriodorensis motiasterii, .MGH. SS.,
t. XIV, p. 536
(-') En 1163, H6i, 1166 (dans les actes signalés dans la note précédente) ;
1197 (liiill. Corn. roi/. Iiist., 4« série, t. I, p. 126j; 1:20:2 [bnll . Insl. urvh.
lietjeois, t. XI, p. 199j ; 1:203 (Miraels et Foppens, t. IV, p. 388; Ueui.ière, bm\
inddits hist. eccl. BeUjûiue, p. 31); 1204 (Ernst, Hisl. du Liinliounj, t. VI,
p. l()9j; 1210 (Cartuhiire de Grandprc, t. I, p. 2, Archives de l'Élal, Namnr);
i'2l-2(A7iulecles, t. XX, p. 14); 1213 (Chartes de Suinl-Lumhert, t. I, |). 170).
(3) Sur les origines de ce prélat, voir mon élude sur Henri l'Avcnj^le, p. 32,
note 4.
{*) Analectes, t. XVI, p. 30.
(') Analectes, t. XX, p. 14, avec la luiuivaise lecture Salaniai;iu' pour Faia-
magne. cfr Curlulaire de Miilarine, n" 2, loi. 44'''^, Archives de lÉlat, a >amur.
Otte cession l'ut conlirniéc en 1230 par l'évéque de Liège, Hem, p. 20.
("'; Cartitlaire de H'uiilsurt, n" 30, fol. 61, .Vrchives de l'Élal, à Kaniur; le
texte pnlilic d:ins l'Ajuptisaiiiid cidlectio, I. I, col. 867, |trcsenle à cet endroit
des lacunes.
(■) C (j. KuiAMi, « Orchinionl et ses liefs ». Aji. Academir arc/icoloyie
.4«tf'r5,4<^^ série, 1. Vlll (180(;), p. Sm.
LIGNAGE NAMljROlS 467
Namui-; il faisait partie de sou conseil (^). Quant à Arnoiil
de Givet, il appartenait à la famille des châtelains de
Givet, château relevant de l'évêque de Liège {-).
VII. GoDEFROiD DE Falmagne, fils d'Ansclmc senior et
consungiiineus d'Henri, évoque de Liège. Il mourut
avant 1163 (3)
VIII. AscELE DE Dave, matroiiR illustris; nobilis et
libéra, citée dans quatre actes de 1163 et 1166 {*), était
coi^-mitii d'Anselme senior et de l'archevêque Hilliu {^). Ses
biens à Falmagne semblent avoir été importants. Nous lui
connaissons une fille nommée Helwidc, mariée à un certain
Antoine, peut-être de Foi-seille, en Hesbaye (6) Son petit-
fils prit l'habit religieux â Waulsort. Sa petite-fille Flo-
rence habitait Namur en 1163 C').
IX. Thierui de Latolk (près de Virton), niinisterialis
de Bullione ; castellanns ; liber homo ; nobilis et liber, était
châtelain de Bouillon pour l'évêque de Liège. Il est fait
mention de lui dans six documents de 1148 à 1170 (8).
Comme dans les chartes relatives à Falmagne il est cité
avec sa femme Mathilde, on peut supposer que c'est par
elle qu'il se rattachait à ce lignage. Il mourut avant 1 17o;^).
(1) Voir mon t'iiidc stir Henri l'Aveugle, comte de Namur, p. 6:2.
(2) G. (î. Roland, « Xolice sur .\g-iniont », An. Soc. arcluiologiijtte de ]\'aj)iur,
l. XVl, p. 2.3i-25:i.
(3) .\mp1issima coUectio, t. I. eol. 8'i7 ; Ilistoria Wdhiodorensis, .MGH. SS.,
t. XIV, p. rj3G.
(«) Analrrles. t. XVI, pp. 2fl, .31, 8.'). A7n/)l).<!.sli»ia conerlio, t. I, col. 867, 8()8.
(5) Historia IVdInodorenai.i, lue. vit.
(^) Cet Antoine avait des biens in parte sua à Forseille en iUÏS (Anuleiies.
t. XVI, p. 30). 11 existait à cette époque une famille de Foi-seille: nous citerons
(iodescalc, Ilarduin et Anselme de Forseille, lihefi homines, témoins d'un acte
(le ll."i8 (Bull. Com. roij. histoire, t. I, p. 115). Anselme de Mont (près de
Giney'O et Gérard de l»orinne étaient parents (parentes) d'Antoine (Analectes,
t. XVI, p. 30).
C) Analectes, t. XVI, p. .'JO.
f«) En Hi8(Roi.AM. et Hai.kin, Chartes de .'^tarelot, I. I, pp. -Hl et 412 note);
1163 (Ainpiissima collectif!, t. I, col. 8()T, 868. 865); Anale tes, l. XVl, p|). îO, 31);
il&i (.Analectes, item, pp. 3.^j, 36); 1170 ((i. Kikth, Chartes de Saint-Huliert,
t. I, p. 129). A cause de ses fondions, Tliierri de Latour était appelé aussi
Thierri de Bouillon.
I^\ GoKFiNET, Cartulaire fie l'alihai/e d'Orval, p. o'J.
4fi8 F. HOUSSEAU
Il avait trois fils : Thicrri, Ilcribrand et Xicolas, et plu-
sieurs filles (*).
X et XI. Thierri et Godefroid de Falmagne, servi,
membres de la fuinilia de l'église de ce lieu, cités en 1163
et 1160 (-) Ces deux personnages, fils d'un certain Engel-
bert, doivent être considérés sans aucun doute comme des
gens de sainteur de franche origine; ils étaient apparentés
avec les précédents, y compris l'archevêque (•^), et comptés
parmi les participes allodii de Falmagne.
XII. Thierri Conon de Falmagne assista en 1163
comme témoin de la donation de l'église de Falmagne à
l'abbaj^e de Waulsort (■*).
XIII. Alard de Falmagne, chanoine de la collégiale
Saint-Pierre à Trêves, eu 1164 (5).
B. L'église et Talleu de Falmagne.
Le village de Falmagne était un alleu qui, au xii^ siècle,
apparaît comme très morcelé. Déjà Gerulfe de Briej^ et sa
femme, qui vivaient sous l'épiscopat d'Otbert de Liège
(1092-1117), n'en possédaient que la huitième partie (6).
En 1163, les participes allodii. (pie nous font connaître les
chartes, étaient les suivants : l'archevêque Hilliu, Anselme
senior et son fils, Ascele de Dave, Thierri de Latour et sa
femme Mathilde, les deux frères Thierri et Godefroid.
Il serait intéressant de connaître la part respective de
chacun d'entre eux. Nous ne sommes renseignés que sur
celle d' Ascele. Cette dernière était propriétaire d'une mai-
(') GoFFiNET, Carhilaire de l'ahhaye d'OrrttI, j». .j9.
(-) Analcrtes, 1. XVI, pp. 20, .31, .Sri; Amptissinui roUectio, l. I, ool. 807;
Hisloria Walriodorcri.sis. MGII., SS., XIV, p. .')3().
(■') Ce |)oinl ressort <lii contexle de plusieurs netcs. Ku IKîi, l'arclievèiiue
Hilliii dil que les doualeurs de l'éfilise de Fjdni;ijîiie à l'abbaye de Waulsort
étaient ses parents {Analecles, t. XVI, p. 32). Or, Thierri et Godefroid lii^urent
au nombre des donateurs. D'apiès la première charte de 1I()H. ceux-ci des-
cendaienl des fondateurs de la collégiale de Faimaf^ne (A)iiplis.^i)iKt rollertio,
t. 1, col. «()(>, 8()7j.
{■') Analertes, l XVI, |). 20. Tliendciinis Cono désigne bien une seide et
même personne. Dans l'original aux Archives de l'h^lat, à N'annir, tous les
prénoms des témoins sont suivis d'un |ioinl. Or, il n'en existe pas entre T/ieo-
dcrinis et Cono.
(•"•i Analcrfes, l. XVI, p. 33.
(6) Ampli ssima col krluj. I. I, col. HIJH, 012; Arialprlci, I. XVI, p. 3}.
LIGNAGE NAMUROIS 469
son en pierre, qu'elle avait fait construire, du tiers du
moulin, de 1 1 1/2 quartiers de terre et de M serfs, Robert,
Asceline et Ave, avec leurs fils et filles (^). Kn 11(53, elle
fit don de ces biens à l'abbaye de Waulsort (^).
A cette même époque Anselme et son fils cédèrent la
se.xtuni decitiuim piiriem totiiis ullodii. Mais de la teneur
de la charte, on ne peut i)as déduire avec cerlitude que
c'était là tout ce qu'ils })0ssédaient dans l'alleu (^).
L'église de Falmagne, qui avait rang d'église entière,
était dédiée à saint Pancrace et possédait un autel placé
sous l'invocation de sainte Geneviève. Au xi*' siècle vrai-
semblablement, les propriétaires de l'alleu l'avaient érigée
en collégiale avec quatre prébendes Trente-deux quartiers
de terre, quatre sessures avec courtils, la dîme de Fal-
magne, les cens capitaux des serfs de l'autel de Sainte-
Geneviève, la chapelle de Wiesme et sa dîme constituaient
la dotation de ces prébendes.
Les prébendiers étaient libres de toute obligation envers
les jjossesfiures fiindi, sauf à la Noël où ils devaient leur
faire don de 16 deniers, de 4 pains appelés fouaces, de
4 poules et de H petits muids d'avoine (■*)
Les fondateurs avaient conservé la nue propriété de ces
prébendes et l'avaient transmise à leurs descendants. Pro-
bablement par le fait qu'elle i)()rtait sur des biens allo-
diaux, cette nue propriété s'était morcelée. En H63, elle
était répartie comme suit (^) :
La mojï/c avait appartenu à Gerulfe
et à Jîerlende qui l'avait cédée à
l'abbaye de Waulsort.
Première prébcnilv. ( f'^î (]iiart appartenait à Anselme
senior.
In (jiiurt aux frères Godefroid et
Thierri.
('j Ces trois serfs et leurs enfants l'onuaieiit la |)arl de la fumitia, fcliue à
Ascele (.■l»i;>//.sv.r»i«, t. I, eol. U\^].
{'-) Analectes, t. \VI, p. :2it.
(') Amplissima collertio, I. 1. p. !»i;3. Il n'est pas dit à i.iopus de ces <ler
niers eonime eesl le eas poiii' Aseele : « quidiiuid in eadeni villa Falleniaiiie
liereditario jure habebat vel liabere poterat ». Aiiaicctes, l. XVI, p. 2it.
{*) Amj/liiisiina collfclio, t. I, eol. Stilî.
(■'•) Ilml., col. 8(57.
470 F. ROrSSEAU
La moitié appartenait à Anselme
senior.
Deux làinc prébende. \ i^^uitre moitié aux ir ères Godefroid
et Thierri.
La moitié appartenait à Anselme
senior.
Troisième prébende. \ jy,,,itre moitié à Thierri de Latour
et à sa femme.
2 sparts appartenaient à Ascele de
Dave.
, Une moitié de la 8'' part à Anselme
Quatrième prébende. ( senior.
L'autre moitié delà, 3'' part k Thierri
de Latour et à sa femme.
Cette division des droits et par conséquent des obliga-
tions n'avait pas été profitable à la petite collégiale.
En 1163, l'église se trouvait dans un état lamentable, tom-
bant pour ainsi dire en ruine. Quant aux prébendes, deux
d'entre elles avaient pour titulaires des enfants, les deux
autres de simples sous-diacres (*). Les possessores fundi
firent abandon de leurs droits à l'abbaye de Waulsort.
Sans doute, ils ne parvenaient pas à s'entendre entre eux
pour la répartition des charges.
Par ces diverses acquisitions, le monastère de Waulsort
devint le plus gros propriétaire foncier de Falmagne.
En 123o, il arrondit encore ses domaines en achetant les
biens allodlaux et féodaux de Jean de l'Ile, bourgeois de
Dinant (2).
A partir de 1213, nous manquons de renseignements
précis sur les destinées du lignage de Falmagne Henri de
Falmagne, abbé de "Waulsort de 1231 à 1251, appartenait
peut-être à cette famille (^). En 1304, l'évoque de Liège
chargea trois de ses vassaux de se rendre à Douzy, pour
faire hommage en son nom à l'archevêque de Reims du
château de Bouillon. Tin des trois vassaux se nommait
(•) Analecles, l. XVI, p. :J1.
(2) Ibidem., p. 131.
(3) DoM Berlièke, Monaslicon, p. i.^. Henri de Falmagne est appelé aussi
Henri de Graux.
LIGNAGE NAMIHOIS 471
Jacquemin de Falmagne, éonyer (M. En 1308. ce môme Jac-
qucmin de Falmagne était prévôt de Marville et de Saint-
Mard, près de Virton {^). Sur Robin de Falmagne, éeuyer,
nous ne savons rien, si ce n'est qu'il mourut en 1333 en
laissant une rente de 6 sous à l'église de (iedinne, où il fut
enterré (•^).
Les destinées du lignage de Falmagne furent celles de
nombreux lignages namurois. Après avoir brillé d'un cer-
tain éclat i)eudaut plusieurs générations, il disparut brus-
quement de la scène de 1 histoire.
Dans les documents du xii' siècle, je n'ai recueilli
aucune allusion au di-oit de haute justice à Falmagne. Au
XIV* siècle nous voyons que ce droit était exercé par le
prévôt de Poilvaclie, donc un fonctionnaire comtal. Il est
fort i)robable qu'il en était de même au xir siècle. Dans le
comté de Namur, au moj^en âge, le comte possédait la juri-
diction hautaine dans la plupart des villages.
C. Remarques diverses.
On a pu constater que plusieurs personnages du lignage
de Falmagne sont qualifiés tantôt de nobilis, tantôt de
liber ou de nobilis et liber à la fois. Ces deux tertnes sont-
ils synonymes? Je ne le pense pas. Liber hoino doit se tra-
duire par friuic-honiine. Il y avait au xiii*^ siècle un village
du Namurois appelé en roman Noville-les-frans-hommes
(aujourd'hui Xoville-les-Bois). Nous connaissons les noms
de quelques-uns des habitants de ce village au xii* siècle,
tels Guillaume et son frère Godescalc, de Dompierre
(Dompierre est le nom d'une ferme de Noville). Dans des
chartes de 1 146 et de 1 159 ces personnages sont mentionnés
comme liberi honiincs ('). Le nom du village lui-même,
Noville-les-fruns-homines, est traduit par Xovilla libero-
riini hoiniiiiim dans un document diplomatique de 1256 (^.
(') BoR.M.\>s et Scnii()i..MEKSTEKS, Cluiiies (le Sai?il-L(inil>ert , l. 111. p. .'Ji.
(2) GoFFiNET, Cartvlaire d'Orvnl, p. &2îi.
(3) C. G. RoLAM), Orcliimont et ses fiefs, op. cit., p. 3t8, noie 1.
(*) Analectcs, t> WIII, p. 313; iInJ., t. XIX, p. -400; Uakbikh. Histoire de
l'abhaye (le Flore //'(', t. M, p. I'.).
("■>) Bakbieh, Histoire du monastirc de Gvronsdrt, pp. -IM, -2'iU, :>()l.
412 F. ROt'SSEAU
Les francs-hommes sont des alleutiers; le dénombre-
ment du comté de Namur de 1289 les appelle les tréfonciers
sur leurs tréfons (*1. Mais la propriété allodiale se morcelle
sans cesse. En effet l'alleu ne constitue pas un tout indivi-
sible, se transmettant de père à fils; à la mort du proprié-
taire, il est partaf^é à part égale entre tous les enfants,
aussi bien filles que garçons. Un alleu, qui souvent à l'ori-
gine comprenait un village tout entier, se trouve en fait, à
la fin du xii* siècle, morcelé à un point qu'il est difficile de
nous représenter A cause de cette division infinie de la
propriété allodiale, la classe des francs-hommes s'appau-
vrit de génération en génération.
Les nobles sont des chevaliers ou des descendants de
chevaliers. La coutume de Namur au moyen âge reconnaît
la noblesse à qui compte un chevalier parmi ses ancêtres,
poui'vu que la filiation soit légitime et ne dépasse point le
septième degré (^). La noblesse s'est constituée comme
classe sociale bien distincte, vers le début du xiii*^ siècle.
En 1207, Philippe le Noble, comte de Namur, déclare que
pour obtenir une prébende de chanoinesse à Andenne une
femme devra être noble, née de parents nobles (^) Les
nobles ont des origines différentes. Les uns sont des liberi
hoinines, des francs-hommes, entrés dans la chevalerie;
les autres, les moins nombreux, sont des chevaliers do la
fiiinlViii comtale, lesquels se qualifient déjà de nobles au
xii*^ siècle (''). Le même comte Philippe s efforça d'effacer
toute distinction d'origine entre les deux classes de cheva-
liers en décrétant eu 1212 que désormais les chevaliers de
la familia ne seraient plus soumis au meilleur catel. cou-
tume qu'il juge injuste, indécente et contiaire à l'honneur
chevaleresque (•'].
{') D. IX Bkoiweus, Adtiunislrat. et jinances du conitv de Mamiir, cens et
rentes, t. Il, passiin.
(2) M. HoiTAUT, Une erufiiète sur les (jcns de liijniUje du roiiite de Nunnir
en Iij89-lii90, Mclaiif^cs de Honiiaii, p. iU.u.
(^j Feminam... nol)ileiii, uoljilibus orlani pareiUibus. Misson, Le e/iapitre
nuhle d' Andenne, p. :2!)2.
(*) il y avait aussi [>armi les membres de la fuinUia coiiilale des f,'cns de
franche origine; cfr mon élude sur Henri l'Aveugle, n/i. <il., |i. [j-l, à propos
(l une donalion de lacitnilesse Krmesinde.
( ) MiHAti s et FoPPK.NS, Opéra diplomalica, t. I, p. :297.
I.IG\A(.E NAMUMOIS 473
Pour en revenir aux Irancs-honHiies, ceux d'entre eux
qui j)arvinrent à la noblesse étaient, selon toute vraiseni-
blanee, des propriétaires fonciers restés assez riches ])our
supporter les charges et les dépenses de la vie militaire
Les autres, plus atteints par le morcellement des biens
allodiaux, constituèrent à partir du xiii'^ siècle une sorte
de classe moyenne, intermédiaire entre les nobles et les
simples vilains.
Mais au xii® siècle, éi)oque où la noblesse était en voie
de tormation, un chevalier, comme Anselme de Falmagne,
pouvait èti'C qualit'ié ii la fois de franc-hoinine (liber hoino)
et de noble homme [nobilis); franc-homme indi(]uant son
origine et noble homme son rang social C'est à cette con-
statation que je voulais aboutir.
Une autre remarque encore est suggérée par l'étude du
lignage de Falmagne.
Nous avons vu que deux archevêques de Trêves, au
xn" siècle, Godefi'oid et Hilliu, étaient originaires de ce
petit village. Ce ne furent pas les seuls Namurois que l'on
trouve établis aux xii*^ et xin" siècles dans la cité archiépis-
copale. J'en donne ici une liste que je n'ose point certifier
complète : Anselme de Dave, chanoine de la collégiale
Saint-Pierre vers 11 oO (^) ; A lard de Falmai^-ne, chanoine
de la même collégiale en 1164 {^); Gérard de Falina<>ne,
témoin d'une charte de l'official de Trêves en lî2rîl^ proba-
blement chanoine de la cathédrale (^); Guillaume de Dave
senior, cité de 1223 à 1257, fut prévôt de la collégiale Saint-
Siniéon (^j; Renier de Daue, frère de Guillaume, mentionné
de 12i() à l2o2, chanoine de Pfalzel, pi'ès de Trêves, puis
chanoine de la cathédrale (^); enfin (juillaume de Dave,
junioi-, dont le nom apparaît dans les chartes de 12o6
à 12.'j8, appelé chanoine de Ti'êves sans autre spécifica-
(') L. Laiiayk, Htiiile sur l'iihlnnje de Waiilxort, p. :2.'j|.
(2) Amilectes, l. XVI. |». m.
(8) Bever, Eltester, Gokz, Urkiindenimcli ziir Geschicfife der jelzt de
preiissisc/ien ReijieniTiyshezirke Coldenz und Trier l)ildendt?i Millelr/ieiniaclieit
Territnrien, t. 111, p. :J7!I.
(«) Itdd., t. 111, pp. I7!t, 2th', -27:5, -2i)!t, 430, 0-2-2, 00-2, 7 50, 7(r2, 7!t7, 8:22, «-2.S.
8io, 858, 80(). ilOO, 007, !»8.j.
(5) //,((/., t. III. pp. 002, 829, 8.j8, 86o, 860.
474 F. nOUSSEA[J
tiou (•). Dave est un village situé sur la Meuse à 7 kilo-
mètres en amont de Nanuir. Au xii^ siècle, le lignage des
Dave avait des liens de parenté avec celui des Falmagne.
Un i)ersonnage fort en vue sur les bords de la Moselle vers
le milieu du xii* siècle était Siger, abbé de la riche abbaye
de Saint- Maximin, qui s'élevait dans un faubourg de
Trêves. Siger était originaire du Namurois; ses frères
vivaient dans l'entourage du comte Henri l'Aveugle {^).
Je dois signaler encore le clerc Baudiy, natif du bourg de
Florennes dans l'Entre-Sambre-et-Meuse. En 1147, lors
d'un séjour du pape Eugène III à Paris, Baudry était clerc
de la curie louiaine. L'archevêque Albéron de Montreuil,
qui eut l'occasion de l'entendre plaider, fut charmé de son
talent et le ramena avec lui à Trêves, où il le nomma éco-
lâtre de la collégiale Saint-Pierre (^). Baudry célébra les
mérites et les hauts faits de son bienfaiteur dans des Gesta
Alberonis archiepiscopi qu'il écrivit après la mort de
celui ci. I! note, entre autres, ce trait qu' Albéron ne par-
lait l'allemand qu'avec difficulté ("') Le prélat, en effet,
était Lorrain de naissance.
Dans ses Origines de l'influence française en AHe-
magne {^K M. Reynaud déclare qu'au xii® siècle l'arche-
vêché de Trêves fut un véritable foyer de civilisation fran-
çaise. Il n'est pas douteux que nos Wallons du pays de
NamuT- n'aient contribué, eux aussi, à ce l'ayonnemeut de
la pensée romane en Rhénanie.
FÉLIX Rousseau.
(') Beyer, Eltester, Gùrz, i'rkundenhvr/i :ur Gescliirlite etc., op. cit.
111, pp. 98.5, 99(), 1007, 10.^3.
(2; Cfrinon (''lude sur Henri l'Aveugle, \). iîi.
(:') MGH., SS.,1. Mil, p. -25.i.
(■•) Galiia lingua iialus lu leulhoiiica non erat ex|)e(litus. llndem, p. 257.
(S) T. I, p. 483.
Jean d'Ypres ou de Saint=Bertin (t 1383)
Contribution à l'histoire
de l'hagiographie médiévale en Belgique.
Dans l'étude que nous avons pul)liée naguère sur les
Vilne ou biographies des saints mérovingiens de l'ancienne
Belgique (^), nous avons examiné une quantité considérable
de matériaux, dont l'ensemble se répartit sur plusieurs
siècles. Certaines }'itae étudiées par nous, comme par
exemple celle de saint Vaast, remontent au vii'^^ siècle;
d'autres datent du xiv=, et l'ensemble des productions
hagiographiques dont s'occupait notre travail a])partient
à toutes les époques enfermées entre ces deux dates. 11 en
résulte que des constatations et des conclusions de portée
générale furent possibles Nous en avons indiqué quelques-
unes dans le dernier chapitre de notre livre, notamment
au sujet (le l'existence et de l'origine des « cycles « hagio-
graphiques, c'est-à-dire de séries entières de Vitae qui
dépendent les unes des autres et qui, souvent, sont copiées
les unes des autres (-).
('j Etude rnliqHC cl Ullvvairv sur /l's Vitac des saints inrrovingieyis de
l'ancienne Helfjiiiuc. (lU'cnt'il des Inivaiix |)iil)liés |):ir les luciubres des eoiifc-
renccs d'histoire et de pliilologie de II iiiversité de Loiivain. fascieiile 17.)
Louvain-Paris, 1907. 4i7 pages.
(-) Op. cit., p. -éiU-iSG, et le tableau eiioarlé dans le volume. — « On ne
saurait trop, et pour l'honneur des saints et pour le progrès de la saine liagio-
grapliie, se mettre en garde contre l'illusion de eeux (jui ne se bornent pas ii
vénérer les saints, mais croient devoii-, par respect pour eux, canoniser aussi
en quehiue sorte les ouvrages par lcs(juels la postérité a voulu cclélirer leur
gloire et dans la rédaction descpiels la connaissance des faits n'a malheureuse-
ment pas toujours été de pair avec la piété qui inspirait les écrivains »
(A. PoNc.EiET, (f Les saints de Micy », dans les .\nalecla Bitllaiidianu, t. WIV,
lOOrj, p. :i sv.).
476 L. VAN DE 15 ESSEN
L'indication de ce résultat était loin d'éiîuiser la série
de constatations générales, caractérisant l'ensemble du
« genre » hagiograi)liique, que nous suggérèrent nos
recherches. Nous nous étions réservé de rev^enir sur ces
constatations dans un nouveau volume, dont plusieurs
circonstances ont, bien malgré nous, retardé jusqu'ici la
publication.
Nous croyons qu'il est utile de résumer ici les principales
de nos conclusions générales, comme une espèce d'intro-
duction à l'étude sur l'hagiographe Jean d'Ypres ou de
Saint-Bertin. En effet, si nous faisons connaître de plus
près cette intéressante figure, c'est précisément parce que,
en tant qu'hagiographe, Jean occupe une place à i)art dans
l'ensemble des productions de la littérature médiévale
belge que nous avons étudiées. C'est un hagiographe qui,
tout en se révélant enfant de son époque et tout eu sacrifiant
aux exigences et aux traditions du genre hagiographique,
se distingue cependant par des dispositions critiques,
exceptiounelles dans le monde des écrivains de cette caté-
gorie. De tous les hagiographes — la plupart anonymes —
dont nous avons étudié l'œuvi'e dans notre Etude citée, il
n'y en a que trois qui, parmi les rédacteurs de biographies
non contempoi'aines, méritent une place à part. Ce sont :
Hucbald de Saint-Amand (t vers 980) ('), Plériger de Lob-
bes (t 1007) (^) et Jeau de Saint-Bertin.
Si Jean mérite notre attention parce qu'il est une figure
peu commune dans le monde des biograi)lies qui s'occu-
pèreut des gestes des saints mérovingiens de Belgique, il
est nécessaire que nous fassions connaître dans ses grands
traits le « genre » littéraire dont l'hagiographe ypj'ois
ne suit pas servilement les traditions. En essayant de
caractériser ce genre pour une partie restreinte unique-
ment à l'hagiographie des saints mérovingiens de notre
(') Ci. Dksiim:, De schola EInuncnsi, p. 93 et siiiv. Loiivain, 18i)0. Voiraiissi
A. .Moi.i.MKit, l.( s siiiirces (le l'hisloirt' de France, I. Mvrovitujiens et Curolifiçjicns,
II" 7Î)«. l'nris, l!l()'2.
(-j (11'. S. Bai. Al , Les xuurres de l'/iisfvire du pni/s de Lieye, p. 1:21-146.
Bruxelles, 1903; G. Kiuth « llérlgcr », dans la Biographie nationale, t. IX,
col. 246; Le mi'me, Nolyer de Liéye, t. 1, p. 332 sv. Bruxclies-Liégc, 1905.
JEAN DYPHES 477
pays ('), nous nous baserons sur les constatations réunies
au cours de notre enquête ])ubliée en 1907.
*
* »
Comme le savant bollandiste H. Deleliaye l'a fait ob-
server dans ses Lcgendes hiigiofiTnphùjucs (2), l'tx'uvi'c de
l'hagiographe i)eut ctre historique, mais elle ne l'est pas
nécessairement. On ne i)eut oublier que le document
liagiogTa])hique — qu'il s'api)elle Vitn, Pussio, Miraciilu,
Trunslalio ou Elevaiio — est toujours inspiré par le culte
des saints et destiné à promouvoir celui-ci : il a pour but
princi])al l'édification. Ad edificntioncm Chrisli fidclium
est une formule qui revient contiiuicllement sous la ])lume
des liagiograplies. Ceux-ci ont surtout en vue de présenter
la personne du saint sous le jour le plus favorable, de
convaincre le lecteur que le héros dont ils retracent la vie
a approché de très près ou a complètement atteint l'idéal
de la sainteté, que par conséquent il est digne du respect,
de l'amour et de la vénération des fidèles.
Pour les hommes du moyen âge — aussi bien les écrivains
que le public — le saint est avant tout « l'homme qui fait
des miracles », ou, pour employer l'expression des iiagio-
graphes eux-mêmes : vir uirtutibus et niirnciilis refiil-
^•cn.s (■^). C'est pourquoi, lorsque la tradition orale ne i)eut
(1) Pour l'éUide <hi genre lia^MOgraphiqiie dans son ensemble, cf. 11. Deieuvyi:.
Les Ivr/cndcx /lOf/iof/rnii/nifics. Bruxelles, 190o; Gunteu, Legendcjislndien.
Cologne, 190(5; Zoepf, Das Heilic/enlehen un .V. .lahrlnnidcrt. Leipzig, l!)08;
H. Dei.ehave. Les Ivifcndes (jrcctjitcs des atiints inUildires. l'iiris. I9(lt); Le mkmk.
Les l'assinns des mnrtijrs et les iienres Hlferaires. Bruxelles, 19:21. Nous ren-
voyons aussi il noire arlicle « Der geg(Mi\v;irlige Sland der liagiographisclien
Forscliung », dans la revue IJie Geislesirisf,ens{ liaficu. Leijj/.ig, L I, 19i:M91i,
p. -2IO--21.i.
(2) Page ±
(^) Il est à remarquer (jue par riituUhus on ne jRMit entendre les verliis du
saint, miracula rendant alors le concept clioses itiiracnlenses. Miraviila et
virlutes sont employés indilTérennnent pour intituler le récit des miracles du
saint. Par exemple Miranila S. AtjneUi ahlialis, d'autre part : Viitules i/Koe
fhvid siirtt post diseessiiin heatae Gerelriidis alihalissae ; Vif a Silrini, r\\. 13:
« Et non nnrum si Doniiniis Jésus Christus per suum servum lanta p?regil
miracula in niiindd, qui ci al) adolescenlia placuit, cum eliam aliqiiando falsos
clirisliaiids patialiir lacère virlutes. » i Pour la lï/rt .S'i/d/i?, voir nuire f,7»/(/c
rrilii/ne, citée plus haut, p. il;") sv.) — Voir l)i c.vm.e, (ilossariuiii inrdiar et
infiinae lut nitalis, suh verbo : virtiites.
478 L. VAN DER ESSEN
livrer au rédacteur d'une biographie de saint des renseigne-
ments sur cet aspect capital de la vie de son héros, l'écri-
vain se tire de la difficulté en recourant à des affirmations
ou des lieux communs qui sonnent presque toujours comme
suit : (( Le lecteur doit bien savoir que la grande quantité
de ses miracles nous est inconnue; la faute en est pai'tiel-
lement à la négligence des écrivains qui nous ont précédé,
partiellement à la mentalité des informateurs d'aujourd'hui,
qui ne voulaient point ennuyer le lecteur par cette énu-
mération {''} » D'autres fois, l'auteur se contente d'affirmer :
« Si nous avions le courage de raconter les miracles que le
saint [ou la sainte] a faits après sa mort, c'est le souffle
qui nous ferait plus vite défaut que la matière (-'). )>
Dans le plan classique d'une biographie de saint — que
presque tout hagiographe suivait servilement ("^) — . une
l^artie était d'ailleurs réservée pour les passages traitant
des miracles du personnage.
Pour comprendre la mentalité des hagiographes, nous
ne pouvons pas non plus oublier une caractéristique du
culte des saints qui a été mise en lumière par M. A. Du-
fourcq('*j : ce culte, dans son origine et dans son expression,
est essentiellement local. C'est à l'endroit où le saint est
enterré, où se dresse son mémorial (tombe ou chapelle), où
la foule accourt pour jouir de ses faveurs et de son inter-
vention au})rès de Dieu, que son culte est le plus vivace et
que, d'ordinaire, la première biographie est composée (^).
(') P. (ix. « Vita Aiulomari sociinda ». ch. 13 {Étinle critique..., p. 405-407).
(-') P. ex. « Vita Pharaïklis» [Étude critique..., p. 303-304).
(■^) Voir p. ex. le prologue de la Mta Aidherti : « Id vero leetor a iiol)is
curiosius reiiuiiere non débet ut heali viri gesta coniinenli ordine st-ribaiitur,
videlicel : (juihus oriundus natalibus, ({uibus initiis eitis san(;ta iiilanlia,
qiiilnis (idolcscentia miraculin claruit... »
(*) La Chrislmuisathm des fontes (dolleclion « Science et Religion »,
fase. 2.")2) et le livre L'Avenir du cliristinnisme, V. L'Éf/lise du llle au Xl<^ siècle.
Le C/irislia?nsrne et les Barbares, p. 74 el suiv. Paris, 19 li. Voir aussi :
H. Dei.ehayk, Les urigincs du aille des marlt/rs, p. 48 sv. Bruxelles, 1912;
et P. D(')KFi,F,it, Die Anfânge der Heiligenverelirunf/ nacli dru roinischeu
Inscltriften iind liildwerke. Munich 1913.
(•'•) Cf Vita Silririi, cli. 22 : « Mullas (juidein virtiiles ob mcriluni S. Silvini
post eius bealum transilum operatus esl Doniinus in linibus Tei'uancnsiuui,
maxiuie in eo lorn, rdii ipse vurpore recptiescit. » Ka|)procliez l'expression
typiipie de beaucouj) d'actes de donation : « ubi ipse [Sanclus] |)ieciosus
rcquiescit iii corpore. »
JEAN DYPaES 479
Dans son livre La monarchie fran(jiie(^), Fustel de Cou-
langes a écrit une phrase remarquablement suggestive : la
biographie du saint, dit-il, est souvent ce la légende expli-
cative des reliques ». Eu effet, de môme qu'aujourd'hui
des écrivains pieux rédigent un Guide ou un Manuel du
pèlerin à l'usage des fidèles qui se rendent à des endroits
de pèlerinage renommés, de même les hagiographes
médiévaux rédigent la Vita i)our faire connaître la vertu
curative des reliques {^) ou la puissante intervention du
défunt.
Grâce à la présence des reliqties, l'église ou le monastère
qui en est l'heureux possesseur est l'objet de donations
pieuses, par lesquelles rois, grands propriétaires, fonction-
naires essaient de se concilier le puissant patron de l'en-
droit. C'est grâce à la possession de reliques des saints
Wandrille, Ansbert. Vulfran, Gudwal. Bertulphe, Amal-
berge que le monastère gantois de Saint-Pierre, au mont
Blandin. fut si généreusement doté par le comte de Flandre
Arnoul le Vieux, au x« siècle, et si l'autre abbaye gantoise,
celle de Saint-Bavon, n'attirait guère l'attention du prince,
c'est que son trésor de reliques, en comparaison de celui
de l'abbaye rivale, était peu appr(''ciable (^).
Il n'est dès lors pas étonnant que bien des hagiographes,
poussés par le désir de favoriseï* l'église ou la communauté
à laquelle ils appartiennent, aient essayé de montrer (^ue
le fondateur de leiir monastère ou le saint qui repose dans
leur église ou dont ils possèdent les reliques est plus
puissant que le patron de l'abbaye voisine, qui est en ce
(1) P:if;p 10. Paris, 1888.
(') Le ch. o (les Mlrucnlu S. Vismari nous raconte que les moines île Lol)bes
donnent des fraj^inents de reliques à un de leurs conlrères qui désire les
envoyer dans son pays d'origine, et on y ajoute « lil)e!luni vilae sanetoruni ».
[Ursmari et Ennini]. Le eh. 2 de Vllistona iniraculunnn [S. Uisniari] in
cirntmlatione per Flanilriiun raconte, ii propos (l"ini moine élrangec ipii soulTre
des dents : « Coepil rcquirere a iiobis si (|uod exinde nossemus medicamcnlum.
Nos inhil (|uidein, sed dedimus ei vilain sancii Icgendain, in ipia rei'ertur noveni
annis et septem liebdomadibus eandem suslinuisse passionem. » C'était une
invitation à invoquer S. Ursmer comme patron.
(•') Voir sur la lutte entre les deux abbayes mon Ktiide critique..., p. 3.^)8 sv. ;
MoN.SKiK, Les moines et les saiids de Gand. Bruxelles, 1907 (complète cl
conduit en partie i'clnde de Ibdder-Kgjier siu' le mémo sujet i.
480 L. VAN DER ESSEN
luoment là le centre d'un pèlerinage très fréquenté. Un
exemple typique d'une telle préoccupation, c'est la Vita
Remucli, dont l'auteur, un moine de Stavelot, désirant
favoriser son monastère au détriment de Liège, où le culte
de saint Lambert attirait les foules, rédige une biographie
de Remacle en i)illant consciencieusement la Vita Lamberti
et en arrangeant son récit de façon à mettre son héros à
l'avant-plan et à faire rentrer dans l'ombre saint Lam-
berti^).
Parmi les buts que se proposent les hagiographes, on
l^eut encore citer la défense de possessions ecclésiastiques,
d'immunités ou de privilèges L'on n'ignore pas que, au
IX'' et au x^ siècle, les actes privés, l'édigés par des parti-
culiers sans participation des pouvoii's publics, avaient
l^ei-du beaucoup de leur valeur probante ('-). Le serment,
le duel judiciaire et l'ordalie commencent à jouer de
nouveau le rôle princii)al dans la procédure devant les
tribunaux. L'Eglise, à laquelle le droit canon interdisait
l'usage du « glaive », n'avait d'autre moyen pour attester
ses droits que la preuve documentaire, et, pour donner à
cette preuve une valeur particulière, elle en appelle au
saint. Dans les biographies de saints, l'écrivain insistera
souvent sur le fait que tel domaine ecclésiastique, qui est
menacé par un seigneur féodal, a été cédé autrefois au
saint patron de l'endroit, et il s'ensuit que celui qui serait
assez téméraire pour s'emparer de ces biens, n'échapperait
pas à la vengeance de ce saint {^).
C'est en rapport avec ces idées que la formule commi-
natoire des actes de donation se termine souvent par les
(') G. Kl KTii, « Notice sur la plus ancienne biographie de saint Ueuiacle, pour
servir à l'histoire des supercheries littéraires », dans les Bulletins de la Com-
mission royale (^histoire, ¥ sér., t. III, p. 3uo sv. Voir la critique - non
convaincanle — de cet article de Kurlh par M. F. Bvix, « Nouvelles recherches
sur les deux biographies de S. Uemacle », dans Mvlunges Churles Moeller, t. I,
p. 267, n.'l.
('j Cf. PossK. Die Lrfire von (loi Privât- Urkunden, II. Diplomalik, p. 62.
Leipzig, 1887.
C^) L. ZoEPK, htis lleilicjenlrhen iiii X. Jahrliunderl, p. 18 sv. ; M. Stimming,
«Dipheilige IJillliildis. Kin Beitrag zur Forschung iicber Urkundenfalschung
und Hciligenlegcnde», dans les Mitleilnuf/en des Oesterreiclnsc/wn Instituts fiir
Geschirtits/orschung, dîH7, t. XXXVIl. p. 23i-2.'J.j.
JEAN D'YPRES 4H1
mots : Indig'nntionem SS. Ai)<)stoloriini Pelri et Puiili se
noverit inciirsiiriiin (').
La légende do l'origine de la dime d'Amberloux, ap])ar-
tenaiit a. l'abba^'e de Saint-Hubert, a été ainsi introduite
dans la Vita Bereg-isi, qui attribue la fondation de cette
dîme au saint lui-même. Le comte de Xamur, qui s'en était
emparé au xi'' siècle, comi)rit fort bien l'allusion que le
biographe de Bérégise avait faite dans la Vita (').
Les « cycles hagiographiques » ou séries de plagiats dont
nous avons démontré l'existence dans notre Etude critique
citée, sont la conséquence de l'idée que se font les liagio-
graphes du genre de travail auquel ils se livrent. Les
auteurs de pièces hagiographiques connaissent et dis-
tinguent deux sortes d'écrits : les uns auxquels on est
obligé d'ajouter foi — c'est l'Ecriture sainte dans toutes
ses parties — ; les autres au sujet desquels il est permis de
se montrer sceptique ou défiant. L'hagiographe a parfaite-
ment conscience que ses propres écrits appartiennent à
cette dernière catégorie. Il s'ensuit, comme le dit le
R. P. Dclehaye (^), qu'il prend beaucoup de libertés avec
la vérité historique. Son œuvre est surtout une œuvre
littéraire; beaucoup de remaniements postérieurs de bio-
graphies anciennes doivent leur origine au souci de l'effet
' Pour la base jiirnliqtio de ceUe formule, cf. R. Kosti.f.k, « Huidont/.ug
als Strafe » {Kirckenrcriitliche AliIunuUunfjCJt, éd. U. Siutz, fasc. 6:2). p. 68 st.
Stuttgart, 1910.
(') Voir mon Etude criliiiiie, p. 113, 119 -il'O. — Voici un texte intéressant
destiné à défendre riuviolai)ilité du droit d'asyle : nous rempruntons aux
Miraniln S. Ursinari, eh. (3 : « De eodem eastro [Grignart], tempore ijuo
bellum intcr eos et Tudinienses agebatur, eum aliis pluribus quidam pislor
Laubias venerat. faeees ad eonficiendos panes pctilurus. Aderant etiam
aliijuanti de Tudiniensi clientela et ex verborum injuriis, ut fit, orta est inter
eos gravis sedilio. Irruunt alteri in alteros, et ut quemque easus armaverat,
jierniixtum vulgus desaevit. Fugiuut Tudinienses et in ecdesia S. Ursmari
relut fiitissima proteguntur iixi/li>. \{ vero ille pi.stor correpto arcu. dum unum
illorum intra monaslerium tdo apix'lit, nutu Dei volans sagitta januae inli-
gitur. » La vençreance de saint l"r.<nier ne se fait pas attendre : le boulanger
meurt misérablement. — Sur les origiiK's et les déments du droit d'asyle,
cf. J. (Ihoii . « Die Elemenlc des kirchlidien Fi'eiunpsredites mit besonderer
Beriicksiclitiguiig der oesterreichiselien Enlwirkluiig dargeslellt » (Kircfien-
reclitlic/tc Abliaiidluuffen, fasc. 7.') et 76). Stuttgart. 1011.
(^) Les Ic'yendes liagiograpliii/ues, p. 95.
31
482 L. VAN DER ESSEN
littéraire (^). De là l'habitude de la compilation — choix de
morceaux divers bien rédigés, reliés par cxuelques transi-
tions souvent peu habiles — et aussi du plagiat. C'est le
plagiat, auquel ont recours la plupart des hagiographes,
qui explique en partie la formation des « cycles hagiogra-
phiques ».
Il est presque superflu de dire que l'esprit critique est
généralement absent chez la plupart des écrivains médié-
vaux (~). D'ordinaire l'hagiographe estime qu'il n'est guère
besoin de rechercher l'origine on la provenance des ren-
seignements qui lui sont communiqués ou qu'il est parvenu
à se i^rocnrer péniblement. La tradition populaire lui
suffit : ut fertiir, ut dicitur sont chez lui des formules
favorites. Arrive-t-il maintenant que cette tradition popu-
laire ne lui fournit point une quantité suffisante de détails
ou d'anecdotes ou qu'elle ne signale pas assez de faits
miraculeux, l'auteur de la biographie se croit obligé de
combler ces lacunes. C'est le moment de recourir aux lieux
communs, aux « thèmes » hagiographiques, ces traits
universellement applicables dont l'ensemble crée le type
abstrait du saint. Si l'auteur est peu érudit — et c'est
souvient le cas (^) — , il ne réussit même pas toujours à
trouver les généralités ou les thèmes dont il a besoin et à
les mettre sur parchemin dans une langue plus ou moins
littéraire. C'est pour ce motif que tant de ces moines et de
ces écrivains pieux ont recours à la copie, au plagiat. La
bibliothèque ou le scriptorium de l'abbaye ou de l'église
contient souvent l'une ou l'autre Vita qui peut passer pour
un modèle, elle possède peut-être une œuvre de quelque
écrivain renommé — par exemple Alcuin — ; dès lors,
l'hagiographe n'hésite point à copier de ce modèle les
passages et les thèmes qui peuvent être adaptés à son
travail. C'est ce que fit notamment l'auteur de la biographie
(1) On en trouvera de multiples exemples dans noire Êlnde crilique.., passim.
(') Voir M. Sciu LTZ, Die Lettre von der liislnrisclien Mettiodc hei den GesdiicJtt-
sclireibern des Millelalters, VI. -XIII. Jalir/amdert. Derlin-Lelpzig, 1909;
G. Mexge, « Krilik in den Heiligenleben des Millelalters. Ein Beilrag zur
Gescliichle der Hagiographie », dans le Kallinlisclier Seclsorger, 1905, p. 01 sv.
(3j Voir F. F. J. Lecoivet, ((L'instruction publiijue au moyen âge», dans le
Messager des sciences cl des arts, 18o.j, p. J71 sv.; 18.")G, p. 147 sv.; 18.")7, p. G3 sv.
JEAN d'ypres 483
de saint Mommelin, évoque de Noyou-Touruai (t vers G8i8),
(lui emprunta à la ViUi Richiirii d'Alcuin nombre de lieux
communs (*). C'est ainsi aussi que la Vita Rn(Iei>-undis de
Venantius Fortunatus (t 009) a été pour plusieurs bio-
graphes des saints de Belgique à l'époque mérovingienne
une mine dont ils ont extrait abondamment ce qu'ils étaient
incapables d'inventer ou de rédiger eux-mêmes (^j.
C'est la renommée littéraire de leurs auteurs et le fait
que ces deux Vitae se trouvaient dans presque toutes les
bibliothèques monastiques (3), qui peut expliquer qu'on les
voit si souvent plagiées par des écrivains postérieurs, peu
lettrés et pauvres d'imagination (**).
Ces quelques données auront suffisamment (^aiactérisé
le genre hagiograi)liique tel qu'il se révèle dans l'étude
des productions consacrées aux saints mérovingiens de
notre pays, pour que nous puissions passer à l'étude de
Jean d'Y'pres et relever ce qui le distingue et ce qui le
rapproche des autres hagiographes médiévaux étudiés
par nous(^).
Jean le Long (Long-us) naquit à Ypres. Il entra comme
moine à l'abbaye de Saint-Bertin; en 1345, on le trouve
comme étudiant a l'Université de Paris; eu 136o il rentra
à son abbaye, dont il finit par devenir abbé {^). Il occui)a
(') Voir notre Étude crUii/ue..., p. 380 s v.
{-) Ibidem. |). i3(3 et le tableau encarté dans le volume. W. Mever (« Der
Gelegenlieitsdiiliter Venantius Fortunatus », dans les Ah/iandlunr/eîi do Goet-
liijgue, Pliil.-liistor. Klasse, nouv. sér., t. IV, o, 1901, p. l sv.) a montré que
les œuvres de cet écrivain ont été remaniées à l'époque carolingienne.
(^) Cf. M. M\NiTirs, « Geschiclilliclies aus mittelalterliclien Bibliotheks-
katalogen », dans le Nettes Archiv, 1907, t. XX.X11. p. G 19-709, et le livre bien
connu de Gottlob, Ueber mittelallerlic/ie Bihliollœkcn.
{*) Pour les exceptions, voir R. Teiffel, Individuelle l'ersônliihkeitsscliifde-
nnig in den dculschen Geschichtswerken des 10. und 11. Jahrhunderts.
Leipzig, 191:2.
(5) Les constatations faites ici au sujet du genre liagiograplii(iue |ieuvent
être répétées dans d'autres parties de cettle littérature, pour divers pa,\s et
pour diverses éjioqucs. Voir notamment les ouvrages de Deleliaye, Giinler cl
Zoepf, cités plus haut.
(^) r.f. II. DE Lai'I.vne, Les alihes de Saint -Berlin d'apn's les undens uionu-
ments de ee monastère. Saint-Omer, 18oi-18oo.
484 L. VAN DER ESSEN
cette charge pendant dix-sept ans. Il mourut en 1383,
comme l'apprend l'épitaphe placée dans la chapelle de
Saint-Denj's, à l'abbaye de Saint-Bertin : « Hic iacet piae
niemoriae.Tohannes oriundus deYpra quondam abbashuius
monasterii, qui rexit 17 annis et obiit anno Domini 1383,
secunda die mensis Januarii, Orate pro eo. R. I. P,
Amen (^). »
Jean d'Ypres nous a laissé une œuvre de valeur, la
Chronica monasterii sancti Bertini, dans laquelle il a
retracé l'histoire de son abbaj'^e de o90 à 1294. Il n'a pas
eu le temps de terminer l'ouvrage (^i, rédigé avec soin et
pour la confection duquel il a consulté nombre de sources,
dont certaines nous sont conservées et dont d'autres sont
perdues.
Suivant la tradition du genre chronistique, Jean rappelle
les faits d'histoire générale, d'histoire locale et d'histoire
corporative qui sont étrangers à son monastère ou indi-
rectement en rapport avec les annales de Saint-Bertin; il
a consulté l'histoire des papes, des empereurs, des rois de
France et des comtes de Flandre, bienfaiteurs de l'ab-
baye (3). Quant à l'histoire des autres abbayes bénédictines
et celle de son propre manastère, il a utilisé la copieuse
littérature hagiograjihique qu'il pouvait trouver dans le
scriptoriiim de son abbaye, et dont plusieurs éléments
nous sont parfaitement connus : les Vitae des saints Bertin,
Omer, Folcuin, Silvin, Rémi, Vaast, Ouen, Eloi, Amand,
Mommelin, Erkembodon, Humfride, Fulcon, Gérard,
Grimbald, Walbert, Faron et AVinnoc ("*). Il s'est aussi servi
d'un certain nombre de compilations qui constituaient les
(}) Cf. A. MoLiMER, Les sources de Ihistoire de France, t. II, n" 1782;
Martèxe, Thésaurus anecdotorum, t. III, col. 443-416; Potthast, I, p. 6G9-G70'
(2) Publié par Martène, Thésaurus anecdotorum, t. III, col. 443-776.
M. Holdor-Egger en a donné les parties originales dans les Monumenta Ger-
maniae Instoriva, Scriptores, t. XXV, p. 747-866.
(3) « Colleginiiis ex clirouieis Papannn, inipcratorum, regnni Franciae^
ducum austrasioi-uin et brabantinoruni, comiluiu l'Iandriae et (iliisnaruni... »
(Martène, o. c, «ol. 448).
(■•) «Collegimiis enim ex legendis sanclonun IJcrtini, Aiidoniari, Folcuini,
Silvini, Reniigii, Vedasli, Audoeni, Eligii, Aniandi, Moniniolini, lùkenibodonis,
Hunfridi, Fulconis, Gerardi, Grimbaldi, Walberli, Pliaronis, Winuoci... »
(Martène, o. c, loi-, cit.).
JEAN n'YPRES 485
encyclopédies de l'époque, comme les œuvres de Thomas
de Cantimpré. Le soin que Jean d'Y])res a mis à s'entourer
de tous les renseignements possibles nous est révélé par
le fait qu'il a consulté les « antiquités » de Saint-Bertin
même, c'est à-dire les annales, les chroniques et les récits
qui concernent directement le monastère. Il a poussé ses
recherches plus loin encore. Ne se contentant point des
sources littéraires, il a examiné les archives de plusieurs
églises (^) et certains documents officiels lui ont servi à
compléter l'ensemble de ses informations (-).
Jean rédigea la Chronique lorsqu'il était déjà abbé de
Saint-Bertin (^). C'est l'œuvre principale de l'auteur et l'on
y trouve la trace incontestable de ses études universitaires
à Paris, tant à cause de la supériorité de la composition
que de la façon exceptionnelle dont il a procédé aux
recherches et dont il a fait l'examen de ses sources d'infor-
mation.
Une œuvre moins considérable que la chronique, mais
qui nous intéresse plus directement que celle-ci, c'est la
biographie de saint Erkembodon. Nous y consacrerons un
examen attentif dans les pages qui suivent.
La Vita Erkembodoiiis ("*) retrace l'histoire d'Erkem-
bodon, quati'ième abbé effectif de Sithiu depuis 717, qui
s'employa à faire respecter dans son monastère la règle de
saint Benoît et qui sut, par une administration ferme et
exemplaire, développer considérablement le temporel de
(') « Arcliivis quo(iuc publicis ecclesiainiin Sancli Dionysii aroupat^ilao,
Bergensis, Watiiiensis, Marchiaiiensis, Blangiacensis, AïKienicnsis » (Maktène,
o. c, loc. cit.).
("-) a Itemque ex testibus mille privilogiorum et chartarum auliienlicaniin
lani istius qiiam aliarum ecclcsiaruin, ex eoriiiii si^nllis aiieturilate eredeiitiain,
ex (lie et consule tempora temporibiis et ex causis in eis eoiitentis iiogotia
negotiisconcoi'dando... » (Mautène, o. c, loc. cit.).
(3) Voie: en efl'ct un passage qui le prouve : « Si quando vero plaeitum et
utile quid occurrat, opincem piis ad Deuin preeibus adiuvet, qui se quinqua-
ginta et octo abbatiun ultinuiiii teinpore meritis, online et dignilate
cogno^?cens, se Sylliiensinin (iralinnibus reeoniinendat limniiiinie. »
{*) Cf. PiiTTiivsT, Bililiotficcit liislnririt inédit aeci, t. II. p. l-2i)i; .\. .McniMKit.
Les sources de l'Iii.ilnire de Fiance, t. I, n° r>.>4. l'oip' les cdilidiis, ynr la
liihtinllieca liagiogiapliicn latiiKt, t. I, n" :2.')i)S(.
486 L. VAN DER ESSEN
l'abbaye, soit par des acliats, soit par les libéralités qu'il
provoqua de la part des rois Cliildéric II et Thierry IV.
A la mort de Ravangaire, évêque de Térouanne, Erkem-
bodon fut élu chef de ce diocèse (723), tout en conservant
la direction de l'abbaye de Sithiu. Il mourut en 742 (^).
Dans le prologue de la Vita, Jean d'Ypres se nomme
f rater Jomines, Dei patientia Sithiiiensis coenobii minister
hiimilis, ce qui implique qu'à ce moment il n'était i^as
encore abbé de Saint-Bertin. La Vita est donc antérieure
à la Chronica, et de fait, elle est mentionnée dans celle-ci
comme existap-t déjà (2).
La Vita, comme la chronique, révèle les mêmes qualités
littéraires et critiques ; c'est le moment de les étudier dans
leur ensemble.
D'abord, l'œuvre de Jean d'Ypres nous offre des ré-
flexions critiques générales, qui sont de nature à mettre en
lumière ses conceptions et ses procédés. Dans le prologue
de la Vita Erkeinbodonis, l'auteur appuie sur le fait que
son œuvre ne contient aucune fiction, que toutes ses
données sont empruntées à des sources qu'il est prêt à
citer : « Sciant, quicumque haec legerint, niliil nos de
propriae adinventionis novitate scripturos, sed quod in
veteribus scriptis sparsim et confuse reperimus, pro
modulo nostro colligemus et ordinabimus (3). » Certes,
c'est là une formule que n'hésitent point à emploj^er les
hagiographes dont l'œuvre est partiellement, même totale-
ment un produit de leur imagination, mais chez Jean
d'Ypres, cette affirmation répond à la réalité. Pour lui, il
existe deux moyens de prouver la vérité de ce qu'il
raconte : l'autorité des documents et le raisonnement :
« auctoritate simul et ratione, si necesse fuerit, per Dei
gratiam defendere et probare valentes quidquid scripse-
rimus. »
(ï) Voir notre Ëtmle critique..., p. -i24. Sur l'orgaiiisalion doniahiale de
l'abbaye de Saint-Berlin, voyez G. W. Coopland, « The abbey of St-Bertin and
its nei{,Md)ourhood, 900-1350» (Oxford stmlies in social and légal history, l. IV).
Oxlord, 191 i.
(-) Ibidem.
(^) Comparez le prologue de la Clironica : (c ... Suniendo de quolibet quod
ad propositum s|)Oclare visuni est, niliil asserendo cpiod non autiienlieis scriptis
approbalur » Prvlofjns-, toc. cit., col. 448.
JEAN D"YPRES 4k7
Les recherches de Jean sont, en réalité, étenrluos : nous
l'avons entrevu à propos des sources de sa Chroni(]iie :
annales, chroniques, histoires générales, vies des saints
d'une part, chartes, diplômes et archives ecclésiastiques
d'autre part, ont été examinés. La même sollicitude
d'in formation se retrouve chez riiagiograplie : « Nos itaque,
dit Jean, quia in veteribus chartis et annalibus nostris
quaedam de hoc sancto scripta nos reperisse meminimus,
aliquid de eo scribere proposuimus ('). »
L'examen de la Vita l'^rkenibodonis même nous lait
retrouver ces sources — que nous appelons aujourd'hui
sources d'archives et sources littéraires. L'auteur emploie
le catalogue des abbés de Saint Bertin pour déter-
miner l'ordre de succession de son héros dans la liste
abbatiale (~). Pour nous dépeindre la vie active du saint,
sa sage administration et les soins qu'il consacre au
temporel de l'abbaye, il utilise constamment les diplômes
des rois mérovingiens, accordant des immunités judi-
ciaires et fiscales, des actes de donation publies et privés.
La Chronica nous offre le même exemple de souci docu-
mentaire : citons ainsi la cession de la villa de Rnmilico
à Dodebert par l'abbé Rigobert en 710 (•*), la donation de
Wormhout par Wenemar en69oi^), le diplôme de Clovis III
confirmant les privilèges de l'abbaye en 691 (^), la donation
du noble Anialfride en 679 (*^). Non seulement Jean nous
donne généralement une analyse du contenu de ces
diplômes et de ces chartes, mais il ajoute, dans sa Chro-
nique, l'incipit et la date complète de ces pièces, ce qui
nous permet de les identifier et de contrôler sa documen-
tation (').
(*) Vita Erkemltodmiis, prologue.
(-) Yila, fh. 2. Voir le « Lanihcrti .\ii(loiiiaroiisis sorips abbatiun S. borliiii »
{Monumenta Germaniae l'islorica, Scriplores. t. XIIl, p. (UIS).
(') .M.vuTKNE, o. f., col. 473, pars XIV.
(') Ihulem, col. 173-471, pars Mil.
(^) Ibidem, col i~-2, pars XIII (Cf. Paudessi s, Dipluntata. t. II. p. i\b: Pkutz,
Diplomata, t. I, p. 52).
('■•) Ihiilem, col. i71, pars Xll.
(") La plupart de ces actes nous ont été conservés; ils sont publies par
GiKUAiu), Carlulaire (le Minl-lkrtin, \>. il- 12, 4i, 17 19. Paris, IHIO. — Voici
comment Jean s'exprime p. ex. au suj(>l de la dniialinn de Hittnilita : « Cuiiis
emtionis carta sic incipil : Domino... »
488 L. VAN DER ESSEN
Outre les sources écrites, Jean d'Ypres accueille aussi
les informations de la tradition orale, dont il examine au
préalable l'antiquité et par conséquent la valeur : « Celebris
autem adliuc extat faraa, ex antiqua seniorum relatione
auctoritatem traliens (^). »
D'ordinaire, Jean cite les sources où il puise ses
affirmations et où il trouve un témoignage. Parlant
d'Erkembodon, il donne comme référence le catalogue des
abbés du monastère (2) ; dans la Chronique, il nomme les
vies de saints qu'il utilise dans son récit : « Dicitur enim
in beati Bertini legenda (^) », « Sic enim dicitur in ejus
[Silvini] legenda ("*) ». L'auteurn'en fait cependant pas une
règle : quelquefois, il ne cite point nommément sa source
parce que le lecteur connaît ou est censé connaître suffi-
samment les productions de la littérature hagiograpliique
locale ou régionale, qu'on trouvait dans toutes les biblio-
thèques et dont on donnait lecture le jour de la fête des
saints (^). Lorsqu'il s'agit d'actes de vente ou de donation,
l'auteur se livre d'ordinaire à un travail que nous appelons
maintenant la confection de régestes diplomatiques : il en
est ainsi pour la prélature des abbés du monastère, à
propos desquels diplômes, chartes, actes divers sont cités
consécutivement avec leur incipit et leur date. Souvent, à
la fin du chapitre résumant la gestion d'un abbé, Jean
énumère tous les actes passés sous cet abbé (^). Comment
Jean d'Ypres interprète-t-il et utilise-t-il ses sources et
quelle est l'autorité qu'il leur accorde? Généralement, il ne
donne et ne reprend dans son récit que ce que les docu-
ments lui fournissent; il ne hasarde pas de conjectures, il
(«) Vita, ch. G.
(î) Yita, ch. ±
{^) Mautène, o. c, col. -4Ti, pars XIV.
(4) Ibidem, col. -479. cap. III.
(5) « Aclus autem apostolorum vel Apocalypsis Joannis pro novitato gaudii
Paschalislegciitur... vel gesta sanclonim coufcssoriim ac marlynim in solom-
nitatibuseorum, utpopulus intelllgalquaiiUiin Clirislus ainaveral fainulmn... »
(Texte cité par Mgk. Duchesne, Les origines du culte chrclien, j». 194.) Autre
exemple : « Procedente vero lectore, qai beatae passionis recenseret hisloriam,
ut revolvit librum... » Grégoire de Tours, De virluttbus S. Jtiliani, ch, 16.
(6j P. ex. pour Erkembodon : « Cartas sou privilégia quas sanctus aequisivit
Erkembodo sunl mnuero (juatuor. .. »
JEAN d'ypres 489
ne cherche guère à découvrir ce que le document qu'il a
à sa disposition ne lui révèle pas. 11 fera, par exemple, la
remarque suivante : « Utrum autem reliquae possessiones,
quas praedictae ecclesiae non habere noscuntur, in jus
transierint Morinensis ecclesiae, vel quo deveuerint,
temere difinire non audemus, cum aliquam in chartis vel
scriptis certitudinem inde nondam rej)erimus (^). » C'est
là un scrupule que la littérature hagiographique que nous
avons examinée ne fournit pas très souvent.
Jean est tout aussi circonspect à propos des miracles.
Dans la Vita Erkenihodonis , au chapitre o, il nous avoue
son ignorance au sujet des faits merveilleux de la vie de
son héros : « i'ere nulla eum fecisse miracula scriptum
iuveniamus. » C'est là une attitude de réserve exception-
nelle chez les hagiographes. Une fois, cependant, Jean
sacrifie aux habitudes et aux règles du genre : il tache
d'expliquer le silence des sources au sujet du merveilleux
et il ne trouve d'autre raison que celle que le genre hagio-
graphique même lui suggère : la négligence des contem-
porains (2).
Jean d'Ypres ne se départit de sa réserve que lorsqu'il
se trouve en présence de données contradictoires, surtout
en fait de renseignements chronologiques. Voici des
exemples :
L'hagiographe, ayant examiné le diplôme de fondation
délivré à l'église de Sainte-Marie par saint Orner, trouve
cet acte daté de la sixième année de Clothaire III (657-603).
D'autre part, les chroniques qu'il a à sa disposition n'ac-
cordent à ce règne qu'une durée de quatre années. Jean
fait alors le raisonnement que voici : ces quatre années
doivent sans doute être considérées comme quatre années
pleines et entières ; dès lors, ajoutant une partie d'année
précédant ces quatre et une partie suivant ces quatre, on
peut parler en réalité de « sixième » année. D'ailleurs,
ajoute-t-il aussitôt, c'est le document officiel qui fait foi :
« Sigillum enim regura nec fallit nec fallitur (3). » A un
autre endroit, l'auteur, ayant fixé la date de la mort de
(i) Vj7ff, di. i.
('-) Vita, cil. G.
(3) Chronka (Mahtèxe, o. c, col. 107).
490 L. VAN DER ESSEN
saint Berlin à l'année 698, se trouve en conflit avec des
données d'après lesquelles Childebert III aurait régné de
698 à 715(1). Il cherche à solutionner la difficulté comme
suit : n Forte fit quia quidem historici quandoque numerant
annos completos et quandoque numerant excreseentias
seu non completos annos pro plene completis, quam si in
temporc regnationis novem vel deeem successive regum
scrii)tores différant, licet non sit bene tutum (^). )> Remar-
quez la réserve finale, elle jette un nouveau trait de lumière
sur les idées de Jean. Celui-ci exprime encore en un autre
endroit ce principe tout moderne de la distinction entre
les sources d'archives et les sources littéraires : « Nos
vero non tantum sequimur fidem historiarum, sed magis
sequimur fidem privilegiorum nostrorum et sigillorum
authenticorum regum vel aliorum : sigillum enim regum
nec fallit nec fallitur (^). »
Si nous examinons maintenant le procédé de compo-
sition, nous vo3^ons que Jean d'Ypres n'est pas un compi-
lateur, comme la plupart de ses confrères en hagiographie.
Il fait une véritable sj^nthèse : il examine ses sources, pèse
leur autorité respective et choisit les renseignements les
plus intéressants pour les adapter à l'ensemble : « Quod
in veteribus scriptis sparsim et confuse reperimus, pro
modulo nostro collegimus et ordinabimus... Sic prae-
sens opusculum ex multis voluminibus... collegimus,
sumendo de quolibet quod ad propositum spectare visum
est (4). ))
Dans le classement des renseignements qu'il a recueillis,
l'auteur procède de façon assez originale, mais toujours
rationnelle. Ainsi, parlant de l'abbé Rigobert qui fut placé
à la tête de l'abbaye de Saint- Bertin pendant que Bertin
vivait encore, il attribue à l'abbatiat de Bertin les chartes
et les actes passés sous Rigobert : « Et quia sub sancto
(') Childebert m a régné en réalité de 69^1-695 à 711. Voir L. Vanderkindere,
Introdudion à l'histoire des institutions de la Belgique cm moijen âge, p. 136
flahloan) et W. Lkvison, « D.is Nckrologiiim von Doni Racine uml die Chrono-
logie der Merowinger », dans le Nettes Archiv, t. XXXV, 1919, p. 38, 47-48.
(2) C/ironiva (Mautè.ne, o. c, col. 476).
(•') Iliidrm.
{■*) Vitii, prolojjuc.
i
JKAN DYPRES 491
Bertino et de cius maiidaro fueruut impetrata, ipsi beato
Bertino adscribimus {/ . •»
Les observations qui précèdent auront fait connaître
suffisamment Jean d'Ypres comme historien.
Parlant des écrivains du moyen âge, M. Cli.- V. Langlois
distingue « les uns [qui] n'ont su que juxtaposer les sources
qu'ils avaient dans la main, en y ajoutant des bévues, sans
se soucier d'en résoudre les contradictions » des autres
qui « n'ont pas laissé de chercher, de comparer, de discuter
les documents, de constater des lacunes, d'exprimer des
doutes (-). ))
Jean d'Ypres appartient à cette seconde catégorie.
*
* *
Examinons maintenant cet auteur plus spécialement
comme hagiographe. L'étude de la Vita Erkembodonis
nous montre que Jean d'Ypres se distingue de la plupart
des rédacteurs de Vitae de saints par la méthode et l'esprit
critique. Il s'en distingue aussi par l'ordonnance de la
matière et la conception qu'il se fait de son travail. Certes,
le plan de la Vita Erkembodonis rappelle le plan classique
de toutes les Vitae, simple et chronologique, mais une
innovation de l'auteur qui nous occupe, c'est la division
en (c vie active » et cf vie contemplative ». Remarquons, en
outre, que dans la Vita Erkembodonis la vie active est
plus importante et mieux traitée que la vie contemplative :
cette particularité semble en oi)position avec le but même
que se propose tout document hagiograpliique. Xous ne
trouvons pas ici l'histoire d'un « homme à miracles », d'un
visionnaire ou d'un ascète; nous trouvons le portrait
d'un abbé modèle, s'occuijant activement des intérêts à
la fois matériels et spirituels de la maison qui lui est
confiée.
Si cette particiilarité pourrait à la rigueur être expliquée
par le fait que Jean ne possédait guère de données sur la
vie pieuse et les vertus spéciales du saint, aucun doute
n'est permis quand il s'agit de la différence de conception
(') V.Jtronica (Mautène, o. c. col. 177).
{'-) Matiiiel (le Diblioyraphie lilsfuririin', f;isii<iilo II, j). '2\'2 sv.. n" 330.
Paris, l<JOi.
492 L. VAN DER ESSEN
que l'on trouve chez lui au sujet de son idée du saint comme
tel et des caractéristiques de la sainteté.
Il attache, de fait, une minime importance à l'élément
miraculeux ou simi)lement merveilleux Certes, Jean sup-
pose qu'Erkembodon a fait des miracles, qu'on a oublié
d'en conserver le souvenir : c'est la croyance populaire et
l'auteur l'enregistre sans commentaire • « Cum plura per
eum Dominum miracula fecisse, licet scripta non inve-
niantur, a fideli tamen populo... non immerito credatur et
praedicatur (^). » 11 ne voudrait d'ailleurs point être taxé
de scepticisme à ce sujet : « Ne credendum arbitremur eum
nequaquam miracula fecisse {^). » Il pousse môme i^lus loin
la concession à l'esprit de l'époque et aux exigences du
genre hagiographique. Le silence au sujet des miracles,
affirme-t-il, peut s'expliquer par la négligence des contem-
porains du saint. On doit être certain qu'Erkembodon a
fait des miracles : si on ne les a pas vus, c'est que le saint
a voulu les cacher.
Faiblesse t^'pique que ce passage, qui révèle chez Jean
d'Ypres un écho de la mentalité de son milieu (^) ou le désir
de ne pas scandaliser le public auquel il s'adresse (■*).
(1) Yita, prologue.
(2) Yita, ch. 3.
(3) Jean caractérise celte importance attacliée aux miracles comme une
préoccupation générale de son entourage : « Quod plerumque auctoritatem
sanctorum commendare snlet... » {Yita, ch. 5.)
(*) Entre les monuments anciens de la littérature ciu'étienne jusques et y
compris Eusèbe d'une part et les écrivains de la fin du iv^ siècle de l'autre,
il y a, par rapi»ort h l'usage du merveilleux, un contraste bien marqué. Le
miracle proprement dit occupe une place très restreinte dans les écrits de la
période anténicéenne largement prolongée et l'hagiographie elle-même est
sous ce rapport d'une soljriétc remartjuable. Le merveilleux connue élément
ohligatoire et prépondérant fait son entrée dans l'hagiographie par les récits
(|ui célèbrent les hauts faits des fondateurs du monachisme et c'est de l'Égj'pte
que scMublent provenir les histoires extraordinaires qu'on rencontre d'abord
en Orient, puis en Occident. A celte époque, l'aUitude du «bon chrétien»
dépend de l'idée que chacun se fait de l'intervention de Dieu dans les affaires
de ce monde. Sur tout ceci et sur l'idée des maîtres de la pensée cin'élienne,
comme S. Gngoii'e de Nazian/e, S. .lean Clu ysostome, S. Augustin, S. Grégoire
le Grand, voir H. Dfj.f.havk, «Saint Martin elSuIpice Sévère», dans les Analerta
lioUuiuliuna, t. XXXVIil, 1920, p. 7.3 sv. — Une idée fondamentale, c'est que
les iiagiographes, sachant (juiis racontent des faits que Ton n'est i)as obligé An
croire comme l'Kcriture Sainte, ne se jugent point tenus à contrôler leurs
renseignements, surtout en fait de merveilleux.
JEAN d'ypres 493
Cett<î concession faite, Jean déclare cependant que pour
lui, l'importance de l'élément merveilleux est minime en
liagiograpliie : « Sed quid tautum de miraculis questionem
faeimus, cum autlieutica testatur scriptura signa non esse
data fidelibus sed infidelibus V.., En propter, quoniam
expectatio justorum laetitia est, multorum autem qui
miracula fecerunt vel faciunt spes peribit. Aemiilemur in
Siinctis chiirismiitti melioni (V). »
Chez la plupart des hagiographes médiévaux, ou peut
constater un souci constant de la perfection littéraire.
« Lorsqu'on essaie, dit le bollandiste Ueleliaye (^), de se
rendre compte de la manière dont les anciens eux-mêmes
comprenaient l'histoire, la naïve conception qu'eu avaient
les lettrés du moyen .âge nous cause beaucoup moins
d'étonnement... Leurs historiens ont avant tout le souci
de l'effet littéraire. » Le moyen âge, dans une certaine
mesure héritier des traditions de l'antiquité en cette
matière, n'alla pas plus loin ; surtout « ce ne fut pas du côté
de la critique qu'il s'orienta (^). »
Ici encore, Jean d'Ypres se sépare de la tradition Chez
lui, nul souci de l'effet littéraire.
Le prologue de la Vitn Erkembodonis, loin de contenir
— comme les règles du genre le prescrivent — quantité de
citations d'auteurs anciens et de considérations philoso-
phiques, didactiques ou morales, expose très simplement
les circonstances de composition de la biographie : « Questio
nonnunquara simul et conquestio de sancto oriebatiu-
Erkembodone quod rare et fere nulla de gestis eius esset
scriptis commendata memoria('*). »
Pour résumer, malgré certains défauts (^) et certaines
naïvetés (6) qui rappellent que Jean d'Ypres appartient au
(1) Vita, ch. 0 01 7.
(^) Les légendes /utgiograp/ii({Ucs, p. 73-75. A cuiisullor 11. I'LTt:u, hic
gesiliichtlkhe Literalur neber die rômisclte Kaiserzeil bis Theodosius l, I. II.
p. ^276-3 iO.
{■^j II. Dki.kiiayk, o. c, p. 7.J.
(•*) V(7«, prologue.
(^) Cf. Stii.tin»;, Commciitciriiis proivius in S. liertiniitn, ii" i-'i, djnis
Ghesqiikue, Avla Sanctonnn lielgii, l. V, p. VySl.
(•') Voir p. ex. la Chronica, cli. XLVI (M.\ktk>e, o. c, col. 70-2, pars XVIII)
et ch. XXVII (Ibidem, col. oo9, pars II).
494 L. VAN DER ESSEN
moyen âge, cet écrivain qui — en compagnie de quelques
autres — émerge au milieu du grand nombre des hagio-
graplies, qui souvent n'ont fait que produire des œuvres
où l'histoire est réduite à la portion congrue et qui ont
sacrifié aux exigences populaires et aux règles du genre.
Voici un fait extraordinaire : la Vita Erkembodonis,
rédigée au xiv* siècle et racontant l'histoire d'un saint
mort au viii'* siècle, a plus de valeur historique que quan-
tité de productions hagiograi^hiques qui ont vu le jour peu
de temps après la mort du saint dont elles prétendent faire
connaître la vie et les miracles.
Cette remarque fera comprendre toute l'importance de
Jean d'Ypres dans la littérature hagiographique de la
Belgique au moyen âge.
LÉON Van der Essen.
Le Comte de Chambord à Anvers
(Février 1872.)
La politique intérieure des États voisins a toujours vive-
ment intéressé l'opinion dans notre pays. On sait combien
la question polonaise, dans les premières années de notre
indépendance, puis la révolution française «le 18i8, la lutte
du Second Empire contre les idées libérales, les péripéties
de la question romaine, l'établissement de la troisième
République en France, le Kiiltiirkmnpf en Allemagne et,
plus récemment encore, l'affaire Dreyfus et la guerre faite
par Waldeck-Rousseau et Combes aux congrégations ont
passionné, en sens divers, nos compatriotes. C'est toujours
inspirés par un idéal de justice et de vérité que ceux-ci pre-
naient attitude dans ces conflits dont la solution ne les
intéressait pas directement; mais les passions départis ont
toujours été si vives dans notre pays, elles ont tellement
obnubilé le sens critique de la masse de nos concitoyens,
que c'était uniquement sous l'angle de notre politique
intérieure qu'étaient envisagées les questions agitées chez
nos voisins. Le caractère confessionnel de nos luttes élec-
torales et la trop grande confusion existant dans l'esprit
de nos populations entre les questions d'ordre religieux et
les questions d'ordre politique ont eu pour résultat de
provoquer, pour des causes absolument étrangères à notre
évolution nationale, des troubles et des émotions qui
eurent leur répercussion sur notre vie intérieure et susci-
tèrent parfois de graves difficultés à nos gouvernants.
Un exemple frappant de ce phénomène nous est donné
par les troubles qui éclatèrent à Anvers, au mois de
février 1872, à l'occasion du séjour du comte de Chambord
dans notre grande métroi)ole commerciale.
L'histoire de ces troubles est assez difficile à écrire
d'après des sources contemporaines sûres. Du moment
que les passions i^olitiques sont déchaînées, la presse sort
496 CH. TERLINDEN
tout à fait de l'impartialité si difficile, en toutes oireon-
stanees, à conserver par les journaux inféodés aux partis.
Les feuilles conservatrices et catholiques saluaient, avec
un Ij'risme débordant, « l'enfant du miracle », le « prince
prédestiné », le « héros du drapeau blanc » qui « en agis-
sant au nom de la foi de ses pères » devait sauver la France
et rétablir le pouvoir temporel. Par contre, les feuilles
libérales de toutes nuances dénonçaient, avec une sévérité
non moins exagérée, le comte de Chambord comme un
être dangereux, un réactionnaire intolérant, un fauteur de
désordres et une menace pour la paix européenne. Dès que
les troubles éclatèrent à Anvers, ils furent exposés et
exploités par les journaux avec le même parti-pris : pour
les uns, il ne s'agissait que d'émeutes sans importance,
regrettables surtout à cause du fâcheux renom qui en
résulterait pour notre proverbiale hospitalité ; pour les
autres, les troubles prenaient un caractère d'exceptionnelle
gravité : le sang coulait dans les rues, les propriétés parti-
culières étaient attaquées, l'autorité était impuissante à
rétablir l'ordre !
Aussi devons-nous récuser en bloc, d'où qu'ils viennent,
tous les témoignages fournis par la presse (^). Semblable
prudence s'impose en ce qui concerne les documents de
source parlementaire. De la rue et des journaux, les pas-
sions politiques avaient envahi la tribune. L'opposition
libérale avait trouvé l'occasion excellente pour partir en
campagne contre le ministère catholique présidé par
Jules Malou. Les députés de gauche accusaient le gouver-
nement de ])artialité à l'égard du prétendant et se déchaî-
naient contre celui-ci avec violence.
M. Defré, député de Bruxelles, avait ouvert les hostilités
à la Chambre des représentants, le 22 février, en annonçant,
par motion d'ordre, qu'il allait interpeller le gouvernement
« relativement à la présence sur le territoire belge d'un
conspirateur étranger, M. le comte de Chambord (-)».
(1) Un article i)aru dans llel Ilandehlilad van Antrverpen, sous le pseudo-
nyme de Taxandeu, le 17 février 1922, n'a pas grande valeur historique et
expose les faits dans un esprit de pol('miinu\
(-) Annules pnrleinenlaires de Belf/ifjiie. Session législative ordinaire de
1871-1872. Glianibre des représentants, p. 513.
LE COMTE DE CHAMBOFiD 497
L'interpellation de M. Defré se maintint sur le terrain
des difficultés d'ordre int»;rnational, qui pourraient surgir
du fait que le gouvernement avait envoyé des fonction-
naires publics rendre hommage au comte de Chambord,
<c comme vs'il était déjà roi de France ».
« En agissant ainsi, le gouvernement, dans l'intérêt de
ses sympathies politiques, cherche à jjcser sur les esprits
en faveur de ce prétendant. N'est-ce jias favoriser la
conspiration et ne s'en rend-il pas moralement complice?
C'est un acte d'hostilité évident contre un pays allié et
ami. C'est exposer le pays à des représailles !
(c Je le répète : je ne blâme pas le gouvernement de ne
pas avoir usé de rigueur envers le prince français qui se
trouve sur le sol belge, mais je le blâme et je l'accuse
d'avoir donné, en présence de la situation politique de la
France si troublée, à un de ces prétendants un témoignage
public et officiel de ses sympathies {^). »
Le ton do la discussion atteignit un diapason plus élevé
encore lorsque MM. Couvreur et Jottrand, députés de
Bruxelles, et M. Defuissaux, député de Mons, vinrent à la
rescousse de leur collègue. L'exagération même de leurs
allégations et de leurs arguments enlève à leurs discours
toute valeur comme docuiuenis historiques.
« Une cour, s'écrie M. Couvreur, une cour, avec tout le
formalisme de l'étiquette des vieilles maisons régnantes
s'installe dans une chambre d'auberge ; chaque train qui
arrive à Anvers y jette des flots d'amis, de partisans. Les
journaux en portent le nombre à plus de quatre mille.
(c Des conciliabules s'ouvrent : on délibère sur un pro-
gramme qui doit sceller la réconciliation des Bourbons
avec les d'Orléans et, ai)rès une réception solennelle dans
les salons du prétendant, des députés de la droite du par-
lement de Versailles, unis à d'autres de leurs coreligion-
naires, renouvelant la scène du banquet des gardes du i-orps
qui fut le signal de la révolution de 1789, boivent à la santé
d'Henri V et â la restauration du pouvoir tempoi'cl. »
Et, plus loin, M. Couvreur déclarait :
(( On ])()uvait se croire â la veille d'une croisade clérico-
(') Annales purleinen/aircs, séaiu-e du i'i février \Sl-2, p. ."irîG.
32
498 CH. TERLINDEN
légitimiste, rêvant la conquête de la France pour rendre
au Saint-Siège son pouvoir temporel, passant par Paris
pour arriver à Rome et finissant j)ar reconquérir môme
l'Allemagne protestante et scliismatique, grâce au con-
cours de tous les orateurs ultramontains dont les débats
du parlement allemand nous ont dit les prouesses (^).
(c C'était comme un suprême effort de l'Eglise, dépouil-
lée de son autorité temporelle, unie à l'absolutisme, pour
remonter le courant des révolutions, pour retrouver son
autorité perdue sur les masses. La Belgique devenait la
citadelle, la x)lace forte de l'Internationale noire {^). »
La valeur comme source historique des discours des
membres de la droite est également sujette à caution.
M. d'Hane Steenliuyse, député d'Anvers, s'efforça avant
tout de justifier l'administration communale de la métro-
pole de l'accusation de n'avoir ni prévu, ni arrêté les
troubles suscités par des agitateurs étrangers d'extrème-
gauche(^) et M. Dumortier. se plaçant à un point de vue
S])écial, démontra que le comte de Cliambord, n'a^'ant rien
fait pour troubler la tranquillité publique, il n'y avait pas
lieu, comme le réclamaient MM. Couvreur et Jottrand, de
l'expulser en lui appliquant la loi du 16 juillet 1835 sur les
étrangers. D'après l'honorable député de Roulers, confir-
mant les allégations de son collègue d'Anvers, c'étaient
« certains communeux )> qui étaient venus exciter un
mouvement contre le comte de Cliambord et étaient resi^on-
sables des troubles (4).
Avec beaucoup d'habileté et beaucoup de prudence, le
président du Conseil, Jules Malou, et le ministre des
Affaires étrangères, le comte d'Aspremont-Lynden, s'ap-
pliquèrent à justifier le gouvernement des accusations
d'avoir, comme le prétendait M. Defré, (( envoyé de hauts
fonctionnaires pour rendre foi et hommage à un préten-
dant français » et de ne pas avoir appliqué au comte de
Cliambord la loi de 183o en le faisant expulser « dès le
(1) Sur l'aUitude prise au lleiclislag, par les députés du Centre au sujet de la
question romaine, voir O.nckes, bas Zeitalter des Kaisers Wilhelm, II, 393-407.
(^) Annales parlementaires, séance du 27 février 1872, p. 550.
(3) Annales parlementaires, séance du 27 février 1872, p. 552.
{*) Ibidem, p. 557.
LE COMTE DE CHAMBORD 499
premier symptôme d'émotion » (^), mais leurs discours
constituent trop des plai<loyers pro domo ])Our pouvoir
satisfaire les exigences de la critique historique.
Ainsi, au point de vue des causes et du processus des
troubles d'Anvers, les débats parlementaires qui se termi-
nèrent, le 27 février 1872, par un ordre du jour favorable
au gouvernement, ne nous apportent, pas plus que les
journaux, de renseignements précis et sûrs.
Nous avons heureusement trouvé dans nos archives
privées une source de premier ordre qui nous permettra de
présenter les événements sous leur véritable aspect : c'est
le rapport confidentiel adressé au roi, le 28 février 1872,
par le lieutenant-général Eenens, à cette époque gouver-
neur militaire de la position fortifiée d'Anvers.
Eenens appai-tenait à l'opinion libérale et avait, avant
le vote de la loi sur les incompatibilités parlementaires,
siégé sur les bancs de la gauche à la Chambre des repré-
sentants. Son caractère énergique et loyal l'avait désigné
à l'attention du roi lors de la guerre franco-allemande ; par
arrêté royal du lo juillet 1870, le souverain l'avait chargé
d'organiser la défense du camp retranché d'Anvers et lui
avait confié le commandement de l'armée de réserve (').
Les opinions du général Eenens, peu favorables au
ministère Malou et à l'administration communale « mee-
tinguiste » d'Anvers, le sens qu'il avait de son devoir et de
ses responsabilités, sa haute intelligence et la droiture de
(1) Discours de M. Malou et <\n comte (rAspreinont-Lynden, Annales parle-
mentaires, séances des :2.3 et il février 187:2, p. .■):2T-.^)"28, .").'>! et ."i5.'j.
(-) Eenens (Alexis-Michel), né à Bruxelles le 10 messidor an xni (2!) juin I8O01,
cadet à l'école du génie et darlillerie a Delfl, le l.'i juillet \Sio ; sons-lieutenant
d'artillerie dans l'arnn'-e royale des Pays-Bas, le .'i janvier 1830; |)assé au
service de la Relgiqne en (jualité de lieutenant d'artillerie, le 3 oclolire 1830,
contribua à la reddition de la citadelle de Namur et se distingua à la bataille
de Lonvain, le 1;2 août 1831. Devenu lieutenant-gcnéral en 1806, i! fut succes-
sivement ins{)eeteur général de l'artillerie, commaiulanl de l'armée d'Anvers,
aide de camp du roi, etc., etc. Il mourut à Schaerbeek le li février 1883. Il était
grand-cordon de l'Ordre de Léopold. Eenens avait publié plusieurs ouvrages
de science militaire et d'Iiistoire, parmi les(inels Les Conspirations militaires
(le 1X51 (Bruxelles, 18T."»-187;», -2 vol. et») suppléments) avaient provotjiH- une
violente poléniiciue. Il s'était également occupé d'agronomie et son mémuire
sur la Ferlilisalion de la V.ampine (Bruxelles, 181!») avait été ciiuronnc par
l'Académie royale de B('li.;i(|iie.
500 CH. TERLINDEN
son caractère, font de son rapport un document de premier
ordre, tant au point de vue de l'exactitude avec laquelle
les faits sont rapportés que de l'impartialité avec laquelle
ils sont jugés. L'armée devait être à ses yeux la « grande
muette » et les luttes ou même les préférences politiques
devaient disparaître devant la stricte observation de la
discipline militaire.
*
* *
On sait que, dans les derniers mois de l'année 1871, la
campagne de restauration monarchique en France, para-
lysée par l'habileté avec laquelle M. Thiers avait su
imposer aux droites de l'Assemblée nationale le fameux
pacte de Bordeaux, avait repris avec une vigueur nouvelle.
Pour ne pas être mêlé de trop près aux manœuvres de
ses partisans, qui eussent pu le compromettre, l'obliger
peut-être à sortir de la prudente réserve dans laquelle il
se confinait et l'empêcher de désavouer, le cas échéant,
ce qui lui aurait déplu dans les démarches de ses amis, le
prétendant ne s'était pas établi en France. La Suisse et la
Belgique lui paraissaient favorablement situées pour sur-
veiller la politique française et diriger l'action de ses
agents. Au printemps de 1871, après un court séjour à
Chambord, il avait résidé assez longuement à Bruges et,
dans les derniers jours de janvier 1872, s'était installé à
Anvers. Il avait retenu, pour lui et pour sa suite, des
appartements pour six semaines à l'hôtel Saint- Antoine,
au coin de la place Verte et du Marché-aux-Souliers.
En ce moment, la campagne monarchique était arrivée
à un tournant décisif ('). On sait que le général Ducrot
s'était fait le champion de la « fusion parlementaire » dans
le but de renverser le gouvernement de M. Thiers, de
proclamer la vacance du pouvoir exécutif et, en attendant
l'arrivée du « Roy », de confier la lieutenance-générale au
duc d'Aumale. On raconte que Ducrot se rendit à Anvers
(*) Sur les péripéties de la campagne monarchiste de cette époque, voir :
Ha.notaix, Histoire de la France contemporaine, I, p. 390-396; Zktokt, Histoire
(le la Iroisihiie rrpulilifiuc. t. 1 ; be Makckue, I' Asseml)lre nationale de 1871, t. I ;
DK Fai.i.oix, SoHvinirs d'un royaliste; vicomte de MEAtx, Souvenirs politiques,
1871-1877; marquis de Dampierre, Cinq années de vie politique; Bolniols,
Thiers au pouvoir, 1871-1873.
LE COMTE DE CHAMHOMD 501
et se traîna aux genoux du prétendant pour obtenir son
adhésion à l'idée de fusion et pour le faire revenir sur son
manifeste du o juillet 1871, tranchant la question du
drapeau. Il ne parvint pas à fléchir sa volonté ('). Même,
pour mettre fin aux négociations poursuivies entre les
divers groupes de la droite dans les couloirs de Versailles,
le comte de Chambord lan(;ait, le 2o janvier, un nouveau
manifeste, affirmant qu'il n'abandonnait rien de ses prin-
cipes et qu'il refusait de devenir « le roi légitime de la
Révolution (-) ».
En dépit de ces déclarations, qui paraissaient condamner
à un échec certain toute tentative de restauration, les
députés royalistes des diverses nuances avaient continué
leurs pourparlers et. le 17 février 1872, quatre légitimistes
modérés : MM. Baragnon, Ernoul, de Cumont et de Meaux
étaient parvenus à rédiger un programme contenant une
dose savamment répartie de principes orléanistes et légi-
timistes et indiquant, comme moyen pratique de procéder
à la restauration, un vote de l'Assemblée nationale appelant
au trône de France l'héritier légitime des anciens rois.
On se flattait de réunir 300 signatures au bas de ce
l)rogi"amme, mais, pour obtenir l'adhésion des « chevau-
légers » de l'extrême droite, l'approbation du comte de
Chambord était indispensable. C'est pourquoi, le 18 février,
MM. Ernoul et Baragnon firent le pèlerinage d'Anvers et
furent reçus par le prétendant. Avertis, dès la veille, par
un envoyé du prince que celui-ci ne pourrait accueillir
leur communication, ils renoncèrent à lui présenter le
programme des droites et se bornèrent à l'entretenir de la
situation de l'Assemblée et du parti que le prince pouvait
en tirer. Les instances les plus éloquentes de M. Ernoul ne
parvinrent pas à faire sortir le prétendant de son mutisme.
« Aucune réponse précise ne lui fut faite et, sans vaciller
dans sa foi résistante de royaliste. M. Ernoul revint
inquiet, presque triste, à Versailles (^) ». Dès lors, la tenta-
tive de fusion parlementaire était condamnée à un échec
(') Dvi DET (Eknesti, Le duc (l'Aionale, \>. 202.
(■^) Voir le texte do «e manifeste «huis Zkvokt. t. I, |>. 38'.l. a|i|ien«lice ii" wiii.
(•^j Merveii.lei X Kl Vui.NEAix, Vn pru d'/iislolye <i prapos il'iin titim . Ernoul,
p. tio.
502 CH. TERLINDEN
certain. Devant l'attitude de l'extrême droite, le centre
droit fit des réserves et proclama, une fois de plus, sa
« fidélité au drapeau tricolore ». Les adhésions sur les-
quelles comptaient les rédacteurs du programme firent
défaut, on ne parvint à recueillir que 159 signatures. La
droite resta divisée et resi)oir de restaurer la monarchie
en France s'évanouit une fois de j)lus.
Tandis que se déroulaient ces i)éripéties de la campagne
monarchiste, la nouvelle du séjour du comte de Chambord
à l'hôtel Saint- Antoine s'était répandue dans le public. Le
choix, fait par le prétendant, d'Anvers comme lieu de
résidence était inopportun. Dans aucune ville de Belgique
les passions politiques n'étaient plus exaltées, nulle part
les luttes de partis n'étaient plus vives, nulle part la foule
n'était plus impressionnable. Chaque élection était mar-
quée par des rixes plus ou moins sérieuses et par des
manifestations dont les vitres des établissements catho-
liques, surtout celles du collège des Jésuites, faisaient les
frais. En toute occasion « jeunes gardes » libérales et
« stockslagers » catholiques en venaient aux mains avec
une égale surexcitation et la police locale avait fort à faire
pour rétablir l'ordre. D'autant plus qu'en ce moment le
parti catholique, dit parti du Meeting- depuis ses bruyantes
protestations contre la transformation d'Anvers en place
de guerre, était maître de l'hôtel de ville. La bourgeoisie,
en grande partie libérale, combattait par tous les moyens
l'administration de M. Van Put et la gai-de-civique, qui
aurait dû concourir éventuellement avec la police au
maintien de l'ordre, était animée d'un esprit tout à fait
hostile à l'administration communale.
Dans ce milieu enfiévré toutes les excitations, même
celles venant du dehors, étaient assurées de trouver de
l'écho.
Le va-et-vient autour de l'hôtel Saint-Antoine n'avait
pas tardé à être l'cinarqué et, sans verser dans les exagé-
rations dont l'honorable M. Couvreur se faisait l'écho à la
Chambre, il est certain qu'un nombre considérable de
royalistes français emplissaient les restaurants et les cafés,
LE COMTE DE CHAMBORD 503
échangeaient à haute voix leurs réflexions et ne dissinui-
laient pas leurs espérances. Leurs faits ot gestes, tout
comme leurs discours, empreints de tout l'enthousiasme
mis i)ar nos voisins à la défense de leurs opinions, exci-
taient une vive curiosité, mêlée de quelque étonnenient,
dans le milieu encore très provincial et d'esi^rit étroit
qu'était Anvers à cette époque. Aussi les libéraux anversois
virent-ils avec un certain mécontentement M. Pycke, gou-
verneur de la province, et le général Eenens, gouverneur
de la position fortifiée, se rendre à l'hôtel Saint-Antoine
et faire visite au comte de C'hambord. Cette démarche de
pure courtoisie, réi)()ndant aux visites faites par le comte
de Blacas aux premières autorités civiles et militaires de la
métroi)ole, avait été mal interprétée par une i)artie de
l'opinion, qui y avait vu une adhésion du gouvernement
catholique de M. Malou aux principes mêmes re])résentés
par le champion du drai)eau blanc. C'était singulièrement
défigurer la vérité. Comme le comte de Blacas avait fait
part au général Eenens du désir manifesté par le prince de
faire sa connaissance, celui-ci s'était rendu à Bruxelles et
avait demandé des instructions au roi. Léopold II, se
basant sur les précédents créés lors du séjour du comte de
Cliambord à Bruges, avait autorisé le général à aller, à
titre de membre de sa maison militaire, saluer en son nom
le prétendant uni à la famille royale de Belgique par des
liens de parenté. Il était bien entendu que le général évite-
rait toute allusion à la situation intérieure de la France et
aux raisons du séjour du prince à Anvers. Tout l'entretien
devait rester dans les limites d'une visite purement proto-
colaire (*).
Il y avait à Anvers un milieu facilement émotif, où les
étrangers étaient nombreux et où les passions politiques
s'exagéraient encore de l'enthousiasme j)ropre à la jeu-
nesse. C'était Vlnstitul supérieur de coniiiierce. Déjà, avant
même que les visites faites au prétendant eussent excité
l'opinion, une cinquantaine d'élèves de cet établissement
scientifique, étrangers pour la plupart, s'étaient réunis, le
17 février, devant l'hôtel Saint-Antoine, faisant entendre
(') luslructious V(M-l)al(>s du roi, dans VAgemla du général Eenens, :i l;i d;ile
du 21 février 187:2. (.\rcliives privées de l'auteur.)
504 CH. TERLINDEN
le cri : « A bas Chambonl ! » Mais cette manifestation
n'avait pas rencontré d'écho et s'était bientôt dispersée,
sans même que la police dût intervenir (^).
Tout était i"esté calme ensuite, jusque dans la soirée
du 21. Un attroupement assez considérable se forma devant
l'hôtel Saint- Antoine, criant : « A bas Chambord! Les
conspirateurs à la frontière! » et entremêlant ses cris du
chant de la Marseillaise.
« Le 22, écrit le général Eenens, un nouveau rassemble-
ment se forma, faisant entendre les mêmes cris. Il comptait
au moins 2000 à 3000 personnes ; cependant la police locale
parvint, à elle seule, à maintenir la situation. »
Ces manifestations jusqu'ici assez anodines paraissent
cependant avoir causé quelque souci au gouvernement. Le
ministère Malou, extrêmement prudent et modéré, qui
allait se faire un titre d'honneur d'« avoir vécu » pendant
sept ans, redoutait toutes les émotions de la rue. Il avait
pris le pouvoir au lendemain de manifestations qui avaient
poussé le roi à retirer l'autorité au ministère d'Auethan,
ainsi qu'au lendemain d'une crise internationale et sociale
intense qui avait laissé quelque malaise dans l'opinion. Les
excès de la Commune avaient fait naître de vives appré-
hensions dans le monde conservateur et la présence en
Belgique d'un certain nombre de réfugiés français affiliés
à V Internationale augmentait encore ces craintes. A
Anvers surtout, où la colonie étrangère était fort nom-
breuse, où la populace du port était toujours prête à
descendre dans la rue et où l'on savait ne pouvoir compter
sur la garde-civique en cas d'émeutes à caractère politique,
la situation paraissait au gouvernement plus inquiétante
qu'ailleurs. D'autant plus que, par suite de la maladie de
M. Van Put, le premier échevin, M. Van deu Bergh-Elsen,
avait dû assumer les fonctions de bourgmestre et on avait
complété le collège échevinal en y appelant le premier
conseiller inscrit au tableau, M. Van Hissenhoven. Enfin,
il y avait lieu de craindre qu'en cas de troubles nécessitant
l'intervention de l'armée, de graves malentendus n'écla-
i^j Rapport du général Eonens au roi sur le séjour du comte de Chambord
à Anvers, p. 1. (Archives privées de l'auteur.)
LE COMTE DE CHAMBORD 505
tassent entre les autorités militaires et le collège élu sur le
])rogramme nettement antimilitariste du Meeting-, Dans
ces conditions le général Eenens crut devoir prendre des
mesures de précaution. Il fit renforcer les postes, si)éciale-
ment celui de la graud'garde, et fit tenir des piquets de
troupes dans les casernes à la disposition du commandant
de i)la('e.
Le 23 eut lieu à la Chambre l'interpellation de M, Defré
et, à partir de ce moment, le général Eenens constate un
changement intéressant à signaler :
(c Les manifestations, qui, jusque-là, avaient montré
l'action presque exclusivement d'un élément étranger et
républicain, commencèrent à prendre un caractère poli-
tique plus marqué, accusant nettement la division si
tranchée des partis à Anvers. Le parti libéral se montrait
hostile au comte de Chambord, le parti catholique prenait
fait et cause pour le prince ; cet état de choses devait néces-
sairement amener les rixes qui ne tardèi-ent ])as en effet
à se produire ».
Dans la soirée même du 28, la gendarmerie dut inter-
venir pour rétablir la circulation au Marché-aux-Souliers
et place Verte, où la police locale avait été débordée et, le
lendemain, les troubles prirent une caractère plus grave
encore. Dès l'heure de la Bourse, une foule hurlante
s'amasse sous les fenêtres du prince, la gendarmerie doit
faire évacuer toutes les rues contigucs à l'hôtel et, le soir,
un grand meeting, auquel assistent plus de 2000 personnes,
a lieu au Café des Areades, rue Haute.
(c Ici, dit le général Eenens, l'élément étranger et répu-
blicain domine. Le principal orateur est un démocrate
fran^-ais du nom de Pierre Lerougc. »
A l'issue du meeting la foule parcourt les rues en criant :
« A bas Chambord ! » et, chantant la Marseillaise, se rend
devant la demeure du Consul-général de France, où elle
manifeste aux cris de : « Vive la France ! Vive la Kéi)U-
blique ! ».
A ce moment, nous apprend le général Fenens, se joint
au cortège un grand nombre d'étudiants accourus, à l'appel
de leurs camarades de Vliistitiit snpri-ieiir de (^.omiuerre,
des universités de Bruxelles, de (Jand et de Liège. La
506 CH. TERLINDEN
foule se rend ensuite devant l'habitation du bourgmestre et
crie : « A bas la calotte ! A bas les jésuites ! A bas Van Put ! ».
A cette manifestation libérale, répond une contre-mani-
festation catholique. Les fameux Stockslag'ers, comme les
appelaient leurs adversaires libéraux, entraient en scène.
On sait que, à cette époque d'intenses luttes politiques,
toute élection ou manifestation était l'occasion de rixes
plus ou moins graves entre les partis. C'est à Louvain,
dans ce milieu estudiantin facilement mis en ébullition,
que, pour suppléer à l'inertie prétendue ou réelle de la
police locale, s'organisèrent des associations destinées à
protéger les manifestations de l'opinion catholique ; sem-
blables groupements s'étaient formés dans toutes les villes,
où iTipreté des luttes transformait les rues en champs
clos des j)artis, et, ainsi, catholiques et libéraux expri-
maient, par la vigueur des coups de cannes échangés,
l'ivresse des victoires électorales ou l'irritation des dé-
faites. Ces luttes étaient pour ainsi dire entrées dans les
mœurs et aucune mesure législative ou policière n'était
parvenue à les empêcher.
Les libéraux, violemment attaqués, sont refoulés en
désordre vers la place Verte et la tête de leur cortège
cherche refuge à la Taverne alsacienne, dont le premier
étage était occupé par les élèves de V Institut de Commerce.
Une bande de plusieurs centaines de jeunes gens, conduite
« par un monsieur bien vêtu », vient cerner le café, en
criant : « Vive Chambordl Vive A-^an Put! » et brise les
vitres à coups de pierres.
« D'un côté on crie : « A bas Chambord ! A bas la calotte ! »
De l'autre, on chante A. C.B. sur l'air des Lampions, et
le Vlaamsche Leeiiw (^). »
('j II est curieux de rappeler d.ins quels termes M. Couvreur, dé[)ulé libéral
de Bruxelles, :ip|)réciail l'emploi de ces chants par les manifestants d'Anvers :
«Tous ces désordres s'accomplissent les uns aux accents de la Marseillaise,
les autres à ceux du Lion de Flandre, deux chants qui n'étaient en situation
ni l'un ni l'autre.
« Belges, nous n'avons pas à chanter la Marseillaise, pas à Anvers surtout,
aux portes de cette Cam|)ine (jui résista si vaillamment aux pillards de 1793.
Quant au chant du Lion de Flandre, c'était vraiment un hommage (pu ressem-
blait à une dérision que de le faiie retentir en l'honneur du descendant de
rois ({ui n'ont cessé d'êti'e les pires ennemis des Flamands... (interruption),
LE COMTE DE CHAMBORD 507
Les étudiants tentent une sortie et sont repoussés. La
lutte serait devenue sanglante si la gendarmerie à cheval
n'y avait mis fin en faisant évacuer la place. Enfin, vers
minuit et demi l'ordre est rétabli.
Le lendemain, 25 février, les troubles recommencent
avec une nouvelle intensité. En dépit d'une ordonnance
de l'autorité communale interdisant les rassemblements de
plus de cinq personnes, la gendarmerie locale, renforcée
par des détachements venus de Malines, Lierre, Héren-
thals, Boom et Brasschaet, a beaucoup de peine à barrer le
Marché-aux- Souliers et à déblayer l'angle de la place Verte
contigu à l'hôtel Saint- Antoine.
Vers 7 heures, un nouveau meeting a lieu au Café des
Arccules. La foule en sort vers 8 h. 1/2, entonnant la Mar-
seillaise et chantant, sur le grand air de l'opéra d'Halévy,
Charles VI : « Jamais, jamais en France Chambord ne
régnera», se rend, comme la veille, devant hî consulat de
France pour acclamer la République.
Malgré une pluie battante, des groupes nombreux cir-
culent dans les rues et en viennent aux mains, criant, les
uns : <c A bas Chambord ! A bas la calotte ! » les autres, par
une étrange juxtaposition : <( Vive Chambord ! Vlaanderen
den Leeinv ! )>
Vers H heures, une foule d'hommes en blouse, précédés
d'un drapeau blanc, fait d'une nappe attachée à un long
bâton, attaque la Taverne Bavaria, située rue des Douze-
Mois.
«. Cette taverne, dit le général Eenens, est tenue par un
israëlite du nom de Goldschmidt, homme fort remuant et
qui se fit remarquer à Bruxelles lors des troubles en
novembre dernier (^). Il tient dans son local des dis-
en rhonneur duii |)iétondant dont les ancêtres ont massacré les nôtres dans
les |)laines des Flandres; en l'honneur de l'arrière-pelit-lils d'un prince qui a
spolié, dévasté, ruine, morcelé notre pays, d'un prince que les amis de M. de
Chambord appellent le ^nand roi Louis XIV, et <jui, pour nous, n'est qu'un bri-
gand couronné» {Annales parleiiicfitaires, séance du -21 février 187:2. p. 5'JO.)
