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Full text of "Revue catalane"

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TOME  XIV 

ANNEE.  1920 


REVUE 
CATALANE 


LANGUE    #5    LITTERATURE 
HISTOIRE    &    ARCHEOLOGIE 


V 


ORGANE  DE 
LA  SOCIÉTÉ 
D'ETUDES  &S 
CATALANES 


PERPIGNAN 
IMPRIMERIE  CATALANE 


^>  R  A 


MOV  2  i  1357 


Table  des  Matières 

Liste  des  Membres  du  Conseil  d'Administration,   i . 
Les  «  Pasquetes  catalanes  »  à  Perpignan,   12. 

L'Hommage  de  fraternité  catalane  à  l'occasion  des  Jeux  Floraux  de  Barce- 
lone présidés  par  le  Maréchal  Joffre,   18. 
Pages  choisies,  10,  62,   16"^,   i83,  212,  236. 
Les  prochains  travaux  de  nos  collaborateurs,  27. 
Le  Comité  d'initiative  de  l'Université  de  Perpignan,  28. 
Les  œuvres  d'art  de  Louis  Delfau,  43. 
Nécrologie,  53,  62. 
Notre  Bureau,  61. 

La  T^evue  Catalane,  son  programme,  ses  collaborateurs,  ses  amis,  ^3. 
Catalougna-Lengadoc,  96. 

La  visite  du  roi  d'Espagne  à  Barcelone  et  la  question  catalane,   175. 
A  propos  de  l'Université  catalane  de  Perpignan,   190. 
Prochaines  fêtes  catalanes  à  Perpignan,   198. 
Cours  de  langue  catalane  par  correspondance,  208. 
Cotisations,  209,  225. 

Bulletin  historique  des  Pyrénées-Orientales,  209. 
Nouveau  succès,  212. 

La  Renaisssance  Catalane  dans  l'Enseignement  public  et  privé,  225. 
Dans  la  Légion  d'Honneur,  235. 
Pensaments,  237. 
Bibliographie,  240. 

Algû.  —  A  la  mar  nostra,  46. 

Aragon  (Henry).  —  L'art  du  maître  Déodat  de  Séverac,   129. 

La  délégatio/i  roussillonnaise  à  Barcelone,   i35. 

«  Les  gestes  de  JofFre  d'Arria  et  de  son  fils  Joffre  le  Poilu  »,  par 
Pierre  Vidal,   14b. 

Documents  historiques  sur  la  Ville  Je  Perpignan,   191. 
Avalri  (Jean  d').  —  Les  Danses  catalanes,   i53. 
B.  (J.)  —  Les  provatures  d'en  Xiquet,  88,   144. 
Bausil  (Albert).  —  L'Adagio  dans  la  nuit,  62. 
Bonafont  (Chanoine).  —  La  Maintenance  du  Roussillon,   177. 
Bourget  (Paul).  —  a  L'Infante  »  ou  Inès  de  Llar,  de  Louis  Bertrand,  2o3. 
Calmette  (J.).  —  Comment  le  Roussillon  devint  catalan,  49. 


211     — 

Delgas  (B.).  —  El  Torpedeix,  i58. 

Gibrat  (Joseph).  —  La  seigneurie  et  la  paroisse  du  Soler  (suite),  22,  47, 

93,  aoo,  244. 
Grandô  (Caries).  —  Formula,   1  i. 
L'Adagio  dins  la  nit,  62. 
Guiu  (Charles).  —  L'Université  de  Perpignan,  2. 
Lacvivier  (R.  de).  —  Notre-Dame  de  Belloch  et  le  Couvent  des  Capucins 

d'Elne,  29.  64,  80. 
Pastorellet  de  la  ValJ   d'Arles  (Lo).   —   Goigs  de  la   Mare   de  Deu  dei 

Pesebre,  25. 
Pastre  Louis.  —  Un  Ouvrier  Poète,  255. 
Père  de  Malloles  (Enj.  —  Ecoles  et  Concours  de  Danses  et  de  Chansons 

catalanes,  209. 
Pons  (J.-S.).  —  La  Biblioteca  i  el  Museu,  9. 

Commentaire  des  «  Absences  Paternelles  »,    i65.  • 
Notes  del  Poble  :  L'Home  de  la  Primavçra,  jpS. 
Riols  (F.).  —  Petits  échos,  24,   i5i,  224. 
Salvat  (Francès).  —  L'Amfora,  92. 

Sonets,  142. 
Sarrète  (Jean).  —  Apôtres  et  Artisans  de  la  Renaissance  Catalane,   i3. 
La  Confrérie  du  Rosaire  en  Cerdagne,  39,  221,  238. 
Nouvelles  acquisitions  de  la  Bibliothèque  Nationale  intéressant  le 
Roussillon,  68. 
Vidal  (Pierre).  —  Chroniqueurs  et  Historiens  catalans  des  xiii'  et  xiv'  siè- 
cles, 54,  76,   161,  184,  214,  227,  241. 

NUMÉRO  SPÉCIAL 
Les  Fêtes  de  Barcelone,  n°  i63,  pp.  97-128. 

HORS-TEXTE 

Pastre  (Louis).  —  Enseignement  de  la  langue  catalane  par  la  méthode  des 
doubles  textes,  n"  167,   168,  169,   170. 

GRAVURES 

Porte  de  l'église  de  N.-D.  de  Belloch,  83. 
Plan  du  couvent  des  Capucins  d'Elne,  85. 

Portraits  du  D'  Sole  y  Pla,  de  Guimerà  et  de  Joan-Maria  Guasch  (hors- 
texte),  n*  i63. 


14*  Aimée.  N"  1^9  Janvier  1920 

Les  Mïnuscrits  non  insérés  ^^^  ^^^^V  V^  m  ^»^ 

ne  sont  Das  rendus.  St^^  W^       v/    I     I   B^ 

Les  Articles  parus  dans  iz  Revue  ^  ▼    2^   ^1^   ^^    T         3^   1^1  ï? 

n'engagent  que  ieurs  auteurs.  ^H^AlL    A    4jkJI^9AjLX^V  J^ 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 


Conseil  d'Administration 


DE  LA  SOCIETE  D  ETUDES  CATALANES 

MM. 

J906.   Amade  Jean,  professeur  agrégé  à  l'Université  de  Montpellier. 
I«914.   Aragon  Henri,   propriétaire,  à  Château-Roussillon,  près  Perpignan. 
1906.   Boix  Emile  (docteur),  avenue  Mozart,  9,  Paris. 
1906.    BoNAFONT  Joseph,  chanoine  honoraire,  Félibre  Majorai,  curé-doyen 

d'Ille-sur-Tet.  Vice-P résident. 
1906.   Calmette  Joseph,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université 

de  Toulouse,  65,   rue  du  Taur.  Secrétaire  général. 

1906.   Campanaud    Laurent,    propriétaire,    rue    Petite-la- Real,    Perpignan. 
"Président. 

1906.  DE  Carsalade  du  Pont  Jules  (Mgr),  évêque  de  Perpignan. 

1906.  CoMET  Joachim,  Imprimerie  Catalane,  rue  de  la  Poste,  Perpignan. 

1915.  Francis  P.,  5,  rue  de  l'Avenir,  Perpignan.  Trésorier. 

1912.  Grando  Charles,  rue  des  Augustins,  "iy,  Perpignan. 

1906.  DE  Lacvivier  Raymond,  propriétaire,  Elne. 

1906.  Pastre  Louis,  instituteur,  école  Paul-Bert,  Perpignan.  .Archiviste. 

1906.  Payré  Joseph,  avoué,  rue  de  la  République,  Perpignan. 

1906.  Pépratx  Justin,  notaire,  rue  Alsace-Lorraine,  Perpignan. 

1906.  Pons  Joseph,  agrégé  d'Espagnol,  professeur  au  lycée  de  Montpellier. 

1906.  Sarrète  Jean  (abbé),  aumônier  du  Bon-Pasteur,   avenue   Maréchal- 

Joffre,  Perpignan.  Secrétaire,  directeur  de  la  T{evue. 

1907.  SuDRiA   J.,    Directeur    de   l'Ecole   d'Electricité,    26,    rue   de   Staël, 

Paris  (XV). 
1 906.   Vidal  Pierre,  bibliothécaire  de  la  Ville,  rue  Petite-la- Real,  Perpignan. 
1906.   Violet  Gustave,  sculpteur,  Prades.  "Vice-Président. 
J906.   DE  WiTTWER  de  Froutiguen  Jules,  le   Boix-Saint-Sauvcur,  Prats-de- 

Mollo. 

N.-B.  —  A  la  place  de  la  liste  des  membres  de  notre  Société,  que  nous  avions  l'habitude 
de  publier  chaque  année  au  mois  de  janvier  et  qui  occuperait  trop  de  place  dans  notre  Revue, 
nONS-iious  contCNtons  de  donner  les  n»ms  des  membres  de  notre  Conseil  d'Adminijtrfction, 


ON  FOYER  DE  VIE  CATALANE 

L'Université  de  Perpignan 


Cette  résurrection  de  l'Université  de  Perpignan,  que  de  bons 
esprits  appellent  de  tous  leurs  vœux  et  s'emploient  à  promou- 
voir, faut-il  la  classer  au  nombre  des  réalisations  possibles  et 
prochaines,  ou  simplement  parmi  ces  mirages  dont  aime  à  se  parer 
la  terre  catalane,  mais  qui  ne  donnent  jamais  que  des  fleurs, 
des  espérances  et  des  regrets  ? 

Question  éminemment  actuelle,  grosse  de  conséquences,  et  qui 
mérite,  non  seulement  de  la  part   des   techniciens   de   l'enseigne- 
ment, mais  aussi  et  surtout  de  la  part  de  tous  ceux  qui  pensent  et 
qui  agissent  en  fils  diligents  de  la  petite  patrie,  une  étude  et  une 
décision. 

L'heure  en  est  venue,  parce  que  jamais  circonstances  plus  favo- 
rables ne  se  représenteront. 

Par  son  double  contact  avec  les  frontières  de  terre  et  de  mer, 
par  sa  situation  de  sentinelle  avancée  de  la  civilisation  française, 
par  ses  affinités  de  langue  et  de  race  avec  les  provinces  espagno- 
les dont  il  fut  définitivememt  détaché,  i]  y  a  deux  siècles  et  demi, 
notre  Roussillon  occupe  une  place  spéciale  dont  nous  nous  per- 
mettrons de  souligner  les  rapports  avec  notre  sujet. 

A  défaut  d'autres  proies,  la  gloutonnerie  teutonne,  a  jeté  son 
dévolu  sur  l'Espagne  et  plus  particulièrement  sur  la  Catalogne. 
C'est  un  fait  contre  lequel  nous  devons  nous  défendre  et  essayer 
de  défendre  nos  amis  d'outre-Pyrénées,  que  ce  danger  épouvante, 
et  qui  sont  un  peu  dans  la  situation  de  l'homme  qui  s'enlise  lente- 
ment dans  un  marécage. 

Tous  les  moyens  de  séduction,  de  pénétration,  de  pression  et 
d'achat  sont  employés.  Les  classes  instruites  sont  les  premières 
visées  et  les  plus  faciles  à  atteindre  :  la  réputation  usurpée  de  la 
science  allemande  a  survécu  partiellement  à  la  guerre.  On  accorde 
beaucoup  encore  à  l'outrecuidance  du  Herr  Professer,  et  ce  spec- 


—  3   - 

tacle  d'avant-guerre  qui  m'indigna  si  fort,  d'un  teuton  prétendant 
apprendre  à  un  Catalan  du  Vallespir  la  bonne  manière  de  pro- 
noncer sa  langue,  on  peut  le  savourer  tous  les  jours  à  Barce- 
lone. 

C'est  vers  Barcelone  que  se  tournent  l'esprit  et  le  cœur  de  nos 
cousins  d'Espagne.  C'est  très  bien  ainsi,  et  nous  n'avons  rien  à  y 
redire.  Mais  si  ce  même  phénomène  d'attraction  venait  à  se  pro- 
duire sur  certains  d'entre  nous,  un  danger  apparaîtrait  :  indirecte- 
ment et  sans  nous  en  douter,  mais  non  sans  dommage,  nous 
risquerions  de  subir  des  influences  venues  non  point  des  bords 
ensoleillés  de  la  mer  bleue,  mais  des  rives  brumeuses  de  la  Sprée. 

Et  ceux  d'entre  nous  qui  courraient  ce  risque  sont  précisé- 
ment parmi  les  meilleurs  :  c'est  la  vigueur  même  de  leur  afl^ection 
pour  les  gloires  et  les  vertus  de  la  race  catalane  qui  fixerait  leurs 
regards  sur  la  Cité  Comtale.  Elle  fut  pendant  des  siècles  la 
a  Capitale  ».  Elle  ajoute  aujourd'hui  à  ce  titre  le  lustre  des  nou- 
veaux foyers  d'études  catalanes,  où  l'ardeur  de  nos  frères  se 
dépense  en  initiatives  souvent  admirables,  mais  sur  lesquels, 
malheureusement,  nos  ennemis  ne  sont  pas  sans  action,  puisque, 
fleurs  vénéneuses,  articles  d'importation,  certains  de  ces  préten- 
dus centres  littéraires  sont  surtout,  il  faut  bien  le  dire,  des  cen- 
tres d'action,  de  renseignements  et  de  pénétration. 

11  faut  continuer  à  lutter  contre  eux,  à  Barcelone  même,  et  de 
bon  Français  s'y  emploient,  non  sans  succès. 

Mais  il  faut  surtout  donner  aux  hommes  de  chez  nous,  sans 
sortir  de  France,  tout  ce  que  leur  cœur  de  Catalans  va  chercher 
au  dehors,  au  risque  de  rapporter  plus  d'ivraie  que  de  bon  grain. 

Ce  froment  savoureux  dont  ils  ont  une  faim  inassouvie,  qui 
pourrait  l'ensemencer,  le  cultiver  et  le  moudre  mieux  que  l'Uni- 
versité de  Perpignan,  enfin  rendue  à  la  vie  ? 


«  Université  »  ne  veut  pas  dire  nécessairement  réunion  dans  un 
centre  de  tous  les  enseignements  supérieurs  :  Lettres,  Sciences, 
Droit,  Médecine,  Beaux-Arts,  etc.  Nous  avons  déjà  Toulouse 
et  Montpellier.  Nous  leur  devons  beaucoup,  et  nous  ne  saurions 
sans  ingratitude  leur  dresser  une  rivale  qui  se  trouverait  un  peu 
à  l'étroit  dans  nos  Pyrénées,  et  s'y  anémierait  certainement. 


_  4  — 

Mais  cette  Histoire  de  la  Méditerranée  occidentale,  si  hardi- 
ment sillonnée,  dans  tous  les  âges,  par  les  marins  de  notre  race; 
cette  Littérature  catalane  aux  riches  et  harmonieuses  couleurs  •; 
cette  langue  sonore,  limpide  et  énergique,  si  proche  parente 
encore  du  latin  qu'elle  a  eu  l'audace  d'abréger,  si  possible,  en 
réduisant  les  substantifs  à  leur  seul  radical,  ne  valent-elles  pas  la 
peine  qu'on  les  fasse  revivre  sur  leur  teiTe  nourricière,  qu'on  les 
enseigne  au  bord  de  cette  mer  qui  en  berça  les  fastes  et  les  rêves, 
au  pied  de  ce  Canigou  et  de  ces  Albères  dont  les  cimes  enca- 
drent  et  défendent  sj  bien  leur  berceau  ? 

Cette  Archéologie  et  cette  Numismatique  qui  ont  lu  avec 
amour  tout  ce  que  racontent  les  pierres  de  nos  monuments,  les 
légendes  et  les  symboles  de  nos  vieilles  monnaies,  qui  ont  trouve 
sur  notre  sol  des  ruines  fécondes,  de  précieux  vestiges  des  âges 
disparus,  et  —  aussi  —  les  compétences  qui  ont  exhumé  et  fait 
parler  ces  vénérables  débris. 

Cette  Géographie  de  la  moitié  orientale  des  Pyrénées,  dont 
les  chaînons  se  précipitent  de  chute  en  chute  de  la  région  des 
hauts  sommets  aux  croupes  qui  plongent  leurs  rochers  dans  la 
mer,  et  déchirent  la  Côte  vermeille  en  une  frange  de  havres,  de 
criques  et  de  plages,  qui  font  la  joie  des  yeux. 

Cette  Géologie,  cette  Stratigraphie,  cette  Minéralogie  qui  pos- 
sèdent dans  nos  vallées  et  nos  montagnes  de  tels  terrains  d'élec- 
tion qu'un  maître  à  la  compétence  très  sûre,  M.  O.  Mengel,  a 
pu  dire,  non  sans  orgueil,  que  ces  régions  peuvent  fournir  à  la 
science  et  à  l'industrie  tout  ce  qu'on  voudra  bien  leur  demander. 

Cette  technique  agricole,  viticole,  forestière  et  pastorale  qui 
montre  avec  une  égale  fierté  la  vigne,  parure  royale  de  la  plaine 
et  des  coteaux  ;  le  liège,  le  micocoulier,  le  maïs  du  Tech  infé- 
rieur ;  le  châtaignier  des  pentes  vallespiriennes,  le  chêne  et  le 
pin  des  vallées  de  la  Tet  et  de  l'Agly  ;  les  élevages  de  Cerda- 
gne,  du  Capcir  et  du  Pla-Guilhem. 

Cette  technique  de  l'utilisation  des  chutes  d'eau  qui  sont  appe- 
lées à  devenir  les  fécondes  nourrices  de  nos  usines  méridionales, 
à  la  place  de  la  houille  défaillante  ou  trop  chère,  et  à  permettre 
la  transplantation  des  industries  textiles  du  Nord  et  de  l'Est, 
Filatures  et  Tissages,  dans  nos  vallées  pyrénéennes  qui  leur  offrent 
des  eaux  si  pures,  une  main  d'oeuvre  toute  prête  à  s'employer,  et 


cette  sécurité  du  lendemain  que  les  départements  dévastés  n'osent 
plus  se  promettre. 

Cette  technique  de  l'exploitation  de  la  zone  ferrifère  du  Cani- 
gou,  si  précieuse  à  la  défense  nationale  pendant  la  guerre,  et  qui 
recèle  encore  des  trésors  insoupçonnés  d'«  hématite  »,  c'est-à-dire, 
au  point  de  vue  industriel,  du  meilleur  des  minerais  de  fer. 

Cette  technique  des  laboratoires  marins,  route  jeune  encore, 
mais  qui  a  rendu  tant  de  services  à  nos  pêcheurs  et  qui  peut  et 
veut  leur  en  rendre  bien  d'autres. 

Cet  art  décoratif  qui  s'est  mis  si  heureusement  à  l'école  de  la 
Flore  du  Canigou  et  qui  a  reçu,  dans  les  planches  encore  inédi- 
tes du  jeune  maître  Castan,  de  si  savoureuses  interprétations  ;  ces 
inspirations  puisées  dans  le  terroir  Roussillonnais  par  les  artistes 
qui  ont  ouvré  les  marbres,  les  faïences,  les  grès,  les  poteries  dont 
nous  regrettons  de  ne  pouvoir  dire  ici  tout  le  bien  que  nous 
pensons. 

Ne  méritent-ils  pas,  toutes  et  tous,  de  sortir  du  demi-jour  des 
revues  spéciales  et  de  trouver  à  Perpignan  des  chaires  et  des 
auditeurs,  d'y  recevoir  enfin  les  honneurs  d'un  enseignement 
régulier  ? 

Pour  faire  revivre  l'ancienne  Université  de  Perpignan  et  lui 
assurer  tout  le  succès  désiré,  —  dans  le  cadre  et  suivant  les  moda- 
lités que  nous  venons  d'envisager  avec  tous  ceux  qui  se  préoccupent 
de  sa  restauration  —  nous  pouvons  certainement  compter  d'ores 
et  déjà  —  nous  en  avons  même  la  certitude  —  sur  les  puissantes 
influences  du  ministre  catalan,  le  si  actif  et  si  sympathique 
M.  Emmanuel  Brousse,  sur  le  dévouement  de  tous  nos  représen- 
tants au  Parlement,  sur  la  bienveillance  de  M.  Tainturier,  le 
nouveau  préfet  des  Pyrénées-Orientales,  sur  la  haute  autorité  de 
M.  Sicrnoret,  le  nouvel  Insoecteur  d'Académie  du  Déoartement, 
sur   le   savant  patronage  de  Monseigneur  de  Carsaiade  du  Pont. 

Est-ce  que  nous  ne  pouvons  pas  compter  aussi  sur  le  dévoue- 
ment des  talents  et  des  compétences  :  universitaires,  hommes  de 
lettres,  artistes  et  savants,  que,  en  si  grand  nombre,  compte  le 
Roussillon?  Chacun  dans  sa  spécialité  ne  pourrait-il  pas,  au  besoin, 
se  charger  de  cours  qui  seraient  à  la  fois  un  enseignement  et  un 
régal,  plus  encore,  un  hommage  aux  vertus,  aux  charmes,  aux 
richesses  de  la   Terre  Catalane,  un  rappel    permanent    de    ses  fils 


—  6  — 

à  leurs  devoirs  envers  Elle,   un  effort  sans  trêve  vers  des  avenirs 
de  grandeur  et  de  beauté  ? 

En  outre,  sur  un  plan  secondaire,  mais  sans  manquer  ni  d'utilité, 
ni  d'auditeurs,  des  cours  de  lilléraiure  et  d'histoire  générales,  de 
mathématiques,  de  physique  et  de  chimie,  donneraient  à  tous  ceux 
qui  n'ont  point  renoncé  à  compléter  leur  bagage,  et  surtout  aux 
jeunes  gens  et  aux  jeunes  filles  qui  n'ont  pas  la  faculté  d'aller 
achever  leurs  études  dans  un  centre  universitaire,  un  complément 
d'éducation  dont  le  besoin  est  vivement  ressenti. 


Un  homme  d'esprit  et  de  cœur  me  citait  dernièrement,  comme 
une  indication  inquiétante,  cette  réponse  cent  fois  répétée,  à 
l'jnsu  les  uns  des  autres,  par  des  mobilisés  des  Basses-Pyrénées, 
à  qui  l'on  demandait  quel  était  leur  département  d'origime  :  «  Le 
pays  Basque,  mon  Commandant  î  » 

Et  mon  interlocuteur  généralisait  ainsi  :  «  Votre  «  Catalogne 
Française  »  et  leur  «  Pays  Basque  »  constituent,  à  mon  sens,  deux 
dangers.  Chacune  de  ces  contrées  ne  représente  qu'une  petite 
partie  de  la  Catalogne  totale  et  du  pays  Basque  intégral.  Le  sur- 
plus, c'est-à-dire  le  très  gros  morceau,  se  trouve  de  l'autre  côté 
de  la  frontière. 

«  Au  moment  historique  que  nous  vivons,  où  les  nationalités  se 
recristallisent  sur  une  carte  d'Europe  profondément  remaniée,  ne 
faut-il  pas  craindre  l'attraction  fatale  de  la  Navarre  et  de  la  Bis- 
caye sur  notre  petit  pays  basque,  de  la  vaste  Catalogne  espagnole 
sur  votre  Roussilion  de  si  modeste  superficie  ?  Tout  ce  qui  con- 
tribue à  la  survivance  des  traditions  basques  et  catalanes  est  donc 
un  ferment  de  division,  une  épine  qui,  le  jour  venu,  pourrait  bles- 
ser la  France  sur  une  frontière  que  nous  voulons  maintenir  dans 
son  intégrité  et  sa  paix  actuelles  ». 

Cette  thèse  pessimiste  appelle  la  victorieuse  réponse  que  me  fit 
le  professeur  Calmette  quand  j'eus  récemment  l'honneur  de  la  lui 
soumettre  :  «  Un  danger?  Certes  oui,  je  le  vois  aussi,  mais  au 
point  opposé  de  l'horizon.  Il  est,  à  mes  yeux,  naturel  et  légitime 
que  le  Basque  ou  le  Catalan  avoue  son  origine  et  en  soit  fier. 
Les  mieux  individualisées  de  nos  vieilles  provinces  comptent 
parmi  les  plus  noblement  françaises.  Les  Basques  et  les   Catalans 


—  7  — 
ne  sont  pas  moins  bons  français  que  les  Alsaciens  et  les  Bretons, 
Et  c'est  parce  qu'en  chacun  de  nous  se  concilient,  en  une  parfaite 
synthèse,  le  culte  de  la  petite  patrie  et  le  dévouement  à  la 
grande,  que  la  France  est  ce  que  nous  la  voyons  et  la  sentons, 
une  personne  morale  à  la  fois  une  et  multiple,  d'autant  plus  forte 
et  d'autant  plus  féconde. 

«  Précisément  parce  que  l'amour  du  sol  natal  et  l'amour  de  la 
France  sont  inséparables  dans  nos  âmes,  il  faut  que  la  culture 
locale  et  la  culture  générale  s'associent  étroitement.  Ce  serait  en 
les  disjoignant  que  vous  iriez  à  créer  ce  danger  redoutable  que 
vous  croyez  apercevoir  où  il  n'est  pas.  Bannissez,  par  exemple,  en 
Roussillon,  la  langue  et  l'histoire  locales,  et  c'est  vers  Barcelone 
que  vous  obligez  le  Roussillonnais  à  regarder  ;  c'est  votre  fausse 
sagesse  qui  livre  à  l'influence  étrangère  ceux-là  mêmes  qui  ne 
demandent  qu'à  s'en  abstraire. 

«  Car  le  danger  n'est  point  dans  les  chers  souvenirs  du  passé  ; 
il  est  dans  les  manœuvres  sournoises  du  présent,  il  est  dans  les 
séductions  masquées  de  nos  ennemis  aux  aguets.  Laisser  le  Rous- 
sillon dépourvu  de  vie  intellectuelle  sous  prétexte  de  lui  faire 
oublier  —  prétention  vaine  —  sa  langue  et  son  histoire,  c'est 
décupler  la  force  d'attraction  exercée  par  Barcelone,  c'est  vou- 
loir que  nos  lettres  et  nos  sciences  deviennent  choses  d'Espagne, 
en  partie,  peut-être,  choses  de  Berlin. 

((  Au  contaire,  qu'un  foyer  de  vie  intellectuelle  s'allume  à  Per- 
pignan, il  sera  Catalan  et  pourtant  purement  français.  Une  force 
nouvelle  naîtra,  qui  s'opposera  à  toute  force  centrifuge.  Aussi 
bien  ce  n'est  pas,  tant  s'en  faut,  affaire  de  masse,  et  les  lois  de 
Newton  n'ont  rien  à  voir  dans  l'aventure.  C'est  une  pure  ques- 
tion d'organisation  :  Le  jour  où  nous  aurons  créé  à  Perpignan  le 
centre  d'études  supérieures  qui  coordonnera  et  réunira  en  faisceau 
toutes  les  bonnes  volontés  qui  agissent  et  quelques  autres  qui  ne 
se  soupçonnent  même  pas  elles-mêmes,  nous  aurons  détruit  le 
mirage  et  supprimé  cette  menace  de  «  glissement  »  sous  une 
influence  étrangère. 

«  Barcelone  continuera  à  avoir  sa  vie  débordante,  sa  puissante 
originalité  que  nous  sommes  les  premiers  à  admirer  et  dont  nous 
resterons  solidaires. 

«  Perpignam,  ayant  pris  conscience  de  sa  valeur  propre,  prcsen- 


_  8  — 

tera  à  ses  enfants  une  coupe  assez  large  et  assez  profonde  pour 
qu'ils  puissent  enfin  étancher  leur  longue  soif  dans  des  eaux  qui 
leur  viendront  directement  du  Canigou,  sans  aromates  étrangers. 
«  D'autres  voudront-ils  y  boire  aussi  ?  On  n'y  contredira  point. 
Qu'ils  viennent  de  France  ou  d'Espagne,  on  leur  fera  place  bien 
volontiers  auprès  des  sources  pures. 

«  Vous  y  applaudirez  si  des  destins  propices  nous  permettent 
de  donner  un  corps  à  cette  double  série  d'enseignements  aue  nous 
ambitionnons  d'organiser  :  enseignement  de  tout  ce  qui  concerne 
la  petite  patrie  catalane  dans  le  passé  et  dans  le  présent,  dans  les 
lettres,  les  arts,  les  sciences,  l'industrie,  l'agriculture  ;  et  d'autre 
part,  enseignement  des  grandes  branches  du  savoir  humain,  des- 
tiné à  permettre  à  l'élite  de  la  jeunesse  catalane  de  recevoir  une 
part  de  cette  culture  supérieure  dont  il  y  aurait  injustice  à  la  pri- 
ver. Car  vous  verrez  se  retourner  la  situation  qui  inquiétait  votre 
ami,  cette  attraction  changer  de  pôle  en  faveur  de  Perpignan. 
Combien  sont-elles  les  familles  espagnoles  qui  nous  confieraient 
bien  volontiers  leurs  enfants,  si  elles  trouvaient  à  Perpignan, 
c'est-à-dire  dans  un  milieu  où  ils  bénéficieraient  d'une  culture,  dif- 
férente sans  être  dépaysés,  et  où  ils  pourraient  continuer  à  par- 
ler leur^  langue,  l'équivalent  de  ce  que  leur  offrent  les  villes 
universitaires? 

«  Chassez  donc  tout  souci,  et  considérez  au  contraire  que  l'ar- 
gument tiré  du  danger  que  présenteraient  la  glorification  et  la  sur- 
vie de  la  patrie  catalane  se  retourne  en  faveur  des  modestes 
ouvriers  qui  se  sont  donné  cette  tâche.  » 

Très  bien  !  Nous  ne  demandions  qu'à  nous  laisser  convaincre. 
Car  enfin,  Catalans,  mes  frères,  ne  vous  sentez-vous  point  Fran- 
çais et  très  Français?  Pendant  ces  rudes  et  glorieuses  années, 
votre  sang,  si  généreusement  versé,  ne  s'est-il  pas  égalé,  une  fois 
de  plus,  au  plus  beau  sang  de  France  ? 

Vous  plairait-il  de  changer  de  drapeau?  Et  si  vous  paraissez 
quelquefois  redresser  votre  panache  un  peu  plus  haut  que  la  mode 
ne  le  permet,  n'est-ce  point  parce  que  vous  ajoutez,  à  votre  légi- 
time fierté  d'être  nés  Catalans,  votre  orgueil  profond,  votre  joie 
souveraine  d'être  Français  depuis  des  siècles  et  pour  toujours  ! 

Puisse  bientôt  renaître  et  prospérer  l'Université  de  Perpignan  ! 

Charles  Guiu. 


La  Biblioteca  i  el  Nuseu 

/ 

Ara  per  ara  hem  sabut  que  la  nova  munidpalitat  de  Perpinyà 
s'interessaria  —  i  ferm  —  à  la  Biblioteca  i  al  Museu.  Bé  cal  que 
n'hom  pensi  â  abrigar  els  llibres  i  els  cuadrets.  Per  atraure  i  con- 
gregar  els  llegidors  â  la  Biblioteca,  els  visitants  al  nostre  Museu, 
serîa  convenient  d'edificar  de  nou  els  dits  monuments  en  els  llochs 
usurpats  pels  vanidosos  casais  de  la  corrupciô,  ont  sovintegen  els 
espectacles  mes  répugnants  ;  i  aquesta  serîa  la  millor  manera  de 
tornar  â  la  vila  l'antiga  noblesa,  que  li  roben  en  les  noves  avin- 
gudes  tal  i  tal  edifici  artificiôs  i  de  barroques  ornamentacions. 

Feu  el  somni  d'un  bonic  Museu  d'art  cataiâ,  i  catalâ  de  fora  i 
dintre,  dels  cûssols  â  la  barbacana,  reialment  obert  dins  l'asso- 
leiament  de  les  «  Platanes  »  1  Feu  tal  somni.  Bé  ens  fora  grat 
d'esser  acullit  en  el  peristil  per  les  blanques  estâtues,  ja  que  els 
mestres  de  l'esculptura  no  escasejen  pas  â  casa  nostra,  i  s'anome- 
nen  Maillol,  de  Banyuls,  Violet,  de  Prades,  i  Clara,  d'Olot  ; 
quina  armonia  la  que  sobreeixirfa  de  Durs  obres  juntades  !  Aquest 
diu  la  puresa  extasiada  dels  ritmes,  l'altre  la  vida  i  ses  internes 
palpitacions,  i  aquell  ens  torna  les  efigies  tant  vives  de  les  velles 
humils  i  arrufides  ! 

]  quina  claretat,  quina  llùm  colorada  en  les  sales  !  Tota  l'his- 
■  toria  dels  pobres  monuments  que  s'arrelen  tant  pacients,  i  ranciejen 
en  els  caires  de  l'aspre  serra,  hf  séria  trassada  fil  per  randa.  Una 
profusiô  de  gravats  mostrarîa  els  nostres  campanars  romani  es,  i  les 
portalades  amb  eis  pilars  florits,  i  els  claustres  arquejats  ;  i  d'aitres 
encare  les  barbacanes  esculpturades,  les  finestrelles  agermanades 
per  la  columneta  fina  com  un  rebrot  de  palmera  ;  i  rot  l'art 
herâldic  de  Mallorca,  patria  de  les  majôliques  d'or,  de  l'Arago 
d'en  ]aume,  cenvit  de  barres  de  sanc.  Unes  fines  i  curoses 
reproduccions  dels  retaules  de  Rossellô,  de  l'edat-mitjana  ai 
segle  xvni,  desgranarîen  tantes  riqueses  que  no  s'han  pas  estu- 
diades  encare,  que  ho  serân  demâ.  Desitjarîa  que  una  sala  fos 
reservada  al  Rossellô  rural,  â  sos  carrerons,  als  masos  de  mun- 
tanya,  als  xals  de  brodadura  groga,  a  les  cofes  i  cofets  ;  s'hi  dre- 
çarîa  la  ben  plantada    catalana    de     i83o,    d'aquell    temps   ont  ne 


lO    

sabîa  de  la  manera  de  s'engalanar  amb  colors,  aixîs  comme  ho  fa 
cada  matî  l'Albera  pairal.  Quin  Museu  mes  plaent  !  Els  forasters 
el  seguirien  de  cap  â  cap.  En  Terrus,  qui  sab  el  secret  dels  colors 
transparents,  de  les  acuareles  d'enamorada  senzillesa,  i  en  de 
Montfreid  i  en  Bausil,  amb  la  palpitaciô  de  les  pinzellades  hî 
fixarien  ia  lluminositat  de  la  terra.  Ala,  amies,  â  pintar  !  Aqui  un 
oliu  biau,  alla  les  plassetes  de  Céret  amb  el  cantussol  de  les  fonts, 
j  el  presseguer  de  Sant-Jaume,  l'arrevellit  pomer  d'Arles,  el 
xiprer  solâtic  d'Elna,  el  ciure  del  Volé,  i  les  canyes  que  remo- 
rejen  tant  dolç  en  les  margenades  del  Tech.  Oh  la  sancnosa  fres- 
cor  de  les  pintures  !  Com  hî  riurîen  les  Très  Germanes  de  cara 
divina  !  Quin  plaent  somni,  â  fe  !  Fos  el  mestre,  fos  l'inspirador 
d'aital  casa,  s'hî  trobaria  l'estancia  de  les  cansons  populars. 

Impreses  sobre  uns  papers  verginals,  amb  Hêtres  de  color, 
miniatures  i  aigues-forts,  farîen  naixer  en  l'anima  del  vianant  el 
desitg  de  llegir-les.  ]  pot  se  fer  que  els  nins  s'hi  arrotllessin,  per 
oir  el  Pardal.  El  text  de  cada  canço  serîa  curosament  establert. 
Aleshores  no  s'oirîan  pas  mes  aquelles  falsejades  Montanyes  T{ega- 
lades  que  repeteixen  els  nostres  chors  catalans,  sens  cap  conside- 
raciô  per  l'imne  de  la  terra.  Ademés,  per  obra  i  desitg  de  l'ins- 
pector  d'Academîa,  qui  s'ha  de  catalanitzar  com  ho  ha  sabut  fer 
el  Bisbe  de  Sant-Marti,  el  nostre  imne  serîa  explicat  en  tota 
escoia,  de  Salces  â  Sant-Llorens,  d'igual  manera  que  s'explica 
un  idil  de  Virgili,  una  anacreontica  de  Teos.  1  com  que  no  ? 
Mireu  ho  bé,  rossellonesos,  si  en  cap  llibre  hi  heu  encertat  una 
frase  mes  ample  i  enternidora  que  la  segiient  : 

Montanyes  régalades, 
son  les  de  Canigô, 
que  tôt  l'istiu  floreixen, 
primavera  i  tarder  ! 

L'estancia  dels  cants  populars  ens  menarîa,  maravellats  tots  els 
sentits,  âlaLlibreria  allandada.  Aquî  ens  saludarîa  en  Père  Vidal, 
del  qui  s'haurien  reconegut  les  rellevants  qualitats  i  el  mestratge. 
Aquell  revelador  de  l'historia  rossellonesa,  amb  l'ample  barret,  i 
alçats  SOS  braços  de  pare  de  llegendes,  serîa  mes  gran  que  el  mes 
sapât  dels  sants  de  retaula  !  1  en  la  gran  sala,  ont  els  llums  ben 
distrijbuits  banyarien  amb  suavitat  els  llibres,  tota  la  flor  de  Ros- 


—    1 1 


sellé  s'hî  vindrîa  â  juntar.  Tots  els  entusiasmes  hî  desclourîen, 
com  els  timos  dins  l'abrilada  de  muntanya,  i  que  m'escapçin 
aquesta  ma  dreta,  servidora  de  mon  somni,  si  cada  foraster  no 
deia  :  Perpinyà  sj  que  es  una  vila.  Té  una  tradicio  i  tôt  ensemps 
una  ambiciô. 

Joseph-S.  Pons. 

Formula 


També  les  coses  tenen  anima, 
la  dels  recorts  que  s'hi  arrelen 
y  tornen  viure,  al  costat  nostre, 
la  vida  noslra  altra  vegada. 

Un  ritme  universal  hi  ha 
entre  *1  plich-ploch  de  la  fonteta, 
l'ampla  remor  de  l'oliveda 
y  '1  clar  tirolî  de!  pinsà, 

en  la  vispa  frunzint  les  prades, 
al  repicat  bail  dels  flageils, 
y  al  balanceig  blanch  de  les  vêles, 
y  al  sait  sonor  dels  cascabells  ; 

Riu  en  ganvidets  de  bressola 
o  plora  en  cruixits  de  boès  mort, 
quan  mitj-corcat,  el  Hit  dels  pares, 
flanca  y  craqueja  y  nos  sanchglassa, 

També  les  coses  tenen  anima, 
son  vida  nostra  altra  vegada... 

Eli  mirall  de  la  nostra  vida, 
en  l'escampiil  ritmat  dels  dies, 
es  fet  de  lo  qu'ens  entorneja 
en  lo  conjunt  d'ahir  y  d'ara  ; 


—     12    — 

Entre  lo  que  sem  y  lo  qu'erem, 
entre  lo  que  resta  y  '1  que  passa, 
aleteja  l'eterna  formula 
d'aqueixa  infinita  dinàmica. 

Tôt  lo  passât  viu  y  palpita 
entre  parets  de  remembrances 
y  su  '1  Jlindâ,  '1  pedriç  batega 
hont,  per  fer  mitja,  seya  l'àvia. 

També  les  coses  tenen  anima. 

Caries  Grandô. 


LESfPASQVETES  CATALANES 9  A  PERPIGNAN 

Une  heureuse  indiscrétion  nous  permet  d'annoncer,  pour  le 
dimanche  de  Pasqueles,  i  i  avril  prochain  :  la  "Fête  de  la  "Langue 
Catalane  et  la  Conférence  Calmetîe  sur  «  la  Renaissance  de  l'Uni- 
versité littéraire  de  Perpignan  »,  dont  il  a  été  parlé  dans  la  T(evue 
Catalane. 

M.  le  professeur  Joseph  Calmette,  de  l'Université  de  Tou- 
louse, sera  accompagné  de  plusieurs  autres  personnalités  univer- 
sitaires du  Midi,  aui  prendront  aussi  la  parole. 

Tous  nos  Parlementaires  catalans  seront  alors  en  Roussillon 
et  pourront  ainsi  honorer  ces  fêtes  de  leur  présence.  Suivant  le 
vœu  de  tous,  nous  aimons  à  espérer  que  Son  Excellence  le 
Ministre,  M.  Emmanuel  Brousse,  voudra  bien  en  accepter  la 
présidence. 

Perpignan  inaugurerait  ainsi,  de  très  brillante  façon,  les  sym- 
boliques Pâques  de  toutes  les  Renaissances  roussillonnaises  et 
catalanes,  intellectuelles  et  autres. 


Apôtres  ^  Artisans 

de  la 

Renaissance  Catalane 

M.  Jules  Pams,  ancien  Ministre,  Sénateur  des  Pyrénées-Orientales 

Nous  sommes  heureux  d'enregistrer,  dans  les  annales  historiques 
du  Roussillon,  quelques-unes  des  paroles  si  éloquentes  et  si  auto- 
risées qu'a  prononcées,  à  la  séance  du  Conseil  Général  des  Pyré- 
nées-Orientales, le  5  de  ce  mois  de  janvier,  à  Perpignan  même, 
notre  éminent  compatriote,  M.  Jules  Pawis,  ancien  ministre, 
sénateur  du  département  et  conseiller  général  du  canton  d'Argelès- 
sur-mer. 

...  Nous  commençons  —  a-t-il  dit  —  à  recueillir  les  fruits  de  cette  poli- 
tique (d'apaisement  et  d'union  sacrée  que  j'ai  pratiquée  et  que  je  crois  utile 
à  la  prospérité  de  notre  département). 

Développons-la,  en  mettant  en  œuvre  tout  ce  qui  reste  de  force  latente, 
en  valeur  tout  ce  qui  gît  de  richesse  inexplorée  dans  cette  région  où  se  ren- 
contrent tous  les  aspects  et  tous  les  climats.  Bien  administrée  par  des  hommes 
dont  les  sentiments,  divers  ou  contraires,  doivent  se  fondre  en  une  même 
passion  pour  leur  sol  natal,  notre  petite  patrie  peut  devenir  la  porte  vermeille  de 
la  Trance  ouverte  sur  toutes  nos  possessions  de  l'Afrique  du  Nord,  le  point 
central  de  presque  tous  les  échanges  commerciaux  avec  l'Espagne,  la  grande 
voie  de  transit  international,  comme  elle  a  été  dans  les  temps  anciens  la 
grande  voie  de  passage  des  races. 

...  La  tâche  est  immense.  Soit.  Elle  n'est  qu'une  petite  partie  de  celle  que 
le  Président  du  Conseil  a  tracée  d'un  mot  :  la  "France  à  refaire. 

Abordons  avec  courage  et  conviction  notre  large  part  du  labeur  commun. 
Préparons  à  notre  T^oussillon  une  belle  et  grande  place  dans  la  patrie  renaissante, 
dont  les  lignes  harmonieuses  se  devinent  déjà  sous  la  douloureuse  chrysa- 
lide où  s'élabore  sa  transformation.  C'est  de  la  synthèse  de  nos  initiatives 
provinciales  que  cette  renaissance  française  surgira,  pour  étonner  le  monde 
anxieux,  par  sa  force  à  vouloir  revivre,  après  avoir  forcé  son  admiration  par 
sa  grandeur  à  savoir  mourir. 

Notre  reconstitution  ne  doit  pas  être  seulement  économique  et  financière,  mais 
aussi  et  d'abord  politique  et  administrative.  Il  faut  envisager  des  changements 


—   »4  — 

de  nos  méthodes  et  de  nos  mœurs  d'avant-guerre,  si  profonds  et  si  complets 
qu'ils  doivent  apparaître,  comme  une  véritable  révolution  dans  certaines  de 
nos  idées  et  de  nos  habitudes,  qui  est  déjà  en  train,  dont  nous  sommes  les 
acteurs,  que  nous  ne  devons  pas  repousser,  mais  diriger  de  façon  qu'elle  ne 
prenne  pas  de  caractère  de  violence  "qui  lui  enlèverait  toute  fécondité. 

...  Ici,  comme  conseillers  généraux,  nous  avons  à  aménager  ce  beau  jardin 
qu'est  notre  J^oussitlon.  J^ous  devons  le  faire  avec  amour.  Commençons  d'un  seul 
cœur,  avec  la  noble  ambition  d'offrir  ce  joyau  à  la  Trance  imm^ortelle. 

Décidément,  ce  jour-là,  5  janvier  1920,  M.  le  ministre  Pams 
s'est  officiellement  affirmé,  non  seulement  régionaliste  et  décen- 
tralisateur, mais  encore  grand  apôtre  de  notre  Renaissance  catalane, 
telle  que  nous  la  concevons  nous-mêmes  à  la  Société  d'Etudes 
Catalanes. 

Membre  de  notre  Société  d'ailleurs,  M.  Pams  en  suit  avec 
intérêt,  nous  le  savons,  les  doctrines  et  les  initiatives.  Nous  som- 
mes certain  que,  le  jour  prochain  où  seront  posées  les  assises  de 
la  future  Ifniversiié  litîéraire  de  Perpignan,  notre  éminent  compa- 
triote ne  résistera  pas  au  plaisir  et  à  l'honneur  d'en  être  l'un  des 
parrains  et  des  Mécènes  du  plus  haut  rang. 


M.  Emmanuel  Brousse,  Sous-Secrétaire  d'Etat  aux  Finances 

Notre  vaillant  compatriote  M.  Emmanuel  Brousse,  député  des 
Pvrénées-Orientales,  est  entré  au  ministère  Millerand  comme 
Sous-Secrétaire  d'Etat  aux  Finances.  Cette  nomination  a  eu  une 
si  bonne  presse,  que  nous  ne  connaissons  pas  d'organe  politique 
qui  ait  osé  la  désapprouver.  Elle  constitue  un  grand  honneur 
pour  le  Roussillon,  où  M.  E.  Brousse  ne  compte  que  des  admi- 
rateurs et  des  amis,  quel  que  soit  le  parti  auquel  on  appartienne. 
Ce  choix  si  heureux  est  aussi  un  honneur  pour  notre  Société 
d'Etudes  Catalanes,  puisque  M.  E.  Brousse  en  est  un  des  mem- 
bres de  la  première  heure  et  qu'il  partage  absolument  toutes  les 
idées  qui  nous  sont  chères  sur  notre  Renaissance  catalane.  11  est 
tout  particulièrement  avec  nous,  de  cœur  et  d'âme,  sur  la  question 
de  la  future  Université  catalane  de  Perpignan,  dont  nous  lui 
avons  récemment  exposé  le  programme.  Pour  sa  prochaine  renais- 
sance,   nous   pouvons    dire,    d'ores   et   déjà,    que   le   concours  du 


-  i5  - 

nouveau    Sous-Secrétaire    d'Etat    aux    Finances    est    absolument 
acquis. 

Nous  nous  en  voudrions  de  ne  point  reproduire  ici  le  portrait 
S)  fidèle  que,  dans  l'Evénement  (janvier  1920),  le  sénateur  de 
l'Ariège,  M-  Raynaud,  a  tracé  de  notre  émirent  homme  d'Etat. 

Ce  n'est  pas  une  figure  banale  dans  le  Parlement  que  celle  d'Emmanuel 
Brousse;  ce  Catalan,  âpre  au  travail,  pétri  d'énergie,  se  fit  une  place  par 
son  obstiné  labeur  et  la  sûreté  de  son  jugement.  Son  front  volontaire  marque 
la  ténacité  dans  les  desseins. 

Brousse  a  l'habitude  de  mener  à  bien  ce  qu'il  entreprend  ;  avec  cela,  c'est 
la  gaieté  cordiale  et  la  simplicité  naturelle  qui  le  désignent  dès  l'abord  à  la 
sympathie. 

Aussi  compte-t-il  lui-même  de  nombreux  amis,  tant  à  Paris  que  dans  le 
Roussillon.  C'est  îà  qu'il  faut  l'avoir  vu,  dans  ses  Pyrénées,  dans  la  Cerdagne, 
pour  comprendre  ce  que  peut  être  l'action  d'un  homme  et  sa  popularité. 

Il  manie  avec  un  rare  bonheur  la  langue  catalane  et  il  trouve  moyen  de 
demeurer  sincère  dans  cette  langue  pleine  d'images,  de  soleil  et  de  sonorités.  J'en 
apporte  ici  mon  personnel  témoignage. 

Quiconque  désire  voir  entrer  dans  les  Conseils  du  Gouvernement  de  bons 
serviteurs  du  pays,  saluera  dans  le  nouveau  Sous-Secrétaire  d'Etat  aux 
Finances  un  homme  dont  la  vie  est  faite  de  probité  et  de  travail. 

Réjouissons-nous  que  notre  langue  catalane  ait  trouvé  un  apolo- 
giste tel  que  M.  le  sénateur  Reynaud,  et  un  apôtre  convaincu  de 
la  trempe  de  M.  Emmanuel  Brousse.  Par  lui  désormais  —  comme 
hier  par  M.  Pams  —  notre  chère  langue  catalane  aura,  pour  la 
seconde  fois,  forcé  les  portes  de  bronze  du  Ministère.  Ce  nous 
est  un  ferme  garant  des  glorieuses  espérances  que  nous  fondons 
pour  le  plein  succès  de  notre  Renaissance  catalane.  Sur  le  haut 
prestige  dont  jouit  à  présent  M.  Brousse  dans  les  Conseils  du 
Gouvernement,  nous  fondons  notre  espoir:  T  que  notre  langue- 
mère  obtiendra  sous  peu  le  certificat  officiel  à'ulilité  nationale  que 
nous  revendiquons  depuis  longtemps  en  Roussillon  ;  z'  que  le 
concours  financier  du  Ministère,  dont  M.  Brousse  est  lui-même 
la  cheville  ouvrière,  ne  tardera  pas  à  être  acquis  à  la  dotation  de 
notre  future  Université  catalane  de  Perpignan. 

C'est  sous  les  auspices  de  ces  grands  espoirs  que  la  Société 
d'Etudes  Catalanes  place  les  respectueuses  et  confraternelles  féli- 
citations que  tous  ses  membres  sont  heureux  d'offrir  à  M.  Emma- 
nuel  Brousse,  pour  le  choix  éminent  dont  il  vient  d'être  l'objet. 


-   i6  — 

Le  Docteur  Massot,  ojîcier  ^  le  Docteur  de  Lamer,  chevalier 
de  la  Légion  d'honneur 

Nous  avons  appris  avec  une  vive  joie  la  promotion  de  M.  le 
D'  Joseph  Massot  au  grade  d'officier  de  la  Légion  d'honneur,  et 
de  M.  le  D'  Paul  de  Lamer  à  celui  de  chevalier  du  même  ordre. 

Cette  distinction  vient  justement  récompenser  les  services 
exceptionnels  par  eux  rendus,  depuis  longues  années  et  surtout 
pendant  la  grande  guerre,  aux  hôpitaux,  aux  pauvres,  aux  indi- 
gents de  notre  ville,  avec  un  dévouement  et  un  désintéressement 
exemplaires. 

Nous  devons  ajouter,  ne  serait-ce  que  pour  mémoire,  que  nos 
deux  distingués  confrères  sont  l'un  et  l'autre  des  érudits  de  tout 
premier  ordre,  on  ne  peut  plus  dévoués  à  la  cause  de  la  Renais- 
sance catalane,  ayant  rendu  au  pays  des  services  qui,  pour  n'en 
être  que  d'un  ordre  purement  intellectuel,  ne  leur  en  constituent 
pas  moins  des  droits  acquis  à  la  reconnaissance  roussiilonnaise  et 
au  mérite  national.  Dans  la  numismatique  roussiilonnaise  et  cata- 
lane, le  D'  Massot  compte  comme  l'un  des  meilleurs  maîtres. 
Dans  les  domafnes  scientifique,  agricole  et  communal,  le  D'  de 
Lamer  n'en  a  pas  moins  prouvé  sa  compétence. 

Nos  deux  distingués  légionnaires  sont  membres  de  notre  Société 
d'Etudes  Catalanes.  A  ce  titre,  il  nous  est  doublement  agréable 
de  leur  offrir,  avec  les  respectueuses  félicitations  de  tous  leurs 
confrères,  le  traditionnel  souhait  de  nos  pères  : 

Ver  moHs  anys  ! 

Joseph-SébasUen  Pons,  professeur-agrégé  au  Lycée  de  Montpellier 

Au  moment  même  où  la  T^evue  Catalane  (n°  de  décembre)  était 
sous  presse,  nous  apprenions  que  notre  sympathique  collaborateur 
et  confrère,  M.  Joseph-Sébastien  Pons,  précédemment  professeur- 
agrégé  au  lycée  de  Carcassonne,  venait  d'être  nommé  en  la  même 
qualité  au  lycée  de  Montpellier,  en  remplacement  de  son  propre 
compatriote,  M.  Jean  Amade   qui,   de  son  côté,   était   appelé   à 


—   17  — 

occuper  la  chaire  d'Espagnol  à  ia  Faculté  des  Lettres  de  l'Uni- 
versité de  cette  même  ville. 

Que  notre  jeune  et  distingué  confrère  qui  est,  lui  aussi,  avec 
M.  Amade,  l'un  des  plus  actifs  artisans  de  notre  Renaissance 
catalane,  veuille  bien  trouver  ici,  comme  gage  de  leurs  plus  cor- 
diales sympathies,  les  félicitations  chaleureuses  de  tous  les  mem- 
bres de  la  Société  d'Etudes  Catalanes,  pour  l'avancement  si 
rapide  et  si  mérité  dont  il  vient  d'être  l'objet. 

A  Montpellier,  l'un  des  foyers  les  plus  intenses  de  la  vie 
intellectuelle,  nos  deux  brillants  compatriotes  ne  pourront  que 
plus  activement  travailler  au  développement  des  idées  dont  ils  se 
sont  fait  depuis  longtemps  les  ardents  champions,  et  que  parta- 
gent tous  les  amis  de  la  petite  patrie.  Dans  peu,  la  décentralisa- 
tion intellectuelle  aura  ainsi  fait  un  grand  pas. 

Notre  Confrère  La  Renaissance  Catalane 

Traitant  des  «  Revendications  catalanes  »  et  du  «  Pan-Régiona- 
lisme roussillonnais  »,  le  nouveau  et  vaillant  directeur  de  la  T^enais- 
sance  Catalane,  M.  P.  Francis  y  Ayrol,  a  écrit,  à  la  date  du 
26  décembre  1919,  les  réflexions  suivantes,  très  justes,  et  aux- 
quelles la  J^evue  Catalane  souscrit  aussi  pleinement  : 

Le  programme  de  ce  séparatisme  roussillonnais  —  purement  moral  — 
comprend  la  rénovation  de  la  langue,  ia  création  de  chaires  de  Catalan  dans 
les  écoles  roussillonnaises,  d'une  Université,  la  résurrection  des  coutumes 
ancestrales,  l'appui  matériel  et  moral  du  Roussillon  en  faveur  de  la  mère 
Catalogne  pour  le  triomphe  de  ses  revendications  —  comme  le  disait  coura- 
geusement Monseigneur  de  Carsalade  —  enfin  le  triomphe  de  l'idée  régiona- 
liste  en  France  avec  la  belle  institution  des  franchises  provinciales. 

Qui  donc  pourrait  s'offusquer  d'un  tel  programme  et  médire  de  ses 
conceptions?  Qui  les  trouverait  dangereuses?... 

Quiconque  raisonne  à  froid  et  connaît  la  question  ne  peut  logi- 
quement s'offusquer  d'un  tel  programme,  ni  le  trouver  hardi,  pas 
plus  qu'irréalisable. 

On  voit,  par  tout  ce  que  nous  venons  d'exposer  ci-dessus, 
quelle  belle  et  distinguée  pléiade  d'artisans  convaincus  et  dévoués 
compte  à  cette  heure,   dans  notre   département,  la  si  noble  cause 


—  i8  — 

(de  la  Renaissance  catalane,  telle  que  la  conçoit  la  Société  d'Etudes 
Catalanes  et  telle  que  nous  l'avons  précisée  dans  la  J(evue  Calalane. 
Qui   ne   se  rallierait  donc  à  un  tel   panache,  tout  «  sang  et  or  »  ? 

Nous  savons  en  plus  que  le  nouvel  Inspecteur  d'Académie  de 
Perpignan,  M-  Signoret,  que  la  réputation  d'un  esprit  très  avisé 
avait  déjà  précédé  chez  nous  et  qui  l'a,  depuis,  consacrée  par 
des  preuves  manifestes,  s'est  déclaré  absolument  acquis  à  nos 
idées  autant' que  dévoué  à  nos  projets.  C'est  ce  dont  tout  le  Rous- 
sillon  lui  saura  gré. 

Nous  aurons  d'ailleurs  l'occasion  de  revenir  sur  ce  sujet,  afin 
de  mieux  disposer  les  esprits  à  la  Conférence  que  projette  de 
faire,  assez  prochainement,  dans  notre  ville,  notre  sympathique 
et  très  éminent  confrère,  M.  le  professeur  Joseph  Calmette,  de 
la  Faculté  des  Lettres  de  Toulouse,  sur  «  la  Renaissance  de  l'Uni- 
versité catalane  de  Perpignan  ».  Jean  Sarrète. 


L'Hommage  de  Fraternité  Catalane 

à  Toccasion  des  Jeux  Floraux  de  Barcelone 

présidés  par  le  Maréchal  Joffre 

le  2  mai  1920 

Suivant  le  désir  que  nous  avions  exprimé  au  numéro  de  décem- 
bre de  la  J^evue  Catalane,  un  Comité  s'est  formé,  à  Perpignan, 
dans  le  but  d'offrir  —  au  nom  de  tous  les  catalans  du  Roussillon, 
le  2  mai  prochain,  à  l'occasion  des  Jeux  Tloraux  qui  se  tiendront 
ce  jour-là  à  Barcelone  —  un  Hommage  de  Traierniié  J{oussillon- 
naise  aux  Catalans  de  cette  ville  et  de  l'Espagne. 

C'est  notre  éminent  compatriote  rivesaltais,  le  maréchal  Joffre, 
comme  on  l'a  déjà  appris,  qui  présidera  ces  Jeux  Tloraux 
catalans. 

Le  Comité  de  l'Hommage  a  été  organisé  par  nos  confrères 
Albert  Bausil,  directeur  du  Coq  Catalan,  et  qui  en  est  l'âme, 
Francis  y  Ayrol,  directeur  de  La  T^enaiasance  Catalane,  Jules  Del- 
pont,  directeur  de  Montanyes  T^egalades,  et  les  membres  du  Bureau 


—   19  — 

de  notre  Société  d'Etudes  Catalanes,  spécialement  représenté 
par  Charles  Grande,  le  talentueux  poète  catalan  de  notre  T(evue 
Catalane  et  déjà  lauréat  des  Jochs  Tlorals  de  Barcelone. 

L'Hommage  consistera  en  un  exemplaire  de  luxe  des  GcstCS 
de  Joffre=d'Arria  et  de  son  fils  Joffre=le=PoiIu,  Comtes  de  Barce- 
lone et  de  Gothie.  Chronique  légendaire  du  ix'  siècle,  par  Pierre  Vidal, 
bibliothécaire  de  la  Ville  de  Perpignan,  en  qui  le  monde  savant 
est  unanime  à  reconnaître  le  plus  compétent  —  avec  Calmette  — 
des  historiens  du  Roussillon  antique. 

L'ouvrage  de  Pierre  Vidal  constitue  un  document  unique  de 
l'Histoire  de  la  Catalogne  au  moyen  âge.  Pour  le  faire  éditer,  le 
Comité  de  l'Hommage  s'adresse  aux  amis  de  VArt  et  de  la  Tra- 
dition, à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  VMme  Catalane.  Il  les  prie 
de  vouloir  bien  souscrire  à  la  publication  de  ce  savant  ouvrage. 
Celui-ci  ne  sera  tiré  qu'à  un  nombre  très  restreint  d'exemplaires, 
sur  papier  de  luxe,  avec  illustrations  de  Gustave  Violet,  vice- 
président  de  notre  Société  d'Etudes  Catalanes,  le  maître  ès-arts 
catalans,  si  apprécié  des  amis  du  Beau. 

On  peut  d'ores  et  déjà  souscrire,  par  une  lettre  d'adhésion 
adressée  à  l'Imprimerie  Catalane,  rue  la  Poste,  en  y  joignant  un 
mandat-poste  de  5  fr.  5o.  Sitôt  paru,  le  livre  de  Pierre  Vidal 
sera  envoyé  franco  de  port  aux  souscripteurs. 

]]  n'est  pas  un  roussillonnais  qui  ne  connaisse  déjà  la  légende 
historique  dont  s'est  inspiré  l'auteur  de  cet  ouvrage.  Comme 
rappel  de  mémoire,  nous  en  donnons  cependant  ici  une  succincte 
analyse. 

La  Légende  de  Jo|fre-lc-Poilu 

Appelé  à  la  cour  de  Charles  le  Chauve,  Jojfre  d'Arria  —  il  s'agit  du  vil- 
lage roussillonnais  actuel  de  1{ia.  près  Prades  —  comte  de  Barcelone 
et  marquis  de  Gothie,  avait  quitté  Barcelone  accompagné  de  son  fils,  Joffre- 
le-Poiîu.  alors  âgé  de  dix  ans.  En  route,  près  Le  Puy  en  Velay,  le  comte- 
marquis  fut  assassiné,  sous  les  yeux  de  l'enfant,  par  des  chevaliers  francs  au 
service  de  Salomon,  comte  de  Roussillon  et  de  Cerdagne,  qui  convoitait 
ardemment  sa  place  de  marquis  de  la  Marche  de  Gothie. 

Le  roi  de  France,  indignement  trompé  par  ses  courtisans,  amis  de  Salo- 
mon, donna  à  ce  dernier  la  succession  de  sa  victime,  le  jeune  Joffre-le-Poilu. 

Or,  celui-ci  avait  juré  de  venger  la  mort  de  son  père,   le  comte  d'Arria. 

Parvenu  à  l'âge  d'homme,  le  fougueux  gentilhomme  quitte  la  cour  de 
Baudoin,  comte  de  Flandre  —  auquel  le  roi  Charles  le  Chauve  l'avait  confié 
—  et  se  met  en  route  pour  s'en  revenir  à  Barcelone  accomplir  son  serment. 


20    — 


«18*^ 


Nous  donnons  ici,  d'après  la  Yeu  de  Catalunya,  la  liste  des 
Mainteneurs  des  Jeux  Floraux  pour  l'année  J920: 

Président  :  le  Maréchal  Joffre. 

Assesseurs  :  Angel  Guimerà,  Apeles  Mestres,  Lluis  Millet, 
Ramon  Miquel  y  Planas,  Moliner  y  Brazès,  Antoni  Rubio. 

Le  discours  final,  dit  «de  gracies»,  sera  prononcé  par  le  grand 
dramaturge  Angel  Guimerà,  que,  avec  les  Perpignanais  qui  furent 
présents  à  la  petite  soirée  artistique  et  littéraire  de  l'Hôtel  de  la 
Main  de  Fer,  lors  des  mémorables  Fêtes  Joffre,  nous  avons  eu 
le  bonheur  de  saluer  et  d'admirer,  encore  tout  plein  de  vigueur 
et  de  génie. 

Voici  le  nom  des  personnalités  roussillonnaises  qui  composent 
le  Comité  de  l'Hommage  et  iront  porter  à  nos  frères  de  Catalo- 
gne, en  Hommage  de  Traterniîé  Calaîane,  le  savant  ouvrage  de 
Pierre  Vidal  : 

Jean  Amade,  Louis  et  Albert  Bausil,  le  chanoine  Joseph  Bona- 
font,  P.  Francis,  Charles  Grando,  Henry  Muchart,  Louis  Pas- 
tre,  Joseph-S.  Pons,  l'abbé  Jean  Sarrète,  Déodat  de  Sévérac, 
François   Tresserre,    Pierre  Vidal,  Gustave  Violet,  etc. 

L'Anima  es  meva 

(Fragment  inédit) 

Al  bressol  de  la  Pâtria 
S'hi  trova  un  nou  infant. 
Els  avis  tots  moriren  : 
la  rassa  va  endavant. 
El  sol  vermeil  apunta, 
la  lluna  es  va  apagant, 
la  mare  vetlla  y  fila 
el  bressol  engronxant. 
—  Bim  bam,  bim  bam,  — 
amb  veu  que  surt  de  l'anima  cantant. 


21     

«  O  fill  de  mes  entranyes  î 
(ccls  pits  tinch  abundants. 
«  Ta  Terra  sera  têva, 
«  que  a  tu  no  et  mataran. 
«  Sos  heroes  y  sos  martyrs 
«  fins  morts  s'aixecaran. 
«  Jo  filo  la  bandera 
«  els  dits  mullats  de  sanch.  » 

—  Bim  bam,  bim  bam,  — 
jo  sento  la  bandera  espetegant. 

La  mare  bressa  y  canta  ; 
el  nin  la  va  escoltant. 
«  Minaires  :  vinga  ferro, 
«  que  el  dia  jà  va  entrant.  » 
La  farga  ja  s'arbora 
y  el  mal!  va  repicant. 
Les  eynes  de  la  guerra 
amb  quin  délit  que  es  fan  ! 

—  Bim  ban,  bim  bam,  -^ 

y  a  l'entorn  les  espurnes  van  saltant. 

La  lluna  sembla  morta 
al  front  dels  musulmans. 
El  nin,  les  mans  en  l'ayre, 
va  amb  la  mare  cantant. 
Rebaten  les  campanes 
per  muntanyes  y  planes; 
les  armes  espeteguen  ; 
fins  les  dones  s'hi  fan. 

—  Pim  pam,  pim  pam,  — 

y  el  sol  ja  es  nostre  en  mig  del  cel  triunfant. 

Angel  QuiMBUA. 


La  seigneurie  ^  la  paroisse  du  Soler 

<efSfe5-  {SUITE) 

Dans  un  acte,  daté  du  3  décembre  1277,  Bernard,  évêque 
d'Elne,  reconnaît  avoir  reçu  satisfaction  des  exécuteurs  testamen- 
taires de  Pons  Pauc  au  sujet  des  usures  et  exactions  de  Pierre 
Pauc,  aïeul  du  dit  Pons,  à  qui  on  avait  donné  en  gage  les  lieux  du 
Soler  et  de  Baixas,  par  égard  pour  Pons  Pauc,  jadis  archidiacre 
d'Elne.  L'évêque  d'Elne  donne  quittance  pour  trois  mille  sous  de 
Barcelone,  «  de  qua  moneia  lxd  solidi  vi  denarii  valent  unam  mar- 
chatn  argenîi  fini  recîi  pensi  Perpiniani  »  (1). 

Le  19  août  1278,  Jausberg,  fils  de  feu  Guillaume,  chevalier, 
habitant  du  Soler,  vend  aux  Templiers  des  droits  qu'il  possède  à 
Orle  (2).  Cette  vente  comprend  notamment  plusieurs  vignes,  les 
unes  soumises  au  septième,  les  autres  qui  devaient  le  septième  et 
qui  ne  doivent  plus  que  l'agrier  ou  un  cens. 

Le  )5  juin  j3i5,  frère  Arnald  du  Soler,  revêtu* du  titre  de 
«  Précepteur  du  Mas  Deu  et  de  son  bailliage  (dépendances)  », 
fait  un  acte  de  procuration  en  faveur  de  frère  Bérenger 
d'Alenya  (3). 

A  cette  époque,  l'évêque  d'Elne  avait  mis  l'interdit  sur  la  ville 
de  Perpignan  et  sur  d'autres  localités  du  Roussillon.  A  la  suite 
de  cet  interdit,  le  gouverneur  et  le  viguier  avaient  fait  saisir  les 
temporalités  de  l'évêché  et  du  chapitre  d'Elne.  Mais  le  roi  d'Ara- 
gon enjoint  à  ces  officiers  de  restituer  ce  qui  a  été  saisi  et  de 
remettre  tout  dans  l'ancien  état  à  Elne,  Latour,  St-Cyprien,  le 
So/er,Trouillas  et  Baixas, l'évêque  ayant  consenti  à  suspendre  l'inter- 
dit. L'official  de  Perpignan  est  autorisé  à  faire  sonner  les  cloches 
dans  cette  ville  et  dans  les  autres  paroisses  frappées  d'interdit (4). 

Dans  l'enceinte  du  château   du    Soler    d'Amont    il    y   avait   un 

(i)  Ar:hives  des  Pyr.-Or.,  G.  40. 

(2)  Cart.  Templ.,  fol.  65-66.  —  Brutails,  Etude  sur  la  condition  des  popu- 
lations rurales  etc.,  p.   147,  note  6. 

(3)  Archives  des  Pyr.-Or.,  Tonds  de  l'ordre  de  Malte.  —  Alart,  Suppres- 
sion de  l'ordre  du  Temple,  p.  66. 

(4)  Archives  des  Pyr.-Or.,  B.  119. 


-  25  - 

hôpital  dédié  à  saint  Julien.  Des  legs  sont  faits  à  cet  hôpital  en 
i32o  (i)  et  i323  (2). 

Des  particuliers  possédaient  aussi  des  biens  dans  le  territoire. 
Ainsi,  en  i324,  Bernard  Paschal,  du  Soler  d'Amont,  vend  à 
Sclarmunda,  épouse  de  Roger  Ignace,  bourgeois  de  Perpignan, 
deux  champs  «  quorum  unum  est  in  termina  S"  Juliani  de  Soîerio 
superiori  (3). 

Les  droits  de  l'évcque  d'Elne  sur  le  Soler  d'Amont  sont  tou- 
jours respectés.  En  1  340,  une  maison  est  vendue  «  salvo  jure  D. 
D.  episcopi  yy  (4).  Le  10  juin  i352,  Pierre  de  Cadelha,  prévôt  de 
Baixas,  est  admis  par  le  chapitre  et  il  prête  serment  en  qualité 
de  procureur  de  l'évêque  élu  d'Elne.  11  jure  de  respecter  les  privi- 
lèges du  chapitre  et  de  les  tenir  secrets,  de  payer  la  pension  du 
Soler,  de  garder  l'accord  intervenu  entre  Gui,  évêque  décédé,  et 
les  chanoines  (5). 

Le  procureur  de  l'évêque  d'Elne  accordait  aussi,  à  titre  d'em- 
phythéose,  des  terres  sises  au  Soler  d'Amont.  Ainsi,  le  19  mai 
1376,  Dominique  Syma,  procureur  de  Pierre,  évêque  d'Elne, 
accorde  divers  champs,  notamment  une  olivette  confrontant  avec 
le  fossé  du  château  (6). 

En  i385,  le  Soler  d'Amont  possédait  treize  feux  (7)-  Quoique 
son  importance  ne  fut  pas  bien  grande,  cette  localité  était  affer- 
mée par  l'évêque  d'Elne.  Nous  trouvons,  en  i388,  un  billet 
d'enchères  pour  le  bail  à  ferme  du  lieu  du  Soler  d'Amont  et  de 
quelques  cens  perçus  par  les  évêques  d'Elne  à  Villeneuve  et  à 
Toulouges,  à  cause  de  leurs  droits  sur  le  lieu  du  Soler  :  l'adjudi- 
cataire devra  porter  le  prix  du  fermage  à  Elne  à  ses  risques  et 
périls  (8). 

Pendant  le  xv'  siècle,  le  château  du  Soler  d'Amont  fut  complè- 
tement négligé  ;  il  se  trouvait  dans  un  état  lamentable  au  commen- 

(1)  Alart,  Cart,  rouss.  ms.,  t.  xni,  p.  86. 

(2)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  p,  p.  216. 

(3)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  xiii,  p.  255. 

(4)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  xm,  p.  586. 

(5)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  9. 

(6)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  40. 

(7)  Alart,  Géographie  historique  du  J^oussiilon.  p.   i5.  Mélanges,  m. 

(8)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  40. 


^  u  — 

cernent  du  siècle  suivant.  Le  2  décembre  i534,  ^e  neveu  et  fondé 
de  pouvoir  de  l'évêque  Jacques  Rich  accorde,  à  titre  de  fief,  à 
Jacques  la  Torra,  le  château  ruiné  du  Soler  que  les  ressources  de 
la  mense  épiscopale  ne  suffisent  point  à  restaurer.  Jacques  la 
Torra,  «  domiceUum  sive  infanson  »,  payera  par  an  un  denier  de 
cens.  Il  est  investi  du  fief  par  la  remise  d'une  épée  (i). 

(A  suivre)  Joseph  Gibrat. 

(i)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  40. 


Petits  échos 

Le  Chœur  Catalan 

A  l'égal  de  Barcelone,  Perpignan  aura  son  Orfeo  català. 

Le  Chœur  Catalan,  composé  de  1  5o  membres,  s'est  rapidement 
constitué  sur  l'initiative  de  deux  membres  de  la  Société  d'Etudes 
Catalanes  et  de  quelques  autres  personnalités  ;  les  études  ont 
aussitôt  commencé  en  vue  de  l'exécution  prochaine  de  l'œuvre 
admirable  de  Déodat  de  Sévérac,  poème  d'Amade  :  Lo  Canl  del 
Yailespir.  L'on  passera  ensuite  à  l'étude  de  la  Jfiorf  de  VEscoîà  et 
de  la  JHissa  de!  "Papa  Marcel,  de  Palestrina. 

Le  bureau  est  ainsi  composé  :  Président,  M.  Déodat  de  Sévé- 
r-ac  ;  Vic«-prési dents.  M'"  Izarn,  M.  Albert  Bausil  ;  Trésorier, 
M..  Charles  Grande  ;  Secrétaires,  M  ""  Jenny  Portes  et  Jenny 
Sartre  ;  Directeur,  M.  Fontbernat. 

Lo  Chor  Català 

Au  cours  d'un  concert  récemment  donné  au  théâtre  municipal 
par  la  Croix-l^ose,  au  profit  des  pays  envahis,  lo  Chor  Català, 
dirigé  pxar  le  brillant  maître  Fontbernat,  a  obtenu  un  vif  succès 
dans  les  chansons  populaires  catalanes,  Els  1res  lamhors,  Maria- 
Anneta,  et  les  chœurs  exécutés  :  L'Empordà,  Tiers  de  Maig,  de 
Morera,  Canl  de  Gloria,   de  Fontbernat,  poème  de  Ch.  Grando. 

Nos  Artistes 

M"'  Marguerite  Parent-Danyach,  de  Céret,  vient  de  faire  éditer 
une  magnifique  valse,  Crois-moi,  qui  lui  a  valu  les  félicitations 
unanimes  des  maîtres  roussillonnais.  Tous  nos  compliments  à  la 
jeune  artiste  cérétane.  F.  Riols. 

L«  Gcnuit,  COMET.  —  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Poste,  Perpignan 


14'  Année-  S'  160  Février  1920 

Les   Manuscrits  non  insérés 
ne  sonc  cas  rendu» 


REVUE 


Les  Articles   oarus  aans  ia   Revue  M'  "^    ^h.    ^^^    J^    T         J^     l^l    m^ 

n'engagent  que  leurs  auteurs.  ^s^A    Jk    A    A    ÉkA^A    X^m^t  Mà^ 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 


GOIGS 

de  la  Mare  de  Oeu  del  Pesebre 

amanlameni  venerada  à  Sani-Miquel-de-Cuxà 

Après  avoir  chanté  "Los  dos  Campanars,  Verdaguer  rêvait  de 
leur  donner  un  pendant  sous  la  forme  traditionnelle  de  deux 
goigs  qu'il  aurait  consacrés  à  h  Mare  de  Dsu  del  Pesebre  et  au 
thaumaturge  des  Gaules.  Il  mourut  sans  avoir  vu  la  restauration 
de  nos  deux  célèbres  abbayes.  11  est  vrai  qu'il  ne  croyait  pas 
que  leur  résurrection  fut  possible. 

Sant  Martî  à  un  pobre  ha  donat 
De  son  mantell  la  meytat  : 
L'altre  meytat  li  prengueren 
Montanya  amunt  del  Vernet 

Y  ara  té  fret... 
Caygueren  les  imatges  d'alabastre 
y  s'apagâ  sa  llantia  com  un  astre 
Que  en  Canigo  no  s'encendra  may  mes. 

Lorsqu'il  écrivait  à  Casteil  le  onzième  chant  du  Canigô,  il 
adressait  à  un  de  ses  disciples  de  prédilection  ces  lignes  qu'on  a 
placées  en  vedette  dans  sa  chambre  mortuaire  de  Vallvidrera, 
aujourd'hui  convertie  en  Musée  Verdaguerench  :  (x  Jie  visi  jo  en 
eslas  alluras  molls  paslors  de  les  ovelles,  pero  lo  noslre  Pastorellet 
no  l'he  visi  en  ningun  lloch.  Vingua  V .  refilât  per  lo  pobre  poêla 
alacaygul  y  desmayal  un  dels  seus  ays  y  un  canl  d'esperansa...  » 

Hélas  !  le  Pastorellet   vint  mais   ie    grand    Cinh  n'entendit  pas 


—  îb  — 

le  chant  de  cette  strophe,  composée  les    larmes    aux   yeux    et  le 
cœur  en  deuil  : 

Dos  fiUs  :  lo  payral  Poeta 
Y  '1  Bisbe  may  prou  amat 
Vostra  corona  han  refeta, 
Vostre  lloch  han  realsat  : 
L'un  ab  un  cant  qu'enamora, 
L'altra  ab  sa  veu  de  Pastor. 

Les  Goigs  de  Sant-Marii  ont  eux  aussi  un  pendant  littéraire, 
dont  nous  sommes  heureux  de  donner  la  primeur  aux  lecteurs  de 
la  T^evue  Catalane. 


(«>&. 


Puix  d'eixa  vall  regalada 
Sou  la  joya  singular  : 
Del  Pesebre  anomenada, 
Venim,  Mare,  vos  pregar. 


1 


III 


Haveu  recobrat,  Senyora, 
Lo  vostre  altar  tan  preuhat, 
Y  ']  Confient  ten  à  sa  vora 
Son  monestir  anyorat  : 
No  deixau  maymès  l'estada 


A  vostrcs  peus,  sols  la  cera 
Voliau  que  se  cremés, 
Y  l'oli,  d'eixa  manera, 
Pel  sagrarj  's  reselvés  : 
Mes  y  mes  d'una  vegada 


Que  'Is  monjos  vos  v;-n  llestar.      Ho  vareu  manifestar. 


II 

Nou  Bethlem,  vostra  capella 
Estôja  un  divî  trésor  : 
Cinch  planxetas  enclou  ella 
Del  bressol  del  Salvador. 
De  Nadal,  Verge  estimada, 
Sempre  vos  fa  recordar. 


IV 

Un  ciri  trencat,  un  dîa, 
Cala  foch  per  tot-arreu, 
La  vostra  Imatge,  Maria, 
Sola  sensé  dany  se  veu  ; 
Per  tal  prodigi  salvada 
En  Vos  qui  'ns  voJdrâ  fiar  ! 


—  ^7 


A.SSÎ  Romuald  vetllava 
Xh  sant  Père  Orseolô  ; 
A.SSÎ  tothom  sospjrava 
A.)cansar  de  Vos  un  dô, 
Ningû  Vos  ha  suplicada 
Sens  qu'heu  dignat  l'escoltar. 

VI 

Mes  ay  !  quin  baf  de  tristesa 
Entelâ  lo  monestir  ! 
A.y  !  quin  dol,  quina  pobresa 
Per  tôt  se  van  espargir  ; 
D'ensâ  qu'ereu  desterrada 
/Vssj,  ay,  quin  malestar  ! 

Vil 

Lo  Magnificat,  Marîa, 
\h  la  Salve  avuy  cantem  ; 
Deu  vol  que,  ab  desmasîa, 
Lo  Te  Deum,  ju*hts,  clamem 
En  esta  hora  senyalada 
Hont  Vos  tornem  contemplar. 


VIII 

Ohiu  ?    Les  campanes  sonen... 
Sant-Martî  y  Sant-Miquel 
Se  criden  y  se  responen, 
Creuhant  los  ayres  del  cel. 
May,  may  mes  sigui  callada 
Llur  veu,  suau  trillejar  ! 

IX 

Benehiu,  Verge  Marîa, 
Lo  Bisbe  que,  adelerat, 
Les  portes  d'eixa  abadîa 
Ha  obert  de  bat  à  bat  ; 
Dels  nous  angels  la  niuhada 
Cuydau  sempre  assî  guardar  ! 

TORNADA 

Puix  d'eixa  vall  regalada 
Sou  la  joya  singular  : 
Del  Pesebre  anomenada, 
Venim,  Mare,  vos  pregar. 


Lo  Pastorellet  de  la  Vall  d'Arles. 


^vfr^<V</g)'r</^'Vt^'V*'§î''V«'&'^"«^'^^«^'V«'©5  VC'^'V1'§}>  V</&'^<'^'V</&  ^<,^  'V<^^<^ 


Les  prochains  travaux  de  nos  Collaborateurs 

La  7{evue  Catalane  va  publier,  à  partir  du  prochain  numéro,  les  travaux 
suivants  de  nos  savants  collaborateurs  :  Comment  le  T(oussillon  devint  catalan, 
par  Joseph  Calmette,  de  l'Université  de  Toulouse;  Chroniqueurs  et  poètes 
catalans  des  xiiT  et  xiv'  siècles,  par  Pierre  Vidal,  bibliothécaire  de  la  ville  de 
Perpignan  ;  Les  Troubadours  en  Pays  Catalans,  par  A.  Jeanroy,  de  la  Sor- 
bonne  ;  Lleys  d'amor.  par  J.  Anglade.  de  l'Université  de  Toulouse;  Le 
7{oussillon  à  travers  Livres  et  Revues,  par  Joseph  Calmette  et  Pierre  Vidal. 


Le  Comité  d*iniHaHve 
de  rUniversité  de  Perpignan 

Nous  avons  précédemment  indiqué,  comme  base  fondamentale 
et  préparatoire  à  la  prochaine  restauration  de  l'Université  litté- 
raire de  Perpignan,  la  constitution  d'un  grand  Comité  d'initiative. 
M.  Signoret,  le  nouvel  Inspecteur  d'Académie  du  département, 
a  bien  voulu  se  charger  de  réunir  les  éléments  nécessaires  à  cette 
organisation  préalable."  Ce  Comité  se  composera  des  principales 
personnalités  départementales  et  perpignanaises,  des  présidents 
de  toutes  les  Sociétés  intellectuelles,  artistiques,  commerciales, 
industrielles,  etc.,  etc.,  sur  le  terrain  de  ï union  sacrée  ;  car  tou- 
tes ces  sociétés  sont  au  premier  chef  intéressées  à  rallumer,  au 
chef-lieu  du  département,  le  grand  foyer  de  vie  catalane  qui  cou- 
vait sous  des  cendres  à  demi  éteintes  et  à  redonner  à  notre  ville 
la  prospérité  et  la  gloire  dont  elle  rayonnait  autrefois. 

Que  ceux  qui  seront  touchés  par  l'invitation  du  Président  du 
dit  Comité  —  M.  Signoret  lui-même,  —  veuillent  bien  y  répon- 
dre d'un  élan  généreux  et  patriotique,  égal  à  celui  que  met 
M.  l'Inspecteur  d'Académie  à  prendre  à  coeur  et  en  mains  une 
si  belle  cause  :  lés  intérêts  de  notre  petite  patrie.  Nous  pouvons 
d'autant  plus  compter  sur  le  dévouement  éclairé  et  absolu  de 
M.  Signoret,  qu'il  est  non  seulement  un  professionnel  hautement 
apprécié  de  l'enseignement,  mais  encore  un  de  nos  plus  distin- 
gués «  cousins  »  de  Provence,  grand  admirateur  de  Mistral,  un 
familier  de  ses  oeuvres  devenues  en  quelque  sorte  ses  livres  de 
chevet,  et  surtout  un  fervent  du  régionalisme  intellectuel.  En  plus, 
depuis  le  peu  de  temps  qu'il  est  parmi  nous,  M.  l'Inspecteur 
d'Académie  s'est  déjà  épris  d'enthousiasme  pour  notre  beau  Rous- 
siilon,  pour  sa  langue,  ses  traditions,  son  histoire,  ses  «  incompa- 
rables »  richesses  artistiques.  A  vrai  dire,  il  aime  notre  terre 
catalane  comme  «  sa  seconde  Provence  ».  Nous  pouvons  donc 
faire  confiance  totale  et  absolue  à  un   tel    «  catalan  d'adoption  ». 

Toutes  ces  raisons,  s'ajoutant  à  tant  d'autres,  nous  mettent  au 
cœur  la  ferme  persuasion  que  l'avenir  de  l'Université  de  Perpi- 
gnan est,  à  cette  heure,  tout  à  l'espérance  ;  il  frôle  déjà  même  le 
seuil  de  la  réalité.  ha  T^evue. 


Notre-Dame  de  Belloch 
^  le  Couvent  des  Capucins  d*Elne 

Au  moment  où  l'enclos  de  l'ancien  couvent  des  Capucins 
d'Elne,  aujourd'hui  si  morne,  va  reprendre  une  certaine 
animation  (i),  nous  voudrions  faire  revivre,  en  quelques 
lignes,  le  passé  de  ce  vieux  coin  de  la  Cité  antique  et  fixer 
quelques  détails  épars  le  concernant. 

Nous  nous  servirons  principalement,  à  cet  effet,  de  l'ou- 
vrage de  Mgr  Tolra  de  Bordas,  L'Ordre  de  saint  Trançois 
d'assise  en  J{oussillon,  que  nous  aurons  à  discuter,  de  la 
supplique  de  1729  du  frère-gardien  Léon  de  Pézénas 
(Arch.  Dép.  C.  759),  du  fonds  des  notaires  d'Elne  (mêmes 
archives),  mais  surtout  des  registres  municipaux  de  la  Com- 
munauté des  habitants,  que  nous  avons  dépouillés  et  déjà 
analysés  sur  d'autres  points,  et  qui  fournissent  toujours  des 
détails  locaux  des  plus  intéressants. 

♦ 

Les  Capucins,  dont  l'institution  remonte  à  i525,  étaient 
depuis  longtemps  établis  en  Catalogne  lorsqu'ils  vinrent, 
en  1590,  fonder  à  Elne  un  couvent  de  leur  ordre. 

]]  existait  à  Elne,  hors  les  murs  et  à  une  «  portée  de 
fusil  »  de  la  ville,  um  ancienne  chapelle,  dite  de  Notre- 
Dame  du  Pont  et  dont  nous  avons  déjà  signalé  tout  l'inté- 
rêt, dans  ce  lieu  et  sous  ce  vocable  (2)  :  c'était   un  empla- 

(i)  11  s'y  établit  une  manufacture  de  treillis  et  ouvrages  en  roseaux. 

(2)  Voir  :  J{evue  d'Jiist.  et  d'Arch.  du  J(oussiUon.  avril  1900.  ■ —  On  y  fai- 
sait un  petit  clocher  en  1416  (Arch.  Départ.,  G.  112).  —  L'évêque  Sala  y 
Raboster  s'y  agenouillait,  en  se  rendant  à  Elne.  en  iSgi  |G.  84  —  Même 
revue,  février  1900J. 


—  3o  — 

cément  bas  et  marécageux,  voisin  de  quelque  ancien  bras 
du  Tech,  ou,  plus  probablement,  de  quelque  lit  d'inonda- 
tion de  cette  rivière,  dirigé  vers  Mossellôs  et  l'étang  de 
Saint-Nazaire  ;  on  trouve  couramment  la  dénomination  de 
(T  Tech  vell  »  appliquée  à  ce  quartier  dans  les  actes  des  xvi* 
et  xvii*  siècles. 

C'est  là  que  les  Capucins  établirent  leur  couvent  et  s'ins- 
tallèrent, après  avoir  clos  de  murs  les  terrains  dépendant 
de  la  chapelle  :  ces  murs  subsistent  encore  en  partie  et 
l'endroit  porte  encore  aujourd'hui  le  nom  de  «  Jlls  Caput- 
xins  velis  ».  L'on  trouve  en  ]6oi  (i)  un  paiement  relatif 
à  des  frais  de  construction  du  dit  couvent. 

Mais  ils  ne  purent  y  rester  longtemps  ;  soit  à  cause  de 
l'insalubrité  du  lieu,  soit  à  cause  de  l'insécurité  de  la  posi- 
tion, ouverte,  dans  ces  temps  de  guerre  continuelle,  à 
toutes  les  incursions  de  bandes  armées  et  exposée  à  tous 
les  pillages,  ils  ne  tardèrent  pas  à  devoir  demander  un  asile 
à  l'abri  et  à  l'intérieur  des  remparts  de  la  cité. 


Dans  un  saillant  de  l'enceinte  de  la  ville  haute,  du  côté 
nord,  existait  une  vieille  église  abandonnée,  N.-D.  de 
Belloch,  dont  l'existence  remontait  au  xii'  siècle,  et  qui 
avait  été  l'une  des  quatre  églises  paroissiales  d'Elne  (2). 

On  la  trouve  mentionnée  au  Cartulaire  d'Elne  (3)  dès 
1145,  date  où  elle  recevait  un  legs  de  Rambaud  Miro, 
Caput  scola  (cabiscol),  en  même  temps  que  les  églises  Sainte- 
Marie  de  Palol,  Sainte-Eugénie  de  Tresmals  et  Sainte- 
Eugénie  d'Ortaffa. 

(i)  Arch.  Départ.  G.  i  lo. 

(a)  Les  trois  autres  étaient  :  la  Ca'-hédrale  (Sainte-Eulalie),  Saint-Etienne 
et  Saint-Jacques. 

^3)  Cartulaire:  charte  n*  >«^9. 


—  3i   — 

En  i3i  1  l'on  trouve  un  autre  legs  fait  pour  la  cloche  et 
le  cimetière  de  cette  église  (i). 

En  1421,  le  26  janvier,  il  est  tenu  dans  le  cimetière  un 
conseil   général  de  la  Communauté,   avec   iSo  présents  (2). 

Il  est  encore  fait  mention  de  N.-D.  de  Belloch  en 
.430(3). 

Mais  déjà  en  1462  elle  avait  cessé  de  servir  au  culte. 
Nous  en  avons  pour  preuve  l'installation  qui  y  fut  faite 
alors,  par  les  soins  des  consuls,  et  en  prévision  d'un  siège, 
d'un  ((  Jffoli  de  sanch  »,  c'est-à-dire  un  moulin  à  bras.  Nous 
avons  déjà  publié  le  curieux  compte  rendu  que  nous  a  laissé 
de  ce  travail  le  notaire  Bolet  (4). 

Le  cimetière  de  cette  église  servait  surtout  pour  les  inhu- 
mations des  morts  de  l'hôpital,  situé  tout  à  côté  ;  on  y 
enterrait  aussi  les  lépreux,  les  morts  de  mort  violente,  les 
étrangers,   les  inconnus,   les   domestiques,  les  soldats,  etc. 

Ce  fut  cet  emplacement  et  cette  vieille  église  délabrée 
avec  une  construction  contiguë,  dite  :  La  casa  del  Jlrdiaco- 
nat,  qui  fut  offert  aux  Capucins  pour  leur  installation.  En 
attendant  la  restauration  et  l'appropriation  des  lieux,  ils 
furent  logés  dans  les  bâtiments  du  Palais  épiscopai. 

♦ 

A  quelle  date  précise  eut  lieu  ce  changement  de  domicile 
et  l'abandon  du  couvent  primitif?  Tout  porte  à  croire  qu'il 
ne  fut  pas  antérieur  à  1602,  date  du  transfert  du  Siège  à 
Perpignan,  qui  rendit  définitivement  vacant  et  libre  le 
Palais  d'Elne. 

(1)  Arch.  Départ.,  Ampeyre,  notaire,  n*  19. 
(a)  Arch.  Départ.,  Bolosum,  notaire,  n*  1759. 

(3)  Arch.  Départ.,  G.  228. 

(4)  Arch.  Départ.,  Notaires,,  n"  igSo.  C'est  bien  de  N.-D.  de  BeJloch 
qu'il  s'agissait  dans  ce  document,  et  non  de  la  chapelle  de  l'hôpital  qui  a 
toujours  été  sous  le  vocable  de  saint  Georges. 


—    32    — 

Nous  trouvons  d'autre  part,  dans  les  Registres  d'Elne,  à 
la  date  du  14  février  i6o3,  le  document  suivant,  intéressant 
à  plus  d'un  titre  :  (1) 

Scriptura  fêta  de  voluntat  y  ordinatio  de  Mons"  Rev""  de 
Elna  (2),  en  presencia  dels  Honors  Consols  de  la  pnt  Ciutar  de 
Elna,  laquai  es  de  la  forma  devall  escrita  he  seguent,  en  favor 
dels  pares  Capotxins  del  monestir  de  dita  Ciutat. 

Et  primo  volem  y  es  nra  intentio  no  obstant  los  légats  pios 
per  les  persones  deffuntes  dixiats  al  Spital  dels  pobres  de  la 
présent  Ciutat  de  Elna,  losquals  son  dixiats  a  dit  Spital  per  la 
subventio  dels  pobres  malalts  de  aquell,  volem,  statuim  y  orde- 
nam  que  d'esta  hora  al  devant,  ates  en  dit  Spital  no  y  ha  pobres, 
que  quiscun  dijous  de  quiscuna  sammana  haia  de  despendre  lo 
Spitaler  qui  vuy  es  y  per  temps  seran  [cinch]  sous  lesquals  haian 
de  servir  per  obs  y  charitat  de  dits  Capotxins  del  Monestir  de 
dita  Ciutat. 

Y  esta  es  la  voluntat  de  dit  Mons"  Rev'""  loqual  ha  manat  que 
la  présenta  scriptura  sia  descrlpta  y  continuada  en  lo  présent 
libre  de  la  Ciutat,  en  presentia  del  Hon.  Antoni  de  Sant  Marti, 
batlle  de  dit  Mons"  Rev"  y  de  Père  Delgran  lo  corrent  any 
spitaler  de  dit  spital. 

Fêta  en  lo  Palau  episcopal  de  dit  Mons"  Rev"°,  en  presentia 
de  dit  Mons"  qui  posa  en  la  présent  scriptura  son  décret  y  auto- 
ritat,  avuy  que  comptam  als  quatorze  de  febrer  de  1602. 

C'était  non  seulement  comme  Evêque,  mais  aussi  comme 
Seigneur  d'Elnc  q  :e  l'Evêque  ordonnait  ainsi,  solennelle- 
ment, mais  un  peu  arbitrairement,  ce  virement  de  fonds 
inutilisés  par  l'hôpital. 

Or,  comment  interpréter  les  mots  «  Monestir  de  dita 
Ciutat»,  deux  fois  répétés  dans  le  document?  Il  semble 
difficile,  d'un  côté,  d'admettre  qu'ils  s'appliquaient  au  loge- 

(i)  En  marge  :  T^oia  :  Prov.'sio  que  fa  lo  bisbe,  ques  do  als  Pares  Caput- 
xins  cinch  [sous]  cada  dijous,  del  spital. 
(aj  Onuphre  Réart. 


—  33  — 

ment  provisoire  trouvé  par  les  Capucins  au  Palais  épiscopal  : 
nous  savons,  d'autre  part,  que  le  nouveau  couvent  ne  fut 
terminé  et  ne  les  reçut  qu'en  1645.  Il  ne  reste  donc  qu'à 
penser  que  ces  mots  s'appliquent  à  l'ancien  couvent,  hors 
les  murs,  et  que  les  Pères  y  étaient  encore  en  i6o3. 

♦ 

Nous  devons  relever  ici  une  confusion  qui  s'est  produite 
dans  les  notes  de  Mgr  Tolra  de  Bordas. 

11  dit  en  effet  que,  déjà  en  J642,  le  nouveau  couvent  était 
terminé  et  occupé,  lorsqu'il  fut  entièrement  démoli  en  exé- 
cution d'un  ordre  royal,  à  la  suite  de  la  conquête  du  Roussil- 
lon  :  de  sorte  que  le  couvent  où  les  Capucins  entrèrent  en 
1645  (comme  nous  le  verrons)  n'était  qu'une  reconstruction 
(cette  fois  très  rapide)  du  couvent  démoli  trois  ans  aupa- 
ravant. 

Mais  cette  affirmation  n'est  pas  fondée  et  ne  provient 
que  d'une  erreur  ;  nous  savons,  par  la  supplique  de  17^9 
du  frère  gardien  (C.  759),  que  le  couvent  démoli  (à  une 
date,  il  est  vrai,  qu'il  n'indique  pas,  mais  que  rien  n'empê- 
che être  celle  de  1642)  fut  V ancien  couvent,  celui  qui  était 
situé  hors  ville  et  qui  était  abandonné  ;  l'église  de  cet 
ancien  couvent  (c'est-à-dire  N.-D.  du  Pont)  servit  de  gre- 
nier à  fourrage  pour  les  troupes  d'occupation. 

