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Stephen B. Roman
From the Library of Daniel Binchy
REVUE CELTIQUE
TOME IX
Digitized by the Internet Archive
in 2011 with funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/revueceltiqu09pari
^\ FONDEE f J
► > PAR \j
^ ~ H. GAIDOZ V/
^V 1870-1885 ^>*
PUBLIEE SOUS LA DIRECTION DE
H. D'ARBOÏS DE JUBAINVILLE
Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France
AVEC LE CONCOURS DE
J. LOTH E. ERNAULT
Professeur à la Faculté Professeur à la Faculté des
des lettres de Rennes lettres de Poitiers
ET DE PLUSIEURS SAVANTS DES ILES BRITANNIQUES ET DU CONTINENT
G. DOTTIN
Secrétaire de la rédaction
Tome IX
PARIS
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
E. BOUILLON ET E. VIEWEG, SUCCESSEURS
67, rue de Richelieu, 67
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
ARTICLES DE FOND.
La légende de la conception de Cûchulainn, par Louis Duvau. . . i
The voyage of Snedgus and Mac Riagla, edited and translated by
Whitley Stokes 14
Légendes des monnaies gauloises, par A. de Barthélémy 26
Recherches sur l'origine de la propriété foncière et des noms de lieu en
France, par H. d'Arbois de Jubainville (suite . ... 36, 208, 301
Notes on Welsh Consonants (premier article), by Dr. M. Nettlau. . 64
Sur quelques inscriptions de Saintes contenant des noms gaulois, par
R. Cagnat 77-
Un monument inédit de la liturgie celtique, par F.-E. Warren. . . 88
La création du monde, mystère breton, publié et traduit par l'abbé Eu-
gène Bernard 149, 322
On the materia medica of the mediaeval Irish, by Whitley Stokes. . 224
Etudes bretonnes. VI. La conjugaison personnelle et le verbe avoir,
par Emile Ernault 245
La procession dite de la Lunade et les feux de la Saint-Jean à Tulle.
La fête du solstice d'été et le commencement de la période diurne chez
les Gaulois, par M. Deloche 425
The voyage of Mael Duin, edited and translated by Whitley Stokes. . 447
MÉLANGES.
Zimmeriana, by Whitley Stokes 97
Corrections of a récent édition of the Wùrzburg glosses, by Wh.
Stokes 104
Mamurra, par H. d'Arbois de Jubainville 109
Marc'h bonal, par J. Loth 110
Saint Patrice et Sen Patrice, par H. d'Arbois de Jubainville. . . 1 1 1
Saint Germain, évêque de Paris, dans le F élire Oengusso, par H. d'Ar-
bois de Jubainville 117
Le Feiire Oengusso, le martyrologe hiéronyir.ien et la liturgie gallicane,
par H. d'Arbois de Jubainville 118
Luguselva, par H. d'Arbois de Jubainville 267
Le jeûne du mercredi et du vendredi chez les Irlandais du moyen âge,
par H. d'Arbois de Jubainville 269
Swllt, soit, sout, par J. Loth 272
Un cas de provectior. inédit, par J. Loth ... 273
Rhegddofjdd, rh-gofydd, par J. Loth 274
Provection de moyennes en spirantes sourdes en breton armoricain,
par J. Loth 354
L'expression nevez imprimet dans le titre du Grand Mystère de Jésus et
du Mystère de sainte Barbe, par J. Loth 356
Do (de, da) particule verbale en breton armoricain, par J. Loth. . . 357
De la prononciation des noms en -iac en bas-vannetais, par J. Loth. 358
Du pronom suffixe de la troisième personne du pluriel et du pronom
possessif de la troisième personne du singulier en gallois, par J. Loth. 360
Un cas de génitif du pronom de la troisième personne du singulier en
gallois, par J. Loth 362
vi Table des Matières.
Note on the personal appearance and death of Christ, his apostles and
others, by Whitley Stokes 364
Notes on the Wùrzburg glosses, by Whitley Stokes 36$
Notes bretonnes à propos du volume VII de la Revue Celtique, par
E. Ernault 370
Notes sur le volume VIII de la Revue Celtique, par E. Ernanlt. . . 382
Le char de guerre des Celtes dans quelques textes historiques, par H.
d'Arbois de Jubainville 387
Une version inédite du Peredur gallois, par H. Gaidoz 393
E. Ernault, Table des mots étudiés dans le tome IX de la Revue cel-
tique 501
BIBLIOGRAPHIE.
Max Nettlau, Battage zum cymrischen Grammatikl (Einleitung und Vo-
calismus) - 119
Charles Toubin, Dictionnaire étymologique cl explicatif de la langue fran-
çaise 120
E. Ernault, Du parfait en grec et en latin 122
T. -S. Muir, Ecclesiological notes on some of the islands of Scotland . . 123
E. Ernault, Le mystère de sainte Barbe 124
R. Atkinson, The passions and the honi lies from Leabhar Breac. . 127
K. Meyer, Peredur ah Efrawc 136
W. -G. Wood-Martin, History ofSligo county and town 138
H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne 277
A. Scheler, Dictionnaire d'étymologie française. . *. . . 280
J. Rhys and J.-G. Evans, The textofthe Mabinogio.i from the Red Book
0/ Hergest 283
R. Mowat, Notice épigraphique de diverses antiquités gallo-romaines . . 287
Margaret Stokes, Early Christian Ai t in Ireland 39$
E. Windisch, Ueber die Verbalformen mit dtm Charactcr r im Arischen,
ItalischenundCeltiscb.cn 397
W.-M. Hennessy, Annals of Ulsler 402
Mélusine 406
E. Mùntz, Etudes iconographiques et archéologiques sur le moyen âge. . 40S
Th von Grienberger, Ueber romamsche Ortsnamen in Salzburg . . . 409
J. Lecœur, Esquisses du bocage normand 410
Sir Herbert Eustace Maxwell, Studies in the topography of Galloway . . 410
CHRONIQUE.
Académie royale d'Irlande. Ses publications de facsimilés .... 295
Acta sanctorum Hiberniae 290
Allmer, noms de divinités celtiques 148
Analecta Bollandiana 416, 496
Annales de Bretagne 139, 289, 412
Annales Cambriae. . 416
Annals of Ulster 300
Archaeological Review (The) 299, 300 413
Ascoli, étymologie de glaive et d'orteil, 146; ms irlandais de l'Ambro-
sienne, Dictionnaire du vieil irlandais 415, 497-498
Atectorigiana ala. . . 293
Atkinson (critiqué par Mac Carthy), 294; discours de M. Atkinson à
l'Académie royale d'Irlande 296, 297
Borderie (A. de lai, hagiographie bretonne 291
Brat da ta 29$
Brehons en Irlande au xvn° siècle 143
Table des Matières. vu
Brieuc (vie de saint) 416
Brizeux 499
Buhot de Kersers, note sur un char de guerre gaulois 423
Bulletin de la Société archéologique du Finistère 419, 498
Bulletin mensuel de la Faculté des Lettres de Poitiers 292
Livre noir'de Carmarthen 297
Cantique irlandais sur le jugement dernier 413-415
Celtic Magazine (1887-1 888) 144, 293, 418, 497
Char de guerre gaulois en Berry 423
Contes bretons 145, 295, 419, 498
Corpus inscriptionum latinarum. . . . (t. XIV), 145; (t. XII). 417
D barré 295
Dareste, études sur le droit irlandais 141
Evan Davies, notice nécrologique 41.5
Derdriu (légende de) 293
Droit irlandais; degrés de parenté 141
Duns Scott (étude sur) 145
Ecosse (littérature épique de I') 144, 293, 418, 497
Ernault, critique de M. G. Guiilemaud, 292 ; le Parfait en grec et en
latin; Glossaire moyen breton 423
Evans (Silvan), Dictionnaire gallois 413
Glossaire comique 499
(Evans) Gwenogfryn, Autotype facsimilé of the Black Book of Carmar-
then 297
Facsimilés de mss. irlandais 295
Gabhra (poème gaélique sur la bataille de) 293
Catien de Tours (évangéliaire de saint) 298
Gilbert (J.-T.l, discours à l'Académie royale d'Irlande 295
Gelder (H. van), Galatarum res in Graecia et Asia gestae . . . 148, 299
Germanique (mots d'origine) en irlandais 420, 499
Gloses bretonnes dans le ms. Ashburnam 45 419
Guénolé (vie de saint) 496
Guiilemaud (critique de M. G.) 292
Hayne, Observations on the state of Ireland in 1600 143
Hennessy, Annals of Ulster 300
Héron de Villefosse, Communicationssur diverses inscriptions gauloises. 293
Hogan (E.), publication des Hayne's observations 143
Inscription grecqued'Asie Mineure contenant un nom de peuple gaulois. 299
Irlandais (Etudes sur le vocabulaire) 422
Journal ofthe royal historical and archasological Association of Ireland. 419, 499
Judicael (vie de saint) 416
Kerviler (R.), Bibliographie bretonne 145
Légende bretonne 295
Longnon, Atlas historique de la France (2e livraison) 418
Loth (J.), Chrestomathie bretonne 139, 289, 413
Luzel, contes bretons 145,419, 498
Macbain, études sur la littérature épique de l'Ecosse. 144, 293, 418, 497
Mac Carthy, critique de M Atkinson 294
Martins-Sarmento, Os Argonautas 146
Masson (Donald), traduction d'un cantique irlandais de 1 571 , . . 414
Meath (préséance de l'évêque de) 419
Melorus (vie de saint) 416
Mercure gaulois 290
Merlin (roman de) 147
vin Table des Matières.
Meven (vie de saint) 416
Meyer (Kuno), traduction du Tochmarc Emere 299, 413
Monceaux (P.). études archéologiques 290
Montréal (Société celtique de) 148
Morlaix, représentation de sainte Tryphine 292,418
Mowat, étude d'inscriptions gauloises 29 j
MùllenhofT, Deutsche Altertumskunde. 146
Mythologie celtique dans la littérature galloise, 292 ; divinités gau-
loises 148
Nettlau, articles sur le verbe gallois 419
Noms de lieu celtiques 418
O'Grady, critique de M. Zimmer, 294; critique de M. Donaid Masson. 414
Ossianiques (poésies) 14$, 293
Paris (G.) et J. Ulrich, Merlin, roman en prose du xii0 siècle. . . 147
Passif en r 293, 497
Patrice (Vie tripartite de saint) 291
Pietés, peuple celtique 294
Piuzanski, essai sur la philosophie de Duns Scott 145
Revue anthropologique 29$
Revue épigraphique 148
Revue des traditions populaires 294, 498
Rhys, Lectures on the origin and Growth of Religion, as illustrated
by Celtic Heathendom " 292
Richey, A short history of the Irish people 147
Ch. Robert, notice nécrologique 140
W.-H. Roscher, Lexicon der griechischen und roemischen Mythologie. 1 46
Salmanticensis codex 290
Samson (vie de saint). . 416
Sauvé, le cimetière des saints, conte breton 145
Serinent par l'épée 144
Société des traditions populaires, annuaire pour 1887 145
Stèles funéraires galates à Alexandrie ' 417
Stokes (Whitley) 291, 496, 498, 499
Tain bo Chualnge en Ecosse 418, 497
Thurneysen (R.), Report on Celtic philology 143
Tochmarc Emere. . 299, 300, 413
Transactions of the Gaelic society of Inverness 293
Tryphine (représentation du mystère de sainte) 292, 418
Tudual (trois vies de saint) 291
Usnech (mort des fils) 144
Versification irlandaise 143
Vieweg (F.), nécrologie 500
Windisch (E.) 293, 421, 496
Volney (prix) 423
Wood-Martin (W.-G.), Article sur les monuments de pierre non polie
en Irlande 419, 499
Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung 420
Zimmer, Eludes i° surles éléments germaniques en irlandais, 420; sur
le vocabulaire et la grammaire irlandaise 422, 497
Yves (saint). . 29;
Errata • 148, 300, 424, 514
LA LEGENDE
DE LA
CONCEPTION DE CUCHULAINN
M. Windisch a publié l trois versions de la légende irlan-
daise connue sous le nom de Compcrt Concidaind, « la con-
ception de Cûchulainn ». De ces trois versions, l'une nous a été
conservée par le Lcbor na hUidre (ms. de l'an noo environ),
les deux autres par le manuscrit Egerion 1782 (xve siècle) du
British Muséum. Nous réservons pour la désignation des ma-
nuscrits les sigles LU et Eg., ordinairement employés, et nous
désignerons les différentes versions de la légende par les let-
tres U (pour la version conservée par LU), E et e (pour les
deux versions conservées par Eg.).
Pour arriver à déterminer d'une façon certaine les rapports
des différentes versions de la légende entre elles, il faudrait
avoir entre les mains» tous les manuscrits qui renferment l'his-
toire de la conception de Cûchulainn. Mais, avec les textes
publiés par M. Windisch, on peut déjà, croyons-nous, arriver
à quelques résultats assez précis. Une analyse succincte per-
mettra de s'en rendre compte.
Versions U et E. — Une troupe d'oiseaux merveilleux vient
un jour dévaster la plaine d'Emain. Conchobar monte sur son
char avec sa sœur Dechtiré, pour leur donner la chasse ; et,
accompagné de ses guerriers, il les poursuit jusqu'à la nuit.
1. Irische Texte, p. 134-145. — Cf. p. 324 s. quelques variantes d'un
autre manuscrit.
Revue Celtique, IX 1
2 Louis Duvau.
Là, il s'arrête avec ses compagnons dans une maison isolée,
habitée seulement par un homme et une femme. La iemme
met au monde un enfant, que Dechtiré emmène avec elle à
Émain Mâcha. Au bout de quelque temps, l'entant meurt, et
après différents événements, Dechtiré, devenue la femme de
Sualdam, met au monde un fils, Setanta, nommé plus tard
Cûchulainn.
Jusqu'ici la version U ne présente avec E aucune différence
essentielle : mais le récit de la naissance de Setanta, qui termine
la version E, est suivi, dans U, d'une discussion entre les prin-
cipaux guerriers d'Ulster qui prétendent tous a l'honneur d'élever
l'enfant. Cette seconde partie se retrouve à peu près exactement
dans e : mais les détails qui précèdent sont fort différents.
Version e. — Dechtiré, sœur de Conchobar, a disparu depuis
trois ans avec cinquante autres jeunes tilles d'Ulster. Un
jour, elles viennent toutes, sous forme d'oiseaux, dévaster la
plaine d'Emain.- Conchobar et ses guerriers les poursuivent
jusqu'à la nuit : alors les oiseaux disparaissent, et les guerriers
trouvent un abri dans une petite maison habitée seulement
par un homme et une femme. La maison s'agrandit de taçon
à permettre à tous les guerriers d'y trouver place avec leurs
chars. Ils apprennent que c'est l'habitation de Dechtiré et de
ses compagnes. Pendant la nuit, Dechtiré accouche d'un fils,
Setanta. Puis vient le récit de la discussion entre les guerriers
d'Ulster, qui se trouve aussi dansU.
Les versions U,et E n'ont entre elles d'autre différence essen-
tielle que la présence ou l'absence de la discussion qui suit la
naissance de Setanta. Or, dans U, cette discussion a été arti-
ficiellement soudée à la première partie : elle a été empruntée
à la version c, qui, par conséquent, existait déjà avant l'an i ioo,
époque à laquelle a été copié le Lebor mi hUidre. Les vers sui-
vants l intercalés au milieu du récit de la discussion nous sem-
blent le prouver d'une façon évidente :
« Célèbre, belle, pauvre,
« Bonne fut pour moi Dechtiré.
I. Windisch, lrischc Texte, p. 140, 1. 10-13, 27-30.
Légende de la Conception de Cùchulainn. }
« Elle me protégea avec mes sept chars ;
« Elle chassa le froid de mes chevaux.
« Elle nous restaura avec tous les guerriers.
« Puis un trésor nous est venu, Setanta i.
Ces paroles de Conchobar ne s'expliquent pas dans la ver-
sion U : Dechtiré n'a pas donné abri chez elle aux guerriers
d'Ulster avec leurs chars et leurs chevaux ; elle était avec eux,
et cherchait elle-même un abri. Dans la version e, c'est au
contraire une allusion très naturelle à l'hospitalité qu'elle a
donnée à son frère et à sa suite.
La première partie de U et E tout entier sont à peu près
homogènes. Pourtant, vers la fin, E contient une allusion évi-
dente x au début de e, allusion qui se retrouvait peut-être à
l'origine dans la version U, mais qui, dans cette dernière,
aura disparu au moment de la soudure des deux parties hétéro-
gènes que nous y avons reconnues. Le passage en question 2
dit de Setanta qu'il était « l'enfant des trois années », allusion
à l'absence de Dechtiré, qui avait duré trois ans, et dont il
n'est question que dans e.
Une autre allusion à e se retrouve îi la fois dans U et dans E.
Le dieu Lug révèle à Dechtiré > que c'est lui qui l'a enlevée
avec ses compagnes, ce dont ni U ni E n'avaient fait mention
auparavant.
Les indications qui précèdent expliquent pourquoi nous
suivrons dans notre traduction des textes publiés par M. Win-
disch un ordre différent de celui qu'avait adopté le savant
éditeur. La version e étant indépendante des deux autres, qui,
par contre, supposent son existence, c'est par elle que nous
commencerons. La base de la traduction sera le texte du ms.
Egerton, unique pour la première partie, et seul suffisant,
étant donné le mauvais état du Lebor na hUidre, pour la se-
conde; les variantes importantes de ce dernier manuscrit se-
ront indiquées quand il y aura lieu.
i. Signalée pour la première fois par M. Windisch, Irische Texte, p. 140.
2. lr. Texte, p. 140, 1. 14.
3. Ir. Texte, p. 139, 1. 4s. et 21 s.
4 Louis Duvau.
Pour les deux autres versions (E et première partie de U)
nous traduirons d'après le manuscrit le plus ancien, leLeborna
hUidre, en nous servant du texte récent donné parEg., souvent
meilleur que celui de LU, chaque fois que nous le jugerons
nécessaire.
L'insuffisance actuelle des documents ne permet pas de re-
constituer la légende sous sa forme primitive. On peut seu-
lement entrevoir quelques-uns de ses éléments essentiels :
l'enlèvement de Dechtiré et de ses cinquante compagnes, par
exemple, qui est le trait le plus caractéristique de la version e,
et sans lequel rien ne s'explique ; l'apparition du dieu Lûg,
qui fait si bien suite au récit de l'enlèvement et du retour de
Dechtiré, et qui par un singulier hasard ne se trouve racontée
que dans U et E, où elle devient inintelligible. Il ne serait
pas difficile de multiplier ces exemples ; nous n'avons voulu
qu'indiquer deux des plus typiques. Un travail d'ensemble ne
sera pas possible, tant qu'on ne disposera pas d'un plus grand
nombre de documents.
I.
(VERSION e ET DEUXIÈME PARTIE DE LA VERSION U).
Ci-dessous, l'histoire de La Conception de Cûchulainn, aussi
appelée: La Fête de la Maison peu riche1.
Dechtiré, sœur de Conchobar, s'enfuit un jour avec cin-
quante jeunes filles, sans demander la permission des Liâtes
ni de Conchobar; on ne trouva aucune trace, aucun indice, et
on resta ainsi trois ans sans rien savoir d'elles. Elles vinrent
alors sous forme d'oiseaux dans la plaine d'Emain ; et là,
elles dévorèrent tout, ne laissant pas un brin d'herbe sur la
terre. Grand fut, à cette vue, le chagrin des Ulates. Ils atte-
lèrent neuf chars pour poursuivre les oiseaux ; car la chasse des
i . Ir. Texte, p. 143 ss.
Légende de la Conception de Cùchulainn. 5
oiseaux était en usage chez eux. Il y avait là Conchobar et
Fergus, Amorgin et Blai Briuguig, Senchus et Bricriu.
Les oiseaux volèrent devant eux vers le sud, au delà de Sliab
Fuait, par Ath Lethan, par Ath Garach et Mag Gossa, entre
Fir Roiss et Fir Ardai. Puis la nuit tomba sur les guerriers
d'Ulster ; la troupe des oiseaux disparut : les Ulates dételèrent
leurs chars. Fergus se mit en quête d'un abri, et arriva à une
petite maison. Dans cette maison, il trouva un homme et une
femme, qui lui souhaitèrent la bienvenue...1. « Tu viendras
dans la maison avec tes compagnons, et ils seront les bien-
venus. » Fergus sortit alors et les rejoignit; puis il les ramena
tous avec lui, les hommes avec leurs chars, et ils entrèrent
dans la maison.
Bricriu sortit ensuite 2, et entendit quelque chose, une
plainte faible. Il entendit ce bruit, et ne sut ce que c'était. Il
vint alors, guidé par le bruit, vers la maison, et la vit devant
lui, grande, belle, magnifique. Il se dirige vers une porte qu'il
remarque dans la maison, et jette un coup d'œil à l'intérieur?.
Il aperçoit le maître de la maison. Celui-ci, jeune guerrier,
beau, à l'air noble, lui adresse la parole 4. « Entre dans la
maison, Bricriu, lui dit-il ; pourquoi regardes-tu de ce côté ? »
— « Pour moi, certes, dit la femme, tu es ici le bienvenu. »
— « Pourquoi ta femme me salue-t-elle ? » dit Bricriu. —
« C'est à cause d'elle que je te souhaite, moi aussi, la bien-
venue, dit l'homme. Est-ce qu'il ne vous manque personne à
Emain ?» — « Certes, si, dit Bricriu. Il nous manque cin-
1 . Ici vient une phrase certainement altérée (le verbe manque) : Fergus
(demande) delà nourriture ; il n'en trouva pas à cause de {pour?) ses compagnons,
qui étaient dans ta plaine.
2. La suite du récit n'est pas parfaitement claire. Quelle est cette grande
maison que Bricriu voit devant lui? Ce devrait être, semble-t-il, la petite
maison subitement agrandie ; mais les détails qui suivent s'accordent mal
avec cette hypothèse : Bricriu, après avoir vu l'homme et la femme, sort
pour rejoindre ses compagnons. Mais comment ceux-ci n'avaient-ils pas
déjà vu les habitants de la maison qui avaient reçu Fergus ? Tout cela est
fort embrouillé. Je serais porté à croire que tout ce qui vient d'être dit de
Fergus est ajouté ou au moins transposé.
3. Ce membre de phrase se trouve, dans le texte, après les paroles de la
femme.
4. Cette phrase suit immédiatement, dans le texte, le membre de phrase
que nous avons déplacé.
6 Louis Duvau,
quante jeunes filles, et depuis plus de trois ans. » — « Est-ce
que tu les reconnaîtrais, si tu les voyais ? » dit l'homme. —
« Si je ne les reconnaissais pas, dit Bricriu, c'est que trois ans
de plus ou de moins nous empêchent de reconnaître, ou nous
font hésiter. » — « Cherche à les reconnaître, répondit
l'homme ; les cinquante jeunes filles sont dans cette maison ;
cette femme qui est ici en mon pouvoir est leur maîtresse : son
nom est Deehtiré. Ce sont elles qui, changées en oiseaux,
sont allées à Émain Mâcha, pour engager les Ulates à venir
ici. » La femme donna à Bricriu un manteau de pourpre à
franges d'or ; et il sortit pour aller rejoindre ses compagnons.
Bricriu, pendant le trajet, songe ainsi dans son esprit : « Con-
chobar donnerait des trésors considérables pour retrouver les
cinquante jeunes filles perdues. Je vais lui cacher que je les ai
retrouvées avec sa sœur. Je dirai seulement que j'ai vu une
maison avec de belles femmes, et rien de plus. » Conchobar
demanda à Bricriu des nouvelles de son exploration. « Quelles
nouvelles rapportes-tu J, ô Bricriu 2 ? » — « Je suis arrivé à
une maison brillante, belle (?), répondit-il. J'ai vu une reine,
noble, gracieuse, d'allure vraiment royale, avec de belles
boucles de cheveux ; puis une troupe de femmes, belles, bien
parées ; et le maître de la maison, généreux et brillant. —
« C'est mon vassal, dit Conchobar; cet homme dépend de-
moi, il habite sur mon territoire. Que sa femme vienne cette
nuit dormir avec moi. » Mais on ne trouva personne pour se
charger de cette négociation, sinon Fergus. Celui-ci exposa la
demande qu'on l'avait chargé de taire. On lui souhaita la bien-
venue, et la femme vint le trouver : elle se plaignit d'être en
mal d'enfant. Fergus revint dire à Conchobar qu'elle deman-
dait un délai'. Puis chacun des Ulates se mit au lit avec sa
i. Littéralement « Comment es-tu (te tiouves tu) de cela (de ton explo-
ration) ? »
2. Nous lisons a au lieu de al.
3. Il était de principe en droit irlandais que le roi avait ce que les juris-
consultes du continent ont appelé en latin fus prima noctis, en français
0 droit du seigneur s. De plus, le roi, voyageant dans ses Etats, avait le
droit de coucher avec la femme de chacun de ses vassaux, à moins qu'elle
ne fût grosse. Voyez dans la Revue archéologique, t. XLII (1881), p. 331-334.
un article intitulé : « Le droit du roi dans l'épopée irlandaise •. Le file Ai-
Légende de la Conception de Câchulainn.. 7
femme, et tous s'endormirent. Quand ils se réveillèrent, ils
virent quelque chose : un petit enfant qui avait les traits (?)
de Conchobar I.
« Prends cet enfant avec toi2, Finnchoem 3 », dit Con-
chobar.
Finnchoem vit l'enfant auprès de Conchobar. « Mon cœur
aime déjà ce petit enfant, dit-elle ; il sera pour moi un autre
Conall Cernach. » — « Il y a peu de différence entre eux, dit
Brieriu ; cet enfant est fils de ta propre sœur Dechtiré : car
c'est ici que sont les cinquante jeunes filles absentes d'Emain
depuis trois ans L » Et alors Conchabar chanta ce qui suit S :
« Célèbre, puissante 6, quoique pauvre,
« Bonne fut pour moi Dechtiré.
« Elle me protégea avec mes sept 7 chars,
« Elle chassa le froid de mes chevaux.
a Elle nous restaura avec tous les guerriers.
« Puis un trésor nous est venu, Setauta. »
« Prends s l'enfant avec toi, Finnchoem, » répéta Con-
thirne, qui avait la prétention d'exercer les droits rovaux, ne respectait
même pas les femmes en couches. Voir un article de M. Whitley Stokes,
Revue Celtique, t. VIII, p. 48-49.
1. Ici commence la seconde partie du récit, conservée, comme nous
l'avons dit plus haut, par le ms. Egerton et par le Lebor na hUidre (Ir. Texte,
p. 140'', 1. 20 ss. ; p. 140 ', 1. 1 ss.). Nous suivons le texte dums. Egerton,
en indiquant les principales variantes de LU.
2. On sait que, d'après la coutume irlandaise, l'enfant n'est jamais élevé
chez ses parents.
3. Finnchoem, mère de Conall Cernach, était sœur de Conchobar.
4. Cette phrase, depuis les mots: car c'est ici..., manque dans LU; mais
elle doit appartenir à la version primitive. Dans la version U, elle n'avait
plus aucun sens, aussi a-t-elle été supprimée. Mais le reste même des paroles
de Brieriu, c'est-à-dire la révélation de la présence de Dechtiré dans la
maison, ne se comprend bien que si l'on admet, comme nous l'avons fait
pour d'autres raisons encore, que cette partie du récit était primitivement
indépendante de la version U. — Après cette phrase vient dans Eg. une
phrase peu claire, qui manque dans LU : ni fil briç sin Ira, ol Concobur.
5. Cette phrase manque dans Eg.
6. Au lieu de brig « puissante », LU lit brec « tachetée (=r belle?) ».
7. Les deux mss. portent bien sept, quoique plus haut ils se soient ac-
cordés tous deux à parler de neuf chars.
8. A partir de cet endroit le Lebor na hUidre est mutilé et beaucoup de
mots sont devenus illisibles.
8 Louis Duvau.
chobar à sa sœur. — « Ce n'est pas elle qui Pélèvera, dit
Senchus ; c'est moi. Car je suis fort, je suis adroit r, je suis
habile au combat. Je suis un savant, je suis un sage, je ne suis
pas oublieux. Je parle à n'importe qui2 devant le roi. Je veille
sur sa parole 3. Je juge les combats du roi devant Conchobar
victorieux. Je suis juge des Ulates ; mais ce n'est pas moi qui
exécute mes décisions. Personne n'a le droit de me disputer
la tutelle, que Conchobar. » — « Si c'est moi qui élève l'en-
fant, dit Blai Briuguig, il n'aura à souffrir ni négligence, ni
manque desoins. Ce sont mes messagers qui accomplissent les
désirs de Conchobar. Je convoque les guerriers de tout un
royaume -* d'Erin. Je puis les nourrir Jurant une semaine, ou
même pendant dix jours. Je m'occupe de leurs affaires et de
leurs querelles. Je secours leur honneur, je venge leurs in-
sultes. » — « Quelle impudence, répondit Fergus s ; ... c'est
moi qui élèverai l'enfant. Je suis fort, je suis habile. Je suis
le messager du roi. Personne ne peut lutter avec moi d'hon-
neurs ni de richesses. Je suis endurci aux combats et à la
guerre. Je suis bon ouvrier. Je suis digne d'avoir des pupilles.
Je suis le protecteur de tous les malheureux. Je suis la terreur
des forts, le soutien des faibles. » — « Eh, quoi ?tu vas main-
tenant nous écouter, dit Amorgen, puisqu'enrin tu te tais. Je
suis capable de nourrir mes pupilles comme des rois. On loue-
en moi les honneurs, la bravoure, le courage, la sagesse ; on
vante mon bonheur, et mon âge, mon éloquence, mon éclat, la
vaillance de ma race. Quoique guerrier, je suis poète. Je suis
digne de la faveur du roi. Je triomphe de tous les guerriers
combattant sur leurs chars. Je ne rends grâce à personne, qu'à
Conchobar; je n'obéis à personne qu'au roi. » — - « ...6 Que
1 . Ces trois mots manquent dans Eg.
2. Nous lisons nech avec LU; Eg. porte rig.
3. Senchus est le conseiller du roi.
4. Les mots imprimés en italique manquent dans LU.
>. A partir d'ici, LU fait entièrement défaut. Le texte de Eg. est très
altéré et souvent peu intelligible, sans ce qui suit. La phrase qui vient im-
médiatement après celle-ci est particulièrement obscure; littéralement, elle
signifie : « il a choisi près de lui (un homme) fort. » Il semble que Fergus
dise que Conchobar doit le choisira cause de sa grande force.
6. Les premiers mots de Senchus sont inintelligibles. Littéralement ils
signifient : « Ne fut donc ceci ».
Légende de la Conception de Cuchulainn. 9
Finnchoem, dit Senchus, garde l'enfant jusqu'à ce que nous
soyons à Emain; Morann prendra une décision à son sujet
lorsque nous serons arrivés. »
Les Ulates partirent alors pour Emain, Finnchoem ayant
l'enfant avec elle. Et après leur arrivée, Morann prononça le
jugement: « C'est à Conchobar, dit-il, de rendre l'enfant il-
lustre : car il est proche parent de Finnchoem. A Senchus de
lui enseigner la parole et l'éloquence ; à Blai Briuguig de se
charger de sa nourriture ; à Fergus de le porter sur ses ge-
noux J. Amorgin sera son tuteur ; il sera élevé avec Conall
Cernach 2 : Finnchoem, la mère de Conall a deux mamelles.
L'enfant sera loué de tous, conducteurs de chars et guerriers,
rois et savants ; car il sera aimé d'une foule d'hommes. Cet
entant vengera toutes vos injures ; et il combattra sur vos
gués ; il combattra tous vos combats. » Et ainsi fut fait.
Amorgin et Finnchoem emportèrent l'enfant, qui fut élevé
dans la forteresse de Breth, dans la plaine de Murthemné. Fin.
IL
(version E et première partie de la version U).
Ci-dessous^, l'histoire de la Conception de Cuchulainn ■+, tirée du
Livre au dos de neige.
1. Un jour que les nobles d'Ulster étaient réunis autour de
1 . On remarquera la correspondance assez exacte du rôle de chacun avec
les aptitudes dont il s'est vanté plus haut. Le fait est frappant pour Senchus
qui « veille sur la parole du roi », et pour Blai Briuguig qui peut nourrir
pendant dix jours tout le royaume d'Ulster.
2. Dans la version U, Conall Cernach est déjà un homme fait (voir
p. 10, j i, ai fin.}. Cela prouve une fois de plus que le récit de la discussion
au sujet de la tutelle de l'enfant est artificiellement soudé à la version U
dans le Lébor na hUidre.
3. Ir. Texte, p. 136 ss. — Les mots imprimés en italique sont em-
pruntés au ms. Egerton. Les autres variantes de ce ms. qui peuvent être
importantes pour la classification des sources déjà connues ou encore à décou-
vrir seront indiquées en note ; les moins importantes sont entièrement passées
sous silence.
4- La suite du titre manque dans Eg.
io Louis Duvau,
Conchobar à Émain Mâcha, une troupe d'oiseaux s'abattit
dans la plaine d'Emain, et dévora tout, ne laissant sur la terre
ni la racine d'une seule plante ni un seul brin d'herbe. Les
Ulates, désolés de voir dévaster leur pays, attelèrent neuf
chars pour poursuivre les oiseaux le jour même : car ils avaient
l'habitude de la chasse des oiseaux. Conchobar s'assit donc
dans son char : avec lui était sa sœur Dechtiré, déjà grande
fille. C'était elle qui servait de cocher à son frère1. Les autres
guerriers Ulates étaient aussi dans leurs chars : il y avait là
Conall Cernacb, et Fergus^filsde Roch, et Loégairé le Victorieux,
et Celtchair, fils d'Uithecar, et tous les autres. Bricriu était
aussi avec eux.
2. Ils chassèrent devant eux les oiseaux, à travers l'espace
désolé, au delà de Sliab Puait, au delà de Muirthemne, et d'Ed-
mann et de Breg. — En ce temps-là, il n'y avait en Erin ni
fossé, ni clôture, ni mur autour de la terre ; et ce fut ainsi
jusqu'au temps des fils d'Aéd Slàné :. il n'y avait que la plaine
tout unie. C'est alors qu'à cause du grand nombre des fa-
milles, ils entreprirent de tracer les limites des champs en
Erin2. — Gracieuse et belle était la troupe d'oiseaux... k Ils
étaient neuf fois vingt, et réunis deux à deux par une chaîne
d'argent : ils allaient par groupes de vingt, et il y avait neui
de ces groupes ; et en tète de chaque groupe volaient deux
oiseaux au plumage multicolore, réunis par un joug d'argent '.
i. Cette phrase manque dans Eg., où se trouvent quelques mots dont le
sens est obscur.
2. Cette longue parenthèse manque dans Eg. Elle n'appartenait évi-
demment pas à la rédaction primitive de notre Légende : c'est sans doute
une note marginale de quelque lecteur érudit, introduite ensuite par erreur
dans le texte. — Selon Tigernach, les fils d'Aéd Slàné, Diarmaid et Blath-
mac auraient régné de 654 à 665 ; d'après le Chronicum Scotorum, ils seraient
morts en 661 (H. d'Arbois de Jubainville. Le Cycle mythologique irlandais,
p. 296).
3. Ici vient dans les deux mss. une phrase inintelligible. On peut seule-
ment comprendre que dans Eg. il s'agit du chant des oiseaux.
4. « Par une chaine d'or rouge » selon Eg. — La version e ne donne
pas tous ces détails, qui sont bien peu vraisemblables, quand il s'agit d'oi-
seaux venus pour dévaster la plaine d'Émain. Les Ulates ne se seraient sans
doute pas mis aussi facilement à leur poursuite s'ils avaient vu ces signes
merveilleux. La description tout entière doit être empruntée à une des nom-
breuses légendes irlandaises analogues (voir d'Arbois de Jubainville, op. rit..
passim).
Légende de la Conception de Cûchulainn. 1 1
Trois oiseaux volèrent séparément jusqu'à la nuit : ils allèrent
devant les chasseurs jusqu'à l'extrémité de la contrée. Et là la
nuit arriva sur les guerriers d'Ulster. Il tombait une neige
épaisse l. Conçhobar dit 2 à ses gens de dételer les chars et de
se mettre à la recherche d'une habitation.
3 . Conall Cernach et Bricriu se mirent en quête, et trou-
vèrent une maison toute neuve. Ils y entrèrent 3 et y virent
un homme et une femme qui leur souhaitèrent la bienvenue.
Ils retournèrent vers leurs compagnons 4. Bricriu dit qu'il
n'était pas digne d'eux d'aller dans cette maison, où ils ne
trouveraient ni manteaux, ni vivres ; elle était de toute façon
insuffisante S .
Ils y allèrent cependant, et amenèrent leurs chars avec eux.
A peine furent-ils dans la maison avec leurs chars, et leurs che-
vaux et leurs armes, qu'il leur vint toute sorte de biens, et des mets
ordinaires et extraordinaires, connus et inconnus : de sorte qu'ils
n'eurent jamais de meilleure nuit. Et alors ils virent quelque
chose : un jeune guerrier, très beau, à la porte de la cuisine,
devant eux. Et il leur dit : « Quand vous plaira-t-il défaire les
parts? » — ■ « Il y a longtemps que cela nous plairait », dit
Bricriu".
Ils reçurent à manger et à boire; et après cela ils furent
ivres, et ils lurent rassasiés. L'homme dit alors aux Ulates
que sa femme était à la cuisine, dans les douleurs de l'enfan-
tement : Deçhtiré alla la trouver ; la femme accoucha d'un fils.
A la porte de la maison était une jument, qui mit au monde
deux poulains. Les Ulates prirent l'enfant7; le père lui donna
les poulains pour s'amuser. Deçhtiré éleva l'enfant.
4. Lorsque vint le matin, ils virent quelque chose : ils étaient là
i . Cette phrase manque dans Eg.
2. En style direct dans Eg.
3. Ces trois mots manquent dans Eg.
4. « Et leur parlèrent de la maison », Eg.
5 . Le texte de la fin du paragraphe est très corrompu dans LU ; des
mots et des irembres de phrase ont été oubliés par le copiste. Le texte de
Eg. est mieux conservé.
6. Au lieu de ce dialogue, LU porte simplement : « Quand il fut temps
de leur apporter la nourriture, il leur fut fait bon accueil, etc. ».
7. Ces cinq mots manquent dans Eg.
i 2 Louis Durait.
sans maison, sans les oiseaux, à l'orient du pays. Ils retournèrent
à Emain Mâcha, emmenant l'enfant, et la jument avec ses pou-
lains1. Là fut élevé l'enfant; il devint grand. Une maladie - le
saisit alors. Il en meurt. On célèbre ses funérailles. Grande
fut la tristesse de Dechtiré à la mort de son pupille.
5. Elle demanda à boire en revenant des funérailles; elle
demanda à boire dans un vase d'airain. On lui apporta à
boire. De quelque manière qu'elle portât le vase à ses lèvres,
elle sentait une petite bète venir avec la boisson. Et lorsque la
bête était éloignée de ses lèvres, personne ne voyait plus rien.
Enfin, la bète sauta tout à coup, entraînée par l'haleine de
Dechtiré.
Dechtiré dormit ensuite, et pendant la nuit elle vit quelque
chose : un homme vint près d'elle et lui adressa la parole K
Il lui dit qu'elle était enceinte de lui. C'était lui qui l'avait
emmenée avec ses compagnes! dans le pays 5 ; c'est par lui qu'elles
avaient été conduites sous forme d'oiseaux. C'était lui l'enfant
qu'elle avait élevé; et maintenant c'était lui qui allait dans son
ventre6, et qui prendrait le nom de Setanta ". Lui-même était
Lug, fils d'Ethniu 8.
6. La jeune fille devint donc enceinte. Il y eut à ce sujet
une grande discussion chez les Ulates, car on ne lui con-
naissait point de mari. Ils craignaient que Conchobar, dans
un moment d'ivresse, n'eût rendu sa sœur enceinte : car
elle couchait auprès de lui. Conchobar fiança alors sa sœur
à Sualdam, fils de Rôg. Grande fut sa honte, d'aller vers
1. Tout le début de ce paragraphe est traduit sur le texte d'Eg. ; les mê-
mes détails se retrouvent à peu de chose près dans LU, mais en desordre.
2. « Une grande maladie, » Eg.
5. Les paroles qui suivent sont en style direct dans Eg.
4. Le texte de LU et celui de Eg., quoique tous deux altérés, semblent
bien signifier: « elles ont été (vous avez été) emmenées » (au pluriel). Il y a
donc ici une allusion à l'enlèvement de Dechtiré et de ses cinquante com-
pagnes, enlèvement qui n'est raconté que dans la version e.
>. La région éloignée où Conchobar a été conduit par les oiseaux mer-
veilleux.
6. Avalé en même temps que la boisson.
7. C'est-à-dire que l'enfant qui naîtrait porterait le nom de Setanta.
8. LU ajoute : « et que furent nourris les poulains de l'enfant ». Cette
phrase ne doit pas être ici à sa place : déplus, la construction des deux der-
niers mots din mac présente quelque difficulté.
Légende de la Conception de Cûchulainn. i }
son mari, étant enceinte. Elle alla alors à l'arbre de lin (?) ;
elle vomit, et perdit le germe qu'elle portait dans son sein r ;
et ainsi, redevint vierge. Elle alla ensuite vers son mari, et
devint de nouveau enceinte. Elle mit au monde un fils ; et ce
fils était l'enfant des trois années2. Et il porta le nom de Setanta
jusqu'à ce qu'il eût tué le chien de Culann le forgeron : c'est seule-
ment alors qu'il fut nommé « le chien de Culann », Cûchulainn.
Fin 5 .
Louis Duvau.
i . Le texte des deux mss. est altéré et en partie inintelligible.
2. Nouvelle allusion à la version e (manque dans LU) ; cf. ce que nous
avons dit dans l'introduction.
3. Au lieu du passage ici imprimé en italique, LU porte la phrase sui-
vante destinée à raccorder à ce récit la deuxième partie de la version e : » Les
Ulates étaient réunis à Émain Mâcha au moment de la naissance de l'en-
fant. Ils discutèrent pour savoir qui d'entre eux élèverait l'enfant, et firent
décider la chose par (littéralement: « allèrent en jugement de ») Conchobar. 1
Suit le récit de la discussion.
THE VOYAGE
OF SNEDGUS AND MAC RIAGLA
The text of the following story, now for the first time
printed, is taken froma transcript which I madein 1871 from
the onlv known copy, that, namely, in columns 391-395 of
H. 2. 16, a manuscript of the fourteenth century preserved in
thelibrary of Trinity Collège, Dublin, and commonly called
theYellow Book ofLecan. The story is oneof a ckiss of sagas
called Imrama, ot which only three other spécimens arc known
to cxist, and on which Dr Schirmer of St Gallen is about to pu-
blish a treatise. Like the best known ol thèse sagas, the Imrom
Maele Duin, our story is twofold, each part of it being iirst
told in prose and then in verse, which is mil, as usual, of
chevilles, is often obscure, and is sometimes obviously corrupt.
In the présent édition the verse is omitted.
Imrum Snedhghusa ochs Mic Rîagla andso sis.
1. Bai dochraite mor for FeraibRois iarndith Domnaill mic
/Edha mic Ainmireach, 7 ba he fochond a ndochraide. Iar
ngabail Erind do mflcaib Mael Goba tareis Domnaill batar 111/c
Domnaill ir-righi Chenéoil Conaill 7 Fer Rois .i. Dondchud 7
Fiacho ; Dondchad ar tir Conaill 7 Fiachû ar feraib Rois.
The Voyage af Sengus and Mac Riagla. i )
The Voyage of Snedgus and Mac Riagla (or Mac Riaguil) fias
been analysed hy O'Curry in his Lectures, pp. 333, and is
quoted by him in his Manner s and Customs, III, 385, asgiving
two instances.of the rare word sianan, some kind of vocal mu-
sic. Other such words are cuilefaid = culebad (gl. flabellum) r,
faut « hollow », borrowed from the Welsh pant : comgaire
« vicinity » : braga (dat. pi. braigtih) « prisoner », aile,
« fence »; mesrugud « adjudication », forbas « siège », ci si es
« neglect ». The phrase dia bliadna, literally « (tliat) day of
(the following) year », and the act. redupl. future pi. 3 gébtait
may also be noted.
Some of the persons named in our taie are historical cha-
racters of theseventh century. King Domnall son of Aed, son
of S. Colomb cille's rlrst cousin Ainmire, died A. D. 642 (or
639 according to the Four Masters). His successors, Mael-
coba's sons, Conall Cael and Cellach, reigned jointly till A.
D. 659 (or 656). The middle of the seventh century may
therefore be fixed roughly as the date of the incidents of the
taie.
The Men of Ross, whose vengeful act gives rise to the
story, wereatribe whose territory (according to O'Donovan2)
« comprised the parishes of Carrickmacross and Clonany, in
the county of Monaghan, and parts of the adjoining counties
ofMeath and Louth ».
The Voyage of Snedgus and Mac Riagla hère below.
1 . The Men of Ross were under great oppression after the
decease of Domnall son of Aed son of Ainmire ; and tins was
the cause of their oppression. When Ireland was taken by Mael
Coba's sons after Domnall, Domnall's sons, even Donnchad
and Fiacha, were in the sovranty of Cenél Conaill and the
1. See the Karlsruhe gloss on the Soliloquia of S. Augustini, éd. Win-
disch, gl. 86.
2. Topographicàl Poems, Dublin, 1862, p. xxn, n° 126.
\G Wliitley Stokes.
2. Ba mor a ndochraidi-s/Je ic Fiacho, ar ni leicthi arm na
hedach datha ic neoch dib, ar nîptar riaraîgh do rig riam reme
sin, 7 ha hadbul meit a foghnoma.
3. Bliadain do Fiacho ar-righi forro. D\ab\iad)ia tic Fiachtf
co hlnber mBoinne 7 gaîrmthir chuice Fini Rois. Asbert friu :
« Dénaid ' foghnom beos ».
« Ni foil ocoinn ni as mo », ar siat.
Asbm som friu : « Tabraidh uar sele uile for mo dernaind. »
Doberad, 7 ba hamlaid bai an scie, 7 a leth di mil.
4. Asbcrt-somandsidhe : « Ni fuil.uar foghnom techta foraib
beos, ar ni mil uile an saile. Cuiridh 2 na tulcha isna fantaib
corop tir. Clandaid 5 fedha isna muighib cor'bad caillte. »
5. Ba handsin do eirigh os allaid a comgaire doib. Eirgid
uile muindtfr in righ andiaidh ind ois. Ba handsin gabsat Fir
Rois a armo fén don righ, ar ni raibe arm ic neoch dibseom,
7 romarbsat he iarom.
6. Ba holc la brathair, la Dondchad, an gnim-sin, 7 dothrct
7 gabais ar braigtib car uile, 7 dober i n-oentech dia loscodh.
7. B;i andsin asbert-som fesin : « Ni coir dam an gnim-so
do denom cen chomairle frim anmeharait, fri Colum cille. »
8. Tiaghar uadh co Colum cille. Ticc Snedhghus 7 Mac
Riaghla 0 Cholum cille, co comairle léo dô .i. sesca lanamna
do chor dib isan fairrge 7 co rucad Dia a breith forro.
1. Ms. denaig.
2. Ms. Cuirigh.
3. îsls. clandaig.
The Voyage of Snedgus and Mac Riagla. 17
Men of Ross, — Donnchad over Tir-connell and Fiacha over
the Men of Ross.
2. Great was their oppression under Fiacha, for neither
weapon nor coloured raiment x was allowed to any of them ;
(and they felt this the more) since they had never before that
been subject to a king; and exceeding was the soreness of their
servitude.
3. A year was Fiacha in sovranty over them. At the end of
the year cornes Fiacha to Boyne-mouth, and the Men of Ross
are summoned to him. He said to them : « Do service still
more. »
« We cannot do more », say they.
Said he to them : « Let each and ail of you put your
spittle on my palm. »
It was put, and thus was the spittle, half of it (composed)
of blood.
4. Then he said : « Your service is not proper y et, for ail
the spittle is not blood. Cast the hills into the hollows that
they may be (level) land. Plant trees in the plains that they
may be forests ! »
5. It was then thatadeer passed near them. Ail the kirig's
household go after the deer. Then the Men of Ross took his
own weapons from the king, for none of them had a weapon,
and so they killed him.
6. That deed was evil in his brother Donnchad's eyes, and
he came and took them ail prisoners, and puts them into one
house to be burnt alive.
7. Then he himself said : « It is not meet for me to do
this deed without counsel from my soul-friend, from Colomb
cille ».
8. So he sends messengers to Colomb cille. And Snedgus
and Mac Riagla corne from Colomb cille, having (this) counsel
for Donnchad, to wit, to cast sixty couples of the Men of Ross
on the sea, and that God would pass His judgment upon them.
1 . Compare the tradition about Eochaidh Eudgadhach (Four Masters,
A. M. 3664) aendath i n-edoighibh moghadh « one colour in the clothes of
slaves ».
Revue Celtique, IX
18 Whitley Stokes.
9. Doberar eathair becadoib 7 cuirter forsin fairge, 7 tiaghar
dia coméd cona ristais arculo.
ro. IMpait forculo Snêdgus 7 Mac Riaghuil do dol co Hi,
co Colum cille.
1 1 . Amal batar ina curoch imraidhset eturro dul assa ndeôin
isand-ociân n-imechtrach a n-ailitZ/ri, amal dochotar in ses'cala-
namna, cencop assa ndeôin docliotar sidhe.
12. Impaaid iarum desel, 7 nodô-séiti gxth sel siartûaidh
isan n-ocian n-imechtrach.
13. Iar tredhinwj doib iarom nos-geib ellsgodh itad moire,
cor'bo difulaing doib.
14. Ba handsin airchisis Crisi doib, 7 dos-ber for sruth
somblass amal lemnacht, 7 sassaither dhe. Atlaighit buidhe
do Dia, 7 asbtvfrtjt : « Lecam ar n-imrum do Dia, 7 tabrum ar
rama inar nôi ». Ocus leac[ad] iarsin a n-imrom aaenur, 7 do-
berad a rama ina nôi, [col. 392]; 7 iar tiachtain doib1 is and
asbert an fer dana :
Snedhghus 7 Mac Riaghuil
do munntir Coluim chilli
15. Doss-corathar iarsin co hindsi n-aile, 7 aile airgid dara
medon, 7 cora éisc indti, 7 ba stiall archapur d'airged an cora-
sain, 7 nolingdis frisin coraid ecne mora. Ba medithir colp-
thaigh firend cech eicne dib, 7 sastai-seom dib.
16. Imraised iarsin docum indsi aile, 7 oie imda aracind
isin indsi sin co cendaib cat forro. Aenôcloch goidhelach indti,
7 dothasd isin traigh 7 ferais failte friu, 7 asbert friu : « Di
feraib Gaideal damsa », ol se. « Tancamar lucht curaigh2
sund, 7 ni mair dib acht missi m'xnur. Dochotar martra la
1 . Somcthing seems omitted hère.
2. M s. curaidh.
The Voyage of Snedgus and Mac Riàgla. 19
9. Small boats are given to them, and they are set upon the
sea l, and men go to watch them, so that they should not
return.
10. (Then) Snedgus and Mac Riaghla turn back to go to
Iona, to Colomb cille.
1 1 . As they were in their coracle they bethought them of
wending with their own consent into the outer océan on a
pilgrimage, even as the sixty couples had gone, though thèse
went not with their own consent.
12. So they turn right-hand-wise ; and wind wafts them
for a while north-westwards into the outer océan.
1 3 . After a space of three days a longing of great thirst
seizes them, insomuch that they could not endure it.
14. It was then that Christ took pity on them, and brings
them to a stream well-tasting like new milk, and therewith
they are satisfied. They render thanks to God and say : « Let
us leave our voyage to God, and let us put our oars into our
boat. » And thereafter their voyage was left alone2, and their
oars were put into their boat ; and after the}- arrived, then
said the poet :
Snedgus and Mac Riagla
Of Colomb cille's community, etc.
15. Then they are sent to another island, with a fence ol
silver over the midst thereof, and a fish-weir therein ; and
that weir was a plank of silver, and againstthe weir huge
salmon were leaping. Bigger than a bull-calf was each of
thèse salmon, and thereof they were satisfied.
16. Thereafter they voyaged to another island, and in that
island they found many warriors with heads of cats upon
them. One Gaelic champion was therein, and he came down
to the strand and made them welcome, and said to them :
« Of the men of the Gael am I, » saith he. « We came hère
1. Compare the punishment infiicted by S. Patrick on Maccuil, Book of
Armagh, fo. 6 a 2. Tripartite Life, p. 222.
2. i.e. they drifted.
20 Whitley Stokes.
hechtrandu aitreabaid in n-innsi-seo ». Ocus dober biadh doib
issin curach, 7 facbait bewnachtain 7 berait bendachtain.
17. Nodo-séite an gaeth iarsin co hinnsi a mbûi crand mor
co n-enlaith alaind. Bûi en mor uaso co cind 6ir 7 co n-etib
argait, 7 tndisid scela tossaigh domain doib, 7 indisid gein
Crist 6 Mairi ôigh, 7 a bathais 7 a césadh 7 a eiseirghi.
Ocwj indisidh scela Bratha; 7 ba handsidhe notuairctis an en-
laidi uile cona n-eitib a taebo co siltis a mbrauni toîo assa tae-
buib ar omun airdhe mBratha. Ba comnai 7 ba cretra1 in fuil-
sin. Ocus doKv an t-én duillind do duillib an craind-sin dona
cleirchib, 7 meit seched daim môir an dulind-sin. Ocus asbert
forsna [col. 393] clcircib a tabairt léo for altôir Coluim cille na
duille-sin, conid hi cuilefaid Col////// cille andiu : a Cenandus
ata-sà/c.
18. Ba bind ceol ina n-cn-sin ic gabail tsalm 7 cantaci ic
moludh in Choimdhidh, ar ba henlaith muigi nime eat, 7 ni
crina corp na duille an craind-sin.
19. Bennachsat iarsain dona henaib, 7 imrait co tir n-uath-
muiri mbatar daine co cendaib con, co mongaib ceatra foraib.
Dothajd clereach chucu asinn indsi, la forcongra nDé, dia fori-
thin, ar ba gabudh doib and cen biadh; 7 dober doib iasc 7 tin
7 cruithnecht.
20. Imrait iarsin co rancatar tir a mbatar doine co cendaib
mucc forro 7 siad [ ], 7 meithle mora acco ic
buain inn arba a medon an tsamraidh2.
21. Dolotar ass iarsin ina curach, 7 gabait a salmo 7 gui-
dhit Dia, co rancatar tir a mbatar dine d'feraib Gaedhel, 7
1. A coinmon phrase (= commun ocus cretair, Rev. Celtique, VIII, 150)
meaning something very blessed and precious. Comnai or commun is horro-
wed from Lat. communia, and cretra irom creatura.
2. Ms. tsamraigh.
The Voyage of Snedgus and Mac Riagla. 21
a boat's crew, and thereof remaineth none save me alone. They
were martyrised by the outlanders who inhabit this island ».
And lie puts food for them (the clerics) into the boat, and they
leave a blessing and take a blessing.
q _ o
17. Thereafter the wind wafts them to an island wherein
was a great tree with beautiful birds (on its branches). Atop
ofit was a great bird with a head of gold and with wings ot
silver; and he tells them taies of the beginning of the world,
and tells them of Christ' s birth from Mary Virgin, and of His
Baptism and His .Passion and His Résurrection. And he tells
tidings of Doom ; and then ail the birds used to beat their
sides with their wings, so that showers of blood dropt out of
their sides for dread of the signs of Doom. « Communion
and Créature » was that blood. And the bird bestows on the
clerics a leaf of the ieaves of that tree, and the size of the hide
of a large ox was that leaf. And the bird told the clerics to take
that leaf and place it on Colomb cille' s altar. So that is Co-
lombcille's flabellum to-day. In Kells it is.
18. Melodious was the music of those birds a-singmg
psalms and canticles, praising the Lord. For they were the
birds of the Plain of Heaven, and neither trunk nor leaf ot
that tree decays.
19. Thereafter the clerics bade farewell to the birds, and
they voyage to a fearful land,- wherein dwelt men with heads
of hounds, with mânes of cattle upon them. By God's com-
mand, a cleric came to them out of the island to succour
them, for they were in danger there, without food ; and he
gives them fish and wine and wheat.
20. Thereafter they voyage till they reached a land whe-
rein dwelt men with heads of swine upom them ; and they . . .
and they had great bands of reapers reaping the corn in the
midst of the summer.
21. Afterwards they went thence in their boat, and sing
their psalms, and pray to God, till they reached a land where-
22 Whitley Stokes.
gabsad mua na hindsi sianan doib focetoir, 7 ba bind lasna
cleirchiu.
« Canaid l beous », ol an clereach, ar se : « sianan na
hErcnn andso ».
« Tiagham, a cliarcho ! » ar na mna, « co teagh rig na
hindsi, ar ron-bia failte 7 lcsugud and ».
22. Tiagait na mna 7 an clcirigh isan teach, 7 ferais an ri
failte frisna cleircho, 7 cuirit a sciss and, 7 iarfaigis doib :
« Can bar cenel, a clerco ? »
« D'feraib Erend duind, » ar an cleirich, « ocus do muintir
Colaim cille. »
« Cinnus atathar a n-Erind ? » ol se, « ocus cia lin mac
[col. 394] as beo do Domnall ? » ar an ri.
Freacrais an cleireach : « It bi tri me'ic do Domnall ; 7 do-
rochair Fiacha mac Domnaill la Fini Roiss, 7 rocuirit sesca
lanamna dib forsin fairrgi issan gnim-sin. »
« IS fir duib, a cleirchiu, an sccl sin. As messi romarb
mac rig Temrach, 7 as sindi rocuiredh isin fairrgi, 7 as dunn
as maith, ar bem sund noco ti an mesrugudh T, ar is maith
atam cen pecadh, cen col, cen gail ar cinadh. Maith an inis a
tam, ar is indti atâ Hele 7 Énocc, 7 as ûasal in teghdais a foil
Eile. »
23. Ocus dorigne failte moir frisna cleirchib 7 adbert :
« Atait da loch isin tir-seo, loch uisce 7 loch tened, 7 ric-
fadis o cianaib for Erind mani padh Martain 7 Patraic oc guidhi
leo ».
« Ropad maith lind Enoc d'taicsin, » ar an clerich.
« Ata i n-inud diamair cor-risam uile [don cath] il— lo an
messa ».
24. Imrait iarsin on tir-sin co mbatar for tondgor an mara
1. Cf. ragait fochctôir cen mcsrugud etir ibrro dochom niffrind, ragait
fochetoir cen mesrugùd etir dochum nimi, Revue Celtique, IV, 250.
The Voyage of Snedgus and Mac Riagla. 23
in dwelt a multitude of men of the Gael ; and the women of
the island straightway sang a sianan to them, and the clerics
deemed it melodious.
« Sing ye still », saith the cleric, saith he ; « hère is the
sianan of Irelarid ! »
« Let us go, O clerics ! » say the women, « to the house
of the King of the island, for therein we (leg. ye ?) shall hâve
welcome and refreshment. »
22. The women and the clerics enter the house; and the
king made thé clerics welcome, and they put away their
weariness there, and he asked them : « What is your race, O
clerics ? »
« Of the men of Ireland are we », say the clerics, « and
of Colomb cille' s community. »
« How fares it in Ireland ? » saith he, « and how many
sons of Domnall are alive ? » saith the King.
The cleric answered : « Three sons of Domnall' s are alive;
and Fiacha son of Domnall fe 11 by the Men of Ross, and for
that deed sixty couples of them were set on the sea. »
« That taie is true for you, O clerics ! It is I that killed the
son of the King of Tara, and we it is that were set on the
sea. And well for us was that, for we shall abide hère till the
Judgment shall corne; for good are we without sin, without
wickedness, without of our crime. Good is the island
wherein we are, for in it are Elijah and Enoch, and noble is
the dwelling wherein is Elijah. »
2 3 . And he made the clerics very welcome, and said :
« There are in this land two lakes, a lake of water and a
lake of fire, and they would hâve corne long ago over Ire-
land had not Martin and Patrick been praying for them (the
Irish). »
« We would fain see Enoch, » say the clerics.
« He is m a secret place until we shall ail go to the battle,
on the Day of Judgment. »
24. Thereafter they voyage from that land, and were in
24 Whitley Stokes.
fri re ciana co wdorala furtacht mor o Dia doib, ar roptar sci-
tha, co n-acatar inis moir n-aird, 7 ba haibind 7 ba noemda bis
indti.
25. Ba maith an ri bûi isin insi, 7 ba noemda 7 ba firian,
7 ba mor a sluag, 7 ba huasal teghdhais an rig-sin, ar boi cet
dorus isin tigh-sin, 7 altoir oc gach doruss, 7 fer graid ic cach
altoir ic idpuirt chuirp Christ.
26. Dolotar iarum isan tegh-sin an chleirig, 7 bendachais
cach dib dia chele, 7 dolotar uile iarsin, ct/r mnai 7 fer, an
sluag mor sin do laim occonn aifriunn.
27. Dakar fin forro iarsin, 7 adber in ri frisna clércho :
« Apraidh », ar se, « fri fini Erind dos-fil digal mor foruib.
Dosn-icbad allmaraigh dar muir 7 trebfaid cô leth an n-indse,
7 gebtait forbais foraib, 7 is ed dober doib an dighal sin, a
meit doberat eislis for timna nDé 7 fora forcetol. Mi for blia-
dain atathi for fairrgi 7 rosessidh : inlan 2, 7 indisid bar scela
uile d'feraib Eirind ».
1 . Ms. rosessigh.
2. Ms. leg. imlan? ■
The Voyage of Snedgus and Mac Riagla. 25
the roaring waves x of the sea for a long time, until great re-
lief came to them from God, for they were weary. And they
beheld a great lofty island, and ail therein was delightful and
hallowed.
25. Good'was the King that abode in the island, and he
was holy and righteous ; and great was his host, and noble
was the dwelling of that King, for there were a hundred
doors in that house, and an altar at every door, and a priest
at every altar offering Christ's Body.
26. So the clerics entered that house, and each of them
(host and guests) blessed the other ; and thereafter the
whole of that great host, both woman and man, went to
communion at the Mass.
27. Then wine is dealt out to them, and the king saith to
the clerics : « Tell the men of Ireland, » saith he, « that a
great vengeance is about to fall on you. Foreigners will corne
over sea and inhabit half the island ; and they will lay siège to
you2. And this is what brings that vengeance upon them (the
Irish), the great neglect they shcw to God's Testament and to
His teaching. A month and a year ye shall be at sea, and ye
shall arrive safely ; and (then) tell ail your tidings to the men
of Ireland. »
Whitley Stokes.
16 Sept. 1887.
1 . Literally • the wave-voice » .
2. This probably refers to the Anglo-norman invasion.
LÉGENDES
DES
MONNAIES GAULOISES
(1887).
Il y a seize ans, dans le premier volume de la Revue Celtique,
j'ai publié un travail dont celui-ci n'est, par le fait, qu'une
nouvelle édition ; mais je ne crains pas que mes lecteurs m'en
sachent mauvais gré. Depuis 1871, des monnaies, jusque-là
inédites, ont été recueillies; des observations judicieuses ont
été présentées par plusieurs de mes confrères, principalement
par MM. Hucher et Muret; j'ai pu reviser avec soin les lectures
faites par ceux qui sont mes devanciers dans l'étude de la nu-
mismatique gauloise. Le recueil que je publie aujourd'hui, aug-
menté de légendes nouvelles, débarrassé de lectures fautives,
peut être considéré comme aussi complet que possible et au
courant des recherches scientifiques faites jusqu'en 1887.
Si on n'y trouve pas certaines légendes répétées un peu
partout, principalement dans les livres déjà anciens, c'est que
ces légendes ne sont plus admises ; des exemplaires mieux
conservés, un examen plus attentif, ont permis de les faire
disparaître. En effet, dans une énumération de ce genre, des-
tinée à être consultée par les savants qui s'occupent de philo-
logie celtique, il importe de ne faire figurer que des formes
certaines. J'ai dû omettre certaines légendes encore incom-
plètes ; espérons que, plus tard, elles pourront prendre place,
avec de nouvelles découvertes, dans un supplément.
Légendes des Monnaies gauloises. 27
On remarquera que les légendes monétaires paraissent assez
tard sur les monnaies gauloises ; les ethniques y sont assez
rares ; ils se lisent surtout dans le Midi, au premier siècle
avant l'ère chrétienne, ainsi que dans la Belgique, mais, pour
cette région, après la conquête ; les noms propres d'hommes
sont en très grande majorité, quelquefois accompagnés de mots
dans lesquels des numismatistes autorisés voient des titres ou
des indications de fonctions : vercobretos, arcanlodan. Quel-
quefois on lit des mots qui ont un sens géographique : San-
tonos, Turenos, par exemple ; les monnaies qui les portent ne
se trouvent pas sur le territoire de la Saintonge et de la Tou-
raine de manière à permettre d'y reconnaître une monnaie lo-
cale : serait-ce un souvenir de lieu d'origine attribué à un per-
sonnage, appelé, hors de son pays, à remplir certaines fonctions ?
J'ai dû résister au désir de rechercher dans les grands re-
cueils épigraphiques les noms, et il y en a plus d'un, qui
sont gravés sur les monnaies ; il m'a semblé que j'aurais em-
piété sur le domaine des philologues ; il appartient à des
érudits, comme le Directeur de la Revue Celtique, de faire un
pareil travail et d'en tirer toutes les conséquences qui peuvent
servir à la science.
A. de B.
Ouvrages consultés : '
Annuaire de la Société française de numismatique.
L'Art gaulois, ou les Gaulois d'après leurs médailles, par E. Hucher.
C. I. L., Corpus inscriptionum lalinaruiu.
Duchalais, Description des médailles gauloises faisant par lie de la collection de
la Bibliothèque royale.
Evans (J.), The coins of the ancient Britons.
Gaule éSarb., Numismatique de la Gaule Narbonnaise, par L. delà Saussaye.
Heiss (Aloiss). Description générale des monnaies antiques de l'Espagne.
Lambert (E.), Essai sur la numismatique gauloise du nord-ouest de la France.
Lagoy (marquis Rog. de), Essai de monographie d'une série de médailles
gauloises d'argent, imitées îles deniers consulaires au type des dioscures ; avec un
supplément.
1 . Dans cette courte bibliographie nous avons voulu simplement indiquer
les ouvrages les plus récents auxquels renvoie la liste qui suit. Il nous a
paru inutile, pour ce travail, de mentionner les nombreuses publications qui
ont précédé et dont, par le fait, les indications sont relatées dans les livres
et dans les brochures énumérés ici.
28 A. de Barthélémy.
Lelewel (Joachim), Etudes numismatiques et archéologiques : type gaulois ou
celtique.
Nutn. chron., Numismatic chroniclc
Pevghoux, Essai sur les monnaies des .-h verni.
Rev. arch., Revue archéologique.
R. n. f., Revue numismatique française.
R. u. b., Revue belge de numismatique.
Robert (Ch.), Numismatique de la province de Languedoc: la période an-
tique (extr. du t. 2 de la nouvelle édition de l' Histoire générale du Languedoc).
La Sizeranne (le comte de), Le trésor de Laveyron (extr. du Bulletin de la
Société d'archéologie de la Drôme).
* ABALLO. Voy. Caballos.
AbVCATO, or. Rev. num. fr. 1836, pi. 2.
On a proposé de lire Abugato.
ABVDOS, ABVDS, or, br. Lelewel, pi. 7,
44; Art gaulois, 1" partie, pi. 79, 1.
ACEDOMAPAT1S, GAIV.Ii, ar .Rev. num.
1862, pi. 1, 6; 1883, 1, s
[A]CINCOVEPVS-PETRVCORl OU PER-
RVCORl, ar. Art gaulois, Ve partie,
pi. 80, 2. La Saussaye et Longpérier
lisaient Petrucori, ce qui est contesté.
* ACVNO. Lambert, 2e partie, pi. 17,
1 1. Voy. Acussros.
ACVSSROS, br. R. n. f. 1838, pi. 21.
ACVTIOS, br. Art gaulois, pi. 52, 2.
ADDEDOMAROS, ADDIDOM, or. Bre-
tagne, J. Evans, pi. 14, 1 à 9; Num.
Chron., 1856, p. 1 50.
ADIETVANVS: REX ADIETVANVS FE-
SOTIOTA, ar. Art gaulois, pi. 90, 2.
ADNAMATI, ar. Pannonie, Lelewel, pi. 3,
12. Suse, ADNAMA TROVC1LL1 F.,C.
/. L., V, 2" p., 7269. Cisalpine.
AESV, ar. Bretagne. J. Evans, pi. 15, 8.
AFHA, br. R. n. f. 1844, p. 365.
*AIAOYIN. voy. vinpia.
AINORIX, ar. Pannonie, Cab. imp. de
Vienne.
*ALABBOAIIOS. Voy. le suivant.
ALABPOAIIOC-NIDE, ar. Lelewel,
pi. 6, 12 ; Duchalais, p. 18.
ALAV, ALAVCOS, br. Art gaulois, ir0 par-
tie, pi. 19, 2, 2" partie, 17 h.
AMBACTVS; AMBACTVS-ARC, br. Lele-
wel, pi. 9, 9. Bretagne, Mon. gaul.
inédites de Strasbourg, 1882. (Extr.
des Mémoires delà Soc.d'arch. lorraine).
AMBILIEBVRO ; AMB1LO-EBVRO, ar.
Lelewel, pi. 6, 17.
47
Voy.
Lelewel,
* AMBIORIX. Voy. Ambili.
AMEN, or. Salasses. R. n. f. 1861,
P- 344-
AMIûRIX, or. Pannonie. Cabinet de
France.
AMM1, billon. R. n. fr. 1884, pi. s, 40.
AM, AMM1, AMMINVS-DVN, ar., br.
Bretagne, J. Evans, pi. 5, 1 et 2.
AMYTO BA(5'.Xc'j;), br. Cab. de France.
* AND. Voy. C IND.
* ANDECA. Lelewel, pi. 14,
le suivant.
ANDECOMBO-ANDECOM, ar.
pi. S, 44 et 4$; 4, 47.
ANDOBRV. Voy. Garmanos.
AND, ANDO, ANDOCO, or, ar., br. Bre-
tagne. J. Evans, pi 5, 4 à 6.
ANDV, ar. Cabinet de France.
ANDVGOVONI-CEL1ICORIX, ar. Dict.
d'arch. celt., n" 68.
ANNAROVECI, hr.R. n.b. 1862, pi. 4, 1.
ANNICOIOS, ANNICCOIOS, br. Lelewel,
pi. 9, 23.
ANORBO. Voy. Dubnoreix.
ANSALI,ar. Pannonie, Art gaulois, 2" par-
tie, 72
ANTE0, ANTED ; ANTEDR1GV, or,
ar. Bretagne, J. Evans, pi. 1,7 et 8;
ANÎ in AÉn -11' AHM, ar. Gaul.
narbonnaise, pi. n"! 11 à 17.
AOPA, br. R. n. f. 1863, p. 159-
AOYEN1AO; AOYE, AYE, ar. Lelewel,
pi. S, 17. br. Cab. de France.
AftAMOC-LMVNAT, br. Mil. de
Num., 1, p. 326.
AP (en monogramme), or. Art gaulois,
pi. 101, 8 et 9.
ARC, br. Voy. Ambactu.
1. Ou AGEDOMAPATIS.
Légendes des Monnaies gauloises.
29
ARKANT, ARCANTODAN, ARCANTO-
DAN-ROVECA, ARCANTODA-MAV-
FENN, br. R. n. f. 1860, p. 352 ; Art
gaulois, ire partie, pi. 48, 1 ; Bull, de
la Soc. d'agriculture de la Sarthe,
1857; R. n. /., 1862, pi. 9, 1, 1 bis
et 4.
ARDA, or, br. Lelewel, pi. 9, ? 1 a 34.
R. n.f., 1885, pi. 6, 14.
AREC. Voy. Volcae.
* AREMAC10S. Voy. le suivant.
AUEM AGIOS, br. Art gaulois, pi. 182, 1.
APHT0IAM02-NAMAY, br. Du-
chalais, p. 81 et 85.
ARIVOS. Voy. Santonos.
ARTOS, br. R. n.f., 1842, pi. 21.
* ARTVE-COMVN. Monnaies de Paestum
de Lucanie.
ARVS. Voy. Segvsia.
*ACTICO. Voy. KowmAo.
? ATAV, or. Bull, de la Soc. d'agr. de la
Sarthe, 1857, p. 107.
ATECTORI, br. Lelewel, pi. 9, 24.
A0IIDIACI-A. HIR. IMP, br. Dict.
d'arch. celt., nn 120; R. n.f., 18)8,
p. 443.
ATEPILOS. Voy. Tovtobocio.
ATESOS, br. Mil. de Numismatique, t. 1.
ATEVLA-VLATOS, ar. Lelewel, pi. 3,
43 ; 5, 10. ATVLA. Inc. chr. Crémone.
C. /. L. V, r" partie, 41 17. Cisalp.
À0EN, br. Cab. de France.
*A0HPIAC. Voy. A0HDIACI.
ATH1RIMP. Voy. A0HDIACI.
ATISIOS. Toy. Remos.
*A0ORI. Voy. Addedomarus.
AITIII, or. Cab. de Fr.
ATP1LLIF. Voy. Orgetûrix.
ATPI, Gaul. Narb., pi. 1, 32.
ATTA, ar. Pannonie. Ann. de la Soc.
Num. 1868. ATTA. 1ns. chrét. à Milan.
C. I. L. V, 2e partie, 6183. Cisalpine.
ATVLLOS, or. Pannonie.
*.AVAR1IC0 ou AVACIICO, ar. Lelewel,
pi. 7, 72 ; Duchalais, p. 7. Lectures
très incertaines.
* [AVJARICI. Voy. Viriciu.
* [AlVARICO. Voy. Vaciico.
AVAVCIA, br. Lelewel, pi. 9, 26.
* AVDA1ACOS. Voy. Durnacos.
AVDOS, br. R. n.f. 1S47, pi. II.
AVGII, ar. R. n. b. 1885, pi. 13, 5.
AVGE. Vérone. Cl. L. V, ir" partie,
3398, 1927, 2 S9 1 , 8342 Cisalp.
AVLERCOS. AVL1RCV; AVLIRCO-EBV-
ROVICO, br. Art gaulois, 2" partie,
p 5 4 et j s ; Lelewel, pi. 9, 46 et 47.
— Une légende lue Aulercos, Lamb.
i.re partie, pi. 8, 25 est de Nercod;
voy. ce nom.
AVLOIV. Voy. LLWAOIB.
AVN, ar. br. Bretagne, J. Evans, pi. 17,
8.
AVOT on TOVA, br. Cabinet de France.
* AVRATO. Voy. Cassisuratos.
AVRC, ar. Art gaulois, p. 75 ; Lelewel,
pi. 1, 10.
*AVRO, Lelewel, 1, 10. Voy. le précédent.
AVSC, AVSCRO, AVSCROCOS, AVS-
CROCVS. Voy. Durnacos.
BAO, br. R. n. f. 1859, pi. 2, n.
BILINOS, BHINOC, ar. Lelewel, pi. 7,
4; Duchalais, p. J9; Lambert, r"1 p.,
pi. 11, 16.
BHTAPPAT1C, br. Ch. Robert, pi. 4, 20.
BIATEC, ar. Pannonie, Lelewel. pi. 1,
4; 3, IJ-
BIRAGOS, ar. R. n. f. 1860, pi. 8, n.
*BISO, br. R. n.f. 1837, p. 491 ; Lele-
wel, pi. 7, 73. Cette légende n'existe
pas.
BITOYIOC BACIAEY, br. Ch. Robert,
pi. iv, 16.
B1TOYCOC BACI, br. Ch. Robert, p. $8.
BODVO, BODVOC, or, ar. J. Evans,
p. 135, pi. 1, 2 et 3.
BOIO, ar. Cab. imp. de Vienne.
B12KIOC. Voy. AoYYO<7TaX7]Ttov.
* BOYIBILON. Voy. le suivant.
BOYIB1TOY, ar. Lambert, ira partie,
pi. 9, 16 ; Art gaulois, pi. 73, n" 54.
* BPI1NOS, ar. Lecture très douteuse.
BRICA, br. Coll. Ledain, à Metz.
BRI-BRI: BRIG-COMAN; BRI-COMA;
BRICO-COMA, ar. Lagoy.
BRIGIOS, br. Art gaulois, pi. 98, 1.
BVGIOS. br. Ait gaulois, 2" partie, p. $t-
BVSV, BVSSV, BVSSVMARVS, ar. Pan-
nonie, Lelewel, pi. 3, 14. Cab. imp.
de Vienne.
CABaLLOS, br. R. n.f. 1855, pi. 8, 4.
CABE COL, CABE-LEPI, ar., br. Cabel-
lio colonia, Lelewel, pi. 8, 14, 26;
Num. de la Gaule narbonnaise,p\. 7.
CA-1VR ou AVR,ar. Art gaulois, p. 75.
* CACIAC-CII. Voy. Caliagiiic.
CAL-MOR ou ROVV, ar. R. n.f. 1860,
p. 417. Quelques personnes pensent
que Cal est l'abrégé de Calitix.
CALEDV, CALEDV-SENODON, ar R.
n. f. 1847, pages 167, 1677, et 178,
187. Lelewel, pi. 3, 5 1 ; R. n. f. 1860,
p. 188.
CALIIDV, br. Lelewel, pi. 7, 1 1 ; Art
gaulois, p. 5 1 .
3°
A. de Barthélémy.
CALIACI1S, br. R. n. f. 1855, p. 365 .
CAL1TIX. Voy, Cosii.
CALLE. Voy. Eppil.
CALMINOXOV, br. Cab. de France.
*CAAOY, CAAOYA-MAN, br. Lec-
tures inexactes d'une légende très dif-
ficile à déchiffrer dans laquelle Saulcy
croyait retrouver le nom de Galba, roi
des Suessions. R. n.f. 1859, p. 401.
CAM, ar. Lelewel, pi. 8, 2 ; R. n. f.
1836.pl. 8, 11.
* CAMaON. Voy. Cambil
CAMBIL, br. Dict. d'arch. celt., n" 135.
CAMBOTRE, ar. Lelewel, p. $, 11;
Art gaulois, pi. 64. 2.
CAMVL-CVN0BEL1N1 ; CAMV-CVNO ;
CAMVLODVNO-CVNO, or, ar., br.
Bretagne, Lelewel, pi. 8, 51, 5? à $6;
J. Evans, pi. 9, 1 à 3 et 14 ; 1 1, i à
4 ; 12, 9 à 14 •. 13, 1 à 4. — Voyez
aussi Cunobelini.
CAMVLO, or. R. n. f. 1863, p. 501 ;
Art gaulois, pi. 101, 6.
CAND, ar. Art gaulois, p. 82. Il se pour-
rait que cette légende lue à rebours
DNAC, fut une abréviation àzDumac;
le type autorise cette hypothèse.
CANT0R1X. Voyez Turonos.
CARMaNOS. Voyez Garmanos.
CARS1CI0S-|C0|MMI0S, ar. Duchalais,
n° 45-
CASouGAS, or. R. n.f. 1863, pi. 16.
2. 1848, p. 1 so.
CASSISVRATOS-. . . LANTCS, ar. R. n.f.
1883, pi. 1, 7.
CATAL, br. Art gaulois, pi. 5, 1 et 2.
*CATAV. Voyez Catal.
CATTI, or. Bretagne. Lelewel, pi. 8.
17 : J. Evans, 1, 4.
CATTOS. Voyez Cisiambos.
' CAV. 1 r Cal et ,\rsc.
? CAVLN, ar. R. n. f. 1860, p. 2(9.
Ann. de la Soc. de r.um. 1867. Lecture
très conjecturale de Saulcy.
"CAVNG ou CNVO. Voyez Cn. Vol.
CELIIGORIX. Voyez Andugovoni.
CELNVM-ZE, or. Pannonie, Art gau-
lois, p. 24.
'CEVARIX. Voyez Varixce.
CICIIDVBRIIIPAD, br. Duchalais, n» $;
Art gaulois, pi. 20, 2.
C1CVTAN0S, br. R. n. f. 1883, pi. 1,4.
CIECIM. or. Pannonie. Art gaulois, p. i\.
'C1NCVNV. Voyez Caliagiis.
CISIAMBOS; CJSIAMBOS CATTO VER-
COBRETO, br. R. n. f. 1837, p. 12 ;
1857, p. 403: 1861, p. 165; 1862,
p. 177; Lelewel, pi. 8, 41 et 42 ; Art
gaulois, pi. 56, 1.
'CISIARECO. Voyez Cisiambos.
'CISIARIX, id.
C.I.V,br. Colonia Julia Viennensis, Num.
de la Gaule Narb., pi. 1 s, 2.
CN.VOL. Voyez Volvnt.
COBROVOMARVS. ar. Pannonie. R. n.
f. 1840, pi. 19, 9. Duchalais, p. 406.
Ann. de la Soc. de Num. 1868.
"COGESTIVS. Voy. le suivant.
COGESTLVS, ar. Pannonie, Lelewel,
pi. 7, 38. Ann. de la Soc. de numism.
1868.
C010S. Voyez Orgetorix.
' COISA, ar. Pannonie, Cab. de France.
s. Voyez Cose, Bric, Coom, Ved.
M10S. Voyez Garmano, Tino, Viri,
Verica, Carsicios ?
COMMIOS. or. Bretagne. J. Evans,
pi. 1. 10.
COMVX, or. Bretagne. J. Evans, pi. 1, 5.
"CONA. Voyez Conta.
CONAT, br. R. n.f. 1859, pi. 13, 18.
CONE. .D, br. Lambert, r" partie,
pi. 10, 4. R. n. f. 1865, p. 148.
CONGE, CONGESA, ar. Ann. de la Soc.
de Num. Lelewel, p. 2S2.
CONTA ou CONTVA, ar. R. n.f. 1844,
p. 404; 18.47, p. 266.
CONNO. EPILLOS-SEDVLVS, br. R. n.
f. 186$, p. 137.
'CONTOVIOS. Voyez Contovtos.
CONTOVTOS, br. Art gaulois, pi. 20, 1.
COOM-COMAN, ar. R. n.f. 1860, p 417.
COPO, ar. Ami. de la Soc. de num.
1868, p. 7.
CORIARCOC [CIIVICOVI] — A. H1R.
IMP, br. R. n. f. 1858, p. 144.
'CORILISSOS. Voyez Coriarcos.
C0SI1-CALITIX, 3f. R. n. f. 185 1, pi. I,
6; 1860, p. 417. Art gaulois, p. 81.
COSII-CONIAN, ar. Art gaulois, p. 81.
COVED, COVEDJM. ar. Num. de Lan-
guedoc, pi. 3, 14 à 17.
COVNOS, ar. Ann. de la Soc. de Num.,
1868.
COVRA ou COLRA, ar. Num. du Lan-
guedoc, pi. III, 20 et 21.
CRAB, ar. Bretagne, J. Evans, pi. 5,3.
* CRAMITOS. Voyez Karnitos.
CRIf.R,CRICRV,CRICIRO, CRICIRONI,
CRICIRV, or, ar., br. R. n. f. 188$,
pi. 6.
* CRITVRIX. Voyez INECRITRVIX.
CVBIIO, br. R. n. f. 1868. pi. 1, 13.
CVBIOS, ar. R. n. f. 1866, p. 248.
CVNOBELI-CVN;CVNO-SOLIDV;CVNO-
BEL1NVS REX-TASC; CVNOBELINI-
TASC10; CVNO-TASCF; CVNO-TAS-
CIO; CV.N0BIL-TASC.F1L; CVNOBE-
Légendes des Monnaies gauloises.
ii
LINI-TASCIOVANI.F; CVNOB-TAS-
CIIOVAMT1S, or, ar., br. Bretagne. J.
Evans, pi. 20, 1 à 14; il, e> à (4;
12, 1 à 7.
'CVNVANOS. Voyez Dcanaunos.
CVPlNACIOS-VL,ATOS, br. Mèm. de la
Soc. des Antiq. de l'Ouest, t. 37,
n°* 41 et 42.
DARA. Voyez Diarilos.
DCANAVNOS, DCANAOS, br. Art gaulois,
p. 89.
AEIOYGIIAGOC, br. R. n.f. i8S4,
p. 85; 18J9, pi. 13, 2; Art gaulois,
p. 68.
* AEIOYN, AEIOYIX. Voyez le nom
précédent.
DEVIL, ar. Pannonie, Cab. de France.
* DIAOVLOS. Voyez Diasulos.
DIARILOS-DARA, ar. Art gaulois, pi.
86, 1.
D1ASVLOS, ar. R. n.f. 1852, p. 28;
Rev. arch. 1868, p. 130.
*AIAY. AIAVGOS. Voyez alaucos.
* DICOMJ pour DICOI, DIKOA, ar. Ci-
salpine. R. n.f. 1861, p. 333 et 345.
DNAC. Voyez Cand et Durnac.
DOC1 ; Q. DOCI-SAMF, ar., br. R. n. f.
1860, p. 179 ; 1861. p. 88 ; Art gau-
lois, p. 107.
DOMISA. ar. Pannonie.
DONNADV, br. Péghoux, n° 38.
DONNVS-ESlANNIIou ESIANNIF,ar. Art
gaulois, p. 83. C'est par erreur que
l'on a joint ce nom à celui de Dur-
nacus.
AOYBXO, ar. R. n.f. 1866, p. 237;
Art gaulois, p. 132.
DRVCCA; DRVCCA-TVRONA, br. R. n.
f. 1846, pi. 7, 3 et 4.
DVBXOCOV. Voyez Dubnoueix.
DVBNOREIX-DVBNOCOV; DVBNORJX-
ANORBOS; DVBNORI, ar. R. n. f.
18^3, P- S J '866, p. 244.
DVBN, DVBNO, DVBNOVHLLAVNOS,
ar. Pannonie et Bretagne. Lelewel,
pi. 8, 20; J. Evans, pi. IV, 6 à 12.
DVMN-TIG1PSENO, or. Bretagne, J.
Evans, pi. 17, 3.
DVMNOCOVEROS, Voyez Vousios.
DVMNOVEROS. or. Bretagne, J. Evans,
pi. 17, 2.
DVN. Voyez Amminus.
DVRaT-IVLIOS, ar. Art gaulois, pi. 90,
1 ; Lelewel, pi. 7, 12.
* DVRATO. Voyez Cassisurato.
DVRNACOS-AVSCRO, AVSCROCOS, DVR-
NAC-EBVRO et EBVROV, DVRN-
AVSC, DVRNAC-AVG1I, DVRNACVS-
DONNVS, DVRNACVS-AVSCROCVS,
ar. R. n. f. 1862, p. 9; 1853, P- 5 ;
1869, p. 2 ; R. n. b. 186c, pi. 13, 5.
* DVRNOCOV Voyez Dvbnocov.
EAB1ARI, ar. Pannonie. Ann. de la Soc.
de Num. 1868.
?IIARO, br. Art gaulois, p. 76. Lecture
très douteuse.
EBVRO, EBVROV. Voyez Ambilli, Dvr-
nacos et RlCANT.
EBVROV1CO. Voyez avlircvs.
ECCAIOS, ECCAIO. 1ICCA10, ar., br.
R.n.f. 1867, p. 173 ; Pannonie. Ann.
de la Soc. de Num. 1868.
ECEN, ECE, br. Bretagne, J. Evans,
pi. 15, 1 à 5
HCOYArEn, br. r. n. f. 1865,
p. 151.
* IICVIX. Lambert, r" partie, pi. 9, 1.
Voyez Ibruix.
EDV1S-ORGETIRI, ar. R. n. f. 1860,
P 97-
'EINOONNDOC. Voy. IlevvoouivSoç.
EIVICIAC, br. R. n.f. 1868, p. 407.
EKPITO, br. R.n.f. 1868, p. 409.
EIOJTIAICO, or. R. n.f. 1852, p. 201.
HAIKIOY MA2S, br. Cab. de Fr.
* ELIOCAOI. Voyez Veliocathi.
EAKESOOYIS-TASGIITIOC, br.
R. n. f. 1864, p. 25 1. Art gaulois,
pi. 2, 1.
ELViOMAR, ar. Pannonie, Ann. de la
Soc. de Num. 1868.
EMBAV, br. Cab. de France.
* EMB1TO ou EMPITO. Voyez Ekrito.
EPAD, ar., br. Art gaulois, pi. 3, 2;
2" partie, p. 9$. IIPAD. Voyez Cicimu-
Bri.
Ei'AïI, TASC.1F-EPATICCV, or, ar. Bre-
tagne, J. Evans, pi. 8, 12 à 14.
EPENOS, EPENVS-EniINOC,
EIIHN, br. R. n.f. 18J9, p. 81 et 10.
EPI. br, Mil. de Num., 1878.
EPILLOS. Voyez Conno.
IIPOS, br. Cab. de France.
EI1IIA, br. Lagoy, Not. pi. n° 2.
EPP1L COMF, EPPILLVS COMF, EPPI
COMF, EPP REX CALLE,or, ar., br.
Breiagne, J. Evans, pi. 3, 8 à 13, 4,
2 à 5.
I1POMIIDVOS, ar. R. n. f. 1843, P- 4' G
1864, p. 349.
* IIPOM11AOS. Voyez Epomedvos.
* ERCOD. Voyez Nercod.
ESIANNI. Voyez Donnvs.
IISVPAS. Bretagne. Art gaulois, 2e par-
tie, p. 149.
32
A. de Barthélémy.
ESV10S, ar. Mil. de Num., t. I, p. }ll;
R. n. 188} . pi. I, 3.
EVOIVRIX, ar. Pannonie. Ann. de la
Soc. de Num.
EVORNOS, br. R. n. f. 1886, pi. Il, 2.
* FABIARI. Voyez Eabiari.
GARMANOS-COMIOS ou COMMIOS, ar.
Art gaulois, pi. 62, 2, et 2" partie,
p. 100.
GARMANO--ANDOBRV, br. Art gaulois,
p. 162.
"GELISVC. Voyez Segisuc.
GERMANVS-INDVT1LLIF, br. Art gau-
lois, pi. $0, 2.
G1AMILOS, GIAMILO-SIINVI, ar.. br.
Art gaulois, pi. 82, 2. Bull, de la Soc.
des Antiq. de l'Ouest, 1877.
rAANIKON, ar. Lelewel, pi. 3, 8.
GOTT1NA, or. Lelewel, pi. 4, 25.
Hirtius. A. HIR. 1MP. br. Voyez Athe-
DIACI, COS.1ARCO, INECRITVRIX.
IBRVIX.
* 1CRITVR1X. Voy. Iniicritvrix.
* IEMEP. Voyez Smer.
IFELITOVES1, IFLKOVESI, IFNKOVE,
ar. Cisalpine, Lelewel, pi. 7, 8.
* 1LENTOS. Voyez Cassisvrato.
? IMIOC1, ar. R. n f. 1862, p. 22. Cette
légende, très douteuse, pourrait être,
suivant M. Ch. Robert, KwKOCHX '.
INAM, or. Bretagne. J. Evans, p. 149.
INDVTILL1F. Voyez Germanvs.
INIICRITVRIX. A. HIR. IMP. br. R. n.
f. 1858, p. 144.
IOTVRIX, ar. Pannonie.
? IOVERC, br. R. n. b. 1864, p. 437.
Duchalais, page 269.
[RAVSCI, ar. Pannonie.
? 1RNERIX, ar. Lelewel, pi. 6, n.
ISVNIS, br. Dict. d'arch. celt., n° 147.
IVLIOS. IVLIV, 1VLIVS. Voyez Dvrat,
Acedomapatis, Togirix.
KABAAA, or. Cabinet de France.
KABE (Cavaillon\ br. Art gaulois, p. 128.
KAIANTOAOY BASfAEÛS, br.
Robert, Num. du Lang., pi. 4, 18
et io.
KAINIKHTÛN, ar. Lelewel, pi. 3,9.
KAA, KAAETEAOY, ar. R. n. f.
1858, p. 281 ; Lelewel, pi. 4, 40 et
41. Art gaulois, pi. 58, i à 4.
KARI0A, br. Ait gaulois, pi. 18, 2.
* KAPNITOC ou KAPONTOC. Voyez To-
GICA10T0S.
KASILOI, or. Salasses. R. n. f. 1861,
P- Î44-
KaSIOS, ar. Cisalpine. Cab.de France.
KACTIAO (T. TAAY), M. Voyez
Samnaget.
KAT, or. Salasses, ibid.
? KENVEIA, br. Lelewel, pi. 4, JJ. Lec-
ture très incertaine.
KEKVA, br. Cab. de France.
* KERA, KERATIX. Voyez Epat, Epati.
KOIIAKA. br. R. n. f. 1863, pi. 16, j.
K0I10C, ar. Cab. de France.
KcoKOCIÔC. Voyez Imioci.
KONAT, br. R. n. f. 18J9, P- 404.
KRACCVSrREMOS? br. R. n. f. 1851,
pi. 1, 5; Art gaulois, p. 131. Mil. de
Num. t. I"', p. 163.
* KP AMI TOC. Voyez Karnitoc.
KPISSOou KPISSO, br. R. n. f.
1866, pi. 13, 1, et 1869, p. 10.
AAKVAQN, ar. Num. de la Gaule
Narb. pi. 1 , 20.
LAVOMARVS. ar. Pannonie. Ann. de
la Soc. de Num. 1868, p. 20. Ducha-
lais avait lu LANORVIARVS.
LEMISOEXSC,ar. Mil. de Num., t.I.p. 86.
LEXOVIO (Semissos Lexovio publico, Si-
missos publicos I.ixovio), br. Art gau-
lois, p. $6, 1 ; R. n. f. 1861, p. l6j;
1862, p. 177.
'LIAVS1I. Voyez Ravit.
* LICVTANOS. Voyez Cicvtanos.
* L1H0VI-MACCA. Voyez MaaaaX'.rjwv.
* L1PEK0. Voyez Pirvcos.
* LISCVS. Lelewel, 1, 16. — Mauvaise
lecture.
LIT A, LITAV, L1TAVICVS, ar. R. n. f.
1860, pi. 4 et 5.
LIXOVIATIS, br. R. n. f. 1862, pi. 6,
S et 8 bis.
AOrrOCTAAHTQN-BQKIOC, ou
AOYKOTÎOC; AOrrOSTAAH-
PAVRP, br. Num. du Languedoc.
AOM, br. R. n.f. i856, p. 416.
AOSS, br. Type massaliète. Cab. de
France.
AOYKOTIOC. Voyez Longostaleti.
LVCIOS, LVCCIOS, ar. A', n. f. 1862,
p. 25; Art gaulois, p\. 22, 2 et 2" par-
tie, p. 98.
LVCOTIOS, ar. R. n. f. i86j, pi. 2,
140 et 14 1 .
LVCVDVNI, ar. Duchalais, p. 136.
LVXTI1RI0S, ar., br. Duchalais, p. 13;
Revue celtique, t. 4, p. 317. Quelques
personnes croient qu'il faut lire LVX-
TIIKIOS.
Légendes des Monnaies gauloises.
n
M, MA, ar. Num. de la Gaule Narbon-
naise. MA, br. R. n. f. 1860, p. 166.
"MADVBI1N0S. Voyez Matvcenos.
MAGVRIX, br. Art gaulois, p. 45.
? MAGVS, ar. R. n. f. 1840, p. 16.
L'authenticité de cette pièce est très
douteuse.
MACCA, MASSA. MAS2AAIH-
TQN, ar. Num. de la Gaule Narb.
MATVCIINOS ou MATVGIINOS, br. Le-
lewe!, pi. 6, 45.
MAV, br. R. n. f. 1856, pi. 3, 13.
MAVC. Voyez Ninno.
MAVFENN1VS. Voyez Arcantodan.
MEDIO, MEDIOMA, br. Lelewel, pi. 6,
41 et 42.
MOR. Voyez Volvnt.
MOTV1DIAC, br. Cab. de France.
MVNAT (L. Munatius). Voyez apamos.
MVR, MVRI110, ari R. n. f. 1847,
pi. 13, 8; 1868, p. 416. Ann. delà
Soc. de Num. 1867.
? MVRINO. Voyez le nom précédent : lec-
ture très douteuse.
NAMA. Voyez Aretoilmos.
NAMASAT, br. Num. de la Gaule Narb.
pi. 19, 2 à 4.
* NEIOVIOOAIIAAOC. voyez p™-
NOOVINDOS.
NEMAY, NEM COL, ar., br. Num. de la
Gaule narb.
NERCOD-NERCOD, ar. Mèm. de la Soc.
des Antiq. de l'Ouest, t. 37, n° jç.
NEDENCN ou NERENCN, en caract.
celtib., br. Dict. d'arch. celt., n° 30; A.
Heiss. p. 434.
N1DE. Voyez Alabrodeos.
NINNO-MAVSAIIOC, ar. Bull, de la Soc.
d'agr. de la Sarthe, 1857 ; Art gaulois,
P- 67.
NIREI MVTINVS, br. Cab. de France.
NONNO, NONNOC, NONNOS, ar. Pan-
nonie. Ann. de la Soc. de Num. 1868.
? NOVIIOD, ar. R. n. f. 1859, pi. 13, 6.
Légende douteuse.
'NVCOTNVIOS, mauvaise lecture de Ar-
cantodan.
'ODCODRIL-SIIGIIDI. Voyez Orcopril-
Sesedu.
'OBDVRV. Voy. Oltvba.
OIOIXVO, ar. R. n.f. 1863, p. 15s.
*OISAM,br. Lelewel, p. 7, 47. Mauvaise
lecture pour Q. SAM.
*OAAIOS. Lelewel, pi. 3, 13. Voyez
NONNOS.
OLTIRIO, ar. Salasses. R. n.f. 1861.
OLTVBA, ar. Cab. de France. Peut-être
Revue Celtique, IX
la même pièce que celle lue OBDVRV
par M. de la Sizeranne.
'OMOPATIS. Voyez Acedomapatis.
OMAOS ou OMAOS, br. Duchalais,
n. 550.
POMONOION ou OMONDON, or. Art
gaulois, ire partie, pi. 101, 2. Lecture
très douteuse ; on a proposé aussi
...DMONSON.
ONN1N. Voyez Ninno.
ONOBA, ar. Cab. de France.
ORCOPR1L-SIIS1IDI, ar. R. n. f. 1884,
pi. V, 1.
ORGET, ORGETIR1X-ATPILLIF, ORCII-
TIRIX-COlOS, ORGETIRIX-EDVIS,
ORETIR-ATPILLIF, ar., br. R. n.
1860, p. 97.
OSNAll, br. Bull, de la Soc. d'agr. de
la Sarthe, 1857, p. 109.
OY1 KY. ar. Ait gaulois, p. 73.
* OVACIA. Voy. Macca.
'OVANDIL. Voyez Vindia.
OYOAE. or. Cab. de France.
* OX1B11. Voyez Oltirio.
* n.VROS. Voyez iiapos.
PARP ou PAVRP. Voyez Longostaleti.
nAVLOIB-SOLIM, or. Art. gaulois,
pi. 72, 2.
PENNILE-RVP1L, ar. R. n. f. 1883,
pi. 1, 16.
IIENNOOVINAOC, ar. Art gaulois,
pi. 76, 2.
PETRVCORI. Voyez Acincovepvs
4>IAinnOY, or. Statères arvernes.
Cab. de France.
P1CT1LOS, ar. P1XTIL, PIXTILOC,
P1XT1LOS, br. Art gaulois, pi. 36, 2;
3, 1, 23, 1 et 2, 26, 1 et i, 32, 1 et
2, 33, 2, $6, 2, 101, 5.
P1RVKOS ou P1RAKOS, ar. Cisalpine.
Journal des Savants, 1877, p. 63 j e/
seq.
PIRVKOI, ar. Salasses. R. n. f. i86i,t
P- 345.
T. POM-SEX. F. br. R. n. j. 1860,
p. 175, 1866, p. S7-
PRIKOV, or. Salasses. R. n. f. 1861,
P- H3-
0^. D0C1. Voyez Doci.
Q_ SAM. Voyez Sam.
RATVMACOS-SVTICOS, br. Art gaulois,
pp. 4S et 48.
RAVIS, ar. Pannonia. Art gaulois,p. J2-
REMO-REMO, br. Art gaulois, p. 103.
REM0S-ATIS10S, br. Lelewel, pi. 7, 10.
PirANTIKO, br. Lelewel, 7, 36; .R.
>
34
A. de Barthélémy,
n. f. i S s 6. p. 3. Num. du Languedoc,
pi. 4, 19.
RICANT-EBVRO,ar. A\ n. f. 1860, p. 415.
RICOA, ar. Cisalpine. Num. de la Gaule
Narb., pi. 14.
* RICOM, ar. Voy. Epomedvos. R. n. f.
1843, p. 411.
RICON. Voyez Tascio.
RICOV, ar. Salasses. R. n. f. 1861, p. 34$.
ROVECA-ARCANTODAN, br. — ROVE-
CA, POOY1KA, or, ar. Bull, de la
Soc. d'agr. de la Sarthe, 18 $7; Art
gaulois, pi. jo, 1, et 66, 2.
? ROV1CV, or. Cab. de Saint-Germain.
ROVV, ROM ou MOR. Voyez Volvnt.
RVB1VS, br. R. n. b. 1865, pi. 4,
n"* 169 et 173.
RVFI, RVFS, br. Bretagne. J. Evans,
pi. 7, 12 et 14 ; 8, n° 1.
* RVS (col. Rus). Mauvaise lecture d'une
monnaie de Berytus de Phénicie.
SA. or. Art gaulois, pi. 41, I.
SACTO, SACTNOS, br. R. n. f. 1853,
pi. 1,7.
SAEMV ou SAFMV, ar. Bretagne. J.
Evans, pi. 15, 7.
SAM F. Voyez Q\ Doci. — Q. SAM. R.n.
f. 1838, p. 1; 1861, p. 87.
LAMNArHT-r. KAAV. KACTI-
KO;ÏÏAM, br. R.n.f. 1863, p. I S 3-
SANTONOS, SANTONO-ARI VOS, ar. Art
gaulois, pi. 40,, 1 ; 2" partie, p. 72.
SEDVLLVS. Voyez Conno Epillos.
SEGO. TASC10-SEGO, or, ar. J. Evans.
pi. 8, 10 et 11.
CÉrOBI, ar. Num. de la Gaule Narb.,
pi. 14.
SEGVSIAVS-ARVS, ar. Art gaulois,
pi. 7, 2.
SEL1SV, br. Lelewel, pi. 7. 4S ; Art gau-
lois, pi. 28, 2.
SEMISSOS, S1MISSOS. Voyez Lexovio.
SUN ou NUS, or. Statère arverne ; Cab.
de France.
SENAS, ar. Lelewel, pi. 9, 1 et 2.
SENODON. Voyez Caledv.
SI IN VI. Voyez Giamilos.
SENV, SIINVS, br. R. n. fr. 1863,
p. 297. Voyez Giamilos.
SEQVANOIOTVOS, ar. Artgaulois, pi. 78,
2.
CES1COV, br. R. n. f. 1883, pi. 1, 10.
SETV, ar. Cab. de France.
S EX F. Voyez Pom.
* SIRATOS. Voyez Stratus.
SLAMB-GIANTOS, br. Art gaulois, p. 90.
La légende du revers pourrait être la
fin du nom Togiantos. Voyez ce mot.
CEMEP, br. R. n. f. 1857, p. 389, 1866,
p. 41 j . Artgaulois, p. 120.
' SOBISOVOMARVS. Voyez Cobrovo-
marus.
SOBIVS. Voyez Togiant.
SOLIDO. Voyez Cuno.
SOLIMA, COLIMA, or, ar. Artgaulois,
pi. 70, 1 et 2, et 2' partie, p. 134.
Voyez aussi Pauloib
SOLLOS-SOLLOS, br. R. n. f. 1844,
p 85. Rev. arch. 1884.pl. 3, 16.
SONA, SONCAT, SONTCa, br. Cabinet
de France.
SOSO, br. Cab. de France.
* SOSTI. Voy Epos. R.n.f. 1857, pi. 11,4.
SOTIOTa. Voyez Adietvanvs.
STRATOS, br. Art gaulois, p. 187. Il
n'est pas sûr que l'on doive lire Stratos
ou Siratos.
SVEI, br. Bretagne. J. Evans, pi. 1, 9.
SVICCA, ar Pannonie. Ann. de la Soc.
de Num. 1868.
SVT1COS, SVT1COS. Voyez Ratumacos
et Veliorathi.
* TAMBIL. Voyez Ambili.
TASCIO. Voyez Cvnobelinvs, Sëgo, Epat-
ticu, Ver.
TAS, TASC, TASCIA, TASCIA, TASCIA-
VA, TASCIOVAN, TASCIO VRICON,
TASCIRICONI TAXCI. or, ar., br. Bre-
tagne, J. Evans, pi. 5, 7 à 14; 6, } à
9 ; 8, 6 à 9.
TASGET1, br. R. n.f. 1864, p. 251. —
TASGI1T10S. Voyez Elkesooviz.
TAT1NOS, br. Duchalais, p. 110.
TEVT, br. Cab. de France.
TIGIPSENO. Voyez Dumn.
TINC-COMMIF, TIN-COMF, TINC-C.F,
TIN-COM, or. Bretagne, J. Evans,
pi. 1, 1 à 14; 2, 1 à 8.
T1NDV, or. J. Evans, pi. 1, 10.
TOC-TOC, br. Art gaulois, p. 106.
TOCIANTou TOGIANT-SOBIVS, br. Art
gaulois, p. j6. Ce nom semble accom-
pagner sur une autre pièce celui de
Slamb.
TOriKAIOITOC, br. Mil. de Num..
1878.
TOGIRIX-TOGIRI, 1VLIV TOG1R, ar.,
br. R. n. f. 1802, p. 12.
tovaii. Voyez avot.
TOVTOBOC10-ATEPILOS, br. Art gau-
lois, pi. 59, 2.
TR1CCOS. Vo)c Tvronos.
TRIKO, TRI. ar. Art gaulois, p. 124;
R. n. f. 1863, p. 1 n-
TVROCA-VIRODV, ar. A', n. f. 1869,
p. 4.
Légendes des Monnaies gauloises.
35
TVRONA. Voyez Drugca.
TVRONOS-TR1CCOS, TVRONOS, CAN-
TORIX, br. Art gaulois, pi. $4, 1 et 2 ;
Lelewel, pi. 4. $8 et <,, 12.
VACIICO, br. Lelewel, pi. 7, 72 ; Du-
chalais, pi. 1 , n° 2.
* VACCA, Voyez Massa.
VADNIILOS, VADNAIILOS, VANDIILOS,
VANDHAIOS, VANDIIAI.OS, br.
Art gaulois, pi. 10, 1 et 2e partie,
p. 71.
"VANESIA. Voyez Vadnelos.
PVALETIAC, br. Ann. de la Soc. de
Num., 1867. Légende très douteuse.
' VAHE. Lelewel, pi. 4, 5. Voyez Vad-
nelos.
* VARIXCE. Voyez le suivant.
VARTICE, br. R. n. f. 1847, p. 324.
* VBIOS. Voyez Cubios.
* VCCETIO. Voyez Tasgetio.
'VDECOM. Lelewel, pi. 3,44 et 4$. Voy.
Andecom.
VJ1D-COMA, ar. Art gaulois, p. 88.
* VEDANTOS. Voyez Cassisvratos ; la
légende incomplète ne laisse deviner
que ...LANTOS.
•VIIGOTAL. Voyez Verotalo.
VELIOCA0I-SVTICCOS, br. Arîgaulois,
p. 103.
'VENEXTOS, br. R. n. f. 1858, p. 437
et 1868, p. 406. M. Hucher propose de
lire YiLXE'XTOC ™ YIIANEX-
TOC.
VEP-CORF, or. Bretagne. J. Evans, pi. 17,.
5 à 6.
VERCINGETOR1XS, or. Art gaulois,
pi. 59, 1.
VERCOBRETO. Voyez Cisiambos.
VERGa, br. Art gaulois, pi. 36, 1.
VERIC-COMF REX, VERICA-COMMIF
REX, or, ar. Bretagne. J Evans, pi. 2,
n et 12 ; 3, 3, 5 et 6.
V11RICO, br. Bull, de la Soc. d'agr. de
la Sarthe, 1857.
VER, VER-DIAS, VER-TASCIA, VER-
LAMIO, VIIR, V-TAS, or, ar., br.
Bretagne, J. Evans, pi. 6, 11, 12 et
14; 7, i, 2, 3, 7 à 11.
* yerosdymno. Voyez Dvmnoveros.
YIIPOTALO, ar. Art gaulois, pi. 22, 1;
86, 2 et 2" partie, p. 46.
VIND1A, br. Duchalais, p. 289.
VIREDISOS, VIREDIOS, VIRETIOS, br.
Art gaulois, pi. 30, 2.
V1RICOF. VIRRE COM-F, VIR COMF,
YI-COMF, VI RI. or, ar. Bretagne.
J. Evans, pi. 1, 9, 10, 11, 13 et 14;
3, 1, 2 et 4.
VIRICIV, br. Art gaulois, p. 102.
* VIRINN. Voyez Viretios.
VIRO, VIROT, br. R.n. f. 1860, pi. 6,7.
VIRODV. Voyez Tvroga.
VIROS-VIROS, or. R. n. b. 1864. pi. 23,
120 à 126.
VIRRI-EPPICOMF.br. J. Evans, pi. 3, 7.
VITRIHA, A. Hirtiu. retourné.
VLATOS. Voyez Atevla et Cvpinacios.
VLKOS, or. Salasses. R. n. f. 1861,
p. !44.
VLLVCCI, VLLVCCIS.br. R. n. f. 1859,
pi. 2, 12.
VOCARANA, or. R. n. b. i86j, pi. 2,
138 à 141.
VOCORIX ou V0C0R10, or. J. Evans,
pi. 1, 6.
V0CVN1LI0S, br. Cab. de France.
* VOCVNT. Voyez Volvntillvs.
•VOCONTII. Lambert, ir" partie, pi. 10,
4. Voyez Conno Eppillos.
VOL, VOLCAE-AREC, VOLC, VOLC-
AR, ar., br. Num. de la Gaule Narb.,
pi. 18.
VOLISIOS-DVMNOCVVEROS, or. Bre-
tagne, J. Evans, pi. 17, 1.
Volvntillvs. ROVV ou MOR-VOLVNT,
ROVV ou MOR-CN.VOL. ar. Lagoy,
Notice, 1847, pp. 7 et 8 ; R. n. f.
1860, p. 43s.
VOOC, ar. Num. delà Narb. pi. 16.
V0S11N0S, OR. Bretagne, J. Evans,
pi. 4, H et 14.
* VOTOMOPATIS. Voyez Acedomapatis.
? VOVERC, br. Duchalais, n°s 641 et
642 ; lu VEROIO par Lelewel, pi. 1, 8.
YILVEXTOC. Voyez Venextos.
VRDO-RE, ar. R. n. f. 1862, p. 177;
1869, p. 8.
VRIPPANOS, br. Art gaulois, p. 98.
REC H E RC H E S
sur l'origine de
LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE
ET DES NOMS DE LIEU EN FRANCE
Troisième article
Malliacus, plus tard Maillé, puis du nom de ses ducs, de-
puis le xvnL' siècle, Luynes, avait au temps de Grégoire de
Tours, c'est-à-dire au VIe siècle, un monastère entouré de vieux
édifices en ruines1. Un autre Malliacus, situé dans le Berry,
à deux milles du Cher, apparaît dans un diplôme faux que le
roi Dagobert Ier aurait donné à l'abbaye de Saint-Denis, en 635-.
Un troisième Malliacus au pays d'Arcis, Aube, tut donne .1 la
cathédrale de Châlons-sur-Marne par un bienfaiteur dont
Charles le Chauve confirma la libéralité en 859 ï.
Mallius est un gentilice souvent confondu avec Manlius.
Cn. Mallius fut consul l'an 105 avant notre ère. L'ortho-
graphe exacte de son nom, — écrit Manlius et Manilius chez
certains auteurs, tandis que d'autres écrivent Mallius 1, — est
donnée par une inscription de Pouzzoles, aujourd'hui con-
servée au musée de Naples, en tête de laquelle on lit : P. lvu-
1. Grégoire de Tours, De gîoria conf essor um, c. 21, chez Bordier, Les
livres des miracles, t. II, p. 384; édition Arndt et Krusch, p. 760, 1. 18.
Cf. Longnon, Géographie de la Gaule au sixième siècle, p. 277.
2. Pardessus, Diplomata, t. II, p. 36. Pertz, Diplomatum imperii lomus
pri m u s, p. 155, ligne 43.
3. D'Arbois de Jubainville. Pouillé du diocèse de Troyes, p. 312. Cf. Bou-
tiot et Socard, Dictionnaire topographique du département île l'Aube, p. 90.
4. Corpus inscriptionum latinarum, t. I, pages 536-337.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 57
tilio, Cn. Mallio cos1. Cicéron, dans son discours pro Cn.
Plancio, parle de Cn. Mallius avec le plus profond mépris:
C'était, dit-il, un homme sans mérite ni talent et d'une vie
honteuse2. Un autre Mallius était centurion et partisan de
Catilina3. Ce gentilice se rencontre dans les inscriptions de
l'époque impériale. On a trouvé à Worms une dédicace à Ju-
piter par Mallius Fofio-i. Deux inscriptions d'Espagne nous
fournissent les noms de l'affranchie Mallia Galla S et de P.
Malius Fortunatus6. Dans ce dernier monument, Malins est
écrit avec une seule /. On trouve la même orthographe dans
l'épitaphe de Malia Severa, récemment trouvée à Allègre,
Gard ~.
Outre le nom de Mailly, Aube, dont nous avons parlé déjà,
MaJJiacus a donné à la France moderne les noms de com-
munes suivants: trois Maillé, Indre-et-Loire, Vendée, Vienne;
un Mailley, Haute-Saône; huit Mailly: les départements de la
Côte-d'Or, de la Marne, de Meurthe-et-Moselle, de Saône-et-
Loire en possèdent un chacun ; il y en a deux dans la Somme
et autant dans l'Yonne ; en ajoutant Mailhae, Aude, et Mailhac,
Haute-Vienne, on trouve en France seize communes dont le
nom remonte à un primitif Malliacus. Maillanne, Bouches-
du-Rhône, est une ancienne villa Malliana.
Maxciacus, nom d'une villa donnée à la basilique de Saint-
Germain du Mans, en 615, par le testament de l'évèque Ber-
tramne8, a dû s'écrire primitivement *Mantiacus.
Ce nom de lieu dérive du gentilice Mantius. Sur une
pierre découverte près de Ventimille, on lit les noms de O.
Mantius Placidus, édile, duumvir, et prêtre de Lanuvium 9. A
Saint-Pons, Alpes-Maritimes, se trouve l'épitaphe de G. Man-
1 . Corpus, t. I, n° 577: X, n° 1781.
2. Pro Cn. Plancio, c 5, § 12.
3. Première Catilinaire, c. 3, § 7. Cf. Salluste, Catilina, c. 30.
4. Brambach, 881.
5. Corpus, II, 358.
6. Corpus, II, 4970, 292.
7. Allmer, Revue èpigraphique, t. II, p. 78, n° 515.
8. Pardessus, Diplowata, t. I, p. 209.
9. Corpus, V, 7814.
3 S H. d'Arbois de Jubainville.
tins Paternus, duumvir, et flamine1. Le musée de Tebessa, en
Algérie, possède une inscription qui contient une dédicace à
Jupiter, et dans laquelle on lit le nom de O. Mantius2. Il
existe à Lambessa l'épitaphe de la femme du légionnaire Man-
lius Hispanus faite aux frais de L. Mantius Caecilianus, son
fils ? et l'épitaphe de L. Mantius Victorinus*.
Mantiacus est probablement la forme primitive du nom des
communes de Maincy, Seine-et-Marne, Mancey, Saône-et-
Loire, Mancy, Marne.
* Marcelliacus, dont le dérivé Marcelliacenses se lit dans un
diplôme attribué à Domnolus, évêque du Mans au VIe siècle,
(diplôme certainement interpolé) S, se rapporte probablement
dans ce texte à Marcillé, Mayenne. On trouve plus souvent
Marciliacus ou Marcilliacus.
Ainsi une vie de saint Didier, évêque de Cahors, écrite au
viic siècle, raconte la fondation de l'-abbaye de Marcillac qu'elle
appelle Marciliacense coenobium6. En 834, un diplôme de Louis
le Débonnaire nous montre aux environs de Langrcs une villa
appelée Marcilliacus'/ , aujourd'hui Marcillv, Haute-Marne.
Marciliacus est le nom d'une dépendance de l'abbaye de
Moissac, dans un diplôme de Pépin II, roi d'Aquitaine,
en 844 8. En 867, un diplôme de Charles le Chauve men-
tionne une villa Marciliacus parmi les localités où l'abbaye de
Saint-Armand de Tournay était propriétaire 9.
De ces trois orthographes, Marcelliacus, Marcilliacus et Mar-
ciliacus, la plus ancienne est Marcelliacus. Ce nom dérive du
gentilice assez rare Marccllius qui, lui-même, est dérivé du
cognomen Marcel lus illustré par plusieurs membres de la gens
1 . Corpus, V, 7913.
2. Corpus, VIII, 1839.
3. Corpus, VIII, 2939.
4. Corpus, VIII, 3886.
5. Pardessus, Diplomata, t. I, p. 134.
6. Dom Bouquet, III, 531 c.
7. Dom Bouquet, VI, 595 e. Cf. Sicktl}Acta Karolinorum, t. II, p. 183,
n<> 322.
8. Dom Bouquet, VIII, 357 a.
9. Dom Bouquet, VIII, 604 a.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 39
Claudia. Le musée de Milan possède une dédicace à Hercule
par 0. MarceUius Ru fi 11 us1. Une inscription de Novare nous
fournit les noms de MarceUius Marcel linus2. Ce gentilice ap-
paraît au génitif Marcelin dans une inscription de Milan?. On
a trouvé à Echagnieu Pépitaphe de Marcellia Catta posée par
ordre de son père et de sa mère MarceUius Ingéniais et Mar-
cellia Petroniana 4.
MarceUiacus est devenu en France Marcillac, Marcillat,
Marcillé, Marcilly et Marsilly. Il y a sept communes de Mar-
cillac, savoir : deux dans la Corrèze, et une dans chacun des
cinq départements de l'Avevron, de la Charente, de la Dor-
dogne, de la Gironde et du Lot ; deux communes de Mar-
cillat, l'une dans l'Allier, l'autre dans le Puy-de-Dôme ; trois
communes de Marcillé dont une dans la Mayenne et deux
dans l'Ille-et-Vilaine ; dix-sept communes de Marcilly dans les
départements suivants, savoir : Côte-d'Or, Eure, Loir-et-Cher
et Saône-et-Loire qui en contiennent chacun deux ; Aube,
Cher, Indre-et-Loire, Isère, Loire, Loiret, Manche, Haute-
Marne, Rhône, Seine-et-Marne qui en contiennent une chacun.
Marsilly, Charente-Inférieure, a la même origine ; cela fait
trente communes dont le nom primitif est MarceUiacus. Les
trois communes de Marseillan, Gers, Hérault, Hautes-Pyrénées,
doivent être d'anciens fundi Marcelliani, avec la désinence ro-
maine -anus au lieu de la désinence eallo romaine -acus.
De *Marciacus dérive l'adjectif marciacensis, épithète de
domus, et qui, chez Grégoire de Tours, désigne une localité
de l'Auvergne ; il s'y trouvait une chapelle de la Vierge où
l'historien Grégoire de Tours raconte qu'il alla prier 5. C'est
aujourd'hui Marsat, Puy-de-Dôme 6, qu'on reconnaît aussi
dans la villa Marciagus... in pago Arvernico, d'un diplôme de
1. Corpus inscriptionum latinarum, t. V, p. 1085, n° 5642.
2. Corpus, V, 6543 a-
3 . Corpus, V, 6038.
4. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 449.
5 . Degloria martyrum, c. 9; Bordier, Les livres des miracles, 1. 1, pp. 28, 29;
chez Arndt et Krusch, c. 8, p. 493, 1. 20.
6. Longnon, Géographie de la Gaule au sixième siècle, p. 504.
40 H. d'Arbois Je Jubainville.
Pépin I, roi d'Aquitaine, en 828 I et dans le Marciaciis d'un
diplôme de Charles le Chauve en 869 2. Une villa arcia-
censis qui, comme nous l'apprend Grégoire de Tours, était de
son temps située dans le territoire de Bordeaux, et qui avait
une église dédiée à saint Martin, a été reconnue identique à
Marsas, Gironde 3. Un ager Marciacensis, en Maçonnais, figure
en 892 dans une charte de l'abbaye de Clunv >. Dans les
textes de la basse latinité, il n'y a pas de distinction à faire
entre l'orthographe Marciaciis par un c qu'on trouve dans les
documents précités et l'orthographe Martiacus par un / qu'on
rencontre dans la vie de saint Melaine, êvêque de Rennes, con-
temporain du roi Clovis Ier. Dans cette vie, Maillants est le
nom d'un castrum situé dans le Vannetais > ; on prononce au-
jourd'hui Marsac ; c'est un village qui fait partie de la com-
mune de Carentoir, Morbihan6.
Marciaciis ou Martiacus dérivent du gentilice Marcius ou
du gentilice Marti us.
On trouve dans les textes latins ces deux gentilices. Marcius
est le plus ancien des deux ; il dérive du prénom Marcus et il
est le seul qu'on rencontre dans les inscriptions antérieures à
la période impériale". Parmi les nombreux Marcius dont l'his-
toire de la république romaine nous a conservé le souvenir,
nous citerons C. Marcius Rutilus, quatre fois consul, de
l'an 357 à l'an 342 avant J.-C. Il était d'origine plébéienne,
ce qui ne l'empêcha pas d'être élevé à la dictature et d'être élu
censeur, dignités auxquelles aucun plébéien n'était parvenu
avant lui8. Il obtint deux fois les honneurs triomphaux 9. Un
1 . Dom Bouquet, VI, 666 e.
2. Dom Bouquet, VIII, 613 b.
3. De virtutibus sancli Martini, liv. III,. c. 33 ; chez Bordicr, Les livres
des miracles, t. II ,p. 234 ; Arndt et Krusch, p. 640, 1. 16. Cf. Longnon,
Géographie de la Gaule au sixième siècle, p. 547.
4. Brucl, Recueil des Charles de l'abbaye de Cluny, t. I, p. 72-73.
5. Dom Bouquet, t. III, p. 395.
6. Longnon, Atlas historique de la France, texte explicatif, première li-
vraison, p. 29.
7. Voyez les exemples réunis dans le Corpus, t. I, index, p. 383, col. 3 .
8. Tité-Live, liv. VII, c. 16, 17, 21, 22, 28, 38. Cf. Corpus, t. I,
pp. 510-313-
9. Corpus, t. I, p. 455.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 41
autre C. Marcius Rutilus, consul en 3101, fut nommé pontife
en 300 2; censeur quelques années plus tard, il fit avec son
collègue le dix-neuvième recensement de la population de
Rome. C'était, en 293 3. Un autre membre de la gens Marcia,
Q. Marcius Tremulus, consul en 306, battit les Herniques, et
obtint les honneurs du triomphe 4. A une date moins éloignée,
Q. Marcius Philippus fut deux fois élevé au consulat : la pre-
mière en 186, la seconde en 169). Battu honteusement par
les Ligures, il laissa son nom au théâtre de sa défaite, Saltus
marcius6. Il y a une monnaie romaine frappée à son nom 7.
D'autres monnaies portent le nom de C. Marcius Censorinus,
consul l'an 8 avant J.-C. 8.
Le gentilice Marcius est des plus répandus dans les ins-
criptions du temps de l'empire. On en a trouvé, sans compter
les femmes, vingt-sept exemples en Espagne, trente-neuf en
Afrique, quatre en Grande-Bretagne. On le rencontre aussi
en Gaule ; le musée de Lyon possède une inscription que Q.
Marcius Donatianus fit graver en l'honneur d'un procurateur
des provinces de Lyonnaise et d'Aquitaine ; il était attaché à
ce personnage en qualité â'eques cornicularius9. Une inscription
de Grésy-sur-Isère, Savoie, est Pépitaphe que s'est fait graver de
son vivant T. Marcius Taurinus, tribun militaire de la sixième
légion victrix I0. Les noms de Marcius Modestus sont con-
servés par une inscription de Gebensdorf, en Suisse11. On a
trouvé près d'Aix-la-Chapelle une inscription qui rappelait la
construction d'un temple par L. Marcius Similis I2. Le musée
de Bonn possède une inscription provenant des environs de
1. Tite-Live, liv. IX, c. 33.
2. Tite-Live, liv. X, c. 9.
3. Tite-Live, liv. X, c. 17.
4. Tite-Live, liv. IX, c. 42, 43. Corpus, t. I, pp. 456, 515.
5. Tite-Live, liv. XXXIX, c. 6; liv. XL1II, c. 13. Corpus, t. I,
pp. 326-529.
6. Tite-Live, liv. XXXIX, c. 20.
7. Corpus, t. I, p. 133, n° 3 >4-
8. Corpus, p. 137, nJ 432. Cf. pp. 346, 547.
9. Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. 236.
10. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. II, p. 229.
1 1. Mommsen, Inscriptiones helveticae, 11° 254.
12. Brambach, n° 637.
42 H. d'Arbais de Jubainville.
Cologne qui rappelle l'acquittement d'un vœu par L. Marcius
Verecundus, légionnaire r.
Quelques inscriptions nous offrent l'orthographe Martius.
Telle est, en Alsace, celle qui nous apprend que Q. Martius
Optatus avait, par son testament, fait élever une colonne et
une statue pour rendre honneur à la maison impériale, au
génie du vicus Canabbarum et a.uxvicaniCanahbenses2. Des ins-
criptions du musée de Mayence nous conservent les noms de
Martius Marcellus3 et de Martius Severus-*. Il existe au musée
de Bonn une inscription datée de l'an 2 30 et qui est une dé-
dicace à Jupiter par Martius Victor, porte-étendard de la légion
trente Severiana A lexandrictf . Uneépithaphede Yirieu-le-Grand,
Ain, a été gravée par l'ordre de Martius Saturnus6.
L'orthographe Martius ne peut s'expliquer dans les textes
les plus anciens que par un dérivé du nom du dieu Mars. Car
dans les monuments de la bonne latinité la confusion entre-
les groupes du et tin est impossible. Il me semble difficile
d'admettre que cette confusion ait été faite dans l'inscription
d'Iglitza, aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de Paris, qui
se place entre les années 161 et 169 et où nous lisons les
noms d'un lieutenant impérial, au génitif Marti Veri. Il s'agit
de P. Martius Yerus qui fut consul en 179/".
DeMarciaciis ou Martiacus viennent les noms de communes
suivants : Marçav, Indre-et-Loire, Marçay, Vienne ; Marcé,
Indre-et-Loire, Marcé, Maine-et-Loire, Marcé, Manche ; Mar-
cey, Orne; Marciac, Gers; Marcieu, Isère; Marcieux, Savoie;
deux Marcy dans l'Aisne, autant dans le Rhône, un dans la
Nièvre; sept Marsac, Charente, Creuse, Dordogne, Loire-In-
férieure, Puy-de-Dôme, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne ;
trois Marsas, Drôme, Gironde, Hautes-Pyrénées.; Marsac,
Tarn ; Maxey-sur-Vaize, Meuse, appelé Marcey au xive siècle8;
1 . Brambach, n" 541.
2. Brambach, n° 1891. Cf. Corpus, t. III, p. 183, n° 1008.
3. Brambach, n° 1330.
4. Brambach, n° 1331a.
5 . Brambach, n° 202.
6. Allmcr, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 399.
7. Corpus, III, dido.
5. Liénard, Di graphique du département delà, Meuse, p. 143.
Propriété fancière et noms de lieu en France. 43
Maxey-sur-Meuse, Vosges ; deux Mercy, Meurthe-et-Moselle
et un Mercy, Lorraine allemande, pour lesquels on a l'ortho-
graphe plus ancienne Marciacus et Marceium r. On peut donc
aussi rattacher à la même origine Mercy, Allier, Mercy,
Yonne, et les trois Mercey de l'Eure, du Doubs et de la
Haute-Saône. Nous avons ainsi en France trente-quatre noms
de communes qui supposent un primitif Marciacus ou Mar-
ti aciis.
La forme romaine de cet adjectif, marcianus ou martianus
nous est donnée, au féminin pluriel, par le nom de Mar-
chiennes, Nord (c'est-à-dire a l'accusatif villas ou domos mar-
çianas ou martianas); au masculin singulier, par Marsan, Gers,
à l'accusatif fundum marcianum ou martianum. Les Romains
disaient aussi, comme nous l'apprend Tite-Live, salttts mar-
c'uts, en transformant le gentilice en adjectif, et en le faisant
accorder avec un nom commun. Maixe, Meurthe-et-Moselle,
dont la prononciation vulgaire est Mâche, en donnant à ch le
son de gutturale spirante, s'est écrit Marches du xne siècle
au xvL'2 et peut s'expliquer par un primitif Marciae, sous-en-
tendu domus ou vïllae. L'.v a, dans ce mot, la même valeur
que dans Maxey-sur-Meuse et Maxey-sur-Vaize.
Mariacus est le nom d'une villa où Raoul, archevêque de
Bourges, avait des propriétés qu'il donna à l'abbaye de Dèvre,
près Yierzon, Cher, comme nous l'apprend un diplôme de
Charles le Chauve 3. Un lieu appelé Mariacus, dans le 'pavs
de Nîmes, est mentionné dans un diplôme de Charles le
Chauve en 845 4. Un autre Mariacus, situé, soit en Franche-
Comté, soit en Suisse, soit dans les environs de Lyon, apparaît
en 866 dans un diplôme de Lothaire, roi de Lorraine 5.
Mariacus est dérivé de Marins, gentilice romain, illustré
par le vainqueur des Cimbres. Il fut très répandu en Gaule
1 . Bouteiller, Dictionnaire topographique du département de la Moselle,
pp. 165, 166.
2. I.epage, Dictionnaire topographique'du département de la Meurthe, p. 84.
3. Dom Bouquet, t. VIII, p. 447 b. "
4. Dom Bouquet, t. VIII, p. 467 b.
5. Dom Bouquet, Ylll, 412 d.
44 H. iïArbols de Jubainville.
comme l'atteste le savant recueil des inscriptions antiques de
Vienne, par M. Allmer, où Ton en voit réunis neuf exemples.
Trois nous sont fournis par une inscription du musée de
Vienne où sont mentionnés l'édile Sex. Marins Navus ' et
deux personnages dont la qualité n'est pas indiquée et qui
s'appelaient tous deux D. Marius Martinus2. A Aix-les-Bains
on a conservé l'épitaphe de M. Marius Taracio>. Sur une
épitaphe de Lyon on lit les noms de T. Marius Tiro4, etc.
C'est de Mariacus que vient une partie des noms des com-
munes appelées Maire, Mairv, Maray,- Marey, Mariac, Méré,
Merey, Méry. Ces communes sont au nombre de vingt-quatre,
savoir : deux Maire, Deux-Sèvres, Vienne ; trois Mairy, Ar-
dennes, Marne, Meurthe-et-Moselle ; Maray, Loir-et-Cher ;
trois Marey, dont deux dans la Côte-d'Or et Un dans les
Vosges; Mariac, Ardèche; deux Méré, Seine-et-Oise, Yonne;
trois Mérey, dont deux dans le Doubs, un dans l'Eure ; neuf
Méry, deux dans le Cher, un dans- chacun des départements
de l'Aube, du Calvados, de la Marne, de l'Oise, de la Savoie,
de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise. Plusieurs de ces noms
de lieux ont dû perdre une dentale avant IV et doivent s'ex-
pliquer par un primitif * Maiviacus, écrit Madriacus dès
l'époque mérovingienne, comme l'attestent les diplômes relatifs
au pagus madriacensis. Dans cette catégorie se place Méré,
Yonne 5. * Matriacus est dérivé de Mai ri us, gentilice connu
par une inscription de S. Gennano, près du mont Cassin, où
est mentionné le duumvir juridicundo L. Matrius6. Cest
aussi à Matriacus que nous font remonter certainement Merry-
la-Vallée et Merry-le-Sec, Yonne 7 ; et probablement Merry-
sur- Yonne, même département ; Merrey, Aube ; Merrey,
Haute-Marne ; Merri, Orne.
MARINIACUS est une curtis située dans le royaume des Bur-
i . Allmer, Inscriptions de Vienne, t. II, p. 261.
2. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. II, p. 261.
3. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 5 II.
4. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 29.
5. Quantin, Dictionnaire topograpbique du département de V Yonne, p. 81.
6. Corpus, X. 51 59.
7 . Quantin, Dictionnaire topographique du département de /' Yonne, p. 81 , 82.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 4 5
gondes suivant un diplôme qui aurait été donné par le roi Si-
gismond en 523 et dont l'authenticité est contestée1. En 667,
Leodebodus, abbé de Saint-Aignan d'Orléans, donne à cette
abbaye une portion de terre appelée Mari 11 ici en s et située dans
le territoire de Bourges 2. Une villa iiiariniacus est donnée à la
cathédrale d'Autun, par saint Léger, évêque de cette ville, aux
termes d'un testament qui daterait de 676, mais qui a dû être
fabriqué au ixe siècle'. Ce Mariniacus enlevé à cette église lui
est rendu en 883 par le roi Karloman ■*, et le pape Jean X, dans
une bulle de l'année 919, comprend Mariniacus parmi les
propriétés de la cathédrale d'Autun 5. Il s'agit probablement de
Marigny, Saône-et-Loire. Un autre Mariniacus est mentionné
dans l'acte de fondation .de l'hôpital de Pont-sur-Seine par
Alcuin, vers l'année 8046. C'est aujourd'hui Marigny-le-Chàtel,
Aube.
Mariniacus dérive de Marinius, gentilice romain, dérivé
lui-même du surnom Marinas. Marinius, qu'on ne trouve pas
à Rome dans les documents du temps de la république, se
rencontre quelquefois en Gaule sous l'empire. On a trouvé à
Vienne Pépitaphe du grammairien L. Marinius Italicensis
dont le fils s'appelait Marinius Claudianus 7. A Lyon, a été
découverte l'inscription du monument élevé par Marinius De-
metrius à sa sœur Marinia 8. Un légionnaire d'origine proba-
blement gauloise, L. Marinius Mariniacus, éleva sur la rive
droite du Rhin, non loin de Mayence, une stèle en l'honneur
de la maison impériale et du dieu gaulois Apollon Toutiorix 9.
C'est par un primitif Mariniacus, dérivé de Marinius, que
s'expliquent probablement la plupart des trente-trois noms de
communes suivants : cinq Marignac, dont deux dans la Haute-
1 . Pardessus, Diplomate, t. I, p. 70.
2. Pardessus, DipIomata,t. II, p. 143.
3. Pardessus, Diploinata, t. II, p. 174.
4. Dom Bouquet, IX, 430 c.
5. Dora Bouquet, IX, 215 a.
6. Mabillon, Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, sxc. IV, partie I,
p. 177. Migne, Patrologia latina, t. C, col. 71 b ; t. CI, col. 1432 c. Cf.
Mabille, La pancarte noire de Saint-Martin de Tours, pp. 153, 228.
7. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. II, p. 537.
8. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 516.
9. Brambach, n° 1529.
46 H. d'Arbois de Jubainville.
Garonne, et les trois autres dans la Charente-Inférieure, la
Drôme et Tarn-et-Garonne ; deux Marigna, Haute-Garonne,
Jura ; deux Marigné, Maine-et-Loire, Sarthe ; Marignier,
Haute-Savoie ; dix-sept Marigny ; il y en a deux dans la Côte-
d'Or, deux dans la Nièvre et deux dans la Vienne ; un dans
chacun des départements suivants : Aisne, Allier, Aube, Deux-
Sèvres, Indre-et-Loire, Jura, Loiret, Manche, Marne, Saône-
et-Loire, Haute-Savoie ; trois Mérignac, Charente, Charente-
Inférieure, Gironde ; Mérignas, Gironde ; deux Mérignat, Ain,
Creuse ; Mérigny, Indre.
Toutefois, parmi ces noms modernes, un certain nombre
peut s'expliquer par un primitif Matriniacus, tout aussi bien
que par Mariniacus. En regard du gallo-romain Mariniacus,
se place l'adjectif latin mariniamts dont nous avons parlé plus
haut1.
De Martixiacus, dérive l'adjectif mari i ni icensis, qui sert
d'épithète à villa, dans un passage de Grégoire de Tours où
ces deux mots désignent une localité située près de Tours2,
aujourd'hui Martignv, commune de Fondettes, Indre-et-
Loire?. Une autre villa Martiriiacus est donnée par Hadoind,
êvêque du Mans, à la basilique Saint-Pierre et Saint-Paul de
cette ville, en 642 4. Une troisième localité appelée Marti-
niacus, située dans le Cotentin, est mentionnée dans un acte
du commencement du vin1-' siècle, qui nous a été conservé
parle cartulaire de Saint-Florent-le-Vieil, au diocèse d'Angers*.
Une monnaie mérovingienne porte en légende le nom de lieu
Martiniaco6. Plus tard Martiniacus est une des villae dans les-
quelles l'église cathédrale du Mans a droit de dîme, suivant un
diplôme donné par Charlemagne en 802 7. Dans le pays de
1. Revue Celtique, t. VIII, p. 131.
2. De ghria confessorum, § 8; chez Bordier, Les livres des miracles, t. II,
p. 358; chez Arndt et Krusch, p. 753, 1. 16-17.
3. Longnon, Géographie de la Gaule au sixième siècle, p. 279.
4. Pardessus, Diplomata, t. II, p. 70.
5. Pardessus, Diplomata, t. II, p. 450.
6. Barthélémy, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XXVI, p. 458.
7. Dom Bouquet, V, 769 a. Cl". Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 67,
n' 181.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 47
Nîmes il y avait, en 845, une colonial appelée à la fois Aman-
tianicus et Martiniacus qui appartenait alors à l'abbaye de
Psalmodi, suivant un diplôme de Charles le Chauve1.
Le gentilice Martinius, d'où vient Martiniacus, est rare. On
en a cependant recueilli quelques exemples. L'un nous est
fourni par le cachet de l'oculiste Sp. Martinius Ablaptus,
trouvé à Vieux, Calvados, et conservé au musée de Caen2.
Une femme, appelée Martinia Martiname, figure dans une
inscription votive de l'an 276 de notre ère; ce monument a
été découvert à Mayence et il est conservé au musée de cette
ville 3. Les noms de Mar[ti]nius Senocondus se lisent sur une
table de marbre qui appartient au même musée 4. Une épi-
taphe trouvée à Lvon a été gravée par ordre d'une femme ap-
pelée Martinia Lea>. Ce gentilice dérive du cognomen beau-
coup plus fréquent, Martinus. Un exemple du procédé nous
est offert par une inscription de Worms : c'est l'épitaphe de
C. Candidius Martinus; sa fille y est nommée; elle s'appelle
Candidia sive Martinia Dignilla 6.
C'est par Martiniacus que s'expliquent en France quatorze
noms de communes : Martigna, Jura ; Martignas, Gironde ;
Martignat, Ain ; trois Martigné, Ille-et- Vilaine, Maine-et-
Loire, Mayenne ; et huit Martigny, savoir : deux dans l'Aisne,
deux dans les Vosges et les quatre autres dans les quatre dé-
partements du Calvados, de la Manche, de Saône-et-Loire et
de la Seine-Inférieure. Nous citerons hors de France Mar-
tigny, Valais. Quant à Martignac, variante méridionale de
Martigny, rendue célèbre par un homme politique français
qui donna son nom au ministère du 4 janvier 1828, ce n'est
pas un nom de commune. Le dictionnaire des postes indique
deux Martignac ; ce sont deux hameaux, l'un du département
de l'Ariège, l'autre de celui du Lot.
1 . Dom Bouquet, VIII, 467 b.
2. Héron de Villefosse et Thédenat, Cachet: d'oculistes romains, t. I,
pp. 116, 117.
3 . Brambach, n° 1 130.
4. Brambach, n° 1330.
5 . Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. 424.
6. Brambach, n° 904.
48 H. d'Arbois de Jubainville.
*Matriacus paraît être le nom primitif d'une localité qui
donna son nom au pagits madriacensis, mentionné dans quel-
ques documents du VIIIe siècle, tels sont un jugement rendu
par Pépin le Pref vers 75 1 ', un diplôme de Karloman en 771 2,
deux diplômes donnés par Charlemagne, l'un en 774 î, l'autre
en 7754. Il est question de cepagus dans divers documents posté-
rieurs. Lepagus Madriacensis était situé entre la Seine et l'Eure.
* Matriacus est dérivé de Matrius, gentilice rare qui nous
est conservé par une inscription datée de l'an 714 de Rome,
50 av. J.-C. et trouvée à Saint-Gennano, près du mont Cassin.
Elle nous apprend qu'à cette date L. Matrius était duumvir
juri dicundo du municipe deCasinumï. Matriolae, Marolles,
semble être un autre dérivé du même gentilice.
Mauriacus est le nom de la localité où Attila fut battu par
Aétius en 451. La première mention se trouve dans une loi
•burgonde écrite probablement entre 488 et 490 6. Une se-
conde mention apparaît au siècle suivant chez Grégoire de
Tours". Nous en lisons une troisième au vnc siècle dans la
compilation connue sous le nom de Frédégaire8. On a émis
l'hypothèse que Mauriacus devait être reconnu dans Moirev
qui a été au moyen âge le chef-lieu d'une paroisse au diocèse
de Troyes ; son emplacement est aujourd'hui compris dans le
territoire de la commune de Dierrey-saint-Julien, Aube 9. Un
autre Mauriacus, que l'on croit être Mon', Seine-et-Marne,
commune de Mitry, est compris en 982 dans une liste des
domaines de la cathédrale de Paris I0.
1. Tardif, Monuments historiques, p. 45, col. 2.
2. Dom Bouquet, V, 721 b. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 15, n° 12.
3 . Dom Bouquet, V, 726 e. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 2s, n" ^ }.
4. Dom Bouquet, V, 734 a. Sickel, Acta Karolinorum, t. II. p. 28, n" 43.
5. Corpus, X, 5159.
6. Lex Burgundionum, t. 17, § 1, chez Dom Bouquet, IV, 261 c. Pertz,
Leges, t. III, p. 540, 1. 10. Cf. Binding, Dus burgunaisch-romanisebe Koeni-
greich, t. I, pp. 26, 43, 46.
7. Historia ecclesiastica Francorum, liv. II, c. 7, chez Dom Bouquet,
t. II, p 162 a: Arndt, p. 69, 1. 13.
8. Dom Bouquet, II, 462 d.
9. Longnon, Géographie de !■: Gaule au sixième siècle, pp. 334-340.
10. Cartulaire de Notre-Dame de Paris, t. I, p. 273 ; t. IV, pp. 396, 401.
Propriété foncière et noms de\lieu en France. 49
Mauriac us dérive de Maurius, gentilice conservé par une
inscription d'Ain-Temuschent, en Algérie, qui est l'épitaphe
d'un personnage appelé Maurius Cocidius1. Maurius vient lui-
même de Mourus, surnom plus fréquent qui a donné plusieurs
autres dérivés tels que Mauriuus et Maurentius.
Mauriacus est la forme primitive de treize noms de com-
munes : deux Mauriac, Cantal et Gironde ; un Mauriat, Puy-
de-Dôme ; Moreac, Morbihan, appelé Moriacum dans un acte
de l'année 1008 2 ; quatre Morey, Côte-d'Or, Meurthe-et-Mo-
selle, Haute-Saône, Saône-et-Loire ; deux Mory, Oise, Pas-
de-Calais ; Moiré, Rhône ; Moirey, Meuse ; Moiry, Ardennes.
Melliacus est une potestas que Leodebodus, abbé de Saint-
Aignan d'Orléans, raconte avoir achetée, et dont il fait do-
nation par acte de l'année 6675. Ce nom, qui doit ici désigner
une localité située près d'Orléans, paraît identique à celui de
Miliacus, porté par un fisc royal du pays de Béziers, qui de-
vint propriété de l'abbaye d'Aniane, suivant un diplôme émané
en 807 de Louis le Pieux, alors roi d'Aquitaine 4, et comme
nous le rappellent trois autres diplômes donnés par le même
prince après son élévation à l'empire 5.
Melliacus, où 17 a été probablement doublé pour compenser
l'abrègement de Ye, est, comme Miliacus, dérivé de Mœlius,
gentilice romain, connu à la fois par les auteurs et par les ins-
criptions..
En l'année 439 avant notre ère, le chevalier Sp. Maelius,
un des plus riches habitants de Rome, fit distribuer du blé
au peuple et, accusé pour cette raison d'aspirer à la royauté,
fut tué par le maître de la cavalerie6. P. Maelius, son fils,
devint deux fois tribun militaire avec puissance consulaire :
1. Corpus inscriptionum latinarum, t. VIII, n° 9814.
2. Rosenzweig, Dictionnaire topographique du département du Morbihan,
p. 183.
3 . Pardessus, Diplomata, t. II. p. 144.
4. Dom Bouquet, VI, 454 b ; Sickel, ActaKarolinorum, t. II, p. 86, n° 2.
5. i° 814, Dom Bouquet, VI, 457 a; 2° 822, Dom Bouquet, VI, 527 c!;
3° 837, Dom Bouquet, V, 616 a; Sickel, Acta Karoh'norum, t. II, pp. 86,
137, 194, n"s 8, 177, 355.
6. Tite-Live, liv. IV, c. 13, 14.
Revue Celtique, IX 4
jo H. d'Arbois de Jubainville.
d'abord l'an 400, ensuite l'an 396 avant J.-C. l. Q. Maelins était
tribun du peuple en 320 2.
Ce gentilice se répandit dans les provinces où nous le mon-
trent les inscriptions du temps de l'empire. Telles sont en
Espagne l'épitaphe de Maelia Tcrtulla 3 et celle qui était gravée
sur le monument que Maelia Martialis avait élevé à sa mère 4.