(') Il s'agit lies troubles fomentés à Bruxelles à l'oi'easion de la nomination
au poste de gouverneur du Limbour^ de M. De Decker, accuse par l'oppo.sition
d'avoir eu des relaticns avec le financier Lanj,'rand-Dumonceau. .\ la suite de
ces incidents le ministère dWiiethan lui n'nii)lacé, le 7 décembre 1871, par le
ministère Malou.
508 CH. TERLINDEN
cours incendiaires auxquels donne la réplique un certain
Max Gossi, panier percé, qui est à la tète de la section
anversoise de Vlnternationale.
« La Taverne Baimria est habituellement fort fréquentée.
Dans la soirée du 2o, cet établissement était rempli
d'élèves de VInstitiit de Commerce et d'étudiants venus de
diverses localités du pays, quand il fut attaqué, comme on
vient de le dire. Les personnes qui s'y trouvaient, parmi
lesquelles beaucoup étaient armées de casse-tête et même
de pistolets ou revolvers, sortirent, se jetèrent sur les
assaillants et repoussèrent ceux-ci, qui abandonnèrent leur
drapeau aux vainqueurs. Cette fois la victoire était aux
libéraux.
« Vers 11 heures et demie l'agitation se ralentit. Il était
visible, dès lors, que la troupe n'aurait pas à intervenir et
que la police locale, agents et pompiers, suffirait avec les
gendarmes à prévenir de plus graves désordres (/). ))
Les mêmes scènes se renouvelèrent encore le lendemain,
26 février.
A 7 heures et demie du soir, a lieu un nouveau meeting au
Café des Arcades. Les orateurs protestent, comme les jours
précédents, contre la présence à Anvers du comte de
Chambord et de ses partisans et les assistants votent, par
acclamation, l'envoi à l'Assemblée nationale à Versailles
d'une adresse proclamant « que la République est le meil-
leur gouvernement qui convienne à la France ».
La foule sort du meeting eu chantant la Marseillaise et
l'air de Charles VI : « Guerre aux tyrans, etc. » Un rassem-
blement de 3000 à 4000 personnes se forme sur la place de
l'Hôtel de ville, autour de l'Arbre de la Liberté, et entre-
prend ce qui allait devenir le périple traditionnel des
manifestations libérales de l'époque : la demeure du doyen,
la maison du bourgmestre, celle du représentant Core-
mans, les hôtels des membres les plus eu vue de l'aristo-
cratie catholique, les locaux des œuvres paroissiales et le
collège des jésuites, dont, au milieu des huées et des coups
de sifflet, les vitres volent en éclat. Des rixes se pro-
duisent entre manifestants et contre-manifestants, ceux-ci
(') Rapport du général Eenens au roi, p. 7-8.
LE COMTE DE CHAMBOIU) 509
chantant a A.B. C. » sur l'air des Lampions et le Mauiuschc
Leeiiw, ceux-là. associant le cri : « A bas Cliambord ! » à
celui de : « A bas la calotte! »
Vers minuit le calme se rétablit. Il ne devait plus être
troublé. Le lendemain, on annonçait que le comte de C'ham-
bord avait quitté Anvers avec toute sa suite i)our s'établir
en Hollande. A partir de ce moment l'ordre régna partout.
*
« L'autorité locale, écrit le général Eenens, parvint ainsi
à rester maîtresse de la situation, à l'aide des agents de
police, des pompiers et des gendarmes, renforcés des
brigades stationnées dans les localités voisines.
« L'ordre put être suffisamment maintenu sans qu'il ait
été nécessaire de convoquer la garde-civique. S'il avait
fallu recourir à ce moyen, l'embarras de la Régence aurait
été grand, attendu qu'il règne dans les rangs de la garde-
civique d'Anvers un esprit tout à fait hostile à l'adminis-
tration communale actuelle.
« Dans ce cas, on aurait été obligé d'avoir recours à
l'armée. J'avais pris mes mesures en conséquence, et
comme l'autorité communale ne paraissait point songer à
se concerter avec l'autorité militaire, bien que les instruc-
tions le lui prescrivent, je m'étais mis d'accord avec le
gouverneur civil afin d'agir de concert avec lui suivant
les événements, bien décidé à agir vigoureusement de
manière à rendre la répression immédiate et décisive si
l'intervention de la troupe avait été jugée nécessaire,
éventualité qui, heureusement, ne se présenta i)oint(*). »
Quant au véritable caractère des troubles, voici en
quels termes le général Eeneus, témoin impartial et bien
informé, le définissait :
« En résumé, dans les agitations qui ont eu lieu à
Anvers, le mouvement dirigé réellement contre le comte
de Chambord n'avait qu'une importance minime ; il a été
produit par quelques républicains français et quelques
affiliés à Vlnlernutionnlc, qui ont réussi à grouper autour
d'eux une fouie considérable, non ])oint (l'adhérents, mais
de curieux qui leur ont fait cortège.
(') Rapport au roi, \>. II.
510 CH. TERLINDEN
« Bientôt, la ])rotection accordée ouvertement au comte
deChambord par l'autorité locale et l'attitude sympathique
du parti catholique servirent de prétexte au parti libéral
pour se joindre aux manifestants; ce qui amena le parti
adverse à organiser des manifestations opposées. De sorte
que le mouvement se transforma bientôt en une lutte entre
les deux partis qui dégénéra en rixes et voies de fait. »
On i^eut se rallier à cette appréciation pleine de bon sens
et de modération. Les bagarres d'Anvers, qui agitèrent si
vivement l'opinion publique en Belgique, n'eurent pour
ainsi dire pas de répercussion à l'étranger. Il est en effet
curieux de constater, comme le faisait M. Malou, à la
séance de la Chambre des représentants, le 27 février 1872 :
« que la tribune belge était émue des faits qui se passaient
à Anvers, alors que la tribune de Versailles demeurait
muette (') », et le comte d'Aspremonty-Lynden, ministre des
Affaires étrangères, réj^ondant, au cours de cette même
séance, à M. Rogier, pouvait déclarer : « Eh bien, non,
Messieurs, la présence du comte de Chambord n'a fait
l'objet d'aucune plainte, d'aucune observation du gouver-
nement français pendant que le prince résidait sur le sol
belge (2). »
Ainsi ramenées à leurs véritables proportions, les
émeutes d'Anvers ne constituent pas un événement ayant
une portée internationale ; on ne peut les considérer que
comme les manifestations de l'état d'esprit sévissant dans
la vie intérieure des partis avant que les grands problèmes
sociaux se fussent superposés aux stériles luttes pour le
pouvoir et avant que la guerre eût fait comprendre aux
Belges qu'il est des questions d'ordre plus élevé et d'intérêt
plus général que les rivalités électorales.
Ch. Terlinden.
(ij Annales parlementaires, 1871-1872, p. 35î>.
(-) Ibidem, p. oo8.
MELANGES
Le diplôme de Henri V
pour l'église de Liège en 1107 *^
Ce diplôme, qui avait essentiellement pour but de régler
la situation légale du clergé liégeois vis-à-vis de l'échevi-
nage, a été, dans ces dernières années, de la part de
G. Kurth, l'objet d'un très savant commentaire (^). J'au-
rais pourtant une ou deux observations à présenter. Les
voici.
1° Le préambule du diplôme donné par Henri V porte :
ce ... lulsiibscriptas lege^i paternas, antiquissiina inquam
f)riuil('i>-ia in mcdiiiin prodiicta reccpi, iiisjtcxi, jtosiinodiini
Otbcrto ejusdein ecclesie episcopo présente et ipso coopé-
rante, légitime renovanda et corroboranda decrcvi. Snnt
anteni h ce. »
Or, les (c adsubscriptas leges paternas » me paraissent
ne pouvoir signifier que « les privilèges octroyés par mon
père et ci-dessous transcrits (■^) »; je considère comme établi
(*) Raikem et PoLAis, Coutumes de Liège, t. I, p. 353 et ss.
("-) KiKTH, « Les origines do la ouniiniiiie de Liège » dans Bulletin de l'Insti-
tut archrologiffue liégeois, I. \XXV, ji. i()2-:2T9 et La cité de Liège au rnogeu
âge, t. I, p. 67-70.
P) Kurtii ne prête auniiie alteiitioii à ces trois mots du diplôme ; en
revanche, il fait observer qullenri V ne dit niillenient ipidii lui soumit un
diplôme eontenant les privilèges du clergé liégeois, mais (pion lui soumit ces
privilèges eux-mêmes, e'esl-à-dire un texte qtii les èmimerait et qui était d'un
bout à l'autre rédigé par les intéressés (Les origines..., p. i(}7). Comme si voir
et corroborer des privilèges ne pouvait pas aussi bien signifier voir et coi ro-
borer un diplôme eontenant des privilèges!
512 MÉLANGES
qu'Henri V n'a fait, en 1107, que ratifier un diplôme pré-
cédemment accordé par Henri IV, son père (M.
2" Le préambule dit aussi que les privilèges conférés
étaient très anciens {antiqiiissima jirioile^ia). Cette quali-
fication ne doit pas être prise à la lettre. Ces privilèges
étaient très anciens certes, mais certaines de leurs dispo-
sitions avaient été récemment remaniées. Ne pas l'ad-
mettre, c'est se heurter à des difficultés insolubles d'inter-
prétation.
Le diplôme, par exemple, nous apprend que les laïques
vivant au service du clergé relevaient de la juridiction du
chapitre. Cette stipulation, la chose n'est pas douteuse,
remonte à une haute antiquité. Mais, quand le diplôme
ajoute que ces laïques, lorsqu'ils seront marchands notoi-
res, seront justiciables des échevins, il introduit une stipu-
lation de date toute récente qui suppose, non seulement
l'existence d'un droit ui'bain liégeois, mais celle d'une
bourgeoisie consciente de sa force et visant à élargir son
champ d'action. Or, cela nous reporte, au plus tôt, à la
seconde moitié du xi« siècle.
J'en dirai autant de la juridiction sur la Sauvenière. Il
était naturel que le chapitre l'exerçât puisqu'en ce quartier
il était maître et seigneur. Mais notre diplôme fait une
réserve : les échevins 3^ connaîtront des cas de vol, de
fausse mesure et de troubles publics. Il saute aux yeux que
ce pouvoir des échevins ne peut dater que du jour où la
bourgeoisie a pu entreprendre de soumettre à un droit
unique tout le territoire urbain.
Et voici, je crois, comment il convient de narrer ces
deux épisodes de l'histoire de Liège.
Le chapitre de Saint-Lambert exerçait originairement
la juridiction pleine et entière dans le quartier de la Sau-
venière ainsi que sur tous les laïques à son service,
fussent-ils marchands nofoircs. Mais, vers le milieu du
XI* siècle, la bourgeoisie de Liège se vit en possession d'un
di"oit urbain et, bientôt, consciente de sa force, elle songea
M) Il est intéressant île constater qu'Henri IV avait fait au chapitre de Spire,
en 1101, une concession sur laquelle (;elle de 110!) pour le chapitre de Saint-
Lamhei't semble cal(|uée (Kikth, La rite de Liège, t, I, p 60).
MÉLANGES 513
à faire appliquer ce droit dans tout le territoire de la ville
et sur toute la population laïque qui l'habitait. Un conflit
entre les deux pouvoirs ne pouvait manquer d'éclater. Il
se termina par un compromis que le roi Henri IV ratifia
(fin du xi" siècle) (*). L'éclievinage y gagna de pouvoir,
dans certains cas. pénétrer dans le quartier de la Sauve-
nière pour y exercer sa juridiction ; il y gagnait aussi de
voir dorénavant relever de sa juridiction les suppôts de
l'Eglise qui étaient marchands notoires. Pour le reste,
le chapitre semble avoir gardé intactes ses immunités.
Mais les deux pouvoirs ne furent pas longtemps d'accord
et l'échevinage recommença à empiéter sur la juridiction
du chapitre qu'il ne trouvait pas suffisamment réduite à
son gré. A cette nouvelle tentative le diplôme d'Henri V,
de 1107, mettait fin en rétablissant la situation au i^oint où
elle était de par le diplôme d'Henri IV. Ce faisant, il ne
renouvelait i)as purement et simplement, comme le laisse
supposer le préambule de l'acte, les très anciens privilèges
du clergé, mais il les renouvelait tels qu'ils avaient été
modifiés quelques années auparavant dans plusieurs de
leurs stipulations. Il importait peu du reste au chapitre
qu'ils fussent indifféremment qualifiés de très anciens, il
ne songeait pas à reprendre les concessions qu'il avait dû
consentir (2), que dis-je, en les qualifiant ainsi il effaçait
jusqu'au souvenir d'un compromis qu'il n'avait pu empê-
cher.
3° Kurtli, analysant notre diplôme, fait remarquer que
les échevins de Liège avaient aussi le droit de lever cer-
taines cotisations que les percepteurs allaient toucher de
porte en porte. Ces cotisations, écrit-il, doivent repré-
senter le plus ancien des impôts (^j. Cette affirmation est
(1) Antérieurement en tout cas à l'année llOi, car, à partir de ee moment
justju'à sa mort, il semble bien qu'Henri IV ait eu i)artie lii-e avee l'éclievinage
et l'fvéque Oll)erl contre le ohaijilre (ht uni, Les origiitex..., p. :270 et La cité
de Liage, t. 1, p. (58).
(''') Tout ce qu'il désirait c'était n'avoir pas à faii'e de concession nouvelle.
Cela s'explique : le chapitre ne pralicjuait qu'une politique conservatrice
tandis (jue la ville, depuis la tin du xi'^ siècle, préludait à une politique d'expan-
sion qui allait durer trois siècles (Paix des clercs, irîi.
(•*) KiuTii, Les origines..., p. :27tj.
33
514 MÉLANGES
fort sujette à caution. Caries §§ 2 et 4 du diplôme portant
que certaines catégories d'individus dépendant du clergé
étaient exemptes du tonlieu ou impôt sur les marchandises,
il y avait lieu d'inférer, ce à quoi Kurtli n'a pas songé,
qu'en règle générale la ville percevait cet impôt. Or, pour-
quoi l'impôt perçu de porte en porte dont jparle Kurth.
serait-il plus ancien que le tonlieu?
A. Hansay.
The Correct Date for a Letter to Zwingli.
In tlie collection of Zwingli's works made bj Schuler
and Sclmltess, there is printed a letter from Martin
Bucer to Zwingli, dated April 30. Tliis letter was assigned
by the editors to tbe year 1527 (^). When Herminjard
publislied bis great work on tbe correspendence of the
reformers in countries of tbe Frencli language, lie referred
to tbis letter as written in 1528, and remarked in passing :
« Cette lettre a été placée par erreur à l'année 1 527 dans
les Zwinglii Opéra » C^). But for tins opinion be gave no
évidence, and tbe later editors of Zwingli's works, wliicb
were publislied in the Corpus Reformatorum, bave con-
tinued to date tbe letter 1527(3). Since tbey bave not
mentioned Herininjard's suggestion, it is quite possible
that tbey did not know about it, and simjîly foUowed tbe
dating given tbe letter in tbe older édition.
Tbere are two good reasons for tbinking that Herminjard
was right, and that tbe letter sbould be dated 1528, and
not 1527. Tbe first is tbe close resemblance between tbis
letter, and anotber written by Bucer to Farci, dated Maj^ 1 ;
wliicb beyond doubt belongs to tbe year 1528('*). Tbe
(1) Hui.DRici /wiNGLii Opéra. Compléta editio prima curantilms Melchior
Scliulero et do. Sclniltessio, 111, p. o7.
(2j A. L. Herminjard, Correspondance des re formateurs dans les pays de la
langue française. II, p. 133, note 16.
P) Corpus Reformatorum, vol. 96, Zwingli Werke, IX, pp. 120-121.
(<) Corpus Reformatorum, vol. 38, Joliaiinis Calvirii Opéra (/xae siipersnnt
omnia, X pi., H, p. 1-2. Also printed in Ilerniinjaid, op. cit., 11, n» 2.j2,
pp. 131-1.33.
MÉLANGES
115
following coniparison of extracts frora tlie two lettors,
shows a similarit}' whidi caii hardly be ascribed to mère
coincidence.
Bncer to Ziinni^li, Apvil HO.
Ut Lutliero respondeas. et id
pro tua, non illius dignitate,
nuigna cum aviditate pii expec-
tant. Ad id forte conducet tibi,
quod de descrimine duarum in
Cliristo naturarum ille scripsit
lu postilla sua, in epistolam
supremi saeri diei natalis chris-
tiani. Sectio ea sumpta est ex
epistola ad Hebraeos in ilkid :
(( Per filium suum ». Legesquod
indico.
Res nostrae sui similes sunt.
Oninia modo apud nos referta
militibus sunt. Caesaris noniine
couseripti vix abierunt, et no-
mine Hessi multo pkires colli-
guntur. Donet Cbristus, ne quid
nimis callidum. Armis uum-
«luarn est propagatuni féliciter
evangelion. Mira et ingens re-
rum perturbatio timetur. Do-
minus suos non deseret, sed,
nisi omnia fallunt, severe exer-
cebit... lani Caesaris exercitum
in Italia aiunt bostibus impa-
rem, et timendum, ne in Sici-
liam cogantur traiicere. Eum,
qui nunc Italiam petit, veren-
tur conieatus iuopia laboratu-
rum. Ut autem féliciter babi
turus sit, viribus tamen suis
intérim Germania destituitur.
Quas utinam non altérant et
motus Hessici.
Capito abcst Offenburgi ulii
de concordia agitur cuni Cano-
nicis exsulibus.
Bncer tu Farci, Muy 1 .
Lutberus ilerum furiit. Li-
brum 30 quaternionum in nos
scripsit in quo omnia Zwinglii
et ipsum anatbematisavit. Oe-
colampadium tardura, stultum
etindoctum, actumque a Sataiia
calunmiatus esse satis babet.
Xisi quod indicibilibus sannis
bominem iactat. Mei per peri-
pbrasin ^^meyne Scbwermerliu)
non proprio nomine meminit.
Non autcm libris solum pu-
gnatur, sed etai-mis. Exercitus
testis. nomine Caesaris con-
scriptus Italiam petit. Interea
Ilessi nomine alius et maior
coactus dicitur, timetur ingens
rerum permutatio. Vulgus spe-
rat sacrificis malum intentari.
Ideo turmatim Hessi castra
petunt. Ego, si pugnare velit
pro evangelio, maie spero: sin
aliquid est quo ex officio boni
principis ad arma vocetur, me-
lius spero. Patientia scio pro-
pagari evangelion, et legitimis
populorum principibus ad Do-
minum conversis, non armis
subactis aut ditione pulsis. Sed
Dominas viderit cuius baec
référant.
Capiti) abest Offenburgi. ubi
tractatur de concordia cum
canonicis exulibus.
516 MÉLANGES
In ail of Bucer's correspondence, tliere is liardly to be
fouïid sucli a striking similarity between two différent
letters, writteu to two différent men. Wlien it is con-
sidered tliat tliey correspond not only in subject matter
but even in words, and tliat one is dated April 30 and tho
other May 1 ; it is impossible to escai)e the conclusion that
they were botli written in the same year. Most significant
of ail is the last sentence quoted : « Capito abest Offen-
burgi ubi de concordia agitur cum Canonicis exsulibus ».
In the letter to Farel this sentence is identicallj^ the same
except that the verb is changed to « tractatur », and is fol-
lowed, instead of preceded, by the phrase « de concordia ».
Even if it were possible to suppose that Capito had gone
to Offenburg both in 1527 and 4528 at the end of April,
Bucer w ould hardly hâve made mention of it in sentences
which correspond so closely.
It is equally clear that the letter to Farel was written
in 1528, because of its close connection with other letters
written at the same time, Bueer begins his letter to
Farel by tins statament : « Simon morbum uxoris hacteuus
caussatus est, et certe gravius illa decumbit quam ut ille
deserere eam potuerit. Deinde revaluit, tentabit si vectu-
ram queat tolerare ». This is a référence to Simon Robert
of Tournai, who was in Strasbourg in October, 1526 (•).
Farel evidently had requested that Robert be sent to help
bim, but a letter from Bucer dated April 15, shows that he
was at that time prevented from coming by the sickness of
his wife {^). Evidently he left Strasbourg soon after Bucer
wrote the letter dated May 1, because on May 11, 1528,
Oecolampad wrote to Farel congratulating him on the
coming of Simon Robert, who seems to hâve stopped at
Basel on the way(^). Shortly afterward he had reached
Farel, for on May 27, 4528, the Council of Berne remons-
trated with the Parish of Bex for refusing to receive
(') HEKMrNJAUD, 1, p. 137.
(2) IIeuminjvki), II, p. 127 and note 3.
(3) « Simonem hune et ipsuin aTaupobiboKTOv, sociuni libi obtigisse, (pii
nihil vel uxoris morbum, vol sumptus, vel itineruin (lillicullates moratus,
ad te contendere voluil, licet laetiores offerentur aliunde conditiones. »
(Hkhminjaud, II, p. 13i).
MÉLANGES 517
hini(i). In aletter toZwingli in July,lo28, Farel mcntioned
him as having lately arrived (-). Since it is clear that
Robert made liis jouiney to Farel from Strasbourg in
May, 1528, it is only logit-al to conclude that a letter from
Bucer to Farel, annouueing Robcrt's departure, and dated
May 1, should be placed in tlie same year.
Equally conclusive foi- datiug Hucer's letter to Farel, is
tho followiug référence to liis commentary on the Gospel
of John : « Johannem meum tibi puto allatum in quo de
baptismo disputavi. Quaeso, lecta ea disi)utatione reseribas
tuam sententiam ». Since Buccr's commentary on the
Gospel of John was pnblished in April, lo28(*), it is not
only most likely that lie woiild make such a request in that
year, but incredible that he should make it a year bcfore.
It is thus évident that Bucer's letter to Farel, dated
May 1, as well as the other, closely-related one of Ai)ril lo,
both belong to the year io28. To the same year must be
assigned Bucer's letter to Zwingli on April 30, because of
its close resemblance to the one he wrote to Farel on
Mai 1. This, however, is not the only reason for placing
the letter to Zwingli a year later than is donc in the Corpus
Reformatorum. Other références, especially when com-
pared with those in the letter to Farel, show that it was
written in 4o28 and not in 1527.
The most significant of thèse is the allusion to the mobili-
zation of an army by the Landgrave of Hesse. « Caesaris
nomine conscripti vix abierunt, et nomine Hessi nialto
plures colliguntur. » The construction of the sentence
shows that the activities of Hesse referred to, were of a
militarj^ nature, because they are spoken of as similar to
those of the Emi)eror. In the winter of 1528 Philip of
Hesse wasled by pseudo-revelations from Otto von Pack,
to believe that the Catliolic jn'inces had formed a strong
alliance against the Lutherans. To avoid being caught
unprepared, he made a military alliance with the Elector
(ij IlmiMiNJAKi.. 11. p|.. m. 11-2.
(") Cp. Fakkl to Zwix.i.i. .Iiily '23, iri28, « Siinoii, (|iii imiicr iii niiiiistcriiiiii
fuil coo[>lsilus... » i Henni nj uni. Il, ! 12).
(3) F. .Mestz. Hililioyrapliische Ziisanniiriislclluuy dtr (jrdriirktcn Srhviflen
Butzers, n" 19. Prinled in « Zur lOUj;thngL'n Geburlsfeier .Martin Hiit/ciN ».
518 MÉLANGES
of Saxony, and in Marcb and April, 1528, was busily
engaged in eollecting an ai'my (^). It is most reasonable to
tliink that Bucer refers to tliis famous épisode. By dating
tLe letter i527, the editors of the Corpus Reformatorum
version, are led to suggest as the most plausible explana-
tion, tliat tliis refers to tlie calling of the faculty to the uew
university of Marburg(2). But if that were the case, Buoer
wonld hardly remark in the letter to Farel : « Ideo tur-
matitn llessi castra petunt »; unless heindiilged in humor
out of accord with bis nature and with the context.
Bucer also tells Zwingli of an impérial army, at that
moment on its way to Italy to aid the outnumbered forces
of the Emperor there. This statement also, may be most
fittingly applied to the Spring of 1528, for at that time the
French army in Italy was larger than that of Charles. So
a new army was brought aeross the Alps by the Duke of
Brunswick, arriving in the last part of May (^). The
editors of the letter in the Corpus Reformatorum, who
refer it to the year 1527, can only give the indefinite and
insufficient explanation, that the campaign of the Emperor
in Italy was in conséquence of the League of Cognac, and
that at f irst the Emperor did not succeed verj^ well (^). But
Bucer's statement is definite and clear ; and when a corres-
pondingly definite application i s tobefound in the year 1528,
then it would seem best to place the letter in that year.
It is hardly necessary to jjoint out the importance of
dating a letter correctly, especially when a year's différ-
ence is involved. In this particular case, however, the
date of this letter, lias a most important bearing on
another question, that lias proved very baffling to stu-
dents of the xvi"' centuiy : namely, when did John Calvin
first become an adhèrent of the evangelical reformation.
In the letter to Farel dated May 1, Bucer mentions a cer-
tain youth of Noyon, as being at that time a student in
(') Sleidw, De statu religionis, éd. of (1785), I, p. 358. Hassencamp, Hes-
sisclie KircJiengeschichte (185:2), I, p. 155-160. Cambridge Modem Historij, II,
p. 20^.
(2) Op. rit., note .3.
(3) Camii. Mod. IHst., II, p. 58.
(*) Op. cit.. noie 3.
MÉLANGES 519
Strasbourg. Kampschulte, the German biograplier of the
Genevan reformer, claims that tliis joutli ^vas none otlier
than Calvin bimself (*). On the other hand, three great
Frencb bistoriaus, Douniergiie, ITerminjard and Lefranc,
tbink tbat it was Olivetan (-). As bas been sbown, tbis
letter to Farel must be dated in the same year as the lettcr
to Z\vingli of April 30. If tbe latter is dated 1527, tlie same
date must be given to tbe formel", and so ail likelibood of
a référence to Calvin is removed ; l)ecaase in tbe Si)ring of
tbat year lie was a student at Paris {'^\, and tbe yoiitli of
Noyon came to Strasbourg from Orléans.
Tbis would be an easy way to solve the problem and a
necessarv one, if tbe date of 1527 for tbe letter to Zwingli
is allowed to stand. However bistorieal accuraej'' demands
that it be dated 1528, and althougb tbe supposition of the
Frencb bistorians is better supported than tbat of Kamp-
schulte, tbe problem of Calvin's first visit to Strasbourg
still exists.
Another conséquence of daling tbe letter 1528 is to
correct the error made by J. W. Baum, of placing Cai)ito's
journey to tbe Offenburg Conférence in 1527 (^). Follo\v-
ing Baum, the editors of tbe Corpus Eeformatorum bave
made tbe same mistake (^). Adolf Baum gives tbe correct
date for tbe conférence, but does not mention either tbe
letter to Zwingli, or the mistake of Capito's biograplier(^).
Thus it is important that Bucer's letter to Zwingli
sbould be given its proper date of April 30, 1528, not only
to avoid the i)ossibility of errors in tbe future, but to
correct those already made in the past.
Hastings Eells.
Priuceiou IS.-J.
(*) Kampschii.te, Johann Calvin, I, ]>. 2.31.
(2) E. Dot MEiu.iK, Calvin, les hotiuiies et les cfiases de son temps, I, 117 aiid
noie 3. Herminjari), II, pp. 131, l.^l, III, p. -4-4. Lefranc, La Jeunesse de Calvin,
p. 29.
f3) DOIMERGIE, op. cit., I. p. 123.
{*) J. W. Baim, Capito iind Butzer (1860), p. 373.
(5) Op. cit., note 7.
(fi) .\. Baim, Magistral und Hefornialion in Strassbury. his tà29 (1887) p. 1 Wi.
i
1
COMPTES RENDUS
Alethea Chaplin. The Romance of Language London, Sidg-
vvick and Jackson, s. d., in-8", 239 p.
Le titre de ce petit ouvrage en désigne très exactement le
caractère, il ne s'agit pas de science, ni à proprement parler
d'enseignement, mais de vulgarisation aimable et d'ailleurs
bien informée, dans la tradition des Leçons de Max Muller,
avec plus d'exactitude et moins de prétentions. L'auteur se
promène et glane dans la Science du Langage, considérée
comme un « roman » propre à piquer la curiosité. Une place
assez importante est faite, notamment dans les planches,à l'his-
toire de l'alphabet ou de l'écriture. Deux chapitres concernent
les noms de lieux et les noms de personnes. L'histoire de la
langue anglaise forme l'axe de l'ouvrage. Ne méprisons pas
ce genre de livres, destinés à de plus jeunes que nous, maison
même les gens du métier trouveront à faire profit de certains
exemples ceux-ci, étant, la plupart, ingénieusement choisis.
P. DE Reul.
Emile Ripert. (Je/de, poêle de L'amour, des dieu.r et de l'e^cil.
Paris, A. Colin, 1921, in-16 carré, xiv-257 p., 12 fr.
Ovide a trouvé en M. Ripert le plus éloquent des défen-
seurs, le plus indulgent des critiques. Il était temps qu'un
poète, un fils de la Pi-ovence, vînt nous parler du chevalier
de Sulmone. Il nous semble entendre la sympathie d'un frère
détailler les mérites, excuser les défauts d'un glorieux aîné;
ou plutôt c'est un dialogue, presque un hymne à la louange
d'une amie commune, la Poésie.
522 COMPTES RENDUS
Le commentaire séduit par sa franchise pleine de variété :
finement pervers quand il s'agit de dévoiler « l'Art d'aimer
sans amour » (ch. III), il devient profond en analysant les
Métamorphoses, « la Légende Dorée de l'antiquité » (ch. IV),
et grave en soulignant l'importance du Calendrier national;
il s'attriste pour dire les souffrances de l'exil et de la mort.
Certaines pages sont poignantes comme des élégies posthumes.
Et voilà Ovide réhabilité : on ne le reléguera plus dans les
salons ou les alcôves, on ne le méprisera plus comme un
versificateur didactique ou précieux. Son œuvre chante la
Beauté, le Panthéisme, la Patrie.
Bien plus, on estimera son caractère si l'on comprend qu'il
a eu avant tout le culte de son Art, qu'il a voulu jouir pour
créer, que son talent, en le rapprochant d'Auguste, et peut-être
d'Agrippa, lui a attiré la haine de Livie qui ambitionnait le
trône pour Tibère (^), et que, chassé de Rome, il a payé ses
écrits de ses larmes et trompé la solitude douloureuse en
murmurant des vers qui demandaient grâce. Remercions
l'auteur du « Génie du paganisme » (p. 171) d'avoir eu assez
d'esprit pour fuir le pédantisme; félicitons-le d'avoir gardé le
courage de flatter un ancien protecteur dont une intrigante
avait abusé la vieillesse.
Pour être lyrique, la démonstration n'en est pas moins
solide, convaincante, plus juste, en somme, que le froid
réquisitoire de René Pichon {^). Mais est-il bien sûr que l'en-
thousiasme brillant de M. Ripert ne fasse pas aussi un peu
tort à son client? Quelques lecteurs tentés de reprendre le
texte latin après cette introduction, se sentiront déçus en y
retrouvant entre les fragments choisis, dont M. Ripert a
donné de jolies traductions en vers blancs, une prolixité trop
raisonnable, un rythme trop impeccable, une érudition trop
complaisante dont il n'a pour ainsi dire pas parlé.
H. Philippart.
(') Aux noms ûf VMIIenave, Nageotte ot Plessis, qui ont ilcfendxi celte expli-
cation lie la relegulio à Tomes, on peut ajouter, p. 17.o, celui de S. Rei.nach,
« Les compagnons et l'exil d'Ovide », Rev. de philol., 1910, p. 342-349.
(2) Hist. de la litt. lat., 7e éd. (Paris, Hachette, 1919), p. 405-431.
Cf. Rev. Univ., 1894, 2. ]k 3, René Pichon rayerait Ovide du programme des
Humanités.
COMPTES RENDUS 523
Ernst Howald, Untersuchungen zur Technih der euripi-
deischen Tragodien, Leipzig, Dieterich, 1914, iii-8°, 75 p.
Cette thèse, qui a été présentée en 1912 à l'Université de
Zurich, semble répondre à l'appel lancé quelques années auj)a-
ravant par Dieterich ;/) qui se plaignait de ne pouvoir citer
comme étude sur la technique d'Euripide que l'ouvrage de
Detscheff(2). Elle réagit contre la tendance qui porte les cri-
tiques modernes à composer, à l'imitation des anciens, des
recueils de sentences tirées des tragédies.
L'auteur veut prouver qu'Euripide a été principalement
déterminé, dans le choix des sujets, par la valeur artistique.
Il cherche les « problèmes formels » qui dominent les périodes
successives (belle-mére et beau-fils, passion féminine, recon-
naissance...) et auxquels se subordounent des motifs secon-
daires plus ou moins stéréotypés (autel, sacrifice volontaire,
vieillard...). Delà cinq chapitres conçus comme des cjxles
où se groupent autour des drames conservés en entier les
pièces contemporaines dont nous n'avons que des fragments :
L Les débuts et la recherche d'uno figure centrale (A/ ■.-
Alctn. à Psophis-Protësilas, Méd.-Ino, etc ). IL Les drames
passionnels [Hipp.-Sthénébée-Phœmx, etc.). III. Le point
culminant. Parfait développement de la figure centrale {IIcc-
HéraclM., Andr.]. IV. Le relâchement (Suppl -ErechtJwe,
HéracL). V. Les pièces d'intrigue {Ion- Alexandre, I. T.-IIèL,
El.-Cresphonte, etc.). On remarque tout de suite les faiblesses
d'une telle classification : par exemple Méd. mérite d'être
placée dans le IIP chap., Trou , Phén. et Bacch. ne peuvent
figurer dans le V^. La ressemblance entre Cresphonte et El.
ne supprime pas la quinzaine d années qui sépare ces deux
pièces (Nauck 453); d'ailleurs Cresphonte est encore beaucoup
plus prés à.' Egée (av. 431) que A' El.. Pourquoi s'obstiner à
faire rentrer dans des cadres rigides toutes les tragédies
d'Euripide? Pourquoi, sui'tout, poursuivre l'étude générale
de la techni(}ue jus(iue dans les drames perdus? L'obscu-
rité du sujet s'ajoutant souvent iei à l'incertitude chronolo-
(1) s. V. Eiiripides, Pvm.y-Wissowa, Rcal-Enrifclopddif. Vi, 1909 (1905),
p. 127rj.
(-) D. Detscheff, De tragoetlitinnn gnirranini nmformationc scaenica ac
dravKitIra, diss., 190 1. v
524 COMPTES RENDUS
gique, les conclusions sont singulièrement fragiles. Prendre
pour base une fable que chacun façonne à sa guise n'est pas
un moyen bien sûr de réaliser l'accord : rien ne m'oblige à
croire qu'il n'y a pas de figure centrale dans Tèlèphe (p. 21)
ou dans Cresplionte (p. 54).
On assiste avec intérêt au démontage des tragédies conser-
vées : s-^ns doute Howald, qui esquive sous de mauvais pré-
textes les dernières pièces, se borne d'ordinaire à résumer
les travaux de ses devanciers, mais il a le mérite d'établir
systématiquement, avec une heureuse insistance, des paral-
lèles sutïgestifs. Cependant cette méthode même de décom-
^position externe laisse un peu sceptique : qu'on imagine
l'impression qu'elle donnerait de l'œuvre de Molière.
Ni table des matières, ni index.
Aux exemples cités de Mothnenmg (p. 18, 25, 35, 43. 48,
73), ajouter Ion 1130-1. Le Philoctéte d'Euripide (431) précède
celui de Sophocle (409) (p 29). Dans Hipp , Euripide ne
donne pas raison aux calomniateurs des orphiques (p. 33).
C'est Athéna, et non les Dioscures, qui parle à Oreste dans /. T,
1447 (p. 64). Nauck 181 prouve qu'Antiope ne récite pas le
prologue (p. 70), par contre schol. Ar. Thesm. 1U65 attribue
Nauck 114 à Andromède (p. 71). Le papyrus ignore l'inter-
vention des fils d'Hypsipyle en faveur d'Eurydice (p. 71 ;
lignes 4 et 5, corriger Antiopens et Antiope en Hj^psipylens et
Hypsipyle), le roi Lycurgue ne figure même pas sur l'am-
phore de Ruvo Tp. 71). Les qualités de Ménélas dans /. A. ne
doivent pas plus nous surprendre que celles d'Hélène dans
HèL (p. 73).
H. Philippart.
Juliani imperatoris epistulae, leges,poematia, fragmenta l'aria.
Collegerunt, recensuerunt J. Bidez et F. Cdmont, Paris,
Société d'édition « Les Belles Lettres », 1922, xxvi-32S p.
Prix : 25 fr.
II est superflu d'insister sur l'importance des œuvres de
l'empereur Julien. De ces œuvres la partie la plus intéressante
est assurément la portion de la correspondance qui nous a été
COMPTES RENDUS 525
conservée. C'est là que se révèle non seulement l'homme poli-
tique, le souverain, mais encoi'e l'homme privé avec ses qua-
lités et ses défauts ; c'est là que se dessine le mieux la curieuse
et attachante figure du dernier champion de l'hellénisme.
Mais dans quel état, hélas! nous sont parvenus ces docu-
ments précieux! Eparpillés dans une foule de manuscrits,
défigurés souvent par la négligence ou l'ineptie des copistes,
mutilés parfois, mêlés de pièces hétérogènes et de lettres apo-
cryphes, ils se présentent à nous comme uner^^'^^^.s indigcsta-
que moles. Les éditeurs jusqu'ici n'étaient pas parvenus à
débrouiller ce chaos. Tout en rendant justice aux efforts méri-
toires de Hevler, de Hercher, de Hertlein, il faut bien recon-
naître que leurs éditions étaient extrêmement défectueuses :
un apparat critique tout à fait insuffisant, aucune classifica-
tion rationnelle des manuscrits, un désordre complet dans
l'arrangement des lettres, de fausses attributions admises sur
la foi des scribes, tout cela réduisait singulièrement la valeur
de leurs travaux. Et c'est avec de tels matériaux que l'on
entreprenait d'écrire l'histoire de la vie et du règne de Julien !
L'œuvre que la philologie allemande n'avait pas su mener
à bonne fin, deux de nos compatriotes — nous le disons avec
fierté — l'ont exécutée d'une façon magistrale. Depuis de
longues années, MM. Bidez et Cumoiil se sont occupés de la
correspondance du fameux empereur, de sa biographie, de son
milieu, de son époque. Dès 1889, M. Gumont publiait dans le
Recueil des travau.r de la Faculté de philosophœ et lettres de
l'Université de Gand (3* fascicule) une étude Sur l'authenti-
cité de quelques lettres de Julien, où il démontrait victo-
rieusement que tout un groupe de lettres, que personne ne
suspectait, était apocryphe. En 1898, les deux savants belges
faisaient paraître, dans les Mémoire'^ in-S" de l'Académie
royale de Belpique (t. LYII), des Recherches sur la tradition
manuscrite des lettres de l'empereur Julien {iôQ p.), qui con-
stituaient en quelque sorte les prolégomènes de l'édition qu'ils
préparaient. Vingt-quatre ans se sont écoulés avant que
celle-ci vît le jour, vingt-quatre ans pendant lesquels de nou-
veaux manuscrits ont été collationnés, les leçons douteuses
vérifiées, les passages difficiles ou altérés soumis à un examen
réitéré, toute la « littérature » relative au sujet consultée et
utilisée. Ainsi mûris^^ait lentement, mais sûrement, une entre-
526 COMPTES RENDUS
prise scientifique qui marquera dans les annales de la philo-
logie.
Ce qu'il a fallu de temps, de patience, d'application et de
perspicacité pour déterminer les rapports des manuscrits
entre eux, pour choisir les meilleurs et éliminer les non-
valeurs, pour établir enfin un texte auquel on pût se fier, la
simple lecture de la préface — qui est un modèle d'exactitude
et de méthode — le fera comprendre aux hommes du métier.
Le texte, considérablement amélioré, est accompagné d'un
apparat critique très complet et disposé avec le soin le plus
minutieux.
Non contents de recueillir jusqu'aux moindres fragments
des lettres proprement dites, MM. Bidez et Gumont y ont joint
les constitutions impériales insérées dans les Godes. Ils ont
rangé le tout selon les diflférentes périodes de la vie de Julien,
en groupant ensemble, dans chaque période, les lettres et les
fragments ayant trait aux mêmes personnages et aux mêmes
affaires ou présentant entre eux quelque affinité, de sorte
qu'on peut suivre pour ainsi dire pas à pas l'évolution qui s'est
produite dans les idées de .Tulien et la marche de ses desseins
lorsqu'il fut parvenu à l'empire. Ils ont rendu par là aux his-
toriens un service inestimable.
Les lettres apocryphes ou d'une authenticité douteuse ont
été mises à part. En lisant certaines d'entre elles, on s'étonne
que les élucubrations insipides d'un sophiste bavard aient pu
si longtemps être prises pour l'œuvre de l'homme qu'était
Julien.
La sollicitude des éditeurs s'est étendue aux débris des
ouvrages perdus de Julien, à ses poésies et à ses apoph-
thegmes.
Tel est le contenu de ce beau volume, qui figurera au pre-
mier rang parmi les publications de l'Association Guillaume
Budé (1).
La tâche accomplie par MM. Bidez et Cumont a été rude.
Elle aura sa récompense, la seule qui soit digne de ce labeur
désintéressé, la seule à laquelle tiennent ces Bénédictins
(1) L'exéculioii lyi)(jgra()lii(]iie est remarquablo et l'improssion osl d'une
correction paifaile; il est à regretter seulement que çà et là une lettre n'ait
pas marqué sur le papier lors du tirage.
I
COMPTES RENDIS 527
modernes, c'est à savoir l'estime et la reconnaissance du
monde savant.
Qu'il nous soit permis, en terminant, de proposer quelques
petites conjectures. — P. 5, 1.8 (texte de Julien, Epist. ad
Atheri., 273 A) : oùb' ôvap |uoi qpaveiç dbeXqpôçèTreTTpdtxei. Le sens
exige <(Tuv> erreTipâxei. Julien repousse l'idée d'une action
concertée avec son frère. — P. 72. 1. 13-14 : pouXo)uévouç •':bé>,
bibùdKeiv epYLjj TTpÔJTOv, Ktti TieiBeiv toùç iLiaGniàç ujç .... Je
lirais et je ponctuerais : PouXo|uévouç <bè> bibûCKeiv, ëpYU>
TTpujTOV <TTei6eaeai ■ Kai TreiGeiv toùç )na9riTàç diç .... —
P. 146, 1. 2, au lieu de xnv iaipeiav, il faut lire Trjv lepaieiav.
— P. 156, 1. 22-23 : KaWujTriZ^eaGai 5è ujaTrep toîç x^ipîcrTOiç,
Après oicTTTep, suppléer<Ka\oîç >. - P 217, 1. 15 16 (texte de
Libanius, Oraf. XIIj : 'énr\ tôv dvbpa lurivùcvia (l. aejuvu-
vovTa?). Je préférerais ujuvoûvia. — P. 225, 1. 21-22 (texte
d'Ammien Marcellin, XXII, 5, 4) : tandem alios vobis
inqmetiorcs (inetiores cod., 1. molestioresî) inveni II me
semble que inetiores doit être corrigé en infestiores.
P. Thomas.
Grammaire, histoire et géographie d'après la linguistique française»
Ferdinand Brdnot (doyen de la Faculté des lettres de l'Uni-
versité de Paris), La pensée et la langue. Mët/i ode, principes
et plan d'une théorie nouvelle du langage appliqiiée au
français. Paris, Masson et G'^ 1922, 954 p. in-8°, 50 fr.
A. Meillet. Linguistique historique et linguistique générale.
(Coll. ling. p. p. la Soc. de ling. de Paris, viii), Paris,
Champion, 1921. 334 p. in-8°.
J. GiLLiÉRON. Etude sur la défectiritê des verbes. La Faillite
de VEtymologie phonétiqice. Résumé de conférences faites
à l'Ecole pratique des hautes études. En vente à la librairie
Beerstecher, Neuveville, canton de Berne (Suisse), 1919,
133 p. in-8».
J. Vexdryes (prof, à l'Univ. de Paris . Le langage. Introduc-
tion linguistique à l'histoire [L'éoolution de l'humanité,
n» 3.) Paris, Renaissance du livre, 1922, 439 p. iii-8", 15 fv.
L'illustre président de l'Université Columbia, M. N. Mur-
ray Butler, nommait naguère la langue française « la plus
528 COMPTES RENDUS
précieuse des possessions humaines ». L'histoire, la géogra-
phie et la police de cette possession spirituelle sont en voie
de transformation. L'Atlas linguistique de la France permet
une nouvelle toponymie de la raison parlante. « On est tout
surpris, dit M. A. Meillet (p. 309), de voir à quel point
l'histoire de la langue française a été peu étudiée jusqu'ici et
quelles lacunes apparaissent à qui veut, comme l'a fait
M. Brunot avec tant d'autorité, en retenir l'ensemble. » « Il est
regrettable, dit M. Gilliéron (p. 96), qu'en deçà du Rhin on ait
usé partout et toujours, pour observer le français, de besicles
qui portent la marque Marie in (iernaniij (^). Il serait temps
enfin de se débarrasser de cet appareil qui déforme la vue. »
C'est ce que fait M. Ferdinand Brunot, l'éminent historien
de la langue française, doyen de la Faculté des lettres de
l'Université de Paris. Son dernier livre, La pensée et la
langue, fait table rase du fatras aristotélicien qui attriste les
malheureux enfants obligés d'apprendre des grammaires
ineptes. M. Brunot expose les faits de pensée et les classe par
rapport au langage.
« La vraie science du langage, dit Anatole France, n'est
pénétrée que par des esprits larges, droits et puissants. »
Hélas! Noël et Ghapsal, Bopp et Grimm, Schleicher et
Osthoff, étaient des génies médiocre^. Tournant le dos à
Gondillac, qui avait inspiré la nomenclature chimique et
d'impérissables découvertes, compilateurs et comparatistes
recopièrent les niaiseries scolastiques, ou construisirent une
pseudo-phonéiique où ils confondaient le physique avec le
moral, la science avec l'histoire, les modes et les mots avec
les lois et les faits naturels.
M. Brunot, qui étudie le passage du cri à la phrase, du
nom propre au nom commun, a pour méthode de considérer
le langage tel qu'il est dans le cerveau du sujet parlant à
l'époque où il parle. « Ce qui importe, ce n'est pas d'étiqueter,
c'est de comprendre et d'enseigm^r à comprendre non seule-
ment les états, mais les mouvements ». Bref, c'est Martine qui
a raison quand elle réplique à Philaminte :
Quand ou se fait entendre, on parle toujours bien.
(') Déjà le viciix Daunou écrivait : « Les invasions désastreuses de 1811 et
de 1815 ont achevé d'importer en France les systèmes germaniques de philo-
sophie et de littérature. »
COMPTES RENDUS 529
Les vinn;t-cinq chapitres de M. Briinot se lisent comme un
roman â tiroirs. L'auteur est impitoyable pour le ])édantisnie
qui sévit encore dans l'enseignement primaire. « L'élude des
faits du langage repose, depuis l'antiquité, sur une classifica-
tion générale de tous les éléments linguistiques qui peuvent
composer une phrase, et qui forment \es parties du discours.
On n'a jamais pu se mettre d'accord sur le nombre de ces par-
ties, ce qui prouve déjà que le principe adopté n'est pas d'une
grande solidité, ni d'une clarté indiscutable. » « Partout des
barricades de toile d'araignée ferment les avenues où l'usage
s'avance, souverain et irrésistible. Au lieu d'une loi de vie,
d'un code souple, adapté, à jour, on réimprime une ordon-
nance de police, toute pleine de prohibitions, de restrictions,
de chicanes, sur laquelle veillent quelques commissaires de
bonne volonté, qui croient sauver la tradition nationale. »
Sur les rapports entre le verbe et l'exclamation {adjuta>aï'e),
entre la toponymie et l'histoire (les Ligures à Manosque, le
chanvre à La Cannebiére), entre le système métrique et les
mœurs (faire du trente à l'Jieure. M. T. S., G. G. S.), sur les
servitudes grammaticales, M. Brunotest naturellement docu-
menté autant qu'homme de France.
Puisse-t-il réussir, par ses lecteurs comme par ses nom-
breux élèves, à réformer et à simplifier l'enseignement gram-
matical de la plus suggestive des langues vivantes! Ce sera
une victoire française et un progrés humain.
La France paj'^erait l'Institut Pasteur, la T. S. F., l'aviation
et bien d'autres utilités avec les économies que lui procure-
rait immédiatement la suppression des lettres inutiles de son
orthographe et des livres inutiles de ses écoles.
Voilà pour l'enseignement primaire et secondaire, pour la
presse et l'administration.
Voici maintenant la question philosophique du langage.
Elle est renouvelée par la géographie linguistique, la plus
intéressante contribution à l'histoire du langage depuis
cent ans, c'est à dire depuis le déchiffrement des hiéroglyphes
par Champollion.
M. Gilliéron ne cherchait ])as précisément ce qu'il a trouvé.
Christophe Colomb, partant pour l'Inde, rencontra un nou-
veau monde. M. Gilliéron, en composant son immense tableau
jdionétique de la Gaule romanisée, a lait voir le néant des
34
530 COMPTES RENDUS
pseudo-lois phonétiques et de la pseudo-science naturelle du
langage. 11 a ruiné tout l'échafaudage par lequel les linguistes
allemands avaient obscurci l'histoire des mots.
De Malmedy à Biarritz et de Guernesey à Menton, M. Gil-
liéron a choisi et M. Edmont a parcouru 639 communes, dans
lesquelles ont été recueillies les versions patoises de prés de
deux mille textes.
Ces millions de notations phonétiques sont une mine
inépuisable non seulement pour l'histoire du français, mais
encore pour la philosophie du langage.
De V Allas Unguisliqiie on a tiré déjà nombre de monogra-
phies et des idées générales. Un plein succès a couronné la
troisième tentative du gouvernement français pour organiser
la grammaire comparée.
La première tentative fut celle de Napoléon. En 1807, il fît
recueillir dans son vaste empire les versions dialectales de
la parabole de l'Enfant prodigue. Et à propos du projet d'éta-
blir une école spéciale de littérature et d'histoire au Collège
de France, il observa (Finkenstein, 19 avril 1807) : « La
grammaire serait plus susceptible que la littérature de deve-
nir l'objet d'une école spécfale; il y a là un fon.ls plus abon-
dant d'observations, de comparaisons; elle tient à l'origine des
sensations, car la manière de parler vient de la manière de
sentir; mais cette science, qui se confond avec l'idéologie,
est encore dans une si grande obscurité, que la seule applica-
tion utile qui en ait été faite est relative aux sourds-muets :
dans cet établissement consiste la véritable école spéciale de
grammaire. »
Mais les documents de l'enquête impériale restèrent aussi
muets que les disciples de l'abbé de l'Epée et de son succes-
seur l'abbé Sicard.
La seconde tentative eut lieu au commencement de la troi-
sième république.
Quand les félibres eurent attiré l'attention des pouvoirs
publics, le ministre de l'instruction (1873) chargea deux
Languedociens, Bringuier et le baron de Tourtoulon, d'ex-
plorer la frontière entre la langue d'oïl et la langue d'oc.
Cette question semble aujourd'hui aussi déconcertante que la
question de la lune rousse posée à Laplace par Louis WlII.
. Examinons les cartes coloriées que MM. Gilliéron et
COMPTES RENDUS 531
Roques ont établies pour un certain nombre de mots (voir
GiLLiÉRON et Roques, Etudes de géographie linguistique.
Champion, 1912).
Ecartons les enquêtes qui laissent des lacunes : le mot ven-
danger, par exemple, est repr.'^senté à Malmedy et en d'autres
lieux septentrionaux par des points d'interrogation.
Prenons une idée antique et populaire, contemporaine de
l'âge pastoral et connue jusqu'au fond des fermes : l'idée de
traire. Le latin mulgere a survécu en Provence et en Langue-
doc, au pays de Liège et dans le Pas-de-Calais. Il a disparu
de la plus grande partie de la Gaule, remplacé à l'Ouest et
au Centre par tirer et ajuiiter, au Nord et à l'Est par traire.
Mulgere a été évincé probablement par l'homophonie avec les
formes de molere : là où 'tnoudre se dit autrement que
mulgere, mulgere et molere survivent côte à côte.
La carte de traire, inulgere et molere présente une Gaule
en six couleurs aux contours irréguliers.
Prenons une autre idée antique et familière, le nom du sel.
C'est se en Wallonie, en Picardie, en Gotentin, en Bretagne.
C'est sel dans une région autour de Paris, région qui atteint
la Manche sur un point et la Loire sur une grande partie de
son cours. C'est sr/i« de Noirmoutier aux Alpes Maritimes, et
de Belfort aux Basses-Pyrénées.
Les frontières dialectables des premières régions {mulgere-
traire) ne coïncident nullement avec celles des autres cartes
{se, sel, sau).
La même discordance s'établirait facilement pour tous les
groupes de mots, pour tous les critères dialectaux autrefois
adoptés. Conclusion : il n'y a pas de frontières dialectales.
C'est dire qu'il n'y a pas de lois phonétiques, car Schuchardt
lui-même a remarqué que la question des lois phonétiques
était associée à celle des dialectes. D'ailleurs, les pseudo-lois
contenaient toutes dans leur énoncé au moins un nom géogra-
jjhiijue.
Des lois phonétiques, au sens scientifique, seraient ou des
lois de la physiologie ou des lois de l'acoustique. Pareilles
lois n'existent pas. La a loi de Grimm » n'est pas le meilleur
des « contes de Grimm »,
Chaque mot a son histoire phonique et sémantique. Rabe-
lais a fort justement dit : « Les mots ne signifient naturelle-
532 COMPTES RENDUS
ment, mais à plaisir ». Il faut ajouter : en passant de bouche
en oreilles, et d'oreilles en bouche, ils changent non pas en
vertu des lois naturelles, mais selon le bon plaisir des audi-
teurs et parleurs. Ils changent de forme en passant des mères
aux enfants, parce que la tête humaine est un phonographe
défectueux. Ils changent de sens en passant d'une société mal
outillée à une société mieux outillée.
Ces changements ont été surnommés la rie des mots, la vie
du langage. Images biologiques qu'il ne faut prendre au pied
de la lettre :
Comparaison
X'est pas raison,
Et métaphore
L'est moins encore.
C'est pour l'avoir oublié que trop de linguistes ont parlé
en naturalistes. On peut lire dans des recueils aussi répandus
que Larousse et la Grande Encyclopédie cette affirmation
stupéfiante que la linguistique est une science naturelle! Le
plus admirable répertoire de sémantique, je veux dire le Dic-
tionnaire de Littré, définit (en 1863) la linguistique : « Étude
des langues considérées dans leurs principes, dans leurs rap-
ports et en tant qu'un produit involontaire de l'instinct
humain » ! Littré commettait ce jour-là la même erreur
que (juand il prenait la sociologie pour une science capable
de prédire. La langue est le produit de la volonté humaine
(si volonté il y a) au même titre que l'alphabet, la presse, le
téléphone et le phonographe.
M. Gilliéron termine par de sages conseils :
« Observez comme si, à la base des évolutions, il n'y avait
aucun mystère physiologique, mais simplement une œuvre
de réflexion, plus ou moins consciente, à laquelle votre raison
peut atteindre.
» Songez que peut-être l'histoire finira par vous révéler
qu'il n'a tenu qu'à un fil que les plus grandes révolutions pho-
nétiques, séparant en compartiments la matière linguistique,
se soient ou ne se soient pas produites, que ce que nous consi-
dérons comme un mouvement général de la matière linguis-
tique n'est peut-être qu'une propagation à l'infini, jusqu'à
des bornes qui en nécessitent l'arrêt, d'un mouvement indivi-
duel, en dehors duquel il n'y a qu'imitation, adaptation.
COMPTES RENDUS 533
assimilation, propagation, ayant pour cause l'identité ou la
parenté des milieux sociaux. »
La phonétique qui traitait la voyelle et la consonne comme
la cellule d'une biologie métaphori(iue ou comme l'atome
d'une chimie vocale, la psychologie ou ethnographie qui
divinisait la langue, sont des fables romantiques comme le
Volksgeist et comme k l'esprit des temps » :
Was ihr den Geist dcr Zeiten lieisst,
Dat ist im Gruiui der Ilerreu eij,nier Geist,
In deni die Zeiten sich bespiegeln.
L'histoire du français, l'histoire du langage, l'histoire de
l'esprit humain, doit se débarrasser de toutes les quiddités,
lois, âmes, génies, évolutions, par lesquelles on désigne
complaisamment la somme de nos ignorances. Il ny a pas
d'autre science du langage que l'hisloire des mots. Le langage
est un cri perfectionné par des séries d'inventions et de
conventions. Chaque mot est l'invention d'un Cad mus, d'un
Morse, d'un Edison qui n'a pas pris brever et qui n'a pas tou-
jouis laissé son nom. L'invention individuelle réussit par des
conventions sociales non écrites, par les villes tentaculaires,
par le commerce, par les institutions. Pour beaucoup de
mots français, on peut observer la propagation autour de
Paris, dont l'action s'accélère avec les chemins de fer; le
rayonnement de Lyon (^), de Genève, l'importance du couloir
de Saône et Rhône. Surtout on remarque des phénomènes
sporadiques, des îlots linguistiques, des sauts brusques :
aucune langue n'est un fleuve uni se déplaçant d'un mouve-
ment régulier; la langue est une abstraction de notre esprit,
une sjaithèse dont chaque détail est en perpétuel usage et subit
l'usure, la retouche, la réparation.
Les lois du langage n'ont pas plus de consistance que les lois
de l'histoire, de la sociologie, de la mode. Mots et modes
habillent les idées et les femmes au goût du Jour et selon les
moyens des lecteurs et des épouseurs. L'histoire grammaticale
ou linguistique serait un corollaire de l'histoire économique,
si cette histoire économique pouvait être écrite de façon
complète.
(*) Albeut Daizat, 1.(1 géugniji/iie lint/iiistliine, l'himiiiariun, fr. i.oO.
534 COMPTES RENDUS
A voir les actes individuels indéfiniment répétés, imités ou
travestis, dont se compose l'histoire du langage, on comprend
mieux ce qu'ont oublié les auteurs des cent langues fabriquées
depuis un demi-siécle, du volapuk à l'ido.
Il y a des langues artificielles qui ont réussi. 11 n'y a même,
à la rigueur, que des langues artificielles, toute langue étant
une œuvre d'art : il n'y a pas de langue naturelle au sens
biologique, et la grammaire n'est chez personne le produit
d'une sécrétion comme la bile, comme les dents ou comme les
cheveux. Tout iaugue est apprise comme la musique et la
peinture. Il y a des langues techniques, spéciales, savantes,
qui ont réussi : par exemple la géométrie analytique de
Descartes, et la nomenclature chimique de Lavoisier, Guyton
de Morveau, Fourcroy et Berthollet. Pourquoi ces langues
ont-elles réussi? Parce que les abscisses et les coordonnées,
les initiales des éléments et les exposants ont toujours la
même valeur, le même emploi, la même forme qu'en 1620 ou
qu'en 1787.
Pour faire une langue universelle, il suffit donc et il est
nécessaire de faire une langue perpétuelle. Il ne faut par
conséquent y noter que des faits naturels qui échappent aux
passions mouvantes, à la politique, à la « plaisante justice
qu'une rivière borne », à tous les sentiments qu'une génération
emporte.
Ce qui est vrai des langues artificielles techniques l'est
aussi des langues artificielles dites nationales. Elles durent,
elles vivent, pour autant qu'elles servent, c'est à dire qu'elles
enseignent des vérités utiles, qu'elles permettent des négoces
fructueux, qu'elles enrichissent et instruisent leurs lecteurs.
« Pour qu'une langue se répande, dit M. A. Meillet, il faut
et il suffit qu'elle serve de support à une civilisation. Le
latin a pu se répandre partout où il servait à porter la civili-
sation gréco-romaine; il n'a guère pénétré là où cette civili-
sation existait déjà sous la forme hellénique... Une langue ne
s'étend que si elle porte une civilisation douée de prestige. »
Donc l'histoire du langage est une histoire de l'outillage : les
langues sont des instruments et non des fétiches.
Bref, MM. F. Brunot et J. Gilliéron n'ont pas seulement
élucidé la parlure la plus délectable et la plus commune à
toutes gens, ils aideront aussi, pour peu que les grammairiens
I
COMPTES RENDUS 535
les suivent, à dissiper quelques-uns des malentendus et des
gaspillages qui désolent la pauvre, vieille et anarchique
Europe, où « les hommes, comme dit A. P'rance, s'égorgent
pour (les mots qu'ils n'entendent pas »,
A. COUNSON.
Quellen zu Romeo tend Julia, herausgegeben von Rudolf
Fischer. Bonn, Marcus und Weber, 192'^, in-S", viii-251 p.
80 m. iShaliespeares-Quellen, 2. Bàndchen.)
Saluons avec joie la reprise de l'activité de la Deutsche
Shakespeare Gesellschaft qui nous envoie un recueil des
sources de Rornéo cl Juliette avec traductions allemandes.
Ces sources sont au nombre de cinq : la noVi\ q\\ q Mariotto et
Gianozza par Masuccio Salernitano, Julie et Roméo par
Luigi da Porto, Rornéo et Juliette par Bandello, la rédaction
française de cette dernière par Boisteau (Boaistuai) et enfin
le poème anglais : Romeus et Juliette par Arthur Brooke. Ce
dernier est la source immédiate; aussi M. Rudolf Fischer
en imprime-t-il l'original anglais en regard de sa traduction
allemande.
Comme ces textes sont destinés à servir à des exercices de
philologie, ils sont dépourvus d'introduction et de notes; ils
ne remplacent donc pas les travaux critiques du genre de
celui de J. J. Munro dans la Shakespeare Library (1908).
En ellèt, Shakespeare a probablement ignoré certaines des
nouvelles traduites par M. Fischer; en retour, il a presque
certainement fait usage d'une pièce de théâtre (composée en
anglais ou en latin?) dont l'existence est attestée par des
preuves variées. Une discussion complète de l'origine de la
tragédie doit donc dépasser l'analyse des nouvelles italiennes
et tenir compte de l'influence hj^potliétique de la tradition
théâtrale.
Les matériaux réunis par M. Fischer serviront surtout
à suivre l'évolution du sujet de Roméo et Juliette dans la
littérature narrative des xv" et xvr siècles.
Chaque remanieur a complété ou modifié le conte dans
certains détails. Dans Masuccio, l'amoureux est décapité pour
avoir tenté de forcer le mausolée où il croit trouver sa belle
endormie et la dame finit ses jours dans un couvent.
536 COMPTES RENDUS
D'après da Porto, Juliette tuée parla douleur rend lame sur
le cadavre de son mari qui s'est empoisonné, la croyant morte.
Bandello maintient ce dénouement destiné à être modifié
par le Grand Will. Il invente la nourrice, messagère des
amants, dont Shakespeare fera l'un de ses personnages
comiques les plus saisissants.
Dans le volume de M. Fischer, on suit pas à pas le travail
par lequel se constitue cette histoire tragique, qui a fait
couler tant de larmes et qui domine toute une province de
la littérature européenne.
Paul Hamélius.
Des Marez (G.). La première étape de la formation corpora-
tive. L'entr'aide. Bruxelles, Alb. Hayez, 1921, in-8", 36 p.
(Académie royale de Belgique. Bulletin de la Classe des
lettres 1921.)
M. Des Marez, qui s'était déjà occupé à plusieurs reprises,
on le sait, du mouvement corporatif en Belgique, vient très
heureusement de publier un nouveau mémoire sur les ori-
gines des corporations. Il pense qu'il ne faut pas chercher à
considérer simultanément tout l'ensemble de la formation
«européenne » de ces organismes ni essayer de l'expliquer par
une formule «Juridique unique», en recourant à des textes,
tels que le «Gapitulare de Yillis» ou le «Livre des Métiers»
de Paris, qui n'ont rien de commun dans le temps ni dans
l'espace, soit entre eux, soit, le cas échéant, avec les corps
sociaux que l'on examine : « les corporations n'ont pas une
origine unique, pas plus que les villes dans lesquelles elles
sont écloses. Elles ont des origines suivant les époques et sui-
vant les milieux»: aussi, seule «la méthode d investigation
régionale sera fructueuse». A cet effet, l'auteur choisit la
Belgique ou plus exactement la Flandre franco-belge et le
Brabant, avec les deux cités d'Arras et de Saint-Trond. Si ces
dernières forment des localités abbatiales, les autres places
sont des centres représentant un «milieu nouveau». Leur
étude montre que la corporation a passé par trois stades:
«l'entr'aide, la lutte et le triomphe». L'auteur se borne ici à
étudier la première étape. Elle s'étend depuis les débuts de
comptf:s rendus 537
la formation de la ville jusqu'à la fin du xii* siècle. Pendant sa
durée, les groupes professionnels d'artisans, comme l'en-
semble des habitants eux-mêmes, « sont poussés les uns vers
les autres par la grande loi de l'entr'aide, qui fait naître
insensiblement chez eux une conscience commune ». En prin-
cipe, « ce travail de rapprochement est spontané et naturel et
s'accomplit dans les rangs mêmes des travailleurs en dehors
de toute intervention du pouvoir public ». En fait, ces unions
spéciales, qui se forment dans la communauté générale,
obéissent ainsi à certaines forces dénommées « facteurs ou
moments de la concentration corporative ». Il en existe six
principaux: le commercial, l'industriel, le militaire, le judi-
ciaire, le philanthropi |ue et le religieux; les facteurs poli-
tique et fiscal restent secondaires. Les pi emiers sont étudiés
successivement chacun d'après un certain nombre d'exemples :
ainsi, la localisation des vendeurs au marché ou à la halle
les réunit par groupes professionnels; les artisans iilentiques
travaillent les uns à côté des autres ou s'unissent dans la résis-
tance; au moment de la guerre, les gens d'un même métier
sont groupés dans un seul cadre; les membres d'une môme
profession comparaissent simultanément devant la justice
comme demandeurs ou défendeurs. Mais, ces premiers fac-
teurs, tout en groupant les intéressés, ne leur «donnent pas
une enveloppe sociale extérieure tangible»: seuls, les «mo-
ments» philanthropique et religieux peuvent avoir ce rôle.
Il y eut, en effet, des confréries de pauvres et surtout reli-
gieuses, des « carités » de divers genres, celles-ci dans les
villes ecclésiastiques, qui se formèrent peu à peu et « grou-
pèrent les artisans 8ans de vraies sociétés», dans lesquelles
nous découvrons les germes de la future corporation.
M. Des Marez a publié une très neuve et très intéressante
étude. Sa thèse de la nécessité de recherches régionales est
juste: replaçons les corporations, si on veut les comprendre,
dans le milieu local ou teri itorial auquel elles appartiennent,
où elles sont nées et se sont formées, sans e~sayer de les ex-
pliquer exclusivement par des textes juridiques généraux,
beaucoup trop éloignés d'elles en principe à tous égards, dans
l'ordre du temps comme ilans celui de l'espace, ei qui peuvent
n'avoir rien à faire avec ces organismes très déterminéi?. Dans
ce but, l'auteur a su très habilement trouver des faits disper-
538 COMPTES RENDUS
ses dans l'ensemble du territoire qu'il a choisi, les réunir, les
classer, les utiliser et en tirer des conclusions fort ingé-
nieuses. Sa tâche était d'autant plus malaisée qu'il a dû parfois
faire appel à des documents postérieurs à la période étudiée
par lui, d'où il fallait savoir «dégager les traces obscures d'un
état antérieur». Aussi, ce mémoire forme- t-il certainement
une très utile contribution à la partie la plus difficile de cette
histoire des corpoi-ations, si peu connue encore et si défor-
mée : l'auteur de ce compte rendu tient à lui rendre d'autant
plus hommage que M. Des Marez a cherché à tirer de certains
textes dont 11 a été autrefois l'éditeur, un parti auquel il
n'avait pas toujours personnellement songé (^). Clairement et
aisément écrite, cette étude se lit donc avec un réel intérêt et
un véritable profit.
Les quelques lignes qui suivent concernent deux ou trois
points de détail, relatifs à des villes de la région française
considérée.
M. Des Marez a parfaitement raison d'observer que tous les
«facteurs de la concentration corporative», énumérés et étu-
diés par lui, n'ont pas une égale valeur et qu'on peut, sinon
qu'on doit, les séparer en deux groupes: les facteurs non phi-
lanthropiques et religieux et ces derniers. On peut citer ainsi
des villes de la Flandre française dans lesquelles les mar-
chands et les industriels ont été, soit répartis par professions
dans un ^eul marché ou une halle unique, ou même groupés
par métiers dans des lieux de vente ou des entrepôts, parti-
culiers ou séparés, sans que jamais cette «spécialisation» ou
ce « sectionnement local » aient correspondu à la formation et
à l'existence de corporations {^). Ou encore, si les «tonsores
pannorum » d'Arras, du milieu du xir siècle, qui, en vertu de
leur redevance religieuse, obligatoire, tixe et annuelle, à une
église locale, formaient peut-être déjà à cette époque un
embryon de confrérie, sont devenus, dès le début de la période
suivante, une confrérie-corporation, militaire, judiciaire et
financière, parfaitement et complètement organisée (^), et qui,
à ce degré de développement, n'a peut-être pas d'égale dans
(') Voy. La vie urbaine de Douai ; U, llJl.3.
(?) Voy. Douai, II, 232-246.
P) EspiNAS-PiMENNE, Recueil de doc. relatifs à l'histoire de l'industrie dra-
pière en Flandre, l, n° 90, p. 2 lit.
COMPTES RENDUS 539
toute la Flandre française. les «molendinarii » de Douai de
1198, appelés comme témoins à un acte de juridiction gra-
cieuse concernant l'un de leurs moulins, ne iorment au xiii'
et au xiv« siècle qu'un corps pourvu d'une vie corporative
presque uniquement judiciaire, donc assez restreinte, sans
oublier, on le verra, une origine et une nature très spé-
ciales (^); puis, les tisserands d'Arras qui, en 1236, ont une
«tente» de gueire, constituent peut-être..., probablement...,
certainement..., une corporation, du moins à titre militaire,
mais on n'en sait absolument rien; et enfin les teinturiers de
Douai encore qui, en 1230, doivent comparaître comme défen-
deurs devant un tribunal pour soutenir un procès contre la
collégiale Saint-Amé, ne formèrent sans doute jamais une
union professionnelle. Ainsi, de ces quatre derniers exemples,
si on met à part le premier qui, concernant les tondeurs,
est tout à fait probant, on voit que les autres, et deux d'entre
eux appartiennent au plein xiii*' siècle, bien qu'ils soient en
apparence identiques, ne sont pas en réalité d'égale valeur:
dans trois groupements cités, réunis par une association
momentanée, sortit peut-être de l'un une corporation et de
l'autre une union restreinte, n ais du troisième il ne vint cer-
tainement rien.
Nous n'avons bien entendu nullement l'intention d'attaquer
ainsi la force et l'action du principe émis j)ar M. Des Marez:
deux ou trois exemples de moins n'enlèvent rien à la bonté de
sa thèse et à l'intérêt de son développement. Nous voudrions
seulement attirer l'attention sur une question de méthode. Le
principe de l'entr'aide, trouvé et formulé par M. Des Marez,
en raison de sa généralité et de sa rigueur, atteint une réelle
valeur sociologique; on peut l'énoncer ainsi avec l'auteur:
«toute corporation se manifeste d'abord sous la forme de
l'entr'aide». Il est parfaitement juste en soi; mais, on n'en
saurait cependant conclure que toutes les fois qu'une pluralité
de travailleurs agissent simultanément, à titres commerciaux,
industriels etc., et forment ainsi un gi'oupement économique,
il faut voir dans ces agissements une application du principe
en question; en d'autres termes, toutes ses manifestations
apparentes n'en sont pas une application réelle, ou, si l'on
(') Douai, Il,:il3 p.
540 COMPTES RENDUS
préfère encore, toutes n'ont pas la même valeur historique .
dans certains cas, les membres d'un métier groupé agissent
bien «ut universitas », mais, dans d'autres, ils se conduisent
simplement « ut universi». On doit en somme sous-entendre
ceci: l'entr'aide sociale précède la corporation juridique et
l'engendre, quand le simple groupement original, chez lequel
elle se manifeste et agit, renferme les germes <\q cette future
corporation et est destiné à la former, mais elle ne la déter-
mine et ne l'amène pas forcément: il peut se produire entre
les deux phénomènes un rapport de cause à effet, accidentel
et contingent, mais il n'existe pas une relation de même
nature, générale et nécessaire. Bref, les valeurs juridiques
apparentes de tous ces faits sont identiques, mais leurs valeurs
sociales réelles sont inégales: une même semence juridique,
celle de l'entr'aide, tombe dans des terrains sociaux différents
et produit des résultats dissemblables. Et si nous prenons la
liberté d'émettre cette réflexion, c'est précisément parce que
nul plus que nous n'est partisan des rapports de la sociologie
et de l'histoire, et ne croit davantage qu'elles doivent mar-
cher conjointement et s'appuyer l'une sur l'autre: l'histoire
précisera la sociologie et la sociologie élargira l'histoire.
Seulement, les principes sociologiques ne peuvent et ne sau-
raient être établis que grâce à des faits historiques absolument
appropriés, sinon trop d'historiens, qui ne comprennent au-
cunement l'intérêt particulier que présente l'union des deux
sciences, qui sont même opposés à leur alliance, ne trouve-
ront ainsi que des prétextes pour les séparer et les désunir,
au plus grand dommage de l'une et de l'autre.
Le milieu des villes, avons-nous dit, est «nouveau» et les
corporations, en étant nées et en étant sorties^ ne peuvent
être également que des organes nouveaux. Mais, dans l'en-
semble de la ville, ce qui est nouveau en réalité, c'est le seul
« portus » : or, il n'est pas toute la cité, car il a été précédé et
il reste accompagné d'un élément, qui n'est pas précisément
anti-urbain, mais qui est préurbain et qui du moins peut être
dit «a[n]-urbain» ; c'est le «castrum» public. Ce milieu a-t-il
engendré des corporations? Peut-on le négliger de parti-pris
ou faut-il l'étudier également? M. Des Marez ne se pose pour
ainsi dire pas la question, parce que sans doute il la croit
inutile et résolue d'avance : il a simplement énoncé, nous
COMPTES RENDUS 541
l'avons remarqué, que ce mouvement originel de l'entr'aide
« s'accomi)lit en dehors de toute intervention du pouvoir
public ». Cependant, ce problème a en somme déjà été étudié
avant lui : on connaît, en efïet, la théorie de Keutgen sur l'ori-
gine publique et administrative des unions professionnelles,
qui émaneraient d' «officia, Aemter» publics (*). Cette tiiése a
été déclarée insoutenable (-): tout au plus, a-t-on dit, serait-elle
admissible pour les vieilles cités épiscopales rhénanes, où a
subsisté plus ou moins l'application du «Capitulare de Villis»
et d'autres ordonnances analogues, mais à la réserve expresse
des villes semi-neuves marchandes de la plaine flamande.
Nous nou- permettrons cependant d'observer, en nous excu-
sant de rappeler des recherches {)ersonnelles, que dans Tune
des cinq grandes villes de Flandre précisément, celle de
Douai, nous croyons bien avoir trouvé deux exemples
d'unions professionnelles remontant jusqu'au «castrum» pré-
urbain, public et officiel, d'origine publique et de provenance
administrative, par conséquent, et dont les premiers membres
furent certainement de véi'itables fonctionnaires publics, bien
que ces corps, au cours des temps, se féodalisérent, puis s'ur-
banisèrent successivement : l'un de ces exemples concerne
précisément les «molendinarii» cités plus haut, dans un acte
de mutation immobilière, à propos duquel ils paraissent avoir
eu avant tout un rôle administratif. Ajoutons même en pas-
sant que dans un centre tout différent des villes post-carolin-
giennes flamandes, la cité épiscopale publique de Chartres, on
paraît également trouver, chez les « tabernarii» locaux, un
troisième exemple de corporation d'origine publique {^). Ren-
contrerait-on encore d'autres cas de ce genre? Quoi qu'il on
soit, si même les opinions précédentes ne sont données qu'à
titre un p^-u conjectural, nous attendons du moins leur réfu-
tation ; et si, dans la ville de Douai en particulier, d'autres cor-
porations ont certainement eu une origine urbaine nouvelle,
nous ne pouvons que maintenir, jusqu'à preuve du contraire.
(1) Aeynter und Ziinftc. Ziir Ertlsli'lturifj des Ziinflwrscits. Jeua, l'JO;J.
{-) llistorische Viertelja/usr/iriff, fflOi ; Revue Higlurii/rte. I. 00, lîlOT.
(•*) C R. de l'ouvrage de G. Aclocoik. Les corporations, l'industrie et le
commcrve à Chartres du XI*^ siècle à la Hèvolution, dans / -' M^i/r» Ai/f.
1918, p. 10t.
(4) Douai, II, ()-2.3.
542
COMPTES RENDUS
ce que nous avons écrit ;iu sujet de cette dualité de formation
des associations, il y aura bientôt une dizaine d'années :
«les sociétés [professionnelles douaisiennes] sont aussi bien
le produit de l'état préurbain que de l'état urbain. Deux
sources contribuèrent à former le courant [unioniste]: ce
furent le milieu public comme le milieu bourgeois. Les habi-
tants du «castrum» ancien contribuèrent à créer les unions
presque autant que les résidents du «portus» nouveau.
... Les institutions corporatives ne sont pas une représentation
propre au régime urbain: on peut dire au contraire qu'ex-
ception faite de l'élément religieux, mais non bien entendu
de son influence, les divers organismes locaux, qui contri-
buèrent à constituer l'agglomération, eurent successivement
leur rôle dans cette formation d'ordre collectif, et que les plus
anciens ou les plus indirects ne furent pas les moins influents.»
Ainsi, sans remonter jusqu'aux ordonnances carolingiennes,
peut-être ne faut-il pas négliger absolument, dans l'étude des
origines corporatives, le milieu immédiatement préurbain et
aussi «anurbain», et doit-on ajouter aux différents facteurs
énumérés un facteur administratif, à moins que ce ne soit une
forme ou un élément d'un facteur politique que l'auteur s'est
contenté de citer sans en donner d'exemples, en raison de sa
valeur secondaire.
Il n'y a rien de plus utile que les considérations d'ensemble
de M. Des Marez pour permettre aux auteurs de mono-
graphies de fructifier, de «généraliser» leurs recherches
locales ou territoriales. Mais, il est indispensable que ces
exposés généraux soient également complétés par des études
d'une application géographique restreinte absolument sérieu-
ses. Celles-ci, à vrai dire, sont des plus rares. Dans la région
française du Nord, le livre «classique» de Giry sur Saint-
Omer ne contient en somme rien sur les corporations audo-
maroises (^), qui paraissent d'ailleurs avoir été fort peu
nombreuses. Aussi, ce que l'on peut dire de plus certain jus-
qu'à présent sur les unions professionnelles du territoire
flamand français se réduit-il à quelques remarques générales
que nous ne donnons même qu'à titre hjqjothétique. Une
réflexion préalable s'impose d'abord, d'ordre chronologique.
(') Voy., à lextrême rigueur, 341-34i et non sans erreurs.
COMPTES RENDUS 543
C'est que, sans entrer dans les détails, les villes de cette
région semblent être arrivées plus rapidement, sinon à leur
formation, du moins à leur apogée, que les centres de la
région belge: on s'expliquera naturellement cette diderence,
si on remarque que la civilisation se dirigea du sud au nord.
Observons simplement que le premier ban sur la draperie est
à Douai de r229 [^) et à Ypres d'au moins 1207 (~) : cette sépa-
ration de plus d'un tiers de siècle ne signifie pas sans doute
que l'économie lainière fit son apparition dans la seconde
ville plus tard que dans la première, mais (ju'elle s'y déve-
loppa moins vite. Mais, comme la grandeur, la décadence
également fut plus rapide. En effet, les grands centres fran-
çais atteignirent certainement leur point culminant au
XIII® siècle, mais, après les guerres de Philippe le Bel, ces
places économiques, «fondées sur le fait de [la] draperie» (^i,
qui était leur «vie» C*), par la chute de l'industrie lainière
entrèrent en décadence et devinrent des sortes de villes mortes,
au contraire de leurs voisines dun ord alors à l'apogée.
Or, si le développement proprement économique, industriel
ou commercial, ne parait pas être nécessairement la cause ou
le corollaire de la formation unioniste sociale, si môme la
force des métiers drapiers était peut-être pour le patriciat
dirigeant de certaines villes une raison politique de s'opposer
à la création des associations, les corporations n'ont guère de
raison de naître ou de fleurir sur un terrain plus ou moins
vide d'activité réelle. En outre, comme les unions accom-
pagnent bien plutôt la seconde partie du Moyen-Age que le
début ou le milieu de cette période, on s'expliquerait que
n'étant nées que très relativement aux xii^et xiii® siècles pour
des raisons chronologiques, — les temps n'étant pas révolus — ,
elles ne se formèrent plus davantage aux siècles suivants pour
des motifs économiques et le résultat d'ensemble très carac-
téristique de toutes ces causes fut le petit nombre des corpo-
rations. Ce qui confirmerait indirectement cette manière de
voir, c'est qu'à Douai, ville pour laquelle nous possédons la
somme de renseignements la plus considérable, à l'extrême
(1) EspiN.vs-PiiiENNE, Recueil, H, 19.
(2) Recueil, III, i4l, sq.
{•*) Ordonnances des rois de France, IX, .j."?G.
{*) Recueil, 1, ()-2i, 81»«.
544
COMPTES RENDUS
fin du XIV* siècle, nous arrivons à constater (^j, dans les
métiers non drapiers et même drapiers, quelque développe-
ment, sinon corporatif, du moins confraternel : l'action
associationniste, en se généralisant, avait fini par se faire sen-
tir, même sur des terrains peu favorables, très tardivement
et sous des formes embryonnaires et secondaires. Dans l'en-
semble, autant qu'on peut s'en rendre compte, le mouvement
corporatif dans la région flamande française, jusqu'au début
du XV* siècle, paraît avoir présenté, pour caractéristiques
essentielles, des origines publiques comme urbaines, des fac-
teurs administratifs aussi bien que sociaux, une apparition
récente, un développement restreint: en somme, il est resté
effacé, timide, pour des causes tenant peut-être à l'époque
considérée, non moins qu'à l'état économique et à la politique
urbaine, l'un et l'autre peu favorables à son expansion.
Quant aux points de détails, ils demeureront sans doute sou-
vent obscurs. Pour quel motif par exemple, dans la draperie, à
Douai, n'y eut-il jamais de corporation proprement dite ? Pour
quel motif, à Arras, les pacifiques tondeurs, dés le début du
XIII'' siècle, nous donnent-ils l'exemple le plus achevé d'union
professionnelle de la Flandre, alors que les puissants et
remuants foulons, dans la période séculaire suivante, en sont
restés encore à la période de l'entr'aide? Pour quel motif
enfin, à Arras encore, ces mêmes tondeurs sont-ils arrivés
seuls à une organisation corporative, tandis qu'à Saint-Omer
on peut leur adjoindre les tisserands et les foulons? Autant
de questions qui ne comportent pas de réponses directes et
pour lesquelles beaucoup d'hypothèses sont permises. Cer-
taines causes locales nous échapperont peut-être toujours, et
du moins ne peut-on essayer de résoudre ces difficultés que
par des études locales encore, qui seront aussi approfondies
que possible. Souhaitons donc de voir surgir un grand nombre
de travaux particuliers sur les corporations, mais dont les
auteurs sauront en même temps s'inspirer de la suggestive
étude de M. Des Marez.
Georges Espinas.
(^) Douai, II, ri84 sq.
COMPTES RENDUS 345
Eduard Fueter. Geschichte des Europâi.schen Staatensyste/t/s
coii 1492 bis 1550. Munich et Berlin, éd. R. Olden-
burg, 1919, in-S», xxi-843 p. (Handbuch der M ittelalter li-
chen und Neueren Geschichte de von Below et Meinegke).
L'ouvrage du savant professeur de Zurich ne s'impose pas
uniquement à notre attention par l'importance du sujet, mais
encolle et surtout par l'originalité de la méthode qu'a suivie
l'auteur.
M. Fueter s'est proposé d'étudier les transformations du
système politique européen de 1492 à 1559 : ces transforma-
tions il les groupe toutes autour d'un problème central
unique : la lutte pour la suprématie en Italie.
Mais les péripéties mêmes de la lutte il ne les retracera
qu'après avoir, dans une première partie de son ouvrage,
étudié les éléments du conflit.
Cette première partie est de beaucoup la plus intéressante
et la plus neuve du livre. Nous dirons plus loin les grandes
qualités de la seconde partie; mais on avait déjà d'excellents
récits des événements qui y sont retracés, notamment un
volume de M. Lemonnier dans V Histoire de France de
M. Lavisse. On ne possède par contre rien de semblable aux
deux cent cinquante premières pages de M. Fueter.
Elles sont précédées par un exposé général des sources et
de la littérature historique que complètent, faisant suite aux
différents chapitres, des notes bibliographiques succinctes
mais où rien d'utile n'est omis. Exposé général et notes per-
mettent de rendre compte de l'ampleur de la documentation
mise en œuvre.
M. Fueter a divisé en deux sections la première partie de
son ouvrage : dans l'une sont étudiées successivement les
institutions et les tendances qui ont exercé leur influence sur
les événements politiques; dans l'auire l'auteur a analysé les
moyens dont disposaient les acteurs du drame.
C'est ainsi que l'on rencontre dans la première section des
données abondantes et précises sur les u facteurs de puis-
sance» {Mac/if/n/ttcl) : diplomatie, transformations de la tac-
tique, de l'armement, de l'organisation des armées, marine,
organisation [)uliti(iue, état économique, courants religieux
et politiques.
35
546 COMPTES RENDUS
On retrouve ces facteurs dans la seconde section, mais cette
fois dans le cadre des divers états, en tant qu'ils constituent
pour ceux-ci des raisons de force ou de faiblesse, ou encore
qu'ils expliquent leurs rapports avec d'autres états.
M. Fueter nous présente ainsi successivement : la France^
l'Espagne, les états habsbourgeois (Héritage bourguignon;
Pay.-i héréditaires d'Autriche, Allemagne), Venise, l'empire
Ottoman, l'Angleterre, les petits états italiens (Milan, Flo-
rence, Etats de l'Eglise, Naples et Sicile, Gênes, Savoie) et la
Suisse.
Toute cette première partie fourmille d'aperçus originaux,
de données intéressantes. Nous nous bornerons à attirer
l'attention sur les pages qui nous ont paru les plus remar-
quables : celles où il est traité de la réforme de l'infanterie
(p. 9-17), de la marine en général (p. 24-34), des armées
françaises (p. 58-62), espagnole (p. 90-93), autrichienne
(p. 119-123), celles surtout où l'auteur analyse avec tant de
pénétration la politique anti française et anti- vénitienne des
Habsbourg en Italie (p. 141-149). Mais ce qu il y a certes de
plus nouveau dans le volume de M. Fueter, c'est l'importance
qu'il attache aux facteurs économiques qui ont agi sur la
politique des divers états : il faut lire notamment l'exposé
consacré aux relations entre l'Espagne et l'Italie méridionale
(p. 96-98); on y voit avec une lumineuse clarté comment la
politique espagnole tendant à s'assurer la possession de
l'Italie méridionale, fut déterminée par la nécessité pour
l'Espagne pauvre en céréales, de disposer des riches mois-
sons (le blé de la Sicile. Il faut lire aussi les pages où appa-
raît l'influence (|u'exerça sur la politique vénitienne, l'état
de dépendance où se trouvait Venise vis-à-vis de la Turquie
et de la Sicile quant au blé et à la viande (p. 158-159, 166-17L),
172-173)
La deuxième partie de l'ouvrage de M. Fueter (p. 249-32S)
se recommande par les mêmes qualités de clarté et d'érudi-
tion que la première. Grâce aux exposés qui ont précédé on
y suit avec une étonnante facilité la succession des événe-
ments, à une période de l'histoire où cependant leur compli-
cation est extrême On en jugera, par exemple, en lisant le
chapitre traitant de la Guerre de la Ligue de Cambrai et de
ses suites (p. 268-282).
COMPTES RENDUS 547
Rompant ouvertement avec les traditions de l'écoln « indi-
vidualiste », M. Fueter ne fait pas du tout intervenir les
personnalités dans les événements. Pour lui, ce sont les
gouvernements qui agissent, non point tel souverain, tel
ministre : dans les décisions politiques, il voit surtout des
compromis entre les conceptions de personnalités diverses.
On ne s'étonnera donc point de ne pas rencontrer chez lui des
portraits psychologiques de Maximilien, de Louis XII, de
François I*% de Chai'les-Quint.
Peut-être y a-l-il même un certain déterminisme dans la
conception historique de M Fueter. Sa méthode rappelle
mutatis nmtandis celle d'un problème d'arithmétique, la
première partie de l'ouvrage contiendrait les données, la
seconde la solution. Mais c'est là peut-être plutôt une analogie
de fond que de forme.
Quoiqu'il en soit, quiconque se proposera d'étudier l'his-
toire politique du xv!*" siècle ne pourra se passer désormais
de l'excellent ouvrage de M. Fueter.
François L. Ganshof.
H. Pirenne. Histoire de Belgique. Y. La fin du régime espagnol,
le régime autrichien, la révolution brabançonne et la
révolution liégeoise. Bruxelles, Lamertin, 1920-1921, in-8°,
xiii-584 p.
L'œuvre de notre historien national se poursuit avec une
étonnante rapidité : le tome 1 est daté de 1900; deux ans
après paraissait le tome II, en 1907 le tome 111 et en 1911 le
tome IV. Sans la guerre, le tome V aurait été imprimé
certainement au cours de l'année J915 et, en ce moment,
la Revue aurait eu à rendre compte, très probablement,
du tome VI. La rédaction du présent volume avait été
commencée, en effet, peu de temps avant l'envahissement du
pays par les armées allemandes. Elle était achevée le 11 no-
vembre 1915. L'élaboration générale du plan est certainement
antérieure au début de la guerre; les grandes lignes en ont
été arrêtées avant le mois d'août 1914, de sorte qu'il s'agit
vraiment d'un travail d'avant-guerre. Seules, la dédicace et
la préface révèlent au lecteur les circonstances à la fois dou-
548 COMPTES RENDUS
loureuses et glorieuses qui ont retardé l'apparition de ce
livre : le drame de l'Yser frappa lauteur dans une de ses
affections les plus chères; son fils Pierre tomba le 3 novem-
bre 1914 pour la patrie, désormais complètement indépendante,
dégagée des liens de la neutralité illusoire qui l'enserraient
depuis 1831.
De toutes les périodes de l'histoire nationale, celle qu'em-
brasse ce volume est certes la plus ingrate. Elle s'ouvre, en
effet, pai' les cinquante dernières années du régime espagnol,
c'est-à-dire par une véritable crise de dissolution, au cours de
laquelle les Pays-Bas méridionaux perdent pour ainsi dire
conscience de leur existence collective. La guerre de la
Succession d'Espagne les transforme en Etat-barrière et les
fait passer des Habsbourgs d'Espagne aux Habsbourgs d'Au-
triche, qui, tout comme les pi'emiers, les sacrifient entièrement
à leurs intérêts dynastiques. D'autre pai't, le pays de Liège
s'i-sole et se singularise toujours davantage, et tend à former
une petite Belgique enclavée dans la grande : tandis que,
économiquement, il s'oriente vers la Hollande, politiquement
il se rapproche de plus en plus de la France, accentuant ainsi
les contrastes avec la masse des Pays-Bas méridionaux, livrés
aux attaques incessantes de ces deux puissances. C'est
seulement à la fin du xviii* siècle que les destinées des
deux parties constitutives de la Belgique contemporaine sont
de nouveau confondues, mais il faudra attendre 1815 pour
voir se reproduire une communauté politique rappelant, dans
une certaine mesure, la Belgique bourguignonne, et 1830
pour assister à une sorte de renaissance de la tradition
médiévale et au réveil définitif de la patrie belge.
La période qui s'étend de 1648 à 1789 constitue donc une
véritable transition, le sort des provinces belges étant com-
plètement lié ;"i celui de « l'équil bre européen ».
L'un des principaux mérites de l'auteur est d'avoir montré
les répercussions de la politique européenne sur le dévelop-
pement de la Belgique, mais l'intérêt de son ouvrage résille
sui'tout dans les larges perspectives qu'il ouvre sur l'histoire
économique et sociale, ainsi que sur l'histoire morale et intel-
lectuelle des provinces belges pendant cette crise d'atonie
politique qui sévit pendant un siècle et demi. L'étude de ces
phénomènes était d'autant ])lus malaisée que les sources n'ont
COMPTES RENDUS 549
guère été explorées jusqu'à présent et que les travaux
d'approche, les nionogi'aphies, font pour ainsi dire entièrement
défaut. L'auteur n'a eu à sa disposition qu'un nombre relati-
vement restreint de textes imprimés et a dû recourir parfois
à des manuscrits épai's dans nos dépôts d'ai'chives et nos
bibliothèques. Il est parvenu, toutefois, grâce à une critique
pénétrante et à une interprétation plus large et plus com-
préhensive, à renouveler complètement la trame même de
l'histoire nationale : il montre, entre autres, l'influence sou-
vent prépondérante des facteurs économiques dans l'évolution
des Pays-Bas méridionaux comme dans celle de la principauté
de Liège et les contrastes qui en résultent entre ces deux
entités politiques. 11 caractérise les diverses phases du déve-
loppement constitutionnel, et particulièrement les vicis-itudes
qu'il a subies au cours des guerres européennes dont notre
teri'itoire a été le théâtre. Parmi les pages les plus instruc-
tives du début du livre, on remarquera celles qui se rapportent
au (c régime anjouin » et au rôle joué, au début de la guerre
de la Succession d'Espagne, par Bergejxk, qui montra les
qualités d'un véritable organisateur.
Mais, ce qui intéresse davantage encore, ce sont les parties
de I ouvrage consacrées à l'un des seuls ordres de faits où a
pu se manifester l'activité nationale : le mouvement religieux.
Pour la première fois, le rôle joué par le jansénisme est mis
pleinement en lumière et on constate l'importance de la lutte
qui éclata au xviii' siècle entre le despotisme éclairé et
l'ultramontanisme. On y discerne plusieurs des facteurs
essentiels qm ont déterminé la psychologie de la Belgique
contemporaine.
Durant toute cette période, la personnalité de la Belgique
dans le domaine intellectuel et artistique est allée en s'atté-
nuant. L'auteur aurait pu cependant relever les indices
encore nombreux de la persistance de traditions artistiques
vivaces dans la seconde moitié du xvii« siècle, spécialement
en ce qui concerne l'école de sculpture.
Le régime autrichien ne parvint pas, malgré ses tendances
absolutistes et centralisatrices, à détruire l'autonoiuie des
Pays-Bas méridionaux L'auteur consacre tout un chapitre à
montrer comment il s'établit : il explique les difficultés qu'en-
traînèrent l'exécution du traité de la Barrière et l'installation
550 COMPTES RENDUS
de l'absolutisme autrichien. La maison d'Autriche ne visa
qu'à exploiter le pays, et, si elle s'eiforça de le mettre en
valeur, ce n'est que dans le but de l'échanger à la première
occasion aux meilleures conditions possibles. D'ailleurs, elle
mit par dessus tout ses intérêts dynastiques et leur sacrifia
notamment la Compagnie d'Ostende L'auteur donne des
détails nouveaux ou peu connus sur le gouvernement de
Marie-Elisabeth, sœur de Charles VI, l'organisation de sa
Cour à Bruxelles, la politique ecclésiastique qui aboutit à la
disparition du jansénisme.
Le demi-siécle compris entre la mort de Charles VI (1740)
et la bataille de Jemappes fut une période de sécurité et de
renaissance : le sentiment de l'autonomie nationale se fortifie
à mesure que le « despotisme éclairé » de Marie-Thérèse et
de Joseph II prétend subordonner le pays à l'Autriche. Les
Etats de Brabant, avec leur constitution écrite, donnent
l'exemple de la résistance au gouvernement policier et
bureaucratique et Bruxelles devient, dans toute la force du
terme, le centre de la vie politique du pays.
Au sujet du relèvement économique qui caractérise la
seconde moitié du xviir siècle, Fauteur fournit une foule de
données nouvelles, qui prouvent que ce relèvement fut assez
rapidement arrêté : ce ne sont que les industries tradition-
nelles, déterminées par les produits du sol, qui présentèrent
une certaine activité, et l'agriculture presque seule profita de
cette longue période de paix. Dans les domaines intellectuel
et religieux, le despotisme éclairé exerça une influence
décisive, qui se prolongea au-delà de l'ancien régime.
L'auteur passe alors à l'histoire du pays de Liège au
xviii* siècle. A vrai dire, ce pays n'a jamais connu de régiti e
autrichien, de même qu'il n'a jamais connu de régime espa-
gnol. Ses princes ont suivi une politique essentiellement
française, anti-autrichienne, et l'Etat liégeois garda, malgré
les progrès de l'absolutisme, des traditions républicaines. Ce
chapitre compte parmi les plus suggestifs de tout le livre : on
y voit le développement d'une véritable révolution industrielle,
particulièrement dans la région de Liège et de Verviers, la
lutte de tarifs avec les Pays-Bas autrichiens, et les t>rogrès de
l'influence française, se produisant entre autres par la propa-
gande philosophique.
COMPTES RENDIS 551
L'auteur souligne l'importance des deux épisodes qui ter-
minent l'ancien régime : la révolution brabançonne et la
révolution liégeoise. Il insiste, avec raison, sur les différences
qui les distinguent, mais il note également leurs points de
contact : il montre entre autres les liens qui les rattachent au
début aux événements de France. La révolution brabançonne
tourna toutefois à la réaction et au « cléricalisme », tandis
que la révolution liégeoise fut essentiellement progressiste,
égalitaire et laïque.
On croyait connaître les grandes lignes de ces deux mouve-
ments. L'auteur les montre sous un aspect tout différent de
celui qu'ils présentaient Jusqu'ici : il nous fait mieux saisir
entre autres la signification et la portée des réformes de
Joseph n, dont il exagère cependant les défauts et les mala-
dresses. Le portrait qu'il nous fait de l'empereur philosophe
est trop poussé au noir : il va jusqu'à le comparer à Phi-
lippe IL Les analogies entre les deux monarques se réduisent
en somme à leurs tendances absolutistes; en dehors de cela,
ils n'ont rien de commun. Leurs objectifs et leurs procédés
sont tout à fait différents : on se rappellera que les violences
de d'Alton ont été absolument et immédiatement réprouvées
par .Joseph II, tandis que celles du d'Albe ont été concertées
d'avance avec celui-ci par le roi catholique. Quoi qu'il en soit,
les conclusions si originales et si instructives de ces derniers
chapitres fourniront aux historiens de l'avenir le point de
départ de recherches qui ne manqueront pas d'être très fruc-
tueuses, car cette époque compte parmi les plus intéressantes
de notre passé national et les sources, très nombreuses, n'en
ont encore été explorées et mises à profit que très imparfaite-
ment.
L'allure générale du volume est plus concentrée et plus
synthétique que celle de ses devanciers : il en résulte que la
personnalité même de l'auteur s'y révèle davantage; c'est le
cas surtout pour les résumés si utiles qui précèdent les lïrandes
divisions de l'ouvrage. Comme ces bijoux en mosaïque qui
constituent des réductions de grandes peintures, ils marquent,
en quelques touches sobres et vigoureuses, les traits dominants
des différents chapitres ; ils négligent nécessairement les
nuances, les demi-teintes, que l'on trouvera dans le corps
même du livre. Partout d'ailleurs, aussi bien dans les croquis
552 COMPTES RENDUS
synthétiques que dans les tabteaux descriptifs, souvent très
fouillés, s'affirmentles préoccupations scientifiques de l'auteur,
sa haute probité et sa scrupuleuse conscience. S'il a cru devoir
conserver les cadres traditionnels pour certaines parties de la
période qu'il a étudiée, il n'en est pas moins vrai qu'il présente
la suite même des événements sous un jour complètement
nouveau et qu'il est resté toujours attentif au précepte si heu-
reusement formulé par Taine : « L'historien appartient aux
faits; tant pis où ils le mènent. ))
H. Vander Linden.
Comte Louis de Lichtervelde, Le Congrès yiational de 1830^
études et portraits. Bruxelles, Dewit, 1922, in-12, xiii-
255 p.
Le recul indispensable pour pouvoir juger sainement les
événements dans lesquels les passions politiques ont joué le
rôle principal nous permet enfin d'envisager sous leur véri-
table jour l'état d'esprit, les tendances et les aspirations de nos
pères, au lendemain de la révolution de 1830.
Aussi le travail du comte do Lichtervelde différe-t-il abso-
lument, au point de vue du fond et de la forme, des œuvres
des écrivains officiels qui, à commencer par Théodore Juste,
se firent les apologistes des fondateurs de notre indépendance,
ne mettant en relief que leurs incontestables qualités et les
services rendus au pays et gardant un prudent silence sur
leurs défauts et leurs fautes, souvent irréparables.
Au moyen d'une documentation sérieuse, utilisant à la fois
les sources et les travaux modernes, l'auteur a retracé
l'œuvre de notre Congrès national en nous permettant de la
mieux comprendre par l'étude de la psychologie de certaines
catéiïories sociales et des principaux individus qui y jouèrent
un rôle déterminant. Ce travail consciencieux abonde en
aperçu nouveaux, scrupuleusement objectifs, et même cer-
tains aspects de notre révolution y sont étudiés pour la pre-
mière fois d'une façon rationnelle.
C'est ainsi que le comte de Lichtervelde consacre un cha-
pitre tout entier aux élections du 3 novembre 1830, dont l'im-
portance primordiale n'avait jamais été suffisamment mise en
relief par les historiens. Il nous fait assister à ce que l'on
COMPTES RENDUS 553
appelle de nos jours la cuisine électorale : convocation des
électeurs, conditions de l'électorat, détail des opérations du
scrutin, attitude des électeurs et des candidats, caractère de
la lutte, nombre des votants, etc. Il commente ensuite fort
judicieusement les résultats de ces élections : l'écrasement
des Orangistes, en dépit de la force réelle qu'ils avaient con-
servée dans certaines villes et dans certains milieux ; le
succès des personnalités connues depuis longtemps, l'empor-
tant, presque partout, sur celles mises sur le pavois par les
événements révolutionnaires; la fusion de tous les éléments
qui avaient lutté contre le gouvernement déchu ; le triomphe
de l'opinion modérée sur les démagogues à la De Potter.
L'auteur insiste enfin sur le caractère admirablement repré-
sentatif du Congrès national qui, bien qu'élu par 30,000 élec-
teurs à peine, représentait parfaitement la volonté de la
nation, exprimée par les 400,000 pétitionnaire-^ de 1829.
Le comte de Lichtervelde s'edorce ensuite de résoudre le
problème tant de fois agité : « Quel fut au Congrès national
le parti dominant? Qui des catholiques et des libéraux a pu se
flatter de former la majorité? » Après avoir fort judicieuse-
ment discuté des témoignages contradictoires des contempo-
rains et analysé les votes de l'assemblée, il conclut que catho-
liques et libéraux étaient en nombre sensiblement égal au
Congrès et que la majorité était formée, tantôt dans un sens,
tantôt dans l'autre, par uti tiers environ des députés qui
échappaient à une classification précise et, à défaut d'autres
vocables, devaient être qualifiés d'unionistes. Les tendances et
les sympathies de ce groupe sont très clairement étudiées. De
même, l'auteur réduit à leur véritable importance le parti
orangiste et le parti français et insiste sur ce point particu-
lièrement intéressant que « à mesure que la situation diploma-
tique se compl quait davantage, on vit au Congrès la ligne de
démarcation entre les partis devenir de moins en moins
nette ». Les problèmes nationaux concentrèrent, lattention et
rejetèrent au second plan les divergences de vues qui sépa-
raient les hommes de droite des hommes de gauche.
Deux chapitres sont consacrés au rôle joué au Congrès par
deux classes sociales que l'on eût pu croire imbues des idées
politiques et religieuses de l'ancien régime : la noblesse et le
clergé. A très juste titre, l'auteur insiste, une fois de plus, sur
554 COMPTES RENDUS
les différences trop ignorées du grand public qui séparaient
nos anciennes institutions de celles de la monarchie française
et montre comment, au Congrès, les nobles et les ecclé-
siastiques surent comprendre les exigences de leur temps et
firent preuve, en toute matière, d'un esprit large et tolérant.