Enfin,  le  14  septembre  1645,  les  Capucins  prirent  pos- 
session de  leur  nouveau  couvent,  avec  l'église  restaurée  et 
le  cimetière  converti  en  partie  en  jardin.  Ils  devaient  y  faire 
un  premier  séjour  de  29  ans.  et  y  éprouver  ensuite  bien 
des  vicissitudes. 

En  1 65 1 ,  ils  achetaient  un  cortal  contigu  à  leur  enclos  (  1  ). 

(1^  Arch.  Départ.,  Albafulla,  notaire  (8  juillet  i65i). 


-  34  - 
Notons  en  passant  le  changement  important  qui  se  pro- 
duisit dans  l'Ordre  en  i663.  Le  couvent  d'Elne  fut  distrait 
de  la  Province  de  Catalogne  et  rattaché  à  celle  de  Langue- 
doc :  et  de  plus,  par  mesure  générale,  tous  les  supérieurs 
de  couvent  durent  être  Français. 

Nous  avons  étudié,  à  propos  de  l'occupation  par  les 
Capucins,  les  Registres  d'inhumations  existant  à  la  Mairie 
d'Elne  pour  nous  rendre  compte  du  rôle  réservé  au  cime- 
tière de  N.-D.  de  Belloch. 

Voici  les  indications  que  nous  avons  relevées. 

De  i6o3  à  i635  inclus,  sur  io85  décès,  208  inhumations 
y  ont  eu  lieu,  et  43  sur  401   décès,  de  i636  à  1642. 

L'année  1643  manque. 

A  partir  de  1644  ^^  pendant  tout  le  temps  du  séjour  des 
Capucins,  il  ne  se  trouve  plus  aucune  mention  de  ce  cime- 
tière (1).  Les  inhumations  y  reprennent  en  1675,  et  sont 
au  nombre  de  j6  sur  3o4  décès  jusqu'en  i685. 

(  I  )  Et  cependant,  pendant  cette  période,  du  moins  de  1644  a  1670  (car 
les  registres  des  années  1670,  1671,  1672,  1673  et  1674  manquent),  le 
nombre  des  décès  a  été  de  758.  11  est  vrai  que  224  de  ceux-ci  sont  au 
compte  exceptionnel  de  l'année  i653,  l'année  de  la  peste,  qui  fut  beaucoup 
plus  terrible  à  Elne  que  celle  de  i63i. 

Les  chiffres  ci-dessus  donnent  une  moyenne  de  34  décès  par  an  pour  la 
i"  période  (i6o3-i636),  et  de  5y  par  an  pour  la  2'  période  (1636-1643)  ; 
mais  cette  période  comprend  65  décès  de  soldats.  La  moyenne  de  la  3'  pé- 
riode (  1  644-  1  67c)  est  de  29  ou  de  20,  suivant  que  l'on  tient  compte  ou  non 
de  la  peste  de  i653  ;  cel!»  de  la  4'  période  (1675-1685)  est  de  3o  par  an. 

Ces  données  peuvent  servir  à  fixer  les  idées  sur  le  chiffre  plus  ou  moins 
grand  de  la  population  d'Elne  à  cette  époque. 

Les  actes  de  décès  donnent  assez  souvent  des  renseignements  sur  les 
causes  de  la  mort,  accident,  meurtre,  exécution  militaire,  etc.  On  y  trouve 
aussi  quelques  précisions  sur  les  sépultures  de  la  cathédrale  et  du  cloître. 
Citons  un  acte  de  i638,  où  il  s'agit  de:  0  Un  soldat  de  natio  Napolitana, 
lo  mataren  per  orde  de  la  justicia  per  haver  fugit  de  la  companya  ab  un 
altre  soldat,  losquals  se  jogaran  ha  sort  ab  daus,  y  toca  la  sort  ha  ell  :  li 
tiraran  moscatadas  devant  lo  portai  de  Coplliura,  estacat  i  lligat  en  lo  arbre    . 


—  55  — 


En  1674,  la  guerre  s'était  rallumée  avec  les  Espagnols  et 
ceux-ci  étaient  déjà  en  Vallespir.  Elnc  dut  être  mis  en  état 
de  défense,  et  les  mesures  de  dégagement  des  remparts 
ordonnées  par  Schomberg  ne  s'arrêtèrent  pas  devant  l'en- 
clos des  Capucins,  qui  fut  éventré.  Ceux-ci  voyant  leur 
clôture  ouverte  et  rendue  impossible,  et  fuyant  aussi,  sans 
doute,  devant  la  guerre,  prirent  le  parti  de  quitter  le  cou- 
vent et  la  ville. 

Après  leur  départ,  la  démolition  de  l'église  et  du  couvent 
qu'ils  venaient  de  laisser  à  l'abandon  fut  décidée  ;  ce  qui 
resta  debout  des  bâtiments  fut  utilisé  pour  le  fourrage  de 
la  troupe.  Le  retable  de  l'autel  fut  porté  à  i'églii^e  Saint- 
Jacques,  où  il  était  encore  en  1695.  Un  peu  plus  tard 
encore,  d'après  la  lettre  du  frère  Léon  de  Pézenas,  un 
incendie  acheva  de  ruiner  cette  vieille  masse  de  bâti- 
ments (i). 

♦ 

Le  départ  des  Capucins  remontait  déjà  à  quatorze  ans, 
et  le  couvent  était  toujours  ruiné  et  désert,  lorsque  la  cité, 
reconnaissant  par  expérience  l'utilité,  la  nécessité  même  de 

de  la  morera.  Esta  contrit  y  résignât  en  patir  la  mort  per  amor  de  Deu.  » 
Voici  encore  un  extrait  du  registre  de  i636  qui  mérite  d'être  connu: 
«  Als  19  de  novembre,  fmori]  lo  Exe"  S°'  Don  fray  Lelio  Brancacho  mar- 
ques de  Montesilvano,  règne  de  Napols,  mestre  de  camp  y  général  en  los 
comptats  de  Chatalunya,  Rossellô  y  Cerdanya  ;  loqual  se  era  retirât  en 
d"  ciutat,  per  mes  quietut.  Lo  aportaran  en  Perpinya.  y  lo  enterraren  en 
la  iglesia  de  la  religio  de  Sant  Joan,  que  es  lo  Temple,  ahont  los  officis  se 
feran  ab  gran  grandesa  y  magestat.  Lo  sobredit  fra  Lelio  esta  tingut  per  un 
gran  servent  de  Deu,  y  ab  opinio  de  verge.  Es  mort  en  edat  de  69  anys. 
Despres  de  très  dias  mort  estava  que  de  les  mans  y  peus  H  fchian  fer  qual- 
sevol  actio,  co,sa  may  vista  ;  y  trobaren  en  sa  persona  estava  llagat  dels 
cilicis  aportava,  y  las  espallas  negras  de  las  disciplinas.  C.  A.  R.  1.  P. 
(Jacet  P"',  in  ecclesia  B.  Marie  de  Templo,  ordinis  S''  Joannis). 
I ])  Voir  ci-après,  document  du  3  octobre  1688,  note. 


—  36  - 

la  présence  à  Elne  d'un  ordre  religieux,  entra  en  pourpar- 
lers avec  les  Carmes  déchaussés  pour  la  fondation  à  Elne 
d'un  de  leurs  couvents. 

Voici  la  délibération  prise  à  ce  sujet  par  un  Conseil  géné- 
ral des  Caps  de  casa  de  la  cité,  au  nombre  de  79  présents  (i), 
réunis  dans  l'église  Saint-Georges  de  l'Hôpital. 

Du  7  mars  1688. 
Per  la  nécessitât  que  y  ha  de  confessors,  tant  en  lo  temps  de 
la  Quaresma  quant  durant  tôt  lo  any,  tant  de  Francesos,  per  no 
haver  hi  algun  que  entenga  la  llengua  francesa  (2),  quant  de 
Catalans,  per  esser  pochs,  y  la  nécessitât  que  hi  ha  de  personas 
per  ajudar  a  ben  morir  als  agonitzants,  tant  per  los  habitants  de 
la  Ciutat  que  per  los  passatgers  y  tropas  de  sa  Magestat  que 
passan  de  Perpinya  ha  Coblliure  com  de  Coblliure  ha  Perpinya, 
losquals  moites  occasions  restan  per  soletjar  se  en  dita  Ciutat, 
havem  sercats  molts  médis  per  subvenir  a  tantas  necessitats,  y  no 
havem  trobat  ningun  de  millor  que  de  pregar  als  Pares  Carme- 
litas  descalsos  de  venir  ha  fundar  en  dita  Ciutat  :  Lesquals  de 
bona  gana  se  son  offerts  de  venir  ha  fundar,  obtingudas  las  per- 
missions necessaries  y  assistentias  del  poble  ;  y  en  consequentia 
an  obtinguda  llicentia  de  Uur  provincial.  Y  se  son  comferits  en 
dita  Ciutat  per  saber  lo  lloch  ahont  podrien  fundar,  y  las  assis- 
tentias podrien  tenir.  Perso  se  représenta  a  V.  M.  y  présent 
Conseil    lo    que    aserca    dels    prédits   se   es    fet  y  obrat,  per  que 

(1)  Les  79  noms  de  famille  sont  les  suivants:  Alis,  Beneits,  Benezet, 
Bennes,  Bertran,  Blanch,  Bo,  Boher  (a  fois),  Bosc,  Brinsels,  Cabussot, 
Cardinells,  Cruzat,  Danju.  Delaris  (notari),  Delcos,  Delpla,  Delre,  Denis 
(2  fois),  Deulosal,  Esteve,  Enbraigues,  Flamant,  Fondecave,  Forgas,  Fort, 
Fulla,  Furnie,  Garau,  Garaudet,  Gelabert,  Ginesto,  Hubert,  Ivet,  Jorda, 
Lacoste,  Lafon,  Lafont,  Lautié,  Llara,  Malet,  March  (notari).  Maris, 
Marti,  Mas,  Matheu,  Mauri,  Montanyer,  Oliver,  Oriols  (2  fois),  Palat 
(3  fois),  Parot,  Patau,  Pla,  Primart,  Pus,  Régences  (2  fois),  Rius,  Rocha, 
Rufia,  Sarreta,  Tixedor,  ligueras,  Valenti,  Vedel,  Velis,  Verges,  Vilaroja 
(2  fois),  Vinyas,  Xaupi. 

(2)  Les  progrès  de  la  francisation  étaient  donc  bien  lents,  puisqu'aucun 
des  membres  du  clergé  d'Elne  n'était  capable  d'entendre  les  confessions  en 
franfais. 


-37- 

deliberen  lo  ques  deura  fer  per  major  servey  de  Deu,  de  sa 
Magestat  X'°%  que  Deu  guarde,  y  benefici  publich. 

Hoyda  dita  propositio,  tots  unanimes  y  concordes,  y  ningu  de 
dits  habitants  discrepant,  es  estât  resoit  que,  en  nom  de  dita 
IXniversitat  y  de  tôt  lo  comu  de  aquelia,  consentan  a  ladita  fun- 
datio,  per  resultar  de  aquelia  un  gran  servey  de  Deu,  de  sa 
Magestat  y  del  benefici   publich,  al  lloch  trobaran  mes  aproposit 

y  convenient,   obtinguda  primer  la  permissio y  que  per 

fundar  se  donen  les  assistentias  necessaries  y  que  convindran  a 
dits  Pares  Carmelitas  descalsos. 

De  lesquals  coses  an  requerit  continuar  lo  prit  acte  :  Testimonis 
Joseph  Rocha,  verguer  des  dits  Hon'  Consols,  Miquel  Vinyeta, 
brasser  de  dita  Ciutat,  y  jo  Bernât  March,  notari  y  secretari. 

C'était  donc  la  répudiation  formelle  des  Pères  Capucins  ! 

Aussi,  dès  que  ceux-ci  eurent  connaissance  de  la  chose, 
accoururent-ils  pour  essayer  de  maintenir  et  faire  prévaloir 
leurs  droits  éventuels  pour  un  retour  :  leur  tentative,  où  se 
montre  quelque  rudesse,  et  ses  résultats  défavorables  sont 
consignés  dans  une  délibération  du  3  octobre  suivant,  prise, 
cette  fois,  par  le  Conseil  spécial  de  la  cité. 

Es  estada  fêta  la  propositio  seguent  :  No  obstant  que,  ab 
resolutio  presa  per  lo  Magnif.  Conseil  gênerai  de  la  pnt  Univer- 
sitat,  als  7  de  mars  prop  passât,  tôt  lo  comu  concenti  a  la  fundatio 
entenian  y  entenen  fer  en  la  pnt  Ciutat  los  Pares  Carmelitas 
delcalsos  al  lloch  se  trobara  mes  ha  proposit  y  convenient.  y  que 
perso  se  donas  a  dits  religiosos  totas  las  assistentias  necessaries, 
y  per  tôt  lo  que  convindra  fer  y  tractar  foren  nomcnats  en  comis- 
saris  los  S"'  Bernât  March,  Joan  Baptista  Delaris  y  Miquel  Oli- 
ver, y  que  tôt  se  fes  baix  lo  beneplacit  de  sa  Magestat  X""',  que 
Deu  guarde,  o  de  los  ministres,  de  Mens"  lllust"  y  Rev""  Bisbe 
y  molt  111'  Capitol  de  Elna,  S""  de  la  pnt  Ciutat,  y  demes  pcr- 
sones  que  convinga,  y  que,  havent  représentât  lo  predict  y  la 
convenicntia  que  es  la  dita  fundatio  per  lo  servey  de  Deu,  del 
Rey  y  benefici  publich  a  Mons"  l'Intendant,  a  dits  Mons"  lo 
Bisbe  y  Capitol,  aquells  an  trobats  aproposit  que  cercassen  tots 


-  38  — 

los  médis  convenients  per  la  eflFectuatio  de  dita  fundatio  ;  y  estant 
aquella  a  bon  estât,  lo  Pare  Président  del  Convent  dels  Pares 
Caputxins  de  Perpinya  y  un  company  se  son  comferits  en  la  pnt 
Ciutat,  y  nos  an  exposât  que  ells  eran  aqui  per  fer  residentia  en 
dita  Ciutat,  y  que,  perso,  attes  que  le  convent  es  pie  de  palla  (i) 
pel  servey  del  Rey,  que  los  donassem  una  casa  per  evitar.  Nos 
altres  los  responguerem  com  aixis  ells  venien  per  residir  sens 
permissio  dels  Ministres  de  sa  Magestat  y  de  Mons"  le  Bisbe  y 
molt  Iji'  Capitol,  S"'  d'esta  Ciutat  ;  Nos  respongueren  que  no 
tenien  menester  permissio  de  persona. 

Vists  y  ohits  los  prédits,  anarem  à  Perpinya  per  représentât 
lo  prédit  à  Mons"  l'Intendant  y  S""  Bisbe  y  Capitol  ;  y  trobarem 
que  Mons"  l'Intendant  era  partit  per  Monlluis  ;  ne  parlarem  y 
referirem  à  Mons"  lo  Bisbe  y  comissaris  de  molt  111'  Capitol  lo 
que  passava,  losquals  sentiren  molt  la  actio  dels  Pares  Caputxins, 
y  que  ara  que  la  fundatio  de  dits  Pares  Carmelitas  descalsos  esta 
ha  bon  estât,  y  dits  S"'  se  son  interessats  a  dita  fundatio,  y  tôt 
lo  poble  havia  consentit,  ells  se  sien  moguts,  y  ab  tant  de  temps 
no  havien  dit  cosa  ;  y  perso  nos  digueren  que  en  ninguna  manera 
lo  Comu  los  donas  lloch  per  havitar  y  residir  en  la  pnt  Ciutat 
sens  orde  exprès  dels  Ministres  de  sa  Magestat,  de  dit  Mons"' 
Bisbe  y  Capitol  ;  y  que  en  nom  de  la  pnt  Ciutat  los  decjarassem 
que  lo  Comu  nols  demana,  antesbe  que  ha  consentit  a  la  fundatio 
dels  Pares  descalsos.  Perso  se  représenta  tôt  lo  prédit,  affi  que 
V.  M.  sien  servits  resoldre  en  quina  manera  tornassem  resposta 
a  dits  Pares  Caputxins. 

Hoyda  dita  propositio,  es  estât  resolt,  tots  unanimes  y  con- 
cordes, y  ningu  de  aquells  discrepant,  que  en  ninguna  manera  la 
Ciutat  los  done  consentiment,  y  que,  en  cas  tinguessen  permissio 
dels  Ministres  de  sa  Magestat  y  de  Mons"  lo  Bisbe  y  Capitol 
per  tornar  ha  habitar  lad.  Ciutat,  que  sels  déclare  que  lo  Comu 
nols  vol  donar  casa  ni  acistir  los  en  cosa,  antesbe  que  en  tôt  se 
observe  y  posa  en  executio  la  resolutio  del  Conseil  gênerai  aserca 
de  la  fundatio  entenen  fer  dits  Pares  descalsos. 

(A  suivre)  R.  de  Lacvivier. 

(i  )  Il  résulte  de  ce  détail  que  l'incendie  signalé,  sans  date,  par  la  lettre  du 
f.  Léon  de  Pézenas  n'était  pas  encore  survenu  en  1688.  Ce  nouvel  incendie 
n'est,  du  reste,  signalé  nulle  part  ailleurs.  "^^  -j^° 


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La  Confrérie  du  Rosaire  à  Osséja 

(1681  ^  1789) 

Entre  toutes  les  populations  de  la  Cerdagne  franco-espagnole, 
Osséja  était,  en  j  680,  —  après  Puigcerda  —  la  plus  impor- 
tante. A  cette  époque-là,  le  nombre  de  ses  habitants  s'élevait 
environ  à  près  de  600,  puisque,  en  3  7^3,  sa  population  avait 
atteint  ce  chiffre,  suivant  ce  que  nous  apprennent  les  statistiques 
officielles.  Ce  pays  devint  très  prospère  dans  la  suite  ;  en  i85o, 
il  ne  comptait  pas  moins  de  m 9  habitants.  Grâce  aux  produits 
agricoles  et  industriels,  on  y  vivait,  somme  toute,  dans  une 
modeste  aisance  qui  mettait  les  plus  pauvres  à  l'abri  de  la  misère, 
même  durant  la  saison  des  frimas  et  des  neiges  hivernales. 

Au  point  de  vue  religieux,  la  paroisse  d'Osséja  marchait  de 
pair  avec  sa  noble  voisine,  Puigcerda,  dont  les  nombreux  cou- 
vents projetaient  sur  la  contrée  un  vaste  rayonnement  de  science 
et  de  vertus  morales  que  ni  les  temps,  ni  les  hommes  n'ont  point 
fait  pâlir.  Les  prédications  des  Dominicains  de  cette  ville,  aux- 
quels les  curés  d'Osséja  eurent  souvent  recours  pour  les  besoins 
de  leur  ministère  pastoral,  finirent  par  orienter  la  piété  des  fidè- 
les d'Osséja  vers  la  dévotion  particulièrement  chère  à  ces  reli- 
gieux, c'est-à-dire  celle  de  Notre-Dame  du  Rosaire,  et  promou- 
voir, dans  cette  paroisse,  l'établissement  de  la  Confrérie  du 
Rosaire,  dont  nous  publions  aujourd'hui    le   présent   mémoire  (i). 


La  date  de  fondation  de  cette  Confrérie  à  Osséja  est  difficile  à 
préciser,  faute  de  documents  d'archives.  Nous  ne  possédons  que 
le  texte  des  indulgences  dont  le  pape  Innocent  XI  enrichit  cette 
mariale   association.  L'induit  pontifical  est  du  14  janvier  1680.  Il 

(1)  A  moins  de  références  contraires,  le  lecteur  voudra  bien  se  reporter, 
pour  cette  étude,  au  registre  manuscrit  des  archives  paroissiales  d'Osséja. 
dont  le  titre  est  ainsi  libellé  :  Llibre  de  comptes  de  la  Ohra  de  Sant  Pera  v 
T{oser  de  Osséja,  de  l'any  1703. 


—  4°  — 
est  manuscrit,  rédigé  sur  un  vieux  parchemin  (o'Sy  X  o''29),  soi- 
gneusement encadré  sous  verre  et  actuellement  conservé  dans  la 
sacristie  de  l'église  d'Osséja. 

En  marge  du  verso,  on  lit  la  mention  suivante  manuscrite,  : 
«  Al  primer  de  agost  j68i.  Yist y  resliluhii.  (Signé)  Debadia  »,  puis 
celle-ci  :  «  Concessio  de  la  Conf varia  de  TV"  S""  del  7{oser,  en  lloch  de 
Osseja,  per  Innocencio  XV  » . 

11  résulte  donc  de  la  première  de  ces  deux  mentions,  que  ce 
parchemin  n'est  point  le  document  original  émanant  de  Rome, 
attendu  que,  par  ailleurs,  il  ne  porte  aucune  signature,  ni  trace 
de  sceau  de  la  curie  romaine.  Le  texte  de  cette  pièce  ne  serait 
que  la  copie  du  document  pontifical,  dûment  restituée  et  approu- 
vée par  la  chancellerie  épiscopale  d'Urgell,  dont  l'évêque,  en 
i68),  avait  encore  juridiction  spirituelle  sur  toutes  les  paroisses 
de  la  Cerdagne  franco-espagnole,  malgré  les  clauses  du  traité  des 
Pyrénées  conclu,  en  1659,  par  les  plénipotentiaires  de  France  et 
d'Espagne. 

Par  conséquent,  la  date  précise  de  la  fondation  de  la  Confrérie 
d'Osséja  demeurant  ignorée,  on  doit  la  supposer  antérieure  de 
plusieurs  années  à  1680,  eu  égard  aux  multiples  formalités  cano- 
niques exigées  pour  de  telles  fondations,  et  ?ux  nombreuses  dif- 
ficultés des  communications  existantes  entre  Rome  et  Urgell,  sur- 
tout à  cette  époque  où  l'on  n'avait  pas  les  facilités  d'informations 
rapides  que  nous  possédons  aujourd'hui. 


D'après  l'exposé  de  cet  Induit  pontifical,  la  Confrérie  d'Osséja 
avait  son  siège  principal  dans  l'église  de  cette  paroisse,  à  l'autel 
de  la  Sainte  Vierge  qu'on  y  érigea  dans  la  suite. 

L'Association  était  ouverte  aussi  bien  aux  hommes  qu'aux  fem- 
mes. Elle  jouissait  de  privilèges  particuliers,  attachés  à  certaines 
pratiques  de  piété  chrétienne. 

Suivant  le  texte  de  i'indult  de  1680,  Innocent  XI  avait  accordé 
aux  Confrères  d'Osséja  :  j*  Une  indulgence  plénière  le  jour  de 
leur  réception  à  la  Confrérie  ;  à  l'article  de  la  mort,  en  invocant 
le  nom  de  Jésus,  de  bouche  ou  du  moins  de  cœur  ;  le  jour  de  la 
fête  de  l'Association,  en  visitant  l'église  ou  la  chapelle  de  la 
Confrérie,    depuis   la  veille  aux   premières  vêpres,  jusqu'au  jour 


—  4»   — 

de  dite  fête  au  coucher  du  soleil,  en  y  priant  aux  intentions  du 
Souverain  Pontife. 

2*  Sept  ans  et  sept  quarantaines  d'indulgences  partielles,  en 
visitant  la  même  église  ou  la  même  chapelle  en  certains  autres 
jours,  fixés  à  quatre,  et  déterminés  par  l'Ordinaire  diocésain. 

3°  Soixante  jours  d'indulgences  partielles  à  ceux  qui  assiste- 
raient aux  messes  ou  offices  divins,  célébrés  en  dites  église  ou 
chapelle  pour  la  Confrérie  ;  à  ceux  qui  recueilleraient  les  pauvres 
dans  un  hôpital  ou  travailleraient  à  la  réconciliation  des  ennemis  ; 
pour  toute  assistance  aux  funérailles  chrétiennes  d'un  confrère, 
aux  processions,  au  viatique  des  confrères  malades,  et  à  ceux  qui, 
étant  convoqués  mais  empêchés  d'y  assister,  réciteraient,  au  sigaal 
de  la  cloche,  "^cinq  Pater  et  ^ve  pour  les  confrères  défunts  ;  à 
ceux  qui  travailleraient  à  la  conversion  des  pécheurs,  qui  pourvoi- 
raient à  l'instruction  religieuse  des  ignorants  ou  qui  accompliraient 
un  acte  quelconque  de  religion  ou  de  charité. 

Toutes  ces  indulgences  étaient  applicables  aux  âmes  du  purga- 
toire et  valides  à  perpétuité. 

Cette  concession  d'indulgences  fut  ensuite  soumise  au  visa  de 
l'officialité  épiscopale  d'Urgell  ;  le  6  novembre  i685,  l'ordinaire 
diocésain  lui  donnait  son  approbation  et  en  ordonnait  la  publica- 
tion solennelle  dans  l'église  d'Osséja. 

CONCESSIO   DE   LA    CoNFRARJA   DE    N.    S"    DEL    RoSER, 
EN   LLOCH   DE   OsSÉjA,    PER    InNOCENCIO   XI' 

Innocentius  p.  p.  XI 

Ad  perpetuam  rei  memoriam,  cum  (sicut  accepimus)  in  Ecclesia  parro- 
chiali  sancti  Pétri,  loci  de  Ossegia,  Urgellen  diaecesis.  una  pia  et  devota 
utriusque  sexus  Xristi  fidelium  confraternitas,  sub  titulo  Beatae  Marix  de 
Rosario,  (non  tamen  pro  hominibus  unius  specialis  artis),  canonice  erecla 
sive  crigenda  existât,  cuius  Confratres  et  Consorores  quamplurima  pietatis 
et  charitatis  opéra  exercere  consueverunt.  Nos,  ut  Confraternitas  honoiis 
majoris  in  dies  suscipiat  incrementa,  de  omnipotentis  Dei  misericordia  ac 
Beatorum  Pétri  et  Pauli  Apostolorum  eius  auctoritatc  confisi.  omnibus 
utriusque  sexus  Xristi  fidelibus  qui  dictam  Confraternitatem  in  posterum 
ingredientur,  die  primo  ingressus,  si  vere  pœnitentes  et  confessi  sacra- 
mentum  Eucharistiae  sacramentum  susceperint,  plcnariam,  ac  tam  descriptis 


—  42  — 
quam  pro  temporc  describendis  in  dicta  Confraternitate  Confratribus  et 
Consororibus  in  cujuslibet  eorum  mortis  articule,  si  vere  quoque  pœnitentes 
et  confessi  ac  sacra  communione  refecti,  vel  quatenus  id  facere  nequiverint 
saltem  contriti  non\en  Jesu  ore  si  potuerint,  sin  minus  corde  dévote  invoca- 
verint,  etiam  plenarian»  ;  necnon  eisdem  nunc  et  pro  tempore  existentibus 
Confratribus  et  Consororibus  vere  etiam  pcenitentibus  et  confessis  ac  sacra 
communione  refectis  qui  prœdictse  Confraternitatis  Ecclesiam  seu  Capellam 
vel  oratorium  die  festo  principali  dictae  Confraternitatis  per  eosdem  Confra- 
tres  semel,  tum  eligendo  et  ab  Ordinario  approbando,  a  primis  vesperis 
usque  ad  occasum  solis  diei  hujusmodi  singulis  annis  dévote  visitaverint  et 
pro  Xristianorum,  Principum  concordia,  hœresum  exterminatione  ac  Sanctae 
Matris  Ecclesiae  exaltatione  pias  ad  Deum  preces  effuderint,  plenariam 
similiter  omnium  peccatorum  suorum  Indulgentiam  et  remissionem  miseri- 
corditer  in  perpetuum  concedimus. 

Insuper  dictis  Confratribus  et  Consororibus,  vere  pariter  pœnitentibus  et 
confessis  ac  sacra  communione  refectis,  Ecclesiam  seu  Capellam  vel  orato- 
rium hujusmodi  loci,  in  quatuor  aliis  anni  festis  vel  non  festis  diebus  per 
memoratos  Confratres  semel,  tune  etiam  eligendis  et  ab  eodem  Ordinario 
approbandis,  ut  semel  visitantibus  et  orantibus  qua  voluntate  pastorum  id 
egerint  septem  annos  et  totidem  quadragenas.  Quoties  vero  missio  et  aliis 
djvinisofficiis  dicta  Ecclesia  seu  Capella  vel  oratorio  pro  tempore  celebrandis 
et  recitandis  seu  Congregationibus  publicis  vel  privatis  ejusdem  Confrater- 
nitatis ubivis  faciendis  interfuerint  aut  pauperes  hospitio  susceperint  vel 
pacem  inter  inimicos  composuerint  seu  componi  fecerint  vel  procuraverint 
necnom  etiam  qui  corpora  defunctorum  tam  Confratrum  et  Consororum 
prœteritorum  ad  sepulturam  associaverint  aut  quœcumque  processiones  de 
de  licentia  Ordinarii  faciendas  sanctumque  Eucharistiae  sacramentum  tam 
in  processionibus  quam  cum  ad  infirmos  aut  alias  ubicumque  et  quomodo- 
cumque  pro  tempore  deferetur  convocati  fuerint,  aut  si  impediti,  campanae, 
ad  id  signo  dato,  semel  orationem  Dominicam  et  salutationem  Angelicam 
dixerint  aut  etiam  quinquies  orationem  et  salutationem  easdem  pro  animalius 
defunctorum  Confratrum  et  Consororum  prœteritorum  recitaverint  aut  si 
aliquem  ad  viam  salutis  reduxerint  et  ignorantes  prœcepta  Dei  et  ea  quse  ad 
salutem  aut  docuerint  aut  quodcumque  aliud  pietatis  vel  charitatis  opus 
exercuerint,  toties  pro  quolibet  prœteritorum  operibus  exercicio  sexaginta 
dies  de  injunctis  eis  seu  alias  quomodolibet  delictis  pœnitentis  in  forma 
Ecclesize  consueta  relaxamus,  prœsentibus  perpetuis  futuris  temporibus  vali- 
turis.  Volumus  autem  ut  si  alias  dictis  Confratribus  et  Consororibus  prœ- 
missa  peragens  aliqua  alia  Indulgentia  perpetuo  vel  ad  tempus  nondum 
elapsum  duratura  concessa  fuerit  prœdecessores  nuliae  sint,  utque  si  dicta 
Confraternitas  alicui  Archiconfraternitati  aggregata  fuerit  vel  in  posterum 
aggregetur,    seu  quamvis  alia   ratione   iniatur   aut  etiam    ....    instituatur. 


-  43  - 

présentes  et  quœvis  aliae  litterae  Apostolicae nullatenus  suffragcntur 

sed  ex  tune  eo  ipso  sint. 

Datum  Romae  apud  S.  Petrum  sub  Annulo  Piscatoris  die  XXIV  januarii 
MDCLXXX  Pontificatus. 


Die  6  ^'x-"  j685 

Publicent  hujusmodi  Indulgentiarum  largitionum  et  concessionum  litterae 
apostolicae  ex  decreto  Domini  officialis  et  v.  g.  Urgellis,  qui  .  .  .  duobus 
domini  de  capituio  ita  fieri  statuit  et  decreverit  approbando  festum  présente 
die  3o  junii  et  alios  quatuor  dies  per  Confratres  prœsentes  electos,  vide- 
licet  :  dies  sequens  post  Purificationem,  dies  sequens  post  Annuntiationem, 
dies  sequens  post  Assumptionem,  et  ultima  dies  post  Nativitatem  B.  M.  Vir- 
ginis. 

De  Cruyllas,  Off.  et  Vie.  Gen. 
Fluvius. 
secret.  Offic. 

[M  suivre)  Jean  Sarrète. 


CHRONIQUE  D'ART  CATALAN 

Les  Œuvres  d*arl  de  Louis  Delfau 

au  Salon  Roussillonnais 

(Janvier  1920) 

Ce  n'est  pas,  à  vrai  dire,  un  Salon  J{oussiIlonnais  qui  fut  affecté 
à  l'exposition  des  œuvres  d'art  de  notre  artiste-peintre  perpigna- 
nais,  M.  Louis  Delfau,  mais  simplement  une  salle  insuffisante  et 
mal  ajourée,  vulgairement  appelée  le  «  péristyle  de  la  salle 
Arago  »  de  l'Hôtel  de  Ville.  Les  visiteurs  ont  une  fois  de  plus 
regretté  que  nous  n'ayons  pas  à  Perpignan  un  «  Salon  »  propre _ 
ment  dit  pour  de  telles  expositions.  C'est  une  lacune  de  plus, 
parmi  tant  d'autres,  que  nos  édiles  ne  manqueront  certainement 
pas,  dès  que  les  finances  municipales  le  permettront,  de  combler 
de  façon  définitive.  11  faut  à  Perpignan,  de  toute,  nécessité,  un 
Tiôlel  des  Sociétés  et  un  Salon  Catalan. 


—  44  -' 


Comme  tant  d'autres,  épris  d'art  catalan,  je  suis  allé  visiter  l'ex- 
position Delfau  dans  ce  soi-disant  Salon  Perpignanais,  et,  comme 
eux,  j'ai  été  fort  captivé  par  les  belles  œuvres  de  notre  sympa- 
thique confrère  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  Je  n'ai  pas 
l'honneur  de  le  connaître  personnellement.  Ce  n'est  plus  un  jeune 
—  dit-on  —  puisqu'il  doit  bien  avoir  la  cinquantaine.  Somme 
toute,  il  est  dans  la  pleine  maturité  de  son  âge  et  de  son  talent. 
On  le  dit  encore  trop  modeste.  Ce  n'est  pas  un  mal,  car  les  vrais 
talents  s'ignorent  toujours  eux-mêmes,  et  c'est  là  déjà  un  grand 
mérite. 

Parmi  ses  œuvres,  il  en  est  qui  ont  la  touche  des  grands  maî- 
tres. Les  portraits  sont  remarquables  de  sincérité  :  tous  justes, 
dessin  impeccable,  facture  large  et  pleine.  Il  semble  même  que, 
voulant  s'identifier  avec  son  sujet,  l'artiste  a  trop  le  scrupule  de 
bien  faire.  Les  portraits  de  MM.  Amédée  Aragon  et  Nérel  sont 
néanmoins  d'une  identité  si  parfaite  qu'on  les  dirait  vivants,  par- 
lants, entrant  en  commerce,  tant  leurs  regards  sont  pleins  de 
vigueur,  avec  les  spectateurs  qui  les  considèrent  fixement.  Il  en 
est  pareillement  de  MM.  Dot,  de  Lazerme,  Nicolau,  de  Romeu, 
Sarrat,  Trénet  (père),  si  caractéristique  par  la  belle  couronne  de 
cheveux  argentés  qui  orne  son  front  d'architecte. 

Là  où  M.  Delfau  semble  avoir  mis  toute  son  affection,  tout  son 
talent  de  psychologue  et  d'artiste,  c'est,  à  mon  avis,  dans  la  noble 
figure  de  l'évêque  de  Perpignan,  Monseigneur  de  Carsalade  du 
Pont.  Majestueusement  drapé  dans  sa  superbe  Cappa  magna,  cou- 
leur mauve,  aux  plis  larges,  ondulés  et  soyeux,  le  prélat  est  assis 
dans  son  cabinet  de  travail  timbré  de  ses  armes  de  famille  et -où 
tout  le  mobilier  est  à  l'antique.  Assis  dans  son  classique  fauteuil 
cannelé,  il  laisse  un  instant  en  repos  son  missel  enluminé,  ou  plu- 
tôt son  livre  d'étude,  grandement  ouvert  sur  un  antique  pupitre, 
pour  se  retourner  de  mi-face  vers  son  visiteur  et  l'entretenir  du 
sujet  qu'il  médite.  Et  sur  sa  figure  émaciée,  mais  rayonnante  des 
vastes'pensées  qui  s'accumulent  dans  son  puissant  cerveau,  celles- 
ci  viennent  tour  à  tour  se  fixer,  pour  se  traduire  ensuite,  sur  ses 
doctes  lèvres,  en  effusion  de  paroles    qui    vous   captivent  et  vous 


-  45  - 

conquièrent  par  leur  charme  prenant.  Ses  petits  yeux  d'azur,  à 
demi-clos  tout  d'abord,  peu  à  peu  s'animent  et  s'ouvrent  pleins  de 
feu,  d'idées  qui  vous  pénètrent  et  ne  tardent  pas  à  vous  commu- 
niquer les  vibrations  d'une  grande  âme.  Qui  ne  l'a  éprouvé  au 
sortir  de  l'un  de  ces  doux  cœur  à  coeur  auxquels  notre  évêquc 
n'est  nullement  rebelle  !  Tel,  le  docte  et  saint  Mgr  de  Flamen- 
ville,  d'EIne,  immortalisé  par  le  pinceau  de  notre  génial  et 
immortel  H.  Rigaud. 

Parmi  les  autres  oeuvres  exposées  par  M.  Delfau,  nous  avons 
admiré  de  très  beaux  paysages,  pris  dans  la  zone  de  nos  incom- 
parables contrées  roussillonnaises. 

Son  coin  de  i'Albère  avec  ses  chênes-lièges,  son  mas  de  VAnglade, 
son  mas  de  la  Garrigue,  son  Collioure  avec  son  église  et  son  châ- 
teau antiques,  sa  côte  Yermeille  avec  ses  landes  et  ses  flots  azurés, 
etc.,  etc.,  toutes  ces  petites  toiles,  lumineuses,  ensoleillées,  sont 
d'un  coloris  exquis,  très  pittoresque. 

11  en  est  de  même  de  sa  partie  de  cartes,  de  sa  vierge  orientale, 
de  ses  deux  espagnoles.  Qui  n'a  admiré  surtout  sa  bonne  vieille 
catalane,  ravaudant  des  bas  près  de  sa  fenêtre  et  enfilant  son 
aiguille  avec  une  attention  si  captivante  ?  Quel  est  le  visiteur  qui 
ne  s'est  dit,  en  la  voyant  :  «  Voilà  ma  bonne  vieille  grand'mère 
d'autrefois  !  C'est  elle  !  »  Pourquoi  nos  artistes  modernes  sem- 
blent-ils délaisser  ces  vrais  types  de  la  race  catalane  ?  Remercions 
M.  Delfau  de  leur  avoir  ainsi  rappelé  ces  leçons  d'affection  à  la 
petite  patrie. 

Delfau,  m'a-t-on  dit,  n'était  pas  connu  du  public  ;  une  modes- 
tie exagérée  l'avait  toujours  tenu  éloigné  de  ce  qui  pouvait  res- 
sembler à  une  réclame.  Son  exposition  de  1916,  que  quelques 
amis  avaient  organisée  malgré  lui,  fut  une  révélation  ;  les  sympa- 
thies allèrent  nombreuses  à  l'artiste  consciencieux  et  modeste  dont 
le  talent  était  ainsi  révélé. 

Son  exposition  de  janvier  dernier  (1920)  n'a  été  que  la  confir- 
mation du  premier  succès,  assure-t-on. 

A  tous  les  éloges  que  les  critiques  d'art  et  les  visiteurs  perpi- 
gnanais  ont  déjà  unanimement  adressés  à  M.  Delfau,  nous  joignons 
les  nôtres  et  ceux  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes,  que  son 
talent  honore  si  bien.  Elève,  dit-on,  de  Bonnat.  il  est  digne  d'un 
tel  maître.  Jl  ne  fait  pas   moins    d'honneur    à    notre    H.    Rigaud 


-  46- 

catalan,  que  Bonnat  lui-même  n'a  pas  certainement  dédaigné.  Au 
reste,  l'illustre  Rigaud  n'eut  point  d'autre  modèle  que  Van  Dyck, 
type  classique  de  nos  anciens  peintres  roussilionnais,  comme  il 
devrait  l'être  toujours  de  nos  contemporains  portraitistes  qui  aspi- 
rent à  la  vraie  gloire.  Ils  ne  trouveront  pas  de  meilleures  sources 
d'inspiration  ailleurs  que  dans  les  chefs-d'œuvre  de  nos  anciens 
maîtres  classiques.  C'est  une  grave  erreur  que  de  prétendre  le 
contraire.  J-  S. 

  la  mar  nostra 

M'agrades,  mar,  quan  petoneges 
Nostres  sorrals  de  Rossellô 

0  que  sobre  'Is  penyals  blanqueges 
Ton  aigua  blava  i  murmureges 

Ta  mateixa  eternal  cançô. 

M'agrada  te  veure  agitada, 
Oir  ton  bram  molt  horrorôs 

1  flairar  l'amarga  halenada 

Que  'ns  portes  amb  la  gran  ruixada 
De  la  teua  ona  al  bes  ploros. 

M'agrada  ton  espill  de  plata 
Reflectant  l'alba  a  l'Orient 

0  el  sol  vermeil  quan  tart  s'acata 
De  l'altre  banda  i  s'enforata 
Dintre  dels  monts  de  l'Occident. 

Perd  molt  mes  t'estimarîa 
Si,  dant  al  mariner  la  pau, 
Estaves  quieta  i  nit  i  dia 

1  si,  sobre  '1  teu  si,  podîa 
Lliscar  sens  temença  sa  nau. 

Alqù, 


La  seigneurie  ^  la  paroisse  du  Scier 

06=^3^-  {SÏ4JTE) 

L'évcque  d'Elne  avait  toujours  un  représentant  ou  baille  au 
Soler  d'Amont.  Le  17  décembre  1548,  une  criée  est  faite  par 
ordre  du  batlle  défendant  d'élever  des  porcs  sur  le  territoire  du 
Soler  d'Amont,  de  garder,  à  partir  du  i5  janvier,  ceux  qui  peu- 
vent s'y  trouver  et  de  laver  dans  le  canal  de  la  fontaine  (i).  D'un 
autre  côté,  Jean  Ballestar,  batlle  général  de  la  mense  épiscopale, 
-délègue,  le  3i  mai  iSSq,  ses  pouvoirs  à  Jean  Malet  pour  juger 
dans  la  batllie  du  Soler  les  causes  civiles  dont  l'objet  n'est  pas 
supérieur  à  40  sous  (2).  En  iSjo,  le  batlle  de  la  mense  épisco- 
pale reçoit  la  reconnaissance  d'une  maison  sise  sur  la  route  qui 
va  du  chemin  royal  de  Confient  à  l'ancienne  église  du  château  (3). 

A  la  fin  du  xvi'  siècle,  une  mainmise  est  opérée  «ur  divers 
biens  de  la  mense  épiscopale  vacants  par  suite  de  la  translation 
de  François  Robuster  et  Sala  à  l'évêché  de  Vich.  A  cet  effet, 
Philippe  Jordi,  archidiacre  de  Confient  et  sous-collecteur  de  la 
Chambre  apostolique,  se  présente  devant  le  château  du  Soler 
d'Amont,  le  21  octobre  1598.  Le  viguier  de  Roussillon  le  prend 
par  la  main  droite  et  l'introduit  dans  l'intérieur  du  château.  Là, 
on  ramasse  un  peu  de  terre  et  on  la  jette  aux  quatre  vents. 
Ensuite,  en  signe  de  mère  et  mixte  empire,  une  épée  tirée  du 
fourreau  et  des  gants  sont  présentés  à  Philippe  Jordi.  Enfin,  en 
signe  de  propriétaire  de  la  dîme,  on  offre  au  sous-collecteur 
une  poignée  de  froment  (4). 

(1)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  40. 

(2)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  148. 

(3)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  41 .  —  Nous  verrons  plus  loin  que  l'église 
du  casirum,  dédiée  à  saint  Julien  et  sainte  Baselisse,  fut  abandonnée.  On 
bâtit  alors  l'église  actuelle  dont  la  première  pierre  fut  placée  le  5  juillet  1  554. 

(4)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  24.  —  Accepit.  dictum  revcrendum  domrnum 
subcollectorem  per  manum  dexteram  et  intus  dictum  castrum  eum  intrcmisit  et  inlus 
diclum  castrum  se  spaciaverunt  terram  erigendo  et  dispert^endo.  et  in  signum  meri 
et  mixti  imperii  eusem  evaginatam  eidem  domino  subcollecton  et  unas  ohirolecas 
tradendo  ;  et  in  signum  décime  eidem  unum  pugnum  Iritici  Iradendo, 


—  4^  — ^ 

Le  château  en  question  était  presque  complètement  ruiné,  puis- 
que, le  16  janvier  1608,  on  trouve  des  criées  provenant  de  la 
concession  projetée  d'une  pièce  de  terre  dans  l'enceinte  du  châ- 
teau (j).  Bien  plus,  le  19  novembre  ]6c8,  on  procède  à  une 
enquête  contre  des  personnes  qui  ont  pratiqué  des  passages  dans 
les  murailles  (2). 

Le  batlle  de  l'évèque  n'avait  aucun  droit  sur  les  particuliers 
qui  habitaient  des  maisons  soumises  à  une  juridiction  étrangère. 
En  1628,  on  porte  plainte  contre  le  sous-batlle  de  l'évèque  qui  a 
commandé  de  garde  un  tisserand  qui  habitait  une  maison  soumise 
à  la  juridiction  du  seigneur  du  Soler  d'Avall  (3). 

La  peste  faisait  des  ravages  dans  le  Roussillon.  Aussi,  le 
23  novembre  3628,  le  juge  épiscopal  dans  la  Cour  du  Soler 
enjoint  au  batlle  et  au  sous-batlle  de  cette  localité  de  veiller  avec 
soin  à  l'occasion  de  ce  fléau  (4). 

Le  10  janvier  i638,  le  représentant  de  la  Chambre  apostolique 
prend  possession  du  Soler  d'Amont.  Aussitôt  une  criée  est  publiée 
en  son  nom  pour  défendre  de  blasphémer,  de  jouer  pendant  les 
offices,  de  chasser  en  temps  prohibé  et  de  pêcher  sans  la  permis- 
sion du  dit  représentant  (5). 

L'administration  communale,  exercée  par  les  consuls,  était  sou- 
mise à  l'approbation  de  l'évèque  ou  de  son  procureur.  C'est  pour- 
quoi les  consuls  demandent  l'autorisation  épiscopale  quand  ils 
prennent  la  résolution,  en  i65o,  de  rétablir  les  droits  de  logis 
ou  hôtel,  de  boulangerie,  de  boucherie,  de  gabelle,  droits  que 
la  communauté  possède  depuis  longtemps,  mais  qui  s'étaient  per- 
dus à  l'occasion  des  guerres  passées  ou  par  négligence  (6).  En 
1654,  ces  droits  sont  aff^ermés  par  les  consuls  Dominique  Perra- 
mon  et  Raymond  Carbonell  :  «  Arrendameni  de  î'hostal,  fleca  y 
gavella  del  Soler  novameni  imposât  en  virlul  de  la  llicencia  concedida 
per  lo  rev.  T^afel  prevere  y  canonge  de  la  iglesia  de  Elna,  la  sede 
épiscopal  vacant,  collector  de  las  rendas  del  bisbai  de  lElna  »  (7). 
(A  suivre)  Joseph  Gibrat. 

(i)  (2)  (3)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  40. 
(4)  (5)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  43. 

(6)  Archives  des  Pyr.-Or.,  C.  i85o. 

(7)  Archives  des  Pyr.-Or.,  Fonds  d'Oms. 

Le  Gérant,  COMET.  —  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Poste,   Perpignan 


14'  Année-  N'  161  Hars  192Ô 

Les   Manuscrits  non  insérés  ^m^  ^F%^  V^  tf  ^^^ 

ne  sont  oas  rendu».  t^T    Wi     ^Lr     I     I  M^ 


CATALANE 


Lrs  Àrrides   oarus  dans  ia  Revue 
n'engagem  oue  leurs  auteurs. 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 


Comment  le  Roussillon  devint  catalan 


Dans  un  article  précédent  (i),  j'ai  montré  quelle  était  la  signi- 
fication de  l'événement  historique  que  marque,  pour  le  Roussillon, 
le  tournant  de  865.  Le  Roussillon,  terre  gauloise,  est  adminis- 
trativément  soudé  par  Charles  le  Chauve  aux  comtés  hispaniques 
créés  de  l'autre  côté  des  Albères  et  dont  le  centre  de  gravité 
devait  être  Barcelone. 

Mais  l'acte  de  865  n'aurait  pas  eu  les  conséquences  qu'il  a  eues 
réellement,  si  des  circonstances  particulières  n'avaient  facilité  cette 
sorte  de  glissement  historique  de  la  terre  roussillonnaise  vers  le 
sud. 

Et  tout  d'abord,  nous  relevons  parmi  ces  circonstances  le  fait 
que  le  midi  de  la  France,  et  spécialement  le  sud  de  l'ancienne 
Septimanie,  avait  fait  partie  de  l'Etat  wisigothique  ;  le  fait  aussi 
que  cette  même  région  avait  subi  au  même  degré,  et  presque 
dans  les  mêmes  conditions,  la  domination  sarrasine.  La  reconquête 
carolingienne  (2)  qui  refoule  le  Maure  va  presque  d'im  élan,  en 
quelques  années,  de  Narbonne  à  l'Ebre.  Dégagés  en  même  temps, 
—  ou  peu  s'en  faut,  —  le  sud  de  l'ancienne  Septimanie  et  le 
nord  de  l'ancienne  Tarraconnaise  trouvent  dans  ctrtte  communauté 
de  destins  une  raison  nouvelle  de  fraterniser. 

Mais  il  y  a  plus.  C'est  dans  le  comté  de  Roussillon  et  dans 
les  comtés  transpyrénéens  que  viennent  affluer  les  réfugiés  espa- 

(i)  Une  date  de  l'histoire  du  Roussillon  :  le  Tournant  de  865,  dans  la  T^evue 
Catalane,  \5  novembre  i9'9- 

(2)  La  frontière  pyrénéenne  entre  la  "France  et  l Aragon,  dans  la  T^^evue  des 
"Pyrénées,  1  o  1  3 . 


-  5o  - 

gnols  que  la  prévoyance  carolingienne,  par  d'habiles  mesures, 
attire  en  pays  rédimé  (i).  Pour  des  motifs  à  la  fois  militaires  et 
agricoles,  pour  avoir  prête  à  la  défensive  ou  à  l'offensive  une 
armée  des  Pyrénées,  et  aussi  pour  fournir  à  une  contrée  mal 
pourvue  de  main-d'œuvre  les  bras  nécessaires  à  son  relèvement 
économique,  Charlemagne  et  ses  successeurs  font  miroiter  des 
avantages  séduisants  et  d'ailleurs  substantiels  à  ceux  qui,  de  l'Es- 
pagne musulmane,  accourent  à  eux  :  ils  seront,  sur  la  terre  fran- 
que,  chrétiens  et  sujets  libres,  ils  peupleront  et  cultiveront  le 
pays  reconquis.  Tout  un  système  de  colonisation,  fondé  sur  le 
droit  dit  d'aprision,  est  prévu,  appliqué  avec  persévérance  au 
grand  bénéfice  de  la  renaissance  économique  qui  succède  à  la  | 
crise,  et,  sans  entrer  pour  le  moment  dans  le  détail  de  cet  effort 
dont  les  créations  monastiques  doublent  l'efficacité,  il  apparaît 
qu'une  immigration  intense  de  ceux  que  les  textes  appellent  Gothi 
sive  Jiispani,  —  Goths  ou  Espagnols,  —  se  produit  durant  les 
viu'  et  ix'  siècles,  tant  au  nord  qu'au  sud  des  Albères. 

Certes,  il  serait  excessif,  —  et  même  inexact,  —  de  croire 
que  cette  immigration  a  détruit  le  fonds  gaulois  de  l'âge  précé- 
dent. 11  n'en  est  rien,  et  l'événement  l'a  prouvé.  Le  fond  celtique 
n'a  pas  plus  été  anéanti  chez  nous  par  l'élément  venu  d'Espagne 
quil  ne  l'a  été  en  Alsace'par  l'élément  germanique  (2).  11  ne  faut 
point  sacrifier  les  habitants  indigènes  aux  nouveaux  venus,  les 
Pagenses  aux  Jiispani  de  nos  documents.  Une  certaine  modification 
ethnique  a  cependant  suivi,  sans  aucun  doute,  cette  intrusion 
d'apports  espagnols  abondants  et  actifs,  rapprochant,  par  voie  de 
conséquence  logique,  l'ethnographie  roussiilonnaise  et  l'ethno- 
graphie catalane. 

Par  là  a  été  rendue  possible  et  féconde  l'union  du  Roussillon 
et  de  la  Catalogne,  par  là  aussi  a  été  rendue  possible  la  différen- 
ciation du  Roussillon  à  l'égard  de  la  partie  plus  septentrionale  de 
l'antique  Septimanie,    devenue  à  l'âge  suivant  le  Bas-Languedoc. 

En    d'autres  termes,   tout  en  restant  au  fond  gauloise  en  vertu 


(1)  Melchior,  Les  Etablissements  des  Espagnols  dans  les  Pyrénées  méditerra- 
néennes, Montpellier,   1919. 

(2)  Sur  le  saisissant  parallélisme  de  l'histoire  de  l'Alsace  et  du  Roussillon, 
cf.  mon  article  Deux  prox'inces  soeurs,  dans  Montanyes  T(egalades,   1919. 


-  5i  — 

d'ofigînes  imfifesctiptibles,  la  population  roussillonnaise,  mâtinée 
de  gothique  par  le  reflux  de  l'époque  carolingienne,  s'est  difé- 
renciée  de  la  population  de  la  Narbonaise  et  s'est  rapprochée  de 
la  population  des  comtés  trans-pyrénéens.  Le  Roussillon  est 
désormais  quelque  chose  de  spécial,  d'unique,  une  etiHié  historique 
nettement  spécifiée,  capable  de  se  souder  soit  à  la  France  à  rai- 
son de  son  fond  gaulois,  soit  à  la  Catalogne  à  cause  de  l'alluvion 
hispanique  superposée  à  ce  fonds.  Au  lendemaiiT  de  865,  comme 
il  fallait  s'y  attendre,  c'est  ce  dernier  élément,  actif  et  frais,  qui 
l'emporte,  d'autant  plus  que  le  geste  de  Charles  le  Chauve  a 
orienté  administrativement  le  Roussillon  vers  Barcelone,  et,  au 
x'  siècle,  c'est  vers  Barcelone  que  le  Roussillon  et  la  Catalogne 
regardent,  c'est  le  sort  de  la  Catalogne  en  formation  que  nos 
comtés  partagent  politiquement,   socialement,    intellectuellement. 

C'est  en  effet  l'époque  où  du  latin  va  se  dégageant  la  langue 
romane  :  le  parler  de  Perpignan  naissant  sera  celui  de  Barcelone. 
Le  Roussillon  devient  catalan.  Pendant  des  siècles  il  suivra  la 
destinée  catalane. 

Un  homme  a  incarné,  au  moment  décisif,  dans  l'ordre  politique 
et  peut-être  moral,  les  aspirations  de  la  Catalogne  en  devenir  : 
cet  homme,  brillant  dans  l'histoire  et  plus  encore  dans  la  légende, 
c'est  le  célèbre  JOFFRE-LE-POILU  (i). 

Comte  de  Barcelone  et  de  Gérone,  marquis  de  la  Marche, 
Joffre  fit  donner  le  comté  de  Roussillon  à  l'un  de  ses  frères, 
Miron.  Celui-ci  devint  la  tête  d'une  lignée  comtale  dont  la 
dépendance  vis  à  vis  de  Barcelone  résulte  de  cette  parenté  même. 
La  distribution  des  pays  (pagi)  de  la  Marche  est  d'ailleurs  varia- 
ble, à  chaque  génération,  entre  les  membres  de  la  famille  de 
Joffre.  Un  comté  que  Ion  a  coutume  d'appeler  comté  d'Empo- 
ries-Roussillon  et  qui  comprenait,  sur  les  deux  versants  des 
Albères,  la  côte  et  la  plaine,  conserva  son  homogénéité  jusque 
vers  990,  s'opposant  au  comté  de  Cerdagne,  échu  à  un  fils  de 
Joffre.  Ce  comté,  dont  la  ville  principale  était  Hix,  ajoutait  à  la 
Cerdagne  propre  le  Confient,  le  Capcir,  le  Fenouiilèdes  et  la 
partie   haute  du   Roussillon.  Vers  990,  les  deux  lots  ainsi  formés 

■    h)  La  T(evue  Catalane,    i5  janvier   1920,    a  annonce  l'ouvrage  attachant 
que  va  faire  paraître  Pierre  Vidal  sur  ce  personnage. 


—    $2     — 

furent  divisés  chacun  en  deux  portions,  afin  de  pourvoir  d*unê 
part  les  deux  fils  d'Oliva  Cabreta,  comte  de  Cerdagne,  et  d'autre 
part  les  deux  fils  de  Guifre,  comte  d'Empories-Roussillon.  Des 
deux  fils  d'Oliva  Cabreta,  l'un,  Jcffre,  eut  la  Cerdagne  et  le 
Confient  ;  l'autre,  Bernard,  surnommé  Taillefer,  eut  le  reste,  y 
compris  par  conséquent  le  Vallespir,  la  haute  vallée  du  Tech 
jusqu'au  Perthus,  le  pays  des  Aspres  et  la  haute  plaine  du  Rous- 
sillon  avec  Thuir,  111e,  Millas  et  Saint-Féliu  ;  il  prit  le  titre  de 
comte  de  Besalu,  et,  de  ce  coté-ci  des  Pyrénées,  il  fit  probable- 
ment du  château  de  Castelnou,  —  bâti  à  cette  époque,  —  le 
centre  de  sa  domination.  Des  deux  fils  de  Guifre,  l'un,  Hugues, 
prit  Empories  et  Peralada  ;  l'autre,  Guila'oert  1",  garda  la  basse 
plaine  du  Roussillon  avec  le  titre  de  comte  de  Roussillon. 

Des   quatre   lots   ainsi    formés,  —  et  dont  il  n'y  a  pas  lieu  de 
suivre  ici  les  vicissitudes  (i  ),  —  le  plus  durable  fut  celui  précisé- 
ment qui  semble  avoir  été  territorialement  le  plus  modeste  :  celui 
de  Guilabert. 

Dès  Jiii,  la  maison  de  Barcelone  annexait  à  ses  domaines 
ceux  des  comtes  de  Besalu,  et,  en  i  j  1 7,  ceux  des  comtes  de 
Cerdagne,  tandis  que  la  dynastie  issue  de  Guilabert  se  perpétua 
jusqu'à  l'année  1172.  Mais  une  invincible  force  d'attraction 
s'exerçait  depuis  le  temps  de  Charles  le  Chauve  et  de  Joffre  le 
Poilu,  et  vouait  les  comtés  dépendant  de  la  Marche  de  joffre  à 
venir  s'agglutiner  au  comté  majeur  de  Barcelone. 

En  1  172  sonne  cette  heure  pour  le  comté  roussiilonnais.  L'hé- 
ritage des  descendants  de  Miron  vient  aux  mains  du  comte  de 
Barcelone  qui,  par  surcroît,  n'est  autre  maintenant  qu'un  très 
grand  prince  :  Alphonse  d'Aragon-Catalogne.  En  lui,  la  qualité 
comtale  venue  de  Joffre  s'allie  à  la  dignité  royale.  Ainsi,  à  l'épo- 
que précise  où  le  Roussillon  s'adjoint  au  conglomérat  des  comtés 
transpyrénéens  constitué  en  Principal  de  Catalogne  (2),  le  Prin- 
cipat  lui-même  vient  de  faire  union  avec  la  monarchie  aragonaise. 

Or,    si    la    puissante    individualité    de    la     Catalogne    excluait 

(  1  )  Sur  un  épisode  particulièrement  curieux  de  ces  variations  de  la  carte, 
cf.  ^  propos  d'un  duché  de  J^oussillon  au  x'  siècle,  dans  T^uscino,   1913. 

(2)  On  admet  généralement  que  le  mot  d'assez  mystérieuse  origine  Cata- 
logne provient  d'une  forme  hypothétique,  Gotholania,  ce  qui  donnerait  aux 
Gçthi  de  nos  textes  un  rôle  capital  dans  le  Principat. 


—  53  — 

d'avance  toute  possibilité  de  fusion  avec  l'Aragon,  de  même 
l'individualité  du  Roussillon  et  de  la  Cerdagne,  conservée  au 
ix'  siècle,  s'affirme  à  l'égard  du  Principat.  Malgré  la  communauté 
de  langue,  de  civilisation  et  de  vicissitudes  politiques,  le  titre 
comtal  de  T^oussillon  et  Cerdagne  subsiste  et  se  perpétue,  au  lieu 
de  s'absorber,  comme  les  autres  titres  comtaux  de  la  Marche, 
dans  le  titre  comtal  barcelonais. 

Comment  le  T^oussilhn  devint  catalan,  c'est  donc  ce  que  les  faits 
dûment  interprétés  permettent  de  comprendre,  et,  du  même  coup, 
il  est  aisé  de  saisir  dans  quelle  mesure  il  le  devint,  car  il  appa- 
raît nettement  pourquoi  et  de  quelle  manière  le  Roussillon  a  pu 
sauvegarder,  à  travers  les  siècles,  cette  originalité  propre  dont 
l'avait  doté  l'histoire  et  par  quoi,  demeurant  catalan,  il  n'a  pas 
cessé  d'être  roussillonnais. 

J.  Calmette, 
'  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres 

de  l'Université  de  Toulouse. 


NÉCROLOGIE 

C'est  avec  un  profond  regret  que  nous  avons  appris,  le  mois 
dernier  —  19  février  —  la  mort  de  M.  Justin  Pépratx,  notaire 
à  Perpignan.  Il  était  venu  à  nous  en  1910,  et  depuis  lors  il  s'in- 
téressait beaucoup  à  notre  Société  et  à  notre  T^evue  Catalane. 
C'était  d'ailleurs  un  esprit  très  ouvert  aux  choses  de  la  pensée. 
Il  s'était  surtout  adonné  à  l'art  musical,  en  lequel  il  excellait  par- 
ticulièrement. ]]  fut  l'un  des  fondateurs  de  VEstudianrina  perpi- 
gnanaise,  dont  il  devint  le  directeur  apprécié  de  tous.  Notre 
défunt  confrère  était  de  race.  Son  père,  Justin  Pépratx,  est  le 
traducteur  de  VJftlantide  du  grand  génie  catalan,  Mossen  Cinto 
Verdaguer  ;  il  a  ainsi  beaucoup  contribué  a  vulgariser  les  œuvres 
de  l'immortel  chantre  de  la  terre  catalane,  le  «  Père  de  notre 
renaissance  catalane  ». 

A  tous  ceux  que  la  perte  de  notre  regretté  confrère  laisse 
aujourd'hui  dans  un  deuil  si  profond,  la  Société  d'Etudes  Cata- 
lanes adresse  ses  biens  sincères  condoléances. 


Chroniqueurs  et  Historiens  Catalans 

des  Xlir  ^  XIV^  siècles  ) 

1 
L'Ecole  historique  de  Ripoll 

Le  monastère  de  Sainte-Marie  de  Ripoll,  qui  fut  le  panthéon 
des  Comtes  de  Barcelone,  fur  aussi  le  berceau  de  l'historiographie 
catalane.  Dès  les  premières  années  du  xi'  siècle,  l'un  des  abbés, 
le  célèbre  Oliva,  y  avait  organisé  une  bibliothèque  et  un  scriplo- 
rium  où  les  moines  rédigeaient  jour  à  jour  des  notes  annalistiques 
concernant  les  faits  et  aestes  des  comtes  catalans. 

Ces  notes  nous  sont  parvenues  sous  la  forme  de  deux  chroni- 
ques :  le  Chronicon  7{ivipuilense  (Chronique  de  Ripoll)  (2)  et  les 
Gesta  Comilum  Barcinonensium  (Gestes  des  Comtes  de  Barcelone)  (3). 

(i)  Cambouliu  (F.-R.),  Essai  sur  l'histoire  de  la  littérature  catalane... 
Deuxième  édition,  Paris,  Durand,  i858,  in-8°  ;  — Tourtoulon  (Ch.  de), 
Jacme  i"  le  Conquérant,  roi  d'Aragon,  comte  de  "Barcelone ,  seigneur  de  Mont- 
pellier, d'après  les  Chroniques  et  les  documents  inédits.  "Première  partie  :  la  jeu- 
nesse de  Jacme  le  Conquérant.  Montpellier,  Gras,  i863,  in-8°  ;  —  Ticknor 
(G.),  Jiistoire  de  la  littérature  espagnole. . .  traduite  de  l'anglais  en  français  pour 
la  première  fois...  par  J.-G.  Magnabal.  Paris,  A.  Durand,  1864,  3  vol. 
in-8°  ;  t.  I,  ch.  xvi  :  —  Baret  (Eugène),  Les  troubadours  et  leur  influence  sur 
la  littérature  du  midi  de  l'Europe  avec  des  extraits  et  des  pièces  rares  et  inédites. 
Paris,  Didier  et  C",  1867,  in-16;  — Massô  Torrents  (Jaume),  Tiistorio- 
grafia  de  Catalunya  en  català  durant  l'época  nacional,  dans  la  7(evue  hispanique, 
t.  XV  (année  1906),  pp.  486-613  ;  —  Rusio  y  Lluch  (Antoni),  Documents  per 
l'historia  de  la  cultura  calalana  mtgeval.  Institut  d'Estiidis  Catalans,  Palau  de 
la  Diputacio,  Barcelona,   1908,  gr.  in-4°. 

(2)  Inséré  par  le  P.  Villanueva  dans  son  Tiaje  literario  a  las  iglesias  de 
Espana,  t.  v,  pp.  241-249. 

(3)  Insérés  par  Baluze  en  appendice  dans  le  Marca  hispanica,  col.  537- 
58o,  d'après  un  manuscrit  provenant  de  Ripoll,  aujourd'hui  à  la  Bibliothè- 
que Nationale  de  Paris  (fonds  latin,  n°  5941  ).  —  M.  Barrau-Dihigo  a 
retrouvé  des  fragments  inédits  des  Gesta  ;  il  les  a  publiés  dans  la  J{evue  his- 
panique de  l'année  1902,  t.  ix  de  la  collection. 


—  55  — 

Le  Chronicon  s'arrête  à  l'année  1191  ;  les  Gesia  se  poursuivent 
jusqu'à  l'année  1299.  Les  Gesla  laissent  moins  de  place  à  la 
légende  que  le  Chronicon,  et  ils  ont  joui  d'une  grande  faveur 
auprès  des  bons  historiens  du  Principat,  qui,  comme  Bernât  Boa- 
des  (commencement  du  xv'  siècle),  les  utilisèrent  avec  profit. 

Les  deux  chroniques  sont  en  latin,  mais  il  existe  une  version 
catalane  des  Gesia  faite  probablement  dans  les  dernières  années 
du  xiiT  siècle,  du  moins  pour  toute  la  partie  qui  va  jusqu'à  la 
mort  de  Jacques  le  Conquérant,  en  1276.  On  en  possède  quatre 
manuscrits  dont  deux  sont  conservés  aux  Archives  municipales  de 
Barcelone  (j).  La  version  catalane  des  Gesia  n'a  jamais  été  impri- 
mée. Elle  suit  de  très  près  le  texte  latin,  avec  des  variantes  assez 
insignifiantes  dans  les  manuscrits.  Elle  commence  ainsi  : 

«  Del  Casiell  d'Ariia,  que  es  en  Caialunya  en  lerriiori  de  Comfleni, 
cosia  h  flum  que  es  apellat  Tei,  era  un  cavalier  rich,  bon  d'armes  e 
de  gran  conseyl,  per  nom  Guiffre  (2)  « .  D'après  les  Gesia,  ce  Guif- 
fre,  que  nous  appelons  Joffre  d'Arria,  fut  le  premier  comte  de 
Barcelone,  mais  tout  ce  qu'ils  en  rapportent  paraît  être  légendaire  ; 
il  n'en  est  pas  de  même  de  ce  qu'ils  disent  de  son  prétendu  fils 
Guifïre  ou  Joffre  lo  Pelos,  qui  fut  le  véritable  fondateur  de  la 
maison  comtale  de  Barcelone. 

Vers  i'éooque  où  l'un  des  moines  de  Ripoll  traduisait  les  Gesia 
en  langue  vulgaire,  «  en  romans  »,  comme  on  disait  alors,  Père 
Ribéra  de  Peroeja  composait  dans  la  même  langue  une  Croniqua 
de  Espanya,  adaptation  de  ia  Chronique  latine  de  l'archevêque 
Rodrigue  de  Tolède,  mort  en  1247  (3).  Ribéra  l'avait  augmentée 
de  certains  détails  relatifs  à  l'Aragon  et  à  la  Catalogne  que 
Rodriguez  avait  négligés. 

(i)  Voyez  à  ce  sujet  YTiisioriografia  de  M.  Massô  Torrents,  pp.  493- 
498. 

(2)  Texte  latin  des  Gesla  :  «  Temporibus  siquidem  retroactis  fuit  quidam 
nulles  nomine  Guifredus  de  villa  quae  dicitur  Arrianum,  quae  est  sita  in  terri- 
torio  Confluente,  juxta  amnem  qui  vocatur  Thetis.  Hic  miles  divitiis,  armis 
et  consilio  opinatissimus...  m 

(3)  La  Croniqua  de  Espanya  est  inédite  ;  le  manuscrit  qui  nous  l'a  conservée 
est  à  la  Bilbiothèque  Nationale  de  Paris.  M.  Alfred  Morel  Fatio  l'a  vague- 
guement  signalé  dans  son  Catalogue  des  manuscrits  espagnols  et  portugais  de  ce 
dépôt,  n°  41  ;  M.  Massô  Torrents  (loco  cit..  pp.  498-502)  en  a  donné  une 
intéressante  description. 


—  5b  — 

On  peut  encore  citer,  de  la  même  époque,  une  traduction  cata- 
lane de  la  Chronique  latine  dite  de  Marti  de  Troppau,  dont  le 
manuscrit  est  à  la  Bibliothèque  Saint-Laurent  de  l'Escurial. 

Tous  ces  essais  indiquent  les  efforts  faits  par  quelques  lettrés 
pour  élever  la  littérature  catalane  jusqu'à  l'histoire  ;  ils  montrent 
que  l'historiographie  en  langue  vulgaire  n'était  pas  chose  nouvelle 
en  Catalogne  lorsque  Jacques  1"  prit  Ja  plume  pour  rédiger  ses 
«  Mémoires  »  ;  mais  la  littérature  catalane  ne  naîtra  véritablement 
qu'avec  le  livre  de  cet  illustre  et  royal  écrivain. 


]] 

La  Chronique  de  Jacques  I"  le  Conquérant 

Le  fils  de  Pierre  II  «le  Catholique  »  et  de  Marie  de  Mont- 
pellier n'avait  que  six  ans  lorsque  son  père  mourut  à  l'échauffourée 
de  Muret  en  121 3.  Délivré  des  mains  de  Simon  de  Montfort, 
affranchi  de  la  tutelle  du  Grand  Maître  du  Temple,  auquel 
l'avaient  confié  les  Corh  de  Lleyda,  et,  en  dernier  lieu,  de  la 
régence  de  son  oncle  Sanxo,  Jacques  1"  soumit  la  noblesse  arago- 
naise  rebelle  à  son  autorité,  mit  ainsi  fin  aux  luttes  intestines  qui 
agitaient  le  royaume  d'Aragon,  se  maria,  en  1221,  avec  Eiéonore, 
fille  d'Alphonse  VI 11  de  Castille,  et  prit  hardiment  les  rênes  du 
gouvernement. 

Ce  prince  illustra  son  nom  par  ses  éclatantes  prouesses  et  sa 
bravoure  militaire  qui  trouvèrent  un  heureux  complément  dans 
son  remarquable  talent  d'organisateur  et  de  législateur.  La  posté- 
rité a  donné  le  surnom  de  «  Le  Conquérant  »,  Lo  Conqueridor,  à 
ce  grand  roi  d'Aragon  qui  enleva  successivement  aux  Sarrasins 
Majorque,  "Valence  et  Murcie. 

C'était  «  lo  pus  belî  princep  del  mon,  e  lo  pus  savi,  e  lo  pus  gra- 
cias, e  lo  pus  drelurer,  e  cell  qui  fo  mas  <fmat  de  rotes  genls,  axi  dels 
seus  sotmesos  com  d'attres  eslranys  e  privades  genls,  que  rey  qui 
hanch  fos  ( i )  ». 

Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  Jacques  1"  écrivit  une  chro- 
nique ou  commentaire  des  principaux  événements  de  son    règne. 

(i)  Chronique  de  Ramon  Muntaner,  ch.  vu. 


-57- 

C'est  une  belle  oèuvfe  littéraire,  écrite  dans  un  style  simple  et 
vigoureux  qui,  sans  prétention  à  l'élégance,  nous  met  sous  les 
yeux  les  événements  avec  un  air  de  vivante  réalité  (i). 

Le  livre  est  divisé  en  quatre  parties.  La  première  porte 
sur  les  troubles  qui  ont  suivi  son  avènement  au  trône  après  une 
longue  minorité,  sur  la  reprise  de  Majorque  et  de  Minorque 
sur  les  Sarrasins,  de  1229  à  j 2 33  ;  la  seconde  roule  sur  la 
conquête  du  royaume  de  Valence,  définitivement  vaincu  en  1239, 
de  sorte  que  les  mécréants  détestés  n'eurent  jamais  plus  un 
établissement  solide  dans  la  partie  nord-est  de  la  Péninsule  ;  la 
troisième  traite  de  la  guerre  que  le  roi  d'Aragon  poursuivit  à 
Murcie  jusqu'en  i  266  pour  le  compte  et  au  bénéfice  de  son 
parent  Alphonse  le  Sage,  roi  de  Castille  ;  enfin,  la  dernière  par- 
tie expose  les  ambassades  que  Jacques  reçut  du  khan  de  Tartarie 
et  de  Michel  Paléologue,  empereur  de  Constantinople,  sur  les 
tentatives  de  Jacques  lui-même,  en  1  268,  pour  conduire  une  expé-  , 
dition  en  Palestine,  expédition  qui  fut  détruite  par  la  tempête. 
L'histoire  se  continue  jusqu'à  la  fin  de  son  règne  par  de  courtes 
notices  qui,  excepté  la  dernière,  présentent  le  caractère  d'une 
autobiographie  (2). 

Une  lecture  attentive  et  suivie  de  la  Chronica  donne  bien  l'impres- 
sion que  le  roi  écrivait  de  mémoire,  tant  il  y  a  de  charmante  sim- 
plicité dans  le  récit  de  ses  souvenirs  et  de  ses  conversations  d'antan. 
11  dit,  à  un  endroit,  que  «  Tlquesi  libre  es  aylaî  que  coses  de  menude- 

())  La  première  édition  de  la  Chronica  de  Jacques  l"est  celle  de  Valence, 
année  1557.  Elle  est  devenue  très  rare.  On  trouve  plus  facilement  celle  qu'a 
publiée  M.  Marian  Aguilo  y  Fuster  en  1873  avec  ce  titre  :  Cronica  0  comen- 
taris  del  gloriosissim  e  invictissim  rey  en  Jacme  primer,  rey  Darago,  de  Mallor- 
ques  e  de  Yalencia,  compte  de  Barcetona  e  de  Montpesler,  Diclada  per  aquell  en 
sa  Uengua  nalural,  e  de  nou  feyta  estampar  per  Marian  Jlguilô  y  Fuster.  Bar- 
ceîona,  any  m.dccc.lxxiii.  C'est  l'édition  que  j'ai  suivie  pour  les  citations. 

En  1905.  M.  Ferrer  y  Vidal  a  donné  une  édition  populaire  de  la  Chro- 
nica royale,  en  deux  volumes,  formant  le  premier  et  le  second  d'une  Biblio- 
teca  Classica  Catalana. 

(2)  Lors  de  son  voyage  à  Lyon,  le  roi  Jacques  accompagné  de  son  fils 
Pierre,  s'arrêta  à  Perpignan  :  «  E  quan  fom  a  Gerona  l'infant  en  P.  [«re| 
fiyl  nostre  convidans  lo  dia  de  Paschua  a  Torroela,  e  ali  cstiguem  ab  ell. 
Puys  exim  dali,  e  anam  nos  ne  ves  Perpinya,  e  ell  seguins  tro  la  ;  e  aqui 
manamli  que  sen  tornas.  E  nos  anam  nosen  vcs  Montpcylcr.  e  aqui  esti- 
guem  VIII  dies,   puys  metem  nos  en  cami  ».  (Chronica,  éd.  Aguilo,  p.  5o4J. 


—  58  -• 

ries  no  y  deu  hom  melre  w.Ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  nous  donner 
souvent  des  détails  intimes  sur  sa  personne,  par  exemple  quand  il 
nous  informe  que  pendant  le  siège  de  Valence  il  souffrait  des 
yeux  :  «  E  nos  lavores  haviem  mal  ah  uyls,  e  noîs  podiem  obrir  menys 
d'aygua  calda  quels  nos  lavavem  (i)  ».  Ailleurs,  il  nous  dit  com- 
ment il  a  supporté  la  faim  et  la  soif,  comment,  un  jour,  un  Sar- 
rasin lui  fit  présent  de  raisins  qui  «  eren  aylals  quels  aduyen  en 
sachs  e  nos  irencaven  ne  s'afolaven  ». 

Son  âme  sensible  se  révèle  dans  plusieurs  circonstances.  Au 
moment  de  lever  le  camp  du  Puig  de  la  Cebolla  pour  retourner  à 
Burriana,  le  roi  s'aperçut  qu'une  hirondelle  avait  construit  son 
nid  dans  sa  tente  ;  il  défendit  de  l'enlever  jusqu'à  ce  que  la  bes- 
tiole s'en  fût  allée  avec  ses  petits,  puisqu'elle  avait  mis  sa  con- 
fiance en  lui  :  «  E  quan  vench  quen  volguem  levar  la  osl,  una  orenela 
havia  feyi  niu  prop  de  la  escudela  en  lo  tendal,  e  manam  que  no  levas- 
sen  la  tenda  Iro  que  ella  sen  fos  anada  ab  sos  fiyls,  pus  en  nosha  fe 
era  venguda  »  (2). 

Le  roi  avait  quelquefois  le  mot  pour  plaisanter.  Lorsqu'il  arriva 
devant  Valence  pour  en  faire  le  siège,  l'un  de  ses  conseillers  de 
la  noblesse  proposa  au  roi  de  s'emparer  d'abord  des  villages 
environnants,  mais  son  avis  était  de  prendre  la  ville  tout  de 
suite  :  «  y^xi,  disait-il,  haurem  la  galina  e  puys  los  poleis  (3)  ».  Un 
autre  jour  que  ces  mêmes  conseillers  lui  faisaient  compliment  de 
ce  qu'il  savait  pénétrer  les  desseins  de  l'ennemi,  il  leur  fit  cette 
réponse  :   «  Yal  mes  qui  ho  devina  que  qui  ho  cerca  » . 

L'écrivain  et  le  poète  se  montrent  à  chaque  pas  dans  la  Chro- 
nica.  L'évocation  de  la  flotte  réunie  dans  le  port  de  Salou  pour 
aller  à  l'attaque  de  Majorque  lui  dicte  cette  jolie  phrase  :  «  E 
quan  viren  los  de  Tarragona  els  de  Cambrils  que  lesiol  movia  de 
Salou  fer  en  vêla,  e  faya  ho  bel  veer  a  aquells  que  romanien  en  terra 
e  a  nos,  que  iota  la  mar  semblava  blancha  de  les  vêles,  ian  era  gran 
lestol  {4)  ».  Mais  bientôt  la  flotte  est  assaillie  par  une  bourrasque  : 
«  E,  quan  fo  entre  ora  nona  e  vespres,  enforiis  la  mar  pel  creximeni  del 

(1)  Chronica,  édition  Aguilô,  p.  298. 

(2)  Ibidem,  p.  258. 

(3)  Ibidem,  p.   288. 

(4)  Ibidem,  p.  90. 


-   59  - 

vent,  e  feu  iania  de  mar  que  en  la  lerça  pari  de  la  galea  de  pari  de 
proa,  que  passava  dessus  la  aygua  de  les  grans  ondes  de  la  mar  canl 
venien  (3)  ». 

Le  beau  temps  revint,  mais  ne  fut  pas  de  longue  durée  : 

E  quant  vench  a  la  mija  nuyt  vim  entre  naus  e  galeas  e  tarides  be.  xxx. 
tro  en  xl.  E  faya  bêla  luna,  e  vench  nos  i.  oreg  de  vent  de  part  de  garbi,  e 
dixemlos  nos  que  ab  aquel  poriem  anar  à  Polença,  que  aixi  era  estât  acordat 
quel  estol  arribas  a  Polença,  E  faem  vêla,  e  aixi  con  la  vaeren  fer  a  nos,  fae- 
renla  aquels  qui  pogueren  veer  la  nostra  vêla  qui  eren  en  aquela  mar  en  que 
nos  erem.  E  nos  que  anavem  ab  aquela  bonança,  e  ab  aquel  dolç  temps 
que  haviem,  vench  una  nuu  contra  vent  de  Proença,  e  dix  i.  mariner 
de  la  galea,  en  Bgn.  Gayran  per  nom,  qui  era  comit  :  Nom  afaut  daquela 
nuu  que  veg  de  part  de  vent  de  Proença.  E  ell  mana  que  estiguessen  los 
mariners  apparaylats  los  uns  à  la  puja.  los  altres  a  la  orça  de  popa  els 
altres  a  la  orça  de  proa.  E  quant  ach  ordenada  sa  galea,  que  estiguessen 
apparaylats,  vench  lo  vent  de  sobre  part  de  la  vêla,  e  al  venir  del  vent 
crida  1  comit  :  cala,  cala  !  E  les  naus  e  els  lenys  que  venien  entorn  de 
nos  foren  en  gran  enbarch  e  en  gran  pena  decalar.  E  havia  gran  crida  entre 
els,  car  lo  vent  los  vench  soptosament,  car  era  bel  nuu.  E  calam  nos,  e  tots 
los  altres,  e  feu  mala  mar  que  referia  aquest  vent  a  la  Proença  al  vent  de 
libeig  que  feyt  havia.  E  totes  les  naus,  e  les  galees,  e  els  lenys  que  eren 
entorn  de  nos  e  en  lestol  estigueren  a  arbre  sech.  E  daquel  vent  a  la  Proença 
feu  mala  mar,  e  nuyl  hom  en  la  galea  en  que  nos  erem  no  parlava  ne  deya 
re,  e  estaven  tuyt  suau  ;  e  anaven  los  lenys  en  roda...  »  (al 

(  1  )  Ibidem,  p.  92. 

,(2)  Et  quand  il  fut  minuit  nous  vîmes  jusqu'à  trente  ou  quarante  vaisseaux 
entre  nefs,  galères  ou  tartanes.  Il  faisait  un  beau  clair  de  lune.  Alors  vint 
un  coup  de  vent  de  garbi,  et  nous  comprîmes  que  grâce  à  lui,  nous  pour- 
rions arriver  à  Pollença,  car  il  avait  été  décide  que  nous  aborderions  à  cet 
endroit.  Notre  galère  fit  voile,  et  toutes  les  galères  qui  étaient  en  cette  mer 
firent  voile  aussitôt  qu'elles  purent  voir  la  nôtre.  Et  pendant  que  nous 
marchions  avec  ce  beau  temps  et  cette  douce  bise,  une  nuée  se  forma  contre 
vent  de  Provence,  ce  qui  fit  dire  à  un  marin  de  notre  galère,  Berniguer  Gay- 
ran, qui  en  était  le  capitaine  :  «  Je  me  méfie  de  ce  nuage  que  je  vois  venir  du 
côté  du  vent  de  Provence  ».  Et  il  ordonna  que  les  mariniers  se  tinssent  prêts, 
les  uns  à  la  proue,  les  autres  au  château  de  poupe.  Et  quand  il  eut  ainsi 
ordonné  sur  la  galère  que  chacun  se  tint  prêt,  le  vent  prit  la  voile  par  des- 
sus, et,  en  voyant  le  vent  venir  ainsi,  le  capitaine  cria  :  Cargue  !  cargue  ! 
Et  les  navires  et  les  bateaux  qui  étaient  autour  de  nous  furent  en  grand 
embarras  et  en  grande  peine  de  carguer  les  voiles,  et  il  y  avait  grands  cris 
entre  eux,  car  le  vent  vint  à  l'improviste,  et  le  nuage  était  grand.  Et  nous 
carguàmes  les  voiles  ainsi  que  tous  les  autres,  et  la  mer  fut  mauvaise,  parce 
que  ce  vent  de  Provence  lutta  contre  le  vent  de  llabeig  qu'il  faisait  déjà.  Et 


—  6o  — 

Alors  Jacques  se  tourna  vers  Notre-Seigneur  et  sa  Mère  et  Itur 
adressa  une  touchante  prière  ;  il  abandonna  le  projet  primitif  de 
débarquer  à  PoUenza,  et,  sur  le  conseil  de  Bérenguer  Gayran, 
capitaine  de  sa  galère,  le  roi  donna  ordre  d'aborder  sur  un 
point  tout  opposé,  c'est-à-dire  au  port  de  la  Palomera. 

Le  roi  Jacques  i"  a  été  compté  quelquefois  au  nombre  des 
poètes  de  son  siècle  ;  il  est  possible  qu'il  en  soit  réellement  ainsi 
quoique  aucune  de  ses  poésies  ne  nous  ait  été  conservée  ;  mais  sa 
vraie  poésie  est  semée  un  peu  partout  dans  sa  Chronica,  ainsi 
qu'on  a  pu  le  voir  par  les  quelques  extraits  que  nous  en  avons 
donnés.  Ses  descriptions  offrent  souvent  un  relief  pittoresque  et 
une  vivacité  de  coloris  que  bien  des  poètes  en  vers  n'ont  pas 
égalés. 

Ses  jugements  sur  les  personnes  étaient  aussi  justes  que  courts. 
D'un  mot  il  caractérise  ses  sujets  d'Aragon  ;  «  dura  geni  a  entendre 
la  rao  »  ;  les  Castillans  ((son  de  gran  ufana  e  erguyloses  »  (i). 

11  parle  avec  franchise  et  humilité  des  premières  années  de  son 
règne,  époque  où  «  nous  étions  incapable,  dit-il,  de  donner  conseil 
à  autrui  ni  à  nous-même  »,  que  no  haviem  aqueî  seny  que  sabessem 
dar  conseyl  a  nos  ne  a  altry  (2).  Mais,  c'est  avec  un  accent  de 
noble  orgueil  qu'il  rappelle  le  souvenir  de  son  père  tué  à  Muret: 
«  E  aqui  mort  nostre  pare,  car  axi  ho  ha  usai  nosfre  liynaige  toîz  temps 
que  en  les  batayles  quels  an  jeytes  ne  nos  farem,  de  vençre  0  morir  »  (3). 

Le  royal  chroniqueur  excelle  surtout  dans  la  préparation  ou  la 
description  d'une  bataille.  La  prise  de  Majorque,  la  conquête  de 
Valence  sont  des  récits  faits  avec  ordre,  clarté  et  vivacité,  reflé- 
tant l'impression  toute  fraîche  des  événements.  Dans  les  circons- 
tances douteuses,  il  écoutait  l'avis  de  ses  conseillers,  mais  lorsqu'il 
avait  arrêté  une  résolution  il  était  inflexible.  Un  jour  qu'il 
avait  décidé  de  s'emparer  de  la  ville  de  Borriana,  on  voulut  l'en 

toutes  les  nefs  et  bateaux  qui  étaient  autour  de  nous  et  dans  la  flotte  se  sou- 
tinrent à  mât  sec.  Et  ce  vent  de  Provence  faisait  la  mer  mauvaise  ;  et  nul 
homme  dans  la  galère  où  nous  étions  ne  parlait  ni  ne  disait  rien  ;  ils  restaient 
hébétés  et  silencieux.  Et  tout  les  bâtiments  tournaient  en  rond  ».  {Chronica, 
éd.  Aguilô,  p.   94j. 

(i)  Chronica,  éd.  Aguilô,  p.   196. 

(2)  Ibidem,  p.  23. 

(3)  Ibidem,  p.  18. 


-   6i   — 

dissuader  ;  mais  lui  se  récria  fort,  disant  qu'il  appellerait  auprès 
de  lui  des  hommes  de  confiance  qui  l'aideront  à  mener  à  bout  son 
entreprise:  <(  E  aixis,  ajoutait-il,  penirem  Burriana  a  pesar  del 
"Diable  e  deîs  mais  homens  quens  conseylen  mal  » . 

Partout  il  se  fit  remarquer  par  l'activité,  le  sang-froid,  l'intré- 
pidité qu'il  déployait  en  toute  occasion,  et  l'on  a  déjà  vu  que  ses 
conseillers  le  félicitaient  de  la  façon  dont  il  dépistait  les  projets 
des  Sarrasins. 

Jacques  i"  le  Conquérant  protégea  les  troubadours,  et  les  trou- 
badours, à  leur  tour,  lui  décernèrent  des  éloges  et  l'honorèrent 
dans  leurs  écrits.  Ce  prince,  qui  passa  la  moitié  de  sa  vie  sur  les 
champs  de  bataille,  faisait  plus  de  cas  d'un  savant  que  d'un  cheva- 
lier. Au  moment  où  il  engageait  des  négociations  avec  le  gouver- 
neur de  Xativa  pour  la  reddition  de  la  place,  celui-ci  envoya 
un  messager  au  roi  d'Aragon  ;  c'était  «  un  savi  moro  qui  havia  nom 
Tllmosoys,  e  era  el  pus  savi  de  Xaiiva  e  dels  meylors  homens  »,  Le 
roi  le  reçut  avec  les  marques  de  la  plus  grande  considération  et 
lui  dit  :  «  AlmosoMS,  vos  sots  savi  hom,  e  sembla  ho  per  dues  coses  : 
la  una  per  la  fama  que  nhavels,  e  l'altra  per  que  wosîral  be  vosira 
rao  »  (i). 

Jacques  le  Conquérant  fut  le  véritable  fondateur  de  la  puis- 
sance et  de  la  nationalité  catalanes,  et,  en  se  servant  de  l'idiome 
catalan  pour  écrire  sa  Chronique,  il  le  mit  en  honneur  et  en  fit, 
en  quelque  sorte,  la  langue  nationale  du  royaume  d'Aragon.  La 
littérature  catalane  était  fondée. 

(M, suivre)  Pierre  Vidal. 

(i)  Chronica,  éd.  Aguilô,  p.  36i. 


Notre  Bureau 

Le  Bureau  de  notre  Société  vient  d'être  ainsi  complété  : 
Président:  M.  Pierre  Vidal,  bibliothécaire  de  la  Ville  ;  Vice- 
présidents  :  MM.  le  chanoine  Bonafont.  félibre  majorai,  curé- 
doyen  d'Ille-sur-Tet,  Gustave  Violet,  Louis  Pastre  ;  Secréjaire 
général  :  M.  Joseph  Calmette,  de  l'Université  de  Toulouse  ; 
Secrétaire  adjoint  et  directeur  de  la  1{evue  :  M.  l'abbé  Jean  Sar- 
rète  ;  Trésorier  :  M-   P.  Francis  ;   Archiviste  :  M.  Ch.  Grando. 


L*""  Adagio  "*  dans  la  nuit 

L'Adagio  du  clair  de  lune...  Tout  s'est  tu. 
L'orchestre  est  là,  sur  la  terrasse  qu'on  devine, 
Le  violon  prélude  et  s'exalte  en  sourdine  ; 
c'est  l'âme  de  la  nuit  qui  sanglote.  Entends-tu 
La  voix  de  Beethoven  glisser  dans  les  glycines? 

Nuit  pathétique!  Nuit  divine!  L'on  dirait 
que  les  notes  sont  de  l'extase  qui  se  pose... 
Le  rêve  de  mon  coeur,  l'archet  du  virtuose 
communient  en  l'ardeur  du  grand  jardin  secret 
La  voix  de  Beethoven  passe  parmi  le  roses. 

Les  lumières  se  sont  éteintes  une  a  une... 
Le  parc  est  bleu.  Pas  une  brise,  je  suis  seul 
La  lune  est  un  frisson  d'argent  sur  les  tilleuls  ; 
et  dans  le  jet  d'eau  clair  qui  monte  vers  la  lune, 
ia  voix  de  Beethoven  pleure  sur  les  glaïeuls. 

A  Ibert  Bausil, 
Vernet-les- Bains,  septembre  1919. 


Les  cartes  de  la  gitana 


PAGES  CHOISIES 


De  tant  en  tant  hi  anava  alguna  xicota  a  ferse  tirar  les  cartes, 
laquai  amb  atenciô  religiosa  escoltava  )o  que  li  deia  aquella  dona, 
que  no  ténia  altre  objecte  que  cobrar  els  vint  o  trenta  centims 
que  feia  pagar.  També  hi  anaven  dones  molt  pobres,  de  les  que 
cujlen  papers  o  arrepleguen  fems.  An  aquestes  sempre  'Is  ténia 
de  dir  el  secret  d'un  trésor,  i,  pobretes,  daven  els  seus  pocs 
diners  a  cambi  d'una  falaguera  prometença  d'estar  millor. 

La    manera   que    ténia    de    tirar   les    cartes  era  '1  mes  conegut. 


L**" Adagio"*  dins  la  nit 

Es  l'Adagio  del  clar  de  Uuna...  Calma  y  oblit. 
Aquî  l'orquestra,  en  la  miranda  s'endevina  : 
el  violi  preludia,  espletint-se  a  sordina  ; 
es  l'anima  de  la  nit  que  plora  !   No  ets  ohit 
la  veu  de  Beethoven  llisar  per  les  glicines  ? 

Nit  exceisa  v  divina  î  En  l'ecstàtich  secret, 
cada  nota  voleja  y  com  una  aie  's  posa. 
El  somni  de  mon  cor  y  del  mestre  l'arquet 
combreguen  en  i'encantament  del  jardî  quiet  : 
La  veu  de  Beethoven  escallimpa  les  roses! 

Els  llumenets  se  son  aclucats  ells  per  ells  : 
blau  es  lo  parch,  y  ni  una  fressa,  y  solet  fora. 
La  lluna  es  una  vibraciô  de  plata  en-mitg  dels  tells, 
y'n  lo  sait  d'aygua  clar  que  vers  ella  s'arbora, 
la  veu  de  Beethoven  sobre  dels  glàdis  plora  I... 

Traducciô  catalana  de 

Caries  Grandô. 


fiantse  mes  de  les  paraules  que  s'inventava  que  de  lo  que  represen- 
taven  les  cartes.  Feia  quatre  piles,  treia  una  carta  de  cada  pila, 
i  les  quatre  les  remenava  sensé  que  les  vegés  la  que  consultava,  i 
amb  la  ma  esquerra  la  destapava.  Si,  per  exemple,  era  '1  dos  de 
bastos,  volia  dir  que  sobria  la  mort  d'una  persona  que  estimava 
molt  ;  si  era  '1  cinc  d'espases,  que  '1  marit  o  el  promès  li  era  infi- 
del  ;  si  la  sota  d'oros,  petit  disgust  ;  si  '1  rei  de  copcs,  disgust 
per  celos.  Entre  aquestes  i  moites  altres  combinacions  endevi- 
nava  lo  que  tenien  interès  en  saber. 

J.  V.  CoLOMiNAs,  Soia  Montjuic. 


Notre-Dame  de  Bellocb 
^  le  Couvent  des  Capucins  d*Elne 

(SUITE) 

Cependant,  malgré  l'échec  des  Capucins,  et  pour  des 
causes  que  nous  ignorons,  les  pourparlers  avec  les  Carmes 
déchaussés  ne  reçurent  aucune  solution  et  le  projet  n'eut 
pas  de  suite. 

La  question  resta  ainsi  enterrée  pendant  plusieurs  années, 
jusqu'au  moment  où  de  nouvelles  propositions  de  retour 
se  produisirent  de  la  part  des  Capucins,  en  1697;  elles 
furent  cette  fois  mieux  accueillies,  et  nous  voyons,  à  la  date 
du  14  avril  de  la  dite  année,  cette  délibération  : 

Es  estât  resolt  que,  attes  que  los  Pares  Caputxins  tenen  desitg 
de  tornar  a  continuar  sa  residencia  a  Elna,  y  efectivament  séria 
un  gran  consuelo  (sic)  spiritual  per  los  habitants  de  Elna,  que  per 
ara  los  Magnif.  Consols  hi  fassen  las  diiigencias  necessarias  tant 
ab  Mons"  lo  Bisbe  com  ab  lo  S"  Intendant  y  ab  qui  convinga, 
sens  empero  reduhir  cosa  per  escrit  ;  y  quant  dits  Pares  Caput- 
xins vindran,  lo  Conseil  tractara  de  fer  tôt  lo  que  se  podra  y 
sera  necessari  per  la  facilitât  y  la  comodStat  de  llur  residencia, 
de  casa,  iglesia  y  provisions,  com  dei  demes  ;  y  que,  per  ara,  nos 
junta  Conseil  gênerai. 