Sur une tuile trouvée près de Verceil, en Italie, on a lu les
noms de M. Maelius Attiacus 5. En France, les noms de Maelia
Secundina nous sont fournis par une inscription de Chazey6.
Ceux de Cn. Maelius Pudens et de Cn. Maelius Flavus par une
inscription de Camoins-les-Bains, Bouches-du-Rhône 7.
Quelques monuments nous offrent l'orthographe Melius,
par e au lieu d'ae : Melius Zosimus à Lyon 8 ; Melius Marti-
nianus, qui, étant augure de la colonie de Vienne, Isère, dédia
à Mercure un autel conservé encore aujourd'hui près d'Am-
blagnieu, Isère 9; Melia Anniana, dans une inscription de
Zara, Dalmatie I0 ; Q. Melius Auetus dans une épitaphe re-
cueillie près de Vérone ".
Melliacus ou Miliacus pour Macliacus est devenu en France
Meilhac, Haute-Vienne; Meillac, Ille-et-Vilaine ; Meilly,
Côte-d'Or ; Milhac, noms de deux communes de la Dordogne
et d'une commune du Lot ; Millac, Vienne ; Milly, nom de
six communes, Manche, Meuse, Oise, Saône-et-Loire, Seine-
et-Oise, Yonne.
Montiniacus, nom d'une villa donnée à l'église du Mans
par l'évèque Bertramme en 615 I2, doit probablement être re-
connu dans Montigné, Mayenne. Au même siècle, Berchaire,
1 . Corpus, t. I, p. 502.
2. Tite-Live, liv. IX, c. 8.
3 . Corpus, II, 121.
4. Corpus, II, 385.
5. Corpus, V, 8110, 393.
6. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 416.
7. Allmer, Revue èpigraphique, t. II, p. 78, n° 515.
8. BoissicLi, Inscriptions de Lyon, p. 513.
g. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. II, p. 285.
10. CoipllS, III, 2C)22.
1 1 . Corpus, V, 3680.
12. Pardessus, Diplomala, t. I, p. 211.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 5 1
abbé de Montier-en-Der, avait une propriété dans une localité
appelée Montiniacus, et située au sud-ouest de la Loire1. Une
monnaie mérovingienne a été frappée dans un lieu appelé Mon-
tiniacus que l'on suppose être Montignac, Creuse 2. Une église
Saint-Christophe de Montiniacus appartenait en 819 à l'abbaye
de Conques, Aveyron, comme nous le voyons par un diplôme
de Louis le Débonnaire 3. C'est aujourd'hui Montignac, com-
mune de Conques, Aveyron. En 830, une autre villa Monti-
niacus, située dans le pays de Meaux, appartenait à l'abbaye de
Charroux, Vienne, ainsi que nous l'apprend une confirmation
émanée de Louis le Pieux et de Lothaire, son fils 4.
Avant de prononcer Montiniacus, on a dû dire Montaniacus
en plaçant après le t un a qui s'est plus tard assimilé à 1'/ de
la syllabe suivante. C'est l'orthographe de la chronique de
Bèze écrite au xne siècle, mais probablement à l'aide de do-
cuments plus anciens, et elle désigne par le nom de villa mou-
taniacus'y, Montagny-lès-Seurre, Côte-d'Or6.
Montaniacus dont Montiniacus est une variante est un dérivé
de Montanius, gentilice rare, mais dont l'existence est cons-
tatée. On le trouve dans une inscription de la Dacie 7. Une
épitaphe découverte à Milan nous fait connaître les noms de
M. Montanius Primus8; une inscription de Cagliari, en Sar-
daigne, ceux de Q. Montanius Pollio 9. Le gentilice Montanius
est dérivé du cognomen Montanus, très fréquent dans les ins-
criptions. Ce surnom était déjà usité au siècle d'Auguste. Ju-
lius Montanus, poète élégiaque et en même temps épique, est
mentionné par Ovide et par les deux Sénèque10. De Montanus
1 . Pardessus, Diplomata, t. II, p. 159.
2. A. de Barthélémy dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, vingt-
sixième année, p. 459, n° 444.
3. Gustave Desjardins, Cartulaire de l'abbaye de Conques, p. 410. Dom
Bouquet, VI, 517 d. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 123, n° 135.
4. Dom Bouquet, VI, )66d;Sickel. Acta Karolinoi um, t. II, p. 167,^271.
5 . Migne, Patrologia latina, t. CLXII, col. 866 a.
6. Garnier, Nomenclature historique des communes, etc., du département de
la Côte-d'Or, p. 200, n° 438. Cf. p. 109, même numéro.
7. Corpus, t. III, n° 792.
8. Corpus, V, 6043.
9. Corpus, X, 7580.
10. Teuffel, Geschichte der rœmischen Literatur, troisième édition, p. 539.
52 H. d'Artois de Jubainville.
est dérivé * Montanacus, aujourd'hui Montenay, Mayenne,
tandis que Montanius a donné Montaniacus et Montiniacus .
De Montaniacus sont venus les vingt-quatre noms de com-
munes suivants : six Montagnac, savoir : deux dans la Dor-
dogne, deux dans le Lot-et-Garonne, un dans les Basses-Alpes,
un dans l'Hérault ; deuxMontagna, Jura; un Montagnat, Ain;
deux Montagney, un dans le Douhs, l'autre dans la Haute-
Saône ; deux Montagnieu, Ain, Isère ; onze Montagny, savoir :
trois dans Saône-et-Loire, deux dans la Côte-d'Or, autant
dans l'Oise, un dans chacun des départements de la Loire,
du Rhône, de la Savoie et de la Haute-Savoie.
C'est par Montiniacus que s'expliquent les noms de qua-
rante-neuf communes : sept Montignac, savoir : deux dans la
Charente, autant dans Lot-et-Garonne ; un dans la Dordogne,
autant dans la Charente et les Hautes-Pyrénées ; cinq Mon-
tigné, savoir : deux dans Maine-et-Loire, un dans chacun des
trois départements de la Charente, delà Mayenne et des Deux-
Sèvres ; quarante-neuf Montigny, savoir : six dans l'Aisne,
cinq dans la Côte-d'Or, trois dans chacun des départements
d'Eure-et-Loir, de la Nièvre et de Seine-et-Marne ; deux dans
les Ardennes, autant dans le Jura, dans Meurthe-et-Moselle,
dans la Meuse, dans le Nord, dans la Haute-Saône, dans
Seine-et-Oise et dans la Somme ; un dans chacun des dépar-
tements de l'Aube, du Calvados, du Cher, du Loiret, de la
Manche, de la Haute-Marne, de la Marne, de l'Oise, du Pas-
de-Calais, de la Sarthe, de la Seine-Inférieure, des Deux-
Sèvres et de l'Yonne.
Ainsi, au total, les noms de soixante-treize communes dé-
rivent du çentilice Montanius.
&*
Musciace est le nom d'un vicus qui avait une église, et,
dans cette église, un personnage arverne, nommé Nunninus,
qui vivait dans la seconde moitié du vie siècle, déposa une re-
lique de saint Germain d'Auxerre; c'était un fragment du tom-
beau de ce saint1.
i. Grégoire de Tours, De gloria coufessorum, c. 41. Chez Bordier, Les
livris des miracles, t. II, pp. 422-425 Arndt et Krusch, p. 773, 1. 20. Cf.
Longnon, Géographie de la Gaule an sixième siècle, pp. 506-507.
Propriété foncière et noms de lieu en France. $ 3
Muscicae, sous-entendu domus, au singulier Musciacus, sous-
entendu vicus, et plus anciennement fundus, est probablement
aujourd'hui Moissat, Puy-de-Dôme. Parmi les localités situées
au sud-est de la Loire, et qu'en 673 Berchaire donna à l'ab-
baye de Montier-en-Der, se trouve un certain Musciacus1. Le
monasteriuiu musciacum qui fut l'objet des libéralités de Louis
le Débonnaire 2 était situé à Moissac, Tarn-et-Garonne.
Musciacus s'explique par le gentilice Mustius. C. Mustius
Tettianus fit deux dédicaces, l'une à Jupiter, l'autre à Epona,
qui ont été trouvées à Cilly, en StyrieS. Les inscriptions
d'Afrique nous font connaître plusieurs Mustius : à Lambessa,
C. Mustius Fortunatus4 ; à Sadjar, Q_. Mustius 5 ; à Arsacal,
G. Mustius Rusticus6; à Beni-Ziad, A. Mustius 7. Mustius a
donné le dérivé *Mustiacus dont Musciacus n'est qu'une va-
riante orthographique.
De Musciacus viennent les noms de communes suivants :
trois Moissac, Lozère, Tarn-et-Garonne, Tarn ; Moissat, Puy-
de-Dôme ; Moissey, Jura ; Moissieu, Isère ; Moissy, Seine-et-
Marne, Nièvre ; peut-être Moussac, Gard, et Vienne; Moussey,
Aube et Vosges ; enfin probablement six Moussy, dont deux
dans Seine-et-Marne et un dans chacun des quatre départements
de l'Aisne, de la Marne, de la Nièvre et de Seine-et-Oise.
Moussy, Aisne, est appelé Musceium dans la vie anonyme de
saint Rigobert, archevêque de Reims, mort en 749 8. Le
groupe se que nous offre cette orthographe est d'accord avec
Pétymologie que nous proposons. Cette étymologie est con-
tredite par l'orthographe MuJciacum, Molcàum, du nom de
Moussey, Aube, dans des textes du xne siècle 9 ; mais cette or-
thographe est peut-être le résultat d'une hypothèse étymolo-
1. Pardessus, Diplomata, t. II, p. 159.
2. Vie de ce prince par l'Astronome, chez Dom Bouquet, t. VI, p. 95 c.
Constitutiodemonasteriis, en 817, ibid., 409 a.
3. Corpus, III, 5175, 5176.
4. Corpus, VIII, 2949, 3204.
5. Corpus, VIII, 6022.
6. Corpus, VIII, 6152.
7. Corpus, VIII, 6532.
8. Matton, Dictionnaire topographique du département de l'Aisne, p. 194.
9. Boutiot et Socard, Dictionnaire topographique du département de V Aube,
p. 109.
J4 H. d'Arbois de Jubainville.
gique, plutôt que le reflet de la tradition. Cependant Mul-
ciacum peut s'expliquer par un primitif * Molliciacus qui déri-
verait de Mollicius, gentilice connu par quelques inscriptions1.
Une colonica du nom de Noniacus appartenait à l'abbé Aridius,
qui vivait au vie siècle ; elle était probablement située en Li-
mousin. Voilà ce que nous apprend une vie de ce personnage
attribuée à Grégoire de Tours2. Cette localité est encore men-
tionnée dans le texte qu'on nous a conservé du testament du
même Aridius 3.
Nonius est un gentilice romain qu'on rencontre quelquefois.
En l'an 50 avant notre ère, M. Nonius Suffenas était pro-
préteur de Crète et de Cyrène 4-. Un sénateur du nom de No-
nius fut proscrit par Antoine'. Auguste gratifia d'un collier
d'or Nonius Asprenas6. Deux ou trois Nonius Asprenas figu-
rent dans la liste des consuls, aux années 6, 29 et 38 après
notre ère". Ce gentilice fut porté chez nous par M. Nonius
Gallus qui fut gouverneur de la Gaule transalpine en l'an 29
avant notre ère, et qui soumit les Treveri ; il reçut pour cette
raison le titre à'imperator^. Deux inscriptions de Lyon con-
tiennent le nom de Nonius précédé du prénom Caius et suivi
dans l'une d'elles du surnom Euposius9. Une inscription de
Trêves nous offre l'orthographe Nonnius avec deux // et le
surnom Germanus10.
Nogna, Jura, suppose un plus ancien Noniacus.
Noviacum castrnm fut en 752 donné à l'abbaye de Prùm
par le roi Pépin le Bref11.
1 . Mollicius, Corpus, III, 341, 342 ; V, 1305 ; Mollicia. X, 6501.
2. Vita sancti Aridii abbatis, c. vin, chez Bordier, Les livres des miracles,
t. IV, p. 175.
3. Pardessus. Diphmata, t. I, p. 138. On y lit Konniacus avec deux n;
cf. Longnon, Géographie delà Gaule au sixième siècle, p. 527.
4. Cicéron, A. Atticus, liv. VI, lettre 1.
5. Pline, Histoire naturelle, liv. XXXVII, c. 81.
6. Suétone, Auguste, c. 43.
7. Joseph Klein, Fasti consulares, pp. 17, 27, 30.
8. Voyez Desjardins, Géographie historique et administrative de la Gaule ro-
maine, t. III, pp. 40, 45.
9. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, pp. 18, 53.
10. Brambach, n° 833. '
11. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 2, 11" 4.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 5 5
Les auteurs et les inscriptions nous font connaître de nom-
breux exemples du gentilice Novius. Tels sont le poète co-
mique Q. Novius qui vivait au commencement du Ier siècle
avant notre ère x. En 58 avant notre ère, L. Novius était tribun
du peuple comme nous l'apprend Asconius2. Novius Niger
était questeur au temps de la conjuration de Catilina en l'an 56
avant J.-C. >. Ce nom se répandit dans les provinces. Deux
inscriptions de Spalatro, l'ancienne Salona, nous font connaître
les noms de Novius Persicus et de P. Novius Laurus4. Dans
une inscription des environs de Bude, on lit les noms du lé-
gionnaire Novius Provincialis 5 . Une inscription de Worms
rappelle un vœu de Novia Prisca6. A Schwanden, dans le Pa-
latinat, on a trouvé l'épitaphe d'une femme appelée Novia".
Nous nous bornons à ces exemples, dont il serait facile d'aug-
menter le nombre.
De Novius est dérivé Noviacus qui est devenu Neuvy, dans
dix-neuf noms de communes, savoir : trois dans le Cher, deux
dans l'Eure-et-Loir et dans l'Indre ; un dans chacun des dépar-
tements de l'Allier, des Deux-Sèvres, de l'Indre-et-Loire, de
Loir-et-Cher, du Loiret, de Maine-et-Loire, de la Nièvre, de
l'Orne, de Saône-et-Loire, de la Sarthe et de l'Yonne. A la
même origine se rattachent Neufvy, Oise ; Novy, Ardennes ;
et probablement les deux Nevy, du Jura.
Au ixe siècle, la véritable étymologie de Noviacus était ou-
bliée, et on considérait ce mot comme un dérivé de Fadjectii
latin novus. C'est pour cela que Jérémie, archevêque de Sens,
imagina d'appeler Noviacus l'abbaye qu'il fonda en 818, à
Mauriacus, en Auvergne 8. Mais cette dénomination nouvelle,
qu'une erreur avait inspirée, ne fut pas adoptée par la popu-
lation, et l'ancien nom de Mauriacus persiste encore, à peine
modifié, dans celui de Mauriac, Cantal.
1. Teuffel, Geschichte der rœmischen Literalur, 3 e édition, p. 243.
2 . Asconius, Sur le Pro Milone de Cicérou.
3. Suétone, César, c. 17.
4. Corpus, III, 251 1, 2552.
5 . Corpus, III, 3556.
6. Brarnbach, n° 907.
7. Brarnbach, n° 1765.
8. Chronique de Saint-Pierre-le- Vif àe Sens; chez Dom Bouquet, VI, 237 a.
$6 H. d'Arbois de Jubainville.
La villa Novilliacus fut donnée à l'église cathédrale de
Reims par le Roi Karloman en 771, et Charlemagne confirma
cette libéralité. Les diplômes aujourd'hui perdus sont analysés
dans l'appendice à Flodoard, écrit vers la fin du xe siècle1. Ce
nom de lieu est assez fréquent, mais le plus souvent altéré. On
le trouve écrit avec une seule 1, Noviliacus. Ainsi Grégoire de
Tours écrit Noviliacus le nom de deux vici qui auraient été,
suivant lui, fondés, c'est-à-dire probablement dont les paroisses
auraient été créées par les évéques Injuriosus et Baudinus,
tous deux ses prédécesseurs, l'un de 529 a 546, l'autre de 546
à 552 2. On remarque la même orthographe dans le diplôme
de Clotaire III pour l'abbaye de Bèze, en 664, tel que nous
l'a conservé la chronique de cette abbaye 3 ; dans la charte ori-
ginale contenant les donations faites par Wandmir et Ercam-
berte a diverses églises en 689 -* ; dans les diplômes donnés en
705 par Childebert III a l'abbaye de Saint-Serge et de Saint-
Médard d'Angers 5; en 802, par Charlemagne6, en 832, par
Louis le Débonnaire, à la cathédrale du Mans 7. Au lieu de
Noviliacus, on a écrit quelquefois Nobiliacus iwcc un b au lieu
d'un v, phénomène fréquent dans la basse latinité. Cette or-
thographe se rencontre dans certains manuscrits de Grégoire
de Tours 8, dans un diplôme de l'année 680 en faveur de l'ab-
baye de Saint-Waast d'Arras 9, et dans la vie de Louis le Dé-
bonnaire dite de l'Astronome, où l'abbaye de Saint-Yaast est
appelée monasterium nobiliacum I0.
1. Dom Bouquet, t. V, p. 362 b c; cf. t. VI, p. 216 c d; Sickel, Acta
Karolinorum, t. II, p. 380.
2. Historia ecchsiastica Francorum ,liv. X, c. 3 1,§ 15, édition Arndt, p. 447,
lignes 13-20. Cf. Longnon, Géographie delà Gaule au sixième siècle, p. 282.
3. Pertz, Diplomatum imperii tomus primus, p. 40, 1. 25.
4. Tardif, Monuments historiques, p. 637, col. 1.
<j . Pertz, Diplomatum imperii tonius primus, p. 65, 1. 44.
6. Dom Bouquet, V, 768 e. Cf. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 67,
n° 181.
7. Dom Bouquet, VI, 585 e. Cf. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 179,
n° 308.
8. Voyez les notes placées par Arndt au bas de la page 447 citée plus
haut. Cf. De gloria conjessorum, c. 7. Chez Bordier, Les livres des miracles,
t. II, p. 358.
9. Pardessus, Diplomata, t. II, p. 181.
10. Dom Bouquet, VI, 93 c.
Propriété foncière et noms de lieu en France. $7
Le gentilice d'où est dérivé le nom de lieu qui se présente
dans les textes sous ces trois formes a été porté sous le règne
de l'empereur Tibère par Novellius Torquatus, de Milan, qui
devint préteur et proconsul et qui dut une grande notoriété,
non à l'habileté avec laquelle il s'acquittait de ses hautes fonc-
tions, mais au talent qu'il avait de boire d'un trait, en se con-
formant à toutes les règles de l'art, trois congés, c'est-à-dire
environ neuf litres de vin. Pline, dans son Histoire naturelle,
s'étend avec détails sur les faits qui attestent combien Novellius
s'acquittait consciencieusement de cette tâche glorieuse, vraie
merveille dont l'empereur lui-même fut témoin1. D'autres No-
vellius, moins célèbres, nous sont connus par les inscriptions.
Tels sont Novellius Optatus, dont Pépitaphe a été trouvée
près de Salzbourg2; Novellius Aequalis >, Novellius Agilis,
Novellius Euodius dont les épitaphes ont été recueillies à
Milan-*. Il serait trop long d'énumérer tous les autres exemples
de ce gentilice que l'Italie nous offre. Nous nous bornerons à
la Gaule. Nous citerons C. Novellius Amphio dans une ins-
cription de Genève S L. Novellius Hispelo6 et M. Novellius 7
au musée de Mayence.
* Novell iacus, Noviliacus, dérivé de Novellius, peut se re-
connaître dans trente-sept noms de communes : Neuillac, Cha-
rente-Inférieure, Neuillay, Indre, deuxNeuillé, Indre-et-Loire,
Neuillé, Maine-et-Loire, Neuilli, Orne ; vingt-trois Neuilly,
savoir : deux dans chacun des départements de l'Allier, du
Calvados, du Cher, de la Haute-Marne, de l'Oise, de Seine-
et-Oise et de la Somme ; un seulement dans chacun des dépar-
tements suivants : Aisne, Côte-d'Or, Eure, Indre-et-Loire,
Mayenne, Nièvre, Orne, Seine, Yonne ; Neulliac, Morbihan ;
Neuvilley, Jura ; Neuvilly, Meuse, et Neuvilly, Nord ; trois
1 . Pline, Histoire naturelle, liv. XIV, § 144-146.
2. Corpus, t. III, n° 5626.
3 . Corpus, V, 6051.
4. Corpus, V, 6054.
5. Mommsen, Inscriptiones confédéral iouis helveticae, n° 92; Allmer, Ins-
criptions antiques de Vienne, t. II, p. 31g.
6. Brambach, n" 1201.
7. Brambach, n° 12 16.
58 H. d'Arbois de Jubainville.
Nuillé, dont un dans la Sarthe et deux dans la Mayenne ; enfin
Nully, Haute-Marne.
De ces noms de lieux il faut distinguer Nouaillé, Vienne,
au vme siècle Novaliacus, comme nous l'apprend un diplôme
émané en 794 de Louis le Débonnaire, alors roi d'Aquitaine1.
Novaliacus suppose un gentilice * Novalius dérivé de l'adjectif
novalis.
Piciacus est le nom d'une localité située dans le Perche et
où saint Avit, mort vers l'année 527, mena la vie érémitique,
comme nous l'apprend une vie anonyme, à peu près contem-
poraine2. On ignore où était l'emplacement précis de Piciacus.
Ce mot est dérivé de Pitius. On a trouvé à Veglia, île voi-
sine de la côte de Dalmatie, l'épitaphe du décurion P. Pitius
Marullus ^7; à Petronell, en Autriche, celle de l'affranchi C.
Pitius Hilarus4. On conserve à Ebersdorf, Autriche, celle de
l'affranchi C. Pitius Jucundusî.
De Pitius on a tiré * Pitiacus, puis par effet de Passibilation
et avec substitution du c au t, Piciacus. Peut-être ce nom ex-
plique-t-il celui de Pécy, Seine-et-Marne. On doit aussi pro-
' bablement le reconnaître dans les deux Pessac du département
de la Gironde ; dans Pessat, Puy-de-Dôme ; dans Pissy,
Somme et Seine-Inférieure. Pissy, Somme, est vraisembla-
blement le Pisciacus qu'un diplôme émané de Pépin le Bref
en 751 met dans le pagus Anibiauciisis6. Mais cette ortho-
graphe peut être le résultat d'une étymologie populaire qui
rapprochait le nom de lieu Pissy du latin pisàs, poisson, bien
connu à une époque où depuis longtemps le gentilice Pilius
était oublié. Nous terminerons par Pizy, Yonne, qui, suivant
M. Quantin, s'est appelé Piciacuiu au vne siècle 7.
1 . Dom Bouquet, VI, 452 c. Cf. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 84,
n° 1.
2. Dora Bouquet, t. III, p. 439 b. Cf. Longnon, Géographie de la Gaule
au sixième siècle, pp. 328, 329.
3. Corpus, III, 3128.
4. Corpus, III, 4518.
5 . Corpus, III, 4602.
6. Pertz, Diplomatum imperii tomus primas, p. 109, 1. 16.
7. Dictionnaire lopographique du département de l'Yonne, p. 99.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 59
Pociacus est le nom d'une des vil lac qui, au vine siècle, ap-
partenaient à l'abbaye de Saint-Martin, de Tours. Nous l'ap-
prenons par un diplôme de Charlemagne qui remonte à l'an-
née 775 r. La situation de Pociacus est inconnue.
Ce mot peut être dérivé du gentilice Paucius, dérivé lui-
même de l'adjectif paucus. Une inscription de Bénévent con-
tient le nom du décurion Q_. Paucius2.
Poissy, Seine-et-Oise, appelé dans les textes latins Pisciacus
dès le xi° siècle 3, peut être un ancien * Pauciacus, plus tard
Pociacus.
Pompeiacum est le nom d'un castrum où, suivant les actes
du martyre de saint Vincent d'Agen, le corps de ce saint mis
à mort sous Dioclétien aurait été transféré et serait devenu
l'objet d'un culte vers le milieu du Ve siècle-*. Ce castrum était
situé, suivant M. Longnon, au Mas d'Agenais, Lot-et-Ga-
ronne 5. En 829, Pépin Ier, roi d'Aquitaine, confirma l'abbaye
de Saint-Maur-les-Fossés dans la possession du quart d'une
propriété que son diplôme appelle Ponpeiaci villa 6. La vie de
saint Theuderius, abbé de Vienne, Isère, au vie siècle, écrite
trois siècles plus tard, met dans le voisinage de Vienne, Isère,
alors bien fortifiée, cinq forts destinés en cas de guerre à tenir
l'assiégeant à distance ; un de ces forts s'appelait Pompciacusi .
Pompeiacus dérive du gentilice d'abord obscur Pompeius,
qui est d'origine ombrienne et dérive du nom de nombre
* pompe = quiuqitc, cinq. D'abord à peu près inconnu avant
les deux consuls Cn. Pompeius Strabo et Q_. Pompeius
Rufus, investis de la première magistrature de Rome l'un,
l'an 89, l'autre, l'an 88 avant J.-C, ce nom d'homme dut
1. Dom Bouquet, V, 737 c. Cf. Sickel, Acta Carolinorum, t. II, p. 27,
n° 42. Cf. Mabille, La pancarte noire de saint Martin de Tours, pp. 69, 106,
107.
2. Corpus, IX, 1653.
3. Tardif, Monuments historiques, p. 164, col. 1.
4. Voir les Actes du martyre de saint Vincent, dans les Bollandistes,
t. II de juin, pp. 166-168.
5. Géographie de la Gaule au sixième siècle, pp. 549-552.
6. Tardif, Monuments historiques, n° 121, p. 84, col. 1.
7. Dom Bouquet, t. III, p. 470 b.
6o H. d'Arbois de Jubainville.
surtout sa célébrité au fils du premier des deux, Cn. Pom-
peius, surnommé le Grand. Entre autres affaires importantes
dont il fut chargé, une des plus graves lut la guerre contre
Sertorius, en Espagne. Elle l'occupa de 77 à 72, et pendant ce
temps il paraît avoir exercé l'autorité suprême en Gaule, alors
administrée sous ses ordres par le propréteur Fonteius1. C'est
à cette date que paraît remonter l'introduction en Gaule du
gentilice Pompeius. Un des monuments antiques les plus cu-
rieux de la France est la porte d'entrée de la sépulture d'une
famille Pompeia, à Aix, en Savoie. L: Pompeius Campanus la
fit construire de son vivant, et les épitaphes d'un certain
nombre de ses parents s'y lisent encore aujourd'hui2. Nous
citerons ensuite Sex. Pompeius Macrinus, connu par une
inscription de Novairy 3 ; Ponpeius Octavmnus, dont l'épi-
taphe a été trouvée près de Chozeau, Isère 4; Q. Pompeius
Adjutor, dont les noms se lisent dans une inscription d'An-
necy 5; Pompeia Dativa, dont l'épitaphe vient d'être décou-
verte a Arles6; une autre Pompeia dont le musée de Bordeaux
possède l'épitaphe". Je me bornerai à ces exemples qui suffi-
sent pour expliquer l'origine du nom de lieu Pompeiacus.
De Pompeiacus viennent les noms de Pompejac, Gironde, et
Pompiac, Gers.
Poxciacus est une villa dépendant de l'église du Mans, aux
termes d'un diplôme de Louis le Débonnaire en 832 8. C'est
probablement aujourd'hui Poncé, Sarthe.
Ce nom de lieu dérive du gentilice Pont i us qui est latin,
mais d'origine samnite9 et vient du thème ombrien * ponlo-
1 . E. Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. II, pp. 330-334, 347.
2. E. Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. III, p. 118. Cl.
Allmer, Inscriptions antiques de Vienne, t. III, p. 312-317.
3. Allmer, Inscriptions antiques de Vienne, t. III, p. 245.
4. Allmer, Inscriptions antiques de Vienne, t. III, p. 182.
5. Allmer, Inscriptions antiques de Vienne, t. III, p. 3^0.
6. Allmer, Revue èpigraphique, t. I, p. 268, n° 298.
7. Allmer, Revue èpigraphique, t. II, p. 22, n
8. Dom Bouquet, VI, 586 a; Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 179.
9. Corssen, Ueber Aussprache, Vokalismus und Betonung àer lateinischen
Sprache, .seconde édition, t. I, p. 116. Ponto- est pour * Pomp-to- comme
Ouintus pour * Quinqu-tus.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 6 1
identique au thème latin * quinto- du nom de nombre ordinal
signifiant cinquième. C'est la forme ombrienne du gentilice
latin Quintius ou mieux Ouinctius. Le plus célèbre personnage
de ce nom que l'on rencontre dans l'histoire de la république
romaine est C. Pondus, fils d'Herrennius, qui commandait les
Samnites quand ils firent l'armée romaine prisonnière aux
Fourches Caudines, l'an 321 avant J.-C1. Ce gentilice avait
pénétré à Rome de fort bonne heure ; dès le siège de Rome
par les Gaulois en l'an 390 avant notre ère, un jeune et ardent
patriote romain, Pontius Cominius, rendit son nom histo-
rique par l'heureuse audace avec laquelle, trompant la sur-
veillance des assiégeants, il pénétra dans le Capitule2. Plus
tard, L. Pontius Aquila fut du nombre des meurtriers sous les
coups desquels César perdit la vie, l'an 44 avant notre ère 3.
Enfin tout le monde connaît le nom du procurateur de Judée,
Pontius Pilatus^.
On rencontre ce gentilice dans les inscriptions de Rome et
des provinces, Q. Pontius Severus, à Tarragone 5 ; P. Pontius
Blandus, P. Pontius Pontianus, P. Pontius Secundinus, dans
une inscription de Hongrie6. On a trouvé nombre de fois en
Gaule et en Grande-Bretagne la marque du potier Pontius.
De Pontius on a fait * Politiciens, écrit Ponciacus au moyen
âge. De là probablement, outre le nom de Poncé, Sarthe, déjà
cité, ceux de Pontiacq, Basses-Pyrénées, Poinchy, Yonne,
Poincy, Seine-et-Marne, et Poncey, Côte-d'Or. Poncey-lez-
Pellerey, autre commune du même département, paraît devoir
s'expliquer par un primitif:
Podentiacus 7, lisez Pudentiacus dérivé de Pudentius qui
est encore un gentilice romain, probablement d'assez basse
époque : Pudentius Maximinus, vétéran, fit à Hercule une dé-
1. Tite-Live, liv. IX, c. 1 et suivants.
2. Tite-Live, liv. V, c. 46.
3. Suétone, César, c. 78; édition Teubner-Roth, p. 32, 1. 3-4.
4. Tacite, Annales, liv. XV, c. 44.
5 . Corpus, II, 4937.
6. Corpus, III, 6271.
7. Cartulaire de Saint-Seine cité par Garnier, Nomenclature historique, etc.,
du département de la Côte-d'Or, p. 5 1 .
Gi H. d'Arbois de Jubainville.
dicace trouvée près de Salzbourg1. C'est aussi le nom d'un
saint qui fut martyrisé à Alexandrie et dont on célèbre la fête
le 29 avril 2.
Pouancay, Vienne, et Pouancé, Maine-et-Loire, peuvent
être d'anciens Pudentiacus.
Posthimiagus est le nom d'un locus de situation inconnue
donné à l'abbaye de Limours, Seine-et-Oise, aux termes de
l'acte de fondation par Gammon en 697 5. Un diplôme de
Charles le Gros en faveur de l'abbaye de Saint-Etienne de
Dijon en 885 nous donne le même nom de lieu avec l'ortho-
graphe un peu plus archaïque Postumiacus* ; il s'agirait ici de
Potangey, commune d'Aiserey, Côte-d'Or, suivant M. Gar-
nier, le savant archiviste de ce département 5.
Postbumiacus vient de Postumius. La gens Postumia était pa-
tricienne. Elle atteignit de très bonne heure aux plus hautes
magistratures de Rome. Le premier consul qu'elle donna à la
république romaine fut P. Postumius Tubertus, élevé à cette
dignité d'abord l'an 249 de Rome (avant J.-C. 505) puis en
252-503, et qui obtint deux fois les honneurs du triomphe6.
Quelques années plus tard (en 496 avant J.-C), le dictateur
A. Postumius Albus, fils du précédent, battait les Latins près
du lac Régille et en triomphait/. Nous nous bornons à ces
deux exemples. La gens Postumia donna son nom à un des
plus anciens monuments de la législation de Rome, une des
lois somptuaires attribuées à Numa8. Le même nom fut aussi
porté par une des grandes routes de la Gaule Cisalpine, la via
postumia construite, à ce que l'on croit, par le consul Sp. Pos-
1 . Corpus, III, 5531.
2. Bollandistes, avril, t. III, p. 617.
3. Pardessus, Diplomata, t. il, p. 244.
4. Dom Bouquet, IX, 336 c.
3. Garnier, Nomenclature historique des communes du département de la
Côte-d'Or, p. 19.
6. Ïite-Live, livre II, c. 16; Pline, livre XV, § 125 Cf. Acta trium-
phorum capitolina dans le Corpus, t. I, p. 434. Fastes consulaires, ibid.,
p. 486-487.
7. Tite-Live, livre II, c. 19, 20, et Acta triumphorum capitolina dans le
Corpus, t. I, p. 454. .
8. Pline, livre XIV, §88.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 63
tumius Albinus, l'an 148 avant notre ère1. Le gentiliee Pos-
tumius persista sous l'empire ; ainsi, au second siècle de notre
ère, Postumius Festus fut célèbre par son éloquence2. On
trouve ce nom fréquemment dans les inscriptions d'Espagne?,
d'Afrique 4, d'Italie 5, de Grande-Bretagne6, etc. 7. Nous si-
gnalerons en Gaule deux exemples : l'un est une dédicace à
Diane par Q. Postumius Potens ; elle a été trouvée près de
Trêves8; l'autre qui existe encore dans la ville d'Avenche, en
Suisse, est aussi une dédicace à des dieux ; ses auteurs sont
Q_. Postumius Hyginus et Postumius Hermès 9.
H. d'Arbois de Jubaixville.
(A suivre).
1 . Voyez ce que dit de cette route M. Mommsen dans le Corpus, t V.
p. 827.
2. Aulu-Gelle, livre XIX, c. 13. Comparez le passage de Fronton cité par
Teuffel, Geschichte der roemischcn Literatur, troisième édition, p. 848.
3 . Corpus, 1. II, index, p. 728, col. 4.
4. Corpus, t. VIII, index, p. 1012, col. 2.
5. Corpus, t. V, index, pp. 1123, col. 4, 1124, col. 1; t. IX, index,
p. 723, col. 1 ; t. X, p. 1032, col. 2, 1065, col. 4.
6. Corpus, t. VII, index, p. 320, col. 1.
7. Corpus, t. III, index, p. 1082, col. 2.
8. Brambach, n' 844.
9. Mommsen, Inscriptiones helveticae, n° 164.
NOTES
ON
WELSH CONSONANTS
BY DR. M. NETTLÂU
(Vienna, III, Rennweg, 2. May 28, 1887)
Introductory Remarks.
As to information about the manuscripts and books quoted
in the following notes I refer the reader to the introduction
of my « Beitràge zur cymrischen grammatik. I (einleitung
und vocalismus). Leipzig, Marz-April 1887, 79 pp. 8° »
(p. 4-33). The following abbreviations are used for some ot
the more frequently cited sources :
Manuscripts : A : the oldest Ms. of the Venedotian Law-
code, printed in «Ancient Laws and Institutes of Wales... éd.
by Aneurin Owen» London, 1841, fol. (« Beitr. », p. 11).
B : Ms. Cott. Tit. D 2, Venedotian Code (1. c, p. 12).
Cleop. B j : a Gwentian 15 th. cent. Ms. (1. c, p. 16).
E : Addit. Ms. 1493 1, Venedotian Code (1. c, p. 12).
B. of Herg. : the Red Book of Hergest ; the parts of this
Ms. edited by John Rhys and J. Gwenogfryn Evans (Oxford,
1887, vol. I) hâve been principally quoted; on other edited
and not edited parts see 1. c, p. 13-15.
Hgt. 202 : a i4th. cent. Ms. edited by E. B. Phillimore in
YC, vol. VII.
les. Coll. 141 : a late 1 5 tli. cent. Ms. (1. c, p. 14).
L : Cott., Tit. D 9, printed in Owen's Ancient Laws (Di-
metian Code).
Notes on Welsh Consonants. 65
Lczu. Dwnn : the autograph of a part of L. D.'s heraldic
visitations, printed in the first volume of « Heraldic Visi-
tations of Wales and the Marches in the time of Queen Eli-
sabeth' and James I by Lewis Dwnn, éd. by Sir Samuel Rush
Meyrick, 1846 » (1. c, p. 21).
Ll. Achau : Llyfr Achau, printed in the Ilnd volume of the
Heraldic Visitations; cf. p. 58: « by me Hopkin ab Eignon
of Breknock in y Countie of Brcknock, painter, finished y
ffirst of November Anno Dni 1602 » (1. c, p. 21).
Ll. Gw. Rh. : Llyfr Gwyn Rhydderch, parts of which are
edited in the Ilnd volume of Robert Williams' Sélections from
Hengwrt Manuscripts (1. c. p. 16).
S : Add. Ms. 22356, a Cardiganshire-manuscript of the Di-
metian Code (1. c, p. 13).
777. D 22 : a Cottonian manuscript, parts of which are
printed in Rees « Lifes of the Cambro-British Saints, » 1853
and in YC. vol. III and VIII (éd. by Powel) (1. c, p. 16).
Y S. Gr. : Y Seint Greal, éd. by R. Williams, 1876 (1.
c, p. 16).
Addit. Ms. 14913: a i6th. and iyth. cent. Southwclsh
Ms., containing médical tracts, etc.
I4p2r: a i6th. cent. Gwentian Ms., containing a trans-
lation of John Maundeville's travels (fragment) (1. c, p. 33).
1497} : a Soutlrwelsh Ms. (about 1640), in which amongst
many other texts poems of Rees Prichard (author of Cann-
wyll y Cymry) occur (1. c, p. 20).
14986 : a r6th. cent. Ms., containing two religious In-
terludes (1. c, p. 19-20).
19709 : a 14-15 th. cent, historical Ms. (Gwentian dialect)
(1. c. p. 16).
Add. Mss. 14909, 14923, 14944, 14945 and others : gram-
matical and lexical collections by Lewis Morris and his bro-
thers (1. c, p. 29-30).
Several other manuscripts are referred to occasionally ; ail
quotations giving the folio of the Ms. I hâve seen myself.
Books : C. fw. T. : Caban fewythr Tomos gan William
Rees, 1853 (Merionethsh. dialect).
C. y. C. : Cannwyll y Cymry, 1672 (1. c, p. 20).
Revue Celtique, IX 5
66 Nettlau.
D. S. Evans, llythr. : Llythyraeth yr iaeth Gymraeg gan D.
S. Evans, 1 86 1 .
Hom. 1606 : Pregethau a osodwyd allan txwy awdurdod...
(translated bv) Edward James (1. c, p. 24).
Hughes, 1S22 : An essay on the ancient and présent state ot
the Welsh language, with particular référence to its dialects,
being the subject proposed by the Cambrian Society for the
year 1822 (l. c, p. 26).
Gl. Gif. G. : Llyfr Gweddi Gyffredin, the book of Com-
mon Prayer in Welsh, extracts of \yhich are reprinted in
Y Traeth. (1. c, p. 24).
Ll. y Res. : Llyfr y Resolution (Parson's Christian Resolu-
tions) (translated bv) J. D. (se. John Davies), 2i684,
containing in the appendix a dialectal glossary (1. c, p. 28).
S al lex., N. T., prou. : William Salesbury's Welsh dictio-
nary (1547, reprinted 1877), Testament Newydd, 1567 and
on english pronunciation (reprinted in Ellis' Early Engl.
Pron.).
Sp. : William SpurreH's Welsh dictionaries (1859, 1861).
Sweet : Sweet's Spoken Northwelsh in Transactions of the
Philological Society, 1882-4.
Y drych Christ. : Y drych Christianogawl. Ed. bv Rosier
Smith, 1585 (1. c, p. 23-24).
Periodicals : Yr A nu. : Yr Arweinydd sel Newyddiadur
wythnosol, Pwllheli, 1856-9 (1. c, p. 32).
Y Bed. : Y Bedyddiwr, Caerdydd 1849 sqq.
Y Gen. : Y Geninen, Caernarfon (vol. III, 1884-5).
Y. C. : Y Cymmrodor, the Magazine of the Hon. Society
of Cymmrodorion. London, 1877 sqq.
Y Giuyl. : Y Gwyliedydd, Bala, vol. VI, 1828 containing
a dialectal glossary (1. c, p. 31).
S. C. : Seren Cymru, Newyddiadur Teuluaidd Pythefnosol,
Caerfyrddin, 1856-60.
Y Traeth. : Y Traethodydd, Dinbych, Treflynnon, 1845, etc.
Y T. a'r G. : Y Tywysydd a'r Gymraes, Llanelli, 1852, etc1.
1. The weekly \Velsh periodicals not being entered in the General Cata-
logue of the British Muséum (Yr Arweinydd however is), I stated in
Notes on Welsh Consonants. 67
I. — I AXD W (j AND Y), CHW.
1 . J is of îuost fréquent occurence in ail the Brythonic lan-
guages before a number of suffixes (Welsh -iaeth, -ion,
-iad, etc.) ; in most of the cases it is of no etymological value
but only spread by analogy. I hâve not to discuss hère whence
this analogy first sprang from, as this is a pre-Cymric ques-
tion. The dialects of North- and Southwales greatly differ
as to the pronunciation of this secondary j ; it is said to suffer
from the North to the South a constant loss in strength of
sound, culminating in its dropping in the southern dialects,
in which it is very often not expressed in writing. No détails
of the description and délimitation of the intermediate sounds
hâve as yet been given, and so it isvery difficulttoform a pro-
per opinion on thèse Southwelsh orthographies. J may either
hâve never been transferred into thèse forms or owing to its pro-
nunciation being very feeble and perhaps only palatalising the
consonant upon which it follovs it was not written. For a
number of j's before suffixes existed certainly, as is shown by
the Dimetian plural sgidshe, the Eastern-gwentian scitshia (so
occuring in popular texts, see § 5) = esgid-iau; also unstressed
u and y before vowels are becoming j, and t is palatalised into
sh by them, cf. sha = tu a ; so the phonetic altérations on
which Zeuss, gr. C.2, p. 1 69-1 71 (de zetacismo) treats with
regard to the Cornish and Breton languages are not absent
in Welsh. J is said to be inserted in Northwelsh dialects in
« wrong » places by improper extension of his usage. In mé-
diéval southern Mss. too, such extraordinary insertions of j
occur as in eidyaw, tr6ydya6, d6ylya6, idia6, etc. ; it is
a Beitr. » p. 31, that they were mostly not kept in this library. Thisis a
mistake, since they are entered in the spécial Catalogue of British News-
papers, received at the Muséum. If I had known this before, I might hâve
spared much tirae which I spent in looking over nearly the buïk of the
monthly papers, characterised 1. c. and might hâve found much information
about dialects. I am now going to use tbis source of information too.
Cf. The Periodical Literature of Wales during the Présent Century, in
Trans. of the Cardif Eisteddf. (held 1883), pp. 214-236. [30.11.87.]
68 Nettlau.
probable to me that thèse js were only inserted in writing by
the Southwelsh scribes, who themselves pronounced theletter
very feebry or not at ail and inserted it therefore sometimes
where it had no place. In the contrary in the Venedotian Ms.
A ot the Howelian Laws, doython occurs besides doythyon ;
this must be compared with the $rd sing.-ws and with ona-
dunt etc. in this text, thèse being later only Southwelsh too
and want a spécial examination ; on onadunt sec YC. Mil,
p. 135 squ._
2. The following références illustrate the above said. D. S.
Evans, llvthvriaeth, § 189 has : Xorthw. tewion — Southw.
tewon, etc. Some Middlewelsh forms differing from the mo-
dem literary language are : L p. 176, offeirat, p. 178 kein-
na6c, kyureitheu a breinheu ; U p. 336 keissa6, p. 337
arîeitheu, p. 342 keina6c, p. 348 eidon, etc., but y (j) is also
written very often in the same Mss. A careful scribe dénotes
still an indistinctly pronounced j, which another omits alto-
gether. Each Ms. must be separatelv examined on this point,
as single examples cannot décide the question where j is due
to the dialect and where to the scribe.
3 . Rhys points out in his Welsh loanwords (Arch. Cambr.),
s. v. cera^ium, that the insertion of j before terminations
commencing with a vowel is « carried to an extensive extent
in some of the dialects of Northwales » and gives jachjau,
hirjaethu, ceirjos 1 — Southw. ceiros (cerasium), etc.; effiei-
thio is mentioned Y Traeth II, p. 34 (Th. Charles).
4. From Mss. cf. ynyaléch a diffieitbéch didram6yeit, Red
B. otHerg., col. 655 (Mab.); eidyawis of fréquent occurence,
cf. my article on the Welsh pronouns in Y Cymmrodor \lll,
p. 140, where also tr6ydya6 and even d6ylya6, occuring
several times in Didrefn Casgliad are quoted. I add from S
(Addit. Ms. 22356) : A g6edy liynny dylbdatty neb ae benn-
1. Besides ceirios (the literary form given by Spurrell, dict.) exists the
later surian, pi. suriain (Sp.) from engl. cheriy. Cf. sirianen a chery, Sa-
lesbury, lex. 1547; E. Lhuyd, Arch. Brit. 1706 s. v. cerasuni : Southw.
Keiroesen (pron. keirosen? ) — Northw. sirianen; Hughes essay 1822:
Northw. sirion — Southw. ceirios (i from the lit. form). Breton qeresen,
qirisen (Rostr.); Corn, not in Jago ; gael. sirist; manx. shillish; ir. shilin,
Lluyd, silîn (Begley, Foley).
Notes on Welsh Consonants. 69
ffygia6d ida6 acheissiaô gantaô dyfod y 6rantu y march idiaê
neu daly y da yr benffygi6r f. 100 a; a oes vn anifieil f.
82 b (enifeil, anefeil f. 89 b); idiav Ms. T, Medd. Myddfai,
1, § 129. Y Seint Greal : aelyodeu § 2, twrneimyeint § 20, 21
(see Zeuss2, p. 86), mi a wasanaethyeis § 19, haedyeist
§ 15, etc.; it is just this manuscript in which forms like
oedvwn, aethyost, wydyem, doethyant occur oftener than in
anv other published hitherto ; on thèse forms see Rhys, Rev.
Celt., VI, p. 47 n., who compares corn, wothyen to cymr.
wydywn, gwyddyat, etc.; at an}r rate the pleonastic use of y
in this text discrédits somewhat this comparison as far as re-
gards to this text, the other reasons in its favour and against
it remaining of course unaltered by this fact. — en er eidial,
Cleop. B 5, f 3 b, 4 a, tu ar eidial f. 2 b; Addit. Ms.12193
(15 10), translation of a work of Rolewinck : i wladychv yr
Eidial f. 13 b, Eidial f. 35 b (Eidal f. 38 b, 40 b, etc.):
ynydywyssyrçraeth, E, Addit. Ms. 1493 1, f. 1 a, etc.; iyth
cent. : Jachiawdwr, Add. Ms. 15005, f. 63 a.
5 . As to the Southwelsh altération of t — {— j before vowels
intosh, cf. Lewis Morris, Addit. Ms. 14923, f. 134a: Southw.
sïwnti beyond = Northw. tuhwnt i ; he intends to dénote
sh by sï as is proved by Southw. issïel == isel (ib. f. 133 b),
cf. gwishgo in modem dialects, s before and after slender vo-
wels and j becoming sh in Sôuthwales ; shwnti from * tj-wnti,
* ti-wnti, u and i being nearly identical in Southw. pronun-
ciation, see « Beitr. » § 67, 70. Cf. S. C. (dimet.) ac fe a'th
shag adre I, p. 292 ; pwy newy sy sha Llunden yna 'nawr I,
p. 232 ; gai ffordd glir i fyned shag adre I, p. 271, mynd sha
gadre I, p. 332, etc. (= tu ag adref) ; sgidshe I, p. 449, etc.
(= esgidiau), from *sgidje. Y Gen. (gwent.) sha'r Hen-
dra III, p. 19 in Eastèrn Glamorganshire = tu a'r Hendref,
sha'r Bont, scitsha(— esgidiau). S. C. be'sharnati I, p. 272, be
sharnat ti I, p. 291 (=_pa beth sydd arnat ti) ; sharnat from
*sj-arnat, *sy-ârnat. — R. Williams, lex. Cornubr. remarks
to modem corn, jawl, jowl (E. Lhuyd : dzhiawl) = cymr.
diawl, that ofthis pronunciation of dj « are traces in collo-
quial Welsh » (p. 102 b), but he gives no further particulars.
6. In Middlewelsh Mss., even in those written in Southw.
70 Nettlau.
dialects e is not seldom used to dénote y (j) ; see Rhys,
lect. 2, p. 234. It is not clear to me whether e is the ortho-
graph of a dialect in which j was distinctly pronounccd and
of nearly syllabic value or whether, e being used in northern
Mss. for the obscure sound of y (henny = hynny, etc.) it
wasalso written by transcribers for y =]. In S = Addit. Ms.
22356 also u is used for j : dydueu, f. 17 a (dvdieu ib.), since
in this Ms. u and i as vowels are nearly identical, cf. « Beitr. »
§ 67, bigel f. 54 b, r6ùmedic f. 7 b, etc.
7. Cf. B — Tit. D 2 deneon f. 30 b, kynedeon f . 5 a (ib.
canes f. 19 b, ene f. 26 a, etc.) ; Hgt Ms. 406 (B. Gruff. ap.
Cyn.), Arch. Cambr. 1866 : weitheon, p. 34, meibeon, p. 36,
deneon, p. 42 (ib. yd adeihvs, y kerdus, emchuelus, arannwt,
a dothoedent, urth, etc., Southwelsh forms and very old or-
thographs, cf. u for w ; on the text sec « Beitr. » p. 15, 7).
B. of Herg. tri hualogeon, hualogyon col. 595 (Y Cymmr.
III). Ll. G\v. Rh. Keinneadaeth p. io. Y S.Gr. redeat § 12,
ot oedewch § 68. Tit. D 22 medeant f. 1 b. Cleop. B 5 wei-
theon, y eithaueoed f. 98 a, medeant f 103 a, ymplith y rei-
duseon f. 104 a, areant f. 106 a, tAwyssogeon f. 10S a, etc.
In Sal. lex., 1547 arean and anean occur ; hère e certainly
tends to express the thick syllabic sound of j in a northern
dialect.
8. Initial j before e, i, u and w before u in English loan-
words and in the vulgar English spoken by native Welshmen
are not pronounccd ; et = yet, ood = wood, etc. Cf. Rhys
in Report of the schools inspected, etc. (Academy, 9, 9.,
1876) : ood, ooman, ee (wood, woman, ye) in Carnarvon-
shire. In the English of Llanidloes in Powvs, on which sec
Collections... relating to Montgomerys., vol. X, 'et, 'ee, 'u,
'eeld (yet, ye, you, yield) p. 311 and 'ool, 'ood, 'ooman
(wool, etc.) p. 309 are used. For Southwales cf. The Red
Dragon, vol. II, p. 38-40; also Ellis, Early. E. Pron. in a
note to Sal. pron., 1547 : ye-, woo- becomes, ï, û.
9. This peculiarity dates from Middlewelsh. Cf. Red B. of
Herg. ac wtward y6 ary koet h6nn6, col. 630. wdward=wood-
ward is given in the index of English loanwords in Dafydd ab
Gwilym's Poems (Llundain, 1789). In the often edited 1 5 th
Notes on Welsh Consonnants. 7 1
cent. English Poem in Welsh orthography J printed by Ellis,
Trans. Phil. Soc. 1880 from a Hengwrt Ms. wld occurs 1. 60
besides ei would 1. 15, wi wowld 1. 67. — In Lewis Dwnn's
Herald. Visitât. (Eg. Ms. 2585) occur: off Wlffsdal (Wolfs-
dale) I p. 163 (éd. Meyrick), off Wdstok p. 163, off Wdstock
p. 146, v(erch) Robart off The Wd ap Gibon Wd p. 126, etc.
10. Pre-Cymric v in inlaut between vowels is altered in
Welsh in two différent ways, on which see Zeuss2, p. 106,
128 ; the resuit of v and the vowel before it is au, ou or aw,
e\v (av, ev) ; also besides final -eu in historié welsh (keneu)
-aw- occurs in inlaut (kenawon), see Zeuss2, p. 129. This
différence is of difficult explanation. I shall give hère the ma-
terials I collected towards its illustration and a few susses-
tionsasto conditions etc. of thèse doublets, skr. yuvaçds = in-
doeurop. juv;/kôs, lat. juvencus (gaul. Jovincillus etc., Zeuss2,
p. 128) becomes in Welsh * jovanc- jouanc, jeuanc and *je-
wanc, hence *iwanc, ifanc.
1 1 . The following forms of this word and its dérivâtes are
worthof attention : Cleop. B 5 gwas ieuwanc f. 60 a (ieuang
f. 68 b) ; this form is supported by deuwei etc. in ony deu-
wei f. 75 a, ny deuwei ib., o deuwant f. 61 a; beuwyd f . 3 a
for bywyd looks very strange, but also deuheu occurs in this
Ms., on which see « Beitr. » § 84, where o Ddeuheubarth,
Her. Yisit. II, p. 246 (1685) may be added ; eu seems writ-
ten for e, as final — eu was pronounced — e ; so beuwyd is
for bewyd, bâwyd ? then ieuwanc would be = *iewanc. Ll.
Gw. Rh. gwreic yangk dec. p. 139 Y S. Gr. ieueyngtid § 30;
S iegtid, Owen p. 296 ; Jes. Coll. 141 plur. jeueink f. 60 b.
1. Cf. Cambrian Register II, p. 299-304; The Cambro Briton ; Hyna-
iion Cymreig p. 13-16 ; Arch Cambr. II, 1, p. 304-7 ; Trans. Phil. Soc.
(reprinted in Arch. Cambr.) ; Wilkins, lit. ofWalesp. 106 squ. — InAddit.
Ms. 14866, f. 23a is a copy of it, beginning : 0 meichti ladi owr leding
tw haf, at hefn owr abeiding, whilst Ellis' Ms. (Hgt. Nr. 294) runs thus :
O michdi ladi our leding to haf at hefn owr abeiding etc., so that an édition
from the Addit. Ms. would be of interest. It is said there, f 25 a ; Jeuan
ap hywel Swrdwal ai cant. medd eraill Jevan ap Rytherch ap Joan Lloyd.
-2 Nettlau.
12. Sal., N. T. ieunctit f. 310 b, ieuntit f. 319 a, ifieugtit
f. 314 a; (R. Davies) ieuanc f. 313 a, plur. ievainc f. 314 a.
Addit. Ms. 14913, i6th. cent., southw. yviengtit f. 53 a;
Addit. Ms. 14986, i6th. cent, iyfangc f . 8 a ; Addit. Ms.
14973, 1640 iengtid f. 73 a, ientit f. 69 a; Addit. Ms. 14987
(Powys) om hienc/d f. 81 b; Add. Ms. 15005 gwr ifenge f.
74 a, yr ifenge f. 132 a; Jfieintid f. 40 b, Jfieintid f. 53 a,
jfieintid f. 79 b; Addit. Ms. 15059, 18 th. cent, ifiengtyd
f. 212 a, ifiengedd f. 225 a. Ll. Dwnn, Her. Vis. I, iengetyd
p. 9, iangafp. 113, 134, 135, etc. (more than 14 times),
ianngafp. 170; (iengav vol. II p. 123, 1685); jevank p. 21,
ievank p. 171 ; jevaf p. 157 ; ifonk p. 153, 190. Llyfr Achau,
1602, Breconsh. ieyangk p. 57, ieanck p. 36, yeia p. 47,
ivank p. 16, ifank p. 11, 57, ifanck p. 26. Davies, lex. 1621
(and Richards lex. 1753) gives ieuange — iau, ieuangach —
ieuaf, passim ifaf ; E. Lhuvd, Arch. Brit. uses ivange (dimet.
dial.).
In modem dialects : S.C. (dimet.) yn ifenc (plur.) I,
p. 373, ie'nctyd I, p. 292, 331. Carnarvonsh. ifangk, jengach
(Sweet). Merionethsh. i'r bobol ifinc, Cab. few. T. p. 258,
hogenod ifinc p. 290, plurals like bychin, erill, llvgid being
used in the northern dialects.
13. The w = v in * iewanc, the doublet of ieuanc became
f, like w in cenafon besides cenawon etc., see below. *iefanc
becarne ifanc like Ithel from Judhael etc. jenctyd seems to
corne from jeuenc-tyd by dropping the first unstressed vowel :
j(eu)énctyd, like cylodi, *cfodi, codi, see below. jang is per-
haps a secondary abstraction from iengtyd, forms like gwan
and gwendid etc. being the model. — The loanword Jo-
hannes (Iwovvtîç) exhibits the same double altération of a form
*Jovan-, vie. Jeuan, Jouan, Jevan, Jfan, Jwan, as the forms
are given in the pref. to Ll. G\v. G., 1586. See also Rhys,
Arch. Cambr., loanwords s. v. : Jowan (L. Land. Jouhan),
Jeuan (now only used as a hardie name), Ifan (engl. Evan),
Jeian (in common use until a récent time) ; Ifan and Jwan
in Cardiganshire.
14. Cl. funher peues and powys (state of rest), Zeuss -,
p. 128; deual, 3. sing. daw and Southwelsh dawaf want a
Noies on Welsh Consonnants. 7 3
spécial inquiry; see my article on the verb (YC, vol. IX).
In the oldest texts deuaf, 3 . sing. daw and doaf are the only
forms used; in Cleop. B 5 deuwei etc. occurs, see § 11. Dawaf
is fréquent in Southwelsh texts sinceSal. N. T. (dawaf, dewi,
daw, dawn, dewch, dawant). I think, dawaf is a new form,
based on the 3rd sing. daw; the older forms, showing the proper
treatment of an aw in pretonic syllables (tlawd, tlodion) are
doaf etc. So deuaf and daw only rest and appear to be the
exact counterparts of trawaf, 3. sing. tereu (Ll. Gw. Rh.
p. 53), adawaf, ef a edeu ib. p. 87, gwrandawaf, y gwerendeu
p. 38 etc., see Zeuss2, p. 129. The forms of the other Bry-
thonic languages prove the composition of a verb with do-
in deuaf to be preCymric. In older Welsh forms of the verb
subst. with do- in the sensé of « to corne » are fréquent ; cf.
dybu ; a dvui Tal. 205 ; Richards lex. 1753 says, that ië dybi,
« it is to be sure » is still used in Glamorganshire. deuaf,
daw would permit to be brought from * dov-, * dob- ; the
form of the verb subst. can not be ascertained, since the or-
dinary termination -af lias been introduced. Deuaf could
also possibly corne from *do(a)gaf, cf. doeth, see below; but
daw would then rest unexplained, eu from *og not being
elsewhere treated like eu from * ov.
15. Ceneu and cenaw, cub whelp (Zeuss2, p. 129) : plur.
kynawon, a, chynawon B. ofHerg., col. 722; cenawon, im-
perite cenafon (cynghanedd : cynfyn) Davies lex. ; kena, Sweet
p. 42 5 . — In « Beitr. » § 93 I gave examples of gewvn :
geuyn, Uysewyn : Llyseuyn and of eisieu : eisio, to which
may be added : giewyn, B. of Herg. col. 760 ; this is said by
Rhys (Y C. MI, p. 19) to be still used in a part of North-
wales, cf. gï-en gi-au. Llessewyn, Ll. Gw. Rh. p. 244, llyse-
wyn p. 73 ; llyseuoed p. 50. The Northwelsh eisio I think
now to be like taro, gaddo (Sweet p. 425) identical with an
older eisiaw, the doublet of eisieu, like *giaw (giewyn) : gieu.
Of this obscure word note also eissev, eissywed B. of Carm.
p. 45, eissiwet B. of Herg. col. 819, 830, eissvwedic col. 820;
Ll. Gw. Rh. eissywed igy on p. 110, eissydedic p. 223 (? ;
d = dd, 1 from w ?) diessiwau, dieissiwau Ms. A, p. 66. —
Cf. also clowed, clywed and cigleu, *elov-.
74 NettLw.
16. Ceiri is said by Rhys to be the plural of cawr (giant)
in the Carnarvonshire dialect ; rhiw geiri o ddynion occurs in
a local newspaper, cf. the références in « Beitr. » § ioo. On
cawr sec Zeuss 2, p. 129 and of late, H. d'Arbois de Jub. in
Mém. de la Soc. de Ling. de Paris, V, p. 121-123, where
the respective Gaul. names are fully given. I think ceiri can
be explained thus : *eavaro- is to be compared in structure
with trigaranus (:ycp2Vo;), Welsh taradr (: -i^i-zy/) etc.;
*cava- cf. skr. çâvi-ra- and cura-, * KevA- and *KvA (de
Saussure, Mém. p. 260). *cavaro- resulted in Welsh into the
doublets *cawar- and *cauar-, who lost the a probably by
an earlier stress-shift in the declination. ceiri then is *ceuri
from *caur, the doublet of cawr.
17. Pre-Cymric b and m between vowèls became either f
or with the preceding vowel eu, cf. neuadd, hall, Old- Welsh
nouodou (M. Cap.), ir. nemed, vejj.e-cov ; y newad occurs B.
of Herg., col. 689, a strange form, as w for u (i'i) is not
used in this Ms. (cf. new = neu, Calig. A 13 etc.), if it is
no error; cf. *iewanc etc. — Goreu, best seems to be a super-
lative and -eu : -af is to be explained like edeu : edaf, Old-W.
etem, Zeuss2, p. 821.
18. To ir. claidhebh correspond Welsh cleddyf and cleddeu,
given both by Spurrell. Cf. B. of Herg. ae gledeu col. 559;
Ll. Gw. Rh. cledeu p. 136(3), 138, 148, 264, 282; Sal. N.
T. cleddey (marg. cleddyf), f. 388 a (Huet). Other forms of
this word are : plur. clefvdeu : B. of Herg. a thvnnu clefvdeu
ac ymfFust col. 644, moess6ch attafi a6ch clefvdeu col. 644,
645 ; in Yst. de Car. M. clefvdeu col. 420, clevydeu col. 423,
klevydeu col. 450; Ll. Gw. Rh. cleuydeu p. 70, torof a
chleuvdeu p. 253. Cleddyddeu : Llyfr. IIuw Llyn (written it
is said by Guttyn Owain, the herald bard of the abbeys of
Basingwerk and Ystrad Flur, late I5thcent.): kleddyddav f.
129 b r; jes. Coll. 141 kleddyddav. f. 40 b, cleddyddeu f. 61
a (kleddei 1. 40 b). Cf. Peredur penwetic, B. of Carm. p. 30
and Pwyll bendeddig Dyved, Ll. Achau, 1602, p. 64, and
see below.
19. I think the suffix denoting the instrument and the agent
of any thing, the modem form of which is -ai (cf. arwyddai
Notes on Welsh Consonants. 75
ensign, cymhellai spur, nofai, clepai, cecrai, meddalai etc.) is
an old m-suffix, the doublet ofwhich is -yf, cf. oldcorn. ne-
dim, gl. ascia, Zeuss2, p. 821 and W. neddai et neddyf dola-
bella ; naddu asciare, dolare (Davies) ; neddei i naddy, an
addys (adze), Sal. lex. Spurrell has also ulai hydrogen and
ulyf, the remains of anything burnt ; carbon. — (Atter this
had been written in November 1886 I first saw in March 1887
the article of E. Ernault in Revue Celt. VII, 4, p. 311, who
notes similar doublets in Breton. They want fuller considé-
ration, than I can bestow upon them in this article restricted
to the Welsh language).
20. Some w between vowels are dialectically changed into f.
Cf. Northw. llifo, brifo = lliwo, briwo, D. S. Evans, llythr.,
index ; llifio = lliwio colorare (lliw), Davies ; brifo Swoet
p. 429 to break (briwo). Southw. kawad = Northw. kafod,
E. Lhuyd, Arch. Br. s. v. imber, see « Beitr. » § 60 and
ga[e]af kawada6c Hgt 202, f. 25 bi. cenafon see § 15. Da-
vies : berywon = barcuttanod milvi ; beryfon ; (bery, -on
kite, Sp.). dwvwol, dwyfol, ib. (cf. Devardoeu Dubr duiu,
meuddwyetc, Rhys Lect2. p. 407-412). bvfolieth, biography
C. f'ew. T. p. 106 ; gorfadd = gorwedd, Sweet p. 429. On
ifanc and Ifan see § 12, 13. — cvrafol, cyrafon serviceberries ;
cyrawol the same, cyrawel, -en berries Sp. ; ib. rhafon servi-
cetreeberries, rhawol cluster, bunch ; cerddin, id. quod criafol,
opulus arbor Davies ; criafol and cvriafol ; criafonllwyn cwrf
vnlliw, Gutto 'r Glynn, ib.; E. Lhuyd, Arch. Br. : Southw.
pen crawel ; L. Morris, Addit. Ms. 14923 Southw. crawol,
white thorn berries = Northw. ogfaen, f. 133 b.
W. Salesbury, pron. 1547 (in Ellis Early Engl. Pron.)
says s. lit. w. : Northw. tavlu or tarlu (iacio). — Southw.
tavvly ; in South welsh « they résolve v into their wonted vo-
wel vv » ; the reverse was the case in Southw. devnvdd or
defnydd, substantia, « and some corrupters denvydd » =
Northw. deunydd; s. lit. f : in Southw. « they use rather v,
Northw. writers commonly occupye f». Davies lex. gives def-
nydd et deunydd materia, passim denfydd ; Y Traeth. II,
76 Nettlau.
p. 34 denfydd is also mcntioned. On tawlu, towlu = taflu,
see « Beitr. » § 97.
21. Sometimes w betwecn vowels is omitted in Mss., es-
pecially in n. pr. ; particulars from the living dialccts must be
expected, before the phonetic value of thèse orthographs can
be discussed. Cf. Loarch lien, Vesp. A 14, f. lia (de situ
Brecb.); na6 niarnod S (Addit. Ms. 22356), f. 73 b, deesb6yd
f. 70 a (d6esb6yd often) ; Hoell, Hoel, Ll. Achau (nearly al-
ways). Rhys, Y Traeth. 1884, 479 conneets the n. 1. Llifon,
Llion, Lliwon or Lliwan with llif, lli and Llyn Llion (tria-
des), ffrydiau Lliw or Llyw (Mab. K. ac Ol.)-"
22. On initial gw -f- r, 1 see Zeuss 2, p. 130. Initial g\v -f- r,
1, n are pronounced in Northw. grw, glw, gnw (« rw : the
two conss. being uttered simultaneously » Swet, p. 418,
grwaig), in Southw. gr, gl, gn.
Cf. glwâd, gnwico, grwaig in Carnarvonsh., Sweet, p. 410.
Such orthographs occur in the Venedot. Ms. A : grueic
p. 40, grueyc p. 38 (thrice), gruaget p. 48 besides greyc
p. 38 (twice), eny greickao p. 38, guedy e greycaho p. 38,
graget p. 49; gluatTp. 59, o gluad arall p. 125 besides gla-
doet p. 50, gleduchu p. 4, gluan (fleece)2 p. 132.
In the iyth cent. Battledoor (1660) nwithur, a nwaid
(= wnaeth), nwithir, grwaig, ir gwr ac ir nvaig occur
p. 3, 4, 6 ; but otherwise thfs text is Gwentian. In Southw.
texts cf. gl6b6r, Tit. D 22 (see YC. III), — gwlybwr, dial.
glybwr (Powel). In modem dialects : graig, grando (Hughes,
1822); ygneithetc, S. C. — gnythyr often in Addit. Ms.
14921 (16 cent.).
(A suivre). Nettlau.
1. Rhvs remarks in Pennants Jour II, p. 21$, that gwladhad now only
the sensé of rus ; gwledig rusticus. In Hanes y ffvdd, x6~j Northwelsh
gwladaidd is explainedin the glossary bycywilyadus (scandalous).
2. Flannel is held by Thurnevsen also Wedgwood etc., to be of Celtic
origin ; on tliis point see also Schuchardt. Lit. blatt f. g. u. rom. Phil.,
1885, p. 118. It is curions to note flannen, whicli is given in Byegones,
1880-81, p. 160 from the English of Towyn, Merionethsh. of 1678 and
said to be still used ; it is not a hvbrid form between flannel and gwlanen
to ail apparence, as it is said to occur in older English generallv. Remera-
bering graget in Ms. A *gl. and not lll would be expected in an English
loanword.
SUR QUELQUES INSCRIPTIONS DE SAINTES
CONTENANT DES NOMS GAULOIS
Les fouilles heureuses que conduit en ce moment, à Saintes,
M. le chanoine Julien-Laferrière, ont fait connaître un certain
nombre d'inscriptions latines, quelques-unes d'autant plus in-
téressantes qu'elles remontent au commencement du Ier siècle
de notre ère. Curieux à plus d'un titre, ces textes épigra-
phiques ont ceci de caractéristique qu'ils contiennent plusieurs
noms propres gaulois ; le fait ne peut guère étonner dans une
ville qui possède un arc de triomphe élevé par C. Julius Ru-
jus, C. Juli Otuaneuni filins, C. Jnli Gedemonis ncpos, Epot-
sorovidi prouepos1 ; mais il n'en est pas moins utile à signaler.
Ces inscriptions ont déjà été publiées pour la plupart, soit par
les archéologues du pays, soit à Paris, à la suite de communi-
cations faites à l'Académie, des Inscriptions et Belles-Lettres
ou à la Société des Antiquaires de France. Ayant eu l'occasion
d'étudier sur place le texte de ces monuments épigraphiques
dont quelques-unes soulèvent des difficultés de détail non en-
core résolues, je ne crois pas inutile d'y revenir afin d'élucider
certains points qui intéressent l'onomastique gauloise. Si je
suis assez heureux pour y apporter quelque lumière, les Cel-
tistes pourront, peut-être, y trouver quelque intérêt.
I.
Le plus beau document épigraphique qui ait été rencontré
dans les fouilles est une grande inscription provenant d'un
i . Wilmanns, 885.
78 R. Cagnat.
monument funéraire qui a dû être considérable1. Le texte se
compose de six lignes dont la première est à moitié illisible à
cause des accidents qui sont arrivés à la pierre. Les autres, au
contraire, sont très profondément gravées et ne donnent lieu à
aucun doute de lecture. On peut les développer ainsi:
Sant(oni), duplicario alae Atectorigiana[é\, stipendi(i)s
emeritis XXXII, aère incisso, evocat[o] Gesatorum sexcentorum
Raetorum castello Ircavio, clup[eo], coronis, aenulis (sic) aureis
donato a commiliton[ib(usj], Julia Matrona f(ilia) , C. Jul(ius)
Primulus l(ibertus), h(eredes), e(x) t(estatnento) [p(osuerunt)].
Cette partie de l'inscription, sur laquelle il y aurait beau-
coup à dire, si je ne tenais à me renfermer dans les limites
que je me suis tracées, contient deux noms propres qui ne sont
pas romains, Atectorix déjà connu par les monnaies 2, et Ir-
cavium, ethnique que je n'ai rencontré nulle part.
La première ligne, que j'ai omise à dessein dans la trans-
cription que je viens de donner, est ainsi conçue :
V.IVLIU AUL )lL'~-' 'rtMALRU
c'est-à-dire qu'après le prénom et le nom du personnage qui
s'appelait C. Julius, ayant reçu la cité romaine de César ou
d'Auguste, viennent une suite de lettres à demi-brisées ou ef-
facées, suivies elles-mêmes de sept lettres environ complè-
tement illisibles. La fin de la ligne AMACRO contient cer-
tainement le surnom du personnage : Macro.
L'A qui précède ne me paraît pouvoir appartenir qu'au nom
de la tribu où C. Julius était inscrit, puisqu'il ne peut faire partie
i . Cette inscription a été signalée pour la première fois par M. Héron
de Villefosse au Comité des Travaux historiques du Ministère de l'Instruc-
tion publique et ensuite à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
et plusieurs fois reproduite depuis. Cf. Espérandieu, Note sur les inscrip-
tions de Saintes, p. 13 ; Hild, Bulletin de la Société de Poitiers, 1887, p. 295;
Audiat, Revue de Saintonge et d'Aunis, 1887, p. 346 et suiv. ; Mommsen,
Korrespondenjblatt der Westd. Zeitschrift, VI, p. 205.
2. Ch. Robert, Monnaies gauloises, p. 43 ; Revue Celtique, 1881, p. 116;
Revue Archéologique, 1878 (XXXV), p. 18S. Cf. Revue Celtique, 1887, p. 137.
Sur quelques inscriptions de Saintes. 79
ni de son surnom, ni de sa filiation; il faut pourtant remarquer
que dans certaines des inscriptions analogues, trouvées à
Saintes1, la tribu n'est pas indiquée, mais ce n'est pas là un
argument décisif, puisqu'elle figure dans certaines autres. Reste
à trouver le nom de cette tribu. Si le graveur, suivant les usages
habituels, l'avait écrit en abrégé, et en supposant que l'abré-
viation fût conforme aux règles établies, nous n'avons à
choisir qu'entre deux tribus, la tribu Claudia et la tribu Scaptia,
les seules dont l'abréviation se termine par un A (CLA, SCA)2.
La tribu Claudia peut être éliminée sans hésitation ; car elle
ne convient ni à un citoyen romain qui tenait le droit de cité
de César ou d'Auguste, ni à un habitant de Saintes. On ne
peut être aussi affirmant pour la tribu Scaptia, qui fut peut-
être celle à laquelle Auguste appartenait avant son adoption 3;
cependant on ne voit pas que les citoyens qui reçurent le
droit de cité de lui ou de son père adoptif aient été inscrits
dans cette tribu. Les C. Julii sont rangés dans la tribu Fabia4.
Il y a donc de sérieuses difficultés à admettre ici la présence
de l'abréviation SCA.
On peut se demander, dans ces conditions, si le nom de la
tribu n'était pas écrit en toutes lettres comme il arrive parfois.
En ce cas on doit songer avant tout à la tribu Voltiuia à la-
quelle appartiennent les autres C. Julius de Saintes 5 et qui
paraît avoir été la tribu réservée à la ville. Mais le mot Vol-
tiuia, même en supposant des ligatures, remplirait complè-
tement, dépasserait même la lacune qui existe à la première
ligne de l'inscription, de sorte qu'on n'aurait plus la place né-
cessaire pour compléter la filiation du personnage. Voltiuia
1 . Cf. par exemple l'inscription de l'arc de triomphe rappelée plus haut.
2. Si l'abréviation de la tribu était irrégulière, il y aurait plusieurs noms
qui conviendraient : Galeriu. (GA), Horatia (ORA), Papiria (PA). Cf. Ku-
bitschek, De romanarum tribuum origine ac propagatione, p. 3 5 et suiv., mais
on ne peut sainement raisonner dans cette hypothèse.
3. Suét., Oct., 40. Cf. Kubitschek, op. cit., p. 118, et Mommsen,
Epbem. epigr., III, p. 232. Peut-être même est-ce la tribu à laquelle ap-
partenait César. Cf. Mommsen, Eph. epigr., IV, p. 222.
4. Cf. Kubitschek; op. cit., p. 116 et suiv.
5. Cf. Audiat, Epigraphie Santone, p. 18; Mowat, Revue Celtique, 1881,
p. 113, et les inscriptions publiées par Espérandieu, op. cit., p. 6 et §, et
Audiat, Fouilles dans les remparts gallo-romains de Saintes, p. 9 et 10.
So R. Cagnat.
doit être abandonné, à son tour. Peut-être faut-il admettre
Fabia qui n'est pas impossible à restituer, ainsi qu'il résulte
de ce que nous avons dit quelques lignes plus haut, et dont la
longueur conviendrait assez pour l'espace disponible, mais on
ne saurait être plus affirmant.
Cette question, qui semble n'avoir aucun rapport direct avec
le point particulier auquel je veux m' attacher dans cette note,
est au contraire très importante à résoudre. Car de la longueur
du mot qui précède Macro, dépend en grande partie la lon-
gueur de celui, qui suivait Julio, c'est-à-dire du nom gaulois
sous lequel le père de C. Julius Macer était ici désigné. Faute
de pouvoir déterminer la tribu, nous ne pourrons être fixés
d'une façon certaine sur ce nom. On peut pourtant arriver à
une demi-solution.
Si l'on réserve avant le mot Fabia, que j'admets provisoi-
rement, la place nécessaire pour la lettre F, indiquant la filia-
tion du personnage, qui précédait le -nom de la tribu — FIL
serait trop long avec FABIA, et ne pourrait être restitué que si
l'on admet SCA — on voit qu'il ne peut manquer que deux
lettres après le dernier L \isible du nom gaulois que nous
cherchons : LI conviendrait fort bien ; ce qui nous donnerait
la terminaison Mus, fréquente dans les noms propres de
Gaule l. D'un autre côté, le caractère qui précède le groupe IL
est un O ou un D ; la première lettre nous conduit à un mot
comme AGLOILLI qui serait tout à fait nouveau, la seconde
au contraire au nom AGEDILLI qui, non seulement, contient
un élément AGED 2 déjà rencontré en composition^, mais
même que l'on a lu en entier sur des inscriptions -t. Ainsi il est
i. Zeuss, Gramm. celt., p. 767. Cf. des noms analogues comme AbJu-
cillus, Toutillus, Troue Mus, Exeingilla, Caravillus, MogetiXla, Carantillus, etc.
2. 'Ayrjo se lit sur des monnaies grecques (Revue Je Numismatique, IX,
p. 365) ; cf. de Longpérier, Rev. de philologie, II, p. 336; Gluck, Keltisch.
Namen, p. 16, et Zeuss, Gramm. celt., y. 36.
3. Il est entré dans le nom de ville bien connu Agedincum, et dans le
nom propre Agedomapas admis par M. Robert (Monnaies gauloises, p. 38 ;
cf.de Barthélémy, Revue numismat., 1884, p. 177 et suiv.).
4. C. I. L , II, 4436 avec un commentaire, et VII, 1356, 24. Cf. la
liste de noms gaulois tirés des inscriptions publiée dans la Revue Celtique,
1887, p. 133 et suiv. et le complément qu'en donne actuellement M. l'abbé
Thédenat (ibid., 1887, p. 180). Il signale la forme AGISILLVS.
Sur quelques inscriptions de Saintes . 8 1
plus que probable que le père de C. Julius Macer se nommait
Agedillus .La première ligne du texte peut donc se lire C. Julio,
Âgedil[li f(ilio) , Fabi ? ?]a Macro ouC. Julio, AgediJ[U Jil(io),
Sc]a(piia) Macro.
IL
Une seconde inscription qui remonte aussi certainement au
début de l'empire porte, en lettre de o m, 15 et o m, 10:
CIVLIOCON
PATIS • NEPOTI • P
ROMAE-ET- AVG
On voit, du premier coup d'œil, qu'il s'agit dans ce texte
d'un prêtre de Rome et d'Auguste, s' appelant C. Julius, dont
le père devait porter un nom commençant par Cou, tandis que
celui du grand-père se terminait en pas.
Or, le musée de Saintes possède un fragment découvert
« dans la partie du mur du jardin de l'hôpital demeurée in-
tacte », c'est-à-dire dans le rempart qui taisait suite à celui
qu'on démolit actuellement. Chaudruc de Crazannes l'a fait
connaître le premier1, et plusieurs auteurs l'ont reproduit
après lui2. La copie que j'en ai prise porte :
ONNETODVBNI
FECTO • FABRVM ■ TRIBV
1 1 • AD ■ CONFLVENTEM ■ C ■
Les deux fragments, aujourd'hui rapprochés l'un de l'autre
au musée, se raccordent parfaitement pour la hauteur des let-
1 . Rev. Arch., III, p. 246.
2. Cf. par exemple Magasin encych, 1817, p. 230; Jouannet, Bulletin
monumental, X, p. 540; Audiat, Epigr. Santone, p. 15 : Espérandieu, op.
cit., p. 10.
Revue Celtique, IX 6
82 R. Cagnat.
très, la disposition des caractères et la gravure ; il y a seule-
ment entre les deux pierres une petite lacune qui se comble
aisément. Réunies, ces deux pièces offrent l'inscription sui-
vante, mutilée gravement à droite :
C ■ IVLIO • CON .ONNETODVBNI
PATIS -NEPOTI- P/wFECTO-FABRVM -TRIBV
ROMAE -ET- AVGusil ' AD • CONFLVENTEjM • C'
Le nom du père est Conconnetodubnus, qui était déjà connu,
au moins sous la forme Conconnetodumnus l, et qui a été lon-
guement étudié par Gluck 2 ; nous le retrouverons encore plus
bas.
Le nom de l'aïeul se terminait en pas (gén. patis). Il est
difficile de le déterminer, le nombre de lettres qui se lisaient à
la fin de la ligne étant presque impossible à fixer exactement
et le surnom de C. Julius étant inconnu. La fin de la se-
conde ligne était certainement :
no militum sacerdoti,
mais ces mots pouvaient être abrégés. Militum était peut-
être écrit mil ou milit ; sacerdoti se présentait peut-être sous
les formes sac ou sacerd. Cependant, aucun des autres mots
de l'inscription n'est abrégé ; c'est un fait à retenir. De plus,
à la fin de la troisième ligne, on lisait le nom de celui qui a
élevé le monument, probablement Julius, peut-être Jul, son
surnom qui ne pouvait guère avoir moins de quatre lettres,
un qualificatif comme libertus ou hères, peut-être les deux, puis
le verbe fecit (F) précédé ou suivi de quelqu'une des formules
qui l'accompagnaient d'habitude en pareil cas. Je serais donc
assez disposé à croire que la seconde ligne ne comportait pas
plus d'abréviation que les autres, ce qui fixe le nombre des
lettres disparues à la fin de chacune d'elles à dix-huit environ.
i. Caes, Bel. Gai, III, 7.
2. Keltisch. Kamen, p. 63-83.
Sur quelques inscriptions de Saintes. 8}
En en retranchant les cinq qui composent le mot filio, com-
plément nécessaire de Conconnetodubni — nepoti étant écrit en
entier, il faut supposer qu'il en était de môme de filio — il
reste douze ou' treize lettres qu'il faut répartir entre le cog-
nomcn du personnage et le début du nom de son aïeul1. Si le
premier était long, le second devait être court ; dans ce cas,
un mot comme \Uni\patis2 conviendrait; si, au contraire, le
cognomen de C. Julius ne comprenait que peu de lettres, le
nom de l'aïeul devait en renfermer un plus grand nombre, et
il faudrait songer, par exemple, à [Agcdoma]patis>. Enfin on
peut croire que le nombre de lettres dont nous disposons était
également partagé entre les deux ; [Esumo] patis ou tel autre
de la même longueur ne serait pas alors déplacé. De toute
façon, on ne peut arriver à un résultat certain.
Pourtant il ne faut pas désespérer de voir la question résolue
quelque jour. En premier lieu la pierre qui forme la fin de
cette inscription peut se retrouver dans le mur que l'on va
continuer à démolir. Mais même si elle a été détruite, tout
espoir n'est pas perdu. Il est possible, en effet, que l'inscription
du fils de Conconnetodubnus ait été deux fois répétée sur les
faces de son monument funéraire. On peut, il semble, le
conjecturer d'après un fragment découvert autrefois, lui aussi,
dans les fouilles de l'hôpital 4 et publié par Chaudruc de Cra-
zannes :
C 1VL
PATI
SAC
Il paraît bien que ce début d'inscription est la première
partie d'un texte identique à celui qui fait l'objet de ce para-
i . Je ne fais pas entrer en compte le nom de la tribu, parce qu'il n'est
pas certain qu'elle ait été inscrite (cf. l'inscription de l'arc de triomphe) ;
mais on pourrait aussi songer à la faire figurer avant le surnom.
2. Héron de Villefosse, Répertoire des travaux historiques, 1882, p. 50.
3. Robert, Monnaies gauloises, p. 58.
4. Antiq. de Saintes, p. 34, pi. IV, fig. 3 ; Audiat, Epigr. Santone,^. 26
d'après Bourignon. Celui-ci donne PATR à la deuxième ligne.
84 R. Cagnat.
graphe ; la disposition seule de la seconde et de la troisième
ligne y aurait été légèrement modifiée. Peut-être verrons-
nous prochainement sortir du mur les autres fragments de
cette inscription. On peut espérer, en tout cas, quelle que soit
la trouvaille que l'avenir nous réserve, que, d'une façon ou
de l'autre, nous serons fixés sur le début du mot dont il
semble que nous possédions deux fois la terminaison : patis.
L'épitaphe de C. Julius, Conconrietodubni filins... peut sug-
gérer, relativement aux noms du personnage, une dernière re-
marque. On sait que d'habitude, dans la suite des dénomi-
nations des citoyens romains, le surnom ne figure qu'après la
filiation, même quand celle-ci comprend la désignation de
l'aïeul et du bisaïeul. Ici, au contraire, le nom de l'aïeul suivi
du mot nepoti était certainement rejeté après le cognomen. Il
en était de même dans l'inscription de l'arc de triomphe où
on lit : C. Julius, C. Juli Otuancitn-i f., Rufus, C. Juli Gede-
monis nepos, Epotsorovidi pron(epos) x . Il y a là une irrégularité,
qui tient sans doute à des habitudes locales et à l'ignorance
relative où l'on était des usages de la capitale. Dans une autre
épitaphe de Saintes, le nom même du père est rejeté après le
cognomen du fils2. L. Aemilio Paterno, Verteri f(ilio) suisque
posteris ; M. Acm(ilius) Palcrnus et L. Aemil(ius) Scvcrus fe-
cerunt. Au reste, des irrégularités de cette nature pourraient
être relevées dans toutes les parties de l'empire romain.
III.
Le nom Conconnctodubnus se retrouve aussi sur une ins-
cription honorifique élevée à Néron que l'on a rencontrée
dans les mêmes fouilles; elle a été bien publiée par MM. Espe-
randieu > et Audiat -* :
1. Willmanns, 885.
2. Audiat, Epigraphit Santone, p. 6:
3. Op. cit., p. 8.
4. Op. cit., p. 10.
Sur quelques inscriptions de Saintes. 8 5
n e r 0 n i
c l a a d i 0
d r V S O • G E r
M A N I C O
c A E S A R I (an 51/54)
c .////?I VS-CONCO
hi'/oDVBNI • F • VOLT
Au-dessous de cette ligne la' pierre est brisée.
On a voulu rapprocher de ce piédestal mutilé par le bas
une autre pierre dépourvue de sa partie supérieure et où on lit
seulement, au ras même de la cassure :
GIDVBNVS1,
La conséquence de ce rapprochement est que le dédicant se
serait appelé C. fulius \C6\gidubnus . Ce dernier nom est bien
connu2. Je ne pense pas, pour mon compte, après avoir exa-
miné de près l'original avec M. le chanoine Julien-Laferrière,
que ces deux morceaux fassent partie du même monument. On
remarquera d'abord que l'usure de la pierre avant GIDVBNVS
n'est que superficielle et que, par suite, il serait possible de
saisir quelques traces de lettres, s'il en avait jamais existé à
cet endroit ; or on ne distingue absolument rien. Le début de
ce nom gaulois, qui est indubitablement Cogidubnus, devait
donc être gravé à la fin de la ligne précédente, ce qu'il est
impossible d'admettre pour la dédicace à Néron, puisque le
mot VOLT touche l'angle extrême de la pierre. Un second
argument, plus décisif encore, peut se tirer de la largeur des
deux fragments de base ; celui qui porte la dédicace à Néron
mesure o m, 70 ; l'autre où se lit Gidubnus, o m, 78.
Celui-ci fait partie d'un autre piédestal, peut-être élevé à un
personnage de la famille impériale de la même époque. C'est
ce que la suite des fouilles nous apprendra sans doute.
1. Espérandieu, loc, cil.
2. C. I. L.; VII, 11 ; Tac, Agric, 14; Gluck, Keltiscb. Namen, p. 71.
86 R. Cagnat.
On a voulu identifier l'auteur de la dédicace à Néron, en-
core César, à celui dont l'épitaphe fait le sujet de l'article pré-
cédent ; cette assimilation paraît peu probable si l'on songe
que ce dernier, dont le père n'était pas citoyen romain — il
ne porte pas le nom de C. Julius, sur la pierre funéraire de son
fils — avait vraisemblablement reçu la cité romaine de César
ou d'Auguste ; il était donc sans doute mort en l'an 5 1.
IV.
Je rapporterai, pour terminer, une épitaphe trouvée égale-
ment à Saintes, antérieurement aux travaux actuels. Elle vient
aussi du mur de l'hôpital, d'où elle a été envoyée au musée
en 1862. Mais elle y était placée de telle sorte qu'on ne pou-
vait la voir. C'est en transportant les objets de l'ancien local
dans les salles qui viennent d'être mises à la disposition du
conservateur, qu'on l'a pour ainsi dire remise au jour. M. le
chanoine Julien-Laferrière a eu l'amabilité d'en faire à mon
intention un excellent estampage. Je la rapporterai en entier,
car le texte n'en a été publié qu'une fois r.
Haut, des lettres : ire ligne : o m, 09 ; les autres, o m, 05 .
CVS CAIIIVSSI
OMNERTI FIL' VIVO
M CAPPI • COMNERTI FILI L
CVNDINAE • FILIAE ■ VIXSIT ■ V
XX • ITEM ' MEMORIAE ■ IVLIA
CONIVGI- CARISSIMAE • M
[Mar]cus? Cappius. Si \C\ommrti fil(io), vivo; [et inc-
moriac M. Cappi, Comncrti frfi(i), L , [item memoriae
1. Audiat, Bpigr . Sanione, p. 4:
Sur quelques inscriptions de Saintes. 87
Se]cundinae filiae : vixsit XX; item memoriae Juîia[e
conjugi carissimae. M...
Bien qu'il soit impossible de restituer les lacunes de cette
épitaphe et même de fixer exactement la longueur des lignes,
on voit que c'était un monument élevé probablement par un
homme, [Mar]cus? Cappius Si , à l'intention de plusieurs
personnes, l'une désignée à la seconde ligne, encore vivante,
les autres mortes, puisque les noms sont au génitif, et pré-
cédés de la formule memoriae. L'âge de l'un des défunts est
même indiqué.
Tout l'intérêt du texte est dans le nom Comnertus qui s'y
lit par deux fois. A vrai dire, dans les deux cas, et par un
fâcheux hasard, la lettre qui suit leR n'est point nette, de telle
sorte que l'on pourrait lire un I aussi bien qu'un T, ce qui
donnerait Comneri; pourtant, sur l'estampage, il paraît bien y
avoir un T dans le mot, surtout à la troisième ligne.
Comnertus est aussi inconnu que Comnerius ; mais ce ne
peut être qu'une forme de Cobncrtus qui, lui, est fréquent1.
Nous avons vu plus haut un exemple de la permutation du b et
du m devant la consonne n, dans les mots Conconnctodubnus
et Conconncîoditnmiis ; le nom Comnertus nous en fournirait un
nouveau. L'assimilation que ces échanges de lettres trahissent
est de toutes les langues et s'est déjà souvent rencontrée dans
les noms gaulois.
Cobnertns se retrouve dans les inscriptions sous les formes
Covinertus2, Covnertus ou Counertusî et Conertus^.
R. Cagnat.
1 . CI. L., III, 6010, 66 ; laser. Helvet., 351, 7 ; C. I. L., VII, 1336,
324, 325 et 1337, 21 ?; Bramb., 1027 et 1902 ; Rev. èpigr., 1885, p. 152.
Cf. Gluck, Keltisch. Kamcn, p. 81 et 168.
2. CI. L., III, 4999.
3. Ibîd., 4778, 4901, 4988, 4902, etc.
4. Ibid., 5646.
UN MONUMENT INÉDIT
DE LA LITURGIE CELTIQUE
Les litanies suivantes se trouvent à la fin d'un Psautier
du xc siècle, conservé dans la bibliothèque du « Dean and
Chapter of Salisbury ». On le croit d'origine française.
Nous v ajoutons une description tirée du catalogue imprimé,
par M. Maunde Thompson, œuvre exacte de référence.
N° 180
« Vellum 15 1/4X12 3/4 inches. 173 ff. in double col.
« France. X century.
« Psalterium ; a double version, the Gallican and Hebrew
of Jerome's translation, written in parallel columns preceded
by the préface of Hieronymus, Epistles of Damasus and
:< Hieronymus, and other introductory matter (ff. 1-17) and
( followed by the Psalm « Pusillus » (t. 164 a) Canticles
( (f. 164 b) « Ymnus ad matutinum diebus Dominicis » the
c Te Deum (f. 168 b) « Ymnus in diebus festis ad missam »
Gloria in excelsis (f. 169 a) Lord's Prayer and Apostles
Creed (f. 169 b) Fides Catholica or Athanasian Creed
(f. 169 b) Litany and Prayers (f. 170 b) The Psalter begins
( imperfectly in Ps. ii. 2. The Litany contains the names
of mahy Breton Saints. The last leaf is an addition of the
XI century. There are some [Latin] marginal comme ntaries.
Ornemental initial letters are added with twisted designs,
pendent leaves ée. Some are in the form offishes and some
are coloured red. »
Un monument inédit de la liturgie celtique.
89
Plusieurs saints bretons parmi les Confesseurs, dans cette Li-
tanie qui n'a jamais été publiée, ne se trouvent pas ailleurs, et
pour leur identification, j'ai fait d'inutiles recherches. Les
courtes « Oraisons » ou « Prières » qui suivent les Litanies
sont gallicanes de forme et de diction. Les savants liturgistes
seront sûrement bien reconnaissants envers la direction de la
Revue Celtique si elle les fait imprimer.
Qui sont les « rex et regina » (xe siècle) pour lesquels on
demande les prières ? Où était le monastère (monâsteriuni,
p. 94) dans lequel ces prières étaient dites ?
(Fol. 170 b).
Incipiunt letanias.
Kyrri eleison.
Christe eleison.
Kyrri eleison.
Christe audi nos.
Sancta Maria, ora pro [nobisj.
Sancte Michael —
— Gabriel —
— Raphaël —
Oranes Sancti Angeli. orate pro'Lnobis]
— Sancîi Archangeli. —
— Sancte Uirtutes. —
— Sancti Throni. —
— Sanctae Dominationes. —
— Sancti Principatus. —
— Sanctae Potestates.
— Sancta; Sedes. —
— Sancti Cheruphim. —
— — Zeraphim. —
— — OrdinesCaelorum. —
' — — Patriarche. —
— — Prophète. —
Sancte Petre. ora pro fnobis]
— Paule.
— Andréa. —
— Iohannes (f. 171 a a). —
— Philippe.
— Bartholomee. —
— Mathee. —
— Thoma. —
— Iacobe. —
— Tathee. —
Sancte Symon,
— Iacobe.
— Mathia.
Omnes Sancti Apostoli.
Sancte Iohannes Baptista
— Marce.
— Luca.
— Barnaba.
— Stéphane.
— Line.
— Clete.
— Anaclete.
— Ignati.
— Clemens.
— Sixte.
— Hermas.
— Corneli.
— Cypriane.
— Laurenti.
— Ippolite.
— Ualeriane.
— Fabiane.
— Sebastiane.
— Geruasi (f
— Protasi.
— Iohannes.
— Paule.
— Cosnia.
— Damiane.
— Félix.
— Adriane.
— Dionisi.
— Rustice.
ora pro [nobis]
171 a b). —
9o
F.-E. Warren.
SancteTite. 0ra pro [nobisj
— Ambacuc.
— Timothee.
— Eleut(h)eri. _
— Uincenti.
— Maurici.
— Crispine.
— Crispinianc.
— Saturnine.
— Marcelle.
— Romane.
— Donatiane.
— Rogatiane. —
— Uitalis.
— Ciriace.
— Quintine.
— Albane.
— Pancrati.
— Quirine.
— Proti.
— Iacincte (f. 171 a c). —
— Processi. _
— Martiniane.
— Nicostrate.
— Georgi.
— Fortunate.
— Exsuperi.
— Candide.
— Eustachi.
— Uictor.
— Simphoriane. —
— Hermès.
— Felicissime.
— Audacte.
— Froiecte.
— Eusebi.
— Ualeri.
— Luci.
— Quiriace. —
— Neree.
— Achillee.
— Iuuenalis.
— Alexander.
— Euenti. __
— Gordiane.
— Prime.
Sancte Feliciane.
— Naboris.
— Basilidis.
— Agapite.
— Gereon (f. 171 ad).
— Fiorenti.
— Leodegari.
— Bonefaci.
— Luciane.
— Faustine.
— Uictorine.
— Martialis.
— Iuliane.
— Urbane.
— Simplicis.
— Menna.
— Nicomedis.
— Crisogone.
— Théodore.
— Arnulfe.
— Claudi.
— Albine.
— Antonine.
— Theodosi.
Omnes Sancti Martires.
Sancte Léo.
— Siluester.
— Innocenti.
— Cirille
— Donate.
— Euchœri.
— Hieronime.
— Augustine.
— Columbane.
— Paule (f. 171 a e).
— Antoni.
— Machari.
— Effrem.
— Basili.
— Bénédicte.
— Gregori.
— Hylari.
— Martine.
— Brici.
— Remegi.
— Anniane,
ora pro [nobisj
Un monument inédit de la liturgie celtique.
ora pro [nobisl
Sancte Atanasi.
— Florenti.
— Germane.
— Filiberte.
— Uedastc
— Amande.
— Ricari.
— Gutborte.
— Launomare.
— Audomare.
— Namnetis.
— Medarde.
— Albane.
— Trudo.
— Landebcrte.
— Pauline.
— Sulpici.
— Seuere.
— Honorate (f. 171 b a)
— Cirine.
— Appollonaris.
— Ambrosi.
— Isidore.
— Eusebi.
— Postomiane.
— Anastasi.
— Paterne.
— Melani.
— Samson.
— Gilda .
— Brioce.
— Caoce.
— Macloue.
— Meuinne.
— ludicale.
— Tutgucde.
— Paule.
— Guidguale.
— Gacv.vualoe.
— Courentine.
— Leutierne.
— Guenîeue.
— Ediunete.
91
Sancte Iunanaue. ora pro [nobisj
— Indoce. —
— Guinnoce. —
— Di(r)cille. —
— larnhobri. —
— Bachla (f. 171 b b). —
— Mitnna. —
— G nid noue. —
— Gulhuinne. —
— Conocane. —
— Iliaue. —
— Hoeiardone. —
— Hocianiuiue. —
— Toconoce. —
— Hoeargnouc. —
— Iaboine. —
— Tearnmaile. —
— Pat r ici . —
— Columcille. —
— Augustine !. —
— Dauid. —
— Théodore '. —
— Laurenti ' . —
— Cutbercte. —
— Columbane. —
— Iltute. —
— Catoce. —
— Brangualadre. —
Omnes Sancti Confessores. —
Sancta Maria. —
— Regina mundi. —
— Saluatrix mundi. —
— Redemptrix mundi. —
— Félicitas. —
— Perpétua. —
— Petronella (f. 17 b c). —
— Agnes. —
— Agatha. —
— Cecilia. —
— Sauina. —
— Prudentiana. —
— Anastasia. —
— Iustina. —
1 . Premier, septième et deuxième archevêques de Cantorbéry. Voyez
Stouv Missal, fol. 31 b.
92
F.-E. [Varren.
SanctaTecla. ora pro [nobis]
— Columba. —
— Sophia. —
— Margarita. —
— Scholastica. —
— Soteris. —
— Praxidis. —
— Genetrudis. —
— Prisca. —
— Lucia. —
— Beatrix. —
— Gaudentia. —
— Candida. —
— Basilissa. —
— Affra. —
— Chionia. —
— Benedicta. —
— Balbina. —
— Maria. —
— Blandina. —
— Formosa. —
— Iuliana. —
— Benigna (f. 171 b d). —
— Casta. —
— Helena. —
— Brigitta. —
— Martina. —
— Potentiana. —
— Susanna. —
— Daria. —
— Eulalia. —
— Ninnoca.
— Eugenia. —
— Cristina. —
— Corona. —
— Uictoria. —
Omnes Sanctae Uirgincs. —
— Uidue. —
■ — Continentes. —
Omnes Sancti, orate.
Propitius esto, libéra nos, Domine.
— parce nobis —
Ab omni malo, libéra nos, —
Ab hoste — —
Ab insidiis diabolî — —
A morbo malo — • —
Ab omni temptatione diaboli.
Ab omni inpugnatione diaboli.
Ab omni aduersitate libéra.
Ab omni cogitatione mala.
Ab omni iniquitate, libéra nos, Do-
mine.
Ab omni tribulatione, libéra nos,
Domine.
(F. 172 a a). Ab omni inmundicia
cordis et corporis.
Ab omni pestilentia et famé.
Ab omni clade, libéra nos, Domine.
A captivitate —
A morte perpétua —
A periculo mortis —
Ab instantibus pcriculis —
Per natiuitatem tuam —
Percircumcisionemtuam —
Per baptismum tuum —
Per ieiunium tuum —
Per crucem tuam —
Per resurrectioncm tuam —
Per ascenscionem tuam —
Peccatorcs, te rogamus, audi nos.
Ut pacem nobis donare digneris, Do-
mine ihesu, te rogamus, audi nos.
Ut auertas iram tuam a nobis, Do-
mine ihesu, te rogamus, audi nos.
Ut nobis miseris peccatoribus mise-
reri digneris, Domine ihesu, te ro-
gamus, audi nos.
Ut spatium penitentie nobis donare
[digneris Domine ihesu] te ro-
gamus [audi nos).
Ut remissionem peccatorum nostro-
rum nobis dones, te rogamus,
audi nos.
Ut nos in omni tribulatione nostra
exaudire digneris, domine ihesu,
te rogamus.
Fili dei, te rogamus, audi nos. iii.
Agne dei, qui tolhs peccata mundi,
exaudi nos, domine.
Agne dei, qui tollis peccata mundi,
libéra nos domine.
(F. 172 a b),Agne dei, qui tollis peç-
Un monument inédit de la liturgie celtique. 93
cata mundi, parce nobis domine. Christe audi nos. iii.
Agne dei, qui tollis peccata mundi, Kyrie eleison, iii.
miserere nobis. Christe eleison, iii.
Oratio communis.
Pie et exaudibilis domine deus noster ihesu christe, cle-
mentiam tuam cum omni supplicatione deposcimus ut per in-
teruentum et [meritum beatae marias gloriosse semperque uir-
ginis, et omnium sanctorum angelorum ac archangelorum,
omniumque ordinum celestium, necnon patriarcharum, pro-
phetarum, apostolorum, martyrum, confessorum, uirginum,
monachorum, et omnium ciuium supernorum, ecclesiaa tuae
sanctce catholicse fidem augeas, pacem rectoribus nostris tri-
buas, remissionem et indulgentiampeccatorum nostrorum nobis
concédas, infirmantibus salutem, lapsis reparationem, naui-
gantibus atque iter agentibusfidelibus iter prosperum acsalutis
portum tribulantibus gaudium, oppressis releuationem, cap-
tiuis uinctis et peregrinis remissionem atque absolutionem, et
ad patriam reuersionem, orfanis, uiduis, pupillis sustenta-
tionem simul et consolationem, discordantibus mutuam cari-
tatem, infidelibus ueram fidem, et defunctis fidelibus nostris
amicis, omnibusque in christo quiescentibus requiem sempi-
ternam propitius donare digneris, qui cum pâtre et spiritu
sancto uiuis et régnas.
(f. 172 b a). Oremus pro omni gradu ecclesiastico, et pro
omnibus sacerdotibus, et pro omnibus fratribus et sororibus
nostris spiritalibus [ut près ?] tet illis deus in ordine ecclesias-
tico [cas ?] te uiuere et in caritate et in castitate perseuerare
concédât. R. Amen.
Oremus pro regibus et principibus et omni populo chris-
tiano, ut rex regum et dominus dominantium tribuat illis pa-
cem et tranquillitatem in terra diebus ac [temporibus nostris ?]
dignetur resistere omnibus gentibus paganis et hereticis, ut
non[arripiant ?] potestatem nec uictoriam super ecclesiam dei,
nec super populum christianum in tempore nostro. R. Amen.
Oremus pro rege nostro ut dextera domini sua clementia
dignetur eum defendere de manibus inimicorum omnium, de
gladio maligno, et de omni periculo, donet ei auxilium
94 F.-E. Warren.
contra omnes aduersarios eius, concédât illi uitam et spatium
ad eius salutem et nostram consolationem. [R. Amen].
Oremus pro regina nostra ut pietas domini sua clementia
dignetur saluare, et custodire animam eius et corpus, et liberet
eam de periculo et de peccato, et conseruet eam in omnibus
operibus bonis. R. Amen.
Oremus pro pastore nostro ut dominus qui est omnium
pastorum pastor lumine claritatis suoe cor illius illustret,
(f. 172 bb) uirtutibus quoque celestibusin presenti corroboret,
pariterque cum clero aut plèbe per uiam iustitie dirigat, et in
futuro ad superna uitas cœlestis pascua féliciter cum omnibus
sanctis peruenire concédât. R. Amen.
Oremus pro omnibus fratribus nostris presbiteris, diaco-
nibus, subdiaconibus, acolitis, exorcistis, lectoribus, [ostijariis
defunctis ut in œterna * illos mereamur cognoscere participes
cum electis dei. R. Amen.
Oremus * * is fratribus qui nobis. assidue deseruiunt, et
quicumquein nostras nécessitâtes succurrunt, et pro omnibus
seruientibus * * , et uirtus domini illos defendat de gladio ma-
ligno, et de omni periculo ; deleat illorum peccata pro illis la-
boribuset iniuriis multis quas pro nobis sustinent. [R.JAmen.
Oremus pro nostris elemosinariis, et pro omnibus benefac-
toribus et pro omni populo christiano in hoc mundo elemo-
sinam facientibus, ut dominum ihesum christum nostrum
habeant retributorem bonorum omnium in hoc seculo, et in
futuro perpetuo pro cuius amore et timoré elemosinas nobis
pauperibus christi largiuntur. [R.] Amen.
Oremus pro isto manasterio, et omni populo habitanti in eo,
uel qui conveniunt, ut dominus liberet eos ab omnibus malis
atque periculis, et qui négligentes sunt deus conuertat corda
illorum ad uiam ueritatis, et dignetur illuminare ad uiam sa-
lutis. R. Amen.
(f. 173 a a)1 Oremus pro nobis inuieem, ut deus qui cunc-
torum est uia et uita uolentibus remeare dignetur respicere et
miserer, deleat omnia nostra peccata sicut se promisit peten-
tibus exaudire, et in precibus eorum adesse ; illi enim soli de
1 . Cette dernière page a été écrite en caractères du xic siècle.
Un monument inédit de la liturgie celtique. 95
omnibus curas, eo quod omnium dominus est, liberet nos de
percussionibus diaboli, de uariis languoribus, de incendio, de
manibus omnium inimicorum, prestet nobis bonam perseue-
rantiam in suo sancto seruitio, finem pacificum christianumque.
R. Amen.
Oremus pro his qui nos blasphémantes et calumniantes sunt,
ut dominus ihesus christus, mediator dei et hominum tribuat
nobis ueram patientiam et ueram indulgentiam eontra illos, et
illis ueram emendationem de illorum uitiis. R. Amen.
Oremus et pro his (qui) in tribulationibus huius seculi cons-
tituti sunt, egrotis, captiuis peregrinis, orfanis, pupillis, uiduis,
et his qui in uera pœnitentia sunt, et nomen domini nostri
ihesu christi inuocent, auxiliatorem omnium deum sentiant, et
pro nauigantibus in bono iter agentibus ut deus portum pietatis
sue prestet innocantibus nomen sanctum suum. R. Amen.
Oremus pro omnibus animabus defunctorum christianorum,
quorumcumque elemosinam recepimus, uel in quorum (f. 173
a b) memoria fuimus, ut ueniant in memoriam ante dominum
ihesum christum, gaudium et letitiam sempiternam possideant
cum suis sanctis electis. R. Amen.
Oremus ut misericordia domini nos potius perueniat quam
ira, et propter admirabilem pietatem per quam nos fecit,
ignoscat peccantibus, ut opéra manuum suarum non faciat in-
terire pestilentia et famé, et propitius auertat a nobis hanc tri-
bulationem, ut ab ipso mereamur inuenire consolationem. R.
Amen.
Oremus domini clementiam, ut terrain quam uidemus nos-
tris iniquitatibus tabescentem a peste et famé replere dignetur
abundantia ubertatis, ut necessaria humani generis bénéficia
eam sua gratia fructificare faceat in augmentum. R. Amen.
Mis[erere m]ei deus secundum.
Deus, qui caritatis dona per gratiam sancti spiritus tuorum
cordibus fidelium infudisti, da famulis tuis, pro quibus tuam
deprecamur clementiam salutem mentis et corporis, ut te tota
uirtute diligant, et que tibi placita sunt tota dilectione perfi-
ciant. Per.
96 F.-E. Warren.
Il paraît que le dernier en date des Saints à qui on s'adresse
dans cette litanie est saint Boniface, qui mourut en 775.
L'ornementation du manuscrit n'offre aucun caractère spé-
cial dont on pourrait se servir pour rattacher les litanies à une
localité particulière.
Le manuscrit est écrit d'un bout à l'autre en doubles co-
lonnes parallèles, mais dans fol. 171 a il y a cinq colonnes, et
dans fol. 171 b quatre seulement.
F.-E. Warren.
Frenchay Rectory, Bristol. Oct. 1887.
MÉLANGES
I.
ZIMMERIANA.
London, 16 September 1887.
I visited the Bodleian yesterday, and, after finishing some
more important work, I collated with the original mss. (Raw-
linson B. 512 and Rawl. B. 502) the extracts from those mss.
which Prof. Zimmer has published in the Gœttingischc Gelehrte
An^eigen, for 1 Mardi 1887.
As in the case of his publications from the Old-Irish mss.
at Wùrzburg and Carlsruhe r, St-Gallen and Berne 2, and the
Middle-Irish Liber Hyiiinorum?, I found his work untrust-
worthy, from the linguistic, aswell as from the palaeographical,
point ofview.
At p. 182 of the Gœtt. Gel. An^eigen lie gives the title of a
taie in Rawl. B. 512, fo. 101 a, thus :
<( Incip(it) dihaih inscail inso arslicht hisenlib(ur) Duibda-
leitius .1. coarpa Patr(aic) ».
Hère lie lias made no less than four mistakes. The title
stands thus in the codex :
Incip//di Baile inScail inso arslicht hsenlibwzVDuibda leithi
.i. co(;w)arpa4 Patrafr, literally « Incipit of the Champion's
Frenzy this, according to (the) old book of Dub-da-lethe, to
wit, a successor of Patrick ».
1. Literarisches Centralblatt, 24 Nov. 1883, col. 1672-1675.
2. The Academy, 2 Oct. 1886, p. 228.
3. Revue Celtique, VI, 264.
4. Thisword is on the top margin, and the m (a curved Une over 0) has
been eut off by the bookbinder.
Revue Celtique, IX 7
98 Mélanges.
Hère arslicht is a nominal préposition governing the gene-
tive, and infecting the following consonant. Prof. Zimmer s
arslicht hisenlibÇur) is not Irish, nor indeed any other lan-
guage. He obviously was not familiar with the occasional use
of hs for the aspirated s: so by inserting without notice an i
he turns the/; into the proposition « in », and then, wantinga
dative, he extends the following compendium as -ur. His
« Duibdaleitius » is due to ignorance of the common fashion
of writing hihy h with an i placed under, and connected with,
the second downstroke.
P. 183. Hère he quotes from the same Ms. fo. 101, 1,
laithiu as an example of an Old-Irish ace. plural. This shews
that Prof. Zimmer supposes laithe to be a masc. stem in io.
But it is a neuter ï'o-stem (G. C2. 232), and its ace. pi. is
laithe. The passage from which he quotes laithiu is : ni sluind-
fid dou co cenn .L. laithiu « to the end of fifty days », where
laithiu is, not an accusative, but a côrrupt Middle-Irish gen.
plural.
I now proceed to Rawl. B. 502, which he quotes in p. 1S4
of the Gœit. Gel. Anqeigen. Hère there are so many mistakes
that I must resort to parallel columns.
Prof. Zimmer
P. 184, 1. 4, Ccrbail.
— 1. 8, Geir.ein.un Fin.! mec
Cumaill.
— 1. 15, Orguin... Mœlodran.
— 1. 16, muilend (gen. sg.)
— 1-33) Cainecb.
— 1. 34, innorthainnse... Cai-
necb.
— 1- 35» dorigne.
— 1. 42, ondfein icortln.
P. 185, 1. 2, indu{sc\).
Codex
Cerbaill.
Genemain Find meic huma/1.
muilinn.
Cainnech.
innorthainse.
Cainnech.
dorigw.
ond fein icoirthi.
indusa.
11. 4, 5, Hère the following verse is mistaken for prose andprinted
as such :
Fuitt cobrath.
ismo in donenn arcach. (leg. edeh)
is ob cach etrice an,
is loch lan cacb âth.
Mélanges. 99
a Cold till Doom ! Greater is the storm on every one. Every fiery fur-
row is a river. Every ford is a full lake » .
P. 185, 1. 7, laatbracb.
— 1.8, sncchtai Fini. [« Find's
snows »].
— 1. 15, oui.
lattrach.
snechta finn. [« white snow
cuy.
Of thèse mistakes the penultimate is the most instructive.
The poem in which the words snechta finn (« white snow »)
occur is a description of a wintry night, and the half-quatrain
is as follows :
na helta ni[co]sta din :
snechta finn fir doroich tôin.
i. e. « the flocks, they hâve no shelter : pure white snow
reaches up to the breech ». Professor Zimmer not under-
standing the poem, but having made out from the easy prose
préface thatFind son of Cumal had something to do with it, mis-
takes the epithet_/zn« for a proper name, and spells it, accor-
dingly, with an initial capital. He seems, indeed, to hâve Find
(whom, like Macpherson, he miscalls Fingal) on the brain,
for in p. 173 of his paper, 1. 15, he prints the an-Oilfinn (« in
Elphin ») ofthe ms. as anoil Finn, and in p. 170 of his paper,
1. 13, he makes the following quotation from the margin cf
the Franciscan manuscrip't of the Dialogue of the Old Men :
Mo mheallacht ort aPhinn, and then gives this amazing commen-
tary « Wenn man bedenkt, dasz zahlreiche Episoden des Textes
von den galanten Abenteuern des Finn Mac Cumail, Oisin,
Cailte und anderer Helden handeln, dann wird man begreifen,
wie ein streng denkender Klosterbruder, in asketischem Eifer
sich zu den Worten « Sei verflucht o Fingal » konnte hin-
reiszen lassen ».
It is hardly necessary to say that the Irish words are clearly
in the ms. mo mhallacht ort a phinn : that they are the scri-
be's imprécation on one of his tools : that they mean « My
curse on thee, o pen ! » that the learned Celtologue has mis-
taken a phinn, the voc. sing. oîpenn l (which is masculine in
1 . I am indebted to Mr. S. H. O'Grady for pointing this out. See now
theAcADEMY, Oct. 8, 1887, pp. 236, 237.
100
Mélanges.
modem Irish), for the name of Ossian's famous father ; and
that, accordingly, the « streng denkender Klosterbruder », the
« ascetic zeal » and ail the rest of it, pass (to use the pathetic
phrase of one of his own poets *) « afay in de Ewigkeit ! ».
Pages 172, 173, are nearly filled with the titles of 69 Os-
sianic poems contained in this codex. Of thèse titles Prof. Zim-
mer has given fifty one inexactly. I hâve only room to give a
few spécimens (for which I am indebted to Mr S. H. O'Grady)
of the mistakes hère referred to :
Codex
sgribhinn [« scriptionem »].
buidc cas.
Lorcâin.
trfar.
cuill [« of holly »].
as.
ffionn.
Gulbain.
fir moir.
a bhend na nuabharr ccruthach [O
hillof thebrightshupelysummits!].
do bhi.
Prof. Zimmer
P. 172, 11. 17, 38, sgribh inn [« scri-
be nos » !]
— 1. 27, buidecas.
— 1. 40, Lorchâin.
— 1. 42, triâr.
P. 173, 1. 1, cuti [a of incest »].
— 1. 18, is.
— 1. 19.. fionn.
— 1. 22, GulbÇen).
— 1. 24, firmoir. »
— 1. 2y,abend nanuabhar [« O
hill of the prides! »].
— 1. 30, dabî.
Prof. Zimmer's récent contributions to Kuhn's Zcitschrift
fur vergl. sprachforschung now require notice :
Zeitschr. XXVII, 461, note 2: Hère Prof. Z. quotes the
gloss dutiagat muir gobuilind, Ml. 45 d 12, and says : « heisst
da etwa : adeunt [se. aquae] mare ut sint in eo ? Dann wàre
gobuil = neuir. go bh-fuil und der redendste beweis fur das
vorhandensein der eclipsis nasalis im altirischen. »
Hère muir-gobuil is a compound noun, meaning « séa-iniets »
or « friths », « aestuaria » ; and gobuil (for gôbcuil ?) is the pi.
nom. of O'Clery's goibél .1. bel na fairrge. O'Clery also has
gô .1. muir no fairrge, and goaïts gen. sg. occursibid. s. v. nim.
Zeitschr. XXVII 467 note. Hère braflacc (G. C2. XXI,
note) is rendered by « colaphum in oculum (schlag ins auge) »
and for lebennib in tige coiteenn by « in circuitu monasterii ».
braflacc (a cferivative of brafal » treachery, deceit »,
1 . Hans Breitmann.
Mélanges. i o i
O'Reilly, from * mrathal, * m ratio-) means a pitfall (fovea). It
occurs also in the Tripartite Life, p. 186, 1. 25, of my édition,
as brathlang.
lebennib is the pi. dat. of lebenn, a common word mea-
ning, « scaffold, platform, deck ».
tige coitcenn is the gen. sg. of tech coitchenn, lit. domus com-
munis, the Italian luogo commune, « a privy » (latrina).
Prof. Zimmer obviously has not a notion of the meaning of
the note in which the words in question occur. It records a prac-
tical joke played upon its writer by the scoloca of a continental
monastery, who had arranged the platforms of the monastic
privy so that he tumbled with the planks into the subjacent
faeces. Like a true patriot, he consoles himself with thethought
that the stercus had been produced by his own countrymen
(sed grattas ago, nec mer sus sum in stercore Francorum !).
Zeitschrift XXVIII. 3 13-376. This seems to me a really va-
luable essay, and I frankly admit the force of Prof. Zimmer's
arguments against the existence of preterites in b and u. It is,
however, to be regretted that so good a paper should be de-
formed, not only by vulgar insolence to Prof. Windisch, but
by many omissions and mistakes shewing that Prof. Zimmer's
knowledge of the Irish vocabulary and grammar is by no
means as profound as he himself believes. For instance :
P. 349, 1. 8, 7 mobrô is left untranslated. It means « and my
quern ».
P. 355, 1. 10, mar râdit sium « wie sie gesagt wurden ».
This means « wie sie saçen »•
P. 366, 1. 19, Hère gessa « er wurde gebeten » is made the
prêt. part, passive of guidim. This seems to me pho-
netically impossible. Gessa is the prêt. part. pass. of
gessim, whence dia ngessid-si Ml. 53b 19, and the
passive forms ngesar (gl. orari) Ml. 51* 17, and isgessi
(gl. adorandus) Ml. 26b 3 . The cognate personal noun
is gessid, gen. gessedo, pi. n. gessidi. The prae-Celtic
form of gessim may hâve been * ghedhsô, cognate with
8é<y<yacj0ai. See Brugmann, Grundriss, § 429.
P. 367, 1. 8, testa is hère rendered by « wurde zerstreut » (ei-
gentl. ausgegossen zu tessmim) and in p. 370, 1. 2
1 02 Mélanges.
Zimmer asserts, that it stands for ba testa. It means
fehlte (do-es-ta), and is simply the third sg. prêt, of a
common compound of the root tel = stâ.
P. 370, note, fidehuaich, LL, 108 a 3 1, is rendered by « methbe-
chers » — « worin sehr intéressant die tônende labialspi-
rans — hier aus m entstanden ». The word means
« wald kukukes, i. e. habichtes », fid = Eng. zuood.
The nom. sg. fidehuach, occurs in LL. 251 b. | |.
P. 371, 1. 14, in caich cath « in jeder schlacht ». The ms. has
in cach cath.
Zeitschrift XXVIII, 417 et seq. Thisessây is more valuable
from the literary, than from the linguistic point ofview. Take
the following instances :
P. 422, last line, « einen kleinen knaben in der dulbrôc des
Concubar ». The word meant is ulbroc. Thed belonçs
to the preceding article.
P. 425, note 1, 1. 4, nogellis. Ms. nogeltis.
Pp. 433, 434. There are nine mistakes in the passage hère quo-
ted from LL. 245 a.
P. 434, 11. 15, 16, in ba mebor ko « ob sie... wùssten », should
be « ob sie erinnerten ».
P. 489, 1. 10, « iarnarailîu [slicht] ». The ms. is right : iar-
n-arailin means « secundum alios ».
P. 498, 1. p. 24, in pet ta 11-eoin is rendered by « den zahmen
vogel ». It means « den Zartelvogel », in English, li-
terally, « the pet of a bird ».
Pp. 516, 517, bairendlecca is rendered by « die zornsteins-
tùcke », and forbarendclochaib by « vor den zornfel-
senstûcken ».
Prof. Zimmer has hère confounded bar a « anger »,
gen. barann, with barend or bairend, now boireauu,
« rock » : barcnd-Jecc means « rock-flag », barend-clocb
means « rock-stone ». Compare bairne nadoch, To-
gail Troi (H. 2. 16), lines 1481, 1S66, and see
O'Don. Supp. s. v. Boireann.
P. 544, 11. 6, 7, « resislog doididnad ». This is not Irish,
though it is in the facsimile of L. U. 57b. Read : re-
siw slôg do iwididnad.
Mélanges. j 05
P. 564, 11. 19, 2, « ôruc buaid rlg alathûatbi1, rendered by « da
er den sieg ùber den Kônig eines fremden volkes...
brachte ». Read ô rue buaid rig A la Clûathi, d. h. « da
er den Sieg ùber den Kônig von Ail Clûade (Dum-
barton) brachte ».
P. 565, 1. 10, adainther, read adainter.
— 1. 13, hintenid, read hitenid.
P. 565, 1. 1, «for Dat coinaltac Conairi », sagte Dat, der pfle-
çebruder Conaire's ».
P. 566, 1. 26, « hier [LU. 8515 n] heisst er Dat mac Duind
Dêsa « Dat der sohn des Dond Desa » .
PP. 574, 11. 22, 23, for Daf mac Duind Desa.
Thèse three last are perhaps the most amusing of the Pro-
fessons blunders. In each place the ms. h&sfordat unie « say
(the) sons », i. e. the seven or, according to one recension,
the three sons of Donn Desa, Conaire's fosterbrothers.
Fordat, LU. 85b 11, 87* 42, = ordat LU. 8c>b 22, is the
pi. 3 of the imperfect verbforÇd), or(d) inquit, cognate with
the Latin verbum from *verfum} *verdbuni, cognate also with
the Eng. word, German zuort. Prof. Zimmer's « Dat » may
take its place beside « gadtar », « doairchntais », « adgladstàr »,
and other beautiful vocables with which lie has eniïched the
Old-Irish vocabulary.
P. 577, note 1, (( inairiur Breg « im hafen von Breg », was
in zusammenhang Unsinn giebt. Es ist zu bessern
inairthiur Breç « im osten von Breg ». No « besse-
rung » is needed, as inairiur Breg means « in the ter-
ritory of B. » airiur being the dat. sg. oîairer « ter-
ritory, district », a common word which we hâve in
Ar-gyle (Airer Gôidel).
P. 593, 11. 8, 10, dîamis « nach einen Monat ». Ms. dia mis
« that day month » .
PP. 616, 1. 38, 679, 1. 3, Lebor Bude testo as incarcair « das
gelbe buch des zeugnisses aus dem kerker ». Hère
Prof. Zimmer has mistaken a verb (= testa supra,
p. 102) for the gen. sg. of test = testis. The words
1 . Sic in MS.
104 Mélanges.
mean : « the Yellow Book which was missing (or ab-
sent) from the Prison ».
P. 617. Lebor Bude Slanc « das gelbe Buch der errettung ». It
means « the Yellow Book of Slane », a little town
in the county Meath.
P. 653,1. 11. Hère Prof. Zimmer sneers at Windisch, for gi-
ving in lus Wôrterbuch lahnaiJc with the meaning of
« irdisch ». In tins, as usual, Windisch is right and
Zimmer ludicrously wrong. Take the following exam-
ples from Lebar Brecc 19811: O rogenir immorro rig
nime for talmain rofuasnaiged in rig talmaide, uair
is énirt cech flaith talmaide i n-aithfégad flaithiusa
nemdai « Now when Heaven's King was boni on
earth the earthly king was perturbed, for every ear-
thly prince is strengthless in comparison with a hea-
venly princedom ». sce also LB. i75h: ni ni talmaide
110 collaide iarraim « nothing earthly or carnal do I
seek ».
Whitley Stokes.
II.
CORRECTIONS OF A RECENT EDITION OF THE
WUERZBURG GLOSSES.
TO THE DIRECTOR OF THE RôVUÔ CeltiqilC.
Dear Sir,
In tins Revue, t. VIII, p. 532, note 2, you were kind
enough to print for me two corrections of typographical er-
rors in the hrst part of my édition of the Old-Irish Glosses
on the Wùrzburg Codex Paulinus. I hâve now to beg you to
publish the following corrections oi several mistakes in that
book, which are due, not to the printer, but to my own inad-
vertence or ignorance. I am far from believing that my list is
complète; and I shall gratefully acknowledge any further cor-
rections which Celtic scholars may send me before I go to
press with the index verborum.
P. 17, 1. 1 ofgioss, for10, read8.
Mélanges. 105
P. 23, gl. 4 d 26, read êcen taniccside.
P. 37, gl. 7 a 14, rard «in Iudeam.
P. 239, 1. 12, for 13. What rtW that quod facit alius .
32, /or hominis raz^ hominum.
P. 242, 1. S, /or lie is gracious His razd it is a grâce, He.
32, for toward read with.
P. 243, 11. 3, 4, /cr excess established itself, read it was com-
)letely established.
. 10, for in razi For.
. n, for « Passione . There », read « Passione there ».
. 20, for ye are read be ye.
P. 244, 11. 20, 21,/orcovenant rcadway of life (consuetudo :
cornai rbirt for comairbirt HutJj).
P. 245, gl. 3d 8, /or it is part lie finds, read, itis a slight incli-
nation : (airic gen. sg. oîairec « désire, impulse, in-
clination », O'Don. Supp. to O'Reilly).
— 1. 26, after justification insert which.
P. 246, 1. 22, for lie read it.
P. 247, 1. 20, for from it read from us.
(ônni for the more usual ûanni « a nobis », 24 a 32).
P. 249, 1. 3, for live read be.
— 1. 14, for should escape read would rise again.
— 1 14, for should escape, read would hâve repented.
— 1. 24, for As to read Unto.
— 11. 30, 31, for besides he came not ofnecessity, read
it is not necessary : besides he hath corne.
P. 250, 1. 23, for believed read would believe.
P. 252, 11. 26, 27, for he deservingness read to boast of
his merit helpeth no one there.
— 1. 35, for disposition, read hidden meaning Qathar À.
gach ciail inchkithe, O'Cl.).
P. 255, 1. 3, for firstfruits (?) read is to be perceived.
(some word seems omitted after arigthi, which is
lut. part, passive oiairigini).
P. 259, 1. 7, for Gentiles are nurtured read foreigners [pro-
selytos].
1 . Literally « a share (cuit) of inclination » . So cuit adill, cuit eperte, cuit pêne.
io6
P. 260,
P. 261,
P. 262,
P. 268,
P. 273,
P. 277,
P. 281,
P. 283,
P. 287,
P. 287,
P. 288,
P. 289,
P. 290,
P. 291,
P. 292,
P. 293,
P. 294,
Mélanges.
ailithir-genti is a noun compounded of ailither
anàgentin. pi. ofthe prêt. part. pass. oî genim.
1. 32, for minds read souis.
1. 21, for of read to.
I. 27, for scumrcad excréments (purgamenta) (octarche
for ochîrache, pi. nom. of ochlrach, Ml. 129e 2, later
oirach) .
II. 14, 23, for unclean read common.
1. 2, for they read ye.
1. 13, for from which I deem it désirable read since I
hâve a désire.
1. 24, for His own body which receives every seed read
its own body which every seed receives.
1. 26, for yours [is] read theirs [was].
1. 2, for « mortem, and » /m/ « vilain, and ».
1. 21, /or he, Paul, deems it meet to receive a mes-
sage read fitting seems to him (God) to send us on
missions.
(fait, dat. sg. ond fait (gl. misione) Ml. 34 a 6,
iania esfôit, Ml. 44 a 10).
1. 22, 23, for it is in ... transgression read it avenges
lis sin on every onc, and there is punishment in
futuro through transgressing it.
10, for ... who read Israël, or ail who.
9, for may overcome read might corne over.
25 , for it seems to us désirable read we bave a désire.
24, for who is not with thee read which thou hast
not.
. 26, for him... from read it... with.
. 3, for that read the.
.21, l'or asking read lauding.
. 22, for deem it désirable read bave a désire.
. 25, for say read should say.
1. 36, 37, for according to the measure (appointed
to read in comparison with.
1, dclc which.
. 9, for worst oîread worse to.
Cancel note 1.
Mélanges. 107
P. 295, 1. 13, for it protected [Paul] read pannier.
ainches (gl. fiscina) Sg. 37b= * ani-cista, where ani
from (p)ani may be cognate with Latin /MZffû and penus.
P. 296, 1. 22, for ihem read y ou.
P. 297, 1. I9> for lecture read study.
— 1. 29, for first razd prior.
P. 298, 1. 6, for making them unclean(?) read living in com-
mon with them.
P. 299, 1. 1, for prophesied read promised.
P. 300, 1. 29, for désire read covetousness.
— 1. 34, for there be read thou.
P. 309, 1. 3, for this is read ye are.
— L30, for against read according to.
P. 311,1. 2, for out of fellowship read when ye communicate
(a confodli\d\) .
— 1. 19, for paet of read little.
P. 313,1. 4, for our being raïd that we were to be.
— 1. 19, for it is to abound in love read the abounding
in love is for this.
P. 314, 1. 1, for who read they.
— -1. 8, for that nv/a' : it.
P. 316, 11. 22, 25, 26, /or He, His, Him read he, his, him.
(the référence is to Antichrist).
— 1. 27, for on high read on the spot.
(airt= a'pv.r).
P. 317, 1. 27, for penance read penance for it.
P. 318, gl. 26 b. 30, let you hâve peace with every one, and
(let) everyone (hâve peace) with you.
— gl. 26 b. 31. So that this below hère was written
that it might be well known to them. In every epistle
stands that spécial sign (salutatio).
P. 320, 1. 10, read couches.
— 1. 17, for the heresy read this burden.
— 1. 23, for this read the.
P. 324, 1. 2i, for evil-speakers read slow of speech.
(dulbair opposite to sulbair).
P. 325, 11. 29, 30, for if there be anything for which read if
so be that.
108 Mélanges.
P. 328, 1. 9, for no ... read no happiness (accur, of which
O'Reillv's an-acar « affliction » is the opposite).
P. 332, 1. 7, /<?r utter razJ follow.
— 1. 10, for mendicancy or of rtad begging the.
For most of the above corrections I ara indebted to one or
other of the following scholars : Prof. Ascoli, Prof. Windisch,
Rev. E. Hogan S. J., of St Stanislaus' Collège, Tullamore,
and the Rev. Thomas Olden, of Ballyclough Vicarage, Mallqw.
Mr Hogan further points out that in the gloss 2 b 22 the ré-
férence is to Ezechiel xxxvi, 26, that in 4 d 25 the référence is
to Deut. xxx. 12, that in 8 d 22 the référence is to Jeremias
xyii, 16 and that in 25 b 26 the référence is to 1 Cor. xv. 52.
And Prof. d'Arbois de Jubainville lias referred me to the fol-
io wing passage in Dom Calmet's commentai'}' on 2 Thess.
ii. 7, which to some extent explains the gloss 26 a 12 (p. 150
of my édition) :
« D'autres en plus grand nombre et mieux fondez, ont cru
que les hérétiques sont des Ante-Christs, qu'ils sont des sup-
pôts, des ministres de cet homme de péché, qui commencent
des-à-présent le mystère d'iniquité dans l'Eglise de JESUS-
CHRIST par les erreurs qu'ils y répandent, par le scandale
qu'ils y causent, par l'apostasie de plusieurs, qu'ils attirent
dans leur parti. Les Pères appellent communément les héré-
tiques précurseurs de l'Ante-Christ ».
On a cursory inspection of Dr Swete's édition of Théo-
dore of Mopsuestia's Commentaries on the Minor Epistles
of St. Paul, vol. I. Cambridge, 1880, it seems to me pro-
bable that those commentaries also will throw light on our
Irish glosses. That Theodore's commentaries were known to
the Irish Church of the ninth century is tolerably certain,
first, because Sedulius Scotus Junior, at Gai. IV. 25, copies
from Théodore, and, secondly, because this Sedulius is now
believed to hâve flourished about the year 818. He is pos-
sibly the scribe of a Gneco-Latin psalter of the ninth century
preserved in the library of the Arsenal in Paris, which is said
to bear the inscription CIIAYAIOO CKOTTOC- EPar
ErPA^FA.
Whitley Stokes.
Mélanges. 109
III.
MAMURRA.
Une des causes qui ont amené le succès de César dans la
guerre des Gaules a été la supériorité des Romains dans les
travaux qui se rattachent au génie militaire. Quand on lit les
Commentaires, il semble que c'est à César que revient l'hon-
neur d'avoir dirigé ces travaux si bien conçus. Diodore de Si-
cile, qui était à peu près contemporain, parle avec admiration
du pont jeté par ordre de César sur le Rhin et paraît rap-
porter exclusivement au général romain la gloire de cette en-
treprise hardie. Mais nous savons par Pline, Histoire Naturelle,
1. XXXVI, § 48, le nom de l'ingénieur dont César a eu soin
de taire le nom et auquel il doit en grande partie ses succès.
C'était le chevalier romain Mamurra : Primum Romae pa-
rietes crusta marmoris operuisse totos domus suae in Caelio
monte Cornélius Nepos tradit Mamurram Formiis natum,
equitem Romanum, praefectum fabrum C. Caesaris in Gallia,
ne quid indignitati desit tali auctore inventa re. Hic namque
est Mamurra Catulli Veroniensis carminibus proscissus quem,
ut res est, domus ipsius clarius quam Catullus dixit habere
quidquid habuisset comata Gallia I.
On connaît les vers de Catulle, XXIX, 1-4 :
Quis hoc potest videre, quis potest pati,
Nisi impudicus et vorax et aleo,
Mamurram habere quod comata Gallia
HabeBat ante et ultima Britannia ?
Cf. XLI, 4;XLIII, 5 etLVII, 4.
M. E. Benoist a inséré une savante étude sur Mamurra
dans le Catulle de M. Rostan (t. II, p. 440 et suivantes), qui
a été publié à Paris en 1882 2 et dont la fin paraîtra bientôt.
1 . Edition Teubner Jahn, t. V, p. 114. Un critique m'a fait observer qu'au
temps où écrivait Pline, l'expression C. Caesar désignait Caligula. Cette ex-
pression n'a pas la même valeur au temps de Cornélius Nepos, mort vingt-
quatre ans avant notre ère, et auquel Pline emprunte ce renseignement.
2. Marquardt, Handbucb der roemischen Alterthùmcr, t. V (Roemische
no Mélanges.
Nous la devrons à M. Emile Thomas, professeur à la Faculté
des Lettres de Lille, connu par de remarquables travaux sur
le grammairien Servius et sur deux discours de Cicéron.
H. d'A. dej.
IV.
MARCH-BONAL.
La forme exacte de ce mot est actuellement non pas mac'h-
bonal, comme je l'ai écrit dans mon vocabulaire vieux-breton,
mais marc h bondi; tout rapprochement avec mach « caution »
est donc impossible. Le r suivi de c'h en bas-vannetais et
dans une partie de la haute Cornouailles a pris un son guttural
qui permet très difficilement de le percevoir nettement. Sa
présence ne se fait même souvent sentir que par la plus
grande brièveté de la voyelle précédente. Pour march-bonal,
il n'y a aucune hésitation à avoir ; on dit pour une entremet-
teuse ka^ek dimignow. Pour l'entremetteur, on dit indiffé-
remment marc'h bonal ou march dimignow ou simplement er
marc'h. Cette expression viendrait de ce que, particulièrement,
le deuxième ou le troisième jour des noces, l'entremetteur
doit faire le bouffon, gambader, se livrer à des contorsions ;
on lui met des os sur le chapeau ou autour du cou ; on lui fait
même, m'a-t-on dit, quelquefois porter un licol. Au Faouët,
en haute Cornouailles, on dit au lieu de ober er marc'h « faire
le cheval », « être l'entremetteur » : ober er aor « faire la
chèvre ». L'expression potred er bihier bonal (les gars aux bâtons
de genêt) pour « entremetteurs » est encore connue en bas-
vannetais, mais peu usitée. L'équivalent vannetais du léonard
ba~-valan eût été bac'h-vonal. Il me semble d'autant plus diffi-
cile d'admettre avec M. Ernault que mach est pour bach = ba~
« bâton », que le mot bac' h existait seul et que le peuple con-
naissait parfaitement le sens des deux termes composants, à
Staatsverwaltung. t. II, deuxième édition, p. $15, note 6) est un peu bref
sur Mamurra. Dans l'introduction au De belh gallico de Kraner, onzième
édition, p. 50, § 22, Die Fabri, le nom même de Mamurra n'est pas men-
tionné. Outre les textes cités plus haut, on peut consulter sur Mamurra, Ho-
race, Satires, I, 5, 37; Cicéron, Ad Atticum, VII, 7, et Suétone, César, 73.
Mélanges. 1 1 1
tel point même qu'il en a fait deux mots séparés. De plus il
faudrait supposer une autre confusion aussi peu vraisemblable
entre mac h, bach et marc h « cheval ». M initial pour b ou b
pour m peut s'admettre pour les mots dont la consonne ini-
tiale varie syntactiquement. Ce phénomène s'est produit pour
des mots commençant par d'autres consonnes. J'ai observé le
passage de b initial en m également dans deux cas : i° dans le
groupe moderne initial mr pour br : Merlevene~, commune
du Morbihan, en 1370 Brelevenez ; 2° par dissimulation, ex.:
Banenberen, 13 91, aujourd'hui Manenberen, village en Lan-
guidic, Morbihan r.
J. LOTH.
V.
SAINT PATRICE ET SEN PATRICC.
Il y a deux saints Patrice, apôtres de l'Irlande : l'un est le
saint Patrice de l'histoire, l'autre celui de la légende. Du pre-
mier, nous avons deux écrits, la Confessio et l'épître à Coroticus.
Le saint Patrice de l'histoire arriva en Irlande sous le règne de
Loegaire, fils de Niall2, vers l'année 432 de notre ère 3. Il
mourut deux ou cinq ans avant Loegaire. Or, le règne de Loe-
gaire paraît avoir duré trente-six ans 4, avoir fini par consé-
quent au plus tard trente-six ans après l'arrivée de saint Pa-
trice, c'est-à-dire en 468.
Si l'on met en 468 la fin du règne de Loegaire (et c'est la
date la plus rapprochée de nous qu'on puisse adopter), la
mort de saint Patrice (personnage historique s'entend) a dû
1 . Voir Annales de Bretagne, juillet 1887, n° 4, pp. 523, 526.
2. Vie de saint Patrice par Muirchu Maccumactheni dédiée à Aed, évê-
que, mort en 698, édition donnée par le P. E. Hogan dans Analecta Bollan-
diana, t. I, p. 545, 1. 2 ; cf. p. 542, 1. 25-27.
3. Cronicnm Scotorum, édition donnée par M. Hennessy, p. 20-23.
4 . Voilà ce que nous lisons dans les notes de Tirechan qui reproduisent
les enseignements donnés tant par écrit que de vive voix par l'évèque Ultan
mort en 656. La formule deux ou cinq ans dénote une source écrite et non
orale: u — « cinq » ressemble à il — a deux ». Voyez l'édition de Tire-
chan donnée par E. Hogan dans les Analecta Bollandiana, t. II, p. 36, 11. 15-
17. Sur l'époque où vivait Tirechan, voyez les observations du même E. Ho-
gan : Analecta, t. I, p. 543, 11. 4-8.
1 1 2 Mélanges .
arriver soit deux ans, soit cinq ans avant 468 : la date extrême
de cette mort est donc ou 463 ou 466 au plus tard. Mais pour
atteindre l'une ou l'autre de ces deux dates, il faut supposer que
saint Patrice est arrivé en Irlande la première année du règne
de Loegaire; on atteint un chiffre moins élevé, si on fait com-
mencer la mission de saint Patrice un an ou plus d'un an
après l'avènement de Loegaire. Suivant plusieurs historiens
irlandais, Loegaire n'a survécu que trente ans au début de la
mission de saint Patrice r. Ce prince aurait donc commencé à
régner six ans avant l'arrivée de saint Patrice en Irlande. Il
aurait ainsi terminé ses trente-six ans de règne en cessant de
vivre en 462. Par conséquent, saint Patrice mourant soit deux,
soit cinq ans plus tôt que Loegaire, aurait quitté cette vie soit
en 460 si Loegaire lui a survécu deux ans, soit en 457 si Loe-
gaire lui a survécu cinq ans. La date de 457 est celle à laquelle
nous conduit un passage du Cronicum Scotorum : on voit dans
ce document que l'épidémie connue sous le nom de Buide
Conaill commença deux cent trois ans après la mort de saint
Patrice : A morte Patricii. Or, il résulte des calculs chronolo-
giques faits par le savant éditeur M. Hennessy que cette ma-
ladie commença en 660 : donc saint Patrice était mort deux
cent trois ans avant 660, c'est-à-dire en 457 -.
Cette date s'accorde avec celle de la mort des premiers suc-
cesseurs du saint évèque sur le siège épiscopal d'Armagh. Bé-
nignus, le premier d'entre eux, mourut en 465 3 ou en 4674;
Iarlaith, le second, mourut en 481 >.
Ainsi 457 est la date où probablement a dû mourir le saint
Patrice de l'histoire. Le saint Patrice de la légende est mort
1 . Tel est en premier lieu l'auteur du traité intitulé : Do fhlaithcsaib octis
amseraib Erend iar creitim dans le livre de Leinster, p. 24, col. 1, 11. 45, 4b.
Nous citerons ensuite le Cronicum Scotorum, p. 20, et les Annales des
Quatre Maîtres, édition d'O'Donovan, 185 1, t. I, p. 144.
2. Cronicum Scotorum, p. 98-99. Bède nous apprend que cette épidémie
pénétra en Grande-Bretagne et y sévit en 664. Historia eccksiastica, livre III,
c. 27; Pétrie, Monumenta historien hritannica, p. 204-205.
3. Cronicum Scotorum, p. 26-27.
4. Annales des Quatre Maîtres, t. I, p. 146-147; cf. Harris, The works
of sic James Jl'are concerning Ireland (1759), t- I, p. 34-
5. Ibidem, p. 1 50-151; cf. Harris, t. I, p. 35-
Mélanges. 1 1 3
en 489 : ou en 493 2, à l'âge de cent vingt' ou même cent
vingt-deux ans 4.
Cette longévité extraordinaire est le résultat du procédé lit-
téraire qui a fourni plusieurs traits de la légende de saint Pa-
trice. Les hagiographes irlandais des premiers temps du moyen
âge n'ont pas puisé. dans leur imagination tous les détails à
l'aide desquels ils ont créé peu à peu le récit fantastique que
nous trouvons déjà avant la fin du vne siècle dans la compi-
lation de Muirchu Maccumactheni et dont la vie tripartite et la
vie composée par Jocelin sont les rédactions les plus complètes.
Ils ont souvent fait usage d'une méthode plus simple : ils ont
copié ou imité. Et de quoi ont-ils pris copie ? Qu'ont-ils
imité ? Ils avaient peu de vies de saints à leur disposition. Ils
ont difficilement pu faire comme tant d' hagiographes conti-
nentaux qui ont embelli si souvent une vie de saint en y in-
tercalant des miracles tirés d'une autre vie de saint.
Je dis qu'ils avaient peu de vies de saints à leur disposition.
On peut s'en assurer en lisant le Martyrologe d'Oengus.
L'auteur de ce martyrologe a consacré un quatrain à chaque
jour de l'année. Il avait sous les yeux un martyrologe hiéro-
nymien, c'est-à-dire un martyrologe qui ne contenait qu'une
liste de saints sans autre indication sur chacun d'eux que leur
qualité d'évêque, confesseur, diacre, etc., et la mention du
lieu de leur mort ; à ces indications, il n'a su rien ajouter que
des amplifications de rhétorique r> .
A quelles sources se sont donc adressés les biographes de
saint Patrice pour suppléer à l'insuffisance de leur imagination ?
Une de leurs principales sources a été la Bible.
Les cent vingt ans attribués à saint Patrice, c'est l'âge de
Moïse quand il mourut : Dcutèronome, chap. 34, v. 7.
1. Cronicum Scotorutn, p. 32-33.
2. Annales des Quatre Maîtres, p. 158-159. Cf. Harris, t. I, p. 22;
Todd, S1 Patrick apostle of Ireîand, p. 494 et suivantes.
3. Vie de saint Patrice par Muirchu Maccumactheni, livre II. c. 6;
dans Analecta Bollandiana, t. I, p. 581, 1. 3. Notes deTirechan, ïbià., t. II,
p. (y, 11. 3 et 8. Cf. Nennius. c. 62, chez Giles, History of the ancient Evi-
tons, t. II, p. 333 ; chez Pétrie, p. 72 D.
4. Annales des Quatre Maîtres, p. 156-157; Cronicum Scotorum, p. 32-33.
5. Je dois cette observation à M. l'abbé Duchesne, le savant professeur
de Flnstitut catholique et de l'Ecole des Hautes Etudes.
Revue Celtique, IX 8
1 1 4 Mélanges.