L'auteur aborde les grands problèmes relatifs à la politique
internationale dans les chapitres intitulés : le Congrès tt
V Angleterre et le Congrès et la Défense nationale. Avec
raison, il n'hésite pas à écrire que « la plus grave erreur que
l'on puisse reprocher aux hommes de 1830, c'est l'étrange
incompréhension qu'ils eurent de la politique de l'Angle-
terre », et il démontre d'une façon irréfutable tout ce que nous
coûta, au point de vue diplomatique, la faute commise par
notre gouvernement en cherchant du côté de la France un
appui exclusif. Ces pages seraient utiles à lire pour beaucoup
de nos politiciens d'aujourd'hui ! De même, la singulière
inconséquence des membres du Congrès national, qui s'ima-
ginaient pouvoir tenir tête à l'Europe, tout en négligeant de
doter le pays d'une véritable force militaire, et qui préci-
pitèrent ainsi le pays dans la catastrophe de 1831, est éner-
giquement mise en relief. Là aussi, les pages du comte de
Lichtervelde abondent en précieux enseignements.
Il était cependant au Congrès national un homme qui avait
vu clair et qui avait compris le rôle que notre pajs devait
jouer dans la politique européenne. Cet homme fut Joseph
Lebeau ! Après avoir analysé son caractère, ses idées et son
œuvre et après l'avoir comparé à ses contemporains : Rogier,
Gendebien, Van de Weyer et de Gerlache, le comte de
Lichtervelde n'hésite pas à le proclamer le « grand homme de
la Révolution »; et tout le monde, après la lecture de cette
magistrale étude de psychologie politique, se ralliera à cet
avis.
Enfin un dernier chapitre étudie V unité de la patrie, telle
que le Congrès l'a unanimement proclamée au détriment de
l'ancien particularisme et telle qu'il l'a défendue au cours de
ses travaux.
Ces pages sont à la fois instructives et réconfortantes. Car
le comte de Lichtervelde a su éviter l'écueil auquel se
heurtent trop souvent ceux qui veulent étayer une thèse au
moyen d'arguments d'ordre historique. \\ est toujours resté
COMPTES RENDUS 555
strictement objectif, il a exi)Osé les faits avec clarté et ne
cherche pas à en tirer des conclusions d'une portée exagérée.
La similitude qu'il expose entre la situation internationale de
la Beli^ique en 1R30 et relie de notre pays en 1919 est basée
sur des éléments scientifiquement incontestables, et ainsi il est
parvenu à tirer de notre histoire une judicieuse et utile
leçon.
Cii. Terlinden.
Rafaël Ballester. hibUonrafïa de la li/storia de Kspana. Cutn-
logo metodico y cronolôgico de las fuoites y ohras princi-
pales relatiras a la histor'/a de Espaha desde los ori(/enes
hasta vj'estros dms. Gerona, 1921. Barcelona. Sociedad
gênerai de publicaciones. In-S", xvi-297 p.. pesetas 7.50.
L'auteur de ce manuel bibliographique a pris comme
modèles Monod, Biblionraphie de l'h/stoire de France (1888),
et PiRENNK, Bibliographie de l'histoire de Belgique i2^ édit.,
1902). Son livre est subdivisé de la même manière : une
première partie donne les Collections et ouvrages généraux
(I, Sciences auxiliaires. U, Sources. IH, Etudes historiques
proprement dites [travaux de seconde main]. IV. Périodiques);
une seconde partie est consacrée à V Histoire par époques.
Certaines critiques ont été formulées contre ce plan. On
pourrait en effet prétendre que certains ouvrages classés dans
la première partie seraient m eux à leur place dans la
seconde. Mais Monod, dans sa préfai e (p. ix), avait répondu
d'avance à ces critiques. La classification des ouvrages ne peut
toujours ètie absolument rigoureuse; d'autre part, des renvois
judicieux aident le lecteur dans ses recherches. Au reste,
pareille bibliographie n'est pas une machine à distribution
automatique; elle doit être maniée avec souplesse.
Le choix des ouvrages cités a été fait par M Ballester
selon les principes de ses prédécesseurs. 11 nous donne 1399
numéros, prenant 28U pages; certains titres sont suivis d'indi-
cations complémentaires. Un index de 17 pages, sur deux
colonnes, termine le volume.
Le travail de M. Ballester aura la plus grande utilité; il
sera particulièrement apprécié en Belgique. Il est digne des
556 COMPTES RENDUS
précédents ouvrages du savant professeur, dont la série fut
ouverte par ses Fuentes narratiras de la Histor'ia de Espana
durante la Edad Media [417-1474).
AuG. Vincent.
Henri Berr. L'histoire traditionnelle et la synthèse historique.
Paris, Alcan, 1921, 16% x-146 \). (Bibliothèque de Philo-
sophie contemporaine).
L'histoire a été longtemps considérée comme une œuvre de
littérature. Depuis quelques années la façon dont il faut faire
de l'histoire est devenue l'objet de savantes discussions. Le
directeur de la Revue de synthèse historique réunit dans le
présent volume quatre études. Il passe en revue les formes du
travail historique qui s'opposent à la synthèse, réfute les
objections des historiens traditionalistes à une conception
synthétique de histoire, et précise la notion de synthèse. La
première étude est consacrée à un représentant de l'esprit
d'analj^se, Philippe Tamizey de Larroque, type des prépara-
teurs qui accumulent les documents et s'arrêtent trop au
détail. Les deux études suivantes sont des discussions avec un
historien « historisant », Louis Halphen, et avec un théoricien
de l'histoire « historisante », l'historien roumain A. D. Xènopol.
L'histoire « historisante », provisoirement nécessaire, expose,
explique quelquefois, mais elle regarde tro]) l'histoire comme
une science du « particulier ». Enfin l'auteur étudie l'œuvre
histoi'ique et l'évolution d'un théoricien de l'histoire-science,
Paul Lacomhe. La préoccupation dominante de cet historien
était de donner aux études historiques leur statut de science.
Il élimine l'événement, le fait unique, l'accidentel, pour ne
considérer que l'institutionnel ou les faits généraux de l'his-
toire. Il oppose l'histoire institutionnelle, sociologique, à
l'histoire narrative, événementielle.
Le présent volume constitue un utile complément à la
i>ynthèse en histoire du même auteur. M. Berr nous montre
que la synthèse historique, qui doit se constituer sous la
double forme de la théorie guidant le travail et de la construc-
tion explicative, est la seule forme scientifique de Ihistoire.
G. Van Langendonck.
COMPTES RENDUS 557
Georges Cornil. Droit romain. Aperçu historiqtœ sommaire.
Bruxelles, Impr. niédic. et scientif., 1921, in-8°, 746 p.
L'enseignement du droit romain a subi en ces dernières
années de nouvelles attaques. Mieux que toute discussion aca-
démique, la publication d'œuvres telles que celle de notre
savant collègue peut servir, auprès des esprits réfléchis, à
dissiper les malentendus et les préjugés. La méthode histo-
rique dont s'inspire M. Cornil restitue au droit romain sa phy-
sionomie vivante : et pour ceux — il s'en trouve — qui regret-
teraient la méthode exclusivement juridique de jadis, faut-il
redire que l'exposé d'un système juridique, ancien ou moderne,
dans sa réalité concrète, aura toujours une valf-ur de formation
bien supérieure au jeu brillant et subtil des constructions
abstraites ?
La méthode de l'auteur se marque dès l'abord dans le plan
même de l'ouvrage. La ]M'emière partie est consacrée au
Droit national romain, depuis la fondation de Rome jusque
vers l'an .'^50 av. J.-C, où commence l'ère des grandes
conquêtes. La deuxième partie s'intitule : « Formation et épa-
nouissement (lu Droit classique », et nous mène jusqu'à la fin
du iii^ siècle ap. J.-C. La troisième partie traite du Droit
byzantin. On ne peut que se féliciter de l'importance des iléve-
loppements accordés par M. Cornil à cette dernière période
du Droit romain. Son œuvre contraste à cet égard fort heu-
reusement avec les manuels les plus justement réputés; elle
leur apporte un complément utile, à notre sens, même indis-
pensable. Quant au principe de la division tripartite adoptée
par l'auteur, à l'exemple de MM. Cuq et v. Mayr, il peut, au
point de vue purement didactique, ofîrir quelques inconvé-
nients. Ce n'est point sans motifs que M. Cuq, dans son
Manuel de lîHT, a renoncé à une pareille segmentation
de la matière. Mais il faut convenir qu'elle marque on ne
peut mieux les étapes essentielles de l'évolution juri lique.
Au reste, l'extension exceptionnelle que M. Cornil donne à la
deuxième période (plus de six siècles) contribue dans une très
large mesure à en atténuer les désavantages. L'indicaiiou des
sources (dont on trouvera une table chronologique en fin de
l'ouvrage) est particulièrement riche, aussi complète qu'on le
peut désirer dans un manuel, et révèle partout un ch-ix fort
558 COMPTES RENDUS
judicieux. Mais qu'il nous soit permis de déplorer l'absence
de toute référence bibliographique. On en éprouve d'autant
plus de regrets qu'en toutes matières l'auteur se révèle parfai-
tement au courant des travaux les plus récent:? et en posses-
sion d'une documentation extrêmement étendue. Dans sa trop
modeste préface, M. Cornil se borne à renvoyer aux manuels
de MM. Girard et Cuq; mais ceux-ci ne lui apportent pas tout
le complément désirable, particulièrement pour la période
byzantine. Nous émettons l'espoir de voir combler cette
lacune dans une prochaine édition.
Ces observations générales faites, nous relèverons dans
chacune des trois parties de l'ouvrage quelques points qui ont
surtout attiré notre attention — en nous excusant d'avance
d'un choix forcément arbitraire.
En ce qui conceri«e l'origine des notions fondamentales du
droit des choses, M. Cornil adopte très lai'gement les hypo-
thèses qui les font dériver des conceptions délictuelles. C'est
ainsi que la rindicatio, sanction du droit réel, aurait eu pri-
m tivement le caractère d'une action délictuelle (p. 45). La
notion d'obligation serait apparue avec le système des compo-
sitions volontaires, où le pacte entre la victime et le coupable
aurait engendré le type le plus ancien d'obligation contrac-
tuelle, le régime des compositions légales faisant ensuite sur-
gir l'obligation délictuelle. Combiné avec la distinction entre
l'idée d'engagement (Haftung) et celle de devoir (Schuld), ce
processus est décrit par l'auteur avec une ampleur et une
clarté remarquables (v. aussi Cornil, Mélanges Girard, 1,
p. 199-263). En dépit de la faveur que ces théories ont rencon-
trée, nous ne pouvons dissimuler les hésitations où elles nous
laissent. Ainsi, dans le système des compositions volontaires,
le pacte n'est dans son principe que le rachat du droit de ven-
geance, et non une source d'obligation. Et quant au régim^^
des compositions légales, tout poi'te à croire qu'avant de
fonder une créance au profit de la victime il ne fournit pen-
dant longtemps qu'une faculté légale de rachat pour le cou-
pable. En sorte que, dans le système délictuel lui-même, la
notion d'obligation n'aurait fait qu'une apparition assez tar-
dive, à une époque où rien n'empêche d'admettre l'existence
de conventions étrangères à tout fait délictueux. Si l'on tient
compte, d'autre part, des particulaiités qui distinguent l'obli-
COMPTES RENDUS 55&
gation délictuelle à Tépoque historique, il y a bien quelque
raison de penser que les obligations ex contractu et Genès-
es delicto procèdent, tant au point de vue historique que juri-
dique, de sources parfaitement indépendantes. — A la base du
développement historique de la procédure civile romaine,
l'auteur place résolument une forme d'arbitrage privé (p. 81).
Les témoignages médiocres et d'ailleurs discordants de Denys
d'Halicarnasse et de Gicéron ne sauraient prévaloir contre
cette conception qui seule rend explicables les traits fonda-
mentaux de Vordo iudiciorum privatorum. La position prise
à cet égard par M. Gornil nous parait préférable à celle de
M. Girard (Organisalion judiciaire, p. 22, n° 1, 23), qui
n'admet, pour l'époque royale, le renvoi de l'affaire à un juré
qu'à titre de simple faculté. L'exercice direct de la justice
royale dans les litiges d'ordre privé fut sans doute toujours
considéré comme excédant les limites de Vimperium leyiti-
mum, et les garanties concédées ou prises à cet égard suf-
fisent parfaitement, selon nous, à expliquer les légendes qui
représentent la division de l'instance en ses deux phases
comme une réforme démocratique de Servius TuUius ou même
des premiers temps de la République.
Dans le vaste ensemble que forme l'exposé du Droit clas-
sique (p. 95-425), nous signalerons comme particulièrement
instructif et caractéristique de la méthode de l'auteur, le cha-
pitre consacré au " rôle de l'écriture dans l'activité juri-
dique )). à loijposition entre les professiones ou testationes^
simples procès- verbaux d'actes accomplis oralement, et les
chirograplia empruntés à la pratique grecque, aux instru-
menta publice conf'ecta, etc. Bien rares sont les manuels qui
fournissent à cet égard des» données suHisantes, pourtant
indispensables à quiconque veut saisir le mécanisme de la vie
juridique romaine. Les précisions dans lesquelles l'auteur
entre à cet égard nous paraissent entièrement justifiées. —
L'évolution de l'action en revendication, depuis la forme
double qu'elle revêt dans la L. A. per sacramenturu jusqu'à
la formula pelitoria, est excellemment décrite. Pourtant nous
eussions souhaité voir au moins mentionner la règle invitai
nemo rem cogitur defendere (D. 50, 17, fr. 156, 1) dont
l'importance a été si justement mise en lumière par Wlassak
et Lenel. C'est dans cette règle que la revendication classique.
560 COMPTES RENDUS
SOUS une forme visiblement empruntée aux actions person-
nelles, manifeste sa nature essentiellement réelle et, comme
le disent encore les Instituies de Justinien, copiant sans doute
quelque texte classique, son caractère de controversia de re
cum eo qui nullo jure (nobis) obligatus est (IV, 6). De plus, ce
principe permet de reconnaître la fonction originaire et prin-
cipale de Vactio ad exhibendum, qui ne nous parait pas pré-
cisément avoir été de rendre possible une mndicatio ou une
action noxale (p. 371 et s.), mais plutôt de permettre au
demandeur une ductio iussu praeioris en présence d'un refus
d'accepter l'action de la part du défendeur. — En ce qui con-
cerne la question si controversée de la date d'apparition des
contrats consensuels, M. Cornil montre une réserve prudente
(p. 293) qui contraste fort avec l'opinion si tranchée de
M. Girard. Tenant compte des vues développées par l'auteur
touchant la nature du ius gentium (p. 97-98, 439), dont les
institutions forment une partie du droit national romain et
sont également accessibles aux citoyens et aux pérégrins, peut-
être M. Cornil ne ferait-il point difficulté d'admettre la vali-
dité de ces contrats entre citoyens dés avant la lex Aebutia.
Mais dés lors la nécessité n'apparaît plus guère de faire surgir
entre la vente réelle per aes et libram et la vente consensut41e,
ce chaînon purement conjectural et d'une si fâcheuse construc-
tion juridique de la vente formée de deux stipulations
(p. 337). — Quant aux origines du système formulaire,
M. Cornil les rattache à une pratique grecque que les gouver-
neurs romains auraient rencontrée en Sicile; la nouvelle pro-
cédure aurait passé de là à la juridiction du préteur pérégrin
pour être finalement adoptée par le ius civile en vertu de la
lex Aebutia (p. 419). Cette hypothèse, que M. Fliniaux a par-
ticulièrement développée (Nouv. Rev. Hist. 1909, p. 538-545),
est absolument repoussée par M. Cuq (Manuel, p. 850, n. 2).
En tout cas, il ne paraît guère possible d'admettre le ratta-
chement de la dicarum scriptio sicilienne soit à l'usage égyp-
tien (lu KaTaxujpiaïaôç, soit à la TPC^'Î ^îki-jç attique (Mitteis,
Grundzuge, 37, n, i2; Carcopino, La loi de Hléron et les
Romains, 1919, p. 124 et s.).
La dernière partie consacrée au Droit byzantin est assuré-
ment la plus neuve et la plus originale de l'ouvrage L'oi'ga-
nisalion judiciaire et la procédure, le droit des personnes y
COMPTES RENDUS 561
occupent naturellement une place prépondérante. Ce sont les
domaines que les transformations politiques ei sociales de
l'Empire romain devaient le plus profondément affecter. On
trouverait difficilement meilleuie introduction à l'étude de
la vie Juridique du monde byzantin que l'excellent chapitre
qui traite de la variété el de l'immobilisation des conditions.
Les personnes juridiques, d'autre part, font l'objet d'une
étude très fouillée et d'un intérêt à la fois historique et juri-
dique considérable. L'auteur y retrace comment, sous l'in-
fluence de causes économiques, les corporations profession-
nelles de l'époque classique se transformèrent graduellement
en corporations officielles, obligatoires et héréditaires. Au
reste, le régime juridique de ces corporations demeure singu-
lièrement hybride, et l'on y voit subsister, à côté du patri-
moine propre à la corporation, des droits et des obligations
sociales de ses membres vis à vis des tiers. C'est ainsi que les
collegtati ou corporali se partagent les successions testamen-
taires et les legs déférés à la corporation, et d'autre part
répondent sur leur patrimoine propre de l'accomplissement
du service public imposé à la corporation. D'autres para-
graphes traitent de la personnalité juridique de l'Eglise, de
l'administration et de l'autonomie des établissements chari-
tables, des fondations, etc.
Nous abuserions de la place qui nous est faite en prolon-
geant cette analyse. Ces brèves indications suffiront à montrer
avec quelle maîtrise et quelle largeur de vues l'auteur a em-
brassé son vaste sujet. Ajoutons que sous les préoccupations
de l'historien du droit se révèlent constamment celles du pro-
fesseur, toujours soucieux d'éveiller chez ses auditeurs et
lecteurs, avec le sens général du droit, celui de sa perpétuelle
évolution. L'œuvre de M. Cornil est de celles dont la science
juridique be'ge peut légitimement s'honorer.
Ferxand De Vissciier.
Gabriel Millet. L'ancien art serbe. I. Les Églises. Paris,
Picard, 1919, in-4°, 208 p.
Dans ce luxueux volume, admirablement illustré, l'auteur
étudie avec sa maîtrise coutumiére l'architecture ecclésias-
tique de l'ancienne Serbie. Durant trois cents ans, du xii« au
xiv siècle, les Serbes dominèrent l'ouest de la péninsule des
30
562 COMPTES RENDUS
Balkans et ils y fondèrent un empire qu'enrichit le commerce
et où fleurirent les œuvres de la civilisation. Plus tard, sous
l'oppression turque, ils refluèrent vers le nord et peuplèrent
le sud de la plaine hongroise. Placés entre les Latins et les
Grecs, ils subirent dans l'ancienne Dalmatie l'influence de
Venise, dans la région du Vardar celle de Gonstantinople, et
adoptèrent d'un côté le style lombard, de l'autre le style
byzantin. Mais dans la Serbie propre, ils surent combiner
avec goût les deux traditions et créer des types architectu-
raux qui leur furent propres. Montrer dans le détail l'origina-
lité de cette combinaison, indiquer comment un peuple qui
a beaucoup construit, a modifié les modèles dont son éclec-
tisme s'inspirait, et faire valoir ainsi son mérite artistique,
telle est la tache ardue dont M. Millet s'est acquitté avec
une aisance lucide servie par une vaste érudition.
La série des églises que reproduisent les belles planches de
son volume et dont un commentaire substantiel analyse les
éléments, apportera à beaucoup de lecteurs une révélation
et apprendra quels maîtres architectes produisit une nation
dont nous avons coutume d'apprécier surtout les qualités
guerrières. F. Gumont.
Nicola Turchi. Storia délie religioni. Turin, Bocca, in-8°,
ix-658 p.
L'histoire des religions éveille en Italie un intérêt croissant:
Les chaires qui lui sont consacrées se multiplient, les publica-
tions qui s'y rapportent augmentent de nombre et de valeur.
M. Nicola Turchi, qui enseigne cette science nouvelle à l'uni-
versité de Rome, a vu s'épuiser rapidement une première
édition de son manuel; il nous en donne aujourd'hui une
seconde, fortement augmentée. Sauf le judaïsme et le chris-
tianisme, qu'ont fait exclure des raisons d'opportunité, toutes
les croyances religieuses de l'humanité passée et présente ont
trouvé place dans ce gros volume, qui condense une quantité
énorme de renseignements.
Après avoir défini la religion, l'auteur expose les systèmes
qui ont tenté d'en expliquer l'origine et l'évolution, puis il
traite de celle des non-civilisés et de la préhistoire, passe en
revue celles de l'Extrême-Orient (Chine et Japon), puis celles
COMPTES RENDUS 563
de l'Egypte et du monde sémitique depuis BabjMone jusqu'à
l'Islam, enfin celles des Aryens (Indiens, Perses, Grecs,
Romains, Celtes, Lithuaniens et Slaves). L'exposé est sobre,
nourri et lucide, et l'auteur s'est efforcé de tenir compte des
dernières recherches sur le vaste domaine qu'embrasse son
érudition. Chaque chapitre est suivi d'une bibliographie, qui
n'est pas une accumulation confuse de titres disparates, mais
un choix judicieux de références à des ouvrages équitablement
appréciés. Un copieux index facilitera l'usage de ce livre
considérable aux lecteurs, qui trouveront en lui un guide siîr
et bien informé. F. Cumont.
E. H. Van Heurck. Les drapelets de pèlerinage en Belgique et
dans les pays raisins. Contribution à l'iconographie et à
r/iistoire des pèlerinages. Anvers, Buschmann, 19<i2, in-4°,
xx-529 p., 160 illustrations dont 4 planches et une trichro-
mie hors texte.
Au moyen âge, les pèlerins rapportaient des lieux de pèle-
rinage des enseignes consistant en lamelles d'argent, d'étain
ou de plomb à l'effigie du saint ou de la sainte qu'ils avaient
honorés. Ces pieuses enseignes se fixaient à la coiffure ou aux
vêtements. En Belgique, dès le xv^ siècle, les enseignes de
métal furent remplacées par des drapelets de papier imprimés
sur des bois gravés. Ces drapelets, montés sur bâtonnet,
affectent généralement la forme triangulaire. Leur usage s est
maintenu jusqu'à nos jours. Les fidèles qui accomplissent un
pèlerinage ont soin d'acquérir des drapelets. De retour chez
eux, ils en décorent la chambre familiale, le mur de l'étable
ou de récurie. En Campine et dans le Hageland, il n'est pas
une chaumière où l'on n'aperçoive sur la cheminée un drapelet
de pèlerinage voisinant avec quelque humble statuette de
Notre-Dame. La plupart de ces drapelets sont intéressants
par la vue des monuments, des personnages saints, des armoi-
ries, des ex-voto et autres détails qu'on y a représentés.
Certains offrent en outre une réelle valeui' artistique.
C'est l'histoire détaillée de cette branche impoi'tante de
l'imagerie populaire et de notre folklore national {^) que
(1) L'usayc (les drapelets (if ]ièlennage est s])écial à iidlrc pays, on pou
s'en faut, lui l'ranoe, il u'exisle (juo dans la Flandre, en llolhiiide dans le |{ia-
564 COMPTES RENDUS
M. E. V. H. nous retrace avec une rare compétence. L'émi-
nent folkloriste anversois était tout désigné pour mener à
bonne fin une telle entreprise. On sait qu'en 1910 il a publié
avec la collaboration de M. G. Boekenoogen un grand ouvrage,
très apprécié, sur l'imagerie populaire flamande ('). De plus,
comme le remarque M. Van Schoor dans la lettre-préface,
M. V. H. a l'heureuse fortune d'être le beatus possfdens de
la plus riche collection de drapelets de pèlerinage qu'on
puisse trouver. Il n'en possède pas moins de 500 exemplaires
différents.
A s'en tenir au titre du présent ouvrage on pourrait supposer
que l'auteur se borne à une simple étude iconographique. Il
n'en est rien. M. V. H. est de ceux qui donnent plus qu'ils
ne laissent entendre. En réalité son gros volume se compose
d'une introduction de vingt pages, excellentes, consacrées au
drapelet de pèlerinage en général, puis d'une série de mono-
graphies, très fouillées, sur les pèlerinages anciens et moder-
nes rappelés par des drapelets. Ces monographies sont
rédigées suivant un plan uniforme. Chacune d'elles débute
par une description minutieuse du drapelet : tj^pes, variantes,
époque, nom du graveur, s'il y a lieu, avec renseignements
biographiques, éditeurs, etc. Vient ensuite un résumé suc-
cinct de la vie ou de la légende locale du saint ou de la sainte,
puis l'historique du pèlerinage lui-même avec la relation des
fêtes, processions, cortèges, auxquels il donne lieu. Les rites
si anciens qui se pratiquent d'ordinaire autour de la fontaine
sacrée, de l'arbre bénit, de la châsse ou de la sainte image
sont notés avec soin et précision, d'une façon purement objec-
tive, sans ces commentaires ou réflexions qui déparent si
souvent les ouvrages des folkloristes. L'auteur se place uni-
quement au point de vue scientifique et les rapprochements
qu'il tente ne sont pas basés sur de simples apparences. Enfin
chaque monographie se termine par une bibliographie indi-
quant les ouvrages, brochures, articles, etc., qui de prés ou
bant s<'|)teiitrional et le Limbourg fancieniies |)rovinces belges). En Allemagne,
seule i|ucl(|ues villes voisines de noire frontière possèdent des drapelets
de ce genre.
(1) IHslolre de l'imiii/erie populaire jlamande. Anvers, Buschniann, 1010,
in-i", composé eu caractère elzévir sur vélin teinté fin, 739 p., 342 illus-
trations.
COMPTES RENDUS 565
de loin s'occupent du pèlerinage en question. Toutes les mono-
graphies sont rangées d'à pi'és l'ordre alphabétique des loca-
lités. Environ 250 pèlerinages sont ainsi étudiés, 15U drape-
lets sont reproduits dont plusieurs hors texte. Il en est de
ravissants. A signaler en frontispice une planche suggestive
relative aux ex-voto en fer forgé ou en tôle d'Huyssinghen,
d'Eppeghem et de Léau, et, entre autres illustrations dans le
texte, p, 40, la reproduction de la couronne en fer forgé de
Grimde que les bonnes gens se placent sur la tête afin d'obte-
nir la guérison de névralgies. Que de légendes charmantes et
naïves, d'usages curieux, d'étranges survivances M, V. H.
nous expose dans une langue élégante, simple et claire! Son
ouvrage est d'une richesse étonnante au point de vue docu-
mentaire. Il fera date dans l'histoire du folklore en Belgique.
Tous ceux qui s'intéressent au « savoir du peuple » devront y
recourir sans cesse. Les historiens y trouveront à glaner ; il
y a là tout un côté de la vie populaire qui leur a échappé.
Pour ce qui touche à l'exécution typographique et iconogra-
phique, le volume est vraiment superbe : papier, impression,
illustrations sont impeccables, Bref.ce magistral ouvrage fera
aussi la joie des bibliophiles. Félix Rousseau.
Nieuw Nederlandsch Biografîsch Woordenboek, onier redactie
van D"' P. C. Molhuysen, prof. D'" P.J. Blok en prof.
D' L. Knappert, met medewerking van tal van geleerden.
Vijfde deel. Leiden, A. W. Sijthoffs Uitgevers-Maat-
schappij, 1921, gr. in-H", de 1,312 colonnes, dont 1,188 de
texte, le restant pour la table.
Au début de cette année, le cinquième volume de la nou-
velle biographie néerlandaise a vu le jour, c'est-à-dire plus de
trois ans après le quatrième. Un mot d'introduction signé par
MM. Knappert et Blok en donne la cause : l'obligation dans
laquelle M. Molhuysen s'est trouvé de se retirer du comité de
rédaction, sa nouvelle charge (bibliothécaire en chef de la
Bibliothèque Royale de La Haye) ne lui permettant plus de
consacrer son temps à cette vaste entreprise.
L'avant propos nous informe encore que l'ouvrage en entier
comptera dix volumes; les cinq volumes parus renferment
déjà 15,0U0 biographies!
566 COMPTES RENDUS
On sait que pour ce dictionnaire biographique un nouveau
S3''stéme a été adopté, par lequel chaque volume comprend
des noms de A jusqu'à Z. Il n'entre pas dans nos intentions de
discuter ici la valeur de ce système, mais il est certain qu'il
contribue puissamment à la rapidité du travail.
A la fin de chaque volume une table alphabétique donne la
liste de toutes les biographies parues dans tous les volumes
précédents.
Nous trouvons dans ce cinquième volume une collection
de biographies des plus intéressantes, dont nous ne citerons
que quelques-unes. Celles de Charles-le-Téméraire et des
différents personnages de son époque, par Kooperberg;
Charles-Quint, par Brùnner (un jeune historien hollandais) ;
le prof. Blok s'occupe surtout des figures connues de la
seconde moitié du xvi* siècle : François de la Noue, Louis et
Charles de Boisot, Charles van der Noot, Sonoy, Wesem-
beke, etc. L'historien Haak donne entre autres une étude fort
détaillée sur Oldenbarnevelt. Les historiens sont traités par le
prof. Brugmans; les savants par le prof. Knappert (Perizo-
nius), Bloi iSalmasius), le prof. Allen d'Oxford (Erasme), le
prof. Holwerda (Scaliger) ; les littérateurs par le prof. Cohen
(de Schélandre, Théophile de Viau, auxquels le savant pro-
fesseur a consacré son dernier volume sur les Français en
Hollande au xvii^ siècle). On y trouve, en outre, les biogra-
phies de Voltaire (durant son séjour en Hollande), des
peintres Rembrandt, Jan Steen et Vermeer de Delft, toutes
écrites par des spécialistes. Une très large place est réservée
aux ecclésiastiques et théologiens, tant catholiques que pro-
testants; citons au hasard : Otton 1, II et III, évêques
d'Ctrecht (par Blok), S. Eloy, S. Lebuin, Godebald, évêque
d'Utrecht (par Dom de France), Cisterciens, Chartreux, Béné-
dictins par Fruytier), frères de la Vie commune (par Brin-
kerink), Wessel Gansfort (par van Rhijn), Petrus Canisius
(par van Miert), Rj'thovius (par Fruytier), etc., etc.
Ce rapide aperçu suffira à donner une idée du grand
nombre de documents que renferme ce nouveau volume qui
intéressera, sans aucun doute, tous les historiens.
H. Obreen.
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Livres nouveaux
OUVRAGES BELGES
Académie (L') royale de Belgique depuis sa fondation (1772-1922).
Bruxelles, Lamertin, 1922, in-H'\ 34:^ p.
Augustinus. Xaar een internationale taal. Met een ^voord ter
inleiding door J. A. Veraart. Antwerpen, Veritas [1922], in-8">,
68 p , 3 fr. (Opvoedkundige brochurenreeks, 7)
Baix (F.). Alfred Caucliie. Charlcroi, éd. de la (( Terre wallonne»
(1922), in-8", 29 p.
Briey (R. de). Le Rhin et le problème d'Occident, Avec deux
cartes, 2« édition. Bruxelles, Dewit(1922^, in-8», 225 p., 7 fr. 50.
Catalogas codicum Astrologorum graecorum. Codicum Parisino-
rum ])artem quartam descripsit P. Boudreaux, edidit appendice
suppleta F. Cumont, tomi VIII, pars IV, Bruxelles, Lamertin,
1922, gr. in-8o, vii-283 p., 25 fr.
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1922, gr. in-8°, 640 p., 15 fr.
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Bibliographie de l'Histoire des Pays=Bas.
Travaux publiés
depuis octobre 1914 jusqu'en avril 1922.
Abréviations :
BHG = Bijdragen en Mededeelingen van het Historisch Genout-
schap, gevestigd te Utreclil. Publication annuelle.
BVG =^ Bijdragen voor Vaderlandsche Gesehiedenis en Oudheid-
kunde, onder redactie van D' P. ,1. Blok en D"" M. .Tapikse ;
5® série. Le chiffre romain iudiiiue le volume de cette série.
RGP = Rijks Gesehiedkiindige Piiblicatiën.
570 BIBLIOGRAPHIE
WHG = Werken van het Historisch Genootschap, gevestigd te
Utrecht.
cdp — Ouvrages en cours de publication. •
Les chiffres romains qui suivent les sigles indiquent le numéro
du volume. Sauf indication contraire, tous les ouvrages men-
tionnés sont du format in-8».
Historiographie. — Étude des sources
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Reports of the Royal Commission of Manuscripts, voor zoover
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De briofiuisselinî;- van Constantijn Huygens, éd. .T. A Worp.
RGP, cdp.
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mer et van der Meulen. De cette publication de l'Historisch.
Genootschap d'Utrecht, les vol. IV, V et VI, qui achèvent
l'ouvrage, ont paru.
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1795-1840, éd. Colenbrander. RGP. Plusieurs volumes de cet
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à 1832, éd. J. N. Pattist dans Archief, uitgegeven door het
Zeeuwsch Genootschap van "Wetenschappen, 1919.
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geschichte. La Haye, cdp.
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G. H. Marius et W. Martin. Johannes Bosboom. La Haye, 1917,
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Amst., 1920.
R. Lkjtknberg. Die Romanische Steinplastik in den nordlichen
Xiederlanden. Vol. 1. Die Relietplastik und der Bauornanieutik.
La Haye, 1918, in-4<'.
D. BiERENs DE Haan. Het houtsuijwerk iu de Xederlanden lijdens
de Gothiek en de Renaissance. La Haye, 1921, in-4° .
Divers.
H. V. D. Ki.ooT Mkyhurg. Onze onde boerenhuizcn Rott., 1920.
K. Si.UYTERMAN. Hulsraad en binnenhuis inXederland in vroegere
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Généalogie.
La famille del Court van Krimpen, réfugiés de Verviers. Leur rôle
dans l'industrie drapière en Hollande aux xvii'= et xviii^ siècles
et leur place dans la magistrature. Arnliem, 1916.
E. VAN BiEMA. Les Huguetans de Mercier et de Vrijhoeven.
Histoire d'une famille de financiers huguenots. La Haye, 1918,
in-4°.
P. C. Bloys VAX Tresloxg Prins. Genealogische en lieraldische
gedenkwaardigheden in de kerken der provincie
Utrecht. TJtr., 1919.
— Genealogische en heraldische gedenkwaardigheden
in de kerken der provincie Zeelaud. Utr., 1919.
Topographie.
C. 't Hooft. Het ontstaan van Amsterdam. Amst,, 1916.
J. Terpstra. Xijmegen in de middeleeuwen. Thèse Amsterdam.
Amst., 1917.
Z. Sxeller. Walcheren in de xV eeuw. Utr., 1917.
A. Hoelestelle. Geschied- en waterstaatkundige beschrijving
van het eiland Tholen, 2'' éd. Tholeu, 1920.
B. VAX DER Kloot Meyburg. De economische ontwikkeling van
een Zuid-Hollaudsch dorp (Oudshoorn). La Haye, 1920.
On consultera également les annuaires historiques (jaarboek)
des villes d'Amsterdam, Rotterdam, La Haye, Leyde, Gro-
ningue, e. a.
Géographie .
Jacob van Deventer. Xederlandsche sleden in de xvi" eeuw.
Plattegronden . Facsimile-uitgave, met een inleiding van
R. Fruin, algemeen Rijksarchivaris. In de kleuren der oude
teekeningen. La Haye, in-fol., cdp.
Geschiedkundige Atlas van Nederland. La Haj'e. in-fol., cdp.
Henri Obreen.
PERIODIQUES
INDEX SOMMAIRE
Linguistique. — 22. 26, 43, 48
Philologie. Généralités. - 13, 26. 43, 47. 48.
— indo-européenne. — 47, 48.
— grecque. — 3, 9, It., 21, 40, 46, 48.
— latine. — 2, 6, 9. 36. 42, 46, 48.
— romane (gén.). — 29, 42, 43.
— espagnole. — 6, 30. 31, 42, 47.
— portugaise. — 6.
— italienne. — 3, 20, 47.
— française. — 3, 6, 40, 41, 42. 43, 47.
— roumaine. — 3, 4.
— germanique fgén.). — 48.
— allemande. — 2, 22, 43, 47, 48.
— anglaise. — 10, 22, 29.
— néerlandaise. — 5, 8, 17, 22, 45
— slave. — 3, 4, 48. '
Littérature. Généralités. — 11. 18, 19, 33, 41.
— grecque. — 9, 11. 14, 18. 21, 39, 43. 46.
— latine. - 2, 3, 9, 11. 13. 14, 16, 21, 22. 24, 28, 29, 34,
46.
— latine du moyen âge et des temps modernes. — 1. 2,
3, 6. 7, 16, 30, .36. 39.
— espagnole. — 3, 6, 17, 19, 30, 41.
— portugaise. — 29, 31.
— française. — 1. 3, 6, 7, 8, 13, 19, 22, 23, 25. 26. 29,
30, 32, 33, 34, 37, 40, 41, 42, 43, 47.
— italienne (sauf Dante). — 1,3, 20, 22, 29. 42. 43. 45.
— — (Dante). — 1. 16, 17, 18, 20, 26, 29, 32, 36,
39, 43.
— roumaine. — 4.
— allemande. — 1, 2, 11. 17. 22. 23, 29.
588 PÉRIODIQUES
Littérature anglaise — 1, 7, 16. 22. 26. 29, 30. 45.
— néerlandaise. — 5, 8, 17. 18, 19, 45.
— Scandinave. — 18, 29, 47.
— slave — 16, 22, 25.
Histoire. Généralités. — 39, 44.
— de l'antiquité. — 2, 7, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 21, 36, 46.
du moyen âge. — 1. 2, 3, 6, 10, 12, 16, 17, 18, 23, 26, 28,
35, 36, 38, 39. 44, 45
— moderne. — 1, 4, 6, 7, 8, 10, 17, 26, 28, 29, 32. 33, 35, 36,
37, 40, 44.
— contemporaine. — 1, 7. 19, 20, 25, 27. 32, 33, 35, 37, 38,
41.
— économique et sociale. — 5, 7, 14, 18. 21, 23, 26, 27, 28,
30, 36, 38, 41, 45.
— des mœurs.'— 7, 14, 17, 18, 20, 35, 36, 45.
— des sciences. — 1, 3. 9, 10, 12, 32, 35, 37, 39, 41, 45.
— de l'art — 1, 3, 11, 17, 18. 19. 2U, 25, 28, 32, 34, 37, 41
45.
Archéologie — 1, 12, 13, 15, 18. 24.
Autres sciences auxiliaires de l'histoire — 1, 9, 12, 37.
1. — Nuova Antologia. LVII, 1922, 1.
A. Speranz.\. Nel centenario di Sisto V. 67.
M. Vaccaro. Antichi fasti e presenti condizioni délia Sicilia. 89.
R. Barbiera. Il villagio del Parini e il poeta Alessandro Arna-
boldi. 235.
A. Benedetti. Un poeta inglese : William Ernest Henle3^ 243.
S. SoxNixo. Béatrice. 318.
N. Vaocalluzzo. Alessandro Manzoni, l'uni ta d'Italia e la ques-
tione romana. 345.
LVII, 1922, 2. A. Mancini. 11 nuovo figlio di Dante. 33.
B. Xogara. Etruria e Roma. 46.
F. d'Ovidio. Fece dunque bene Firenze a sbandire Dante?! ! 97.
A. Fradeleto. Enrico Castelnuovo. 201.
J. M. Pal.marini. Le scoperte archeologiche del prof. Innocenzo
Dall'osso a monte Mario. 253.
A. Bertoldi. Vinceuzi monti e il principe di Carignano. 268.
A. Zardo. Xel teatro del Goldoni. 297.
U. DA Coma. Contributo alla storia délie origini del Risorgi-
mento. 330.
1922, 3. — S. DI GiAcoMo. Casanova a Napoli. 3.
E. BuoNAiNTi. Filosofia e religione nel medio evo. San Tommaso
e Sigeri di Brabante. 32.
PÉRIODIQUES 589
V. LuGLi. John Galsworthy. 43.
M. PoRENA. Verismo, verita e fantasia nell' arte di Giacomo Leo-
pardi. 114
F. Olivero. Un umorista inglese : G. K. Chesterton. 138.
E. R. La leggenda di Napoleone in una lettei-a iuedita di Cai'lo
Botta. 153.
G. Mazzoni. La questions malispiana. 193.
O. GoGALA. Poeti tedeschi in Italia. Federico Hebbel. 232.
L. Rava. I difensori di Roma al Gianicolo : Paolo Xarducci e
Oreste Regnole. 307.
M. Ortiz. La poesia di Francesco Gaeta. 314.
F. M. Massimo. Su le origini di Roma. 325.
A. Castagnou. Louis Le Cardonnel. 329.
2. — Neues Archiv der Gesellschaft
fiir altère deutsche Geschichtskunde. XLIII, 1922.
K. Strecker. Studien zu karolingischen Dichtern. 477.
B. ScnMEiDi.ER und f G. Schwartz Klcine Studien zu den Titen
des Bischofs Anselms und zur Ge-^^chichte des Investiturstreits
in Lucca. 513.
M. Taxgl. Xeue Forscliungen iiber den Liber Cancellariae Apos-
tolicae. 551.
L. Gross. Ein Fragment eines Registers Karls lY. aus dem
.Tahre 1348. 579.
E. Perels. Zur Wiederanffindung verschollener Handschriften
der Bibliotheca Vallicelliana. 605.
F. Liebermanx. Zur Geschichte der Groszgriifin Mathilde von
Tuscien. 609.
W. Erbex. Zu den Xekrologien von Mattsee. 610.
O. Aller. Johannes Kungstein, der Verfasser des Cbronicon
Moguntinum. 613.
XLIV, 1922 — E. Seckei,. Die Aachener Synode vom Januar
819. 11.
E. Perels. Eine Denkschrift Hinkmars von Reims im Prozesz
Rothads von Soissons. 43.
G. Frenkex. Eine neue Hrotsvithandschrift 101.
E. Stengei,. Die Heiraat des Bischofs Xikolaus von Butrinto.
115.
ScHMiDT. Ein altes Handschriftfragment der « Viri illustri » Isi-
dors von Sevilla. 125.
K. Strecker. Ist der Parisinus 266 der von Lothar dem Kloster
Priim gesehenkte Codex? 135.
S. Hellmanx. Zu den « Gesta Treverorum ». 137.
P. Kehr. Michacl Tangl. Ein Naohruf. 139.
590 PÉRIODIQUES
3. — Archivum Romanicum V, 1921 .
G. Bertoni. La « Legge fouetica ». 1.
G. Bertoni. Il a Microcosme » di Tommasiiio d'Ai-maunino. 19.
J. J. Aebisciikr. Trois mots : frauc, somart, savart ; esp. senara. 29.
G. Bertoni. Etimologieitaliane. 53.
G. ViTAi.KTTi. La Cauzone del Castra. 55.
G. Bertoni. Il testamento di Frate Alberico Manfredi e Ugolino
Buzzola. 70.
C. Frati. Il volgarizzamento dei « Commeutarii » di G. Cesare
fattodaPier Candido Decembrio. 74.
M. Catalano. Il matrimonio del Boiardo e la cronologia délie sue
ecloglie volgari. 80.
G. Bertoni. Une récolta di canzonette spagnuole posseduta da
Giulia d'Esté. 89.
G. Battelli. Segreti di magia e medicina médiévale cavati da uu
codice del « Tesoro ». 149.
G. BoRGiiEzio. Poesi musicali latine e francesi in un codice igno-
rato délia Biblioteca eapitolare d'Ivrea (Toriuo). 173.
A. Broxarski. Le petit Jehan de Saintré. Une énigme littéraire
(Contribution aux études sur Antoine de Sales ) 187.
G. Bertoni. Brevi giunte al vocabulario bormino. 239.
G. Pascu. Étude de sémasiologie roumaine. I. Les noms du diable.
244.
P. Skok. Pôculica. 252.
G. Bertoni. Boto da Vigevano. 258.
L. Frati. Guglielmo Arcivescovo di Rouen ed Arnaldo da Villa-
nova. 260.
G. Bertoni. Un sonetto per la morte di un buffone degli Estensi.
263.
4. — Arhiva. XXIX, 1922.
J. Barbulescu. Originea celor mai vechi cuvinte si institutii slave
de Bomînilor. 1.
G. Pascu. Introducere in istoriea literaturii romine din seco-
lul XVII. 11.
G. GiiiBANESCU. Divanurile domnesti din Moldava si munteniadin
secol XVII a (1670-1679). 34, 207.
A. Scriban. Etimologii romincsti. 49, 238.
J. Barbulescu. Originea « Chestiei ucrainiene » e îu Rusia nu în
Austria. 50.
M. Stefanescu. Alte cuvinte ruse.sti, de nuantâ ruteanà, în topo-
nimia romineasca 64, 372.
V. Vasiliu. Stirile de istoria muuteana din cronica lui Ureche
pana la sfàrsitul sec. xv. 75.
I
PÉRIODIQUES 591
A. ScRiBAN. Asemânârile de la liotare (relativ la vorbirea (lin
sudul moldovei). 113.
J. Bârbulescd. Sufixiil — uç indicîud originea locala. 122
— Cuvîntul prag eu în^elcs de « cascada ». 123.
— Inceputurile sciierii cirilice în Daeia Traiaua. 161.
G. Pascu. Influenta cronicarilor moldoveni asupra celor munteni
din secolul XVJI : Const. Cantacuziuo. 195.
J. JoKDAN. Notiunea « munca » în limbile romaniee. 217.
J. B.\RBUi.Escu. L'âge du suffixe roumain -escu. 270.
— L'origine de la nasale dans les mots roumains
cinste et mincu. 273.
J. B.\RBULESCU. Nasterea individualita^ii limbii romîne si elemeu-
tal slav. 321.
E. SiMioxESCu. Viata Sfîutului Autonie. 339.
J. HuDiTA. Memoriile baronuliu de Tott. 355.
J. Jordan. Suffixe si etimologii romîue.sti : -ar sinonim eu -ean.
429.
— Brinzà zburâtà. 430.
— Deditei. 431.
5. — Het Boek XL, 1922.
H. LoGEMAN. Een raadsel in de Xederlandsche Holberg-biblio-
grafie 9.
W. DE Vreese. Een Xoordnederlandsche historié met « ver-
lichterieu )) uit het midden der xV^ eeuw. 51, 141.
K. G. Gallas. De rubriek « Philadelphie » in de xvii^' ceuw.
(±1770.) 63.
G. Meri.ier. Een handschrift kronijkje eu eigenaarsrijmpjes 65.
C. P. BuRGER. Een verzameling xvi" eeuwsche boekjes en frag-
menten. 81.
— Een disputatio van Xicolaas Witsen in het Amster-
damsch muséum. 114.
P. Leendertz. Het registreeren van eigenuamen. 117.
J. W. E.NscHEDE. De steendrukkunst in Xederland tôt om-
streeksch 1840. 114.
Fr. Kossmaxn. De refereyn- en lic<lb()ckjes van de Antwerpsche
lotei-ij (1574). 129.
C. E. II. en C. P. B. « Coornhert ». 183.
G. E. Meule.man. Een almanakje van 1713. 195.
6. — Bulletin hispanique. XXIV. 1922.
J. Barizi. Le problème des citations sfrij)tuaires en langue
latine dans l'œuvre de saint Jean de la Croix. 18.
J. Matmorez. Notes sur la })énétration des Espagnols en France
du xii^ au xv!!*" siècle 40.
592 PÉRIODIQUES
E. Mêle. Don Luis de Avila, su « Comentario » et los Italianos.
97.
J. J. A. Bertrand. Masson. 120.
J. Sarrail. Don Diego Clemeuciu. 125.
L. La jjaj^sanne dans le roman de Palacio Valdès. 131.
A. MoREL Fatio. Une lettre retrouvée de sainte Thérèse. 163.
Bataillon. Influences antiques en Espagne. 164.
G. CiROT. Fernand Gonzalez dans la chronique léonaise. 183.
E. A. Peers. Periodical contributions of Sevilla to romanticism.
198.
G. CiROT. Recherches sur les juifs espagnols et portugais à Bor-
deaux. 103.
DE ToRso GiSBERT. Un trou dans le dictionnaire de l'Académie
espagnole. 225.
7. — Eigen Haard. XLVIII, 1922.
JoH. H. Been. Den Briel zijn oude wapen terug? 19.
E. D. Pijzel. Het Proverbiorum libellus van Ewaldus Kist. 56.
M. van Wesel. Molière's driehouderdjarige geboorte aandenking.
72.
H. Ch. j. van der Mandere. Een oud en merkwaardig vaartuig
(H. M. S. « Victory », het oude vlaggeschip van Lord Xelson,
gemeerdin de haven van Portsmouth.) 72.
H. A. Bitter. De aanslag o]} Prius Maurits. 200.
J. Stamperius. 1 April 1572. 236.
P. .T. Blok. De beteekenis der verrassiug van den Bi'iel. 237.
De Bas. Brielium vitrix. 239.
E. DuDOK VAN Heel. De invloed van de inneming van den Briel
op de toenmalige volksweerbaarheid. 247.
P. H. Mees. Het prehistorische huis in West-Europa. 332.
H. A. E.1TTER. Het rampjaar van onze groote Republiek (1672j.
344.
P. G. VAN Slogteren. Volkstellingen in Egypte. 353.
M. D. H. Bklonje. Het land van Dickens. 364.
8. — Groot-Nederland. 1921, I.
F. H. Fischer. Het gi-oote hervormingsjaar 1520. 102.
P. Yalkiiofe. De jeugd van Flaubert. 330.
1921, II. — RoEL HouwiNK. De historische beteekenis van
Jacques Perk voor onze letterkunde. 182.
J. L. Walcu. Garrick en de fransche Tooneelsiîeelkunst. 286.
1922, I. — Walch. De grootsche comediant. Een woord van
herdenking bij Molière's 300s'«° geboortedag. 227.
M. .1. SciioENMAEKERs Klaukwaarde van het woord. 340.
.7. Saks. Multatuli en zijn Vorstensrhool. 447, 735.
PÉRIODIQUES 593
P. Valkhoff. De drie « Verzoekingen » van Gustave Flaubert.
607, 705.
9. — Hermès. LVI, 1921.
A. Weinreich. Zu Tibull, I, 1. 11-24. :«7.
A. Gerche. Der neue Tyrtaios. 346.
E,. Philippson. Zu Pliilotlems Schrift iiber die Frommigkeit. .'^55.
W. A. Baeiiuex. Literarhistorische Keitrage : VI. Zu den unten
Suetons !Na:î::eii uberlieferten verborum differentiarum. 411.
K. Praeciiter Der fiinfte Anacharsis Brief. 427.
f TiiALKEiM. Zu Deuiosthenes. 432.
W. Spii;gei,ber(}. Herodots Charakterislik der agyptischen
Schrift. 434
M. MoREL. Epigraphisches. 438.
O. Wagner. Zu Cornélius Xepos. 439.
K. Praechter. Julian. Or. 6, p. 238, 3 ff. 441.
W. A. Baeiiren. Pacatus. 443.
L. Deubner. Xachtrag zu S. 314. 445,
LiVII, 1922. — K. Barwick. Die Gliederung der rhetorischen
TEXNH und die Horazische Epistula ad Pisones. 1.
E. HowAi.i). EIKQI AOrOZ. 63.
E. Preuxer. Ampbiaraia und Panathenaia. 80.
G. Jachmaxn. Zu Menanders Héros und Epitrepontes. 107.
K. J. Beloch. Die Sonnenfinsternis des Ennius und der vorju-
lianische Kalender. 119.
F. MÛNZER. Consulartribunen und Censoren. 134.
E. Hedicke. Zu Xonius. 150.
Hii.ler v. Gaertrixgen. Die Perseussage von Aigeaiiu Kilikien.
155.
E. Taubler. Naeviana. 156.
F. Beciitei.. Zum Inventar von Agnone. 160.
■j- C. Robert. Die Parodos der Aischyleisclien Septem. 161, 172.
F. Lambert. Zur Erkenntnislehre der spiiteren Stoa. Ptolemaios
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F. Thedixga. Plotin oder Xumenios, III. 189.
F. Atenstadt. Zwei Quellen des sogenannten Plutarch de Flu-
viis. 219.
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Kaiser lladrian. 266.
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W. Miller. Democracy at San Marine. 1.
38
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598 PÉRIODIQUES
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— Epigrafi, epigrammi, ej^italami ed ej^itaffi. 251.
— Le parodie del 5 Maggio. 279.
— Xapoleone è veramente esistito? 314.
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A. ZoRi.i. Pape Satan Aleppe. 419.
A. ScARi.ATTi. Disse! 408, 442, 472
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P. Dorbec. Les premiers contacts avec l'atelier du peintre dans
la littérature moderne. 501.
M. Blu.m. Un lien entre les sujets de Corneille. 523.
R. Dezei.meris. Annotations inédites de Michel de Montaigne sur
le « De rébus gestis Alexandri Magni » de Quinte-Curce. 528.
L. Bourquin. La controverse sur la comédie au xviu"^ siècle et la
lettre à d'Alembert sur les spectacles. 549.
P. BoNNEFON. Victor Jac(iuemont annoté par .Stendhal ci par
Mérimée. 575.
604 PÉRIODIQUES
P. DE Lapparext. Rabelais et le basque. 591.
XXIX, 1922. — R. SoRG. Le secret de Ronsard. 1.
A. MouGLOND. Au pays de la Vénus d'Ille Mérimée et Jaubert
de Passa. 17.
G. MoxGRÉDiEN. Les poésies de Tallemant des Réaux. 47.
II. Patry. L'épilogue du procès des u Fleurs du mal ». Une lettre
inédite de Baudelaire à l'Impératrice (1857). 67.
Ch. h. Boudhors. Divers propos du chevalier de Méré en 1674-
1675. 76.
35. — Revue historique. CXXXVIII, 1921.
L. Batiffol. Richelieu et la question de l'Alsace. 161.
R. Vivier. La grande ordonnance de 1351 : les mesures anticorpo-
ratives et la liberté du travail. 201.
Commandant "Weil. Saint-Jean de Latran. La Chapelle de Sainte-
Pétronille et les privilèges de la France, 214.
CXXXIX, 1922. — Ch. Terlixden. La politique économique de
Guillaume I«^ roi des Pays-Bas, en Belgique (1814-1830). 1.
L. Frati. La mort du général Biron (16)2). 40.
Commandant Herlaut. Les enlèvements d'enfants à Paris en
1720 et 1750. 43, 202.
R. Michels. Étude sur les relations historiques entre la France
et les pays du Rhin. 161.
E. Maugis. Un plan d'enseignement historique en 1787. 221.
D. Pasquet. Bulletin historique. Histoire des États-Unis. 232.
36. — Nouvelle revue historique de droit français. 1921.
E. Lesme. Les origines des droits de régal à l'époque carlovin-
gienne. 5.
G. Le Bras. Le « Liber de misericordia et justitia » d'Albert de
Liège. 80.
A. AxDRÉADÉs. La vénalité des offices à Constantinople. 232.
ViARD. Tribunaux de famille à Dijon (1790-1792). 242.
E. Jordan. Dante et la théorie de l'Empire. 353.
J. DE LA Mo.meraye. Le régime féodal et les classes rurales dans
le Maine au xvin« siècle. 165, 397.
P. Thibault. Observations sur le titre de mig-rantibiis de la loi
salique. 449.
E. Meynial. Études sur Thistoire financière du xvi'' siècle. 459.
Levy-Bruhl. La fonction du très ancien testament romain. 634.
37. — La Revue latine. V, 1922.
Baron Kervyx de Lettexhove. Les archiducs Albert etisabelle. 5.
J. CuvELiER. Deux autographes d'Albert et Isabelle. 30.
Comtesse de Villermont. L'infante Isabelle. 34.
L. VAX der Essex. Les ai'chiducs Albert et Isabelle et les origines
de la Légation belge auprès du Vatican. 41.
PÉUIODIQUES 605
Ch. Teri, index. L'archiduc Albert et la guerre contre les Pro-
vinces Unies. 47.
A. CouNsoN. La littérature belge sous les archiducs. G3.
J. CuvELiER et le comte d'Aksciiot. Les premières académies
belges. 70
J. Destkée. Les arts sous les archiducs Albert et Isabelle. 79.
L. CiiEVAijjEK. Les archiducs et l'abbaye de Bonne-Espérance.
111.
R. DouMic. Si Molière revenait parmi nous. 133.
C Bellaigue. Molière et la musique. 177.
Ch. Terlinden. Le régime politique et économique de l'Escaut à
travers les âges. 241
38. — Revue du Nord. VII, 1921.
Ph. Sagnac. La (juestion belge. 1.
M. Bruchet. L'invasion et l'occupation du département du Xord
par les Alliés. 1814-1818 (suite). 30.
C. Richard. La fabrication des armes dans le district d'Abbeville
sous la Convention. 89.
A. Lefas. La juridiction consulaire de Lille et le j)rotocole
d'Adrien Bâillon. 169, 258.
VIII, 1922. — Z. W. Sneli.er. Le dévelopi)ement du commerce
entre les Pajs-Bas septentrionaux et la France jusqu'au milieu
du xv* siècle. 5.
A. Baillox. La juridiction consulaire de Lille et le protocole
d'Adrien Bâillon. 33.
Ph. Sagxac. La crise européenne de 1887. Léopold II, roi des
Belges, et la défense nationale. 89.
F. Gaxshof. Les « homines de gênerait placito » de l'abbaj'e de
Saint- Waast d'Arras. 119.
39. — Revue néo-scolastique de philosophie. XXXIII, 1921.
E. Dupréel. Les thèmes du « Protagoras » et les « Dissoi Logoi ».
26.
M. De Wulf. La formation du tempérament national dans les
philosophies du xiii'' siècle. 59.
P. Charles. Dante et la mystique. 120.
A. Pei.zer. Les versions latines des ouvrages de morale conservés
sous le nom d'Aristote en usage au xui^ siècle. 316, 378.
A. Bacci. Philosophie et poésie dans le poème de Dante. 422.
XXXIV, 1922. — C. H. Graxdgext. Dante scholar and philo-
sopher. 5.
R. Kre.mer. La connaissance historique. Son objet et sa natui-e.
92.
A. de Poorter. L'n traité de pédagogie médiévale : Le « Do modo
addisccndi » de Guibert de Tournai, O. F. M. 195.
606 PÉRIODIQUES
40. — Revue du seizième siècle. IX, 1922.
P. Spaak. Jean Lemaire des Belges. Sa vie et son œuvre. II. 1.
E. Dkrmexghem. Un ministre de François I*"". La grandeur et la
disgrâce de l'amiral Claude d'Annebault. 34.
L. DiiLARuiiLLE. L'étude du grec à Paris de 1514 à 1530. I. 51.
A. Vagaxay. De Rabelais à Montaigne. Les vocables en -en, éen,
-ien. I. 51.
H. Ci.ouzoT. Un émule de Jacques du Fouilloux. Robert de
Salmore. 73.
J. NÈvE. Sesquipedalia verbà : Silozontizationibiis. 76.
M. Gauchie. Les origines du comédien Floridor. 77.
J. Plattard. Une œuvre inédite et nouvellement découverte du
grand rbétoriqueur J. Bodchet : « Les cantiques et oraisons
contemplatives de l'âme pénitente traversant les voies jiéril-
leuses. » 80.
41. — Revue universelle. VIII, 1922.
E. Picard. L'œuvre de P. Duhem en histoire et en philosophie
des sciences. 16.
G. Goyau. Saint Louis. 37.
L. Bertrand. La Lorraine dans l'œuvre de François de Curel. 273.
J. Maritain. Ernest Psichari. 609.
A. Thérive. La langue française et ses périls. 706.
IX, 1922. — A. BoscHOï. Un créateur de Fopéra-comique :
Monsigny. 295.
M. Denis. Les maladies de la monnaie. 603.
A. Thérive. Les styles littéraires d'aujourd'hui. 693.
42. — Romania. XLVIII, 1921.
J. BÉDiER. Les assonances en -é et eu -ié dans la Chanson de
Roland. 465.
J. JuD. Mots d'origine gauloise. (Deuxième série.) 481.
A. L-^NGFORS. Le miroir de la vie et de la mort, par Robert de
rOmme (1266), modèle d'une moralité wallonne du xvi" siècle.
511.
P. KoKSETii. La diphtongaison en catalan. 532.
J. Haust. Etymologies wallonnes et françaises. 547.
G. Bertoni. *Capsea. 579.
L. FouLET. Pour le commentaire de François Yillon. 5S0.
II. K.iKr.i,MAN. Sur deux épisodes de Gautier de Coinci. 588.
XLVIII, 1922. — E. Philipon. L'a médiéval posttonique dans
les langues romanes. 1.
P. Marchot. Xotes critiques sur les plus anciens textes français
et provençaux. 32.
M. Roques. Sur deux particularités métriques dans la Vie de
suint Georffoire en ancien français. 41.
PÉRIODIQUES 607
E. HoKFFNER. Date et composition métrique des jeux dramaticiues
de Chantilly. G2
A. Jeaxroy. Boceace et Christine de Pisan : le De claris nuilio-
ribiis, principale source du Liure delà Cité des Dames. 'J3.
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XV» siècle (B. X. fr. 922:^). lOG.
P. Mahchot. Lut. vulg. *rucciuus « cheval de charge ». 115.
J. Leite de Vascon'cellos. Apotamentos filologicos. 117.
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W. KoxKi. « Wenn » mit « wûrde ». 301.
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L'rtei,. Das Malerische bei Gwy de Maupassant. 34.
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directes dans le français parlé et populaire. Ton père est-il
malade? 55.
E. Mackel Die Sprache im Dienste der Auslandkunde. 97.
R. RiEGLKR. Leber = Seele im Romanischen. 124.
W. KiiCHLER Jean-Arthur Rimbaud. 127.
A. VON Martin. Der Sinu der Commedia. 134.
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608 PÉRIODIQUES
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656, 685, 719, 760, 784, 80G, 860, 932.
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Hendrik Barentsen. 605.
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dag. 625.
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G. Segers. De taal van de school en van het volk. 674.
Kam. J. Muyldermaxs. Sprokkelingen. Volksliedjes op heteinde
der xvm* en 't begin der xixe eeuw. 688.
Is. Teirlinck. lets over grammatische terminologie. 745.
A. Fierens. 0ns prebendenwezen onder de pauzen van Avignon.
809.
O. Wattez. Van niuziek tôt toonkunst. 865.
G. Segers. Het mengelwerk in onze dag- en weekbladen. 903
L. Willems. Lexicografische sprokkelingen. I. 915.
— Margriete van Looren. 929.
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Lusthof ». 25.
Kam. a. Joos. De volksvergelijkingen in de school. 39.
E. Gaillard. Kleine verscheidenheden. 52, 86, 194, 230, 252, 312»
360, 394.
G. Segers. Vondel, onze vlaamsche Dante. Shakespeare's derde
eeuwfeest (1616-1916). 53.
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schat. Een chemische woordenlijst, 89.
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demerstraat te Hasselt, 149.
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M Sabbe. Uit den humanistenkring rondom Plantijn. 253.
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PÉRIODIQUES 609
hoek (Delft 24 Oktober 1G32, 7 2G Augustus 1723) den stichter
der micrographie. 323.
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G. WoLTKRSToHi-i'. Zu lUa.s, Il 02(5. 22
A. WiLHELM. H'YXPOAOYZIOA. 23.
— Zuni Edikt des M. Petronius Mamertinus. 24.
M. Wallies. Textkritisches zu Platons Staat. 41.
Fr. Bock. Plutarch uud die Schrift De educandis pueris. GG.
Fr. Stûrmkr. Die Rahmeuteclmik in der Hius. 91.
C. RiuiKR. Zu I)omostheiU'.s' Kede XIII irepi ouvTdEeuuç. 116.
A. V. Prkmkkstein. Zum Monumentum Ancyranum. 135.
A. KuRFELS. Zur Frage der Echtheit der Epislalae ad Caesarem
senem de re publica. 165.
J. SiEVKKiXG. Zum myronischen Diskobol. 167.
A. KuNZE. Zu eXaqppoç als Stilbegriff. 18U.
S. Lii.i.iKDAHL. Cato, De ai>r. e. IV. 18i).
E. MvIller-Graupa. Der aaTOYaXoPoXoç des Polyklet. 208,
"W. Sternkopf. Zu Tacitus Germania. c. 30. 237.
Th. O. Achems. Eine Cicero-Ileminiscenz bei Winckelmann. 239.
A. SûFSKAXD. Aischylos' Hiketiden. 341 f. 261.
A. Kunze. Zu Ilor. Sat. II, 6, 89. 2G3.
E. Orth Cicero : De legibus, l, 3, 10. 287.
O. GÛTHLING. Zu Xenophons Cjnegeticus. 307.
W. MoRKL. Zu Katalepton 6 uud 12. 308.
M. ScHUSTER. Zum Dativ bei Properz. 310.
A. Klotz. Erwideruug. 312.
Th. BiRT. Zu den Axamenta der Salier. 332
A. PoTï. Eine Wende in der Textkritik desXeuen Testamentes. 357.
F. "Wai.ter. Zu Catull, Tacitus und Ammianus Marcelliuus. 381.
O. Wa(;ner. Textkritisches zu Cornélius Xepos. 403.
B. Lauxx. Kein («iroverkebr bei athenischeu Banken. 427.
A. ZiMMERMAXN. Zu Hesiod. 451.
J. ToLKiEHN. Der Titel des ersten religionsgeschichtlichen
Schrifts Ciceros. 477.
A. L. Maver. Virgo m 479
A. ZiEHEx.Textkritische Bemerkungen zu den Briefen Ciceros. 499.
47. — Zeitschrift fiir Romanische Philologie. XLII. 1922.
L. Spitzer. Aus Anlass von Gamillschegs « Franzosischen Etymo-
logien ». 5.
H. Xeuxkirchen. Zur Teilungsformel im Provinzalischen. 35.
G. RoHi,Fs. Ein problem der vergleichende Lautgeschichle. 68.
E. Lewy. Zur Wesensgestalt des Franzosischen. 71.
A. Zauner. Zur Grammatik. 75.
G. Roni.Fs. Zur « halben n Xegatiou. 80.
30
610 PÉRIODIQUES
G. DE Gregorio. Il piu antico vocabulario dialettale italiano. 89.
Segl. Spanisclie Etymologien. 97.
St. Hofer. Zum Yderroman. 108.
O. MÛLLER. Zur handschriftlichen Uberlieferung des Poème
moral. 109.
48. — Zeitschrift fiir vergleichende Sprachforschung.
L, 1922.
O. Grûnenthai,. Der westslavische Akzeat. 1.
F. HiLX>ER V. Gaertringen. 0apv-. Eine Frage an die Sprach-
forschung. 12,
J. Endzelin. Zur baltischen Deklination der « ablautende o (O/o-
Stâmme. 13.
R. Thurneysen. Zum Lydischen. 35.
J. Pokorny. Hibernica. 1. Indogerm n im Irischen 2. Ir. lae
(' Tag ». 3. Idg. b{h)l im Irischen 4. Alir. dru « Niere » 5. Zur
monophtongierung von ai und oi. 41.
L. Spitzer. Zu dieser Zeitschrift XLIX, 95. 53.
St. Mladenov. Altarm. ul « epiqpoç ». 54.
H. Jensen. Geschlechtswechsel von lit. kiaûlè « Schwein n. 55
E. SiTTiG. Eine elliptische Konstruktion in deu indogerm.
Sprachen. 56.
R. Trautmann. Ueber die Behandlung der Anlautgruppe spr im
Urslavischen. 66.
W. Prellwitz. AaOTrXfiTiç 'Epivuç. 68. .
F. Bechtel. Parerga, 59-66. 69
WoLF Krause Die Wortstellung in den zweigliedrigen Wort-
verbindungen untersucht fur das Altindische, Awestische,
Litauische und Altnordisclie. 74.
W. Preliavitz. 'OXoqpÛJÏoç. 129.
W. Schulze. Vom Stammeln. 129.
E. Hermann. Ergiinzungen zum elliptischen Dual und Kontami-
nation in den indogermanischen Sprachen. 130.
F. HoLTHAUSEX. Etymologien. 141 .
J. ScHRiJNEN. Zur indogermanischen Benennung der Augenbraue.
144.
A Bezzenberger. Eine germanische-baltische Gruszform. 146. .
A. ZiMMERMAXN. Lateinlsche Kinderworte als Verwandtschafts-
bezeichnungen, 147.
A. Bezzenberger. Altpreuszisches. 151.
S. Si.MONYi. Knie und Geburt. 152.
W. Kaspers. Etj'mologien. 155.
A. Bezzenberger. Aus litauischen und lettischen Kriegsbriefe. 158 .
CHRONIQUE
Société pour le Progrès des Études philologiques
et historiques.
Séances du 14 mai 1922, à Bruxelles.
Secli(}n de philologie classique et romane.
La séance est ouverte à 10 1/2 heures sous la présidence de
M. Em. Boisacq. Secrétaire : M. Jean Baugniet.
La section entend quatre communications :
I. M. Vannkrus parle d'abdrd d'une ancienne traduction alle-
mande du suffixe -sier, au sujet duquel maintes discussions ont
déjà surgi entre toponj^mistes. Godefroid Kurth en faisait un
suffixe germanique, et penchait à y voir le -statt allemand
(le stede flamand); c'est là, en somme, la conclusion à laquelle
M. Feller a également abouti en 1904.
En 1913, M. Lue. Roger a déclaré admettre l'opinion de Kurth
et de Feller comme vraisemblable. Toutefois, se basant sur la
traduction allemande de Commanster, Gommels, il a suggéré une
nouvelle interprétation : Gommels pouvant s'expliquer par
*Gommen-holz, on peut supposer que ster signifie « bois, forêt »,
ou plutôt, qu'il est l'équivalent de « sart » (cf. Ducange : « styrpiis
= silva exstirparta, idem quod exartus ») ; le ster wallon a donc
pu venir de exstirpiis > stirpiis. Malheureusement pour le raison-
nement de M. Roger, Gommels n'est pas un nom en -holz, mais
bien en -liaiisen; en effet, M. Vannérus a trouvé deux documents
allemands, où Commanster est appelé Gommel.slmyscn en 1402 et
Gummelsbusen en 1470; une graphie moderne de 1750 fournit une
forme contractée, absolument régulière : Gommelsen. Quant à la
première partie du nom, Gommel{s) ou Gummel{s), ce ne peut être
qu'un nom germanique de personne du groupe Gtima (Forsteniann).
Cette traduction de ster par -liausen permet de donner à ce
suffixe le sens général d' « habitat humain », concordant absolu-
ment avec l'explication du ternie par statt ou -stelle.
612 CHRONIQUE
II. M. Vaxxérus met ensuite les membres de la section au
courant des recherches qu'il a faites à propos du nom de Spa.
Ses investigations doivent encore être poursuivies, mais les don-
nées déjà réunies le portent à admettre que ce nom (1276. Spaas ;
1308, Spasse; 1315, Spa:z; 1371, 1421, Spausse; 1382, Spaulx)ne se
rattache pas, ainsi que d'aucuns le pensent, à spatium (« espace »
défriché dans un bois, pour être mis en culture), mais bien à un
radical primitif germanique, caractérisé par les consonnes ini-
tiales sp ; ces consonnes, qui se retrouvent dans l'allemand
speien (intensif : speuzen), <( cracher », et même dans le latin spiio,
expriment la force d'explosion de l'eau qui sourd. Spa devrait
donc son nom à ses sources caractéristiques.
m. M. KuGENER propose une étymologie très attrayante du
mot Geaiuoqpôpia. Après avoir exposé brièvement le rite de la fête
des Thesmophories, et rappelé les différentes hypothèses émises
au sujet de la signification du nom de cette fête, M. Kugener
propose de voir dans les Thesmophories soit la fête « où l'on
porte des Geajuoî » soit plutôt la fête en l'honneur de la divinité
« qui produit les 6ea)uoî » . Rattachant avec M. Boisacq le mot Beafiôç
au verbe xiGriiui, mais donnant à ce verbe le sens de « planter »
qu'il a dans V Économique de Xénophon et dans les Géoponiques
où il alterne avec le verbe qpuTeûuu, M. Kugener suppose que le
mot 9ea|u6ç a dû avoir anciennement le sens de « plant, j^lante ».
Il fait remarquer, à l'appui de son hypothèse, que les verbes
instituere, constituere, statuera qui ont donné institutio, insti-
tutum, constitutio, statutum ont le sens de « planter » {instituere
olera, constituere arbustum, statuere arborem) et qu'en allemand
les mots Gesetz « loi » et Setzling- (( plant » se rattachent tous les
deux au verbe setzen « placer ».
IV. M. Carnoy tente de nous donner un aperçu de la préhistoire
de quelques noms de rivières du Brabant. Il a soin de nous pré-
venir que c'est là le domaine de l'incertitude, et que lorsqu'on se
trouve en face de la plus vieille forme du nom, on ne peut
qu'émettre des hypothèses donnant satisfaction au point de vue
de la linguistique et que l'on étaye. en outre, au mojen d'ana-
logies de sens et de formation aussi nombreuses que possible.
La Dyle serait la rivière sale. (Cf. Dijl, Thiel, rapproché du
àt. tyrai « marais herbeux », v. slav. ti-le-ti « se jjutréfier » et
grec TÎ\oç (( excrément liquide ».)
La Senne aurait été originairement la rivière brillante, de
même que ses affluents la Sennette et la Zuene (celt. *sunnos
« brillant »).
La Démer devrait sou nom à une épithète signifiant « sombre,
CHRONIQUE 613
noirâtre ». Au celtique Tuniera, on peut en effet comi)arer le
ser. timira u obscur » .
Le Dendre serait la « bruyante » : gall.-rom. Tenera < germ.
^Thencru, cf. gall. Tanarus « qui fait du bruit, retentissant,
tonnant ».
L'Yssche (cf. celte esc, gall. uisc, « eau ») serait simplement
« l'eau ».
La Liasne serait la rivière aux eaux abondantes (germ. Laenen
= lat. Lana fxiii'^ siècle) < celt. *</j> lûnos « plein »), et enfin
les Dion (rivières près de Wavre et de Beauraing) tireraient leur
nom de l'appellation fréquemment donnée par les Celtes aux
rivières pour les diviniser : la divine.
La séance est levée à 12 1/2 heures.
Section de philologie germanique.
La séance est ouverte à 10 1/2 heures. Président : M. P. De Reul.
Secrétaire : M. Collet.
I. M. Bkckeniiaupt fait une communication sur le Paysage
dans Goethe. — Le paj'sage de l'Urfaust marque vis-à-vis du
bric-à-brac pittoresque du Gotz un progrès vers la concentration
expressive. Malgré ses tendances lyriques sa forme reste scé-
nique. La scène « "Wald und Hohle » annonce un paysage intérieur,
muable, émancipé des préoccupations théâtrales ; ce style se
confirme dans la « Walpurgisnacht », qui se déroule en glissement
continu selon les nécessités expressives. Dans la dernière période
(à partir du « Prolog im Himmel ») le paj'sage devient purement
représentatif et tend à exprimer les idées cosmiques de Coethe.
La séance est levée à 12 heures.
*
* *
Section d'hi.stoire.
La séance est ouverte à 10 1/2 heures. Président : M. Vander
Linden. Secrétaire : M. Ganshof.
M. le Président rend, au nom de la section, un hommage ému
à la mémoire de deux savants confrères décédés depuis la précé-
dente réunion : M. le chanoine Cauchie et M. P. Hamélius.
I. M. Hans.w fait une communication sur A lludium, liber homo
et honxo de casa Dei, à Liège, à la fin du xii' siècle et au commen-
cement du xiii^ siècle (*) (suite aux connnunications de M. Gans-
(') M. Hîinsay se proposant de développer sa communication sous forme
d'un article dans cette Heine, nous nous bornerons ici \\ un résumé des idées
directrices.
614 CHRONIQUE
hof dans la séance de mai 1921 et à celle de M. Hansay dans celle
de novembre 1921 ; cf. Bulletin philologique et historique, 1921,
p. 20-21 et p. G9-70).
M. Hansay admet le sens de ministeriales pour tous les textes
du XIII'' siècle où M. Gansbof {Revue belge de Philologie et d'His-
toire, 1922, p. 306-310) a relevé l'emploi du terme homines de casa
Dei dans cette acception.
Par contre, il se refuse à croire avec M. Ganshof que dans la
charte de Philippe de Souabe de 1208, à l'article 12 (éd. Kurth
dans Bulletin de VInstitut archéologique liégeois, t. XXXV, 1905,
p. 304-309), il soit question de cives de casa Dei. qui constitue-
raient au sein de la population liégeoise un groupement de des-
cendants de l'ancienne familia jouissant de privilèges en matière
judiciaire. Dans ce texte il faut, d'après M. Hansay, rattacher
de casa Dei à liberi homines. Ces liberi homines de casa Dei
seraient des ministeriales en train de passer dans la noblesse.
M. Hansay pense — comme M. Ganshof — que l'alleu liégeois
est originairement une tenure. Mais il estime que la transforma-
tion de la tenure en alleu a commencé à une époque plus reculée.
Se basant sur l'article 15 de la charte de Brusthem de 1175 (BoR-
MANS, Ordonnances de la Principauté de Liège, l^^ série, t. I, p 24),
il fait remonter cette allodiation au milieu du xii'' siècle.
II. M. Rousseau parle ensuite des « liberi homines dans le
Xamurois ». Pour M. Rousseau, on ne peut au xii* siècle identi-
fier les liberi homines et les nobiles. Les premiers sont des francs
hommes, des hommes libres assez riches pour être restés proprié-
taires d'alleux. Quant aux nobiles, ils constitueraient la classe
noble, formée au xii® siècle par la fusion de ces liberi homines
avec les chevaliers de la familia comtale, qui comprenait à la fin
des libres et des non-libres.
M. Rousseau développe sa pensée en étudiant les lignages de
francs hommes de Falmagne et de Vierte, ainsi que le morcelle-
ment de leurs alleux. M. Rousseau se i^ropose de préciser son
point de vue dans une étude sur le lignage de Falmagne que
publiera notre Revue (v. plus haut).
Ces deux communications ont été suivies d'un échange de vues
auquel ont pris part MM. Hansay, Rousseau, Van der Linden,
Fairon, Verriest, Lyna et Ganshof.
III. La section a entendu ensuite un certain nombre de courtes
communications :
1° De M. Van der Lindkx, au sujet d'un passage d'une
lettre (1197) d'Etienne de Tournai (éd. Desilve, i). 331).
Il y est question de « barbares » de diverses origines, qui
assiègent Tournai : i^armi eux on cite des hommes originaires
CHRONIQUE 615
d'uu pays que Wauters a pris pour l'Irlande (Hibernie) et l'abbé
Besilve pour Anvers {Aurpie pour Antoerpie). En réalité l'analyse
paléograpbique montre qu'il faut lire Haspie, forme assez fré-
quente de Ilasbanie : il s'agit donc de la Hesbaye.
2° De M. Ganshof, qui signale à la section que le cartulaire de
Harnes (France, départ, du Noi'd), dépendance de l'abbaye de
Saint- Pierre, de Gand, récemment entré aux Archives nationales
à Paris, est étudié en ce moment par M. H. Xowi':, qui se proi)Ose
de le publier.
3° De M. L. Vkrriest, (jui porte à la connaissance de la section
que la Société des Bibliophiles l'a chargé de publier le Vieil Ren-
tier d'Audenarde et qu'il a l'intention d'accompagner cette publi-
cation d'une étude sur l'organisation domaniale et seigneuriale
des sires d'Audenarde.
La séance est levée à 12 12 heures.
Assemblée générale.
La séance est ouverte à 14 12 heures, dans la grande salle du
Palais d'Egmont, sous la présidence de M. Yan der Linden, pré-
sident de la Section d'histoire. Secrétaire . M. O. Grojean, secré-
taire-général.
M. le Président adresse un dernier adieu aux deux membres
éminents que vient de perdre la Société : M. le chanoine Gauchie
et M. P. Hamélius.
M. V. Tourneur, trésorier, empêché d'assister à la séance,
adresse une copie des comptes de 1921 :
Encaisse, boni de 1920 fr. 174.61
Recettes, cotisations, abonnements 1,488.70
Total, .fr. 1,663.31
Dépenses :
Carnet de re(;us et timbres fr. 66.30
Impression du Bulletin, convocations, cartes pour la
Revue 1,246.2.")
Frais d'expédition des volumes aux auteurs des
comptes rendus 14. S3
Secrétariat du Bulletin 6.60
Au concierge de l'Université (deux séances) ... 50.00
Total, .fr. l,J83.ys
616 CHRONIQT'E
Balance :
Encaisse et recettes • . . , . fr. 1.6G3.31
Dépenses 1,383.98
Boni en 1921. . fr. 279.33
Ces comptes sont approuvés par l'assemblée. La cotisation est
fixée à 5 francs pour 1922.
M. Viî^CEXT, secrétaire de la Revue, donne quelques explica-
tions relatives à l'administration de celle-ci.
M. G. Des Marez fait ensuite une attachante causerie sur
Yorîgine et les destinées de Vabbaye de la Cambre, monastère de
Cisterciennes, fondé en 1201. Les bâtiments ont subsisté dans une
grande mesure, et c'est en vue de leur défense et de leur restau-
ration que s'est créée, en mai 1921, la Ligue des Amis de la
Cambre, dont M. Des Marez est l'actif vice-président.
Après la causerie, M. Des Marez fait aux membres de la Société
les honneurs de l'exposition organisée par la Ligue dans le Palais
d'Egmont. Cette exposition comprenait deux salles historiques :
dans l'une étaient réunis les titres et privilèges de l'abbaye
depuis 1202 ; on y remarquait aussi l'Atlas des biens de 1711 ; dans
l'autre salle étaient exposés des objets provenant de l'abbaye :
la châsse de saint Boniface, exécutée vers 1670; un reliquaire du
xviir* siècle, un magnifique ostensoir de 1640, qui se trouve
aujourd'hui à Alsemberg; des portraits d'abbesses, notamment de
la dernière, Séraphine Snoy ; un sermonaire du xvi'' siècle, renfer-
mant le sermon prêché à la Cambre en 1555 par un frère Récol-
let, etc. Dans les autres salles, plus de 120 tableaux, dus au talent
de nombreux artistes contemporains, reproduisaient les sites les
plus pittoresques de l'abbaye.
Les membres de la Société ont emporté le meilleur souvenir de
cette exposition, qui, évoquant toute une page de l'histoire de
Bruxelles, mettait si bien en valeur les titres historiques de l'an-
tique abbaye, son multiple intérêt archéologique et les problèmes
d'esthétique urbaine qu'elle fait naître, et que l'effort énergique
de la Ligue, succédant à des tentatives isolées, se proi)Ose de
résoudre rapidement.
La visite a pris fin vers 18 heures.
La troisième session de l'Union académique internationale.
Bruxelles, 25-27 mai 1922.
La troisième session du Comité de l'Union académique interna-
tionale (U. A. I.) s'est tenue à Bruxelles au Palais des Académies
CHRONIQUE 617
du 25 au 27 mai dcrnior, sous la présidence de M. Pirenne. Les
corps savants de quatorze pays y étaient représentés (Belgique,
Danemark. Espagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne,
Grèce, Italie, Japon, Norvège, Pays Bas, Pologne, Russie et
Royaume des Serbes, Croates et Slovènes).
Des divers travaux ])atronnés par l'Union, deux ont atteint
déjà la période des réalisations.
1. Corpus (les lyases antiques. — La peinture de vases étant,
avec la littérature, « la source la plus riche de nos connaissances
sur toutes les formes de la vie antii^ue et sur les sentiments de
l'âme des Grecs, en même temps que la révélation la plus spon-
tanée et la plus variée de leur génie artistique, une telle publica-
tion, quelle que doive être l'énormité du labeur et de la dépense,
est de celles qui s'imposent aujourd'hui. La science archéologique
se préoccupe de plus en plus dos recueils généraux, des Corpus,
formant des répertoires aussi complets que possible. Ce que le
siècle passé a fait pour les inscriptions, le siècle présent doit le
réaliser pour la science des monuments figurés et déjà plusieurs
entreprises de ce genre sont en bonne voie (') (Corpus des mon-
naies antiques. Corpus des reliefs grecs funéraires, Corpus des
sarcophages romains. Corpus des mosaïques romaines, etc.) ».
Celle-ci a pour initiateur et pour directeur général l'homme le
plus compétent, M. E. Pottier. Comme il a été décidé que chaque
nation participante s'occuperait elle-même de son Corpus, l'état
d'avancement du travail est très variable, suivant que tel ou tel
pays a pu réunir ou non les fonds dont il avait besoin. Pour la
Belgique, le Danemark, la France et la Hollande, on se trouve
devant des préparations assez poussées déjà. Xotamment, en ce
qui nous concerne, M. Capart. directeur régional, assisté de
M. Maj'ence, se propose de i)ublier d'abord tous les vases
antiques du ^lusée du Cinquantenaire, et il donnera l'année pro-
chaine un fascicule composé de deux séries, l'une comprenant des
vases égyptiens, l'autre des vases grecs. Pour le Danemark,
M. Blinkenberg reproduira en premier lieu les séries du Musée
national de Copenhague, en suivant l'ordre chronologique et en
commençant par conséquent jiar les vases égyptiens et mycé-
niens. En Hollande, M. Six prendra d'abord les vases d'une col-
lection particulière de La Haj-e. En France, M. Pottier donne
naturellement la ])remière place au Louvre, mais il a amorcé
également la publication des vases du Musée de Compiègne, qui
sont fort intéressants. Aux reproductions pliototj'piques des
(') Voir la brochure piihiiée par 11". A. 1. sur rnrpanisatinn du C.tirpus
Yasorum antiqunriDii. Pai'is, GJiampion, 111:21.
616 CHRONIQUE
vases seront jointes de très courtes descriptions, avec une biblio-
graphie aussi complète que possible.
M. Pottier s'est adressé à quelques spécialistes j>our obtenir
une série de brèves notices sur le classement des vases des
diverses régions (Egypte, Syrie, Anatolie, Chypre, Crète, Sicile,
Thrace et Scythie, Macédoine, Thessalie, etc.). Ces notices sont
destinées à constituer un volume qui rendra les plus grands ser-
vices aux archéologues et formera un complément très digne du
Corpus. Des félicitations ont été votées à M. Pottier pour la per-
fection de la méthode de reproduction phototypique qu'il a
patiemment et ingénieusement constituée.
2. Le Catalogue des manuscrits alchimiques (i), édité par
MM. Bidez, Cumont et Heiberg, est destiné à former une suite
au Catalogue des manuscrits astrolog-iques, dont l'élaboration a
eu pour résultat, notamment, de transformer nos idées sur les
rapports de la Grèce avec l'Orient. Ce nouveau catalogue est,
sinon le plus vaste, du moins le plus avancé des travaux entrepris
sous le patronage de l'Union. Un premier fascicule, décrivant les
manuscrits grecs des Iles Britanniques, est déjà sorti des presses,
et l'on commence à imprimer les deux volumes les plus impor-
tants de la série, ceux où seront inventoriés les Parisini et les
Marciani. Quant aux manuscrits latins, deux volumes sont en
préparation. L'inventaire des textes conservés dans les autres
langues ne sera entamé qu'après l'achèvement de la section
grecque.
Le Comité de l'Union académique s'est occupé ensuite de divers
projets de publications qui sont encore à l'étude.
1. La vaste enquête sur le droit coutumier de l'Indonésie, que
l'Académie d'Amsterdam i^atronne spécialement, n'a guère avancé
jusqu'ici, les principaux des pays intéressés (Angleterre, France
et Japon) n'ayant point encore fourni les fonds nécessaires.
Néanmoins, M. van Vollenhoven a déjà présenté un spécimen
excellent de lexique des mots indonésiens se rapportant au droit
coutumier, et le comité envisage la possibilité de composer assez
prochainement, d'après un plan analogue, un dictionnaire com-
plet, dont la Hollande ferait les frais pour un tiers au moins.
2. Quant à la réédition du glossaire latin de du Cange, proposée
par l'Académie Royale de Belgique, les travaux préparatoires
ont fait un nouveau et très sensible progrès. La Commission qui
s'en occupe a décidé de se borner d'abord aux périodes mérovin-
(1) Sur la nécessité de ce travail, le progranniio des rechcrclies à faire, etc.,
cf. J. BiDEZ, Bulletins de l'Académie Royale de ISelgifjne, classe des Lettres,
1919, p. 422 ss. et G77 ss.
CHRONIQUE 619
gienne et carolingienne, en laissant aux corps savants de chaque
paj's le soin de déterminer la daie exacte où ils s'arrêteront.
Prochainement, un Comité général, constitué par les divers
membres de l'U. A. I., se réunira à Paris pour fixer le pro-
gramme des recherches et les organiser. Ce Comité s'adjoindra
des savants qui ont particulièrement étudié le côté technique de
la préparation d'un dictionnaire, et il aura à s'occuper d'une
série de questions préalables : répartition du travail entre les
différents pays; sort ù faire aux mots étrangers non latinisés;
désignation d'un directeur et d'un secrétaire général de la rédac-
tion ; détermination du type à adopter pour les fiches et du sys-
tème à employer pour les citations, etc. Enfin, sur la proposition
de l'Académie Royale de Belgique, il a été décidé que l'on com-
mencerait sans retard à publier un Bulletin, où les collaborateurs
du nouveau dictionnaire pourraient faire connaitre immédiate-
ment les plus marquantes de leurs découvertes.
3. L'année dernière, M. le sénateur Lanciani, délégué de l'Aca-
démie des Lincei, avait annoncé la présentation d'un projet de
carte archéologique de l'Empire romain et de complément au
Corpus des inscriptions grecques et latines. Ces deux projets ont
donné lieu à des débats fort intéressants. Tout d'abord, il a été
entendu que chaque pays dresserait pour son compte des cartes
archéologiques de la partie du monde romain dont il est déten-
teur, avec toute liberté pour le choix des échelles, et l'on a émis
le vœu que ces cartes partielles puissent préparer, quand les cir-
constances le permettront, la confection d'une carte générale à
échelle uni(iue du monde romain tout entier. Quant au Corpus
des inscriptions, sur la ])roposition de M. de Sauctis, qui parlait
au nom des Académies des Lincei et de Turin, tout d'abord on a
écarté l'idée d'une entreprise collective, x^uis on a décidé de
recommander aux corps savants intéressés une méthode adoptée
déjà en Italie et dans plusieurs autres pays. Cette méthode com-
porte, (( suivant les circonstances, et en raison de l'importance
plus ou moins grande des découvertes récentes, tantôt une réfec-
tion totale des recueils antérieurs, tantôt de simples suppléments,
destinés à être constamment tenus à jour ». En Angleterre, on a
déjà décidé de rééditer en totalité les inscriptions latines de la
Bretagne romaine; à Si)alato, M»''" Bulic a recueilli plus de
2,000 inscriptions qui manquent dans le Corpus de Berlin et il se
propose de les publier dans un recueil nouveau; pour la Grèce,
l'abondance des trouvailles empêche de songer pour le moment à
faire autre chose que les publier au jour le jour dans les revues
éiwgraphiques; en France, le premier volume des Inscriptions
620 CHRONIQUE
latines de V Algérie (avec 4,000 textes) vient de paraître, et l'on a
déjà préparé, mis en train ou sous presse des Suppléments pour
la Tunisie et le Maroc.
4. Reprenant et développant une proposition de M. Mikami, les
délégués de l'Académie impériale de Tokyo, MM. Inouyé et
Minobé. ont obtenu le patronage de l'Union pour les recherches
que les historiens du Japon voudraient entreprendre dans les
bibliothèques des pays occidentaux, notamment en Hollande, en
Angleterre, en France et en Italie, afin d'examiner les documents
relatifs aux missions, aux relations commerciales et diploma-
tiques, et notamment aux ambassades jaiionaises de 1585, 1614
1615 et 1617.
5. Ensuite, le Comité de l'U. A. I. a abordé l'étude d'un système
de transcription phonétique et de translittération proposé par
MM. Jespersen et Salverda de Grave. 11 s'agit « de trouver, d'une
part, des signes propres à exprimer avec clarté et simplicité les
sons des langues les plus diverses, et d'autre part, un système
pratique qui jiermette soit de rendre plus accessibles les textes
écrits dans un alphabet étranger, soit de faciliter l'étude des
langues qui n'existent qu'à l'état d'idiome parlé ». Divers spécia-
listes seront consultés sur ce projet et invités à dire dans quel
sens il devrait être modifié ou développé pour tenir compte des
particularités de la langue dont chacun d'eux s'occupe.
6. Enfin, sur la proposition de Sir Fred. Kenyon, de la British
Academy, le Comité a établi le texte d'une série de recommanda-
tions à faire, au nom de l'Union académique, aux administrations
des antiquités dans les pays à mandat ou assimilés. Je me borne
à en reproduire ici les articles les plus importants :
« V. Quiconque découvre une antiquité doit en faire la décla-
ration dans le plus court délai possible au Service archéologique
ou à l'autorité la plus proche. Sous cette réserve et à condition
de la conserver avec le soin requis, l'inventeur peut être autorisé
à la garder.
« VI. Le détenteur régulier d'une antiquité a le droit de la
vendre ou de l'aliéner, mais uniquement dans les formes prévues
par la loi des antiquités et avec le consentement du Service
archéologique.
« VII. Aucune antiquité ne peut être exportée sans une autori-
sation expresse du Service archéologique.
« VIII. En cas de vente à l'intérieur ou au dehors, l'administra-
tion des antiquités se réserve le droit de préemption, conformé-
ment à la procédure déterminée pour la fixation des prix par la
loi des antiquités.
CHRONIQUE 621
« X. Aucune fouille ne i)eut être entreprise sans une pcrmis-
gion régulière des autorités, après avis du Service arcliéologi(iue.
« XI. La permission ne peut être accordée qu'à des institutions
savantes reconnues ou à des personnes dûment (jualifiées et cau-
tionnées par de telles institutions.
(( XII. A l'achèvenient des fouilles, tous les objets découverts
sans exception sont remis au Service archéologique dans le local
désigné par lui.
« Les pièces mobiles d'une importance historique ou artistique
capitale sont, par les soins du Service archéologique, réunies dans
un musée central ou local, au mieux de leur sécurité et des faci-
lités de l'étude, et de manière à représenter aussi complètement
que possible la civilisation du pays.
« Le musée une fois doté, le Service archéologique aura qualité
pour attribuer au fouilleur une part des découvertes accomplies
par celui-ci.... Cette part consistera éventuellement dans les
doubles, ou eu objets assimilables à des doubles. Elle variera
suivant les lieux et circonstances, et pourra s'élever jusqu'à la
moitié des découvertes lorsque 1 abondance du matériel archéolo-
gique le permettra ou que pourront le recommander les difficultés
de la conservation surplace ou les intérêts généraux de la science.
Eu égard aux mêmes intérêts, on s'efforcera que la part faite au
fouilleur soit, elle aussi, autant que faire se pourra, représenta-
tive de la civilisation du i^ays auquel il aura consacré ses dépenses
et sou labeur.
« XIII. L'autorisation de fouilles comportera, pour l'institu-
tion savante ou la personne compétente qui eu aura bénéficié,
l'obligation de publier, dans un délai raisonnable et court, uu
rapport suffisamment détaillé sur la marche des travaux, la
nature, la date et le lieu des découvei-tes principales. On inili<iue-
rait aussi, à l'occasion, la destination définitive qu'elles auraient
reçue dans le pays ou au dehors.
« XIV. Toute institution savante, toute personne dûment qua-
lifiée et cautionnée peuvent concoui'ir pour les autorisations de
fouilles, qu'elles appartiennent ou non aux iiuissanccs manda-
taires.
« Entre puissances mandataires les relations archéologiques
seront soumises au régime des réciprocités dans les limites défi-
nies par la présente convention. »
On le voit, l'Union académique démontre sa vitalité, non seu-
lement par les travaux qu'elle organise ou patronne, nuiis aussi
par l'entente ([u'elle parvient à établir entre ses membres, là où
l'idée d'une publication collective doit être écartée, et où il faut
622 CHRONIOL'E
laisser une pleine autonomie aux corps savants des divers pays.
Dans ces cas-là, elle exerce une influence précieuse comme inter-
médiaire et coordinatrice, et le bon esprit — fait de confiance, de
cordialité et de sincérité — qui règne chez elle a exclu jusqu'ici
même l'ombre d'un dissentiment.
J. BiDEZ
V^ Congrès International des Sciences Historiques.
(Bruxelles, Pâques 1923.)
Le Comité organisateur du Congrès s'est réuni à Bruxelles, le
dimanche 28 mai, sous la présidence de M. Pirenne. Plu-
sieurs savants étrangers avaient bien voulu assister à la séance :
MM. Homolle, membre de l'Institut, administrateur de la Biblio-
thèque Nationale; Haskins, professeur à Harvard University ;
Shotwell, professeur à Columbia University ; Koht, professeur
à l'Université de Christiania; Kochanowsky et de Halecki,
professeurs à l'Université de Varsovie.
Après avoir appris que S. M. le Roi daignait accorder au
Congrès son haut patronage, l'assemblée a fixé la liste des per-
sonnalités appelées à constituer le Comité d'Honneur des grandes
assises historiques de l'an prochain.
Le Comité a pris ensuite un certain nombre de mesures impor-
tantes au sujet de l'organisation proprement dite du Congrès.
Il a décidé qu'en principe, celui-ci se tiendrait entre le 8 et
le 15 avril, soit donc à partir du lundi suivant l'octave de Pâques.
La cotisation des participants sera de 50 francs.
Il a paru utile au Comité de donner — au moins à titre provi-
soire — un cadre aux travaux du Congrès. Sous réserve de
modifications ultérieures, la création des sections suivantes a
donc été décidée :
I. Histoire de l'Orient. II. Histoire grecque et romaine,
m. Etudes byzantines IV. Histoire du moyeu âge. V. Histoire
moderne et contemporaine (y compris l'histoire coloniale).
VI. Histoire religieuse et ecclésiastique. VII Histoire du droit.
VIII Histoire économique. IX. Histoire de la civilisation (philo-
sophie, sciences, conceptions politiques et sociales, enseignement).
X. Histoire de l'ai-t et archéologie (y compris la préhistoire).
XI. Méthode historique et sciences au.xiliaires de l'histoire (y
compris la géographie historique). XII. Documentation sur
l'histoire du monde pendant la guerre. XIII. Archives et publi-
cations de textes.
CHRONIQUE 623
Cliaeune de ces sections pourra, d'ailleurs, si elle le juge utile,
se subdiviser en plusieurs sous-sections pour tout ou partie de la
durée du Congrès.
Dès à présent le Comité est assuré de la collaboration active de
plasieurs historiens étrangers des plus légitimement réputés.
Une première circulaire, dont on trouvera le texte plus loin,
est envoyée en ce moment à toutes les Académies, Universités et
Sociétés savantes, ainsi qu'aux historiens individuellement, pour
faire connaître la tenue du Congrès.
Le Secrétariat fixé à Bruxelles, 12, rue Jacques Jordaens
(M.. r.-L. (Janshof), se tient à la disposition des intéressés pour
leur fournir tous renseignements utiles.
G.
Actes des anciens Etats-Généraux des Pays-Bas.
On sait que la Commission royale d'histoire de Belgique avait
décidé, plusieurs années avant la guerre, de procéder à la publi-
cation des Actes de nos anciens États-Généraux. L'occupation
allemande a empêché la préparation de ce travail confié à
MM. Pirenne et Cuvelier. Mais, à présent, on n'attend plus que
la liquidation des nombreuses publications interrompues par
la guerre pour commencer l'impression des Actes des Etats-
Généraux.
A ce propos, il est intéressant de remarquer que l'Italie aussi
s'était occupée, j^eu de temps avant la guerre, d'entreprendre
une publication similaire. Elle avait même institué une Commis-
sione per la piiblicuzione degli atti délie assemblée costituziunali
italiane dal medio evo al 1S31. Mais, comme il n'y eut jamais en
Italie de véritables Etats-Généraux semblables à ceux des Pays-
Bas, on a décidé de publier séparément les Actes des divers
Etats, Piémont, Sicile, Sardaigne, Xaples, Venise, etc., qui
dejîuis ont constitué l'Italie.
Œuvre Nationale pour la Reproduction de Manuscrits
à Miniatures de Belgique
Sous les auspices de la Société des IJibliophilos et Iconophiles
de Belgique vient d'être créée, à Bruxelles, VŒuvre nationale
pour la Reproduction de Manuscrits à Miniatures de Belgique.
Le but de l'G'Aivre est de faire mieux connaître une partie
importante tie notre patrimoine artisti(iue en donnant, i)ar des
624 CHRONIQUE
procédés d'une exactitude minutieuse, la reproduction eu couleurs
des plus beaux manuscrits existants en Belgi([ue ou d'origine
belge.
L'intérêt d'une pareille entreprise ne peut échapper à personne.
Tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'art savent quel
précieux instrument de travail constituent les nombreuses collec-
tions de documents obtenus par un procédé photographipue,
d'après les monuments de la peinture, de la sculpture, de l'archi-
tecture. Seuls, dans ce mouvement de diffusion artistique, les
manuscrits à miniatures ont été jusqu'ici négligés. Ce n'est guère
que depuis une vingtaine d'années que l'on parait se préoccuper
sérieusement de mettre en valeur ces miniatures qui, tant pour
l'histoire des origines de la peinture que pour celles des mœurs
et du costume, constituent une source inépuisable de renseigne-
ments. On s'est rendu compte qu'il était inadmissible que ces
admirables documents restassent plus longtemps cachés dans les
bibliothèques publiques et les collections privées, connus seule-
ment de quelques érudits et de quelques amateurs d'art.
Le congrès, réuni à Liège en 1905, à l'initiative du Gouver-
nement belge, en vue d'établir une entente internationale pour la
reproduction des manuscrits, a mis en lumière tous les aspects
du problème. D'excellents rapports y furent présentés, et ils
donnèrent lieu aux résolutions les plus généreuses.
Ce bel élan d'enthousiasme ne rencontra malheureusement pas
l'appui des gouvernements. L'initiative privée de plusieurs
conservateurs de bibliothèques, à Paris, Londres, Bruxelles,
nous valut la reproduction de quelques manuscrits précieux;
mais aucun plan d'ensemble ne fut élaboré qui pût donner aux
travailleurs l'espoir prochain d'une documentation sagement
ordonnée et méthodiquement poursuivie.
Ce n'est qu'en 1911 que la Société française de Reproduction
de Manuscrits à Peintures mit sur pied son projet de Corpus
picturarum manuscriptorum codicum, projet admirable qui
recueillit aussitôt l'adliésion des érudits et des amateurs du
monde entier et dont la mise à exécution ne tarda pas à donner
les meilleurs résultats.
Outre un Bulletin, qui paraît deux fois par an, accompagné de
nombreuses planches de phototypie, la Société française a déjà
publié trois gros volumes consacrés à la reproduction intégrale
d'une splendide Bible moralisée du xiii* siècle, et un autre, moins
important, qui rej)roduit les plus belles miniatures des Heures à
l'usage d'Angers.
C'est beaucoup, si l'on tient compte des difficultés matéi'ielles
d'une pareille entreprise ; c'est trop peu, si l'on considère dans
CHRONIQUE &2Ô
SOU ensemble l'œuvre à accomplir. Celle-ci est, semble-t-il, assez
vaste et d'un intérêt suffisamment urgent, pour (^ue chaque ija3S
puisse, sans esprit de rivalité, prendre sa part de la tâche
commune. C'est dans cette pensée que la Société des Bibliophiles
et Iconophiles de Belgique a estimé ([u'il était de son devoir, au
lendemain du catacljsme qui a mis en péril l'existence de tant
d'œuvres d'art, de créer un organisme qui eût pour mission de
faire mieux connaître, en en rendant l'étude accessible à tous, les
plus beaux manuscrits à miniatures de nos collections publiques
et privées.
LTA'uyrc nutionale pour lu Rcpruiluctiuii de Manuscrits à Minia-
tures de Belgique s'est tracé \\\\ programme précis. Son activité
se limitera aux œuvres existant en Belgique ou d'origine belge,
son choix se portant sur les plus précieuses et les plus significa-
tives au point de vue de l'iiistoire artistique de notre pays. Elle
en assurera la reproduction intégrale en couleurs — le texte seul
pouvant être excepté lorsqu'il n'offrira i)as d'intérêt suffisant —
par le pi'Océdé de la quadrichromie (Quelque coûteux qu'il soit,
ce procédé, arrivé aujourd'hui à un rare degié de perfection, est
le seul qui puisse donner une image fidèle de l'original.
Pour mener à bonne fin la réalisation de ce programme, KKu-
vre a besoin de ressources considérables. L'exécution des clichés
en quadi'ichromie réclamant les soins les plus attentifs et les plus
minutieux, l'élaboration des publications sera forcément assez
lente. L'Œuvre doit donc pouvoir disposer d'un capital important
(jui lui permette de poursuivre ses travaux sans interruption, et
sans avoir à escompter la vente d'une publication pour eu entre-
prendre une autre
L'Œuvre compte sur l'appui de tous ceux qui ont à cœur
d'assurer la sauvegarde et la diffusion des richesses artistiques
de notre i)a3s. Elle espère qu'il lui sera donné de trouver parmi
eux les cinquante membres protecteurs cjui, par un versement
immédiat de 5,000 francs, constitueront la i)remière mise de fonds
indispensable. Les membres protecteurs recevront de droit un
exemplaire de toutes les publications de l'CEuvre.
Pour la première do ses publications, l'tKuvre a i)orté son choix-
sur l'un des joyaux les plus précieux des collections de la Biblio
thèque royale de Belgique, le fameux livre d'heures dit Heures
de Notre-Dame de Hennessy Les cinquante sept feuillets enlu-
minés qui font de ce manuscrit l'une des œuvres les plus
intéressantes de l'Ecole ganto-brugeoise de miniaturistes, seront
reproduits inlégralemeut dans leur grandeur originale, et accom-
pagnés d'un commentaire de M. Joseph Destrée, le savant
conservateur honoraire des Musées du Cinquantenaire.
