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thej.m. kellyliBRARy
has Been maôe possiBle
thRouqh the geneposity
Stephen B. Roman
From the Library of Daniel Binchy
REVUE CELTIQUE
ReVUK CFI.TKIUK (19O7)
PL. I
FRAGMENT D'UNE MOSAÏQUE DE ZEUGMA SUR L'EUPHRATE
(Musée de Berlin).
^^<^\ FONDÉE ^ J
^*^ PAR V-^
/^y H. GAIDOZ >^
T^ 1870-188S v-x^
^^^ PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE V*0
H. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE
Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France
AVEC LE CONCOURS DE
E. ERNAULT J. LOTH G. DOTTIN
Professeur à l'Université Doyen de la Faculté des Professeur à l'Université
de Poitiers Lettres de Rennes de Rennes
ET DE PLUSIEURS SAVANTS DES ILES BRITANNiaUES ET DU CONTINENT
Alexandre Smiunoi', secrétaire de la rédaction.
Année 1907. — XXVIII
PARIS
LIBRAIRIE Honoré CHAMPION, ÉDITEUR
5 , QUAI M A L A Q.U A I S ( 6 ^ )
1907
louie demande d'abonnement doit être accompagnée de son montant en un chèque
0» mandat de poste au nom de M. Honoré Champion.
Tous droits réservés.
LA GAULE PERSONNIFIÉE
Nos Musées possèdent plusieurs figures féminines, sculptées
en ronde bosse ou en relief, où les archéologues ont reconnu
soit des captives gauloises, soit des personnifications de la Gaule
vaincue'. Parmi ces dernières, aucune n'est encore certifiée
par une inscription, alors qu'un bas-relief de Koula en Asie
Mineure, publié en 1888 par Mommsen, a fourni une petite
iuKi^e de la Germanie avec l'inscription TERMÀNIA '. La figure
qualifiée par Pillon de « Gaule personnifiée », sur une anse de
vase en bronze de l'ancienne collection Rattier, aujourd'hui au
Louvre 5, représente aussi bien la Dacie ou toute autre
provmce ; on peut en dire autant de la statue colossale de la
LogiTia dei Lan~i à Florence, tour à tour appelée prclresse dv
Romulns, Thusnelda et Mcdée, ainsi que de quelques autres
images de femmes barbares dont la désignation est purement
hypothétique.
^ Il n'en est pas de même du buste tourelé en mosaïque que
) ai honneur de présenter à l'Académie ; l'inscription fAAAIA
qui l entoure permet d'y saluer la première image certaine de
la Gaule que nous ait léguée l'art gréco-romain.
Le médaillon qui décore ce buste fait partie d'une mosaïque
considérable, datant de l'époque des Sévères, qui a été décou-
verte vers 1875 à Zeugma sur l'Euphrate et acquise partielle-
ment, en 1887 et en 1892, par le musée de Berlin ; quelques
de M ^iïXt T"^ ^'- f"^t ''r ''"'■' ""''^'"' P^'-'^' ^889, et un article
1893; pi 3) ' '^''' L p. 341, pi. 6 (= Mélanges d\vchéoh.ie.
est'tr^f.?£f ??■' '■ ^^^^ ^'^^^^' ^'- '^- L^ fi"--^ ^- fe'"n- (-^ ^-elief)
est très abimec; le visage manque. ^
3. Rev. arclicoL, 1890, I, pi. 6.
Rfviie Ccltiijiic, XX r III.
2 Su loin OU Rciiiach.
fragments sont entrés au musée des Thermes de Rome ; un
petit morceau est au Louvre ; d'autres ont été, dit-on, trans-
férés à Saint-Pétersbourg ' . Dans son intégrité, elle représentait,
suivant le témoignage des indigènes, un empereur romain
entouré des bustes de douze provinces de l'empire. Tout
récemment, dans un mémoire sur le nimbe dans l'art chré-
tien, M. Krûcke a publié une gravure à petite échelle du médail-
lon représentant la Gaule - ; je dois à l'amabilité de l'auteur
une photographie de ce précieux fragment, qui a été agrandie
au musée de Saint Germain et dont la direction des Musées
Royaux de Berlin veut bien autoriser la reproducti'jn.
L'art romain du r' siècle, à l'imitation de l'art alexandrin,
a souvent représenté les Provinces vaincues. A l'époque des
Sévères, les souvenirs de la conquête de la Gaule sont déjà loin.
La Gaule d'alors appartient A l'Empire non seulement par le
droit du glaive, mais surtout par la fidélité de ses habitants.
C'est, de toutes les provinces, la plus riche, ct lie où l'on tra-
vaille le mieux. Aussi n'est-elle pas Figurée comme une captive
attristée; c'est une forte femme, à l'attitude assurée, au regard
hardi, couronnée de tours comme Cybèle, ou comme cette
belle tète de bronze, personnification probable de Lutèce, qui
a été découverte au wii'' siècle à Paris \
Il est intéressant de rappeler à ce propos la description de
la même province par Claudien ^ :
Tu 1)1 flava repexo
Gain a iriiic fcrox eviiiclaqiie torque deiora
Biiuujnc o-acsd teueiis...
On connaissait déjà quelques exen":pks de provinces ou de
villes représentées sur des mosaïques du second siècle K La
tradition de ces personnifications topiques ne s'est pas perdue
pendant le haut moyen âge, témoin la belle miniature d'un
Évangéliaire othonien de Munich, où l'on voïtRoiua, suivie de
1. Archxol. Aiiiei^j^cr, 1894, p. loi ; 1900, p. 109.
2. .\. Krûcke, Dcr Nimbus, Strasbourg, 1905J pi. I, 2.
3. S. l^einach, Recueil de Télés antiques, pi. iio, 11 1.
4. Claudien, XXII, n, 240.
5. Gauckler, art. Musivuiu opus, p. 2120.
La Gaule personnifiée. 2
Galha, Gcnnauia et Sclav'mia veniint rendre hommage à l'em-
pereur '.
J'ajoute qu'il existe trois images de la Gaule personnifiée
sur des monnaies de l'empire romain. D'abord, une pièce
d'argent à l'eflîgie de Galba, dont le revers porte une tête de
femme entourée d'épis, avec un petit bouclier dans le champ
et la légende GaUia. Puis un autre denier du même empereur
qui montre au revers trois tètes féminines entourées d'épis,
avecla légende Tris Gal/uw'. Enfin, un médaillon de Postume
avec la légende Restiltitori Galliar/iui, où l'em.pereur relève une
tcrmme agenouillée devant lui, qui porte, comme la Gal/ia de la
mosaïque mésopotamienne, une couronne de tours K La peti-
tesse et la médiocrité des coins monétaires ne permettent pas
d'attribuer à ces images d'autre valeur qu'un intérêt histo-
rique ; en revanche, celle que nous a rendue la mosaïque de
Zeugma a presque 'le droit d'être qualifiée d'œuvre d'art et
mérite de devenir populaire ailleurs encore que dans notre
pays.
Salomon Reinach.
1. Wœrmaiin et Woltmann, Gesch. dcr Malerei, t. I, p ^48 fia 67
2. Eckhel, Doctr. Nun/., t. VI, p. 293. t ^ ' &• /•
3. Froehner, McdaiUous, p. 229.
LE VERS
DU
LIVRE NOIR DE CARMARTHEK : RAC DEVUR.
Dans le dernier fascicule de la Revue Celliqiie, p. i8),
M. d'Arbois de Juhainville cite la lecture et la traduction de
M. Eilian Owen du vers du Livre roir :
Rac (h'iiiir iii eu tiir v lirraii
(C. Z. V. 3»; livraison).
C'est exactement la lecture que j'ai propo:iée (^Revitc Celtique,
1901, p. 439 : Corrections au poiul de l'ue uiétiique au Livre
noir de Carniarthen^ :
j'ai même ajouté la transcription en gallois moderne :
Kac dau ivr vu eu tiur y hrraii.
J'ai montré qu'il n'y avait pas du tout de Neulur ou Neui-
thur là-dedans. Ma traduction est la même ; par inadvertance,
]'ai donné à tirran la valeur d'un impariait : c'est sûrement
un futur. Je ne prétends pas accuser Eilian Owen de plagiat.
mais simplement lui prou\er par cet exemple (a lui et
d'autres) qu'il n'est pas inutile de lire la Revue Celtique : cela
lui épargnera la peine de redécouvrir l'Amérique.
• I. LOTH.
HIBERNICA
1° BfDCIM, DOBIDCIM
Le moyen-irlandais possède un verbe bidciiii, « je tremble,
je tressaille, je saute », attesté par plusieurs exemples
(cf. Atkinson, Passions ami Hoiiiilies, p. 561, et surtout
K. Meyer. Contributions, p. 215), et dont le sens propre
apparaît très clairement dans des passages comme : a mal
robidg 7 iinnieclaig neaiii hi ccsad crist, « de même que le ciel
trembla et tressaillit lors de la passion du Christ », P. H., 1. 33
(cf. 1. 148); is aire tra roartraig int-aingel hi ngnc solais âilgen
int-shnechta co niad higaiti nobidgtis na banscâla ria n-a fhacsin,
« l'ange .ipparut sous la forme de l'éclat agréable de la neige,
p(Hir que les temnies tremblassent moins devant sa vue »,
P. H., 1. 3385; robidg ro iiiôr asa chotlnd, « il se réveilla en
sursaut », Silva Gadelica, 407, 22; etc. L'infinitif /'/Wffl'rf glose
le latin « pauementum » dans les Irish Glosses, 7*^9, et on le
rencontre dans VOidcd mac nUisnig, Irischc Texte, II, 2,
p. 133 : romgab bidgad, « l'effroi me saisit ».
Combiné avec le préverbe di, le verbe bidcini a donné un
composé dobidcim, déjà plusieurs tois attesté en vieil-irlandais.
Tandis que bidciin est intransitif, dobidcim est transitif et signifie
à la tois « je lance » ou « je frappe » suivant que le régime à
l'accusatif est un nom de chose ou de personne (cf. en grec :
yy.Av.-.v bA aTr^^izaai [SaXcôv, Homère E 346, et tov \ib/ àyô) •^rpoTiivia
f'âXov yy'hy.Tipz'. ozupi \ 742, iWtov à-i yzjp-qoiy laAAsv (-) 300 et
yjxk-.TZzv li -/.îv zl-fi Tzpfj^ùzxioy v.xi oipia-ov àTi\jJ:r,aiy '.y'iXiiv v
141, la-Tfov \j.T,vA-Wz f/y.aç \A\r^, Esch. ^o-^w., 5 10, et zz [j.i
XA-xiiJ.ùyMV y.y.\ iç; io'izv y.ypiq\y.--\i, Théocrite, III, 17; etc.).
Il faut avouer que le lien sémantique qui unit le simple au
composé est malaisé ci établir, mais, étant donnée la forme
6 J . FeiiiJryes .
un peu étrange du verbe bidcim, on ne peut guère songer à
deux homonymes d'origine différente ni mettre en doute
l'identité radicale des deux verbes.
Le prétérit du verbe dobidciiii est attesté dans le manuscrit
de Milan : dorruhidc gl. iaculatum esse, 40 d 9; darobidc g\.
iaculatus est in eum, 5 8 c 3 ; danihidc dichlochaib, « il le frappa
à coup de pierres », 58 c 4 ; et l'imparfait du subjonctif égale
ment : doiiibidctis gl. quod iaculari possent, 26 d 7 ; co ditbidctis
gl. ut sagittent, 30 b i.
Mais l'infinitif de ce verbe présente une forme inattendue :
dihirciiid. Ainsi : oc du dibirciiidsu, « à te frapper » Ml. 58 c 6;
a))ml dtiiierbarar fidboc hicaimuii fridibirciud 11 as, « comme un
arc est ramené à la courbure pour lancer loin de lui (la flèche) »
Ml. 99 d I.
C'est par une dissimilation provenant du d initial que le ;
intérieur de dibiiciiid doit être expliqué. Dans le verbe dobidcim,
l'accent frappant la seconde syllabe (comme l'indique du reste
la forme du préverbe), le d intérieur était préservé par
l'accent de toute action du d initial, lequel de son côté devait
se maintenir intact comme élément significatif (préverbe dî-) ;
mais à l'infinitif, où l'accent frappe la première syllabe, le d
intérieur devenait par rapport au précédent dans un état d'in-
fériorité notable, ce qui explique à la fois la dissimilation et
le sens dans lequel elle .s'e.st produite (et. Grammont, Dissi-
iiiilation, pp. 88 et 120). On ne peut songer à une action du
d final, qui de bonne heure était devenu spirant en irlandais.
Une dissimilation analogue de (/ en r se présente en latin
dans iiiarediis de madidus (O. Keller, Zur lût. Sprachgesch., 1,
72) et dans mendiés de *iiiedldic (Walde. Lat. Elyiii. Wlb.,
p. 381).
Une nouvelle transiormation était réservée en moyen-
irlandais au xtrhe dobidcim. L'irfluence analogique de l'infini-
tif dibirciiid devait tendre à introduire la liquide ;• dans la
flexion verbale. C'est ce qui est arrivé en effet; mais cette
influence s'est alors rencontrée avec une autre, qui l'a
aggravée.
En irlandais, comme en latin, lorsqu'un groupe liquide (ou
nasale) + voyelle se trouve placé en position non-intense.
Hihernica. 7
il se produit une absorption dont le résultat est une sotiaiilc
qui se résout en voyelle + liquide (ou nasale).
Ainsi, du verbe ad-f^Jâdiir « je parle », le participe passé est
accalse (n. pi. acailsi gl. interpellati Ml. 48 a 10) et on a la
3'-' pers. pi. iiiiniitsacaldûl[ar] gl. motuo se adlocuntur Ml. 131
c 19 ; à côté de ni eclastai gl. non excutienda Sg. 27 a 15, refait
par analogie, on lit ecaihi gl. discutiendi Ml. 15 d 7. Le pluriel
du mot octracb, « fumier, lie ))^ Ml. 129 c 2, estoctarche, Wb. 9
a 7. En face de brifhe Wb. 25 d 3 et de dibrithi gl. importabilia
Ml. 58 a iG refait par analogie, on a -eperthae « dictus » Sg.
4 a 7, eperthi « dicendus » Sg. 25 b 9, tedbarthe « adhibitus »
Ml. 47 a 5, tedharthi « adhibendus » Ml. 126 d 3, Sg. 6 b 23
(jedparthî); etc. Du verbe ini-nascim, « j'attache ensemble «, le
participe passé est im-anse (n. pi. iiiiniainsi M\. 36 d i r).
La différence d'accentuation entre la flexion verbale et
l'infinitif, lorsque le thème comporte un préverbe, devait
amener notamment, dans les radicaux qui contenaient une
liquide, des alternances régulières; et en elfet l'infinitif de
ddglâdiir « je parle » est accaldaiii « discours »
aith-rigiiii « je me repens » aithirge « repentir >;
iinm-ro-midittr « je pèche » inifnariiiiis v péché «etc.
Sur ce modèle, la langue créa, d'après l'infinitif dihirciitd,
un yerhe dihraciiii, conservé en irlandais moderne Çdiuhhraiciiii
Three Shafts, p. 353; dinhhracaiin O'Reilly), et attesté dès le
moyen-irlandais : ro dinhraic Coiiaii a t'sleg dô 7 ro diuhraige-
dar da mac rig Chineil Chonaill a dà slcig dô, « Conan lui lança
son épieu et les deux fils du roi de Tyrconnel lui lancèrent
leurs deux épieux » Acall. na Seiiôr., 1. 6713 (cf. 1. i-)58 où
on lit ro dinhraic dans le Stowe ms., tandis que L.L. porte
focheird et L. U. dolcci).
Il est juste d'ajouter que le verbe a parfois la forme dibarcini
(cf. rodîbairg iinigai dô « il lui lança le javelot, Rei'. Celt.,
III, 178; nosdihairg câch indiaid araili dib « il les frappa l'une
après l'autre » Fled Bricrend, § 65 ; dibairgini, Acall. na Senôr.,
1. 1186; etc.) et qu'inversement on rencontre à l'infinitif la
forme dibracad (dinbragad, Acall. na Senôr., p. 661 ; diubruciid,
ib., p. 397; diabhragadh, Three Shafts, p. 352; etc.). Mais ce
8 /. Fcudryes.
sont là des phénomènes de métathcse, qui n'ont rien de sur-
prenant, après les transformations si variées qui viennent
d'être exposées. On en trouverait du reste l'équivalent dans
quelques autres mots du moyen-irlandais : fiitairli, AcaJl. lui
Senôr. 1. 5028 est écrit pndrail II, Lisiiiore 188 a 2; et macraille
« testicules » Scél mucci Mie Dàtho, § 13 est écrit tnogairle chez
O'Reilly/
Le d du verbe hidciin, dont on vient d'esquisser la curieuse
histoire, pourrait bien être lui-même le résultat d'une dissi-
mihuion. Il est difficile en eftet de ne pas songer à rapprocher
l'irlandais bidcirn de l'allemand bidiiieu qui a exactement le
même sens. Or l'allemand bidnieii n'est qu'un doublet de
beben et doit son d à une dissiniilation (cf. Kluge, Elxiii. Wlb.,
s, v.). Dans cette hvpothèse, l'irlandais bidciiii contiendrait le
même thème que v. nor. bifa, v.-h.-a. bibéii et skr. bibheti,
c'est-à-dire qu'il appartiendrait originellement au tvpe des pré-
sents redoublés dont il présenterait en irlandais un exem-
plaire presque isolé (on en a un second dans ibim « je bois »
et un troisième peut-être dans adfct « il raconte », Ml. 31b
19, etc., Strachan, Ériit, I, 10 n.). Mais le c fait difficulté. On
pourrait toutefois y voir le reste d'un suffixe *'-skô ajouté à un
radical redoublé(cf. la série des verbes en *-skô à redoublement
en grec et en latin); soit * bi-bhi-skô devenu* bi-bs-kd et dont
la sifflante serait tombée entre le /' et le k; d'où finalement
*bibkô, *bidkô.
2-' ADCfU, -ACCASTAR
A côté du subjonctit actif ( à torme déponente) -accar,
-arcaither, -nccadar, -nccaiminir, -acccid, -accatar du verbe
adchi « je vois », le vieil-irlandais possède un subjonctif
passif à sifflante -accastar dûment attesté par exemple Ml. 50
a ) : inaiii accastar issamJid i^aibid ni (c quand il n'est pas vu
(subjonctif de généralité et de répétition), c'est alors amsi
qu'il prend quelque chose ». De même, à côté du futur actif
I. Une analogie du même 2;e;ire a transformé le nom propre Su tu ni mus
en i^aTGov^Xo; (^Brugmann, Grdr., I, 2e éd., p. 852, n. 2).
Hihernica. 9
redoublé non-sigmatique, attesté par exemple au présent Ml.
III c ij : inti duécigi « celui qui verra » et à Timparfait Wb.
7 a 2 : adcichitis gcnti « les Gentils verraient », existe en vieil-
irlandais un futur passif à sifflante, attesté dans atatchigestar
« tu seras vu » Ml. 59-0 12.
Mais la sifflante de ces formes passives soulève une grave
difficulté. Les deux formations sigmatique et non-sigmatique
au subjonctif du vieil-irlandais (dont le futur est solidaire)
sont strictement réparties entre les différents verbes sans
jamais se mêler l'une à l'autre (cf. J. Strachan, The suhjiinc-
tive mood in Irisb, p. 10; The siginatic fulure and snbjnnctive,
p. 12); à tel point que le verbe adciii .serait le seul où Ton
aurait à la fois un subjonctif sigmatique et un subjonctil non-
sigmatique. Il est vrai que M. Strachan explique cette ano-
malie par le souci d'établir une distinction entre l'actif et le
passif; mais la difficulté initiale est la môme, et il n'en reste
pas moins ce fait étrange qu'un seul verbe du vieil-irlandais
posséderait pour le même temps Jeux formations différentes.
La difficulté s'aggrave lorsqu'on examine de p; es les exemples
du subjonctif -flfrf^/i/^/r. S'il est juste de considérer comme un
subjonctif la forme doécasiar Sg. 188 a 6 et par suite de la
joindre à la forme -accastar Ml 50 a 5 citée plws haut ; s'il est
vraisemblable même qu'on ait affaire à un subjonctif dans
l'exemple Ml 25 b 28 : anial doleilside dogabail bàigiiil 'uilan
nàdnacastar 7 nàdforchluinler isainlid dorriga dia dobrâth « de
même qu'il (le voleur) vient pour saisir l'occasion quand il
n'est pas vu ni entendu, c'est ainsi que Dieu viendra au juge-
ment » ; en revanche, il est nécessaire de voir un indicatif
dans l'exemple Wb. 26 a 12 : cinid accasiar « bien qu'il ne
ne soit pas vu », la possibilité d'un subjonctif étant résolu-
ment exclue d'abord par le tait que la conjonction cia « bien
que » se construit avec l'indicatif et surtout par la présence de
l'intixe d (cf. Strachan, Rev. Celt., XXI, 412).
A s'en tenir à ces faits, on obtiendrait donc un passif (indi-
catif-rtcr^j/rtr, subjonctif -rzrfrtj/rt/', futur -arcigeslar), jumeau
de l'actif (indicatif adciu, subjonctif -accndar, futur -écigi),
dont il ne différerait que par la présence de la sifflante s.
Cette conclusion peut se défendre.
lo /. Vendryes.
Le verbe -cin a été depuis longtemps rattaché à une racine
*hs- « voir » (cf. Wh. Stokes, Urkellischer Sprachschat^,
p. 85), soit * kes-iô « je vois ». Mais cette racine apparaît en
indo-iranien sous la forme redoublée *ke-ks- dans le sanskrit
caste « il voit », et la forme redoublée a donné hors de la
flexion verbale le nom sanskrit de Tceil câksiih. Or, il arrive
parfois qu'une même langue indo-européenne conserve simul-
tanément un thème simple et un thème redoublé tirés d'une
même racine ; par exemple, le sanskrit a târati et titarti, bhà-
rati et bibhrali, hànli et jîghnate, etc., le grec r/o) et It/m,
;xÉv(o et \)J.\}.vM, le latin oend .tigignô, etc. Il est donc permis de
supposer que l'irlandais a conservé de la racine *ki's- deux
thèmes verbaux *kcs-iô et *keks-ô, dont le dernier a été ulté-
rieurement réservé à la flexion passive. Le fait que le verbe
adiiii possède un indicatif Tp^sûi aâcither " il est vu »(Wb. 12
c 12) ne contredit pas cette hypothèse et prouve simplement
que la répartition entre les deux thèmes s'est opérée imparfai-
tement".
La coexistence des deux thèmes * kes- et *keks- se ramène
ainsi à un fait de supplétisme, comme toutes les langues en
présentent; on peut rappeler en irlandais même le cas compa-
rable de rofelar, rqfinnatar, sur lequel l'essentiel a été dit par
M. Strachan, The déponent verb in Irish, p. 10, n. 4, et par
M. Thurneysen, Zeitschrijt fiir celtische Philologie, V, 19 et s.
3° SUR L'ABSENCE D'ADVERBE TEMPOREL
AVEC LA NÉGATION
A la fin du curieux récit intitulé Echtra Condla Chaim, que
M, Windisch a reproduit parmi le choix de textes de sa Knr^-
gefasste Irische Grammatik, p. 118 et ss., après la disparition
I. Il est malaisé de déterminer à quelle forme de la racine remontent le
mot cais «œil » mentionné parM.Wh. Stokes, t. cit., mais sans référence, et
la série des infinitifs caisiu ACr 28 ai, hiimcaisiti Sg. 54 a 6, reincaisiu Ml.
20 c 3, 27 d 10, 50 c 22 etc., à côté deciicnii, Windisch, IVth., p. 346.
aircsiu Laws 1\\ 146, 17, déicsiit Wb. 25 a 29, n'iiidcicsiii Ml. 19 d i, 20 b
2, 50 d I, 59 a 18, etc., frescsiu Wb. 4 a 25, 10 c 21 ; etc. Toutefois, ces
mots s'accommodent sans peine de l'hypothèse d'un thème redoublé..
Hiberiiica. ii
mystérieuse de Condla, le roi Cond s'écrie : is a ociiiir d'arl
indiu, dôig ni fil hràthair (L. U. 120 b 24) « Art est unique
aujourd'hui puisqu'il n'a pas de frère ».On attendrait : « puis
qu"iln"a plus de frère ». Mais l'absence de tout adverbe tem-
porel en pareil cas est usuelle en irlandais. En voici quelques
autres exemples empruntés à la langue des gloses :
Wb. 3 b 19, atluchnr dodia cendmid fopheccad nacbihjcl « je
remercie Dieu de ce que, bien que vous ayez été sous le péché,
vous n'y êtes pas » (c'est-à-dire « vous n'y êtes plus »).
Wb. 24 d 1 1 (arisbésad iiammuii)ime doc^nideidhleàn di ociiiit-
iiud âdalti) horhi accobur lé nehiid do innoidenacht nachgeUi « une
fois qu'elle (la nourrice) a le désir qu'il (son nourrisson) ne
soit pas en enfance pour longtemps » (= ne soit plus).
Wb. 31 c '] , arnaérharihar 0 chrcisit niiifâ airli àriiibaii « ahn
qu'il ne soit pas dit que depuis qu'elles ont cru nous n'avons
pas nos femmes à notre disposition » (= nous n'avons plus).
Ml. 53 d 9, is dia doiirôidiii ol rahsacis iiitaii iiandaijat din.
aircein nant rochomairleic soin dunni ni coinuiacinarni tuidechi
forndochiiinsi « c'est Dieu qui nous a envoyés, dit Rabsacis,
quand il ne nous le détendit pas (= quand il ne nous le
défendit plus) ; car tant qu'il ne nous le permit pas, nous ne
pûmes venir vers vous ».
Si l'on voulait chercher une explication à cet usage, on la
trouverait sans doute dans le fait que la langue irlandaise est
des plus pauvres pour exprimer les rapports temporels et
qu'elle n'a notamment aucun moyen d'indiquer dans le passé
ou dans le futur la différence relative des temps.
J. Vendryes.
AIOR Y WERYDD. MHRWHRYDl).
MOR-FAIRGE
Dans un intéressant opuscule, où se déploie une érudition
étendue et ingénieuse, mais singulièrement complaisante aux
envolées d'une imagination peut-être un peu trop celtique',
M. John Rhys avance que le gallois iiienvciycici ou Diynverydd
remonte à luori-huerlio-n, mer d'Irlande.
Il paraît certain (je l'ai soutenu avec d'autres) que iiior
V lucrydd pour yu'eiydd désigne la mer d'Irlande : yiuerydd =
Iiccriio- ou Everii - (Ywerddon = lu'erjôn-^; mais merzuerydd a
une tout autre origine. Il signifie proprement agitation, le
plus souvent agitation de la mer, la mer elle-même, mais aussi
agitation de l'esprit^ légèreté, futilité d'esprit.
L. noir, 6, 2 :
a thr\'dit ryvet vv iiicrucrit
mor : cv threia cvd echwit
" Ht la troisième merveille, c'est l'agitation de la mer : ou elle
baisse où elle s'enfle. ■■
Dafvdd Benfras, Myv. Arch. 218, 2 (s'adressant à Dieu) :
nior deg \' gellv dv arw\'dda\v
tiieiivcrydil ech\v\'dd ' ac ucherddaw
(' si bien tu peux toi indiquer (par des signes) l'agitation des flots
et la période (tranquille?) du soir. »
1. Studies in earlv Irish history (Proceediin^s of Ihi' Brifisb Acadciii\
Vol. II).
2. echivydd -à plusieurs sens; il est identique au breton ce' boa-, repos du
bétail, de raprés-midi, mais aussi il a celui de fols.
Mor V îL'erydd, merwcrydd, inor-fairge. 1 3
Myv.arch. 144, ■ i :
ton, nior iiierii'crxd
(c le flot, grande son agitation (ou agitation de la nier). »
Myv. iirch. 279, 2 :
iiienuervd g\'fli\v
« de la couleur des flots (en parlant d'une femme).
i
M3V. arch. 329, 2 :
beunwid \- dvrv
aur ir gler ger nierwervdd
(( tous les joLirs, il donne de For aux ménestrels en face de la mer. »
Myv. arcli. 332, 2 : (en parlant de Dieu).
rh\\'\f iiicriucrvdil
i< le directeur des flots. »
Le .sens d';igitation, d'agitation d'esprit, futilité, est aussi
bien établi.
L. Noir 8, V . i-|
nioe V dinwassute ' iiifrivcrit no phregeth evegil
(f tu as été plus habitué aux agitations futiles (plaisirs futiles) qu'à
la prédication de l'ÉN'angile. »
L. Rouge 293, 26 :
gwvr nicru'crxdd ani drevyd yn viudravot
« l'agitation, le tumulte des guerriers luttant au sujet des villes. »
L. Tal. 136. 34 :
Rieu mcru'crxd
I.e sens est probablement agitation des rois (ou d'un roi).