L'ange Victor adressa la parole à Patrice au milieu d'un
buisson ardent J. Voyez Exode, chap. 3, v. 2.
La lutte de Patrice contre les Druides 2 est un arrangement
irlandais du chapitre 7 de Y Exode.
Le soleil s'arrête le jour de la mort de saint Patrice 3. C'est
un emprunt au livre de Josué, chap. 10, y. 12-13.
Patrice est comme Moïse législateur. Le Senchus Môr est
rédigé sur sa demande par une Commission de neuf membres
dont il est le premier 4.
De même que tous les héros des légendes hagiographiques,
le saint Patrice légendaire est sur quelques points supérieur à
ses modèles. Certains auteurs le font vivre plus longtemps
que Moïse. Le saint Patrice historique n'avait pu convertir le
roi Loegaire 5 ; Moïse n'avait pas eu plus de succès près du roi
d'Egypte : le saint Patrice de la légende parvint à convaincre
le roi Loegaire et le baptisa6, etc., etc.
Le saint Patrice légendaire était à peu près complètement
formé dans les dernières années du vne siècle. On le trouve
déjà dans les notes de Tirechan dont quelques traits seulement
nous ramènent au Patrice historique ; et ces notes ont été
écrites, paraît-il, peu après l'année 656. La légende règne en
maîtresse dans la vie composée par Muirchu Maccumactheni
qui a été rédigée, semble-t-il, au plus tard en 698. L'hymne
attribué à Fiacc, et qui chante le Patrice légendaire, est proba-
blement l'œuvre d'un contemporain de Muirchu, sinon elle a
été écrite quelque temps après.
Cet hymne nous offre un détail très amusant et qui nous
montre dans quel embarras se trouvaient les écrivains irlandais
du temps entre leurs deux saints Patrice, c'est la rencontre de
ces deux personnages : on ne pouvait identifier ces deux bien-
1. Hymne de Fiacc, vers 47-48. Windisch, Irische Texte, p. 15. Muirchu
Maccumactheni, livre II, c. 4: Analecta Bollandiana, t. I, p. 5S0, 1 10-19.
2. Muirchu Maccumactheni, 1. II, c. 15-17, 19; Analecta Bollandiana,
î. I, p. 562-564, 566-568.
3 . Hymne de Fiacc, vers 55-60; Windisch, Irische Texte, p. 15. Muirchu
Maccumactheni, livre II, c. 7; Analecta Bollandiana, t. I, p. 581, 11. 5-13.
4. Ancient laivs of Ireland, t. I, p. 14-17.
5. Notes de Tirechan, c. 12; Analecta Bollandiana, t. II, p. 41, 1. 1-9.
6. Muirchu Maccumactheni, 1. 1, c. 20; Analecta Bollandiana, t. I, p. 568.
Mélanges. 1 1 5
heureux, puisque celui de l'histoire, qui n'avait pas vécu cent
vingt ans, était mort plus de trente ans avant celui de la
légende. Un hasard heureux avait fait trouver aux savants ir-
landais du moyen âge la solution de la difficulté.
Vers la fin du vie siècle ou le commencement du vne, il
était arrivé de Gaule en Irlande un exemplaire du Martyrologe
Hiéronymien : dans cet exemplaire avaient pénétré certains
saints français, tels que saint Agrippin, évoque d'Autun, mort
en 5 5 8 x, et le roi Gontran, mort en 593 2.
Or ce martyrologe mentionnait deux saints Patrice. L'un
était l'apôtre de l'Irlande, mort le 17 mars?; l'autre était un
certain abbé, inconnu d'ailleurs, mort le 24 août 4. Suivant
une rédaction ce serait à Nevers qu'aurait eu lieu son décès S.
De ce personnage obscur une leçon irlandaise en fait deux :
Patrice, abbé et évêque de Rosdalla ; Patrice, portier et abbé
d'Armagh6. D'autres Irlandais imaginèrent que le Patrice,
mort le 24 août, était un évêque de Glastonbury 7. Mais au
milieu de ces divergences de détail une idée prévalut en Irlande,
c'est que le Patrice du 24 août était un prédécesseur du grand
saint de môme nom.
Les hagiographes irlandais mettant à la date historique du
1 7 mars la mort de leur apôtre légendaire, supposèrent que leur
Patrice historique, mort en 457 sans avoir converti le roi Loe-
gaire, était celui dont le martyrologe plaçait la fête au 24 août.
Le Patrice historique, étant mort le premier, devint le vieux
1. On célébrait sa fête le ipr janvier. Voir le Martyrologe de Tallacht
dans le livre de Leinster, p. 355, col. 3 : Agripini. Cf. l'article correspon-
dant chez Migne, Patrologia Latina, t. XXX, col. 438.
2 . On célébrait sa fête le 28 mars Voyez Migne, Patrologia Latina, t. XXX,
col. 449 C. Dans le Martyrologe de Tallacht, livre de Leinster, p. 357, col. 6,
le copiste a fait du nom de ce roi deux articles : Guntari. Mini, régis.
3 . In Scotia Patrici episcopi. Bibliothèque Nationale de Paris, ma-
nuscrit latin 10837 (vin siècle). — Depositio Patricii episcopi confessons.
Patrologia Latina, t. XXX, col. 448 C. — Patricii episcopi. Martyrologe de
Tallacht, dans le livre de Leinster, p. 357, col. 2.
4. Patrici abbatis. Bibliothèque nationale, manuscrit latin 10837.
5 . Neverno civitate depositio Patricii abbatis. Migne, Patrologia Latina,
t. XXX, col. 472 B.
6. Patricii abbatis et episcopi Ruisdela. Patricii hostiarii et abbatis Aird-
mache. Martyrologe de Tallacht, dans le livre de Leinster, p. 361, col. 7.
7. Cronicum Scotorum, p. 24-25. Cf. Cormac, suh v° Mogheime.
1 16 Mélanges.
Patrice, Sen-Patricc, quoique mort le plus jeune des deux ; le
vieux Patrice avait dû être le maître, et le grand Patrice, le
Patrice légendaire était son élève1. Scn Patrice, le vieux Pa-
trice, avait, dit-on, cessé de vivre en 457 2 le 24 août. Patrice,
archevêque et apôtre légendaire de l'Irlande, était passé de vie
à trépas en 493 3 le 17 mars. Le vieux Patrice avait donc,
suivant l'ordre exigé par la chronologie historique, précédé
l'autre dans le tombeau. Quand l'apôtre légendaire arriva au
ciel, avant d'aller se présenter au bon Dieu, il commença par
faire visite à son homonyme, le vieux Patrice ou le Patrice de
l'histoire, qui était entré avant lui dans le Paradis, et les deux
Patrice se présentèrent ensemble au fils de Marie 4.
H. d'A. de J.
PIÈCE JUSTIFICATIVE.
IncipzY do f/;lait/;esaib ocus awseraib hErend \ar creitim.
Loegaire mac Néill xxx annos regnww Hib^rniae porf ad-
ventuw P^ricii tenuit. Ardmac/?a fundata est. Secundi/zw5 et
senex Vatnùus qwiewruwt. DorochazV Loegaire i taeb C/;asseS
et caetera.
AïWill Molt, mac Dathi, xx bliadna, co torebair i cat/; Oc/;a
la Lugaid, mac Locgairij ocus Mur chertach, mac Erca ; ocus la
Ferg/fj" Cerbél, mac Cowaill Cremthainne; ocus la Fiac/;raig
Lond, mac Caelbad, rig DaiWaide ; ocus la Crimthand, mac
Ennai, rig Lagen6.
Eogan mac Neil moritur. Qwies Bmgni, secundî episcopi.
Mors Cowaill Chremthaind maie Neill. Qwies Iarlat/;i terûi
episcopi. Bcllum OcIja in quo eccidit Aill/// [Molt] 7.
Lugaid, mac Loegairi, xxii [annos], co torebair \n Ac/;ud
1 . C'est la doctrine que nous trouvons dans le Martyrologe d'Oengus, à la
date du 24 août : Sen-Phatraicc cing catha, coem-aite ar-srotha : édition
Whitley Stokes, p. cxxv.
2. Cronicum Scotorum, p. 24-25.
3. Ibid., p. 32-33.
4. Hymne de Fiacc, v. 65-66 ; Windisch, Irische Texte, t. I, p. 16.
5. En 458 suivant les Quatre Maîtres.
6. En 478 suivant les mêmes.
7. En 478 comme nous venons de le dire.
Mélanges. 1 1 7
¥orcba dum tre mirbail Patrie1. Muridac/? mac Eogain mo-
nter. Bellum Cell Osnaid2. P atncius Scottor um episcopus quievit.
Cormac iprimus abbas. Qjà?s Ibari episcopi.
Murchmac/; mac Erca XXIIII [annos]?.
L. L. p. 24, col. 1-2.
VI.
SAINT GERMAIN, ÉVÊQUE DE PARIS, DANS LE
FELIRE OENGUSSO.
La Gaule au moyen âge a eu deux évêques du nom de Ger-
main qui ont été, chacun, vénérés comme saints et ont acquis
une grande notoriété. Le premier est un évêque d'Auxerre,
mort en 448, et dont on célèbre la fête le 3 1 juillet. Le se-
cond est un évêque de Paris, mort en 576 et dont la fête a
lieu le 28 mai.
Tous deux figurent au martyrologe hiéronymien publié
par Migne dans le t. XXX de sa Patrologia latina :
Pridie kalendas augusti (31 juillet)... Autisiodero, sancti
Germani, episcopi et confessons (col. 468-469).
V. kalendas junii (28 mai)... In civitate Parisius depositio
sancti Germani episcopi et confessons (col. 459).
Nous ne pouvons dire en quels termes le martyrologe de
Tallacht parlait de ces deux fêtes. Au milieu de ce martyrologe,
il y a une lacune qui va du 20 mai au Ier août. Le martyro-
loge de Tallacht mentionnait-il la fête de saint Germain
d'Auxerre au 3 1 juillet? Nous n'en savons rien. Mais ce que
nous pouvons considérer comme certain, je crois, c'est que le
martyrologe de Tallacht parlait de saint Germain, évêque de
Paris, sous la date du 28 mai. En effet, le Felire Oengusso con-
sacre à ce saint son quatrain du 28 mai : « Puisse nous pro-
« téger jusqu'au séjour des anges, de cette troupe si aimable
« et si heureuse, Germain, soleil de nos sages, père nourricier
« de Patrice d'Armagh (éd. de Whitley Stokes, p. lxxxi) ».
1. En 503 suivant les Quatre Maîtres.
2. Livrée en 489 suivant les Quatre Maîtres.
3 . Son avènement en 504 suivant les Quatre Maîtres.
1 1 8 Mélanges.
Ce qu'il v a de curieux ici et qui montre combien les savants
irlandais du haut moyen âge connaissaient mal l'hagiographie,
c'est que l'auteur du Felire confond ici saint Germain de Paris
avec saint Germain d'Auxerre. C'est de saint Germain
d'Auxerre que saint Patrice a pu recevoir les leçons. Il n'a
pas reçu celles de saint Germain de Paris mort plus d'un
siècle après lui. Ceux qui douteraient que le saint Germain du
28 mai soit, comme nous le disons, saint Germain de Paris,
peuvent consulter les martyrologes : de Bède (Patrologia latina,
t. XCIV, col. 929); d'Adon de Vienne (Ibid., t. CXXIII,
col. 271 B), et d'Usuard (Ibid., t. CXXIV, col. 95-96).
Quant à la fête de saint Germain d'Auxerre, le 31 juillet, le
Felire ne la mentionne même pas1.
H. D'A. de J.
VII.
LE FELIRE OENGUSSO, LE MARTYROLOGE
HIÉRONYMIEN ET LA LITURGIE GALLICANE.
On trouve dans le Felire Oengusso comme dans le martyro-
loge hiéronymien plusieurs des caractères distinctils de la li-
turgie gallicane signalés par M. l'abbé Duchesne, Les sources
du martyrologe hiéronymien, p. 43. La Passion et la Résurrection
de J.-C. sont des fêtes fixes célébrées l'une le 25 et l'autre le
27 mars. Le Ier janvier on célèbre la Circoncision de J.-C.
et non l'octave de Noël. Tandis que les calendriers de Rome
et de Carthage ne contiennent aucune fête de la Vierge, le mar-
tyrologe hiéronymien en a une le 18 janvier. Le plus caracté-
ristique peut-être est la fête fixe de la Résurrection le 27 mars.
Grégoire de Tours la mentionne dans l'abrégé qu'il donne du
calendrier de son église au livre X, c. 3 1 de son Histoire des
Francs, édition Arndt, t. I, p. 445, 1. 15 ; ci. Felire Oengusso,
édit. Whitley Stokes, p. lviii.
H. D'A. deJ.
1 . Outre la fête de saint Germain d'Auxerre qui se célèbre le 31 juillet,
il yen avait une autre le r'1' octobre ; celle-ci se trouve dans le Felire, p. cmlix,
cliv. qui l'a prise dans le Martyrologe hiéronymien {Patrologia latina,
t. XXX, col. 477 D; ci. Martyrologe deTallacht, dans le Livre de Leinster,
p. 363, col. 4, ligne 2).
BIBLIOGRAPHIE
Beitraege zur cymrischen grammatik I (Einleitung und
vocalismus), von Max Nettlau, Dr phil. Leipzig, 1887, 2 mark.
Le titre exact de cette première partie du travail de M. Nettlau
serait : Recueil de matériaux pour l'étude des particularités
dialectales du gallois dans les textes en gallois moyen et mo-
derne. A ce point de vue, son travail a une réelle valeur.
M. Nettlau connaît bien les sources imprimées et manuscrites
du gallois ; il est facile de voir qu'il a été à bonne école et
qu'il a eu des guides expérimentés. Il est d'autant plus singu-
lier qu'il n'ait pas senti que son travail manquerait de solidité
et d'une base indispensable, s'il ne commençait par étudier
sur place le gallois parlé. Il est impossible aujourd'hui, et cela
ressort clairement même des études de M. Nettlau, de se faire
une idée exacte du gallois parlé d'après les livres et à plus
forte raison de ses nombreuses variétés dialectales ; les maté-
riaux écrits sofit absolument insuffisants. Or, M. Nettlau part,
et avec raison, du gallois moderne pour pénétrer des particu-
larités dialectales du moyen gallois. Il est juste de reconnaître,
à la décharge de M. Nettlau, qu'une étude des dialectes gallois
actuels demanderait plusieurs années de séjour dans le pays.
Il est regrettable aussi que M. Nettlau n'ait pas étudié plus
sérieusement les particularités dialectales du breton armoricain ;
il y eût trouvé de précieuses indications pour l'explication de
certains phénomènes gallois. M. Nettlau a été obligé lui-même
d'avoir recours au breton et au comique pour établir la relation
de Voi, vieux gallois, oe moyen gallois, au gallois moderne
wy. Il est vrai que pour le breton armoricain lui-même les
120 Bibliographie.
livres ne suffiraient pas. L'orthographe dissimule encore sou-
vent la valeur phonétique réelle des sons, par exemple pour Ye
dans les mots vannetais koer, koct. Koer « cire » = léonard
koar = gall. cwyr se prononce Jcoér; coèt se prononce coet abso-
lument comme en gallois ; boed se prononce en haut-vannetais
huit, en bas-vannetais boet avec e muet français. Quelle est la
raison de ces variations de prononciation ? Elle doit être cher-
chée en partie dans la diversité d'origine étymologique, partie
dans l'influence de la voyelle de la syllabe suivante, partie
dans l'accent.
M. Nettlau adopte l'hypothèse de M. Rhys qu'au vnc siècle
la tribu bretonne des Ordovices aurait bretonnisé les tribus
des Silures, Demètes, des Vencdotiens et des habitants du ter-
ritoire qui a porté plus tard le nom de Powys. En supposant
que ce fait fût établi, et il ne l'est pas le moins du monde,
tant s'en faut, on ne voit pas bien quelle influence il aurait pu
avoir sur la constitution des quatre principaux dialectes gallois :
Powys, Gwent, Dyved, Gwynedd.
J. Loth.
Dictionnaire étymologique et explicatif de la langue fran-
çaise, et spécialement du langage populaire, par Charles Toubin, offi-
cier de l'instruction publique. Paris, Leroux, 1SS6, gr. in-S, xv-775 p.
Il semble que depuis quelques années, certaines études cel-
tiques qui procèdent des ouvrages du fameux La Tour d'Au-
vergne aient un regain de nouveauté. La publication de la
Grcmuuatica ccltica n'a pas fait disparaître en France la race de
ces intrépides celtologues qui donnaient le breton armoricain
pour fondement aux études romanes. Depuis le siècle dernier,
la théorie n'a point changé : le celtique est toujours la langue
qui doit expliquer les noms de lieu et les mots du dictionnaire
français. La forme seule de la doctrine est un peu modifiée.
Les nouveaux celtologues citent la Gnviuiiatica ccltica en tète
de leurs ouvrages ou au bas de leurs pages, et les plus hardis
substituent au breton de France l'irlandais comme représentant
plus fidèle de la langue des Gaulois et de la nôtre.
Nous avons eu l'occasion de parler dans cette Revue de
quelques ouvrages de ce genre, dans lesquels les noms de lieu
Bibliographie. i 2 1
s'expliquaient facilement par le breton moderne, avec l'aide
d'une phonétique spéciale. Le livre considérable dont nous
rendons compte aujourd'hui nous offre l'application à la plu-
part des mots du langage populaire, de la théorie des nou-
veaux celtologues.
M. T., s' appuyant sur les raisons suivantes, d'ordre différent
et de valeur plus ou moins contestable, — savoir : que la Bo-
hême a conservé sa langue sous la domination autrichienne,
que les Espagnols ne parlent point arabe, et que les Irlandais
annexés à l'Angleterre conservent leur langue, sœur de la nôtre,
aussi vivace qu'aux jours de leur indépendance, — M. T.
conclut que les choses n'ont pu se passer autrement dans la
Gaule romaine, et, dès lors, ajoute-t-il, « il parait impossible
« que le celtique ait dans le français une part aussi restreinte
« que celle que lui assigne l'école étymologique actuelle. »
M. T. applique surtout cette thèse aux mots populaires
pour lesquels nous n'avons point les équivalents latins. C'est
ainsi que par suite de la ressemblance relative et fortuite de
mots gaéliques et de mots français, croquemort, gosse, rou-
blard, etc., se trouvent venir du celtique. Cf. irl. crochard
« brancard », gall. givas « garçon », gaél. ro, augmentatif, et
brath « trompeur ». Malheureusement, en général, les mots
celtiques provenant du dictionnaire gaélique d'Armstrong, du
dictionnaire irlandais d'O'Reilly et du dictionnaire gallois
d'Owen Pughe, ressemblent en général assez peu aux mots
français, à moins que ces mots celtiques ne soient empruntés
au latin. Dans ce dernier cas, M. T. triomphe aisément. Mais
s'il n'y a point de mot celtique ressemblant au mot français en
question, M. T. est forcé de se rejeter sur le sanscrit où, par
suite de la grande richesse du vocabulaire, il trouve facilement
un mot qui offre à l'œil, dans un système particulier de trans-
cription, une identité suffisante avec le mot français. C'est ce
qui arrive le plus fréquemment, et si, en théorie, M. T. tire le
français du celtique, en pratique, il le fait dériver du sanscrit.
Aussi n'avons-nous relevé dans ce livre qu'un petit nombre
d'exemples où l'irlandais se trouve seul en face du mot fran-
çais auquel il est censé avoir donné naissance. Le premier
terme de bacca-lauréat s'expliquerait par bcag, irl. mod. « petit »,
122 Bibliographie.
qui pour M. T. est à peu près la même chose que bu-guel,
armor. primitivement « bouvier », cf. fio'j-xâXoç. Cela suffit à
donner une idée de la phonétique propre à M. T., laquelle
d'ailleurs est exposée aux pages 41-54 de son livre. Ajoutons,
pour satisfaire la curiosité du lecteur, que le second terme
de baccalauréat est le latin laurea.
Il est triste de constater en finissant comme les idées de lin-
guistique historique ont peu pénétré dans le public. M. T. ne
songe pas à séparer les mots empruntés des mots appartenant au
fond même de la langue. Il applique aux- uns et aux autres la
même phonétique. D'autre part, la Revue des Deux-Mondes
s'est réjouie de la publication du livre de M. Toubin qui aurait
au moins le résultat d'inquiéter les linguistes sur la solidité de
leurs positions. Enfin, un éminent critique dramatique com-
mençait ainsi très sérieusement son compte rendu de l'œuvre de
M. T. : « Je serais bien ingrat si je ne remerciais pas M. Tou-
« bin des bonnes heures qu'il me donne en ce moment. » Cet
exorde peut nous servir de conclusion.
G. Dottix.
Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Études. Soixante-septième fascicule. Du
parfait en grec et en latin, par Emile Èrnault, chargé de confé-
rences à la Faculté des Lettres de Poitiers. Paris, Vieweg, 1886; gr. in-8,
vi-200 p.
M. E., en étudiant spécialement l'histoire du parfait grec et
latin, n'a pas négligé les rapprochements avec les langues con-
génères. Parmi ces langues, le celtique, comme on pouvait s'y
attendre, occupe une place assez considérable dans la thèse de
M. E. Si la doctrine de l'unité gréco-italo-celtique que soutient
l'auteur peut être contestée dans certains cas, dans la question
du parfait, cette doctrine est plus vraisemblable. L'irlandais a,
en général, mieux conservé que le latin le parfait indo-euro-
péen, et donne lieu parfois à d'intéressantes comparaisons avec
le grec : l'auteur ne paraît pas admettre la doctrine suivent la-
quelle l'a du parfait irlandais, au lieu d'être identique à Vo
grec, serait une voyelle irrationnelle.
La deuxième personne du singulier du prétérit gallois, ex.
clyweis-t « tu as entendu », amène M. E. à expliquer quel-
Bibliographie. 1 2 3
ques formes du prétérit irlandais en -s. A la 3e p. du s. de
ce prétérit, on a, à côté de la forme conjointe car, la forme
absolue caris ou carats. Les langues bretonnes qui ont con-
servé pour les autres personnes de ce temps la forme conjointe
(ire p. s. caris = irl. carus) nous offrent pour la 3e p. du s.
caris, caras, formes correspondant à la forme irlandaise ab-
solue caris ou carats. D'autre part, on trouve au futur en -s,
temps qui offre en irlandais les mêmes désinences que le pré-
térit sigmatique, quelques exemples de troisièmes personnes
du singulier en -si, ex. ainsi-um « il nous protégera ». Il de-
vrait de même avoir existé au prétérit irlandais une 3e p. du
s. en -si, * car si « il a aimé », cf. cr-ceiçsi, et cette forme se-
rait absolue et identique à la 2e p. absolue du s. car si « tu as
aimé », cf. rcstçatç. Or la forme employée comme absolue à
la 3e p. du s., caris, se trouve identique à la deuxième per-
sonne conjointe, caris. Il est donc assez vraisemblable qu'à
l'origine caris « il a aimé » était une forme conjointe, et
qu'il existait à côté une forme absolue *carsi. La troisième per-
sonne conjointe caris, qu'on ne pouvait distinguer de la se-
conde personne conjointe caris a disparu, par raison de clarté,
de la conjugaison conjointe pour remplacer dans la conju-
gaison absolue *carsi qui prêtait aussi à une confusion avec la
seconde personne absolue, mais caris a subsisté dans les lan-
gues bretonnes. Les langues du rameau gaélique auraient alors
crée une troisième personne conjointe, car.
Cet exemple suffit pour montrer l'intérêt de la thèse de
M. E. au point de vue des études celtiques.. Signalons encore
en terminant une note (p. 64-65) sur la double représentation
.en celtique par ci et î de Yë indo-européen : rî à côté de roc,
hir à côté de hwyr, sil à côté de hocdl.
G. D.
Ecclesiological notes on some of the islands of Scotland,
by T.-S. Muir. Edinburgh. David Douglas, 1885, xii-316 p. et 55 pi.
Ce volume est un recueil de notes archéologiques sur les
monuments religieux de quelques îles de l'Ecosse. La plupart
de ces notes avaient déjà été publiées dans des brochures, tirées
à un très petit nombre d'exemplaires et distribuées seulement
1 24 Bibliographie.
aux amis de l'auteur. En tête de ces notes, M. T. -S. Muir a
placé une longue introduction, où il examine rapidement les
principales îles de l'Ecosse qui renferment des édifices religieux
intéressants au point de vue archéologique.
L'ouvrage est donc divisé en deux parties. La première
partie, Notices générales, occupe les pages 1-79. Quatre-vingts
îles environ y sont successivement passées en revue. La seconde
partie (p. 79-309) est divisée en treize chapitres, chaque cha-
pitre traitant d'une île ou d'une' portion d'île. Le plus im-
portant article est consacré aux îles Shetland (p. 1 19-174).
Comme l'indique le titre, l'auteur n'a point suivi de plan
méthodique; la forme qu'il a adoptée est celle d'un journal de
voyage. Les préoccupations archéologiques ne l'empêchent
point d'exprimer ses sentiments personnels. Le savant est
doublé d'un touriste qui ne se refuse pas le plaisir d'admirer
un paysage avant d'examiner en détail un monument. Les des-
criptions techniques sont d'ailleurs rendues vivantes par de
nombreuses gravures dans le texte et trente-cinq planches hors
texte, reproduites d'après les dessins mêmes de l'auteur.
Un index très complet facilite les recherches. Nous y re-
marquons une longue et intéressante liste de saints celtiques
auxquels sont dédiés divers sanctuaires des îles écossaises.
Le livre de M. T. -S. Muir est une œuvre considérable, sa
première notice par ordre chronologique est du 9 sep-
tembre 1850; la dernière est datée du mois de juillet 1871.
Le rapprochement de ces deux dates suffit pour montrer com-
bien a été long le travail dont ce précieux recueil est le résultat.
G. D.
Le Mystère de Sainte Barbe, tragédie bretonne, texte de 1557 pu-
blié avec traduction française, introduction et dictionnaire étymologique
du breton moyen, par Emile Ernault, professeur à la Faculté des Let-
tres de Poitiers. Paris, Thorin, 1887 ; in-4, xu-404 p.
L'ouvrage de M. E. se compose de deux parties bien dis-
tinctes : le mystère de sainte Barbe (p. 1-187), et le diction-
naire du moyen breton (p. 193-400). Il contient en outre
une introduction, p. i-xn, et un errata, p. 400-404.
Bibliographie. 1 2 <;
La première édition connue du mystère de sainte Barbe a été
imprimée à Paris en 1557. M. de La Villemarqué a pu en faire
la copie sur un exemplaire incomplet appartenant à un parti-
culier. C'est cette copie que M. E. publie aujourd'hui en com-
blant les lacunes qu'elle présente au moyen d'une seconde édi-
tion parue en 1647 chez Ian Hardovyn, à Morlaix1. M. E. a
reproduit pour les bibliophiles le texte de l'édition de 1557. Les
fautes de ce texte sont corrigées en note pour les celtistes. Les
variantes de la seconde édition (1647) sont reproduites éga-
lement en notes. Peut-être .pouvons-nous regretter, en qualité
de celtiste, que M. E. ne nous ait pas donné une véritable
édition du mystère de sainte Barbe, en faisant passer dans le
texte les bonnes leçons de l'édition de 1647 et les corrections
qu'il nous propose, et en réservant pour les notes les variantes
peu importantes de l'édition de 1647 ou les leçons fautives de
l'édition originale.
Il est intéressant de rapprocher le mystère breton de sainte
Barbe des deux mystères français du même nom, l'un ma-
nuscrit, l'autre imprimé, qui se trouvent à la Bibliothèque
nationale2. Le mystère français manuscrit, en cinq journées,
est beaucoup plus développé que le mystère breton, il n'a point
le même plan et contient un grand nombre d'épisodes qui ne
se rencontrent point dans ce dernier. Le mystère français im-
primé, au contraire, se rapproche beaucoup du mystère breton.
Cependant le mystère breton n'est pas dérivé du mystère fran-
çais imprimé tel que nous le possédons. Le mystère français
imprimé et le mystère breton dérivent d'une source commune
qui n'est pas la source du mystère français manuscrit. Le plan
est à peu près le même dans les deux, et la plupart des épisodes
leur sont communs. Mais le mystère breton et le mystère
français contiennent chacun un certain nombre d'innovations.
Les personnages du maître d'école, d'Origène, de Valentin,
de la Conscience, ne figurent point dans le mystère français.
Les noms des tyrans, comme les noms de bergers, ne sont
1 . Cette édition se trouve à la Bibliothèque nationale ; elle est cotée Y.
6186. Réserve.
2. Le manuscrit est coté fr. 976, ancien 7299, 3. Cangé 11. L'imprimé
est coté acquisitions 29234. Réserve.
I26 Bibliographie.
point les mêmes dans le mystère français et dans le mystère
breton. D'autre part, le mystère français contient plusieurs
épisodes qu'on ne retrouve point dans le mystère breton, tels
que la scène entre les trois suivantes de Barbe qui jouent aux
cartes, et des personnages nouveaux : la reine, l'empereur
Marcian, la folle femme.
Au point de vue littéraire, le mystère français est bien su-
périeur au mystère breton pour la vivacité du dialogue et
l'originalité de l'expression. Le mystère français est débarrassé
de toutes les longueurs qui gâtent les plus belles scènes du
mystère breton. Le long discours pédantesque que dans le
mystère breton Barbe tient à son père, lorsqu'elle est sur le
point de mourir, est remplacé dans le mystère français par
quelques paroles touchantes. Au lieu de réfuter logiquement
les raisons que lui donne son père et de le couvrir d'injures
quand elle voit qu'elle ne peut le fléchir, Barbe, dans le
mystère français, invoque pour toute raison les liens du
san<* : « Pitié devez avoir de moi qui suis issue de votre
nature ». Les détails réalistes du martyre de sainte Barbe
sont encore exagérés dans le mystère breton qui, sur les points
communs aux deux mystères, est en général une amplifi-
cation assez maladroite du mystère français.
Quoi qu'il en soit de la valeur littéraire du mystère breton
de sainte Barbe, son importance est considérable au point de
vue de l'étude du moyen breton.
Le dictionnaire étymologique qui accompagne la vie de
sainte Barbe est tiré pour la plus grande partie des mystères
moyen bretons imprimés jusqu'ici et du Catholicon. Il ne con-
tient pas le relevé des mots que l'on rencontre dans les cartu-
laires du moyen âge. C'est ainsi qu'on peut s'étonner de ne
pas y trouver le mot trev « territoire d'une succursale », qui
est très commun dans les chartes.
Mais si on excepte les quarante-deux pages de glossaire
mises par M. Wh. Stokes à la fin de ses Middle Breton hours,
c'est la première fois qu'un dictionnaire breton contient des
rapprochements scientifiques avec les autres langues indo-euro-
péennes. Ces rapprochements sont en général heureux, et quel-
ques-uns sont nouveaux. Ainsi M. E. compare avec raison
Bibliographie. 1 27
l'irlandais airde = * arevidion au breton argoe% « intersigne » ;
le breton argourou « dot » = ar-go-b\e]rou au grec çepvrç, etc.
Nous soumettrons néanmoins quelques critiques à l'auteur.
P. 238, au mot cadarn. Le point d'interrogation que se pose
M. E., après avoir comparé catus et yipw, me semble
fort bien placé.
P. 248, au mot cleçeff. L'irlandais claideb représente non pas
cladivo-s mais * cladibos, gallois cleddyf.
P. 250. M. E. cite au mot œil « perte » le gaélique caill. Il
aurait aussi pu rapprocher l'irlandais œil qui semble
bien être le même mot que le breton coll.
Peut-être pourrait-on encore regretter la fâcheuse disposition
typographique du dictionnaire. Des mots absolument diffé-
rents se trouvent confondus dans le même article, sans doute
pour ne pas perdre de place. L'emploi des caractères gras pour
distinguer les mots qui font l'objet d'un article ne remédie
qu'en partie à cet inconvénient. De plus, le même mot n'est
pas répété plusieurs lois s'il a plusieurs orthographes. Il est
quelquefois difficile de trouver rapidement un mot dans une
de ces grandes pages.
Comme on le voit, nos critiques ne portent que sur quel-
ques points de détail. La publication de M. Ernault n'en est
pas moins une œuvre considérable qui a fait entrer la lexicogra-
phie bretonne dans une voie nouvelle et vraiment scientifique.
G. D.
Royal Itish Academy. Todd lecture séries. Vol. II, part. 11. The pas-
sions and the homiîies from Leabhar Breac : text, transla-
tion and glossary, by Robert Atkinson, M. A., LL. D., professor of
Sanscrit and Comparative Philology in the University of Dublin and
Royal Irish Academy 's Todd Professor of the Celtic Languages. Lon-
dres, Williams and Norgate, 1887; gr. in-8, vi-958 p.
Ce volume, dont l'utilité ne peut être contestée, se com-
pose de trois parties principales : i° reproduction de textes ir-
landais, p. 41-275 ; 2° traduction anglaise de ces textes,
p. 277-514; 30 glossaire irlandais-anglais des mots compris
dans les textes qui composent la première partie, p. 515-950.
On trouve en outre une préface, p. iii-iv; une table des ma-
1 28 Bibliographie.
tières, p. v-vi ; une introduction, p. 1-40; un index des noms
propres, p. 951-957; et un errata, p. 958. La plus grande
partie de l'introduction a été déjà publiée sous le titre de
Irish Lexicography , et il en a été rendu compte dans la Revue
critique1. Nous allons ici la laisser de côté et nous occuper
des trois sections fondamentales du livre de M. Atkinson :
textes, traduction, glossaire.1
Les textes appartiennent tous sans exception à la littérature
ecclésiastique. Le but que s'est proposé l'éditeur en les pu-
bliant a été d'offrir aux débutants un sujet d'étude qui leur
présente peu de difficultés. Il est certain que ces textes sont
plus aisés à comprendre que les documents réunis par les sa-
vants auxquels nous devons les Irische Texte. Le défaut des
pièces que nous donne M. Atkinson est de manquer d'origi-
nalité. Il les a classés en deux sections : les passions, au
nombre de quinze ; les sermons, au nombre de vingt-un ; or,
aucun de ces morceaux ne concerne un saint irlandais. Les
auteurs ont été inspirés par des documents latins composés
sur le continent. M. Atkinson indique lui-même une partie de
ces documents latins en tête de ses traductions2.
Comme le titre l'annonce, M. A. s'est borné à reproduire
un seul manuscrit; il s'est cependant préoccupé de la ques-
tion de savoir si les documents qu'il publie ne nous auraient
pas été conservés ailleurs que dans le Leabhar Breac, et ses re-
cherches à ce sujet lui ont appris que dans les manuscrits :
i° du British Muséum, Egerton 91', 92-+, 136^; 20 du col-
lège de la Trinité de Dublin, H. 2. 16 (Livre jaune de Lc-
can) 6, enfin dans le Book of Fermoy de l'Académie royale
d'Irlande 7 se trouvent d'autres copies ou d'autres rédactions
des morceaux conservés par le Leabhar Breac. Il nous donne,
p. 948, quelques variantes des mss. Egerton. Il réserve pro-
bablement les autres variantes pour une publication supplé-
1. Voir année 18S6, p. 95-96.
2. P. 277, 286, 293, 29s, 300, 304, 309, 313-314, 324, 329> 359» 392-
3. Voyez p. 293, 300, 304, 309, 313, 329 du livre de M. A.
4. P. 293 du livre de M. A.
5. P. 300 du livre de M.. A.
6. P. 304 et 359 du livre de M. A.
7. P. 314 du livre de M. A.
Bibliographie. 129
mentaire. Je ne suis pas d'ailleurs convaincu que M. Atkinson
donne l'indication complète des manuscrits. Ainsi, à propos des
Passions de Jésus-Christ publiées p. 113 et suiv. et dont on trouve
la traduction 'à partir de la page 3 59, le savant éditeur ne dit rien
du manuscrit H. 2. 17 du collège de la Trinité de Dublin, recueil
de fragments du xve et du xvie siècle. Or, dans ce manuscrit, p. 99,
col. 2, il y a, suivant la copie du catalogue d'O'Donovan que je
possède, le commencement de : « an account of the passion of
Christ » qui se termine inachevé p. 1 10 b. Si je m'en rapporte
aux notes que j'ai prises autrefois à Dublin et qui m'ont attiré
une si verte semonce de M. Zimmer, le titre de ce document
est ainsi conçu : Incipit do pais Crist andso sis. On retrouve
encore la Passion de Jésus-Christ dans le même manuscrit,
p. 400-422. Quel rapport y a-t-il entre ces morceaux et la
Pacio XPI secundum Bernardum conservée par le manuscrit
Egerton 1781, fol. 38, ou, si l'on veut, p. 75 ? Je suis très
mal placé pour contrôler les recherches de M. A. lorsqu'il
s'agit de manuscrits conservés dans les Iles Britanniques.
Mais ce que je crois pouvoir dire est que, lorsqu'on voudra
donner une édition définitive des textes publiés par M. A.,
on fera bien de consulter à la Bibliothèque nationale le ma-
nuscrit fonds celtique, n° 1 . On peut dresser le tableau de
concordance suivant, qu'une étude plus approfondie pourra
compléter ou même rectifier1.
TITRE
Pages de l'édition Folio du ms. fonds
de M. A. celtique n° i
Sermon sur la Cène 181 109 r°
Sermon sur la Pénitence 220 104 v°
Sermon sur l'Oraison Dominicale 259 87 v°
Sermon sur la Mort (dialogue du corps et de
l'âme) 266 12 v° et 72 v° *
Sermon sur le Jeûne 274 15 r°
Je suis loin d'avoir collationné avec le fac-similé du Lea-
1 . Le manuscrit fonds celtique n° 1 étant actuellement sorti, je n'ai pu
faire entre ce manuscrit et l'édition de M. Atkinson la collation à laquelle
j'aurais procédé s'il m'avait été possible d'emprunter ce manuscrit.
2. Dans le fonds celtique n° 1, ce document commence ainsi : Domine
quis habitabit in tabemaculo tuo aut quis requiescet in monte sancto tuo.
Revue Celtique, IX 9
i jo Bibliographie.
bhar Brcac la totalité de l'édition donnée par M. A. Mais à en
juger par les vérifications que j'ai faites, le nombre des erreurs
commises par lui ne dépasse pas ce qui est inévitable. Je si-
gnalerai par exemple à la page 259, ligne 7831, le génitif
deiuna de l'infinitif dénum ; il est écrit avec un apex sur Yc :
dénma. Cet apex manque dans le fac-similé, p. 248, col. 1,
1 59-. .
Voici une critique un peu plus sérieuse : M. A. a adopté un
système qui me semble dans un certain nombre de cas
changer sans avantage aucun la forme ' des documents qu'il
publie. Souvent, comme les prédicateurs catholiques mo-
dernes, l'auteur du document irlandais cite en latin des pas-
sages de la Bible, puis il donne, immédiatement après, la tra-
duction irlandaise de ces textes latins. M. A. retranche ces
textes latins des documents irlandais et les rejette dans sa tra-
duction anglaise où il les intercale, et il croit inutile de nous
dire en anglais comment en irlandais ces textes ont été
traduits.
Il y a pourtant des circonstances où il pourrait être inté-
ressant de savoir comment un texte biblique a été compris au
moyen âge par les théologiens irlandais. J'en emprunterai un
exemple à un morceau bien connu de tous les chrétiens. C'est
le premier membre de phrase de saint Mathieu, c. VI, ver-
set 13, c'est-à-dire l'avant-dernier article de l'oraison domi-
nicale : ym [ayj ebsviyy.Y]; r^aç el; zeipaspiv ; dans la Vulgate : et
ne nos inducas in tentationem. Je crois qu'il n'y a pas beaucoup
de passages de la Bible qui ait davantage attiré l'attention des
théologiens. La Vulgate est simplement un calque du texte
grec ; on peut en dire autant de la traduction française vul-
gaire : « et ne nous induisez point en tentation ». La traduction
irlandaise du Lcabhar Breac, p. 248, col. 1, 1. 54-55 : ocus ni-
Ro fiarsaid Daibit mac Iase. C'est le début du morceau publié par M. At-
kinson, p. 266. Dans le manuscrit H. 2. 16 du collège de la Trinité de Du-
blin, col. 851, sur la dernière ligne, on trouve le titre : Akalla/w in chuirp
acus na-hanma anso. Puis se trouve, col. 852-857, un traité que termine la
date de 1391 inscrite par le scribe auquel nous devons cette copie. Ce traité
est-il le même que celui qu'a publié M. Atkinson ? Si je comprends bien mes
notes, le texte du ms. H: 2. 16 commencerait par les mots : Unicuique ani-
mae duo exercitus occurrunt. A vérifier.
Bibliographie. 1 5 1
r-lecea sinà in.-am.us n-dofulflf/;/ai : « et nous abandonnez pas
dans une tentation insupportable » est un véritable commen-
taire, d'une valeur bien supérieure à celle de la vieille version
française que me signale M. Samuel Berger : « ne souffrez
mie que nous soyons conduits en tentation ». Or, en consé-
quence du système que nous venons de signaler, M. A. n'a
pas traduit l'irlandais : ocus ni-r-lecea siwd in-amw n-dofu-
lacbtai. Dans sa traduction anglaise, à la page 495, au lieu de
la traduction du passage irlandais que nous venons de citer,
nous trouvons reproduit le texte latin enlevé du texte irlandais
où il était intercalé : et ne nos inducas in temptationem.
Les parties de la traduction anglaise que j'ai lues jusqu'à
présent m'ont satisfait. Il me semble qu'en un certain nombre
de cas on pourrait en français serrer le texte de plus près, je
n'oserais dire qu'en anglais ce soit la même chose. Il y a une
circonstance où je prends le parti de M. A., auteur de la tra-
duction, contre M. A., auteur du dictionnaire. Dans la Pas-
sion de saint Philippe, on voit qu'avant de mourir saint Phi-
lippe convoqua les prêtres, les diacres et les évêques des cités
voisines et leur dit : « Rappelez-vous l'enseignement de Jésus-
Christ ». Biid siu cuim[n]igt/;i \-iorcet\A i;z-c6imded Lu Crist.
(Leabhar-Breac , p. 180, col. 1, ligne dernière, col. 2, 1. 1 ;
cf. Atkinson, p. 112, 1. 2.537-2538). La traduction de M. A.
est: « Remember ye the teaching of the Lord » (p. 357).
« Rappelez-vous l'enseignement du seigneur (j'aurais ajouté
Jésus-Christ). Dans son glossaire, p. 620, col. 1, au mot
cuindrigim, M. A., revenant sur sa première impression, qui
était, je crois, la bonne, propose de corriger cuim[n]igtbi en
cuinrigthi et de traduire : « be ye chastened in the instruc-
tion of the Lord ». C'est-à-dire : soyez châtiés dans l'ensei-
gnement du Seigneur ». Il aurait mieux fait de placer cuim-
\_n\igthi à la page précédente (619) dans l'article consacré au
mot cuimnigim, en comprenant que les paroles mises dans la
bouche de saint Philippe sont une répétition abrégée du ver-
set 17 de Pépitre de saint Jude : 'Yjjieïç ci ôyoïcirjToi |A9ifc(h[te xm
pY](xaTO)V twv 7:pos'.Cï][jt.iva}7 Otto twv ^7:c7icXoi)v toD y.'jptcu vj^ûv 'Iy]-cj
Xpiarou.
Le glossaire sera, je crois, la partie du livre qui rendra le
Ij2 Bibliographie.
plus de services. C'est du reste celle qui a donné le plus de
peine à l'auteur. Ce glossaire comprend 436 pages à deux co-
lonnes, de 48 lignes chacune. Celui que M. Windisch a mis à la
fin du tome premier des Irische Texte et qui a fait faire aux
études celtiques un si grand progrès est aussi à deux colonnes,
il n'a que 110 pages de plus. Chaque page doit contenir à
peu près la même quantité de matière ; car si M. Windisch a
dans ses pages six lignes de plus que M. Atkinson, les lignes
de M. A. contiennent quelques lettres de, plus que celles de
M. Windisch.
Le glossaire de M. A. est loin de renfermer tous les mots
qui sont dans celui de M. Windisch, mais par compensation
il en donne un certain nombre qui manquent chez M. Win-
disch. Ainsi je signalerai à la page 521 de M. A. le mot Abb-
daine « abbotship », « supremacy » qui manque chez M. W. ;
on le trouve, il est vrai, chez O'Reilly , mais avec un sens er-
roné « the religious belonging to an abbey ». A la môme page
de M. A. le mot abstanait (abstinentia) fait également défaut
chez M. W. *. Dans certains articles dont le correspondant
existe chez M. W., M. A. ajoute quelques bonnes observations
à celles que M. W. a déjà faites. Ainsi M. Windisch, p. 338,
col. 2, dans le savant article qu'il consacre au pronom pos-
sessif de la troisième personne du singulier a « son », fait
observer que, joint à l'infinitif, ce pronom désigne l'objet. La
règle donnée par M. A., p. 516, col. 2, est plus complète:
« It is in very common use before infinitives to dénote the
subject or the object ofthe verb, accordingas itis intransitive
or transitive ». Quand le verbe est transitif, a désigne l'objet ;
quand le verbe est intransitif, a désigne le sujet.
Chez M. W., p. 343, col. 1, on lit acarb = latin acerbus.
M. A., p. 521, col. 2, nous dit: « acarb, probably ath-garb,
with admixture of Latin acerbus ». Il y a là une légère erreur.
Le préfixe tonique aîh- n'existe pas. Le savant celtiste a
voulu écrire ad-; * ad-garb donne accarb avec deux c (Revue
Celtique, VI, 136). Dans son article Acarb, M. A. a réuni
1 . On trouve ces deux mots dans les excellents Indices de MM. Gùterbork
et Thurneysen, mais sans traduction.
Bibliographie. i j j
trois exemples de la variante accarb avec deux c. Le latin acer-
bus donnerait acharb en irlandais ; comparez acher = latin
acer, Windisch, p. 343, col. 2. On peut donc croire, contrai-
rement à 4a doctrine de M. Windisch, que l'irlandais acarb
est un composé d'origine irlandaise.
Nous venons de signaler dans cet article acarb une petite
erreur, th pour à. Les formules dont M. A. se sert manquent
quelquefois de précision ou même d'exactitude. Ainsi, p. 521,
à l'article acall- : « the enclitic form is from the root ad-
glad- ». Il n'y a pas de racine ad-glad et s'exprimer ainsi est-
dangereux devant de jeunes étudiants. A la page 578, col. 1,
M. A. prétend que cengul est l'infinitif de cenglaim. Il serait
plus exact de dire que cenglaim est un verbe dénominatif dé-
rivé de cengul qui est le latin cingulum. Cornus « power »,
p. 606, col. 1, vient non pas de la racine mid par i, comme le
dit M. A., mais de la racide med, pars. Le simple mess, p. 800,
col. 1 (d'où cornus, grâce au préfixe accentué com-} = *med-
tu- et non *mid-tu-. * Mid-tu- donnerait miss comme *bitu-,
bith ; *-vidu-, fid.
Je penche à croire que le verbe aichnim « to commend »,
p. 526, col. 2 (L. B., p. 162, col. 2, 1. 57; p. 167, col. 1,
1. 41), n'existe point et qu'il faut lire aithnim par un t. Ce verbe
estle même que le verbe aithnim « to order », p. 535, col. 2,
qui a été étudié par M. Thurneysen, R. C, t. VI, p. 137,
et par M. Windisch dans son glossaire, p. 357. Cf. timna chez
Windisch, p. 824, 825, et chez Atkinson, p. 921, col. 21.
Je terminerai par une observation qui a rapport à un des
grands progrès que les études celtiques ont faits dans ces der-
niers temps. Il s'agit de la loi de l'accent déjà en partie saisie
par M. Windisch à l'époque où il a rédigé son excellente
grammaire élémentaire du vieil irlandais (1879), mais qui a
été pour la première fois exposée avec tous les développements
qu'elle mérite cinq ans plus tard, par M. Zimmer dans la se-
conde livraison de ses Keltische Studien et par M. Thurneysen
1. Aithnc veut dire à la fois « dépôt, mandat et commandement ». Le
vieil irlandais confond ces trois idées, que la langue plus précise du droit
romain et du droit moderne distingue nettement.
134 Bibliographie.
dans le tome VI de la Revue Celtique. Ces deux savants ont
fait d'une manière indépendante chacun les mêmes décou-
vertes. M. A. a voulu profiter de leurs travaux si remarquables.
On sait maintenant qu'en général, sauf les verbes dénomi-
natifs, tous les verbes composés se présentent en vieil et moyen
irlandais sous deux formes, l'une accentuée sur le premier
terme et l'autre accentuée sur le second et que la chute de la
voyelle posttonique rend quelquefois très difficile la constata-
tion de la communauté d'origine de ces deux formes.
M. A. paraît s'être proposé pour but de réunir en un seul
article les deux formes de chaque verbe ; malheureusement il
met cet article unique tantôt à la place où l'ordre alphabétique
appelle la forme accentuée sur le second terme, tantôt à la
place qu'exige la forme accentuée sur le premier terme.
Ainsi, à la page 644, col. 1, nous trouvons diluigim « to for-
give » forme accentuée sur le premier terme, et l'article com-
prend un exemple de forme accentuée sur le second terme :
dollogfailher. On chercherait inutilement a la page 667 doluigim
dont doUogfaither est le futur passif à la troisième personne
du singulier.
Mais ce n'est pas le procédé ordinaire de M. A.
' Ordinairement, quand M. A. a recueilli dans ses textes les
deux formes d'un verbe, l'article qui concerne ce verbe se ren-
contre à l'endroit où l'ordre alphabétique appelle la forme
dont le premier terme est atone ; et quand on arrive à l'en-
droit où, suivant l'ordre alphabétique, la forme accentuée sur
le premier terme se présente, on trouve un renvoi à la pre-
mière forme, par exemple sous dogniin, p. 665-666, on trouve
dènahn, etc. ; sous doberim, p. 661-662, tabair, etc. A la
p. 634, l'article délia consiste en un simple renvoi à dognim ;
à la p. 890, l'article tabair se borne à nous renvoyer a do-
berim.
Mais fort souvent M. A. n'a relevé dans ses textes que la
forme accentuée sur le premier terme, et alors l'article se
trouve là où l'ordre alphabétique exige la présence de cette
forme. M. A. a donc suivi deux systèmes de classement, il ex-
pose par là ses lecteurs à des pertes de temps qu'il leur au-
rait évitées en adoptant toujours l'ordre alphabétique demande
Bibliographie . 135
par la forme qui porte l'accent sur le premier terme, sauf à
renvoyer, s'il y a lieu, de l'autre forme à celle-là. .
M. A. a cru devoir, en certains cas, renvoyer aux Keïtische
Studien, II, de M. Zimmer, et au t. VI de la R. C. (article
de M. Thurneysen) où sont réunis de nombreux exemples des
deux formes verbales tirées de textes vieil irlandais. Ainsi,
à l'article diluigim, cité plus haut, nous trouvons le renvoi à
R. C, VI, 141, et à K. St., II, 42 et suivantes, où ce verbe
est savamment étudié ; de même à l'article acall-, M. A. ren-
voie à R. C, VI, 136, et à .Zimmer [II], 17, 68. Je ne puis
deviner pourquoi à l'article condaigïm, il n'est rien dit de K.
St., II, 87-89; ni de R. C, VI, 140; — pourquoi à l'article
conicim, il n'est pas mention de K. St., II, 74-80, ni de R.
C, VI, 140; — pourquoi à l'article dobcrim manque le renvoi
à K. St., II, 112-114; et à R. C, VI, 147-148; — pourquoi
à l'article dognim il n'est pas question de K. St., II, 98-108;
ni de R. C, II, 140-141 ; — pourquoi à l'article tormaig, le
silence est gardé sur K. St., II, 44; et sur R. C, VI, 149, etc.
Ce qui me parait surtout singulier, c'est de voir dans un
nombre considérable de cas M. A. renvoyer à la R. C, VI,
c'est-à-dire à l'article de M. Thurneysen et ne rien dire des
K. St. Pour mon goût, je préfère de beaucoup le mémoire si
judicieux de M. Thurneysen à celui de M. Zimmer qui mêle à
une science et à une verve incontestables des fantaisies gram-
maticales et historiques souvent si étranges, mais ce n'est pas
une raison pour refuser de rendre justice à ce savant. Si, une
fée, d'un coup de baguette, faisait de moi un jeune homme à
marier, changeait M. Zimmer en une jeune et jolie fille pour
me l'offrir en mariage, je n'hésiterais pas un instant à répondre
par un refus ; mais cela ne m'empêche pas de constater que
dans K. St., II, 47-49, air mini est étudié plus complètement
que dans la R. C, VI [136], à laquelle, p. 533, M. A. renvoie.
Même dans les cas où MM. Zimmer et Thurneysen ont re-
levé le même nombre d'exemples et dans ceux où M. Thur-
neysen a la supériorité, il me semble qu'à la place de M. At-
kinson je les aurais cités tous les deux.
Ces quelques critiques ne portent que sur des détails acces-
soires, et il ne faut pas hésiter à féliciter M. Atkinson de son
1 36 Bibliographie.
intéressante et utile publication. Elle rendra grand service à
bien des celtistes, débutant ou non ; elle sera trouvée bien
commode par les personnes pour lesquelles les traductions al-
lemandes de M. Windisch sont un épouvantail. Hélas ! la
vieille maxime est toujours vraie : graecum est, non legiiur : et
même en France on ne dit pas cela de l'anglais.
H. d'Arbois de Jubain ville.
Peredur ab Efrawc, edited with a glossary,- by Kuno Meyer. Leip-
zig, Hirzel, 1887; in-8, iv-84 p.
Ce volume se compose de trois parties principales : le texte,
p. 1-39, les remarques grammaticales sur le texte, p. 40-44,
le glossaire, p. 45-82. Il contient aussi un index des noms
propres, p. 83, et une liste de corrections, p. 84.
Le texte publié par M. Kuno Meyer est établi d'après une
collation, faite par lui en 1884, du manuscrit original avec
l'édition de Lady Guest. Il est regrettable que M. Kuno
Meyer n'ait pu profiter à temps de la reproduction du livre
rouge d'Hergest publiée par M. Gwenogfryn Evans. M. Kuno
Meyer a dû se borner à donner dans sa prélace une liste de
corrections où il substitue à son texte les leçons de l'édition
de M. Gwenogfryn Evans quand ces leçons ne sont pas des
fautes manifestes du scribe. Ainsi dans Peredur (édition Kuno
Meyer, p. 36, 1. 5), la reproduction du livre rouge porte
chfranc (éd. Evans, p. 238, 1. 20) ; ce mot a été corrigé avec
raison en chyfranc par M. K. M.
Dans les remarques grammaticales, M. Kuno Meyer relève
soigneusement les différentes notations orthographiques du
même son qui se rencontrent dans le texte, et signale les prin-
cipales particularités de la déclinaison et de la conjugaison. Il
donne les équivalents en gallois moderne des tonnes du gal-
lois moyen.
Le glossaire est la partie la plus intéressante du livre de
M. Kuno Meyer. Les mots y sont relevés avec renvoi aux
passages où ils se trouvent. L'étymologie des mots est, s'il y
a lieu, sommairement. indiquée. L'irlandais et le latin tiennent
la première place parmi les langues qui donnent lieu à d'in-
Bibliographie. 1 37
téressants rapprochements. Ces rapprochements sont en gé-
néral exacts. Nous ferons cependant quelques critiques à
l'auteur.
P. 47. M.. K. M. compare l'irlandais ansa, v. i. anse = *an-
asse au gallois anaivdd « difficile ». Il semble bien pourtant
que ces deux mots n'aient aucun rapport entre eux. L'irlandais
asse est peut-être parent du gothique a%éts par lequel on ex-
plique le français aisé. Quant au mot gallois, faut-il le recon-
naître dans le premier terme de l'irlandais sâd-aile « ease » ?
P. 58, au mot di-anc. On attendrait pour le second terme
la comparaison avec l'irlandais icim, parfait anac. Le gallois
anc nous offrirait la forme faible de la racine.
P. 73. Nés « plus près » est identique à l'irlandais nessa
auquel M. K. M. ne renvoie point.
P. 59. Au mot diwarnaivt M. Kuno Meyer ne cite point le
latin diurnata, participe féminin de diurnare. Il est pourtant
intéressant de constater que le mot gallois vient du latin et
n'est point emprunté du français journée, plus anciennement
joméde.
P. 77. De même M. K. M. ne dit pas que le gallois ryfel
est vraisemblablement emprunté au bas latin rebellum ou même
à l'adjectif latin classique rebellis.
P. 51. Le mot cann est expliqué par le latin canere. Il est
bien difficile de ne pas considérer comme d'origine celtique
l'irlandais canim dont M. K. M. ne dit rien et qui a fourni
de nombreux composés.
P. 73. Il est de même assez invraisemblable que nos soit la
transcription galloise du latin nox, puisque ce mot existe
dans les autres dialectes celtiques. L'irlandais nocht représen-
terait un cas oblique celtique à rapprocher du latin noctem et
de même nos représenterait le nominatif celtique qui corres-
pond au nominatif latin nox. On trouve le cas indirect dans
l'adverbe composé he-no (p. 67) dont M. K. M. n'a pas cité
l'équivalent irlandais innocht.
P. 72. Enfin, bien que M. K. M. s'abstienne de citer le
breton de France, il peut être nécessaire néanmoins de donner
la forme armoricaine quand elle est mieux conservée que la
forme galloise. C'est ainsi qu'au mot mynydd M. K. M. aurait
Revue Celtique, IX 9.
1 38 Bibliographie.
pu citer le vieux breton monta que l'on trouve comme second
terme du composé Win-monid dans une charte de 852 (Car-
tulaire de Redon, p. 367).
Ces critiques ne portent en général que sur des omissions
d'importance secondaire. Le livre de M. Kuno Meyer est une
excellente publication qui rendra de grands services aux étu-
diants et contribuera à faciliter l'étude du gallois moyen.
G. D.
History of Sligo county and town from the earliest âges
to the close of the reign oî queen Elisabeth, by W.-G. Wood-
Martix. Dublin, Hodges, Figgis and Co. 1882. in-8, xiv-411 pages,
avec planches et cartes.
Cet ouvrage, qui nous arrive un peu tardivement, est écrit
avec talent. On le lit avec plaisir. Bien que l'auteur soit re-
monté aux sources, il a composé un ouvrage de littérature
plutôt qu'un livre d'érudition. A la page 153, ce savant re-
produit une inscription publiée par Miss Margaret Stokes,
Christian inscriptions in the Irish language, t. II, p. 15, et
pi. IX, n° 17, Omit DO MUREDACH HU ChOMOCAIM — HIC
dormit. « Priez pour Muredach, petit-fils de Comocan. Il dort
ici ». M. Wood Martin traduit hù Chomocain « petit-fils de
Comocan » par « grandson of Chomocain ». Les lois de la
grammaire irlandaise veulent que Comocan soit mis au génitif
et que son initiale devienne spirante ; mais ces lois n'existent
pas en anglais. L'éminent archéologue n'est pas linguiste. En
m'envoyant son livre, il m'a demandé un coup de scalpel, le
voilà.
H. D'A. de J.
CHRONIQUE
SOMMAIRE : I. Les Annales de Bretagne ; — II. Mort de M. Charles Robert; — III. Mémoire
de M. R. Dareste dans le Journal des Savants sur le droit irlandais; — IV. Rapport de M. Thur-
neysen sur la Philologie Celtique; — V. Hayne's observations ou the slate ofïreland; — VI. The
Celtic Magasine et la littérature irlandaise en Ecosse ; — VII. Thèse de M. Pluzanski sur Duns
Scot; — VIII. Le Répertoire de bio-bibliographie bretonne de M. Kerviler ; — IX. La société
des traditions populaires ; — X. Le tome XIV du C. I. L. et l'étymologie du nom d'Avenav
(Marne) ; — XI. Le dictionnaire de mythplogie grecque et romaine de M. Roscher ; — XII. L.:
Deutsche Altertumskunde de K. Mùllenhoff; — XIII. Le livre de M. Martins Sarmento sur les Argo-
nautes ; — XIV. Nouvelles étymologies celto-romanes par M. Ascoli ; — XV. Etudes de M. G.
Paris et de ses élèves sur le cycle de la Table Ronde ; — XVI. Une œuvre posthume de
M. Richey ; — XVII. Les noms des divinités gauloises du midi de la France ; — XVIII. Une
thèse de doctorat sur les Galates ; — XIX. La Société celtique de Montréal.
I.
Le tome II des Annales de Bretagne publiées par la Faculté des Lettres de
Rennes (novembre 1886 à juillet 1887) contient de nombreux articles inté-
ressant la philologie celtique qui sont dus pour la plupart à notre savant
collaborateur, M. Lolh.
M. Loth avait commencé dans le tome premier des Annales de Bretagne
la publication d'une chrestomathie bretonne (Armoricain, Gallois, Cor-
nique) ' . Après avoir donné dans ce volume une introduction traitant des
changements phonétiques causés par le déplacement de l'accent en breton,
et un examen des principales particularités du vieux celtique (gaulois du
continent et des Iles-Britanniques), M. Loth publie dans le tome II les plus
importants documents écrits en vieil armoricain et commence l'étude du
breton moyen par des extraits de documents antérieurs au XVe siècle. Les
documents du vieil armoricain, outre une dizaine d'inscriptions lapidaires
qui ne comprennent guère que des noms propres et sont pour la plupart
d'une lecture douteuse, comprennent les gloses armoricaines (p. 54-62); la
liste alphabétique des principaux noms bretons contenus dans les vies des
saints (p. 227-234) et dans les chartes p. 234-254, 378-436).
M. Loth ne donne dans sa Chrestomathie que les plus importantes des
gloses et celles dont la lecture ou le sens ne sont point douteux. La liste
des noms contenus dans les vies des saints et dans les chartes est d'une im-
portance considérable pour nos études. Elle rectifie sur un grand nombre de
points des leçons fausses ou des lectures mauvaises. Les vies des saints qui
ont servi de base à ce travail sont, par ordre chronologique, celles de saint
Samson, saint Paul-Aurélien (Revue Celtique, V, 413), saint Winwaloe,
saint Ninnoc, saint Gildas, saint Brieuc.
1 . Voir Revue Celtique, t. VII, pp. 285, 449.
140 Chronique.
Les chartes consultées sont celles du Cartulaire de Redon et du Cartulaire
de Landévennec. M. Loth a mis aussi à profit une charte originale du
xi<= siècle publiée par M. de la Borderie dans les Mémoires de la Société ar-
chéologique d'IUe-et-V Haine, t. XVII, 1885, p. 17-19. M. Loth a collationné
le Cartulaire de Redon et nous fournit de nombreuses et utiles corrections au
texte de l'édition donnée par M. de Courson. C'est ainsi qu'il lit Halanau
dérivé de Alan (p. 237) le nom écrit à tort Balandu par M. de Courson
Les erreurs de ce genre sont fort nombreuses dans l'édition de Courson, et
nous devons savoir gré à M. Loth de nous donner un texte sûr pour les
mots bretons du Cartulaire de Redon, en attendant que nous possédions
une édition correcte de ce document.
Jusqu'au xve siècle, l'armoricain moyen n'a d'autres monuments que des
chartes. Les mots publiés par M. Loth (p. 516-570) sont tirés: 1" du Car-
tulaire de Quimperlé (xne-xinc siècles) ; 2" des trois Cartulaires de Quimper
(xinc et xive siècles) ; 3° du Cartulaire de l'abbaye de Prières (xme siècle) ;
enfin de différents autres recueils appartenant soit à des particuliers, soit à
des églises, et du Dictionnaire topographique du département du Morbihan, par
M. Rosenzweig.
Outre la Chresloniathie de M. Loth, les Annales de Bretagne contiennent en-
core quelques articles de philologie bretonne. M. Loth donne (p. 255) un
extrait d'un poème inédit en moyen breton, qui est actuellement possédé
par Mesdemoiselles de Kerdanet, et dont l'existence a été signalée par M. de
la Villemarqué. Voici le titre exact de ce poème : Le mirover de la mort, eu
breton, auquel doctement et dcuotement est trecté des quatre fins de l'home : c'est à
scauoyr de la mort, du dernier jugement, du iressacre Paradis et de l'horible
prison de l'Enfer et ses infinis Tourments.
En Maru, en Barn, en Iffern yen
Preder map den, ha na enoe ;
Ha nepret nep lech ne pechy,
Gant lacquat da spy en ty Doe.
Imprimet e S. Frances Cuburien 1575.
Ce livre a été composé en l'an 1 5 19 par maître Jehan le vieil archer de la
paroisse de Ploegonuen. Espérons que bientôt le livre entier, qui compte
environ 3360 vers, pourra être reproduit. En attendant, M. Ernaulta pu le
mettre à profit pour son Dictionnaire étymologique du moyen breton.
Ajoutons que les Annales de Bretagne ont donné (p. 63) quelques chan-
sons bretonnes inédites communiquées par MM. Luzel et Loth. Enfin, à la
page 299, commence la publication des lettres celtiques de M. Hugo Sehu-
chardt traduites en français par M. J. Firmery. G. Dottin.
II
Au moment de mettre sous presse, nous apprenons avec douleur la mort
de notre savant collaborateur, M. Charles Robert. Néà Bar-le-Duc en 181 2,
Chronique. 141
il fut admis à l'Ecole Polytechnique, devint officier du génie, professeur à
l'Ecole d'application de l'artillerie et du génie de Metz, puis passa dans
l'intendance où il termina sa carrière militaire en qualité d'inspecteur général
après avoir été intendant en chef de l'armée de la Loire en 1871. Les ins-
criptions romaines et la numismatique furent d'abord pour lui un sujet de
distraction, plus tard elles devinrent son occupation principale et lui ouvri-
rent les portes de l'Académie des Inscriptions. Nous signalerons, dans l'ordre
de nos études, son Epigraphie romaine de la Moselle, un volume in-4 dont la
dernière livraison est sous presse ; son Mémoire sur les inscriptions de Bor-
deaux renfermant des noms gaulois {Bulletin épigraphique, t. I, p. 149); ses
dissertations intitulées Sirona (Revue Celtique, t. IV, p. 133, cf. pp. 265,
479), et L'inscription de Voltino et ses interprétations (Ibid., t. VII, p. 436).
M. Robert apportait dans ses travaux archéologiques la haute intelligence
et le sens droit qui, dans une carrière bien différente, l'avaient élevé au plus
haut degré de la hiérarchie. Il est mort subitement à Paris le 1 $ dé-
cembre 1887.
III.
M. R. Dareste, conseiller à la Cour de Cassation et membre de l'Aca-
démie des Sciences Morales et Politiques, publiedepuis 1878 dans le Journal
des Savants une série d'articles fort remarquables consacrés à l'exposition
des caractères les plus saillants que nous offrent les anciennes législations
de divers peuples. Il a d'abord traité du droit criminel athénien, 1878, puis
des anciennes lois suédoises, 1880; des anciennes lois du Danemark, de la
Norvège, de l'Islande, 1881 ; du code musulman, 1882; des papyrus gréco-
égyptiens, de la loi salique, 1883 ; des anciens codes brahmaniques, du
code rabbinique, 1884 ; des anciennes lois des Slaves, 1885-1886; de celles
des Arméniens, des Géorgiens, des Ossétes, et enfin des Irlandais, en 1887.
De ce dernier mémoire, nous extrayons le passage suivant :
« Un des traités les plus importants de tout ce recueil [des Anciennes
lois de l'Irlande] ... est celui des divisions de la famille ou, si l'on veut,
des degrés de parenté ' ■
« En le combinant avec quelques données fournies par le livre d'Aicill,
on peut se faire une idée delà famille irlandaise. Au premier abord la chose
paraît assez difficile, et les savants anglais et américains qui ont abordé la
question, M. Sumner Maine, M. Mac Lennan, M. Sullivan, ont donné des
explications différentes et peu satisfaisantes. Leur tort commun consiste,
selon nous, en ce qu'ils ont cherché une création originale dans une insti-
tution qui est évidemment empruntée au droit canonique et qui ressemble
aux institutions analogues des autres branches de la race indo-européenne.
Elle consiste en ceci : la parenté, en Irlande, comprend dix-sept personnes
qui forment quatre groupes. Le premier, composé de cinq personnes, s'ap-
pelle geiljine, c'est-à-dire la parenté de la main ; le second, derbhfine, com-
1. Ancient laivs of Ireland, t. IV, p. 282-293.
142 Chronique.
prend quatre personnes. Il en est de même du troisième, iarfine, et du qua-
trième et dernier, indfine. Chacun de ces trois derniers groupes répond à
l'une des phalanges des quatre doigts (le pouce excepté). Au delà la pa-
renté cesse... Le texte ajoute que le premier groupe de la parenté, geilfine,
comprend les plus jeunes, et que le dernier groupe, indfine, se compose des
plus âgés. Cette constitution de la famille sert de base à l'attribution des
droits de succession et à la répartition du prix du sang.
« Reste à expliquer le système. Les savants anglais qui ont abordé le pro-
blème sont tous partis de cette supposition que les dix-sept personnes dont
parle le texte sont dix-sept individus, supposition qui paraît, au surplus,
avoir été admise par la glose. Mais c'est là une erreur fondamentale, qui
conduit aux conséquences les plus extravagantes. En effet, si chaque groupe
ne peut se composer que d'un nombre fixe d'individus, il faut admettre que
la survenance d'un nouvel individu dans un des groupes fait reculer dans le
groupe ultérieur l'individu qui se trouve désormais en trop. La parenté se
trouverait ainsi dans une incertitude et une fluctuation perpétuelles. Com-
ment n'a-t-on pas vu que le mot personne a un sens abstrait, et signifie
tous les individus, quel qu'en soit le nombre, qui sont désignés sous un
même nom dans le tableau de la parenté? Ainsi le fils est une personne, le
frère en est une autre. Peu importe le nombre des frères ou des fils. C'est,
au surplus, le langage du droit romain, qui comptait quatre personnes au
premier degré, douze au second, trente-deux au troisième, quatre-vingts au
quatrième, cent quatre-vingt-quatre au cinquième, quatre cent quarante-
huit au sixième, et enfin mille vingt-quatre au septième. Le jurisconsulte
Paul, qui nous donne ces calculs, nous montre bien que chaque personne
peut se composer de plusieurs individus. « Primo gradu cognationis », dit-
il, « sunt susum versum duo, pater et irater, deorsum versum duo, filius
et filia : qui tamen et plures esse possunt ' ».
« De tout temps on a cherché à se représenter la parenté d'une manière
sensible, en la comparant aux membres du corps humain. Chez les Ro-
mains, on considérait le corps entier. Dans le miroir de Souabe, comme
dans le droit irlandais, c'est le bras et la main jusqu'à l'ongle qui servent
de type.
« Cela posé, il n'est pas très difficile de reconstruire tout le système ir-
landais. Chacun des quatre groupes répond à ce qu'on appelait, au moyen
âge et en droit canonique, une parentèle, parentiïla. Le premier groupe
comprend, outre le de cujus, quatre descendants en ligne directe, à sa\oir
le fils, le petit-fils, l'arrière-petit-fils et le fils de l'arrière petit-fils. Le second
groupe comprend le père, le frère, le fils du frère et le petit-fils du frère, le
troisième groupe comprend l'aïeul, l'oncle, le fils et le petit-fils de l'oncle.
Enfin le quatrième groupe se compose du bisaïeul, du grand-oncle, du fils
et du petit-fils de ce dernier. Ces quatre groupes s'emboîtent en quelque
i. L. io, § 12. au Digeste, livre XXXVIII. titre X, De gradibus et ad-
finibus et nominibus corum.
Chronique. 143
sorte l'un dans l'autre, et le premier comprend effectivement les plus
jeunes, le dernier des plus âgés.
« Il ne s'agit, bien entendu, que de l'agnation, c'est-à-dire de la parenté
par les mâles. »
IV.
Les Transactions delà PUlological Society pour 1885-1886 contiennent,
p. 3 s 6 - 3 9 3 , unfort intéressant bien que trop court rapport de M. R. Thur-
neysen sur les travaux concernant la philologie celtique qui ont paru de
1880 à 1886. Le savant auteur constate comme nous qu'en dépit des vio-
lentes attaques de M H. Zimmer, le glossaire de M. E. Windisch dans ses
Irische Texte occupe le premier rang, parmi les travaux lexicographiques
"dont l'irlandais a été l'objet. Contrairement à l'opinion de M. Zimmer, qui
considère la versification irlandaise comme un héritage indo-européen,
M. Thurneysen maintient que cette versification tire son origine de la versi-
fication populaire latine dont le type nous est donné par le vers célèbre :
Caesar Gallias subégit, Nicomedes Caésarem '.
On sait que les grammairiens ont cru reconnaître dans ce vers le tétra-
mètre catalectique trochaïque des Grecs 2. On regrette que le savant profes-
seur ne songe pas à nous donner l'étude annoncée par lui sur les Amra qui
sont probablement le dernier vestige d'une versification irlandaise indépen-
dante de la versification latine ;.
Nous avons lu avec plaisir l'éloge donné par M. Thurneysen à l'étude de
notre savant collaborateur, M. Gaidoz, surle Dieu gaulois du Soleil; notre
devoir est d'ajouter que dans cet écrit, suivant l'érudit professeur allemand,
l'ancien directeur de la Revue Celtique a marché sur un terrain plus solide
que ne l'a fait le directeur actuel dans son livre intitulé : Le Cycle mytholo-
gique irlandais.
Dans the Irish ecclesiastical Record, numéro de décembre 1887, le révérend
E. Hogan, S. J.. a publié le commencement d'un document très intéressant
pour l'histoire de l'Irlande : Hayne' s observation: on the state of Ireland in 1600.
L'auteur de ce document prétend qu'une des causes de la situation déplo-
rable où se trouve l'Irlande A l'époque où il écrit est le respect des Ir-
landais pour la loi des Brehons. Ainsi : lorsqu'un meurtre est commis, un
brehon intervient, fait payer par le meurtrier une certaine somme aux pa-
rents du mort, et moyennant cela, le meurtre reste impuni ; les dignités.
1 . Havet et Duvau, Cours élémentaire de métrique grecque et latine, 2e édi-
tion, p. 88-89, et 180, § 80, 178.
2. Suétone. Divus Julius, 49.
3 . Revue Celtique, VI, 347. je connais trois Amra, celui de Columba et
celui de Senan, tous deux publiés, celui de Cûroi qui est inédit.
144 Chronique.
héréditaires ailleurs, sont électives, le détenteur à vie ne peut les transmettre
à ses héritiers et les successeurs ne se considèrent pas comme liés par les
engagements que leurs prédécesseurs ont pris^p. 1114) ; le chef de famille
est responsable de tous les crimes commis par les membres de la famille
(p. 1 120). On savait bien déjà que la loi des Brehons était encore appliquée
en Irlande, malgré les Anglais, au commencement du XVIIe siècle, mais
les documents qui établissent la persistance de cette vieille législation dans
les temps modernes seront toujours lus avec intérêt.
Hayne croyait que la loi des Brehons n'était pas écrite et qu'elle se trans-
mettait exclusivement par tradition.- Suivant lui, elle avait quelquefois
une grande apparence d'équité ; mais en beaucoup de choses, ajoute-t-il,
elle ne s'accorde ni avec la loi divine, ni avec la loi humaine.
Une des observations les plus curieuses de Hayne est que les Irlandais
avaient coutume de jurer par leurs épées « they sweare by their Swordes »
(p. 1121). Cet usage est très ancien et il explique le passage du Serglige
Conculainn, § 2, chez Windisch, Irische Texte, t. I, p. 206, 1. 1-2, où on
voit l'épée des Irlandais qui mentent se tourner contre eux. Ces menteurs
ont juré sur leur épée, quoique le texte n'en dise rien. Les anciens Ger-
mains juraient l'épée à la main ou sur leur épée : J. Grimm, Deutsche Rechts-
allerthûmcr (Einl., chap. IV, § U 1; 1. VI, t. VII, § C, 3 ; deuxième édi-
tion, p. 166, 896) a réuni un certain nombre de textes sur ce sujet si curieux.
VI.
Nous avons sous les yeux les livraisons du Celtic Magasine de novembre
et décembre 1887 et de janvier 1888. Cette revue continue à être fort inté-
ressante, et ce qui nous semble avoir surtout une grande valeur, c'est l'étude
commencée par le directeur, M. Alex. Macbain, sur la littérature épique ir-
landaise en Ecosse. Le titre adopté par lui est : The hero taies ofthe Gael (p. 1-7,
69-77, 129-138). Le savant auteur constate que jusqu'à la Réforme, au
xvie siècle, les Irlandais et les Gaëls d'Ecosse ne formaient au point de vue
littéraire qu'une seule nation, dont la Réforme a détruit l'unité. Le centre
était en Irlande. C'était en Irlande que les poèmes épiques étaient composés
et écrits. C'était d'Irlande que les trouvères néo-celtes apportaient dans les
High'ands de l'Ecosse leurs récits, leurs chants et leurs manuscrits. Le der-
nier de ces poètes nomades a été Aonghus nan aoir qui vivait dans la se-
conde moitié du xvi' siècle. Depuis lors, l'Ecosse est restée étrangère au
mouvement littéraire irlandais. Ainsi des trois histoires tristes qui, dans la
littérature irlandaise moderne, forment une sorte de trilogie : la mort des
fils d'Usnech (autrement dit mort de Derdriu). la mort des fils de Ler, et la
mort des fils de Tuirend, la première seule a pénétré en Ecosse. M. Alexander
Macbain donne de la première de ces compositions une rédaction recueillie
dans la tradition orale gaélique d'Ecosse ; un point curieux à établir serait
de déterminer d'une façon précise quelle relation existe entre le texte écrit
et la version orale. Le conteur avait-il lu le texte écrit ? ou tenait-il sa re-
lation de quelqu'un qui l'avait lu ? — ou y a-t-il entre le narrateur et le
texte écrit un nombre plus considérable d'intermédiaires ?
Chronique. 14$
VII.
M. Pluzanski, professeur de philosophie au lycée de Rennes, a soutenu
avec succès devant la Faculté des lettres de Paris, il y a quelques mois, une
thèse sur les doctrines d'un philosophe qui a eu au moyen âge une
grande célébrité. Il s'agit de Duns Scot mort à Cologne le 8 novembre 1 308.
Harris, The history of the writers qf Ireland, Dublin, 1764, p. 78-81, le place
dans sa liste des écrivains irlandais ; Alfred Webb le mentionne dans son
Compendium of Irish Biography. Mais ni l'un ni l'autre ne peuvent dire avec
certitude où il est né. M. Pluzanski n'a pas davantage éclairci la question 1.
VIII.
M. René Kerviler fait paraître à Rennes, librairie générale de J. Plihon
et L. Hervé, un répertoire général de bio-bibliographie bretonne qui sera
beaucoup plus complet que la biographie bretonne de M. Levot. La lettre A
forme un volume in-8 de 417 pages qui a paru en trois fascicules; le der-
nier de ces fascicules comprend, outre la fin de la lettre A, les cent douze
premières pages de la lettre B.
IX.
La Société des traditions populaires a publié un annuaire pour 1887 dans
lequel nous trouvons deux contes bretons : Le cimetière des saints, p. 20
(Sauvé); La princesse enchantée, p. 53 (Luzel). De la revue publiée par
la même société, il a déjà été question dans le tome VIII de la Revue Cel-
tique, p. 190. Nous nous arrêtions au numéro de mars 1887. Dans les
numéros suivants, nous signalerons : Jeanne Cotjc, légende de la Basse-Bre-
tagne (Sauvé), p. 267 ; Payer le tribut à César, conte breton (Luzel), p. 346;
quatre chansons bretonnes publiées par l'abbé Abgrall, p. 3 10-3 11, 397-
599 ; une étude sur les héros d'Ossian par Loys Brueyre, p. 385-396,
444-45 5-
X.
En attendant que nous voyions enfin paraître les tomes du Corpus ins-
criptionuui latinarum relatifs à la Gaule, les savants éditeurs, pour nous
faire prendre patience, nous ont mis entre les mains le tome XIV qui con-
tient les inscriptions du Latium. Je signalerai, parmi les gentilices réunis dans
l'index, Abenna ; ce n'est pas que je considère ce mot comme celtique; mais
dans le tome VIII de la R. C. , p. 393 , j'ai parlé du nom de lieu écrit Avenna-
cum au ixe et au xe siècle, aujourd'hui Avenay, Marne, et je l'ai rattaché à une
variante hypothétique Avennus d'Avenus ou d'Avena (Corpus inscript ionum
1. La thèse de M. Pluzanski a paru à Paris, chez Thorin, sous ce titre:
Essai sur la philosophie de Duns Scot, 1887, in-8, 296 pages.
1 46 Chronique.
latinarum, IX, 2379 ; V, 33S2). Avennaoum peut s'expliquer tout aussi bien
par Abenna, XIV, 331 1.
XI.
Le dictionnaire de mythologie grecque et romaine (Ausfûhrliches Lexicon
der griechischen und rœmischen Mythologie, qui se publie à Leipzig chezTeub-
ner, sous la direction de M. W.-H. Roscher, vient d'atteindre sa douzième
livraison et sa colonne 2 112 avec l'article Hera. Dans ce savant recueil on
n'a pas négligé les divinités celtiques. Nous citerons par exemple les articles
Belatucader, Bikinis (col. 7 > 5) ; Bdisama (col. 757); Camulus (col. 850);
Cemunnos (col. 866); Esus (col. 1386).
XII.
M. Max Rcediger vient de faire paraître à la librairie Weidmann, de
Berlin, le second volume de la Deutsche Altertumskunde, de feu K. Mùllenhoft,
dont le premier volume avait été mis en vente dès 1870. Ces deux volumes
nous donnent, malgré leur titre, beaucoup plus de renseignements préc<ssur
l'histoire des Gaulois que sur celle des Germains. On y trouve peut-être
l'étude la plus approfondie qui ait été faite jusqu'ici de la plupart des textes
historiques les plus anciens relatifs à la race celtique.
XIII.
M. F. Martins Sarmento. auquel on doit une étude sur la partie de YOra
maritima de Festus Avienus qui concerne la Gallice et le Portugal ', vient
de publier sous le titre de : Os Argonautas subsidios para antigua historia do
Occidente, un volume in-8 de xxxi-292 pages, consacré à des études géo-
graphiques sur les dixième et onzième travaux d'Hercule (Géryon et les
pommes des Hespérides), sur les voyages d'Ulysse et sur l'expédition des
Argonautes. Le onzième chapitre de cet ouvrage : O occidente no tempo
dos Argonautas ; questôes ethnographicas ; et le douzième : A civiliçao do
Occidente no tempo dos Argonautas, traitent un sujet très intéressant qui
est inséparable de la plus ancienne histoire des Celtes.
XIV.
Dans la dernière livraison de son Archivio gbttoîogico (t. X, p. 270-273),
M. Ascoli propose d'expliquer les mots français : « glaive et orteil » en leur
supposant une origine gauloise. Les mots gaulois d'où ils viendraient se-
raient ceux dont la forme en vieil irlandais est claideb, orddu = or tu.
Claideb traduit gladiitm, dans le ms. de Wurzbourg, fol. 6 a, glose 13 (éd.
"Whitley Stokes, p. 31). Orddu lâtnae, littéralement « gros doigt de la
1 . R. Festus Avienus, Ora maritima... Estudo deste poema na parte res-
pectiva a Galliza e Portugal. Porto, Antonio José da Silva Teixeira, 1880,
in-8, 93 pages et une carte.
Chronique. 1 47
main » est la traduction de poîlex dans le Priscien de Saint-Gall, fol. 68 b,
glose 13, édition donnée par M. Ascoli, p. 62 '. D'après le même savant
(Arch. glottologico, t. X, p. 260-269) le type gallo-romain « seuv » =r sêbo,
« suif », que les Gaulois auraient prononcé sèbu, serait dû à l'influence
d'une loi phonétique celtique, celle qui donne à l'irlandais binr — beru ; au-
trement dit: seuv est à stbu comme biur à beru.
XV.
La Société des anciens textes français vient de publier sous la date de 1886
une rédaction en prose du roman de Merlin composé au début du xme siècle
par Robert de Boron et une suite à ce roman* d'après un ms. inédit 2. Les
éditeurs sont MM. G. Paris et Jacob Ulrich. L'introduction, datée du
14 juillet 1887, est signée G. Paris ; elle intéressera vivement ceux qui dé-
sirent savoir quelle est l'origine des fictions qui composent le cycle de la
Table Ronde. C'est un complément aux savantes études sur les romans de la
Table Ronde que M. G. Paris et plusieurs de ses élèves ont publiées dans le
tome XV de la Remania, p. 1-24, 481-602, en 1887, sous la date fictive de
1886, imaginée sans doute pour consoler tous les éditeurs des revues qui
paraissent avec un retard.
XVI.
M. Alexander George Richey, professeur de droit féodal et de loi anglaise
à l'Université de Dublin est mort dernièrement. Il avait été chargé de la pu-
blication des anciennes lois irlandaises ; il partage avec Th. O'Mahony la
responsabilité des tomes III et IV.
Nous venons de recevoir un volume qui sera pour M. Richey un meilleur
titre à la renommée. Ce volume est intitulé : A short history ofthe Irish pcople
dùiun to the date oj "the plantation of Ulster 3. Sa publication est due aux soins
pieux de M. Robert Romney Kane, élève de l'auteur défunt. Les cinq pre-
miers chapitres qui traitent de l'histoire d'Irlande depuis les temps les plus
anciens jusqu'à l'invasion anglo-normande (p. 4-125), manquent un peu
d'originalité; mais des dernières années du XIIe siècle au commencement du
xviie où le récit se termine (p. 126-619), M. Richey marche sur un terrain
qu'il connaît bien ; le professeur de droit féodal et anglais expose avec talent
l'histoire de la législation oppressive qu'il était chargé d'enseigner, mais
dont l'iniquité froissait sa conscience d'honnête homme et sa loyauté de
jurisconsulte.
1 . Le renvoi donné par la Gr. C*., p. 765, est inexact.
2. Merlin, roman en prose du xiiic siècle, publié avec la mise en prose
du poème de Merlin par Robert de Boron d'après le ms. appartenant à
M. Alfred H. Huth par Gaston Paris et Jacob Ulrich, deux volumes in-8 de
xci-280 et 308 pages.
3. Un volume in-8 de x-623 pages chez Longmans, Green and Co.,
Londres.
148 Chronique.
XVII.
Les cinq dernières livraisons (janvier-décembre 1887) de la Revue èpigra-
phiquc du midi de la France, publiée à Lyon par M. Allmer, contiennent une
liste de noms de divinités celtiques relevés dans les inscriptions de la France
méridionale (p. 262-264, 284-286, 298-299, 316-320, 337-338). Cette liste
comprend soixante-quinze noms, la plupart géographiques ; plusieurs étaient
peu connus jusqu'ici. Ce travail sera continué.
XVIII.
Le 17 janvier, M. Hendrik van Gelder soutiendra à l'Université d'Ams-
terdam une thèse de doctorat sur l'histoire des Galates en Grèce et en Asie
jusqu'au milieu du second siècle avant J.-C. Cette thèse, rédigée en latin,
est un volume in-octavo de 303 pages. L'auteur connaît les sources et n'a
pas négligé l'étude des livres modernes où son sujet a été traité.
XIX.
Il s'est formé à Montréal au Canada, en 1883, une société celtique qui
paraît considérable, à en juger par le nombre de ses fonctionnaires; elle en
a quatorze ; la liste commence par le président honoraire qui n'est rien
moins qu'un ancien gouverneur de l'Ontario et elle finit par le barde. Cette
savante compagnie vient de publier un recueil des principaux mémoires lus
en ses séances pendant les deux années 1884-1883 et 18S5-1 886 : ils for-
ment un volume de 231 pages, dont 139 sont dues à la plume du professeur
Campbell. Ce docte personnage a découvert que le célèbre texte ombrien
des Tables Eugubines s'explique très facilement par l'irlandais moderne, que
les Khéta des bords de l'Oronte sont des Ibères, c'est-à-dire des Basques,
que les inscriptions étrusques d'Italie et les inscriptions runiques de l'île de
Man ont été rédigées en basque. La jeune société celtique de Montréal,
dans une introduction placée en tête de son volume, ne peut, malgré sa
modestie, s'empêcher de dire combien elle est fière de jeter un flot de lu-
mière « flood of light » sur des questions d'ethnographie et de linguistique
si mal traitées jusqu'ici par les savants de la vieille Europe ! ! !
H. D'A. deJ.
Erratum : page 33 colonne 1, lignes 28-29, au ''cu ^e Pennoovtndos
avec deux 0 avant le v, lisez Pennovixdos avec un seul 0 avant le ;p.
Le Propriétaire-Gérant : F. VIEWEG.
Chartres. — Imprimerie DURAND.
LA CRÉATION DU MONDE
MYSTÈRE BRETON
La littérature celtique ne comprend guère, dans la péninsule
armoricaine, que des œuvres se rattachant aux genres lyrique,
élégiaque et dramatique. Ce sont à peu près les seules com-
positions qui aient un caractère original ; les autres doivent
leur naissance à l'inspiration et surtout à l'imitation française.
M. de La Villemarqué dans le Bar%as-Breis} et M. Luzel
dans les Chants populaires de la Basse-Bretagne, ont recueilli les
chants bretons qui respirent l'ardeur guerrière, qui rappellent
le tumulte des camps ou le fracas des armes; ils y ont joint
les guer%pu et les soniou qui expriment les joies, les espérances
de l'amour, les tristesses de l'absence, les lamentations de la
douleur.
Xous avons sous les yeux quelques échantillons de la poésie
dramatique : dix ou douze mystères bretons ont déjà vu le
jour, grâce aux soins intelligents qui les ont livrés à l'im-
pression. Ce sont : la Vie de sainte Nonne, Sainte Trvphine
et le roi Arthur, Jacob, Sainte Geneviève de Brabant, Saint
Guillaume du Poitou, les quatre Fils Avmon, Louis Eunius,
Sainte Hélène, la Naissance, la Passion et la Résurrection de
Notre Seigneur. Mais la Bibliothèque nationale renferme dans
la collection de ses manuscrits, des trésors jusqu'à ce jour
inexplorés.
M. D'Arbois de Jubainville nous a engagé à profiter de
notre connaissance de la langue bretonne, pour passer en revue
ces richesses encore inconnues, rassemblées, en grande partie,
par les patientes recherches de notre compatriote M. Luzel,
Revue Celtique, IX io
150 L'abbé Eug. Bernard.
et léguées à la postérité par sa généreuse libéralité. La tâche
nous a été rendue facile par la bienveillance de M. Léopold
Delisle, et par la grâce parfaite du conservateur, M. Deprez.
Les Mystères bretons déposés au Cabinet des Manuscrits,
sont au nombre de soixante-huit ; ils se partagent en deux
classes : les compositions religieuses, comme la Création du
monde, Moyse, Sainte Anne, Saint Jean-Baptiste, Saint Pierre et
Saint Paul, Saint Antoine, Saint Martin, Saint Guénolé, etc.;
les pièces chevaleresques, comme Charlemagne, la Jérusalem
délivrée, Pierre de Provence, Huon de Bordeaux, Robert le
Diable, etc. Les premières mettent en scène un sujet emprunté
à l'Ecriture-Sainte ou à l'Histoire ecclésiastique. Ce sont les
plus nombreux. En les parcourant, notre attention s'est portée
sur le Mystère de la Création du Monde, qui s'y trouve natu-
rellement en première ligne sous le titre de : Istoir d'eus a
Création ar bel r. La pièce embrasse l'espace de temps qui s'est
écoulé depuis le commencement du -monde jusqu'à la mort de
Noé. On la jouait en deux journées; elle se divise en sept
actes, cinq pour le premier jour et deux pour le second :
chaque acte est précédé d'un prologue; chaque journée se ter-
mine par un épilogue. Elle est écrite en vers de douze syl-
labes ; plusieurs scènes sont en vers de huit syllabes; on ren-
contre par-ci par-là quelques vers de dix syllabes.
Nous lisons dans la savante Introduction dont M. E. Picot a
fait précéder le Mistèredu Fiel Testament, dédié par M. le baron
James de Rothschild aux membres de la Société des Anciens
Textes2: « Trois pièces celtiques nous offrent la représentation
dramatique de la création. La première, qui remonte au
xv1-' siècle, Y Ordinale de Origine Mundi, est une sorte de Créa-
tion abrégée, c'est-à-dire un résumé très rapide de l'Ancien
Testament. On n'y voit pas figurer les anges rebelles, bien
que l'auteur ait accordé une large place à d'autres traditions
apocryphes : le Voyage de Seth et l'Aventure de Maximilla?.
Le second mystère, qui appartient aussi à la Cornouaille, se
1. Biblioth. nat.. fonds celtique, rr 12, in-fol. de 175 pages écrit par
Jean le Moullec de Loguivv-lès-Lannion.
2. Le. Mistère du Viel .Testament, Introduction, p. xlviii.
3. The ancient Cornish Drama, Oxlord, 1859, 1 vol. in-8.
La Création du monde. 1 $ 1
rapproche, au contraire, de notre grand drame. Il contient
l'histoire de la création des anges et de l'homme et s'étend
jusqu'au déluge1. Cette pièce a été imprimée d'après un ma-
nuscrit daté de, 161 1, mais, comme l'a remarqué déjà M. Ede-
lestand du Meril, elle est probablement plus ancienne. Il en
est de même de Y Histoire de la Création, qui se trouve dans un
des manuscrits recueillis en Bretagne par M. Luzel, et dont la
copie appartient au xixe siècle2. Cette Histoire a la même étendue
que le texte successivement publié par MM. D. Gilbert et W.
Stokes : il serait curieux de l'en rapprocher. »
La perspective de voir notre peine récompensée par quelque
découverte intéressante, nous a conduit à étudier ce mystère
celtique, et nous avons eu le plaisir de constater qu'il porte
les marques d'une originalité particulière, qu'il se distingue
par des caractères essentiellement bretons, empruntés aux
mœurs, aux coutumes, aux travaux, à la religion de l'Armo-
rique.
Une observation nous a semblé digne d'être mise en lumière,
parce qu'elle répond à la pensée de M. Picot : c'est qu'il nous
a été facile de noter certaines analogies, vraiment curieuses à
établir, entre le drame comique The Création of the World, et
la pièce bretonne Istoir d'eus a Création ar bet. Les deux auteurs
ont évidemment puisé aux mêmes sources, ou bien la muse
de l'un a certainement aidé l'imagination de l'autre. Les liens
de parenté qui les unissent, se retrouvent dans la série des
noms donnés par Adam, sur l'ordre de Dieu, aux différents
animaux delà création. L'idée de nomenclature est commune:
toutefois l'auteur comique ne rappelle que quelques noms de
mammifères, d'oiseaux et de poissons, tandis que le poète
breton y ajoute encore le nom des plantes, et qu'engagé dans
cette voie, il épuise ses connaissances dans la faune et dans la
flore armoricaines.
Les textes comique et breton présentent les mêmes traits de
ressemblance dans les passages qui se rapportent à la tentation
d'Eve, au serpent, qu'ils placent dans l'arbre de vie, à la
1. The Création of the World, a Cornish mystery, London, 1864, in-8.
2. Origines du théâtre moderne, p. 34.
i j2 L'abbé Eug. Bernard.
création de la Mort, au sacrifice de Gain et d'Abel, au voyage
de Seth au Paradis terrestre, aux trois pépins à déposer dans
la bouche et dans les yeux d'Adam après sa mort.
Le poète armoricain avait pris connaissance des mystères
venus du pays de France. Divers emprunts attestent une lecture
approfondie, sans que l'on puisse attacher à l'imitation l'épi—
thète de servile. L'inspiration française apparaît dans la révolte
des anges, dans l'expression de l'orgueil de Lucifer, dans le
conseil tenu par les démons, à l'effet d'amener la chute de nos
premiers parents, dans les répugnances de Caïn à offrir son blé
en sacrifice à l'Eternel. Ailleurs, les traces de similitude sont
plus effacées, et ne se laissent apercevoir que dans certaines
réminiscences du mystère français.
Le manuscrit breton que nous avons entre les mains, n'ac-
cuse pas une haute antiquité, puisqu'il ne date que de 1825 :
mais ce n'est ici qu'une copie écrite sous la dictée, et elle sup-
pose l'existence d'un original beaucoup plus ancien. Ce mys-
tère avait été confié à la garde d'une mémoire fidèle, confor-
mément à l'usage pratiqué de tout temps chez nos ancêtres,
par les Druides et par les Bardes. Il s'est conservé dans ces
conditions renouvelées des anciens Aèdes, qui nous ont ainsi
transmis les poèmes d'Homère. Parvenu à notre connaissance
grâce à ce procédé mnémonique, Je drame breton, assurément
postérieur au mystère français du Fiel Testament, est-il anté-
rieur à la pièce comique ? A quelle époque en faut-il taire re-
monter la composition ? Le problème est difficile, pour ne pas
dire impossible à résoudre. Notre manuscrit, dû à la plume
de plusieurs scribes écrivant des vers qu'on leur récitait de
vive voix, nous donne-t-il l'Histoire de la Création du monde
telle qu'elle fut, à l'origine, jouée sur la scène, devant la foule
religieusement recueillie de nos aïeux ? Le drame ne s'est-il
pas modifié dans sa forme primitive, altérée par suite d'une
longue série de représentations successives ? N'a-t-il pas subi
des suppressions amenées par le défaut de mémoire, ou des
augmentations introduites par un acteur en verve et jaloux d'y
mettre un peu du sien, comme nous le constatons dans les
différentes versions du Mistère du Fiel Testament?
Le manuscrit comique est de 161 1 : est-ce lui qui a cm-
La Création du monde. 1 5 5
prunté au breton les caractères de ressemblance qu'ils pré-
sentent l'un et l'autre ? Le mystère français ne paraît pas re-
monter plus haut que 1550 : c'est lui quia, sans aucun doute,
fourni au breton les analogies qu'il est facile de surprendre
dans le dialogue et dans le caractère des personnages.
La légende de Seth allant au paradis terrestre chercher l'huile
de miséricorde pour Adam vieilli et à la veille de terminer sa
carrière, est fort ancienne dans l'histoire littéraire1, et elle dé-
rive d'un livre apocryphe, célèbre au moyen âge sous le titre
de Pénitence d'Adam2; mais le poète breton a su rajeunir le
vieux récit par la pensée d'introduire Seth dans le Paradis,
dont il lui fait explorer les différentes parties, sous la conduite
et avec les explications du Chérubin. Est-ce là une réminiscence
de Virgile parcourant les Champs-Elysées, ou de Dante accom-
pagné du poète latin, puis de Béatrix, à travers les diverses
régions de l'autre monde ?
La haine de Lucifer contre Dieu se donne un libre cours
dans la pièce celtique : ce langage si énergique, si violent et si
vrai dans la bouche de l'archange rebelle, est-il un emprunt
fait à Milton, dans le Paradis perdu, ou bien a-t-il été inspiré
au poète anglais par le dramaturge breton ? L'idée d'attri-
buer à Dieu la création de la Mort est commune aux mystères
breton et comique; elle se retrouve également dans Milton.
Auquel des trois auteurs faut-ii renvoyer le mérite de cette in-
vention ?
L'auteur de YHistoire de la Création a su imprimer à son
œuvre un cachet d'originalité, par le soin qu'il a pris de dé-
velopper le texte du livre de la Genèse, en suivant le conseil:
« Non nova, sed nove ». Ce souci éveille son imagination ; cette
préoccupation lui lait créer des incidents, des épisodes, des
développements appropriés au tempérament des auditeurs, qui
viendront assister à la représentation de sa pièce. Ainsi il doit
à son invention personnelle le rôle très actif qu'il attribue aux
démons dans le cours du drame, le personnage effrayant qu'il
1 . Voyage de Seth au Paradis terrestre. Migne, Dictionnaire des Apocryphes,
t. I, p. .387.
2. Livre de ta Pénitence ou du Conduit d'Adam. Aligne, Dictionnaire des
Apocryphes, t. I, p. 289.
1 54 L'abbé Eug. Bernard.
fait jouer à la Mort dans sa création par Dieu, sa visite à Adam
et à Eve dans la vallée d'Hébron, sa présence auprès de la
couche où Eve va mettre au monde ses deux jumeaux, Caïn
et Abel, dans sa première manifestation devant le cadavre
d'Abel tué par son frère Caïn ; toutes ces apparitions sont
autant de témoignages lugubres que la Mort donne de sa puis-
sance sur le genre humain, quand aux yeux des spectateurs
saisis d'effroi, elle se montre sur la scène, pour frapper succes-
sivement Abel, Adam, Eve, Seth, Làmech et Noé.
La couleur locale de notre mystère s'éclaire de plus en plus,
par le rapprochement d'une multitude de détails: les uns ont
trait au culte des morts et à la coutume de se rendre en masse
aux cérémonies de l'enterrement, manifestation religieuse spé-
ciale à la Bretagne ; les autres nous font assister aux travaux
des champs usités chez les Bretons : semailles, moisson, bat-
tage, vannage et mouture; ceux-ci se rapportent aux soins du
ménage, aux divertissements de la vie, ceux-là rappellent cer-
tains métiers, les occupations des artisans et la manière de les
payer de leur peine dans la Basse-Bretagne. Les outils sont
bretons, les instruments de labour sont bretons, les ustensiles
de ménage sont bretons, les vêtements sont bretons ; les fruits
nommés par Ada et par Sella sont particuliers à la Bretagne,
et les exercices de la lutte auxquels se livrent les deux bergers
sur la scène, sont disposés pour conquérir la faveur d'un au-
ditoire breton, admirateur enthousiaste de ces sortes de joutes.
Tout est bien breton, tout, jusqu'à la bonne amie, ho mestres,
dont parle le courtisan, que le paysan de Léon, de Cornouailles,
de Vannes et de Tréguier, doit rencontrer sur son chemin,
aux jours de foire, aux aires neuves ou aux pardons.
La seule inspection du texte manuscrit, jointe à l'examen
de l'orthographe phonétique employée par le copiste, suffit
pour établir qu'il écrivait sous la dictée. Peut-être plusieurs
personnes ont-elles prêté le concours de leur mémoire : à coup
sûr, des mains différentes s'y sont employées, comme il est
aisé de s'en convaincre par la diversité des écritures. De là
naissent les variantes qui se laissent apercevoir dans l'ortho-
graphe : quencouls et quercouls, pehet et pec'het, sivoas et siouas,
nemert et ne met, arru et a ni, etc. ; mais elles prouvent que
La Création du monde. i ) 5
le scribe s'ingéniait à toujours fixer sur le papier le son qui
venait frapper son oreille.
Ce procédé, n'est pas sans donner lieu à de nombreuses con-
fusions. Ainsi a préposition, a troisième personne du singulier
de l'indicatif présent du verbe mont, aller, a particule et ha
conjonction, ha signifiant le pronom relatif, s'écrivent tous de
la même façon : a.
La particule e, la préposition e, la conjonction e, e troisième
personne du singulier de l'indicatif présent du verbe besa, être,
et ht pronom personnel, he pronom possessif, ht première
partie du pronom démonstratif he-man se trouvent également
tous écrits de la même manière : e.
Le mot i, deuxième personne du futur du verbe mont, aller,
et hi pronom personnel s'écrivent sans aucune différence : i.
La particule 0, la conjonction 0, la préposition 0 et ho pro-
nom personnel, ho pronom possessif, s'écrivent sans distinc-
tion : 0.
Par suite de cette façon d'entendre l'orthographe, nous ren-
controns ane pour ha ne et pour anhe, abréviation de aneshe;
eue pour en ht; eno pour en ho ; 1110 pour m' ho; po pour p'ho; do
pour d'ho ; don pour d'hon.
La préposition oc' h, la conjonction oe'h, oc h seconde per-
sonne du pluriel du présent de l'indicatif du verbe besa, être,
et hoe'h pronom personnel s'écrivent simplement 0, tandis que
l'aspiration est reportée sur le mot suivant : 0 heva, en buvant,
pour oc h eva ; 0 htus, vous avez, pour hôc'h eus.
Cette orthographe phonétique se dénonce presque à chaque
vers du manuscrit. C'est ainsi que nous lisons amtus pour am
eus, émeus pour em eus, eneus pour en eus, neueus pour n'en eus,
paineus pour p'am eus, esint pour es int, mason pour ma s-ouu,
en nevo pour en euvo, da loenet pour d'al loenet, a ranet pour
ar ranet, a nos pour au nos, alun pour a! luu, eu lijion pour
eul lijion, gant an ueut pour ga ni au hent.
Le scribe écrivant sous la dictée et ne tenant compte que de
la prononciation, ne prend aucun souci de séparer les procli-
tiques ou les enclitiques, du mot sur lequel ces particules doi-
vent s'appuyer. C'est pourquoi il écrit evoelas pour t voelas,
otont pour 0 tout, ehai pour e ai, thin pour e in, evi pour e vi,
156 L'abbé Eug. Bernard.
pandocb pour pan d-oc'h et pan d'boc'b, ous cvout pour 011s hen
vont, se nevê pour se ne ve, aracse pour ha rac se, boni acl pour
l)on i a heîl.
Pour la même raison, des mots bien distincts se trouvent
n'en plus former qu'un, comme radit pour ra d'il, nebon pour
neb aon, oloneus pour bail bon eus, selan pour sell ban, bace-
veso pour bac e veso, dabu pour d'ac'b-bu, èveltan pour evcl t-ban,
incarnons pour me am eus, abomc pour ain bo nie, ouscrec'b pour
ous crcc'b. D'autres mots, au contraire,, voient leurs parties in-
tégrantes disjointes et écrites séparément, de manière à ne plus
présenter aucun sens, par exemple e vel pour evel, a darepouï
adarre, a lèse pour alèse, quer couls pour qucrcouls, a banonip
pour acbanomp, e me pour cuic, dis Ical pour dislcal, a ri pour
arri.
L'insuffisance du scribe n'a pas commis que ces seules
fautes ; elle se manifeste encore dans la transcription de quel-
ques vers de huit syllabes, dont il lui arrive de réunir deux
en un seul : dans la manière fantaisiste qu'il met à écrire des
mots dont il ne parvenait pas à rendre l'assonance, ainsi nia
scro pour ma %ro, jurubin, cbeurubin, churubin, jerubin pour
chérubin, ou bien qu'il entendait prononcer de différentes laçons,
comme bopret et bepret : corner, cerner et quemer : gle et die :
guesal et beageal : bcllomp et guellomp.
Son inexpérience éclate dans la structure de certains vers,
dont il fait les uns trop longs et les autres trop courts. A
moins toutefois de dire à sa décharge, que ces irrégularités sont
amenées par la prononciation particulière à celui qui dictait,
selon le soin qu'il prenait de taire lui-même eu de laisser faire
les élisions et les contractions si nombreuses dans la langue
celtique.
Ces négligences retombent sur le scribe qui s'en est rendu
coupable; mais l'examen du manuscrit, sa forme matérielle,
l'aspect de ses pages suffisent pour indiquer souvent que la
mémoire de celui qui dictait s'est trouvée en défaut. De là des
mots d'abord passés sous silence, ensuite rétablis, des expres-
sions répétées, puis corrigées ; de là des vers à demi ou entiè-
rement effacés, pouf être transportés plus loin ; de là certains
passages d'abord insérés dans le dialogue, puis supprimés pour
La Création du monde. i $ 7
être reportés ailleurs, là où ils se rencontraient véritablement
à leur place.
Faut-il attribuer à cette transmission mnémonique du drame
breton le grand nombre de mots français, habillés à la bre-
tonne, qu'il est facile de relever au courant de la pièce, alors
que l'expression celtique entrait parfaitement dans la mesure
du vers ? Ces mots se sont-ils multipliés suivant le tour d'es-
prit de ceux qui conservaient le drame gravé dans leur mé-
moire ? Les ont-ils employés en raison /les progrès accomplis
par la langue française dans des différentes régions de l'Armo-
rique ? Il y a mieux : le mot français se trouve quelquefois à
côté de l'expression bretonne, néanmoins, couscoude : adieu a
lavarau, sans adieu, couscoude. Etait-ce une marque de savoir,
de distinction, d'élégance, de mêler ainsi le français au breton ?
Si dans leurs pièces farcies, les auteurs de la langue d'oïl et
de la langue d'oc se montraient heureux d'unir le latin au
texte français, peut-être ne déplaisait-il pas aux Bretons d'as-
socier dans leurs œuvres le français et le celtique.
La pensée ne nous est pas venue de restituer le manuscrit
breton dans une forme plus correcte en certains endroits,
moins défectueuse en d'autres. Nous avons voulu conservet
le drame celtique tel qu'il a été dicté, tel qu'il a été reproduir
par les scribes. En le transcrivant, nous nous sommes permis
de corriger les consonnances impropres ou vicieuses, de
rompre les alliances illégitimes, de supprimer les séparations
impossibles, et dans ces cas-là seulement, nous avons rétabli
la véritable orthographe, afin d'éviter au lecteur les embarras
où nous nous sommes trouvé pour l'intelligence du texte, dont
le sens ne se précisait souvent qu'à la lecture de la phrase
entière.
Ces difficultés s'augmentaient encore par l'absence complète
de toute ponctuation, qui rend la lecture du manuscrit exces-
sivement pénible. Cet enchaînement extravagant de pensées
qui se succèdent sans pauses et sans arrêts, nous semble une
nouvelle preuve à l'appui de notre opinion que Y Histoire de la
Création a été dictée de mémoire et transcrite ainsi par la
main des scribes. Nous ne dissimulerons pas que ce manque
absolu de ponctuation nous a parfois mis l'esprit à une rude
iç8 L'abbé Eug. Bernard.
épreuve. L'intelligence du texte, entendu de telle ou telle façon,
selon la place occupée par un point ou par une virgule, n'était
pas sans nous causer certaines inquiétudes, sans nous suggérer
quelques scrupules sur la vérité de la traduction que nous
nous préparions à adopter. Afin de couper court à ces hésita-
tions et pour empêcher nos lecteurs de tomber dans les mêmes
incertitudes, nous nous sommes décidé à rétablir la ponctuation
qui fait défaut. Avons-nous toujours réussi à déterminer le sens
exact et vrai ? Il y aurait présomption à le penser et surtout à
le dire. Nous aimons mieux nous en rapporter humblement à
l'avis des critiques plus fins, plus déliés, plus initiés aux déli-
catesses de la langue bretonne.
Nous n'avons fait qu'effleurer ces questions d'antiquité,
d'originalité, d'imitation auxquelles l'Histoire de la Création du
monde fournit prétexte et matière. Nous aurons occasion de
les reprendre, lorsque le texte et la traduction auront été pu-
bliés entièrement. Nous pourrons alors y renvoyer le lecteur,
et, lui mettant les pièces en mains, nous le laisserons en der-
nier ressort juge de nos appréciations.
M. Petit de Julleville, avec la science qui le distingue en ces
matières, a épuisé, on peut le dire, la vaste question des mys-
tères à l'origine de notre théâtre. Il a merveilleusement expliqué
la nature de ces compositions dramatiques, leur caractère reli-
gieux, la place importante qu'elles occupaient au moyen âge,
dans la société, dans les mœurs, dans la littérature. Poursuivant
ses études sur ce sujet si intéressant et si divers, il écrit 1 : « Il
n'est pas de ville qui n'ait tenté un jour de monter un mystère;
il n'est presque pas de bourg où l'on n'ait maintes fois joué des
farces. Comment se donnaient ces spectacles ? Etait-ce aux frais
des villes, des confréries, des particuliers ? Quels acteurs y te-
naient les rôles ? Des comédiens de profession ou des artisans,
des bourgeois s'offrant pour la circonstance? Où s'élevait le
théâtre et comment se réglait la décoration, la mise en scène
de ces interminables mystères? Quels auteurs les écrivaient,
comment étaient-ils rétribués, et quelle part prenaient-ils de
leur personne à la représentation ? Comment se composait l'as-
i . Petit de Julleville, Les Mystères, t. I, p. 15.
La Création du monde. 1 59
sistance ? Le spectacle était-il gratuit, ou payait-on sa place ?
Enfin quelle faveur obtenait le théâtre, et comment était-il
jugé ? Quel objet se proposaient les princes, les prélats, les
abbés, les échevins qui instituaient ou protégeaient les repré-
sentations ? Ce sont là autant de questions difficiles qu'il n'est
pas possible de résoudre encore entièrement. Trop de docu-
ments restent inconnus, enfouis dans les registres des conseils
de ville, dans les minutes des notaires, dans les livres de comptes
ou les mémoires particuliers encore inédits. » Nous serons heu-
reux de cueillir au courant du mystère celtique Istoir d'eus a
Création ar bel, dans les prologues surtout et dans les épilogues,
les réponses fournies par le poète breton aux nombreux points
d'interrogation qui se sont posés à l'esprit du savant professeur
à la Sorbonne.
L'abbé Eug. Bernard,
docteur es lettres et en théologie, lauréat de l'Académie française.
6o L'abbé Eug. Bernard.
ISTOIR D'EUS A CREATION AR BET-MAN
AR FORMATION AN DEN HAC HE VUE
AR HENTAN PHILOSOF A VOA ADAM, .HAC HE VARO
HA BUE AR PROF ET HENOC HAC EUI
AN DILUJ
HA BUE NOE HAC HE VARO
Ar proloc a comans breman.
Compagnones santel, p'hoc'h eus bet madeles
Bean deut d'hon hlevet hirie holl assambles,
Nin a represanto d'ec'h Création ar bet,
Bue an tat Adam, hac Eva, lie briet.
5 Mes quent avansi davantaj ma bomso,
Em eus hoant da çoulen assistans an envo,
Presantin ma regret dirac an Eternel,
Da goulen diont-han eur gras particulier.
Ma avanser er creis voar lie saoulin ha ma coms.
Ma Doue, ma Hrouer, me houl ho assistans,
10 Ho penediction, ho cras, ho puissans,
Ma hellomp discleria, en antier, voar he het.
An istoir pehini bon deus antreprenet.
Ma savo en lie sa.
Guelet hoe'h eus guesall acteurien, tut vaillant,
Subtil voar ho theat, ha guisquet excelant :
La Création du monde. 161
HISTOIRE DE LA CRÉATION DE CE MONDE
LA FORMATION DE L'HOMME ET SA VIE
LE PREMIER PHILOSOPHE FUT ADAM, SA MORT
LA VIE DU PROPHÈTE HÉNOCH ET CELLE D'ELIE
LE DÉLUGE
LA VIE DE NOË ET SA MORT
Le prologue commence.
Sainte compagnie, puisque vous avez eu la complaisance
de venir nous entendre aujourd'hui, tous ensemble, nous vous
représenterons la Création du monde, la vie de notre père
Adam et celle d'Eve, son épouse.
Mais avant de poursuivre mon discours, je veux implorer
l'assistance du Ciel, offrir mes regrets à l'Eternel et solliciter
de lui une grâce particulière.
Il s'avance au milieu de la scène, se met à genoux et continue.
Mon Dieu, mon Créateur, je demande votre assistance,
votre bénédiction, votre grâce, votre puissance ! Qu'il nous
soit donné de raconter dans son ensemble et dans ses détails,
l'histoire que nous avons entrepris de retracer.
Il se lève debout.
Autrefois vous avez vu sur votre théâtre, des acteurs au
cœur vaillant, à l'esprit délié et revêtus de magnifiques cos-
;62 Vabbé Eug. Bernard.
15 Elocans ar re-se hac ho c'habacite,
A ra d'in coll ar coms an devoes a hiric.
Tut omp d'eus ar hanton, goût a ret lion doare,
Nin a rei hon possipl gant ar gras a Doue,
Evit rentin contant sperejo pep-hinin,
20 Dre eurs an actoret, se eo lion fantasi ;
Ret eo avanturin, mar be caer an amser,
Ar voellan ma hellomp, e reomp lion deveur.
Ebars er bla presant hon deus-hi composet,
Tennet divoar ar Bipl, e verio bresonec.
25 Trivoac'h cant pemp voar n'uguent bla, aboe ma teuas
Ar protêt et bet-man, hanvoet ar Messias,
Da guemer quic humen en corf santés Mari,
Da prenan ar bec'herien, e teuas d'en eum incarnin.
Pevoar mil bla diaroc e voe erouet ar bet,
30 An env hac an douar, licol, loar hac ar steret :
An de da sclerian, an nos da reposin,
An han hac ar gouan, ha quement so en-hi.
Doue holl puissant, en euvo inspiret,
Da ocmantin he hloar, e crouas an Elet.
35 Lucibel voa ar chef, prins ar Cherubinet,
Dre hloar ha vanité cm rentas reprouvet
Dre ma voa un El caer, leun a superbite,
E fellas d'ehan pignal quen huel ha Doue,
Ha bean gant ar re-all bep amser enoret,
40 Evel ar guir Doue lien defoa ho hrouet.
Sperejo malurus, a soupson miliguet
A tromplas en antier eul lijion Elet.
Ho Hrouer, pa santas ho sonj freneusius,
O tout d'ho miligan, ho rentas malurus.
45 Er mes ar Barados e voent cren sexvenet,
En calon an douar e voent holl distolet :
Satan ha Belsebut, Lucifer miliguet,
So breman diaoulien en Ifern anfonset.
Pa voelas ar Hrouer videt ar sigeno,
50 Eul lijion Elet sortiet voar un dro,
E tisquennas ous traon, hac e formas ar bet,
Dre vertu he pouer, hep aretin quamet.
La Création du monde. i6j
tûmes. Au souvenir de leur éloquence et de leurs talents, en
ce jour la parole me fait défaut. Nous sommes, nous, des ha-
bitants du canton ; vous nous connaissez. Nous mettrons notre
peine avec la, grâce de Dieu, pour vous contenter les uns et
les autres. Par ordre des acteurs, puisque tel est notre dessein,
nous allons tenter l'aventure, si le temps est beau. Nous fe-
rons de notre mieux pour remplir notre tâche.
Cette pièce a été composée par nous, dans le courant de
l'année; nous en avons emprunté le sujet à la Bible, et nous
l'avons mis en vers bretons. Dix-huit cent vingt-cinq ans se
sont écoulés depuis que le prophète par excellence est descendu
sur cette terre ; il s'appelait le Messie, et revêtit la nature hu-
maine dans le sein de la Vierge Marie : il s'incarnait pour ra-
cheter les pécheurs.
Quatre mille ans auparavant, le monde avait été créé, le ciel
et la terre, le soleil, la lune et les étoiles, le jour pour éclairer,
la nuit pour se reposer, l'été, l'hiver et tout ce que renferme
l'univers.
Dieu tout-puissant eut dans les hauteurs des Cieux la pensée
d'augmenter sa gloire, il créa les Anges. Lucibel était le chef,
le prince des Chérubins, par orgueil et par vanité, il devint
réprouvé. Parce qu'il était un ange parfait, plein d'une audace
superbe, il voulut s'élever aussi haut que Dieu, et recevoir en
tout temps les hommages des autres Anges, comme le vrai
Dieu qui l'avait créé. Esprits malheureux, toute une légion
d'Anges fut déçue par cette espérance criminelle. Le Créateur
n'eut pas plus tôt saisi leur projet insensé, qu'il les maudit et
leur enleva ainsi le bonheur. Ils furent à l'instant chassés du
Paradis et précipités tous dans les entrailles de la terre. Satan,
Beelzébut et Lucifer maudit sont maintenant des diables
plongés dans l'enfer.
Lorsque le Créateur vit les places vides et une légion
d'Anges d'un coup expulsés, il descendit du Ciel, et en vertu
de sa puissance, il forma l'univers sans un instant d'arrêt.
1 64 L'abbé Eug. Bernard.
« Chetu, eme Doue, sigeno disoloet
« Gant ar re valurus en deus ma ofancet :
55 « Me deui d'ho ramplissan, evel ma s-oun Doue,
« Rac an den a formin breman, corf hac ine ».
Da guentan e teuas da formin ar sclerijen,
Ha da henvoel anhan plijadures an den-.
Neuse an heol a formas a so illuminant,
60 Hac a ro sclerijen dious ar firmamant ;
Neuse hanvoas an nos pehini so tefal,
Hac en deus al lumier dious steret ha loar :
An nos dre lie vertu a so tevalijen,
Hac a ro an amser da repos da bep den.
65 Separet voa neuse an nos dious an de,
Ha d'al loenet brutal e roas liberté.
Neuse e cafas mat rein ho hano d'esho,
Ha goude e formas an holl elemancho.
Al km eo ar hentan, ar meurs, ar merher, ar iaou,
70 Ar guener, ar sadorn, ha neuse ar sulio.
Ha neuse e formas an holl anevalct,
Al loenet en douar, er mot bras ar pesquet,
Ar ranet en dour dous da ganan meulodi
Dre ho moes ravissant, da dont d'he enorin.
75 Neuse e formas an den henvel ous he poltret,
Démens un tam douar : Adam e voe hanvet.
« Adam, eme Doue, saf en sa prontamant :
« Me am eus da crouet cm imaj excelant,
« Voar loenet an douar e vi victorius,
80 « Goude-se te a veso en envo eùrus.
« Te a so ma mignon, hac a viquen e vi,
« Rac se toll eves mat da dont d'am ofancin.
« Er Barados terestr me ro d'it liberté
« Quercouls voar ar freus mat ha voar al loenet goue.
85 « An douar dre natur, a deui da broduin
« A bep sort louson mat evit da substantin.
« Quement a vo formet er bet antieramant
« A vo, eme Doue, d'id-de obéissant.
« Debr hac cf, ma mignon, ar sort goût a guéri,
90 « Ar voeen a vue, hon-nes a reservi.
La Création du monde. 16$
« Voici, dit le Seigneur, des places abandonnées parles mi-
ce sérables qui m'ont offensé : je les ferai occuper, aussi vrai
« que je suis Dieu, car je vais maintenant façonner l'homme,
« corps et âme. »
Dieu commença -par créer la lumière, et il l'appela la joie
de l'homme, puis le soleil qui resplendit, et qui répand la lu-
mière du haut du firmament. Il nomma la nuit qui est obs-
cure, qui reçoit la clarté de la lune et des étoiles, la nuit qui
par elle-même n'est que ténèbres, et qui fournit à chacun le
temps de se reposer.
La nuit fut séparée du jour, et Dieu donna la liberté aux
bêtes féroces, auxquelles il trouva bon d'attribuer des noms.
Il créa ensuite tous les éléments. Le Lundi fut le premier jour,
après se succédèrent le Mardi, le Mercredi, le Jeudi, le Ven-
dredi, le Samedi et le Dimanche. Alors il fit sortir du néant
tous les animaux, les bètes sur la terre, les poissons dans la
grande mer, dans l'eau douce les grenouilles pour chanter ses
louanges et l'honorer par leurs voix ravissantes. Puis il forma
l'homme d'un peu de terre, à sa ressemblance, et l'appela
Adam.
« Adam, dit Dieu, lève-toi promptement. Je t'ai créé à
« mon image : sur les animaux de la terre tu exerceras ton
« empire, et dans la suite tu seras heureux au Ciel. Tu es
« mon ami, tu le seras à jamais, prends donc bien garde de
« m'offenser. Le Paradis terrestre sera ton séjour, tu y vivras
« libre, et les meilleurs fruits aussi bien que les bêtes sauvages
« seront à ta disposition. La terre, par sa fécondité, produira
« toute espèce de plantes pour te sustenter. Tout ce qui
« sera créé au monde, tout sans exception, sera, dit le Sei-
« gneur, soumis à tes lois. Bois et mange, mon ami, tout ce
« qui flattera ton goût, l'arbre de vie seul, celui-là, tu n'y
« toucheras pas.
Revue Celtique, IX 1 1
1 66 L'abbé Eug. Bernard.
« Te a vo immortel entre ma vi em graço,
« Hac hallo jouissan a bep sort deliço ».
— « Ma Mest, eme Adam, me ho trugarequa
« Evit ma bean crouet er bet-man, a netra ;
95 « Ha rac-se, ma Doue, me bromet ho caret,
« Ha bout obéissant da guement a leret » .
— « P'am eus, eme Doue, ho laquet voar ar bet,
« Da vean evurus a viquen, ma queret,
« Quement a so crouet et bet .bete vreman,
ioo « E comandan d'cshe d'ac'h-hu obeissan.
« Reit d'eshe ho hano er feson ma queret,
« Obéissant voint d'ar pes a comandet.
« Me am eus ho confirmet gant pep sort carante,
« Beet obéissant bepret d'ho guir Doue ».
105 — « Ma Doue, eme Adam, p'hoc'h eus bet ma crouet,
« Ha ma laquet da vest voar quement so er bet,
« Me rai d'he ho hano herve ma bolante,
a Ha houi da bep amser glorifiet gant-he ».
Neuse e ai Adam da henvoel al loenet
no Quement a so er bet, nac a so da donet ;
Quement a so er bet crouet gant ma Doue,
Hon tat quentan Adam a hanvoas neuse.
Doue a concilias dre liras ar Speret gloan,
He vignon bras Adam, ous lien vont e-unan,
1 1 5 Dont da formin eur verh da vean d'ehan priet,
Dre er memeus natur da dont d'en eum garet.
Ha pa bedas Adam da repos er jardin,
Ha da asten he corf voar un tam lousou fin,
Voar ben ma tifunas e cafas chanchamant,
120 E voelas he briet eur feumeulen vaillant.
Pa reposas Adam, Doue a ies d'hen caet,
Evel ma e subtil, ha n'hen difunas quet:
A eur gosten d'ehan en eus formet he bar,
Quercouls evel Adam, d'eus un ternie douar.
125 Ha pa'n defoa subtilament tennet
Eur gosten da Adam, e formas he briet :
« Sao alèse, groec veo, hac e voeli da par,
La Création du monde. \6~j
« Tu seras immortel, tarit que tu conserveras ma grâce, et tu
« pourras jouir de toute sorte de délices. »
« Mon maître, répond Adam, je vous remercie de m' avoir
« en ce monde créé de rien. C'est pourquoi, mon Dieu, je
« promets de vous aimer et d'obéir à tout ce que vous direz. »
« Je vous ai mis sur la terre, dit Dieu, pour être toujours
« heureux, si vous le voulez. A tout ce qui jusqu'à présent a
« été créé dans l'univers, à tout, je commande de vous obéir.
« Donnez-leur des noms, de la façon qui vous conviendra, et
« ils seront soumis à vos ordres. Mon amour pour vous, vous
« assure tous ces biens, soyez donc toujours obéissant à votre
« Dieu. »
« Mon Dieu, reprend Adam, puisque vous m'avez créé et
« constitué maître sur tout ce qu'il y a au monde, je donnerai
« à chaque être son nom suivant mon bon plaisir, et vous,
« puissiez-vous être par eux à tout jamais glorifié ! »
Adam s'en ira distribuer des noms aux animaux, à ceux qui
existent et à ceux qui naîtront à la vie, et à tout ce qui a été
créé par Dieu sur la terre.
Dieu décida par la grâce de l'Esprit Saint, de créer pour son
grand ami Adam, par cela qu'il était seul, de créer une jeune
fille, de la lui donner pour épouse, et de les faire s'aimer l'un
l'autre, en vertu de leur commune nature. Il invita donc
Adam à se reposer au jardin, et à étendre ses membres sur
une poignée d'herbes odoriférantes.
A son réveil, Adam trouva du changement, il se vit en face
de son épouse, une superbe vierge. Pendant qu'Adam reposait,
Dieu s'en approcha, et comme il est esprit, il n'éveilla pas le
dormeur. Il lui enleva une côte, pour en former la première
femme, comme il avait créé le premier homme d'un peu de
terre.
Quand d'une côte d'Adam doucement arrachée, son épouse
eût été ainsi formée, « Lève-toi, femme vivante, dit Dieu,
« lève-toi, et tu verras ton pareil. Son corps repose encore,
i68
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145
L'abbé Eug. Bernard.
He corf hoas o repos, sell-han voar an douar.
Deus da drugarequat neuse ar guir Doue,
Ous da vean crouet er bet, corf hac ine,
Ha te laquet memeus, herve he naturel,
Da vout, corf hac ine, evel-t-han, immortel.
Houi a rejouisso breman er Baradoes.
< Teulet evoes ouspen petra a laran hoas :
Ma crouadurien pur, eme an Autro Doue,
Me am eus ho crouet er memeus dignité ;
Mes deus da exantin ar voeen a vue.
Voar ar re-all er bet me ra d'it liberté :
:< Hon-nes, eme Doue, ar voeen immortel,
Hac ma touchet ont-hi, e teuet da vervoel,
Houi a gollo ma graço, ha privet d'eus ma gloar,
< A retorn adarre en poult hac en douar.
< Pa m'eus ho piniguet ha laquet ho taou par,
Creet, multipliet da peuplin an douar.
Ha houi ive, Eva, gant ar fres a douguet,
Houi a voelioudou hac a poan exantet.
CONCLUSION.
Mar beet atantif, em-berr e remerquet
A représentation ar pes am eus laret.
Breman houi a voelo un darn dimeus ma gloar,
150 Doue hac an Elle a comans an istoir,
Evit an act quentan a voelan finisset.
Prologo so da bep act ; en seis es int laquet,
A vo represantet, mar bermet an amser (ho silans).
Beet atantif guen-imp, o prestan ho silans.
155 Quent avans davantaj, cm eus hoant da guentan,
Da houlen dian-ec'h ar pes a disiran.
Nen d-oun quet dificil, mar be ho polante,
Ne garac'h ma refus evit quen neubeut-se,
Ne houlennomp netra na gleomp da gaet :
160 Recevet ahanomp en ho pasiantet,
Balamour da Doue ; comprenet, en-hi
Ho prolit a reet ha non pas hon hini.
Me eo ar simplan den a speret, mes holl en eum doutomp,
La Création du monde. 169
« vois-le étendu à terre. Viens à l'instant remercier le vrai
« Dieu de t'avoir créée corps et âme, et même, dans sa bonté,
« de t'avoir faite, corps et âme, immortelle comme lui. Main-
ce tenant vous serez la joie du Paradis. De plus, prenez bien
ce garde à ce que je vais dire. Vous êtes mes créatures, dit le
ce Seigneur Dieu, je vous ai créés en possession d'une égale
ce dignité. Mais je me réserve l'arbre de vie. Sur tout le reste
ce au monde, je vous donne pouvoir. Cet arbre seul, dit Dieu,
ce cet arbre est immortel, et si vous y goûtez, vous mourrez,
ce Vous perdrez ma grâce, et dépouillés de ma gloire vous
ce retournerez en terre et en poussière. Maintenant que je vous
ce ai bénis, et fait de vous deux époux, croissez, multipliez
ce pour peupler la terre. Et vous, Eve, avec les fruits que vous
ce engendrerez, vous serez à l'abri des douleurs de l'enfan-
ce tement. »
CONCLUSION.
Si vous êtes attentifs, vous verrez tout à l'heure la mise en
scène de ce que je vous ai exposé en paroles. Maintenant
vous allez admirer une partie de ma gloire, Dieu et ses Anges
commencent l'histoire au premier acte, dont j'ai bientôt ter-
miné l'exposition. Un prologue précède chaque acte : il y en
a sept qui seront représentés, si le temps le permet. Gardez
donc le silence et prêtez-nous votre attention.
Avant de terminer, j'ai envie de vous dire ce que je sou-
haite. Je ne suis pas difficile, et votre bonne volonté aidant,
vous ne voudrez pas me refuser pour si peu de chose. Nous
ne demandons rien que nous ne devions obtenir. Accueillez-
nous avec patience, pour l'amour de Dieu, et comprenez que
ce sera plus à votre profit qu'à notre avantage.
Je suis l'homme le plus simple d'esprit : mais tous, nous
170 L'abbé Eug. Bernard.
Rac-semar manquomp dre ignorans, na gleomp da gaet spont
165 Pardonet ahanomp, mar be ho polante,
Ha nin a bedo Jésus, m' ho pardono ive.
An nep a ve ressan voar lie gondition,
A vanc avoijo pa ve ar brassan compt.
En eum den a goste a gafan e poent d'in,
170 Re bell es-on chomet, comans a ret nehin
Pa ne deu ar re-all ; a bliche d'ho speret,
Me gare e rafent, allas ! me ne ran quet.
Escus a houlennan, rac me ia d'ho quitat,
Da rein plas da antren breman Doue an Tat.
Senxe I
Doue an Tat ous he Elle.
175 Me am eus crouet an env, heol, steret ha loar,
Quercouls ar firmamant, ar mor hac an douar :
Me gomant d'an douar donet da broduin
Pep tra en he seson, evel ma comandin.
Ha quercouls ar mor bras, daouest d'he violans,
180 A renco chom bepret, d'in vo obéissant.
Ha houi, ma holl Elle, me am eus ho crouet
Evit ma enorin, ha ma meulin bepret.
D'ar re-all e vo fin, mes d'ec'h na vo james,
Houi a vo bepret guen-in em Baradoes.
185 Rac-se, me ho supli, canet joaiissamant
Meulodi d'ho Crouer, gant eur voes trionfant.
An Elle a gano tout assambles.
Nin a rent graço joaùssamant
Breman da Roue ar firmamant,
Pehinin en eus hon hrouet,
190 Ma veso drei-omp enoret !
Da veso meulet ma Doue,
Bepret ha het an éternité !
La Création du monde. 171
doutons de nos forces, c'est pourquoi s'il nous arrive de pécher
par ignorance, nous ne devons pas nous en effrayer. Par-
donnez-nous donc, si vous le voulez bien. Nous prierons
Jésus pour vous, qu'il vous pardonne aussi. Quiconque est
trop susceptible en ce qui touche à sa condition, se trouve
parfois en faute quand il a le plus grand compte à rendre.
Il est maintenant, je pense, temps de me retirer à l'écart. Je
me suis trop attardé, vous commencez à regretter de ne pas
voir paraître les autres acteurs. Qu'ils plaisent à vos esprits, je
le désire pour eux; hélas! je n'ai pas ce bonheur. Excusez-moi,
je vous prie, je quitte la place pour laisser entrer Dieu le Père.
Scène I.
Dieu le Père parle à ses Anges.
J'ai créé le ciel, le soleil, la lune et les étoiles, et aussi le
firmament, la terre et la mer. J'ordonne à la terre de produire
chaque chose en son temps, selon mon commandement, et la
grande mer, en dépit de ses fureurs, devra s'apaiser, et tou-
jours me demeurer obéissante.
Vous tous, mes Anges, je vous ai créés pour m'honorer et
pour célébrer mes louanges. Les autres êtres auront une fin :
pour vous il n'y en aura jamais, vous serez toujours avec moi
dans mon Paradis. Aussi je vous y convie : que vos voix
■triomphantes chantent avec allégresse les louanges de votre
Créateur.
Les Anges chantent en chœur.
Nous rendons avec joie grâces au Roi du firmament, qui
nous a créés : qu'il soit par nous honoré ! Que notre Dieu
soit loué toujours et pendant toute l'éternité !
1 7 2 L'abbé Eug. Bernard.
Doue an Tat a coms.
Sur, ma crouadurien, me m'eus contantamant,
Rejouisset e oun giien-ec'h breman er firmamaiït ;
195 Jubile a reet holl, mar deut d'am enorin,
N'en eus na droue na vat, me voar, hep laret d'in.
An El sant Michel a coms.
Me a rent d'ac'h graço, Prins, Auteur souveren,
D'am besan bet crouet gant ho crouadurien,
Hac a rent d'ac'h graço gant eur galon joaùs,
200 Hac ho trugarequa d'am bout groet cvurus.
An El sant Gabriel a coms.
Nin a rent graço en pep amser
D'ec'h-hu, Doue, hon guir crouer,
D'hon bean groet caer dreist pep-hinin,
Hac ho meulodi netra ne desti.
An El Rafaël a coms.
205 Pa consideromp Roue ar firmamant,
Holl hon eus dre ho cras, pep sort contantamant ;
Nin ho trugarequa, hac ha rent d'ec'h graço,
Demeus a pep faveur, dre hon meulodio.
An El Chérubin a coms.
Prins hac Auteur ar bet demeus a pep amser,
210 Nin a rent omaj, pa'n d-oc'h hon guir Croirer,
Ha quement lijion hoc'h eus breman crouet,
Gant-he, en pep amser, e veet enoret.
An El Séraphin a coms.
O Doue, ma Crouer, peguer bras sclerijen !
Na peguement a joa am eus en ho quichen !
215 Houi rent d'ho crouadur pep sort contantamant,
Houi hell bean enoret partout er firmamant.
La Cféation du monde. 173
Dieu le Père.
Certainement, Anges créées par moi, je suis satisfait, et vous
me réjouissez dans les splendeurs du firmament. Vous ferez
tous fête, si vous venez me rendre hommage. Il n'y a ni bien
ni mal que je ne sache, sans que vous me le disiez.
L'Ange saint Michel.
Je vous rends grâces, Prince, Auteur souverain, de m'avoir
donné l'être avec vos autres' créatures, je vous rends grâces le
cœur rempli de joie, et je vous remercie de la félicité dont
vous me comblez.
L'Ange saint Gabriel.
Nous vous rendons grâces en tout temps, à vous, Dieu,
notre Créateur, de nous avoir créés plus beaux que tous les
autres : nous vous bénissons, et rien ne saurait arrêter nos
louanges.
'5*
L'Ange Raphaël.
Quand nous vous contemplons, Roi du firmament, tous
par votre grâce, nous jouissons d'un bonheur parlait. Nous
vous disons merci, et par nos louanges, nous vous rendons
grâces de tous vos bienfaits.
Un Chérubin.
. Prince, et de tout temps Auteur du monde, nous vous ren-
dons hommage à vous, notre Créateur. Que chaque légion
d'Anges créés à cette heure par vous, ne cesse jamais de vous
honorer !
Un Séraphin.
O Dieu, mon Créateur ! Quelle lumière éclatante ! Quelle
joie nous goûtons auprès de vous ! Vous donnez à vos créa-
tures une félicité sans bornes, et vous méritez d'être honoré
dans toute l'étendue des Cieux.
174 L'abbé Eug. Bernard.
Lucibel a coms.
Gant reson bras d'in em spi a disqucr :
Me a so scier ha fin ha dign d'eus al lumier,
Me so caer ha puissant ha savet tout antier,
220 Ne n'eus El groet en env evel d'oun, en eur guer;
Me a so El groet en env, esper a guemeran
Da sevel huelloc'h, em eus avis breman.
Me a bretant monet en quefer Doue an Tat,
Pa'n d'oun quen caer hac hen, se a voelet erfat :
225 Pa'n d'oun caer ha subtil, gentil, abil ha net,
E in en lie quichen, reson eo d'in monet.
Me so scier, me so dign, me so illuminant,
Me a so caerran El so crouet er firmamant,
Me a gle quentan, ia, ne doutet quet,
230 Bean oun pur savant, e dlean bout enoret,
Hac evel un Doue me a gle bout puissant,
Ha dreist an holl Elle me die bout trionfant.
A nep ardeur na ve formet,
Quen caer ha me ne cafet quet.
235 Me a ia huel, hac em guelet,
Gant ho cusul ive guiriec.
Hervé ho santimant hac ho tiscretion,
Arhele, deut d'am spi ha d'am ompinion.
Me a rai ma folis pur, hac herve ar reson,
240 Dirac Doue en eur si, da vout en lie quichen.
Me a tell d'in bean en quefer,
Er plas-se, hep si, em gueler.
Me eo Lucibel, arc'hel mat,
A ia da roue gant Doue an Tat.
245 Cos Elle glan! me ia ous crec'h,
Na chommin mui aman guen-ec'h.
Me a hell, certen, hep doutans,
P'am eus speret ha puissans,
Monet ous crec'h en fors Doue,
250 Ha bout enoret couls hac hen.
Deut holl breman da contemplin
La Création du monde. 1 7 $
Lucibel.
J'ai grande raison de me le bien mettre dans l'esprit : je
suis brillant, intelligent et digne de toute splendeur. Oui, je
suis beau, puissant, merveilleusement doué, et, en un mot,
au Ciel il n'y a pas un Ange a m'égaler. Ma place est au Ciel,
et j'ai l'espoir de monter plus haut; j'en arrête maintenant le
dessein. Je prétends m'élever auprès de Dieu le Père, car je
suis aussi beau que lui, vous le voyez parfaitement. Puisque
je suis beau, intelligent, gracieux, habile et sans tache, je mon-
terai m'asseoir a ses côtés.
Je suis brillant, parfait, resplendissant, je suis l'Ange le plus
beau créé au firmament, je dois être le premier, oui, n'en
doutez pas, je suis un vrai savant, je dois être honoré comme
tel; comme un Dieu je dois être puissant, et au-dessus de tous
les Anges, je dois poser en triomphateur.
Aucune flamme ne pourrait donner naissance à un Ange
aussi beau que moi ; mon pareil, vous ne sauriez le trouver.
Je vais monter, et vous en serez témoins, suivant vos conseils
dictés par la vérité. Laissez-vous conduire par votre sentiment
et par votre sagesse, Archanges, rangez-vous à mon avis et à
mon opinion. Je réaliserai ma folle idée, et, en toute justice,
je vais, d'un bond, m'élancer devant Dieu, m'asseoir à ses
côtés. Je veux être auprès de lui, et, sans peine, on me verra
occuper cette place.
Je suis Lucibel, le brillant Archange, je vais partager la
royauté de Dieu le Père. Pauvres Anges ! je monte plus haut,
je ne reste pas davantage ici, avec vous. Je peux assurément,
sans aucun doute, puisque j'ai esprit et puissance, m'élever
envers et contre Dieu, et recevoir les mêmes honneurs que
lui.
Venez tous maintenant me contempler dans la gloire qui
176 L'abbé Eug. Bernard.
Ebars er gloar a recevin.
Me ia da cresquin ma joaio,
Hac em quichen me ho plaço.
Saut Michel a coms.
255 Ah! Lucibel, pes esperans
So deut d'it ? M'oud-de hep doutans ?
Toll plet o tont d'en eum avans,
Ne raes fot dre arogans.
Ar quentan El fall a coms.
D'en eum avans na douj reson,
260 Da jujin arri n'e quistion.
Gant Doue, hep si, birviquen,
Hac evurus en he quichen.
Lucibel a coms.
Me ia da sevel d'a-vreman,
Gant Doue, en degré huellan.
265 Ha pebes ébat am bo-me,
Pa vesin hanval ous Doue !
An El Gabriel a coms.
Elle direson, hep gonit,
Dout bras am eus na viet evit.
Rebelant oc'h ous ho Roue,
270 En deus ho crouet, couls ha me.
An eil El fall a coms.
Arsa ! sao, ha groa da profit,
Me lar es eo gaou a lar d'it.
Te a so quer savant ha ma e Dont,
Pa'n d'out caer, jolis er guis-se :
275 Quen caer ha Doue as crouas,
Out, certen, dre ordrenans vras.
Goure, ha deus,' ne aret quet,
El lec'h ma vi çlorifiet.
La Création du monde. 177
m'attend : je vais accroître ma félicité, et je vous donnerai
place auprès de moi.
Saint Michel.
Ah ! Lucibel ! Quelle espérance est la tienne ? N'as-tu pas de
crainte ? Prends garde ; en voulant avancer, tu pourrais tomber
par orgueil.
Le premer Ange mauvais.
D'avancer rien ne saurait l'empêcher. De le juger une fois
arrivé, il n'en est pas question. Sans peine, à tout jamais, il
sera avec Dieu et a ses côtés éternellement heureux.
Lucibel.
Je vais m'élever à l'instant même à la plus haute place,
auprès de Dieu. Quels ne seront pas mes transports d'allé-
gresse, lorsque je serai semblable à Dieu ?
L'Ange Gabriel.
Anges insensés, je crains bien que vous ne vous en tiriez
sans succès. Vous vous révoltez contre votre Roi qui vous a
créés aussi bien que moi.
Le second Ange mauvais.
Or çà ! Lève-toi et fais-en ton profit : tout cela n'est que
mensonge. Tu es aussi savant que Dieu. Tu es beau, gracieux
dans tes manières ; aussi beau que Dieu qui t'a créé, tu l'es
certes, par une disposition merveilleuse. Monte donc, et viens,
sans arrêter, à la place où tu seras glorifié.
78 L'abbé Eug. Bernard.
An El Rafaël a coms.
Lucibel, se ne ve quet mat :
280 Houi a deu da ofansiu Doue an Tat.
Teulet evoes, daouest d'ho gloar,
Na goesac'h en profont an douar.
Daouest d'as cheonin, nac ive d'as guenet,
Teulet plet, mar queret, n'en eum cafac'h tromplet.
An trivet El fall a coms.
285 Te a so mat, hanvat natur,
Te a so jentil ha bel ha fur.
Me a lar d'it, mar credes d'in,
E helles ober hep doutin.
Lucibel a coms.
Hanvat oun en natur, assur, ha pur ha net,
290 Na quen caer gant Doue biscoas ne voe crouet.
Avis a ra guen-en, demeus a sclerijen
Carguet ar Barados, assur, divoar ma len.
Rac-se, me ho pet holl, pa'm guelet o sevel,
Ha me prest da pignal voar an tron éternel,
295 Houi a veso presant, pa vesin curunet
Da Doue, da roue gant an holl enoret.
Clevet ous ma feden, mar queret ma senti n :
Ar sigen huellan, credet, so gleet d'in,
Rac em-berr em guelet, gleet eo d'in se,
300 En eur gador excelant, ha me prins ha Doue.
Breman me ia ractal, pelloc'h ne dartin quet,
Deut guen-en assambles da vout glorifiet.
Ar hentan fos El a coms.
Quen caer pep quentel a voelan,
Evel an Doue advouan :
305 Ha mar d'out, pign pa guéri,
Me a so prest d'as segondin.
La Création du monde. 179
L'Ange Raphaël.
Lucibel, ce ne serait pas bien ! Vous allez offenser Dieu le
Père. Gardez-vous, en dépit de votre gloire, de tomber au
plus profond de la terre. Malgré votre beauté, malgré votre
splendeur, prenez garde, si vous m'en croyez, de vous trouver
déçu.
Le troisième mauvais Ange.
Tu es bon, très bon par nature. Tu es gracieux. Tu es
beau, tu es sage. Je te le dis, si tu veux m'en croire, tu peux
agir sans hésiter.
Lucibel.