40
626 CHRONIQUE
L'Œuvre espère que cette publication lui vaudi-a Tapprobation
de tous les amis de l'Art et du Livre et qu'elle contribuera à lui
assurer les concours dont elle a besoin pour mener à bien l'entre-
prise à laquelle elle a décidé de dévouer son activité.
Pour tous renseignements, s'adresser au Secrétaire de l'Œuvre,
M. Camille Gaspar, conservateur des manuscrits à la Biblio-
thèque royale de Belgique, rue du Musée, Bruxelles.
Philolog-ica.
Xous avons reçu le premier fascicule (149 p., 1921) d'une nou-
velle revue Philologica. Journal of comparative Philolog-y,
organe de la Pliilological Society de Londres, et éditée par Jos.
Baudis, professeur de philologie comparée à l'Université de
Prague et L. C. Wliarton secrétaire de la Philological Society.
(Adresse ; 31, Greville Road, London N. W 6.) Outre des articles
relatifs à la grammaire de l'égyptien (Gardinerj, aux inscriptions
lépontiennes et lydiennes (Pedersen), à l'arabe (Kuzicka), au dia-
lecte du Xepal Turner), au gallois (Baudis), le fascicule dontient
notamment une très curieuse étude de Jesperseu sur la valeur
symbolique de la voj'elle /, une note de A. Meillet sur quelques
formes du parfait latin, une analyse de la phi-ase de Cicéron au
point de vue de l'emphase logique et l'hétorique (H. J. Rose).
La population de Rome à travers les âges.
A loccasion du recensement tout récent, qui assignera à la
ville de Rome une population d'un peu plus de 700,000 âmes.
M. Lanfranco Marvi publie dans le Bolletino delV Ufficio Munici-
pale del Lauoro une curieuse étude statistique sur les variations
du nombre de ses habitants à travers les siècles. La légende veut
que le premier recensement ait été fait par Servius TuUius et
l'on en connaît 75 jusqu'à l'année 826. On ne s'étonnera pas d'ap-
prendre que leurs résultats ne soient pas toujours d'une précision
absolue. Les évaluations concordantes des auteurs modernes
attribuent à la capitale de TP^mpire au début de notre ère environ
un million d'habitants, mais ce chiffre était tombé sous Romulus
Augustule à 200,000. Pour le moj-en âge les éléments statistiques
sont fournis par les registres paroissiaux, et ce n'est qu'à partir
de Clément Vil (1527) (lu'on dispose de dénombrements plus
précis; mais les calculs qui peuvent être faits montrent le dépé-
rissement continu de la grande cité jusqu'aux iv*^ siècle : en 476,
CHRONIQUE 627
SOUS Théodoric, 120,000 : en 774 sous Désiré l'oi des Lombards
50.(100, en 902 sous Jean XII, 40,000 ; en 1197, sous Innocent III,
35,000. Puis vint le transfert du siège pontifical à Avignon
et l'exode qui l'accompagna. Quand Grégoire XI fit retour dans
la Ville Eternelle, elle était réduite à une population de 17,000
âmes. Entourée d'une cam])ague déserte, ravagée chaque année
I^ar la malaria, sans commerce et sans industi-ie, elle ne survécut
que parce qu'elle était le siège de la papauté. L'accroissement de
Rome est déjà sensible sous Léon X qui la vit passer de 40,000 à
60,000 habitants. Le sac terrible de 1527 la fit retomber à 33,000,
mais déjà elle en comptait 109,729 en 1600. En 1700 elle en avait
141,784 et en 1797, 166,280. La révolution, puis la captivité du
pape provoquèrent une nouvelle période de dépression démogra-
phique. De 147,026 âmes en 1799, le chef-lieu du département du
Tibre tombe en 1812 à 117.882. Depuis lors l'ascension a été
continue ; les chiffres sont de 176.002 en 1853, de 226,022 eu 1870
à la veille de l'occupation italienne. La capitale du nouveau
roj'aume prit un rapide essor : elle avait, en 1901, 462,783 habi-
tants et en compte actuellement, par suite de 1' « afflux urbain »,
provoqué par la guerre dans tous les pays, plus de 700,000.
Paul Hamélius.
(26 avril 1868-23 février 1922.)
L'LTniversité de Liège et, peut-on dire, la science belge tout
entière, viennent de faire une perte des jilus sensibles en la per-
sonne de M. Jean-Paul Hamélius, décédé à Liège, après une courte
maladie, le 23 février 1922.
Paul Hamélius naquit le 26 avril 1868 à Ypres, où son père,
médecin-major de régiment, se trouvait alors en garnison Mais
ses attaches familiales étaient luxembourgeoises. Ayant perdu
son chef très jeune encore, la famille alla s'établir à Metz, et
c'est là que le jeune Paul fit ses premières études au gymnase
impérial allemand. En 1880, il revint en Belgique et fut successi-
vement élève des athénées d'Arlon et de Bruxelles. Dès l'âge de
treize ans, une vocation précoce lui avait fait décider qu'il serait
professeur. Il entra à l'Ecole normale des Humanités de Liège
en 1884 et en sortit avec le titre de professeur agrégé en 18S8.
Surveillant à l'athénée de Tournai (18SS-1891), professeur aux
athénées de Charleroi (1891-1894) et dixelles (1894-1904). il suc-
céda à son vieux maître Oswald Orth dans la chaire d'anglais de
l'Université de Liège le 20 octobre 1904. 11 était docteur spécial
6i?8 CHRONIQUE
en philologie germanique de Liège depuis le 19 février 1898. Son
enseignement s'accrut successivement des cours d'histoire appro-
fondie de la littérature anglaise (6 novembre 1905) et de notions
sur les littératures modernes (30 octobre 1906) ; ce dernier lui fut
attribué lors de la retraite de G. Kurth, qui en était titulaire.
Professeur extraordinaire en 1910, il reçut Tordinariat en 1919.
Hamélius parlait et écrivait l'anglais à la perfection ; non pas
avec la perfection relative dont se contente un étranger, mais
comme un indigène instruit et cultivé. C'avait été l'une des
grandes ambitions de sa vie d'arriver à une maîtrise complète
de cette langue difficile entre toutes quand on veut en posséder
le détail infiniment complexe, et les efforts qu'il avait consacrés
à cette acquisition durant une partie de sa jeunesse et toute sa
maturité avaient été couronnés d'un plein succès. Il n'était pas
moins à l'aise en français et en allemand. Parlant depuis l'enfance
le dialecte de ses parents, Luxembourgeois l'un et l'autre, ayant
de par ses solides études au gymnase une ancienne familiarité
avec la belle littérature classique allemande, il lui en était resté
ce goût jîour la j)oésie, propre à tous ceux qui ont touché en
quelque manière au romantisme germanique. De jilus, quand il
employait l'allemand, l'élégance et la pureté de sa diction
faisaient l'admiration des Allemands qu'il rencontrait. Mais
Metz n'était pas plus en 1875 qu'aujourd'hui une ville allemande.
S'il y fréquenta les écoliers prussiens amenés par l'occuiiatiou, il
garda aussi de son séjour en Lorraine le goût et le culte de la
langue française qu'il parla toute sa vie avec un accent très fran-
çais, légèrement teinté de lorrain. Et ce dernier trait achevait de
donner sa physionomie particulière à ce Belge luxembourgeois,
si anglais à la fois et si français, qu'on en oubliait que sa langue
maternelle était un parler allemand et qu'une partie de son éduca-
tion avait été allemande. Ajoutons, enfin, qu'il apprit le flamand
relativement tard pendant son séjour à Tournai, mais d'une
manière très approfondie, qu'il savait l'italien et le suédois et
lisait couramment l'espagnol.
L'étude des langues était pour Hamélius un moyen plutôt
qu'un but. Parmi ses maîtres, c'était G. Kurth qui, par ses
immenses lectures et sa connaissance encyclopédique de toutes
les littératures, avait eu le plus d'influence sur sa formation. A
son exemple, Paul Hamélius rêvait d'embrasser dans son esprit
l'ensemble des lettres européennes depuis le moyen Age. Mais ces
deux hommes étaient néanmoins bien différents. Kurth était un
romantique par instinct plus encore que par système. Il est
moins aisé de définir le credo littéraire d'Hamélius, mais il fut à
peine effleuré par le romantisme. Très indépendant, très éclec-
CHRONIQUE 6-9
tique, très accessible aux qualités de la forme sans oublier celles
du fond, il aurait, je crois, affirmé son désir de ne juger l'œuvre
qu'au point de vue exclusif de la beauté littéraire. Quoi qu'il en
soit, sa connaissance de la littérature anglaise, fondée sur une
vie d'études, son commerce ancien avec les classiques allemands,
sa familiarité avec les vieilles littératures du Noi-d, la littérature
flamande ancienne et moderne, plus tard d'immenses recherches
dans les lettres fran<;aises et anglaises du moyen âge. avaient fait
de lui un des hommes les plus compétents en histoire littéraire.
Xotre collègue n'arriva à l'Université qu'après seize ans d'en-
seignement moyen. Conscient de sa valeur et désireux de se pro-
duire sur un théâtre digne de ses talents et de son travail, il
avait passé ces seize années à parfaire sa préparation par un
labeur opiniâtre, y consacrant ses veilles et ses nuits quand la
journée ne suffisait pas. Nous reparlons plus loin de ses publica-
tions de début dont plusieurs sont d'un maître. Déjà alors, l'excès
de travail faillit compromettre une santé qui ne fut jamais bien
robuste et lui-même nous racontait que quand on le vit jjartir en
cure pour Aix-les-Bains, en 1902, son aspect était celui d'uu
homme tellement épuisé par la maladie que plus d'un craignit de
ne plus le voir revenir. 11 n'en fut rien heureusement. Mais
Hamélius était un consciencieux. S'il se croj-ait le droit de
réserver ou de prendre du temps pour ses études personnelles,
jamais il ne pensa négliger ses devoirs professionnels, ni s'ac-
corder quelque facilité qui eût été aux dépens des élèves A
l'athénée comme à l'université, ce fut toujours le même souci de
bien faire, de faire mieux le lendemain que la veille. Indifférent
aux considérations de famille et de concurrence scolaire, ayant
un dédain supérieur pour la paperasse administrative, il cher-
chait, non à être un rouage docile dans la machine enseignante,
mais à former des élèves, à leur faire part de ce qu'il savait lui-
même. Il discutait volontiers sur les méthodes concrètes d'ensei-
gnement, aimait à entendre l'avis de collègues et sollicitait
fréquemment leur jugement sur le choix des auteurs, des lectures,
des méthodes de travail. Cela ne l'empêchait du reste pas d'en
agir à sa guise. Ceux de ses amis qui l'ont connu avant son
arrivée à Liège pourront mieux que nous apprécier ce qu'il fut
comme professeur d'athénée ; mais son impeccable conscience
professionnelle, sa haute probité pédagogique étaient des qua-
lités trop innées en lui pour qu'on puisse en reporter la genèse à
ses débuts universitaires. Homme de devoir, il le fut toute sa
vie; s'il tomba jeune encore au champ d'honneur de la science,
le seul excès qu'il eût à se reprocher fut de n'avoir pas assez
ménajjré ses efforts dans le labeur-.
630 CHRONIQUE
Le 11 novembre 1904, Hamélius faisait à l'Université de Liège
sa leçon d'ouverture, une causerie brillante et spirituelle sur
Shakespeare, qui fut fort remarquée. Il avait aloi'S trente-six
ans. Son allure alerte, la mobilité de sa phj^sionomie, sa parole
vive et animée suscitèrent chez ses premiers auditeurs un vif
mouvement de curiosité ; bientôt ils se rendirent compte de
l'étendue et de la sûreté de ses connaissances et ce fut alors, parmi
les hiches et les mous, une espèce d'épouvante. Il ne tarda pas,
pour beaucoup d'élèves, à devenir le professeur terrible; c'est
que, comme Kurth, il croj-ait que le niveau de l'université doit
être réellement supérieur et il était impitoyable pour toutes les
nullités qui s'j- hasardaient. Rien n'était plus éloigné de son
caractère qu'une mesquine vanité de pion en mal de faire sentir
sa férule. Tout en estimant beaucoup ses anciens maîtres, avec
lesquels il garda jusqu'à la fin d'excellentes relations, il ne pou-
vait s'empêcher de sentir combien il leur était supérieur, de se
rendre compte des lacunes qu'ils avaient laissées dans sa forma-
tion. L'ancienne Ecole normale des Humanités avait vécu et se
trouvait remplacée par un nouveau doctorat en philosophie et
lettres divisé en multiples sections, à l'horaire surchargé, au
programme encyclopédique. Hamélius était loin de se sentir à
l'aise dans ces cadres, trop étroits et trop rigides à son avis (<) ;
cela ne l'empêcha pas néanmoins de s'atteler de toutes ses forces
à une réforme des études en attendant qu'il pût songer à celle
des programmes. La multiplicité des matières, déjà sensible pour
les élèves dautres sections, était écrasante pour les étudiants
germanistes obligés de mener de front l'étude de trois langues
modernes et celle de nombreux cours d'histoire et de philoso-
phie . Hamélius faisait de son mieux en intervenant auprès de
ses collègues pour alléger quelque peu la charge de ses élèves
surmenés: il faisait valoir que la formation spéciale est impos-
sible si les cours de formation générale occupent tous les loisirs
de l'élève. D'autre part, il suivait de très près les étudiants,
veillait aux leçons qu'il leur faisait faire, s'occupait méticuleuse-
ment de leurs dissertations doctorales. A ses yeux, un professeur
d'anglais ne peut se contenter d'une étude théorique de la langue ;
il exigeait des élèves qu'ils allassent passer au moins une fois
leurs vacances en Angleterre. Du reste lui-même ne parlait à ses
auditeurs que l'anglais depuis la rentrée d'octobre jusqu'à la fin
de l'année. Il est difficile d'estimer jusqu'à quel point cette
(1) Il prit on 19-20 rinitiMlivo d'un pian de réforme et surtout de sinipiificn-
tion de ce programme trop touffu. La mort ne lui permit pas de poursuivre
l'achèvement de ces projets.
CHROMQi E 631
réforme radicale dans les habitudes de la section gerniani<iue a
porté des fruits, vu le ])etit nombre d'années qui s'écoula entre les
débuts d'IIamélius et la grande crise de 1914, la(iuelle bouleversa,
avec bien d'autres choses, les conditions normales de l'enseigne-
ment. Mais il est certain qu'il fut désormais impossible pour des
élèves hâtivement préparés par une teinture su])erficielle des
hmgues modernes de se pi-ésenter aux examens avec quelque
chance de succès. Il fut entendu que tenter les études germa-
niques sans une sérieuse préparation pour l'anglais, c'était courir
au devant d'un échec certain.
Hamélius ne fut jamais un pédagogue au sens classique du
mot. Son esprit primesautiei-, volontiers emporté par l'inspira-
tion du moment, s'astreignait malaisément à suivre une voie
jalonnée d'avance. 11 ne sut pas toujours exactement laquelle de
ses heures devait s'appeler « explication d'auteurs » et laquelle
« exercices ». A tout moment, à propos de tout, à propos de rien,
il faisait de la grammaire, de la métrique, de la phonéti(iue, de
l'histoire littéraire. Son enseignement était admirablement sug-
gestif, il était vivant, il ébranlait profondément les facultés de
l'élève, si bien que pas une des possibilités qu'il portait en lui
n'échappait à la secousse. Mais la méthode, au sens i)ropre du mot.
lui faisait défaut. Ceux à qui man([ue toute originalité et (jui
n'ont pour eux que leur méthode, je veux dire celle qu'ils ont
achetée avec leur manuel chez le libraire, pourront lui jeter la
pierre. Pour nous, qui constatons le vide immense que laisse sa
disparition dans le corps enseignant de Liège, nous ne pouvons
que regretter le petit nombre de ces maîtres dépourvus de
méthode, si l'on veut, mais qui savent si bien donner le goût de
l'étude aux élèves qu'ils forment.
Sociable par nature, ayant toujours le besoin de sentir autour
de lui le contact de camarades à qui communiquer l'activité de sa
pensée. Hamélius rêvait à son arrivée à Liège d'une espèce de
cercle où les jeunes professeurs d'une ou de plusieurs facultés se
fussent retrouvés régulièrement chaque sema ne pour causer de
leurs lectures et de leurs travaux. Pendant un peu plus dun an.
un certain nombre de jeunes chargés de cours se retrouvèrent
chatiue vendredi dans le « quartier » d'IIamélius. rue Méan. On
y fit peu de savants travaux, mais on apprit à se connaître et à
s'estimer, et ces réunions, trop tôt interrompues, ont laissé à tous
ceux qui y prirent part le meilleur souvenir. Néanmoins. Hamé-
lius ne réussit point à créer le foyer de' vie intellectuelle cju'il
rêvait et l'échec lui fut jiénible. Arrivé à Liège débordant de
généreux enthousiasme, d'ardeur i)Our la recherche et l'enseigne-
ment, il ne demandait que de donner à ce double idéal tout son
63-2 CHRONIQUE
temps et toutes ses forces. 11 lui fut véritablement douloureux
(le constater qu'il était presque seul à poursuivre sa noble chi-
mère Les intérêts de famille, de politique, des préoccupations
personnelles, que sais-je, absorbaient chez d'autres une grande
part de l'activité qu'il eût voulu, lui, ne consacrer qu'à la science.
Ses désillusions, du reste, si elles enlevèrent quelque chose à
l'éclat de son jeune enthousiasme, ne purent jamais en éteindre
complètement la flamme Jusqu'au soir de sa vie, la passion
d'apprendre et de découvrir le posséda tout entier. Rarement on
le vit las d'enseigner; jamais il ne s'avoua fatigué de chercher
et de s'instruire.
L'œuvre d'Hamélius porte un cachet bien personnel ('). Elevé
en partie au loin, il aimait beaucoup la Belgique. Il resta cepen-
dant toute sa vie très étranger à nos petites querelles intestines
et c'est en quelque sorte du dehors qu'il les jugeait Ce trait est
nettement sensible dans son Histoire politique et littéraire du
mouvement flamand (1894). Cet ouvrage d'un jeune homme de
26 ans restera. Venu après d'autres critiques belges, hollandais,
allemands, Hamélius y fait preuve d'une sûreté de jugement et
de goût littéraires qui n'ont peut-être pas assez été remarqués.
Oubliés par la grande critique qui ne s'attache guère aux langues
peu répandues ni aux auteurs de second plan, trop louanges i)ar
leurs amis et collaborateurs, nos écrivains flamands trouvent eu
Hamélius un juge équitable et bienveillant qui sait discerner
leurs qualités et leur assigner les rangs divers qu'ils méritent.
Ses appréciations politiques sur une question toujours actuelle
en Belgique sont encore intéressantes à relire après trente ans
de date. Hamélius avait un goût très vif pour tout ce qui touchait
à la politique II lisait passionnément les journaux et s'intéres-
sait surtout à la politique internationale pour laquelle sa con-
naissance des langues et ses voyages lui donnaient une compé-
tence spéciale. Néanmoins, sauf de rares exceptions, ses travaux
ultérieurs sont consaci'és exclusivement aux recherches litté-
raires.
L'un des plus importants (en allemand) a pour objet la critique
dans la littérature anglaise des xvii^etxviiie siècles. Ce travail lui
servit de thèse lors de son doctorat spécial, passé devant la
{*) La hsle des publicalions que nous donnons à la tin de celte notice n'est
certainement pas coniidète. Étranger à tout vanité personnelle, Hamélius
oubliait lui-mt'me ses travaux au fur et à mesure qu'il en entreprenait de nou-
veaux et il ne songea jamais à tenir à jour sa bibliographie. Il serait .souhai-
table que l'on signalât les lacunes et les inexactitudes de celle que nous
soumettons au lecleui'.
CHRONIQUE 633
Faculté de philosophie et lettres de l'Univci'sité de Liège, le
19 février lîSDH. Ce doctorat fut ti'ès remar([ué A la soutenance,
le jeune docteur spécial répondit avec une ])arfaite aisance en
fran(;ais. en flamand, on anglais, en allemand, à tous les objec-
tants. On sut dès lors que Liège comptait un germaniste de pre-
mière force et que le jour où une chaire serait vacante, il saurait
dignement l'occuper.
La Kritik in der englischen Litcraiiir soumet à un examen très
serré les appréciations courantes sur les influences dominantes
de la littérature anglaise moderne. Le mouvement néo-classique,
dont l'initiateur est Ben Jonson, ne fut jias créé par l'influence
française, il lui est antérieur; cette influence, qui est réelle, a été
fortement exagérée. Si, avec Hamélius, on appelle romantisme
l'ensemble des courants antérieurs au classicisme, qui subsis-
tèrent concurremment avec celui-ci et reprirent une nouvelle
vigueur après le début du xviii'^ -iècle, on admettra avec lui (jue
le romantisme ne fut jamais éclipsé complètement en Angleterre
par le classicisme et que notamment les théoriciens de la critique
lui restèrent fidèles, alors que les poètes sacrifiaient en masse au
préjugé classique. L'avènement du romantisme proprement dit en
Europe s'explique ainsi par les conditions spéciales de la littéra-
ture anglaise.
C'est encore au problème du romantisme, envisagé spécialement
au point de vue de la comédie et de l'essence du comique, (jue
Hamélius s'attaque dans TIw Theory of Roniuntic Comecly.
« C'est un exposé très intelligent des théories jiar lescjuelles des
esthéticiens allemands tels que Hegel, Schlegel, Vischer ont
justifié la comédie fantai-siste de Shakespeare, la comédie (jui
n'a aucun dessein moral précis. aucune tendance — par oppositionà
la comédie de mœurs (Plante, Térence, Molière) (') » On voit ici
combien Hamélius avait profité de son éducation allemande. En
particulier, l'esthétique de Hegel, pour lequel il professait une
grande admiration, lui fournit la base d'un sj'stème logique sur
lequel appuyer ses raisonnements ; c'est ce qui lui donne d'em
blée une grande supériorité sur les critiques anglais qu'il
combat.
C'est éga'cment le xvu'' siècle anglais qui l'occupe dans ses
études sur Southern {The Source of Soiithern's Fatal Murriasçe)
dont il édita avec des notes très complètes une j)ièce à clé The
(^) r.i'tto n])prfci;ili(m 1res exacte est due a iikhi eollr^nie de Ui'iixellcs,
M. P. (le Keiil. ([iii a hieii voulu me cnunnuiiitu'er des iioles personuelies sur
les publieatioiis d'IIaniélius. Je lui en exprinio ici ma vive gratitude.
634 CHRONIQUE
Loyal Brother. Il y démêle avec beaucoup de sagacité les mul-
tiples allusions politiques et autres que contient la pièce.
Parmi ses autres travaux, il faut faire une place à part au Man-
deville et au Robin Hood, inachevés l'un et l'autre; ils marquent
une étape dans l'évolution de sa pensée et affirment sa maîtrise
dans des questions de plus en plus vastes de littérature comparée.
Son dernier article, jjaru quelques jours avant sa mort : « La Litté-
rature des proscrits en Angleterre », donne une idée de l'ampleur
d'un problème embrassant toute une littérature internationale,
depuis les ballades du moyen âge anglais jusqu'à l'Hernani. Les
conversations de notre ami durant les derniers mois de sa vie
nous tenaient au courant des immenses recherches, le plus sou-
vent infructueuses, que lui occasionnait l'insaisissable Robin
des Bois. Pour Mandeville, au contraire, il était arrivé à une
conclusion ferme. L'opinion, exprimée avant lui, que l'auteur
anglais connu sous le nom de Sir John Mandeville n'est autre
que notre Jean d'Outremeuse, cette opinion était devenue pour
lui une conviction, qu'il défendait en s'aj^puyant sur une étude
très approfondie du texte. Aussi n'hésite-t-il pas à publier son
édition très soignée (dans la série Early English Texts) sous
le titre Mandevillé's Travels, translated from the Frencli of
Jean d'Outremeuse. (Vol. I. Text. 1919.) Une deuxième partie
comprenant l'introduction et les notes reste encore à paraître.
Dans son dernier ouvrage paru quelques semaines avant sa
mort, Hamélius, sans quitter la littérature comparée, revient aux
lettres belges. Son Introduction à Vhistoire de la littérature fran-
çaise et flamande de Belgique a son origine dans des conférences
faites en Angleterre dans un but de propagande nationale. Comme
tous les Belges qui ont beaucoup résidé au dehors, Hamélius se
rendait compte de la difficulté que l'on éprouve à donner à des
étrangers une idée de ce qu'est la Belgique. Aussi son ouvrage
est-il très différent des manuels d'histoire ou de littérature en
usage dans nos écoles. Nulle part il n'est plus personnel que
quand il parle du moyen âge, des Quatre fils Aymon, du Cheva-
lier au Cygne, de Jean d'Outremeuse. Dans les siècles suivants
on remarque le portrait très en relief du prince de Ligne et une
touche très personnelle aussi dans les études sur Ch. De Coster
et Gezelle. Si l'on en croyait ravant-proi)()s du livre, ce ne serait
guère qu'un ouvrage de vulgarisation. Il faut s'entendre : Hamé-
lius y expose ses vues sans étalage d'érudition et sans notes jus
tificatives; ce que l'auteur « vulgarise » ici, ce sont ses idées à
lui, pour une bonne part encore inédites, et fondées sur une étude
très personnelle des textes. Ce n'est pas précisément ce (lue l'on
entend d'ordinaire par vulgarisation.
CHRONIQUE 635
A la fin de sa vie, Hamélius était de plus en plus convaincu que
l'on a tort de considérer comme issues du ^énie du ])euple les
œuvres même les plus populaires du moyen-âfre. C'est à Ovide
qu'il rattache la légende du Chevalier au Cygne C'est dans l'anti-
quité classique aussi qu'il recherche les premières origines de la
rime, cet élément caractéristique de la métrique des langues
modernes 'Bijdraffc tôt de îieschiedenis van het rijm). Il ne croyait
pas davantage, en étudiant Robin Ilood, découvrir des créations
spontanées de la muse populaire. Malgré l'indéniable affinité
intellectuelle, malgré la très réelle symjiathie qui unissait Hamé-
lius à Kurth, on voit ici combien le disciple s'était éloigné des
idées du nmître. Entre Vllistoire poétique des Méroning-iois et les
Légendes épiques de M. .T. Tîédier, Hamélius affirmait nettement
ses préférences pour le second ouvrage.
La déclaration de guerre d'août 1914 trouva Hamélius à Liège.
Comme pour beaucoup d'autres, la grande crise lui révéla à lui-
même combien il était patriote, et son tourment pondant les heures
du siège fut de se demander quel service il pourrait bien rendre
à son pays. La description très sobre qu'il a donnée des brèves
heures de la résistance, puis de l'entrée des Allemands (*). se lit
encore avec intérêt aujourd'hui. Aussitôt qu'il lui fut possible, il
quitta la ville et le territoire envahi i)our se retirer à Bruxelles
d'abord, puis en Angleterre. Les quatre années de guerre qu'il
passa à Londres se partagèrent entre le travail scientifique, qu'il
n'abandonna jamais, et la collaboration à l'œuvre de la défense
nationale. D'un côté, par ses connaissances de poh'glotte il se
rendait éminemment utile dans les offices de renseignements;
d'autre part, par la parole et par la plume, par des conférences et
cours publics, il travaillait à faire conuaitre notre pays en Angle-
terre et rendait à ceux de nos compatriotes qui y étaient réfugiés
de multiples services. Ce séjour prolongé en Angleterre acheva
de donner à Hamélius la conscience de sa pleine posses.sion de la
langue anglaise. Mais, chose remarquable, lui qui avait toujours
été un nomade et un déraciné, il s'ancra désormais dans son pays
belge et ne demanda plus qu'à y couler en paix des années (lu'il
pouvait espérer être encoi-e nombreuses.
Pendant longtemps, en effet, Hamélius avait aimé à vivre
comme l'oiseau sur la branche. Ce n'est (ju'en 1910 qu'il eut son
habitation à Hermalle-sous-Argenteau, qu'il échangea en 1912
pour la maison de l'avenue des Thermes, à Liège, où il mourut.
Jusciu'à ce moment, son pèlerinage sur cette terre avait été
véritablement un voyage perpétuel. Il connaissait la France et
(') The Siège of Lièf/e, 191 i.
636 CHRONIQUE
rAllemagiie, avait séjourné en Suéde, visité à diverses reprises
l'Italie, il avait poussé jusqu'en Espagne et fait le voyage de
Constantinople ])ar Vienne et Budapesth. Je ne parle pas de la
Grande- H retagne où il allait plusieurs fois tous les ans. Ce n'était
pas fantaisie de grand seigneur, car, sans fortune x^ersounelle, il
ne disposait que des maigres économies qu'il pouvait faire sur
son budget de professeur. Mais Hamélius était de ces curieux
que le .spectacle du monde ne rassasie jamais. Dès l'enfance, il
avait ce goût et cette joie de voir : « J'étais comme au théâtre »
disait-il de ses impressions d'écolier suivant curieusement les
gestes et les paroles du maiti'e, épiant le manège espiègle dfs
élèves. Tant qu'il fut professeur à Ixelles, c'était pour lui une
grande jouissance d'habiter une grande ville, de pouvoir suivre
la vie des théâtres et des concerts, de fréquenter les expositions
et les musées. Tableaux ou sculptures tout le passionnait égale-
ment. 11 était fort intéressant de se promener avec lui dans la
capitale. Il savait vous montrer sur les places et dans les jardins
publics, dans des coins perdus ou peu connus, non pas les œuvres
cataloguées par les guides Bcedeker, mais tel marbre ou bronze,
telle statuette, tel relief, qui avait ses i^réfcrences. Ce n'était pas
non plus le côté archéologique qui avait le dessus chez lui. Xon,
il vous faisait les honneurs des pièces de son choix comme un
amateur éclairé et intelligent dans sa collection personnelle
Hamélius était un membre assidu de la Société pour le progrès
des études philolog-iques et historiques ; il y attirait le plus pos-
sible ses anciens élèves. Deiiuis deux ans, il présidait la section
de philologie germanique. En novembre 1921, il dirigea les débats
de l'assemblée générale. Là comme ailleurs sa disparition laissera
un vide qui ne sera pas comblé.
Dans le caractère d'Hamélius deux facultés dominaient surtout :
l'intelligence et l'imagination. La première frappait par sa viva-
cité, sa mobilité, sa puissance d'intuition rapide et complète. Ce
n'était pas un de ces méditatifs qui n'arrivent à une conclusion
qu'après de longues réflexions. Il concluait immédiatement,
quitte à réformer la conclusion d'hier par celle de demain. Xul
n'était lilus éloigné de « l'homme absurde qui ne change jamais »,
Quant à son imagination, elle était le charme de sa vie et la joie
de ses amis. En un clin d'œil il échafaudait une théorie littéraire
ou politique, brossait le tableau d'une aventure réelle ou supposée,
racontait une histoire authentique ou fictive, mais toujours
également attrayante. Pour lui l'imagination n'était pas seule-
ment la folle du logis ; c'était la puissante faculté constructive qui
permet au savant de voir d'emblée les conclusions auxquelles le
raisonnement ne peut encore atteindre; il avait l'imagination
CHIîONIQLE 637
créatrice des inventeurs, de ceux qui laissent après eux des
œuvres durables. Ce don rare fait souvent du tort à celui qui le
possède. Dès l'Ecole Xormale, les camarades d'Hamélius. voj'ant
surtout en lui un fantaisiste et un original, se demandaient ce
<ju'uu esprit aussi peu équilibré produirait en manière de disser-
tation. A leur grand ébahissenient, la thèse ([u'il présenta, une
étude de 28 pages seulement, recueillit les suffrages unanimes
du jury : c'était un travail très original, très bien composé et très
bien raisonné sur le poète allemand Leisewitz Plus d'une fois
dan.s sa vie. Hamélius étonna de même les observateurs super-
ficiels, (jui ne voyaient en lui qu'un original, un u hurluberlu » ').
En fait, son œuvre montre bien que chez lui récjuilibre resta
parfait entre ses facultés et que si, dans la conception, l'imagina-
tion jouait le premier rôle, il ne manquait ni de jugement ni
d'esprit critique pour s'apprécier lui-même, (iràce à un ensemble
de dons, dont le moindre n'était pas une excjuise sensibilité artis-
tique, il était très accessible au beau sous toutes ses formes et
vibrait à toutes les émotions esthétiques. Il fallait l'entendre lire
une page qui lui plaisait, déclamer un sonnet de Keats ou de
Wordsworth, s'extasier devant une toile ou un marbre! Mais il
gardait à travers tout la claire vue critique qui analyse les
ressorts cachés de l'œuvre sans cesser de l'admirer. Pour ceux
qui l'ont beaucoup fréquenté, il est intéressant de comparer la
touche discrète, toujours très sobre, de ses jugements définitifs,
tels qu'on les trouve dans ses ouvrages, avec 1' « emballement »
dont sa conversation ordinaire donnait de nombreux exemples et
les effusions Ij-riques de certaines de ses admirations.
Hamélius était de ceux qui vivent dans le présent plus que dans
le passé: la politique contemporaine l'intéressait plus que l'his-
toire; l'immobilité des siècles périmés l'attirait moins ([ue la
variété changeante de l'instant actuel. Aussi n'avaitil pas préci-
sément le génie pliilosophi<iue. Sa philosophie, s'il en avait une,
ressemblait à ce nihilisme doctrinal si bien défini par Tourguenef.
« Le nihiliste considère tout du point de vue critique... C'est
l'homme ([ui ne s'incline devant aucune autorité, qui n'admet
aucun i)rincipe comme article de foi, de quchpie respect que soit
entouré ce principe. » S'il comprenait les systèmes, s'il les étudiait
avec intérêt, c'était plutôt en esthète qu'en adepte de telle ou
telle école. Dans une doctrine philosophique bien assise, il
admirait plus l'agencement ingénieux des parties qu'il ne croyait
(•) « Cet liurluliorln (l'H.iméliiis! » II s';>p|ili(iii:iit volontiers cotte épilliéte à
lui-même, sachant qu'il avait dautres tiualités plus ai>preciées.
638 CHRONIQUE
à la valeur de l'eusemble. D'autre part, son éducation de nomade
et les circonstances qui l'avaient déraciné de toute attache
patriale pi'ofonde, avaient contribué à l'éloigner de toute croyance
religieuse positive. Mais s'il n'était pas croyant, il était encore
beaucoup moins un militant de l'anticléricalisme; il repoussait
avec indignation l'idée de s'embrigader dans quelque secte ou
franc maçonnerie que ce fût. Cette indépendance est caractéris-
tique autant qu'exceptionnelle pour un homme de son jiaj^s et de
sa génération.
Tel est l'homme que nous avons connu pendant près de dix-huit
ans, vivant simplement et modestement, uniquement préoccupé
de sou travail. C'était comme une mission sacrée qu'il avait reçue.
Il n'admettait pas qu'une considération quelconque vînt l'en
détourner, il en avait fait le but de sa vie, la raison déterminante
de ses efforts. Laisser derrière lui une œuvre durable, c'était la
seule chose qu'il ambitionnât. D'autres eussent employé les dons
qu'il avait à améliorer leur situation matérielle; mais Hamélius
n'avait aucun besoin d'argent. Les honneurs ne l'attiraient pas
davantage et c'est avec stupeur que ses collègues et amis consta-
tèrent, au lendemain de sa mort, qu'il ne faisait i:)artie d'aucune
académie (i) 1 On peut dire, sans blesser personne, que plus d'un
académicien méritait moins que notre collègue disparu le fau-
teuil et les honneurs des assemblées savantes.
C'est à sa table de travail solitaire que la maladie vint le sui'-
prendre d'une façon foudroyante. Le 3 février, il commença à se
sentir indisi^osé ; bientôt les médecins constatèrent qu'il leur était
imi)OSsible de lutter contre l'urémie qui se manifestait avec
une gravité exceptionnelle. La famille et quelques amis purent
encore le visiter pendant les rares instants de répit que le mal
lui laissa. Il était déjà fort changé après quelques jours. Tou-
jours très doux, très patient, très reconnaissant pour les soins
qu'il recevait, les beaux traits de sa personne morale s'affir-
maient en raison même de son affaissement physique. Mais
dès ce moment tout espoir de le voir se rétablir entièrement
devait être écarté. Le 23, après une longue agonie, il s'éteignit
doucement (juclques instants avant minuit.
Les funérailles d'IIamélius furent simples comme l'avait été sa
vie. Trois discours furent prononcés à la mortuaire, l'un par le
recteur de l'Université, M, Dejace; le second par nous, au nom de
la Faculté; le troisième i)ar un élève d'IIamélius, M. Lebeau.
(ij Ceci n'est pas tout à fait exact. Mon coll('f;ue, M. Vaiidcr Linden, m'ap-
prend (|u'naini'liiis l'ut, au tours de la guerre, élu membre de la Rayai Uislor-
ival Sdciitji de Londres,
CHRONIQUE 6;)9
Après le service à rép:lise de Cointe là Liège), son corps fut trans.
porté au cimetière de Salnt-.Tosse-ten-Xoode, à Bruxelles, où deux
de ses plus vieux amis, M Hombert, professeur à l'Université
de Gand et M. Vercruysse, directeur général au Ministère de
l'Industrie et du Travail, adressèrent encore (juclques ])arolos
d'adieu à sa dépouille. Tous deux exprimaient avec une poignante
sincérité la stupeur douloureuse que sa mort causa à tous ses
amis. Comment s'imaginer qu'une vie aussi pleine, aussi exubé-
rante, pût être brisée d'une manière aussi soudaine? Combien
d'entre nous s'aperçurent avec une douloureuse amertume qu'il
fallut la mort de Paul Ilamélius pour nous révéler tout ce qu'il
prenait de i)lace dans notre vie et nos affections! Jeune de cœur
et denthousiasme à cinquante ans, Paul Hamélius laisse les
regrets qu'on a pour ceux qui sont emportés à la fleur de l'âge.
Joseph Maxsiox.
Publications de Paul "Hamélius.
Histoire politique et littéraire du mouvement flamand, Bru-
xelles. Ch. Rozez (1894), in-8°, 2:^9 pages. (Bibliothèque belge
des connaissances modernes.)
Die Kritik in der englischen Literatur der 17. und 18 Jalir-
liuuderts. Groitsch, Reicliardt, 1897, in-8'', 208 pages. (Bibl. delà
Fac. de Phil. et L. de 1 Univ. de Liège, fuse III.'
La crisi attuale délia litteratura fiamniinga (extrait de la
Rivista moderna di cultura). Florence 1898.
Van Bree en Willems. Betrekkingen tusschen Vlaamsche scliil-
derkunst en letterkunde. Bruxelles, 1898 (extrait de Germania).
Wns dachte Shakespeare iiber Poésie? Bruxelles, 1899, in 8",
31 pages.
Théodore Watts. Bruxelles, 1899 (extrait de la Revue de Bel-
gique).
Arthur Wiug Pinero und das englische Drama der Jetztzeit.
Bruxelles, 1900 (l(i pages).
The Tlieorj- of Romantic Comcdy. Bruxelles (1902), in-8'',
47 pages.
De Théorie van het romantische Blijspel. 1903 (extrait de Van
Xu en Straks).
De dood van Kaïnin de Engelschemysteriespelen van Coventry
(extrait de Volkskunde, 1903, 11 pages .
Le Congrès archéologique de Bath (extrait des Annales de la
Société d' archéologie de Bruxelles, 11 pages), 1905.
640 CHRONIQUE
Rapport sur les études de philologie germanique dans les
Facultés de philosophie et lettres {Congrès dexpansion mondiale
de Mons), 1905.
The Rhetorical Structure of Layaraon's Verse {Mélanges Gode-
froid Kurth, II, p. 341-349). Liège. 1908
La genèse de TUlenspiegel de Charles De Coster (extrait de la
Belgique artistique et littéraire), 1908
The Source of Southern's « Fatal Marriage » (extrait de
Modem Language Review, lY, p. 352-356). 1909.
Sommaire de l'histoire des littératures étrangères. Bruxelles,
111-8", (31 pages
Tliomas Southern's Loj^al Brother, a Play on the Popish Plot,
edited with Introduction and Notes. Liège (Bibliothèque de la
Faculté de philosophie et lettres. XX), 1911, 131 pages.
Bijdrage tôt de geschiedeuis van liet rijm MIandelingeii van liet
tweede Vlaamseh Philologencongres te Gent 1913, p. 2l6-224)
The Siège of Liège. A jjersonal narrative. London, 1914, in 12,
79 pages.
The Travels of Sir John Mandeville. (Quarterly Review, 1917.)
AnglO'Belgian Relations past and présent, Londres, 1918
(117 pagesi. En collaboration avec H. Vaiider Linden.
Mandeville's Travels, edited froni Ms. Cottoii Titus, c. XVI in
the British Muséum, Vol. I. Text (Early Engiish Text Society,
Original Séries No. 153). Londres, 1919.
Introduction à la littérature française et flamande de Belgique.
Bruxelles, Office de Publicité, 1921, in-8", 316 pages.
La littérature des proscrits en Angleterre i Revue belge de
philologie et d'histoire, I, p. 59-69), 1922.
ERRATUM
C'est par suite d'une inadvertance que la note intitulée « Sinio-
nide », i)ubliée dans le u" 2, p. 335-336, a été insérée dans la Revue.
i
Les noms de lieu gaulois
en « =auos, =aua, =auon »
Une latHiue des plus ap])areutes dans Les nunis de lieu
de la France,. de Longnon, est celle dont pâtissent les noms
de lieu terminés par le suffixe -aiios. L'auteur ne dit que
quelques mots, et tout à fait incidemment, de ce suffixe
« (réduit de bonne heure à -ans), qu'on trouve dans certains
noms de lieu de la Gaule, tels Andelaiis, Merlaviis, Verta-
viis, et notamment Viminaiis (') et TellaiiH, ces deux der-
niers noms désignant des régions..., le Vimeu et le
Talou » (2).
Tous ces exemples cités pai' Longnon ne sont d'ailleurs
que des reconstructions de l'auteur, au moins en ce qui
concerne la finale, car les ])lus anciennes formes histo-
riques de ces noms ne datent que de l'époque mérovin-
gienne ou carolingienne et se terminent en -ao, -ans.
La plus ancienne est un Andehio qu'on trouve dans Gré-
goire de Tours à la date de o87 et qui désigne une localité
Andelot de la Haute-Marne (3); elle est du reste aussi la
forme primitive à laquelle il faut faire remonter deux
autres AndeloL un Andelot-en-Montagne et un Andelot-
lès-Saint-Amour, tous deux dans le Jura {■*). Pour Merlu-
DUS et ]^ertai)ns, ce sont des noms auxquels il faut ratta-
cher, au premier Merlanl (Marne) et Merlonx (Saône-et-
Loire) (^), au second Verton (Loire-Inférieure) {^). Quant
aux deux autres noms qui restent, Mniinans et Tellaus. (|ui
(1) Une coiiiiilh' a l'ail iiiipiiiiuM' Vitilniiins
(2) p. il.
(•') Hoi.iiKK, op. cit., I, 1 14.
{*) lu., ilml., m, (iJ4.
(5) Id., ibid.. Il, .-JT-i.
(6) Id., ibid., m, -248.
-Il
642 p. MARCHOT
désignent les régions du Vimeu et du Talon, il suffira de
rappeler que ce sont des dérivés, à l'aide du suffixe, des
noms de deux cours d'eau arrosant ces régions, Vimina, la
Vismes, et Telia, la Telle (de nos jours la Béthune).
Un toponymiste qui a essayé une étude systématique du
suffixe -aiios est le chanoine Roland dans sa Toponymie
namuroise (*). Mais, comme nous le verrous plus loin, il
n'a connu tout au plus que deux des emplois, sur trois, du
suffixe, bien que le troisième emploi eût été déjà claire-
ment expliqué par Holder Je vais résumer, de façon aussi
brève et aussi simple que possible, la manière de voir de
Roland, qu'il y aura lieu, par la suite, de compléter, et
même à l'occasion de rectifier. Roland débute par l'exposé
concis de son point de vue, en prenant immédiatement
position : « Le suffixe -aus (-au, -ao), peu étudié jusqu'ici,
sert à former, non seulement des noms de personnes
[Caiiaiis, Divitaiis, Liccaiis, Maccaus, Pravaiis, Samaiis,
Segisiaus, Sennaiis, Simaiis, Tanaiis), mais aussi des noms
de régions et de localités. ;» Il y a bien, dit-il, quelques
noms de localités qui démontrent que' le suffixe s'est par-
fois adapté à des mots communs (appellatifs) de la langue
latine, par exemple Stavelot qui vient de Stahulaus (sta-
biiliim) et Taverneiix (comm. de Mont, prov. de Luxem-
bourg) qui vient de Tabernaiis (taberna), mais, essentielle-
ment et dans la norme, le thème nominal qui sert à former
un nom en -ans, soit de région, soit de localité, est le nom
du cours d'eau qui traverse le pays ou arrose la localité.
Ainsi, dit-il, on a des pag'i dénommés Viminaiis, Tellaiis,
IJa<>inauH (le Hainaut, de Hagina, la Haine) et des lieux
habités dénommés Ledernaus (Lierneux. prov. de Liège,
de Lederiia, la Lienne) et Ernaus (Yernawe, comm. de
Saint-Georges, prov. de Liège, de Erna, l'Yerne). Et « con-
trairement au suffixe -aciis, ajoute-t-il explicitement, le
suffixe -aus ne s'attache pas à des noms d'hommes pour
former des noms de lieux «. Quant au plus ancien exemple
historique de l'emploi toponymique du suffixe -aus, il
serait fourni par un nom de région, un pag-us Vellaus cité
dans une inscription votive trouvée à Birrens (Ecosse), qui
(»J 1, |.. 46() i7l.
I
à
NOMS DK LIKi; GAULOIS EN « -AUOS » 643
mentionne ([ue le jiag-us Velluus inilitaiis cohorte II l'un-
groriim a dédié rinscriptiou à une déesse du nom de Rica-
gambeda. (*). Ce pagiis est l'aetael Vellinve, contrée de la
Gueldre. Aussi, conclut le chanoine Roland, a nous préfé-
rons nous en tenir an thème -ans (non -avii.s], puisque nous
le découvrons déjà à l'époque gallo-romaine ».
I^'oxposé méthodique et systématique de la vie et du
fonctionnement du suffixe -aiios fera voir, mieux qu'une
controverse et une critique, en quoi le chanoine Roland a
été incomplet et en quoi il s'est trompé.
Tout d'abord, il y a lieu de remarquer, comme a fait
Roland, que le suffixe s'est employé dans deux domaines
bien distincts, dans l'anthroponomastique et dans la topo-
nomastique.
En réalité, c'est un suffixe servant essentiellement à for-
mer des adjectifs en s'ajoutant à des thèmes nominaux,
adjectifs qui en viennent rapidement à s'employer absolu-
ment, c'est-à-dire substantivement. Comme suffixe d'adjec-
tifs, -ail os peut revôtii- naturellement les trois genres
{-auos. -aiia, -niion). Car il est manifeste qu'il donne lieu
aussi à des formations féminines, tant dans le domaine de
l'anthroponomastique que dans celui de la toponomastique,
sorte de formations que Roland a ignorées complètement.
Sa fonction unique, dans les deux domaines indistincte-
ment, est de marquer clairement l'appartenance, la subor-
dination
En anthroponomastique, il s'ajoute à des noms d'homme
gaulois ou gallo-romains et paraît avoir servi à former des
noms d'homme ou de femme désignant des serviteurs ou
(les servantes (vassi), ou bien des «clients» (ambacti). Voici
huit exemples, quatre masculins et quatre féminins, qui
démontrent, ce semble, d'une façon claire, la manière de
fonctionner du suffixe (sauf appel en note, tous les noms
cités se trouvent enregistrés par Holder à leur i)laee alpha-
bétique) :
Noms d'Iionimo. Noms d'Iiomine ou dt' IV'iiiiiu'.
Maccus, Maccaiis,
Saiiius, Samaiis,
(M CIL, VII. 1072. lUihind imprima ;"i tori Hivinntietki.
644 p. MARCHOT
Noms (riioinmtv .Noms (l'homme ou de l'emme.
Scnnus Sennaiis,
Amnins (^ . Ainmaiis i*) et Ainmaou (^j,
Du^iiis. Dugiava,
Avilis C). Ariava i/^),
Maniif!. Manava (6).
En toponymie, il faut distinguer deux grands modes
essentiels d'emploi du suffixe -anos, selon qu'il s'adapLe à
dos noms d'homme ou à des noms de chose.
Dans le premier cas, il s'ajoute à des noms d'homme
gaulois ou gallo-romains pour désigner le domaine, l'habi-
tation du propriétaire; le terme gaulois qui était sous-
entendu était vraisemblablement magus « champ (et par
extension, culture, petite exploitation) ». C'est cet emploi
du suffixe -aiios que le chanoine Roland a complètement
méconnu, bien que l'emploi soit expressément indiqué et
expliqué à suffisance, appuyé d'exemples, par Holder, qui
dit que le suffixe sert « unter der romischen herrschaft
auch zur bildung A^on ableitungen von M[ânnernamen],
gentille, und cogn. oder peregrinnamen » ('). Tous les
exemples donnés par Holder ne sont pas également pro-
bants, mais dans le nombre il en est qui ne sauraient
être contestés. Voici, au reste, une demi-douzaine de cas
qu'on peut regarder comme décisifs, dont les trois der-
niers sont déjà des exemples de Holder. Dans ceux-ci il
s'en trouve un de formation féminine en -ava ; il est pro-
bable que dans des exemples de ce genre, l'appellatif gau-
lois qui était sous-entendu était bona « fondation, établis-
sement ».
Noms d'homme. Noms de lieu. Premiers exemples historiqufs.
Barrus Barrou (Indre-et-Loire) Barrao (Gr. de Tours) (")
Verus. cognoineii Vraux (Marne) Verox Verons (1124-30) (9)
Verelus Vertou (Loire-Inférieure) Ver/ai'MJw(Mir.S.Mart.)("^)
Andelus .\ndelot (Haute-Marne) Andelao (587) (»*)
(1) III, 598. — (2) III, :m. — (:J) III, 596. — (<) III. 68(5. — (S) m, 083.
— (6) III, 766. — C) I, 316.
(8) Holder, op. cit., I, 407.
(®) LoNG.voN, Dût. top. du dcp. de la Marne, 303.
(«0) Holder, Und., III, 243.
(»«) Id., il>id.,L 144.
NOMS DK LIEU GAULOIS KN << -AUOS » 645
Noms iriiomme. Noms de lieu. l'rt^miei's exemples histori(|ues,
Merula, cognomeii Merlaiit (Mariio) Merlans (878j (*)
*.4n<«nn7f«, cotînoinen Antonaves (liaiites-Alpos) Cefla Antonnava (96S)(2),
Dans la dérivation du suffixe -nuos se combinant avec
des noms de chose, l'essentiel a déjà ctc dit ])ar Longnon
dans son Dictionnaire t()j)()^-raphi<}ii(' du (lcj>. de la
Marne (^) : « Le suffixe -anus se combine pai'fois, dit l'au-
teur, avec un nom jjropre de l'ordre topograpliique, parfois
aussi avec un nom commun emprunté au règne végétal. »
Longnon n'a pas cru utile d'étayer ses affirmations
d'exemples; il ne sera i)as malaisé de combler cette lacune.
Et il y a, en outre, à compléter les indications de Longnon
en faisant remarquer, avec Roland, que des constructions
de la main de l'homme, i)ropres à retenir l'attention,
donnent également lieu à des dérivations en -aiios. Ainsi
les grandes écuries officielles de l'Empire, les hôtelleries
le long des grandes voies, les temples bâtis à la romaine
devaient attirer l'attention et avaient probablement intro-
duit dans la laoïgue gauloise leurs appellations spécifiques :
stahiilain, tabcrna, ieinpluni. Quoi qu'il en soit, ces mots
donnent des dérivés en -auos.
Voici, pour ces trois catégories de noms de chose, les
deux indiquées par Longnon et celle comprenant des noms
d'ouvrages construits par l'homme, des exemples de déri-
vations en -aiios, dont les trois dernieis n'ont pas encore
été invoqués en toponymie :
Premiers
Noms (le chose. Noms de Heu. exemples tiistori(iues.
L«/er«rt. cours d'eau Lionieux (prov. de Liège) Ijedernans (862) [*)
VYw/r?rt, cours d'eau le Vimeu, région Vinuiao (vers Toi) (^)
yyenia, aulne Vornou-s.-15reiMie (Indro-et-L.I IVrwflo (Gr. de Tours) (6)
alxdio, ponuuier [Paitcasile in C.umberland] Ahnilava (")
templnm Templonx (prov. de Naniiir) Temphis (xi'' siècle) (*)•
(1) Loxr.NON, iip. cit., 163.
(*) RoMAX, Dict. top. (lu drp. ilcs lliiiitrs-Alpes, .'i. Il y a un ;mlrc Anloiiaves
(commune de Méreuil).
(■') V. V. Et encore : « Dans deux de ces vocaldcs, .Merhiul el Vranx, la
racine est certainement un eognomen latin. Merufa {•{ Vrnts »
(*) Roland. Topon. naniuroise, I, i8i.
(5) Id., î7m/.,.i67.
(6) Hoi.i.KH, np. cit., III, -IIH.
0) CIL. VII. I"2ni.
C) l{or AMI, op. rit., I. i8(>. Il y ;i de nicnif un Tenipleux (Somme) qui est
Templous en 1^30 {ihid., 487».
646
V. MARCHOT
L'appellatif gaulois qui se trouvait sous-entendu avec
ces dérivations devait être magiis pour celles dugenre mas-
culin et bona pour celle du genre féminin. Le fait que les
dérivations tirées des noms de cours d'eau donnent lieu
tantôt à des noms de localité, tantôt à des noms de région
(souvent noms de pagi francs), provient du double sens
que possédait magus en gaulois. Il signifiait « champ,
culture », par conséquent « petite exploitation rurale »,
mais aussi : « ])laine, campagne, grande étendue de
terre » (^).
Un mot maintenant sur le nom pagiia Vellaiis (le Vel-
luwe, dans la Gueldre) d'une inscription d'Ecosse, que
Roland a considéré comme le plus ancien exemple qui
nous est fourni du suffixe -aiios, mais que Lougnon s'est
prudemment abstenu d'invoquer dans ses brèves indica-
ti(ms sur le suffixe -auos de ses A'oms de lien de la
France. La Gueldre était de l'autre côté du Rhin, en terre
germanique, habitée en grande partie par les Chamavi,
peuplade franque dont étaient voisins les Batavi, autre
l)euplade germanique. Il est donc probable que le pagus
Vellaiis était un pag'iis conquis, peuplé par des Germains
dits *Vellavi. De même pour le nom ethnique Batavi, il y
a un adjectif qualificatif batavus, -a, -uni, fréquemment
usité dans Tacite notamment. Mais la preuve évidente de
la germanicité des gens du pagus VelUuis qui rendirent
hommage à la déesse Ricagambeda, on peut la fournir par
le nom même de la déesse. De ce nom, Holder (2) a déjà
dit, mais à une date postérieure à celle de l'ouvrage de
Roland, « ist germanisch », sans toutefois eu rechercher
l'origine. Celle-ci n'est pas difficile à trouver pour qui
a des notions des anciens dialectes germaniques; c'est
un surnom laudatif, une épithète servant à désigner une
déesse, dont le nom principal n'est pas donné dans l'in-
scription. En ancien frison, rike agèn bëde veut simple-
ment dire « riche (libérale) vis-à-vis de la prière » ; agèn
corresi)ond à l'anglais again; en anglo-saxon, on dirait
rica geân bédii (^); en franc, vika gagan bëda; en ancien
(*) Holder doniu- les deux sens, ainsi ((iio Dottin, Lu tangue (/aîiloise,Sîi.
(■i) II, 118-2.
(3) Bëdu étant un Icniinin.
NOMS DE r.IEr GAULOIS EN « -AUOS » 647
haut allemand, rihha gagen bëia. De cela, il résulte que
les Vellavi étaient des Germains qui parlaient soit un
frison, soit un saxon prélittéraire.
Pour finir, il ne sera pas sans intérêt de faire remarquer
qu'il est des cas où un nom de lieu ou un nom de région
formé par la dérivation en -aiios peut faire retrouver le
nom du cours d'eau arrosant le lieu ou la région, si le nom
de ce cours d'eau est venu à disparaître au cours du
tem])s.
Voici un cas typique à cet égard.
Orgeo (en patois oiirdjà) est une grosse commune de la
province de Luxembourg, située au bord d'une rivière
qu'on appelle de nos jours la Vierre ou, de façon plus i)ré-
cise, la Vierre occidentale, une autre rivière, plus à l'est,
étant regardée comme étant une des deux branches de la
Vierre, môme la plus importante des deux. Orgeo est évi-
demment une formation en -aiios, comme l'attestent des
formes anciennes Uriaii fisco en 878, Urio en 888 (^), qu'il
faut naturellement lire Urjaii et Urjo. Ni Kurth, ni Roland
ne peuvent rendre compte de l'étymologie d'Orgeo; le pre-
miei' part bizarrement d'un Uriaciim, le second pense timi-
dement à une rivière Urls, qu'il fait suivre d'un point d'in-
terrogation (- . Comme Ovge est un nom de rivière en
France (3), il est probable que c'était là, dans le très
haut moyen âge, le nom du cours d'eau qui arrose Orgeo.
Et la question est résolue affirmativement, sans doute
possible, par l'existence d'un bois, à o kilomètres au nord-
ouest d'Orgeo, qui porte le nom de « Bois d'Autrouge »,
c'est-à-dire le bois d' « outre Ourge n. On sait que, dans
l'ancien wallon, une expression telle que oltve Ourge doit
normalement, d'aj)rès les lois phonétiques, laisser tomber
et 1'/ de oltre et l'r de Ourge. Le bois d'Autrouge, partie
de la forêt de Luchj% se trouve, du côté oriental, limité
par le cours de la rivière qui baigne Orgeo (anciennement
rOurge), et se trouve donc ainsi, par rapport à la localité,
« outre Ourge » (au delà de l'Ourge).
(') KvRTH, La lioriticir iiiifjinstiijitc. I, i',-2.
(-) Topun. namiir., I, tOT.
(3) L'Orgo, alU. do l:i Seine.
648 p. MARCHOT
Quant au nom de rivière Ourge, il se dérive de Urbial^).
Un gros hameau attenant à Orgeo s'appelle Biourge,
dont la forme ancienne, en 1363. est Biourge {Jehan de
Biourge) {^). C'était vraisemblablement un Bituriges (les
Rois du Monde), comme Bourges, ohef-lieu du Cher. De
petites tribus gauloises, infimes, portaient parfois des
noms qui ne sont parvenus jusqu'à nous que très acciden-
tellement, par la toponymie; par exemple, un Artigeni
« les Fils de l'Ours » a donné un nom de lieu en Pro-
vence (^).
Paul Marchot.
Post-Scriptum. — Dans le deuxième fascicule des Noms
(le lieu, qui vient de paraître, Longnon, aux n"^ H57-H60,
tij'e le suff. -aus, en tant que suffixe de noms de région
seulement {Vimeu, Talou, Hainaut, etc.), du germanique
(cf. Chamavus, Batavus. etc.). Cette thèse, assez inatten-
due de la part de Longnon, qui a admis ailleurs des forma-
tions gallo-romaines en -avus avec des cognomina, des for-
mations avec noms propres de l'ordre topographique et
noms communs de végétaux, doit être rejetée Précisément,
les noms de ces régions {pagi francs) se trouvant en bor-
dure de la frontière linguistique germanique sont, dans les
langues germaniques, formés avec un ancien mot gouwi,
qui veut dire « contrée, région » : ainsi, pour Hainaut. on
a en flam. Henegouw, en ail. Hennegau, ce qui serait
incompréhensible, si -avus était germanique dans des
noms (îomme jingus Haginaus.
P. M
(1) Urhia, lOrge, dans Grégoire de Tours, Holdeb, op. cit., 111, 30.
(2) GoFKiNET, CartnI. de l'abbaye d'Orval, 696.
(3) DoTTiN, La langue gauloise, 88.
Etymologies wallonnes et françaises
(suite et l'm).
Gauraais handë.
Ce mot, (]ui ne s'emploie guère qu'au pluriel, désigne sur
la Semois supérieure, notamment à Tintigny, « les linges
des enfants au maillot et, rarement, par extension, tous
autres linges et vêtements : rIcz r'cude lès handên, allez
recueillir le linge qu'on a mis à sécher ; il r ro mins ses bons
handës, il a encore mis ses bons vôtements » (^). J'ai noté
andës a habits » à Allesur-Semois. Labourasse donne le
meusien « andie. linge d'enfant, lange », et Jaclot le mes-
sin « handée, chiffon ». On ne trouve nulle part l'explica-
tion de ce mot, qui est un diminutif en -ellum. L'aspirée
initiale, caduque dans certaines régions, atteste une ori-
gine germanique, de môme d'ailleurs que l'habitat du mot.
Dès lors, le radical ne peut être que l'ail, hem d (chemise),
ancien fi-isou haïucdc, dérivé de l'aiu'. h. ail. hamo (enve-
loppe) ('').
W . horon.
D'après les dictionnaires liéi^eois (Canibresier. Remacle.
Hubert, Forir, Duvivier), horon signifie <( madrier.
planche épaisse de chêne ». A Malmedy, Stavelot, Treni-
bleur, Neuville-sous-Huy, etc., on entend par là tme
«. dosse, la première et la dernière planche d'un tronc qu'on
l'efend »; tel est aussi le sens (pie j'ai note près de Houlfa-
(') Ed. Liégeois, in HSW 37, ]>. 337. Voy. aussi Bki.neai , Ent/inHe, I. îmi.
C*) On sait tlanU'e part que lo has ail. ham-, hninel « arriére-faix » a donne
le liéjj. Iidinlète « coiffe que ecrloins enfants |)orlenl à leur nnissam-e»; rf. (i.,
I. 270, 3.j7, il, <)0i; et surtnul liKiiuK.Ns, Iteifn'if/e. p. 120.
650 J. HAUST
lize (^)., où l'on prononoe choron. Enfin, d'antres anteurs
(Lobet, Body, Rouveroy) donnent les deux acceptions.
Pour G., I, 305, horoii appartiendrait à la même famille
que le terme de batellerie hore (^= fr. écore, de l'anglo-
saxon score). Sans doute, l'ancien liégeois xhorroii et
Tard, choron i)ostulent un primitif ayant se- à l'initiale;
mais la suggestion de G. paraît des plus contestables. Je
préfère invoquer un type *ex-cor-onem, dérivé du lat.
oor « cœur », à l'aide du suffixe diminutif -on {^). Un
horon, c'est, suivant le point de vue, ou bien la croiîte, la
partie extérieure détachée du tronc, de façon qu'il reste
l'intérieur ou cœur de l'arbre (une dosse), ou bien une
partie tirée de ce cœur même (un madrier). Ainsi s'expli-
querait l'hésitation entre les deux acceptions tradition-
nelles.
Liég. hoùr, anc. fr. heulle.
A côté du liég. hoiïr. nam. oiïr, m., « tréteau de scieur
de long, etc. », dont l'origine n'a rien de mystérieux (3), on
connaît à Liège un autre mot hoùr, m., « dos (d'un cou-
teau) », que l'on n'a pas encore éclairci jusqu'à présent,
G., I, 312, le rapproche de l'anc. fr. hoole, qui a le même
sens, et du w. hoiir'lè a talus ». Ce dernier n'a rien à voir
ici (^), mais l'autre indication esta retenir. Du mot ancien
français nous avons trois formes différentes : « le hiile
d'un coutel » dans le Ménag-ier; « le heulle d'une hache »
en 139o; « le hoole d'un coustel » en 1426 [^). Ces textes du
moyen âge doivent avoir mieux gardé le t^^pe primitif que
le dialecte moderne; je tiens donc hoùr pour une altéra-
(') A Boniierne et à Buret . I.a prcmirrc [)l;iti('li(! après le r/ioro/i s'appelle
H vwrzine, puis viennent lès plaidcliea dr miltin. A Clierain, on prononce aussi
choron. A Laroclie lioron.
(-) Pour le ra(li(;al, comp. l'anc. fr. coral « cœur de chêne »: w. corn, t. de
liouill.. « bois de renfort placé dans certains boisages » (.i Seraing; (^f. |{ody>
Voc. des charnms, v» àhon). — Pour le sullixe, conij). le w. et anc. fr. coron
(boutj, dérivé de l'anc. fr. cor, corn, w. rwèr, lat. cornu. — A Ilalleu.x (d'après
BoDY, ihid., V" horon), on dit horion, avec un suftixe -ion, fr. -illon; voy-
«i-dessus une note à l'ar-t. cakklù.
(^) C'est le fr. hoitrd, d'origine germanique ; voy. le IHc/. ymëral .
{*) Sm- hoiir'lt;, voy. mon article dans Romaniit, l. XLV (1919), p. 181-189.
(^) Voy. Godefroy, v" heulle. Die/., koiling, iMeyer-Lid)ke n'en i>arlent pas.
ETYMOLOGIES 651
tion de *hoùl (•). Or Schaermans enregistre le riuiuaiKl
hoesel, m., « dos d'un couteau » (2). qui serait, d'après lui,
le môme mot que homhel. Aux germanistes de nous dire
s'il a raison. Quoi qu'il en soit, le flamand hoesel (pro-
noncé hoùs'l) rend un ('om])te parfait de l'anc. fr. hiile, etc.,
et, partant, du mot liégeois.
Liég. mayeté.
G., I, 243, se contente d'enregistrer grimaicté « bigarré»,
où il soupçonne la présence de g'ris; mais on eherclie vai-
nement, dans son dictionnaire et dans ceux de Forir, de
Hubert, etc.. un article muyetc. Il faut écrire <>-ris niHyctc',
de même que neùr nuiyetc, bleu mayeté, rodje mayeté
« [pigeon] gris, ou noir, ou bleu, ou rouge brun, présen-
tant un mélange de teintes claires et foncées » (^). D'après
Forir, mayeter signifie « mailleter, marteler »; mais ce
verbe doit être mis hors cause. Il est sûi* que nous avons
ici affaire à la forme wallonne de l'anc. fr. maillenier
a tacber, souiller », lat. *maculentare. Le sens propre de
mayeté est donc (( tacheté, tiqueté ». Pour la sj^ncope de la
protonique non initiale, comparez ditarté (anc. fr. desta-
lenté); spaiv'ter «. épouvanter»; apah'tcr lanc. fr. apaisan-
tér) a apaiser » ; flam'ter (*flamanter, baragouiner en fla-
mand), fîèm'ter (Blegny-Trembleuri « tailler au fièr'mint
(courbet) ».
Ijiég préhale
D'après (J , II, 255, le liég. prélude, prihéle {*), pvihyéle,
dérive de pris (= caillé). La phonétique contredit cette
assertion : on aurait eu "prézale, 'prizale. comme on a j)rè-
zeiire, prizeùve « présure ». Au reste, il suffira de complé-
ter les données de G. pour ([ue l'étyraologie se dégage
d'elle-même.
(*) Comparez pu/iùle (Liège) = pàhùre (Huy) « paisible ».
(*) De même De Bo doune hoesel, oesel (an Flandre fraiii,aise -z-i.
(3) J. Defrecheu.x. Yoc. (les noms iv. d'tmimitii.r. v* colon. — On dit aussi
toi mayeté « tout liqueli' « .
{■•) G. écrit il tort priliilc. Si l'i'ltt' Iociih' cxistf. ci' lU' pcul r-lre (luo p.ii" uiic
laussc uii;ilo;rif avpc /»/ ihna : prison.
652 J. HAUST -
Outre les trois formes susdites, dont les deux dernières
surtout existent avec le sens de « fromager » à Liège, Visé^
Verviers, Tliimislcr-Clermont (ED., 1910, p. o2, 55). il faut
considère!- : ])rchyale (Faymonville), prévale (Malmedy,
Stavelot) « cuvelle » ('); prèhale (Huy), t. de vigneron
« récipient avec trous qu'on place au-dessus du pressoir » ;
prèchale (Awenne), prihyèle (Thimister) « presse pour
extraire le jus des fruits dont on fait le cidre, le vinaigre
et le ])oiré » i}). Cette dernière acception éclaire suffisam-
ment l'origine de notre mot : une prèhale, c'est tout d'abord
un instrument pour pressurer les fruits ou le fromage {^) ;
c'est ensuite le récipient de la presse, et enfin une sorte de
cuvelle.
On objectera que le diminutif de presse serait *prèssale.
Cela est vrai on du moins vraisemblable (4). Mais, en tenant
compte surtout de prèhyale, qui est assurément la forme
la plus ancienne, nous pouvons invoquer un type latin
*pressia, qui lève toute difficulté (&).
Normalement le groupe -hy- devient ch au sud et perd
son élément ]ialatal y en liégeois-verviétois i^^) : prèhyale,
jirihyèle se réduisent ainsi kprèhale, prihèle. Reste la sin-
gularité de prihyèle. Je crois que cette forme provient de
prèhyale, dont la finale s'est modifiée sous l'influence de
(*) Villers écrit prkile (G., Il, 2oo): mais on pronoiici* prri/dli'. La chute de h
est remarquable.
(^) La quantité pressée s'appelle la /)?'èc/i7«ye à Awenne.
(3) On peul comparer Meyer-Lubke, n° 3037. Je ne sais d'où cet auteur a
pris le w. frehal (.'), qu'il rattache au lat fiscella « fromager », anc. fr. feisscUe.
Il y a sans doute erreur de lecture pour prelial, c'est-à-dire prèhnie.
{*) Le wallon présente toutefois des exemples curieux de s.* traité comme ssi/.
Tels ces diminutifs de hosse et de fosse : hochale ( Awenne) « avoine dressée et
liée à la tête seulement » [hossale à Marche-en-Famenne] ; — fnhalc (G., II 520)
« partie creuse d'une ondulation de terrain >> [f'ocfinle, m. s., à Marche-en-Fam.,
tandis que fossale y signilie <( fossette a la joue »]. En revanche .r >.« dans :
assi, massafe, pa.ssc. passon, tesson (axilem, maxillam, *paxellum,
*paxonem, taxonem).
(5) Le ty|)e *pressia (presse, cohue) est dans Meyer-Liibke, n° 074;}, pour
expliquer l'italien prescta. Gomp. *crassi a (graisse) = w. crâhe ; *grossia '
anc. fr. graisse; ■*latia: am;. fr. /««.se,- *spissia (anc. fr. espeisse) =^ w.
spMic (Stavelot) « épaisseur d'un bois, fourre », d'où le nom de famille
Delsupex/ie.
(«>) Voy. ci-a[)rés l'arliiMe n-nfirlp.
i
ETYMOr.OGIES 653
hyèle (écuelle); la protonique à son tour sera devenue / par
(lissimilation et aussi sous l'influence de pris (comp. />/è-
zenre : prizeiire).
^^^ sot-dwérmant ((loir ».
G., II, 377, note laconiquement <( sot-doirmunt : loir, à
Liège et à Xamur », comme si le mot s'expliquait assez de
lui-même {^). La Faune wallonne de J. Defrecheux dit bien
que le loir s'engourdit pendant l'hiver et que de là vient le
nom wallon de cet animal ; mais on peut se demander pour-
quoi une telle particularité lui vaut l'épithète de sot. En
réalité, et cela mérite d'être remarqué, .so est altéré de se et
re])résente le fr. sept. On sait combien fut populaire au
moyen âge la merveilleuse aventure des « Sept Dor-
mants », de ces jeunes gens d'Ephèse, qui. arrêtés au
m* siècle comme chrétiens, réussirent à se réfugier dans
une caverne, où ils s'endormirent pour ne se réveiller que
deux siècles plus tard. Un souvenir de la légende pieuse a
survécu dans l'ail. Siebcnschliifcr et le néerl. zeuenslaper,
qui désignent proprement « un des sept dormants », puis,
au figuré, « un grand dormeur », et enfin a un loir ». Le w.
so-divcrniant n'a conservé que cette dernière signification,
le terme s'étant altéré chez, nous par étymologic ])opulaire
et aussi par dissimilation. On a dit d'abord sèt' duH-rmants,
puis, comme dans d'autres composés traditionnels (^), le
t' s'est anuiï; enfin la voyelle è do la syllabe initiale est
devenue o, comme dans sersai (Lobet, p. 534) -^ sor.sai
(Hubert) « halo (de la lune) », que nous écrirons cèrcè,
çorcè (=• cerceau, lat. circellus); sèrdjani = sordjani
a sergent »; Dlè-ivade = Dio-wàde (( Uieu (vous] garde! »
(G., I, 2o4) ; anè (Malmedy) = ènè (Faymonville) = onv
(Liège) ((anneau»: *Hèlogne = solo^-nc (Liège» u chéli-
(') Le loir s'appelle so-duirtnatit (;'i Lifge; -ont à Hiiy): Mt-dwarmant a
Wavrc, >;miur, DoriiineiPirsDiil (Utiiiio lo 11:1111. nordwitnnaul. luriiic peu sûre);
son-tlwar niant à Slave, AUe-sur-Semois; sou-donnant à NfiilVliàteaii : loii-
dnrmanl à Virton ; rat liridr à C.harlcini, Tlmiii. (If. Hoi.i.ami. l'unnr i><ip. dr In
France, VII, p. iti.
(-) Coinp. as sv-fmv «aux sept luHros » 1. d. de Neuvil!e-e»-<;on(!n«i ;
aliarin t. de liouill., propremciil n'abat' rin iHD., IIH i-1910, p. <)8i.
654 J. HATST
doiue )) ; etc. Le changement inverse est dn reste tout aussi
fréquent : sofoker, sèfoker « suffoquer »; Tchodôre, Tchè-
dôre «Théodore»; èstèner « étonner»; paturon «poti-
ron »; popioûle fà Liège, comme les mots précédents)
= pèpioûle (Sprimont) « têtard », proprement « petite pope
ou poupée » ; corwèye (liég.) =^- kèrwêy'e (Esneux) « cor-
vée »; pèrlôdje (liég.) (c chaire de vérité (lat. prolo-
gi um), etc.
W, totènaveûte, tanawéte, etc.
G., II, 4o6, laisse inexpliquée cette expression singu-
lière, dont il cite. quatre formes avec trois sens différents.
Voici, là-dessus, le résumé de ce que j'ai recueilli dans nos
dialectes. Le chiffre qui suit la localité renvoie au tableau
des significations.
Formes dialectales. — A) totènawète .Todoigne 4; totanaivète
nam (G.) 1, 3; Vtanawè.te Sainte-Marie-Geest lez-Jodoigne 3*,
d{i) tènawète (') en Famenne, Beauraing, Namiir ( Wérotte, p. xxx),^
Xeuville-sous-Huy 1 ; d{i) tanawéte Awenne 1 ; tènawète Marche-
en-Fameiine. Beii-Ahin, Audenne, Ciuey. Fosse-la-Yille. Far-
cieunes 1 : ^a;ia«?fi/e Namur^Pirsoul), Bande, Vonêche, Fiorenville.
Amberloup, Jodoigne, Gougnies 1 ; tanawè Bouffioulx 1.
B) totènauète Robertville 2, Faymonville 3, Liège 5(2): tofna-
veùte Liège (Remacle, 2« éd., \° naveûtt) 3, 5; tofnaviite Liège?
(G.) L 3; totènaoite Stavelot, Malraedy, Cherain 3; tot'navite
Stavelot. Vielsalm, Bovigny 3 ; /o/'/îauufe Yillers-Ste-Gertrude 3.
Significations : 1. parfois, de temps en temps (sens le plus
usité avec le 3«) ; — 2. à l'improviste (relevé seulement à Robert-
ville lez-Malmedy : i-acora totènaoite; totènavite i vëv. il accourut,
il vint à l'improviste; — 3. tantôt (dans l'avenir), un de ces jours,
d'un moment à l'autre, dans un certain temps (plus indéterminé
que quand on dit tôt rade)\ — 4. tantôt (dans le passé), il y a uu
fi) La syllabe tôt (tout) perd sa voyelle après syllabe masculine et devient
l'f-; (le là, par confusion avec di (de), ttanaiorfa s'est corrompu en di tanaici'te
après .syllabe féminine ; par exemple à Awenne : i vint t'tanawrte ; ylif/nà i'oùy
di tanawéte (il vient parfois; cligner l'œil de temps en temps); et en namurois ;
dirf di tènaivi-fe une pâtir. Des auteui's liégeois ont rarement usé de la locu-
tion namuroise qu'ils écrivent di tène awôte (= « de temps en temps ») ; mais
en rcalitt' elle n'est pas liégeoise.
C^) D'après Hubeht, IHct., v" navett, et l'archaïsant G. MAGNt:E (Annitairg
Soc. Litt. watt., 3, p. 1:22), lequel écrit aussi totènaveûte (BSW, 27, p. 40).
i
KTYMOLOGIES 655
iiistiint (seulement à Jodoi^iic. djins une j)ièce d'Edu). Etienne :
nos dijin totènawète... n nous disions tout à l'heure... » ; BW'S. 35
j). 223); — 5. toutefois, néanmoins ^seulement dans le groupe B
et d'après les dictionnaires liégeois de Remacle et de Hubert;
sens disparu aujourd'hui avec l'expression elle-même).
Cette diversité sémautique, on le voit, est presque aussi
(•()mi)liquée que les variations ])lionétiques de (;ette
curieuse locution. Essayons de nous retrou vei- dans ce
dédale. Le type le mieux conservé, à mes yeux, c'est le
totènmvèle de Jodoigne, qu'il faut décomposer eu tot-èn-
awète. J'j^ vois le représentant dialectal d'un anc. fr. *tot
en aoite, expression qu'on n'a pas encore rencontrée dans
les textes du moj^en âge et qui devait signifier « tout de
surcroît ». J'ai montré ailleurs [Bull, du Dict. wnllon, I9l!2,
p. o()) que le w. rainète « surcroît, petit supplément gratuit
de marchaudise » vient du latin *re-adaucta et que le
simple ad au et a survit dans le namurois d'awète « de sur-
croît ». Nous avons ici, dans une locution de frappe origi-
nale, une autre survivance de l'anc. fr. aoite, avoite « aug-
mentation», participe féminin du verbe ao/re (*a dan g ère).
D'après des renseignements encore très incomplets,
notre expression n'est connue que dans une grande partie
de la moitié orientale de la Wallonie. La limite qu'on j)eut
tracer ])rovisoirement serait une ligne partant des envi-
rons de Wavre, écornant légèrement le Hainaut (Far-
ciennes, Bouffioulx, (îougnies), sautant à Beauraing-
Vonêclie (au suil de Dinant), \nùs à Floren ville.
Les deux groupes présentent des altérations distinctes.
Le groupe A altèi-e surtout la syllabe initiale toi, qui se
réduit à t't- et même au simple / final (*j; mais la tonique
-wète se conserve remarquablement intacte (-). Au con-
traire le groupe B — com])renant à l'extrême nord-est une
bande limitée à peu près par Liège, Villers-Saintc-Ger-
trude, Cherain, Bovigny, Vielsalm et Malmedy — respecte
(^) Sur la corruption d{i)t-, voyez lavant-dcMMiicir note. — .\ la deuxième
syllabe, cerlaiiiei. formes ont a au lieu de /■; sur le trailcnienl du lai. in prép.
ou prélixo, on peut voir (îriiinauf», Phoncf. de rouest-irallori. ^ 36 (BSW, t. 50,
p. 417).
C^) Sauf il Hontliouk : tnnairr in rnp « de leinp.>* en temps un coup ». d'après
(ÎKn;Nvrtii. op. cit.. ^ 131.
656 J. HAIST
le preiuier éléiuent et uièiiie eu général le second (^); mais
partout le troisième élément devient méconnaissable : w, si
bien conservé dans rawète, passe à u (*) et la voyelle è se
dégrade en /, eu, eu, ii, û sous certaines influences analo-
giques (3) ; è ne subsiste que sur deux points de la frontière
linguistique à l'est de Malmedy,
A première vue, la filiation sémantique offre bien des
obscurités. Comment rattacher à l'étymologie proposée les
sens énumérés ci-dessus? En fait, ce n'est i)as l'exi^ression
isolée « de surcroît « qui, par un processus logique et indé-
pendant, a engendré ces diverses significations ; c'est le
contexte de la phrase qui parait la revêtir d'acceptions
api)aremment si i^eu conciliables. Ce que l'on vous donne
de surcroît, on ne vous le doit pas et j)roprement vous ne
l'attendez pas. De là : il vient nous voir de surcroît (= en
plus des visites convenues, quand on ne l'attend pas) a pu
signifier « parfois, de temjjs en temps » (sens 1), ou « à l'im-
proviste » (sens 2, rare). De même : je viendrai vous voir
de surcroît (= quand vous ne vous y attendrez pas) a pu
signifier « un de ces jours » (sens 8). Si cette analyse paraît
subtile, voici une autre raison : l'ellipse. L'expression com-
plète est . a par surcroît une fois (ou certaines fois) » ; ainsi
tanawè on côj), à Bouffioulx; taiiawète (et) dès caps qii'i-
gn-a, à Jodoigne. Dans l'usage courant, on supprime les
derniers mots, en réalité les plus significatifs, et le sens
assez pauvre de tanawète s'enrichit de ce qu'on sous-
entend. Le sens 4 résulte évidemment d'une confusion for-
melle avec nawère «naguère » (^j. Enfin, dans la phrase : il
(^) La syncopi- de la proloiiiquc non iniliale, qui réduit toU^ à lot' est ici
normale; compare/, iiam. holèdji, Ichèrpèti = liég. boVdji, tcfièp'li, fr. hou-
langer, charpenlier.
(2) Probablement sous l'influence de navette. On a perdu de vue la parenté
de rawète et de tot-rn-awète. Comparez malm. mvh', a l'awir = liég. aivei'ir
(*agurium, heur), a l'avir (au petit bonheur).
(•*) Notamment vite a déteint sur tot'nuvite, et rèimte « laps de temps »
(à Villers-Sainte-Gertrude) sur totnavnte.
{*) A Viesville, au nord-ouest de Cliarleroi, lènawée .signifie « naguère »
(d'après M. Oscar Pecqueur) ; ici le croisement a dénaturé la forme autant
que le sens ; je n'en ai pas fait état ci-dessus, parce que notre expression, dont
il ne reste qu'un débris (tè-) est sûrement importée de l'est. Je relève encore
<lans un texte de Malmedy ce curieux exemple : il avéve hin i dotance
1
ETYMOLOGIES 657
se peut que vous n'ayez rien à craindre, i)ar surcroît prenez
vos précautions, coula s'pout, tot'navcùle loiikiz a vos (*),
on voit qu'un « toutefois » est sous-entendu entre les deux
propositions. Le sens propre de tot'naveûte s'étant obli-
téré, on a pris cette expression pour un synonyme de « tou-
tefois ».
Liég. wadje, watche
Ce mot désigne la bretelle ou bricole servant à soutenir
les bras d'une brouette ou d'une civière; les deux bouts ont
une ouverture par où passe l'extrémité de chaque bras du
véhicule : //' loaichc est trop streùte, aie mi cèpe lès spales.
Certains, comme Forir, le font du masculin, sans doute
sous l'influence de l'homophone wadje a gage ». G., II, 474,
qui le donne au pluriel, suggère la comparaison avec l'ail.
wage ce balance ».
Dans une enquête sur le langage du bouilleur à Seraing,
j'ai relevé ce qui suit : la biirtèle de hèrtcheû à batch, bre-
telle ou harnachement du hercheur-bac, est formée de deux
bandes de forte toile, lès watches dèl burtèle, qui se placent
sur les épaules et passent sous les bras ; sur le bas des
reins, les watches se réunissent à une manote (« menotte »
ou poignée de fer) qui porte un crochet {^). Je crois que le
langage archaïque de nos bouilleurs a conservé le sens
X)remier du mot et je définirai wadje ou, comme on pro-
nonce, watche : large bande de très forte toile, servant
notamment à faire la bretelle du hercheur, du ])orteur de
civière, du conducteur de brouette, ou même le licou d'un
cheval.
Partant de là, on s'adressera au radical germanique
"VNad-, dont le sens primitif est « tissu », d'où : a vêtement,
lien, câble », etc. (^); comparez l'ail, archaïque wat, f.,
pièce d'habillement (anc. saxon wàd; anc. et moy, h. ail.
qu tot-èn-mvère ilafdve nos qiviîer (Armonac du i Saméne, 1889, p. 60); ici le
croisement affecte seulement la forme; le sens reste : « bient»M, un de ces
jours » (sens 3).
(1) Kxom|)le donne par IIkmaci.e, Dict. toaltori, :2«écl., v" naveùtt.
(2) Voyez la ligure dans le Huit, clv Dict. wallon, 101 i, p. 82.
(3j Je dois cette suggestion à l'obligeance de M. .1. Vercoullie.
42
658 J. HAUST
imit)', et le néerl. g- ewaad vêtement, lijnwaad linge, lijkwade
linceul ('). Le \v. inadje s'expliquerait par un diminutif fla-
mand *wadje signifiant « petite pièce de tissu ». De même
le w. bodje vient du fl. beiikje; le w. bondje, rouchi bonge,
botte, faisceau, du fl. bondje (^); le nam. deùtche (G., I, 165),
du fl. duitje; etc.
Ane. fr. wage, waghe.
Dans son Glossaire des poésies de Froissart, Sclieler
note trois exemples de wages, s. f. pi., cité parmi les pièces
d'habillement que mettent les bergers : « solers takenés...,
wans, wages, chaperons petis » {^). «Je ne saurais, ajoute-
t-il, en préciser le sens; peut-être sont-ce des hauts-de-
chausse, des houseaux, lesquels mots ne paraissent pas
dans les passages cités ». Dans une énumération ana-
logue, une scène pastorale du xv^ siècle, d'origine liégeoise,
que M. Cohen a éditée récemment, contient le mot waghe ^
que l'éditeur interprète par « haut-de-chausse » (^). Je
crois, pour ma part, qu'il s'agit plutôt de houseaux.
On trouve en moyen néerlandais waggeii « péronés,
fasciae, fr. guettres » (Plantin); wagge « tibiale, pero »
'Dict. teiitoniciim, Antverpiae. 1667); et, dans les dialectes
modernes d'Anvers et du Brabant : wag, wagge a over-
kous, slofkous, fr. guêtre » (Schuermans). L'anc. fr.
wag{h)e, qui se prononçait sans doute wagiie et qui ne se
rencontre que dans de rares textes de nos provinces wal-
lonnes, provient manifestement de cette source thioise.
Il a laissé en Ardenne française le diminutif wagates
[= *waguettes], s. f. pL, « sorte de jambières dont se
servent les ouvriers ardoisiers » (^). — Il résulte de là que
l'anc. fr. wag{h)e n'a rien de commun avec le liég. wadje
dont il est question ci-dessus.
(') Voy. "Wcigand, wat; Franck-van Wyk, gewaad.
C^) Behrens, Beitrdqe, p. 27. Stir hndje, voy. Homania, XLVII (1921),
p. "m.
(•*) II, 319, 28. — Godcfroy donne les deux autres passages et traduit sans-
hésitation : « haut de chausse, houseau ».
{*) Myslhes et Moralités du ms 617 de Chantilh/ (Champion, 1920, p. 87).
(5) BuLNEAU, Étude phonétiffuc des patois d' Ardenne, p. lOi.
ETYMOLOGIES 659
AA'. wahéte (Verriers, Malmedyi.
La variole s'appelle à Liège lès pokes (« poches,
ampoules ») ou pokètes ; à Namur plokca ou plokètes (ave<t /
épenthétique). Près de la frontière allemande, cette mala-
die porte un nom qui n'a pas encore reçu d'explication :
lès wahètes, Malmedy : Villers, 1793; G., Il, 47u; Ver-
viers : Lobet (i); wahyètes, Francorchamps, Vielsalm;
wachètes, Bovigny, Lutrebois, Sibret, Wardin lez-Bas-
togne (2); wèhyotes, Faymonville : aueûr lès wèhyotes
« avoir la petite vérole », inète lès ivèhyotes a vacciner » ;
une wèhyote, c'est un bouton, une petite pustule arrondie
(J. Bastin, Vor. de Faym.).
De ces quatre formes, la dernière se rapproche le plus
du radical primitif. Nous y reconnaissons en effet le lat.
pop. *vessica, d'où le fr. vessie, malmédien vèhie (le liég.
vèssèye est emprunté du fr.). Le diminutif *vèhyèle, -oie
(= anc. fr. uesciette : pustella) a subi le changement de o
initial en w (^). Le groupe -hy- devient normalement eh au
sud; il se réduit à h en verviétois (comp. d'hindeà côté de
d'hyinde et voy. l'art, prèhale). Quant à l'altération de la
protonique è en a, les exemples abondent.
Une wcihète, c'est donc une vésicule, une «petite vessie».
Au pluriel, c'est la i^etite vérole qni, en meusien, s'appelle
de môme les vissies, alors que chez nous le terme roman a
]>resque partout cédé devant poke, d'origine germanique.
Anc. w. waneal II, crait (!), etc.
Le glossaire de l'ancien Métier des Drapiers liégeois,
parBormans, a l'article suivant, qui renferme autant d'er-
reurs que de mots ('*) :
(*) Forir donne aussi ce mot qui, toutefois, est inconnu à Liège.
(-) Entendu à Bovigny : lès neùres wac/u-les a variole hémorragique », li's
pfokes d'êwe ou di tchin « varicelle»; et à Wardin : Irs ivav/iites di tchin,
c'est dès p'tits hotons qri Jès-èfants atrapant co hin SDvinf, sans doute une
sorte d'urticaire boutonneux.
(■') Comp. le liég. rapenr ou wupeûr ; vafic ou wuliè (vasccllunii << cer-
cueil », et voy. l'article suivant.
(*) BSW, 9, |>. 2!U. Voyez aussi G., II. till, v» rniilz. «lodefroy, v<> u-aneal.
reproduit larlicle de Uormans en supprimant les deux [loinls d'inlerrogalion.
660 J. HAUST
■wanealx de craitz, s. m.? (Suranné.) Suint, laine graisseuse
du dos du mouton, et qui attire les mites? (Charte des Drapiers,
de 1527, clans le Recueil des Chartes et Privilèges des Métiers de
Liège, t. I. p. 232).
Au texte de la Charte de io27 (^), comparons une for-
mule analogue qui api^araît un peu plus tard, dans les
Articles additionnels de 1542 (p. 245 du même Recueil). Il
s'agit de « fausse draperie » ou de drap fabriqué sans avoir
observé les règlements :
1527 : que personne ne pré- 1542 : [ces draps] se deveront
sume doresnavant faire draps faire de bonnes et loyales laines
de laine de deux foixhes de Re- et étoffes sans aucune falcité,
tondeur, de wanealx de craitz, comme de laines de deux for-
de flockons, de noppes, de ches de traits de flockons, nop-
retaillons, ne d'autres laines pes et retaillons, ne autres
desei'ables... laines deserables...
Les mots en italique manquent dans la seconde colonne :
cette omission, fortuite ou voulue, est suggestive, comme
on le verra. De plus, nous n'aurons pas à tenir compte de
la ponctuation fantaisiste des deux textes.
Les règlements défendent d'user de déchets de toute
espèce dans la fabrication du drap. Flocons, nopes, retail-
lons se comprennent d'emblée (^j; mais la détermination
des autres matières prohibées ne va pas sans peine.
1. Que veut dire laine de deux foixhes (forches)? Le lié-
geois (èj/u^è/îes répond au fr. forces, lat. forfices. D'après
Bormans, p. 259. les efoixhes désignent « les grands
ciseaux avec lesquels on tond les draps », ce qui est vrai,
mais incomplet; il se demande si laine de deux foixhes de
retondeur (sic) signifie : « laine restée dans les ciseaux du
retondeur à la deuxième tonte [du drap] ». Pour moi, dans
les textes de 1527 et 1542, il faut mettre une virgule après
foixhes ou forches, et comprendre qu'il s'agit des « ciseaux
à tondre les moutons ». La bonne laine est fournie par la
tonte des moutons qui se fait au printemps. L'expression
singulière laine de deux foixhes désigne apparemment la
(*) On ne connaît ceUe charte que par le très médiocre Recueil de 1730,
qui fourmille de fautes. Sur la façon dont il fut composé, on peut voir
BSW, 5, p. iOl.
(2) Voj. BoKMANs, /. c, p. 268, 275, 28i; nope est dans le Dict. gênerai.
à
ETYMOLOGIES 661
laine obtenue par une deuxième tonte pratiquée en été. De
fait, au dire de Bormans lui-même (p. 141), on ne pouvait
employer que pour faire des étoffes de doublure (') ou des
draps de lit, la laine, trop courte, des moutons tondus
entre le 1" juin et le 1" octobre ou fête de saint Remy i'-;;
le mouton ainsi tondu s'appelait tozê : agneau, jeune brebis
de l'année (3). Je signale, à ce propos, Y article soiirtonture
de Godefroy, dont la définition : « les extrémités les moins
fines des toisons » paraît suspecte. Godefroy cite notam-
ment un texte de 1377 où l'on parle de « seiirtoiitiire
d'aig-nelins et autres mauvaises matières [à faire draps] ».
Logiquement, surtontiire doit désigner le produit de la
<( surtonte » ou tonte supplémentaire de l'année. Ce serait,
dès lors, l'équivalent de notre « laine de deux forces ».
2. Les mots de Retondeur, de ivanealx doivent se lire,
en supprimant la virgule : de retondeiircs de amvenLx. Ce
dernier est une variante de walhewea.1 (1437 : BSW., 6,
II, p. 113), waiilweal (J. de Stavelot, p. 49o), veleweal
(J. dOutrem., IV, o2) et autres formes wallonnes de l'anc.
fr. veliiel {\ixt. *villutellum «velours»), qu'on trouvera
dans Godefroy, v° velvel. Bormans ('') a cru que retondeur
désigne iei « l'ouvrier qui retond ». En réalité, ce mot est
du féminin pluriel et désigne a les poils que l'on (retond
sur le drap ». Le règlement défend de faire du drap « de
(re)tondures de velours » (^). Notez qu'ici, comme souvent
en wallon, le préfixe re- n'a pas de valeur sensible.
('*) Ceci peut expliquer l'article <le Godefroy : « touset, sorte d'étofle (une
liupplande fouree de toiizez : 1453, Tournai) ».
(^) La même défense existait ailleurs. Du Cange, v° tondeho, cite ce texte
d'Abheville (omis par Godefroy) : « (jne nuls ne puist dra|)per de graluse ne
de pelicli fait depuis Tondisons jusqiics a le S. Remy ».
{^) Bormans, p. :292, v» tositi; voy. aussi agneVni, p. :210, et dans Godefroy.
Le \v. lozi' (lat. *tonselluni) signifie proprement « petit [mouton] tondu ».
Comparez l'anc. fr. tonsel « jouvenceau », touse « jeune fille ». Meyer-Liibkc,
n" 878."), dit que l'on ignore la raison de cet emploi de timsus. Le \v. tozv,
dont il ne fait pas mention, ne résout-il pas la ditlieullé? Touse aurait désigné
d'abord une « brebis tondue », puis, comme terme d'amitié, une jeune tille.
Comp. Meyer-Liibke, n" 2256.
(■*) Suivi par Godefroy, v» retondeik.
(^) Coni(iarez, dans le même sens, l'anc. fr. tondures de drap (li>88), dans
Godefroy, et, pour la forme liégeoise : djondeùre, pondei'ire « jointure, picp^ire »
(de djonde, ponde -. joindre, poindre). Notre mot se retrouve dans la charte
662 J. HAUST
3. Le lecteur aura déjà corrigé de lui-même craitz (^) en
traitz, d'après le texte de 1542, qu'il faut ponctuer ainsi :
(c forches, de traits, de... w. Il va de soi que de traitz est
indépendant de wavealx. On défend de faire du drap de
traits, c'est-à-dire « de bouts tirés ou ploqués )) (cf. Bor-
mans, p. 292). Traits est synonyme de bouts, queues ou
pennes « déchets de la cluiine ou de la rame » {^) ; toutefois,
on le rencontre rarement dans ce sens.
Reste l'expression « laines deserables », qui n'a pas
encore été signalée. G., II, 582, explique l'anc. w. « playe
deserauble » (^j par «desserrer». On pourrait aussi, à la
rigueur, y voir un dérivé de l'anc. fr. désirer (déchirer) ou
encore de deseuvrer (deaseyrer; comp. Bormans, p. 255);
mais l'explication de G. se recommande par sa simplicité.
Il s'agit en tout cas de laines qui peuvent se relâcher et se
rompre trop facilement.
W. warbo.
G., II, 480, a l'article suivant :
warbau (mau, gribouri : ver d'où vient le hanneton), uam. wa-
ribau (ver bouvier). Composé de war — ver (comp. warglèse : ver-
des Flockeniers en 1639 : « tous draps de laine, où y auroit chaînes ou filets
d'esse, des poillages, flockons plocus, des noppes[,] des mains [,] des reton-
deios, des pillaines, des nokies,... » (Recueil des chartes des Métiers, II, 321) ;
« [défense d'] emplir coussins d'ancienne [corr. aucunne] sorte [,] de poillages
avec 77iais [,] de Retondeurs de draps, ou noppes ou nockes, pareillement île
toutes telles denrées, comme d'oreilliers, tatelettes [corr. tikelettes?], ou
semblables... » {ihid., p. 324). Lire relondeures, comme soyeures (p. 321) :
sciures. Oua»t à mains, mais, ce sont des grapiiies défectueuses pour maltaing
défaut, tare, vice, licg. mod. mèliin (voy. God., v^ meshain; Bormans, in
BSW, 9, p. 272).
(') Scheler (ap. G., Il, .^71, n.) voudrait lire dans le texte de 1527 : crais
(= graisse!) au lieu de craitz. Godefroy, qui cite ce texte, v« uetondeuk,
complique l'altération en transcrivant croitz.
(2) Voy. Bormans, p. 2i2, 279, 282; et Remeu, Histoire de l' Industrie drapière
an pays de IAe(/e, p. 217. Ce dernier ouvrage, estimable à certains points de
vue, ne nous a été d'aucune utilité dans notre examen criticpie. L'auteur se
fait réclio des explications fantaisistes de Bormans, notanunent p. 230 et 242.
C^) Dans le Hèglemcnl de 1424 ; « iiuicontiues... quasserat gens à playe
ovierle [ou] descrauble; lat. : laedet vulnere aperto seu aperibili » (Louvrex,
I, 35). Godefroy, \° deserable, ne cite que ce texte de J. de Slavelot, p. 550 ;
« et ly fiseiit une plaie deserable en la tiesle ». Voyez aussi G., II, 580,
déférables (lire ; deserables).
i
ETYMOLOGIES 663
glas) et de bau ^ bœuf? Ou modification de vennaii. (jui en rouclii
■et en picard signifie la même chose? [Note de Scheler : « Le
thème warb- ne serait-il pas = hiirb = acurb (comp. escarbot) « i]
D'après la Ftiiuic wallonne de J. Defrecheux, warbô
•désigne la larve de différents insectes et surtout celle du
hanneton. En général, cependant, les campagnes des pro-
vinces de Brabant, de Namur et de Luxembourg réservent
•ce nom au ver bouvier ou larve de l'œstre des bovidés.
Les formes dialectales que nous avons recueillies sont
assez nombreuses : wèrbë Faymonville; -â Érezée; warbê
Malmedj'^ (Scius); -ê Awenne; -ô Malmedy (Villers), Liège,
Verviers, Heure-en-Famenne; wârbô Namur (Pirsoul),
Jodoigne, Marilles, Noduwez ; waribô Namur (G); wèrabô
Bovigny ; warobia Vonéclie ; waraba Lutrebois;-ë Oisj^
Gros-Fays, Chairière, Alle-sur-Semois; -o Neufcliâteau,
Léglise, Bertrix, Sainte-Marie-sur-Semois. Dorinne; nuya-
rabù Etalle : influence de noir ou prosthèse de (u)n?
La charpente du mot est d'une constance remarquable;
les variations vocaliques de l'initiale n'ont guère d'impor-
tance; celles de la tonique peuvent s'expliquer en général
par l'influence de suffixes bien connus : -elhim {-è, -ë, -/a),
-ald (-o), -ard (-â), -aclum (-a).
Les conjectures étymologiques de G. et de Scheler ne
supportent pas la discussion. Notre mot est d'origine ger-
manique; on doit en effet s'adresser !« à l'anglais warblc
(ver bouvieri, qui a de multiples formes : wavblet, warback,
warbie, wavbeetle, warniul, etc.; 'i" îi l'ail, iverbel, (acker)-
werbel (taupe-grillon, courtilière).
Au surplus, le \v. warbô a des affinités indéniables avec
l'italien du Nord barbel (charançon) et avec le fr. dialectal
guéribé, garibet, (h)urebe(\ hubert, heurebeiif, etc. (^),
(') Voyez Ant. Thomas, Mt'laufjes, p. 9:2; Godefuoy : lieureheuf (herboz,
€u 1400, .i Fribourg, =« ver bouvier»); Littrk : hubert, hnreliec, urehei .
Coiiifjare/, de plus ; garbou (Roi.i.vno, Faune pop., XIII, p. 179), qui désigne
en Bigorre une larve qu'on trouve sur ou sous la peau des moutons ; barbnu
{ib., p. 113), courtilière, dép. de l'Allier; varanbon {ib., p. 179), ver bouvier,
env. d'Annecy; véranbi (ib.), id., env. de Belfort ; verblé {ib., p. 180), id., à
Boulogne-sur-Mer et à Saint-Pol. Littré, Suppl., donne le norm. verbleil
(larve du hanneton), qu'il explique par uer et />/<■'(!), alors que c'est visible-
ment l'angl. warblet (ver bouvier). Ajoutez le vosgien bvncbù (ver bouvier :
lliMJHK, Vov. de la Bresse).
664
J. HAUST
désignant un insecte qui ronge la vigne, le peuplier, le bou-
leau, etc. Pour expliquer ces différents termes, M. Schu-
chardt (*) suppose un type germanique *werribel (= ail.
werbel), qui serait formé par croisement de l'ail, werre^
grillon, et wiehel, charançon. M. Scliuchardt ne parle pa&
du groupe wallon dont nous nous occupons; cependant le
type primitif s'y montre plus clairement que dans les
autres dialectes français, où les altérations sont innom-
brables (2). Jean Haust.
TABLE
1. *GABA et ses dérivés wallons djève, gawe, badjawe. . 445
2. chestrolais anêoè, dus nêuè; gaumais anâvèy, dènâoèy . 447
3. liég. bak'neiire, fr. teehn. bacnure 448
4. liég. canabûse 449
5 . w. cakèdo et heûpon « gratte-cul » 449
6. malm. dêve, dëoe 450'
7. fr. s'ébrouer, anc. fr. esprohev, liég. sprognî .... 451
8. anc. fr. gistel; w. custèl, cristal; rouchi aguistiller . . 454
9. w. gô, gôti; gaum. djô, djwôti; fr. mugot, mijoter . 456
10. liég. gossê 461
11. gaum. handë 649
12. w. horon 649
13 liég. hoûr, anc. fr. heulle 650
14. liég. mayeté 651
15. hég. prèliale 651
16. w. sot-dwèrmant « loir » 653
17. w. totènaoeûte, tanawète, etc 654
18. liég. wadje, ivatche 657
19. anc. fr. wage, waghe 658
20. w. u;a/iè/e (Verviers, Malraedy) 659
21. anc. w. waneal{!), crait{!), etc 659
22. w. warbô 662
(1) Zeilsckrift f. rom. Phil., XXVI, 395; Ulriï, n» 2419.
(2) Je signale ici le w. warhia (Nainur : G., II, 480), wèrina (Huy) « lamprillon,
petite lamproie », dont j'ignore l'origine. Serait-ce une altération de *tv<rmia
(*vermellum)?
La tombe de Tauler
Les documents établissant que le Frère Joliannes Tau-
ler mourut en dehors de son couvent (^) seront peut-être
récusés par quelques esprits sceptiques, du fait qu'ils sont
de beaucoup postérieurs à cet événement (2). Pourtant
l'imagination se complaît à se représenter le cortège
funèbre des Pères Dominicains, drapés dans leurs amples
chapes noires qui recouvrent le froc de bure blanche, con-
duisant leur frère à sa dernière demeure à travers les rues
de Strasbourg. Des bords de l'Inn jusque tout près de la
cathédrale, dont maître Gerlach (^) construisait alors le
troisième étage de la tour, on aime à se figurer une foule
disparate se pressant sur le passage des restes mortels de
cet homme au verbe étrange. De son vivant, d'aucuns
avaient ri de cet «illuminé »; à ceux-là mêmes il avait
inspiré une crainte mystérieuse. Les autres, ses pénitents
ou simplement des amis de Dieu, révéraient en lui l'apôtre
de la vie intérieure et le fils privilégié du Très Haut. Tous
s'accordaient aujourd'hui à proclamer que ce religieux
était mort en odeur de sainteté, ciini faina saiictitatis.
De tout cela l'histoire ne nous dit rien : elle nous affirme
bien sobrement que Johannes Tauler fut enterré dans ce
couvent, dont il avait répandu au loin la renommée par sa
prédication, — sans s'en douter presque — , et dont il était
la plus lumineuse illustration, — bien malgré lui. Déjà un
(*) Dans un pavillon, silué au Umd dii jardin des Dominicaines do Saiiit-
Nicolas-aux-Ondes.