Mais  il  devait  falloir,  pour  aboutir,  encore  bien  du  temps 
et  bien  des  négociations,  ainsi  que  le  montrent  les  dates 
successives  des  délibérations  suivantes  : 

Dii  1  3  janvier  1700  : 

Es  estât  proposât  per  lo  Magnif.  Hyacinto  Vaquer,  doctor 
en  medecina,  que  ten  rebuda  una  carta  del  Pare  Agatangel  de 
Labau,  religios  Caputxin  conventual  à  Vinsa,  ab  laquai  insinua  lo 
bon  efecte  y  aficio  ten  a  esta  Ciutat  y  lo  desitg  ten   de  redificar 


—  65  — 

lo  Convent  démolit  de  dits  Pares  Caoutxins,  y  que  marca  de  son 
bon  zel  es  que  ten  ja  la  permissio  de  venir  ab  religiosos,  si  la 
Ciutat  ne  es  contenta  ;  y  que  convindria  presentar  los  una  requesta 
per  demanar  los  que,  fent  élis  las  obligacions  acostumaven  fer,  la 
Ciutat  fara  lo  que  antes  ténia  acostumat  fer  y  donar. 

Laquai  proposicio  ohida,  es  estât  resolt  que  responga  al  dit 
S"  religios  Pare  Agatangel  de  Labau  que  la  Ciutat  ten  molt  desig 
de  tenir  religiosos,  que  offereix  abrassar  los  quan  vindran,  los 
donara  encontinent  lo  que  acostumave  donar  en  temps  que  lo 
Cornu  ère  en  peu,  fent  élis  lo  que  acostumaven  fer,  com  son  los 
sermons  y  assistencias,  y  los  afavorira  de  tôt  lo  que  li  sera  pos- 
sible, y  en  arribar  los  abrassara  ab  lo  amor,  y  los  assistara  de 
que  podra,  y  per  liur  habitacio  y  sustento  {sic)  :  y  se  dona  a 
missio  al  dit  S"  Vaquer  de  respondre  en  conformitat  de  la  pré- 
sent resolucio. 

Du  23  octobre  1704  (1)  :  On  a  écrit  aux  Pères  Capucins, 
au  sujet  de  la  réédification  du  couvent  ;  le  Rév.  Père  Pro- 
vincial a  répondu  que  le  Chapitre  Provincial,  tenu  à  Car- 
cassonne,  a  fait  commission  au  R.  P.  Irénéc  de  Bereges 
de  se  transporter  sur  les  lieux  pour  conférer  de  cette 
affaire. 

Du  23  novembre  «704  :  Délibération  à  l'unanimité,  con- 
formément à  plusieurs  résolutions  antérieures,  que  les  reli- 
gieux viennent  le  plus  tôt  possible  : 

Il  leur  sera  donné  les  deux  livres  de  moton  pour  semaine  et 
tout  ce  que  se  acostume  donner  pour  les  sermons  de  la  Quaresme 
et  autres  acostumés,  que,  en  tout,  fait  la  somme  de  cent  livres 
Franse  par  an,  compris  la  dite  viande...  Et  pour  leur  demeure, 
en  attendant  qu'ils  puissent  rentrer  à  leur  couvent,  qui  à  présent 
se  trouve  entièrement  démoli,  leur  soit  payé  l'arrentement  d'une 
maison  commode,  le  tout  à  la  conduite  des  Consuls...  et  que  cet 
arrentement  leur  soit  donné  pour  quatre  années  seulement. 

(1)  Cette  délibération  et  les  suivantes  sont  rédigées  en  Français  (?),  en 
vertu  de  l'ordre  royal  de  1700  couché  au  registre. 


66  - 


Ils  arrivèrent  enfin.  Ils  furent  provisoirement  logés  par 
les  Consuls  dans  une  maison  contiguë  à  l'Hôpital,  dont  ils 
eurent  l'église  à  leur  disposition,  et  ils  se  mirent  à  déblayer 
leur  ancien  couvent,  où  tout  était  à  terre. 

En  1706,  la  cité  paie  des  travaux  exécutés  pour  eux. 

En  1712,  le  couvent  n'était  encore  qu'en  partie  res- 
tauré ;  mais  les  religieux  y  avaient  déjà  8  chambres,  et  ils 
avaient  établi  une  petite  chapelle  au  bas  des  locaux.  Ils  y 
entrèrent  à  cette  date. 

En  1723,  ils  y  étaient  au  nombre  de  six  (1). 

En  1728,  surgit  une  difficulté  :  Les  Capucins,  qui  étaient 
tenus,  d'après  les  accords  faits  avec  la  Cité,  de  faire  prê- 
cher à  Elne  les  sermons  de  l'Avent,  du  Carême,  des 
Quatre-Temps,  «  et  les  sermons  de  tahlet  (2)  »,  ne  purent 
fournir  aucun  prédicateur  pour  prêcher  en  catalan  ;  ils  n'en 
avaient  que  de  français  :  Ils  déclarent  donc  aux  Consuls 
qu'ils  leur  laissent  toute  liberté  pour  en  trouver  un  ;  et  les 
consuls  de  répondre  que  les  religieux  doivent,  dans  ce  cas, 
renoncer  en  due  forme  aux  100  livres  convenues  pour  leur 
prédication  (3). 

Le  29  août,  les  Consuls  en  cherchaient  un,  qui  serait 
payé  sur  les  104  livres  de  mouton  que  la  Cité  allouait  aux 
Capucins  «  à  bon  compte  de  100  livres  ». 

Il  faut  croire  qu'ils  n'en  trouvèrent  pas,  puisqu'on  leur 
voit  prendre,  le  16  juin  suivant,  la  décision  d'appliquer 
ces  104  livres  de  mouton  aux  malades  de  l'hôpital. 

C'est  en  J729   que   le    F.    Gardien   (Léon    de    Pézénas), 

(1)  Arch.  Départ.,  C.  iSîS. 

(2)  Nous  n'avons  pu  avoir  l'explication  de  ce  terme,   un  peu  extraordi- 
naire. 

(3)  Registre  de  1728.  25  janvier. 


-  07  - 
voyant  que  les  travaux  n'avançaient  pas,  adressa  à  l'inten- 
dant la  supplique  plus  haut  mentionnée.  Comme  nous  en 
avons  déjà  publié  le  texte  (i),  il  suffit  de  rappeler  ici  qu'a- 
près avoir  retracé  l'historique  du  couvent,  il  terminait  ainsi  : 
«  Mais  la  charité  des  fidèles  s'est  tellement  ralentie  que 
l'on  ne  peut  finir  le  travail.  Je  viens  supplier  votre  Emi- 
nence  de  nous  faire  aider  de  quelques  secours  :  Je  crois 
que  2000  livres  suffiront  pour  finir  la  maison  de  Dieu  et 
loger  les  pauvres  religieux.  —  A  Elne,  ce  9  octobre  1729.  » 
Le  secours  demandé  dut  être  obtenu,  car  les  travaux 
furent  achevés. 

Mais  une  tribulation  nouvelle  ne  tarda  pas  à  venir  acca- 
bler les  religieux. 

En  1734,  un  incendie  amena  de  nouveau  la  ruine  du 
couvent.    Laissons   parler  le   registre  : 

Le  26  (août),  le  couvent  des  Capucins  a  brûlé  et  a  été  entière- 
ment démoli  par  un  terrible  incendie  pendant  la  nuit.  C'est  chose 
triste  et  pitoyable,  et  il  y  a  maintenant  à  trouver  une  maison 
pour  loger  et  mettre  à  couvert  les  Rev"  Pères.  —  11  est  décidé 
qu'ils  seront  logés  dans  la  maison  des  pauvres  de  l'Hôpital,  où  il 
y  a  plusieurs  chambres  et  une  église,  et  qu'ils  acceptent.  On 
demandera  l'assentiment  de  l'Evéque  et  la  permission  de  l'Inten- 
dant, pour  les  réparations. 

Au  mois  d'octobre  suivant,  les  Capucins  demandèrent 
à  la  Cité  de  leur  allouer  de  600  à  800  livres  pour  la  réfec- 
tion des  toitures,  afin  d'éviter  un  accroissement  des  dom- 
mages pendant  la  saison  d'hiver.  Il  ne  put  leur  être 
accordé  que  5oo  livres  «  attendu  la  pobretté  de  la  ville  ». 

C'est  de  ce  secours  qu'il  est  question  dans  une  délibéra- 

(])  1{evue  Catalane,  juin  1908. 


-  68  — 

tion  du  28  avril  1743,  à  propos  de  l'incident  suivant  :  Le 
P.  Gardien  des  Capucins  réclame  les  honoraires  d'une 
exhortation  qu'il  fit,  à  la  demande  des  Commissaires,  lors 
des  prières  publiques  de  l'année  passée.  On  croyait  qu'il 
l'avait  faite  gratis,  comme  le  fait  la  communauté  des  prê- 
tres et  comme  le  fit  le  curé  Girbe  lorsqu'on  alla  cher- 
cher le  dévot  Crucifix  à  la  ville  basse  lors  des  prières 
pour  la  pluie.  Comme  les  prières  sont  générales,  la  ville 
ne  paie  alors  que  les  messes  et  la  cire,  et  personne 
n'exige  aucun  salaire  de  ses  peines.  Le  P.  Gardien  oublie 
les  bienfaits  de  la  communauté  lorsque  le  couvent  fut  brûlé. 
—  On  paiera  ;  mais  on  réclamera  aux  R.  P.  Capucins  les 
détériorations  qu'ils  ont  faites  à  l'hôpital,  lorsqu'ils  y 
furent  logés. 

(A  suivre)  R.  de  Lacvivier. 

Nouvelles  acquisitions  de  la  Bibliothèque  Nationale 
intéressant  le  Roussillon 

Le  département  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  Nationale 
vient  de  s'enrichir  de  la  précieuse  collection  Alexandre  Bixio(i), 
qui  lui  a  été  généreusement  offerte  par  les  deux  filles  de  celui 
qui  l'a  formée,  Mmes  Raven-Bixio  et  Depret-Bixio.  Eu  égard 
à  son  importance,  cette  collection  a  été  inventoriée  pièce  par 
pièce.  Elle  se  compose  de  lettres  autographes,  documents,  por- 
traits et  gravures  d'inégale  valeur,  il  est  vrai,  mais,  sauf  un  certain 
nombre  de  portraits  de  la  fin  du  xviu'  et  du  xjx'  siècle,  elle  n'est 
pas  sans  offrir  un  intérêt  réel. 

(1)  La  Collection  Alexandre  "Bixio.  à  la  "Bibliothèque  T^ationale  (Départe- 
ment des  Manuscrits.  Nouvelles  acquisitions  françaises,  ms  22734-22741), 
dans  "Bulletin  "Philologique  et  Historique  du  Corn,  des  Trav.  Tiisi.  et  Se,  1916, 
p.  276. 


-69- 

Cette  collection  est  l'oeuvre  patiente  et  laborieuse  d'Alexandre 
Bixio.  ]1  naquit  à  Chiavari,  près  de  Gènes,  dans  le  département 
des  Apennins,  le  20  novembre  1808,  et  était  fils  de  Tomasi  Bixio 
et  de  Columba  Cafarelli,  tous  deux  d'origine  française. 

11  fit  ses  études  à  Paris,  au  collège  Sainte-Barbe,  dont  il 
devint  plus  tard  l'un  des  plus  insignes  bienfaiteurs,  puis  à  l'Ecole 
de  Médecine,  où  il  fut  reçu  docteur. 

Le  progrès  agricole  fut  tout  d'abord  la  passion  de  sa  vie,  mais 
la  politique  le  disputa  chez  lui  de  bonne  heure  à  l'agronomie.  Le 
département  du  Doubs  le  nomma  député  de  l'Assemblée  Consti- 
tuante, et  il  en  devint  vice-président  après  les  Journées  de  juin.  Dès 
son  avènement  à  la  présidence  de  la  République,  le  prince  Louis- 
Napoléon  (]o  décembre  1848)  le  nomme  Ministre  du  Commerce 
et  de  l'Agriculture. 

Peu  après  l'expédition  de  Rome  qu'il  désapprouva  secrètement, 
Alexandre  Bixio  quitta  la  politique  pour  reprendre  ses  recherches 
scientifiques  ;  il  se  donna  alors  tout  entier  à  la  direction  de  la 
Librairie  Agricole  et  à  l'administration  de  diverses  sociétés  indus- 
trielles et  financières.  Ainsi,  peu  à  peu,  l'aisance  qu'il  avait 
acquise  devint  une  belle  fortune,  et  sa  situation  sociale  le  mit  en 
rapport  avec  nombre  d'écrivains  et  d'artistes.  C'est  vers  cette 
époque  (i852)  qu'il  commença  à  former  la  collection  qui  vient 
d'entrer  à  la  Bibliothèque  Nationale.  11  mourut  à  Paris,  le 
]6  décembre  i865. 

Les  premières  études  de  Bixio  l'ont  amené  à  recueillir  quel- 
ques documents  officiels,  relatifs  à  l'histoire  des  sciences  et  des 
savants.  Ainsi  s'expliquent  la  lettre,  les  notes  et  le  portrait  de 
notre  éminent  compatriote  François  Arago,  que  nous  trouvons 
dans  son  recueil. 

De  même,  ses  idées  libérales  et  son  passage  aux  affaires  le 
conduisirent  tout  naturellement  à  rechercher  les  pièces  relatives 
aux  révolutionnaires,  aux  grands  chefs  de  la  Révolution,  aux 
réformateurs  des  temps  modernes,  tels  que  J.-B.  Bessières, 
Joseph  Dugua,  Pierre  Delbrel,  etc. 

La  seconde  partie  de  la  carrière  de  Bixio,  passé  de  l'aisance  à 
la  fortune  et  libéré  des  soucis  parlementaires,  nous  a  très  oroba- 
blement  valu  les  plus  curieuses  et  les  plus  intéressantes  pièces  de 
sa  collection.  Aussi  bien  la  série  des  dessins  et  des  gravures  des 


-  7°  - 
jivi'-Xix*  siècles  est-elle  fort  riche.  Elle  comprend  des  oeuvres 
signées  des  peintres  et  des  graveurs  les  plus  célèbres,  souvent  en 
des  exemplaires  de  choix,  tels  que  le  peintre  catalan  H.  Rigaud 
et  Edelinck,  qui  a  illustré  beaucoup  de  ses  chef^s-d'œuvre  par  la 
gravure. 

Dans  ce  beau  recueil  qui  vient  d'entrer  au  département  des 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  Nationale,  se  rencontrent  un  grand 
nombre  de  documents  ayant  un  rapport  direct  avec  notre  Rous- 
sjllon  ;  c'est  pourquoi  nous  avons  cru  faire  œuvre  utile,  pour  les 
historiens  futurs  de  notre  petite  patrie,  de  dresser  ici  la  liste  de 
toutes  ces  intéressantes  pièces,  autographes,  peintures  et  gravures, 
et  d'y  ajouter  en  référence  quelques  courtes  notes  biographiques. 

I.  Nouvelles  acquisitions  françaises.  32.734 

Trançois  Mrago  (1). 

1.  Lettre  au  baron  de  Lindenaud  [sic),  chambellan  du  duc  de 
Saxe-Gotha  et  directeur  de  l'observatoire  de  Seeberg  (2)  ;  Institut 
(de  France).  (Fol.  25.) 

2.  Note  sur  la  polarisation.  A  la  fin  :  «  Vu  le  i3  février  i8j5. 
—  Delambre  »  (3).  (Fol.  27.) 

3.  Note  sur  les  aurores  boréales.  (Fol.  29.) 

4.  Portrait:   «  S.  Cornu  (4)  del'.  —  Pollet  se.  ».  (Fol.  3i,) 

5.  Esquisse,  sur  papier,  d'un  monument  funéraire  pour  Ara  go  ». 
(Fol.   32.) 

(i)  Vrançois-'Dominique  Arago,  astronome  et  physicien,  l'un  des  plus 
grands  savants  du  xix'  siècle,  né  à  Estagel  en  1786,  mort  en  i853,  dont  le 
hkve  Jacques,  né  aussi  à  Estagel  (1790-1855),  fut  un  grand  écrivain. 

(2)  Bernard-Auguste  de  Lindenaud,  homme  politique  et  astronome  allemand, 
naquit  et  mourut  à  Altenbourg  (1780-1454). 

{3  )  Jean-Baptiste-Joseph  Delambre,  astronome  français,  né  à  Amiens,  en 
1749,  mourut  à  Paris  en  )822.  11  mesura  avec  Méchain  un  arc  de  méridien, 
pour  servir  à  l'établissement  du  système  métrique.  Cuvier  a  dit  de  lui  que  sa 
probité  scientifique  n'avait  d'égale  que  sa  modestie. 

(4)  11  y  eut  Marie-Alfred  Cornu,  physicien  français,  né  à  Montélimar  en 
184J  et  mort  dans  cette  même  ville  en  1902,  auquel  nous  devons  de  remar- 
quables travaux  sur  la  lumière,  puis  Maxime  Cornu,  astronome  français,  né 
à  Orléans  en  1843  et  mort  à  Paris  en  1901,  qui  a  beaucoup  publié  sur  les 
cryptogames  et  les  maladies  des  plantes. 


j.-B.  Bessières  (i),  duc  d'istric,  maréchal  de  France. 

1.  Lettre  au  général  de  division  (Joseph)  Dugua,  représentant 
du  peuple,  à  Perpignan  ;  Toulouse,  i"  floréal  an  ii  ;  cachet. 
(Fol.   149.) 

Jacques-Bénigne  Bossuet,  évêque  de  Meaux. 

2.  Portrait:  «  Peint  par  Tf.  T^igaulf  (2).  —  Gravé  par  le  cheva- 
lier Edelinck  (3)  ».  (Fol.  193.) 

II.  Nouvelles  acquisitions  françaises.  22.736 
Dagobert  (4)  de  Fontenille  (Louis),  général  de  brigade. 

1.  Lettre  à  un  «  citoyen  ministre  »  ;  Perpignan,  12  mai  1793. 
(Fol.   I.) 

2.  Portrait  gravé:  «  Peint  par  Maurin  (5)  »  (Extrait  de  la  gale- 
rie historique  de  Versailles).  (Fol.  3.) 

De  "La  Tosse  (Charles),  peintre  (6). 
Portrait  :  «  Peint  par  Hyacinthe  T^gaud.  Gravé  par  Duchange 
pour  sa  réception  à  l'Académie  en  1707  ».  (Fol.  52.) 

(^)  Né  à  Prayssac  (Lot)  en  1766  ;  un  des  meilleurs  lieutenants  de  Napo- 
léon 1",  tué  à  Lutzen  en  181  3. 

(2  )  L'illustre  artiste  peintre  catalan,  gloire  du  Roussillon,  que  tous  ses 
compatriotes  connaissent  bien  ;  né  à  Perpignan  et  y  baptisé  le  20  juillet  1  659  ; 
mort  le  29  décembre  1743.  Sur  la  place  du  Blé,  dite  Rigaud  aujourd'hui, 
la  ville  de  Perpignan  lui  a  élevé  une  statue  en  bronze,  œuvre  du  perpigna- 
nais  Gabriel  Farail  ;  elle  fut  inaugurée  par  le  ministre  de  l'Instruction  Publi- 
que et  des  Beaux-Arts,  M.  Léon  Bourgeois,  le  20  juillet   1890. 

(3)  "Edelinck  (Gérard),  peintre  russe  d'histoire  et  de  gravure,  né  à  Hel- 
singfors  en  1854,  mort  à  Borgo  zn  1905.  11  a  traduit  avec  une  remar- 
quable exactitude  des  scènes  de  la  vie  du  Nord. 

(4)  Luc-Siméon-Augusle-Dagobert  de  Tonlanille  naquit  à  La  Chapelle,  près 
Saint-Lô.  le  8  mars  1736,  et  mourut  à  Puigcerda,  le  28  avril  1794,  en  com- 
battant les  Espagnols  ;  célèbre  par  ses  campagnes  en  Roussillon  et  en  Cer- 
dagne.  Un  monument  funéraire,  sous  forme  de  pyramide  quadrangulaire, 
lui  a  été  élevé  à  Mont-Louis,  sur  la  place  publique,  en  face  l'église.  Sa 
dépouille  mortelle  repose,  à  côté  de  celle  du  général  Dugommier,  dans  un 
monumental  tombeau  pyramidal,  au  cimetière  Saint-Martin    de    Perpignan. 

(  5)  11  y  eut  à  Perpignan  trois  peintres  et  lithographes  de  ce  nom  :  Jlntoine 
Maurin,  né  à  Perpignan,  le  4  novembre  1793  ;  Laurent-Jean-Jacques 
Maurin,  né  le  18  octobre  1795  ;  Jacquea-'Elienne-'Nicolas-'Eugéne  Maurin.  né 
le  18  octobre  182  1 .  Cf.  P.  Vidal,  Histoire  de  la  Tille  de  Perpignan,  p.  485  ; 
Paris,  Welter,  1898. 

(6j  Peintre  d'histoire  français,  né  et  mort  à  Paris  (1636-1716).  Ses  meil- 


-  7i  - 
ï)elbrel  (P'iZTTc),  conventionnel  (i). 

2.  Lettre  par  lui  adressée  au  Comité  de  Salut  public,  comme 
représentant  du  peuple  près  l'armée  des  Pyrénées-Orientales  ; 
«  Lagullana  r> ,  i8  novembre  1794.  (Fol.  55.) 

Tléchier  (Esprit)  (2). 

3.  Portrait  :  Hyacinthe  J^igaut  (sic)  pinxit.  Edelinck  sculpsit 
C.  P.  R.  ».  (Fol.  2o5.) 

La  Tonîaine  (Jean  de)  (3). 
2.  Portrait  :  «  Hiacinte  [sic)  7{fgaut{sic)  pinx.  Fiquet(4)  sculp.  ». 
En  bas  :   «  Le  Loup  et  l'Agneau  ».  (Fol.   J2.) 
Louis  XV,  roi  de  France. 
2.  Portraits  gravés:  a  «  Peint  par  Hyacinthe  T^igaud...,  gravé 
par  Daullé,  1737  ».  (Fol.  i65);  h  «.v  Hyacinthe  T^igauîi  [sic)  pinxit, 
1720  ».  N.  Larmesin  (5)  fils,  sculpsit».  (Fol.   166.) 

Luxembourg    (François- Henri     de    Montmorency,     duc    de 
Piney-Luxembourg,  dit  le  Maréchal  de)  (6). 
2.  Portrait  :  «  Hyacinte  [sic)  T^igaud  pinxit.  Edelinck.  C.  P.  R.  ». 
(Fol.  221.)  Jean  Sarrète. 

leures  œuvres  :  Auguste  faisant  construire  le  pont  de  Misène,  etc.,  figurent  au 
château  de  Versailles.  Il  eut  un  talent  remarquable,  mais  gâté  par  son  succès 
même. 

(1}  «  Elu  dans  le  Tarn-et-Garonne  par  19.000  voix  sur  60.000  (rue 
Saint-Germain-des-Prés),  avocat  distingué  de  Moissac,  M.  "Deîbrel  n'avait 
pas  attendu  le  24  février  pour  appeler  de  ses  vœux  l'établissement  de  la 
République.  11  fut  néanmoins,  et  dans  l'intérêt  de  la  République  elle-même, 
un  partisan  de  l'ordre  et  un  homme  de  modération  ».  Cf.  Profils  critiques  et 
biographiques  des  900  représentants  du  Peuple,  par  un  vétéran  de  la  Presse  ; 
Paris,  Garnier,   1848,  p.  87. 

(2)  Valentin-Esprit  Tléchier,  orateur  sacré  de  grand  renom,  évêque  de 
Nîmes,  né  à  Pernes  (comtat  d'Avignon),  mort  à  Montpellier  (1632-1710). 

(3)  Né  à  Château-Thierry  en  1621,  mort  à  Paris  en  1695,  auteur  des 
Tables  connues  de  tous  et  devenues  classiques. 

(4)  Etienne  Tiquet,  graveur  de  portraits,  né  et  mort  à  Paris  (  1719-1794). 

(5)  Lamerssin  ou  "L' Armessin  (T^icolas  1"  de),  dessinateur  et  graveur  fran- 
çais, né  et  mort  à  Paris  (1640-1725).  Son  fils.  Tricotas  77  (1684-1755),  a 
gravé  d'après  Watteau,  Lancret,  Boucher  et  H.  Rigault. 

(6)  Né  à  Paris  en  1628,  mort  à  Versailles  en  1695,  fils  du  comte  de 
Bouteville.  décapité  comme  duelliste  par  ordre  de  Richelieu. 

Le    Gérant,  COMET.  —  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Poste,  Perpignan 


14*  Année-  N*  162  Avril  192Ô 

Les   Manuscrits  non  insérés  ^m^  ^^^^P  V^  tf  ^v^ 

ne  sont  pas  rendu».  M^L  MT*  ^V    m.    J  B^ 


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La  7{evue  Catalane  fut  fondée,  en  1906,  par  un  groupe  d'éru- 
dits  roussillonnais,  en  tête  desquels  se  trouvait  M.  Pierre  Vidal, 
bibliothécaire  de  la  ville.  Elle  succéda  à  la  T^evue  d'Histoire  et 
d'archéologie  du  T^oussillon,  qui  venait  de  mourir  après  un  passé 
très  glorieux,  et  dont  M.  P.  Vidal  avait  été  lui-même,  dès  J900, 
co-fondateur  et  collaborateur  avec  MM.  le  chanoine  Ph.  Tor- 
reilles,  P.  Masnou  et  P.  Pallustre. 

D'après  la  première  circulaire-programme  alors  (1906)  envoyée 
aux  érudits  roussillonnais,  la  T^evue  Catalane  devait  avoir  pour 
objet  :  l'étude  de  la  langue,  de  la  littérature,  de  l'histoire  et  de 
l'archéologie  du  vieux  Roussillon  et  des  autres  pays  de  race  cata- 
lane, c'est-à-dire  tout  ce  qui  composait  le  programme  de  la  pré- 
cédente revue,  son  aînée. 

En  même  temps  fut  créée  la  Société  d'Etudes  Catalanes,  dont 
la  J^evue  Catalane  devint  l'organe  attitré.  Celle-ci  a  publié,  durant 
les  quatorze  années  (1907-1920)  d'existence  continue  et  active 
qu'elle  possède  actuellement,  des  travaux  très  sérieux,  pleins 
d'érudition  et  de  science  technique.  Ses  dévoués  collaborateurs 
ont  ainsi  apporté  leur  très  large  part  de  labeur  opiniâtre  à  la 
renaissance  intellectuelle,  qu'ils  avaient  alors  entreprise  avec 
ardeur  dans  le  domaine  des  études  locales,  au  moment  où  elle  se 
dessinait  manifestement  en  plusieurs  autres  régions  françaises, 
notamment  dans  nos  provinces  méridionales. 

Les  généreux  artisans  de  cette   résurrection   catalane,  —  après 


Ceux  qui  avaient  formé  la  phalange  initiatrice  de  la  T^evue  d'Tiis- 
toire  et  d Mrchéologie,  —  furent  :  les  Amade,  les  Boix,  les  chanoine 
Bonafont,  les  Leguiel,  les  Pastre,  les  Pons,  les  Violet,  les  de 
"Witwer,  les  Vergés  de  Ricaudy,  etc.  Ces  noms  demeureront  à 
tout  jamais  gravés  au  frontispice  de  la  J(evue  Catalane. 

En  ce  moment,  dans  toute  l'étendue  de  la  France,  l'action  se 
fait  plus  intense  encore  autour  des  reconstitutions  provinciales, 
aussi  bien  dans  le  domaine  intellectuel  qu'administratif  et  écono- 
mique. Ce  qu'il  y  a  de  particulièrement  encourageant,  c'est  que 
les  initiatives  paraissent  venir  aujourd'hui  des  pouvoirs  publics 
eux-mêmes.  Pour  certaines  régions-frontières,  comme  la  nôtre,  la 
décentralisation  intellectuelle  n'est  pas  sans  se  heurter  peut-être  à 
quelques  difficultés  plus  apparentes  que  réelles  ;  mais  le  temps  et 
la  «  sagesse  des  nations  »  en  viendront  certainement  à  bout. 

]]  nous  a  donc  paru  opportun  et  nécessaire  d'accentuer  la  mar- 
che en  avant  de  la  J^evue  Catalane  dans  la  voie  du  régionalisme 
intellectuel  —  qu'on  voudra  bien  ne  pas  confondre  avec  «sépara- 
tisme »,  ce  dont  aucun  catalan  de  France  ne  saurait  jamais  rêver 
—  et  de  l'évolution  scientifique,  suivant  le  programme  précité  de 
notre  revue. 

C'est  pourquoi  la  Société  d'Etudes  Catalanes  a  déjà  donné  à 
cette  publication  mensuelle  plus  d'étendue,  en  assurant  à  tous  ses 
travaux  (i)  une  belle  tenue,  scientifique  et  littéraire,  que  plusieurs 
ont  déjà  appréciée. 

Les  lecteurs  n'ont  pas  été  sans  avoir  remarqué,  en  effet,  les 
remarquables  études  de  notre  éminent  compatriote,  M.  Joseph 
Calmette,  de  l'Université  de  Toulouse,  sur  les  origines,  si  com- 
plexes, souvent  mal  définies,  de  notre  province  roussillonnaise  et 
sur  la  renaissance  de  l'Université  littéraire  de  Perpignan.  Nous 
sommes  assurés  que  notre  distingué  Secrétaire  général  ne  laissera 
pas  de  donner  une  suite  à  ses  préliminaires  études  d'histoire 
locale,  suivant  le  vœu  de  tous  ses  lecteurs. 

Trop  longtemps,  M.  Pierre  Vidal  s'était  confiné  dans  sa 
modeste  retraite   de   silencieux    «  bénédictin    laïque  »,    entre    un 


(i)  Tous  nos  remerciements  à  VJndépendant  et  à  la  T{enaissance  Catalane. 
qui  ont  bien  voulu,  à  diverses  reprises,  s'en  faire  les  échos  fidèles  et  sympa- 
thiques. 


-  75  - 

Ramon  Lull  et  un  Dom  Brial.  Nous  avons  réussi  à  lui  faire  une 
douce  violence.  Notre  excellent  ami  a  donc  définitivement  accepté 
de  devenir  le  Président  effectif  de  notre  Société,  —  il  en  est  «  le 
père  »  à  vrai  dire,  —  en  remplacement  de  M.  Laurent  Campa- 
naud  qui,  au  décès  du  regretté  D'  Lutrand,  n'avait  consenti  à 
l'être  qu'à  titre  intérimaire,  pendant  la  guerre  seulement,  ce  dont 
nous  ne  saurions  trop  le  remercier  ici,  au  nom  du  Bureau  et  de 
tous  ses  confrères  de  notre  honorable  compagnie. 

Autant  la  nomination  de  M.  P.  Vidal  a  été  accueillie  avec  la 
plus  entière  satisfaction  par  ses  admirateurs  et  ses  amis,  autant 
ceux-ci  ont  éprouvé  de  bonheur  à  retrouver,  dans  le  dernier 
numéro  de  la  J(evue  Catalane,  l'amorce  d'une  des  plus  captivan- 
tes études  de  notre  si  compétent  historien  catalan. 

D'autres  talents,  dont  il  serait  trop  long  de  dresser  ici  la  liste, 
sont  venus  depuis  se  joindre  spontanément  à  la  phalange  de  nos 
anciens  collaborateurs.  On  ne  tardera  pas  à  s'en  apercevoir  par 
les  remarquables  articles  qui  seront  ultérieurement  publiés  ici. 

A  ces  précieux  apports  intellectuels  nous  devons  ajouter  encore 
de  nouveaux  concours,  non  moins  appréciables,  quoique  d'un 
autre  ordre,  que  plusieurs  honorables  commerçants  de  la  ville 
ont  bien  voulu  nous  consentir  le  plus  aimablement  du  monde.  On 
trouvera  leurs  noms  inscrits  en  beau  relief  sur  les  pages  bleues 
de  notre  revue.  Ils  sont,  à  eux  seuls,  significatifs  de  solidarité 
catalane  et  de  dévouement  aux  grands  intérêts  de  la  petite  patrie 
roussillonnaise.  A  ces  bienfaiteurs  si  sympathiques,  la  Société 
d'Etudes  Catalanes  adresse  son  plus  reconnaissant  merci. 

Nous  espérons  que  d'autres  amis  viendront  nous  aider  de  leur 
crédit  financier  à  promouvoir,  à  mieux  soutenir  les  belles  initiati- 
ves de  renaissance  provinciale,  littéraire  et  économique,  qui,  — 
à  l'instar  de  la  future  Université  de  Perpignan,  plus  que  jamais 
à  l'ordre  dû  jour...  officiel,  —  contribueront  efficacement  à  rehaus- 
ser le  prestige  intelUctuel  de  notre  cité  et  de  notre  département, 
à  leur  assurer  la  plus  grande  somme  de  prospérité,  matérielle  et 
morale.  En  nous  prêtant  de  si  précieux  appuis,  c'est  pour  lui- 
même  que  travaille,  en  définitive,  le  commerce  roussillonnais. 

La  J^evue. 


^t't'^t'^t't't't't't'e't't't'e'^^^^^t't't't't't't't't't'i't't't'^^t't't't't't'^t' 


Chroniqueurs  et  Historiens  Catalans 

des  Xlir  ^  XIV^  siècles   ) 

c22^Sî^  {SUITE) 

]]] 
La  Chronique  de  Bernât  Desclot^'^ 

Dans  le  prologue,  Bernât  Desclot  annonce  qu'il  va  écrire  un 
livre  contenant  le  récit  cr  de  les  grans  baialles  e  dels  grans  feis 
d'armes  e  de  les  grans  conquestes  que  foren  sobre  serrayns  e  sobre 
altres  genls,  e  de  dos  nobles  reys  que  bac  en  ^rago  qui  foren  del  ail 
linaîge  del  comte  de  Barcelona.  »  Ces  deux  rois  dont  Desclot  va 
nous  dire  «  les  grands  combats,  les  grands  faits  d'armes  et  les 
grandes  conquêtes  »  sont  Jacques  le  Conquérant  et  son  fils 
Pierre  111  qui  lui  succéda  sur  le  trône  d'Aragon,  à  sa  mort  sur- 
venue le  2  novembre  1276. 

Desclot  a  consacré  plusieurs  chapitres  de  sa  Cronica  à  la  vie 
de  Jacques  le  Conquérant,  et  il  est  visible  qu'il  a  utilisé,  en  les 
abrégeant,  les  Mémoires  du  royal  écrivain  en  plusieurs  endroits  ; 
mais,  s'il  est  plus  court,  il  est  plus  précis.  11  nous  a  laissé  du 
plus  grand  des  rois  d'Aragon  un  portrait  d'une  saisissante  réalité  ; 
le  voici  : 

Aquest  rey  de  Arago  En  Jaume  fo  lo  pus  bel!  hom  del  mon  ;  que  ell 
era  major  que  altre  hom  hun  palm,  e  cra  molt  be  format  e  complit  de  tots 
SOS  menbres  ;  que  ell  havia  molt  gran  cara  e  vermella  e  flamencha,  e  lo  nas 
Hong  e  molt  dret,  e  gran  bocha  e  ben  feyta,  e  grans  dens  e  molt  blanques 
que  semblaven  perles,  e  los  ulls   nègres,   e  los  cabells  rosos,  semblant  a  fi 

(  I  )  La  première  édition  delà  Chronique  de  Bernât  Desclot  a  été  publiée 
par  J.  A.  C.  Buchon  dans  le  volume  des  Chroniques  étrangères  relatives  aux 
expéditions  françaises  pendant  le  xiiT  siècle,  qui  fait  partie  de  la  collection  dite 
du  «  Panthéon  littéraire  »,  Paris,  Auguste  Desrez,  1840,  sous  le  titre  de 
Cronica  del  7{ey  En  Père  e  dels  seus  antecessors  passais. 

Pour  son  édition,  Buchon  s'est  servi  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
Nationale  de  Paris  (Fonds  espagnol,  n°  SaS  du  catalogue  de  M.  Morel- 
Fatio)  ;  c'est  une  copie  du  xv'  siècle  sur  papier.  Les  autres  manuscrits  de  la 
Chronique  de  Desclot,  au  nombre  de  neuf,  se  trouvent  en  Espagne.  Voyez 


—  77  - 

d'or,  e  grans  spalles,  e  Hong  cos  e  delgat  (i),  e  los  braços  groços  e  ben  fets, 
e  belles  mans,  e  llonchs  dits,  e  les  cuxes  grosses  e  ben  fêtes,  e  les  cames  lon- 
gues e  dretes  e  groses  per  lurs  mesures,  e  los  peus  llonchs  e  bens  feyts  e 
gint  (2)  calsats.  E  fou  molt  ardit  et  prous  de  ses  armes  ;  e  fo  valent  e  larch 
de  donar,  e  agradable  a  tota  gent,  e  molt  misericordios  ;  e  hac  tôt  son  cor 
e  sa  voluntat  de  guerejar  ab  Sarrayns  (3). 

Tout  le  reste  de  la  Cronica  del  T^ey  en  Père  e  deïs  sens  anteces- 
sors  passafs  est  consacrée  à  Pierre  111  qui  régna  de  1276  à  i285, 
règne  assez  court  mais  marqué  par  des  événements  de  la  plus 
haute  importance  :  les  Vêpres  siciliennes,  l'expulsion  des  Français 
de  Sicile  par  le  roi  Pierre  111,  les  succès  de  son  amiral  Roger  de 
Loria,  la  prise  du  prince  royal  de  Naples,  l'affaire  du  duel  de 
Charles  d'Anjou,  à  Bordeaux,  avec  le  roi  d'Aragon,  l'excommu- 
nication de  ce  dernier,  la  concession  de  son  royaume  par  le  Pape 
à  Charles  de  Valois,  second  fils  de  Philippe  le  Hardi,  enfin  la 
désastreuse  invasion  de  la  Catalogne  par  Philippe  le  Hardi,  et  sa 
mort  à  Perpignan.  Peu  d'époques  assurément  offrent  en  si  peu 
d'années  un  tel  nombre  de  grands  événements  accumulés. 

Desclot  les  a  racontés  dans  une  langue  précise,  sévère  et  nette, 
quelquefois  pleine  de  pittoresque,  d'éclat  et  de  souplesse.  Beau- 
coup moins  vif,  beaucoup  moins  coloré  que  Ramon  Muntaner, 
qui  a  retracé  les  mêmes  événements,  il  est  plus  exact  et  il  cherche 
à  se  rendre  compte  de  tout  avec  une  impartialité  qui  fait  souvent 
défaut  à  Muntaner. 

Nous  devons  à  Desclot  de  connaître  certaines  actions  du  roi 
Pierre,  qui,  comme  les  suivantes,  nous  donnent  une  idée  peu 
flatteuse  des  moeurs  de  ce  prince  : 

El  rey  d'Arago  qui  era  llavors  en  la  ciutat  de  Barcelona,  e  tots  los  de 
la  ciutat  quant  saberen  les  novelles  hagueren  molt  gran  goig.  e  ne  fo  mara- 
vella.  E  al  bon  mati  feu  pendre  aquells  trecens  homens  naffrats  que  havia 
presos  en  les  galères,  e  traguels  en  terra,  e  feu  los  infilar  en  huna  corda,  e 

à  ce  sujet  VTtistoriografia  catalana,  déjà  citée,  de  M.  Massé  Torrents, 
pp.  527-531.  L'édition  de  Buchon  est  loin  d'être  irréprochable,  mais  elle  est 
encore  meilleure  que  celle  qu'a  publiée  La  T{enaixensa  de  Barcelone  en  i885 
avec  le  même  titre. 

(1)  Délié. 

(2)  Elégamment. 

(3)  Cronica,  ch.  xii. 


-  78- 

puix  ligals  a  huna  popa  de  huna  galera,  e  feu  los  rastrar  dins  en  mar  a  vista 
de  tôt  hom  que  veureu  volgues.  E  moriren  tots  aqui.  E  puix  près  tots 
aquells  docents  xixanta  homens  que  romanien  que  no  eren  nafFrats,  e  feu  los 
traure  a  tots  los  ulls,  e  enfilats  en  huna  corda  ;  e  hac  un  hom  de  aquells  en 
leix(j),  a  qui  no  trasch  sino  la  hun  ull  per  tal  que  menas  los  alîres.  E  tots 
enfilats  la  hu  devant  l'altre,  trames  los  per  presentalles  al  rey  de  França  ;  e 
loscinquanta  que  romanien  tench  los  prisoners  per  tal  com  eren  bons  homens 
e  honrats.  E  aquells  docents  xixanta  que  eren  tots  cechs  (2)  vengueren  al 
rey  de  França  e  presentaren  se  a  ell.  E  quant  lo  rey  de  França  e  el  cardenal 
los  veren  e  hagueren  entes  que  tota  llur  armada  era  desbaratada  per  hun 
poch  ne  perderen  lo  seny.  E  el  rey  de  França  donas  tant  de  mal  saber  que 
sempre  fou  malalt,  e  hanch  pus  nos  lleva  tro  que  fo  mort  segons  que  avant 
oyrets  (3). 

Muntaner  se  garde  bien  de  raconter  cette  noyade  de  trois  cents 
blessés  ordonnée  par  le  roi  d'Aragon  et  exécutée  sous  ses  yeux  ; 
il  ne  parle  pas  non  plus  des  deux  cent  soixante  autres  prisonniers 
qu'il  renvoya  au  roi  de  France  après  leur  avoir  fait  arracher  les 
deux  veux,  en  leur  donnant  pour  guide  l'un  d'entre  eux  auquel 
il  se  contenta  de  faire  arracher  un  œil. 

Bernât  Desclot  raconte  tout  cela  sans  s'en  étonner.  Il  est  le 
plus  impersonnel  des  chroniqueurs  du  moyen  âge  :  il  ne  fait 
jamais  de  réflexions,  il  ne  conclut  pas  ;  les  faits  parieront  assez 
d'eux-mêmes  et  le  lecteur  les  jugera  librement. 

Certains  nassages  de  la  Chronique  de  Desclot  sont  des  modèles 
de  narration  où  l'auteur  arrive  à  l'effet  le  plus  saisissant  par  la 
justesse  et  la  simplicité  même.  Il  a  certainement  assisté  au  moins 
à  la  plupart  des  actions  qu'il  raconte  ;  c'est  un  témoin  dont  on  a 
pu  constater  la  véracité  par  des  documents  publiés  dans  la  suite. 
Le  seul  endroit  de  la  Chronique  où  il  parle  de  lui,  c'est  dans  le 
récit   qu'il    nous   donne   de   l'un   des   nombreux   combats  survenus 

()  )  "En  îeix,  l'un  d'eux,  qu'il  avait  mis  à  part. 

(2)  Cechs,  aveugles. 

(3)  Cronica,  ch.  clxvi.  Au  chapitre  suivant,  Desclot  nous  dit  qu'après  la 
défaite  de  l'armée  française  au  col  de  Panissars,  près  du  Perthus,  celle-ci 
se  retira  à  Perpignan  où  Philippe  le  Hardi  mourut  :  E  aqui  aytantost  com  hi 
joren  entrais,  en  l'altre  jorn  mort  lo  rey  de  'França  de  la  malallia  que  havia 
guanyada  en  Caialunya,  jatsia  que  alguns  digueren  que  mori  a  Castello  de 
^mpuries  ;  e  altres  deyen  que  mori  a  Kilanova  prop  Peralada  ;  e  allres  deyen  que 
mori  al  passant  del  coll  de  Panissars,  en  la  gabia  hon  lo  portaven  malalt  ;  mas 
la  la  primera  raho  es  pus  vera. 


—  79  — 
entre    les    troupes    de    Philippe   le    Hardi    et   de    Pierre   111    en 
Ampurdan  : 

Entrels  altres  colps  que  s'i  feren  sin  feu  lo  rey  d'Arago  dos  molt  bells 
e  naturals  :  que,  axi  com  vengueren  a  la  primera  junta,  lo  rey  ana  ferir  hun 
senyaler  frances  qui  aportava  huna  gran  senyera  vermella  ab  una  bara  blan- 
cha  de  argent  que  y  havia  de  llonch  en  aquella  senyera.  E  el  rey  donali  tal 
colp  per  mig  les  pits  que  no  li  valgueren  cuyraces,  ni  buch,  ne  negun  guar- 
niment  que  portas  ;  que  be  li  'n  passa  de  tras  miga  brassa,  si  que  la  senyera 
caech  en  terra.  E  els  cavaliers  del  rey  d'Arago,  qui  veren  la  senyera  dels 
Francesos  caure,  hagueren  gran  goig  e  tengueren  lur  fet  guanyat. 

...  E  entrels  altres  vench  hun  Navarres  qui  era  ab  los  cavaliers  francesos 
e  vestia  hun  esberch  de  ferre  ab  son  capmall  e  ab  huna  cervellera  en  son  cap. 
E  viu  quel  rey  d'Arago  les  feya  gran  mal  de  ses  mans,  e  acostas  a  el  e  tra- 
mesli  huna  escona  muntera  que  aportava  en  la  ma,  e  donali  tal  colp  en  l'arço 
de  la  sella  denant  que  de  l'altra  li  'n  passa  be  hun  dit.  E  no  plach  a  Deu  que 
li  fes  negun  dan  ne  mal  ;  car  be  sapiats  que  si  dos  dits  fos  venguda  pus  alta 
la  esquona,  e  lo  rey  que  no  era  ben  guarnit  de  part  a  part  lo  haguera  tôt 
passât  sens  tôt  si.  E  lo  rey  près  la  escona  ab  la  ma,  e  tira  la  tant  fort  que 
dos  troços  feu  de  ferre,  si  que  n  lo  arço  ne  romas  be  très  dits.  E  de  aço  fa 
testimoni  celï  qui  aço  recomta  en  aquesi  libre,  qui  vehe  la  sella  del  rey  e  el  ferre 
que  y  era  romas.  E  pux  lo  rey  puny  son  cavall  dels  espérons  e  acostas  pode- 
rosament  vers  aquell  qui  la  escona  li  havia  tramesa,  e  donali  tal  colp  de  massa 
de  coure  sus  al  cap  que  sempre  lo  abate  a  terra  mig  mort  per  lo  coll  del 
cavall. 

Dans  le  dernier  chapitre  de  sa  Cronica,  Desclot,  en  un  style 
plein  d'une  noble  simplicité,  raconte  de  façon  émotionnante  la 
mort  de  son  héros.  Le  roi  se  trouvait  malade  à  Villefranche  del 
Panades  :  «  "E  la  malaliia  s'enfortia  e  s'agraviava  sobrel  rey  d'Arago 
durameni  ».  Un  messager  se  présente  pour  lui  annoncer  que  le 
prince  de  Morée,  qu'on  avait  fait  prisonnier  en  Sicile  et  qu'on 
avait  amené  à  Barcelone,  le  saluait  bien  et  avait  exprimé  le  désir 
de  le  voir  : 

E  quant  lo  missatge  hac  dites  les  novelles  derant  lo  rey,  lo  rey  entes  ho 
a  maies  pênes,  que  tant  era  feble  que  ja  havia  perdut  lo  veher  e  lo  oyr  gran 
res.  E  no  y  poch  respondre  res  de  paraula,  mas  que  gita  los  braços  encruats 
sobre  los  pits,  e  obri  los  ulls  vers  lo  cel,  e  feu  senyal  que  molt  ho  agraya  a 
Deu.  E  lo  rey  d'Arago  hanch  no  dix  moites  paraules.  car  no  podia.  E  estech 
axi  tro  lendema  a  hora  de  compléta  que  passa  de  aquest  segle.  E  aço  fo  en 
dia  de  disapte,  que  era  la  vespra  de  Sent-Marti,  en  lo  any  de  Nostre  Scnyor 
1285  (2  novembre). 

E  quant  fo  mort  aquell   noble   rey  En   Père  d'Arago  e  de  Cecilia.  ajus- 


taren  se  en  la  cambra  hon  ell  jaya  tots  los  prélats  e  els  richs  homens  de  la 
terra  ;  e  mogueren  aqui  !o  major  plor  e  el  major  dol  que  hanch  hom  ves... 
E  aportaren  lo  los  richs  homens  e  cavaliers  al  coll  tro  sus  que  foren  al  mones- 
tir  de  Sentes  Creus  ;  e  aqui  mogueren  sobrel  cos  Uur  dol  e  llurs  crits  e  llur 
plant,  que  hanch  semblant  dol  no  fo  vist  ne  oyt...  Ab  tant  saberen  per  tota 
la  terra  les  maies  novelles  quel  noble  rey  En  Perc  de  Arago  e  de  Cecilia 
era  mort.  E  menaren  gran  dol  e  gran  plor  cavaliers  e  burgesos  e  ciuta- 
dans  e  altres  homens  de  vila  de  la  mort  de  aquell  noble  senyor  d'amunt  dit  ; 
e  plangueren  lo  mes  que  hanch  rey  que  fos  estât  en  Espanya.  Tan  ne  fo  plan- 
gut  que  sols  no  poria  esser  dit  ne  comtat  lo  dol  ne  desconfort  que  romas 
en  la  terre. 

Ainsi  finit  la  Cronica  del  7{ey  En  Perc  écrite  par  Desclot,  et  de 
ce  grand  écrivain  catalan,  de  ce  chroniqueur  qui  ressemble  tant  à 
un  historien  nous  ne  savons  rien  ;  il  ne  nous  a  laissé  que  son 
livre  où  nous  pouvons  simplement  nous  assurer  qu'il  vivait  en  i  285 
et  qu'il  fit  partie  de  l'armée  opposée  à  celle  de  Philippe  le 
Hardi. 

(A  suivre)  Pierre  Vidal. 


Notre-Dame  de  Belloch 

^  le  Couvent  des  Capucins  d*Eine 

C2^4^  (SUITE  er  rm) 

Cependant,  les  religieux  avaient  fini  par  pouvoir  réparer 
les  dégâts  de  l'incendie  et  rentrer  chez  eux.  Alors  s'ouvrit 
pour  eux  une  période  de  tranquillité,  pendant  laquelle  les 
registres  n'en  font  guère  plus  mention  :  Heureux  ceux  qui 
n'ont  point  d'histoire  ! 

Mais  ce  calme  prit  fin  à  la  Révolution,  où  les  ordres  reli- 
gieux furent  sécularisés. 

Un  décret  préparatoire  à  cette  mesure,  rendu  le  26  mars 
1790.  ordonna  aux  municipalités  de  dresser  inventaire  des 
biens  des  religieux  et  de  recueillir  les  déclarations  de 
ceux-ci  touchant  leur  sécularisation. 


—  8i    — 

La  municipalité  d'Elne  (Georget,  maire)  se  transporta 
donc  au  couvent,  et  voici,  à  la  date  du  27  mai,  le  procès- 
verbal  de  cette  visite  : 

Inventaire  chez  les  Capucins  :  —  Déclarations  de  revenus  : 
Une  rente  de  9  1.  et  une  autre  de  3  1.  —  Pas  d'argenterie.  — 
Argent  monnayé  :  6  1.  pour  toute  ressource.  —  Sacristie  :  un 
soleil,  un  calice,  un  ciboire,  10  chasubles,  4  aubes,  un  pluvial,  le 
tout  simple  et  usé.  —  Un  encensoir  de  cuivre.  —  182  volumes 
divers.  —  Point  de  meubles  précieux.  —  Pas  de  dettes. 

Jl  y  a  deux  religieux  :  P.  Stanislas,  33  ans,  gardien,  et  F.  Fran- 
çois, 53  ans,  frère  lai,  qui  ont  déclaré  vouloir  rester  et  mourir 
dans  la  religion  ;  il  y  a  de  la  place  pour  cinq  religieux. 

Quelques  mois  plus  tard,  la  sécularisation  est  décrétée  ; 
l'évacuation  du  couvent  et  la  confiscation  en  sont  la  suite. 
La  municipalité  retourne  alors  au  couvent  pour  dresser 
l'inventaire  définitif  ci-après  de  ce  que  les  religieux  avaient 
dû  délaisser  : 

Du  22  janvier  J791  :  Inventaire  chez  les  Capucins,  conformé- 
ment au  décret  du  26  mars  1790. 

A  la  cuisine  :  (Chaudron,  poêlon,  2  casseroles  en  cuivre,  che- 
nets, servante,  crémaillère,  tournebroche,  gril,  poêle  en  fer, 
chandelier  d'étain,  mortier  en  pierre,  8  chaises,  une  table,  un 
moule  à  hosties,  5  cuillères,  3  fourchettes,   une  barrique  à  vinai- 

A  ta  dépense  :  {4,3  serviettes,  6  nappes,  9  torchons). 

Au  réfectoire  :  (3  tables,  une  pliante,  un  tableau  de  la  Sainte 
Vierge). 

^  la  cave  :  (7  tonneaux  de  2  charges,  2  jarres  avec  demi  dourq 
d'huile,  un  garde-manger). 

A  la  bibliothèque  :  (Une  paillasse,  3  bancs,  une  chaise). 

A  la  chambre  St-Bonavenlure  :  (Une  paillasse,  une  couverture, 
un  coussin,  une  chaise,  un  petit  bureau). 

A  la  chambre  du  Provincial:  (Un  lit  avec  paillasse  et  matelas, 
deux  chaises,  une  table,  un  bureau). 


—    82     — 

A  la  chambre  Si-Séraphin  :  (Un  prie-Dieu,  une  table  petite). 

A  la  chambre  du  Frère  François  :  (Un  lit,  une  paillasse,  deux 
couvertures,  un  prie-Dieu,  4  chaises,  un  bureau). 

^  la  chambre  du  Père  Gardien  :  (Un  lit  avec  paillasse  et  matelas, 
1  couvertures,  2  chaises,  un  bureau,  une  bibliothèque). 

A  la  sacristie  :  (4  nappes,  une  boîte  des  Saintes  Huiles,  en 
argent,  3  livres  de  cire,  un  devant  d'autel  en  taffetas  blanc  à  fleurs 
rouges  et  bleues). 

Au  bûcher  :  (40  quintaux  de  bois,  j5o  fagots). 

Le  Père  Gardien  a  déclaré  vouloir  rester  dans  la  maison.  Le 
frère  lai  a  dit  avoir  l'intention  de  se  retirer. 

Le  Père  Gardien  demande  à  être  déchargé  des  vases  sacrés 
dont  il  est  dépositaire,  sauf  du  calice  pour  son  usage.  Le  S'  Cro- 
zat,  maire,  prendra  les  dits  vases,  d'après  l'inventaire  du  27  mai 
1790,  pour  les  mettre  avec  ceux  de  l'église. 

L'histoire  des  Capucins  d'Elne  finirait  là,  si  nous  ne 
trouvions  encore,  à  Ja  date  du  6  février  suivant,  la  mention 
d'un  récolement  d'inventaire  d'après  une  lettre  du  direc- 
toire du  District.  Cette  lettre  prescrit  l'envoi  des  vases 
sacrés  à  la  Monnaie.  Les  livres,  tableaux,  médailles  seront 
envoyés  au  dépôt  de  Saint-Jean,  en  attendant  les  ordres  de 
l'Assemblée. 

L'immeuble  fut  vendu  révolutionnairement. 

Nous  avons,  pour  terminer,  à  signaler  quelques  particu- 
larités de  l'église,  des  bâtiments  et  aussi   de  leur  sous-sol. 

1°  L'église  de  N.-D.  de  Belloch  est  un  simple  bâtiment 
quadrangulaire  de  29""  environ  de  longueur  sur  7'"5o  de 
largeur,  et  orienté  du  Nord  au  Sud.  Elle  a  été  reconstruite 
visiblement  (en  1729)  avec  les  matériaux  de  l'église  ancienne, 
épars  sur  le  sol  depuis  1674  ;  c'est  ainsi  que  les  quatre  an- 
gles de  la  bâtisse  sont  constitués  par  des  blocs  de  marbre 
taillé  de  même  apparence  que  les  marbres  du  cloître  de  la 
cathédrale.  Le  chevet,  au  nord,  est  marqué  par  une  légère 
surélévation  du  bâtiment  et  un  mur  de  refend. 


83  — 


Elle  est  couverte  en  charpente  qui  porte  sur  trois  arcs 
doubleaux,  dont  celui  du  nord,  plus  bas  que  les  deux  autres, 
forme  un  tympan  où  l'on  voit  encore  l'inscription  :  «  JlUare 
privilegiatum  »  datant  des  Capucins.  La  charpente  est  cachée 


par  une  fausse  voûte  en  briques.  Le  mur  du  côté  du  cou- 
chant est  percé  de  trois  arceaux  en  briques,  qui  s'ouvraient 
sur  des  chapelles  latérales. 

La    porte,    sur   la    façade    sud,    est   remontée   aussi  avec 


des  atatéxiaux  primitifs.  Sc5  dimensions  sont  de  i^jS  sut 
2"3o.  On  V  remarque   surtout   le   linteau   monolithe,  beau 

morceau  de  marbre  de  i"^^  de  iong  sur  o"52  de  hauteur 
et  o"3o  de  largeur,  orné  d'une  simple  gerce  rectiîigr.c  et 
d'un  chanfrein. 

Il  semble  qu'elle  devait  être,  primitivement,  surmontée 
d'un  tympan  demi-circulaire  qui  manquerait. 

L'intérieur  de  l'église,  maintes  fois  remanié,  n'offre  rien 
à  signaler. 

IP  Le  couvent  était  ccntigu  à  l'église,  du  côté  du  levant. 
Les  bâtiments,  aujourd'hui  ruinés  ou'remaniés.  encadraient. 
au  moins  de  rrois  côtés,  une  cour  intérieure  dans  le  sol  de 
laquelle  était  établie  une  oteme  dont  l'orifice  s'ouvrait, 
comme  un  puits  carré,  au  milieu  de  la  cour.  Les  dimen- 
sions en  sont  considérables  :  j'^So  sur  4"'5o  de  côtés  e: 
6-'"5o  de  hauteur  intérieure  (i),  avec  î^So  d'épaisseur  de 
voûte  et  de  terre  au-dessus.  Le  daJlage  et  le  revêtement 
des  f>arois  sont  tout  entiers  en  marbre. 

111''  Le  bâtiment  qui  forme  le  côté  est  de  la  cour  est  de 
réédifîcation  récente,  sur  d'anciens  fondements.  II  a  j^io 
de  largeur  et  18™  de  long. 

A  noter,  en  dehors  de  ce  bàtime.-:,  a  environ  ;™  2  l'est 
des  murs,  un  puits  profond  creusé  dans  le  tuf. 

Mais,  dans  l'angle  S.-O.  ie  ce  bâtiment  s'ouvre  dans  le 
sol  un  orifice  donnant  accès  à  des  gaJeries  souterraines  de 
nature  à  retenir  l'attention. 

C'est  d'abord  un  escaJier  en  briaues,  sous  voûte,  de  0^80 
de  largeur  et  composé  de  i3  à  14  marches,  qui  descend  dans 
le  sol  à  environ  5^  de  profondeur  totale.  11  amené  à  une 
sorte  de   palier  ou  carrefour  en  pente,   sur  lequel   débou- 


:     Ce  <pï  représeate  «ae  txmtaamcc  *ppTaâimHiMi  de  3000  Iwctofitres, 

compte  czmt  ds  cïatre  de  la  Toôte. 


—  Sè- 
chent  ou    se    raccordent  trois  autres  galeries,   simplement 
creusées  dans  le  tuf. 

La  première,  à  droite,  étroite  et  basse,  et  longue  de  4  à 
5  mètres,  atteint,  à  son  extrémité,  la  paroi  du  puits  exté- 
rieur que  nous  avons  mentionné  ci-dessus  :  Le  trou  par 
lequel  cette  galerie  débouche  dans  le  puits  se  trouve  à 
7"'5o  en  contrebas  du  sol  extérieur.  Cette  galerie  n'est 
évidemment  qu'une  conduite  destinée  à  ramener  dans  le 
puits  les  eaux  d'infiltration. 

Elle  communique,  par  une  décharge,  avec  un  ouvrage 
que  l'on  remarque  en  amont,  au  pied  même  de  l'escalier 
voûté.  C'est  un  bassin  long  de  2*",  large  de  4""  sur  o"'8o  de 
hauteur  :  11  est  pratiqué  dans  le  tuf,  et  il  est  fermé  sur  le 
devant  par  un  mur  dans  lequel  on  a  ménagé  une  ouverture 
ou  regard,  qui  permet  de  l'explorer.  Il  peut  être  considéré 
comme  un  bassin  de  retenue  et  de  décantation  d'eaux  d'in- 
filtration. 

Le  rôle  de  la  deuxième  galerie,  aussi  à  droite,  est  plus 
difficile  à  préciser  :  celle-ci,  longue  aussi  de  5"*  environ  et 
dirigée  vers  le  N.-E.,  remonte  vers  le  sol  ;  son  extrémité,  qui 
doit  se  trouver  à  2"*  environ  en  contrebas  du  sol,  aboutit 
au  fonds  d'un  trou  vertical  comblé  avec  de  gros  cailloux,  et 
pratiqué  non  loin  du  puits  extérieur.  On  peut  y  voir  une 
sorte  de  puits-sec  et  un  système  de  captage  des  eaux  de 
surface  pour  les  amener  au  puits  après  filtration. 

La  troisième  galerie  est  celle  qui  offre  plus  d'intérêt  : 
Elle  est  haute  de  2"*  et  large  de  i*",  et  d'un  travail  soigné, 
avec  niches  et  sièges  de  repos.  Elle  s'ouvre  à  gauche  du 
carrefour  et  se  dirige  vers  l'ouest,  en  retour  très  prononcé 
sur  la  direction  de  l'escalier  voûté.  Sa  longueur  actuelle 
est  de  8"",  en  s'enfonçant  encore  de  3  ou  4""  dans  le  sol. 
Mais  là,  c'est-à-dire  à  une  profondeur  totale  de  10""  envi- 
ron sous  terre,  l'on  se  trouve   brusquement  arrêté  par  un 


-  87  - 
mur  transversal  de  barrage   qui    porte   toutes  les  marques 
d'avoir  été   fait   non   pas  du  côté  où  l'on  se  trouve  dans  la 
galerie,    mais   du   côté   opposé.    C'est   une    preuve    que    la 
galerie  se  prolongeait  plus  loin. 

Or,  dans  cette  direction  et  à  peu  près  en  ce  point  se 
trouve  la  citerne  de  la  cour.  Faut-il  donc  croire  que  la  gale- 
rie a  été  interceptée  par  la  construction  de  la  citerne  (que 
l'on  peut  estimer,  en  effet,  de  date  postérieure),  et  que  le 
mur  devant  lequel  nous  nous  trouvons  est  la  paroi  même 
de  la  citerne,  ou  du  moins  un  mur  de  contrefort  établi 
lors  de  la  construction  de  la  citerne  ?  C'est  probable. 

L'on  est  alors  amené  à  se  demander  où  pouvait  aboutir, 
auparavant,  la  galerie  ;  mais  on  ne  peut  actuellement  répon- 
dre que  par  des  suppositions  : 

L'on  ne  peut  s'empêcher  de  songer  qu'au  point  où  nous 
nous  trouvons  nous  sommes  à  25""  seulement  du  rempart, 
dont  la  courtine  domine  encore  d'environ  7""  le  terrain  en 
contrebas,  bien  que  ce  terrain  ne  soit  pas  le  fond  du  fossé 
de  la  place,  lequel  a  été  comblé  lors  du  démantèlement 
d'Elne,  en  1677.  De  sorte  que  l'on  pourrait  croire  à  l'exis- 
tence d'une  communication  souterraine,  par  quelque  poterne, 
entre  la  place  et  le  fossé. 

L'on  ne  peut  même  s'empêcher  de  songer  qu'à  35""  seu- 
lement de  là  se  trouve  le  curieux  bastion  de  1544,  cons- 
truit dans  le  fossé  peut-être  pour  abriter  un  point  de  ravi- 
taillement en  eau.  Nous  avons  déjà  signalé  (1)  l'existence 
et  l'intérêt  de  ce  bastion,  dit  «  Pou  de  les  Encantades  »  ;  et 
nous  rappelons  simplement  que  nous  avons  relevé  dans 
l'intérieur  de  cet  ouvrage,  à  la  gorge,  des  entrées  de  gale- 
ries comblées  montant  vers  le  corps  de  place.  Peut-être  y 
a-t-il  quelque  relation  entre  ces  divers  vestiges  souterrains. 

R.  DE  Lacvivier. 

(1)  7(evue  d'Hist.  et  d'Arch.  du  J{oussUlon,  juin  1900. 


Les  provatures  d*en  Xiquet 

Un  cop  hi  havia  un  rey  molt  vell  qu'estava  governant  un  pahîs 
de  part  de  lia  de  la  mar  y  que  no  se  quin  es  perqué  vos  ho  dire 
ras  y  curt  :  amb  allé  d'esser  l'historia  del  mon  prou  y  prou  enfas- 
tigada  de  preguntes  y  respostes,  no  som  may  pogut  m'atrevir  à 
li  demanar. 

Aquest  rey  s'anomenava  Xiquet  y  creyeu  qu'estava  molt  cap- 
ficat  de  que,  per  assegurar  sa  dinastia,  no  hagués  cap  rebrot  mas- 
culî,  sinô  dos  filles  :  la  Doloretes,  senzilla  y  humil  com  una  viola, 
y  la  Mireumé,  ufana  com  l'aie  de  les  cingleres. 

Veusaqui  qu'un  dia  son  fillol,  en  Feshobé,  marqués  d'una  colla 
de  comarques,  després  de  dos  o  très  anys  d'anar  de  camî  pel 
mon  a  s'instruir,  va  arribar  en  el  palau  reyal.  Aqueix  princep,  si 
era  rich  de  titols,  no  n'era,  ni  mica,  de  diners,  perqué  ja  's  sab 
qu'amb  allô  de  viatges   llarchs  s'hi   sol  gastar  una  djnerada  boja. 

Al  cap  y  a  la  fi,  qu'cl  rey  rebés  maguificament  el  seu  fillol,  no 
li  estalviant  cap  mena  de  gentileses,  no  s'en  pot  tenir  ni  l'ombra 
d'un  dupte,  que  desde  llarga  temporada  's  posava  mais  de  cap 
sobre  mais  de  cap,  tôt  anant  cercant  un  hereter  de  sa  corona 
amb  un  espôs  per  una  o  altra  de  ses  filles,  y  mes  que  tôt  per  la 
Mireumé,  qu'el  seu  anar  y  'Is  seus  modos  no  li  agradaven  gayre.  ' 

Y  de  sapiguer  qu'el  seu  fillol  era  un  home  distingit,  tocat  y 
posât,  y  feya  goig  de  '1  veure,  se  va  cuytar  de  li  dir  : 

—  Fillol  estimadîssim,  ecsigeix  el  protocol  quel  rey  imposi 
très  provatures  an  el  home  amb  qui  té  ideyes  de  casar  la  seua 
filla.  Amb  aixô  d'ideyes,  no  anesses  a  creure  qu'en  tingui  cap  de 
darrera  del  clatell,  ay  no  !  Ja  't  crech  home  d'enteniment  y 
judici,  y  sensé  cap  recansa  t'entregaré  les  guîes  del  reaime.  Mes 
amb  tôt  y  possehir  la  meua  confiansa,  cal  que  fassis  lo  que  't  digui. 

—  Que  'm  cal   fer,  padrî  ?  va  preguntar  desseguit  en  Feshobé. 

—  Ca  1  ben  poca  cosa. 

—  Mani  y  disposi  sa  Majestat  del  seu  humil  servent. 


-  89- 

—  Dies  passais,  mentres  cassavi  dintre  del  bosch,  he  vist  un 
aybre  qu'hi  havia  de  massa.  Ves  a  '1  cercar  y  portalo  acî. 

—  Per  un  aybre  ray,  ja  estarâ  llestament  fet...  Quin  vol  sa 
Maj  estât  ? 

—  Es  aquî  l'ail,  diu  la  ceba.   A  tu  te  pertoca  de  '1  descobrir. 

—  Mes  facil  me  séria  de  trobar  una  agulla  per  un  palier. 

—  Sapiguis,  home,  qu'un  princep  ha  de  veure  lo  qu'hom  li 
amaga  y  sentir  lo  qu'hom  li  calla.  Una  tal  qualitat,  si  per  mala 
Ventura  no  la  possehies,  allô  de  prétendre  an  el  meu  seti,  millor 
valdria  qu'ho  deixesses  cotiu. 

Aquestes  darreres  paraules  essent  dites  amb  un  to  d'allé  mes 
solemne,  ja  veu  el  fillol  que  no  hi  ha  cap  altre  remey  que 
d'obehir. 

Trasca  que  trascarâs,  pensa  que  pensarâs,  en  Feshobé  arriba 
an  el  bosch.  Y  quin  bé  de  Deu  d'aybres  de  tota  mena,  petits, 
petitets,  grossos,  grossassos,  y  per  tôt  arreu  aybres  y  mes  aybres 
a  drcta,  a  esquerra,  part  devant  y  part  darrera  î  Un  aybre  !...  un 
aybre  !...  per  cert  s'hi  hagués  de  ben  coneixer  qui  '1  volgués 
trobar  ! 

Trasca  que  trascarâs,  pensa  que  pensarâs,  sota  un  roure  ufanôs 
brolla  una  font  dins  la  verda  filigrana  de  les  herbes.  Un  ocell 
bonich,  bonich  com  s'en  veu  pochs,  se  va  rabejant  en  l'aygua  de 
cristall  y  arreu  s'en  puja  cap  al  bell  cim  de  l'aybre,  tôt  fent  uns 
refilets  que  de  tan  suaus  un  hom  diria  un  violî  del  cel. 

—  Es  aquî  l'aybre  del  meu  cor  !  —  s'esclama  el  fillol  commogut 
de  ta)  bellesa  ;  —  trenqueulo  arran  de  soca,  y  arri,  cap  al  palau  ! 

Y  sensé  demanar  cambi,  s'arrebossant  de  brassos  y  escupint  a 
les  mans  permor  que  no  'Is  hi  rellisqués  el  manech  de  l'eyna. 
aixequen  els  llenyaters  les  picases  ben  enlayre,  y  ardit,  que  no 
han  de  tenir  fites. 

Mentres  s'en  torna  cap  al  palau  reyal,  en  Feshobé  va  amanya- 
gant  el  seu  esplet  amb  la  mirada,  sentint  una  escalfor  li  pessi- 
golar  la  boca  del  cor. 

Amb  quina  gana  se  posa  de  genolls  devant  el  rey  ;  mes 
aquest,  enfurismat  : 

—  Groller,  mes  que  groller  !  El  meu  roure  trencat  !...  El  meu 


—  9°  — 
roure,  sote  '1  quai  anavi  tan  soviny  a  pendre  la  fresca  a  vora  de 
sa  font  gelada  !... 

—  Pare,  pare  !  —  va  interrompre  la  Doloretes,  —  el  vostre 
fillol  no  ha  tan  de  tort  com  vos  ho  sembla  de  primer  :  que  no  li 
heu  dit  de  llestar  l'aybre  que  volgués? 

—  Aixô  si  que  son  rahons  de  donetes  !  Jo  'm  creya  qu'aqueix 
borrech  que  'm  fa  dir  me  portaria  el  poli  d'italia  que  va  s'aixe- 
cant  com  un  pal  mestre  de  bastiment,  treyent  el  cap  de  vint 
pams  per  sobre  de  tots  els  demés  aybres.  Es  aqueix  aybre  tan 
orgullôs  que  'm  fa  ombra  a  ma  gloria... 

—  Si,  si,  —  se  cuyta  d'afegir  la  Mireumé  ;  —  lo  que  vé  de 
succehir  es  un  crim  que  crida  venjansa.  E!  vostre  fillol... 

—  Calla,  que  m'enfades...  Que  no  sabs  qu'el  meu  fillol  encare 
ha  de  fer  dos  provatures...  Demâ,  ohes,  fiilol  ?  iras  a  me  cercar 
una  flor,  tan  sols  una  flor,  i  mira  de  llestar  millor. 

Sensé  fer  ni  una  ni  dos,  en  Feshobé,  a  punta  d'alba,  s'en  va 
cap  a  l'hort,  ben  segur  qu'aquesta  vegada  li  es  menester,  com  se 
diu,  de  posar  el  peu  ben  pla  per  que  no  caygui. 

Y  bé  n'es  de  bonich,  aqueix  hort,  amb  unes  clapes  de  Hors 
Uuentes  encare  de  l'ayguatge  de  la  nit  y  amarades  en  les  primeres 
rialles  del  sol  !... 

Una  flor  !  tan  sols  una  flor  !...  Totes  ne  son  de  fresquetes  y 
embalsemades...  Si  per  ell  hagués  anat,  de  cert  que  les  hagués 
cuUides  y  fins  a  la  darrera. 

Rumia  que  rumiarâs,  veusaquî  que  's  ficsa  sa  mirada  sus  d'un 
cardô  bort  al  bell  mitg  de  l'hort. 

—  Ja  hi  som,  ja  hi  som  :  la  sola  herba  dolenta  de  l'hort,  el 
cardô  bort,  no  s'en  pot  duptar  ni  una  estona  que  no  sigui  '1  simbol 
de  la  maldat,  y  en  tôt  aixô  bé  caldrâ  qu'el  meu  padri  hi  veji 
mostra  de  ma  lleyaltat, 

Tal  dit,  tal  fet  :  ell  que  cul!  la  flor  y  va  's  l'emportant  cap  el 
palau. 

—  De  mes  en  mes  forta  !  —  s'esclama  '1  rey.  —  Amb  un  aybre 
mort  que  ja  m'has  aportat,  me  calia,  fa,  perqué  som  vell,  una 
flor  sensé  cap  mena  de  perfum  !...  Prou  qu'hi  perdre  la  gana  ;  y 
com   ne   podria  tenir  amb  una  tal  enrabiada  que  'm  va  assecant  la 


-  9»   — 
boca  y  fcnt  un  nû  a  la  gargamella  ?...  A  fi  de  comptes,  puix  un 
rey,  per  tant  que  li  'n  fassin,  ha  d'esser  sempre   magnânim,   vaig 
a  t'imposar  la  darrera  provatura, 

—  Quina,  padrî  ?  —  fa  en  Feshobé  amb  un  esborronament  de 

—  Un  ou  !...  No  't  demani  sinô  qu'un  ou. 

—  Un  ou  !  Un  ou  !  Amb  quina  m'en  sali  sa  Majestat  ? 

—  Quines  coses  de  dir  !  Te  sembla  que  't  demani  d'anar  a  me 
cercar  la  lluna...  Dins  el  meu  reaime,  tothom,  fins  als  mes  tontos, 
prou  me  portarien  un  ou,  y  una  dotzena,  y  cent  dotzenes,  si  ho 
calgués. 

—  Un  ou  !  Y  de  que,  padrî  ? 

—  Te  faré  '1  favor  de  '1  llestar  tu  mateix...  Y  mira  :  com  de 
ta  jovenesa  ne  tinch  molt  esguart,  te  donaré  trente  nits  per  hi 
reflectir  y  trente  dies  per  te  donar  de  cames. 

Ah  !  fillets,  creyeuho  com  si  no  :  tôt  aixô,  en  comptes  de  '1 
calmar,  va  anar  l'encenent  y  entristint,  a  n'en  Feshobé.  Qu'un 
hom  sab  com  hagués  acabat  amb  aquelles  ideyes  del  rey,  si  no 
hagués  près  el  determini  de  s'armar  de  paciencia  ?  Perqué,  la 
paciencia,  com  ho  diuhen   els  vells,   alcansa  lo  que  la  rahô  no  pot. 

—  El  padrî  ha  dit  una  paraula  que  'm  sembla  d'or  d'allé  mes 
fi  :  «  Tothom,  dins  el  reaime,  fins  als  mes  tontos,  prou  me  por- 
tarien un  ou,  y  una  dotzena,  y  cent  dotzenes,  si  ho  calgués.  » 
Donques  iré  an  el  mas  mes  aprop,  hi  pendre  un  ou  del  dia,  y 
bona  nit,  caragols  ! 

Tal  dit,  tal  fet  :  s'en  entra  dintre  d'un  galliner  y  agafa  un  ou 
en  el  ponedor. 

Mes  vetisaquî  que  's  li  va  ficsant  dins  el  clatell  una  ideya  que 
mes  l'en  vol  treure,  mes  se  li  enfonsa  : 

—  Lo  que  vinch  de  fer,  ja  ho  hagués  fet  un  infanto  de  quatre 
anys.  Quina  vergonya  lo  que  'm  passaria  si  jo  hagués  d'oferir  an 
el  rey  un  ou  de  gallina,  que  tothom  ja  ho  sab  qu'es  un  oceil 
comûî...  Lo  que  'm  se  nécessita  de  fer,  d'anar  a  plegar  al  bell 
cim  de  la  montanya  un  ou  d'âliga,  simbol  de  ma  valentia. 


—  92  — 

Al  endema,  després  de  tôt  ho  haver  parât  per  l'escursiô  y  quan 
se  disposa  a  marxar,  veusaqui  que  comensa  a  caure  una  d'aquelles 
plujes  espesses  y  menudes.  Tôt  el  sant  dia  no  fa  que  ploure,  y 
mentres  espéra  la  fi  dei  plujat,  dins  del  seu  cap  se  capbucen 
noves  ideyes. 

—  Qui  sab  si  valdria  millor  un  ou  que  no  sigués  d'âliga?... 
perqué  amb  tôt  y  aixô  d'esser  un  ocell  de  rapinya,  potser  serîa 
de  mal  auguri  pel  padri...  Belleu  un  ou  de  rossinyol...,  de  pica- 
figues...,  de  pinsâ...,  de  verderol...,  que  fa  uns  refilets!... 

Rumia  que  rumiarâs,  passen  dies  y  dies.  Y  a  les  nits,  ous  y 
ous  en  desmasia  :  en  Feshobé  no  somia  sinô  qu'ous. 

Mes  al  cap  y  a  la  fi  de  les  trente  nits,  prou  qu'ha  de  pendre 
un  determini. 

IJl  finir)  j.  B. 


L'Âmfora 


En  les  terres  de  febra  y  de  xardor, 
hont  els  casots,  com  la  bugada  estesa 
suis  etzavares  de  la  plana  encesa, 
esclaten  y  enlluhernen  de  blancor, 

dins  la  penombra  blava  y  la  frescor 
d'emblanquinades  sales,  la  bellesa 
de  l'àmfora  présida,  igual  deesa 
en  l'altar  casolà  de  l'antigor. 

Sobre  els  seus  flanchs  perfects  de  verge  nua, 
l'aygua  del  pou  vehî,  fresca,  traspua, 
fent  l'hi  un  vestit  de  platejats  ribets... 

Y  an  el  gerrer  traçut  portant  enveja, 
per  hi  tancâ  '1  meu  cor  l'esprit  torneja, 
àmfores  ideals,  eixos  sonets. 

Francis  Salyat. 


La  seigneurie  ^  la  paroisse  du  Soler 

<^^i^  (SUITE) 

Quelque  temps  après,  les  revenus  de  la  mense  épiscopale  furent 
séquestrés.  Le  5  avril  ]663,  le  séquestre  de  ces  revenus  prit  pos- 
session du  lieu  du  Soler  en  présence  des  consuls  et  de  la  popula- 
tion réunis  «  intus  forlaliiiam  »  (i). 

Dix  ans  après,  l'évêque  d'Elne  était  maître  de  ses  revenus, 
puisque,  le  lo  juillet  1673,  Louis  de  Bruel,  prieur  de  Panissas, 
administrateur  de  la  mense  épiscopale,  prend  possession  de  la 
juridiction  du  Soler  en  sortant  une  épée  du  fourreau,  en  mettant 
des  gants  et  en  jetant  aux  quatre  vents  une  poignée  de  monnaie 
et  une  autre  de   terre  (2). 

En  j683,  à  l'occasion  de  la  guerre  contre  le  comte  d'Empu- 
rias,  le  Soler  d'Amont  est  imposé  pour  i3  feux,  un  florin  d'or 
par  feu  et  par  mois  (3). 

Le  batlle,  en  1691,  afferme  la  boucherie  :  Ab  pactes  que  vendra 
la  lluira  de  molto  sel  sous  y  sis  diners  moneda  de  Trança,  per  lliura 
de  cresiai  y  lliura  de  feda  4  sous  y  sis  diners,  lliura  de  cabra  3  sous 
y  sis  diners,  lliura  de  bou  5  sous  de  la  maleixa  moneda  ».  En  tant 
que  clavaires,  les  consuls  s'opposent  avec  toute  diligence  à  ce 
qu'on  achète  ailleurs.  Le  boucher,  durant  son  afferme,  sera  dis- 
pensé de  toute  fonction,  charge,  obligation,  logement  de  soldats  : 
il  paiera  i3  livres  10  sous  (4).  La  gabelle  est  affermée  par  les 
consuls  en  1709.  Le  fermier  vendra  «  poibre,  salages,  doux  de 
girofla,  huile,  eau-de-vie,  esclops  ou  sabots  ».  Personne  ne  pourra 
vendre  de  ces  denrées  «  à  la  menuda  ni  en  gros  »  si  ce  n'est  de 
leur  propre  cru,  sous  peine  de  6  livres.  Toutes  les  fois  qu'il  vien- 
dra un  étranger  pour  vendre  «  marlusse,  sarde,  arengade  et  autres 
choses  tocant  à  la  gavella  »,  le  dit  fermier  ne  pourra  acheter 
qu'après  un  jour  entier  (5).  En  1709,  l'université  s'assemblait  dans 

(1)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  42. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  Fonds  d'Oms. 

(4)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  C.  1860. 

(5)  Ibidem. 


—  94  — 
«  le  four  »  qui  devint  le  lieu  ordinaire  des  réunions  (i).  C'est  là 
que  l'on  afferma  le  logis  et  le  four.  Quant  au  logis  ou  hostal,  le 
fermier  devait  acheter  le  vin  aux  habitants  du  Soler,  avoir  tou- 
jours du  pain  et  du  vin  à  vendre  sous  peine  de  trois  livres  d'ar- 
gent ;  il  devait  avoir  aussi  de  bons  lits  et  une  écurie.  Aucune 
autre  personne  ne  pouvait  loger  des  étrangers  (a).  Quant  au  four, 
voici  les  conditions  imposées  au  fermier  :  «  Jtem  no  li  sia  licit y 
permès  de  exigtr  ni  pendrer  per  dret  de  arrendamenî  mes  de  un  pa  per 
viniena...  item  donarà  à  la  diia  obra  de  l'iglesia  très  atxas  de  cera 
blanca  de  pès  de  sis  lliures  per  illuminar  lo  santissim  sagrament  lo  dia 
del  Dijous  Sani  y  lo  dia  de  Corpus  Christi  »  (3). 

En  1756,  la  communauté  du  Soler  et  de  l'Eula  est  imposée 
pour  le  vingtième,  à  savoir  :  Marquis  de  Montferrer  fils,  1  1. 
10  d.  ;  le  S'  de  Chavigny,  i5  1.  5  d.  ;  le  S'  Desprez  de  Pome- 
riol,  II  1.  5  d.  ;  le  S'  don  François  d'Oms  et  de  Foix,  1  1  3  1.  6  d.  ; 
le  S'  de  Roquebrune,  en  Espagne,  42  1.  12  d.  ;  le  S'  Dédies, 
prêtre,  j  1.  ;  le  S'  Cavalier,  docteur  en  théologie,  curé  du  Soler, 
27  1.  5  d.  Viennent  ensuite  :  Respaut,  Clanet,  Godail,  Valette, 
Gaixet,  Sabardeil,  Berges,  Badie,  Vidal,  Bonnefont,  Loste, 
Parayre,  etc.  En  tout  192  imposés.  Total  de  l'imposition, 
8i3  1.  18  d.  (4). 

Les  consuls  s'occupent  aussi  de  la  maison  curiale.  Cette  maison 
était  sur  le  talus  de  la  rivière  et  menaçait  de  crouler.  Un  héritier 
de  feu  M.'  Cabestany  est  chargé  des  réparations  de  cette  maison. 
Ceci  se  passait  en  1760.  Deux  ans  après,  le  viguier  se  transporte 
au  Soler  et  reconnaît  que  l'ancienne  maison  curiale  ne  peut  être 
rebâtie  sur  le  même  endroit,  attendu  que  la  terre  a  été  enlevée 
par  les  inondations  :  toute  la  maison  est  menacée  d'une  ruine  pro- 
chaine. On  demande  à  l'évêque  d'Elne,  seigneur  du  lieu,  de  tro- 
quer tel  autre  terrain  qui  conviendra  pour  cela.  11  y  a  vingt  ans, 
dit  l'expert,  on  voyait  derrière  la  dite  maison  une  longueur  de 
terrain  suffisante  pour  le  passage  d'une  charrette.  Aujourd'hui,  un 
homme  ne  peut  y  passer  sans  danger  de  tomber  dans  le  précipice 

(i)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  C.  1860. 

(2)  7b idem. 

(3)  Ibidem. 
^4)  Ibidem. 


-95- 

creusé  parles  eaux.  L'Intendant  décide,  malgré  tous  les  avis  con- 
traires, d'utiliser  la  partie  antérieure  de  la  maison  et  de  l'appro- 
prier en  un  logement  convenable  (i). 

Il  faut  reconnaître  que  la  communauté  du  Soler  n'avait  pas  des 
revenus  importants,  puisque,  en  1761,  Pierre  Laurent,  maître 
d'école  cX  greffier  de  la  communauté  à  raison  de  10  livres  par  an, 
avoue  qu'il  n'a  pas  été  payé  de  trois  ans  «  parce  que  la  dite  com- 
munauté n'avait  aucun  revenu  »  (2). 

En  1776,  on  dressa  la  liste  des  habitants  corvéables  de  la  com- 
munauté, des  voitures,  des  bêtes  de  trait  ou  de  somme,  etc. 
Cette  liste  comprend  : 

Chefs  de  famille,  96  noms. 

Propriétés  (ayminates),  5io  1/2, 

Montant  de  la  capitation,  728  1., 

Montant  des  cotes  d'impositions  ordinaires,  348  1.  6  d., 

Nombre  des  corvéables  dont  les  familles  sont  composées  (ce 
qui  doit  comprendre  les  enfants  et  les  domestiques),   141, 

Nombre  de  charrettes  attelées  de  mules,  mulets,  boeufs,  etc.,  1, 

Nombre  de  mules,  mulets  ou  chevaux  de  trait,  3, 

Nombre  de  mules,  mulets,  chevaux  de  transport,  48, 

Bêtes  de  somme  (ânes  ou  bourriques),  93, 

Chacun  des  contribuables,  à  12  journées  chacun  par  an,  chaque 
journée  de  )o  deniers,  846, 

82  bêtes  de  transport  ou  de  somme,  à  12  journées  chacune  par 

an,  chaque  journée  de  i5  deniers,  728. 

Total  :   1574. 

Quelques  professions  :  maréchal,  garde,  réguier  du  ruisseau  de 
las  Canals,  fermier  du  bureau  du  sel  et  du  tabac,  coupeur  de 
bois  pour  le  four  de  Malie. 

Enfin,  le  )5  août  1787,  on  nomme  un  syndic  et  les  autres  mem- 
bres qui  doivent  composer  l'assemblée  municipale  en  exécution 
d'un  règlement  de  Sa  Majesté.  Vingt-sept  personnes  sont  présen- 
tes, parmi  lesquelles  François  Respaut,  batlle  du  Soler  d'Amont, 
B.  Bobo  et  J.  Comes,  consuls.  La  communauté  comptait  alors 
140  feux  (3). 

(A  suivre)  Joseph  Gibrat. 

(i)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  Fonds  d'Oms. 
(a)  (3)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  C.  i86i. 


Catalougna-Lengadoc 


En  tournant  dau  Coungrès  de-z-Ais,  lou  pouèta  e  patriota 
catalan  En  Joan  Estelrich  nous  a  fach  l'amistat  de  passa  à  Mount- 
Pcliè  la  journada  dau  dimàs  )3  d'abriéu. 

Lous  coulabouraires  dau  Gai  i  an  fach  las  ounous  de  la  ciéutat 
de  Jaume  lou  Counquistaire  ounte  a  agut  grand  gau  de  se  res- 
countrà  tamben  emé  lous  Roussilhouneses  d'elèi  que  soun  lou 
proufessou  Jan  Amade  e  lou  pouèta  Jousé  Pons. 

Lou  vèspre,  à  la  roustissariè  Sant-Roc,  un  dinnà  amistous  nous 
acampava.  De  brindes  seguèroun  pourtats  pèr  Jan  Estelrich  e 
Pèire  Azèma,  Jousè  Pons  e  Delpon-Delascabras.  Se  cantèt  lous 
refrins  dau  païs  e,  pèr  bella  finida,  Los  Segadors  e  lou  Cani  de  la 
Coupo. 

Aqueste  mandadis  seguèt  pioi  sinnat  pèr  lous  taulejaires  e 
remés  à  noste  amie  catalan  : 

Lous  felibres  jouves  de  JJfount-Peliè,  acampats  à  l'entour 
d'En  Joan  Estelrich,  en  souvenença  de  las  journadas  glouriousas 
dau  printems  1 878,  ounte  En  Jllbert  de  Quintana  reçachèt  la 
jota  de  las  Testas  Latinas  sus  l'Esplanada  dau  Peirou  de 
Mount-Veliè,  renouvelloun  tou  sarrament  de  frairetat  qu'unis 
lous  felibres  de  Lengadoc  as  patriotas  catalans  e  souvètoun  de 
tout  soun  cor  de  relaciouns  sempre  mai  entimas  e  mai  amis- 
tousas  entre  eles,  pèr  la  gloria  dau  Verbe  d'oc  e  l'ounou  de  la 
Terra  d'amour  que  bagna  la  Mar  miechterrana. 

Aquelas  relaciouns,  n'avèn  l'espèr,  se  van  renousà  de  mai  en 
mai,   au  mens  entre  lous  Clapassiès  e  sous  amies  de  Barcelouna. 

De  nostas  charradas  emé  Joan  Estelrich,  d'aquel  escàmbie 
d'idèias,  d'empressiouns  e  de  pantais  d'aveni,  demourarà,  mai 
qu'un  agradiéu  souveni,  la  realitat  d'una  amistança  viventa  e 
agissenta.  L.  Ch. 

Extrait  de  "Lou  Gat,  journal  du  Languedoc.  j3  avril  1920. 

Le    Gérant,  COMET.  —  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Poste,   Perpignan 


14'  Atlrtèe.  N'  I6é  Mai  1920 

Les   Manuscrits  non  inseréi  ^^  ^P^^V  V^  4  %V^ 

ne  sont  oas  rendu>.  M^^  mT«  ^kt     M    I  M^ 


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LES  FETES     ^     ^ 
DE    BARCELONE 

En  route 

Vendredi,  3o  avrH. 

Nous  quittons  Perpignan  à  i  i  h.,  salués  à  la  gare  par  nos  amis 
Bausil  et  Francis,  les  deux  proscrits,  et  par  Payret  qui  devait 
se  joindre  à  nous  le  lendemain  et  que  nous  ne  revîmes  plus.  Si 
ce  n'était  le  regret  de  laisser  à  Perpignan  deux  de  nos  camarades, 
une  joie  communicative  nous  anime  et  nous  déride  vite. 

La  délégation  est  ainsi  composée  :  MM.  Jean  Amade,  profes- 
seur à  la  Faculté  des  Lettres  de  Montpellier,  Henry  Aragon, 
président  de  la  Société  d'Archéologie,  Horace  Chauvet,  de 
V Indépendant  des  Pyrénées-Orientales,  Docteur  Carbonneil,  Char- 
les Grando,  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes,  Déodat  de  Séve- 
rac,  compositeur  de  musique,  Henry  Muchart,  avocat,  L.  Payret, 
directeur  du  Courrier  franco-espagnol. 

Quelques  incidents  amusants  égayent  notre  voyage.  Ainsi,  dès 
que  nous  pénétrons  dans  un  tunnel,  une  lampe  électrique  est  bra- 
quée sur  nous  par  un  inconnu...  Mystère  !  Nous  croyons  revivre 
un  film  de  la  JHain  qui  éireint.  Serait-ce  un  détective  espagnol,  et 
nous  prendrait-on  pour  des  conspirateurs  ? 

A  Cerbère,  visite  méticuleuse  de  la  douane  française  et  arrêt 
exagéré,  sans  doute  prévu,  pour  manquer  la  correspondance  à 
Port-Bou.  Là,  Déodat  de  Séverac,  questionné  sur  son  métier 
répond    flegmatiquement  :    musich.    Amade   parlemente.    —   Nous 


-98- 

devons,  dans  Cette  première  station  espagnole,  à  son  initiative  et 
à  la  complaisance  du  chef  de  gare  qui  retarde  le  départ  du  train 
jusqu'à  l'accomplissement  de  toutes  les  formalités,  de  prendre  le 
<  correu  »  qui  doit  nous  déposer  à  Barcelone  à  7  heures. 

Les  plages  catalanes,  les  criques  splendides,  la  magnifique  baie 
de  Llansa  dominée  par  le  massif  verdoyant  de  Rosas,  dont  les 
premières  croupes,  dévalant  vers  la  mer  en  gradins  fleuris  s'épa- 
nouissant  au  soleil  de  tout  l'or  de  leurs  genêts,  éblouissent  nos 
regards,  et  Muchart  dit  des  vers  de  ses  Balcons  sur  la  Mer,  et 
Grando  lui  donne  la  réplique  par  l'un  des  chants  de  ses  Yeus  de 
la  Terra. 

A  Figuères,  nous  prenons  une  musique  militaire.  L'ardent  soleil 
du  littoral,  qui  darde  maintenant  ses  rayons  de  feu  sur  la  vaste  et 
riante  plaine  de  J'Ampourdan  et  les  premiers  mamelons  cendrés 
de  Roca-Corva,  nous  a  fortement  altérés. 

Et  le  «  musich  »  Déodat  de  Séverac,  en  compagnie  du  «  cate- 
dratich  »  Amade  ont  bu  notre  dernière  bouteille  î  De  Gérone 
nous  admirons  bien,  au  passage,  le  fouillis  pittoresquement  étage 
des  vieilles  maisons  de  la  ville  haute,  superposant  leurs  façades 
délabrées,  bariolées  d'oripeaux  séchant  au  soleil,  du  bord  de 
rOna,  qui  en  baigne  les  premières  assises,  jusqu'à  la  belle  cathé- 
drale gothique  à  l'escalier  monumental  qui  les  domine  ;  mais,  sauf 
M-  Aragon,  tout  à  son  archéologie,  nous  goûterions  aussi  bien, 
tant  notre  soif  est  cruelle,  le  charme  rafraîchissant  d'une  canette 
de  bière. 

Enfin  nous  pouvons  à  Enpalme,  où  la  buffetière  lève  les  bras 
au  ciel  en  nous  voyant  vider  les  chopes,  satisfaire  notre  soif  ;  et 
le  docteur  Carbonneil  reprend  sa  sérénité. 

Nous  avons  rencontré,  en  cours  de  route,  notre  compatriote 
Molinier,  de  Rivesaltes,  cousin  du  Maréchal  JoflFre  ;  il  se  joint  à 
à  la  caravane  et,  naturellement,  Chauvet  interviewe  :  nous  appre- 
nons que  le  Maréchal  descendra  au  Ritz  où  un  appartement  splen- 
dide  a  été  aménagé. 

L'on  saura  par  la  suite  que  l'autorité  militaire  espagnole  garda 
le  Maréchal  a  la  Capitanîa  General,  malgré  l'absence  du  général 
Weyler.  La  diplomatie  a  de  ces  mystères. 

Ce  sont  maintenant  les  sommets  bleutés  du  Montseny  qui  limi- 
tent l'horizon.  Derrière  les  rangées  de  pins  qui  boisent  les  coteaux 


fecuits  de  Sant-Celoni.  Phébus  coule  un  Ruissellement  unique  de 
lumière,  passant  du  blanc  au  rouge  vif  d'un  brasier,  dans  une 
gamme  flamboyante  de  demi-teintes  qui  incendie  tout  le  couchant. 
Bientôt,  sur  le  flanc  opposé,  se  dessine  la  silhouette  sombre  du 
Montjuich. 

Et  nous  voici  dans  les  faubourgs  de  la  grande  cité  dont  nous 
allons  être  les  hôtes, "et  où  nous  allons  passer  des  heures  inou- 
bliables. 

L'accueil  qui  nous  fut  fait  dépassa  toute  attente  et  notre  aima- 
ble compagnon  de  route  Horace  Chauvet  vous  le  dira. 

Caries  de  la  Real. 


A   BARCELONE 

Barcelone,  3o  avril. 