Myv. Arch., 193. i :
mawretus eu iiieiuvryl
D'après le contexte, le sens ici est analogue au précédent.
I. Je lis ici dii'iuiss/ile ( = dv/inissully
14 /. Lolb.
Dans un passage de Taliesin (151, 22), le poète, en par-
lant de lui-même, dit :
nu'dwyf iiit'ixveryil
« je suis Fngité, l'inspiré. »
Pour ce sens, cf. awenydd , inspiré, prophète.
Davies donne à inenueryâdlc sens de distraction, égarement;
Silvan Evans ÇEi/oL-welsh Dict.) traduit disiracliou par nie) -
■wcrydd .
En résumé, nierwerydil a bien le sens propre d'a^^itatioii,
tiinuiUc, et s'applique plus spécialement aux flots. Il me paraît
certain que le second terme remonte à * vergiio- et est identique
à l'irlandais fciir^c, foirge, la mer (= * vorgiâ), proprement
la mer agitée; ci. vergivios Oceanos chez Ptolémée (Stokes,
Urk. Spr. 273) : d.*veigd, colère. Quant au premier terme,
il peut remonter à inori- : inenuerydd = * inori-ivorgtio- ou à
///('/■-, fou.
Il a dû V avoir une confusion en gallois entre ywerydd,
irlandais, et werydd , la mer (l'agitée), de là, des qualificatifs
comme Bran mab y zuerit. Bran fils de Llyr (la mer); y werydd
est traité comme si le mot était féminin, ce qui n'est pas impos-
sible malgré sa terminaison ; d'ailleurs le mot irlandais
fairge e^t féminin. De plus, il y a des subs. en gallois à termi-
naison en -ydd qui sont féminins : y cerennyd honno, d'après
Silvan Evans qui donne le mot cependant comme mascu-
lin. Le genre est assuré par le comique cerense =gall. cerennyd;
or cerense est féminin. L'expression rappelle d'ailleurs exacte-
ment la formule employée dans l'île de Man : Manannan mac
y Lear, Manannan fils de la mer (avec l'article défini, comme
le fiiit remarquer justement M. Rhys, p. 42).
M. Rhys cite, à l'appui de sa thèse, un passage du Livre
noir de Carniartben (p. 41). D'après lui, dans ce passage Çibid.,
Four ancien! books, II, p. 49-50). on retrouverait l'épi-
sode du iiiabinogi de Bran fils de Llyr : arrêté avec son
armée, en Irlande, devant une rivière, il fait de son corps un
pont pour ses guerriers. Voici les vers du Livre noir :
Can etliiv ruiw in rndwit
Iwerit a teulu 11a fouch
Gwydi met mevil na vynucn.
Mor y luerydd, Dienvcrydd^ ivor-fairgc. 15
M. Rhys nous dit qu'on pourrait traduire :
Since a king became the tord
of Iweryd, you host flte not :
aftcr mead, seek not shame
Je préférerais cependant, dit-il, traduire simplement :
Since a king went into the (ord
of I\vcr\ d
Le poème oià se trouve ce passage se compose de deux ou
trois parties rajustées tant bien que mal, plutôt mal. Celle qui
nous intéresse est un dialogue entre un personnage dont nous
n'avon-. pas le nom et un autre qui est un guerrier de la clien-
tèle d'Owein lleged. Le vassal d'Owein nomme son cheval
ariuitl nielin ; or c'est justement le nom du cheval de Pascen
ab Urien (L. noir, ro, 6). Pressé de dire dans quelle cour, quelle
terre il a été nourri \ il répond que c'est Oiuein Reged qui l'a
nourri^. Il fait en même temps le souhait que Dieu le délivre
de sa trop dure captivité.
Pour rodiuit, si VI. Rhvs s'était donné la peine de remonter
12 vers plus haut, il eût été fixé sur son sens.
L'interlocuteur du héros lui dit :
Cau nii'drit iiior raid y rodwita rid...
« Puisque tu sais si bien atteindre le gitc et le passage. »
Ce gué plus loin porte le nom de iwerit {ywerydd). Je ne
serais pas éloigné de croire que le nom d'Owein Reged,
joint à la mention de Rodwydd, ne soit une allusion à quelque
épisode critique de la vie du roi de Nord-Galles, Owein Gwy-
nedd. Ce sont là des artifices fréquents chez les poètes du
xii^ siècle. En effet, Owein Gwynedd fit bâtir en 1148 un
château fort en Ld (Brut y Saeson, Myv. Arch. 677. 2).
Or ce château était connu sous le nom de Tomen y Rodwydd
(Pennant, Tour in Wales, p. 104). Il fut détruit en 1148. Can
ethiv ruiiu, doit se traduire simplement : « Puisque notre chef
s'en est allé' » à Rhodiuydd Iwerydd (ou au gué d'Yzuerydd), ô
1 . Je lis : pa tir yth uaguii.
2. Oiuein Reged atn ryvaeth.
3. EtJjiv a le sens d'aller, s'en aller et mourir.
i6 /. Loi h.
famille (clan), ne fuyez pas; après riiydromel (qu'il vous a fait
boire), ne cherchez pas la honte. »
Malgré les obscurités de détail du texte, il est sûr qu'il n'est
nullement question ici de Bran, ni de l'Irlande.
Enfin, ce qui tranclie la question d'une foçon indiscutable,
c'est le composé équivalent en irlandais nior-fnirri^e. Il se
trouve dans le texte irlandais Echtra clerech Choluim cille (Revue
Celtique 1903, p. léo, 47) : ro indseadar conad a hErind
tangad.ir 7 co robadar re ré ciana ar muir 7 ar viorfairr^i for
iiienigitd... « ils dirent qu'ils étaient venus d'Irlande et qu'ils
avaient été très longtemps errants sur la mer et l'océan agité. »
M. 'Whitley Stokes, dans son Index a le signe delà longueur
sur mor : la comparaison avec menucrydd montre que c'est à
tort.
I. Lot H.
ÉTUDE SUR LE TAiN BÔ CÙALNGE
AUTREMENT DIT
<( ENLÈVEMENT DES VACHES DE COOLEY »
I
Tàin bô Cûalnge, tel est le titre de la grande épopée irlan-
daise que M. Windisch a publiée en 1905. Ce titre peut
paraître étrange. En effet, l'expédition entreprise en Ulsterpar
la reine Medb a pour but la conquête, non d'une vache, mais
d'un taureati, un taureau d'une nature supérieure et qu'on
pourrait appeler surnaturelle. Ce taureau était la septième
forme d'un porcher des dieux ou_, si l'on veut, des génies de
Munster. Ce porcher avait eu d'abord une forme humaine,
puis était devenu successivement corbeau, cétacé (c'est-à-dire
phoque ou baleine), guerrier éminent, fantôme, ver, en der-
nier lieu taureau. Comment se fait-il donc que le titre de la
pièce parle de vaches ? Pour le comprendre, il faut se rendre
compte de la façon dont a été composée la pièce dont il
s'agit .
Ce qui reste de la littérature épique irlandaise dans les sou-
venirs des paysans irlandais peut avec raison être traité de
folk-lore. Mais les vieilles compositions épiques que quelques
manuscrits nous ont conservées sont l'œuvre d'une corporation
savante, \esjilid\ c'est-à-dire voyants, dits a.ussïfâithi -, c'est-
1. Filid est le nominatif pluriel àt fili, en irlandais moderne file, fileadh.
Sur l'étymologie de ce mot, voyez Whitley Stokes, Ukeltischer Sprachschati,
p. 276, 277.
2. Les oùocTa? de Strabon, 1. IV, c. xiv, § 4; les ;j.3cvt:£i; de Diodore de
Sicile, 1. V. c. xxxi, § 3.
Revue Celtique, XXFIIl 2
i8 H. d'Arbois de Jubainville.
à-dire prophètes. La principale fonction des Jilid dans la
société irlandaise consistait à réciter le soir après dîner un
court morceau épique en prose entremêlé de vers qui étaient
chantés avec accompagnement de la harpe. Une notable partie
de ces morceaux racontait les détails de l'expédition entreprise
contre l'Ulster par Medb, reine de Connaught. Au vu'-' siècle
de notre ère, Senchân Torpeist, chef des JiIid d'Irlande, ima-
gina de réunir un certain nombre de ces petits morceaux en
une grande compilation qui fut écrite.
L'usage ancien était de ne pas employer l'écriture et de tout
confier à la mémoire. Nous savons par Jules César que telle
était de son temps la coutume des druides en ce qui concernait
leur enseignement '.
Cet enseignement pouvait durer vingt ans, et consistait prin-
cipalement pour le maître à fliire apprendre à l'élève un grand
nombre de vers. Le traité irlandais intitulé Livre de l'Ollam,
Lebar Ollainan, nous apprend que pour les filid les études
étaient moins longues, et que cependant leur durée régulière
était de douze ans. Les règles de la versification, l'écriture oga-
mique, d'autres choses encore étaient enseignées aux élèves,
mais ils devaient notamment apprendre chaque année par
cœur un certain nombre de récits épiques qu'on appelait en
irlandais drecht ou scél. On en apprenait vingt la première
année, trente la seconde, quarante la troisième, cinquante la
quatrième, soixante la cinquième, soixante-dix la sixième, en
tout deux cent soixante-dix en six ans ^
Pendant la huitième année le professeur s'assurait que les
élèves connaissaient bien les deux cent cinquante histoires
principales, /)r/V«-.ycé7a, et leur enseignait en outre d'abord trois
procédés de divination, point sur lequel nous reviendrons
plus loin, ensuite la géographie; mais la chose importante
c'étaient les histoires, c'est-à-dire les compositions épiques.
« Comme l'a dit un poète », continue le Livre de l'Ollam, «il
n'y a pas eu camp sans rois, il n'y a pas eu fili sans histoires :
Niba di'iuad gan rî^ii, ni bajilicen scc'laK »
1. De heUo galUco, 1. VI, c. xiv, § 5.
2. Book of Ballymote, p. 302, col. i,l. 14, 15, 28, 35, 44; col. 2,1. 4;
cf. O'Curry, Manners and Ciisioms, t. II, p. 172.
5. Livre" de Ballymote, p. 305, col. 2, 1. 33, 34,
Étude sur le Tarn bô Cùalnge. 19
Les filid se partageaient en dix classes selon le nombre
d'histoires qu'ils savaient. Le nombre de ces histoires était :
trois cent cinquante pour Vollani, première classe ' ; cent
soixante-quinze pour Vaurath, deuxième classe ; quatre-vingts
pour le cli, troisième classe ; soixante pour le cana, quatrième
classe; cinquante pour le dos, cinquième classe; quarante
pour le mac fuirmid, sixième classe; trente pour lefochloc,
septième classe; vingt pour le drisac, huitième classe; dix
pour le 'taman, neuvième classe ; et sept pour Yoblaire, dixième
classe^. Trois cent cinquante, le nombre d'histoires, que l'ol-
lam savait, c'était la totalité de ce qui en existait. Pour se
reconnaître dans ce nombre énorme d'histoires, on les avait
divisées en un certain nombre de séries. La liste la plus com-
plète que nous aient conservée les manuscrits irlandais ne
comprend que cent quatre-vingt-sept histoires. Il en manque
par conséquent près de moitié. Cette liste est divisée en dix-
sept séries : les douze premières comprenant les histoires
principales, prim-scéla ; les cinq dernières étant les histoires
secondaires, fo-scéla.
1° massacres, togla,
2° enlèvements de vaches, tâna \bd],
3° cours faites aux femmes, tochmarca,
4° batailles, catha,
5° cavernes, lïatha,
Histoires / 6° navigations, iiuranm^
principales \ 7° meurtres, oit te,
^° ièlits, fessa,
9° sièges, forhossa,
10° aventures, ecbtrai,
11° enlèvements de femmes, ailhid,
12° meurtres, o/V'^Wé'.
1. Sur les 350, il y avait 250 histoires principales et 200 histoires
secondaires : coic côicut de primscélaib, ocus da côicat do foscélaib, Livre
de Leinster, p. 189, col. 2, 1. 47-49. Cf. E. O'Currv, Lectures ou the
manuscript Materials of ancient irisJi History, p. 249-295.
2. Ancient Lwivs of Irelaiid, t. I, p. 44-47; cf. t. V, p. 58-75.
20 H. d'/lrbois de Jnhauivillc.
I 13° inondations, loimidnia.
Histoires '^" visions,.//./,
secondaires ^f ^^^^^^î"^.' '"'''*\, . , . .,
/ 16° expéditions militaires, sluaigida,
\ 17" émigrations, lochonilada '.
Quand on a voulu ranger dans une de ces séries l'expédition
entreprise pour faire la conquête du taureau d'Ulster, on n'a
pu la placer parmi les enlèvements de femmes, il a fallu la
mettre dans la catégorie des enlèvements de vaches. Et, en
effet, un taureau suppose des vaches, comme des vaches un
taureau. En enlevant un taureau on enlevait par conséquent
le troupeau de vaches dont il était le chef ^.
On peut se demander pourquoi les Irlandais ont dressé
d'après le premier mot du titre la liste de leurs compositions
épiques ? C'est qu'à l'époque, où pour la première fois cette
liste a été dressée, les Irlandais qui gravaient sur pierre des
inscriptions ogamiques, ignoraient l'usage d'écrire avec un
roseau ou une plume et de l'encre sur papyrus ou sur parche-
min. C'était donc à la mémoire exclusivement que devaient
se fier les Jilid, soit qu'ils se bornassent à réciter les composi-
tions des autres, soit qu'ils fussent eux-mêmes auteurs de
quelques morceaux épiques. C'est donc un procédé mnémo-
nique qui a fait inventer la liste dont nous venons de parler.
Aucune liste pareille n'a été imaginée par les trouvères qui,
dans la France du moyen âge, ont pris la place occupée plus
anciennement en Irlande par les fîlid. Les trouvères avaient à
leur disposition du parchemin, du papier, des plumes et de
l'encre. Ils écrivaient et lisaient leurs compositions, ils lisaient
les compositions des autres : ils n'avaient pas besoin de charger
leur mémoire de textes appris par cœur comme le faisaient les
druides en Gaule au temps de César, comme l'ont dû fliire en
Irlande lesyF//r/ jusqu'au moment où les missionnaires chrétiens
ont foit connaître en Irlande le parchemin, l'encre et le
roseau à écrire.
1, Book of Leinster, p. 189, 190; cf. O'Curry, MiWuscript Materials,
,p. 584-59?-
2. Tdiu /'o (JHrt/«_4'r, édition Windisch, 1. 15 28- 15 32, p. 188-191 ; 1. 2029,
p. 268, 269.
Élude sur le Tâiu hô C/iahige. 2i
Mais revenons au Livre de l'Ollam, Lehar OJIaman.
Nous y avons déjà signalé un passage important : c'est
celui où nous apprenons que les élèves qui se préparaient à
l'honorable professsion àejîli, apprenaient les trois procédés de
divination : le premier, « flamme du poème », teiniii lâida ; le
second, « enveloppement des mains qui éclairent », imbas foros-
nai; le troisième, « incantation des bouts de doigts », diceadal
di rendait ou mieux dichélal do chennaih cnàme ' . Sur ces procé-
dés de divination on trouve des détails intéressants dans le
Glossaire de Cormac et dans le grand traité du droit intitulé
Senchus Mor. Voici comment paraît s'être pratiquée Vimbas
forosnai. Le JjJi commençait par donner quelques coups de dent
à un morceau de chair de porc, de chien ou de chat. Puis il le
posait à terre, prononçait sur lui une incantation, et l'offrait
aux dieux. Après avoir adressé à deux reprises un appel au con-
cours des dieux, il s'endormait, la tête entre ses deux mains,
placées chacune sur une de ses deux joues. C'est alors que pen-
dant son sommeil une révélation lui apprenait ce qu'il voulait
savoir. Saint Patrice, dit le Glossaire de Cormac, condamna ce
procédé qui, à cause de roff"rande et de l'appel aux dieux était
incompatible avec la profession du christianisme ^.
Le Livre de l'Ollam mentionne, outre ce procédé, le teinm
lâida 5 « flamme ou éclat du poème » ; ce procédé exigeait,
comme le précédent, acte d'idolâtrie; saint Patrice le prohiba
également, mais il autorisa un troisième procédé de divination,
« poème chanté sur les bouts des doigts », littéralement sur les
1. Book of Ballymote, p. 50^, col. 2, 1. 29-50. Cf. ^^'hitIey Stokes
Three irish Glossaries, p. 25 ; Cormac' s Glossarv, p. 95.
2. Ce procédé s'appelle hhiihas forostuii, à la page 25 de l'édition donnée
par Wh. Stokes « Three irish Glossaries ». On lit iifihas forosfia dans un
passage du Snichiis Mor, Aficieiit La-ivs of Irelaïui, t. I, p. 24, 1. 32. Il y a
pour ce mot une autre orthographe : imas, Book of Ballvmote, p. 303, col. 2,
i. 30, et imns, Aiicient Laivs of [relatai, t.I.p. 44,1. 15, et t. V,p. 56,1.28.
Dans cette orthographe h est tombé par assimilation à Vin antécédent.
3. Il y a pour làida plusieurs orthographes : laeda {Three Irish Glossaries,
p. 50); laegda (Three irish Glossaries, p. 25, 30, 34, Aucient Laivsof Ireland,
t. V, p. 56, 1. 24); laodhii (ihid., t. I, p. 24, 1. 53); laega (ihid., t. I, p. 44,
1. 9). Ces orthographes différentes datent de l'époque où le g et le d médials
étaient réduits à un simple / consonne dans la prononciation irlandaise. Lâida
est le génitif singulier de iôid, laid, en allemand lied « chant « ; cf. Wh.
Stokes, Urkeltischer Sprachschat:^, p. 237.
22 H. (VArbois de Jubaniville.
bouts des os du poète '. Ce moyen merveilleux de deviner les
secrets et l'avenir était peut-être connu des Gaulois comme
des Irlandais, il aura été toléré par le clergé chrétien en Gaule
comme en Irlande et de là viendrait qu'en France on peut
« savoir sa leçon sur le bout du doigt » ^.
Ces principes posés, il y a intérêt à foire une observation.
Dans le Lebor na-hUidre qui contient le plus ancien texte de
l'Enlèvement des vaches de Cooley, la reine Medb, partant
pour sa grande expédition, désirant savoir si elle marche vers
un succès ou un désastre, demande à une prophétesse, han-fili,
qu'elle rencontre : « D'où viens tu ? » ~ « De Grande-Bre-
tagne^ où j'ai appris l'art des Jilid », répond celle-ci. Mais alors
Medb lui adresse une seconde question : a As-tu Vimbas
forosriai } » — « Nécessairement je l'ai », répond la prophé-
tesse '.
C'est évidemment le texte primitif, qui dans la rédaction
conservée par le Livre de J.einster et publiée par M. Windisch,
a été profondément modifié. La prophétesse n'y parle ni de
ses études en Grande-Bretagne, ni de Viuibas forosnai. L'auteur
de cette rédaction a craint que la prophétesse, et avec elle le
texte épique, ne tombât sous le coup de l'excommunication
prononcée par saint Patrice.
En dépit des mauvaises relations qui ont toujours existé
entre les druides et le clergé chrétien, la leçon du Livre de
Leinster conserve aux druides une position considérable. C'est
dans ce texte que nous trouvons posé ce principe : défense aux
habitants d'Ulster de prendre la parole avant leur roi et au roi
1. Docendaib a cnàma, Aucient. Laivs of Ireland, t. I, p. 44, I. 4. Voir
aussi /7'/rf.,plus bas, l. 17, et Wh. Stokes, Three irish Glossaries, p. 2^; cf.
Wh. Stokes, Cormac's Glossary, p. 95. La traduction de cnduui pzr jiti^ers
(' doigts » et non ho)U's « os » peut sembler hardie. Cependant elle paraît
justifiée par le passage du glossaire de Cormac où l'on voit Find Mac Cumail
mettre son pouce dans sa bouche quand il veut faire acte de divination.
Wh. Stokes, Three irish Glossaries, p. 34; Cormac's Glossary, p. 130.
2. Hatzfeld, Darniesteter et Antoine Thomas, Dictionnaire général delà
langue française, t. I, p. 279, col. i au mot Bout. M. Alexandre Smirnof
me fait observer que des locutions analogues existent en allemand et en
russe.
3. Lebor na h-L"idre, p. 55, col. 2, 1. 12-14; ^'J- d'O'Keetîe, p. 4,
1. 38-41.
Étude sur le Tàin hô Cùalnge. 23
de prendre la parole avant ses druides \ Une mort soudaine et
merveilleuse punit celui qui a violé cette règle : son bouclier
lui tranche la tête ^.
Il y a cependant un point sur lequel l'auteur du texte con-
servé par le Livre de Leinster a pris parti contre les druides.
La leçon la plus ancienne nous montrait le druide Cathba
auprès du roi Conchobar, son fils, et accompagné de cent
disciples qui apprenaient de lui le druidisme. Un d'entre eux
lui demanda quel événement heureux se produirait ce jour-là.
Cathba annonça qu'un jeune homme prendrait les armes ce
jour-même, et qu'en Irlande le nom de ce jeune homme
serait toujours célèbre'. Il s'agissait de Cûchulainn qui était
alors âgé de sept ans. Cathba avait donc prophétisé. Dans le
Livre de iLeinster ce récit est reproduit, mais le nombre des
élèves de Cathba est réduit àhuif. Du reste, pas de différence
sérieuse entre les deux textes quand il s'agit des druides.
Voici toutefois encore un point où les Druides sont sacrifiés
par le Livre de Leinster. Les deux textes s'accordent pour
nous dire que les guerriers réunis à l'appel de Medb pour
envahir l'Ulster passèrent quinze jours à s'amuser dans la for-
teresse de Cruachan, capitale du Connaught, avant de se
mettre en route. Pourquoi ce retard? Afin de rendre la marche
plus facile, dit le livre de Leinster >. Une raison plus sérieuse
est donnée par la version conservée dans le Lebor na-hUidre.
C'est que leurs prophètes, c'est-à-dire leurs filid, et leurs
druides leur avaient défendu de partir plus tôt ^. Mais, si cet
important détail fait défaut dans le Livre de Leinster, il y a
immédiatement une compensation. Au moment de se mettre
en route, la reine Medb, voulant savoir quel sera le résultat
de son entreprise, ne consulte pas seulement une femme y?//,
comme nous avons dit plus haut : elle s'adresse d'abord à son
druide. Elle prévoit qu'un certain nombre des guerriers qu'elle
1. Ed. Windisch, p 673, 1. 4724-4725.
2. Ihid., 1. 4747.
3. Lebor na h-Uidre, p. 61, col. i,]. 18-27 ; O'Keeffe, p. 22. 1. 546-55:
4. Ed. Windisch, p. 131,!. T071.
5. Ed. Windisch, p. 27, 1. 189.
6. Lebor na h-Uidre, p. 55, coL i, L 27-29; O'Keefte, p. 3, L 20.
24 H. iVArhoh de JiihninviUe.
emmène perdront hi vie dans cette expédition, et qu'elle,
reine Medb, sera maudite par les parents et les amis des morts.
Mais quant à elle une seule chose la préoccupe, c'est de savoir
si elle reviendra. « Peu importe le sort de tel ou tel autre »,
répond le druide, « toi, tu reviendras'. » Eh bien, ce passage
fait défaut dans le Lebor na-hUidre.
Les deux textes sont d'accord pour nous présenter le grand
héros Cûchulainn comme un élève de druide Cathba ^ .
Les druides sont une institution spéciale aux Celtes des
Iles Britanniques et de la région située sur le continent à
l'ouest du Rhin. Mais quant au reste des idées religieuses, les
doctrines des L'iandais épiques sont en général semblables à
celles des Grecs de la période homérique. Leur religion
n'était pas une copie de la religion grecque, mais suppose à
sa base des conceptions identiques.
Dans Vlliade la déesse Thétis est l'épouse de Pelée, roi des
Myrmidons en Thessalie; c'est ainsi qu'Achille, fils de Pelée,
a pour mère une déesse '. De même, dans une des préfaces
du Tàin, la déesse Mâcha s'unit à Crunniuc, riche cultivateur
d'Ulster, et donne le jour à deux enfants 4. Réciproquement
chez les Grecs et les Irlandais, les dieux s'unissent aux
femmes mortelles. Ainsi, Héraclès est le fils de Zeus dieu
suprême ec d'Alcmène femme d'Amphitryon >. Les Irlandais
peuvent mettre en regard d'Héraclès Cûchulainn, fils du
grand dieu Lug et de Dechtire, sœur du roi Conchobar. Par
ses merveilleux exploits comparables à ceux d'Héraclès, il
justifie, comme le demi-dieu grec, son origine divine. Mais à
son sujet il y a une observation à faire. L'auteur du texte
conservé par le Livre de Leinster n'a pu admettre que le plus
grand héros dont l'Irlande puisse se glorifier, fût fils d'un
1. Ed. \\'indisch, p. 27, 1 194-200.
2. Lebor iia h-Uidre, p. 6:, col. i, 1. 29-30. O'Keeffc, p. 22, 1. 55.3-554.
E. Windisch, p. 133, 1. 1080-1081.
3. Iliade, XXIV, 59-61.
4. Livre de Leinster, p. 125, col. 2. Windisch, dans Berichte der K. Sachs.
Gesellchajt der Wissenschaften, séance du 12 décembre 1884. Cours de litté-
rature celtique, t. V, p. 320-325. Thurneysen, Sagen ans deui alten Irland,
p. 22-24.
5. Odyssée, XI, 267-268.
Ëtude sur le Tâin bô Cùahige. 25
dieu païen, et par conséquent un démon comme ces faux
dieux. Dans le Lebor na-hUidre, le héros Cûchulainn, après
une suite de combats où il a toujours été vainqueur, est
couvert de blessures et accablé de fatigue. Alors, le dieu Lug,
son père, vient à son secours, panse ses blessures et le guérit ' .
Le Livre de Leinster ne parle pas de Lug dans le récit de cet
épisode. Il remplace Lug par un dieu innomé, ami du héros ^.
Ayant recouvré ses forces, Cûchulainn fait de nouveaux,
exploits, plus merveilleux que les premiers. Il monte sur son
char armé de faux et sur ce ciiar il tait trois fois le tour de
l'armée ennemie, abattant chaque fois un nombre énorme
d'hommes '. On a dit que parmi les morts on comptait cent
cinquante rois et que des guerriers qui accompagnaient les
rois trois seulement rentrèrent au camp sans blessures, tandis
que ni Cûchulainn, ni son cocher ni ses deux chevaux n'éprou-
vèrent le moindre mal ■^. La plus ancienne rédaction expli-
quait ce merveilleux résultat par le concours du grand dieu
Lug qui aurait accompagné Cûchulainn dans sa marche
triomphante autour de l'armée de la reine Medb. Le
Lebor na-hUidre et le Livre de Leinster mentionnent sans
l'admettre cette intervention du dieu Lug K Elle révoltait les
chrétiens qui ont écrit ces deux manuscrits. Au point de vue
païen elle donnait à Lug une énorme supériorité sur Ares
blessé et réduit à la fuite par un simple mortel, le grec
Diomède ''.
Cette suppression du père divin de Cûchulainn eut un
résultat bizarre. Il a été de faire mutiler et déformer le récit
légendaire qui racontait comment était né le célèbre héros.
Suivant ce récit le dieu Lug avait un jour enlevé Dechtire,
sœur du roi Conchobar, et avec elle cinquante jeunes filles
1. Lebor na h-Uidre, p. 78, col. 1, 1. 15-20. La médecine était un des
nombreux arts que Lug pratiquait. Voyez The second haltle of Moytiira,
édition Whitley Stokes, § 64, Revue Celtique, t. XII, p. 76-79.
2. Tdin bô Cûahige, suivant le Livre de Leinster, éd. Windisch, p. 340-
343-
3 . Tdm bô Cûalnge, édition Windisch, p. 380-383 .
4. Lebor na h-Ûidre, p. 80, col. 2, 1. 39-45. Winifred Faraday, p. 93.
5. Lebor na h-Uidre, p. 80, col. 2. 1. 23, 24; Livre de Leinster, édition
Windisch, p. 383, 1. 2659, 2660. Winifred Faraday, p. 93.
6. Iliade, V, 855-906.
26 H. d'Arbois de JnhauivUh.
d'Ulster. Pendant trois années complètes elles furent absentes,
puis elles revinrent sous forme d'oiseaux, qui dévoraient
tout, ne laissant pas un brin d'herbe sur terre. Conchobar fit
atteler neuf chars. Il monta sur un de ces chars, ses prin-
cipaux guerriers montèrent sur les huit autres et avec eux il
alla combattre ces terribles oiseaux. Il ne put les atteindre.