(') Sciin.TEu (1H3:2-I70o), Anmcrkungen :n Kiniigahofcn, p. Ili'.t. — Sk».
MiEG, CoUeclaneen iiher die Strassburger Kirchen und Klnster, fol. 77'' (ce
recueil a étf détruit par l'incendie du :2i aoftt 1870). Voyez Demfi.e, Taiders
Beke/irung, p. 33.
P) Sou nom est cité en 1311 ; la iilatofonnc; fut achevée en 13(m.
066 A. L. coniN
veut délétère de mondanité et de libertinage soufflait dans
cette maison et ils étaient bien rares, sans doute, ceux qui
eussent pu comi)rendreles aspirations et le langage du con-
templatif et plus d'un haussait peut-être les épaules à ses
paroles divines. Ils comprirent pourtant qu'ils devaient
perpétuer le souvenir de celui dont la vogue temporaire
n'avait pas manqué d'être profitable au couvent tout entier.
Ou bien est-ce à sa famille, qui vivait dans l'aisance, à
ses pénitents, parmi lesquels on comptait le banquier
R. Merswin, que revient l'iionneur d'avoir eu la pieuse pen-
sée de recouvrir d'une pierre tombale la fosse de l'humble
fils de Dominique?
En tête de sou étude sur Johannes Tau 1er de Stras-
bourg, Cari Schmidt(i) donna le pi-emier une reproduction,
imparfaite d'ailleurs, de cette pierre tombale. C'est une
lithographie d'E. Simon de Strasbourg. L'historien y joi-
gnit une description sommaire et d'une exactitude peu
rigoureuse (-).
Cette dalle funéraire avait, au reste, été mentionnée
longtemps avant lui. La chronique strasbourgeoise de
Jacques de Kônigshoven, éditée par Schilter en 1698, en
l)arle eu détail et donne une interprétation très correcte
de l'épitaphe. « Johannes Tavlerus, y lit-on, est enterré
au couvent des Dominicains entre la première classe et
l'ancien Auditoire près de la porte de la classe opposée à
l'Auditoire, sous une pierre (^) »
Ceux qui ont renseigné Quétif et Echard C*), quidam
nostri viri (graves Argentinae anno 11 14 agentes, en con-
naissaient l'existence et l'avaient vue (sic me monueruni
EX visu), mais combien mal ils l'avaient observée!
(') C. Scii.Mim, Joliunncs Tavier von Strasshurg. Hambiirg, Perthes, 1841.
La lithoçrapliM' csl reprocluite en plus foncé, sans indication de source, dans
l'édition modernisée des Servums de Tau/cr de W. Lkhmann. lena, 1913.
{■i) L.c, p. 63.
(^) Jacob von Kuyu.swnEy, Strasslniif/er C/ironirkc, 1698, |). 1119. -Johan-
nes Tavlerus, isl hegraben in den» Closler zu den Predigeiu | zwiselien der
ersten Classe und dcm alten Audilorio an der Class-Thiir gegen dem Audito-
rio ùber | untcr eineni Sleia mit diesem Epilapbio : ... »
(*) Scriptores Ont. Prnedicat., 1719, 1, p. 678.
à
TOMBE DE TAULER 667
Edel (^) enfin publia, eu 1825, une monographie sur
l'ancienne église des Dominicains, où il parle des vicissi-
tudes de la pierre tombale; il en indique l'emplacement
primitif dans le dallage du cloître à peu près dans les
mêmes termes que Konigshoveu : « dans le cloître du cou-
vent des Dominicains entre l'ancienne troisième classe du
gymnase ^) (protestant) « et le petit auditoire », l'ancienne
salle du chapitre. Vers l'an 1740, elle fut incrustée dans
une muraille du « Grand Auditoire », bâti en 1590 sur l'em-
placement de l'ancienne chapelle Sainte-Elisabeth au nord
du chœur. C'est sans doute cette salle que les viri graves
de Quétif et Echard parent du titre de odeiim templi {^) ».
La pierre funéraire fut encore déplacée vers la fin du
xviii*^ siècle : elle fut alors dressée dans le temple même et
encastrée dans la paroi d'un des bas-côtés; à l'époque
d'Edel elle se trouvait tout contre le monument de Blessig,
pasteur et professeur de théologie protestante (1747-181G).
M. Fries (3), architecte de la ville de Strasbourg, l'a vue,
avant l'incendie de la nuit du 24 août 1870, « à l'extrémité
ouest de la petite nef du sud, à fleur du mur »,
Par miracle, elle sortit presque indemne de ce sinistre
qui détruisit l'église et la bibliothèque ('') : d'une large bri-
sure dans le bas de la pierre, que montre déjà la lithogra-
phie de Simon, rayonnent maintenant trois fêlures nou-
velles; de plus le coin supérieur gauche est ébréché. On la
déposa dans les caves du gymnase protestant (l'ancien cou-
vent) jusqu'à ce que la construction du nouvel édifice fût
achevée.
Actuellement elle est appuyée contre le pan occidental
de la petite nef du nord, c'est-à-dire à gauche de la porte
d'entrée principale, dans un coin assez obscur, en retrait
d'un monument en marbre blanc à la mémoire de Reds-
(') Die neue Kirc/ie in Strasshurg , 182.^, p. "20.
(2) Cf. Du Gange', .f. r. odeum.
(') hyll. de la Soc. pour la conserr. des monuiu. Iiisi . de l'Alsace, II* si'i'ie.
g^-vol., I871-187.-), p|). 1-28-133.
(*) Quant à l'ancicii couveiil. Ip feu lavait ilrliuit en juin I8t>0. Voyez Fries,
/. c, p. 13-2.
66s A. L. CORIN
lob (1770-1834), pasteur et j^rofesseur de théologie protes-
tante à l'Université de Strasbourg.
Il a fallu l'art consommé d'un photographe expérimenté
pour réussir le cliché que nous reproduisons (*) et qui pour
la première fois donne une image fidèle de la seule relique
matérielle que nous ait laissée le « docteur illuminé ».
C'est un bloc de grès rose {^), épais de 15 centimètres,
haut de 2 m. 03 et large de 95 centimètres. Il repose contre
le mur sur un socle de la hauteur de la plinthe, soit 32 cen-
timètres. Les deux rainures d'encadrement, profondes de
3.5 millimètres, sont distantes l'une de l'autre de 13 5 à
14 centimètres {^) et les caractères gothiques de I'épitaphe
mesurent de 8 à 10 centimètres ; ils sont taillés à anglets de
profondeur variable ; ceux d'en haut 6 à 8 millimètres, les
autres environ 3 millimètres. Pour l'historien, cette
inscription est sans contredit la partie la plus importante
du monument. Elle nous fournit, en effet, une des très
rares certitudes de la biographie de Tauler : la date de sa
mort. Et on s'étonne qu'on ait si longtemps tâtonné pour
fixer celle-ci, alors qu'on possédait cette pièce d'état-civil l
Les déclarations de Quétif et Echard sont bien de nature à
nous inspirer une salutaire défiance à légard des auteurs
anciens; elles méritent d'être épinglées :
« Nobis certain est Taulerum .... in odeo sepiiltiim siib
« lapide effi^ieni ejiis referente ciii insculpta haec etiam-
((. num leg-enda épigraphe : anno 1376 obiit Frater Johan-
« nés Tauler us... »
(1) Je le dois à l'entremise de M. Jules Baltzer, de Strasbourg. C'est égale-
ment de lui que je tiens plus d'un renseignement utile. Aussi j'aime à rendre
hommage à son obligeance inlassable.
(-) Je dois ce détail et les renseignements qui vont suivre à M. J. Gérock,
de Strasbourg, et je liens à l'en remercier.
« Ce grès rose provient probablement de la carrière de la Mossig, aux envi-
« rons de Wasselonne... C'est la seule pierre employée à Strasbourg comme
« pierre de taille et la cathédrale entre autres eu est entièrement bâtie... C'est
« un grès siliceux à pâte fine et très égaie, lité en gros bancs, mais sujet à
« feuilleter... Il est composé de grains d'acide silicique (quartz) cimenté par
« une proportion assez faible d'une argile un peu micacée... C'est l'oxyde de
« fer... avec des proportions plus faibles d'oxydes de manganèse, qui donne à
« tous ces grès leur aspect coloré (blanc, jaune, rose, rouge vif, gi'is, violacé,
« brunâtre)...
(3) A gauche, 1 i cent. ; en haut, 13.7 cent. ; à.droite, 13.5 cent.
I
TOMBE DE TAULER 669
Pour lire comme elles l'ont fait, les autorités des historio-
graphes de l'ordre de Saint-Dominique, « vlri graves »,
ont dû faire abstraction des cinq mots qui suivent les
chiffres romains et lire ceux-ci en bloc en omettant le I
qui sépare les deux X !
MCCC LXXVI pour
MCCG LXI XVI
Que dit donc en réalité l'épitaphe?
Elle commence dans l'angle supérieur gauche : voici ce
qu'il en reste, et ce qu'on pourra lire sur le cliché :
o ÂXO o DÔÏ o M o CCCo (')
en haut, dans la traverse de l'encadrement; puis dans le
montant de droite :
LXoIo XV = lo KL' JVNII CJRICI
GT = JULIce («)
Une première fêlure, qu'on a comblée de ciment, a
emporté le deuxième jambage de l'U; la deuxième fêlure
plus large s'intercale ici. Dans la lithographie de Simon,
qui date d'avant l'incendie, la pierre ne semble pas enta-
mée à cet endroit et ne porte pourtant aucun caractère.
L'espace libre est juste suffisant pour une lettre, semble-
t-il. Comme on attend « obiit », il faudra conjecturer le
sigle 0. C'est, en effet, ce qu'avait lu Kônigshoven; chez
lui ce signe est suivi d'un point, comme toutes les autres
abréviations. Une gravure (le n° 5277) du musée Rohan de
Strasbourg (^), fort mal réussie d'ailleurs, porte : O' (cp.
KL' = kalendis).
La ligne s'achève par les lettres FR.
(*) Chez SciiMiDT, la barre de TA manque.
i-) ScHMiDT a un 0 dans le y de XVI; il omet la barre de l'€ do €T; dans
Julite il écrit un 0 à la place du T, qui est composé de deux arcs opposés sur
montésd'un sejïinent plus jR-lit ; comme précédemment, il écrit C au lieu de 6.
(•') M"'« S. H.vcKE.NSCHMiDT, dc Strasbourp. supi)ose que les trois gravures con-
servées en ce musée ont été faites daprés le même dessin original qui pourrait
être de la main de S. Z. Arhardt (f 167i). L'une d'elles sert de frontispice au
livre : Des hocherleucliteten Lehrers Joliannis Thauleri Sc/iriflen. Franc-
fort 1692. Une deuxième plus petite se trouve dans un ouvrage intitulé : Die
sonderhare chedesse/i weUhekaitnte Historh' iless (heuren uml fioc/icrlt'ticltlt'teti
Maïuies Johnnnes Taitleri. Liuiebourg, iCSU. Je suis très oblige ;'i >!">* Uacken-
schmidl de ces renseignements.
670 A. L. CORIN
La traverse inférieure nous présente les lettres à l'en-
vers : c'est qu'à l'origine la pierre, recouvrant la fosse,
gisait horizontalement.
Cette partie de dessous est fort abîmée et quel dommage,
car c'est elle qui portait le nom ! Or ,que trouvons-nous sur
la partie intacte? Ceci :
lOh' o CA (^), puis un espace qui aurait pu porter trois
lettres (VLE), et enfin un semblant de lettre d'un trait plus
grêle, non plus taillée à anglet, mais gravée à fleur de
pierre, ce qui suffit pour nous la faire considérer comme
apocryphe. Chez Schmidt le vide n'est que de deux lettres
et on lit distinctement GR (2) pour finir.
Konigshoven donne pour toute la partie abîmée
O e Fil o JOH o TAVLER
et la gravure du musée R-ohan :
O' FR lOH o CAVL
Au point de vue épigraphique, remarquez les deux
espèces de T : le T en tau de nos caractères d'imprimerie
et le Z rond {^) qui a donné la majuscule courante de notre
alphabet écrit. Ce mélange se trouve également dans des
inscriptions funéraires du xiii® siècle reproduites dans le
deuxième volume du Dictionnaire d'épig-raphie chrétienne
de Migne (■*). Ici, comme là, on a employé indifféremment
U et V, (.JULIT6 — JVNII), J et I (&) (CJRICI, lOH,
JULITe).
Voici finalement quelle serait la teneur de l'épitaphe
après la résolution des sigles et en admettant les conjec-
tures proposées :
AiVNO BOMINI MCCC LXI XVI KAJ^ENDIS JVNII
CJRICI ET JULITE [0^7/7'] FUATER lOKANNES
TA[VLE]R (?) ou TA[VLER].
(*) Schmidt représente le T par Ô, un 0 sunnonlé d'un Irait; il omet encore
la barre transversale de l'A, qui n'est, il est vrai, qu'ébauchée.
(*) Cette fois !'€ a, chez Schmidt, les apparences d'un 0 barré : 0.
(3) Schmidt le représente tantôt par 0 tantôt par O.
(*) Paris, 1852, pp. 1223 et suiv.
(^) V et U, I et J sont déjà mêlés dans plusieurs inscriptions du recueil de
Kraus, 11, 184, 1. 28, 29, 123, 17ri.
Strasbourg.
PIERRE TOMBALE DE J. TAULER O. Pr.
TOMBE DE TAULER 671
En traduction fran<;aise :
« L'an de grâce 1801 . le iii juin, (jour de) Cyr et Juliette,
« mourut le Frère Jean Tauler. (*) »
La fête du petit martyr et de sa mère se célèbre, en effet,
le 10 juin, et, quant à l'emploi abusif de calendae pour (lies
KoNiGsuovEN (* (SciiiLTER) rcnvovait déjà au glos.saire
latin de du Fresne. Du ('ange, III, 963, note : Kalenda,
pro qnovis die.
Pour compléter cet acte de décès « lapidaire », n'hésitez
pas à y joindre les mots qui se trouvent en haut sous les
premières lettres de l'épitaphe, à savoir : =IoN et les deux
noms de N -S. inscrits l'un et l'autre dans un cercle en
traits corrompus qui est sans doute l'ébauche d'un
nimbe :
n ...Obiit Fr. Johannes Tauler in Christo Jesii », locu-
tion consacrée que notre langue connaît aussi sous cette
forme un pen différente :
« Le 16 juin 1361 le Fr J. Tauler s'est endormi dans le
Seigneur. »
Le Klant (') a relevé l'expression obiit in xpo sur une
épitaphe de l'an TJST. On peut en rapprocher le verset 13 du
chap. XIV de V Apocalypse déclarant bienheureux
qui in Domino nioriunlur.
(') Formule usuelle : voyez Krvis, M, 51.
(-') L.c, p. mit.
(3) Manuel d'épigraphie chn-'lieniir, Paris, 1869. p. 50. Voyez aussi Krais.
II, 318. La simple formule in Deo, itt Chriato, sans plus, apparaît des les pre-
miers temps-, voyez Bes.mer, Catncomhe.t rinniihics, iOOi), p. 175.
(*) Plusieurs exemples de muno^cr munes du Ciu'ist ( ^'- ) act-ompa^ines par-
fois dt' TA et Q, daus Khals, i, i'il, â(J-2, ^88: Ii8, lîlO, 303 ; II, 4. Voyez aussi
Le Blast, l. r., p. 83. Le moncgrauune est parfois inscrit dans un ou deux
eerdes ou dans une couronne : l, Ki, il, 59, 88. 101, 105, IH>. 87. I4h, 15-2.
190, 212, 287, etc. Ce n'e.st jamais le cas pour lllN : Vt.ycz encore Cabhoi ^
III. 2170.
42*
672 A. L. CORIN
Le montant de gauche est ])resque entièrement occupé
par une colonne reposant sur une base composée d'un
mince tore et d'un listel, et couronnée d'un chapiteau
réduit à une simple échine, pendant exact de la base. Sa
hauteur totale est de 1 m. 62. On pourrait croire que le
tailleur ait exécuté son inscription sans prendre ses
mesures et que n'ayant plus rien à mettre il ait voulu atté-
nuer l'impression de vide, d'incomplet que laissait le blanc
de ce montant, en y traçant quelques lignes ornementales.
Ce n'est pas mon opinion : il me parait bien plutôt qu'il
faille attribuer à cette colonne la signification symbolique
qu'elle a eue dès les premiers âges chiétiens et dont l'em-
ploi métaphorique est encore courant aujourd'hui. Il s'ap-
puie sui- un verset de VApocaIyf}se (ehap. III, v. 12).
Qui vicerit, faciam illiim columnam in iemplo Dei mei...
« Celui qui vaincra, j'en ferai une colonne dans le temple
de mon Dieu. »
Tauler s'en est souvenu, sans doute, quand il termine
par ces paroles un de ses sermons pour l'Ascension, dont
je souligne en passant la signification pour l'étude de sa
propre vie intérieure :
L'homme qui parvient à opérer le retour de sa syndérèse
vers son origine divine, celui là « devient véritablement
un homme divin, et ces hommes-là sont les piliers du
monde et de la Sainte Eglise », « die sûlen der welte und
der heiligen kirchen » (*)
N'avait-il pas lui-même, mieux que tout autre, suivi la
voie qu'il traçait alors à ses auditeurs? Lui, le moine, dont
dès 1336 le Bienheureux Venturini espérait qu'il réi)an-
drait le nom du Christ en Allemagne (2); lui, le contem-
platif, l'homme que Dieu aimait le mieux sur terre (^), en
(>) Vettkh, p. 80,1. t8-19. Ms. devienne, 2739, fol. 103a :« edil suie der
werildc ».
(2) « Undc et le rogo qiiod duni videbis illuni tmini et otiani nicuin dilec-
tum Joanneni Taideriuni me apii<l illum excuses, el rngos ut niilii seribat,
quia illum suscepi lecuui iu visceribus cliarilalis, sperans per illnm et per te,
et per alios quorum noniiua sunl in libro vitae, nomen C/iristi in Tlieotoniae
dilalari. » Lettre au Fr. Eeenolf d'Ehenbeim, datée de Provence le jeudi,
lendemain du jour des Cendres de l'an 1336, citée par Quétif et Ecliard, /. c.
(3) ctesse M. DE YiLi.ERMO.N»- Un groupc mystique allemand, p. i36.
TOMBE DE TAULER 673
qui 11 8e complaisait comme en un doux jeu de harpe (* et
qu'il comptait parmi ceux ([ui avaient enflammé la terre
par leurs paroles de feu (-) !
Ce prédicateur, qui avait si bien justifié les paroles du
Bienheureux Venturiui, pouvait, à juste titre, être consi-
déré par ses contemporains comme un pilier de son ordre
et de l'É^'Use toute entière.
L'effigik en pied de Tauler, de grandeur naturelle,
occupe tout le panneau central : elle mesure 1 m. 073; elle
est tracée au trait (^) et à fleur de pierre.
bans vouloir prétendre qu'elle soit un portrait d'une res-
semblance parfaite, on peut admettre pourtant que le lapi-
■cide se soit évertué à reproduire les traits les plus caracté-
ristiques : frère du couvent ou sculpteur de la cathédrale,
il ne pouvait manquer d'avoir vu souvent le célèbre prédi-
cateur.
Celui-ci nous apparaît de taille élevée, émaciée, bien
qu'entre sa stature totale et la tête règne la proportion
classique. Le long manteau traînant des Dominicains ne
contribue pas peu à le grandir. Le corps est représenté
tourné de trois quarts vers la gauche. L'ample chape
retroussée sous le bras droit qu'elle prend comme une
écharpe forme godet plus bas que la hanche, étoffant ainsi
la silhouette trop mince ; puis elle retombe en une double
draperie d'assez belle allure pour s'évaser autour des pieds.
Du côté gauche qui s'efface on n'aperçoit que le premier de
ces plis drapés.
Sous son ampleur le manteau découvre le scapulaire plus
court. La capuce moule des épaules étroites et tombantes
et semble descendre plus bas dans le dos, tandis que le
bord de son capuchon remonte très haut dans la nuque.
Par contre la tunique laisse bien à découvert la gorge. Sur
la poitrine, immédiatement sous la capuce, très courte,
(!) Eod. /., p. «8.
(2) Eod. L, p. i37.
(3) Le Irait esl profond do .{ millimotros;iii j,'i;iiiil iii;i\imiiiu.
4:-i
674 A. L. COtllN
à la place du fermail de la chape, une couronue à trois
fleurons, entre lesquels sont intercalées deux pointes : le
fleuron du milieu est trilobé, les deux extrêmes sont tracés
en profil.
A l'origine symbole du martyre, la couronne devint plus
tard aussi l'attribut des confesseurs, des élus en général ;
déjà dans la Vision de Jean, le message du Seigneur à
l'église de Smyrne contenait ces paroles, Ap., II, iO :
Esto fidelis iisque ad mortem, et dabo tibi coronam vitae.
« Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la cou-
ronne de vie. »
Elle surmonte ici le nom de Tauler; car c'est à tort, je
crois, que Schmidt voit dans ces trois lettres le mono-
gramme du Christ : IHS. Au lieu de l'S la pierre
porte c( (*); on ne peut contester que le monogramme de
Jésus s'écrivît parfois IHC; mais il faudrait expliquer la
répétition du même nom et son alliance avec le T qu'il
surmonte. J'incline plutôt à voir dans le dernier caractère
un £ imparfait. Mais, que ce soit un S ou un E, l'interpré-
tation correcte du sigle ne peut être que ^
lOHANNES (^);
c'était d'ailleurs déjà celle de Kônigshoven.
Cela étant admis, il n'y a plus d'hésitation pour le T eu
forme de tau gravé sous le nom. Un interprète ingénieux
aurait pu sinon y voir le signe de la croix qui avec le nom
de Jésus formerait la marque des élus dont parle V Apoca-
lypse, le sceau de Dieu (^). Mais non; ce n'est tout bonne-
ment que l'initiale du nom de famille Tauler.
De la main droite, longue et effilée, quatre doigts singu-
lièrement inégaux sont visibles : trois sont plies dans la
paume, l'index montre l'Agneau de Dieu nimbé et porte-
(') Les caractères sont profonds de A millimètres, le T, de 5.5 millimètres.
(2) Kraus note les abréviations suivantes pour Johannes : lOHKS : II, 571 ;
lOÏiS: 11,332;IHËS: II, 311.
(3) Voyez, entre autres, Apoc, XIV, 1 : « habentes nomen ejus et nomeii
Patris eius scripUim in fronlibus suis.,. »; cf. Besmer, p. 205 : « le tau T qvf
rappelle la croix ».
TOMBE DE TAULER 675
étendard (*). La patte droite antérieure levée. Il est debout
sur un livre (les Saints Evangiles?) que tient la main
gauche.
La lithographie de Simon figure cinq doigts dont les der-
nières phalanges se recourbent pour saisir la Bible. Cette
faute de dessin est parfaitement admissible; pourtant je
crois distinguer de gauche à droite d'abord un fermoir,
puis quatre doigts, dont le dernier pourrait bien n'être pas
replié comme les autres et se trouver sous le second fer-
moir, peu distinct.
Ces emblèmes, les Livres Saints et l'Agneau de Dieu,
conviennent bien à l'interprète illuminé du Verbe Divin
et au zélé prédicateur du Saint Sacrement ; peut-être
suffit-il d'ailleurs de rappeler que dès les premiers temps
chrétiens, saint Jean, dont Tauler porte le nom (2), était
représenté avec l'un au moins de ces attributs : Johannes
agnifeviis.
La figure, vers laquelle l'Agneau divin semble élever
ses regards avec complaisance, répond bien à l'image que
nous aurions pu nous faire des traits du mystique : malgré
les gaucheries du dessin, elle est expressive. Contraire-
ment au corps, la tête est tournée de trois quarts vers la
droite; la couronne des fils de saint Dominique ceint un
crâne large. Les yeux, dont les amandes sont soulignées
d'un trait prononcé, ont un regard doux, un peu mélanco-
lique; le nez presque droit est formé de deux lignes paral-
lèles qui se continuent dans les arcades sourcilières . la
bouche est petite à l'excès ; les pommettes saillantes
donnent à la face une apparence émaciée, renforcée par le
puissant menton carré, signe d'une grande volonté.
Dualité d'expression remarquable que cette énergie
alliée à une douceur un peu triste; elle n'est pas pour
déplaire chez ce mystique qui insiste tant sur les vertus
d'humilité, de patience, de bonté et qui par son vouloir
persévérant est parvenu aux plus hauts so.mmets de la vie
spirituelle que l'âme puisse atteindre ici -bas.
(*) Cf. Reisens, Archc'ol. rlm-t.. p. fll, aj,Mieaii = N. S. J. C.
(2| Mais c'est saint Joaii-IJa|»tiste (|u'oii appelle agnifenis el c'est sans doute
de rKvangcliste que Tauler tient son nom ; car dès les premiers temps, celui-ci
était fort en bouneur chez les Dominicains.
676 A. L. COHIN
Mais alors, c'est qu'en dépit de sa technique rudimen-
taire, l'artiste, pour maladroit qu'il fût, aurait attrapé la
ressemblance réelle du pieux moine! On se prend à croire
à ce miracle : on voit revivre Tauler dans cette image
fruste, qu'un autre miracle a sauvée de la démolition et de
l'incendie.
Achevé le jour de saint Cyr et de sainte Juliette,
le lidO' îuinivcisaiie de la mort de Johannes Tauler.
Liège. s A. L. Couin.
1
Le style des paysages dans Faust
Le i)aysage dans l'œuvre gœthéenne est lyrique, il tra-
duit l'état intérieur du poète. Il fait revivre les élans de
sa jeunesse forte et tumultueuse dans les joies sauvages de
la tempête ('), la mélancolique douceur d'une amitié amou-
reuse dans les brumes lunaires des nuits de j^rintemps (2);
la haute sérénité de son cœur dévoué à la contemplation
spinosienne et à l'amour de l'humanité se peint dans les
vastes horizons et les neiges pures, qui enveloppent de
limi)idité les cimes du Ilarz (^). Mais le mot lyrisme ne
sani-ait définir le style de ces paysages, qui sont l'œuvre
d'un observateur attentif de la réalité. L'antithèse des
paysages symboliques et descriptifs n'existe pas pour
Gœtlie qui doit autant à l'analj^se qu'à la synthèse. Son
œuvre est un effort ingénu vers l'expression. On a beau
classifier les éléments de son style, jamais on n'établira la
prédominance du sentiment ou de l'observation, qui se
sont fondus en une vision embrassant l'ensemble de l'im-
})ression poétique.
Mais si l'examen esthétique établit l'union indissoluble
de l'émotion et du paysage, l'étude de la genèse établira
peut-être une chronologie des éléments. L'histoi'ien du
style pourrait bien voir le problème définitif de ses
recherches dans ces questions : le poète est-il tourmenté
par un sentiment, une idée qui choisit parmi les formes du
monde extérieur sa mati-rialisation, son organe symbo-
lique? Ou ne serait-ce pas plutôt le spectacle de la nature
(*) iVdnrlerers Shirnilied.
('^) An den Moml.
(3) Hdizreùe i»t tt'inli'r.
678 C. BECKENHAUPT
qui réveille en lui les joies et les tristesses qu'il a ressen-
ties dans sa vie passionnelle et émotive? Une personnalité
ingénue comme celle de Goethe — cela est évident par
intuition — est incapable de se perdre dans les ternes
reclierclies d'un style illustratif. Charmée par la couleur,
la suavité, la vie des choses, hantée par la sonorité du
monde, elle retrouve son moi dans toute la création :
Gœthe se sent relié de toutes parts au grand Tout dont il
n'est lui-même qu'une très humble i)artie. Il n'a que rare-
ment l'orgueil autoritaire de l'artiste ingénieur, qui manie
habilement les:pièces de son assemblage et qui choisit
judicieusement ses effets. Il n'a guère la possibilité du
choix. La nature lui parle, il n'a qu'à écouter. Aucune
intention préconçue n'est en lui, il n'est ni symbolique, ni
descriptif. Il est expressif, lyrique, créateur. Il resj^ecte la
vie, il dédaigne les cadavres sublimes des formes pures.
Les paysages de Faust sont issus de ce style essentielle-
ment lyrique. Ils ne sont pas un local que le poète aménage
pour les scènes de son drame. Il y a encore de ces artifices
dans Gôtz von Berlichingen où les effets crus d'une mise
en scène illustrative se font souvent péniblement remar-
quer. Le paysage y est tendancieusement pittoresque et
tout au plus suggestif : les nombreuses auberges, les
repaires de bohémiens et autres lieux communs se classent
facilement dans le vaste « Raritâtenkasten», qui est l'idéal
scénique du jeune Gœthe. Mais dès les premières scènes
du Faust cela change : le poète ne se contente plus d'être
pittoresque, il n'abandonne plus l'ambiance locale de ses
scènes à l'ingéniosité du peintre et du régisseur; il con-
struit lui-même autour de ses personnages un ^espace
coloré et expressif, qui contribue essentiellement àlUnten-
sité de la scène. Les décors deviennent superflus : \% poète
évoque la vision de l'entourage par la force de son style.
La sonorité intime de la scène, où Faust et Margarethe,
Mephistopheles et Frau Marthe se font des confidences en
tournant autour des platebandes et en cueillant des mar-
guerites, tient essentiellement au paysage intérieur que
Gœthe fait surgir ; petit jardin bourgeois, enfermé dans
des murs, qui de tous côtés obligent l'homme à revenir sur
ses pas, le rejettent sur son moi et ses préoccupations
PAYSAGES DANS FAUST 679
intimes. Kt ce jardin est noyé dans les lueurs difluses du
crépuscule : c'est l'heure où l'âme a besoin de s'épancher :
la tendresse de Marguerite comme son ironique pendant,
hi sentimentalité blette de Frau Marthe, sortent des
nuances chaudes et étouffées du soir et des vieux murs qui
enferment les hommes dans leur paisible et rigide inti-
mité.
11 y à même parmi les scènes primitives du Faust une
vision qui dénote une tendance à faire prévaloir la disso-
lution lyrique vis à vis de la tension dramatique. Cette
scène, où Faust et Mephistopheles sur leurs chevaux noirs
sont emportés à travers la nuit comme un orage, est nulle
au sens dramatique : l'élément de l'action, la personnalité
des cavaliers, est absorbée, effacée par l'unité expressive
du paysage. Ils deviennent des facteurs de « Stimmung »,
un nuage expressif, un tourbillon lyrique. Ils expriment
riiorreur du lieu maudit, évoquent la danse macabre des
sorcières autour de la pierre où les corbeaux viennent se
gorger de la chair des suppliciés. On peut évidemment
ratta(Orer cette scène au style pittoresque de certaines
situations dans Gôtz von Berlichingen (au tribunal secret,
par exemple) : mais ce rapprochement nous fera recon-
naître*4ue s'il y a continuité pittoresque dans l'horreur, il
n'y a plus aucun rapport entre cette scène et celles qui
pourraient lui ressembler dès qu'on observe sa significa-
tion poétique, sa valeur styliste. Car la Sainte-Vehme
reste solidement ancrée dans l'évolution dramatique, elle
■est mèiÀe un point culminant, une des sanctions tragiques
de l'œl^vre; la vision du Faust, par contre, n'a aucune
valeur Itogi que dans l'évolution, elle interrompt la cohé-
rence d*amatiquo par un flux d'horreurs exi)ressives. On
ne peutl" définir son style qu'en empruntant à la musique
un terme idoine : cette scène est symphonique. Elle élargit
le style dramatique en lui donnant une profondeur atmo-
sphérique, cosmique, démoniaque.
Les scènes précédentes, quoiqu'elles dénotent assez sou-
vent des intentions poétiques étrangères au théâtre, main-
tiennent en somme le caractère essentiel de l'art drama-
tique. Il y a certainement dans l'Urfaust des impressions
imagées qui vivent d'une vie absolue et qui défient le
680 C. BECKENHAUPT
régisseur de rehausser leur sonorité visuelle par la mise
en scène et ses illusions. Mais cette puissance imaginative
est bien dramatique parce que la parole humaine suffit à
tout et évoque à côté des effets purement intérieurs toute
la plénitude de l'ambiance et la participation de l'entou-
rage muet; l'action découle dans l'espace tout aussi bien
que dans le temps : on ne saurait reprocher à l'auteur dra-
matique de nous faire sentir la répercussion des événe-
ments dans l'ordre cosmique. Il se contente en effet de
faire surgir en nous une impression d'espace toute scé-
nique, absolument subordonnée aux intentions drama-
tiques, coordonnée aux buts émotifs de la situation inté-
rieure et nuancée de son sentiment particulier. Je rap-
pelle cette chambre gothique, qui s'édifie autour de Faust
à mesure qu'il fait surgir, comme autant de symboles de
son accablement, les murs cintrés, les vitraux ternis, les
alambics, les piles de livres vermoulus et maculés de pous-
sière. Toute l'intensité des impressions visuelles est sou-
mise à l'art dramatique; elle ne fait qu'organiser dans le
temps et l'espace les événements psychiques qu'elle a pour
mission de traduire. Le style imagé de l'Urfaust est essen-
tiellement dramatique : il vise à la représentation inté-
grale et immédiate de la vie, qui est l'essence même du
théâtre.
Nous rencontrons parmi les parties primitives du drame
une seule scène qui s'éloigne de ce style : l'apparition fan-
tomatique des cavaliers dans la nuit. Peut-être serait-on
tenté au premier coup d'œil de retrouver des velléités
semblables dans la scène « Landstrasse » : les indications
scéniques très développées pour une apparition si fugi-
tive (1) et je ne sais quel parallélisme intérieur avec la
situation « Nacht. Offen Feld » font qu'on se sente tenté
d'établir entre les deux un rapport de style. Mais les
paroles des promeneurs devant le crucifix ne peuvent
qu'accentuer le caractère ironique de Mephistopheles;
elles donnent par l'aveu pudibond d'un fonds de sentimen-
talité chrétienne une tournure piquante à sa philosophie
(') « Ein Kreuz am Weege, redits au)' dem Hugel oiii ailes Schloss, in der
Kerne ein Bauernbùttgcn ».
PAYSAGES DANS FAUST HSl
satanique. Et nous n'avons nullement devant nous un
thème richement orchestré comme dans la chevauchée
nocturne, qui projette dans les profondeurs de la nuit et
du monde démoniaque les angoisses du héros.
Mais le style de cette vision ne nous oblige nullement de
voir en elle la première manifestation d'une tendance nou-
velle de l'œuvre entière. Son caractère est justifié par
l'ambiance démoniaque du Faust et ses traditions légen-
daires : elle s'apparente par exemple à certaine sorcellerie
plus truculente dans « Auerbachs Keller » et sa puissance
Imaginative, sou prestige mystérieux est plutôt, semble-
t-il, l'effet d'un heureux hasard que d'une intention artis-
tique. Elle apparaît cependant comme la première réalisa-
tion de conceptions poétiques qui prendront plus tard une
importance extraordinaire. Elle ne suppose plus un
paysage restreint, délimitable dans la réalité, traduisible
par des impressions purement visuelles : elle est essentiel-
lement irréelle, visionnaire, elle suggère par les chevaux
fantômes l'immensité de l'espace et un mouvement infer-
nal ; elle a l'optique intensifiée, transparente des rêves,
qui élimine si nettement tous les détails pour accentuer la
valeur psychique de la vision. Elle contient à l'état virtuel
la tendance de substituer au lieu unique, stable, scénique,
une suite de lieux, une transformation insensible et pro-
gressive du paysage par le mouvement des acteurs.
Il y a loin évidemment de cette apparition nocturne au
glissement continu du paysage dans la Walpui'gisnacht.
Malgré toute la furie du galop, le mouvement pivote autour
du gibet et nous donne l'impression d'un tourbillon, dont
le centre reste rivé au champ macabre. Un dernier élément
de concentration scénique subsiste donc, taudis que le
sabbath des sorcières se déroule dans une substitution
ininterrompue des lieux. Ce paysage fuit dans un sens de
continuité longitudinale ou i)lutôt successive. On pouri-ait
parler de oerspective cinématographique, si ce mot ne con-
tenait je ne sais quel élément irritant de réalisme cru; je
me permets de l'employer, parce qu'il déploie dans le sens
optique un jeu continu de lumières et d'ombres et que la
transparence, le mouvement fluide et dématérialisé, <iui
sont ses éléments esthétiques, lui donnent un aspect dt'
682 C. BECKENHALPT
vision et de rêve. Le s>iie de la Walpurgisuaclit s'émancipe
de toute localisation dans un paj'^sage stable; il n'est plus
scénique, il ne se réalise que dans l'imagination, qui seule
est capable de livrer la suite ininterrompue de ses paysages
visionnaires.
Ijù. chevauchée de l'Uifaust n'indique donc pas encore le
point de départ du style nouveau, du paysage intérieur,
mouvant, illimité; mais elle nous lait comprendre que ce
facteur d'expression ne surgit pas subitement dans l'œuvre
du poète; il existait en lui de tout temps et n'attendait que
son heure pour prendre dans le Faust toute sa valeur.
L'évolution vers ce style expressif, souple, sympho-
nique, qui permet à l'entourage de changer de nuances et
de lignes selon les variations du sentiment et les besoins
poétiques, ne s'accomplit que lentement, les parties du
drame qui ont été écrites entre l'Urfaust et la Walpurgis-
nacht sont localisées et disposées dans l'espace déterminé
et immuable tout comme les scènes de l'Urfaust. 11 n'y a
guère dans le « Fragment » de 1790 que la scène « Wald
und Hohle », qui constitue son ambiance locale par un
mouvement imaginatif et un glissement continu d'impres-
sions visuelles. Il est vrai que l'indication scénique semble
indiquer un cadre rigide; mais dans cette situation essen-
tiellement lyrique il est évident qu'au tableau scénique se
substitue le spectacle intérieur des paysages successifs.
Nous voyons d'abord la nature placide : des buissons, des
étangs, un ciel chaud et couvert, qui abritent de leur clé-
mence la vie multiple des créatures humbles et craintives;
puis c'est la tempête ravageant les bois, la chute des troncs
géants, qui abattent les arbres voisins et enfin la vaste
intimité des rochers, qui s'élèvent au-dessus des bosquets
de la plaine et baignent dans la paix pure de la lune. Un
régisseur qui essayerait de rendre les intentions de Gœthe
par des effets de théâtre détrairait la poésie de ce paysage :
il ne s'agit pas de trois plans ou coulisses superposées, ni
des panneaux d'un triptyche, mais de trois phases succes-
sives d'expression différente, d'un paysage-àme évoluant
dans le temps, d'un jeu de physionomie paysagiste inac-
PAYSAGES DANS FAI ST 683
cessible au peintre. Son charme est tout dans son glisse-
ment aisé qui baigne dans le temps, c'est-à-dire dans l'élé-
ment même de l'âme. Ce paysage respire : les étangs, les
airs, les buissons vivent du rythme doux et craintif d'in-
nombrables haleines animales, les forts poumons des bois
râlent et les rochers, les bosquets exhalent sous la lune
un soupir de langueur. Nous tenons dans ce mouvement
varié et expressif l'essence même du style : il est psy-
chique. Cela tient à l'émotion lyrique de la scène, qui n'est
qu'une fervente prière panthéiste. Elle reflète les senti-
ments très intenses et très personnels du poète, lors-
qu'en 1784 il accomplit pour la troisième fois le pèlerinage
du Harz qui, cette fois encore, confirme sa valeur initia-
trice en lui révélant les mystères panthéistes de la nature.
L'essai minéralogique « Der Granit « du 18 janvier 1784,
tout vibrant d'émotion religieuse devant les forces créa-
trices de la nature, se range immédiatement à côté de cette
scène du Faust et affirme sa signification très personnelle.
Nous sommes arrivés ici à un point décisif de l'évo-
lution. L'Urfaust, essentiellement dramatique, tendait
à établir une situation nette et unique, un conflit tra-
gique, qui gravite autour de Margarethe. Car ses parties
lyriques (comme le monologue initial, le dialogue dans le
jardin de Frau Marthe) restaient toutes enchaînées dans
l'évolution du drame. Mais la prière de Faust dans l'antre
au fond des bois ne contribue pas à la concentration tra-
gique, elle ne veut pas même, comme la chevauchée noc-
turne, élargir et orchestrer le mouvement intérieur du
drame. Elle est un élément de pur lyrisme, un élément de
diffusion. Elle indique dans l'évolution génétique du
poème une direction nouvelle : elle annonce la forte accen-
tuation de la tendance du Faust à recueillir tous les élé-
n)ents qui, en traversant la vie intérieure de Gti^the,
prennent poui- lui une valeur personnelle. Le Faust devient
à i^artir de cette scène le grand poème lyrique (jui a ])0ur
mission de traduire l'âme de l'homme riche de tous ses
mystères. Il s'émancipe du drame.
La vision panthéiste du « Fragment », la vie, l'intensité,
l'expression toute mystique de ce spectacle cosmique ont
donné un élan nouveau au génie : il lui sera impossible de
684 C. BKCKKNHAl PT
retourner vers les paysages figés. Le mouvement visuel et
symbolique s'accentue et quand en 1797 il reprend l'œuvre
qui sera l'expression intégrale de sa volonté poétique, le
monde extérieur sur lequel il projettera ses scènes ne sera
plus 1p petit monde pittoresque et intime qu'il s'est complu
à dépeindre dans les premiers jmysages du Faust. Le
« Prolog im Himmel » nous place résolument dans l'im-
mensité et nous voyons s'accomplir la mar(;he majestueuse
du soleil à travers les chœurs des globes célestes. Toute
l'intensité de ce style se dégageant d'effets purement
visuels pour arriver à la plénitude de la vie, se révèle dans
le mot « Donnergang •>■> qui par l'interversion des fonctions
auditives et optiques nous ramène aux perceptions élé-
mentaires si fortes, si drues, que nous ne nous rendons
pas compte par où elles pénètrent en nous. Le poète nous
réduit à l'état primitif de réceptivité absolue et au moyen
d'organes inconscients, latents, nous buvons la vie dans
toute son ampleur inexprimable.
Ce style prendra dans la deuxième partie du Faust une
intensité vertigineuse. Le poète, libéré de toute préoccu-
pation étroitement dramatique, appartient désormais à
l'immensité des spectacles intérieurs. Son Faust devient
un mythe grandiose ; la vie du jioète s'amplifie de toute la
puissance éternelle du monde et sa volonté créatrice plane
au-dessus du chaos, auquel d'un mot magique et impérieux
il communique la puissance obscure, véhémente, insa-
tiable de la vie. Cette vie s'élance d"un"jet assourdissant,
aveuglant, en torrents, en étincelles, en tonnerres, en
trombes, en fanfares, en un mouvement si intense que le
bruit devient silence et que les feux solaires nous donnent
rimx)ression de l'obscurité absohie.
Horchet, liorcht dem Sturm der Horen 1
Tonend wird fiir Geisteroliren
Schon der neue Tag geboren.
Felsentore kuarreiid ras.selnd,
Phobus Riider roUen prasselnd,
Welch Getose bringt das Licht!
Es drorametet, es posaunei.
Auge blinzt und Ohr erstauiiet,
Unerhortes liort sicli nicht.
PAYSAGES DANS FATST 685
Sclilvipfet zu cl en Blumonkroiieii,
Tiefer, tiefer. still zu wohneu,
In die Felsen, unters Laub.
Trifft es euch, so seid ihr taub.
Mais en essayant de montrer les conséquences de c<'
style et en m'attaquant audacieuseinent à ses révélations
les plus sublimes j'ai dépassé le i)oint historique, où
m'avait conduit l'examen de son évolution. Revenons donc
au théâtre cosmique du ce Prolog' ini Himmel » et cherchons
parmi les scènes qui lui succèdent dans la genèse poétique
celles qui confirment les nouvelles concei)tions La Wal-
purgisnaeht. ébauchée à une époque très rapprochée de ce
prologue, lui est en même temps apparentée par sa signifi-
cation : elle est dans le monde satanique la conséquence
immédiate de la manifestaticm des puissances divines et
créatrices dans le royaume des cieux. Et comme l'harmo-
nie des sphères célestes et leur rythme éternel, comme le
tourbillon infini des tempêtes sont l'élément expressif qui
donne au prologue sa vie et sa sonorité, ainsi dans le Sab-
bath des sorcières la suite ininterrompue, le mouvement
véhément des paysages fait que l'ensemble des scènes
allume en nous des visions ardentes et s'illumine des fetix
de l'enfer.
La fuite des fragments visuels (^nlrainc dans son allure
démoniaque des paysages flottant dans la pénombre diffuse
d'une nuit de printemps. Elle fait surgir tantôt la silhouette
sombre et gigantesque des rochers, scintille d'autres fois
en ruisseaux innombrables à travers de i)aisibles prairies,
elle rase à perte de vue l'étendue vague de mornes
bruyères, se perd dans les fines dentelures des bouleaux
printaniers et illumine enfin d'un éblouissant jet de lueur
le vaste ijalais des bois. Mais ce n'est qu'un éclair jailli des
plus profonds abîmes de la terre, où grouillent cachés les
feux magnifiques et i)ei fides des enfers. Un mouvement
fou, hallucinatoire, nous entraîne : rélément visuel de la
représentation, déjà compliqué de perceptions motrices, se
mêle à des sentiments i)his mystérieux : nous saisissons au
vol des rapports intimes, inaccessibles à la définition.
Tandis que le fracas de la tcm])ête et des fragments de
mélodies de flûte rcMii)lissent l'oreille, des angoisses et des
686 C. BECKENHAUPT
joies ataviques se heurtent en nous, des souvenirs ances-
traux d'une vie intimement mêlée à la nature se réveillent.
Nous remontons aux sources les plus occultes de l'âme qui
prend conscience d'elle-même en s'opposant la terreur des
forces élémentaires, des puissances hostiles si intimement
mêlées à sa propre essence, si i)arfaitement humaines et
comme animées de la même âme.
Ce qui donne une importance particulière aux paysages
de la Walpurgisnaelit, c'est l'étendue qu'ils occupent dans
l'ensemble du poème et l'accélération intense du mouve-
ment cinématographique qui les développe. Après s'être
révélé avec une telle vigueur ce style symi)honique devient
un élément essentiel du poème, La promenade du jour de
Pâques écrite en février 1801, nous mène à travers des
sites très vastes, très variés, évoquant des impressions
cosmiques : ils inspirent â Faust les sentiments les plus
divers : retour à la vie et à la joie en longeant les rivières
délivrées de leur prison de glace; humilité et douceur, sen-
timent de fraternelle compassion j)our les pauvres esclaves
d'un obscur labeur, en contemplant la ville lointaine et ses
portes sombres; joie champêtre sous les tilleuls du village
et enfin : l'extase devant les plaines bleues, où glissent des
rivières d'or, devant les cimes, qui s'embrasent sous les
lueurs du soir, devant les horizons qui au loin se perdent
dans les mers incertaines, langoureuses, irréelles, pleines
de promesses et berçant sur leurs flots le mirage de pays
plus chauds et plus heureux. Et avec les bandes de grues
volant vers leur patrie mystérieuse, avec l'aigle planant
au-dessus des derniers pins des plus hautes cimes, le sen-
timent s'exalte vers les régions les plus spirituelles : la
puissance lyrique du paysage atteint ici les dernières
limites de l'âme.
Après avoir déployé ainsi toute son intensité expressive
le paysage symphonique est prêt à se libérer d'un dernier
lien qui l'enchaînait dans des attaches étrangères à son
essence poétique. Cette essence, c'est l'expression pure, le
sentiment absolu, la « Stimmung », qui évolue selon ses
propres lois, lois d'ordre tout psj^chique. rythmes inté-
rieurs, affinités purement musicales. Car la Walpurgis-
nacht comme la promenade de Pâques laissent subsister
PAYSAGES DANS FAUST 687
un deinier élémeut iiiatéiiel et explicatif clans leur oran-
diose mouvement visuel : les différentes phases du paysage
restent rivées aux mou\ements de Faust, nous apercevons
— malgré leur parfaite continuité musicale — les diffé-
rents sites dans un ordre topograpliique, tels qu'ils se pré-
sentent successivement à Faust durant sa promenade. On
retrouve même dans ce i)aysage visionnaire des détails
d'origine réaliste ; les environs de Strasbourg ont, semble-
t-il, livré les éléments matériels de cette scène.
Un dernier effort mène le poète au style parfaitement
musical qui est la conséquence du lyrisme immanent de
son poème. Il s'affranchit de la logique matérielle et des
attaches qui lient le mouvement symphonique aux causes
extérieures : les visions glissent librement, s'élancent en
harmonies absolues avec l'aisance et le détachement, avec
toute l'autonomie esthétique du rêve. Dans la seconde
partie, dès la scène initiale du i)remier acte, la libre orga-
nisation thématique s'affirme dans le rythme mélodieux et
riche en contrastes, qui est l'âme de ces paysages. Faust
s'endort au milieu des champs sous une pluie printanière
de pétales, puis les voiles du créjjuscule rétrécissent le
paysage, l'enfei-ment dans la paisible intimité, dans la
douce coexistence des choses qui voisinent dans l'espace
rétréci, la scène offre à la contemplation l'intensité des
détails, les teintes saturées, tout le charme du rapproche-
ment visuel. Puis, sous les larges couches d'ombres de la
nuit les lignes s'allongent, les surfaces s'étendent et enfin,
quand Faust se réveille, le paysage devient héroïque : un
horizon de cimes altières guide l'œil vers un océan de feu,
d'où s'élèvent en gerbe les flammes du soleil. Un torrent
tonne (l'intention expressive est soulignée par le fait que
vers le milieu de la scène le sommeil trouve son symbole
visuel dans les eaux somnolentes du lac où se mirent les
étoiles) et enfin tous les accords s'unissent dans la courbe
majestueuse et immatérielle de l'arc-en-ciel, qui dans sa
l)ure mélodie relie les choses terrestres aux profondeurs
de l'éternité.
Quand il voudra évoquer dans la Klassische Walpurgis-
nacht le paysage tantôt idyllique, tantôt tragique, tantôt
grotesque des champs de Plnirsale, où revivront toutes les
688 C. BECKENHAUPT
nobles tendresses de l'âge d'or et toutes les antiques hor-
reurs des sortilèges thessaliens, Gœthe aura donc à sa
disposition un style souple, épuré de toute logique rigide
et matérielle, un style immédiat, purement expressif
comme la musique, un stj^le qui en même temps sera haute-
ment dramatique, parce qu'il permet à l'élément essentiel
<lu drame, a la parole humaine, de créer ime ambiance
expressive, vaste, nuancée, l.a matérialité elle-même
prend ainsi part au mouvement intime du drame, elle le
suit librement, selon les lois maîtresses d'une musique
visuelle, elle devient action et vie.
Le lyrisme, première cause de la participation intime du
paysage à la situation dramatique, devient par la suite un
moyen d'expression indépendant, qui finit par donner au
drame lui-même un style nouveau. La vie Imaginative, sa
tendance créatrice et cosmique fait craquer dans tous ses
gonds la conception primitive du F'aust, où tout gravite
autour du sort d'une âme humaine. Le poème tend mainte-
nant à la représentation immédiate du cosmos gœthéen, il
abandonne souvent le spiritualisme des situations essen-
tiellement psychiques pour s'oublier devant la profondeur
plastique et atmosphérique du monde. Cette intention
purement représentative s'émancipe quelquefois de toute
subordination. Le besoin de créer uniquement pour la
joie de la création fait quelquefois oublier l'ensemble de
l'œuvre : il est par exemple la seule raison d'être du pay-
sage arcadique au troisième acte. Et nous ne saurions
autrement nous exjDliquer le commencement du quatrième,
on le poète succombe à la tentation de répéter l'acte créa-
teur qui dressa vers les cieux les cimes et les arêtes des
montagnes. Il se plaît à reproduire un paysage des pre-
miers jours en pleine formation et met en mouvement les
flots du déluge et les feux souterrains, qui ont édifié le
monde.
Mais ces dernières manifestations du style représentatif
sont déjà des signes de diffusion : le jet créateur de l'ima-
gination dépense sa vigueur en jeux, en promenades
visionnaires. Le poète finit par retrouver le véritable sens
(le sou style symphonique dans la richesse intense des
scènes finales. Nous y retrouvons toute sa concentration
PAYSAGES DANS FAUST 6H9
sonore : dans l'unité absolue de la représentation et de
l'émotion qui caractérise ses visions, nous retrouvons
toutes ses vertus dramatiques. La suite continue des pay-
sages nous mène de la morue grandeur des torrents, des
rochers, des déserts ascétiques à la sérénité spirituelle des
cieux, dans un paysage printanier de nuages, dans les jar-
dins rose et or de l'aube mystique et euiin dans l'immensité
lumineuse, dans les mers de soleil et de félicité éternelle.
Gœthe, par l'effort génial et inlassable qui aboutit à un
style aussi spirituel et intense, a bien mérité d'entrer en
paradis.
»
« »
J'ai essayé de montrer l'évolution et la continuité des
conceptions esthétiques et des tendances humaines dans le
paysage du Faust. Mais ne faut-il pas tenir compte des
influences extérieures qui auraient pu contribuer à former
ce style si touffu et si fécond? Sa première manifestation
dans la chevauchée de l'Urfaust — toute embryonique du
reste — pourrait nous faire supposer que des affinités litté-
raires ne seraient pas étrangères à son développement.
Cette scène doit beaucoup à Gottfried August Biirger;
dès 1808 ce Bôttiger, que Gœthe a ironisé dans le Servi-
bilis de la Walpurgisnacht, fait malicieusement ressortir
le rapport entre cette vision et Lenore qui, emportée à
travers la nuit par un cavalier fantôme, assiste aux rites
sataniques des sorcières dansant autour du gibet. Mais
seule la matérialité de la scène appartient à Biirger : sa
tendance styliste est toute différente chez les deux poètes.
Dans la ballade elle est toute coordonnée à l'ensemble des
effets fantasmagoriques. Gœthe lui donne une valeur
d'expression nouvelle : apparition subite et violente, elle
éclate au milieu d'une situation toute lourde de misère
humaine. Les remords, les angoisses de Faust, l'accable-
ment farouche de Margarethe sont par ce motif reliés au
monde nocturne et démoniaque, dont les décisions sont
sans appel. Et la précipitation inouïe du mouvem(;nt, la
simplicité des moyens extrêmement réduits sont bien dif-
férentes du style de la ballade, qui accumule les détails
pittoresques et les onomatoj)ées suggestives. La valeur
expressive du style ai)parti('nt bien à Gœthe.
44
690 PAYSAGES DANS FAUST
Nous voyons que le poêle tire parti des éléments visuels
de la ballade : il y voit ce qu'aurait pu lui montrer une
peinture, un dessin : aussi retrouverons-nous dans les
détails de certains paysages postérieurs des souvenirs pic-
turaux, qui sont du reste quelquefois contestés par Morris
dans son étude : « Gemâlde und Bildwerke im Faust »,
.l'ajouterais volontiers aux impressions dues à la peinture»
que la critique a établies (ou contestées), un élément nou-
'veau : l'influence qu'auraient bien pu avoir sur le choeur
des esprits enchanteurs les fresques de Botticelli, de
Signorelli, de Ghirlandajo à la Sixtine et celle de Benozza
Gozzoli au Camposanto de Pise ('). Mais, quoi qu'il en soit,
Gœthe dispose arbitrairement de ses souvenirs picturaux,
les réduit à une impression très discrète et en fait des fac-
teurs subordonnés : ils n'existent poétiquement que par la
valeur expressive qu'il sait leur donner, par la sonorité
très personnelle des accords où il les fait entrer.
Il en est de même pour les influences littéraires : maint
détail nous fait songer à la Bible, au Dante, à Milton. Mais
ce sont des détails, qui sont sans rapjjort avec la tendance
essentielle du style. Ce style est expressif et lyrique. Tout
style qui mérite ce nom est essentiellement personnel. Il
est la nuance que l'individualité communique à toutes se&
manifestations sans avoir le choix de lui préférer une
autre. Il y a toujours nécessité dans le style, il est le résul-
tat d'un mouvement antérieur, d'une évolution humaine.
On ne saurait parler de style si Gœthe avait employé une
recette que le passé ou l'ambiance littéraire lui offraient.
Le style n'existe que quand son auteur est inventif.,
expressif, personnel.
Ce caractère de spontanéité, s'il ne se révélait pas dans
la fraîche jeunesse des paysages, il se montrerait dans la
poussée vigoureuse des conceptions. Il y a un élan unique
dans la spiritualisation progressive du lyrisme que
dénotent les trois phases du paysage-scène, du paysage-
âme et du paysage- monde. L'enracinement de ce style dans
la personnalité du poète est préexistant. En fait le pa3'sage
(1) G(Fthe n'a jamais été à Pise, mais il a étudié les fresques dans le recueil.
dcLasinio. (Friedlaendkr, Deutsche Rundschau, janv. 1881.)
PAYSAGES DANS FAUST 691
symphonique existe de tout tem])s en Gœtlic II est lié aux
éléments de son génie qui restent inaccessibles à l'analyse
età l'explication. Dès ses précoces manifestations lyriques,
l'entourage du poète api)araît comme un élément essentiel
de l'émotion : il communie avec l'âme de Goethe dans ses
nuaDces et ses lignes variables, dans ses phases expres-
sives. « Eingrauer, trùber Morgen », une des premières
offrandes i)our Friederike Brion, développe déjà le mou-
vement symphonique, qui s'accentue dans « Wanderers
Sturmlied » et apparaît en splendide éi)anouissement dans
« Mahomets Gesang », dans « Ganymed », dans (( Ilarz-
reise im Winter ».
Mais si le paysage dramatique est la conséquence du
lyrisme paysagiste, comment se fait-il que les scènes du
Faust, qui sont à peu près contemporaines de ces i)oésies,
ne développent pas encore le mouvement expressif et sym-
phonique du paysage intérieur?
Le jeune poète croit encore à la valeur poétique de cer-
taines formes établies : comment se douterait-il qu'un pay-
sage intérieur, non scénique, eût droit à entrer dans un
drame? C'est quand il prend connaissance de soi-même,
quand il s'aperçoit que la véritable forme de la poésie est
l'entité psychique, quand il reconnaît l'essence lyrique de
son génie, c'est alors qu'il comprend les possibilités
expressives du paysage symphonique. Ce mouvement
s'épanouit à l'époque où il se rend compte que sa poésie
reste irréductiblement lyrique dans les formes tout hétéro-
gènes du drame et du roman. Un fait biographique illustre
curieusement cette évolution : le lyrisme intense, qui
absorbe le Faust vers 1784 (dans la scène Wald und ITuhle),
est contemporain du poème épique « Die Geiieimnisse »
qui dans l'intention du poète représentait son moi vu à
travers les grands symboles de l'humanité. Le lyrisme de
ce roman en vers est si pur que Goethe en a pu détacher
les quatorze premières stances et les placer à la tête de ses
poésies lyriques sous le titre de « Zueignung ».
Son style ne se déploie dans toute son ampleur que dans
les scènes postérieures au voyage d'Italie. Cela tient
encore à l'histoire intime du poète. Son lyrisme, avant le
départ, reste penché vers la vie intérieure, il est inquiet,
692 C. BECKENHAUPT
mystique, égotiste : la prière panthéiste de Faust est
lourde des joies mélancoliques de la méditation. Ce n'est
qu'à Rome qu'il se dégage :
O wie fiihl ich in Rom micli so froh ! gedenk ieh der Zoiten.
Da mich ein graulicher Tag binten im Norden umfing,
Triibe der Himmel und scbwer aul" meine Scheitel sich seukte,
Farb- und gestaltlos die Welt um den Ermatteten lag,
Und ich iiber mein Ich, des unbefriedigten Geistes
Diistre Wege zu spâhn. still in Betrachtung versank.
Seul un Ij^risme affranchi de l'éternel tourment du moi,
riche de tout l'apport d'un monde extérieur reconquis,
était capable de créer la forte tonalité des symphonies cos-
miques que sont la Walpurgisnacht, l'Osterspaziergang,
le rêve de Faust au commencement de la seconde partie et
le paradis des dernières scènes. Les paysages de Faust
viennent nous rappeler que dans la vie de Gœthe rien ne
reste isolé, que toutes les forces de sa personnalité
obéissent à l'impulsion maîtresse de son âme : de s'oublier
soi-même, de s'identifier en un pieux recueillement pan-
théiste à l'âme sublime de l'univers.
Charles Beckenhaupt.
The Edict of Qalerius
(311 A. D.) re=considered.
Galerius, as it is generally kuoNvii, proclaimed liis
famous edict of toleration in April, 311. Perhaps tlie best
explanation of its origin is still that of Gibbon (/) : « the
fréquent disappointments of his ambitious views, tbe
expérience of six years of persécution, and the salutarv
reflections which a lingering and painful distemper sug-
gested to the mind of Galerius, at length convinced him
that the most violent efforts of despotism are insuffi cient
to extirpate a whole i)eople or to subdue their religions
préjudices. » Scholars hâve interpreted the edict's motiv-
ation in most varied fashion. Some, as Schultze(2),
Hiille (^), Uuchesne (■*), and Linsenmayer (^), follow Lac-
,tautius(6) and Eusebius C) in ascribing Galorius's volte-
face to the superstitions panic which his last illness had
(1) The Ilist. of the liecline and Fall of the Roman Empire (éd. J. B. Hiiiy,
Londoii, 1896), vol. 11. p. 13-2.
(2) In Haick-Herzog, Healemi/klopriJie (3'"'^ éd., 1898). s. v. Oinkietian.
(3) Die Toleranzerliisse rom. /vV/istr (Berlin, 1895), p. 41 : «die letzle Hoftiuiiig
eines fast Verzweifelteii, der mil dem Willeii zu leben sich unaurhaltsam eineni
jainmerlicliei» Tode ciitgegeneiieii sah und nuii, da Gotter nnd Menschen Uni
im Stich pelassoii halteii, deii Gedaiikcii orgrilV, dass aiii Kiide der bislicr
verfoigte Christengott nocli helfeii koiiiie. »
(*) Hisl. anv. de l'Ki/llse, II-, ]>. 20 : f(ialeriiis) « fatiguant les médecin.*; de
ses plaintes et les dieux de ses inutiles supplication.s. Enfin lui vint l'idic la
plus étranf,'e, celle tlinléresser à sa santé les chrétiens. »
(^) Die Bnkiimpfunff des Christentums durch den nimischcn Staat hi.< ziim
Tode des Kaisers Jiilian (Munich, 190.'>), p. -2-2 \ .
(6) De mort, pers., 33 led. Brandt I.aubmann, in CSEL),
n Hist. ealcs., VIII. 17, I (éd. S<-li\varli, in GCS).
694 J. H. KNIPFING
caused. Others, as Schiller ('), Schwartz (2), Geffcken(3),
Bury (*), and Firth (^) bring into relief the political motives :
that an alliance between Constantine and Maxentius
against Galerius and Maximinus Daja was pending; that
Galerius induced the latter to make the Christians con-
cessions so that Constantine might be placated (indeed^
Schwartz would even give Constantine the crédit for the
edict's issuance); that the emperor and his colleagues
came to realize the abject failure of their polic^ of per-
sécution (6). With greater perspicuity and plausibility,
Duchesnei'') andBatiff()l(^) hâve indicated tlie présence and
influence of Licinius at Sardica at the time of publication ;
a theorj^ the more reasonable in the light of the attitude
which Licinius later assumed, in conjunction with Con-
stantine, friendly toward the Christians and against tho
intransigeance of Maximinus Daja. Two other writers,
Bihlmeyer [^] and De Bacci Venuti {^^), hâve urged other
explanations : the one, by the présence oE Neoplatonist
influences as shown in certain expressions (as instituta
veteriim and secia parentiun) contained in the text — a
rather fruitful suggestion ; the other, by the improbable
(1) Geschichte der rnmischen Kaizerzeit (Gotha, 1883-1887). H, pp. 182-183.
(^) In GG^, phil. Iiist. Klasse, 1904, pp. 527-S28.
(^) Der Ausgang des firiechisch-riimiitchen Heideiitunts (Heidelberg. 1920),
p. 91.
(*) History of Freedom of Tfionglit (Londoii, 1913). p. iO.
(^) Cnnstantmc llie Great (Ntnv-York, 1903), pp. 137-liO.
(6) The tlieory of Constantino's pending alliance with Maxentius is entirely
belied by the fact.s : (1) the death of Maximian, falher ol Maxentius, al the
instigation of Constantine in 310; (2) the testimony of Eusebius {Hisl. eccl..
VIII. 14, 7) that Maxentius secretly allied vvilh Maximinus; and (3) absenee
of coin émissions in honor of Constantine al Home for 310-311, —cf. Mairick,
Numismatique ronstnntiuienne. I (Paris, 1908), pp. 191-194.
C) Uist. anc. de l'Eglise, II. 27.
(^) La paix amslan/inienne (Pnvis, 1914), 181. Cp. Fekkero, La ruine de la
civilisation antique (Paris, 1921), p. 157 (i. e. edict was resuit of union, lo
forestall civil war of Galerius, Licinius and Constantine, against Maxentius
and Maximinus).
(9) K Das Edict von Galerius )., in Theol. Quarlalsrltrift, XCIV (1912),
pp. .^i59-.")63.
(•0) Dalla grande persrcuziime alla vitlorin del cristianesimn (Milan, 1913),
pp. 130-131.
EDICT OF GALERIUS 695
idea tliat Galerius's resolution to proclaiui the edict was
caused in part by weakness and exhaustion from his drun-
ken and dissolute débauches.
The edict is verbally cited in its original Latin form by
Lactantius in the De mortihus perseciitoriini (ch. 34), after
the copy posted on April 30, 3H in Nicomedia (but with
the list of emperors missing, in whose nanie the decree
was issued), and in the version of a Greek translation by
Eusebius in the Historia ecclesiastica {VllI. 17, 1-10). The
heading of the edict can be restored on the basis of the
manuscript tradition of Eusebius and the inscriptions;
it included the naines of the four emperors, with their
titles in the followiug order ; Galeries, Licinius, Maximinus
Daja and Coustantine (^).
The text itself, with the Latin of Lactantius and an
English translation given in parallel columns, reads thus :
luter cetera {-) quae pro rei Among other steps whicb we
publicae seniper comniodis at- are ahvays taking for the ser-
que utilitate disponimus (' , nos vice and advantage of the state,
(1) ScHWAUTZ (ce Eusebius Werke » in GCS, II, 2, p. 792, note to 1, 9 ; II, 3,
pp. xLvu, I.), shows that llie iiame and titles of Licinius were iiichided in the
inanuscii|tts of the 3'^'' édition (ca. 317), but exciuded on ground of damnatio
memoriae froni the i^h (after 324). The sanic fate inust hâve caused Eusebius's
omission of Maxiininus's name. Restoralion of heading, based on Seeck
(in Rhein Mus., xi.vni (1893), p. 199 et ss.), but wilh positions of Licinius and
Maximinus reversed is as follows : 'AuTOKpÔTUjp Kaîaap fa^épioç OùaXépioç
MaZimavoç eùaePriç, eûTuxnç dvÎKnToç ZePaarôç, dpxiepeùç luéYiOToç,
fepMaviKÔç juéfiaToç, éEdKiç Aî^uTixiaKàç fiëTiOToç, 0r|3aÏKÔç luéYioxoç,
Xap.uaTiKÔç jLiéYiaTGÇ nevTdKiç, TTepaûjv uéYiOToç biç, SpexTaviûv luéYiOToç
biç, KdpiTuuv \xi-^\0T0C, éEdKiç, 'Ap.ueviujv luéyiOToç, Mi^buiv luéyiaToç,
'AbmPnvuJv liéfiOToç, briiuapxiKnç éEouoîaç tô eÎKoaTÔv, tô évveoKai
béKaTov, aÙTOKpdTUjp tô éweaKaib^KOTov t6 eÎKoaTÔv, uiraToç tô ÔYboov,
iraTrip ^TaTpi^oç. dvOÙTraToç. Kai 'AÛTOKpdTUjp Kaîaap OuaXépioç Aikiv-
viavôç AïKivviaç eûaePnç eÙTuxnç dvÎKriToç lepaOTÔç, dpxiepeùç \ii-^\aToc„
briMcipxiKfiç éSouoiaç tô T^TapTov, aÙTOKpdTuup tô TpÎTOv, îjiraToç, traTrip
iraTpiboç, àv6ÙTTaTOÇ. xai 'AuTOKpdTujp Kaîaap râïoç OuaX^pioç MaEiuîvoç
eûaepnç eÙTuxnç ùvÎKriToç I*!PaaTÔç, dpxiepeùç liéYiOToç, brmapxiKnç
^Eouaîaç, aÙTOKpÔTujp, uttotoç, iroTrip iraTpîboç, dvBÛTraToç. Koi 'Auto-
KpdTUjp Kaîaap OXaùioç OuaXepioç KujvaTavTÎvoç eôaepnç eÙTuxnç dvÎKriToç
ZepaOTÔç, dpxiepeùç li^YiOToç, bnnapxixnç éEouoiaç, aÙTOKpdTUjp tô
né^iTTov, unaToç, TiaTnp naTpiboç, dveùnaToç.
(2) In(er cetera, badiy rendcred in Elsebils : lueTaEù tûiv Xoittiùv.
(3) semper... disponimus, given, simply as biaTunoÙMCBa by Ki skrii -;
696
]. H. KNIPFING
quidem volueramus antehae,
iirxta leges veteres et publicain
disciplinam (0 Romanorum,
cuncta corrigere atque id pro-
videre, ut etiam Christiani, qui
parentum suorura reliquerant
sectam ad bonas mentes redi-
rent ('). Siquidem quadam ra
tione tan ta eosdem Christianos
voluntas invasisset et tan ta
stultitia occupasset (3), ut non
illa veterum institua sequeren-
tur(*), quae forsitan primumis)
parentes eorundem constitue-
rant, sed pro arbitrio suo atque
ut isdem erat libitum ita si-
bimet leges lacèrent quas ob-
servarent (") et per diversa
varios populos congregarent(^).
Denique cum eiusmodi nostra
iussio (8) extitisset, ut ad vete-
rum se instituta eonferrent,
multi periculo subiugati, multi
\ve liad heretofore wisbed to
set ail things right according
to tbe ancient laws and public
order of tbe Romans. We desir-
ed tbat tbe Christians too, who
bad abandoned tbe religion
of tbeir own fatbers, sbould
returu to sound reason. For
tliesevery Christians bad some-
bow become possessed of sucb
wilfulness and folly, tbat in-
stead of foUowing those institu-
tions of tbe ancients. whicb
percbance tbeir own ancestors
bad first establisbed.tbey were
arbitrarily making and observ-
ing laws of tbeir own liking,
and were assembling in différ-
ent régions peoples of différent
nationalities. After we bad
decreed tbat tbey sbould again
observe tbe ancient institu-
tions, manj' in view of tbe
(1) disciplinam — éniaTriiuriv in Eisebus. Not a iaulty Iranslalion as
HÛLLE (np. cit., io-46) and Heikei. (« Eiisebius Weri^e », I (1902), in GCS,
p. i-xxvnij coMtend. We liave the same translation from Tertullian's Apology
in EusEB., Hist. écoles., III, 33, 3. See now Schwaktz, in c< Eusebiiis Werke »,
II, 3 (GCS, Leipzig. 1909), p. 177, s.v. éTTiOTniun-
(2j Christiani... redirent, oi XpiOTiavoî, oÏTiveç TÛJv fovéïuv tôjv éauTÛJv
KaTa\e\oiTTaaiv Tf\v aïpeoiv, eiç àYatirjv npôOeaiv éTTavé\0oi€v.
(3) Tunt . stultitia occupasset, translaled as xaTeaxnKei Kai dvoia in Srfi éd.
(317) but omitted in 4th éd. of EtsER. Hisl. écries. See Schwartz [loc. cit.),
p. LI : « der gef<en die Chrislen gerichtete Vorwurl" des Toleran/.edicts sollte
offenhar abgeschwiifiil wonlen, weil Constantin fiir dies Edict mit vor-
antwortlicli war. »
{*) primum. I)adly rendered as irpÔTcpov.
(^) parentes enrundcm constitnerani , oî Toveîç aÙTiûv f|aav KaTaoxrioavTeç.
/*) qnas ohservarenl , addition to nianuscri|)t reading of De mort pers. by
editors Brandt and Laubmanit, on basis of Eusebiiis : Kai toùtouç irapa-
qpuXdoaciv.
(") per diversa varios populo.'^ conyregarent, inaccurateiy translaled in
EtSEnii s : év biaqpôpoiç bidq)opa TiXriBr] auvàyciv.
{*} iiissio, •apoOTÔf (iOToç,
EDICT OF GALERIUS
697
etiam deturbati {<) sunt; atque
cum plurimi in i)roposito (-)
perseverarent, ac videremus
nec diis (3) eosdeni cultum ac
religiouem;*) debitain exliibere,
nec Chrislianoruni devxni ob
servare, contemplatione (s) mi-
tissimae nostrae clementiae in-
tuentes ac consuetudinem sem-
piternam, qua solemus cunctis
honiinibus veniam indulgere.
proniptissimam in his quoque
indulgentiam nostram credidi-
mus porrigeudam, ■ t denuo
sint Christiani et conventicula
sua conii)onaut, ita ut ne quid
contra disciplinam agant C^) .
Per aliam autem epistolam
iudicibus significaturi sumus.
quid debeant observare. Unde
iuxte banc indulgentiam nos-
tram debebunt deum suum
orare pro salute nostra, et rei
publicae, ac sua, ut undique
vcrsum res publica praestetur
incolumis, et securi vivere in
sedibus suis possint (7).
danger submitted, but muny
also were discomfited. YeL
wlien great numbcrs persistcd
in tbeir purpofc. and \ve saw
tbat tbey neither gave worsbip
and due révérence to tbe gods.
nor practiced tbe worsliij) of
tbe Cliristian (iod, \ve tbere-
fore in consideratitm of our
most miUl clemcncy and of tbe
custom from tinio immémorial
to grant pardon to ail men,
bave decided to ex tend our
speediest indulgence to tbem
also, so tbat tbey may a gain
exist as Cbristians. and re-esta-
blisb cburcb buildings and
nieetings, provided tbat tbey
do notbing contrai-y to tlie
public order. By anotber letter
we sball indicate to tbe magis-
trates bow tbey sbould proceed.
"Wberefore, in accordance witb
tbis indulgence of ours, tbe
Cbristians will be bound to
pray for our well-being. tbat of
tbe State, and tlieir own. tbat
tbe State may endui-e on every
side unbarmed. and tbat tbey
tliemselves may live securelj'
in tbeir bornes.
(») multi... deturbati sunt, j^iveii as : TrXeîOToi bè TopaxBévTeç TTuvxoiouç
GavïTouç ÙTTÉqpepov. Noie tlu* irXcîaToi lor imilli, uiid llie arhitrary gloss,
TiavToiouç GavuTouç.
('-'j propositu, t'xpanded m Iraiislalioii inlu : xf) aÙTf) dTTovoiu.
(3) dits — Kiisebius had to [iiil lliein in hoaveii : toîç Oeoîç toîç ènov-
pavîoiç.
(*) nillitin ac relitjionem — Eusobius inerely traiislalcd llic (irst : 0pi;)aKeiav.
(5) conlftiiplationr... seinpiternrDii, dqpopiî)VT€ç €(ç Tr)v f\u€T(pav cpiXov-
9piuTTiav Kai Tr)v biriveKfj avvi\8e\av.
(6j ni denuo sint Christiani... ar/ant, i'va aùeiç liaiv XpiOTiavoi Kai Toùç
OÏKOUÇ iv oîç auvpYovTo, auvBuuoiv oÙTuiç ÙJOTe mi^^v ÙTTevaVTÎOV TflÇ
^■rtiOTrmnÇ aûToùç TrpdTT€iv. Noie especially llic toùç oÏkouç... auv6u)aiv,
for riinrentirula compunant.
{">) ut undiijiie... possint, i'va kotô irdvTa xpoTTov Kai xà br\\xôa\a na-
paaxeQf) ÛYifi Kai dja^piiuvoi Zlfiv é\ xr| èuuxiùv éaxia buvriBiùoi. Tlie
extrême awkwardness of lliis tianslalion of Kuseliius lias iiidinrd llcikei
{loc. cit.) to iiiclude : « so sclilc<;hl iibeisel/.l isl keiiie l rkiuule der Vila
(i. e. of CoDstnntinc) ».
698 J. R. KNIPFING
The edict, it will be seen, ooiumences with an attempt
to justify or at least explain the origin of the persécution
euactmeuts of Diocletian, Galerius, aud their colleagues :
the emperors, in their détermination to iniprove the
internai conditions of tlie empire, undertook to restore
the Roman virtues of old by a strict application of the
ancient laws aud a careful supervision of social customs(*).
This work of political and social régénération encountered
the opposition of the Christians, who, althougli primarily
a religious group, failed to observe the principle of Roman
law that ail foreign ciilts should be national and not com-
posed of différent nationalities(2). The Christians too as
such had a much shorter history than the Romans, in
wliose empire they lived as subjects, and yet thej^ had
presumed to create and live by a set of principles and
practices, which rivalled and opposed Roman law, tradi-
tional l'cligion, and social practice(^). Indeed, some of
(*) TLe opening phrase, inler cetera... dispunimus, is of course simply a sel
chancellory expression, but Ihe clause follovving {nos (/uidem... corrigere) is a
référence to tbe vast program of political, social, économie and religious
régénération undertaken by Diocletian.
(-) This I take to be the implied nieaning of the lebuke of the Christians
intended by the words : per diversa varias populos congregarent. So Hiille
{op. cit., p. 57) and Gwatkin (in Cambridge Médiéval History, I (I9H), p. 3),
who says the edict of Galerius « was given on the heathen principle that every
god is entitled lo the worship of his own people ». The Greek translation of
Eusebius is faulty : populos should hâve been rendered 'éQvr\ and not irXrjBri
(this is rather équivalent to turhae). On the Roman légal practice of recogniz-
ing only religions which were national, and Roman objections to Chrislianily
on this score, see Mommsex, Rômiscfies Strafrecht (1899), p. 572; and Toiitain,
Les cultes païens dans l'empire romain, I (1907), pp. 235-238.
(^) This interprétation is a combination of the three clauses, ut ctiam
C/irisfiani... redirent, ut nonilla... seiiiierentur, and sed... ohservarent . The
thought of parentum suoriim and illa veterum institîita lias been dill'erently
interpieted by schoiars : (1) some as Maso.v {The Persécution of Diocletian.
London. 1876, pp. 298-302), Gorres (s. v. « Toleranzedicte », in Krahs' Realen-
cyklopddie der christlichen Altertûmer, Freiburg i. B., 1882 ff, Bd. Il, p. 897),
Allard {La pers. de Dioctétien, II, p. 164), and Giobbio {Chiesa c Stato nei
priini secoli del Cristianesimo, Milan, 1914, p. 223 et sec].) refer thèse clauses
to the primitive Christians (i. e. the anceslors) and allirm that «lalerius Ihus
m )livated his persécution by his purpose to re-establish the Christian religion
in its primitive purity ; olhers as Keim {Theol. Jahrbiicher, 1852, p. 214)
and BiHi.MEVEii {loc. cit., pp. .551 5i>3), aiso think tiiat the Christians' Christian
KDICT OF GAI.KKIl S 699
thèse very Christian» with their new laws and customs
might be the descendants of those early Romans, who had
founded the state and its vénérable institutions (*).
The emperors had therefore issued an edict (in 303).
designed to bring- tlie Christians into harmony with tliis
ancient Roman tradition {veterum insiituta) (-). Tlie
effects were not those desired nor anticipated, for tlie
number of Christians brought back into the pagan fold
or eliminated (by the death sentence, imprisonment,
exile, etc.) by no means equaled the total of those who
continued to survive, firm in the faith (^). Futhermore,
the affairs of state during the interval of persécution had
not prospered as well as they might hâve : civil wars,
usur|)ations, and conspiracies had occurred, the state
finances were in a bad way, an économie dépression
existed. and the very life of the senior Aiig'ustus was
threatened bv long-continued diseaseï'*). One of the causes
ancestors are priiiiarily lueaul, but tbat Galeiius's avowed purpose was lo end
the set'tarian divisions among the Christians and re-establish Christian church
Mnity ; and olhers, as McI^iffert (« The Church Hist. of Eusebius », transi, in
PNF, New- York. 1905. |) .339, u. 3), Hulle (op. cit., II, p. o5), Llnsenmayer
(»p. (il., p. 222, n. Ij, DrcHESXE {op. cit., Il, p 27), Schwaktz {Kai.<er Const.,
p. 63). and Batikkoi, (La paix const., p. I82j interprète (as we hâve) parcnttun
suoriim as llie pagan aneestors of the Christians. Costa (L'impero romano e il
Cristiancxiino, Rome, 191.^i, p. 43, n. 2) refers tlie clause i< al |)eri(id(i giudaieo
del Crislianesinio ».
(') ifitae forsitan... rnnaiil itérant. The expression again refers lo tlie pagan
aiiceslors of the Christians. Forsitan would be entirely superfluous if the
clause meant the Christian institutions founded by the ancestors of the
Christians of Galerius's day. Cf. McGiffert, loc. cit.
(') Hatiffoi. [La paix con.<it., p. 182) limits the vetenim inslilttta to w cultes
ollieiels ». I hold lo the broader meaning, Ihat Ihe Christians had ceased lo
be good Romans politically, legally, and socially, as well as religionsly.
(^) niidfi pericnlo... pcmeverarenl. .Vu ouen avowal of the incllectiveness
of Ihe persécution and its niethods. The pas.sage is entirely overlooked or
iiiisunderslood by .Vi.i.ahi» iop. cit., |>. 161), who clainis Ihal Galerius po^ed as
a reformer and not as a persecutor. Batiffoi. (loc. rt/.)too uiijustly nmarks :
<c il voudrai! laisser croire que l'édit n'a opéré (jue |)ar intimidation ».
Cf. KiKTH, Consfantine the Great (IQO.'i), pp. 1.39-1 iO.
(*) It will be seen Ihat I regard Galerius's illness as merely one of the
conditioniiig circumstan'-es of the edict's publication. Modem writers havc
greatly over-eniphasized this faclor in the inotivaiion of the decree — misled by
the exaggeraled efforts of Kiisebius and Laetanlius to prove that the Lord had
Ihe most horrible of fates in store for ail perseculors of tlie Christians. See
700 J. I!. KMPFING
ol" this sud State of afi'airs was certaiuly tUe présence in
the empile of such a considérable number of non-worsliip-
ing- Cliiistians, beeorae to ail intents and purposes godless,
since they showed cuit dévotion neither to the pagan gods,
as the terras of the edicts had prescribed, nor to tlieir ow n
Christian God, because of the persécution ('). This is a
raost singular admission on the part of Galerius, for he
hereby concèdes a certain efficacy of power to the
Christian God (2) ; the conception is still polytheistic, but
not irreconcilable with the henotheistic and syneretistic
tendeQ'îies then curreiit nnder the influence of the Neo-
platonists (^). Galerius thus recognized the divine au-
thority of the Christian God and the pagan deities, but
maintained them as separate concepts. Later Licinius
aiid Constantine carried the development a step farther
b}' combining them, and by showing dévotion, in a manner
somewhat rerainiscent of Plotinus (*), to an unnamed
and impersonal deity, — variouslj'^ called snminus deiis,
siimma diuinitas, mens dlvina, — who was not the exclus-
ive property of the Christians or any sect, but might be
commoa, to ail religions faiths, although differing in
aspect and émanation to each and every faith (^).
Ihe sane statement of Biïkckhakdt (Die Zeit Cnnstantin'x des Grnsxen^ {[880/,
p. 316) : Wir wollen den Lactantius in dem von Wiirniei'n zerfressenen
Unlerlcib (of llie sick Galerius) nach Herzensliisl wùlilcn lassen ».
fi) videremus . . . deum ohservare. On the charge of atheisin proferred against
Ihe Christians by tlie pagan philoso|)hers, see llie fragment (from KrsEBris,
(Praep. evmuj.jl, 2, 1 froni Porphyrys Kaxà tuùv XpiOTiaviJùv cilcd by Harnack,
« Porpiiyrius « Gegen die Christen », 15 Biicher Zeugnisse Fragmente und
Referale », in SitzmujslierùlUe d. kgl. Pr. Akad. d. IViss., 1910, p. -iij : îtûjç
b'oû TravTOxôeev ôuaaePeîç dv eîev Koi âBeoi ci tUjv iraTpûuv é9(Jùv
diTOOTdvTeç. Cf. aiso Harnack, Der Yorœiirf des Atheismusin dendrci crsten
Jalirlmnderten, Texte und Untersueliungcn, XXVIII, i(190ol; cp. Hui.le, «/>.
cit., p. oo.
('■') Cf. McGiKKERT. lor. cil.
C) See EicKEN on the views of Ploliiuis in Dir Lehensanschanungen der-
grossen Dvnker (G^'" éd., Leip/ig, 190o), p. i2i; Harnack on Porphyry in
his Histurg of Dogmit, (transi.. Bichman 1905), pj). 352-353.
(*) Cf. Pi.oTiM Enneades (éd. Midier, Berlin, 1878-1880), II, 9, 9 : beî... toîç
h'âWoiç vo)LxiEeiv eivai xd)pav irapà tlù Oeiù Kai \ir\ oûtôv )u6vov lucTéxeivov
TÛEavTa.
(Sj (>f. Batiffol's sludy of aiintmus dent as an évidence of pagan muno-
theistic tendancies on the eve of Constantine's conversion to Christianity. in
La pni.r nmsi., pp. 188-201.
EDICT OF GAI.ERirS 701
Thèse were tlie reflections wliich induced Galerius to
«xercise in behalf of the Christians his wonted mildness
and clemency, — a set chancellery form, — by orderiug
the immédiate cessation of the persécution, and pardoning
(i. e. indul^eiiticun) the Christians for their disobedience
to the impérial laws and customs in the past, and by
implication for the future also('). For Galerius procèdes
to lay down the légal principle, whioh forms tbe décisive
feature of the edict, ut denuo sint Christiani et conventi-
ciila coinponant , ita ut ne quid contra disciplinani ag-nni.
By declaring tliat the Christians might again exist as such,
Galerius had in mind the de facto status of the Christians
before 303. But this very juridical ruling of Galerius
made the légal status of Christianity after311 différent
from that in opération before 303. For the first time in
the empire's history the Christians were specifically and
legalh' granted the right of professing tlieir faith and
practicing their cuit (2); that is, they were officially recogn-
ized as belonging, just as the Jews, to a religio licita, or
perhaps more correctiy to collegia licita (^ . The Christ-
ians were also permitted to re-establish their conveniicula,
namely. their meetings and their ehureh-buildiugs C*). In
other words, to the right of association already conceded,
Galerius added tho right of assemblv. Both concessions
^vere made with the proviso, ne <juid contra discij)linam.
agant Venuti [^) and others hâve overemphasized the
(1) SciiwvRTZ (Kaiser Constantin, p. 63) is iiiijustified iii holdiiii; llial «es (i. e.
the edict) war nocli keiiie Anerkeiinuiig, sonderii iiur eine liididgenz, die der
Kirche gewidirt wiirdc ». The reoognilioii of (Christianity coiiies in th(> very
ncxl clause df the edict.
(°) Cf. B1HL.MKYEK, lue. cil., p. .08.^; and HiiLi.E, op. cit., p. 06. Wai.tzi.ng
(S. V. « coUegia », in bict . d'arch. chrét. et lit., lasc. XXXI (1914). col. -213!»)
altributes to the so-called EdicI of Milan of 313 ail the légal viiliies lliat 1
heie altrihute to the EdicI of Galerius.
(•') Sec E. ScHiiKEK, CiBschichte des Jiidischen Votkesim Zeitatter Jestt Christi-
(1886-1890), 11, p. 5:2:j, note 13-2; W. LiEnE.v\M. Znr GescMchtc nnd Oriinni-
sation des roinisc/ien Verei7>siL'esen (Leipzig, 1890), pp. 268. 270. 2" t.
(*) See DccHESSE (op. cit., II, 27, n. 3) : « il faut remarquer que le ternie
conventicultcni signifie, comme le mot eccleaia, et l'assemblée et le Imal où
elle se tient ».
(5) Op. cit., pp. 308-309. t;f. Li.NSK.NM.wER, op. cit. p. 223.
702 J. R. KNIPFING
arbitrariness and possible contingency of tliis condition,
for as AVissowa (*) lias shown, tlie Roman state was
accustomed to exact of its citizens in tlieir private worsliip
and of their non-citizens in tlieir public worship tlie
condition that nothing be donc against good order, tlie
government, tlie law, and public morals. Tliis seems to
be the significance of disciplina. If tlie elasticity of tlie
expression enabled Maximinus Daja subsequently to
burden Christianity with restrictions, it is to be noted
that it might per contra not handicap Constantine and
Licinius in their libéral application of the edict's provis-
ions within their own territories. Besides, one can fairly
conclude from the conventicula componant that Galerius
intended the decree to recognize ail ecclesiastical property
riglits of the Christian s as légal, which had not been
confiscated by the impérial fiscus up to the time of the
edict's promulgation, or which might be acquired by the
Christian Church subsequently, for otherwise the con-
cession to them of the rights of association and assembly
would become inoperative and a farce. It was certainly
contrary to lus intention to make a wholesale restitution
of the real and personal property of the Church taken
over during the persécution, for such an important con-
cession would hâve been specifically mentioned in the
contents of the decree (2). Yet it is equally certain that
most of the cliurches would hâve to be restored to the
Christians forthwâth, for they were necessary to make
effective Galerius's earnest désire that the Christians
should directly dévote their divine services and prayers in
partto the welfare of their riilers and the Roman state {^).
Possibly it was Galerius's intention to deal more concretely
(1) Religion nnd Ktillus (1er Rome?- (2"d éd., Munich î9i2), pp. 87-88.
(*) Cf. De Bacci Venuti, Dalla f/rande perseciizione, p. 309, n. 1.
(3) Cf. Crivelixcci, « L'ediUo di Milano », in Stadi slorici, I, (1892),
pp. 243-244. I am fuUy in accord with Batiffol (p. 184) in the inlcrpretatioii
of the clause, debebunt deum siium... pussint -. « on y verra que le législateur
y parle un langage très impersonnel, et que d'ailleurs ledit porte le nom
de Constantin et de Licinius à la suite du nom de Galère». The name of
Maximinus Daja should be added. (Cf. Seeck, in R/iein. Mniieu)n, XLVllI (1893),
p. 199 et seq.
EDICT OF GALKUIUS "03
with ihis phase ol" the problem in a supplementai y letter
(i. e. j)er aliain aiiteni epistolani iiidicibus si<>nificutiiri
siimiis, qiiid debeant observare) to the provincial luagis-
trates. It is highly problematic whetlier Galerius ever
issued such a letter of instructions for Lactantius (*) tells
us that his death occurred very soon after the edict
was published. Keim (2), Crivellucci (^), Sesan (**). and
De Bacci Venuti (5), are agreed in denying its existence.
Even though its dispatch were to be considered an « his-
torical probability », as Hiille {^) avers, it by no means
follows that the letter contained the « many, hard condi-
tions » to which the Eusebian introduction of the so-called
Edict of Milan refers, and in connection ^vith which many
scholars C) believe that the Christians were restricted in
the observance of worship, the propagation of faith, and
the acquisition and disposition of property. Restrictions
of such a nature would scarcely comport with the whole-
hearted jubilation with which, as Eusebius (8) and Lac-
tantius (^) relate, contemporary Christians liailed and
celebrated the cdict's proclamation. Then too such a
theory seems compromised by our knowiedge of the manner
(') De mort pers., 34. Batipfol (La paix consf., p. ISI) witliout Ihe citation
of the sowrco-proof (uuknuwn to me) gives May oth as the date of his death.
(-J Der Veliertritt Constantins des (irossen zum Clirislenttnn (Zurich, 1862),
p. 81.
(•») Loc. cit., \). 213.
{*) Kirclte nnd Stant im romisch-byzantischen Reirhe seil Konstnntin dem
Grossen und bis zum Falle Knnstanlinnpcls, I (Czeniowitz, 1911), p. 220.
(5) Op. cit., p. 309.
(6) Op. cit., p. 94.
C) So HuNZiKER, Ziir Regientnr/ und Chrislenverfol'^unfi des Kai.'<ers Diocle-
tians und seiner yachfoUjer. 303-313 (1868), p 246, ii. 2; Zahn, Knnstmitin
der Grosse und die Kirche (1876), p. 34; Mason, The Perseottion itf Diorletian,
p. 327, n. 1 ; Hii.t;ENKEi.n, in Zeittclirift f. wiss. Ilieol., XXVII (1885). p. 511 ;
GÔRRES, ibid., XXXV (1892), p. 283; Linsenmayeu, op. cit.. p. 227, n. 6;
Kriiger, llandimch der Kirclicnfjescliicfite fiir Studiennde, I, Teil (Tiihiiigen,
1911), ch. 26, n. 3; De Bacci Vencti, op. cit., p. 320; BniiMEVER, in Tlieol.
Qiiartahchr., \CWl (1912), pp. 217-222; Batiffoi.. in Bulletin d'anc. litt. et
d'urc/u'ol. chrct., III (1913), p. 248; and Manaresi. L'impero romarin e il
Crislianesimo (Turin, 1914), p. 496.
(S) Uist. eccles., I. I, 2 and Mil. 16, 1-2; De miirt. Pulett., 13, 14.
(3) De m4}rt. pers., 35.
J. R. KNIPFING
of enforcing the edict of Galerius even in the territory of
their most relentless enemy, Maximinus Daja, where the
Christians a called togetlier their congrégations in every
city, thronged the meetings for divine service, and
observed the cérémonies of established usage » (^) ; and by
the additional évidence of Eusebius (') that Maximinus
« allowed this to go on in this way for almost six months »,
If such a favorable interprétation of the clauses of the
Galerian decree actually operated within the territory of
Maximinus, it is not illogical to suppose that the more
friendly disposed emperors, Oonstantine and Licinius,
conceded less to the Christians of their respective terri-
tories. It is even possible that Constantine, at least,
interpreted the conventicula componant in such a gênerons
fashion as to return to the Christian Church whatever of
its real property, — eonfiscated in the course of Dio-
cletian's persécution, — still remained in the possession
of the impérial fiscus, This fact would explain the other-
wise inexplicable mystery, that none of the law-codes
or the Christian historical tradition of the period hâve
transmitted the knowledge of any such législative enact-
ment of Constantine for Gaul, Spain and Britain, providing
for the restitution of the eonfiscated church property in
his domains.
From the foregoing analysis it will be observed that we
attach much greater importance to the edict of Galerius
in its juridical aspects than lias generally been its lot at
the hands of historical scholarship. Tillmont (^), for
instance, lias dismissed it with a few contemptuous liiies
in his monumental Mémoires. But Eusebius, it seems to
me, judged more wisely, in his belief that the edict marked
an epoch and turning-point in the history and destinies of
the Christian Church by undertaking, iramediately tliere-
after, the first éditions of his Church History and the
Martyrs of Palestine ['*}. With this législation of Galerius
(1) Cf. KisKitiis, Hisl. écries., IX, 1, 8.
(ïj Ihid., IX, 2.
(•'') Mémoires pour servir à l'histoire ecctésiastitpie, W. p. 44.
(■*) Cf. SciiwAHTZ, Eusebius tVerke, 11, 3(1909), p. LVii; aiul û/., s. v. Elsebios,
in Pauly-Wissown, Bd. VI (1909), col. 1403.
F.DICT OF GALKlill'S Tor,
the old légal i'onmila, non licct esse chrisliunos, wiih del'ini-
tively sholvcd, Cliristianity became a toleiated cuit aiid
rcli^io liciia on a par willi .Indaisni, \\\th its riglits of
association, assejubly, conscience, cnlt, and of future
property legally safeguarded. With it toc began, as Wis-
so\va(^') acutely observes, a genuine religions i-evolution
among tlie Romans, \\liicli was to lead in but tlirec généra-
tions' time to the complète destruction of the Roman
state-religion.
John R. Ivmi'I-ino.
Oliio Staie Univprsity
("olumbus. Ohio, U. S. A.
(') Hrlifiid)! iniil htilliis tirr IHiiinr'' Miuicln'ii, l!il:> . p. '.Mi.
45
Les sources
de l'histoire du Congo antérieurement
à l'époque des grandes découvertes
A partir de la découverte du Congo en 1482 par le navi-
gateur portugais Diogo Câo, il y a eu des essais de péné-
tration à l'intérieur du pays et des essais d'évangélisation
constamment renouvelés avec plus ou moins de succès
durant les xvi' , xvii« et xv!!!*^^ siècles. Le pays est resté, au
moins nominalement, sous l'obédience des rois de Portugal
qui cherchaient des points d'api)ui, tantôt à San Salvador,
capitale du royaume indigène du Congo, tantôt à Loanda,
future capitale de la colonie actuelle d'Angola.
L'historique de ces tentatives de colonisation a déjà
séduit ])lus d'un chercheur. Citons particulièrement :
Paiva-Manso (V^*^ de). — Ilistoria do (!onf>-o. Documentes,
Lisboa, 1877. (Renferme surtout des documents emprun-
tés aux archives de Lisbonne.)
EucHER (0. F. M.). — Le Congo. Essai sur l'histoire leli-
i>-ieiise de ce pays depuis sa découverte ( If^l) jusqii'n nos
Jours, Huy, 1894. (Intéressant, mais trop peu critique.)
Ravensteix. — The strange adventures of Andrew Battel
of Leigh in An<>ola and adjoinin<>; régions, Lou-
don, litOI. (La publication de la relation de Battel est
suivie d'une coui'te, mais précise histoire du Congo.)
AvELOT (R.). Les g-rands inouoeinents des peujdes en
Afrique. Jaga et Zinxba. «. Hull. de géographie histo-
rique », 1912, p 7o-2l() (Important pour les migrations.)
SiMAR (Th.). — Le <^ong<) au XVL siècle d'après la relation
de Lopez-Pigafetta (« Revue congolaise », 1911, p. 266 et
suiv., tiré à part, Bruxelles. 1919. Etude critique de la
l)lus ancienne relation connue).
708 TH. SlMAt^
Zi:ure(E. p.). — Rome en Congo. Ouer Kon'>(>'s hekeering-s
g-e.schiedcnis noor de XVIII' ceiun (« Onze Kongo », 1912,
bl. 322 en volg.). (Intéressant, mais se borne aux généra-
lités.)
PiKENNK (J.). — Coup d'd'il sur riiisloire du (À)ngo,
Bruxelles, llt21. (Tiré à part d'une esquisse historique
accompagnant les rapports du Congrès colonial de 1920.)
(Récit forcément bref mais précis.)
R. P. Van Wing (S. J). — Études liakongo Histoire et
sociologie, Bruxelles, 1921. (Bibliothèque « Congo »,
vol. III.) L'histoire de la période envisagée forme l'intro-
duction à la sociologie des Bakongo. C'est le meilleur
travail sur la matière, car l'auteur connaît à fond le pays,
ses habitants, leur langue et leurs traditions unces-
trales.
Malheureusement, pour qu'une synthèse d'ensemble
puisse être entreprise avec quelque chance de succès, il
impoiterait d'avoir à sa disposition les nombreux docu-
ments inédits qui se trouvent épars dans diverses biblio-
thèques ou dépôts d'archives.
Nous n'avons pas la prétention de cataloguer ici toutes
. ces sources. Nous signalerons simplement ce que nous
ont révélé de rapides et superficiels coups de sonde jetés
çà et là au hasard d'autres recherches ou de voyages
d'études.
Les deux dépôts les plus importants se trouvent viai-
semblablement à Lisbonne et à lionie.
Lisbonne. — Les riches archives de Lisbonne (Torre do
Tombo) ont déjà livré plus d'un secret, grâce aux publica-
tions du vicomte de Paiva-Manso, Ilistoria do Congo,
citée ci-dessus, de Luciano Cordeiro (Meniorias do Ultrn-
niar. Viagens e.xjtlorucôes e (•on(]uistHs de Portuguezes.
Collevùo de Docnnienios; Lisboa. împr. nac, 1881), d'au-
teurs anonj'^mes (Bolet ini du Sociednde de (ieogr:\])hia de
Lisboa, 1883 et Alguns docunicntos do urchiuo nacional da
Torre do Tombo acerca das navegacoes e conquistas Portu-
guezes. Lisboa, Impr. nac, 1892 et 1902).
(Cf. aussi Anuario de Escola Colonial. liisboa, année
1919-1920.)
soT'ncES DF l'histoihk m congo 709
Mais rien ue prouve que tout ait été mis à jour, ni, sur-
tout, que tout ait été inventorié On voudra bien se rappe-
ler que la pln})art de ces documents ont été i)ubliés à une
époque où le Portugal disputait à lAssociation interna-
tionale africaine la possession du bassin du Congo et où il
avait intérêt à faire valoir ses droits historiques. Or. ces
publications, composées en temps de polémique, pèchent
souvent par quelque endroit. Il est au moins permis de la
sui)poser et, le cas échéant, de le vérifier. Une exploration
minutieuse de l'Archivo de Marinha e Ultramar s'impose
donc.
Roiiic. Aichiocs vndcnncs. — On y trouve notamment
divers brefs des Souverains Pontifes aux rois du Congo,
un récit détaillé des négociations entamées par Dnarte
Lopez à l'effet d'intéresser le pape Sixie V à la mission du
Congo {Xiinzintiira di Spagiia, t. XXXVIIl, f" 241 seq.),
différentes questions et réponses sur la situation géogra-
phique, l'état social et religieux de ce royaume, ilhid..
Archiv. Borghese, ser. II, 23-24, 186 et suiv.)
A signaler aussi une relation intéressante intitulée De
stuiu rcgni Congi (publiée par Th. Simar, « Une relation
inédite sui- le Congo », dans Mélanges (Charles Moeller.
Louvain, liM4, vol. II.)
Toute une liasse {Fonda Borghese, sér. I, t. 721,
p. 368-3S6) contient le récit de la réception à Rome d'un
ambassadeur extraordinaire du roi Alvaie à Sa Sainteté,
en 1G08, de sa mort inopinée et de ses funérailles. (V. à ce
sujet princesse de Caraman-Chimay-Horghèse, Belges et
Africains. Rome, 1910.
Le texte des instructions remises i)ar le roi Alvare 11 à
son ambassadeur, don Antonio Emannele. au moment de
son départ de San-Salvador, le 17 août l()04. est renfermé
dans Arm. XV, n° 101. f» 47-oU.
Signalons, entre autres i)ièces, une lettre de J. B. Vives,
ambassadeur du roi du Congo, à l'empereur d'Ethiopie
(Reg. lat., 387. f" 188, du \H avril 1017). Vives propose
au roi d'Abyssinie de s'entendre avec le roi du Congo
pour la création d'une voie d'accès vers ri<]thiopie par le
Congo. Les coi-respondances d'Lthiopic anivcroiu plus
710 TH. SIMAR
aisément à Rome et vice versa ; des secours parviendront
plus rapidement à l'empereur, s'il est attaqué par les
Turcs.
Ceci nous indique une des préoccupations principales de
la Cour de Rome quand elle prenait tant à ca>ui- les intérêts
de la chrétienté au Congo. Elle songeait à la croisade
contre les Turcs. D'après les cartes de l'époque, on
croyait, en effet, à une liaison fluviale aisée entre le Congo
et l'Abyssinie, et on pensait ainsi attaquer l'Islam par der-
rière en concluant une alliance entre les Eiats d'Euro])e
et les chrétiens d'Abyssinie.
Archives de lu PropH^HiKle. — Elles se i-ai)j)ortent
presque exclusivement à la mission des Capucins, depuis
ses origines (i64o) jusqu'à son extinction dans le courant
du XIX* siècle.
Les documents sont contenus dans les registi'cs les i)lus
divers : lettres écrites à la Propagande, brefs et décrets,
Scrittiirc riferite nei coni>rcssi. Atti f>enei'ali e jmriico-
lari, etc.
Nous axons feuilleté particulièrement les volumes des
Lettere.
Il y a quelques pièces au vol liiO conceniant la Perse,
l'Egypte, l'Ethiopie, les Indes et l'Afrique; au vol. 247
{AfricH e (hn^o) Mais le vol 250 tout entier est consacré
à notre mission.
Nous signalons au fo 53 et suiv. une relation fort inté-
]-essante sur le Congo et les pays avoisinants. Au f'' 75,
une autre relation imi)ortante par les renseignements géo-
graphiques et ethnographiques qu'elle donne. Elle est
accompagnée d'une carte assez i)récise que nous avons
reproduite autrefois dans la Revue eont>olaise, 1913-1914.
(Cf. Archives conf>;()laises. p 24 du tiré à part.)
F" 267 et suiv. Relation de la conversion de la reine
Ginga (Nzinga) (pii fit grand bruit à cette époque.
(Cf. Gioia, La maravi^liosa conuersione ulla saule fecle di
Cristo délia regiiia (jinga, Napoli, 1660.)
Parmi les Scritlure riferite nei (longressi, nous avons ]>u
examiner les deux premiers volumes àWfricae Congo et
une partie du troisième.