Je suis très bon par nature, c'est vrai, et brillant, et sans
tache. Jamais rien d'aussi beau ne fut créé par Dieu. Il me
semble, en vérité, que le Paradis est tout resplendissant de la
lumière qui rayonne sur ma tète. Aussi, je vous en prie tous,
lorsque vous me verrez m' élever, et prêt à monter sur le trône
de l'Eternel, soyez présents à mon couronnement, quand,
Dieu et Roi, je recevrai tous les hommages. Rendez-vous à
mon invitation, si vous voulez m'obéir. La plus haute place,
croyez-le, m'est bien due. C'est pourquoi, dans un instant
vous me contemplerez, oui, cela m'est bien dû, assis sur un
siège étincelant, et je serai Prince et Dieu. J'y vais de suite,
je ne différerai pas davantage ; venez tous avec moi afin d'être
glorifiés.
Le premier Ange mauvais.
Tu es, pour tout dire, aussi beau que Dieu, je le vois.
Oui, je te reconnais Dieu. Si tu l'es en vérité, monte quand
il te plaira, je suis prêt à te soutenir.
1 8o Vabbè Eug. Bernard.
An eil ios El a coms.
Pignet, pa gueret, Lucibel,
En quefer an Tat Eternel ;
Houi a so dign evit monet,
310 Ha bean guen-imp-ni enoret.
Lucibel a coms.
Arsa ! ma lijion choaset,
Ha houi a so eta preparet ?
Houi am eus choaset gratius
Da vean guen-en evurus.
Sant Michel a coms
315 Lucibel drouc a studies,
Hac ous gual cusul e sentes : •
Me a lar d'it hoas divoallan,
Rac Doue a liell da punissan.
An trivet ibs El a coms.
Lucibel, breman na lequet si,
320 Groet-hu breman ho fantasi.
Houi a verit bean enoret
Gant an heol, loar ha steret.
An El Séraphin a coms.
O Doue, ma Crouer, houi die bean enoret
Gant quement so breman, nac a veso er bet.
325 Mes breman me a voel ho crouadur méchant
Enep ho polante, sivoas ! so rebelant.
Mes houi en deus pouvoir voar quement mat a so,
Quencouls et firmamant hac er planedenno,
Hac a hell punissan an holl criminalet
330 A so o concluin aman holl, ho enep.
An El Chérubin a coms.
Clevet hoas, Lucibel, me ho pet a galon,
La Création du monde. 181
Le second Ange mauvais.
Montez, Lucibel, montez quand vous voudrez, auprès du
Père Eternel; vous êtes digne d'aller y prendre place, et vous
méritez que chacun de nous vous rende ses hommages.
Lucibel.
Or ça ! ma légion d'élus, êtes-vous prêts ? Je vous ai choisis
par faveur, pour partager avec vous ma félicité.
Saint Michel.
Lucibel, c'est mal ce que tu entreprends, et tu suis de mau-
vais conseils. Je te le redis encore, prends garde, Dieu pour-
rait te châtier.
Le troisième Ange mauvais.
Lucibel, à présent ne vous mettez plus en peine, et faites
donc à votre fantaisie. Vous méritez d'être entouré d'honneurs
par le soleil, la lune et les étoiles.
L'Ange Séraphin.
O Dieu, mon Créateur, vous devez être honoré par tout ce
qui est et qui sera dans le monde. Et en ce moment, je vois
vos créatures perverses se révolter, hélas ! contre votre volonté.
Mais vous avez puissance sur tout ce qui existe, vous régnez
au firmament, vous commandez sur les planètes, vous pouvez
punir tous les coupables unis ici pour comploter contre vous.
L'Ange Chérubin.
Ecoutez encore, Lucibel, du fond du cœur, je vous en prie.
Revue Celtioue, IX 12
1 8 2 L'abbé Eug. Bernard.
En eu m strinquet d'an daoulin, evit goulen pardon
Ous an Tat Eternel, en deveus ho crouet,
Hac ho groet ar caerran demeus an holl Elet.
Lucibel a coms.
335 Caer hoc'h eus, Chérubin, parlant pelloc'h ous-in :
Er sigen huellan breman eo e pignin ;
Me a prêtant penos e vesin enoret
Couls ha Doue an Tat en deveus ma crouet,
Ha bean evurus couls hac hen en envo,
340 Hac me gret e vin mest voar ar planedenno...
Houi a so prest, preparet, ma mignonet,
Da dont da choas plas en pales an Drindet ?
Me a rei d'ac'h eno pep a curun neve,
Nemet m'anaveet evit ar guir Doue.
345 Demp breman assambles, ha ne aretomp quen :
Me voel Doue an Tat, hac a ia d'he quichen.
Ar fos Elle ha Lucibel a ia da gaet Doue an Tat.
Doue an Tat a coms.
Aret, aret, crouadur disleal !
Me a so mest hac auteur d'ar gloar,
Hac a verit ive ma vesin enoret
350 Gant quement mat ara eus crouet.
Ma carjes te a voa em presans evurus,
Ha breman te a vo birviquen malurus ;
Te, ha da lijion, assambles a goeo
En profont an Ifern, en tan hac er flamo.
355 En pep sort deliço te poa contantamant :
Birviquen, m'es assur, n'as pe nemet tourmant.
Da hano am boa laquet em presans, Lucibel :
Mes te a vo birviquen Lucifer.
Te am boa-de lequet an enoran am lijion :
360 Te vo an teruplan a vo en Ifern don.
Me am boaroet d'it pep sort contantamant,
Mes birviquen pelloc'h n'as pe nemet tourmant.
La Création du monde. 183
Jetez-vous à genoux et demandez pardon au Père Eternel qui
vous a créé, et a fait de vous le plus beau de ses Anges.
Lucibel.
Tu as beau parler, Chérubin : inutile d'insister davantage
près de moi. Je vais maintenant monter à la place la plus
élevée. Je prétends être honoré tout comme Dieu le Père qui
m'a créé, être tout comme lui, heureux au Ciel, et j'entends
même étendre mon empire sur les planètes...
Et vous, mes amis, êtes-vous préparés ? Etes-vous prêts à
venir choisir vos places dans le palais de la Trinité ? Là, je
vous distribuerai à chacun une belle couronne, à condition
toutefois, que vous me reconnaissiez pour vrai Dieu.
Allons à l'instant tous ensemble, ne tardons pas davantage.
Je vois Dieu le Père, et je monte m'asseoir à ses côtés.
Lucibel et les Mauvais Anges se dirigent vers Dieu le Père.
Dieu le Père.
Arrête, arrête ! Créature déloyale ! Je suis maître ici, je suis
l'auteur de la gloire, je mérite aussi d'être honoré par tout ce
qui existe, par tout ce que j'ai créé. Quant à toi, si tu l'avais
voulu, tu aurais en ma présence, joui d'une félicité sans limites,
et maintenant tu seras à jamais malheureux. Toi et toute ta
légion d'Anges, vous serez précipités au fond des Enfers, au
milieu du feu et des flammes. Toutes sortes de délices étaient
ton partage et te donnaient pleine satisfaction : désormais, je
te l'affirme, tu n'auras que tourments. Je t'avais appelé Lu-
cibel pour te tenir en ma présence : désormais ton nom sera
Lucifer. Je t'avais créé le plus beau de tous mes Anges : tu
seras le plus terrible habitant des Enfers. Je t'avais accordé
toute espèce de joies : désormais tu ne vivras que pour souffrir.
184 L'abbé Eug. Bernard.
Me a laqua eur chaden dira-out, da voelet
Birviquen na ve fin d'as tourmancho calet.
365 llac se me gomant d'ac'h breman, incontinant,
Da goean voar da pen en crois ar flam ardant ;
Te disquenno ebars, quencouls da lijion,
Me ro guen-it breman ma malédiction.
Aman e coeont tout en Ifern, ha ma criont tout.
Fors ! fors ! ar goms-man, assur, a so poner !
370 Ar valediction diant un Doue éternel.
Gant eur goms hep mui quen, en deus bon strinquet
Da goean er poanio brassan a oufet da gaet.
Doue an Tat a corns ous an Elle mat.
Goude, ma holl Elle, goude an devoes bras,
Hae ar maleur arri voar nep am ofansas,
375 Memeus dre ho ourgouil hae ho superbite,
Ho deto an tan flam entre ma vin Doue.
Mes houi, ma mignonet, père so bet fidel,
Am anevet bepret evit ho guir crouer.
Me ho confirm breman, Elle gloan ; hep anvi,
380 Ha gras ar Speret gloan, groet can ha meulodi,
Rentet graço laouen, quen certen pep-hinin,
D'ho Crouer, d'ho Doue, ho mir bac ho casti.
Guelet hoc' h eus suplis an nep n'am anve quet :
Mes houi so bet fidel, perseveret bepret.
385 Concluet em eus, dre gras ar Speret gloan,
Da lemel pep-hinin a danjer bac a poan ;
Birviquen, m'ho assur, na veso ataquet
Nicun er Barados, gant ourgouil na pec'het;
Disquaret am eus tout soursen ar vanité,
390 M'ho conservo bepret, evel ma oun Doue.
An Elle a cano.
Drindet santel, Auteur ar gloar,
Crouer d'an env ha d'an douar,
Nin gant joa, a voir galon,
A rai meulodi da Roue au trou,
Llî Création du monde. 18$
Devant toi j'attache une chaîne pour montrer qu'il n'y aura
pas de fin à tes tortures. Maintenant donc, à l'instant, sur
mon commandement tombez la tête la première au milieu des
flammes ardentes, toi, Lucifer, avec tous tes partisans, et je
vous donne ma malédiction.
Ici ils tombent tous en Enfer, et tous crient:
Malheur ! Malheur ! Que cette parole est écrasante ! La ma-
lédiction d'un Dieu éternel ! D'un mot seul il nous a préci-
pités et plongés dans la souffrance la plus grande qui se puisse
imaginer.
Dieu le Père s'adresse aux bons Anges.
Mes Anges, après ce grand jour où j'ai châtié tous ceux qui
m'ont offensé par leur audace et leur orgueil, les flammes ar-
dentes seront leur séjour tant que je serai Dieu. Mais vous,
mes amis, vous qui m'êtes restés fidèles, reconnaissez toujours
en moi votre véritable Créateur.
Esprits célestes, je vous confirme maintenant en grâce.
Sans hésiter et par la vertu de l'Esprit-Saint, chantez en chœur,
célébrez mes louanges, rendez grâces, tous sans exception,
d'une voix joyeuse, a votre Créateur, à votre Dieu, qui vous
garde et qui vous corrige. Vous avez été témoins de la puni-
tion de ceux qui ne me reconnaissaient point. J'ai décidé, par
la grâce de l'Esprit-Saint, de vous soustraire tous à la peine et
au danger. Jamais, je vous le jure, aucun de vous ne sera sol-
licité au Paradis par une tentation d'orgueil ou d'autre péché.
J'ai séché toutes les sources de la vanité. Je vous sauvegar-
derai toujours, vrai, comme je suis Dieu.
Les Anges chanteront en chœur.
Trinité sainte, Auteur de la gloire, Créateur du ciel et de
la terre, tous ensemble, avec grande joie et de bon cœur,
nous célébrons les louanges du Roi tout-puissant,
1 86 L'abbé Eug. Bernard.
395 En deus bon hrouet a netra,
Hac hon miret ous estrenvoa.
An El sant Michel a coins.
Doue éternel, da vout meulet !
Nin so guen-ec'h-hu beniguet,
Nin a so caer ha livrin ha sinet,
400 Hac a viquen leun a henet.
Hon holl respet eo guelet Doue,
Evel hon Crouer, hon Roue.
Me eo Michel, prins an Elle,
D'ec'h, Doue an Tat, e credan se,
405 A rent graço, joaio neve,
Pa'n d-omp, certen, en levene.
Chérubin a coms.
Tat éternel, na doutomp quet,
Houi, sur, a gle boutenoret;
Rac dre ho puissans divin,
410 Houi en deus hon laquet, hep lin,
Da jouissan pep meulodi,
Hep caet tourmant nac anvoi.
Séraphin a coms.
Goudt an holl disir an Drindet.
Presant gant Doue nin so crouet,
415 Hac ous pep piril divoallet,
Hac Elle glan ha biniguet.
Rac-se rentomp d'ehan graço,
D'hon bean crouet en envo,
Hon preservet ous an danjer
420 A so arriet gant Lucifer.
La Création du monde. 187
qui nous a créés de rien et préservés de la perdition.
L'Ange saint Michel.
Dieu éternel, soyez loué ! Votre bénédiction s'est répandue
sur nous, nous sommes brillants, joyeux, confirmés en grâce
et pour toujours resplendissants de beauté. Tout notre bon-
heur est de voir Dieu, notre Créateur et notre Roi.
[e suis Michel, prince des Anges. A vous, Dieu le Père, à
vous, en qui je crois fermement, je rends grâces par de nou-
veaux cantiques d'allégresse, puisque nos cœurs sont assuré-
ment tous dans la jubilation.
Un Chérubin.
Père éternel, nous n'en doutons pas, vous êtes digne de
tout honneur. Par un effet de votre puissance souveraine,
vous nous avez constitués pour chanter perpétuellement vos
louanges, sans crainte, sans ennui.
Un Séraphin.
Tel est l'unique désir de la sainte Trinité. Dieu nous a
créés, il nous a protégés de tout péril, et bénis comme Anges
sans tache. C'est pourquoi rendons-lui grâces de nous avoir
placés au Ciel et préservés du danger où a succombé Lucifer.
1 88 L'abbé Eug. Bernard.
Senne II.
An diaoulien a antre en eur grial ous ar bet.
Satanas a coms.
I [aro ! ha gant ar fin hac araj arajet !
Chede nin d'eus an envo en douar discaret,
Da soufrin an tan flam, ar cruellan poanio :
Ha ma carjemp e voamp evurus en envo.
Berit a coms.
425 Satanas miliguet, gant da holl vanité,
Dre ma voas ar caerran demeus an holl Elle.
Sell breman da figur, quencouls hac hon hinin :
Ha hoas beout er flam birviquen o lesquin.
Astarot a coms.
Satanas miliguet, mallos ar firmamaut
430 Da goeso hoas voar-n-out ! te so caus d'han tourmant,
Mar carjes, nin a voa o c;\n;\n meulodi :
Ha chede nin breman en Ifern o lesquin.
Belsibut a coms.
Mil malédiction a ran d'it, Satanas,
Rac te a so quiriec d'hon tourmancho divlas,
435 A rencomp da soufrin, hep caet esperans
Da garet mui Doue, na guelet he presans.
Asmode a coms.
Satanas, ha te a so breman contant
Bout renoncet d'ar firmamaut ?
Te a lare bout eur veach curunet
440 En envo huellan, ha voar an holl Elet :
Collet eo guen-it da curun,
Ha te cr poanio disaun.
La Création du monde. 189
Scène II.
Les diables entrent en criant malédiction contre le monde.
Satan.
Haro ! Et pour tout dire, fureur et rage! Nous voici préci-
pités du Ciel dans les abîmes, pour souffrir au milieu des
flammes ardentes, les plus cruels supplices. Et si nous l'avions
voulu, nous serions encore heureux au Ciel !
Berit.
Satan, maudit sois-tu avec tout ton orgueil, parce que tu
étais le plus beau des Anges. Regarde maintenant ta figure
aussi bien que la nôtre. Et de plus, être condamnés à brûler
éternellement dans les flammes !
Astarot.
Satan maudit, que la malédiction du ciel tombe encore sur
toi ! Tu es la cause de notre ruine. Si tu l'avais voulu, nous
serions au Ciel à chanter des hymnes de louantes. Et nous voici
maintenant en Enfer, où nous brûlons au milieu des flammes.
Beelzébut.
Mille malédictions sur toi, Satan, car c'est toi la cause des
intolérables tourments qu'il nous faut endurer, sans plus avoir
l'espérance d'aimer Dieu, de jouir de sa présence.
Asmodée.
Satan, dis, es-tu content d'avoir quitté le Ciel ? Tu te van-
tais d'être couronné là-haut, à la place la plus élevée, au-
dessus de tous les Anges. Tu as perdu ta couronne, et tu es
tombé en proie à des tortures éternelles.
190 L'abbé Eug. Bernard.
Jupiter a coms.
Mallos ar steret hac al loar,
Mallos an env hac an douar,
445 D'an nep so caus ma s-omp collet,
Hac a bresans Doue ha da vean privet !
Mahom a coms.
Oh ! pa consideran en joaio an envo,
Chetu nin quitet demeus a hon plaço !
O vont bet rebelant a enep an Drindet ;
450 Birviquen na oufemp bout gant-han pardonet.
Satanas a coms.
Guir a leres ; certen, achu eo quement-se,
Birviquen nep pardon n'hon bo digant Doue.
Groeomp goassan hellomp, rac soufrin a so ret.
Birviquen me veso adversour d'an Drindet :
45 5 Ma hallen eur veach antren er Baradoes,
Nin raë ar bresel da Doue, d'an Eles.
Pa ne hallomp monet da jouissan he gloar,
Beomp adversourien d'ehan voar an douar.
Mallos Doue an Tat hac an elemancho,
460 Voar-n-hoc'h, ma consortet, a viquen ho peso.
Houi a consantas guen-in e voa mat ma avis,
Ha breman e omp holl en araj, en suplis.
Senne III.
Doue an Tat a coms.
Chetu ar sigeno ar voes-man disoloet
Gant ar re valurus en deus ma ofancet.
465 Me deui d'ho ramplissan, evel ma oun Doue,
Rac an den a formin memeus corf hac ine.
Ret eo d'in da guentan formin ar sclerijen,
La Création du monde. 191
Jupiter.
Malédiction des étoiles, malédiction de la lune, malédiction
du Ciel, malédiction de la terre, sur celui qui est cause si nous
sommes perdus, et à jamais privés de la présence de Dieu !
Mahom.
Ah ! lorsque je reporte mes regards vers les joies du Ciel,
je vois que nous sommes chassés de ce délicieux séjour, pour
nous être révoltés ^contre la Trinité. Non, jamais nous ne
pourrons obtenir notre pardon !
Satan.
Tu dis vrai. Certes, c'est bien fini, jamais Dieu ne nous
pardonnera. Faisons donc le plus de mal qu'il nous sera pos-
sible, puisque nous sommes condamnés à souffrir. Je veux être
à jamais l'adversaire de la Trinité. S'il nous était donné d'en-
trer une fois encore au Paradis, nous ferions la guerre à Dieu
et à ses Anges. Puisqu'il nous est interdit de retourner jouir
de sa gloire, soyons ses ennemis sur la terre. La malédiction
de Dieu le Père, la malédiction des éléments pèsera sur vous,
camarades, pendant toute l'éternité. Vous avez été de mon
avis pour trouver bon mon projet de révolte, maintenant nous
sommes tous voués à la rage et aux supplices.
Scèxe III.
Dieu le Père.
Voilà les places cette fois abandonnées par les malheureux
qui m'ont offensé. Je les ferai occuper, aussi vrai que je suis
Dieu, car je vais créer l'homme de rien, son corps et son âme.
D'abord, je veux créer la lumière, qui s'appellera la joie de
192 L'abbé £u£. Bernard.
Hac a veso hanvoet holl plijadures an den,
Hac an heol memeus a so illuminant,
470 Hac a rei sclerijen ebars ar firmamant.
Goude e hinvoin an nos pehini so tefal,
Hen defo al lumier dious steret ha loar :
An nos dre lie vertu a so tefalijen,
En amser-man a rai he repos da bep den...
475 Separet eo breman an nos dious an de,
Ha d'al loenet brutal e roan liberté.
Breman e quefin mat rein ho hano d'an deio,
Ha goude e formin an holl planedenno ;
Al lun eo ar hentan, ar meurs, ar merher, ar iaou,
480 Ar guener, ar sadorn, hac ive ar sulio.
Ha breman e formin an holl anevalet,
Ad labouset nij en er, er mor bras ar pesquet,
Ar ranet en dour dous, da ganan meulodi,
Dre ho moes ravissant a deui d'am enorin.
485 Me ia da formin an den em imaj diviset,
Demeus a un tam douar, Adam e vo hauvoet :
Voar loenet an douar e vo victorius,
Goude hen a veso en envo evurus.
Doue a disquenno d'eus he tron er Barados terest. hac a formo an den, ha
ma coms.
Adam, me as conjur da sevel prontamant,
490 Rac te a so crouet em imaj excelant.
Te a so ma mignon, ha birviquen e vi :
Hogon toll evoes mat da dont d'am ofanci.
■ Er Barados terest me ro d'it liberté,
Quercouls voar ar fres mat, ha voar loenet goue.
495 An douar dre he natur, a deui da produin
A bep sort lousou mat evit da recrein.
Quement a so crouet er bet antieramant,
A veso, ma mignon, d'id-de obéissant.
Debr hac ef, ma mignon, ar sort goût a guéri,
500 Ar voeen a vue so ret da exantin.
Te a so immortel entre vi em graço,
Te hallo jouissan a bep sort deliço.
La Création du monde. 19?
l'homme, le soleil dans les deux pour illuminer tout et pour
répandre la lumière à travers le firmament. Ensuite, je don-
nerai son nom à la nuit qui est obscure, et qui empruntera sa
clarté à la 'lune et aux étoiles. La nuit par sa nature est té-
nèbres, et en ce temps-ci, elle procurera le repos à chacun...
La nuit et le jour sont maintenant séparés, et je mets en
liberté les animaux féroces. Il me plaît d'appeler les jours par
leurs noms, après quoi je créerai toutes les planètes. Le Lundi
est le premier jour, puis suivront le Mardi, le Mercredi, le
Jeudi, le Vendredi, le Samedi et le Dimanche.
A cette heure, je veux créer tous les animaux, les oiseaux
qui volent dans l'air, les poissons dans la grande mer, dans
l'eau douce les grenouilles, pour chanter mes louanges, et me
rendre honneur par leurs concerts ravissants.
Je vais former l'homme, le laçonner à mon image, le tirer
d'un peu de terre : il s'appellera Adam. Il aura puissance sur
les animaux de l'univers, et dans la suite, il sera heureux au
Ciel.
Dieu descendra de son trône, dans le Paradis terrestre, et formera l'homme.
Ensuite il parle.
Adam, je te l'ordonne, lève-toi piomptement. Je t'ai créé
ressemblant à mon image divine. Tu es mon ami, et tu le
seras toujours, mais prends bien garde de te laisser aller à
m'offenser. Au Paradis terrestre je te donne la libre disposition
des fruits de choix et des animaux sauvages. La terre, de sa
nature, produira toute espèce de légumes pour ta nourriture.
Tout ce qui existe au monde, tout, mon ami, sera soumis
à tes lois. Mange et bois, mon ami, ce qui te fera plaisir : à
l'arbre de vie seul, tu ne toucheras pas. L'immortalité est et
sera ton partage, tant que tu resteras en état de grâce, et tu
pourras jouir de toutes sortes de délices.
194 L'abbé Etog. Bernard.
Adam a coms.
Ma Mest ha ma Autro, me ho trugarequa
Evit ma bout crouet, me a voel, a netra,
505 Ha ma bean laquet en pep sort deliço :
Demeus a bep amser me a rent d'ac'h graço,
Hac a promet aman, ma Doue, ho caret,
Ha bout obéissant da guement a leret.
Doue an Tat a coms.
Adam, houi eo ar hentan am eus laquet er bet,
5 10 Da vean evurus a viquen, ma queret ;
Me 'm eus ho confirmet gant pep sort carante,
Beet obéissant bepret, d'ho guir Doue.
Quement a so crouet er bet bete vreman,
Me a gomant d'eshe d'ec'h-hu obeissan :
5 1 5 Reit d'esho ho hano er feson ma queret,
Obéissant voint d'ar pes a comandet.
Adam a coms, 0 rein ho hano d'al loenet.
O Doue, ma Crouer, p'hoc'h eus bet madeles
Da ma laquât mest voar quement so er bet,
Me ro ho hano d'he, herve ma bolante,
520 Ha houi da bep amser glorifiet gant-he !
Me a hanvo ar goulm a so loen dereat,
Pa 'm eus bet ar hras diant Doue an Tat,
Ha neuse an estic gant he voes ravissant,
A enoro bepret Roue ar rirmamant,
525 Ar vran hac ar piquet, ar pabor, ar gueguin,
Ar voualc'h, ar golven, hac ive ar pincin :
Goude an eunic-glas veso ar peroquet,
Neuse ar glujuri, hac ar hefeleguet :
Goude ar guenili hac an ehoederet,
530 Ar sparfel hac ar scoul hac an tursunelet ;
N'en d-eo quet necesser holl o represantin,
Ha nep en eum servijo, a hanvo pep-hinin.
Goai hac houidi a hanvoan tout espres,
La Création du inonde. 195
Adam.
Mon Maître et mon Seigneur, je vous remercie de m'avoir,
je le vois, créé de rien, et de m'avoir placé dans ce jardin de
délices, c'est pourquoi je vous rendrai grâces en tout temps.
Je vous promets ici, mon Dieu, de vous aimer et d'obéir à
tout ce que vous ordonnerez.
Dfeu le Père.
Adam, tu es le premier que j'ai mis sur la terre pour être à
jamais heureux, si tu le veux bien. Je t'ai entouré de témoi-
gnages d'affection : sois-moi donc toujours obéissant, à moi,
ton Dieu véritable. A tous les êtres créés au monde jusqu'à
présent, je commande de t'obéir sans hésiter ; donne-leur des
noms comme il te conviendra, et chacun s'empressera de 5e
soumettre à tes ordres.
Adam donne des noms aux animaux.
O Dieu, mon Créateur, puisque vous avez eu la bonté de
me constituer maître sur tous les êtres de la création, je vais
les appeler du nom qui me plaira. Puissent-ils, Seigneur, vous
glorifier à jamais !
Je nomme la colombe, c'est un oiseau gracieux, en vertu du
pouvoir que m'a donné Dieu le Père, le rossignol, dont la voix
mélodieuse chantera toujours les louanges du Roi des Cieux,
le corbeau, la pie, le bouvreuil, le geai, le merle, le moineau,
le pinson, le martin-pêcheur, le perroquet, la perdrix, la bé-
casse, l'hirondelle, l'alouette, l'épervier, le milan, la tourte-
relle. Il n'est pas nécessaire de les représenter tous, celui qui
s'en servira les nommera l'un après l'autre. J'appelle aussi ex-
pressément de leur nom les oies et les canards,
1 96 L'abbé Eug. Bernard.
Patin, coc ha iar, hac ive ier Indes,
535 Ha breman ar gaouen, Iierve lie naturel,
Pa 'm eus bet ar hras digant an Eternel.
Breman e hinvoin hoas hep mar, an houperic,
Un eunic a so bail, lie hano, an estic :
Ar vilvoit hac an dret hac a craperic-gue,
540 Bete ar gasec-coat, me ro ho hano d'he.
Breman e hanvoan hoas an eunic Canaper,
Ar gudon, ar guïoch, couls an eun linaer,
An austruch hac ar grue hac ar grifon cruel,
Ar iar-dour, so mui quen a so ret da henvoel :
545 Hac ar foeteric-dour, quencouls hac ar fidan,
Ar molegan, ar haoil, neuse al laouenan :
Ar hefeleguet-mor hac an houidi-goue,
Ar garheis pesqueter, me ro ho hano d'he :
Hac an toreric-craon a hinvoin hoas breman,
550 Davantaj ar bic-spern hac ar straqueric-lan,
Ar boru-buric, ar sign, budor hac al levren.
Breman e hinvoin hoas, pa e d'in comandet,
Al loenet violant so gant Doue crouet :
Al leon hac an ours, an tigr hac al licorn,
555 Daouest d'ho holl furi a chom dindan ma dorn ;
Ar haro, ar iourc'h, ar blei hac an heies,
Ar hat hac al louarn, ha consort assambles,
Bete ar goniflet, ar broc n, an ermini,
A renc obeissan d'ar pes a comandin.
560 Breman e hanvoan hoas chatal, saout ha quesec,
Ar mul hac an asen, moe'h hac ohenet,
Ar re-se a veso da servi j in an den,
A vo e pep amser voar-n-eshe souveren :
Ha neuse levrini, dogueset, so hoas bras,
565 Hac al leopardet, chas munut, ar re vras,
Ar merien a douar, hac a bep sort houillet,
Ar fubu, ar helien, hac ive ar prevet.
Breman e hinvoin hoas ive ar sardonen,
Ar guenan, ar goespet, queonit, ha garlosten,
570 Ha neuse davantaj gueor, lampereset,
Ar busuc, ar bolbos, ar melvet, ar scrillet:
La Création du monde. ! 97
le paon, le coq et la poule, les dindons, le chat-huant, selon
sa nature, puisque l'Eternel m'a chargé de ce soin. Je nomme
encore, sans arrêter, la huppe, un petit oiseau qui porte une
tache blanche au front, c'est le rossignol de muraille, la grive,
l'étourneau, le grimpereau, le pivert. Je nomme également
le chardonneret, le pigeon-ramier, la bécassine, la linotte,
l'autruche, la grue, le griffon cruel, la poule d'eau, il n'en
reste plus à nommer. Encore la bergeronnette, le bruant, le
verdier, la caille, le roitelet, le courlis, le canard sauvage, le
héron, qui vit de poisson, le .casse-noisette, la pie-grièche, le
landier, le rouge-gorge, le cygne, le butor et la cigogne.
Maintenant, pour accomplir les ordres que j'ai reçus, je
nomme les bètes féroces créées par Dieu, le lion, l'ours, le tigre,
la licorne : malgré leur instinct sauvage, ils me resteront sous
la main ; le cerf, le chevreuil, le loup, la biche, le lièvre, le
renard et leurs pareils jusqu'au lapin, le blaireau, l'hermine,
qui doivent obéir à mon commandement. Je nomme encore
les troupeaux, vaches et chevaux, mulets, ânes, cochons,
bœufs ; ceux-là seront attachés au service de l'homme qui les
tiendra toujours en sa puissance ; puis les lévriers, les dogues
qui sont de taille, les léopards, les chiens, grands et petits;
les -fourmis de terre, les hannetons de toute espèce, les mou-
cherons, les mouches, les vers; et encore les frelons, les
abeilles, les guêpes, les araignées, les perce-oreilles, les cigales,
les sauterelles, les vers de terre, les mites, les limaces, les
grillons ;
Revue Celtique, IX 1 3
198 L'abbé Eug. Bernard.
Breman an défont, ar marmous, an denvet,
Neuse ar bouc'h, ar haor, ive an haerelet,
GouJe an uruson, memeus ar guiveret,
575 An aer hac an aspic, ar sourt, hac an tonsec.
Breman e hanvoan hoas, pa'n e d'in comandet,
Scorpion ha quiger, basilic, serpantet,
Ar goet, al logot, hutugan, morsellet,
Groahet, voalet, tavoan, malvinier ha raset,
580 Ha breman er mor bras e eus lies pesquet,
Ar balam, ar seren, silio ha touilhet,
Ar moroe'h, ar somon, goan, var ha moruet,
Neuse ar bresili, pladis hac harinquet,
Ha neuse ar marc'h-mor hac ar hoariellet,
585 Ar raë, an dofin, ar horp, hac ar brohet,
Sardinet hac ormel, hac hist croguillec,
Brinic ha tousec-mor, ha neuse ar groahet.
Breman hoas en dour dous e hanvoan glesqueret,
Glasardet ha quirelaouen, ha neuse ar ranet.
590 A bep sort natur a so crouet gant Doue,
Me ro ho hano d ne, herve ma bolante.
Quement bete vreman so crouet gant Doue,
Goude eur som amser, a veso fin d'eshe ;
N'en deus nemert an den, hen-nes so immortel,
595 En deveus bet ar riras diant an Eternel.
Breman, Drindet santel, chetu acomplisset
An holl ordrenanço ho poa d'in comandet :
Roet 'm eus ho hano d'he, herve ma bolante,
Bepret evit ho gloar me veinteno anhe.
600 Breman hoas e hanvoin a bep sort frejo mat,
Al lousou er jardin so crouet délicat,
Ar resin, ar figues, an avalo, ar per,
A reit d'in, ma Doue, demeus a bep amser :
Queres, babioles, bete prun ha groegon,
605 Ar spezet, ar framboes, castrilles hac oignon,
Goude-se ar histin, craon-gallec, ar re coat,
Ar re alamandes, a so holl frejo mat,
Ar pèches, ar hivig, ar mouar, an illin,
Me ro ho hano d'he abeurs an Tat divin :
La Création du monde. ! 99
j'ajoute l'éléphant, le singe, les moutons, le houe, la chèvre,
la belette, le hérisson, l'écureuil, la couleuvre, l'aspic, la sala-
mandre, le crapaud ; je termine par le scorpion, l'orvet, le
basilic, les serpents, les taupes, les souris, les loirs, les mulots,
les cloportes, les tiques, les taons, les papillons et les rats.
Dans la grande mer il y a nombre de poissons, la baleine,
l'esturgeon, le congre, les roussettes, le marsouin, le sau-
mon, le turbot, le bar, la morue, les maquereaux, les plies, les
harengs, le cheval de mer, les rougets, la raie, le dauphin, le
thon, les mulets, la sardine; puis les ormeaux, les huîtres à
coquilles, les patelles, le crapaud de mer et les vieilles.
Dans l'eau douce, je nomme les grenouilles, les lézards, les
sangsues, les reinettes.
Dieu a formé les êtres de toute espèce, je donne à chacun
son nom selon ma volonté. Tous les êtres, jusqu'à présent
créés par Dieu, auront une fin après un certain temps ;
l'homme seul est immortel, il en a reçu la grâce de l'Eternel.
Trinité sainte, j'ai maintenant exécuté les ordres que vous
m'avez transmis, j'ai nommé tous les êtres comme j'ai voulu ;
je vous promets de les faire servir toujours à votre gloire.
•Je veux encore distribuer des noms aux fruits de choix et
aux plantes créées dans le jardin, le raisin, les figues, les
pommes, les poires que vous me donnez, mon Dieu, depuis le
premier moment, les cerises, les guignes, les prunes et les be-
losses, les groseilles, les framboises, les castilles et les oignons,
les châtaignes, les noix, les noisettes, les amandes, qui tous
sont fruits excellents, les pèches, les sorbes, les mûres et les
prunelles, je les nomme tous au nom du Tout-Puissant.
200 L'abbé Eug. Bernard.
6 io Goude ar col pome, trinchin ha col commun,
Petes ha saladen, ar re-se so commun,
Ar pouraches, neuse munudic ha sourcil,
Bout bras, ar re vunut, ha goude-se pouril,
Turcantin, marjolcn, ha lavant cotonnec,
615 Neuse ar genofle, hac al lavant musquet:
Foudrelis a so hoas, ha ros ru, ar re voen,
Quereouls ar fao, ar pis, a servijo d'an den :
Neuse ar basfilic, tulipes, pempis glas,
Arvoat, hac ar sivi, fanvoil ha col choas,
620 Parpic, buglose, hac ar bascantes,
Trao mat, hac ho die bout hanvoet tout espres.
Breman e hinvoin hoas serfil hac silles,
Seliri ha cors-noir, panes ha carotes,
Passe-ros, viollie, levren,
625 Neuse trantefeilles, hac an éternel guen.
Breman e hinvoin hoas an dero so coat mat,
Ha goude-se an til, ar fo, ar hoat sab,
Goude spern, ar beus, halec hac an evor,
Couls ar hoat greneres, hoat sab an Nord,
630 Me ia da henvoel hoas palm, cedrus, olivet,
Ar vercus hac al lore musquet.
Anfin, en gênerai, quement mat so formet
Gant an Tat éternel, am eus breman hanvoet.
Doue an Tat a coms.
Concluet em eus, dre gras ar Speret glan,
635 Ma mignon bras Adam so du-hont e-hunan,
Ret eo formin eur verc'h da vont d'ehan priet,
Hervé ho naturel, da dont d'en eum garet...
Adam, me as pet breman, da repos er jardin,
Ha da asten da corfvoar un torch lousou tin.
640 Voar bars natii'uni, c quiii chanchamant,
E voeli da briet, eur feumeulen vaillant.
La Création du inonde. 201
Je veux y joindre les choux-pomme, l'oseille, les choux ordi-
naires, les bettes, la laitue, tout cela est commun, la bourrache,
le serpolet, le souci, les navets, grands et petits, le poireau, le
thym, la marjolaine, la lavande cotonneuse, les giroflées, la
lavande musquée, les lis, les roses rouges et blanches, les ha-
ricots, les pois qui seront à l'usage de l'homme, le basilic, les
tulipes, la quinte-feuille verte, la tanaisie, les fraises, le fenouil
et les choux frisés, le persil, la bugloseet les asperges, plantes
excellentes qui méritent d'être expressément nommées ; ensuite
le cerfeuil, les ciboules, le céleri, le radis noir, les panais et les
carottes, les passe-roses, les violiers, le lilas, la trentefeuille et
la blanche immortelle.
Je veux aussi nommer le chêne, qui est un bon bois, l'or-
meau, le hêtre, le pin, l'aubépine, le buis, le saule, la bour-
daine, le tremble et le sapin du Nord. J'y ajoute encore le
palmier, le cèdre, l'olivier, le myrte et le laurier parfumé.
Enfin, tout ce que le Père éternel a créé, tout a maintenant
de moi reçu un nom particulier.
Dieu le Père.
J'ai décidé ceci avec le concours de l'Esprit-Saint. Mon
grand ami Adam est là-bas tout seul, il faut que je forme une
jeune fille pour devenir son épouse, et suivant leur nature, ils
s'aimeront l'un l'autre.
Adam, je t'invite à présent à te reposer dans le jardin, à
étendre ton corps sur un fiisceau d'herbes choisies. Lorsque
tu t'éveilleras, tu trouveras du changement, tu verras ton
épouse, une femme superbe.
202 L'abbé Eug. Bernard.
Adam er jardin a coms.
Ma Doue, ma Crouer, n'ioun petra eo se ;
Hoant am eus da repos, me lar gant guirione,
Me a strinquo aman, voar un torch lousou tin.
645 En cousquet, en difun, me ofr d'ec 'h ma feden.
Doue an Tat a coms.
Reposet eo Adam... Me a ia d 'lien caet...,
Me ielo quen subtil, ha ne difuno quet ;
Me denno eur gosten, hac a formo lie bar,
Quercouls evel Adam, d'eus un tamic douar.
Ma tisquen, ma a da caet Adam, ma ten eur gosten d'eshan, ma continuo
da coms.
650 Adam ma difun quet... Me rai quen exeelant
Aman da voir briet, quen caer ha quer charmant,
Ma vevoent assambles d'eur memeus union,
Ma vo rejouisset an douar hac an tron...
Chetu costen Adam subtilamant tennet :
655 Er memeus calite me a form lie briet...
Sao alesse, groee veo, hac e voeli da par,
He corf hoas o repos, sell-han, voar an douar.
Eva a savo hac a coms.
Auteur ar firmamant, houi eo sur an Drindet,
Da vout crouet ma corf, hac ive ma speret,
660 Ha ma laquet memeus, herve an naturel,
Da vout, corf hac ine, evel-d-hoc'h immortel.
Breman, ma gouir Crouer, me a rent d'ec'h graço,
Dimeus a voir galon, em holl actiono.
Da guement a leret, me vo obéissant,
665 Rac me eneo es oc'h Crouer ar firmamant.
Doue an Tat a coms.
Ma crouadures pur, pa'm eus bet ho crouet,
Ma mignon bras Adam ho peso da briet :
La Création du monde. 20$
Adam au jardin.
Mon Dieu, mon Créateur, je ne sais ce que cela veut dire.
J'ai envie de me reposer, je le dis en vérité ; je vais m'étendre
ici, sur une gerbe d'herbes parfumées. Que je dorme, que je
veille, je vous offre ma prière.
Dieu le Père.
Adam repose... Je vais le trouver... J'irai si doucement
qu'il ne s'éveillera pas. Je tirerai une de ses côtes et j'en for-
merai sa compagne, tout comme Adam, que j'ai créé d'un
peu de terre.
Il descend, va trouver Adam, lui enlève une côte et continue :
Adam ne s'éveille pas... Je veux lui créer une épouse si
parfaite, si belle, si charmante, qu'ils vivront ensemble dans
une douce union qui réjouira la terre et les cieux...
Voici la côte d'Adam délicatement enlevée : j'en forme pour
lui une épouse de même nature...
Lève-toi, femme vivante, et tu verras ton pareil. Son corps,
regarde-le, repose encore sur la terre.
Eve s'étant levée parle.
Auteur du firmament, vous êtes sans doute la Trinité. Vous
avez créé mon corps et aussi mon esprit ; vous me destinez
même, suivant ma nature, à être, corps et âme, immortelle
comme vous. Maintenant, mon Créateur, je vous rends, du
fond du cœur, grâces en toutes mes actions. A tout ce que
vous direz, je me montrerai obéissante, car, je le reconnais,
vous êtes le Créateur des Cieux.
Dieu le Père.
Vous êtes bien l'ouvrage de mes mains, et si je vous ai
créée, c'est pour que vous soyez l'épouse de mon grand ami
204 L'abbé Eus. Bernard.
Houi veso unisset d'eur memeus bolante,
Rae-se en eum gueret an cil hac eguile.
Eva a coms.
670 Ma Doue, ma Crouer, me nâ refusin quet,
Me a obeisso da guement a leret.
Houi en deus ma crouet en pep sort deliço,
Reson eo observin ho holl ordrenanço.
Doue an Tat a coms.
Adam, Adam, ditun ! Chede compagnones!
675 Houi a rejouisso breman ar Baradoes.
En eum gueret ho taou, ha credet en Doue,
Ho freus a ramplisso sigeno an Elle.
Lucibel gueasall, en env am boa crouet
Ar caerran crouadur a guement a gafet :
680 Pa deuas d'am ofansin, hen strinquis ous traon
Hac hen dihollis cren en creis an Ifern don.
Ha nep vo rebelant enep ma bolante,
A veso punisset, evel ma s-oun Doue.
Adam a coms.
Me am eus cals a joa, Créateur ar steret,
685 Pa voelan ar vroec-man, es oun rejouisset.
Hou-man so eur presant dian-ec'h, ma Doue,
Pa ret d'in eur priet quen caer evel an de ;
Dcmeus a voir galon breman he recevjn,
Hac e teuomp hon daou breman d 'ho enorin.
Eva a coms.
690 Ha me, ma guir Autro, gant eur galon parfet,
A comeran Adam evit ma guir briet.
P'hoc'h eus hon crouet er bet-man pur ha net,
Exant dimeus a boan ; na tomder, nac anvoet,
Xac ilboet, na sehet na santomp er plas-man :
695 Me am eus dian-ec'h ar goût a disiran.
La Création du monde. 205
Adam. Vous serez unis dans une même volonté. Aimez-vous
donc l'un l'autre.
Eve.
Mon Dieu, mon Créateur, je ne m'y refuserai pas. J'obéirai
toujours à tout ce que vous direz. Vous m'avez créée au milieu
de toutes sortes de délices, il est raisonnable que j'observe
tous vos commandements.
Dieu le Père.
Adam, Adam, éveille-toi. Voici de la compagnie. Vous ferez
maintenant la joie du Paradis. Aimez-vous l'un l'autre et
croyez en Dieu. Votre race occupera les places perdues par les
Anges. Lucifer, jadis au Ciel, je l'avais créé le plus bel être
qu'il fût possible d'imaginer. Il m'offensa, je le précipitai dans
les abîmes et le plongeai d'un trait au plus profond de l'Enfer.
Quiconque se révoltera contre ma volonté sera puni, vrai,
comme je suis Dieu.
Adam.
Mon cœur tressaille de joie, Créateur des étoiles, et en
voyant cette femme, je me sens bien heureux. C'est là un
présent digne de vous, ô mon Dieu, de me donner une épouse
belle comme le jour. Je la reçois de bon cœur, et tous deux
nous ne cesserons pas de vous honorer.
Eve.
Et moi, mon Seigneur, c'est avec un consentement parfait
que je prends Adam pour mon époux ; et puisque vous nous
avez créés en ce monde, sans tache et sans défaut, exempts de
toute peine, nous ne sentirons ici ni chaleur ni froidure, ni
faim, ni soif. J'ai de vous tout ce que je désire.
206 L'abbé Eug. Bernard.
Doue an Tat a coms.
M'ho peso birviquen entre veet em graço,
Rac-se teulet evoes eur vech, ous ma comso :
Me deu da exantin ar voeen a vue,
Voar ar re-all er bet me ro d'ec'h liberté ;
700 Rae-se teulet plet mat, hon-nes so immortel,
Ha mar touchet ont-hi e teufet da vervoel :
Houi a gollo ma graço, ha privet d'eus ma gloar,
A retorn adarre en poult hac en douar.
Doue an Tat a vinic aneshe er Barados terest, ha goude e comso.
Breman, Adam, Eva, me ho pinic quefret,
705 Me ho confirm ho taou, rac-se perseveret.
Groet multipliai! da peuplin an douar,
Bete ar firmamant da ocmantin ma gloar,
Adam houi so den fur; çhetu houi biniguet,
Rac se teulet plet mat d'ar pes am eus laret.
710 Ha houi ive, Eva, gant ar fireus a douguet,
Houi a voelioudou hac hep poan exantet
Entre veet em graço. Me ro d'ec'h liberté,
Baleet ha reposet hac en nos hac en de.
Doue a sorti.
La Création du monde. 207
Dieu le Père.
Et vous l'aurez toujours, tant que vous serez en état de
grâce. C'est pourquoi, faites bien attention à mes paroles. Je
réserve l'arbre de vie. Sur tous les autres au monde je vous
donne pouvoir, vous êtes libres d'en disposer. Prenez donc
garde, cet arbre est immortel, et si vous y touchez, vous
mourrez. Vous perdrez ma grâce, et privés de ma gloire, vous
retournerez en terre et en poussière.
Dieu le Père les bénit dans le Paradis terrestre, ensuite il dit :
Maintenant, Adam et Eve, je vous bénis de compagnie. Je
vous confirme tous deux dans mes bonnes grâces, vous n'avez
qu'à persévérer. Croissez, multipliez pour peupler la terre, pour
augmenter ma gloire jusques aux sommets des deux.
Adam, vous êtes un homme sage : vous voilà béni, prenez
donc bien garde à ce que je vous ai dit. Et vous, Eve, les
fruits que vous porterez, vous les mettrez au monde sans dou-
leurs, tant que vous serez en grâce avec moi. Allez, vous êtes
libres ; marchez, reposez-vous à votre gré, et la nuit et le jour.
Dieu sort.
RECHERCHES
sur l'origine de
LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE
ET DES NOMS DE LIEU EN FRANCE
Quatrième article
Pontiliacus est le nom d'un palais d'où Charles le Chauve
data en 873 un diplôme en laveur des églises Saint-Mammès
de Langres, et Saint-Etienne de Dijon1. C'est aujourd'hui
Pontailler-sur-Saône, Côte-d'Or. La forme latine correspon-
dant à ce nom de lieu gallo-romain est Pontilianus, nom d'une
villa située dans le Roussillon, comme nous l'apprend un di-
plôme du roi Lothaire donné en 982 2.
Pontiliacus et Pontilianus sont dérivés de Pontilius, genti-
lice romain dérivé lui-même de Pou lins. Le plus ancien
exemple de Pontilius nous est offert par une inscription re-
cueillie en Espagne, près de Carthagène?. On le trouve deux
fois répété dans une inscription d'Afrique*. Il apparaît dans
plusieurs inscriptions d'Italie 5.
Primiacus est une villa mentionnée dans un diplôme donné
1. Dom Bouquet. VIII. 643 d.
2. Dom Bouquet, IX, 649 b.
3 . Corpus, I, [478; 11,-3-43 5 .
4. Corpus, VIII, 8799.
5. Corpus, IX, 5799 ; X, 47, 363, 364.
Propriété foncière et noms de Heu en France. 209
en 834 par Louis le Débonnaire en faveur d'Albéric, évêque
de Langres1. C'est aujourd'hui Prangey, Haute-Marne. Une
autre villa, du nom de Primiacus, tut donnée en 866 par Lo-
thaire, roi de Lorraine, à sa femme Theodeberge2.
Ce nom de lieu dérive de Primius, gentilice tiré du surnom
Primus, et qu'une inscription découverte en Autriche nous
montre dans le nom de femme Primia Honorata 5 . Nous le
retrouvons dans une inscription du musée de Mannheim qui
débute par le nom de femme Primia Accepta -+ ; dans une ins-
cription d'Oppenheim, en Hesse, qui nous fait connaître le
nom de femme Primia AmmillaS. On a découvert à Mevlan, '
Isère, l'épitaphe de L. Primius Valerius gravée par ordre de
son fils Primius Vassillus et de sa fille Primia Valeria 6. On a
recueilli à Lyon l'épitaphe de M. Primius Secundianus, sévir
augustal, gravée par les soins de M. Primius Augustus, son
fils 75 et celle de P. Primius Eglectianus, affranchi de P. Pri-
mius Cupitus 8.
Le nom Prcmiacus d'une localité située dans le pagus aure-
lianensis suivant un diplôme de l'année 6S9 9 paraît être une
variante orthographique de Primiacus. C'est par un primitif
Primiacus que semble devoir s'expliquer le nom des trois com-
munes de Pringy situées dans les départements de la Marne,
de la Haute-Savoie et de Seine-et-Marne.
Prisciacus est une villa d'Auvergne donnée à l'église Saint-
Etienne, de Châlons-sur-Marne, par Elaiîus, évêque de la
même ville, en 565 I0. Un autre Prisciacus, dans le pays de
1 . Dom Bouquet, VI, 596 a. Cf. Sickel, Acta Karolinorum,\.. II, p. 183,
n° 322.
2. Dom Bouquet. VIII, 412 d.
3 . Corpus, III, 3606.
4. Brambach, n° 868.
5 . Brambach, n° 917.
6. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 176.
7. Boissieu, pp. 203, 204.
8. Boissieu, p. 49/].
9. Tardit, Monuments historiques, p. 637. Cf. Pardessus, Dipiomata. t. II,
p. 209.
10. Pardessus, Dipiomata, t. II, p. 423.
210 H. d'Arbois de Jubainville.
Chambly, Oise, apparaît dans un diplôme de l'année 689 :.
Une villa Prisciacus qui forme aujourd'hui deux communes,
Précy-Notre-Dame et Précy-Saint-Martin, Aube, appartenait
au IXe siècle à l'abbaye de Montier-en-Der, comme nous l'ap-
prennent deux diplômes de Charles le Chauve donnés l'un
en 845, l'autre en 854 2. Une villa Prisciacus, située dans le
Poitou, fut donnée pour partie à l'abbaye de Noirmoutier par
Charles le Chauve en 8545. Une villa Prisciacus, dans l'Au-
tunois, apparaît dans une charte de Cluny au commencement
du xe siècle 4.
Prisciacus est dérivé du gentilice Priscius, venant lui-même
de Prise us, usité d'abord comme surnom : P. Servilius Priseus
fut consul l'an 495 avant J.-C>. T. Numicius Priseus rem-
plit la même fonction en 469 e. Priscius est beaucoup plus ré-
cent, et nous n'en avons pas constaté l'existence avant réta-
blissement de l'empire. On conserve près de Klagenfurt, en
Stvrie, l'épitaphe de C. Priscius Surio/. On a recueilli près
de Leibnitz, dans la même province, l'épitaphe de Priscia
Albina8.
Prisciacus parait être la forme ancienne du nom : i° de huit
communes appelées aujourd'hui Précy, savoir : deux dans
l'Aube, deux dans l'Yonne, et une dans chacun des quatre dé-
partements du Cher, de la Côte-d'Or, de l'Oise et de Seine-
et-Marne ; 2° des deux communes de Pressy, Pas-de-Calais,
Saône-et-Loire ; enfin des communes de Précey, Manche ;
Pressac, Vienne ; Prétieux et Preyssac, Dordogne ; total, qua-
torze communes, dont le nom actuel tient lieu d'un primitit
Prisciacus.
1. Tardif, Monuments historiques, p. 637,001.2. Pardessus, Diplomata,
t. Il, p. 210.
2. Dora Bouquet, VIII, 477 a, 329 e.
3. Dom Bouquet, VII, 344 a ; VIII, 529 a.
4. Bruel, Recueil des Chartes de l'abbaye de Cluny, t. I, p. 164.
5. Denvs d'Halicarnasse, 1. VI, c. 23. Corpus, t. I, p. 4S7.
6. Tite-Live, 1. II, c.63; Denys d'Halicarnasse, 1. IX, c. 36. Cf. Corpus,
t. I, p. 491.
7. Corpus, III, 4951.
8. Corpus, III, 5362. '
Propriété foncière et noms de lieu en France. 2 1 1
De *Priscixiacus dérive ïad]ect'ûprisciniacensis employé avec
le substantif viens par Grégoire de Tours, pour désigner un
bourg de son diocèse dans l'église duquel il mit des reliques
de saint Nizier, évêque de Lyon, mort en 573 r. Il s'agit soit
du Grand-Pressigny, soit du Petit-Pressigny, Indre-et-Loire2.
Un second Prisciniacus, aujourd'hui Pressagny-1' Orgueilleux,
Eure, était situé dans le Yexin, et dès le VIIe siècle appartenait
pour moitié à l'abbaye de Saint-Denis, comme l'atteste une
charte donnée en 682 ou 683 î. Un troisième Prisciniacus dé-
pendait de l'abbaye de Saint-Martin, de Tours ; c'est aujour-
d'hui Précigné, Sarthe-*; il en est question pour la première'
tois dans un diplôme donné par Charlemagne en 775 >. Xous
le retrouvons mentionné dans des diplômes de Charles le
Simple en 903 6, en 9047 et en 919 8 et dans un diplôme du
roi Raoul en 931 9. Un quatrième Prisciniacus dépendait de
l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen, comme nous le voyons
dans un diplôme donné par Charles le Chauve en 876 I0. Un
cinquième Prisciniacus appartenait à l'église d'Orléans, ainsi
qu'il résulte d'un diplôme du roi Louis Y, daté de 979 IX.
Ce nom de lieu dérive du gentilice Priscinius qui nous est
connu par une inscription de Neuss où l'on trouve mentionné
le vétéran Priscinius Florus I2. Priscinius vient lui-même du
surnom Priscinus qui est plus fréquent lK
Les communes dont le nom moderne parait tenir lieu d'un
1. Vitae patrum, c. VIII, § 11. Bordier, Les livres des miracles, t. III,
p. 250. Edition Arndt et Krusch, t. II, p. 700, 1. 15.
2. Longnon, Géographie de la Gaule au sixième siècle,' pp. 285, 286.
3. Tardif, Monuments historiques, p. 19, col. 2. Marquis de Blosseville,
Dictionnaire topographique du département de l'Eure, p. 175.
4. Mabille, La pancarte noire de saint Martin de Tours, p. 231.
3. Dom Bouquet, V, 737 c. Cf. Sickel, Acta Carolinorum, t. II, p. 27,
n° 42. Cf. Mabille, La pancarte noire de saint Martin de Tours, pp. 67, 106-
107.
6. Dom Bouquet, IX, 497 b.
7. Dom Bouquet, IX, 311 c. Mabille, La pancarte noire, p. 88, n° XLV.
8. Dom Bouquet, IX, 343 b. Cf. Mabille, La pancarte noire, p. 58, n° VII.
9 . Dom Bouquet, IX. 374 e. Cf. Mabille, La Pancarte noire, p. 57, n° VI.
10. Dom Bouquet, VIII, 630 e.
1 1 . Dom Bouquet, IX, 660 d.
12. Brambach, n° 263.
13. Corpus, VIII, 9476; IX, 338, 3, 36; 2132, 2153, 3180.
212 H. d'Artois de Jubainville.
primitif Prisciniaciis sont au nombre de neuf, savoir : Précigné,
Sarthe, et Pressagny, Eure, déjà cités ; deux Pressignac, Cha-
rente et Dordogne, et cinq Pressignv, sur lesquels deux dans
l'Indre-et-Loire, dont il a été déjà question, et les trois autres
dans les départements du Loiret, de la Haute-Marne et des
Deux-Sèvres.
Romaniacus, chez Grégoire de Tours, est un adjectif qui
sert d'épithète au substantif campus et qui désigne un endroit
où, en l'année 560, deux armées de sauterelles se livrèrent
bataille, dit-on, non sans éprouver de part et d'autre de
grandes avaries1. C'est aujourd'hui Romagnat, Puy-de-
Dôme2.
La variante Rominiacus, avec i pour a dans la seconde syllabe,
nous est fournie par un diplôme de Charles le Chauve pour
l'abbaye de saint Médard de Soissons^. C'est aujourd'hui Ro-
meny, Aisne, au xvie siècle Romigni,-Roumigny4. La forme
romaine de ce nom est écrite Romagnanus pour * Romanianus
en 899 dans un diplôme de Charles le Simple où elle désigne
une villa située dans le comté de Besalu, en Catalogne).
* Romanianus et Romaniacus dérivent de Romauius, gentilice
dérivé lui-même du cognomeu Romauus et qui existait déjà au
commencement de l'empire, comme l'atteste le nom de Ro-
manius Hispo, délateur et rhéteur souvent cité par Sénèque
le rhéteur et dont la première mention datée remonte à l'an 14
de notre ère6. D'autres Romanius nous sont connus par les
inscriptions, par exemple L. Romanius Justus, dans une ins-
cription de Patras en Grèce"; M. Romanius Encolpus, dans
une inscription d'Hermannstadt, en Hongrie s; Q. Romanius
1. Bistoria Francorum, 1. IV, c. 20; édition Arndt, p. 157, 1. 12.
2. Longnon, Géographie de la Gaule au sixième siècle, p. 510.
3. Tardif, Monuments historiques, p. 136.
4. Matton, Dictionnaire topographique du département de V Aisne, p. 235.
3 . Dom Bouquet, t. IX, 484 b.
6. Tacite, Annales, liv. I, c. 74. Voir l'édition de Sénèque le Rhéteur
donnée chez Teubner par Kiessling, p. 351 (Index).
7. Corpus, III, 503.
8. Corpus, ÏII, 161 3.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 2 1 5
Verecundus, dans une inscription de Gebensdorf en Suisse ' ;
Q. Romanius Probus, dans une inscription du musée de Mann-
heim2; C. Romanius Capito dans une inscription du musée
de Mayence3 ; T. Romanius Epictetus^et Romanius Sollemnis5
dans des inscriptions de Lyon. On a trouvé à Saint-Aubin-sur-
Gaillon, Eure, le cachet de l'oculiste Sex. Romanius Sym-
forus 6.
A Romaniacus remontent les huit noms de communes sui-
vants : Romagnat, Puy-de-Dôme ; Romagné, Ille-et-Vilaine ;
Romagnieu, Isère; Romagny, Manche et territoire de Béfort;
Romigny, Marne; Rumigny, Ardennes et Somme.
Romiliacus est une villa où, en 629, le roi Dagobert Ier
répudia Gomatrude, sa femme, et la remplaça parNanthilde7.
On doit probablement reconnaître le même nom, malgré la
différence d'orthographe, dans un locus rumliacus sis au pays
de Thérouanne et acheté par l'abbaye de Saint-Bertin, en 7048.
On lit Rumeliqcus dans un diplôme de Charles le Chauve en
842 9, Rumiliacus dans un diplôme de Louis de Germanie
en 875 I0, tous deux en laveur de l'abbaye de Saint- Arnoud,
de Metz, et dans ces deux documents il s'agit de Remillv,
Moselle, aujourd'hui Alsace-Lorraine11.
Romiliacus, Rumiliacus, Rumcliacus, Rumliacus dérivent de
Romilius ou Romulius, un des plus anciens gentilices romains
qui donna son nom à une tribu, du nombre des rustiques ; le
territoire de cette tribu était au nord du Tibre. A cette cens
1. Mommsem Inscriptiones helveticae, n° 254.
2. Brambach, n° 600.
3 . Brambach, n° 1229.
4. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 189.
>. Boissieu, ib'nl., p. 477.
6. Héron de Villeibsse et Thédenat, Cachets d'oculistes romains, t. I,
pp. 193-198.
7. Frédégaire, c. 38, chez Dom Bouquet, t. II, p. 436 b. Gesta Dago-
bert i I c. 22, ibid., p. 383 c.
8. Pardessus, Diplomata, t. II, p. 263.
9. Dom Bouquet, VIII, 430 b.
10. Dom Bouquet, VIII, 424 c.
11. De Bouteiller, Dictionnaire topographique de l'ancien département de la
Moselle, p. 215.
Revue Celtique, IX. 14
2i4 H. d'Artois de Jubainville.
appartenait T. Romilius ou Romulius consul l'an 455 avant
notre ère, décemvir en 451 I. Ce nom se rencontre rarement
depuis. Cependant Tacite parle d'un centurion appelé Romilius
Marcellus qui, en 70, lors de l'insurrection par laquelle
Galba fut renversé, défendit en vain les images de ce prince
contre les soldats révoltés2. On a trouvé en Hongrie une dé-
dicace à Jupiter par L. Romulius Quintus'. Une inscription
recueillie aux environs de Milan nous fait connaître les noms
de C. Romilius Calla4.
Romiliacus ou * Romuliaeus est la forme primitive des dix-
sept noms de communes qui suivent : Romillé, Ille-et-Vilaine;
cinq Romilfy, sur lesquels deux dans l'Eure et un dans chacun
des trois départements de l'Aube, d'Eure-et-Loir et de Loir-
et-Cher; quatre Rumilly, Aube, Nord, Pas-de-Calais, Haute-
Savoie ; sept Remilly, sur lesquels deux dans les Ardennes,
autant dans la Côte-d'Or, et trois dans chacun des départe-
ments de la Manche, de la Nièvre et du Pas-de-Calais.
Rufiacus ou Ruffiaeus est une villa où étaient situés des biens
qui lurent donnés en 715 à l'abbaye de Saint-Bénigne, de
Dijon5. C'est aujourd'hui Ruffey-lez-Echirey, Côte-d'Orb.
Une monnaie mérovingienne a été frappée à Ritfiaeu, que l'on
croit être Roufiac, Cantal ~. Une église de Rufiae apparaît en
860 ou 866 dans le Cartulaire de Redon8. La paroisse de
Rufiae, plebs Rufiae, est mentionnée dans une autre charte du
même Cartulaire en 867. Cette paroisse est aujourd'hui la
1 . Voyez les textes cités par Mommsen, Corpus, t. I, pp. 492, 493.
2. Tacite, Histoires, 1. I, c. 56.
3 . Corpus, III, 1352.
4. Corpus, V, 6026.
5 . Pardessus, Diplomata, t. II, p. 300. Voir aussi sur la même localité la
Chronique de saint Bénigne, chez Dom Bouquet, VII, 830 d, elle nous offre
l'analyse d'un diplôme de Charles le Chauve dont on trouve le texte chez
Dom Bouquet, VIII, 618.
6. Gamier, Nomenclature historique des communes du département de la
Côte-d'Or, p. 8.
7. Deloche, cité par M. de Barthélémy dans la Bibliothèque de l'Ecole
des Chartes, t. XXVI, p. 460.
8. De Courson, Cartulaire de l'abbaye de Redon, p. 106.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 2 1 5
commune de Ruffiac, Morbihan1. La même année, Charles le
Chauve donne un diplôme dans la villa Rufiacus dont on
ignore la situation2. Rufiacus a une variante Rofiacus; un
fundus rofiacus apparaît en 575 dans le testament du fondateur
de l'abbaye de Saint-Yrieix, Haute-Vienne 3. Il est question
d'une villa Rofiacus en 891 dans une charte de l'abbaye de
Cluny. Cette villa était située dans le Maçonnais 4.
Le gentilice Rufius est rare sous la république. Cependant
une inscription qui le mentionne et qui a été trouvée près de
Pérouse paraît antérieure à la période impériale 5. Sous Claude,
le chevalier Rufius Crispinus fut préfet du prétoire 6 ; élevé à
la préture par cet empereur 7, il devint sous Néron le mari de
la trop célèbre Poppée 8. Ce gentilice est très fréquent dans les
inscriptions. On le trouve notamment en Gaule : à Genève,
une inscription nous a conservé les noms de Rufia Aquilina9;
à Chazey, Ain, on voit encore l'épitaphe de M. Rufius Cas-
siolus IO ; à Murs, Ain, celle de Rufius Catullus IX ; à Uriage,
celle de M. Rufius Marcianus12. L'/ est quelquefois doublé;
deux exemples de cette orthographe nous sont fournis par
l'épitaphe du gladiateur Ruffius Ruffianus J3. Le double/ se
rencontre aussi dans une marque du potier Ruffi m[anu] T-*.
De Rufiacus ou Rufjiacus viennent les dix-neuf noms de
communes suivants : Roffey, Yonne ; Roffiac, Cantal ; sept
Rouffiac, sur lesquels deux dans l'Aude et cinq dans chacun
1. De Courson, ïbid., pp. 106, 747.
2. Tardif, Monuments historiques, p. 129, col. 2. Cf. Dom Bouquet,
VIII, 602 c, 603 a. M. Matton, Dictionnaire topographique du département de
V.Aisntj p. 238, émet l'hypothèse que ce serait Rouy, commune d'Amigny,
Aisne.
3. Pardessus, Diplomata, t. I, p. 138.
4. Bruel, Recueil des Chartes de l'abbaye de Cluny, t. I, pp. 51, 52.
5. Corpus, t. I, n° 1394.
6. Tacite, Annales, liv. XI, ci.
7. Tacite, ïbid., liv. XI, c 4.
8. Tacite, ibid.. liv. XIII, c. 43.
9. Mommsen, Inscriptiones helveticae, n° 76.
10. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 417.
11. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 435.
12. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. IV, p. 479.
13. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 397.
14. Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. 435, n° 119.
2 1 6 H. d'Arbois de Jubainville.
des cinq départements du Cantal, de la Charente, de Charente-
Inférieure, de Haute-Garonne et du Lot ; Rouffy, Marne ;
deux Ruffec, Charente, Indre ; trois Ruffey, sur lesquels deux
dans la Côte-d'Or, un dans le Jura; deux Ruffiac, Lot-et-Ga-
ronne, Morbihan; Ruffieu, Ain; Ruffieux, Savoie. Vou de
Rouffiac et de Rouffy s'explique par le redoublement de Vf
qui compensait l'abrègement de Vu primitivement long du
latin Ritfiis, Rufius. Nous avons cité plus haut, d'après des
textes qui remontent à l'époque romaine, trois exemples de ce
redoublement de Vf, dans le nom Rujjius et dans son dérivé
R'ijfianus. Quant à l'orthographe française Ruffec, Ruffey,
Ruffiac, Ruffieu et Ruffieux par double/, elle est défectueuse,
Vu de ces mots suppose en latin un u long suivi d'un /simple,
Rufiacus dérivé de Rufius, ce qui est la bonne orthographe
latine.
Rulliacus est un agellus situé dans le territoire de Troyes
et mentionné en 635 dans une charte de Palladius, évêque
d'Auxerre I. On suppose que c'est Rouilly-Saint-Loup, Aube2.
Un autre Rulliacus apparaît en 877 dans un diplôme de
Charles le Chauve pour l'abbaye de Marchiennes>. L'ortho-
graphe Ruilliacum nous est offerte par un diplôme faux, attribué
au roi Dagobert Ier +. On lit Rulliacus dans un diplôme de
Louis le Débonnaire pour l'église du Mans en 832 >. La va-
riante Roliacus, qui nous est donnée deux fois dans la vie de
Charlemagne par le moine d'Angouléme, appartenait à l'ab-
baye de Saint-Cybard-lez-Angoulème. Dans un passage où est
résumé un diplôme de Charlemagne en faveur de cette abbaye,
il est question de deux localités, appelées l'une Roliacus6,
l'autre Roliacus minorl. Elles reparaissent dans un diplôme de
1. Pardessus, Diplomata,t. II, p. 37.
2. Boutiot et Socard, Dictionnaire topographique au département de l'Aube,
p. 138.
3. Dom Bouquet. VIII, 667 c.
4. Pertz, Diplomatum imperii totnus primus, p 163, 1. 20.
j. Dom Bouquet, VI, 586 a. Ci. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 179,
n° 308.
6. Dom Bouquet, V, 184 e.
7. Dom Bouquet, V, 185 a.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 217
Charles le Chauve en 852 et y sont appelées l'une Roliacus
super Noir am, et l'autre Ruïiacus Minor1.
On voit que ce nom de lieu a été écrit tantôt avec double /
et probablement a bref, tantôt avec / simple et probablement
a long. L'orthographe étymologique est avec double /. Le
gentilice RitUius, d'où le nom de lieu dérive, est lui-même
un dérivé de l'adjectif rullus, rural, rustique, employé quel-
quefois comme surnom. Le plus ancien exemple du gentilice
RuUius nous est offert par une inscription du temps de la ré-
publique, qui a été découverte à Aquino, en Italie. On y lit le
nom de M. RuUius M. filins2. Nous trouvons ensuite C. Ral-
lias Commuais, à Capoue 5 ; Rail lus Celer, à Formies^; Rallia
Galla, a Aquilée'; Cn. RuUius Calais, à Isernia6; P. Rallias
Faustus, en Afrique 7.
Rallias, avec double /, a donné le dérivé RulUacus d'où,
en France, Roilly, Côte-d'Or; Rouillac, Charente et Côtes-
du-Nord ; Rouillé, Vienne ; deux Rouilly, Aube ; un troisième,
Seine-et-Marne. De la variante Rnlius par u long et simple /
est venu Ruïiacus également par a long et simple l, en fran-
çais de l'ouest, Ruillé, nom de quatre communes, deux dans
la Sarthe et autant dans la Mayenne ; ailleurs Rully, nom de
trois communes : Calvados, Oise, Saône-et-Loire. Ainsi le
nombre des communes qui tirent leur origine du gentilice
Rallias, Ralias, est de quatorze.
Sabiacus est une villa qui, dès l'année 769, appartenait à
l'abbaye de Saint-Aubin, d'Angers, comme l'atteste à cette
date un diplôme de Charlemagne8. Ce nom de lieu a proba-
blement la même origine que celui de Saviacus porté par une
1. Dom Bouquet. VIII. 321 e.
2. Corpus, I, 1 181.
3 . Corpus, X, 4319.
4. Corpus, X, 6097.
5 . Corpus, V, 1 170.
6. Corpus, IX, 2682.
7 . Corpus, VIII, 1533.
8. Sickel, Acta Karolinorum, p. 17,11° 4; Dom Bouquet, V, 717 b.
2 1 8 H. d' Ai lois de Jubainville.
localité des environs de Lyon où étaient situés deux manscs
qu'en 878 Louis le Bègue donna à l'église de Màcon l.
Ces noms de lieux supposent un gentilice Sapins, en basse
latinité Sabius ou Savius. Sapins, adjectif signifiant sage, qui
se rencontre dans le composé nesapius « dépourvu de sagesse
ou de science », a été employé comme gentilice, exemple: M.
Sapius Maximus dans une inscription de Turin2. La variante
par b = p est constatée par le nom de femme Sabia Optata
portée par une affranchie de Sabius Plaetor dans une inscrip-
tion d'Aquiléeî.
De Sapius, Sabius ou Savius est venu Sapiacus, Sabiacus ou
Saviacus. De Sabiacus ou Saviacus sont venus probablement en
français Savy, nom de deux communes, l'une dans l'Aisne,
l'autre dans le Pas-de-Calais, et Sagy, aussi nom de deux com-
munes, Saône-et-Loire et Seine-et-Oise. Quant à Sapiacus,
c'est de cette forme que paraissent venir Sache, Indre-et-Loire,
et Sachy, Ardennes.
Saciagus est le nom d'une villa dont Vigile, évêque
d'Auxerre, dispose par une charte de l'année 670 4. C'est au-
jourd'hui Sacy, Yonne. Saciacus, variante archaïque de ce
nom, désigne un locus du Beauvaisis dans une charte de Pépin
le Bref, en faveur de l'abbaye de Saint-Denis, en 751 5. Dans
un diplôme de Charles le Chauve pour l'abbaye de Compiègne,
en 877, apparaît une villa Sacciacus, également située en
Beauvaisis, qui est probablement différente 6. En 892, un di-
plôme de Louis, roi de Provence, nous montre l'église de
Lyon en possession d'une Saciacus villa, près de Valence 7.
En 912, une charte de l'abbaye de Cluny mentionne une villa
Saciagus dans le Maçonnais s. En 926, une Saciacus villa
1 . Dom Bouquet, IX, 411e.
2. Corpus, V, 7192.
3 . Corpus, V, 1359.
4. Pardessus, t. II, p. 154.
5. Pertz, Diplomatiun itnperii tomus pritnus, p. 109, 1. 9.
6. Dom Bouquet, VIII, 660 c.
7. Dom Bouquet, IX, 674 e.
8. Bruel, Recueil des Chartes de l'abbaye de Choix, p. 175.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 219
appartenait à l'église Saint-Bénigne, de Dijon, comme nous
l'apprend une charte du roi Raoul1.
De ce nom de lieu, l'orthographe la plus ancienne, bien
que nous n'en ayons rencontré qu'un exemple, paraît être Sac-
ciacus, dérivé du gentilice Saccius, conservé par l'inscription
d'Igel, près Trêves, où se lisent les noms de L. Saccius Mo-
destus2. Saccius a donné le dérivé Sacciarius employé comme
cognomen dans une inscription de Leybach^. Il est dérivé de
Saccus, autre cognomen porté par un chrétien d'Afrique qui fut
martyrisé et dont le culte est célébré le 27 mai. Le cognomen
Saccus est probablement identique au nom commun signifiant
sac. De Saccus vient le dérivé Sacco employé à titre de cognomen
dans une inscription de Terracine 4, d'où le gentilice Sacconius
dans deux inscriptions, l'une de Naples>, l'autre de Lyon6.
De Sacciacus viennent les noms de Sacé, Mayenne, Sacey,
Manche, et de quatre communes de Sacy, deux dans l'Oise,
les deux autres dans la Marne et l'Yonne.
Salviacus, où l'abbaye de Saint-Denis posséda une église
dédiée à saint Martial et que mentionnent deux diplômes faux,
l'un de Dagobert Ier 7, l'autre de Clovis II8, est aujourd'hui
Saujat, commune de Montluçon, Allier 9.
Le gentilice Salvius, d'où Salviacus, remonte à la période
de la république, comme le prouve l'épitaphe de C. Salvius
Cassiae gn[atus] I0 et l'inscription de Pescina qui nous a con-
servé les noms de A. Salvius Cledus11. Ce gentilice, d'abord
obscur, fut rendu célèbre par l'empereur Othon, dont le règne
éphémère appartient, comme on le sait, à l'an 70 de notre
1. Dom Bouquet, IX, 570 c.
2. Brambach, nr' 830.
3. Corpus, III, 3874.
4. Corpus, X, 6394.
5 . Corpus, X, 2198.
6. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 241.
7. Pertz, Diptomatum imperii lonius primas, p. 159, I. 36.
8. Pertz, Diplomatum imperii tomits primas, p. 180, 1. 45.
9. Longnon, Examen géographique du tome premier des diphmata imperii ,
P- 33-
10. Corpus, I, 1383.
11 . Corpus, I, 1541 a.
220 H. d'Arbois de Jubainville.
ère. Ce prince s'appelait M. Salvius Otho. Son père, L. Sal-
vius Otho Titianus, avait été consul en 52, et son grand-père
avait été préteur1. Un certain Salvius fut chargé du gouver-
nement de l'Aquitaine avec titre de légat sous l'empereur Ha-
drien, 1 17-138. Xous avons encore l'analyse d'un rescrit que
lui adressa cet empereur2. On pense que ce Salvius est iden-
tique au célèbre jurisconsulte Salvius Julianus '. Le gentilice
Salvius n'est pas rare dans les inscriptions du temps de l'em-
pire-K Ce gentilice pénétra en Gaule, comme l'atteste l'épitaphe
de C. Salvius Mercurius, trouvée à Fourvières et conservée au
palais des Arts, à Lyon >.
De Salviacus, la forme moderne dans les régions méridio-
nales de la France est Salviac, Lot ; Sauviac, Gers, Gironde ;
Sauviat, Puy-de-Dôme, Haute-Vienne; Saujac, Aveyron, sept
noms de communes, sans compter les écarts; parmi ceux-ci,
nous citerons Saugey, Savoie et Haute-Savoie qui nous
offrent une forme septentrionale de ce nom; la variante ro-
maine est Sdlvianus, qui a donné Sauvian, Hérault.
Salviniacus est une villa du Tonnerrois qui appartenait au
ixe siècle à l'abbaye de Montier-la-Celle, comme nous l'ap-
prend un diplôme de Charles le Chauve6.
Salvinius, d'où Salviniacus dérive, n'est pas un gentilice
commun ; on l'a trouvé dans une inscription de Constantine
qui nous apprend les noms de P. Salvinius Arat[or] ". Salvi-
nius est dérivé de Salvinus, qui acte employé comme surnom,
exemple : Ulpius Salvinus dans une inscription de Karlsbourg8.
1. Tacite. Histoires, 1. II, c. 50. Cf Josephus Klein, Fasti consuîares,
P- 35-
2. Callistrate. livre \ de cognitionibus , passage reproduit au Digeste,
ivr. XLVIII. titre III. loi 12.
3. Desjardins, Géographie historique et administrative de là Gaule romaine,
"t. III, p. 2)3. Voir Teuffel. Geschichte der rœmischen Literatur, 3e édition,
p. 817.
.| . ~\ ovez les index du Corpus, t. II, p. 729, col 3 : t. III, p. 1083,
col. 2; t. V, p. 1 1 3 3 . col. 4; t. VII, p. 370, col. 1; t. VIII, p. 1013,
col. 3 ; t IX. p. 724. col. 2 : t. X, p 1034, col 1 .
3. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 184.
6. Dom Bouquet. VIT. 642 e.
7. Corpus, VIII, 7706. •
8. Corpus, III. I 143.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 22 1
Salvinus, nom d'un évêque de Vérone mort vers 562, et d'un
évêque de Verdun qui vivait au siècle précédent, n'est autre
chose que ce cognomen dont le gentilice Salvinius est un
dérivé l .
De Salviniacus viennent les noms de communes suivants :
Sauvignac, Charente ; deux Sauvigney, Haute-Saône ; et
quatre Sauvigny, sur lesquels deux dans l'Yonne 2, un dans
la Meuse >, un dans la Nièvre 4.
Sansiacus est le nom d'une des propriétés de l'abbaye de
Saint-Ouen, de Rouen, aux termes d'un diplôme donné par
Charles le Chauve en 876 5. Sansiacus tient probablement lieu
d'un plus ancien * Sanctiacus, dont la forme romaine était
Sanctianus ; ce dernier mot a conservé son t dans l'ortho-
graphe Santianac, d'un nom de lieu que mentionne, vers
l'année 846, un diplôme de l'empereur Lothaire en faveur
d'un archevêque de Lyon6.
Ces noms de lieux dérivent du gentilice Sanctius dont un
exemple nous est conservé par une inscription de la Bavière
rhénane où figure un personnage appelé Sanctius Honoratus ' .
On en trouve un autre exemple dans une dédicace conservée
au musée de Genève et qui a pour auteur L. Sanctius Marcus 8.
Ce gentilice est lui-même dérivé du cognomen Sanctus, plus
fréquent.
* Sanctiacus a donné à la géographie moderne de la France
les huit noms de communes suivants : deux Sansac, Cantal ;
Sansais, Deux-Sèvres; Sanssac, Haute-Loire ; Sanssat, Allier,
Sanxay, Vienne ; Sanzay, Deux-Sèvres, et Sanzey, Meurthe-
et-Moselle. * Sanctianus a donné Sansan, Gers.
1 . Ces évêques ont été placés au nombre des saints ; leurs fêtes ont été
mises l'une au 12 octobre, l'autre au 4 septembre.
2. Salvigniacum, 1217, Quantin, Dictionnaire topographique de l'Yonne,
p. 121 .
3. Salviniaco, S46, Liénard, Dictionnaire topographique delà Meuse, p. 219.
4. Salviniacum, 817, Soultrait, Dictionnaire topugniphique de la Nièvre,
p. 172.
5. Dom Bouquet, VIII, 650 e.
6. Dom Bouquet. VIII, 384 a.
7. Brambach, 1764.
8. Mommsen, Inscriptiones helveticae, n° 73.
222 H. d'Arbois de Jubainville.
Secundiaca est le nom d'une cors, c'est-à-dire d'une villa
mentionnée dans le diplôme de fondation de l'abbaye de la
Sainte-Trinité, de Poitiers, vers l'année 962 r. Cette localité
était située près de Melle, Deux-Sèvres.
Secundiacus est dérivé de Secundius, gentilice qui n'est pas
rare dans les inscriptions et qui est dérivé du surnom plus fré-
quent encore Secundus. Nous citerons : Secundius Crispus,
dans une inscription de Trêves 2 ; Secundius Ursio, au musée
de Bonn 3 ; Secundius Agricola, à Wiesbaden-J ; M. Secundius
Saturninus, M. Secundius Acceptus dans une inscription de
Lyon 5.
De Secundius est venu Secundiacus qui, dans le midi de la
France, a donné Segonzac, Charente, Corrèze et Dordogne.
Quant à Secondigné et Secondigny, Deux-Sèvres, ils suppo-
sent un primitif *Secundiniacus, dérivé de Secundinius qu'on
trouve dans la dédicace lyonnaise a Mithra, par Aur. Secun-
dinius Donatus6, et dans plusieurs autres inscriptions 7. Il peut
se faire que dans le diplôme cité plus haut on ait imprimé Se-
cundiacus pour Secuiidiniacus, et que la localité mentionnée
soit Secondigné, Deux-Sèvres, arrondissement de Melle.
Securiacus est un locus situé en Brabant, comme nous l'ap-
prennent deux diplômes, l'un de Louis le Débonnaire, qui
parait dater de l'année 822 8, l'autre de Charles le Chauve
en 8479. Dans un diplôme de Charles le Simple, en 899, Se-
curiacus est qualifié de villa I0.
Ce nom de lieu dérive du gentilice Sccurius qui paraît très
rare. Le seul exemple rigoureusement certain que nous en
1 . Dom Bouquet, t. IX, p. 626 d.
2. Brambach, n" 825.
3 . Brambach, n° 846.
4. Brambach, n" 1526.
5. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 521.
6. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, d. 40.
7. Voyez les Index du Corpus, t. III, p. 1083, col. 2; t. V, p. 1 126,
col. 1.
8. Dom Bouquet, VI, 530e. Cf. Sickel, Acla Karolinorum, t. II, p. 138,
n° 180.
9. Dom Bouquet, VIII, 488 e.
10. Dom Bouquet, IX, 474 b.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 223
puissions signaler se rencontre dans une dédicace à Jupiter
trouvée près de Mayence. L'auteur de cette dédicace est le lé-
gionnaire Securius Carantus1. On suppose que le même gen-
tilice était 'inscrit dans une épitaphe recueillie à Neumayer,
Prusse rhénane. Cette épitaphe aurait été gravée par les soins
de Securius Novellus ; mais quand a été trouvée cette ins-
cription aujourd'hui perdue, le commencement de la ligne où
ce nom avait été gravé manquait, et dans cette lacune était
comprise la lettre initiale s de Securius 2.
* Silvaniacus est probablement l'orthographe primitive du
nom de lieu écrit Selvaniacus dans un diplôme accordé par
Louis le Débonnaire à l'abbaye de Conques, en 8195. En
effet, nous trouvons le même nom de lieu écrit à l'ablatif Sil-
vaniago, avec un i à la première syllabe, dans une charte du
xie siècle conservée par le cartulaire de Conques 4. Le nom
actuel de cette localité estt Savignac, c'est une dépendance de
la commune d'Asprières, Aveyron.
Silvaniacus est dérivé du gentilice Silvanius, dérivé lui-
même du surnom Silvanus. L'épitaphe de Silvanius Fortu-
natus existe encore à Vienne, Isère 5. Les noms deL. Silvanius
Probus nous ont été conservés par une inscription de Rheïn-
zabern, en Bavière rhénane6.
(A suivre).
H. d'Arbois de Jubainville.
1 . Brambach, n° 921.
2. Brambach, n° 858.
3. Dom Bouquet, VI, 717e. Gustave Desjardins, Cartulaire de l'abbaye
de Conques, p. 410.
4. Desjardins, Cartulaire de Conques, p. 81.
5. Allraer, Inscriptions antiques de Vienne, t. III, p. 6.
6. Brambach, nu 181 4.
ON THE MATERIA MEDICA
OF THE MEDIAEVAL IRISH.
The first of the following lists of articles employée! in the
practice of medicine by the mediaeval Irish is taken from
Additional 15,403, a small vellum manuscript in the British
Muséum, to whieh my attention was directed by M. Gaidoz's
notice in the Revue Celtique, VII, 165, 166. This ms.
contains 72 folios in a hand of the fourteenth or fifteenth
century, and is a treatise, in the Irish language, not only on
the healing properties of various plants, but on those ot
various trees, metals, gums and stones, of sait, eggs, milk,
butter, leaven : of hare-flesh and cantharides ; bran and
acorns, etc., etc. So that, instead of calling it an « Herbier
médical », it should be described as a treatise on materia
medica.
The second of thèse lists is taken from the pharmacological
treatise in H. 2. 17, a ms. belonging to Trinity Collège, Du-
blin, and described in Irische Texte, zweite série, I. Helt, p. 1.
As most of the names are given both in Latin and in Irish,
and many of the Irish words are not found in the published
dictionaries, thèse treatises are important both for Irish lexico-
graphers and for students of mediaeval latinity. Their value
for the historian of Irish medicine can only be determined by
a man likeDr. Norman Moore, equally skilled as a leech and
a linguist, from whom Celtic scholars would gratefully receive
an édition of both Works. Hère I can only give the titles of the
sections into which thev are divided. In explaining the Latin
names I hâve bcen aided chiefly by Mr. Mowat's éditions, in the
On the Irish Matai a medica. 22^
Anccdota Oxoniensia, of the Sinonoma Bartbolomei, 1882, and
the Alphita, 1887. Of thèse books, the former will bedenoted
by S. B., the latter by A.
In explaining the Irish names I hâve been helped chieflv
by Peter O'Connell's ms. dictionary, of which there is a copv
by John O'Donovan in the library of the British Muséum.
ADDITIOXAL 15, 403
Fol. 3b Auripimentum l arsenicum2 .i. anman«a in airged-
\à\l)l 3.
4a Arracia4 atriplex 5 .i. in clctreog6.
Argentum uiu[u]m .i. in t-airget beo7.
5a Asufetida8 .i. guwcroin«9.
5b Aristoloia longa. Avistoloia rotunda I0 .i. in sdoinsi
cruintt 7 in sdoinsi fada11.
6b Artemecia mater herbanw»12 .i. in buafallan liathx>.
7a Atanasia ^ tanesctumT> .i. lus na frange16.
COMMENTARY
1. auripigmentum « orpiment », yellow sulphuret of ar-
senic. — 2. auri pigmentum, S. B. 11. — 3. « names of the
airgedlam » (?)
4. = arache. — 5. the explanation of atriplex, S. $. 12,
and probably the Eng. ôrach « wild spinach ». — 6. eletreog
= O'Reilly's « elefleog s. f. stinking orach ; artiplex [leg.
atriplex] olida ».
7. « the live (quick) silver. » W. arian byiu.
8. assa-toetida. — 9. « gum of a tree. »
10. aristologia = zpianokcyix « birthwort » ? — ri. « the
round stoinsi and the long stoinsi ». P. O'Connell gives stoinnse
as synonymous with copôg nimhe « bestort the greater, or
snakeweed ».
12. Artemisia« mugwort». — 13. the grey buafallan, O'Reil-
ly's «buafanân liath, mugwort; Artemisia vulgaris». Fr. ar-
moise commune. Buabhall ragweed. P. O'C. dimin. buabhlan.
14. àOovasia. — 15. tanacetum A. 16. s. v. atanasia. —
16. « the herb of the Franks » = O'R.'s « lus na ffranc com-
mon tansey ».
226 Whitley Stokes.
7h Athasar1/ pole[giu]m régule18 .i. puliol ruighel1?.
8a Auancia gariofilata20 .i. in wacall".
8b Auellana nux barua22 .i. in chnu gaeidhiluch2?.
Auena .i. in coirce2^.
9a Auricala mûris2) .i. in liathlus .i. in liathlus beag26.
Auram2" .i. in t-or28.
9b Balanon 29 glans adhon mesoga na n-darach 5°.
Balsamum .i. gum croinn fhasas isiw baibiloi// e?1.
ioa Barba filicana?2 plantagho maigher33 .i. in cruach
patraic 34.
iob Barba [u]rsina35 .i. lus nalaeghî6.
ij. athasar? — 18. pulegium regale (A. 150). — 19. trom
which puliol ruighel is borrowed, though the u in Ir. ruighel
is strange. Puliol re-occurs fo. 6$h.
20. avencia, avens caryophyllata. — 21. O'Reilly's « mâ-
chai l ftadhain common avens, herb bennet, geum urbanum ».
P. O'C. has machall coille wood avens, machall uisce water
avens. W. mabcoll.
22. avellana est coruli fructus, S. B. 12 : « barva» forparva.
— 23. « the Irish nut » the hazel nut. A au't francach oc-
curs infra fol. 58b.
24. the oat: coirche= W. ceirchen, pi. ceirch.
25. auriculus mûris, S. B. 12, auricula mûris, A. 17, Fr.
pilosellc. Eng. creeping mouse-ear. — 26. lit. « the grey plant,
the little grey plant ». The cognate Cornish lot-les glosses
artemisia. And according to P. O'C. the Irish liathlus môr is
artemisia, while liathlus beag is the mouse-ear.
27. aurum. — 28. « the gold ».
29. (3iXavoç. — 30. « to wit, the acorns of the oaktrees ».
31. « gum of a tree which grows in Babylon it (is) ».
32. « Barba filicana » seems a synonym for plantago
major. — 34. P. O'C. 's cruach Phàdraic, Ô'R.'s cruacb-pha-
druig s. the herb plantain Plantago latifolia.
35. barba ursina (hircina), eng. buckestonge, A. 21. —
36. « the plant of the calves ». O'R. explains lus na laogh by
1. orpine (sedum telephium). 2. golden saxifrage.
On the Irish Materia medica. 227
na Barba siluana?" .i. in glasair œ'ûled^.
nb Barba iouis semptv uiua 39 adho/; 111 teneacaH0.
Bardana^1 .i. in weacun tughaw42.
I2a Branca ursina43 .i. in gallfothan«an44.
i2b Betaetpleta45 etsicla46 .i. trihanman«ainbiatM5a47.
i3a Blionia molena48 adhon in coinweall muire49.
Bolus arminicw^ >° .i. uir sleibhi armewiaî1.
i3b Borax .i. gum cro'mn e52.
Betonica.
I4a Bursa pastoris adhon lus in sparai«>3
37. « barba siluana » I hâve not found elsewhere. —
38. = O'K.'s glasair coille « wood betony ».
39. barba Iovis, Fr. ioubarbe, Eng. houseleek, semperviva,
Fr. sempervive. — 40. in teneacal = in tenecal infra fo. 46 .
P. O'C.'s kincagal.
41. Bardana, farfara, ungula equina A. 21. — 42. meacun
tughan is = O'R's mcacân tuan great common burdock, P.
O'C's mcacan tua.
43 . sic A. 25 . Fr. branche-ursine « acanthus mollis », Littré.
— 44. lit. « the foreign thistle » (fothanmîii). This is P. O'C's
gallfôthadân and gallfôthanân the herb bearsbreech or bear's
foot.
45. beta major vel bleta uel bletis, atriplex agrestis vel do-
mestica idem. Gall. arache blanc, A. 22. — 46. sicla .i. beta
maior, A. 171. — 47. « Three names of the betony ».
« biatas, biatuis, s. m. betony; beetroot, sea-beet, beta mari-
tima », O'R. W. beatus.
48. Blionia is perhaps for brionia « briony » : molena is
obscure to me. — 49. lit. « the candie of (the B. V.) Mary ».
according to P. O'C. the herb mullen, torchweed or high
taper, Lat. ver base uni.
50. bolus armenicus, « quedam uena terre que in Armenia
reperitur [et] per centum annos potest seruari » A. 24. —
5 1 « mould of a mountain of Armenia ».
52. « gum of a tree it (is). »
53. « to wit, the plant of the purse ». Eng. shepherd's
purse.
228 Whitley Stokes.
Betonica .i. [i]n bitoine 54.
i5a Balsamita ' > .i. in cardan?/)6.
Burneta 57 .i. in lus crée 58.
i6a Bibolca>9 .i. in fochlug60.
i6b Butirum61 .i. in t-im62.
i7a Calamentum 63 .i. an cailement6*.
i7,J Ciclamen malum [in top marg. terrae] .i. inculard//6>.
i8a Cameactis ebulwj66 .i. in ualabort67.
i9a Cardinis68 beneàictus [in top tmrgin : labrwm venins]
.i. an torcd//69.
54. « the betony ».
55. « balsamita, salmentica, sisimbrium, menta aquatica ».
A. 19.
56. « the water-mint », O'R's cartloinn.
57. « burnet », A. 25.
58. « the herb of... « luscre maie speedwell ; Veronica of-
ficinalis », O'R.
59. obscure to me. — 60. « the brooklime » ? a kind of
veronica.
61. butyrum. — 62. « the butter »,imm, imb=-\it. unguen.
63. calamintha, naXajx(vGYj. — 64. « the calamint ».
65. cyclamen, malum panis terrae (ms. terra pans) porcin//^
calsamus(?) i. e. the earth-apple ? O'R. has cularain « cu-
cumbers », and in Irish Glosses N° cularan glosses cucuiiier.
But P. O'C. explains cularan, clorân by earthchestnut, earth-
nut, pignut, Connecting it with W. cular. Bret. koJoren, keler
« noix de terre », Legon.
66. Cameactis [yx\).x:x/-r„ Diosc. RT, 172] interpretatur hu-
milis sambucus [i. actis (ày.t^) enim] ebulus dicitur, gallice
eble, anglice wellewort uel walwort, A. 28. — 67. the wal-
wort or ground-elder. The Ir. ualabort is borrowed from the
English. P. O'C. gives it as ualuârd, balbhârd and malbhàrd.
68. sic, i. e. Cardo benedictus A. 24, the Eng. groundsel.
— 69. I know not whèther we hâve hère orcàn or torcân : P.
O'C. 's organ seems borrowed from lat. origânum wild marjo-
ram : for groundsel Mac Curtin eives çronnlus.
On the Irish Materia tnedica. 229
Camedreus7° [in righi margin: quercula minor ger-
mandrea] .i. mdairgiw bcg/1.
20a Camapiteus 72 [in top margin : germa'ndrea quercula
rriaior] .i. in dairghiw môr/5.
2ob Camâmilla [in top margin : antehum atenis bebonici"4]
.i. lus 75.
2ia Campora [in top margin: canabus canabum76] j
lus 77.
2ib Camolea quinq//cfolium78 .i. in coicldhach 79.
22a Caniculata [in top margin : simponica 'uisyamus casi-
lago insana8°] .i. \n gabfan/;8r.
23* Cantarides .i. nacuile82.
Cantubrum83 [in top margin: furfur tritici] .i. \n
bran 84.
70. i.e. chamaedrys yx[j.x(opj;, camedreos A. 28. — 71. the
great dairgin « the lesser germander ? »
72. yx[j.x:-:.-j; camepiteos A. 28. — 73 « the greater ger-
mander ». dairghin na subh, a kind of berry-bearing shrub',
P. O'C.
74. antenum and atenis seem corruptions of ôvOejw* : bebonici
is obscure to me. — 75. « a- plant ».
76. « canabaria similis est in foliis canabo » A. 30, where
Mr. Mowat conjectures that canabaria may be v.rny.y.: âypîa,
of which Diosc. III, 156 says -.'y. Il çj'/j.y. ojjwta -ft r^.izu). But
our campora may be camphora A. 33.
78. camolee [yxj.i/.y.'.y], quinquefolium, pentaphilon [icevca-
s'jXXov] idem, A. 27. — 79. « the cinquefoil ».
80. caniculata, iusquiamus [i>z; v.jy.y.î:], cassilago, simpho-
nita [leg. -ica ? cf. srxç-wr.r/.r,] dens caballinus idem. — 81.
« the henbane », O'R.'s gafann henbane; hyoscyamus niger.
This is the gahen (gl. simphoniaca) of the Cornish Vocabu-
Iary.
82. cantharides .i. e. the (spanisli) Aies » : cuil (W. cylioii)
cognate with Lat. culex.
83. cantabrum furfur tritici A. 33. — 84. « the bran » :
bran chaff, O'R., bran, P. O'C.
Revue Celtique, IX. 15
2 jo Whitley Stokes.
23 b Canopodium pes corui85 [in top margin : apiuw ema-
roidarwra] .i. in gairgiw 86.
24* Caprifolium mater silua[e] [in top margin : uolubilis
maior87 gorrgiola88] .i. duilk feithi 89.
24b Carui [in top margin: cemella bipmla ameos9°] .i.
an carabûaidb^1.
Cacia fistula92.
25b Diegreidium93 .i. sugh luibe 9-4.
i6a Dens leonis94 .i. in serban mue 95.
Diuretieam .i. gach luibh a fuil brigb togairmthi in
fuail 7 briste na cloch mar ata sil melo;/es 7 si-
tfuilli 7 cucurmis 7 cicurbit 7 sil fenel 7 merse 7
ainis 7 persil h' 7 elestront 7 prema herrimi 7 milbh-
85. Perhaps this should be Chenopodium, cf. -/t^otzo'j;
« goosefoot ». Apium emaroidarum (i. e. haeniorrhoidarum)
pes corui, A. ri. — 86. « the crowfoot », O'R's gairgin.
87. « caprifolium... mater siluana, uolubilis maior idem ».
A. 29. — 88. gorrgiola must mean « honeysuckle » or
« woodbine » ; but I hâve never met the word elsewhere.
— 89. « the woodbine ».
90. carui agreste cumnella ameos, A. 30, where the editor
connects carui with -/.xp;; and ameos with a;;.;;.-., Diosc. III, 59,
63. Our cemella must be = the cumnella of A. Our biperda is
obscure to me. — 91. « the caraway », arab. al-karavia from
lat. careum (D'iezyo). Aïter carabiiaidh the Irish author writes :
et adubairt Au. Cum caraui carui nunecum [i. e. nunquam]
sine febre fui .i. anfad dobadhus can carabuaidh dochaithim
nir sgarus re fiabras. — 92. cassia iistula, A. 35, S. B. 14.
93. diagridium scamonia idem, A. 50. « diacridium id est
scamonea preparata acridium antiquitus dicebatur scamoneâ»,
Matth. Silv. cited ibid. 211. — 94. « juice ofan herb ».
94. dandelion. — 95. literally « the pigs'oats ». dandelion
« succory ». P. O'C. serban À. coirce, O'Cl. serban .i. cenel
n-arba, 7 ba doig co mbad e in corci, O'Mulc. H. 2, 16,
col. 121.
On the Irish Mater ia medica. 231
bocain 7 b'ûur 7 sil raideogi 7 fuil bocai// [i6h] 7
casra eighin;/ na crand 7 g//rmaille 96.
26b Diptan/z/^- pulegium97 martis .i. da ainm in eli-
t/*onta98.
27* Dragantum99 .i. in copnrrus100.
28a Ebulus cameactis. adhon da ainm in ualuaird101.
29a Edera arborea adhon eigheand na cran/z102.
29b Edera tearrastris .i. in t-eigen// talma?/I03.
30a Eliborus nigher .i. in t-athabha dubhI04.
30b Endiuia.
3ia Elena campana [superscribed Enula ca///pana] .i. in//
eillin// 10>.
3ib Epaitica .i. £eabund106,
96. Diureticum .i. e. every herb in which there is power of
calling forth the urine and breaking the stones, such as melon-
seed and pumpkin1, and cucumber, and gourd, and fennel-
seed, and smallage, and anise, and parsley, and iris (?), and
roots of ... and mallow, and cress, and myrtle-seed, and blood
of toadstool, and the berries of tree-ivy, and gromwell (Fr.
grémil, W. gromiî).
-97. « Diptannum multi dicunt pulegium agreste ». A. —
98. « The two names of the elitront » (?) A ms. in the Royal
Irish Academy has Diptano .i. in elitronda.
99. Dragantum, uitriolum A. 48. — 100. copperas, P.
O'C.'s copras, W. copras, Fr. couperose, cupri rosa, -/%i:/.t^k
10 i. Ebulus and chamacactis, to wit, the two names of the
walwort.
102. (i the ivy of the trees. » eighenn, gen. eighinn, infra
fol. 26% should be eidhenn. W. eiddew.
103. « Hedera terrestris i. e. the ground ivy. »
104. « Helleborus niger i. e. the black hellébore. »
105. « the elecampane. »
106. Hepatica « livenvort » : ae aband would mean « hepar
amnis ».
1 . sitruiïli — Fr. citrouille.
232 Whitley Siokes.
Epitimen .i. blath iw timeI07.
32a Esula .i. in esbeorna108.
32'* Euforbium .i. gum croind I09.
33a Es ustum .i. umha lo'isgtbe 1I0.
Ematites .i. cloch IIJ.
3 3b Emblici112 .i. toradh cro'mnhsus anwsa dowan mor11*.
34a Eruca .i. in cerrbocan "4.
34a Ferrum ferrugo et -scama ferri .i. in t-iaranw 7 in
slaidhi 7 in tuirennir>. -
107. Iiuî8'j[ji.ov i. e. the flower of the thyme.
108. Esula « petty spurge ». esbeorna is obscure. The R. I.
Academy ms. above cited lias Asula et sebran(?) .i. da hainm
na hespcoma.
109. eùçôpôtov i. e. gum of a tree.
110. Aes ustum i. e. burnt brass (xexaufiivoç yz/.v.ï;).
ni. Haematites i. e. a stone (x[j.y.-i-rt; Xftfeç).
112. Emblici sunt fructus crescentes ultra mare, purgant
flegma et malencoliam, et est species mirabolanorum. A. 55.
— 113. « fruit of a tree which grows in the great world (the
Continent, « ultra mare »).
1 14. « the colewort ? cerr-bocan, cf. mill-bocaïn, fuil-bocain ».
P. O'C. has cearbhacân a skirwick or skirret (= Mid. En-
glish skirwhit, S. B. 20), and O'R. has cearracan « carrot »,
which may possibly be a modem corruption of our cerrbocan.
115. « the iron, and the iron rust, and the spark from an
anvil » iarann = O. Ir. iarn, slaidhi (slaigbi?) cf. slaighthech
infra : tuirenn = O'R's tuireann. This woird occurs in the
following verse quoted by Dr. Todd (Lib. Hymn. 90) from
the Betham MS. 22 a :
Geibidh tennehair caor nduibhdheirg
ima ndregaid alla uird.
sceinnidh tuireann ar gach leith,
imasech seinnid na builg.
i. e. Tongs grasp a black-red bar whereon huge sledges con-
^
On the Irish Materia medica. 23 ;
5 5a Ferrarium II6 .i. in ladh bis a n-ir/;/ar an umair ina
mbaiter in t-iarand "7.
Flamula .i. in seibheall ulsgi II8.
Feriugregum .i. pis gregach IJ9.
35b Fragaria120 .i luss na subh tûman I21.
36* Fraxinus .i. in fuin/zseog I22.
Farinum ordi .i. in min eornaI23.
37a Feniculus .i. in fenelI24.
37b Feniculus porcinus adhcw fenel muc125.
tend I A spark springs up on evcry side : ail around the
bellows sing.
116. Ferra[r]ium est quod invenitur in trunco in quo faber
réfrigérât forcipes, unde illa aqua dicitur ferraria ; et illa aqua
mundata ualet contra opilaciones splenis et epatis cum herbis
contra illam egritudinem coctis. A. 64. — 117. « the ladbÇty
which is in the bottom of the vessel wherein the ironisdipt ».
118. Flammula is some plant which, when chewed, burns
the tongue : see A, 63. The Irish œibheall means « a spark » :
uisci is the gen. sg. of uiscc « water » : so that œibheall uisci
must mcan some waterplant with acrid juice. P. O'C. renders
aoibheal uiscc by marshpenny-wort (a hvdrocotvle).
119. « Faenum-graecum i. e. a Greek pea. » O'R. hssfenéil
griagach.
120. Fragaria, gall. fresere, angl. st[r]auberie, cuius succus
uel fructus ualet contra telam in oculo, A. 63. — 121. « an
herb or a strawberry » : sub talman is exactly the German Erd-
bcerc. With sub cf. W. svjî (fraga), sg. syfien.
122. « the common ashtree ».
123. « Farina hordei .i. e. the meal of barley. »
124. « the fennel ». O'R's fencul, fenéil griagach.
125. « to wit, sow-fennel » also called fciucal srâide, P.
O'C., who gives names for three other kinds of fennel, viz.
feinealcûrda sweet fennel, feintai fathaigh giant fennel, feineal
muirc flixweed. W. ffenigl y môch.
1. dreagaid À. comraicid, Stowe Ms. XIX.
«
2}4 Whitley Stokes.
38* Fermentum .i. laibhin 7 do plur cruithner/;/a do-
nner e 7 d'uisoi 7 do thshakz«n I26.
Fel .i. domblas a; gach ainmidhe I27.
Filipendula.
38b Fumus terrae .i. in fuimitora "8.
39a Fu ualeriana .i. in caerthanw curruidh I29.
39b Fugha demonum I?° .i. in bithnwad1?1.
Fructus iuniperi .i. caera an ibhuir craigi1*2.
40a Ficus .i. na figdaI33 (the à is written over the ,<,T).
40b Galbanum adhon sugh luibhi e r34.
4ia Galanga .i. gailingan1^.
Galitricum .i. in exin cir co'ûlig1^.
411' Gladiolus .i. soilestrach T37.
126. « leaven; and it is made of the flour of wheat, and of
water and of sait » .
127. « bitterness of every animal's liver », v.Ir. Gl. n°975.
128. Fr. fumiterre, Eng. fumitory.
129. caerîhann is a common word for « rowan » ; and
curruidh is toi' curraigh,gtn. sg. of currach: caerthann curruidh
(= coerthand curruigh, infra note 170) is P. O'C.'s caorthann
curraigh the herb valerian, polemonium caerultum, in English
Bl ne Jacob' s ladder.
130. Fuga demonum ypericon idem, A. 68, 78. ûicipeix.ov
St. John s Wori. — 131. literally « the ever-new ». P. O'C.'s
biothnuaidh and beathnuaidh.
132. « berries of the Juniper », or, literally « of the yew
of the crag». Compare one of O'R.'s wordsfor Juniper, iubhar
beinne, lit. « yew of the peak ».
133. « the figs » .
134. « to wit, the juice of an herb it (is) ».
135. « galingale ». gaïleanga, gaileangan, P. O'C.
136. « the bright cock's-comb », crista galli, sometimes
called in England yellow rutile, from the colour ot the flower
and the rattling of the seeds in the capsule.
137. gladiolus is the English sword-lily. Soi lest rach is a de-
On the Irish Materia medica. 23 5
42a Gariofilns in clobus :38.
42'' Genciana .i. coirci lacha[n] r39.
43a Guimi .i. gum 7 intan adcrar gu/// a focul coitcen/z
is do gum araibi is coir a tuicsin1*0.
Git .i. in cogal1-*1.
43b Genestula .i. m gilcach1**2.
44a He[r]modactuli .i. in tene talman1^.
44b Herba sancti pétri .i. in sobairgin r+4.
45a Hipia madior .i. in flidh r45.
Hipia minor .i. rind ruisg1^6.
45 b Isopus .i. isoip x47.
rivative of soilestar (gl. gladiolum) Ir. Gl. n° 775, O'R.'s
soiliosdar. P. O'C.'s sëileastar or feileastar. W. clcstr.
138. jtapuôçuXXov « theclove ». clobhas, P. O'C. W. clowsen.
139. « gentiana i. e. duck's oats. »
140. « gummi i. e. gum; and when «r gum » is said as a
common word « gum arabic » is to be understood. »
141. ^//7; (A. 75) the corn-cockle (agrostemma githago) :
the Irish word is borrowed from the English, or from A. S.
coccel, coccl.
142. « the broom. » P. O'C. lias giolcach sléibhe « broom »
and giolcach nimbe « butcher's broom ».
143. Hcrmodactilis, A. 82, and so in H. 2. 17, p. 282, tene
talman (gl. hermodactilis). Perhaps meadow-saffron.The Irish
words literally mean « fire of earth ».
144. « the cowslip » (primula veris).
145. « Hippia major, i. e. the pimpernel » (anagallis?).
146. « Hippia minor, i. e. chickweed. » The Irish glosses
seem tohave been transposed, for flidh (= W. gzulydd') is chick-
weed : so perhaps rindruisg, lit. « eye's point », may be pim-
pernel. P. O'C., however, explains rinn cuise bv « eyebright »
(euphrasia).
147. hyssop. iosôip, P. O'C. W. isop.
2]G Whitley Stokes.
46a Ipoquisdidos .i. lus na meacan1'*8.
46b louis barba .i. in temral x49.
47a Iris .i. gloriam Iî°.
Ipofila .i. bi\nr muirc tSI.
47b Lac .i. in bainwe1*2.
48a Lactuca .i. letw*1*?.
48b Laudanum.
49a Lapa[ciu]m acutum ,i. in corrcopôg *S4.
49b Lapis laxuili .i. cloch1^.
Lapis maighnetis À. cloch darab ainwi maighnes I>6.
50a Langciolata .i. in slanlus1'^.
5ob Lauriola .i. crand1*8.
5ia Lenticula acaitica .i. in ros lachan Iî9.
148. j-;/.'.7t(: « tbe fungous excrescence growing from the
root of the dogrose, A. 86 s. v. ipoquistidos. The Irish words
mean « the plant of the roots ».
149. « the house-leek. »
150. gloriam, P. O'C.'s gloiriam « swordgrass », must be
a loan, but from what ?
151. The Latin word is obscure to me : the Irish means
« Mary's cress ». O'R. explaius it by « brooklime ; veronica
beccabunga ». bilur also occurs supra n° 26a and infra to. 57*.
152. « the milk ».
153. « lettuce », from winch word the Irish is borrowed.
154. « lappacium acutum, parella, paradella idem ge paiele,
anglice reddokke » A. 94 (red dock) — seems Rumex sangiu-
neus. But the Irish cqrr-chopôg, literally a dock (copôg) with
pointed leaves (corr snout, bill, beak, O'R.), means « the
great waterplantain », P. O'C.
155. Lapis lazuli, i. e. a stone.
r)6. Lapis magnetis, a stone named magnes.
157. « Lanceolata, i. e. the ribgrass, ribwort plantain:
Plantago lanceolata », O'R.
158. « Laureola.(A. 95), i. e. a tree.
159. Lenticula aquatica, i. e. the (iesser) duckweed (Jcinna
On the Irish Matériel medica. 2 $7
)ib Leuisticus .i. lubh l6°.
Lepus .i. in mil maigelèl.
52a Lapis agaptis .i. cloch agapitis162.
52b- Licium .i. gum crainwl63.
53a Lilium .i. in lili l64.
Linga auis pigla .i. tenga enainl6$.
53b Litairgerum .i. shïghtecb in airgid l66.
54a Licricia .i. licoiris16/.
Lapa .i. in chopog l68.
54b Linga bouina .i. in t-oghradh l69.
55a Mas.
Maculta treisfolium .i. in eachsemar I/°.
minor). This is the third ross mentioned in Cormac's Glossary,
as found only on stagnant water (jiibî acht for marb-uisce).
160. Levisticus (Engl. lavage) i. e. an herb.
161. « the hare » (lit. « the beast of the plain »).
162. Lapis agapis (A. 90) i.e. (the) stone agapitis (?)
163. /.jv.-.cv i. e. gum of a tree, succus caprifolii, A. 99.
164. « the lily ».
165. Lingua avis, pigula (idem), stitchwort. The Irish
words mean literally « little bird's tongue ».
166. « XtôâpYupoç, i. e. the slaighthech of the silver ». Litharge
(lat. spuma argentt) is the vitrified lead collected in the pro-
cess of separating lead from silver. P. O'C. has also slaigh-
theach air, slaightheach stain, slaightheach luaighe (leg. luaidhè).
167. liquiritia i. e. liquorice.
168. lappa i. e. the dock : ci. corr-chopôg supra.
169. The Latin seems = Lingua bovis, bugloss : the Irish
is obscure. It is written odrad in L. B. 101 cited infra.
170. Maculatum trifolium ? i. e. the horse-clover, P.
O'C. 's seamar chapall. The name of this plant occurs in the
gen. pi. in Lebar Brecc, 101, in the lower margin : Denam
bechlossa .i. L. mur 7 echsemmar 7 duille na sub talmaw
7 na sub craeb 7 murdraigèn 7 odrad nir bun 7 barr 7
druchtain na monad 7 mindt//s 7 cammamilla 7 coerthand
curraig 7 duillebflr chrànd cumra 7 erand plima 7 imm lôci
2?8 Whitley Stokcs.
55b Manna.
56a Malagranta .i. na hubhla grainneacha I7I.
56b Marubium .i. in t-orafunt T"2.
57a Nasturcium adhon in bilur uisgiJ7>.
Napeum sinapium .i. da ainm in musdàrdl74.
57b Nenufar .i. blath na raibhi uisgi x75.
)8a Nepta .i. in[n]eipt I/6.
58b Nox magna .i. in chnu frangcach x77.
59a Nus muscata .i. nutamuic I78.
59b Nux longa .i. almont milis I/9.
6ob Olibanum.
6ia Opoponax 7 is inann opoisi// g/eig7sugh 7 isinanw
ponax isiw tengaidh cétna 7 luib oir sudh luibhi
e l8°
6ib Oua .i. na huisjhi lSl.
belltaine 7 loei feil na croche 7 na luibe do buain laa belltaine.
Hère murdraigen means agrimonv.
171. mala granata (A. 108) ,i. e. the graniferous apples.
172. marrubium (A. 110) ,i. e. the orafunt horehound ?
173. « to wit, the water-cress ».
174. « the two names of the mustard ».
175. nénuphar flos ungule caballineaquatice idem (A. 124),
« the rlower of the water-rue ». raibh, rue P. O'C.
176. nepeta « the catmint ».
177. nux magna (A. 126) i. e. the French nut » (\V. meuen
ffrengig), a walnut.
178. nux muscata (A. 124) i. e. nutmeg» {noix muguette).
Th. Irish nutamuic is a loan trom the Earlv En^lish note-
muge.
179. « a sweet almond ».
180. z-z-hx"- « and opo in the Greek is the saine as « juice »
and in the same tongue ponax is the same as « herb » ; for it
(is the) juice of an herb. »
181. « the eggs ». (^T a neut. i-stem, pi. n. uigc.
On the Irisk Materia medica. 239
62a Os de cerui corde .i. in cnai/// bis a craidhi in fia-
dha182.
62b Ordiam [superscribed : ordiuw] .i. ineorna18?.
Paninus [corrected: Pawpinus] .i. duilk na finemh-
m l84.
63* Pes accipidris .i. columbi/z l85.
Petrosellinum .i. prrsilli l86.
63b Pulegi[um] muntanum .i. puliol muntan lS7.
Piper nighrum .i. pibwr dubh l88.
64b Pullicaria .i. in millsen monadh l89.
Paritaria .i. paratari T9°.
65* Polipoidium .i. in sgim^1.
65 b Pipinella .i. in t-ecnmJ92.
66* Politricum .i. gne don dubhcosach^s.
Porrum .i. in lus ^4.
182. « the bone that is in the heart of the deer. »
183. « bordeum ,i. e. the barley. »
184. pampinus ,i.e. the leaf of the vine.
185. pes accipitris, i. e. the columbine.
186. pclrosclinmn, i. e. parsley. P. O'C.'s peirsille.W '. persli.
1S7. brotherwort. The Ir. puliol is borrowed from English
or French.
188. « black pepper ».
189. « the bog lîoney-suckle », according to O'R. P. O'C.
bas milséan nuira a sort of sweet scaweed.
190. parictaria wall-pellitory;
191. polypodium .i. e. « the polypody », a kind of fern.
So in scim (gl. polepodium) H. 2. 17, p. 297. P. O'C.'s
sceamh.
192. pimpinella .i. e. the pimpernel : ecrim, P. O'C.'s
eigrim, the herb burnet or stone parsley.
193. « polytricum (.i. adiantum », A. 147 a) .i. e. a kind
of the black maidenhair, in dubcosach(g\. capillus Veneris) H.
2. 17, p. 286.
194. « the leek ».
240 Whitley Stokes.
67* Pingedo .i. methrad^).
Pira .i. na iperedha. I96.
6jh Plumbum .i. in luaidhe1??.
Quercus .i. in dair^8.
68a Rafanos adhon ragam r99.
68b Ros marina .i. ross marina200.
69a Reubarbarum.
6<)h Rosa rubia .i. in ros d^rg201.
70a Rubia maior .i. in ///adra202.
70b Ruta .i. ruibh2°3.
7ia Repercusiua .i. gach ni ina fuil bn^ frithbuailt&:& 2a* .
Sambucus adhon trom20'.
7ib Sal .i. salunw206.
72a Sarca colla .i. guw cfain«207.
Scamonia.
72b Sateiria .i. sabhr...i 2°8 ?
195. pinguedo « fatness ».
196. « the pears ».
197. « the lead ».
198. « the oak ».
199. raphanus « horse-radish ». So in ragum (gl. rafanus),
H. 2. 17, p. 280.
200. « rosemary ». W. rhosmari.
201. « the red rose ».
202. « the madder ».
203. « the rue ».
204. « everything in which there is a repercussive force. »
205. « to wit, an elder-tree ».
206. « sait ».
207. zxo-Azv.i'tXx ,i. e. gum of a tree. »
208. satureia. The Irish word I cannot decipher.
On the Irish Materia medica. 241
H. 2. 17
The pharmacological tractate in H. 2. 17 begins thus :
Circa presens negocium in simplicibus medicinis mundum
uersatur pre[p]ossitum... Simplex medicina est quae talis na-
tura precedit.
P. 279. Flamula .i. in ibell1.
P. 280. Cuscute .i. claman in lin... 7 iderar ris fos potagra
lirii, ar is e bus im cois in lin2.
Rafanus .i. in ragum.3.
Uiola .i. in uioiH.
Malua .i. in leamach muighiJ.
r. a mistake for ôibell or àibell, W. ufel-yn.
2. Cuscuta (« dodder » a parasitical plant allied to the con-
volvulus) « i. e. the mange of the flax, and it is also called po-
dagra Uni, for it is at the foot of the flax. » O'R. h as « clamaiu
in lin dodder, witherwind ». P. O'C. has clamhan dodder,
clamhan dearg, red dodder.
3. « horse-radish », ragam = racine, radicina, with the
regular medialization of c, and change of n to hard ni, as in
membmmm = membrana. So in Welsh : latwm, offnum, saf-
frwm, Beitr. v. 219.
4. The gen. sg. uiola occurs in H. 2. 17, p. 289, col. 1 :
ola na uiola 7 na roisi do cur isin mortel, « the oil of the vio-
let and of the rose to be put into the mortar ». W. fioled.
5. « the mallow of the rield ». O'R. has « leamhadb marsh
mallows. Althaea ». P. O'C. has leamhach bhuidhe marsh mallow.
242 Whitley Stokes.
P. 281. Aurotanus .1. liat[h]lus mara6.
P. 282. Argentum uiu[u]m .i. in t-airged beo.
Linga auis .i. in teanga enan.
Hermo dactilis .i. in tene talman .i. in gairgin 7.
Striguum, morella, solatrum. domnidhi .i. aenluib
inand sin 8.
P. 283. Sulfur .i. in traif9.
Siloes siler mondtanus .i. in rait I0.
P. 284. Petrosilinum .i. ptrsilli.
Iarus barba .i. in gegar".
Cicuta .i. bindmer12.
P. 285. Enula .i. in ellend.
P. 286. Cuminum .i. in cuimin.
Capillus Ueniris .i. in dubcosach.
Accetum [.i.] in finegra r3.
6. literally « sea mugwort ».
7. a gairgin crowfoot », O'R. Gairgin P. O'C.
8. Striguum (a scribal error for Strignum i. e. uxpjyvsç),
morella, solatrum (nigrum), a kind oflupine. Domnidhi is obs-
cure to me.
9. in t[f\raif, where sraifis possibly == the sraib in O'Da-
voren's sraibtine do neim À. an Une saighnein, the lightning,
and thesrop in srop-tenid, LB. 215 a 15. Probablya loan (with
metathesis ot r) from Fr. soufre from Lat. sulphur.
10. Siloes perhaps for Sisclcos, which seems in A 169, 171,
to be a synonym of siler montanùm (oui* « mondtanus »). Si-
ler is said to be a kind of brook-willow. rait, P. O'C. 's raid
bog-myrtle, bog-poppv, wild myrtle, sweet-gale.
11. Iarus, and Barba [Aron] are given in A. 84 as syno-
nyms of gigarus, whence, or from the Ital. gigora, the Ir. ge-
gar is borrowed. It is said to be the English cokkowespitte (now
cuckoospittle ?), Fr. pied de veau.
12. bindmer « hemlock » is = O'R. 's minmhear common
hemlock : Conium maculatum. He also lias minnbear « hem-
lock ».
13. « the vinegar »,' finegra (W. gwinegr) borrowed from
Fr. vinaigre.
On the Irish Miïeria medica. 24}
P. 288. Artimesia .i. in buafallan liath.
Acasia .i. sugh na n-airnedh n-anabaidh I4.
Alumen .i. in atramail *>.
P. 289. Plumbum .i. in luaidhi.
Pix .i. in picc l6.
Olibanum ditius .i. gumi croind l7.
P. 290. Pomum citrinum .i. in t-ubull buidhi l8.
Semper uiua .i. in tenegul *9.
Rubus .i. in feirdris 2°.
P. 291. De absintico .i. donn aibsint21.
P. 292. De uritica .i. don neandtoig22.
P. 294. Cosc ar carraigi .i. ruse feithlinde [7] in eidhind 7
scertar a forrusc de 7 brister go min iat 7 berbthar
ar finegra 7 cu'mcr 'mon cheand23.
Menta .i. in mima24.
P. 295. Epitimum .i. in duilli fetha2$.
14. Acacia (.i. succus dessiccatus prunellarum agrestium
immaturarum, A. 1) « the juice ofthe unripe sloes ».
15. atramail : the gen. sg. na hatramaili occurs in the ms.
four Unes below the gloss. I hâve not met tliis word else-
where.
16. picc, like W. pyg, is borrowed from an oblique case ot
Lat. pix.
17. « gum of a tree », frankincense.
18. « the yellow apple ».
19. Semper uiua is houseleek.
20. feirdris is O'R.5 s féirdhris a bramble, briar, P. O'C.'s
eirrdhris feirrdhris the dogbriar, buckbrier or wild rose, a com-
pound oîdris « briar », and some word obscure to me.
21. « of the absinth » .
22. « de urtica ofthe nettle » (nenntog).
23. « Coscar[leg. Coscar?] carraigi i. e. the bark of honey-
suckle and of the ivy, and its rind (?) is separated from it,
and they are broken small and boiled in vinegar, and put
round the head ».
24. « the mint ».
25. « the leaf of honeysuckle ».
244 Whitley Stokes.
P. 297. Polepodium .i. in scim26.
P. 298. Fraxinus .i. in uindsend.
Sambucus .i. in trom.
De uomitis .i. don sceat[h]raidh 27.
Calmentum .i. in émir sleibi 28.
P. 300. Ros [ms. Rosa] marinus .i. in ros muiridi29.
26. Poly podium is a kind of fern.
27. « of the vomitings ». Scethrad a noun of multitude,
from sctth, W. chwyd, vomitus.
28. literally « the mountain émir » (calamint ?)
29. « the rosemary ».
ÉTUDES BRETONNES
VI
LA CONJUGAISON PERSONNELLE ET LE VERBE « AVOIR »
i. Les six conjugaisons bretonnes.
Il y a six façons de conjuguer les verbes bretons à l'indicatif
actif. Ce sont :
i° La conjugaison personnelle, avec formes verbales dis-
tinctes pour chaque personne; exemple, kanafi « je chante »
(latin cano) ;
2° La conjugaison impersonnelle, où chaque temps a pour
forme verbale unique celle qui est la troisième du singulier
dans la conjugaison personnelle : nie a gan ou me 'gan « je
chante » (= * ego canif) ;
3° La conjugaison avec l'auxiliaire «être «variable, le verbe
restant au participe présent : o kanah on, 'kanah on, etc. « je
chante » = canens su ni ;
' 4" La conjugaison avec l'auxiliaire « être » à l'infinitif, le
verbe se mettant au personnel : léonnais be^a e kanann « je
chante » = * esse cano ;
5° La conjugaison avec l'auxiliaire « faire » au personnel,
le verbe restant à l'infinitif: kaua 'rah « je chante » = * canere
facio.
6° La conjugaison du verbe avec lui-même comme auxi-
liaire : goud a ou^on « je sais » = * scire scio.
La première de ces conjugaisons (personnelle, kanafi) est la
plus ancienne, et encore aujourd'hui la plus usitée.
Revue Celtique, IX 16
246 E. Ernaull.
La deuxième (impersonnelle, me (a) gan) dérive de la pre-
mière; ce sont les deux plus importantes, les quatre dernières
s'y rattachent quant à la forme des éléments qu'elles combi-
nent de diverses façons.
Dans la troisième (0 kanan on, etc.), l'auxiliaire « être » peut
avoir n'importe quelle forme et se mettre avant ou après le
verbe; il peut aussi en être séparé par un ou plusieurs mots.
Cette conjugaison répond aux locutions anglaises comme
zuhat is he doing ? et françaises comme Qu'est-ce qu'il est à faire?
en breton de Tréguier Pesoni email 'c'h ober? ou 'Sord 'mah
'h ober ? Les grammairiens l'ont omise ; elle existe pourtant
aussi en Léon et se trouve déjà en breton moyen. Il serait
souvent impossible de la rendre littéralement en français, aussi
bien que les expressions anglaises correspondantes. Exemples :
Trécorois 'mah 'tout « il vient », « le voilà qui vient » =
angl. he is coming ;
Léonnais/># oann 'sevel var gorre V ros « comme je montais
au sommet de la colline » (chanson populaire, Mélusine, III,
572) = angl. when I was ascending, etc. ;
Breton moyen : Tut Jesu so o~ concluaf « les gens de Jésus
veulent (nous déshériter) », Sainte Barbe, 25 ; tut... so ou^ e
heul pepret « des gens le suivent toujours, sont toujours à le
suivre », Grand Mystère de Jésus, 17 b, cf. 11, 61 b, Poèmes
bretons du moyen âge, 35, Sainte Catherine, 33, 34, etc.
Comparez les expressions galloises comme y mae (efe) yn
dysgu, et dysgu y mae efe « il apprend ».
La quatrième conjugaison (be%a e kanann) est très peu
connue en trécorois. Je n'en ai pas trouvé d'exemple certain en
moyen breton. Elle est donnée dans la grammaire de Le Go-
nidec, et dans celle du P. Grégoire de Rostrenen, Rennes,
1738 : be~a e^carah « j'aime », etc., p. 115 et suiv., cf. 108,
132, etc. Autre exemple ancien : be-a e tleoinp « nous devons »,
Introduction d'ar viu\ dévot, Quimper, chez Derrien, p. 350,
et. 279; les approbations de cet ouvrage sont datées de 1710.
La cinquième conjugaison (kaua 'raïi) répond à l'anglais /
do sing. Elle est très usitée. Quelquefois elle est accompagnée
d'un changement dans la forme infinitive.
Ainsi certaines localités de Cornouaille qui, par ailleurs,
Etudes bretonnes.
247
préfèrent la terminaison -0 pour l'infinitif, lui donnent plutôt
une désinence -ek quand il est suivi de l'auxiliaire « faire » et
aussi quand il se trouve de même, mais pour une autre raison,
au commencement de la phrase : c'boar~ek a ra « il rit » ; la-
bour eh a so red « il fout travailler », à Saint-Maveux, etc. (Voir
Etude sur le dialecte... de Bat^, p. 15).
En petit Tréguier, on emploie souvent, à cette cinquième
conjugaison, la racine verbale sans aucune terminaison, lors
même que cette forme d'infinitif est par ailleurs tout à fait inu-
sitée : gwel ë raù et gwelet ë,ran « je vois », ~ell et %elled ë ran
« je regarde », klev et klevet ë ran « j'entends », ker~ et ker~et
ë ran « je marche », gouvé et gouvéed ë ran « je sais », anav,
auaved et arivè ë raù « je connais », gall et galled ë raù « je
puis », iv ë raù et ivan raù « je bois », joùj et joùjal ë raù «je
pense » ; mais on _dit toujours, par exemple, red e gwelet, Rel-
ief, etc. « il faut voir, regarder », etc. Notons l'expression
deu 'ra « il vient », plus spéciale aux cas comme deu 'ra jist
« il vient du cidre (du robinet) » ; par ailleurs on dit mieux
dohd ë ra ou don 'ra (et toujours red e dont).
Cette cinquième conjugaison existait en moyen breton, non
seulement à l'indicatif, mais aussi à l'impératif, ce qui n'a plus
lieu aujourd'hui : ma sintij groa « obéis-moi », Sainte Barbe,
225, gret e aeren « liez-le », Gr. Myst. de Jésus, 82, etc. Elle
existe aussi en gallois : gwnaethxm ddysgu « j'appris » ; et en
comique: 11a wra ladhê « ne tue pas ».
La sixième conjugaison (goud a ou~on) rappelle les expres-
sions hébraïques comme « mourir tu mourras », Genèse, chap. il,
vers. 17. Les grammairiens bretons n'en parlent pas. Elle ne
se trouve que dans un petit nombre de verbes, en breton mo-
derne et en breton moyen :
goud a owçpn « (savoir) je sais », cf. goût a ouïe a elle sa-
vait », P. D. de Goësbriand, Fables choisies de La Foulai ne tra-
duites eu vers bretons, Morlaix, 1836, p. 6 ;
gallout ellet « (pouvoir) vous pouvez », Me~ellour au Ineo,
Saint-Brieuc, 185 1, p. 1 6 7, gallout ellont « ils peuvent », 153,
gallout a it les « tu peux >>, Tragédien ar hiniveles ar uiabic Jésus,
manuscrit dont je dois communication à l'obligeance de
M. Bureau (scène entre les enfants et Hérode), etc. ;
248 E. Ernault.
donet a duy « (venir) il viendra », Sainte Nonne, v. 291
(Rev. Oit., VIII, 260) ;
be%a ei on « (être) je suis », bc^a c~ eus « (être) il est, il y
a », be%a am eus « (avoir) j'ai ». Ceci pourrait paraître rentrer
dans la troisième conjugaison (be^ae kanaiï); mais le trécorois,
à qui elle est étrangère, emploie ces locutions : beau on « je
suis », bean 'm eus « j'ai », etc. On lit dans le Dict. et Col-
loque, Morlaix, 1690, be~a eo « il est », p. 124; besa es eus « il
y a », 122; be^a on eus « nous avons », 97;
en devout e lm\ hui « (avoir) avez-vbus », Guyot-Jomard,
Manuel (vannetais) 1867, p. 122; = *illi-esse vobis-est (cf.
Rev. ait., VIII, 43).
Ober a rah « (faire) je fais » rentre, au contraire, parfaite-
ment dans la cinquième conjugaison (kana 'raîi) et ne repro-
duit que par hasard le type de la sixième, comme l'anglais
how do you do? et le français je vais aller.
Les deux premières conjugaisons bretonnes (personnelle et
impersonnelle) ont un seul point commun : la troisième per-
sonne du singulier. Il y a à ce principe deux sortes d'excep-
tions :
i° Le choix des divers mots qui veulent dire « il est »
n'est pas indifférent, au point de vue des deux conjugaisons en
question : par exemple me eo signifie « c'est moi », et me ^0
« je suis » ; eo est toujours de la conjugaison personnelle, le
mot précédent ne peut pas être son sujet.
2° En léonnais surtout, et déjà en moyen breton, on met
souvent un i ou un y devant l'imparfait impersonnel du verbe
« être » et devant tous les temps de l'indicatif du verbe « aller »,
ce qui ne se fait pas au personnel : me a ioa « j'étais », me a ia
« je vais », etc. Cela n'a guère lieu en trécorois que dans me
ias ou me (a) ie% « j'allai », et me iei « j'irai ». La forme de
futur iel, ielo est exclusivement propre à l'impersonnel ; c'est
la seule qui n'ait pas au personnel de correspondant sans i
initial.
Ces deux catégories d'exceptions ne sont pas, d'ailleurs, tout
à fait absolues. La différence entre eo, e, etso,%p, par exemple,
ne tient pas toujours à la conjugaison employée. Ainsi pred e
veut dire « il est temps » ; am%er %pu « il y a du temps »; me
Etudes bretonnes. 249
gond 'h e pred « je crois qu'il est temps » ; me gond \ou am^er
« je crois qu'il y a du temps ». Dans cette dernière phrase,
~ou est employé avec sens personnel, et cela peut lui arriver
quand il signifie « il y a », et qu'il a pour attribut un subs-
tantif et non un adjectif.
Quant à 1'/ de me a ioa, etc., on le trouve parfois dans des
formes personnelles : léon. me ne iann « je ne vais pas »
(chanson populaire, Mélusine, III, 572) ; ne ieas ket « il n'alla
pas », A. Drezen, Bue~ Dont Michel Noblet^ (1879), p. 232 ;
pa ieas « quand il alla », -Kanaouennou santel, Saint-Brieuc,
1842, p. 106; vann. eit ma veiu « pour que j'aille », Bnhé er
sœnt, Vannes, 1839, p. 14 (cf. p. vm, 18, 24), etc.
2. Emploi des deux principales conjugaisons {personnelle
et impersonnelle).
La conjugaison personnelle règne à peu près sans partage à
l'impératif, même dans le dialecte de Batz (presqu'île du
Croisic, Loire-Inférieure) où par ailleurs cette conjugaison a
presque complètement péri.
L'impératif s'accorde donc avec le sujet, que celui-ci soit
avant ou après, ou sous-entendu. Exemples :
An peoryen be~ent ... soutenet « que les pauvres soient se-
courus », Sainte Nonne, 618; ar rc père 0 devais grague^, lè-
vent evel pa no deffe quel « que ceux qui ont des femmes vivent
comme s'ils n'en avaient pas », Introduction d'ar vue% dévot
(17 10), p. 349, = trécorois ar re en eus grague, béent evel
p'ha n'ho defe quet, Testamant neve, Guingamp, 1853, P- 3^5 ;
ar re père en cm servich eus ar bet-mâ, ... bevent evel pa n'eu an
lervichcnt quet aneçàn « que ceux qui se servent de ce monde
vivent comme s'ils ne s'en servaient pas », Introd. d'arv.d.,
p. 350.
Lequeaut eve~ ni ad ann eneou pur-^e « que ces âmes pures
prennent bien garde », ibid., p. 217.
Cependant il vaut mieux mettre le singulier dans ce dernier
cas, comme cela a lieu aussi au subjonctif et à l'indicatif pour
tout verbe qui précède son sujet de la troisième personne plu-
rielle, à moins que ce sujet ne soit le pronom « ils, elles » :
2 $o £. Ernault.
na vé%et két diner~et da ^aouarn « que tes mains ne se relâchent
point », Le Gonidec, = gallois na laesed dy ddwylaw (Sopho-
niaSj III, i6);vann. deèt en 61 speredeu « viennent tous les es-
prits », B. er s. 41; ci. Sainte Nonne, vers 1644.
Le Dictionnaire et colloque françois et breton de G. Quiquer,
de Roscoff, Morlaix, 1690, donne à la page 173 le paradigme
suivant :
Té bés sois
é biset qu'il soit
ny besé soyons
c'huy bèsit soyez
v besent qu'ils soient
Il v a là une seule forme impersonnelle, c'est ny besé
« sovons » dont le correspondant personnel est bé^émp-ny
« sovons », Grammaire du P. Grégoire, Rennes, 1758, p. 128
(— vann. béemb « sovons », Grammaire française-bretonne de
Guillome, Vannes, 1836, p. 43).
Un autre mode où domine aussi la conjugaison personnelle
est le subjonctif, qui a d'ailleurs de grandes affinités avec l'im-
pératif. Ce mode est précédé des particules verbales ra et da,
emplovées de même en moyen breton, et identiques aux pré-
rixes du vieil irlandais ro et do : Doué d'ho conduo « Dieu vous
conduise », Doué da roi no% mat deoe'h « Dieu vous doint bon
soir », Dict. et coll. de Quiquer, 1690, p. 14, deut mat da viei
« sovez le bien venu », p. 20, ci. p. 37, etc. (voy. mon édi-
tion de Sainte Barbe, p. 260, 403)-
On trouve pourtant parfois le personnel après la particule ra
précédée du sujet: huy ra ve « que vous soyez », Gr. Myst.
de Jésus, 183 b, huy raue, SB 514, me pet drouc darnnou ... ra
disquenno, 293 « je souhaite que quelques tuiles (vous) tom-
bent », et merafonto « que je fonde », Gwer%. Br.-I;., II, 12,
sont dans le même cas que ux besé cité plus haut. Nous
avons vu aussi que, par suite d'un principe qui domine tout
le verbe breton, on dit, par exemple, au singulier, ra véxp berréet
hé çeisiou « que ses jours soient abrégés » = gall. ychydig fyddo
ei ddyddiau (Ps. cvin, v. 8 de la Vulgate).
Exemples de l'application de cette règle à l'indicatif: léon.
Etudes bretonnes. 2$ i
é-c'hî~ ma ni ar bilpou^ed « comme font les hypocrites », tréc.
evel ma raan hypocrited, gall.fel y gwnay rhagrithwyr, Matth.,
VI, 2.
Voici un' passage où elle n'a pas été suivie : evel a résout bobl
Israël père a gollas couraich pa oaut arru « comme fit le peuple
d'Israël, qui perdit courage quand il était arrivé », Instructionou
christen, Quimper, 1824, p. 104. Ce pluriel du verbe parait
d'autant plus singulier que le sujet n'est qu'un collectif, pobl
(cf. Ste Cath. 25).
A l'indicatif, la conjugaison personnelle s'emploie :
i° Quand il y a négation : ne ganah ket ou 'ganah ket « je
ne chante pas ».
C'est seulement dans ce cas que le dialecte de Batz fait usage,
à l'indicatif et très rarement, du reste, des quelques débris de
la conjugaison personnelle qu'il a gardés, en dehors des verbes
« être » et « avoir » (Etude sur le dialecte... de Bat^, p. 23 et
suiv.).
Cependant le moyen breton met parfois l'impersonnel avec
la négation, après le sujet : an re nen care « ceux qui ne l'ai-
maient pas », Gr. Myst. de Jésus, 84; a tenu cret « ne crois-tu
pas », ibid., 74 b; a te na goar « ne sais-tu pas », Sainte
Barbe, 614; huy naguel, Gr. Myst. de /.. 147 b (mais a huy na
guelet, S. B., 479). On lit encore ha c'hui na vel « ne voyez-
vous pas », dans X Introduction d'ar vue% dévot, p. 158, 276;
et dans l'ouvrage de Le Bris intitulé Instruction var... ar Ra-
sera (Quimper, chez Perier), 2e partie, p. 79; à c'huy naoar
« ne savez-vous pas », Quiquer, 1690, p. 59; c'houi na ielo
kel « vous n'irez pas », Bar~. Br., 1867, p. 428, col. 1;
c'houi na ici ket, 290; ar re nagomçpket « ceux qui ne parleront
pas », A hnanach de Léon et de Comouaille, Brest, 1877, p. 53.
2° Après la plupart des conjonctions : kridign c ra e kanaii
« il croit que je chante », pa ganafi « quand je chante », mar
kanan « si je chante », etc.
On lit pourtant mar d'ar re he gass huit a ~o bugale de-hau
« si ceux qui le chassent sont ses entants », A. Drezen, Bue^
Dom Michel Noblet^ (1879), p. 208, ce qui semble un galli-
cisme, comme pa hegofa \o « quand son ventre est », Sauvé,
Proverbes et dictons, n° 241.
252 E. Ernault.
Il y a des conjonctions comme « et, mais, car », etc., qui
sont plutôt suivies de l'impersonnel, et qui ne prennent même
!. personnel qu'en se faisant accompagner de e, particule ver-
bale signifiant proprement « que » : ha me rei ou bag e reign
« et je ferai »; er me goar « car je sais », Sainte Barbe, 28, etc.
On trouve rarement la 5e conjugaison au lieu delà première :
pa en em laçai a ra (et pa en em laça) « quand il se met », Instr.
christ., 96.
Le subjonctif n'a pas de formes spéciales : c'est le futur ou
un des conditionnels, auquel on préfixé ordinairement ra ou
da, comme en français « que », et c'est pour cela que ce mode
est régulièrement personnel.
30 Après la particule verbale t'~ ou e, qui s'emploie d'ordi-
naire quand la proposition commence par un attribut, un
complément indirect ou une proposition incidente : joaus c ha-
nah « je chante joyeux, joyeusement » ; 'nid-out e kanah « je
chante pour toi », pa veah joaus e kànan « quand je suis gai,
je chante ». Dans tous ces cas, on peut dire aussi avec l'im-
personnel, et surtout en poésie, joaus me (a) gan} etc. \aman...
me chomo « ici je resterai », Sainte Nonne, 525 ; alors on ne
met pas la particule c, f~. On peut aussi dire me (a) gan
joaus, etc. Mais s'il va un mot interrogatif (sauf ha « est-ce
que »), on est obligé de le placer en tète de la proposition, et
si ce mot n'est pas sujet, le verbe sera nécessairement per-
sonnel ; e, e- peut être exprimé ou sous-entendu. Exemples :
Da biv c hom^ei ? « A qui parlez-vous ? » Peno% e ret? « com-
ment vous portez-vous », littéralement « comment faites-
vous », comme en anglais ; léon. ne ouçonn ket peleac'h e~ it
« je ne sais pas où vous allez », etc.
Cette dernière phrase est en petit Tréguier n'onn ke' p'iac'h
'h et ; 'h est ici pour ecb, variante de <'~. Une autre forme équi-
valente est en, qui s'emploie devant un pronom: livirit devait
en é trugarecan « dites-lui que je le remercie », Dict. et coll.
de Quiquer, 1690, p. 41, cl. no, 1. 7, 11, et Rev. Celt.,
vin, u-46, 82, 83.
4° Après la particule verbale tf, exprimée ou sous-entendue,
quand celle-ci suit le. complément direct du verbe : cur ~on a
ganan 0 je chante une chanson ». On peut dire aussi, avec le
Etudes bretonnes. 253
personnel, me (a) gan eur ^on, et même (surtout en poésie)
eur %on me a gan. Mais le personnel est obligatoire dans les
expressions telles que petra 'larah « que dis-je ? », na oi<~oîit
ket petra 'rcoùt « ils ne savent ce qu'ils font », etc.
5° Le verbe (e)m(a)oh, (e)m(a)oud, (e)ma ou (e)man « je
suis (actuellement) », etc., peut commencer une phrase; il
en est de même, en trécorois, du moins, de quelques autres
formes du verbe « être », et du verbe « aller » : 'Man 'tiski hi
gentel « il apprend sa leçon », (gall. y mac yn dysgu) ; 'h an
'rok « je pars », 7; a 'glâ d'aùpdt « la pluie va augmenter »
(an pat — *amplaat « devenir abondant », du franc, ample);
'h a 'glâ d'ober « il va taire de la pluie » ; 'h é% de gousket ? « tu
vas te coucher ? » ; 7; èr ie « on va aussi » (se dit quand on
rencontre quelqu'un sur la route) ; 'ver leinan « on déjeune »
(en entrant dans une maison où l'on est à table) ; 'ver gaht-hi
« on y est » ; 7; er d'ei « on y va » ; 'oc h gaht-hi « vous êtes
avec elle » et aussi « vousv êtes » ; 'omp paoues merniah « nous
venons de. dîner (à midi) », etc.; Oant « ils étaient », Emgann
Kcrgidu, II, 287; de même Eller « on peut », Ahn., 1877,
p. 31, 12, d. 27, 1. 19; 33, 1. 30.
6° Quand on veut affirmer une chose qui vient d'être niée
ou révoquée en doute, on emploie le verbe au personnel, sous
sa forme radicale (sans mutation initiale), ce qui prouve qu'il
n'y a pas de particule verbale sous-entendue, contrairement à
ce que nous avons vu jusqu'ici. On peut aussi, comme en
gallois, répondre par l'auxiliaire « faire », traité de la même
façon. Exemples :
'Ver ket. — Ber « on n'est pas. — Si, on est » ; 'oann ket.
— Boa^ a je n'étais pas. — Tu étais ! » ; 'veign ket. — Bi ou
béet « je ne serai pas. — Tu seras! ou vous serez! »; beign
« si, je serai », bomnt « si, ils seront », etc. ; (yévou ket).
— Bévou « si, il vivra », etc.
Les troisièmes personnes du singulier boa, bou, bije, répon-
dent non seulement à une négation de la personne corres-
pondante du verbe « être », mais aussi à celle d'une personne
quelconque du verbe « avoir » ; ainsi bou veut dire à la fois
« si, il ou elle, ou cela sera », « si, j'aurai », « si, tu auras »,
« si, il ou elle aura », etc. : 7 ou ked 'vara? — Bou « Ne
254 £• Ernault.
veux-tu pas (littéralement n'auras-tu pas) de pain ? — Si,
j'en veux » ; 'm ou ket. — Bon « je n'aurai pas. — Si, tu
auras, ou vous aurez », 'm a ket. — Boa « je n'avais pas. — Si, tu
avais, ou vous aviez », etc., proprement non mihi trot. —
Erat ! Cette décomposition exacte de syllabes aussi usées que
mou = cm bon « mihi erit », témoigne que la langue n'a pas
perdu conscience de leur formation. Le b de boa (pour oa) est
dû sans doute à l'influence des formes comme bon, où il est
primitif.
Autres exemples : N'ouvées ket. — Gouvéan « tu ne sais pas.
— Si, je sais » ; (na oar ket). — Goar « si, il sait » (n'alli
ket). — Galicien « si, je pourrai » ; 'rei ket. — Grci « il ne
fera pas. — Si, il fera «.Nous avons vu que ce dernier verbe
peut en remplacer un autre : Ne dal quet quement-sé. — Gra
sur. « H ne vaut pas tant. — Si fait », Dict. et coll. de Qui-
quer, 1690, p. 78; riarriou ket. — Grci « Il n'arrivera pas.