Enfin, au lieu d'oiseaux, Conchobar et ses compagnons trou-
vèrent une belle maison, et dans cette maison Dechtire avec
les cinquante jeunes filles. Dechtire était enceinte et accoucha
d'un fils dont Lug était le père et qui s'appela Setanta. Ce
récit ne nous a été conservé que dans des rédactions où il a
été déformé. Il y a telle rédaction où le nom de Lug n'apparaît
point; telle autre où, rendue grosse par Lug, Dechtire se fait
avorter, puis épouse Sualtam, dont Setanta, plus tard appelé
Cûchulainn, est le fils '. Mais telle n'est pas la donnée
primitive.
Cûchulainn, le grand héros irlandais, est fils du dieu suprême
et d'une femme, comme le grand héros grec Héraclès, et c'est
l'explication des prodigieux exploits que les deux personnages
mythiques accomplissent, d'abord tout enfants, ensuite à l'âge
d'homme.
Un des principaux exploits d'Héraclès fut sa descente aux
enfers. II eut avec Haïdès, le roi des morts, un combat sin-
gulier dont il sortit vainqueur, et il revint emmenant avec
lui le fameux chien Cerbère gardien de la porte d'Haïdès^.
Cûchulainn a feit le même voyage. Il a été dans le pays
des morts qui pour les Celtes est aussi celui des dieux.
Comme Héraclès il a livré bataille, comme lui il a triomphé'.
Mais son voyage a été beaucoup plus gai que celui du héros
grec. En effet, la doctrine celtique ne met pas la seconde
vie des morts dans un obscur souterrain. Elle la place sur la
terre éclairée par le soleil au delà de l'Océan, à l'Occident
1. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 154, 145, 324, 325. H. Zimmer dans
]a Zeitschrift de Kuhn, t. XXVIII, p. 500-504. Louis Duvau dans la Rei'.
Celt., t. IX, p. 1-13. Thurneysen, Sa^en ans dem alten Irland, p. 58-62.
2. Serglige Conculaind, § 36, chez Windisch, Irische Texte, t. I, p. 220.
Cf. Cours de litttérature celtique, t. V, p. 204.
3. Iliade, Ylll, 367-369. Cf. V, 392-397, ei ApoUodori Bihliotheca,\. II,
c. 5, § 12; Fragmenta Historicoriim Graecoriim, t. I, p. 142-143.
Élude sur le Tàin hô Cùalnge. 27
extrême. Ce que le héros Cûchulainn ramena de ce pays
mystérieux, ce ne fut pas l'affreux chien Cerbère. Ce
fut une jolie déesse amoureuse de lui et qui abandonna le
dieu son mari pour se faire épouser par le célèbre guerrier
irlandais. Mais elle ne resta pas longtemps avec lui. Cûchu-
lainn avait laissé une femme en Irlande. Celle-ci ne pouvant
supporter une rivale, voulut la tuer. Arrêtée par Cûchulainn,
elle montra un tel chagrin que le héros en fut ému : « Je
t'aime toujours », lui dit-il. A ces mots la déesse irritée
retourna près du dieu son mari '.
On peut donc signaler entre Héraclès et Cûchulainn des
différences importantes, mais ces deux personnages mytholo-
giques ont un certain nombre de traits communs.
Il y a entre l'épopée irlandaise et l'épopée grecque d'autres
points de ressemblance. Au début de V Iliade on voit apparaître
une maladie causée par la colère d'un dieu dont le prêtre
avait adressé aux Grecs d'inutiles supplications. Cette maladie
est le point de départ nécessaire pour expliquer une grande
partie de ïlliade. De même dans l'Enlèvement des vaches de
Cooley, une maladie provoquée par une vengeance divine est
un trait préliminaire indispensable et sans lequel les événe-
ments qui suivent ne se seraient point produits. Pour sauver
la vie de l'homme qu'elle avait épousée, la déesse Mâcha a
été obligée par le roi Conchobar, de lutter à la course avec
les chevaux de ce prince inhumain. Elle était enceinte. Arrivée
au but avant les chevaux, victorieuse par conséquent, elle
accoucha immédiatement et lança une malédiction contre les
hommes qui, présents à son supplice, n'avaient pas eu piiié d'elle
et n'avaient pas pris son parti contre le roi. Tous ces hommes
furent condamnés à subir une fois dans leur vie les douleurs
de l'accouchement pendant cinq jours et quatre nuits ou
quatre jours et cinq nuits soit neuf périodes de douze heures
chacune formant la neuvaine des Ulates, noinden Ulad^.
X. Sergh'ire Conciilaind, § 39-46. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 222-226.
Cours de litt. celt., t. V, p. 208-215.
2. Windisch, dans Berichte der K. Sachs. Gesellschaft der Wisseiisclkifleu,
séance du 12 décembre 1884. Cours de litt. celt.,i.Y, p. 320-325. Tliurney-
sen, Sagen ans deni altcii Irland, p. 22-24.
28 H. d'Arbois de JiihainvUlc.
Au moment où l'armée de Medb envahit l'Ulster, tous
les guerriers de cette province, sauf Cùchulainn et les exilés,
étaient atteints de cette maladie terrible ' . Telle est la cause pour
laquelle le héros dut seul tenir tète aux troupes si nombreuses
que la reine de Connaught avait mises en mouvement. Les
nombreux combats qu'il livra remplissent la plus grande partie
de l'épopée dite Enlèvement des vaches de Cooley.
Ainsi, la maladie étrange causée par la vengeance de la
déesse Mâcha est un élément essentiel de l'épopée irlandaise.
De même au début de Ylliade apparaît, comme nous l'avons
dit, une épidémie envoyée par Apollon sur la demande de Chry-
sès, son prêtre, auquel une fille avait été enlevée et dont Chrv-
sès n'avait pu obtenir la restitution. Cette maladie dure non
pas cinq jours et quatre nuits, ni quatre jours et cinq nuits,
mais neuf jours. C'est la neuvaine des Grecs comparable à
celle des Ulates sans lui être absolument identique. Elle cesse
quand Chryséis est restituée à son père. Mais de là une série
d'incidents dont résulte la querelle entre Agamemnon et
Achille et la résolution que prend Achille de ne plus paraître
dans les combats contre les Troyens.
Voici encore un point sur lequel VIliade s'accorde avec la
grande épopée irlandaise. Les Grecs ont une déesse de la
guerre, Pallas Athêna. Les Irlandais en ont une qui porte
ordinairement aussi deux noms : Morrigan et Bodb ^. Chose
curieuse, la déesse grecque et la déesse irlandaise apparaissent
toutes deux sous forme d'oiseaux. Athèna, voulant assister au
défi qu'Hector adresse aux chefs des Grecs, vient se poser sur
un arbre sous forme d'un vautour '. Plus tard, elle prend la
forme d'une hirondelle pour assister du haut d'une des solives
du plafond au massacre des prétendants '^. Or, dans une des
1. Tdin hô Cùalncre , édition Windisch, 1. 224, 231, 234, 240, p. 30-35;
1. 769, p. 92, 93 ; 790, p. 96, 97 ; 1. 3226, V. 468, 469 ; 1. 4544, p. 646, 647 ;
1. -4938-4940, p. 698-701.
2. Son troisième nom Nemain est moins fréquent. Livrede Leinster, édi-
tion Windisch, p. 339, 1. 2444; p. 709, 1. 5004. Sur .Vlacha, quatrième nom
de la déesse, voir Revue Celtique, t. I, p. 34-37.
3. Iliade, VII, 57-60
4. Odyssée, XXII, 241.
Ëtiide sur le Tàiii bô Cùalnge. 29
préfaces de l'Enlèvement des vaches de Cooley, la déesse de la
guerre, désignée par le nom de Badb, ou Bodb, se montre à
Cùchulainn sous forme d'un oiseau noir perché sur une
branche d'arbre'. On la retrouve sous forme d'oiseau avec
son autre nom, Morrigan, dans la plus ancienne rédaction
de l'enlèvement des vaches de Cooley^.
Ce dernier texte nous la montre perchée sur une pierre
levée du haut de laquelle elle adresse la parole au taureau de
Cooley 5 .
Nos comparaisons avec l'Iliade sont terminées. Nous passons
à VOiiyssée. Au livre XI nous y voyons Ulysse arrivé au pays
des Cymmériens, sur les bords de l'Océan. Avec son épée il
creuse une fosse où il fait couler le sang des victimes qu'il
immole. Aussitôt apparaissent les morts, et parmi eux le
devin Tirésias de Thèbes : celui-ci prédit la continuation des
voyages d'Ulysse et son retour à Itaque •*. De la littérature
épique des Grecs revenons à celle de l'Irlande. Sous le règne
de Guaire Aidne qui apparaît dans les Annales des Quatre
Maîtres dès 622 et qui mourut roi de Connaught en 662 ^,
Senchân Torpeist devint le chef des filid d'Irlande, et pour
fêter sa bienvenue, alla, accompagné d'un nombreux cortège,
demander l'hospitalité au roi de Connaught. Senchan ne vou-
lant pas abuser n'avait amené avec lui que trois cents Jîlid,
dont cent cinquante maîtres et cent cinquante élèves ; ces
filid étaient accompagnés de cent cinquante chiens, de cent
cinquante domestiques mâles, de cent cinquante femmes et de
vingt-sept ouvriers de chaque profession ^. Leurs exigences et
1. Tain bô Regamna, dans le Livre jaune de Lecan, p. 55, col. 2, 1. 12 ;
Windisch, Iriscbc Texte, seconde série, 2<^ cahier, p. 345, 1. 46.
2. Lebor na h-Uidre, p. 64, col. 2, 1. 30-31. Livre Jaune de Lecan, p. 24,
■col. I, 1. 2S-29 ; édition O'Keeiïe, p. 32, 1. 843-844.
5. A comparer Windisch, Tdiii bô Cùalnge, p. 184, note 4.
4 . Odyssée , XI, 13-149.
5. Ed. d'O'Donovan, p. 244, 245, 272, 273.
6. Iinthcacht ua tromdhainihe à^ns Transactions of theOssianic Society , r.. V,
p. 38, 39. Les événements dont il s'agit dateraient de la première moitié
du septième siècle, suivant O' Curry, Mainiers and Ciistonis, t. III, p. 376,
de la fin du même siècle d'après Hleanor HuU, A text Book of Irish Lite-
'■afure, p. 43.
30 H. d'Arbois de J iihainville .
leur séjour prolongé finirent par flitigucr Guaire. Marban, son
porcher, d'autres disent son frère, un saint ermite, vint à son
aide ; il adressa aux hôtes de Guaire l'injonction magique, ^m,
de ne jamais rester plus de deux nuits de suite au même logis
tant que l'un d'eux n'aurait pas récité d'un bout «à l'autre le
Tàin ho Ci'ialnge. Ils partirent, mais aucun d'eux ne connais-
sait autre chose que des h'agments de cette vaste composi-
tion '. Après de longs voyages employés à des recherches
infructueuses, Senchân Torpeist, pour avoir le texte complet
envoya, dit-on, deux de ses disciples, Murgen, son fils, et
Emine hua Ninene au tombeau de Fergus mac Rôig, un des
principaux chefs de l'armée de la reine Medb. Murgen s'assit
près du tombeau. Emine et les gens de la suite allèrent à la
recherche d'une maison où ils pourraient trouver hospitalité.
Pendant ce temps Murgen chanta un poème où il faisait appel
à Fergus. Immédiatement apparut un nuage qui pendant trois
jours et trois nuits rendit Murgen invisible à ses compagnons;
aussitôt que le nuage se fût produit Fergus sortit du tom-
beau. Son manteau était vert, conmie il convient à un héros
irlandais, il avait une chemise avec capuchon, sur elle une
tunique rouge ; il portait une épée avec poignée d'or.
Ses sandales étaient de bronze, et sa chevelure noire. Il
récita à Murgen le Tâin d'un bout à l'autre. Naturellement
les chrétiens irlandais ne purent admettre qu'un Jili ait eu la
puissance d'évoquer les morts. Ils dirent que c'étaient des
saints qui, par un jeûne pieux, avaient fait sortir Fergus de
son tombeau et obtenu de lui le récit complet du Tàin. Ces
saints, dirent-ils, étaient ensuite allés répéter à Senchân le récit
de Fergus. Mais suivant la légende primitive, ce serait Murgen
qui, instruit par Fergus sorti du tombeau, aurait appris à
Senchân le texte complet du Tàin^.
Si Senchân attribua cette origine merveilleuse à la compi-
lation qu'on lui doit, son but était d'assurer le succès de son
œuvre. Et nous sommes en droit d'en conclure que les Irlan-
1 . Concomgarthà trd filid EreiiJ do Shenchdn Torpeist dûs in ba mebor
leo Tàin bôCualngi in a ôgi. Ocus asbertatar nad fetar di acht bloga nammâ.
Livre de Leinsier, p. 245, col. 2, 1. 2-), cf. O' Curry, Ms.Materiah, p. 494.
2. Livre de Leinster, p. 245, col. 2, 1. 11-29.
Étude sur le Tàiii hô Ciialnge. 31
dais du vii^ siècle de notre ère, comme les contemporains
d'Homère, quatorze cents ans plus tôt croyaient possible l'évo-
cation des morts.
Cette croyance avait existé chez les Celtes à une date beau-
coup plus ancienne. En effet, Tertullien nous apprend que,
suivant Nicander, les Celtes allaient passer la nuit près des
tombeaux où avaient été déposés après incinération les restes
des hommes braves, et qu'ils leur demandaient des oracles '.
Le Nicander cité par Tertullien au iii^ siècle de notre ère est
vraisemblablement Nikandros de Kolophon, contemporain
d'Attale III, roi de Pergame, qui régna de 137 à 131 avant
J.-C. ^. Les Celtes dont il s'agit dans ce passage de Tertullien
sont évidemment les Gaulois, soit d'Italie soit des bords du
Danube, soit de la région située à l'ouest des Alpes et du
Rhin, à moins cependant que Nicandros n'ait voulu parler de
la colonie des Celtes en Asie Mineure où ils ont porté les noms
de Calâtes et de Galatie.
La littérature homérique ne nous offre rien d'analogue au
taureau de Cooley. Le pendant de ce taureau dans les textes
grecs c'est le Minotaure qui a comme le taureau de Cooley
une origine divine. Le taureau de Cooley est la septième
forme d'un porcher des dieux ou des génies de Munster. Sous
sa sixième forme il avait été ver et vivait dans une source.
Une vache, étant allée boire à cette source, avala le ver, et en
conséquence donna le jour au célèbre taureau de Cooley. Le
Minotaure avait eu pour père un taureau donné par Poséidon
à Minos et sa mère était Pasiphaé, fille du soleil '.
1. Et de nocturnis imaginibus opponitur saepe non frustra mortuos
uisos, nam et Nasamonas propria oracula apud parentum sepulcra mansi-
tando captare, ut HeracUdes scribit, vel Nymphodorus, vel Herodotus ; et
Celtas apud uirorum fortium busta eadem de causa abnoctare, ut Nicander
affirmât. Tertullien, De anima, 57, édition de Tertullien donnée pour
l'Académie de Vienne ; Corpus Scriptorum ccclesiasticormnlatinormn^ t. XX,
p. Î93, par Auguste Reifferscheid et Georges Wissowa; cf. Migne, Pativlo-
gia latina, t. II, col. 749 B ; et Fustel de Coulanges dans la Revue Celtique,
t. IV, p. 52, note 7.
2. Christ, Geschichte der Griechischen Litleratur, 3e éd., p. 536-537.
5. ApoUodori Bihliotheca, livre III, c. i, § 2-3. Charles et TheodorMûller,
Fragmenta Historicoruiii Graecoruiu, t. I, p. 151.
32 H. (V Artois de Jubainville.
Plus tard Minos, en guerre avec les Athéniens, exigea
comme condition de paix qu'ils envoyassent en Crète tous les
ans, sept garçons et sept jeunes filles qui devaient être dévorés
par le Minotaure \ On sait que le Minotaure fut tué par
Thésée ^ Le taureau brun, Donn, de Cooley après avoir triom-
phé de son rival le Find Bennach ou Blanc Cornu, mourut
presque immédiatement par le fait des blessures qu'il avait
reçues pendant le combat K Mais^auparavnnt imitant la cruauté
du Minotaure il avait tué aux Irlandais cent enfants ■*, c'est-
à-dire les deux tiers des cent cinquante enfants qui alternati-
vement, par groupes de cinquante, jouaient ensemble toutes
les après-midi sur son beau et vaste dos, tandis que cent guer-
riers rangés auprès de son corps immense y trouvaient, sui-
cvant la saison, abri contre la chaleur, abri contre le froid >.
II
Il y a dans le Tâiii un passage qui paraît se rattacher cà un
■des événements les plus importants de l'histoire des Iles Bri-
tanniques. Nous voulons parler de la conquête de la Grande-
Bretagne et d'une partie de l'Irlande sur les Gôïdels par les
Gaulois à une date qu'on ne peut déterminer rigoureusement.
Nous avons parlé du ii""' siècle avant notre ère. M. Romilly
Allen dit qu'il n'y a pas de raison pour croire que ce grand
événement ait eu lieu beaucoup antérieurement à l'an 300
avant J.-C. ^
Le nom que ces Gaulois conquérants portent dans le Tâiii
est au nominatif pluriel GaJiôtn. Mais cette orthcgraphe est
relativement moderne : Yo long placé entre les deux /' tient lieu
d'un a long plus ancien, comme l'a établi M. Windisch. En
effet, le génitif pluriel de ce nom assonne avec giaJl et avec
s;riau, ce qui exige une forme GaJiàu au génitif pluriel, par
1. ApùUodori Bibliolbeca, livre III, c. i), ^ 8. Fnioiiieiila Historiconiin
Graecoi mil, t. I, p. 78.
2. Phérécydes, fragm. 106. Ibidem, p. 97.
5. Tdiii bô Ci'ialiige, éd. Windisch, 1. 6192-6205, p. 906-909.
4. Lebor na h-Uidre, p. 64, col. 2, 1. 43-44- Livre faune de Lecan, p. 24,
^ol. I, 1. 42-44. Ed. O' Keeffe, p. 33, 1. 855-856.
5. Tdiii bo Cùahioe, éd. Windiscli, 1. 15 32-1 5 36, p. 190, 191.
6. Celtic Art in Pagan and Christian Times, p. 21.
Étude sur le Tâin bô Cùahige. 33
conséquent aussi au nominatif singulier Galiàn et au nomina-
tif pluriel Galiâin\ Les Galiâin s'étaient établis dans la région
sud-est de l'Irlande,' c'est-à-dire en Leinster% dans la partie
méridionale de cette province, au comté de Wexford, là. où
Ptolémée au 11^ siècle de notre ère montre la ville de Manapia
et les Mc'napi{\ nom vraisemblablement identique à celui des
Menapii établis sur le continent et en France, là où est situé
aujourd'hui Cassel département du Nord-*. En Irlande on
trouvait près des Menapii, au temps de Ptolémée, les Bri-
S^ûfitesK Ceux-ci portaient le même nom que les Brigantes de
Grande-Bretagne, chez lesquels était York, Eburacon^. Les
Brigantes de Grande-Bretagne et ceux d'Irlande étaient pro-
bablement une colonie des Brigantii ' , chez lesquels se trou-
vait Brigantiuni, aujourd'hui Bregenz, dans le Vorarlberg,
empire d'Autriche, et Cauibodnnon, aujourd'hui Kempten en
Bavière.
La question se pose de savoir à quelle époque ces peuples
gaulois Manapii et Brigantes sont venus s'établir en Irlande.
Suivant le traité irlandais intitulé Do flathinsaih Erend, un roi
nommé Ugaine le Grand aurait régné sur l'Irlande et la
Grande-Bretagne jusqu'à la mer Manche ^. Par conséquent au
temps d'Ugaine, les Gaulois n'avaient pas encore fait la con-
quête de la Grande-Bretagne. A quelle époque devons-nous
placer Ugaine ? Suivant les Annales de Tigernach, Echu
Buadach, père d'Ugaine le Grand était roi suprême d'Irlande
quand arriva la dix-huitième année du règne de Ptolémée, fils
de Lagos, c'est-à-dire vers l'an 306 avant notre ère 9. Par consé-
1. Tdiii bô Cûaliige, éd. Windisch, p. 63, 1. 519-527. Cf. p. 1075,00!. 2.
2. Laigin... tri anmann doib. i. Fir Domnann, Gaileoin, Laigin. Dinnse-
chtis, édité par Wh. Stokes, Rcv. Celt., t. XV, p. 299. Gaileoin i cuigiud
Lagen. Booi< of Ballymote, p. 255, col. 2,1. 37.
5. Edition de Ch. Mûller, p. 79, 1. i et 12.
4. Ihiil., p. 223, 1. 9-10. Cf. Holder, AltccltiscJier Sprachschali, t. II,
col. 543-S47-
). Ptolémée, èàmon de Ch. Mùller, p. 79, 1. 13.
6. Ihjd., p. 96-98. Cf. Eoldev. Altceltischer Sprachschati,t. l,col. 534-535.
7. Holder, Altccltischer Sprachschati, t. I, col. 5^6-537.
8. Gabais Ugaine niôr mac Echdach Buadaig rîge Erend ocus Alban ko
muir n-Icht. Livre de Leinster, p. 21, col. 2, 1. 58-39.
9. Edition Wh. Stokes, Rev. Celt., t. XVI, p. 394.
Revue Celtique, XXFIII. y
34 H. d'Arbois de Jiibaiin'ille.
quent le règne d'Ugaine le Grand doit probablement être
mis dans la première moitié du ui" siècle. A cette date les
Gôïdels étaient maîtres de la Grande-Bretagne comme de l'Ir-
lande. L'invasion gauloise dans les Iles Britanniques n'avait
pas commencé.
A Ugaine le Grand succéda un de ses rtls, Lôegaire Lorc,
qui avait un frère, Cobthach Côel Breg par lequel il fut assas-
siné et qu'il eut pour successeur.
Cobthach Côel Breg régna cinquante ans, fit périr Ailill
Ane, fils de son frère, chassa d'Irlande Labraid surnommé
l'Exilé, Loiiysech, fils d'Ailill Ane et par conséquent petit-
neveu de ce cruel Cobthach Côel Breg'.
Les deux meurtres commis par Cobthach Côel Breg ont été
racontés avec détails par \ts Jilid irlandais. La royauté suprême
obtenue par Lôegaire Lorc, son frère, rendit Cobthach telle-
ment jaloux qu'il tomba malade. On parlait de sa mort pro-
chaine. Il fit prier son frère de venir lui dire un dernier adieu.
Lôegaire se rendit à cet appel. « Reviens demain », dit
Cobthach, « tu organiseras mes funérailles ». Lôegaire revint
en eft'et. « Dites-lui que je suis mort », dit Cobthach à ses
femmes et au chef de ses domestiques. « Placez-moi sur mon
char et mettez-moi en main un poignard bien tranchant. » Cet
ordre fut exécuté. Lôegaire tout en larmes se précipita sur le
corps de son frère qui lui enfonça le poignard dans le cœur.
A la suite de ce meurtre Cobthach Côel Breg devint roi
suprême d'Irlande. Le fils de Lôegaire Lorc, Ailill Ane, dut se
contenter du royaume de Leinster. Mais c'était trop pour
l'ambition de Cobthach Côel Breg et quelqu'un tut payé par
lui pour faire prendre au roi de Leinster un breuvage empoi-
sonné qui lui ôta la vie'. Le fils d'Ailill Ane dut abandonner
le trône de son père à son grand-oncle, et pour se conserver
la vie quitter l'Irlande, en conséquence de quoi il reçut le sur-
nom de Loiigsccb, « Exilé ». Ce fut en Grande-Bretagne qu'il
se réfugia. Il avait avec lui neuf compagnons. Un texte irlan-
1. Do flathiiisdih Erciid, dans le Livre de Leinster, p. 22, coL i, \. 39-46.
2. Orc;ain Diiul-rio-, édition de Wh. Stokes dans Zeilscbrift fiïr Ccltische
Philologie, t. III, p. 2-3, 9-10.
Étude sur le Tàiii ho Cùaluge. 35
dais prétend qu'il se créa en Grande-Bretagne un royaume '.
Suivant un autre texte irlandais, « se dirigeant vers l'est, il
atteignit l'île des Bretons et les jeunes gens tachetés de la terre
des hommes de Ménia et se mit au service de leur roi » ^.
Ménia n'est pas autre chose que Menapia prononcée à l'irlan-
daise avec chute du p et de Va qui le précède. Les Irlandais ne
pouvaient prononcer la lettre p, et Va précédent était postto-
nique puisque c'était en irlandais la syllabe initiale qui était
accentuée. Le roi de Ménia, c'est-à-dire de la Menapia située
sur le continent dans la Gaule Belgique, prit en amitié l'exilé
et l'envoya en Irlande avec une flotte de trois cents vais-
seaux K
L'expression tir fer Menia « terre des hommes de Ménia »
embarrassa beaucoup les Irlandais pendant la seconde partie du
moyen âge. Certains avaient lu la Bible ; ils connaissaient le
passage de la Genèse, ch. 8, verset 4, où il est dit que l'arche
s'arrêta sur les monts d'Arménie et le livre IV des Rois, ch.
19, verset 57, où on lit que deux fils de Sennachérib, ayant
tué leur père, se réfugièrent dans la terre d'Arménie. En consé-
quence ces Irlandais remplacèrent /t'r luenia par Armenia. C'est
la leçon du Livre Jaune de Lecan^. En effet fer, aujourd'hui
fear se prononçait far, et ce mot, étant complément détermi-
natif du substantif précédent, perdait son /5. Ainsi tir fer
Ménia se prononçait tir ar menia. La prononciation pénétra
dans l'écriture où tir ar menia devint facilement tir Arnienia.
Mais cette notation nouvelle ne fut pas universellement
adoptée. On proposa de corriger Menia en M.orca. Labraid
1. Riigaib rige co Muir n-lcht. Oijaiii Diud-rig, édition de Whitley
Stokes, Zeitsclirift fur Cettisctoe PJiilotogie, t. III, p. 8.
2. Fri ri fer Menia. Ms. Egerton, 1782 du Musée Britannique, cité par
Whitley Stokes, Kevue Celtique, t. XX, p. 430, note 2.
5. Re^ue Celtique, t. XX, p. 430, t. 23. 24.
4. Whitlev Stokes, Revue Celtique, t. XX, p. 430, 1. 3.
5. Zeuss, Grammatica Ccltica, 2'^ édition, p. 181. Comparez le nom de
lieu irlandais moderne Tireragh pour Tir Fiachrach, O'Donovan, Anuah
of the Four Masters, t. VI, p. 1 1 1 , et tir snihach « terre fertile », prononcé
tirhutacli, Windisch, Irisctje Texte, t. I, p. 172, 1. 23.
jé H. iVArlnns de Juluiiiiville.
Longsech serait allé chtrchcr asile chez le roi des hommes de
Morca '.
Les Jir Morca habitaient dans l'Irlande méridionale, en
Munster - ; pour Labraid, le surnom d'Exilé ne se comprend
plus si l'on adopte cette leçon, et on ne conçoit pas comment
pour aller de Leinster en Munster il serait passé par l'île des
Bretons. Il y a un texte qui, sur l'exil de Labraid, jette beau-
coup plus de clarté. Les GaJiàiu nourrirent Labraid pendant son
exil dans les terres des Gaulois '. D'accord avec M. Whitley
Stokes, nous traduisons par Gaulois l'irlandais Gall \ Le mot
irlandais Gall a eu d'abord ce sens. M. Kuno Meyer a fait
observer que, dans un passage d'un récit de l'émigration des
Dessi au iiV siècle de notre ère, il est parlé du vin venant
a tîrib Gall, c'est-à-dire des terres des Gaulois >. Ni la Norvège
ni le Danemark ne produisaient de vin à cette époque pas
plus qu'aujourd'hui.
Plus tard, Gall a pris un sens différent : il a désigné les
pirates venus de Scandinavie et de Danemark, qui apparurent
sur les côtes d'Irlande à partir de 795 et dévastèrent cette
pauvre île pendant le ix^' et le x^ siècle. Les Romains
avaient cru que les Cimbres, tribu germanique, étaient
Gaulois. Cicéron, écrivant en l'an 5) avant J. -G. le livre II
de son traité De oratore, commettait encore cette erreur. Les
Irlandais du ix^ siècle après J.-C., comme les Romains de la
première partie du premier siècle avant notre ère, ne sai-
sirent pas la différence qui existait entre les Germams et les
Gaulois. De là cette conséquence que, dans un texte irlandais,
le fils du roi de Danemark est donné comme un des auxiliaires
de Labraid Longsech dans le terrible acte de vengeance qu'il
exerça contre son grand-oncle à Dindrîg ^ .
1. Tiagait iarum cor-rig Fer Morca. Whitley Stokes. Zeitschrift ft'ir Ccl-
lische Philolocrie, t. III, p. 4. Cf Revue Celtique, t. XX, p. 166, 429, 431.
2. Whitley Stokes dans la Revue Celtique, t. XX, p. 429.
3. Gailiain roalsat Labraid for a loinges hi tiribGall. The Rennes Dind-
senchas publié par Whitley Stokes dans la Revue Celtique, t. XV, p, 299.