Bien  que  la  presse  de  Catalogne  annonce  l'arrivée  de  la  déléga- 
tion perpignanaise  en  termes  pompeux  et  qualifie  chacun  d'entre 
nous  «  d'éminent  »  et  «  d'illustre  »  au  superlatif,  il  n'en  est  pas 
un,  dans  la  caravane  venant  du  Roussillon,  qui  mérite  comme  Déo- 
dat  de  Séverac  de  recevoir  sous  le  nez  des  nuages  d'encens  ;  et 
c'est  justement  le  plus  timide  et  le  plus  eff^acé. 

Fort  heureusement,  celui  qu'on  prenait  à  Port-Bou  pour  un  vul- 
gaire clarinettiste  de  cobla  catalane  s'est  trouvé,  en  gare  de  Bar- 
celone, en  présence  de  personnalités  empressées  qui  le  connais- 
saient et  ont  rendu  hommage  à  son  talent. 

Je  dois  le  dire  pour  ce  qui  en  rejaillit  sur  la  petite  patrie  rous- 
sillonnaise  :  la  délégation  venant  de  Perpignan  a  été  accueillie 
avec  un  déploiement  luxueux  de  courtoisie.  Dès  leur  descente  du 
train,  les  compatriotes  du  maréchal  Joff^re,  reçus  par  les  délégués 
de  la  Mancommunitat  (majordome  et  maître  dr.s  cérémonies  en 
tête),  par  les  représentants  de  la  presse,  par  les  commissaires  du 
Comité  des  fêtes,  ont  été  conduits  aux  colxes  qui  leur  étaient 
réservés,  et  il  y  avait  aux  portières  et  sur  les  sièges  des  carrosses 
de  la  municipalité  un  véritable  bataillon  de  gardes  urbains, 
galonnés  sur  toutes  les  coutures  et  enveloppés  d'uniformes  ver- 
meils. Nous  serrons  la  main  à  MM.  Puig  y  Estéve,  représentant 


lOO    — 


l'Alcalde  ;  aux  artistes  Rusinol,  Casas,  Utrillo,  à  Soler  y  Plà,  à 
l'abbé  Caseponce,  à  M.  Dorgebray,  président  de  la  Colonie 
française,  Georges  Foret,  O.  Lecomte,  Alcàntara,  Ribé  Tort, 
Cardunets,  Carbonneil,  Sansô,  Castanyer,  Brousse  fils,  Duran  y 
Tortajada,  etc.  Quand  l'hospitalité  a  de  telles  prémices,  je  laisse 
'à  votre  perspicacité  le  soin  d'en  déduire  toute  l'amplification. 

Il  n'y  a  qu'à  Barcelone  qu'on  puisse  avoir  des  gestes  aussi  gran- 
dioses pour  recevoir  des  visiteurs. 

J'imagine  que  le  maréchal  JofFre,  qui  arrive  ce  matin  à  Barce- 
lone, sera  reçu  comme  le  dieu  Mars  descendant  sur  la  terre. 

La  Publicidad  insiste  pour  qu'on  réserve  au  maréchal  Jofîre  un 
accueil  triomphal,  ajoutant  qu'il  manquait  à  la  gloire  du  grand 
capitaine  de  passer  par  la  voie  sacrée  de  la  rambla. 

La  Yeu  de  Calalunya  voit  en  lui  la  glorification  des  vertus  de 
la  race  catalane  et  s'enorgueillit  de  sa  popularité  mondiale. 

h,''Esquella  de  la  Torratxa,  qui  consacre  un  numéro  spécial  à 
Joffre,  en  fait  une  description  amusante  :  «  11  ne  porte  point  de 
cosmétique  aux  moustaches  ;  il  a  un  air  de  vieux  propriétaire  rural 
de  nos  montagnes,  un  air  catalan  patriarcal  et  bonhomme  ;  il  doit 
rappeler  aux  enfants  ces  généraux  des  contes  de  fées  qui  leur 
laissent  des  jouets  dans  les  bottines  ». 


SK 


V arrivée  de  ] offre 


Barcelone,   i"  mai. 

On  a  ici  l'impression  très  nette  que  le  maréchal  JoflFre  repré- 
sente, à  l'heure  actuelle,  la  plus  grande  force  d'attraction  du  monde 
entier  ;  il  est  l'homme  le  plus  populaire,  il  est  celui  sans  qui  la 
victoire  des  Alliés  n'eut  pas  été  possible. 

Les  acclamations  que  le  vainqueur  de  la  Marne  a  cueillies 
aujourd'hui,  avec  les  plus  belles  fleurs  de  la  Catalogne  que  lui 
présentaient  les  délégations  diverses,  avec  le  sourire  le  plus  exquis 
des  barcelonaises  accoudées  aux  balcons  pavoises,  ont  été  aussi 
vibrantes  qu'elles  pouvaient  l'être.  Dans  la  foule  massée  sur  le 
passage  des  voitures  officielles,  les  applaudissements  se  réper- 
cutaient au  loin  comme  les  vagues  qui  se  bousculent.  , 


lOl     

«  Viva  lo  Mariscal  Joffre,  Salvador  de  l'humanitat  !  » 

«  Viva  França  !  Viva  Joffre!  »,  crie-t-on  de  tous  côtés. 

Joffre  répond  par  des  saluts  affectueux  et  de  cordiales  paroles. 

A  Guimerà,  qui  le  reçoit  à  la  gare  par  ces  mots  :  «  Mra  seu  ben 
nosire  !  Seu  a  casa  vostra  /  »  il  répond  :  «  Sont  casibé  calalà  de 
Barcelona.  » 

A  l'Alcalde  qui  lui  souhaite  la  bienvenue  au  Palais  de  l'Ajunta- 
ment,  il  dit  :  a  M'agrada  parlar  català,  me  sembla  que  parti  a  ma 
mare  ». 

Au  président  de  la  Mancommunitat,  qui  le  salue  à  son  tour,  il 
déclare  que  son  plus  grand  plaisir  est  de  fouler  la  terre  catalane. 

Au  délégué  sud-américain,  qui  lui  offre  un  objet  d'art  au  nom 
de  la  colonie  catalane,  il  adresse  des  félicitations  :  a  lieu  ben 
parlai  y  heu  proval  ara  que  la  llenga  calaîana  es  la  mes  bonica  de 
tôles  ». 

Et  les  Catalans  d'acclamer,  de  chanter  la  Marseillaise,  d'enton- 
ner E/s  Segadors,  tandis  que,  profitant  d'un  aparté  propice,  le 
maréchal  appelle  auprès  de  lui  son  parent  Molinié,  de  Rivesaltes, 
pour  lui  demander  «  si  la  padragada  ha  pas  trossejat  les  seues 
vifiyes  » . 

A  tout  ce 'peuple  qui  exalte  l'amour  de  la  terre  catalane  il 
apparaît  comme  l'homme  de  la  terre  ;  il  plaît  surtout  par  la  simpli- 
cité de  sa  tenue  (képi,  dolman  et  pantalons  rouges)  qui  contraste 
avec  les  uniformes  chamarrés  de  ceux  qui  l'accompagnent.  Ceux- 
ci  ont  la  poitrine  constellée  de  décorations,  grosses  comme  des 
ostensoirs  :  lui  ne  porte  que  la  médaille  militaire  et  la  croix  de 
guerre. 

Cette  modestie  plaît  beaucoup  plus  que  tous  les  discours 
enflammés  qu'il  pourrait  faire. 

Madame  la  Maréchale  produit  la  meilleure  impression,  cha- 
peautée de  blanc  et  vêtue  de  soie  noire.  Pour  elle  tout  ce  que 
Barcelone  compte  de  gracieux  a  été  mobilisé  et  elle  en  paraît 
éblouie. 

A  notre  tour  nous  approchons  du  héros  de  la  fête  avec  la  délé- 
gation perpignanaise  :  le  maréchal  Joffre,  en  voyant  ses  compa- 
triotes, nous  produit  l'effet  du  passager  qui  a  eu  le  mal  de  mer 
et  qui  est  heureux  de  mettre  le  pied  sur  la  terre  ferme  :  «  Ah  ! 
vous  êtes  là,  tant  mieux.  Je    suis   surmené,    mais   pas   fatigué.    Je 


—    102    — 

tiens.  Ma  joue  droite  s'est  enflée  visiblement  ;  c'est    une    fluxion 
qu'un  courant  d'air  de  train  m'a  procurée. 

«  Comme  je  suis  heureux  de  vous  voir  !  dites  à  Perpignan  com- 
bien est  grande  ma  joie  d'un  accueil  si  grandiose.  J'arriverai  en 
Roussillon  le  6.  En  attendant,  je  reçois  des  délégations  ». 

Quelle  corvée  que  la  gloire,  même  à  travers  la  voie  sacrée  de 
la  Rambla,  par  cette  délicieuse  journée  d'été  ! 

Horace  Chauvet. 

Quelques  manifestations  ont  eu  lieu  sur  la  Rambla  dont  le  cor- 
tège devait  parcourir  l'allée  centrale. 

Les  manifestants  catalans  crient  qu'on  leur  a  confisqué  JofFre, 
que  l'on  conduit  à  la  Capitania  gênerai  (où  décidément  il  logera), 
soulevant  l'exaltation  affectueuse  de  tout  un  peuple.  Car  dans  ces 
tiraillements  sa  personnalité  reste  intacte.  H.  C. 


:&< 


"Les  1\éceptions 

A  l'Ajuntament 

Dès  ]  1  heures  la  foule  se  presse  devant  la  Mairie  où  le  Maré- 
chal Joffre  ne  va  pas  tarder  à  venir  saluer  la  Municipalité. 

Au  bout  d'une  demi-heure,  d'enthousiastes  vivats  et  les  applau- 
dissements redoublés  qui  montent  de  la  place  Sant-Jaume  nous 
annoncent  l'arrivée  de  notre  illustre  compatriote,  qui  est  accom- 
pagné de  M.  de  Saint-Aulaire,  ambassadeur  de  France. 

Au  salon,  l'Alcalde,  M.  Maurice  Domingo,  salue  M.  l'Ambas- 
sadeur en  castillan  et  JofFre  en  catalan.  Le  Maréchal  s'exprime 
en  roussillonnais. 

La  foule  le  réclame  au  balcon  où  il  est  encore  acclamé.  De 
magnifiques  corbeilles  de  fleurs  et  un  admirable  album-souvenir 
lui  sont  offerts. 

Allocution  de  M.  Marlinez  Domingo,  alcalde  de  "Barcelone 

En  trobar-vos  a  Barcelona,  us  trobeu  en  la  ciutat  cap  i  casai  de  Cata- 
lunya,  centre  de  tota  la  vida  catalana.  Jo  us  dono  la  mes  coral  benvinguda. 
Estigueu  segur,  Mariscal,  que  la  vostra  visita  estrenyerà  els  llaços  d'amor  i 
simpatia  entre  els  pobles  vostre  i  nostre  ;  i  es  refermarà  el  sentiment  d'amor 
que  envers  la  França  teniem  en  aquells  dies  dificils,  en  els  quais  la  vostra 


-  io3  — 

anima  forta  i  serena  no  desmaià,   salvant  aixi  la  França  i  els  alts  ideals  dels 
pobles  Uatins. 

Barcelona  reb  un  gran  honor  de  poder-vos  donar  hospitalitat,  i  la  vostra 
visita  servira  per  ajuntar  mes  aquests  dos  pobles,  units  ja  per  la  historia  i 
per  la  raça. 

T^éponse  du  Maréchal  Joffre 

Permeteu-me  que  vos  digui  uns  mots  amb  el  llenguatge  català  nostre,  que 
es  igual  que  el  llenguatge  català  vostre.  Jo  no  pue  mes  que  aderir-me  a  les 
manifestacions  que  acaba  de  fer  el  senyor  ambaixador  de  la  França,  i  ho  die 
en  català  perquè  en  parlar  i  sentir  parlar  aquesta  llengua,  sempre  me  pensi 
que  s6c  al  meu  pais. 

A  la  Mancomunitat 

Dans  l'enceinte  historique  du  magnifique  palais  de  la  «  Gene- 
ralitat  »  eut  lieu  la  plus  vibrante  des  manifestations  en  l'honneur 
du  héros  de  la  Marne. 

Deux  heures  durant,  de  quatre  à  six,  les  ovations  succédèrent 
aux  ovations,  les  «  Segadors  »  à  la  «  Marseillaise  »  ;  l'enthou- 
siasme était  au  paroxysme.  «  L'émolion  éïaii  intense,  dit  A.  Coutet 
de  la  Dépêche,  des  larmes  coulaient.  » 

M.  Puig  y  Cadafalch,  président  de  la  Mancomunitat,  pro- 
nonça le  beau  discours  suivant  : 

Senyor  Mariscal, 

En  aquest  moment,  Catalunya  reb  l'honor  de  la  vostra  visita,  i  en  aques- 
tes  sales  s'hi  troba  tota  representada,  pels  scus  senadors  i  diputats  a  les 
Corts  d'Espanya,  pels  seus  diputats  a  la  Mancomunitat  de  Catalunya,  per 
les  sèves  ciutats,  i  al  davant  d'elles  la  de  Barcelona,  per  les  sèves  institucions 
de  Govern,  pels  seus  Instituts  d'investigacions  i  estudi,  per  les  sèves  Corpo- 
racions  i  Societats,  per  la  joventut  i  el  poble.  Jo  us  presento  a  tots  ells  en 
aquest  moment,  i,  per  l'autoritat  del  meu  carrée,  représente  tota  la  nostra 
terra  organitzada. 

Aqui  també  hi  ha  els  vostres  compatriotes,  que  tambe  ho  son  nostres,  de 
la  Catalunya  de  França.  que,  com  nosaltres,  en  aquella  mémorable  festa 
dels  Plàtans  de  Perpinyà  han  volgut  acompanyar-vos  en  el  vostra  pas  per 
les  nostres  rambles,  consagrades  avui  novament  com  a  via  sacra  i  triomfal 
de  Barcelona. 

També  hi  ha  aqui  els  catalans  de  les  Amériques  que,  en  missatgc  trames 
d'ultramar  signât  per  habitants  de  set  Républiques,  us  aclamen  i  us  ofrenen 
en  homenatge  un  magnifie  présent. 

També  estan  présents  els  ferits  i  mutilats  catalans  que  sota  les  vostres 
banderes  lluitàren  pel  gran  idéal  de  la  civilitzaciô  i  de  llibertat  d'individus  i 
pobles,  i  aqui  també  es  troben  les  ombres  dels  milers  de  catalans  morts  per 


—    I04  — 

la  França  :  llurs  animes  héroïques  contemplen  en  aquest  Palau,  plë  de  mèmo- 
ries  de  tota  la  nostra  historia,  l'heroi  català  triomfant  en  les  mes  formida- 
bles batalles  de  la  guerra  passada,  i  ùltima,  aixi  ho  creiem,  de  la  Humanitat. 

Senyors  :  Es  necessari  recordar  aquells  moments  terribles  de  la  invasiô, 
es  necessari  evocar  aquella  ordre  de  morir  en  son  Hoc,  donada  pel  capità  de 
l'exèrcit  major  que  el  mon  hagi  contemplât  en  lluita. 

Es  necessari  recordar  aquell  replegament  seré,  tranquil,  aquell  atac 
instantani  formidable  que  feu  del  Marne  el  riu  de  la  victôria. 

Penseu  l'organitzaciô  que  aixô  signifîca,  el  pla  preconcebut,  la  retenciô 
sobrehumana,  violenta  d'énergies,  d'explosiô  entusiàstica  en  el  moment  de 
la  lluita.  Tôt  fou  obra  d'aquest  home,  d'aquest  gran  català  en  el  quai  es 
conczntren  les  qualitats  de  la  raça  i  del  quai  no  m'atreviré  a  dir  vell,  perquè 
el  seu  cos  i  el  seu  esperit  han  sofert  impàvids  el  desfilar  d'uns  anys  que 
equivalen,  per  llur  intensitat,  a  segles.  EU,  cap  generalissim,  havia  abans 
format  els  homes  i  els  tempéraments  per  a  fer  possible  el  gran  moment. 

Eli,  abans  de  començar-la,  per  la  ciència  i  per  la  preparaciô  moral  dels 
seus  homes,  ha  guanyat  la  batalla. 

Jo  voldria,  senyor  Mariscal,  trobar  en  la  Uengua  que  parlàren  el  vostre 
pare  i  la  vostra  mare,  que  parlen  els  vostres  amies  d'infància  en  aquells  llocs 
de  Rivesaltes,  en  la  llengua  que  es  la  de  Catalunya  i  de  totes  dues  bandes 
del  Pireneu  i  fou  la  de  tants  grans  homes,  giôria  de  la  nostra  terra  i  de  la 
vostra,  nous  accents  mes  pénétrants,  mes  afînats,  per  a  expressar-vos  que  la 
vostra  auréola  noble  de  vencedor  es  un  xic  nostra  i  que  pàMidament  ens 
ii'lumina. 

Rebeu,  senyor  Mariscal,  en  aquest  acte,  l'homenatge  de  tôt  un  poble  que 
aclama  en  vos  Catalunya  i  la  noble  terra  de  França,  i  que  us  dona  mercès 
per  haver  volgut  acceptar,  si  no  el  mes  ait  dels  vostres  triomfs,  el  mes 
amorôs,  sota  aquest  cel  blau  de  la  ciutat  de  Barcelona,  capital  dels  Catalans 
de  tôt  el  mon. 

Le  glorieux  hôte  répondit  en  langue  catalane  et  ses  paroles 
furent  accueillies  par  de  vives  acclamations. 

A4..  Folguera  y  Duran  salua  en  J offre  l'apôtre  de  la  liberté  des 
peuples  et  lui  offrit  un  superbe  objet  d'art  au  nom  dès  Catalans 
d'Amérique. 

Et  alors  commença  un  interminable  défilé  de  représentants  de 
toutes  les  Administrations,  organisations,  Sociétés,  etc..  de  Bar- 
celone. 

Le  Maréchal  vit  le  peuple!  de  la  grande  cité,  l'approcher,  lui  par- 
ler, lui  manifester  son  admiration  et  l'on  ne  savait  qui  était  lé 
plus  ému  du  Maréchal  ou  de  ceux  qui  passaient. 


—  io5  — 
Au  Consulat  de  France 

La  journée  touchait  à  sa  fin  quand  le  Maréchal  Joffre  rentra  au 
Consulat  de  France,  où  l'attendait  en  foule  la  colonie  française 
avec  son  parterre  de  jolies  fleurs.  Tour  à  tour.  Je  consul  de 
France,  M.  Philippi,  le  président  de  la  colonie,  M.  Dorgebray, 
saluèrent  leur  hôte  illustre.  Le  Maréchal  répondit  en  faisant 
l'éloge  des  Français  de  Barcelone,  qui  se  sont  bien  conduits  pen- 
dant la  guerre  et  qui  savent  accroître  toujours  le  prestige  de  la 
France. 

M.  de  Saint-Aulaire,  ambassadeur  de  France  à  Madrid,  évo- 
qua ensuite,  devant  tous,  la  figure  populaire  du  Maréchal,  qui  a 
sauvé  la  patrie  parce  qu'il  a  su  tenir  éveillée  dans  ses  soldats 
l'Ame  française. 

Il  faudrait  des  pages  pour  essayer  de  retracer  tout  cela. 

Le  vainqueur  de  la  Marne  a  dû  apparaître  à  la  soirée  de  gala 
donnée  au  Théâtre  du  Liceo  en  son  honneur  et  où  àe  trouve 
réunie  la  plus  riche  et  la  plus  élégante  société  de  Barcelone. 

La  nuit  s'avance.  Quel  contraste  que  celui  de  cette  féerie  de 
lumière  et  d'élégance  avec  tant  d'autres  nuits  déjà  lointaines,  sur 
la  brave  ligne  de  bataille  aux  matinals  réveils,  sous  lesquelles  le 
grand  soldat  sauvait  le  pays  1 

Alex  CouTET. 


it< 


Les  *'  Joe  h  s  Vloraîs 


Le  dimanche  i  mai,  à  3  heures,  se  sont  tenus,  au  Palais  des 
Beaux-Arts,  les  Jochs  Florals  traditionnels,  sous  la  présidence  du 
Maréchal  Joff^re. 

Nous  arrivons  avec  l'une  des  premières  voitures  du  cortège, 
précédant  le  Consistoire  de  quelques  minutes. 

L'aspect  de  la  salle  immense,  décorée  de  tentures  aux  couleurs 
provinciales,  fourmillant  d'une  foule  énorme  où  l'élément  féminin 
tient  une  large  place,  est  déjà  imposant.  Une  estrade  est  placée 
au  fond  du  hall.   Un    trône    la    domine:    c'est    une    haute    chaise 


—   io6  — 

gothique  soiis  un  baldaquin  aux  couleurs  sang  et  of  ;  c'est  là   que 
siégera  la  reine. 

Bientôt,  une  rumeur  parcourt  la  foule.  Voici  le  cortège  officiel  ; 
il  y  a  là  les  mainteneurs  —  ils  sont  sept,  cbmme  les  troubadours 
—  il  y  a  la  municipalité,  les  délégations  et  !e  grand  Invité  qui 
paraît,  cette  fois,  en  brillant  uniforme. 

Quel  merveilleux  spectacle  que  le  Maréchal  Joflfre  pénétrant 
dans  l'immense  salle  du  Palais  des  Beaux-Arts  pour  présider  les 
Jeux  Floraux,  se  présentant  au  milieu  d'une  foule  de  4.000  per- 
sonnes levées  pour  l'acclamer,  recevant  de  l'élite  du  peuple  cata- 
lan l'hommase  flatteur  des  vivats.  Au  cours  de  cette  cérémonie 
littéraire,  qui  s'est  déroulée  dans  un  cadre  unique  d'ampleur  et  de 
finesse,  qui  a  été  un  pur  régal  pour  l'esprit,  un  autre  personnage 
a  eu  les  honneurs  de  la  popularité  :  c'est  le  grand  poète  Guimera, 
toujours  admiré  de  la  foule,  et  dont  on  a  lu  un  manifeste  vibrant 
et  enflammé  pour  la  gloire  de  la  Catalogne  ;  puis  le  poète  Jean- 
Marie  Guasch,  meslre  en  gay  saber,  et  qui  a  eu  pour  la  neuvième 
fois  la  fleur  naturelle,  a  ravi  l'auditoire  des  strophes  idylliques  de 
sa  Branca  d' Mmor,  qui  est  un  poème  d'une  douce  sensibilité. 

Mais  une  nouvelle  manifestation  grandiose  s'est  produite  lors- 
que le  lauréat  Guasch,  choisissant  la  reine  des  Jeux  Floraux,  est 
allé  off^rir  son  bouquet  de  fleurs  naturelles,  aux  rubans  de  la  Cata- 
logne, à  la  Maréchale  JoiTre.  Très  digne  et  très  émue,  coiflFée  de 
la  riche  mantiîla  de  punies,  entourée  de  ses  demoiselles  d'honneur, 
la  Maréchale  s'est  assise  sur  son  trône  au  milieu  d'une  ovation 
formidable.  Ce  cérémonial  moyenâgeux  était  très  pittoresque. 

Siégeant  au  milieu  d'un  jardin  de  roses,  de  lilas  et  d'iris,  enca- 
drée par  deux  orangers,  la  Maréchale  a  procédé  à  la  remise  des 
prix  aux  lauréats. 

Le  poète  Tous  y  Marotô  remporte  l'accessit  unique  à  l'Eglan- 
tine  et  la  Violette  d'argent.  Les  écrivains  Girbal  Jaume  et  Llo- 
renç  Riber  obtiennent  le  prix  de  prose.  M.  Pous  y  Pages  se  voit 
décerner  le  prix  Fastenrath  pour  la  belle  comédie  Papellones. 

Guimera  a  écrit  un  imposant  discours  exaltant  la  patrîe  catalane, 
dont  nous  donnons  les  principaux  passages. 

La  sortie  fut  un  peu  mouvementée.  Il  est  pénible  de  constater 
que  des  paroles  et  des  chants  entraînent  encore  des  moulinets  de 
sabre. 


—  1Û7  — 

ï>iscoun  de  M,.  îe  Maréchal  Jojfre,  Président  des  jeux  "Floraux 
(lu  par  le  jeune  E.  Brousse) 

Gentils  dames. 
Honorables  senyors, 

Ja  pensi  que  vos  esperéu  pas  un  llarch  diseurs  de  part  meua. 

Quan  me  vareu  fer  l'honor  de  m'oferir  a  ne  mi,  soldat,  la  Presidencia  de 
la  vostra  tan  agradosa  festa  literâria,  prou  sabieu  que  séria  pas  lo  mante- 
nedor  tradicional,  que  amb  la  seva  eloqiiencia  vos  té  l'aie  parada  y  vos 
encanta. 

Mes,  vaig  veure  en  aquesta  atenciô  el  testimoni  dels  vostres  fondos  y 
nobles  sentiments  d'amor  a  la  França,  avuy  victoriosa  de  la  mes  terrible 
lluyta  que  hagi  coneguda  la  defensa  del  Dret  esbocinat  y  de  la  Llibertat 
amenaçada. 

Y  vaig  acceptar,  perque  me  semblava  qu'enlloch  mes  els  nostrcs  dos 
pobles  no  eren  tan  estretament  lligats. 

Catala  de  França  com  som,  les  mateixes  paraules  vostres  me  venen  als 
llavis,  per  expressar  la  igual  admiraciô  de  les  nostres  dues  Patries  per  tôt 
lo  qu'es  gran  y  bell,  y  's  fonen  en  nosaltres  llurs  aspiracions  vers  un  idéal 
de  treball  profites,  de  pau  civilisadora. 

Aquest  idéal,  lo  cantarân  los  vostres  poètes. 

Mes,  me  penediria  si  no  retreya  aqui  '1  rccort  del  malaguanyat  Mistral, 
que  tantes  recances  va  deixar.  Quina  desgracia  que  no  pugui  esser  avuy 
aqui,  per  barrejar  una  vegada  mes  la  seva  veu  d'apôstol  a  la  dels  vostres 
literats,  dins  aqueixa  magnifica  ciutat,  tan  escayenta,  en  sa  riquesa,  per 
l'entusiasta  manifestaciô  d'art  que  celebrém. 

Barcelona,  «  en  bellesa  ûnica  »,  —  com  ha  dit  l'immortal  Cervantes  — 
la  teua  esplendor  esclata  en  aqueixes  festes  de  glorificaciô  del  teu  poeta 
llorejat. 

Floreix  d'un  nou  encis  la  gracia  de  l'amable  Cort  de  barcelonines, 
devant  qui  m'inclini  ab  la  mes  dolça  emociô. 

Le  Maréchal,  ovationné  par  l'assistance,  se  leva  et  ajouta  en 
roussillonnais  : 

Antes  d'acabar,  vos  dire  en  català  del  Rossellô,  qu'es  germa  del  vostre, 
tota  la  reconeixença  que  tinch  per  la  rebuda  que  m'heu  fet. 


it< 


—  io8  — 
Poèmes  ayant  obtenu  la  «  Flor  Natural  9 

BRANCA  FLORIDA 

Camperola 

Pluja  d'or,  branca  florida. 
Bat  el  sol  a  plè  janer. 
Sota  '1  fret  canta  la  vida 
tôt  l'amor  de)  vell  fruyter. 

D'un  idili  de  blancura 
y  una  gota  de  carmî, 
tôt  ei  goig  qu'ara  fulgura 
sera  fruyta  per  cullî'. 

Passarà  la  jovenesa 
d'aquest  viure  enlluernador, 
cada  flor  una  promesa 
per  quan  vingui  la  Tarder. 

Que  la  vida  camperola 
ens  darà  la  plenitut, 
de  l'atmetlla,  que  viu  sola 
dintre  capsa  de  vellut. 

De  l'atmetlla  fredolica, 
que  sera  '1  miilor  présent 
per  la  teva  boca  xica... 
Cau  la  flor  de  mica  en  mica, 
y  la  fruyta  va  crexent. 

J\it  de  lluna,  Flor  d'argent 

Nit  de  lluna,  flor  d'argent, 
blava  nit  de  galania  ; 
si  ara  fes  un  xich  de  vent, 
tôt  el  bosch  s'aclariria. 


—    109  — 

Sota  '1  gran  rccullimcnt 
el  meu  cor  s'axamplaria, 
y  segujnt  el  riu  lluheiit, 
com  el  riu  me'n  aniria. 

Perfum  de  murtra  y  de  pi. 
Trobaria  '1  vell  Molî 
qu'es  la  casa  mes  déserta. 

Molinera  no  hi  té  por  ; 
riu  y  canta  en  la  foscor 
ab  la  porta  ben  oberta. 

Cançô  del  viure  clar 

Una  vida,  dues  vides, 
quantes  vides  teniu  Vos  ? 
Vos  teniu  la  meva  vida 
y  la  vida  de  tots  dos. 

Vos  teniu  la  vida  xica 
d'un  infant  que  ve  de  lluny, 
flor  d'amor,  fruyta  bonica, 
com  les  cireres  pel  juny. 

Vos  sou  la  branca  que  's  torça 
en  senyal  de  plenitut. 
Vos  teniu  tota  la  força 
de  la  meva  joventut. 

Vos  portèu  en  la  mirada 
tôt  el  goig  del  viure  cla' 
y  en  la  falda  curullada 
la  cullita  de  demà. 


—    no  — 


L'amor  que  'ns  omple  de  joya 
s'ha  tornat  prometcdor. 
Un  infant  corn  una  toya 
ab  els  ulls  plens  de  claror. 

Una  vida,  dues  vides, 
quantes  vides  teniu  Vos  ? 
Vos  teniu  la  meva  vida 

y  la  vida  de  tots  dos. 

Vano  antich 

Com  una  flor  que  s'esberla 
s'obre  '1  vano  dolçament, 
branilJes  de  mareperla 
y  rubins  per  lligament. 

Un  jardî  de  gran  marquesa 
ab  uns  arbres  desmayats, 
cada  vert  una  finesa, 
y  un  amor  tots  ejjs  plegats. 

Sota  '1  vert,  voltat  de  lliris, 
s'hi  desclou  el  broDador, 
y  una  mica  de  pois  d'iris, 
l'espurneja  de  claror. 

Cau  la  llum  tornassolada, 
y  damunt  del  marbre  llis 
creix  la  molsa  veilutada 
sota  '1  plor  del  degotiç. 

L'aygua  cau,  y  '1  vent  destria 
pel  silenci  capvespral 
la  superba  galania 
d'un  amor  fet  madrigal. 


—    I  i  1    — 

D'un  amor  tôt  pie  de  vida 
que  perdura  Uargament 
sota  la  roba  florida 
y  les  perruques  d'argent. 

Y  '1  galan  cerca  l'oferta 
d'un  desjg  en  promissiô, 
qu'ella  té  la  flor  oberta 
d'un  escot  marejadô'. 

Pro  la  dama  d'ulls  encesos 
]j  allarga  tan  sols  la  ma... 
Quan  la  ma  s'omple  de  besos 
l'aygua  para  de  cantà'... 

La  tarda  tomba  tranquila 
tôt  abrigant  el  jardî. 
Hi  ha  una  estrella  que  vigila 
y  un  aucell  que  vol  fugi". 

J.-M.    GUASCH. 

Discours  du  poète  Gutmerà 
(Extraits) 

Senyors, 

Tenim  un  any  mes  dels  Jocs  Florals  de  Barcelona.  Un  any  mes  de  la 
vida  de  nostra  Catalunya. 

1  cada  any,  tal  dia  com  avuy,  sensé  dir-nos-ho  amb  paraules  uns  als 
altres,  meditant-ho  sensé  que  'ns  surti  al  exterior,  ens  dihem  els  que  esti- 
mem  amb  força  la  nostra  Patria  per  sobre  de  tôt  lo  créât,  Uevat  del  amor  de 
familia  :  ens  diem,  torno  a  dir  :  la  nostra  Terra  va  fent  cami  dintre  d'aquest 
Univers  del  que  forma  part,  per  la  ma  de  Deu  mateix  colocada  a  on  se 
troba.  ]  nosaltres,  cada  any  que  avença,  hi  veiem  mes  clara  la  nostra  perso- 
nalitat  i  com  concreta  les  sèves  Unies  caractéristiques  en  lànima  dels  homes... 

Ens  trobem  que  la  indiferéncia  que  hi  havia  aqui  per  les  coses  de  casa 
va  desapareixent,  donant  Hoc,  per  ûltim,  a  un  moviment  despertador. 

Avans,  el  moviment  patriôtic  era  una  força  que  anava  de  les  grans  ciutats, 
sobre  tôt  de  Barcelona,  aïs  pobles,  arribant  devegadcs.  amb  prou  feines, 
al  cor  de  les  montanyes,  que  sempre  es  Hoc  ahont  han  arrelat  mes  enfons  les 
llibertats  dels  pobles. 


—     J  J2    — 

Doncs,  ara,  aquest  moviment  patriôtic  se  transforma  radicalment,  i  es  a 
dintre  dels  pobles  a  on  la  Ilevor  forta  i  sanitosa  d'amor  a  la  nostra  Terra 
grilla  i  grifola. 

Aneu  de  poble  en  poble,  pels  Uocs  mes  arreconats  de  Catalunya,  i  tro- 
vareu  que  per  tôt,  principalment  en  mig  de  la  joventut  plena  de  vida  sani- 
tosa. s'han  despertat  per  a  la  Patria  els  fills  de  la  Terra.  Jo  'Is  escoltava 
amb  l'anima  glatint  d'entusiasme  sentint-los  com  enviaven  a  la  ciutat  alenades 
d'amor  purîssim. 

1  aquest  moviment  febrôs  que  se  sent  per  tota  Catalunya,  se  sobreix 
d'ella  i  '1  sentireu  si  poseu  la  ma  sobre  'I  cor  de  Valencia  i  de  Mallorca, 
ahont  la  Patria  tampoc  es  morta  i  's  desperta,  i  'n  surtin  alenades  vigoroses 
d'amor  per  ella.  Per  tota  la  Terra  valenciana,  igual  que  per  tota  Catalunya, 
mes  cada  una  en  son  casai,  cadascû  vol  esser  com  es,  com  els  hi  ve  del 
passât,  amb  ses  costums  propies,  que  cada  una  val  mes  per  sos  fills,  perqué 
Deu  els  hi  ha  dat,  que  qualsevol  altra  de  forastera. 

]  mes  paraules,  al  parlar  de  Valencia,  son  les  mateixes  que  vos  die  amb 
igual  amor  i  esperit  germanivol  de  Mallorca,  i  lo  que  vos  die  de  nosaltres, 
de  Catalunya  i  de  nostres  germans  de  Valencia  i  Mallorca,  vos  ho  die  del 
Rossellô,  amb  veu  mes  alta  avuy  per  tenir  entre  nosaltres  a  aquest  català, 
gloria  al  présent  de  la  civilizacio  de  tota  la  Terra. 

Donchs,  S),  senyors  :  no  perqué  'Is  etzars  de  la  vida  'ns  hagin  séparât  de 
les  terres  rosselloneses,  deixan  de  ser  catalanes,  com  les  d'aci  baix,  les  que 
faldegen  el  Canigc.  No  hi  vol  dir  rés  qu'ells  i  nosaltres  formem  part  de  dos 
Estats  diferents. 

Mentrestant,  conservém  nosaltres  aquest  esperit  de  germanor  a  travers 
dels  anys  i  dels  segles  i  de  les  lluites  socials  dels  pobles,  que  no  l'acabaran, 
no,  l'anima  de  Catalunya. 

Les  nacions  modernes  que  visquen  com  puguin  entre  mig  de  ses  miseries, 
i  que  vagin  enterrant  en  sos  Escorials  ses  grandeses  que  viuen  ja  mig  des- 
fetes.  Els  pobles  nô  que  no  's  desfan  :  els  pobles  son  eterns  i  no  's  cor- 
rompen. 

LE  DINER  DES  JEUX  FLORAUX 

Le  banquet  des  Jeux  Floraux,  qui  devait  être  le  clou  des  fêtes, 
se  transforme,  par  suite  de  l'absence  des  autorités  et  de  la  pru- 
dence dictée  par  l'énorme  déploiement  de  police  et  de  gendar- 
merie qui  entourait  le  restaurant  du  Parc,  en  un  dîner  cordial. 
Aucun  discours  ne  fut  prononcé. 

Nos  lecteurs  ont  déjà  lu,  dans  les  journaux,  la  relation  des 
incidents  qui  motivèrent  la  suspension  d'une  partie  des  fêtes  offi- 
cielles. Nous  ne  reviendrons  pas  sur  ces  faits. 


—   ii3  — 

La  délégation  roussillonnaise  put  saluer  MM.  Matheu,  Lopez- 
Picô,  Llongueras,  Miquel  y  Planas,  Iglesias,  Rahola,  Guasch, 
Masse  y  Torrents,  Massô  y  Ventés,  Nicolas  d'Olwer,  Sole  y 
Pla,  Rosendo  Serra,  les  maîtres  Millet  et  Morera,  etc.  qui 
étaient  parmi  les  convives. 

Les  J(pussiUonnais  à  Sitges 

(De  la  "F eu  de  Catalunya) 

L'Arribada 

Ahir  els  nostres  il-lustres  hostes  de  la  Catalunya  de  França 
anaren  a  Sitges,  la  bella  platja  nacional,  l'excelsa  Subur,  on  sem- 
pre  arreu  hi  transpua  un  esclat  d'art  i  distincié. 

El  poble,  presidit  pel  batlle,  els  esperava  a  l'estacié  amb  una 
orquestra. 

En  arribar  els  expedicionaris  la  banda  intzrpTCtk  La  Marsellesa. 

Es  forma  la  comitava,  i  al  seu  pas,  pels  carrers  de  la  vila,  la 
gent  s'ajuntava  a  l'entusiàstica  manifestacié.  Aleshores  l'orquestra 
deixà  sentir  les  notes  de  La  Madeîon. 

Banquet  i  Parlaments 

A  l'Hôtel  Subur  se  célébra  l'apat  ofert  als  compatricis  del 
Rossellô,  per  En  Santiago  Rusinol  i  l'Alcaldia. 

Hi  assistiren  : 

La  deiegaciô  rossellonesa,  composta  dels  senyors  Muchart,  Joan 
Amade,  doctor  Carbonell,  Caries  Grande,  Horaci  Chauvet, 
Deodat  de  Severac,  Robert  Subiras  i  senyora,  Enric  Aragon  i 
Mossen  Caseponce. 

De  Barcelona  hi  havia  N'  Enric  Morera,  senyora  i  filla  Maria, 
Santiago  Rusifiol,  Manuel  Alcàntara,  Antoni  Carbonell,  Josep 
Castanyer  i  Ponç  Berga. 

De  Sitges  hi  assistiren  el  batlle  Bonaventura  Julià,  Miquel 
Utrillo,  el  jutge  Josep  Ferret,  Josep  Planas,  Salvador  Robert  i 
el  doctor  Joan  Benaprès. 

A  l'hora  dels  brindis  parlaren  els  delegats  rosscllonesos  senyors 
Amade,  Chauvet,    Grande,    Carbonell  i  Muchart  ;   l'alcalde   i  En 


—    114    — 

Santiago  Rusinol.  No  cal  dir  que,  a  l'ensems  que  es  referma  el 
sentiment  de  catalanitat,  es  feren  vots  perqué  l'amor  d'ara,  del 
quai  n'es  simbol  En  J offre,  perduri. 

Cal  remarcar  dels  discursos  esmentats  el  del  senyor  Chauvet  i 
el  d'en  Rusinol  pie  de  l'humorisme  seu. 

Heu's  aquî  el  parlament  de  l'Horaci  Chauvet  : 

Discours  de  M.   Horace  Chauvet 

Estimats  amies, 

Si,  en  Hoc  d'esser  un  vulgar  prosista,  eri  jo  un  poeta,  eom  molts  de 
vosaltres  ho  son,  me  vindria  a  bé  de  fer  parlât  tots  els  arbres  de  Rossellô, 
mon  terrer  nadiu,  aixi  com  d'altres  s'han  imaginât  de  fer  bavardejar  els 
animais. 

Si  eri  poeta,  animaria  amb  la  paraula  les  «  Platanes  »  del  gran  passeig 
public  de  Perpinyà,  aquells  arbres  gegantins  i  d'ombra  amantament  véné- 
rable, glôria  i  orguU  nostre,  i  els  donaria  el  carrée  d'endreçar  un  salut  fra- 
tern  a  les  magnifiques  palmeres  de  les  avingudes  de  Sitges  i  de  Barcelona. 
Ja  de  temps,  en  efecte,  les  nostres  platanes  i  les  palmeres  vostres  veuen 
rondinejar  les  nissagues  catalanes,  que  lliguen  tantes  afinitats  de  costums  i 
parlen  el  mateix  llenguatge  sonor  i  ferreny. 

Els  faria  enraonar  com  a  bons  veins,  com  a  germans,  el  pi  de  les  altes 
muntanyes  rosselloneses,  i  el  pi  arrelat  en  l'altre  vessant  dels  Pireneus,  a 
Catalunya.  I  junts  confegirien  els  records  d'aquells  temps  ja  emboirats,  on 
llurs  soques  servien  per  a  fabricar  els  pals  de  les  naus  i  galères  catalanes, 
aquelles  naus  que  amb  tôt  un  equipatge  de  mariners  catalans  eixien  en  aplec 
germanivol,  aixi  mateix  de  Coplliurc  i  Port-Vendres,  com  de  Barcelona, 
per  anar  a  fer  comerç  i  mercadejar  amb  l'Orient,  Mediterrani  enllà. 

Després  establiria  amable  conversa  entre  la  figuera  d'ombra  rodona  i 
fresquivola  del  territori  de  Rivesaltes,  on  va  a  descansar  de  vegades  el 
mariscal  Joffre,  amb  aquell  oliu  de  l'Empordà,  del  quai  el  gran  dramaturg 
Ignaci  Iglesias  ens  volgué  portar  un  bonic  petit  ram,  pel  febrer  de  191  6,  a 
la  Casa  Comuna  de  Perpinyà,  amb  en  Rusiiiol,  n'Utrillo,  mossén  Casaponce, 
que  son  aqui.  ]  a  l'oliu  li  diria  la  figuera  :  <(  Mercès,  gran  mercès,  pel  teu 
gest  d'amistat  i  germanor,  pel  teu  gest  de  pau,  perquè  ha  ajudat  França  a 
quedar  forta  al  mig  de  la  tormenta,  a  servar  la  confiança  dins  l'atronador 
temporal.  » 

Bons  amies,  no  pue  parlar  sensé  gran  emociô  de  la  meva  gran  pàtria  que 
es  França,  perquè,  per  nosaltres  Rossellonesos,  França  es  la  primera  dins 
lo  cor. 

M'apar  que  el  Rossellô,  pais  nostre  i  del  mariscal  Joffre,  es  com  un  infant 
que  hauria  mamat  la  llet  de  dues  dides  :  entre  la  dida  catalana  i  la  dida 
francesa,  ell  ha  migpartit  sa  tendresa. 

Ve't  aqui  la  primera,   una  pagesa  sapada  i  ferrenya,  nada  en  l'agre  de  la 


—  Ji5  — 

terra,  que  lî  ha  fet  amar  de  tôt  cor  el  reconet  de  terra  dels  avis,  l'Albera 
tan  bonica,  i  li  ha  inspirât  l'enamorament  de  les  valls  canigonenques,  mentre 
el  gronxolava  amb  l'aire  ennaigador  de  les  Muntanyes  T^egalades. 

1  ve't  aqui  l'altra  dida,  que  es  filla  de  França,  de  potents  i  fecundes 
mamelles,  que  li  ha  allendat  els  ulls  amb  sa  generosa  clartat,  li  ha  allargat 
els  limits  de  l'esperit,  li  ha  remorejat  amb  una  llengua  formosissima  unes 
paraules  d'amor,  unes  atractivoles  paraules  d'ends,  i  tan  mateix  l'ha  asso- 
ciât a  una  histôria  mai  prou  alabada.  I  veus  aqui  que  amb  ella  ha  compartit 
la  bona  i  la  mala  sort,  i  al  seu  cos  de  mare  el  nin  s'arrapa  amb  un  abraç 
indestructible. 

Quan  l'una  el  deté  amb  aquell  llaç  misteriôs  de  la  tradiciô,  l'altra  l'encap- 
tiva  amb  l'encartt  de  la  cordialitat  la  mes  estreta,  i  per  tant,  la  tendresa 
maternai  de  cadascuna  no  els  dôna  pas  enveja,  no  les  fa  pas  géloses  l'una 
de  l'altra. 

1  ve't  aquî  perquè,  tôt  déclarant- nos  profundament  francesos,  podem  avui 
donar  fiança  de  la  voluntat  que  portem  a  la  terra  catalana,  de  l'amor  que 
ens  lliga  als  germans  de  cria  hem  trobat  aci. 

En  el  gran  pais  de  França  presumim  i  vanagloriem  de  quedar  sempre  el 
que  som,  sempre  iguals,  amb  les  nostres  usances  i  costums,  i  les  danses, 
i  les  cançons,  i  la  llengua. 

No  ens  arreconem  pas,  no,  amb  una  mena  de  mûrria  o  de  queixa,  en  el 
régalât  reconet  de  França  ;  al  contrari,  i  sigui  com  se  vulgui,  formem  una 
petita  nacionalitat,  i  ben  distinta  que  es,  ben  propia  i  original. 

]  si  per  cas  el  régionalisme  se  realitza  a  casa  nostra,  d'ell  mateix  el 
Rossellô  formaria  una  regiô  dins  la  unitat  francesa,  com  ho  era  antany. 

Aquest  aire  d'independència,  qui  l'haurà  escampat,  sinô  els  diaris  de 
Perpinyà,  qui  tenen  la  missio  de  mantenir  la  cohesiô  de  la  petita  pàtria,  es 
a  dir,  de  servar  l'esperit  de  familia,  de  cuidar  que  en  Hoc  de  s'atudar  la 
llengua  pairal  se  vivifiqui  mes  i  mes.  de  donar  un  aliment  de  bona  llenya  a 
les  fogueres  sempre  vives  del  passât  ? 

En  nom  de  la  prempsa  rossellonesa,  en  nom  de  la  delegaciô  de  Perpinyà, 
aixecaré  la  copa  en  honor  dels  bons  amies  que  vingueren  a  Perpinyà  en 
febrer  de  l'any  1916,  dels  senyors  Utrillo  i  Rusiiiol,  de  l'alcade  de  Sitges, 
de  tots  els  que  ens  han  tan  ben  rebut  a  Barcelona  i  de  tots  els  germans  de 
llengua  catalana. 

Si  mai  l'hospitalitat  era  esborrada  de  la  terra,  la  trobariem  sempre  arre- 
lada  en  terra  de  Sitges  i  de  Barcelona. 


En  Caries  Grande,  e!  notable  poeta,  Hegî,  com  a  recort  de 
Sitges,  les  seguents  estrofes  inspirades  en  la  gaia  vila  del  Medi- 
terrani  : 


—  ii6  — 
L'Avia 

Escolteu  l'àvia,  mare,  mare, 
empeltant  mitges  su'i  pedris. 

Com  canta  encara, 
brandant  la  testa,  ara  per  ara, 
amb  un  tremol  enyoradis 
escolteu-la  com  canta  encara... 

Vo'n  aneu  pas,  fills,  del  pais, 
daquest  pais  que  al  sol  s'acara 

amb  un  somris. 
Vo'n  aneu  pas,  fills,  del  pais  ! 
Collint  punts,  la  broca  no  para  ; 
la  veu  decau,  com  si  es  moris... 

Vo'n  aneu  pas,  fills,  del  bressol 
y  serveu  la  tradiciô  santa 

que  s'ageganta 
alçant-se  dei  mar  a  la  planta 
de  penya  en  penya,  en  excels  vol, 
Canigo  amunt,  de  cara  al  soi. 

Collint  punts,  la  broca  no  para  ; 
la  veu  decau  com  si  es  moris... 

Ai,  mare,  mare, 
la  lluna  es  clara. 
Vestit  de  neu, 
com  un  sant  frare 
s'encaparutxa  el  Pireneu. 

Y  la  veu  passa, 

la  veu  se  mor... 

mes  el  jovent  reprèn  mes  fort 

la  canço  forta  de  la  raça 

y  l'imne  sant  esdevé  un  chor. 

Caries  Grandô. 
Els  convidats  visitaren  «  Mar  y  Cel  »  y  el  «  Cau  Ferrât  », 


—  117  — 

Chez  Santiago  J{usinol 
{El  Cau  Terrai) 

On  sait  bien  que,  là-haut,  dans  ia  salie  déserte, 

Médite  Madeleine  au  tableau  du  Greco  ; 

Que  fleurissent  les  frais 'jardins  de  Santiaao 

Et  que  se  penche  un  pâle  Christ,  la  plaie  ouverte. 

Les  sonores  anneaux  des  heurtoirs  ouvragées, 
La  porte  verrouillée  aux  ferrures  antiques, 
Les  saintes  et  les  dédorures  des  tryptiques, 
Les  rudes  chandeliers  martelés  et  forgés 

Y  doivent  réjouir  entre  eux  leur  âme  obscure 
Et  converser,  ainsi  que  des  amis  de  choix 
Rassemblés  par  leur  hôte  et  faisant,  à  mi-voix. 
Tinter  le  fer,  craquer  le  bois  et  la  peinture. 

Le  Passé  dort  dans  les  vitrines  du  salon, 

Il  exhale  une  odeur  tenace  et  délicate 

De  résine,  de  bandelette  et  d'aromate, 

Comme  si  les  dieux  morts  embaumaient  la  maison. 

—  En  bas,  la  double  arcade  en  ogive  découvre. 
Sous  la  sombre  fraîcheur  tombant  du  plafond  bleu, 
La  balustrade,  avec  la  vasque  et  l'eau  qui  pleut 
...Et  tout  l'azur  marin  quand  la  fenêtre  s'ouvre. 

C'est  ici  le  séjour  des  artistes  divins 
Et  des  sages  harmonieux  de  Catalogne 
Qui  viennent  y  goiiter,  après  l'âpre  besogne, 
Les  plaisirs  de  l'esprit  et  l'arôme  des  vins. 

Ils  devisent  de  la  couleur  des  majoliques, 
D'une  damasquinure  au  poignard  tolédan. 
De  l'art  de  marier  le  verbe  avec  le  chant, 
Des  rumeurs  du  forum  et  des  luttes  civiques. 


1 1 


8  -- 


lis  dissertent  cncor  des  dieux  Olympiens  * 
Leur  lèvre  se  parfume  au  miel  de  l'ambroisie  ; 
La  glace  rafraîchit  le  vin  de  Malvoisie 
Et  Minerve  préside  aux  doctes  entretiens. 

Parfois,  à  l'heure  exquise  où  brûlent  les  havanes, 
Dans  le  tendre  et  léger  clair  de  lune  d'argent, 
Un  violon  frémit  sous  l'archet  diligent, 
La  nuit  s'émeut  d'une  musique  de  sardanes. 

Sur  l'épaule  de  Déodat  de  Séverac, 
Rusinol  a  posé  la  main  ;  la  plage  est  calme. 
Dans  les  dattiers,  un  souffle  d'air  froisse  une  palme, 
La  musique  soupire  au  rythme  du  ressac, 

Et  comme  des  pêcheurs  ont  vu,  près  des  carènes. 
Se  rompre  leurs  filets  et  flotter  des  cheveux 
Sur  une  gorge  nue  ou  des  reins  écailleux, 
Morera  va  peut-être  attirer  les  Sirènes. 

Henry  Muchart. 

îff-< 


Auprès  de  Jojfre 


La  délégation  perpignanaise  est  de  retour  à  Perpignan. 

Elle  a  été  heureuse  de  se  grouper  autour  du  Maréchal  JoflFre 
à  Barcelone  et  ce  n'est  pas  le  moindre  plaisir  éprouvé  par  celui- 
ci  d'avoir  pu  rencontrer  des  compatriotes  au-delà    des   Pyrénées. 

Un  des  premiers  devoirs  des  délégués  fut  de  demander 
audience  au  Maréchal,  à  la  Capitania  gênerai,  pour  lui  remettre 
un  livre  de  Pierre  Vidal  (édition  du  Coq  Calalan)  sur  "Les  gestes 
de  Joffre  d'Mria  et  de  son  fils  loffre  le  Poilu.  Le  Maréchal  fut 
charmé  de  cette  visite  et  déclara  qu'il  prendrait  grand  plaisir  à 
lire  les  exploits  du  grand  capitaine  catalan  dont,  par  une  heureuse 
coïncidence,  il  est  l'homonyme. 

Cette  entrevue  fut  touchante  de  simplicité  et  de  cordialité. 
JoflFre  évoqua  des  souvenirs  du  Collège  de  Perpignan  (où  il  con- 
nut Pierre  Vidal),  parla  de  la  belle  réception    qui    lui    avait    été 


-  119  - 

faite  à  Madrid  et  se  déclara  enchanté  de  l'accueil  des  Catalans 
à  son  arrivée  à  Barcelone.  Quant  aux  incidents  soulevés  autour 
de  lui,  il  avait  pris  le  bon  parti  d'y  rester  étranger. 

M.  l'abbé  Caseponce  —  si  estimé  dans  la  colonie  barcelonaise 
—  ayant  eu  l'amabilité  d'accompagner  la  délégation,  le  Maréchal 
profita  de  cette  occasion  pour  le  remercier  d'avoir  accompagné 
Madame  la  Maréchale  au  moment  où  celle-ci,  en  qualité  de  reine 
des  Jeux  Floraux,  devait  aller  déposer  son  bouquet  de  fleurs  natu- 
relles, suivant  l'usage,  devant  l'autel  de  la  Vierge    de  la   Mercé. 

Comme  l'abbé  Caseponce  lui  demandait  des  renseignements 
sur  sa  mère,  le  Maréchal  fut  amené  à  parler  des  siens  et  raconta 
ce  détail  curieux  : 

—  «  Chez  moi,  comme  dans  toutes  les  familles,  chacun  était 
appelé  par  son  prénom,  sauf  moi.  Pour  mes  parents,  pour  mes 
frères,  je  n'étais  pas  «  Joseph»,  j'étais  «  Joffre  »  tout  court  ». 

Déjà  ! 

Nous  avons  dit  que  la  délégation  perpignanaise  avait  été  fêtée 
à  Sitges  ;  pour  elle  VOrfeo  Caîala  avait  donné  une  audition 
spéciale. 

'Les   Visites 

Au  Caù  Ferrât  comme  au  Palais  de  la  Musique  catalane,  le 
maître  Déodat  de  Sévérac  fut  prié  de  jouer  à  l'orgue  quelques  mor- 
ceaux de  sa  composition  ;  il  exécuta  des  variations  sur  le  Canl  del 
Vallespir  et  le  Cant  dels  Aucelîs  qui  enchantèrent  les  auditeurs. 

La  caravane  fut  invitée  à  visiter  aussi  VlnsHlut  d'Esludis  Cata- 
lans, qui  contient  une  très  importante  bibliothèque  ;  les  archives 
de  la  couronne  d'Aragon,  où  sont  conservés  de  précieux  docu- 
ments concernant  le  Roussillon  ;  le  cercle  de  l'Ateneu  luxueuse- 
ment installé  et  le  Centre  autonomiste,  qui  est  un  centre  d'études 
professionnelles  très  important  dû  à  l'initiative  privée.  M.  Jean 
Amade,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de 
Montpellier,  y  prononça  le  discours  suivant  : 

Amichs  del  cor, 
Quan  jo  n'eri  petitet.  â  ne  la  meua  bona  avia.   tota  carregada  d'anys.  — 
una  d'aquelles  dones   de  la   «  lley  vella  ».  com  dihem  nosaltros  Catalans,  — 


120   

li  agradaba  molt  de  me  cantar  y  ensenyar  cançons  populars  de  la  nostra 
terra  :  eixes  cançons  pastades  de  sentiment,  tan  fresques  y  perfumades,  que 
sempre  nos  saben  conmoure  ambe  la  Uur  tendre  senzillesa.  Me  cantaba 
sobretot  la  del  J^ossinyol  : 

Rossinyol  que  vas  â  França, 

Rossinyol, 
Encomaname  â  la  mare, 
Rossinyol  d'un  bel  bocatge, 
Rossinyol 
D'un  vol... 

Mes  d'una  vegada  m'habia  ella  contât  c6m  me  gronxolava  en  la  breçola, 
tôt  cantantme  eixa  cançé,  quan  la  meua  mare,  en  temps  passât,  ocupada 
ambe  les  feynes  de  casa,  me  confiaba  â  ne  les  seues  mans.  Ay  !  dolça  avia 
meua,  tan  catalaiia  de  cor  !... 

Una  diada  d'estiu,  en  la  montanya  de  Ceret  (ont  solîem  anar  per  l'agost 
al  mas  de  la  «  Selva  »,  —  aixis,  en  efecte,  anomenat,  —  y  ont  passabi  tôt 
mon  temps  ambe  la  maynada  dels  masovers,  fills  de  montanya  que  m'ense- 
nyaben  â  coneixer  la  natura),  va  volguer,  en  una  excursiô  que  varem  fer 
amb  ella,  menarme  fins  â  cert  turô  d'ont  se  descubri'a  lo  paisatge.  Ambe  lo 
dit  senyalant-me  donchs  aquella  terra  qu'aixj's  s'oferia  al  devant  nostre,  — 
montanyes  armoniosament  onduloses,  totes  regades  de  llum,  —  me  va  dir  : 
«  Ho  veus,  manyach,  ja  no  es  terra  nostra,  sine  Espanya  ;  y  portant  alla 
també  s'hi  parla  la  meteixa  Uengua  catalana  que  per  assî,  y  s'hi  canten  les 
meteixes  boniques  cançons.  » 

Vaig  volguer  coneixer  aquella  terra,  y  molt  me  va  sorpendre,  en  efecte, 
quan  hi  vaig  anar  un  dîa,  d'ohir  traginers,  contrabandistes,  carboners  y 
boscayrols  (que  s'aplegaben  alla,  en  la  cuyna  de  certes  masies  tôt  ennegrida 
pel  fum,  afi  d'hi  beure  un  got  d'ayguardent  6  d'hi  menjar  un  plat  d'ollada) 
fent  sonar  entre  llurs  llabis  lo  meteix  idioma  qu'el  nostre,  y,  després  de 
menjar  y  beure,  quan  venia  l'hora  de  l'expansiua  intimitat,  posantse  â  cantar 
amb  veu  unissonant  les  meteixes  mélodies  populars  que  les  que  cantem 
nosaltros. 

Y  vaig  compendre  allavores  qu'aqueixos  homes  representaben  la  meteixa 
raça  que  la  de  la  nostra  terra,  encare  qu'haguessim  deixat  la  frontera  derrera 
de  nosaltros.  Y  me  recordi  que  vaig  tenir  l'intim  sensaciô  qu'hi  ha  fronteres 
artificials,  obres  de  la  diplomacia  y  de  l'historia,  no  de  la  natura.  Sigui  lo 
que  sigui,  no  existeixen  fronteres  pels  cors  que  s'aymen.  Aixô  meteix  nos 
passa  ara  ambe  vosaltros  :  nostra  vinguda  aqui  no  nos  ha  fet,  no,  cambiar 
de  familia,  y  les  *^Êfcs.  geogrâfiques  (6  mes  ben  dit  «  internacionals  »)  no 
poden  enterbolir  de  cap  manera  ni  les  nostres  ideyes  ni  la  nostra  vida  afec- 
tiua. 


D'    SOLÉ    Y     Pi 


Angel  Guimera 


mr-.' 


■  iiViVtfi'fr  iiY'ii 


w 


;.......    ...i.^r^' 


Joan-Maria    Guascm 


—    121     — 

Y"  la  proba  de  lo  que  vos  dich,  es  qu'anem  a  cantar  jiïnts  una  d'àqueixeS 
cançons  velles  que  nos  han  conservât  lo  millor  dels  nostres  antepassats  (per 
nos  convidar  belleu  â  pensar  m'es  y  mes  ambe  la  nostra  gérnianor,  â  cultivar 
di'ns  dels  nostres  cors  lo  sentiment  d'aqueixa  germanor,  com  eixos  clavells 
hermosos  qu'espelleixen  baix  la  lliim  del  sol  entre  la  blancor  dels  nostres 
terrats).  Cantarem  justament,  si  '  aixîs  vos  plau,  eix  T^ossinyol  que,  fa  un' 
Moment,  jo  vos  recordabi,  cançô  tan  bonica,  —  verîtat  ?  —  tan  anyoradiça 
y  enternidora  ? 

La  poesia  popular  es  l'expressiô  de  l'anima  catalana  :  eixa  mûsica,  be  ho 
p'odem  dir,  es  lligam  dels  cors.  Ay  !  quina  bona  disciplina  trobarîem  nosal- 
tros  eh  ella  !  Tôt  cantant  junts  eixes  melopeyes,  nos  sentim  mes  aprop  y  mes 
pâreixîts  entre  nosaltros;  mes  solidaris  del  meteix  idéal.  Los  camins  mes 
segurs  son  los  de  la  mûsica  :  menen  tôt  dret  â  les  mes  pures  inspiracions,  a 
l'alegrfa  mes  ditxosa  de  la  vida  interior.  Gracies  â  la  mûsica,  podrem  rea- 
litzar  una  estona,  entre  vosaltros  y  nosaltros,  eix  enllaç,  eixa  confusiô  de 
pensaments  y  sentiments,  combregant  en  la  metcixa  fé,  amb  lo  meteix  vi  y 
lo  meteix  pâ.  Vos  convidi,  benvolguts  amichs,  à  vos  apropar  ambe  jo  de 
l'altar  de  la  nostra  santa  mare  la  terra  y  â  cantar  amb  veu  unissonant  lo 
meteix  cântich,  com  solien  fer  los  nostres  avis  comuns. 

Au  Café  Continental  eut  lieu  une  réception  des  délégués  par 
les  jeunes  poètes  catalans  qui  se  groupent  autour  de  la  T^evisia. 

Dans  tous  ces  milieux  ils  reçurent  l'accueil  le  plus  sympathique 
et  le  plus  cordial  et  furent  fêtés  comme  le  sont  des  parents. 

Tlc  Banquet  de  la  Presse 

La  manifestation  ia  plus  cordiale  entre  roussillonnais  et  catalans 
eut  lieu  au  restaurant  Martin,  où  la  presse  barcelonaise  offrait  un 
banquet  aux  confrères  venus  aux  fêtes  JofFre  et  aux  délégués  per- 
pignanais. 

Ce  fut  une  belle  fête  de  confraternité  artistique  et  littéraire, 
de  vraie  camaraderie. 

Au    Champagne,  M.    Ferrer  et  Betoni  lut  le  discours    suivant  : 

Ghers  Confrères, 
La  «  Casa  de  la  Prensa  y  Belles  Artes  de  Barcelone  »  ressent  aujourd'hui 
uhè  double  satisfaction  :   celle  de  saluer  le  glorieux  maréchal  JofFre.   victo- 
rieux soldat'de  France,  et  celle  de  vous  ofFrir  à  vous,  collaborateurs  ignorés 


—     1  22     — 

de  la  grande  victoire,  un  affectueux  hommage  de  confraternité,  faible  écho 
de  la  reconnaissance  que  vous  gardent  les  journalistes  catalans  pour  le  splen- 
dide  accueil  dont  ils  furent  l'objet  à  Perpignan,  en  JC)i6. 

Les  journalistes  et  les  artistes,  aussi  sobres  de  paroles  que  riches  de  sen- 
timents, ne  veulent  pas  faire  montre  de  verbosité,  mais  simplement  synthé- 
tiser l'affection  et  le  sentiment  de  solidarité  qui,  pour  des  raisons  de  race  et 
de  profession,  les  unissent  à  ceux  qui,  sur  l'autre  versant  des  Pyrénées, 
luttent  avec  les  mêmes  armes  spirituelles  qu'eux,  pour  le  bien  et  la  grandeur 
de  la  Patrie. 

Qu'il  nous  soit  permis,  chers  Confrères,  en  ce  moment  d'effusion  et  en 
levant  notre  coupe  en  votre  honneur,  d'oublier  tout  ce  qui  n'est  pas  paix  et 
amour  et  de  ne  donner  qu'une  note  d'abstraction  spirituelle  condensée  dans 
le  cri  vibrant  de  «  Vive  la  France  !  » 

Le  poète  roussillonnais  Charles  Grande  répondit,  au  nom  de 
ses  camarades,  par  le  discours  suivant  : 

Honorables  Senyors, 

Les  Hêtres  y  arts  rosselloneses  mereixien,  per  portar-vos  llur  salutaciô, 
que  fos  escullida  una  veu  mes  poetica,  mes  ay  !  no  ha  pogut  deixar  la  seva 
vall  enriolada  el  nostre  Pastorellet,  ni  la  seua  catedra  En  Josep-Sebastià 
Pons,  el  délités  poeta  de  l'horta  florida  d'illa,  y  m'ha  pertocat  a  ne  mi,  el 
mes  humil,   donar-vos  les  gracies  en  nom  dels  nostres  escriptors  y  artistes. 

Per  retre-us  el  franch  homenatge  de  nostra  terra,  haguès  cisellat  En  Violet 
unes  frases  limpides  com  la  pura  linia  de  sos  marbres  ;  y  quin  escorcoll  de 
llegendes  vos  haguès  amanit  En  Père  Vidal,  nostre  mestre  ;  y  En  Deodat 
de  Severac,  que  mitg  s'amaga  darrera  d'un  fuU  de  miisica,  teixit  hauria 
unes  harmonies  divinials  en  alabansa  vostra  ;  N'Enric  Aragon,  Amade, 
Enric  Muchart,  Chauvet  y  demés,  que  somrients  m'escolten,  prou  que 
haurien  trobat,  en  les  fonts  catalanes,  la  sublim  inspiraciô  d'un  elogi,  la 
calorosa  emociô  d'un  regraciament  o  la  vibrant  fogositat  d'un  himne  d'amor. 

No  mes  podré  expressar-vos  malament  lo  que  sentim  en  aquestes  hores  y 
obrir-vos  de  bat  a  bat  nostra  anima  germana,  per  a  mor  que  llegiu  a  dintre 
lo  que  'Is  llavis  no  diràn. 

Quan  es  festa  major  als  nostres  endrets,  tota  la  familia  s'aplega  a  la  vella 
casa  payral  ;  y  quin  goig,  oy  !  entorn  de  les  tovalles  blanques  !  Y  quines 
abraçades  pels  nebots  ! 

Avuy  es  assi  la  llar  familiar,  y  hem  vingut  nosaltres  an  aquesta  festa  de 
llahor  a  les  virtuts  de  la  rassa,  en  aquejta  festa  major  dels  esperits,  per  a 
sentar-nos  amb  vosaltres  a  la  taula  dels  avis. 

Com  la  mes  propera  parentat,  hem  vingut  per  celebrar  amb  vostés,  ger- 
mans  nostres,  tant  el  Català  de  Rivesaltes  com  l'heroe  del  Marne. 


—    123    — 

Hem  vingut  per  testimoniar-vos  nostra  reconeixença  pels  actes  de  ger- 
manor  que  cumplieu  a  favor  nostre,  a  favor  de  França,  durant  la  tràgica 
guerra  mundial  ;  pel  carinyo  encoratjador  amb  que  endolsieu  nostres  pla- 
gues  ;  per  l'entusiasma  afogarat  que  ens  portaveu  durant  vostres  visites,  a 
les  hores  les  mes  angunioses  de  la  retirada.  Ah  !  en  aqueixes  hores,  com 
nos  bressava  y  ens  reviscolava  vostra  paraula  dolça  y  suau  com  una  mel  de 
montanya  ! 

Hem  vingut  per  saludar  la  terra  d'aquells  valents  que  se  sacrificaren  per 
nosaltres,  per  inclinar-nos  davant  dels  pares,  de  les  esposes,  dels  germans 
dels  voluntaris  cayguts  al  camp  d'Honor.  Vos  la  deviem,  aquesta  visita, 
soldats  de  l'Idéal  somniadors  d'un  mon  mellor,  que  vareu  regar  amb  vostra 
sang  generosa  les  planes  de  l'Artois  y  els  turons  de  Xampanya...  Martres 
de  la  Llibertat,  pau  a  vostres  animes  y  gloria  eterna  a  vostra  pàtria. 

Y  ara  em  venen  a  l'esperit  noms  de  poètes,  noms  admirats  r  veig  aqueixa 
soleyada  passant  sus  la  purpura  dels  brasers  avuy  apagats  :  Guimerà  llençant 
el  crit  de  «  Amunt  les  armes  fins  matar  la  guerra  !  »  ;  Apeles  Mestres  gitant 
al  vent  la  seva  energica  profecia  a  No  passareu  !  v  ;  Rusinol  batallant,  amb 
sa  pluma  d'acer,  desde  la  trinxera  de  VEsquella  ;  Iglesias  abrandant  el  cor 
dels  Voluntaris  y  portant-nos  el  ram  d'olivera  Empordanès  ;  y  d'altres 
encara,  clamant  en  enceses  estrofes  venjança  pel  Dret  trepitjat. 

Hem  cumplert  avuy  aqueix  pelegrinatge  de  gratitut,  d'amor  y  germanor 
que  't  deviem,  Catalunya  ! 

N'ets  de  bella,  Catalunya,  deessa  auriolada  de  llum,  destacant  ta  nobla 
figura  en  la  serenor  del  cel  llatî,  filant,  filant  somniosa,  vora  el  Meditcrrà, 
la  mirada  clavada  als  lliures  horitzons. 

En  aqueix  dia  de  glorificaciô  de  la  rassa,  simbolitzada  pel  geni  de  Nostre 
Joffre,  nos  inclinem  devant  tu,  en  nom  dels  artistes  de  Rossellô,  en  nom 
dels  Catalans  de  França. 

Horace  Chauvet,  dans  une  belle  improvisation,  salua  les  journa- 
listes catalans  et  français  au  nom  de  la  presse  roussillonnaise.  ]l 
déclara  que  pour  les  membres  de  la  presse  il  n'y  avait  pas  de 
Pyrénées,  les  effluves  de  leur  sympathie  étant  comme  les  ondes 
de  la  télégraphie  sans  fil. 

M.  Santiago  Russinol,  homme  de  lettres  et  artiste  peintre, 
déclara  qu'on  avait  essayé  de  montrer  aux  roussillonnais  tout  ce 
qu'il  y  avait  de  curieux  à  Barcelone  et  regretta  spirituellement 
qu'on  n'eut  pu  leur  montrer  ni  explosion  de  bombes,  ni  assassinat 
de  fabricant  : 

—  «  Ce  n'est  pas  de  notre  faute,  ajoutat-il,  mais  nous  n'avons 


—    124    — 

pu  trouver  un  seul  fabricant  qui  consentit  à  se  dévouer  pour  nous 
offrir  ce  spectacle  ». 

Puis  Russinol  retourna  sa  verve  contre  les  militaires  qui  avaient 
empêché  les  Catalans  de  serrer  le  Maréchal  Joffre  sur  leur  cœur. 

M.  Noguères  Oller,  Isart  Bula,  Soldevila  lurent  des  poésies 
dédiées  à  Joffre. 

M.  Jean  Amade  dit  son  émouvant  «  Plany  d'una  Mare  ». 

M.  Henry  Muchart  prononça  le  discours  suivant  : 

Messieurs, 

Le  Roussillon  s'excuse  de  n'être  que  bilingue,  car  deux  langues...  c'est 
bien  peu  pour  vous  exprimer  toute  la  gratitude  dont  notre  cœur  déborde, 
depuis  que  nous  connaissons  la  douceur  et  la  magnificence  de  l'hospitalité 
barcelonaise. 

Hier,  nous  a-t-on  dit,  une  diplomatie  prudente  a  tenu  closes  les  lèvres 
officielles,  mais  nous  ne  sommes  pas  des  personnages  officiels,  nous  sommes 
de  simples  »  poilus  »  roussillonnais  qui  vous  prient  de  transmettre  leur  fer- 
vent hommage  d'enthousiasme,  d'admiration,  de  reconnaissance  et  d'amour 
à  ceux  qui  furent  à  la  fois  leurs  frères  de  race  et  leurs  frères  d'armes. 

Je  veux  parler  de  ces  sublimes  volontaires,  catalans  par  le  sang,  mais 
français  par  la  manière  dont  ils  l'ont  versé. 

Que  les  enfants  légitimes  de  notre  douce  patrie  se  soient  ofFerts  pour  elle 
en  holocauste,  qui  s'en  étonnerait,  puisque  nous  défendions  contre  l'invasion 
barbare  notre  unité,  notre  langue  et  nos  foyers  ? 

Mais  c'est  un  émouvant  miracle  que  de  voir  quinze  mille  héros, 
quinze  mille  courtisans  du  péril  et  de  la  mort  demander  à  la  France  envahie 
de  devenir  ses  fils  adoptifs  par  la  grâce  sainte  de  leur  baptême  sanglant. 

L'esprit  confondu  hésite  au  bord  de  ce  mystère  d'abnégation  et  de 
sacrifice. 

Comment,  Messieurs  !  ces  vaillants  entre  les  vaillants  vivaient  en  paix 
dans  la  plus  belle  des  patries,  sous  un  ciel  indulgent,  sur  une  terre  opulente 
que  caressent  les  franges  de  la  mer,  que  le  soleil  —  sauf  aujourd'hui  — 
pavoise  de  tous  ses  rayons,  où  éclate  l'or  des  oranges  et  frémit,  à  la  brise, 
le  pâle  argent  des  oliviers  ;  ils  goûtaient  l'enchantement  de  votre  climat  for- 
tuné... et  voilà  qu'un  jour  ils  ont  pris  leurs  armes  et  nous  ont  suivis  vers  les 
brumes  du  Nord,  vers  la  glaise  molle  des  champs  de  carnage,  vers  ces 
mornes  pays  de  la  désolation  et  de  l'épouvante  où,  dans  l'aube  grise,  à 
l'heure  trouble  de  l'assaut,  ils  grelottaient...  non  pas  de  peur,  mais  de 
froid,  sous  la  trame  fine  de  la  pluie. 

Pourquoi  ?  Dites-moi  pourquoi  ils  ont  ainsi  choisi  de  devenir  les  martyrs 
volontaires  d'une  cause  qui  ne  semblait  pas  la  vôtre? 


—     125    — 

J'imagine  que,  —  par  dessus  l'esprit  particulariste,  le  patriotisme  rétréci 
et  l'amour  borné  d'un  coin  de  terre,  —  ces  beaux  chevaliers  du  Droit 
avaient  aperçu  l'idéal  latin  que  vous.  Messieurs,  représentez  ici  avec  tant 
d'éclat,  cet  idéal  des  races  patriciennes  par  qui  toute  civilisation  a  fleuri  dans 
le  monde  ! 

N'est-ce  pas  que  c'est  toute  la  splendeur  méditerranéenne  et  la  culture 
classique  qu'ils  voulaient  sauver  des  hordes  germaines  ! 

Ils  ont  eu  foi  en  l'avenir  ;  ils  ont  compris  qu'une  mission  providentielle 
semblait  bien  dévolue  aux  Catalans,  puisque  le  soleil  de  gloire  qui  s'était 
levé  jadis  à  l'Orient,  qui  avait  brillé,  au  cours  des  âges,  de  l'est  à  l'ouest, 
sur  l'Egypte  des  Pharaons,  sur  la  divine  Hellade...  et  sur  Rome...  et  sur 
la  Corse  de  Bonaparte,  venait  de  s'arrêter,  enfin,  au  bord  occidental  de 
notre  mer  mélodieuse,  sur  cette  petite  ville  de  la  nativité  qui  s'appelle 
Rivesaltes. 

Héritiers  authentiques  des  fils  de  la  louve  romaine,  ayant,  comme  ces 
anciens  maîtres  du  monde,  la  force  dominatrice,  le  génie  réalisateur,  la 
ténacité  indomptable  et  le  courage  que  rien  n'abat,  vous  avez  jeté  dans  la 
fournaise  le  métal  neuf  de  vos  ardentes  énergies. 

Et  c'est,  maintenant,  la  coulée  triomphale  du  bronze  celtibère,  c'est  la 
fusion  des  âmes  latines  qui  bouillonne  et  s'élabore  aux  creusets  de  notre 
forge  catalane. 

Honneur  aux  ouvriers  de  la  première  heure  !  Honneur  aux  mâles  forge- 
rons... qui  n'ont  pas  eu  peur  du  feu  ! 

Je  bois  d'abord  à  l'admirable  élite  intellectuelle  qui  nous  accueille  aujour- 
d'hui ;  je  bois  à  notre  Catalogne  bien-aimée,  mystiquement  unie  à  la  France 
dans  les  cendres  des  dix  mille  volontaires  qui  jonchent  la  terre  française  et 
dans  les  membres  meurtris  des  augustes  mutilés  de  la  guerre. 

je  bois  à  nos  deux  races  confondues,  vivant  d'une  vie  unique,  baignées 
des  ondes  vermeilles  d'un  même  sang,  pensant  l'une  et  l'autre  par  le  même 
génial  cerveau  et  respirant  d'un  même  souffle  en  la  personne  sacrée  du  grand 
Maréchal. 

Yisca  nottre  Jojfre,  aqueix  peïos  tan  valent  que  l'altre  pelos  de  lez  quatre 
barres . 

M.  Henry  Aragon  donna  lecture  des  lignes  suivantes  : 

Messieurs, 
Au  nom  des  membres  de  la  Société  d'Archéologie,  d'Histoire  du  Rous- 
siilon  et  de  Philologie  catalane,  au  nom  des  membres  de  la  Société  Agricole, 
Scientifique  et  Littéraire  des  Pyrénées-Orientales,  qui  compte  près  d'un 
siècle  d'existence,  au  nom  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes,  si  dignement 
représentée  aujourd'hui  par  tous  les  délégués  qui  sont  venus  escorter  l'illustre 


--  ia6  — 

Maréchal,  je  viérts  vous  apporter  notre  tribut  de  sympathie,  de  gratitude  et 
d'admiration  envers  le  grand  capitaine  français,  «  el  Vencedor  del  Marne  », 
et  nos  plus  chaleureux  remerciements  à  la  noble  et  très  fidèle  cité  de  Bar- 
celone qui  a  l'insigne  honneur  de  le  recevoir  aujourd'hui. 

Au  milieu  des  fêtes  splendides  qui  se  déroulent,  nous  sommes  venus 
acclamer  le  Maréchal  et  lui  témoigner  toute  notre  admiration  pour  l'œuvre 
qu'il  a  merveilleusement  conçue  et  qui  est  son  œuvre  géniale. 

Le  génie  est,  avant  tout,  le  pouvoir  de  créer  ;  J offre  a  eu  ce  génie  :  il  a 
su,  par  cette  supériorité  de  puissance  de  perception,  créer  un  plan  formi- 
dable qui  a  arrêté  net  l'avalanche  des  hordes  barbares.  Le  génie,  a  dit 
Buffon,  n'est  qu'une  longue  patience  ;  mais  ajoutons  :  la  patience  invincible 
à  la  poursuite  d'un  même  but,  unie  à  la  persistance  de  la  méditation  sur  une 
même  idée,  sur  un  même  plan  qui  a  pour  effet  de  donner  à  la  pensée,  par 
cette  concentration  même,  une  puissance  qu'elle  n'aurait  jamais  atteinte  sans 
cela. 

En  concentrant  l'effort  intellectuel  sur  un  point  circonscrit,  Joffre  est 
arrivé  à  cette  manœuvre  qui  dénote  ce  je  ne  sais -quoi  de  génial,  de  spontané, 
d'insHnclif,  dont  la  réalisation  absolue  s'impose  dans  les  œuvres  de  génie,  et 
où  l'on  trouve  comme  une  intuition  lumineuse  de  la  personnalité  même  du 
grand  chef  de  l'Armée  française. 

Comme  tous  les  hommes  de  génie,  en  vertu  de  cette  supériorité  intellec- 
tuelle, Joffre  a  échappé  à  la  domination  des  passions  mesquines  et  basses  de 
régoTsme  et  de  la  vanité,  et  s'est  trouvé  naturellement  porté  dans  des  régions 
plus  hautes  :  il  s'est  voué  à  la  France  tout  entière.  «  L'homme,  s'écriait 
«  Mirabeau,  qui  combat  pour  la  patrie;  celui  qui  a  conscience  d'avoir  bien 
«  mérité  de  son  pays  et  de  lui  être  utile  ;  celui  que  ne  rassasie  pas  une  vaine 
«  célébrité  et  qui  dédaigne  les  succès  d'un  jour  pour  la  véritable  gloire..., 
«  cet  homme  porte  avec  lui  la  récompense  de  ses  services,  le  charme  de  ses 
«  peines  et  le  prix  de  ses  dangers  ;  il  ne  doit  attendre  sa  moisson,  sa  des- 
«  tinée,  la  seule  qui  l'intéresse,  la  destinée  de  son  nom,  que  du  temps,  ce 
«  juge  incorruptible  qui  fait  justice  à  tous.  » 

Aujourd'hui  Barcelone  acclame  Joffre  et  lui  décerne  le  titre  impérissable 
de  a  Salvador  de  t'Jiumanitat  ».  En  effet,  le  glorieux  Catalan,  par  ce  plan 
habilement  conçu,  a  su  nous  faire  voir  quelle  était  la  mesure  exacte  de  la 
valeur  de  l'homme,  et  quelle  fut  sa  puissance  créatrice  au  moment  opportun 
et  décisif,  à  l'instant  le  plus  critique  et  le  plus  périlleux,  à  l'heure  la  plus 
troublante  et  la  plus  angoissante  où  se  jouaient  les  destinées  de  la  France. 

En  exécutant  la  manœuvre,  en  démasquant  même  Paris,  le  grand  chef  a 
fait  une  action  géniale  :  son  plan,  le  plan  qui  a  sauvé  la  France  de  l'invasion 
barbare,  c'est  lui-même  élevé  à  sa  plus  haute  expression. 

Joffre  a  eu  ce  génie  !  Nous  devons,  nous  tous.  Français  et  Alliés,  éter- 


—  lî^  — 

nellemeht  lui  savoir  gfe  d'avoir  sauvé  la  France  au  moment  du  péril  le  pluS 
émouvant. 

Je  bois  à  la  santé  des  membres  de  la  presse,  à  cette  presse  qui  est  le 
rouage  de  la  vie,  la  vie  même  d'un  peuple  qui  a  le  droit  de  défendre  de 
généreuses  idées. 

je  bois  à  tous  les  Catalans  qui  nous  ont  si  chaleureusement  accueillis  et 
qui  nous  répètent  tous  les  jours,  le  cœur  exultant  de  joie  et  de  bonté  :  «  Ma 
maison  est  la  vôtre  ». 

Je  bois.  Messieurs,  à  notre  illustr»  compatriote,  à  notre  JofFre,  le 
Catalan  du  Roussillon,  de  soca y  d'arrel,  au  Maréchal  de  France. 

M.  le  docteur  Carbonneil  fit  une  curieuse  dissertation  humo- 
ristique, très  goûtée  ;  et  le  poète  Joseph  Carner  prononça  de 
gentilles  paroles  d'amitié.  Il  exprima  son  admiration  pour  la 
France  qui  conserva  dans  la  guerre  toute  sa  grâce,  fit  l'éloge  de 
JofFre,  sauveur  des  démocraties. 

L'abbé  Caseponce  prononça  des  paroles  d'amour  et  de  frater- 
nité. 

La  fête  prit  fin  dans  la  plus  franche  allégresse,  au  milieu  des 
chants  et  des  démontrations  les  plus  cordiales. 


Le  T(etour 

Avant  de  quitter  Barcelone,  le  Maréchal  JoflFre  a  assisté  au 
banquet  des  Mutilés  et  a  reçu  la  visite  du  Conseil  Municipal  de 
cette  ville. 

11  a  remis  la  croix  de  Chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  à 
diverses  personnalités,  entr'autres  à  MM.  Puig  y  Cadafalch,  pré- 
sident de  la  Mancomunitat,  Martinez  Domingo,  alcalde,  Matheu, 
des  Jeux  Floraux,   R.  Jorri,  publiciste,  etc. 

11  a  promis  de  revenir  à  Barcelone,  lors  de  l'ouverture  de 
l'Exposition  d'Electricité,  et  a  déclaré  qu'il  était  enchanté  de 
se  trouver  en  Catalogne,  qu'il  considérait  comme  la  continuation 
de  son  pays. 

Le  6  mai  à  9  h.,  le  Maréchal  et  Madame  Joffre  ont  quitté  la 
capitale  catalane,  accompagnés    des   plus    hautes    personnalités   de 


Barcelone,  de  la  délégation  roussillonnaise  et  de  quelques  journa- 
listes. 

A  Gérone  et  à  Figuères,  les  plus  vives  acclamations  ont  retenti 
au  passage  du  train. 

A  Port-Bou,  M.  Orlandi,  fils,  agent  consulaire,  et  M. "Marti 
Inglès,  député  provincial  de  Figuères,  ont  salué  le  Maréchal,  le 
premier  au  nom  de  la  Colonie  française,  le  deuxième  au  nom 
des  populations  de  l'Ampourdan. 

A  Cerbère,  même  accueil  enthousiaste. 

Le  Maréchal  est  arrivé  à  Perpignan  à  i  5  h.  i  2  et  est  descendu 
au  Grand-Hôtel,  où  il  a  reçu  la  visite  des  autorités. 

Il  est  reparti  le  lendemain  7,  pour  Paris. 

Nous  avons  eu  le  plaisir  de  recevoir  la  visite  de  M.  Fondevila, 
de  la  Publicidad ;  F.  Madrid,  de  E/  Sol;  Costa  (Picarol),  carrica- 
turiste  de  VEsqueîîa  de  la  Torraixa  ;  P.  Turull,  de  Messidor,  .i\\x\ 
étaient  venus  accompagner  le  Maréchal  JoflFre  à  Perpignan. 

■Hemerciemenh 

Les  délégués  perpignanais  sont  heureux  d'adresser  leurs  remer- 
ciements les  plus  chaleureux  à  l'Ajuntament,  à  la  Mancomunitat 
et  aux  Catalans  de  Barcelone  qui  les  ont  accueillis  avec  un  empres- 
sement et  une  cordialité  dont  ils  ont  été  très  touchés. 

Us  ne  peuvent  s'empêcher  de  leur  adresser  un  témoignage 
public  de  gratitude,  car  les  égards  dont  ils  ont  été  l'objet  s'adres- 
saient à  tous  les  Roussillonnais. 


L«  Gcrtnt,  —  COMET.  Imprimerie  Cata)aae,  COMET,  rue  de  la  Poste,  Perpignan 


14*  Année.  N'  164  Juin  1920 

Les   Mxnu»cnts  non  snserés 


REVUE 

CATi^LABIE 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 


ne  sont  oas  renaus. 

L.rs  Arncles  parus  dans  ia  Revue 
n'engagent  que  leurs  auteurs. 


L'Art  du  maître  Déôdat  de  Séverac 


(0 


Je  n  irai  pas  jusqu  à  dire  que  nous  ignorons  nos  grands  maîtres. 
Les  œuvres  (2)  de  notre  compatriote  sont  assez  connues  pour  que 
j'ose  les  commenter. 

Je  veux  simplement  faire  ressortir  tout  l'art  que  l'on  découvre 
dans  ses  compositions  si  subtiles.  Faut-il  affirmer  de  suite  que 
cette  musique  est  d'une  facture  puissante,  d'une  harmonie  vibrante, 
d'où  se  dégage  une  mélodie  qui  vous  charme,  vous  saisit  ?f  dans 
laquelle  on  sent  jaillir  toute  l'âme  de  l'artiste  ? 

La  musique  de  Déodat  de  Séverac  éveille  des  sensations  vives 
et  complètes  ;  elle  communique  par  cette  harmonie,  qui  est  pro- 
pre à  l'auteur,  une  puissance  particulière  de  vibrations  qui  se 
répand  infailliblement  dans  tout  l'organisme  physique,  et  qui  pro- 
duit par  cette  vibration  même  une  variété  infinie  de  sensations, 
de  sentiments  et  même  d'idées  dont  on  peut  aisément  saisir  les 
rapports  logiques  avec  l'impression  physique  qui  leur  donne  nais- 
sance. 

(  I  )  Déodat  de  Séverac  a  fait  partie  de  la  délégation  aux  fctes  de  Barce- 
lone. 

(2)  Les  principales  œuvres  de  Séverac  sont  :  Yieitles  chansons  de  Vrance  ; 
Jiéïiogabaïe,  joué  aux  arènes  de  Béziers  (1910)  ;  "Hélène  de  Sparte,  joué  en 
1912  à  rOpéra-Comique  ;  le  poème  gcorgique,  pièce  lyrique,  du  Chant  de 
ta  Terre  ;  En  Languedoc  ;  Cerdana  et  ses  chansons  populaires  ;  trois  drames 
lyriques  :  Mugueto,  La  Fille  de  la  Terre,  le  Cœur  du  Moulin  représente  en 
1911  à  rOpèra-Comique.  Telles  sont  les  œuvres  de  «  notre  plus  puissant, 
notre  plus  original  rustique  »  dans  la  musique  moderne  ;  «  le  plus  grand 
spécialiste  de  l'agriculture  musicale  b.  J'ajouterai  :  «  notre  Virgile  musical  », 


Avec  Déodat  de  Sévcrac  la  musique  ne  se  borne  pas  à  des 
agencements  de  rythmes  et  de  sons  ayant  pour  seul  eflFet  de  com- 
muniquer à  l'oreille  des  sensations  agréables  ;  elle  cherche  et 
atteint  l'expression  ;  si,  avec  le  grand  maître,  elle  est  tenue, 
comme  pour  tous  les  arts,  comme  pour  la  sculpture  elle-même,  à 
la  recherche  de  certaines  qualités  de  forme  en  quelque  sorte 
extérieure,  elle  n'en  est  pas  moins  un  langage  qui  parle  à  l'âme 
par  une  émotion  communicative. 

On  peut  dire,  en  général,  que  toute  œuvre  d'art  est  expressive 
en  ce  sens  qu'elle  manifeste,  la  manière  dont  chaque  artiste  com- 
prend la  sensation  ou  le  sentiment  auxquels  il  s'est  attaché,  et 
qu'elle  donne  la  mesure  de  l'impression  qu'il  a  éprouvée  et  de 
la  puissance  d'expansion  qui  lui  est  propre. 

Rien  n'est  plus  vrai  en  thèse  générale.  Pour  Déodat  de  Séve- 
rac,  toutes  ses  œuvres,  depuis  ses  chansons  jusqu'à  ses  poèmes 
rustiques  et  ses  drames  lyriques,  doivent  être  rangées  dans  la 
catégorie  des  œuvres  expressives,  parce  qu'elles  portent  la  mar- 
que d'une  imagination  et  d'une  sensibilité  qui  dépassent  le  niveau 
moyen.  Mais  ce  n'est  pas  tout  ;  aucune  de  ses  œuvres  ne  peut 
être  classée  comme  banale,  car  on  éprouve  devant  elles  le  senti- 
ment d'une  individualité  nettement  accusée  ;  et  la  conséquence 
qui  s'impose  d'elle-même,  c'est  que  toutes  les  œuvres  de  Déodat, 
quels  que  soient  d'ailleurs  ses  mérites,  sont  expressives  dans  le 
sens  vrai  du  mot. 

D'où  provient  donc  le  plaisir  que  nous  fait  éprouver  l'audition 
de  ses  œuvres  ?  De  ce  sentiment  plus  ou  moins  inconscient,  mais 
parfaitement  réel,  de  sympathie  humaine,  qui  nous  associe  invo- 
lontairement aux  joies,  aux  peines,  aux  souffrances  que  nous  res- 
sentons. Toutefois  la  personnalité  de  l'artiste  reste  hors  de  cause, 
car  plus  il  a  réussi  à  rendre  cette  absence  d'effort,  plus  nous  nous 
laissons  envahir  par  le  sentiment  de  bien-être  qui  en  est  la  con- 
séquence et  moins  par  la  raison  que  nous  songeons  à  lui.  Pour 
Déodat,  il  semble  qu'il  soit  arrivé  à  ce  résultat  tout  naturelle- 
ment, sans  l'avoir  cherché,  ce  qui  donne  à  son  œuvre  une  simple 
apparence  d'impersonnalité. 

Suivant  ces  données,  on  peut  dire  que  l'œuvre  de  Déodat  est 
doublement  expressive,  puisque,  en  même  temps  que  l'artiste 
exprime,  par  les  sons,  les  sentiments  et  les  idées  des  personnages 


—  i3i   — 

qu'il  met  en  scène,  il  donne,  par  la  puissance  et  par  le  caractère 
même  de  cette  expression,  la  mesure  de  sa  propre  sensibilité,  de 
sa  propre  imagination,  de  sa  propre  intelligence.  11  faut  en 
déduire  qu'il  y  a  un  fait  qui  est  irrécusable  :  c'est  l'analogie  de  la 
musique  de  chacun  des  grands  compositeurs  avec  leur  propre 
caractère,  leurs  habitudes  d'esprit  et  leurs   sentiments   ordinaires. 

Les  impressions  de  ce  grand  musicien  sont  précises,  sont  pal- 
pables en  quelque  sorte  :  c'est  lui-même  qu'il  manifeste  par  son 
art  avec  toute  la  série  des  émotions  par  lesquelles  il  passe,  et 
qu'il  manifeste  avec  d'autant  plus  de  puissance  que  ces  émotions 
sont  plus  vives  et  plus  profondes. 

Dans  la  musique  de  Déodat,  on  suit,  pour  ainsi  dire,  son  tra- 
vail, c'est-à-dire  la  partie  scientifique  de  sa  musique.  Je  m'expli- 
que :  une  sensation  fait  naître  des  idées  et  des  émotions  qui  en 
éveillent  d'autres  à  leur  tour,  dont  le  flot  successif  se  suit  et 
se  remplace  par  un  effort  absolument  indépendant  de  notre 
volonté. 

Chez  cet  artiste,  le  choix  des  sons  n'est  jamais  livré  au  hasard, 
contrairement  à  certains  théoriciens  qui  ne  voient  dans  la  musique 
que  les  rapports  mathématiques  des  sons  et  qui  la  réduisent  tout 
entière  au  dessin  mélodique.  On  sent,  dans  toutes  ses  composi- 
tions, que  l'artiste  a  mis  en  œuvre  les  matériaux  que  lui  fournit 
la  réalité  sans  autre  préoccupation  que  l'émotion  qui  le  tient,  et 
de  plus  il  les  a  choisis  instinctivement  par  une  habitude  non  réflé- 
chie de  leur  signification  particulière  :  et  c'est  à  cause  de  cela 
que  nous  arrivons  à  saisir  sa  pensée,  à  nous  en  pénétrer  et  à 
distinguer  tout  ce  qu'il  y  a  de  sain  et  d'énergique  dans  les  œu- 
vres qu'il  nous  a  livrées. 

On  y  trouve  réunies  les  notions  d'ordre,  d'harmonie,  de  pro- 
portion, de  convenance,  de  variété,  de  vie,  qui  sont,  en  un  mot, 
toutes  les  règles  de  la  production  artistique.  Or.  ce  sont  précisé- 
ment ces  éléments  combinés  qui  constituent  le  caractère  de  la 
sensation  esthétique,  et  c'est  parce  qu'ils  y  sont  tous  compris 
dans  les  œuvres  du  maître  que  cette  sensation  est  pour  nous  un 
plaisir. 

Du  reste,  toute  œuvre  —  et  c'est  précisément  le  cas  de  Déodat 
—  qui  produit  sur  nous  une  impression  où  se  retrouvent  ces  élé- 
ments,  nous  paraît  belle  dans  la  proportion  même  où  ils  cocxis- 


—    l32    — 

tent.  Chez  Déodat,  on  peut,  sans  crainte  d'exagération,  affirnier 
que  cette  œuvre  est  parfaite,  précisément  parce  que  chaque  élé- 
ment y  est  représenté  dans  la  mesure  la  plus  complète  et  dans  la 
combinaison  la  plus  concordante  que  nous  puissions  imaginer.  Et, 
dans  ces  conditions,  la  jouissance  que  nous  fait  éprouver  la  beauté 
de  l'oeuvre  se  double  d'un  autre  sentiment  qui  constitue  propre- 
ment le  plaisir  esthétique,  l'admiration  sympathique  pour  la  supé- 
riorité des  facultés  qui  ont  permis  a  l'artiste  d'exécuter  un  pareil 
ouvrage. 