— Si, il le fera, il arrivera ». Plusieurs verbes commençant
par une voyelle peuvent, en pareil cas, prendre par analogie
un g- initial ; ainsi on dit non seulement arriou « si, il arri-
vera », mais aussi garriou. On dit le plus souvent gah « si, je
vais », geign « si, j'irai », gofi, gond, gc « si, je suis, tu es, il
est », etc., pour an, eign, on, oud, è, etc. De même gens « si,
il v a », et aussi « si, j'ai, tu as, il a », etc., parce que ce mot
répond aussi bien à la négation de '/// eus ket « je n'ai pas »,
littéralement « il n'y a pas à moi », etc., qu'à n'eus ket c< il
n'y a pas (en général) » ; c'est le même fait que nous avons
vu plus haut pour bon, boa, etc.
Ce g initial se trouve déjà chez le P. Grégoire, qui donne
eo, gueo, vannetais gueii, guiv « si, si lait », et dans le Dic-
tionnaire vannetais de L'A., qui a gihuë « si ». De même le
vannetais gués, P. Grég., ghis, gbc's, D. Le Pell., « si », cor-
respond au trécorois gens « si, il y a », etc.
Une autre circonstance fait apparaître aussi l'initiale primi-
tive de verbes qui, par ailleurs, subissent presque toujours une
mutation; c'est lorsque ces verbes sont précédés de mar « si »
(conjonction) : mar be « s'il est », mar groa, mar gra « s'il
fait », mar gallan « si je puis », etc. Les additions analogiques
qui viennent d'être signalées ont souvent lieu encore ici : mar
Etudes bretonnes . 2^5
boa « s'il en était, s'il y en avait » ; tréc. niar gon « si je
suis », mar gan « si je vais », mar ga « s'il va », mar garri
« s'il arrive »; mar guerru, id., Introd. d'ar vut~ dévot,
p. 279. Ce' g se montre même en dehors des deux cas en
question, dans me ga « je vais », etc. (vannetais et dialecte de
Batz), tréc. na gueondi quel « n'iront-ils pas », Testatnani neve
Guingamp, 1853 (Luc, vi, 39); ne ges « il n'y a pas », me
goua « je donne », dial. de Batz, synonyme de me ra, par
suite de l'analogie de la forme groa « il fait », restée en van-
netais et en trécorois, dans certaines locutions.
Les mots eo « si, il est ou cela est », et eus « si, il y a »,
ont subi en vannetais, outre la préfixation du g-, qui n'est pas
spéciale à ce dialecte, l'addition de la syllabe -an; ce qui a
donné guéouann (L'A.), gheouan P. Grèg., « si », = g-eo-an;
et gut\an « si », « oui », ne gue%an I « nenni », P. Grég. ;
gheqân « si », ne ghe^ân « non fait », selon D. Le Pelletier, qui
dit qu'on prononce g~àn ; = g-eus-an. Cette svllabe -an se
trouve aussi dans un autre mot vannetais d'emploi analogue
aux précédents ; c'est pa^ann « non », que l'auteur du diction-
naire de L'A. nous dit, p. vu, être du mauvais breton usité
à Gran-Champ, au lieu de nonpass (== français non pas) ; pa-
~ann-=: pas-an. Ce suffixe bizarre vient peut-être de l'analogie
du synonyme breton, nann « non ».
La conjugaison impersonnelle est rarement obligatoire, en
dehors du dialecte de Batz. On ne peut guère citer que le cas
où le sujet est un mot interrogatif du pluriel, comme dans
père a Jeu ? « Lesquels viennent ? » Il faut rappeler aussi qu'un
verbe est nécessairement à l'impersonnel lorsqu'il précède un
sujet de la troisième personne du pluriel, autre que le pronom
« ils » ou « elles » : Perak na deuont-hi ? « Pourquoi ne vien-
nent-ils pas ? » Perak na deu ket ho preudeur ? « Pourquoi vos
frères ne viennent-ils pas ? » Encore lit-on ne ve^int quel ar seuri
tud se, « (qui pourrait croire) que ces gens-là ne seront pas »,
Instr. christ., 117, 118; littéralement, sans doute, « qu'ils ne
seront pas, ces gens-là ».
1. Cf. plus haut ne ges « il n'y a pas >■ . me ga « je vais ». dial. de
Batz. etc. Le g a fini ici par faire corps avec la racine.
256 E. Ernault.
On peut dire qu'en général quand le sujet est placé avant
un verbe affirmatif, ce verbe doit être conjugué à l'imper-
sonnel. Mais nous avons vu une exception, à l'impératif. Il
faut ajouter que, si le sujet est un peu long et de la troisième
personne du pluriel, le verbe se trouve quelquefois au per-
sonnel ; exemples :
Hac ar groague a ve poagnet, en poan a vugale,
Hac a laqueio 0 fianç, a vo guir quement-se,
A delho mat dar-lizer, scrivet gant hoû Salver ;
In on gafoint delivret, en eur momet anizer.
« Et les femmes en mal d'enfant, qui auront confiance en
la vérité de ceci, et qui tiendront à la lettre écrite par notre
Sauveur, elles se trouveront délivrées à l'instant », Récit... var
sujet eur mirael arruet, Guingamp, chez Jollivet, str. 20 (par
Yan ar Guen).
Ar mann a vreine founuz, ken ar re a felle deze hen miret
euz an eil de d'egile, hen kevent... leun a gontron, « la manne
se corrompait si vite, que ceux qui en voulaient garder d'un
jour à l'autre (ils) la trouvaient pleine de vers ». Histoariou,
27, 28.
Cf. Sauvé, Prov. 433 ;Alni. 1877, p. 30, 1. 12; 39, 1. 7, etc.;
et même sans que le sujet soit éloigné du verbe : hor tiéien a
réont « nos cultivateurs font », p. 30, et. 25, 1. 13 ; 29, 1. 15;
p. 45, 46, 47, 48, 51.
}. Origine de la conjugaison impersonnelle.
Une expression comme Doue a gar a à la fois quatre sens :
« Dieu aime » (conjugaison impersonnelle) ; « il aime Dieu »
(conjugaison personnelle); « Dieu qui aime » (impers.), et
« Dieu qu'il aime » (pers.).
Le sens impersonnel « Dieu aime », dérive de l'autre sens
impersonnel « Dieu qui aime » ; nie a gar Doue = « moi qui
aime Dieu », d'où « j'aime Dieu » ; on voit que le verbe
« être » est sous-entendu dans la seconde construction : Dens
(est) qui amat et *ego (est) quiamat « (c'est) Dieu qui aime »,
« (c'est) moi qui aime Dieu ».
Etudes bretonnes. 257
La locution complète, en deux propositions dont la pre-
mière contient le verbe « être », se trouve, par exemple, dans
pan ve huy... bon lesse, Gr. Myst. de Jésus, 72 b « si vous nous
laissiez », littéralement « si c'était vous qui nous laissât »;
ma~ vête a ayiaffe « si c'était toi qui connût », « si tu connais-
sais », Sainte Catherine, § 4, Rev. Celt., VIII, 78 r. Quelquefois
même, le verbe « être » est répété : mar be huy ve a rahe,
Sainte Barbe, 548, « si vous faisiez », mot-à-mot « si c'était
vous que ce fût qui fit », cf. Gr. Myst., 72 b. Des tournures
de ce genre sont fréquentes en vieil irlandais; M. Loth a signalé
cette analogie et montré ainsi l'origine de la conjugaison im-
personnelle, Mémoires de la Société de Linguistique de Paris, 1 880,
t. IV, p. 366, 367 ; Essai sur le verbe néo-celtique, Paris, 1882,
p. 87, 88.
Il y a là trois phénomènes grammaticaux : i° l'addition du
verbe « être » ; 2° la suppression de ce mot; et 30 la généra-
lisation de la troisième personne du singulier, au second verbe.
Exemple : breton primitif *is mi a caram; gallois mi a garaf ;
breton armoricain meagar, nie 'gar « j'aime ».
i° Le français présente des analogies remarquables avec les
constructions comme *is mi a caram = « c'est moi qui aime »
pour « j'aime ». Exemples:
C'est la mère Michel qui a perdu son chat,
Qui crie par la fenêtre qui est-ce qui le lui rendra ;
C'est le père Lustucru qui lui a répondu. . . .
C'était une bergère. . . qui gardait ses moutons.
(Chansons populaires).
Les enfants emploient familièrement cette tournure dans les
phrases exclamatives comme « c'est moi qui sais un beau
nid! » « C'est lui qui a une belle toupie! », etc.
On peut citer, dans le style élevé :
Vingt ans il fut
Celui que portait la victoire
Sur un affût.
Victor Hugo.
1 . La note 1, Rev. Celt., VIII, 83, est à corriger en conséquence : « quand
ce serait toi qui fût » .
25 S E. Ërnaalt.
Mais pour sauver ta tête du trépas,
S'il ne fallait qu'une seule parole,
Je suis celui qui ne parlerais pas.
Creuzé de Lesser, La Table ronde, 4e éd. Paris, 1829, p. 97.
Quant à la répétition du verbe « être », on peut comparer
le français « qu'est-ce que c'est que cela? » « qu'est-ce que
c'est qu'il a dit? », etc. • — Cf. J. Rhvs, Rev. Ccll., VI, 5 S, 54.
2° Le phénomène contraire, la suppression du verbe « être »
dans le gallois mi a garaf et dans le breton Doue a gar « Dieu
aime », se trouve aussi en français très familier, par exemple
dans la chanson C'était une bergère :
Le chat qui la regarde. . . et rit d'un air fripon.
30 Enfin le changement de mi a garaf, ego qui cano, en me a
gar = *ego qui canit a lieu également dans plusieurs langues.
En allemand, par exemple, on peut dire (/// der krank isi =
« toi qui est malade ». En français, les grammairiens n'ap-
prouvent pas des phrases comme « ce ne serait pas moi qui
se ferait prier », bien que Molière, Racine et Voltaire s'en
soient servis (cf. Littré, s. v. qui, 40) ; mais le peuple les em-
ploie. En voici un exemple tiré du journal La Caricature, du
15 octobre 1887. C'est la légende d'un dessin relatif à « La
sécurité au théâtre », et qui représente un pompier trouvant
un monsieur avec une actrice ornée de bijoux : « Si c'est vous
qu'a donné ces diamants, faut filer d'ici, M'sieu, les gens qu'a
de la braise, n'en faut plus dans les coulisses ». On pourrait
rendre littéralement « les gens qu'a de la braise », en petit
Tréguier, par ami dud eu eus luteq (////<'</ veut dire à la fois
« chandelle de résine » et « argent, monnaie », cf. Rev. Celt.,
IV, 161).
4. Le verbe « avoir ».
L'idée d'« avoir » est très souvent exprimée, dans toutes
les langues néo-celtiques, par des tournures avec le verbe
« être ».
Dans l'irlandais rotbiat ... âinige « tu auras des honneurs »,
le verbe est au pluriel et le mot âinige au nominatif, ce qui
Etudes bretonnes.
259
montre que c'est bien le sujet ; littéralement « tibi erunt ho-
nores » (Stokes, The neo-ceîtic verb substantive, p. 34). On peut
voir dans cet intéressant travail, p. 34 et 39, d'autres formes
irlandaises de ce genre, qui rappellent fortement le breton :
par exemple manim-bc « à moins que je n'aie », cf. bret. ma
nain bc.
De même le gallois pcditar mab ar hugeint am bu « j'eus
vingt-quatre fils », ms. de Herghest (H. de la Villemarqué,
Les bardes bretons, p. 150) est analogue au breton pewar mab
war-n-ugent am boe.
Mais c'est seulement en breton et en comique que ces lo-
cutions se sont développées de façon à donner lieu à un verbe
nouveau, ayant une conjugaison à part. Bien que cette con-
jugaison soit restée souvent impersonnelle, l'analogie des au-
tres verbes lui a fait donner en breton comme en comique
des formes plus ou moins complètement personnalisées, que
nous allons passer en revue.
i,c pers. sing.
bain be~if « que j'aie », Gr. Myst. de Jésus, p. 198, v. ri,
littéralement « mihi sim », au lieu de bain be%o « mihi sit »,
forme ordinaire, cf. Sainte Nonne, 302, 448, etc. C'est pro-
prement une première personne d'impératif, et nous avons vu
que la conjugaison personnelle domine à ce mode.
em bijenn-me « j'aurais », abbé Henry, Kanaouennou santel,
Saint-Brieuc, 1842, p. 3, 1. 4; au lieu de em bije.
ne beh keit « je n'aurai pas », dialecte de Batz; la forme or-
dinaire est me bon keit. Le mot beh est identique au moyen
breton be~if dans bam beçif; le pronom régime a disparu.
Dans ce dialecte, les formes du verbe « être » qui commen-
çaient originairement par un b ont toujours cette initiale dans
le sens d'x avoir >>, même après la particule verbale a, et
prennent / (venant de v, mutation de b) quand elles expri-
ment l'idée du verbe substantif.
Comparez le comique a m bef, am beff « habui », nain buef
« non habui »; am been « quod haberem », nain vetben « ut
haberem », Grainm. celt., 2e éd., 568. Ces formes correspon-
dent au moyen breton bam be%if.
2 6o E. Ernault.
2e pers. sing.
hopysy dans l'Avocat Pathelin, Rev. Celt., IV, 454, lisez e
pyxy « tu auras » ? Ce serait la seconde personne de ham be%if,
qui pour la forme est un futur employé comme subjonctif.
ha%ue% « aie », Catholicon, s. v. Crist ; = vann. bé-vé dans
hé-véoupé cbonge « souviens-toi », L'A. Ceci est un impératif,
et par conséquent fait suite à ham be^if ; de * a% bi\, avec affai-
blissement de b en v ; cette lettre a été, au contraire, renforcée
en p, dans le léonnais a% pe%, e%pe% « aie », Le Gonidec ; epe
« aye », Le Jeune, Rudiment du Finistère, Brest, chez Ma-
lassis, an VIII, p. 34.
ha pcès « aie », en vann., Grammaire de Guillome, p. 52,
hapèes, Manuel bret. fr. de Guyot-Jomard, 2e éd., p. 28, etc.,
de *a% be^ès, avec une terminaison de conditionnel. Les im-
pératifs en -£( sont fréquents en trécorois.
da ve\ « aie », Middle-Breton Hoitrs, p. 20, da-ve, Expli-
cation an doctrin christen, Guingamp, 1838, p. 89 ; de * àa\ be~,
d'où aussi dape%, P. Grég., da pe, P. Maunoir, = « tibi sis ».
La forme régulière de l'impératif se trouve aussi quelquefois :
na% be^et « n'aie », Sainte Barbe, 636, nave%et} Sainte Cath.,
27 (cf. 18), etc., — « ne tibi sit ».
b&\ « aie »; tréc. bè, bê, Gramm. de Hingant, p. 57; be;,
Bar~. Br., 502, v. 13. Le pronom manque, comme dans;/*'
beh keit, etc.
e pe^-te « que tu aies », Histor... sante^ Barba, chez Ledan,
p. 6; pour efo) pe-te, cf. cm bijenn-mc.
Comparez le comique a fus « quam habuisti », ny fyes
« non haberes «, Z2, 568, 569, formes qui répondent à
be\, etc.
3e pers. sing.
ho deu^-bi dirogei « elle les a déchirés », Gwer^iou Breiç-
I^el, IT, 18, de deui « elle a », forme personnelle, + bi, sujet
redondant; la forme régulière est e d-eùs-bi « elle a », ibid.,
II, 402; ho est le complément du participe suivant, dirogei.
C'est l'inverse de la construction régulière am boa-han planlel
Qtplantet am boa 'n eban « je l'avais planté », ibid., II, 436.
On trouve de même, sans que le complément indirect du
Etudes bretonnes . 261
verbe « être » soit exprimé d'aucune manière, m 'ho pije laket
« je vous aurais mis », ibid., II, 22 ; ni er bije miret « nous
l'aurions gardé », Bue% ar pêvar mab Emon, Morlaix, 1866,
p. 209 ; cf. comique y 11 berna « (je te dirai comment) je l'ai
eu », Z2 568.
besel « qu'il ait », Le Jeune, Rudiment du F., 34.
bc~o, béo « qu'il ou qu'elle ait », Hingant, Gramm., 57.
Pour l'emploi à l'impératif de cette terminaison -0 de futur,
cf. Dict. et coll., 1690, y ho déveso « qu'ils ayent », p. 171,
et na deffoto à netra « qu'il n'ait faut(e) de rien », p. 108;
bè%p « qu'il soit », Sauvé, Prov. 127.
irR pers. plur.
'm eus-om « nous avons » : tréc. gwelloc'h \uit 'm eus-om
<rroet « mieux que nous ne l'avons fait » ; meuzom, An disput...
entre diou plac'h, veuve Le Goffic, p. 2. Ce mot est formé de
'm eus « j'ai », = « mihi est », et de la terminaison -omp de
kanomp « nous chantons ».
n'eusomp « nous avons », Disput cire Jake~ Lamrog, etc.,
Brest, p. 15, 48, 56 (en cornouaillais). Ici on est parti, non
de la première personne, mais de la troisième, 'n eus « il a »,
= « illi est », et on a imité le rapport de kan « il chante »,
à kanomp.
meump « nous avons » : ur buguel meump garni « un enfant
que nous avons mis au monde », Givei\. Br.-Izcl, II, 496 ;
dalek ma meump « du moment que nous avons », Histoariou
ha parabolenou... Saint-Brieuc, 1857, p. 7; hirie am meump
« aujourd'hui nous avons », p. 202, ar pt\ a meump « ce
que nous avons », 18. Cette forme est fréquente en trécorois.
On l'emploie même après le pronom sujet ni : ni meum « nous
avons » ; ni meump, Giver^. Br.-I^., II, 350, ni a meump, I,
50. Il est vrai que ni am-eump équivaut à la forme ordinaire
ni hon-cus, où bon eus est aussi relativement personnel. Les
Vannetais et les Trécorois disent aussi ni en eus, ni en des,
avec la troisième personne du singulier, c'est-à-dire l'imper-
sonnel, ce qui est plus conforme aux règles générales. Am-
eump, 'm-ewnp ne doit pas être une contraction de 'm eus-om,
contraction qui serait très peu conforme à la phonétique tré-
Revue Celtique, IX 17
262 E. Ërnault.
coroise; c'est plutôt une imitation analogique du rapport des au-
tres formes de ce genre ayant un /;/ au commencement, comme
mamp, am ocuip, etc., avec le singulier 'ma, am oc, etc.
a m'oamp « nous avions », Hisloariou, 191 ; m'amp, Chan-
son neve var sujet eur bromese..., veuve Le Goffic, str. 22.
am oemp « nous eûmes», Testamant neve, Guingamp, 1853,
P- 334-
c incomp « nous aurons »,. Lecoat, Ar govesion, Lannion,
1881, p. 4; momp » nous aurons », Chanson... an evere^et, Le
Goffic, str. 7; betek ma momp « pourvu que nous ayons »,
Hisloariou, ij ; na momp ket « nous n'aurons pas », HisL,
230; in'omp « que nous ayons », Quimiad goasset... Rou-
douakc, chez Haslé, str. 10 ; petit Tréguier 'm 011m « nous
aurons ». Ces formes paraîtraient doublement étranges en
Léon, où la première personne plurielle du futur est en -imp;
mais les Trécorois disent e vcom(p) « nous serons », etc. (ci.
vcomp, Hist., 233), de sorte qu'ils n'ont pas eu à changer la
voyelle du singulier 'm 0, 'm ou « j'aurai ».
va cm bemp « habeamus », Dumoulin, Grammatica îatino-
ccllica, Prague, 1800, p. 83 ; ememp « (je voudrais) que nous
ayons », Vie de David, ms. à M. Bureau (1850), p. 6; ha
m'emp ket « nous n'aurions pas », Hist., 178.
cm bijcmp « que nous eussions », Lecoat, Testamant neve^,
1883 (Actes, ch. m, v. 12); petit Trég. cm ijemp.
m' hor homp « que nous ayons », Chanson an dançou, chez
Ledan, p. 5. Ici commence une nouvelle série, où les formes
personnelles proviennent directement des formes imperson-
nelles correspondantes : m'hor bomp « ut nobis simus » est
pour m'hor bo « ut nobis sit ».
m' or bemp « que nous ayons », en cas ni or bemp « en cas
que nous ayons », à u\ bon bemp « ô si nous eussions », Dict.
et coll. de Quiquer, 1690, p. 171; = vann. l.uir bemb
« ayons », Livr bugale Mari, Rennes, 1881, p. 253, 431.
hun béemb « ayons » (vann.), Gramm. de Guillome, p. 52;
Manuel de Guyot-Jomard, p. 28; hur béemb, B.crs. 43. Ceci
est la forme qui correspond à la 2e pers. du sing. ha pecs
« aie », tandis que hur bemb répond à hc-vc.
pa nom boum « quand nous n'avions pas », Vie de David.
Etudes bretonnes. 263
bon defem-ni « (vous voulez) que nous ayons », Enig. Ker-
gidu, II, 63.
bé~omp, béomp « ayons », en trécorois, Hingant, Grain m.,
57; léon. bexpmp, I.-M. Lejean, Parosian, Rennes, 1874,
p. 953. Le pronom est supprimé, comme au singulier be%
« aie », etc.
betnp « ayons », Maro kriann AotroneDone... 1875, dernière
strophe, v. 1 et 2 (trécorois), cf. vann. hurbemb.
niar bijemp « si nous avions », A. Durand, Ar fei? hag ar
vro, p. 337.
Comparez comique nam beyn « ne habeamus », Z2, 568,
569.
2e pers. plur.
ho poac'h-hu « aviez-vous », Mis maë... gat G. L... curé
Tanlé, Brest, 1836, p. 254, 258; id.} dans l'édition de 1854;
cf. plus haut cm bijenn-me, c pe^-te, bon defem-ni; et la forme
régulière no pise bu quel « n'auriez-vous pas », P. Maunoir,
Te m pi consacre! ..., p . 159.
m%o pijet « si vous aviez », bo pi jet » vous auriez », Avan-
turiou eiiuu Jeu yaouanq, Morlaix, Lanoc, p. 21.
bo pe%id « avez », P. Grég., Gramm., Rennes, 1738, p. 92;
bopexit, Vocabulaire nouveau, 6L' éd., Quimper, 1778, p. 120;
Lejean, Parosian, p. 945, '946, 949, 952, 954, etc.
Le trécorois bopet « ayez » et le vann. hou péet, Gramm. de
Guillome, 52, Manuel de Guyot-Jomard, 28, peuvent s'expli-
quera la fois par ho pe%et = ho pexit (personnel) et par bo pe~et
— « vobis sit », cf. ho be%et, Nouelou, 562, bo bel, 542; no~
be%et, Sainte Nonne, 321.
be~it « ayez », Parosian, 939, 949 ; Lescour, Telenn Given-
gani, 256; Récit circonstanciel var... ar nialeurioit ...er bloa
1833, chez Lédan, p. 5 ; tréc. bèid, bed, Hingant, Gramm.,
57 ; be%et, Hist., 13 ; on dit aussi beet.
pi-re boe'b hui?« Lesquels aurez-vous ? » (dialecte deBatz).
Comparez le comique asbetheugh wby « quam habebitis
vos ». Z2 567, où -betheugh why = le breton boe'h hui.
3e pers. plur.
eu%_ int « ils ont », Congrès celtique, Saint-Brieuc, 1868,
264 E. Ernault.
annexes, p. 9 ; d'am nao a vugaligou N'eu^-int bel « à mes
neuf entants qui n'en ont pas eu (de pain) », Bar^a~ Brei\,
p. 400 (dialecte de Cornouaille).
n'eusont « ils ont », Disput... Jàke^, p. 50, a n'eu%pnt} id.}
p. 56. Cette forme cornouaillaise correspond à n'eusomp «nous
avons ».
en'eunt « ils ont », Chanson neve% var sujet ar bre%el} 1871,
chez J. Haslé, Morlaix, str. 28; par Louis ar Pouenot, de
Gourin; qitcn n'uni « jusqu'à ce qu'ils .ont », Quimiad goas-
scl... Roudoualec, str. 12. Ceci répond au trécorois incuinp
« nous avons ».
en devoant « ils avaient », Bai\. Br., 495, v. 5.
en cas men deffeni « en cas qu'ils ayent », Dict. et coll. de
Quiquer, 1690, p. 173.
n'i^ent « ils auraient », Disput... Jake~, 54.
ho âevont « ils auront », Chanson... an evere^et, str. 9. Ceci
ne vient plus de la 3e pers. du sing., mais de celle du pluriel,
ho devo « ils auront », = Mis erit. La terminaison -ont est
usitée en trécorois en même temps que -ouint1, à la 3e pers.
plur. du futur : « ils ne seront pas » se dit na vouint ou r.a
vont, ou même na vohlc (cf. ordinal e vonq « ils seront tou-
jours », Récit... var... eur mirael, Guingamp, chez Jollivet,
str. 18).
ho dijent « ils auraient», Chanson... var... ar bre~el, str. 11.
ho be^énd, 0^ be~eaud « qu'ils ayent », P. Grég., Grainin.,
p. 92.
pliget gant Doue mar ô defent « Dieu veuille qu'ils ayent», Dict.
et coll., 1690, p. 171; ho deffént « qu'ils ayent », P. Grég.,
Gram ni., p. 92, 0 deffent, Le Jeune, p. 34, hô défeht, Le Go-
nidec, Grainin., 1807, p. 82 ; y 0 deueçent, id., Dictionnaire et
colloque de Quiquer, Saint-Brieuc, chez Doublet, 1640; vann.
ou deent « qu'ils aient », Guillome, Graniin., 52; Guyot-Jo-
mard, Manuel, 28. L'expression y 0 deueçenl rappelle ni meump
« nous avons » ; mais on a vu plus haut qu'à l'impératif un
1 . Cf. crescoiiit 1 ils accroîtront n . Tragédien sacr, par Cadec, natif en
Escopty Treguer, Brest (approbation de 165 1), p. 6; bèoint « ils seront »,
èoint « ils iront >, Elémens de la langue des Celtes, par Le Brigant, avocat à
Tréguier, Strasbourg, 1779, p. 1 3 ; Rev. Celt., V, 488, Mélusine, III, 477, etc.
Etudes bretonnes. 265
verbe quelconque peut rester à la 3epers. du pluriel après son
sujet.
défaut « ils avaient », Bar^a^Brei^, 338, 388 (Cornouaille);
doant, id., Ouimiad goasset... Roudoualec, par N. Naour, str. 9.
ma faotred défini « mes fils auront », Bar~. Br., 319 (en
cornouaillais). Remarquons le changement de voyelle : defint
est pour ho defo, cf. ho devant, d'après kaniht « ils chanteront. »
bé%pnt, béont « qu'ils aient », Hingant, Grain m., 57.
Infinitif.
L'infinitif régulier du verbe avoir est endevezput, endevout
« avoir », mot de même formation que par exemple le future
deve^o, en devo « il aura » . Cette troisième personne du sin-
gulier endevexput, endevout « illi esse », s'est généralisée et ap-
pliquée aussi aux autres personnes, excepté dans le dialecte de
Vannes, où cet infinitif se conjugue (cf. Granun. de Guil-
lome, p. 53; Rcv. Celt., VIII, 43): cm bout ou m cm bout
« mihi esse », cf. cm eus et m'em eus « j'ai », ha pout « tibi
esse », endevout (Manuel, 29), en dout « avoir (à lui) », bidout
« avoir (à elle) » ; hun bout, hur bout (Gucr~cnncu cid ol ci-
blai, Vannes, 1864, p. 45), « nobis esse », hou pout « vobis
esse », ou devout (Choége nehué a gannenneu, Vannes, 1829,
p. 57), ou dout « illis esse », même avec l'auxiliaire « faire » :
hur bout e retmb « nous avons », B. cr s. 49 = * nobis esse faci-
mus, cf. 59, 62, etc. Dans en devout c rehê m'anemisèd, Rcv. Celt.,
VIII, 43, n. 2, l'infinitif est au singulier, comme son auxi-
liaire; = * illi-esse-faceret (i. e. haberent) met inimici.
Mais à côté de ces infinitifs impersonnels, où le verbe garde
le sens primitif d'« être », il y en a un autre qui correspond
aux formes personnelles comme beh « j'aurai », bé~ « aie »,
bè%p « qu'il ait », bèxpmp « avons », bé~it « ayez », bc~onl
« qu'ils aient ». C'est bc~a « avoir ». En léonnais, keu% am
r//~ da ve~a laeret, veut dire à la fois « je regrette d'être volé »
= vann. de vont lairet et « ft avoir volé » = vann. d'em bout
lairet. En léonnais et déjà en moyen breton, un pronom qui
précède /'(•,;</ est le complément du participe suivant : /.y//- am
eus d'ho pe~u laeret « je regrette de vous avoir volé », en vann.
d'em bout hou lairet; oe'h t~be%a gret « pour l'avoir faite », (e
266 E. Ernaulî.
« elle », la prière) Introd. d'ar v. dévot, 344, dam beçaf noue!
« de m'avoir extrémisé », Sainte Nonne, 13 11; cf. plus haut
(p. 261) les expressions comme m' ho pi je laket « je vous au-
rais mis », etc.
D'autres locutions impersonnelles ont donne lieu, comme
em eus « mihi est », à des formes personnelles; exemple : moy.
bret. nem deur « je ne veux pas », gall. nymdawi , nymtâwr « peu
m'importe », == peut-être *ni-m tâ-r « non meum est » (dépo-
nent), cf. v. irl. nïmthâ; d'où l'imparfait gall. ni ddorwn, hret.
r;\'~fui qet, ne deurvan qet « je ne veux pas », etc., P. Grég.,
lia t-éurvesit quel « ne veuillez pas », Quiquer, 1690, p. 56. L'im-
personnel huy 0: deur « vous voulez », SB 226, c'huy ôteurQ_
1690, p. 35, 86, chuy 0 teur 68, c'huy ho-teur 103, chuy oteur 79,
est devenu, par assimilation, c'hui euteur, Vocab., 1778, p. 105.
De l.i diverses méprises de la langue : c'hui a euteur 9 1 , c'huy a eu-
teur Grég. s. v. daigner ; ne euteur qet « il ne daigne pas » ; euteur-
vout « daigner » (= * vobis-estur-essel), part, euteurvëet, ib.;
Euteur, absolument, sans c'hui, « voulez-vous ? » Voc. nouv.
119; Hurleur (par assimilation plus complète), « voulez-
vous?», 82, 91, 101, 102, 130, 131, 138, 139, c'hui a eurteur
82. Ajoutons c'huy a deurve;, c'huy deurv, c'huy deur Grég.,
c'hui'teur, Voc. nouv. 116. Cf. vutur fontan « je veux tondre
(comme beurre, si ...) », coll. Penguern; l'expression revient
deux fois, comme merafonto, id., G. B. I., II, 12.
On trouve en d'autres langues le passage de l'impersonnel
au personnel : je me souviens de il nie souvient, je m'ennuie de il
m'ennuie, je me repens de lat. ///(' (re)pœnitet; misereor = me nii-
, [j.i-y.[j.i).:[j.y.'. — \).~y.\>X/>ï. y.:'., angl. will you phase -=- will il
phase you, etc.
E. Ernault.
MÉLANGES
. i.
LUGUSELVA.
Tous les savants qui s'occupent des origines de notre his-
toire connaissent le précieux recueil auquel M. Allmer a donné
le titre de Revue épigraphique du midi de la France. Dans le
tome Ier, p. 14. de cette publication savante, ce compétent
érudit a donné sous le n° 23 le texte d'une inscription du
musée de Périgueux qui est très intéressante pour l'histoire du
culte du dieu Lugu-s chez les Celtes du continent. C'est l'épi-
taphe d'une femme appelée Julia Lugu-selva. Lugu-selva veut
dire « propriété, possession.de Lugu-s », « celle qui appartient
à Lugu-s ». On peut comparer le nom propre grec 'Sii-zzj'/.z;
« esclave de Dieu » et le nom propre franc Anse-deus « esclave
des Anses » c'est-à-dire « des dieux ». Selva est identique au
vieil irlandais selb, prononcez selv ou selw, thème féminin en
a qui veut dire « propriété, possession ». En gallois, helw,
qui a le même sens, est le même mot, avec cette seule diffé-
rence qu'il est masculin. L7; initial de helw tient lieu d'une s
primitive. Julia Lugu-selva à Périgueux fait pendant à Valerius
Luguadicus., dont le fils Valerius Anno, né à Osma, en Es-
pagne, nous est connu par son épitaphe conservée à Ségovie '.
Lugu-selva est un composé dont Lugu-s est le premier terme.
Luguadicus est un dérivé de Lugu-s. Le suffixe -adicus, dans
Lugu-adicus, peut être considéré comme identique au suffixe
1 . Corpus inscriptionum lalimirum, t. II. n° 2732.
268 Mélanges.
-aticcus dans Epaticcus. Epaticcus a été signalé dans une légende
monétaire de la Grande-Bretagne T et dans les inscriptions du tré-
sor de Bernav 2. Epaticcus est presque le même mot que l'irlandais
Eochaid = * Equatex, génitif Echdach = * Equalcc-os. L'irlandais
a aussi un nom propre Lugaid = * Luguatex, génitif Lugdach =
* Luguatecosî . Lugaid est à Luguadicus l\ peu près comme Eo-
chaid h Epaticcus. Eochaid est presque le même mot que le latin
eques, equit-is « cavalier ». Luguadicus peut être comparé aux
noms propres grecs dérivés de noms divins tels que Ir^.r-y.z:,
AtovJfftsç, Iloçe'.âawoç, Krr.aviç, Epp^aiavoç. Les Grecs n'avaient
pas le monopole des noms dérivés de noms divins. Les Gaulois
en formaient aussi. Tel est Esuvius d'Esus. Esuvius a été-
rendu célèbre par les deux empereurs gaulois Tetricus dont il
était le gentilice-K Nous citerons encore le gentilice Camulinius
dérive de Cauiulus dans une inscription du musée de Trêves \
et de ce gentilice on peut rapprocher le gentilice Camullius
dans une inscription du musée de Vaison. Cette inscription a
été publiée par M. Allmer dans son excellente Revue épigra-
phiquek laquelle il faut souvent revenir lorsque, dans les ques-
tions celtiques, on veut établir les saines doctrines sur des bases
solides6.
Quant à des noms d'hommes gaulois composés dont le
premier terme est un nom divin, on peut comparer à Lugu-
selva : Esu-ucrlus « celui qui a la force d'Esus »/, Esu-magius^
« celui qui est puissant comme Esus », Totati-gens « fils de
Teutates » 9.
H. d'Arbois de Jubainville.
i. A. de Barthélémy dans Revue Celtique, t. IX, p. 31, col. 2.
2. R. Mowat, Notice èpigraphique, p. \b6.
3 . Lugudeccas dans une inscription ogamique citée par Whitley Stokes,
Celtic Declension, 2- édition, p. 87.
4. Voir l'article que leur a consacré Vincent De-Vit. Onomasticon, t. II.
p. 76}.
5 . Brambach, n' 825.
6. Revue èpigraphique, t. I, p. 269, n° 300.
7. Allmer, Inscriptions de Vienne, III, 246.
.S. Revue archéologique-, nouvelle série, t. IV (1861), p. 138.
9. Corpus inscriptionum latinarum, t. VI, n° 2407.
Mélanges. 269
II.
LE JEUNE DU MERCREDI ET DU VENDREDI CHEZ
LES IRLANDAIS DU MOYEN AGE.
En irlandais, au onzième siècle, le mercredi, dont le nom
liturgique est feriaquarta, s'appelle cet-ain, c'est-à-dire « premier
jeûne » r. On écrit aujourd'hui dia ceadaoin. Le vendredi s'ap-
pelait en irlandais à cette date « dernier jeûne » àin-didin.
Nous n'avons pas d'exemple de cette formule avant le on-
zième siècle 2. Mais on a signalé dans le manuscrit irlandais de
Milan, qui peut dater du huitième siècle, la formule équiva-
lente dia oine didine « jour du dernier jeûne » >. L'expression
irlandaise moderne est aoine. De là pour le jeudi le nom de
jour « entre les deux jeûnes » dardôen* ou dardâin*» au moins
dès le xie siècle; aujourd'hui diardaoin pour dia dardaoin qui
suppose un plus ancien dia elar dâ ôin.
L'usage auquel ces expressions se réfèrent est constaté par
le document le plus ancien que nous possédions sur la disci-
pline ecclésiastique irlandaise. La collection canonique publiée
par M. Wasserschleben consacre au jeûne son livre XII et on
y trouve reproduit au c. xi un fragment de saint Paul aux Ro-
mains, chapitre xiv, verset 5 : Nain alius judicat diem inter
diem, alius judicat omnem diem. L'auteur de la collection ca-
nonique explique les mots diem inter diem par deux jours dans
la semaine, tandis que suivant luiomnem diem veut dire absti-
1. Bèdede Vienne, fol, 1, v°, col. 1; chez Whitley Stokes, Goidelica,
deuxième édition, p. 32; Zimmer, Glossae hibernicae, y. 255 ; — Psautier de
Southampton, fol. 39 a; chez Zimmer, Glossae hibernicae, p. 209; chez Whit-
ley Stokes, Goidelica, deuxième édition, p. 38. Le premier de ces deux do-
cuments parait dater du xr siècle, et le second, du xe ou du XIe. Cf. At-
kinson, The Passions, p. 628, au mot dardâin.
2 . Epîtres de saint Paul de Vienne, chez Zimmer, Glossae hibernicae, p. 284.
On disait au génitif âin-didine, Atkinson, The Passions and homilies, p. 143.
1. 3726; à l'accusatif et au datif àin-didin ou oindidin, ibid., p. 81, 1. 1439.
3. Manuscrit de Milan, fol. 113 c. dans un article de M. H. Zimmer,
Zeitschrift fur vergleichende Sprachjorschung, t. XXVII, p. 461.
4. Chronique de Marianus Scotus, fol. 33 a, chez Zimmer, Glossae hiber-
nicae, p. 274.
3. Saint Paul de Vienne, 1' 141 a, chez Zimmer, Glossae hibernicae,
p. 284; cf. Atkinson, The Passions, p. 30, 1. 327 ; p. 628, au mot dardâin.
270 Mélanges.
nence perpétuelle1. Et de quels jours dans la semaine s'agit-
il ? On trouve la réponse au livre quarante-six, de ratione ma-
trimonii dont le chapitre onze est intitulé de temporibus in qui-
bus continere se debent conjugati. Le synode irlandais a décidé
que ce serait i° pendant les trois carêmes, 2° le dimanche, le
mercredi et le vendredi2. La continence est gardée le dimanche
par respect, le mercredi et le vendredi par mortification.
Le jeûne du mercredi et du vendredi est une des plus an-
ciennes coutumes de l'église chrétienne. On peut voir dans
le glossaire de Ducange à l'article intitulé jejunium feriae
quartae et sextae l'indication des principaux textes qui la cons-
tatent. Mais, au commencement du Ve siècle, le jeûne du mer-
credi disparut à Rome et fut remplacé par celui du samedi.
Or, il est intéressant de faire observer que l'église irlandaise
du moyen âge conservait sur ce point les usages de l'église
primitive qui, à Rome, avaient été grandement modifiés.
Ces usages sont constatés au 111e siècle par Tertullien3.
Dans la langue ecclésiastique du ive siècle, chez Rufin, ils por-
tent le nom de jeûnes légaux, jejunia légitima*. De là l'ex-
pression de légitimité feriae pour désigner le mercredi et le
vendredi dans un Pénitentiel attribué à Théodore, archevêque
de Canterbury >, 668-690, mais qui parait être une compilation
faite en France au ixe siècle 6.
1 . Id est aut duos dies in ebdomada, aut abstinentiara usque ad mortem.
Deuxième édition de Wasserschleben, p. 36.
2. In tribus quadragesimis anni, et in dominica die et in feriis quartis et
in sextis feriis conjuges continere se debent. Deuxième édition de Was-
serschleben, p. 187.
3 . Sic etapostolos observasse, nullum aliud imponentes jugum certorum
et in commune omnibus obeundorum jejuniorum ; proiode nec stationum
quae et ipsae suos quidem dies habebant quartae feriae et sextae. De jeju-
niis, c. 2; chez Migne, Patrologia latina, t. II, col. 956.
4. Jejunia sane légitima, id est quarta et sexta feria monebat non esse
solvenda. nisi grandis aliqua nécessitas fieret, quia quarta feria Judas de tra-
ditione Domini cogitaverat et sexta feria crucifixus sit Salvator. - Recom-
mandations faites par un certain abbé nommé Apollonius. Rufin, Historia
monachorum, c. 7; chez Migne. Patroïogia latina, t. XXI. col. 419.
5 . Feria quarta et sexta quae legitimae sunt, c. 17, § 1 ; Ancieni laws and
institutes of England, t. II, p. 12. Cum legitimis t'eriis, c. 19, § 7; ibid.,
p. 17; — c. 23, § 19 ; ibid . p. 29.
6. Arthur West Haddan and William Stubbs. Connais and ecclesiastical
documents retating to Great Britain and Irelaud, t. III, p. 173, col. 2.
Mélanges. 271
Vers la fin du ive siècle ou environ, l'usage s'introduisit à
Rome chez les gens très pieux de jeûner non seulement le
mercredi et le vendredi, mais encore le samedi1. Le pape Inno-
cent I, 402-4Ï7, trouva cette mortification exagérée, et il ré-
duisit ces trois jours de jeûne à deux, qui furent le vendredi
et le samedi2. Dès lors l'église romaine ne conserva plus le
jeûne du mercredi que pour les Quatre-Temps 3 .
Ce n'est pas la discipline de l'église gallicane au Ve et au
vie siècle, telle que nous la connaissons par le règlement de
l'archevêque de Tours, Perpetuus, 464-494; ce règlement était
encore en vigueur au temps de Grégoire de Tours, 573-5 95 >
qui Ta reproduit dans son Histoire des Francs. Suivant ce rè-
glement, l'usage de jeûner trois fois par semaine est spécial
au carême de la saint Martin qui commence le 1 1 novembre
et se termine à Noël. Le jeûne le plus fréquent est celui qui
se pratique deux fois par semaine, le mercredi et le vendredi,
savoir : de la Pentecôte au 24 juin, du Ier septembre au 1 1 no-
vembre, et du 13 janvier au milieu de février -L
Il faut rapprocher de ce règlement de l'église de Tours, le
pénitentiel gallican du IXe siècle attribué à tort à l'archevêque
Théodore de Canterburv, 011 comme nous l'avons dit, le mer-
credi et le vendredi sont appelés légitimité feriae.
Ainsi, la coutume irlandaise de jeûner le mercredi et le
vendredi pendant toute l'année est la continuation d'un usage
général de l'Eglise avant le pape Innocent I, 402-417, et qui,
modifié par ce pape, s'est cependant maintenu en théorie dans
l'église gallicane au moins jusqu'au ixe siècle. — H. d'A. de J.
1 . Christianus qui quarta et sexta et ipso sabbato jejunare consuevit,
quod fréquenter rornana plebs facit Lettres de saint Augustin, 1. II, ep. 36,
c. 4, j S ; chez Migne, Patrologia latina, t. XXXIII, col. 139.
2. Lettre du pape Innocent I à l'évêque Decentius, ch. 4, dans le Codex
canonum ecclesiasticorum et constitutorutn sanctae sedis apostolicae quesnellianus,
c. 23, chez Migne, Patrologia latina, t. LVI, col. 516. Cf. Collectio decreto-
rum pontificum romanorum, par Denis Petit, chez Migne, t. LXVII, col. 239.
3 . Annua nobis est dilectissimi jejuniorum celebranda festivitas quam
mensis septimi solemnis recursus indicit. Quarta igitur et sexta feria succe-
dente, solitis eamdem conventibus exsequamur. Liber sacramentorum du pape
Léon le Grand, 440-461, cap. XXVII, chez Migne, Patrologia latina, t. LV,
col. iO). Cf. col. 109 D et col. 41 A, 43 B.
4. Historia Francorum, I. X, c. 31 ; édition Arndt, p. 445.
272 Mélanges.
III.
SWLLT, SOLT, S DUT.
Swllt a eu en gallois non seulement le sens actuel de shel-
ling, mais aussi celui de trésor; ex. ac ynteu a gerdawd byd yg
Kaerwyni lie y doed swllt y brenhim ac vrenhinolyon oludoed
(Brut y Tvwysogion, Myv. Archael., 2 e éd., p. 606, col. r)
« et lui, il alla jusqu'à Winchester où était le trésor du roi et
ses richesses royales ». On rencontre dans les chartes bre-
tonnes un terme identique comme origine au mot gallois : cart.
de Landevennec, éd. Le Men et Ernault : Soit Hinuarn, 18 ;
Soit Gneuer (probabL^/tv/tr ?), 14. L devant / s'est vocalisée :
Soult-alarun, cart. de Quimperlé, p. 44, aujourd'hui trans-
formé en Sant-Alarun en Guiscriff, Morbihan; Sout-Wenhaes
(in il la parte perochie que sont (sic) Wenhaes vnlgariter nun-
cupatur (en Kerfeunteun, près Quimper), cart. de Quimper,
Bibl. nat. 9891, fol. 35 r°, année 1228. Ce sont tous des
noms de lieu. Si on songe au sens de swllt en moyen gallois,
on est amené à supposer un sens analogue dans le terme
breton. Soif, sont a évidemment la valeur de fi sens de l'époque
carolingienne. Le Fiscus était un ensemble de biens fonds ap-
partenant à un même propriétaire, soumis à un même svstème
de redevances ; quand il se composait de plusieurs territoires,
il y avait un chef-lieu. Les Fisci étaient de grandeur inégale
(v. Guérard, Polyptique d'Irminon, chap. III, p. 39). La glose
socitl du manuscrit d'Orléans est sur Jiscns, mais il est impos-
sible d'identifier soeul avec soit, sont, si on ne suppose une er-
reur du scribe ou un mot incomplet (la glose est de seconde
main et postérieure d'un siècle au moins, selon toute probabi-
lité, à celles de première main). On peut supposer socnl[t] ou
soeut. L'orthographe oc présente une sérieuse difficulté. On
trouve cependant poe pour pou = pagus dans le cart. de Quim-
per : Banadloc in poe Carnoet, Bibl. nat., 9S90, fol. 6 r°, à
l'année 1216. Il est vrai qu'ici poe est en quelque sorte encli-
tique et que oc peut fort bien indiquer une prononciation eu
français (ô). Swllt, soit viennent de solidus ou plutôt de soldus.
J. LOTH.
Mélanges. 27 3
IV.
UN CAS DE PROVECTION INÉDIT.
Tout récemment, au Faouët, paroisse aujourd'hui du dio-
cèse de Vannes, mais avant la Révolution du diocèse de
Quimper, et parlant le dialecte de la haute Cornouailles, avec
des particularités des plus remarquables, je fus frappé du trai-
tement que subissent les explosives sonores, ou moyennes b
d g, après le pronom possessif féminin hi. Si tous les dialectes
breton, gallois, comique, armoricain, changent en spirantes
sourdes les ténues ou explosives sourdes p t k après ce pro-
nom, tous aussi laissent intactes après lui les explosives sonores :
hi fenn, hi dont. Au Faouët, on suit bien la règle générale pour
les ténues, mais on change les moyennes en ténues : tout le
monde dit : hi torn « sa main », hi car « sa jambe », hi prec 7;
« son bras ». La théorie la plus répandue aujourd'hui attribue
à l'influence d'un s disparu le changement des ténues en spi-
rantes et au contraire la conservation des moyennes. Le fait
curieux que je cite vient à l'appui de cette théorie. La provec-
tion des moyennes en ténues a eu lieu avant la disparition de
Ys ; Y s a disparu ensuite. C'est un fait analogue à celui qui
s'est produit en breton après o~ « votre », devenu os comme le
montre encore le vannetais hos (prononcez s sourd) dans des
expressions comme hos un 1er « votre autel ». Us de os après
avoir produit la provection de la moyenne en ténue s'est assi-
milé à la ténue puis a disparu : ho%_ breuy, hos preur, ho preur
(d. Ebel, Cornica, Beitrâge, V, p. 145 et suiv.). Le langage
de Faouët présente beaucoup de traits curieux, qui demandent
une étude détaillée. Le fait de provection que je viens de si-
gnaler me paraît général dans la partie cornouaillaise du can-
ton de Faouët, c'est-à-dire celle qui est sur la rive droite de
l'Ellé; il ne franchit pas l'Ellé et est inconnu aux gens du Bro-
werec ou vannetais breton sur la rive gauche.
J. LOTH.
274 Mélanges.
V.
RHEGDDOFYDD, RHEGOFYDD.
Lady Guest, qui a souvent corrigé dans sa traduction les dé-
fectuosités de son texte, ne me paraît pas avoir été aussi heu-
reuse dans le début du curieux récit de Kulhwch et Clwen.
La femme du prince Kilvdd, père de Kulhwch, à son lit de mort,
appelle près d'elle son mari et lui dit : manu uydaf i o'r cleuyi
hii'iiii. A giureic arall a uynny ditheu. A recdouydyni y gwraged
weithon. Drive yw itti hagen llygru dy uab. Lady Guest traduit :
« Of this sickness Ishall die, andthou wilt take another wife.
Xow wives are the gift of the Lord, but it would be wrong
for thee to harm thy son ». La réflexion de cette femme mou-
rante et qui va user d'un artifice ingénieux pour empêcher son
mari de se remarier, que les femmes sont un présent du ciel,
est au moins bizarre. Le weithon qui signifie « en ce moment »
ne s'explique pas bien non plus. La solution de la difficulté
est dans recdouyd. Les auteurs de vocabulaires l'ont traduit les
uns par « présent de Dieu », les autres, tellement ce sens leur
paraissait peu naturel, par « malédiction de Dieu ». Le sens vé-
ritable est « maître, arbitre des présents », et il faut traduire :
« Je vais mourir de cette maladie, et toi tu voudras une lemme.
â présent, ce sont les femmes qui sont les arbitres des largesses
(qui tiennent les clefs en quelque sorte); ce serait mal à toi
cependant de faire tort1 à ton fils ». Ree douyt ou avec l'ortho-
graphe moderne rheg-ddofydd est la même expression que
rheg-ofydd que j'ai relevée plusieurs fois dans les poésies im-
primées dans le Myv. archœology. Le poète Cyndelw (1150-
1200) en parlant de Cadwallawn qu'il vient de perdre, dit :
Recouit 2 oetwn oe daioni
Gan gyueisor por, pawb ae gwely.
1. Pour llygru dans ce sens, cf. Ancient laïus, éd. Oven, p. 152, 292.
2. =regov\dd d'après l'orthographe habituelle de ces poésies; de même
pour mit dans le Livre Noir.
Mélanges. 275
« J'étais le distributeur, l'arbitre des présents, de son bien
avec un seigneur qui me faisait son égal, chacun le voyait »
(Myv. arch., p. 159, col. 2).
Ibid., p. 227, col. 2 ; en parlant de la Vierge Marie :
hi yn uam uy tliad
hi yn uvry heb uad
hi yn rec ouyt
hi yn hollaul rad
« Elle qui est mère .de son père,
Elle qui est vierge sans contestation
Elle qui est ['arbitre des présents,
Elle toute grâce. »
Ibid, p. 231, col. 1, Duw douyt recouyi « Dieu le maître,
l'arbitre des grâces » ;
Ibid., p. 181, col. 2, Judea rex regovyd hygar, id., p. 239,
col. 2.
On trouve ofydd avec bien d'autres mots: Myv. arch., p. 164,
col. 1. Hil Kedwyn cad ouyt « la race de Kedwyn, maîtresse
des combats » ; cred ouyd, Myv., p. 179, col. 2; nwyl ouyt,
p. 249, col. 1; cf. Livre noir, llid ouit, cred ouii cités par
J. Rhys, Lectures, p. 293-294. M. Rhys voit dans Ofydd un
vieux celtique *ogmios, vieux gallois * ogmidd, * omydd, iden-
tique à l'irlandais ogma. Il me semble qu'il y a à ce rappro-
chement séduisant une double difficulté : 1'/// n'eût pas dû de-
venir spirant, étant précédé de g, et l'accent avant été après
/// :cf. les dérivés en men (y. Whitley Stokes, The verb substan-
livc, p. 31); Yo bref eût dû être infecté : cf. newydd = *novio;
niynxdd, en vieil armoricain monid, etc. Quoi qu'il en soit,
regdofydd doit être rapproché de galltovydd « mécanicien, ar-
tiste en mécanique ». On trouve en effet les formes galltovydd,
galldovydd etgallovydd. ]la forme galldovydd n'est pas correcte
comme l'a fait remarquer M. Rhys; on reste en présence de
galltovydd et gallovydd. Le t de galltovydd peut s'expliquer par
un Ij primitif; gai lu est en effet de la même origine que le li-
thuanien galiù « je puis » (Rhys, Lect., p. 203). Pour l'ab-
sence de / on peut comparer ferylliaeth et ferylltiaeth « al-
276 Mélanges.
chimie et chimie », dérivés de Fferyttt = Fergiljus. Mais on
ne saurait donner la même explication pour les deux formes
recdouyd et recovyd. On peut songer à une erreur du scribe
dans les Mabinogion, et lire reg-ovydd (c'est ce que j'avais fait
d'abord); on peut aussi supposer, sans erreur du scribe, une
influence analogique de gaïltovydd et gallovydd, mais on res-
terait toujours en face d'un ovydd inexplicable, * ogmios étant
rejeté. Je serais, pour ma part, très disposé à voir dans les for-
mes en ovydd ou le nom du poète Ovidius ou plutôt une évo-
lution de dovydd par analogie sous l'influence â'ovydd. On ap-
pelait ovydd un gradé dans la hiérarchie des lettrés qui n'était
ni barde ni druide. Ovide a été aussi célèbre au moyen âge
que Virgile qui a donné son nom à l'alchimie. Ojydd, le poète,
est à chaque instant cité ou rappelé par des bardes qui ne
l'avaient sûrement jamais lu en latin, comme Dalydd ab
Gwilym ; son nom est devenu synonyme d' « homme habile,
maître dans l'art de ... ». Petit à petit ovydd est devenu l'équi-
valent du mot très gallois de dovydd. Dofydd est une expres-
sion qui accompagne très fréquemment le nom de Dieu et doit
être rapproché du gallois dof « apprivoisé », et ses congénères
vieux breton dometic « domito », latin domare, etc. Dofydd
suppose un vieux celtique domios et signifierait « le domp-
teur », le maître en tous sens; cL dominiis à côté de domitus.
L'o serait long (= â vieux celtique), et n'aurait pas, à ce
titre, été influencé par -j.o : on peut comparer l'irlandais dàrri
« barde » (Windisch, Irische Texte, Wort.) ; irl. mod. daim
(daimh) « poet, learned man », O'Reilly. Dans les composés,
dovydd aurait été peu à peu influencé et supplanté par ovydd qui
avait le même sens.
J. Lotii.
BIBLIOGRAPHIE
Henri Kiepert. Manuel de géographie ancienne, traduit par
Emile Ernault, maître de conférences à la Faculté des Lettres de Poitiers,
ouvrage accompagné d'un avant-propos et remanié en ce qui concerne
la Gaule, par Auguste Longnon, membre de l'Institut. Paris, Vieweg,
1887 ; in-8, vii-365 p.
On doit à M. Henri Kiepert deux traités élémentaires de
géographie ancienne : l'un, intitulé : Lehrbuch der alten Geo-
graphie qui a paru à Berlin en 1878, est un volume in-8 de
xvi-544 pages; l'autre, abrégé du premier, est intitulé Leitfaden
der alten Géographie et n'a que vni-279 pages; il est destiné aux
élèves des gymnases. M. Vieweg a voulu mettre cet ouvrage
à la disposition des élèves de nos lycées et de nos collèges,
voilà pourquoi il en a demandé une traduction à notre savant
collaborateur M. Ernault. Toutefois, pour les Français, la
partie de ce livre consacrée à la Gaule était trop succincte, en
sorte que M. Ernault dans sa traduction a substitué à la
Gaule du Leitfaden celle du Lehrbuch qui est plus développée.
Enfin, depuis 1878, la géographie de la Gaule a été l'objet
d'importants travaux qui ont modifié l'état de nos connais-
sances; aussi M. Vieweg a-t-il prié M. Longnon, dont la com-
pétence est si connue, de reviser la description due à M. Kie-
pert et de la mettre au courant. C'est ainsi que Acunum, An-
conne, Lehrbuch, § 438, note 1, p. 508, est devenu Acunum,
Aygu, Manuel, note 1 de la p. 279, § 260; que de la même
note ont été retranchés: AJbici, Aulps, et Vediantii, Venee,
qui ont été remplacés par Vinàasca, Venasque, et par Vorda,
Gordes. A la n. 3 du paragraphe 439, p. 509, du Lehrbuch
qui est devenue la n. 1 de la p. 280 du Manuel, § 261, ont été
Revue Celtique, IX 18
278 Bibliographie.
ajoutés les noms tfAlbinnum, Albens; Bergusium, Bourgoin;
Bovis riras, Le Bœuf; Luminis pagus, Limonv; Turedonnum,
Tourdan. La note 6 du paragraphe 440, p. 510 du Lehrbuch
est devenue la note 2, p. 282, § 262 du Manuel ; Ambrussum,
traduit par Ambroix dans l'original, est rendu par Pont Am-
bruis dans la traduction; Vindomagus qui, suivant Kiepert,
serait Le Vigan, n'a pas d'équivalent moderne connu jusqu'ici
d'après M. Longnon ; et celui-ci, à la nomenclature du savant
allemand, ajoute dans cette note Andusia, Anduze ; Aramo,
Aramon; Mesua, Mèze; TreviJum, Trêves; etc., etc..
Si j'ai une critique à adresser à M. Longnon, elle sera de
n'avoir pas fait dans le texte original plus de corrections.
Ainsi il n'est pas vrai qu'en Gaule existât l'usage de faire
monter sur le char de guerre trois hommes, deux combattants
et un conducteur, Lehrbuch, § 433, note 4, p. 503 ; Mit miel,
note 1 de la page 272, § 255. Le texte qui a inspiré cette as-
sertion, Pausanias, livre X, c. 19, § 9-12, édition Didot,
p. 516-517, ne parle ni de chars ni de conducteurs de chars;
il v est question de trois guerriers à cheval. D'ailleurs ce-
texte appartient au récit d'une expédition en Grèce, et il n'est
nullement prouvé que l'armée gauloise envahissante vint des
pays situés à l'ouest du Rhin.
M. Kiepert, Lehrbuch, § 434, p. 503 ; Manuel, § 256, p. 273,
dit qu'en Gaule les terres se partageaient annuellement. Cette
assertion est le résultat d'une confusion. C'est aux Germains
et non aux Gaulois que César attribue cet usage, De bello gal-
lico, livre VI, c. 22, § 2.
Au même paragraphe 434, p. 504 du Lehrbuch, § 526,
p. 273 du Manuel, M. Kiepert prétend que les Druides avaient
dans chaque cité un chef élu à vie qui souvent remplaçait les
rois. Ce n'est point le sens du passage de César relatif à l'élec-
tion du chef des Druides. Dans ce passage, De bello gallico,
livre VI, c. 13, § 8, il s'agit d'un chef unique élu pour tous
les Druides de la Gaule.
Dans le Lehrbuch, § 448, note 1, p. 5 17, et dans le Manuel,
p. 294, note 2, §270, on trouve reproduite l'opinion généra-
lement admise que' l'ile de Sena (Pomponius Mêla, livre III,
§ 48; éd. Teubner-Friek, p. 66, 1. 28) est identique à l'ile de
Bibliographie. 279
Sein, canton de Pont-Croix, arrondissement de Quimper, Fi-
nistère. Cette doctrine ne peut s'accorder avec le nom breton de
l'île de Sein, en breton Si~mi, au xie siècle Seidhun, dans le Car-
tulaire de Landévennec. Voyez l'index placé par M. Ernault à la
suite de son Cartulaire de Landévennec (Mélanges publiés dans
les Documents inédits sur l'histoire de France, t. V, p. 296, col. 2).
Un passage du texte de Kiepert a été l'objet d'une correc-
tion fort légitime, mais qui ne me paraît pas suffisante. Zeuss,
Die Deittschen, p. 168, après avoir parlé des Ibères et des Li-
gures établis au Ve et au ive siècle sur les côtes aujourd'hui
françaises de la Méditerranée, ajoute : « à cette époque primi-
« tive les Celtes étaient encore loin de ces peuples maritimes.
« On n'en trouve point dans la liste des auxiliaires d'Amilcar
« chez Hérodote, livre VII, c. 165 ». Puis il reproduit le pas-
sage d'Hérodote où sont mentionnés les Ibères, ensuite les
Ligures, enfin les Helisyci et les Sardonii, les premiers, Ibères
ou Ligures, les seconds, probablement Ibères. C'était en 480.
Avec ces troupes Amilçar vint en Sicile assiéger Himère (cf.
Diodore de Sicile, livre XI, c. 20). Or voici comment Kie-
pert, Lehrbuch, § 433, note 2, p. 503, rend la doctrine de
Zeuss : « Il y avait déjà des mercenaires celtes au ve siècle
« dans les armées carthaginoises en Sicile; vraisemblablement
« ils avaient été enrôlés en Espagne, car les Celtes ne touchaient
« point alors à la Méditerranée. » M. Ernault s'est aperçu
qu'il y avait là une doctrine sujette à caution et il a retranché
la date, Ve siècle. Il aurait mieux fait de supprimer complè-
tement cette note {Manuel, § 255, p. 271, note 1). Telle
qu'elle est rédigée maintenant, elle reste inexacte. Elle pourrait
permettre à un critique malveillant de supposer qu'elle s'ap-
plique aux mercenaires gaulois employés par les Carthaginois
dans la première guerre punique, par exemple au siège de Li-
lybéeen 249 av. J.-C. (Polybe, 1. 1, c. 43, § 4, édition Didot,
p. 34; cf. Mommsen, Roemische Geschichte, 6e édition, t. I,
p. 526 et suiv. ; Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, livre II,
c. m). Or il n'y a aucune preuve qu'en 249 les Gaulois
n'eussent pas atteint les côtes françaises de la Méditerranée,
qu'incontestablement ils occupaient au début de la seconde
guerre punique en 218 (Tite-Live, XXI, 26).
280 Bibliographie.
Nous espérons qu'on trouvera dans ces critiques la preuve
de l'intérêt que nous portons à la savante publication de
MM. Longnon et Ernault, et de l'attention avec laquelle
nous l'avons lue. L'ouvrage de M. Kiepert est une des plus
utiles publications qu'on doive à un des plus savants géo-
graphes de notre temps. Cet ouvrage, grâce à la collaboration
de MM. Longnon et Ernault, est mis à la portée des étudiants
français avec des modifications qui le rendent beaucoup su-
périeur à l'original.
H. D'A. DE J.
Dictionnaire d'étymologie française d'après les résultats
de la science moderne, par Auguste Scheler; troisième édition.
Paris, Vieweg, 1888; gr. in-8, 527 p.
L'ouvrage de M. Scheler est le plus considérable qui existe
dans ce genre. C'est une compilation où sous chaque mot
français on trouve l'indication des différentes explications éty-
mologiques dont il a été l'objet. Un recueil ainsi constitué
rendra toujours de grands services, quand même l'auteur,
faute d'une science personnelle suffisante et d'une critique un
peu rigoureuse, aurait été souvent dans l'impossibilité de taire
un choix entre des solutions diverses issues de systèmes con-
tradictoires.
Ici nous n'avons à apprécier ce livre qu'au point de vue cel-
tique. Il est fort regrettable que l'érudit belge croyant nous
donner, comme il dit, « les résultats Je la science moderne »
n'ait pas connu le savant mémoire publié en 1884 par
M. Thurneysen sous le titre de Keltoromanïsehes. Ce mémoire
a dû paraître environ trois ans avant le jour d'octobre 1887
où Al. Scheler a écrit sa préface.
Voici quelques exemples des cas où M. Scheler aurait bien
fait de consulter Al. Thurneysen.
Au mot ambassade, p. 21, AI. Scheler renvoie au mot fictif
ambact qu'il explique par l'allemand ambacht (?)*, par le go-
thique and-bahti et par le vieux haut-allemand am-paht, aujour-
1 . Il voulait dire, je suppose: par le substantif neutre vieil allemand am-
baht ou ambabti.
Bibliographie. 281
d'hui ami ; et il ne paraît pas se douter des difficultés de son
sujet. L'embarras est grand quand on veut donner du mot alle-
mand am-baht, ami, une étymologie germanique, même si l'on
adopte comme, primitive la forme gothique. En effet, cette
forme gothique qui résout la difficulté pour le premier terme
en remplaçant am- par and-, la laisse subsister pour le second,
qui reste inexplicable r. Avec les langues celtiques, on est plus
heureux. On y trouve les deux termes du composé gaulois
amb-actus qui a été connu des Romains. Le premier terme est
ambi « autour de », qui existe à la fois en gaulois et dans les
langues néo-celtiques. Le second est *acto-s, participe passé
d'une racine ag que le vieil irlandais possède en commun avec
le latin. César avait présent à l'esprit le sens du premier terme
quand il écrivait : plurimos circum se ambactos clientesquehabet2.
Il est difficile de ne pas tenir compte enfin de deux faits ;
l'un est que le mot ambactus a été employé par Ennius, or
Ennius est mort l'an 169 avant J.-C, c'est-à-dire à une date
antérieure aux premières relations de Rome avec les Ger-
mains. Le second fait est que, suivant Festus, le mot ambactus
est gaulois 3. La question a été traitée par M. Thurneysen,
Keltoromanisches , p. 29-30, avec quelques développements de
plus que nous n'en donnons ici. Nous avons ajouté à ce qu'a
dit le savant romaniste quelques indications secondaires qui
confirment sa doctrine restée inconnue à M. Scheler.
Au mot balai, M. Scheler cite le breton balan « genêt » ;
mais balan tient lieu d'un plus ancien *banadl. Le Balandu,
relevé dans l'index du Cartulaire Je Redon, doit être corrigé en
Halanau, comme l'a constaté M. Loth. L'étymologie du mot
balai reste donc à expliquer. Ce sujet a été traité par
M. Thurneysen, mémoire cité plus haut, p. 89.
1. Fr. Kluge, Etymologisches IVœrterbuch der deidschen Sprache, 3e édition,
p. 7.
2. De bello galhco, livre VI, c. 15, §2. Comparez: Dumnorigem. . .
magnum numerum equitatus suo sumptu semper alere et circum se habere.
Ibid., livre I, c. 18, § 3, 3. Les équités dont il s'agit dans ce passage étaient
les ambacti de Dumnorix.
3 . Voici les passages de l'abrégé de Festus par Paul Diacre : ambactus
apud Ennium lingua gallica servus appellatur. — Am\b\ prepositio loquc-
laris signiflcat circum, unde supra servus ambactus, id est circumactus dicitur.
282 Bibliographie.
Chemise vient du mot latin camisia. Le plus ancien exemple
de ce mot paraît se trouver chez saint Jérôme, epistula LXIV,
de veste sacerdotali, § 11 : « Soient militantes habere lineas quas
camisias vacant, sic aptas membris et adstrictas corporibus, ut
expediti sint vel ad cursum, vel ad praelia, dirigendo jaculo,
tenendo clypeo, ense vibrando, et quoeumque nécessitas tra-
xerit. Ergo et sacerdotes, parati in ministerium Dei, utuntur
hac tunica1 ». Saint Jérôme a écrit ces mots en 396 ou en 3972.
Le mot camisia se trouve chez Paul Diacre dans son abrégé
de Festus; mais c'est une glose étrangère au texte original
et qui appartient en propre à l'abréviateur. Il n'y a pas de
preuve qui établisse que ce mot ait existé en latin avant
l'époque où saint Jérôme l'a employé, c'est-à-dire avant les
dernières années du IVe siècle. Les prêtres contemporains de
ce docteur qui ont évangélisé l'Irlande y ont porté l'usage sa-
cerdotal de la camisia constaté par le fragment de Y epistula LXIV
cité plus haut. C'est en qualité de mot savant et emprunté que
l'irlandais caimmse a conservé son s. Si ce mot était d'origine
celtique, cet s placé entre deux voyelles n'aurait pu subsister.
Cette observation est de M. Thurneysen, ouvrage précité,
p. 51. M. Scheler a écrit son article chemise sans se douter de
la difficulté signalée par le savant professeur de Fribourg.
Nous terminerons par le mot lai, genre de poésie. M. Sche-
ler nous dit que ce mot est d'origine celtique. Il cite d'abord
le gallois liais qui ne peut être qu'emprunté au français, puis,
l'irlandais laoith, lisez laoidh ; il serait préférable de parler du
vieil irlandais laid, signalé depuis longtemps dans un des
petits poèmes du manuscrit 904 de Saint-Gall, p. 203 :ixe siè-
cle). Du mot irlandais, M. Scheler rapproche d'après Die-
fenbach le verbe dérivé gothique Huhtôn, lisez liuthôn. Il ne se
doute pas de la difficulté qu'offre la différence de dentale;
liuthôn suppose un thème germanique leutha-, avant la pre-
mière substitution des consonnes leitla qui est nécessairement
le primitif de l'allemand Liedl. Pour attribuer à ce mot la
même origine que l'irlandais lôid, il faut admettre un emprunt
1. Migne, Patrologia latina, t. XXII, col. 614.
2. Migne, Patrologia latina, t. XXII, col. lxvi.
3 . Thurneysen, KettoYomanisches, p. 104.
Bibliographie. 28$
du celtique au germanique, quand celui-ci avait déjà opéré
la première substitution de consonnes. Nous aurions donc
un celtique * leudi-s venant du germanique * leutha-s. Le tb de
la seconde syllabe du mot germanique aurait été traité par la
race celtique comme le tb initial du nom propre sugambre
Theudorix écrit par Strabon \ulzzCz l au commencement du
premier siècle de notre ère. On constate le même phénomène au
VIe siècle dans le leudos de Fortunat 2. Le celtique * levais est de-
venu régulièrement * louais, *lôdis, en irlandais /c'/V/(ixe siècle),
enfin laid (vers 1100) d'où viendrait le mot français.
Je me bornerai à ces exemples pour montrer ce qui manque
à la publication d'ailleurs estimable et utile de M. Scheler.
H. d'Arbois de Jubain ville.
The t'ixt of the Mabinogion and other Welsh Taies from
the Red Book of Hergest, edited by John Rhys, M. A., and J.
Gwenogfryn Evans, xx-355 p. in-8, Oxford, 1887 (Issued to subscribers
onlv).
Le point de départ de la philologie historique est dans les
bons textes. De toutes les littératures anciennes que l'on
étudie, la littérature galloise est peut-être la plus mal partagée
à cet égard, et celle où l'esprit critique de notre temps a été
le plus lent à se répandre. Nous ne voulons pas pour cela ra-
baisser le mérite de Gallois patriotes dont les œuvres brillent
comme des phares dans l'histoire de la littérature galloise, les
auteurs de la Myfyrian Archaiology (1801), Ladv Charlotte
Guest et ses Mabinogion, et les éditeurs des volumes de la
Welsl) Tt'.xl Society. Ils publiaient leurs textes comme on le
faisait généralement de leur temps, c'est-à-dire par à-peu-près,
se préoccupant du sens plus que des mots, ne se gênant pas
pour rétablir le texte suivant leurs présomptions, sans avertir
le lecteur de ces restitutions. Ce défaut était celui de leur
1 Livre VII, cl, 5 4; éd. Didot, p. 242, 1. 52. — Cf. Maroboduus
("Tacite, Annales, II, 26) prononciation gauloise du germanique Maràbatu-s.
2. Fortunat. Carmina. 1 VII, 8. vers 69, éd. Léo. p. 163 (cf. praefatio,
p. 2, 1. 14) : Nos tibi versiculos, dent barbara carmina leudos.
284 Bibliographie.
époque plus que le leur propre; il serait injuste de le leur re-
procher; car pour nous, modernes, qui nous sommes instruits
à leur école et profitons tous les jours encore de leurs travaux,
ce serait (pour reprendre la comparaison d'un écrivain fran-
çais) ressembler à ces entants qui, devenus drus et forts du
lait de leur mère, battent le sein qui les a nourris.
Les éditeurs de notre temps sont plus justiciables de la cri-
tique. M. Skene, dans son livre The four ancieni BoohsofWales
(1868), — livre qui, malgré ses défauts, reste une œuvre con-
sidérable dont on doit savoir grand gré à l'érudit écossais, —
M. Skene s'était proposé de reproduire, lettre pour lettre, le
texte Je ces mss. L'intention était excellente; malheureu-
sement M. Skene a souvent mal lu ses mss., et l'édition pro-
chaine que M. Gwenogfryn Evans annonce du Black Booh of
Carmarthen va, pour un de ces mss., corriger l'œuvre de
M. Skene. Le ms. étant de lecture difficile, et un unicum,
M. Gwenogfryn Evans désarme par avance la critique en le
reproduisant par la photographie. Solem quis dicere falsum
audeat ?
Dans cette histoire de la philologie galloise, M. Robert Wil-
liam serait! moins aisément innocenté avec ses Welsh Texts
(1874 et années suivantes). A cette date, les règles de la pu-
blication d'un texte étaient connues : marquer d'une façon
précise, avec cote, le ms. que l'on publie, établir sa date, in-
diquer dans l'édition les feuillets correspondants du ms., dis-
tinguer les différentes mains des copistes, donner en note le
texte original du ms. lorsqu'on le modifie... M. Robert Wil-
liams ne s'est pas strictement attaché à ces règles, et il n'est
même pas sûr qu'il ait toujours exactement copié ses mss. Sa
publication, restée inachevée, est cependant utile pour l'his-
toire générale de la littérature; car, formée de textes traduits
pour la plupart du latin ou du français, elle permet de suivre
le gulf-stream de la littérature du moyen âge, mais elle ne
fournit pas de textes sûrs aux philologues, de textes qui ap-
portent leurs preuves avec eux-mêmes.
C'est cet état de désordre de la philologie galloise qui a ins-
piré à MM. Gwenogfryn Evans et Rhys l'idée d'une publi-
cation dont les Mabpnogiàn du Livre Rouge de Hergest for-
Bibliographie. 285
meut le premier volume. Le titre général de la collection est
Diplomatie Reproductions of Old-Welsh Texts, et une série de
neuf volumes est annoncée du même coup comme étant en
préparation. Le système adopté par MM. Gwenogfryn Evans
et Rhvs aboutit à de nombreux doubles emplois. Ainsi après
avoir reproduit dans le premier volume le texte des Mabino-
gion d'après le Livre Rouge, on donnera dans le troisième vo-
lume une autre version de plusieurs d'entre eux d'après un
autre ms. ; puis les volumes V et VI seront consacrés à un
« Texte critique des Mabinogion ». Pour nous, ces volumes
V et VI auraient suffi, surtout si nous avions en note les le-
çons des divers mss. ; c'est ainsi que sont faites les éditions
critiques des textes grecs et latins, et leurs éditeurs gardent gé-
néralement pour eux-mêmes les copies qu'ils ont faites des
mss. originaux. Les éditeurs des Welsh Tcxts ont préféré
n'épargner ni leur papier et leur temps, ni l'argent de leurs
souscripteurs. D'un excès de négligence, la philologie galloise
passe ainsi à un excès de minutie. Cette critique taite sur le
plan de l'œuvre, nous devons reconnaître que le plan choisi a
été admirablement exécuté.
A la fin du siècle dernier ou au commencement de celui-ci,
le célèbre Owen Pughe avait préparé une édition et une tra-
duction des Mabinogion, et nous sommes étonné qu'on n'ait pas
rappelé ce fait dans la prélace du volume que nous annon-
çons; car l'hommage rendu aux ancêtres ne diminue pas le
mérite des nouvelles générations. Cette édition est restée iné-
dite dans les papiers de la famille Owen (voir Cambrian
Journal, t. IV, 1857, p. 158, 197 et 285). Ce fait explique
pourquoi dans son dictionnaire Owen Pughe a donné de
nombreux exemples pris aux Mabinogion, alors inédits. Le
premier tiers du Mahinogi de Pwyll, prince de Dyfed, a été
publié (texte et traduction) dans le Cambrian Register (vo-
lumes de 1795 et 1796, sans signature; mais il a été réim-
primé avec le nom de Pughe dans le Cambro-Briton, t. II
(1821), p. 271 et suivantes1.
1 . Notons aussi que le Mahinogi de Math, fils de Mathonwy, avait été
publié, texte gallois et traduction anglaise, dans le Cambrian Quarterly Ma-
ga^itie, t. I (1829), mais sans aucun nom d'auteur
286 Bibliographie.
Quoiqu'il en soit, l'édition de Lady Guest (années 1838 et
suiv.) peut être regardée comme l'édition princeps des Mabi-
nogion ; une traduction anglaise qui se lit avec autant de
charme qu'une œuvre originale, et un commentaire excessi-
vement riche et intéressant au point de vue de l'histoire litté-
raire, en font une œuvre que rien ne remplacera; et le nom
de Lady Guest sera indissolublement attaché à la perle de la
littérature galloise. Mais malgré le soin avec lequel le texte
avait été copié pour Lady Guest par le Rév. John Jones (Te-
gid), il contenait des erreurs évidentes, et ces erreurs ren-
daient défiant pour le reste (voir Zeuss, Grammatica Celtica,
2e éd., p. 139). Or ce texte est, jusqu'ici, le plus important
que l'on possède pour l'histoire du gallois-moyen.
L'édition de MM. Rhys et Gwenogfryn Evans supplée à ces
imperfections; elle est faite pour les philologues et vise à leur
donner une représentation du texte aussi fidèle qu'on peut l'at-
teindre sans recourir à la photographie ou au fac-similé. Pour
rendre les diverses particularités de l'écriture, les éditeurs ont
eu recours à neuf sortes de caractères. Du moment qu'on
voulait donner une édition diplomatique, cette minutie
n'était pas de trop; car la forme des lettres (dans des mss.
où plusieurs signes sont employés pour représenter la même
lettre) est un élément important pour les restitutions de la
critique verbale. Le système suivi par M. Gwenogfryn
Evans est assez compliqué et a dû lui demander une grande
peine d'exécution ; mais il a pour résultat de donner une édi-
tion après laquelle un m s. peut périr sans que le dommage
soit irréparable.
Cette édition étant faite au point de vue philologique, nous
n'avons pas à parler ici des Mabinogion au point de vue litté-
raire. Pourtant nous pouvons faire remarquer que la nouvelle
édition contribuera à mieux faire apprécier et connaître ces
poétiques récits. D'abord, il y a un index des noms propres
d'homme et de lieu, ce qui comble une lacune de l'œuvre de
Lady Guest et permet de mieux suivre l'histoire et les actions
des personnages. Ensuite, un texte plus correct améliore le
sens en plusieurs endroits ; nous n'en donnerons qu'un exemple
emprunté au début de Kulhwch et Ohven. La reine, mère du
Bibliographie. 287
héros, est sur le point de mourir. Je cite maintenant la tra-
duction de Lady Guest.
« Je te recommande, dit-elle à son mari, de ne pas te re-
« marier jusqu'à ce que tu voies un églantier avec deux bou-
« tons sur ma tombe. » Il le lui promit. Après cela, elle le
« pria de faire nettoyer sa tombe tous les ans pour que rien
« n'y pût pousser. La reine mourut. Le roi envoyait un ser-
« viteur chaque matin pour voir si quelque chose poussait sur
« la tombe ».
Lady Guest a traduit exactement le texte qu'elle donne ;
mais dans ce texte une demi-ligne avait été passée, et celle-ci
rétablie, on a ce sens :
« Il le lui promit. Après cela, elle rit appeler son confesseur,
« et le pria de foire nettoyer sa tombe, etc. »
Tout de la sorte devient clair et raisonnable, autant du
moins qu'il peut être raisonnable chez une femme de vouloir
empêcher son mari veuf de se remarier.
Nous aurions beaucoup à dire sur le fonds même des Ma-
binogion, aujourd'hui surtout que la littérature comparée a fait
tant de progrès et que la science des contes est en train de se
constituer. Des études délicates et approfondies de M. Alired
Nutt ont déjà montré l'intérêt de ces recherches. Nous ne de-
vons pas allonger davantage cet article. Il nous suffit d'avoir
montré la valeur et l'originalité de cette publication de textes.
Si MM. Gwenogfryn Evans et Rhys peuvent achever toute la
série qu'ils projettent, ils auront rendu un grand service à la
fois à la philologie galloise et à la littérature comparée.
H. Gaidoz.
Notice épigraphique de diverses antiquités gallo-ro-
maines, accompagnée de sept planches et de quarante figures dans le
texte, par Robert Mowat. Paris, Champion, 1S87; in-8, 178 pages.
M. Mowat a réuni dans ce volume cinq mémoires, tous
fort intéressants, qui avaient été précédemment publiés par lui
dans le Bulletin monumental et dans le compte rendu du Congres
archéologique de France de 1879. Les deux premiers de ces mé-
moires concernent le culte de Mercure en Gaule; le troisième.
288 Bibliographie.
les inscriptions romaines du Maine; le quatrième contient un
recueil de vingt et une inscriptions pointillées sur des objets
votifs en bronze; le cinquième est une étude sur les inscriptions
des trésors d'argenterie de Bernay et de Notre-Dame d'Alençon.
On sait que sur le Puy-de-Dôme il y avait un temple de Mer-
cure, Mercurius Dumias1. On a supposé que là s'élevait la statue
colossale de Mercure due au sculpteur grec Zénodore : « Om-
nem amplitudinem statuarum ejus generis vicit aetate nostra
Zenodorus Mercurio facto in eivitate Galliae Arvernis » 2. La
statue de Zénodore paraît avoir été connue sous le nom de
Mercurius Arvernus, qui semble avoir désigné le même objet
que Mercurius Dumias, et on a recueilli tant en Bavière que
dans la Prusse rhénane et en Hollande cinq dédicaces au
Mercure Arverne. Une de ces inscriptions, celle de Hollande,
trouvée à Horn, est placée au-dessous d'un bas-relief qui, pro-
bablement, reproduit la statue exécutée par Zénodore. Le Mer-
cure Arverne de Horn est assis, tel devait être celui de Zénodore.
Dans les inscriptions du Maine, on peut signaler quelques
noms celtiques, par exemple ceux des potiers : Banvius dérivé
d'un nom commun signifiant « cochon », en breton bauo, en
gallois banw, en irlandais banbh; Atepomarus, nom composé de
trois éléments bien connus, aie, epo-, uiâro-.
Parmi les noms contenus dans les inscriptions pointillées,
on peut remarquer les noms d'homme Vindoinîssa, Romogil-
Uns, etc., et les noms divins Ounio-rix, Segomo, Ad-smerius,
Alisanus, Dexsiva.
Le trésor de Bernay contient plusieurs dédicaces au dieu
Mercurius Kanetonnessis. Kanetonnessis est probablement dérivé
de Caueloiuiuiu, qui doit être un nom de lieu. On remarque
parmi les noms d'hommes et de femmes, Camulp-gnata (fémi-
nin), Combaro-marus, Epaticcus, Germanissa, Sacco, etc.
H. D'A. DE J.
i . Revue archéologique, t. XXVIII (1874). p. 332; t. XXIX (1875), p. 33.
Paul Monceaux, Le Grand temple du Puy-de-Dôme, dans la Revue histo-
rique, t. XXXV (1887), p. 225-262; et t.' XXXVI (1888). p. 1-28.
2. Pline, Histoire naturelle, 1. XXXIV, § 45.
CHRONIQUE
SOMMAIRE: I. Publications de MM. Loth et Luzel dans les Annales de Bretagne. — II. Etude
de M. Paul Monceaux sur le Mercure gaulois. — III. Les Acla sanctorum Hibemiae. — IV. Vie
tripartite de saint Patrice et documents sur ce saint publiés par M. Whitley Stokes. — V. Nou-
velles publications de M. de la Borderie. — VI. Les leçons de M. Rhys sur la mythologie cel-
tique. — VII. Deux mystères bretons au théâtre de Morlaix. — VIII. Critique par M. Ernault
du mémoire de M. Guillemaud sur les inscriptions gauloises. — IX. Communications Je M. Hé-
ron de Villefosse à la Société des Antiquaires de France et à l'Académie des Inscriptions :
Camulogenus, wuvol et l'ala Atcclorigiana. — X. Le Celiic Magasine. — XI. La société gaélique
d'Inverness. — XII. Réplique de M. Standish O'Grady à M. Zimmer. — XIII. Critique de
M. R. Atkinson par le Rev. B. Mac Carthy. — XIV. La Revue des traditions populaires. —
XV. La Revue anthropologique. — XVI. Observations de M. Mowat sur le d barré et sur le
mot bratoude. — XVII. L'Académie d'Irlande et les facsimilés des manuscrits irlandais. —
XVIII. Facsimilé du Livre noir de Carmarthen. — XIX. L'évangéliaire irlandais de Saint-
Gatien de Tours. — XX. La Society for the préservation of the Irish language. — XXI. l'n nom
de peuple gaulois dans une inscription grecque d'Asie Mineure. — XXII. La thèse de M. H.
van Gelder sur les Galates. — XXIII. The archaehgical Review. — XXIV. Les Annales d'Uhter
éditées par M. W. M. Hennessv.
I.
Au mois de novembre 1887, les Annales de Bretagne sont entrées dans
leur troisième année.
La Chrestomathie de M. Loth continue à être dans cette revue la partie
qui intéresse plus spécialement les lecteurs de la Revue Celtique. Après avoir
étudié les principaux cartulaires qui nous ont conservé des mots bretons (cf.
Revue Celtique, IX, 1 39-140), M. Loth aborde les textes suivis. Nous n'avons
pour le breton armoricain aucun document de ce genre qui soit antérieur
à la fin du XVe siècle. M. Loth donne d'abord des extraits de tous les ou-
vrages en moyen armoricain qui nous sont parvenus. Il laisse de coté quel-
ques fragments par trop mutilés et altérés.
Pour le xv2 siècle, nous avons: la vie de sainte Nonn {Annales de Bre-
tagne, t. III, p. 59-72) •' et l'inscription bretonne de Sainte Triphine déjà
étudiée dans la Revue Celtique (VII, 277-279) 2.
Du xvie siècle datent les textes publiés par M. Wh. Stokes sous le titre
de Middle-Breton hours et qui comprennent : r les heures proprement dites
1 . Ce texte aétépublié dans la Revue Celtique, VIII, p. 230-301, 406-491.
2. Le texte de cette inscription doit être rétabli comme il suit : an ma-
TERI A STUDIAFF, IHS, p'e PREDERAF A CAFAF GARU : GOUDE HO.\ HOLL FET
EN BET MAN, DIVEZ PEB VNAN EU AN MARU.
290 Chronique.
(Annales de Bretagne, p. 73-78); 2° un extrait du Missel de Léon de 1526
(ibid., p. 78-79); 30 un catéchisme imprimé en ï^j6(ibid., p. 79-81). Puis
viennent : le Grand Mystère de Jésus (ibid., p. 81-87) ; tr°is poèmes publiés
par M. de la Villemarqué sous le titre de Poèmes bretons du moyen âge
(ibid., p. 205-214); le mystère de sainte Barbe (ibid., p. 214-224) ' ; la vie
de sainte Catherine (ibid., p. 224-231)2 ; le Miroir de la mon (ibid., p 231-
233)-
Les textes du xvne siècle que nous fait connaître M. Loth dans le numéro
de janvier des Annales de Bretagne sont: le Miroir de la confession, imprimé
à Morlaix en 1621 (ibid., p. 233-235); la Doctrine des chrétiens, Morlaix,
1622 (ibid., p. 235-238). le Dictionnaire et colloques français et breton.
Morlaix, 1626 (ibid., p. 238-250).
Comme on le voit, la Chrestomathie de M. Loth donnera une idée très
exacte des textes bretons qui nous sont parvenus. La première partie de sa
Chrestomathie était intéressante au point de vue phonétique, la seconde partie
peut surtout donner matière à des rapprochements littéraires. Malheureu-
sement le plus souvent nous n'avons point les textes français ou latins qui
ont servi directement à la rédaction du texte armoricain. Aussi est-il assez
difficile de déterminer quelle part d'originalité revient à l'imitateur breton.
Le tome III des Annales de Bretagne contient encore, à côté d'intéressants
articles historiques ou littéraires 5, un logogriphe breton français de la fin
du xvie siècle, publié par M. Loth, et une chanson bretonne inédite, Pen-
11ères Coadale\ recueillie et traduite par M. Luzel (p. 251-260).
G. D.
II.
La Revue historique, n°s de novembre-décembre 1887 et de janvier-fé-
vrier 1888, a publié une étude très instructive, de M. Paul Monceaux sur
le grand temple gallo-romain du Puy-de-Dôme et sur le culte du Mercure
gaulois. Nous constatons avec satisfaction le succès d'un écrivain de talent
qui a étudié les travaux de l'érudition celtique et qui les fait connaître dans
un monde près duquel d'ordinaire elles passent inaperçues. Nous ferons
cependant des réserves sur quelques étymologies un peu risquées (n# de
janvier-février, p. 14-17; ou p. 51-53 du tirage à part).
III.
La Société de Saint-Augustin, Lille-Bruges, vient de faire paraître sous
la date de février 18S8 un catalogue où se trouve l'annonce suivante:
« Acta sanctorum hiberniae ex codice Salmanticensi nunc primum
« intègre édita opéra Caroli De Smedt et Josephi De Backer, S. J., hagio-
« graphorum bollandianorum, impensis Joannis Patricii Marchiouis Bo-
« thae. In-40, IV-975.
1. Voyez Revue Celtique, IX, 124-127.
2. Ce texte a été publié dans la Revue Celtique, VIII, 76-95 .
3. Nous signalerons par exemple l'étude de M. J. Duchesne intitulée:
Un premier maître de La Fontaine découvert à la bibliothèque de Rennes.
Chronique. 291
« Le Codex Salmanticensis est un manuscrit du xivc siècle renfermant
« des vies de saints d'Irlande ; il porte ce nom parce qu'il vient du collège
« des Irlandais de Salamanque; il se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque
« de Bourgogne à Bruxelles.
« Les Bollandistes avaient eu souvent l'occasion de s'en servir; ils vien-
« nent de l'éditer intégralement sur l'initiative et aux frais du noble marquis
« de Bute qui s'intéresse d une manière si intelligente aux antiquités irlan-
« daises. Le texte a été reproduit avec la fidélité la plus scrupuleuse ; chaque
« document est analysé à la marge avec une grande exactitude ; les variantes
« sont indiquées au bas des pages. Un triple index des noms de personnes,
« des noms de lieux et des vies des saints en facilite l'usage aux travailleurs.
« L'ouvrage est imprimé sur beau papier in-4, à deux colonnes, avec
« double filet rouge ; tel qu'il se présente, ce volume est digne du Mécène
« qui l'a fait exécuter et des savants qui lui ont donné leurs soins ».
Ce volume se vend quatre-vingt-dix francs. Par faveur spéciale, on fait
aux travailleurs une remise de dix pour cent ; net : quatre-vingt-un francs.
Les historiens de l'antiquité ne nous ont pas dit quel prix le Mécène authen-
tique faisait payer aux amateurs de poésie les œuvres d'Horace.
IV.
Nous recevons à l'instant l'ouvrage depuis longtemps annoncé et si impa-
tiemment attendu de notre savant collaborateur, M. Whitley Stokes : The
Triparti te Life of Patrick with other Documents relating to that Saint, deux vo-
lumes in-8 de cxcix et 676 pages. Cette publication est de tous points digne
de l'auteur et du sujet. Nous en ferons à loisir ultérieurement un compte
rendu détaillé. En attendant, nous féliciterons l'auteur de l'indépendance
d'esprit dont il a fait preuve en écrivant p. cxxxv : « Patrick aimait et res-
v pectait l'église de Rome : il n'y a pas de raison pour refuser de croire à
« son désir d'obtenir pour sa mission l'appui de l'autorité romaine ; on au-
« rait tort de mettre en question l'authenticité de ses décrets portant que,
« lorsqu'il s'élèverait en Irlande des questions difficiles, elles seraient en
« dernier ressort portées au siège apostolique ».
V.
M. de La Borderie a fait sur l'hagiographie bretonne deux travaux im-
portants dont la Revue Celtique a rendu compte: un mémoire sur deux saints
Caradec (R. C, t. V, p. 501), et une édition d'une vie de saint Malo (R.
C, t. VI, p. 384). Les Monuments originaux de l'histoire de saint Yves, an-
noncés dans notre tome VIII, p. 393, contiennent de lui une savante intro-
duction de lxxvi pages '. Il vient de se créer de nouveaux titres à la recon-
naissance des érudits en faisant paraître chez Champion : Les trois anciennes
vies de saint Tudual, texte latin et commentaire historique, 1887, in-8, 134 pa-
ges. Nous espérons qu'il terminera prochainement son édition du précieux
1 . Elle a été tout récemment réimprimée dans le volume intitulé: Etudes
historiques bretonnes, Paris, Champion, 1888, in-8, vi-237 pages.
292 Chronique.
manuscrit de la bibliothèque de Quimper qui contient la vie de saint Gué-
nolé et le cartulaire de l'abbaye de Landévennec.
VI.
Une note insérée dans le t. VII delà R. C, p. 392-393, a prévenu nos
lecteurs qu'en 1886 notre savant collaborateur. M. J.Rhys, avait été chargé
des leçons connues sous le nom de H ibbert- Lectures, et elle a donné le pro-
gramme de ces leçons qui avaient pour objet la mythologie celtique, étudiée
principalement dans la littérature galloise. Ces leçons ont été publiées aux
frais de la fondation Hibbert. Le volume qui les contient vient de paraître
à la librairie Williams and Norgate de Londres qui l'annonce sous le titre
suivant : Lectures on thc Origin and Growih of Religion as illustrated by Celtic
Heatbendom .
VIL
M. Paul Sébillot, si connu par ses travaux sur les traditions populaires,
nous apprend la nouvelle suivante, extraite par lui d'un journal breton, qui
l'a publiée sous la date du 28 février dernier :
« Des fêtes seront données à l'occasion de l'inauguration du théâtre en
« construction à Morlaix.
« Une troupe de curieux artistes bretons, découverts aux environs de
« Plouaret et qui jouent en breton des façons de mystères moyen âge, prê-
« teront leur concours à ces fêtes. C'est désormais chose entendue. Ils sont
« quatorze; ils joueront leur répertoire en costumes appropriés aux sujets
« des pièces. Deux représentations seront offertes au public morlaisien
« dans l'ancien théâtre.
« Elles auront lieu, la première, le soir de l'inauguration de la nouvelle
« salle, simultanément avec le spectacle donné rue de Brest, la seconde en
« matinée le 15 avril, c'est-à-dire dans le courant de la journée.
« Des livrets en français seront mis à la disposition des spectateurs et don-
ce neront, pour les personnes peu familières avec le langage de ces pitto-
« resques acteurs, la traduction des pièces bretonnes représentées. »
VIII.
Le Bulletin mensuel de la Faculté des Lettres de Poitiers contient, t. V,
p. 391-396, une critique des travaux de M. J. Guillemaud sur les inscrip-
tions gauloises dans la Revue archéologique. M. E. Ernault, auteur de cette
critique, commence par féliciter M. J. G. de la découverte par lui faite d'une
inscription gauloise à Nîmes (Revue archéologique, 18S6. t. VIII, p- 360-
363). Il passe ensuite à l'étude d'ensemble de M. G. sur les inscriptions
gauloises découvertes jusqu'ici (Revue archéologique, 1887, t. IX, p. 210-
229; 299-316; t. X, p. 217-228). Il est d'accord avec nous pour constater
la déplorable faiblesse de- cette dissertation grammaticale, écrite par un ar-
chéologue qui n'a pas de la grammaire celtique la plus élémentaire notion.
Chronique. 29$
IX.
M. Héron de Villefosse a apporté à la Société des Antiquaires de France,
dans la séance du 8 février dernier, une casserole d'argent découverte à Has-
tings, près Douvres, et qui porte l'inscription suivante tracée à la pointe:
NVMZfl* AVGVS// DEO Marti ROMVLVS CAMVLOGEKI FILÏUS POSVIT.
Il est intéressant de trouver en Grande-Bretagne sous la domination ro-
maine un nom d'homme identique à celui d'un chef Aulerque, qui com-
battit contre les Romains et perdit la vie en défendant contre eux l'indépen-
dance gauloise, l'an 52 av. J.-C. (De bello gàllico, VII, 57, 59, 62).
Dans le tome XV (1887), p. 251-255, des Comptes rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions, on pourra lire la note de M. Héron de Ville-
fosse sur les inscriptions qui contiennent le mot gaulois avvot ou avot.
Dans le même tome, p. 307-308, on verra le résumé de sa note sur l'épi—
taphe d'un soldat de ïala atectorigiana. Il a été question de ces deux com-
munications dans notre vol. VIII, p. 536-537, et le texte de l'épitaphe
dont nous venons de parlera été publié par M. Cagnat dans la dernière livrai-
son de la Revue Celtique, p. 78.
X.
Le Celtic Magasine de février dernier contient entre autres mémoires :
i° un résumé par M. Thomas Cockburn de la savante dissertation de
M. Windisch sur le passif en r dont un de nos collaborateurs nous a pro-
mis un compte rendu et que jusqu'à présent nous nous sommes bornés à
annoncer, t. VIII, p. 529 ; — 20 un poème gaélique sur la bataille de Gabhra ;
ce poème a été dicté en 1868 par un vieillard âgé de quatre-vingts ans;
l'éditeur est le Rev. J. Campbell ; on sait que ce morceau appartient à la litté-
rature ossianique, et qu'un poème irlandais qui porte le même titre a été pu-
blié dans les Transactions qf tbe Ossianic Society for theyear 1853 (vol. 1); —
3° une étude sur les versions diverses de la légende de Derdriu par M. A.
Macbain; comparez à la rédaction gaélique publiée par le même érudit, Celtic
Magasine de décembre 1887 (p. 69-77) et de janvier 1888 (p. 129-138) les
leçons données par MM. E. Windisch et Whitley Stokes dans les 1. 1, p. 67-
81, et II, p. 109-184, des Irische Texte.
XI.
La Société gaélique d'Inverness vient de faire paraître le tome XIII de
ses transactions. On y trouve plusieurs mémoires intéressants ; mais ce qui
en première ligne nous a semblé digne d'attention, c'est (p. 241-257) le
texte original de la légende de Derdriu, dont M. A. Macbain a donné la
traduction dans le Celtic Magasine. L'éditeur de ce texte est M. Carmichael
qui l'a recueilli il y a vingt ans de la bouche d'un vieillard âgé de quatre-
vingt-trois ans. — Nous signalerons ensuite la dissertation du prévôt Mac
Andrew sur les Pietés (p. 230-240); cette dissertation a déjà paru dans le
Celtic Magasine de mai et juin 1887, et la même revue a donné quatre ar-
ticles de M. A. Macbain sur le rrême sujet dans les numéros suivants :
Revue Celtique, IX 19
294 Chronique.
juillet, août, septembre et octobre. — Nous n'avons pu dans notre chro-
nique parler de ces numéros qui nous sont parvenus avec plusieurs mois de
retard. — La conclusion du prévôt Mac Andrew est que les Pietés étaient
un peuple celtique du rameau gaélique. M. A. Macbain soutient que les
Pietés devaient parler un dialecte du rameau gaulois fort proche parent du
gallois. — Le Rev. Alex. Cameron a communiqué un recueil de ballades
ossianiques, p. 269-300, et le Rev. D1' Stewart un recueil de chansons gaé-
liques inédites, p. 301-312. — Nous terminerons en mentionnant un mé-
moire de M. Liddall, sur le verbe en gaélique d'Ecosse, p. 8-42, et une
étude de M. A. Macbain, éditeur du Celtic Magasine, sur les contes popu-
laires en général, p. 103-122.
XII.
Nous ne savons quelle distraction nous a fait oublier dans notre dernière
chronique le n° de YAcademy du 8 octobre 1887 et la lettre qu'y a insérée
M. St. O'Grady à l'adresse de notre aimable confrère M. H. Zimmer. Le sa-
vant irlandais constate que le professeur allemand s'est exprimé sur son compte
en termes tels qu'en fait d'impertinence on ne pourrait désirer mieux.
Entre autres choses, M. Z. a traité d'ignorant ce pauvre M. St. O'Grady.
M. O'Grady a été chez les Franciscains de Dublin vérifier l'exactitude
des citations faites par M. Z. de deux mss. ossianiques, l'un du xve, l'autre
du XVIIe siècle. Voici entre autres choses ce qu'il a constaté. Le second des
deux mss. contient soixante-neuf poèmes. M. Z. a copié les commencements
de chacun, et sur les soixante-neuf, cinquante et un sont copiés de travers.
M. O. Grady ajoute : M. Zimmer a imprimé un grand nombre de gloses
marginales de ces deux mss., j'en ai traduit une pour lui ; je le mets au défi
de traduire les autres sans se faire aider, soit par ce bon M. Hennessy, soit
par tel autre qui réellement sache l'irlandais.
XIII.
Dans YAcademy du 31 décembre 1887, p. 442, col. 2-3, a paru une lettre
du Rev. B. Mac-Carthy, successeur de M. R. Atkinson comme TodJ-
Professor. Le savant ecclésiastique irlandais constate que M. Atkinson, Todd-
Lectures, II, p. 87, 1. 1630, a lu itathalaind Juil au lieu de i-tert kalaind Iuiî
(Leabhar Breac, p. 172, col. 2, 1. 67), en sorte que M. A., p. 330 de sa
traduction, a mis la fête de saint Pierre et saint Paul au i<=r juillet au lieu
du 29 juin. M. B. Mac Carthy est dans son droit en relevant ce lapsus ; en
le faisant il nous rend service; mais il manque de mesure dans sa critique,
il paraît oublier qu'en matière d'études celtiques comme ailleurs, et même
plus que partout ailleurs, irrare humanum est. Pour ne pas écrire d'erreurs,
il n'y a qu'un procédé, c'est de ne rien écrire du tout.
XIV.
La Revue des Traditions populaires, dans son numéro de janvier 1888, a
donné, p. 45-51, un article de M. Le Calvez sur les usages relatifs aux fu-
Chronique. 295
nérailles et au culte des morts en Basse Bretagne. Dans le n° de février,
p. 103, M. J.-M. Comault a publié : Lechâleau sous lamer, légende bretonne.
XV.
La Revue anthropologique dirigée par le docteur Topinard a publié pendant
l'année 1887 quelques articles qui touchent plus ou moins directement aux
études celtiques. Tels sont les mémoires de M. Pompeo Castelfranco : i°sur
les fonds de cabane; 21 sur les villages lacustres et les terramare en Italie,
p. 182-200, p. 607-619: ceux de MM. Julien Fraipont et Ivan Braconier
sur la poterie en Belgique à l'âge du mammouth, p. 385-407. Enfin le
n du 15 janvier 1888 contient, p. 59-72, un résumé par M. Deniker des
travaux les plus récents sur les monuments préhistoriques de l'Allemagne.
Ces mémoires donnent de précieuses indications sur les peuples qui ont
précédé la race celtique dans les régions occupées par elle aux temps histo-
riques.
XVI.
M. Mowat, dans le Bulletin critique du 1er septembre dernier, a renou-
velé deux observations déjà faites mais auxquelles les celtistes ne paraissent
pas donner assez d'attention : i° Lei barré de l'épigraphie gauloise a été
remarqué dans l'inscription Pélignienne, n° 11 (p. 19). du recueil de Zve-
taieff. Inscriptiones Italiae inferioris dialecticae ; 2° l'inscription vestine, nn 9
(p. 15. cf. p. 85-86). du mèmerecueil, nous offre une formule brat da ta, qui
présente une singulière ressemblance avec le bratoude de la Gaule méridio-
nale : P. VIITIO'DVNO 'DIDIIT ! HERCLO || IOVIO |] BRAT [| DA
TA. P. Vetins dono dédit Hcrculi Jovio brat da ta.
XVII.
Le 23 janvier dernier, l'Académie royale d'Irlande a tenu une séance où
un de ses membres les plus autorisés a fait une motion d'une haute gravité.
Ce membre est M. J.-T. Gilbert, auteur de la savante publication intitulée
Facsimiles of national manuscripts oflreland, cinq volumes grand in-folio ; il
a donné dans la collection du Maître des Rôles, en 1870, Historié and muni-
cipal Documents of Ireland, from the Archives of the city of Dublin, 1 1 72-1 3 20 ;
en 1884 et 1885. Chartularies o/St. Mary' s abbey, Dublin, etc., prescrved
in the Bodkian Library and British Muséum, deux volumes in-8 Ce n'est
qu'une partie de ses ouvrages; une liste complète serait trop longue ici.
Il a fait observer que les quatre volumes de facsimiles de manuscrits ir-
landais publiés par 1" Académie, Leabhar na h-Uidre, Leabhar Breac, Livre de
Leinster, Livre de Ballymote, n'étant pas accompagnés de traductions an-
glaises, restaient sans utilité pour la masse du public. En conséquence, il a
proposé à l'Académie d'inviter son conseil à mettre à l'étude la question de
savoir si l'on pourrait faire faire et publier des traductions de ces manuscrits
en y employant les quatre cents livres (10.000 francs) que la Chambre des
Communes alloue annuellement à l'Académie pour des travaux concernant
les manuscrits irlandais. On pourrait même, a-t-il ajouté, consacrer à cet
objet une partie des intérêts de la fondation Cunningham.
296 Chronique.
* C'est moi, a-t-il continué, qui, il y a bien des années, voulant donner
une impulsion aux études celtiques, ai proposé à l'Académie de reproduire
en facsimilé la totalité du contenu de quelques-uns de ses principaux ma-
nuscrits irlandais. Mes propositions ont étéacceptées et on a toutlieu d'être
satisfait des résultats. Ces résultats n'ont pas été seulement la production de
quatre beaux volumes. De ces quatre volumes, il n'existait d'abord qu'un
seul exemplaire exposé à beaucoup d'accidents et accessible seulement à
Dublin. Maintenant, d'exacts facsimilés de ces livres existent en grand
nombre et chacun peut se les procurer dans toutes les parties du monde. Ils
contiennent les leçons les meilleures et les plus authentiques des œuvres
composées par les anciens auteurs irlandais sur l'histoire et la littérature de
leur pays avant l'établissement des Anglo-Normands. Ces œuvres n'ont ja-
mais été traduites, et il est clair que tant qu'elles n'auront pas été rendues
accessibles par des traductions anglaises, les Irlandais ne pourront avoir au-
cune connaissance exacte de leur île et de ses habitants dans les temps an-
ciens. La publication des facsimilés de l'Académie et l'étude des gloses en
vieil irlandais conservées sur le continent a donné à d'actifs érudits en Ir-
lande et hors d'Irlande le moyen d'éclaircir les obscurités des anciens écrits
irlandais et d'en publier des spécimens qui ont une haute valeur pour l'étude
du vocabulaire. Les noms de ces éditeurs sont bien connus dans le monde
des lettres, et j'ai des raisons de croire qu'ils donneraient avec joie leur
concours à l'Académie pour publier les documents qui seraient plus spécia-
lement de leur compétence. Suivant moi, l'Académie devrait se mettre en
rapport avec les savants qui par leurs éditions de vieux textes irlandais ont
attesté leurs connaissances spéciales dans cette branche de la science. On
les inviterait à faire connaître les titres des pièces historiques contenues
dans les facsimilés qu'ils voudraient traduire et publier avec des glossaires.
Ces glossaires réunis fourniraient les matériaux d'un dictionnaire général
du vieil irlandais qui. par l'emploi de ce procédé, acquerrait plus de valeur
que par tout autre mode de préparation, puisqu'on y trouverait réunis les
résultats de la mûre expérience et de l'érudition des principaux celtistes de
notre temps. Chaque traduction et chaque glossaire serait publié avec le
nom de l'auteur, par ses soins et sous sa responsabilité. La rémunération
pourrait être réglée d'après le tarif établi par l'Académie pour la traduction
des Annales d'Ulster. Elle serait payée, comme les frais d'impression, sur
les fonds alloués annuellement par le Parlement à l'Académie pour des tra-
vaux relatifs à la langue irlandaise. Par le moyen que j'indique, l'Académie
pourrait, dans une période relativement courte, faire traduire et publier les
principaux monuments qui subsistent de la vieille histoire et de la littérature
de l'Irlande. Elle repousserait ainsi le reproche de n'avoir pas su porter la
lumière sur les vénérables et intéressants écrits qui concernent les annales
du pays et de la race à laquelle ses membres appartiennent. »
Des applaudissements accueillirent cette motion. Le docteur Atkinson
parla dans le sens contraire. Suivant lui, il était inutile de traduire aux frais
de i' Académie les anciens monuments delà littérature irlandaise; car un
grand nombre de savants, dans toute l'Europe, avaient entrepris de les tra-
Chronique. 297
duire gratuitement. Il ne voyait donc pas l'utilité de la dépense. C'était la
seule raison qu'il eût pour s'opposer à la motion. Certainement, tout le
monde admettrait qu'il désirait autant que n'importe qui concourir au pro-
grès des études irlandaises.
Malgré ces observations, la motion de M. Gilbert a été adoptée.
La question posée devant l'Académie d'Irlande est de savoir si l'on pu-
bliera ou non le facsimilé du Livre de Lecan. Il est certain que dans ce
manuscrit comme dans le Leabhar Breac et dans le Livre de Ballymote, à
côté de documents d'une importance considérable, il s'en trouve un certain
nombre d'un intérêt secondaire. La littérature irlandaise est partie originale,
partie une imitation de la littérature du continent. La première catégorie
mérite beaucoup plus que la seconde l'attention des érudits. Le gros volume
qu'a publié tout dernièrement M. Atkinson rendra de grands services à ceux
qui veulent étudier la langue irlandaise, mais les documents qui y sont
réunis manquent tout à fait d'originalité. Ce qui fera prendre un jour à l'Ir-
lande une place dans l'histoire littéraire de l'Europe, ce sont ses monuments
épiques et ses traités de droit. Les traités de droit sont l'objet d'une publi-
cation dont nous n'avons rien à dire ici, puisque l'Académie d'Irlande n'en
est point chargée. Ce que, suivant nous, l'Académie devrait entreprendre,
c'est la publication des monuments de la littérature épique. Mais elle ne de-
vrait pas pour cela renoncer d'une façon absolue à donner des facsimilés. Bien
au contraire.
Voici un exemple. Supposons que l'Académie décide la publication
de l'épopée qui porte le titre de Orgain Bruidne ui Derga. Le plus ancien
manuscrit est le Leabhar na h-Uihdre, p. 83-99, rnais le commencement fait
défaut. 11 y a cinq autres manuscrits du xive au xvie siècle. L'Académie
devrait publier en facsimilés la partie de chacun de ces manuscrits qui con-
cerne ce document; elle mettrait ainsi un éditeur à même d'établir un texte
critique et dont tout le monde pourrait contrôler les variantes. Ce serait une
dépense incomparablement moins élevée que de publier le livre de Lecan.
et elle donnerait un résultat immédiat. L'éditeur pourrait en toute sécurité
accompagner son texte d'une traduction. Une fois ce document publié,
on entreprendrait une opération identique pour un autre document de
même catégorie et de même valeur : ceux qui connaissent les publications
d'O'Curry n'auraient que l'embarras du choix.
XVIII.
Le Ier mars, fête de saint David, le grand évêque gallois, notre savant
collaborateur. M. Gwenogfryn Evans a mis en distribution le facsimilé du
Livre noir de Carmarthen, le plus ancien manuscrit de la littérature lvrique
galloise, xnc siècle. Le titre de cette publication est : Autotype facsimilé of
the Black Book of Carmarthen. On la trouve chez l'éditeur, 7, Clarendon
Villas, Oxford. Il en a été tiré 250 exemplaires, dont 100 grand in-8 à
52 shillings 1/2 et 1 50 in-8 ordinaire à 33 shillings.
XIX.
On sait que grâce à la science et à la persévérante habileté de M. Léopold
298 Chronique.
Delisle, administrateur de la Bibliothèque nationale, la France vient de
rentrer en possession d'environ deux cents numéros de la bibliothèque de
lord Ashburnham enlevés à diverses bibliothèques françaises, un peu avant
le milieu du siècle courant, par des voleurs dont le principal est Libri. Un
de ces manuscrits est le numéro VI de la Notice sur les manuscrits disparus
de la bibliothèque de Tours, publiée en 1883 par M. Delisle dans le t. XXXI,
première partie, p. 19-22 de la collection intitulée: Notices et extraits des
manuscrits. C'est un évangéliaire du vir ou du vm siècle qui appartenait
avant la Révolution à l'église cathédrale Saint-Gatien de Tours et qui de là
était passé dans la bibliothèque de la ville. Les bénédictins auteurs du Nou-
veau traité de diplomatique le considéraient comme anglo-saxon. Mais il
semble plutôt irlandais. Les peintures qui ornent la première page de chacun
des quatre évangiles paraissent l'œuvre d'une main irlandaise. L'abré-
viation de Vm est conforme à l'usage des scribes irlandais. Le doublement
de \'s dans les mots comme quassi, possita, la réduction du double 5 à un seul
s, rcmisius pour remissius, est une faute constante dans les manuscrits ir-
landais. Le nom du scribe, Holcundus, n'a pas été signalé en Irlande à notre
connaissance, mais s'expliquerait par un composé irlandais oll-chond dont
le premier terme signifierait « beaucoup, très, » et dont le second serait le
terme technique pour désigner la personne sui juris: oll-chond, écrit Hol-
cundus dans la souscription du manuscrit, voudrait dire optimo jure vir.
Le manuscrit de Saint-Gatien de Tours est un de ceux dont Sabatier et
Blanchini ont fait usage dans leurs travaux sur les anciennes versions de la
Bible. Mais s'il est bien établi que ce manuscrit est irlandais, et non anglo-
saxon, il peut en résulter des conséquences intéressantes pour l'histoire du
texte latin de la Bible dans les Iles Britanniques.
Ce ras. se compose de onze cahiers formant un total de ni feuillets
numérotés. Chaque cahier, sauf le dernier, porte à la fin une signature
consistant en une lettre capitale de l'alphabet latin; la première est A, la
dernière K.
XX.
Le 28 février dernier, M. Mac Sweeney a lu en séance de la Society for
the préservation of the Irish language son rapport sur les travaux de cette
compagnie et sur les résultats obtenus par elle en 1887. Le nombre des en-
fants qui passent avec succès l'examen pour la langue irlandaise dans les
écoles nationales d'Irlande augmente lentement, mais d'une façon continue.
Il était de 321 en 1886, il a été de 371 en 1887. Vingt-six maîtres d'école
ont reçu en 1887 le certificat d'aptitude à l'enseignement de l'irlandais.
XXI.
La Chronique d'Orient de M. Salomon Reinach, dans la Revue archéologique
de janvier-février dernier, publie d'après VEphêmeris d'Athènes du iuraoùt
1887 l'inscription suivante trouvée à Héraclée du Pont. On y trouve la
mention de la 7:0X1; OùXoxâas'.vo;.
Chronique. 299
Comparez le pagus Vilcassinus ' ou Velcassinus 2 des documents méro-
vingiens. Vihassinus ou Velcassinus, en français Vexin, est un adjectif dé-
rivé du nom de peuple Veliocasses (Debello gallico, II, 4; VIII, 7), Velio-
cassi (De bello gallico, VII, 65)' ou probablement plus exactement * Velio-
cassis, au génitif pluriel Véliocassiutn dans une inscription 5.
Voici le texte du monument qui vient d'être découvert :
Saêivto xw TOfopwvt
é^'jtoj x,aTe<jxeûaaa[ç]
TO XaTO[JLlOV £"/. TtoV
èauTOîî.' Aefyejûvoç
~£U)-y;ç Mewep6[t]as
fpou[xevTaptç, A'j-
YOUjtoç /wpaç Aou-
(âo-jvou. XaTpe rcoXïta
rSkeoa; OùXoxaîï-
fflVOU.
XXII.
Dans notre précédent numéro, nous avons annoncé que le 17 janvier
dernier, M. H. van Gelder soutiendrait une thèse sur l'histoire des Ga-
lates. Cette thèse a paru à Amsterdam, chez J.-M. de Bussy. C'est un vol.
in-8 de 302 pages. Son titre est : Galatarum res in Graecia et Asia gestae
usque ad médium saeculum secundum ante Christum.
XXIII.
Au moment de donner le bon à tirer de cette chronique, nous recevons
la première livraison du recueil périodique intitulé : The archaeological Review,
a Journal of historié and prehistoric Antiqnities ; elle est datée de mars 1888 et
vient de paraître chez David Nutt, à Londres. M. G. Laurence Gomme,
directeur de cette publication, a mis en tête un avertissement destiné à faire
connaître le but de son œuvre ; il veut créer un trait d'union entre les diffé-
rentes sociétés archéologiques de la Grande-Bretagne. Nous sommes heu-
reux de signaler dans sa première livraison deux articles qui intéressent les
celtistes: l'un, p. 48-54, est une étude de M. C. Elton sur les Pietés de
Galloway ; l'autre, p. 68-75, est le commencement d'une traduction de la
composition épique irlandaise connue sous le nom de Tochmarc Emere « De-
1 . Testament du fils d'Idda vers 690, chez Tardif, Monuments historiques,
n° 26, p. 21, col. 1 et 2.
2. Testament précité du fils d'Idda, chez Tardif, ibid., p. 21, col. 2; et
jugement rendu vers 751 par Pépin, maire du palais, ibid., p. 45, col. 2.
3. Gluck, Die keltischen Namen, p. 161 -163.
300 Chronique.
mande en mariage d'Emer par le héros Cûchulainn ». L'auteur de cette
traduction est M. Kuno Meyer. Des mss. de ce document un seul a été
publié, c'est en facsimilé, et personne ne l'avait traduit jusqu'ici.
XXIV.
Le bulletin d'annonces (Advertiscments) qui accompagne la première li-
vraison de V Archacological Revieiu nous apprend la mise en vente du pre-
mier volume d'un ouvrage dont la publication était annoncée comme pro-
chaine il y a quelques mois (Revue Celtique, t. VIII, p. 529). Ce sont les
Annales d'Ulster par M. Hennessy. En voici le titre complet : The Annals
of Ulster, a Chronical of Irish Affairs from A. D. 431 to A. D. 1 540, edited
with a translation and index par W. M. Hennessy, M. R. I. A. Vol. I. —
Dès que cet ouvrage sera parvenu à Paris, la Revue Celtique en rendra compte,
en y donnant l'attention que méritent les travaux du savant auteur.
Paris, le 20 mars 1888.
H. d'Arbois de Jubain ville.
ERRATA DE LA LIVRAISON PRECEDENTE.
Page 9, ligne 21, au lieu de Livre au dos de neige, lise% Livre de Druim-
snechta (nom de lieu).
P. 15, note 1, au lieu de Augustini, lise% Augustine.
P. 25, 1. 14, au lieu de then, lise% thereafter.
1. 16, après come, insère^ to them.
1. 20, au lieu de His, lise% its.
P. 88, 1. 25, au lieu de ornemental, Hse% ornamental.
P. 91, 1. 36, au lieu de Tudgucde, lese\ Tutguale.
P. 100, 1. 16, au lieu de holly, lise\ hazel.
P. 105, 1. 3, devant that, insère^ 10.
1. 23, à supprimer.
P. 132, note 1, au lieu de Gùterbork, lise\ Gùterbock.
W. S.
ERRATUM DE LA PRÉSENTE LIVRAISON.
P. 153, ligne 3, au lieu de 1550, lise\ 1450.
Le Propriétaire-Gérant : F. VIEWEG.
Chartres. — Imprimerie DURAND.
RECHERCHES
sur l'origine de
LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE
ET DES NOMS DE LIEU EN FRANCE
Cinquième article (a)
Les noms de lieux dérivés du gentilice Silvanius offrent une
grande analogie avec ceux qui sont tirés de Silvinius, et il
doit être souvent difficile de les en distinguer.
Silviniaçus est le nom d'une villa dépendant de l'abbaye
de Saint-Aubin d'Angers, comme on le voit par un diplôme
émané de Charles le Chauve en 851 I. Une autre villa Silvi-
niaçus était située dans le Tonnerrois et dépendait de l'abbaye
de Montier-la-Celle, Aube, à laquelle elle fut donnée en 85 e
par le même roi 2. Un troisième Silviniaçus appartenait à
l'église d'Autun et, à la fin du IXe siècle, était possédé à titre
de précaire par une femme noble ; le roi Eude la maintint
en possession de ce bien en 890?. En 979, le roi Louis V
comprend un quatrième Silviniaçus dans la nomenclature,
qu'il donne, des propriétés de l'église d'Orléans 4,
La forme romaine de ce nom de lieu est Silvinianus, et
(a) Voyez t. VIII, p. 96 et 302; t. IX, p. 36 et 208.
1. Dom Bouquet, VIII, 518 b.
2. Dom Bouquet, VIII, 547 c.
3. Dom Bouquet, IX, 454 b.
4. Dom Bouquet, IX, 660 e. 661 a
Revue Celtique, IX, 20
502 H. d'Arbois de Jubainvdle.
nous la trouvons en 814 dans un diplôme de Louis le Débon-
naire concernant une abbaye située à Brescia, et une autre
abbaye à Nonantola, près de Modène l.
Silviniacus est dérivé de Silvinius. Une femme dont l'épi1
taphe a été trouvée à Lyon avait pour mari un certain Silvi-
nius Balbinus 2. Une dédicace par L. Silvinius Respectus est
conservée au musée de Cologne ? . On a recueilli dans la Ba-
vière rhénane une autre dédicace par deux Silvinius surnommés
l'un Justus et l'autre Dubitatus^.
De Silviniacus vient Selvigny, nom d'une commune du dé-
partement du Nord.
Sentiacus, aujourd'hui Sinzig, près de Coblenz5, est une
localité où se trouvait un palais d'où Pépin le Bref a daté un
diplôme en 762 6. Sentiacus est aussi mentionné dans un autre
diplôme du même prince et de la même année 7. L'empe-
reur Lothaire y fit un séjour en 842, et en nous rapportant ce
fait, les Annales de Saint-Bertin se servent de l'expression Sen-
tiacuni palatium8, les Annales de Fulde emploient celle de villa
sentiaca9. Mais la forme masculine était la plus usitée : en 876,
nous la retrouvons encore; Louis, fils de Louis le Germa-
nique, allant d'Andernach à Aix-la-Chapelle, passe à Sin-
ciacus I0.
La forme romaine de ce nom est Sent ia nus, nom d'une
station de l'Italie méridionale, non loin de Bénévent11.
1. Migne, Patrologia latina, t. CIV, col. 1007. Sickel, Acta Karolinorum,
t. II, pp. 87, 88, n» 12.
2. Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. (313.
3 . Brambach, nJ 406..
4. Brambach, n° 1790.
5. Sickel, Acta Karolinorum, x. II, p. 4S3. Cf. Mabillon, De re diploma-
tica, liv. IV, § cxxxi.
6. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 6, n° 19.
7. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 6, n° 20. Migne, Palrologia latina,
t. XCVI, col. 1539 d-
8. Dora Bouquet, VII, 60 d.
9. Dom Bouquet, VII, 160 a.
10. Migne, Patrologia latina, t. CXXV, col. 1280 b; Annales de Saint-
Bertin, chez Dom bouquet, VII, 122 e.
11. Itinéraire d' Antonin, édition Parthev et Pinder, p. 112; cf. Corpus,
t. IX, p. 637.
Propriété foncière et noms de lien en France. 303
Sentiacus dérive du gentilice romain Sentius. Le préteur
C. Sentius, connu surtout parce que, comme le raconte Var-
ron, il ne buvait de vin de Chio que par ordonnance de mé-
decin I, fut battu par les Thraces l'an 89 avant notre ère 2. On
lit sur des monnaies romaines les noms de L. Sentius C.
filius?. C. Sentius Saturninus obtint les honneurs consulaires
l'an 19 avant J.-C. 4. Un autre C. Sentius fut préteur de Syrie
trente-huit ans plus tard). Ce gentilice, fréquent dans les
inscriptions de la période impériale 6, pénétra en Gaule. Un
certain C. Sentius apparaît dans une inscription du musée de
Mayence?; Sentius Ursio, dans une inscription de Cologne8;
Sentius Successianus dans une épitaphe trouvée à Fully, près
Martigny, en Suisse 9 ; C. Sentius Diadumenus, médecin, lit à
Mars une dédicace dont on signale l'existence à Yverdun dans
le même pays I0.
Sentiacus, dérivé de Senîius, n'a pas laissé en France de
traces certaines. Il est cependant possible que Sincey, Côte-
d'Or, soit un ancien Sentiacus11. En général, on peut croire
qu'en français Sentiacus s'est confondu avec * Sancliacus, traité
plus haut.
Severiacus est le nom d'une villa située près de Tours et
qui appartenait à l'église de Paris au vie siècle, comme nous
le voyons par la vie de saint Germain, évêque de Paris,
1 . Pline, Histoire naturelle, livre XIV, § 96.
2. Tite-Live, epitome du livre LXX. Cf. Cicéron, in Verrem, II, 93 ;
in Pisonem, 34; et Mommsen, Histoire romaine, sixième édition, t. II, p. 285.
•3 . Corpus, I, 409.
4. Corpus, t. I, nos 742, 743, pp. 346, 547; c'est sous son consulat que
mourut Virgile. Voyez les fragments de Suétone dans l'édition de cet au-
teur donnée par L. Roth chez Teubner, p. 796.
5. Tacite, Annales, II, 74.
6. Corpus, t. V, p. 1126, col. 1 et 2 ; t. VIII, p. ion, col. 1 ; t. X,
p. 1054, col. 3 et 4; p. 1063, col. 4.
7. Brambach, n& 78.
8. Brambach, n° 361.
9. Mommsen, Inscriptiones helveticae, n" 13.
10. Mommsen, ibid., n° 136.
1 1 . Cette hypothèse n'est pas admise par Garnier, Nomenclature historique
des communes, etc., du département de la Côte-d'Or, p. 171, n'' 677.
304 H. d'Arbois de Jubainville.
qu'écrivit Fortunat1. Des documents de l'époque carlovin-
gienne et du commencement de la période capétienne con-
servés par le cartulaire de l'abbaye de Conques, Aveyron, nous
font connaître trois Severiacus situés dans le voisinage de ce
monastère2.
Severiacus est dérivé de Severius, gentilice romain dérivé
lui-même du cognomen plus ancien Sereins >. Le gentilice
Severius se trouve en Italie ; on a recueilli par exemple à
Milan l'épitaphe de Q. Severius Saturianus4. Ce nom pénétra
en Gaule. Le musée de Nîmes possède l'épitaphe de L. Seve-
rius Severinus, édile de la colonie de Nîmes 5. Celui d'Avi-
gnon, l'épitaphe de Severius Viator 6. On a trouvé à Die l'épi-
taphe de Severius Myron 7. Le musée de Genève possède une
dédicace au dieu Liber par P. Severius Lucanus. Elle a été
trouvée à Saint-Prex, dans l'ancien territoire de la colonie de
Noviodunum, aujourd'hui N}ron8. L. Severius Martius fit faire
à sa femme une épitaphe découverte il y a plus de deux siècles
près d'Avenche, en Suisse 9. Non loin de là, à Wifelsburg, on
a lu jadis une épitaphe que Severius Marcianus fit graver pour
sa sœur10. Le musée de Chalon-sur-Saône possède l'épitaphe
de Severia Severa11. Une seconde Severia Severa figure dans
une autre épitaphe trouvée à Lyon I2. L'épitaphe de Severia
Fuscina existe au palais des Arts, à Lyon1?. M. Germer Du-
rand a lu, il y a quelques années, les noms de L. Severius Se-
1. Vita sancti Germani parisiensis episcopi, c. 64; Migne, Patrologia latina,
t. LXXXVIII, col. 474 c; éd. de Fortunat donnée par B. Krusch dans les
Monumenia Germaniae, in-40, t. II, p. 24. Cf. Longnon, Géographie de Li Gaule
au sixième siècle, p. 292.
2. Desjardins, Cartulaire de l'abbaye de Conques, p. 55, 155, 136, 185,
192, 505.
3. Voyez par exemple Corpus, t. I, n" 1422.
4. Corpus, V, 5962.
5. Herzog, Galliae Xarboncnsis . . . historia, t. II, p. 35, n" 140.
6. Herzog, ibid.., p. 74, n" 337.
7. Herzog, ibid., p. 98, n° 461.
8. Mommsen, Inscriptiones belvelicae, n» 113.
9. Mommsen, ibid., n" 191.
10. Mommsen, ibid., n" 202.
11. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 217.
12. Boissieu, ibid., p. 421.
13. Boissieu, ibid., p. 523.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 30$
verus dans une inscription de Bruges, commune de Palhers,
Lozère l.
Suivant M. Longnon, le Severiacus dont parle Fortunat, au
vie siècle, est Civray-sur-Cher, Indre-et-Loire. Le même dé-
partement contient une autre commune dont le nom s'ex-
plique par la même étymologie, c'est Civray-sur-Esve. Il y a
encore en France deux autres communes de Civray, l'une
dans le Cher, l'autre dans la Vienne, et le nom de chacune a
probablement la même origine. Dans le Midi, Severiacus a
donné Civrac; on compte dans la Gironde trois communes de
Civrac ; ailleurs, la désinence -acus est devenu -ieux ou -y :
nous citerons deux Civrieux, Ain, Rhône ; quatre Civry,
Côte-d'Or, Eure-et-Loir2, Seine-et-Oise, Yonne 3. Dans tous
ces noms, IV initial a été supplanté par un c. Us persiste dans
les suivants : Sevrai, Orne; Sevrey, Saône-et-Loire ; Sévrv,
Cher; deux Séverac dans l'Aveyron-L
On pourrait expliquer aussi par Severiacus le nom de six
communes de Sivrv, parmi lesquelles deux dans la Meuse et
quatre dans les départements des Ardennes, de la Marne, de
Meurthe-et-Moselle et de Seine-et-Marne.
Toutefois, le nom d'une de ces communes remonte à une
autre origine. Sivry-sur-Meuse, dans le département de la
Meuse, s'est appelé superiacus au xe, au xie et au xne siècle.
Uu de la première syllabe n'a commencé à se prononcer i
qu'au xiiie siècle, comme l'établit M. Liénard dans son Diction-
naire topographique du département de la Meuse, page 224. Supe-
riacus est dérivé de Superius, gentilice que nous fait connaître
une épitaphe africaine, celle de Superius Flavianus >. On ne
peut donc comprendre Sivry-sur-Meuse dans la liste des noms
de communes qui offrent la forme moderne d'un primitif
1. Bulletin èpigraphique, t. I, p. 74.
2. Siveriacum vers 1230. Lucien Merlet, Dictionnaire topographique du dé-
partement d'Eure-et-Loir, p. 49.
3. Sivriacum en 11 70. Quantin, Dictionnaire topographique du département
de l'Yonne, p. 36.
4. Ce sont deux des Severiacus du Cartulaire de Conques. Severac, Loire-
Inférieure, suppose un ancien * Severacus dérivé de Severus ; voyez Cartulaire
de Redon, p. 314.
5. Corpus, t. VIII, n° 9639.
jo6 H. d'Artois de Jubainville.
Severiacus. Il en reste vingt-trois. Il est possible que dans le
nombre quelques-uns soient, comme Sivry-sur-Meuse, d'an-
ciens Snperiacus, cependant le gentilice Superius étant beau-
coup plus rare que le gentilice Severius, le dérivé Severiacus a
dû être plus fréquent que le dérivé Superiacus.
*Sexciacus est un nom de fundus, d'où vient le nom du
viens sexciacensis situé dans le Bigorre, c'est-à-dire probable-
ment dans le département des Hautes-Pyrénées. Vers la fin du
vic siècle, Grégoire de Tours nous rapporte que là fut enterré
le prêtre saint Justin et que, dans une dépendance de ce viens,
le prêtre saint Sévère fit bâtir une église1. *Sexciacus est une or-
thographe de basse époque pour *Sextiacus. L'orthographe plus
altérée encore, Sessiacus, nous est offerte en 854 par un di-
plôme de l'empereur Lothaire pour l'abbaye de Saint-Claude2.
Ces noms de lieux sont dérivés du gentilice romain Sexlius,
porté par une famille plébéienne. Dès l'an 339 avant notre ère,
L. Sextius était tribun du peuple à Rome?. Un autre L. Sex-
tius, tribun du peuple en 377, se rendit célèbre par l'ardeur et
le succès de sa lutte contre les patriciens •+ ; il fut le premier
plébéien élevé au consulat, l'an 366 avant notre ère>. C. Sex-
tius Calvinus, consul l'an 124 avant notre ère6, porta ce nom
en Gaule ; il y fut proconsul les deux années qui suivirent son
consulat, et y fonda la ville à'Aqucte Sexliae, aujourd'hui Aix
en Provence, le premier établissement des Romains dans la ré-
gion qui est devenue la France". On a recueilli quelques ins-
criptions qui attestent l'existence en Gaule du gentilice de ce
consul : telles sont l'épitaphe de M. Sextius Atticus, trouvée à
Yerenay, Rhône8; les marques de fabrique de C. Sex[tius]
1. De ghria confessorum, c. 49, 50; Bordier, Les livres des miracles, t. II,
pp. 436, 438; éd. Arndt et Krusch, c. |<S. 49, p. 777, 1. 3, 11.
2. Dam Bouquet, VIII, 394 a.
3 . Tite-Live. liv. IV, c. 49, § 6.
4. Tite-Live, liv. VI, c. 33.
3 Tite-Live, liv. VII, c. 1.
6. Corpus, t. I, pp. 334, 333. Cf. n" 632.
7. Voyez l'étude faite sur lui par M. E. Desjardins, Géographie historique
et administrative de la Gaule romaine, t. II, pp. 271-273.
8. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 5.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 307
Eutvches r, et de C. Sext[ius] Post[umus] au musée de
Vienne (Isère)2. Une inscription de Lyon nous a conservé
les noms de P. Sextius Florus 5 ; une inscription d'Ingweiler,
Alsace, ceux, de L. Sextius Marcianus4; une inscription d'Hut-
tich, en Hesse, ceux de L. Sextius PerwincusJ.
C'est d'un primitif * Sextiacus que viennent probablement
les noms de deux communes de Sexey, Meurthe-et-Moselle,
appelées chacune Sessiacum en 105 o6. Sissy, Aisne, est aussi
appelé Sessiacum en 11 68". Peut-être Cessey, Doubs, et Ces-
sieu, Isère, ont-ils la môme origine. On explique autrement
le nom de Cessey-sur-Tille, Côte-d'Or8, et de Cessy-les-Bois,
Xicvre 9.
Siliacus est un locus dépendant de Lagny-le-Sec, Oise, aux
termes d'un diplôme de Thierry III qui remonte à 688 io. Un
diplôme de Charlemagne pour l'abbaye de Saint-Calais, en 774,
nous transporte dans le Maine « in condita siliacense ». Dans
cette condita se trouve une villa appelée curte Bosane11. Un di-
plôme de Charles le Gros, en faveur de l'abbaye de Saint-
Etienne de Dijon, en 885, nous montre en Bourgogne un autre
Siliacus situé « in comiîatu uscarensi », c'est-à-dire un peu au
sud de Dijon I2.
Siliacus vient de Silius, gentiliçe qui apparaît dans les der-
niers temps de la république romaine, et qui n'était pas rare
1. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. IV, p. 9.
2. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. IV, p. 194.
3. Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. 194.
4. Brambach, Inscriptiones rhenanae, n° 1878.
5. Brambach, n° 1088.
6. Lepage, Dictionnaire topographique du département de la Meurthe, p. 129.
7. Matton. Dictionnairi topographique du département de l'Aisne, p. 261.
8. Saciacus. Garnier, Nomenclature historique des communes, etc., du dépar-
tement de la Côte-d'Or, p. 20, n° 80.
9 . Sassiacense monasterium, cenobium Saxiacense. Souhrait, Dictionnaire
topographique du département de la Nièvre, p. 32.
10. Pardessus. Diplomata, t. II, p. 20S : Tardif, Monuments historiques,
p. 20, col. 2. Pertz. Diplomatum imperii tomus primas, p. 51, ligne 32. Cf.
Longnon, Examen gèograpliique, p. 26.
11. Dom Bouquet, V, 724 b. Cf. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 22,
n° 22.
12. Dom Bouquet, IX, 336 c.
508 H. d'Arbois de Jubainrille.
sous l'empire. Ainsi, sous la république, P. Silius Nerva, élevé
à la préture l'an 59 avant notre ère, fut, quelques années
après, avec le titre de propréteur, chargé de l'administration
de la Bithynie et du Pont. C'était un des amis de Cicéron1.
Le grand orateur eut des relations d'affaires avec un autre Si-
lius dont le prénom était Aulus 2. Sous l'empire, on trouve
dans les fastes consulaires, en l'an 20 avant J.-C, P. Silius
Nerva s. P. Silius fut consul suffectus en l'an 3 après J. C.4
C. Silius parvint au consulat en l'an 13 de notre ère 5. P. Si-
lius Nerva obtint la même dignité en' l'an 28 6. Sous Claude,
C. Silius, consul désigné, dut une célébrité scandaleuse à son
mariage avec Messaline7. Le poète Silius Italicus acquit par
ses vers d'autres titres à la notoriété ; il n'était pas seulement
homme de lettres, il obtint les honneurs consulaires en l'an 68
de notre ère 8.
Les noms de lieux que nous avons cités attestent que ce
gentilice pénétra en Gaule. Nous" ignorons si ce fut par l'in-
fluence de l'un des personnages que nous venons de .men-
tionner; ce que nous savons, c'est que le C. Silius, consul en
l'an 13, commanda l'armée de la Germanie supérieure, avec
titre de légat, pendant sept ans, de l'an 14 à l'an 21 de notre
ère 9.
Siliacus, dérivé de Silius, est devenu dans le Midi Silhac ;
c'est le nom d'une commune du département de l'Ardèche;
dans le Nord, d'autres formes modernes de Siliacus nous sont
offertes par Sillé, nom de deux communes de la Sarthe ;
Silley, nom de deux communes du Doubs ; Silli, nom d'une
commune de l'Orne ; Silly, nom porté par trois communes,
1. Cicéron, Ad jamiliares, liv. VII, ep. 21; Uv. IX, ep. 16; liv. XIII,
ep. 61, 62, 63, 64, 65.
2. Ad Atticum, liv. XII, ep. 24-31, 35, }$.
3. Corpus, t. I, pp. 540, 547. Josephus Klein. Fasti consuîares, p. 9.
4. Corpus, t. I, p. 548. Josephus Klein, p. 13.
5. Corpus, t. I, pp. 330, 351, n°s 762, 763. Josephus Klein, p. 20.
6. Josephus Klein, p. 2b.
7. Tacite, Annales, liv. XI, c. 26, 27.
8. Josephus Klein, p. 41.
9. E. Desjardins, Géographie historique et administrative delà Gaule ro-
maine, t. III, p. 248.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 309
deux dans l'Oise, une dans l'Aisne. Le nombre total de ces
communes s'élève à neuf.
Silviagus, orthographe de basse époque pour Silviacus, est
le nom d'un viens où étaient situées des vignes qu'en 615
Bertramne, évêque du Mans, donna à la basilique de Saint-
Germain, fondée par lui près de la ville du Mans1. La légende
Silviaco se lit sur une monnaie mérovingienne 2, et nous
ignorons où était située la localité que désigne cette légende
monétaire. Mais il est vraisemblable que le Silviacus inscrit
en 832 dans la liste des villae et des vici dépendant de l'église
du Mans que nous a conservée un diplôme de Louis le Débon-
naire 3 est identique au Silviagus du testament de Bertramne.
Un autre Silviacus est aujourd'hui Servais, Aisne 4; les empe-
reurs carlovingiens y avaient un palais dont il est question
pour la première fois sous le règne de Louis le Débonnaire.
Ce prince data du palais royal de Silviacus deux diplômes, le
premier en 820 >, le second en 830 6. Plusieurs diplômes de
Charles le Chauve ont été donnés au palais de Silviacus en
846 7, en 847 8, en 872 9. On peut considérer comme défec-
tueuse l'orthographe Silvaico palatio, dans un diplôme du
même roi en 850 I0, et l'orthographe Silvacus employée pour
désigner le nom du lieu où aurait été promulgué aussi par
Charles le Chauve un célèbre capitulaire de l'année 853 ri. Un
troisième Silviacus, situé dans une tout autre partie de la
France, dépendait en 967 du monastère de Saint-Pierre de
1. Pardessus, Diphmata, t. I, p. 209.
2. A. de Barthélémy, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XXVI, p. 462,
n° 599-
3. Dom Bouquet, VI, 585 e. Cf. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 179,
n° 308.
4. Manon, Dictionnaire topographique du département de l'Aisne, p. 260.
5. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 132, n° 162.
6. Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 166, n° 270.
7. Dom Bouquet, VIII, 484 e.
8. Dom Bouquet, VIII, 492 b.
9. Dom Bouquet, VIII, 636 d.
10. Dom Bouquet, VIII, 508 e.
11. Dom Bouquet, VII, 613 c. Comparez Mabillon, De rc diplomatica,
livre IV, c. 132.
3 1 o H. d'Arbois de Jubainvillc.
Vienne, Isère; nous l'apprenons par un diplôme de Conrad le
Pacifique, roi de Bourgogne transjurane et de Provence1.
Silvius, d'où Silviacus, est un nom qui appartient d'abord
à l'histoire mythologique de Rome. Le fils d'Ascagne, fils lui-
même d'Enée, s'appelle Silvius, règne sur les Latins, et après
lui, Silvius devient un surnom commun à ses successeurs 2.
C'est dans les inscriptions du temps de l'empire que le genti-
lice Silvius apparaît. La Gaule nous en offre quelques exem-
ples. Le musée du mont Saint-Bernard contient une dédicace
à Jupiter Poeninus par Q_. Silvius Perennius, iabellarius de la
colonie des Séquanes 3. Une inscription d' Yverdun nous a con-
servé les noms de T. Silvius Similis 4. Ceux de Q_. Silvius
Spe[ratus], centurion de la première cohorte des Belges, nous
sont connus par une inscription de l'île de Brazza sur la côte
de Dalmatie >. On a trouvé plusieurs fois, tant en Gaule qu'en
Angleterre, la marque du potier Silvius 6.
Simplicciacus est le nom d'une villa placée dans le Maine
en 658 par un diplôme de Clotaire III 7. Elle reparait en 862
dans un diplôme de Charles le Chauve où son nom est écrit
sans doublement du c de la troisième syllabe, Siiupliciaco8.
Siniplicius, d'où Simpliciacus est dérivé, est un gentilice peu
fréquent, mais usité en Gaule ; ainsi on a trouvé en Gueldre
deux dédicaces émanées de personnages qui avaient ce genti-
lice. L'une a pour auteur Siniplicius Superus, decurio alae Vo-
contiorum dans l'armée de Bretagne 9; on sait que lesVocontii
habitaient Yaison, Yaucluse et les environs. L'autre dédicace
a été faite par Siniplicius Ingenuus I0. L'épitaphe de Simplicia
1. Dom Bouquet. IX, 702 b.
2. Tite-Live, liv. I. c. 3. § 6, 7, 8 Cf. Virgile. Enéide, VI. 705. 769.
5. Corpus, Y, 6887 Mommsen. Inscriptiones Helvelicae, n1 42.
4. Mommsen. Inscriptiones helvelicae, n° 13S.
) . Corpus, III. 5093.
6. Schuermans. Siglesfigulins, p 248, n0i 5240-3240.
7. Tardif. Monuments historiques, p. 13, col. 1. Pertz. Diplomatum im-
perii tomus primus, p 35. lignes 40. 41.
8. Tardif. Monuments historiques, p. 117. col. 2.
9. Brambach, n° b~.
10. Brambach, n° 97.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 3 1 1
Acutilla, conservée à Milan I, nous offre encore un exemple
du gentilice Simplicius. Dans d'autres monuments c'est un
cognomen.
Sociacus est une villa qu'un testament, écrit vers l'année 690,
met en Vexin 2. Un autre Sociacus, qualifié de colonia, appar-
tenait à l'église Saint-Martin de Tours, en 862, comme on le
voit par un diplôme de Charles le Chauve 3. On croit que
c'est Sausay, commune de Montrichard, Loir-et-Cher.
Sociacus est dérivé de Sociits, gentilice peu commun dont la
forme féminine nous est conservée par une inscription de
Pola, en Istrie, où on lit les noms de Soda Maximal La va-
riante Soccius résulte d'une inscription de Cherasco où l'on
trouve les noms de Soccia Modesta>.
Un gentilice qui présente avec celui-là une grande ressem-
blance de son, et qui a été beaucoup plus fréquent, est Sosius,
nom par exemple d'un des deux partisans d'Antoine qui, à la
bataille d'Actium, commandaient sa flotte6.
Dç Sosius on a pu tirer le nom de lieu dérivé Sosiacus qui,
à une basse époque, devait se confondre avec Sociacus. C'est
par l'un ou l'autre que doivent probablement s'expliquer les
noms des trois Soisy du département de Seine-et-Oise ; de
Soisy, Seine-et-Marne; de Soizé, Eure-et-Loir; Soizy, Marne.
De * Solle.mxiacus, par abus * Solemniacus, dérive l'adjectif
solemniacensis , épithéte d'un ager situé en Limousin, suivant
l'acte de fondation de l'abbaye de Solignac, Haute-Vienne,
par saint Eloi, en 631 7. Solignac est une forme moderne de
.Solemniacus* . Un autre ager solemniacensis, situé dans le Ton-
1 . Corpus, V, 6093.
2. Tardif, Monuments historiques, p. 21, col. 1.
3. Dora Bouquet, VIII, 573 a. Cf. Mabille, La pancarte noire de Saint-
Martin de Tours, p. 63, n° XIV, p. 139, n° 61, p. 235.
4. Corpus, V, 141 .
3 . Corpus, V, 7678.
6. Velleius Paterculus, liv. II, c. 83, § 2. Cf. c. 86, § 3.
7. Fardessus, Diplomata, t. II, p. 11.
8. Voir sur la même abbaye un diplôme de Louis le Débonnaire en 817,
Dom Bouquet. VI, 504. Son nom est écrit avec deux / : Sollemniacus . Cf.