4. Whitlev Stokes, //'/(/., p. 500.
5. Kuno Meyer dans le t. XIV du Cvi'iuiroJor, p. 1 18. Cf. Revue Celtique,
t. XXII, p. 351.
6. Dindsenchas dans la Revue Celtique, t. XV, p. 29.). Livre de Leinster,
p. 159, col. 1, 1. 16.
Ëtiide sur le Tàiu ho Cùalnge. 37
Pour l'histoire littéraire d'Irlande, ce texte est intéressant,
mais pour l'histoire des faits il est sans valeur. Labraid a
amené avec lui 2200 Gaulois armés de lances au large fer,
disent trois textes irlandais \ Mais pour désigner les compa-
gnons de Labraid à son retour de Gaule, l'expression courante
en Irlande est Galiâiii, c'est-à-dire GaUiani, dérivé de Gallia
de la même façon que de Roma on a fait Romani et de Tolosa,
Tolosâni.
C'est avec le concours de ces Galiâin que Labraid fit périr son
grand-oncle à Dindrîg.
A quelle date placerons-nous le massacre de Dindrîg où mou-
rurent Cobthach Côel Breg et grand nombre de ses guerriers ?
Nous avons vu que, suivant Tigernach, Echu Buadach régnait
en 30e. Entre lui et Labraid Longsech se placent trois géné-
rations : Ugaine le Grand ; fils d'Echu Buadach ; Lôegaire Lorc,
fils d'Ugaine le Grand ; Ailill Ane fils de Lôegaire Lorc.
I. Da cet ar fichit chét n-Gall co laignib Icthna. Livre deLeinster, p. 1 59,
col. I, 1. 24-25, elOijain Diini Rio, publié par Wh. Stokes, Zeitschrijt fiïr
Celtischc Philoloijic, t.' III, p. 8. 14.
Sont à comparer les deux quatrains suivants :
Labraid Longsech, leôr a lin,
la-s-rort Cobthach in Dinnrig
co slûag laignech dar linn lir ;
dib ro aimnigthe Lagin.
Dà chét ar fichit chét Gall
co laignib lethan leo anall ;
de na laignib tuctha and-sein
de atat Lagin for Laignib.
Labraid Longsech amenait un nombre suffisant.
Par lui fut tué Cobthach à Dindrig.
Avec lui une troupe armée de lances avait traversé l'eau de l'Océan
De leus lances, en irlandais lageu est venu Lagin nom des habitants de
Leinster.
Deux mille deux cents Gaulois
avaient là des lances au large fer.
Des lances, lage?!, qu'ils portaient
provient Lagin, nom des habitants de Leinster.
Arura choluim Chille , Wh. Stokes, Goidelica, 2^ édition, p. 161 ;
J. H. Bernard R. Atkinson, Theirisb Lihcr hyiiiiionnii, t. I,
p. 106 ; t. II, p. 58.
38 H. d' Artois de Jiibahiville.
En comptant trente ans par génération on trouve, de 306 au
massacre de Dindrîg, quatre-vingt-dix ans, ce qui nous mène
à l'année 216 pour la date de cet événement. Après avoir fait
du massacre de Dindrîg un événement contemporain de Romu-
lus (viir siècle avant notre ère) ', Tigernachse rectifie en
mettant en 306 avant notre ère l'avènement d'Echu BûaJacii
père d'Ugaine le Grand -. Il n'y a donc à tenir compte ni
du passage des FJathiusa Erciid où le massacre de Dindrîg
est daté de l'an 307 avant j.-C. \ ni à plus forte raison de la
doctrine des quatre maîtres qui mettent cet événement en l'an
du monde 4658, c'est-à-dire 542 ans avant J.-C •*.
Vers l'an 216 avant notre ère, l'invasion gauloise en Grande-
Bretagne était un fait accompli. Labraid l'exilé revenu en
Irlande, avec 2200 Gaulois avait tué à Dindrîg avec leur con-
cours Cobthach Côel Breg, trente rois et sept cents autres
guerriers > ; de Là, haine mortelle entre l'Irlande orientale,
Leinster, où régnait Labraid, et l'Irlande occidentale c'est-à-dire
Connaught.
Les GaJiâin amenés par Labraid l'exilé passaient pour les
meilleurs guerriers de l'Irlande. Au début de l'expédition
entreprise pour s'emparer du taureau de Cooley, à la fin de la
première journée, la reine Medb fit l'inspection de son armée,
et une fois cette opération terminée, elle dit que si les trois
mille Galiàin prenaient part à l'expédition, c'était une folie d'y
mener le reste de l'armée. « Entends-tu déprécier les Galiàin ? »
demanda Ailill. «■ Non », répliqua Medb, « ce sont de brillants
guerriers. Tandis que les autres étaient encore à faire leur
installation, les Galiàin avaient arrangé déjà la paille sur
laquelle ils devaient s'asseoir et se coucher, et leur repas cui-
sait. Quand les autres commençaient à manger, les GaJiâin
1. Annales de Tigernach, éditées par Wh Stokes, Revue Celtique, t. XVI
p. 378.
2. Annales de Tigernach, édition Wh. Stokes, Revue Celtique, t XVI,
P- 394-
3. Livre de Leinster, p. 22, col. i, 1. 49-50, col. 2, 1. i, 2.
4. Anmils ofthe Kingdoiu of Irelaud hy the four iV/(75/c;-5, édition d' O. Dono-
van, t. I, p. 76-77.
5. Orgciin Dind Rig, p. 28, de l'édition Wh. Stokes, Zeitscbrifl fiir
Celliscbe Philologie, t. III, p. 8, 13.
Étude sur le Tâiii hô Cùahige. 39
avaient déjà terminé leur repas et leurs artistes jouaient pour
eux un morceau de musique. Les avoir fliit venir était une
sottise. Ce sont eux qui auront l'honneur de la victoire. »
« Mais », répondit Ailill, « c'est pour nous qu'ils combattent. »
« Non », répliqua Medb, « ils n'iront pas avec nous. »
« Qu'ils restent donc ici », reprit Ailill. — « Non », s'écria
Medb, « ils ne resteront pas ici ; car, s'ils restent, ils prendront
les armes contre nous et s'empareront de notre terre. » —
« Que fera-t-on d'eux ? », demanda Ailill. « Que fera-t-on
d'eux, s'il ne doivent ni rester ici, ni nous accompagner dans
notre expédition ?» — « On les tuera », dit Medb; — « Fran-
chement », répondit Ailill, « tu nous donnes un conseil de
femme. Il n'est pas bon. » — « L'idée de la reine ne se réali-
sera pas », dit Fergus. « Les Galiâin sont nos alliés. Si on les
tue, on nous tuera aussi. » — « Nous vous tuerions s'il
était nécessaire, » répondit Medb. « J'ai ici mes gens au nombre
de six mille, et les sept Mane, mes fils, avec sept fois trois
mille hommes. Leur bonne chance les garantit de tout dan-
ger », ajouta-t-elle. « Ce sont : Mane semblable à père, Mane
semblable à mère, Mane à la grande piété filiale, Mane à la
douce piété filiale, Mane à la très grande parole, dit aussi
Mane à la pari 'le de miel, Mane qui n'est pas lent, Mane qui
réunit en lui les qualités de tous ses frères : c'est lui qui a les
traits de son père et de sa mère et qui, à la fois, a la dignité
des deux. » — « Tu prétends que tu nous tueras », dit Fergus.
« Ce n'est pas vrai. Il y a ici sept rois de Munster, et trois
mille guerriers avec chacun d'eux, ce sont nos alliés à nous
Ulates. Je te livrerai bataille », ajouta Fergus, « sur le sol du
camp où nous sommes. Je le ferai avec les vingt et un mille
guerriers de Munster et avec les trois mille Galiâin. Mais non,
il n'y aura pas de querelle entre toi et nous. Nous te conseille-
rons d'employer un moyen qui empêchera les Galiâin de
prendre le pas sur le reste de l'armée. Il y a ici dix-sept corps
de trois mille hommes chacun, c'est-à-dire cinquante et un
mille guerriers sans compter le menu peuple ni les femmes
(car chaque roi a près de lui sa reine venue pour tenir com-
pagnie à Medb), sans compter aussi nos gentils fils. En sus il
y a ici trois mille hommes, les trois mille Galiâin. Que ceux-
40 //. (F Artois de JubaliivUle.
ci soient partages entre les dix-sept corps dont se compose le
reste de l'armée. » — « Cela m'est égal », répondit Medb,
« pourvu que disparaisse l'élégante troupe qu'ils nous metteut
sous les yeux. » x\insi fut fait. Les Galiàiii furent répartis entre
les dix-sept corps qui, eux déduits, formaient l'ensemble de
l'armée.
Le matin suivant cette armée arriva au marais de Coiltre et
y rencontra une troupe de cent-soixante cerfs. Les guerriers
les enveloppèrent et les tuèrent. Tous les groupes où il y
avait un Galiàn s'emparèrent d'un cerf. Il ne resta que cinq
cerfs pour le reste de l'armée '.
La supériorité des guerriers gaulois sur leurs contemporains
d'Irlande s'explique facilement. Ils appartenaient au ramean
belge, primitivement établi à l'est du Rhin, puis chassé de
cette région après une longue guerre, par les Germains, d'abord
leurs sujets. Quoique vaincus, ces Gaulois avaient appris le
métier des armes en luttant contre les Germains. Ils avaient de
la guerre une expérience dont étaient dépourvus les Gôïdels
des Iles Britanniques que la mer avait ]usque-là protégés contre
tuote invasion étrangère.
H. d'ArBOIS de JUBAINVILLE.
I. Lebor na-hUidre, p 56, col. 2, p. 57, col. i. Cf. Livre de Leinster,
édition Windisch, p. 50-53, p. 65, 1. 549-546.
KI'VUI'. C.HI.TIQUK ( 1907)
l'L. Il
LE MONUMENT GALLO-ROMAIN DE TREVES
LE MONUMENT GALLO-ROMAIN
DE TRÊVES
Les faces BC de l'autel gallo-romain de Notre-Dame de
Paris, aujourd'hui au musée de Cluny, ont été savamment
étudiées par M. Salomon Reinach dans la Revue celtique,
t. XVIII, p. 253-256. On les voit reproduites par la photogra-
vure à la page 254 de son article. La face B, au-dessus de
laquelle est inscrit le mot Esus, représente un homme qui
coupe un arbre. Sur la face C on voit un taureau et sur ce
taureau trois oiseaux, des grues ; au-dessus est écrit Tarvos
trigaranus. Ces deux bas-reliefs ont été déjà bien des fois
reproduits par la gravure'. Chose nouvelle, M. Reinach en
rapproche un monument de Trêves où dans un seul bas-relief
les deux sujets sont réunis : l'homme qui coupe un arbre est
placé sous une tête de taureau surmontée de deux grues.
Nous avons déjà dit que, suivant nous, il s'agit^ à Trêves
comme à Paris, du mythe localisé en Irlande par Tépopée qui
raconte l'enlèvement des vaches, c'est-à-dire du taureau de
Cooley. L'homme qui coupe un arbre c'est Cûchulainn qui, en
effet, coupe un arbre dans l'épopée irlandaise^. Le taureau est
l'animal divin appelé Donn en irlandais. Donnas en gaulois
et les trois grues dont seulement deux à Trêves sont trois
formes de la triple déesse appelée en Irlande Bodb, Morrigan
et Nemain, et qui sous forme d'oiseau, in deilh eàin^, vin
prévenir le taureau du danger qu'il courait d'être pris 4.
1. Voir par exemple Ernest Desjardins, Géographie historique et adminis-
trative de Gaule romaine, t. III, planche en face de la p. 208.
2. Édition Windisch, p. 68, 69.
3. Lebor na hUidre, p. 64, col. 2, 1. 30, 31.
4. Tdin hâ Cûalncre, édition Windisch, p. 184, 185.
42 H. d'Arbois de Jubainville.
La concordance entre le monument de Paris et celui de
Trêves est fort importante. Elle est un des faits qui établissent
que le mythe de Cûchulainn était connu des Gallo-romains
comme des Irlandais qui l'ont reçu des Gaulois et localisé
dans leur île. La photogravure qui représente le monument de
Trêves, p. 256 de l'article de M. Reinach, a une trop petite
dimension pour être claire. Nous pensons être agréable aux
lecteurs de la Revue celtique en le reproduisant ici sous un plus
grand format, grâce à l'obligeance de M. Salomon Reinach
qui a fait faire pour la Rei'ue celtique une photographie d'un
moulage en plâtre du monument de Trêves. Ce moulage est
compris parmi les collections du musée de Saint-Germain
administré avec tant de compétence et de zèle par notre
savant confrère.
H. D'A. DE J.
LES
GLOSES BRETONNES A SMARAGDE
Voici quelques remarques sur les gloses en vieux breton
signalées et partiellement étudiées par M. d'Arbois de Jubain-
ville, Revue Celtique, XXVII, 151- 15 4,
I . Marchoc, aequester, « cavalier ». Cf. mon Glossaire moyen-
breton, 2= éd. 393 ; Loth, Chrestomathie Bret., 150, 197, 219; le
Cartulaire de Landévennec, 14, 25 ; Rcv. Celî., vu, 57, 58, 63,
157. La réduction ancienne de marchoc, -inarhoc, -niarroc à
-maroc, tiiarec, étudiée à ce dernier endroit, n'empêche pas
qu'aujourd'hui encore viarcheh subsiste à côté de mnrek. Cette
persistance est attribuable à l'influence du radical marc h cheval.
Car il n'}' a plus trace d'un c'h tout semblable dans la fomille
actuelle du comique lesserchoc « lappa », que la Grnmmatica
Celtica, 2^ éd. 1076, explique ainsi : « herba amorosa ? adi.
cambr. scrchog; sed cf. arem. saeregiienn Cath., hod. seregenn,
saragere-. » Tous ces rapprochements sont exacts \ et ils n'ont
rien de contradictoire ; seulement ils ont besoin d'une confir-
mation en trois points.
1° La comparaison du gall. serchog amoureux se justifie par
le fait que les capitules de la bardane s'accrochent facilement
I. M. Henry les remplace à tort. Lexique étymologique des termes les plus
usités du breton r)wderue, 239, 245, 251, par la comparaison du radical de
slaga attacher, avec contamination du franc, grateron, ou mieux du bret.
skraha gratter, skrapii agripper, escroquer, etc. ; cf Revue Critique, 17 sept.
1900, p. 220. D. Le Pelletier avait la comparaison plus plausible du
gallois 5?;'oo- étoile. M. du Rusquec, Nouveau dictiouuaire pratique et étymo-
logique du dialecte de Léon avec les variantes diverses dans les dialectes... Paris,
1895, traduit seregeu <> Bardane, seringat » en ajoutant « latin syrinx » ; ce
qui n'est juste ni pratiquement ni étymologiquement. Dans son dict. fran-
çais-breton, Morlaix, 1886, il n'avait rendu « seringat » que par l{or:^en
gleu^, qui veut dire « roseau creux ».
44 ^- Eriiaull .
aux habits des passants ; de là un de leurs noms bretons, qui
signifie « amour » : camiile^ « Fruit de Bardane » ; « le fruit
du grateron », P. Grégoire de llostrenen ; karai'ile^ f. id. Le
Gonidec, Troude, karante:^ f. du Rusquec ; « Carente:^ est le nom
qu'on donne au grateron, apparemment à cause que ses boutons
s'attachent aux habits», D. Le Pelletier; vannetais caranlé
f. « Grateron, Bardane, Parelle », Dict. de Monsieur l'A***,
1744; se dit, entre autres, à Stival'. La même idée a donné
lieu au grec ^ùâvOpojTîsç, littéralement « l'amie de l'homme »,
d'où le lat. philanthropos petite bardane.
2° *Se)xhec^ tst devenu régulièrement i-^rt'c ou sereh^ d'après
« un Chirurgien Breton, habile... dans la Botanique... Grate-
ron, autrement Philanthropos. D'autres donnent ce nom à la
Jusquiame... iMais je croi le Chirurgien, qui est d'accord avec
les paysans » Pel. ; « serec grateron, philanthropos... et selon
dautres jusquiame » Roussel ms. Le rapport de ce mot au moy.
bret. scrch concubinaire, tréc. serch id. et concubine Gloss.^dlT,,
cf. Revue G'//., XXV, 414, n'a plus été sei'\û,serc''h est d'ailleurs
bien moins connu et d'emploi bien plus restreint que karan-
te(^)- Il y a pourtant une trace de l'ancienne aspiration, dans le
dérivé moy. breton saerheguenn, variante de saereguenn « gli-
ceron, 1. lapa "; voir mon Dict. étym. du breton moyen, 374.
Sur la notation ae, pour g, voir Rev. Celt., XXVll, 149; cf. segal
et saegal seigle.
3° Plus étonnant est le vocalisme de saragereT^, ainsi que sa
dérivation. Les deux sont expliqués à la fois par l'influence du
synonyme staguerès (-vihan gmtar on ^,~vr as bardane, glouteron
Gr.), Gloss., 592, littéralement « celle qui s'attache », à Pleu-
bihan stageureiis, à Cléden-Cap-Sizun glei stag « mouron qui
s'attache», Faune popnJ., VI, 246 (dans le Luxembourg pJaqn ant-
1. Le haut trécorois paourafite (pauvreté) semble une déformation de
karantc, par allusion à la misère qui s'attache si bien aux pauvres gens.
Cf. sergeantext fruit de bardane, serjanted le fruit du grateron Grég., « en
français sergents, dans le style familier », Le Gon.
2. On lit serc^lieg « l'amoureux » Bardai Brei:;^ 40, dans une pièce cor-
noiiaillaise {Llvaden Geris) où il y a bien d'autres mots suggérés par le
gallois. Cf. mes Etudes vannetaises, 25, 26 (m, § 4).
3. Mal imprimé straguerès bilian dans la Flore populaire de M.E. Rolland,
VI, 247. Lire aussi krâgérei, et à la page précédente spegere:^, au lieu de -r/.
Les gloses brelomies à Sniaragde. 45
tnoron, 244); cf. krôgére^ grateron Liégard, en français « gaillet
accrochant »; spegere^ grateron en H. Léon, Milin (note sur R'^'
ms); spégére:( f. bardane, de spéga attacher, speg son fruit, Du R.
dict. fr.-bret. ; specq fruit de bardane, le fruit du grateron, Gr.,
« spec, grateron, plante simple » R^' ms (suivi de spega, sans
traduction ; les deux manquent à Pel.). M. Henry assimile spék
« fruit de la bardane, pistil » à spék javelot, levier, dorade, qu'il
tire du lat. spica épi, avec influence de bék pointe. Je crois que
le premier de ces spék se rattache à « spega le même que pega «
Mil. ins, pega mordre, s'attacher Maun., moy. br. pegas... en
il prit dans, de pcc poix, cf. Gloss., 469. M. Vallée m'apprend
qu'on dit en certains endroits paka spck au sens du trécorois
iapoul krog saisir; d. l'expression i'f^^oiit pcg enii eitnn cira, que
Troude traduit « attraper un objet au-dessus de sa tête ». Le
grateron s'appelle de même pëssars (pi-), pcss'ron, pityssrotte,
pêssô, etc., en haute Bretagne; dans l'Hérault érbo pégàiito,
dans l'Orne poisse-anx-iiiains, Faune pop., VI, 2-14.
Le moy. br. lappadenn « 1. lappa » a aussi un suffixe inat-
tendu. J'ai dit, Zeiischrifi fiir celtische Philologie, I, 495, qu'il
paraît dû à une confusion du franc, lappa avec le breton lappa-
denn « ce qui se lape à chaque gueulée » Gr. Au lieu de
« franc. » il faut lire « latin ». Je crois maintenant que le mot
ne vient pas de lappa, mais de lapât hum, nom d'une plante
voisine, la patience, d'où l'espagnol lamparo, sicilien lapa:;j;ji,
etc., Kœrting^ 5431 (du grec XaTraÔov patience, qu'on rap-
porte à la même origine que le russe lapiisnik bardane, glou-
teron, cf. Schrader, ReaUexikon, ^i,^^. Lappadenn dérive d'un
* l appât (de sens pluriel ou général) comme saereguenn, seregenn
de serec; cf. moy. br. spe^adenn groseille du plur. spezat; linha-
denn ortie, Gloss., 368.
2. Fron, nas. Ce dernier mot n'est pas abrégé de nasus
nez, mais tiré du génitif naris ou du pluriel nares narines,
d'après le rapport de nias mâle à maris, mares. Le grammairien
Virgile connaissait cette forme ^ La glose a bien le sens de
&^
I . Il donne au même monosyllabe un autre sens, suggéré par l'analogie
de mots comme aiias, aiuitis, anates, et cite à ce propos certain rapproche-
ment .. heureusement qu'il est en latin, ou à peu près : « Est aliut nomen,
quod duplicem declinationem duplicemque qualitatem habet ut nas naris
46 H. Eniaull.
« narine », en moy. bret. froaii tx froii. I.e Nomenclator porte
ditifron les narines, p. 19 (et non 29, Gloss., 246) ; le P. Mau-
noir lro7i pi. diou fron ; Lhuyd, Archœo/ogia Britannica, 1707,
p. 97, a par méprise tron « naris » et diou Jroii comme plur.
de //■/ nasus. Grég. donne jrounii, fienn, vannetais/;t';/w f. ;
froiinell pi. on ; Pel. fron, van. //t'w; R'^' ;«j : «fron, narine...
an dion fron, les deux narines, an difron les narines... froni
renifler, naribus efflare » ; « fronel proneuse » ; " fronsa/.Jro-
nal renifler attirer en dedans et en respirant la pituite qui
devroit sortir par le nez » ; Le Gon. fron f. narine, « quelques-
uns prononcent froen. On dit âuss'i fronel. En Vannes, /r^w » ;
froun, voyez fron ; Tvoude fron, ti froen, fronn, fronell {. narine,
« pi. fronel Ion. fronel Ion podes grandes narines '> Milin ms,
fronelleh adj. qui a de larges narines, « curieux qui a tou-
jours le nez au vent comme un chien de chasse » Mil. w.f;
fronal parc. fro)iet remuer ; fronsai enfler les narines, renifler;
M. du Rusquec//'0« L, fronel f., pi. on; puis fron pi. iou, fronel
pi. Iou et difronel ; fronal renifler, fronsal id.; en van. Châlons
fren pi. diffren, l'A. frênni. pi. diffrénn, aujourd'hui en van.
fren pi. difren, cf. Rev. Celt., I, 21 5 . La forme la plus ancienne-
ment attestée n'est pas la mieux conservée : fron vient de
. * froen, que Le Gonidec a encore entendu ou cru entendre; le
moy. hret. froan en est une variante, et le van. fren une autre
réduction, cf. léon. kompoz^ et konipe:^ plain, uni, du moy. bret.
compoes, etc., Rev. Celt., Vil, 315; XIX, 209, note (où il faut
Wxe goe-, goue-, 1. 9), 210.
Dans R'^' nis, froni peut être une erreur suggérée par Pel.,
qui cite en gall. « Froeni, et Ffroenio, naribus efflare ». « Pro-
neuse )' qui traduit /ro«^/ doit être « proneuse », au sens de
« curieuse, bavarde », cf. l'explication de fronelleh par Milin.
Pel. n'a pas fronal, mais seulement fronsal, qu'il interprète
comme R'^' nis, en ajoutant qu'il est de l'usage de Cornouaille.
Il hésite, non sans raison, à le rapporter à fron ; mais au lieu
du franc, froncer, je comparerais le vieux mot fronchier renifler,
iiari iiairiii et reliqua. est et itas iialis nati natem... ueteres dicebant, quod
omnia foramina corporis //iif5 dicebatur » {sic). Virgilii Maroiiis ifiaiiiiiiatici
opéra éd. I. Huemer (Leipzig, 1886), p. 58.
Les gloses hretouues à Sinaragde. 47
ronfler, dont la vânzme froncqiiier a donné au bret. difroncqa
souffler du nez Gr., etc., Gloss., 166, 167.
Sur <« sajfron sing. sa ffroiicn, grosse mouche, qui bourdonne
sans cesse en volant undé nomen Bourdon et le verbe Bourdon-
ner » R^' nis, safroiineji f. pi. nou bourdon, puis safronen f. pi.
safron bourdon, frelon; safroiini bourdonner, safroni bour-
donner, nasiller, safroiinêrez^ m. bourdonnement du R., etc.,
voix Gloss., 598. Peut-être s'est-il fait un croisement entre la
famille de fron, froneJI et celle du v. bret. satron bourdons. Il
faut citer aussi le limousin sajrouna, sofrouna avoir le hoquet,
sangloter, qui rappelle d'ailleurs le v. franc. ic/z/rm^T gémir, etc.
M. du Rusquec tire safroimcn d'un bret. froiinval bourdon-
ner qui viendrait lui-même de froiui narine; mais son dict.
breton-trançais n'a que franva bourdonner, frouiiial siffler,
bourdonner, /fo/^w m. pi. iou sifflement, /roM/z/gr pi. ien, bour-
donne(u)r, f. froiiiiierey pi. ed ; froiiinérei f. bourdonnement,
sifflement. Cette famille de mots imitatifs est étudiée dans mes
Notes d'étym. bretonne, 86 (n'' 57, § 4); il faut ajouter encore :
<•<■ froum-difroiiin. ai cheillen a ^0 frouiii difroum, les mouches
fatiguent par le bruit de leur vol incessant » ; « franoiieller,
f. ere:(, radoteur, radoteuse, qui nazille et bourdonne » Mil.
ms. ; eur luialennih hoant. . . hng a froume dre ma skoe gant-hi tro-
war-dro, traduit « une jolie canne qu'il faisait vibrer dans
l'air, tout autour de sa tète », Milin, Annarvailler brexonnek,
Brest 1870, p. 341-343; trécorois fraonwal bourdonner
(Vallée).
Pel. rapproche le léonais fromm « bruit que fait une pierre
jettée avec une fronde, ou par un bon bras » du gall. ffroniin
frémissant, hnté , ffroinnii frémir, se fâcher; M. Vallée me
signale le tréc. foiirnia éprouver ou causer une émotion vive;
cï. froinet vivement ému, effrayé d'une apparition subite Rev.
Celt., I, 126; l'idée intermédiaire est « tressaillir».
Au V. 1840 de S"-' Nonne, /rowé"^ doit signifier « frappé de
terreur, ou de confusion » (par une attaque de lèpre). Peut-
être en était-il de même dans la Destruction de Jérusalem où
Pel. dit avoir trouvé souvent « Promet pour rempli ou enflé
de maladie » ; il était influencé par les mots modernes qu'il
traduit : from « plénitude, réplétion »; fronwt « rempli, replet.
48 E. ErnaiiU.
trop gras, enflé », en parlant « du pis d'une vache et autres
bêtes », et qu'il regarde comme des variantes dialectales de
frai)i^ fraviel Ce frain « plénitude, perfection, accomplisse-
ment » n'est de sa part qu'une conjecture étymologique
d'après fram pièce de charpente, etc. ; il en est autrement de
fraina : ce verbe « en Léon et en Cornwaille, se dit... du pis
d'une vache, d'une chèvre, d'une brebis, qui ont ce vaisseau
bien plein de lait. Framet ew an-dêzve^, le pis est fort rempli
de lait. » R""^ iiis porte : « from plénitude fromei se dit du pis
dune v^iche fromei ew il est rempli. Idem, fram, framet ». Le
Gonidec ne connaissait ceci que par Pel. ; Troude donne
comme suranné ce fromet, M. du Rusquec ne le donne pas
du tout. Mais M. Vallée m'apprend qu'en basse Cornouaille
frouiet s'emploie pour « enflé » -.fromet eo e vi:{ach il a le visage
enflé. M. Henry joint ce fromet au gall. ffrom colère, qu'il tire
d'un celtique *srei-si}ieri- pour *sprci-.^men « extension », avec
des rapprochements qu'il déclare lui-même « hasardés ». Pho-
néiiquement, ceci donnerait en gall. * ffnuyui.
3. Mesin, glans, « gland ». Cf. GJoss. 410; Rev. Celt., X,
147. Le singulatif en in se retrouve aussi d^ns ckhurin frelon,
taon, gall. clyryii ; limncolJin ùlleul, pi. limiicollou (et peut-être
insoblii! le chaume? Rev. Celt., XIX, 210).
LimncolUn est proprement « coudrier lisse », cf. lilicC lécves
au vers de Virgile (Géorg.,l\, 449) qui est glosé par liinncollou'.
Le moy. bret. queknn houx auquel M. Loth avait pensé, Foca-
hiilaire vieux-breton 175, comme je l'ai fait aussi dans la Flore
populaire de M. Rolland, III, 126, est différent. Sa forme en
V. bret. était colœnn, c'est-à-dire coknn; c'est une particularité
du document qui nous l'a transmise, d'abuser des iv. M. Stokes,
à qui nous en devons la connaissance {Ztschr.f. celt. PhiloL,
I, 19, 22), regarde Vo commeune erreur pour e; c'est peu vrai-
semblable : le mot se présente deux fois ainsi ; la seule méprise
de ce genre qu'on puisse admettre dans le texte, boror cresson,
pour beror, gall. beriur, s'explique par Vo suivant ;peut-être était-
ce une assimilation réelle; enfin l'étymologie s'accommode fort
I. Les fruits du tilleul sont, par assimilation à des noix, appelés dans le
Luxembourg /errtcfo/;/05^, et aux États-Unis daddy nuis {Flore popiil., IH, 128).