SOURCES DE l'histoire DU CONGO 711
A signaler une relation extrèmeiiu'nt vivante d'un voyage
apostolique dans l'Angola lait en 1684 par le 1*. l'raucesco
da Monteleone (\o\. I, 1° 777-790). Un mémoire sur l'état
des missions dejniis leur début, dressé par le P Fruiicesco
Maria de Pavia, en 1700 (vol III, t» loH-IBo). Un mémoire
du même genre, dressé à Loanda, en 1707, figure au \f)l. I
des .Srr/f/«/-e. M36-142.
C'est tout ce que nous connaissons, à l'heure actuelle, des
archives de la Propagande.
Des relations inédites d'autres missionnaires existent
encore ailleurs qu'à Rome. Il y aurait à la Bibliothèque
nationale de Pai'is une notice d'un jésuite portugais, inti-
tulée Kelaçoes de Angola tirnilas do Cartorio do Collegio
dos Padres dn Compmihin, loo9 à lo86.
La bibliothèque de Rimini renferme une relation écrite
jjar des Carmes déchaussés (P. IV, Miscell. n° 3l5i.
La famille Bisi de Coreggio i)ossède un mémoiie manu-
scrit du P. Giacinto da Yetralla, analysé sommairement
par G. Simonetti. (Cf. Bull. Soc. geog. ital., VIII, i-o,
1907,305-322,369-381.)
Le P. da Caltanissetta a aussi laissé un récit de son
voyage au Congo en 1701. (Cf. M. Natale, Une relnzionc
îneditii snl Congo scritta da P. Luca da Caltanissetta
nel 1701. Caltanissetta, 1906.)
Le P. U. d'Alençon. dans son « Essai de bio-bibliogra-
phie capucino-congolaise •» [Xeerlandia franciscana, vol. 1,
1914 et II, 1919), indique également plusieurs manuscrits
contenant des relations de missions et disséminés cà et là
surtout dans les bibliothèques italiennes.
Il n'est pas douteux non plus que les archives hollan-
daises n(> recèlent de i)récieux renseignements, car les
Hollandais occupèrent un instant Loanda et se firent
envoyei- des notes très précises sur les possibilités éc(mo-
miqnes du pays. iCf. la relation de Dapper dont nous pai-
lons ci-dessous.)
Après la reclierche i>atiente des archives manuscrites, il
y aurait lieu de rechercher les cartes anciennes d'Afi-i(|ue
et spécialement du centre africain.
719 TH. SIMAR
Jusqu'ici on n l'ait très peu d'investigations sérieuses en
dehors du xvi'' siècle. Nous avons donné une notice sur la
colleotion des cartes anciennes d'Afrique catalogué«;s à la
Bibliothèque du Ministère des Colonies, dans VAuniiHirc
lie la Socictc <lcs bibliophiles ci iconophiles de Belgique
pour l'J'>().
Il im])orterait de touiller à cet cgai-d les grands dépôts
cartographiques de la Bibliothèque nationale à Paiùs, du
British Muséum de Londres, des Bibliothèques de Munich
et de Vienne, etc.
A côté des relations manuscrites, il existe natui-ellcnient
des relations iini)riniées dont quelques-unes sont très
rares Voici les pi-incipales :
Celle du Portugais D. Lopez, intitulée lielatione ciel
Reame di Congo e délie circonvicine coût rade traita dalli
scritti c rag-ionanieuti di Odoardo Lojtez per Filippo Piga-
fetta, Ronia, loUI. (Cf. notre étude critique sur cette rela-
tion, Bruxelles, 1919, indiquée ci-dessus.)
Celle de Samuel Brun {Samuel Bruns Schiffarten)
publiée en 1914 par S. L. Honoré Naber.
Celle d'O. Dapper {Nauwkeurigebeschrijuiug der Afri-
kaansche gewesteu, Amsterdam, KJfiSj.
Celles des PP. Capucins Cavazzi (importante : Istorica
desrrizzione degli tre regui Congo, Angola et Matamba,
Bologna, 1687), Francesco Romano (1648), Merolla (1692),
Zucchelli (1712) et d'autres. (Cf. une bibliogi-aphie très
détaillée par le P. U. d'Alençon, dans Xeerlandia francis-
cana, I, 1914, p. 33-42, 251-265, II, 1919, 101-126.)
Nous pensons qu'il serait utile de les rééditer pour en
l'aire une collection coloniale analogue à celles qui sont
publiées en France, en Angleterre et en Hollande.
L'intérêt qu'offre la publication de tous ces documents
ne peut échapper à quiconque s'occupe directement ou
indirectement de choses coloniales.
Tout d'abord, il y a là pour nous Belges, un intérêt
national. Désormais l'histoire du Congo J'ail partie de
l'histoire belge. Nos exi)lorateurs, nos officiers, nos mis-
sionnaiics continuent l'œuvre de civilisation entreprise
SOURCES DK r.'HISTOIRE DU CONGO 713
plusieurs siècles aui)arîiviiiit i)ar les j)r('iniei's pionniers de
roccu])atiou (lu Bas Cone^o. Nous reirouvons ])aruii eux des
compatriotes tels que les Capucins Georges, de (iheel ;
Jiasile, de Caïubiai; Félix « Fiamingo ■>■> Felicissinio. d'An-
vers; François Marie, de Hnixclles (').
Les Portugais avaient corai)ris eux-niêuies le parti à
tirer de l'occupation, même précaire, du vaste territoire
qui s'étend de l'embouchure du Congo à Saint-Paul de
Loauda. Si notre immense colonie ressemble à un récipient
bombé nu goulot ti'op étroit, si nous sommes pour ainsi
dire embouteillés entre l'Afrique équatoriale Iraneaise et
l'Angola portugais, c'est à l'histoire que nous le devons.
Loi-s du partage définitif du centre africain, les Portugais
ont fait état de leur occupation séculaire pour se faire
attribuer toute cette partie de territoire qui forme poni-
tant l'hinterland naturel de nos ])orr côtiers. Borna et
Matadi.
La publication hàti\e de Vllistoii-c du (lon^o pai- Païva-
Manso n'eut pas d'autre but que de prou\ er aux i)uissances
eui'opéennes le bien-fondé des réclamations portugaises.
Les Portugais poussèrent même leurs ])rétentions beau-
cou]) plus loin. Ils se basaient sur les cartes du xvi' et du
xvii'siècle pour soutenir que leui-s explorateui-s avaient par-
couru tout le centre africain jiis({u'à la région des Grands
Lacs Toute une conti'overse politico-géogra])hi(iue s'enga-
gea à cette époque entre notre compatriote A.-.I. ^\'auters
et l'érudit Luciano Cordeiro. Cette dispute ne s'est jamais
complètement ajjaisée. Des études récentes montr<'ut que
certains savants croient encore aux randonnées des pion-
niers poi-tugais jusqu'au cœur même de l'Afrique, randon-
nées demeurées inconnues jusqu'au xix® siècle, mais dont
les résultats aui'aient été portés sur les cartes anciennes
de l'Afrique. F]n fait, on démontre aisément que les con-
naissances géographiques, aux xvi"' et xv!!*" siècles, n'ont
pas dépassé le Stanley-Pool et le Kwaugo et que les docu-
ments cartographiques de l'époque ont mêlé à des notions
dignes de foi sui- le Congo, l'Angola, le Mozambicjue et
('> Cl. I'. VvN Win... Khiil,s l!,dn„</<,. |,. C.K.
714 TH. SIMAR
l'A b^'ssinie, des réminiscences historiques dues à Ptolémée
et aux géographes arabes (i).
Quoi qu'il en soit, il y a un intérêt évident, même en
dehors d'une simple curiosité intellectuelle, à faire une
étude critique de ces nombreuses cartes.
La publication des archives congolaises soulève ensuite
des problèmes d'expérience coloniale et relève aussi de
l'histoire générale de l'expansion européenne. Elle montre
que ni la recherche des métaux précieux, ni le trafic des
esclaves ne peuvent servir de base à une colonisation
sérieuse. L'occupation portugaise a, somme toute, préci-
pité la décadence de l'ancien emjnre congolais plutôt
qu'elle ne l'a empêchée
Que serait-il advenu, si ces embryons de formations
politiques nègres avaient pu être développées, cimentées,
fortifiées par une intervention adroite et expérimentée?
Que l'on nous entende bien cependant. Nous ne nions
pas que la Couronne de Portugal n'ait été animée à l'égard
des indigènes des meilleures intentions. Xous applaudis-
sons de tout cœur à ce revirement qui s'opère à l'heure
présente en faveur des méthodes coloniales des Espagnols
et des Portugais. Les peuples qui ont conquis à la culture
latine les immenses provinces de l'Amérique centrale et
méridionale ne sont pas des peuples incapables. Ils sont,
eux aussi, des « bâtisseurs d'empires », dont le grand
mérite sera d'avoir fait prévaloir dans l'expansion des
principes d'ordre spirituel et moral. Nous aurons bientôt
l'occasion de nous en expliquer franchement dans notre
future Histoire des doctrines coloniales. Malheureusement
les colonies du Congo et d'Angola n'ont pas été exploitées
pour elles-mêmes. Elles servaient de réservoir pour la
tratie des nègres qu'on envoyait par milliers travailler
dans les mines et plantations d'Amérique, depuis que les
énergiques réclamations des missionnaires avaient réussi
(*) Cf. à ce sujet iiolrc Nofc sur les cartes anciennes irA/niiue du Miiiislt're
des Colonies, p. 7-8 du tii i- à i)!irt : Laxœn.mmku, « Die Darstellun^ dor Zeii-
Iralnrrikanischeu Scenregion von Ptolenuieus l)i.s d'Anvilie », Pelenn. Mitteil.,
1010 cl UiASiTTi, c( La carta dell' Afiica di G. Gaslaldi (I5i5-1.^6i) e lo suiluppo
dclla cartografia africana nei soc. xvi c xvii ». (lioll. Itraic Soc Gcof/r. ital.,
H»20, p. .3-27-3 i(5 et 3.=î7-i36.)
SOURCES DE L'hISTOIHE DU CONGO 7 I i3
à empêcher l'exploitation (lew Indiens et rextinction eoni
plète do leur race.
Las Casas, estimant qu'entre deux maux il laut choisir
le moindre, avait toléié l'envoi de la maiu-d'd'us re noire
en Araéri(]ue L'Angola et le Congo devinrent donc, pour
leur malheur, des colonies à esclaves. On trouve, à cette
époque, chose toute naturelle, cet esclavage qui nous
paraît si odieux La plupart des publicistes, des philo-
sophes et des juristes admettent sa légitimité, à ])arl
(pielques exceptions. Xous devons attendre les apostrophes
gén('reuses de Montesquieu [)Our que le monde civilisé se
demande enfin si l'esclavage est on non confoime aux exi-
gences de la morale et de l'humanité. La Couionne de Por-
tugal croit donc avoir assez i'ait pour les nègres en leur
envoyant des prêtres et des missionnaires qui les haptisent
et leur assurent le salut éternel. Cette situation délicate
entrave aussi, cela se conçoit, l'œuvre des missions. Il y a
là un si criant contraste entre l'enseignement chrétien et
les pratiques esclavagistes qu'à un certain moment, la
Propagande i)rend directement en mains, et sans passer
pour ainsi dire par l'intermédiaire du gouvernement civil,
l'évangélisation de ces lointaines contrées.
Mais cette procédure devient alors la source d'ennuis de
tout genre. La Couronne ne soutient pas les nouveaux
veiuis. Le clergé régulier, évoque en tête, les voit de mau-
vais œil, quand il ne leur suscite pas des difficultés, et
dans ce dédale d'intrigues sournoises, les i)etits potentats
indigènes se jouent avec une habileté souveraine, soute-
nant tantôt les uns, tantôt les autres^ et n'aj'ant au (ond
qu'un seul but : l'expulsion des uns et des autres.
De là, les résultats lamentables des essais d'évangélisa-
tion, les efforts infiuctueux des apôtres les plus infati-
gables— et Dieu sait s'il y en eut jjarmi cette hcroïipie
])halange — , les tentatives sans cesse abandonnées, puis
renouvelées, sansesj)rit <lc suite et sans cohcsion.
L'union intime du pouvoir civil et du pouvoir religieux
est une nécessité absolue (luand on veut rcussii- aux colo-
nies. Le missionnaire et le commerçant tloivcnt sui-.i'c
l'officier et non pas se passer de lui. Le polititjue aiguille
à la fois réconomi(]ue et le religieux, 'l'elie est la let;on
710 TH. SIMAR
capitale qu'a donnée au monde notie édueatrice commune,
Rome, qui s'y entendit à bâtir des empires durables.
Mais dans le cas qui nous occupe, le vieil esprit romain,
bien ((ue représenté par la monarchie portugaise et l'Église
catholique, ne pouvait triomi)her. Le pouvoir politique est
trop faible d'abord. Les Portugais, pas plus ici qu'en Inde,
n'ont réussi à s'implanter solidement. Et puis, pour les
raisons que nous avons dites, ils ne soutiennent pas nette-
ment, ouvertement, le pouvoir religieux
Eu outre, nos missionnaires manquent d'expérience. Les
fièvres tropicales font de terribles ravages dans leurs
rangs. Les uns meurent, les autres reviennent atteints de
maladies incurables. Et ils ne possèdent pas les moyens de
prophylaxie modernes.
De plus, au début, ils se servent d'interprètes. Ils ne
connaissent pas la langue des indigènes; ils ne com-
prennent pas les mentalités que le fétichisme de la coutume
a façonnées et détournées des sentiers du simple raisonne-
ment. Ils s'étonnent des rechutes continuelles de leurs
ouailles. Ils se mettent en colère, brisent les fétiches,
excitent contre eux-mêmes les « partisans des coutumes
ancesti'ales » Hâtons-nous de dire cependant que les leçons
reçues portent leurs fruits. On voit apparaître bientôt des
ouvrages, des catéchismes eu langue fiote. Les mission-
naires ont compris! Malheureusement, dès que les affaires
l)rennent une bonne tournure, uue catastrophe arrive, il
faut tout recommencer. Odj'^ssée à la fois lamentable, glo-
rieuse et tragique.
Les historiens coloniaux ne trouveront pas seuls d'utiles
leçons dans ces documents. Les sociologues en tireront
aussi des enseignements. D'ordinaire, ils ont une tendance
à regarder les peuples primitifs comme des peuples sans
histoire, moulés par leur milieu physique et social, inca-
pables d'en sortir, par défaut d'individualité. Vue autre
école prétend même que la mentalité primitive, baignée
sans cesse dans une causalité mystique, est privée du pou-
voir d'abstraction et imperméable à l'expérience.
Or. nos documents prouvent que si les primitifs n'ont
pas d'histoire, c'est tout simplement parce que, neuf fois
siii- dix, nous ne la connaissons pas. En l'espèce, on voit
SOinCKS DE L'HISI'OIHK du CONGO 717
nettement un t>mpire assez vaste puisqu'il sCtcnd ^ur toute
la région sise entre le nord du Congo jusciu'au Kwango,
s'effriter lentement par l'effet de causes internes : l'affai-
blissement du pouvoir central et l'esprit d'indépendance
des vassaux. L'arrivée des l'ortugais accélère encore cette
décadence, aussi bien que l'invasion des Bayaka (pii des-
cendent des plateaux du Kwango et ravagent tout sui leur
passage. Tout cela, c'est bel et bien de l'histoire (jui pour-
rait, imiUitis mulHiidis, être comparée à l'histoiie de
nos États européens modernes. Nous voyons en même
temps les individualités à l'œuvre : ces vassaux qui
cherchent à substituei- leur autorité à celle du roi, qui
donnent cours à leur esprit d'intrigue lors de l'élection
d'un nouveau souverain, ces loitelets eux-mêmes, avisés
et retors, habiles à pratiquer toutes les finesses de la poli-
tique, tout cela nous indique que nous avons affaire à des
personnalités qui pensent comme nous et qui se débar-
rassent aisément de leur mystique coutumière quand leurs
intérêts personnels sont en jeu. Ces chefs potentats
jouissent d'un prestige incomparable vis-à-vis de leurs
sujets. Les missionnaires catholiques l'ont bien compris,
puisqu'ils s'efforcent de les convertir avant tout autre
essai d'évangélisation dans la masse. Et parfois ils
obtiennent des résultats surprenants, tels que la conver-
sion des rois Alfonso 1 ou Alvare II. S'il y avait eu une
succession ininterromj^ue d'Alfonso ou d' Alvare, et si la
traite n'avait pas sévi avec tant d'intensité, tout le
Bas- Congo était probablement évangélisé au milieu du
XVII* siècle
(ycs motifs suffisent, croyons-nous, à justifier la publi-
cation— aussitôt (jue possible — des documents relatifs
iiux anciennes missions du Bas-Congo.
Vu. Si M \K.
MELANGES
*Abellanetum, avellanetum
« bois de coudrier », corylus avellana L.
Le latin classique ne connaît (iiie l'adjectif abellana,
(jualifiant niix. Abelln est une ville de Campanie. Comme
le coudrier est commun, cette épitliète localisatrice indi-
quait une variété à fruits plus tendres, ou plus longs, ou
d'écorce moins dure à croquer, ou elle provenait de ce (jue
c'étaient les paysans des environs d'Abella qui fournis-
saient Rome d'avelines. — F rbund traduit ^/jf/Zana fit i/.v;
par « grosse noix », wallonisme doublé d'une erreur.
Pour le latin du moyeu âge, Uu Cange inscrit diverses
formes : 1° avellanetum et 2" auellaneta, a locus avella-
nis arboi'ibus consitus »; 8° une variante anelleiuita, avec
deux exemples; variante née du déplacement des deux
A'oyelles e et a, tolérable par son analogie avec les substan-
tifs participiaux en -a/a, comme maisonnée, chambrée, voi-
turée; -i" un habellaïuctiiin d'une charte italienne de 860
(apud De Blasio, ser. princ. Salern., n° 95) : « arbusta, cas-
tanieta, habellanieta, ftam] in njontes (piam et in pla-
num... ». Le h parasite provient de l'analogie de liahilus,
habere ; ic pour e peut être dû à un mouillement de n, mais
je crois plutôt qu'il provient directement des substantifs
castanea et aoellancu, dont le premier est classi(j[ue et le
second médiéval; o° un ancUaloriiiin, pour l'explication
duquel on renvoie indûment à l'article aiwlot du glossaire
français annexé. A l'article anctot on traduit dubitative-
ment par « lieu planté de noisetiers » et on renvoie à anel-
latorinm : ('y un aulancrium glosé jnir corylctiiin. C'ette
120 MÉLANGES
forme bas-latine a dû être fabriquée dans le Midi, pour
*:u)('llnncuriiun : en Auvergne l'aveline est nommée niihi-
nic; la Provence possède niilanit. noisette, de Hvcllima,
un'hnw, et nulitiihn, de uveliiiiien, noisetier. Auhtncriiiin
est une rétroversion de niilfinier, qui désigne le eoudiier
et non la coudraie, et qui est issu de uoclliincu.
Dans les langues romanes, les collectils en -ctiim du
radical iei traité se limitent à la région du Sud-Ouest. Le
Nord emploie des dérivés de corylii.s. L'Italie, qui dit ;»>('/-
lanu, iiocella, nocciiioki pour noisette, corilo, avcllano,
nocciiwlo pour noisetier, n'a que corileto pour noiseraie.
En certains dialectes italiens, l'adjectif déjà cité ctocllancH,
qui signifiait (( en bois de coudrier », — nouvelle formation
latine en -en pour laquelle nous renverrons à Meyer-
LiiiJKK, (ji-Hinm.. Il, ^ 403, et à Antoine Thomas, Xou-
veaiix essais de philol. franc., p. 171 — , est devenu sub-
stantif pour désigner le bois du coudrier, puis l'arbuste;
il est resté en tarentin, déformé en alohe pour olahe, et,
dans une autre région non identifiée (que MEYER-LiiiiKE
cite sous la forme abrégée ^'ilh.) on trou^ c olafio ; mais ces
termes ne semblent a\oir produit aucun collectif en -etiuu.
Au contraire, en Espagne, nous rencontrons avellanedo et
aoellaneda, concurrencés il est vrai par avellanal et avella-
nar. Ces noms ont été assez populaires pour devenir des
noms de lieux et de personnes : Aoellaneda est le pseudo-
nj^me que prit un plagiaire de ('ervantès pour publier à
Tarragone en 1614 une suite de sa façon à la première par-
tie du Don Quichotte. Une poétesse espagnole de Cuba
(1810-1878) j>orte le nom de Gertrude d'Avellaneda. Le
français proprement dit n'a point de collectif de ce radical.
Godefroy n'a que avelin adjectif, et avelaine traduit par
alabandine. Cotgrave, Nicot, Oudin, Duez présentent en
effet cette forme en -aine correctement issue de aoellana;
en outre on trouve avelane dans Monet et Cotgrave, aoel-
laine dans Oudin. Quant à la forme aveline usitée aujour-
d'hui, elle est d'origine dialectale, elle a subi par méprise
un changement de suffixe, on ne la trouve employée la pre-
mière fois en français qu'au xv" siècle. De ces formes
diverses sont nés les dérivés avelai^nier (Oudin, Gctgrave,
Duez), ai)elaif>ner (Oudin, Cotgrave); \h\\h anellanier dans
MÉLANGES 7-21
Godefroy, Supitlciiicnl. que i)Ostiile également nu noclhi-
nuriiis de Du Cange; enfin uuelinicr, forme en comparai-
son plus moderne, bien qu'elle semble plus ancienne
que 1751, date à laquelle le DicUoniuiirc ^('-nrnil la signale
dans VEncyclojH-dic.
C'est dans le midi de la France qu'on rencontre le plus
de variétés de coudriers et de variantes dialectales. En
Provence on trouve noehum, noisette, à Nice (Alpes Mari-
times), avclnno à Marseille et dans le département des
Bouelies-du- Rhône où l'on vend Vuoelaiio toouredo, noi-
sette grillée; plus au nord, dans la Franche-Comté, on dit
iwelunc dans le Jura, cwiyoïw dans la Haute-Saône. Mis-
ti'al fournit encore broco d'auelanie, baguette divinatoire
de coudrier, où le nom désigne l'arbuste et vient du dérivé
nveUuien. Mais toutes les foi-mes ne sont pas aussi recon-
naissables; ave- peut devenir abc-, il peut se simplifier
en iiv- qui devient aoii-, ouii-, au-, o : d'où ooulano, noisette,
aoulaniè, noisetier, en limousin; aulanha. noisetier, en
provençal, de auelaiiea; aurânii> pour aiilâiiio dans le
Queyras (Hautes- Alpes); ola^nier, noisetier, dans la même
région; ici s'encadre le niilaiiicr relevé par Du Cange,
v^ aulancriuin. A l'Ouest, en Eéarn (Basses-Pyrénées) on
trouve aujourd'hui abera, aura, qui proviennent de formes
anciennes à suffixe -av. -al comme en Espagne et en Portu-
gal. *Ai)eratiar y a perdu Vn intervocalique Meyer-Iiiibke.
I , S 450) et 1'/" final, donnant averav puis avéra, abera, aura.
En Armagnac (Gers) aueraii, contracté auran, noisette,
vient de anclano. A Arrenz (Hautes-Pja'énées) existe un
dérivé aberagnade qui signifie « abondance de noisettes ».
D'autres déformations se montrent dans la région intermé-
diaire : aougraiiero, noisetier, dans l'Albret ^Landes), aou-
gogne dans la Lozère, onglono dans l'Aveyron.
Ces données nous permettent de nous orientei' en topo-
nj'-mie et d'y retrouver quelques noms collectifs qui nous
auraient échappé sans elles. Nous reconnaissons mainte-
nant abera dans Abcre (Basses-Pyrénées); avelano, ave-
rano dans Aulan (Drôme), Averan (Hautes-Pyrénées), les
Aoelas, deux hameaux de l'Ardèche, Aulas (Gard); anelaua
dans le pluriel AulaincH (Sarthe); avelanea dans Auragne
(Haute -Garonne); des dérivés eu -arius dans l'Aulagnier.
722 MÉLANGES
hameau de la commune de Saint-Bonnet-en-Cliampsaur
(Hautes-Alpes), dans Laulagnier, hameau de la commune
de Saint- Yoy (Haute-Loire), dans Aulagny, hameau de la
commune de Lapte (Haute-Loire). Voici enfin cinq dérivés
en -ctiiiu : Abélanet, en Languedoc (Roland, Flore pop., X,
p. 220), Liwéraët, près de Marciac en Béarn (Gers), Lave-
lanet, commune de l'Ariège, Lauelanet, commune de
Haute- Garonne, Lauraët, commune du Gers. Malgré les
apparences, ce dernier nom ne peut être rattaché à hiiire-
tiim, il revient à avellanetiini, quoiqu'il faille admettre à
la fois l'agglutination de l'article, la réduction de ave-
à an-, le changement de / en r et la disparition de n. Heu-
reusement Laveraét cité plus haut forme un chaînon inter-
médiaire tout à fait probant.
Nous n'avons pas trouvé de collectif féminin du type
avelanède. Il existe bien en français un mot avelanède, mais
il est facile de prouver qu'il n'a rien de commun avec avel-
laneta. Ce mot sert à désigner dans le commerce la cupule
du gland du qiierciis aegilops L., le chêne velani, dont la
patrie est l'Orient, d'où sou nom de cerriis macedonica
dans l'ancienne nomenclature. Les cupules de cette espèce
de chêne sont employées pour le tannage des cuirs, et le
commerce de cet article doit remonter au moyen âge,
témoin les formes vallanio, valania que donne Du Gange.
Les variantes du mot sont nombreuses : nalanède, vela-
nède, vallonée, velonée, uelonie {Belon, loo5), vallon et gal-
lon (Furetière, 1708), velani (Trévoux, 1752); on trouve
avelanède dans Savary des Brnslons dès 1688; le diction-
naire de l'Académie ne donne plus que cette forme
depuis 1798. C'est la plus mauvaise qui a triomphé officiel-
lement, puisque le mot vient du grec PaXavibi. Avelanède
est sorti de l'expression « de la velanède ». Edmond About,
La Grèce conieinporaine, p. 48, emploie valanède : « Les
glands doux du chêne valanède ne sont pas un trop mau-
vais manger. »
J. Feller.
1
MÉLANGES 723
Une petite addition au livre de M. Brunot :
« La Pensée et le Langage ».
Diderot a dit dans sou Purudoxe sur le coincdicn : <( Dans
l'écrivain le plus clair, le plus précis, le i)lus énergique, les
mots ne sont et ne peuvent être que des signes approchés
d'une pensée, d'un sentiment, d'une idée, signes dont le
mouvement, le geste, le ton, le visage, les yeux, la cir-
constance donnée, complètent la valeur ». Cette observa-
tion est profondément vraie, et le beau livre de M. Brunot
la confirme en une foule d'endroits. De cette imperfection
(le la parole écrite il résulte que la même forme de phrase
peut, selon les circonstances, selon les intentions de celui
qui parle, exprimai' des modalités d'idées bien différentes.
Ainsi la phrase : « Vous ignorez ce qui s'est passé » sera
tantôt renonciation d'un fait positif, tantôt l'ordre ou le
conseil de feindre d'ignorer ce qui s'est passé. Ce dernier
cas est fréquent dans la conversation familière, dans le
dialogue dramatique, dans le roman. En voici quelques
exemples qui pourront s'ajouter à la riche documentation
de M. Brunot.
Stendhal, La Chartreuse de Parme, X : « Raconte-lui le
mariage de la sœiir; quand il saura qu'elle va être duchesse,
il te trouvera bien plus a])Ostolique. Du reste, lu ii>nores
tout ce que le comte vient de te confier sur ta future nomi-
nation. »
Prosper Mérimée, Carmen : « Carmen me dit aussitôt en
basque : Tu ne sais j)as un mot d'espagnol, tu ne me con-
nais pas . »
Guy de Maupassant, V Héritage : « Mon cher collègue,
je suis heureux de vous annoncer que le Ministre, sur la
proposition de notre directeur et de notre chef, a signé
hier votre nomination de commis principal. Vous en rece-
vrez demain la notification officielle. Jusque-là vous ne
savez rien, n'est-ce pas? »
Abraham Dreyfus, Petites annonces, se. I : a ("est liou!
ne dites rien...; vous ne m'avez pas vue. » Ibid., se. II :
K Ne lui dites rien, n'est-ce pas ï vous ne m'avez pas vu. »
Passons au latin.
724 MÉLANGES
Térence, Eiin., 721-722 : Tu pol, si sapis, Qnod sois
nescis, neque de eunueho nequo de vilio virgiuis »
(On s'étonne qu'un philologue de la valeur de Madvig
ait prétendu corriger nesci.s en iicsci.)
Heaut., 748 : « Tu nescis id qiiod scis. Dromo, si sapies »
Dans tous ces exemples, il y a deux idées qui ne sont pas
notées par l'écriture, mais qui sont indiquées parle ton et
Ijar la situation : 1" celle d'ordre ou de conseil; 2» celle
de feinte, de dissimulation.
Dans les exemples suivants, la première idée prend une
forme grammaticale (impératif, subjonctif), la seconde
seule est sous-entendue.
Paul Bourget, Mensonges : « Soyons très aimable et
iVayons rien vu. »
Térence, Ad., 530 : « Hisce opéra ut data sit. »
(L'esclave Syrus suggère au jeune Ctésiphon le moyen
de tromper son père en disant qu'il a dû rendre service à
des amis de la famille.)
P. Thomas.
Note concernant l'apparition
de la propriété allodiaie au pays de Liège
On sait qu'au paj's de Liège, sous l'ancien régime, les
immeubles étaient divisés sous le rapport légal en censaux,
féodaux et allodiaux. A l'époque où Hemricourt écrivit
son Patron de la Temporalité, c'est-à-dire vers la lin du
XIV* siècle, on appelait, à Liège, alleu, franc alleu ou bien
allodial, un immeuble libre par sa nature de toute charge
ou redevance, non sujet au relief et se partageant égale-
ment entre les enfants en cas de décès, à moins que le
possesseur n'en eût disposé autrement ('),
Concernant l'origine de ces alleux liégeois, deux hypo-
thèses ont été proposées :
1° Ce sont d'anciens alleus francs, c'est-à-dire des pro-
priétés libres remontant à l'époque de la conquête franque
au v*^ siècle et ayant persisté jusqu'au xiv*.
(*) Voir BoK.MA.NS, Les xeiyneitries afiodinics du priifs de lAiyc. Iiilroductioii,
MÉLANC.ES 725
2" ("e sont des ail eus de stjie nouveau, c'est-à-dire
d'anciennes tenuies, d'anciennes censives devenues pro-
priétés entièrement libres. C'est la thèse que Wohhvill a
formulée il 3' a longtemps déjà, thèse à laquelle MM. Des
Marez, Kurth et Pirenne se sont ralliés et que récemment
M. Ganshof est venu confirmer en la précisant (•).
Pour ce qui est du moment où l'on voit dans les textes,
pour la i^remière lois, ces propriétés libres se substituer
à des tenures dérivées, Wohlwill propose la fin du
xiii* siècle, M. Ganshof, le milieu du même siècle.
Je ne viens pas ici refaire l'histoire de l'alleu liégeois,
mais simplement signaler l'importance d'un texte dont
personne jusqu'ici n'avait remarqué ([u'il intéressait l'his-
toire de cet alleu.
Il s'agit du paragraphe 13 de la charte d'affranchisse-
ment de Brusthem en 1175, laquelle charte reproduit
purement et simplement les stipulations du droit urbain
liégeois (^).
Ce i)aragraphe poi-te que le créancier qui n'a pas obtenu
satisfaction dans les délais voulus est autorisé à i-éclamer
l'appropriation du gage immobilier dont il est nanti; si
c'est une hereditas, on lui en fera l'investiture ; si c'est un
nllodiiim, il en aura V affectât io (3).
Il en résulte donc qu'à Brusthem et à Liège, en 1 175. il
(•) Ganshof, « Les « buiuines de rasa Dei » du 1res ancien droil liéf^eois »,
dans Ret'uc belge de p/iilologie el d'/iisloire. I. I, p. 303 et suiv.
(•) Voir le texte nirnie de la charte en (juestion dans Borma.ns, Rei-ueit des
<ii(btntuntces dr la piincipaiilr de L'èye, !'« série, t. I. [>]>. i2 et -2o . k legeui,
jus el liherlateni Leodiensem sii'ut ab ipsis |)iudenlioribus I.eodii viris per
probos nostros lidelcs vims didicinius... : si ijuid de jure Leodiensi in har
cliarta est prelennissuin quod pdsiea pDtesl adjicere {lise: adjiei) hoc bénigne
«oncediinus liabere...; hujus larti fucrunt etiani lestes probi cl lionesti viri
cives Le<»dienses, hujus Icjfis et liberlatis dictalores el ordinalores ».
(■*) BoRMANS, Recueil des nrdonrinnces de la principauté de Lièye, i^" si-rie,
t. I, p. a : u Si qiiispiain allodium, liereditaleni vel domum in vadio habuerit,
nec tenere ultra vuiuerit, ... judicabilurquod affeetationeni ai-cipiet de allodio,
invostitui'ani auleni de hercdilale vel doino ».
-Nous devons à VvMiEUKiNnKRE d'avoir appelc raltention sur ce texte. Voir
son élude intitidce « Liberté ei propriété en Flandre du ix'' au xn<^ siècle ».
dans Ridl de IWind. nti/. de itrlf/ii/Uf, l!K)ti, pp. lrt.">-lt»(). Seulement, il a
échîippé ;i I éniinenl historien (pie l.i cliarle de Iti u-lliem repri.duis:iil les
stipulations du droit urbain lié^^eois.
726 MÉLANGES
se rencontrait deux types de biens immobiliers : 4° Vhere-
ditaSy tenure dérivée puisqu'un tiers en a le tréfonds et
doit, en cas de transmission, intervenir pour faire l'in-
vestiture; 2° Vallodiiim, propriété vraiment libre puisque,
en cas de transmission, elle passe directement par affec-
tatio des mains du propriétaire dans celles du nouvel
acquéreur.
Je ne m'occupe pas de V heredilas qui est, ici, manifeste-
ment, la censive, mais de Vallodium. S'agit-il d'un ancien
alleu franc qui a persisté, ou d'un alleu de style nouveau,
d'une censive transformée en propriété pleinement libre?
On sait que l'église de Saint-Lambert à Liège était, dès
le haut moyen âge, j^ropriétaire du territoire de la ville de
Liège avec ses environs ainsi que des domaines que des
donations successives y avaient ajoutés. L'ensemble de
ces terres constituait l'alleu de Saint-Lambert, Il était
réparti en tenures occupées i^ar des membres de la familia
ou, plus exactement, par des ministeriales de l'Eglise de
Liège (^). Il va de soi qu'en cas de transmission elles
étaient, comme il convient à des tenures dérivées, sou-
mises à la formalité de l'investiture {^).
Un jour vint où, en même temps que se relâchaient les
liens personnels qui rattachaient à l'Eglise de Liège les
détenteurs de ces tenures, ces tenures mêmes tendirent à
se libérer des entraves du droit domanial et à se con-
stituer en propriétés libres. Cela eut lieu, a-t-on dit, soit
à la fin du xiii^ siècle, soit vers le milieu d\\ même siècle.
Je me demande si cette évolution n'a pas commencé à se
manifester beaucoup plus tôt. Je la vois en train de s'ac-
complir dans le domaine de l'abbaj^e de Saint-Trond dès la
première moitié du xii^ siècle (^) et je suis tenté de croire
(1) Ces tenures «'Haieiit, vers le milieu du xw sièele, qualiiiées alleus. Ce
terme est impropre, mais il s'expliipie si l'on considère cpui, pour désigner
ces tenures, on s'était placé au point de vue, non pas du tenancier, mais de
l'Église de Liège dont elles étaient l'alleu (Voir notamment (iANSHOF. art. cité
p. 303).
(2) Voir p. 727, note 3, le passage relatif à la transmission de Vlicreditas.
(3) Voir le fait divers suivant que j'emprunte au Gesta abbatnm Trudonen-
sium, édil. de Borman, I. I, pp. ()7. l(>(i-167 et 272; t. Il, p. 28-29 el Piot.
Carlulaire de Suinl-Trond, I. I, pp. 33-3i : Pendant la guerre des Investitures,
vers l'année lOO.'î. l'ahbé intrus llérinian, chassé de l'abbaye, se réfugia à
MÉLANGES 727
qu'il en aura été de même dans le domaine de l'église de
Saint-Lambert, tout proche de celui de Saint-Trond et où
les conditions juridiques et sociales étaient identiques.
Et, pour en revenir à la charte de Brusthem de 1175,
n'est-il pas fort vraisemblable que l'alleu qui s'y trouve
mentionné est, non un alleu franc, comme le prétend ^'an-
derkindere (voir ci- dessus), mais une tenure de luinisle-
riulis transformée en propriété libre?
S'il en était ainsi, l'allodialité des terres ayant primiti-
vement api)artenu à l'église de Liège aurait commencé plus
tôt qu'on ne l'a cru jusqu'ici, et on en trouverait des traces
dans les documents un siècle environ avant la date la
plus récente fixée par l'érudition (le milieu du xtit'' siècle.
d'ai)rès M. Ganshof).
A. H ANS A Y.
L'ancienneté du droit urbain liégeois.
Les érudits sont d'accord pour admettre que le droit
urbain liégeois est bien antérieur à sa consignation dans
la fameuse charte de I2')8; mais leurs avis diffèrent quand
il s'agit de savoir s'il faut en faii-e remonter les origines
Haeleii auprès du maire, et tous doux, |ieiulaul plus d'un an, dilapidèrent les
revenus de la rillti. Hérinian vint ii paitir, mais le maire continua ses dépréda-
tions. Pendant dix ans, il dévasta les biens de l'abhave, forêts, terres cultivées,
pêcheries; il sempara d'un alleu, donation pieuse des comtes de Duras et
prétendit le tenir en lief. Lablié Rodolphe (MOT 1188) parvint linalement :i
lui enlever ses fonctions, son lief et son liénélice et à le replacer dans la
pdieslas de l'abbaye, entendez dans l'étal de dépendance personnelle où il se
trouvait vis-à-vis de celle-ci. .Mais un an et demi ne s'est pas écoulé depuis la
déposition du maire que son fils reçoit la mairie et l'héritage paternel. Lu
aussi veut s'approprier cette terre de Meldert que .son (tére avait convoitée
et, comme son père encore, mérite par ses exacli(tns ((u'on la lui eidève.
Néanmoins, en 11 io, il apparaît à nouveau en qualité de maire de Haelen; il
a fortilié sa demeure, l'a entourée de fosses et coniinue ses déprédations.
Heureusement pour l'alibaye, l'abi)c est ahirs le frcre d'Othon de Duras,
I a\oué. Celui-ci vient à Haelen, expulse le maire, sa femme et ses enfants et,
ne pouvant le faire venir à résipiscence, fait combler ses fosses, abattre ses
tours et raser sa maison. Kt pourtant, en 1 1 IGdéjà, il est rentré en possession
de la mairie et la charte qui fixe ses droits lui reconnaît la possession de cette
terre de Meldert depuis si loii^Memps convdilee.
72« MÉLANGES
antérieurement à la cliarte de liberté de Hu3' de l'an-
née 1066.
Je me trompe fort, ou bien l'examen plus attentif des
textes rend plus vraisemblable l'opinion de ceux qui sont
pour l'affirmative.
Le paragraphe J de la charte liégeoise de 12U8 porte
qu'en temps de guerre les bourgeois de Liège ne sont tenus
de se rendre à l'appel de l'évèque que quinze jours après
les chevaliers, les bourgeois et les vilains {^]. En d'autres
termes, l'évèque convoque d'abord ses milices féodales,
les bourgeois non privilégiés des villes et les vilains; les
bourgeois de Liège, si besoin est, suivent quinze jours
après.
Les bourgeois de Huy, d'après la charte de 10(i6, ne sont
tenus de suivre la milithi arninin que liuit jours après les
Liégeois (^'j. Or, la militin armutii, qu'est-ce, sinon le gros
de l'armée, ces milites, oppidani et villani dont parle la
rhartede 1208?
A mon sens, voici comment les choses se sont passées :
à l'origine, l'évèque, en temps de guerre, convoquait ses
vassaux {iniliies), les bourgeois des villes, les vilains. Vers
le milieu du xi® siècle, avant 1066 en tout cas, les Liégeois
obtinrent de ne se rendre à l'appel de l'évèque que quinze
jours après les troupes féodales précitées, les bourgeois
non privilégiés et les vilains. Va\ J066, les Hutois, à leur
tour, reçurent un privilège : ils ne devaient se mettre en
marche que huit jours après les Liégeois ou, pour mieux
dire, ils ne devaient suivre le gros de l'armée féodale, la
miliiia armata, que huit jours après les bourgeois de Liège.
Le délai qui était de quinze jours pour les Liégeois était
donc de trois semaines pour eux.
(1) c( Secl si ttlit/uod ntslrum Ecclesie vel doiiius dcfoisalis oh.sessa n-l ait
/lonlilius ()C( lijuilo fueril, episcopus prinimn prr i/uinileciin dies. <am inuiliis
itis, niilildin.s, oppidanis et villanis ad repellemlos fiitsfe.s movelnt arma et
ante laslrum vel dominn nedehit. Infra tainrn lios qnindciim dies dchct epis-
copus rem etnegotium nitntiare civihus Leodiensihiis et mandare ut sint parut i
et si opus fiterit , posl Itns quindecim dies in aucilium ventre ».
(-) a Praedictis adjectiim est f/uod lloi/en^es urmatam mifitiam nulla tenus
seipianlur nisi Leodienses a prae/i.ro die belli usquc in octavaiii eos praeeesse-
rint ». M. Pirennc, Les Anciennes d'nnocraties (iii-r Pays-lliis. p. 78, fait ciToiir
«•Il lixaril il (luin/c jours lo délai aicordé aux lliilois.
MÉLANGES 729
Je suppose qu'il m'est accordi- que les Liégeois ont. eu
matiève de service militaire, été privilégiés avant les
Hutois. Il est \ raisemblable alors d'admettre que ce privi-
lège ne fat pas le seul et que les libertés dont nous voyons
par les chartes de Brustliem de 1175 et de Liège de 1208
que les bourgeois de Liège jouissaient, n'étaient appaiem-
ment que la confirmation et le développement de libertés
qui leur avaient été accordées vers le milieu du xi'= siècle,
antérieurement en tout cas à la charte de lluy de lUGf).
A. ILVXSAY.
COMPTES RExNDUS
Otto Jespersen. Latiguaije, Us nature, developnient and origUi.
London. G. Allen & Unwin (i92i), in-8°, 448 p.
La science du langage, qui passe pour allemande, est aussi
quelque peu danoise. A preuve, les nomsdeRask, Bredsdorff,
Madvig, Thomsen, auxquels il convient d'ajouter ceux de
Nyrop et d'Otto Jespersen, le ph- uéticien. l'auteur de
Progress ni Langcage et de cette magistrale grammaire
historique de l'anglais qui bouleverse les catégories tradition-
nelles comme le fait, cette année même, pour le français.
M. F. Brunot dans ce bel ouvrage qui ne répond pas tout à
fait à son titre, Le Langage et la Pensée.
Le Langage de M. Jespersen se compare mieux au Langage
d'un autre professeur en Sorbonne, M. Vendryes, paru l'aji
dernier. Moins théorique, moins systématique à la française,
et moins bien construit, le livre du professeur danois est plus
original, plus vivant, plus vécu. Ces qualités se manifestent
en particulier dans les chapitres sur le langage enfantin et
jusque dans le stj'le par des images vives et familières Vou-
lant montrer que l'effort d'articulation consiste moins dans
l'énergie que dans la précision des mouvements, l'autour dira
qu il faut « moins d'effort pour couper du bois que pour opé-
rer une cataracte ».
Tout n'est pas nouveau dans ce livre. La ipiatriéme ou der-
nière partie notamment ne fait que remanier et mettre au
point les théories développées jadis par l'auteur dans son
Progress iii Language.
La première partie. Histoire de la Linguistique, ne pouvait
guère êtie la [dus originale. Cependant M. .Iesi)€rsen a le
mérite de remettre en honneur certains « oubliés » : .lenisch
qui dès 1706 instituait une « Comparaison de quatorze langues
73'iJ COMPTES RENDUS
anciennes et modernes » au point de vue de la richesse, de la
clarté, de l'euphonie ; Rapp, dont la Physiologie der Sprache,
en 1836, prélude à la Phonétique; Bredsdorff qui étudie,
en 1821, les causes générales de l'évolution linguistique;
surtout Rask, le véritable auteur de la « loi de Grimm »,
dont Grimm connaissait les travaux et qui, s'il avait publié
plus tôt, et dans une langue autre que le danois, passerait pour
le véritable fondateur de la science linguistique moderne.
L'auteur admire surtout chez Grimm les études syn-
taxiques. Grimm était à la fois linguiste et philologue et
M Jespersen ne répudie nullement cette alliance. Très éclec-
tique, nullement « unilatéral », il n'observe pas moins les
finesses d'une langue hautement cultivée que les phénomènes
les plus primitifs et dans son discours présidentiel à la
Modem Hamanities Research Association, il se félicitait,
l'an dernier, que beaucoup d'universités attribuent au même
titulaire l'histoire de la langue et de la littérature. M. Jes-
persen étudie longuement l'œuvre de Schleicher, indique le
rôle de ce< deux vulgarisateurs ennemis, Max Millier et
Whitney, rend pleine justice à Hermann Paul, parmi les
néo-grammair:ens.
On regrette qu'il n'ait pas donné plus d'importance aux
nouveaux venus, se borne à citer Van Ginneken, Bally,
(le Saussure, Meillet, etc , et ne cite même pas V Atlas linguis-
tiqîie de Gilliéron, qui jette pourtant un jour imprévu sur la
dialectologie.
Le corps de l'ouvrage est formé par les deuxième et
troisième parties intituléeà VEnfant et l'Individu et le Monde
qu'unit un même problème, celui de l'interaction linguistique
de l'homme et de la société
La deuxième partie, riche d'expérience paternelle, engage
les parents à «jouer au langage » avec les petits, à faire écho
à leurs créations verbales et d'auti'e part à ne pas corriger
trop vite leur langage appris. L'auteui' note de curieuses
fluctuations : des sons comme Vh se perdent pendant plusieurs
semaines, puis reparaissent (p. 150) ; il étudie certaines inven-
tions de mots (p. 153) et même une langue presque entièrement
nouvelle chez deux enfants jumeaux séparés de leur mère,
élevés par une viei le femme sourde, qu'il a pu observer aux
environs de Copenhague en 1903 (p. 187). Chez d'autres, il
COMPTES HKNDl S 7S.';
note des cas bien amusants de fausse analogie grammaticale,
des confusions (parfois durables) dans les noms de parenté et
l'usage des pronoms personnels. Le père appelle sa femnie
« Maman »; il dit je, puis demande â l'enfant : « Veux-/i< du
lait? » Pour que l'enfant s'embrouille, il n'est pas nécessaire
de supposer, à l'alleniande, qu'il « ne distin^uie pas \e moi
du no)i-moi ».
Pourquoi l'enfant apprend-il, d'ailleurs, si facilement sa
langue maternelle!^ C'est qu'on ne le décourage pas en se
moquant de lui, c'est que ses tentatives sont liées à la réali-
sation de ses désirs les plus chors et que les leçons de mots
sont toujours pour lui des leçons de choses. Ce qu'il faut
retenir pour l'enseignement des langues étrangères.
Les filles sont plus réceptives que les garçons et la principale
influence est celle des autres enfants, plutôt que celle des
parents et des bonnes.
Ceci amène une question fort intéressante : dans quelle
mesure riniitation imparfaite des parents [lar les enfants, ou
plus exactement d'une génération par une autre, contribue-
t-elle aux variations du langage? Sur ce point, Paul et Sweet
restent indécis. Meringer sous évalue l'influence des enfants.
Hei^zog l'exagère en supposant que la bouche plus petite des
enfants imprime aux sons une déformation qui augmente à
chaque génération nouvelle M. Jespersen distingue entre les
changements graduels qui exigent plusieurs générations et
les changements brusques de son ou de sens, changements
« acoustiques » par exemple de dentale en labiale [Site-soif,
feodu-fief, gladiu-glaive), changements par « métanalyse ou
fausse interprétation grammaticale » singulier pca, chi'rrii,
tirés (\q pense, cherrys supposés pluriels^, amputation par la
fin des mots {Bella pour Arabella, Sander pour Alexander)
où la transmission imparfaite d'un individu à l'autre et
notamment les « fautes » non corrigées des enfants purent
jouer leur rôle. Ajoutez une influence indirecte, l'imitation
des enfants par les parents, d'où la tixa(ii.)U de beaucoup do
diminutifs (oreille de auricula, oi'SQdiW de aricellus) et d'ap-
pellations comme « la main droUe », c'est-à-dire « la bonne
main » (anglais riglit, allem redit, de même, i). I8<>).
La troisième partie, F Individu et le Monde, se compose
d'une série de chapitres que relie un lien assez làclie. L'auteur
734 COMPTES RENDIS
discute « l'influence du substiatum » dans le cas de Vu fran-
çais et de Vu espagnol (remplaçant f latin) expliqués par
Ascoli comme provenant de dialectes celtes et ibères sous-
;acents au latin. Il ne conteste pas que des mélanges ne
contribuent à la diversité des langues, mais ne veut pas qu'on
généralise l'explication, qui ne rend pas compte, par exemple,
de la différenciation du norwégien en Islande (p. 206). Il
étudie des cas typiques de langues mixtes comme le Pidgin. et
le Beach-la-Mar qui servent de langues communes en Chine et
dans le Pacifique occidental. Il combat l'idée popularisée par
Whitney qu'il ne saurait y avoir mélange de grammaires,
et croit au contraire aux etïets permanents que produit, sous
ce rapport, la traduction habituelle d'une langue étrangère
telle que le latin (p 215).
M. Jespersen consacre au langage de la femme un chapitre
qui intéresse surtout la psychologie féminii.e. Beaucoup plus
importants, selon nous, sont les deux derniers chapitres sur
les causes générales de la variabilité linguistique.
Quant à la rapidité des changements, l'auteur attache une
importance nouvelle (pp. 181, 26U) aux périodes troublées où
les enfants sont laissés à eux-mêmes par l'absence ou la mort
des parents (guerres, épidémies), par le travail des mères aux
champs, par le travail des enfants dans les usines (développe-
ment de r« anglais vulgaire » au xix^ siècle, et encore aux
époques où les liens se relâchent entre une colonie et sa métro-
pole (langues romanes à la fin de l'Empire romain, anglais
d'Amérique au xiii'' siècle).
A propos des « lois phonétiques » nous retrouvons, sous
l'autorité de M. Jespersen, des idées que nous avions nous-
même soutenues, il y a vingt ans, dans un travail peu répandu ,
que cite pourtant Van Ginneken dans ses Principes de Lin-
guistique psychologique (1907). Nous ne connaissions pas
alors un article antérieur de M. Jespersen. La correspondance
des vues, chez des esprits indépendants, fournit une présomp-
tion en faveur de leur justesse et nous l'avons retrouvée depuis
chez Oei'tel, Meringer et d'autres.
En ce temps-là, les partisans de l'école aujourd'hui vieillie
des neo-grammairiens déclaraient avec une exagération qui
annonce les « Freudiens » de nos jours, que les lois phonétiques
n'ont pas d'exceptions ou que ces exceptions du moins s'ex-
COMPTES RENDUS 735
pliquent toujours par l'analogie grammaticale Cependant,
ouvrez, au chapitre des changements phonétiques, n'importe
quelle grammaire historique, vous trouverez, à côté du ca-; le
plus fréquent érigé en « loi », des exemples hors série, géné-
ralement imprimés en « petit texte » que l'analogie ne suffit
pas à expliquer.
La doctrine simpliste envahit les manuels et nous en trou-
vons l'écho jusque chez M. Meillet quand il dit que « dans la
France du Nord, les enfants sont nés, à partir d'un certain
moment, différents pour chaque localité, (de 1858 à 1860),
incapables de prononcer 17 mouillée (*). » Sans compter que
17 mouillée subsiste, ou i)eu s'en faut, dans Molière, milieu,
talion, l'expression « nés incapables » rappelle dangereuse-
ment ces néo-grammairiens qui justifiaient la « régularité
fatale » de leurs lois par des causes obscures, mais supposées
anatomiques ou physiologiques.
Les observations de l'abbé Rousselot sur les mouvements
phonétiques de son village de Gellefrouin, « débutant par les
mots d'un usage plus commun... avançant et reculant, mais
enfin effaçant toutes les inégalités comme s'ils a valent triomphé
d'un seul coup », auraient dû faire deviner à leur auteur le
rôle de l'imitation, c'est-à-dire d'un automatisme psycholo-
gique ni plus ni moins fatal que celui qu'on trouve dans
l'analogie, en sorte qu'il n'y avait pas lieu de dresser une
barrière entre l'analogie et les lois phonétiques.
On accorde que le principe de V Aiisnahmlosigkeit a rendu
des services à l'étymologie comme stimulant et formule de
travail. Mais ici encore, il ne faut exagérer. M. .Tespersen
nous soumet une remarque aussi élémentaire que frappante :
l'affinité de son et de sens entre deux mots est parfois si
évidente que les savants les plus sévères admettent leur
parenté en dépit de la loi. Exemples : gothique azgo avec
consonne sonore et anglais ash, allem. asche, dan. ashe, avec
sourde; allem. neffe avec voyelle brève et moyen-aliem. nere :
(1) Meii.i.et. Introil. à t'élude comparative des tangues indo-européennes.
->e édition, 1908, p. 7. Même notion, peut-être tirée de là, dans le bon livre de
M. Vendryes, te Langage, Paris, 1021 (p. U). M. Vendryos reconnaît d'ailleurs,
en une formule très jtiste, que les lois phonétiques ne sont tjue des moyennes
dans l'espace et le temps et rejette, d'un sourire, la phrase d'Oslholï : Dir
Laiifgesetzr wirt;en hlind wir Saturgesetzr.
736 COMPTES RENDUS
anglais pebble et vieux-anglais papal, rescae et moyen-anglais
rescoire, flagon et français flacon (pp. 295-296). On ne peut
donc exiger que l'étymologiste procède toujours comme si les
lois n'avaient pas d't xceptions. Tout ce qu'on peut dire, conclut
M. Jespersen, c'est qu'une telle étymologie ne sera formelle-
ment j9/"ouree que lorsqu'on aura découvert un cas parallèle.
Et puis, il y a les phénomènes que l'ancien dogmatisme
laissait de parti-pris dans l'ombre, en sorte que le fameux
principe devenait un impédiment. M. Van Ginneken protesta :
« Je délaisse le postulat, la formule apprise à l'école, pour la
vérité qui m'est imposée par les faits! » [Op. cit., p. 483.)
Ainsi, vu l'opposition qu'on mettait entre les lois phonétiques
et l'analogie, c'était une hérésie, une énormité, ein UruUng,
que de parler d' « analogie phonétique ». M. Jespersen entre
dans cette voie quand il étudie l'extension de certains change-
ments de sons à des séries de plus en plus larges. Le passage
de in à 'Il par exemple en anglais commence après un r [true,
rude), continue après un l [blue, due) puis, avec des oscilla-
tions, après .s, z {Susan, résume), en sorte que c'est une cause
très comparable à l'analogie qui fait qu'on parle après coup
d'une loi : jii devient u (p. 2fXJ).
M. Jespersen ose encore envisager l'influence conservatrice
de la signification sur le son. La préposition anglaise on, par
exemple, d'après lui, n'a pas été affaiblie dans la prononciation
comme to, for, of, ai (pron. te, fer, ef, et avec voyelle neutre)
parce qu'une confusion en aurait résulté avec l'article
indéfini an.
En d'autres endroits qu'on peut rapprocher de celui-ci,
l'auteur montre que la distinction des finales sourdes et sonores
dans l'anglais cab, cap, etc., tend à empêcher une confusion
par excès d'homonymes qui ne se produirait pas au même
titre en allemand. Il croit également que les désinences anglo-
saxonnes -a, -u, n'auiaient pas cédé aussi vile à l'altération
phonique si elles n'étaient devenues d'avance inutiles et même
gênantes en grammaire par les confusions qui en pouvaient
résulter.
En résumé, pas de cloison étanche, pour M. Jespersen,
entre le son et le sens, les changements phonétiques et non-
phonétiques. L'action réciproque du son et du sens fait l'objet
du séduisant chapitre sur le « Symbolisme sonore » (Sound
COMPTES f<f:ndus 737
SyinboUsm) où il essaie de démontrer, entre autres, que la
voyelle i sert en plusieurs langues à indiquer ce qui est petit,
léger, futile ou sans valeur.
Le chapitre sur l'Etymologie que l'auteur a rejeté dans la
dernière partie du livre devrait logiquement se placer ici. Un
« pédantisme phonétique » force Paul et Klugeà déclarer que
l'anglais mit et l'allem, nuss n'ont rien de commun avec le
latin nuœ, noix, alors qu'il vaudrait mieux chercher un rap-
prochement (p. 311). D'autre part, les étymologistes montrent
une confiance extrême quand ils rapportent l'allem. Krieij â
une forme aryenne -uirlglio-, l'anglais hopcà une racine ■ K-u,
alors que les mots germaniques n'apparaissent pas dans les
textes avant le moj'-en âge (p. 309).
Les mêmes étymologistes font preuve d'une com|)laisaiice
excessive quand il s'agit de filiation sémantique et, par
exemple, on lit que le grec thugater vient d'une racine duli,
qui veut dire traire. M. Jespersen demande qu'on soit plus
exigeant sur les rapports de signification. Il entrevoit des
possibilités nouvelles, croit à des « croisements » de mots
comme allem. shcmm, de st/ll x diimm (p. 311), il revient,
avec prudence, à l'idée platonicienne d'un rapport entre le
sens et le sou, suggère l'origine Oï\omi\io\)è\q\\e (\e plu mbww
(plomb) et l'origine interjectionnelle de 1'/^/ dans inais
(holl. maar, danois men, voyez l'explication, plus ingénieuse
peut-èti-e que décisive, à la p. 3 If)).
La mise au point que l'auteur apporte, eu S'-s derniers
chapitres, à ses idées anciennes sur le « progrès » et l'origine
du langage, n'implique aucune rétractation. Une des langues
Bantu dont la grammaire est connue depuis deux cents ans
(p. 365) lui fournit un nouvel exemple de ce passage de la
synthèse à l'analyse où se marque, selon lui, la courbe A\\
progrès linguistique. Je ne connais point toutes les langues,
conclut M. Jespersen, mais toutes celles dont l'histoire nous
est accessible présentent la même tendance progressive à
l'analyse et à l'abstraction On peut ajouter ici, avec M. "Veu-
dryes, que le progrès est relatif, dépend des besoins intellec-
tuels des sujets parlants, et peut toujours être renversé par
quelque cataclysme politique ou social. Cette partie du livre
atteste l'indépendance de M. Jespersen. Tandis que la Société
de linguistique de Paris « n'admet aucune communication
738 COMPTES RENDUS
concernant soit l'origine du langage, soit la création d'une
langue universelle », M. Jespersen est favorable à Vldo et
relève la question de « l'origine » du discrédit où elle était
tombée. Par la multiplicité comme par la hardiesse des vues,
il nous ramène à l'âge héroïque de la science du langage qui
semblait clos depuis W. de Humboldt. Phonéticien, M. Jes-
persen n'entend pas que la phonétique « déshumanise » l'étude
des langues. Il n'exclut aucune route vers la vérité, ne s'em-
prisonne dans aucune méthode, n'adopte aucun parti-pris. Il
ouvre des fenêtres, aère de toutes parts la science qu'il illustre
depuis trente-six ans et qui attend encore beaucoup de lui.
Plusieurs points, indiqués dans la préface, n'ont pas été traités
dans ce livre, d'autres ne sont pas épuisés. Nous souhaitons
que M. Jespersen termine d'abord cette Grammaire anglaise
qui sera i^eut-ètre son chef d'œuvre et que cette œuvre achevée
lui laisse le loisir de donner du Langage une édition aug-
mentée, complète, organisée, définitive.
Paul de Reul.
Juvénal, Satires, texte établi et traduit par Pierre de La-
BRiOLLE et François Villeneuve. Paris, Société d'édition
« les Belles Lettres », 1921, in-8°, xxxir-200 pp. Prix: 16 fr.
(Collection Guillaume Budé.)
On lira avec plaisir V Introduction et les notices qui accom-
pagnent les différentes satires. Le texte est établi avec soin.
Je ne puis malheureusement accorder le même éloge à la
traduction. Celle-ci est d'un tour aisé, vif, élégant; mais elle
porte les traces d'une fâcheuse précipitation et abonde en
inexactitudes de tout genre. Je relève celles-ci :
Sat. I, V. 5 : sumiyii plena iam margine libri, « qui remplit
jusqu'en haut les marges du volume », alors que summi
= ecctremi (Friedlànder d'ailleurs s'y est aussi trompé). —
V. 51 : Venusina digna hwerna, « dignes du flambeau du
poète de Venouse ». Lucerna est la lampe de travail. — V. 61 :
puer Automedon, « tel le jeune Automédon ». Automédon
n'était pas si jeune que cela. Le sens est : « ce blanc-bec fai-
sant l'Automédon ». — V. 81 : nimbis tollentibus aequor, « les
eaux que soulevait la tempête », au lieu de : « les averses
élevant le niveau de la mer ». — V. 91-92 : dispensatore...
COMPTES RENDUS 739
armigero, « devant le croupier dispensateur de» munitions />,
au lieu de : « son caissier lui passant les munitions * (m. à m.
« lui servant d'écuyer »). - V. 137 : orbilmn, « plateaux »,
au lieu de « tables rondes ». — Sat. III, v. 204 : ornantentum
abaci, « ornement de sa table », au lieu de « ornement de son
buffet ». — Y. 220 : « un modium (!) d'argent », au lieu de
« un modlus d'argenterie ». — V. 268 : alla ac f/nx>rsa peri-
cula noctis, « la variété des autres périls nocturnes », au lieu
de « les périls d'une autre espèce auxquels on est exposé
pendant la nuit » (par opposition ;i ceux qu'on court pendant
le jour). — V. 278 : ebriita ac petulans, « un ivrogne en
gaieté », au lieu de « un ivrogne batailleur » (cet ivrogne,
loin d'être « en gaieté », est de fort mauvaise humeur/. —
V. 288 : la rixa n'est pas « une querelle », mais une rixe (on
en vient aux coups). -— Sat. IV, v. 4 : viduas, « les veuves »,
au lieu de : « les femmes non mariées ». — V. 42 : glacies
Maeotica, < la glace des Méotides ». Qu'est-ce que c'est que
les Mèotides? — V. 79-80 quamquam va avec temporibus
diris, et non avec putabat : quoiqu'on fût sous le régne de la
terreur, Pégasus répugnait aux mesures sanguinaires. —
V. 109 : nudics ne signitie pas « nu », mais « sans armure, en
simple tunique ». De même Sat. VI, fragment de Windstedt,
V. 12 (p. 73). — V. 118 : devexae, « qui en gravissent la pente».
C'est tout juste le contraire. — Sat. V, v. 5 : Qaamvis iurato
')neticam tibi credere testi, « quand bien même tu me l'atteste-
rais, je ne voudrais pas te croire ». Vieux contresens. —
V. 32 : cardiaco, « qui souffre de l'estomac ». Le cardiacui
morbus n'est pas une gastrite. — V. 35 : fuligine, « moisis-
sure », au lieu de « suie ». On exposait les vins à la fumée
pour les faire mûrir plus vite. Cf. Horace, Car/n., III, 8, 11 :
amphoram fumwm bibere institutam. — V. 120-121 ; chiro-
nomunta est un participe coordonné à saltanteyn et ne désigne
pas un personnage différent du structor. — Sat. VI, v. 106 :
secto lacerto, « un bras de moins » (!), au lieu de « un bras
tailladé ». — V. 177 : scrofa alba, « une truie blanche », au
lieu de « la truie blanche » (celle dont parle Virgile, Aen.,
III, 390-392; VII, 43-45 et 82-83). - V. 249 : omnes implet
numéros, « à remplir tous les numéros du programm,e », au
lieu de « à exécuter tous les commandements du maître
d'armes». — V. 366 : leHbus atliletis, «des athlètes imberbes »,
740 COMPTES RENDUS
au lieu de * des athlètes frottés d'huile » (de ceroma). —
Sat.VII, V.8 : Pieria... inumbra, «à l'ombre des Piérides ».
Les Muses sont donc des arbres? — Sat. VIII, v. 7: 7HUlta
virga, « avec une baguette rallom/ée plusieurs fois ». Qu'est-ce
que cela veut dire ? — Sat. X. v. 45 : nimos, « en robe nei-
geuse ». La toge était donc une robe ? — V. 88 : cervice
obstricta, « la corde au cou ». La corde n'était pas en usage à
Rome pour traîner un inculpé devant le magistrat. — V. 258 :
incolumi Troia. « si Troie fût restée sauve ». au lieu de
« avant la ruine de Troie ». — V. 261 : primos edere planc-
tus, « exhaler ses premières plaintes », au lieu de « donner le
signal des lamentations ». Au v. suivant Polyxena est, comme
Cassandra, sujet de inciperet. — V. 270 : fastiditus, « oublié »,
au lieu de « dédaigné ». — V. 291 : usque ad delicias votorum,
« les vœux les plus niais », au lieu de « des vœux d'une pré-
tention excessive ». — Sat. XI, v. 69 : la vilica n'est pas une
« fermière », pas plus que le fossor (v. 80) n'est un « fossoyeur »
ni le ligo (v. 89) une « bêche ». — V. 70 : « de gros œufs encore
tout chauds du foin tordu ». Bizarre ! — V. 123 : Je ne me
représente pas bien des pieds de table « aux extrémités supé
rieures en forme de léopards ». — V. 189 : vultmn auremque
calentem, « un visage et une haleine enriammés ». Les tra-
ducteurs ont donc confondu aurem, « oreille », avec auram,
< souffle » !
Arrêtons-nous ici : en voilà assez pour l'édification du
lecteur II est à souhaiter que de pareilles erreurs et de-
pareilles négligences soient évitées à l'avenir dans une coUec
tion mise sous le patronage du grand nom de Budé. C'est à
regret que je formule un jugement aussi sévère sur l'œuvre
de deux savants connus par d'autres travaux fort estimables;
mais la critique a ses devoirs, et le premier de tous est la
sincérité. P. Thomas.
Commentarius in M. Manilii Astronomica. Scripsit Jacobus van
Wageningen. (Verhandelingen der Koninhlijhe Ahadetnie
van Wetenschappen te Amsterdam. Afdeeling Lctter-
hunde, nieuv-ereehs.) 1921, gr. in-S**, 348 pp. Planches.
L'astrologie, de même que l'alchimie, reléguée par la
science moderne au rang des aberrations de l'esprit humain,
COMPTES RENDUS 7 » 1
est tombée dans le niépi-is. Aussi peut-il semi)lei' étrange de
voir des savants distingués, comme MM. Bouché-Leclercq,
Boll, P'ranz Curaont, Oliviei'i et une foule d'autres, s'intéresser
à des théories aujourd'hui discréditées et consacrei- leurs
veilles à l'étude des anciens astrologues.
Ce serait pourtant juger l%érement les choses. D'abord une
croyance (jui a régné pendant tant de siècles a droit à l'atten-
tion du penseur, et son histoire forme un des plus curieux
chapitres de l'histoii'o des idées; ensuite on peut recueillir
chez les astrologues grecs et romains des notions scientifiques
et des renseignements historiques qui ont leur prix; enfin
cei'tains de leurs ouvrages ont une valeur littéraire qui les
sauve de l'oubli : tel est le cas pour le poème de Manilius
intitulé Astronomica.
Malheureusement la lecture de ce poème est hérissée de
difficultés de toute espèce. A l'obscurité de la matière s'ajoute
celle d'un style souvent pénible, bizarre et contourné; dans
l'exposé même du système, Manilius, qui n'est pas un savant
mais un vulgarisateur, tombe dans des erreurs et des contra-
dictions qui nous déroutent; et, pour brocher sur le tout, le
texte a été horriblement maltraité par les copistes.
Grâce aux efforts de i)hilologues érudits et perspicaces,
parmi lesquels il convient de citer en première ligne Scaliger
et Bentley, grâce aux progrès incessants de la critique et de
l'exégèse, beaucoup de fautes ont été corrigées, beaucoup de
passages embarrassants élucidés. Le temps était venu de
condenser les résultats acquis et de nous donner un commen-
taire « perpétuel » de Manilius. M. van Wageningen, à qui
nous devions déjà une édition critique et une traduction
néerlandaise de notre poète, s'est chargé de cette lourde tâche.
Les Prolegomena comprennent cinq chapitres : l. De astro-
logia; II. De M. Manilii nita ; III. De Matnlii Astronomi-
corum, fonVbns; IV. De carminis orna tu pnetico: V. De
Manilii imitatoribus . On y trouvera résumé avec netteté et
précision ce que nous ])onvons savoir sur ces différents points.
Le commentaire est copieux, bien ordonné, d'une clarté
parfaite. Aucune difficulté nesl passée sous silence; le lecteur
est pour- ainsi dire conduit pai' la main à travers les ronces et
les broussailles. Peut-être même re[)rochera-t-on à M. v. W.
de le traiter un peu comme un écolier et d'avoir |trodigué les
742 COMPTES RENDUS
notes élémentaires; mais ne soyons pas ingrats envers un
guide si complaisant : en pareille occurrence, le trop vaut
mieux que le trop peu. Il est inutile de dire que M. v. W.
connaît à fond son auteur et les travaux dont il a été l'objet.
Dans le choix des leçons et dans l'explication des passages
controversés, il est généralement heureux ; je dis « générale-
ment », car dans certains cas (d'ailleurs relativement peu
nombreux) il est permis de faire des réserves.
Manilius a des parties de grand écrivain ; son œuvre ren-
ferme des traits frappants, des morceaux descriptifs remar-
quables, des tirades philosophiques d'une inspiration élevée.
En contribuant à faire mieux connaître ce poète, qui rappelle
parfois Lucrèce, M. v. W. a rendu un incontestable service
aux amis des lettres latines.
Pour ne pas m'en tenir à des généralités et pour prouver
que j'ai lu le travail de M. v. W. avec l'attention qu'il mérite,
je présenterai quelques remarques de détail.
L. I, V. 70-72. Pour la négation dTTÔ koivoO, cf. ma note sur
Apulée, Metam., VI, 13 {Observât, ad script. Latin, p. 50).
Ajouter Culex, v. 63-66. — L. V, v. 13 : qui nunc quoque
navigat astris = qui nunc quoque navigat, scilicet (in) astris.
Pour cet emploi de quoque, cf. mes Obserii. ad script. Lat.,
p. 48-49. Ajouter Manilius, V, 369-370 : Ipse quoque, etc. —
Ib., V. 18 : divorum dépend plutôt devotum,. il y a un dédou-
blement de l'idée : Olympus (= divi) solvit divorum votum,
au lieu de : diri sua vota solverunt. — Ib., v. 2^. Il n'eût pas
été inutile de dire que invisae = non oisae. — Ib., v. 45 :
Tiphyn... trementem, cf. Sidon. Apollin, Carm., XI, 5 : tre-
pidus Tiphys. — Ib., v. 48 : et appulsam terris méritait une
explication (voy. Scaliger). — Ib., v. 50 : Vera Syracusis
Salamis. Ne faudrait-il pas lire : Versa (=- eversa) Syracusis
Salainis ? — Ib., v. 64. Une note sur habitabit n'eût pas été
superflue. — Ib., v. 117. M. v. W. semble confondre la
fîstula (« chalumeau, flûte de Pan ») avec les tibiae, qui
n'étaient pas employées par les pasteurs. — Ib., v. 120. J'in-
terprète in nullo sunt otia fructu par otio frui nequeunt,
otio minime delectantur. - Ib.\. 151 : odisse viruni =^ odisse
mrilitatem suam. — fb , v. 324 : scaenae mollior arte ne
veut pas dire : « etia?n facilius se movens, cum in scaena
agit », mais arti/icibus scaanicis mollior : ce grave person-
COMPTES RENDUS 743
nage, lorsqu'il fait la débauche et se met à danser, reni^jorte
sur les acteurs de profession. — //>., v. 314. La variante de G :
rel (leicere devait être prise en considèi'ation : le verbe deiceri'
va bien avec auruentia. — Ib., v. 437-438. L'explication de
Bentley est la bonne; celle de M. v. W. ne s'accorde pas avec
ce qui suit : (v. 439) : Adnumeres etiam. — II/., v. 457 : prae-
leu'tae lege a été bien interprété par Scaliger (« lare aetatis »).
— 76., V. 553. La note sur rruœ virginea ne fait pas sentii-
la force de l'expression. — Ih., v. 573. Lire avec les anciens
éditeurs in Andromeda est {Androrneda pest devenu dans les
vcis's. Andromède). — Ih., v. 593. Lire avec Jacob </«'«. s-.s7'.s— alis
au lieu de quaniis — a Us : lopposition entre les « grandes »
ailes de Persée et la petite taille d'Andromède {rjua7itula
praeda maris) serait du dernier mauvais goût.
P. Thomas.
Albert Dauzat. Essais de gêotiraphie linguistique. Noms d'ani-
maux. Paris, Champion, 1922, in-S^", xii-136 p., 12 cartes
dont 8 en couleurs.
« Le magistral Atlas linguistique de la France doit servir
de base à toute étude de géographie linguistique gallo-romane.
Mais il ne saurait suffire à tout, et il est utile de reprendre
l'édifice en sous-œuvre, chacun dans sa région, pour le com-
pléter, comme ont tenté de le faire notamment MM. 0. Bloch
pour les Vosges, Bruneau pour les Ardennes. Millardet pour
les Landes, Terracher pour l'Angoumois. »
M. A. Dauzat, qui avait déjà publié trois ouvi-ages sur la
dialectologie de la Basse-Auvergne, resserre, dans celui-ci.
les mailles du filet de V Atlas sur les noms d'animaux de la
même région,
La première partie est consacrée aux animaux d'élevage.
L'auteur étudie successivement les noms — souvent extraordi-
nairement variés dans une aire si réduite — désignant cer-
tains mâles : le tavreai' (11 noms pour le midi de la P'rance).
le^ars (12 noms principaux et plusieurs substituts), le bélier
(6 noms), et certaines femelles : \aju)r/enf 1 12 noms pour la
France), la truie (S noms principaux pour le sud-est), la bre-
744 COMPTES RENDIS
bis (3 noms principaux pour la Gaule), Vr/gnrlle {6 noms), la
poîile.
La seconde partie fait connaître et explique l'étonnante
diversité de noms désignant certains reptiles et batraciens : le
lézard gris (15 noms), l'orvet (3 n(^m-<), le fêtard (24 noms), et
quelques insectes : la guêpe (14 noms principaux en Gaule), la
fourmi (7 types), le hanneton (20 noms), le rer -luisant
(16 types).
Pour la plupart de ces animaux, on trouve, à la fin du
volume, une carte clairement dressée, s'étendant souvent bien
au delà des limites de la Basse- Auvergne.
De cette étude minutieuse, basée sur les relevés exécutés
par M. D., se dégagent des conclusions qui confirment et pré-
cisent celles que l'on a déjà établies sur le même groupe de
noms en utilisant l'^^^ft.s-.
On remarque une grande uniformité dans les termes dési-
gnant les animaux de trait ou de boucherie. Le nom du
jeune devient très souvent celui de l'adulte, pour des l'aisons
d'intérêt commercial. Le nom d'un mâle peut s'appliquer à
d'autres espèces, et mémo à des animaux n'ayant guère de
similitude avec le premier (nom de l'oie mâle donné au
taureau).
La variété des termes appliqués à un même animal aug-
mente en raison de la rareté de leur usage. Les aumaux qui
ne sont ni utiles ni nuisibles ne frappent l'attention que par
int-^rmittences, et sont désignés par des noms très divers.
Mots et formes ont constamment voyagé, suivant les grandes
voies de communication, se déplaçant avec les objets dési-
gnés. Les grands cours d'eau non pourvus de ponts s opposent
nettement à ces déplacements. Les pays de montagnes sont le
mieux â l'abri; à l'exception des régions naturellement
pauvres, où l'émigration est intense, et est suivie du retour
des indigènes enrichis.
Enfin, les études détaillées comme celle de M. D. mettent
en lumière certains caractères des patois, la complexité du
langage dans une même localité, la non-concordance des aires
phonétiques et des aires morphologiques, le degré et la nature
de la résistance des divers patois aux actions internes et à
l'attaque de la langue littéraire.
A. ViNCENr.
COMPTES RENDUS 74.%
Joseph Angiade. Histoire sommaire de la littéraiure méridio-
nale au moyen âge (des origines à la fin du XV' siècle),
Paris, E. deBoccard. 1921, I vol in-8°, ix -274 pa^es.
Il semble que M. Anglaile se soit donné pour tâche de doter
les romanistes français d'une série de manuels pour lesquels
ils demeuraient jusqu'ici tributaires de l'Allemagne. Le des-
sein est trop louable pour qu'on n'y applaudisse pas de tout
cœur. Aussi bien, après une Grammaire élémentaire de l'an-
cien français — qui n'a d'autre défaut, à nos yeux, que d'être
« élémentaire » à l'excès — , après une excellente Grammaire,
de Vancien 'provençal, où triomphe sa science profonde de
« provençalisant », il nous offre aujourd'hui une Histoire
sommaire de la littérature raéridionale au moyen âge, qui
sera certes la bienvenue.
Destiné à remplacer l'antique Grundriss de Bartsch, ce
manuel nouveau est toutefois conçu sur un plan assez difïé-
rent. Une première partie, de loin la plus copieuse, comme
bien on pense, est consacrée à un inventaire raisonné de la
poésie lyrique en langue d'oc. On retrouve dans ces pages
l'auteur judicieux et bien informé du meilleur livre de vulga-
l'isati'tn que nous possédions sur les troubadours. Ici toutefois
« la disposition des matières est nouvelle ». M. .\nglade s'est
eftorcé de mettre un peu d'ordre dans ce lyrisme abondant et
touflfu en rangeant par provinces les poètes des origines et du
xii" siècle. Pour le xiir, il adopte un autre principe de clas-
sement et rattache les œuvres poétiques à certains grands
faits d'ordre politique, comme la croisade des Albigeois et
l'établissement du pouvoir royal dans le Midi. Il ne faut évi-
demment voir là qu'un simple procédé d'exposition, mais
notre auteur en tire, dans l'ensemble, un heureux parti.
Sa deuxième partie traite de la poésie non lyrique : didac-
tique, morale et religieuse, épique ou narrative, qui avait
droit, elle aussi, à une place dans son exjiosé. Il la lui accorde,
en la lui mesurant toutefois avec une sage discrétion. On peut
en dire autant de sa troisième et dernière partie, qui examine
les œuvres en prose. Leur manque oi'dinaire d'intérêt justifie
ici une brièveté plus gi-ande encore. Sans doute les sim]i|ps
lettrés négligeront-ils ces pages finales. Les spécialistes, par
contre, se féliciteront d'y trouxei- {maw la pi'emiére fois ras-
746 COMPTES RENDUS
semblés et mis au point des renseignements épai-s et souvent
difficiles à réunir. Il faut donc louer M. Anglade de n'avoir
pas exclu de son livre les xiv'et xV siècles. En dépit de leur
médiocrité artistique, de leur incontestable décadence, les
lettres provençales du moyen âge finissant n'en constituent pas
moins un anneau essentiel dans la chaîne un peu lâche qui
relie le moderne félibrige aux troubadours de l'époque clas-
sique. D'un point de vue historique, elles gardent une impor-
tance qui justifie assfz leur présence dans un tableau d'en-
semble de la production littéraire du Midi médiéval.
La sûreté d'information, la clarté et la méthode dans l'ex-
posé sont les qualités nécessaires d'un manuel de ce genre.
On peut, sans hésitation, les reconnaître à notre auteur : il
a mené à bi-n une synthèse malaisée. S'î science est profonde
et sa doctrine d'excellent aloi. Tout au plus pourrait-on lui
reprocher certaine tendance à admettre trop facilement
l'existence hypothétique d'œuvres perdues et de manuscrits
disparus. (Cf. surtout p. 226 sqq.) Je sais bien qu'il reflète à
tels endroits l'opinion d'un maître des études provençales.
C'est Chabaneau qui, dans une célèbre suite d'articles de la
Revue des langues romanes, dressa jadis l'imposant bilan des
pertes subies, au cours des âges, par la littérature en langue
d'oc. Mais Chabaneau appartenait à une époque encore teintée
de romantisme érudit, et qui se plaisait à ne trouver dans les
œuvres conservées que l'écho d'œuvres antérieures et plus
belles, mais englouties par le temps. Contre cette tendance, à
laquelle Gaston Paris lui-même n'avait pas échappé, s'élève
aujourd'hui le réalisme critique d'un Bédier, et peut-être les
vues de Chabaneau mér teraient-elles, à cet égard du moins,
une attentive revision.
On pourrait regretter aussi que M. Anglade n'ait pas déve-
loppé davantage la partie bibliographique de son ouvrage.
Certes, les indications qu'il donne en bas de page sont détail-
lées déjà. Mais elles ne sont pas complètes, et il en eût peu
coûté pour qu'elles le fussent. Très au fait de la production
scientifique française, l'auteur néglige parfois un peu celle de
l'Italie et de l'Allemagne, tout au moins pour les dix dernières
années. Ceci dit, reconnaissons volontiers qu'il est difficile de
prendre en défaut ce spécialiste averti. Les r-eproches qu'on
peut lui adresser sont menus et véniels. Si nous en notons
COMPTES RENDUS 747
quelques-uns ci-aprés, c'est surtout en vun d'une réédition —
que nous souhaitons prochaine — de son utile et savant
manuel.
P. 25, note 5. Pour éviter toute déconvenue aux débutants.
il aurait fallu indiquer que le livre de Trojel est écrit en
danois. — P. 28. Pourquoi faire suivre symphonie (Vwn point
d'interrogation? Il s'agit de l'instrument de musique connu
dans le Nord sous le nom de ch/fonie ou cifonie, sorte de vielle
dont on peut voir une reproduction, d'après un chapiteau de
Saint-Georges de Bocherville, dans Viollet-le-Duc, Diction-
naire du mobilier, t. II, p. 3(>9. (La définition de Godefroy,
v citonie, est inexacte.) — P. 191, note 2. Il eiit été bon de
signaler que l'étude de Schulz-Gora est à consulter de préfé-
rence dans la traduction italienne, qui cont ent des additions
de l'auteur. — P. 230, note 2. L'édition de 1621 des prétendus
mémoii'es de Geoffroy de Val belle est peut-être moins rare
qu'on ne le dit. Aux « trois ou quatre exemplaires» signalés, il
faut, en tout cas, en ajouter un autre : celui que la Biblio-
thèque Royale de Bruxelles possède sous la cote IL 55204,
n" 3, 4°.
Gustave Chari.ier.
G. Aussems et J. Fleuriaux. Chrestomathie française illustrée,
a l'usage des Athénées, des Collèges et des Ecoles moyennes
4*^ édition, Gand. Vanderpoorten, 1921, in-8°, xxx-72n, p.
Dans une notice consacrée à la première édition de cet
ouvrage {Revue de V instruction publique, 1913, p. 351). j'en
ai dit tout le bien que je pensai^ et j'ai cru pouvoir annoncer
que le livre serait favorablement accueilli parles professeurs
de l'enseignement moyen. Le succès a dépassé mes prévisions,
puisque, malgré le-; circonstances défavorables, les auteurs
sont déjà arrivés ii un quatrième tirage.
Naturellement les événements de ces dernière> années
devaient occuper une large place dans la nouvelle édition;
aussi y remarque-t-on une nouvelle rubrique intitulée : « La
Grande Guerre de 1914-1918 »; et plusieurs morce.iux ont été
ajoutés dans la partie relative à la « Formation morale ». à
laquelle les maîtres doivent veiller aujourd'hui plus que
jamais.
748 COMPTES RENDUS
Je dois dire que les morceaux relatifs à la Grande Guerre
ne s'imposaient pas tous ; quelques uns auraient été avantageu-
sement remplacés par d^s extraits bien choisis des grands
romans de la* guerre, le Feu, Les Croiœ de bois, etc. Dans un
autre ordre d'idées, il est permis de regretter que le chef de la
Pléiade ait été absolument écarté, alors que ses disciples Baïf
et Vauquelin de la Fresnaye sont représentés. De Chénier, le
seul morceau des deux Rats; de J.-M. de Hérédia, un seul son-
net; rien de nos poètes Van Lerberghe, V. Gille, F. Séverin
et d'autres. On me répondra sans doute que de telles critiques
sonttoujouis fort aisées. Aus-i je me garderai bien d'insister;
et je louerai plutôt la méthode des auteurs, si propre à former
le goût littéraire des élèves et à développer leurs facultés de
discernement : au lieu de signaler en passant, au hasard des
notes, des rapprochements à établir entre les textes, ils juxta-
posent divers fragments traitant le même sujet ou faisant voir
ses différents aspects, et permettent ainsi de constater par
quelle diversité de procédés les écrivains obtiennent des
résultats identiques.
Ce qui constitue en même temps la supériorité de ce livre
sur les ouvrages similaires, comme je l'ai dit antérieurement,
ce sont les nombreuses illustrations en rapport direct avec
les extraits et reproduisant quelques beaux coins et monu-
ments, ainsi que des chefs-d'œuvre de peinture et de statuaire
des principaux musées. Les élèves s'intéressent à un manuel
qui leur présente des gravures artistiques et, quand ils dis-
posent d'un moment de loisir, ils se plaisent à le feuilleter et
prennent ainsi le goût de la lecture personnelle. Deux appen-
dices leur seront fort utiles : ils donnent un exposé succinct
de l'évolution de la littérature française au xix* siècle et de
courtes notices biographiques sur les auteurs cités.
J. HOMBERT.
J. Morris-Jones. An Elementary Welsh Grammar. Part. 1.
Phonology and Accidence. Oxford, at the Glarendon Press.
1921, in 12°, XVI- 197 p., 3 sh.
Cette grammaire galloise est relative à la langue moderne
écrite.
La période moderne de la littérature galloise commence au
xiv" .siècle, avec les cywyddau de Dafydd ap Gwiljan qui
COMPTKS RENDUS 74U
rompit avec le style artificiel et archaïque des anciens bardes.
L'œuvre capitale est la traduction de la Bible «lu D' Mor^^an,
parue en 1588. Celui-ci adopta la forme littéraire qui était
employée par les bardes avec une grande pureté, mais il se
laissa influencer par certaines théories étyuiolo<,nques; il
altéra certaines formes traditionnelles, ce qui rendit sa langue
artificielle et l'éloigna de la langue parlée.
La langue écrite a été faussée non seulement pai- l'in-
fluence de théoi'ies étymologirpies inexactes, mais encore par
la substitution de formes dialec'ales aux formes littéraires.
C'est la langue de la tradition dont M. Morris-Jones expose
la phonétique et la morphologie dans ce petit livre.
Celui ci est écrit avec une conscience véritablement rare
dans les travaux de l'espèce : toutes les sources où ont été
puisés les exemples cités sont mentionnées avec précision.
C'est l'heureux développement (Je la pai'tie consacrée au
gallois moderne dans la Welsïi (rrannnar, historical and
comparatii^e, que le même auteur publia en 4^M3.
Y. TODRNEDU.
Paul Graindor. Chronologie des archontes atliéniens sous
l'Empire {Mémoires publiés par la Classe des lettres et des
sciences morales et politiques de r Académie royale de Bel-
giciue, 2® série, t. VIII). Bruxelles, M. Lamertin, li)22,
in-4°, 312 pages.
M. P. Graindor, après des études préliminaires qui témoi-
gnaient d'une patiente recherche, orientée dans une même
direction, nous donne aujourd'hui une chronologie qui fait
suite à celle de W. Kolbe (Die attischen Arrhonten non
293 29'2-:ill30 r. J.-C, Berlin, 1908) et nous mène avec
d'inévitables lacunes jusqu'à la fin du iv* siècle ap. J.-C.
Pour le v^ siècle, nous n'avons que deux noms, tous deux
connus par des textes littéraires, qu'on y puisse rappoi'fer
avec certitude : Théagénés, qui, en son enfance, vit encore
célébi'er les Panathénées; Nikagoras, sous l'archontat de qui
mourut le philosophe Pi-oklos (484-485).
On ne disposait jusqu'à présent, pour l'époque impériale,
que de la liste dressée par V. von SchoefiFeren 18W) (Knn/clo-
750 COMPTES RENDUS
pèdie de Pauly-Wissowa, II, .v. v. Archontes, p. 593-598).
Gomme il arrive souvent, en dépit même de l'auteur qui mul-
tiplie en vain les signes d'incertitude, une liste, où en face de
chaque année est inscrit un nom, induit en erreur l'érudit qui
ne la contrôle point, parce qu'il ne se doute pas de l'ampleur
des approximations. J'ai pu m'aperce voir jadis que deux
archontes, datés par v. Schoeffer de 19-18 et 15-14, devaient
être remontés de prés d'un siècle (cf. Graindor, n*' 209 et 210)
et M. Graindor a constaté que bien peu d'archontes, même
parmi ceux dont la date était donnée comme certaine, demeu-
raient en la place qui leur avait été assignée. Il nous donne,
lui aussi, une table par ordre chronologique (p. 291 et suiv.);
mais comme, dans les pages précédentes, il nous fournit toutes
les pièces du procès, on n'aura nulle excuse si l'on en fait un
usage maladroit.
Pour arriver à ce classement, même approximatif et dont
on ne se dissimule pas les incertitudes, il a fallu un énorme
labeur. Le tome III des Inscriptiones graecae, où W. Ditten-
berger a recueilli, en 1878 et 1882, \q's, inscriptiones atticae
aetatis romanae, est, à première vue, quelque peu rebutant :
peu de décrets, des dédicaces et surtout dos catalogues, parmi
lesquels d'interminables catalogues éphébiques où des homo-
nymies répétées déroutent et énervent. Il s'y ajoute les
inscriptions exhumées depuis à Athènes, et aussi à Delphes et
à Délos, et quelques textes litéraires. M. Graindor a procédé à
une révision totale de tous les documents et il a dressé
(p. 307-308) une liste significative de toutes les inscriptions
qu'il a restituées ou corrigées. Il a dû ensuite utiliser et
éprouver ces matériaux et en extraire tous les indices qu'ils
pouvaient fournir pour la tâche précise qu'il se proposait.
Pour critiquer utilement une étude de ce genre, il faudrait
refaire le travail et ce serait peine inutile, car la méthode de
M. Graindor nous offre toute sécurité. On s'attarde avec plai-
sir aux pages d'introduction, où il nous fournit d'intéressants
renseignements sur l'archontat à l'époque impériale. L'ar-
chonte élu est à l'ordinaire un riche personnage qui doit faire
face à de multiples dépenses : mais les Athéniens fortunés esti-
maient que l'exercice de la magistrature suprême valait bien
quelques sacrifices. Sans doute il y a d'assez fréquentes dvap-
xiai, six connues de 83 au début du iir siècle, mais, à tout
COMPTES RENDUS TT.I
prendre, Athènes s'en tire mieux que bien des cités de Grèce
ou d'Asie Mineure. De nobles étrangers tiennent à honneur
d'y devenir magistrats éponjmes : Domition, Hadrien. Gai-
lien, les princes thraces Kotys et Rhœmetalkas (n"'^ 10 et 39),
sans compter le célèbre Philopappos (no 66).
Nous voyons ainsi qu'Athènes jouit encore d'un grand ])res-
tige. A une époque qui n'est pas très lointaine, on en arrêtait
l'histoire à la bataille de Chéronée. Après cette date, « Ath'iies
s'en va », s'écriait pathétiquement V. Duruy, et M. A. Croiset
écrit encore dans son étude sur les Démocraties antiques :
« Athènes nest plus que l'ombre d'elle-même. Elle continue
de nommer des archontes et de tenir des assemblées; mais elle
n'est alors, en réalité, qu'un musée et une école. » M. Fergu-
son nous a enseigné que l'Athènes de l'époque hellénistique
méritait bien d'être étudiée : mais il s'arrêta à la prise de la
ville par Sylla, comme si tout était fini après ce qu'on appelle
volontiers le dernier soubresaut du « nationalisme » athénien.
Voici que M. Graindor attire notre attention sur « la vieillesse
encore verte d'une cité qui, dans la mesure de ses forces, con-
tinue à transmettre aux générations suivantes l'éclat le sa
grandeur passée». 11 souhaite que son étude chronologique
« facilite les recherches relatives à l'histoire d'Athènes sous
l'Empire ». Cette histoire, nous espérons qu'il ne laissera à
nul autre le soin de l'écrire.
P. Roussel.
A. Lesmaries. Dimkerque et la plaine maritime aux temps
anciens. Introduction. Avec une lettre préface de M. Ca-
mille JuLLiAN. Dunkerque. Imprimerie du Nord Mari-
time, 1922, in 8'J, vi-132 pp.
Deux considérations préliminaires s'imposent en tète de ce
compte-rendu. La première, c'est que le gros de l'ouvrage est
encoresur le métier. En effet. M. L. ne nous donne ici qu'une
introduction à l'histoire de Dunkerque et de la plaine irari-
time (dunkerquoise) aux temps anciens. Quoiqu'il ne nous
indique nulle partie terminus ad quciêi de son travail, on
peut inférer de certaines allusions à de^ faits de date tout à tait
récente (les élections belges de 1921 par exemple) qu'il compte
étendre ce passé jusqu'à nos jours. La seconde considération.
7£)- COMPTES RENDUS
c'est que l'auteur possède de solides qualités d'historien local ;
cette introduction prouve amplement qu il est de force à
mènera bonne fin le travail entrepris. Dans ces circonstances
ne sui>-je pas autorisé à parler en toute Irauchise des défauts
de méthode qui menacent de compromettre gravement la
valeur de son œuvre?
Cet opuscule se divise en deux parties, la première traitant
du passé, du milieu, de la formation géologique de la plaine
dunkerquoise; la seconde de l'origine ethnographique des
habitants qui s'installèrent sur le sol abandonné par les flots.
Pour la première partie l'auteur pouvait se servir de travaux
de première valeur — i. a. ceux de MM. Blanchard, Cornet,
Massart et Rutot — qui d'un point de vue plus large avaient
étudié les problèmes qu'il devait exposer. M. L. l'a fait de
façon consciencieuse et intelligente, ne leur empruntant que
les informations d'intérêt réel pour la zone restreinte qu'il
traite, complétant ci et là leur documentation par des données
locales nouvelles. C'est de façon simple et claire que l'auteur
décrit d'après les travaux les plus récents et les plus scienti-
fiques la formation géologique du sol dunkerquois, depuis
l'âge silurien Jusqu'à l'apparition des dunes pleistocènes de
Ohyvelde et la constitution des alluvions tourbeuses, le
premier des dépôis modernes. Il aban lonue donc le sol au
moment où l'homme pourra établir son habitat sur la plaine
tourbeuse qui a pris la place du « golfe de Dunkerque ».
La seconde partie est intitulée : « Les antiques légendes et
les variations de l'histoire ». Comme le titre l'indique suffi-
samment, l'auteur, dans son exposé concernant les origines
et la race de la population dunkerquoise, procède par la
négative, par l'absurde. En réalité il ne fait que déblayer le
terrain, mais il le fait avec conviction, ne ménageant pas ses
coups de balai.
Dés les premières lignes de cette partie les défauts auxquels
je faisais allusion tantôt sautent aux yeux. Tout d'abord
M. L. fait du travail à thèse, ostensiblement même, car il
renchérit à plaisir sur la force des arguments en recourant
au sarcasme et au ton-haut. M. L. n'admet pas la théorie des
races. Je serai le dernier à lui jeter la pierre à ce propos.
Après les brillants travaux de Deniker, Brunhes, Jullian,
Flach et autres savants que l'auteur connaît et cite à bon
COMPTES RENDUS 753
droit, qui n'admet que le rôle de la race dans la causalité
historique n'ait été démesurément exagéré, dans des buts
politiques parfois, souvent même, d'autres fois pour satisl'aire
à la mode régnante dans l'historiographie de l'époque? Mais
était-il vrai ment nécessaire à propos de l'histoire deDunkerque
de s'appesantir tellement sur cette question compliquée des
races? Fallait-il exposer et réfuter à grands mots toutes les
légendes, même les plus fantaisistes, créées au cours des siècles
par quelqu(^ imagination féconde ou facile, toutes les hypo-
thèses, même les plus grotesques, qui depuis le moyen âge
jusqu'à nos joui's furent émises au sujet de l'origine des
Belges, des Celtes, des Germains? Depuis Pline, Strahon,
Suétone, jusqu'à M. Barrés, A. France, L. Pierard, Rudiger
et le député allemand Breitscheid, quelle suite hétéroclite de
témoins cités au banc de l'accusation pour donner le coup de
grâce aux légendes pernicieuses, aux hypo'hèses méchantes !
Que des sciences auxiliaires aient osé donner l'appoint de
leurs conclusions favorables à l'une ou l'autre de ces théories,
il ne leur fallait pas davantage pour être immédiatement
répudiées par l'auteur. Et au milieu de cet exposé et de cette
démolition de légendes, ou doit se demander si l'auteur, en
poursuivant la démonstration de sa thèse favorite, n'a pas
oublié qu'il fait œuvre d'historien local, car à peine une ou
deux légendes sont plus spécifiquement dunkerquoises.
Je ne ferai pas à M. L. l'injure de croire que c'est incon-
sciemment qu'il combat des moulins à vent et que dans ce but
il outrepasse les limites géographiques restreignant le champ
de ses investigations historiques. Je crois plutôt qu'il a sacrifié
à sa nature combattive, à un besoin instinctif de faire du jour-
nalisme. Sans doute peut-il invoquer l'excuse — plus com-
préhensible que justifiable — d'avoir rédigé ce chapitre sous
l'impression encore toute-puissante des jours douloureux de
guerre. Il n'aurait plus d'excuse s'il faisait du thème déve-
loppé dans ces chapitres le leitmotiv de toute son (puvre.
Que M. 1>. se convainque donc bien que l'histoire n'est ni de
la politique combattive ni du journalisme tapageur. Quil .'^e
l'ésigne à s'acquitter simplement de sa tâche, modeste peut être,
mais combien compliquée, d'historien local, sans se laisser
entraîner désormais à des considérations et des diatribes qui
sentent la presse ou la tribune. Qu'il i-enonce a tous hoi-s
48
754 COMPTES RENDUS
d'œuvre et se pénétre des limites géographiques, chronolo-
giques et scientifiques dans lesquelles il doit se cantonner :
alors l'œuvre qu'il nous fournira sera une contribution pré-
cieuse à l'histoire de sa patrie et du comté de Flandre.
Un second défaut sur lequel il faut bien attirer l'attention,
quoiqu'il soit plus facilement remédiable, se reflète déjà dans
la première partie de cette introduction. C'est le mode d'emploi
et de référence des sources. Il n'est pas recommandable de
rejeter les notes bibliographiques à la fin de chaque chapitre,
encore beaucoup moins de les classer suivant l'ordre alphabé-
tique des noms d'auteurs. Pour qui veut contrôler les sources
utilisées, n'est-il pas énervant de ne pas en trouver l'indica-
tion au bas ou en marge de la page elle-même et de les voir
citées sans ordre numérique ? Qu'on prenne une page au
hasard et les notes viendront dans l'ordre suivant, par
exemple, 5U, 3, 22, lU, 20. Il n'y a pas que le mode de renvoi
aux sources qui soit défectueux, le mode d'indication et d'em-
ploi des sources appelle également certaines critiques. Quelle
incurie dans la transcription des noms d'auteurs ! (Ligebert
de Gembloùrs, Repsaet, Gheldor/f, G^selle, Fortucatus, von
Schrieck, etc.). Que de travaux cités de seconde main (dans
certains chapitres 50 p. c), et encore cités d'après des travaux
vieillis, dépourvus de critique, même d'après des comptes
rendus, voire des journaux ! C'est le Figaro qui documente
l'auteur sur le Frontpartij et le XIX' Siècle (sicj qui le ren-
seigne sur la FlamenpoUtiU de Rudiger, car sans recours au
mouvement activiste peut-on expliquer les origines ethnogra-
phiques de la population dunkerquoise ? C'est un ouvrage sur
l'Ethnogénie qui lui fournit les stipulations de la loi salique,
tandis que Maurevert lui transmet des phrases lapidaires
d'Anatole France.
.Je pourrais multiplier les exemples. Ils suffisent pour
prouver qu'il y a ici de l'incurie, inadmissible dans un ouvrage
sérieux, d'autant plus regrettable qu'elle se serait en grande
partie évitée de soi-même, si l'auteur n'avait pas brisé le
cadre qu'il s'était tracé lui-même et avait maintenu l'objecti-
vité, indispensable à toute œuvre historique.
Il ne tient qu'à M. L. de nous donner un travail solide et du
meilleur aloi. Il a de l'heuristique; il possède une biblio-
graphie bien fournie; il a vu quantité de documents; il a
COMPTES RENDIS 755
l'esprit de travail, il a le talent de bien grouper ses données
et d'exposer son sujet avec clarté. A chacun sa tâche. Je
regrette que la mienne fût si ingrate. Que l'auteur, dans le
prochain fascicule, obvie aux défauts qu'à mon grand regret
i'ai dû signaler ici. Il me rendra ma tâche moins pénible et
assurera à son travail l'accueil bienveillant que ses fortes
qualités méritent.
Henri E. de Sagher.
Ch. Bémont et G. Monod. Histoire de l'Europe aie moyen âge
(.395-1270), nouvelle édition refondue. Paris, Alcan, 1921,
in-l^î, xxvii-456 pages.
La nouvelle édition de cet excellent manuel se présente sous
une forme un peu plus abrégée et avec un plan simplifié,
mieux adapté à la suite et au groupement des faits, l.e fond
même n'a guère subi de modifications : l'histoire des institu-
tions et des mœurs occupe toujours une large place et le haut
moyen âge est traité avec un soin spécial. Après une esquisse
de l'empire romain et du monde barbare à la fin du iv* siècle,
on trouve exposées en détail les grandes invasions. Quel jues
pages sont consacrées à l'empire romain d'Orient au vi® et au
viP siècle et à l'expansion des Arabes et de l'islamisme. Le
rôle des Carolingiens est fortement mis en relief et les causes
de la décadence carolingienne sont bien détaillées. Le régime
féodal fait ensuite l'objet de plusieurs chapitres solides et inté-
ressants.
L'histoire de l'Allemagne et de l'Italie du x"" au xiii'' siècle
se résume essentiellement dans la lutte entre l'Empire et la
Papauté. L'orient chrétien et musulman est étudié surtout au
point de vue de ses rapports avec l'Europe, de sorte que les
croisades font l'objet d'un récit continu et instructif.
Une atteution toute particulière est accordée à l'évolution
de la France du xi° au xiir siècle, tandis que les principaux
faits qui ont marqué les autres pays de l'Europe au xiii" siècle
tiennent en quelques paragraphes synthétiques. Le manuel se
termine par un aperçu de l'organisation et des tendances de
l'Église romaine au xiir siècle et par une vue générale de la
civilisation chrétienne et féodale.
756 COMPTES RENDUS
En tête de chaque chapitre important figure la liste des
principales sources et des ouvrages à consulter, et le volume
comprend en outre une bibliographie générale, en guise d'in-
troduction, et un répertoire alphabétique des institutions qui
rendra de réels services au lecteur désireux de suivre l'évolu-
tion de tel ou tel phénomène historique ou de procéder à des
comparaisons.
H. Vander Linden.
Gabriel Hanotaux. histoire de la Nation Française; tome III:
Histoire politique des origines à 1515, par P. Imbart de
LA Tour. Paris, s. d. [1921], in-4°.
Pour donner une Histoire de la nalion française, M. G. Ha-
notaux s'est adressé à des collaborateurs de grande valeur. Si
l'on en juge d'après le volume que nous avons sous les yeux
leur œuvre est à la hauteur de leur réputation.
S'il nous était toutefois permis de reprocher quelque chose
à M. Hanotaux, nous exprimerions des regrets au sujet du
plan auquel il s'est arrêté. Des volumes séparés confiés à des
érudits différents traitent successivement : la géographie
humaine, l'histoire politique, l'histoire militaire, l'histoire
coloniale et diplomatique, l'histoire religieuse, l'histoire éco-
nomique et sociale, l'histoire des arts, des lettres et des
sciences. Ces distinctions ont quelque chose d'artificiel; elles
ont le grand inconvénient de ne pas permettre l'exposé d'un
problème sous ses diverses faces et dans toute son ampleur.
En faut-il un exemple? Que le lecteur lise attentivement le
chapitre — très remarquable, d'ailleurs, à bien des égards —
consacré par M. Imbart de la Tour à 1' « Emancipation popu-
laire >. Pour n'avoir pu traiter résolument le problème sous
i^on aspect économique l'auteur n'a pas réussi à donner des
origines et de l'évolution des constitutions ui haines un tableau
complet et qui se tienne.
Le volume de M. Imbart de la Tour, qui seul doit nous occu-
per ici, a de très grands mérites. Nous en louerons la docu-
mentation abondante et sûre, la clarté de la conception, l'esprit
de synthèse, la langue élégante, qualités dont ne s'étonneront
pas ceux qui ont pratiqué les ouvrages antérieurs de l'auteur.