Sickel, Acta Karolinorum, t. II, p. 117, n° ni.
312
H. d'Arbois de Jubainville.
nerrois, est mentionné dans un acte de Vigile, évêque
d'Auxerre, en faveur de l'abbaye de Notre-Dame, fondée par
lui près de cette ville en 670 r. Une villa Sollemniacus, située
en Anjou, fut donnée à l'abbaye de Saint-Maur-sur-Loire, par
Charles le Chauve en 850 2.
Solcmiiiacus, ou mieux Sollemniacus, dérive de Sôllemnius,
gentilice assez rare. Une inscription d'Arabie nous a conservé
les noms de Cl. Sollemnius Pac[atianus], légal us Àugusti pro
praetoreî. On a trouvé dans une inscription de la Bavière rhé-
nane, la mention d'une femme appelée Sollemnia Justa*. L'épi-
taphe de Solemnius Fidus paraît exister encore à Lyon 5.
A l'exception de Solignac, Haute-Vienne, nous ne pouvons
affirmer avec certitude quelles sont les localités de la France
moderne dans lesquelles on doit reconnaître d'anciens Sollem-
niacus.
*Soliacus est le nom de lieu que suppose l'adjectif solia-
censis dans le livre second des miracles de saint Benoît écrit
au temps d'Archambauld de Sully, archevêque de Tours, 981-
1005 6. Ce castrum est aujourd'hui Sully-sur-Loire, Loiret. Un
autre Soliacus, moins connu, aujourd'hui Souillac, Lot, est
mentionné en 962 dans le testament de Raimond I, comte de
Rodez/.
Soliacus paraît dériver de Solius, gentilice conservé par une
inscription du musée de Mannheim qui nous apprend les
noms de P. Solius Suavis8. Cependant, l'orthographe la plus
fréquente est Sollius par deux /. L. Sollius Secundo, dans une
inscription de Vérone 9; M. Sollius Atticus, dans une ins-
1. Pardessus, Diplomata, t. Il, p. 153.
2. Tardif, Monuments historiques, p. 103, col. 2.
3. Corpus, t. III, n° 94; Additamenta, p. 969.
4. Brambach. n° 1764.
5. Boissicu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 299.
6. E. De Certain, Les miracles de suint Beno't, p. 107. Cf. Dom Bou-
quet, IX, 140 c.
7. Dom Bouquet, IX, 727 c.
8. Brambach, 1382.
9. Corpus, Y, 3469.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 3 1 3
cription de Nereto, Italie centrale1; Sollia Salvia, à Milan2;
G. Sollius Marculus et G. Sollius Marcus, à Grenoble 3 ; Sex.
Sollius Demosthenianus, à Cheyssieu, Isère-* ; M. Sollius Mar-
cellus et G. Sollius Verus, à La Chapelle-Blanche, Savoie. 5
Soliacus ou * Solliacus, dérivés de Solius ou de Sollius, a
donné les noms de communes : Souillac, Lot, dont le dimi-
nutif est Souillaguet, même département ; Souillé, Sarthe ;
Souilly, Meuse6; enfin six Sully, savoir: deux dans le Loi-
ret, les autres dans les départements du Calvados, de la Nièvre,
de l'Oise, de Saône-et-Loire.
Tauryacus est le nom d'une villa située en Orléanais et
donnée à l'abbaye de Saint-Denis, par Dagobert I, en 635 7.
Un second Tauriacus, situé dans le Maine, est mentionné
dans un diplôme donné par Clotaire III, en 658, et qui nous
apprend que c'était une villa, propriété de l'abbaye de Saint-
Denis et détenue indûment par un tiers 8. Ce Tauriacus est
peut-être le même que celui dont il est question en 615, dans
le testament de Bertramne, évèque du Mans 9. Un troisième
Tauriacus appartenait à l'abbaye de Saint-Martin de Tours.
Nous en trouvons la première mention dans un diplôme de
Charlemagne en 775 io. Son nom reparaît dans deux diplômes
de Charles le Chauve en 862. L'un de ces diplômes nous ap-
prend que cette villa était située en Touraine11. Une quatrième
villa de ce nom appartenait à l'abbaye de Sainte-Colombe de
1 . Corpus, IX, 5155.
2 . Corpus, V, 6094.
3. Allmer, Inscriptions antiques de Vienne, t. I, p. 329.
• 4. Allmer, ibid., t. III, p. 100.
5. Allmer, ibid., t. III, p. 470.
6. M. Liénard, Dictionnaire topographique du département de la Meuse,
p. 227, propose de rapporter à Souilly la monnaie mérovingienne où l'on
trouve la légende Sauliaco vico. Mais dans tous les autres textes qu'il cite le
nom de Souilly est écrit avec 0 et non au.
7. Pertz, Diplomatum imperii tomus primus, p. 18, 1. 22.
S. Pertz, Diplomatum imperii tomus primus, p. 33, 11. 41, 44.
9. Pardessus, Diplomata, t. I, p. 210.
10. Dom Bouquet, V, 737 c, où l'on a imprimé Tauciacus. Cf. Mabille,
La Pancarte noire de Saint-Martin de Tours, p. 69, n° xvm ; p. 151, n° 18;
p. 236, col. 1.
11. Dom Bouquet, VIII, 576 e. Cf. 573 a.
314 H. d'Arboïs de Jubainville.
Sens, comme le constate un diplôme de Louis le Débonnaire
en 83 6 x. Un cinquième Tauriacus était situé dans le diocèse
de Rodez; l'abbaye de Joncelle y avait une église dans la pos-
session de laquelle elle lut confirmée par un diplôme du roi
Raoul en 891 2.
Tauriacus dérive de Taurins. Ce gentilice, bien qu'assez
rare, apparaît déjà avant la fin de la république romaine, dans
une inscription de Carthagène, où se lisent les noms de L.
Taurius Aefolan[us], c'est-à-dire originaire d'Aefula, dans le
Latium.3. P. Taurius Secundus figure- dans une inscription
trouvée près d'Aquilée4; C. Taurius Ursinus, dans une ins-
cription des environs d'Esté 5. Une épitaphe trouvée à Viel-
Arzew, en Afrique, nous fait connaître les noms de Taurius
Senecio6.
Tauriacus est devenu dans le midi de la France Tauriac,
nom de quatre communes, savoir : deux dans l'Aveyron, un
dans chacun des départements de la- Gironde et du Lot. On
doit probablement attribuer la même origine aux deux Thoiré
du département de la Sarthe ; aux trois Thoiry de l'Ain, de
la Savoie et de Seine-et-Oise ; à Thoré, Loir-et-Cher ; à cinq
Thorey, dont trois dans la Côte-d'Or, un dans chacun des
deux départements de Meurthe-et-Moselle et d'Yonne ; à deux
Thoury, Loir-et-Cher, Seine-et-Marne ; à Thuré, Vienne ;
Thurey, Doubs, Saône-et-Loire; à cinq Thury, sur lesquels
deux dans l'Oise, un dans chacun des départements du Cal-
vados, de la Côte-d'Or et de l'Yonne 7; enfin trois Toury dont
un dans l'Eure-et-Loir 8, les deux autres dans la Nièvre 9.
1. Dom Bouquet, VI, 611 a. Cf. Sickel, Acta Karolinarum, t. II, p. 191,
no 347.
2. Dom Bouquet, IX, 456 a.
3. Corpus, t. I, p. 564, n° 1535; t. II, n° 3408.
4. Corpus, V, 8253.
5 . Corpus, V, 2702.
6. Coi-pus, VIII, 9765.
7. Thury, Yonne, s'est d'abord appelé Tauriacus. Quantin, Dictionnaire
topographique du département de l'Yonne, p. 12S.
8. Thauriacus, vers 1020, Merlet, Dictionnaire topographique du départe-
ment d'Eure-et-Loir, p. 180.
9. Toury-sur-Abron, Nièvre, est appelé Tauriacus par une charte de
l'année 1103. Soultrait, Dictionnaire du département de la Nièvre, p. 181.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 3 1 5
Cela forme un total de vingt-huit noms de communes dérivés
du gentilice Taurins qui paraît avoir été fort répandu en Gaule
à l'époque romaine.
Tauricci'acus est une villa mentionnée dans un jugement
du roi Clotaire III, en 638 I.
Tauricciacus dont le c a été doublé pour représenter le double
son qu'avait pris le c en s'assibilant, dérive de Tauricius, gen-
tilice conservé par une inscription dédicatoire qui a été jadis
trouvée dans un endroit inconnu, sur les bords du Rhin infé-
rieur, où on lit les noms de C. Tauricius Verus2, et par une
inscription de Lyon où se trouvent les noms de L. Tauricius
Florentius >.
De Tauricius on forma le dérivé Tauriciacus , par lequel
s'expliquent les noms de trois communes appelées Torcé, Ille-
et-Vilaine, Mayenne, Sarthe; de Torcieu, Ain; de neuf com-
munes du nom de Torcy : deux dans l'Aube, deux dans la
Seine-Inférieure ; les cinq autres dans l'Aisne, la Côte-d'Or, le
Pas-de-Calais, Saône-et-Loire, Seine-et-Marne ; Torsac, Cha-
rente ; Torciac, Haute-Loire ; Torxé, Charente-Inférieure. Le
total de ces noms s'élève à seize 4.
Taurisiacus , nom d'un viens du diocèse de Tours où une
église aurait été construite par ordre de l'archevêque Euphro-
nius, 556-573 5 est vraisemblablement une variante de Tauri-
ciacus.
Tauriniacus est un nom de lieu mentionné vers l'année 700
dans le testament d'Erminthrude qui est daté de Paris6 et qui
paraît concerner des biens situés à peu de distance de cette
1. Tardif, Monuments historiques, p. 12, col. 2. Pertz, Diplomatum im-
perii tomus prunus, p. 32, 1. 44.
2. Brambach, n° 1993.
3. Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. 239.
4. Cf. Longnon, Examen géographique du tome premier des diplomata im-
per ii, p. 36.
5. Grégoire de Tours, liv. X, c. 3 1 ; édition Arndt, p. 44S, 1. 3. Les
précédents éditeurs avaient préféré la variante Tauriacus.
6. Pardessus, Diplomata, t. II, pp. 236, 237. Tardif, Monuments histo-
riques, p. 33.
3 1 <5 H. d' Artois de Jubainville.
ville. Vers la même époque, c'est-à-dire en 692, Aiglibert,
évêque du Mans, dispose des dîmes de plusieurs églises, entre
autres Tauriniacus, qui paraît ici être le nom d'une paroisse
de son diocèse l.
Tauriniacus dérive du gentilice Taurinius dont nous ne
pouvons citer qu'un exemple, c'est l'épitaphe de Taurinius
Montanus, à Augsbourg2. Taurinius est dérivé de Taurinus,
surnom que l'on rencontre quelquefois ; par exemple dans une
inscription de Fontaine près Grésy-sur-Isère 3.
Tauriniacus est le nom primitif de dix communes de France;
cinq Thorigné, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Mayenne 4,
Sarthe, Deux-Sèvres ; quatre Thoriguy, Seine-et-Marne,
Deux-Sèvres, Vendée, Yonne; Torigny, Manche.
La forme romaine correspondant au gallo-romain Tauri-
niacus est Taurinianus, nom de lieu mentionné en 871 dans
un diplôme de Charles le Chauve qui approuve la fondation
du monastère de Saint-André au diocèse d'Elne, Pyrénées-
Orientales 5. C'est peut-être Taurinya, Pyrénées-Orientales.
Le nom des deux communes de Taurignan, Ariège, est
mieux conservé.
Turiliacus est le nom d'un vïllart situé en Vexin et donné
à l'abbaye de Saint-Denis vers l'année 690 par le testament du
filsd'Idda6.
Turiliacus est dérivé de Turdius, gentilice rare, mais dont
on rencontre les variantes TureUius et Turillius. Un certain
Turelius Flavinus était, en l'an 188 de notre ère, curiale à
Savaria, aujourd'hui Stein-am-Anger, en Hongrie". L'épi-
taphe de M. Turellius Maximus a été trouvée à Guelma, en
1 . Pardessus, Diplomata, t. II, p. 226.
2. Corpus, III, 5820.
3. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. II, p. 227.
4. M. L. Maître, Dictionnaire topographique du département delà Mayenne,
p. 512, donne deux exemples de la diphtongue au à la prennère syllabe du
nom de ce village; Tauriniacus, XIIe siècle, Taurigné, 1217. Turiniacus, 802,
est probablement une mauvaise leçon.
5. Dom Bouquet, VIII, 637 a.
6. Tardif, Monuments historiques, p. 21 , col. 2. Pardessus, Diplomata, t. II,
p. 211.
7. Corpus, III, 4150.
Propiété foncière et noms de lieu en France. 3 17
Algérie I ; celle de Turillius Caeso est conservée au musée de
Vérone 2; celle de Tuiàllius Amiantus a été trouvée à Monte-
lione, dans l'Italie méridionale 3.
C'est par • Turiliacùs, dérivé de Turelius, que s'expliquent
les noms de Tourliac, Lot-et-Garonne, et de Tourly, Oise.
Victoriacus est le nom d'une forteresse, castrum,- qui servit
de retraite à Munderic prétendant à la royauté vers 532 •*.
M. Longnon pense que ce castrum est Vitry-le-Brûlé, Marne s.
Un second Victoriacus était, situé près d'Arras ; c'était au
vie siècle une villa publica servant quelquefois de résidence
aux rois des Francs. Clotaire I y épousa sainte Radegonde
en 5 3 8 ô . Sigebert I y fut assassiné en 575 par deux émissaires
de Frédégonde 7. En 584, Chilpérie donna Tordre d'y élever
son fils nouveau-né 8. Un troisième Victoriacus était situé près
de Brioude; il est qualifié de castrum en 825, dans un diplôme
de Louis le Débonnaire 9.
Victoriacus dérive de Victorius, gentilice qui existe déjà sous
la république. En l'année 194 avant notre ère, Q. Victorius,
centurion de la seconde légion, se distingua dans une bataille
contre les Gaulois10. Sous l'empire, vers la fin du premier
siècle de l'ère chrétienne, Quinti-lien dédia à Victorius Mar-
cellus ses douze livres Inslilulionis oraioriac. Ce gentilice se
rencontre dans les inscriptions. On a trouvé à Altenbourg, en
1 . Corpus, VIII, 5466.
2. Corpus, V, 882S.
3 . Corpus, X, 85.
4. Historia Francorutn, livre III, c. 14; M. Arndt, p. 120, 1. 24, a im-
prime Victuiiaci castri, au génitif, pour Victoriaci castri, avec Vu tenant
lieu à'o qu'on rencontre si souvent à l'époque mérovingienne.
5. Géographie de ta Gaule au sixième' siècle, pp. 409. 410.
6. Fortunat, Vie de sainte Radegonde, liv. I, c. 2. Dom Bouquet, t. III,
p. 456 c; édition Krusch, t. II, p. 39, 1. 8.
7. Villam cui nomen est Victuriacon. Grégoire de Tours, Historia Fran-
corutn, 1. IV, c. 51; édition Arndt, p. 186, 1. 13. Cf. liv. V, c. 1, ibid.,
p. 191, 1. 14. Jonas, Vila sancti Columbani, c. 3 1 ; Dom Bouquet, t. III,
p. 478 b c.
8. Grégoire de Tours, Historia Francorutn, liv. VI, c. 41 ; édition Arndt,
p. 28 1 , 11. 19, 20.
9. Dom Bouquet, VI, 547 b. Cf. Sickel, Acla Karolinorum, t. II, p. 149
n° 216.
10. Tite-Live, liv. XXXIV, c. 46.
Revue Celtique, IX. 21
3 18 H. d'Arbois de Jubainville.
Hongrie, l'épitaphe du vétéran G. Victorius Urso r. Le musée
de Wiesbaden possède une dédicace à Jupiter par G. Victorius
Januarius 2 ; le musée de Trêves, une dédicace à la déesse
Calva, par M. Victorius Pollentinus, monument gravé l'an 124
de notre ère 3. On a trouvé à Huttich, en Hesse rhénane,
l'épitaphe du vétéran Victorius Cassianus-*. Une inscription
de Lyon nous a conservé les noms de deux femmes qui, toutes
les deux, avaient le gentilice Victoria; elles y joignaient, l'une,
un surnom commençant par les trois lettres Lam...; la se-
conde, fille de la première, le surnom de Novella >.
Le nom de lieu Victoriacus, dérivé de Victorius, paraît
avoir, dès le ixe siècle, perdu dans la prononciation Yo de la
seconde syllabe, témoin les distiques d'Ermoldus Nigellus
dans son poème sur Louis le Débonnaire :
Aurelianenses sensim dehinc visitât agros,
Victriacum villam jam pius ingreditur b.
En règle générale, dans la langue moderne de la France,
Victoriacus perd Yo de la seconde syllabe. Il devient Vitrac
dans le Midi. C'est le nom de cinq communes, Aveyron,
Cantal, Charente, Corrèze, Dordogne, Puy-de-Dôme. Dans le
Nord, la désinence varie : Vitray est le nom d'une commune
du département de l'Orne; on compte deux communes de Vi-
tray dans l'Eure-et-Loir, une dans l'Allier ; il y a une com-
mune de Vitré dans l'Ille-et-Vilaine, une autre dans les Deux-
Sèvres ; le Jura nous offre la variante Vitreux ; Meurthe-et-
Moselle et la Haute-Saône ont chacun une commune de Vitrey.
La forme la plus fréquente est Vitry. Ce nom est porté par
douze communes : trois dans chacun des départements de la
Marne et de Saône-et-Loire ; deux dans la Haute-Marne; les
quatre autres dans l'Aube, le Loiret, le Pas-de-Calais et la
1 . Corpus, III, 4489.
2. Brambach, n° 1452.
3. Brambach, n° 853.
4. Brambach, n° 1064.
5. Boissieu, p. 507, n° xxiv.
6. De rébus gestis Lvdovici Pu, liv. III, vers 275, 276. Dom Bouquet,
VI, 43 b. Il s'agit de Vitry-aux-Loges, Loiret.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 3 1 9
Seine. Le nombre total des communes dont le nom offre une
forme moderne du primitif Victoriacus es.t de vingt-six.
ViNCiACLfs est un locus situé aux environs de Cambrai et où
Charles-Martel battit Chilpéric II et Rainfroi, maire de Neustrie
en 717 I. La même localité reparaît dans un diplôme faux de
Dagobert I2. C'est aujourd'hui Vincy, commune de Crève-
cœur, Nord?.
Le bas latin Vinciacus est dérivé de Vintius ou de Vencius.
Une inscription de l'Italie méridionale nous fait connaître les
noms de l'affranchi M. Vintius Acceptus et de sa patronne
Vintia Saturnia4; et une inscription de Die, ceux de Sex. Ven-
cius Juventianus 5.
Il y a en France trois communes dont le nom dérive du
bas latin Vinciacus. Ce sont Vincey, Vosges, Vincy, Aisne,
et Vincy, Seine-et-Marne.
Vindiciacus est le nom d'une localité d'Auvergne où l'on
battit monnaie à l'époque mérovingienne ainsi que l'atteste la
légende monétaire Vindiciaco 6. Ce nom de lieu a donné le dé-
rivé vindiciacensis, épithète de doinùs dans un manuscrit des
Vitae patrum de Grégoire de Tours 7. Dans le passage de Gré-
goire de Tours dont il s'agit ici, c'est encore d'une localité
d'Auvergne qu'il est question.
Vindiciacus est dérivé de Vindicius. Vindicius est le nom de
l'esclave qui, en l'année 509 avant notre ère, découvrit une
conspiration pour le rétablissement de la royauté8. Vindicius,
1 . Continuation de Frédégaire, c. 106. Chez Dom Bouquet, II, 454 a.
Cf. Paul Diacre, De Gestis Langobardorum , liv. VI, c. 42; ibid., p. 639 a.
2. Pertz, Diplomatum imperii tomus primus, p. 168, 1. 21. Cf. Pardessus,
DipJomata, t. II, p. 58.
3. Longnon, Examen géographique, p. 39.
4. Corpus, X, 431.
5. Herzog, Galliae Narbonensis ... historia, t. II, p. 97, n° 453.
6. A. de Barthélémy dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XXVI,
p. 464, n« 707.
7. C. 12, § 3. Bordier, Les livres des miracles, t. III, p. 296. Comparez
Arndt et Krusch, p. 713, 1. 33, et Longnon, Géographie de la Gaule au
sixième siècle, p. 517.
8. Tite-Live, liv. II, c. 5, § 10.
320 H. d'Arbois de Jubainville.
sous l'empire, est un gentilice que l'on rencontre dans quel-
ques inscriptions ; par exemple, en Afrique, dans les noms de
femme Vindicia Theodora1, Vindicia Victorina2; à Lyon,
Vindicia LupercaS. On trouve aussi le nom d'homme P. Vin-
dicius4.
Vindecy, Saône-et-Loire, est probablement un ancien Vin-
diciacus.
Certains manuscrits de Grégoire de Tours écrivent vixdia-
censis l'adjectif dérivé dont nous avons cité la leçon vindicia-
censis. Vindiacensis suppose un nom de lieu Vindiacus, dérivé
lui-même de Vindius. Tandis que Vindicius, dérivé de lriudex,
est d'origine latine, Vindius paraît d'origine gauloise et dérivé
de l'adjectif vindos qui, dans cette langue, a dû signifier
« blanc », et par extension « beau, heureux ». On a trouvé à
Vérone une inscription votive à Hercule par l'affranchi C.
Vindius Prisais 5. Une inscription de Pavic nous conserve les
noms de Vindia Secunda6.
Vindey, Marne, paraît être un ancien Vindiacus.
Wariacus est le nom d'un locus situé dans le pagus Tellau,
aujourd'hui compris dans le département de la Seine-Inférieure.
Ce locus appartenait à l'abbaye de Saint-Denis en 775, comme
on le voit par un diplôme de Charlemagne 7. Ce même nom
est écrit Guariacus dans un jugement rendu par Pépin le Bref
en faveur de l'abbaye de Saint-Denis vers l'année 75 1, et où il
s'agit évidemment de la même localité 8.
Wariacus ou Guariacus tiennent lieu d'un primitif* Variacus,
dérivé du gentilice Varius, déjà usité à Rome au premier siècle
avant notre ère. On trouve déjà six Varius mentionnés dans
les œuvres de Cicéron. Le plus connu est Q. Varius Hybrida,
I . Corpus, VIII, 1 12.
2. Corpus, VIII, 323.
3. Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 527.
4. Allmer, Revue èpigraphique, t. I, n° 209.
5 . Corpus, Y, 3 2 2 S.
6. Corpus, V, 6457.
7. Dom Bouquet, V. 73 | a. Sickel, Acta Karoliuoruni.X. IL p. 28,11045.
8. Fcrtz. Diplomatum impeni tomus primus, p. 109, 1. 14. Tardif, Monu-
ments historiques, p. 45, col. 2.
Propriété foncière et noms de lieu en France. 321
tribun du peuple l'an 91 avant notre ère, grand orateur, très
influent, et qui, après avoir commis deux assassinats, finit par
le dernier supplice1. Le poète tragique L. Varius Rufus fut
contemporain de César et d'Auguste et se rendit célèbre par
sa pièce intitulée Thyestes, plus encore peut-être par sa liaison
avec Virgile et Horace2. Un des premiers Romains qui por-
tèrent ce nom en Gaule fut le propréteur Varius Cotylo, c'est-
à-dire « le buveur », légat d'Antoine en Gaule, l'an 43 avant
notre ère^. Une inscription gravée sur un rocher à Groslée,
Ain, nous apprend qu'un certain L. Varius Lucanus a fait
dès la période romaine les travaux de canalisation qui four-
nissent encore aujourd'hui de l'eau de source aux habitants de
ce village 4. M. Varius Capito, étant préteur et duumvir à
Narbonne, dirigea avec son collègue des travaux publics dont
une inscription conservée au musée de cette ville perpétue la
mémoire 5. Inutile de citer les nombreux exemples qui attes-
tent combien ce gentilice fut répandu dans les provinces au
temps de l'empire 6.
De Varius on a fait le dérivé * Variacus d'où les noms de
communes Vayrac, Lot; Vairé, Vendée; et Verry, Meuse, ou
mieux Véry, qui est en outre le nom de trois hameaux, Loire,
Haute-Savoie, Vaucluse. La variante Guéry, correspondant à
l'orthographe Guariacus du diplôme de Charlemagne cité plus
haut, est conservée par le- nom de deux hameaux, Cher, Lot-
et-Garonne.
H. d'Arbois de Jubainville.
1 . Cicéron, De Oratore, liv. I, c. ! 5, § 117; Brutus, c. 62, § 221 ; De
natura Débrum, liv. II, c. 33, § 81.
2. Teuftel, Geschichte der rœmischm Literatur, troisième édition, pp. 453,
4)4-
3 . Voyez les textes réunis par M. E. Desjardins, Géographie historique et
administrative de la Gaule romaine, t. III, p. 34.
4. Allmer, Inscriptions de Vienne, t. III, p. 441.
3. Herzog, Galliae Narbouensis ... historia, t. II, p. 8, n° 16.
6. Voir les Index du Corpus, t. III, t. V, t. VII, t. VIII, t. IX, t. X.
522 L'abbé Eug. Bernard.
ISTOIR D'EUS A CREATION AR BET-MAN
AR FORMATION AN DEN HAC HE VUE
AR HENTAN PHILOSOF A VOA ADAM, HAC HE VARO
HA BUE AR PROFET HENOC HAC ELI
AN DILUJ
HA BUE NOE HAC HE VARO
(Suite).
An eil proloc a comans.
Breman, assistantes en eil act e voelet
715 Hon tat quentan Adam hac Eva he priet,
O tonet assambles d'en eum antreteni
An eil gant eguile, dre bep sort materi.
Adam, compagnones, gant pep rejouissans,
En defoa bet pep tra en he obeissans ;
720 E voant en eur plas brao, en ho hontantamant,
Voar bep sort deliço hi a voa trionfant.
Crouet voant gant Doue, caer ha delicius,
Da vean birviquen assambles evurus :
Lequet e voaint gant-han en pep sort deliço,
725 M'ho devije heuliet rcs he gourhemeno.
Mes an diaoul ifernal ,so en anvi bepret,
A enep un Doue hac he holl vignonet.
La Création du monde. 32}
HISTOIRE DE LA CRÉATION DE CE MONDE
LA FORMATION DE L'HOMME ET SA VIE
LE PREMIER PHILOSOPHE FUT ADAM, SA MORT
LA VIE DU PROPHÈTE HËNOCH ET CELLE D'ELIE
LE DÉLUGE
LA VIE DE NOÉ ET SA MORT
(Suite).
Le second prologue commence.
Assistants, le second acte va maintenant se dérouler sous
vos yeux. Adam, notre premier père, et Eve, son épouse,
viennent ensemble s'entretenir sur différents sujets.
Adam, mes amis, goûtait un bonheur parfait et voyait toutes
choses rangées sou? son obéissance. Avec Eve, il se trouvait
dans un lieu charmant; ils avaient tout à souhait, et pouvaient,
à leur gré, savourer toute sorte de délices. Dieu les avait créés
beaux et intelligents, pour être ensemble heureux à jamais: il
leur avait promis une félicité sans bornes, s'ils étaient fidèles à
observer ses commandements. Mais l'esprit infernal est toujours
dévoré d'envie contre l'Eternel et contre ses amis : il cherche
nuit et jour l'occasion de tenter en ce monde les serviteurs de
Dieu.
m
L'abbé Eug. Bernard.
730
E man o clasq an tu ordinal, nos ha de,
Da denti er bet-man servicherien Doue.
Pa quitaas Doue ar jardin a Eden,
Hac Adam da cousquet dindan sqeut eur voeen,
E teuas an aërouant da vean consultet *,
Da ataquin Eva, a guefent imparfet.
En tri form diferant teu d'en eum presantin
735 Da Eva, er jardin, evit he ataquin :
En guis eul leopart e teu ar voes 'quentan,
Evit-han he laquât gant eston da spontan;
An eil gués ma teuas, voa en guis d'eur minist,
En feson un den cos, ma rentas Eva trist ;
740 En tervet gués ma teuas, en guis da eur serpant,
Da saludin aneshi dre gomso eloquant,
Oc 'h houlen diont-hi : « Feumeulen, d'in e leret
Ha houi eo an auteures, pa 'n d-och ous ho miret,
Ar freus caer, excelant, hac ar plantiso,
Ar fleurio délicat hac an holl deliço ? »
Ma respontas Eva : « Salocroas, n'en d-oun quct,
Créateur an envo eo en deus he crouet :
Hen-nes eo an auteur a bep sort materi,
Ha n'en deus nemert-han conditor voar 'neshi. »
« — Itron, me ar serpant, houi a so puissant
Voar quement so crouet ebars er firmamant :
Ne ousoe'h quet an nombr, me Iar d'ec'h guirione,
Perac eo excelant ar voeen a vue.
En istant ma tepret, houi deui da possedi
Ebars er Barados, a bep sort materi;
Houi a goufeo an holl deio da donet,
Evel ar guir Doue en deveus ho crouet.
Doue en defoa aon na vijac'h re savant,
Ha na vijac'h mestres ebars er firmament.
Rac-se, me ar serpant, me lar d'ec'h guirione,
Mar credet ahanon, houi debro ar treus-se. »
Eva deu da houlen ous ar serpant neuse :
745
/)
/))
760
1 . L'élision de a dans an, que le scribe n'a point laite, donne à ce vers
treize syllabes. Cet accident se renouvelle si souvent que nous n'y revien-
drons pas.
La Création du monde. 525
Lorsque ,1e Seigneur eut quitté le jardin d'Eden, Adam
s'était couché à l'ombre d'un arbre. L'Enfer tint conseil, et
Satan fut chargé de diriger une attaque contre Eve, qui pa-
raissait moins capable de résister. Il se présenta donc à elle au
jardin, sous trois formes différentes, pour l'entraîner au mal.
La première fois, il vint semblable à un léopard pour l'étonner
et l'effraver : la seconde, il prit les airs d'un ministre, l'aspect
d'un vieillard, qui rendit Eve toute triste : la troisième fois,
il parut sous la figure d'un serpent, et la salua en termes flat-
teurs, lui demandant : « Femme, dites-moi si c'est vous qui
« avez créé, puisque vous en avez la garde, ces fruits su-
« perbes, exquis, ces plantes, ces fleurs délicates, et toutes ces
« merveilles délicieuses ? »
Eve répondit : « Non, ce n'est pas moi. Le Créateur du
Ciel les a tirés du néant : c'est lui l'auteur de toute chose, et
il n'y a que lui qui soit maître de la création. »
« Madame, reprit le serpent, vous avez puissance sur tout
ce qui est créé au monde, mais vous ne savez pas, je vous le
dis en vérité, pourquoi les fruits de l'arbre de vie sont excel-
lents ? A l'instant où vous en auriez mangé, vous entreriez
en possession, au Paradis, d'avantages de toute sorte. Vous
connaîtriez la suite des jours à venir, aussi bien que Dieu qui
vous a créée. Il craignait que vous ne fussiez trop savante, et
que vous ne devinssiez maîtresse au firmament. C'est pour-
quoi, ajouta le serpent, je vous le dis en vérité, si vous m'en
croyez, vous mangerez de ce fruit. »
Eve interroge alors le serpent : « D'où es-tu ? Tu ne viens
326
L'abbé Eug. Bernard.
765
770
775
780
785
790
795
800
< Pe a nation oud-de ? N'out quet a beurs Doue,
:< Pa fell d'it e torren cren he hourhemen.
:< Mes caer ac'h eus presec, birviquen ne rafen.
< Hon-nes, eme Eva, so eur freus immortel,
:< Ha mar touchomp ont-hi, e teufomp da vervoel,
Ha ma fried Adam, quencouls hon bugale,
Ha hoas bean privet demeus a gras Doue. »
« — Tevet, neb aon, Eva, mervoel na reet quet.
Hac ho priet ha houi, hardiamant debret,
Hac e veet égal d'ho Crouer beniguet. »
— Evel, eme Eva, en eum gafan er bet,
< Pa 'n d-oun impaleres voar quement so crouet.
Me so groet a netra, hac assuret breman
Voar quement so crouet er bet, bete breman.
Me am eus, eme Eva, ha squiant, ha guenet,
Doue ho roas d'in aboe en heur ma voan crouet :
Mes bean hueloc'h ebars er firmamant,
Goût an deio da donet, a se e ven contant. »
« — Neb aon, me ar serpant, n'ho peso drouc a-bet,
Houi veso ar vestres en pales an Drindet.
Dalet an aval-man, he-man so excelant,
Queset lot d'ho priet breman, presantamant. »
Donet a ra Eva da guemer an aval,
Ha cas lot d'he friet, mont d ne cafet ractal,
Ha laret da Adam voa an excelantan
En defoa taleet biscoas voar ar bet-man.
« Eva, eme Adam, petra eo quement-se ?
« N'en d-eo quet ar sort-se a debromp d'ar beure.
« Eur vorhet vras am eus n'en d-oe'h, siouas ! tentet
« Gant an drouc Satanas, ha n'hoc'h eus transgresset. »
Cals a boan e defoa Eva, pa intentas
Adam, he guir briet, da dibrin an aval glas :
Mes hi lare bopret : « N'ho peset nep doutans,
« Debret quercouls ha me, n'ho peso nep ofans. »
« — Me so groet, eme-han, gant Doue puissant,
« A so Prins hac Autro dindân ar firmamant:
« Monet d'he ofansi evit un tam aval,
« A ve ur gourmandis, lec'h d'eshan d'am tamal. »
La Création du monde. 327
pas de la part de Dieu, puisque tu veux me faire transgresser
ses commandements ; mais tu auras beau prêcher, tu n'y réus-
siras pas. Ce fruit, continue Eve, est immortel, et si nous y
touchons, il nous faudra mourir, et Adam, mon époux, et
nos enfants, et de plus, nous serions privés de la grâce de
Dieu. »
« Taisez-vous, et n'ayez pas peur, Eve, vous ne mourrez
pas, ni vous, ni votre époux : mangez hardiment, et vous se-
rez l'égale de votre divin Créateur. »
« Comme je le suis déjà en ce monde, réplique Eve, puis-
que je règne en impératrice sur tout ce qui existe. Je suis faite
de rien, et mon pouvoir est assuré sur tout ce qui a été créé
jusqu'à présent. Je possède, ajoute-t-elle, la science et la
beauté ; Dieu me les a données au moment même où il me
forma. Mais me voir placée plus haut dans le Ciel, connaître
les jours à venir, cela ne me déplairait point.
»
« Ne craignez rien, reprit le serpent, vous n'aurez aucun
mal, et vous serez maîtresse au palais de la Trinité. Prenez
cette pomme, elle est excellente, et portez-en immédiatement
sa part à votre époux. »
Eve cueille la pomme, et pour la partager avec son
mari, se dirige aussitôt vers lui, disant que c'était le fruit le
plus exquis que jamais elle eût goûté sur la terre. « Eve,
s'écrie Adam, qu'est-ce que cela signifie ? Ce n'est pas de
cette espèce de fruit que nous avons mangé ce matin. J'ai
grand'peur, hélas ! que vous n'ayez été tentée par Satan,
l'esprit du mal, et que vous n'ayez désobéi. »
Eve eut beaucoup de peine à décider Adam, son époux, à
manger la pomme ; mais elle répétait sans cesse : « Ne crai-
gnez donc rien, mangez comme moi, il ne vous arrivera
aucun mal. »
« Je suis, dit Adam, l'ouvrage du Dieu puissant, prince et
seigneur de ce qui existe sous le firmament : risquer de l'of-
fenser pour un morceau de pomme, serait une gourmandise
qu'il aurait raison de me reprocher. »
28 L'abbé Eug. Bernard.
« — Adam, eme Eva, na veet quet tamalet :
« Debret hardiamant, rac me am eus debret.
« Me lar d'ec'h, eme-s-hi, mar debret an tam-se,
« E vesot qucn savant ha quen fur ha Doue. »
805 Dont a ra d'he data, ha laret d'he briet :
« Me ho car fidelamant, dreist quement so er bet,
« Pa laret d'in eta, me ia da acceptin,
« Pa n'en deus nep doutans, eouls ha houi, da dibrin. »
O maleur detestabl d'anveouf tentation !
810 Blam a res he briet, a voa bet ocasion.
Coll a rejont ar e'hfas souden, incontinant,
Hep gallout jouissan ar joaio trionfant.
Eva a houlenne mallos an holl Elle
D'ar serpant ifernal, a voa bet caus da se,
815 Rac ar hef miliguet a lavants d'eshi,
Hac he friet hac hi, hardi, hellent dibri.
« Nin a voa, eme Adam, ar re quentan crouet
« Gant Doue éternel, en he gras confirmet :
« Allas ! hac es omp caus, sivoas ! divar bon peu,
820 « An holl quitibunan a ielo d'an Ifern. »
Collet ar e'hras ho detba, hi a voie erfat se :
Pa deunt d'en em sellet an cil ous cguile,
En em quctjont en noas, gant ar contusion,
Pa voa ret d'eshe mont dirac Roue an tron.
825 Guelet a rejont Doue o tonet d'ho cafet,
Ha moïiet dirac-han, gant mes, na eredent quet.
Dindan ar gue figues 'n em lequejont ho daou,
Evit en em holo eno, en mesq an deliou.
« Adam, eme Doue, sao alesse timat !
830 « Collet e t'eus breman graso Doue an Tat,
« Maleur e voe d'it biscoas ma beau ofanset !
« Gant reson competant te a vo punisset. »
« — Pardon, eme Adam, ma Doue, a houlennan !
« P'am eus clevet ho moes, es oun deut da erenan.
835 « Pardonet ma ine, n'en dei quet d'an Itern,
« Ha ma lequet en tu da ober pinijen. »
« — Adam, eme Doue, perac ma out deut a-ben
« Da transgressin breman quer cren ma gourhemen ?
La Création du monde. 329
« Il ne vous reprochera rien, Adam, reprend Eve : mangez
hardiment, puisque j'en ai mangé. Je vous assure, continue-
t-elle, que si vous mangez ce morceau, vous serez aussi savant,
aussi sage que Dieu. »
Adam se laisse aller à manger en disant à son épouse : « Je
vous aime de cœur, par-dessus tout au monde ; puisque vous
me le dites, j'accepte la pomme, et dès qu'il n'y a rien à
craindre, comme vous, je vais la manger. »
O malheur détestable d'avoir cédé à la tentation ! Adam re-
proche à son épouse d'avoir été pour lui une occasion de
chute. Ils perdirent immédiatement la grâce et ne purent plus
jouir des joies triomphantes du Paradis. Eve appelait les malé-
dictions de tous les Anges sur le serpent infernal ; n'avait-il
pas été cause de ce malheur ? car c'était ce maudit qui lui avait
dit qu'elle et son mari pouvaient sans crainte manger la
pomme. « Nous étions, disait Adam, les premiers créés par
l'Eternel et confirmés dans sa grâce. Hélas ! nous avons agi de
telle façon que par notre faute tout le genre humain s'en ira
en Enfer. »
Ils avaient perdu la grâce et ne pouvaient l'ignorer. Quand
ils se regardèrent l'un l'autre, ils se virent tout nus, pleins de
confusion à la pensée qu'il leur fallait se présenter devant le
Roi des Cieux. Ils aperçurent Dieu qui arrivait les trouver :
la honte les empêchait de se montrer à lui, et ils coururent
l'un et l'autre sous un figuier, pour se cacher là au milieu des
feuilles.
« Adam, dit le Seigneur, lève-toi et viens vite. Tu as main-
tenant perdu la grâce de Dieu le Père. Malheur à toi pour
toujours, de m'avoir offensé! Tu seras puni comme tu le mé-
rites. »
« Pardon, s'écrie Adam, mon Dieu ! Je vous demande
pardon ! Lorsque j'ai entendu votre voix, je me suis senti
trembler. Pardonnez à mon âme, qu'elle n'aille pas en Enfer,
et mettez-moi en mesure de faire pénitence. »
« Adam, demande Dieu, pourquoi es-tu venu à bout de
transgresser si bien mon commandement ? Il te faudra mourir,
5 ]0 L'abbé Eug. Bernard.
« Te a renquo mervel, ha quement crouadur
840 « A deui voar an douar, er bet, d'eus da natur.
« — Ma Doue, eme Adam, guen-e mar permettet,
« Ma friet a so caus, en deus ma foursivet. »
« — Eva, eme Doue, perac m'hoe'h eus debret
« Demeus an aval-se, ha roet d'ho priet ? »
845 « — Ar serpant, eme-s-hi, hen-nes a laras d'in
« Quemeret an aval, hardi heUen dibrin :
« Ha me creguin en-han hac o tibrin un tam,
« Hac e quessis ar rest d'am guir briet Adam. »
Doue a deuas da vlam ar serpant miliguet :
850 « Te vo dindan an treit quement loen so er bet.
« Birviquen, eme-han, das poanio na ve fin,
« Hac hep na dorn na troat, quers-se voar da beutrin. »
Auditoret meulabl, me gret, ous ho guelet,
E carac'h hep dale, guelet an actoret,
855 Pep hini en he renq, da housout guirione
Ma froloc, hac lien a so conformet diont-he.
Ha mar d-oun bet tardin, lia mar d-oun bet re bel,
Quentan hinin a deui, martese a rai guel.
Senne I
Adam hac Eva antre.
Adam a coms.
Ha ! ma friet Eva, gant pep rejouissans !
860 Chetu pep tra breman en non obeissans !
Ec'h omp en plas brao, leun a contantamant,
Voar bep sort deliço nin a so trionfant.
Eva a coms.
Sur, ma fried Adam, me am eus cals a joa,
La Création du monde. 33 1
toi et tous les enfants qui, sur la terre, naîtront de ta race. »
« Mon Dieu, répond Adam, si vous le permettez, mon
épouse Eve en est cause, c'est elle qui m'a fourvoyé. »
« Eve, dit le Seigneur, pourquoi as-tu mangé cette
pomme, et en as-tu donné à ton mari ? »
« Le serpent, répond-elle, c'est lui qui m'a dit de prendre
hardiment la pomme, que je pouvais la manger. Et moi de la
cueillir, d'en manger un .morceau, et j'ai porté le reste à
Adam, mon époux. »
Dieu alors réprimanda le serpent maudit : « Tu seras, lui
dit-il, sous les pieds de tout animal vivant sur la terre. Ton
supplice n'aura jamais de fin, et sans pieds, sans mains, tu te
traîneras sur le ventre. »
Vous tous qui m'écoutez, vous êtes dignes d'éloges ; mais
il me semble, en vous observant, comprendre que vous seriez
aises de voir sans délai apparaître les acteurs, chacun dans son
rôle, afin de constater la vérité de mon prologue, et de vous
assurer qu'il est conforme à leurs personnages. Si je me suis
attardé, si j'ai parlé trop longtemps, le premier qui se présen-
tera fera peut-être mieux.
Scène I
Adam et Eve entrent.
Adam.
Ah ! Eve, mon épouse, quelle n'est pas notre joie de voir
toutes choses maintenant rangées sous notre obéissance ! Nous
sommes en un lieu charmant, nous avons tout à souhait, nous
pouvons à notre gré savourer toutes sortes de délices.
Eve.
Certes, Adam, mon époux, mon cœur est plein d'allégresse
332 L'abbé Eug. Bernard.
Hac er mister bras-man, pa hen consideran :
065 Crouet gant Doue, caer ha dilicius,
Da vesan birviquen assambles eurus ;
Chetu nin pur ha net, chetu nin immortel,
Rac-se teulomp eves ofansin hon C'hrouer.
Laquet es omp gant-han en pep sort deliço,
870 Ha nin heuliomp bepret. he holl gourhemeno.
Adam hac Eva a sorti.
Belsibut a antre e unan, hac a coms.
Harao ! harao ! Pen bras so hanvet Satanas !
Berit ha Belsibut, ha quement so el las,
Astarot, Asmode, Mahom ha Jupiter,
Tostaet holl aman ebars en ber amser.
An diaoulien a antre.
Belsibut a continu.
875 Ret e d'imp conferin : un dra so a neve ;
P 'ho peso clevet holl, leret ho polante.
Me a so oc 'h arajin, evel disesperet,
Ma ne cafan conseil, ne ou'nn pelec'h monet.
Stinet holl ho lasso, ha divoallet erfat,
880 Ar voes-man hon deus holl ar bet da evessat.
Satanas a coms.
Ah ! Belsibut disesperet !
Petra a neve so hoarveet ?
Un dra benac hoc 'h eus, certen,
Pa 'n d-oc'h deut aman evel-hen ;
885 Rac-se lar d'imp petra so guir,
Nin a so sperejo subtil.
Belsibut a coms.
Me lar d'ech, evit ma intentet,
Adam hac Eva so crouet,
Laquet immortel gant Doue,
890 Hac int quer caer evel an Elle ;
La Création du monde. 3 5 3
en présence de ce grand mystère, lorsque j'y réfléchis ; Dieu
nous a créés beaux et intelligents, pour être ensemble, heu-
reux à jamais. Nous sommes sans tache et sans souillure, nous
sommes immortels. Prenons donc garde d'offenser notre
Créateur : il nous a placés dans un séjour de délices, à nous
d'observer toujours tous ses commandements.
Adam et Eve sortent.
Beelzébut entre seul.
Haro ! Haro ! Notre grand chef s'appelle Satan. Berit et
Beelzébut, et vous tous qui êtes pris dans le filet, Astarot, As-
modée, Mahom et Jupiter, approchez tous dans le plus bref
délai.
Les diables entrent.
Beelzébut continue.
Il nous faut tenir conseil. Voici une chose nouvelle; lorsque
vous la saurez, vous donnerez votre avis. Pour moi, j'enrage,
je suis au désespoir. Si je ne trouve un bon conseil, je ne
sais vraiment de quel côté me tourner. Tendez tous vos la-
cets et prenez bien garde ; cette fois nous avons tous le monde
à surveiller.
Satan.
Ah ! Beelzébut au désespoir ! Qu'y a-t-il donc de nouveau ?
Vous avez sans doute quelque chose pour vous être ainsi as-
semblés en ce lieu. C'est pourquoi tu n'as qu'à nous dire ce
qui est vrai, nous sommes des esprits déliés.
Beelzébut.
Je vous l'apprends, afin que vous m'écoutiez avec attention ;
Adam et Eve ont été créés, Dieu les a faits immortels, et ils
sont aussi beaux que les Anges. Il leur a dit que par eux et
Revue Celtique, IX 22
334 L'abbé Eug. Bernard.
Laret en deus d'eshe e vije ramplisset
Gant-he ha gant ho freus, hor hadorio collet.
Hac ec'h ann en araj, evel eur hi arajet,
Ma na veont tentet da goean en pehet.
Berit a coms.
895 Penos ? Int so en pep sort deliço,
Ha nin a so aman o soufrin ar poanio,
Me renoncin a gren d'ar bet, ha d'an douar,
Ma ne ou'nn an adres d'ho laquât en glahar.
Astarot a coms.
Ar voeen a vue so ont-he difennet,
900 Ha mar touchont ont-hi, e vesint holl collet :
Rac-s'e formin breman a bep sort materi,
Mar guellomp voar nep guis da donet d'ho senti.
Asmode a coms.
Pa la tetebiac'h ! Penos eshe a so ?
Poent e d'imp difuna, ha monet voar ho sro.
905 Adam a so den fin, a se ne doutet quet,
Mes quen abil hac hen, a so guesall trompet.
Satanas a coms.
Mar guellomp dont a-ben eur vo'es d'eus an afer-se,
Ni hor bo ar bet-man ebars en liberté ;
Ha quement crouadur a deui, divoar ho fen
910 A deui en eur vriat guen-emp-nî d'an Itern.
Berit a coms.
Satanas, te eo ar finan,
Rac-se me cornant d'it breman :
Que ractal d'ar Barados terestr,
A goues erfat an adres,
915 Que pront d'ar voeen a vue :
Mes toi pie mat ous quement-se,
La Création du monde. 3 5 5
par leur race, seraient occupés les sièges que nous avons per-
dus. Cela me met en fureur : je suis comme un chien enragé,
si l'on n'arrive pas à les tenter pour les faire tomber dans le
péché.
Berit.
Comment ? Ils sont dans les délices de toute sorte, et nous,
nous sommes ici dans les tourments. Je renonce net au
monde, à la terre, si je n'ai pas l'adresse de les plonger dans
la douleur.
Astarot.
L'arbre de vie leur est défendu, et s'ils y touchent, ils se-
ront tous perdus. Il faut donc maintenant chercher de toute
manière comment nous pourrons réussir à les faire succomber
à la tentation.
Asmodée.
Par la tête bleue ! Comment, il en est ainsi d'eux ? Il est
temps de nous réveiller et de nous mettre à leurs trousses.
Adam est un homme rusé., vous n'en doutez pas : mais aussi
fin que lui s'est jadis laissé tromper.
Satan.
Si nous pouvons une fois mener à bien cette affaire, nous
aurons le monde à notre entière disposition, et toutes les
créatures qui naîtront, viendront, grâce à eux, dans une brassée
avec nous en Enfer.
Berit.
Satan, tu es, toi, le plus malin. Je te l'ordonne donc à cette
heure : va de suite au Paradis terrestre, tu sais parfaitement
où il est situé, va vite à l'arbre de vie, mais prends bien garde
j $6 L'abbé Eug. Bernard.
Rac mar deus a-ben a Eva,
Quent ar fin nin a raio un dra.
Astarot a coms.
Hen-nes a ve d'imp un toi caer !
920 Que en form eur serpant, pe un aër,
Que da Eva, ha lar d'eshi,
E hell franchamant da gredi ; .
Ma car dibrin un tam aval,
E vo mestres en env quercouls hac en douar.
Satanas a coms.
925 Or sa ! Me ia ractal bete an tat Adam,
An hini so den pur, hac a behet divlam;
Ha mar gallan dre art, dont a-ben anehan,
Me a veso ar mest partout voar ar bet-man.
Mes dious a voelin, ne d-inn quet voar he dro,
930 Ha d'he briet Eva neuse me disclerio.
Hon-nes so frajiloc'h ; martese dre douster,
E hallen dont a-ben da lormin ma matier.
Senne II
Adam hac Eva er Barados terestr.
Adam a coms.
A drugare Doue, ma Frins ha ma Autro,
A so a bep amser er gloar d'eus an envo !
935 Ha me a so aman gant pep contantamant,
N'em eus nac aon, na spont, nac anvoi, na tourmant.
Rac-se, ma guir briet, divoallet couls ha me,
Ret veso exantin ar voeen a vue :
Hou-man eo an hinin a voa bet difennet
940 Ous-imp, a bep amser, d'eus a beurs an Drindet.
La Création du inonde. $37
à ceci : si tu viens à bout d'Eve, avant de terminer nous fe-
rons une affaire.
Astarot.
Ce sera là pour nous un bon coup. Va sous la forme d'un
serpent ou d'une couleuvre, va trouver Eve et dis-lui qu'elle
peut franchement te croire, que si elle veut manger un mor-
ceau de pomme, elle sera maîtresse au ciel aussi bien que sur
la terre.
Satan.
Or ça ! Je vais à l'instant vers le père Adam, l'homme sans
tache et sans péché, et si je puis par artifice, l'amener à mes
fins, je serai le maître en tous lieux dans ce monde. Mais,
d'après ce que je verrai, je n'irai pas m' attaquer à lui, et alors
je m'en prendrai à Eve, son épouse. Elle est plus faible : par
douceur, je pourrai peut-être réussir dans mon entreprise.
Scène II.
Adam et Eve au Paradis terrestre.
Adam.
Merci, mon Dieu, mon Prince et mon Seigneur, qui règne
éternellement dans la gloire des Cieux ! Pour moi, je vis ici
au gré de mes désirs, je n'éprouve ni peur, ni effroi, ni en-
nui, ni tourment. Par conséquent, ma chère épouse, il faut
ne point toucher à l'arbre de vie. C'est lui qui dès le premier
jour, nous a été défendu par la Trinité.
5 3 S L'abbé Eug. Bernard.
Eva a coms.
Ha ! ma fried Adam, guir a leveret d'in :
Na vin quet quer frajil donet da transgressin
Gourhemen ma Autro, en deveus ma c'hrouet.
Demeus a bep amser da vesan enoret !
Adam hac Eva a sorti.
Ar serpant en em presant, hac a coms.
945 Guelet am eus Adam, mes prest eo retornet ;
O clevet he comso, tostat na greden quet.
Birviquen am eus aon, evit he fantasi,
Ne hallan dont a-ben da donet d'he tenti.
Senne III
Eva e-unan o pourmen er Barados terestr. a coms.
O Doue éternel ! Pa ho consideran
950 Ebars er blijadur am eus voar ar bet-man !
Me so impaleres voar quement so er bet,
Mestres, superiores voar quement so crouet.
Ha me ne voan quen nemert un tam douar,
Ec'h OLin-me lequeet gant Prins, Roue ar gloar,
955 Un itron puissant voar quement so er bet.
Er mor hac en douar me a so enoret :
An evnet nij en er, er mor bras ar pesquet,
Hac al loenet brutal père a so crouet,
Hac int loenet mortel, evel ma comandin,
960 Gant ur goms hep mui quen, a obeïsso d'in.
Chetu ar frejo mat, a pep sort materi r,
Me a hell em souet, donet d'ho fossedi.
! . Le scribe avait répété les mots a pep sort ; il les a effacés la première
fois pour les remplacer par mat.
La Création du monde. 339
Eve.
Ha ! Adam, mon époux, vous dites vrai : je ne serai pas
assez faible pour en venir à transgresser le commandement de
mon Seigneur, dont je suis la créature. Puisse-t-il être éter-
nellement honoré !
Adam et Eve sortent.
Le serpent se présente.
J'ai vu Adam, mais il s'est aussitôt détourné. A l'entendre
parler, je n'osais pas approcher. J'ai bien peur, vu son carac-
tère, de n'arriver jamais à le faire succomber à la tentation.
Scène III.
Eve se promène seule au Paradis terrestre.
O Dieu éternel ! Un cri de reconnaissance s'échappe de
mes lèvres, lorsque je vous contemple du sein de la félicité que
je goûte en ce monde. Je suis impératrice sur tout ce qui
existe ; maîtresse, souveraine de tout ce qui est créé. Et moi
qui n'étais qu'un peu de terre, je me trouve être, de par le
Prince, le Roi de la gloire, une dame puissante sur tout
l'univers. Je suis honorée sur terre et sur mer. Les oiseaux
qui volent dans les airs, les poissons dans la grande mer, les
bêtes féroces sorties des mains du Créateur, sont tous des
êtres mortels, et suivant mon commandement, ils m'obéiront,
sur une parole, sans plus, tombée de ma bouche.
Voici les fruits exquis, de différentes espèces, je puis m'en
servir à mon souhait. Rien ne m'a été défendu sur la terre, si
340 L'abbé Eug. Bernard.
N'en deus netra ous-in er bet-man difennet,
Nemert ar voen a vue, pa e-hi biniguet,
965 Ha ma touchen ont-hi, e ven en danjer bras
Da vesan tourmantet gant supliso divlas.
Ar serpant er voen a coms.
Clevet aman, Eva : houi a so puissant
Voar quement so crouet dindan ar firmamant.
Na ousoc'h quet an holl, me lar gant guirione,
970 Perac ma eo exantet ar voeen a vue ?
Me a justifi mar debret, houi deui da possedi
Ebars er Barados, a bep sort materi;
Houi a voeso an holl, tremenet ha da donet,
Evel ma oar Doue en deveus ho crouet.
975 Rac hen en defoa aon na vijac'h re savant,
Ha ma vijac'h mestres ebars er firmamant ;
Rac-se, me a lar d'ec'h breman ar virione,
Mar credet ac'hanon, houi rai ho polante.
Eva a coms.
A pelec'h oud-de, pa gomses er guis-se ?
980 Me a gret n'out quet a beurs Doue,
Pa fell d'it e torren breman lie hourhemen.
Mes caer ac'h eus presec, ne raen birviquen.
Me a lar d'it, certen, hon-nes so immortel,
Ha mar touchomp ont-hi, nin a renquo mervoel
985 Ha ma friet ha me, quencouls hon bugale,
Ha hoas bean privet demeus a gras Doue.
Ar serpant a coms.
Tevet, neb aon, Eva, mervoel na reet quet,
Me lar gant guirione dira-hoe'h assurct.
Hac ho prict ha houi, debret hardiamant,
990 Hac e veet engal da Roue ar firmamant.
Eva a coms.
Me lar d'ech certen, an dra-se na rin quet,
La Création du monde. 341
ce n'est l'arbre de vie, parce qu'il est béni, et si je venais à y
toucher, je serais en grand danger de me voir précipiter dans
des supplices insupportables.
Le serpent dans l'arbre.
Venez ici, Eve, et écoutez-moi. Vous êtes puissante sur
tout ce qui existe sous la voûte des cieux. Vous ne savez pas
tout, je le dis en vérité : pourquoi l'arbre de vie vous est-il
défendu ? Je vous garantis que, si vous en mangez, vous ac-
querrez au Paradis terrestre, toute sorte de connaissances;
vous connaîtrez tout, le passé et l'avenir, comme Dieu qui
vous a créée. Il avait peur de vous voir trop savante et arri-
ver à être maîtresse au Ciel. C'est pourquoi, je vous dis main-
tenant la vérité, si vous m'en croyez, vous ferez à votre guise.
Eve.
D'où es-tu, toi, pour me tenir ce langage ? Je ne crois pas
que tu viennes de la part' de Dieu, puisque tu voudrais me
faire transgresser son commandement. Mais tu as beau prê-
cher, je n'en ferai jamais rien. Je te le dis, sans aucun doute,
cet arbre est immortel, et si nous y touchons, il nous faudra
mourir, et mon époux et moi, et aussi nos enfants, et de
plus, nous voir privés de la grâce de Dieu.
Le serpent.
Taisez-vous, et n'ayez pas peur, Eve ; vous ne mourrez
point, je vous le dis en vérité, et l'assure en votre présence.
Et votre époux et vous, mangez hardiment, et vous serez les
égaux du Roi du firmament.
Eve.
Je vous le dis avec certitude, je ne ferai pas cela. Dieu
342 Vabbé Eug. Bernard.
Doue memeusamant en deus-han difennet.
Ha ma friet ha me, en deus groet promesse
Da vout obéissant bepret d'he Vajeste.
Ar scrpant a coms.
995 Me a so un El guen en deus chanchet figur,
Evit donet aman d'ho cafet, an dra sur.
Me lar gant guirione, ha d'ec'h, ha da Adam,
Debret au aval-man, n'ho peso quet a vlam ;
Houi a veso quen fur goude bean debret,
iooo Impalares dous evel heol, loar hac ar steret.
Eva a coms.
Me a lar d'ec'h certen, neuse na greten quet
En eum presantin e nep guis, d'am priet,
Pehinin a garan evel d-oun ma-unan ;
Hac em eus aon goude, rac na ven pell en poan.
Ar serpant a coms.
1005 Me a lar d'ec'h certen, groet a gueret, Eva :
Me n'ho poursuivin mui, na na lerin netra,
Nemert hoc'h avantaj, mar queret ma sentiu,
Voar an treo excelant houi a hell possedin.
Eva a coms.
Huel en eum cafan laqueet voar ar bet,
10 10 Pa'n d-oun impalares da guement so crouet :
Me so lequet mestres, hac assuret breman,
Da guement so er bet crouet bete breman :
Me, ne defot quet d'in na squient, na guenct,
Doue ho roas d'in en heur ma voan crouet.
1015 Mes bean hueloc'h ebars er firmamant,
Goût an deio da donet, a se e ven contant.
Ar serpant a coms.
Neb aon, certenamant n'ho peso drouc a-bet,
Te a vo ar vestres en pales an Drindet.
La Création du monde. 34$
nous l'a formellement défendu. Et mon époux et moi, nous
avons promis d'obéir toujours à sa Majesté.
Le serpent.
Je suis un ange du Ciel qui a changé de forme pour venir
ici vous trouver, je vous l'assure. Je vous le répète en vérité,
à vous et à Adam, goûtez cette pomme, vous ne serez point
réprimandée; après en avoir' mangé, vous serez aussi sage que
Dieu, vous serez impératrice, brillante comme le soleil, la
lune et les étoiles.
Eve.
Je vous le redis avec assurance, si je le faisais, je n'oserais
en aucune façon me présenter à mon époux, que j'aime au-
tant que moi-même. Et j'ai peur ensuite de me sentir long-
temps en peine.
Le serpent.
Je vous l'affirme encore, Eve, faites ce qui vous plaira : je
n'insisterai pas davantage, et je n'ajouterai rien. Je cherche
seulement votre profit dans les choses excellentes que vous
pouvez vous approprier.
Eve.
Je me trouve haut placée dans le monde, puisque je suis
impératrice de toute la création. J'ai été établie maîtresse, et
maintenant confirmée dans ce rang sur tout ce qui existe dans
l'univers. Il ne me manque ni science, ni beauté : Dieu me
les a données au moment où il m'a formée. Mais être placée
plus haut dans le firmament, connaître les jours à venir, cela
me ferait plaisir.
Le serpent.
Soyez sans crainte : certainement vous n'aurez aucun mal,
et vous serez la maîtresse dans le palais de la Trinité. Prenez
344 L'abbé Eug. Bernard.
Quemer an aval-man pehini so excelant,
1020 Quesset lot d'ho priet bréman presantamant,
Leret d'eshan dibrin : ia, na doutet quet,
Birviquen evit se, certen, na vi blamet.
Eva a guemer an avat hac a coms.
He-man so un aval glas,, mes brao eo dreist musur,
Me a ia d'hen tafan, me gret en deus natur
1025 P'am eus-han tafeet, ha laquet em gueno,
Me casso lot d'am priet, couls ha me, e tebro.
Adam a antre.
Eva a ia d'hen caet, hac an aval gant-hi en he dorn, hac a coms.
Adam, ma faradur, me so deut d'ho caet breman,
Me ho pet da dibrin dimeus ar fresen-man ;
Evit-hen da vout glas, eo an excelantan
1030 Am boa biscoas debret aboe ma s-oun aman.
Adam a coms.
Eva, ma faradur, petra eo quement-se ?
N'en d-eo quet ar sort-se a debromp d'ar beure.
Ha doutans vras am eus n'en d-oc'h siouas ! tentet
Gant an drouc Satanas, ha n'hoc'h eus transgresset,
1035 Hac ar gomandamant d'hon Prins ha d'hon Roue,
Hen defoa difennet ar voeen a vue.
Leret d'in a pelec'h hoc'h eus-han comeret ?
Ha teulet eves mat rac na vec'h desevet.
Eva a coms.
Clevet hoas, ma friet, n'ho peset nep doutans,
1040 Debret quencouls ha me, n'ho peso neb otans,
Rac ar serpant, certen en deus promettet d'in,
Ha houi ha me, bon daou, hardi, hellimp dibrin.
Adam a coms.
Chetu petra a so : me ne d-oun quet quiriec
Mar hoc'h eus ofanset bon Crouer biniguet :
La Création du monde. 345
donc cette pomme, elle est excellente, portez-en part à votre
époux, ne tardez pas et dites-lui d'en manger. Oui, n'hésitez
pas ; jamais' assurément pour cela vous n'encourrez de blâme.
Eve prend la pomme.
Cette pomme est verte, mais elle est merveilleusement
belle; je vais y goûter, car je la crois de bonne qualité...
Puisque je l'ai portée à mes lèvres, je vais en faire part à
mon époux, et comme moi il en mangera.
Adam entre.
Eve va vers lui tenant la pomme à la main.
Adam, mon époux, je viens à vous en ce moment pour
vous prier de goûter à ce fruit; il est vert, néanmoins c'est le
meilleur que j'aie encore mangé depuis que je suis ici.
Adam.
Eve, mon épouse, qu'est-ce que cela signifie ? Ce n'est pas
de cette espèce que nous avons mangé ce matin. J'ai grand'
peur, hélas l.que vous n'ayez été tentée par l'esprit du mal,
par Satan, et que vous n'ayez transgressé le commandement
de notre Prince, de notre Roi : il nous avait défendu l'arbre de
vie. Dites-moi donc d'où vous avez cueilli cette pomme ?
Prenez bien garde d'avoir été trompée.
Eve
Ecoutez encore, mon époux, et n'ayez aucune crainte,
mangez comme moi, et vous n'aurez pas de mal. C'est le
serpent qui m'a garanti que vous et moi, tous deux, nous
pouvions hardiment en manger.
Adam.
Voilà ce que c'est. Je ne suis pas coupable si vous avez
offensé notre bon Créateur. De cette pomme je ne mangerai
346 L'abbé Eug. Bernard.
1045 Me ne debrin hesquen pa dlefen perissan,
Rac doutans vras am eus na deufe d'am lasan.
Me so laquet er bet gant Doue puissant,
A so Prins hac Autro dindan ar firmamant :
Monet d'hen ofansin evit un tam aval,
1050 A ve eur gourmandis, lec'h d'ehan d'am samal.
Eva a coms.
N'ho peset quet a dout da vean tamalet.
Debret neb aon ho lot, rac me am eus debret.
Me lar d'ec'h, ma friet, mar debret an tam-se,
E veet quer savant ha quen fur ha Doue,
1055 Ha bean ouspen-se evurus evel-t-han.
Rac-se, ma guir briet, debret pa ho pedan.
Nin so guir priedo, ha laquet assambles,
A gle en eum garet ebars ar Baradoes ;
Rac-se, m' ho pet, Adam, debret an tam aval :
1060 Birviquen evit-se n'ho peso nep scandai.
Adam a coms.
Certenamant, Eva, evel ma guir priet,
M'ho car iidelamant dreist quement so er bet.
E veet quer savant ha quen fur ha Doue,
Ne oufen birviquen donet da credin se.
1065 Pa leret d'in eta, me ia da acceptin,
Pa n'en deus nep danjer, couls ha houi, hen dibrin.
Ma teb an aval, ha goude e coms.
O maleur detestabl da voelet dentation !
O ma friet Eva, te so occasion.
Collet hon deus ar gras breman, incontinant,
1070 Birviquen na jouissomp er joaio montant.
Chetu nin en noas beo, gant ar contusion,
Pa vo ret d'imp monet dirac Roue an tron.
Eva a coms.
Mallos ar tirmamant, ha couls an holl Elle,
La Création du monde. 347
pas une miette, quand je devrais perdre la vie, car j'ai bien
peur que Dieu ne me fasse mourir. Je suis par lui placé sur la
terre, il est puissant, seigneur et maître sous la voûte des
cieux ; risquer de l'offenser pour un morceau de pomme, ce
serait une gourmandise, et il aurait raison de m'en vouloir.
Eve.
Il ne vous en voudra pas, ne craignez rien. Mangez votre
part et n'ayez point peur, car moi, j'en ai mangé. Je vous le
dis, mon époux, si vous mangez ce morceau, vous serez
aussi savant et aussi sage que Dieu, et de plus aussi heureux
que lui. C'est pourquoi, mon cher mari, mangez, puisque je
vous en prie : nous sommes de vrais époux, destinés à vivre
ensemble, et nous devons nous aimer dans le Paradis. Aussi,
je vous le demande, Adam, mangez ce morceau de pomme :
jamais pour cela vous ne recevrez de reproche.
Adam.
Sans aucun doute, Eve, comme ma chère épouse, je vous
aime sincèrement, et plus que tout au monde. Que vous
soyez aussi savante et aussi sage que Dieu, je n'en croirai ja-
mais rien. Mais, puisque vous me le dites, j'accepte, et dès
qu'il n'y a aucun danger, comme vous, je vais en manger.
Adam mange la pomme.
Il reprend.
O malheur détestable d'avoir cédé à la tentation ! O Eve,
mon épouse, c'est vous qui en êtes cause : nous avons main-
tenant, à l'instant, perdu la grâce. Jamais nous ne goûterons
plus les jouissances dont nous étions comblés. Nous voici
tout nus, et quelle confusion pour nous quand il faudra
nous présenter devant le Roi des Cieux !
Eve.
Malédiction du Ciel, malédiction des Anges sur le serpent
348 L'abbé Eug. Bernard.
D'ar serpant ifernal so caus da guement-se !
1075 Rac ar hef miliguet, hen-nes a laras d'in,
Ha ma friet ha me, hardi, hcllemp dibrin
Un tam aval dimeus ar voeen a vue.
Chetu pe voar feson so arriet guen-e.
Ha me voe quen liger donet da credin d'han,
1080 Ha breman e oun caus da coll tout er bet-man.
Nin voa ar re guentan voa en douar crouet
Gant Doue éternel, hac en gras confirmet ;
Allas ! ha ma oun caus, siouas ! divoar hon pen,
An holl quitibunan a ielo d'an Ifern.
Doue an Tat a ia da caet anhe.
Adam a coms.
1085 He-man eo ar maleur coet voar-n-omp hon daou,
Ha voar quement, siouas ! hon goude a deuiou !
Me voell Doue an Tat o tonet d'hon guelet :
Me ia d'en em cusan, gant mes na creten quet
Chom aman dira-s-han, d'he vesan ofanset,
1090 Rac hor mes a so bras balamour d'hon pehet.
Demp breman a goste, en toes an delio,
Dindan ar gue figues da coach hon figurio.
Doue an Tat a coms.
Ma oud-de et, Adam ? Me gret e out coachet.
Ha sonj al a res-te n'oufen quet da voelet ?
1095 Ma oud-de et, Adam ? Sao alesse timat.
Collet e t'eus breman sraco Doue an Tat.
Maleur vo d'it biscoas ma besan ofanset ;
Gant reson competant e vesi punisset.
Adam a coms.
Pardon, misericord houlennan, ma Doue!
1 100 Gant pep compassion ho pet ous-in true !
P'am eus clevet ho moes, e oun deut da grenan,
Ha gant oreur ha spont e oun deut da goean.
Me so sur regretant ha d'ar pes am eus groët ;
La Création du monde. 349
infernal qui est cause de tout cela. Car c'est ce prince maudit,
c'est lui qui m'a dit que mon époux et moi, nous pouvions
hardiment manger une pomme de l'arbre de vie. Voilà de
quelle manière la chose m'est arrivée. Et moi, j'ai été assez
légère pour croire à ses paroles ! Maintenant, par ma faute,
tout est perdu au monde. Nous étions créés sur terre, les pre-
miers que Dieu éternel eût confirmés en grâce, hélas ! c'est
moi qui suis cause si tous les hommes ensemble iront en
Enfer.
Dieu le Père va les trouver.
Adam.
Quel malheur est venu fondre sur nous deux, et sur tous
ceux, hélas ! qui naîtront après nous !
Je vois Dieu le Père qui se dirige de notre côté : je vais
me cacher, j'ai honte, je n'oserais pas rester ici en sa pré-
sence, après l'avoir offensé. Notre confusion est grande à cause
de notre péché. Retirons-nous à l'écart, au milieu des feuilles,
sous les figuiers, afin de nous mettre à couvert.
Dieu le Père.
Où es-tu allé, Adam? Je crois que tu te caches. Penses-tu
donc que je ne puisse te voir ? Où es-tu allé, Adam ? Lève-toi
de. là vite. Tu as maintenant perdu la grâce de Dieu le Père.
Malheur à jamais pour toi de m'avoir offensé, tu seras puni
comme tu le mérites.
Adam.
Pardon ! Miséricorde ! je vous le demande, ô mon Dieu !
Soyez compatissant, ayez pitié de nous ! Lorsque j'ai entendu
votre voix, je me suis senti trembler; d'horreur et d'épou-
vante je me suis laissé tomber. Je regrette amèrement ce que
Revue Celtique, IX. 23
}$o L'abbé Eug. Bernard.
Queun am eus em halon d'ho pean ofanset.
1105 Pardonet ma ine! na n' d-inn quet d'an Ifern,
Ha ma lequet en tu da ober pinijen.
Doue an Tat a coms.
Lavar d'in-me, Adam, petra poa esperet
Da dont da transgressin ma gourhemen roet ?
Te a renquo mervel, ha queme.nt crouadur
11 10 A deuio voar ar bet, ha dimeus da natur.
Adam a coms.
Me a lavaro d'ec 'h, ma Doue, ia, mar pcrmettet,
Ma friet a so caus, he deus ma foursivet.
Evid-oun-me, certen, ne rajen birviquen;
Me ne falfoa quet d'in terrin- ho courhemen.
Doue an Tat a coms.
11 15 Eva, lavar d'in-me perac e t'eus debret
Demeus an aval-se, ha roet d'as priet ?
Eva a coms.
Autro Doue, nep hor c'hrouas,
Ar speret ifernal, hen-nes hon desevas,
O corner an aval, hoc o presanti d'in,
1120 Ma lavaras, hep blam e haljen he sibrin ;
Ma creguis en aval, ha me dibrin un tam,
Ha me digas ar rest d'am guir priet Adam;
Allas ! hac hen pedis dre ali Satanas,
Hac hen dibrin he lod dimeus an aval glas.
Doue an Tat a coms ous ar serpant.
1125 Pa t'eus groet quement-se, serpant, bes miliguet!
Te vo dindan vacsin quement loen so er bet.
Birviquen coulscoudc d'as poanio na ve fin,
Hac nep na dorn na troat, quers-se voar da beutrin.
Doue a sorti.
Ar serpant cr voeen a gri.
La Création du inonde. 3 5 1
j'ai fait, j'ai le cœur contrit de vous avoir offensé. Pardonnez à
mon âme ! Que je n'aille pas en Enfer, et mettez-moi en me-
sure de foire pénitence.
Dieu le Père.
Dis-moi, Adam, qu'espérais-tu donc en transgressant ainsi
mon ordre formel ? Il te faudra mourir, avec toutes les créa-
tures qui, de ta race, viendront au monde.
Adam.
Je vous le dirai, mon Dieu, oui, si vous me le permettez:
mon épouse Eve est cause, c'est elle qui m'a fourvoyé. Pour
moi, assurément, je ne l'aurais jamais fait : je ne voulais
point violer votre commandement.
Dieu le Père.
Eve, dis-moi, pourquoi as-tu mangé cette pomme, et pour-
quoi en as-tu donné à ton mari ?
. Eve.
Seigneur Dieu, qui nous avez créés, c'est l'esprit infernal,
c'est lui qui nous a trompés. Il cueillit la pomme et me la
présenta en disant que, sans encourir aucun blâme, je pouvais
en manger. Je pris donc la pomme, j'en mangeai un morceau,
et je portai le reste à mon époux Adam. Hélas, je le priai sur
le conseil de Satan, et il mangea sa part de la pomme verte.
Dieu le Père au serpent.
Puisque tu as fait cela, serpent, sois maudit. Tu seras
foulé par tous les animaux de la terre, jamais il n'y aura de
lin à ton supplice, et, sans pieds, sans mains, tu marcheras
sur ton ventre.
Dieu sort.
Le serpent crie dans l'arbre.
3 ) 2 L'abbé Eug. Bernard.
Belsibut a antre, hac a coms.
Harao ! harao da Satanas !
1130 Diaoulien an Ifern, deut holl, bihan ha bras,
Da guerhat ar serpant, pa na hell mui querset,
Rac gant Doue an Tat hen a so miliguet.
An diaoulien a corhs.
Diaoulien an Ifern, deut holl quitibunan,
Da querhat ar serpant a so manet en poan.
1 1 3 5 Manet eo er jardin, cr voeen a vue,
Mes laquet eo ar bet dindan hon liberté.
Astarot a coms.
Cregomp en-han breman, pa na hell quet querset,
M'hen quessomp d'an Ifern, rac-se ma sicouret.
FIX D EUS AN EIL ACT.
La Création du monde. $5 $
Beelzébut entre.
Haro ! Haro à Satan ! Diables de l'Enfer, venez tous, petits
et grands, chercher le serpent, puisqu'il ne peut plus marcher.
Il a été maudit par Dieu le Père.
Les Diables.
Diables de l'Enfer, venez tous ensemble chercher le serpent
qui se trouve maléficié. Il est resté au jardin, dans l'arbre de
vie ; mais le monde est désormais placé sous notre dépen-
dance.
Astarot.
Prenons-le maintenant dans nos mains, puisqu'il ne peut
plus marcher, et portons-le en Enfer. Venez donc à mon se-
cours.
FIN DU SECOND ACTE.
MÉLANGES
I.
PROVECTIOX DE MOYENNES EX SPIRAXTES
SOURDES EX BRETOX ARMORICAIX.
Dans son admirable étude sur l'effet des terminaisons sur la
consonne initiale en comique (Kuhn Beitrâge, V, p. 162 et
suiv.), Ehel établit le parlait accord du comique avec le breton
armoricain dans les différents phénomènes qui font l'objet de
son étude, sauf en un point : le comique fait passer b à f, ;;/
à f par l'intermédiaire de v ; gw suit l'analogie de g qui
peut passer à /; et devient w et hiu. Si on prend l'ensemble du
breton armoricain, Ebel a raison de considérer ces faits comme
propres au comique, mais cette mutation est loin d'être in-
connue sur le territoire breton. Je l'ai observée en bas-van-
netais et en haute Cornouailles, à Guémené et au Faouët.
Ainsi on ne dit pas dans ces régions : ma e valo « il est en
train de moudre », mais ma c falo = e ma o~ valo ou valaff
en armoricain moyen. De même on dira à Guémené ma efa-
hatat anehon « il est en train de le battre » = ma 0^ va~atat
(bahatai = léonard habitat, de ba% bâton), etc.; me gred e
ferwa en dour « je crois que l'eau bout » (Faouët); eferwa =
r~ verwa ; de même à Guémené eferwa en daor.
L'explication donnée par Ebel pour ces phénomènes en cor-
nique s'applique naturellement à ceux que je signale: le ^
final de c~ par sa situation de finale a passé à s, et a assimilé
la spirante suivante ; par son influence v est devenu /. On
pourrait expliquer ces faits autrement, mais ici les choses se
Mélanges. i, 5 ç
sont bien passées comme Ebel l'indique. Le x. du pronom pos-
sessif de la 2e personne du pluriel a été incontestablement s
avant de disparaître ; ho% breuzr « votre frère » a passé par la
phase hos breuy avant de devenir ho preur;le haut-vannetais en
fournit une preuve irrécusable : on dit en effet encore dans
cette zone du vannetais : ho us ciuter « votre autel » et non
ho% ctuter (écrit hou ç'auter).
Ce fait dialectal se présente très fréquemment dans le mys-
tère de Sainte Barbe ; en voici quelques exemples :
P. 14, strophe 58 (éd. Ernault), pe effemp glan manet (pe ef-
fcmp = pe e~ vemp) ;
P. 15, str. 62 : dan amser maz querhet, effe~o net commencet
(effexp — ei ve~o) ;
P. 16, str. 65 : effixjff (ez viziff) ;
P. 17, str. 71 : ha me preder ... effe un termen avenant (effe
= e~ ve) ;
P. 20, str. 84 : pan guelhe effe prêt (effe = e~ ve) ;
P. 26, str. 108 : ne cafïarï quet ... effeni doeou (effent = e~
vent) ;
P. 34, str. 140: certen ouf ... effen lacaet ... dan maru (effen
== e~ veu) ;
P. 37, str. 152 : e/foc = e% voe ;
P. 81, str. 344: effioni = e~ vient;
Ibià., str. 342 : effile = £~ vi~e;
P. 93, str. 402 : effemp = e~ve^o;
P. 53, str. 220 : effe% = e~ ve~ (présent d'habitude).
Il y a bon nombre d'autres exemples à citer. M. Ernault
n'en a donné qu'un petit nombre dans son dictionnaire sous
e~. Il ressort très clairement de ces citations que l'auteur pro-
nonçait partout fie v initial du verbe bout, be^affen construc-
tion avec e~, tout en l'écrivant souvent v et qu'il appartenait à
une zone où avaient lieu les phénomènes que j'ai relevés à
Guémené et au Faouët. Il y a tout justement à deux kilo-
mètres du Faouët un pèlerinage célèbre de sainte Barbe. La
chapelle a été érigée à la fin du xv° siècle par le seigneur de
Toulbodou, près Guémené, qui, surpris par un orage épou-
vantable dans la vallée de l'Ellé, avait fait vœu de construire
j$6 Mélanges.
sur les lieux même une chapelle à la patronne de la foudre.
L'auteur du mystère serait-il de la haute Cornouaillcs ? Il est
bien possible, il est vrai, et même probable que ces phéno-
mènes de provection se produisent ailleurs sur le territoire
breton. On voit en tout cas que le seul phénomène dans le
traitement des consonnes initiales qui parût séparer le cor-
nique du breton armoricain n'est point étranger à celui-ci.
Quelques celtisants semblent considérer le comique comme
une transition entre le gallois du sud et le breton armoricain.
En réalité, le comique est infiniment plus rapproché de l'ar-
moricain que du gallois, et dans sa phonétique et dans ses
formes et dans sa syntaxe. Si l'on voulait établir des groupe-
ments dans les langues bretonnes, on devrait mettre d'un côté
le gallois et de l'autre le comique et l'armoricain, ce qui ne
surprendra personne tant soit peu au courant de l'histoire de
la Cornouailles et de l'Armorique. Une des principales divi-
sions de notre pays porte le même nom que la Cornouailles
anglaise; notre Kcrnco — Kernyw, nom que les Gallois don-
nent encore à leurs voisins ; de plus, il y a bon nombre des
noms de lieux identiques dans notre Kerneo et la Kernyw in-
sulaire.
J. LOTH.
IL
L'EXPRESSION NEVEZ IMPRIMET DANS LE TITRE
DU GRAND MYSTÈRE DE JÉSUS ET DU MYSTÈRE
DE SAINTE BARBE.
La date de l'impression du Grand Mystère est de 1530.
M. de La Yillemarqué a argué de l'expression a neve% imprimet
du titre qu'il s'agissait d'une reimpression.
Or, cette expression indique simplement une nouveauté.
C'est l'application à l'imprimerie, d'un idiotisme breton bien
connu indiquant une chanson nouvelle; dans un très grand
nombre de chansons, on trouve au début : a ncvr~ sauet, a
iicuc- composet « nouvellement composée ». La vie de sainte
Nonne en fournit un exemple des plus clairs. Le prêtre cherche
en vain de l'eau pour baptiser Devy ; une source jaillit sous
Mélanges. 357
ses yeux, et il s'écrie : setu vn feunteum eyennet ...a neue%
savet, credet sur « voici une source qui a jailli ... fraîchement
(à l'instant)' sortie de terre, croyez bien ». Il n'y a donc aucune
raison pour croire la version bretonne du Mystère plus an-
cienne que 1530. M. Paul Meyer (Revue celtique, 1866, p. 210)
a montré que l'auteur breton a suivi la rédaction d'Arnoul
Gresban ou plutôt celle de Jean Michel, jouée à Angers en
i486 et bientôt après imprimée par Vérard.
Le titre du mystère de sainte Barbe offre un nouvel exemple
de cette locution. La première édition de 1557 porte dans la
Bibliographie bretonne de MM. Gaidoz et Sébillot ce titre : E
Paris neue^ imprimet gant Bernard de leuae. Imprimet e Paris
euit Bernard de Leau pehiny a chom e montroulles var pont
bourret en bloaz MDLVII. L'édition de 1647 ne porte pas les
mots neue^ imprimet. Il est parfaitement clair que cette expres-
sion ici a le même sens que dans le titre du Grand Mystère.
L'édition de M. Ernault ne donne pas le titre complet de la
première édition dont une copie a été communiquée à l'auteur
par M. de La Villemarqué.
J. LOTH.
III.
DO (DE, DA) PARTICULE VERBALE EN BRETON
ARMORICAIN.
Zeuss (Gramm. Celt. 2, p. 417) signale l'emploi de du (do)
comme particule verbale à la place de roen irlandais. Mais per-
sonne, à ma connaissance, n'en a fait la remarque pour le
breton armoricain. Cela tient à ce que l'emploi de do comme
particule verbale est extrêmement restreint et ne s'observe que
dans des formules de souhait. Aujourd'hui, on ne s'en sert
que dans des formules comme : Doué d'o pennigo « que Dieu
vous bénisse », Doué d'en bennigo. Il est impossible de prendre
ces formes en 0 pour des infinitifs, l'infinitif n'étant réguliè-
rement en 0 qu'en haute Cornouailles. Les Colloques de Qui-
quer de Roscoff qui donnent le langage familier en offrent un
certain nombre d'exemples; je me sers de l'édition de 1632,
imprimée à Morlaix, chez George Alliennc :
5$8 Mélanges.
P. 185, Doué da ve~o meulet « Dieu soit loué », au lieu de
Doué ra vexp meulet ;
P. 70, nos mai da roi ' Doue déchu « Dieu vous doint bonne
nuict » ;
P. 16, Doué da roiff1 nos mal dech « Dieu vous doit (leg.
doint) bonsoir, la phrase précédente est Doué r'ho
conduyo ;
P. 31, Doué do benniguo « Dieu vous bénie », etc.
L'emploi de do se bornant à ces formules optatives, il n'y a
pas lieu de s'étonner qu'on n'en trouve pas d'exemple dans la
Vie de sainte Nonne ou le Grand Mystère de Jésus. Je n'af-
firmerais pas d'ailleurs qu'une lecture attentive de ces textes
et de ceux de la même époque n'en découvrit quelques-uns.
Il est à remarquer que da pour ra est toujours précédé du sujet.
L'emploi de da avec le futur-conjonctif en 0 se restreint au-
jourd'hui de plus en plus ; dans certaines parties de la Bre-
tagne, le futur est remplacé par l'infinitif et la forme en 0
n'apparaît que dans des formules consacrées, comme Doué d'o
peu ni go. J. Loth.
IV.
DE LA PRONONCIATION DES NOMS EN IAC EN
BAS-VANNETAIS.
Dans le n° 1-3 du tome VIII de la Revue Celtique, p. 113,
M. D'Arbois de Jubainville fait la remarque en passant que
« c'est un phénomène moderne qui, dans Brieç (au XIe siècle
Britbiac) a fait triompher sur la prononciation gallo-romaine
des bas-temps la prononciation néo-celtique de l'a long dans
le suffixe âcus, tandis que la prononciation gallo-romaine de la
fin de l'empire persiste dans Avessac, Campénéac, Peillac ».
Je ne sais pas comment, à Briec même, on prononce Yec
finale. Il faudrait, pour en être sûr, faire le voyage de Briec
1. On lit voit, faute d'impression évidente. Le futur-conjonctif de ce
verbe dans Quiquier est écrit ordinairement roiff. L'ff n'a ici aucune valeur
étymologique, comme il est facile de s'en convaincre en feuilletant les Col-
loques. L'ff ne se prononçant plus dans un grand nombre de cas, a été em-
ployé à tort et à travers. La forme de l'infinitif de ce verbe est reiff.
Mélanges. 359
même. Mais il existe des noms en iac dans le bas-vannetais
que j'ai entendu cent fois prononcer, par exemple Priziac et
Silfiac (arrondissement de Pontivy). Ces noms ont conservé
l'orthographe traditionnelle, mais ils sont arrivés réellement à
kcomme Brithiac; on devrait écrire, si on se conformait à la
prononciation : Prijec, Sillec (/ mouillé). LV de ce dans ces
noms en iac se distingue très nettement de IV de ce = âco
breton ; Ye de Prijec, Silice, se prononce très ouvert comme Ye
de fer, père, mère, et s'écrirait à la française : Prijec, Sillèc. Au
contraire Ye de ec = oc •= âco, se prononce comme l'e muet
français (ô) bref; on prononcerait, en bas-vannetais, Brièc =
Brithiac, mais on dit : Sam-Briec (prononcez Briôc) « Saint-
Brieuc ».
Bricc sortant de Brithiac a dû avoir la même histoire que
Priziac et Silfiac, mais en Cornouailles l'accent étant très for-
tement expiratoire et énergique sur la pénultième, il est fort
probable qu'aujourd'hui on prononce à Briec même Bride avec
Yô très bref, peut-être Brik avec l'i long, et un e à peine per-
ceptible. Dans un récent voyage à Quimper, j'ai en vain es-
sayé d'avoir la prononciation réelle de Briec à Briec même.
Pour Avessae, Campénéac, Peillac, ils sont dans une zone de-
puis très longtemps française. On y prononce Avessa, Cam-
pegna, Peilla. C'est la prononciation de ce pays également
pour les noms bretons en avos : Saint-Thuria, Saint-Sulia.
Cette prononciation identique des noms en âvo- et des
noms gallo-romains en âco a même amené de singulières
erreurs d'orthographe : ainsi on écrit officiellement Saint-Suliac,
tandis que la vraie forme est Saint-Suliau.
Il y en a eu de plus amusantes encore pour une raison ana-
logue, dans la transcription des noms bretons figés sous la
forme eue z= oc dans une zone où le breton a disparu vers le
xil-xne siècle. On prononce eu dans ce pays ; l'orthographe
officielle a fait de plusieurs de ces noms des noms en euf: ainsi,
dans l'Ille-et-Vilaine, Rotheneuf dont l'orthographe ancienne
est Roteneuc, prononcé Roteneu. Tout récemment, M. Orain,
dans sa Géographie pittoresque d'Ille-et-Vilaine, ouvrage dont
on ne saurait dire trop de mal, a fait venir Rotheneuf de
rota nova ! J. Lotii.
360 Mélanges.
V.
DU PRONOM SUFFIXE DE LA TROISIÈME PERSONNE
DU PLURIEL ET DU PRONOM POSSESSIF DE LA
TROISIÈME PERSONNE DU SINGULIER EN GALLOIS.
Sous le titre de Observai ions on ihc welsh pronouns, M. Max
Nettlau a publié dans le vol. VIII, 2e partie, 1887, des Mé-
moires de la Société des Cvmmrodorion, un travail curieux
donnant beaucoup de formes dialectales qu'on chercherait vai-
nement dans la grammaire de Zeuss. M. Max Nettlau a trouvé
dans le dictionnaire de Davies des formes de la troisième per-
sonne du pluriel du pronom suffixe en -udd qu'il déclare mo-
destement ne pas pouvoir expliquer (c'est une des seules
choses qu'il n'explique pas). Il va même jusqu'à mettre en
doute leur existence. Sur ce dernier point, il ne saurait cepen-
dant y avoir de contestation. M. Nettlau a eu le tort dans ses
recherches de laisser de côté la très importante collection des
poésies en moyen gallois de la Myvyrian Arehaeology of
Wales. Les formes en -// et en -udd y sont fréquentes. Je re-
lève dans la deuxième édition les suivantes :
Je prends seulement les formes finales assonant en -udd,
de façon à ce qu'il ne puisse y avoir de difficulté.
P. 169, col. 2 : raedut1 « devant eux » assonant avec gystui
(gall. moderne gystudd) ; dans la même série : ////// « à eux » ;
kyfryngthut « entre eux »; dans l'intérieur du vers eitut.
P. 186, col. 2, raedut; ganthutj arnadut.
P. 187, col. 1, eidut; trostut.
P. 220, col. 1, avec une orthographe moderne: ganthudd.
P. 250, col. 1, daw gant itt eu but (dans l'intérieur du
vers) .
Les formes en -u ne sont pas rares. Comme personne ne
songea les rejeter, je n'en cite pas (v. Myv. Arch., p. 193,
1 . Le / pour dd est la rèçle dans le Livre noir et est aussi très fréquent
dans les plus anciens mss. des Lois et chez plusieurs poètes de la Myv.
Mélanges. 361
col. 2; 273, col. 1). La forme la plus ancienne se trouve très
probablement dans les extraits du manuscrit de Lichfield, pu-
bliés en appendice dans le Liber Land, p. 271 : ni be cas
igridu; il faut, selon toute vraisemblance, lire irigdu et tra-
duire : « pour qu'il n'y ait pas de haine entre eux ». Quelle
est l'explication de ces formes suffixées en u, propres au gal-
lois ? J'en hasarde une, sans m'en dissimuler le caractère aven-
tureux. Il est certain que les formes en -0 du breton armo-
ricain (de~o, varne^o, gurthdo? Gloses à Juv. : cf. irl. impii)
sont des accusatifs. Les prépositions gouvernaient tantôt l'ac-
cusatif, tantôt le datif. L'armoricain nous a conservé l'accu-
satif; le gallois dans ses formes en u aurait conservé le datif
pluriel en -b = vieux celtique *bis. En partant d'une forme
en *ù-b, on arrive régulièrement à une forme u; comme
M. Whitley Stokes l'a montré pour ù accentué : ù -j- b devient
il1: ex. du — irl. dub (ann. Cambriae, Cat Dubgint), grec
xuçXéç; on peut ajouter l'armoricain Jagû et Jegi'i — Jacob
(Jegou vient de Jedegou, dérivé àejudic).
Les formes en -udd sont très probablement des formations
analogues au comique dotho (haut vannetais dehou — de^o),
arm. dc^etff (arm. mod. cle~au et b&s-vannet. dehori). Il est
vraisemblable qu'à une époque ancienne le gallois, obéissant à
un instinct qui ne l'a pas quitté, a ajouté au pronom suffixe
de la troisième personne du pluriel une nota augens, c'est-à-
dire un pronom de même origine et de même formation que
les formes en du, à un cas différent. C'est la forme non accen-
tuée qui naturellement a été suffixée comme pour de^af =
do -f- dam, puisqu'à un certain moment elle a été la seule en
usage : du (* tûbis) -f- di ? La nota augens se serait peu à peu
soudée au pronom suffixe : c'est l'histoire de dam — proba-
blement do -f- sam. La voyelle finale, la soudure faite, aura
disparu. Les pronoms renforçant ont une tendance visible en-
core à s'user. M. Nettlau en a beaucoup d'exemples: hwyn-
thwy a donné hivyntwy, yul-wy, ynbw, nhiv, etc. (v. Cymm-
rodor, VIII, p. 120, 121).
Le haut-vannetais a int comme pronom sujet (cf. irland. iat).
1 . The verbsubst., p. 23, 26.
362 Mélanges.
VI.
UN CAS DE GÉNITIF DU PRONOM DE LA TROISIÈME
PERSONNE DU SINGULIER EN GALLOIS.
Zeuss, Gr. Celt., 2° éd., p. 373, suppose un emploi du gé-
nitif de la troisième personne du singulier dans l'exemple sui-
vant tiré du Liber Landavensis, p. 113, 114 : pop cyfreith a vo
ilx brennih Morgannhuc yn lys ou, ... tout droit qui sera au roi
de Glamorgan dans sa cour (in aula ejits). Le livre de Ta-
liessin offre un emploi semblable de ou sous la forme régulière
en moyen gallois eu (Four ancient books of Wales, II, p. 189,
vers 2). Après avoir montré son héros Urien partout triom-
phant, causant tout l'émoi et les cris que l'on entend de
toutes parts, le poète ajoute :
nac vn trew na deu
ny naivd y rac eu.
c'est-à-dire : « ni un éternuement ni deux ne sont une pro-
tection devant lui ».
Rac joue le rôle de substantif, y est pour dy. Ce passage
n'a pas été compris par Skene qui a traduit comme s'il
y avait eu y rac angeu « ne sont une protection devant la
mort », ce qui violente le texte, la métrique, et n'offre
aucun sens. L'auteur veut dire que rien n'arrête Urien, qu'il
ne se laisse arrêter par aucune crainte, pas même par ['éter-
nuement. L'éternuement chez les anciens Gallois, au rebours
des Grecs de Xénophon, était considéré comme un présage
extrêmement néfaste. En voici deux preuves. La plus claire
se trouve dans le Livre noir de Caermarthcn (Skene, Four
anc. books of Wales, II, p. 43). L'auteur du poème en
question se met lui-même en scène : il part pour un long
voyage, pour Rome, semble-t-il; il entend un éternuement (un
trev a glyuaw), mais, armé de la croix, il s'écrie aussitôt:
« Ce n'est pas mon Dieu, je ne le croirai pas » ; et plus loin:
« Où il y a nez, il y a éternuement » (iiiyn yd uo truin yduo
trev). Le vers le plus caractéristique est le suivant: « ce n'est
Mélanges. 363
pas un obstacle pour le brave qu'un vain éternuement (ny lut
ar lev trev direid). Skene n'a rien compris à ce poème : il
traduit trev 'tantôt comme tref « demeure », ce qui est con-
traire à l'assonance, aux habitudes orthographiques du scribe
et au sens général, tantôt par éternuement. Un autre passage
de Taliessin (Skene, II, p. 20, v. 25 et suiv.) semble bien
inspiré par la même superstition. Le poète se plaint de la
perte qu'il a faite en Cunedda : avant sa mort, dit-il :
Rymafei biw blith yr haf
Rymafei edystrawt yr gayaf
Rymafei win gloyw ac olew
Rymafei torof keith rac untrew.
« il me donnait ? une vache laitière l'été,
il me donnait un coursier l'hiver,
. il me donnait vin brillant et huile,
il me donnait contre l'éternuement ».
Torof keith signifierait littéralement une troupe d'esclaves.
Mais keith est très probablement une faute de copiste pour kerth
« sur » . Torof est ici bien extraordinaire (peut-être toron « man-
teau » : le copiste aura lu torou au lieu de toron, moderne
torrrî). En l'absence d'un texte diplomatique sûr, je m'abstiens
de corrections. Ce qui est certain, c'est la terreur que cause
l'éternuement au poète. L'expression rag eu dans le sens de de-
vant me parait se trouver également chez Taliess., p. 211, v. 22 :
raçeu
rac y va r an r es
« devant lui, devant ses files de soldats ». Le passage, il est
vrai, ne semble pas clair. Le proverbe gallois de la Myv. Arch.,
2e éd., p. 854, col. 1 : nid a un trew a dau i'r angau « un
éternuement ni deux ne vont à la mort » ne sont présages de
mort, semble une protestation chrétienne contre cette vieille
superstition. Le sens de eu dans le vers de Taliessin me semble
donc bien établi. M. Whitley Stokes a rapproché le pronom
personnel irlandais de la troisième personne au génitif ai du
possessif gallois ci, i, armoricain he, hl ; il n'a pas cité ou, eu
qui sont beaucoup plus caractéristiques comme forme et em-
364 Mélanges.
ploi. Ei, masculin, comme il l'a fait remarquer, égale le sans-
crit asyct; ei, i féminin = asyâs. Ou, eu représentent le génitif
irlandais ai de la façon la plus exacte ; cela tient à ce que ou,
eu ne sont pas proclitiques comme i, ei ; de plus, leur emploi
est indiscutablement celui d'un génitif.
J. LOTH.
VII.
NOTE ON THE PERSONAL APPEARANCE AND DEATH
OF CHRIST, HIS APOSTLES AND OTHERS.
The following note from the Yellow Book of Leean,
col. 332, may be added to those printed in this Revue, VIII,
362, 363. I transcribe it from a photograph.
Christus folt dub et barba rufx longa.
Petrus liath uile. barba non longa.
Paulus mael oisinech longa barba.
Andréas dub longa barba.
IAcobus dub barba longa.
dormiuit. Hiorumnés folt dub sine barba.
Pilipus derg longa barba.
Partholomeus derg barba, non longa.
Tomas cas dub derg. non longa barba.
IAcobus Alphei gluinech. mong liath fair et barba
longa.
IOhannes bab/ma. folt dub et barba longs..
Matheus euangelista.
Tatheus.
crux.
crux.
gladius.
crux.
gladius.
crux.
fenwad.
gladius.
sonn.
gladius
pais.
lapidés
crux.
lapidés
Simon.
Zefonus.
[i. e. Stephanus].
Wh. St.
London, 8 nov. ii
VIII.
NOTES ON THE WUERZBURG GLOSSES.
The following notes, in continuation of those published in
this Revue, IX, 104-108, are, for the most part, due to the
Mélanges. 365
Rev. Edmund Hogan, S. J. of St. Stanislaus' Collège, Tulla-
more, who lias brought great acuteness and learning to bear on
the many difficult problems presented by the Old-Irish glosses
on the Wùrzburg Codex Paulinus.
A. CONJECTURAL EMEXDATIOXS OF THE TEXT.
5b 1, for inii read indi « they ».
6d 6, read do thaidbsiu as fir dia, « to shew forth that God
is true ».
7e 4, for cobriih read cobrich [= cuibrig bond].
8a 7, read argebaid [ô]inscoI for arèli, « lor one school will
overtake the other ».
na 11, read ni am:A inni àsôircc \aier\ « not like him who
beats the air ».
11e 10, read ambith cenchor\o\in ished tfmielare asbeirsom « the
being without a coronal tonsure, this is the uelare
which he mentions ».
11e 19, read ni forcain aiened « a thing which nature teaches ».
I2b 8, read bore is oin (a)chorp « because its body is one ».
131' 1, read ... (doadb)adar intaidbsiu hisiu ira do(naib) coic
cetaib (fer) robôi, etc.
13e 4, read .i. peccatis immefolnget bas vel [peccatoribus qui
ante mortem habebant baptismi] uoluntatem.
13e 17, caiii m(ebo)l lib ambuid (li)b cenprecept doib (rûne) ind
besséirgi « hâve ye no shame that they are with y ou
without teaching them the mvstery of the Résur-
rection ? » .
14-' 25, nipa ainmith[ig]iu intain roniefea « it will not be more
unseasonable when he shall corne. »
16e 26, iiipn lugu a chuitsi\dë\ ai « not less was his share of it »
(i. e. the manna).
20b 7, digail .i. ad[aig]fether do « vengeance, i. e. it will be
inflicted upon him ». cf. atom-aig adigit me iod, aiaig
taithbeim did claidiub doib, Serglige Coneulainn, 6.
24e 13, [cofarjfâiltisi « with your gladness » : cf. 24b 26 : co
failli.
2)d 10, isfir\i\on « it is just ».
Revue Celtique, IX 24
366 Mélanges.
26b 21, ... cenbiad ma(nl)...
33e 4, is hé a\s]sacart « it is he who is a priest ».
B. — CORRECTIONS OF THE TRANSLATION.
ia 4, (p. 238) _/br that put acolon(i).
2b 19, (p. 241) storide (literally « historical ») is better ren-
dered by « material » : so in. i)b 2 (p. 258) stoirideûd
« materiality ».
2b 28, « his faith (is)to be justified ».
3b 6, (p. 243) bad bii « be ye alive ».
3e 19, (p. 244) « is it a sin ? non ».
3e 23, (p. 244)/)/' acting rcad committing (it).
4b 13, (p. 247) for He would not hâve corne well, rcad it
would not hâve happened to Him.
4b 17, is nessa do imii lemm = is nessa lium do inni (gl. pu-
tius) Ml. 46e 18. So in Ml. 5411 n : an as nessa lium
fréquenter indas plerumque.
4e 38, (p. 248) « those for whom He destined mercy ».
a 2, (p. 250) « the teachers ».
a 10, cretim do geintïb, lit. « belief to the Gentiles », i. e.
that the Gentiles would believe.
b 34, (p. 252) « wherein are Iudaei, etc. ».
b 40, (p. 252) « for God can do it ».
c 15, « no one knows them ».
c 23, (p. 253) for every thing rcad anything.
a 24, 25, (p. 254) _/(>/- thee ;v</J von.
d 35, bid ados farmbâich « there will be success in attacking
(bàch) you » .
5a 35, (p. 254) for them readhim.
6e 1, (p. 256) for tins rcad ye.
6e 18, nâch l'eir for nach u-clc « do not pass judgment on am-
odier ».
6d 2, (p. 2)6) for did rcad did it.
7e 4, (p. 258) lasc dombeir dia cobrich [vas. cobrith] n-occo
« when Godputs a bond upon him « (scil. Satan) : cf.
Apocal. XX 2, et ligavit eum per annos mille.
The Ir. cobrich —cuiiiirig, ace. sg. of cuimrech.
Mélanges. 367
7d 3, (p. 259) « it is a marvel to me the grâce of God
(which is) with you ».
yd 8, /or « his hatred », ... « his love » read « hatred of
them »..., « love of them ».
7d 15, hi tossuch « at first » has dropt out.
8a 7, (p. 260) (ubi sapiens) apparebit gentilis de Graecis ? i. e.
itis a question which he (Paul) asked, for one school
will overtake the other.
8a 14, « that which men cduld not do hy their wisdom till
it came by His Cross », etc.
8b 10, (p. 261) « in that wise hein whom isthe Holy Spirit
knows the mysteries of God » .
8e 16, cotofutaircsi ■= co-toh-futhairc-si « hewatersyou » : cf.
fothraicim. Cancel the note.
8e 18, « a building is adjusted to the foundation ».
8d 2, « he that washes away (conutu-nig) minor sins ».
8d 3, dernum « great injury » : cf. nom infra, at i6b 6.
8d 16, 17, « the vita » ... « the mors » (/i is the neuter article).
9b 23, (p. 264) for eating read dining.
9e 3, (p. 264) for they read ye.
9e 10, (p. 264) for them... they read him... he. Cancel the
note.
9d 5, (p. 265) for, « she strips it not off read « he leaves her
not then ».
9d 19, for opérations raïdfrauds.
ioa 11, (p. 266) amal fo-n-d-rodil in Comdiu « as the Lord
distributed it ».
iob 8, (p. 267) « as if they used not ».
10e 3, 6, for « eat, eats », read « use, uses ».
10e 12, frisor(r)the « ye would offend ».
10e 13, 14, (p. 269) diltud, diltod «scandai » (as in 5b7): arna
derlinn lest I should scandalize ».
1 ia 10, (p. 270) is glé limsa rombia bitaid « it is clear to me that
I shall hâve victory ».
ua 11, (p. 270) for boxes read beats (the air).
nb 14, 15 (p. 271) for enjoying read partaking of.
nb 18, (p. 272) ... « though he hath a désire to partake of
the foods let him not consume (them) ».
368
iic
4>
IIe
10,
IIe
H,
I2a
i,
I2a
H,
I2a
22
Mélanges.
(p. 272) « indulgence to the weak in faith is glory to
God and strength of faith ». Compare iob 28.
« the being without a tonsure, this is the vei are wh'ich
he mentions ».
« it is a sign of evading (the marriage-)bond » éelutha
gen. sg. of élud.
(p. 273) cidcalléic « even at présent ».
« Christ hath one body, i. e-. sancti et iusti ».
(p. 274) « as though, saith he (Paul), it were not of
the body; but it is ofit ».
12e 18, (p. 275) « ye may teach ».
12e 31, (p. 276) brig « privilège, advantage ».
I2d 4, 5, (p. 276) « in this world ».
I2d 13, (p. 277) » though thou sayest ».
I2d 24, (p. 277) irmith « that ye-reckon ».
I2d 25, (p. 277) nis-tuccin « Ishould not understand them ».
Note 2 should be caneelled.
I2d 39, (p. 277 « that morality ».
I3b 24, (p. 280) it primiti « they are first fruits » i. e. nomcii
plurale.
I4b 7, (p. 283) foàlïna « supplies it ».
i4b 27, « confident in nobis ».
14e 16, (p. 284) no-b-tà « which is in store for y ou ».
14e 31, (p. 285)/^ justice read truth.
I4d 10, (p. 286) « it was juster that I should hâve joy from
you than grief » .
I4d 37, (p. 287) ni dia môidem dosom « this is not to boast of
him(selt) ».
15" 2, taccit « I affirm ». So in i9a 17 (p. 298).
15e 25, (p. 289) « no facewill be covered »,
I5d 10, « we are certain ».
i)d 12, aithis « reproach ».
i5d 20, (p. 290) ciasberthe peccatum di « though it should be
cailed peccatum.
1611 7, iarfir « truly ».
i6a 8, 9, nochti, nocti « nakedness ».
16* 10, «we hâve a désire to teach you teachings. »
l6b 6, (p. 291) « there being no damage (nom), I had no re-
Mélanges. 369
gret ». O'Reilly has nom « destruction », and der-
nitni (gl. detrimentum) occurs in Wb. 8d 3.
i6d 4, (p. 292) nobertis « they were bringing ».
i7b 1, (p. 293) \anasberinn « what I said ».
iyb 6, iar richte ni bar scéuil-si « after the arrivai of some ti-
dings of you ».
i8a 9, (p. 295) indoich « is itlikely? ».
i8a 24, (p. 296) intan arallegthar « when itis read out » (prac-
legitur)
i8b 5, 22 (p. 296) indib, indibsi « in you ».
18e 7, (p. 296) « which is nothing».
I9b 22, (p. 298) co nocomalnide « that it might be fulfilled ».
20b 13, (p. t,oo)' amafoirenea for crabud «lestyour pietyshould
end ».
20b 15, « take ye heed of that » .
20e 4, (p. 300) « lest thou sin ».
20e 23, (p. 301) « they désire ».
2ia 9, (p. 302), for elear rend keen.
21e 21, (p. 303) « thay they might understand it.
2iJ 1, (p. 303) a comairberi biuth « theirway of life » begins
a new gloss.
2id 4, « every créature, in.heaven and on earth, which is
called by the name « father », it is from the Father
(the name cornes) to it ».
22a 4, (p. 304) « to him ».
22a 21, « it is Est indeed ».
22b 5, tarési dw « in place of God ».
22b 7, (p. 305) taraessi « in place of it ».
22b 8, do deilb spir[to] « in the image ofthe Spirit ».
22b 14, na bad hed a mêit nâd mbœ ri. This is an instance in
Irish ofthe use ofthe double négation in order to in-
tensify or continue négation. In English the second
négative must be omitted : « let it not be so much as
that it should be (mentioned), etc. Compare Greek
phrases like si 7. ïz-':i cjssv v.z-J.zz^i rt -)ï\).v. rSkv..
22d 2, (p. 306) « so that domini may be the more obedient
mandai is Dei ».
22d 3, « since He is présent with His servants, they do no-
570 Mélanges.
thing that He will not know ». In p. 306, line 5, of
my translation « sure » is a misprint for « since ».
23b x5> (P- 3°'/) <( f°r S00^ w^ w-
23b 26, Hère /rï/Zwr perhapsmeans « secret meaning », as in 5e 16.
23e 11, (p. 308) saigid « he says ».
23 d 27, 28, (p. 309) niba, ni ba « it is not ».
2)b 4, (p. 313) « for such they are ».
26a 9, (p. 316) ni nàch cumdn lib « a thing which ye remember
not ».
26a 20, amaldo-n-d-rigénsat druid « as wizards hâve donc them».
26b 20, pennit dé « penance for it ».
26e 5, 9, 2jb 26, (pp. 3 18, 320) « ofknowledge »: dele note 1.
26d 2, (p. 318) « so that it is He who », etc.
2jh 16, (p. 320) « the raiment ».
27e 9, (p. 321) « it is not tantum when ve arc before (his)
eye that ye should do your master's will.
28a 7, (p. 323) « that I might preach His glory ».
28b 1, matchobra « if He desires it ».
32d 12, (p. 335) « so that He may forgive them their sin ».
33h li (P- 33^) C( so tnat ne mentions (the) name of rest
there ».
33d 8, (p. 337) « which he has imparted hitherto ». cf.
19e 8.
Whitley Stokes.
30 January 1888.
IX.
NOTES BRETONNES A PROPOS DU VOLUME VII
DE LA REVUE CELTIQUE.
I. Trois mots d'origine bretonne dans l'Ille-et -Vilaine.— II. Le groupe rm.
— III. Chansons vannetaises. — IV. Expressions vannetaises. — V. Un
^ « liquide » en moyen breton.
/. Trois mois d'origine bretonne dans l'Ille-et-Vilaine.
Rev. Ccli., VII, 44- Le mot gwammel « femme mariée »,
en argot de La Roche, semble identique au gallo couamelh
« femme bavarde », usité à Rennes (Glossaire patois... d'Ille-
Mélanges. 371
et-Vilainc, par Ad. Orain, Paris, 1886, p. 130). Je crois que
l'emprunt a eu lieu du côté du haut bret. ; et. Rev. Cclt., II, 141 .
Le livre de. M. Orain contient quelques autres mots bretons
passés dans le langage d'Ille-et- Vilaine, par exemple agouvreux,
s. m. « ménage de la mariée qu'on conduit chez le marié » (à
Bain); la p. 186 du même ouvrage donne une chanson où
ce mot est employé. Il vient du vannetais argouvreu « dot »
= gallois argyfreu ; le son v a péri dans le correspondant
léonnais ar gourou, qui est déjà dans le Catholicon. Ce doublet
argouvreu-argourou suppose une forme antérieure argôbrou (cf.
Rev. Cclt., VII, 309), que D. Le Pelletier dit avoir lue dans
plusieurs imprimés. Argôbrou lui-même doit provenir de *ar-
cobrou, * are-co-br-ov(es) , même racine que le grec ozp-rrn pro-
prement « apport ». * Are-vo-qr-oves (Etudes grammaticales, 17)
aurait sans doute abouti à *arobrou.
La finale vannetaise à' agouvreux se retrouve dans un autre
mot du même département : c'est bénilleux « espèce de mu-
sette » (Liste ... de ... mots en usage à Rennes, publiée par M. F.
A. Le Mière de Corvev, en 1824, dans les Mémoires de la So-
ciété royale des Antiquaires de France, t. VI, p. 238, cf. 237,
241, 248, 272); du vannetais benieu « cornemuse ». Le même
auteur donne aussi, p. 238, la variante benilloux, qui se rat-
tache mieux à la forme léonnaise biniou (pour IV, cf. tréco-
rois benio). Manet écrit binyou, biniou et bénigueux, Hist. de
la Petite-Bretagne, 1834, I, 213; plur. binious, II, 595.
Le mot biniou, que l'Académie ne mentionne pas, est bien
connu en haute Bretagne. Le Supplément de Littré et La-
rousse le font prononcer bi-ui-ou ; V. Hugo lui a donné aussi
trois syllabes, L'art d'être grand-père, II, 2. Brizeux, au con-
traire, le fait de deux syllabes, Les Bretons, chant VII, v. 202,
235 ; de même que l'auteur d'une chanson, devenue assez po-
pulaire, sur « un biniou de cornouiller ».
Une prononciation plus amollie encore est biguou, cf. le
journal de Paris, L'Orphéon, 5 avril 1887, p. r, où se trouvent
d'intéressants détails sur cet instrument. On lit déjà la forme
biguou, dans le Lxcéc armoricain, vol. IX, Nantes, 1827,
p. 382, et vol. X, p. 266.
Biniou est-il un doublet de binviou « instruments », avec
372 Mélanges.
chute du v? M. Quellicn, dans son estimable travail sur l'argot
de La Roche, est disposé à rejeter cette explication. Il est pro-
bable, en effet, que nous avons là deux racines différentes.
i. Le Catholicon donne le singulier benny « corne, lat.
musa, cornemus », qui peut se rattacher à la même racine
que le gallois ban, irlandais benn « corne ». En breton korn-
boud est le nom du gros bourdon du biniou, et Brizeux l'em-
ploie en français pour l'instrument tout entier, que lui rappelle
la piva ou cornemuse italienne :
Un jour, si le corn-boud chante aux brouillards d'Arvor...
(Histoires poétiques, 1. V, Les Cornemuses.)
2. Le mot benhuep « instrument, outil », Catholicon, van-
netais, id., léon. benveh, m., est identique au vieux comique
binfic = latin beneficium, et au gallois benthyg « un prêt ».
Le pluriel est en breton moyen binhuyou « outils », trois
syllabes (par exemple Sainte Barbe, 67, Grand Mystère de
Jésus, 135 b) ; en léon. binviou, tréc. binwio. Le P. Grégoire
de Rostrenen donne les variantes plus complètes, vannetais
bennhuëcqeù, léon. benvijoit. On dit binvijou à Gourin (Cor-
nouaille).
Pour nous rendre compte du traitement qu'a subi ici Vf
latin, et aussi des rapports de ces formes plurielles, examinons
l'histoire des descendants du latin deficio dans les idiomes
bretons.
i° V. gall. dificiuou « diminutiones » ; -uou est une nota-
tion défectueuse du suffixe de pluriel, cf. v. gall. dameirchin-
1111011 « détours », amenée par la combinaison des deux va-
riantes graphiques -ou et -ito, cf. v. bret. dadlou et dadluo
« lieux de réunion ». Le vieux breton devait avoir un pluriel
*binficiou « bienfaits, choses utiles » (quatre syllabes).
2° Gall. diffygio « manquer », diffygiol « fatigué, épuisé »;
vannetais dihuiguiêtl « épuisé », dihuiguiadurr « épuisement
(de forces) », Dictionnaire de L'A. Ici le son h du latin de-
ficio a été affaibli en g, entre lus deux voyelles. Le degré cor-
respondant, pour. la descendance de beneficium, serait *binhui-
guyou en trois syllabes.
30 Moy. bret. diffigo «■ (le bien) manquera, s'épuisera, fera
Mélanges. 37$
défaut », Poèmes bret., 284, prononcez diffijo, l'avant-dernière
syllabe rime avec trig =■ français triche1. Nous voyons que les
sons igyo ont donné ijo. Diffigo a pour pendant le pluriel ben-
vijou « instruments », P. Grég., cornouaillais binvijoit.
40 Mov. bret. diffiet « (évêché) vacant », Sainte Nonne,
1742, 3 syll., cf. 1277, = trécorois diviet « épuisé, tari, lassé »,
cf. Rev. Cclt., IV, 151; c'est probablement le sens du nom
propre Diviet, en 1268 (Rev. Celt., III, 408). Les deux syllabes
igye sont devenues ici iye, ie (deux syllabes). Correspondant
phonétique : moy. bret. binhuyou, léon. binviou, tréc. binwio.
Cf. moy. bret. bekyen «prêtres », auj. id., de * baeleguyen.
Pour identifier biniou avec binviou, il faudrait admettre que
le singulier bènny « cornemuse », en moyen breton, ait été tiré
du pluriel * bennyou, qui lui-même serait pour * benviou, de
*benviguiou, *benficiou. Le seul argument qui puisse appuyer
cette explication, c'est le passage de Sainte Barbe, str. 369:
me benuyo « je ferai de la musique », qui suppose un verbe
* benùyaff tiré de *benuy'} singulier nouveau extrait du pluriel
binhuyou. Il semble plus probable que benuyo est pour *bennyo,
du singulier benny, mais qu'il a subi l'influence analogique du
mot binhuyou « instruments ».
//. Le groupe rm.
Rev. Celt., VII, 150-15 1. M. Loth a montré, Rev. Cell.,
VIII, 172-174, que la seule forme bretonne correspondant au
gaulois Aremori-ca est arvor « lieu sur le bord de la mer »,
Anuor étant dû à l'influence de la prononciation française; et
que, d'un autre côté, l'unique forme gauloise attestée par des
textes anciens était Arcinorica, d'où, plus tard seulement, Ton
fit Armorica. Ce sont là deux rectifications importantes, que je
suis heureux d'avoir provoquées de la part de mon savant
compatriote.
Mais je dois dire que je ne vois pas encore l'erreur de prin-
1. J'ai donné, Dict. ètym. du bret. moy., une autre explication; je me
rallie à celle de M. de la Villemarqué et' je crois maintenant que disycb,
Nouelou 350, est une faute pour difych, « il manque ».
574 Mélanges.
cipe qu'il y a à croire que rm celtique peut donner phonéti-
quement à la fois ru et rm en breton, par suite d'anciens dou-
blets avec rm et rmw, quelle que soit d'ailleurs la raison d'être
de ces doublets. Examinons les faits.
Quelle raison force à séparer le gallois gwrm « brun », de
l'irlandais gorm ? Est-ce Ym final ? Mais le nominatif pluriel
irlandais garni uni, Irische Texte, I, 600, justifie cet m en gal-
lois et en breton. Est-ce l'existence de variantes worm-, wrm-,
dans ces deux langages ? Mais ils fortt un si grand emploi
de ces initiales, qu'un peu d'extension abusive n'a rien
d'étonnant, même dans les deux à la fois. Certaines formes du
mot gaou « mensonge », présentent, en breton et en comique,
une irrégularité absolument semblable (Rev. Celt., VII, 150);
il faudrait donc aussi séparer gaou de l'irlandais go ? Il s'est
passé des phénomènes analogues après une gutturale suivie
d'une liquide. Le tréeorois hroec'h «'en haut », vient de farec'h
pour cnech, v. irl. enocc. Il ne faut pas attribuer le son w de
kroec'h (prononcé hrwech, une syllabe) à la survivance de Vu
du primitif * cuuo-ccos, mais bien à l'influence analogique des
mots bretons comme grorg « femme », où le son w est régu-
lier et n'a jamais péri entièrement. L'histoire du moderne
hroec'h est la même que celle du moyen breton czpeaff « créer »,
vann. croue'ein, L'A., léon. kroui ; moy. brut, croeadur « créa-
ture », aujourd'hui krouadur, de *cream} *creatur} gall. creit,
creadur, du lat. crëare, creatura1. L'explication donnée de
croeaff, Éludes grammaticales, 9, ne tient pas compte de cette
analogie phonétique, dont il y a d'autres exemples modernes
et anciens, tels que vann. Jcsuss-Croiristt « Jésus-Christ », au-
tres dialectes et bret. moyen Christ, du lat. Christ us; vann.
scrouïtur, scruïtur « écriture », P. Grég., moy. bret. scriptur,
léon. skritur ; moy. bret. scruitoer, scruytouer « écritoire »,
scruiualj « écrire », du lat. scribere ; salocroas « nenni, non »,
litt. « sauf votre grâce », Quiquer, 1690, p. 71, salocroas 106,
de salo crus 81, salo graçç 1 > } ; salit ô grâce, éJit. de 1626;
1 . Le Catholicon donne en français la forme croecr pour créer, ce qui ne
peut être qu'un bretonnisme, de même que haie — bret. bal « crachat », de
*halv, halo (liai, halo, Grég.) zz: lat. saliva.
Mélanges. 375
salv ho graç édit. i6yi(Loth, Annales de Bretagne, III, 247);
vann. salecrés etsalecroes, P. Grég.; du français grâce. On dit
aujourd'hui .salokras et, par « étymologie populaire », salud-
kroas(=« salut, croix»). Cf. Rev. Celt., IV, 102.
Le gallois cwlm, breton koulm « nœud », se rattache à une
prononciation semblable à celle du vieil irlandais colmmene.
Le breton, comique et gallois garni « cri » n'est pas de for-
mation obscure. C'est le représentant d'un celtique * garmme
venant de * gar-nie = v. irl. gainn, qui sert d'infinitif au verbe
gairim « j'appelle », même racine que yYjpyu>.
Dira-t-on qu'il y a contradiction entre cette étymologie et
celle du gallois cwrw « bière » = gaulois y.zjzj;.. v.zyj.y., v. irl.
coirm, cuinn, de * cur-me ? Mais la question est précisément de
savoir si cette contradiction est un fait. Je le crois, et cette
antinomie me semble provenir de deux prononciations qui
ont coexisté à une certaine époque. Quant à demander pour-
quoi le gallois n'a pas les variantes théoriquement légitimes
*garw et * cwrm, autant vaudrait demander pourquoi le breton
n'a pas mois « mouton », comme le comique, à côté de
maout = v. irl. molt, tandis qu'il a bols « voûte », à côté de
baot, du bas latin vol ta (Rev. Celt., VII, 152), et pourquoi
toutes les séries étudiées Rev. Celt., VII, 155-157, ne sont
pas aussi complètes que celle-ci : bret. orgueil, oryade^ « amou-
rette », P. Grég.; orchaedis « galanterie coupable » Sainte
Barbe, 217.
Le vann. arnierhein « ménager » — gall. arnierthu « pour-
voir » semble bien formé du préfixe ar ; ci. léon. mer^out
« apercevoir », diver^ « imperceptible » P. Grég.
Voici quelques autres mots bretons intéressés dans cette
question de l'histoire de nn :
Helw.oï « s'accouder », helmoùer « accoudoir », pi. eu,
P. Grég.; helmoi, bel/nouer, m., plur. ou, Le Gonidec ; cf.
anglais elbow « coude », elbow-chair « fauteuil », allemand
ell(en)bogeu « coude », ellenbogenpolster « accoudoir ». Le mot
breton semble d'origine germanique, quoique manquant aux
dialectes celtiques de la Grande-Bretagne ; il serait ainsi dans
le même cas que/;™/-/ « consoler », Rev. Celt., VII, 153, et
scal « rasoir » Rev. Celt., VIII, 35.
$76 Mélanges.
Térmal « ahaner », vann. fermai, fermein, P. Grég.. Pcll.,
auj. fermai « être essoufflé, haletant » ; du français, cf. frimer.
Fourondec « fromage », Catholicon ms et éd. a, fouloudec
Cath. b et c (forme répétée deux fois dans chacune de ces
deux éditions), du bas latin formai ieitm. L'm s'est ici vocalisé,
comme dans aluçen « aumône », moy. bret. al usai, gall.
alwysen, ehtseu, du lat. eleemosxua.
III. Chansons vannetaises.
Rev. Celt., VII, 179-180. Cette chanson « Le rossignol »
est composée de distiques ; chaque vers a treize syllabes, avec
césure à la septième.
P. 189-19 1. Voici le sens des premiers couplets de la chan-
son « Les naufragés » :
1. Un bâtiment de cinq cents tonneaux, ho! — Un bâti-
ment de cinq cents tonneaux — A péri dans la rivière de
Bordeaux.
2. Il y avait à bord cinq cents matelots, ho ! — Tous ont
été noyés, sauf quatre.
3. Vous allez à la maison, moi je n'y vais pas, ho! —
Vous ferez là-bas mes compliments.
4. Vous ferez mes compliments, [ho!] — A ma douce Ma-
rie et à ma sœur Jeannette.
Sur le troisième couplet, M. Loth observe que « par une
inspiration fort hardie et dramatique, le chanteur fait parler
les morts ». Ce serait en effet d'autant plus hardi qu'il le ferait
sans le dire. Mais cette explication est contestable. D'ailleurs,
si le chanteur peut paraître évoquer les morts, ou plutôt un
mort, frère de Jeannette et époux de Marie, c'est probable-
ment parce qu'il n'a pas su évoquer ses propres souvenirs. La
chanson en question n'est, en effet, qu'un fragment de celle
qui se trouve dans les Gwer^iou Brei^-I^el, t. II, p. 174-181.
Les trois noms propres du texte vannetais se retrouvent, avec
des emplois différents, dans la version trécoroise. Le navire
des « Naufragés » se perd dans la rivière de Bordeaux ; Marie
est la femme et Jeannette la sœur du héros de la chanson ;
tandis que dans la rédaction qu'a fait connaître M. Luzel, le
Mélanges. 377
navire est « chargé de vin de Bordeaux » (la traduction porte,
par inadvertance, du vin d'Espagne, p. 179); Marie est le nom
du navire, et Jeannette la femme du capitaine1. C'est ce der-
nier, Jean PArc'hantec, qui prononce ces pathétiques adieux
qui sont presque identiques dans les deux dialectes. Il les pro-
nonce à un moment où il voit la mort de près, mais où ce-
pendant il est encore vivant, puisqu'il finit même par arriver
au port sain et sauf.
J'ai recueilli, en 1886, une variante léonnaise de la der-
nière partie de cette chanson ; mon chanteur, M. Uguen, de
Lesnéven, âgé de vingt-quatre ans, n'en connaissait que ce
fragment :
1 . Martolodet divar ar mor,
C'houi ia d'ar ger, me ne d-ann ket.
2. C'houi ia d'ar ger, me ne d-ann ket;
Grit va goulc'hemenou d'am priet.
3 . Grit va goulc'hemenou da dud ann ti
Ha d'am pried paour dreist pep hini.
4. Lavaret d'ei kas he map da skol,
Demezi he merc'h d'eunn den a vor,
5 . Ma talc'h chonch deus komehou he zad
A zo er mor trivac'h gourât.
Traduction.
1. Matelots de sur la mer, — Vous allez à la maison, moi
je n'y vais pas.
2. Vous allez à la maison, moi je n'y vais pas2; — Faites
mes compliments à ma femme.
3. Faites mes compliments aux gens de la maison, — Et à
ma pauvre femme plus qu'à personne.
1. M. Luzel cite, p. 180, une variante tirée d'une version différente et
où il est question d'un fils du capitaine, qu'on ne pourra empêcher d'être
« homme de mer, comme son père » ; comparez les couplets sept et sui-
vants de la version de M. Loth.
2. Ce vers se trouve dans le Bar^a~Brciz, éd. de 1867, p. 209; il manque
dans la version trécoroise correspondante recueillie par M. Luzel et publiée
par M. d'Arbois de Jubainville, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1869,
p. 621 et suiv.
378 Mélanges.
4. Dites-lui d'envoyer son fils à l'école — Et de marier sa
fille à un homme de mer.
5 . Si elle se souvient des paroles de son père — Qui est
dans la mer, à dix-huit brasses1.
Il est probable que l' avant-dernier couplet est altère, et que
son second vers dit le contraire de ce qu'il devrait dire : « Et
de [ne pas] marier sa fille à un homme de mer ». Je crois que
l'auteur du dernier vers a voulu dire « qui sera au fond de la
mer, alors » (quand on transmettra ses dernières paroles à sa
famille).
IF. Expressions vannetaises.
Rev. Celt., VII, 326, 1. 5, Mistr[ed] « maîtres ». S'il man-
que quelque chose ace mot mistr, c'est un simple e mi-muet.
La « Vie des trois rois » est de 174-5 ; le Dictionnaire françois-
breton ... du dialecte de Vannes, par M. L'A***, daté de Leide,
1744, donne uniquement au pluriel de mœstre « maître » les
formes meistre et inistre (cf. Rev. Celt., VII, 101).
Il est dit (Rev. Celt., VII, 322), que les e correspondant à
Ye final français, dans le texte de la Vie des trois rois, n'exis-
tent pas en réalité dans la prononciation. Il serait plus exact
de remarquer qu'ils ne comptent 'jamais devant une voyelle
et pas toujours devant une consonne. Ainsi au v. 8 (p. 334)
(ci) veistre « (le) fiel » compte pour une syllabe devant une
consonne; au vers 58 (p. 338), incsire « maître » pour une
syllabe devant une voyelle; et aux vers 11 et 136 (p. 346)
Mœstre « maître », pour deux syllabes devant une consonne.
Les autres exemples de cette valeur d'une syllabe donnée à IV
final, dans cette pièce, sont : atwrse « rechercher », p. 346,
v. 150; douje « crains! », p. 336, v. 46; cure «or », p. 344,
v. 127; p. 356, v. 241; élance « encens », p. 354, v. 215 ;
inourable « honorable », p. 350, v. 170; lausque « laisse! »,
p. 344, v. 117; poble « peuple », p. 356, v. 238; a ~égasse
« qui apporte », p. 340, v. 84. Les cas où IV ne compte pas
1 . Cf. Bar~. Br., p. 347, « Il est à trente brasses au fond de la mer » ;
le passage correspondant dans les Gtveirjou Brei^-lyt, t. 1 (Jann. Skolan)
contient une idée différente.
Mélanges. ^jy
devant une consonne, dans le corps du vers, sont des excep-
tions assez rares : leine « lire », p. 334, v. 9; élance « encens »,
p. 354, v. 209; né glasque « il ne cherche », p. 356, v. 232.
A la fin de chaque hémistiche, ïe ne compte jamais (exemples
à'e au premier hémistiche : Mœstre « Maître », p. 344, v. 110;
autres mots, p. 342, v. 105 ; p. 350, v. 168; p. 352, v. 188).
On sait que l'ancienne poésie française avait la même licence.
Le son final hue ne forme point syllabe dans l'unique passage
où il n'est pas à l'hémistiche: arihue « arrivé », p. 344, v. 125.
Il compte pour une syllabe, Bar^a^ Brei~, p. 369, 1. 4 (piue
« qui », deux lois); p. 383, dernière ligne (morue « mort »,
rime en e); p. 467, col. 2, 1. 5 (marne « morte », devant une
voyelle). Dans les deux premiers cas, il Faut écrire sans aucun
doute pihue e bon konfortai, pihue e rei ; dans le troisième,
marhne peut être pour marhue e « /'/ est mort » ; dans le
dernier, pour marhuet.
Tous les exemples de la prononciation de cet e que nous
fournit la Vie des trois rois appartiennent à des mots qui ne
sont pas d'origine celtique. Il y a là une influence française.
Les deux dernières syllabes de a ~égasse « qu'il apporte »,
viennent de -casse « il envoie », correspondant du français « il
chasse », bas latin captiat.- C'est une prononciation intermé-
diaire entre celle de chas « chiens » et chose « chasse », tous
deux du français chasse (= vann. chasse « chiens », chache,
m., « chasse, terme de marine », casse, m., « mouvement,
agitation », L'A.; c'est le français vulgaire chasse « chaleur,
rut »).
LV français mi-muet donne aussi en breton a (Rev. Celt.,
YIII, 526), an /moy. bret. mandamant, familiarament, Sainte
Nonne, 49; enorablement Sainte Catherine, 31; vœna gloar
Quiquer, 1690, p. '166, moy. bret. vaene gloar; syra Sainte
Nonne, 293, syr P. Grég., vann. sire L'A (cf. comique sira,
v. franc, sendra, etc.); Glanda Claude, blavèola bluet P. Grég.,
du fr. blavéole (Littré) ; moy. bret. Indaff, finesaff Sainte Cath.
10; tréc. Annan, Barbah, Radegontan, Jenovefan, vann. Anna,
Barbe, Radegonde , Jeneveu ; Basil a et Basil, « Basile », P.
Grég., etc.
P. 330. A ^rebiergoug béd er grouiss veut dire « depuis le
$8o Mélanges.
cou jusqu'à la ceinture >>, et a %rebi er pœnn bcd er grouiss,
p. 326 « depuis la tête jusqu'à la ceinture ». La même expres-
sion se trouve plusieurs fois dans le Dictionnaire de L'A.; par
exemple : « (On prend la sardine... sur la côte de Bretagne),
depuis Belle-Isle jusqu'à Brest, ... à Tjebu er Guœrvérr béti
Breste », s. v. sardine. Elle est écrite encore a yebu, s. v. cu-
lasse (au supplément); à-^rebi, s. v. buste, à qrebu et à %rebi,
s. v. brisis (au supplément) ; açrebi Galile « depuis la Galilée »,
Aviel rêvé sant Maheu, Londres, 1857 (c^- xxvn, v. 55).
Elle correspond à la locution vulgaire en français du depuis ; a
veut dire « de », et %rebi, %rebu vient par mutation de *drebui,
emprunté au français depuis. Pour l'insertion de IV après un
d initial, cf. vannetais drespétt = « dépit », Rev. Celt., VII,
334, v. 5 ; on dit à Mûr drillaou « feuilles », de deliou. Pour
u et i venant de ui français, comparez cundu, f. « conduite »,
P. Grég., vann. a gondi « qui conduit », Rev. Celt., VII,
334, v. 18.
P. 342. Le mot hilguannat est une variante de hilguœnnein
par lequel le Dictionnaire de L'A. traduit « tirailler » ; le sup-
plément de ce même ouvrage donne le dérivé hilguœnnereah
« tiraillement ». Peut-être pour *hœlquinnat, dérivé de la
mesnie Helquin, cf. v. franc, herliquiner, que M. Godefroy sup-
pose avoir signifié « disputer ».
P. 348, n. 4. L'emploi du présent au lieu du futur, avec
le mot « jamais », est assez fréquent en breton moyen et en
breton actuel : bi^huiquen ne louenhaff « jamais je ne me ré-
jouirai », Sainte Barbe, 45 ; bikenn n'ho kwelan er bed-tnan
« jamais je ne vous verrai en ce monde », Giver^iou Brei^-
I^el, II, 402. Dans ce dernier vers, qui est répété deux fois,
la rime ne peut être cause du changement de temps; cf. les
phrases françaises comme « demain je vais chez vous », etc.
D. Le Pelletier cite, au mot bar%, un dicton à rimes inté-
rieures, Birvik, birviken Riwal Far~ ne chour^ oui den « jamais,
jamais Riwal le barde ne se moquera plus de personne ». Ce
dicton fait allusion à un « ménestrel ambulant » du commen-
cement du xvie siècle, cf. H. de la Villemarqué, Bulletin de la
Société archéologique du Finistère, 1883, p. 14, 15. Il faut lire
choai\ au présent. De même dans Bikenn n'ho kwel' ma daou-
M é Linge s. 38 1
lagad « jamais mes yeux ne vous reverront », Gwer^iou Brei~-
I^el, II, 398, kiuel n'est pas par apocope pour huelo.
Le présent' dans le sens du futur se trouve dans d'autres
expressions comme seul ma% ve~aff « tant que j'existerai »,
Sainte Barbe, 199; cf. 740, v. 1; 386, v. 6, et l'anglais so
long as I live, allemand so lange ich lebe, etc.
V. Un z « liquide » en moyen breton.
P. 235, 1. 6, 7. Ici l'expression nafizy, Poèmes bretons, 261,
est expliquée par *na%_bi%y « tu n'auras pas ». Le texte est :
Na fi^y pynvi~yc en nygun. M. de la Villemarqué avait traduit
« Tu ne seras plus riche » . Je crois que le sens est « Ne te fie,
ô riche, à" personne ».
Le vers doit avoir, comme les autres du même poème, huit
syllabes ; il en a une de trop, si l'on prend fi^y pour la 2e per-
sonne du singulier du futur de be^ctff.
Il faut donc prononcer/^ y en une seule syllabe, avec y demi-
consonne ; ou plutôt fi~' par % mouillé ou liquide, selon l'ex-
pression de Le Gonidec dans sa Grammaire. En effet, il y a
là une première rime intérieure « Na f/~' pynvz'-yc ». C'est un
ornement fréquent dans cette versification savante, plus fré-
quent qu'il ne semble au premier abord, car il se rapporte à la
prononciation, et non à l'écriture: ainsi à la strophe 265, le
vers Ouen co~ bac ho tat ne patent « ils ne vivront pas aussi
vieux que leurs pères » se disait certainement comme aujour-
d'hui « Ken ko^ hak ho ^at ».
Levers 19 15 de Sainte Nonne est analogue à celui du poème
qui nous occupe ; c'est Na fi~i quel aman bed an hoa% « ne te
fie pas au lendemain ici-bas ». Il doit avoir huit syllabes, par
conséquent Jî~i est un monosyllabe, comme le^y en question.
Une troisième façon d'écrire le même mot est fi~, qui se
trouve dans le Mirouer de la Mort, f° 3 , au sens de « il se fie »
(en, dans) r.
E. Ernault.
1 . Je dois la connaissance d'une copie partielle de cet ouvrage en moyen
breton à une obligeante communication de M. le vicomte H. delà Ville-
marqué.
Revue Celtioue, IX. 25
382 Mélanges.
X.
NOTES SUR LE VOLUME VIII DE LA
REVUE CELTIQUE.
P. 16, n. 1. Le gallois ys gwir veut dire « c'est vrai », de
*iss wir, pour *esti vtron. Il est impossible d'identifier ce mot
ys « il est », v. gall. iss, is, v. bret. is, avec le moyen breton
e.~, particule qui, placée devant un adjectif, en fait un adverbe;
car le ^ ici est bien certain. Il y avait en moyen breton un
autre mot ayant absolument la même fonction que e%; c'est
ent, cf. le breton moderne end-eùn « précisément » ; en vieux
breton int = grec xrJ. (Stokes). Le moyen breton e~ vient
sans doute de *eth = *ett pour, ent; comparez le doublet
moyen breton e%a et enta « donc » (enta existe encore en van-
netais). C'est ainsi qu'en gallois ewythr « oncle » répond au
breton eohtr, dugaul. *avuntros= lat. avunculus pour *avuntlos.
On peut citer, comme exemple d'assimilation de nasale,
donnant lieu à une aspirée, le vieux breton truch, gl. obtusi,
d'où aujourd'hui troue ha « couper », du lat. truncus ; et peut-
être le v. bret. cofrit = moy. bret. queffret « ensemble », de
* copprit pour * comprit = moy. bret. compret « prendre » (de
*com-bri-t, *com-bre-i). Le b du v. gall. ameibret = gall. mod.
amgyffred « comprendre » peut représenter ph, comme à re-
présente th dans le v. gall. henoid « cette nuit » ; *-ciphret, auj.
cyffred « comprendre », de compret, équivaudrait à v. gall. ci-
thremmet, gl. libra, de * con-irum-; gall. mod. cythrawl = bret.
kontrol, v. bret. control-, du lat. contrarïus, etc.
Au doublet breton enta-c^a « donc », on peut comparer en
gallois cethrëu « pousser » — canre « poursuite », cf. bret.
cantren, participe cantreet « courir ça et là », Pell., moy. bret.
quant ren « fureur » ; vann. cantrecin « hanter », L'A.
P. 30. Le correspondant du vannetais maleu « béquilles »
existe en Goello, à Pléhédel, sous la forme malou.
P. 34. Le latin' âlum « ail sauvage », vient de *anshm se-
lon M. Brugmann, Grundriss der vergleichenden Grammatik der
indogermanischen Sprachen, t. I, Strasbourg, 1886, p. 177.
Mélanges. 38$
P. 36. Le Gonidec donne geler, m., plur. iou « tréteaux (fu-
nèbres) », mais en annonçant qu'il ne connaît ce mot que par
D. Le Pelletier, qui l'écrit ghelher. J'ai entendu ar c 'bêler, dans
une chanson populaire du Léon : Penn ar c'heler eo daoulinet
« il s'est agenouillé près de la bière ». Cette forme indique
un féminin, genre du gallois (g)elor.
P. 36, 1. 8, lisez *callu-ccos.
P. 80-81, n. 10; p. 92, 1. 2. Le moyen breton onestant est
aujourd'hui enostant (Trévérec, etc.) par exemple dans le pro-
verbe
Enostant d'ar vest
Moderasion ve onest
« Malgré la fête » (c'est-à-dire l'abondance et la bonne qua-
lité de la nourriture) « il est bon de se modérer » ; formule
usitée à Saint-Gilles-les-Bois pour refuser poliment ce qui est
offert à table.
P. 162-163. Les curieux fragments en moyen breton que
M. Loth fait connaître sont à peu près dans le même état que
les premières pages de Sainte Nonne, Rev. Celt., VIII, 230-
240 ; c'est dire qu'ils auraient besoin d'une médication éner-
gique, mais d'un autre côté l'absence d'un contexte suffisant
oblige à les traiter avec prudence.
Il semble probable que ces deux fragments appartiennent à
la même pièce, puisqu'ils contiennent tous les deux le nom
propre Jahanic ; et c'est le n° 1 qui devait terminer cette pièce,
comme l'indique la formule finale. Etudions-les dans cet
ordre.
(II, 1. 1) nep bezoet gay
.. diffalas ? em casser
men : er a ober joyae
Il est possible que nep bezoet soit pour hep be^out. La seconde
ligne est analogue à diblas en caset « vous le haïssez cruelle-
lement », Grand Mystère de Jésus, 119, v. 3; diffalas est pour
diffalas, voyez Dictionnaire étymologique du breton moyen, s. v.
diblas.
384 Mélanges.
Les lignes 2 et 3 peuvent ne foire qu'un vers, la finale du
premier hémistiche, casser, rime régulièrement avec deux syl-
labes suivantes dont une est l' avant-dernière du vers: men:
er a ober joyae (ce mot, = joae, rime très bien avec gay =
gae).
Traduction : « sans(?) être gai
. . on me hait cruellement
(?) de me réjouir ».
(1. 4) .. Jahanic me oz pet
tavarnen na hoateit quet
. a palamour den davarn
. a : er bedis ouz ho barn.
Ce couplet diffère du précédent ; il est composé de quatre
vers rimant deux à deux et sans rimes intérieures.
Peut-être tavarnen est-il pour tavarnen, pluriel vannetais,
et hoateit pour bantett. Le commencement des deux dernières
lignes pouvait être [rac] a palamour et [<•///]#[//] er bedis. Er se-
rait l'article; pour IV, cf. 1. 6, den davarn; pour Yr, cf. 1. 14,
er bet.
Trad. « .. Jahanic, je vous prie,
ne hantez pas les cabarets ;
[car] à cause du cabaret
les gens vous jugent (litt. sont à vous juger) » .
La traduction proposée par M. Loth « les habitants du
monde vont hors de leur jugement » suppose une autre resti-
tution, (/-] a er bedis. Mais ou% voulant dire en moyen breton
« contre, envers, à », et non « hors de », le sens serait : « les
gens vont à leur condamnation ».
(1. 8) ..' al merch flam en pep amser
... casser en lion bro ny
. . . quement den a so en h y
[bras] ha bihan a pet gant hi.
Mélanges. 38$
Ici reparaissent les rimes intérieures. Un troisième système
est employé pour l'arrangement des rimes finales ; amser rime
avec le couplet suivant.
Trad. «... fille pure en tout temps
... on hait(?) dans notre pays;
... tous les gens qui y sont
[grands] et petits prient pour elle » .
On disait en moyen breton, par exemple pi 'dif gant an anaj-
fuon « prier pour les défunts », Sainte Nonne, 1267, comme
on dit aujourd'hui pidcin gahd an anaon.
(1. 12) [Fur ?] nez mat ha habaster
hanet en pep amser
... ha lavenez er bet man
Trad. « sagesse (?) et patience
... et pur (?) en tout temps
... et joie en ce monde ».
(I, 1. 1) de nep a amao...
ha deze ol gotib[unan]
nep a solicita en dra.
Il faut corriger au derniers vers solicita en solicito, cf. ap-
presset pour oppresset, Rev. Celt., VIII, 232, note 1 1 ; et en
en an, cf. ibid., n. 5, et p. 80, 1. 5,6. Les lignes 2 et 3 de ce
fragment semblent ne faire qu'un vers, où gotibunB.H rime
avec an; comparez le premier couplet de l'autre fragment.
Trad. « à celui qui ....
et à eux tous, sans exception,
qui solliciteront la chose ».
(1. 4) adieu Jahanic deffet
an autru doe ro si[cou]ro
Jésus map doe roey en ...
roz sicoro ouz ho tiege.
Amen.
$ 86 Mélanges.
La forme autru serait un indice du dialecte vannetais, s'il
n'était probable que sa finale rime avec sicow.ro. Le mot roey
est pour roe, cf. edoay « il était », Rcv. Celt., VIII, 92, 1. 31,
= edoa, p. 78, 1. 13, etc. Dcffct, s'il n'est pas pour en effet,
pourrait être le franc, de fait, voy. D/V/. étym. du bref, moy.,
s. v. defaet. Rimes intérieures : adieu (adeo), defïet, cf. Sainte
Nonne, 1074; autr(o)u, sicou.ro; doe, roey. Le système
des rimes finales n'est pas facile à déterminer.