Les gloses breton jies à Sniaragde 49
bien de cette voyelle (irl. cnilenn, =^ * kolejuw-, anglo-saxon
holegn, anglais hoUy, allem. Hulst, d'où le franc, houx, etc.).
CoU coudrier, donné comme vieux breton par M. Henry,
p. 60, 326, est vieux gallois. On lit en cornouaillais prenn-
kolve:^ du bois de coudrier, Barya~ Brci:;;^ 8, mais le mot a été
écrit sous l'influence du gallois colJu'ydd et d'une étymologie
par hl perte (donnée expressément p. 422, bien qu'ici le texte
porte hlve^; un jeu de mots sur ces deux sens du gall. col! est
rapporté par Pel., v. kclwe:{cri); sur ce « symbole celtique de
la défaite », voir ibid. 14; MéUisine, X, 268; cf. Sébillot, Tradi-
tions. .. de la Haute-Bretagne, II, 3 1 3 : « Quand on brise avec le
petit doigt de la main gauche une baguette de coudrier, on
se marie dans l'année. » Cf. Gloss., 533 (où il faut lire qilvid
coudraie Grég.).
Ua qui paraît dans Galve:^it Rev. Celt., XXI, 148, van. calvééc
l'A. id. ; keneneii-kalvé noisette, Guillevic et Le Golf, Vocabul,
1904, doit venir d'un c, peut-être avec influence de calveÇ^
charpentier '.
4. Toroc, gurgulio, « charançon ». R*"' nis porte : « ieiirec,
teurc, tarac teuroc insecte qui s'insinue dans la peau des bêtes,
ver qui sengendre entre cuir et chair aux bœufs, vaches etc.,
principalement sur le dos, lequel fait enfler la peau, comme de
petites butes, ou tumeurs ce qui le fait aussi nommer torossen »
(cf. Pel.) ; « tôr selon le p. gregoire est un gros ventre et
son possessif Torrec est Celui qui a un gros ventre ». Cf. Pel. :
« Tôr, selon que je l'ai appris du P. Grégoire, en son pays
de Rostreiien, et en Celui de Vannes, est un gros Ventre ; et
son possessif Torrec, ou Tôrcc, est celui qui a un gros ventre.
Il se dit de tous les animaux. Pluriel Toraôii ». Le Gon. a
teûr m. pi. on, ion, bedaine, tenreii f. pi. teûrennou id. ; Troude
teureugenn t. pi. tenreuk tique; teiirk m. maladie de peau des
brebis ; insecte qui produit ce mal en s'introduisant sous la
peau de ces animaux (sur cette association d'idées, cf. Rev.
Celt., XXV, 282); tenrJm,teurki frapper quelqu'un, lui donner
I. Ce dernier semble avoir été traité de même, plus anciennement.
M. Henry l'explique par */.'a/-t'-q, cf. irl. cairbre; je crois qu'il vient de
-calmei = v. bret. celrued efficace, gall. celjydd habile. Il est vrai que l'irl. a
calma brave. Voir Gloss., 556.
Reinie Celtique, XXJ^III. 4
30 E. Eruaull.
une raclée ; teurht adj. et part, qui a été battu dans une
lutte, vaincu, qui a échoué dans ses projets. Mil. ins ajoute à
teureugenn : « appelé aussi //// pi. tillet. Cet insecte pénètre
sous la peau des vaches des chevaux et des moutons et prin-
cipalement dani' leurs entrejambes de derrière. Il ne faut pas
les confondre avec les larves de la peau des bœufs »; à îeurk :
« contraction de teiirek, ver provenant de mouche qui s'en-
gendre entre peau et chair ; il fait venir des pustules qui
suppurent et font sur les moutons et autres animaux l'efFec de
cautères plus utiles que nuisibles en faisant couler les humeurs
extérieurement. D'autres animaux que les brebis sont sujets
à engendrer ces vers. Comme on le voit ce /(7//-/' diffère essen-
tiellement de teurcitffcji et de iilh'n de Le Gonidec (voir ////... » ;
à fill : « Syn. paraill, parai II, teurk »; à nieoeJl : (Voy. teurk)
a et ce qui est dit de cet insecte qui n'est autre qu'un ver
provenant d'une mouche particulière différente du Taon :
d'après ce qu'on a observé ce ver ne nuit nullement aux ani-
maux. Ne pas confondre ces pustules avec ceux de la clave-
lée... » ; à tenrka, teiirki : c( le sens ci-dessus est pris au figuré,
ex, Teurh't eo da vaoïit cfid, tu as été frotté d'importance, ton
mouton a été vaincu. Tcitrka, v. a. et n.,se couvrir de pus-
tules, au fig. battre quelqu'un, lui doiiner une raclée, vaincre,
lasser, quelquefois tuer. »
On emploie en haut Tréguier /or gros ventre (assez souvent
on joue sur le mot, en disant à un gros honune : Tor 'peus
vous avez tort, cf. « tor, tort, v : fiaoïi » R"' ms ; torek ventru ;
teurk tique et aussi des poux, Rev. Celt., IV, i68; teurge-
neign et teukan signifient travailler lentement, traînasser, voir
L'Epenthèse des liquides, 30 (§ 35); à Lanrodec, feurgen{n)ci
maladroit! Rev. Celt., IV, 168 ; à Stival tarag m. tique est
aussi un terme d'injure entre enfants. Ce mot existe en haut
breton sous les formes tarague et taraque, moy. br. tara-
guciui, Rev. Celt., V, 224. Le second a vient sans doute d'une
assimilation : le v. bret. toroc devait avoir un doublet * taroc,
et peut-être * tarac (cf. camadixs, convenable, de *com-adas,
V. irl. avnadas, v. gall. cimadas, auj. cyfaddas, Gloss., 124, 309,
310,562,563).
M. Macbain, EiyuioIogicaJ dictionary of the gaelic language
Les gloses bretonnes à Smaragde 51
325, tire le v. br. tar (et for), irl. tàrr, gaélique d'Ecosse /àrr,
de *tarsâ, * tariiisd, cf. grec Tpdc[i'.: périnée, allemand darm
boyau; ce que M. Henry regarde comme très plausible,
Lexique, 263.
M. Henry explique, avec doute, torlosken punaise comme
un composé = « brûlure au ventre » ; car, dit-il, « c'est de
préférence aux parties molles que s'attaque cet insecte presque
inerme » ; et il ajoute : cf. teûreûgen ; il regarde teiîreûgen tique,
oursin, comme un dérivé probable de teiîrek ventru, avec cette
restriction : « cf. toutefois torlosken pour le premier sens ». J'ai
contesté cette décomposition de torlosken f. pi. -nned punaise
Gon. {Rev. Critique citée, p. 222), en ^rappelant cette obser-
vation de Pel. (v. loûesâe~) :« Nos Bas-Bretons... ne connoissent
point la punaise domestique, mais seulement la champêtre ».
Le Gonidec reproduit cette remarque, sous loue^ae ; son second
dictionnaire traduit « punaise » loiu'^aé et torlosken, dans la
phrase : « J'ai trouvé une punaise dans mon lit».Troude
donne torhskenn f. pi. ed punaise de bois; Mil. nis ajoute :
« gorloskeii , garlosten, artous teigne ». A garlosteiui perce-
oreille, Milin remarque : « plus, disent gorlosken ». Cf. gall.
gorlosten id., Gloss., 233. R*^' ms porte : « garlost sing. gar-
losten perce-oreille... » ; Pel, a garlosten id. pi. garlostet « ce
qui prouve que le primitif est Garlost » ; « Le nouv. Diction,
porte Garlosleii, sauterelle ». Il y a eu mélange des mots
garlosten perce-oreille et tarlasken, tallasken tique, etc., cf.
Rev. Celt., III, 236 ; ce dernier paraît devoir son t au synonyme
tarac, teurec tique, et l'avoir passé, de même que 1'/', au verbe
d'où il vient, tallasqna, talasqa, tarlaska se trotter comme les
gueux, de taskalat, kaskaiat, kaskarat id., cf. rouergat cascarro,
cascarrou grelot; tique, cnscaJa vaciller, trembler, etc., voir
Epenthèse 20-22 ( § 33).
R^' ms a cet article : « Tor selon Roussel est la terre et
toclnuenia Est se Rouler sur la terre, comme font Les chevaux
etc. Les vennetais disent torea. » Cf. Pel. : « Tôr, selon
M. Roussel, est la Terre ; et Tochuenia est se rouler sur la
terre comme font les chevaux, les chiens, etc. [Les Vennetois
disent Torea et Toreein, se veautrer, se rouler à terre... J ».Pel.
a un autre article « Torchiuenia, et par abus, Torchiuenial »,
52 E. Eniaull.
qui manque au iits. Cette fliçou de citer « Roussel » dans ce
His indique qu'il n'a pas été écrit directement par « M. Rous-
sel » dont Pel. parle souvent et dont le nom se trouve en
marge de l'article nadoi{cî.Rev.CeU., IV, 104). Torchwenial,
van. torhiiinial est composé en réalité de tor ventre, cf. Gloss.,
701. La forme torea n'est pas vannetaise, il faudrait toreal.
R"'' uis a « lorrat, v. taarat, ventrée ou portée de truie, de
chienne.... » {sic) ; Milin a ajouté au crayon : « (de poule et
même de femme en parlant de ses nombreux enfants en torrad
bubale e deu^) » (elle a une nichée d'enfants). Cet article
manque à Pel. Au mot où il renvoie, on lit : « taiiraf, sing.
taiiraden, ventrée, ou portée, dune bête. » Au lieu de cette fin,
Pel. a « de vache, lorsqu'elle a été au taureau... Ce mot
vient probablement du Latin Taurus... » Ceci est un exemple
de l'influence mauvaise que peut causer la préoccupation éty-
mologique. Cf. Gloss., 701.
5. Cintil, gentilis. Je doute que ce mot signifie « race,
famille », et qu'il réponde au comique kinethel, cf. Rev. Celt.,
XXV. 293-295 ; on attendrait quelque chose comme le v.gali.
cenetl, cf. v. bret. Cenetlor, Ceneihir. Il semble plutôt que ce soit
l'adjectif latin accommodé à la racine celtique de kinethel, et
qui a fait place au français gentil : moy. bret. fienlil noble ;
bon, écrit auj. jenHl.
6. Anam, stilio. Ce mot latin est pour slellio « sorte de
lézard », cf. comique anaf « stellio », Qram. Cell.- 1075.
C'est le moy. br. anaf orvet, tréc. ahnaf, van. ënan, etc., etc.,
voir Noies d'élym. 108-122 (n° 70). Le gall. anaf coquin, scé-
lérat peut être le même mot, cf. lat. stellio fourbe.
(6 bis'). Tinc, ligo. Ceci ne doit pas être une glose bretonne,
mais le commencement du mot tinctura : cf. le Corpus Glossa-
riorum latinorum de Gœt:^, v, 572 : « Ligo tinctura uel foso-
rium. » L'éditeur se demande (vi, 645) si dans le premier
sens de tinctura (teinture), le mot li^o ne se rattacherait pas
à lix (lessive).
7. Mistiriol, caupo. Le sens d' « aubergiste » doit venir ici
de « celui qui sert », cf. lat. ministrare pocula donner à boire,
)ninistrator échanson, comique nienistror « pincerna », gall.
menestyr, menestr, id., v. franc, menestre, voir Loth, Les mots
Les gloses bretonnes à Stnaragde. 53
latins dans les langues hrittoniques 186, van. nwlestionr adminis-
trateur, Gloss., 453. Pour la forme, niistirioJ répond au lat.
ininisteriaks fonctionnaires impériaux, cf. bas lat. misterialiter
« ministerii seu officii virtute » (statuts synodaux de l'église
de Quimper), luisteriiiin pour ministerimn métier, mistera f. id.,
Du Cange éd. Favre, mesteirau, mestierait (Rhône), inestieirau,
meneslairal (languedocien), menesteirau (Marseille), menestrau
(Béarn) , inenestral (Toulouse) artisan, ouvrier, Mistr., pro-
vençal iiienestrah, v. franc, niencstrel ; espagnol menestral méné-
trier; ouvrier; moy. hret. mecherï. métier, besogne; besoin;
au commencement du xvii'^ siècle inecher, micher, nieger, niiger,
mescher, Gloss., ^98, 399.
8. Glethis, mantile. Le sens ordinaire de ce mot latin est
« serviette w, « nappe», i< essuie-main » ; Du Cange, éd. Favre,
en cite un autre, « vas escarium ». Gle-tl-us pourrait être pro-
prement « (ce) qui nettoie », adjectif dérivé de gletl- <( instru-
ment pour rendre brillant », même racine que le v. bret.
gloiatou « brillants », le van. gloèau rare, etc., Gloss., 261 ;
Mélanges H. if Ai bois de Jnhainville, 59.
9. Giitdot, felix. « Fertile », de *gii(oy dot, cf. ga.\\. giuaddcdi
déposer, gwaddod dépôt, sédiment, comique guthot ? Ce serait
un composé de dodi poser, cf. dodiui pondre, bret. moy. de^uyjj,
mod. deivi,doï, etc., Gloss., 155 ; Ztschr. f.celt. Philol., I, 391.
10. Talar, ans. Ce mot latin, que Smaragde £iit féminin,
est le singulier inusité du plur. anles (masc.) employé par
Virgile, Géorgiques, II, 417, sur quoi Servius dit : « Alii
extremos vinearum ordines accipiunt. » Ce sens, « dernières
rangées des pieds de vigne », convient à talar, dont on con-
naissait l'existence en v. bret. où il semble avoir fait au plur.
teleri (Loth, Chrestom., 166, 167). Pel. traduit talar (et tal-
-erw « premier sillon d'un champ labouré, mot pour mot,
front de champ, front de sillon, ou sillon de front », et cite en
gall. talar « arvum frontale, quod in fronte agri est ». K^^ ms
porte : « talar, tal enu, pi. talarou, court sillon, premier sillon
dun champ labouré, mot pour mot front de champ, front de
sillon, ou sillon de front, sillon fait dans la largeur dun champ
ou dune pièce de terre auquel tous les autres aboutissent, arvum
frontale, quod in fronte agri est. il y a devant lentrée de S^
54 F-- Ernaiill.
malo en terre ferme un lieu dit le talar qui a assez la figure
dun grand sillon et qui est comme le front ou la tête des
terres Labourables, qui est pourtant ruiné peu a peu par le
flux de la mer ». Mil. )ns a ajouté à l'art, talar de Troude :
« Ema luar he dalarou, o chober he dalarou il est à ses derniers
sillons, c. à d. il va mourir ». Il suppose aussi que le mot
lalarek lançon vient « des sillons qu'il trace dans le sable en
travers les uns des autres, car talar (front de labour de char-
rue) exprime aussi sillon en travers au bout d'un champ ».
Troude avait tiré avec raison laJareh de talar, tarière, cf.
Gloss., 673. Au contraire, Grég. écrit tara^r pi. 0// sillon de tra-
vers, aux deux bouts d'un champ, cf. Gloss., 672. C'est une
confusion produi'e par l'équivalence des deux formes, au sens
de tarière. Cf. R^' ms : « talar v : lara:j » ; « tara^^r, tarar,
talar, tala~r, une tarière, outil de charpentier terebrum ».
1 1. Golent, prex. C'est le nominatif singulier, non classique,
de preces prières; le grammairien Virgile le connaît \ Cela
suggère pour goletil le sen:, de « demande ». Cf. moy. bret.
goleiuiet demandé (plus souvent goulciiiicty, goleiihet, goulenhet
vous demanderez igoiileini une demande, comique gulen deman-
der, Lhuyd 124. J'ai supposé, Gloss., 282, que ce mot est une
combinaison de *gO!iven = gall. gofyn demande, demander,
comique _^tw)7/ demander, avec ioul volonté, v.br. /'///; ce qui
expliquerait la double forme et le double sens de gonlennaû
et goulan, « je demande », et « je veux ». Pel. dit avoir lu
goullet « demandé » et même « demande ! » lat. pete, dans
l'ancienne vie du S. Gwenolé; mais cette seconde assertion
n'est pas croyable, ce qui permet d'hésiter aussi sur l'autre,
en l'absence du texte. Le v. br. iolent gl. precentur, est
comparé par M. Loth, Vocah. 164 au gall. ioli « prier, adorer »
deSpurrell; mais celui-ci), 3 = éd., 1 866) traduit to praise (louer)
et non to pray. L'autre comparaison, avec iul volonté, cadre-
rait assez avec notre hypothèse. Il est probable que la finale
I . Il donne aussi un autre nominatif singulier preces, et indique entre eux
une différence d'emploi : « Cum dicis preces, impudica et procax erit et
malae rei maxime postulatio : et prex ad bonam semper partem dirigetur».
Cf. ma thèse De Firgiiio Marone granimatico, p. 34, 35 ; et l'édition Huemer,
p. III.
Les gloses bretonnes à Smaragde. 55
de iolent est une désinence personnelle; quant à celle de
golent, on attendrait *goknii; mais cf. la glose du commence-
ment du xiv^ siècle augrosent « bodegares » = agroasenn
églantier au xv^ {Rev. CeJt., X, 147, i/\S>; Ghss , 20).
M. Henry, Lexique, 138, explique goiilenn par *zuo-Ii-n-, cf.
gall. canlyn suivre, etc. ; ce qui n'est pas appuyé par golent.
12. Grillian, glis. Le sens n'est pas douteux : il s'agit de
glis, gén. gliris, « loir ». Grillian en dérive : il vient de
* glirian par une dissimilation qui rappelle le moy. bret.
Glaz/on de * Graxlon d'où Graslon, Grallon, Gloss., 259, mais
qui n'est pas nécessairement le fait du breton, car on trouve
dans le catalan des Pyrénées-Orientales m^o-;///, etc. Rolland,
Faune populaire, I, 36, pour cr//>^ (^provençal), ancien franc.
gliron, gleron ; provenç. gréoulé, garri- gréoiilé,hngued . ra-griaulé,
VII, 90, 92, de * gliruhis (A. l'homas, Ronuinia, XXVIII, 191),
etc. M. Rolland cite, de Taslé, 1, 35, un breton armoricain
lyr qui vient de la forme réduite lire (Berry),cf. franc, loir,
liron. Peut-être Taslé a-t-il pris cela au P. Grégoire, qui donne
lyr pi. lyreii, « liron ou loir, ou lerot, ou rat-liron ». Il est
possible que le second / de * glirian soit de dérivation latine,
cf. les gloses glirius somnolentus, gliriiiui torpentem, stupi-
dum, Gœtz, vi, 495. La terminaison -an paraît le diminutif
celtique, cf. celle du fr. lerot.
(12 bis). Mil, git (et est genus herbae). Le lat. git « nigelle »,
est glosé souvent, dans le recueil de Gœtz, par ;v,ôXàvOr,cv
(fleur noire) et par sa transcription latine melantiuin, etc. Mais
on trouve aussi (m, 569) uiilis peruwn, altération du uielas-
permon, [xtkx(j'Ktpixoy (^mleux ?7telanspernion, [xt'koiviyTzzpiJ.ov, plante
aux graines noires) de Pline. Il semble que /;/// soit un nomi-
natif forgé d'après la première partie de milis pennou, regardée
comme un gémûi (ci. animal, aniiiialis). Le mot inella, donné
comme synonyme de sinonus (Gœtz, III, 629) et de siriacus
(628), est, je crois, à corriger en niella, de nigella.
Quelques noms de la nielle rose des blés, comme miel
(environs de Redon), mièV (Guernesey), niiéyo (Coxrbzo) , miy
(Cher), Flore pop., II, 224 peuvent être cités ici pour mémoire;
ils paraissent dus à des mélanges de nielle avec miel, mil, etc. ;
cf. p. 228 les métamorphoses de l'ancien flamand neghelhloem
en michel, muggebloem, iegelbloem, e~elsbloem (sans doute d'après
56 E Eniatilt.
Michel Michel; iitinr cousin, mouclieron; i\^el hérisson; e;el
âne), etc.
13. ladtnvi, lacunar. A côté du sens classique << plafond
lambrissé, lambris », ce mot latin en avait un autre : il est
glosé ,3i0c:r, laciis aqiiaruin, lociis agiiarmii (Gœtz, vi,
619); c'était donc, comme lacuua, « une tosse, un fossé où
l'eau s'amasse ■». Ladtron peut être, en conséquence, le plu-
riel en on d'un mot voisin du v. gall. hilharauc fangeux, du
bret, « Latar humidité, brume. Brouillard » R'^' ms. etc.
Gloss., 354. Troude donne latar m. brouillard, humidité du
temps; Mil. iiis ajoute « et par extension saleté. Lalaren s.
f. brume même signification que latar » A. latari v. n. peu
usité, devenir humide, parlant du temps, Milin a barré « Peu
usité », écrit au-dessus : « fréq'. au contraire », et ajouté :
« et par extension salir » ; il a aussi « latarenna, v. n. deve-
nir humide, brumeux, pluie fine qui tombe, mouille et salit » ;
ces derniers mots devraient se trouver à lataren.
14. Sol, bas. Je crois que ce bas est extrait du génitif /^aj/^
(ou du plur. bases') de basis « base », d'après le rapport de vas,
gén. vasis vase; cf. nas, ans, etc. Sol est le bret. mod. 50/, van.
id. le fond, le bas Gr., du lat. solnui, cf. bret. moy. et mod.
sol semelle, Gloss. 632, 633. il''' ins porte : ■■ Sol, semelle,
sol botes, semelle de soulier pi. solioii », puis « Doubsolia,
droucsolia, resemeler » (et à son ordre alphabétique « Doiiso-
lia, doucsolia, Droucsolia, Resemeler, Raccommoder, refaire,
Relever des Souliers, y mettre des Semelles neuves >i, cf. Epcn-
thèse 31, § 36) ; puis « Soi, Soûl, plancher dune maison Sol-li,
premier étage de maison » ; puis « Soi, bas, à terre, moni
dar Sol, aller ou couler a bas, caçç a Lestr dar Sol, couler un
navire à fond ». Mil. iiis porte « al lestr ;^c? goeledet beieg ar :(ol,
le navire est coulé jusqu'au fond, c'est à dire jusqu'au sol,
solide » ; au van. sol enn troet la plante des pieds, sol boteu des
semelles de souliers que donne Trd, il ajoute « seul botes (U. h)
seul an troad, plante des pieds (H. L.) ». Il y a mélange de
deux mots : moy. bret. sol botes semelle de soulier (^ solnin
pris au sens de solea, cf. M. Lat., 204), et sen:;} pi. seulyou
talon, léon. seul, van. sél, = celt. * s{t)à-ll-, cf. lat. ob-stàchwi .
R'=' nis a " Seu^l, Seul, talon, le derrière du pied. » Pryce cite
un comique sol fondement. E. Ernault.
REMARQUES SUR LA METATHESE DE AE
EN BRETON-ARMORICAIN
M. Grammont a publié sur ce sujet, dans le 2' fascicule des
Mémoires de la Société de liiigiiistique de Paris, 1906, p. 180 et
suiv., un article copieux où la question est exposée avec
clarté et méthode mais qui présente cependant des lacunes et
aussi des erreurs graves de faits et de principes.
II n'est pas douteux que M. Grammont n'ait raison de
conclure qu'il n'y a pas de métathèse; il s'agit d'une évolution.
C'est l'opinion que j'ai soutenue comme il résulte de la cri-
tique même que fait M. Grammont de l'explication que j'ai
donnée incidemment de kear et ker.
On ne peut également qu'approuver la répartition qu'il
propose des faits concernant le changement de ae en ea en
léonard moderne, en quatre catégories.
Pour le premier groupement, il y a deux lacunes à signaler :
dans les monosyllabes on ae est suivi d'une consonne, une forme
avec ea est attestée en léonard, nous dit M. Grammont. C'est exact, .
mais il y a un cas où ae, avant l'époque des textes, devient
monophtongue. Pas plus en léonard qu'ailleurs, ae ne reste
quand o-^y- ou û'hiv- précède : gall. giuaed, sang, léon.-trég.-
corn. gu'àd. vannet. giuêd;gâ\\. givaeth, pire, léon.-trég.-corn.
gwas, vannet. g-wech\ gall. chiuaer, léon.-trég.-corn. choar,
vannet. hoer. En monosyllabe, en dehors du vannetais, la con-
traction se fait donc en a. En monosyllabe, ae final dans
la même situation, a le même sort : goa, malheur, gall. giuae.
I . Le comique qui réduit toutes les diphtongues à des voyelles simples
a gos, goys (prononcez o-o/J, godi), sang, en face de ^^veth, pire.
58 /. Lotb.
Le phénomène d'absorption de la diphtongue est dû à la pré-
sence degiv-, chw, qui soutient a. La différence d'évolution en
vannetais est due à ce que, dans ce dialecte, le ton dans les
diphtongues s'est porté de bonne heure sur le second élément :
difren, narines ÇgaW. ffroen, moy.-bret. fromï); cwél, bois, gall.
coét, léon. côat =*caiti-. Pour af précédé -de ,^îf-dans un poly-
syllabe, ae se contracterait en e d'après : gall. gzuaelod, fonds
bret. goelet ou goueht. mais l'étymologie est douteuse : cor-
nique goles. Dans les monosyllabes cités, l'évolution ne saurait
être attribuée à la consonne finale, car l'une est une explosive,
l'autre une spirante.
Il y a une autre lacune qui ne porte que sur quelques mots
mais qui ne manque pas d'importance en raison du jour que
le traitement à'ai(ae) dans ces formes jette sur l'évolution de
la diphtongue qui fait l'objet de ces recherches. Comment
expliquer le breton moyen et moderne bre'ui, pourri, blein,
sommet = gall. braen, blaen, en face de drean, épine, fiuan,
gall. draen, maen, bret.-moy. draen, maen ? Cette question en
soulève deux autres qui dominent tout le débat; l'une n'a
guère été touchée par M. Grammont, l'autre est plus complexe
qu'il ne paraît le croire : il s'agit d'abord de l'influence que
l'origine même des diphtongues et la place de l'accent ont pu
exercer sur leur évolution; ensuite de la différente évolution
à'ae dans les dérivés ou composés suivant, en partie, les
époques où on les saisit.
Les diphtongues brittoniques ont des origines très diverses :
1° oe (léon. oa) = * ai vieux-celtique en passant paré et oe;
oiie = ei vieux- celtique en passant par ê ' ;
2° voyelle -\- spirante -\- consonne (provenant de c ou^) : gall.
Uaeth, lait, comique leth, moyen-bret. laei;^, léon. ka^, corn.
/?X, vannet. Içch; gall. croes, croix, comique, crous, léon.-
trég.-corn. croas, vannet. croes =^ criics\ v.-bret. ail, ange,
comique^/, moy.-bret. ael, léon. eal, ailleurs, el;
I. Il ne faut pas oublier que l'Infection peut contrarier cette évolution. Le
passasse de -os en -oa en léon. -corn. -trég. est relativement moderne. Pour?
sortant de ei vieux-celt. il y a à remarquer que é latin évolue de même. En
breton cet ê évolue en-oa, en dehors du vannetais, dans des cas déterminés ,
gall. -cwyr, cire, léon. coar, vannet. coer = cira, gall. hhuydd, léon. hloa^.
Ces diphtongues peuvent aussi provenir de voyelle + ,^ spirante -p w, n.
Remarques sur la métathèse de ae eu breton arnioricain. 59
3° voyelle + 3- ou ^ -|- voyelle : gall. niaes; comique mes,
moy.-bret. macs, léon. meas, ailleurs, mes = magestu-;
4° voyelle -\- ù devenant semi-voyelle : plur. des thèmes en
-ti, -oti : v.-gall. -ou, moy-gall. -eu, comique -ou>, moy-bret.
ou = aou et -û, léon. -ou, trég. -0, bas-vannet. et haut-corn.
-aoii, haut-vannet. -nu (île de Groix -fo) = -oii-es ; v.-gall.
anu, moy-gall. einu (une syllabe), comique hano, bret. hano,
vannet. hàûi = *an9-men; gall. uianv (une syllabe), corn.
marno, bret. tnaro, vannet. uiarû (une syllabe) = mar-uo-s;
5° diphtongaison sporadique en gallois et en breton de
certaines voyelles longues devant la spirante gutturale sourde :
gall, buiuch, bret. hioc'h et hiôch = buch.
En gallois on peut signaler en outre :
1° la diphtongaison de â long vieux-celtique accentué en
-aiu ;
2° l'éclosion de toute une série de diphtongues par suite de
la fixation de la résonnance palatale de la consonne mouillée
à côté de la voyelle précédente : seint saints = *sanîi =
san[c]ti; Prydain = *Prîten = *Pretania.