Du  reste,  sans  s'inquiéter  des  conventions  et  des  recettes  acadé- 
miques, Déodat,  absolument  libre  dans  son  domaine,  nous  appa- 
raît tout  à  fait  sincère  en  ne  cherchant  à  exprimer  que  des  idées, 
des  sentiments  et  des  émotions  qui  lui  sont  propres.  Il  a  subi 
naturellement  l'influence  ambiante  dont  il  a  su  largement  profiter, 
en  donnant  à  la  musique  une  direction  nouvelle  (agencement  des 
instruments  prima,  ténor,  flabiol,  etc.)  avec  la  prédominance  crois- 
sante de  l'expression  dans  l'art  :  il  s'est  appliqué  avec  un  eff^ort 
visible  à  rester  dans  le  domaine  purement  humain,  de  la  vie  des 
champs,  de  la  nature  même  dans  laquelle  il  a  puisé  naturellement 
ses  plus  belles  inspirations  ;  c'est  particulièrement  dans  ce  domaine 
qu'il  a  su  éveiller  les  sympathies  sans  lesquelles  le  talent  n'est  pas 
préservé  de  l'oubli,  le  seul  d'ailleurs  où  l'artiste  a  pu  puiser 
directement  les  émotions  sincères  et  profondes  qui  suscitent  en 
lui  le  besoin  et  la  faculté  de  créer. 

Ce  qui  frappe  surtout,  chez  ce  maître,  c'est  l'originalité  indivi- 
duelle et  la  façon  dont  il  a  conçu  son  oeuvre,  dans  la  pleine  indé- 
pendance de  son  inspiration  personnelle  et  dans  la  mesure  de  son 
génie  propre.  En  créant  ses  chansons,  ses  pastorales  et  ses  drames 
lyriques,  Déodat  s'est  senti  plus  puissant  et  plus  inspiré  parce 
qu'il  s'est  trouvé  en  communauté  d'impressions  avec  l'entourage 
où  il  vivait  :  il  devait  donc  réussir,  car  jamais  l'art  n'a  été  plus 
grand  que  quand  il  s'est  attaqué  aux  idées  et  aux  sentiments  qui 
pénètrent  et  dominent  le  milieu  dans  lequel  on  vit. 

Déodat  (et  c'est  là  son  plus  grand  mérite)  chez  qui  l'on  retrouve 
intégrale  la  personnalité  de  l'artiste,  n'a  cherché  à  rendre  que  ce 
qui  le  touche  et  l'émeut  réellement  :  il  nous  communique  ainsi 
directement  son  émotion  et  son  impression  personnelle. 

Cette  intervention  se  manifeste  dans  toutes  ses  œuvres  par  le 


—  i33  — 

choix  même  qu'il  a  fait  du  sujet  et,  de  plus,  par  la  disposition  et 
la  proportion  des  parties,  par  l'importance  qu'il  donne  aux  unes 
et  qu'il  refuse  aux  autres  :  c'est  précisément  et  uniquement  par  ce 
caractère,  par  ces  préférences  instinctives  (j)  et  par  ces  particula- 
rités d'impression  qui  en  résultent  pour  l'auditeur  que  l'œuvre  de 
Déodat  devient  une  œuvre  d'art.  L'artiste  seul,  tel  que  Déodat, 
peut  rendre  l'effet  et  l'impression,  parce  que  sa  nature  consiste 
précisément  à  être  plus  sensible  que  les  autres  aux  effets  et  aux 
impressions  ;  et  il  les  rend  naturellement  en  les  composant  de 
sonorités  particulières,  qui  sont  celles  de  sa  nature  propre,  de 
son  tempérament,  de  sa  personnalité. 

C'est  par  là  qu'il  est  réellement  artiste,  parce  que  sa  person- 
nalité possède  toute  la  vigueur  et  tout  l'accent  qui  distinguent 
également  ses  grands  contemporains.  En  un  mot,  c'est  la  valeur 
de  l'artiste  qui  fait  pour  la  plus  grande  partie  celle  de  i'œuvre, 
et  c'est  par  celles  des  facultés  et  des  qualités  de  l'artiste  dont 
elle  porte  l'empreinte  que  l'œuvre  nous  attire  et  nous  saisit.  Et 
de  plus,  comme  il  est  doué  d'une  sensibilité  et  d'une  imagination 
vives,  il  interprète  la  nature  ou  le  sujet  qu'il  a  choisi  de  préfé- 
rence à  tout  autre,  avec  cette  empreinte  particulière  qui  constitue 
sa  personnalité. 

Pour  Déodat,  l'harmonie  se  combine  si  bien  avec  la  mélodie 
que  l'on  y  trouve  la  précision  nette  et  tranchée  de  ses  concep- 
tions analytiques.  Je  prouve,  d'ailleurs,  ce  que  j'avance  : 

On  a  souvent  comparé  au  dessin  la  mélodie  qui  dispose  les 
sons,  et  à  la  couleur  l'harmonie  qui  les  combine  :  mais  pour  l'ar- 
tiste qui  considère  la  musique  comme  un  moyen  d'expression, 
entre  les  mains  d'un  musicien  de  talent  comme  Déodat,  l'har- 
monie ajoute  un  secours  puissant  à  la  signification  de  la  mélodie, 
et  lui  donne  une  puissance  et  une  largeur  d'accent  que  la  pre- 
mière ne  saurait  atteindre  sans  l'autre. 

Pour  rester  dans  le  vrai,  il  faut  dire  que  la  musique  a,  comme 
tous  les  arts,  son  domaine  spécial,  qu'elle  s'adresse  à  une  couche 
particulière  de  sentiments  auxquels  correspondent  admirablement 
les  moyens  d'expression  dont  elle  dispose,  et  qu'il  est  impossible 
d'exprimer  autrement. 

(i)  De  Séverac.  «  musicien  jusqu'aux  moelles  »,  possède  ce  don  innc  de 
vibrer  aux  harmonies  cparses  et  subtiles  de  la  Nature. 


-   i34  - 

Ce  qui  nous  frappe  et  nous  attire  dans  ses  œuvres,  c'est  la 
personnalité  de  l'artiste  qui,  dans  la  multiplicité  complexe  de  ses 
travaux,  y  éclate  par  une  originalité  puissante  et  par  l'énergie 
avec  laquelle  elle  manifeste  le  tempérament  et  le  caractère  d'une 
impression  individuelle  :  on  y  sent  tout  à  la  fois  et  la  main  et  le 
génie  de  l'auteur.  On  conçoit  que  l'artiste,  véritablement  ému,  a 
exprimé  son  émotion  toute  vivante  avec  les  sons  dont  elle  s'est 
emparée  dans  son  imagination  :  ce  cachet  d'origine,  quelque 
étrange  qu'il  puisse  être,  sera  toujours  auprès  des  connaisseurs  la 
plus  puissante  des  recommandations. 

En  somme,  le  sentiment  d'admiration  que  nous  trouvons  dans 
les  œuvres  du  maître  s'explique  par  cette  approximation  même 
d'une  perfection  qui  n'est  pour  nous  qu'un  idéal,  mais  surtout  par 
l'étonnement  sympathique  que  nous  procure  la  constatation  des 
mérites  divers  de  l'artiste,  dont  la  personnalité  se  reflète  dans 
son  œuvre. 

Le  plaisir  que  nous  cause  l'audition  de  ses  œuvres  est  d'autant 
plus  profond  et  complet  que  ces  impressions  sont  nombreuses, 
variées,  intenses  et  concordantes  ;  et  nous  concluerons  que  de 
Séverac,  vraiment  ému,  n"a  eu  qu'à  s'abandonner  à  son  émotion 
pour  que  son  émotion  devienne  contagieuse  et  qu'il  ait  pu,  à 
juste  titre,  recueillir  les  applaudissements  auxquels  il  a  droit.  Son 
œuvre  est  belle  parce  quelle  porte  nettement  la  marque  de  la 
personnalité  permanente  de  l'artiste  :  à  cet  égard  il  mérite  les 
éloges  les  plus  chaleureux  (i). 

Henry  Aragon. 


^ 


(i)  Tout  récemment,  P.  Camo  a  fait  paraître  une  critique  fort  élogieuse 
sur  la  nouvelle  composition  du  maître  Séverac,  «  Pour  les  lauriers  roses  »  : 
y]  se  range,  dit-il,  à  côté  des  plus  classiques  parmi  les  esprits  français. 


La  Délégation  Roussillonnaise 

A  BARCELONE  1-7  Mai  1920 

Fêtes  en  l'honneur  du  Maréchal  Jofre  — >  Les  Jeux  Floraux 
IMPRESSIONS 

l'ai  encore  gravée  dans  ma  mémoire  cette  belle  définition  que 
M.  Barbut,  mon  professeur  de  philosophie  du  Lycée  de  Tou- 
louse, en  1880,  avait  dictée  dans  son  remarquable  cours.  Je  la 
cite,  comme  si  je  l'entendais  encore  après  quelque  quarante  ans. 
«  L'association  des  idées,  nous  disait-il,  est  le  pouvoir  intellec- 
tuel en  vertu  duquel  nos  idées  se  provoquent,  se  suscitent  et  for- 
ment un  ensemble  de  réseau  tel  que,  si  l'une  vient  d'apparaître, 
elle  est  immédiatement  suivie  d'une  multitude  d'autres.  » 

Parler  philosophie  à  propos  de  ces  fêtes  grandioses,  paraît 
illusoire,  et  cependant  il  y  a  un  lien  :  malgré  la  bizarrerie  étrange 
et  multiple  de  tous  les  événements  contradictoires  qui  se  sont 
déroulés,  malgré  l'opposition  bien  nette  des  aspirations  et  des 
sentiments  de  tout  un  peuple,  de  toute  une  nation,  l'idée  maî- 
tresse qui  domine  dans  toute  cette  désunion  apparente,  c'est 
l'amour  de  la  terre  catalane  pour  le  Catalan,  l'amour  de  la 
petite  patrie  qu'il  voudrait  grande  et  libre. 

Les  fêtes  qui  ont  eu  lieu  nous  prouvent  surabondamment  ce 
que  l'avance. 

J'ai  voulu  citer  cette  belle  définition  si  claire  et  si  précise  pour 
faire  voir  que,  malgré  la  diversité  des  réceptions  officielles  ou 
intimes,  si  grandioses  et  si  émotionnantes,  malgré  les  événements 
et  les  incidents  pénibles  qui  se  sont  précipités  dans  une  furie 
irrésistible,  nous  avons  pu  dérouler  cet  écheveau  de  faits  emmêlé, 
inextricable,  qui  représente  les  journées  mémorables  que  nous 
avons  passées  avec  nos  si  sympathiques  et  si  dévoués  amis  Cata- 
lans. 


—  i36  — 

Nous  avons,  en  effet,  vécu  des  heures  inoubliables  parmi  tous 
ces  Catalans  qui  luttent  énergiquement  et  sans  répit  pour  leur 
droit  et  leur  indépendance,  et  qui  protestent  sans  cesse  à  cause 
de  la  violation  de  leurs  libertés  méconnues  :  «  Amb  el  cor  i 
pensa,  amb  l'enteniment  i  tota  la  nostra  anima,  protestem  devant 
de  Dcu  i  dels  homes  tots  de  bona  voluntat  i  recte  seny,  de  l'in- 
digne atropell  del  nostre  Dret  per  un  Estât  desconeixedor  de 
nostra  propia  vida  i  modo  d'esser  »  (i). 

Tout  en  demandant  son  indépendance  —  la  independencia 
d'una  pâtria  aixis  desagraida,  —  Barcelone  a  tenu  à  honorer  notre 
grand  chef  et  à  le  glorifier  dans  des  journées  solennelles  :  «  Bar- 
celona  honrarà  la  glôria  de  l'iMustre  fill  de  Rivesaltes,  del 
Vencedor  del  Marne,  amb  la  cordiaiitat  i  la  serenitat,  amb 
l'entusiasme  i  el  seny  de  la  nostra  terra  ;  i  la  glorificaciô  del  gran 
Cabdill  sera  també  la  glorificaciô,  la  vindicaciô  i  la  justificacio  de 
la  Raça.  » 

Tout    le   peuple    de    Catalogne    s'unit    pour    célébrer,    malgré 
l'étreinte   qui   l'opprime,   le   grand    Français  :   «  A  vos,  Mariscal, 
us  estimem   malgrat  les  cadenes  que  ara  us  lliguen  ;  i  per  damunt    ; 
d'elles,    besem    la    vostra    ma    que    un    dia   senyalava    camins    de 
llibertat.  » 

Au  milieu  de  toutes  ces  fêtes  splendides,  uniques,  impression- 
nantes qui  ont  eu  lieu  en  l'honneur  de  notre  illustre  compatriote, 
le  Maréchal  Joffre.  pour  en  faire  la  synthèse  réelle,  nos  idées 
se  croisent,  se  poursuivent,  s'enchevêtrent  dans  un  inextricable 
réseau,  et  il  en  résulte  un  sentiment  fait  de  joie  profonde  et  de 
grande  tristesse  à  la  fois. 

Nous  avons  vu,  en  effet,  le  grand  Chef  de  l'Armée  française 
acclamé,  ovationné  comme  dans  une  apothéose,  par  une  foule 
débordante  de  joie  ;  nous  avons  entendu  les  paroles  les  plus 
nobles  et  les  plus  enthousiastes  prononcées  en  l'honneur  du 
Vainqueur  de  la  Marne,  le  grand  Capitaine  français. 

Et  ce  fut  un  triomphe  immense  tout  le  long  de  la  voie  sacrée, 
où  Win  vit  défiler  le  grand  général,  celui  que  les  Catalans  appel- 
lent <(  le  sauveur  de  l'humanité  ». 

Mais,   par  contre,    nos  cœurs   de    Catalans   se    sont   serrés    en 

(j)  Communication  envoyée,  le  6  mai  i  920,  au  Président  «delà  Academia 
dt  Jurisprudencia  y  Legislacio  ». 


^  .57- 

Voyant  l'armée  espagnole,  après  une  imposante  cérémonie,  cKargelf 
stupidement  et  furieusement  une  foule  innocente  dont  le  seul 
tort  était  de  proclamer  un  peu  haut  ses  droits  à  la  liberté  qu'on 
lui  a  totalement  ravie. 

Le  cœur  saigne  en  entendant  ce  peuple  Catalan,  vibrant 
d'enthousiasme  pour  une  cause  sacrée,  crier  tout  haut,  bien  haut  : 
«  Délivrez-nous  de  ces  Barbares,  qui  veulent  nous  désunir  :  "Per 
a  comhalre  la  germanor  entre  lots  eh  Catalans.  » 

Et  puis,  tournant  leurs  regards  vers  ces  Pyrénées  qui  nous  ont 
si  longtemps  séparés,  ils  s'écrient  :  «  Unissez-vous  à  nous,  pro- 
tégez-nous, frères  français  ».  C'est  qu'en  effet  le  peuple  enchaîné 
de  la  Catalogne,  dont  les  aspirations  sont  si  nobles  et  si  géné- 
reuses, voudrait  briser  les  chaînes  qui  l'entravent,  le  rendent 
impuissant  et  l'empêchent  de  se  mouvoir  :  la  Catalogne  veut  être 
libre  (1)  ;  elle  veut  secouer  son  joug. 

Toutes  ces  fêtes,  par  leur  enthousiasme  populaire,  nous  ont 
fait  connaître  l'amour  immense  de  ce  peuple  pour  notre  grand 
chef  qui  incarnait,  symbolisait  la  France  ;  mais  aussi,  par  un  con- 
traste frappant,  elles  nous  ont  démontré  jusqu'à  quel  point  abou- 
tissait la  répression  excessive  de  toutes  ces  mâles  aspirations,  de 
tous  ces  beaux  sentiments  de  liberté,  au  moyen  de  la  force  bru- 
tale, de  la  force  armée,  dégaînant,  se  précipitant  avec  une  furie 
sauvage  sur  une  foule  inoffensive,  pénétrant  baïonnette  au  canon 
dans  une  enceinte  sacrée,  dans  un  palais  tout  chaud  encore,  tout 
vibrant,  tout  imprégné  des  beautés  et  de  la  pureté  de  la  langue 
catalane,  ligotant,  à  la  manière  des  inquisiteurs,  les  bons  et  bra- 
ves serviteurs  du  pouvoir  civil  qui  étaient  là,  tout  dévoués,  a  leur 
poste  périlleux,  pour  garder  et  protéger  les  fervents  catalanistes 
qui  avaient  eu  l'immense  joie  d'entendre  proclamer  les  lauréats  de 
cette  grande  et  noble  institution  des  jeux  Floraux. 

Privés  déjà  de  quelques  sympathiques  amis  qui,  par  un  veto 
excessif,  n'avaient  pu  franchir  la  frontière,  nous  avons  dû  encore, 
nous  autres  délégués  roussillonnais,  assister  à  ce  îristt  spectacle 
de  voir  notre  grand  chef  étroitement  gardé  à  )a  Capitainerie  Géné- 
rale, dans  le  but,  éminemment  notoire,  de  le  soustraire  à  l'enthou- 
siasme du  public  catalan  :   «  Poble  de  Catalunya,  écrivaient-ils,  el 

(1)  «  Nostra  personalitat  imborable  i  inconfundible.  » 


—  i38  — 

nosrrc  joflFre,  victoriôs  dels  alemanys,  es  presoner  dels  espanyols  : 
deslliurem-lo  »  {»)• 

Mais  nos  impressions  ne  s'arrêtent  pas  là  :  en  nous  élevant  au- 
dessus  de  ces  viles  et  basses  mesquineries,  de  ces  stupides  tracas- 
series qui  ne  servent  qu'à  exalter  la  foule  et  qui  fréquemment, 
dans  cette  superbe  cité  de  Barcelone,  aboutissent  à  des  luttes 
sanglantes,  en  respirant  une  atmosphère  plus  pure  d'où  l'élément 
militaire  est  exclu,  tous  nos  cœurs  s'épanouissent  en  songeant  à 
la  réception  si  cordiale  dont  toute  la  délégation  française  fut 
partout  l'objet.  Partout  où  nous  fûmes  conduits,  partout  l'enthou- 
siasme se  déchaîna  :  c'était  partout  la  France  que  l'on  acclamait 
dans  des  strophes  vibrantes,  dans  des  chansons  populaires  où  se 
dessinait  l'amour  de  notre  terre  roussillonnaise,  soeur  de  la  terre 
dé  Catalogne  :  auteurs,  compositeurs,  musiciens,  poètes,  etc., 
tous  entonnèrent  leurs  hymnes  divers,  glorifiant  la  fête  de  notre 
JoflFre,  acclamant  avec  lui  la  France  dans  le  plus  ardent  lyrisme, 
dans  la  plus  pure  des  inspirations. 

De  toutes  ces  fêtes,  en  somme,  l'impression  qui  se  dégage 
nettement,  c'est  surtout  la  profonde  affection,  la  grande  amitié 
que  nous  ont  vouées  les  Catalans  qui  représentent,  avec  notre 
race,  toutes  nos  aspirations:  à  tout  cela  se  joint  le  sentiment 
pénible  d'une  sorte  d'esclavage  auquel  la  Catalogne  tout  entière 
se  voit  condamnée  et  dont  nous  souhaitons,  dans  un  jour  heureux, 
la  cessation.  Ils  nous  ont  reçus  avec  joie,  comme  ils  le  disent 
eux-mêmes,  dans  une  mâle  et  fière  expression,  en  parlant  notre 
propre  langue,  parce  qu'elle  est  la  parole  bien  aimée  et  qu'elle 
nous  appartient  comme  nous  lui  appartenons  :  «  1  us  saludem  en 
nostra  parla  per  que  es  la  nostra  ben  estimada,  que  ella  es  nostra 
com  nosaltres  d'ella  ».  Ils  ont  entonné  devant  nous  des  hymnes 
de  louange  et  de  gloire,  dans  un  langage  semblable  à  celui  que 
nos  mères  ont  parlé,  le  langage  de  la  libération  et  de  l'héroïsme, 
le  langage  de  la  science  et  des  arts,  le  langage  de  la  paix,  a  1  en 
la  vostra  (parla)  també,  per  que  es  parla  d'herois  i  de  llibertadors  ; 
que  nosaltres,  desprès  del  Català  que  es  el  sant  idïoma  que  havem 
après  de  la  mare  quan  ens  breçà,  estimem  el  Francès,  la  parla  del 

(i)  «  Salut,  presoner  de  guerra  que  entreu  en  un  poble  de  pau  freturôs 
di  justicia  !  Rebeu  la  benvinguda  dels  qui  es  veuen  forçosament  allunyats  de 
ia  vostra  senzillesa.  »  L'Hoste.   i"  mai   1920. 


-   ,39   - 

Comerç  i  de  la  Ciencia,  de  l'Art  i  de  l'indùstria,  i  que  es  encare, 
i  sera  sempre,  el  Verb  de  la  Pau.  » 

Pendant  de  longues  heures,  de  longues  journées,  nous  avons 
été  entourés,  encerclés  par  cette  bande  d'amis,  toute  palpitante 
d'affection  et  de  joie  sincères,  par  tous  ces  Catalans  de  cette 
«  race  avide  de  liberté,  els  fills  d'aquesi  poble  frefuràs  de  lliherial  », 
par  ces  mêmes  hommes  qui  saluaient  en  nous,  ces  jours-ci,  avec 
enthousiasme,  «  la  nation  qui  libérera  le  monde  de  toutes  les 
injustices,  de  la  tyrannie  et  de  tous  les  maux  :  Saludem  en  vosal- 
tres  el  poble  que  lé  d'alliberar  el  mon  de  les  injuslicies,  i  deh  impen'a- 
Usmes,  i  de  les  opressions.  »  Nous  avons  été  pour  eux  les  bienvenus 
dans  leur  Patrie  Catalane,  dans  leur  douce  Patrie  :  «  Benvinguts 
a  la  Pàtria  nostra  Catalunya  sigueu,  els  nostres  amies.  »  Et  nous 
avons,  dans  une  étreinte  pleine  d'abandon  confiant,  poussé  le  cri 
de  ralliement:  Visca  Catalunya  !  qui  se  confondait  harmonieuse- 
ment avec  le  cri  de  Visca  la  "Franco  ! 

Ils  veulent,  eux  aussi,  les  Catalans,  nos  frères,  nos  amis,  que 
la  Catalogne  soit  la  terre  de  Paix,  comme  la  France  héroïque 
a  toujours  été  la  terre  de  la  sainte  Paix  qu'une  race  criminelle  a 
essayé  de  bannir  de  notre  sol  sacré  :  a  Terra  de  pau  es  Catalunya, 
com  terra  de  pau  es  la  vosîra  "Pàtria,  la  heràica  Trança...  "La  sanîa 
Pau  que  els  malvais  han  volgul  foragitar  de  la  vostra  terra  beneïda.  » 

Nous  avons  pu,  dans  toutes  ces  réunions  intimes  auxquelles 
nos  Germans  Catalans  nous  ont  conviés,  voir  combien  ce  peuple 
ami  de  la  paix,  devant  l'oppression  qui  l'étouffé,  lutte  sans  cesse 
pour  sa  liberté.  C'est  dans  des  mots  sublimes  qu'en  s'adressant 
aux  délégués  qui  représentent  la  France  ils  crient  de  toutes  leurs 
forces:  «  Benvinguts  a  la  nostra  Pàtria,  veniu,  veniu...  Nosal- 
tres,  amies  de  la  Pau,  també  volem  guerrejar  per  la  llibertar,  i 
morir,  i  vèncer.  » 

Mais,  au  milieu  de  toutes  ces  fêtes  solennelles,  pompeuses, 
enthousiastes,  il  y  eut  aussi  la  fête  intime,  toute  pétillante  d'es- 
prit, de  saine  gaîté,  d'un  savoureux  et  spirituel  humour,  de  verve 
originale.  La  délégation  française,  tout  en  conservant  le  caractère 
officiel,  s'était  transformée  en  un  groupe  intime  d'amis  où,  comme 
à  la  Tour  de  Babel,  tous  les  noms  et  tous  les  titres  furent  con- 
fondus :  comme  dans  ces  métamorphoses  créées  par  la  légende 
que  le  délicieux   poète   Ovide   nous  a  laissées,   le  music,  dans  une 


—    140   — 

valse  enivrante,  alternait  ses  chants  avec  ie  poeia  ;  le  sympathique 
reporter  se  substituait  à  Vbishriador  ;  le  majesiic  se  confondait  avec 
\c cafhedralic ;  seul  demeurait  grave  et  impassible  el  senyor  dochr{i). 

Et  cette  confusion  voulue  de  tous  ces  titres  et  de  tous  ces 
noms  auréolés  empruntait  à  notre  groupe  joyeux  un  air  fait  de 
pure  amitié  ;  pendant  toutes  ces  journées  inoubliables,  nos  cœurs 
battirent  à  l'unisson,  exultant  d'une  joie  empreinte  d'un  pur 
patriotisme  et  d'une  affection  vive  et  sincère  pour  tous  les  Cata- 
lans qui  nous  avaient  si  cordialement  reçus.  Je  n'oublierai  jamais 
ces  heures  vraiment  charmantes  pendant  lesquelles  nous  nous 
sommes  ainsi  trouvés  tous  réunis  dans  une  seconde  patrie,  où  nos 
deux  langues  sont  sœurs,  «  que  ella  (parla)  es  nostra  com  nosal- 
tres  délia  ».  Par  ce  contact  précieux,  on  y  découvre  parfois  de 
généreuses  amitiés  ;  on  voit  ainsi  se  resserrer  les  liens  de  celles 
que  l'on  possède  déjà  ;  et  cette  amitié  fut  d'autant  plus  féconde 
que  nous  étions  tous  des  Catalans,  enfants  vrais  ou  adoptifs  du 
Roussi  lion. 

Du  plus  petit  au  plus  grand,  du  grand  poète,  du  grand  drama- 
turge, du  grand  compositeur  au  sympathique  directeur  du  Centre 
industriel,  dont  l'institution  très  complète  ressemble  à  une  Univer- 
sité populaire,  en  nommant  le  si  dévoué  chef  des  Volontaires 
Catalane,  le  D'  Sole  y  Pla,  le  grand  médecin  et  remarquable 
littérateur  M'  Joseph  Roca,  en  citant  les  maîtres  Rusifiol, 
M.orera,  Iglesias,  Matheu,  Millet  (2)  et,  a  la  tête  de  tous  ces 
poètes  zt  dramaturges  catalans,  la  grande  et  noble  figure  du  célè- 
bre Guimerà,  tous  se  montrèrent  des  amis  passionnés  de  la 
France  :  ce  fut  pour  nous  tous,  roussillonnais,  la  réception 
familiale,  cordiale,  touchante  dans  sa  simplicité  et  émouvante  à  la 
fois,  où  nous  eûmes  le  grand  honneur  et  la  joie  intime  d'entendre 
débiter  ou  jouer  les  œuvres  mêmes  par  leurs  remarquables 
auteurs  (3). 

(1)  L'auteur  fait  allusion  à  certaine  interversion  involontaire  typogra- 
phique relative  aux  fonctions  de  chaque  délégué. 

(2)  Tous  ces  remarquables  musiciens  qui  ont  pour  devise:  o  Esser  amie 
de  la  musica  es  contribuir  a  la  civilitat  de  Catalunya  ». 

(3)  Les  fêtes  officielles  n'ayant  pas  eu  lieu  à  cause  des  troubles  qui  suivi- 
rent la  fête  des  Jeux  Floraux,  le  concert  de  gala  en  l'honneur  du  Maréchal 
et  sotts  l'habile  directio/i  de  M.  Lluis  Millet  se  convertit  en  une  audition 
intime  où  tous  les  auteurs  et  compositeurs  se  firent  entendre. 


—   141   — 

Nous  n'oublierons  jamais  l'accueil  que  nous  fir  le  grand  maître 
Rusinol,  aussi  merveilleux  conteur  que  peintre  délicat,  dans  sa 
prjncière  villa  de  Sitges,  fièrement  campée  sur  un  rocher  qui 
domine  la  mer,  d'où  le  grand  maître  puise  toutes  ses  sublimes 
inspirations  et  se  recueille  en  même  temps  avant  de  brosser  ses 
toiles  remarquables,  toutes  empreintes  de  l'art  le  plus  pur. 

Nous  avons  pu  entendre  et  admirer  tous  ces  poètes,  tous  ces 
artistes  aux  sentiments  généreux,  entraînant  derrière  eux  les  foules 
qui  les  acclament,  les  ovationnent  et  les  portent  en  triomphe. 
C'est  qu'ils  proclament  tout  haut  les  droits,  les  libertés  de  la 
Catalogne  menacés.  C'est  qu'ils  luttent  noblement  et  sans  cesse 
pour  leurs  droits  méconnus,  comme  ils  le  disent  si  bien  :  «  pro 
dret  catala,  desitjant  que  aquesta  protesta  unanime  que  a  florit 
alhora  en  el  cor  de  tots  els  fills  de  Catalunya  es  cristallitze  en 
fets  i  no  paraules.  » 

Dans  ces  heures  inoubliables,  nous  avons  su  reconnaître  l'affec- 
tion vraie,  émotionnante  dont  nous  étions  entourés,  et  mainte- 
nant que  nous  avons  quitté  nos  frères  Catalans,  maintenant  que, 
par  ce  précieux  contact,  nous  avons  pu  sonder  et  leurs  coeurs  et 
leurs  âmes,  nous  confondrons  dans  un  même  élan  d'amour  ce  cri 
enthousiaste  qui  sort  sans  cesse  de  leurs  poitrines  d'airain  : 
Visca  la  França  Heroical  Visca  Catalunya  ! 

Henry  Aragon. 
7  mai  1  920. 


Sonets 


Jlls  aybres  nos  ires 

Aybres  damunt  dcis  quais  vetllen  dccses, 
fills  hermosos  de)  sol,  branques  esteses 
sobre  '1  devantal  blau  del  mar  Uatî  ; 
rams  que  remorejeu  un  cant  divi, 

estrofes  dels  poètes  vells  apreses  ; 
filoses  fosques  dels  xiprers  enceses 
a  la  posta  del  sol  ;  vellut  del  pi  ; 
soques  quels  vents  del  Nord  poden  torçî, 

mes  que  s'arrelen  ferm  a  dintre  terra  ; 
brancams  remingolats  ;  fruyts  que  en  la  gerra 
l'oli  'n  fareu  rajar,  sagrats  olius  ; 

aybres  que  'n  feu  gloriosa  la  garriga, 
sempre  vos  veig  teixir  una  ombra  amiga 
sobre  el  frontô  d'un  temple  a  cayres  vius. 


Les  muntanyes 

Muntanyes  régalades 
Son  les  deJ  Canigô. 

La  Hum  divina  es  en  extàsis  suis  serrats 
y  suaument  décanta,  y  deixa  iMuminada, 
sola,  al  bès  del  seu  raig,  l'alta  pica  nevada, 
corona  de  rubins  sobre  els  cingles  morats. 


' —    14^   — 

Y  ia  plana  s'adorm  en  l'hora  envellutada... 
La  vostra  serenor,  oh  !  munts  arrenglerats, 
fa  s'enlayrar  al  devant  uns  recorts  anyorars 
y  dels  meus  llavis  n'ix  prediJecte  tonada. 

Aixis  dins  son  exil,  solitari  pastor, 
canta,  sus  del  flaviol,  son  infeliça  amor  ; 
devant  serrats  estranys  canto  mes  serrelades. 

Mes  per  vos  alabar,  voldria  que  tinguès 

aquella  anima,  jo,  del  pintor  Japonès 

qui  '1  seu  Fusi-Yama  pintà  tantes  vegades. 


T'anyoro^  mar,.. 

Dins  ma  freda  presô  d'aspres  muntanyes, 
volguda  mar,  anyoro  ta  remor  ; 
anyoro  el  vano  blau  de  la  maror 
llençant  son  ayre  tebi  a  les  campanyes. 

Anyoro  els  ports,  y  les  pobres  cabanyes 
dels  marins  qui  mendiquen  ton  favor, 
y  reflectat  mil  cops,  el  salomô 
de  l'esblaymada  lluna  que  treu  banyes. 

Y  en  mon  recô,  me  sembla  ohir  els  xiulets 
de  l'ona  enverinada,  y  'Is  rauchs  bufets 
del  vent  cançonejant  ses  rudes  copies... 

Ay  !  quan  s'axequi,  mar,  aquell  bell  jorn 
ont  aniré  seguint,  fent  passos  dobles, 
ta  blava  ruta,  anunciant  el   Retorn. 

Francès  Salvat. 


..*^'* 


Les  provahires  d'en  Xiquet 

o<^i«.'  (smTB  cr  rm) 

Y  are,  mireu  quina  una  s'en  pensa  I 

A  n'el  rey  s'en  va  a  li  oferir  un  ou  que  no  sembla  a  cap  altre  : 
un  ou  de  xicolata  d'unes  cinq  lîjures, 

—  Aixurit  !  —  que  li  fa  '1  rey,  —  bé  m'en  fa  de  llâstima 
d'esser  ton  padrî  !  Quan  un  hom  demana  un  ou,  fins  a  les  cuy- 
neres  mes  grolleres  ja  ho  saben  que  no  's  tracta  sinô  d'un  ou  de 
gallina. 

A  n'en  Feshobé,  les  llâgrimes  se  li  escapen  de  valent.  Y 
mentres  cerca  '1  mocador  per  s'axugar  els  ulls,  veusaquî  qu'enso- 
pega  dintre  de  la  butxaca  una  cosa...  rodona. 

Quina  ditxa  es  la  seua  !  qu'es  l'ou  de  gallina  que  l'havja 
descuydat  de  desar. 

—  Padrî  !  padrî  !  el  desitg  de  Sa  Majestat,  prou  que  jo  l'havJa 
endevinat. 

Y  's  posant  de  genolls,  li  va  oferint  l'ou  de  gallina. 

—  Desseguit,  —  mana  '1  rey  a  n'els  servents,  —  desseguit 
aporteumé  aci  mateix  una  taula,  una  ouera,  una  cullereta  amb  sal, 
mantega  y  una  llesqueta  de  pa.  Desseguit,  ohiu,  que  'm  triga  de 
tastar  l'ofrena  del  meu  fillol,  que  prou  qu'ho  veig  are  qu'es  ben 
entés  per  tenir  les  guies  del  reaime  î 

Mes  ay  !  arreu  qu'hagi  obert  l'ou  : 

—  llj,  ui  !  —  crjda  '1  rey,  en  se  tapant  els  narius. 

-r-  Ui,  ui  !  —  crida  la  Mireumé  amb  un  posât  d'allé  mes  des- 
denyôs,  mentres  la  Doloretes  va  girant  sus  d'en  Feshobé  una 
dolsa  y  llarga  mirada  de  compassiô. 

—  Poch-seny  î  repropi  !  —  guinyola  en  Xiquet  ;  —  un  ou 
covat  !  un  ou  podrit  ! 

—  Pobret  de  mi  !  —  s'atreveix  a  contestar  el  fillol  ;  bé  'n 
ténia  de  rahô  mon  pare  dihent  que  l'ideya  millora  es  sempre  la 
primera  !  Pobret  de  mi  !  Si  hagués  sapigut  seguir  el  meu  impuis 
de  primer,  aportant  desseguit  aqueix  ou  de  gallina  ! 

Mes  el  rey,  li  engegant  unes  lletanies   de   malediccions  que  si 


—   145  — 

haguessen  arribat  a  's  cumplir  prou  qu'hagués  tingut  mai  per  anys 
y  panys,  tota  sa  voluntat  va  haver  d'hi  posar  per  no  's  deixar 
emportât  pel  desitg  de  l'ensopegar  y  '1  deixar  esllomat.  Y  quan 
va  veure  que  's  li  escapava  sensé  ni  's  regirar,  no  mes  una  ideya, 
tan  sols  una  ideya  li  va  quedar,  punyenta  y  li  cremant  el  cervell  : 
que  no  tornaria  may  a  venir  el  fillol. 

En  Feshobé,  sentint  sus  de  ses  espatlles  el  feix  d'una  cosa 
irréparable  que  venia  de  capgirar  del  tôt  lo  seu  devenir,  va  correr 
tôt  el  sant  dia  sensé  tastar  res  ni  s'adonar  del  camî  que  feya. 

A  posta  de  sol,  de  tan  cansat,  se  va  ajaure  sote  d'un  aybre  y 
va  plorar  lo  mateix  com  un  désespérât.  Y  després  de  li  haver 
tornat  el  pensament,  la  seua  primera  intenciô  va  ser  recular  cap 
al  palau  ;  mes  la  temor  de  que  '1  fessen  agafar  el  va  détenir,  y 
rendit  se  va  adormir  de  cap  sobre  'Is  genolls. 

Tota  la  nit  va  plorar  la  Doloretes,  se  '1  figurant  malalt  del 
tractament  del  seu  pare  y  sensé  que  ningû  s'acostés  a  li  donar 
una  set  d'ayga. 

Al  enqtemâ,  a  trench  d'alba,  a  n'en  Feshobé  li  aporten,  sis 
cavaliers,  un  missatge  escrit  de  la  ma  mateixa  del  rey  :  «  Fillol 
estimadissim,  del  considerar  qu'un  rey  hà  d'esser  magnânim  fins  a 
la  fj,  ne  résulta  que  de  provatures  no  'n  tindré  compte  sinô 
d'aquesta  :  que  llestis  qualsevol  de  les  meues  dos  filles  amb  qui  't 
casis  per  mor  d'esser  l'hereter  de)  reaime,  que  ja  ho  sabs  que  'm 
faig  vell.  » 

Prou  s'endcvina  qu'en  Feshobé  no  ho  deixa  caure  a  l'ayga,  y 
no  triga  a  venir. 

—  Moites  gracies,  padrî  !  —  fa  desseguit,  mentres  va  besant 
la  ma  de  la  Doloretes. 

Mes,  molt  enfadat  de  lo  que  succeheix  qu'el  fillol  no  hagi 
llestat  la  Mireumé,  s'esclama  el  rey,  encegat  de  rabia,  y  's  diri- 
gint  a  n'els  trente  senyors  del  palau  que  fan  de  ministres  : 

—  Quin  de  vosaltres  vol  ser  el  meu  hereter  de  la  corona  ? 

—  Jo,  jo,  jo,  —  criden  tots  ells  am  una  mateixa  veu. 

—  Calleu,  calleu,  tontos,  —  contesta  '1  rey  qu'amb  la  seua 
rabia  veu  qu'ha  anat  massa  endevant  dins  la  via  del  concedir. 

—  Y  are,  —  afegeix  en  Feshobé,  —  si  ho  pot,  que  llesti 
Sa  Majestat  ! 

Y  crich-crach  :  el  conte  es  acabat.  J-  B. 


Les  Gestes  de  Joffre  d'Ârria 

ET  DE   SOM   FILS 

J  offre  le  Poilu 

<î^^©»  par  Pierre  VIDAL 


Dans  un  livre  (j)  écrit  d'un  style  élégant  et  alerte,  qui  tient  à 
la  fois  de  l'histoire  et  de  la  légende,  le  sympathique  et  dévoué 
bibliothécaire  de  la  ville  de  Perpignan  nous  raconte,  d'une  façon 
fort  savante  et  très  judicieuse,  les  faits  et  gestes  du  descendant 
des  comtes  de  Barcelone,  l'illustre  Joffre  le  Poilu. 

Pierre  Vidal  a  puisé,  avec  un  rare  bonheur,  dans  les  chroniques 
diverses  des  auteurs  catalans  qui  nous  racontent  les  exploits  de 
l'éminent  guerrier. 

L'auteur  de  ce  beau  livre  se  joue  avec  aisance  de  toutes  les 
notices  fabuleuses,  véridiques  ou  même  essentiellement  vraies,  que 
l'on  trouve  à  profusion  dans  tous  les  ouvrages  qui  .racontent  les 
faits  mémorables  des  comtes  et  marquis  fameux  de  haute  renom- 
mée. Il  a  choisi,  pour  honorer  Joffre  d'Arria  et  son  fils  Joffre  le 
Poilu,  tout  ce  qu'il  y  avait  de  beau,  de  bon,  de  noble  dans  les 
Histoires  et  les  Conquêtes  des  rois  catholiques  d'Aragon  et  de  leurs 
prédécesseurs  les  Comtes  de  Barcelone  (2)  ;  il  a  su  extraire,  dans 
un  heureux  choix  de  légendes,  tout  ce  que  la  légende  même  avait 
créé  de  glorieux  et  de  magnanime  pour  fêter  son  illustre  héros  ; 
il  a  merveilleusement  fait  jouer  le  rôle  important  que  devait  tenir 
son  personnage,  en  s'inspirant  de  la  Chronique  universelle  de  la 
Principauté  de    Catalogne   que    Geromino    Pujades  (3),    le    fameux 

())  Un  exemplaire  de  luxe  a  été  remis  le  3  mai  au  Maréchal  Joffre  par 
les  délégués  français  qui  l'accompagnèrent. 

(2)  Historias  compiiadas  per  lo  honorable  historié  Mossen  Père  Tomich, 
cavalier. 

(3)  Crônica  universal  del  Principado  de  Caialuha.  Barcelona,  i  83  1 . 


—   «47  — 
compilateur,  avait  reproduite  au  commencement  du  xvn'  siècle,  et 
de   l'histoire   que    Fray    "Francisco   Diego  (})  avait   écrite   sur   les 
anciens  comtes  de  Barcelone,  en  )6o3. 

Au  milieu  de  ce  dédale  inextricable  de  contes  merveilleux, 
d'épopées  fantaisistes,  de  drames  sanglants  et  d'exploits  grandio- 
ses, Pierre  Vidal  a  su,  avec  une  habileté  consciencieuse  d'écri- 
vain et  de  fouilleur  persévérant,  faire  revivre  des  faits  qui  se  rat- 
tachent plutôt  à  la  légende,  mais  qui,  présentés  par  une  plume 
habile  et  avec  une  imagination  féconde,  donnent  l'illusion  com- 
plète, absolue,  d'une  histoire  authentique  et  vécue. 

Et  l'on  se  demande  alors  si,  en  lisant  ces  pages  pleines  d'hé- 
roïsme, si  en  franchissant  quelques  siècles  d'un  seul  bond,  si,  en 
transportant  soudain  la  scène  du  ix'  siècle  sur  le  théâtre  actuel  de 
la  guerre  oîi  viennent  de  se  jouer,  de  se  décider  les  destinées  de 
la  France,  on  ne  se  retrouve  pas  tout  d'un  coup  en  présence  du 
vainqueur  de  la  Marne,  de  Joffre  le  Po'lu,  de  notre  Joffre,  le 
«  gran  catalâ  de  França,  el  fil!  del  Canigô.  » 

Nous  aurons  eu,  du  moins,  nous  autres  Roussiilonnais,  un  ins- 
tant cette  douce  illusion,  car  l'auteur  nous  ramène  vite  à  la  réalité. 
La  légende  s'efface  bientôt  et  disparaît  ;  l'historien  scrupuleux  se 
décèle  :  il  avoue  qu'il  n'y  a,  dans  toute  cette  histoire,  qu'une 
«  rencontre  fortuite  de  noms  et  de  surnoms.  Le  Maréchal  Joffre 
appartient  à  la  race  de  Joffre  le  Poilu  ;  il  est  catalan  comme  lui, 
et  calalà  de  soca  y  d'arrel.  » 

Nous  saurons  gré  à  M.  Vidal  de  nous  avoir  bercés  de  cette 
douce  illusion  et  d'avoir  cru  lire,  dans  toutes  ces  pages  si  palpi- 
tantes  et  si  vivantes,  les  exploits  du  chef  illustre  de  la  France  : 
«  cela  doit  nous  suffire,  conclut  judicieusement  l'auteur,  à  nous 
Catalans  des  deu)^' versants  des  Albères  ».  Cette  conclusion  est 
tout  à  fait  séduisante. 

En  effet,  nous  assistons  avec  l'auteur  à  la  naissance  de  Joffre  le 
Poilu,  de  «  celui  qui  devint  l'un  des  meilleurs  princes  et  l'un  des 
plus  fameux  guerriers  qu'ait  eu  la  chrétienté,  digne  fils  d'un  père 
qui    s'était    illustré    par    d'admirables    exploits  (2)  ».     Ce    prince 

(1)  Tfistoria  de  los  victoriosissimos  antiguos  condes  de  Barcehna.  Barcelona, 
i6o3. 

(2)  Digno  hijo  de  tal  padre  esclarecido  en  sangre  ilustre  por  sus  obras. 
(PujADEs,  liv.^xi,  ch.  XII  ;  P.  ViDAi.,  op.  cil.,  p.  28.  note  1.) 


-   ,48  - 

devait  être  un  jour  le  principal  chef  des  chrétiens,  qui,  dans  les 
montagnes  de  1?  Catalogne,  donnaient  la  chasse  aux  Maures  et 
en  faisaient  de  grandes  hécatombes. 

En  lisant  certains  passages  de  ce  livre,  on  croirait  revivre  les 
sournées  mémorables  pendant  lesquelles,  au  moment  décisif  où  le 
jort  de  la  France  était  en  jeu,  JofFre  le  Poilu  donnait  le  signal 
de  l'attaque,  à  cet  instant  suprême  et  émotionnant  où  JoflFre  le 
Catalan  allait  avoir  raison  de  l'Allemagne  épuisée. 

JofFre  venait  de  donner  le  signal  de  l'attaque. 

«  Après  un  moment  d'arrêt,  écrit  le  Chroniqueur  catalan,  la 
lutte  reprit  violente,  acharnée.  Vers  le  soir,  les  chrétiens,  accablés 
par  le  nombre,  commençaient  à  céder  le  terrain...  Alors,  vous 
auriez  pu  voir  une  épouvantable  mêlée,  et  les  soldats  de  JoflFre 
d'Arria  firent  un  carnage  si  horrible  que  ce  fut  merveille.  Sur  le 
front  de  bataille  principal,  où  la  lutte  avait  été  très  opiniâtre,  la 
frayeur  et  le  désordre  se  mirent  dans  les  rangs  des  Sarrasins  qui 
furent  fauchés  comme  des  épis  de  blé.  » 

Le  grand  capitaine,  dit  la  chronique,  a  en  homme  expérimenté 
et  qui  sait  profiter  de  la  victoire,  coupa  la  retraite  aux  survivants, 
qu'il  attaquait  et  taillait  en  pièces  ».  Pour  obtenir  un  tel  résultat, 
Joffre  venait  de  haranguer  de  bataillon  à  bataillon  ses  hommes  : 
«  Nous  allons,  disait-il,  livrer  bataille  a  nos  ennemis,  et  il  faut 
que  de  cette  bataille  vienne  grand  profit  à  la  Catalogne  et  à  la 
Chrétienté...  Nous  sommes  résolus  de  vaincre  ou  de  mourir  ; 
mieux  vaut  avoir  la  tête  tranchée  que  de  reculer...  »  Courons, 
frappons-les  ;  ils  seront  en  nos  mains  :  «  Firam,  firam,  que  tots 
seran  nostres  !  » 

En  dehors  des  faits  historiques  ou  purement  légendaires  de 
tous  ces  récits,  M.  Vidal  décrit  (et  ce  n'est  pas  là  le  moindre  de 
ses  mérites)  toutes  les  beautés  de  la  plaine  du  Roussillon  qui 
s'étale  aux  pieds  de  cette  montagne  si  célèbre  du  Canigou,  de  ce 
superbe  géant  couvert  de  neige  qui  domine  et  garde  le  Rous- 
sillon. 

En  véritable  peintre  qui  brosse  son  tableau,  P.  Vidal  dépeint, 
d'un  style  frais  et  riant,  toutes  les  voies  que  doit  parcourir  son 
illustre  guerrier,  depuis  la  plaine  de  Rivesaltes  jusqu'aux  fraîches 
et  riantes  montagnes  qui  le  conduiront  à  la  demeure  princière 
du  château  d'Arria,  fièrement  campé  sur  son  immuable  rocher. 


-    ,49  — 

Nous  parcourons  avec  une  douce  joie  ce  charmant  paysage,  ces 
campagnes  fertiles,  ces  «  champs  couverts  de  moissons,  ces  ver- 
gers chargés  de  fruits  mûrissants  et  ces  jardins  où  des  fleurs  aux 
couleurs  éclatantes  se  mêlaient  à  des  plantes  potagères  de  la  plus 
luxuriante  végétation.  Des  haies  de  grenadiers  rouges  comme  le 
feu  et  le  sang,  des  rideaux  de  jeunes  peupliers  longs  et  minces 
comme  des  roseaux  bordaientf  des  canaux  d'arrosage  où  courait 
une  eau  abondante  et  claire  ». 

Ici  l'historien  s'efface  et  cède  la  place  au  poète,  s'inspirant, 
pour  cette  prose  pleine  d'harmonie,  des  réminiscences  d'Ovide, 
quand  le  grand  poète  parle  de  ces  eaux  pures  où  se  miraient  les 
Naïades  de  l'antiquité  :  ir  Fons  eral  illimis,  nilidisque  argenleus 
undis.  i> 

Après  avoir  fait  parcourir  à  son  héros  les  vallées  fraîches  et 
profondes  qui  amenaient  à  la  Tet  les  eaux  claires  du  Canigou,  et 
dépassé  les  pentes  des  grands  bois  qui  se  rattachaient  aux  vastes 
forêts  de  pins  de  la  vallée  de  Balatg,  Joffre  aborde  le  château 
de  ses  pères,  au  pied  du  mont  majestueux  du  Canigou,  qui 
4  s'élançait  d'un  jet  vers  le  ciel  lumineux,  avec  cette  netteté 
particulière  inconnue  aux  régions  du  Nord.  » 

Par  quel  heureux  hasard  les  Chroniqueurs  Catalans  ont-ils  fait 
parcourir  à  leur  valeureux  et  illustre  guerrier  cette  plaine  aujour- 
d'hui célèbre  de  J^ipas  allas,  où  devait  naître  plus  tard  le  plus 
grand  capitaine  de  notre  siècle  ? 

L'habile  commentateur  fait  arrêter  fortuitement  son  héros  dans 
la  ferme  de  T^ipas  allas,  dont  Charlemagne  avait  cédé  les  terres 
aux  bénédictins  de  la  Grasse.  En  traversant  l'antique  via  Domitia, 
JofFre,  à  un  moment  donné,  reconnaît  l'état  des  lieux:  «  il  éiaii 
en  T^oussillon,  en  terre  catalane,  la  vraie  pairie  de  son  dme  de  guer- 
rier !  Jt> 

C'est  de  là  que  le  puissant  seigneur  contemple  ce  mont  superbe 
inondé  de  lumière  et  de  pourpre,  qui  domine  la  basse  vallée  de 
la  Tet  s'étendant  en  un  paysage  infini  de  Verdure  :  c'était  pour 
le  jeune  cavalier  un  émerveillement,  et  toute  la  majestueuse 
beauté  de  la  nature  faisait  croire  au  jeune  guerrier  qu'il  entrait 
dans  un  monde  nouveau. 

Tout  en  célébrant  les  richesses  et  les  beautés  du  RoussMlon, 
l'auteur  nous  dépeint  son  héros,   Joffre  le  chevalier,  homme  très 


—   1 5o  — 

vaillant  dans  le  métier  des  armes  et  rempli  de  sagesse  (hom  molt 
bo  en  armes  e  molt  savi)  (0  :  «  il  gagnait,  en  actions  chevaleres- 
ques, plus  de  considération  et  de  renommée  que  les  autres  che- 
valiers (2).  » 

C'est  ainsi  que  l'auteur,  dérogeant  un  instant  à  ses  fonctions  et 
à  SCS  goûts  d'historien,  s'applique  à  faire  revivre  cette  légende, 
en  l'agrémentant  parfois  de  faits  historiques,  comme  pour  donner 
à  cette  légende  de  la  consistance  et  de  la  vie. 

Mais  de  cette  épopée  fantaisiste,  de  ces  faits  à  la  fois  imagi- 
naires et  véridiques,  M.  Vidal  a  su  en  tirer  un  parti  merveilleux. 
Sans  parler  de  l'élégance  et  de  la  noblesse  du  style,  il  a  su  nous 
intéresser  ;  il  nous  a  transporté  dans  une  époque  où  la  légende 
serre  de  près  l'histoire,  et,  avec  ce  style  concis,  clair  et  lumineux 
dont  sont  semées  les  pages  pleines  des  faits  et  gestes  de  son 
héros,  avec  ces  descriptions  pleines  d'un  charme  poétique  qui 
donnent  au  Roussillon  l'illusion  d'un  pays  de  fées,  l'auteur  nous 
ramène  à  dix  siècles  plus  rapprochés  et  l'on  entrevoit,  comme 
dans  une  apothéose,  le  généralissime,  le  descendant  hypothétique 
des  comtes  de  Barcelone  et  marquis  de  la  Marche,  celui  dont  le 
génie  a  eu  raison  de  l'Allemagne  anéantie. 

En  faisant  largement  dans  son  œuvre,  en  dehors  des  faits  pure- 
ment historiques,  des  descriptions  si  variées  qui  donnent  un  air 
de  parure  nouveau  à  notre  cher  Roussillon,  Pierre  Vidal  a  su, 
avec  bonheur,  agrémenter  son  récit  légendaire  de  pages  pleines 
d'une  douce  et  charmeuse  poésie. 

Avec  l'auteur,  le  Roussillon  apparaît  comme  une  terre  promise  ; 
avec  Joffre,  elle  est  devenue  la  terre  glorieuse  et  fertile  en  héros. 

Remercions  bien  vivement  M.  Vidal  et  félicitons-le  en  même 
temps  de  nous  avoir  donné  une  œuvre,  je  devrais  dire  un  élégant 
poème  épique  et  héroïque  à  la  fois,  qui  renferme  les  fictions  avec 
le  style  harmonieux  et  figuré  de  la  poésie  :  cette  épopée  nous 
conduit  d'une  façon  saisissante  et  naturelle  à  un  épilogue  double- 
ment attrayant  pour  nous,  puisque  l'auteur  conclut,  par  toutes 
ces  hautes  actions,   à  la  gloire  de  l'illustre  comte  de  Barcelone, 

(1)  Père  Tomich,  Hittorias  y  Conquestas,  t.  xxv.  —  P.  Vidal,  op.  cit., 
p.  14,  note  1 . 

(2)  P.  Vidal,  op.  cit.,  p.  14,  note  2. 


—  i5i   — 

dont  l'influence  devait  être  immense  pour  les  destinées  de  la 
Catalogne,  et,  par  un  rapprochement  de  noms  involontaire,  mais 
bien  naturel,  au  rayonnement  immense,  sur  notre  petite  patrie 
roussillonnaise,  du  génie  de  Joffre,  le  vainqueur  de  la  Marne,  de 
notre  Joffre,  «  el  Catalâ  del  Rossello  ». 

Henry  Aragon. 

Petits  échos 

Jeux  Floraux 

Les  Jeux  Floraux  de  Provence  ont  eu  lieu  cette  année  à  Alais, 
au  milieu  d'un  immense  concours  de  lettrés  de  la  Lansue  d'Oc. 
Notre  distingué  félibre  majorai,  M.  le  chanoine  Bonafont,  qui  y 
a  dignement  représenté  le  Roussillon,  dous  en  donnera  le  compte 
rendu  qui  paraîtra  dans  le  numéro  de  septembre. 

M.  Emile  Riperl  à  rAcadémie  de  Marseille 

Notre  confrère  et  ami  de  Provence,  M-  Emile  Ripert,  a  été 
reçu  à  l'Académie  de  Marseille  le  j"  février  1920. 

Nous  en  reparlerons  prochainement,  mais  nous  adressons  dès 
aujourd'hui  nos  plus  sincères  félicitations  au  nouvel  académicien 
provençal. 

Travaux  géologiques 

En  raison  de  ses  travaux  géologiques  sur  les  pays  catalans, 
M.  Octave  Mengel,  directeur  de  l'Observatoire  de  Perpignan,  a 
été  nommé  membre  correspondant  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Barcelone.  (Séance  du  29  avril  1920.)  Nos  meilleurs  compliments 
à  notre  distingué  confrère. 

Les  œuvres  de  Belloc 

M~'  veuve  J.-B.  Belloc-Petit,  demeurant  à  Paris,  a  bien  voulu 
offrir  au  Musée  de  Perpignan  quelques  oeuvres  de  son  regretté 
mari,  le  sculpteur  Belloc.  En  voici  l'énumération  : 

I.  Victoire  (la  Marne)  ;  2.  Statue  équestre  du  Maréchal  Joffre 
(maquette  de  la  statue  qui  est  au  musée  de  l'armée,  aux  Inva- 
lides) ;  3.  Buste  du  Maréchal   Joffre  ;   4.    L'Afrique  Occidentale 


~  i5i  — 

(fragment  du  monument  à  l'Expansion  coloniale  qui  sera  prochai- 
nement érigé  à  Paris)  ;  5.  Buste  de  M"'  J.-B.  Belloc  ;  6.  Portrait 
(statuette)  de  M"'  Joncet  ;  7.  Médaillon  d'enfant. 

Toutes  ces  œuvres  sont  en  plâtre.  Elles  sont  déjà  arrivées  à 
Perpignan  et  seront  placées  par  M.  Blanquer  dans  la  salle  du 
Musée  qu'il  se  propose  d'aménager  pour  les  sculpteurs  du  Rous- 
sillon. 

La  Ville  a  accepté  les  dons  de  M"'  veuve  Belloc  avec  recon- 
naissance, et  tout  particulièrement  la  Victoire  qui  est  une  très 
belle  œuvre. 

La  pieuse  pensée  qui  vaut  à  notre  Musée  perpignanaïs  de  nou- 
veaux souvenirs  de  Belloc  doit  être  enregistrée  avec  la  plus  vive 
gratitude. 

Nous  avons  appris  avec  une  bien  vive  satisfaction  que  l'Aca- 
démie des  Beaux-Arts  a  décerné,  cette  année,  le  prix  Marié  de 
La  Peyrouse  (destiné  aux  professeurs  de  piano  femmes  les  plus 
distinguées)  à  notre  compatriote  M""  veuve  Antoinette  Belloc, 
née  Petit,  professeur  à  Paris. 

Nous  lui  adressons,  ainsi  qu'à  M.  Emile  Petit,  nos  compli- 
ments les  meilleurs. 

Une  bibliothèque  catalane  à  Perpignan 

La  Yeu  de  Cafalunya,  de  Barcelone,  a  publié  la  note  suivante  : 

Le  maire  de  Perpignan  n'étant  pas  venu  à  Barcelone,  le  groupe  Tiostre 
"Paria  lui  a  envoyé  une  lettre  lui  disant  que  le  Conseil  d'administration  a 
décidé  d'offrir  à  la  ville  de  Perpignan  toutes  les  œuvres  catalanes  qu'elle 
pourra  recueillir  pour  créer  une  bibliothèque  catalane. 

Tiostre  "Parla,  qui  représente  les  éléments  de  toutes  les  terres  catalanes,  a 
cru  que,  pour  perpétuer  le  souvenir  du  dernier  voyage  des  délégués  rous- 
sillonnaîs  en  Catalogne,  il  n'était  rien  de  mieux  que  d'offrir  une  telle  collec- 
tion. 

Quand  les  livres  seront  réunis,  on  organisera  une  caravane  de  Barcelonais 
qui  se  rendra  à  Perpignan  pomr  la  remise  officielle  de  la  bibliothèque. 

Il  est  fort  possible  que  la  délégation  d'amis  barcelonais  dont 
parle  ha  Yeu  de  Cafalunya  profite  de  son  voyage  en  Roussilîon 
pour  apporter  à  Saint-Martin  du  Canigou  la  cloche  de  cette 
abbaye  qui  a  été  retrouvée  à  Olor, 

U*  G«rmMt,    --  COMET.  li«prim«ri«  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Po«t«,  Perpignan 


14*  Année.  N"  165  Juillet  1920 

Les   Manuscrits  non  insérés  4N^  4P^^  V^  #  ^r^ 

ne  sonr  oas  rendu».  v^T    V^       vr     ■    M  W^ 

Les  Àrricles   parus  dans  ia  Revue  ^^»    ^a.    ^^^    7^     ■  ^^   H^J  Itf^ 

n'engagent  que  leurs  auteurs.  ^Q^A   Jb    A    A    AA^^^«LJl^9  Mt^ 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 

Les  Danses  Catalanes 

dConlrepas»  et  eBall  de  ramellelù 


Ils  dansèrent  les  danses  de  leur  pays. 
Fénelon,  Télémaque,  chant  vu. 

Un  antique  dicton  assure  que  «  le  Catalan  naît  pour  danser 
comme  l'oiseau  pour  voler».  Le  mot  est  vrai,  non  seulement  de 
l'habitant  des  anciens  comtés  de  Rbussillon  et  de  Cerdagne,  mais 
de  ses  frères  d'au-delà  des  monts.  C'est  pour  la  danse  qu'il  n'y  a 
pas  de  Pyrénées.  La  danse  —  en  catalan  :  les  halles  —  est  le 
plaisir  le  plus  doux  que  puissent  goûter  ces  fils  d'une  race  labo- 
rieuse et  sage,  mais  ardente,  au  cœur  chaud,  aux  mouvements 
souples,  aux  muscles  élastiques. 

Je  mentirais  bien  inutilement,  —  car  l'on  ne  me  croirait  pas, 
—  si  je  disais  que  je  n'aime  pas  danser.  J'aimerais  bien  danser, 
mais  je  ne  sais  point.  Et  combien  de  Catalans  aujourd'hui  en 
devraient,  comme  moi,  faire  l'humble  aveu  ?  C'est  un  secret 
qu'avec  bien  d'autres  nos  aïeux  ont  emporté  dans  la  tombe.  Qui 
nous  rendra  les  nobles  et  belles  danses  d'autrefois  I 

Je  n'en  parlerai  que  par  ouï  dire,  d'après  ce  qu'au  coin  du  feu 
les  paysans,  très  vieux,  de  Cerdagne  et  de  Vallespir,  ont  conté 
à  ma  mère.  C'est  elle  qui  me  l'a  redit.  La  chaîne  de  la  tradition 
n'est  donc  composée  que  de  quelques  anneaux. 

Nous  voici  transportés  où  l'on  voudra  :  au  fond  dz  la  vallée 
du  Tech  ou  sur  l'un  des  contreforts  du   majestueux  Canigou  :  à 


—    1^4  — 

Prats-de-Mollo  ou  à  Mont-Louis,  à  Céret  ou  à  Prades,  à  PalaU- 
de-Cerdagne  ou  à  Serralongue.  Une  rumeur  d'allégresse  est 
montée,  dès  le  matin,  dans  les  airs.  L'aube  toute  rose,  réveillée 
en  sursaut,  s'est  avancée  dans  le  ciel  aux  sons  d'une  musique 
sautillante.  Des  jeunes  filles,  à  moitié  endormies  comme  elle,  se 
sont  mises  à  leur  fenêtre  pour  la  voir  et  la  saluer.  Les  cloches, 
lancées  à  toute  volée,  ont  fait  joyeusement  retentir  les  échos 
d'alentour.  Dans  les  rues,  pareilles  à  des  bandes  de  moineaux 
querelleurs  et  pillards,  des  troupes  d'enfants  rôdent  avec  des 
mines  gourmandes.  Un  délicieux  fumet  de  lapins  sautés  et  de  vin 
blanc,  de  poulets  rôtis  et  de  caramel  embaume  l'atmosphère. 
L'heureux  village  célèbre  sa  fête  locale. 

Onze  heures  tintent  lentement  à  l'horloge  du  vieux  clocher. 
Les  portes  de  l'église  s'ouvrent.  Un  flot  d'assistants  se  répand  au 
dehors.  Des  branches  vertes,  des  arbres  entiers,  des  guirlandes 
de  buis,  de  houx  ou  de  sureau  ornent  la  petite  place  soigneuse- 
ment balayée.  A  l'une  des  extrémités,  sur  une  estrade,  la  cobla 
des  jutglars  accorde  ses  instruments.  Les  têtes  de  ces  pieux  chré- 
tiens, aux  figures  graves,  se  sont  tout  à  coup  redressées.  Les 
jambes  frétillent,  une  longue  acclamation  s'élève  à  laquelle  répond 
la  musique  des  jutglars. 

a  En  avant  I  En  avant  !  »,  semble  crier  le  hautbois  de  sa  voix 
nasillarde.  <i  En  avant  I  les  jeunes  et  les  vieux  !  En  avant  !  les 
fiancées  et  les  grand'mères  î  »  Et  les  turbulents  violons,  et  les 
enragées  castagnettes  répètent  :  «  En  avant  !  11  y  aura  de  la  joie 
pour  tous  î  » 

C'est  h  bail  de  î'Offici  et  h  bail  de  ramallet.  Les  châles  cha- 
toyants, les  riches  coiffes  de  Tlandres  et  de  Malines,  les  foulards 
de  soie  multicolores,  comme  d'immenses  papillons  aux  ailes  dia- 
prées, vont  tourbillonner  autour  des  barreiinas  éclatantes,  que  l'on 
dirait  faites  de  coquelicots  et  de  bleuets,  cueillis  parmi  les  mois- 
sons blondes. 

Le  bal  commence  ordinairement  par  ce  qu'on  appelle  lo  con- 
trepas.    Imaginons   une   sorte   de   balancement,    grave   et    comme 


\ 


—  i55  — 

mélancolique,  exécuté  par  une  file  de  danseurs,  conduits  ordinai- 
rement par  deux  paysans,  aux  cheveux  grisonnants  mais  au  teint 
fleuri,  à  l'œil  clair  et  plein  de  malice  sous  les  sourcils  en  brous- 
saille.  Les  danseurs,  se  tenant  par  la  main,  vont  et  reviennent,  se 
quittent  un  moment  et  se  reprennent,  s'abandonnent  bientôt  pour 
se  reprendre  de  nouveau.  La  phalange,  à  la  fois  libre  et  captive, 
tant  les  mouvements  apparaissent  harmonieusement  liés  et  souples, 
ondule,  s'arrête,  ondule  encore,  toujours  docile,  au  son  des  ins- 
truments qui  la  mènent. 

L'air  du  conlrepas  dure  environ  vingt  minutes,  pendant  les- 
quelles le  chœur  des  figurants  exécute  le  même  manège,  en  fai- 
sant le  pas  appelé  l'aspardanyeta,  du  nom  de  la  chaussure  de 
corde  que  nos  aïeux  portaient  même  les  jours  de  grande  liesse. 
Ce  pas  est  le  triomphe  de  l'agilité  catalane.  Le  danseur,  tenant 
toujours  la  tête  bien  droite,  fléchit  légèrement  les  genoux,  croise 
les  jambes  et,  d'un  mouvement  rapide,  fait  alternativement  vol- 
tiger les  talons  autour  des  cou-de-pied. 

Rien  de  plus  gracieux  que  cette  figure  exécutée  avec  ensemble. 
C'est  le  symbole  de  la  force  et  de  la  mesure  ;  le  juste  équilibre 
de  la  raison  et  de  l'imagination,  de  la  joie  et  de  la  décence.  La 
virilité  latine  s'unit,  pour  nous  charmer,  à  la  grâce  athénienne. 
Qui  eût  cru  qu'un  pas  de  danse  permit  au  spectateur  émerveillé 
de  découvrir  de  si  belles  choses  et  de  retrouver,  dans  le  danseur, 
toutes  les  qualités  traditionnelles  de  la  race? 

L'air  du  conlrepas,  tantôt  sérieux  et  grave,  tantôt  alerte  et 
accéléré,  rappelle  ces  brusques  souffles  de  îa  Iramonlane  qui  tantôt 
se  traîne,  se  lamente  et  meurt  au  fond  des  gorges  montagneuses, 
tantôt  se  précipite  et  tourbillonne  au-dessus  des  bois  qui  se  cour- 
bent et  des  épis  qui  ondulent  sous  son  haleine  puissante.  Ou  plu- 
tôt, ce  contraste  est  l'image  de  l'âme  catalane  elle-même,  tantôt 
insouciante  et  légère,  tantôt  bercée  par  cette  mélancolie  des 
âmes,  du  large  et  comme  de  l'exil  :  sentiments  alternants  qui  lui 
ont  inspiré  la  mélopée  douce  et  triste  de  Monlanyes  régalades  et 
les  cris  joyeux,  le  fol  battement  des  séguedilles. 

L'illustre  Cervantes  parle  du  conlrepas  comme  d'une  merveille 
depuis  peu  révélée  à  la  Castille.  11  ne  savait  pas  qu'elle  était  née, 
comme  l'antique  déesse  dont  notre  joli  port  a  conservé  le  nom, 
de  la  blanche  écume  de  la  mer.  J'imagine  qu'elle  vint  au  monde 


—  i56  — 

en  ces  longues  journées  et  durant  ces  nuits  solitaires  où,  loin  du 
foyer,  loin  de  leurs  épouses,  de  leurs  soeurs  et  de  leurs  fiancées, 
les  hardis  compagnons  de  Guifre-le-Velu  surveillaient  sur  les 
frontières  les  mouvements  des  houles  Sarrazines. 

Que  faire  en  ses  ennuis,  à  moins  que  l'on  ne  danse?  Et  nos 
aïeux,  sous  le  ciel  plein  d'étoiles,  dansaient  entre  eux,  loin  de 
celles  qu'ils  languissaient,  avant  de  mourir  pour  elles. 

Nous  venons  d'admirer  les  dansenrs.  Mais  regardons  les  spec- 
tateurs eux-mêmes.  On  se  croirait  transporté  au  milieu  d'une 
cérémonie  religieuse.  Point  de  cris,  tout  le  monde  est  attentif  et 
comme  recueilli. 

Ce  n'est  plus  une  danse.  C'est  quelque  chose  de  plus  qu'un 
délassement  ou  qu'un  plaisir  :  un  rite  sacré,  un  héritage  des 
ancêtres. 

Avec  les  derniers  accords,  prolongés  en  un  solennel  point 
d'orgue,  les  danseurs  s'arrêtent,  se  saluent  d'un  bref  signe  de 
tête  et  se  retirent. 


«-Ç. 


Maintenant  la  petite  place,  soulevée  par  l'entraînante  musique 
des  juiglars,  vibre,  bruit  et  s'agite,  comme  une  ruche  affairée  au 
printemps.  Tous  s'apprêtent  pour  le  bal!,  sorte  de  ronde  qu'exé- 
cutent à  la  fois  des  couples  de  danseurs  avec  leurs  danseuses. 
Chacune  de  celles-ci  arbore,  sur  la  poitrine,  le  bouquet  de  fleurs 
en  soie  ou  en  papier  que  lui  vient  d'offrir  son  cavalier.  De  là  le 
nom  frais  et  pimpant  donné  à  cette  danse  :  lo  bail  de  ramellet. 
C'était,  jadis,  la  danse  populaire  par  excellence.  Le  nombre  des 
couples  s'élevait  parfois  à  plusieurs  centaines. 

Cavaliers  et  dames,  vis  à  vis,  avancent  et  reculent,  sans  faire 
ce  qu'on  appelle  des  «  pas  »,  mais  d'une  allure  dégagée,  avec  un 
léger  balancement  de  la  tête  et  du  buste.  Les  danseurs  et  les 
danseuses  se  croisent,  se  perdent  et  se  retrouvent.  Au  point 
d'orgue  final,  plusieurs  couples  se  rassemblent  et  se  forment  en 
rond  pour  le  saut  qui  clôture  chaque  bail.  Ce  saut  demande  plus 
d'adresse  et  d'agilité  que  de  force.  Souriantes  et  bien  droites, 
les  danseuses  appuient  leurs  mains  sur  l'épaule  des  cavaliers  placés 
à  côté  d'elles.  Tout  à  coup  elles  s'élancent  çn  l'air,  soulevées  par 


les  danseurs  qui  leur  ont  placé  la  main  sous  l'aisselle.  Un  instant, 
CCS  fleurs  vivantes  apparaissent  con^me  les  reines  du  jour  aux  yeux 
charniés  des  mères.  Puis  chacune  retombe  légère  sur  le  sol.  La 
musique  reprend  et  une  nouvelle  ronde  recommence. 

De  graves  auteurs  donnent  à  cette  danse  une  origine  maure  ou 
wisigothique.  Dans  ses  passes  et  son  manège,  dans  ses  allers  et 
SCS  retours,  dans  sei  bouderies  et  ses  agaceries,  ils  ont  voulu 
découvrir  comme  le  langage  de  l'amour  d'un  fiancé  qui  cherche 
et  trouve,  perd  et  retrouve  enfin,  pour  i'élever  sur  le  pavois, 
celle  qu'il  s'est  choisie.  Est-ce  vrai  ?  Nos  aïeules  nous  le  pour- 
raient dire.  Mais  leurs  lèvres  sont  depuis  longtemps  muettes.  Où 
sont  les  neiges  d'antan  ? 

Je  m'arrête  pour  déplorer  la  perte  de  ces  traditions  qui  remon- 
tent au  berceau  nicme  de  ia  race.  Qu'on  nous  Jcs  rende  et  qu'on 
renonce  à  ces  produits  exotiques  dont  les  noms  deshonorent  la 
plume,  fruits  monstrueux  d'une  civilisation  opposée  à  la  nôtre, 
que  nos  aïeux  auraient  repoussés  avec  horreur. 

a  Ils  dansèrent  les  danses  de  leur  pays  »,  dit  ou  plutôt  chante 
l'harmonieux  auteur  de  Télémaque.  Ex  dans  ce  mot,  le  génie  de 
Fénelon,  ce  génie  pénétrant  et  subtil,  nous  a  peut-être  livré  tout 
le  secret  de  cette  merveilleuse  endurance  des  héros  grecs,  qui 
tinrent  victorieusement,  dix  années  durant,  sous  les  murs  imprena- 
bles de  Troie. 

Héros  de  l'Yser  et  de  la  Marne,  de  l'Izonso  et  doSalonique, 
que  n'avez-vous  dansé  les  danses  de  votre  pays!  Les  intermina- 
bles heures  et  les  étés  brûlants,  durant  lesquels  mûrissait  lente- 
ment la  victoire,  vous  eussent  paru  plus  courts,  et  Barbusse  lui- 
même  eût  été  moins  morose. 

Jean  d'Avalri 


cfë^ 


*.IBB^  ^ff-^*:U=  ^'>'>^^''<^  ^;**,^j:^'   *!S^.JSSj^  ^fmé^^S^  ^'.^SSÊp    *S$^J'P' 

El  Torpcdcix 

Ei  cel  s'es  ennegrir  ;  pas  una  estrella 
s'ovira  en  l'ampla  volta,  que  esbadella, 
de  sopte,  el  zigzagueix  de  fûigit  Ilamp. 
Ressona  per  l'espai  la  veu  geganta 
del  trô,  que  fa  somoure  la  pesanta 
ihuntanya,  amb  la  potencia  del  seu  bram. 

La  mar,  amb  grans  udols,  com  posseida 

d'algun  mal  esperit,  esfereida, 

se  llença  escumejanta  terra  endins, 

rompent  en  el  seu  pas  tôt  ço  que  oposa 

obstacles  a  sa  cursa  esgarrifosa 

com  tropa  d'afamats  monstres  marins. 

I  en  terra,  uns  pescadors,  com  si  cerquessin 
la  llum  d'un  far  ignot,  on  hi  trobessin 
la  ruta  ja  perduda  que  duu  a  port, 
escruten  les  ténèbres  per  si  veuen 
aquells  pobres  companys  que  potser  deuen 
lluitar  entre  les  urpes  de  la  mort. 

De  sopte,  pei  cantô  de  la  muntanya, 
oviren  cap  al  lluny,  com  llum  estranya 
'que  's  mou  bellugadiça  en  la  foscô  ; 
seràn  potsè  els  companys  que  am  ardidesa 
Iluitant  com  a  valents,  de  l'escomesa 
del  mar  sabran  lliurar-s'en  amb  brahô  ? 

Mes,  ràpid,  la  llum  blava  i  fugitiva 
d'un  Ilamp,  illuminant  tota  la  riva, 
esborra  d'aquests  pobres  el  recort, 
monstrant  d'un  gran  vaixell  la  silueta 
que  en  mig  de  les  onades,  clara  i  neta, 
dibuixa  's  com  tità  ferit  de  mort. 


—  j59  — 

1  en  mig  del  desesper  d'algunes  dônes 
que  veuen  els  marits,  entre  les  ones 
furientes,  ja  per  sempre  sepultats, 
s'esmuny  d'una  embransiaa  gigantesca 
la  nau,  que  al  primer  colp,  com  una  ilesca, 
parteix  la  forta  onada  en  dues  meirats. 

La  mar  que  com  un  monstre  's  debatega, 
apar  que  amb  ses  onades  ensopega 
amb  l'ampla  i  negra  volta  d'aqueix  cel, 
en  tant,  la  pobra  nau,  com  una  palla, 
del  cim  d'immensa  onada  's  veu  devalla, 
semblant,  amb  el  seu  Hum,  caigut  estel. 

Mes  torna  una  altra  volta  a  remontar-se, 
lluitant  amb  desesper  per  a  repropar-se 
del  lioc  on  mor  d'angoixa  tanta  gent, 
mes  ai  !  traidorament  la  mar  s'hi  oposa, 
i  sembla  cada  volta  mes  furiosa, 
juntant-se  a  sos  bramuls  j'udol  del  vent. 

1  els  pobres  pescadors,  sentint  que  els  braços 
cansats  de  tan  remor  ja  cauen  laços, 
recorden  les  parauîes  del  patrô, 
quan  ve,  com  monstre  irat,  una  ona  immensa 
bâtent  sobre  la  nau,  que  ja  indefensa 
capgira  's  a  l'embat  demoledô. 

]  moren  com  a  herois  els  que  Iluitaren 

amb  esta  mar  traidora,  on  hi  trobaren 

la  tomba  tantes  vides  d'ignocents  ; 

sa  llosa  fou  la  onada  escumejanta 

que  amb  veu  ronca  i  potenta  encare  canta 

la  fî  d'aquesta  colla  de  valents. 


B.  Delqas. 


Blancs,  agost  ■  919- 


Chroniqueurs  et  Hislûriens  Catalans 

des  Xlir  ^  XIV'  siècles 

cJ2S^Si^  {SWTE) 

IV 
La  "Chronique'  de  Ramon  Nuntaner^'^ 

I.  —  Le  contenu  de  la  Chronique  el  autobiographie  de  son  auteur. 

Si  Bernât  Desclot  ne  nous  a  rien  appris  de  lui  dans  sa  Cronica 
deî  T(ey  En  Père  e  dels  seus  antecessors  passa ts,  si  rien  n'est  venu 
jusqu'ici  suppléer  à  son  silence,  la  Cronica  deh  T^eys  d'Mrago  de 
Ramon  Muntaner  fourmille  de  détails  sur  le  compte  de  son  auteur, 
et  sa  biographie  ressort  en  grande  partie  de  scn  livre,  et  divers 
documents  d'archives  servent  à  la  compléter. 

Ramon  Muntaner  raconte  au  début  ds.  sa  Chronique  comment, 
déjà  avancé  en  âge  et  après  une  vie  remplie  par  les  plus  grandes 
aventures,  il  fut  amené  à  écrire  l'histoire  des  événements   de  son 

(i)  Voici  le  titre  de  la  première  édition  :  Chronica  o  descripcio  deh  fets,  e 
hazanyes  del  Incîyi  J{ey  don  Jaume  primer,  J{ey  Daragô,  de  Mallorques  e  de 
Valencia,  compte  de  Barcelona  e  de  MunipesUer,  e  de  molis  de  sos  descendents. 
Tela  per  lo  magnifich  "En  7{amort  Muntaner,  loqual  servi  axi  al  dit  Jnclyt  J{ey 
don  Jaume,  com  a  sos  fitts,  e  descendents  ;  es  froba  présent  a  tes  coses  contengudes 
en  la  présent  historia.  "Es  llibre  molt  antich,  e  ah  iota  veritat  scrit,  e  digne  desser 
vist  per  aquells  qui  ah  tota  veritat  desijen  saher  los  de  la  coronna  d'Jlragô,  e  det 
règne  de  Sicilia.  Ara  novament  sljmpat  En  Talencta.  En  casa  de  la  Viuda  de 
Joan  Mey  flandro,   i558    In- fol.  de  2  55-i6  ff. 

Quatre  ans  après  parut  une  seconde  édition  à  Barcelone  :  Chronica,  o 
descripcio  dels  fets,  e  hazanyes  del  inclyt  J^ey  don  Jaume  primer  T(ey  "Daragô,  de 
JHallorques  e  de  "Valencia  :  Compte  de  "Barcelona,  e  de  Muntpesller  :  e  de  molts 
de  sos  descendents.  Veta  per  lo  Magnifich  en  J^amon  Muntaner,  lo  quai  servi  axi 
al  dit  Jnclyl  T^ey  don  Jaume,  com  a  sos  fills.  e  descendents  :  es  troha  présent  a  les 
coses  contengudes  en  la  présent  historia.  Ici  la  marque  de  l'imprimeur.  En 
Barcelona,  En  casa  de  Jaume  Cortey  "Librater.  Any  i562.  A  la  fin  :  Tonch 
stampada  y  ah  molta  diltgencia  revista  la  présent  Chronica  dels  7{eys  de  Arago 
fêta  per  T^amon  Muntaner  autor  de  visia  en  la  insigne  ciutat  de  Barcelona,  per 
Jaume  Cortey  impressor,  en  lany  M.D.LXIJ.  ln-4°.  248  ff.  —  La  Bibliothèque 


—   i6i   — 

, temps,  et  principalement  ceux  auxquels  il  avait  été  mêlé.  «  Je  me- 
trouvais  un  jour,  dit-il,  en  un  mien  domaine  appelé  Xiluela,  situé 
aux  environs  de  Valence.  Là,  étant  en  mon  lit  et  dormant,  m'appa- 
rut  un  vieillard  vêtu  de  blanc,  qui  me  dit  :  Muntaner,  lève-toi  et 
pense  à  faire  un  livre  des  grandes  merveilles  dont  tu  as  été  témoin 
et  que  Dieu  a  faites  dans  les  guerres  où  tu  as  été,  car  il  plaît  à 
Dieu  que  ces  choses  soient  manifestées  par  toi  (j).  »  D'abord 
Muntaner  n'obéit  pas  à  cette  vision  céleste  et  ne  se  laissa  pas 
émouvoir  par  les  raisons  flatteuses  qu'elle  lui  adressait,  dont  l'une 
était  qu'il  n'y  avait  pas  homme  vivant  qui  fût  capable  de  dire 
ces  merveilleuses  aventures  avec  autant  de  vérité  que  lui.  «  Mais, 
un  autre  jour,  dit-il,  et  dans  le  même  lieu,  je  vis  le  même  pru- 
d'homme qui  me  dit  :  O  mon  fils,  que  fais-tu?  Pourquoi  négliges- 
tu  mes  ordres  ?  Lève-toi  et  fais  ce  que  je  t'ordonne.  Sache  que 
si  tu  obéis,  toi,  tes  enfants,  tes  parents,  tes  amis  en  recueille- 
ront le  bon  mérite  devant  Dieu  en  récompense  des  peines  et  des 
soins  que  tu  te  oeras  donnés,  et  toi  tu  en  recueilleras  le  bon 
mérite  devant  tous  les  seigneurs  qui  sont  issus  et  sortiront  de  la 
maison  d'Aragon  (2).  »  Ainsi   averti   une  seconde  fois,  Muntaner 

municipale  de  Perpignan  possède  un  exemplaire  de  cette  édition  de  i562, 
devenue  rarissime  comme  celle  de  i558. 

Le  journal  La  T(enaixensa  de  Barcelone  a  publié  en  1 886  une  édition  de 
la  Chronique  avec  ce  titre  :  Cronica  d'En  T^amon  Muntaner  ah  un  prefaci  per 
Joseph  Coroleu.  Le  texte  est  le  même  dans  les  trois  éditions,  et  il  est  loin 
d'être  satisfaisant. 

Il  existe  de  cette  Chronique  une  traduction  française  due  à  Buchon  ;  on  la 
trouvera  dans  le  volume  des  Chroniques  étrangères  relatives  aux  expéditions 
françaises  pendant  le  xni'  siècle,  qui  contient  le  texte  de  Desclot  et  que  j'ai 
déjà  cité. 

On  connaît  actuellement  sept  manuscrits  de  la  Chronica  d"En  l^amon  Mun- 
taner :  un  à  la  Bibliothèque  de  l'Escurial,  un  à  Catane,  un  à  la  Bibliothèque 
nationale  de  Madrid  ;  les  autres,  à  Barcelone. 

(1)  Un  dia  estant  yo  en  una  mia  alqueria  per  iiom  Xiluella,  qui  es  en  la 
horta  de  Valencia,  e  durmint  en  mon  Mit,  a  mi  vench  en  visio  un  prohom 
vell,  vestit  de  blanch  quim  dix  :  «  Muntaner,  Ueva  sus  e  pensa  de  fer  un 
llibre  de  les  grans  maravelles  que  has  vistes,  que  Deus  a  fcytes  en  les  guerres 
hon  tu  es  estât,  com  a  Deu  plau  que  per  tu  sia  manifestât  »  (Chronica.  ch.  !.) 

(2)  E  aitre  dia  en  aquell  lloch  mateix  en  visio  yo  viu  lo  dit  prohom  quim 
dix  :  a  O  fin,  que  fas  ?  Perque  menysprees  lo  meu  manament  ?  Llevat  e  fes 
ço  que  yo  t  man.  E  sapies  que  siu  fas  que  tu  e  tos  infants  e  tots  tos  parents 


—   162  — 

entreprit  son  oeuvre   à   l'âge   de  soixante   ans.    11   la   commença  le 
quinzième  jour  de  mai   i325. 

La  Chronicadeh  T^eys  d'Aragû  embrasse  un  espace  de  cent  vingt  ans, 
depuis  la  naissance  de  Jacques  1"  en  1204  jusqu'au  couronnement 
d'Alphonse  IV  Lo  Bénigne  en  iS^y.  Elle  comprend  donc  les 
règnes  de  Jacques  1"  le  Conquérant  (1208-1276),  de  Pierre  111 
Lo  Gran  (1276-1285),  d'Alphonse  ]]]  (1285-1291)  et  de  Jacquesll 
(1291-1327).  Desciot  a  raconté  les  mêmes  événements  jusqu'à  la 
mort  de  Pierre  III  le  Grand  en  1285.  Les  récits  des  deux  chro- 
niqueurs, pour  cette  période,  s'éclairent  l'un  par  l'autre,  et  il  faut 
les  fondre  ensemble  si  l'on  veut  avoir  une  relation  complète  des 
événements  survenus  sous  les  règnes  de  Jacques  le  Conquérant  et 
de  Pierre  111,  notamment  de  la  guerre  de  i285. 

«  Je  commence  ma  Chronique,  dit  Muntaner,  avec  le  roi  Jacques 
parce  que  je  l'ai  vu  moi  même.  J'étais  encore  fort  jeune  lorsque 
le  dit  seigneur  roi  vint  au  bourg  de  Péralada.  lieu  de  ma  nais- 
sance, et  logea  à  l'hôtel  de  mon  père  Jean  Muntaner,  qui  était 
un  des  plus  grands  hôtels  de  l'endroit  et  situé  au  haut  de  la  place; 
je  dis  cela  afin  que  chacun  sache  que  j'ai  vu  ce  roi  et  que  je  puis 
dire  ce*  que  j'ai  vu  de  lui  et  ce  qui  est  arrivé  depuis,  car  je  ne 
veux  me  mêler  que  de  ce  qui  s'est  passé  de  mon  temps  (1).  » 

Muntaner  étsjit  né  à  Péralada,  en  Ampurdan  ou  "Empordà, 
comme  écrivent  les  Catalans,  en  i265,  et  l'on  sait  que  Jacques  I" 
mourut  en  1276  ;  il  devait  être,  en  effet,  fort  jeune  lorsque  le 
Conquérant  vint  loger  dans  sa  maison,  mais  il  avait  gardé  un 
profond  souvenir  de  cette  visite,  qui  explique  en  partie  le  rôle' 
important  qu'il  joua  dans  la  suite  et  aussi  le  culte  qu'il  voua  à  la 
Maison  d'Aragon,  îo  Casai  d'Mrago.   La  famille  de  Muntaner  alla 


e  amichs  n  auran  bons  merits  de  Deu  del  affany  e  del  treball  que  tu  passa- 
ras  ;  E  encara  n  auras  bon  merits  de  tots  los  senyors  qui  son  exits  ne  exiran 
en  la  casa  de  Arago  »  (Jhidem) . 

(i)  E  per  ço  començ  al  feyt  del  dit  senyor  Rey  En  Jacme,  com  ycl  viu, 
€  asenyaladament  essent  yo  fadri,  e  lo  dit  senyor  Rey  essent  a  la  dita  vila  de 
Pzralada  hon  yo  naxqui  e  posa  en  1  alberch  de  mon  pare,  En  Joan  Mun- 
taner, qui  era  dels  majors  alberchs  daquell  Iloch,  e  era  al  cap  de  la  plaça.  E 
per  ço  recompte  yo  aquestes  coses  que  cascu  sapia  que  yo  viu  lo  dit  senyor 
Rey  e  que  puch  dir  ço  que  dell  viu  e  aconsegui,  que  dais  yo  nom  vull  entra- 
metre  si  no  daço  que  en  mon  temps  ses  fayt  (Chronica,  ch.  11). 


—   i63  — 

s'établir  à  Valence  l'année  même  de  la  mort  du  Conquérant.  Ce 
ne  fut  toutefois  que  dix  ans  après,  et  lorsque  Péralada  eut  été 
entièrement  ravagé  par  des  almugavares  en  révolte  au  moment  de 
rinv?sion  française  de  i285,  que  Muntaner  l'abandonna  pour  tou- 
jours. 11  exprime  d'une  manière  simple  et  touchante  ses  regrets 
de  quitter  sa  patrie  :  «  Aussi  moi  et  tant  d'autres  qui  y  perdîmes 
la  plus  grande  partie  de  notre  avoir  n'y  avons  plus  remis  les  pieds 
depuis,  et  nous  avons  couru  le  monde,  cherchant  fortune  avec  de 
grands  maux  et  nous  exposant  à  de  grands  dangers  ;  et  au  milieu 
de  ces  aventures  la  majeure  partie  a  succombé  dans  ces  guerres 
de  la  maison  d'Aragon  (i).  » 

Jean  Muntaner  était  un  bourgeois  notable  de  Péralada  et  son 
fils  fut  un  bourgeois  puissant  à  Valence  ;  bien  qu'il  ait  eu  sous  ses 
ordres  des  chevaliers,  bien  qu'il  ait  eu  la  souveraineté  de  l'île  des 
Gerbes  ou  Djerbi  et  commandé  à  des  hommes  de  haut  rang  et 
de  haut  parage,  Ramon  Muntaner  ne  fut  jamais  cavalier,  c'est-à- 
dire  «  noble  ».  Nous  le  retrouverons  aux  fêtes  du  couronnement 
d'Alphonse  111,  tenant  une  modeste  place  parmi  les  députés  de 
la  bourgeoisie  valencienne  venus  pour  assister  à  ces  fêtes,  qu'il  a 
superbement  décrites  dans  les  derniers  chapitres  de  sa  Chronique. 

Lorsque,  à  la  suite  de  la  guerre  de  1285,  il  quitta  définitive- 
ment Péralada,  Muntaner  était  âgé  de  vingt  ans,  mais  il  n'indique 
à  aucun  endroit  qu'il  ait  joué  un  rôle  actif  à  cette  époque  ;  il  ne 
se  met  jamais  en  scène  dans,  cette  partie  de  sa  Chronique,  pas 
plus,  d'aiDeurs,  que  dans  celle  où  il  raconte  le  reste  du  règne  de 
Pierre  111  et  le  règne  entier  d'Alphonse  111  ;  il  nous  faut  arriver 
à  l'année  i3oo,  sous  Jacques  11,  pour  avoir  à  son  sujet  un  rensei- 
gnement personnel,  car  il  nous  dit  que,  cette  même  année,  il  se 
fiança  à  une  jeune  fille  de  Valence. 


A  partir  de  cette  année  i3oo,  la  Chronique  est  une  sorte 
d'autobiographie  de  l'auteur  et  nous  pouvons  le  suivre  pour   ainsi 

(  )  )  ...Que  yo  e  daltres,  qui  en  aquella  perdem  gï"an  res  de  ço  que  haviem, 
no  hi  som  tenguts  tornar  puix,  ans  som  anats  pcr  lo  mon  cercant  conseil  ab 
molt  mal  treball,  c  ab  molts  perills  quen  havem  passais,  dels  quais  la  major 
part  ne  son  morts  en  les  guerres  aquestes  de  la  Casa  d'Arago  (Chronica, 
ch.  cxxv). 


—  i<5|  — - 

6hc.  pas  à  pas.  Quelques  jours  ^près  ses  fiançaiHes,  il  part  pour  ■ 
la  Sicile  où  il  devjf.nt  fondé  de  pouvoirs  du  général  templier 
Roger  de  Flor  au  servie*»  du  ro»  de  Sicile  Frédéric  111,  auquel 
Charles  d'Anjou  disputait  la  couronne.  Il  est  dès  lors  initié  à 
toutes  les  affaires  importantes  de  cet  illustre  aventurier.  Cette 
guerre  avait  amené  d'Espagne  en  Sicile  une  véritable  armée  com^ 
posée  de  Catalans,  de  Roussillonnais,  d'Aragonais  et  de  Navar- 
rais  venue  au  secours  de  Frédéric  111,  avec  le  consentement  du 
roi  d'Aragon  Jacques  j1,  son  frère.  Parmi  ces  aventuriers  on 
distinguait  les  >^/mi/^^i'tfr€s,  ainsi  appelés  d'un  étrange  nom, 
peut-être  arabe,  qui  servait  à  désigner  les  gens  de  pied  recrutés 
en  Espagne  durant  le  moyen  âge  ;  ils  formèrent  une  bande  à 
part  dans  la  Companya,  comme  Muntaner  appelle  l'armée  de 
Roger  de  Flor,  armée  d'ailleurs  fort  bien  organisée  sous  la 
direction  de  chefs  excellents.  Tous  ces  soldats,  suivant  leur  cou- 
tume séculaire,  emmenaient  avec  eux  leurs  femmes,  leurs  maî- 
tresses et  leurs  enfants. 

Muntaner  concourut  vaillamment  à  la  défense  de  Messine,  où 
Charles  d'Anjou  subit  un  tel  échec  qu'il  se  vit  obligé  de  demander 
la  paix.  Elle  fut  conclue  en  i3o2  à  Calatabellota. 

(A  suivre)  Pierre  Vidal. 

Bail  de  gitanos 

El  Roig  ballava  al  mitg  de  la  sala...  Ballava  amb  una  noia 
pfctitona  que,  no  obstant  i  tindre  uns  vintivuit  anys,  anâva  ves- 
tida  de  curt  i  duia  trena  penjant  com  si  fos  una  nena. 

La  parella  feia  rotllo.  Eli,  excitât  i  nerviés,  suât,  que  la  suor 
li  regalava  cara  avall,  agarbonat  amb  la  dona,  donava  voltes,  cor- 
ria  tot-d'una,  anava  creixent  el  seu  entusiasme  i  sa  excitaciô,  i  era 
tanta  sa  febre  que,  arrapant  la  balladora  per  sota  l'aixella,  li  feia 
dar  voltes  sensé  que  toqués  de  peus  a  terra.  La  roba,  amb  la  furia 
de  voltar,  se  li  aixecava,  i  els  que  miraven  reien.  Les  dones  cri- 
daven,  el  pianista  cop  va  i  cop  ve,  i  l'home  de  la  brusa  ncgra  i 
roig  de  cara  i  pel,  com  un  monstre  imaginât,  no  calmava  '1  seu 
neguit,  amb  la  vista  fixa  a  la  dona  que  ténia  entre  ses  urpes.  De 
mica  en  mica  s'anava  encorbant  per  aproparse  a  la  cara  d'clla,  i 
aquclls' dos  sers  que  talmtnt  rodolaven,  eren  l'admiraciô  de  la 
concurrencia.  J.  V.  Colominas,  Sota  Montjuic. 


La  Poésie  Catalane  moderne 

Commentaire 

des  "^ Absences  Paternelles* 


M.  Lopez-Picô  veut-il  nous  surprendre  ?  Son  dernier  recueil 
de  poésies,  un  recueil  de  quatre-vingt  quinze  pages,  bellement 
édité  par  la  maison  Francesc  Altès  de  Barcelone,  s'intitule,  en 
caractères  rouges  et  noirs  :  "Les  Mhsències  Paternals.  Faut-il  tra- 
duire :  les  absences  paternelles?  Sans  doute,  et  cela  ne  peut 
signifier  :  les  absences  du  père.  Car  ces  absences  ont  la  qualité 
de  ce  qui  est  paternel  :  elles  sont,  elles  restent  paternelles.  Voilà 
donc  un  titre  spécieux  et  rare  !  Et  tel  est  le  caractère  des  poè- 
mes qui  suivent.  Il  m'a  paru  que  le  premier  était  un  éloge  des 
pleurs  et  de  la  pluie.  De  même  que  les  paysages,  après  la  pluie, 
deviennent  précis  et  clairs,  de  même  les  pleurs  donnent  à  l'affec- 
tion un  renouveau  limpide. 