Disons aussi combien il faut apprécier chez un érudit qui se
COMPTES RENDUS 757
réclame visiblement de la docti-ine providentielle de l'his-
toire une volonté constante d'impartialité. Sans doute on
songe en le lisant aux Gesta Dei per FrcDicos, mais pas une
fois nous n'avons surpris l'historien à «solliciter doucement
les textes », pour parler avec Renan. La lecture s'achève sur
une impression de science et de probité intellectuelle.
Il y a néanmoins dans le volume dont nous rendons compte
plus d'une opinion qui appelle des réserves; ces réserves sont
d'autant plus indispensables que même lorsque M. Imhart de
la Tour développe les idées qui lui sont le plus personnelles,
il ne s'en explique jamais en note.
C'est ainsi que, par exemple, l'auteur professe une doctrine
originale en ce qui concerne les subdivisions territoriales de
l'Etat franc : à l'époque mérovingienne il voit dans la cité,
l'ancienne cii'itas romaine. « l'unité cellulaire de l'État »
(p. lt)2), la circonscription administrative par excellence. Les
cités paraissent à ses yeux s'être transformées en comtés à
l'époque de Charlemagne; \es, pagi qu'il distingue des comtés
auraient été des subdivisions des cités, administrées par des
vicarii (p. 220).
C'est là une conception assurément toute nouvelle et l'on
aimerait connaître les sources qui lui servent de base. Nous
avions toujours considéré pagus comme sj'^nonjme de comî-
tatus et nous pensions que dès l'époque mérovingienne, beau-
coup de cités s'étaient déjà décomposées en plusieurs comtés.
Nous nous demandons aussi s'il est bien juste d'écrire
comme le fait M. Imbart de la Tour (pr 230-232) que « Charle-
magne appartient à la France ». On n'aime guère ces
annexions rétrospectives sous la plume d'un historien. Rien,
d'ailleurs, n'est moins national que le pouvoir et l'empire de
Charlemagne!
Est-ce aussi l'endre exactement la notion juridi |ue du fief
que parler de « propriété conditionnelle » (p. 304) et est-il
exact d'écrire les mots «dédoublement du droit de propriété »
à propos du domaine éminent et du <ioinaine utile ip. 268)?
Nous ne le pensons pas : quand une terre est concédée en fief
ou en tenure roturière, il y a « démembrement de la pro-
priété » : celui qui concède la tenure et qui tient en alleu la
terre dont il a le domaine éminent, est, à nos yeux, seul
« propriétaire ». Le tenant, vassal ou censitaire, n'a que le
758 COMPTES HEND[iS
domaine utile, un certain droit de jouissance, ii est une
manière de « possesseur », mais il ne nous paraît en aucune
façon titulaire d'un droit de propriété.
Arrêtons ici nos critiques pour signaler au lecteur certains
passages où M. Imbart de la Tour nous semble avoir insisté
d'une manière heureuse sur quelques idées particulièrement
justes : notamment (p. 205 et ss.) le caractère religieux,
presque ecclésiastique à certains égards, de la monarchie de
Gharlemagne (p. 206 : « l'Etat n'est que la société chrétienne
politiquement organisée »). Citons encore les pages au cours
desquelles l'auteur se refuse à reconnaître dans les races, des
lacteurs déterminants de l'histoire de France(p. 136, 137, 237).
Citons surtout vers la fin du volume l'excellent chapiti'e inti-
tulé Le Souverain et consacré aux ti'ansformations de la
monarchie au xiV* siècle, de Philippe le Bel à Charles V.
L'influence exercée par le droit romain sur cette évolution est
développée avec un véritable talent.
Le volume de M. Imbart de la Tour, s'il contient des parties
qui appellent une prudente réserve, n'en rendra pas moins de
très réels services. Il a le grand mérite d'être un livre à idées,
un livre qui fait penser. L'historien le lira avec profit et — ce
qui ne gâte rien — il le lira avec plaisir.
François L. Ganshof.
Marc Bloch. Rois et Serfs. Un chapitre d'histoire capétienne.
Paris, Champion, 1920, in-8% 224 p.
11 existe dans l'histoire du droit un nombre assez considé-
rable de questions essentielles qui n'ont point fait l'objet
d'études approfondies, mais à propos desquelles circulent
quelques idées simples que se transmettent scrupuleusement
les manuels; tout le monde les admet, alors qu'en réalité
elles manquent de tout fondement. Telle l'idée que Louis X
le Hutiu et Philippe V le Long aui'aient, par deux ordonnances
célèbres du 3 juillet 1315 et du 23 janvier 1318, affranchi tous
les serfs du domaine royal.
C'est en passant ce lieu commun au crible de la critique
que M. Bloch a été amené à nous donner un travail d'ensemble
sur la politique des rois capétiens vis-à-vis de leurs serfs.
Proclamons tout de suite que cette étude constitue une contri-
COMPTES RENDUS l'>9
biition de premiep ordre à l'histoire de la condition des
personnes et en particulier des classes rurales en France aux
XIII» et xiv siècles. Elle se recommande par l'inliexible
rigueur de la méthode et la prudence des hypothèses; l'infor
mation est abondante, siire, originale, puisée pour une p:irt
très considérable dans des documents d'archives inédits
(Trésor des Chartes, Registres du Parlement, débris au dépôt
de la Chambre des (Comptes, etc.) ; la limpidité de la langue
rend particulièrement aisée la lecture de ce volume.
Avant d'aborder l'exposé même de la politique servile des
rois de France, M. Bloch s'est, avec raison, préoccupé, dans
un premier chapitre, de définir le servage et d'analyser les
principales charges personnelles qui pesaient sur lui ; cliemge
(dit aussi capltation), fonnariage, mainmorte, ce dernier
droit étant seul, de tous les droits domaniaux, exploité en
régie au xiii* siècle.
Les ressources que ces redevances procuraient aux Capé-
tiens se révélèrent tout à fait insuftisantes dés que la monar-
chie dut faire face à des dépenses nombreuses : c'est-à-dire
à partir des règnes de Philippe- .\uguste, et surtout de Saint-
Louis : le développement de l'administration et la grande
politique royale exigeaient des revenus plus abondants. Il
y avait un moj^en commode de se les procurer : c'était de
vendre la liberté aux serfs du domaine. Le moment, d'ailleurs,
était favorable: les classes sociales prennent au xiii'' siècle
un caractèi'e plus rigide qu'auparavant, ce qui ne pouvait
manquer d'inciter les serfs, conscients de leur condition
inférieure, à secouer « le vilain joug de servitude ». D'autre
part, l'accroissement de la richesse dans les villes et la prospé-
rité des campagnes devaient fournir aux serfs désireux
d'acquérir la liberté, de nombreux bailleurs de fonds en quête
d'une opération intéressante. Tant il est vrai, comme le dit
M. Bloch(p. 48),que « le nombre des affranchissements fut, en
dernière analyse, fonction des conditions économiques du lieu
et du moment ».
S'il y eut, ;i partir de Louis VL Louis VII et surtout de
Philippe-Auguste, non seulement des affranchissements indi-
viduels, mais quelques mesures collectives, ce n'est guère
cependant que sous le règne de S »int-Louis que l'on peut parler
d'une véritable poliliijue royale en celte matièi'e.
760 COMPTES RENDUS
De 1246 à 1263, M. Bloch relève et analyse quatre srandes
manuraissions générales : l'une dans les environs de Paris
(1246-1263), la seconde en Beauce (1262), la troisième portant
sur 87 villages de la Châtellenie de Pierrefonds (1255, sept.),
la dernière sur 41 villages du Laonnois (1258-1260). On
aurait tort de voir en elles des œuvres de piété; M. Bloch
nous paraît avoir établi de manière indiscutable leur carac-
tère d'opérations financières. Il a même eu la bonne fortune
de pouvoir établir dans deux cas le prix de l'afiranchis-
sement : 5 p. c. de l'ensemble de la fortune pour les serfs
roj'^aux de la Châtellenie de Pierrefonds; 10 p. c. de l'en-
semble des biens meubles pour les serfs royaux de Paray en
Laonnois.
On n'ignore pas que Philippe le Bel connut des beso'ns
d'ai'gent infiniment plus considérables que ses prédécesseurs.
Pour y faire face les légistes de son entourage orientèrent la
politique financière dans un double sens : recourir d'une façon
plus régulière aux finances extraordinaires, exploiter plus
intensivement les produits réguliers da domaine D'où la
perception en régie des droits de mainmorte et de formariage
par des fonctionnaires spéciaux. D'où, également, de véri-
tables campagnes d'affranchissements.
L'activité des collecteurs des mainmortes et fortnariages
— qui apparaissent dès 1282 — n'assui'a qu'un rendement très
faible. Plus de 18 p. c. du produit étaient d'ailleurs absorbés
par les frais de perception, sans compter les frais de justice
éventuels.
Ce fut seulement en leur vendant la liberté que le roi tira
des serfs du domaine des ressources sérieuses.
Ces affranchissements firent sous Philippe le Bel et sous ses
fils l'objet de campagnes correspondant généralement à une
période de crise politique. Des commissaires spéciaux choisis
parmi les fonctionnaires importants de l'administration
royale étaient envoyés dans les provinces : leurs lettres de
commission leur assuraient les pouvoirs nécessaires pour
accorder aux serfs la liberté, voire même pour leur imposer
une contribution spéciale s'ils préféraient conserver leur
condition première. Des compagnies de banquiers, tels les
Floi'entins Biccio {Biche) et Musciato (MoucliC) Guidi dei
Francesi, assurèrent parfois le recouvrement des deniers et
COMPTES RENDUS 761
leur versement au trésor royal, notamment lors des nianu-
missions dans le Vermandois entre 1291 et 1296.
Malgré l'état fragmentaire des soni-ces (quelques lettres de
commission et des analyses de comptes), M. Bloch a pu étudier
un certain nombre de ces campagnes de manumission
entreprises dans un but fiscal par les derniers Cajjétiens
directs.
Sous Philippe le Bel : celle de 1291 à 1296 dans le Verman
dois; la tentative sans doute avortée de 1299 dans les séné-
chaussées d'Albi et de Toulouse (taux de l'aifranchissement :
33 p c. de l'ensemble des biens!); la campagne de 13U2 (à la
suite de la bataille de Courtrai), dont M. Bloch a retrouvé les
traces pour le bailliage de Caen, les sénéchaussées de
Toulouse, Carcassone, Beaucaire, A.gen, du Rouergue, de
Gascogne, et pour la Champagne.
Sous Louis X : les campagnes de 1315 dans les bailliages de
Sentis et du Vermandois.
Sous Philippe V : la campagne de 1318 dans le bailliage de
Senlis
C'est à ces campagnes que se rapportent les textes célèbres
qui passent pour avoir affranchi en 1315 et en 1318 lous les
serfs du domaine royal.
En rapprochant ces deux textes de quelques au:res textes
et notamment du célèbre Inventaire de Robert Mignon,
M. B och a pu établir, de la manière la plus certaine, que ces
soi-disant ordonnances étaient simplement des lettres de
commission.
Celles du 3 juillet 1315 (Ordonnances des Rois de France,
I, p. 583) étaient données à Nicolas de Braye et Saince de
Ghaumont, commis pour traiter des affranchissements dans
le bailliage de Senlis. Le même jour (Bloch : op. cit. P. J.
N" IV) de^ lettres tout à fait analogues étaient remises à
deux, clercs royaux, Philippe le Convers et Michel Maucon-
duit, commis aux affranchissements dans le bailliage de
Vermandois.
La soi-disant ordonnance du 23 janvier 132S [Ordonnances,
], p. 653) n'était autre' chose que de nouvelles lettres données
aux clercs royaux Anseau de Morienval et Nicolas de Braye
pour l'affranchissement des serfs royaux dans le bailliage de
Senlis.
762 COMPTES RENDUS
Ces textes célèbres que l'on s'était, avec Guizot, accoutumé
à considérer comme un acte de politique presque libérale et
dont la portée s'étendait à tout le domaine, sont donc ramenés
à leurs véritables proportions : simples pouvoirs accordés à
des commissaires chargés d'une mission fiscale dans deux
régions bien déterminées.
Que l'on ne se laisse pas tromper par les préambules de ces
actes : M. Bloch les analyse avec une remarquable précision.
Simples arengae sans rapport avec le dispositif, conçues
dans la rhétorique chère aux clercs de l'époque, leur caractère
général n'est dii qu'à des emprunts faits à Ulpien ou à des
formulaires dont l'auteur retrace l'histoire. Il est impossible
d'en tirer un enseignement.
L'exposé — bien imparfait — des idées directrices de Rois
et Serfs permettra, nous l'espérons, de saisir tout l'intérêt de
l'ouvrage et toute l'importance de ses conclusions Ce n'est pas
seulement un aspect important de l'histoire du droit que
M. Bloch a contribué à mieux faire connaître, mais aussi —
et peut-être surtout — un chapitre essentiel de l'histoire
financière de la royauté capétienne qui nous est révélé pour
la première fois. Il convient d'en être reconnaissant à l'auteur.
Celui-ci ne nous en voudra cependant pas de lui adresser
une critique et un souhait. Dans l'exposé rapide de ce qu'était
le servage, placé par M. Bloch au début de son volume, il
nous paraît présenter la société rurale française « au temps
des Capétiens » sous un aspect un peu simpliste. Il la divise
en « deux grandes espèces d'hommes : des hommes libres et
des serfs ». Nous avons l'impression que la série des condi-
tions juridiques comporte plus de nuances entre l'homme
entièrement libre et le serf qui se trouve tout au bas de
l'échelle desdemi-libres.il nous paraît que l'on peut distinguer
plusieurs états intermédiaires. C'est un fait que l'on remarque
surtout aux xi^ et xir siècles, mais qu'il est certainement
possible de constater encore au xin*^.
Sans doute était-il difficile de traiter de façon complète de
la condition des personnes dans un chap.tre d'introduction,
forcément sommaire. M. Bloch, nous en sommes convaincu,
reviendra sur la question dans l'important ouvrage qu'il nous
laisse espérer sur Les populations rurales de l'Ile de France
à l'époque du sercage. On y trouvera aussi, espérons-le, une
COMPTES RENDIS 763
étude approfondie de l'origine des redevances personnelles,
chevage, formariage, mainmorte. Le talent et l'érudition avec
lesquels l'auteur nous parle de ces redevances aux xiii' et
XIV® siècles nous font attendre avec impatience des vues aussi
originales et aussi lumineuses sur les origines de ces charges
serviles.
Pour conclure, nous n'hésitons pas à qualifier le volume de
M. Bloch de travail de premier ordre. Quelques pièces
justificatives inédites — peu nombreuses et importantes — le
rendent plus précieux encore et un excellent index alphabé-
tique en facilite considérablement la consultation.
François L. Ganshof.
Dénombrements des feux des duché de Luxembourg et comté
de C/unij. Tome 1. iJocuments fiscaux de 1306 à 1537 réunis
par Jacqdes Grob, publiés avec des additions et corrections
de Jules Vanneru^. Bruxelles, Kiessling et Imbreghts,
1921, in-4°. xi-7^'6 pages. {Commission royale d'Histoire.)
Comme toutes les institutions officielles, la Commission
royale d'histoire a dû ralentir considérablement, depuis la
gueiTe, sa remarquable activité d'antan en matière 'le publi-
cations. La modicité de ses ressources l'a obligée momentané-
ment à renoncer à toute entreprise nouvelle et à se consacrer
entièrement â la liquidation du passé, à l'achèvement des
travaux dont l'impression avait été arrêtée eu 1914. C'est ainsi
qu'en 1921 elle n'a pu livrer à la publicité qu'un seul volume,
celui qui fait l'objet de ce compte rendu.
Comme le titre l'indique, il est principalement l'œuvre de
Jacques Gi'ob, l'ancien curé de Bivingen (Grand duché de
Luxembourg), un érudit qui avait consacré de longues années
aux recherches d'histoii^e luxembourgeoise. Sans la guerre,
il est certain qu'il aurait pu mettre lui-même la dernière main
à son œuvre dont l'impression était arrivée à la page 6l0
(commencement de la table onomastique).
Le pauvre Grob mourut un an après le début des hostilités
et 11 Commission royale d'histoire dut faire appel h la bonne
volonté d'un de ses collaborateurs pour achever le travail.
A vrai dire, elle ne fut pas embarrassée longtemjjs pour
trouver ce collaborateur. Depuis longtemps, elle avait pu
764 COMPTES RENDUS
s'assurer de la compétence particulière qu'avait acquise en la
matière M. Jules Vannérus. Indépendamment d'un rapport
préliminaire sur la publication des dénombrements luxem-
bourgeois qu'il avait présenté à la Commission en 1901,
M. Vannérus s'était signalé par tant de travaux méritoires
sur l'histoire de l'ancien duché qu'il n'y eut qu'une voix pour
l'appeler à prendre la succession de M. Grob. Il accepta sans
hésiter, ne se doutant pas, à ce moment, que la succession
était quelque peu obérée.
C'est une tâche désagréable pour un critique que celle qui
consiste à se montrer sévère pour un mort. Mais il ne servirait
à rien de vouloir cacher la vérité. La maladie dont M. Grob
était atteint depuis longtemps ne lui permit pas de donner
tous les soins voulus à la revision de ses épreuves. Les cent
pages d'additions et de corrections que M. A^'annérus a dû
ajouter au texte de M. Grob démontrent à satiété l'imperfection
de l'œuvre primitive et le dévouement éclairé de celui qui a
assumé le rôle ingrat du continuateur.
Ceci dit, jetons un coup d'œil sur le contenu du volume.
Il comprend, naturellement, avant tout, des dénombrements
de feux, destinés, en resfiéce. à servir de base à la répartition
des aides accordées au souverain par les Etats de Luxembourg.
Au nombre de sept, ils s'échelonnent sur les années 1473
à 1537. Faisons observer cependant que le relevé de 1473 n'est
pas un dénombrement proprement dit. Ce n'est qu'une répar-
tition de l'aide, donnant pour chaque localité, comme le docu-
ment qui nous a servi pour fixer le nombre des foyers du Bra-
bant en 1492, l'irnoort de la contribution. La taxe due pour
chaque feu étant de 12 sols, il a suffi d'une simple division
pour obtenir le nombre de feux de chaque coaimunauté.
11 semble établi d'ailleurs que le sens du mot feu ait pris de
bonne heure dans le Luxembourg le sensd'wmYe d'imposilion.
Alors qu'en Brabant, pendant tout le xV et même pendant la
première moitié du xvi" siècle, le feu ou foyer correspond à
la maison, l'apparition, dès 15U1, dans les dénombrements
luxembourgeois de demi ménages démontre clairement que
ces documents ont perdu dés lors leur valeur démographique
pour ne conserver que leur importance fiscale.
Aux dénombrements proprement dit», l'abbé Grob a ajouté
des documents de deux espèces : 1° ceux que l'on peut con-
COMPTES RENDUS 765
sidérer comme des annexes directes des dénombrements, des
pièces justificatives, nominations, ordonnances, sentences ou
extraits des comptes rendus par les receveurs; ou bien encore
des déclarations particulières dressées dans les diflérentes
localités par les seigneurs ou par des commissaires désignés
par le Conseil de Luxembourg pour servir de base au dénom-
brement. Ces déclarations qui constituent des listes d'habitants
n'existent que pour les dénombrements de 1528 et de 1531 et
sont loin d'être au complet. 2° Des documents très intéressants,
mais qui ne présentent — sauf un seul sub e — qu'un rapport
indirect ou très éloigné avec les dénombrements de (eux.
Citons notamment : a) le compte d'une aide ecclésiastique
accordée au souverain par le pape, en 1531, sur tous les
bénéfices du clergé; b) le relevé des revenus du comte de
Luxembourg, dressé de 1306 à 1317, avec l'indication partielle
des charges grevant ces revenus ; c) une liste des feudataires
des comtes de Luxembourg, dressé en l'an 1314, qui nest, on
somme, que le relevé des vassaux luxembourgeois dont les
actes de relief ou d'hommage sont insérés dans un ancien
cartulaire; c^lle compte de la taille jetée sur les francs-hommes
en 1374 et ceux des aides accordées au duc Wenceslas en 1374,
1375 et 1378; e) le « chasse-ménage » de la prévôté de Bastogne
dressé en juillet 1469; f) l'état des fiefs mouvant du marquisat
d'Arlon en février 147U; g) un relevé donnant la répartition
de la contribution du clergé régulier dans l'aide accordée au
duc de Bourgogne en 14/2. La publication de ces documents
se justifiait d'autant moins ici qu'elle avait déjà été faite, pour
la plus grande partie, par Wiirth-Paquet, Van Werveke et
J. Vannérus.
Chacun des documents publiés par M. Grob est précédé
(l'une courte introduction, où on lit des détails sur les circon-
stances dans lesquelles furent accordées les aides et dressés les
dénombrements. Ces commentaires sont loin d'être dépourvus
d'intérêt, mais nous croyons qu'ils auraient gagné à être
réunis et coordonnés dans une introduction générale, que
M. Grob n'a probablement pas eu le temps de rédiger.
En somme ces dénombrements constituent des documents
statistiques d'autant plus intéressants qu'ils se rapportent ii un
pays frontière dont les nombreuses vicissitudes politiques ont
compliqué l'histoire territoriale, et qui a laissé beaucoup
766 COMPTES RENDUS
moins d'archives que la plupart de uos autres principautés
territoriales.
Souhaitons, pour terminer, que la Commission royale
d'histoire puisse bientôt remettre à l'imprimeur la copie du
tome II et dernier des Dèno^nbrements luxembourgeois.
Celui-ci sera entièrement l'œuvre de M. Vannérus et on peut
être certain qu'il donnera à cette édition les soins auxquels
il nous a habitués de longue date. Il nous sera particulièrement
agréable de lire dans l'introduction l'étude d'ensemble qu'il
nous annonce, les documents statistiques anciens ne pouvant
être mieux interprétés que par celui qui a dû les étudier en
vue de leur pablication.
J. CUVELIER.
Klein Plakhaatboeh van Nederland. — Verzameling van
ordonnantiën en plakkaten betreffende regeeringsvorm,
kerk en rechtspraak (xiv^ eeuw tôt 1749) bijeengebrach
door M'' A. S. de Blécourt, hoogleeraar te Leiden, en
D"" N Japikse, directeur van het bureau voor 's Rijks
Geschiedkundige Publicatiën. Groningue et La Haye,
J. B. Wolters, 1919, in-8°, viii-353 pages.
Nos voisins du Nord ne possèdent pas d'organisme officiel
comparable à notre Commission des anciennes lois et ordon-
nances et ce n'est que vers 1880 que l'initiative privée a com-
blé cette lacune en créant la « Vereeniging tôt uitgaaf der
bronnen van het oud-vaderlandsche recht ». Cette société a
publié depuis lors une série déjà respectable de sources, mais
celles-ci ne se rapportent en majeure partie qu'au droit urbain
et territorial du mo3'"en âge; elle ne s'est pas occupée des textes
de l'époque de la République et des institutions de celle-ci,
pour lesquels les historiens doivent encore toujours avoir
recours aux formidables in-folios (les Placcaetboeken) des
xvii^ et xviii* siècles. Mettre à la portée de ceux qui s'inté-
ressent à ces textes, surtout à celle des étudiants, les princi-
pales sources de l'histoire des institutions, voilà le but louable
que se sont fixés MM. de Blécourt, le savant professeur de
l'histoire du droit à l'Université de Leyde, et Japikse. l'érudit
directeur de la C R. H. hollandaise, dans leur livre qu'ils
COMPTES RENDUS 767
dénomment, d'après ses grands prédécesseurs : Klein Plak-
haatboek.
Ou y trouve cinquanto textes, publiés avec friand soin,
d'après les meilleures sources. Citons en quelques-uns. En
tout premier lieu le Grand Privilège de Marie de Bourgogne
pour les Etats Généraux, du 11 février 1477 (V), connu jus-
qu'ici que par une édition gantoise de 1787 ( Verzameling van
24 origineele charters) et dont Pirenne réclamait depuis long-
temps {^Hist. de Belg., III, p. 9, note 2) une édition moderne.
Parmi les pièces archi-connues et très importantes, nous trou-
vons ensuite : le Traité d'Augsbourg (1548), la Pragmatique
Sanction (1549), la Pacification de Gand (1576), la première
Union de Bruxelles (1577), l'Union d'Uirecht (1579), l'Abjura-
tion de Philippe II (1581', l'Édit perpétuel de 1667 e. a. A côté
de ceux-ci les auteurs ont publié un grand nombre de pièces
servant à expliquer le fonctionnement si compliqué du gou-
vernement de la République des Provinces-Unies, en prenant
d'abord les ordonnances de Charles V et de Philippe II, modi-
fiées ensuite après la séparation avec l'Espagne. En voici les
principales : instructions pour le Conseil d'État (1531 et 1555),
pour les Cours de Justice d'Utrecht (1529), de Hollande (1531)
et de Gueldre (1547), ordonnances de Philippe II sur la justice
criminelle (1570), ■ instructions i)Oui' le Grand Conseil de Hol-
lande (1582), pour le Conseil d'Ktat des Provinces-Unies (1588
et 1651), pour le Conseil de Brabânt (lo91), des règlements
concernant les églises, etc.
Comme on le voit, ce livre est appelé à rendre des services à
de nombreux historiens et nous devons remercier les deux
auteurs de nous avoir procui'é un instrument de travail très
.précieux. Henri Obrern.
Alph. Verkooren, Inventaire des chartes et cartulaires du
Luxembourg [Comté, puis Duché). Tome V. Bruxelles,
E. Guyot, 1921, in-8", 543 pages.
Avec une ardeur infatigable, M. Verkooren poursuit la
publication de ses inventaires.
(M It est tout il f:iit incompréhensible à la siiito de quelle erreur les édi-
tenrs lui assignent la date du ! t mars 1 177.
768 COMPTES RENDUS
Dans le tome V de son répertoire des chartes luxembour-
geoises, il nous fournit les analj'ses de 468 documents
(n"^ 1885 à 2352), s'étendant de 1467 à 1555.
Ce volume se recommande des mêmes grandes qualités,
mais se signale aussi par les mêmes défauts que ses prédé-
cesseurs.
Le répertoire de M. V. constitue un excellent instrument
de travail ; ses analyses sont dressées consciencieusement ; les
différentes parties de chaque notice, consacrées à la date, à
l'analjT'se de l'acte proprement dit et de ses annexes éven-
tuelles, à la description matérielle du document (des sceaux,
surtout), se présentent clairement, selon un plan très métho-
dique. La disposition typographique du texte concourt, avec
une table alphabétique fort détaillée, à rendre très aisée la
consultation de ce recueil.
Ce sont là les qualités, réelles et très appréciables, qui
distinguent tous les inventaires de l'archiviste général
adjoint.
A mon vif regret, toutefois, car je pri.-e très haut la persé-
vérance avec laquelle M. Verkooren continue à faciliter aux
chercheurs l'exploitation des riches mines que constituent les
collections de chartes du Brabant et du Luxembourg, je dois
tempérer mes éloges, très sincères, de quelques réserves
sérieuses, relatives à l'identification des noms propres.
Evidemment, dans toutes les publications de ce genre, il se
glisse, à propos des noms de personnes et de localités, des
erreurs que seuls peuvent éviter les éditeurs familiarisés avec
les circonstances topographiques locales, ou encore ceux qui
se sont spécialisés dans l'histoire d'un pays déterminé.
Le volume de M, Verkooren ne pouvait échapper à ce
danger ; je n'insisterai donc pas trop sur des erreurs comme
celle consistant à identifier Beaurepart et Flammesoul avec
Berwar et Falmignoul, alors qu'il s'agit en réalité de Berbourg
et de Flamisoul.
Ailleurs, l'éditeur propose avec hésitation des noms qu'il
faut écarter résolument, par exemple Norrenhusen, Schadech
et Rehanvaulœ n'ont rien à voir avec Noerdange, Schoderhoff
et Rechrival, mais désignent tout si pie ment, sans consteste
possible, Nagem, Schadeck et Renval lez-Bastogne. Par
contre, il est des cas où peut tomber le point d'interrogation
COMPTES RENDUS ~<)î»
dont M. Vei'kooren, trop prudent, a fait suivre ses identifica-
tions : c'est ainsi que Betlîngen et (rKrfesî^tor/* désignent bien
Bettiugen-sur-Pi'ùm etGiesdorf, proposés seulement de (aron
dubitative. D'autres fois, au contraii-e, des identifications
admises catégoriquement méi'iteraient un mot de. justification,
telle l'équation Kauiere ^-^ Koking.
Où j'aurais également pi-éiéré que M. Verkooren ne i-estàt
pas aussi laconique, c'est à propos des erreurs de lecture,
fort fréquentes dans certains descartulaires dépouillés. Si des
erreurs aussi grossières que Perlerme pour Pnlerrnr sautent
aux yeux du premier venu, les initiés seuls n'ont pas besoin
qu'on leur explique des formes comme Lifi/sf/ic pour Luysche
= Wasserliesch et Thokia ^ouv Tholeia -— Tholey.
Dans le même ordre d'idées, il est regrettable que M. Ver-
kooren ne fasse pas, en reproduisant les variantes anciennes
données par les textes, la distinction, si importante au point
de vue toponymique, entre les formes fournies par l'original
et celles provenant des copies; dans l'analyse n° 2052. par
exemple, quelles sont les graphies de l'original : Aiz, Ayez,
Ayz ou Ai.r ^ Jamodinne ou Jainonflinne ^
Enfin, je voudrais, pour terminer. lelever la tendance <ju'a
l'éditeur de chercher à identifier les noms de personnes,
pi'énoms aussi bien que noms de famille.
Ksi-\\ utile, est il même bien exact d'identifier les prénoms
de Jamynet (n" 1955), Watlè{n.'' 2128), liaallin et Baadesson
(n° 22j2i avec ceux de Jacques, Gauthier, Raoul (ou Rodolphe)
et Baudouin, dont ils sont, les diminutifs? Est-il également
nécessaire, n'est-il même pas fort dangereux de chercher
à expliquer les prénoms Ma.rc ou MaLr {n"' 2051 et 2270) et
Brian in" 2202) par Thomas et Brillon; de traduire Gof>rl
û» 2351) par Godetroid i
Les mêmes observations peuvent être faites à propos des
noms de famille.
Pourquoi moderniser Baeckelaer en Beukelaer, [Mrdfnoij
en l'Ardennois, Bracqueniez en Braquenierî' Pourquoi vou-
loir traduire Clais RolUnger par Nicolas de Raville et
recherchei' si der Aide Schiiddeharnisch doit se rendre par
« le Vieux Brise-harnais» ou par« le Vieux BoufTon-Harnais»?
Pourquoi transformer Jean //• Waille en Jean de Walle.
Cl. -H. Aloffeeu Cl. -H. Adolphe^
4<.>
770 COMPTES RENDUS
Gomme on n'a pas toujours, pour les noms de personnes,
autant d'éléments d'appréciation que pour les noms de lieux»
la plus grande prudence s'impose à leur égard et il vaut mieux,
souvent, les laisser tels quels (^). M. Verkooren est-il bien sûr
que Jean de Dompmarien ou Dommarien soit un Jean de
Domprix ?
Le danj,'er qu'il 3^ a à vouloir identifier des noms de famille
est illustré on ne peut mieux par le cas de cet habitant de
Vance que, trompé par la lecture des Ornelles, M. Verkooren.
appelle Guillaume d'Ornel : or, il s'agit en réalité d'un Guil-
laume de Sorvelles, c'est-à-dire de Strainchamps (Sauerfeid).
J. Vannérus.
Victor Fris. Bibliographie de l'histoire de Gand depuis
l'an 1500 jusqu'en 1850, 1" fascicule. (Publication extraor-
dinaire n" 'S de la Société d'Histoire et d'Archéologie de
Gand). Gand, 1924, in-8».
Tous ceux qui s'occupent d'histoire de Belgique ont eu
l'occasion d'utiliser et d'apprécier l'excellente Bibliographie
de l'histoire de Gand depuis les origines jusqu'à la fin du
XV* siècle, publiée en 1907 par M. V. Fris. L'auteur vient de
rendre un nouveau service aux sciences historiques en don-
nant une suite à ce volume.
Seul un premier fascicule de 258 pages a vu le jour jusqu'à
présent On y trouve l'analj^se de l'ensemble des sources pour
cette période et celle des écrits modernes concernant l'histoire
générale, politique, juridique, économique et sociale de Gand.
Ce répertoire se signale par les mêmes qualités que celui
qui l'a précédé : il est très complet et il est sûr. Une notice
succincte donne au lecteur, à propos de chaque source et de
chaque ouvrage, de précieuses indications au sujet de sa valeur
et de son contenu.
(*) Ce qui n'empêche naturcllemeiil pas de corriger les erreurs évidentes
des anciens textes : par exemple, <c le seigneur Jean, baron de Keck », cité
au n" 2.31 i, n'est autre que le célèbre général Jean (de) Beck, tandis que
" le docteur Beck » du n» 2.32i est, vice versa, le conseiller Jean Keck, docteur
en droit (r;f. n» 2.32.^).
COMPTES RENDUS 771
Le rôle historique de Gand est tel, qu'une bibliographie cri-
tique aussi largement compi-ise qu'elle l'a été par M. Fris,
déborde forcément le cadre qui lui a été assigné. Rien n'est
plus caractéristique à cet égard que la deuxième partie consa-
crée aux sources narratives, et particulièrementaux mémoires
et aux pamphlets, si nombreux, si essentiels pour l'époque
moderne et d'une utilisation si délicate. Il y a là 134 pages dfe
première impoi-tance pour l'histoire de la Belgique entière et
qui rendront notamment les plus grands services à l'étude de
la révolution du xvi« siècle et à celle de la révolution braban-
çonne.
Il serait très désirable que d'autres historiens consacrent à
d'autres villes belges des bibliographies critiques aussi com-
plètes et aussi bien conçues que celle que Gand doit à M. Fris.
François L. Ganshof.
R. Parisot. Histoire de Lorraine. Tome II (1552-1789). Paris,
Picard, 1922, in-8", vi-847 pages.
Le savant professeur d'histoire de l'Est de la France à
rUnivei'sité de Nancy, associé de l'Académie de Belgique,
continue, dans ce volume, à décrire le passé de la Lorraine,
du Barrois et des Trois-Évèchés. Un troisième et dernier
volume sei-a consacré au pays lorrain depuis les débuts de la
Révolution française jusqu'au traité de Versailles qui en a
rétabli l'unité détruite en 1871 .
On retrouvera dans ces pages la clarté, la méthode, la riche
documentation et la rigoureuse impartialité qui caractérisent
le premier volume de V Histoire de Lorraine. M. Parisot
étudie successivement l'histoire extérieure et l'histoire inté-
rieure de la Lorraine de 1552 à 1624, de 1624 â 1697, de 1607
à 1737 et de 1737 à 1789, ces coupures correspondant en eflet
à des faits décisifs. Puis il analyse le mécanisme et les trans-
formations des institutions de 1552 à 1 789, tant pour les duchés
que pour les évêchés. Il passe ensuite en revue, pour la même
période, les principaux aspects de la vie économique et de la
vie intellectuelle; il consacre enfin un chapitre à l'tlglise et à
son action sur les mœurs.
Un fait domine toutes les constatations de l'auteur :
l'influence de la France a été prépondérante, et croissante.
772 COMPTES RENDUS
dans la région lorraine de, 1552 à 1789, influence politique,
littéraire, artistique, même économique, malgré la situation
de province « d'étranger effectif» gardée par Ja Lorraine, le
Barrois, Metz, Toul et Verdun. Les ducs ont imité — à tort
— le roi de France en faisant prévaloir dans leurs Etats un
régime absolutiste. Les écrivains français du xvir et surtout
du xviir' siècle ont exercé une grande action sur les esprits
lorrains. A la veille de la Révolution les idées et les modes
françaises dominaient dans la région lorraine, à qui l'Alle-
magne était devenue étrangère.
M Parisot ne croit pas que sous ses derniers ducs nationaux
jusqu'en 1737 la Lorraine ail joui d'un bonheur parfait. Mais
il est certain que l'annexion de 1766 à la France empira sa
situation (lourds impôts, service militaire, administration
étrangère). Seule la noblesse trouva son avantage dans la réu-
nion au royaume. Et ce n'est qu'à la Révolution de 1789 qu'il
faut attribuer, par la suppression de la monarchie absolue et
des privilèges, cette profonde amélioration des conditions maté-
rielles de leur existence qui a si fortement attaché les Lorrains
à la France, devenue peureux au xix* siècle une patrie.
L. Leclére.
Albert Waddington. Histoire de Prusse, tome II : Les deux pre-
miers rois (1688-1740). Avec quatre portraits Paris, Pion,
1922, in-8% 508 pages.
11 est des livres très érudits, très savants même, qu'on est
heureux de posséder dans sa bibliothèque, pour les consulter,
mais dont on ne parvient pas à lire vingt pages de suite, 11 en
est d'autres, tout aussi bourrés de science, qu'on voudrait
pouvoir lire d'une haleine, tant ils sont intéressants par le
fond et attrayants par la forme. Celui dont le titre figure
ci-dessus est de ce nombre.
Dans le tome I" de son Histoire de Prusse, M. Wadding-
ton avait retracé les destinées de la Marche de Brandebourg
et de ses annexes, depuis les origines jusqu'à la mort du (irand
Électeur (1688) 11 l'avait fait avec une compétence et une
objectivité qui avaient rallié tous les suffrages, même en Alle-
magne.
COMPTES RFNDTS 77H
« Depuis lors, dit M. Waddiiigton, dans un avant- propos de
quelques lignes, de ci-uels événements se sont produits .. J'ai
fait taire les révoltes intimes que légitimaient mes chagrins
de Français et de père, pour ne laisser entendre que la voix de
riiistorien impartial. »
Cette déclaration n'est pas une vaine parade. A voir la
sérénité avec laquelle ce Français parle de la politique anti-
française de l'électeur Frédéric III (Frédéric 1" comme roi) et
de son ministre Danckelmann; à lire, d'autre part, le juge-
ment qu'il émet sur l'élection de Guillaume de Furstenberg, le
candidat français à l'archevêché de (Pologne; à considérer au
surplus la manière dont il rectifie à j)lusieurs reprises les juge-
ments trop sévères de Frédéric II sur son grand-pére; ou à
constater combien il sait rendre justice aux qualités d'adminis-
trateur du roi-sergent Fi-édéric-GuilIaume I'', malgi-é « les
côtés soit repoussants, soit ridicules du personnage... », on
serait tenté de se demander si le souci de l'impartialité n'a pas
amené M. Waddington à taire preuve de trop de bienveillance.
Nous ne le croyons pas, car il y a effectivement un côté admi-
rable dans l'histoire de l'État brandebourgeois-prussien sous le
régne de ses deux premiers rois. M. Waddington n'est pas le
premier historien français qui s'en soit aperçu et qui l'ait <lit
sans ambages. M. Lavisse notamment, dans ses Etudes sur
l'histoire de Prusse, l'a fait avant lui. Mais nous ne pensons
pas qu'aucun historien, en n'importe quelle langue, l'ail fait
avec une aussi juste mesure, en un langage aussi adéquat et
aussi distingué, et en s'appuyant sur une documentation aussi
complète.
Ce tome II de VHistoire de Prusse est divisé en six livres.
Le premier s'occupe de l'électeur Frédéric 111 avant son éléva-
tion à la dignité royale (168'^-1700). On y voit d'abord le por-
trait de ce prince faible et indécis, plus raffiné que son prédé-
cesseur, moins brutal que son successeur, et qui parait plutôt
sympathique malgré son aniou exagéré pour les litres, les
cordons et l'étiquette L'administration intérieui-e «le l'Etat
brandebourgeois-prussien, durant cette première période, ne
manque pas d'une certaine grandeur, ^rràce surtout a li ges-
tion de Danckelmann. C'est un personnage caractéristique que
ce Westphalien, sujet de la maison d'Orange-Nassau, engage,
comme beaucoup d'autres condottieri tant civils que niilitaires
774 COMPTES RENDUS
de l'époque, au service d'un prince étranger chez qui il y
avait à récolter gloire et richesses. Danckelmann toutefois fut
mal récompensé de ses services par son maître. Renversé par
une intrigue de cour, il fut jeté en prison et y resta durant de
longues années, pour ainsi dire sans pouvoir se défendre.
Après la chute de Danckelmann, commence l'administration
de Wartenberg, le premier des trois W. C'est ainsi que la
rumeur publique désignait, par une allusion au mot WeJt ou
fléau, le sinistre triumvirat Wartenberg, Wittgenstein et
Wartensleben. Leur rapacité désola pendant quinze ans les
États de la maison de HohenzoUern.
La politique extérieure de Frédéric III, pendant cette
période, pour n'être pas sans mérite, fut cependant sans
gloire. L'humiliation qu'il dut subir aux négociations de
Ryswyck (1697), où. Louis XIV refuse de le considérer comme
partie contractante, après qu'il eut été un des principaux bel-
ligérants, montre combien l'État brandebourgeoisprussien se
trouvait encore confondu dans la foule anonyme des petits
États. Durant la guerre de la ligue d'Augsbourg, il est d'ail-
leurs traité en inférieur par ses propres alliés, comme un ami
pauvre qui est à leur solde.
Le livre II est consacré à l'acquisition de la royauté, but
suprême de la politique extérieure de Frédéric III. M. Wad-
dington émet des considérations bien intéressantes et souvent
neuves sur les origines psychologiques du « grand dessein ».
Le rôle du père jésuite Wolf est particulièrement mis en relief
dans la réalisation du projet. A. côté de lui deux autres prêtres
catholiques, le P. Vota et l'évêque d'Ermeland, Zaluski, s'in-
génièrent également, sans y avoir un intérêt personnel direct,
à servir l'électeur auprès de l'Empereur, auprès du roi de
Pologne, auprès du Pape. « Quelle était donc la cause de cette
sorte de conspiration catholique en faveur d'un protestant?
Le problème a été, depuis plus de soixante ans, tourné et
retourné en tous sens, et une foule de documents ont été
publiés : le résultat reste celui qu'on avait primitivement indi-
qué, à savoir que ces trois prêtres se flattaient secrètement de
convertir un jour au catholicisme, soit Frédéric, soitsa femme,
soit ses descendants. La propagande du Saint-Siège en Alle-
magne était plus active et plus heureuse que jamais depuis
quelques années : sur neuf électeurs, sept étaient catholiques.
COMPTES RENDUS 775
Le pape Inuocent XII (1691-1700). qui déjà peut-être n'avait
pas été étranger à la conversion d'Auguste de h'axe — dont
M. Waddington trace, en un l'accourci vigoureux, un portrait
remarquable (p. 91) — crut qu'on pourrait faire acheter â
l'électeur de Brandebourg la couronne, au pi-ix de sa reli-
gion; il était encourajié par la réputation d'indifférence en
matière religieuse dont jouissait Sophie-Charlotte (la pre-
mière reine), ainsi que sa mère Sophie (p. 115110). » Le
caractère de ces deux princesses — disons-le en passant — est
analysé avec une grande finesse dans un chapitre spécial, con-
sacré à la cour du premier roi de Prusse, et dans lequel il y a
<ies pages tout à fait charmantes, celle notamment où il est
question de la charge de « maîtresse du roi » qui fut exercée
nominalement parla comtesse de WarLenberg(p. 149).
Mais revenons à la politique intérieure de Frédéric III. La
poursuite et la réalisation du « grand dessein » ont été très
diversement appréciées par les historiens de l'Electeur, notam-
ment par son petit-fils Frédéric IL M. Waddington met les
choses au point dans ces quelques lignes : « On a pu jepro-
cher à Frédéric III, et encore plus à son favori Wartenberg,
d'avoir subordonné à l'acquisition de la dignité ro}ale tous les
intérêts du Brandebourg, d'avoir renoncé pour cela ?. des
avantages plus précieux. Peut-être, en s'alliant aux ennemis
de la Suéde, l'Electeur eût-il pu conquérir dés ITOoles bouches
de l'Oder; mais peut-être aussi eût-il échoué, attirant sur ses
États des maux incalculables. On se trouve là en pleine con-
jecture. Par contre, le « grand dessein» a fini pai' .se ri^aliseï',
et il faut reconnaître qu'il a puissamment servi la fortune du
Bi'andebourg (p. 95). »
Le livre III retrace la cai-riére de Frédéric 111 devenu roi
sous le nom de Frédéric L' (1701-1713) Nous avons déjà lait
allusion au rôle néfaste des trois W. Et cependant « l'admi-
nistration de Frédéric I" ne fut pas en tout et pour tout
fâcheuse : avec des faiblesses et de grande- fautes, elle ne laissa
pas d'atteindre certains résultats ». Ce fut le cas notamment
dans le domaine de l'enseignement. La Prusse prend même à
ce moment la dii'ecti(»n du mouvement intellectuel en Alle-
magne. Mais en matière administrative et économique, les
résultats obtenus furent médiocres. Lorsque, après 1711, le
roi prit la résolution degouverner seul, sans |)remierniinistre.
776 COMPTES RENDUS
à la manière de Louis XiV, les choses n'en allèrent pas
mieux.
En ce qui concerne la politique extérieure de cette période,
M. Waddingion la résume comme suit : « Frédéric l'^ s'est
proposé au dehors trois objectifs principaux. D'abord, il
s'efforça d'obtenir des divers États européens la reconnais-
sance de sa dignité royale. Ensuite, il se préoccupa du côté de
l'Ouest, non seulement de remplir ses obligations envers l'Em-
pereur, mais de gagner, en consacrant ses forces à combattre
la France, les bonnes grâces des puissances maritimes, dont
il attendait des avantages de toute sorte. Enfin, placé à l'Est
en face d'une lutte acharnée dont ses possessions, surtout la
Prusse proprement dite et la Pomérauie, faillirent devenir le
théâtre, il chercha de son mieux à maintenir sa unutralité en
embi-assant des ]>rojets d'agrandissemeut, aussi séduisants
qu'irréalisables. » Dans la poursuite de ces divers objectifs, on
peut distinguer trois périodes : 1° de 170i à 1706 les affaires
de l'Ouest priment celles de l'Est; 2° de 1706 à 1709 les succès
foudroyants de Charles XII, dans la grande guerre du Nord,
préoccupent le roi de Prusse presqu'autant que les victoires
remportées par les alliés sur Louis XIV ; 3° de 17U9 à 1713 ce
sont ses intérêts sur les rives de la Baltique qui prennent le
dessus.
Tel est en substance le rôle du premier roi de Prusse, avant
et après l'acquisition de la royauté.
Dans les livres IV, V et VI. M. Waddiugton refait à larges
traits l'histoire de Frédéric-Guillaume I", le roi-sergent
(1713-1740). Peu de personnages des temps modernes ont
retenu autant que celui-ci l'attention des historiens. Son carac-
tère, ses qualités d'administrateur et ses m mies de tourmen-
teur d'hommes sont trop connues pour que nous y insistions
dans ce compte rendu. Même après tant d'historiens, dont
quelques-uns sont illustres, ne citons que Ranke et Schmoller,
qui se sont occupés des faits et gestes du roi-sergent, M. Wad-
dington a réussi à nous en donner une image originale,
dépouillée des légendes et des exagérations dont l'admiration
des uns et le sai'casme des autres l'avaient atl'ublée.
La politique extérieure de ce fruste fut naturellement plus
active qu'habile... et le plus souvent incohéiente. On peut
néanmoins établir quatre périodes dans cette politique :
COMPTES RENDUS 777
1» de 1713 à 1721. c'est la liquidation du passé, la signature
de la paix avec la France qui met fin à la «guerre de l'Ouest,
l'arrangement des affaires du Nord, après huit ans de diffi-
cultés, par une sorte de démembrement de la Suède vaincue;
2° de 1721 à 1728, la Pi'usse passe à tour de rôle dans les deux
sj^rand s partis en lut e pour la pi'épondérance en Europe, tan-
tôt du côté de la France et de l'Angleterre, tantôt du côté de
l'Empereur: c'est la période de l'incohérence; 3" de 1728
à 1738, le roi s'étant décidé pour l'alliance impériale, lui
demeure fidèle durant dix ans, uialgré de cruels déboires;
4" enfin, de 1738 à 1740, après avoir été outrageusement dupé
par l'Autriche qui abuse de son loyalisme germanique et de sa
crédulité, Frédéric Guillaume se retourne vers la I'"rance;et
au moment de sa mort il est sur le point de conclure avec
Louis XV une alliance étroite. Ce revirement m extremis
détermine un changement radical dans la politique prus-
sienne.
Somme toute le roi-sergent laisse à son successeur, le grand
Frédéric, un bel héritage : « un royaume, encore ti'ès |)etit
(120,230 kilomètres carrés), mais déjà centralisé; un i)euple
encore peu nombreux (2 raillions et demi de sujets, au plus),
mais discipliné et laboiieux, une bureaucratie sévèrement
dressée à servir l'intérêt public, un trésor bien garni, une
armée permanente de plus de 80.000 hommes. » Et malgré les
travers odieux ou ridicules du personnage « il faut reconnaître
qu'il a été dans la vieille Prusse des Hohenzollern le |ilus
grand souverain en ce qui concerne l'administration inté-
rieure. La figure du roi-sergent apparaît encore de nos jours
comme la figure de la Prusse même » (p. 573-574).
Dans le résumé forcément incomplet du volume dont
M. M^addincrton vient d'enrichir la littérature historique, il
nous a été impossible de signaler tout ce qu'il apporte de neut"
sur un sujet qui, au premier abord, semble avoir été épuisé
par ses prédécesseurs. Signalons cependant les renseigne-
ments ini'dits qu'il a puisés dans les archives de Berlin -ur la
vie intellectuelle (voir notamment les p. 49-50, 243, 251 2fô,
271, 557, 500-566), sur les réfiiu^iés français (p. 40 et suiv. et
509 et suiv.), sur l'oppression des paysans par lesJnnker(p. 42
et 222). Dans le domaine de la politique extérieure, les
archives du Ministère des .\ft'aires étrangères à Paiis lui ont
778 COMPTES RENDUS
permis de rectifier ou de compléter nos connaissances, notam-
ment en ce qui regarde l'histoire de l'alliance hoUando-prus-
sienne de 1688 (p. 14-15) et le traité de Wusterhausen du
12 août 1726 entre la Prusse et l'Autriche (p. 414j. D'ailleurs,
au point de vue de l'histoire diplomatique, les travaux anté-
rieurs de M. Waddington nous garantissaient d'avance une
œuvre de premier ordre.
Naturellement, dans un livre de 600 pages qui embrasse
deux régnes aussi importants que ceux des pi'emiers rois de
Prusse, il ne sera pas difficile aux spécialistes de l'histoire
religieuse, de l'histoire militaire, de l'histoire économique, de
trouver des lacunes. Pour notre part, nous aurions été heu-
reux de voir étudier l'histoire économique de ces deux régnes,
surtout l'histoire des corporations de métiers et des manufac-
tures privilégiées, d'un point de vue moins abstrait ou moins
exclusivement prussien (p. 44, 233-236, 503-510). Quelques
vues d'ensemble sur les réformes qui s'opèrent au même
moment, dans le même domaine, dans les autres pays de l'em-
pire, en France et dans les Pays-Bas, auraient été les bien-
venues. Les travaux de Schmoller et de von Below en Alle-
magne, de Pribram en Autriche, de Levasseur, Hauser et
G. Martin en France, auraient rendu la chose assez facile.
Mais M. Waddington semble vouloir éviter à dessein les rap-
prochements, non seulement en cette matière, mais dans tous
les domaines indistinctement. On ne trouve chez lui aucune
tendance à construire des systèmes, ni même à contribuer ù
leur construction. Dans le volume que nous venons d'ana-
lyser, il n'a prétendu faire que l'histoire de Prusse. Mais il
faut avouer qu'il l'a faite avec une maîtrise incomparable.
H. Van Hodtte.
Comte Renaud de Briey. Le Rhin et le problème d'Occident.
Avec deux cartes. Bruxelles, Dewit ; Paris, Pion, 1922,
in-8°, 225 p.
Bien que cet ouvrage relève plus des sciences politiques que
des disciplines historiques, il importe cependant de le signaler
à l'attention de ceux qui cherchent dans les leçons du passé
la clef des problèmes actuels. En effet, les trois premiers
chapitres de ce livre ont un caractère presqu'exclusivement
COMPTES RENDUS 771)
historique et le comte de Briey y expose, dans une vaste syn-
thèse, les antécédents de la question rhénane aii si que les
liens séculaires qui unissent notre pays à In Rhénanie.
L'auteui' débute en exposant, d'une façon à la fois claire et
complète, l'histoire diplomatique de la question rhénane on la
rattachant à la politique continentale de l'Angleterre. En
utilisant judicieusement, les meilleures sources, il expose le
projet, formé à Londres en 1813, de créer un État bel^ço-
l'hénan, projet trop vite abandonné pour faire place à l'union
de la Belgique et de la Hollande et â l'établissement de la
Prusse sur la rive gauche du Rhin, double faute dont les con-
séquences furent désastreuses pour la paix européenne et que
l'expédient de la ui utralité belge, imaginé en 1831, ne parvint
pas à réparer.
Du point de vue international général, le comte de Briey
passe au point de vue spécial en étudiant les liens qui, dans le
passé, ont uni la Belgique à la Rhénanie et en montrant, à la
lumière des incidents de 183.), 1388 et 1848, la résistance des
Rhénans au régime prussien.
A ce p(»int de vue, les lettres inédites du comte Camille de
Briey. ancien ministre des Affaires étrangères belges, jettent
un jour nouveau sur l'état d'esprit de l'Allemagne catholique
au milieu du xix° siècle et méritent de retenir tout spéciale-
ment l'attention (^).
Poussant son étude jusqu'à l'époque la plus récente, l 'auteur
étudie la situation depuis la guerre et montre la signification
que l'on peut donner aux discussions de la constitution de
'Weimar.
Les relations artistiques, littéraires et religieuses furent
aussi intenses que les relations politiques entre la Belgique et
la Rhénanie. Le comte de Briey tire de nombreux ai'guments
de ces affinités.
« Les similitudes de l'inspiration artistique, dit-il très jus-
tement, sont un indice d'autant plus sûr de la communauté des
aspirations ethniques qu'elles apparaissent à l'éclosion même
du sentiment e!>tliétique et avant d'èti-e faussées par des
influences étrangères. »
(') Voir sur ct'Ue Lories|niiiil;iiici- r(iiiM;ij.;i' du luiiilc Hinmi' m Hkim.
L'Allemagne et lavenir de l'Evrope. P;iris. Hcrpor-Sernuill ; Hnixolit's. LanuT-
tiii, 1951.
780 COMPTES RENLJS
En quelques pages d'un vif intérêt, l'auteur rappelle les
caractères communs de l'art rhénan et de l'art raosan, s'ex-
primant tant dans les monuments que dans les objets mobi-
liers, jusqu'au triomphe, au xiii^ siècle, dans nos provinces
comme en Rhénanie, de l'art gothique d'importation fran-
çaise.
Une aussi grande similitude d'inspiration s'affirme entre
l'école flama de et l'école rhénane dés la fin du xiv* siècle et
l'étude des diverses manifestations des arts plastiques permet
au comte de Briey de faire sienne l'opinion exprimée, dès
1910, par un critique allemand que l'art rhénan n'est qu' « un
rayon de l'art flamand ».
L'étude des lettres mène à semblables conclusions : qu'il
s'agis-^e de l'origine des chansons de geste ou de la diffusion
de la Renaissance, les liens intellectuels entre la Belgique et
le Rhin restent étroits et même, lorsque, aux xyii"^ et
xviii^ siècles, l'inff luence française domine la vie intellectuelle,
la Rhénanie ne cesse de s'opposer à l'Allemagne du Nord et
conserve une telle originalité que Henri Heine n'hésite pas à
écrire, en 1838, que « les Rhénans ne sont ni des Allemands,
ni des Français, ce sont des Belges ».
Enfin l'élément religieux se joint encore à tous les autres,
pour apparenter étroitement la Belgique et la Rhénanie.
Missionnaires des premiers siècles, évêques, moines et écri-
vains religieux du moyen-âge, furent, dit l'auteui", les nobles
ambassadeurs du génie rhénan dans notre pays.
Il est des éléments que nous nous étonnons de voir négliger
par un écrivain aussi averti que le comte de Briey: ce sont les
éléments d'ordre ethnographique et linguistique. Ti eût pu
cependant tirer de puissants arguments pour sa thèse en rap-
pelant la lointaine communauté d'origine entre les Francs
Saliens, qui colonisèrent notre pays, et les Francs Ripuaires,
qui restèrent fixés sur les rives du grand fleuve frontière entre
la Gaule et la Germanie. De même, il eût pu utilement insis-
ter plus qu'il ne le fait, sur l'étroite parenté entre le pat(Ois
des bords du Rhin et la langue parlée par la majorité de nos
concitoyens. Encore aujourd'hui, dans certaines régions
rurales de la Rhénanie, un Belge se fera mieux comprendre
en parlant le flamand que ne pourrait le faire un Prussien
parlant le haut-allemand.
COMPTES RENDUS 7«l
Le comte de Briey néglige trop les leçons de l'histoire éco-
nomique. Le chapitre fort intéressant et bien documenté qu'il
consacre à «Anvers et le Rhin » eût gagné à être précédé d'un
aperçu des efforts continus de nos anciens princes, deimis les
ducs de Brabant jusqu'aux Archiducs, pour s'assurer la maî-
trise des voies de communications entre la vallée du Rhin et
le bassin de l'Escaut. Il eût ainsi fait voir comment, de tout
temps, la Belgique a considéré son expansion économique
vers l'Est comme un des plus impérieux besoins de son exis-
tence.
En dépit de ces lacunes, l'ouvrage du comte de Briey reste
fort intéressant à lire, même pour les historiens de métier. Si
l'auteur écrit « ad probandum, non ad narrandum )>, il n'en
a pas moins prouvé qu'il savait utiliser judicieusement les
documents et en tirer habilement les arguments favorables à
une thèse qui ralliera bien certainement les sympathies de
tous les patriotes belges.
C'h. Terlinden.
i
BIBLIOGRAPHIE
Livres nouveaux
OUVRAGES BELGES
Aristote. Ti-aduetions et ctudes. — La Métai)h,v.si(iue. Livres II
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Belgique.)
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19:22, in-8°, 335 p. Études sur l'origine et le développement de lu
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Ligne Princesse Ch. de , née princesse Lubomirskn. Souvenirs,
Pages détacliét's de ses cahiers. Bruxelles, Van Oest. 1922.
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Sévère d'Antioche. Les homiliae cnthedrale.s i suite). Homé-
lie LXXVII. Texte grec édité et traduit en français, versions
syriaques publiées pour la première fois, par M. -A. Kugener
et Edg. Triffaux. [Paris, Firmin-Didot. 1922], in-8^ p. 765-864,
9 fr 60 {Patrologia orientali.s, t. XVI, fasc. 5).
Vlietinck (Ed.). Wat is de wijsbegeerte der geschiedenis? Ant-
werpen, Dirix-Van Riet, 1922, in-8», 29 p.
Délos
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES (1).
A — Ordre topographique et chronologique
I. - CARTOGRAPHIE.
u) Histoire des cartes : L. Gallois* (1910).
b) Cartes : 1. Ardaillon*-Convert, au 1/2 000(1893-1894).
2. L. Cayeux*, au 1 10,000 (1906 et 1908).
3. A. Bellot*, au 1/10.000 (1907-1908).
(1) A Délos, connue dans le reste de hi Grèce, j'ai (^liercln' avant tout à
prendre connaissance des résultats acquis. On voudra donc bien ne considérei'
les Nole.<! (jui suivent que comme un résumé incomplet pouvant servir <i'aido-
mémoire à un voyageur pressé. Jai inlentionnellement laissé de côté tout ce
qui a trait à l'épigrapliie (»roprcnient dite et à certaines questions particulières,
par exemple celle de l'omphalos, dont je m'occuperai ailleurs.
Quelque modeste que .soit cette contribution à l'élude de l'île d Apollon,
je me fais un devoir d'exprimer ici ma reconnaissance à M. Cb. Picard qui l'a
rendue possible, en m'ouvranl la bibliotliè(|ue de l'Kcole française d'Atbènes
et en m'accordant l'iiospitalité à Délos.
* L'astérisque renvoie ii l'ordre alphabétique.
BIBLIOGRAPHIE
II. — FOriLLES.
Plan archéologique : M. Replat a levé et dessiné, de l'Jl4 à IDIK,
un grand plan archéologique qu'il tient constamment au courant.
Echelle de 1 1,000. On ne sait encore ni quand ni comment ce plan
sera mis dans le commerce. En 191G, .T. Paris*. A. Plassart* et
P. Roussel* en ont déjà donné des réductions.
Histoire des fouilles : G. Radet, Ilist. de l'Ec. fr. d'Alhàiies
(1901), p. 331-340.
F oui lien.
a) HiÉROx d'Apollon.
Trois temples d'Apollon, Téménos d'Ariémis. Coji.striictions
naxiennes . notes de F. Courby* (1921).
Monument ù abside à l'ouest de la A'oie Sacrée : F. Courby*
(1913) y voit lautel des cornes .
Base du colosse : S. Reinach* donne une revue de témoignages,
sans plus, en 1893.
M. Replat pense que cette base reposait primitivement près de
l'angle du portique de l'esplanade: Bull. corr. hell.. 1921, p. 533.
Base au.\ trophées. A. J. Reinach* (191.'1 fig. 3-4) : monceau de
boucliers macédoniens ; sur la face supérieure, traces delà statue
de bronze d'un Romain général vainqueur de rusurj)ateur Phi
lippe Andriskos en 148-146 av. J.-C. = Q. Caecilius Metellus?).
Sanctuaire des Taureaux. En 1884, Th. HomoUe* pla(;ait l'autel
des cornes dans le sanctuaire des taureaux. Cf. Monument à
abside.
Reconstruction de la charpente par G. Poulsen* (1913). Coupe
d'ai)rès Xénot : Ducati. Arte classicn (1920), p. 460, fig. 450 —
J. Svoronos* y voit le hall d'un navire sacré : Bull. curr. hell ,
19211, p. 399. 1921, p. 270.
Côté oriental du Téménos Fouilles de L Bizard* en 1904-1907 :
Plan (pi, XIY); trois exèdres découvertes ])ar G. Fougères en 1886
(fig. 14); Dionysiou (fig. 16). Autres photographies : fig. 1-2. 7. 9.
11, 13, 15. Monument chorégique de Karystios : Bizard*-Leroux
(1907, fig. 18-20 et pi. Xlll). Près du sanctuaire de Dionysos, une
base de statue porte la signature d'Iphicartidcs que Th. Honiolle*
(1888, pi XIII) place au début du vi* siècle.
Portique d'Antigone : consacré lors de la première fête des
Antigoneia 254/252 (F. Courby*. 1914).
Monographie de F. Courby* en 1912.
Tombeau mycénien. F. Courby* '1912 , j». <î;;-74. tig. 83 : d'Oi)is
etd'Argé ^cf. Hdt. IV, 35).
Prytnnee. au sud-ouest du sanctuaire des taureaux. Identifie
50
786 BIBLIOGRAPHIE
par p. Roussel*. Cf. Rev. ardu, 1911, II, p. 86, Délos. col. ath.,
p. 47, n. 6.
Agora du Sud. Fouilles de F. Durrbach*, en 1902 (juill.sept ) :
le (( portique Tétragone )) a reçu sa forme définitive vers 130 av.
J.-C. Plan : pi. II-III.
M. Vallois a préparé une étude sur plusieurs monuments du
hiéron. Cf. Bull. corr. hell., 1920, p. 398.
b) Aphrodision. p. Roussel*, Délos. col ath., p 240-242 : exhumé
en 1912. au nord-est du (quartier du théâtre, peut avoir été
construit à la fin du iv^ siècle, cf. Avezou* (1913), j). 120.
c) l'Inopos et le Sanctuaire des Cabires. Fouilles de S. Rei-
nach*, en 1882 : découverte de nombreuses inscriptions et d'un
monument interi^rété récemment par les architectes danois
G. Poulsen et S. Risom : sorte de trésor ou de portique votif
consacré par Hélianax, j)rêtre des Cabires, à Mitliridate V, aux
rois Antiochus VIII de S^yrie, Ariarathès VI de Cappadoce,
Arsakès VU des Parthes, et à j)lusieurs officiers. Cf. Ex-voto
d'Aegos-Potamos à Delphes. M. Replat est prêt à faire la restau-
ration (Th. Homolle*, 1913). Cf. P. Roussel*, Délos, col. ath.,
p. 68, 229-233 : 1) petit temple de la fin du iv« siècle ; 2) temple
dédié en 101/100 par Hélianax aux Grands Dieux ; 3) Hérakleion.
d) Sanctuaire des dieux étrangers : Fouilles de Hauvette*-
Besnault, en août-sept. 1881, au Sarapieion ; de P. Roussel*,
en 1909-1912, aux sanctuaires égyptien et syrien, au quartier de
l'Inopos et à l'ancien sanctuaire égj^ptien [C. r. Acad. Inscr., 1910);
en 1911, à l'Héraeon, qu'on prenait pour un temple de Sérapis.
(Cf. Délos, col. ath., p. 245, et infr. MUSÉE). Restauration
(P. Roussel-Replat) d'un petit temple d'Isis : Avezou* (1913),
p. 117, fig. 2. Fouilles de 1913 au téménos des dieux syriens :
i6id.,p. 118.
L'essentiel est repris par P. Roussel*, Cultes ég-ypt., 1916 :
Sarapieion A (pi. I, fig. 1-3), B (pi. II, fig. 4-6), C (pi. III, fig. 8-10).
Résumé : Délos, col. ath., p. 249-270; p. 259, théâtre d'Hagné
Aphrodite, dédié quelques années après 108/107.
Synagogue Juive, près du stade. En 1912 et 1913, fouilles de
A. Plassart* (1914) : phot. p. 524-525; présence, dans les murs, de
marbres pris au gymnase ; or, le gymnase a été pillé au cours
de la campagne des amiraux de Mithridate (88) ; l'aménagement de
la synagogue se place donc dans les années qui suivirent. Cet
édifice a été abandonné dans le j)remier quart de siècle av. J.-C.
(Avezou*, 1913, p. 128-129).
e) Le Mont Cvnthe : Lebègue* y a conduit ses premières
fouilles, dès 1872 : temple primitif d'Apollon et téménos de Zeus et
KIBLIOGHAI'HIE 787
(l'Athéna Cyuthiens. Tout récemment, M. Plassart y a (U'-couvcrt
des restes d'habitations préliistoriques et a étudié, avec M . Replat,
les ruines abondantes de temples en vue d'une restauration.
Cf. P. Roussel*, Délos, col. ath., p. 434, et conférence de M. Plas-
sart sur les sanctuaires du Cynthe, 21 février 1920. Cf. Bull. corr.
hell., 1920, p. 3G9, 1921. p. 534.
Terrasse à l'est de la cime sud : fouilles de M. Demaugel
en 1920. Sanctuaire du v« siècle. Cf. Bull. corr. hell , 1920, j). 3W.
f) VlM-K COM.MERCIALK.
Agora des Italiens ou synode des Hermaïstes. Établissement
aménagé à la fin du ii^ siècle av. J.-C. On y a laissé, à l'ouest, la
statue de(iaius Ofellius, un inconnu, signée des artistes Dionysios
et Polyclès (Th. Homolle*, 1881, pi. XII, J. Hatzfeld*, 1921,
p. 484). — M. Replat a relové deux colonnes garnies de leur enta-
blement et placé sur le stylobate quelques tambours de colonnes.
M. Laumonier entreprendra probablement l'étude de ce synode
qui présente surtout deux difficultés : 1) reconstituer les inscrip-
tions (cf. J. Hatzfeld*, 1921); 2) expli(iuer la liaison des propy-
lées et du portique dorique surmonté dun premier étage ionique.
Les fouilles exécutées dans l'immense cour centrale ç'ont abso-
lument rien rapporté (M. Replat).
Indication des recherches successives : P. Roussel*, Délos, col.
ath., p. 303, n. 2.
Synode des Poseidoniastes. Fouilles de S. Reinach*, en 1882.
Exploration reprise en 1904 (P. Roussel*, Délos. col. ath., p. 90),
et complétée, en 1910, par Ch. Picard* {Délos, fasc. VII, 1921).
La partie historique est traitée dans un article écrit en 1911 et
remis au point eu 1920. Quelc^ues conclusions : dans la première
cella ou chapelle se trouvait la Dea Roma, dans la seconde,
la statue de Poséidon, œuvre de Mévavbpoç MéXavoç; dans la troi-
sième, l'Astarté phénicienne; dans la quatrième, l'Héraklès
tyrien. — Durée approximative de l'Établissement : de 110/109
à 69 environ avant notre ère.
Lac sacré. M. Replat le placerait plutôt sur la hauteur, à
l'endroit où il y a un réservoir. L'ancienne ligne des quais est
encore visible sur le côté ouest du lac actuel et de l'agora des
Italiens Les sondages de L. Cayeux* ont découvert l'ancien lit
de l'Inopos (jui aboutissait à l'angle sud-est de cette même agora.
(Cf. Ch. Picard*, 1911, p. 847, fg. 1-2, et Avczou*, 1913 p. 120).
Les établissements maritimes.
a les magasins. Fouilles de A. Jardé* en 1903 (BCII, 1905) :
plan de trois magasins (pi. V) ; plan du magasin des colonnes
(pi. VIII) — et en 1904 {BC/I, lOOtî) : baignoire dans le vestibule
du magasin 6 (fig- 2); gr()Ui)e g (fig. 8)
788 BIBLIOGRAPHIE
b) les ports : J. Paris* (1916) résume ou rectifie quelques études
(par ex. Ardaillou*, en 1896 : fouilles de juin à sept. 1894) et
propose des explications nouvelles : pi. I-IV (carte). Cf. Reo.
et. gr., 1920, p 316
La salle hypostyle. Monographie de G. Leroux* '1909) : un grand
plan (pi. I).
Nouvelles recherches de R. Vallois* il914) en 1911 : étendue et
structure du lanterneau; grande vue d'ensemble : pi. IV.
Le Synode des Apolluniastes serait le monument à soubasse-
ments de tuf situé au sud-est de la salle hypostyle (pseudo-
porinos oikos).
g-) ViiJ.K BOURGKOisE (indication des i-echerches successives :
P. Koussel*. Délos, col. ath., p. 307, n. 1).
Maison des dauphins : découverte en juillet 1883 par P. Paris*
(1884, pi. XXI), doit son nom aux quatre groupes de dauphin.s
chevauchés par des Eros qui ornent les angles de la mosaïque
de l'impluvium
Cinq maisons gréco romaines des second et premier siècles
av. J.-C. fouillées par L. Couve* (1895), en 1894 (juillet-sept.) :
1. Maison au nord du Lac Sacré (pi. III;.
2. Maison de la colline (pi V).
3 iV/a/son rfu ^/v'rfenf mosaïque du péristyle) : pi Y.
4. Maison de V Inopos (pi V).
5 Maison du Diadumène (v. infr. MUSÉE) pi. IV.
Maison dite de Kerdon : dégagée, en 1903. par A. Jardé*
(pi. Xl-XII) qui y a trouvé une stèle funéraire au nom de Kerdon
(pi. XIII). Ce nom, dit L. Bizard* (1907, p 471, n. 3), n'était sûre-
ment pas celui du propriétaire D'ailleurs cet immeuble comprend
deux maisons.
Maison du Diony.sos ila mosaïque de l'impluvium l'eprésente
Dionysos chevauchant un tigre i : découverte eu 1904 (BCH,
190G, plan -. pi. XI), par J. Chamonard* qui a déblayé la rue du
théâtre (i)lan : pi X). On attend de cet archéologue une étude
d'ensemble sur le quartier du théâtre.
Maisons à l'est du stade : fouilles de A. Plassart* en 1912-1913
{BCIL 1916. cf Avezou*, 1913, p 126 128i.
Peintures murules publiées en 1908, par M. Bulard* qui prépare
une i^tudc sur les revêtements peints de V époque hellénistique
(BCH, r.'21, p. 5.34).
a) i)einlurcs d'un caractère liturgi<iue orilinairement au voisi-
nage de la porte d'entrée, tandis qu'à Pompéi les peintures
liturgiques sont le plus souvent exécutées soit dans l'atrium, soit
dans une des salles qui en dépendent.
BIBLIOGRAPHIE 789
PI. I (= Safjflio, Dicl., fig. 7443) : i)eiiiture d'autel décoviverte
on 1904 à l'ouest de la maison des dau]>hins, ciiuiuicnie couche, in
situ (fragment de la quatrième couche au musée, fig. 7 Restes de
douze revêtements superposés. M. Bulard discute longueineut
l'interprétation de ces peintures. Résumé : sacrifice offert devant
un autel par plusieurs i)ersonnages (putcr f'uniilius et membres de
la famille) enveloppés dans un long vêtement dont un pan leur
recouvre la tète et la nuque : la victime est un porc que conduit
un personnage (le popa) vêtu à la légère (du limus) et de plus
petite taille que les personnages sacrifiant. Monument consacré
par les habitants de la maison au culte du (Jenius : inscription
Agat[hodaimoni] sur un autre fi-agment (fig. 8. au musée) ; or,
Agathodaimon ~-= Genius. Sur les côtés, luttes (d'esclaves?) (jui
avaient lieu dans les vici, aux ludi conipitalicii, le jour de la
principale fête des Lares, les Compitalia ; amphore et palme = prix
de la lutte. Évolution : fidèles en train d'honorer la divinité
'fJenius. Lares), puis, aune époque relativement récente cf. Pom-
péi : Genius seul), la divinité même : sacrifice offert à l'intention
des membres de la famille par le Genius assisté de deux Lares.
Impossible de fixer des dates, mais antériorité des monuments
de Délos par rapport à ceux de Pompéi.
PI. V, A : peinture du magasin des colonnes, au musée.
PI. VI, C. et fig. 49 : peinture de la maison des dauphins :
groupes d'Eros se livrant à divers jeux et occupations de la vie
courante. Cf. troisième stj'le pompéien Cmaison des Vettii).
A. Plassart* (BCH, 1916. cf. Reu. et. gr., 1920. p. 310. 4221 a
découvert de nombreuses peintures dans le quartier du stade : à
droite de l'entrée de l'habitation C (fig. 10, 16i ; autel de l'habita-
tion C (fig 11, 13-15); autel de l'habitation D (fig 28-32) ; la plus
belle est une « tête radiée de Phoibos, de face, le visage et le
regard tournés légèrement à gaucho » fig 19 et p. 191). trans-
portée au musée; elle ressemble étonnamment à un buste de
Phoibé. bas-relief de marbre trouvé en 1910. au nord-est de la
baie de Phourni (fig. 20 et p. 191. n. 2).
6) Peintures décoratives cf. premier style pompéien : Saglio.
Dict., fig. 0755-0757).
-l/osajgues publiées aussi en 1908 par M. Bulard* : ni musiviim
opiis revêtement mural en mosaï(iue) ; ni o/nis si^^nirunt (pave-
ment d'une extrême dureté en ciment), mais :
1. opus barbaricum I ciment oh l'on insère de simj)lcs cailloux
roulés), ex. : maison à l'ouest de celle des Poseidoniastes.
2. opus segmentnium cailloux remplacés par des fragments en
marbre, aux arêtes vives), dans un grand nombre d'habitations;
ex. : vestibule de la maison des (laui>hins (p. 192-193, fig. ri8-fi9),
790 BIBLIOGRAPHIE
sorte d'apotiupaioii qu'on retrouve sur un fragment de lampe
(destiné à écarter les mauvaises influences qui peuvent s'intro-
duire dans l'intérieur de la maison : explication de Ed. Meyer qui
rapproche la mosaïque de l'hiéroglyphe égyptien de la vie : f )
3. opus vermiculatiim (les fragments de matière dure sont de
forme et de dimensions très différentes, suivant la finesse des
détails qu'il s'agit de rendre); ex. : pi. X, A : amphore panathé-
naïque; pi. XII : mosaïque des dauphins, in situ. Signature :
'AaKXamdbriç 'Apctbioç ëTioiei; pi. XIV-XV : mosaïque trouvée en
1904, Dionysos chevauchant un tigre (Cf. mosaïque de Pompéi,
Ruesch, Guida, p 57, n°179: Saglio, Dict., s. v Musivum opus,
fig. 5239 )
Aucun indice chronologique n'est relevé.
h) Monuments divers.
1. Théâtre, du iii« siècle. J. Chamonard* {BCH, 1896), p. 257:
« L'orchestre et les bâtiments de la scène, eniouis sous les décom-
bres, ont été pour la première fois l'objet de recherches en 1882.
A cette date, M. S. Reinach* [BCH, 1889] déblaya Vorchestra,
les trois premiers rangs de gradins du kuilon et les dalles servant
de bases aux colonnes du proskénion. Dans les fouilles reprises
en 1892 et 1893, ou a pu retrouver le tracé de l'analemma, le
diasôma, les différentes portes d'accès du koilon, les paradai,
l'ensemble des bâtiments de la scène, et lever le plan complet du
théâtre. » Plan = pi. XIX-XX, coupe = pi. XXIII, phot. =
pi. XXI-XXII. /6 , p. 307 : « Je n'hésite pas à voir dans la scène
de Termessos, — et des autres théâtres analogues, — la tran-
sition entre la scène du théâtre grec du iv* et du m» siècle
(Epidaure ou Délos) — issue elle même du logeion de bois du
v^ siècle. — et la scène proprement romaine (Athènes, Aspendos). »
Ib., p. 312 : « Le théâtre de Délos, tant par les dimensions du
proskénion et les comparaisons auxquelles il peut donner lieu que
par les renseignements que l'on trouve dans les inscriptions, me
paraît donc fournir de solides arguments en faveur de l'existence
du/og-eio/i. » Cf. Th. Homolle* (1894), et Xavarre, Dionysos (1895),
p. 310-312.
Réponse de Doerpfeld* (1896), p. 580 : « Le plan de la skénè, et
particulièrement le prolongement de la colonnade sur les quatre
côtés de la skénè — la division du proskénion avec ses panneaux
peints (irivaKeç) en trois compartiments qui pouvaient représenter
trois maisons distinctes — enfin la mention dans les inscriptions
d'un double décor, celui du bas et celui du haut, — sont autant
de preuves qu'à Délos, comme en général dans les théâtres grecs,
les acteurs et le chœur jouaient ensemble dans Vorchestra. »
BIBLIOGRAPHIE T'.M
Cf. BCH, 1894. p. 1G7, et M. Biebci-, Tlit-ittrrwvscn (li)20), j». 28,
fif?. 24-26, pi. 12.
M. Replat étudie en ce moment le kuilon et Vnnulenimu et
M. Vallois la scène (Reo. et. /,••/• , 191'.). \t. 247. liCII. i;»20. p. :W8,
1921, p. 534).
Les grandes citernes : Avezou* (1913), p. 115, fig. 1.
2. Gymnase. Fouilles de G. Fougères* (BCH, 1891». et de
A. Plassart*, en 1910-1911 {BCH, 1912 : inscriptions).
3. Stade. Fouilles de A. Plassart* en 1912 {BCH, 1910; cf. Ave-
zou*, 1913, p. 124 et fig. 5).
MM. Replat et Pippas ont déblayé une partie de la rue qui
reliait le hiéron au stade (BCH, 1921. p. r)32).
4. Hippodrome. M. Replat a découvert récemment la tribune
au nord-est du musée {BCH. 1921. p 532). Il a aussi reconstitué
le tracé complet du mur de défense élevé en 69 av. J.-C. par le
légat Triarius. (Cf. Avezou*. 1913, p. 122 et G. Fougères, C. r.
Acad. Inscr., 1918, p. 368).
5. Palestre du Lac et Palestre de i;-riinit. Avezou* (191!î). p. 120
et suiv. :
Palestre de granit : antérieure au m* siècle (p. 121, fig. 4).
Palestre du Lac. Cf. Ch. Picard* (1911), p 855. fig. 4-5.
6. Terrasse des lions. G. Leroux* (1908) : on a trouvé, en 1906,
plusieurs des lions archaïques (jui étaient au moins neuf. L'un
d'entre eux avait été transporté à l'Arsenal de Venise (fig. 3).
Du VII* siècle et d'origine naxienne comme le sphinx.
ni. — MUSÉE.
a) Marbres.
Artémis en forme de Eôavov, dédiée par Xicandra, fin du vii" s.,
trouvée, en 1878, près du temple d'Apollon : Th. Homolle*,
BCH, 1879.pl. I. Cf. Perrot-Chipiez. VIII (1903). p. 148, Duoati,
A rie cl , p. 159. Transportée au musée d'Athènes. Staïs. Guide,
I (1910), p. 2.
Niké archaïque dite {BCH, 1901, p. 496. n. 1) d'Arrhermos,
VI* siècle , trouvée, en 1877, près du temple d'Artémis. Th. Ho-
molle*, BCH, 1879. p. 393-399, pi. VI-VII. Cf. Perrot-Chipiez,
VIII, p. 299-307, Ducati. Arte cl., p. 163 Musée d Athènes,
Staïs, I, p. 5.
Artémis archaïque, debout, trouvée en juillet 1884 : P. Paris*.
BCH, 1889. pi VII Musée d'Athènes, Staïs. 1, p. 13.
Th. Homolle* {De ant. I). sim., 1885l clas.se les statues ar-
chaïques d'Artémis en deux séries qui se placent au vu" et au
v* siècle et entre lesquelles s'ouvre une lacune. Cf. G. Perrot*,
Journ. San , 18S7, Perrot-Chipiez. VIII. p. 313-317, Staïs, I. p. 13.
792 BIBLIOGRAPHIE
Têtett, découvertes et publiées par Th. Homolle* : 1. Apollon
archaïque (BCH, 1879, pLVIII, 1880. p. 35). —2. Déméter voilée,
du iV siècle, trouvée eu 1877 {BCII, 1879, p. 516, pi. XVI,
1880. p. 38-41) ; musée d'Athènes, Staïs, I, p. 35 — 3 4. Diony.sos
barbu (BCH. 1881, pi X). — 5 Personnage inconnu Ub., pi. XI).
— 6. Portrait d'un ami ou d'un successeur d'Alexandre {BCH,
1885, p. 253. pi. XVII). — 7. Portrait d'un souverain ou d'un
vainqueur (/6.. pi. XVI, 1). — 8. Dionysos barbu Ub , pi. XVI. 2)-
Fragments des groupes placés aux deux acrotères de faîtes du
temple des Athéniens Restaurations de Furtwângler* (1882) :
à l'ouest, Eos enlève Céphale (fig. p. 338 - Roscher. I, p. 1277) ;
à l'est Borée enlève Orithyie (fig p. 339 = Roscher, 1, p. 811).
Guerrier Trouvé en août 1882 (S. Reinach^^ 1889, pi. II).
Musée d'Athènes. Staïs, 1. p. 82.
Conclusions négatives de G. Leroux* (1910) : il s'agit d'un
guerrier galate (casque sculpté sur la plinthe). Xi l'œuvre d'Aga-
sias d'Ephèse (S, Reinach), ni l'œuvre de Xikératos (P. Wolters).
Anonyme. Une tête de Galate trouvée à Délos après 1895
(pi. IX-X; musée de Délos) est trop petite pour ai^partenir à la
statue. (De même : S Reinach, Reo. arch., 1909, II, p. 465-4G6).
Une autre tête de Galate découverte en 190ô dans l'agora des
Italiens (fig. 6-7 ; musée de Délos) diffère à tous égards de la
statue. — Hypothèse nouvelle de J. Six* (BCH, 1913) : Myron de
Thèbes à Pergame, v. '240) serait l'auteur du guerrier de Délos.
Diadiimène, découvert, en août 1894, par L. Couve* {BCH.
189.5 ; Mon. Piot, 1896; : la plus fidèle de toutes les répliques con-
nues du chef-d'œuvre de Polyclète; ir siècle ou premières années
du I" siècle. Musée d'Athènes, Staïs. 1, p. 84.
Athlète, trouvé en môme temps que le Diiiduniène : L. Couve,
BCH, 1895. p. 481-482, fig. 12. Haut. 2-"25. Musée d'Athènes,
Staïs. I. p. 82.
Jeune fille en Artémis, statue acéphale trouvée, en 1894, par
L. Couve* (1895, fig 11). dans la maison du Diadumène. C'est là
aussi que A. Plassart* a décovivert la tête en 1916 : « C'est une
mortelle que le sculpteur du i*''' siècle avant notre ère a figurée
avec ses attributs divins — une mortelle, disons mieux, une jeune
morte... Une tombe de Rhénée sans doute eût dû s'orner de
cette effigie juvénile, à l'expression de douce et mélancolique
gravité. » (p. 356). Musée d'Athènes, n" 1829.
Statue de femme. L. Couve* 1895, pi. Vil et 1S97, pi. XII 1) :
restes de polychromie : tunique peinte en bleu, manteau en rose,
semelle de la sandale en rouge, cheveux en rouge-brun assez vif.
Époque hellénistique. « N'a pas de sœur plus ressemblante qu'une
HIItLIOGIlAl'HIE 193
(luelconque dos mignoiines lij>;urinc'S i\o Tanagra. i» Miisf'f- de
Délos.
Aplirudite et i'iin, j^n-oujjc en marbre de l'aros découvert dans
l'Etablissement des Poscidoniastes, le 20 juin 1904. Aucune
réplique exacte : M. Kulard* (1900, pi. XlIl-XVI). Musée,
d'Athènes.
Muses : F. Ma3'euce+-(;. Leroux (1007. pi. XV-XVI). Musée de
Délos.
Dionysos assis: L. Rizard*-(j!. Leroux 1907, fig 20-21). Musée
de Délos.
Silènes debout ■ L. Bizard*-G. Leroux (1907, ])1. X-XI). Musée
de Délos.
Héniklès debout, statuette de marbre blanc. Se rattache à la
tradition lysippéenne; cf. Héraklès d'Aequum : L. Couve* (1895,
l'ig. 4|. Musée de Délos.
Hermès déjeune satyre: buste en marbi-e blanc trouvé par
A. Plassart*, dans l'habitation D à l'est du stade. Musée de
Délos. fAvezou*, 1913, p. 129, fig. 9.)
Deux colonnes surmontées d'un spiiinx. Reconstitution de
MM. Replat-Poulsen-Ilisom au moyen de fragments conservés
au musée de Délos (Tli. lIomolle=i^. 1913). Cf. colonne des .Naxieus
à Delphes.
Bas-relief ootif ù Esruluiw, trouvé en 1889: Doublet* (1892,
id. VI).
Bas-relief se rapportant au culte des Lares, trouvé à l'agora des
Compétaliastes. M. Buiard*. Peint. (1908), p. 45, n. 2 .• n Pour des
raisons d'ordre historique, le bas-relief que reproduit la figui-e 14
[cf. p. 40-41] semble devoir se placer aux environs de l'année 100
av. J.-C. Voir Jouguet, BC7/, 189W, ]). fiO et suiv. )) Mu.sée de
Délos.
Bas-relief se rapportant au culte d'Agathodaimon : M Hulard*
(1907, fig 24) : Isis-Tyché, Agathodaimon, Sérapis. Musée de
Délos.
Deux bas-reliefs publiés par L. Bizard*-C. Leroux 1907.
pi. XIII et fig. 2:-i).
Bas relief de Rhénée. .\L Besnier a établi qu'un bas-relief du
musée d'Aix a été trouvé vers 1705 à Rhénée (S. Reinach, Reo.
arch., 1913, I, p. 87).
Le cataloguo des reliefs votifs du musée de Délos h éU' confié
à M. Demangel {BCII, 1921. j). 5:^.0).
Neuf ou dix marbres ronscrnés au Lourre. Miclion* (1911 :
Vlnopos (pi. X; cf. Collignon, Se. gr., II. p. 43:<. n. 2 : « sans
doute un Alexandre idéalisé -), v. supr. Tcles, n' fi\ une statuette
794 BIBLIOGRAPHIE
de femme (fig. 1). une stèle funéraire de P. Licinius Anius (fig. 2i,
deux autels (fig. 3-4), un et probablement deux fragments d'archi-
tecture (fig. 5), trois inscriptions.
b) Vases et terres cuites. [Tous les vases ti'ouvés à Rhénée
par StavropouUos (1898-1900) sont au musée de Mykonos. Cf. Per-
rot-Chipiez, IX. p. 474-479. L'éphore Rhomaios et l'épimélètc
Pippas les publieront d'ici un an ou deux. Cf. Bull. corr. helL,
1920, p. 367, n. 2. — Sur un grand vase à figures rouges, M. Val-
lois voit la fameuse danse sacrée du Yépavoç. Cf. Saglio, Dicl.,
s. v. Délia, n. 14.]
Vases archaïques. Poulsen*-I)ugas (1911):
I. Vases géométriques des Cyclades (fig. 1-49);
II. Vases déliens orientalisants (fig. 50-66) ;
III. Vases méliens (fig. 67-80).
I Fragment damphore funéraire, étudié par Fr. Poulsen* (1909)
et par Perrot, IX, p. 480-482.
Vases des VII' et F/* siècles. Ch. Dugas* (1912) : P. Roussel a
mis au jour, en 1911. dans l'Héraeon, « une quantité considérable
[cinq cents pièces au moins] de poteries peintes et de masques en
terre cuite, appartenant aux vu" et vi* siècles ». Plusieurs dédi-
caces à Héra. Vases corinthiens de beaucoup les plus abondants.
Quelques vases méliens et rhodiens. Parmi les échantillons de la
céramique attique, deux lécythes à figures noires ; 1. Ménades ;
2. Achille traînant le cadavre d'Hector (cf. //., 24, 16).
M. Dugas doit publier cette riche collection.
Vases hellénistiques : lagynoi. Étude importante de G. Leroux*
(1913), comptes rendus de S. Reinach (Rev. arch., 1913, I,
p. 259), de Pottier (Rev. et. g-r., 1914, p. 344) et remarques de
Ch. Picard* (1913).
Vases à reliefs. F. Courby* (1913) : fabriqués à Pergame entre
150 av. et env. 50 ap. J.-C, reproductions de vases métalliques.
Statues de terre cuite. Grande tète en terre cuite trouvée,
en 1910, par Ch. Picard* {C. r. Acad Inscr., 1911, p. 871. fig. 7-8),
à l'est du lac. Cf. Avezou* (1913), p. 131 : fin du iir s. av. J.-C.
M. Laumouier doit compléter le mémoire de M. Déonna sur les
terres cuites [BCII, 1921, p. 535).
Réchauds en terre cuite. F. Mayence* (1905) : plus de 850 à la
fin de la campagne de 1904. Deux parties du réchaud (exemplaire
complet dans Conze, lahrb. d. arch. Instituts, 1890, fig. p. 137,
cf. Saglio. fig. 3128-3130) :
a) Inférieure : cylindre évasé par le bas = pied = réceptacle
pour cendres ;
b) Supérieure .foyer = récipient hémisphérique, profond d'en-
viron 20 centimètres et percé de trous qui augmentent le tirage.
BIHI.IOGKAPIIIK 795
Sur le bord circulaire : trois appendices quadraiigulaires, surface
plane à l'extérieur, saillie obli(iue vers l'intérieur. Supports de
réchauds =: les appendices munis de ces saillies intérieures (plus
de 600 à Délos en lOO.") ; caisses remplies dans les magasins du
musée). Décoration : têtes mitrées, couronnées de lierre, surmon-
tées du foudre; tètes sans couronne de lierre ou à chevelure
hérissée.
Lampes. \\ . Déonna* (1908) : sur 2.00O environ, une dizaine au
plus en bronze ou en plomb.
c) Bronzks.
Tête virile. Trouvée dans la palestre de granit, le 13 sept. 11)12 :
Ch. Avezou* (1913), p. 130-132, fig. 10. Publiée par Ch. Picard*
(1920) ; portrait d'homme inconnu, u" siècle av. J.-C, technique
hellénique — Musée d'Athènes, n° 14612 Plâtre au musée de
Délos.
Figurines d'envoûtement. Aux 31 figurines déjà connues,
Ch. Dugas* (1915) en ajoute 4 en bronze, découvertes à Délos. On
peut voir aussi au musée quelques figurines minuscules en plomb,
au cou muni du carcan.
Bas-relief tTOU\é, en 1908, dans la fontaine Minoé : F. f'ourby*.
Mon. Piot, 1910, pi. VI. Explication nouvelle de R. Val-
lois* (1921) : Artémis Trupqpôpoç allume^e feu de l'autel de Dio-
nysos.
IV. - LÉGENDE ET HISTOIRE.
a) LÉGENDE : Hymn. Hom. à Apollon, éd. Allen-Sikes ( Londres,
1904), p. 70, et Callimaque, ^ Délos, éd. Cahen (Paris, 1922), \k 66.
6) Histoire. Elle repose surtout sur des documents éjiigra-
phiques (F Durrbach*, 1912, 1921).
Th. Homolle- (1887, cf. liCH, 1887, p. 302) : archives de lin-
tendance sacrée de 315 à 166 av, J.-C.
M. Lacroix* (1914) : architectes et entrepreneurs de 314 à 24U
G. Glotz* (1916) : prix de la poix (*) : 40 dr. le métrète en 279
(invasion dos Celtes); 9 dr. le métrète en 179 (bons rapports avec-
la Macédoine).
F. Durrbach* (1916) : chronologie des archontes déliens. Dates
extrêmes pour la liste de Lysixéuos à Anektos : 301 et 168.
Ziebarth* (1917) : durée et valeur des fondations pieuses.
\}) 1. iiuporlaiite loi qui rcgleineiitait la \eiile tlii liois et «in i-li.irl)i>ii
(seconde moitié du ni» siècle) niérile aussi d'être eitee : ScHim-.K Hi TEn>
BuU. rorr. hell.. I!»07. p. KM»3.
796 BIBLIOGRAPHIE
La période romaine a été étudiée sérieusement, pour la pre-
mière fois, par Th. Ilomolle* (1884). Depuis lors la question a
été traitée à plusieurs reprises, entre autres par J. Hatzfeld*
(1912), mais le livre de P. Roussel* (1916) offre la plus riche et la
plus sûre documentation :
Délos devient colonie athénienne en 166 av. J -C. (Polybe,
XXX, 20). Son ijort est déclaré franc : 1. àréXeia : plus de taxes
sur les étrangers, libre accès de l'agora ; 2. expulsion des Déliens.
Traits généraux de son histoire après 166 : Strabon, X, 5, 4;
XIV, 5, 2
I. — Population.
u) Athénienne: clérouques qui ne sont pas tous pauvres;
PouXri, éKKXriaia, prytanie, proédrie, comme à Athènes; monnaie de
bronze. — « Après 140 environ, les anciens clérouques ont presque
tous disparu; la plupart de ceux qui leur ont succédé ne résident
point dans l'île d'une manière continue. »
b) Xon athénienne : 1. les 'Piu)aaîoi : très nombreux après la
ruine de Corinthe, majorité d'affranchis; 'EpiumoTai, 'AttoWuj-
viaOTaî, TToaeibujviaOTai, Ko|UTT€Ta\iaaTa(. — 2. les Eévoi ou "EWr^veç :
Koivov Tûjv Tupiuuv 'HpaK\eiaTuùv..., tô koivôv BnpuTÎuuv TToaeibuuviaaTuùv...,
synagogue juive, association gréco-égyptienne. Les Alexandrins
et les Syriens étaient trfs nombreux, mais ne formaient proba-
blement pas d'association (aucune dédicace) .
II. — Administration athénienne.
1. Epimélète éponjme et annuel: choisi dans les meilleures
familles; àpxn mal définie.
2. Administrateurs des biens sacrés : les deux hiéropes men-
tionnés dans les textes de la fin de l'indépendance ont été rem-
placés par un collège unique de deux magistrats qui exerçait
annuellement l'une et l'autre fonction : ém Tr)v qpuXoKrjv tûv iepôiv
XPnMciTujv et ém Tàiepci (Homolle admettait : deux collèges de deux
magistrats). Contrôle du KexeipoTovriiLiévoçéTTiTriv brmoaiav rpdneZav,
préposé à la banque publique.
Revenu des propriétés (Délos, Rhénée, Mykonos) : 7,600 dr.
en 179; des maisons .sacrées (pour les années 315-166, cf. S. Moli-
nier*, 1914) : 503 dr , en 282, 1,735 dr., en 179, 5,000 dr., en 156.
3. Epimélètes de l'emporion (un collège de trois membres, puis
epimélète unique); Agoranomes (trois, puis deux).
4. Un gj'mnasiarque et deux paidotribes.
m. — Cultes et sacerdoces.
1. Divinités helléniques : triade apoUinienne ; llestia, Rome;
Zeus et Athéna; Dioskures-Kabires, Héraklès, Dionysos, Her-
BIBLIOGKAPHIE 797
mes, Pan; Asklépios ; Aphrodite; Déinéter. Koré; liera; Agathe
Tyché.
2. Divinités étrangères : égyptiennes (Siirapis (<), Isis, Anou-
bis; Harpokratès), syriennes Hladad. 'A^vn 'AqppobÎT»! 'ATcip^aTiç) .
3 Associations (Héraklès = Melkaith tyrien ; Poséidon sémi-
tique; eeôç Ov|;iaToç — Tahveh... ; Lares Compitalos) et cultes pri-
vés (Agathodaimon, Lares).
IV. — Constriictiuns de Vépoquc nthi'iuenne (peu de marbre,
mesquinerie I :
1. Nouveaux propylées; 2. entrées est et nord du hicron ;
3. petit sanctuaire dionysiaque; 4. temple annexe du Kabeiron
(101-100); ."). remaniements au sanctuaire du C'yntlie; (>. j,M'ande
partie du sanctuaire égyptien ; 7. sanctuaire syrien; 8. remanie-
ments au gymnase; 9. galerie parallèle au stade (111/100); 10. por-
tique annexé au portique de Philippe; 11. agora des Italiens;
12. établissement des Poseidoniastes; 13. maisons (chronologie
incertaine).
V. — Catastrophes de 88 et de 69. Décadence
a) En 88 : Délos se déclare pour Rome, contre Mithridate;
Athènes veut reprendre l'île (échec d'Apellikon;, Mithridate la
fait saccager (Paus., III, 23, 3) ; victoire de Sylla.
6) En 69 : pillage par les pirates d'Athénodoros. Mur de Tria-
rius. Victoire de Pompée (Cic, Pro leg: M an., 18l.
c) La décadence commence dès 88. Crise commerciale de jiKis
en plus forte. (( Il est incontestable qu'une petite agglomération
urbaine a existé à Délos dans les premiers siècles de l'ère chré-
tienne. »
Construction de thermes : celui de l'Agora du Sud au milieu du
ir siècle ap. .T.-C.
Les Athéniens mettent l'ile eu vente, mais il ne se présente pas
d'acheteur (Philostr., Vit. Sophist., I, 23). — Paus., VIII, 33, 2 :
f] Af|\oç... eprjMÔÇ ^otiv àvGpdcmjuv. Cf. IX, 34, (!.
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Ouvrage accompagné de trois cartes : I. Carte géologique
dressée en 1906 et 1908. Échelle de 1/10,000. État d'avancement
des fouilles au mois de juillet 1908. {Exploration archéologique
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temple, ibid., p. 515-526, pi X-XII.
— Sur quelques monuments figurés trouvés à Délos,
ibid., p. 393-399 et 1880, p. 29-43.
— , Fouilles exécutées à Délos, Rev. arch., 1880, II,
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I. Le quartier marchand au sud du sanctuaire
(pi. V-A'II). 11. Le magasin des colonnes (pi. Vlll-
Xbis) m. La maison de Kerdon (pi XI-XII;.
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PÉRIODIQUES
INDEX SOMMAIRE
Linguistique. — 7, 13, 14.
Philologie. Généralités. - 6, 14.
— indo-européenne. — 7, 13.
— grecque. — 5, 7, 9, 12, 13, 14, l(i, 18, 24, 32, 34.
— latine. — 7, 9, 13, 14. 15, 18, 32, 33, 36.
— espagnole. — 14, 34.
— française. — 6, 14, 19, 30, 33.
— italienne. — 32. 33.
— roumaine. - 4.
— germanique (gén.). — 7. 13, 36
— allemande. — 3, 7, 12, 36
— néerlandaise. — G. 30
— Scandinave. — 36.
— slave. — 4, 7, 24.
Littérature. Généralités — 6, 12, 13. 16, 19, 27.
— grecque. — 7. 9, 12, 13. 14, 15, 16, 18, 32, 34.
— latine. - 7, 9, 12. 13, 15, 16, 18, 32, 34.
— latine du moyen âge et des temps modernes. — 1,8,
12, 13, 15. 16,21,27. 34.
— espagnole. — 27, 35.
— française. — 2 6, 12, 14, 17. 19, 22. 23, 25. 27. 28,
31, 32. 35.
— italienne. — 2. 8, 12. 13, 27.
— portugaise. — 22.
— allemande — 3. 12, 17. 27. 36.
— anglaise. — 13. 14. 17, 19. 21. 2:<, 27. 34.
— néerlandaise. 2. 6, 27, 35.
— Scandinave. — 27
— slave. — 2, 23. 24. 27. 30.
806 PÉRIODIQUES
Histoire. Généralités. — 11, 22.
— de l'antiquité. — 5, 9, 10, 16, 24, 28, 32, 33, 34.
— du moyen âge. — 1. 2, 10. 11, 20, 21, 28, 29, 30.
— moderne. — 1, 2, 4, 8, 10, 11, 20, 21, 22, 26, 29, 30, 31,
35.
— contemporaine. — 3, 11, 20, 22, 25, 26, 27, 29, .30, 31.
— économique et sociale. — 9, 10, 20, 21, 23, 26, 29, 30, 31.
— des mœurs. — 1, 9, 10, 16, 17, 18, 21, 22, 27, 30, 31.
— des sciences. — 1, 2, 12, 15, 20, 22, 26, 36.
— de l'art. — 5, 22, 25, 27, 35
Archéologie. — 5, 15, 16, 36.
Autres sciences auxiliaires de l'histoire. — 1,4, 12, 15, 18, 30.
1. — Annales de la Société d'Émulation de Bruges. Revue
trimestrielle pour l'étude de l'histoire et des antiquités de
la Flandre. LXV, 1915-1922.
A. De Pookter et M. Alliaume. Catalogue des manuscrits mathé-
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E. Coppieters-Stochove. Le ])oêle du Service des échevius
d'Ypres tués en 1303. 127.
V. PiL. De laatste jaren der abdij van Zonnebeke. 131.
Bibliographie de l'histoire de l'ancien Comté de Flandre.
[1914-1922]. 1*.
2. — Nuova Antologia. LVII, 1922.
CCXIX. — N. Tamassia. Per il VII centenario dell' Universita
di Padova. 12.
T. Mantovani. Paolo Ferrari. Xel centenario délia nascita. 44.
G. -P. GoBBi. La casa e la villa di Alessandro Manzoni. 58.
L. Landucci. Il settimo centenario dell' Univei'sita di Padova.
107.
F. Picco. Italianisants, che scompaiono : Emile Picot. 148.
N. TcHiLEPE. Vasoff e la letteratura bulgara. 154.
G.-N. Garibaldi. Rievocazioni storiche : Cecco Angiolieri. 160.
G. Mexasci. Pierre de Nolhac. 222.
L. Frati. Casanova a Bologua. 244.
CCXX. — C. Ricci. Giacomo Leopardi a Ravenna. 3.
G. ijALisTi. L'attentato di Anagni e una laude di Jacopone da
Todi. 71.
t>ÉRIODIQUES 807
C. Levi. La figura del « Giornulista » nel teatro italiano. 110.
F. Bastiaanse. Caraterri e figure délia leLteratura luoderua
olaudese. 145.
3. — Archiv ftir ôsterreichische Geschichte. 109, 1922.
J. Tarnellkr Die Hofuameii ini Unteru Eisacktal. 1.
M. Ledkrkk. Ileinrich Joseph von Collin uud sein Kreis. 15;{.
V. BiBL. Die Religionsreforniation K iiudolfs II, in Oberuster-
reich. 373.
M. HussAREK. Die Verliandlung des Konkordats vom 18. August
1855 447.
4 — Arhiva. XXIX, 1922.
I. Bârbulescc. Nasterea individualituliilimbii romînesielemeutul
slav. 457.
A. ScRiBAX. Edmologii roniiuesti 475
G. GhIb.ïnescu. Divanurile domnesti din Moldova si Munteuia
din secolul xvii-a. 1686-1692. 478. '
G. Pascu. Axintie Uricariul »i Xeculai Costin. 489.
M. Stefànescu. Toponimice rominesti eu termiuatiunea — âuli.
499.
5. — Bulletin de Correspondance hellénique. XIjVI, 1922.
A. Philadelpheus. Bases archaïques trouvées dans le mur de
Théiuistocle à Athènes. 1.
P. Peudrizet. Etudes amphij)olitaines. .36.
li. Dananget. Fouilles de Délos. Un sanctuaire d'Artémis-
Eileithyia à l'est du Cynthe. 58.
R. V. L' « Agalma » des Dionysies de Délos, 94.
L. Renaudin. Vases i)réhelléniques de Théra à l'École française
d'Athènes. 113.
A. Salac. ZEYI KAIIOI 160
Ch. Picard. Un oracle d'Apollon Clarios à Pergame 190.
E. CucQ. L'inscription bilingue de Délos de l'an 58 avant J-C.
198
6. — Leuvensche Bijdrag-en XIV, 1922.
J. Kt,i:yxt.iexs et .) Corxelissex. Collacie uit den Kriug der
Moderne Deiwtie. 1 .
B -M. Woodbridce Le mélange coupable. 10.