En breton on a encore :
1° diphtongaison par suite de la vocalisation de / devant
^ ou ^ (il y a des exceptions); léon. aod, rivage = ait;
2° diphtongaison par la vocalisation de v sortant de b ou m :
partout dans le groupe -hn, mn, -ms : aoiin = *obno-; kein
^=^ kehno- ; dans un grand nombre de cas, lorsque la voyelle pré-
cédant V est nasalisée : neô, ciel;
3° voyelles -j- dr = tr ou dr.
De plus, il y a notamment en haut-vannetais et à l'île de
Sein, tm grand nombre de diphtongaisons modernes.
Ce sont les groupes 2° et 3° que nous avons ici à considérer.
Danslecas2°, c'est-à-dire dansle groupe voyelle-{- spirante ,-\- coii-
sonne la diphtongue est immédiate : elle existe du moment où
la consonne devient spirante. Dans le cas 3°, voyelle -|- spi-
rante -)- voyelle, la nature des deux voyelles flanquantes et la
place de l'accent ont leur importance. J'ai proposé pour le
gallois la loi suivante ' : « Si la voyelle qui suit la consonne
I. J'ai traité de cette question : Métrique galloise, II, 2^ partie, p. 106 et
suiv.
6o /. Lolb.
n'est pas en syllabe finale en vieux brittonique et qu'elle soit
tonique, la diérèse subsiste. Il y a parfois flottement. Par
exemple, lorsque la gutturale ^ devenue spirante est suivie
de /, la spirante attire i dans la syllabe précédente; l'accent
quitte plus tôt l'ancienne pénultième : giuein, gaine --
vâgina\ » Si les voyelles qui flanquent la spirante sont
identiques, il y a tôt ou tard monophtongaison : rheen, rhen,
chef = * rege-no, compte encore au xii^ siècle pour deux, mais
aussi pour une syllabe; lleen, plus tard llcii = *legenda, le
plus souvent n'en a qu'une, mais cependant dans un vers
du xu^ siècle de la Myv. arch., 244, col. 2, Ihen est à rétablir
au lieu de lien. Dans Taliesin (Four A.B. II, p. 144, v. 13)
Lleenaivr a trois syllabes : Lleyn, péninsule du Nord-Galles,
qui se prononce aujourd'hui Llyn {y entre il et /) a deux
syllabes; breenbin, aujourdh'ui brenin, en a trois. Au contraire,
aujourd'hui même, cyinraec, la langue galloise — * coinbro-
gîcâ, Cymraes, Galloise, ont trois syllabes.
En breton il en est de même : au gallois givain (précédé par
giuoin) répond gonhiii ; l'accent est resté très longtemps fut
l'ancienne pénultième devenue syllabe finale et y est encore spo-
radiquement aujourd'hui. C'est aussi la raison de la diff'érence
de traitement de ml, ange, et de kaçl, balustrade, grille; eal,
moy.-bret. ael, v.-bret. ail, = * agelus, "àgslns (angélus);
kael = *cagélla pour cancélla (Kôrting, Lat.-rom. Wôrt) :
cf. gall. angel et canghell.
Lorsqu'en breton moderne, ac en monosyllabe suivi d'une
consonne compte pour deux syllabes ou subsiste (en dehors de
l'analogie) et que la chute de la consonne remonte au vieux-
brittonique, on peut conclure que l'accent a été longtemps
sur le second élément vocalique. C'est ainsi que ae::^, repos du
bétail, mot léonard, a deux syllabes et non une, comme le
croit M. Grammont. L'exemple qu'il cite d'après Le Gonidec,
aé-a ne prouve rien. Laq, haut, a également deux syllabes'.
1. Métrique galloise, II, 2^ partie, p. 108-109.
2. La forme ahrelJahei, du moyen-breton, me paraît à peu près exacte ;
le mot se décompose en : a hred ahe~, depuis le moment du repos du bétail
(la partie du jour). Ae^ est à séparer de echoa^, bas-vannet. àhoe =^ gali.
ecbwydd. La forme vannetaise citée lechué est fausse ; il n'y a que hié ou
leûjé, avec un premier e très bref.
Remarques sur la niélathèsc de ne eu brctou anuoricain. 6i
Il va sans dire que ael, vent, forme de la Haute-Cornouaille,
pour avel, awel, est disyllabique; de même meol, serviteur,
pour meiuel; de même aen = aven, avon dans Pond-aen,
Pontaven. Rien ne dit que ael et aen ne deviendront pas plus
tard diphtongues; ils le sont peut-être dans quelque endroit
déjà.
L'influence de l'accent est si marquée qu'une diphtongue
ea venant de ae peut se scinder en deux syllabes, si le ton
porte sur le second élément; à Ouessant on dit nieànad, jet
de pierre, et ineinâta, lancer des pierres : iiiéan n'y a qu'une
syllabe ' .
L'exception brein s'expliquerait très facilement par une
forme * bragnio- mais cette forme est invraisemblable en
présence des formes galloises et irlandaises. On serait encore
tenté de le chercher dans le fait que brein appartient à la
catégorie voyelle -{- spirante -j- consonne ( * brag-no-) tandis que
drean appartient à notre groupe 3° {voyelle -f- spirante -\-
voyelle), mais l'analogie s'y oppose.
La véritable raison, abstraction faite d'influences analo-
giques possibles dans le cas présent {breinadur\ c'est que brein
se compose syntactiquenient avec le substantif et forme même
de vrais composés {brein-krign): quant à blein il ne s'emploie
g;ière qu'en liaison avec un substantif, dans des expressions
unies par la prononciation : blein an ti, le sommet de la
maison.
La 2'^ catégorie de M. Grammont {dans des disyllabes ou poly-
syllabes où ae n'est pas en syllabe finale, une forme avec ea n'est
pas attestée en léonard) demande, en eflet^ à être scindée en deux
groupes au moins : le groupe où la diphtongue ae, ea
passe d'un monosyllabe par la dérivation ou la composition
à un polysyllabe; le groupe ancien où la diphtongue en
polysyllabe n'était pas soutenue ou contrariée dans son évolu-
tion par une forme monosyllabique parallèle, et où l'évo-
lution est vraisemblablement partie de ai.
I. Je relève ce fait dans la transcription phonétique très scrupuleuse des
formes d'Ouessant que m'a adressée Dom Malgorn pour les Annales de Bre-
tagne.
62 /. Loth.
Pour le premier groupe il n'y a pas d'exception; on a
affaire parfois à des graphies en ae attardées ou encore où ae
exprime un son simple. M. Grammont a été induit en erreur
par les dictionnaires bretons. C'est ainsi que p. 185-186, d'après
des formes prises chez Grégoire de Rostrenen (dont une partie
pouvait d'ailleurs être exacte à l'époque du brave capucin),
M. Grammont déclare que le bas-léonard conserve Vétai ancien
ae. J'ai sous les yeux toute la série des formes correspondantes
à ae en moyen-breton, pour tout ce qu'il y a de plus bas-léo-
nard; celles d'Ouessant fournies par dom Malgorn, originaire
d'Ouessant, celles de Molènes (Mo/-^??«) fournies par M. Cuil-
landre étudiant à la Faculté des lettres, originaire de cette île
et prises par lui sur place en août dernier : partout ae devant
e : eled, ele^; me:{ou, helek, erwant {aerouant) ; dere\ (eal, kear,
drean, fea^^, niean, mear, etc.).
M. Grammont prend au sérieux ae:(en, vapeur chaude,
vent d'ouest, vent doux, et explique le fait par une coupe de
syllabe^ d'ailleurs contestable : ae-~en : ae se trouverait ainsi à
la fin de la syllabe et dans le même cas que dans kaé, haie.
Or, à -Molènes et Ouessant on a e~enn, singulatif non pas
à'ae\ mais de ea:^ : ae:{en, comme as'^^ est une graphie attardée.
Pour ae:[en la coupe de la syllabe ne pouvait pas produire plus
d'eftet que dans d'autres mots comme se^en, rayon, tre^ery
entonnoir. ^Ae':y, ea:^ est identique au comique é"//? =^*aeth, qiii
a le même sens '.
Pour le second groupe, le résultat de la contraction n'est
pas le même. La différence est due à une différence de quan-
tité dans la diphtongue en relation avec la forme et même
jusqu'à un certain point la place de l'accent. M. Rh^-s, dans
ses Lectures o)i Wehh phonology, 2, 129 et suiv., où il y a tant
d'excellentes choses, dit que les diphtongues, en gallois,
obéissent aux mêmes lois que les voyelles simples au point de
vue de la quantité. Lorsqu'un monosyllabe devient polysyl-
1. Indique à Molènes la pèche à marée basse.
2. Pour la coupe de syllabes, v. J. Loth, Métrique oalL, II, 2^ part.,
p. 19 et suiv. ; p. 147-150.
3. M. Ernault (^GtoiS. -iiioy,-brct .) ix xort de rapprocher <7i'^ du basque «/:{«,
ce qu'il n'eût pas fait s'il avait connu cth: le rapprochement avec le gaélique
iiiteal est également impossible.
Remarques sur la méfaihèse de ae en hretou armoricain. 63
labe, sa voyelle perd de sa quantité : de longue elle devient
brève : tâd, père, plur. tàdeii. Pour les diphtongues, l'écriture
dissimule très souvent l'évolution. Elle est trahie cependant
par certaines graphies : aeth, il alla, eiithum, j'allai (eu : il = i
ou û semi-consonne); maes, nieusydd. On conçoit très bien que
dans une diphtongue comme ai, ae, où les deux éléments
vocaliques sont à une si grande distance l'un de l'autre au
point de vue de l'articulation, le premier élément ne puisse se
maintenir que par un effort considérable. Cet effort, dans le
cas dont nous parlons, est forcément contrarié et diminue
d'intensité sur a ; les deux éléments se rapprochent et la diph-
tongue est abrégée. De plus, le ton a une tendance manifeste
à se porter sur le second élément vocalique. M. Rhys le
constate nettement pour la diphtongue luy : giûydd, oie, mais
plur. gwyddaii. Il en est de même en breton : ae ou peut-être
plus exactement ai ' ne devient pas dans ce cas ae mais ei ;
il y a rapprochement du premier élément au second par suite
de la diminution de l'intensité sur a et d'une façon générale sur
la diphtongue : ex. dreinek, bar, de draeii, drain =^ * dra~
gino-; meinek, pierreux ; breinar est identique au gallois braenar,
fallow field, mais braciiar a été refait sur braen. En effet, la
forme des lois donnée par Silvain Evans dans son Welsh-
Engl. Dict., est brynar (y = û\ qui a été précédé par breinar
(i •= / ou il semi-consonne). C'est la prononciation actuelle
pour ei réduit dans bon nombre d'endroits du pays de Galles :
torfydd = lorfeydd (cf. dans le Carnarvonshire Mynol, y Fynoï)
écrit dans les dict. inaenol et ayant passé par meinol. En bre-
ton, les formes refaites d'après le monosyllabe correspondant
sont fréquentes : daeloii, pleurs, a été fait sur dael comme le
montre la forme de Molènes deilou. Meanad est fait sur mean
tandis que nieinata esc ancien. C'est ainsi que s'expliquent par
la composition, par une diminution de quantité, Z'rgfw et blein.
Dans des formes comme le gallois *brynar, breinar, il paraît
I. Il semble bien que ae, même lorsque la diphtongue perd en quantité
et que les deux éléments vocaliques sont prononcés rapidement, arrive à ei.
C'est ainsi qu'en bas-vannetais inaen n'est pas arrivé à aiâi mais à niein ou
plutôt mën : or viain, une pierre, er vein, les pierres. En Haute-Cornouaille,
on est arrivé à 7 ; à Faouët : or min. En comique, on a de même hJyn =
bleui.
64 /■ Loth.
certain que le ton s'est porté dans ei de e sur i, comme il s'est
porté de lu sur y dans gzuyddaïf en face de givydd. En breton, le
fait est général dans les diphtongues ; quand un monosyllabe
à diphtongue devient composé, le sommet de la diphtongue
n'est plus sur le premier élément vocalique mais sur le second :
cent, en léonard devient comme ailleurs en composition coât,
0 jouant le rôle de w consonne : coat-ûhel, coat-lôsket. Il ne
faut pas non plus perdre de vue que dans ces composés
l'accent principal est sur le second terme. Il en a été de même
pour ae. Ajoutons que e dans ae -\- consonne, en composition,
devenait ouvert : toute voyelle suivie de liquide -|- consonne,
en breton, est ouverte : bèd, « tombe », mais «fr:(. Aussi tandis
que caer, seul, reste longtemps intact, on a de bonne heure
en composition ker- : il y a affaiblissement du premier élé-
ment vocalique, ouverture de e, glissement de l'intonation du
premier élément sur le second et réduction finale à une
voyelle f qui devient brève, parce que l'accent du composé est
sur le second terme. C'est un fait des plus connus que les
diphtongues atones accomplissent plus rapidement leur évolu-
tion. Il n'est pasimpossiblequedes formes counwe dreinek ont eu
anciennement l'accent sur la dernière syllabe et non sur la diph-
tongue. Dès le xi^ siècle, dans des chartes originales, on
trouve Cher-mar, Cher-cavalloc, Cher-loscheit, Cher-cheresuc Q.
Loth, Chrest., p. 113); cf. Mael, et Mcl-chi (ix^ siècle); Hael
et Hcl-govarch, x.n^ siècle. Dans ces composés ae a passé par
ff, ë. L'évolution dans les dérivés, en léonard, de monosyl-
labes en ne, ea, a été analogue : m;( et e:ienn.
Reste la question du processus de l'évolution de ae en ea
et ailleurs qu'en Léon, en e, dans les monosyllabes terminés
par une consonne.
D'après M. Grammont, p. 185, il faut partir dans ce cas
de ae avec e ouvert : « dans acT^ et kaer, la diphtongue est
suivie d'une consonne qui appartient à la même syllabe et
force fe a s'ouvrir. » Il serait cruel d'insister. M. Grammont
a été évidemment obsédé par l'explication qui suit et la thèse
qu'il avait dans l'esprit. Il sait aussi bien que personne par
exemple que les r sont très variés : r dans l'irlandais fir =
viri, viroi, est palatal et n'ouvre pas /, tandis que r vélaire de
viros amène /(?r. Ce que M. Grammont pouvait, en revanche,
Remarques sur la iiiétathèse de ae en breton armoricain. 65
ignorer, c'est qu'en breton e suivi de r ou :( en monosyllabe
accentué, est long et fermé : kèr, cher; bê^, tombe. La pro-
nonciation française en a été influencée en Basse- Bretagne ; à
Brest, le peuple prononce pèr, mer, au lieu de père, mère. Il
faut reconnaître que dans certains monosyllabes à diphtongues,
la seconde voyelle s'ouvre (coar, bloai) mais outre que le fait
n'est pas bien ancien, il est inconnu en vannetais où Ve est
fermé. La raison doit en être cherchée plutôt dans l'action de
la première voyelle et aussi de la seconde devenue plus
ouverte sur la spirante, liquide ou nasale finale. Si ai est
devenu ae dans caer, plus anciennement cair, c'est sous l'in-
fluence de a. L'évolution de ae enèè n'existe, en réalité, avec
certitude que dans les cas de composition. Partout ailleurs qu'en
léonard, m'dans les monosyllabes est arrivé en général, à è long
et fermé : kèr, èl, drên, fê:^, fier, mèn, lè^, mer, stèn, kè:{.
La contraction de ae dans le groupe provenant de -aâr donne
toujours è. \c\, on part de -aer. En effet, dans des formes
comme laeron, ce n'est pas de lacfroii qu'il faut partir, c'est de
Inêâron (^layâron) comme le montrent nombre de graphies
et l'évolution à Ouessant où la forme est laedron (cï. ialaedrec,
lançon; ); paedroun, parrains, *paydron. Dans ces formes, e
était suivi de deux consonnes dont une spirante et l'autre
liquide.
L'argument est loin d'être décisit, il est vrai, parce que la
contraction n"est pas bien ancienne.
Il est possible qu'il faille partir de caer (cair = cayr), mais
on peut soutenir avec M. Grammont qu'il faille partir de caer,
lequel serait devenu en passant par kèèr, kèr et kêr, mais en
léonard kear, kénr % par une série de différenciations
amenées suivant une métaphore inattendue de l'auteur de
l'article, par la peur inconsciente de V assimilation complète et de la
monophtongaison. La diphtongue actuelle, je crois, comporte
1. Dans bel, fourche de charrue, il est, je crois, ouvert; mais bel est ici
précédé par haedl, gall. haeddct. Dans bel généreux, de même; mais bel ne
sert que dans des idiotismes syntactiques. Sporadiquement il y a quelques
exceptions facilement explicables.
2. M. Vâhhc RoussQlot (Les iiiotlifications pbonc'iiques du tangage, ^^. 261)
nous montre è sortant de ai, ae, ei par aboutissant (", àè, ce, c.
Revue Celtique, XXVIII. 5
66 J. Lolh.
une autre explication : lesecond élément actuel en léonard peut
n'être que la résonnance reii forcée parc très réduit de m', de /final
ou delà spirante finale: s'il n'y pas de diphtongue, la résonnance
de m'est pas suffisante pour constituer un élément vocalique ap-
préciable. Si en léonard, nous trouvons pour rtp une diphtongue
et ailleurs une monophtongue, cette différence n'est pas due, en
léonard, à la phohie de la inonophtongaison, mais à une diff'érence
dans la forme de l'intonation sur la longue résultant de la
contraction et aussi à une articulation particulière de r en
présence de e allongé. Le dialecte de l'ile de Sein nous
éclaire sur les conditions de l'évolution. Dans ce dialecte, en
dehors des monosyllabes, e ouvert devant liquides ou
spirantes se scinde en eiî : ex. feâro, amer (/ à Sein remplace
ç'hîu- devant ë et /). Fearo sort de ferw, en une syllabe : partout
où le mot est monosyllabe, on a e ouvert : vannet. hiierïu ^=--
sijenjos. Le mol Iç'ru' est passé à /tT(';on a eu sous l'accent fe^ro:
e s'est allongé et -r ayant ici une résonnance vélaire, il s'est
développé un ^^leiflaiit que j'ai marqué par petit a; puis
l'accent s'est porté sur le second élément qu'il a allongé.
Cet avancement de l'accent sur la vovelle de résonnance est
bien connu en irlandais moderne : vieil-irl. Jîiin, blanc,
irl. nioy.Jîouii; irl.-mod. jyoïni. On peut objecter qu'il y a des
exemples de en venant de ae suivi d'une explosive : eat, great ;
mais ce sont probablement des créations analogiques : cf. van
netais grenn,']e faisais = léon. greanii, moy.-bret. graeii ; mais
participe greit {giçyt) Ce qui tend à confirmer encore l'influence
prépondérante de la spirante hnale, c'est que, en haut-vanne-
tais, si on prend l'ensemble de ce dialecte, on n'a ea pour ae
que lorsque ae est suivi (/'//;/(' spiianie gitlîiirale : = hcac h
cae:{ =:gall. eaetJ}.
J. LOTH.
UN TRAIT DE L'ARMEMENT DES CELTES :
LES DUO GAESA
M. Windisch (Tàiii hô Ci'ialge, p. xvii, p. 392 rem. 3)
fait la remarque que les duo gaesa des Gaulois de Virgile {Enéide,
VIII, 862; cf. Diefenbach Or Eiir. 350) se retrouvent aussi
chez les Gaëls. Dans le Tain, 1. 4604, Iliach, lui, outre son
épée, prend deux lances (da sieig : sleg paraît aussi avoir le sens
de javelot). Ces duo gaesa étaient sûrement d'un usage courant
chez leslrlandais. Cormac, The Ordeals, Ir. Texte, y série, i heic,
p. 204) est armé de deux lances. Dans Tochiiiarc Ferhe (Jr. Texte,
scr. 3, 2 h., p. 463), chacun des guerriers porte deux lances;
ce sont des javelots, car, p. 480, Brod lance une de ses deux
sleg. Dans le même morceau, p. 486, Mane prend ses deux
grands sIeig. Dans les Lives of saints of Lisinore, p. xvi,
M. Whitley Stokes signale également l'emploi des deux lances
(ou javelots).
Les duo gaesa ont certainement été anciennement en usage
aussi chez les Gallois : quand Kulhwch part pour son expédi-
tion, outre le glaive, il porte à la main deux javelots d'argent
bien aiguisés (J. Loth, Mahin., I, p. 191).
Enfin, le même armement se retrouve chez les guerriers
ensevelis à Hallstalt. Von. Sacken, Das Grabfeldvon Hallstall,
p. 36-37), signale deux lances de jet dans le tombeau 783,
deux des deux côtés de la main gauche du squelette dans le
tombeau 799, ^^wx autres dans le tombeau 791. Dans certains
tombeaux, elles se trouvent en plus grand nombre. Dans le
tombeau 259, avec une grande lance, se trouvait une javeline
et une pointe de lance servant évidemment de javelot.
J. LoTH.
NOTE CRITIQUE
Par m. WALTER J. PURTON
In the passage R.C, XXVI, p. 136, § lo; 7 adnaidead œ
icanu tri la &c. D"" Whitley Stokes translates "the}' wait"
and suggests in his index, " perhaps for adnethat thev expect,
they wait ".
I venture to suggest another translation, which seems to
me more probable. I think the word means " they go " and
should properly be adnaigit.
r° It is évident, that in this text the confusion of aspiratcd
dh and ^b is in fuU swing; cp. adnadhad for adnaghad (the
verv word with which we are dealing) fl'/V/),'7.'(r/;/ ïov ai^idhcchl,
&c."
2° It is certain that in Middle Irish the verb aduaisyiiii amon^;
varions other meanings sometimes meant " I go ". I cite
the following instances : aliiaigini isin cuchtair Aisl. M.C,
91, ij ; ûtnaidifii i cumusc triu BB 455 a 3; alr.ûi'g Brian do
thiprait LL 34 a 45 ; afnaig Ethne fades cosin dKii coi'dnic na
Desse LU 54 [ù 34.
The word also appears in an intransitive sensé in adnaigit
(adnaidit BB)codeaith i^.C.,XXIV, p. 174, whereD'W. Stokes
renders " they surrender". Another common usage is with
the p''eposition oc e.g. atnaig oc blassachtaig(he hegan smacking
his lips) LB 216 a 12.
The word seems sometimes to hâve been confused with
adaigim; at least there is verv little différence of sensé in ataig
in poic di ardig LL 34a 45; and alnaig Tadg bulli do LL
329 y. 7. Cf. also ataig a dichelta ass LU 54 324; altaig Isac
Note critique. 69
ac lamachtad a laimi BB 236 ,'i 18; ataidh L. oc a taithmech
co n-a glacaib BB 454 x 36, 37.
REPONSE DE M. WHITLEY STOKES
19. 12. 1906.
There is no doubt i\ràt adnaidead , Rc. 26, 146, § 10, stands
for adnaigit or atnaigei and I would now translate it by ' iliey
go on'. Tbe confusion of dh And gh \s one of the chief sources
of difRculty in dealing with Middle Irish texts. As to ûtnaigiin
see Windisch Wtb. 380.
The translation of adiiaigid Rc. XXIV, 174 is right.
I suspect that atnaigim is = ad-dn-aigim, where du is a
petrified infixed pronoun. Hence the supposed confusion witli
adaigim.
NOTES
OX THE BIRTH AND LII-K OF ST. MOLIKG
(Keî'iw ceUiqiii-, t. XXVH, pp. 257-312).
P. 257. D"' K. Meyer informs me that a third copy of this legend is
contained in the Brussels ms. 5301, p. 58. The text, he says, ' is soniewhat
différent' from that in Brussels ms. 4190 '-4200, e.g. the last two Unes of
the quatrain corresponding with that in Revue celtique, XXVH, 274, are
ro diiga Dia don fraicc
ina nderna do dichmairc.
^may *God forgive the woiiiuti
ail the thefl she bas cominitted!
P. 25S, 1. 17, for M'antonness read wanton insolence.
— 1. 27. This taie, according to Mr E. Gwyiin (Proceedings 0/ the
Royal Irish Academy, March 1906, p. 22) " is told also in the Life in Codex
Kilkennensis. See « Ancient Life of St. Molvng ». bv P. 0'L[earyJ, Dublin :
1887, p. 22 ".
P. 261, 1. 6, /or mantles read spoils (bral. gen. biaile, ^" 4, note 3).
P. 263, 1. 6, for mantles read spoil. 1. 9, for land read countrv.
P. 265, 1. <), Jor meditating read contemplating.
P. 269, 1. 12, for osterer aiid s,h read fosterer and his.
— 1. 2). for rébellion read marauding.
P. 272, §25,1. 9, dele très, which in the ms. is inserted iiiaii. rec.
P. 274, 1. 8, for Taircell read Tairchell.
P. 274 § 26, 1. 2, The inuinler oi the ms. should be corrected xovu'iinler,
3d sg. imperat, pass. oîmùiiiini' I te.ich ', and coniciits should be corrected to'
co ndichius' ' that I may go '. Translate accordingly (p. 275, 1. 17) " And if
I hâve, let it be told (lit. taught) tome so that I may go and dwell therein '
P. 276, § 29, 1. 5, lossicorcra is probably ace. pi. oï lus corcra, some purple
or crimson plant. Translate accordingly
1. Misprinted 1490 in Rev. Celt., XXVH, 257, 1. 6.
2. Cf. dc-chos LU. 129a 10, -deochus 70» 19, -dechas-sa VBL. 52» 13,
-c'citisLU. 70-» 13, 19 (Strachan, Sigmatic future, p. 11), coudigitis[s]a,
Passions and Homilies 1570.
Birth il m! life of Si. Moliiio. 71
P. lyiS, '] 55, 1. 5. The dcchais of thc ms. should be corrected to ik'cbais.
'l'iien in thc translation, /c/- thcncc went, n'cul he lookcd.
P. 282, 1. 3. The coiTupt Tascii should probably be corrected to Tiisciia
2 sg. of a subj. used as imperat. ol lasciiaiiii.
P. 283, 1. ~\,for Draw. . . rcad. Corne hither (///cj.
— 1- 13, for God rend mv Lord.
P. 287, 1. 2, for rebeiling rend marauding.
P. 288, § 48, 1. 8, omit [somh], which makes the line hypermetrical.
P. 289, § 48, 1. 8, for he would read may he. And in 1. 9 for it would
rend (bis) ma\' it. In line 10, for knowledge vve should perhaps rcad
home, eol, as to which see Revue celtique, XIII, p. 2, 1. 28, where rauu : co
eol fein should be rctiiic co a col fèin, as in Harl. 5280, f" 109, I. 2, and cf,
B. Bail., p. 402, 1 4s, dia ecbtra coa eol. The last line should, I now think
be rendered thus : because this is \\hat is désirable; hcre I am in grief, eo
grief, whence colclhtirf .1. doilgheasno dobron, O'Cl., rhymes with eol home
or knowledge. Homonvms mav rhvnie when their meaningsdifFer. Gwynn,
Todd Lectures, IX, 95.
P. 290, ^'. 51, last Une, yi'/- dèn[aid| rciid den[tar] and in the preceding
line omit thc colon.
P. 291, 1 51, 11. n, 13, for to ihe place cXcrcad, and let the boun-
dary be fixed (lit. made] at the place in which we shallforgather.
1'. 292, 1. 3, for Cendslêbhe read Cind Slêbhe, and in the translation rcud
Gonlon Cinn of Sliab Bladma.
P. 293, 1. 6, for reached him lead he should reach.
— [^, 53. In the text grés, nov,' gréas, gen. oréis, means needlework
or embroiderv In the translation, therefore, read (cf. 293, § 53) the woman
brought him a cow's milking, which she had earned by needlework, for
there was no other food in the house save what she was gaining by her
needlework.
P. 294, § 58, I. I, bdghacJj may be a scribal error for bcidhach 'tond',
cognate with hdide 'fondntss', § 39, 8, 10, with which the Hesychian
^fô-iov -poscp'.li:, rfi'j has been compared. If so, translate (p. 295) and he
was fond of the Leinstermen'.
P. 295, 1. 10, for ' Tis long. . . /•('((</' Tis far hither (in this direction).
— ^ 56, 1. i,for left /•('(/(/ got.
P. 296, 1. 3 , /ti/- corTiî read corb'i
P. 297, S 61, 1. 4, for anon départs read he recovers at once.
— î^ 64, 1. 3 , /o?' escaped froni death iwui recovered.
P. 299, ."^ 66, 1. 6, for o read to.
P. 302, 1. 2, oidiiiait, an leg. gid iiiaitli ?
P. 303, 1. 3, /or and read it, and to. For Tocdiu read leat (watercourse
made bv S. Moling for his monaster\-). L. 3, for and go from it read and
perambulate it. Note i for rivt'r (?) read watercourse.
P. 307, 1. 7, /('/• g read of.
P. 308, 1. 2, dele dechais 33, and for niisformations rcad a misformation.
P. 510, (Wc the article grés.
— 1. 10, ille 37, 55, /;///;«■ (il-leth) is certainlv the meaning.