Perquè  hem  plorat  mai  no  em  seras  absent. 

L'absence  est  une  distraction  de  l'esprit.  Alors  que  la  femme 
vit  dans  les  préoccupations  concrètes,  celles  du  foyer,  le  poète 
s'éloigne  —  au  figuré  —  et  dans  sa  pensée  il  recueille  l'infini  qui 
vient  de  la  vie  des  autres. 

Jo  l'infinit  recoljîa,  que  ve 
de  la  vida  dels  altres... 

Le  caractère  des  poèmes  est  ainsi  indiqué.  Ils  sont  psycholo- 
giques. Ils  veulent  fixer  l'agitation  de  l'esprit.  Lopez-Picô  vase 
donner  beaucoup  de  mal.  Vivre  dans  la  réalité,  la  regarder  avec 
deis  yeux  naïfs,  tels  étaient  les  vœux  du  poète  lyrique  ;  tels 
étaient  même  les  voeux  du  candide  et  bourbeux  Verlaine,  héritier 
déchu  de  Pascal.  Mais  le  poète  ne  vit  pas  seul  dans  la  merveille 
du  monde.  11  n'est  pas  son  maître.  11  n'est  pas  davantage  un  dieu 
amusé,  le  dieu  intérieur  de  lui-même.  S'il   était  seul,   sa  pensée 


—   j66  — 

serait  simple  ;  elle  se  nourrirait  de  sa  propre  substance.  Mais 
il  vit  avec  des  semblables  par  la  chair  et  par  l'esprit.  Il  n'est  pas 
de  vérité  plus  commune,  mais  bien  des  lyriques  l'ignorent. 

Et  d'abord,  voici  la  rue  qui  proclame  l'égalité  des  hommes. 
[El  Crit  del  Carrer.]  Même  oisiveté  chez  tous,  mêmes  tentations, 
mêmes  folies.  C'est  une  égalité  qui  pèse  à  chacun.  Cependant,  le 
poète,  dont  la  contemplation  pénètre,  ordonne  et  crée  à  nouveau 
dans  la  mobilité  des  jours,  se  délie,  s'évade  de  cette  loi  d'égalité 
et  sait  distinguer  des  qualités  d'ordre  différent,  sans  doute  dans 
un  domaine  spirituel. 

Loin  d'éprouver  un  sentiment  d'oppression  et  d'angoisse,  il 
ressentira  l'enchantement  d'une  délivrance  et  un  plaisir  intellec- 
tuel toujours  renaissant. 

Ces  trois  poèmes  [El  Comiat  —  Absències  Paternals  —  El  Crit 
del  Carrer],  il  m'a  paru  bon  d'en  discerner  la  note  intellectuelle, 
parce  que,  placés  en  vedette,  ils  semblent  déterminer  ceux  qui 
suivent.  Aussitôt  après,  l'auteur  place  vingt  compositions,  numé- 
rotées en  caractères  romains,  sauf  la  première  et  la  dernière, 
sous  le  titre  :  Les  meves  Troballes.  Et  je  vais  en  essayer  l'ana- 
lyse, sachant  bien  que  je  n'y  réussirai  que  si  je  ne  suis  pas 
déconcerté  par  les  tours  presque  exclusivement  elliptiques  et 
hardis  qui  sont  chers,  qui  sont  trop  chers  au  poète. 


La  première  merveille  est  une  reconnaissance  matinale  de  la 
rue  encore  libre.  L'homme  sent  ses  pas  ;  il  choisit,  il  a  la  certi- 
tude de  sa  liberté  et  attend  l'imprévU,  lorsque  commencent  à 
poindre  les  clartés  du  jour. 

Tôt,  adormit,  es  mes  a  prop  del  cel. 

Puis,  la  rumeur  de  la  rue  monte  à  toutes  les  fenêtres  et  invite 
l'homme  au  travail  ;  une  naïve  bonté  préside  à  cette  heure. 

Si  no  em  vols  creure,  lleva  't  de  mati. 
Quan  seras  crèdul,  no  viuràs  debades. 

«  Si  tu  veux  me  croire,  sois  matinal.  Lorsque  tu  seras  crédule, 
ta  vie  ne  sera  pas  vaine.  »  Le  poète  se  place  dans  le  domaine  de 
l'imprévu  et  de  la  liberté,  à  la  source  du   jour,   qui   est  pareille- 


—   167  — 

ment  la  source  de  la  foi,  à  l'heure  qui  précède  la  détermination 
accablante  et  rigoureuse  de  la  rue. 

Ce  besoin  de  confiance  qui  nous  fait  gravir  le  sommet  des 
montagnes,  car  une  impulsion  nous  guide  souvent  et  même  lors- 
que nous  n'en  avons  pas  la  conscience  éclairée,  il  réussit  à  le 
satisfaire  dans  la  ville  natale,  dans  la  cité  dont  il  ne  veut  pas 
s'éloigner,  avec  laquelle  il  veut  toujours  vivre. 

La  sérénité  du  ciel,  à  l'heure  matinale,  se  retrouve  sur  le 
visage  qui  semble  l'enfanter  ;  les  architectures  ont  une  grâce  nou- 
velle et  vivante  ;  l'heure  nous  appartient.  Notre  moi  fugace  et 
momentané  domine  l'heure  encore  rose  et  bleue  sur  la  rue,  et  la 
lumière  est  notre  propre  cortège. 

Cependant  c'est  un  leurre.  Une  jeune  fille  vient  à  passer.  Elle 
est  déjà  femme,  elle  chante,  les  mains  ouvertes,  fleur  de  pléni- 
tude, et  elle  est  son  propre  joyau  ;  elle  se  suffit  à  elle-même, 
plus  innocemment  encore.  Mais  qu'importe  I  il  faut  se  résigner  à 
être  heureux. 

Cal  resignarse  â  ser  feliç,  no  obstant. 

Et  j'ajoute,  car  la  glose  est  nécessaire,  qu'il  faut  se  résigner  à 
être  heureux,  malgré  le  panthéisme,  la  pluralité,  les  affirmations 
du  dehors  sur  lequel  nous  n'avons  prise.  Et  pour  être  heureux, 
dans  la  crédulité,  il  faut  soutenir,  affirmer,  élever  et  purifier  son 
moi. 

"Voici,  crois-je,  un  principe  de  mystique,  principe  égoïste,  mais 
libre,  du  moi  devenu  l'acteur  du  monde,  principe  du  dialogue 
.«ntre  le  moi  isolé  et  Dieu. 

Le  poète  rencontre  d'ailleurs  la  porte  ouverte  de  l'église,  qu'il 
ne  craint  pas  d'appeler  le  temple  ;  il  ne  discute  pas  la  croyance. 
C'est  après  avoir  établi  la  croyance,  la  liberté,  le  personnalisme 
(et  il  me  plaît  d'opposer  ici  au  panthéisme  ce  mot  si  lumineux  de 
Renouvier),  c'est  en  pleine  possession  de  la  foi  commune  à  la 
cité  qu'il  agite  ses  introspections  si  intellectuelles,  ses  inquisitions 
si  aiguës.  Dans  de  telles  préoccupations,  croyants  et  incroyants 
se  rejoignent  parfois. 

Respôn  Ta  Passiô 
al  crit  que  et  feia  l'home. 
Ta  veu  no  sap  dir  no 
a  l'home. 


i68 


A  dins  tornen  cantar. 
El  cant  i  la  cridôria 
et  fan  un  sol  altar 
de  glôria. 

est-il  dit  dans  un  poème  qui,  dégagé  de  l'abstraction  pure  par  le 
mouvement  lui-même  du  rythme,  est  l'une  des  pièces  les  plus 
caractéristiques  du  talent  de  Lopez-Picô. 

Et  voici,  maintenant,  dans  leur  ordre  énigmatique,  la  série  des 
préceptes  :  Bâtissons  notre  solitude.  Un  nom  ne  nous  donne  pas 
la  connaissance  d'une  créature  (ce  qui  signifie  qu'il  faut  se  défier 
des  conventions  de  l'intelligence)  ;  nous  la  connaîtrons  mieux  lors- 
qu'elle sera  au  loin,  si  nous  la  regardons  comme  un  arbre  au  loin. 

Si  el  miro  corn  un  arbre  en  llunyania  (v). 

Recueillons-nous,  donnant-  au  désir  même  mesure,  dans  les 
quatre  murs  qui  limitent  notre  bonheur,  comme  ils  seront  plus 
tard  la  limite  de  la  fosse  (vj).  —  Gardons  avec  ferveur  toute 
naïveté  et  toute  simplicité,  car  telle  est  la  pensée  des  vers  fami- 
liers qui  suivent  et  que  je  ne  traduis  pas  : 

Caidrà  que  endrecis  totes  les  jogumes 
perquè  Jesûs  vol  els  teus  jocs  ;  i  quan 
vindrà  li  facis,  com  a  un  altre  infant, 
la  cavalcada  de  cavalls  i  nines. 

Que  pugui  dir  als  àngels,  dalt  del  cel. 

fent  amb  estrelles  pim  i  toc  de  baies  : 

—  Jo  mes  m'estimo  els  meus  companys  sensé  aies 

i  de  la  casa  on  viuen  fer-mc  el  cel  (vu). 

Respectons  le  silence  :  car  la  parole  est  la  messagère  des  puis- 
sances obscures  et  montre  notre  faiblesse.  Pensée  de  Vlmitaiion, 
que  l'auteur  rend  vivante  en  la  situant  (viii).  —  Nous  ne  nous 
laisserons  pas  émouvoir  par  la  mobilité  et  le  bruissement  de  la 
place  si  nous  la  traversons  avec  l'esprit  purifié  de  la  veuve  voilée 
(ix).  —  Voici  la  courtisane  qui  passe  ;  mais  que  nous  reste~t-il  de 
sa  lumière,  de  sa  nudité,  de  ses  draperies  ? 

Dona  llisquent  de  les  ofrenes, 

femme  glissante  des  offrandes,  son  invitation  adressée  à  tous  ne 
peut   avoir   un   sens   pour   chacun   (x).  —   La  sûreté   d'un   amour 


—  169  — 

accepté  retient  le  désir  chez  la  jeune  femme  qui  passe,  et  sort 
regard  est  doux  comme  la  lumière  ciradint  dei  arbre->  dans  les 
jardins  (xi).  —  La  triste  tue  de  la  débauche,  semblable  a  tant 
d'autres,  avec  ses  arcs  voltaïques,  attire  la  jeunesse  pour  lui  ravir 
cet  éclat  qu'elle  ne  possède  pas  (xu).  —  Au  lendemain  d'un  triom- 
phe, lorsque  le  ciel  est  clair  dans  l'honnête  solitude,  nous  éprou- 
vons une  tristesse  qui  nous  élèvera  (xni).  —  L'homme  qui  parle 
seul  dans  la  rue,  et  dont  le  signe  de  tête  est  une  négation  cons- 
tante, et  qui  va  emporté  par  un  élan  intérieur,  est  gouverné  par 
l'inconscient  désir  d'une  confession  libératrice  (xiv)  (i).  * —  Si  nous 
rencontrons  l'ami  qui  a  perdu  son  fils,  il  ne  s'appartient  pas  ;  il  a 
un  sentiment  aigu  de  sa  vieillesse,  la  mort  ayant  séparé  une  moitié 
de  sa  chair,  et  il  déraisonne,  car  la  douleur  ne  trouve  aucune 
satisfaction,  aucune  explication  sur  terre  (xv).  —  La  cité  semble 
malléable,  à  l'heure  matinale  et  joyeuse  où  elle  appartient  à 
l'apprenti,  et  il  la  modèle  :  or,  c'est  avec  cette  hardiesse  et  cette 
joie  qu'il  faut  agir  (xvi).  —  Dans  une  fête  de  quartier,  rose  et 
jaune,  suivons  du  regard  la  lanterne  vénitienne,  indécise,  bercée 
comme  la  volonté  ;  mais  elle  est  seule  ;  l'enfant  qui,  le  lendemain, 
trouvera  ce  papier  de  couleur  fera  un  voyage  imaginaire  (xvii).  — 
Le  soir,  dans  l'ombre  de  la  rue,  se  colore  des  stridences  d'une 
musique  ;  les  ouvriers  ferment  leurs  paupières,  enivrés  par  les 
odorantes  poussières  du  soir  ;  une  promesse  d'oubli  et  de  volupté 
jaillit  d'un  beau  rire  de  femme  (xvni).  —  (Dans  ces  deux  derniers 
poèmes,  la  pensée  directrice  échappe  à  l'auteur  ou  m'échappe  ; 
un  art  pénétrant  y  domine,  et  le  mouvement.  Par  je  ne  sais 
quelle  cruelle  mélancolie  de  la  volupté,  ils  rejoignent  tels  des 
Caprices  de  Goya,  dont  on  connaît  la  note  si  aiguë).  —  Aimons- 
nous  ou  non  le  fait-divers,  les  rixes  de  la  rue?  Fuyons-les,  pour 
ne  pas  en  subir  la  contagion  (xix).  —  Et  le  vingtième  poème  ou 
fragment  est  celui  du  jour  qui  finit,  mugissant  comme  la  conque 
marine  ;  les  désirs  de  la  pensée  et  des  sens  y  font  ce  bruissement 
confus  er  clangorant,  et  pourraient  consumer  la  vie  si  le  jour 
n'avait  pas  de  lendemain.  Mais  le  ciel  nu,  la  promesse  de  la 
femme  ont  construit  un  au-delà  ;  la  nuit  silencieuse  monte  avec 
l'amour,  comme  une  auréole  sur  nos  destinées. 

(1)  Rapprocher  cette  poésie  de  Mig-Dîa  [Espectacles  i.  JHitolagies]. 


—    lyo   — 

Ainsi  le  poète  chante  la  grâce  du  matin  et  de  la  lumière  ;  sans 
la  lumière,  le  mouvement  de  la  rue  est  d'une  dureté  qui  nous 
annihile.  Mais  vienne  le  crépuscule  avec  sa  grâce  nouvelle  ! 
Reprenons  confiance  en  nous-mêmes,  et  comme  à  l'aube  nous 
entendrons  le  souffle  des  fées  ;  la  vie  est  un  conte  de  fées,  si 
notre  regard  en  pénètre  le  sens  et  la  crée  à  sa  guise.  La  nuit 
venue,  portant  comme  une  couronne  les  pleurs  des  étoiles,  le 
démon  de  l'analyse  disparaît  :  voici  que  surgit  le  royaume  de 
l'ineffable. 

Tel  est,  me  semb)e-t-il,  le  sens  du  poème  qui  vient  clore  cette 
série.  J'en  arrive  à  une  partie  qui  est  la  cime  du  livre,  à  une  suite 
de  huit  poèmes,  rares  et  curieux  ;  elle  est  intitulée  o  Les  Sorpreses 
de  la  Nit  ». 


Mélodie  jaillissante  de  la  nuit  1  Puissant  repos  des  glèbes  ! 
Innombrables  clartés  du  ciel  !...  Parce  qu'elle  fait  jaillir  'une 
telle  mélodie  au-dessus  de  ses  poèmes,  la  muse  de  Lopez-Picô 
m'est  particulièrement  chère  ;  elle  vient  puiser  à  la  source  d'un 
lyrisme  que  j'aime.  La  nuit  n'est-elle  pas  la  source  de  tout  lyrisme 
pur  et  personnel  ?  On  ne  saurait  parler  d'elle,  en  toute  naïveté  et 
en  toute  simplicité,  sans  que  la  mélodie  ne  vienne  ordonner  les 
syllabes,  dérouler  pacifiquement  les  vers.  Et  voici  les  premiers 
de  cette  suite  : 

...Claire  nuit  d'été,  parcelle  du  temps  : 
J'ombre  des  jardins  a  des  fraîcheurs  de  mousse  ; 
la  chair  des  melons  est  faite'  de  lune  ; 
les  jardins  sont  clos  par  les  citrons  doux, 
et  semble  un  regard  chaque  fruit  de  prune.,. 

Sincère  et  douce  mélodie,  toute  vêtue  de  grâce  poétique,  et 
que  je  sens  fraternelle  I  Chaque  nuit,  l'eau  courante  recueille  le 
rêve  des  fruits,  dans  le  mirifique  repos  de  la  ville,  le  bonheur 
des  fruits  ;  et  le  cœur  qui  s'oublie  est  comme  un  fruit  bienheu- 
reux de  la  nuit,  un  trésor  d'enchantement,  une  étincelle  parmi  les 
étoiles  de  la  paix  nocturne  (i).  —  Pleine  nuit  d'été.  Le  ciel  est  une 
moisson  où  l'on  cueille  deux  épis  qui  ne  donnent  pas  leur  grain 
lumineux  et  inaccessible,  et  les  deux  enfants  dorment,  comme 
s'ils   avaient   été   cueillis  dans  l'au-delà,    et  ils  nous  sont  un  ciel 


—  17'  — 
plus  clair  que  le  ciel  des  étoiles  (u).  —  La  nuit  de  Saint-Jean,  Jâ 
plus  ardente  dans  l'ordre  des  nuits,  invite  fidèlement  à  allumer 
des  feux  ;  le  souvenir  de  la  passion  s'élève  comme  une  flamme, 
vers  la  même  étoile  ;  la  passion  adolescente  revient  fidèle  comme 
le  feu,  avec  le  même  rythme  (m).  —  La  nuit  venue  est  la  déli- 
vrance. Le  monde  externe  s'évanouit,  l'esprit  se  retrouve,  le 
même  silence  est  sur  toutes  choses,  et  les  hommes  se  compren- 
nent, sachant  qu'ils  regardent  tous  la  même  clarté  (iv).  —  Les 
nuits  de  l'esprit  ont  la  sérénité  des  grands  paysages  ;  les  pensées 
ont  la  sûreté  des  croupes,  la  volonté  s'arrête  comme  les  chemins, 
les  souvenirs  sommeillent,  comme  des  greniers  odorants  ;  et  cepen- 
dant, un  frisson  d'étoile,  d'herbe,  de  pas  émeut  le  silence,  et  les 
chiens  aboient,  et  les  désirs  cheminent  (v).  —  La  nuit  est  vaste 
et  nue,  et  pour  en  connaître  la  mesure,  le  poète  a  demandé  un 
arbre.  Comme  l'arbre,  il  monte,  soutenu  par  la  simplicité  du 
chant  des  grillons,  et  dans  la  profusion,  des  étoiles  glissent  et 
tombent  de  ses  mains  (vi).  —  C'est  dans  le  désir  de  la  possession 
que  les  nuits  se  rejoignent.  Le  désir  élève  et  retient  à  la  terre, 
pareil  à  l'arbre  enraciné.  Le  vent  passe.  L'arbre  plonge  toujours 
plus  profondément  ses  racines,  le  désir  reste.  La  mélodie  des 
branches  s'accorde  au  large  ciel  étoile,  et  le  poète  voudrait  à 
telle  heure  que  le  secret  de  la  nuit  tombe  à  jamais  dans  son  âme, 
étincelle  de  l'amour  éternel  (vji).  —  11  est  semblable  au  voyageur 
isolé  dans  la  nuit  ;  en  écoutant  ses  propres  voix,  il  obtient  sa 
délivrance.  Au-delà  des  rues,  la  nuit  livre  son  mystère  ;  les  arbres 
veillent  sur  l'étendue  immense  des  clartés  fulgurantes  ;  le  ciel  et 
la  cité  apparaissent  comme  une  seule  et  même  chose.  Et  le  poète 
voyageur  éprouve  la  joie  de  ne  pas  être  seul.  11  recueille  des 
jonchées  d'étoiles  aux  foyers  innombrables  de  l'amour  illumina- 
teur  du  silence.  Le  Magnificat  s'élève  puissamment.  L'amour 
pénètre  dans  les  âmes,  comme  les  clartés  chantent  sur  les  bran- 
ches. Le  poète  est  devenu  cet  arbre  chaste  et  prodigue,  élevant 
au  ciel,  dans  l'élan  de  sa  sève,  les  clartés  de  la  terre.  L'astre  et 
la  braise  purifiée  du  foyer  se  fixent  dans  une  exacte  harmonie  (vni). 


Maintenant,    le   poète   revient   auprès   de   ses   enfants   et   leur 
avoue  sa  faiblesse.  Car  la  vie  n'est  pas  purement  spirituelle.  Dans 


—  }yi  — 

ia  chambre  où  ils  se  sont  endormis,  il  demande  que  le  rythme 
large  et  confiant  du  sommeil  éloigne  l'effroi  et  veille  sur  eux  (El 
Retorn).  Les  derniers  poèmes  de  ce  livre  où  l'intelligence  aiguë 
rejoint  la  mystique  s'intitulent  :  El  Conhort  de  l'Absència  — 
L'endemà  que  es  festa  —  Darrera  Pagina.  Ici  encore,  je  voudrais 
saisir  les  intentions  de  l'auteur  La  consolation  de  l'absence  :  la 
mort  est  venue.  Et  cependant,  tout  est  semblable.  La  mort 
apporte  elle-même  les  médecines  de  la  consolation.  Tout  est 
désert  dans  la  chambre,  la  fenêtre  ouverte  au  ciel  bleuâtre,  les 
chaises  vides.  Dans  son  lit,  le  défunt  au  visage  serein  comme  s'il 
attendait  un  hôte,  immobile,  plus  beau  que  jamais,  vêtu  de  la  foi. 
La  main  garde  un  repos  intelligent  et  semble  dire  :  reste  !  Dans 
l'au-delà,  je  te  suis  présent.  Seule  l'épouse,  tranquille,  mainte- 
nant sereine,  comprend  ce  geste,  retrouve  cette  foi  et  prie,  déli- 
vrée de  tout  mal.  Elle  seule,  dans  l'élan  de  son  amour,  dit  la 
litanie  ;  plus  tard,  dans  la  nudité  simple  de  son  âme,  seule,  elle 
•fera  la  véritable  découverte  du  défunt. 

Le  poète  va  au-delà  de  la  cité.  Les  champs  cultivés  y  ordon- 
nent la  lumière.  Le  silence  y  chante,  de  la  terre  au  ciel.  Tout  y 
est  un  humble  exemple  d'acceptation  et  de  foi.  — -  Enfin,  les 
quatre  vers  qui  servent  d'épilogue  à  ce  petit  volume  disent  que, 
malgré  les  sages  résolutions,  malgré  la  pureté  d'un  cœur  juste, 
les  lèvres  désirent  toujours,  l'esprit  reste  assoiffé.  Et  c'est  là 
encore  une  pensée  mystique  :  Le  désir  restera  toujours  la  pre- 
mière condition  de  l'amour. 


J'ai  analysé  ce  livre  d'aussi  près  que  je  l'ai  pu.  Une  poésie  qui 
n'est  qu'une  effusion,  qu'un  jaillissement,  ne  requiert  pas  une  aria- 
Ivse  exacte  ;  un  lien  commun  la  résume.  Une  poésie  qui  traduit 
le  mouvement  du  cœur  peut  se  résoudre  facilement,  et  si  on  n'en 
capte  pas  l'élan  ou  la  couleur,  du  moins  peut-on  déterminer  son 
ressort  initiai.  Mais  cette  poésie  est  d'un  mysticisme  plus  intel- 
lectuel. D'ordinaire,  le  contemplatif  se  dégage  du  monde  concret, 
ou  tout  au  moins  recherche  une  solitude  douce,  le  paysage  des 
montagnes.  On  se  souviendra  de  tous  les  contemplatifs  de  notre 
calendrier,  de  saint  Augustin  à  Fray  Luis  de  Léon,  qui  chantait 
sur  les  rives  du  Tormes,  à  quelques  lieues  de  Salamanque. 


—  i7     — 

Cette  fois,  le  poète  a  bravé  les  démons.  Il  est  resté  dans  la 
cité,  où  il  a  découvert  les  symboles  de  la  foi,  dans  la  pureté 
matinale  et  dans  l'éclat  nocturne.  Il  a  créé  sa  solitude  dans  la  rue, 
au-dessus  des  hommes.  II  s'est  toujours  appliqué  à  regarder  avec 
des  yeux  de  chair,  afin  de  ne  pas  être  dupe  de  l'esprit.  Sa 
méthode  est  demeurée  intellectuelle.  11  a  établi  les  interroga- 
tions, les  contradictions,  les  logiques  adverses  du  moi  et  des 
objets,  méthode  déjà  acclimatée  en  Catalogne,  voici  plusieurs 
siècles,  par  Ausîas  March,  car  la  poésie  d'Ausîas  March  use 
toujours  de  la  raison  raisonnante,  et  ses  «  estramps  »  ne  sont 
qu'un  incessant  et  inquisitorial  dialogue  de  la  chair  et  de  l'esprit. 
J.-M.  Lopez-Picô  reprend  son  dialogue,  ce  dialogue  ascendant 
et  actif,  sans  user  exactement  des  mêmes  procédés.  Le  raisonne- 
ment ne  garde  pas  chez  lui  son  habituel  appareil  syntaxique  et 
logique.  Le  style  est  toujours  déclaratif  et  épigrammatique,  et 
c'est  ainsi  qu'il  peut  en  assurer  la  plasticité.  J'ai  déjà  signalé 
l'abus  des  ellipses  dans  l'ordre  lui-même  de  la  pensée.  Le  prin- 
cipe et  le  résultat  s'y  joignent  et  la  copulation  est  sous-entendue. 

Nous  nous  trouvons  en  présence  d'un  procédé  impressionniste, 
purement  personnel,  et  qui  exige  une  adaptation  de  l'intelligence, 
une  vivante  souplesse  de  l'esprit.  Cet  art  n'est  pas  une  façon  de 
sentir  ;  il  est  une  façon  de  penser.  Une  telle  poésie  ne  s'adresse 
qu'à  de  rares  lecteurs.  Les  poètes  qui  cultivent  un  tel  lyrisme  ne 
sont  accessibles  qu'à  leurs  véritables  frères,  qu'aux  philosophes 
spiritualistes,  qu'aux  religieux  qui  ont  raisonné  intérieurement 
leur  croyance,  dans  l'esprit  et  dans  la  chair. 

Il  est  probable  que  des  troubadours  comme  Guiraut  de  Borneil 
n'étaient  compris  que  d'une  école  et  par  quelques  belles  dames 
intelligentes,  peut-être  plus  nombreuses  que  de  nos  jours.  Le 
public  courtois  pouvait  goûter  la  galanterie  ondoyante  de  leurs 
propos,  l'habileté  trop  visible  de  leur  art  et  la  caressante  mélodie 
de  leurs  tensons. 

Nous  ne  devons  pas  nous  plaindre  de  ne  pas  avoir  d'auteurs 
obscurs  dans  nos  littératures  méridionales.  Dante  sollicite  les 
commentateurs,  Gongora  appelle  les  gloses,  le  jésuite  Baithasar 
Graciàn  a  écrit  avec  une  précision  plus  farouche  et  plus  hermé- 
tique que  La  Bruyère.  Bouhours  déclare  que  Lope  de  Vega  lui- 
même,  le  clair,  dramatique  et  populaire  Lope  de  Vega,  interrogé 


—  «74  — 
par  Jean-Pierre  Camus  sur  le  sens  de  l'un  de  ses  sonnets, 
((  l'ayant  lu  et  relu  plusieurs  fois,  avoua  qu'il  ne  l'entendait  pas 
lui-même».  Ce  n'était  peut-être  qu'une  boutade,  et  le  fécond 
Lope  de  Vega  avait  bien  le  droit  de  ne  pas  attacher  trop  de  prix 
à  la  ciselure  d'un  sonnet.  Mais  il  est  certain  que  l'on  ne  peut 
discerner  le  sens  de  très  nombreuses  strophes  de  Lopez-Picô 
qu'après  une  lecture  attentive  et  répétée.  Si  sa  poésie  n'a  pas 
une  mistralienne  et  lumineuse  générosité,  du  moins  conserve-t-elle 
un  haut  caractère  de  dignité  et  d'aristocratie.  Nous  devons  être 
assez  compréhensifs  pour  l'admettre,  alors  même  que  nos  goûts 
seraient  différents,  car  les  voies  de  l'intelligence  sont  ardues  et 
complexes.  Lopez-Picô  conçoit  la  poésie  comme  un  exercice 
intérieur,  comme  un  effort  ;  il  attache  le  plus  haut  prix  à  l'élan 
de  l'intelligence.  11  renouvelle  le  pétrarquisme.  Son  austérité, 
son  obstination  et  souvent  même  son  vocabulaire  l'apparentent  à 
Ausias  March.  Et  toutefois  son  art  de  penser  est  complètement 
régi  par  son  art  de  voir.  Il  excelle  à  dégager  la  pensée  des  objets 
concrets,  il  la  situe  dans  les  visions  momentanées  et  fugaces.  Il 
déploie,  dans  cette  alliance  du  concret  et  de  l'abstrait,  une  habi- 
leté singulière.  On  a  dit  qu'il  aimait  les  paysages  spirituels.  Ces 
paysages  sont  le  plus  souvent  des  fusains,  des  eaux-fortes  où  le 
trait  vif  et  incisif  ne  s'applique  pas  à  faire  jaillir  des  formes, 
mais  accuse  des  réalités  imprévues.  S'il  me  paraît  accorder  trop 
d'importance  à  un  simple  mouvement,  s'il  est  trop  volontairement 
mesuré,  sa  vision  n'en  est  pas  moins  originale  et  d'une  étrange 
lucidité.  On  pourra  objecter  qu'une  poésie  sans  art  est  préférable 
à  une  poésie  spécieuse.  Lopez-Picô,  qui  est  l'un  des  premiers 
poètes  de  Catalogne,  sait  bien  que  la  subtilité  des  troubadours  a 
été  vaine,  que  Mistral  n'a  jamais  pensé  à  la  renouveler,  qu'il  ne 
reste  guère  du  moyen  âge  que  l'accent  naïf  des  pastourelles,  le 
simple  charme  des  chansons  de  toile,  l'envol  d'une  aubade  de  mai 
aux  gardes  de  la  tour,  et  dans  les  cathédrales,  la  fraîche  humilité 
de  toutes  les  voix. 


Joseph-S.  Pons. 


Mai 


101 


919. 


La  visite  du  roi  d'Espagne  à  Barcelone 

27-28  juin  1920 

4  la  OuesHon  Catalane 

7.   La  Catalogne  espagnole,   loul  en  acclamant  son  roi,  proclame  ses 
aspirations  autonomistes. 

Voici,  en  effet,  la  note  que  la  Mancomunitat  a  fait  publier,  à 
l'occasion  de  la  visite  d'Alphonse  XI 11  à  Barcelone  : 

Alphonse  XI 11  est  arrivé  à  Barcelone  le  dimanche  27  juin  pour  passer 
deux  jours  dans  la  capitale  de  la  Catalogne.  La  cité  n'a  vu  là  qu'une  simple 
visite  du  chef  de  l'Etat  à  une  des  provinces  du  royaume  et  a  accueilli 
Alphonse  Xlll  avec  courtoisie. 

Au  même  moment,  les  Catalans  ont  fait  une  démonstration  de  leurs  senti- 
ments autonomistes.  Profitant  de  la  visite  du  roi,  ils  ont  orné  les  façades  et 
les  balcons  de  leurs  maisons  de  draperies  et  drapeaux  aux  couleurs  catalanes. 
Cette  manifestation  a  eu  cette  signification  de  déclarer  devant  le  roi  la  volonté  de 
la  Catalogne  tendant  à  une  complète  autonomie  administrative  et  politique.  Dans 
ce  sentiment,  la  démonstration  a  eu  un  grand  succès  ;  d'autre  part,  c'est  par 
milliers  que  les  maisons  ont  été  ornées  exclusivement  de  la  bandera  catalane, 
tandis  que  celles  qui  exhibaient  d'autres  insignes  étaient,  en  dehors  des 
édifices  officiels,  fort  peu  nombreuses. 

Le  lundi  28,  à  midi,  le  roi  étant  encore  à  Barcelone,  se  réunirent  dans 
leurs  palais  respectifs  les  quatre  «  députations  »  de  Catalogne  (conseils  géné- 
raux). Au  cours  de  ces  réunions,  on  prit,  d'un  commun  accord,  la  résolu- 
tion d'insister  pour  le  transfert  des  services  de  ces  organismes  à  la  Manco- 
munitat catalane,  transfert  qu'avait  tenté  d'annuler  le  ministre  de  l'intérieur 
du  ministère  Dato.  De  plus,  chacune  des  quatre  a  députations  »  approuva, 
soit  à  l'unanimité,  soit  à  la  grande  majorité  des  votants,  une  déclaration 
réclamant  l'autonomie  de  la  Catalogne. 

Voici  le  texte  de  cette  déclaration  : 

«  La  députation  proclame  de  nouveau  son  aspiration  à  V autonomis  de  la 
«  Catalogne,  conformément  aux  vœux  des  membres  de  la  Mancomunitat, 
«  des  députés  et  sénateurs  de  Catalogne,  ratifiés  par  toutes  les  municipalités 
«  catalanes  au  cours  des  mémorables  journées  de  décembre  1918  et  jan- 
«  vier  I  919. 

«  Elle  acclame  la  Mancomunitat  de  Catalogne,  laquelle,  seule,  constitue 
«  une  solution  intérieure  parce  qu'elle  est  l'organe  unique  symbolisant  la 
«  terre  catalane  ;  elle  fait  le  vœu  que  ses  attributions  soient  étendues  à  tous 
«  les  services  et  à  toutes  les  fonctions  publiques  que  le  statut  approuvé  le 
«  25  janvier  1919  désigne  comme  propres  à  la  région.  » 

Assistaient  à  ces  réunions,  outre  les  conseillers  généraux,  les  députés  aux 


—    ]  76  — 

Cortès  et  sénateurs,  à  qui  on  a  confié  la  mission  de  porter  au  Parlement  la 
volonté  de  Catalogne. 

Ces  réunions  simultanées  ont  donné  lieu  à  des  manifestations  patriotiques. 
La  foule  barcelonaise  stationnait  devant  le  Palais  de  la  Députation,  applau- 
dissant et  acclamant  à  leur  entrée  et  à  leur  sortie  les  personnages  les  plus 
représentatifs  de  la  politique  catalane. 

Des  groupes  entonnèrent  des  chants  patriotiques  et  spécialement  l'hymne 
catalan  E/s  Segadors. 

77,    <(  Le   7{oi  a   reconquis  la   Catalogne  »,    dit  la  presse  madrilène. 
C'est  ce  qu'affirme  la  Correspondance  "Etrangère  : 

Le  voyage  du  roi  aura  mis  toutes  choses  au  point.  La  Catalogne  a,  une 
fois  de  plus,  l'assurance  la  plus  autorisée  que  ses  intérêts  ne  seront  pas 
négligés.  Elle  reconnaît  que  cfcs  intérêts  ne  sauraient  pas  être  en  désaccord 
avec  les  intérêts  comuns  de  l'Espagne.  L'opposition  que  certains  croyaient 
voir  entre  l'intérêt  local  et  l'intérêt  général  était  donc  imaginaire,  et  la 
Catalogne  fut  profondément  heureuse  d'être  reconquise  par  son  roi. 

C'est  un  très  grand  succès  pour  la  personne  du  roi  et  pour  la  monarchie. 
C'en  est  un  aussi  pour  le  Président  du  Conseil,  qui  pourrait  bien  avoir 
obtenu  du  coup  le  décret  de  dissolution  qui  lui  permettra  de  constituer  un 
parlement  plus  propre  à  gouverner  que  le  parlement  actuel,  où  il  n'existe 
pas  de  majorité.  C'est  la  justification  pour  ceux  qui,  en  France,  croyaient 
pouvoir  aimer  et  admirer  la  Catalogne  et  tout  ee  qu'elle  a  d'original  en 
déclinant  toute  solidarité  avec  le  séparatisme  de  quelques-uns.  C'est,  par  là 
même,  une  condition  favorable  de  plus  pour  les  rapports  cordiaux  et  sans 
arrière-pensée  des  deux  nations. 

La  note  dominante  de  toute  la  presse  madrilène  non  prévenue 
et  de  tous  points  impartiale,  c'est  aussi  que,  par  sa  visite,  le  roi 
Alphonse  IJJ  a  reconquis  la  Catalogne. 

777,    Ce  qu'en  disent  les  Catalans  de  "France,    et  particulièrement  la 

Société  d'Etudes  Catalanes  de  Perpignan. 

Ils  se  réjouissent  du  plein  succès  de  cette  visite  royale  avec 
d'autant  plus  de  satisfaction  que,  très  sincèrement,  ils  aiment  et 
admirent  leur  province-soeur  d'au-delà  les  Pyrénées. 

Ils  déclinent  et  repoussent  toute  solid'arité  avec  les  projets 
séparatistes  de  quelques-uns  de  leurs  frères  d'Espagne. 

Leur  unique  devise  est  :  Catalans  et  Français,  toujours  !  Sépara- 
tistes, jamais  !  ha  T^evue. 

Le  Gérant,  —  COMET.  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Poste,  Perpignan 


14'  Anaëe.  N*  166  Août  1920 

Les  Manuscrits  non  insérés  ^^  ^F^^-  V^  ^  ^^^ 

ne  sont  pas  rendue .  M^^  mTa    «r     1    J  M^ 


CATALANE 


Lrs  Articles  oarus  aans  ia  Revue 
n'engagent  que  ieurs  auteurs. 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 


La  Maintenance  du  Koussiîlon 

La  Maintenance  du  Roussillon,  désirée  et  attendue  depuis  si 
longtemps,  a  été  créée  et  votée  à  l'unanimité  dans  le  Consistoire 
des  Majoraux,  réunis  le  23  mai  dernier  à  A  lais,  pour  la  fête 
annuelle  de  la  Sainte-Estelle.  La  réunion  plénière  des  Catala-» 
nistes  et  de  l'élite  des  écrivains  roussillonnais  aura  lieu  à  Perpi- 
gnan en  novembre  prochain,  au  siège  de  la  Société  d'Etudes 
Catalanes.  Un  avis  ultérieur  et  personnel  fera  connaître  en  temps 
opportun  la  date  de  cette  assemblée  générale,  où  seront  nommés 
le  syndic  et  les  membres  qui  formeront  le  bureau  de  notre 
Maintenance. 

Je  me  fais  un  devoir  et  un  plaisir  d'obtempérer  aujourd'hui  à 
l'invitation  de  M.  le  directeur  de  la  T^evue  Calalane  en  donnant 
ici,  pour  les  profanes,  les  éclaircissements  suivants. 

Le  Téîihrige 

Le  2  1  mai  j854,  au  château  de  Fontségune,  à  quelques  kilo- 
mètres de  l'ancienne  cité  papale,  sept  enfants  du  même  pays 
fondaient  le  Félibrige.  11  y  avait  là  des  poètes  et  des  amateurs  : 
Frédéric  Mistral,  Joseph  Roumanille,  Théodore  Aubanel,  An- 
selme Mathieu,  Alphonse  Tavan,  Paul  Giéra  et  Jean  Brunet. 
Comme  il  fallait  qualifier  le  groupement  naissant,  Mistral  se 
souvint  d'une  ancienne  prière  du  pays,  VOraison  de  saint  Anselme, 
entendue  jadis,  et  où  il  est  parlé  des  «  Sept  Félibres  »,  c'est-à- 
dire  des  sept  docteurs  de  la  loi.    L'Ecole  lui  dut  son  nom.  Ses 


_  178  — 

statuts,  lentement  élaborés,  affirmaient  en  1862  :  «  Le  Félibrige 
a  pour  but  de  conserver  à  la  Provence  sa  langue,  son  caractère, 
sa  liberté  d'allure,  son  honneur  national  et  sa  hauteur  d'intelli- 
gence, car,  telle  qu'elle  est,  la  Provence  nous  plaît.  » 

Les  fondateurs  ajoutaient  :  a  Par  Provence,  nous  entendons  le 
Midi  de  la  France  tout  entier.  » 

C'est  de  la  croyance  à  l'influence  de  la  langue  sur  l'attache- 
ment au  sol  qu'est  né  le  Félibrige.  Ce  n'est  pas  une  illusion  de 
croire  que  le  langage  a  une  influence  considérable  sur  l'attache- 
ment au  sol,  au  foyer,  à  la  patrie.  On  a  dit  justement  :  Qui  tient 
l'enseignement  tient  le  pays.  11  n'est  pas  moins  vrai  de  dire  :  Qui 
tient  la  langue  tient  le  pays.  Et  la  preuve  de  cette  vérité,  l'his- 
toire ellç-même  nous  l'apporte.  N'est-ce  pas  en  leur  apportant  sa 
langue  et  sa  civilisation  que  Rome  s'assimilait  et  absorbait  les 
peuples  ?  N'est-ce  pas  en  lui  enlevant  sa  langue  que  les  puis- 
sances qui  se  sonit  partagé  la  Pologne  se  sont  appliquées  à  y 
éteindre  l'esprit  national  ?  N'est-ce  pas  en  interdisant  l'emploi 
du  Français  dans  l'Alsace-Lorraine  que  les  Allemands,  sans  y 
réussir  grâce  à  Dieu,  s'eff^orçaient  de  détacher  de  la  France  les 
jeunes  générations  ?  N'est-ce  pas,  enfin,  en  enseignant  la  langue 
française  que  nos  missionnaires,  en  Orient,  à  Madagascar,  dans 
tous  les  pays  qu'ils  évangélisent,  implantent  l'influence  et  l'amour 
de  la  France  ? 

«  Vous  comprenez  maintenant,  disait  Mistral,  la  profondeur, 
la  force  de  l'idée  félibréenne.  Le  Félibrige,  enveloppé  dans  la 
langue  du  peuple  comme  en  une  forteresse,  c'est  la  seule  résis- 
tance sérieuse  qu'il  y  ait  contre  le  despotisme  et  l'attirance  des 
centres.  Ma  conviction  est  que  le  Félibrige  porte  en  lui  la  solu- 
tion des  grandes  questions  politiques  et  sociales  qui  agitent 
l'humanité.  Comme  politique  générale,  nous  devons  porter  nos 
visées  et  nos  désirs  vers  le  système  fédéral  :  fédération  des  peu- 
ples, confédération  latine  et  renaissance  des  provinces  dans  une 
libre  et  naturelle  fraternité.  Tenons-nous-en,  surtout,  à  la  ques- 
tion de  langue  et  luttons  hardiment  pour  la  remettre  en  honneur. 
Et  rappelez-vous  que,  la  langue  sauvée,  toutes  les  libertés  en 
jailliront  à  leur  moment.  » 


—  179  — 

Symbole  du  Télibrige 

Une  étoile  à  sept  rayons  est  le  symbole  du  Félibrigc,  en 
mémoire  des  sept  félibres  qui  le  fondèrent  à  Fontsegune,  des 
sept  troubadours  qui  établirent  jadis  les  Jeux  Floraux  toulousains 
et  des  sept  mainteneurs  qui  les  restaurèrent  à  Barcelone  en  1859. 

Organisation  générale 

Les  membres  de  la  Société  se  distinguent  en  félibres  majoraux 
et  en  félibres  mainteneurs. 

Les  félibres  majoraux  sont  au  nombre  de  cinquante. 
Les  félibres  mainteneurs  sont  en  nombre  illimité. 

"Les  "Félibres  Majoraux 

La  réunion  des  cinquante  félibres  majoraux  forment  le  Consis- 
toire. 

A  chaque  siège  de  majorai  est  attaché  le  nom  traditionnel 
d'une  cigale  d'or  qui  reste  la  propriété  du  titulaire  jusqu'à  sa 
mort. 

Le  Consistoire 

Le  Consistoire  est  établi  pour  sauvegarder  la  tradition  féli- 
bréenne. 

Le  Consistoire  se  réunit  au  moins  une  fois  par  an  ;  mais  le 
Capoulié  peut  le  convoquer  autant  de  fois  qu'il  le  juge  utile. 

"Les  Maintenances 

On  appelle  maintenances  les  sections  territoriales  qui  réunissent 
tous  les  félibres  majoraux  ou  mainteneurs  de  la  même  contrée. 

Les  mainteneurs  sont  choisis  parmi  les  tenants  de  la  cause  féli- 
bréenne  et  qui  se  sont  particulièrement  distingués  par  leurs  tra- 
vaux. 

Chaque  maintenance  a  un  bureau  qui  se  compose  d'un  syndic, 
de  deux  vice-syndics  et  d'un  secrétaire-trésorier. 

Les  syndics  portent  pour  insigne  une  étoile  d'argent  à  sept 
rayons. 


—  i8o  — 

Le  bureau  général  du  Télibrige 

Le  Capoulié,  le  bayle,  l'assesseur  de  chaque  maintenance  et  le 
syndic  constituent  le  bureau  du  Félibrige. 

Le  Capoulié  a  pour  insigne  une  étoile  d'or  à  sept  rayons. 


Jlctes  du  Consistoire  d'Jllais 

Réunis  dans  la  splendide  salle  des  Etats  de  Provence,  les 
majoraux  procédèrent  d'abord  au  remplacement  des  majoraux 
décédés  durant  l'année  J920. 

Le  docteur  Fallen,  capoulié,  grand  maître  du  Félibrige,  prési- 
dait lé  Consistoire. 

Furent  nommés  majoraux  :  M.  René  Lavaud,  agrégé  de  l'Uni- 
versité, en  remplacement  de  M.  Joseph  Soulet,  de  Cette  ; 
M.  Firmin  Palay,  en  remplacement  de  M.  Maurice  Faure, 
ancien  ministre  de  l'Instruction  publique  ;  et  M.  le  chanoine 
Payan,  curé-doyen  de  Valréas,  en  remplacement  du  célèbre 
grammairien  Lhermite. 

M.  le  chanoine  Bonafont  fut  nommé  assesseur  de  la  Mainte- 
nance du  Roussillon  et  M.  Alcide  Blavet  de  celle  du  Velay. 

Le  Banquet 

Le  banquet  fut  servi  dans  la  salle  d'honneur  du  Lycée  ;  il  était 
présidé  par  M""  Frédéric  Mistral.  De  nombreux  brindes  furent 
portés  et  l'élection  des  nouveaux  majoraux  fut  proclamée  par 
M.  Jouveau,  bayle  du  Félibrige. 

La  Cour  d'amour 

Après  le  banquet  eut  lieu,  dans  le  parc  du  Lycée,  la  Cour 
d'Amour. 

M.  Jouveau  proclama  le  palmarès  des  Jeux  Floraux. 

Enregistrons  une  fois  de  plus  le  succès  de  nos  prêtres  catala- 
nistes  et  catalanisants.  Deux  d'entre  eux,  M.  l'abbé  Martin 
Jampy,  curé  de  Saint-Féliu-d'Avall,  et  M.  l'abbé  Jean  Blazy, 
curé  de  Cornella-du-Conflent,  obtinrent  une  médaille  de  bronze. 


—     j8i   — 

La  T^evue  Catalane  eut  aussi  sa  part  d'honneur  dans  la  personne 
de  M.  Charles  Grando,  le  poète  si  populaire  en  Roussillon  et 
tra-los-montes,  qui  obtint  le  grand  diplôme. 

Le  docteur  Pélissier,  lauréat  des  Jeux  Floraux,  proclama  reine 
du  Félibrige  Mademoiselle  Marie  Vinas. 

La  nouvelle  reine  du  Félibrige  est  une  languedocienne  du 
biterrois.  Elle  est  la  fille  du  félibre  majorai  Jean  Vinas,  médecin- 
major  de  i"  classe,  propriétaire-viticulteur  à  Bassan. 

Elle  parle  merveilleusement  le  dialecte  de  Béziers,  dans  lequel 
son  père  a  écrit  de  nombreuses  études. 

C'est  la  première  reine  que  le  Languedoc  donne  au  Félibrige 
et  la  septième  reine  appelée  à  présider  aux  destinées  littéraires 
de  la  Terre  d'Oc. 

Ses  devancières  sont  :  M""'  Frédéric  Mistral,  M'"  Thérèse 
Roumaniile,  M'"  Marie  Girard,  M'"  Thérèse  de  Chevigné, 
M'"  Magali  de  Baroncelli,  qui  présida  à  Perpignan  les  inoublia- 
bles fêtes  félibréennes  de  1910,  toutes  de  Provence,  et  M'"  Mar- 
guerite Priolo,  du  Limouzin. 

Vœux  présentés  par  M.  Mistral 

Avant  de  se  séparer,  le  Consistoire  des  majoraux  a  acclamé  et 
fait  siens  les  vœux  que  M.  Frédéric  Mistral,  de  Maillane,  neveu 
du  fondateur  du  Félibrige,  avait  formulés  au  Congrès  des  Jeu- 
nesses Régionalistes  d'Aix-en-Provence  : 

j"  Que  l'on  puisse  se  servir  officiellement  de  la  langue  d'Oc 
pour  mieux  enseigner  le  Français  ; 

2°  Que  la  langue  d'Oc  soit  inscrite  dans  la  liste  des  langues 
vivantes  pour  le  certificat  d'études,  les  brevets  et  le  baccalauréat, 
dans  les  pays  de  langue  d'Oc  ; 

3°  Qu'une  place  d'honneur  soit  faite  dans  les  écoles  de  tout 
degré  à  notre  histoire  et  à  notre  littérature  ; 

4°  Que  le  nombre  des  chaires  de  langue  d'Oc  soit  accru  ; 

5°  Que  la  renaissance  des  moeurs,  coutumes,  costumes,  dans 
tout  ce  qu'ils  ont  de  meilleur  pour  l'élan  à  donner  au  pays,  soit 
encouragée  au  lieu  d'être  combattue  par  les  pouvoirs  publics. 

Ma  qualité  de  majorai  me  donnant  voix  au  chapitre,  je  dis, 
après  avoir  applaudi  des  deux  mains,  combien  j'étais  heureux  de 


—    l82    — 

retrouver  dans  ces  vœux  la  quintessence  :  du  magistral  discours 
que,  en  mai  1914,  prononça,  aux  Jeux  Floraux  de  Barcelone, 
Mgr  de  Carsalade  du  Pont,  évêque  de  Perpignan  ;  des  articles 
remarquables  —  et  remarqués  à  juste  titre  par  tous  les  intellec- 
tuels des  deux  versants  —  que  M.  l'abbé  Sarrète,  notre  distingué 
directeur,  publiait  naguère  dans  la  7{evue  Caîaîane  sur  VUniversiîé 
de  Perpignan;  et  de  l'ouvrage  qui,  par  la  force  des  choses,  est 
destiné  à  devenir  classique  :  Le  Catalan  à  l'Ecole,  de  M.  Louis 
Pastre. 


Jlimons  notre  langue 

Avant  de  mettre  au  point  final  cet  article  déjà  trop  long,  ma 
plume  regimbe  sous  l'emprise  de  la  tentation  qui  m'incite  à  répon- 
dre du  tac  au_  tac  aux  objections  courantes  de  ceux  qui  préten- 
dent qu'il  pourrait  y  avoir,  dans  la  renaissance  de  notre  langue, 
un  danger  réel  pour  l'unité  de  notre  pays. 

II  y  a  peu  de  temps,  un  publiciste  perpignanais  qui  traite  tous 
les  jours  au  pied  levé  et  avec  une  parfaite  aisance  les  questions 
les  plus  embrouillées  de  la  politique,  du  régionalisme  intellectuel, 
administratif,  artistique  et  social,  se  voilait  la  face  et  faisait  les 
plus  expresses  réserves  à  la  lecture  d'un  article  plein  d'humour 
du  docteur  Boix  sur  la  langue  catalahe. 

Non  :  notre  langue  n'est  pas  plus  un  danger  pour  l'unité  du 
pays,  que  l'amour  du  village,  du  foyer,  du  clocher,  de  tout  ce 
qui  constitue  la  petite  patrie  n'est  un  danger  pour  la  grande. 
L'amour  de  l'une  conduit  à  l'amour  de  l'autre,  l'accroît,  le  sou- 
tient, le  fortifie,  et  quand  on  a  cessé  d'aimer  la  langue  de  son 
village,  on  est  bien  près  d'oublier  la  grande  patrie. 

Oui,  c'est  notre  langue  qui  anime,  vivifie  le  foyer  et  tout  ce 
qu'il  contient,  qui  ajoute  à  la  petite  patrie  ce  charme  intime  par 
lequel  le  jeune  homme  s'y  sent  retenu,  cet  attrait  puissant  grâce 
auquel,  quand  il  l'a  quittée,  il  aspire  à  y  revenir. 

Et  certes,  à  cette  heure  où  nos  campagnes  se  dépeuplent,  où 
tant  de  fils  de  cultivateurs  ne  songent  qu'à  les  déserter,  où  l'on 
s'émeut  justement  de  cet  exode  et  où  ceux  qui  ont  des  terres  se 
demandent   avec   anxiété   par   qui,    dans  quelques  années,   ils  les 


—   i83  — 

feront  travailler,  n'est-ce  pas  faire  une  œuvre  vraiment  actuelle, 
utile,  patriotique,  que  de  travailler  à  empêcher  de  se  rompre,  en 
le  consolidant  et  le  resserrant,  ce  dernier  lien  du  langage  qui 
rattache  encore  à  sa  maison,  à  ses  champs  le  jeune  paysan,  alors 
qu'il  éprouve  si  fort  la  tentation  de  les  quitter,  fasciné  qu'il  est 
par  les  plaisirs  et  les  séductions  de  la  ville,  où  il  va,  le  plus  sou- 
vent, perdre,  avec  son  petit  avoir,  ses  forces,  sa  santé,  sa  gaieté, 
tout  son  bonheur. 

En  attendant,  allons  au  peuple,  faisons  un  effort  vigoureux, 
persévérant  pour  l'atteindre,  le  saisir,  le  pénétrer,  pour  lui  rap- 
peler les  beautés  de  sa  langue,  le  respect,  la  vénération  et 
l'amour  qu'il  lui  doit,  et  les  services  qu'il  pourra  en  retour 
attendre  d'elle. 

Chanoine  Bonafont, 
Majorai  du  Téîibrige. 


PAGES  CHOISIES 

Les  caramelles 

Els  fadrins  van  a  vessar  l'alegria  de  sos  cors  de  casa  en  casa  i 
de  masîa  en  masîa,  cantant  com  un  vol  d'orenetes  que  acaba 
d'arribar. 

Mireu-los  pujar  a  la  pagesia  per  entre  'Is  presseguers  i  pruners 

florits  que  ombregen  el  cami  de  la  quintana  :  van  tots  ells  amb  sa 

roba  de  cada  festa  i  amb  el  cap  cobert  amb  l'airosa  barretina  del 

color  del  clavell  que  vermelleja,  junt  amb  un  brot  d'alfabrega  en 

la  botonera  mes  alta  de  l'ermilla.  Un  dels  mes  gallarts  i  de  bona 

llavia  porta  la  cistella,    que   ha   guarnit   la   pabordesa   del    Roser 

amb  tots  sos  flocs  i  cintes  i  rams  de  monja  ;  i  darrera  la  colla  ve 

tôt  estufat  el  traginer,   tirant  el   ronçal   del   matxo,   que,  guarnit 

amb   sa   cabeçada   vermella  nova  i  flamanta,   estrenada  el   dia  de 

Sant  Antoni,  a  cada  cop  de  cap   fa   sentir    d'un    quart   lluny    ses 

cascabellades  i   rengles  de  picarols.   Sobre   '1   bast,   també   nou  i 

enribetat,    van    els    arganells,   plens   de  blanquissims  ous,  coberts 

amb    una   manta    blava.    Arribant   a   la   masia,    truquen    i    per  tôt 

Deu-vos-guard  se  posen  a  cantar   els   Set   goigs   de   la   Mare    de 

Deu. 

J.  Verdaquer,  Excursions. 


rammmmïmumt'îmîï 

Chroniqueurs  et  Hisbriens  Catalans 

des  Xlir  ^  XIV  siècles 

cSSÇ^SLa  {SUITE) 

Le  roi  d'Aragon  s'était  engagé  à  faire  vider  l'île  aux  almuga- 
vares  et  à  leurs  compagnons,  tous  ses  sujets.  Mais  ceux-ci  n'étaient 
pas  disposés  à  revenir  chez  eux.  Ils  saisirent  donc  avec  empresse- 
ment une  occasion  qui  se  présentait  de  faire  la  guerre  ailleurs. 
Les  Turcs,  maîtres  de  l'Asie  Mineure,  menaçaient  Constantino- 
ple.  L'empereur  Andronic  appela  à  son  secours  Roger  de  Flor 
et  ses  troupes.  Muntaner  suivit  Roger  de  Flor  et  lui  resta  étroi- 
tement lié  ;  «  Ce  fut,  dit-il,  le  plus  généreux  homme  qui  fut 
jamais,  car  tout  ce  qu'il  gagnait  il  le  partageait  en  don  entre  les 
notables  chevaliers  du  Temple  ou  avec  les  nombreux  amis  qu'il 
savait  se  faire  »,  que  aquesi  /rare  T\oger  /o  lo  pus  îlarch  hom  que 
hanch  naixques...  e  toi  quant  ell  guanya  deparlia  e  donava  per  los 
honrats  cavaliers  del  Temple  e  de  molls  amichs  quen  sahia  guanyar  [\). 
Roger  de  Flor  fut  fait  «  mégaduc  »  (grand  duc)  par  Andronic, 
qui  lui  donna  en  mariage  une  princesse   de   la   famille  impériale. 

«  La  Grande  Compagnie  Catalane  »  passa  aussitôt  en  Anatolie 
pour  combattre  les  Turcs  (i2o3).  Alors  commença  cette  étrange 
et  héroïque  expédition  des  Catalans  et  Aragonais  en  Orient  dont 
Muntaner  fut  le  brillant  et  naïf  historiographe  {2).  Son  récit 
constitue  l'épisode  fondamental  de  sa  Chronica. 

Débarqués  en  Asie,  sur  le  rivage  de  Marmara,  au  promontoire 
de  Cyzique,  qu'on  appelait  alors  Artaki,  La  Compagnie  ne  tarda 
pas  à  fondre  sur  les  Turcs  dont  cinq  mille  furent  tués  (derniers 
jours  d'octobre  i3o3).  Au  mois  de  mai  de  l'année  suivante,  l'ar- 
mée turque  fut  encore  vaincue,  et  Roger  marcha  sur  Philadelphie, 
où  il  les  décima  :  des  huit  mille  cavaliers  et  douze  mille  hommes 
de  pied,  il  ne  s'en  échappa  que  mille  cavaliers  et  cinq  cents  pié- 
tons, au  dire  de  Muntaner  qui,  évidemment,  exagère. 

(1)  Chronica,  ch.  cxciv. 

(2)  Ibidtm,  à  partir  du  ch.  cxcix. 


—  i85  — 

L'un  des  chefs  catalans,  Bérenger  de  Rocafort,  qui  était  resté 
en  Sicile  pour  régler  quelques  affaires,  venait  d'arriver  à  Cons- 
tantinople  avec  deux  galères  et  deux  cents  hommes  de  cheval 
bien  équipés  de  tout  leur  harnais,  moins  les  chevaux,  et  environ 
mille  almugavares.  L'empereur  lui  donna  l'ordre  d'aller  rejoindre 
le  mégaduc  Roger  de  Flor  et  la  Companya  qui  venaient  d'infliger 
de  grandes  pertes  aux  Turcs  près  de  Philadelphie  et  à  Thira^ 
l'antique  Teira.  Muntaner  alla  au-devant  de  Rocafort  et  le  con- 
duisit à  Ephèse,  hon  es  îo  monimenf  de  Mosenyer  Sanct  Joan  "Evan- 
gelisia  (i).  Le  mégaduc  créa  Bérenger  de  Rocafort  senescal  de  la 
ost.  Les  Turcs  avaient  réuni  une  nouvelle  armée,  évaluée  à 
dix  mille  hommes  de  cheval  et  à  vingt  mille  hommes  de  pied.  Le 
mégaduc  avec  sa  cavalerie  fondit  sur  les  cavaliers  turcs,  tandis 
que  Bérenger  de  Rocafort,  avec  ses  almugavares,  attaqua  les 
hommes  de  pied.  «  Et  là,  dit  Muntaner,  vous  auriez  pu  voir 
des  faits  d'armes  tels  que  jamais  nul  homme  n'en  vit  de  pareils  », 
e  aqui  vaereh  feyls  darmes  que  jatnes  tal  cosa  no  vae  nul  hom.  Cette 
bataille  eut  lieu  au  lieu  dit  «  la  Porte  de  Fer,  passage  qui  sépare 
l'Anatolie  du  royaume  d'Arménie  ».  Là  dix-huit  mille  Turcs  res- 
tèrent sur  le  terrain,  et  les  Catalans  s'emparèrent  d'un  immense 
butin,  y  compris  toute  sorte  de  provisions  ;  ce  qui  fait  que  «  la 
Compagnie  passa  une  bonne  nuit  sur  le  champ  de  bataille  »,  E  axi 
aquella  nuyi  la  Companya  hagren  hona  nuyt,  quels  Turchs  perderen 
lotes  les  viandes  e  ells  besîiars  (2).  C'était  la  défaite  définitive  de 
l'armée  turque. 

L'empereur  rappela  le  mégaduc  et  ses  troupes  à  Constantino- 
ple.  Celui-ci  quitta  l'Anatolie,  établit  ses  quartiers  à  Gallipoli  et 
vint  trouver  l'empereur  dans  son  palais  avec  quelques  hommes  de 
sa  suite.  L'Empereur  Andronic,  reconnaissant  ou  effrayé,  revêtit 
Roger  de  la  dignité  de  César,  tandis  que  le  titre  de  mégaduc  fut 
attribué  à  l'un  des  plus  distingués  chefs  de  l'armée  catalane, 
Bérenger  d'Entença,  allié  à  la  maison  d'Aragon  par  la  reine. 
Avant  de  rejoindre  ses  troupes  à  Gallipoli,  Roger  de  Flor  vou- 
lut aller  prendre  congé  de  Michel,  le  fils  d'Andronic,  qui  était  à 
Andrinople.    Michel    n'avait    pu    lui    pardonner    des    succès   qui 

(1)  Chronica,  ch.  ccvi. 
(a)  Ibidem,  ch.  ccvn. 


—   i86  — 

étaient  sa  propre  humiliation,  et  Roger  fut  assassiné  dans  le  palais 
du  prince  (premiers  jours  d'avril  i  3o5)  par  des  soldats  aJains  au 
service  de  Michel. 

Muntaner  était  resté  à  Gallipoli  avec  le  gros  de  l'armée  cata- 
laae,  qui  se  vit  bientôt  attaquée  par  les  troupes  impériales  ;  mais 
il  tint  bon,  fortifia  la  ville,  et  «  la  Compagnie  »  décida  d'envoyer 
à  l'empereur  un  défi  qui  fut  porté  à  Constantinople  par  des  délé- 
gués, parmi  lesquels  deux  chefs  almugavares...  «  Ils  défièrent 
l'empereur,  dit  Muntaner,  et  puis  ils  l'accusèrent  de  foî-mentie 
et  déclarèrent  que  dix  contre  dix  et  cent  contre  cent  ils  étaient 
prêts  à  prouver  «  que  mauvaisement  et  faussement  il  avait  fait 
tuer  le  César  et  les  autres  gens  qui  l'avaient  accompagné,  et  qu'il 
avait  fait  faire  des  courses  sur  la  Compagnie  sans  défi  préalable, 
et  qu'ainsi  il  avait  menti  à  sa  foi,  et  qu'à  dater  de  ce  jour  ils  se 
détachaient  de  lui...  Et  l'empereur  s'excusa,  protestant  qu'il  ne 
l'avait  point  fait.  Et  voyez  comme  il  pouvait  s'excuser  !  Ce  jour 
même  il  fit  tuer  tout  ce  qu'il  y  avait  de  Catalans  et  Aragonais  à 
Constantinople  et  aussi  l'amiral  Ferran  d'Aunes»,  desafiaren  Vem- 
perador,  e  puix  lo  reptaren  de  fe,  es  proferien  que  deu  per  deu  e  c. 
per  c.  que  eren  aparellah  de  provar  que  malament  e  falsa  havien 
malai  lo  César  e  les  altres  gens  qui  ah  ell  eren  anals,  e  havien  corre- 
guda  la  Companya  sens  desafiar,  e  axi  quen  -valia  menys  sa  fe,  e  que 
daqui  avanl  ques  desixien  dell. . .  E  lemperador  escusas  que  ell  nou 
havia  fèi.  Veus  corn  sen  podia  escusar  !  e  aquell  dia  maieix  feu  malar 
lois  quants  Calhalans  e  Aragonesos  havia  en  Constanlinoble  ah  "En 
Terran  Daunès  Mlmirall  (i). 

Sur  ces  entrefaites,  le  brave  Bérenger  d'Entença  s'aventura  dans 
une  excursion  maritime  et  fut  pris  en  trahison  par  les  Génois 
qui  l'emmenèrent  à  Péra  et,  de  là,  à  Gênes.  Muntaner  offrit  en 
vain  aux  Génois  dix  mille  perpres  d'or  pour  la  rançon  de  son 
ami.  Alors  les  Catalans,  privés  de  leurs  deux  chefs  les  plus  capa- 
bles, se  tournèrent  vers  Muntaner  dont  ils  connaissaient  bien  la 
loyauté  de  caractère,  l'intelligence  et  l'esprit  d'ordre,  de  conci- 
liation et  de  fermeté,  et  le  sollicitèrent  de  diriger  la  Compagnie. 
Dans  ce  moment  de  trouble,  la  plupart  étaient  d'avis  de  quitter 
Gallipoli  et  de  se  transporter  avec  toutes  leurs  nefs  dans  l'île  de 

(i)  Chronica,  ch.  ccxvi. 


—  187  -- 

Lesbos  pour,  de  là,  faire  la  guerre  à  l'empereur.  L'autre  avis,  qui 
fut  celui  de  Muntaner,  «  était,  dit-il,  que  grande  honte  serait  à 
nous  si,  après  avoir  perdu  deux  hauts  seigneurs  et  tant  de  bra- 
ves gens  qu'on  nous  avait  tués  par  si  haute  trahison,  nous  ne  les 
vengions  pas  ou  si  nous  ne  mourions  pas  avec  eux  ;  qu'il  n'y  avait 
personne  qui  ne  dût  nous  en  lapider,  surtout  étant  gens  de  haute 
réputation  comme  nous  étions,  et  la  justice  étant  de  notre  côté, 
et  qu'ainsi  il  valait  mieux  mourir  avec  honneur  que  vivre  avec 
déshonneur.  Que  vous  dirai-je  ?  Le  résultat  du  Conseil  fut  qu'il 
fallait  décidément  combattre  et  poursuivre  la  guerre,  et  que  tout 
homme  qui  dirait  autrement  devait  mourir  >,  E  l'alire  conseil  era 
aquesi  :  que  gran  vergonya  séria  nosîra  que  haguessem  perdul  dos 
senyors  e  îanta  de  hona  gent  quens  havien  morla  en  lant  gran  Iraycio, 
e  que  nols  venjassem  o  mûrissent  ab  ells,  que  no  havia  gent  el  mon 
que  notis  degues  a  lapidar,  e  majormenî  que  fossem  genis  de  aylal 
fama  com  erem  e  quel  drel  fos  de  la  nosîra  part,  e  axi  que  mes  valia 
mûrir  a  honor  que  viure  ab  deshonor.  Queus  dire  ?  La  fi  del  conseil  fo 
que  de  lot  en  toi  nos  combatessem  e  prenguessem  la  guerra,  e  que  toi 
hom  mûris  qui  ah  hi  dixes  (j). 

C'était  à  peine  s'il  restait  trois  mille  trois  cents  combattants 
valides  à  Gallipoli,  tant  cavaliers  que  piétons  et  matelots,  et 
cette  poignée  d'intrépides  soldats  osa  entrer  en  lutte  avec  l'empire 
byzantin  tout  entier  î  Partout,  à  partir  de  ce  moment,  on  voit 
Muntaner  revêtu  de  la  confiance  des  siens  pour  les  postes  les 
plus  difficiles.  «  Gallipoli,  dit-il,  était  le  chef-lieu  de  toute  l'ar- 
mée, et  moi  j'étais  à  Gallipoli  avec  toute  ma  maison  et  tous  les 
secrétaires  de  l'ost,  et  j'étais  capitaine  de  Gallipoli  ;  et  tant  que 
l'armée  y  était,  tous  devaient  reconnaître  mon  autorité,  du  plus 
grand  au  plus  petit  »,  Galipol  era  cap  de  Iota  la  hosl,  e  a  Galipol  eslava 
yo  e  lot  mon  alherch  e  lots  los  escrivans  de  la  hosl,  e  yo  era  capila  de 
Galipol,  que  com  la  hosl  hi  era,  luyt  havien  fer  drel  en  mon  poder, 
del  major  al  menor  (2). 

Michel  attaqua  les  Catalans  qui  lui  tuèrent,  au  dire  de  Mun- 
taner, vingt-six  mille  hommes  entre  gens  de  pied  ou  de  cheval. 
Les  vainqueurs  allèrent  ravager  Rodorto,  cette  cité  où  les  députés 

(1)  Chronica.  ch.  ccxix. 

(2)  Ibidem,  ch.  ccxxv. 


-    i88  — 

de  la  Compagnie  «  avaient  été  tués,  coupés  en  quartiers  et  sus- 
pendus dans  la  boucherie  »,  JHes  fe  la  Companya  en  cor  que  anas 
barrejar  la  ciufal  de  7{edisco,  lia  bon  los  nostres  missagers  havien 
morts  e  esquarîerah  e  posais  en  la  carniceria  a  quarîers  (i). 

Pendant  ce  temps,  «  Bérenger  de  Rocafort  était  allé  courir  bien 
à  une  journée  de  là,  en  un  lieu  qui  est  dans  la  Aler  Majeure  (la 
Mer  Noire)  et  qui  a  nom  Stenia,  où  se  font  toutes  les  nefs,  téri- 
des  et  galères  qui  se  construisent  en  Romanie  ;  et  il  y  avait  à 
Stenia  plus  de  deux  cent  cinquante  lins,  entre  uns  et  autres,  et 
les  brûlèrent  tous,  et  ils  incendièrent  toute  la  ville  et  toutes  les 
maisons  de  campagne  du  pays  et  ils  s'en  retournèrent  avec  d'im- 
menses prises,  et  ils  y  firent  un  tel  butin  que  ce  fut  sans  fin  et 
sans  compte»,  Menlre  aço  se  feu,  En  J^ocafori  era  anal  a  correr  be 
una  Jornada  en  un  lloch  qui  es  en  Mar  Major  qui  a  nom  "Lestenayre, 
bon  se  fan  lotes  les  naus  e  terides  ei  galees  quis  fan  en  J^omania.  E 
baviaki  en  Lestenayre  mes  de  CL.  lenys,  entre  uns  e  altres,  e  lots  los 
cremaren  e  prengueren  lots  los  nostres  e  affegaren  toia  la  vila  e  eh 
casais  d'aquell  lloch,  e  tornarensen  ab  gràn  presa,  e  guanyaren  fan 
que  fo  sens  fi  (2). 

Peu  de  jours  après,  la  Compagnie  décida  d'aller  combattre  les 
Alains  et  leur  chef  Gitcon  qui  avaient  aidé  à  l'assassinat  de 
Roger  de  Flor  et  des  nombreux  Catalans  habitant  Andrinople  et 
Constantinople.  «  Nous  nous  mîmes  en  tête,  dit  Muntaner,  Roca- 
fort, Ferran  Ximenès,  moi  et  les  autres,  que  tout  ce  que  nous 
avions  fait  n'était  rien  si  nous  n'allions  combattre  les  Alains  qui 
nous  avaient  tué  le  César.  Et  finalement  l'accord  fut  pris  et  nous 
mîmes  à  l'instant  la  chose  en  œuvre  »,  Metemnos  tuyt  en  cor  En 
T^ocafort  e  En  Terran  Eximenis  e  els  altres  que  tôt  quant  haviem  feyt 
no  valia  res  si  nons  anavem  combatre  ab  los  Alans  quins  havien  mort 
lo  César.  E  finalmenl  lacord  fo  près  et  de  présent  la  cosa  melem  en 
obra  (3).  L'armée  catalane  courut  sus  aux  Alains  «  sur  les  terres 
du  roi  des  Bulgares  ».  Ils  atteignirent  l'ennemi  quelques  jours 
après,  tuèrent  Gircon  et  massacrèrent  toute  sa  troupe. 

Muntaner  était  resté  à  Gallipoli,  qui  était   devenu   le  chef-lieu 

(i)  Chronica,  ch.  ccxxii. 

(2)  Ibidem,  ch.  ccxxv. 

(3)  Ibidem. 


—   1Ô9  — 

de  toute  l'armée,  et  on  ne  lui  laissa  pour  toute  garnison  que 
deux  mille  femmes  et  deux  cents  hommes.  11  y  fut  attaqué  par  les 
Génois  ;  nous  verrons  plus  loin  comment  il  sut  défendre  la  ville. 


Alphonse  111,  roi  d'Aragon,  avait  obtenu  la  liberté  de  Béren- 
ger  d'Entença  qui  se  hâta  de  venir  rejoindre  la  Compagnie  à  Gal- 
lipoli. 

«  Quand  il  fut  arrivé  à  Gallipoli,  dit  Muntaner,  je  le  reçus  fort 
honorablement  en  homme  que  je  devais  regarder  comme  chef 
supérieur.  Mais  Rocafort  ne  voulut  point,  lui,  le  reconnaître  pour 
chef  et  supérieur,  et  il  prétendit  que  c'était  lui-même  qui  était 
chef  et  devait  être  chef.  Et  le  débat  fut  grand  entre  eux.  Et 
moi,  ainsi  que  les  douze  chefs  du  conseil  de  l'host  nous  leur 
recommandâmes  de  vivre  entre  eux  comme  frères...  Mais  Roca- 
fort, en  homme  plein  d'expérience,  s'attacha  tellement  les  almu- 
gavares  que  tous  lui  faisaient  comme  une  garde...  Rocafort  était 
le  chef  le  plus  fameux  de  notre  armée,  de  sorte  que  de  là  en 
avant,  ils  ne  connurent  aucun  seigneur  en  opposition  à  lui  »,  E 
com  fo  a  Galipol  yo  reehiî  moll  honradamenl  axi  corn  aqueîl  que  dévia 
tenir  per  cap  e  per  major  ;  e  En  T^ochaforl  nol  vol  reebre  per  cap, 
ans  entes  que  ell  era  cap  e  que  ell  dévia  esser  cap  ;  e  axi  aqueîl  con- 
irast  fo  gran  entre  amdos.  "E  yo  e  aquells  XJ1.  consellers  de  la  hosi 
adobamîos  axi  que  tots  fossin  axi  com  /rares  (i). 

Durant  ces  dissensions,  l'Infant  Ferran  de  Majorque,  fils  du 
roi  Sanche,  roi  de  Majorque,  débarqua  à  Gallipoli.  11  apportait, 
dit  Muntaner,  a  un  diplôme  écrit,  adressé  à  Bérenger  d'Entença, 
à  Ferran  Ximenès,  à  Rocafort  et  à  moi  de  la  part  du  seigneur 
roi  de  Sicile  pour  nous  prier  de  recevoir  le  seigneur  Infant 
Ferran  pour  chef  et  seigneur  comme  si  c'était  lui-même  »,  E  axi 
lo  senyor  Infant  vench  a  Galipol  e  porta  caria  an  Berenguer  Dentença 
e  an  Terran  "Eximenis  e  an  J^ochafott  e  a  mi  de  pari  del  Senyor  7{ey 
de  Sicilia  que  reebessem  lo  Senyor  Infant  En  Terrando  per  senyor  axi 
com  la  sua  persona  (2). 

(A  suivre)  Pierre  Vidal. 

(i)  Chronica,  ch.  ccxxix, 
(2)  Ibidem,  ch.  ccxxx. 


A  propos  de  l'Université  Catalane 
de  Perpignan 

On  lira  avec  satisfaction  la  belle  et  réconfortante  lettre  ci- 
jointe  du  très  distingué  académicien  provençal,  M.  Emile  Ripert, 
que  le  directeur  de  la  7{evue  Catalane  a  reçue,  il  y  a  quelque 
temps,  à  propos  de  ses  divers  articles  parus  ici  même,  sur  ïUni- 
versifé  de  Perpignan,  foyer  de  vie  catalane. 

Marseille,  le  îS  avril  1910. 
Monsieur  l'Abbé  et  cher  Confrère, 

J'ai  .été  très  sensible  à  l'aimable  envoi  de  votre  brochure  sur  VUniversitê 
de  Perpignan.  Elle  est  du  plus  haut  intérêt  et  j'espère  bien  qu'elle  sera  la 
préface  de  l'œuvre  à  réaliser  et  qui  peut,  qui  doit  être  réalisée. 

Quel  gain  pour  l'esprit  public  dans  quelques  années,  si  vos  prêtres  et  vos 
instituteurs  pouvaient  être  initiés,  par  les  soins  d'un  Institut  semblable  à 
celui  que  vous  préconisez,  à  la  langue,  à  la  littérature,  à  l'histoire  de  leur 
pays  natal  ! 

C'est  l'œuvre  que  je  veux  tâcher  de  réaliser  en  Provence,  en  m'appuyant 
sur  ce  qui  existe,  mais  en  le  mettant  au  point  et  en  le  développant  ;  c'est 
l'œuvre  que  vous  avez  à  créer  chez  vous  de  toutes  pièces.  Mais  courage  ! 
Vous  ne  manquez  ni  d'hommes,  ni  d'argent  en  Roussillon  :  vous  pouvez 
espérer  beaucoup. 

Je  parlerai  de  votre  idée  en  Avignon  où  je  vais,  jeudi  prochain,  ouvrir  le 
cours  de  littérature  provençale  à  l'a  Institut  du  Palais  des  Papes  »,  qui  se 
propose  un  but  semblable  à  celui  que  vous  préconisez.  Marchons  ainsi  «  la 
man  dins  la  man  »  à  la  conquête  des  libertés  locales  et  des  moyens  d'action 
qui  nous  sont  nécessaires  pour  rendre  à  nos  beaux  pays  leur  gloire  intellec- 
tuelle. 

Soyez  assuré  de  ma  très  vive  sympat'nie  et  recevez,  je  vous  prie. 
Monsieur  l'Abbé  et  cher  Confrère,  l'expression  de  mes  sentiments  les  plus 
distingués  et  tout  dévoués.  Emile  Ripert. 

Les  amis  de  la  petite  patrie  roussillonnaise  se  réjouiront  avec 
nous  du  grand  intérêt  que  témoigne  à  nos  projets  de  renaissance 
catalane  une  personnalité  telle  que  le  signataire  de  la  lettre  qu'on 
vient  de  lire.  Nos  amis  de  Provence  s'y  intéressent  de  même 
façon,  comme  bien  d'autres  encore  de  toutes  les  régions  de  France, 
voire  de  l'étranger,  qui  nous  en  ont  exprimé  leur  admiration  et 
leur  vif  désir  de  voir  notre  œuvre  soutenue,  appuyée  comme  elle 
le  mérite  par  les  pouvoirs  compétents,  afin  qu'elle  devienne  sous 
peu  une  vivante  réalité.  Au  nom  de  ceux  qui  aiment  vraiment 
leur  patrie  catalane,  nous  prions  notre  cher  confrère  et  ami  de 
Provence  de  trouver  ici  l'expression  de  notre  très  sympathique 
reconnaissance  pour  l'apprécié  réconfort  qu'il  vient  de  nous  don- 
ner une  fois  de  plus.  J.  S. 


DOCUMENTS  HISTORIQUES 

sur  la  Ville  de  Perpignan 

l>o    '  (SUITE) 


XX.  Ordonnance  concernant  tes  travaux  à  exécuter  pour  obvier  aux  inondations 
de  la  Tet  ;  impût  du  Tait. 

Après  les  sentences  du  bayle  et  des  consuls  de  Perpignan,  en 
i335  et  1378,  et  les  procès-verbaux  relatifs  au  redressement  de 
la  rivière  de  la  Tet,  de  nouvelles  réparations  s'imposaient  :  aussi, 
le  27  janvier  1440,  une  ordonnance  était  promulguée,  relative  aiix 
réparations  et  constructions  des  digues  nécessaires  à  enrayer  les 
inondations  de  la  rivière  et  au  Tall  ou  impôt  direct  auquel  étaient 
assujettis  les  diflFérents  tenanciers,  riverains  du  fleuve. 

Voici  le  document  in  extenso  : 

27  janvier  1440 

En  Père  Roure,  lochtinent  del  molt  honorable  mossen  Bernât 
Albert,  cavalier,  Procurador  Reyal  e  Maestre  de  les  Aygues  en 
los  comtats  de  RossellovC  de  Cerdanya,  En  Steve  Mir,  licenciât 
en  décrets,  jutge  del  Patrimoni  Reyal  en  los  dits  comtats.  Als 
honorables  consols  de  la  universitat  de  la  vila  de  Perpenya  c 
regidors  de  la  taula  comuna  de  cambi  de  la  dita  vila,  salut  e  pros- 
peritat.  Com  per  obviar  aïs  grans  e  irréparables  dampnatges,  los 
quais,  per  diluvis  d'aygues  discorrents  en  lo  fluvi  de  la  Tet,  sovin 
se  acustumen  seguir  en  moites  e  diverses  terres  e  possessions 
circumstants  al  dit  fluvi  de  la  Tet,  sien  stades  ordinades  e  delibe- 
rades  certes  resclauses  e  altres  obres  e  reparacions  per  direccio  e 
conservacio  del  dit  fluvi  necessariament  faedores,  e  per  dar  com- 
pliment e  bona  expedicio  en  aquelles,  per  utilitat  de  la  cosa 
publica,  sien  stats  ordinats  e  fets  certs  talls  de  e  per  les  dites 
terres  e  pocessions  e,  per  semblant,  per  los  censés  e  dretes  senyo- 
ries  de  les  dites  terres  e  possessions  en  certes  quantitats  de  peccu- 
nies  pegadores  per  los  possehidors  e  detenidors  de  aquelles.  E 
per  la  honorable  madona  Anna,  muller  del  honorable  mossen  Se- 


—  191  — 

guer  de  Perapertusa,  cavalier,  quondam,  axi  com  à  possehidora 
de  moites  terres  e  possessions  e  de  diverses  censés  e  dretes  senyo- 
ries  al  dit  tall  tengudes  e  obligades,  sien  degudes  lx  lliures  1111  dî- 
ners, les  quais,  jatsie  li  sie  stat  fet  manament  de  pagar  aquelles 
al  cullidor  del  dit  tall,  ha  recusades  pagar,  en  gran  prejudici  del 
dit  tall  e  manifesta  turbacio  de  les  obres  e  reparacions  damont 
dites  ;  e  com  la  dite  honorable  madona  Anna,  segons  som  infor- 
mats, hage  acustumat  reebre  sobre  la  universitat  de  la  dita  vila 
decem  libres  de  censal  cascun  any  à  xxi  de  janer  ;  e,  per  raho 
del  dit  censal  sien  degudes  à  la  dita  madona  Anna  decem  libres 
per  la  paga  de  xxi  dia  de  janer  prop  passât  :  per  tant,  de  part 
del  senyor  rey  e,  per  auctoritat  dels  ofifîcis  dels  quais  usam,  à  ins- 
tancia  e  requesta  d'En  Bernât  Genset,  obrer  gênerai  de  les  dites 
obres  e  reparecions,  e  d'En  Barthomeu  Stapat,  cullidor  e  reebe- 
dor  de  les  peccunies  del  dit  tall,  à  vosaltres  dehim  e  manam 
expressament  e  de  certa  sciencia  que  com  per  los  dits  obrer  e 
cullidor  requests  serets,  en  continent  paguets  e  deslliurets  al  dit 
cullidor  e  reebedor  les  dites  decem  lliures  per  raho  del  dit  tall 
compensadores  à  la  dita  madona  Anna  e  deduidores  per  lo  dit 
cullidor  e  reebedor  de  les  desus  dites  lx  lliures  iiii  diners.  E  aço 
no  dilatets,  com  nos  attesa  la  seleritat  de  les  dites  obres  e  repa- 
racions, e,  considérant  lo  perill  que  es  en  la  triga,  axi  per  jus- 
ticia  hajam  desliberat  que  s'  faça  ;  cobrants  empero  vosaltres  del 
dit  cullidor  e  reebedor,  en  lo  deliurament  de  les  dites  deu  lliures, 
apocha  ab  la  présent  per  cautela  suficient. 

Dada  en   Perpenya,  à  xxvu  de  janer  del  any  de  la  nativitat  de 
Nostre  Senyor  M.  CCCC.  quaranta. 

Vidit  Stephanus  (i). 

Archives  des  Pyrénées-Orientales,  B.  254.  Procuracio  real,  registre  VII, 
f°  167  v°. 

Henry  Aragon. 

(i)  Cf.  sur  ce  tall,  ordonné  pour  les  réparations  de  la  Tet,  divers  autres 
documents  de  la  même  époque,  B.  254,  passim. 


Le  Gérant,  ~  COMET.  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Poste.  Perpignan 


14'  Année.  N^  167  Septembre  I9lè 

Les  Manuscrits  non  inscréi  ^^  ^P^^  V^  4  ^^^ 

ne  sont  pas  rendus.  M^L  mTa  ^W     1    J  M^^ 


CATALANE 


Les  Articles  parus  dans  ia  Revue 
n'engagent  que  ieurs  auteurs. 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 


NOTES  DEL  POBLE 

L'home  de  la  Primavera 


El  poeta  qui  vol  flabiolejar  la  primavera  es  un  infeliç,  es  un 
dcsgraciat.  Perqué,  per  mes  que  s'hî  cnginyi  amb  un  vocabulari 
d'allô  mes  triât,  no  hî  reixirà  â  encaptivar  la  primavera,  una  noia 
de  génit  tant  festiu  i  rialler,  qu'ara  canta  assi  seguda  en  la  rama, 
disant  els  braços  humits  de  verdor,  qu'ara  s'enfîla  alla  sobre  una 
roca,  lluint  al  sol  com  un  vidre  de  porronet,  i  ara  us  desperta  de 
matinada  amb  els  glops  de!  rossinyol,  i  ara  refila  nit  avall,  refila. 
El  poeta  qui  caça  la  primavera  es  un  desgraciat. 

Te  recorda  aquell  home  qu'hem  vist  sota  els  Escatllars,  al 
temps  ont  el  presseguer  treu  flor  ?  Era  un  home  petit,  humil, 
vestit  de  pellingots  rossencs,  qu'havfen  atrapat  el  color  i  la  forma 
d'un  tcrroç  regirat  per*  l'aixada  ;  i  espellifat  i  mal-clenxat  com 
era,  tenîa  les  aparençes  d'una  rata  d'herbâm  6  d'un  simiot.  Mes 
lluny  hi  havia  à  l'estaca,  â  una  vora  de  les  userdes,  una  burra 
pentinada  pels  carts  de  marge  i  els  argelacs  de  terra  magre, 
coberta  l'esquena  d'una  sarri  esfîlagarçada,  i  del  mateix  color 
rossenc  que  la  vestidura  de  l'amo. 

1  jo  t'he  dit  :  aquella  burra  es  la  burra  de  l'homenot.  1  es  tant 
clar  que  son  de  mateixa  pasta  I 

El  gos  que  seguia,  el  farô,  tenîa  cl  pel  mes  escampat  qu'una 
fîlosa.  Les  très  criatures  s'agermanaven,  com  sant  Roc  amb  cl  câ, 
sant  Antôni  amb  cl  porcell.  I  bé,  mai  ho  dirîcs,  aquell  home  era 
l'home  de  la  Primavera,  i  mal  que  no  ho  volguis,  no  m'ho  treu- 
rias  de!  magî. 


—  «94  — 
T'cxplicaré  aquêt  secret.  Seguia  la  vora  de  les  canals,  cap  al 
mas  de  l'Adroer.  Aquells  marges  van  sempre  vestits  de  fullàm. 
Ja  el  coneixes,  el  caminot  d'armonîes  verdes  i  callades,  ont  n'hom 
va,  les  parpelles  mitg-cluques,  per  la  dolcesa  que  s'hî  respira,  j 
les  elres,  j  els  tendres  avellaners,  i  els  roures,  i  les  albes  empla- 
taiades  que  s'hi  crîen.  Tôt  allô  es  tant  graciés  que  els  boscassaires 
hî  tenen  respecte,  com  si  unes  mans  insospitades  i  de  clara  i  verda 
tendresa  els  deturessin  l'eina.  No  hî  passa  persona  que  no  s'hî 
trobi  cor-presa  ;  hî  murmuregen  amantament  unes  veus  deiicioses, 
njt  i  dîa,  en  les  forques  dels  brancs,  en  cada  sospir  de  fulla  alada. 
Jo  el  seguia,  aquell  caminot,  pensant  que  l'encantada  bé  s'hî  mos- 
trarîa  com  ne  té  costiim,  quan  te  veig  alla,  sota  el  cobert  de  rama 
fresca,  un  home  petit,  que  caminava  a  pulidet,  amb  un  farcell  i 
una  corda  que  li  penjava  del  braç  ;  i  â  vegades  semblava  s'aturar 
per  mirar  la  lluissor  del  riu,  entre  les  mates  de  salit. 

Aviat  l'havîa  desconseguit,  i  vetaloquî  que  s'arrima  honestament 
per  me  fer  pas,  palplantat  en  el  marge,  i  ens  acarem  de  cop  i 
volta.  Encare  que  l'haguès  vist  una  sola  vegada,  i  de  lluny,  prou 
que  l'havîa  reconegut  ;  era  l'homenot  dels  Escatllars.  Verge  Marîa, 
i  quina  figura  d'altre  temps  !  Bé  te  '1  voldrîa  mostrar,  amb  sa 
carassa  trencada  de  clots  i  rufes.  El  pel  li  eixîa  de  les  orelles  i 
de  les  narius  ;  li  puntejava  à  les  cordes  de  la  gargamella,  com  les 
agulles  en  un  coixinet,  li  feia  â  cada  galta  un  tofell  moflet  sem- 
blant â  un  niu  de  cardines,  i  del  cugot  li  baixava  una  broça  des- 
tenyida  i  répugnant  en  l'ample  i  arrodonit  espatller.  Era  tôt  un 
matasser  d'espines  i  forçats.  Quina  raresa  d'home  primitiu  !  Petit, 
acossegat,  aixancat  â  tall  d'alzina,  els  calsots  de  burell  li  baixaven 
sobre  les  espardenyes  de  corda  que  traginava  â  ran  d'herba  ;  i 
amb  aixô  posava  prou  ferm  les  plantes,  calcigava  la  terra  â  la 
manera  del  bou,  que  té  temps  i  paciencia  ;  i  en  aquella  cara  gra- 
ciosa,  tallada  d'esquerdes  i  crelhes,  sota  el  ram  de  les  cilles,  els 
ullets  hî  lluîen  curiosament,  amb  la  claror  del  vî  ranci  â  mitg- 
porrô. 

—  «  I  aneu  pel  reparo,  fa  ;  aquî  à  les  canals  es  â  l'abric  del 
vcntoler  !  » 

]  quin  parlar  estrany  !  Rauquejava  aixîs  com  un  garguinyol 
abscondit  entre  penyes.  De  bon  principi,  com  l'havîa  deixat  passar 
devant,    no   li    podîa   seguir   l'enraonament,   que  l'aire  i  la  fressa 


-  .9^  - 

de  les  canals  se  li  enduien  les  paraules  bon  punt  eixîen  dels  lla- 
viots  ;  mes,  per  me  tornar  la  cortesîa,  me  deixà  el  pas  aitre 
vegada,  i  aixis  el  podîa  oir  millor,  per  tal  que  me  girava  6  dete- 
nia,  culHnt  la  flor  de  sos  aforismes  i  advertencies. 

Ensopegar  un  boscairol  i  li  fer  companyîa,  no  es  altre  el  vot 
del  poeta  quan  va  pels  marges  primaverencs  ;  es  allavors  que  amb 
la  llur  colla  s'hî  vé  a  afegir  la  silvestre  sirena  de  bosc,  i  ella 
murmureja  mes  amistosa,  amb  la  veu  engorjada  dels  ocellets  i 
l'imperceptible  vibraciô  de  la  rama.  Es  allavors  que  groguejen 
mes  amablement  els  cucuts  senzils  i  clars  com  l'aigua  de  taronja, 
i  s'anuncien  les  maduixetes  de  marge,  i  tôt  lluenteja,  i  tôt  es 
suavitat  i  placidesa  i  calma  en  l'espessa  profunditat  de  les  soca- 
lades... 

Anavem  pel  bosc,  el  simiot  i  jo  ;  baldament  ens  haguessin 
seguit  el  farô  de  pel  estarrufat  i  la  sauma  de  la  sarri  esfilagar- 
çada,  tôt  gent  de  bona  pasta  camperola  !  El  nostre  home  — 
posem  que  se  deia  Galdric,  i  tal  si  li  escau  el  nom  del  sant  de 
les  plujes  —  en  Galdric  m'havia  encantat  â  primera  vista.  A  fe 
que  m'honorava  de  li  fer  costat.  «  Es  ara,  me  deia,  que  s'alegraràn 
les  merles  i  els  rossinyols.  Quan  eri  petit  i  que  anava  â  regar, 
nit  entrada,  era  un  goig  d'oir  els  rossinyolets  ;  tôt  s'estava  callat, 
mes  ells  tenien  el  mestratge  dels  brancs,  i  feia  lluna...  » 

]  mira-assj  que  en  Galdric  s'aturava,  somniant  les  delicades 
impressions  de  jovenesa,  i  en  sa  veu  rauca  i  rogallosa  hî  posava 
no  se  quines  manyagueries  :  «  Feien  aixis  els  rossinyols  :  chitt  ! 
chi-itt  !  chi-i-itt  !  Vatûa  1  Qui  els  seguirîa  !  »  Per  contrafer  el 
xiuladiç,  avançava  la  llengota  â  frec  de  liavi,  entre  les  dents,  i 
mentrestant,  una  claror  resquitllava  de  sos  ullets,  una  claror  dolça, 
com  dos  gotes  de  raig  de  Iluna.  Per  cert  en  Galdric  era  tôt  un 
felibre. 

Avans  d'arribar  â  les  coves  de  la  canal,  alla  ont  tôt  llambrus- 
queja  en  la  penombra,  entre  vesUums  de  frondositats  i  d'aiguës 
mitg-assoleiades,  bon  recès  per  les  Uudries  i  les  sarcetes,  varem 
passar  per  la  palanca  que  tû  coneixes,  mitg-coberta  d'un  llensolet 
de  tuire  i  graber,  i  cami  amunt,  cap  al  sol  alegre,  entre  bardisses  1 

En  trobar  aquells  cirerers  selvatges,  que,  essent  mai  cullits, 
deixen  pel  juliol  tota  una  estesa  de  fruita  seca  a  terra,  en  Galdric 
encare  hi  rumiava  â  sos  ocellets.   «  Aviat  s'enrogiràn  les  cireretes. 


—   196  — 

Êls  ocells  seràn  contents.  Ja  s'hi  regalaràn,  pellucant  i  bacarre- 
jant  amb  un  tirit-tirit  !  » 

]  bé,  tôt  repensât,  cal  haver  viscut  anys  i  anys  en  el  bosc  per 
parlar  aixis  dels  ocells,  amb  tal  afectuosa  manyagueria  ;  cal 
qu'hagin  estât  els  companys  alats  de  totes  les  feines  del  cam- 
pestre,  de  les  hores  matineres  del  llaurar,  de  la  mitja-diada  enso- 
pida  i  brunzinadora,  de  la  quietut  tardanera,  i  de  la  nit  ben 
entrada,  quan  el  pages  afanyat  s'acâta  corn  una  ombra  per  obrir 
l'ullal  i  donar  l'aigua  â  les  feixes.  Pita-roig  ensangrentat  com  la 
cirera,  oriol  que  porta  els  paraments  de  la  tarder  en  la  pluma, 
merla  impregnada  amb  l'aiguatge  de  les  liâtes  movediçes,  pinsans 
grocs  i  bbus,  corderelles  del  terroç  i  pardalets  de  roca,  bosquetes 
lleugeres  com  una  capsa  que  fa  volejar  el  ventijol,  alegres  com- 
panys alats,  qui  us  estima  mes  que  el  pobre  Galdric  ?  Qui  sab 
millor  els  vostres  misteris,  ocells  de  la  punta  d'alba,  bonic 
sementer  escampat  pel  cel  ?... 

Aixîs  ens  estavem,  entornejats  de  poesîa.  Bardissa  avall,  sota 
les  figueres  ramudes,  que  tant  han  medrat  â  la  fresca,  encare  que 
tôt  hî  vingui  atapeît  per  l'elra,  el  saùc  i  el  lliga-bosc,  hî  rajava  la 
font  que  no  té  nom  i  descapdella  una  aigua  tant  fina. 