P. Marciiot L'idiotisme wallon. Ci n'est qu'eu- boluns ou qu'eir
et but uns ou qu';) cir butons. 13
J. Mansiox. De huidige stand van iiel toponymisch ouderzoek
vooi-al in België. 15
Bijblad. — L. Grootaers. 1. Dialectisch kleingoed. 2. Bak taud.
3. Xavel. 4. Eigenaai'dige samenstellingen. 1.
L. (Jrootaers. Taalgeographisch onderzoek. 4.
— Phonetica. Uitspraakleer eu spreekonderwijs. 25.
808 PÉRIODIQUES
7. — Indogermanische Forschungen. XL. 1922.
N. VAN Wyck Zum baltisclien und slaviscben Akzentverschie-
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H. Reichei.ï. Die Labiovelare. 40.
E. Fraexkel. Griecbisches, Lateinisches und Baltisch-Slavis-
ches. 81.
A. Nehring. Die Seele als Wasserblase. 100.
A. Debrunnek. Homericall, und III. 107.
J.-B. Hoffmann. Nochmals passiviscbes amantissinuis. 112.
M. Leumann Das lat. Suffix — Imciis. 116.
G- Neckel. Die dreisilbigen Akzentlypen des Germaniscbeu. 123.
V. Grienberger. Ortsnamenmaterial und Spracbvergleicbung.
135.
M. Vasmer. Die Flexion von altbulg. kyj:: 'qui,. 139.
G. Iljinsky. Kirclienslavisch ovostz 'Frucbt,. 144.
V D. Ostexsacken Das litauiscbe langvokalische Priiteritum im
seinen Verbaltnissen zum Infiiiitiv und Pi-iisens. 145.
F. Krcek. Talokus bei Bretkuu. 160.
E. KiECKERs Imperativisches in indikativiseber Bedeutung im
Xeubochdeutscben. 160.
R. Back. Meiiiziniscb-Spraclilicbes. 162.
O. Behagel. Die 2 Pers. Sg. Ind. Priit. st. Flexion im West-
germ. 167.
8. — Giornale storico de la letteratura italiana
LiXXIX, 1922.
R. Oktiz. La materia epica di cielo classico, nella lirica italiana
délie origini. 1.
Ci,. Gatti. Gli scritti di Veronica Giviliani. Il dramma di un'
anima religiosa. 161.
Fer. Nero. 11 " De sanetis » et la critica francese. 219.
P. Carli Guido da Montefeltro nell' episodio dell' Inferno dan-
tesco. 264.
G. Jaxxone. Xoterelle dantcscbe di .\lessandro Poerio 290.
LiXXX, 1922. — L. DI Francia. Alla scoperta del vero Ban-
dello(ll). 1.
U. BENATri. Il Frugoni o i Rezzonico. Letteratura e politica in
una corte italiana del settecento. 95.
L. CiiiAPPELLi. Cino da Pistôia di parte « Bianca ». 120.
F. Patetta. Il viaggiatore torinese Faeino Corri e la sua descri-
zioni del sepolcro di Dante. 13.3.
9. — Hermès. LXXV, 1922.
0. Robert. Apboristiscbe Bcinerkungen zu den Ekklesiazusen
des Aristophanes. 321.
PÉKIODIQI ES HOU
R. Reitzenstkin. Philologisclie K.leiiiifj:keiten, ") Vax Wovw/. uud
CatuU. 357.
F. Jacoby. \9. KAAAI0YEIIA. 3GB.
L. Webkk. Perikles sainische Leiclienrede. 375.
M. WEi.iiMANN. Der Verl'a.sser des .Aiionyinus Loiidiniciisis. 39tj.
F. Graei-'E. Kleine Studien zur Mariiiej^escliiclite des Alter-
tums. 430.
O. ScHRODER. Keitnige zur Wicdcilierstolluiif»; des Hyperides-
textes. 450.
K. MuNSCHER. Zu Deiuosthenes. 465.
St. Brasloef. Zum Pap. liai. 1, 219 sq.
J. G. E. HoMTius. Hipjnas oder Ilipparchos. 475.
O, Weinreich. Zu Ptolemaios Chenuos VIT, 1. 479.
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des Hautes Etudes marocaines, I, 1921.
Brunot Noms de récipients à Rabat. IM.
MiCHAUx-BEr.i,AiRE. Essai sui- l'iiistoiie des confréries niaro-
caiues 141.
Renaud. Recherches historiques sur les épidémies au Maroc. La
peste de 1799. IGO.
Laoust. La littérature des Berbères. 194.
Id. Noms et cérémonies des feux de joie chez les Berbères
du Haut et de l'Anti-ALlas 253, 387.
Gour.VEN. Notes sur les origines anciennes des Israélites au
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HuGUET. Le diplomate Chénier au Maroc (1767-1782). 343.
11. — History. N. S., VII, 1922.
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N. RoDOLico. The struggle for the right of association in four-
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XXII. — J.-A. Wii.MAMsoN. The Pilgrim Fathers. 196.
XXIII. — G. -M. Tkevklyan. The uumber of casualties at
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12. — Neue Jahrbûcher fur das klassische Alterlum.
XXV, 1922.
J. Ilberg. llermann Diels. 2.'i3.
H. DiEEs. llimmels und Hollenfahrten von llonier liis l)antc. 239.
K BiRDACH. Die Lehre des Platonischen Tiinaïos 40 H) von der
kosmischen Stellung derErde. 254.
H WocKE. Dcr Aekernianu aus Bohnieu. 279.
A. Nathaxskv. Spitteler und die AnliUc. 288.
Fr MiiNZEU. Otto Seeck: Olto Mirschfeld. 302
810 PÉRIODIQUES
A. ScHEiNDLER. Die Théorie der Widerspriiche in der hohereu
Homerkritik. 307.
K. Hartmann. Eskimos in der autiken Literatur ? 309.
E. Edelmann. Kleists Amphitryon und sein Verhâltnis zu
Molière. 310.
A. KÔRTE. Griechische Verskunst. 313.
Pr. Drexel. Altes und neues von Tropaeum Traiani. 330.
E. Castens. Wilhem Meisters theatralische Sendung. 344.
E. Henning. Das Eridanusriitsel. 364.
13. — American Journal of Philology, XLIII. 1922.
R.-J. Deferrari. St-Augu-stine's metliod of composing and deliv-
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A. -G. Laird. When is generic M H particular? 124.
E.-W. NiCHOLS. Single word versus phrase. 146.
F. -A. Wright. Two passages in Pindar. 164.
W.-F. Ai-BRiGHT. The origin of tlie name Cilicia. 166.
G.-B. DoLSON. Emprisoned English authors and the Consolation
of Philosophy of Boëtius. 168
E.-II Tutti, K The dcrivate.s of sanskrit ïïAvj. 170.
A. Roseth. Die Eutstehung des absoluten Infinitivs im Griechi-
schen. 220.
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P. Haupt. Biblical studies. 238.
K. Allen. The Fasti of Ovid and the Augustaii propaganda. 250.
14. — Neuphilologische Mitteilungen XXIII, 1922.
E. Oehmann. Hermaun Paul in memoriam. 1.
H. Almark. English in our secundary schools. 3.
L Spitzer. Zu aNeuphilologische Mitteilungeu ». XXll. 113-117,
Entgegnung. 31.
Ph.-A. Becker. Clément Marot uud Lukian. 57.
L. Spitzer. Wortmi.szellen : enclenque, esciielh, vecancanilla. 85.
J. Brûch. Wortmiszellen : balai, biais, blond. 90.
15. — Le Musée belge. XXV, 1922.
A. Delatte. L'Atlantide de Platon. 77.
P. Graindor. Une stèle funéraire béotienne. 95.
P. Rolland. Une inscrijjtion romaine de Tournai. 101.
J. DoBiAS. Prétendues inscriptions relatives à Dulgubni. 109.
P. Marchot. Noms de lieux belgo-romains dans la forêt d'Arden-
ne. 121.
A. RoERSCH. Liévin Algoet, humaniste et géographe. 127.
E. Merchie. Confiteor crrorem, Sidoine Apollinaire, Epist. III,
12. 2. 145.
A Dklattk. Senex pavidus futuri ? 151.
PÉRIODIQUES Hll
G. HiNNisDAKLs. Les ti'iivaux arclu'-ologiques de l'Ecole française
d'Athènes. 1919-1921. 154.
16. — Le Muséon. Revue d'études orientales. XXXIV. 1921.
A. Carnoy. L'idée du c Royaume de Dieu » dans l'Iran. Si.
J.-B. Chabot. Mélanges épigrai)lii<[ues et archéologifjues. 107.
P. Cruveilhikr Etude sur les fragments d'un code pré liam-
mourabien eu rédaction sumérienne. 117.
Th. Lefort. Analecta philologica [graeca]. 173.
H. Dkvis. Homélie cathédi-ale de Marc, patriarclie d'Alexandrie.
179.
R. Pki-issier. Alien races of East Russia. Among tbe Wotjaks,
251.
E. DE Zacharko. Usages des Tartares de l'Abakan. 261.
B. Belpaire. Une récente histoire de la Chine. 27.'^,
17. — Modem Language Notes. XXXVII. 1922.
W. SiLZ. Ratioual and emotional éléments in lleinnch von
Kleist. 321.
A. Schaffer. The « Trente-six ballades joyeuses » of Théodore
de Banville. 328.
E. C. KxowLTox. Causality in « Sanison Agonistes » 333.
G. C VoGT. « The Wife of Bath's Taie », « Women pleased »,
and « La fée Urgèle » : A study in the transformation of
folk-lore thèmes in drama. 339.
A. M. BiERST.vDT. Unacknowledged ])oems by Thomas Campbell.
343.
W. F. Tamblvn. Xotes on « King Lear ». 346.
P. F. Baum. The mare and the wolf. 350.
W. A. Eddy. a source for Gulliver's First Voyage. 353.
18. — Philologus. 1922.
^I. RoTiiSTEiN. Catull und Lesbiji. 1.
W. AxDREAE Die philosophischen Problème in den Platonischen
Briefe. 34.
J. F Beusel. lIipi)Ocratis qui fertur De medico libellus ad
codicum fidem recensitus. 88.
S. Brandt. Zii Lactanz. 131.
W. Siisz. Ueber antike Geheimscbreibmethoden und ibr Nach-
leben. 142.
W. ScHMiD. ApiZriXoç BepeviKu. 176.
Fr. Wai/i'her. Zu den Dialogen Senecas 180.
S. EiTREM C Gracchus und die Fiirien. 183.
19. — Modem Philology. XX. 1922.
G. L. \'ax Roosbroi;ck. Corneille's (linnn and the Cuiisi)ir;tti()n
des Dames. 1.
812 PÉRIODIQLES
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J. T. Adams. On the term « British Empire » 485.
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Ch. h. Haskins. Science at the Court of the Emperor Frederick II,
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the Tudors. 337.
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Ch. Askins. « Jving Harolrt's Books ». 398.
C. W. Prévité Arïon. Annales Radingeses Posteriores, 1135-
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G. H. FowLER. Some lost pleas of 1195. 403.
J. Wake Coramunitas villae. 406.
M. R. James. Twelve médiéval ghost-stories. 413.
P. VAN Dyke. Tlie mission of cardinal Pôle to enforce the liull
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W. B. Kempling Shakcspeai'e mojmments in London 137,
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W. S. Stepiiens. Women and tlie Clubs of tho Freiich Kevoln-
tion. 219.
Ch. Russel. .Fohnson tlxe Jacobite. 229.
R. Gkey. Concerriiiig Emma Bovary. 309.
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L. LocKERT Some of Mr. Galsworthy's heroines, 2.54.
R. Aldington. Charles Dufresny. o*^0.
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H. T. Baker. Lamb and the periodical essay. 518.
J. W. Thojipson. Ilamlet and the mystery of Amy Robsart.
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J. W. Beacu, The English sentimentalists. 89.
R. Aldingtox. Marivaux and marivaudage. 256.
H. H Furxess. (( Hanilet and Amy Robsart ». A reply. 357.
A. WooLLCOTT. Charb s Dickens, the side-tracked actor. 51.!.
24. — Revue des Études slaves II. 1922.
M. RosToVTZEFE. L'originc de la Russie kiévienne 5.
L, NiEDERLE. Des théories nouvelles de Jan Peisker sur les
anciens Slaves. 19.
A. Meillet. Des innovations t^u verbe slave. 38.
St. RoMANSKi. — Slave commun et grec ancien. 47.
J. Endzelin. Des intonations lettonnes. 56.
A. Bélu'. Principes du classement des substantifs en serbo-
croate. 69
M. Ikovic. La chute du n dans les parlers de la Macédoine occi-
dentale. 80.
J. IvANov. Un jjarler bulgare archaï(iue. 86.
J. PoLiVKA. Du surnaturel dans les contes slovaijues : les êtres
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J. Patouillet. L'histoire du théâtre russe. Essai île bibliogra-
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814 PÉRIODIQUES
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Fr. Masson Les complots jacobius au lendemain de Brumaire, i.
G. Lacour-Gayet. ISapoléon à Berlin en 1806. 29.
E. Driault Napoléon au centenaire de sa mort (1921). Étude
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H. BuFFENOïK. Napoléon et J.-J. Rousseau. 91.
G. Vautiiier. Les princes espagnols à Valençay. 101.
P. Marmottan. La mis.sion du général Hédouville à Lucques en
juin-juillet 1805. 123.
G. Caudrillier. La découverte du complot de l'An XII. 161.
E. Gachot. Un régicide allemand. Frédéric Staps. 181.
A. Francastei,. Ingres et Napoléon. 204.
E. Peyron. Qui est l'auteur du « Manuscrit venu de Sainte-
Hélène ))?212.
G. BouRGiN. Les journaux de Bonaparte en Italie. 225,
1922, II. — G. Cassi. Napoléon et la défense de l'Italie, sur la
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E. BoRTCHAK. Napoléon et l'Ukraine. 24.
G. Lacour-Gayet. Napoléon à Fontainebleau en 1814. 41.
G. -H. DuFESTRE. La manœuvre de Boulogne et les conséquences
de son échec. 81.
J. d'Ivray. La première occupation anglaise en Egypte. 1807. 110.
M. Lhéritier. Napoléon à Schœnbrunn. 119.
E.-C. CoRTi. Les idées de l'impératrice Eugénie sur le redresse-
ment de la carte de l'Europe, d'après des rapports du prince
Richard de Metternich. 147.
Ch. Barband et L. Carbo. Le x-etour d'Egypte, e.scale à Ajaccio :
une semaine ignorée de la vie du général Bonaparte. 161.
F. DuTACQ. Napoléon et l'autonomie communale. 199.
J. Dechamps. U y a cent ans. Propos stendhaliens. 203
A. Francastel. Le berceau du roi de Rome. 213.
DE PiRQUET. Un dessin et deux billets du roi de Rome. 218.
E.-C. CoRTi. Napoléon III après Sadowa, d'après des rapports
du prince Richard de Metternich. 221.
' 26. — Revue d'histoire économique et sociale X. 1922.
C.-J. GiGNoux. L'abbé Galiani et la querelle des grains au
xviii'= siècle. 17.
H.-E Barraui-t. L'idée d'évolution dans la science économique
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A. CuviLLiER. Les doctrines économiques et sociales en 1840,
d'après un journal d'ouvriers. 84.
E. Blu.m. Une délibération au Conseil royal des Finances à la fin
du règne de Louis XIV. 171.
PÉRIODIQUES 815
A. Choulguine. L'organisation capitaliste existait-elle en France
à la veille de la Révolution? 219.
G Wexlersse. Sully et Colbert jugés par les Physiocrates. 234.
E. Hai-évy. Comment fut votée la loi anglaise des fabriques
de 1833. 252.
R. Pic.\RD. Les Contrudictiuns économiques et la doctrine
proudhonienne. 266.
27. — Revue de littérature comparée II. 1922.
F. Baldenspekckr. Où l'Orient et l'Occident s'affrontent. 5.
p. de Nolh.\c. Un poète rhénan ami de la Plé'iade Pierre
Mélissus. 30. 513.
P. ToLDO. Le « Moine bridé » : à propos d'un conte de Piron 54.
J. Lescoffier. Une adaptation de Victor Hugo, par Bjornson. ^0.
P. Trahard Les soui-ces de 1' « .\mour africain » dans le
« Théâtre de Clara (iazul ». 73.
F. Bull. L'n grand disciple de Molière : Ludwig Holberg 161.
W. FoLKiERSKi. Molière en Pologne. 175.
J.-A. Bertrand. Guillaume Schlegel, critique de Molière. 201.
E. La.mbert. La « Juive de Tolède », de Grillparzer, étude sur la
composition et les sources de la pièce. 238.
li. Galland. Un poète errant de la Renaissance : Jean Van der
Noot en Angleterre. 337.
J. Dresch. Borne et son histoire inédite de la Révolution fran-
çaise. 351.
H, Girard. Comment Shelley a été révélé à Victor Hugo : la
« Grève de Samarez ». de Pierre Leroux. 369.
J. Hankiss. Petofi et les poètes français. 386.
F. Chambon. Mérimée et la société anglaise. 396.
L. Witt.mer. Au temps des bergerades : Gessner et Watelet,
d'api-ès des lettres inédites. 537.
P. Martixo. Le « Del Romansicismo nelli Arti », de Stendhal.
578.
Stendhai,. Du Romanticisme dans les beaux-arts 581.
P. Tkahard. Cervantes et Mérimée. 602.
28. — La Revue de Paris, XXIX, 1922.
I. — E. Magne. Une amie inconnue de Molière 191.
A. TaiBAUDET. Le Rire de Molière. 312. /
J. Mariejol. Marguerite de Valois en (îascogne. 503. 773.
F. DE CuREL. Historicjue de « l'Ame en folie ». 673.
II. — P. .\rbelet. Les Origines de la « Chartreuse de Parme ».
356, 581.
III. — V. DU Bled Le Salon de M"'* Aubernon. 154.
D"" Cabanes. La puissance de suggestion chez Napoléon 753.
A. Albert-Petit. Comment meurt une civilisation. 841.
816 PÉRIODIQUES
IV. — M. L. Pailleron. Les Blaze de Bury et l'Autriebe. 126
G. Simon. Victor Hugo et les critiques. 268.
J. Lacourt-Gayet. Les origines de l'expédition d'Egypte. 308.
E. Renan. De l'imitation de la Bible dans « Athalie ». 449.
C® PuiMOLi La princesse Mathilde et le duc d'Aumale. 464.
M. Thiébaut. Henry Bataille. 608.
V. — Halpérine-Kaminski. Un roman inédit de Dostoiewski. 95.
C°» Weil. L'évasion de Ham. 176.
E. Maij:. Les saints dans l'art du moyenâge. 502.
29. —Revue des Questions historiques. L, 1922.
M. DE Germixy. Les brigandages maritimes de l'Angleterre
durant les premiers siècles de la Révolution, d'après des docu-
ments nouveaux. 7.
A. Moulu-:. Les corporations drapières de la Flandre au moj-en
âge. 61.
G. Gautherot. Bourmont à Waterloo. 94.
J. GuiKAUD. Monseigneur Duchesne. Sa vie et son oeuvre. 130, 350.
M. Sépet. La politique religieuse de Bonaparte en Italie. 151.
(^tesse H DK Reixach-Foussemagne. Les ancêtres d'Alfred Mézières
Les marquis de Vassé. 158.
M. DuBRUEL. La querelle de la Régale sous Louis XIV. — Le
premier heurt (1673-1676). 257.
H. de Landosle. Le Congrès de Bade en Suisse (1764). 312.
Fr. Rousseau. Un officier oblat au XVir siècle. 381.
P. A. Heiberg. Souvenirs anecdotiques sur la Campagne de 1809.
398.
G. Gallavresi. La Franc-maçonnerie et la formation de l'unité
italienne. 415.
30. — Revue de l'Université de Bruxelles.
XXVIII, 1921-1922.
H. DE HooN. La doctrine de Monroe. 171.
L. Verriest. L'origine et le développement de nos villes au
moj'en âge. 271.
F. VAN Kai-kex. Joseph Lebeau et Paul Devaux. 384.
A. Vincent. L'Escaut. Etude toponj'mique. 414.
B. BivANKOFF. Fedor Michaïlovith Dostoïevsky. 460.
J. Pirenne. L'histoire du droit. 545.
F. L. Ganshoe. La juridiction du seigneur sur son vassal à
répofjue carolingienne. 566.
Ch. Perga.meni. Un Bruxellois, soldat de l'Emjjire. 576.
31. — La Révolution française, LXXV, 1922.
A. AuLARU. Derniers moments et exécution de Danton. 5.
C. HuiN. Une école de village à la fin de l'ancien régime. L'école
de Bacliv, chàtellenie de Lille. 34.
PÉHIODIQCES 817
M. FucHs. Les farces contre-révolutionnaires en 1S4S. 48, 126.
238.
A. Gain. L'école fentnilc de la Meiirtlie à Xaney. l" Messidor
An lY. 115.
L. Cahkx. Condorcet inédit. Notes pour le Tnblcmi ItisUtriqur
des progrès de l'esprit humain. 19.3.
DE Cardexai,. L'assistance ]»ubli<iue dans la Dordogne pendant
la Révolution. 213.
H. Bi ri-EN()U{. le (îenévois H. A. Gosse, un fidèle de .(.-,1.
Rousseau. 230.
L. Cahkn. Deux émeutes révolutionnaires avant la Révolution.
269.
32. — Rivista filologica e di Istruzione classica. L. 1922.
C.-O. ZtUKTTi. La lettera di Xicia. rriiuc. Vil, ll-lô). 1.
M. L. DE GuBERNATis. Studio sull' accento gi'eco e latino.
XII. Délia pretesa sintomia vocalica latina con geminazione
consonautica. 12.
a. CoRRADi. L'Asia minore e le isole dell" Kgeo sotto i primi Seleu-
cidi. II. Antioclie 11 e la citta greclie dell' Asia. 20.
S. CoNsoi.i. .Studi intorno agli scolii di Giovenale e di Per.sio. .38.
L. CASTUiLioxi. Studi Anueani. TV. Note ci-itiche di libri délie
questione naturali. 55.
R. Sabbadini. I doppicmi lirici di Orazio. 67.
A. RosT.XGM. Per la critica dell' Ibis. (Riposta al signor
A. F. Ilousman). 76.
^". CosTANZi. Il piu antico nome di Kmpoli. 145.
<T. Ammexdoi.a. Xote e questioni di critica ermeneutica ad Aescli.
Eumenidi. 149.
C. Pascal. Laudica. 172.
M. L. DE GuBERNATis. Studio sull' accento greco e latino.
XIII. L'accentazione délie parole greche in latino. 177.
E. Stampini Tereuz. Andr. 236 e 625, hôciue od liocine? 192.
B. Romano. n significato fondamentale dell' aoriste greco stu-
diato negU 'ATTO|Livri|uoveû,ucxTa di Senofonte. li)7, 335.
A'. CosTANZi. La dura ta délia terza guerra messenica. 289.
<J. MuNNo. La « Pesca » di Appiano (Analisi ed ap])unti'. 3t)7.
33. — Remania XLVIII. 1922.
A. HoRNixc. Notes étymologiques vt)sgieiines. ISl.
P. BoissoNADE. Les personnages et les événements de l'histoire
d'Allemagne, de France et d'Espagne dans l'tcuvre de Marca-
bru (1129-1150); essai sur la biographie du poète et la clirono-
logie de ses poésies. 207.
A. Fakai,. Des V'Huins ou Dc.v XIII ninnières <li' oilnin.s. 24.3.
G. Bertoni. Nota sul dialettodi Fontan (Alu^^r^Iaritiniesi. '2i'^T^.
818 PÉRIODIQUES
A. Thomas. Corneille (et ses dérivés) au sens de « diafragrae »
dans quelques parlers provinciaux (Xormandie. Picardie, Suisse
romande). 266.
V\i. Bruneau. Ancien français biche. 270.
E. Wai,berg. Capsea > x>rov. caissa, etc. 273.
— L'article empersonage de Godefroy. 274.
H. YvoN. Les formes de l'interrogation. 27G.
34. — Sitzungsberichte der Preussischen Akademie
der Wissenschaften . 1922.
U. Stuïz. Kurfiirst Johann Higismund von Brandenburg und
das Reformationsrecht. 4.
H. DiELs. Lukrezstudien. V. 46.
A. V. Harxack. Die Yerklarungsgeschiclite Jesu der Bei'icht des
Paulus (I, Kor. 15, 3 ff.) und die beiden Christusvisionen des
Petrus. 63.
H. ScHUCHARDT. Die iberisclie Inschrift von Alcoj'. 83.
U. WiLCKEN. Alexander der Grosse und der korintische Bund. 97.
— TJeber eine Inschrift aus dem Asklepieion von Epi-
dauros. 122.
A. Brandl. Zum dichterischen Vorstellungsleben bei Words-
worth. 150.
E. Stahmeu. Die Ueberlieferung der Gesetze Karls von Anjou. 162.
35. — Studien. XCVII, 1922.
J. VoGEi.s. P. van Meurs en Dr. Schaepman. 17, 107, 195, 282.
H Padberg. Abr. Kuyper als stylist. 174.
H. DuuRKENS. Alberdingk Th3'm en de kerkbouw. 301.
C. Wessels. Pedro Paez, 1622-1922. Op weg naar .Ethiopie
(1589-1603). 364.
L. V. MiERT. Is. Ignatius' « Boek der geestelijke Oefeningen n
een oorspronkelijk werk. 472.
XCVIII. — C. Wessels. Pedro Paez, 1622-1922. 17.
J V. Ryckevorsel. Moliére-legenden. 37.
H. Ddurkens. Alberdingk Thym eu de kerkbouw. 92.
36. — Zeitschrift fiir Deutsches Altertum und Deutsche
Literatur. LIX, 1922.
H, Biener. Wie ist die nhd. Regel iiber die Stellung des verbums
entstanden ? 167.
E. ScHKoDKR. Berchter und Berchtung von Merau. 179.
W. Stammi-er. Meister Eckhart in Norddeutschland. 181.
E. S. Zu dem Fi-agment eines nhd. prosa-romans. 216.
F. NiEDXER. Egils sonatorrek. 217.
H. Patzig. Zum stein von Eggjum. 235.
E. ScHRODKR. Die leichenfeier fiir Attila. 240.
E. S. Hnrnuscltonr. 244.
CHRONIQUE
Conférence anglo-américaine des professeurs d'histoire.
Le Comité permanent a organisé une réunion à rinstitute of
Historical Research à Londres, le 5 juillet 1922. Ont été invités,
tous les participants à la Conférence de 1921, et tous les histo-
riens et archivistes étrangers qui se trouvaient en Angleterre
à cotte époque.
Le Comité a commencé à recueillir des l'enseignements sur la
façon dont le public peut obtenir des photographies de manus-
crits dans les différents dépôts du pays. Le sous-comité, créé
l)récédemment, sous la présidence de M. A. G. Little, dans le but
d'établir les principes à suivre dans Védition des documents
historiques, a déposé son rapport préliminaire, concernant les
documents du moyen âg'c écrits en latin.
Objets restitués par l'Autriche à la Belgique.
Le 28 novembre 1922 a été inaugurée au Musée de la Porte de
Hal par M . le Ministre des Sciences et des Arts l'exposition des
objets restitués le 18 octobre par l'Autriche à la Belgique eu vertu
du traité de Saint-Germain :
l'> Armes et armures de l'arsenal (5 pièces) ;
2" Poinçons et matrices de Théodore van Berckel (7 1 pièces) ;
3° L'n des trois exemplaires dessinés à la main (dits Carte de
cabinet) de la carte des Pays-Bas autrichiens, par Ferraris, à
réchelle de 1 11520 (1770-1777).
Cet exemplaire a appartenu à Charles de Lorraini' ; il est
accompagné de 12 volumes contenant des notes historiques, sta-
tistiques et géographiques sur le territoire représenté.
A consulter :
Ministère des Sciences et des Arts. Guide ù re.\j)osition de.s- objets
restitués par r Autriche ù la Belgique organisée au Musée delà
Porte de Hal par Gforges M.vcoir et Victor Tournei k. «lélégués
820 CHRONIQUE
du Gouvernement. Bruxelles, 28 novembre-31 décembre 1922, pet.
in-8», 23 p., pi.
Ai,B. TiBERGiiiEN. La carte chorographique des Pays-Bas autri-
chiens par le comte Jos. de Ferraris (Touriug-Club de Belgique,
Bulletin officiel. XXVIIl, 1922, n» 22, 15 novembre, p. 524 526;.
Georges Macoir. L'armure de parade de V archiduc Albert, sou-
verain des Pays-Bas, lôOS-lG'Jl {Ibid., u» 23, 1" décembre,
p. .549-551).
La Photographie des manuscrits en Angleterre.
Le bureau permanent de la Conférence anglo-américaine des
professeurs d'histoire, dont le président est M. le Professeur
A. F. Pollard, s'occupe de centraliser les renseignements
concernant la vente au public de reproductions photographiques
des manuscrits conservés en Angleterre.
Le Britisch Muséum, le Record Office et la National Library
of Wales possèdent un certain nombre de clichés ; à la John
Rylands Library à Manchester, libotograi^hies et rotographies
sont prises par le personnel et le public ne paie que les frais de
matériel. Ailleurs, il faut encore passer x)ar l'intermédiaire d'un
opérateur local.
Tous les renseignements concernant la manière de procéder
et les prix des reproductions pour les quatre dépôts cités plus
haut ainsi que pour la Cambridge Unioersity Library seront four-
nis sur demande par M. 1. E. Narradt, secrétaire de VInstitute
of Historical Research, Université de Londres, Malet street,
W. C 1.
La Bodléienne a imprimé un prospectus-tarif qui peut être
obtenu gratuitement sur demande envovée au bibliothécaire.
Association belge des Femmes universitaires.
Siège social : 212, chaussée de Wavre, Bruxelles.
L'Association américaine des Femmes universitaires offre une
bourse de voyage d'une valeur de 1.000 dollars pour l'année
académique 1923-1924.
CONDITIONS :
1. — La bourse est offerte aux membres de toutes les associa-
tions de femmes universitaires affiliées à la Fédération inter-
nationale.
CHRONIQUE S21
2. — La bourse est valable pour toute uuivei'sité ou iustitution
officielle d'un pays différent de celui où la candidate a fait ses
études ou réside habituellement. Les candidates s'assureront
par avance que l'institution où elles désirent être iidinises
offre des facilités pour les recherches qu'elles veulent pour-
suivre.
',i. — Les demandes devront ('tre adressées avant le !'■' janvier
1923 à la présidente du Comité des Relations internationales,
4, rue de Ilornes, Bruxelles
4. — Chaque candidate joindra à sa demande :
1° Un aperçu de son plan de recherches ;
2" Une dissertation ou un autre travail public ;
',i'> Toute autre preuve (lu'elle pourra donner de son ai)titude
à faire ces recherches.
5. — Le nom de la titulaire sera annoncé vers le 15 mars 1923
par le Comité des Bourses de l'Association américaine des
Femmes universitaires.
6. — La bourse prendra cours le 1" juillet 1923 et sera payée
en deux fois au début de chaque semestre; toutefois le paiement
de la deuxième moitié est subordonné à l'acceptation par le
Comité d'un rapport prouvant que la boursière poursuit les
recherches proposées.
7. — A la fin de son séjour, la boursière devra adresser à la
présidente du Comité des Bourses de l'Association américaine
des Femmes universitaires un rapport sur son travail, et
l'accompagner d'une appréciation du professeur on de l'auto-
rité sous la direction de qui se sont faites les recherches.
D'autre part, la Fédération britannique des Femmes univi-i-
sitaires offre une bourse d'études de 100 livres sterling-, en vue
d'aider une femme universitaire à poursuivre des études ou des
recherches sur un des objets suivants : littérature, histoire,
sciences morales ou politiques, droit, archéologie, langues, méta-
physique, théologie.
Enfin, une bourse d'études est offerte par la Fédération sué-
doise des Femmes universitaires. Le montant, 1,000 Kr.. aidera
la bénéficiaire à poursuivre des recherches en sciences naturelles.
Les candidates devront être membres de la Fédération belge
des Femmes universitaires; elles adressei'ont leur demande,
accompagnée d'un travail manuscrit ou imprimé et d'un projet
d'études ou de recherches, à M"» A. Scouvart, présidente du
Comité des Relations internationales, 4. rue de Hornes, à
Bruxelles, avant le 28 février 1923 (bourse britannique) et le
l'"" juin 1923 (bourse suédoise).
822 CHRONIQUE
Le nom des titulaires sera annoncé avant le 20 mai 1923 (bourse
britannique) et le l""' octobre 1923 (bourse suédoise).
\. B. — La Fédération belge des Femmes universitaires
groupe toutes les femmes ayant au moins le grade de candidat
ou un grade équivalent.
Prière d'adresser les adhésions à M™^ Delcourt-Derscheid,
docteur en médecine. 78. rue de Trêves, à Bruxelles.
La Civilisation étrusque.
Le nouvel Institut royul d'Archéologie et d'Histoire de l'art.
fondé à Rome il y a quelques mois, met au concours une étude
sur la civilisation étrusque. Le prix, qui est de 25.000 lire, sera
décerné en 192.5. Les manuscrits devront être remis au Secrétaiie
avant le 1 " juillet 1925.
Bibliog-raphie de l'histoire des Juifs aux Pays-Bas.
La Genootschap ooor Joodsche WetenscJiaj) in Nederland
décernera en 1923 un prix de 300 florins à la meilleiu*e biblio-
graphie de l'histoire des juifs dans les Pays-Bas. Les manuscrits
peuvent être rédigés en néei'landais, français, allemand ou
en anglais. Ils seront remis avant le 1*' avril 1923 an secrétaire
de la Société, M. Isak Prins, Sarphatistraat. .52. à Amsterdam.
V' Congrès international des Sciences historiques
;Bruxelles, 1923).
I — Réunion du Comité organisateur.
Le Comité organisateur du Congrès s'est réuni à Bruxelles, le
dimanche Ki juillet 1922, .sous la présidence de M. Pirenne.
Le bureau a rendu compte de l'état d'avancement des travaux
préparatoires et notamment des excellents résultats de la propa-
gande faite en faveur du Congrès De très nombreuses adhésions
ont été acquises dès à présent.
Des comités spéciaux constitués aux États-Unis, en Angleterre
et en Pologne s'occupent de faire connaître le Congrès dans ces
pays.
Le Comité, après avoir pris un certain nombre de mesures
d'administration interne, a procédé à la constitution des bureaux
organisateurs de chacune des sections. On en trouvera le tableau
dans la circulaire que nous reproduisons plus loin. Ces bureaux
CHHOMQLE 823
sont appelés à collaborer avec le bureau central pour assurer de
nombreuses communications à chaque section.
II. — Réunion du bureau.
Le bureau s'est réuni à Bruxelles, le samedi 2'A septembre 192'J.
sous la présidence de M. Pirenne.
Il a pris connaissance de l'état des adhésions obtenues, des com-
munications promises et de la situation financière; il en a conclu
<|ue le Congrès ne pouvait s'annoncer sous de meilleurs auspices.
Le bureau a procédé ensuite à l'établissement d'un projet d'em-
ploi du temps pendant le Congrès et à la rédaction d'une circu-
laire contenant des précisions nouvelles et destinée à être lancée
dans le courant de novembre.
♦
♦ *
Nous croyons qu'il ne sera pas inutile de reproduire ici le texte
de cette circulaire,
V CONGRÈS INTERNATIONAL UES SCIENCES HISTORIQUES
(Bruxelles, 1925).
Sous le haut patronafie de S. M. le Roi des Belges.
Comité d'Honneur :
Le Premier Ministre; le Ministre des Affaires Étrangères; le
Ministre des Sciences et des Arts; le Président de l'Académie
Royale de Belgique ; le Recteur de l'Université de Bruxelles ; le
Recteur de l'Université de Gand; le Recteur de l'Université de
Liège; le Recteur magnifique de l'Université de Louvain ; le Pré-
.sident de la Commission Royale d'Histoire.
M ,
Une circulaire antérieure vous a fait connaître que le V* Cou-
grès international des Sciences historiques aura lieu à Bruxelles
du 8 au 15 avril 1923, les travaux du Congrès commençant le
lundi. 9 au matin.
Le Comité organisateur a dès à présent obtenu des promesses
de communications des historiens les plus en vue d'Europe et
d'Amérique; il a reçu des avis d'adhésion très nombreux émanant
de la plupart des pays étrangers. 11 lui est possible dans ces con-
ilitions d'indi(iuer, dans la i)résente circulaire, les traits itrinci-
paux de l'organisation du Congrès.
*
* *
Sections.
Conformément aux usages des Congres précédents, les traxaux
du Congrès se feront en sections. Chacune de celles-ci est orga-
824
CHRONIQUE
nisée par un comité restreint. Nous croyons utile de donner ici
un tableau détaillé des sections, tel (ju'il a été arrêté en séance
du 16 juillet 1922, sous réserve de modifications ultérieures.
Tableaux des sections et bureaux organisateurs.
I. Histoire de l'Orient (Histoire et
civilisation des peuples de l'Orient).
IL Histoire grecque et romaine
III. Études byzanlines (Histoire
et civilisation byzantines).
IV. Histoire du inoyen âge.
w V. Histoire moderne et contem-
poraine (y compris l'histoire colo-
niale).
VI. Histoire des religions et his-
toire ecclésiastique.
V' sous-section : Histoire des
religions .
Président : M. J. Capart. Con-
servateur aux Musées royaux du
Cinquantenaire, 8, avenue Roger
Van den Driessche, Woluwe-Bru-
xelles.
Secrétaire : M. Stracmans, se-
crétaire de la Société belge d'orien-
talisme, lOcS, r. Belliard, Bruxelles.
Président : M. J.-P. Waltzing,
professeur à l'Université, 1 1 , rue
Dartois, Liège.
Secrétaire : M. G. Smets, pro-
fesseur à l'Université, 15, rue des
BoUandistes, Bruxelles,
Président : M. H. Grégoire^
professeur à l'Université, 150, ave-
nue Montjoie, Bruxelles.
Président : M. L. Leclère, pro-
fesseur à l'Université, 54, avenue
Longchamp, Bruxelles.
Secrétaire : M. L. Van der
EssEN, professeur à l'Université,
1 24, boulev. de Tirlemont, Louvain,
Président : M. P. Hymans, Mi-
nistre d'Etat, 15, rue Ducale,
Bruxelles.
Seci'étaire : M. F. Van Kalken,
professeur à l'Université, 6, rue
d'Irlande, Bruxelles.
Président : comte Goblet d'Al.
viELLA, Ministre d'Etat. 10, rue
Faider, Bruxelles.
Seci'étaire : M. R. Kregi.inger,
professeur ;ï lUniversité de Bru-
xelles, 22, avenue Reine Elisabeth,
Anvers.
CHMONIQUE
825
2* sous-section : Histoire ecclé-
siastique.
VII. Histoire du droit.
VIII. Histoire économique.
IX. Histoire de la civilisation
(Philosophie, sciences, conceptions
politiques et sociales, etc.).
Sous-section : Histoire de l'ensei-
gnement.
X. Histoire de l'art et archéologie.
l""* sous-section : Histoire de
l'art.
2* sous-section : Archéologie {y
•ompris la préhistoire).
Président : R. P. de Moreau
S. J., professeur au collège des
Jésuites, 11, rue des llécollets,
Louvain.
Secrétaire : abbé de Meyer, pr<>-
fesseur à l'Université, place de
l'Université, Louvain.
Président : M. G. Cornil, pro-
fesseur à l'Université, 40, rue Lan-
geveld, Uccle-Bruxelles.
Secrétaire : M. F. Dk Visschkr,
professeur à l'Université, 14, bou-
levard du Jardin zoologique, Gand.
Président : M. H. Vander Lin-
DEN, professeur à l'Université de
Liège, 62, boulevard de Tirlemont,
Louvain.
Secrétaire : M. G. Bigwood, pro-
fesseur à l'Université, 15, rue de
l'Aqueduc, Bruxelles.
Président : M. J. Ridez, profes-
seur à l'Université, 62, boulevard
Léopold, Gand.
Secrétaire : M. J. Pirenne,
chargé de cours à l'Université, 23>
rue Lesbroussart, Bruxelles.
Président : M. Ch. Pergameni,
96, avenue Emile Max, Bruxelles.
Président : M. G. Hui.in de Loo,
professeur à l'Université, 3, place
de l'Evèché, Gand.
Secrétaire : M. L. Van Puyvbi.de,
professeur â l'Université. 114, rue
de la Prairie, Gand.
Président -. M. E. Van Overlooc,
conservateur en chef des Musées
royaux du Cinquantenaire, 6, ave-
nue de l'Armée, Bruxelles.
Secrétaire : baron de Lok, con-
servateur aux Musées royaux du
Cinquantenaire, 82, avenue d'Au-
derghem, Bruxelles.
S26
CHRONIQUE
Président : Dom Ursmer Ber-
LiF.RE 0. s. B., président de la Com-
mission royale d'histoire, abbaye de
Maredsous, Denée (prov. de Namur).
Secrétaire : M. V. Fris, chargé
de cours à l'Université, archiviste
de la Ville, 35, quai Terplaeten,
Gand.
Président : M. J. Vannerus, con-
servateur des archives de la guerre,
105, rue Terre-Neuve, Bruxelles.
Secrétaire : M. H. Nélis, sous-
chef de section aux Archives géné-
rales du royaume, 440, rue des
Palais, Bruxelles.
Président : M. J. Ccn'ELIer,
archiviste général du royaume, 45,
avenue des Rogations, Woluwe-
Bruxelles.
Secrétaire : M. C. Tihon, Archi-
viste aux Archives générales du
royaume, placedu Musée, Bruxelles.
Le Comité organisateur se réserve de créer des sous-sections
au sein de certaines sections où leur création n'est pas encore
prévue.
Il est entendu qu'un même congressiste a le droit de suivre les
travaux de plusieurs sections.
XI . Méthode historiq ue (méthode,
historiographie, philosophie de
l'histoire, etc.), et Sciences auxi-
liaires de Vhistoire (paléographie,
diplomatique, épigraphie, biblio-
graphie, sigillographie, numisma-
tique, héraldique, géographie his-
torique, etc.).
XII. Documentation sur l'his-
toire du monde pendant la guerre
(mesures prises et à prendre, en vue
de la conservation et de la mise en
oeuvre des documents concernant la
guerre et ses effets) .
Xin. Archives et publications
de textes historiques. (Organisation
des archives, inventaires, collec-
tions de textes et règles de publica-
tion.)
Communications.
Le Comité organisateur prendra des dispositions pour que,
dans la mesure du possible, chaque section ou chaque sous-sec-
tion puisse entendre et discuter trois ou quatre communications
par jour de travail.
Chaque communication aura en principe une durée maximum
d'une demi-heure ; elle sera suivie d'un échange de vues. Des résu-
més des communications seront imprimés et constitueront un syl-
labus permettant de suivre avec i)lus de fruit les travaux du
Congrès.
Conformément aux usages des Congrès internationaux des
Sciences historiques, les communications pourront être faites en
français, anglais, îillemand, italien ou espagnol. Les nationaux du
pays (jui reçoit ont le droit de parler leurs langues nationales.
CHRONIQUE H27
Il est loisible aux congressistes de faire plus d'une coiumunica-
tion, à condition toutefois qu'elles soient faites dans des sections
différentes.
Excursions.
Le Comité organisateur prendra des mesures pour (ju'en dehors
des journéts vouées au travail en sections, deux journées soient
consacrées à des excursions Y)résentant un intérêt historique,
archéologique et artistique. Ces excursions seront conduites par
les érudits belges les plus compétents en ce qui concerne chacune
d'entre elles.
Les congressistes auront le choix entre plusieurs buts d'excur-
sion tels que: Bruges, Gand, Anvers. Liège, Xamur, Tournai.
Malines, Louvain, le front belge de l'Yser et les ruines dYpres,
le champ de bataille de Waterloo.
En dehors des heures de séance, des visites aux musées,
églises, monuments civils et établissements scientifiques de
Bruxelles seront organisées sous la direction de spécialistes.
Conditions niutcricllcs.
La cotisation au Congrès est fixée à 50 francs. Des cotisations
réduites sont prévues pour les membres des familles de congres-
sistes, qui désireraient participer aux excursions et suivre les
séances du Congrès sans prendre part aux débats.
Elles sont fixées ainsi :
Une personne supi)lémentaire, 20 francs:
Toute personne en plus, 15 francs.
Les étadiants immatriculés dans une université et les élèves
des trois classes supérieures des établissements d'instruction
moyenne paient une cotisation de 10 francs: ils ne pourront
prendre part aux débats.
La cotisation doit être adressée par mandat postal au trésuriei-
M. Ch. Terlinden, 61, avenue Legrand. Bruxelles, ou versée soit
au compte chèque postal n» 79428 au nom du Congrès interna-
tional d'Histoire, Bruxelles, soit au compte du Congrès intern:t-
tional d'Histoire à la Caisse Générale de Reports et Dépôts. 11,
rue des Colonies, à Bruxelles.
Le Comité organisateur prendra des mesures i)our faciliter aux
eongressistes le logement à Bruxelles; il s'efforcera d'obtenir des
hôtels des conditions particulièrement avantageuses.
«28 CHRONIQUE
Il mettra tout en œuvre pour rendre aux congressistes le séjour
à Bruxelles aussi agréable que possible.
Le Comité organisateur fera parvenir ultérieurement à toute
personne affiliée au Congrès et même à toute personne qui expri-
mera le désir de les recevoir, tous les documents nécessaires au
sujet de l'organisation du Congrès : programme détaillé des tra-
vaux, jîrogramme détaillé des excursions, renseignements d'ordre
matériel, etc.
Il invite tous ceux qui portent intérêt aux travaux du Congrès
et qui n'ont pas encore fait parvenir leur adhésion, à renvoyer,
dûment rempli et signé, le bulletin d'adhésion ci-ioint au secré-
taire.
Celui-ci se tient à la disposition des intéressés lîour leur four-
nir tous les renseignements qui leva' paraîtraient désirables et
pour recueillir les annonces de communications.
Le bureau ;
Président : M. H. Pirexne, professeur à l'Université, 126, rue
Xeuve Saint-Pierre, Gand.
Vice-Présidents : R. P. Delehavk S. .T., président de la Société
des Bollandistes, 22, boulevard Saint-Michel,
Bruxelles ;
M. F. CuMONT, professeur honoraire de l'Univer-
sité de Gand, 19, Corso d'Italia. Rome.
Secrétaire général : M. G. Des Marez, professeur à l'Université,
archiviste de la Ville, 11. avenue des Klau-
waerts. Bruxelles.
Trésorier : M. Ch. Terlinden, professeur à l'Université de Lou-
vain, 61, avenue Legrand, Bruxelles.
Secrétaire : M. F.-L. Ganshok, docteur endroit, docteur en philo-
sophie et lettres. 12, rue .Tacques Jordaens,
Bruxelles.
Les patois flamands de la Belgique.
Le Laboratoire de Phonétique de l'Université de Louvain orga-
nise une enquête générale sur les patois flamands de la Belgique,
11 a déjà fait imprimer, à cet effet, une première liste de mots
(.\-M) qui corresi)ond à i>eu près à celle de van Ginueken et
Schrijnen. Les demandes de renseignements doivent être adres-
sées à M. L. Grootaers, directeur du Laboratoire, chaussée de
Namur, 162, Héverlé-Louvnin.
CHRONIQUE 829
Une uote plus détaillée paraîtra dans notre prochain numéro.
A consulter :
L. Grootaers. Hoe staut lu-t met liet welenschîippelijk onder-
jsoek der Zuidnederland.scJie dinlecten'f (Leziii}; gcliniukn op bet
111" Vlaamselic Philologencongres te Gent op 19 Septomlier 1920).
S. 1. n.d., br. in-8°. p. 49-62.
L. Grootaers. Welenschappeli/k- onderzoek der Ziiidncdcr-
lundsche dialecten. (Overdruk uit (). M. O. Maandblad van den
Ylaamschen Leeraarsbond van het Officiecl Middelbaar Onder-
wijs. N° 9, December 1921., S. 1. n. d., gr. in-S". 4 p.
L. Grootakrs. Taalîieoiiraphisch onderzoek. (Overgedrukt uit
Leuoenache Bijdrafren, Bijblad, XIV, 1922, 1^'' afl.) S. 1. n. d.,
1 feuillet in 8».
Le •■ Spicilegium Sacrum Lovaniense ".
Le Spicileginin Sacrum Lonaniense. (Études et documents pour
servir à Vhistoire def> doctrines chrétiennes dej)uis la fin de l'âge
apostolique jusqu'à la clôture du concile de Trente), dont les pre-
miers fascicules sont sous presse, est l'entreprise collective de
l'Université Catholique et des Collèges Théologiques O. P. cl
S. J., de Louvain. Excluant de son cadre l'histoire des religions,
l'histoire du Xouveau Testament et la théologie biblique propre-
ment dite, il embrasse dans ses travaux la littérature patristique
et la littérature ecclésiastique médiévale, avec les prolongements
qu'a eus cette dernière jusque dans les débuts des temps
modernes. Pour l'Oi'ient, le Spicilegium embrasse la même
période, en faisant une place spéciale à la dogmatique grecque
qui précède le schisme du xr- siècle, et aux controverses gréco-
byzantines qui ont eu dans les siècles .suivants quelque écho
en Occident.
La publication comprend un trij^le genre de ti':ivau\ (lui
paraissent en série unique; un système fort simple dindications
numériques et littérales permet de distinguer aisément les trois
sections :
1° Etudes 'section A) : travaux d'ordre critique, liistori(|ue,
littéraire ou doctrinal, sur les écrivains, les œuvres ou les idées
de la période indi<iuée.
2° Textes (section B) : publication de textes inédits, originaux
ou versions anciennes, et réédition critique de ceux pour lesquels
pareil besoin se fait sentir, soit dans la période patristique. où
il reste beaucoup à gluner, soit dans la période médiévale, qui
B30 CHRONIQUE
appelle un vaste défrichement. Les écrits de l'époque postpatris-
tique, carolingienne ou préscolastique, le groupe des liturglstes,
des ascètes et des mj-stiques, qui s'échelonnent du xii* au
xvi^ siècle, celui des canonistes qui commentent la Concordia de
Gratien ou les Libri Decretalium, celui des commentateurs des
Senientiae ou de la Sacra Pagina, les premiers essais de théolo-
gie morale, les Pénitentiels et les Summae Confessorum, les séries
des sermons à élément dogmatique ou moral, les écrits polé-
miques des pré-réformateurs ou des partisans des théories conci-
liaires, etc., tout cela constitue un domaine trop peu exploré
encore qui promet ample moisson.
3° Documents, ou Instruments de travail (section C) : travaux
d'approche, nécessaires ou utiles à qui veut préparer l'édition
d'un ouvrage, pénétrer son contenu, ou api)récier l'étendue et les
raisons de son influence et de sa diffusion. Rentrent donc dans
cette catégorie : les relevés méthodiquement élaborés des manus-
crits théologiques, ceux surtout des dépôts négligés ou mal con-
nus, les catalogues médiévaux des bibliothèques monastiques ovi
ecclésiastiques, les listes d'incipit ou initia, les listes bibliogra-
phiques des textes publiés, authentiques. pseudéj)igraphiques
et anonymes, l'étude des particularités paléographiques des
groupes et des genres d'écrits, les travaux lexicographiques
toujours précieux pour l'intelligence de la langue d'un auteur et
l'étude de son influence, etc., etc. La variété dans la natui'e de
ces sujets et de ces travaux appelle la collaboration de compé-
tences multiples.
La Direction de la publication se compose de trois membres
pris respectivement dans les trois Instituts fondateurs : ce sont
actuellement M. le Chanoine Joseph Lebon, professeur de Patro-
logie et d'Histoire des Dogmes à l'Université, le R. P. Raymond
Martin, O. P., professeur de Théologie et Régent des Études au
Collège Théologique O. P., et le R. P. Joseph de Ghellinck,
S. J., professeur d'Histoire des Dogmes et Bibliothécaire au
Collège Théologique S. J. La Direction est aidée ])ar un Conseil
composé d'une dizaine de membres et présidé par Mgr. P La-
deuze,, Recteur de l'Université. Les attributions de chacun sont
déterminées par les Statuts, dans les conditions qu'on a crues les
plus aptes à assurer la valeur scientifique des travaux eu même
temps que la bonne gestion matérielle de l'entreprise.
Le Spicilc'gium Sacrum Looaniense ne borne pas son activité à
la publication des œuvres jugées dignes de l'impression par la
Direction et le Conseil. Pour activer les recherches d'histoire des
doctrines chrétiennes, il fournira une aide matérielle aux travail-
leurs par l'allocation de subsides sagement répartis ; il jn'endra
CHRONIQUE A'A \
à sa charge, en tout ou eu partie, les frais oecusionués pai- la
transcription des pièces, la photographie des manuscrits, le
séjour dans les bibliothèques étrangères. A cette fin, il s'est
assuré le concours bienveillant de membres protecteurs, dona-
teurs et fondateurs, qui ont généreusement accepté de faire face
aux premièx'es nécessités.
Les trois cents premiers souscripteurs au Spicileg-ium ont droit
à une réduction de 20 p. c. sur le prix fort de chaque fascicule.
Prière d'adresser son adhésion de souscripteur directement aux
Bureaux de la publication (Louvain, rue de Namur, 40). La Direc-
tion du Spicileg-iiiin ose espérer que, pour les souscripteurs, le
prix d'un volume de 400 pages environ ne déi)assera guère la
somme de 15 fr. (port en sus).
Voici la liste des premiers travaux qui paraîtront dans le
Spicileg-ium Sacrum Lovaniense :
1 et 2. Saint Jérôme : I. Sa oie. II. Ses œuvres, 2 vol. par
F. C.vv.vLLER.v, professeur aux Facultés catholiques de
Toulouse.
3. Pour l'Histoire du mot « Sacramentum )) ; I. Les Anténicéens,
étude lexicographique par E. De Backer, .T. Poukens,
S. J., F. Lebacqz, s. .7. et J. de Gheli.inck, S. J.
4. La Réform.e Grégorienne : I. Les Grégoriens, par A. Fi.kjhe,
professeur à l'Université de Montpellier.
5. Discours inédits d'Eusèbe d'Emèse en latin, publiés i)ar Dom
A. WiUMAKT, (). S. B., de l'abbaye de Farnborough.
(5. Commentaire critique et littéraire des « Sentences » de Pierre
Lombard, texte inédit, publié par J. Hopmans, professeur
à l'École Coloniale Supérieure d'Anvers.
7. Les œuvres de Robert de Melun : I. Quaestiones de dioina
pagina et Commentaire sur saint Paul, texte inédit, publié
par Raymond Martin, O. P.
8. Marins Mercator, texte et étude, par J. Lebon, i)rofesseur
à l'Université de Louvain.
9. Le « Liber septem Custodiarum ». le n Registruni Angliac n ri
le (( Calalogus n des Bibliothèques Anglaises de Ji'an Boston
de Bury St-Edmond [1410), publiés par les Bénédictines
de Stanbrooke Abbey, avec introduction histori(|Uc i)ar
MoNTAGUE Rhodes James, d'Eton Collège.
10. La ((Formula Spiritualium Exercitiorum n, un traité de
dévotion moderne (xv« siècle) sur la formation s})irituelle
des novices, publié par M. Viller, S. .T., professem- d'His-
toii-e ecclésiastique, à Eughien.
83'2 CHRONIQUE
11. Traités pseiidépigraphiques et anonymes restitués ù Théo-
doret de Cyr, étude critiqvie par J. Lebon.
12. Etienne de Tournai, l'écrivain, le penseur, pai* M. Warichkz,
archiviste de l'Evêché, à Tournai.
13. Notes lexicog-raphiques sur les écrivains chrétiens de l'anti-
quité, par P. DE Labkioli.e, professeur à l'Université de
Poitiers.
14. La « Summa » d'Ognibene, publiée par A.Debii-, S. .T., profes-
seur de Rhétorique au Collège Ste Barbe, à Gand.
15. Les œuvres de sainte Hildegarde : (( Scivias » et « Liber
divinorum Operum », édition critique préparée par Dom
L. Baillkt, O. s. B., publiée par les PP. Bénédictins de
St-Paul de Wisques.
16-17. Pour l'histoire du mot « Sacramentum » .• II. Les Docteurs
du IV^ siècle. III. Les sources liturgiques antérieures au
X/® siècle, étude lexicographique par Dom Idesbai.d Van
IIouTRvvE, O. S. B., etc.
18. La tradition manuscrite des sermons de saint Augustin, par
Dom A. WiLMART, o. s. B.
19. Un commentaire inédit sur Job. attribué à saint Jean Chry-
sostome, publié par J. Ruwet, S. .T., professeur au Collège
Théologique S. J., à Louvain.
20. L'incident théologique créé par Marre/ rfM/icyre, étude par
J. Lebon.
21. Les œuvres de Robert de Melun : 11. Summa, texte inédit,
publié par Raymond Martin, O. P.
22 . Les œuvres liturgiques d'Amalaire, publiées par J. Hanssens,
S. .T., professeur de Liturgie à l'Université Grégorienne.
23. La consultation sur le baptême, contenue dans le manuscrit
116 de la Bibliothèque publique d'Orléans, et autres textes
inédits, publiés par le même.
24. Paul de Samosate, étude historique par G. Bardy, professeur
aux Facultés catholiques de Lille.
25. Les livres liturgiques latins de Belg-ique, par É.. dk Morkav,
S. .T., professeur au Collège théologique S. .T., à Louvain.
D'autres travaux sont en préparation, comme les éditions du
traité de Nicolas de St-Albans sur l'Immaculée Conception, de la
Summa de Simon de Bisiniano, de la Summa Canonum de Sicard
de Crémone, de la Summa de Sacramentis de Mag-ister Simon, de
diverses Sommes de Sacramentis du xii*^ siècle, de la Summu de
Pierre le Chantre, de l'œuvre théologi<iue de Simon de Tournai,
d'Etienne Laugton^ de Roland de Crémone, de Gautier de St Vic-
tor, des fragments exégéti(|ues de Sévérien de Gabala; parmi les
CHRONIQLE 833
études, citons celles sut- la inulition manuscrite des lioinélifs de
rère i)atristi(|uc, sur la bibliofi;rapIiie des couvres de (ïuiilaunie
Occam, sur l'œuvre de Richai d de Middletown, sur les sermons
de la fin du moyen âge relatifs au culte :1e la Ste Vierge ou à
l'adininistration des Sacrements.
Les classiques de l'histoire de France au moyen âge.
II nous nianciuait une collection de format commode et de pi-ix
abordable réunissant tous les textes capitaux sur lesquels est
fondée la connaissance du passé historique durant les siècles
féconds du moyen âge où la France s'est réellement faite. C'est
cette collection (jue la librairie Edouard Champion se i)ropose de
publier et dont elle a confié la direction à M. Louis Halphen,
pi-ofesseur à la Faculté des lettres de l'Université de Bordeaux.
Les textes seront édités suivant toutes les règles de la critique
érudite, et pourvus d'une annotation historique sobre, mais
précise. Les textes latins et provençaux et ceux des textes en
vieux fran(;ais qui présenteraient de sérieuses difficultés d'inter-
prétation seront toujours accompagnés de traductions, ((u'on
s'efforcera de faire tout à la fois fidèles et élégantes.
La nouvelle collection, dont le titre rappelle celui d'une autre
collection publiée j^ar M. ^lario Roques à la même librairie {Les
classiques français du moyen aii'e), en formera le complément la
<'olleetion de M, Roques continuant à se consaci'er à la publication
des textes proprement littéraires, celle de M. Halphen étant
réservée aux textes proprement historiques.
Le premier volume des classiques de V histoire de France au
moyen âge paraîtra au début de 1923. La publication se pour-
suivra ensuite régulièi*ement à raison de plusieurs volumes
l)ar an.
Voici la liste des premiers ouvrages dont la publication est dès
maintenant assurée :
Grégoire de Tours, Histoire des Francs; par L. Llvim.ain.
professeur au lycée Janson de Sailly.
Frédégaire, Chronique : par L. Levili..\in.
Fortunat, Poésies: par E. (;.m,i,ktii;r. i)rofesseur à la Faculté des
lettres de Rennes.
Vies de saints de l'époque mérovingienne (^sainte Geneviève,
saint Rémi, sainte Radegonde, saint Ouen, saint Éloi, saint
Léger, etc.) ; par R. F.v\vtier, lecteur à ITiiiversité do Mau-
chester.
S34 CHHOMQl E
Égiuhard, IVc de CJiarU'iiuii^iie ; par L. Halphkn.
Le Moine de Saint-Gall, Histoire de Clmrlewag-nc ; ikw L. IIai,-
l'IlKN.
Éginhard, Curre.sponduiuc ; ])iiv 'Si"" }\ï . Bondois, proïesseur au
lyct'c Molière.
Éginhard, Hi.stuirc de lu tranfilatiun des reliques de saint Mur-
cellin et de saint Pierre; par M"» M. BoNUOls
Le « Codex Carolinus »; par L. Halphen.
Poésies tarolinî>iennes ; \n\v E. Faral, directeur d'étude.s à l'École
des hautes études.
Recueil de capilulaires carolingiens ; i^ar G. Lardé, chargé de
cours à la Faculté de droit de Nancy.
L'Astronome, Vie de Louis le Pieux; par L. Barrau-Diuigo,
bibliothécaire à la Bibliothèque de la Sorbonne.
Ermold le Noir, Poème sur Louis le Pieux; par E. Faral.
Paschase Radbert, L'épitaphe d'Arsenius; par J. Calmette.
professeur à la Faculté des lettres de Toulouse.
Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux; par Ph. Laler,
bibliotliécaire à la Bibliothèque nationale.
Loup de Ferrières, Correspondance ; par L. Levillain.
Flodoard, Histoire de V Église de Reims; jîar Ph. Lacer.
Gerbert, Correspondance; pai" F. Lot, professeur à la Faculté
des lettres de Paris.
Richer, Histoire, par R. Latouche, archiviste du département
des Alpes- Maritimes.
Helgaud, Vie de Robert le Pieux; par E. Martin-Chabot, archi-
viste aux Archives nationales.
Fulbert de Chartres, Correspondance ; par R. Merlet, archiviste
honoraire du département d'Eui"e-et-Loir.
Adémar de Chabannes, Chronique; par J. de Font-Réaul.\,
archiviste du département de la Drôme.
Les Miracles de saint Benoît; par R. Fawtier.
Les historiens de la première croisade ; j)ar L. Bréhier, professeui-
à la Faculté des lettres de Clermont.
Baudri de Bourgueil, (Euvres choisies; par l'abbé F. Duine.
Dudon de Saint-Quentin, Histoire des premiers ducs de Nor-
mandie ; par H. Prentout, professeur à la Faculté des lettres
de Cacn.
Guillaume de Poitiers, Histoire de Cuillaume le Conquérant ;
\)i\v II. Prentout.
Orderic Vital, Histoire de Normajidie ; par H. Omont, membre
de l'Institut, conservateur du département des manuscrits de la
Biltliothèque nationale.
CHHONIQIE HMÔ
Sug-er, l'jV'.s' de Louis VI el de Louis VJI : ]>:{v II. \\ ak^ikt, îirclii-
vislc (lu (lei)arto]m'nt du FinistÏTC
Guibert de Nogent, Mémoires ; pai- L. Mm.viuk.
Ive de Chartres, Correspondance: pai' A. Fi.icm:. ])r()lt'ssi'ur à
la Faculté des lettres de Montpellier.
Les recueils épistolaires de Suiiil-\'ictor de Paris: ])ar.l. Poijciiku,
ineinl)re de l'I^coie i'ran(,'aise de Rouie.
Geoffroi de Vigeois, Chronique ;'irciv E. MAiniN-CiiAiior.
Villehardouin, La conquête de Constuntinople, par H. I.K.M.^i ire,
bihliothéeaire honoraire à la Bibliothèque nationale.
Pierre des Vaux-de-Cernay, Histoire de la croisade des Allyi-
i-eois, par. T. Cai-mkttk. prol'e.ssenr à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Guillaume de Puylaurens, Histoire delà croisade des Albigeois ;
par .T. (Jai.mettk.
Chanson de la croisade albigeoise ; par F. Mart;n-Cii.\bi)T.
Geoffroi de Beaulieu, Vie de saint Louis: par M. Ri.ocii, pro-
fesseur à la Faculté des lettres de Strasbourg.
Sermonnaires français des XW'-XIII^ siècles ; par M. Bi.och.
IJnquêtes et documents sur la société française au XIII' siècle.
par A. DK BoiiARD, archiviste aux Archives nationales.
Textes relatifs ù la politique religieuse de Philippe le Bel et à
l'affaire des Templiers; par (J. Lizerand, professeni" au lycée
Michelet.
Bernard Gui, Guide de rinquisiteur, par l'abbé G. Mollat, pro-
fesseur à la Faculté de théologie catholique de Strasbourg.
Froissart, Chroniques, par H. Lk.maîtri:.
Jean de Venette, Chronique; par F. Funck-Brentaxo, secrétaire
général de la Bibliothèque de l'Arsenal.
Jouvenel des Ursins, Chronique; par L. NLirot, archivisic aux
Archives nationales.
Monstrelet, Chronique; par L. Cemer, arcliivisle aux .\rchives
nationales.
Chastellain, Chronique ; par II Stein, conservateui" aux Aicliives
nationales.
Thomas Basin, Histoire de Charles VII el de Louis XI .
Commynes, Mémoires ; par J. Cai,. mette.
Pamphlets et libelles de la guerr( de Cent ans, pai' L Mirot.
Recueil de traités et documents diplomatiques des XI IP'. XIV' et
AT*" siècles: l""' série (12591380), par J. Viaru, conservateur-
adjoint aux Archives nationales; 2 série (1380-1422 : par
L. MlROT.
D'autres volumes sont i)ronns. notanuncnt par M. Hcnii
Pirenne, professeur à l'I'niversité de Gand : ]>ar Mgr Lesne,
H36 CHHONIQLE
recteur des Facultés catholiques de Lille; par MM. P. Alphan-
déry, directeur d'études à l'Kcole des hautes études, F. Benoit,
membre de l'École française de Rome, C. Bruuel, professeur à
lEcole des chartes, Pierre Champion, A. Dumas, professeur à la
Faculté de droit d'Aix, G. Dupont-Ferrier, professeur à l'École
des chartes, G. Huisman, professeur à l'École alsacienne, etc.
L' <( Atlas de Géographie historique de la Belgique »
et les critiques de M. Blok.
L'on nous permettra de rappeler que nous avons entrepris,
sous la direction de l'un de nous deux, la publication d'un Atlas
dp Géographie historique de la Belgique {^), destiné à combler une
lacune dans la collection d'instruments de travail dont disposent
les historiens et qui était déjà réclamé par les érudits belges
réunis au Congrès historique et archéologique tenu à Gand
en 1913.
De cet Atlas, trois fascicules ont paru jusqu'ici, le fascicule 5,
contenant la carte X : La Belgique en i786 {Les Pays-Bas
autrichiens) et le texte y afférant: le fascicule 6, contenant la
carte XI : La Belgique sous la domination française (1704-1814).
avec son texte; le fascicule 7, contenant les cartes XII et Xlll.
intitulées respectivement : La Belgique dans le royaume des
Pays-Bas {18M-:830) et La Belgique de 1830 à 1839, avec le texte
explicatif.
Ces trois fascicules ont été, de la part de M. P. J. Blok, l'his-
torien hollandais bien connu, professeur à l'Université de Leiden,
l'objet d'un compte rendu, paru dans la livraison d'avril 1922 de
la revue Muséum. Si nous employons le terme « compte rendu »
I)Our caractériser les lignes que M. Blok a consacx'ées à notre
entreprise, c'est un pur euphémisme. Car il s'agit en l'occurrence
moins d'un compte rendu que d'une attaque violente faite par un
liomme savant et distingué, mais auquel la phase critique — heu-
reusement passée ! — du différend hollando-belge semble avoir fait
perdre complètement le calme traditionnel de sa nation. Xous
avons riposté à M. Blok en adressant à la revue Muséum une
réponse détaillée. Pour les raisons que l'on verra plus loin,
M. Blok n'a pas cru pouvoir publier notre réi)onse. C'est pour ce
('i Atlas (le Gi-(t(/ra/)tiif /nslorii/ue de la Betf/iiiiic, |>ul)lié sous la diroclioii
de Lkon Va>- iiek Kssen, avec la collaboraiion de Fraii»;ois !.. Gaiisliof,
.1. Maury, l'ierre Notlionib. Bnixellos et Paris, I.iltraiiio naliDiiale d'art et d'Iiis-
toirr-, G. Van Oest et (>\ éditeurs.
CHRONIQUE . HJ7
luotil' que nous en sommes réduits à j)i'ol'iU'i- aujoui-d'liui tie l'iios-
pitalité que nous offre la Revue belge de philologie et tHiisluin'
et à l'aire .connaître au public des historiens les pièces du débat.
Voici donc le texte du « compte rendu » de M. Blok :
JuS(jiriii noiil paiii de cet ;illas qiu,' les trois livraisims iiiciitioniiéfs ci-di'S-
stis, ({iii me tuinbèi'ciil loiil ici-eiiiiiieiit t>ntri> les mains et <|iii sont |iri)l)al)l*'-
iiioiil très peu connues ici [en Hollande] : je n'en vis nulli' pari inn- amionre.
Il semble cependant ijuil vaut la peine d'y appeler l'atlention.
Le texte est sobre et ne mentionne (|ue ce qui est absolument indispensable.
Le tracé (Maury) des quatre cartes données dans les fascicules panis e.sl à
louer en tous points, il est clair et apparennnenl exact. .\ ce point de vue, on
n'aurait qu'à dire du bien de cette publication. (.M. Blok cite ensuite les titres
des caries. J .Jusipiici tout parait en ordre, mais 1' « averlissemeni des édi-
teurs» qui promettent de donner t(uit latlas eomplet encore en l'.Mit — ce (jui
nesl pas arrivé; la limite est déjà larf^ement ilépassee de deux années —
pousse de suite à rellèchir. Il est p.u'faitement vrai ce (|ue l'on dit la. c'est-à-
dire qu'il n'existe |ias dallas liisioi-i(|ue de l!el^i'|Ue convenable et que dans
ce jiays renseignement en a grand besoin : les rédacteurs de nuire atlas liislo-
ri(iue en savent quelque chose eu se rappelant comment, vers i'JOO, on Ut
appel à notre aide du côté tlamand et comment, lorsque plus lard on ne
demanda plus cette aide, nous avims suivi dès lors notre chemin — un chemin
non sans épines — et que nous pensons atteindre d'ici deux ans noti-e but :
l'achèvement d'un grand atlas hisloritiue scienliliqiie des Pays-Bas.
Mais ces « éditeurs » f) travaillaient aussi en l!H!) pour « la propagande
à l'étranger», comme ils le dèclarcnl, et furent d'avis de faire paraître
d'abord ces cartes-ci « au moment des négociations de la |)ai\ cl pour la ()ré-
paration de ces négociations qui amèneront sans doute sur cerl;uns points une
rectification de nos frontières ». Ils avaient surtout en vue les u di|)lomates
belges » qui avaient besoin d'un « instimnent de travail sèrieiix, dressé scicn-
tiliquement et jouissant par la garantie de ses auteurs d'une iriionie^i.ilile
autorité ».
Vritsit :
-Vverti de la sorte au sujet de l'objet propre (polilitpie) de celle publica-
tion, je regardai avec intérêt et les caries et le texte. J'étais d'ailleurs déjà
averti par une protestation sérieuse et digne parue dans la livraison de janvier
de la revue anglaise Hislori/, de la main de l'historien anglais .Neale. Kl que
trouvé-je? ('/est presque incroyable, mais les cartes parlent «ussi clairenn>nl
(|ue possiltl»! au sujet de ce (|ui suil — et c'est là au moins un unTile dans
cette très mauvaise cause.
L'objection n'allecle jtas la carte de IT8G (n' X) <|ui a bonne apparence et
qui présente aussi de l'intérêt pour nous, cuire autres par le carton concer-
nant les situations de frontières changeantes près de l'Kcluse et .\ardenburg.
au xvin" siècle. L'objection n'alléetc pas noji plus t.iiit la carte (n" XL de la
('j Qu'on veuille liiiMi remari|iier que M. Itlok indique ici lui nn ino qu il
s'agit en l'occuiTence d'un iirospeclus des cV/i^ci/r.*. et non du dirciiiMir et des
collaboi'ateuis de l'.itlas, Oux ci n diil jamais eu rien de commun avec ce
prospectus.
83s . CHRONIQUE
« domiiiatioii IVaiiraise ». Il est quelque peu clriui^^' {hedeiikclijkj que l'on
parle lonstaïunieut de « la Belgique », daus le texte et la carte, alors qu'on
aurait dû |>arler des ci-devaut « Pays-Bas autrieliieiis ». consistant eu quatre
parties séparées : la (uincipauté ecclésiastique de Liège, les abJ)ayes princières
de Staveiol et de .Malniedy, la partie prussieiuic {de Pruisisclie) et les Pays-Bas
aulrirliiens iiropreiuenl dits. Mais c'est à i)ardoimei' : aussi sur notre carte
pour le moyen âge, un anticipe déjà sur la République de plus lard, comme
ici on anticipe sur la Belgique 7/» n'a vu le jour (i) qu'en 1830-1839. On
auiait toutefois dû insister expressément dans le texte sur le fait que les Pays-
Bas autricliiens, Liège, etc., furent en 1794 simplement annexés à la France,
sans (/it'il /Vit créé aucun rapport réciproque entre ces nouveaux dé|iartements
français — tout à la différence de ce qui se passa chez nous où, sous Lebrun,
« la Hollande » resta de fait un tout cohérent.
C'est à ces nouveaux départements /"rama/s (non belges) que furent ajoutés
la Flandre des États, cédée par nous en 179') par la paix de La Haye à la
France (non à la Belgique), de même qiw, les pays de généralité de la région
du Limbourg avec Maastricht, Rurenionde et Venlo, tout comme au printemps
de 1810 la partie occidentale du Brabant septentrional alors cédée à la Franc?,
r « arrondissement « de Brcda, etc. La Flandre des États fut jointe au dépar-
tement de l'Escaut, Brcda à celui des Deux-Nèthes, Maastricht, etc. à celui de
la Meuse-Inférieure. Ces régions sont coloriées, avec raison, sur la carte XI de
la même façon que les départements fraiiçais en question.
Mais tout à fait inexacte — et certainement pas sans intention, étant donné
le but de la publication — est la représentation sur les cartons annexés [à la
carte] de 1' « organisation judiciaire » et « ecclésiastique des départements de
la Belgique» en 1812, où toute la Zélande, le Brabant septentrional, le Lim-
bourg et une grande partie de la province rhénane sont coloriés sans plus
dans le sens « Belgique » ! Et dans le texte, pas un mot pour éclaii-er à ce sujet
les pauvres «diplomates»! On se rappelle ici certains vœux exorbitants
du fameux « Comité de politique nationale », où le « collaborateur » Noihonib
joue le premiei' rôle, et l'on est porté à sourire au sujet de celte présentation
apparemment innocente.
Cela devient bien plus grave à propos des caries \il et XUI. La caitc Xll
donne « la Belgique dans le royaume des Pays-Bas (181 1-1830) ». Kl que voit-on
làVXon seulement que tout le Lindiourg, jus(jue Mook, est maniiié comme
(c Belgique », comme « province belge ». On pourrait encore passer outre, en
souriant. Inadnussible {ergerlijk), au contraire, est le fait que sur celte carte la
Flandre zélandaise et l'ouest du Brabant septentrional sont coloriés en jaune,
avec, dans le texte et dans la légende, la mention « perdus (en 1813-181 i) ».
On donne donc la présentation inexacte d'après laquelle la Flandre zélandaise
et Brcda jusque près du Biesbosch ont été annexés en I79i et en 1810 par la
Belgique, et non par la France, comme ce fut le cas, en réalité. On saisit l'inten-
tion — et elle est inadmissible (ergerlijk) ! L'auteur du compte rendu dans His-
'torg emploie donc avec raison le mot « falsification » (').
(') C'est M. Blok (pii souligne {eerst ontstane).
(^) Ceci est faux. M. Blok a probablement oublié de contrôler sa citation,
car .M. Neale emploie, dans .son compte rendu, à propos de la couleui' des
t:HI!()MUI K ^•*''
Nous nous |)iTiiicll(iiis (le p;irh'i- ici de " lriiiii|ir-l ii-il » ili(icrr/ihrilri>(/) cl
nous sonimos poiiK' de ce (jiic ce lri|)ii|;im; ((/riloi') se fiiil sous la n dii-rctioii »
diiH savani csliuiô coinnic le |irolVssonr V;ui dci- Kssen (M :i clr piildir
<Mi 1019 « avoc les riicourafrfnMMils du ^ouvciiicuirnl l»el{ço » cl « lioiion- d'unt-
souseriplion du .Miiiislèro des Allinn's (''Iranjfcrcs de |{ol(îi(|U(' ». I.'auleur du
texte de ces cartes. M. i". (laiislior, (ju) luVsl inconun, est la |ircniière pcr-
sonue responsaltle.
Ileureusenienl. la iiieiilalilc des aiiuexiinini.sles a niairilciianl ijocl<pie peu
«•liangé et nous i)ouvons donc espérer (pie ces doux caries XII et XIII soi'oiit
relin'es, car une faNiliealion .sclentifi(|ue couime celle <i ne jieul être tolérée
plus loufitenips : elle induirait les « diplomates » en erreur.
L'honueur de la science liislori(|ue en nelj-Mi|ue, liiilcrci de nos bonnes
relalions récipro(pies lexificnt iuipérieusenieiil.
Puni' le resie, nous allendnns volontiers lescai'les I à l\.
Leiden. I'. .1. lîmk.
Voilà le réciuisitoire et Ton constatera qu'il demande l'appli-
cation de la peine capitale, « dans l'intérêt des bons rapjtorts
entre la Belgique et la Hollande ».
Xous avons l'épondu à cette attaque par l'envoi au Musniiu de
la letti'e que voici, éci'ite en notre nom collectif :
-Nous avons pris connaissance avec une véritable stupeur du compte icndu
crili(|ue que M. P. .T. Bi.ok a consacre dans le Muséum du !<■'" avril lit:2:î aux
l'ascicules jtarus do VA'Ias fie Gcurjrnphie historique de lu Bvl(ji<iue. Le ton en
est si violenl et les imputations (|ui nous \ sou! faites si blessantes, (pic nous
nous sommes considérés coninie obligés d'y icpoudre.
Nous prenons, chacun «n ce ipii nous concerne, l'enliéi-e resjionsabililc du
texte et des cartes de VAllas.
Nous avons conscience d'avoir lait uni(piemenl œuvre de science sans tpran-
cune considéiMlion d'ordre politiipu' ail i)U nous détourner de la \oic (h^
l'objectivilc.
(lar tel est le londs connnun des reproches (|ue nous adresse .M. lilok, et ipie
nous nous propo.sons «le passer successivement en revue :
I. Nous ne nous attarderons pas aux chicanes (|ue n;ius cherche M. Hlok à
propos dini « averli.ssement des ('dileurs» paru en lîHi), avec le premier fas-
cicule. Il croit y di-couvrir la preuve (pie la piiltlicatinu est conçue e>-eiitie|-
lemenl dans un but politicpie.
A vr;ii dire 'S\. Blok nous étonne ; deiuiis i|iiaiid ju^'^e-1 i>ii une oinre scieu
titiijiu" sur un prospe-lus d'éditeurs'.'
II. Le fascicule V - paiii le premier — coniient la carte (\> de la Rel^'i(pn'
en 178(5, avec le texte explicatif. Il a trouvé '^vi\er aux yeux de M. Itlok. Toiil
caries, l'expression « su^jjcstio fais! », ce (|ui est tout difl'erenl. et en tou>
cas, lias injurieux. 11 nous sera permis de sij^nalcr, a c('ilc du compte rendu
(le M. Neale. (pii n'admet i)as l'exisl e d'une m |{elj;i(pie » antérieure à IK;iO
(piestioii de mots — . les comptes rendus elo^icux consacres a notic travail.
et Molamnicnt celui ou M. Aulard. parlant de la notice ai(dm|>agnant la carte
.( la r>el^i(pic sous la domination françai.se » dit : «' On ne peut ('-Ire mieux
(lo( iinienté sur le sujet, ni plus clair, ni plus insiruclif. »
8-10 chkoniq';e
:>u plus MOUS f;iit-il observer qu'il i'ù( mieux valu, au lieu do |iail('r de Belgiiiue
« in tckst ou kaarl », parler des Pays-Bas autricliiens, de la principauté lio
Liège, eto.
Nous aimons à croire qu'il y a là de la pari do M. Blok une siuiiije iuallen-
lio» : on lôle du texle, comme eu t«Mo do la carlo ligure en dessous du titre
(La Bei.gioie en 1781)), un SDUS-tilrt! ainsi conçu : Les Pai/s-Has aiilrir/iiens,
les itr'mdpautcs de Liège et de SluvcJol-MdlmeiUj, le thiclié de Bouillon...
Aucune confusion u'elail donc possible.
IIL Le fascicule VI {Lu Belgii/ue sous l(( do)nitiuiioti fianndse |179il81i],
carte XI et texte) nous a valu quelques reptoclios plus graves ;
1. M. Blok nous fait grief de* ne j)as avoir fait ressortir le fait que les Pays-
Bas autrichiens, Liège, etc., ont été annexés individuellomeni à la Franco
eu 1794 et non pas en tant cpu' formant un ensemble.
Maniuons une nouvelle fois notre clonneinent devant la légèreté avec laquelle
M. Blok nous a lus : pages \ et 2 du texle nous donnons, article par article,
l'analyse de la loi d'annexion du î) vendémiaire an IV (l'"" octobre 1795 — ol
non 1791 comme parait le croire M. Blok). On peut y lire un article l*"'' portant
aiuiexion des pays de Liège et de Stavelot, puis des articles 2, 3 et 4 portant
annexion des Pays-Bas autrichiens. Suit une loi du -4 brumaii'c an IV
(2(5 octobre 179o) portant annexion de l'ancien duché de Bouillon. Le lecteur
appréciera si les distinctions nécessaii'cs ont été faites.
2. M. Blok éprouve le besoin d'insister sur le lait que c'est à la l-'rancc et
non à la Belgique qu'en 1793 et en 1810 certains territoires (Flandre z(*lan-
daise. Pays niosaus, arrondissement de Bréda) ont été cédés par les Provinces-
l iiies des Pays-Bas ou le royaume de Hollande.
Ici encore cependant aucune confusion n'était possible : M. Blok, s'il s'en
était donné la peine — comme c'était son devoir — aurait pu lire, page 3 et
page 10 du texte, des analyses des traités de La Haye (27 lloreal an III
= 1(5 mai 1793) et de Paris (16 mars 1810) oii il est dit en toutes lettres i.\\w
les territoires dont il vient d'être question sont réunis à la France.
3. Enlin M. Blok nous fait le reproche injurieux d'avoir, dans un but jioli-
tique, donné une représentation fausse de la situation, dans les cartons relatifs
à l'organisation judiciaire et à l'organisation ecclésiasti(|ue des « départements
de la Belgiipie » on 1812. Nous aurions colorié de la même teinte (|ue les
de])artemenls belges, la Zélande, le BrabanI septentrional, leLimbourg el une
grande partie de la province rliénain\ et cela sans un mot d'exi)licalion dans
le texte !
Nous avons en elTel colorié en teintes uniformes tout le ressort des cours de
Bruxelles et Liège et une parti«> de celui de la cour de iMetz, tout le ressort de
la jtrovince ecclésiastique de .Malines et une partie de celle de Besançon.
Mais le lecteur trouvera aux pages 11 et 12 du texte deux notes siu' l'orga-
nisation judiciaire et ecclésiastique, dans lesquelles la distinction est nette-
ment faite au sein du ressort de chaiiue cour ou à l'intérieur de chaque
province ecclésiasticpie entre les « déparlements belges » et les autres dèpar-
lemeuts souinisà la mémo cour ou au même archové(pie. Voilà M. Blok |)risen
llagrant délit de contre vérité.
I) ailleurs, les cailons figureiil sur la uiênu' fouille que la carte des départe-
uieiils de la Belgi(pn' en 1812 : ceux-ci ne c(uuprenanl ni la Zélande, ni le lira-
CHRONIQUE X4\
liant scplciiti'ioiial, ni la |ir<iviiirc rhénane, il ne |)<invail iiaiire tie nmrnsiun
(|ue dans l'esprit de eenx (jni vnulaienl la faire naître, l.e l.iinbinnv et l'arrun-
disseniont de IJréda sont ici hors de cause puisiine — M. Mnk le leninnuit
— ils étaient réunis depuis 17Î).") et I8|tl aux déiiarlenuMils de la Meuse-Infé-
rieure et des Deux-Nètlies.
IV. Le fascieulo VU [eartes \ll et Mil, avee textes : l.(i Uclf/iiiur dans Ir
royaume des Foi/s-lias (18I1-I830) el Lu Brlyifpie de I8.W à IfiH'j]. a fait
dépasser à M. Hlok tonte nu-sure — voire même toute eorroi'lion — dan?> ses
appréeialions.
1. M. Blok se contente de soiu'ire en voyant la province de Lindinur^^
comptée de 181 i à 1880 comme l'une des pr(»vinces lieljres du Royaume des
Pays-Bas. Ce sourire est bien superlln : le l.imhoury; fui compté comme pro-
vince belge par la Loi fondanu-ntale de 18l.'i, le roi Guillaume I et sou ministre
de Hogendor|i icfr. Loi fondamentale, art. 79 et Colenbiander : On/slmin iler
Grondicet, t. Il, p. i.xxvi, i.xxxi, 151, :2t5-2t6, :27i-:27o).
2. M. Blok se fàelie parce que dans la même carte, la Flandre zéiandaise et
rarrondissemcnl de Bréda sont coloriés en jaune el indiiiués comme « iierdus »
(en 1818-1811) dans le texte el la légende : ce ijui mériterait, assure-t-il. dèlre
(lualilié « boerenbedrog » (tromperie de paysan) parce i|ue ce serait l'aire croire
(pie ces territoires auraient été reunis en 17!»") et en I81U à la Uelgique et non
|»as à la France !
Faisons remanjucr daboid que le nnil c( perdus » ((jui ligure dans le litre
de la carte el non dans le texte el dans la légende, comme l'atlinne erronément
M. Blok; ne tend en aucune façon à faire croire ce que .M. Blok lui fait dire.
Il ligure en ellel dans un sous-titre ainsi conçu : « Les Provinces belges du
Royaume au 1"^'' janvier 1825 et les territoires, ayant fait partie des départe-
ments de la Belgique, perdus en 181 i el I81.'> ». Le mot « perdus » ne porte
pas ici sur « provinces he/f/es ».
De plus, le lecteur sait par la carie jirécédenle el le texte annexé qiu' les
« déparlements de la Belgique » sont les anciens territoires belges réunis à
la France en 179.').
11 sait aussi <[uen I7tl.j et en 1810, Flandre /.elandaise el arrondissement de
Bréda ont été annexés à la France et reunis à deux de ces « départements de
la Belgique ».
L'emploi de la couleur jaune el la mention <« per(iu^ » .■^onl d ailleurs justiliés
par la légende oii il est dit que celte couleiu' indique les « Territoires ayant
fait partie des départements de l'Kscaut et des Deux Nèllies, cl réunis à des
provinces liollandaises du Royaunu' des Pays-Bas », ce ipii est incontestable-
ment le cas pour la Flandre /élaiulaise el l'arrondissement de Bréda.
Kniin la nuMition « perdus » trouve sa jusliticatinn couiplcle dan.^ ces mots
que M. Blok aurait dû lire, p. 0-l(i du texte de la cane XII ;
« Conipitri'C aiir iifii/' ilvpartemeuls i/ii'eUi- formai/ dann Ifiii/iirr friiiuids,
la Belgiipie, dans le Royaume des Pays-Bas. a subi d'inqiorlantes anqiulations.
« .\u nord, la Flandre zélandai.se. raltacliée au département de TK-scaul, et
l'arrondissement de Bréda, qui faisait partie du département «les Deux-Néllies
depuis 1810, ont été réunis aux provinces Imlland.ii^es de Zelande el du
Brabant septentrional... ».
842 CHRONIQUE
Si jamais le mol « perdus » a pu i)nivo(im>r un (IkuIc dans l'esprit d'un
leficiir, ce lexle doit le dissiper, il n'y a pas d'and)i^Mnté possilde. M. Hlok
nous a elierclié une méeliante querelle et nous a eliarj^és de sdupcons injurieux-
Ceux-ei ne peuvent uuirequ'à sa propre répulalion d'IiDunue de seieiice. Nous
ref^rellons de rencontrer eliez l'auteur d'cruvirs léi^ilimement réputées tant
de légèreté et si peu de eonscieneo.
Nous vous prions, Messieurs, de bien vouloir insérer la présente réponse
dans le plus prochain numéro du Mnseiun et nous vous prions d'agréer
l'expression de nos sentiments les plus distingués.
(signé) Fr.vnçois-L. Ganshof. (^'g'ié) I- Van i>kh IIsskn.
Gand. Louvain.
7, avenue Sainl-DcMiis. 1:21, Hoidevard deTirlemont.
Comme nous l'uvous dit, M. Blok ne crut i)as devoir publier
cette lettre dans le Muséum, mais il inséra dans le numéi-o de juin
de sa revue la déclaration suivante :
« Messieurs Van der Essen et consorts <tnt cru, et non it tort, devoir se
défendre contre mes observations au sujet de leur Allas (voir Mus. l" avril,
col. 109 sv.). Ils le firent dans une anli-crilique, sorte de chose à laquelle
nous ne pouvons donner une place dans notre revue, surtoid lorsqu'elle est
aussi étendue que celle qui nous fut envoyée. Dans ce cas-ci, où il s'agit
d'étrangers et d'une publication qui ne fut pas envoyée à la rédaction, nous
croyons devoii- mentionner cette anti-critique. Ces messieurs ne se considéreni
donc c( pas responsables » pour « l'averLissement des <'dileurs » où le but
politi(|ue delà pu!)lication était si fortement mis à l'avant-iilan : ce n'est qu'un
pi'ospectus, disent-ils. Knsuile, ils renvoient à un certain nombres de passaiies
dans le texte, où la signilication de la présentation faite sur la carte, disent-ils,
est nuidue claire, et ils sont d'avis que ces jjassages [irouvent ipie les rédac-
teurs étaient loin d'avoir une mentalité tendancieuse et que les indications
des cartes sont totalement inoffensives. Par-contre, ils m'accusent de « chercher
querelle », de « travestir intentionnellement la vérité », d' « être superficiel »
et antres incongruités (narigheden) de ce genre. Je ne m'y ai'rêterai pas, aussi
parce que je devrais entrer dans trop de détails pour expliipier davantage
mes griefs très sérieux au sujet des cartes.
Kspérons que les livraisons suivantes — j'es|)ére beaucouji (pTeiles paraîti'oni
vite ! — pi'ouveronl que, malgré toutes les singularités dans les pn'smlrs
livraisons, « le but unique était [cependant] de livrer du travail scientifique » :
pour les livraisons X, XI et XII je maintiens mes observations (heiletihi/if/nt):
tout on accordant ))ien volontiers que le texte et les cartes sont insépaiables,
je reste d'avis que 1" « éclaircissement » du texte ne l'ail aucinienienl dispa-
raître les défauts des caries ».
Xous n'ajouterons aucun commentaire à cette déclaration : nous
ne désirons point envenimer le débat. Constatons simplement que
M. Blok semble avoir retiré le terme injurieux de « falsification »
et qu'il ne parle plus, dans sa déclaraticm actuelle, que dos
(( défauts » des cartes. C'est là une opinion (ju'il a le droit d'avoir.
CHRONIQUE 843
quitte à on déiiioiiti'cr le bieii-rondé. Nous croyons toutefois (jue
tous ceux ([ui auront lu le dossier «jui précède seront d'accord
avec nous pour estimer qu'il était nécessaire de livrer s'i lu
publicité la réponse que nous fîmes au « compte i-endu n du savant
biographe de Guillaume le Taciturne.
FuAxrois-L (iANsiioF. Lkon \ an dku lOssr.N.
NECROLOG-IE
Jules Lameere.
Jules Lameere mérite d'être rangé au nombre des grande
magistrats qui ont fait l'bouneur de la Belgique. Comme les
Defacqz, les Faider, les Kaikem, les Laurent, les Delecourt, les
De Paei)e, les Mesdagli de ter Kiele, il a. par sa science et son
caractère, contribué à faire mériter à la magistrature la baut-j
estime dont elle jouit légitimement.
Xé à Ypres, le 19 mai 1837, Jules Lameere entra dans la
carrière en 1861, en qualité de substitut du ])rocureur du roi, à
Ypres. Procureur général i)rès la Cour d'ai)pel do (iand do 1880 à
1890, il sut, dans des circonstances difficiles, faire respecter
l'indépendance du ministère public. Plus tard, sa profonde
connaissance du droit et son inflexible conscience lui valurent à
la Cour de Cassation — dont il fut premier président — une situa-
tion tout à fait éminente.
Seule cependant l'activité historique de Lameere doit nous
retenir ici. On sait combien rares sont, dans notre pays, les
érudits qui consacrent leurs efforts à l'étude de notre ancien
droit ; presijue seuls (juelques magistrats ont travaillé dans ce
domaine peu défriché. Lameere fut un de ceux ([ui l'ont fait avec
le plus de distinction.
C'est l'ancien droit flanuuul qui a princii)aleMieiu fait l'objet do
ses recherches. Lameere l'avait étudié de très près et sans se
limiter à la lecture des coutumiers et des auteurs anciens; il
connaissait les actes de la praticiuo judiciaire, si importants jjour
saisir ce qu'était un droit réellement vivant.
Ou se rend compte de l'étendue de sa science en lisant les
monographies dans lesquelles il a traité tel ou tel point d'histoire
du droit. Courtes, généralement conçues sous la forme du mercu-
riales ou d'articles de revues, elles étudient le jjIus souvent une
question de procédure : elles méritent d'être citées comme des
modèles au point de vue de la pi-écision. L'exanu-n des notes
844 CHRONIQUE
permet de se rendre compte de la sûreté de l'information de
l'auteur En lisant ces études, on se prend à regretter que
Lanieere n'ait jamais publié un ouvrage d'ensemble sur l'histoire
de la ])rocédure civile et criminelle en Flandre, qu'il était tout
particulièrement qualifié pour écrire
Membre depuis 1894 et président depuis 1911 de la Commission
royale des anciennes lois et ordonnances, J. Lameere a publié
dans le Recueil des Ordonnances, édité par ce corps savant, plu-
sieurs volumes se ra])portant au règne de Charles-Quint. Ces
éditions, comme ses dissertations, témoignent de sa science et des
belles qualités de son esprit.
J. Lameere était membre de l'Académie royale de Belgique et
membre du Conseil d'Administration de l'Université de Bruxelles.
Il prenait une part très active aux travaux de ces deux corps.
11 est mort le 12 avril 1922, à la fin d'une longue vie tout
entière consacrée au droit.
François-L Ganshof.
Bibliographie des œuvres hisoriques de J. Lameere
1. Fondation du xiv« siècle; Belgique Judiciaire, 1868.
2 Législation relative aux étrangers, dans Patria Belgi' a de
Van Bemmel ; t. II ; Bruxelles, 1873.
3. De l'autorité judiciaire dans les communes flamandes au xii'
et au XIII* siècle; Belgique judiciaire, 1878
4 Institution dans les Universités de Hollande d'un cours
d'histoire du droit germanique ; Ibid , 187'.).
5. Du formalisme dans le droit flamand du moyen âge; Ihid.
1880.
6. Le recours au chef de cens dans le droit flamand ; Ibid., 1881.
7. Les communes vérités dans le droit flamand ; Ibid., 1882.
8. Titres et noms ; Ibid., 1883.
9. De l'histoire du droit et de son étude actuelle dans les Pays-
Bas ; Ibid., 1884.
10. De la transmission du nom et des titres ; Ibid., 1885.
11. De l'importation du jury sur le continent ; Ibid., 1885.
12. De notre procédure criminelle à la fin de l'ancien régime ;
Ibid., 1890.
13 Deux mémoires sur le ministère public en Belgique sous
l'ancien régime ; Ibid., 1892.
14. Dante à Oxford et en Flandre; Revue de Belgique, 1893.
15. Des tribunaux de l'Inquisition en France; Belgique Judi-
ciaire, 1894.
(HKoMurr; 845
Ifi. Le mariajîc d'un clci-c au xin" sic-ck- ; [hid., 1S'.)4.
17. Le Conseil privé d'Angleterre Mjjplicjuant le droit (•un(>ni«|ue
en l'ile de Chypre; Ibid . 18"J5.
IH. J.-L. et Charles Laurent : Recueil des Aiicienues Ordon-
nances de la Belgique ; 2* série ; t. 1 1 (L~)20-ir)29) ; liruxellcs,
1898, f".
19 Recueil, etc., t. 111 (ir)20- 153(3). liruxelles, 19U2. f ■.
20. Les travaux d'Adolphe Dubois sur l'histoire des institutions
et du droit ; Bi'lgi(jii(' jiidiciuirc ; 1902.
21. Léon Vauderkindere, Ibid., 190G.
22. J.-L. et Henri Simont : Recueil etc.; t. IV 15:17-1543):
Bruxelles, 1907, f°.
23. Aspects de la preuve testimoniale en Flandre aux xiu" et
XIV^' siècles; liiiUelin de l' Académie Roynlc de Jielgique.
Classe des lettres, 1907.
24 J.-L. et Henri Simont: Recueil etc.; t. V 1544-1549); Bru-
xelles, 1910. f°.
25 L'n document du vieux droit coutuniier de la Flandre; Bel-
gique judiciaire. 1910.
2G. Deux études sur l'ancien droit de la Vlandra, ILud., 1914.
27. Un chapitre du prêt à intérêt dans le droit belgique ; Bulletins
de V Académie Royale de Belgique, Classe des lettres. 1920.
28 De quelques enseignements de Montes(iuieu et de leur desti-
née ; Ibid., 1920.
Paul Errera.
Paul Errera naquit à Laekeu. le 2:} juillet 18G0. Une inoi't
brusque est venue, il y a (juelques mois, mettre prématurément
fin à une vie qu'il avait tout entière vouée au culte de la science
et au service de la patrie. Pour servir ce double idéal il avait
déployé son activité dans des domaines divers : pendant quel-
ques années, il avait pratiqué au barreau aux côtés de Charles
Duvivier; de 1912 à 1921, il avait été bourgmestre d'Ucde; mais
avant tout, il fut un grand universitaire.
11 ai^partenait au corps professoral de l'Université de Hruxelles
depuis 1890; il avait été recteur et il exerçait les importantes
fonctions de vice-président du Conseil d'administration. .\ partir
de 1903, il professa le cours de droit i)ublie avec un éclat incom.
parable.
Errera était juriste dans l'âme et il jouissait dans les milieux
juridiciuea de Belgique et de l'étranger d'une légitinie niiuta-
tion. .Son Traité de droit public belge, publié à Paris, et traduit en
846 CHRONIQUE
allemand, l'ait autoiité bien au-delà nos frontières et passe à
juste titre pour un ouvrage de premier ordre.
Errera estimait avec raison «lu'une étude vraiment scientifique
du droit n'est pas possible sans la connaissance de l'histoire du
droit. Aussi est-ce vers notre ancien droit belge, que l'influence
de Vanderkindere et de Du vivier orienta ses premiers travaux.
Le plus important est son volume sur les Masuirs. auquel il
faut toujours avoir recours lorsque l'on étudie l'histoire de la
l)ropriété foncière dans nos provinces. Il est précieux non seule-
ment à cause de l'étendue des dépouillements, mais encore à cause
delà clarté et de la rigueur des exposés synthétiques du démem-
brement du droit de propriété.
Les travaux qui suivirent — en dehors du livre sur les Waré-
rhai.x — relèvent généralement d'autres domaines de la pensée
juridique ; mais toujours Errera continuait à porter aux études
historiques le plus vif intérêt : dans les derniers mois de sa vie,
il avait pris une part active aux travaux préparatoires du
V« Congrès international des sciences historiques.
Paul Errera est décédé à Bruxelles, le 12 juillet 1922. S'il a été
enlevé trop tôt à ceux qui l'aimaient et l'admiraient, il a cepen-
dant eu la fin que, sans doute, il eût souhaitée, puisqu'il est tombé
la plume à la main, en pleine. activité, Frakçois-L Ganshof.
Bibliographie des oeuvres historiques de Paul Errera
1. Les Masuirs; Recherches historiques et juridiques sur quel-
ques vestiges des formes anciennes de la propriété en Bel-
gique. Bruxelles, 1891, 2 vol, 8°.
2. Les Waréchaix; Étude de droit foncier ancien. Bruxelles.
1894, 8°,
3. Cours de littérature française : historiens et clironiqueurs
(Syllabus de l'Extension de l'Université libre de Bruxelles*.
Bruxelles, 1890, 8°.
4. Quelques historiens français (Syllabus, etc.). Bruxelles,
1898,8°.
5. Art et science chez Léonard de Vinci, Reniw de V Université de
Bruxelles, 1901-1902.
6. La dotation du prince de Waterloo, Ibid., 1911-1912.
7. Mil huit cent quarante huit à l'Université de Louvain, Ibid..
1911-1912.
H. Dante et les Flandres, Bulletins de l'Académie royale de Bel-
gique, Classe des lettres, 1921.
y. Encore Guizzante, Ibid., 1922.
TABLE DES MATIÈRES
Articles de fond et mélanges.
Pages.
Ch. Beckknhai l'T. Le style des i)aysaj>:es dans Faust . . . 677
A.-L. CoRix. A pi'opos de la traduction française des Ser-
mons de Tauler par le Père Hugueny O.P. — Mag-ct
et hincfruivc TA
— La tombe de Tauler ... 665
Fi-. Dk Lannov. L'accession du Luxembourg au Zollvorein
en 1842 :^17
II. Eeij.s. The correct date for a letter to Zwingli. . . 514
.F. Fki.i.kk. * a bel la net uni, iwellanetiim « bois de coudrier »
corylus avellana L 719
— Astanetnm 41
F.-L. Ganshof. Les « homines de casa Dei » du très ancien
droit liégeois SOli
P. Gkaindoh. Auguste et Athènes 429
— Inscription de Mégaro 335
— Notes épigrai)hiques ... 113
II. Grkc.oiri;. Notes d'épigraphie byzantine 27
P. IIa.mi:i-us. La littérature des proscrits en Angleterre. 59
A. II.\xs.\Y. L'ancienneté du droit urbain liégeois .... 727
— Le dipb')me de Henri V jjour l'église de Liège
en 1107 511
— Note concci'nant rapparitit>n de la propriété
allodiale au pays de Liège 724
— La villa et l'oppidum de Saint-Trond .... 87
.T. Haust. Etymologies wallonnes et françaises. . . .445, (>19
J. R. KxiPKiNG. Tlie Edict of Galerius (311 A. T) ) re-con-
sidered 693
E. LALontic. Une quittance signée de Watteau 116
L. Lkci.kre. Les limites chronologitiues du moyen âge . 69
Th. Lekokt. Xénophon 9
H LiEBRiX'iiï. Les « Comédiens de cami)agne n à Bruxelles
au XVII* siècle 2(')5
F. LvxA. Onuitgegeven Kefereinen (P.russel H,^. II. 119). . 293
848 TABLF. DES MATIÈHES
P. MAacHOT. Le nom de lieu gaulois *CAMBOS, « La
courbe» 241
— Les noms de lieu gaulois en « -auos, -aua,
-auon » ... 64;1
H. Xéus. Bâtards de Brabant et bâtards de Bourgogne. . 337
— La date dans les actes de Philippe le Bon (1419-
1467) 91
L. Parmentier. Notes sur deux passages d'Euripide ... 1
— Sur le sens méconnu de quelques mots
homériques (aiôXoç et ses dérivés) . . 417
H. PiRENNE. Mahomet et Charlemagne 77
F. Rousseau. Tju lignage namurois au xii*^ siècle. Les Fal-
magne 463
P. E.OUSSEI-. Le thème du sacrifice volontaire dans la tragé-
die d'Euripide 225
Tu. SiMAR. Les sources de Ihistoire du Congo antérieure-
ment à l'époque des grandes découvertes 707
Ch. Teri.inden. Le comte de Chambord à Anvers (février 1872) 495
P. Thomas. Une petite addition au livre de M. Brunot « La
pensée et le langage » 723
— Notes et conjectures sur les œuvres de l'empe-
reiir Julien 15
V. Tourneur. De la méthode à .suivre pour évaluer en mon-
naies modernes les valeurs anciennes énoncées dans les
textes historiques belges du xi*' siècle au xvin^ .... 101
F. Uzureau. Pie VI et le serment de Liberté-Égalité . . 342
L. Yander Essen. Jean d'Ypres ou de Saint-Bertin (tl383).
Contribution à l'histoire de l'hagiographie médiévale en
Belgique 475
J. Vannérus. Les Chnu mont germaniques. Notes de topony-
mie \ 283
A. Vincent. Les diminutifs de noms propres de lieux. . . 247
Comptes rendus 119,345,521,731
Bibliographie 141,567,783
Périodiques 151,377,587,805
Chronique 201,391,611,819
'inL'K^CfSt.
P Revue belge de philologie
2 et d'histoire
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