72 IVhUley Siokes.
P. 310, i. 25, as to /()'.?/, V. supra, p.
P. 311, midhcmain, ivid. .1. l'cchain, Lee. Gloss. 385.
P. 312, tasca, V. supra, p.
— s. V. tucsat, /('/• orthotonic read prototonic.
For many, perhaps most, of the above corrections I ani indebted to
the kindness and of MrO. J Bergin, prof K. Mever and the Rev. Charles
Plumnicr. Loiidon, 10 December, 1906.
Whitlev Stokks.
PosT-scRiPTUM. — As regards iocdiii, Mr Plummer has iound in tiie
Latin Life of S. MoHng in the Codex Kilenniensis » rivuluni aque de
quodam ampne separavit ipse et duxit iHum... ad monasterium per unum
miliarium. »
« Promisit S. Molyng semper orare... pro peccatis eorum cui ambulaturi
sunt illam aquam... more peregrinandi. »
Thèse extracts explain tôcdaii and non-imtii^fc in '^71.
Whitlev Stokes.
CHRONIQUE
DE NUMISMATIQUE CELTIQUE
Dans une localité indéterminée du département de la Marne
entre Reims et Chàlons-sur-Marne, en novembre 1905, on a dé-
couvert un grand trésor de monnaies d'or gauloises dont j'a'
examiné environ 400 exemplaires chez divers changeurs de Paris '.
La trouvaille ne comprenait probablement que les deux sortes que
j'ai vues : i*^ Statères attribués aux Morini (poids moyen, 6 gr. 50;
titre, 700, 1000); 2° Statères globuleux, marqués d'une croix,
semblables à ceux qu'on a déjà recueillis non loin de Reims ' (poids
moyen, 7 gr. 30; titre, 685/1000).
Un autre lot de 14e pièces, provenant du même trésor, a été
étudié par M. Victor Tourneur, conservateur-adjoint au Cabinet des
médailles de Bruxelles, qui a exposé une hypothèse intéressante
au sujet des pièces globuleuses 5. Ces monnaies coulées négligem-
ment sont d'or allié d'argent si inégalement que des analyses
répétées ont donné 650, 675, 700 et même 800 millièmes d'or.
M. Tourneur a rappelé les provenances de pièces globuleuses que
j'avais indiquées et il a assimilé les statères du trésor recueilli
récemment à ceux qu'on a trouvés à Moinville, prés de Melun-t.
Mais il faut faire une distinction très importante pour la question :
les statères recueillis près de Melun portent, à côté de la croisette,
un petit torques, très nettement dessiné 5. Ces pièces ne peuvent
donc être considérées comme appartenant à la même émission
1. J'ai signalé cette trouvaille dans la Kcvin' numismatique, 1906, p. 76.
Malgré mes efforts je n'ai pu connaître exactement le lieu de la découverte.
2. Voy. mon Traité des monnaies gauloises, 1905, p. 476, 522 et 540;
trésor de Sainte-Preuve (Aisne).
3. U)U' monnaie de nécessité des Bellovaques, dans la Galette numisnmtique
de Bruxelles, t. X, 1906, p. 83-93, i fig.
4. Voy. mon Traité des m. gaut., p. 591, n" 220.
5. M. Tourneur raisonne comme si une seule pièce de ce genre avait été
recueillie et émet un doute sur l'existence du symbole signalé. Mais plu-
sieurs exemplaires ont été sûrement recueillis et je peux en signaler un
avec_ le torques très distinct (collection du D"" L. Capitan).
74 A. Hhuchcl.
M. Tourneur pense que le poids des statures globuleux (7 gr.
à 7 gr. 50) autorise à les rapprocher du poids des statures bello-
vaques ordinaires (7 gr. 20 à 7 gr. 80). Il rappelle que j'ai consi-
déré comme contemporaines des campagnes de César les cachctf s
de statères des Morini. Or on a vu que des pièces de ce peuple
étaient associées aux statères globuleux dans le trésor de Reims-
Chàlons. M. Tourneur cite ensuite les passages de César où l'inimitié
des Bellovaci contre les Rémi est mise en évidence. On sait, enfin,
que les Bellovaci se décidèrent à envoyer avec les Morini et les
autres peuples du Nord un contingent de 2000 hommes, au
secours d'Alesia
M. Tourneur suppose donc que les statères globuleux, produits
d'une fabrication hâtive, trouvés en 1905, avec des statères des
Morini, sont des « monnaies de nécessité, coulées par les Bellovaci
« à l'occasion de l'expédition de secours vers Alesia et pour la
« guerre contre les Rémi ». Les Bellovaci les auraient semées depuis
Orléans jusqu'à Melun', en fuyant vers leur pays après la chute
d'Alesia. Enfin les dépôts, découverts dans le pays des Rémi, y
auraient été enfouis par les Bellovaci et les Morini, qui le dévastaient
lorsque les lésions de C. Fabius et de L. Minucius Basilus y arrivèrent
au secours des Rémi. On voit que l'hypothèse est ingénieuse. Mais
elle soulève des objections sérieuses.
D'abord les pièces recueillies près de Melun sont siàrement d'une
émission différente et d'une fabrication plus soignée. Ensuite, il
n'est pas admissible que les Bellovaci, revenant d'Alise, aient
passé par Orléans; leur route, naturelle et nécessaire, était la vallée
de la Seine jusqu'au pays des Tricasses ; de là ils pouvaient
repasser sur le territoire des Rémi, leurs ennemis.
Enfin, l'objection principale est celle-ci : Dans quel but les
Bellovaci auraient-ils fait une émission monétaire au moment de
partir vers Alise ou chez les Rémi ? Les Gaulois ne payaient pas
pour lever les troupes et les équiper; chaque peuple avait ses
guerriers et la nation bellovaque était éminemment militaire. Les
Bellovaci ne pouvaient emporter dans leur expédition un numéraire
qu'aucun autre peuple n'eût accepté, car il était informe et plus
imparfait que ceux des peuples voisins. D'abord à cette époque,
les lois de la guerre étaient encore plus dures qu'aujourd'hui : on
ne payait pas, on prenait. Il est donc peu vraisemblable que les
Bellovaci aient promené leur trésor devant Alise- ou chez les
Rémi. Si Ton admettait que les monnaies globuleuses ont été
1. La phrase de M. Tourneur (« les pièces semées -de Cenabum à
Melodunum » ) fait allusion aux statères globuleux dont j'ai signalé la
dé-:ouverte à Orléans. Mais on en a trouvé aussi ailleurs.
2. On n'a pas trouvé de statères globuleux dans les fouilles des retran-
chements d'Alise où plus d'un Bellovaque a dû succomber.
Chronique de iiuiiihinatiqiic ceJlique. 75
enlises par les Bellovacr, il serait préférable de supposer qu'elles
ont été coulées sur le territoire des Renii avec le produit du
pillages Enfin, remarquons que les statéres des Morini, recueillis
entre Reims et Chàlons-sur-Marne, présentent des différences assez
sensibles, qui indiquent des émissions successives. Et, parmi les
pièces globuleuses que j'ai pu examiner, un certain nombre
paraissaient avoir circulé. Il est donc peu probable que le trésor
de Reims-Châlons ait été enfoui très peu de temps après la fabrica-
tion des pièces.
II. M. O. Vauvillé a réuni toutes les variétés de monnaies
portant le nom de Criciru *, qui, comme on le sait, ont été
recueillies en grand nombre, dans Toppidum de Pommiers, qui
est peut-être le Noviodunum Suessionum +. L'auteur a indiqué un
certain nombre d'autres provenances; mais son relevé eût pu être
plus complet, s'il eût consulté simplement mon Traité. Pour les
pièces de bronze, les variétés sont nombreuses et les déformations
de types et de légende indiquent un monnayage assez prolongé.
La tête, coiffée d'un casque hémisphérique, est généralement
imberbe ; on connaît cependant des exemplaires, beaucoup plus
rares, où la tête porte une barbe en pointe. Le cheval ailé du
revers, avec l'aile, soit arrondie soit triangulaire, est toujours à
gauche. La légende est généralement CRICIRV; mais on a un
bon nombre de variétés donnant la forme CRICIRONIS ^•
M. Vauvillé dit que le revers de cette monnaie présente des variétés
plus nombreuses que le droit (ce qui ne me paraît nullement
prouvé) et donne de ce fait l'explication suivante : le coin fixe de
la tête aurait été concave, car le droit des pièces est toujours
convexe. Il eût par suite été plus solide que le coin mobile et
convexe du revers ; le résultat nécessaire aurait été un changement
plus fréquent du coin du revers. Je crois que la forme hypothétique
des coins de Criciru eût été peu pratique et qu'elle eût donné des
résultats contraires .à ceux que suppose M. Vauvillé. En eftet, la
1. Ce qui me paraît difficile, puisque les produits d'une autre émission
sont localisés près de Melun.
2. On serait d'ailleurs autorisé tout autant à dire que ce numéraire fut
fabriqué par les Rémi, dans cette période critique.
3. Rev. uumisuiatique, 1906, p. 117-131, 31 fig.
4. M Vauvillé a publié un nouvel inventaire de monnaies gauloises et
romaines, recueillies à Pommiers, dans un mémoire récent (Ueuceiutc de
Pommiers, Noviodunuiii des Siiessioiies, 1906, p. 35 a 43; extr. des Méiii. de
Iti Soc. des Antiq. de France).
5. M. Vauvillé a donné des transcriptions de légendes, qui, à première
vue, paraissent très différentes (no^ 11, 12 et 15). En réalité il s'agit sim-
plement de légendes dont les lettres sont déformées. Le no 9 doit être mal
lu pour la 7e lettre, qui est probablement un O et non un D. — On sait
que Charles Robert faisait de Criciroiiis le génitif de Criciru.
76 J. BlcDichct.
bordure circulaire du coin concave n'aurait pas tardé à s'écraser,
car la pression eût été plus forte sur les bords qu'au centre où le
métal du flan avait plus de place pour s'étaler.
Les monnaies d'argent de Cricini portent un buste jeune ', avec le
cou paré d'un torques. Au revers, un cheval, non ailé, est accom-
pagné d'un dauphin. La légende est CRICIRV et l'on rencontre
quelques déformations qui n'ont pas de valeur scientifique.
Enfin, la monnaie d'or porte une dégénérescence de la tête
laurée, à rapprocher de celle qui est empreinte sur les statères des
Rémi et des Nervii. Au revers, on voit un clieval accompagné
d'une fibule et de divers emblèmes (étoile, S couché, rouelle ou
annelets). La légende est CRICI a^^ droit ou CRICIRV au revers.
Des conclusions de M. Vauvillé, nous accepterons celle qui fait
de Criciru un personnage - suession. Le monnayage a probablement
duré pendant un temps assez prolongé; mais je ne saurais admettre,
avec -M. Vauvillé, que la preuve de ce fait soit tirée des effigies des
monnaies. Nous ne sommes pas autorisés à dire que ces monnaies
portent le portrait du chef Criciru. La question des portraits véri-
tables sur les monnaies gauloises est loin d'être tranchée s. Il n'v
a d'ailleurs aucun rapport entre la tête casquée des monnaies de
bronze et la tête nue, parée du torques, que portent les monnaies
d'argent. Je verrai volontiers sur les monnaies de Criciru des types
imités de types romains : le Pégase est là pour nous faire penser
à d'autres emprunts du même genre +.
III. A propos d'un petit bronze d'Auguste au revers de l'aigle
éployé, dont les exemplaires seraient très communs à Alise, on a dit
récemment : \° que cette monnaie a certainement été frappée en
Gaule, parce qu'elle a été plusieurs fois imitée << par les monnaveurs
barbares » ; 2° que la frappe pourrait en être attribuée « à l'atelier
« inconnu (peut-être Eduen) duquel sont sortis, non seulement
« les pièces au revers GER!VIAN»/S INDVTILLIL, mais aussi, sans
« doute, les petits bronzes d'Auguste au revers du taureau cornu-
" pète » 5. Je crois bien que la solution de ces problèmes n'est pas
aussi facile que le ferait croire l'exposé rapide qu'on vient de lire.
J'ai déjà dit ailleurs quelques mots du bronze à l'aigle éplové,
dont on a trouvé six exemplaires à Sens, en 1897 '', et d'autres sur
1. M. Vauvillé signale une variété avec une tête barbue, sans torques
(no 28).
2. Je ne dis pas un « chef», comme le fait M. Vauvillé.
3. Voy. ce que j'en ai dit dansmon Traité des m. i^aul., p. 153-157.
4. Il est bien regrettable que M. Vauvillé ait omis de comparer le mon-
nayage de Cricini avec celui de Roveca, localisé chez les Meldi. J'avais déjà
indiqué Futilité de cette comparaison (Traite, p. 364).
5. Seymour de Ricci, Bulletin des fouilles d'Alise, publié dans Pro Alesia,
1906, no I, p. 7.
6. Examen des monnaies i^auloi^es cl romaines recueillies à Sens, en i8^j,
dans Butl. So'-. archcol. de Sens. t. XXI, 1905, p. 247.
Chronique de nuinismatique celtique. 77
divers points de la Gaule. Cette monnaie à l'aigle a été copiée
comme ornement sur un vase d'Arezzo ' et d'autre part, la frappe
et le style en sont meilleurs que ceux des bronzes de Lugduinim,
puisque les deux côtés de la monnaie sont de bon travail. Il y a
donc des présomptions en faveur de la frappe de cette monnaie dans
l'atelier de Rome.
Quant au bronze d'Auguste avec le revers du taureau cornupéte,
je crois aujourd'hui qu'il est sorti de l'atelier de Lugduvum ^, qui
fut sûrement le grand atelier officiel, organisé en Gaule, sous le
régne d'Auguste. Il y a une différence notable entre les bronzes
d'Auguste au taureau, dont le style reste sensiblement égal, et les
bronzes de Germauus. dont je connais de nombreuses variétés.
Dans l'état actuel de la question, on ne saurait admettre que les
deux monnaies, d'aspect très différent, sont sorties du même
atelier.
IV. Il V a quelques mois, M. Friedrich Kenner publiait une
monnaie celtique qui présente un grand intérêt '. En voici la des-
cription :
GESATORIX-RE-- Buste imberbe à droite, avec une couronne
de laurier (?) ou une coiffure ornée d'un diadème.
Revers. ECRITVSIRIRECM- Buste analogue d'un dessin diffé-
rent. Diamètre, 26 mili. ; poids, 11 gr. 96. Muséum Carolino-
Augusteum de Salzbourg.
Cette pièce a été trouvée, en juin 1904, sous une pierre, dans le
massif montagneux de la Tauern de Mallnitz ou Basse Tauern, à
environ 2400 mètres d'altitude, entre la région de Salzbourg et la
Carinthie. La monnaie appartient à cette série, localisée au sud des
Alpes entre Cilli et Udine, et qui comprend les pièces avec les
légendes Adnania, Neiuel et Atta. Les deux noms Gesaiorix et Ecri-
lusirus sont nouveaux dans cette série, et M. Wilhelm Kubitschek
vient de les étudier récemment ■*. Il pense que les deux légendes
doivent être réunies et lues ainsi : G{a^esalorix re\x\ Ecritusiri
regÇis) JîlÇius), et rapproche cette lecture des inscriptions de
diverses monnaies gauloises, bretonnes et romaines, dont les
légendes du droit et du revers doivent être réunies.
1. Ce vase a s< rvi de modèle aux potiers de Lezoux. Du fait que des
vases gallo-romains portent aussi la reproduction de la monnaie à l'aigle,
on ne saurait donc conclure que cette pièce a été frappée en Gaule.
2. Les raisons de cette opinion sont celles que j'ai données à propos de la
première mornaie de Liiodunuiii (Traité des m. Gauh, p. 429).
3. Fr. Kenner, KeJtische Miii!~e voiii Malhut:ier Tauern an der Gren:^e
liulschen Sal:ihurcr und Kârnthcn, dans les MittheiJungen â. k. k. Zenlral
koinuiission, 3^ s'^, t. IV, Vienne, 1905, co!. 159-161, fig. 41.
4. W. Kubitschek, Kôiiij^ Ecritusirus dans Jahresheften des osierreichischeii
anhïoloo-iscben Iiisfitiilcs. t. IX, 1906, p. 70-74, fig. 21.
78 A. Blanche l.
Le nom Gaesatorix est connu par des textes de Strabon et de
Polybe. Q.uant à Ecriltisims, c'est peut-être le même nom que celui
de Kritasiro'^, roi des Taurisci, qui avait été mis en déroute, avec
les Boïens, par Burebista, roi des Daces, à l'époque de César '. Les
noms celtiques dont la iinale est -sirus sont rares ; d'autre part le
E prosthétique est possible, de même que la chute de la même
lettre dans le texte grec. Hn tout cas, Crilo et Hcrito sont connus
par une marque de potier, des inscriptions de Narbonne et une
monnaie gauloise ÇEkrifo) '. Remarquons encore qu'on a les formes
Critognatus, Ecritogtialiis, pour le nom d'un Arverne cité par César.
Les monnaies du groupe auquel appartient la pièce décrite plus
haut sont contemporaines î du fait histcMique rapporté par Strabon.
L'hypothèse de AL Kubitschck, que Gaesatorix serait le fils d'Ecri-
tasiros, vaincu par Burebista, offre donc une part suffisante de
probabilité.
Adrien Blanchkt
1. Strabon, VIII, 3, 11, et 5, 2.
2. Vov. mon Traite, p. 119 et 389. On connaît aussi Inccrilnrix {Ibid.,
p. 383).'
3. On en a trouvé avec une monnaie romaine datée de 43. av J.-C.
NÉCROLOGIE
G. ASCOLI
Nolicc lu'crolooique lue à V Acadcniie des inscriptions et helles-Ieltres.
Un des plus anciens et des plus illustres parmi vos associés étrangers,
M. le professeur Graziadio Ascoli, sénateur du royaume d'Italie, est mort
à Milan, le 20 janvier, à l'âge de soixante-dix- huit ans.
Ascoli occupe un rang très élevé dans le groupe des savants du xix^
siècle qui ont constitué la linguistique moderne. Hébraïsant dès l'enfance —
il était de naissance Israélite — un goût tout spontané le porta de bonne
heure vers Tétude des langues romanes; âgé de seize ans à peine, il étonna
les philologues par un travail comparatif sur les parlers de la Valachie et
du Frioul. Bientôt, outre le grec et le latin, il apprit le sanscrit, le zend, le
gothique, le lithuanien, les langues slaves, presque toutes celles de l'Eu-
rope moderne, v compris le tsigane et les dialectes néo-grecs comme le
tsaconien. Mieux armé qu'aucun de ses contemporains pour la recherche
des lois du langage dans le vaste domaine conquis par son zèle de poly-
glotte, il fonda, à vingt-cinq ans, la première Revue de linguistique qu'ait
possédée l'Italie, Stiulii orientali e liiiguistici. En 1860, il eut l'honneur
d'inaugurer à Milan, où il le continua jusqu'en 1902, l'enseignement d'une
science depuis longtemps négligée dans la Péninsule ; la plupart des ouvrages
qu'il publia dès lors furent le fruit de ses leçons, où se sont formées des
générations de linguistes. Ses principaux livres ont été traduits en allemand
et ont exercé une influence durable au delà des monts. Non moins utile fut
l'excellent périodique qu'il créa en 1875, sous le titre d'Archri'io o-lottologico
italiano, où il a publié une foule de mémoires sur les langues de l'Inde et
de l'Italie, objets favoris de son étonnante activité.
Convaincu de la parenté originaire des familles de langues aryennes et
sémitiques, Ascoli n'a pas trouvé beaucoup d'adhérents sur ce terrain de
comparaison, où peu desavants, d'aillleurs, étaient capables de se mesurer
avec lui. Mais il se révéla maître incontesté dans la phoriétique des langues
indo-européennes et des langues romanes. Un des premiers, il introduisit
dans ces recherches la phonétique physiologique, la connaissance minu-
tieuse des notations des sons par l'épigraphie, l'idée féconde que les diffé-
rences phonétiques des langues de même souche sont dues soit au contact
8o Nécrologie.
de langues d'autres familles, soit à l'habitude bien des fois séculaire d'une
langue indigène chez les peuples qui adoptèrent une langue importée. C'est
ainsi qu'il mit en lumière, dans le sanscrit védique, l'influence des langues
dravidiennes de l'Inde, comme celle des langues celtiques dans certains par-
1ers de l'Italie. L'étude des dialectes italiens modernes reçut de lui une
énergique impulsion Sur les confins du domaine italien, il fut le premier
à analyser scientifiquement, dans sa complexité et sa corruption, la pho-
nétique du groupe rhéto-roman ou ladin, auquel il consacra un mémoire
célèbre en 1872. La recherche des influences celtiques ou germaniques le
conduisit, d'une part, à l'étude des dialectes du sud-est de la France et
de la Suisse, intermédiaires entre le français et le provençal, et de l'autre à
celle des langues celtiques du moven âge, en particulier de l'irlandais. Il
publia, depuis 1878, un commentaire philologique approfondi sur le vieux
manuscrit irlandais de la bibliothèque ambroisiennede Milan. Vers la même
époque, avec cette puissance d'enc\-clopédiste qui lui permettait de passer
sans eftort d'un sujet à l'autre, il enrichissait l'épigraphie hébraïque d'un
travail de premier ordre sur les inscriptions juives du ro\-aume de Naples et
de la catacombe de Venosa.
Je ne saurais exposer ici, même en substance, les mémorables conquêtes
d'Ascoli dans le domaine spécial delà philologie ar\-enne. Ses découvertes,
qui concernent particulièrement les gutturales et les palatales de la langue
mère, dont elles aftectent également le vocalisme, sont d'une telle portée et
d'une telle richesse que Fritz Bechtel, dans son Histoire de la plmnctique
depuis Schleichcr, publiée en 1892, eut besoin de près de vingt-cinq pages
pour les résumer. Le développement ultérieur des études de phonétique
indo-européenne par MM. de Saussure, Brugiiiann et d'autres, a été pré-
paré et prévu, dans une large mesure, par le génie du grand linguiste ita-
lien. C'est là un h()mmage que les maîtres plus jeunes lui rendent à l'envi
depuis trente ans.
Ascoli ne rechercha pas les honneurs, mais il en reçut beaucoup. Membre
de la plupart des sociétés savantes de l'Europe, il fut élu associé de votre
Académie en 1891, à la place de l'indianiste Gorresio ; il était votre corres-
pondant depuis 1877 et avait reçu de l'Institut de France, en 1885, pour
ses Leltere glottolo^iche, le prix Volney. Hn 1889, le roi d'Italie l'avait
nommé sénateur. Milan lui a fiiit des funérailles solennelles. .'\ux voix élo-
quentes qui se sont élevées sur sa tombe pour rappeler une existence si
bien remplie, la respectueuse sympathie de ses confrères de France ne pou-
vait manquer ici de faire écho.
Salomon Rein.^ch.
CHRONiaUE
Sommaire. — I. Travers, De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne
depuis l'établissement des Celtes dans la péninsule armoricaine jusqu'à nos jours.
— II. Ele.\nor Hull, a Tcxt-book of Irish Literature. — III. Philippe de
Félice, L'autre monde, mythes et légendes, le purgatoire de saint Patrice. —
IV. M. Sheean, Sean-caint na n-Deise. — V. Alfred Holder, Die Reiche-
nauer Handschritten. — VI. V"= Hervé du Halgouet, Essai sur le Porhoet,
le comté, sa capitale, ses seigneurs. — VII. Jessie L. Weston, The Legend of
sir Perceval, vol. I. Chrétien de Troyes and Vauchier de Denain. — VIII.
J. Vessereau, Rutilius Namatianus, édition critique. — IX. René Pichon, Les
derniers écrivains profanes, les panégyristes. — X. Adrien Blanchct, Les
enceintes romaines de la Gaule. — XL Edouard Mariette, The roman
Walls. — XII. DucHESNE, Autonomies ecclésiastiques. — XIII. Hermann Hirt,
Die Indogernianen. tome IL — XIV. Thésaurus linguae latinae, editus auctoritate
et consilio academiarium quinque Germanicarum, vol. IL — XV. Ludwig
Traube, Quellen und Untersuchungen zur latcinischen Philologie des Mittelalters.
— XVI. Victor Lederer, Ueber Hcimat und Ursprung der mehrstimmigen
Tonkunst — XVII. E. C. CIuiggin. A Dialect of Donegal. — XVIII. Robert
HuNTiNcrON Fletcher, Studies and Notes in Philology and Literature. —
XIX. Anatole Le Braz, Le théâtre celtique. — XX. Roger, L'enseignement
des lettres classiques d'Ausone à Alcuin. — XXI. J. Nanglard, Le livre des
fiefs de Guillaume de Blaye, évêque d'AngouIême. — XXII. Louis Halphen,
Le comté d'Anjou au xi" siècle. — XXIII. A. Carnoy, Le latin d'Espagne
d'après les inscriptions. — XXIV. Kuno Meyer, Ancient Gaelic Poetry. —
XXV. ¥,. W. R. Nicholson, A. W. Wade Evans dans Y Cymmrodor, t. XIX. —
XXVI, Kuno Meyer dans Todd Lectures séries, t. XIV. — XXVIl. AlbertCuny,
Le nombre duel en grec, Les préverbes dans le Çatapathahrâhinaiia . — XXVIII.
Ch. Brusson, Les colonies grecques d'après l'Ancien Testament. — XXIX.
H. Kern, Vaitulya, Vctidla, Vctulyaka. — XXX. Louis Gougaud, Un point
obscur de l'itinéraire de saint Columban venant en Gaule.
I
Notre savant confrère M. J. Loth a écrit : qu'au ye siècle la péninsule
armoricaine était complètement romaine de langue et de culture '. Pour
réfuter cette thèse, M. Albert Travers, directeur des postes et télégraphes
en retraite, inspecteur général honoraire, a écrit une brochure de io6 pages
dont le titre est : De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne
depuis TétahUsse)iient des Celtes dans la Péninsule armoricaine jusqu à nos jours.
I. Ucniigration bretonne en Annorique du F* an J^II^ siècle de notre ère,
p. 235.
Revue Celtique, XXVIII. 6
82 Chronique.
Il ne donne pas ce nous semble une seule preuve valable à l'appui de sa
doctrine. Toutefois, il est intéressant de voir comment peut encore être
défendue aujourd'hui une thèse généralement abandonnée, mais qui a eu
jadis de nombreux partisans.
Une œuvre d'une toute autre valeur est le volume que Miss Eleani^.r
Hull a intitulé : A Text Book of Irish Literahiie '. C'est un résumé de la
littérature la plus ancienne de l'Irlande, tant païenne que chrétienne. Un
second volume parlera des annales et de la littérature ossianique. II. est à
regretter que l'analyse de chaque morceau ne soit pas accompagnée de l'in-
dication de l'édition ou des éditions où l'on peut trouver le texte irlandais.
Miss Eleanor Hull nous promet une bibliographie dans le second volume
à venir. Ce sera moins commode que ne le seraient des notes nu bas des
pages dans ce volume-ci. Autre critique : le même volume débute par une
table des chapitres ; il n'y a pas de renvois aux pages. Enfin on peut être
étonné de trouver dans ce volume, p. 85-87, l'analyse des deux morceaux
intitulés Aidai chloiiiuc Lir « Mort tragique des enfants de Ler », Aided
chhiune Tuireiin « Mort tragique des enfants de Tuireann », qui ne peuvent
guère remonter au delà du xviiie siècle. Miss Elanor Hull dit, p. 87, que
dans le glossaire de Cormac écrit vers l'an 900, les fils de Tuireann sont
mentionnés. Je ne les trouve pas dsinsV Index of Persans mis par M. Whitlev
Stokes à la fin du Connac's Glossary. E. O'Currv, AUantis, t. III, p. 597, a
écrit que la plus ancienne mention des fils de Tuireann se trouve dans le
Book of Lecan qui date de 1416.
Ce sont de légères critiques au sujet d'un bon livre.
III
M. Philippe de Felice, hanté par le désir d'étudier le Folk-lore chrétien,
est allé en Irlande visiter le Purgatoire de saint Patrice qui apparaît dans la
littérature latine vers la fin du xiie siècle, chez Jocelin, Vie de saint
Patrice, chez Giraud de Barri, Topo^^raphia ////ww/Vj, et dans l'ouvrage spé-
cialement consacré au purgatoire de saint Patrice par Henri de Saltrey. Ce
lieu merveilleux dut ensuite une grande célébrité à ÏEspiir<^iitoire Sciiit
Patrii de Marie de France. Il était situé dans une ile d'un lac appelé Lough
Derg, lequel se trouve dans la partie méridionale du comté de Donegal en
Ulster. Il ne faut pas confondre ce Lough Derg avec un autre lac qui porte
le même nom et qui est traversé parle Shannon comme le lac de Constance
par le Rhin, comme le lac de Genève par le Rhône ; ce second Lough
Derg est situé entre le Connaught et le Munster, beaucoup plus au sud
que le premier ; c'est de lui qu'il est question dans la Vie tripartite de saint
Patrice -, où il ne se trouve pas la moindre allusion au fameux purga-
1. Dublin, M. H. Gill and son, Londres, David Nutt, petit in-S" de
292 pages dont 22 non numérotées et dix paginées en chiffres romains.