Mes  fina  es  per  en  Galdric  la  del  baixador  de  Bola.  Aqui  jo 
li  anava  â  l'encontre,  perqué  la  font  de  les  Amoretes  no  es  mes 
qu'un  bassal  ;  les  besties  de  llana  hî  trepitgen  tôt  entorn  i  els 
cans  hî  van  a  fer  la  llepada,  amb  un  glop-glop  seguit  ;  ademés, 
un  cap-bou  que  baixa  de  flor  d'aigua,  remingolant  la  cûa,  sempre 
que  n'hom  s'hî  acata,  un  sabater  que  rondineja  en  son  mirall,  una 
aranya  de  les  grogues  que  dança  i  's  régira,  esparverada  en  son 
teler,  un  bri  d'herba  movediç  que  fa  descloure  una  bolva  d'aire, 
color  de  vidre,  i  tal  vegada,  algunâ  salimandra  que  somiqueja  à 
la  fresca  del  veinât,  tôt  aixô  son  coses  ben  naturals  i  criatures  de 
Deu,  mes  que  us  espanten  la  set:  Ara  tii  me  diras  que  en  Galdric 
no  era  pas  gaire  délicat.  ]  bé,  filla,  se  cal  deixar  de  tais  raons. 
Per  tant  que  sapiga  apreciar  la  finor  de  les  fonts,  segura  que  no  li 
desplau  el  vî,  Quan  volîa  que  cantés  les  alabançes  de  l'aigua,  veta- 
quî  que  me  feu  girar  la  conversa  sobre  la  beguda  que  la  fa  verde- 
jar.  Parlava  poc,  l'home,  i  no  trobava  per  cert  totes  les  paraules 
volgudes,  talment  tinguès  unes  mastagueres  mal  empassades  al  clôt 
del  canyô,  mes  â  sa  manera  sabîa  posar  el  coté  quan  ho  calîa. 


—  '97  — 

El)  demanava  noves  de  l'absinta,  que  n'era  privât  de  prou 
temps,  i  el  problema  l'atormentava  :  tornarîa  6  no  â  trobar 
absinta  ?  Potsefer  que  pensés  que  jo  era  del  govern  i  li  podia 
tornar  resposta.  1  com  me  mirava  de  fit  â  fit,  com  m'escorcollava 
i  parava  orella,  el  bon  confrare  î  —  Mireu,  si  s'ha  suprimida 
l'absinta,  sera  per  una  raô,  li  deia  jo,  i  si  la  raô  ha  valgut  anys 
enrera,  me  sembla  que  pervaldrà  mes  endavant.  —  No  era  un 
escura-tinells  el  bon  Galdric.  Mes  al  temps  que  el  vî  anava 
a  cara  »,  gran  goig  de  ne  crompar  una  botellota  d'absinta  ;  i  li  va 
durar  prou  temps,  perqué  ne  barrejava  unes  poques  gotetes  amb 
aigua,  per  passar  el  jornal.  Bon  Galdric,  ja  ho  coneixia  que  feies 
penitencia  i  que  te  faltava  la  rajada  flairosa  del  vî.  Altre  temps, 
la  bota  cantava  per  tothom,  pel  digne  senyor  rector  com  pels 
pobres  mes  espallotits  qui  tenen  la  casa  mitg-arruinada,  penjada 
al  cimbori  del  poble,  amb  un  parral  que  s'hî  encranca.  Aixé  era 
al  temps  de  les  figues  seques,  arrufides  pel  sol  lleuger  d'ivern  en 
els  escarramells  del  finestrô  mitg-cluc,  el  temps  de  les  tartanes 
que  pujavcn  camî  de  Cerdanya,  amb  els  fores  d'ail  i  ceba,  i  gerres 
d'oli,  i  fruita  i  llegûm  de  tôt  color,  un  temps  régalât,  bon  Gal- 
dric, un  temps  beneît  de  vi  ranci,  i  Deu  sab  si  tornarà  â  Rossellô  î 

Bon  home,  haguès  tingut  una  borratxa  â  la  ma,  ell  haurîa  refilât 
com  el  rei  dels  ocells.  1  lo  que  xerren  les  fonts  d'amagatotis,  lo 
que  remoreja  la  verda  i  enamorada  encantada  del  fullàm,  â  l'hora 
del  silenci  mes  aquietat,  lo  que  tritlloleja  el  rossinyol  manyac, 
en  la  nit  callada,  quan  n'hom  va  â  regar,  tôt,  m'ho  haurîa  tôt 
contât.  Perqué  ne  ting  la  segurança,  petit  i  acossegat  com  era, 
amb  tôt  el  pel  corrediç  i  tumultuôs  en  les  rufes  i  barballeres  de 
sa  cara,  son  gec  i  sos  calsots  decaiguts,  tant  humil  i  tant  primitiu, 
en  Galdric  era  l'home  de  la  Primavera. 

En  aquella  hora,  i  mentres  l'enraonava,  no  me  n'havîa  fet 
carrée,  mes  bon  punt  l'havîa  deixat,  vora  aquells  cirerers  selvatges 
ont  hî  tenîa  el  conreu,  no  me  podîa  sostraure  de  tal  pensament. 
Malaguanyat  Galdric  I  Per  mes  que  anés  bosc  amunt,  cap  â  la 
guillera,  en  aquelles  margenades  d'albes  i  roures  que  entornejen 
â  manera  de  falceta  un  ample  mirall  d'aigua  estesa  en  la  conca, 
no  hi  trobava  un  altre  Galdric.  A  l'ombra  d'un  casot,  entre  olius, 
hî  havia  un  home  ben  allargat  que  ni  girava  la  cara  al  meu  pas. 
Mes  amunt,  alla  ont  s'apreten  les  muntanyes  de  costellàm  pelât, 


—  198  — 

un  altre  home  s'estava  cap-jup,  l'esquena  doblegada  en  un  clôt 
aspre  de  vinya,  i  dos  cans  ajassats  sobre  una  penya,  les  potes 
devanteres  i  les  orelles  caigudes,  ni  alçaven  els  ulls,  com  si  fos 
l'estiu  ben  entrât  i  el  mes  de  la  cigala.  No  se  quin  sentiment  de 
buidor  me  cor-secava,  quina  contrarietat  m'afligîa.  Tôt  me  causava 
un  efecte  de  tristesa,  de  desencant  i  de  no-rès  ;  i  la  cendre  d'al- 
tres  dies  desconcertats  grisejava  en  mon  esperit.  El  pont'  de  la 
Bau  me  semblava  mes  esmolinat  qu'altre  temps.  Çà  i  enllà  el  vent 
xiulava,  entre  penyes  i  rams  d'alzina  ;  sorollejaven  les  aiguës  en 
la  fondaria  o  rondinejaven,  preses  i  magnetisades  per  la  calma 
esglaiadora  del  gorc  de  l'ombra.  Tôt  era  soletat  ;  els  olius  s'enyo- 
raven  en  l'aspritut  de  la  vessant  ;  ni  un  buf,  ni  una  ala  de  prima- 
ver  a. 

Tornant  pel  mateix  camî,  ni  vaig  tenir  gana  de  baixar  â  la 
font  6  d'aplegar  una  mata  fresca  de  cucuts.  En  Galdric  no  hî  era 
pas  mes  ;  aquell  homenot  mal  girbit  s'havîa  endut  la  Primavera. 
Jo  tôt  sol,  encare  que  els  amies  m'hagin  anomenat  poeta,  no 
ténia  pas  prou  força  per  la  fer  neixer  de  mon  cor.  Malaguanyat 
Galdric  ! 

Joseph-S.  Pons. 
1919. 

Notes  del  Poble.  Cf.  J{evue  Catalane,  u,  9,  226,  393  ;  vi,  68,  272,  324; 
VII,  73,  32  1  ;  VII),  1 9. 


Prochaines  Fêles  Catalanes  à  Perpignan 

Une  imposante  délégation  de  Catalans  de  Barcelone  viendra  à 
Perpignan,  les  16,  17  et  18  octobre  prochain,  pour  remettre  à  la 
municipalité  de  notre  ville  toute  une  bibliothèque  d'ouvrages  en 
langue  catalane,  d'histoire,  d'archéologie,  de  littérature  et  de 
sciences  diverses  intéressant  la  Catalogne  franco-espagnole. 

Cette  visite  de  nos  amis  d'Espagne  sera  l'occasion  de  grandes 
fêtes,  que  préparent  en  ce  moment  le  Comité  et  les  Commissions 
à  ce  spécialement   désignés.   De   ce   Comité   font  partie   tous  les 


—  199  — 

membres  du  Bureau  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes  ;  son 
Bureau  a  pour  président  M.  Henry  Aragon  et  pour  vice- 
président  M.  Louis  Pastre,  l'un  et  l'autre  membres  de  notre 
Société. 

De  généreux  et  nombreux  dévouements  se  sont  offerts,  —  sur 
l'appel  d'un  communiqué  de  la  presse  locale,  —  pour  l'organisa- 
tion de  ces  fêtes.  Tous  les  présidents  des  Sociétés  de  la  ville 
ont,  en  effet,  assisté  à  la  réunion  préparatoire. 

A  l'occasion  de  ces  fêtes,  dont  le  programme  détaillé  sera 
annoncé  par  les  journaux,  VOrfeo  Caîalà  de  Barcelone  nous  fera 
entendre,  le  dimanche  17,  à  la  cathédrale,  l'une  des  plus  belles 
messes  de  son  répertoire. 

Au  théâtre  municipal,  il  y  aura  aussi  de  grandes  solennités,  où 
la  langue  et  la  littérature  catalanes  trouveront  des  interprètes  de 
haut  talent. 

Nous  qui  avions  rêvé,  pour  cette  année  même,  d'une  grande 
fêle  de  la  "Langue  Calalane,  au  cœur  du  Roussillon,  nous  voilà 
donc  bien  servi  à  souhait.  Les  circonstances  ne  pouvaient  être 
plus  favorables  pour  réaliser  ce  rêve  et  lui  donner  tout  l'éclat 
désiré.  C'est  en  outre  sous  les  auspices  et  la  bannière  de  sanlGal- 
drtch,  l'insigne  patron  de  notre  province  catalano-roussillonnaise, 
16  octobre  prochain,  que  s'ouvrira  le  cycle  de  ces  grandes  fêtes 
catalanes.  Heureux  coïncidence  ! 

Ce  faisant,  ce  seront  encore  les  Catalans  des  deux  nations  voi- 
sines qui  offriront  aux  diplomates  la  plus  excellente  des  occa- 
sions de  cimenter  l'amitié  franco-espagnole  et  de  préparer  le  plus 
efficacement  du  monde  la  future  alliance  de  la  France  et  de  l'Es- 
pagne. Puisse  enfin,  de  ces  prochaines  fêtes,  jaillir,  comme  un  fruit 
mûr,  l'Université  Catalane  de  Perpignan,  également  tant  désirée 
par  tous  les  Catalans  de  France  ! 

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La  seigneurie  ^  la  paroisse  du  Soler 

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Paroisse  du.  Soler  d'Jlmont 

a)  Ancienne  église 

Au  début,  la  paroisse  du  Soler  d'Amont  n'était  pas  bien  éten- 
due ;  elle  était  renfermée  dans  l'enceinte  du  château.  C'est  dans 
le  caslrum  que  fut  construite  l'église  paroissiale,  la  belle  église 
romane  dont  les  ruines  subsistent  encore.  Cette  église  était  dédiée 
à  saint  Julien  et  à  sainte  Baselisse. 

La  tradition  locale  veut  que  saint  Dominique  ait  prêché  dans 
l'ancienne  église  du  Soler.  A  l'appui  de  cette  tradition,  on  pour- 
rait alléguer  la  dévotion  persévérante  de  la  paroisse  à  saint  Domi- 
nique et  au  Rosaire  (i).  Voici  un  document  important  de  i258. 
Bernard  de  Berga,  évêque  d'Elne  et  seigneur  du  Soler,  bâtit  une 
chapelle  dans  le  caslrum  «  ad  honorent  Beati  "Dominici  »  et  fonde 
un  bénéfice  pour  le  pràtre  qui  doit  desservir  cette  chapelle  ;  il 
fonde  également  une  rente  pour  l'entretien  d'une  lampe  devant 
la  statue  de  saint  Dominique  et  lègue  une  somme  considérable 
pour  fournir  d'ornements  cette  chapelle,  et  cela,  peu  d'années 
après  la  mort  de  saint  Dominique  (saint  Dominique  est  mort  le 
6  août  12a j). 

En  présence  de  ce  document,  on  est  fondé  à  croire  que  le 
pieux  évêque  a  voulu  sauver  de  l'oubli,  dans  son  caslrum  du  Soler, 
un  souvenir  très  précieux  (2). 

Pendant  plusieurs  siècles,  les  cérémonies  religieuses  de  la 
paroisse  du  Soler  d'Amont  furent  célébrées  dans  l'église  du  cas- 
lrum par  divers  ecclésiastiques  qui  portaient  le  nom  de  curés  : 

1.  Bernard  Casanovas  (i  329-1 333)  (3). 

2.  Pierre  Mera,   1387  (4). 

(1)  Voir  ma  brochure  :  Une  paroisse  dominicaine  en  T^oussillon,  191 6. 

(2)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  48. 

(3)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  xiii,  p.  348. 

(4)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  A,  p.  38. 


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—    201     

3.  Raymond  Squiu  (1402-1406)  (i). 

4.  Paul  Daret,  1418  (2).  —  Le  19  octobre  1418,  un  contrat 
est  passé  entre  les  consuls  et  les  obrers  du  Soler  et  «  maeslre  Peyre 
Licho  del  toc  del  hosc  de  Senfa  Maria  del  reaume  de  Transsa  »,  pour 
la  fonte  d'une  cloche  (3), 

5.  Gabriel  Thoyr,  1423.  —  Il  résigne  son  bénéfice  en  faveur 
de  Fernand  Roca,  «  sacrista  eccl.  S**  Columbae  de  Siurana,  diœc. 
Gerund.  (4)  ». 

6.  Guillaume  Orts,  1429. 

7.  Hugo  DuRAN,  1448  (5). 

8.  Barthélémy  Real,  1465.  —  Le  26  novembre  1465,  nous  trou- 
vons la  collation  d'un  bénéfice  de  Saint-Jacques  de  Perpignan  par 
Antoine  Taqui,  fondé  de  pouvoirs  de  l'évêque  de  Spolète,  com- 
missaire apostolique,  en  faveur  de  Barthélémy  Real,  pourvu  de 
la  cure  du  Soler  (6). 

9.  Michel  Benêt,  1546.  —  Le  5  novembre  1546,  des  lettres 
de  maintenue  sont  expédiées  en  faveur  de  Michel  Benêt,  cha- 
noine de  Barcelone,  pourvu  par  autorité  apostolique  de  la  recto- 
rie  du  Soler  et  du  bénéfice  de  Saint-Dominique  dans  l'église  du 
même  lieu  (7).  Cette  église  possédait  aussi  une  chapelle  dédiée  à 
la  Sainte  Vierge.  11  est  dit  dans  le  testament  de  François  Roma- 
guera  :  «  Relinquo  capellae  intitulata  Beataz  Mariai,  olim  vero 
Sancti  Jacobi,  in  ecclesia  loci  de  Solerio  constructaz  omnes  illas 
duas  eyminas  ordei  de  censu  quas  recipio  et  recipere  consuevi  in 
et  super  molendino  et  possessionibus  quae  fuerunt  hon.  Raphaëlis 
Clenya,  ut  fiant  per  meos  manumissores  quœdam  luminaria  in 
dicta  capella  »  (8).  Les  fidèles  du  Soler  ont  toujours  eu  une  grande 
dévotion  pour  la  Sainte  Vierge  et  pour  saint  Dominique. 

(1)  En  1402,  Pierre  Thomas  reçoit  de  l'évêque  d'Elne  le  bénéfice  fondé 
dans  l'église  du  Soler  par  Bernard  Trévila,  prêtre  du  Soler,  et  Nicolas 
Jalabert,  seigneur  «  de  Tanyeris  t. 

(2)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  xviii,  p.  326. 

(3)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 

(4)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 

(5)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  xxi,  p.  259. 

(6)  Arch.  des  Pyr.-Or..  G.  514. 

(7)  Arch.  des  Pyr.-Or..  G.  878. 
8)  Arch,  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 


—    202    — 

b)  Nouvelle  église 

Vers  le  milieu  du  xvi'  siècle,  le  château  du  Soler  était  complè- 
tement ruiné,  et  les  revenus  de  la  mense  épiscopale  ne  suffisaient 
pas  à  le  restaurer  (i).  11  fallut  donc  abandonner  l'ancienne  église 
du  castrum.  On  bâtit,  alors,  l'église  actuelle  dont  la  première 
pierre  fut  placée  le  5  juillet  i  554,  comme  l'indique  l'inscription 
gravée  à  côté  de  la  porte  d'entrée  : 

Père  Miquel  Fabre 

-|-  a  5  de  mes 

de  juliol  ]554 

ce  commensa 

la  p"'  esgle 

sia  i  posa  la  pri 

mera  pedra. 

]1  importe  de  remarquer  que  primitivement,  la  porte  d'entrée, 
de  l'église  se  trouvait  à  la  chapelle  actuelle  du  Christ  et  que  le 
clocher  fut  commencé  en  même  temps  que  l'église  au-dessus  de 
la  sacristie  :  ce  clocher  n'a  jamais  été  terminé. 

Continuons  la  liste  des  curés  : 

lo.  Joseph  ViLALBA  (i58o-i6oo).  —  Le  testament  de  cet  ecclé- 
siastique, rédigé  en  1589,  déclare  formellement  qu'il  veut  être 
enterré  avec  sa  mère  dans  le  cimetière  du  Soler  et  qu'un  certain 
nombre  de  messes  basses  doivent  être  célébrées  pour  le  repos  de 
son  âme,  à  savoir  :  huit  messes  de  requiem  le  jour  de  son  enterre- 
ment, huit  le  jour  de  la  neuvaine,  huit  l'année  suivante,  au  jour 
anniversaire.  Le  test?teur  ajoute  :  «  Item  per  dret  de  superioritat 
y  prelatuta  y  per  tôt,  y  qualsevols  drets  deix  à  mon  R'"  S.  bisbc 
de  Elna  y  a  sa  mensa  episcopal  dos  florins  »  (2).  Le  3  juillet  1589, 
un  marché  est  conclu  avec  Jean-Pierre  Pujol,  orfèvre  de  Perpi- 
gnan, relatif  à  la  fabrication  d'une  croix  d'argent  pour  l'église  du 
Soler  (3).   Enfin,  le  22   octobre    1598,   une  plainte  est   formulée 

(i)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  40. 

(2)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 

(3)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 


—  2o3  

par  les  consuls  du  Soler  centre  le  recteur  Joseph  Vilalba,  qui 
s'est  approprié  divers  objets  appartenant  à  la  Fabrique  de 
l'église  (i). 

II.  Martin  Claper  (1600-1607). 

(A  suivre)  Joseph  Gibrat. 

(1)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 

Un  grand  roman  catalan 

'*  L'Infante  "  ou  Inès  de  Llar  ^'' 

de  Louis  BERTRAND 

11  n'est  certainemeut  pas  un  roussillonnais,  pour  si  peu  cultivé 
qu'il  soit,  qui  n'ait  lu  à  cette  heure  ce  grand  roman  catalan  de 
Louis  Bertrand.  Nous  ne  saurions  mieux  faire,  pour  en  rendre 
compte,  que  de  laisser  parler  un  des  maîtres  de  la  pensée  fran- 
çaise. Donnons  aujourd'hui  la  parole  à  Paul  Bourget,  de  l'Aca- 
démie française.  Sous  la  rubrique  f^éflexions  sur  le  roman  historique, 
il  a  publié  dans  l'Echo  de  Paris  du  14  juillet  dernier,  à  propos  de 
ce  beau  roman,  le  magistral  article  que  nous  sommes  heureux  de 
reproduire  in  extenso. 

Les  lecteurs  de  l'Echo  de  "Paris  n'ont  pas  oublié  le  beau  roman  de 
M.  Louis  Bertrand,  l'Jnfante,  paru  en  feuilleton  ici  même.  Je  voudrais  en 
prendre  texte,  non  point  pour  en  donner  une  analyse  qui  serait  inutile, 
mais  pour  leur  soumettre  quelques  réflexions  sur  le  genre  dont  ce  livre 
relève  :  le  roman  historique. 


Mais  d'abord,  y  a-t-il  un  roman  qui,  en  un  certain  sens,  ne  soit  pas 
historique-?  Balzac  disait,  dans  sa  Cofrespondance  :  a  On  commence  à  recon- 
naître que  je  suis  beaucoup  plus  un  historien  qu'un  romancier.  »  C'est  qu'en 
effet  le  roman  de  moeurs,  te!  qu'il  l'a  conçu  et  traité,  suppose  des  coutumes, 

(1)  Un  vol,  chez  Fayard. 


204    — 

un  pays,  une  date,  des  lois,  tous  les  éléments  dont  se  fait  l'histoire.  Le 
Ménage  de  Garçon  implique  la  Restauration,  comme  les  Parents  Pauvres  la 
monarchie  de  Juillet.  De  même  l'Education  Sentimentale,  de  Gustave  Flau- 
bert, suppose  la  Révolution  de  48  et  le  Second  Empire  à  ses  débuts.  Ce  qui 
est  vrai  du  roman  de  mœurs  ne  l'est  pas  moins  du  roman  d'analyse  qui 
semble,  par  définition,  plus  dégagé  du  temps  et  de  ses  influences.  11  ne  l'est 
pas.  Les  maîtres  du  genre  l'ont  si  bien  compris  qu'ils  ont  tous  situé  leurs 
personnages  dans  un  moment  très  caractérisé.  L'Amaury  de  Tolupté  est  un 
jeune  homme  du  Consulat,  de  cette  époque  d'incertitude  et  de  reconstruc- 
tion, le  vrai  milieu  pour  cette  âme  malade,  hésitante  et  qui  cependant  veut 
guérir.  L'Octave  de  la  Confession  d'un  "Enfant  du  siècle  est,  au  contraire,  un 
Français  d'après  181  5  dont  la  plaie  intime  s'avive  et  s'empoisonne  des  ger- 
mes de  désespoir  émanés  de  la  grande  blessure  nationale.  Quand  M"'  de  La 
Fayette  voulut  peindre  le  romanesque  amour  de  sa  M""  de  Clèves,  elle  eut 
soin  de  placer  son  récit  à  la  cour  de  Henri  1],  de  ce  roi  sentimental  que 
Brantôme  nous  montre,  à  quarante  ans  passés,  «  portant  pour  livrée  »,  au 
tournoi  où  il  devait  trouver  laimort,  a  blanc  et  noir,  à  cause  de  la  belle  vefve 
qu'il  sert^ait  d.  C'étaient  les  couleurs  adoptées  par  la  duchesse  de  Valentinois, 
depuis  la  mort  de  son  mari,  Louis  de  Brézé.  .Une  étude  récemment  parue 
de  M'"  Valentine  Poizat  sur  la  féritabte  Princesse  de  Clèves  (1)  nous  prouve 
que  le  choix  de  cette  époque  ne  fut  pas  arbitraire.  Très  vraisemblablement, 
la  princesse  de  Clèves  ne  fait  qu'un  avec  la  duchesse  de  Guise.  Quoi  qu'il 
en  soit  de  ce  petit  problème  d'identité,  les  emprunts  à  Brantôme,  si  abon- 
dants, si  précis,  démontrent  assez  avec  quelle  lucidité  l'amie  de  La  Roche- 
foucauld a  vu  nettement  cette  loi  de  technique  littéraire  :  ne  jamais  séparer 
le  cas  individuel  des  conditions  générales  qui  l'ont  rendu  possible.  Mais 
n'en  va-t-il  pas  de  même  du  roman  d'idées  et  même  du  roman  à  thèse  ? 
Candide,  c'est,  avec  le  fantastique  de  quelques  incidents,-  un  chapitre  de 
l'histoire  de  la  Société  européenne  au  xviii'  siècle,  et  les  Misérables  évoluent 
si  bien  dans  la  France  du  xix'  que  le  récit  de  la  bataille  de  Waterloo  et  le 
portrait  du  roi  Louis-Philippe  n'y  font  pas  hors-d'œuvre. 

Si  tout  roman  est  historique  en  un  certain  sens,  pourquoi  parle-t-on  du 
roman  historique  comme  d'un  genre  particulier  ?  Procédons  de  nouveau 
par  des  exemples.  En  regard  des  ouvrages  dont  le  viens  de  citer  les  titres  si 
divers,  il  suffit  de  mentionner  des  livres  comme  le  Waverley,  les  Puritains,  la 
Prison  d'Edimbourg  de  Walter  Scott,  la  Salammbô  de  Flaubert,  les  Chouans 
de  Balzac,  la  Guerre  et  la  Paix  de  Tolstoï,  pour  reconnaître  le  principe 
légitime  de  cette  distinction.  Marquons-le  nettement.  Dans  ces  romans-ci, 
le  cas  individuel   n'est  plus   au   premier  plan  ;  il  est  subordonné  aux  condi- 

(1)  Un  vol.,  à  la  Renaissance  du  Livre. 


—    265 

tions  générales  qui  deviennent  l'objet  propre  de  l'étude.  Quand  Balzac  écrit 
Un  Ménage  de  Garçon,  il  fait  bien,  de  Philippe  Bridau,  un  demi-solde  ;  mais 
ce  qui  l'intéresse,  dans  le  personnage  et  son  aventure,  ce  n'est  pas  le  demi- 
solde,  c'est,  dans  les  données  qu'une  telle  situation  implique,  le  drame  des 
deux  frères  :  Philippe  et  Joseph,  inégalement  aimés  par  leur  mère.  C'est  le 
problème  que  le  veuvage  pose  devant  la  mère  de  famille.  C'est,  parallèle- 
ment, la  peinture  de  l'esclavage  où  le  célibataire  Rouget  se  laisse  réduire 
par  une  servante-maîtresse.  La  portion  historique  du  récit  recule  à  l'arrière 
du  tableau.  Elle  occupe  le  premier  rang  dans  les  Chouans,  comme  dans 
Waverley,  comme  dans  Salammbô,  comme  dans  Guerre  et  "Paix,  comme  dans 
l'Infante  à  laquelle  j'arrive  et  qui  peut  être  considérée  comme  un  type  remar- 
quable de  cette  forme  d'art. 
• 

II 

On  se  souvient.  C'est  au  lendemain  de  l'annexion  du  Roussillon  et  de  la 
Cerdagne  à  la  France,  dans  la  seconde  moitié  par  conséquent  du  xvii'  siècle, 
que  M.  Louis  Bertrand  situe  son  récit.  Une  tragédie  d'amour  en  est  le 
nœud  :  la  passion  d'Inès  de  Llar,  une  jeune  fille  d'une  des  petites  cités  de 
cette  marche  de  l'Espagne,  Villefranche,  pour  un  Français  lieutenant  du 
roi  au  pays  récemment  conquis,  M.  de  Parlan.  Les  parents  d'Inès,  qui  sont 
parmi  les  nobles  du  terroir,  ont  formé,  avec  leurs  proches  et  leurs  amis,  un 
complot  pour  livrer  la  place  aux  Espagnols.  Par  terreur  du  danger  que 
court  celui  qu'elle  aime,  Inès  révèle  ce  complot  et  elle  est  la  cause  de  l'exé- 
cution de  son  père,  dont  elle  obtient  la  grâce,  mais  trop  tard.  Ce  sanglant 
fantôme  dressé  entre  les  amants  les  sépare  à  jamais.  Nous  voici  devant  une 
anecdote  comme  celles  que  Mérimée  lisait  avec  délices,  dans  le  T{egistre- 
Journal  de  Pierre  de  Lestoile.  Le  romancier-historien  la  regarde,  cette 
anecdote.  11  la  creuse  et  il  aperçoit  par  delà  une  tragédie  plus  vaste,  la  ren- 
contre et  le  conflit  de  deux  races,  de  deux  royaumes.  Ce  bourg  fortifié  de 
Villefranche  ressemble  à  ce  Saracoli  dont  parle  Montluc,  à  la  dernière  page 
de  ses  Commentaires.  Quelles  phrases  et  si  pathétiques,  sous  la  plume  du 
vieux  maréchal  !  o  Bien  souvent,  il  me  prenait  fantaisie  de  faire  retraite, 
pour  n'avoir  pas  le  déplaisir  d'ouïr  tant  de  fâcheuses  nouvelles  et  la  ruine 
de  mon  pauvre  pays.  Il  me  ressouvenait  toujours  d'un  prieuré  assis  dans  la 
montagne,  que  j'avais  vu  autrefois,  partie  en  Espagne  et  partie  en  France, 
nommé  Saracoli.  J'avais  fantaisie  de  me  retirer  là  en  repos.  J'eusse  vu  la 
France  et  l'Espagne  en  même  temps.  Si  Dieu  me  prête  vie  encore,  je  ne 
sais  ce  que  je  ferai.  »  C'est  en  contemplant  un  double  horizon,  comme  celui 
dont  rêvait  Monluc,  mitoyen  de  la  France  à  la  fois  et  de  l'Espagne,  que 
l'auteur  de  l'Infante  aperçut  tout  d'un  coup  la  signification  profonde  de 
l'aventure  d'Inès,  laquelle  tient  trois  lignes  dans  le  guide.  Le  prologue  où  il 


—   2o6  

raconte  cette  soudaine  révélation  nous  donne  un  document  de  premier  ordre 
sur  l'éveil  d'un  récit  épique  dans  l'imagination  d'un  romancier  de  race. 
Celui-ci,  par  de  longs  corridors  de  rochers,  par  des  prairies,  par  des  sen- 
tier: en  escaliers,  est  en  train  de  rejoindre  l'évêque  de  Perpignan,  Mgr  de 
Carsalade  du  Pont,  qui  l'attend,  debout,  contre  la  tour  de  la  vieille  abbaye 
pyrénéenne  de  Saint-Martin  du  Canigou.  Les  villages  parmi  les  platanes, 
les  châteaux  sur  les  crêtes,  les  causses,  les  vallées  se  développent,  à  perte  de 
vue  et  de  rêve. 

—  «  Mon  diocèse  finit  là  »,  dit  l'évêque  en  montrant  les  murs  infranchis- 
sables de  la  montagne  proche.  «  Derrière,  c'est  l'Andorre,  le  pays  d'Urgel, 
l'Espagne.  » 

—  «  Mes  Espagnes  !...  »  songe  le  romancier.  Et  comme  ce  mes  est  un 
beau  cri  d'artiste  littéraire  qui  prend  possession  d'une  terre  et  de  ses  trésors 
de  songe  !  11  considère,  plus  près  de  lui,  le  sombre  bourg  farouchement 
tapi  sous  le  fort  de  Villefranche,  et  un  fantôme  surgit,  celui  de  la  petite 
patricienne  passionnée  dont  la  destinée  s'est  jouée  là.  La  pâle  figure  aux 
grands  yeux  tristes  lui  apparaît  derrière  les  meurtrières  des  remparts.  Elle 
ramasse  en  elle  toute  la  poésie  tragique  de  cette  cité  de  frontière.  L'Espagne 
est  en  elle,  dans  cette  fleur  d'aristocratie  éclose  sur  le  vieil  arbre  enraciné 
ici,  durant  des  siècles.  La  France  aussi,  puisqu'elle  aime  l'officier  du  roi, 
jusqu'à  lui  sacrifier  les  siens  et  sa  patrie.  L'écrivain  parle  tout  haut  sa 
pensée,  il  prononce  le  nom  d'Inès.  Et  il  entend  l'évêque  lui  répondre  : 

—  «  11  f^aut  que  vous  racontiez  cette  histoire.  » 

—  «  Et  je  sentis  »,  dit  M.  Louis  Bertrand,   «  qu'il  le  fallait,  en  effet.  » 

]]) 

Ce  verbe  impératif  n'est  pas  là  pour  la  rhétorique.  11  exprime  cette 
nécessité  imaginative  sans  laquelle  toute  création  d'art  n'est  que  jeu  arbitraire. 
On  a  souvent  accusé  le  roman  historique  d'artifice  et  de  convention.  Quand 
il  s'impose  ainsi  à  l'écrivain  avec  cette  force  d'obsession,  il  devient  aussi 
naturel  que  le  roman  contemporain  le  plus  personnel.  Pour  que  cette  néces- 
sité se  produise,  un  travail  préalable  de  cristallisation  a  dû  s'accomplir  dans 
cet  écrivain,  dont  M.  Bertrand  nous  donne  une  analyse  très  fine.  «  Toutes 
les  impressions  catalanes  »,  dit-il,  «  que  j'accumulais  depuis  tant  d'années, 
tout  cela  s'était  ramassé  autour  de  la  figure  énigmatique  d'Inès  de  Llar  ».  Et 
il  continue,  lyrique  :  «  Pays  de  Cerdagne  et  du  Roussillon,  terre  de  Notre- 
Dame  de  Vie,  lourde  d'opulence  et  de  fécondité,  pays  des  rétables  dorés  et 
des  madones  vêtues  de  brocart,  pays  du  vin,  des  harnais  éclatants  et  des 
gourdes  de  cuir,  pays  des  muletiers  et  des  contrebandiers...  »  C'est  le  com- 
mentaire du  mes  de  tout  à  l'heure.  Nous  comprenons,  à  lire  ces  phrases  et 
celles  qui  suivent,  que  la  forte  prise  d'une  contrée  domine  le  conteur,  que 


—  167  — 

cette  contrée  est  une  force  vivante  et  qui  veut  s'exprimer  par  lut.  Le  roman  his- 
torique sort,  ici,  de  l'aspect  des  lieux.  D'autres  fois,  c'est  la  légende  orale 
qui  le  produit,  non  moins  nécessairement.  Ainsi  pour  les  récits  de  Scott, 
ainsi  pour  ce  chef-d'œuvre  de  Barbey  d'Aurevilly,  le  Chevalier  Des  Touches. 
D'autres  fois  encore,  c'est  un  texte  ancien  :  «  Je  venais  de  lire  un  assez 
grand  nombre  de  mémoires  et  de  pamphlets  relatifs  à  la  fin  du  xvi*  siècle. 
J'ai  voulu  faire  un  extrait  de  mes  lectures,  et  cet  extrait,  le  voici.  »  Mérimée 
nous  prései^te  en  ces  termes  sa  Chronique  du  règne  de  Charles  JX.  Leur  froi- 
deur voulue  est  démentie  aussitôt  par  le  frémissement  avec  lequel  il  recopie 
une  note  de  son  cher  Lestoile  sur  une  demoiselle  de  Châteauneuf  qui,  amou- 
reuse de  son  mari  et  le  trouvant  avec  une  maîtresse,  a  le  tua  virilement  de 
ses  propres  mains  ».  Non.  Cette  Chronique  de  Charles  TX  n'est  pas  un  extrait 
de  lectures  savantes.  Elle  est,  comme  tous  les  romans  historiques  vraiment 
dignes  de  ce  nom,  une  hallucination  copiée. 

IV 

La  valeur  représentative  de  cette  hallucination  fait  le  plus  ou  moins  de 
valeur  de  cette  sorte  de  romans.  Si  les  Waverley  et  les  T^edgauntlet  du  jaco- 
bite  Scott  sont  des  livres  de  tout  premier  ordre,  la  raison  en  est  qu'ils  font 
revivre  avec  un  relief  singulier,  et  l'Ecosse  du  xviii'  siècle,  et  l'aventure  du 
Prétendant.  Pareillement  le  Des  Touches  de  d'Aurevilly  éclaire  d'un  jour 
saisissant  la  Chouannerie  normande  et  l'équipée  de  l'héroïque  et  malheureux 
Fotté.  Pareillement  encore,  l'Infante,  par-dessus  et  par-delà  le  heurt  des 
soldats  de  Louis  XI  Y  et  des  gentillâtres  du  Roussillon,  évoque  pour  nous, 
je  l'ai  dit  plus  haut,  la  France  et  l'Espagne,  en  face  l'une  de  l'autre.  Le 
récit  des  amours  d'Inès  de  Llar  et  du  lieutenant  du  roi  court,  à  travers  le 
livre,  comme  un  fil  d'or  à  travers  l'étoffe,  mais  l'étoffe,  —  si  je  peux 
employer  cette  métaphore,  —  la  trame  même  du  roman,  c'est  l'époque  tout 
entière  qui  la  fournit.  Le  livre  fermé,  toutes  sortes  d'idées  s'élèvent  dans 
votre  pensée.  Vous  vous  rendez  compte  que  ce  petit  coin  de  frontière  a 
comme  affronté  deux  variétés  du  type  latin,  toutes  voisines  et  cependant 
irréductibles  l'une  à  l'autre.  Les  portraits  de  ces  nobles  Roussillonnais  cons- 
pirant contre  les  gavaches  s'animent  pour  vous  dans  ces  petites  salles  tapis- 
sées d'azulejos,  dont  le  romancier  dénombre  tous  les  meubles,  tous  les 
ustensiles,  toutes  les  armes.  Leur  expression  prudente  et  taciturne,  défiante 
jusqu'à  en  être  sournoise,  passionnée  jusqu'à  en  être  illuminée,  contraste, 
non  moins  que  leurs  costumes  et  leurs  coutumes,  avec  les  physionomies 
gaies  et  les  allures  libres  des  garnisaires  français  qui  campent  dans  ces 
mêmes  vergers,  sous  ces  mêmes  cyprès  arrosés  d'eaux  courantes.  Quel 
contraste  encore  que  le  fastueux  et  lumineux  Versailles,  où  Inès  vient  implo- 
rer la  grâce  de  son  pèrr,  et  le  sombre  Escurial  où  son  frère  François  va 
demander,  lui,  la  permission  d'attaquer  les  soldats  de  M.  de  Parlari  ! 


—  lo8  — 

De  ces  oppositions  de  caractère  et  de  décors,  le  romancier  ne  tire  pas  cle 
conclusion.  11  ne  prétend  rien  vous  démontrer.  11  n'est  pas  un  romancier  à 
thèse.  Mais  un  involontaire  enseignement  émane  de  ces  pages,  tour  à  tour 
pittoresques  et  ardentes,  fortement  chargées  de  couleur  et  délicatement 
nuancées.  Le  rôle  que  joue  la  France  au  xvii'  siècle  —  déjà  magnétique  de 
rayonnement  heureux  —  et  celui  de  l'Espagne  vous  sont  rendus  percepti- 
bles. Perceptible,  la  différence  des  deux  génies.  Le  romancier  ne  vous  a 
parlé  ni  de  Cervantes,  ni  de  Caldéron,  ni  de  Vélasquez,  et,  après  l'avoir  lu, 
vous  sentez  mieux  en  quoi  réside  l'originalité  nationale  de  ces  artistes  si 
locaux  et  à  quel  degré  ceux  des  nôtres  qui  semblent  avoir  subi  l'influence 
venue  tra  loi  montes,  le  grand  Corneille,  par  exemple,  en  diffèrent  et  pour- 
quoi. C'est  la  force  du  beau  roman  historique  qu'il  se  dépasse  ainsi  lui- 
même,  qu'il  fournisse  prétexte  à  des  interprétations  à  côté  qui  vont  très 
avant  dans  les  profondeurs  du  passé,  et  l'Infante  est  un  très  beau  roman 
historique.  11  se  raccorde  vigoureusement  à  la  puissante  enquête  menée  par 
son  auteur  sur  la  Latinité,  autour  de  la  Méditerranée,  de  ce  lac  sacré  aux 
bords  duquel  s'est  formée  la  seule  civilisation  dont  nous  puissions  être. 
Mieux  la  comprendre,  c'est  mieux  la  défendre.  M.  Louis  Bertrand  est  un 
des  meilleurs  ouvriers  de  cette  tâche.  En  est-il  une  qui  soit  plus  française  ? 

Paul    BOURGET, 

de  l'Académie  française. 


COURS  DE  LANGUE  CATALANE 

par  correspondance 

permettant  d'étudier  seul,  chez  soi  et  à  temps  perdu, 
la  langue  et  la  littérature  catalanes 

Pour  répondre  au  désir  souvent  exprimé  par  un  certain  nom- 
bre de  lecteurs  qui  ne  peuvent  se  déranger  pour  assister  à  un 
cours  public,  mais  qui  cependant  seraient  heureux,  si  on  leur  en 
fournissait  les  moyens,  d'étudier  seuls,  chez  eux  et  à  temps 
perdu,  la  langue  et  la  littérature  catalanes,  la  J^evue  Catalane 
commence  aujourd'hui,  hors  texte,  une  publication  que  nous 
recommandons  à  tous  nos  amis. 

Les  personnes  qui  désirent  se  faire  inscrire  pour  ce  cours  sont 
priées  de  le  faire  dès  aujourd'hui.  Tous  les  renseignements 
nécessaires  leur  seront  adressés  aussitôt.  Joindre  un  timbre  pour 
la  réponse. 

U  GcvMit,  —  COMET.  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  Po«te,  Perpignan 


14-  Aimée.  N'  168  Octobre  1920 

Les    Manuscrits  non  insérés  ^^^  ^IF^^V  V^P  4  VF% 

ne  sont  oas  rendu».  M^teiT»  ^m      M.    J  ffT« 

Lrs   Articles   parus  aans  ia    Revue  ^^    ^^    T[^    J^     ■  J^    H^]    ■3* 

n'engagent  que  leurs  auteurs.  ^S^A    Jk    Jk    A    WkMb^A    WkA^w  ^m^ 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 

Ecoles  ^  Concours  de  Danses 

if  de  Chansons  Catalanes 

Cet  été  dernier,  la  ville  de  Pézenas,  dans  l'Hérault,  a  inscrit 
au  programme  de  ses  fêtes  ses  traditionnels  «  concours  de  iam- 
bourins  »  depuis  longtemps  interrompus.  A  ce  sujet,  un  profes- 
sionnel du  régionalisme,  M.  Claude  Peyras,  a  écrit  dans  l'Eclair 
de  Montpellier  : 

Voilà  un  événement  qui  devrait  avoir,  pour  notre  région,  une  importance 
au  moins  égale  à  celle  qu'on  accorda,  pour  le  pays  tout  entier,  au  rétablisse- 
ment du  «  Tour  de  France  cycliste  »,  par  exemple,  ou  des  grands  a  mat- 
ches  »  de  football. 

Nous  ne  sommes  pas  exclusifs,  ni  ennemis  de  la  nouveauté.  Notre  jeu- 
nesse, de  tout  temps  destinée  aux  exercices  de  plein  air  par  la  douceur  de 
notre  climat,  a  eu  vite  fait  d'adopter  les  «  sports  »  qui  nous  sont  venus  de 
la  brumeuse  Angleterre.  Même  certaines  équipes  de  Roussillon  et  de  Lan- 
guedoc ont  su  se  classer  parmi  les  premières  compagnies  sportives  de 
France. 

Mais  sachons  conserver  notre  personnalité. 

Sur  les  ruines  de  leurs  villages,  à  côté  des  masures  de  tôle  et  de  bois,  nos 
concitoyens  de  l'Artois  et  de  la  Picardie  ont  recommencé  à  tirer  à  l'arc,  le 
dimanche.  Sans  négliger  la  bicyclette,  ni  le  ballon  rond  ou  ovale,  ni  le 
tennis,  nous  pouvons  être  a  sportifs  »  autant  qu'il  le  faut  en  pratiquant  nos 
jeux  traditionnels. 

Nos  grand'mères,  il  est  vrai,  se  complurent  à  certaines  danses 
exotiques,  telles  que  la  valse  germanique,  la  slave  masourke  et  la 
polka,  encore  en  usage  dans  nos  pays  ;  mais  elles  gardaient  aussi, 
dans  leurs    fêtes   votives,    une   bonne    place    aux    danses    de    chez 


210    

nous.    Ces    danses    du    terroir,    ne    les    laissons    pas    nous-mêmes 
périmer. 

Regardez  au  programme  de  ces  fêtes  que  l'été  de  1920  a  ramenées,  après 
six  ans  d'interruption,  dans  nos  villages  et  dans  les  quartiers  de  nos  villes  : 
on  fait  appel  aux  danseurs  des  «  treilles  »  de  Montpellier  ou  de  Valros  ; 
aux  farandoleurs  de  Générac  ou  de  la  Grand'Combe.  La  Salvetat  annonce 
qu'on  terminera  les  réjouissances  par  le  «  butoban  »,  danse  locale,  et  Banyuls 
se  réjouit  de  ressusciter,  par  ces  temps  de  tango,  l'antique  et  si  gracieux  a  bail 
des  rosières  ». 

Nous  lisons  d'autre  part,  dans  l'Aclion  T^égionalisle  de  juin  1920, 
sous  la  plume  de  M.  L.  de  Nussac,  à  propos  des  danses  limou- 
sines. 

La  compagnie  musicale  les  Chanteurs  limousins  de  Paris,  que  préside 
M.  Jean  Clément,  se  donnait  déjà  pour  tâche  la  rénovation  artistique  des 
airs  et  chansons  du  pays  natal  ;  elle  ajoute  désormais  à  aon  programme  une 
écçle  de  danses  locales,  à  la  suite  de  curieuses  circonstances. 

Les  dames  limous-nes  et  marchoises  de  Paris  faisaient  donner,  le  i5  avril 
dernier,  par  les  jeunes  filles  de  leur  patronage,  une  matinée  récréative  au 
Cercle  du  Luxembourg.  Au  public  mondain  qu'elles  mêlaient  à  leur  clien- 
tèle populaire,  elles  voulurent  montrer  la  valeur  esthétique  de  la  chorégra- 
phie traditionniste  pour  l'opposer  aux  danses  exotiques  en  vogue,  stigma- 
tisées par  l'Episcopat.  Pour  cette  démonstration,  on  avait  demandé  à  la 
compagnie  de  M.  Jean  Clément  des  volontaires  qui  connussent  la  bourrée, 
la  danse  caractéristique  du  Limousin  et  de  tout  le  Plateau  central.  Quatre 
couples  s'étaient  offerts,  les  jeunes  filles  portant  le  barbichet,  l'élégante  coiffe 
limousine.  Mais,  comme  chacun  des  danseurs  connaissait  une  variété  de 
bourrée,  ils  durent  s'accorder  pour  composer  un  spectacle  du  plus  heureux 
effet.  Un  vielleur  de  talent,  le  compositeur  Léon  Branchet,  accompagna  de 
son  instrument  la  vaillante  troupe.  Le  succès  fut  tel  que  l'expérience  fut 
renouvelée,  le  9  mai,  à  la  fête  des  Chanteurs  limousins  et,  le  i3  mai,  à  un 
concert  de  l'Association  corrézienne. 

L'élan  est  donné  et,  sur  la  demande  générale,  des  cours  de  danses  limou- 
sines s'ouvriront  à  la  rentrée  d'octobre,  non  seulement  pour  les  Chanteurs 
limousins,  mais  pour  les  gens  du  monde  séduits  par  notre  art  traditionnel. 
Une  active  propagande  s'organise  dans  les  salons.  On  peut,  d'ores  et  déjà, 
pour  l'inscription  aux  cours,  s'adresser  à  M.  Jean  Clément,  25,  rue  Priant. 

Les  exemples  précités  sont  fort  suggestifs.  Nous  pensons,  nous 
qui  sommes  pour  le  maintien  intégral  de  la  tradition,  que  l'on 
pourrait  utilement  créer  à  Perpignan  un  foyer  de  nos  traditions 
locales  par  le  moyen  d'une  'Ecole  de  danses  catalanes. 


—  11 1  — 

On  connaît  la  spirituelle  boutade  de  M"'  Jules  Pams,  au  concert 
qui  lui  fut  donné  le  29  août  dernier,  à  Banyuls-sur-mer  et  à  Port- 
Vendres,  à  l'ancien  Ministre  de  l'Intérieur,  M.  Jules  Pams,  et  à 
M..  Emmanuel  Brousse,  notre  actuel  Sous-Secrétaire  d'Etat  aux 
Finances.  Les  Pabordes  et  Pabordesses  du  Rosaire  de  ces  deux 
villes  firent  à  ces  hautes  personnalités  roussillonnaises  l'agréable 
«urprise  de  danser,  en  leur  présence,  le  traditionnel  bail  de  les 
Pabordesses.  M""  Jules  Pams  trouva  si  bien  cette  vieille  danse 
catalane  qu'elle  ne  put  s'empêcher  de  s'écrier  :  «  C'est  tout  de 
même  mieux  que  le  tango.  »  Evidemment.  Mais  la  leçon,  venant  de 
si  haut,  sera-t-elle  comprise  ?  C'est  à  désirer.  11  n'en  ressort 
davantage  que,  pour  mieux  vulgariser  le  goût  de  ces  sortes  de 
danses  locales,  trop  délaissées,  les  dames  de  la  société  devraient 
être  les  premières  à  en  ramener  le  retour  en  Roussillon,  par  les 
moyens  qu'ont  adoptés  les  dames  limousines  et  marchoises  de 
Paris  à  l'égard  des  anciennes  danses  de  leur  pays. 

Quoi  de  plus  pittoresque,  de  plus  caractéristique,  de  plus 
inoffensif  que  le  contrepas,  le  bail  de  tamallet,  le  bail  de  les  Pabor- 
desses, etc.,  qui  constituaient  autrefois  le  «  clou  »  de  toutes  nos 
fêtes  catalanes  !  Avec  bonheur  nous  en  saluons  aujourd'hui  l'heu- 
reuse rénovation  en  beaucoup  de  nos  villages  roussillonnais  ! 
N'oublions  pas  leurs  accessoires  nécessaires  :  l'élégante  coiffe 
catalane  des  danseuses,  les  anciens  airs  et  instruments,  y  compris 
le  tambourin,  de  nos  si  pittoresques  çoblas,  ni  non  plus  les  bonnes 
chansons  du  pays  :  lo  Pardal,  la  Bepa,  Montantes  T^egalades,  etc. 
De  timides  essais  ont  été  faits  pour  nous  ramener  le  retour  de 
ces  belles  traditions  d'antan.  Espérons  qu'elles  se  propageront 
avec  plus  d'activité  là  où  elles  ne  sont  qu'à  l'état  de  simple  sou- 
venir, à  l'occasion  surtout  de  toutes  nos  fêtes  locales.  Non,  rien 
ne  vaudrait,  pour  stimuler  les  ardeurs  de  tous,  comme  l'établisse- 
ment, à  Perpignan,  d'une  école  de  danses  et  de  chansons  cata- 
lanes, sur  le  modèle  de  celle  que  nous  venons  d'indiquer.  A  quand 
la  première  inscription,  la  première  représentation  et  le  premier 
concours  dans  notre  grande  cité  pyrénéenne  ?  Sera-ce  pour  la 
prochaine  «  Saint^Martin  »  ?  Ce  serait  si  moral,  si  réjouissant,  si 
exquis  pour  tous  les  âges  et  pour  toutes  les  classes  de  la  société  ! 

^xi  si  gui,  donchs  ! 

"En  Père  de  Mallolcs, 


La  Lktania  dels  Rosers 


Té  la  nit  clarors  d'argent 
brufada  de  rou  de  lluna. 
y  porta  un  vel  esplendent 
a  damunt  la  vesta  bruna. 

El  cel  de  maig  safirî, 
puntejat  de  pedreria, 
sembla  un  dosser  de  sati 
pcr  a  un  bell  Mes  de  Maria. 

Ara  fan  oraciô, 

a  dins  els  jardins,  les  roses, 

qui,  plenes  d'emocio, 

de  prima  nit  s'han  descloses. 

Amb  un  bri  de  llum  subtil 
la  lluna  les  ha  engarçades 
formant  un  collar  gentil 
tôt  de  gemmes  irisades. 

Y  l'aigo,  sonorament, 
brollant  dins  eures  y  molsa, 
com  un  orgue,  el  prech  fervent 
de  les  Alors  rima  amb  veu  dolça. 

Com  ara,  enjoyats  rosers, 
vostres  flayroses  tanyades 
cxhalen,  com  a  encensers, 
les  essencies  mes  preades  ? 

Tal  volta  dins  el  cel  clar, 
als  nostres  ulls  amagada, 
la  Verge  surt  a  guaylar 
vostra  florida  cmbaumada  ? 


La  Verge  de  cabells  d'or 
y  de  mirada  serena, 
Regina  de!  nostre  cor, 
de  beutat  y  gracia  plena  ! 

Concentrât  mon  esperit, 
de  les  flors  sent  la  pregària 
que,  per  l'espay  infinit, 
puja  a  l'hora  solitària. 

Cada  rosa  de  sati, 

per  on  la  brisa  llenega, 

es  un  llavi  purpuri 

o  un  llavi  exàngixe  qui  prega. 

Ofrenant  la  vermellor 

diuen  les  roses  cruentes  : 

«  Dels  Màrtirs  duhim  la  color, 

son  llurs  ferides  roentes. 

Quan,  en  bull  d'amor  y  fe, 
llur  sang  l'arena  enrogia  ; 
Senyora  !  feu-nos  mercè 
de  vostra  mirada  pia.  » 

Amb  vestidura  de  llî, 
tremoloses  de  puresa, 
les  roses  blanques,  cap  cli', 
aixi  preguen  amb  dolcesa  : 

«  Regina  dels  Serafins, 
Espill  que  ja  may  s'entela, 
vullau  que  els  nostres  destins 
sien,  amb  flayrosa  estela, 


(i)  Cette  poésie  a  obtenu  la  Violette  d'argent  aux  Jeux  Floraux  de  1910. 


2l3 


Dels  vostres  peus  liiials 
senyalar  cada  petjada 
suan,  pels  grahons  eternals, 
pujau  blanca  y  coronada.  » 

Una  espurna  en  cada  flor 
el  roser  groc  irradia, 
irradia  llambreigs  d'or 
sobre  règia  sederia, 


Les  Héroïnes  cantant 
de  la  Sagrada  Escriptura 
van  eixes  flors  evocant 
de  Maria  la  figura. 

Y  al  clar  de  lluna  esplendent 
ressona  la  melodia 
dels  rosers  que,  lentament, 
entonen  la  lletania. 


dient  :   «  D'aquesta  color  Cada  prech  una  color, 

es  la  tùnica  brodada  ■  cada  color  una  rosa, 

de  los  Angels  del  Senyor,  cada  rosa  un  pom  d'olor 

vostres  patges,  Reyna  amada.  »  formant  la  sagrada  glosa 


Dins  roses  d'obscur  matîs 
l'ull  profetal  s'hi  congria, 
l'ull  pregon  amb  tôt  l'encjs 
del  qui  l'avenir  destria. 


que  s'enlayra,  cel  endins, 
repetint  les  meravelles 
de  Maria,  pels  camins 
que  il-luminen  les  estrelles. 

Josep  Tous  Y  Marots. 


Nouveau  succès 

Nous  avons  reçu  de  Barcelone  une  très  agréable  nouvelle, 
toute  à  l'honneur  de  notre  jeune  poète  perpignanais,  M.  Charles 
Grando,  aussi  bien  que  de  notre  Société  d'Etudes  Catalanes, 
dont  il  est  l'un  des  meilleurs  membres. 

On  se  souvient  que  déjà,  il  y  a  quelques  années,  Vlnslilul 
d'Estudfs  Catalans  avait  gratifié  l'un  de  ses  travaux  d'un  prix  de 
3oo  pessetas.  Voici  que,  tout  récemment,  les  Veus  de  la  Terra 
de  M.  Grando  viennent  de  remporter  le  Prix  de  l'Alcalde  de  Bar- 
celone au  Jeux  Floraux  de  l'Ateneu  du  2'  District.  De  ce  nouveau 
succès,  on  ne  peut  plus  mérité,  les  catalans  et  catalanisants  du 
Roussillon  seront  certainement  unanimes  à  féliciter  avec  nous  le 
sympathique  et  distingué  lauréat.  Espérons  que  M.  Charles 
Grando  ne  s'endormira  pas  sur  de  tels  lauriers  et  que,  sous  peu, 
nous  aurons  le  plaisir  de  lui  voter  encore  d'autres  félicitations. 


Chroniqueurs  et  Historiens  Catalans 

des  Xlir  4  XIV^  siècles 

cii^Sî^  {SUITE) 

L'arrivée  de  l'Infant  ne  put  réunir  les  esprits.  Bérenger  d'En- 
tença  et  Ferran  Ximenès  reconnurent  l'autorité  de  l'Infant,  mais 
Rocafort  et  ses  almugavares  refusèrent  de  s'y  soumettre.  Alors 
on  pria  l'Infant  de  se  porter  comme  conciliateur  et  de  préparer 
le  départ  de  Gallipoli,  qu'on  avait  complètement  épuisé,  pour  aller 
chercher  des  lieux  mieux  approvisionnés.  «  11  est  bien  vrai,  dit 
Muntaner,  que  nous  avions  séjourné  au  cap  de  Gallipoli  et  dans 
cette  contrée  pendant  sept  ans  depuis  la  mort  du  César  ;  nous  y 
avions  vécu  pendant  cinq  ans  à  bouche-que-veux-tu,  et  en  même 
temps  nous  avions  dévasté  toute  la  contrée  à  dix  journées  à  la 
ronde,  et  nous  avions  détruit  les  habitants,  si  bien  qu'on  ne  pou- 
vait plus  rien  y  cueillir  ;  il  fallait  donc  forcément  abandonner  ce 
pays-là  »,  Ara  es  verilal  que  nos  havietn  estai  al  cap  de  Galipol  e  en 
aquella  enconlrada  vji.  anys  despuix  que  César  fo  morî,  e  haviemhi 
visent  v.  anys  de  renadiu,  e  axi  maieix  haviem  desabitada  iota  aquella 
encontrada  x.  jornades  de  tôles  parts,  que  haviem  iota  la  gent  consu- 
mada  si  que  res  no  si  cullia,  perque  convenia  per  força  que  desempa- 
ressem  aquell  pays  (i). 

C'est  une  lecture  qui  a  tout  l'intérêt  d'un  roman  de  Chevalerie 
que  celle  du  fragment  de  sa  Chronique  dans  lequel  Muntaner 
décrit  la  migration  des  Catalans  de  Gallipoli  à  Christopolis  et  au 
cap  Kassandria,  leur  hivernage  sur  ce  cap,  leur  marche  à  travers 
la  Macédoine  jusqu'au  pied  de  l'Olympe  et  de  l'Ossa,  et,  de  là, 
à  travers  les  délicieuses  vallées  de  la  Thessalie,  jusqu'à  leur  arrivée 
dans  le  duché  d'Athènes  où  ils  livrèrent  bataille  au  duc  Gauthier 
de  Brienne  qui  fut  tué  ainsi  qu'un  grand  nombre  de  chevaliers 
français,  et,  enfin,  leur  prise  de  possession  du  duché.  Ces  récits 
procèdent  de  témoins  oculaires,  car  Muntaner  avait  quitté  ses 
compatriotes  presque  en  sortant  de  Gallipoli  ;  c'était  lui,  en  effet, 

(i)  Chronica,  ch.  ccxxxi. 


—  2j5   — 

qui,  pendant  que  les  autres  se  faisaient  voie  par  terre,  était 
chargé  de  l'escorte  de  mer.  Avant  de  partir,  il  devait  démolir  et 
incendier  le  château  de  Gallipoli,  le  château  de  Maditos  et  tous 
les  villages  qui  restaient  debout  dans  la  presqu'île.  Sa  commission 
exécutée  avec  décision  et  intelligence,  Muntaner  quitta  Gallipoli 
et  arriva  à  l'île  de  Thassos,  où  l'historien  grec  Thucydide  avait 
jadis  vécu  pendant  plusieurs  années. 

Ce  même  jour  arrivait  dans  l'île  l'Infant  Ferran  de  Majorque, 
qui  avait  quitté  l'armée  catalane  à  la  suite  des  intrigues  de  Roca- 
fort,  persistant  à  ne  pas  reconnaître  son  autorité,  et  de  la  mort 
de  Bérenger  d'Entença,  tué  par  les  almugavares  dans  un  combat 
fratricide  entre  les  bandes  des  deux  chefs  catalans.  Muntaner 
résolut  de  quitter  la  Companya  et  de  ne  point  se  séparer  de 
l'Infant,  représentant  de  la  maison  d'Aragon:  Mais  il  n'était  pas 
homme  à  le  faire  sans  avoir  pris  ses  précautions  pour  la  défense 
de  ceux  dont  les  intérêts  lui  étaient  confiés.  11  pria  donc  l'Infant 
de  l'attendre  quelques  jours  à  Thassos,  où  il  recommanda  à  son 
ami  Zaccaria  de  le  bien  traiter,  puis  il  se  rendit  à  l'armée  et,  là, 
il  fit  donner  garantie  à  tous  ceux  qui  n'étaient  pas  du  parti  domi- 
nant et  les  fit  accompagner  en  lieu  sûr  en  leur  donnant  chariots 
et  barques  pour  eux  et  leurs  effets  ;  puis  il  convoqua  toute  l'armée  : 

E  en  presencia  de  iuyt  yols  reii  lo  sagell  de  la  communilal  que  yo 
tenta,  e  lois  los  libres,  eh  lexe  los  escrivans  e  près  comiat  de  luyl  ;  e 
pregaren  me  que  nom  parlis  delh,  e  sobre  lois  los  Turchs  e  els  Turco- 
ples  qui  vengren  a  mi  ploranl,  pregant  me  que  nols  desemparas,  quells 
feyen  compte  de  mi  axi  corn  de  pare.  E  per  veritat  que  ells  nom 
appellaven  mas  lo  Cala,  que  vol  aylant  dir  en  Turquesch  com  pare  ; 
si  quen  veritat  a  mim  près  major  enyorament  dells  que  de  neguns,  per 
ço  com  en  mon  poder  eren  entrais  e  Iota  hora  havien  hauda  major  fe 
en  mi  quen  hom  de  la  hosl  dels  Chreslians  (i).  »  Sourd  à  toutes  ces 
prières,  il  appela  tous  les  chefs,  leur  reprocha  hautement  l'indi- 
gnité de  leur  conduite  et  «  leur  dit  que  pour  rien  au  monde  il  ne 
consentirait  à  rester  avec  eux,  ne  pouvant  faillir  en  sa  foi  au  sei- 
gneur Infant,  qui  était  son  seigneur  »,  E  yo  dix  los  que  per  res  no 
podia  romandre,  que  yo  no  podia  fallir  al  senyor  Infant  qui  era  mon 
Senyor  (2). 

(1)  Chronica,  ch.  ccxxxin. 
(7)  Ibidem. 


Après  avoir  pris  congé  selon  toutes  les  formes  et  avoir  laissé 
ses  amis  dans  ce  pays  tout  neuf  à  exploiter,  Muntaner  vint 
rejoindre  l'infant  à  Thassos,  et  tous  deux  passèrent  au  port 
d'Armiro,  sur  la  côte  thessalienne.  Muntaner  montait  la  meilleure 
galère  après  celle  .de  l'infan.  D'Armiro,  la  petite  flotte  s'en 
vint  à  la  petite  île  de  Skopélos,  puis  elle  mit  le  cap  sur  la  grande 
île  de  Négrepont,  l'antique  Eubée,  où  -les  Vénitiens  étaient  les 
maîtres.  Malgré  les  instances  de  tous,  l'Infant  s'obstina  à  vouloir 
aborder  dans  la  cité  même  de  Négrepont,  l'antique  Chalcis, 
caoitale  de  l'île.  «  A  la  maie  heure  nous  prîmes  cette  route,  dit 
Muntaner,  et  nous  nous  mîmes  la  corde  au  cou  de  notre  pleine 
science  »,  E  axi  a  la  mala  hoja  nos  faem  aquella  via,  e'ns  meiem  la 
corda  al  coyll  havenl  visla  noslra  (i). 

Et  ici  Muntaner  observe  que  «  c'est  toujours  grand  danger  de 
marcher  avec  fils  de  roi  quand  ils  sont  jeunes,  car  ils  se  trouvent 
de  si  bon  sang  qu'ils  ne  peuvent  se  persuader  que  pour  rien  au 
monde  aucun  homme  doive  leur  faire  de  la  peine  ». 

Pour  le  malheur  de  l'Infant  et  de  ses  compagnons,  le  hasard 
voulut  qu'il  se  trouvât  également  de  passage  à  Négrepont  un  autre 
grand  seigneur  qui  leur  était  absolument  hostile.  C'était  noble 
homme  Thibaut  de  Chepoy,  ancien  grand  maître  des  arbalétriers 
du  roi  Philippe  le  Bel,  maintenant  passé  au  service  du  frère  de 
celui-ci,  très  haut  et  puissant  Charles  de  Valois,  empereur  titu- 
laire de  Constantinopie,  ce  prince  qui,  après  avoir  espéré  succes- 
sivement être  roi  d'Aragon,  puis  de  Sicile,  puis  empereur 
d'Orient,  ne  fut  définitivement,  comme  le  dit  Muntaner,  que 
«  roi  du  vent  ». 

Thibaut  avait  été,  par  Charles,  dépêché  en  Orient  à  la  tête 
d'une  flotte  vénitienne  pour  chercher  à  préparer  les  voies  à  cette 
revendication  de  l'Empire  de  Bysance  auquel  Valois  prétendait 
du  chef  de  sa  femme,  la  dernière  des  Courteriay,  l'impératrice 
titulaire  Catherine,  fille  de  l'empereur  Philippe  de  Courtenay- 
Constantinople.  Thibaut  avait  comme  principale  et  presque  capi- 
tale instruction  de  rejoindre  la  célèbre  Compagnie  catalane  et  de 
s'aboucher  avec  elle  pour  rechercher  à  tout  prix  son  amitié  et 
tenter   de  l'embaucher  au  service  de  Charles  de  Vgilois.  L'Infant 

(i)  Chronica,  ch.  ccxxxv. 


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—    217    — 

et  Muntaner  se  trouvaient  dans  une  fâcheuse  situation.  Chepoy 
les  invita  à  descendre  à  terre,  mais  à  peine  eurent-ils  débarqué 
que  l'Infant  fut  saisi  et  enfermé  au  château  de  Saint-Omer,  dans 
la  ville  de  Thèbes  ;  quant  à  Muntaner,  il  fut  complètement  pillé 
de  tout,  et  Chepoy  crut  le  frapper  plus  cruellement  en  le  condui- 
sant à  la  grande  Compagnie  catalane,  car  il  pensait  qu'il  y  serait 
fort  mal  reçu,  attendu  que  le  bruit  courait  que  Muntaner  avait 
emporté  une  bonne  partie  du  trésor  de  l'armée  ;  mais  cette  pensée 
de  vengeance  fut  une  occasion  de  triomphe  pour  Muntaner. 

En  eflFet,  il  fut  reçu  à  bras  ouverts  par  tous,  principalement 
par  Rocafort,  devenu  le  chef  unique  de  la  Compagnie  catalane. 
Toutefois,  Rocafort,  voyant  qu'il  s'était  aliéné  les  maisons  de 
Sicile,  d'Aragon  et  de  Majorque,  ainsi  que  toute  la  Catalogne, 
résolut  de  se  rapprocher  de  messire  Charles  de  France  et,  à  son 
grand  dam,  fit  reconnaître  par  serment  pour  capitaine  de  toute 
la  Compagnie  Thibaut  de  Chepoy  au  nom  de  messire  Charles  de 
"France  (i). 

Thibaut  de  Chepoy  donna  la  liberté  à  Muntaner,  le  suppliant 
de  rester  à  Kassandria,  où  était  réunie  la  Compagnie,  et  de  s'en- 
tendre avec  lui  et  l'intraitable  Rocafort.  En  vain  les  Turcs  et  les 
Turkopoules  joignirent  leurs  prières  à  celles  de  l'envoyé  de 
Charles  de  Valois.  Muntaner  leur  répondit  que  pour  rien  au 
monde  il  ne  le  ferait,  e  yo  dix  que  per  res  nou  faria  (2).  11  put 
regagner  Négrepont  sur  une  des  galères  vénitiennes  et  les  capi- 
taines de  cette  flotte,  afin  d'exécuter  les  ordres  que  leur  avait 
donnés  Chepoy,  firent  publier  à  son  de  trompe,  par  le  baile  de 
Venise  et  les  seigneurs  tierciers  d'Eubée,  «  que  tout  homme  qui 
avait  en  quoi  que  -ce  soit  du  bien  de  Muntaner  eût  à  le  lui  rendre 
sous  peine  de  corps  et  de  biens  ».  Mais,  en  fin  de  compte,  per- 
sonne ne  lui  restitua  rien.  Alors  Muntaner  put  aller  à  Thèbes 
prendre  congé  de  l'Infant  et  obtenir  qu'on  le  traitât  avec  honneur. 
«  Je  pris,  dit-il,  congé  du  seigneur  Infant  avec  grande  douleur, 
car  peu  s'en  fallut  que  le  coeur  ne  s'en  brisàr  »,  puys  corn  hagui 
estai  dos  jorns,  près  comiat  dell  ab  gran  dolor,  que  per  pocb  lo  cor 
nom  esclala.  11  prit  à  part  le  cuisinier  du  prince  et  lui  fit  jurer 
sur  l'Evangile  qu'il  se  laisserait  plutôt  couper  la  tète  que  de  souf- 

(i)  Chronica.  ch.  ccxxxvi. 
(2)  Ibidem. 


—     2l8    — 

frir  qu'il  arrivât  malheur  à  l'Infant  pour  avoir  mangé  d'aucuns 
mets  préparés  par  lui  (i). 

Revenu  à  Négrepont,  Muntaner  s'embarqua  pour  aller  en 
Sicile.  ]l  débarqua  à  Messine  et  alla  aussitôt  voir  le  roi  dans  sa 
maison  de  plaisance  de  Castro-Nuovo  et  passa  plusieurs  jours 
avec  lui  à  s'occuper  des  affaires  de  l'Infant.  11  songea  ensuite 
aux  siennes  et  demanda  la  permission  de  se  rendre  en  Catalogne 
pour  y  épouser  sa  femme,  avec  laquelle  il  avait  été  fiancé  sept  ans 
auparavant,  lorsqu'elle  était  enfant,  en  la  cité  de  Valence.  Mais 
le  roi  de  Sicile  préféra  d'abord  l'envoyer  défendre  contre  les 
Maures  ses  îles  de  Djerbi  et  de  Querquena  sur  les  côtes  d'Afri- 
que. «  11  n'est  personne  en  tout  notre  royaume,  lui  dit  Frédéric, 
qui  puisse  nous  donner  là-dessus  aussi  bonne  assistance  que  vous  ; 
et  cela  pour  bien  des  raisons  :  d'abord,  surtout,  parce  que  vous 
avez  plus  vu  de  guerres  qu'homme  qui  soit  en  notre  royaume  ; 
puis,  parce  que  vous  avez  longtemps  gouverné  des  gens  d'armes 
et  savez  comment  il  faut  les  conduire,  puis  vous  connaissez  la 
langue  sarrasine  et  vous  pouvez  ainsi,  sans  truchement,  faire  vos 
propres  affaires,  soit  en  ce  qui  concerne  les  espions,  soit  de  toute 
autre  façon,  dans  l'île  de  Djerbi  ;  et,  enfin,  par  beaucoup  d'autres 
raisons  qui  sont  en  vous  »,  ...Perque  nos  havem  posai  en  noslre  cor 
que  nos  no  havem  negu  en  noslre  règne  qui  ah  la  ajuda  de  Deus  nos 
hi  pusca  lanl  bon  conseyll  ddnar  corn  vos  per  molles  rahons  :  e  assenya- 
ladamenl  per  ço  com  vos  havel's  mes  visl  e  oyl  en  guerres  que  hom  que 
sia  en  noslra  terra,  e  dalira  pari  que  havels  senyorejada  genl  darmes 
llonch  de  lemps  e  sabels  com  san  a  comporlar  ;  e  dalira  pari  que  sabels 
sarrahinesch  perque  podels  menys  de  lorsymanys  fer  voslres  affers,  axi 
en  spies  com  en  les  allres  guises  en  la  illa  de  Gerha  ;  e  molles  dallres 
bones  rahons  que  ha  en  vos  (2). 

Muntaner  accepta  el  reçut  l'investiture  de  l'île  de  Djerbi  qu'il 
sut  défendre  avec  un  rare  courage  pendant  plus  de  trois  ans. 
Alors  seulement  il  obtint  son  congé  pour  aller  se  marier.  Sur  sa 
route,  à  Majorque,  il  trouva  le  roi  Jacques  et  l'Infant  Ferran  qui 
avait  d'abord  été  envoyé  par  le  duc  d'Athènes  au  roi  Robert  de 
Naples,  dont  il  avait  été  fort  bien  traité,  et  qui,  par  suite  de 
négociations  mises  en  mouvement   par  Muntaner,  avait  enfin  été 

(1)  Chronica,  ch.  ccxxxvm. 
(1)  Ibidem,  ch.  ccli. 


—    219    — 

rendu  à  la  liberté  et  à  son  pays  natal.  A  Valence,  notre  historien 
resta  vingt-deux  jours  à  faire  célébrer  ses  noces,  puis  repartit 
avec  sa  femme  pour  la  Sicile  et,  de  là,  pour  son  étrange  seigneurie 
de  Djerbi,  cette  grande  île  basse,  peuplée  d'oliviers  superbes  où, 
en  véritables  souverains,  ils  firent  ensemble  leur  joyeuse   entrée. 

Cependant  la  guerre  s'était  rallumée  en  Sicile  par  le  roi  Robert 
de  Naples,  et  Ferran  de  Majorque  était  arrivé  dans  l'île  pour 
secourir  son  ami,  le  roi  Frédéric.  Une  trêve  négociée  par  la 
reine,  mère  du  roi  Robert  et  belle-mère  du  roi  d'Aragon  et  du 
roi  de  Sicile,  ayant  mis  un  terme  aux  hostilités,  l'Infant  Ferran 
de  Majorque,  qui  n'avait  qu'un  établissement  peu  considérable, 
soit  en  Aragon,  soit  en  Sicile  où  Frédéric  lui  avait  donné  la  ville 
de  Catane,  tourna  de  nouveau  ses  yeux  vers  la  Morée. 

La  plus  jeune  des  filles  du  prince  Guillaume  de  Ville-Hardoin, 
Marguerite  de  Matagrifon,  venait  de  perdre  son  mari,  le  comte 
d'Andria,  de  la  famille  des  Baux,  et  il  lui  restait  de  lui  une 
jeune  fille  âgée  de  quinze  ans  qui,  en  vertu  du  testament  du 
prince  Guillaume,  avait  aussi  des  droits  éventuels  à  faire  valoir 
sur  la  principauté  de  Morée.  Marguerite  résolut  de  remettre  la 
défense  de  ses  droits  à  un  protecteur  puissant  et  songea  à  Ferran 
de  Majorque  ;  elle  imagina  de  lui  donner  en  mariage  sa  fille 
Isabelle  qu'elle  amena  à  la  cour  de  Sicile  pour  la  présenter  au 
prince  majorquin  qui  ne  tarda  pas  à  s'en  amouracher,  car  «  elle 
était  bien,  dit  Muntaner,  la  plus  belle  créature  de  quatorze  ans 
que  l'on  pût  jamais  voir,  la  plus  blanche,  la  plus  rose  et  la  mieux 
faite,  et,  de  plus,  pour  son  âge,  la  plus  habile  fille  qui  fui  au 
monde  »,  E  no  fo  maraveyîîa  si  ne  fo  enamoral  que  aquesla  era  be  la 
pus  bella  creaiura  de  xnn.  anys  que  hanch  hom  pogues  veure,  e  la  pus 
blancha,  e  la  pus  rosa  e  la  tvillor  ;  e  pus  fo  la  mes  savia  dels  dies  que 
era  que  donzella  qui  hanch  /os  el  mon  (i).' 

Le  mariage  eut  lieu  au  mois  de  février  i3i4.  Marguerite, 
belle-mère  du  prince,  partit  peu  de  mois  après,  et  Ferran  se 
disposa  à  la  suivre  avec  des  troupes  suffisantes.  Muntaner,  qui  en 
fut  informé  dans  sa  seigneurie  de  Djerbi,  se  hâta  d'aller  rejoin- 
dre'son  ami  ;  il  laissa  son  gouvernement  de  l'île  bien  gardé  et 
vint  offrir  ses  services  à  l'Infant.  La  princesse  Isabelle  était  déjà 
fort  avancée  dans  sa  grossesse  ;   elle  accoucha,   treize  mois  après 

(i)  Chronica,  ch.  cclxiii. 


220    

son  mariage,  le  premier  samedi  du  mois  d'avril  i3i5,  de  l'Infant 
Jacques  de  Majorque.  Marguerite  venait  de  mourir  en  Morée  et 
sa  fille  Isabelle  mourut  deux  mois  après  en  Sicile  des  suites  de 
ses  couches,  laissant  son  fils,  et,  à  défaut  de  son  fils,  son  mari 
Ferran,  héritier  de  ses  droits  sur  la  Morée.  La  mort  de  Margue- 
rite et  d'Isabelle  ne  fit  que  fortifier  le  désir  de  Ferran  d'aller  en 
personne  s'assurer  de  la  Morée,  qui  allait  lui  être  disputée  par 
un  concurrent  redoutable,  Louis  de  Bourgogne,  mari  de  Mathilde 
de  Hainaut,  fille  d'Isabelle  de  Ville-Hardoin  et  petite-fille, 
comme  Isabelle  de  Matagrifon,  du  prince  Guillaume,  mais  de  la 
branche  aînée.  Muntaner  aurait  voulu  suivre  en  Morée  son  ami 
Ferran,  mais  celui-ci  jugea  que  ses  services  pourraient  lui  être 
plus  précieux  ailleurs.  Il  faut  lire  dans  la  Chronique  le  morceau 
touchant  dans  lequel  Muntaner  raconte  comment  l'Infant  Ferran 
le  chargea  de  conduire  son  fils  Jacques,  à  peine  âgé  de  quelques 
mois,  à  sa  grand'mère  la  reine,  qui  était  au  château  royal  de 
Majorque,  à  Perpignan.  La  description  des  soins  tout  maternels 
pris  pendant  le  voyage  de  mer  d'abord,  puis  pour  le  transport 
par  terre,  par  le  vieux  guerrier,  est  toute  remplie  de  naturel  et 
de  grâce.  Le  chapitre  de  la  livraison  de  l'Infant  à  sa  grand'mère, 
avec  toute  la  solennité  due,  est  surtout  pleine  de  charme  (i). 

Aussitôt  sa  missioa  terminée,  il  revint  à  Valence  où  il  ne  tarda 
pas  à  faire  ses  préparatifs  pour  aller  rejoindre  l'Infant  Ferran  en 
Morée.  Mais  son  projet  de  voyage  fut  arrêté  par  la  nouvelle  de 
la  mort  de  ce  prince. 

A  dater  de  cette  année  i3i5,  je  ne  retrouve  plus  Muntaner 
dans  la  vie  active.  Après  ces  quinze  années  d'agitation,  il  rentra 
dans  la  vie  municipale,  qui  était  celle  de  sa  famille,  car  Munta- 
ner, quoiqu'il  eût  commandé  en  chef  à  des  chevaliers,  ne  fut  jamais 
chevalier.  Muntaner  était  simplement  un  notable  dans  Valence. 
En  i3i8,  on  le  voit  aux  fêtes  du  couronnement  d'Alphonse  tenant 
sa  place  parmi  les  députés  de  la  bourgeoisie.  11  nous  a  laissé  une 
relation  exacte  et  vivante  de  ces  fêtes,  qui  se  terminèrent  par  un 
banquet  et  les  chants  de  deux  juglars,  En  Romaset  et  En  Comi 
qui  était  «  l'homme  de  Catalogne  qui  chantait  le  mieux  ».  La 
Chronique  se  termine  avec  ces  brillantes  fêtes  du  couronnement. 
(A  suivre)  Pierre  Vidal. 

(i)  Cbronica,  ch.  cclxvi. 


La  Confrérie  du  Rosaire  à  Osséja 

'-^^jP*-"  (SWTE) 

Dès  ce  moment,  la  Confrérie  devint  très  prospère.  Elle  recru- 
tait ses  membres,  non  seulement  parmi  les  habitants  d'Osséja, 
mais  encore  parmi  ceux  qui  composaient  ce  qu'on  appelait  alors 
a  la  vallée  d'Osséja  »,  c'est-à-dire  parmi  les  habitants  du  village 
de  Valcebollère,  du  hameau  du  Puig  et  des  importantes  fermes 
de  Mascareill  et  de  Conceliabre.  Les  autres  villages  du  voisi- 
nage, Nahuja  et  Palau,  fournirent  encore  à  la  pieuse  association 
de  nombreux  adhérents.  L'exemple  était  donné  par  les  consuls 
et  la  noblesse.  C'est  ainsi  que  nous  trouvons  sur  les  registres  de 
la  Confrérie  les  noms  des  nobles  :  de  Barutell,  de  Péra,  de  Pont, 
de  Ferran.  Beaucoup  d'autres  notables  d'Osséja  et  de  ses  envi- 
rons en  faisaient  également  partie.  Au  fur  et  à  mesure,  les  res- 
sources affluèrent,  grâce  aux  cotisations  annuelles,  aux  quêtes 
faites  à  domicile  par  les  Pabordes  et  les  Pabordesses  aux  princi- 
pales fêtes  de  l'année,  aux  dons  et  aux  legs  généreux  dont  les 
confrères  firent  bénéficier  la  Confrérie. 

Au  moyen  de  ces  ressources,  on  put  construire,  en  1691, 
dans  les  bas-côtés  de  l'église  (sud),  une  chapelle  spécialement 
dédiée  à  Notre-Dame  du  Rosaire  ;  en  1699,  on  la  dota  d'un 
beau  retable  en  bois,  que  Joseph  Sufier  sculpta  dans  son  atelier 
de  Prades,  comme  nous  l'apprennent  les  deux  notes  suivantes 
écrites  par  le  curé  d'Osséja  : 

Vui,  als  20  de  j^re  1691,  ses  fêta  la  capella  de  la  Confraria  del  Roser, 
essent  Pabordes  lo  S'  Francisco  (de)  Pont  y  Joan  Forn,  batlle  de  Osséja  ; 
ses  pagat  tôt  dels  dîners  de  la  Confraria  que  ningu  no  i  a  posât  ninguna 
cosa.  Del  que  faù  fer  jo  Bernât  Gregori,  prevere  vicari  de  Osséja.  Ita  es 
acentat  al  llibre  de  la  Confraria. 

Vui,  als  12  de  y^^^  1699,  ses  fet  lo  altar  del  Roser,  de  preu  de  qua- 
ranta  una  dobla  y  mitja,  als  S'  Joseph  Sunier,  escultor  ;  ses  treballat  a  la 
vila  de  Prada  ;  se  es  pagat  dels  dîners  de  la  Confraria  del  Roser,  essent 
vicari  lo  R'  Bernât  Gregori,  y  Pabordes  Frances  Muntet  y  Gll  Puget  y 
Frances    Lianes,   y  nIngu   volgué  anar  a  cercar  lo  retaule  a  Prada,  sino  los 


—    Î22    

traginers  de  Osseja  que  son  Gil  Puget  y  Francès  Forn  y  Frances  Muntet 
y  Père  Puget  y  Joan  Tapis,  tots  traginers  de  Osseja,  pagan  lo  gasto  lo 
Paborde  dels  dines  de  la  Confraria  ;  del  quen  fau  fe  jo  Bernât  Gregori, 
vicari  de  Osseja  (  i  ). 

Cet  ouvrage  de  sculpture,  composé  de  plusieurs  panneaux 
représentant  divers  mystères  du  Rosaire,  fut  peint  et  doré,  en 
1703,  par  Augustin  Bosil,  originaire  de  Ripoll,  pour  le  prix  de 
42  doubles  espagnoles,  ainsi  que  le  relate  le  vicaire  perpétuel 
d'Osséja,  le  Révérend  Balles,  dont  le  zèle  pour  son  église  ne 
paraît  pas  moins  édifiant  que  celui  de  son  prédécesseur,  le  Révé- 
rend Bernard  Gregori. 

Lo  dit  any  J703,  essent  Pabordes  :  lo  S'  D'  Farran  (2)  y  Joan  Delcor, 
havent  ejls  trobat  en  dita  Confraria  1 6  dobles  en  especie  de  molts  anys 
antesedents,  se  determinaren  en  fer  deurar  lo  retaule  per  Agusti  Bosil,  de 
Ripoll,  ab  lo  quai  convingueren  per  preu  de  42  doples  en  especie,  y  los 
sobredits  Pabordes  ab  sas  diligencies  aplegaren  dita  quantitat  y  de  axo 
donaren  dit  compte  ab  sas  rebudas,  entenent  en  aço  lo  que  arreplegaren 
las  Pabordessas  de  dit  any,  las  quais  foren  Francisca  Delcor  y  Joanna-Anna 
Balles,  alias  Oriol,  lasquals  per  sa  part  donaren  compte  de  23  escuts.  Ita 
est.  Balles,  vicari  de  Osseja  (3). 


Le  registre  des  comptes  de  la  Confrérie,  commencé  en  lyo'i, 
nous  fait  connaître  les  recettes  et  les  dépenses  de  cette  associa- 
tion jusqu'en  l'année  1845.  Nous  nous  bornerons  à  n'en  citer 
ici  que  quelques  extraits,  qui  nous  donneront  d'utiles  indications 
sur  les  mœurs  et  les  coutumes  anciennes  des  pays  cerdans,  non 
seulement   sur   les   ressources   et   la  gestion  financière  de  la  Con- 

(i)  Reg.  n°  3,  3*  partie,  p.   108  ;  Arch.  comm.  d'Osscja. 

(2)  11  s'agit  du  D'  Joseph  Ferrant,  marié  à  Raphaële  de  Pont,  d'Osséja. 
Son  fils,  Emmanuel  Ferran  y  de  Pont,  fonda,  le  2  3  mars  «740,  un  béné- 
fice à  Perpignan,  à  la  chapelle  dite  de  l'Evêque.  (Arch.  des  Pyr.-Or., 
G.  373.) 

(3)  Pourquoi  faut-il  que  des  mains  inhabiles  aient,  malgré  les  meilleures 
intentions,  malencontreusement  barbouillé  ce  magnifique  retable  du  Rosaire 
et  tant  d'autres  œuvres  d'art,  dignes  d'être  classées  comme  monuments 
historiques,  de  l'église  d'Osséja  ?  Comme  c'est  regrettable  !  Il  faut  en  dire 
autant  de  la  belle  statue  gothique  (xv'  siècle)  de  sainte  Marguerite,  de 
Palau-de-Cerdagne. 


—  iii  — 

frérie,  mais  encore  sur  le  nombre,  la  qualité  et  le  mode  d'élec- 
tion de  ses  pabordes  et  pabordesses,  sur  ses  cérémonies  particulières, 
sur  ses  fondations  pieuses  ou  revêtant  un  caractère  purement 
social,  comme  aussi  sur  le  système  et  la  valeur  monétaires  de 
l'époque,  en  Cerdagne. 

Année  1704-1705  :  Recettes  des  pabordes:  2  écus  d'or,  î  char- 
ges et  2  cosses  de  blé  ;  recettes  des  pabordesses  :  10  écus,  5  réaux. 
Dépenses:  pour  la  cire,  10  écus;  honoraires  du  prédicateur  de 
la  fête,  1  écu  ;  anniversaires  pour  les  confrères  défunts  et  pro- 
cessions, 8  écus. 

En  1709,  la  reddition  des  comptes  fut  faite  le  8  du  mois  d'oc- 
tobre, par  les  anciens  pabordes  et  pabordesses,  en  présence  des 
prévôts  et  rosières  nouvellement  élus  pour  l'annét  suivante,  de 
plusieurs  notables  du  village  appelés  comme  témoins  et  du  Révé- 
rend Jacques  (de)  Girvès,  vicaire  perpétuel  de  la  paroisse.  Total 
des  recettes:  pS  1.   )o  s.  6  d.,  en  monnaie  française. 

En  1711,  le  produit  «de  la  aplega  acosiuman  a  fer  tolas  las 
/estas»  fut  de  61  1.  4  s.,  et  la  dépense  de  1 5  1.  10  s.  pour  ((  pa 
heneit  » . 

Le  9  octobre  1712,  Onufre  Dezu,  paborda  major,  Jean-Isidore 
Augusti,  paborda  mener,  Marie-Anne  Puig,  pabordessa  major, 
Marie  Albi,  pabordessa  me«or, 'présentent  leur  comptes  en  pré- 
sence de  François  Llondres,  consul  major,  de  Jean-Isidore  Augusti, 
consul  menor,  et  du  D'  Farrant,  paborda  major,  élus  pour  l'année 
suivante,  et  du  Révérend  Jacques  Vidal,  prêtre  et  vicaire  d'Osséja. 
Recettes:  38  1.,  4  charges  de  blé  et  j37  1.  10  s.  du  produit 
de  la  vente  du  blé  qu'on  avait  recueilli,  du  basi  y  llibre  de  la 
Confrérie,  c'est-à-dire  des  quêtes  faites  à  l'église  par  les  pabordes 
et  des  cotisations  des  confrères.  Dépenses:  3o  1.  i3  s.  pour 
achat  de  la  cire,  11  1.  jo  s.  pour  achat  d'huile  de  la  lampe  de  la 
chapelle  du  Rosaire;  18  1.  6  s.  pour  anniversaires  des  défunts 
et  pour  les  processions  de  la  Confrérie;  1  1.  10  s.  «  per  adobar 
la  guarnissa  y  mans  de  fusler  »,  en  la  chapelle  du  Rosaire,  le  jour 
de  la  fête  ;  9  1.  12  s.  <(  per  la  carilat  se  acosluma  a  donar  ah  sacer- 
dols  de  la  desena  y  al  predicador  »,  c'est-à-dire  aux  prêtres  du 
doyenné  et  au  prédicateur  appelés  le  jour  de  la  fête  de  dite 
association.  Total  des  dépenses:  71  1.  17  s.,  en  monnaie  fran- 
çaise. Reliquat  :  66  1.  et  6  charges  de  blé. 


224    

Recettes  de  l'année  1720:  41  1.  5  s.  et  1  pesseia  espagnola,  qui 
servirent  à  payer  «  los  anniversaris  (que)  se  son  diis  per  los  Confrares 
diffunls  y  les  professons  de!  cap  del  mes,  Goigs  y  Anliphonas,  y  aixi 
mateix  los  capellans  de  la  desena,  so  es,  dos  reals  plaîa  a  quiscun  lo 
die  del  T{oser,  losquals  son  satisfels  y  lo  7^  Mossen  Pera  Grau  te  rebut 
de  dita  quanîiiai  1  2  /r.  per  los  anniversaris  [que)  se  son  dits  [en)  dit 
any  y  encare  te  de  cohrar  mes  ». 

Dépenses  de  l'année  jjSo  :  pour  «professons  dels  primers  diu- 
menges  [del  mes),  dies  de  A''  S",  Goix  y  antifonas,  7  reals  y  mig  y 
4  reals  y  mig  »  ;  pour  les  «  musichs  »  et  «  per  lo  dinar  del  dia  del 
7(oser  9,  que  l'on  servait  à  ces  musiciens  :  i3  1.  ;  puis  celles  de 
jy33,  pour  «  missas  y  sermo  lo  dia  del  T{oser  »  ;  1  1  livres. 
{/7  suivre)  Jean  Sarrète. 

Echos 

Avec  un  véritable  plaisir  nous  avons  appris  la  nomination  au 
titre  de  Chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  de  M.  Déodat  de 
Sévérac,  l'un  des  plus  actifs  artisans  de  la  renaissance  musicale 
catalane,  compositeur  de  talent.  A  ce  nouveau  légionnaire,  grand 
admirateur  du  Roussillon,  nous  adressons  nos  plus  vives  félicita- 
tions. Per  molts  an\is  ! 

♦ 

Nous  avons  eu  la  joie  d'apprendre  que  la  ville  de  Paris  vient 
d'acquérir  une  nouvelle  œuvre  de  notre  éminent  compatriote, 
l'artiste  sculpteur  Raymond  Sudre  :  une  figure  en  marbre  poly- 
chrome, les  Trophées  de  Salem,  qui  avait  été  exposée  par  l'auteur 
au  dernier  Salon  des  Artistes  Français.  Cette  statuette  est  des- 
tinée au  musée  du  Petit  Palais. 

En  outre,  des  travaux  d'embellissement  ont  été  récemment 
effectués  au  Jardin  de  Bagatelle  qui  mettront  encore  plus  en 
valeur  sa  'Fontaine  aux  Amours,  dont  s'orne  depuis  longtemps  sa 
gracieuse  et  célèbre  roseraie. 

Toutes  nos  félicitations  à  notre  distingué  compatriote  pour  cet 
accroissement  de  gloire  qui  lui  revient  ainsi  de  toutes  parts  dans 
la  capitale  du  monde  artistique.  La  J^evue. 

LcGcmnt,         COMET.  Imprimerie  Catalane,  COMET,   rue  de  la  Poste,  Perpignan 


14'  Atmée.  N'  169  Novembre  1920 

Les   Manuscrits  non  insérés  ^^^  ^F^^V  V^F  ^  ^F% 

ne  son:  oas  rendus .  t^T    m^      ^v     ■    J  M^^ 

Les  Articles  parus  dans  ia  Revue  ^^^    ^k    ^J^   ^^    T         ^^  T^J    >4 

n'engagent  aue  leurs  auteurs.  ^■^Ajk    Jl    A    Aalk^A    JkJL^9  A^ 

Organe  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes.  —  Cotisation  :  40  fr.  par  an 

COTISATIONS 

A  cause  des  gros  frais  des  quittances  à  domicile  qui  sont  de 
1  fr.  5o,  nous  n'avons  pas  encore  fait  le  recouvrement  général 
des  cotisations,  lin  certain  nombre  cependant  nous  ont  payé 
directement  ou  par  l'envoi  d'un  chèque  postal  dont  le  coût  n'est 
que  de  i5  centimes.  Les  retardataires  trouveront  inclus  un 
mandat-carte  rose  qu'il  leur  suffit  de  remettre  au  bureau  de  poste 
ou  au  facteur  lui-même.  Le  récépissé  délivré  tient  lieu   d'acquit. 

Le   Bureau  voudrait  clôturer  au  plus  tôt  les  comptes  de   1920. 

On  peut  aussi  y  joindre  la  cotisation  de   1921. 

La  Renaissance  Catalane 

dans  l'Enseignement  public  ^  privé 
en  Roussillon 

Nous  avons  le  plaisir  d'enregistrer  d'ores  et  déjà,  ici,  deux 
beaux  gestes  de  Renaissance  catalane  émanant,  l'un  et  l'autre,  de 
deux  administrations  distinctes,  mais  officielles,  chacune  agissant 
dans  sa  respective  sphère  d'action.  11  y  a  là  deux  indices  très 
manifestes  de  vitalité  catalane  dans  l'enseignement  public  et  privé 
de  notre  département,  qu'il  n'est  au  pouvoir  de  personne  de 
négliger. 

r  Au  mois  •  d'octobre  dernier  il  y  a  eu  un  an  que,  d'après  la 
Semaine  T^eligieuse  de  Perpignan,  organe  officiel  de  l'évèché  diocé- 
sain, une  chaire  d'éloquence  catalane  a  été  établie  au  grand  Sémi- 
naire par  Monseigneur  de  Carsalade  du  Pont,  et  que  les  prières 


—    126    — 

usuelles  y  sont  publiquement  récitées  en  catalan.  Les  résultats 
constatés  en  ont  été  des  plus  heureux.  Nos  futurs  curés  seront 
ainsi  mieux  armés  pour  être  de  bons  catéchistes,  d'excellents 
prédicateurs  et  les  meilleurs  artisans  de  rénovation  sociale  dans 
les  paroisses  qui  leur  seront  plus  tard  confiées.  Nous  savons  que 
d'autres  initiatives  épiscopales  ne  tarderont  pas  à  s'ajouter  aux 
précédentes,  sur  le  terrain  même  de  l'enseignement  et  de  la  diffu- 
sion des  Belles-Lettres  et  de  la  Tradition  catalanes. 

2'  Par  décision  récente  de  M.  l'Inspecteur  primaire  de  Céret, 
les  instituteurs  de  son  ressort  académique  viennent  d'avoir  à  rédi- 
ger, comme  sujet  de  conférences  pédagogiques,  la  monographie 
historique  et  archéologique  du  pays  où  ils  tiennent  école.  Aussi 
bien,  bibliothèques  et  archives  municipales  sont-elles  devenues, 
depuis  quelque  temps,  un  foyer  de  fervents  travailleurs. 

On  voit  par  là  combien  avisé  se  montre  M.  l'Inspecteur  de 
Céret.  Comme  base  première  à  donner  à  de  telles  initiatives,  il 
y  aurait  à  établir  dans  chaque  école  communale  :  i"  une  classe 
de  "Langue  catalane  ;  une  classe  d'Histoire  roussillonnaise,  à  supposer 
qu'elle  n'y  fonctionne  encore  point. 