Trad. « adieu, Jahanic, certes (?)
que le seigneur Dieu vous aide,
que Jésus fils de Dieu, roi de ... [... ant).
vous soulage de votre ... (ou vous aide, en vous
Amen ».
P. 230, n. 6. La restitution conjecturale des trois premiers
vers n'est pas exacte, car si le troisième finit par detry il faut
que les deux premiers soient en et; lisez Autrone^ parfet Dcoch
e% vexp net 1
P. 271, v. 434. Au lieu de « Il parlera si bien, que je ne
puis l'exprimer (?) », lisez : « Si bien qu'il dira franchement :
Je ne puis prononcer une parole » . Cette correction est due à
M. Loth, Annales de Bretagne, III, 65.
P. 370-374. Ce jeu gallois est la mise en scène d'une ran-
donnée bien connue en français ; j'ai entendu chanter ainsi la
finale de chaque couplet :
Ah ! ah ! tu sortiras, biquon, biquette,
Ah ! ah ! tu sortiras de ces choux-là !
Cf. Julien Vinson, Le folk-lore du pays basque, Paris, 1883,
p. 216-220 :
« La mort est venue là — ■ pour tuer le boucher ; — la
mort (tue) le boucher, — le boucher le bœuf, — le bœuf l'eau,
— l'eau le feu, — le feu le bâton, — le bâton le chien, — le
chien le loup, — le loup le bouc, — le bouc le maïs : — ôtez
le bouc, ôtez, ôtez ! — le maïs était à nous ».
Mélanges. 387
Comparez aussi les randonnées publiées par M. E. Rolland,
Rimes et jeux de l'enfance, Paris, 1883, p. 115-118 et 124-125 :
« ... le chat a pris la souris; — la souris a rongé la cour-
roie ; — la courroie a lié le bœuf; — le bœuf a bu la rivière;
— la rivière a éteint le feu ; — le feu a brûlé le bâton ; — le
bâton a fessé le chien; — le chien a aboyé le loup ; — le loup
a mangé Pété — qui était dans le bois et qui ne voulait pas
s'en venir » (Maine).
« Je te vends la mort qui a pris le boucher qui a pris la
masse pour tuer le bœuf qui a bu l'eau qui a éteint le feu qui
a brûlé le bâton qui a tué le chien qui a tué le chat qui a
mangé le rat qui a mangé la souris » (Loiret).
P. 372, n. 3. La forme bac' h « bâton », dans un document
populaire qui contient le mot cas « chat », est remarquable,
mais c'est un emprunt au dialecte de Vannes. Ceci n'a rien
d'étrange, dans un pays où le cornouaillais est si voisin du
vannetais; d'autres formes du même genre, quoique moins
accusées, sont, dans ce texte, l'article en, er, eideit « venez ».
P. 384 « [r]PÀ2EA02 ? », voyez Rev. Celt., VII, 106-108.
Il y a bien des inconvénients à mettre, dans une liste de
noms gaulois, tous les mots au nominatif; cela préjuge la
question d'interprétation.
P. 403, 1. 5, 22 avril, lise% 20 mâl-
P. 486, v. 19 10, lisez pnsoniet en bet man.
P. 550, lisez roiau « des bêches ».
E. Ernault.
XL
LE CHAR DE GUERRE DES CELTES DANS QUELQUES
TEXTES HISTORIQUES.
§ I. — Les Grecs et les Romains.
Combattre à cheval est chez les Européens un usage relati-
vement récent. Les chars de guerre ont précédé la cavalerie.
3 88 Mélanges.
Dans Y Iliade, le char de guerre porte deux hommes : le cocher,
■fjvisyéç1, et le guerrier, r.oiçx'M-zrfc 2, ou h-zj;>, et la dernière
de ces expressions, employée au pluriel, peut comprendre avec
les guerriers les cochers 4.
A l'époque historique en Grèce, le char de guerre est aban-
donné, et le cheval de guerre n'est plus une bête de trait, il
est monté par un guerrier; mais en l'an 424 av. J.-C, on con-
servait encore en Béotie le souvenir de la tactique ancienne
par une dénomination caractéristique : la troupe d'élite des
3éotiens se composait de trois cents hommes qu'on appelait en-
core tyioyci et zap6i-;c. et qui passaient en tète du reste de
l'armée 5 comme autrefois leurs homonymes dans Y Iliade 6.
A Rome, le seul souvenir du char de guerre, que les insti-
tutions eussent conservé, était, semble-t-il, l'usage du char
dans la pompe triomphale; c'était dans un char que le général
vainqueur s'avançait vers le Capitole. Dès les époques les plus
anciennes, eques paraît avoir signifié « cavalier » et non
« guerrier combattant en char », comme le grec i—EJr. Il est
vaisemblable que ce phénomène est purement apparent, il a
pour cause l'état fragmentaire dans lequel nous sont parvenus
les plus anciens monuments de l'histoire romaine et les re-
touches que ces monuments ont subies avant d'arriver jusqu'à
nous.
Nous sommes plus heureux pour la race celtique. Comme
dans Y Iliade, c'est en char qu'apparaissent les guerriers dans la
plus ancienne littérature épique de l'Irlande. La mention de
l'équitation est dans cette littérature un des indices d'une com-
position relativement récente. Les historiens grecs et les his-
toriens romains sont d'accord avec la littérature épique irlan-
daise pour constater l'usage du char de guerre chez' les Celtes
dans l'antiquité.
1. Iliade, V, 580; XI, 45; XXIII, 132.
2. Iliade, XXIII, 132.
3. Iliade, XI, 52; XXIII, 135.
4. Iliade, XV, 2 58,, 270.
3. Diodore de Sicile, V, 70, § 1 ; édition Didot, t. I, p. 455; cf. Adolf
Bauer, dans l'Encyclopédie d'Ivan Mùller, t. IV. re partie, p. 296.
6. Iliade, XXIII, 132-133.
Mélanges. 389
Toutefois, comme ces textes antiques grecs et latins se rap-
portent à des populations celtiques auxquelles le contact avec
les Grecs et. les Romains, avait appris les inconvénients du
char de guerre, ils nous montrent chez les Celtes la cavalerie
concurremment avec ce char..
§ II. — Les Gaulois d'Italie.
La bataille de Sentinum, 295 avant J.-C, est la première
des batailles livrées par les Romains aux Gaulois dont le récit
semble autre chose qu'une œuvre d'imagination. Tite-Live
emprunte probablement son récit à Fabius Pictor; celui-ci, né
trente ans après cette bataille, avait pu s'entretenir avec des
témoins oculaires. Or, suivant l'historien romain, les Gaulois
y avaient une cavalerie, equiiatum l, et des guerriers montés
sur des chars de guerre, essedis carrisque superstans armatus
hostis, le bruit que faisaient les chevaux et les roues de ces
chars effraya les chevaux des cavaliers romains 2. Ces chars
étaient, dit-on, au nombre de mille 3. Un détail caractéristique
qui nous est donné par Tite-Live semble bien indiquer l'em-
ploi d'une source originale par cet écrivain. Avant le récit de
la bataille, Tite-Live dépeint l'arrivée des cavaliers gaulois :
vainqueurs dans une première rencontre, ces cavaliers por-
tent suspendues au poitrail de leurs chevaux ou fixées au
bout de leurs lances les tètes des légionnaires qu'ils ont tués
et ils chantent des hymnes 4. Ils furent vaincus.
Au récit de la bataille de Sentinum, il est curieux de com-
parer celui de la bataille de l'Allia, qui n'est qu'une amplifi-
cation de rhétorique. Evidemment Tite-Live ne connaissait de
la bataille de l'Allia que le nom, la date et le résultat), tandis
qu'en écrivant son tableau de la bataille de Sentinum, il avait
sous les yeux un récit détaillé dû à un auteur plus ancien.
A la bataille de Télamon, en 225, les Gaulois avaient, outre
1 . Bis avertere Gallicum equitatum, Tite-Live, X, c. 28, § 8.
2. Tite-Live, X, c. 28, § 9.
3. Tite-Live, X, c. 30, § 5.
4. Tite-Live, X, 26.
5. Tite-Live, V, 38; ci'. Plutarque, Camille, 18.
390 Mélanges.
cinquante mille fantassins, vingt mille guerriers, tant à cheval
qu'en char1; mais ils se défiaient de leurs chars qui, à Sen-
tinum, n'avaient pu leur assurer la victoire, ils ne les lancè-
rent pas contre l'armée ennemie; ils les partagèrent en deux
groupes qu'ils placèrent l'un à. droite, l'autre à gauche du
corps de bataille2. Malgré cette précaution, ils ne furent pas
plus heureux qu'à Sentinum.
En 222, à la bataille de Clastidium, ils ne semblent avoir
mis en ligne aucune troupe de guerriers montés sur des chars.
Plutarque, reproduisant plus complètement que Polybe le récit
de Fabius Pictor, nous parle de leur cavalerie plus nombreuse
que celle des Romains 3 et de l'infanterie mêlée à cette cava-
lerie 4. De chars de guerre il ne dit mot. Toutefois, nous sa-
vons qu'à cette bataille le roi Virdumarus était en char : ce
fut du haut d'un char qu'il menaça de son gresum le consul
Claudius Marcellus. Celui-ci, qui était à cheval, prévint son
adversaire, le frappa d'un premier coup de lance, le renversa,
puis lui donna deux autres coups dont le dernier fut mortel >.
C'est, je crois, le dernier exemple connu d'un Gaulois com-
battant en char en Italie.
§ III. — Les Gaulois en Grèce.
Dans la péninsule des Balkans, les Gaulois arrivèrent avec
des chariots, mais ce n'étaient probablement point des
chars de guerre. Lors de l'expédition contre Delphes, en 279,
Brennus avait, dit-on, cent cinquante mille fantassins, dix mille
cavaliers et deux mille chariots destinés, semble-t-il, au trans-
port des bagages. Voilà ce que nous apprend Diodore de
Sicile, et celui-ci nous donne vraisemblablement un arrangement
du texte de Timée, auteur contemporain de cette guerre célèbre6.
Nous devons à Pausanias un autre arrangement du texte de
1. Polvbe, 1. II, c. 23, §4, édition Didot, p. 84.
2. Polybe, 1. II. c. 28, § 5, éd. Didot, p. 88.
3. Plutarque, Marcellus, c. 6, § 5, édition Didot, p. 359.
4. Plutarque, Marcellus, c. 7, § 4, édition Didot, p. 360.
5. Plutarque, Marcellus, c. 7, § 2, édition Didot, p. 359; cf. Properce,
livre IV, élégie 11, v. 39-44.
6. 'A^xÇûv v.-j/'./.i'tov. Diodore. 1. XXII, c 9, edit . Didot, t. II, p. 457-438.
Mélanges. 391
Timée ; les chariots y sont négligés. En effet, suivant Pau-
sanias, l'armée gauloise se composait de cent cinquante-deux
mille fantassins et de vingt mille quatre cents cavaliers1. En
combinant la rédaction de Diodore avec celle de Pausanias
et en les complétant l'une par l'autre, on peut arriver à ce ré-
sultat que Timée attribuait à Brennus cent cinquante-deux
mille fantassins, vingt mille quatre cents cavaliers et deux
mille chariots. Pausanias a négligé les deux mille chariots
qu'il considérait comme peu intéressants au point de vue stra-
tégique; Diodore, afin de donner des chiffres ronds, a écrit
pour les fantassins cent cinquante mille au lieu de cent cin-
quante-deux mille, et pour les cavaliers il en a supprimé
quatre cents. Quant à dix mille, [/.ùpHûv, chez le même Dio-
dore, c'est une faute de copie pour Siap/jpiwv, vingt mille.
Dans l'armée de Brennus, en 279, la cavalerie gauloise
avait une organisation dont il n'est question nulle part ailleurs.
Chacun des vingt mille quatre cents cavaliers était accompagné
de deux domestiques à cheval, en sorte que l'effectif réel de la
cavalerie était triple de l'effectif nominal et comprenait
soixante et un mille deux cents hommes et autant de chevaux.
Cette organisation spéciale de la cavalerie gauloise est un ré-
sultat de la suppression du char de guerre. Le cocher qui ac-
compagnait le guerrier sur le char est doublé d'un aide, et
tous deux montent à cheval comme leur maître.
$ IV. — Les Gaulois dans la Gaule transalpine et dans les Iles-Britanniques.
Quand Posidonius fit son voyage dans le sud de la Gaule
transalpine, c'est-à-dire peu après l'année 100 avant notre ère,
il trouva dans ce pays, qui devait être un jour la France méri-
dionale, des corps de troupes combattant en char. Chacun de
ces chars portait un cocher et un guerrier. Le guerrier lançait
son javelot du haut du char, puis il mettait pied à terre pour
se battre à l'épée. Nous lisons l'exposé de cette tactique chez
Diodore de Sicile, qui l'a tiré de Posidonius comme le reste de
sa description des mœurs gauloises2. Il y a un exemple célèbre
1 . Pausanias, livre X, c. 19, § 9; éd. Didot, p. $16.
2. Diodore, 1. V, c. 29; édition Didot, t. I, p. 271. Cf. Strabon, 1. IV,
392 Mélanges.
du char de guerre chez les Gaulois de la Transalpine à une
date peu antérieure à celle où écrivait Posidonius. Nous vou-
lons parler du char où combattit le roi des Arvernes, Bituitus,
le 8 août 121. En cette journée, Bituitus fut vaincu par le
consul Q. Fabius Maximus1. L'année suivante, Fabius obtint
les honneurs du triomphe, et, dit Florus, Bituitus y figura,
assis sur son char de guerre, qui était d'argent2.
Les savants travaux de M. Alexandre Bertrand sur les chars
de guerre dans les sépultures gauloises ont donné à Diodore
de Sicile et à Posidonius une éclatante confirmation.
Quand César arriva dans la Gaule transalpine l'an 58 avant
notre ère, il n'y trouva pas de chars de guerre. L'usage en
avait disparu. Les troupes gauloises se composaient exclusi-
vement de fantassins et de cavalerie. Mais le char de guerre
était encore usité en Grande-Bretagne. Les Bretons avaient à
la fois et des cavaliers et des essedarii>, c'est-à-dire des guer-
riers qui combattaient sur des esseda* ou chars. Suivant l'au-
teur des Commentaires, le roi breton Cassivellaunus aurait eu
sous ses ordres en l'an 54 avant J.-C. environ quatre mille es-
sedarii 5, c'est-à-dire deux mille chars de guerre, à deux hom-
mes par char, en comptant le cocher avec le guerrier. C'était
le double du nombre de chars que les Gaulois avaient mis en
ligne contre les Romains à Sentinum 240 ans plus tôt. Suivant
Tacite, au temps d'Agricola (78-84), c'est-à-dire plus d'un siècle
après César, l'usage du char de guerre persistait chez quelques
nations bretonnes6.
Le char de guerre apparaît souvent plus tard dans la plus
ancienne littérature épique de l'Irlande. C'est en char que nous
y voyons toujours combattre les guerriers. Le cavalier n'in-
C. 5,§ 2, éd. Didot, p. 166, 1. 37-38: -:ô; oï ~o:j; -oÀsWj; [ïlpi-TH/O:]
a-ïjvai; y '.ilivu: to Tzkiov, v.x^xr.ip /.a: KsXxàiv evtoi.
1 . Mommsen, Roemiscbe Gescbicbte, 6e éd., t. II, p. 162.
2. Argenteo carpento qualis pugnaverat. Florus, livre I, c. 36 (111,
2, édition Iahn, p. 39, 1. 26-28). Cf. Acta triumpborum Capitolina, dans le
Corpus inscriptionutn latinatum, t. I, p. 460.
3. De bello gallico, IV, 24; V, 13, 19.
4. De bello gallico, IV, 33 ; V, 9, 16, 17.
5. De bello gallico, V, 19
6. In pedito robur : quaedam nationes et curru praeliantur. Agricole, 12.
Mélanges. 395
tervient dans les monuments de cette littérature que par l'effet
d'additions .postérieures aux rédactions primitives. Le char de
guerre dans l'épopée irlandaise, comme dans Ylliadc, et chez
Posidonius, porte deux hommes : le guerrier et le cocher1.
H. d'Arbois de Jubainville.
XII.
UNE VERSION INÉDITE DU PÉRÉDUR GALLOIS.
A l'occasion du Pérédur gallois récemment donné par
M. Kuno Meyer, il y a une observation à faire que je n'ai
point vue dans les comptes rendus publiés sur ce livre. C'est
que M. Kuno Meyer a ignoré l'existence d'un autre ms. où se
trouve également ce texte. Pourtant la collation de ce ms. lui
aurait permis d'établir plus sûrement son texte et aurait donné
à son édition une valeur originale.
Nous présentons cette observation comme renseignement,
non comme critique adressée à M. Kuno Meyer. En effet, les
mss. gallois se rencontrent surtout dans des collections parti-
culières, et si des catalogues sommaires — très sommaires —
des principales de ces collections ont été publiés autrefois dans
diverses revues, les découvertes récentes d'anciens mss. gal-
lois ont le plus souvent passé inaperçues.
En janvier 1876, l' Archœologia Cambrensis (4e série, t. VII,
p. 79) annonçait que parmi les mss. de la vente de Brony-
rhwylfaen 1875, mss. acquis par M. Breese, se trouvait un ms.
contenant « quatre Mabinogion qui ne figuraient pas dans le
recueil de Lady Guest ». Nous écrivîmes aussitôt à M. Silvan
Evans pour avoir des renseignements plus circonstanciés. Il
nous répondit que ce ms. contenait cinq Mabinogion : Bown
oHamtwn; — Peredur ab Efrog; — Caer yr Anrhyfeddodau a
Gwiddonod Cacvloau; — Ysloria Ysgan ab Asgo ; — SelyJ a
Marcholff.
1. Le char de guerre assyrien porte trois et quatre personnes. G. Perrot.
et Ch. Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. II, p. 463, 491, et pi. X.
394 Mélanges.
C'est-à-dire :
i° Beuve d'Hamton;
2° Pérédur fils d'Efrog;
3° La ville des merveilles et les sorcières de Gloucester
(histoire qui est probablement le développement d'un épisode
de Pérédur);
4° Histoire d'Ysgan fils d'Asgo;
5° Salomon et Morolf (ce dernier texte est incomplet).
M. Breese, à son tour, est mort en 1881, et en annonçant
sa mort dans la nécrologie de cette Revue (t. V, p. 156) nous
disions : « il laisse une belle collection de livres et de ma-
nuscrits gallois : les journaux du pays expriment l'espoir que
cette collection sera acquise par un établissement public ».
Cet espoir n'a pas été réalisé, car nous recevons le cata-
logue de vente de la bibliothèque de M. Ed. Breese qui doit
se disperser aux enchères à Londres, le 31 mai 1888. Ce ca-
talogue rie ressemble en rien aux catalogues faits avec tant de
soin par nos libraires-experts de Paris et qui gardent une va-
leur bibliographique après la vente. Le catalogue de la vente
Breese est des plus succincts et les manuscrits y figurent pêle-
mêle avec les livres. Nous croyons pourtant y retrouver le
manuscrit en question dans ce titre, malgré la date récente
qu'on lui attribue :
N° 214. Mabinogion or Juvénile Talcs in Welsh. Mamis-
cript. 1844.
Il sort encore de temps à autre des vieilles bibliothèques, sinon
des mss. complets, au moins des feuillets d'anciens mss. gallois.
Au mois de septembre dernier (1887) nous avons vu chez un
libraire de Galles du Nord plusieurs feuillets de mss. gallois
qui nous ont paru être du xve siècle; ce n'étaient malheureu-
sement pas des Mabinogion, mais des textes religieux. Le li-
braire n'a pas voulu du reste nous en dire un prix; car il les
réservait à un bibliophile qui a dû les lui acheter depuis.
H. Gaidoz.
BIBLIOGRAPHIE.
South Kensington Muséum art handbooks. — Early Christian
Art in Ireland by Margaret Stokes, avec cent six gravures sur bois,
publié pour le comité du Conseil d'Education, par Chapman et Hall,
h Henrietta Street, Covent Garden, 1S87, in-8, xvi-210 pages.
Ce charmant volume est un résumé de l'histoire des arts en
Irlande depuis l'introduction du christianisme jusqu'à la con-
quête anglo-normande et l'importation de l'architecture et de
l'écriture gothique. On peut y distinguer quatre parties, la
première traite des manuscrits et 'principalement de leurs mi-
niatures, la seconde des objets métalliques, la troisième de la
sculpture sur pierre, la quatrième de l'architecture.
La première partie consiste en une étude sur les plus an-
ciens manuscrits en écriture irlandaise conservés tant dans les
Iles-Britanniques que sur le continent. Mle Stokes résiste cou-
rageusement à la tendance générale qui porte ses compa-
triotes à exagérer l'ancienneté de leurs manuscrits ; cependant
je- penche à croire que certains de ces manuscrits sont encore
moins anciens que le savant auteur ne l'admet. Il me semble
que, par exemple, le livre de Kells ne remonte pas à la fin
du viie siècle, et qu'il ne peut être antérieur au IXe.
Parmi les objets métalliques dont traite la seconde partie,
on remarque en premier lieu les cloches, d'abord en fer forgé1,
à commencer par celle de Saint-Patrice, Ve siècle, puis en bronze
fondu depuis le Xe siècle. Un certain nombre de cloches en fer
forgé étaient considérées comme des reliques et conservées
1 . Il en existe encore cinquante-six en Irlande.
3 9 6 Bibliographie.
dans des châsses, et six de ces châsses existent encore aujour-
d'hui : elles ont été fabriquées du xe au xne siècle.
La belle époque de l'orfèvrerie irlandaise commence, sui-
vant JVlle Stokes, au vne siècle et finit avec le ixe; à cette pé-
riode appartiennent la broche de Tara et le calice d'Ardagh.
Les boites de livres {cumdacl}) en orfèvrerie paraissent posté-
rieures à cette période, les .plus anciennes qui subsistent
datent du xie siècle, et les textes n'en .mentionnent point qui
aient été fabriquées avant les dernières années du ixe. Les
plus anciennes crosses épiscopales ou abbatiales ne sem-
blent pas remonter au delà de la fin du xe siècle ou du com-
mencement du xie. S'il y a une exception, elle est unique,
c'est la crosse de saint Berach qui est une canne d'if couverte
de bronze, elle est sans valeur artistique. La plus belle des
crosses d'Irlande est celle de l'abbaye de Clonmacnois con-
servée au musée de l'Académie d'Irlande.
Mle Stokes ne cite que trois reliquaires et une croix de pro-
cession antérieurs à la conquête anglo-normande, quant aux
reliures de livres en orfèvrerie de la même époque, on n'en a
guère que des débris.
Les monuments de la sculpture consistent en tombes, en
autels et en croix monumentales. Ces croix ont souvent une
valeur artistique, on en compte quarante-cinq. M!e Stokes
donne de treize d'entre elles une description détaillée.
L'architecture irlandaise débute par les dolmen qui parais-
sent abriter pour la plupart des sépultures par inhumation.
Viennent ensuite les tumuli qui, quelquefois, recèlent dans
leurs flancs de vastes chambres ; ce sont des sépultures par
incinération qu'on y trouve, des urnes y renferment les cen-
dres des morts. Dans les chambres des tumuli les parois sont
décorées de figures variées, parmi lesquelles on chercherait inu-
tilement la divergent spiral ou le trumpet pattern, caractère dis-
tinctif de la décoration celtique dès le ne siècle avant J.-C,
suivant Mle Stokes (p. 73, 121, 147-148), et qui restèrent en
usage en Irlande jusqu'au commencement du xic siècle.
Dans l'architecture chrétienne d'Irlande, on peut distinguer
trois époques: la première ne connaît ni l'usage du mortier ni
la taille de la pierre. La seconde époque commence au vi% au
Bibliographie. 397
viie ou au vine siècle et se termine dans le courant du xie.
Elle comprend des édifices composés d'une seule chambre sans
distinction architecturale entre le chœur et la nef, et à partir
du xe siècle on leur adjoint une tour ronde en maçonnerie
qui est à la fois un clocher et un donjon. Au XIe siècle, on
commence à construire des églises romanes imitées de celles
du continent.
Le livre de Mle Stokes résumant sous la forme d'un ouvrage
élémentaire les nombreux travaux et la science acquise par la
longue pratique archéologique du savant auteur, se recommande
à l'attention de toutes les personnes qu'intéresse en général
l'histoire de l'art en Europe et spécialement l'histoire de l'art
dans les régions celtiques.
H. d'Arbois de Jubaix ville.
Ernst Windisch. Ueber die Verbalformen mit dem Cha-
racter 9* im Arischen. îtalischen und Geltischen (Abhand-
lungen der philolog.-histor. Classe der Kœnigl. Saechs. Gesellschaft der
Wissenschaften, p. 447-512). Leipzig, Hirzel, 1887, 66 p. in-4; prix:
3 mark.
Un des principaux traits communs à la fois aux langues
celtiques et aux langues italiques, et qui leur donne une phy-
sionomie à part dans l'ensemble des langues de l'Europe, est
la présence d'un r dans la plupart des formes médio-passives
du verbe. Bopp, le premier, émit l'hypothèse que cet r, en
latin, venait de Y s du pronom réfléchi de la troisième personne :
amatur serait pour amat-sc, u étant « voyelle de liaison ». Le
rhotacisme de Y s intervocalique étant de règle en latin, cette
explication ne soulève pas de trop graves difficultés : d'ail-
leurs, les langues letto-slaves, qui ont formé leur passif par
un procédé analogue, les tournures françaises et allemandes
comme « cela se vend bien » ou « das verkauft sich gut »
montrent avec quelle facilité les peuples les plus divers passent
de l'idée réfléchie à l'idée purement passive.
M. Whitley Stokes a été le premier à contester l'exactitude
de cette théorie. Dans les Beitràge %ur vergleichenden Sprach-
forschung (t. VII, p. 56 ss.), il fit remarquer que, phonéti-
quement admissible pour le latin et pour l'ombrien qui suit
Revue Celtique, IX. 26
398 Bibliographie.
les mêmes règles de rhotacisme que le latin, psychologi-
quement possible pour toutes les langues, l'explication de
Bopp ne peut s'appliquer ni à l'osque ni aux langues cel-
tiques : car, dans ces langues, IV du médio-passif serait le seul
à provenir d'un ancien s, tous les autres s ayant subi d'une
manière parfaitement constante un traitement différent. Ainsi
en osque, s intervocalique devient ~ (noté tantôt par s, tantôt
par ^) : l'infinitif de la racine es- « être » est L\-um, non er-um
comme en ombrien ; le génitif pluriel des thèmes en a- (sans-
crit tâscuii) est en -asum ou -a%um} jamais en -arum (ombrien
et latin -arum). On trouve dans une même inscription (Zve-
taieff, Sylloge inscriplionum oscarum, n° 142) à la 1. /^comparas-
custer (futur antérieur passif: cf. les formes actives comme
fefacusl) et à la 1. 11 e~um : cette même inscription contient de
plus quatre ou cinq exemples de l'adjectif démonstratif (en
sanscrit esha avec sh provenant de s) qui en ombrien est régu-
lièrement ero- (Bréal, Tables Eugubiues, p. 354), mais qui en
osque est ei%p- l. Dans les langues celtiques, Y s intervocalique
est tombé de bonne heure (comme en grec); jamais il n'est de-
venu r : comparer au gothique eisaru « fer » le vieil irlandais
iarn et le vieux gallois hearn; au sanscrit svasâ « sœur » (latin
soror avec le changement régulier de s intervocalique en r) le
vieil irlandais siur et le vieux gallois chiuaer.
De là il résulte qu'il faut ou bien séparer les formes médio-
passives en r du latin et de l'ombrien des formes analogues
non seulement des langues celtiques, mais aussi de l'osque 2,
ou bien trouver à ces formes une origine commune, en par-
tant du principe que la consonne qui le caractérise était dès le
1 . L'exemple, cité par M. Windisch, d'une inscription où se trouvent côte
à côte sakahiter « sacratur » et aasas « arae » n'est pas suffisamment pro-
bant, car on trouve ce même mot asa constamment écrit par s sur les Ta-
bles Eugubines, où le rhotacisme de s intervocalique est pourtant de règle.
Le rapport de asa avec le latin ara n'est pas encore clairement connu.
2. Et cela dans l'hypothèse la plus favorable à la théorie de Bopp, en
admettant que la voyelle qui suivait Y s n'est tombée qu'assez tard. Car s'il
s'agissait du changement de 5 final en r, non seulement la phonétique de
l'osque et des langues celtiques, mais celle même du latin et de l'ombrien
(qui présente des "formes médio-passives en r dans les tables en écriture
étrusque où le rhotacisme de s final est en principe inconnu) s'opposeraient
à cette théorie.
Bibliographie. ^yy
début le seul son qui puisse apparaître à la fois dans toutes
ces langues sous la forme r, c'est-à-dire un r. Quelles que
soient les raisons psychologiques qui militent en faveur de
l'opinion de Bopp, force nous est de reconnaître qu'elle est en
contradiction formelle avec tout ce que nous savons de certain
sur la phonétique italo-celtique.
Un peu après M. Whitley Stokes, M. E. Windisch, repre-
nant l'étude du même sujet (Beitràge ~. vgl. Sprachj., t. VIII,
p. 465 ss.) fit ressortir la singulière ressemblance des troi-
sièmes personnes du partait indien comme mënirê « ils pen-
sèrent », jajhirë « ils furent enfantés », avec les formes
médio-passives italiques et celtiques : v. irland. do-ménar « je
pensai », latin gignuntur « ils sont enfantés ». C'est cette idée
qu'il reprend et qu'il développe dans le mémoire dont nous
avons transcrit le titre en tète de cet article.
Les formes verbales en r sont assez nombreuses en sanscrit :
mais à l'exception d'une seule, ur, qui se trouve à la troisième
personne du pluriel du parfait et de l'optatif, toutes ces formes
présentent avec les formes en r des langues italo-celtiques une
différence essentielle : l'élément caractéristique r se trouve en
sanscrit avant la désinence ordinaire du verbe, dans les lan-
gues italo-celtiques il est placé après. Une forme indienne
comme âvavrt-r-anta ne diffère du latin uert-untu-r que par la
place de IV: et c'est la plus grosse difficulté de la théorie de
M. Windisch, qui présente d'autre part tant de vraisemblance
qu'on est peut-être autorisé à négliger cette différence dans la
place de l'élément r. D'ailleurs ces formations ayant disparu à
l'époque historique de presque toutes les langues indo-euro-
péennes, c'est un indice que vers la fin de la période d'unité
elles n'étaient déjà plus guère en usage, et il n'y a rien de sur-
prenant à ce qu'une des familles de langues n'ait conservé
qu'une partie de ces formations, tandis que l'autre en con-
servait une autre partie. Ce qu'il y a de caractéristique pour
leur signification, c'est qu'on trouve au moins quelques-unes
de ces formes dans le Kig-Fëda avec le sens moyen ou, plus
rarement, le sens passif: ainsi àadhirê dans ce vers (III, 51, 6),
tûbhyam brâhmâni gira indra îi'tbhyam satrâ àadhirê « à toi des
prières, à toi, Indra, des hymnes ont été offerts en même
400 Bibliographie.
temps ». Mais jamais le sujet logique de l'action (complément
du verbe passif) ne se trouve à l'instrumental comme il l'est
d'ordinaire après les vrais passifs : d'ailleurs, dans de telles
constructions, le sens passif est le plus souvent mêlé au sens
moyen, et assez difficile à en dégager.
Il faudrait reproduire en entier ce que M. W. dit du détail
des formes celtiques en r : nous nous contenterons d'indiquer
quelques-uns des résultats les plus intéressants. Et d'abord il a
rendu à peu près certain que la caractéristique r était primi-
tivement réservée dans ces langues à la troisième personne, et
probablement à la troisième personne du pluriel : car l'a de
do-berar, par exemple, ne peut représenter que la voyelle thé-
matique, laquelle était o (celtique a) au pluriel, mais e au sin-
gulier. Une autre question est de savoir si IV était final : et
cette question nous semble avoir été résolue par M. W. avec
beaucoup de sagacité. Dans les langues italiques la voyelle que
suivait r a pu tomber comme celle de puer(os) sans laisser de
traces de son existence. Il n'en est pas de même en celtique.
Berair opposé à do-berar présente dans la seconde syllabe un i
difficile à expliquer : il n'est pas dû à l'influence de Yc de la
première syllabe, puisque do-berar se maintient intact dans les
mêmes conditions. Il faut donc admettre qu'après IV de berair
se trouvait un son c ou i qui a disparu après avoir altéré l'a
de la syllabe pénultième : berair se trouverait ainsi remonter à
une ancienne forme * berari tout à fait comparable aux formes
indiennes en -rë. Le parallélisme sera complet si, comme la
phonétique nous y autorise, on restitue pour -berar un proto-
type *berara (védique aduh-rd). La différence de la forme ab-
solue berair et de la forme conjointe -berar remonte ainsi en
dernière analyse à la différence des désinences primaires et
secondaires (grec ospe-cai, koip—z). — Au pariait déponent, l'ir-
landais menair (pour * nieiiari) correspond de même tout à fait
au parfait indien (3e p. pi.) nie 11 ire.
On peut objecter que dans les formes indiennes la voyelle
thématique (indo-européen 0, celtique a, sanscrit a ou û sui-
vant la structure de la syllabe) manque toujours dans les
formes en r, tandis qu'elle se trouve régulièrement dans les
langues italo-celtiques. Mais cette objection ne suffit pas à dé-
Bibliographie. 40 1
truire les ressemblances profondes qui existent pour ces formes
entre les deux groupes de langues : la différence que nous si-
gnalons est due à ce que les idiomes italo-celtiques ont presque
complètement perdu toute trace de la conjugaison athéma-
tique ; la présence de la voyelle thématique dans les formes
en r n'a rien de plus extraordinaire que sa présence dans toute
la conjugaison de tant de verbes où elle manquait à l'époque
indo-européenne. On a d'ailleurs en Inde même un fait exac-
tement comparable à celui qui s'est produit dans l'Europe occi-
dentale : le pâli et les divers prâcrits ont généralisé l'emploi de
IV dans la conjugaison thématique.
La partie du travail de M. W. qui concerne le latin est
malgré ses mérites moins intéressante et moins neuve. Il faut
remarquer toutefois un nouvel argument apporté en faveur
de l'ancienneté relative de la troisième personne parmi les
formes en r : c'est que le latin a ajouté la caractéristique du
médio-passif à la troisième personne, alors que le moyen était
encore en usage (agïtu-r, aguntu-r; cf. ifre-rs, rtyo*no), tandis
que la première personne est formée sur l'actif: ago-r.
M. Windisch termine par quelques réflexions sur l'origine
de ces formes en r ; il voudrait identifier la finale -va (indo-
europ. -va ou -ro?) du sanscrit avec le suffixe nominal de même
forme (indo-europ. -ro-). Il est certain que les adjectifs comme
kshiprâ- « rapide », proprement « se lançant » (rac. hship
« jeter, lancer »), chidrâ « fendu » (rac. chid « fendre ») ont
pu être employés sans verbe auxiliaire, comme en latin legimiiii
(= /.£7:;j.£v;'.) et prendre peu à peu le sens verbal : mais tout
cela est bien hasardé. Le principal argument de M. W., l'iden-
tification qu'il emprunte a M. Ascoli du participe neutre pluriel
bharanti « les portants, ceux qui portent », et de la 3e pers.
plur. bharauîi « ils portent » n'est pas flûte pour diminuer nos
doutes : car ces deux formes, identiques en sanscrit, ne le sont
que par hasard. A l'époque indo-européenne elles différaient
notablement. L7 final du participe neutre pluriel a la même
origine que 1'/ âepita « père », que le second i de iti « ainsi » :
il est représenté dans les langues de l'Europe par un a bref:
grec çizzT.z, ~-x-.r,p; latin pater, ita. Ui final de la troisième
personne du pluriel de l'indicatif présent actif est un i véri-
402 Bibliographie.
table, comme le premier i de iti, et celui de itnâs « nous allons »,
conservé sous cette forme dans les langues de l'Europe : dorien
çépovTi, latin ita, grec commun î'^ev.
Mais cette hypothèse n'est qu'accessoire dans le travail de
M. Windisch, qui est en général un modèle de sagacité, de
prudence et de clarté.
Louis Duvau.
Annala Uladh, Annals of Ulster, otherwise Annala Sé-
riait, Annals of Sénat, a chronicle of Irish affairs from
A. D. 431 to A. D. 1540, edited with a translation and notes by
William M. Hennessy, M. R. I. A, the assistant deputy Keeper of the
Records. Vol. I, A. D. 431-1056, published by the authorityof the Lords
Commissioners of Her Majesty's Treasury under the direction of the
Council of the Royal Irish Academy. Dublin, Hodges, Figgis and Co.
1887; gr. in-8, m- 5 99 p.
Quand j'ai pour la première fois appris que le savant
M. Hennessy préparait une édition de cette chronique, je
n'ai pu retenir l'expression d'un étonnement. En voici la cause.
La partie la plus ancienne de la chronique d'Ulster a été com-
posée à la fin du xve siècle. Je me demandais pourquoi
M. Hennessy ne préférait pas entreprendre une édition de la
chronique de Tigernach qui remonte au xic siècle.
La chronique de Tigernach et les Annales d'Ulster ont été
publiées toutes deux par O'Conor dans ses Rerum hibernicarum
scriptores, la première, dans le tome II, la seconde, dans le
tome IV. Mais on ne peut donner qu'une très médiocre con-
fiance aux textes d'O'Conor. Leur défectuosité a été mise en
évidence dès 1874 quand M. Gilbert, dans ses Facsimiles of
national manuscripts oflrclaud, première partie, planches XLIII
et XLIV, a donné le facsimilé d'un feuillet des Annales de
Tigernach, f° 6 du manuscrit Rawlinson B. 502 de la Biblio-
thèque Bodléienne d'Oxford.
Une nouvelle édition des Annales de Tigernach est néces-
saire et urgente. Pourquoi M. Hennessy a-t-il préféré nous
donner les Annales d'Ulster ?I1 a eu, je suppose, deux raisons.
L'une est que les Annales d'Ulster n'ont été publiées par
O'Conor que d'une façon incomplète ; l'édition donnée par ce
savant s'arrête à l'année 1131, tandis que le manuscrit dont il
Bibliographie. 40 $
s'est servi (Bibliothèque Bodléienne d'Oxford, Rawlinson
B. 489)1 va jusqu'à l'année 1 541 . L'autre motif qui aura décidé
M. Hennessy est que la partie la plus ancienne de la chro-
nique d'Ulster est bien plutôt une compilation qu'une com-
position originale. L'auteur s'est en général borné à réunir en
les copiant des fragments de chroniques diverses aujourd'hui
perdues. Ces textes, lorsqu'il s'agit des premiers siècles, sont
presque exclusivement latins. Cependant on y rencontre quel-
ques mots irlandais, et ces mots sont notés de temps en temps
avec une orthographe archaïque ; cette orthographe nous fait
remonter à une période bien antérieure à celle où écrivait le
compilateur. C'est ainsi qu'à la page 108, ligne 3, nous lisons:
Duncath aue Rouai 11 jugulatus. Aue est l'orthographe en vieil
irlandais du mot écrit ûa en irlandais moyen, 0 en irlandais
moderne, et qui veut dire « petit-fils ». Dans ce passage, il
s'agit d'un événement qui se produisit au milieu du VIIe siècle,
et qui fut probablement noté par un contemporain dans la
chronique d'une abbaye. La même orthographe avec une
légère variante, aime, se retrouve à la page 148, ligne 13, où
il est question de faits datés de l'an 700 de notre ère. A la
page 62, 1. 12, aeu est une faute d'impression pour aue.
La plupart du temps, l'auteur des Annales d'Ulster ne dit
pas où il a pris les fragments de chroniques monastiques dont
la juxtaposition constitue son oeuvre. Il cite cependant quelques
autorités, et la plus intéressante, comme l'ont déjà fait observer
dans les deux siècles qui nous ont précédés Ware et Harris2,
et plus récemment O'Donovan 3, est le livre de Cuana, scribe
de l'abbaye de Trevet au comté de Meath. Cuana mourut en
7384. Il est cité treize fois dans les Annales d'Ulster; la pre-
mière sous la date de 467, la dernière sous la date de 628.
Un autre auteur un peu plus récent est Dubdalethe, troisième
1. Catalogi codicum manuscriptorum B'Miothccac Bodleianae partis quintae
fasciculus pritnus. Confecit Gnill. Macray, col. 709.
2. The history ofthe writers of Ireland, Dublin, 1764, p. 26.
3. Annals of the Kingdom of Ireland, by the ibur masters, i8> 1, t. I,
p. 46.
4. Cuana, nepos Bessain scriba Treoit pausat. Hennessy. Annales d'Uls-
ter, t. I, p. 196, 197.
404 Bibliographie.
du nom, archevêque d'Armagh, mort en 1065 suivant Harris1,
en 1064 suivant les Annales des Quatre Maîtres et celles de
Tigernach2, et en 106 1 suivant le Cronicum Scotorumî. Les
Annales d'Ulster citent le livre de Dubdalethe sous les années
6284, 9625 et 10216. Le catalogue des manuscrits de la Bi-
bliothèque Bodléienne, fascicule premier de la cinquième partie,
par Macray, 1862, col. 730, nous apprend qu'outre une chro-
nique, le livre de Dubdalethe contenait le récit légendaire inti-
tulé Balle in Scâil. Cette mention appartient au numéro 33 de
l'analyse du manuscrit Rawlinson B. 5 12 7.
Un troisième auteur, qui n'est cité qu'une fois, c'est Mauc-
teus ou Mochte, dont l'auteur des Annales d'Ulster aurait eu
entre les mains une lettre commençant ainsi : Maucteus pec-
cator, prespiter, sancti Patriciidiscipulus, in Domino salutem8.
Ce monument serait le plus ancien que nous possédions du
culte de saint Patrice. Car Mochta- mourut en 534 ou en 536
suivant les Annales d'Ulster, en 534 suivant celles de Tiger-
nach 9. Ce texte a du reste été déjà signalé par Usserius, après
lui par les Bollandistes10, et en dernier lieu par O'Donovan.
1. The works of Sir James Ware concerning heland, t. I, 1739, p. 30.
2. Edition O'Donovan, 1851, t. II. p. 886. — O'Conor, Rcrum hiber-
nicarum scriptorcs, t. II, p. 305.
3. Edition Hennessy, p. 286, 287.
4. Edition O'Conor, p. 44; édition Hennessy, p. 98, 99.
5. Edition O'Conor, p. 275; éd. Hennessy, p. 478.
6. Edition O'Conor. p. 372; éd. Hennessy, p. 346. Voir sur le même
événement les Annales de Loch Ce, éd. Hennessy, t. I, p. 20. 22. On y
trouve aussi un renvoi à Dubdalethe et il est fort intéressant de comparer
les deux textes.
7. M. Zimmer, dans les Gcettingische gelehrte An\eigen du 1 " mars 1887,
p. 182, a découvert que Macray avait négligé de mentionner le nom de
Dubdalethe et qu'il n'y avait eu que deux évêques d'Armagh de ce nom.
Voyez, sur les trois Dubdalethe, Harris, The works of Sir James Ware, p. 42,
48-30, et les Annales d'Ulster, éd. Hennessy, p. 272. 304, 588. Cf. Harris,
Theuriters of Ireland, p. 63, 66, et Revue Celtique, t. IX, p. 97-98.
8. Page 46. La même formule initiale est citée dans les Annales de Ti-
gernach avec une légère différence d'orthographe : Moctews p<:rcator, p/rspi-
Xcr, sancti Pfl/ricii discip»h/s in Domino salutem. O'Conor, Rcrum hiberni-
carum scriptores, t. II, p. 134-133.
9 Voyez les renvois contenus dans la note précédente.
10. Tome III d'août, p. 759. La iète se faisait le 19 août. Martyrologe d'I )en-
gus, édition Whitlev Stokes, p. cxxiv, cxxxn. Cf. Vie de saint Columba par
Adamaan, édition Reeves, p. 6. Todd. Saint Patrick, p. 29. Harris, The
Bibliographie. 405
Mais il avait été défiguré par O'Donovan qui, au lieu de
Maucteus, écrit Macutenus.
Mentionnons aussi le Liber monachorum auquel il est ren-
voyé sous la date de 5 r 1 x, et le Liber Mochod dont il est
question sous la date de 527 2.
Enfin l'auteur des Annales d'Ulster, sans nommer ses au-
torités, parle de temps en temps des contradictions qui exis-
tent entre elles. Une étude sur les sources des chroniques ir-
landaises qui nous ont été .conservées serait un travail plein
d'intérêt, et de cette étude on trouverait probablement dans les
Annales d'Ulster les principaux éléments.
M. Hennessy n'a pas mis de préface à son édition. Un aver-
tissement d'une demi-page nous prévient que l'introduction
paraîtra quand l'édition sera terminée, et qu'elle contiendra
une étude sur les sources des Annales d'Ulster et sur les
manuscrits qui ont servi de base au texte adopté par le savant
éditeur. Il y aurait certainement témérité de notre part à pré-
tendre devancer ici l'érudit irlandais. Nous nous bornerons
à une observation.
Des Annales d'Ulster, il y a deux manuscrits principaux.
L'un, qu'O'Conor considérait comme le meilleur, est celui dont
ce savant a reproduit le texte?. C'est, comme nous l'avons
dit, le manuscrit Rawlinson B. 489 de la Bibliothèque Bod-
léienne d'Oxford-*. L'autre appartient au Collège de la Trinité
de Dublin où il porte la cote H. 1. 8. Un feuillet en a été
reproduit par M. Gilbert dans ses Facsimiles of National Ma-
nit script s of Ireland, troisième partie, planche lxxvii. Ce ma-
nuscrit paraît être resté inconnu à O'Conor. L'usage qu'en a
dû faire M. Hennessy constitue pour ce savant une grande su-
périorité sur son devancier.
works of ] ornes Jl'are, t. I, p. 19, 182. Il fut, dit-on, le premier évêque de
Louth, Annales des Quatre Maîtres sous l'année 534; éd. O'Donovan
(185 1), t. I. p. 17b.
1 . Page 36.
2. Page 42.
3 . Rerum bibernicarum scriptores veteres, t. I, seconde partie Prolegomena,
pars I, p. clxix. Cf. O'Curry, Lectures on the manuscript materials, p. 83, 84.
4. Il a été décrit par Macray dans son catalogue précité, col. 709-710.
Cet érudit le date des xvc et xvie siècles.
406 Bibliographie .
Le texte est accompagné d'une traduction anglaise en regard.
Il paraît avoir été fixé avec l'exactitude à laquelle les précé-
dentes publications du savant auteur nous ont habitué. Nous
signalerons cependant les fautes d'impression :pegni pour regni,
p. 4, 1. 3 ; moritus pour moriiur, p. 92, 1. 7 ; nerotum pour ne-
potum, p. 150, 1. 4. Les fautes de ce genre sont une consé-
quence inévitable de l'emploi des caractères irlandais ; et fran-
chement, nous ne comprenons pas l'utilité de cet emploi,
surtout quand il s'agit d'imprimer un texte latin.
H. d'Arbois de Jubainville.
MÉLUSINE. Revue de mythologie, littérature populaire,
traditions et usages fondée par H. Gaidoz et E. Rolland, 1877-
1887, dirigée par Henri Gaidoz. Paraît -le 5 de chaque mois, à Paris,
chez E. Lechevalier, par livraisons de 12 pages in-4. Prix de l'abon-
nement pour un an: France et Union postale, 12 fr.
Depuis que nous annoncions à nos lecteurs la résurrection
de ce recueil en 1884, il a poursuivi régulièrement sa féconde
carrière. Les tomes II et III se composent chacun de 24 nu-
méros parus en deux années consécutives; le tome IV a com-
mencé avec 1888, sous la direction unique de M. Gaidoz.
Ce que nous disions alors (Revue Celtique, VI, 391), à
propos du tome II de Mél usine, de l'intérêt que présente cette
publication au point de vue spécial des études celtologiques,
n'a pas cessé d'être vrai. Voici, par exemple, l'indication des
articles du tome III relatifs à la Basse-Bretagne :
Chansons populaires (texte, sauf pour la 4e, et traduction;
souvent aussi l'air noté) : « Le navire du Port-Blanc », col. 77-
82 ; « Noël pour demander ses étrènnes », 82-83 '■> <( Le
meunier de Kergantec », 161- 162; « La lavandière qui avait
oublié de prier Jésus », 162-163; (( Le plongeur », 182-184,
et 453-455; « La nourrice et les voleurs », 184-188;
« L'amant éconduit », 208-210 et 570-573 ; « La maîtresse
pauvre », 260-262.; chansonnette », 327-328; « La rage »,
350-352 et 393-395; « L'embrassade », 421-422; « La jeune
amoureuse », 477-478.
Bibliographie. 407
Devinettes, col. 88-89, 132-133, 235 ; Inscription en breton
moyen, col. 92-93; Sur Guionvac'h, col. 145-150 et 207-208;
Proverbes, .col. 232-233; Prière populaire, col. 236; Usages
de la féodalité, col. 274-276.
Superstitions : « Précautions à prendre quand on doit
voyager de nuit », col. 358; « L'enfance et les enfants »,
374-376 et 568; Le mariage, 376-379; La coqueluche, le ra-
chitisme, 380-381.
Contes populaires, col. 474-476; Alexandre le Grand, 487-
496; Les conseils d'un père mourant, 529-537.
M. Gaidoz commence, dans le tome IV de Mélusine, la pu-
blication d'une série d'anciens textes irlandais qu'il traduit et
commente avec sa double compétence de celtisant et de folk-
loriste. Il nous a donné déjà deux légendes chrétiennes fort
curieuses « Les trois clercs et le chat », d'après le Livre de
Leinster et le Livre de Lismore (Mélusine, IV, 5-1 1; 41-42);
et « L'enfant juif», d'après un manuscrit du xve siècle, de la
Bibliothèque Nationale {Mil., IV, 39-41).
Signalons encore, dans ce même tome, col. 62-65, un ar~
ticle très instructif de M. Loth sur les présages fâcheux que
les anciens Gallois tiraient de l'éternuement. L'auteur repro-
duit le texte d'un poème du Livre noir de Caermarthen
(n° xxvii des Four ancient books of Wales) et corrige heureu-
sement la traduction de Skene. Qu'il me permette cependant
une petite observation. Il traduit les premiers vers des strophes
6 et 7 :
Dyrcheuid bran y hasgell
Dyrcheuid bran y hadein
par « Que le corbeau élève ses ailes ». Comme le fait re-
marquer M. Gaidoz, il s'agit d'un mauvais présage, qui n'ar-
rête pas un chrétien sur le point d'aller où Dieu l'appelle. Ces
vers sont donc à comparer au 2e de la str. 2 : ■
« C'est au profit de mon roi que je m'habille
« Aujourd'hui: j'entends un éternuement...
str. 3 ... « je ne crois pas à un présage...
str. 5 ... « le devoir victorieux sera mon maître »;
408 Bibliographie.
et puisque dans un trev a glyuaiv « j'entends un éternueraent »
le verbe est à l'indicatif, le contexte demande, aux str. 6 et 7,
la traduction
« Le corbeau élève son aile ».
On sait, d'ailleurs, que le vieux gallois avait, comme le vieil
irlandais, des troisièmes personnes du singulier de l'indicatif
présent en -ici (conjugaison absolue).
E. Erxault.
Etudes iconographiques et archéologiques sur le moyen
âge, par Eugène Mùktz, conservateur de l'Ecole nationale des Beaux-
Arts. Première série. Paris, Ernest Leroux, 1887, in-16, vi-i 73 p.
Sous ce titre, le savant auteur a réuni quatre mémoires.
Les trois premiers sont étrangers 'aux sujets dont s'occupe
la Revue Celtique. Ils concernent : les pavements historiés
du IVe au xne siècle; la décoration d'une basilique arienne
(Sancta Agatha in Suburra, à Rome) au Ve siècle; la légende
de Charlemagne dans l'art du moyen âge. Mais le dernier est
une étude sur la miniature irlandaise et anglo-saxonne au
ixe siècle. M. Mùntz s'était déjà occupé sommairement de
cette matière dans le tome III de la Revue Celtique où il a
publié, p. 243-245, d'intéressantes « Recherches sur l'origine
des ornements connus sous le nom d'entrelacs ». Il démontre
que l'entrelacs est un genre d'ornement usité bien avant
l'époque où il commence à paraître dans les monuments cel-
tiques. L'entrelacs était déjà connu des artistes chaldéens. On
le trouve en Syrie et dans les monuments de l'art romain à
une date antérieure aux plus anciens manuscrits irlandais.
Sur la spirale, M. Mùntz est moins affirmatif et il n'ose pas
déclarer mal fondée la doctrine de M,le Stokes (voir plus haut,
p. 396). En effet, on a tiré des tombeaux de Hallstatt des
fibules à spirale qui paraissent celtiques et qui peuvent remonter
au 11e siècle avant J.-C. Cela n'empêche pas que la spirale n'ait
été employée ailleurs dans l'antiquité, par exemple à Rhodes
et chez les Chaldéens.
H. n'A. de J.
Bibliographie. 409
Ueber romanische Ortsnamen in Salzburg von Theodor von
Grienberger. Salzburg, Dieter, 1886, in-16, 62 p.
Salzbourg était situé dans le Norique, c'est-à-dire dans une
région celtique. On doit donc s'attendre à y trouver des noms
de lieu formés de la même façon que ceux de la Gaule. C'est
ce qui résulte du mémoire de M. Grienberger. Morzg s'appe-
lait en 800 Marciagus. C'est un dérivé gaulois très fréquent en
France du gentilice romain Marcius comme on l'a pu voir
dans ce volume, p. 39-43. La variante romaine de ce nom de
fundus est Mavcianus, d'où le français Marchiènnes, Nord
(l'illae Marcianae, p. 43); cette variante se trouve aux envi-
rons de Salzbourg, au xivu et au xvc siècle, avec les ortho-
graphes Martzan et Marczan. Après les suffixes géographiques
-acus et anus, d'autres suffixes qu'on trouve quelquefois en
France et dont nous n'avons point parle jusqu'ici, sont les
suffixes -lus et -avus. Ainsi, les textes du moyen âge nous
montrent en Limousin un ruisseau appelé Marciolis1. Milhau,
Avevron, est un ancien Aemiliavus ; Belleneuve, Côte-d'Or,
est un ancien Belenavus2. Nous retrouvons ces suffixes près de
Salzbourg. Une localité appelée aujourd'hui Marzoll est nom-
mée ad Marciolas en 788 (p. 48); Campanif, près de Salz-
bourg, s'écrivait ad Campanavam, en 930 (p. 12). A côté de
ces noms d'origine romaine on en peut signaler d'autres qui
paraissent gaulois. Anif s'appelait Anava au xnc siècle : ad vil-
lam quac vocatur Anava ubi fontes decurrunt. Anava est proba-
blement identique au mot gallois anaw « harmonie » si fré-
quent au ixe siècle dans les noms d'hommes du Cartulaire de
Redonl et plus tard dans ceux du Liber Landavensis*. Comparez
le cognomen Anaus dans une inscription d'Espagne 5 et le nom
de peuple Anauni dans l'Italie du nord6. Kuchl, le CuciiUc
(Cucullaé) de la Table de Peutinger, au datif Cucullis chez Eu-
1 . Deloche, Etudes sur la géographie historique de la Gaule, deuxième
partie, p. 517.
2. Ecrit à tort avec deux / dans la Chronique de Be%e; Garnier, Nomen-
clature historique.., p. 40, n' 174.
3 . Voir l'index, p. 632.
4. Grammatica celttca, deuxième édition, p. 129.
5. Corpus inscriptioniuu latinarum, t. II, n* 1690.
6. Corpus inscriptionum latinarum, t. V. p. 537-538.
4 1 o Bibliographie.
gippiuS; Vita Severini; ad CucuUas dans un document de
Tannée 800, nous offre la forme féminine du cucullus de Ju-
vénal :
Tempora Santonico vêlas adoperta cucullo1.
Le féminin a été préféré par les auteurs ecclésiastiques, qui
écrivent cuculla, d'où en français la coule monastique.
H. D'A. DE J.
Esquisses du Bocage normand, par Jules Lecœur. II. Paris,
Emile Leehevalier, 1887, gr. in-8, 440 p., avec gravures hors texte.
Dans ce gros volume, M. J. Lecœur a réuni d'intéressantes
scènes de mœurs villageoises et de nombreux renseignements
sur les croyances et superstitions populaires dans le Bocage
normand. Son livre offre donc un double attrait; le littérateur
y trouvera avec plaisir des portraits bien tracés et très vivants
et le folkloriste pourra y découvrir quelque document impor-
tant pour la science des traditions. Il nous serait fort agréable
de nous arrêter quelque temps à regarder ces types villageois
que nous connaissons bien et que M. L. nous remet devant
les yeux: le taupier (p. 141), le faucheur (p. 232), le pâtour
(p. 276). Malheureusement M. L. ne touche que fort rare-
ment à quelque partie du folklore celtique ou plus particu-
lièrement du folklore breton. Aussi nous nous bornons à an-
noncer ce livre écrit sans prétention scientifique et qui se lit
avec un çrand plaisir.
G. D.
Studies in the Topography of Galloway being a list of nearly
4000 Names of Places with Remarks on their origin and meaning and
anlntroductory Essayby Sir Herbert Eustace Maxwell. Bart. of Monreith.
M. P., F. S. A. etc. Edimbourg, David Douglas, 1887, in-8,xv, 340 p.
On a parlé gaélique en Galloway jusqu'au commencement
du xvie siècle. Il y a donc en Galloway un nombre considé-
1. Satire VIII, vers 145.
Bibliographie. 41 1
rable de noms de lieux d'origine gaélique ou irlandaise. Mal-
heureusement les documents remontant à cette époque sont
très rares dans cette région des Iles-Britanniques, et souvent
il est difficile de reconnaître les mots néo-celtiques sous la
forme orthographique que leur a donné la notation anglaise.
Se rigure-t-on Bordeaux écrit Bazudoc, Rouen représenté par
Roweng, Richelieu par Reeshleiu, etc. Sir Herbert Maxwell a
étudié la toponomastique irlandaise qui est relativement bien
documentée, et par la comparaison des noms de lieux de l'Ir-
lande avec ceux de Galloway, il paraît avoir jeté sur son sujet
beaucoup plus de lumière qu'on n'aurait pu l'espérer. Son
œuvre nous semble raisonnable ; il est bien rare qu'on puisse
dire cela d'un recueil d'étymologies.
CHRONIQUE
SOMMAIRE : I. Les Annales de Bretagne et la Chrestomathie bretonne de M. Loth. — II. Le
dictionnaire gallois de M. Silvan Evans. — III. Publications de M. Ascoli. — IV. Le Tochmarc
Emert traduit par M. Kuno Meyer. — V. Cantique irlandais du XVIe siècle publié par M. Do-
nald Masson dans V Archaeological Revieui, critique de la traduction de M. Donald Masson par
M. Standish O'Gradv. — VI. Mort de M. Evan Davies. — VII. Vies de saints bretons dans
les Analecta Bollandiana. — VIII. Nouvelle édition des Annales Cambriae par M. |.-B. Philli-
more. — IX. Tombes de Gaulois trouvées à Alexandrie, en Egypte. — X. Tome XII du
Corpus inscriptionum latmarum (Narbonnaise). — XI. Atlas historique de la France par M. Lon-
gnon. — XII. L'épopée irlandaise dans le Celtic Magazine. — X1IL Le mystère breton de
sainte Tryphine au théâtre de Morlaix. — XIV. Un nouveau mémoire de M. Nettlau. —
XV. Gloses bretonnes inédites du IXe siècle. — XVI. Un conte breton publié par M. Luzel.
— XVII. The Journal of the Royal historical and archaeological Association of Ireland. —
XVIII. Nouvelles publications de M. Zimmer. — XIX. Prix Volney décerné à M. E. Emault.
— XX. Le char de guerre gaulois d'Issoudun (Indre).
I.
La troisième livraison du tome III des Annales de Bretagne a paru au
mois d'avril dernier. Dans la dernière livraison (janvier) M. Loth avait
commencé à donner des extraits de textes du xvir siècle. 11 continue dans
celle-ci en nous faisant connaître : i° (p. 396-59.9) un recueil de Cantiques
bretons publiés à Quimper en 1642. Les airs de ces cantiques sont d'après
l' Advertissement au lecteur empruntés en grande partie à Claude le Jeune,
musicien de Henri III. — 2° (p. 399-400) An noveîou ancient ha dévot gant
TanguvGuegen. EQemper Caurintin,gant G. Allienne, 1650. — 30 (p. 401-
405) Le sacré collège de Jésus divisé en cinq classes ov l'on enseigne en langue
armorique les leçons chrestiennes avec les 3 clefs pour y entre/ , vn Dictionnaire,
vue grammaire, et syntaxe en même langue. Composé par le R. P. Mien Mav-
noir ... Quimper-Corentin, chez Jean Hardouin, 1659. On peut dater de
ce livre le commencement de la période de l'armoricain moderne. Le pre-
mier, le P. Maunoir écrit régulièrement les mutations de consonnes ini-
tiales. — 4°(p- 406-408) Canticou spirituel hac instructionou profitai! evitdisqui
an béni da vont d'ar barados, composet gant an Tat Julian Maner. Quemper.
Jan Perier vers 1686. 50 (p. 408-414) Un formulaire de prône en breton de
Vannes conservé dans un manuscrit de 1693 qui appartient au chapitre de
Vannes. C'est le texte suivi le plus ancien en dialecte de Vannes. M. Loth
le donne en entier.
Pour le xvnic siècle, la langue étant à peu près dans le même état qu'au-
jourd'hui, M. Loth se bornera à un petit nombre d'extraits. Voici les ou
Chronique. 41$
vrages appartenant à cette époque que la troisième livraison des Annales de
Bretagne nous fait connaître : i° (p. 4.14-420) Cantiqueu spirituel ar deverieu
ar christen eu quenver an autrou Doué, en quenver e hunon, bac en quenver e
nessan, composet dre Per Barisy, person à Pares Inguiniel, escopti aGuenet,
MDCCX. C'est un manuscrit appartenant à la bibliothèque de Quimper. —
20 (p. 421-427) Pedennou bac Instructionou christen evit serviebout da Heuryou
Breymec e favêr ar £\>/>/ composet gant M. Ch. ar B. Belec eus a escopti
Léon 17 12. G. D.
II.
La première livraison du dictionnaire gallois du Rev. Silvan Evans a paru
l'année dernière. Elle contenait la lettre A. La seconde livraison, contenant
la lettre B et atteignant la page 608 du tome I, vient d'être publiée.
III.
M. Ascoli vient de mettre au jour la quatrième livraison de son excel-
lente édition du manuscrit irlandais de la bibliothèque Ambrosienne. A
cette livraison sont annexées les trois premières feuilles de son dictionnaire
du vieil irlandais dédié à M. Whitley Stokes et destiné à rendre de grands
services aux celtistes. Nous en espérons le prochain achèvement.
En même temps, M. Ascoli a fait paraître un recueil de corrections aux
trois premières livraisons du ms. irlandais de l'Ambrosienne. Ce recueil,
inséré dans les Mémoires de l'Institut Lombard, classe des sciences morales
et historiques, t. XVII, p. 11 3-128. a été tiré à part.
IV.
Dans le n* il de YArcbaeological Review, p. 150-155, M. Kuno Meyer
continue la traduction de la « Demande en mariage d'Emer » Tocbmarc
Emere qu'il avait commencée dans le numéro précédent.
V.
Dans le même numéro de YArchaeological Review, p. 147-149, M. Donald
Masson a publié les premiers quatrains d'un cantique irlandais sur le juge-
ment dernier imprimé à Dublin en 1 5 7 1 . Ce document a été découvert par
Henry Bradshaw, le regretté bibliothécaire de Cambridge, dans les papiers
de l'archevêque Parker à la bibliothèque du Corpus Christi Collège de
Cambridge. L'exemplaire de l'archevêque Parker est probablement le seul
qui existe aujourd'hui. L'imprimeur, Seon Uiser, comme on écrivait en
irlandais, c'est-à-dire John Ussher, des presses duquel il est sorti, fit pa-
raître la même année le catéchisme irlandais de John O'Kearnagh, qui est
considéré comme le premier livre imprimé en Irlande1. L'édition de
M. Donald Masson est accompagnée d'un essai de traduction anglaise.
1. Gilbert, History of Dublin, t. I, p. 385. Cf. Richard Robert Madden,
Tbe history of Irish periodical Literature, t. I, p. 105-108.
Revue Celtique, IX 27
414 Chronique.
M. Standish O'Grady, un des hommes qui, aujourd'hui, savent le mieux
l'irlandais, a critiqué dans VAcademy du 12 mai dernier la traduction de
M. Donald Masson et en a proposé une autre qui a d'abord le mérite d'être
claire, qui ensuite est beaucoup plus conforme au sens du texte irlandais.
Voici quelques exemples : commençons par le premier distique du troi-
sième quatrain :
An cheandsachd chaitheas rinde
is grian angar dhilinde
« La mansuétude qu'il exerce envers nous
est [comme le] soleil prés du déluge ».
M. Donald Masson a traduit le second vers par : « a sun (?) is of long
indignation », « est un soleil (?) de longue indignation ». Il a pris l'irlan-
dais angar « près de » (O'Reilly: angar, near, hard bye) pour le gaé-
lique d'Ecosse angar, qui est emprunté à l'anglais, qui n'est autre chose que
l'anglais anger, colère (Dictionnaire gaélique de l'Highland Society, t. I,
p. 55), il a confondu dilinde ou dilinda, génitif du moderne dilion « dé-
luge » (autrefois dili, gén. dilenri) avec les adverbes dilin (O'Reilly), gu dile
(Highland Society) « toujours ». Des quatre mots dont se compose le se-
cond vers du distique, il n'en a compris que deux: is « est », grian « so-
leil », et pour le second sa traduction lui a paru douteuse, il l'a fait suivre'
d'un point d'interrogation. La faute en est au gaélique d'Ecosse angar
(colère), mot qui n'est point irlandais.
Un autre mot avec lequel M. Donald Masson a joué de malheur est
adhaint (quatrain 5) aussi écrit adbuint (quatrain 14). M. St. O'Grady y a
reconnu avec raison un substantif dérivé du verbe adahainm j'allume» dont
O'Reilly note l'infinitif adanad et le participe passé adanta. Ce verbe, comme
l'a fait observer M. Whitley Stokes, est un dérivé d'adann « torche », mot
expliqué dans le Glossaire de Cormac. M. Donald Masson a dans un endroit
confondu adhaint avec le gaélique d'Ecosse statuin « loi » ; dans un autre
avec je ne sais quel temps du verbe dûnaim « j'enferme, je mets en sûreté ».
Voici le premier passage, quatrain 5 :
Fogus d'à fherg ah- adhaint,
dhuinn ni cuirthe a gcunntabhairt :
La na togharma dho theachd,
a-chomarrdha ata ag toigheachd.
Littéralement : « Près de sa colère son feu. — A nous n'était pas mis
« leur doute : — jour de l'appel venir, — son signe est arrivant » ; c'est-à-
dire: « Sa colère est près de s'allumer. — Nous ne pouvons douter de deux
« choses : — le jour de l'appel approche, — le signe précurseur arrive ».
M. Donald Masson a traduit: « Près de sa colère est sa loi, ce qui ne nous
« était pas assigné n'a pas été envoyé », etc. Le reste de sa traduction de
ce passage est bon.
Chronique. 415
Passons au quatrain 14:
Gach anam — is he a-bhunadh —
tiocfais — trathd ha nothugadh (correction de M. St. O'Grady
La an tobhaigh — ar-ceand a chuirp — ; [pour motugad)
gearr o n-fholaidh a hadhuint.
Littéralement : « chaque Ame (c'est sa nature originelle) — viendra (mo-
« ment de sa notation) : — jour de l'exaction, devant son corps ; — court de
« la substance son feu » ; c'est-à-dire « chaque âme (ainsi le veut sa na-
« ture) — viendra (il est temps d'en prendre note) — au jour du jugement
« se réunir à son corps. — Peu après la matière prendra feu ». M. Donald
Masson a entendu à peu près le premier distique, mais suivant lui le second
veut dire : « Le jour où mis en liberté sera aussi le corps près du vide
«• qui est fermé ». Ce n'est pas seulement un contre-sens, c'est un non-
sens.
Ce cantique est en général difficile à comprendre, cependant il y a des
passages qui semblent ne l'être guère. Voici le dernier quatrain :
Suidhfidh a-neullaibh nimhe
os ciond na n-ord n-ainglidhe :
Gairm shluaghaidh ar chach cuire,
fàth uamhain a iondhsuighe.
Littéralement : « Il sera assis dans les nuages du ciel — au-dessus des
« ordres angéliques ; — cri de convocation guerrière pour chaque troupe,
« — cause de terreur sa visite ».
M. Donald Masson a traduit suidhfidh « il sera assis » par he shall ride
« il dirigera », et os ciond na n-ord n-ainglidhe « sur les ordres angé-
liques », par above the order oj angcls « au-dessus de l'ordre des anges »,
ne s'apercevant pas que ord est au pluriel. L'auteur du cantique irlandais
admettait la doctrine du pape saint Grégoire le Grand : Koveni vero angelo-
runi ordincs dixinius, etc. (Homélie 54 sur les évangiles, Migne, Patrologia
laiina, t. 76, col. 1249 D.)
M. St. O'Grady a eu raison de protester contre les erreurs de traduction
commises par M. Donald Masson.
VI.
Le 23 février dernier est mort à Pontypridd, dans le comté de Clamorgan,
M. Evan Davies, ou, comme il se faisait appeler, Mvfyr Morganwg. Il avait
acquis une célébrité bizarre en prétendant rétablir la religion druidique et
en s'en faisant grand-prêtre. Il avait trouvé un certain nombre de disciples
qui se réunissaient à des dates déterminées à Pontypridd pour célébrer le
culte druidique dont il croyait avoir retrouvé les rites mystérieux.
4i 6 Chronique.
VII.
Depuis 1882, les savants continuateurs des Bollandistes font paraître, à
côté des Acta sanctorum, une publication d'un format plus modeste et qui
est appelé à rendre de grands services aux érudits. Ce sont les Analecta Bol-
landiana, recueil de documents hagiographiques réunis sans ordre de ma-
tières, au fur et à mesure des découvertes et des travaux qui se produisent.
C'est dans ce recueil qu'ont été imprimés les documents sur saint Patrice,
extraits du Livre d'Armagh par le P. Edmund Hogan. S. J. (t. I, p. 531—
585, t. II, p. 35-68, p. 213-238). Nous avons eu plusieurs fois l'occasion
de citer le travail du P. Hogan qui a été fort utile en donnant pour la pre-
mière fois des bases certaines à la critique hagiographique en ce qui con-
cerne l'origine de la légende de saint Patrice.
Les Analecta Bollandiana contiennent aussi un certain nombre de textes
relatifs à la Bretagne française. Nous ne parlerons pas de la Vie de saint
Paul de Léon publiée par Dom Plaine (t. I. p. 208-238, c\. t. IL p. 191-
194) et dont une meilleure édition a été donnée par M. Cuissard dans la
Revue Celtique (t. V, p. 417-438). Mais nous citerons les Vies de saint
Brieuc (t. II, p. 101-190), de saint Meven (t. III. p. 141-1 56), de saint Ju-
dicael (extrait), t. III, p. 157-158, de saint Melorus ou Melorius (t. V,
p. 165-176), de saint Samson (t. VI, p. 77-150) publiés par Dom Plaine.
Dans chaque volume des Analecta Bollandiana, à partir du tome II, on
trouve comme appendice, avec une pagination séparée, le catalogue des
manuscrits hagiographiques de la Bibliothèque royale de Bruxelles. Ce ca-
talogue forme déjà un premier volume de 614 pages, et le commencement
d'un second volume qui en atteint 288. On y a décrit les manuscrits d'après
lesquels a été établi le texte d'une grande partie des vies de saints publiées
dans les Acta sanctorum. Des tables alphabétiques donnent le moyen de s'y
reconnaître. Nous signalerons dans le tome VI des Analecta, seconde partie,
c'est-à-dire tome II du Catalogus codicum bagiographicorum Bibliothecae regiae
Bruxellensis, p. 126, 127, la notice consacrée au manuscrit coté 7672-7074.
C'est le fameux codex Sahnanticensis qui contient un recueil de vies de saints
irlandais (voir plus haut, p. 290-291).
VIII.
M. J.-B. Phillimore vient de donner dans le tome IX, première partie,
du Cymmrodor, une édition des Annales Cambriae et des Généalogies gal-
loises contenues dans le manuscrit Harléien 3859. Il reproduit ce manuscrit
lettre pour lettre, ligne pour ligne, en respectant les abréviations. Le ma-
nuscrit Harléien 38.59 est celui qui a servi de base à l'édition de Pétrie,
Monumenta historica britannica, 18 18, in-folio, p. 830-840, ci. préface,
p. 92, et à celle du Rev. John Williams Ab Ithel dans la collection in-8 du
Maître des rôles, 1860.
Chronique. 4 1 7
IX.
M. Salomon Reinach, le savant et zélé conservateur adjoint du musée de
Saint-Germain, m'a signalé dans Y American Journal of Archaeology, vol. III,
juillet-décembre 1887, nos 3 and 4, p. 261-298, un article de M. Augustus C.
Merian sur des stèles sépulcrales peintes trouvées en Egypte, à Alexandrie.
Ces stèles sont au nombre de six. Elles proviennent toutes du même cime-
tière. Elles appartiennent à M. E.-E. Farman, ancien consul des Etats-Unis
d'Amérique, en Egypte, qui les a exposées quelque temps au musée mé-
tropolitain de New-York. Trois d'entre elles proviennent des tombes de
Galates, peut-être, croit-on, de soldats au service des Ptolémées (?). Une
des inscriptions se lit complètement : Bl'to; Àoitoiex 0 Y<ùÂnt\c,. Les deux
autres sont en partie effacées, on lit sur l'une :
.... 'Ia;'otop'>;
.... FaXxTT];
sur l'autre :
.... Xat7] ;
D'autres stèles de la même provenance sont arrivées au musée du Louvre.
Sur une d'elles on lit àeuiq; «Xto;. Sur une autre Xeto'tcio; yaXarr];; ces
lectures sont de M. Héron de Villefosse.
Enfin quelques épaves de même origine ont été acquises par le musée de
Saint-Germain. Suivant M. Reinach, elles pourraient bien ne pas remonter
au delà du premier siècle avant notre ère. M. Héron de Villefosse penche à
croire que l'ensemble de la trouvaille est postérieure à cette date.
Les stèles acquises par le musée de Saint-Germain sont au nombre de
quatre. Deux portent des inscriptions. Sur l'une M. de Villefosse a lu :
f&tXoj .
avo yaXaTOu
sur l'autre :
uvr, .... ojvo:
i'aXatTr, ;
X.
Le tome XII du Corpus inscriptionum latinarum, dont l'impression est de-
puis si longtemps commencée, est enfin arrivé à Paris. Il contient quatre
provinces : les Alpes Maritimae, les Alpes Cottiae, les Alpes Graine et Poeni-
nae et la Gallia Narbonensis. Quand verrons-nous enfin paraître la Lyon-
naise, l'Aquitaine et la Belgique?
Ce volume, qui est dû àM. Hirschfeld, ne renferme pas beaucoup d'ins-
criptions inédites. Il y en a cependant quelques-unes. On peut citer un
exemple nouveau du nom divin Belenus, n' 5693, 12. C'est une décou-
Revue Celtioue, IX. 27.
41 8 Chronique.
verte de M. Allmer, elle a été faite à Nimes. La dédicace au même dieu
découverte a Narbonne par M. Lebègue (R. C, t. VIII, p. 392) porte le
n° 5958. Ce sont les seules inscriptions de la Gaule où soit mentionné
le dieu Bélénus.
XI.
M. Longnon vient de publier à la librairie Hachette la seconde livraison
de son Atlas historique de la France. Elle concerne la Gaule au ixe et au
xe siècle. La première livraison qui traitait de la géographie de la Gaule
depuis et y compris l'époque de César jusques et y compris l'époque de
Charlemagne, avait paru en 1884. La première livraison est par conséquent
celle qui concerne le plus directement les études celtiques. Mais on se
tromperait grandement si l'on croyait que la seconde livraison est sans in-
térêt pour elles. Elle comprend en effet une étude sur les pagi de la Gaule,
dont un certain nombre portent des noms celtiques et peuvent remonter à
l'époque celtique. Parmi les noms de lieux, un grand nombre d'origine cel-
tique apparaissent pour la première fois dans les documents carlovingiens,
et par conséquent sont mentionnés dans -la seconde livraison, tandis qu'il
n'en est pas question dans la première. Dans la seconde livraison, les noms
composés dont le second terme est dunum sont au nombre de trente-six,
ceux dont le second terme est dura, durum sont au nombre de dix, ceux
dont le second terme est magus ou ses équivalents, dont -mutn est le plus
fréquent, sont au nombre de trente-quatre. Nous croyons avoir reconnu
sept exemples des équivalents du terme -briga, comme bria, bra, brum:
Nous avons compté 618 exemples de noms en -'niais, 67 de noms en
-acus, 40 de noms de lieu identiques à des gentilices, 20 de noms de lieu
identiques à des cognomina.
Cette publication est de tout point digne du savant auteur. Nous n'avons
guère à lui adresser qu'une critique. C'est d'avoir quelquefois donné à des
noms de lieux bretons une forme qui n'est pas antérieure au xnc siècle.
XII.
Dans la livraison de mai du Céltic Maga-iue, M. Alex. Macbain a com-
mencé, p. 319-326, la traduction d'une rédaction du Tain bô Ciialnge re-
cueillie dans les Highlands par M. Carmichael ; et un auteur anonyme a
donné (p. 327-333) une étude sur les mots celtiques empruntés par l'anglais.
XIII.
La représentation de mvstère breton annoncée à Morlaix pour le mois
d'avril dernier a effectivement eu lieu les 14 et 13 de ce mois. La pièce
représentée a été sainte Tryphine, publiée avec une traduction française en
1863 par M. Luzel et par l'abbé Henry, un volume in-12 de 433 pages.
M. Luzel avait composé pour la circonstance un prologue en vers bretons
qui a paru accompagné d'une traduction française à Morlaix chez lîaslé et
qui forme une brochure de treize pages. On y retrouve l'élégance du poète
Chronique. 419
breton que les années ont blanchi et dont elles ont fait, hélas ! un érudit et
un archiviste, Le Monde illustré du 24 avril dernier a donné un compte
rendu de cette représentation avec plusieurs gravures, où l'on voit le por-
trait des acteurs revêtus de leurs costumes et leur jeu dans quelques scènes.
XIV.
Notre collaborateur, M. Nettlau, a publié dans le tome IX des Cym'mro-
dorion (p. 56-119) un recueil de savantes observations sur le verbe gallois.
XV.
M. L. Delisle, le savant administrateur de la Bibliothèque Nationale, nous
a signalé quelques gloses bretonnes dans le manuscrit 45 du fonds Ashburn-
ham nouvellement acquis, ix° siècle. La principale est au f° 7 r° sur les
mots numéros notis singulis ; elle est ainsi conçue : not do pop un trimer, lit-
téralement : » note à chacun nombre ». Nous citerons ensuite, f° 6 r° : ait
sur palme artum, blein sur summitatem.
XVI.
M. Luzel a publié dans le Bulletin de la Société archéologique, n" de
mars 1848, un fort joli conte breton: Marie, Yvon et la Sirène, avec des
notes de M. Reinhold Koehler et de M. le vicomte de la Villemarqué.
XVII.
Le numéro de janvier-avril du Journal of ihe Roval historical and arcbaeo-
logical Association of Ireland contient (p. 238-240) un très intéressant ar-
ticle du Rev. Charles Scott sur le droit de préséance autrefois reconnu aux
évèques de Meath, c'est-à-dire d'un canton primitivement assigné au roi
suprême d'Irlande. Si l'église d'Irlande se fût conformée à la pratique suivie
dans l'empire romain, l'évêque de Meath aurait été primat d'Irlande. La
primauté fut donnée à l'archevêque d'Armagh. Le siège de Meath ne de-
vint pas même archiépiscopal, mais l'évêque de Meath eut le pas sur les
autres évêques.
Le principal article du numéro est la suite d'un travail de M. V.-G. Wood
Martin sur les monuments de pierre non polie d'Irlande, p. 254-299.
Nous regrettons de ne pas connaître le commencement de ce savant mé-
moire qui est l'œuvre d'un archéologue de grand talent. L'auteur y cons-
tate notamment que la population à laquelle on doit les chambres funé-
raires construites dans les tombelles irlandaises avait l'habitude de brûler
ses morts. C'est la coutume qui a précédé sur le continent l'usage gaulois
de l'incinération. Nous continuons à regretter que M. Wood Martin, si
compétent quand il s'agit d'archéologie, continue à négliger le côté linguis-
tique de ses études. Leabaigh, p. 259, note 1, est une mauvaise leçon pour
420 Chronique.
leabaid, plus anciennement lepad, avec un db au lieu d'un gh final; mais
c'est une vétille. Nous ne comprenons pas que l'association archéologique
d'Irlande soit sans relations avec les sociétés françaises analogues. Les Français
y gagneraient certainement beaucoup. Les Irlandais pensent-ils qu'ils n'y
apprendraient rien ?
XVIII.
M. Zimrner vient de publier deux articles intéressants quoique peut-être
un peu longs: l'un dans la Zeitschrift fur deutsches Alterthumund Litteraiur,
t. XXXII, p. 196-334; l'autre dans la Zeitschrift fur vergleichende Sprach-
for&hung, t. XXX, p. 1-292. Cela forme un total de quatre cent trente et
une pages, un joli petit volume in-8.
Le premier article a pour objet une étude sur les éléments germaniques
dans la tradition épique irlandaise. Le second est un recueil de trois mé-
moires : i" contributions à l'étude du vocabulaire moyen irlandais (p. 1);
2° l'aoriste sigmatique indo-européen en celtique et le prétérit celtique en s
(p. 112); à ce mémoire se rattachent trois appendices : sur le prétérit en /
(p. 198); sur dorât « il donna » (p. 217 ; sur rofetar « je sais » (p. 221);
3° le passif et le déponent italo-celtique (p. 224). On aurait tort d'oublier
un postscriptum où la première question traitée par M. Zimmer est la ques-
tion la plus importante à ses yeux et par conséquent aux yeux de ses bons
amis comme nous, c'est de savoir si pour l'étude du passil et du déponent
celtique la priorité appartient à M. Windisch ou à lui. Le mémoire de
M. Windisch a paru environ six mois avant celui de M. Zimmer; c'est une
injustice du sort. M. Zimmer croit que son mémoire était achevé deux mois
avant celui de M. Windisch et que par conséquent sur ce point, comme sur
tant d'autres, c'est lui, Zimmer, qui l'emporte sur le professeur de Leipzig.
Cette conviction chronologique et personnelle fait le bonheur de M. Zimmer
et, certainement, elle ne causera au public aucun chagrin.
Les amis de M. Zimmer, parmi lesquels nous serions heureux qu'il voulût
bien nous compter, regretteront peut-être que ce grammairien érudit, si lé-
gitimement attentif quand il s'agit de défendre ses prétentions à la priorité,
laisse à ses critiques le soin de remplir pour lui ce devoir de tout homme
courtois qui consiste à signaler, le cas échéant, la priorité des autres. Pre-
nons comme exemple son travail sur les noms communs d'origine germa-
nique dans les monuments épiques les plus anciens de l'Irlande. M. Zimmer
a relevé vingt-quatre de ces noms, p. 267-28S du tome XXXII de la Zeit-
schrift fur deutsches Alterthum. Or il y en a quatorze qui figurent dans le
glossaire placé par M. Windisch à la suite des Irische Texte, et M. Zimmer,
ce farouche défenseur du droit de priorité, ne renvoie qu'une fois à ce
glossaire. C'est à la page 273, au mot ammor, amor, au sujet duquel il a
une critique à adresser à M. Windisch. Les lecteurs de M. Zimmer qui
croiraient que l'article ammor du vocabulaire de M. Windisch ait été le seul
articlede ce vocabulaire consulté par M. Zimmer, se tromperaient malheureu-
sement beaucoup. Ainsi de M. Zimmer, p. 270, commence son article r 7
en disant que ce mot est masculin. Or il l'a appris par un passage du Felirt
Chronique. 42 1
Oenguso où l'on rencontre l'accusatif pluriel rôtu, et ce passage est cité par
M. Windisch. M. Zimmer doit donc à M. Windisch la connaissance du genre
de rôt, à moins qu'il ne Fait acquise dans l'index du Felirc par M. Whitley
Stokes qu'il ne cite pas davantage. Quant aux exemples du mot rôt aux-
quels renvoie M. Zimmer, ils sont au nombre de sept, deux de plus que
dans le glossaire de M. Windisch. Mais sur les sept, trois se trouvaient déjà
chez M. Windisch: Cormac; L. U. 104'' 8, 106a 3 (deux passages du Fled
Bricrend, chez Windisch. F. B. 34, 47); deux sont étrangers à la littérature
épique, ce sont L. L. jo8a 43, 3081, 37. Ainsi le contingent de M. Zimmer
se réduit à deux articles, l'un emprunté au Tochmarc Emere, L. U. I22b 7,
où se trouve l'expression riad root mentionnée par M. Windisch d'après L.'
U. 106" 3 ; l'autre au Cath Ruis na Rig, L. L. 1 7 5b u. où on lit cend rôit,
c'est-à-dire rôit au génitif singulier. C'est même là la seule addition sé-
rieuse de M. Zimmer à l'article de M. Windisch. L'article de M. Zimmer
pourrait être conçu ainsi : « Sur le mot rôt, voyez Windisch, Irische Texte,
« t. I, p. 748, col. 1. Aux exemples de cas cités par le savant auteur,
« ajoutez le génitif singulier rôit, L. L. 1 7 5 b 1 1 ». Rédigé de cette manière,
il serait moins long, moins prétentieux et plus équitable envers un prédé-
cesseur de l'auteur.
Mais, dira-t-on, M. Zimmer a eu le premier le mérite de reconnaître que
les vingt-quatre mots qu'il a étudiés étaient d'origine germanique. Il est re-
grettable que cela ne soit pas certain pour la totalité de ces vingt-quatre
mots. Ainsi les savants qui ont traduit jusqu'ici penning par penny, comme
O'Donovan et M. Windisch, ont entendu que penning était d'origine ger-
manique, et cette doctrine était déjà énoncée en 1881 dans une brochure
publiée à Paris sous le titre d'Etudes sur le droit celtique, p. 33. 34. On y
voit que la monnaie dont il s'agit est mentionnée dons la glose du Senchus
mer et que son nom « est d'importation germanique ».
Le mot rossai « morse », en allemand « Wallross », donne lieu à la
même observation. C'est M. Windisch qui a proposé l'identification avec le
mot allemand en donnant d'après Y Attira Choluimbchiïle, § 60, publié par
M. Whitley Stokes, Goidelica2, p. 164, l'orthographe ros-ualt qui se rap-
proche beaucoup plus de la source germanique que l'orthographe rossâl du
Cath Ruis na Rig, L. L. 17211, auquel renvoie M. Ziminer. M. Zimmer fait
le rapprochement des deux formes, mais c'est à M. Windisch qu'il doit la
connaissance de ros-ualt comme la traduction et l'étymologie Wallross.
C'est en vain que pour donner le change aux ignorants, au lieu de ren-
voyer comme M. Windisch à l'édition de YAmra donnée par M. Whitley
Stokes, M. Zimmer cite le facsimilé du Lébor na h-Uidre qui contient le
même texte. La leçon du Lébor na h-Uidre est connue depuis longtemps,
même de ceux qui n'ont pas entre les mains le facsimilé publié par l'Aca-
démie d'Irlande et qui apprécient l'avantage de trouver une traduction en
regard d'un texte irlandais, puisqu'en 1871 O'Beirne Crowe a publié une
édition de ce texte avec traduction anglaise. Cela n'a pas empêché M. Zim-
mer de consacrer quinze lignes à la reproduction du texte irlandais et à sa
traduction imitée de celle d'O'Beirne Crowe, qu'il dédaigne trop pour le
422 Chronique.
citer. Entre sa copie et celle d'O'Beirne Crowe ou celle de M. Whitley
Stokes, on ne peut guère remarquer qu'une différence. Elle porte sur le gé-
nitif pluriel du substantif qui veut dire « année ». Ce génitif dans les deux
manuscrits (Liber hymnorum du Collège de la Trinité de Dublin et Lebor na
b-i'idre) est écrit blia avec un signe d'abréviation. La copie de M. "Whitley
Stokes porte bliadan en plaçant ce mot dans la déclinaison féminine en </.
La copie d'O'Beirne Crowe donne bliadna, en mettant ce mot dans la dé-
clinaison en i. Il y a des autorités pour chacun des deux svstèmes. M. Zim-
mer ne voulant se prononcer ni pour l'un ni pour l'autre a écrit bliad, c'est
une des grandes découvertes qui sont destinées à illustrer son nom.
11 n'est pas certain que les étymologies germaniques de M. Zimmer
soient admises toutes sans exception. Mais nous en avons assez dit sur cet
article pour craindre de fatiguer le lecteur et nous passons aux savantes
études sur le vocabulaire irlandais qui occupent les cent dauze premières
pages du tome XXX de la Zeitschrift de Kuhn.
M. Zimmer commence par l'expression dia bliadna « dans un an à pareil
jour ». Il revient par conséquent sur une question qui a déjà été traitée
dans la Revue Celtique, t. VII, p. 282, à propos d'une note publiée par
M. Standish O'Gradv dans YAcademy du 14 novembre 1 S85 , p. 324-325.
La question était de savoir comment il fallait lire et traduire la formule dia
/'/avec un signe abréviatif dans le Livre de Leinster, p. 114, col. 1, 1. 25.
M. "Windisch a lu dia bîiadain. La faute était peu grave : il fallait dia bliadna
« dans un an à pareil jour ». M. Zimmer, Keltische Studien, I, p. 35, 1881,
proposa de lire di Ailill, c'est-à-dire: « à Ailill, roi de Connaught » en se
moquant agréablement du savant professeur de Leipzig qui n'avait pas su
faire cette belle découverte.
La vérité avait été connue il y a trente ans par O'Currv (Manners and
Customs, III, 372) et c'est à M. Standish O'Gradv que revient l'honneur
de l'avoir établie scientifiquement. Il s'est appuyé pour cela d'abord sur la
formule dia mis « dans un mois à pareil jour », Book of Leinster, p. 288,
col. 2, 1. 33. Cf. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 477, col. 1. Puis il a
réuni huit exemples de la formule dia bliadna, l'un est emprunté au Livre
de Leinster, p. 106, col. 1, 1. 44; un autre au Lebor na h-Uidre. p. 122,
col. 1,1. 4; les autres aux manuscrits Egerton 92, 1782 et Harleian 5280
du Musée britannique. M. Zimmer a recueilli sept exemples de dia bliadna:
deux sont les mêmes que ceux de M. Standish O'Gradv. Il est très méri-
toire pour M. Zimmer d'avouer en 1888 l'exactitude d'une doctrine traitée
par lui d'absurde en 1881. Ce n'est rien encore. M. Zimmer nous apprend
qu'il a fait cette bonne action avant de connaître l'article publié par
M. O'Grady en 18S3 et peut-être avant que l'article de M. O'Grady
n'existât. Partout, même quand il s'agit de réfuter ses propres thèses,
M. Zimmer a la priorité, et. si les apparences sont contre lui, c'est la faute
des imprimeurs.
Le second mot dont parle M. Zimmer dans la Zeitschrift de Kuhn, i8S8.
est cennide : il a trouvé que ce mot qui a pour équivalent cathbarr dans certains
mss. veut dire « couvre chef ». Mais cette traduction a été donnée au Col-
Chronique. 42 3
lège de France pendant l'année scolaire 1885-1886 par un professeur dont
l'incapacité, unfahigkeit, est, suivant M. Zimmer, chose établie. Il y a dans
Paris quelqu'un qui a reçu de Leipzig, sous la date du 17 décembre 1886,
une lettre où on lit : « Au sujet de cennide vous avez raison : dans le ms.
« Rawlinson on lit : Is and sin ro l.i Conchabar a chathbarr dia chend ». De
là vient que dans la traduction du Scèl mucci macDâthà publiée par M. Duvau
dans la Revue archéologique, numéro de novembre-décembre 1886, p. 342,
cennide est traduit par « couronne » ; il s'agit d'un roi ; on trouve cathbarr
désignant la coiffure d'une reine, et O'Curry a rendu ce mot par diadem
(Manners and customs, t. III, p. 394). Ainsi la découverte de M. Zimmer était .
dans le domaine public dix-huit'mois avant d'être imprimée par lui.
M. Zimmer n'a pas de chance. Il fait continuellement le premier des
trouvailles qu'il admire ; d'autres, bien inférieurs à ce grand homme, font ces
découvertes après lui et les portent avant lui à la connaissance du public.
Mais il a pour lui sa conscience et la conviction de sa supériorité sur ses
concurrents au milieu d'une injustice presque universelle; il en résulte
qu'il est le plus content des hommes. La Revue Celtique est heureuse de le
constater. On aurait tort de supposer à cette revue d'autres sentiments ; ce
ne seraient pas de petites mésaventures comme celles dont elle vient de
parler qui pourraient troubler la majestueuse quiétude de l'illustre professeur
de Greifswald.
XIX.
Nous avons le plaisir d'annoncer que la Commission chargée par l'Ins-
titut de France d'examiner les ouvrages envoyés au concours fondé par
Volney, vient de décerner le prix à notre collaborateur M. E. Ernault, pro-
fesseur à la Faculté des lettres de Poitiers. Les travaux qui lui ont mérité
cette distinction sont : 1° sa thèse de doctorat sur le Parfait en grec et en latin,
qui a paru dans la Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Etudes, chez F.
Vieweg ; 2° et le glossaire moyen breton placé à la suite du Mystère de
Sainte Barbe, librairie Thorin.
XX.
Au moment de mettre sous presse, nous recevons de M. Buhot de Ker-
sers, le savant archéologue de Bourges, une lettre où il donne des détails
circonstanciés sur une découverte faite à Issoudun (Indre) en 1874, et si-
gnalée pour la première fois beaucoup plus tard par cet érudit dans sa bro-
chure intitulée : « Note sur trois épées de bronze et un mors de bride
« gaulois, trouvés en Berry. » Il s'agit d'une sépulture gauloise contenant
un char de guerre. On a trouvé les débris de chars de guerre gaulois dans
les départements de la Marne, l'Aisne, la Côte-d'Or, en Suisse et en Alle-
magne 1. On n'en avait pas signalé dans le centre de la France.
1. Mazard, Essai sur les chars gaulois de la Marne, Revue archéologique,
t. XXXIII (1877), p. 154-172, 217-229.
424 Chronique.
En 1874, on taisait des fouilles pour construire un bâtiment destiné à la
malterie de la brasserie d'Issoudun (Indre). Ces fouilles mirent à jour:
i° les deux cercles de fer qui entouraient les roues d'un char, 20 les boites
de 1er qui servaient au passage de l'essieu, 30 des fragments de mors de
bride en bronze, enfin quelques autres débris métalliques. Les cercles ont
été laissés sur place. On a recueilli les boites et les fragments de mors. Le
mieux conservé de ces fragments de mors a été publié par M. Buhot de
Kersers dans la brochure dont nous avons donné le titre.
Paris, le 7 juin iSSS.
H. d'Arbois de Jubaixville.
ERRATA DE LA LIVRAISON PRECEDENTE.
P. 230, 1. 13, for hivrimi, read hec, rimi.
note 91, for Au. read AuicentUl.
P. 233, notes, 1. 1, for « springs up », read' « Aies off ».
1. 6, for « ladh (?) », read « rusty sédiment ».
1. 16, for « an herb or a strawberry », read « the plant of
the strawberries ».
P. 234, 1. 9, for « figda », read « figt'da ».
1. 12, for « coill/f », read « co'iWcd ».
P. 235, notes, 1. 6, for « common word », read « generic terni ».
P. 236, notes, 1. 13, read sanguineus.
P. 239, notes, 1. 10, for milsêan, read milsein.
P. 240, 1. 2, for peredha, read piredha.
last line, The Irish word is sabhrai.
P. 243, note 23, Cosc ar carraigi « a remedy for the scab ».
For most of the above corrections I am indebted to M. St. H. O'Grady.
Wh. St.
Le Propriétaire-Gérant : F. VIEWEG.
Chartres. — Imprimerie DURAND.
LA PROCESSION DITE DE LA LUNADE
ET
LES FEUX DELA SAINT-JEAN
A TULLE (BAS LIMOUSIN).
LA FÊTE DU SOLSTICE D'ÉTÉ
ET
LE COMMENCEMENT DE LA PÉRIODE DIURNE
CHEZ LES GAULOIS.
Le sujet du présent mémoire est de ceux qui paraissent tou
d'abord n'offrir qu'un intérêt local, mais dont l'étude peu
conduire à des conclusions d'une importance générale au point
de vue de notre histoire nationale. Par l'époque de l'année et
l'heure où elle est célébrée, par le rite suivant lequel on l'ac-
complissait dans les siècles passés et où elle s'accomplit en-
core, la solennité religieuse dont nous allons nous occuper se
rattache aux pratiques superstitieuses de nos aïeux, et nous
montre la persistance au moyen âge, voire même jusqu'à nos
jours, de cérémonies païennes et du système usité pour la
mesure du temps dans l'ancienne Gaule.
I.
Depuis une date fort reculée et qui, nous le montrerons
bientôt, remonte au moins à quatre siècles, on célèbre chaque
année a Tulle, en bas Limousin, le soir du 23 juin, une fête
Revue Celtique, IX 28
426 M. Deloche.
appelée le Tour de la Lunade. C'est une procession qui a lieu
en l'honneur de saint Jean-Baptiste, la veille de sa Nativité.
Après le coucher du soleil et dès que la lune paraît à l'ho-
rizon, le clergé de la cathédrale et des trois autres paroisses de
la ville, les confréries de pénitents blancs et bleus, les congré-
gations religieuses, suivies d'un nombreux concours de fidèles,
sortent de l'église cathédrale, portant en grande pompe la
statue du saint Précurseur. Cette statue, en bois de chêne,
grossièrement sculptée et noircie par le temps, est vêtue,
comme une madone italienne, d'une robe, ou plus exactement
d'un riche manteau de soie, noué au cou et ne laissant paraître
ni les bras ni la taille. La tète est ceinte d'un diadème en ar-
gent ou cuivre doré.
En 1680, un ecclésiastique du pays, le P. Béril, publia un
opuscule intitulé la Sainte Lunade de S. Jean-Baptiste, qu'il
adressa à Etienne Baluze et qui est à la Bibliothèque Natio-
nale parmi les manuscrits de l'illustre érudit1. Suivant l'itiné-
raire qui y est minutieusement décrit et" qui est actuellement
encore, ou du moins était naguère observé, le cortège gravit
les rampes abruptes d'un faubourg situé à l'est de la ville,
parcourt les hauts plateaux qui la dominent, et après des sta-
tions faites devant sept oratoires ou chapelles2 établis sur son
passage, rentre dans l'église, où l'on replace la statue du saint
sur l'autel qui lui est consacré.
Quelle est l'origine de cette curieuse solennité, la plus po-
pulaire assurément de la contrée ?
La plus ancienne mention que j'en aie rencontrée jusqu'ici, se
1. Volume 263, fol. 177 et suivants. Le P. Béril était curé de Saint-
Salvadour, paroisse rurale voisine de Tulle. Cette brochure de 36 pages fut
imprimée « à Tulle, chez Jean Dalw, imprimeur du clergé et du collège
« de Mauriac, en 1680 ».
2. Voici, d'après l'opuscule précité du P. Béril, l'ordre dans lequel les
Stations étaient placées, du moins au XVIIe siècle: la première était la cha-
pelle dédiée à saint Jean; la seconde une chapelle sise au faubourg d'Al-
verge et nommée de la Présentation Notre-Dame; la troisième l'oratoire dit
de Saint-Jean, bâti sur un petit coteau appelé Je petit Calvaire; la quatrième
l'oratoire dit de la Malaurie, situé au milieu d'un bois; la cinquième l'ora-
toire dit de Breyge, construit à l'entrée du plateau ; la sixième l'oratoire dit
de la Bachellerie; la septième la chapelle des Malades, qui avait pris depuis
peu le nom de Notre-Dame de la Santé.
La Procession dite de la Lunade. 427
trouve dans un extrait de registres des actes de notaires de
Tulle. Un acte daté du 27 juin 1490, désigne les confron-
tations d'une terre et d'une vigne, notamment « avec un
« chemin appelé le chemin de la Lunade », « et cum itinere
« vocato h chami de' lo Lounado. x »
Nous sommes ainsi assuré que la procession dont il s'agit
ici remonte à une époque antérieure à 1490; mais à cela se
bornent, en réalité, les notions précises et certaines que nous
possédons sur ses commencements.
D'après le P. Béril déjà cité, le vœu de la Lunade aurait été
fait en l'honneur de S. Jean-Baptiste, « en 1340, à cause de
« la peste, de la famine et de la guerre qui ravageaient le D
« mosin2 », et l'écrivain produit à l'appui de cette énonciation '.
i° un prétendu titre qu'il désigne en ces termes : « Extrait du
« livre de S. Jean Baptiste, en lettre Gothique (sic) sur le
« parchemin, en vieux Limosin » ; 2° une déclaration d'un
habitant notable de Tulle attestant la tradition établie à ce sujet.
Voici, telle qu'elle est rapportée par le P. Béril, la première
de ces pièces qui, nous le ferons voir, a dû être confectionnée
à une époque de beaucoup postérieure à celle des faits qui
nous occupent.
« L'an millo très cent quarante, en lo citât et villo de Tulo,
« et en tout lo part olentour, avia granda aversitat, tant dé
« guerra, dé fomina, que dé mortalitat, et fut avisa et or-
« donnât per los prud'hommes et dévots de la d. citât, una
« solemnitat etconfraria ol'honnour dé Diu, dé nostraDama,
« et dé Monseignour S. Jean Baptista, chacun an, el moustié
« de Tulo, ofin que Monseignour S. Jean Baptista fut inter-
« cessour dé lous préserva dé la dita adversitat; et incontinent
« quoguérou commençât ia dita Festa, la dita Citât et Pays
« tourneren en grendo prospéritat per lo intercessiu dé Mon-
« seignour S. Jean; e fara si Diou play. Dé laquella Festa s'en
« seguentlas Ordonnanças, &a (sic) > ».
1. Arch. départent, de la Corrè^c, Registres des actes de notaires de Tulle
des xvie et xvn^ siècles; Reg. 50, fol. 153, v°.
2. Ubi supra, p. 6 de la brochure du curé de Saint-Salvadour.
3. Page 7 de l'opuscule du P. Béril. Voici la traduction de cette notice:
« L'an mil trois cent quarante, en la cité et ville de Tulle, et dans tout
428 M. Deloche.
La deuxième pièce intitulée : « Attestation de Me Jean
« Brossard, advocat », est ainsi conçue :
« Nous attestons comme quoy des Personnes fort âgées, de
« tout sexe, nous ont déclaré, a diverses fois, qu'un religieux
« du Monastère de S. Benoist de la présent ville de Tulle, à
« présent sécularisé, qui passait pour un saint religieux, célé-
« brant la sainte Messe sur un autel qui est à côté des orgues
« de la dite église, à présent la Cathédrale, contre la chapelle
« de l'Assomption N. Dame, il eut révélation que, pour taire
« cesser la peste qui désolait la présent ville et toute la pro-
« vince, il falloir porter l'image de S. Jean, dans un lieu que
« Dieu lui avoit inspiré, en Procession, à laquelle les habi-
« tants assisteraient en chemise et nuds pieds, ce qui fut
« exécuté; et d'abord la peste cessa, et du depuis la même
« procession fut instituée, dans la forme insérée dans le titre
« qui fut trouvé dans la châsse de S. Ulphard1 : ce que nous
« attestons avoir appris par la tradition de notre père et autres
« anciens habitants de la présent ville.
« Signé Brossard attestant ce dessus 2. »
Baluze, qui non seulement avait connaissance du livre du
P. Béril, mais en tenait, comme nous l'avons dit, un exem-
plaire des mains de l'auteur 3, s'est borné, dans son Histoire de
le pays d'alentour, il y avait grande adversité, tant de guerre et de famine
que de mortalité ; et il fut conçu et ordonné par les prud'hommes et
gens dévots de ladite cité, une solennité et confrérie en l'honneur de Dieu,
deNotre-Dame et de Monseigneur S. Jean-Baptiste, enacun an, au monas-
tère de Tulle, afin que Monseigneur S. Jean-Baptiste, intercédât, pour les
préserver de ladite adversité. Et aussitôt qu'ils eurent commencé ladite
Fête, ladite cité et le pavs tournèrent en grande prospérité par l'inter-
cession de Monseigneur S. Jean. Et ainsi en sera fait, à l'avenir, si Dieu
plaît. De laquelle Fête s'ensuivent les Ordonnances, etc., etc. ».
1. Saint Ulphard était un des patrons de l'église et de la ville de Tulle,
dont la cathédrale possédait des reliques.
2. Page 36 du livret du P. Béril.
3. Voici la lettre d'envoi qui est à la suite du livret, dans les mss. de
Baluze, volume 263, fol. 195 :
« Monsieur,'
» De l'advis d'un de vos parents, j'ay la hardyesse de vous présenter mon
livret de la Lunade de Tulle, que je vous prie d'accepter. J'ay fait une
prose de la sainte Résurrection que je vous fairay tenir si le désirés. Je
La Procession dite de la Lunade. 429
Tulle publiée en 17 17, à reproduire la tradition ci-dessus, en
transportant toutefois à l'année 1348 l'événement que le
P. Béril avait placé en 1340 : nous traduisons le passage qu'il
a consacré à ce sujet :
« L'année 1348, dit-il, est tristement célèbrer non seule-
« ment par les guerres qui troublaient notre contrée, mais
« surtout à cause de la famine et de la peste. Au milieu de la
« consternation générale, il est certain qu'il vint à l'esprit de
« nos concitoyens d'implorer le secours de saint Jean-Bap-
« tiste. On est peu fixé (pantin compertum habetur) sur la ma-
te nière dont les choses se passèrent. Ceux qui disent tenir la
« tradition de plus anciens déclarent qu'un moine de Tulle,
« réputé pour sa sainteté... » (suit le récit de Brossard touchant
la révélation annoncée par le religieux, la cérémonie accom-
plie et la cessation du fléau).
« Ce qui est constant, ajoute Baluze, c'est qu'alors et dans
« cette pensée, les habitants de la ville établirent en Thon-
ce neur de Dieu, de la bienheureuse Vierge Marie et de saint
« Jean-Baptiste, une confrérie qui subsiste encore Nous
« ne devons pas omettre de dire qu'il existe dans notre
« ville deux congrégations religieuses de Pénitents : l'une
« de Pénitents gris1, l'autre de Pénitents blancs. Les pre-
« miers font le tour de la Lunade la veille de la Nativité de
« saint Jean-Baptiste, avec le clergé et le peuple, les autres le
« jour même de cet anniversaire.
« Par la même cause fut instituée dans l'église de Saint-
ce. Pierre2 une confrérie de S. Léger, évêque d'Autun, qui fai-
vous auray obligation si, vous souvenant de l'amitié du temps passé, vous
me tenès encore au nombre de 'ceux qui vous sont acquis comme restant,
« Monsieur,
« Votre très humble et très obéyssant serviteur,
« Béril, curé de St-Salvadour.
« Le 26 septembre 1680 ».
1 . Ces pénitents ont été remplacés par les Pénitents bleus, dont la cha-
pelle est au Puv-Saint-Clair, dans l'enclos du cimetière ; ils ont pour patron
saint Jérôme ; saint Jean-Baptiste est le patron des Pénitents blancs, dont
l'ancienne chapelle, placée sous ce_ vocable, a été érigée récemment en pa-
roisse.
2. Cette église, qui était la plus ancienne des églises de Tulle, a été dé-
truite pendant la Révolution; elle était située dans l'ancien caslrum, sur
4}0 M. Deloche.
« sait dans ce temps-là de fréquents miracles. Cette confrérie
« subsiste également de nos jours1. »
Ce dernier fait est attesté par une notice en langue romane,
que Baluze a publiée à la fin de son ouvrage, et dont voici le
texte :
« En l'an de nostre Seignor, mial et ccc e xlviii, éraguerra
« en Francis et de Angleterra; e lo jorn de la festa de tots
« Senhs, la vila fo presa pels Angles2. E el quai an mccc et
« xlviii, fo mortoudat universal per tôt lo mon et grande
« fems e pestillesa. Per che li prodome de la ciptat de Tulla,
« regardan lo péril en que estavo, recoguéro a nostre Seignor,
« ordonero e establiro entre loi* que, a la honor de Diou e
« de Nostra Dama e de touta la court celestial companya, fo
« fâcha un a confreyria de Mosseignor Saint Legier, loqual
« ovio fach e fosia e fay tout journ grand cop de bels miracles 3 . »
Ce document se traduit ainsi :
« En l'an de Notre Seigneur, mil trois cent et quarante-
« huit, il y avait guerre en France avec l'Angleterre; et le
« jour de la fête de tous les Saints, la ville fut prise par les
« Anglais. Et dans cette année mil trois cent et quarante-huit,
« il y eut mortalité universelle par tout le monde, et grande
« famine et pestillence. C'est pourquoi les prud'hommes de la
« cité de Tulle, considérant le péril où ils étaient, recoururent
« à Notre Seigneur, ordonnèrent et établirent entre eux que,
« en l'honneur de Dieu et de Notre Dame et de toute la cour
« de la céleste compagnie, il fût fait une confrérie de Mon-
« seigneur Saint Léger, lequel avait fait, et faisait et fait tou-
« jours, un grand nombre de beaux miracles. »
le plateau qui est au confluent de la Corrèze et d'une petite rivière appelée
la Solane, et qui a gardé le nom de « Quartier Saint-Pierre ».
i. Htst. Tutti. , p. 199-200.
2. Baluze a pensé qu'il fallait remplacer la date de 1 $48 par celle de 1346,
par le motif que, dans cette dernière année, la ville fut prise par les Anglais.
(//>/</., Appendice, col. 718 in fine.) Nous crovons qu'il faut maintenir la
date de 1348 : 1» parce qu'elle a été inscrite en deux endroits de la notice,
ce qui exclut la probabilité d'une inadvertance ; 2° parce que rien ne s'op-
pose historiquement à ce que la ville ait été prise une première fois en
1346, abandonnée et puis reprise en 1348. De pareils laits étaient fréquents
dans la longue et calamiteuse guerre contre les Anglais.
3. Hist. Tu tel., Append., col. 717-718.
La Procession dite de la Lunade. 43 1
IL
Les passages du récit de Baluze que nous avons mis sous les
yeux du lecteur suggèrent des observations importantes.
Notre historien a reproduit, en modifiant seulement la date
de l'événement, la tradition rapportée par le P. Béril, mais il
s'est abstenu de publier, à l'appui, le vieux titre inséré dans la
notice de cet écrivain; il ne le mentionne même pas, ce qui
dénote chez l'habile diplomatiste de très grands doutes rela-
tivement à son authenticité.
Cette pièce a disparu depuis longtemps I, et nous n'avons
aucun moyen d'en vérifier le caractère et la valeur. Mais, telle
qu'elle est présentée par le P. Béril, qui était sans doute peu
compétent pour l'apprécier, elle soulève les plus sérieuses ob-
jections.
Et d'abord, la date de 1340 qui y est énoncée est difficile à
justifier; elle ne s'accorde ni avec celle de 1348, que porte la
notice concernant la confrérie de Saint-Léger, ni avec celle de
1346, que Baluze, à tort selon nous, a proposé d'y substituer2.
Quant à la langue romane limousine, dans laquelle la
pièce dont il s'agit a été rédigée, elle diffère essentiellement de
la notice précitée, qui est pourtant également écrite en langue
limousine'. Or, une telle diversité entre deux documents qui
auraient été rédigés dans la même localité et presque au
même moment, est absolument inadmissible, à ce point que
l'un des deux documents doit être, suivant nous, nécessai-
rement considéré comme faux. Ce ne peut être la notice de la
1. La châsse de S. Ulphard ou Ulfard, où cet acte était conservé, au
dire de Me Brossard, a dû être enlevée et probablement détruite, en 1793,
comme les autres châsses qui ornaient l'église cathédrale de Tulle.
2. Voir ci-dessus, p. 420, note 2.
3. Ainsi dans la notice de la confrérie de Saint-Léger on lit: midi (mille),
moiioudat (mortalité), prodomc (prud'hommes), la bon or (l'honneur), con-
frayria (confrérie), mosseignor (monseigneur). — Dans le ms. de la châsse
de saint Ulphard, ces mêmes mots sont écrits : millo, mortalitat, prud'hom-
mes, l'bonnour, confraria, monseigneur ; autant de formes d'un patois beau-
coup plus moderne, et ne remontant guère qu'au xvie siècle.
432 M. Deloche.
contrérie de Saint-Léger, qui est écrite dans un idiome beau-
coup plus ancien que l'autre, et que Baluze, qui l'a eue sous
les yeux I, n'a certainement éditée qu'à bon escient. Donc, c'est
l'autre notice qui est fausse.
Il me semble même que la pièce attestant la création d'une
confrérie sous l'invocation de S. Léger, à l'époque et à l'oc-
casion des malheurs que subissait la ville, rend invraisemblable
la fondation, au même instant et pour les mêmes causes, d'une
deuxième confrérie sous l'invocation de S. Jean-Baptiste, et
surtout d'une cérémonie telle que la procession de la Lunade,
dont l'importance et la solennité étaient autrement grandes
et sur laquelle on ne comprendrait pas que le rédacteur de
cette pièce eût gardé le silence.
Cette notice doit être conséquemment écartée, et la tradition
orale restant le seul appui du récit du P. Béril, il nous paraît
difficile de le regarder comme ayant une valeur historique.
Néanmoins, et pour des raisons qu'il nous a laissé ignorer,
Baluze a accepté comme faits avérés l'appel des Tullistes à
l'intercession de S. Jean et l'établissement d'une congrégation
nouvelle sous son patronage.
Nous verrons plus loin comment ces deux faits pourraient
se concilier avec une explication différente de celle que l'ho-
norable ecclésiastique limousin a donnée des causes et de la date
de la procession de la Lunade.
Il nous suffit, pour le moment, d'avoir montré qu'en l'ab-
sence de preuve positive, cette question d'origine reste ouverte
aux investigations de l'archéologue et de l'historien.
III.
Dans l'étude à laquelle nous allons procéder, notre attention
s'arrêtera particulièrement sur le jour de l'année où a lieu la
procession de la Lunade, l'heure à laquelle elle commence, le
i. Baluze annonce qu'il publie ce document ex veteri codice Tutelensi dis.;
Hist. Tut eh y Append., col. 717.
La Procession dite de la Lunade. 433
cérémonial qu'on y observe et sa relation avec certaines cou-
tumes païennes des Gaulois.
Le soleil fut longtemps, on le sait, l'objet de l'adoration
des hommes et en particulier des populations celtiques. Notre
savant confrère, M. d'Arbois de Jubainville, nous fait con-
naître, dans son Cours de littérature celtique, que le roi suprême
de l'Irlande, Loégairé, contemporain de saint Patrice (43 1-
464) r, ayant été fait prisonnier par les habitants de Leinster
révoltés, n'obtint sa liberté qu'en prêtant serment de ne plus
exiger la redevance qui avait motivé la révolte ; voici la for-
mule de ce serment, qui nous a été conservée : « Il jura par
« le Soleil et la Lune, l'eau et l'air, le jour et la nuit, la mer
« et la terre2 ».
Au vu6 siècle, le culte du Soleil et de la Lune était encore
pratiqué en Gaule, puisque saint Eloi, dans une des homélies
qui lui ont été attribuées par l'auteur de sa Vie, défend aux
fidèles « d'appeler Seigneurs (c'est-à-dire Dieux) le Soleil et la
« Lune, ou de jurer par eux; car, ajoute-t-il, ils sont des
« créatures de Dieu, et par l'ordre de Dieu servent aux be-
« soins des Hommes. » — « Nullus Dominos Solem aut
« Lunam vocet, neque per eos juret, quia creaturae Dei sunt,
« et necessitatibus hominum jussu Dei inserviunt 3. »
La fête du Soleil se célébrait au solstice d'été; le 24 juin
est le jour où tombe le solstice, où le soleil est au tropique
du Cancer, arrivé à son plus grand éloignement de l'Equateur,
et paraît, pendant quelques jours, y être stationnaire4.
1. S. Patrice a commencé sa prédication vers 431 et est mort vers 464.
2. Introduct. à la littèrat. celtique, p. 181. Cf. Le Cycle mythologique ir-
landais, du même auteur, p. 251.
3. Vita S. Eligii, auctore Audoëno, dans D'Achery, Spicilegium, édit.
in-4, t. V. p. 216. D'après une opinion développée par M. O. Reich dans
une thèse soutenue en 1872, certaines parties de la Vie de S. Eloi date-
raient bien de la période mérovingienne, mais d'autres y auraient été ajou-
tées ou intercalées sous les Carolingiens (Uber Audoens Lébensbeschreibung
des Hciligen Eligius. Inaugural dissertation, Halle, 1872). Cette circons-
tance serait ici indifférente, et même la date plus récente des sermons at-
tribués à S. Eloi prouverait une persistance plus prolongée des pratiques
païennes en Gaule au moyen âge, persistmce qui ressort d'ailleurs de nom-
breux documents de la période féodale.
4. Solstitium signifie proprement « arrêt du soleil » de sol, soleil, et de
siare, rester debout, s'arrêter.
434 M. Deloche.
« Quel temps plus propice pour cette solennité, suivant la
« remarque de Leber, que celui où le soleil parait dans son
« plus grand éclat..., où la terre présente tant de richesses et
« tant d'espérances, où, de plus, ce point de sa course est
« facile à saisir et ne demande pas d'observation délicate! J ».
Aussi, comme l'ont dit J. Grimm2 et après lui M. Gaidoz>,
« le solstice d'été fut-il généralement, chez les nations indo-
ce européennes, l'époque de l'année à. laquelle on rendait un
« culte particulier à l'astre-roi. » M. A. Breuil, dans un im-
portant mémoire sur le Culte de S. Jean-Baptiste et les usages
profanes qui s'y rattachent, s'exprime ainsi : « Les peuples de l'an-
tiquité qui avaient fondé leurs diverses religions sur l'obser-
vation des phénomènes de la nature, et dont les principales
divinités étaient des personnifications du Soleil, célébraient de
grandes fêtes aux moments les plus .considérables du cours de
cet astre, notamment à l'époque du solstice d'hiver et à celle
du solstice d'été 4 » .
Longtemps après l'établissement du christianisme, cette der-
nière fête conservait un tel prestige et exerçait encore un tel em-
pire sur l'esprit des foules, qu'au milieu du vne siècle, dans
un des sermons déjà cités, saint Eloi en faisait l'objet d'une pro-
hibition spéciale. « Que nul, dit-il, à la fête de S. Jean ou
« dans des solennités quelconques, ne célèbre les Solstices et
« ne se livre à des danses tournantes ou sautantes, ou à des
« carauïes ou à des chants diaboliques. » — « Nullus infesti-
« vitate sancti Joannis, vel quibuslibetsolemnitatibus, Solsticia,
« aut vallationes vel saltationes, aut caraulas, aut cantica dia-
« bolica exerceat » .
i . Article de Leber, dans la Collection des meilleures dessertations relatives
à l'histoire de France, par Leber, J.-B. Salguy et J. Cohen, t. VIII, an-
née icS2Ô, p. 477-481.
2. Deutsche Mythologie, deuxième édition, p. 583.
3. Gargantua. Essai de mythologie celtique ; dans la Rev. archéol., 2e série,
année 1808, t. I, p. 190. — Le Dieu gaulois du Soleil et le symbolisme de la
roue; dans la Rer. archéol., 3e série, année 1884, t. II, p. 19; nous faisons
ici toutes réserves touchant le passage de ce savant mémoire, où l'auteur
fait dériver la fête du solstice d'été chez les anciens peuples d'une idée qui,
d'après nous, n'est point la vraie.
4. Mém. de la Soc. des Antiquaires de Picardie, t. VIII, p. 199.
La Procession dite de la Lunade. 435
Ces défenses impliquent évidemment que les actes con-
damnés par le prédicateur étaient fréquents, sinon usuels.
Nous y trouvons donc la preuve de la persistance, parmi les
populations, de l'adoration du Soleil et de la célébration du
Solstice d'été.
L'Église chrétienne s'appliqua, avec le concours actif et
énergique de l'autorité royale, à déraciner ces restes des an-
ciens cultes ; mais, quand elle eut reconnu l'inanité de ses
efforts, « elle laissa subsister ces vieilles coutumes et se con-
« tenta de les sanctifier en leur donnant un sens chrétien1 ».
« Les feux de Bélénus furent dédiés à S. Jean-Baptiste, dont
« la fête tombe au solstice d'été2 ».
Telle est l'origine des Feux de la Saint-Jean, de ces nom-
breux bûchers qu'on allume encore, à cette époque de l'année,
sur les places, dans les carrefours et les rues de petites villes
et de bourgades de plusieurs de nos provinces. C'est là assu-
rément, et de l'avis unanime des érudits, une des pratiques
survivantes du paganisme gaulois. 3
Il convient de noter ici un détail qui se produit, ou du
moins se produisait jadis à la procession de la Lunade, et dont
j'ai été souvent témoin dans mon enfance. Les fidèles faisant
partie du cortège ne manquaient pas, quand ils passaient au-
près des Feux de la Saint-Jean, de faire toucher par les flam-
mes des branches de noyer ou de ehâtaigner qu'ils tenaient
ensuite pour des rameaux bénits, et qu'ils conservaient pieu-
sement dans leur demeure, comme une sauvegarde contre les
dangers de maladie ou autres.
L'abbé Lebeuf, qui, dans le Journal historique de Verdun, a
consacré à ce sujet deux dissertations, cite, dans la première,
deux anciens auteurs : Durand de Chartres, évêque de Mende
1 . Leber, ubi supra.
2. Mémoire de M. T. Pinard sur la commune de Saint-Germain-le-vieux-
Corbeil (Seine-et-Oise) ; dans la Revue archéol., première série, année 1848,
P- 74 5-
3. « Les ieux qu on allumait alors représentaient la chaleur brûlante de
l'astre. Quel moyen plus naturel de célébrer sa fête que d'allumer ces feux
qui en sont l'image? ». Leber, dans la Collection de dissertations déjà citée,
t. VIII, p. 480.
4}6 M. Deloche.
en 1290 T, et le docteur Jean Beleth (xne siècle)2, d'après les-
quels, à la fête de saint Jean, la coutume était de porter des
flambeaux allumés 3.
Dans sa deuxième dissertation, le même savant cite le livre
des Antiquités de Paris, où Sauvai décrit la manière dont se
faisait le Feu de la Grève et reproduit le mémoire des frais de
ce feu et des accessoires, dressé d'après un rôle de 1573 et
comprenant, entre autres détails, « la symphonie, les bouquets,
« les chapels de roses, les torches de cire jaune et de cire
« blanche, le baril d'artifices, les dragées, etc., etc. 4 ».
Il est intéressant de rapprocher ces détails de la description
que le P. Béril nous a laissée de la procession de la Lunade
à Tulle, au xvne siècle. Il y signale : « la grande quan-
« tité de feux de joye dont les rues sont toutes parées ». On
y voit les représentants des confréries de la ville, portant ce des
« cierges de cire allumés à quatre mèches et garnis de ver-
ce dure et de fleurs ; les porteurs de la statue du saint, cou-
ce ronnés de guirlandes de cire ou de fleurs, et de jeunes gar-
ce çons portant en outre des chaperons de fleurs de camomille
ce en forme d'écharpes; les femmes marchant pieds nus, le
ce front ceint de guirlandes de cire et la taille ornée de cein-
ce tures d'herbes entremêlées de fleurs ; le Roy de la fête, ayant
ce au bras gauche un chaperon de fleurs, tenant de la main
ce droite une chandelle allumée, et suivi d'une bande de
ce violons; le jeu des pièces d'artillerie et des fusées volant en
ce l'air comme des serpents de feu, et les feux d'artifice; enfin
« (ce qui rappelle la symphonie du feu de la Grève), les flûtes,
ee phiphres, tambours, hautbois, trompettes et clairons qui sont
ce aux tourelles du grand clocher, qui, à raison de sa hauteur,
ce domine sur toute la ville, et font unanimement une ar-
1. Rationale divinorum officiorum.
2. Sutnma de divinis officlis, c. 137. Ce livre a été écrit en 1162.
3. Journal hist. de Verdun, t. 65, année 1749, p. 428. Voir aussi la Col-
lection des meilleures dissertai, relatives à l'hist. de France, par C. Leber et
autres, t. VIII, année 1826, p. 472 et suiv.
4. Journal histor. de Verdun, t. 70, année 175 1, et Collection des meilleures
dissertations, etc., t. VIII, p. 476 et note.
La Procession dite de la Lunade. 437
« monie si douce à l'ouye que vous diriez que c'est un
« concert d'anges suspendu dans l'air1 ».
Dans un 'autre endroit de sa deuxième lettre, l'abbé Lebeuf
fait observer que, chez les Gaulois, les fêtes et les réjouis-
sances qui avaient lieu à l'époque du solstice d'été, avaient
pour but d'attirer les populations aux grandes assemblées na-
tionales fixées à cette date si solennelle, et qu'elles furent
transformées et sanctifiées par le christianisme2.
Si les fêtes et réjouissances et les feux de la veille de la Na-
tivité de S. Jean sont la reproduction des cérémonies païennes
de la veille du solstice d'été chez les Gaulois, il est, ce semble,
tout naturel de penser que la procession de la Lunade, qui se
célébrait le même jour, au même moment, et suivant un rite sem-
blable, avait le même caractère et la même origine.
Nous allons voir qu'il y en a d'autres indices.
IV.
Nous rappellerons, en premier lieu, que les processions à
travers les bourgades et dans les champs, avec port de simu-
lacra, c'est-à-dire de représentations matérielles de divinités
païennes, d'animaux ou d'objets divinisés, étaient une des
pratiques superstitieuses encore usitées dans le haut moyen
âge.
Nous en avons un témoignage dans un passage de la Vie
de S. Martin, où Sulpice Sévère (commencement du Ve siècle)
raconte le miracle suivant: Un jour S. Martin rencontra
sur son chemin le cortège funèbre d'un Gentil : il s'arrêta à la
distance d'environ 500 pas, et comme il voyait s'avancer une
troupe de gens de la campagne et que le linceul jeté sur le
corps du défunt était agité par le vent, « il crut que ces gens se
« livraient aux pratiques profanes des sacrifices, parce que c'était
« la coutume des paysans gaulois de porter à travers leurs champs
1. Mss. de laBiblioth. Nat. Arm. de Baluze, t. 263, fol. 195 et suiv.
2. Journ. histor. de Verdun, t. 70, p. 130 et 131. Voir aussi la Collection
des meilleures dissertât., etc., ubi supra.
4$ 8 M. Deloche.
a les misérables simulacres des faux dieux, œuvres de leur dé-
« mence, couverts d'un voile blanc ». Martin ayant de la main
marqué au devant d'eux le signe de la croix, ils furent arrêtés
subitement comme changés en pierres, et s'efforçant de mar-
cher, ils tournaient ridiculement sur eux-mêmes, jusqu'à ce
que, vaincus, ils eurent déposé à terre le cadavre qu'ils por-
taient. Mais lorsque le saint homme eut reconnu son erreur,
il éleva de nouveau la main et donna au cortège le pouvoir de
continuer sa marche et d'enlever le corps.
Voici le texte du passage que nous avons souligné comme
se rapportant directement à notre sujet : « Profanos sacrifi-
ce ciorum ritus agi credidit : quia esset haec Gallorum rusticis
« consuctudo, siinulacra daemonum candido tecta velamine
« misera per agros suos circumferre dementia1 ».
Cette môme pratique se trouve mentionnée dans YIndiculus
superstitionum et paganianim, qui parait avoir été rédigé au
ixc siècle et dont l'art. XXVIII est ainsi conçu : « De siniu-
« lacro quod per campos portant2 ». L'autorité séculière sé-
vissait contre les actes que l'Eglise condamnait, ainsi que l'at-
teste le titre IV du capitulaire de Karloman, de 743 5, édicté
d'ailleurs après d'autres dispositions analogues.
On peut voir un usage semblable dans le cérémonial du
Tour de la Lunade, où l'on portait la vieille statue, le simu-
lai rum de S. Jean, à travers la campagne.
1. Voir l'édition des œuvres de Sulpice Sévère, par C. Halm; dans le
Corpus scriptor. eeclesiasticor . latinor., t. I, Vienne (Autriche), 1866, p. 122,
Fortunat (fin du vie siècle), qui, dans sa Vie de S. Martin, a mis en vers
celle de Sulpice Sévère, reproduit dans le vers suivant le passage par nous
cité:
« Dum putat inde vehi cultu simuïacra profana ».
Moniim. Germon. Instar. , édit. in-40. Auctor. antiq., t. IV, première
partie, p. 303-404.
2. Edition de Borétius, dans Monument. Germaniae historié., in-4, Capi-
tulai-, reg. Franc., t. I, p. 223.
3. « Decrevimus quoque, quod et pater meus ante praecipiebat, ut qui
pavanas observât lotus in aliqua re fecerit, multetur et damnetur quindecim
solidis ». Ubi supra, p. 28; Pertz, Monum. germai'., historié., Leg., t. I,
p. 20; Baluze, Capital. Reg. Franc, t. I, col. 1 50.
La Procession dite de la Lunade. 439
V.
Un trait encore plus caractéristique est l'heure à laquelle la
solennité limousine devait commencer.
Baluze énonce qu'elle « avait tiré son nom de ce qu'elle
« s'accomplissait après que le Soleil avait disparu et fait place
« à la lune » ; « quia fit postquam sol recessit et lunae locum
« fecit1 ».
Le P. Béril a déterminé avec plus de précision cette partie
du cérémonial. « Ce doit être, dit-il, à sept heures du soir prê-
te cisèmeut, que le clergé se rend à la chapelle S. Jean, baise
« l'autel et sort par ordre2. »
Cette particularité de l'ouverture de la procession, fixée à la
veille de la Nativité de S. Jean, c'est-à-dire du solstice d'été,
au moment du lever de la Lune, c'est-à-dire au commencement
de la nuit, n'a fait, que je sache, l'objet d'aucune réflexion de
la part des historiens >. Ils n'ont pas recherché la raison pour
laquelle cette solennité, à la différence des autres cérémonies
du culte chrétien, avait lieu la veille au soir et non le jour de
l'anniversaire. C'était là pourtant un fait digne de remarque
et qui appelait une explication.
Cette explication, nous croyons pouvoir la donner.
C'est d'abord parce que, chez les Gaulois, la Lune était
1. Hist. Tutel., p. 200. Le P. Béril a donné des explications de ce nom,
plus bizarres et plus inadmissibles les unes que les autres : i° la procession
passait dans les bois et le tour qu'on y fait « ressemble à un croissant de
lune » ; 2° en faisant le vœu, on a invoqué conjointement avec S. Jean la
Vierge Marie, qui est cette « mystique et belle Lune, pulchra ut Lima, qui,
dans nos adversités, nous a communiqué les influences de la miséricorde de
Dieu « ; 30 les habitants allumaient anciennement et quelques-uns allu-
ment encore aux fenêtres, lorsque la « vénérable image de saint Jean est
reportée de la procession, des luminaires, sive Luns en Limosin ». Dans
l'opuscule cité, La sainte Lunade, etc., p. 9 et 10.
2. Ubi supra.
3. M. René Fage, qui a publié en 1885 une intéressante brochure inti-
tulée Les Anglais à Tulle, La Lunade (Limoges, Barbou et Cic), n'a point
touché cette question.
440
M. Deloche,
l'objet d'un culte fervent *, et qu'elle était même par eux
adorée à l'égal du Soleil2. S. Eloi les réunit dans une même
prohibition, qui nous fait voir qu'ils étaient réunis dans un
culte commun. « Que nul, dit-il dans un passage déjà cité de
« ses homélies, n'appelle Seigneurs (c'est-à-dire Dieux) le Soleil
« et la Lune et ne jure par eux. » — « Nullus Dominos Solem
« et Lunam vocet, neque per eos juret>. » En commençant la
procession au lever de la Lune, on préludait, par l'adoration
de la déesse, à l'adoration du Dieu-Soleil.
S. Eloi insiste d'ailleurs beaucoup sur d'autres superstitions
qui se rattachaient aux influences de la Lune, à ses diverses
phases et à ses éclipses, de manière à nous faire comprendre
la grande place qu'elle occupait dans l'imagination et les
croyances populaires.
« Que l'on ne soit, s'écrie-t-il, si superstitieux que de
« pousser des cris quand la Lune s'obscurcit et perd sa
« lumière; d'autant qu'à certaines époques, suivant les dis-
« positions divines, elle s'éclipse. Et que personne ne fasse
« difficulté d'entreprendre un ouvrage quelconque à la non-
ce velle Lune 4, Dieu ayant créé la Lune pour désigner et mar-
te quer les temps et pour diminuer l'obscurité des nuits, et non
« pour empêcher aucun travail de l'homme ou mettre son
« esprit en démence, comme le pensent les gens ignorants qui
i. On ne devait faire l'importante cérémonie de la cueillette du gui de
chêne qu'au sixième jour de la lune ; c'était également à ce jour que com-
mençaient, en Gaule, les mois, les années et les siècles (Pline, Histoire
naturelle, livre XVI, § 250; éd. Ianus, t. III, p. 45). Au reste, les Anciens
attribuaient à la Lune le pouvoir de communiquer la fertilité à la terre,
d'influer sur toutes ses productions et de procurer l'accroissement et la
végétation. Dom J. Martin ,Religion des Gaulois, t. I, p. 367, cite à ce sujet
Porphyre, De abstinentia, II, p. 248, et Macrobe, Somn. Scip., I, 19.
2. « Les anciens monuments allient ordinairement ces deux astres. »
Dom J. Martin, Op. cit., t. I, p. 369.
3. Vit. S. Eligii, dans D'Achery, Spicileg., édit. in-4, t. V, p. 217.
4. Les Germains avaient au contraire la coutume de se réunir, à moins
d'empêchement fortuit et subit, les jours de nouvelle et de pleine lune :
« Coeunt, nisi quid fortuitum et subitum incident, certis diebus, cum aut
inchoatur Luna aut impletur. Nam agendis rébus hoc auspicatissimum ini-
tium credunt ». Tacite, Germon., XI; Tacite, Opéra, édit. Halm, collcct.
Teubner, t. II, p. 197.
La Procession dite de la Lunade. 441
« estiment que les personnes possédées des démons souffrent
« par l'influence de la Lune1 ».
Si l'on objectait que S. Eloi, évêque de Noyon, s'adressait
à des populations du nord de la Gaule, adonnées à des pra-
tiques ignorées peut-être de celles du Centre, je répondrais :
En premier lieu, d'après ce qui nous est connu des croyan-
ces, des usages comme des institutions et du langage des ha-
bitants de cette contrée, les tribus de la confédération auto-
nome ne différaient que peu ou point les unes des autres.
Quand César, Tite-Live, Pline, Ammien Marcellin nous ap-
prennent un trait des mœurs gauloises, ils ne distinguent
point entre les diverses parties du domaine de nos ancêtres.
En second lieu, l'on ne doit pas perdre de vue que S. Eloi
était né en Limousin, dans le village de Chatelat, « villa Ca-
talacensis », situé à peu de distance de Limoges; que son en-
fance et sa jeunesse s'écoulèrent dans ce village et à Limoges,
où il travailla, comme on sait, sous la direction d'Abbon, alors
chef de l'atelier public des monnaies de cette cité.
Il avait donc assisté, durant bien des années, aux pratiques
superstitieuses qui abondent dans les régions montagneuses
du massif central. Il avait dû même sans doute y prendre
part, et il est tout naturel de penser qu'en décrivant les cou-
tumes païennes qu'il interdisait à son troupeau, il s'inspirait
beaucoup des souvenirs des premières périodes de sa propre
existence.
Il est même à remarquer que, parmi les prélats du haut
moyen âge dont les discours nous ont été conservés, il est un
de ceux qui se sont le plus étendus sur ce sujet.
Nous sommes conséquemment autorisé à croire que lorsqu'il
condamnait avec tant de véhémence des superstitions invé-
térées, S. Eloi avait présentes à sa mémoire celles de son
pays natal.
1. « Nullus, si quando Luna obscuratur, vociferare praesumat, quia Dco
jubente certis tcmporibus obscuratur, nec Lunâ nova quisquam timcat ali-
quid operis arripere quia Deus ad hoc Lunam fecit, ut tempora designet
et noctium tenebras temperct, non ut alicujus opus impediat, aut demen-
tem faciat hominem, sicut stulti putant, qui a dacmonibus invasos a Luna
pati arbitrantur ». D'Achery, loc. cit., p. 216.
Revue Celtique, IX. 29
442 M. Deloche.
Nous avons enfin quelques témoignages de la persistance,
dans cette région, d'usages qui prouvent le rôle important at-
tribué à la lune l.
S. Eloi disait, comme on l'a vu plus haut, qu'elle « servait
« à désigner et à marquer les temps ». « Deus ad hoc lunam
« fecit, ut tempora designet » 2.
En voici un exemple. A Tulle, au moyen âge, on men-
tionnait, dans l'acte de présentation d'un nouveau-né sur les
fonds du baptême, la phase lunaire pendant laquelle la nais-
sance avait eu lieu : Les registres des actes de notaires du
xve siècle en contiennent plusieurs : l'un d'eux, daté du 18 fé-
vrier 1473 (n. s.), porte ces mots : « Luna erat in descensu,
« in tercio quartierio 5 » .
Un deuxième fait à noter est le suivant: dans les marchés
passés entre les marchands de bois et les entrepreneurs de flot-
tage sur la haute Dordogne et ses affluents, les délais pour le
transport et la livraison se comptent encore, non par jours,
mais par lunes.
Quelle est la raison de ce mode de computation ? C'est que
la Lune est la reine, la déesse de la nuit, et que, chez les
1 . Dans les métairies des environs de Tulle, quand une des bêtes à
cornes est malade, le paysan va la nuit dans le champ le plus voisin, où il
sait que croît la camomille, et, à la clarté de la lune, il cueille une gerbe de
fleurs de cette plante et en fait, sur place, une couronne qu'il passe au cou
de l'animal malade. Je ne sais si cet usage s'est maintenu, mais il existait
encore il y a trente ans, d'après les récits que m'en ont fait des paysans. Il
est à remarquer que, dans son Livret de la Lunade, le F. Béril nous apprend
« que suivant la tradition de père à fils, quelques hommes vieux et plusieurs
jeunes garçons en grand nombre ont gardé jusqu'à présent la sainte et
louable coutume d'aller à la Lunade, en chemise..., ceints de ceinture,
pies nus, tête nue, portant par-dessus leur habit blanc de grands chaperons
de fleurs de camomille en forme d'écharpes ».
2. Vit. S. Eligii, dans D'Acherv, Spicileg., édit. in-4, t. V, p. 216.
5. Voici le texte entier de cet acte intéressant: « Die iSa februarii, anno
1472, circa auroram diei sive alouïba (à l'aube), natus est Petrus Octavus
Genitus;eum levaverunt de fontibus dominus Petrus Arnaldi presbiter et
Isabellis de Saquet, filia Johannis Saquet Tutelle. Luna erat in descensu, in
tercio quartierio. Sextarium siliginis valebat 5 solidoset 6d ; sextar. i'rumenti,
8S 4d ; sextar. avene, 4S' et 4d; pinto vini 3d ». Arch. départ, delà Corrè\e,
Registres des actes des notaires publics de Tulle aux xve et XVIe siècles,
liasse 81, fol. 36. Il y a des actes conformes à celui que nous rapportons,
aux années 1460, 1465 et 1475-
La Procession dite de la Lunade. 443
Gaulois, la période diurne, au lieu de commencer, ainsi que
cela a eu lieu depuis, suivant le système romain, au milieu delà
nuit, commençait avec la nuit même, et finissait quand le jour
finissait.
Cette dernière remarque nous conduit à exposer la deuxième
et principale raison de la fixation du commencement de la
procession de la Lunade au lever de la Lune, c'est-à-dire à
l'entrée de la nuit.
VI.
« Dans la doctrine druidique, nous dit M. d'Arbois de Ju-
« bainville, la mort précède la vie; la mort engendre la vie,
« et, comme la mort est identique à la nuit, et la vie identique
« au jour, la nuit précède et engendre le jour. De même, dans
« le monde divin des Irlandais, les Fomôré, dieux de la nuit
« et de la mort, sont chronologiquement antérieurs aux
« Tuâtha de Danann, dieux du jour et de la vie1. »
Cela nous fait bien comprendre le passage suivant du livre VI
des Commentaires de la guerre des Gaules, où César a donné,
comme on sait, un tableau comparatif des croyances, des ins-
titutions et des mœurs des Gaulois et des Germains :
« Les Gaulois, dit-il, se proclament tous issus de Dis pater
« (le Jupiter infernal ou Pluton), et disent tenir cette tradition
« de leurs druides. Pour cette cause, ils mesurent les inter-
« valles de tout temps (c'est-à-dire de toute période), non par
' « le nombre de jours, mais par le nombre de nuits ; et ils mar-
« quent les jours de naissance et les commencements des
« mois et des années de la vie, de façon que le jour suit la
« nuit. » — « Galli se omnes ab Dite pâtre prognatos praedicant,
« idque ab druidibus proditumdicunt. Ob eam causam spatia
« omnis temporis non numéro dierum sed noctium finiunt; dies
« natales et mensium et annorum initia sic observant, ut
« noctem dies subsequatur2. »
1. Cours de littérature celtique, t. II (Le cycle mythologique irland. et la
mytholog. celtiq.), p. 104.
2. Caesar, de Bello Gallico, VI, 18; édit. de C. Nipperdey, p. 393; éd.
de D. Dinter, dans la collect. Teubner, p. 114.
444 M. Deloche.
Ce que César a si formellement constaté chez les Gaulois,
Tacite l'a observé chez les anciens Germains : « Ce n'est
« point, dit-il, par le nombre des jours, comme nous le fai-
« sons, mais par le nombre de nuits qu'ils comptent; ils ont
« établi cette règle qui est observée de tous : la nuit semble
« précéder le jour. » — « Nec dierum numéro, ut nos, sed
« noctium computant. Sic constituunt, sic condicunt : nox
« ducere diem videtur r. »
C'est pourquoi nous retrouvons le même système de com-
putation dans la Loi Salique2, dans les Capitulaires des rois
mérovingiens, additionnels à cette loi 3, dans les traités de
paix et décrets de ces princes 4, dans l'Appendice aux Formules
de Marculfe 5 et dans la Lex emendata, édictée par Charle-
magne6.
De là vient aussi que, suivant la remarque de Jérôme Bi-
gnon, beaucoup de personnes disaient encore de son temps
(première moitié du xvne siècle): Anuicî, comme hac nocte
(cette nuit) pour aujourd'hui 7. Enfin, dans le patois du bas
Limousin, où nuit s'exprime par ne, on emploie, pour dire au-
jourd'hui, le mot onè, par abréviation pour oquesto ni, qui si-
gnifie proprement cette nuit, comme on parlait autour du sa-
vant jurisconsulte parisien8.
Ainsi s'explique ce fait que le solstice d'été, qui tombe le
24 juin, était célébré par les Gaulois le 2) au soir : c'est
1. De morîbus Germaniae, cap. xi. Edit. des Œuvres de Tacite par C.
Halm, dans la collect. Teubner, 1875, t. II, p. 197.
2. Voir dans Behrend et Boretius, Lex Salica, etc., le Pactus Legis Sali-
cae, tit. XXXVI, XXXVII, XLV, L, LU, LVI; p. 44, 45> 49, 59, 65, 69
et 73.
3. Ibid., p. 91, 96, 114.
4. Ibid., p. 101, 103, 107, 109.
5. E. de Rozière, form. cccclxxix, t. II, p. 581.
6. Tit. XXXIX, XLII, XLVII, XLIX, LU, LIV, LIX. Pardessus, La
Loi salique, p. 301, 303, 308, 310, 311, 313 et 316.
7. « Quo fit ut ad haec usque tempora plerique anuict, quasi hac nocte
pro hodie, usurpent. » Hieronvmi Bignonii notae ad Appendicem Marculfi.
Cf. Baluze, Capitul. reg. Francor., t. II, col. 955. J. Bignon, né en 1589,
est mort en 1656. Son édition des Formules de Marculfe a paru en 1610.
8. Mes savants confrères, MM. Hauréau, Pavet de Courteille et Siméon
Luce m'ont fait connaître que l'on se servait de termes analogues dans les
patois du Maine et de Normandie.
La Procession dite de la Lunade. 445
parce que, à ce moment, en réalité, s'ouvrait chez eux la pé-
riode diurne du solstice du 24 juin.
C'est pour le môme motif que les feux de la Saint-Jean
étaient et sont encore allumés la veille au soir et non le jour
de la Nativité du Précurseur, c'est-à-dire du solstice.
Enfin, telle est sans doute l'origine de cet usage général de
célébrer les fêtes patronales des particuliers et de leur porter
les offrandes avec les vœux des parents et des amis, non pas
le jour, mais la veille au soir de leur fête.
Des développements qui' précèdent, ressort cette conclusion
que, suivant toutes les probabilités, la procession limousine de
la Lunade tire, comme les Feux de la Saint-Jean, son origine
première de la cérémonie païenne du Solstice d'été, que
l'Eglise a simplement transformée en une fête consacrée à
S. Jean-Baptiste.
VII.
A quelle époque cette transformation s'est-elle opérée ? Nous
n'avons aucun moyen de l'indiquer, même approximativement.