Afin  que  MM.  les  Instituteurs  soient  eux-mêmes  mieux  pré- 
parés à  ce  genre  d'études,  il  y  aurait  à  fonder,  dans  toutes  les 
Ecoles  Normales  du  département,  les  deux  cours  précités  en  y 
ajoutant  un  cours  à'Mrchéologie  générale. 

Par  ce  moyen,  la  rédaction  des  monographies  locales  devien- 
drait plus  aisée  et  la  recherche  des  documents  à  ce  nécessaires 
n'en  serait  que  plus  facilitée.  L'habitude  aidant,  il  y  aurait  plaisir 
et  délassement  pour  tous  à  se  livrer  à  de  telles  études.  Chacun 
aimerait  son  école  et  son  village  comme  son  vrai  foyer.  On  vou- 
drait en  faire  son  «  chez  soi  »  quasi  perpétuel,  à  l'exemple  des 
Denaclara  et  des  Vilalte  d'autrefois.  Il  y  aurait  à  souhaiter  enfin 
que  l'exemple  de  M.  l'Inspecteur  de  Céret  soit  imité  de  tousses 
honorables  collègues. 

Si  chaque  instituteur  et  chaque  curé  se  faisait  ainsi  l'historien 
de  sa  commune  et  de  sa  paroisse,  nous  aurions  d'abord  un  bel 
exemple  d'union  et  d'action  sacrées  entre  le  presbytère  et  l'école, 
et,  au  surplus,  dans  peu,  serait  faite,  comme  par  enchantement, 
la  Grande  Histoire  du  T^oussillon,  depuis  longtemps  attendue. 

La  Revue. 


uuuuutuuuuuuuutuuuuuuuuu 
Chroniqueurs  et  Historiens  Catalans 

des  Xlir  if  XIV^  siècles 

e^S^Si^  [SUITE) 

2.  —  "Valeur  historique  de  la  Chronique. 

Ce  qui  caractérise  avant  tout  Muntaner,  c'est  son  inébranlable 
fidélité  envers  la  maison  d'Aragon  et  son  admiration  pour  son 
pays,  la  Catalogne.  «  Qu'on  ne  s'imagine  pas,  dit-il,  que  la  Cata- 
logne soit  une  province  peu  importante  ;  sachez,  au  contraire, 
que  le  peuple  qui  l'habite  est  généralement  plus  riche  qu'aucun 
autre  que  je  sache  ou  aie  vu,  quoique  la  plupart  des  gens  le 
prétendent  pauvre.  Il  est  vrai  qu'on  ne  voit  pas  en  Catalogne, 
comme  il  y  en  a  ailleurs,  des  hommes  puissants  posséder  de  très 
grandes  richesses  en  argent,  mais  l'ensemble  de  la  population 
est  dans  l'aisance  plus  que  partout  ailleurs  ;  les  habitants  vivent 
dans  leurs  maisons,  en  compagnie  de  leurs  femmes  et  de  leurs 
enfants,  avec  plus  d'aisance  et  plus  de  tranquillité  que  tout  autre 
peuple  ;  vous  serez,  en  outre,  étonnés  de  ce  que  je  vais  vous 
dire,  et  cependant,  si  vous  observez  bien  vous  trouverez  que  cela 
est  vrai,  c'est  que  nulle  part  il  n'y  a  autant  de  gens  qui  parlent 
un  seul  et  même  langage  qu'il  y  en  a  en  Catalogne  (i).  » 

Muntaner  se  faisait  une  haute  idée  de  la  langue  catalane  qu'il 
appelle,  à  un  endroit,  lo  bell  caialanesch  ;  le  catalan  était  déjà 
pourvu  d'une  littérature  propre  et  de  tous  les  moyens  d'expres- 
sion nécessaires  à  une  langue  de  culture. 

(i)  E  negu  nos  pens  que  Cathalunya  sia  poca  provincia,  ans  vull  que  sapia 
tothom  quen  Cathalunya  ha  comunament  pus  rich  poble  que  negu  poble  que 
yo  sapia  ne  haja  vist  de  neguna  provincia,  si  be  les  gents  de!  mon  la  major 
part  los  fan  pobres.  Ver  es  que  Cathalunya  no  ha  aquelles  grans  riqueses  de 
moneda  de  certs  homens  senyalats  com  ha  en  altres  terres,  mas  la  commu- 
nitat  del  poble  es  lo  pus  benenant  que  poble  del  mon,  e  aqui  vivcn  mills  e 
pus  ordonadament  en  llur  alberch  ab  Durs  mullers  e  ab  llurs  fills  que  poble 
qui  el  mon  sia.  Daltra  part,  vos  maravellarets  duna  cosa  queus  dire,  empero 
si  be  ho  cercats  axiu  trobarets,  que  dun  llenguatge  sol  de  negunes  gents  non 
son  tantes  com  Cathalans.  (Chronica,  ch.  xxix.) 


—    228    — 

L'un  des  chapitres  les  plus  remarquables  de  la  Chronica  dels 
T^ys  d'Mrago  est  celui  où  Muntaner  juge  les  causes  qui,  de  son 
temps,  donnèrent  à  l'Aragon  une  sorte  de  prépondérance  dans  le 
Midi  de  l'Europe,  et  cette  prépondérance,  l'Aragon  en  était 
redevable  à  ses  rois  :  «  Les  bons  seigneurs,  dit-il,  contribuent 
beaucoup  à  faire  les  bons  vassaux,  et  les  seigneurs  d'Aragon 
encore  plus  que  les  autres,  car  on  dirait  qu'ils  ne  sont  pas  leurs 
maîtres,  mais  leurs  amis.  Si  on  pensait  combien  les  autres  rois 
sont  durs  et  cruels  envers  leurs  peuples,  et  combien  de  grâces, 
au  contraire,  lès  rois  d'Aragon  prodiguent  à  leurs  sujets,  on 
devrait  baiser  la  terre  qu'ils  foulent...  '  Ils  tiennent  «les  riches 
hommes  »,  les  nobles,  les  prélats,  les  chevaliers,  les  citoyens,  les 
bourgeois  et  les  gens  des  campagnes  plus  en  vérité  et  en  droiture 
qu'aucun  autre  seigneur  du  monde...  Aussi,  leurs  sujets  sont 
pleins  d'amour  pour  eux  et  ne  craignent  point  de  mourir  pour 
élever  leur  honneur  et  leur  puissance,  et  aucun  obstacle  ne  peut 
les  arrêter,  fallut-il  supporter  le  froid  et  le  chaud  et  courir  tous 
les  dangers.  Voilà  pourquoi  Dieu  favorise  leurs  actions  et  leurs 
peuples  et  leur  accorde  des  victoires  (i).  » 

Muntaner  se  montre  toujours  l'écrivain  religieux  par  conviction 
qui,  loin  de  recourir  à  l'aveugle  fatalité,  reconnaît  la  Providence 
comme  la  source  de  tous  les  événements  qu'il  décrit  :  «  Qui 
mesure  le  pouvoir  de  Dieu  et  le  pouvoir  des  hommes,  dit-il,  doit 
penser  facilement  qu'il  n'y  a  au  monde  que  Dieu  et  sa  puis- 
sance (2).  »  Au  moment  où  l'amiral  Corral  de  Llança  va  livrer  un 

(i)  Car  certs  siats  quels  bons  senyors  ajuden  molt  affer  Durs  vassalls 
bons  ;  sobre  tots  senyors  ho  han  aquells  del  Casai  d'Arago  que  nous  dire 
que  sien  senyors  de  Durs  vassalls  que  enans  son  llurs  companyons  ;  que  qui 
be  pensa  los  altres  Reys  del  mon  com  estan  cars  e  crus  a  llurs  vassalls,  es 
pensa  hom  los  senyors  del  Casai  d'Arago  quantes  gracies  fan  a  llurs  sots- 
mesos,  la  terra  deurian  besar  quells  calciguen...  Tenen  los  richs  homens, 
prélats,  cavaliers  e  ciutadans  e  homens  de  vilas  e  de  mases  mills  en  veritat  c 
en  dretura  que  neguns  altres  senyors  del  mon...  E  per  ço  llurs  sotsmesos 
son  enflamats  de  llur  amor  que  no  temen  mort  per  exalçar  llur  honor  e 
senyoria,  ans  en  res  no  guarden  pont  ne  palanca,  ne  temen  a  soffrir  fret  ne 
calor  ne  null  perill  perque  Deus  creix  e  millora  en  tots  feyts  els  llurs  pobles 
els  dona  Victoria.  (Chronica,  ch.  xx.) 

(2)  Car  qui  pensa  lo  poder  de  Deus  e  pensa  lo  poder  nostre,  llaugera- 
ment  pot  cascu  pensar  que  no  es  als  mas  Deus  e  son  poder.  (Ibidem,  ch.  1.) 


—    229    — 

combat  à  la  flotte  Sarrasine,  il  s'adresse  ainsi  à  ses  équipages  : 
«  Le  roi*  d'Aragon  est  présent  avec  vous  sur  les  galères  puisque 
voici  son  étendard  qui  le  représente,  et  le  roi  d'Aragon  étant 
avec  vous,  la  grâce  de  Dieu  vous  aidera  et  vous  donnera  la  vic- 
toire (i).  »  Muntaner  attribue  une  immense  importance  aux  rois 
et  aux  hommes  d'action  ;  ce  sont  eux  qui  font  l'histoire,  mais  la 
Providence  les  protège,  les  aide  et  les  guide. 

Muntaner  ne  comprend  pas  l'histoire  à  la  manière  de  Bernât 
Desclot  dont  l'impartialité  touche  trop  souvent  à  l'indifférence. 
Il  compose  son  livre  pour  célébrer  les  hauts  faits  de  sa  nation  et 
de  ses  souverains,  et  il  ne  s'écarte  pas  de  la  voie  tracée,  mais  de 
là  résultent  un  optimisme,  des  exagérations  et  d.es  réticences  que 
nous  sommes  en  droit  de  lui  reprocher. 

Lorsque  se  présentent  des  faits  peu  glorieux  pour  la  Maison 
d'Aragon,  il  les  passe  sous  silence.  J'ai  déjà  montré  qu'il  n'a 
point  parlé  de  l'atroce  supplice  que  Pierre  1]]  infligea,  un  jour, 
à  des  soldats  français  et  la  noyade  qu'il  fit  subir  à  leurs  cama- 
rades (2)  ;  il  s'est  bien  gardé  aussi  de  raconter  la  guerre  que  se 
firent  les  deux  frères  Jacques  11,  roi  d'Aragon,  et  Frédéric  111, 
roi  de  Sicile  ;  il  passe  sur  tous  ces  événements  aussi  rapidement 
que  sur  des  charbons  ardents.  A  propos  de  la  brouille  survenue 
entre  l'Empereur  Frédéric  et  le  Pape  Grégoire  en  1229,  Mun- 
taner nous  dit  que  «  le  Diable  fit  naître  la  discorde  entre  eux  b, 
et  il  ajoute  tout  simplement  :  «  De  quel  côté  fut  le  tort,  je  ne 
saurais  le  dire  ;  je  ne  vous  en  dirai  donc  rien  si  ce  n'est  que  la 
guerre  crût  et  s'envenima  entre  le  Pape  et  l'Empereur,  et  cela 
dura  longtemps  (3).  »    11   ne   veut   pas   nous   dire   non    plus   pour 


(i  )  E  lo  dit  En  Corral  de  LIança  los  dix  :  Vos  altres,  senyors,  sabets  que 
la  gracia  de  Deus  es  ab  lo  senyor  Rey  d'Arago  e  ab  tots  sos  sotsmesos  ;  e 
sabets  quantes  victories  ha  hagudes  de  sobre  Sarrahins  ;  ben  podets  saber 
quel  senyor  Rey  d'Arago  es  présent  ab  nos  en  estes  galees,  que  veus  aqui  lo 
scu  estandart  qui  représenta  la  sua  persona,  e  axi  quel)  sia  ab  vos,  la  gracia 
de  Deus,  e  eJi  en  dara  Victoria.  (Chronica,  ch.  xix.) 

(2)  7{evue  Catalane,  n°  162,  p.  78. 

(3)  Per  obra  del  Diable  mochsc  entre  ell  e  el  Papa  discordia  ;  de  quai 
part  vench  lo  tort  no  tany  a  mi  queus  ho  diga,  perque  nous  en  diria  res, 
mas  io  treball  e  la  guerra  multiplica  e  creixque  entre  la  Sancta  Sglesia  e 
Lemperador,  e  aço  dura  molt  de  temps.  (Ibidem,  ch.  xxxii.) 


—  îSo  — 

quelle  raison  l'Empereur,  qui  était  allé  en  Terre  Sainte  et  y 
avait  pris  la  couronne  de  «  Roi  de  Jérusalem  »,  s'en  retourna 
après  y  avoir  fait  un  assez  long  séjour  :  «  Je  ne  vous  dirai  point 
par  la  faute  de  qui  ni  pour  quelle  raison,  mais  si  vous  cherchez 
bien  vous  trouverez  qui  vous  le  dira  (i).  » 

Comme  il  est  très  intelligent  et  fort  honnête  homme,  Mun- 
taner  a  prévu  le  reproche  qu'on  ne  manquerait  pas  de  lui  adresser 
à  propos  de  ses  réticences  ;  aussi,  prend-il  les  devants  :  «  Com- 
ment se  fait-il  donc  que  Muntaner  passe  si  sommairement  sur  ces 
faits  ?  Et  si  c'est  à  moi  que  cette  question  fût  posée,  je  répon- 
drais qu'il  est  des  demandes  qui  ne  méritent  pas  de  réponse  (2).  » 
Cicéron,  que  Muntaner  avait  peut-être  lu,  car  il  ne  manque  pas 
d'une  certaine  culture  intellectuelle,  Cicéron  avait  résumé  en  une 
phrase  courte  et  frappante  les  obligations  de  l'historien  :  «  TVe 
quid  falsi  dicere  audeat,  ne  quid  vert  non  audeat  (3)  »,  qu'il  se 
garde  bien  de  dire  quelque  chose  de  faux,  qu'il  se  garde  bien 
de  taire  quelque  chose  de  vrai  ;  dire  la  vérité,  toute  la  vérité^ 
mais  sans  réticence.  Muntaner  ne  se  conforme  qu'en  partie  à 
cette  règle  suprême,  et  .il  le  fait  délibérément  ;  il  n'est  donc  pas 
un  historien  complet. 

11  semble  bien  qu'il  exagère  souvent  le  nombre  des  ennemis 
tués  dans  les  combats  livrés  par  la  Compagnie  catalane.  Je  n'en 
citerai  ici  qu'un  seul  exemple,  d'autant  plus  caractéristique  que 
Muntaner  assistait  à  l'action  :  «  Nous  attaquâmes  tous  en  masse, 
dit-il,  et  donnâmes  si  vigoureusement  au  milieu  d'eux  qu'il  sem- 
blait que  notre  fort  lui-même  s'écroulait  tout  entier  ;  de  leur 
côté,  ils  nous  heurtèrent  très  vigoureusement.  Que  vous  dirai-je? 
Pour  leur  péché  et  notre  bon  droit  ils  furent  vaincus.  A  peine 
leur  avant-garde  fut-elle  battue  que,  tous  ensemble,  ils  tournèrent 
le  dos  (4).  »  La  poursuite  fut  si   terrible  que  «  nul   ne  levait  les 

(  I  )  Per  colpa  de  qui  ne  per  quai  raho  axi  poch  vos  en  diria  res,  mas  be 
trobarets  quius  ho  dira  si  be  cercats.  (Chronica,  ch.  xxxii.) 

(2)  E  alcuns  diran  :  Com  se  passa  En  Muntaner  axi  sumariament  daquests 
feyts  ?  E  si  a  mi  ho  deyen,  yo  diria  que  paraules  hi  ha  que  no  han  resposta. 
(Chronica,  ch.  clxxxvi.) 

(3)  T>e  Oralore.  11,   i5. 

(4)  E  com  los  senyals  foren  feyts  qui  ereri  ordonats,  pensam  de  ferir  tots 
ensemps  en  un  burs  ;  e  donam  tal  en  mig  dells  que  parech  que  tôt  lo  castell 


—  i3i   —     » 

mains  sans  entamer  chair  d'homme  ».  Arrivés  au  pied  d'une  col- 
line, les  Catalans  rencontrèrent  la  réserve  ennemie  qui  accourait 
à  la  rescousse  des  fuyards,  si  bien  qu'ils  craignirent  d'être  débor- 
dés ;  «  mais,  dit  Muntaner,  une  voix  s'éleva  parmi  nous  et,  tous 
ensemble,  nous  criâmes  à  la  fois  :  En  avant  !  En  avant  !  Aragon  ! 
Aragon  !  Saint  Georges  !  Saint  Georges  !  Ainsi  nous  reprîmes 
vigueur  et  allâmes  férir  rudement  sur  eux  ;  et  ils  cédèrent,  et 
alors  nous  n'eûmes  plus  qu'à  frapper  (i).  »  La  poursuite  dura 
jusqu'à  la  nuit. 

Le  récit  de  Muntaner  est  très  beau,  très  vivant.  En  voici  la 
conclusion  :  «  Nous  vîmes  que  nous  n'avions  perdu  qu'un  homme 
de  cheval  et  deux  de  pied  ;  et  nous  trouvâmes  qu'ils  avaient  bien 
certainement  perdu  plus  de  six  mille  hommes  de  cheval  et  plus 
de  vingt  mille  de  pied  (2).  »  Cela  paraît  bien  extraordinaire  ; 
Muntaner  lui-même  trouve  surprenante  cette  quantité  de  morts  ; 
il  en  donne  une  explication  assez  inattendue  :  «  Et  ce  fut,  dit-il, 
la  colère  de  Dieu  qui  tomba  sur  eux,  car  nous  ne  pouvions  nulle- 
ment supposer  qu'il  y  eût  autant  de  morts,  et  nous  crûmes  qu'ils 
avaient  dû  s'étouflFer  les  uns  les  autres  (3).  »  Quoi  qu'il  en  soit, 
l'exagération  semble  ici  hors  de  toute  proportion. 

Muntaner  ne  veut  pas  que  ses  amis  aient  tort.  On  a  vu  plus 
haut  le  magnifique  éloge  qu'il  a  fait  de  Roger  de  Flor,  «  le  plus 
généreux  homme  qui  naquit  jamais  ».  Or,  de  graves  accusations 
ont  été   portées  contre  Roger  par  les  contemporains  :  on  l'accu- 

ne  vengues  en  terra.  E  ells  feriren  axi  mateix  molt  vigorosament.  Queus 
dire  ?  Que  per  pecat  llur  e  per  bon  dret  nostre  que  nos  haviem.  vanse  ven- 
cre  ;  e  puix  la  davantera  fo  vençuda,  tots  giraren  a  colp,  e  nos  pensam  de 
ferir  que  nul  hom  no  llevava  la  ma  que  no  feris  en  carn.  (Chronica,  ch.  ccxx.) 
(i)  Mas  una  veu  vench  entre  nos  que  tuyt  cridam  :  Via  sus  !  Via  sus  ! 
Arago  !  Arago  !  Sanct  Jordi  !  Sanct  Jordi  !  E  axi  prenguem  vigoria  e  anam 
tuyt  ferir  fermament  a  ells,  e  axi  mateix  vencerensen  ;  e  llavors  nons  calech 
mas  ferir.  (Ibidem.) 

(2)  E  lendema  reconeguem  nostra  companya,  e  no  trobam  que  haguessem 
perdut  mas  un  hom  de  cavall  e  dos  de  peu  ;  e  anam  llevar  lo  camp.  E  segu- 
rament  tota  hora  trobam  que  hagrem  morts  be  vi.  milia  homens  a  cavall  e 
mes  de  xx.  milia  de  peu.  (Ibidem,  ch.  ccxx.) 

(3)  E  aço  fo  yra  de  Deus  que  vench  sobrells,  que  nos  per  res  nons  podiem 
pensar  que  tanta  gent  hi  hagues  morta,  ans  nos  pensavem  que  los  uns  affe- 
gassen  los  altres.  (Ibidem.) 


232    

sait  notamment  d'avoir  extorqué  aux  malheureuses  chrétiennes  qui 
se  réfugaient  à  son  bord  des  sommes  considérables,  fondement 
de  son  immense  fortune.  Nous  avons  à  ce  sujet  le  témoignage 
défavorable  des  historiens  grecs  du  temps  ;  mais  Muntaner  pré- 
sente ces  accusations  comme  l'œuvre  d'envieux  de  la  gloire  de 
Roger  (i). 

Muntaner  montre  quelquefois  une  crédulité  naturelle  qui  lui 
fait  croire  des  choses  impossibles  que  de  prétendus  témoins  lui 
ont  rapportées.  Je  vais  en  citer  un  exemple.  Nous  avons  vu  qu'il 
était  allé  à  Ephèse,  d'évangélique  mémoire,  où  s'élevait  alors  la 
ville  d'Ayasolouk,  résidence  des  princes  turkomans  d'Aïdin. 
«  C'est  ici,  dit-il,  que  se  trouve  le  tombeau  dans  lequel  Monsei- 
gneur Saint  Jean  l'Evangéliste  se  plaça  quand  il  eut  pris  congé 
du  peuple  ;  et  puis  on  vit  un  nuage  comme  de  feu,  et  la  croyance 
chrétienne  est  que  ce  fut  dans  ce  nuage  qu'il  monta  au  Ciel  en 
corps  et  en  âme.  Et  cela  paraît  bien  par  le  miracle  que  l'on  voit 
chaque  année  à  ce  même  tombeau.  »  Ce  miracle  consiste  en  ceci  : 
Le  jour  de  Saint  Etienne,  au  moment  où  l'on  commence  à  dire 
les  vêpres  de  Saint  Jean,  il  sort  du  tombeau  une  manne  sablon- 
neuse, comme  un  filet  d'eau.  «  Cette  manne  est  merveilleusement 
bonne  pour  beaucoup  de  bonnes  choses,  c'est  à  savoir  que  qui  en 
boit  quand  il  sent  venir  la  fièvre,  jamais  cette  fièvre  ne  lui  vient  ; 
et,  d'autre  part,  si  une  femme  est  en  travail  d'enfant  et  ne  peut 
accoucher,  elle  n'a  qu'à  en  boire  avec  de  l'eau  ou  avec  du  vjn,  et 
elle  est  aussitôt  délivrée  ;  et,  d'autre  part,  celui  qui  est  assailli 
en  mer  par  une  tempête  n'a  qu'à  en  jeter  trois  fois  dans  la  mer, 
au  nom  de  la  Très  Sainte  Trinité,  de  Madame  Sainte  Marie  et 
du  Bienheureux  Saint  Jean  l'Evangéliste,  et  aussitôt  la  tempête 
cessera  ;  et  si  quelqu'un  a  mal  à  la  vessie,  il  n'a  qu'à  en  boire  en 
invoquant  les  mêmes  noms,  et  aussitôt  il  sera  guéri  (2).  » 


Par    les    observations    qui    précèdent,    jç    n'ai    point    entendu 
rabaisser   les    mérites   de    Muntaner.    Tout    d'abord    ses    défauts 

(i)  Chronica,  ch.  cxcim. 

(2)  Tiotice  sur  J{amon  Muntaner,  dans  le  volume  des  Chroniques  étrangères, 
p.  L. 


—  233  — 

trouvent,  dans  une  certaine  mesure,  leur  explication  et  leur  excuse 
dans  le  caractère  même  du  livre  qu'il  écrivait,  caractère  suffisam- 
ment indiqué  ci-dessus.  Ces  défauts  n'enlèvent  rien,  non  seule- 
ment au  charme  littéraire,  mais  même  à  l'intérêt  historique.  «  J'ai 
soigneusement  comparé  son  récit  avec  celui  des  historiens  grecs 
du  temps,  dit  Buchon,  et  j'ai  toujours  reconnu  à  Muntaner  l'avan- 
tage, non  seulement  d'un  esprit  plus  judicieux  et  d'un  caractère 
plus  ferme,  mais  aussi  d'un  jugement  plus  impartial  envers  ses 
ennemis  eux-mêmes  et  d'un  respect  plus  persévérant  et  plus 
laborieux  de  la  vérité  (j).  » 

La  véracité  de  ses  récits  est  donc  confirmée  par  les  historiens 
contemporains  ;  elle  l'est  aussi  par  les  documents  d'archives. 
11  y  a  d'ailleurs,  dans  le  livre  de  Muntaner,  un  accent  d'honnête 
homme  qui  inspire  confiance,  et  nous  ne  sommes  pas  en  droit  de 
supposer  qu'il  ait  jamais  voulu  nous  tromper.  11  nous  a  dit,  à 
plusieurs  reprises,  que  ce  qu'il  va  écrire  «  est  chose  véritable  et 
que  nul  ne  doit  en  douter  »,  que  lot  es  verilal  axi  corn  ho  Iroba- 
reis  per  escrit,  e  no  y  meiels  dupte  nengu  (2).  Si  quelquefois  il 
s'éloigne  un  peu  trop  de  la  vérité,  c'est  quand  il  parle  de  ce  qu'il 
n'a  pas  vu,  de  ce  qu'il  tient  de  témoins  plus  ou  moins  sûrs  et, 
enfin,  de  ce  qu'il  a  puisé  dans  d'autres  livres,  car  il  nous  dit  lui- 
même,  à  propos  de  Jacques  le  Conquérant,  qu'  «  on  a  déjà  fait 
beaucoup  de  livres  sur  sa  vie,  ses  conquêtes,  son  courage,  ses 
efforts  et  ses  prouesses  (3). 

Muntaner   ne   manque   point   d'esprit   critique  :   voyez   au   cha- 

(i)  En  lo  dit  lloch  de  Epheso  es  lo  moniment  en  que  Monsenyer  Sanct 
joan  Evangelista  se  mes  com  hach  près  comiat  del  pople.  E  puix  vaeren  una 
nuu  en  semblança  de  foch  ;  don  es  opinio  quen  aquella  sen  muntas  al  cel  en 
cors  e  en  anima.  E  par  ho  be  en  lo  miracle  que  en  lo  moniment  feu  se 
demostra  cascun  any...  E  aquella  manna  es  bona  maravellosament  a  moites 
bones  coses,  ço  es  a  saber  quin  beu  com  se  sent  febra  venir,  que  james  la 
febra  aquella  no  li  torna  ;  e  daltra  part,  si  dona  va  en  part  e  no  pot  fillar, 
quen  bega  ab  aygua  o  ab  vi,  tantost  es  deslliurada  ;  e  daltra  part,  que  si  es 
fortuna  de  mar  en  gita  hom  en  la  mar  très  vegades  en  nom  de  la  Sancta 
Trinitat  e  de  Madona  Sancta  Maria  e  del  beneyt  Sanct  Joan  Evangelista. 
tantost  cessa  la  fortuna.  E  encare  qui  ha  mal  de  vexigues  en  beu  en  lo  dit 
nom,  tantost  es  guarit.  (Chronica,  ch.  ccvi.) 

(2)  Chronica,  ch.  xix. 

(3)  Ibidem,  au  début  du  ch.  vu. 


—  2^4  — 

pitre  Lxxn  avec  quelle  pénétration  il  entre  dans  les  motifs  de  la 
conduite  de  Charles  d'Anjou  après  la  prise  de  Messine,  et  com- 
ment il  juge  avec  décision  la  faute  où  fut  entraîné  par  inexpé- 
rience le  roi  Pierre  ]]]  en  acceptant  le  défi  que  lui  avait  envoyé 
l'Angevin  aux  abois  : 

«  Il  avait  affaire  avec  un  roi  âgé  et  expérimenté  en  toutes 
choses,  car  je  veux  que  vous  sachiez  que  l'expérience  est  d'un 
grand  poids  dans  toutes  les  affaires  du  monde,  et  le  roi  Charles, 
qui  avait  eu  à  soutenir  de  longues  guerres,  était  âgé  et  pesait 
mûrement  tous  ses  projets.  Sans  doute  le  roi  d'Aragon  était 
pourvu  tout  autant  que  lui  de  toutes  qualités  et  de  tous  avantages, 
mais  il  était  jeune,  son  sang  était  bouillant,  et  il  n'avait  pas  tant 
épuisé  de  ce  sang  généreux  que  l'avait  fait  le  roi  Charles.  11  ne 
suffit  pas  de  songer  au  momeut  présent,  et  tout  prince,  ainsi  que 
tout  autre  personne,  doit  embrasser  à  la  fois  dans  sa  pensée  le 
passé,  le  présent  et  l'avenir  ;  s'il  fait  ainsi,  et  qu'en  même  temps 
il  prie  Dieu  de  le  seconder,  il  est  bien  assuré  de  réussir  dans  ce 
qu'il  entreprendra  fi).  » 

Or,  Pierre  111,  en  la  circonstance,  ne  considéra  pas  le  présent, 
«  car  si  sa  pensée  se  fût  arrêtée  sur  le  présent,  il  se  fut  bien 
gardé  de  consentir  à  ce  combat,  car  il  eut  vu  aussi  que  ce  présent 
était  tel  que  le  roi  Charles  était  sur  le  point  de  perdre  tout  son 
royaume  et  qu'il  était  dans  une  position  si  difficile  qu'il  ne  pou- 
vait manquer  d'en  venir  à  se  remettre  au  pouvoir  du  roi  d'Aragon 
sans  que  ce  dernier  eût  un  coup  à  férir  ou  la  moindre  dépense  à 
faire,  puisque  tout  le  pays  était  sur  le  point  de  se  soulever  (2).  » 

(i)  Havia  a  fer  ab  lo  Rey  antich  e  molt  savi  de  tots  feyts,  cum  vull  que 
sapiats  que  la  longa  pratica  val  molt  a  tots  los  feyts  del  mon.  E  lo  Rey 
Caries  havia  llongam«nt  continuât  en  guerres,  e  era  vell  e  madur  en  tots  los 
feyts.  E  lo  senyor  Rey  d'Arago  segurament  era  axi  be  bastat  de  totes  bon- 
dats  e  de  tots  bens  comell  era,  mas  es  ver  que  era  jove  e  la  sanch  li  bollia 
que  no  lavia  tant  escabrentada  com  lo  Rey  Caries.  Perque  no  pensa  en  lo 
temps  présent.  E  creats  que  tôt  savi  princep  e  tota  altra  persona,  de  qualque 
condicio  que  sia,  deu  fermar  son  enteniment  en  lo  temps  passât,  en  el  pré- 
sent e  en  lesdevenidor.  E  si  ho  fa.  ab  que  tota  vegada  requira  Deus,  el  prech 
que  sia  de  la  sua  part,  no  vendra  a  menys   de  son   enteniment.  (Chrouica, 

Ch.    LXXIl.) 

(2)  E  lo  senyor  Rey  d'Arago  no  guarda  mes  dos  temps,  ço  es  lo  passât  e 
lesdevenidor,  e  lexa  lo  présent.    Que  si  en  lo  présent  li  anas  lo  cor,  bes 


—  235  — 

]]  dit,  à  un  autre  endroit  :  «  Et  qu'on  ne  pense  pas  qu'il  suffise 
à  un  prince  d'être  bon  homme  d'armes  ;  il  lui  faut  encore  de 
l'intelligence,  de  la  sagesse  et  de  l'habileté,  et  il  doit  savoir  saisir 
le  moment  favorable  pour  la  guerre  (i).  » 

(A  suivre)  Pierre  Vidal. 

guardara  que  no  faera  aquestes  batalles  que  be  podia  ell  vaer  quel  temps 
présent  era  ta!  quel  Rey  Caries  perdia  tota  la  terra,  e  encara  era  en  tal  punt 
que  segurament  quen  aço  vengra  quen  poder  sagra  a  mètre  del  Rey  d'Arago 
sens  colp  e  sens  costa,  que  tota  la  terra  estava  en  revelarsen.  (Cronica, 
ch.  Lxxn.) 

(j)  E  negu  nos  pens  que  solament  Senyor  haja  mester  que  sia  bo  darmes, 
ans  ha  mester  seny  e  bondat  e  saviesa,  e  que  sapia  triar  en  les  guerres  a  son 
avantatge.  (Chronica,  ch.  xxi.) 


Dans  la  Légion  d*Honneur 

La  croix  de  la  Légion  d'Honneur  vient  d'être  décernée  à 
M,  Henri  de  Çagarriga,  avec  le  beau  motif  que  voici  : 

((  De  Çagarriga  [Mntoine-T^aymond-fienri),  présideni  du  Comité  des 
Œuvres  de  Guerre  :  A  dirigé  la  Croix-T^ouge  pendant  la  guérie  avec 
le  plus  grand  dévouement,  organisé  les  secours  aux  premiers  envois  de 
blessés,  n'a  cessé  d'apporter  le  plus  vif  concours  aux  blessés  de  guerre 
el  aux  œuvres  des  mutilés  et  anciens  combattants.  » 

Rappelons  que  M.  Henri  de  Çagarriga  est  depuis  longtemps 
membre  de  notre  Société  d'Etudes  Catalanes  et  qu'il  lui  est 
fidèlement  attaché. 

Nous  ne  saurions  oublier  encore  que  le  nouveau  et  très  distin- 
gué légionnaire  est  aussi,  à  cette  heure,  l'une  des  plus  brillantes 
personnifications  de  cette  si  chevaleresque  race  et  de  cette  si 
illustre  tradition  catalanes,  dont  les  membres  de  notre  honorable 
compagnie  ont  pris  à  coeur  de  réveiller  les  gloires  historiques. 

Aussi  bien,  est-ce  avec  un  sentiment  de  légitime  fierté  que  la 
Société  d'Etudes  Catalanes  se  réjouit  de  l'insigne  croix  d'hon- 
neur, si  hautement  méritée,  que  la  France  reconnaissante  vient 
de  fixer  au  séculaire  et  illustre  blason  du  digne  héritier  des 
«  chevaliers  de  Saint-Louis  »,  François,  Gaétan  et  Augustin 
de  Çagarriga. 

Au  nom  de  la  7{evue  et  de  la  Société  d'Etudes  Catalanes, 
nous  adressons  donc  à  notre  distingué  confrère  et  à  tous  les  siens 
l'hommage  de  notre  respectueuse  admiration.  J.  S. 


Planch  de  Pons  de  Mataplana 


(Complainte  du  xiii^  siècle) 


Cossirôs  cant,  e  plàng  e  plor, 
pêl  dol  que  m(h)a  sazit  e  près 
al  cor  per  la  mort  mon  marques 
en  Pons,  lo  près  de  Mataplana, 
que  z  éra  francs,  lares  e  certes 
e  ab  totz  bôs  capteneméns, 
e  tengutz  per  un  dels  millors 
que  fôs  de  Sant-Martî  de  Tors 
tro  Cerdai"  e  la  terra  plana. 

Lôncs  cossiriers  ab  gréu  dolor. 

(h)a  laissât,  e  nostre  paés 

sens  conort,  que  no  n'(h)i  (h)â  gés, 

en  Pons,  lo  près  de  Mataplana. 

Pagans  l'an  mort,  o  mas  Dieu  l'a  près 

a  sa  part,  que  '1  sera  garens 

dels  grans  forfagz  e  dels  menors  ; 

que  'Is  àngels  li  fôron  autors, 

car  mantenc  la  lei  cristiana. 

Marques,  s'ieu  dis  de  vos  folor 
ni  mots  vilans  ni  mal  après, 
de  tôt  ai  mentit  e  mesprès  ; 
qu'anc,  pos  Diéus  basti  Maiaplana, 
no  (h)i  ac  vassal  que  tan(t)  valgués, 
ni  que  tan(t)  fôs  près  ni  valéns 
ni  tan  onratz  sobre  'Is  aussors  (]), 
ja  's  fôsso  rie  vostr'  ancessors  (2)  : 
et  non  (h)o  die  gés  per  ufana. 

(i)  Sobre  los  mes  alts. 

(2)  Per  molt  que  valguéssen  vostres  antecessors. 


-  .37- 

Marques,  la  vostra  desamor 
e  l'ira  que  é  (i)  nos  dos  se  mes 
volgra  ben,  se  a  Dieu  plagués, 
ans  eissisets  de  Mataplana, 
fôs  del  tôt  patz  pcr  bona  fès  : 
que  '1  cor  n'ai  trist  et  vauc  dolens, 
car  no  fui  ab  vostre  secôrs  ; 
quar  ja  no  'm  tengra  pahors 
no  'us  valgués  de  la  gent  trufana. 

En  Paradis,  el  (2)  loc  meiilor, 
lai  o  '1  bon  rei  de  Fransa  es  (3) 
prop  de  Rotlan  sai  que  l'arm'  es 
de  vos  marques  de  Mataplana  ; 
e  mon  joglar  de  Ripolés 
e  mon  Sabata  eissaméns 
estan  ab  las  donas  gensors 
sobre  pâli  cubert  de  flors 
josta  'n  Olivier  de  Lausana. 

Guillèm  DE  Bergada. 

(1)  Entre. 

(2)  En  lo. 

(3)  Lia  6n  lo  bon  rey  de  França  (Caries  Magne)  es. 


Pensaments 

De  les  nostres  misérables  virtuts  trayem-ne  lo  que  devem  al 
tempérament,  a  l'honor,  a  l'opiniô,  a  l'orgull,  a  l'impotencia  y  a 
les  circumstancies,  que  'n  quedarà  ?  Ben  poca  cosa. 

X.  DE  Maistre. 

La  salut  no  es  mes  que  un  nom  ;  ia  vida,  un  somni  ;  la  gloria, 
una  aparencia  ;   les  gracies  y   els  plaers,  un  divertiment  perillôs. 

BOSSUET. 

Una  injusticia  fêta  a  un  home  es  una  amenaça  fêta  a  l'huma- 
nitat.  Montesquieu. 

El  desitg  es  el  pare  del  poder.  Chateaubriand, 


La  Confrérie  du  Rosaire  à  Osséja 

(SUITE  cr  rm) 


Afin  d'augmenter  l'éclat  de  la  fête  et  de  donner  à  la  proces- 
sion du  dehors  plus  de  splendeur,  la  Confrérie  y  invitait  dix 
prêtres  des  paroisses  voisines.  La  cérémonie  était  ainsi  avec 
diacre  et  sous-diacre,  dès  lors  plus  imposante. 

Suivant  un  usage  autrefois  fort  répandu  en  nos  pays  catalans, 
mais  à  peu  près  disparu  aujourd'hui,  sauf  en  quelques  paroisses 
de  la  Cerdagne  française,  les  jeunes  gens,  auxquels  était  dévolu 
l'honneur  de  porter  l'étendard  —  penon  —  de  la  Confrérie  ou 
bien  la  statue  de  la  Vierge,  se  revêtaient,  tout  comme  le  diacre 
et  le  sous-diacre,  d'une  aube  et  d'une  dalmatique  blanches.  Ces 
détails  nous  ont  été  consignés  dans  les  deux  notes  suivantes, 
dont  nous  reproduisons  ici  le  texte,  destiné  à  perpétuer  le  sou- 
venir de  ces  vieilles  et  curieuses  coutumes  cerdanes  : 

Noto  que  se  ha  gastat  de  la  Confraria  del  Roser,  fins  la  hora  présent,  es 
lo  seguent  :  primo,  per  las  dalmaticas  de  damas  blanch  26  fr.  ;  per  lo  gasto 
foldras,  céda,  fil  y  mans,  43  fr.  ;  deutos  per  un  camis,  amit  y  draps  que 
serveixan  demunt  lo  altar,  deu  franchs  y  mig.  Las  dalmatiquas  se  son  fêtas 
essen  Paborde  Francisco  Delcor,  lo  any  1735. 

Mes  se  ha  fet  las  dalmaticas  riquas  per  los  minyons  de  remellot,  monta, 
compres  tôt  lo  foldra  y  mans,  i3  fr.,  Tubau  sen  paborde,  Josep  Domenech 
sastra.  La  capa  de  remellot  blanch  de  N"  S'"  del  Roser  costa,  galo,  foldra, 
céda  y  mans,  27  fr. 

Cette  dernière  mention  indique  clairement  que,  à  cette  époque, 
la  statue  de  Notre-Dame  du  Rosaire  était  habillée,  suivant  les 
coutumes  anciennes  de  nos  pays  catalans. 

En  1737  il  fut  dépensé,  pour  les  gâteaux  ou  pains  particuliers 
— -  «  per  la  coca  del  die  del  T^oser  »  —  que  le  célébrant  bénissait 
à  l'offertoire  de  la  grand'messe  et  que  les  pabordes  distribuaient 
aux  fidèles  durant  cette  cérémonie,  Sy  1.  10  s.,  et  «  per  comprar 
un  pendero  y  adobar  lo  vell  y  cascabells  per  los  penderos  »   10  1.  5  s. 


—  239  — 
Les  membres  et  les  dons  en  nature  ou  en  argent  étant  devenus 
plus  nombreux,  les  recettes  de  la  Confrérie  s'élèvent  à  l'impor- 
tante somme  de  iSî  1.   ii   s.  en  l'année  1752. 


"Fondations  pieuses.  —  Une  messe  hebdomadaire,  0  missa  semma- 
nera  »,  devait  être  célébrée  à  la  chapelle  du  Rosaire  tous  les  mer- 
credis pour  le  repos  de  l'âme  de  n  Dona  Theresa  {de)  Ponl y  de 
Morer-ù,  qui  en  avait  assuré  la  fondation,  le  20  mars  1721,  par 
acte  notarié  déposé  chez  M'  Jérôme  Vergés,  notaire  de  Puig- 
cerda.  La  noble  testatrice  avait  affecté,  au  paiement  de  cette 
messe,  une  rente  annuelle  au  taux  de  9  1.  3  s.  4  d.,  solvable  le 
1"  octobre,  que  Jacques  Gélabert,  de  Puigcerda,  payait  depuis 
longtemps  déjà,  «  a  la  casa  de  Morer  de  dila  vila  »,  d'après  acte 
déposé,  le  8  juillet  1682,  à  l'étude  de  M'  Joseph  Mas,  notaire 
de  Barcelone. 

Joseph  Granés  faisait,  pour  la  même  fondation,  un  censal  de 
pension  annuelle  de  3  1.  3  s.,  payables  le  1"  octobre,  qu'il  retirait 
de  la  maison  qu'il  possédait  à  Puigcerda,  à  la  rue  dite  den  Calva, 
suivant  acte  reçu  chez  M'  Raphaël  Farrant,  notaire  de  cette  ville. 

Joseph  Borrell,  maître-maçon,  mesire  de  casas,  faisait  aussi  pour 
ces  messes  un  censal  de  pension  annuelle  de  3  1.  qu'il  payait,  pour 
le  dit  Morer  de  Puigcerda,  sur  les  maisons  qu'il  possédait  dans 
cette  ville,  «  en  la  placeîa  den  Corlinas  »,  suivant  acte  reçu  chez 
M'  François  Puig,  notaire  à  Puigcerda,  en  date  du  4  octo- 
bre 1669. 

En  1756,  il  fut  célébré  22  messes  anniversaires,  dont  4  «  de  las 
Mare  de  Deus»,  c'est-à-dire  devant  être  célébrées  le  jour  des 
4  grandes  fêtes  de  la  Vierge  solennisées  par  la  dite  Confrérie 
d'Osséja,  à  savoir  :  la  Purification,  2  février  ;  l'Annonciation, 
25  mars;  l'Assomption,  i5  août;  la  Nativité,  8  septembre.  11 
fut  en  outre  célébré  plusieurs  autres  messes  pour  divers  confrères 
défunts.  La  dépense  totale  pour  ces  messes  fut  de  36  fr. ,  en 
monnaie  française. 

Parmi  les  fondations  qui  étaient  faites  en  faveur  de  la  Con- 
frérie d'Osséja,  il  en  est  une  qui  mérite  une  mention  particulière, 
à  cause  de  son  caractère  particulièrement  social  :  c'est  celle 
qu'avait  fondée  le  docteur   Pierre   Bernole,  d'Osséja,   en   faveur 


—  240  — 
de  4  jeunes  filles  pauvres  à  marier.  11  avait  légué  à  la  Confrérie  un 
capital  à  la  rente  annuelle  de  100  1.,  en  monnaie  espagnole.  Ces. 
intérêts  devaient  être  répartis,  par  les  soins  du  curé  de  la  paroisse, 
à  ces  4  jeunes  filles,  le  jour  de  leur  mariage,  comme  en  fait  foi 
la  note  suivante  : 

En  presencia  de  nosaltres,  lo  Révérend  Baptista  (de)  Girvès,  vicari  secun- 
dari  de  Osseja,  y  Gil  Alart,  consul  de  dit  Uoch,  lo  Révérend  Père  Llondres, 
vicari  perpetuo,  a  entregat  a  Francisco  Anglada,  dél  lloch  de  Palau,  com  a 
espos  de  Theresa  Soliguer  y  Anglada,  la  suma  de  2  5  lliuras,  moneda  de 
Espanya,  les  que  dit  Francisco  Anglada  a  acceptât  com  a  dot  y  en  nom  de 
tôt  de  sa  muller  Theresa  Soliguer  y  Anglada,  lasquals  lliuras  11  entrega  dit 
Llondres  de  aquelks  100  que  lo  D'  Père  Barnola  deixa  en  son  testament 
per  distribuir  a  4  minyonas  pobras  de  Osseja,  y  sos  annexas,  y  per  que 
constia  sempre  que  convinguia  firman  lo  présent  a  Osseja,  als  3  de  maitg 
de  1789:  Joan  Baptista  (d?)  Girvès,  vicari  secundari,  Gil  Alart,  consul, 
Llondres  vicari  perpetuo  de  Osseja.  (Suivent  les  signatures.) 

Jean  Sarrète. 

(i)  Cet  ecclésiastique,  originaire  de  Bolquère,  était  vicaire  perpétuel 
d'Osséja,  en  i656.  11  devint  plus  tard  Prévôt  du  monastère  de  la  Pobla  de 
Lillet  (provincia  de  Barcelona).  Cf.  Llibre  de  comptes  de  la  Obra  de  Sanl  Pera, 
P  24,  r°  et  v°  ;  Arch.  paroiss.  d'Osséja. 

Bibliographie 

La  Sirène  Blessée,  poèmes,  par  Emile  Ripert.  Pion,  éditeur,  Paris, 
I  volume,  7  fr.  5o. 

Sous  ce  titre  évocateur,  l'auteur  de  La  Terre  des  Lauriers,  qui  obtint  en 
191  2  le  prix  national  de  poésie,  publie  ce  nouveau  recueil  de  poèmes,  que 
les  événements  ont  fait  la  suite  logique  du  précédent  volume  écrit  à  la  gloire 
de  la  Provence. 

La  Terre  des  Lauriers,  c'était  l'histoire  héroïque  et  légendaire  de  la  Pro- 
vence à  travers  les  âges.  La  Sirène  "Blessée  est  l'évocation  du  même  pays 
lumineux  et  charmant,  au  cours  des  tragiques  années  qui  ont  souvent  attristé 
son  cœur.  Le  volume,  qui  s'ouvre  par  un  magnifique  poème  sur  la  mort  de 
Mistral,  célèbre  tour  à  tour  tous  ceux  qui  sont  tombés  de  19143  1919 
pour  la  défense  de  la  civilisation  et  de  la  Méditerranée  latine.  Dans  un 
émouvant  et  curieux  poème  dramatique  en  quatre  tableaux,  qui  donne  son 
nom  au  volume,  le  poète  évoque  cette  Méditerranée  souillée  par  les  navires 
des  Barbares  et  se  dressant  indignée  contre  eux. 

Ce  nouveau  recueil  classe  définitivement  Emile  Ripert  parmi  les  meilleurs 
poètes  de  notre  temps. 

L«G«nuit,  —  COMET.  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la   PoMc,  Perpignan 


14-  Aimée.  N*  l7ô  Décembre  1920 

REVUE 

CATALANE 


Les  Manuscrits  non  inscrés 
ne  sont  oas  rendus. 


Les  Articles  parus  dans  ia  Revue 
n'engagent  que  leurs  auteurs. 

Organe  de  ia  Société  d'Etudes  Cataianes.  —  Cotisation  :  10  fr.  par  an 


Chroaiqueurs  et  Historiens  Catalans 

des  Xlir  ^  XIV^  siècles 

^JS^SXd  (Suile  et  Tin) 

3.  —  Valeur  liiiéraiie  de  la  «  Chronica  »  ei  caractère  de  son  auteur. 

S'il  y  a  lieu  de  faire  quelque  réserve  au  sujet  de  la  valeur  his- 
torique du  livre  de  Muntaner,  personne  n'en  conteste  les  qualités 
littéraires.  Et  pourtant  cet  intrépide  soldat  n'est  homme  de  plume 
que  par  occasion  ;  son  aversion  pour  tout  ce  qui  ressemblerait  à  un 
développement  de  rhétorique,  pour  tout  ce  qui  sent  l'homme  de 
lettres  est  peut-être  le  trait  le  plus  saillant  de  Muntaner.  Jamais 
cependant  historien  n'écrivit  d'un  style  plus  personnel  et  plus 
digne  à  la  fois  ;  il  trouve  pour  certains  faits  des  expressions  har- 
dies et  pittoresques,  des  comparaisons  pleines  de  vivacité.  Si 
quelquefois  son  style  présente  des  obscurités,  la  faute  en  est 
presque  toujours  à  l'étonnante  infidélité  des  textes  que  nous  pos- 
sédons. Muntaner  a  un  sens  très  vif  du  mouvement,  de  la  couleur  ; 
il  voit  admirablement  le  détail  et  lui  donne  un  relief  merveilleux; 
il  présente  et  relie  entre  eux  ses  récits  avec  simplicité  et  clarté, 
ce  qui  exige  chez  l'historien  beaucoup  de  netteté  dans  l'esprit  et 
aussi  une  connaissance  parfaite  des  événements  qu'il  raconte.  A 
ces  qualités  Muntaner  joint  la  puissance  dramatique  et  l'imagina- 
tion, ce  qui  donne  à  son  récit  «  je  ne  sais  quoi  de  l'intérêt  du 
roman  uni  à  la  magnificence  de  l'épopée  »  (i)- 

Chez  lui»  tout  est  noté  et  mis  sous  nos  yeux  :  les  faits,  les 
hommes  et  les  lieux  sont  retracés  au  vif  et  avec  leur  véritable 
physionomie.    Certains    de    ses    récits,    comme    le    défi    adressé 

(ly  Cambouliu,  ouv.  cité,  p.  28. 


—   242  — 

à  Pierre  111  par  Charles  d'Anjou  et  la  remise  du  petit  Infant  de 
Majorque  à  sa  grand'mère  la  reine  Esclarmonde,  constituent  des 
scènes  de  mœurs  qui  font  du  livre  de  Muntaner  une  des  Chro- 
niques les  plus  précieuses  du  moyen  âge.  Dans  la  description  des 
batailles  il  échauffe  eJt  entraîne  le  lecteur  ;  on  sent,  en  les  lisant, 
qu'il  se  plaît  aux  combats  et  ces  combats  sont  souvent  des  batailles^ 
épiques,  comme  celles  qui  amenèrent  la  ruine  des  armées  turques 
des  émirs  d'Anatolie,  puis  celle  des  troupes  grecques  de  Michel, 
le  fils  aîné  de  l'empereur  Andronic.  Le  récit  de  la  défense  de 
Gallipoli  dont  il  fut  l'àme  est  admirable  de  mouvement,  de  viva- 
cité et  de  précision. 

Mais  le  plus  grand  attrait  du  livre  de  Muntaner,  c'est  qu'il  s'y 
est  mis  lui-même,  ainsi  qu'on  peut  s'en  rendre  compte  par  l'ana- 
lyse que  j'en  ai  donnée  plus  haut  ;  sa  physionomie^  s'y  détache  en 
pleine  lumière  ;  il  s'y  montre  tout  entier  avec  ses  qualités  et  ses 
défauts.  Après  avoir  lu  la  Chronica,  on  sait  que  Muntaner  était 
modeste,  car  tout  ce  qu'il  dit  de  soi  est  plein  de  bon  sens  ;  on 
sait  qu'il  était  courageux,  ne  reculant  jamais  devant  ce  qu'il 
croyait  être  son  devoir.  On  voit  par  plusieurs  passages  de  son 
livre  qu'il  était  charitable  ;  sa  gaieté  d'humeur,  son  amour  de 
l'éclat,  et  aussi,  du  butin  se  révèlent  en  plusieurs  endroits  de  sa 
Chronica.  Parlant  de  la  sanglante  défaite  que  les  Catalans  venaient 
d'infliger  aux  Grecs  devenus  leurs  ennemis,  Muntaner  dit  :  «  Le 
butin  que  nous  fîmes  en  cette  bataille  fut  si  grand  que  nul  ne 
pourrait  en  faire  le  compte  ;  nous  passâmes  bien  huit  jours  à 
piller  leur  camp.  Nous  n'étions  occupés  qu'à  enlever  l'or  et  l'ar- 
gent que  ces  gens  portaient  sur  eux  ;  car  toutes  les  ceintures  des 
gens  de  cheval,  les  épées,  les  selles  et  les  freins  et  toutes  leurs 
armes  sont  garnis  d'or  et  d'argent...  Et  ainsi  ce  que  l'on  gagna 
fut  sans  fin  et  sans  nombre  »  (1).  C'était  la  guerre  ! 

Fidèle  et  loyal  serviteur  de  ses  rois  et  de  sa  patrie,  il  a  une 
très  grande  confiance  en  l'avenir  de  la  puissance  catalane.  Ce  sen- 

(])  Queus  dire?  Quel  guany  fo  axi  gran  que  en  aquella  batalla  faem  que 
nombre  negu  no  si  poria  mètre  ;  que  viii.  jorns  furcam  a  llevar  lo  camp  ;  que 
no  calia  mas  llevar  aur  e  argent  que  squelles  gents  portaven  desus  ;  que  totes 
les  cintes  dels  homens  de  cavall  e  les  espases  e  les  seylles  e  les  frens  e  totes 
llurs  armadures  son  guarnides  dor  e  dargent...  E  axi  fo  sens  fi  ço  que  s' 
guanyâ.  d  {Chronica,  ch.  ccxx.) 


^   .4^   - 

timent  patriotique  et  national,  qu'on  entrevoit  chez  Jacques  le 
Conquérant  et  chez  Desclot,  s'affirme  et  s'accentue  chez  Mun- 
taner.  Il  a  la  vue  nette  des  faits  ;  il  en  scrute  les  causes  et  en 
déduit  les  conséquences  ;  il  blâme  les  opérations  en  homme  clair- 
voyant et  en  aperçoit  l'incohérence.  L'homme  se  montre  surtout 
dans  cette  touchante  vision  d'un  «  prud'homme  »  vêtu  de  blanc  qui, 
à  deux  reprises,  l'invite  à  écrire  son  livre  ;  mais  nulle  part  son 
âme  bonne  et  généreuse  n'apparaît  plus  humaine  que  dans  la  rela- 
tion de  son  voyage  de  Catane  à  Perpignan  pour  porter  à  la  reine 
Esclarmonde  le  fils  de  Ferran  de  Majorque,  la  remise  de  son 
précieux  fardeau,  sa  séparation  d'un  enfant  à  peine  âgé  de  quel- 
ques mois  ;  ce  sont  là  des  scènes  admirables  qui  excitent  l'émotion 
et  provoquent  la  sympathie  pour  l'écrivain,  le  poète  et  l'homme  ; 
on  lui  pardonne  bien  volontiers  ses  inexactitudes  et  ses  exagéra- 
tions en  faveur  de  son  patriotisme  et  son  excellent  coeur  (i). 

Pierre  Vidal. 

(i)  Sur  Muntaner,  en  outre  des  livres  déjà  cités,  on  doit  consulter  : 
Moncada  (Francisco  de).   "Expedicion  de  los  Catalanes  y  Aragoneses  contra 
Turcos y  Griegos,  Barcelona,  Lorenço  Deu,  jéaS,  petit  in-4°. 

Expédition  des  Catalans  et  des  Arragonats  (sic)  contre  les  Turcs  et  les  Grecs 
par  Moncada,  traduit  de  l'espagnol  par  M.  le  comte  de  Champfeu.  Paris, 
C.  J.  Trouvé,   1828,  1  vol.  in-8'. 

Moncada  a  rajeuni  et  développé  le  livre  de  Muntaner.  11  a  connu  et  utilisé 
deux  historiens  grecs  contemporains  des  événements  qu'il  raconte  ;  ce  sont  : 
I*  Pachymère,  qui  a  écrit  l'histoire  de  l'empereur  Michel  Paléologue  et 
celle  des  vingt-six  premières  années  du  règne  d'Andronic  11  ;  2°  Nicéphore 
Grégoras,  auteur  d'une  Histoire  de  Constantinople. 

Schlumberger  (Gustave).  Expédition  des  «  Almugavares  s  ou  routiers 
catalans  en  Orient,  de  l'an  i3o2  à  l'an  i3)i.  Paris,  Plon-Nourrit  et  C", 
>902,  in-8''. 

11  est  fait  principalement  au  moyen  d'extraits  de  Muntaner,  de  Moncada, 
de  Pachymère  et  de  Nicéphore  Grégoras.  M.  Schlumberger  a  combiné  les 
récits  de  ces  quatre  écrivains  et  a  composé  un  livre  d'une  lecture  agréable. 

Depuis  longtemps  M.  Antoni  Rubio  y  Lluch,  l'homme  d'Espagne  qui 
connaît  le  mieux  l'histoire  et  la  littérature  médiévales  de  la  Catalogne,  s'occupe 
de  cette  fameuse  expédition  des  Catalans  en  Grèce.  11  a  déjà  publié  :  T^oticia 
geografica  de  l'Orient  segons  en  Muntaner  (dans  les  tomes  1  et  11  du  Butlleti  del 
Centre  Excursionista  de  Catalunya)  ;  La  expedicion  y  dominaciôn  de  los  Cata- 
lanes en  Oriente  juzgadas  por  los  Griegos  (dans  les  Memorias  de  la  T^eal  Aca- 
demia  de  Buenas  Letras  de  Barcelona,  t.  iv,  année  iS8y)  ;  Catalunya  a  Grecia 
(un  petit  volume  de  la  Biblioteca  popular  t  l'Jlvenç  ».  Barcelona,  1906).  La 
partie  consacrée  à  La  llengua  i  la  cultura  catalana  en  el  xiv*  segle  est  du  plus 
grand  intérêt. 


La  seigneurie  ^  h  paroisse  du  Soler 

<^^S^  (Suite  et  Tin) 

12.  François  Farrer  (1608-1628).  —  Il  rédige  son  testament  le 
24  août  1610(1).  Une  transaction  est  opérée,  le  28  juillet  1621, 
entre  François  Farrer  et  Bernard  de  Bonameiso,  pages  de 
Saint-Féiiu  d'Avall,  laquelle  est  vendue  à  Dominique  Denbach 
alias  Bajet,  cultivateur  du  Soler  (2). 

i3.  Jean  Rocha  de  Rodilla,  docteur  en  théologie  et  officiai  de 
l'Inquisition  (1628-1634).  —  Le  4  mai  1628,  il  contracte  une 
assurance  sur  la  vie  pour  l'espace  d'un  an.  Le  contractant  ne 
pourra  «  navegar  per  mar  ni  dins  ni  fora  del  bisbal  de  "Elna  »  ;  il  ne 
pourra  sortir  par  voie  de  terre  qu'une  seule  fois  pour  aller  au- 
devant  de  l'évêque  d'Elne  François  Lopès  de  Mendoça  «  fins  a  la 
ciulai  de  Barcelona  lani  solameni,  anant  y  tornant  sempre  per  h  cami 
real  »  (3).  Curieuses,  en  vérité,  les  conditions  de  cette  assurance  ! 

14.  Jean  Torrent  (1634-1639).  — On  afferme,  en  i636,  le  four 
à  cuire  le  pain  appartenant  à  la  Fabrique  (4). 

i5.  —  Christophe  Rausich,  docteur  et  commissaire  de  l'Inqui- 
sition (ib39-i652).  —  A  la  requête  présentée  par  Christophe 
Rausich,  Jacques  Cavalier  répond,  en  1647,  qu'il  est  prêt  à  reven- 
dre les  deux  propriétés  mentionnées  dans  la  requête  sous  condi- 
tion expresse  de  remboursement  de  81  livres  de  la  vente,  des 
foriscapis  et  des  frais  d'acte,  et  sous  réserve  du  tiers  des  grains  (5). 
Christophe  Rausich  rédige  son  testament  en  i652.  Il  veut 
3oo  messes  et  il  laisse  un  pré  à  l'église  à  charge  de  200  cantas 
par  an  pour  le  repos  de  son  âme  :  ce  pré  confronte  «  lo  cami  de 
Tuhir  »  (6). 

16.  Thomas  Cavaller  (1653-1669).  —  Les  fruits  de  la  rectorie 
du  Soler  sont  affermés,  en  i655,  à  l'exception   des   olives  et  des 

(i)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  Ô78. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ihidem. 

(4)  Ibidem. 

(5)  Ibidem. 

(6)  Ibidem. 


-  745  - 

raisins  :  «  Tôt  aquell  delme  o  part  de  délme  tocant  y  expectant 
a]  R.  Thomas  Cavalier,  prevere  y  rector  de  la  présent  iglesia  del 
lioch  del  Soler,  com  son  de  blats,  ordis,  civadas,  miils,  excepto 
lo  delme  de  oly,  vi,  rahims  y  olivas  v>.  Le  fermier  devra  donner, 
le  i5  août,  8  charges  de  blé  «  als  frares  de  Sant  Bernât  del  con- 
vent  de  N'  S"  de  Eula  de  PP'  ».  Le  prix  de  l'afferme  est  de 
trois  doubles  d'or  (j).  Frère  Michel  Vidal,  prieur  de  Notre- 
Dame  de  l'Eula,  avait  essayé  d'enlever  à  Thomas  Cavalier  une 
partie  de  la  dîme  des  fruits  et  des  grains  du  Soler.  Une  sen- 
tence, datée  de  i65y,  ne  donne  pas  raison  à  frère  Michel 
Vidal  (2).  En  1661,  Thomas  Cavalier  afferme  le  four  aux  condi- 
tions suivantes:  «  Sapia  dit  arrendador  que  haura  de  tenir  pro- 
vehit  lo  dit  forn  de  bonas  llefiyas  a  gastos  seus  propris,  y  haura 
de  courer  quiscun  dia  lo  pa,  y  lo  pa  que  desaprofitera,  sia  poch 
cuyt  o  sia  cremat,  aquell  haura  de  pagar  lo  que  judicaran  los  hon. 
consols  del  dit  lloch,  item  sapia  dit  arrendador  que  ninguna  per- 
sona  podra  courer  pa  en  altre  forn  sino  que  lo  tinga  en  sa  casa 
mateixa,  fora  la  pena  de  très  Iliures  moneda  de  plata  applica- 
dores,  ço  es  la  tercera  part  à  la  obra  de  l'iglesia,  l'altre  tercera 
part  à  la  cort  del  hon.  batlla  de  dit  lloch  y  la  restant  tercera  part 
a  l'arrendador  :  lo  forn  tocant  y  expectant  la  obra  de  la  iglesia 
parroquial  »  (3).  Le  23  février  1662,  François  Cavalier  donne 
une  procuration  à  Jacques  Bosch  pour  le  représenter  en  jus- 
tice (4). 

17.  Biaise  Lla7G,  prêtre  bénéficier  de  Pézilla-la-Rivière,  résida 
au  Soler,  en  qualité  d'économe,  du  9  septembre  1669  jusqu'au 
2  novembre  1670. 

18.  Emmanuel  Mandil  (2  novembre  1670-12  août  1671).  — 
Le  16  avril  1671,  un  marché  est  conclu  entre  le  recteur 
Emmanuel  Mandil,  le  batlle,  les  consuls  et  un  obrer  du  Soler, 
d'une  part,  et  Louis  Générés,  sculpteur  de  Perpignan,  d'autre 
part,  au  sujet  de  la  fabrication  d'un  retable  pour  la  chapelle  de 
Saint  Dominique  :  ce  saint  avait  aussi  son  autel   dans   la    nouvelle 

(1)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  Fonds  d'Oms. 

(2)  Arch.  des  Pyr.-Or..  G.  878. 

(3)  Arch.  des  Pyr.-Or..  C.  1860. 

(4)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 


—   246  — 

église.  Le  retable  devait  être  exécuté  pour  la  somme  de  4$  dou- 
bles d'or,  à  raison  de  33  réaux  d'argent  par  double,  et  devai,t 
être  terminé  pour  la  Saint-Jean  prochaine.  En  outre,  il  est  stipulé 
que  le  retable  aura  la  hauteur  de  la  chapelle  de  Saint-Dominique 
et  la  largeur  qui  sera  nécessaire.  11  aura  six  niches,  trois  en  haut 
et  trois  en  bas.  Au  milieu  des  niches  d'en  haut,  Générés  placera 
la  statue  de  l'Immaculée  Conception  (Notre-Dame  de  la  Con- 
ception) ;  ensuite,  à  droite,  la  statue  de  saint  Sébastien  et,  à 
gauche,  la  statue  de  saint  Roch,  que  la  Fabrique  de  l'église  pos- 
sède déjà  ;  mais  Générés  sera  obligé  de  sculpter  la  statue  de 
Notre-Dame  de  la  Conception,  Les  niches  d'en  bas  posséderont: 
celle  du  milieu  la  statue  de  saint  Dominique,  celle  de  droite  la 
statue  de  saint  Joseph,  celle  de  gauche  la  statue  de  saint  Gau- 
dérique,  et  ces  trois  statues  devront  être  scupltées  par  Générés. 
De  plus,  le  retable  sera  garni  de  colonnes,  de  corniches  et  de 
tous  les  ornements  qui  figurent  dans  le  dessin  signé  par  Générés 
et  le  curé(i).  Le  retable  de  Saint-Dominique  fut  doré  peu  de 
temps  après  sa  mise  en  place  dans  la  chapelle.  —  Emmanuel  Man- 
dil  rédige  son  testament  le  27  février  1672  (2).  Trois  mois  après, 
il  donne  procuration  à  Thomas  Cavalier,  ancien  curé  du  Soler  et 
son  oncle,  pour  résigner  la  cure  du  Soler  (3).  Enfin,  le  5  octo- 
bre 1672,  Dominique  Collarès,  clerc  d'Elne,  pourvu  par  autorité 
apostolique  de  la  rectorie  du  Soler,  résigne  cette  rectorie  en 
faveur  de  Joseph  Mandil,  bénéficier  de  Saint-Jean  de  Perpi- 
gnan (4). 

19.  Joseph  Mandii-  (11  décembre  1672-3  août  1711)-  —  Cet 
ecclésiçistique  occupait,  en  1676,  un  bénéfice  fondé  à  Saint-Jean 
de  Perpignan  par  Bérenger  de  Palma  (5).  En  1680,  il  afferme 
les  dîmes  de  la  rectorie,  à  l'exception  du  blé.  Le  preneur  don- 
nera au  curé  quatre  «  dourchs  »  d'huile  pour  «  la  llantia  del  altar 
major  ».  Le  prix  de  l'afferme  est  de  i5o  doubles  d'or  (6).  —  La 


(1)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 

(1)  Ibidem. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Ibidem. 

(5)  Arch.  des  Pyr.-Or..  G.  37S. 

(6)  Arch.  des  Pyr.-Or..  G.  878. 


—  247  — 
confrérie  dels  Desempara ts,  dont  le  siège  était  dans  l'église  de 
Saint-Jacques  de  Perpignan,  possédait  des  propriétés  au  Soler. 
Un  billet  d'enchères  pour  l'afferme  de  ces  biens  en  i683  dit  que 
le  fermier  portera  les  redevances  payables  en  nature  «  a  la  casa 
ahont  Nostra  Senyora  dels  Desemparats  té  ios  graus  en  la  présent 
vila  de  PP'  »  (i). 

La  Confrérie  du  Rosaire  avait  été  fondée  dans  l'église  du 
Soler  en  1682.  Le  3  mai  i683,  les  membres  de  cette  confrérie 
se  réunissent  dans  l'église  paroissiale,  au  son  de  la  cloche  selon 
l'habitude,  pour  obéir  aux  ordres  des  consuls  Godail  et  Victor 
Font  et  après  avoir  reçu  l'autorisation  du  vicaire-général  de  Rous- 
sillon  et  Vallespir.  Dominique  Valeta,  barlle  de  la  localité,  assiste 
à  la  réunion.  Dans  cette  réunion  on.  rédige  et  on  approuve  les 
statuts  de  la  confrérie  du  Rosaire.  En  même  temps,  le  curé 
Joseph  Mandil  et  les  habitants  décident  que  chaque  premier 
dimanche  du  mois  on  ferait  une  procession  du  Rosaire,  et  déter- 
minent l'itinéraire  de  cette  procession  :  les  deux  grandes  proces- 
sions du  Rosaire  d'octobre  et  de  mai  suivront  le  parcours  du 
Corpus  Chrisli. 

Le  retable  de  la  chapelle  du  Rosaire  devait  être  doré.  C'est 
pourquoi,  le  3  janvier  1687,  un  marché  est  conclu  avec  Jean 
Scriba  pour  dorer  ce  retable  :  «  Los  S"  rector,  batlle  y  pabor- 
des  donan  a  dorar  al  dit  Scriba  lo  retaula  de  la  dita  capella  (del 
Roser)  construhit  dins  dita  iglesia...  sera  dorât  de  or  a  fons  junt 
ab  la  estafadura  de  expolins  y  brocat  y  pinturas  fînas.  Ab  pacte 
que  se  obliga  lo  dit  scriba  dorar  la  cadireta  y  la  figura  de 
N"  S"  del  Roser  que  es  en  dita  Confraria  del  Roser  ». 

îo.  Jean  Berta  et  P.  Maron  (3  août  171J-30  janvier   iJiS). 

21,  Pierre  Cabestany  (29  janvier  I7i5-i3  avril  1753).  —  Il 
prend  possession  de  sa  cure  le  29  janvier  1715  (2).  Peu  de  temps 
après,  Pierre  Cabestany  n'est  pas  d'accord  avec  les  habitants 
pour  l'entretien  de  la  lampe  qui  doit  brûler  devant  le  Saint- 
Sacrement  (3).  Après  enquête,  l'entente  s'établit. 

22.  Antoine    Cavaller  (i3    avril    1753-20    décembre   1765).  — 

(1)  Archives  des  Pyr.-Or.,  G.  546. 

(2)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 

(3)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  C.  1860. 


—  248  — 

La  prise  de  possession  de  ce  curé  est  datée  du  6  mai  lyS'i  (i). 
La  porte  d'entrée  de  l'église  est  portée,  en  1763,  à  l'autel  actuel 
de  Saint-Jean-Baptiste. 

23.  Bonaventure  QuÈs  (20  décembre  ijéS-S  mai  1791).'  — 
Pourvu  par  autorité  apostolique,  il  prend  possession  de  sa  cure 
le  20  décembre  1765  (2).  On  afferme,  en  1783,  le  pré  appelé  lo 
prai  gros  appartenant  à  la  marguillerie  de  l'église  et  confrontant 
avec  Fr.  Rougé,  avec  messire  de  Roquebrune  et  avec  un  autre 
pré  de  la  Fabrique,  agulla  entre  deux.  Le  preneur  paiera  en  sus 
du  prix  de  l'adjudication  un  flambeau  de  cire  blanche  du  poids 
de  4  livres  et  deux  cierges  de  cire  blanche  d'une  livre  chacun. 
Prix  :  67  livres  10  sous  par  an  (3).  En  1784,  on  met  aux  enchè- 
res les  pressoirs  appartenant  à  la  Confrérie  du  Rosaire,  Le 
bail  est  passé  par  les  prévôts  de  la  Confrérie.  L'adjudicataire 
payera  le  prix  de  son  offre  pour  le  plus  tard  le  25  décembre  ;  il 
pavera  en  outre  deux  flambeaux  de  cire  blanche  du  poids  de 
6  livres  chacui'  et  deux  livres  de  cire  blanche  pour  cierges  (4). 

24.  —  Gaudérique  Bigorre  (8  mai  ij^i).  —  «  Commença,  dit 
une  relation  rédigée  en  catalan,  als  8  maig  179)  fins  als  18  sep- 
tembre de  dit  any,  en  loqual  vingué  la  infelice  revolutio  de  França. 
Los  sacerdots  foren  obligats  de  fugirse  en  terras  estranyas.  Del 
numéro  fou  Galderich  Bigorre.  Dins  laquai  circumstancia  vingué 
l'intrus  frare  Grau  que  commença  als  18  septembre  1791  y  se 
retira  à  Toulouges  lo  5  octobre  J792.  Lo  6  octobre  J792,  la 
parroquia  es  restada  sens  sacerdots,  mes  lo  23  octobre  1800,  lo 
rector  Galderic  Bigorre  (Bonaparta  governant)  es  rentrât  de 
Espagne  y  ha  residit  dès  eix  dia  fins  als  24  de  juny  1826.  La 
grossa  campana  fou  fêta  durant  son  rectorat  de  1822.  » 

L'église  du  Soler  fut  agrandie  en  1829  :  c'est  alors  que  la 
porte  d'entrée  fut  mise  à  la  place  qu'elle  occupe  aujourd'hui. 

Le  clocher  fut  placé  sur  le  sol  du  presbytère  actuel  (cuisine)  : 
il  y  resta  jusqu'à  1829.  On  y  accédait  de  la  tribune  par  une  brè- 
che dans  la  voûte  (en  forme  de  fenêtre)  qu'on  voit  encore  dans 
l'intérieur  de  la  Sitge. 

(i)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  G.  878. 
(3)  Jbidem. 

(3)  Arch.  des  Pyr.-Or.,  C.  1860. 

(4)  Archives  Badie  et  Respaut,  du  Soler. 


—  249  — 

En  1829,  la  nef  centrale  fut  allongée  de  sept  n  êtres  environ, 
telle  qu'elle  se  trouve  encore  aujourd'hui. 

La  date  de  la  construction  de  la  chapelle  de  Saint-Gaudérique 
est  inconnue  :  elle  eut  lieu  peut-être  en  même  temps  que  la  cha- 
pelle du  Christ. 

Casa  de  l'obra  (chapelles  actuelles  de  N.-D.  de  Lourdes  et  Tri- 
nité). Cette  maison  fut  bâtie  par  la  Fabrique  de  lySi  à  1754.  La 
note  des  dépenses  se  trouve  aux  archives  de  la  Fabrique.  A  l'épo- 
que de  la  Révolution,  la  commune  s'en  empara  et  y  établit  une 
maison  d'école.  Quand  l'ordre  fut  rétabli  en  France,  la  commune, 
sachant  très  bien  que  cet  immeuble  ne  lui  appartenait  pas,  paya 
chaque  année  60  francs  de  loyer  à  la  Fabrique.  En  1873,  la  com- 
mune fut  mise  en  demeure  par  la  Fabrique  d'avoir  à  évacuer 
l'immeuble  et  la  casa  de  l'obra  fut  ajoutée  à  l'église.  C'est  à  cette 
époque  qu'on  pratiqua  les  deux  arceaux  actuels  en  face  de 
N.-D.  de  Lourdes  et  de  la  Trinité.  Il  n'y  avait  primitivement, 
en  place  de  ces  arceaux,  que  deux  petites  niches  où  étaient  pla- 
cées les  statues  de  saint  Honorât  et  de  sainte  Philomène. 

Vers  1840,  le  presbytère  actuel  fut  construit  par  la  commune. 
En  1843,  la  Fabrique  acheva  l'appropriation  du  local. 

En  i856,  on  ajouta  à  l'église  l'emplacement  occupé  actuelle- 
ment par  les  fonts  baptismaux  et  l'appartement  des  chaises. 

La  chapelle  des  fonts  baptismaux  fut  construite  en  i858.  Le 
bénitier,  en  marbre  rouge,  placé  devant  les  fonts  baptismaux,  a 
une  certaine  valeur. 

Par  conséquent,  l'église  du  Soler  fut  agrandie  à  mesure  que  la 
population  augmentait.  Ce  qui  fait  que  ce  monument  manque 
absolument  d'unité  et  de  régularité  ;  toutefois  la  nef  primitive 
n'est  pas  dénuée  de  beauté  architecturale. 

La  seigneurie  du  Soler  d'Avall 

Cette  seigneurie  est  ancienne.  Mais,  pour  étudier  son  histoire 
d'une  manière  suivie,  il  faut  partir  du  xiv'  siècle. 

En  1357,  le  château  du  Soler  d'Avall  est  affermé  :  «  Caslrum 
de  Solerio  inferiori  arrendatur  »  (i)- 

(1)  Alart,  Cart.  rouss.  mi.,  t.  xiv,  p.  536. 


—  îSo  — 

Bernard  Beringuer  de  Perapertusa  figure  comme  «  senyor  del 
Soler  d'Avall  »  en  i36o. 

A  partir  de  cette  date,  on  distingue  plusieurs  familles  seigneu- 
riales. 

Famille  de  Fenollet 

En  i362,  André  de  Fenollet  met  son  épouse  Sibille  en  pos- 
session du  Soler  d'Avall  (i).  Peu  de  temps  après,  le  même  sei- 
gneur reconnaît  devoir  à  G.  de  Villelonga  40  livres,  tous  les  ans, 
sur  les  revenus  du  Soler  d'Avall  (2).  Cette  localité  comprenait 
cinq  feux  en  i385.  Elle  fut  taxée  pour  ce  nombre  de  feux  lors 
de  l'expédition  contre  le  comte  d'Empurias  et  l'entrée  de  gens 
armés  (3).  Il  est  donc  certain  que  la  population  du  Soler  d'Avall 
n'était  pas  bien  importante.  Elle  se  composait  d'agriculteurs  qui 
travaillaient  la  vigne  et  récoltaient  surtout  du  froment,  de  l'orge 
et  du  blé.  Pour  améliorer  leurs  terres,  ils  employaient  tous  les 
moyens.  L'arrosage  était  un  moyen  essentiel,  de  premier  ordre. 
Le  seigneur  l'avait  compris.  C'est  pourquoi,  le  29  novembre  1402, 
Pierre  de  Fenollet  fait  une  concessijon  d'eau  aux  habitants  du 
Soler  d'Avall.  Cette  concession  vise  l'établissement  d'un  moulin 
à  farine  et  l'arrosage  des  terres  :  «  Don  Pera  de  Fenollet,  ves- 
comte  d'ille  y  Canet  y  senyor  del  Soler  de  Vall,  concedi  aïs 
consuls  de  Soler  de  Vall  (y  consols  de  (Soler  de  mont)  lo  poder 
de  fer  un  rech  y  pendre  l'aygua  defore  lo  moli  de  Sant  Feliu 
per  fer  en  lo  terme  de  Soler  de  vall  un  moli  per  lo  senyor  ves- 
comte  y  per  que  de  aquella  pugan  regar  llurs  proprietats,  ab 
pacte  que  degan  pagar  al  dit  S"  vescomte  una  mesura  de  ordi 
per  ayminata  de  terra,  y  que  lo  reguer  feran  se  dega  régir  per 
ell  »  (4). 

]]  convient  de  noter  qu'un  moulin  à  farine  était  indispensable 
aux  populations  agricoles  :  il  devait  leur  rendre  les  plus  grands 
services.  Le  seigneur  seul  pouvait  le  bâtir  et  le  faire  marcher. 

Après  la  mort  de  Pierre  de  Fenollet,  la  seigneurie  du  Soler 
d'Avall  passe  à  la  maison  de  Perellos. 

(1)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t.  xv,  p.  606. 

(2)  Alart,  Cari,  rouss.  ms.,  t.  xv,  p.  347. 
(3j  Notule  de  G.  Carol. 

(4J  Arch.  Dép.,  Fonds  d'Oms. 


—  î5i   — 

Famille  de  Perellos 

Le  6  août  141 5,  le  vicomte  de  Perellos  vend  à  Arnald  de  Llu- 
pia  les  pasquiers  du  Soler  d'Avall(i).  En  i433,  Arnald  de  Llu- 
pia  revend  à  Bernard  de  Llupia  tout  ce  qu'il  avait  acheté  au 
vicomte  de  Perellos  en  1415  (2).  Dix  ans  plus  tard  —  11  sep- 
tembre 1443  —  Alphonse,  roi  d'Aragon,  accorde  l'eau  du  ruis- 
seau de  Perpignan  aux  habitants  du  Soler  d'Avall  et  du  Soler 
d'Amont  moyennant  douze  deniers  par  ayminate  de  terre  (3). 

Louis  de  Perellos,  vicomte  d'Ille  et  de  Canet,  vend  plusieurs 
terres.  En  1448,  Bernard  Riambau  lui  achète  une  propriété  de 
trois  ayminates  (4).  Enfin,  le  23  mai  1454,  Bernard  Riambau 
acquiert  de  Louis  de  Perellos  la  seigneurie  du  Soler  d'Avall  pour 
la  somme  de  2000  livres  monnaie  de  Barcelone  (5).  Le  vicomte 
d'Ille  lui  fait  donation  de  tous  ses  droits  sur  le  Soler  d'Avall  (6). 

Famille  Riambau 

Un  papier-terrier  de  i455,  dressé  par  ordre  de  Bernard  Riam- 
bau, énumère  les  propriétés  suivantes  :  1  10  ayminates  de  champ, 
1  ayminate  d'olivette,  5  ayminates  d'eras,  14  maisons  dans  le  fort 
du  Soler  d'Avall  (7). 

Bernard  Riambau  est  signalé  comme  seigneur  du  Soler  d'Avall 
dans  plusieurs  actes  de  1465  et  de  1472.  Ensuite,  la  seigneurie 
est  vendue  à  François  Saguer. 

Famille   Saquer 

Le  4  février  i52o,  François  Saguer  est  mis  en  possession,  par 
Charles  Guim,  du  Soler  d'Avall  et  de  toutes  les  juridictions  civiles 
et  criminelles  de  cette  localité  (8). 

Etienne  de  Senespleda  succède  à  François  Saguer. 

(1)  ibidem. 

(2)  ibidem. 

(3)  ibidem. 

(4)  ibidem. 

(5)  Arch.  Dép.,  Fonds  d'Oms. 

(6)  ibidem. 

(7)  ibidem. 

(8)  ibidem. 


252    

Famille  de   Senespleda 

François  Saguer  avait  eu  des  démêlés  avec  le  procureur  royal. 
Etienne  de  Senespleda  en  subit  les  conséquences.  Le  3  juil- 
let 1591,  il  se  plaint  d'avoir  été  dépouillé  injustement  de  la  sei- 
gneurie du  Soler  d'Avall.  11  demande  à  être  remis  en  possession 
de  cette  seigneurie  ;  il  intente  même  un  procès  au  procureur  fis- 
cal du  Patrimoine  royal  (1).  Sans  doute,  Etienne  de  Senespleda 
fut  écouté,  puisque,  le  9  juin  i595,  il  vend  à  Guillaume  Perios, 
du  Soler,  les  pasquiers  et  les  herms  (terres  incultes)  pour  la 
somme  de  100  livres  monnaie  de  Peroignan. 

Peu  de  temps  après.  Antoine  de  Vilaplana  de  Copons  achète 
la  seigneurie. 

'  Famille  de  Vilaplana 

Le  23  mars  1602,  Etienne  de  Senespleda  vend  à  Antoine  de 
Vilaplana  de  Copons,  donzell,  domicilié  à  Barcelone  tous  les 
droits  seigneuriaux  et  la  plus-value  de  toutes  les  terres  apparte- 
nant à  la  seigneurie  du  Soler  d'Avall  moyennant  la  somme  de 
23oo  livres. 

A  Antoine  de  Vilaplana  succède  son  fils  François  de  Vilaplana  ; 

A  François  de  Vilaplana   succède  sa  fille  Jeanne  de  Vilaplana. 

A  Jeanne  de  Vilaplana,  mariée  à  don  de  Foix  de  Descamps, 
succède    Françoise   de   Vilaplana  de  Foix  de  Descamps,  sa  fille  ; 

A  Françoise  Vilaplana  de  Foix,  mariée  à  don  Jean  d'Oms 
et  Toqui,  succède  don  François  d'Oms,  son  fils  aîné  ; 

A  François  d'Oms  succède  Joseph  d'Oms,  son  fils. 

En  i632,  Antoine  de  Vilaplana  de  Copons,  «  dominus  loci  del 
Soler  de  Vall  »  vend  une  maison  située  au  Soler  d'Amont. 
Jeanne  de  Béarn  de  Vilaplana  a  pour  tuteur  Alexis  de  Senes- 
terra  qui  afferme,  en  léSp,  les  terres  du  Soler  d'Avall.  Qua- 
tre ans  après  —  i663  —  don  François  de  Foix  de  Béarn  de  Des- 
camps se  marie  avec  dona  Johanna  de  Vilaplana.  Don  François 
de  Foix  reçoit  un  numéraire  5725  livres  10  deniers;  il  reçoit 
aussi   22  charges  de  blé    de  la   valeur   de  400  livres,  21   dourchs 

(  I  )  ibidem . 


—  253  - 

d'huile  évalués  à  200  livres,  diverses  sommes  s'élevant  à  6 1 3 1  livres 
10  deniers,  soit  un  total  de  15207  ^'vres  6  deniers  (1). 

En  )668,  les  habitants  du  Soler  d'Avall  prennent  une  délibé- 
ration relative  au  procès  contre  dame  Jeanne  Béarn  de  Foix  et 
Vilaplana  pour  maintenir  la  communauté  en  ses  droits  sur  la  par- 
tie du  territoire  que  ladite  dame  veut  tenir  en  devèse.  On  vote 
une  contribution  extraordinaire  pour  soutenir  le  procès  (2). 

Le  viguier  accorde  au  Soler  pour  dommages  causés  par  les 
eaux  en   1764,860  livres,  en  1765,  86  livres,  en  1766,209  livres  (3). 

Des  criées  publiques  furent  faites  en  1772  (4).  François  Blay, 
avocat  à  la  cour,  juge  du  lieu  et  terroir  du  Soler  d'Avall,  vu  le 
réquisitoire  du  procureur  fiscal  de  cette  juridiction  du  24  et  vu 
les  criées  de  cette  juridiction  du  3  avril  1691,  défend  à  toutes 
personnes,  de  quelque  état  ou  condition  qu'elles  soient,  de  blas- 
phémer le  saint  nom  de  Dieu,  de  la  Sainte  Vierge  et  des  saints, 
sous  peine 'de  10  livres  contre  chaque  contrevenant  et  à  chaque 
contravention  ;  il  défend  encore  à  toutes  personnes  de  jouer 
publiquement  ou  en  cachette  à  aucun  jeu  défendu  ni  à  aucun  jeu 
permis  pendant  la  célébration  des  offices  divins  sous  la  même 
peine;  il  défend  aussi  aux  hôtes  ou  cabaretiers  de  donner  à  man- 
ger ou  à  boire  aux  habitants  et  de  donner  à  jouer  à  quelques 
personnes  que  ce  soient,  savoir  en  hiver  après  9  heures  du  soir  et 
en  été  après  10  heures,  sous  la  même  peine. 

Le  29  mars  1772,  Peret,  huissier  en  la  Cour,  accompagné  de 
Dordan,  crieur  public  et  juré  de  la  ville  de  Perpignan,  se  pré- 
senta devant  la  porte  de  la  maison  seigneuriale  du  Soler  d'Avall. 
Là,  Dordan  ayant  sonné  de  la  trompe,  Peret  lut  et  publia  l'or- 
donnance signée  par  François  Blay.  Puis,  il  en  afficha  une  copie 
sur  la  porte  de  la  maison  seigneuriale  afin  que  personne  ne  puisse 
l'ignorer  (5). 


(1)  Arch.  Dép.,  Fonds  d'Oms. 

(a)  Arch.  Dép.,  C.   1860. 

(3;  Arch.  Dép.,  Fonds  d'Oms. 

(4)  Arch.  Dép.,  Fonds  d'Oms. 

(5)  Arch.  Dép.,  Fonds  d'Oms. 


-   .<4  - 

Sainte  Eugénie 

La  chapelle  de  Sainte- Eugénie  est  ancienne.  Le  24  août  io5i, 
un  serment  est  prêté  sur  l'autel  de  Sainte-Eugénie.  La  forme  du 
serment,  qui  était  prêté  sur  l'autel,  procédait  d'une  idée  reli- 
gieuse (1). 

Il  est  certain  cependant  que  cette  chapelle  était  peu  de  chose 
en  iî58.  En  eflFet,  dans  son  testament,  rédigé  en  iî85,  Bernard 
de  Berga,  évêque  d'Elne,  réserve  à  l'autel  de  saint  Dominique, 
qu'il  a  fait  élever  dans  l'église  du  Soler,  l'église  abandonnée  — 
heremam  —  de  Sainte-Eugénie  avec  obligation  pour  le  prêtre  des- 
servant l'autel  de  saint  Dominique  de  venir  célébrer  la  messe 
deux  fois  par  semaine  dans  l'église  de  Sainte-Eugénie  (2). 

En  i324,  Bernard  Pascal,  du  Soler  d'Amont,  vend  à  Sclar- 
monde,  épouse  de  Roger  Ignace,  bougeois  de  Perpignan,  deux 
champs  qui  se  trouvent  dans  le  décimaire  de  Sainte-Eugénie  :  in 
décimait  Sanctx  "Eugenix  (3). 

La  localité  de  Sainte-Eugénie  se  composait  de  sept  feux  en 
i385  (4)  et  possédait  un  château,  caslrum.  En  1456,  J.  Bou,  mer- 
cadier  de  la  ville  de  Perpignan,  donne  à  Claire,  son  épouse,  le 
château  de  Sainte-Eugénie  avec  ses  dîmes  et  ses  dépendances  : 
7.  Bou,  mercader  vill.  Perpiniani  donacione  pura  dono  vobis  Cîare 
uxori  mex  caslrum  de  S'"  Eugenia  cum  decimis  eî  pertinenciis  suis  [5). 
En  iSîS,  Rosa  Vilanova,  épouse  de  J.  Vilanova,  était  la  maî- 
tresse du  lieu  de  Sainte-Eugénie  :  /.  Vilanova  donzell  marit 
de  la  senora  7(osa,  senyora  del  lloch  de  Sanla-Eugenia  (S).  Un  cap- 
breu  fut  rédigé,  en  1681,  in  Castro  de  Santa-Eugenia,  au  profit  de 
domina  Francisca  de  Foix  de  Bearn  de  Vilaplana,  fille  de  Fran- 
çois de  Béarn,  épouse  de  Jean  d'Oms  de  Taqui  (7). 

La  population  de  Sainte-Eugénie  n'avait  pas  augmenté  depuis 

(1)  Brutails,  Etude  sur  la  condition  des  populations  rurales,  etc.,  p.  xxi, 
note  7. 

(a)  Arch.  Dép.,  G.  48. 

(3)  Alart,  Cart.  rouss.  ms.,  t,  xin,  p.  255. 

(4)  Alart,  Géographie  historique  du  J{oussillon, 

(5)  Arch.  Dép.,  Fonds  d'Oms. 

(6)  ibidem. 
[y)  ibidem. 


—  255  — 

la  fin  du  xiv'  siècle.  En  i385,  elle  se  composait  de  sept  feux  ; 
nous  y  trouvons  le  même  nombre  de  feux  en  i683,  à  l'occasion 
de  la  guerre  contre  le  comte  d'Empurias,  un  florin  d'or  par  feu 
et  par  mois  (i). 

La  seigneurie  de  Sainte-Eugénie  passe  à  diverses  familles, sans 
jouer  un  rôle  important  dans  l'histoire  roussillonnaise,  jusqu'à  la 
Révolution  Française. 

De  nos  jours,  on  admire,  sur  les  lieux,  un  château  moderne. 
L'ancien  château  a  été  complètement  détruit  et  l'église  primitive 
n'existe  plus.  11  serait  bien  difficile  de  reconnaître  l'emplacement 
du  caslrum  et  de  l'église. 

Joseph    GiBRAT. 


Un  Ouvrier  Poète 

J'eus  le  très  grand  plaisir  d'assister,  le  2  septembre  dernier, 
en  compagnie  de  MM.  Alaman  et  Millas,  délégués  de  Barcelone, 
et  de  MM.  Horace  Chauvet  et  Calveyrach,  à  une  intéressante 
«  Vetllada  »  que  donnait  ce  jour-là  le  Casai  caialà  de  Perpignan, 
sous  la  présidence  de  notre  ami    Francis. 

Plusieurs  orateurs  prirent  la  parole  en  catalan  à  cette  soirée 
intime.  Tour  à  tour,  Francis,  Alaman  et  Chauvet  nous  parlèrent 
de  la  fraternité  catalano-roussillonnaise,  puis  Calveyrach  nous 
lut  un  beau  poème  de  J.-Sébastia  Pons  que  l'auditoire  souligna 
de    frénétiques    applaudissements. 

Enfin,  après  quelques  paroles  bien  senties  de  M.  Batlle, 
membre  du  Bureau  du  Casai  caialà,  un  concert  fut  improvisé  à 
notre  intention,  concert  très  réussi,  au  cours  duquel  il  nous  fut 
agréable  d'applaudir  plus  particulièrement  la  Marseillaise  en 
catalan,  chantée  en  choeur  et  debout  par  tous  les  assistants,  et 
quelques  chansonnettes  catalanes  délicatement  interprêtées  par 
une  jeune  dame,  qui  se  fit  accompagner  sur  le  piano  par  sa 
fillette,  une  virtuose  de  14  ans. 

Mais  une  plus  grande  surprise  nous  attendait  :  tout  à  coup, 
un  homme   d'un    certain   âge,  un     modeste    ouvrier,    s'avança    et 

(I)  Arch.  Dep.  B.  143.  p.  84. 


-    2^6    — 

demanda  à  Francis  l'autorisation  de  lire  quelques  petits  poèmes 
catalans  de  sa  composition.  Je  crus  tout  d'abord  que  nous  allions 
subir  une  longue  et  ennuyeuse  audition  de  quelque  élucubration 
sans  valeur  et,  malgré  moi,  mes  regards  se  tournèrent  vers  la 
porte  de  la  salle  ou  j'entrevoyais  le  salut,  non  seulement  pour 
moi,  mais  pour  l'ami  Chauvet  qui  regardait  d'un  œil  consterné 
les  nombreux  feuillets  où  le  poète  avait  griffonné  d'interminables 
vers. 

J'avoue  cependant  que,  le  premier  moment  de  stupeur  passé, 
je  pris  plaisir  à  écouter  cette  lecture  et  que  je  ne  tardai  pas 
à  être  vivement  impressionné.  Les  strophes  iff  succédèrent  aux 
strophes  pendant  un  bon  quart  d'heure  et  ce  fut  pour  tous  un 
véritable  régal.  Une  diction  parfaite  ajoutait  son  charme  à  la 
musique  du  vers  et  l'on  sentait  bien  que  ces  petits  poèmes, 
partis  du  cœur,  allaient  droit  au  cœur  de  l'auditoire. 

Je  m'empressai  de  féliciter  l'ouvrier-poète,  M.  Miquel  Robert, 
et  je  le  priai  de  me  donner,  pour  les  lecteurs  de  la  Revue 
catalane,  quelques-uns  des  poèmes  dont  il  venait  de  nous  faire 
la  lecture.  Ma  proposition  fut  acceptée,  et  peu  de  temps  après, 
je  recevais  une  copie  de  ces  poèmes,  accompagnée  d'une  lettre 
charmante,  dans  laquelle,  après  m'avoir  dit  comment  il  avait  été 
amené  à  la  poésie,  le  poète  apprécie  ainsi  son  œuyre  :  «  JVo 
haveu  vist  mai  deh  camins  a  les  vorades  que  ht  neixen  humilment 
unes  fîoreles  ?  Dels  qui  passen  per  alli  que  pocs  s'hi  fixen  !  Com  que 
tantes  n'hi  han  de  mes  hermoses  !...  "Doncs,  com  aquetles  flors  son 
les  meues  poésies.  » 

La  Société  d'Etudes  Catalanes  qui,  depuis  bientôt  quinze  ans, 
poursuit  son  œuvre  d'encouragement  à  l'étude  de  la  langue,  ne 
saurait  dédaigner  ces  humbles  «  floretes  »  qui  poussent  au  bord 
du  chemin.  Aussi,  est-ce  avec  plaisir  qu'elle  en  cueillera  une 
pour  l'offrir  aux  lecteurs  de  la  J^evue  Catalane  dans  le  prochain 
numéro  (i).  Et  ce  sera  pour  nous  la  meilleure  façon  de  remercier 
le  nouveau  poète  dont  nous  venons  d'enregistrer  le  nom. 

Louis  Pastre 

(  I  )  Adeusiau.  poésie  de  M.  Miquel  Robert,  paraîtra  dans  le  numéro  de 
janvier  1921. 

LcGéfMit,  —  COMET.  Imprimerie  Catalane,  COMET,  rue  de  la  P<Mte,  Pcrpégnan 

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DP  Revue  catalane 

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