A partir du moment où la Nativité de S. Jean-Br.ptiste eut
été mise au rang des fêtes chrétiennes (ce qui remonte au
moins au premier tiers du ve siècle) 1 et que la célébration en
eut été fixée au 24 juin, c'est-à-dire au jour de la grande fête
gauloise du solstice d'été, l'Église s'efforça de faire disparaître
les pratiques païennes que les populations s'obstinaient à ob-
server à cette date. L'histoire nous enseigne que ses efforts
restèrent longtemps infructueux. Il en dut être ainsi, plus
qu'en toute autre contrée, parmi les habitants du centre de la
Gaule, qui furent toujours les derniers à renoncer à leurs
vieilles coutumes. Aussi est-il à présumer que, jusque dans
une période assez récente du moyen âge, on célébrait encore
1. Voir, dans le mémoire de M. Breuil, cité plus haut (p. 434), les ren-
seignements concernant l'ancienneté de la fête de la Nativité de S. Jean
(Mém. de la Soc. des Antiquaires de Picardie, t. VIII, p. 161-162. Cet écri-
vain l'a fait remonter au IVe siècle ; mais nous croyons qu'il convient de
s'en tenir au commencement du Ve siècle, où s'arrêtent les preuves.
446 M. Deloche.
à Tulle et en bas Limousin la fête du solstice, la veille de la
Saint-Jean.
En l'absence de tout document historique qui permette de
déterminer l'époque de l'institution de la cérémonie religieuse
de la Lunade, on peut, ce semble, comme nous l'avons an-
noncé dans la première partie du présent mémoire, concilier
notre thèse avec le récit légendaire du P. Béril.
En effet, d'après la notice.de la confrérie de S. Léger,
publiée par Baluze, la guerre, la famine et une épidémie
meurtrière causaient, en 1348, de terribles ravages dans le bas
Limousin, et comme les populations continuaient de célébrer,
le 23 juin au soir, la fête païenne du Solstice d'été, rien n'em-
pêche de supposer qu'aux approches de ce jour, un des reli-
gieux de l'abbaye de Saint-Martin de Tulle imagina de mettre
à profit l'épouvante qui régnait alors dans le pays pour déter-
miner les habitants à changer la procession annuelle du Sols-
tice en une procession destinée à honorer le saint précurseur
du Christ. La nouvelle cérémonie religieuse aurait été natu-
rellement réglée de manière à s'effectuer le même jour, au
même moment que l'ancienne, et suivant un rite se rappro-
chant autant que possible du rite gaulois.
Dans cette circonstance, comme dans beaucoup d'autres,
l'Eglise aurait rattaché au culte chrétien une solennité païenne
dont elle n'avait pu, jusque-là, obtenir l'abandon.
M. Deloche.
THE VOYAGE OF MAEL DUIN
The following ancient story, now for the first time published
in thc original, is said to hâve been arrangée! by one Aed
the Fair, chief sage (ardeenaid) of Ireland. Of him I know
nothing, the onlv Aed Finn mentioned in the Annals having
been the chief of Dal Riata, who died A. D. 771, andwhowas
probably more given to making raids and beheading his foes
than to composing imaginative literature. The author seems
to hâve been a layman, for had lie been a cleric he would
hardly hâve called one of his own body after the malignant
Briccne of the Conchobar-cycle; and he would hardly hâve
recounted the incidents in the introduction and chap. xxvm
with such a total absence of professional denunciation. But
he seems to hâve had some classical culture, for he cites Vergil
and the Vulgate.
The text is taken from four vellums, ail more or less defect-
ive, which are hère denoted respectively by LU., YBL., H.,
and E.
LU., the Lebor na hUidre, is a ms. written about 1100,
and preserved in the library of the Royal Irish Academy,
Dublin. This codex contains two large fragments of our story,
namely, in p. 22 the first halfofthe introduction, and in
pp. 23-26 (which are divided into chapters numbered with
roman mimerais) the latter half of chap. X, the whole of
chapters XI-XXVI, and the beginning of chap. XXVII. I
hâve transcribed from the lithographie facsimile published
in 1870.
YBL., the Yellow Book of Lecan, is a ms. in the library of
Trinity Collège, Dublin, marked H. 2. 16. This codex is of
448 Whitley Stokes.
various dates. Columns 370-340 contain the whole ofour story
except its last two sentences, and seem to hâve been written
in the fourteenth century. I hâve transcribed from a photo-
graph made for me by Mr Mercer of 30 Westmoreland Street,
Dublin.
H. is a fifteenth century ms. in the British Muséum, marked
Harleian 5280. Our story begins at fo. ia and ends imper-
fectly at fo. 20b, with the sixth line of the verses following
chap. XXXI.
E. is another ms. in the British Muséum, marked Egerton
1782, and written in the fifteenth orbeginning of the sixteenth
century. It contains two fragments of our story. The first
fragment (fo. 124% i24b) comprises the latter half of
chap. XVII, chapters XVIII-XXV and the beginning of
chap. XXVI. The second fragment (fo. 125% 125 b) com-
prises the latter part of chap. XXXII, and the whole of
chap. XXXIII.
There are no verses in the copies contained in LU. and E.
But the copies in YBL. and H., at the end of each chapter,
give its substance in Irish verse. The latter copies, moreover,
prefix to the story a poem in four stanzas, each consisting
of two twelve-syllabled rhyming lines. Of thèse stanzas the
following is the first :
Ardri uasal na n-uile1, tustidhe 2 in 3 domuin,
in gach aimsir, is in4 gach re, ron-be a chobairS !
that is :
The noble overking of ail things, the parent of the world,
In every time and in every season may we hâve His help !
The story seems to me full of fancy and even ot Imagina-
tive power; and I am unable to make more than a tew guesses
at the sources of the author's inspiration.
1 . uasol inanuile, H.
2. Sic H. tuistidhi, YBL.
3 . Sic H, an YBL. ,
4. Sic W, an YBL.
5 . Sic H. imachobair YBL.
The Voyage of Mael Duin. 449
Two of the incidents (in ce. XXI and XXVIII) may hâve
been suggested by the words oi Calypso and the cast made
by the Gyclops in the Odyssey. The intoxicating fruits
(chap. XXIX), and the need of mingling their juice with
water, remind one of the fishes in Lucian's Vera Historia, oi'vw
[jS/dz'x xat tyjv xpwàv xat tïjv yeùavi 7cpoaectxéTaç. The enormous
nuts cast into the sea (chap. XXIV) recall the nutshells used
by the Kapuavau-ta'. as boats : the ants as large as foals (chap. II)
the 'iTciucp.ûppjxeç. The acçount (chap. X) of the swine-like
beasts that shook with their tails the golden apples from
the trees may be compared with that of the mysterious animais
of Taprobanê which (in fragment LIX of Megasthenes, éd.
Schwanbeck) coil their tails round the date-palms and shake
them so violently that the ripe fruit cornes tumbling down.
The serpents of enormous size mentioned in the -same frag-
ment, « of which some kinds seize the cattle when at pasture
and devour them », may bave suggested the description in
chap. XXIII of the tree-python seizing and devouring the ox.
The pilgrim « whose clothing was his hair » (chap. XIX) re-
minds one of S. Mâcarius (Wright, St Patrick's Purgatory,
P- 97)-
From otlier Irish stories the wrker may hâve taken the
name Briccne, which is = Briccriu Nemthenga (« poison-
tongue », « bisweilen Bricni geschrieben1 ») of the Con-
chobar-cycle. The incident of the lady drawing back her
departing lover by means of the thread of a magie clew
(chap. XXVIII) occurs also in the story of Bran mac Febail
(LU., p. I2ia), and in the account of the Argonautic expé-
dition prefïxLd to the Togail Trot, Book of Leinster, 22 ib.
The accounts of the mill and the Miller of Hell (chap. XIV)
the Island ot weeping (chap. XV), and the Island of laughter
(chap. XXXI) are tound also in the Imram hua Corra, Book
of Fermoy, ff. io5a-io8b. And the notion of the food that
tastes as the eater prefers (chap. XVI) occurs elsevhere in
Irish literature. So does the fancy that the soûls of the
Windisch, Wœrterbuch, p. 871.
450 Whiîley Stokes.
departed abide hère in the forms of birds (chap. XIX). The
incident in chap. XII, of the white sheep becoming black,
and the black sheep becoming white reminds one of passage
in the Mabinogi of Peredur, R. B. Mab. 225, Guest's Mab.,
I> 344-
But the pièce from which our author has apparently drawn
most is the Perigrinatio (or Navigatio) sancti Brandani Ab-
batis, a Latin romance, of which one copy, said to be of the
ninth century1, ispreserved in the Vatican (Regin. Christinae,
217, vell. 4t0): another of the twelfth century (Ms. 2333, A.
Colbert) has been published by M. Achille Jubinal2 and Dr
Moran 5 ; and a third, also of the twelfth century (in the
« Ms. 844 der Pauliner Bibliothek zu Leipzig »), by Dr
Cari Schrôder4. The passages of this romance which seem
to hâve been imitated by, or known to, Aed Finn are quoted
in the notes to the following translation.
Two or three small portions of the text now printed hâve
been published, with more or less incorrectness, by Dr Pé-
trie 5, O'Curry6, and Crowe/.
A translation of the whole text by Crowe, which I hâve
never seen, is said to be in the library of the Royal Iiïsh Aca-
demy. The so-ealled translation printed in Dr Joyce's Old
Celiic Romances, pp. 1 12-176, is intended for popular reading,
not serious criticism. One may, at ail events, say that it has
suggested to a great English fili, Lord Tennyson, a poem —
The Voyage of Maeldune — which is full of colour and music,
— full, too, ofwise counsel for the Irish, — though it bears,
as we shall see, only a remote relation tothe original.
1 . Hardy's Descriptive Catalogue of Materials relating to the bistory oj
Great Britain and Ireîand, i. 159.
2. La Légende latine de S. Brandaines. Paris, 1856.
3. Acta Sancta Brendani. Dublin, 1872, pp. 85-131. Dr Moran mentions
another ms. in the Bibl. Sessoriana, Rome, no. 114, « probably of the
nt'h century ».
4. Sanct Brandan, Erlangen, 1871.
3. Round Toïcers, p. 378.
6. Manners and Customs, III, pp. 159, 164.
7 . In a note to his édition of the Siabarcharpat Concuhinn, p. 440.
The Voyage of Mael Duin.
CONTENTS.
45'
Introduction. Mael duin's conception. His father's murder.
Mael duin's birth and rearing. He sets out
by sea to avenge his father.
Chap. I. He finds the murderers in an island, but be-
fore he can slay them is driven away to
the océan by a storm.
IL The Island of the enormous Ants.
III. The Island of the great Birds.
IV. The horselike Monster.
V. The Démons' Horserace.
VI. The House of the Salmon.
VIL The wondrous Fruit.
VIII. The feats of the Island Beast.
IX. The Fighting Horses.
X. The Fiery Beasts and the Golden Apples.
XL The Guardian Cat.
XII. The Transformed Sheep and Rods.
XIII. The Island of th,e Swine, the Burning River
and the enormous Calves.
XIV. The Mill for grinding begrudged Wealth.
XV. The Island of the black Wailers.
XVL The Island of the Four Fences.
XVII. The Magic Bridge and thebeautiful Hostess.
XVIII. The Island of the chanting Birds.
XIX. The Island of the lonely Pilgrim.
XX. The Island ofthe wondrous Fountain.
XXI. The Island of the savage Smiths.
XXII. The Sea ofGlass.
XXIII. The Sea of Cloud and the Tree-python.
XXIV. The Cliffs of Water and the terrified Islanders.
XXV. The Water-Arch and the Salmon.
XXVI. The Silver Column and the Silver Net.
XXVII. The Island on the Pedestal.
XXVIII. The Island Queen and her Seventeen Daugh-
ters.
XXIX. The Intoxicating Fruits.
XXX. The Hermit and the Ancient Eagle.
XXXI. The Island of the Laughers.
XXXII. The Island ofthe RevolvingRampart of Fire.
XXXIII. The Hermit from Torach.
XXXIV. The Return to Ireland.
4$ 2 Whitley Stokes.
[L. U. 22*.]
IMmram Curaig Mailduin inso1.
tri bliadna 7 .w/;/ mis iss ft/ bôi fbr'merogod issind ocian-.
Bai fer amra di Eoganacht Ninussa (.1. Éoganacht na
n-Arand) .1. Ailill Ochair Aga a ainm>. Trén milid sede,j
lséch-thigerna a thuathi 7 a cenéoil fein, Mac-caillech banair-
chinnech cilli caillech rochomraic-seom fria. Bai mac saine-
mail etorro diblinaib .1. Miel duin mac Ailella esside.
Iss e cruth iarsa luid a chomp^rt-som 7 a gein Maili duin 4.
Fechtus dolluid ri Eoganachta ior tiri hi crich 7 hi cenda-
thaig n-aile5, 7 Ailill Ochair Agai [22b] ina choemtecht.
Scorsit 7 gabsit dûnad hi sleib and. Bôi cell chaillech hi com-
îocus don tsleib-sin6. Medôn-aidchi iarom, o roan cach do im-
techt is dùnud, luid Ailill don chill. Is é trâth sôndodeochaid
in chaillech/ do béim chluic do iarmérgi. Gabais Ailill a ldim8,
7 dos-tascar93 7 dogéni a coblige. Asbtvt in banscdl fris: « Ni
1 . Incipit do imrum (de nauigatione. H.) curaig Mael duin andso, YBL
2. De navigatione Mxl duin anno intigro et .iiii. mensibus, et de mir-
builibus (mirapilibus, //.) ighnotis quae indiuisa Trinitas illi ostenndit in
ociano intînito, YBL.
3 . Do Eoganacht Ninais do Madduin ar in bunadzw. Aïïill acher agha a
athair.
4. For rochomraic... duin, YBL. has : a matha/r. IS amlaid d'idiu for-
caemnacair a compert-so»z.
5. for creich 7 innrud ilchendadach, YBL.
6. isan maighin-sin .i. cell dara aniu, YBL.
7. tanic an banaircindeach, YBL.
8. doscuir do Ailill, 7 gabais Ailill a laim lais, YBL.
9. dodatrascair. YBL. dodotascuir, H.
The Voyage of Mael Duin. 45 3
THE VOYAGE OF MAEL DUIN S BOAT THIS.
Three years and sevcn months was H wandering in the océan.
There was a famous man of the Eoganacht of Ninuss (that
is, the Eoganacht of the Arans) : his name was Ailill of the
Edge of Battle1. A mighty soldier was he, and a hero-lord of
his own tribe and kindred. And there was a young nun, the
prioress of a church of nuns, with whom he met. Between
them both there was a noble boy, Mael duin, son of Ailill,
was he.
This is the way according to which Mael duin's conception
and his birth came to pass.
Once upon a time the king ofthe Eoganacht wenton a raid
into another district and province 2, and with him fared Ailill
of the Edge of Battle. They unyoked and encamped on an
upland therein. There was a church of nuns near to that
upland'. At midnight, then, wheneveryone had ceased from
moving in the camp, Ailill went to the church. It was the
hour that the (aforesaid) nun went to strike4 the bellfornoc-
.turn. Ailill caught her hand, and threw her down, and lay
1. ochair gen. of ochar « edge » =: W. ochr, Skr. açri-s, Gr. a/po;,
a/p.:, o/.-.;:, occurs in composition in ochar-clsss one of Cûchulainn's feats :
cf. faebor-chless. àga sg. gen. of âg cognate with âytov and Skr dji-s.
2. LU. hère seems corrupt. YBL. « upon a raid and inroad on main-
provinces ».
3 . YBL. has « in that place, even Kildare today. »
4. to strike (not to ring) the bell, which was tongueless, asstill in Coptic
churches.
4$4 Whitley Stokes,
scgda ar cor1 », ol si: « amser chomprrta damsa inso2 », ol
si. « Can do chenel 7 cia th'ainm? » ol si.
Asbrrt in lséch: « Ailill Ochir Aga mo ainm-se », ol se:
« di Eoganacht Ninussa> (.1. a tûath-mumain) ».
Luid iarom in ri dia chrich.4 iar n-inriud 7 giallai do 5,
7 Ailill dam? lais.
Gair iar richtain do Ailill dia thûaith nan-ortatar ditwcaig
lôinçse. Loscit Dubcluâin fair6.
Tofuisim a mbanscdl mac cind nôi mis, 7 dobtrt ainm fair 7;
Maél dûin esede. Bretha in mac iarsin fô chlith cûa bancharait
.i. co rigain ind rig, 7 alt-som la sudi, 7 asbtTt bd si amdthair.
Rodn-alt iarom oen mumme éseom 7 tri maie ind rig i
n-6enchliab 7 for éënchich 7 îor énchûd8.
Alaind àidiu a delb-som, 7 is infechtain ma roboi hi col-
aind nech bed chomalaind dô. Asais iarom co mbu oclâch [7]
co mbu thûalaing airb/Vt9 gascid. Ba môr aa.no a aine 7 a uall-
chas 7 a chluichechaire. Bd forggaine for 'câch a cluiche10,
et/r imarchor liathrdite 7 rith 7 leim 7 cur liac 7 imrim ech.
Bd leis, tri, Luiaid cech cluchi dib-sin.
Laa n-ôen and roformdigestdr alaile oclasch amsach friss11,^
1 . comruc, YBL.
2. annosa, YBL, indossa, H.
3 . Minais dam, YBL.
4. tigh, YBL.
5. iar n-innrud na enche 7 iar ngialladh do, YBL.
6. Gar bec iarum iar riachtain do Ailill dia tig rod-marbsad dibergaig
Laigsi, 7 loiscit fair in chill dianadh ainm Dubcluâin, YBL.
7. Tic dawo amser tuismidh (tuismedho, H.) do (don, H.) caillig a cind
noi m's, 7 berig [leg. beridj mac, 7 doberar ainm fair, YBL.
S. 7 xn glun, YBL.
9. imberta, YBL.
10. 7 ba fortail for cach in gach cluiche dognitis, YBL.
1 1 . gabais formud (format fris. H.) oclach diumsach don macraid fris,
YBL.
The Voyage of Mael Duin. 45 5
with her. Said the woman to him : « Unblessed is our state1 »,
saith she, « (for2) this is the time for my conceiving. Whence
is thy race and what is thy name ? »
Said the hero : « Ailill of the Edge of Battle is my name,
(and I am) of the Eoganacht of Ninuss in Thomond. »
Then after ravaging and taking hostages, the king returncd
to his district, Ailill also being with him.
Soon after Ailill had reached his tribe, marauders of Leix3
slewhim. They burn (the church named) Dubcluain upon him.
At the end4 of nine months the woman brought forth a
boy, and gave him a name, Mael duin was he. The boy was
afterwards taken secretly to her friendess, even to the king's
queen; and by her Mael. duin was reared; and she gave out
that she was his mother.
Now the one fostermother reared him and the king's three
sons, in one cradle, and on one breast, and on one lap 5.
Beautiful, indeed, was his form; and it is doubtful6 if there
hath been in flesh anyone as beautiful as he. So he grew up
till he was a young warrior and lit to use weapons. Great,
then, was his brightness and his gaiety" and his playfulness8 ».
In his play he outwent9 ail his comrades, both in throwing
balls, and running, and leaping, and putting stones, and racing
horses. Hc had, in sooth, the victory in each of those games.
One day, then, a certain soldierIO-warrior grew envious
1 . segda seems to mean « sained » (gesegnet), and thence « lucky »,
« fortunate ».
2. cor state, condition, circumstance, situation, predicament, etc. P. O'C.
5. LU. lias, corruptly, « marauders of a fleet » (loingse). YBL. and H.:
« marauders from Laigis », which seems to bave been on the seacoast,
and cannot, therefore. be identified with the modem Leix part of the
présent Queen's County.
4. cind locative sg. of cenn.
) . For cûd (which I hâve not met elsewhere, and which seems for
* scùd =Nhg. scJmosi) YBL. hasglun « knee ».
6. infechtain or inbechtain. inbheachtain .i. contabhairt, P. O'C. and see
other belegstellen in Ir. Texte, zweite série, 1 Heft, p. 135.
7. uallchas — uallachas, still living in the Highlands.
8. cluichechaire an abstract fprmed from cluichech « playful, gamesome ».
9. jorggaive (lit. superior?) which I hâve not met elsewhere, corresponds
with ihefortail of YBL.
10. 1 suspect the amsach of LU. is a scribal error for diumsach « haughty ».
4$ 6 Whitley Stokes.
n-epert la recht 7 feirg1 : « T/^su », ol se, « ndd fess ca/zcland
nd cene'l duic, jniconîcs [dojmdtair ndhathair, do giallud îorni2
in cech ôen chluchi, cid ior tir, cid (or usci, cid for fidchill,
côtrisam fris ».
Sôchtais Msél dûin iarom, ar doruménair^ co sin co mbd
mac dond rig hé 7 don rigdin, dia mumme. Asb^rt iarom fria
mummi : « Ni praindigiub-sa 7 ni ib ni co «-erbara frim », ol
se, « mo mdthair 7 m'athaii'4 ».
« Inge », ol si, « cid notai do iarmôracht indi-sin? Nd
tabair dot menmam briathra na n-ôclach ndiumsach. Messe do
mdthair », ol si. « Ni fulliu serc am-mac la dôinein tireandas
do serc-so limsa5 ».
« Doecmaic6 ani-sin », [ol sesium], « ocus arai fessa dam
mo thwmdi féin ».
Dolluid a iaummi leis iarom, co /zda-tdrat il-laim a mathar7,
[YBL. col. 370] 7 co n-atacht iarsin amathazV con-erbar-
adh fris a athair ».
« Ba;th », ol si, « inni fora tdi, ar cia rofessair h' athazV ni
fuil ba duit de, 7 ni bat failte de, ar as cian uad o ramarb8 ».
« As fer-di9 liumsa a fis », ol se, « cip si cruth ».
Asben iarsin a mathflzV fris o firindi. « Ai//ll Ochair Aga
h'athrt/V », ol si, « do Eogaiw/;/ Nindais ».
Luid iarsin dia athar-[col. 37i]-du 7 dia forba fein, 7 a co-
1 . co feirg 7 loniitt* fris, YBL.
2. 7 na fes cia eu rod-cHWJtusmi (rot-chac, H.) for otrach, do derscud-
ugh (-ugudh. H.) dinn, YBL.
3 . dorumeidhir. H.
4 . conna caithfid biadh na digh co n-erbaradh fris a mathair 7 a athair,
YBL.
5. nocho n-uilliu lind serc duine oldas do sliercc, YBL.
6. dofomaiwg, YBL. defomaiwg, H.
7. Her ends the tirst fragment in LU.
8. os marb, //. 9. Is ferrde, H.
The Voyage of Mael Duin. 457
against him, and he said in transport1 and anger : « Thou »,
saith he, « whose clan and kindred no one knows, whose
mother and father no one knows, to vanquish us in every
game, whether we contend with thee on land or on water, or
on the draughtboard ! »
So then Mael duin was si lent, for till then he had thought
that he was a son of the king and of the queen his foster-
mother. Then he said to his fostermother : « I will not dine
and I will not drink until thou tell me, » saith he, « my
mother and my father. »
« But »2, saith she, » why art thou inquiring afterthat ? Do
not take to heart the words of the haughty warriors. I am
thy mother, » saith she. « The love of the people of the
earth for their sons is no greater than the love Ibear to thee ».
« That may be, » saith he : « nevertheless, make known
my parents to me ».
So his fostermother went with him, and delivered him into
his (own) mother's hand; and thereafter he entreated his
mother to déclare his father to him.
« Silly, » saith she, « is what thou art doing, for if thou
shouldst know thy father thou hast no good 3 of him, and
thou wilt not be the gladder, for he died long ago ».
« 'Tis the better for me to know it, » saith he, « however
it be ».
Then his mother told him the truth. « Ailillof the Edge of
Battle was thy father », saith she — « of the Eoganacht of
Ninuss ».
Then Mael duin went to his fatherland and to his own her-
1. recht zzl O'Clery's reacht .i. cumas « power, might, strength: also an
ungovernable fit, frake or transport of joy or grief, laughing or crying ».
P. O'C.
2. inçe— ingi .i. acht, LU. H9b 37. Ane. Laws, I, 90, I. 30.
3. ba, .i. maith, O'CL, better ba or baa, LL. 240b, 242b.
Revue Celtique, IX. 30
4j8 Whitley Stokes.
maltai leis, 7 ba hoclaich casma cid iatsidhe. Ocus ba failidh a
cenel frissium iarom, 7 dobertatar mesnig moir ann.
I N-araile amsir iarsin robatar lin oclach i relie chille Dub-
cluana i[c] cor liac. hxsised iarum a cos Maile duin for folaig
n-athloisc[th]e na hecailsi, 7 ba tairrsi noleicedh an lice. Alaile
fer nemthengthach do muindt/V na cille, Briccne a ainm, as-
bert-sidi fri Mael duin : « Bad ferr », ol se, « ba da digail do-
gnethea inn fir roloiscedh sundinas cor liac tara cnamaibloma
loistighi I ».
« Cia son? » ar Mael duin.
« Ailill », or se, « h' athair-si ».
« Cia rod-marb? » ol Ma.4 duin.
Asbcrt Briccne : « Dibergaig do Laighis2 », ol se, « ocus
rodn-ortadar isin lathrach-sa ».
Leicis uada an lice iarom, 7 gabais a brat uime 7 a gaiscedh
fair, 7 ba bronach de. Ocus imcomaircis conair do asenam do
Laigis, 7 asbtTtadar eoLz/Vr fris nad bai a techt achi for muir.
Luid iarom i tir Corcomruadh do fiarfaighî 5 seoin 7 solaigi
do druid bai ann, do tindscedal denma nôi .i. Nuca ainm an
druadh, 7 is uad ainmni[g]ter BoirendNucca. AsbtTt-sidi fris là
ina tinnscanad^ me, 7 lin an ûollaig cou-tesed> indti .i. scebt
fir dec, no sesca iar foirinn aile, 7 asbcrt fris na dics^f lin bud
lia nach bud uaiti oldas sin, 7 asbtrt fris an là notesft/ fo[r]
muir.
Dogni d'idiu noi trechodlidi, 7 batar urlaim leis daiw inni
1. tarachnamhalomaloiscthe,W. 4. tinnscanfad, H.
2. Laighsi, H. 5. noihesed, H.
3 . fïarfuidhigh, YBL. fliiarfa/ge,
H.
The Voyage of Mael Duin. 459
itage, having his (three) fosterbrothers with him ; and beloved
warriors were they. And then his kindred welcomed him, and
bade him be of good cheer1.
At a certain time afterwards there was a number of war-
riors in the graveyard of the church of Dubcluain, putting
stones. So Mael duin's foot was planted on the scorched ruin2
of the church, and over it he was flinging the stone. A cer-
tain poison-tongued man of the community of the church, —
Briccne was his name — said to Mael duin : « It were better, »
saith he, » to avenge the man who was burnt there than to
cast stones over his bare burnt bones ».
« Who (was) that ? » saith Mael duin.
« Ailill », saith he, « thine (own) father ».
« Who killed him ? » asked Mael duin.
Briccne replied : « Marauders of Leix, » saith he, « and
they destroyed him on this spot ».
Then Mael duin threw away the stone (which he was about
to cast), and took his mande round him, and his armour on
him; and he was mournful thereat. And he asked the way to
wend to Leix, and the guides told him that he could only go
by sea.
So he went into the country of Corcomroe to seek a charm
and a blessing 3 of a wizard who dwelt there, to begin building
a boat. (Nuca was the wizard's name, and it is from him that
Boirenn Nuca is named). He told Mael duin the day on
which he should begin the boat, and the number of the crew
that should go in her, to wit, seventeen men, or sixty accord-
ing to others. And he (also) told him that no number
greater or less than that should go ; and he (lastly) told him
the day he should set to sea.
Then Mael duin builds a three-skinned boat 4; and they who
1. lit. « gave great courage (meisnecb) there ».
2. folaig seem ace. sg. of fol À. fulebrith ruina, H. 2. 16, col. 111.
3 . solaigi should, be solaidh ; cf. Ra airnaidit andsain sèna 7 soloda 7 lith-
latheda ldna ra airthriall imthechta, LL., 21911.
4. i. e. a large canoë of wickerwork, covered with three folds or layers
of hide.
460 Whitley Stokes.
noragtais ina comaitec/;/ inti. Bai and ém German 7 Diuran
Leccerd.
Luid tra for muir iarom an la asbm fris an drui imtecht.
Amal dolotar biucan o thir, iar tocbail an tseoil, is and tan-
catar isin purt inaneis a tri comalta-som, tri maie a aite 7 a
muime, 7 congairtetar fair co tistais andochom doridisi arculo
aracend do tecbt léo.
[« Airc/V/h do far tichc1,] ar cia risam forculu », ar Mœl
duin, « ni raga limsa acht an lin atam sund ».
« Ragmuid-ne at degaig isin muir conorrh-bâit/r2 and mina
tisiu cuccaind ».
Dos-corad3 a triur iarom isin muir, 7 snaghid^ cocian o
thir. O'tro/zairc iarom Masl duin [anni sin s] impais cuco aracend
arna robaiditis, 7 do[s]brrt6 cuci ina curach iat.
Batar al-la-sin co fescwr ic7 imrum 7 an adhaig ina diaidh co
medonaidche, co fuaratar da indsi beca majla, 7 da dun8
inntib, co cualatar iarom isna9 dûinib amach nuall 7 fogur na
mesca 7 na m\\ed 7 na comrum. Oats ba hedh10 asbt'rt in fer
fria celé : « An dim, tra », ol se, « am ferrdo laech[dai] XI andai,
ar k me romarb Ai/fll Ochair Agha, 7 roloisc Dubcluain fair,
1 . Sic H. 7 . oc, H.
2. conorbatar, H. 8. da ndûn, H.
3. Duscorat, H. 9. co colatar iarsin asna, H.
4. snaised, H. 10. hann, H.
5 . Sic H. 1 1 . im ferr do laeedhai, H.
6. àusb'ir, H.
The Voyage of Mael Duin. 461
were to go in it in his company were ready. Germdn was
there and Diuràn the Rhymer1.
So then he went to sea on the day that the wizard had told
him to set out. When they had gone a little from land,
after hoisting the sail, then came into the harbour after them
his three fosterbrothers2, the three sons of his fosterfather and
fostermother; and theyshouted to themto corne back again to
them to the end that they might go with them.
« Get you home, » saith Mael duin; « for even though we
should return (to land), only the number we hâve hère shall
go with me » .
« We will go after thee into the sea and be drowned î there-
in, unless thou come unto us ».
Then the three of them cast themselves into the sea, and
they swim4 far from land. When Mael duin saw that, he turn-
ed towards them so that they might not be drowned s, and
he broudit them into his boat.
I.
That day till vespers they were a-rowing, and the night
after it till midnight, when they found two small bare6 is-
lands, with two forts in them; and then they heard out of
the forts the noise and outcry of the intoxication, and the sol-
diers, and the trophies7. And this was what one man said to
the other : « Stand off8 from me, » saith he, « for I am a
better hero9 than thou, for it is I that slew Ailill of the Edge
1 leccerd — leith-cerd a half-poet. This was a name for the ansruth-
poet, because he had half the knowledge of the ollomh, O'Don. Supp.
2. So très fratres come from Brendan's monastery, when ali his crew
had embarked, Perigrinatio, 6
3. con-orm-bd.iter. The infîxed pronoun of the ist pi. or, orn is not
uncommon in Middle Irish. So con-or-tinôltar (gï. locemur) L.H. 3b.
4. snaghid for snàît, près. ind. pi. 3 of snàim rz Skr. snâmi, Gr. vaw.
5. baiditis, the passive 2dy près. pi. 3 of bâidim.
6. lit. bald.
7. i. e. the boasting of the heroes as they displayed their trophies.
8. lit. stay.
9. lit. « better of heroism ».
462 Whiîley Stokes.
7 ni dernad olc [col. 372] frium ind cosse o[a] cheneol1, 7 ni
dernais a samail-sin » .
« Coscor illama anni-seo », ar German 7 ar Diuran Lec-
cerd. « As diriuch don-fuc Dia 7 roghab Dia ar crannàn 2 re-
moinn. Tiagam 7 orgem an [dâ] dun sa', o rofoillsigh4 Dia
duinn ar naimdiu [indiph S].
Ama/ robatar-som forsna briathraib sin6, dosn-anic gaeth
mor, co mbatar for imarchor an aidche? co maitin. Ocus cid
iar maidin iarom ni facatar tir na talmain, 7 ni fhindtais cia
leath teis;hdis. Ba hand adbwt 8 Masl duin : « Leicid in noi ina
tost cen imrum, 7 an leth bus ail do Dia a brith, beraidh9.
Lotar iarom isan ocianI0môr neimWcendach11, 7 osbert Mael
duin iarsin fri[a] comaltaib : « Sibsi foruair duinne so, for
telgadh12 dun isin curuch tar breitlïir an tsenaire 7 an druadh.
Adb^/t frind ni tismais isan curach acht an lin bamar arbar-
cindsi1?.
Ni raibe freacra accosom1^, acht bit[h] ina tost bicI5.
IL
Tri la 7 .iii. haidhche doib, 7 ni fuaratar tir na talmain.
Matain iarom an très ke co cualatar iogur uaidhib soirtuaidh.
« Gair thuindi f/ia tir so », ol German. Intan iarom ba lasolus
doib doscuicsed16 don tir. Ama/ batar oc cor chrandchoir dits
cia noraghad dib a tir, is andsin dolotar ealta mor de sengan-
aibx7, 7 meit serraig cechai dib, isa[n]lS traigh andochum
1. oachinel, H. 10. isin oicen, H.
2. ar cradn an, H. 11 . naforcendach, H.
3. in dâ dun sa, H. 12. telcad, H.
4. ar rofaillsig. 13. bômar arforcindsi, H.
5. Sic H. 14. freccra agaibsium, H.
6. so, H. 15 i . H omits.
7. in océin, H. 16. doscuichsit, H.
8. ispert, H. 17. sengannuib, H.
9. beraigh, YBL. 18. isin, H.
The Voyaqe of Mael Duin. 46$
of Battle, and burnt Dubcluain on him ; and no evil hath
hitherto been done to me therefor by his kindred ; and thou
hast never'done the like of that! »
« We hâve the victory in our hands ! » saith Germdn and
saith Diuran the Rhymer. « God hath brought us direct, and
God hath guided our barque. Let us go and wreck thèse two
forts, since God hath revealed to us our enemies in them ! »
As they were saying thèse words, a great wind came upon
them, so that they were driven (over the sea, ail) that night
until morning. And even after morning they saw nor earth nor
land, and they knew not whither they were going. Then said
Mael duin: « Leave the boat still1, without rowing; and whith-
ersoever it shall please God to bring it, bring ».
Then they entered the great, endless océan ; and Mael duin
afterwards said to his fosterbrothers : « Ye hâve caused this
to us, casting2 yourselves upon us in the boat in spite of the
word of the enchanter 3 and wizard, who told us that on
board the boat we should go only the number that we were
before you came ».
They had no answer, save only to be silent for a little
space4.
II.
Thrce daysand three nights were they, and they found neither
land nor ground. Then on the morning of the third day they
heard a sound Irom the north-east. « This is the voice of a
wave against a shore, » said Mael duin. Now when the day
was bright they made towards land. As they were casting lots
to see which of them should go on shore, there came a great
swarm of ants, each of them the size of a foal, down to the
strand towards them, and into the sea. What the ants desired
1 . i. e. let her drii't. So Brendan : « Mittite intus omnes rémiges et gu-
bernacula, tantum dimittite vêla extensa, et faciat Deus sicut vult de servis
suis et de sua navi, » Perigrinatio. p. 7.
2. telcad, telgad ■ tealgadh .L caitheamh « a casting or hurling », P. O'C.
3 . sénaire a derivative of sén ~ signum.
4. lit. « to be in their little silence ».
464 Whitley Stokes.
ocus l isan muir. A n-adcobairsed a n-ithi cona nôi, 7 techit
iarom tri la ele2 7 teoro aidchi doib, 7 ni facatar tir na talom.
[III.]
Matan an treas lai co cualatar fogwr tuindi ina tracht, 7
conacatar la soillsi lai indsi n-aird moir, 7 forscamon im-
macuairt impi. Issliu cachae achele dib, 7 line do crandaibî
impe, 7 eoin mora imda forsna crandaib[sin]4. Ocus bôi com-
airle leo dus cia noraghad do fromudh na hindsi 7 roptar
cendsa na heoin. « Messi ragas », ar Mail duin. Doluidh
iarom Mael duin, 7 dofoichlenn an innsi, 7 ni fuair ni do ulcc
indti, 7 rosasta [o na henaiph*,] 7 dobtrtadar alaile dib leo ina
nôi.
[IV.]
Tri lai 7 teora aidche doib îor muir iarsin. Matan6 iarom
an ce//?ramudh lai rathaigsit indsi moir n-aile. Ganemdha a
talum. Im tancatar do tracht na hindsi, adchonncatar an-
manda isinn indsi anuz/7 each7. Cossa fondai leis, co n-ingnib
garbaib gerraib/, 7 ba mor a failti [sium]8 friu, 7 nobid ic
surdlaig ina fiadhnaise, ar ba saint les 7 a n-ithi cona nôi. « Ni
bronach atathar ararcind », ar Macl duin: « tiadham on
n-indsi arculo «, ar Ma:l duin. Dogn[iJad 9 annisin, 7 o ro-
vathaig an t-anmanda teichedh doibsi/mi, doluith isin t/aigh,
1. H omits. 6. immaitin, H.
2. oili, H. 7. H omits.
3. line cranna, H. 8. Sic H.
4. Sic H. 9.7 dogniat, H.
5 . Sic H.
The Voyage of Mael Duin. 465
was to eat the crew and their boat : so the sailors flee for three
days and three nights; and they saw nor land nor ground.
in.
On the morning of the third day they heard the sound of
a wave against the beach, and with the daylight they saw
an island high and great;.and terraces1 ail round aboutit.
Lower was each of them than the other, and there was a row
of trees around it, and many great birds on thèse trees. And
they were taking counsel as to who should go to explore the
island and see whether the birds were gentle. « I will go, »
saith Mael duin. So Mael duin went, and and warily searched 2
the island, and found nothing evil therein. And they ate
their fill of the birds, and brought some of them on board their
boat.
IV.
Three days thereafter, and three nights were they at sea.
But on the morning of the fourth day they perceived another
great island. Sandy was its soil. \Vhen3 they came to the
shore of the island they saw therein a beast like a horse. The
legs of a hound he had, with rough, sharp nails ; and great
was his jov at seeing them. And he was prancing(?)4 before
them, for he longed to devour them and their boat>. « He is
not sorry to meet us, » saith Mael duin ; « let us go back
from the island ». That was done; and when the beast per-
ceived them fleeing, he went down to the strand and began
1 . forscamon seems the neut. pi. of a compound of the prep. for and
scamon cognate with Latin scamtiutn « a bank or ridge of earth » ; but I hâve
not met the word elsewhere.
2. do-foichlenn : cf. foichlim in Windisch's Wœrterbuch. W. di-ogel.
3 . im for amal ?
4. surdlaig. What is this ?
5 . Which, be it remembered, was covered with a triple layer of edible
hide.
466 Whitley Stokes.
7 gabais tochlaidh in trachta cona ingnib gerraib * 7 oca ndiu-
brucadh, 7 nir' sailset[som]2 eludh uad.
[V-]
Raisid' a cein iarsin, 7 adchiat maiginis moir uaidhib. Do-
chuir iarom do German droch crandcor dul do descin na
hinnse-sin. « Ragmait dib linaib », ar £)iuran Leeerd, « co nde-
caissi4 liumsa nach fer/;/ n-aile a n-indsi dom-ria crands ».
Lotar iarom a ndis isan innsi. Mor a met 7 a lethed, 7 cona.-
catar faichthi fota moir indti 7 fuilliuchta dermara each indti,
Meit seolbrait luingi fo[l]liucht6 crui gach eich/, con accatar
and aa.no blasscafcol. 372] cno mor8 amal côedi 7 cowacadar9
daiio tuartha mora do preid daine10 n-imda and. Ataigsidar11
iarom anni a[d]condcatar 7 congartadar a mumdtir cuco [do]
descin12 a[n] neich adchonneatar. Bâtard imeclaigh, da.no, iar
n-aicsin an neich adcondcatar; 7 lotar as uile codian dein-
mnitach ina curach.
O dolotar biucan o thir x4 cona.ca.tax dirim moir iarsin muir
don innsi, 7 feraiset grafaind tar riachtain faigthi na hindsi.
Ocus luaithiu x5 gasth gach16 ech, 7 ba mor a nuall 7 a ùgair 7
a ïogur, co clos1/ iarom do Majl duin bemendalSna n-eachlasc
ocon «enach, 7 rochuala dano a n-adbeiridh cach dib .i. « Tue
ind-each nglass! » « Uig in gabair n-uidir thall! » « Tue in
ngabuir ngil! » « As luaithe mo each-sa! » « Ferr leim
moeich-si! » O'tchualatar na briat/a sin, lotar ass fo nert
1. geraiph, H. 10. preidh doeni, H.
2. Sic H. 11. Ataigsetar, H.
3. Raisit, H. 12. do deiscin, H.
4. dechuisiu, H. 15. bôtar, H.
5. isininsidomruaacrannchor,//. 14. on tir, H.
6 ïnWhcbt, H. 15. luathithir, H.
7. cith, YBL. • 10. cach.
8. mora, h. 17. cloistis, H.
9. conacotar, H. 18. bemind, H. ,
The]Voyage of Mael Duin. 46 7
digging up the beach with his sharp nails, and pelting them
(with the pebbles), and they didnot cxpect to escapefrom him.
V.
Thereaftcr they rowed afar, and a great, flat island they
see before them. Then to German fell an ill lot to go and
look at that island. « Both of us will go, » saith Diuran the
Rhymer, « and thou wilt corne with me some other time into
an island which it falls to my lot to explore »x. So the two of
them entered the island. Great was its size and its breadth,
and they saw therein a long, great green, with vast hoof-
marks of horses upon it. As large as the sail of a ship was the
mark of the hoof of each horse. They saw, moreover, the
shells of huge nuts like..., and they saw there, also,
great leavings 2 (?)of theplunder of many men. So they dread-
ed that which they saw, and they called their people to
them to see what they beheld. They were afraid then, after
seeing what they beheld, and they ail, swiftly, hastily, went
on board their boat.
When they had gone a little from land, they beheld (rush-
ing) along the sea to the island a great multitude, which,
after reaching the green of the island, held a horse-race. And
swifter than the wind was each horse, and great was the
shouting (of the multitude) and their outery and noise. And
then the strokes of their horse-rods at the meeting were heard
by Mael-duin, and lie heard, moreover, what each of them
was saying : « Bring the grey steed ! » « Drive the dun horse
there ! » a Bring the w7hite horse ! » « My steed is faster ! »
« My horse leaps better > ! » When the wanderers heard those
1 . ci'iedi : cf. cona côidib crèduma fairsin anuas, LL. 29)b.
2. tiiartha: ci' tuartheit « remnant, remainder, jmanet?) O'Don. Supp.
ni tuairthet and iarsin acht se lathi trichât, LB. 47^: bô 7 tri scxcpaill iss ed
tuarteit ann, Harl. 452, fo. i6a(= Laws, i. 246, 1. ^),tiruairsi « remnant »,
Laws II. 212.
3 . lit. « Better (is) my horse' s leap ! »
468 Whitley Stokes.
a mbagh1, ar ba derb leo ba hxnach demna adconncatar.
VI.
Sechtmuin lan doib iarsin ic imrum i ngorta 7 i n-itaidh2,
co fuaratar indsi moir n-aird 7 teach mor indti i traigh an
mara, 7 dorus asan tig hi maigreidh na hinnsi, 7 dorus n-aill
isan muir, 7 comla lecdhà f/isin dorus n-isin. Boi dercc tresan
comluith sin forsa tochratis tonna an mara na heicne? isin
tech-sin ar medhon. Lotar som isin teach sin, 7 ni fuaratar
neach and. Gwacatar iar suidhiu lighi cumtachta do aircind-
each an tighe a asnur, 7 ligi gach thrir do 4 muntir, 7 biadh
gach t/ïr arbelaib gac[h] imda, 7 lestar glaine S co ndeglind ar
belaib gâcha imdha6, 7 dalem di glain for gach lestar. Praind-
ighsed 7 iarom a mbiadh sin 7 a lind, 7 atlaigit buidhi do Dia
mlecumachtach rodus-foir on gorto.
[VIL]
A ndolotar ond indsi sin batar sel môr oc imrum ceri biadh
cogortach, co fuaratar indsi 7 allt8 mor uimpi do gach 9 leith,
7 fidh Céel fota i suidhiu, 7 mor a tôt 7 a caile. Gabais Mael
duin slait amal tarraigh don fidbuith sin ina laim ic I0 tocht10
seacho10. Tri la 7 teoro n-aidhche bûi an tslat ina ldim, 7 an
curach fo seol la taeb in alla, 7 isan treaslô fuair crobung
1. fonertabagh. H. b. cecha himdei, H.
2. anitaigh. YBL. 7. 7 praindicsit, H.
}. in mara ina écne, H. 8. ailld, H.
4. dia, H. 9. impi di cech, H.
3. glain, H. 10. H omits.
The Voyage of Mael Duin. 469
words, they went away with ail their might l, for they felt sure
it was a meeting of démons they beheld.
VI.
A full week were they voyaging, in hunger and in thirst,
when they discovered a great, high island with a great house
therein on the seashore and a doorway out of the house
into the plain 2 of the island and another door (opening) into
the sea, and against that door there was a valve of stone.
That valve was pierced by an aperture, through which the sea-
waves were flinging the salmon into the midst of that house.
Mael duin and his men entered that house, and therein they
found no one. After this they beheld a testered bed for the
chief of the house alone, and a bed for every three of his
household, and food for three before every bed, and a vessel
of glass with good liquor before every bed, and a cup3 of glass
on every vessel. So they dined off that food and liquor, and
they give thanks to Almighty God, who had helped them from
the hunger.
VII.
When they went from the island they were a long while4
voyaging, without food, hungrily, till they found (another)
island, with a great cliff round it on every side, and therein
was a long, narrow wood, and great was its length and its
narrowness. When Mael duin reachedî that wood he took
(from it) a rod in his hand as he passed it. Three days and
three nights the rod remained in his hand, while the boat was
under sail, coasting the cliff, and on the third day he found a
1. cf. a nertaïb bâghfear, infra. c. ix.
2. maig-rêidh, lit. plain-level : cf. maig-sliab.
3 . dailetn, usually « cupbearer » hère seems to mean a cup used for
distributing liquor.
4. sel ~ W. chwyl « versio », Davies.
5. tarraigh for tarraidh « traf, ùberfkl, holte ein », Windisch's Wœr-
terbuch, 811.
470 Whiiley Stokes.
.iii. n-uboll for ind naslaitte. Cetracha aidhci nodo-sâs çach1
uball2 diib.
[vin.]
[col. 374]. Fuaratar [dna3] iarsin indsi n-aile, 7 sondach
leacdha uimpe4. A ndolotar a comfpc«j di atraig anmanda
môr isind indsi 7 cor-reithft/ imon indsi immacuairt. Ba luai-
thi la Majl duin oldas [an] 5 gasth, 7 luid iarom i n-ard na6
hinnsi 7 dirgis creit and .i. a cend siss 7 a cosa suas, 7 is am-
\aid nobidh, imsoadh ina crocend7 [.i.] an leoil 7 na cnama
do impodh, in crocund ivamorro diamr/tfair cen scibiudh. No
an croiçend fer/;/8 n-aile dawp dianer/j/air do impudh amfl/
muilend9 do impudh, na cnami 7 an féol ina tairisium10.
Orobai cocian in cruth sin, atraclit suas dorisi IX 7 reithidh I2
timcell na hindsi immachuairt r3 arnai dorighne artûs. Luidh
dano doridhisi isan inad cétna., 7 an îccht sin an leath dia
crocund nobidh sis cen scibiudh 7 an leath n-aill nobid suas
imrethedh imacuairt araaî lice muilind. Ba hisin tra a abair[t]J4
antan bidh ic timcholl na hindsi. Teichis Mail duin cona
muindtzr a nertaib bdghfear, 7 rathaigis1? an t-anmanda tech-
eadh doib[sium] l6 7 doluid isin tracht dia tiwnicbtam, 7 gabais
esorgain iat, [7] dibruicidh :" 7 sraighl/J di clochaib na caladh18
I .
rotasas cech,
H.
1 1 . arisi, H.
2.
ugall, YBL.
12. Sic H. reitigh, YBL.
3 ■
Sic H.
13. H omits.
4.
impi. H.
14. abuirt, H.
s.
Sic H.
15 . rathuighsit, H.
6.
inna H.
16. Sic H.
7-
immasoad ina crocann,
H.
17. dibruicigh, YBL.
8.
fes. YBL. fecht.
H.
18. 7 dibura'dh 7 sraigled di clo-
9-
muilind, //.
chaib inna cairce, H.
10. Sic H. tairijwsium, YBL.
The Voyage of Mael Duin. 471
cluster1 of three apples at the end of the rod. For forty nights
each of thèse apples sufficed them.
VIII.
Thereafter, then, they found another island, with a fence
of stone around it. When they drew near it a huge beast
sprang up in the island, and races round about the island. To
Mael duin it seemed swifter than the wind. And then it went
to the height of the island and there it performed (the feat
called) « straightening of body »2, to wit, its head below and
its feet above; and thus it used to be : it turned in its skin,
that is, the flesh and the bones revolved, but the skin outside
was unmoved. Or at another time the skin outside turned
like a mill, the bones and the flesh remaining still.
When it had been for long in that wise, it sprang up again
and races round about the island as it had done at first. Then
it returned to the same place ; and that time the lower half of
its skin was unmoved, and the other half above ran round
and round like a millstone. That, then, was its practice? when
it was going round the island.
Mael duin and his people fled with ail their might, and the
beast perceived them fieeing, and it went into the beach to
seize 4 them, and began to smite them, and it casts and lashes
1 . crobung, properly a cluster of nuts : O chall cain na crobang cas, Book
of Fenagh, p. 396, 1. n.bang .i.. crû, ut est crobhang, H. 3. 18, p. 633,
col. 1. O'Reilly explains this word by « a strong-handed man » ! P. O'C.
has « crobhaing a bunch or cluster of berries, derived from crobh, W. cra-
ving a claw or clutch. Crobhaùigeach of or belonging to clusters or bunches ».
2 . Cf. dirgiud crette foi a rind « straightening of body on his spear-
point, » one of Cûchulainn's feats catalogued in LU. 73a.
3. abairt .i. bés, H. 3. 18, p. 5ib .i. ealadha no bés, O'Cl. abairt .i. ab
airte [leg. arte] .i. issi abairt doni .i. elada, H. 2. 16, col. 88. Roboth
ocond reib sin 7 ocond abairt on t/âth co(a)raile, LU. 7113 14. It é d\diu
dorigensat ind abairt sin etorro andis, LU. 71 b 27. dognith abairt dia si'r-
sellad, LU. 129b 43.
4. tarrachtain : cf. fri tarrachtain drechta dib dîa n-airlech, LU. 72». can
tarrachtain « without being caught >■>, O'Don. Supp. O'Clery's tarrachtain
.i.di oghail « vengeance » seems a bad guess.
472 Whitley Stokes.
inandiaidh. Luid cloch dib iarom ina1 curach co rotreag-
dastair2 sciath Masl duin 7 co ndechaidhî [is]an4 drumluirg
in curaig.
[IX.]
Ni bu cian iarsin dano co fuaratar indsi n-aird aile, is si aib-
ind, 7 anmanda mora imda indte cosmaile frî heocho. No-
gaibcdh gâchas dib mir a tasb alaile, 7 no beridh conx croc-
end > 7 coin teoil leis6, co maidhitis7 a srotho fola fordergi
asa tcebaib co mba lan an talom di.
Facsat8 dano an indsi sin codian, dremun, denmnitach,
toirrsig, geranaig, mertnigh; 7 ni fedatar cia leth isan bith
noragtais, 7 cia baile i fuigebtais cobair no tir no talmuin.
[X.j
Rancatar da.no indsi moir [n-] aie 9, iar scis môir do gorto
7 itaid doib, itéI0toirsig", geranaig, iar mben^cheillefdoib^]
do chobair. Cranda imda isan indsi sin: ite tortoirthech :
ubla mora orda foraib. Geirrmila derga amail mucco fo na
crandaib sin. Nocoisitis1^ iarum frisna crando sin, 7 nos-bentais
I .
isin, H.
8.
Facbuigsiut, H.
2
corotregtastar, H.
9-
n-aili, H.
3 •
ndechaigh, YBL.
10.
7 ate, H.
4-
isin, H.
1 1 .
toirsid, KBL,tairsz^mertnig,/y.
5.
chrocund, H.
12.
mbein, H.
6.
H omits.
13-
Sic H.
7-
Sic H. muighitis.
YBL.
14.
nuscoisitis, H.
The Voyage of Mael Duin. 475
after them with stones of the harbour1. Now one of thèse
stones came into their boat, and pierced through Mael duin's
shield, and lodged in the keel2 of the curragh.
IX.
Now, not long after that they found another lofty island,
and itwas delightful, and therein were many great animais
like unto horses. Each of them would take a pièce out of
another' s side, and carry it away with its skin and its flesh, so
that out of their sides streams of crimson blood were breaking,
and thereof the ground was full>.
So they left that island swiftly, madly, hastily (and they
were) sad, complaining4, feeble; and they knew not whither
in the world they were going and in what stead they should
find aidance or land or eround.
X.
Now they came to another great island, after great weari-
ness of hunger and thirst, and they sad and sighing, having
lost ail hope of aidance. In that island were many trees :
fullfruited were they 5, with great golden apples upon them.
Red short animais like swine6 were under those trees. Now
they used to go7(?) to those trees and strike them with
1 . caladb gen. sg. of cala. Caladb .i. cuan, a port, harbour or haven :
shore or strand. O'Cl.
2. drumluirg I hâve not met elsewhere. It seems the ace. sg. oîdruim-
lorg.
5 . A réminiscence of the ecbtress « horse-fight » of the ancient Irish,
which corresponded with the hestavig of the Icelanders.
4. gerânaig pi. oïgerânach, a deriv. oîgeran a complaint, groan, P. O'C.
5 . tortoirtech, perhaps a scribal error for toirthech.
6. It appears from the sequel that they were wholly or in part composed
of fire. A sentence to this effect has probably dropt out hère.
7. no-coisitis seems 2dy près. pi. 3 of the simplex of do-chôid, ad-chuaid.
Revue Celtique, IX 31
474 Whitley Stokes.
cona. n-iarluib, co tuititis a n-ublai1 diib, 7 conos-caithdis2
iarsin. O matairi co fuinid îlgrene dognitis andsin. O fuinedh
grene bxunorro co maitin ni artraigtiss et/V, acht nobitis a
fochlaib talmunî. Eoin imda for fosnam4 immon indsi sin
immacuairt forsna tonda imuig. O matain co nonai sia 'sa sia
nosnaidis on innsis. O nonai immorro co fescor neso 'sa neso
ticdis don indsi [LU., p. 23] co téigtis iar funiud gréne issin
n-insi.
Nolomraitis iarwm na hubla6 7 nos'-ithitis/. « Tiagam », ar
Maél dûin, « isin n-insi [itait ind eoin8]. Ni hansu dûn oldds
dona hénaib ». Luid fer dib 9 do déicsinnahinsi 7 dogair-side I0
achéli11 chucai i tir. Te in talam fua cossaib-som, [7 nir' fedsat
atrab and ara thés,12] fôbith ba tir tentidi [hé, 7]1' ind an-
mannai 7 notheigtis in tâlmain ûasaib.
Tob«rtatârI4 bec dinix5 hublaib léo a cétld nos-ithitis inna
curuch16. Intan bd solus in matandollotdr ind éoin ond insi
for sndm isam-muir. La sodain tocaibtis ind anmannai thentidi
a cenna asa fochluib, ocus no-ittis na hubla co funed ngrJne.
Intan adcuirtis inna fochlôi notheigtis ind éoin daranessi do
ithi na n-ubull x7. Dolluid18 àano Mœl dûin cona muint/V 7 tec-
mallsat1? an ba dina hublaib in n-aidchi sin. Cumma arang-
gairtis gortai 7 ittaid dib na hubla. Iss ed ani linsait a curach
dina hublaib ama/ bd mellach léo20, 7 lotair îor muir afridisi.
I .
n-ublaib, YBL.
9-
uaidhib, YBL.
2.
condas-itis, H.
10.
dogart-sidhe, YBL. diarard-
S.
hi fochlaib fo talmain, H.
side,
H.
4-
fbttnadh, H.
11 .
fer aile, YBL.
5«
ond inse, H.
12.
Sic H.
6.
cranna, H. crannu, YBL.
H-
Sic H.
7-
nohithetisiersin. //.
14.
Doberaid, YBL. Doberad, H.
8.
Sic H.
5-
dona, YBL.
16. For t a cétlâ... curuch », YBL. has : 7 tiaghaid ana curach, ciar bo
lesc leo, arînirjbo din iar scis e doib, acht ba iar ngorta moir 7 sœthar 0
thuind do thuinn doib.
17. For « ocus... n-ubull », YBL. has: do thochaithem na n-ubull o
maitin co fescor; o fescor immurro co maitin tictis an eoin do ithi na
n-uboll.
18. Dothaed, YBL. .
19. teclomsad, YBL.
20. For... « cumma... afridisi », YBL. has: 7 linsad a curach dona hu-
The Voyage of Mael Duin. 47$
their hindlegs1 so that the apples would fall from the trees,
and then they would consume them. From dawn to sunset the
animais did not appear at ail, but they used to stay in the
caverns of the ground. Round about that island many birds
were swimming2 out on the waves. From matins to none,
further and further they used to swim from the island. But
from none to vespers nearer and nearer they used to come to
the island, and arrive therein after sunset.
Then they used to strip .offthe apples and eat them. « Let
us go, » saith Mael duin, « into the island wherein the birds
are. Not harder for us (to do so) than for the birds ». One
of the crew went to see the island, and he called hiscomrade to
him on shore. Hot was the ground under their feet, and they
could not dwell there for its warmth, because it was a fiery
land, and the animais used to heat the ground above them.
On the first day they brought with them a few of the apples
which they were eating in their boat. When the morning was
bright the birds went from the island swimming to sea. With
that the fiery animais were upraising their heads out of the
caves, and kept eating the apples till sundown. When they
were put back into their caves the birds use to come in place
of them, to eat the apples. Then Mael duin went with his
people, and they collected ail the apples that were there that
night. Alike did the apples forbid> hunger and thirst from
them. So then they filled their boat with the apples as seemed
good4 to them, and went again to sea.
1 . iarhiib I hâve never met elsewhere. It is the dat. pi. of a word which
must mean either « hind-leg », or •< tail ».
2. fosnam is perhaps a scribal error for the jonnadh of H. This is ex-
plained by « gluasacht no sinbhal a going, proceeding, moving, walking »,
P. O'C. cf. Eng. ivend. If fosnam be right, it may be — snam •• swimming »,
with the diminutivc prefix/o — Ono-.
3 . ar-ang-gairtis, 2dy près. pi. 3 of air-gairim, with infixed relative
4. mellach from meldach « gratus » H. 10,
476 Whitley Stokes.
XI.
INtan iarwm arrochiûirtdr na hubla hisin *, 7 bd môr a
ngorta 7 a n-itu2, 7 intan bâtir ldna a mbéoil 7 a srôna di
bréntaid in mara, atchiat insi nar'bu môr, 7 dùn indi, 7 mûr
gel ard im sodain amal bad du aél chombruithiu dognethe, no
amal bed oen chloch calca uile. Mdr a dicsa3 on muir acht nad
roched néolu*. Oebela robôi indi'in. Tige snechtaidi mdrgela 5
immdm-mûr. Al-lotdr is-tech6 bd moam dib, ni con facatâr
nech and acht catt bec bôi forsind ldr oc cluchiu forsna cethe-
ôraib uditnib? lecdaib bdtar and. Nolinged di cech uditniu fora-
raili. Dofécai8 biucdn na9 firu, 7 nin-tairmesc10 dia chluchiu.
Qw-accatâr iarsin téora sretha isind[t];aigid in taige11 immd-
cuaird ônd ursaind diarali I2. Sreth and chetum/tf di bretnas-
aib ôir 7 argit, 7 a cosa isind fraigid, 7 sreth di muntorcaib
ôir 7 argit, mar chirclu dabcha cechae^. In très sreth di
b\aib, oir rancatar a les gorta 7 itaid do beim dib, 7 lotar focctoir doridisi
for muir intan ba mithig leou.
1. Inbuidh tairnectair doib na hubia sin, YBL.
2. YBL inserts : bai foraib, 7 batar mugaighti (mudaigh, H.) acht becan
(biucan, H.).
3. airde, YBL.
4. niullo nime, YBL.
5 . glegela and, YBL.
6. Dolotar isan teach. YBL.
7 . for ceitri uaitneb, YBL.
8. Dechais, YBL.
9. inna, YBL.
10. ni rotairmisc, YBL.
! 1 . for fraighidh an tighi, YBL.
12. co araile, YBL.
1 3 . Srcath aile dawo di muncib moraib amn/ chirclu daibche di ôr 7 di
airged. YBL.
The Voyage of Mael Duin. 477
XI.
Nowwhenthose apples failed1, and their hunger and thirst
were great, and when their mouths and their noses were
full of the stench of the sea, they sight an island which was
not large, and therein (stood) a fort surrounded by a white,
high rampart as if it were ' built of burnt 2 lime, or as if it
were ail one rock of chalk. Great was its height s from the
sea : it ail but reached the clouds. The fort was open wide.
Round the rampart were great, snow-white houses. When
they entcred the largest of thèse they saw no one there,
save a small cat which was in the midst of the house,
playing on the four stone pillars that were there. It was
leaping from each pillar to the other. It looked a little at
the men, and did not stop itself from its play. Atter that
they saw three rows on the wall of the house round about,
from one doorpost to the other. Arow there, flrst, ofbrooches
of gold and of silver, with their pins in the wall, and a row of
neck-torques of gold and of silver : like hoops of a vat was each
of them. The third row (Vas) of great swords, with hilts of
1. ar-ro-chiùirtar pi. 3 perf. of ar-chrinim. The sg. 3, ar-ro-chiuir, is in
the Félire Oengusso, prol. 67, 127. Skr. çrndti, çaçre, Windisch in Kuhn's
Zeitschrift, XXIII, 205.
2. combruitbiu, dat. sg. m. of com-briiithe, for com-bruighthe, bruighim rz
3f ûyw ?
3. dîcsa, a deriv. of digas « high » : digas (gl. edito) Ml. 41e 9: digas
no ard (gl. edito) Ml. 47e 19.
478 Whitley Stokes.
claidbib môraib co n-imdornaib ôir 7 airgit. Ldna inna himda
di cholcthib gelaib 7 di tlachtaib etrochtaib1. Dam bruthe
da.no 7 tinne forsind ldr, 7 lestra mâra co 7zdeglind inmesca.
« In dunni forracbad so ? » ol Msèl duin frisin cat. Dosn-cca-
cha talmaidiu 7 gabais cluche arisi2. Atgéoin iarom Méldûin
ba doib {orrmsedi in praind. Prain[dig]sit4 iarom 7 ibsit 7
con- [p. 23b] toilset. Dobmatdr diurad ind lcnna isna paitti 7
docosechtatar diurad in biid.Intan asbcrtsat iarom imthechtî,
asbert a thris comalta Mdili dûin : a In be'rsa lemm mûince di-
naib muincib-se? » « Ni thô », ol Mœl dûin, « ni œn chomet
atâ a tech ». Doben cammai6 corrici ldr ind lis. Dolluid in
cat inandidid, 7 lebling trit amal saigit tentidi, 7 loiscthi 7 co
mbu lûathred, 7 luid arisi cor-rabi8 îor a uditni. Rôailgenaig
\-\rom Maèlduin coni briathraib in cat9, 7 sudigestdr in muince
ina inad, 7 glanais a lûathred di ldr ind lis, 7 fochairt i n-alt
in maro I0.
Lotâr iarwm inna curach am-moltais 7 an-n-adamraigtis in
Comdid11.
xn.
Matan moch tres-ldi iarsin atchiat insi n-aili 7 sonnach
1 . Lana na himdagha an tighi di cluim gil 7 di tlachtaib gelaib. Cona-
catar iarsin dam etc., YBL.
2 . For tins sentence, YBL. has : 7 nir tairmeisc an cat dia cluiche.
3. foracbudh. YBL.
4. praindighsed, YBL. -sid, H.
5 . 7 contascitar forgradh (furgrad) an bidh, 7 imraidhsid iarom imtedtf,
YBL.
6. Dober (dobir, H.) leis araisin, YBL.
7. nus-loisc, YBL.
8. condesidh, YBL.
9. Acallais Mœlduin he o briathraib, YBL.
10. 7 focherd isan ail mara, YBL.
n . 7 lotar iarom ina nôi, 7 molaid 7 aitchid an Comdigh 7 beraid buidi
do, YBL.
The Voyage oj Mael Duin. 479
gold and of silver. The rooms were full of white quilts and
shining garments. A roasted ox, moreover, and a flitch in
the midst ôf the house, and great vessels with good intoxic-
ating liquor. « Hath this been left for us ? » saith Mael duin
to the cat. It looked at him suddenly and began to play again.
Then Mael duin recognised that it was for them that the
dinner had been left1. So they dined and drank and slept.
They put the leavings(?)2 of the liquor into the pots?, and
stored up the leavings(?) 'of the food. Now when they pro-
posed to go, Mael duin's third fosterbrother said : « Shall I
take with me a necklace of thèse necklaces ? » « Nay, » saith
Mael duin, « not without a guard is the house». Howbeithe
took it as far as the middle of the enclosure. The cat followed
them, and leapt through him (the fosterbrother) like a fiery
arrow, and burnt him so that he became ashes, and (then)
went back till it was on its pillar. Then Maelduin soothed
the cat with his words, and set the necklace in its place, and
cleansed the ashes from the floor of the enclosure, and cast
them on the shore of the sea4.
Then they went on board their boat, praising and magni-
fying5 the Lord.
XII.
Early on the morning of the third day after that they espy
another island, with a brazen palisade over the midst of it
I translate the fo-r-acbad of YBL. The forruised of LU. is obscure to
me.
2. diurad: cf. diurtha .i. rét becc (a little thing), O'Dav. 77.
3 . paitti pi. ace. of pait in petit meda LU. $4b — paitt meda, LL. 1 17a : da
phait fina, LB. I29a 35. fon pait foilethi, so Laws i. 152. 1. 28.
4. Compare the story of Brendan's wicked monk who steals an argtn-
teum frenum, Perigrinatio, p. S
> . As to expressing the présent participle with the aid of the conjunction
an, see Kuhn's Zeitschrift, XXIX, 37b.
480 Whitley Stokes.
umaide tara medôn ros-rand l in n-insi in 2 dé, 7 atchiat tréta
môra di chairib inti .i. trèt dub fri sonnach adiu 7 tret gel
f/*i sonnach denall. Oc us con2.cc2x.il fer mdr oc et/Vgle;?* > na
csérech. An focherded cairig find tar sonnach desiu côsna duba
bd dub fôchetôir. An docured d3.n0 cairig nduib tarsin sonnach
ille bd find fôchetôir. Bdtir immecal-som^ oc aicsin ind ni-
sin5. « IS ed as maith [dun] », ol Maél dûin, « cuirem dd
bunsaig6 isin n-insi. Dia côemchlôt 7, dath awclôechbam-ni 8
dia tiasam indi ». Fochartatdr ian/m bunsaig ccr-nisc dub isa
leth i mbdtdr na finna 7 finnais fôchetôir. Fochartatdr da.no
bunsaig snaisi gil issa leth i mbdtdr na duba, 7 ba dub fôche-
tôir?. « Ni sechbaid », ol Maél dûin, [in promad sin] I0 nd
dechammar isin n-insi. Bes ni bad ferr ol ndath-ni olddti11 na
bunsacha ».
Tollotdr forcûlu ônd insi la himeclai I2.
XIII.
Très lou iarsin dano rathaigsit araili insi mdir lethain, 7 trèt
mucc n-dlaind indi. Gegnait-son banb bec dib. Asro[m]us hrNin
1 . rorand, YBL.
2. ardô.YBL.
3. ic dtl'iugud, YBL.
4. i meaglaigh-sium, YBL. imedai-sium, H.
5. oga fégad sin, YBL.
6. ar mbunsacha, YBL.
7. claechload, YBL. claemhclat, H.
8. clœclilobamuiine, YBL. claechlamaitne, H.
9. Focerdatur bundsacha [con\z ruse dub isin leth i rabatar na finda 7
batar finda focht:/oir, 7 cuirit bundsacha finda isan leith a mbatar na cairig
duba 7 batar duba ibehetoir, YBL.
10. an fVomudh sin, YBL. in l'romadh sin, H.
1 1 . nibud ferr arndath oldate, YBL.
12. Lotar foracula doridhisi ate mertnig, scitha, imeclaig 7 ate gortaig,
acorcho, YBL.
The Voyage of Mael Duin. 481
which divided the island in two, and they espy great flocks ot
sheep therein, even a black flock on this side of the fence and
a white flock on the far side1. And they saw a big man se-
parating the flocks. When he used to fling a white sheep
over the fence from this side to the black sheep it became
black at once. So, when he used to cast a black sheep over the
fence to the far side, it became white at once. The men were
adread at seeing that. « This were well for us (to do), » saith
Mael duin: « let us cast' two rods2 into the island. If they
change colour we (also) shall change if we land on it ». So
they flung a rod with black bark on the side wherein were
the white sheep, and it became white at once. Then they
flung a peeled ?, white rod on the side wherein were the black
sheep, and it became black atonce. « Not fortunate(?)4 was
that experiment, » saith Mael duin : « let us not land on the
island. Doubtless our5 colour would not hâve fared betterthan
the rods ».
They went back from the island in terror6.
XIII.
On the third day afterwards they perceived another island
great and wide, with a herd of bcautiful swine therein. Of
thèse they kill a small pig. Then they were unable7 tocarry8
1 . fri... adiu... fri... denall : cf. adi'u 7 anall, LU. 127* 15. denall rz: do-
anall G. C. 611.
2. bunsaig, dual ace. of bunsach t rod ». « pôle, switch, wattle, »,
P. O'C.
3. snaisi (ex * snaid-ti), part. prêt. pass. of snaidim — W. naddu « as-
ciare, dolare ».
4. sechbaid zz: scchfaid, Trp. Life, p. 228, 1. 25.
5 . oln for arn seems a scribal error.
b Aocording to YBL. « They went back again, mournful, wearied, fear-
ful, hungry, famished. »
7. Asro(ni)us seems prêt. pass. sg. 3 oi*as-medim, of which èmdim (W'in-
disch's Woerterbuch) is the dépendent form.
8 . brith « bearing, carrying » . Even a small spécimen of thèse swine
required the whole crew to carry it !
4 82 Whitley Stokes.
a brith dia doud1, co tuidchetar uli imbi. Fannôiset 7 nam-
bertatâr inna curach cucu.
Atchiat ûadib iarsin sliab mdr isind insi, 7 imrdidset techt
dia déicsin na hindseass2. Al-lotdr ian/m Diurdn Leccerd 7
Germdn [p. 24a] do ascnam in tslébi arrecat abaiad let[h]ain
nâd bo domain aracind. Tummis German irlund a çai issin
n-abaind, 7 immd/z-dibdai dp fôchétôir amal bid tene nod-
loscad), 7 ni lotdr ni bad sire. Co/jaccatar and da.no frisin
n-abaind anall daumu môra mêla ina ligu. 7 fer môr ina
sadiu occaib. Bi Germdn iar sudiu crand f/'ia sciath do bup-
thad na ndam-*. « Cid dia mbûpthai> na baéth-laegu ? » ol in
t-aégaire mdr hi-sin. « Cairm hi rat ammaithre6 nal-loeg-sa ? »
ol Germdne. « Atdt frisa sliab ucut, » olse, « anall ». Tollotdr
afrisi coa céli, 7 adfiadar seéla doib 7.
Dollotdr ass iar«m8.
XIV.
Fûaratdr insi nir' bu chian iarsin, 7 mulend mdr grainne
and, 7 mulleôir mdr brûichnech grainne and 9. Immufoacht10
do : « Cid mulend so ? » « Nicô dm, » ol se, « ni nach
eolach iarmifôich ni nach aithgenaid-si, » ol se. « Ndtho, »
ol seat-som11. « Leth n-etha îor tire dm, » ol se, « is sunda
melair. Ndch ni b<res cesacht de isin muilind-sa conmélair. »
1 . gegnaitw (gegnaid. H.) banb leo (beu, H ) dib 7 nom-beraid (nus-beraid.
H.) leo dia fuine, YBL.
2. For « ass », YBL, bas da siriudh.
3 . 7 cthaidh a ma/ bidh tene noloiscedh an gœ. 7 batar a (hi , H.) socht,
YBL.
4. Binais achrundu (a crandœ. H.) fria sciath do ubtadh (di fubtadh, H.)
na ndam.
>. fubthai. YBL. 6. a maithrecha, YBL.
7. YBL. adds: « Ni ricfom eter, » ol Mael duin. « in indsi isa scel sin ».
8. Imraiset iarsin ond indsi sin co scith atoirsech, YBL.
9 . 7 muillcoir bruichneach gruganach garb croblom cringranna and, YBL.
io. Imcomairsed. YBL. imcomairctis^ H.
1 1 . For this and thc preceding sentence. YBL. has : muilenn Innbir tre se-
pant andso, ol an muilleoir.
The Voyage of Mael Duin. 483
it to be roasted1, so they ail came round it. They cooked it2
and bore it into their boat.
Then they see a great mountain in the island, and they
proposed to go and view the island from it. Now when Diu-
ran the Rhymer and Germdn went to visit the mountain
they find before them a broad river which was not deep.
Into this river Germdn dipt the handle of his spear, and at
once it was consumed? as if fire had burnt it. And (so) they
went no further. Then, too, they saw, on the other side of
the river, great hornless oxen lying down, and a huge man
sitting by them. Germdn after thisstruck his spear-shaft against
his shield to frighten the oxen. « Why dost thou frighten the
silly calves? » saith that huge herdsman^. « Where are the
dams of thèse calves ? » saith Germdne. « They are on the
other side of yonder mountain, » saith he. Diuran and Ger-
mdn return to their comrades, and tell them the tidingsï.
So thence they (ail) went6.
XIV.
Not long thereafter they found an island, with a great hid-
eous mill wherein was a miller huge, . . .7, hideous. They
asked him: « what mill is this? » « Not. . . indeed » saith
he, . . . asks what ve shall not know ». « Nay » say they.
« Half the corn of your country, » saith he, « is ground hère.
Every thing which is begrudged is ground in this mill ».
1 . (îoud (now written dogbadh) burning, singeing. scorching.
2 fa-n-nôiset : cf. orce... fonoiset for beraib cairthind, LL. p. I20a 12
of the facsimile.
5. imm.in-dibdai, près. ind. act. sg. 3 of imm-dibdaim, with infixed pron.
of ^d sg.
4. lit. « shepherd », but generalised into « herd », like (3ooxoXo; in
ht —qoou/.oào:.
5 . YBL. adds . 1 Wc will not go at ail, » saith Maelduin, « into an is-
land of which that is the news. »
6 . YBL. lias : « Then they vovagcd from that island wearily (and)
sadly ». This chapter isobviûusly incomplète as to the swine and the calves.
7. brûichnech ~ bruighneach riotous, quarrelsome, P. O'C. YBL. bas :
« and a miller... rough, barehanded, withered and hideous therein. »
484 Whitley Stokes.
La sodain atchiat na heriu tromma diarmidi * (or echaib 7
dôinib don mulinn 7 âad da;/o afrisi : achl ani dobtrthe ûad is
siar nobmhe. Imcomarctàr atheruch cia ainm in mulind-se.
« Mnlcnn Inbir tre cena/zd, » ar mulleôir.
Noda-sénsat iarsin ô airdiu c/'oiche Cvist iarsinni o'tchûal-
atdr7 ô'tchoncatdrnahuli-sea2, Lotdr (or intech > inna curach.
XV.
Al-lotar4 da;/o ond insi sin in mul/;w fûaratar insi mair 7
sochaide môr di ddinib indi. Hit é duba et/V churpu 7 etach.
Cennaithi 5 imma cenna 7 ni chumsantais di chui6. Dofuit
di-cra»dchor7 don dala comaltai Mdili duin dul isin n-insi.
Al-luid side cusna dôini robdtdr oc côi ba cz/mthach friu fô~
chétoir 7 gabais côi léo. Foite dias dia thabairt ass 7 nin-athgen-
atdr et/r a célib [p. 24b] fecsit cadesne (or côi 8. Ba hand as-
bert Mxl duin : « Tét cethrar uaib », ol se, « co n-armaib 7 tucaid
na fini arecin, 7 nd décid in talmain nach in n-acr, 7 tabrid
(or n-étaige immôbar srôna, 7 immôbar mbcolu, 7 na siigid
aér in tire 9, 7 [na] gataid (or sella do (or feraib fodeisne IO ».
1 . dogach leith, YBL.
2 . iar n-aicsin in muilind-sin doib 7 iar cloistecht a sccl, YBL.
3. for teichedh iarsin, YBL.
4. Amail dolotar, YBL.
5 . 7 cendpaite, YBL. 7 cendpati, H.
6. 7 siad ic sirchài 7 toirsi cen airisium, YBL.
7. Dochuir do crandchur, VBL.
8. For Alluid... cûi. V3L. has: cosnadainib robatar acon côi 7 ba com-
dath é friu lbcetoir 7 gabais i coi leo.
9. arnaro suighti an aer an tire, YBL.
10. do for fer fodein, YBL.
The Voyage of Mael Duin. 485
With that they see the heavy, countless loads on horses and
human beings (going) to the mill and from it again; only
that what was brought from it was carried westward. Again
they asked : « What is the name of this mill ? « « The mill of
Inber Tre-cenand, » saith the miller.
Then after this they sained themselves with the sign of
Christ's cross. When they heard and saw ail thèse things
they went on their way1 into their boat.
XV.
Now when they went from that island of the mill they
found a large island, and a great multitude of human beings
therein. Black were thèse, both in bodies and raiment. Fillets2
round their heads, and they rested not from wailing. An un-
lucky lot fell to one ofMael duin's two fosterbrothers? to land
on the island. When he went to the people who were wail-
ing he at once became a comrade^ of theirs and began to
weep along with them. Two were sent to bring him thence,
and they did not recognise him amongst the others,
(and) they themselves turnedî to lament. Then said Mael
duin : « Let four (of you) » saith he, « go with your weap-
ons, and bring ye the men perforce, and look not at the
land nor the air, and put your garments round your6 noses
and round your mouths, and breathe/ not the air of the land,
1 . So in the Imram hua Corra, Book of Fermoy, 1 7 5^, the miller, after
declaring that jewels and treasures and kine were cast into the mouth of
his mill, says : gach ni ara n-denta'r cesacht isin domun-se, iss e sin dobmm-si
a mbel in muil/««-si, (7) misi muilleoir If/rn, « every thing as to which
niggardliness is shewn in this world, that I put into the mouth of this mill ;
and I am the Miller of Hell. »
2 . cennaithi — cenn-snâithi « head-thread » , « fillet » .
3 . One of Mael duin's three fosterbrothers having been killed by the cat,
he had now only two.
4. comthach, LL. 2271 48. « comrade, companion, » P. O'C. YBL has
comdath « of the same colour ».
5 . feacadh a bending or bowing, stooping down, P. O'C.
6. immo-bar « round your ». Cf. immuan-eclis « round their church »
Book of Armagh, i8a 2.
7. Lit. suck.
486 Whitley Stokes.
Dognith samlaid anisin. Luid in cethrâr1, 7 dobertatàr léo in
diis n-aili arécin. A n-immdcomraicthe ced atconcatâr isin tir,
asbt'rtis : « Niro/z fetammàr dm, » ol seatsom, « acht a
n-atchondcamdr dorigensam » 2.
Tdncatdr iarom cohellam iarsin ond insi.
XVI.
Recait iarsin insin-aird n-aili i mba rubatdr cethri sonnaig>,
nod-randsat hi cethair. Sonnach di or chetumus, alale di
argut, in tress sonnach di humu 7 in cethrammad di glain.
Rig isin chethrammad 4 r[a]ind, rigna i n-alaili, oclâcha i
n-alaili, ingena isind aili. Tolluid ingen aracend 7 dosn-
deraidî hi tir, 7 dobtrt biad dôib. Fri cdise rosamlaisetar-som,
7 secip blas ba mellach la nech fogebed fair. Ocus ddlis dôib a
cilurn6 bic co comtalsatar mesci 5 tri laa 7 téora aidchi. Rom-
bôi ind ingen oca timthirecht in tucht-sa. A ndofochtraiset7
isin très [16] ba inna curuch for muir bdtdr. Ni cott-facatar
ndch dû a n-insi ndch a n-ingin.
Rdisit ass iarom.
1. YBL. inscris: 7 dogniait (dogniat, H.) an asbm (anwl aspert, H.)
Masl duin.
2. 7 dobcrait leo areicin a fer muntire 7 imcomarcais Mœl duin do :
« Cidh adeonaire isin indsi ?» « Ni fetar, » ol se, « acht a n-atowarc do-
romwsa to bes na tuaithe etir a mbit/w (?) »
5. sondaighe, YBL. sonnaiche, H.
4. cht'/raind, YBL. cedna raind, H.
5 . duss-uc, H. dos-ucc, YBL.
6. 7 dalais lind a (i. H.) lestar bic doib coro cotailset ar mesce, YBL.
7. Amal roduisigsed, YBL.
The Voyage of Mael Duin. 487
and take not your eyes off your own men ». The four went,
and brought back with them perforée the other two1. When
they were asked what they had seen in the land, they would
say : « Verilv, we know not, » say they; « but what we saw
(others doing) we did » .
Thereafter they came rapidly from the island.
. XVI.
Thereafter they corne to another lofty island, wherein were
four fences, which divided it into four parts. A fence of gold,
first : another of silver : the third fence of brass : and the fourth
of crystal. Kings in the fourth division, queens in another,
warriors in another, maidens in the other. A maiden went to
meet them, and brought 2 them on land, and gave them food.
They likened it to cheese; and whatever taste was pleasing
to anyone he would find it therein>. And she dealt (liquor)
to them out of a little vessel, so that they slept** an intoxica-
tion of three days and three nights. Ail this time 5 the maid-
en was tending them. When they awoke6 on the third day
they were in their boat at sea. Nowhere did they see their
island or their maiden.
Then they rowed away7.
1 . but not the fosterbrother.
2. The do-sn-de-raid of LU. is obscure to me. It seems the redupl. prêt,
sg. 3 of * do-de-rithim ?
3 . A common incident in Irish legend.
4. comtalsalar, deponential s-pret. pi. 3 of comtalaim : cf. tistai-si isin dûn
acht comtalat « ye shall corne into the fort provided thev are asleep s. LL
2)2a.
5. in-tucht-sa, tucht « time or season », P. O'C. tuchtimrulâith in I.îath
Mâcha 7 inDub Sainglend fôn charput, LU. io>b 16.
b. dofochtraiset, s-pret. pi. 3 (absolute form) of the verb of which diuch-
traà (awaking) is the infmitive.
7. This chapter also is incomplète. The mention of the quadripartite
division of the island must hâve been rnade for some purpose.
488 Whitley Stokes.
XVII.
Fogaibset insi n-aili iarsin ndr'bu môr, 7 dûn indi. Dorus
umaide fair 7 dgai umaidi and. Drochet glainidi ar in dorus.
Amal nothéigtis suas îor in drochet dofuittitis sis forcûlu. La
sodain atchiat banscdil asin dûn [immach] 7 cilor[n]d l inna
ldim. Tôcbaid dàr nglainidi a hicritur in drochit, 7 linais
cilornd asin tiprait bôi fôn drochat 2, 7 luid àfrisi isa ndûn.
Taét ferthigis 5 &T.4 Maél dûin », ol Germdne.
« Maél dûin on ém5, » ol sisi, la dûnad in dorais tara
héissi.
Be;/tais iarsudiu inna hdgu6 umaidi 7 al-lin n-umaide robôi
foraib, 7 in îogur iarwm dorigensat ba céol meldach n-dilgen
son". La sodain fochairt inna cotlud co matain arabdrach.
A ndofôchtraiset 8 cowacca[tar] in mbanscaîl9 cetna asin dûn
7 a cilornd inna l(âim), 7 linaid I0 fôn chlar chétna.
« hïge taét ferthaigis (arcenn) Mél dûin, » ol Germân.
« Amra brige [lium »] ol si, « Mdel dûin, » la dûnad ind lis
tarahessi.
Fosn-dlaig som (in ceol) cétna co arabdrach11.
1. cilarn, YBL. cilurnn, H.
2. clat\ YBL.
3 . ferdaigis, YBL.
4. arcend, YBL.
5. Ma;lduin aras, YBL.
6. 7 bertaidhis (bertaigis, H) iarsin na (ina, H.) gai.
7. ba céol tlaith teidbind (tetbinn, H.), YBL.
8. Amail tuiscised ar maitin, YBL.
9. an mnai. YBL.
10. 7 linais asan tiprâit cetna bui fon clar, YBL.
11. la dunad in dorais, 7 fogni [leg. dognil dorisi an ceol cetna, 7 foscerd
doridhisi ana cotlud co arabarach, YBL.
The Voyage of Mael Duin. 489
XVII.
Thereafter they fourni another island which was not
large. Therein was a fortress with a brazen door and brazen
fastenings1 thereon. A bridge of glass (rose) by the portai.
When they used to go up on the bridge they would fall down
backwards. With that they espy a woman coming out from
the fortress, with a pail in lier hand. Out of the lower part
of the bridge she lifts a slab of glass, and she filled the pail out
of the fountain which flowed beneath the bridge, and went
again into the fortress.
« A housekeeper2 cornes for Mael duin! » saith Germane.
« Mael duin indeed!>, » saith she, closing the door behind
her.
After this they were striking4 the brazen fastenings and the
brazen net > that was before them, and then the sound which
they made was a sweet and soothing music, which sent them
te sleep till the morrow morning.
When they awoke they saw the same woman (coming)
out of the fortress, with her pail in her hand, and she fills (it)
under the same slab.
« But a housekeeper cornes to meet Mael duin ! » saith Ger-
màn.
« Marvellously valuable do I deem Mael duin ! » saith she,
shutting the enclosure after her.
The same melody lays them low6 then till the morrow.
1 . âgai, pi. ace. âgu, infra, perhaps from *pâgu, cognate with rorydç
È--àyr,v, pa-n gît.
1. ferthigis oeconomus, Windisch's Wœrterb., 544.
3. The anue of YBL. — aviai, Ascoli, Gloss. pal. hib., p. xl.
4. ben-t-ais an accumulation of the forms proper to the t- and the s-pre-
terites.
5. a portcullis?
6. fo-sn-alaig, près, indic. act. sg. 3 of fo-algaim « sterno », « prostro.»;
cf. the prêt. sg. 3 jos—rolaich, Fiacc's hymn, 62.
Revue Celtique, IX. 32
490 Whitley Stokes.
Tri Ida 7 téora aidchi... dôib fond riaw sain1. ISin chetra-
mad lou (iarwm) dolluid in banscâl andoc//m. Alain (dem tu-
naic and.) [p. 25*] Brat gel impe, 7 buinne ôir immd moing.
Mong orda iuirn. Da maéldn argit imma cossa gelchorcrai.
Bretnas2 argit co wbrephnib 3 ôir ina brut, 7 léne srebnaide
sita fria gelchnes4.
« Mochen duit, a Mail àûin ! » ol si, 7 ainmnigestar cach
fer fo leith cona anmaim diles fein. « IS clan o ta hi fis 7 hi
forus îor tichtainî sund, » ol si.
Dobeir lei iarom hi tech môr bôi hi comîocus don muir, 7
tocaib a curach hi tir. Ccwaccatar iarom aracind isin tig dt;rgud
do Msél àûin a ôenur 7 dérgud cach triir dia muintir. Dobert
biad doib i n-ôen chiss6 cosmail do chdssi 7 nô thdth. Ataig
cuit cach trir. Cach blas adcobrad cach iss ed fogebed fair. No-
thimthirted8 dd.no do Miel àûin (or leth. Linais dano cilarnd
fon cldr ehetna, 7 ddlis doib sel cach thrir lee9. Atgeoin dano
intan ba leôr10 leo. Anais do dail dôib.
« Ben chomadas11 do Maèl àûin in ben-so ! » (or cach[fer] dia
muintir.
Luid-si iarom conz henchiss 7 cona cilurnd [uaidhib.]
Asb^rtatar12 a muintt'r fri Miel dûin : « Inn eberam fria dûs
in fièfed Lit1' ? »
1 . fonn innus sin, YBL.
2. Bretnais, YBL.
3. cona breifnib, YBL.
4. gelcorp, YBL.
5 . bar tiachtain, YBL.
6. latin cista, a chest, interlined: .i. in-oen lesU/r.
7. chasiu, YBL.
8. Doimtirthedh. YBL.
9. lé fo sech, YBL.
10. tan bad lôr, E.
11. comadhais, YBL. comaduis, E.
12. Asperat, E.
13. in ebcrtais frie in faifai laiss, E.
The Voyage of Mael Duin. 491
Three days and three nights were they in that wise1. On
the fourth day thereafter the woman went to them. Beautiful,
verily, came she there. She wore a white mande, with a circ-
let2 of gold round lier hair. Golden hair she had. Two
sandals? of silver on lier rosy4 feet. A brooch of silver with
studsS of gold in her mantle, and a filmy6, silken smock next
her white skin.
« My welcome to thee, O Mael duin ! » saith she ; and she
named each man (of the crew) apart, by his own name. « It
is long since your coming hère hath been known and under-
stood ».
Then she takes (them) with her into a great house that
stood nearthesea, andhaulsup theirboat on shore. Then they
saw before them in the house a couch for Maelduin alone, and a
couch for every three of his people. She brought them in one
pannier food like unto cheese or tâth7. She gave a shareto every
three. Every savour that each desired this he would find
therein. There she tended Maelduin apart. And she fllled her
pail under the saine slab, and dealt liquor to them. A turn for
every three she had. Then she knew when they had enough.
She rested from dealing to them.
« A fitting wife for Mael duin were this woman, » saith
every man of his people.
Then she went away from them, with her one vessel and
with her pail.
Said his people to Mael duin : « Shall we say to her, would
she, perchance, sleep8 with thee? »
1 . rîan, P. O'C's rian and raon a road, way or passage.
2. buinne, P. O'C's haine a hoop : also the hem of cloth.
3. maelân, ace. pi. maelanu, LU. 3b 45, where it corresponds with the
in medio ficonis sui of Nennius.
4. Lit. « white-purple ».
5. brephnib seems pi. dat. of bref ne .i. poil no ionga <■ holeor nail »,
P. O'C.
6 . Lit. t membranaceous », a derivative of sreabhan a caul or membrane,
P. O'C.
7. tdth À. mulcbàn, cheese unpressed made of sour milk curds, P. O'C.
8. fcfed, 2dy b- fut. sg 3 of the verb ofwhich the b- fut. sg. 1 isfifat-
sa, LU. 78a, sg. j/^/einfra: perf. sg. î,fiu, pi. }feotar.
492 Whitley Stokes.
« Cid gâtas uaib, » ol seseom, « ci atbcraid fria I ? »
Tic-si arabarach2. Asbtvtatar fria: « In dingne-siu caratrad
fri Maèl àiiin, 7 in faéfe lais, 7 cid na hanai hifos innocht ? »>
Asbért-si na hathgéoin 7 na fit/r cv 4 rét peccad. Luid iarom
uadib dia tig, 7 tic arabarach in trath cetna cona. thimthirecht
dôib. Oc us o roptar mescai s 7 roptar sâthig râdit na briat[h]ra
cetna f/ïasi6.
« Imbarach thra, » ol si, « dobe'rthar athesc diiib dind-isin. »
Luid iarom dia tig 7 fo/ztuilet som fora nd^rgodaib. Amal ro-
diiiscset som ba ina curach bâtar îor carraic, 7 ni accatar in
n-inis no in dûn no in ben no in magen i mbatar riam7.
XVIII.
Amal dolotar on magin sin co cualatar anairturid gdir môir
7 lex amal bid oc cetol salm8 nobethe and. Ind adaig sin 7
al-la arabarach co nonai dôib oc imram co festais cia gair no
cia lex rochûalatar. A[t]chiat 9 insi n-cdird sliabdai ldn d'énaib
dubaib 7 odraib 7 alathaib oc nuall 7 oc labra môr io.
1 . YBL. adds: ni demaidh forro. E has : Cia dghat«5 di'p a râdo, or se.
2. YBL. adds: in trath cetno do timtireacht doib amal dognidh reine.
E. adds only: do thimthirecht doib.
3 . Aspirât fria : in fayï ra Moclduin no an anfaz' hifus inocbt, E.
4. cia, YBL., E.
5. mescdo, E.
6. rorâidsit in cetno friasi, E.
7. « Immaroch foghebtai aithescc, » or sî, oc imtecht uaidib, 7 tulsit
som iarum, conaà ed rodus-duscet ina curuch, 7 ni fetatar cia letli hi raba
in dûn nac/; in insi, E.
8. spalm, E.
9. Co«facotar. E.
10. oc nuâl 7 erlapra gomôr, E.
The Voyage of Mael Duin. 495
« How would it hurt you, » saith he, « to speak to her1? »
She cornes on the morrow. They said to her: « Wilt
thou shew affection to Mael duin, and sleep with him? and
why not stay hère tonight? » She said she knew not, and
had never known, what sin was. Then she went from them
to her house ; and on the morrow, at the same hour, she
cornes with her tendance to them. And when they were
drunken and sated, they say the same words to her.
« Tomorrow, » saith. she, « an answer concerning that will
be given to you ». Then she went to her house, and they
sleep on their couches. When theyawoke2, they were in their
boat on a crag; and they saw not the island, nor the fortress,
nor the lady, nor the place wherein they had been.
XVIII.
As they went from that place they heard in the north-east
a great cry and chant 3 as it were a singing of psalms. That
night and the next day till none they were rowing that they
might know what cry or what chant they heard. They behold
a high, mountainous island, full of birds, black and dun and
speckled, shouting and speaking loudly.
1. lit. « what (is it) that takcs from you », saith he, « though ye speak
to her? »
2. ro-dûscset, s-pret. pi. 3 of dmscim (de-fo-oscim ?) Windisch's Wœr-
terbuch 485.
3. lex pi. ace. îexu, lexa, lechsa, Fél. Nov. 14. Compare Xâay.w?
494 Whitley Stokes.
XIX.
IMraiset * biûcan ond insi sin co fuaratar insi n-aile nar'bu
môr. Craind imdai inti, 7 eôin imdai foraib. Ocus couac(ca)-
tar 2 iarsin fer 3 isind indsi, 7 a folt ba hetacrH dô. (Ro)iar-
faigset5 dô iarom cuich lie 7 çaw a cene'l. « Do (fe)raib Her-
end damsa, » ol se. « Dodeochad im ailithri (i cu)rruch biuc,
7 dlugis mo churach fôm amal (do)dechad biucan 6 thir6.
Dolud-sa do thir arise", » (ol s)e, « ocus dobiur8 fôt dom
thir fom chossaib, ocus frissocb/^9 (fair) îor muir. Rofothaig-
estar10 in Comdiu damsa isin ma-[p. 25b]-gin-se11 in fot-
sain, » ol se, « ocus ùobeir I2 Dia traig cacha hYizdne îor a leth-
et o sin co se, 7 crand cacha bliadna do as r3 and. Ind éoin
atchithi-si r4 do.no isna crannaib, », ol se, « anmand1^ mo
clainne-sea 7 mo cheinôil, et/r mna 7 firu : até sût oc ernaide
lai bratha. Leth-bairgen 7 ordu eisc 7 lind in topair l6 dorât
Dia dam. Dom-flc J7 sin cach dia, » ol se, « tria thimthirecht
aingel. Trath nona da;/o dosn-ic-seom aile lethbairgen 7 ordo
eisc cech oen fir dib sût 7 cach ôen mndl8. Lind in topair
amal as lôr la cach ».
O roptar ldnaa teora aidchi ôigidechta, celebraiset, 7 asb^rt-
som friu : « Rosesaid-si uli, » ol se, « do îor tir acht ôenfer »I9.
1 . Dolotar, E. 3 . œnfer, YBL.
2. Atchiat. E. 4. a folt is lie ba hetach, E.
5 . imcomaircset, YBL. Imcomuirscet, E.
6. 7 dluighis in curach ama/ tiaghed o thir, E.
7. aridhisi, YBL. 7 immpamsi doridisiu, E
8. toibghiu, YBL. tobgiu, E. 12. tôrannuid, E.
9. romtogaib, E. 13. dofhâs, YBL, and E.
10. Romfothuig, E. 14. adcidsi, YBL.
11. isin aitsi, YBL. 15. anmanda, YBL. anmundo, E.
16. E inserts is éd.
17. domairiuc, YBL. dom airchisecht, E.
18. Donicchuci da.no al-lâsin a lethbar^f» uodein 7 lethuhargnz gach fir
do fhiallach Mocî dnin, E.
19. O robtar lâna teôra la âeguidcchto doaib celeprait don ôg\a:cb, 7 ro-
tamgair doib rosechtis slân uile acht oinfher. E.
The Voyage of Mael Duin. 495
XIX.
They rowed a little from that island, and found another
island which was not large. Thereinwere many trees, and on
them many birds. And after that they saw in the island a
man whose clothing was his hair. So they asked him who he
was, and whence his kindred. « Of the men of Ireland am I, »
saith he. « I went on my pilgrimage in a small boat, and
when I had gone a little from land my boat split under me. I
went again to land, » saith he, « and I put under my feet a
sod from my country, and on it I gatme up1 to sea. And the
Lord stablished that sod for me in this place, » saith he,
« and God addeth a foot to its breadth every year from that
to this, and a tree every year to grow therein. The birds
which thou beholdest in the trees, » saith he, « are the soûls
of my children and my kindred, both women and men, who
are yonder awaiting Doomsday. Half a cake, and a slice of
fish, and the liquor of the well God hath given me. That
cometh to me daily, » saith he, « bythe ministry of angels2.
At the hour of none, nioreover, another half-cake and slice
of fish corne to every man yonder and to every woman, and
the liquor of the well, as is enough for every one ».
When their three nights of guesting > were complète, they
bade (the pilgrim) farewell, and he said to them : « Ye shall
ail, » saith he, « reach4 your country save one man ».
(La suite au prochain numéro.) Whitley Stokes.
1 . frissoebus, s-pret. sg. 3 oîfrisôcbaim « ich erhebe mich nach etwas
hin » (Windisch).
2. Die Speisung Frommer durch Engelbrot gehœrt zu den Lieblinge-
motiven der Légende, Schrœder, Sanct Braudan, 42, citing Liber de infantia
Mariae, éd. Schade. [On peut remonter plus haut. Ce prodige est emprunté
à Y Ancien Testament, Rois, III, 19, v. 5-6; et à la vie de saint Paul,
ermite. Note de la rédation.]
3. Note hère (1) the similarity of the Old-Irish to the Teutonic and
gaulish practice of counting time'by nights instead of by days, and (2) the
identity ot the fixed period of guesting with that which seems to hâve
prevailed in Melita (Acts, XXVIII, 7).
4. ro-sesaid, redupl. s-fut. pi. 2 oi*segaim : segait gl. adeunt, Ml. 66b 5.
CHRONIQUE
SOMMAIRE : I. Rectifications. — II. La vie de saint Guénolé par Gurdestin dans les Analecta
Bollandiana. — III. La littérature épique irlandaise dans le Celtic Magasine. — IV. Le ms. ir-
landais de Milan et le glossaire vieil irlandais de M. Ascoli dans YArchivio gloilologico. — V. Deux
contes bretons publiés par M. Luzel. — VI. Les thèmes en s dans les langues celtiques, par
M. Whitley Stokes. — VIL Etude du même savant sur le glossaire comique du Musée Britan-
nique. — VIII. The Journal of the royal histor'ual au.I archeohgical Association of Ireland. —
IX. La statue de Brizeux à Lorient.
I.
J'ai fait dans ma dernière chronique deux grosses erreurs : l'une, faute de
mémoire, l'autre, par simple distraction.
La première est à la page 421, où j'attribue à M. E. Windisch une dé-
couverte renouvelée par M. Zimmer en 1888, celle de l'identité du mot
irlandais Rosualt avec l'allemand Wallross. M. Windisch a publié en 1880 le
tome premier de ses Irische Texte, où, p. 748, il propose brièvement cette
identification. Mais ce sujet avait déjà été traité ex professa en 1872 par
M. Whitley Stokes dans la Revue Celtique, t. I, p. 258, seize ans avant que
M. Zimmer, reprenant le même sujet, ne fit la même trouvaille sans se
douter que sur cette route érudite il avait été précédé par deux autres voya-
geurs, et en donnant ainsi à son insu une éclatante confirmation à leurs
observations concordantes.
Mon autre erreur a consisté à parler de l'usage gaulois de l'incinération
(p. 419, troisième ligne à partir du bas) ; je voulais dire inhumation comme
le sens l'exige et comme le veut la vérité historique.
II.
Les savants directeurs des Analecta Bollandiana viennent de donner place
dans leur recueil à la vie, par Gurdestin, du saint breton Guénolé, abbé de
Landévenec. Ils la publient d'après le ms. de la Bibliothèque Nationale de
Paris, Lat. 5610 A, qui date de la fin du Xe siècle ou du commencement
du xic. L'édition commence dans le tome VII, fasc. II, p. 167. La préface
porte la signature du P. Ch. de Smedt. Nous sommes sans nouvelles de
l'édition du même texte que M. de La Borderie va donner d'après le ms.
de Quimper.
Chronique. 497
III.
Dans le numéro de juin du Celtic Magasine, p. 351 et suivantes, M. Al.
Macbain a continué la publication de la version populaire du Tâin bo Chûal-
gne conservée par les Gaels d'Ecosse. Le même auteur a donné dans le nu-
méro de juillet de la même revue une étude sur le héros Cûchulainn dans
la littérature épique irlandaise. Le même numéro contient, p. 412-415, une
étude sur le passif en r d'après M. Zimmer par M. Thos. Cockburn.
IV.
M. Ascoli vient de faire paraître une livraison nouvelle des "vol. V et VI
de son Archivio gloUologico, qui contiendront l'un le texte et la glose du ms.
irlandais de l'Ambrosienne, l'autre le dictionnaire du vieil irlandais composé
par le savant professeur de Milan. Ces deux publications sont également
dignes de la légitime réputation de l'érudit auteur. Nous n'avons à faire que
d'insignifiantes critiques :
T. V, p. 529, fJ 127 cl 1. cethalitride (tetragrammaton) nous semble une
faute d'impression pour cetharlitride.
Dans le glossaire, t. VI, p. L, la traduction de cornai thech par « qui una vel
contigue agros cohducit » ne nous paraît pas exacte. La législation ancienne
de l'Irlande nous fait remonter à un état social où la propriété était collective,
où la féodalité terrienne était inconnue, où il n'y avait pas de laudlords; et,
dans les Ancient laïcs oj Ireîand, les traductions qui contredisent cette doc-
trine sont des contre-sens ; telle est la traduction par land « terre » du mot
deis, gén. desa (t. I, p. 250, 1. 7; t. III. p. 20, 1. 7) qui est un terme col-
lectif signifiant « vassaux » (t. IV, p. 320).
Au sujet des termes de droit que son glossaire contient, M. Ascoli renvoie
ordinairement au glossaire d'O'Donovan. Ce travail d'O'Donovan a rendu
et rendra encore de grands services, mais il est aujourd'hui très arriéré. Il
nous offre par ordre alphabétique le recueil des notes lexicographiques re-
cueillies par le savant irlandais en rédigeant sa traduction des lois des Bre-
hons, et les renvois se rapportent aux pages des copies alors inédites qu'O'Do-
novan et O'Curry avaient faites de ces lois. Aujourd'hui ces lois 'sont en
grande partie publiées, et l'indication des volumes et des pages des Ancient
laws of Ireland où se trouvent les mots cités par M. Ascoli serait bien plus
utile que la mention du glossaire d'O'Donovan qui cite d'inabordables
copies.
Ainsi sur le mot aitheacb, p. xlix-l, M. Ascoli renvoie au glossaire
d'O'Donovan. Or, celui-ci nous apprend que la formule Aithech ar aitrebha
se trouve dans la copie des lois des Brehons par O'Curry. p. 492; que la
formule cenn aithig for rig se rencontre dans la copie d'O'Donovan, p. 553,
qui dans cet endroit transcrivait une page inconnue du ms. H. 5. 17 du
collège de la Trinité de Dublin. On peut aujourd'hui consulter les deux
498 Chronique.
passages en question dans Ancient laws, t. IV, p. 306, 1. 24, et t. III,
p. 106, 1. 4-5. Ainsi, au lieu de nous parler d'O'Donovan et de son glos-
saire, M. Ascoli aurait mieux fait de nous renvoyer a Ancient laws, III,
106, 1. 4-5; IV, 306, 1. 24.
De même, au sujet de la relation de droit appelée comaithchêas, p. l, la
ligne et demie qui parle du glossaire d'O'Donovan aurait été beaucoup plus
avantageusement employée à nous renvoyer au traité consacré spécialement
à ce phénomène juridique; ce traité est intitulé Breatha comaithcesa, et se
trouve dans les Ancient laïcs, t. IV, p. 68-159,
A propos dHngen « ongle 1, p. lxxxvii-lxxxviii, au lieu de cf. ingen
for meraià apud O'Donovan, il aurait fallu, je crois, dire: ingen ar meraib,
Ancient Laws, IV, 282, 1. 20; 286, 1. 1 ; 290, 1. 9.
M. Ascoli paraît avoir reconnu dans une certaine mesure l'avantage qu'il
y avait à se reporter aux Ancient laws; il les cite quelquefois, notamment
au mot eric, p. lviii, où il renvoie au t. II, p. 142 de ce recueil; mais cette
page n'est ni la première ni la plus importante, soit au point de vue de la
définition du terme, soit à celui de la déclinaison. Il aurait été plus inté-
ressant de citer les petits traités de Y eric qui se trouvent au t. III, p. 536-
539, et au t. IV, p. 240-261, des Ancient laws of, Jrcland.
Mais ces critiques n'ont qu'une très minime importance. M. Ascoli fait
une foule d'observations grammaticales intéressantes. C'est ainsi qu'il ex-
plique, p. lxxxiii, la préposition is « au-dessous de >> par un primitif ens=.
Iv;, eîç ; le verbe do-fu-isliiu, p. lxxxiv, par io-fo-isl (dont le dernier terme
serait identique à l'adjectif isel « bas ») au lieu de to-jo-ess-sal {Revue Cel-
tique, VI, 148); c'est ainsi que (p. xc) il rejette l'explication proposée
pour indossa « maintenant » par M. Zimmer, Keltische Studieu,!, p. 75; etc.
M. Luzel vient de publier la traduction de deux contes bretons inédits :
i° dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère: « L'oiseau à l'œuf
d'or h ; 20 dans la Revue des Traditions populaires, n° de septembre dernier :
« Jannic aux deux sous ».
VI.
M. Whitley Stokes a inséré dans les Transactions de la Phîlologicàl Society
un nouveau mémoire sur les thèmes en 5 dans les langues celtiques. Dans
notre tome VIII, p. 534, il est déjà question des précédentes études du
même savant sur ce sujet. Les thèmes vieil irlandais en s qui n'ont pas
été signalés par Ebel dans la Grammatica celtica ni par M Thurneysen dans
le tome XXVIII, p. 133, de la Revue de Kuhn (cf. Revue Celtique, t. VII,
p. 123) seraient au nombre de douze : 1 . ag « bête à corne; 2. ail « rocher»;
3. au « oreille »; 4. delg'u épine » » fibule » ; 5. dess « dieu » ; 6. gleun
« vallée » ; 7. grâad « joue »; 8. ond « pierre » ; 9. og 1 œuf »; 10. s.il
« mer a ; 11. ten « leu » ; 12. téib « côté ».
Chronique. 499
VII.
VAcademy du 25 août dernier, p. 120, contient une notice de M. Whitley
Stokes sur le glossaire comique conservé par le ms. Cotton. Vesp. A. 14
du Musée Britannique. Le savant linguiste pense que l'auteur de ce glossaire
avait pris pour base de son travail un vocabulaire anglo-saxon dont une le-
çon se trouve au Musée Britannique dans le ms. Cotton. Julius A 11. M.
Whitley Stokes donne de sa thèse plusieurs preuves concluantes : telle est
la traduction du latin classis « flotte » par le comique liai listri, littéralement
« troupe de vaisseaux » ; elle rend fort mal classis, mais elle est calquée sur
l'anglo-saxon skip-bere a armée de vaisseau » qui traduit classis dans le ms.
Julius A 11. L'auteur du glossaire comique a pris dans le vocabulaire anglo-
saxon les fautes theolenarius pour telonearius, enula pour paenula, etc.
Il y a dans le texte latin du glossaire comique, Gramm. CelL, p. 1065-
1081, plusieurs fautes qui se corrigent à l'aide du vocabulaire anglo-saxon :
P. 1068, 1. 1, victricus « altrou », lisez vitricus.
P. 1069, 1. 2, emptius « caid primid », lisez empticius.
P. 1069, 1. 9, ofinitina t gofail », lisez officina.
P. 1070, 1. 1, namus « cor », lisez nanus.
P. 1070, 1. 5, linthuus •• toll corn », lisez lituus.
P. 1074, 1. 7, noctualis stix a hule », lisez Noctua vel Strix.
P. 1076, 1. 12, vigila j melhyonen », //Vq; viola.
P. 1077, 1. 1, fraxus « onnen », lisez fraxinus.
P. 1079, 1- S, globus « pellen », lisez glomus.
M. Whitley Stokes termine par quelques observations sur quelques mots
d'emprunt dans les langues celtiques. Sont empruntés à l'anglo-saxon les
mots comiques vilecur (parasitus), stut (culex), saut (dapes). Il y a aussi
des mots irlandais empruntés à l'anglo-saxon, tel est gual, qui vient de
l'anglo-saxon gèol, en anglais yule, noel.
VIII.
Dans le n° de juillet du journal de la Société historique et archéologique
d'Irlande, le colonel Wood-Martin a continué son intéressante étude sur les
monuments de pierre brute en Irlande. Nous signalerons dans le même nu-
méro un article du colonel Philippe D. Vigors sur la fronde et sur les pier-
res de fronde.
IX.
L'érection de la statue du poète Brizeux à Lorient ne peut être passée
sous silence par la Revue Celtique. Brizeux a écrit en breton quelques vers.
La cérémonie a inspiré à M. Quellien une jolie pièce de vers bretons.
Jubainville (Vosges), le 16 octobre 18SS.
H d'Arbois de Jubainville.
NÉCROLOGIE
Depuis l'achèvement de la dernière livraison, la rédaction de la Revue
Celtique a perdu son éditeur que, depuis quelque temps, une maladie dou-
loureuse et l'âge avaient contraint à se retirer presque entièrement des af-
faires. Hanovrien de naissance et naturalisé français, M. F. Vieweg appar-
tenait à la petite mais honorable phalange des libraires qui, dédaignant les
succès faciles, consacrent leurs efforts à la publication des livres d'érudition.
Chez lui ont paru les premiers écrits de "plus d'un jeune inconnu qui est
devenu plus tard un savant illustre. C'est chez lui qu'ont pris naissance la
Romania qui lui est restée fidèle, la Revue critique qui depuis a changé de
main et qui, toutes deux, ont exercé sur l'érudition française une influence
aussi grande qu'utile. Si M. Gàidoz a pu fonder la Revue Celtique, c'est g'"àce
au hardi concours de M. F. Vieweg. M. F. Vieweg était un des libraires
français les plus instruits, et la rédaction de la Revue Celtique ne perdra ja-
mais le souvenir de sa physionomie distinguée, intelligente et douce où
dans les dernières années les souffrances et la maladie avaient marqué leur
empreinte sans pouvoir en altérer la sérénité.
TABLE
PRINCIPAUX MOTS CELTIQUES ÉTUDIÉS DANS LE VOLUME IX
DE LA REVUE CELTIQUE'.
I. Gaulois ou ancien celtique.
(Voir p. 28-35.)
-acus, 358, 359, 409, 418.
-adicus, 267.
Adsmerius, 288.
Agedillus, 80, 81.
Agedincum, 80.
Agedomapatis, 83.
Alisanus, 288.
ambactus client, 281.
ambi- autour de, 281 .
Anauni, 409.
Anaus, 409.
Anava, 409.
arcantodan, 27.
Aremorica, 373.
Atectorigiana (ala), 78, 293.
Atectorix, 78.
Atepomarus, 288.
-aticcus, 268.
Avennacum, 145, 146.
•avo-s, 359, 409.
AVVOT, AVOT, 293.
Banvius, 288.
Belatucadros, 146.
Belenus, 146, 417.
Belisama, 146.
Bho;, 417.
PpaTooSs, 295.
-briga, -bria, -bra, -brum, 41!
1. Cette table a été faite par M. Emile Ernault.
502 Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX.
Camulinius, 268.
Camullius, 268.
Camulogenus, 293.
Camulognata, 288.
Camulus, 146, 268.
Kanetonnessis, 288.
•/.cXxd;, 417.
Cernunnos, 146.
Cobnertus, 86, 87.
Cogidubnus, 85.
Combaromarus, 288.
Comnertus, 86, 87.
Conconnetodubnus, -dumnus, 82, 84,
85,87.
Conertus, 87.
xo'pfia, xoupfu, bière, 375.
Covinertus, 87.
Covnertus, 87.
cucullus coule, 409, 410.
Asû'.o;, 417.
Dexsiva, 288.
-dunum, 418.
-dura, -durum, 418.
Epaticcus, 268, 288.
Epotsorovidi (gén.), 77.
Esumagius celui qui est puissant
comme Esus, 268.
Esunertus celui quia la forced'Esus,
268.
Esus, 146, 268.
Esuvius, 268.
raXatT7);, 4 17.
Gedemonis (gén.), 77.
Germanissa, 288.
Guariacus, 320, 321 .
-iacus, 418.
•illus, 80.
Jovincillus, 7 1 .
Adaio'.r/., 417.
Luguidicus, 267.
Luguselva propriété de Lugus, celle
qui appartient à Lugus, 267, 268.
madriacensis, 44, 48.
-magus, -mum, 418.
Malliacus, 36, 37.
Manciacus, 37, 38.
Marcelliacenses, 38, 39.
Marciacus, 39-43.
Marciagus, 39-43, 409.
Marciliacus, Marcilliacus, 38, 39.
Mariacus, 43, 44.
Mariniacus, 44-46.
Martiacus, 39-43.
Martiniacus, 46, 47.
Mauriacus, 48, 49, 55.
Melliacus, 49, 50.
Miliacus, 49, 50.
Montaniacus, 50-52.
Montiniacus, 50-52.
Moriacum, 48, 49.
Mulciacum, 53, 54.
Musciacus, 52-54.
vs;j.£tov sanctuaire, 74.
Nobiliacus, 56-58.
Noniacus, 54.
Novaliacus, 58.
Noviacus, 54, 55.
Noviliacus, 56-58.
Novilliacus, 56-58.
Otuaneuni (gén.), 77.
Ouniorix, 288.
IIsvvoo'jivoo;, 33, 148.
Piciacus, 58.
Pisciacus, 58, 59.
Pociacus, 59.
Podentiacus, 61 , 62.
Pompciacum, 59, 60.
Ponciacus, 60, 61 .
Pontiliacus, 208.
Postumiacus, 62, 63.
Primiacus, 208, 209.
Prisciacus, 209, 2 10.
Prixiniacus, 211, 212.
Romaniacus, 212, 213.
Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX. 503
Romiliacus, 213, 214.
Rominiacus, 212, 213.
Romogillius^ 288.
Rufiacus, 2 14-2 16.
Rulliacus, 216, 217.
Sabiacus, Saviacus, 217, 218.
Sacciacus, 218, 219.
Sacco, 288.
Salviacus, 2 19, 220.
Salviniacus, 220, 221 .
Sansiacus, 221.
sebo suif, 147.
Secundiaca, 222.
Securiacus, 222, 223.
Segomo, 288.
-selva propriété, possession, 267.
Selvaniacus, Silvaniago, 223.
Sentiacus, 302, 303 .
Sessiacus, 306, 307.
Severiacus, 303-306.
sexciacensis, 306, 307.
Siliacus, 307-309.
Silviacus, 309-3 10.
Silviniacus, 301 , 302.
Simplicciacus, Simpliciaco, 3 10, 3 1 1
Sociacus, 311.
Soliacus, 312, 313.
Sollemniacus, 311, 312.
Superiacus, 305, 306.
Tauriacus, 313 — 315.
Tauricciacus, 315.
Tauriniacus, 315, 316.
Totatigens, fils de Teutates, 268.
trigaranus, 74.
Turiliacus, 316, 317.
OûXioxaroivou (-oasojç), 299.
Urupatis, 83.
Veliocasses, 299.
vercobretos sorte de magistrat, 27.
Victoriacus, 3 17-3 19.
Vinciacus, 319.
vindiacensis, 320.
Vindiciacus, 3 19, 320.
Vindius, 320.
Vindoinissa, 288.
vindos blanc, beau, heureux, 320.
Wariacus, 320, 32 1 .
XexoasToÇj 417.
II. Irlandais.
abairt coutume, 471 .
abbdaine rang de l'abbé, suprématie,
132.
abstanait abstinence, 132.
acarb très aigu, 132, 133.
accur bonheur, 108.
ad-, 1 32.
adanaim j'allume, 414.
adann torche, 414.
as abund, hépatique, 231.
sbgaire berger, 482, 483.
aeibheall flammula, 233.
âg bataille, 453 .
ag bête à corne, 498.
âgai chaînes, 489.
ai de lui, 363, 364.
aibsint absinthe, 243.
aile défense, clôture, 1 $.
ailithir-genti étrangers, 106.
ainches gl. fiscina, 107.
âin-didin vendredi, 269.
ainsi-unn il nous protégera, 123.
-air suffixe de 3e pers. sing. de l'indic.
. prés, passif, 400.
airde signe, 1 27.
airec désir, inclination, 105.
airer territoire, district, 103.
airgairim je défends, j'empêche, 475.
airgedlam orpiment? 225.
airget beo vif-argent, 225, 242.
504 Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX.
airt place, 107.
aitheach vassal, 497.
aithis reproche, 368.
aithne dépôt; mandat; commande-
ment, 133.
ail rocher, 498.
almont amande, 238.
an signe de participe présent, 479.
anac j'allai, 1 37.
anacar, affliction, 108.
angar près de, 414.
ansa difficile, 1 37.
aoine vendredi, 269.
-ar suffixe de passif, ind. prés. 3e
pers. sing., 400.
ar-chrinim je manque, je finis, 477.
athabha ellébore, 231.
atramaili alun, 243.
au oreille, 498.
aue, auae, petit-fils, 403.
ba bon 457.
bainne lait, 226.
banbh cochon, 288.
bara colère, 102.
barend rocher, 102.
benn corne, 372.
bentais ils frappaient, 489.
biatas m. bétoine, 227.
bilur cresson, 236, 238.
bindmer ciguë, 242.
bithnuad, fuga daemonum, 234.
bitoine bétoine, 228.
biur je porte, 147.
-bocan, 232.
brafal tromperie, 100.
braflacc piège, 100, 101 .
braga prisonnier, 1 y
bran du son, 229.
brefne clou, 491 .
brûichnech querelleur? 483.
bruighim je brûle, 477.
buafallan armoise 22$, 243.
buinne anneau, 491.
bunsach verge, baguette, 481.
caein cir coilled, crista galli, 234,
424.
caerthann curruigh, valériane, 234.
cailement, calamintha, 228.
caimmse chemise, 282.
cala port, 473.
canim je chante, 1 37.
carabûaidh carvi, 230.
caris il aima, 1 23.
carsi tu aimas, 123.
cartlann balsamita, 228.
carus j'aimai, 123.
cearracân carotte, 232.
cennaithi bandeau, 485.
cennlde coiffure, couronne, 422, 423.
cerrbocan g!, eruca, 232.
cet-ain mercredi, 269.
cind au bout de, 4^5.
claideb épée 74, 127, 146.
claman in lin gl. cuscuta, 241.
clobus girofle, 235.
cnocc hauteur, colline, 374.
cnu frangcach noix, 2 38.
cnu gaeidhiluch noisette, 226.
cogal, agrostemma githago, 235.
coicidhach quintefeuille, 22y.
coinneall Muire, blionia molena, 227.
coirce avoine, 226.
coirci lachan, gentiane, 235.
coirm, cuirm, bière, 375.
coll perte, 127.
colmmene nœud, 375.
columbin colombine, 239.
comaithcheas vassalité, 498.
comaithech vassal, 497.
comgaire voisinage, 1 $.
comman ocus cretair, chose très sa-
crée et précieuse, 20.
cornus pouvoir, 133.
confodli(d) vous communiez, 107.
Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX. 505
copog lappa, 237.
copurrus couperose, 231.
cor état, condition, 455.
corr-chopôg plantain, 236.
cotofutaircsi il vous baigne, 367.
cretra (comnai ocus — ), voy. com-
man, 20.
crobung grappe, 471.
cruach Phadraic, plantago 'atifolia,
226.
cûd giron, 455.
cuil mouches, 229.
cuilefaid, culebad, gl. flabellum, 15.
cuimin cumin, 242.
cuimrech lien 36$, 366.
cuit part, un peu, quelque, 105.
cularân noix de terre, 228.
dailem échanson, coupe, 469.
dair chêne, 240.
dairgin germandrée, 229.
dàm, daim barde, poète, savant, 276.
dardôen, dardain jeudi, 269.
delg épine, 498.
demum grand dommage, 367, 369.
dess dieu, 498.
dia bliadna, dans un an à pareil jour,
15, 422.
dia mis dans un mois à pareil jour.
103, 422.
dia oine didine, vendredi, 269.
diardaoin jeudi, 269.
digas haut, élevé, 477.
dili déluge, 414.
dfltud scandale, 367.
diluigim je pardonne, 1 34.
dirgiud crette, l'action de se tenir la
tête en bas et les pieds en haut,
471.
diurad reste? 479.
dfuscim s'éveiller, 493.
do, du particule verbale, 250, 357,
358.
Revue Celtique, IX.
dofoichlenn il cherchait, 465.
dofuislim tomber, 498.
do-ménar je pensai, 399.
dorât il donna, 420.
doud, doghadh, brûler, 483.
dreagaid ils luttent, 233.
druimlorg quille d'un vaisseau, 473.
du, do particule verbale, 250, 357,
358.
dub noir, 361 .
dubcosach, capillus Veneris, 239,
242.
duille feithi chèvre-feuille, 230.
dulbair ceux qui parlent lentement,
107.
eachsemar maculatum trifolium? 237.
echtress combat de chevaux, 473.
ecrim pimpinella, 239.
eidhenn lierre, 23 1 .
eillinn, elena campana, 231.
eisles négligence, 1 $.
elestront iris? 230.
eletreog atriplex, 225.
elitront, diptannus, pulegium Martis,
231.
ellend enula, 242.
émir sleibi calmentum, 244.
Eochaid, 268.
eorfia orge, 239.
eric réparation de crime, 498.
esbeorna esula, 232.
faefed il dormirait, 491.
fant creux, 1 5.
feacadh se baisser, 485.
feirdris rubus, 243.
fenel fenouil, 233.
ferthigis œconomus, 489.
fid bois, 102.
fidchuach un autour, 102.
figeda figues, 234, 424.
fine parenté, 141 , 142.
finegra vinaigre, 242.
33
506 Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX.
flidh, hippia, 23 $.
fo sous, 475.
fo-algaim je jette par terre, 489.
fochlug, bibolca, 228.
fôit mission, 106.
fol ruine, 459.
for, or, dit-il, 103.
forbas siège, 1 $.
fordat, ordat, disent-ils,
forggaine supérieur? 4$$.
forscamon terrasses, 465.
fothannân chardon, 227.
frisôcbaim je m'élève vers, 495.
frisor^r)the vous offenseriez, 367.
frithbuailtech (force) répercussive,
240.
fuimiterra fumeterre, 234.
fuinnseog frêne, 233.
gabhann jusquiame, 229.
gailingan galanga, 234.
gairgin renoncule, 230, 242.
gairm appeler, 375.
gallfothannan branche-ursine, 227.
gegar pied-de-veau, 242.
geilfine « parenté de la main », 141.
gerân plainte, gémissement, 473.
gessa il fut prié, 101 .
gessi adorandus, 101 .
gilcach genêt, 235. •
glasair coilled barba silvana, 227.
glenn vallée, 498.
gloriam iris, 236.
gô mensonge, 374.
goibél, pi. gobuil bras de mer, 100.
gorm brun, 374.
gronnlus séneçon, 228.
grûad joue, 498.
gûal, en anglais yule (noel), 499.
gum gomme, 235.
gurmaille grémil, 231.
Holcundus, optimo jure vir? 298.
iarfir vraiment, 368.
iarluib, (dat.) pattes de derrière ?
queues? 475.
(arn fer 232.
iat, ils, eux, 361.
imb, imm beurre, 228.
infectain (il est) douteux, 455.
inge mais, 457.
ingen ongle, 498.
innocht cette nuit, 1 37.
is dessous, iset bas, 498.
isoip hysope, 235.
iubhar beinne genièvre, 234.
iubhar craigi, genièvre, 234.
ladh rouille, 233, 424.
laid chant, 283.
laithiu (gén.) des jours, 98.
lathar sens caché, 105, 370.
leamach mauve, 241.
iebenn échafaud, plate-forme, 101.
leccerd poète inférieur, 461.
letus laitue, 236.
lex chant, 493.
liathlus, liathlus beag, piloselle, 226.
liathlus mara, aurone, 242.
liathlus môr armoise, 226.
licoiris réglisse, 237.
lili, lis, 237.
lôid chant, 282, 283.
luaidhe plomb, 240, 243.
Lugaid, 268.
Lugudeccas, 268.
lus porreaux, 239.
lus crée, burneta, 228.
lus in sparain, bursa pastoris, 227.
lus na frange, tanaisie, 225.
lus na lsgh barba ursina, 226.
lus na meacan, ipoquisdidos, 236.
macall, avencia caryophyllata, 226.
madra garance, 240.
mael.in sandale, 491 .
maig-réidh plaine, 469.
meacun tughan, bardane, 227.
Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX. $07
meisnech courage, 459.
mellach agréable, 47$.
membrumm Inembrane, 241.
mesoga glands, 226.
mesrugud adjudication, 15.
methrad graisse, 240.
mil maige lièvre, 237.
millsen monadh, pullicaria, 239, 424.
minta menthe, 243.
mo'.t mouton, 375.
murdraigen aigremoine, 238.
musdard moutarde, 238.
neipt cataire, 238.
nemed sanctuaire, 74.
nenntog ortie, 243.
nessa plus près, 1 37.
nïmthâ n'est pas à moi, 266.
nocht nuit, 1 37.
nochti nudité, 368.
nocoisitis ils avaient coutume d'aller?
473-
nom dommage, 368, 369.
nutamuic muscade, 238.
0 petit-fils, 403.
ochar pointe, 453.
ochtrach excrément, 106.
og œuf, 238, 498.
oghradh lingua bovina, 237.
Ogma, 275.
ôibell, àibell étincelle, 241.
ond pierre, 498.
ônni de nous, 105.
or, orn, nous (pron. infixe), 461.
orafunt marrubium, 238.
orddu lâmae gros doigt de la main,
146, 147.
organ, orcan, voy. torcan, 228.
paratari pariétaire, 239.
penn plume à écrire, 99.
penning penny, 42 1 .
persilli, persil, 239, 242.
pettan-eoin (ace ) oiseau favori, 102.
pibur poivre, 239.
picc poix, 243.
piredha poires, 240, 424.
pis gregach fenugrec, 233.
puliol muntan, pulegium montanum,
239.
puliol ruighel, pulegium regale, 226.
-r suffixe du passif, 293, 397-40:.
ragam, ragum, raphanus, 240, 241.
raibh, ruibh, la rue, 238, 240.
rait siler montanum, 242.
recht transport, accès violent, 457.
rian, raon, route, passage, 491.
rind ruisg, hippia, 23 $.
ro particule verbale, 250.
rofetar je sais, 420.
ros rose, 240.
ros lachan, lemna minor, 236.
ros muiridi romarin, 244.
rosesaid vous atteindrez, 495.
ross marina romarin, 240.
rossai, ros-ualt morse, 421, 496.
rotbfat seront à toi, 258.
•s suffixe de prétérit, 420.
sabhraei satureia, 240, 424.
sâd-aile aise, 1 37.
saigid il dit, 370.
sal mer, 498.
salunn sel, 240.
scethrad vomissements, 244.
scim, sgim, polypodium, 239, 244.
segda béni, fortuné, 455.
sel m6r longtemps, 469.
selb propriété, possession, 267.
«en Patrice le vieux Patrice, 1 16.
sénaire un enchanteur, 463.
serban mue, dens leonis, 230.
sianan sorte de musique vocale, 1 5.
silin cerise, 68.
sitruilli citrouille, 231.
siur sœur, 398.
slaidhi rouille, 232.
$o8 Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX.
slaightech in airgid, spuma argenti,
237-
slanlus, plantago lanceolata, 236.
snaidim je taille, je coupe, 481.
snâim je nage, 461, 475.
sobairgin primevère, 23$.
soilestar, soilestrach, glaïeul, 234,
235.
sraif soufre, 242.
sreabhan membrane, 491.
stoinsi aristoloche, 225.
storide historique, matériel, 366.
sub talman fraise, 233.
surdlaig, ic — bondissant? 465.
-t signe de prétérit, 420.
taccu j'affirme, 368.
talmaide terrestre, 104.
tarési au lieu de, 369.
tarrachtain, dia — pour le saisir, 47 1 .
tarraidh il atteignit, 469.
tâth sorte de fromage, 491.
tech coitchenn le commun,
nés, 101.
telcad, telgad jeter, 463.
ten feu, 498.
tene talman gl. hermodactilis, 235,
242.
tenecal, teneacal, tenegul, joubarbe,
227, 236, 243.
tenga enain, teanga enan lingua avis,
237, 242.
testa il manquait, 101-103.
tôibcôté, 498.
toirthech, plein de fruits, 473.
toreân ou orcàn? chardon béni, 228.
trom sureau, 240, 244.
tuartha restes .'467 .
tucht temps, 487.
tuirenn étincelle, 232.
-u eux, 361.
ûa petit-fils, 403.
ualabort, ualuard, hièble, 228, 231.
uallchas gaîté, 45 <,.
ubull pomme, 243 ; ubhlagrainneacha,
mala granata, 238.
uindsend frêne, 244.
uioil violette, 241.
11k Gaélique d'Ecosse.
angar colère, 414.
caill perte, 1 27.
sirist cerise, 68.
statuin loi, 414.
IV. Mannois.
les latri- shillish cerise, 68.
V. Gallois.
(Voir p. 67-76.)
-ai suffixe indiquant l'instrument, l'a-
gent, 74.
alwysen aumône, 376.
am bu j'eus, 259.
amgyffred comprendre, 382.
anaw harmonie, 409.
anawdd difficile, 1 37.
argyfreu dot, 371 .
armerthu pourvoir, 375.
arwyddai enseigne, 74.
ban corne, 372.
banw cochon, 288.
beatws bétoine, 227.
Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX. 509
berywon milans, 7$.
briwo briser, 75.
byfoliaeth'biographie, 75.
canre poursuite, 382 .
canu chanter, 1 37.
kawad ondée, 75.
cawr géant, 74.
ceirchen avoine, 226.
ceiri géants, 74.
ceirios cerise, 68.
cenaw, ceneu petit d'un animal, 73.
Kernyw Cornouaille d'Angleterre,
356.
cethrëu pousser, 382.
chwaer sœur, 398.
chwyl un tour, 469.
chwyd vomissement, 244.
cithremmet gl. libra, 382.
cleddyf épée, 74, 1 27.
clowsen girofle, 235.
clywe-ist tu as entendu, 122.
cneuen ffrengig noix, 238.
copras couperose, 231.
craving griffe, 471.
crawol baies d'aubépine, 75.
creu créer, 374.
criafol opulus arbor, 75.
cular noix de terre, 228.
cwlm nœud, 375.
cwrw bière, 375.
cwyr cire, 1 20.
cyffred comprendre, 382.
kyfryngthut entre eux, 360.
cylion mouches, 229.
cymhellai éperon, 75.
cyrafol, cyrafon cormes, 75.
cythrawl adversaire, démon, 382.
damciichinnuou détours, 372.
defnydd, denfydd substance, 75, 76.
deuaf je viens, 72, 73.
diawl diable, 69.
diffygio manquer, 372.
Revue Celtique, IX
dificiuou diminutions, 372.
diwarnawt journée, 137.
dof apprivoisé, 276.
dofydd maître, 276.
dometic dompté, 276.
Dubgint, 361 .
duiu dieu, 75.
dwywol divin, 75.
dybi, ië — oui certes, 73.
-ed terminaison d'impératif, 3e pers.
sing., 250.
ei, i, son, sa, ses, 363, 364.
eiddew lierre, 23 1 .
elestr glaïeul, 235.
eu, rac — devant lui, 362-364.
ewythr oncle, 382.
ffenigl fenouil, 233.
fferylliaeth, fferylltiaeth alchimie, chi-
mie, 275, 276.
galltovydd, gallovydd mécanicien, ar-
tiste en mécanique, 275.
gallu pouvoir, 275.
goreu le meilleur, 74.
gromil grémil, 231.
gurthdo contre eux, 361.
gwinegr vinaigre, 242.
gwlad la campagne, 76.
gwlanen flanelle, 76.
gwledig rustique, 76.
gwlydd hippia minor, 235.
gwnaethym je fis, 247.
gwrm brun, 374.
haearn fer, 398.
heiw propriété, possession, 267.
heno, henoid cette nuit, 137, 382.
hwynthwy eux, 361 .
-id terminaison de 3e pers. sing.,
indic. prés., 407, 408.
Ieuan Jean, 72.
ieuanc jeune, 71,72.
isop hysope, 235.
Ithel, 72.
53-
$ io Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX
latwm laiton, 241.
lliwio colorer, 75.
mabcoll avencia, 226.
mach caution, 1 10.
mynydd montagne, 137.
naddu asciare, dolare, 76, 481.
neddai, neddyf, doloire, 75.
nés plus près, 137.
neuadd salle, 74.
newydd nouveau, 275.
nos nuit, 1 37.
nouodou salles, 74.
nymdawr peu m'importe, 266.
ochr pointe, 453.
Ofydd Ovide, 276.
ofydd ouyt homme habile dans un
art, maître, 275, 276.
ovydd gradé dans la hiérarchie des
lettrés, 276.
pant creux, 1 $.
persli persil, 239.
powys état de repos, 72.
pyg poix, 243.
racdut devant eux, 360.
recdouyd, recouyt maître, arbitre des
présents, 274, 275.
rheg-ddofydd, rheg-ofydd maître des
présents, 274.
rhosmari romarin, 240.
ryfe! guerre, 137.
surian cerise, 68.
swllt shelling, trésor, 272.
syfi fraises, 233.
taflu jeter, 75.
taradr tarière, 74.
trev éternuement, 362, 363.
-u -udd eux, 360, 361 .
ufelyn étincelle, 241 .
ulai hydrogène, 75.
ulyf restes d'une chose brûlée; car-
bone, 75.
utut à eux, 360.
worm-, wrm- brun, 374.
-yf suffixe d'instrument ou d'argent,
75-
y mae il est, 246, 253.
ys gwir c'est vrai, 382.
.VI. Cornique.
a fus, que tu as eu, 260.
altrou vitricus, 499.
am been que j'aurais, 259.
am bef j'eus, 259.
asbetheugh que vous aurez, 263.
caid primid emptitius, 499.
cor nanus, 499.
dotho à lui, 361 .
gahen jusquiame, 229.
gofail officina, 499.
gwra fais, 247.
jawl, jowl diable, 69.
loties armoise, 226.
melhyonen viola, 499.
mois mouton, 375 .
nam beyn que nous n'ayons pas, 263.
nedim hache, 75.
onnen fraxinus, 499.
pellen glomus, 499.
sira sire, 379.
yn berna je l'ai eu, 261 .
stut culex, 499.
toll corn lituus, 499.
hule noctua vel strix, 499.
vilecur parasitus, 499.
VII. Breton.
(Voir p. 91, 9^-)
a qui, que; particule verbale, 252,
253, 256-258.
Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX. $ i i
-al terminaison d'infinitif, 247.
Alan, 140.
ait gl. palm'e artum, 419.
aluson aumône, 376.
am boe j'eus, 259.
an je vais, 253.
•an termin. d'infinitif, 247.
Anna, Annan Anne, 379.
anpat augmenter, 253.
argoez intersigne, 127.
argourou dot, 1 27, 371 .
argouvreu dot, 371 .
arihue arrivé, 379.
armerhein ménager, 375.
Armor, 373.
arvor lieu sur le bord de la mer, 373.
a zrebi, a zrebu depuis, 379, 380.
bac'h, baz, bâton, 1 10, 354, 387.
balan genêt, 281 .
baot voûte, 375.
Barban Barbe, 379.
Basila Basil, 379.
bazatat battre, 3 54.
baz-valan entremetteur de mariages,
1 10.
beieyen prêtres, 373.
ben j'aurai, 259.
benhuec, benvek instrument, 372.
benieu,benio cornemuse, 371.
benny cornemuse, 372, 373.
benvijou, binhuyou, binviou instru-
ments, 371-373.
benuyo il fera de la musique, 373.
beont qu'ils aient, 265.
bez aie, 260, 26^.
beza, bezaff, être, 246, 248, 257,
2^$> > S S 1 3 8 1 ; avoir, 265, 266.
bihier bonal, potred er , en-
tremetteurs de mariages, 1 :o.
biniou cornemuse, 371-373.
bizhuiquen, birviken, biken jamais
(dans l'avenir), 380, 381 .
blavéola bluet, 379.
blein sommet, 419.
boc'h vous aurez, 263.
boet, bwit nourriture, 120.
bols voûte, 375.
bou si, si fait, 2^3, 2^4.
bout être, 355.
Briec, 358.
Brithiac, 3 58.
cadarn fort, 1 27.
kanafi, kana'raù, etc. je chante, 245.
cantréein hanter, 382.
cantren courir çà et là ; quantren fu-
reur. 382.
caris j'aimai, 123.
casse mouvement; il envoie, 379.
kazek dimignow entremetteuse de ma-
riages, 1 10.
queffret ensemble, 382.
qeresen, qirisen cerise, 68.
Kerneo Cornouaille, 356.
chache, m. chasse, t. de marine,
379
chas chiens, 379.
chasé chasse, 379.
cnech en haut, 374.
koer, koar cire, 120.
coèt bois, 1 20.
coll perte, 1 27.
koloren, keler noix de terre, 228.
corn prêt prendre, 382.
control contraire, 382.
korn-boud le gros bourdon du biniou,
372.
koulm nœud, 375.
krec'h, kroec'h en haut, 374.
croeaff, crouéein, kroui créer, 374.
Crouisst (Jésuss — 1 Jésus-Christ, 374.
cundu conduite, 380.
da particule verbale 250, 252, 357,
358.
dadlou, dadluo lieux de réunion, 372.
», 1 2 fable des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX.
defint auront, 265.
dehon à lui, j6i .
dehou à lui, 361 .
deit venez, 387.
deu'ra il vient, 247.
deuz elle a, 260.
dezaff, dezan à lui, 361 .
dezo à eux, 361 .
diblas cruellement, 383.
diffigo manquera, s'épuisera, 372,
575-
dihuiguiêtt épuisé, 372.
diviet épuisé; tari, lassé, 373.
do à, 419.
donet venir, 248.
drespétt dépit, 380.
drillaou (/ mouillé) feuilles, 380.
du noir, 361 .
e signe de participe présent, 354.
-e mi-muet, 378, 379.
-ec, 3 59-
-ek terminaison d'infinitif, 247.
effe il serait, 355.
effez il est (habituellement), 355.
ef fezo il sera, 355.
ef fize il eût été, 3 $ $.
effoe il fut, 355.
em bemp (ra ) que nous ayons,
262.
em bout avoir (à moi), 265.
ema, eman, 'man il est actuellement,
246, 2^3.
-émp iru pers. pi., impératif, 250.
en, er, le, la, les, 387.
en que: particule verbale,, 252.
end-eùn précisément, 382.
endevezout,endevoutavoir, 248, 265.
e n'eunt ils ont, 264.
enostant da, malgré, 383.
ent particule adverbiale, 3S2.
-ent, -eant terminaison de 3e pers.
pi., impératif, 249.
enta donc, 382.
eo, e c'est; si, si fait, 248, 254, 2^5.
eontr oncle, 382.
er car, 252.
-et impératif, 3e pers. sing., 250.
-et terminaison d'infinitif, 247.
eus si, si fait, 255.
euteur vous voulez; il daigne, 266.
euteurvout daigner, 266.
euz int ils ont, 263, 264.
ez particule adverbiale, 382.
ez, e, en que; partie, verbale, 252,
3 S S -
eza donc, 3S2.
famiiiarament, familièrement, 779.
finesaff finesse, 379.
fizy, fizi, fiz fie-toi ; il se fie, 381 .
fourondec, fouloudec, fromage, 376.
frealzi consoler, 375.
g- préfixe verbal, 254, 255.
galiout pouvoir, 247, 253.
gan je vais, 2 54.
gant (prier) pour, 385.
gaor chèvre ; ober er aor, être entre-
metteur de mariages, 1 10.
gaou mensonge, 374.
garm cri, 375.
geler f. tréteaux funèbres, 383.
geo, geus si, si fait, 254.
Glauda Claude, 379.
gon si, je suis, 254.
goua il donne, 255.
goût savoir, 24$, 247.
gra il fait, 2 54.
groa fais, 247.
groeg femme, 374.
guéouann si fait, 255.
guezan si fait, 2$$.
gwammel femme mariée, 370, 371 .
ha et, 2 52.
haï, halo crachat, 374.
Halanau, 140, 281 .
Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX, 513
ham bezif que j'aie, 2$y.
hazuez aie, 260.
he, hi, son, sa, ses, 273, 363.
helmoï s'accouder, 375.
hi, he, son, sa, ses, 273, 363.
hilguaennat tirailler, 380.
ho leur, 381 .
ho, hoz, hos, hous votre, 273, 355.
ho pezit ayez, 263.
hon defem-ni que nous ayons, 263.
hor bomp que nous ayons, 262.
hun béemb, hur bemb ayons, 262.
hur bout avoir (à nous), 265.
ia il va, 248.
iann je vais, 249.
Indaff l'Inde, 379.
int ils, 361 .
int particule adverbiale, 382.
ioa il était, 248.
is il est, 382.
Jagu, Jegu, Jacob, 361.
Jegou, 361 .
Jeneveu, Jenovefan, Geneviève, 379.
luteq chandelle de résine; argent,
monnaie, 258.
maestre maître, 378, 379.
malou béquilles, 382.
mandamant, mandement, 379.
Manenberen, Banenberen, 111.
maout mouton, 375.
mar si 251, 254, 255.
marc'h cheval; entremetteur de ma-
riages, 110, in.
marc'h bonal, marc'h dimignow in-
termédiaire pour les mariages, 1 10.
marhue mort, 379.
meistre, mistre, maîtres, 378.
m'em bout avoir (à moi;, 26$.
Merlevenez, Brelevenez, i 1 1.
merzout apercevoir, 375.
meump nous avons, 261, 264.
meuzom nous avons, 261.
monid montagne, 138, 275.
nann non, 255.
ne ne pas, 251.
nem deur je ne veux pas, 266.
n'eusomp nous avons, 261.
n:eusont ils ont, 264.
nevez, a nevez, nouvellement, récem-
ment, 3*6, 3 S7-
nimer nombre, 419.
nonpass non pas, 255.
not note, 419,
-0 3e pers. sing., futur et impératif,
261.
-0 terminaison d'infinitif, 247.
-0 eux, 361 .
0 deuezent (y ) qu'ils aient, 264.
oa il était, 254.
ober faire, 248.
•omp iie pers. pi. du futur, 262.
on je suis, 246.
onestant malgré, 383.
-ont 3e pi. futur, 264.
orchaedis, orgued, oryadez amou-
rette, 37$.
-oint, ouint, 3e pers. pi. de futur, 264.
oz, 0, signe du participe présent,
246, 3H-
oz votre 273.
pa quand, 251, 252.
pazann non, 255 .
pobl peuple, 251.
poe, pou pagus, 272.
pop un chaque, 419.
Prijèc, 3 59.
ra particule verbale, 250, 252.
Radegofitan Radegonde, 379.
Roteneuc, 359.
salokras, salokroas, saludkroas non,
nenni, 374, 375.
Sam-Briëc Saint-Brieuc, 359.
scal rasoir, 375 .
skritur, scruïtur écriture, 374.
5 1 4 Table des principaux mots celtiques étudiés dans le volume IX.
scruitoer écritoire, 374. teurvesit veuillez, 266.
Seidhun, Sizun, Sein 279. trev territoire d'une succursale, '26.
seul tant que, 381. trig triche, 373.
Sillèc, 359. trouc'ha couper, 382.
syra, sire, syr sire, 379. vaena gloar, vaine gloire, 379.
soeul gl. fiscus, 272. ver, ber on est, 253.
soit, soult, sout, fiscus, 272. zo, zou (il) est, 248, 249.
térmal ahaner, 376.
ERRATA DU VOLUME IX DE LA REVUE CELTIQUE.
P. 78. note 1, Société, lisez Faculté.
P. 25$, 1. 6 av. la fin, deuont, lisez deuoht.
P- 357; !■ 5» Revue celtique, lisez Revue critique.
P. 383, 1. 9 et 11, enostant, lisez enostant.
P. 392, dern. 1., pedito, lisez pedite.
P. 419, 1. 16, après Société archéologique, ajoutez du Finistère.
Le Propriétaire-Gérant : F. VIEWEG.
Chartres. -- Imprimerie DURAND.
PB 1001 ,R5 V.9 SMC
Revue celtique
Does Not Circulate