2. Whitley Stokes, The tripartile Life of Patrick, p. 88.
Chronique. 83
toire. La Vie tripartite date probablement du XF siècle ', elle est par consé-
quent antérieure à la création de la légende dont nous parlons. Le célèbre
purgatoire était probablement une allée couverte terminée par une salle
ronde voûtée en encorbellement comme le célèbre monument de New-
Grange, situé sur la rive gauche de la Boyne, et qui est un' tombeau préhis-
torique, modeste équivalent irlandais des pyramides d'Egypte. Le monu-
ment deNew-Grange existe encore. Malheureusement celui de LoughDerg
en Donegal a été détruit : on a depuis prétendu le rebâtir, mais ce monu-
ment nouveau n'a aucune valeur archéologique. On lira cependant avtc
intérêt l'ouvrage de M. de Felice-. Je dirai toutefois que je ne partage pas
ses doutes sur l'existence même de saint Patrice. On a attribué à ce célèbre
apôtre de l'Irlande des miracles inadmissibles. Soit. Mais, on pourrait écrire
une vie fabuleuse de M. de Felice, il ne serait pas légitime d'en conclure
que M. Philippe de Felice, pasteur adjoint au temple de Panthemont à
Paris et auteur du volume dont nous parlons, n"a jamais existé.
IV
L'établissement des Deisi en Munster est un des faits les plus connus de
l'histoire d'Irlande.
Le Rév. M. Scheean, Michedl O'Siothchàin, professeur au collège de Ma\-
nooth, a intitulé Sean-caint iia ii-Deise, Vieille langue Jes Deisi ^, une
étude sur la langue actuelle du Munster oriental,- principalement dans la
paroisse de Ring, comté de Waterford. Il a fait œuvre méritoire, mais
n'échappera pas à quelques critiques. D'abord pourquoi dans son titre quali-
fier de vieille une kmgue i-noderne ? C'est au me siècle de notre ère
que les Deisi sont venus s'établir en Munster t. La langue que parlent leurs
descendants au xx'' siècle n'est pas celle du me. L'auteur commence par
une grammaire qui traite 1° de la prononciation, 2° des prépositions. 30 des
noms, 4'^' des noms de degré et des expressions de parenté, 50 des expres-
sions employées pour temps et compte, 6" des pronoms, 7° des propositions
conditionnelles, 8° des verbes, 9° des adjectifs, 10° des adverbes. Pourquoi
n'avoir pas suivi l'ordre habituel des grammaires? Vient après cela une
seconde partie qui commence par une nomenclature de noms de plantes.
Suivent dix petits morceaux de prose en dialecte de Ring. Le premier
débute pour nous apprendre que la paroisse de Ring, pitroiste ini Ri/me est
l'endroit le plus salubre de 1 Irlande.
1. Whitley Stokes, The tripartite Life of Patrick, p. lxxiii.
2. L'antre monde. Mythes et légendes. Le purgatoire de saint Patrice. Paris,
Champion, 1906, in-8", 195 pages.
5. Dublin, Gill and Son, 1906.
4. Annales de Tigernach, publiées par Whitley Stokes, Revue Celtique.
t. XVII, p. 19-20 Annales des quatre maîtres, édition d'O'Donovan, t. I,
p. 1 14 et 115, note n.
84 Chroni(jiie.
L'infatigable Dr. Alfred Holder vient de faire paraître 11 premier
volume du catalogue des mss. de Reichenau conservés dans la biblio-
thèque dont il a la garde à Karlsruhe '. Plusieurs de ces mss. sont
importants au point de vue des études celtiques. Q.uoique les textes
contenus dans ces mss. aient en général été publiés, il est intéressant
de les retrouver dans le catalogue de la bibliothèque de Carisruhe,
où les éditeurs des siècles à venir devront les consulter, telles sont : i"
p. 327, 396, 397, 439, les gloses irlandaises du ix"^ siècle, dont la der-
nière édition a été donnée, par MM. Whitley Stokes et Strachan, au
Lome II, p. 1-30, 225-230 du Thésaurus paheohihernicus ; 2'^ p. 229, les
quelques mots irlandais intercalés au xie siècle dans une vie latine de saint
Findan (t. II, p. 248, 422 du Thésaurus palaeohibernicus) ; 30 p. 68, la col-
lection des canons irlandais, commencement du ix^ siècle, voir les y. 55-
16) de Wasserschleben,Z)?> irische Kanouensannulung, 2^ édition ; 4° p. 256,
L- Poeuitcutiale Cunnueaui, viii^-ixe siècle, édité par Schmit, aux pages 611-
645 de Die Bu^shùcher und die Bussdiscipliii iler Kircije; 5° p. 50, l'hymne de
Cuchuimne à la louange de la vierge Marie, viiie-ixe siècles, publié par
J.-H. Bernard et R. Atkinson, p. 33, 34 de l'ouvrage intitulé Tlie irish liber
hvmuoruui; 60 p. 525, un fragment de Nennius, Historia Britonuui. Est
inédit, y 328, ix^ siècle, le traité de Lathcen,D? moralibus Job qiuis Grcg^o-
riu^ papa fccit; M. Holder compte le publier prochainement.
VI
En 1896, au tome XVII, p. 426-427 de la Remie Celtique, M. J. Loth
étudiait l'étymologie du nom de la région centrale de la Bretagne conti-
nentale le Porhoet, dans les textes les plus anciens Pou-tro-coet -, par
exception, Pou-lre-cojt % en latin pagus traiis silvaui +. Dans la géographie
ecclésiastique ce pagus formait deux archidiaconés, l'un compris dans le
diocèse de Vannes, l'autre dans celui de Saint-Malô où il était subdivisé en
quatre dovennés, Montfort-sur-Meu, Lanouée, Bignon, Lobréac 5. H est
aujourd'hui réparti dans trois départements, l'Ile-et-Vilaine, le Morbihan,
les Côtes-du-Nord. Le comté de Porhoet eut une circonscription qui varia
suivant les temps et qui ne paraît pas avoir jamais correspondu exactement
1 . Die Keichcuauer Handschrijten beschriiben und erlautert vou Aljred Hol-
der, erster Band. die Pergamen Handschriften. Leipzig, Teubner, îqo6,
in-40, ix-642 pages.
2. Cartiihiire de Redou, p. 20, 31, 61, 72, 218. Variante pat^us tro-coel,
p. 89.
3. Ibidem, p. 6: Ire est probablement une faute de copie dans le cartu-
laire manuscrit ou une faute d'impression dans l'édition.
4. Ibidem, p. 83, 189, 192.
5. La Borderie, Histoire de Bretuijue. t. I, p. 588 et )« carte.
Chronique. 85
a Celle du Porhoct ecclésiastique. M. le Vte Hervé du Halgouet a entrepris
d'écrire l'histoire de ce comté' . Il la commence au ix^ siècle et ne la ter-
mine qu'en 1819.
Son livre, d'une lecture lacile et agréable, est l'œuvre d'un homme qui
n'a pas l'habitude des travaux d'érudition. P. 13, il cite la Reime Cellique,
t. XVII, 1896, sans renvoyer à la page; à la page 21 de son ouvrage, il fait
de même pour le cartukiire de Redon, etc. Q.uand il donne des pièces justi-
ficatives latines, c'est sous forme de traduction française, même quand il ne
paraît pas connaître une édition du texte original, voir p. 236, 237. Ce livre
intéressant, mais écrit pour les gens qui ne savent par le latin, échappe à la
critique des érudits auxquels il ne s'adresse peint.
VIT
Miss Jessie L. Wcsion cons;icre ses loisirs à l'étude des romans de la
Tablt Ronde. La Revue Celtique a dija annoncé quatre ouvrages d'elle dont
le premier a paru en 1897, Tlje Lcgciid of sir Ginvain, Studies iipon its origi-
nal Scope aiid S/i^''!iificancc '. Ensuite sont venus : Kiiig Arthur and hii
Kiiiots, a Surivey oj artlnirian Koiinnne ' ; l'Ije Legciid of sir Lanceiot du Lac-f ;
une traduction anglaise de Morien 5. Elle vient de donner au monde
savant un cinquième volume, TJ}e Legeiui of sir Percerai, vol. I, Cl.'ietieii
de Troves and Vauciner de Deuain ^.
Elle a dit en 1901 que Lanceiot est inconnu des auteurs gallois et paraît
dater de Chrétien de Troyes7. Au contraire, elle croit que la légende de
sir Percival est d'origine galloise, elle reprend ainsi sur ce point la thèse
de Gaston Paris ^, a la mémoire duquel .«^on livre est dédié et qu'elle appelle
le grand savant français : the great french scholar. Elle a fait une étude
détaillée des versions diverses déjà publiées et même des manuscrits ; son
livre prendra place parmi les bons volumes de la Grinuii Lihrary que publie
la maison David Nutt.
VIII
Claudius Rutilius Namatianus, originaire de Toulouse, paraît avoir été
magister of/icioruni en 412; en effet, il semble identique au Kainatins
mai^ister officiorum, auquel est adressé un rescrit des empereurs Honorius et
Théodose II, daté du 7 des ides, ou 7, de décembre 4129 ; il fut préfet de
1. Essai sur le Porijoet, le comte, sa capitale, <;es seionenrs. Paris, Cham-
pion, 1906, in-80, 2 S) pages, une carte, quatre tableaux généalogiques,
plusieurs planches hors texte.
2. Revue celtique, t. XIX, p. 84.
3. Ibidem, t. XXI, p. 117.
4. Ibidem, t. XXII. p. 349.
5. Ibidem, i. XXIII, p. ici.
6. Londres, David Nutt, 1906, xxvi-544 pages.
7. The Lcgend of Sir Lanceiot du Lac, p. 4, 5.
8. The Legend of Sir Perceval, p. xvii, 326.
9. Corpus luris Theodosiani, 1. vu, titre 27, c. 13
s 6 Chronique.
Rome en 414; Lachanius son père avait été coiistthtris Tusciui', préfet de
Rome et coûtes sacrariiiii largitioniim. Tous deux nous offrent l'exemple
des procédés habiles par le moyen desquels les empereurs romains ont
romanisé la Gaule, attirant à Rome les grands seigneurs gaulois, les com-
blant d'honneur. Les souverains romains du commencement du v^ siècle
ne faisaient autre chose à ce point de vuj qiw d'imiter l'exemple de leurs
prédécesseurs.
Le nom tje Niinialiaints peut être considéré comme a\-ant à sa base un
nom gaulois développé à l'aide d'un suffixe latin. Mais Lachanius est un
dérivé du grec Xâyavov, c légume ». Palladius, nom d'un autre parent de
Rutilius Namatianus est également dérivé du grec, comme celui d'un ami
du même Rutilius, Protadius de Trêves. Un autre ami de Rutilius est Vic-
torinus de Toulouse qui porte un surnom latin comme Exuperaniius
parent di; même Rutilius. Au commencement du v^ siècle la Gaule avait
été transformée par l'enseignement du. grec et du latin, dans les écoles.
Rutilius Namatianus est l'auteur -.'un poème latin ou en 416 il racontait
son retour de Rome en Gaule. Ce poème est divisé en deux livres, le pre-
mier contient 644 vers, du second livre les 66 premiers vers nous ont été
seuls conservés. Une édition de ce poème a été faite par M.J. Vessereau, pro-
fesseur au lycée de Poitiers. Le texte est suivi d'un index de tous les mots,
d'une traduction française, puis d'une étude détaillée des mss., des édi-
tions, des travaux divers dont ce poème a été l'objet, et des faits historiques
qu'il nous fait connaître. C'est un ouvrage à consulter par ceux qui
désirent savoir ce qu'était devenue, au commencement du v^ siècle après
J.-C, la Gaule au point de vue non pas architectural, mais à celui des études
profanes et des croyances religieuses.
IX
A côté du livre de M. Vessereau on peut placer celui de M. René Pichon :
Les dernien l'crivains profanes, les panégyristes, Ausoiie, le Ouerciiis, Rutilius
Natuatiamis '. L'introduction traite de la littérature gallo-romaine caracté-
risée par ces mots de saint Jérôme, ut uhertateui gallici niloremque sermonis
grauifas rouiana condiret. Avec le chapitre premier nous arrivons au monde
des écoles dans la Gaule romaine d'après le recueil des panégyriques. Au
chapitre 11 l'auteur recherche ce que les panégyristes nous apprennent de la
politique impériale. Au chapitre m, il nous montre d'après les poésies
d'Ausone ce qu'était en Gaule au lye siècle la société mondaine. Le cha-
pitre IV est consacré au Querolus qui serait une comédie de société gallo-
romaine. Le chapitre 'V nous ramène au poète Rutilius Namatianus dont le
poème est une des sources à consulter pour l'histoire intellectuelle de la
Gaule à la fin du lye siècle et au commencement ciu v^. Une autre source,
c'est le recueil des panégyriques : une étude sur son origine forme l'appen-
dice L L'appendice II est intitulé : Le texte des panégyriques et la prose
I. Paris, Ernest Leroux, 1906, in-80, ix, 321 pages.
Chronique. 87
métrique. Dans l'appendice III, rautcur étudie quelques points douteux de
l'histoire d'Ausone.
X
Avec MM. Vessereau et Pichon nous nous' occupons de l'état intellectuel
de la Gaule au iv^ et au v^ siècle. Avec M. Adrien Blanchet nous passons
à l'état matériel qui ne doit pas être méprisé, car oportet vivere cl iJciiide phi-
losophai i. Ainsi un ouvrage aussi important que les deux précédents pour
l'histoire de la Gaule sous l'empire romain est celui que M. Adrien Blan-
chet vient de publier : Les enceintes romaines de la Gaule, étude sur Vorigine
d'un grand nombre de villes françaises '. Cet ouvrage est divisé en trois
livres. Le premier donne la description des enceintes, le second traite du
système de construction, le troisième des dates auxquelles ces remparts ont
été bâtis; Autun, Nimes et probablement Vienne furent fortifiées sous
Auguste, mais les fortifications de la plupart des cités sont postérieures à
cette date. Toutefois aucune inscription postérieure à l'année 276 n'a été
recueillie dans les soubassements des remparts qui entouraient les cités et
castra de la Gaule; 276 est la date de l'avènement de l'empereur Probus,
M. Blanchet en conclut que ces soubassements datent en général du
III'-" siècle et que les murailles ont été surélevées postérieurement.
XI
M. Edouard Mariette a traité un sujet analogue dans sa brochure intitulée :
The roman IValls. Les murs romains oit re F Ecosse et r Angleterre -. Mais c'est
un simple résumé des travaux faits jusqu'ici sur le mur d'Hadrien, sur le
mur d'Amonin qu'on peut tous deux encore dessiner sur les cartes et sur
celui de Septime Sévère dont il ne subsiste aucuije trace Le mur d'Hadrien
part à l'ouest du Solway Firth qui sépare l'Angleterre de l'Ecosse, mais
celui d'Amonin est beaucoup plus au nord, il est situé en Ecosse où il va
du Firth of Clyde au Firth of Forth, en sorte que le titre de la brochure
n'est pas exact.
XII
Dans un savant volume intitulé Autonomies ecclésiastiques, Les églises sépa-
rées 3, Mgr Duchesne a consacré un chapitre, le premier, aux origines de
l'église anglicane. Les pages 7-15 concernent les 5r/7/o»w5 chrétiens de
Grande-Bretagne.
1. Paris, Ernest Leroux, 1907, in-S^, 111-356 pages et XXI planches.
La préface est datée du 2 novembre 1906.
2. Paris, Bonvalet Jouve, 1906, in-8", 39 pages, une figure dans le texte,
une planche hors texte
3. Paris, Fontemoing, 1905, in-i2, viii-3)6 pages C'est la deuxième
édition.
88 Chronique.
XIII
Dans le volume XXVII, p. 175, de la Revue Celtique, il a été parlé du
tome l'^r du savant ouvrage que M. le Dr. Hermann Hirt a publie sous le
ùtrt de Die In(Jo!^en)iaueii, ilir'e l'erbreitunir, iiire UrlieiDuU unci iljie Kultur.
Le tome II vient Je paraître '. Il est question des Celtes aux pages 613,
614, 615, 635. A la page 614, M. Hirt considère comme très probable la
doctrine suivant laquelle une grande partie des Germains ont dû, à une
époque reculée, se trouver sous la domination des Celtes ^ ; il croit que chez
les Germains les noms d'homme dont rich est le second terme sont d'ori-
gine celtique ', quoique ait dit du gothique i-eiks, en 1897, M. Brugman au
tome Jer, p. 504, note i de la seconde édition de son excellent Gruiniiiss
lies vfrgletcheniien GranuiiaHlr.
XIV
Dans l'édition de Forcellini, Totlus Jaliiiitatis Lcxicou, publiée à Leipzig,
en 1839, on lit p. 317 : Bebrus, i, m. idem qui fiber. Haec vox nullum
habet alium auctorem latinum praeter Vet. ScIjoI. Juven. ad 12, 34.. Un
article un peu plus développé a été consacré à ce mot dans le tome le"" de
l'édition du même lexique donnée par feu De Vit. Ce tome 1er a été imprimé
de 1858 à 1860, on y trouve, p. 540, col. 2, un article Beber, bri. II serait
possible d'y faire aujourd'hui quelques additions. Ce mot, qui est d'origine
celtique, et qui veut dire « castor », fait défaut au tome II, col. 1797, du
Tljesaurus linouae latinae editus auctoritate et consilio Academiarunt quinque
Germanicarum Beroliiiensis, Gottiiigeusis, Lipsiensis, Monaceiisis, Viudohonen-
sis. On compte probablement en parler sous le mot fiher comme on parlera
de hebn')!us sous le mot fihriiius.
XV
M. Ludwig Traube, dont la science est bien connue des médiévistes, a
fait paraître, sous le titre de Queilen und Uutcrsuchungen :{ur lateinischen
Philologie des Mittelalters, les trois premières livraisons d'un recueil qui
paraît devoir être fort important ^. Il a eu trois collaborateurs :
M. M. S. Hellmann, Privat-docent à l'LTniversité de Munich, Edward
Kennard Rand. assistant professor of latin at Harvard L'niversitv aux
1. Strassburg, Karl J. Trùbner, 1907, in-80, p. 409-772 et 4 cartes.
2. An einer Henschaft der Kelten ûber grosse Theil der Germanen
kann ich kaum zweifeln.
3. Man kann nicht leu^nen dass die Namen auf rich keltisch sein
mûssen. Cf. Kluge, Etyniologisches Voerterhuch, 6« édition, p. 314.
4. Muide, C.-H. Beck, 1906. \n-?>^, 8° xv-205, 2"xiv-io6, 3"xi-ioo
pages en deux planches.
Chronique. 89
États-Unis d'Amérique, et M. Heribert Plenkers docteur en philcsophie. Le
premier s'est occupé du svcond Sedulius Scottus ; nous l'avons déjà dit
Revue Celtique, t. XXVII, p. 1 12- 11 3. Depuis a paru le travail deM. Edward
Kennard Rand, intitulé Joannes Scottus. Il est divisé en deux parties consa-
crées la première à Joannes Scottus, l'Irlandais dit Scot Erigène établi en
Gaule aii ix^ siècle, et sur les ouvrages duquel on peut consulter Migne,
Piitroioc;ia iatina, t. CXXII. M. Edward Rand publie de ki des gloses aux
Opuscida sacra de Boethius et sur Martianus Capella, enfin il établit que
Jean Scot Erigène connaissait l'histoire naturelle de Pline. Scot Erigène
a été le savant et le penseur le plus éminent de la France septentrionale au
ixe siècle". Si. par une exception qui paraît unique, il savait le grec, il le
devait aux maîtres inconnus qui en Irlande avaient fait son éducation litté-
raire. Quant à M. Heribert Plenkers, la troisième livraison qui est son
œuvre est consacré à la règle de saint Benoît, à celle de Cassien et a un
calendrier qui n'ont rien de celtique.
XVI
Nous sommes ramenés dans le monde celtique par une brochure de M. Vic-
tor Lederer sur la patrie et l'origine de l'harmonie en musique. C'est la pré-
face d'un grand ouvrage annoncé par l'auteur et où après un livre 1er traitant
de la réforme de la musique au xv^ siècle, il exposera dans un livre II,
comme quoi c'est dans un berceau celtique que la polyphonie a pris nais-
sance = . M. V. Lederer dit que s'il publie sa préface avant le volume, c'est
qu'entre autres raisons, il a eu l'intention par là de célébrer le centenaire
de Zeuss, 22 juillet 1906. Quoiqu'il en soit le chant harmonique en parties
semble avoir été désigné en Irlande par le mot aidhse, nom donné à l'espèce de
chant par lequel les Fiiid remercièrent saint Columba de son intervention
en leur faveur à l'assemblée de Druim-Céatt en 574 3.
XVII
Sous le titre de A Dialect oj Douegal -i, M. E. C. Quiggin, fellow oi
Gonville and Caius Collège, Cambridge, Angleterre, vient de publier avec
1. Voir sur lui Hauréau, Histoire de la piiilosophie scolastique, 2^ édition,
t. I, ire partie, p. 148-175.
2. Ueber Heimat and Urspruiig der nielirstimmigen Toiilciinst; Vorredc.
l;eltische Renaissance, Leipzig, Siegel, 1906, in-80, 56 pages.
3. Whitley Stokes, Goidelka, 2^ édition, p. 156-157 ; J. H. Bernard et
R. Atkinson, The irish Liber Hymnorum, t. I, p. 161, 1. 99, 102, 106; d.
E. O'Curry, On the Manners and Customs oJ tJie ancient Irislj, t. III, p. 245,.
246. Sur l'assemblée de Druim-Céatt voir Keating, Foras fcasaar Eirin, tra-
duction d'O'Mahony, 1866, p. 446 et suivantes. Sur sa date, Annais of
Ulster, p. 64, 65; et Todd, Tlie Life of st. Coiuwba, p. 36, 37, note h.'
M. Kuno-Meyer, Contributions to irish Lexicography, t. I, p. 35, n'ose pas^
traduire le mot aidbsc.
4. Cambridge, University Press Warehouse, igcé, in-S", x-247 pages.
90 Chronique.
le concours pécuniaire de l'Université de Cambridge une étude phonétique
sur le dialecte irlandais parlé dans la région nord-ouest de la province
d'Ulster.
« La présente esquisse, dit-il au début de son livre, est la première tenta-
tive sérieuse d'exposer scientifiquement en quoi consiste un dialecte de
l'Irlande septentrionale. Une décadence phonétique s'est produite dans
tout le territoire où le ga^'^lique est parlé. En conséquence il est indispen-
sable que pendant les dix ou quinze années prochaines il soit fait tous les
efforts possibles pour obtenir un relevé du langage des personnes nées
avant la famine dont la douloureuse étreinte se fait encore aujourd'hui
sentir sur l'indigène. En règle générale le langage des jeunes gens est
sans valeur pour ceux qui cherchent à débrouiller les mystères de l'or-
thographe du vifux et moyen irlandais, et malheureusement quelques
résultats que puisse obtenir la Gctelic League, elle ne peut conserver des
sons qui s'évanouissent, les ombres de sons qui subsistaient chez la géné-
ration précédente. Vraiment j'ai été fortement impressionné parles grandes
différences qu'on peut remarquer entre les façons de parler employées par
les personnes d'âge différent ».
Les § 1-172 sont consacrés aux voyelles, les 'l 173-436 aux consonnes:
un résumé remplit les \ 437-494. Suivent quatre index, i" vieil et moyen
irlandais, 2° irlandais moderne, 3° gaélique d'Ecosse, 4° dialecte de l'île de
Mau. Le volume est terminé par neuf petits textes irlandais donnés en
notation phonétique avec l'orthographe traditionnelle en regard.
Au travail contenu dans ce volume on peut comparer l'étude de
MM. Dottin et O'Growney sur un dialecte un peu plus méridional, celui
de Galway en Connaught, Revue Celtique, t. XIV (1893), p. 97-131;
t. XVI (1895), p. 421-449-
XVIII
La Direction of the modem Language Departimiils oj Harvard University
publie des Studies and notes in Philology and Literature dont le tome X,
écrit par M. Robert Huntington Fletcher, traite de la légende d'Arthur
dans les chroniques, spécialement dans celles de Grande-Bretagne et de
France '.
Les premiers rudiments de cette légende apparaissent chez Gildas, De
excidio et conquestii Britanniae. Gildas est mort en 569, nous disent les
Annales d'Ulster -. En son chapitre 26, GilJas parle du siège de Mont-
Badoii î. Mais le nom d'Arthur est pour la première fois associé à la
bataille de Mont-Badon, au chapitre ^6 de Nennius, Historia Brittonuni,
1. Qinn and Company, 29, Beacon Street, Boston, 1906, in-80, ix-
3 1 3 pages.
2. Edition Hennessy, t. I, p. 62-63.
3. Usque ad annum obsidionis Badonici montis. Momnsen, Chronica
minora, t. IIL p. 40, 1. 18.
Chronique. 91
ix^; siècle ' : Bellinn luoiitis BaJoiiis in qiio corruennit in tiiio die iioiigniti
sexaginta viri de luio impetu Arthur ^ (Quelques lignes plus haut le même
auteur avait affirmé la présence d'Arthur à une bataille précédente, cal coil
Celidon K II s'est écoulé environ trois siècles entre l'époque où vivait
Arthur, si jamais il a existé, et celle où pour la première fois on trouve son
nom dans ce récit qui je prétend historique
Après nous avoir parlé de Nennius, M. Fletcher suit pas à pas la légjndc
d'Arthur dans les auteurs postérieurs où elle continue à se développer, sur-
tout chez GeofFrey de Monmouth au xii^ siècle. Procédant ainsi par ordre
chronologique, il a un plan tout différent de celui qu'avait adopté
M. J, Rhvs, quand, dans ses Stiidies on tJ}e Artburian Legend +, il a traité le
même sujet Les deux auteurs seront également utiles à consulter par ceux
qu'intéresse l'histoire de la littérature galloise et de ses ramifications en
d'autres langues.
XIX
Dans la i^t'i'/;t' Celtique, t. XXV, p. 357-35H, t. XXVI, p. 287, nous
avons parlé beaucoup trop brièvement des ouvrages de MM. Anatole Le
Braz et Roger que l'Académie française a couronnés dans sa séance du
29 novembre dernier. Le premier en date est de M. Anatole Le Braz; il a
été classé le premier dans la catégorie des ouvrages les plus utiles aux
mœurs et a reçu un prix de deux mille francs sur la fondation Montyon.
Voici en quels termes M. Boissier, secrétaire perpétuel de l'Académie,
apprécie ce livre, p. 24-26 du compte rendu de la séance.
« Pour le moven âge, nous n'avons que deux thèses fort savantes : « Le
troubadour Guiraut Riquier « de M. Joseph Anglade, et « L'originalité
de Gottfried de Strasbourg dans son poème de Tristan et Isolde », par
M. Piquet. Le Théâtre celte 5 de M. Anatole Le Braz discute et résout tout
1. Mommsen, Chronica minora, t. III, p. 117; cf Potthast, Bibliotheca
historica niedii aevi, 2^ édition, p. 842. Le texte publié par M. Mommsen
est une compilation où se trouvent quelques éléments plus anciens.
Mgr Duchesne a publié un de ces fragments, Revue Celtique, t. XII, p. 174-
197, t. XVII, p. 1-5.
2. Chronica minora, t. III, p. 200, 1. 11-13. ♦
3. Ibidem, p. 199, 1. 15-17, p. 200, I. 1-6.
4. Oxford at the Clarendon Press, 1891, in-S», viii-411 pag^s. Voir
Revue Celtique, t.. XII, p. 289.
5 L'ouvrage de M. Le Braz a paru sous deux titres et deux formats :
1° Essai sur Phistoire du théâtre celtique, thèse présentée à la Faculté des Lettres
de r Université de Paris, par A. Le Braz, maître de conférences à la Faculté
des Lettres de l'Université de Rennes, Paris, Calmann-Lévv, 1904, in-80,
vni-544 pages; 2° Anatole Le Braz, Le théâtre celtique, Paris, Calmann-Lévv,
in- 12, même pagination, même nombre de pages que l'in-So, mais sans date.
C'est un exemplaire de ce deuxième tirage que l'Académie française a cou-
ronné.
92 Chronique.
d'abord une question délicate. Renan dans le beau portrail qu'il a tracé de
l'âme celte, ne voulait pas qu'elle fût propre au drame, même le plus
sérieux ; quant au génie comique, il le croyait tellement étranger à cette
race plaintive, résignée, féminine, que trouvant e)i lui un fond d'ironie et
des élans de gaieté, il les attribuait, comme on sait, à l'intervention de
quelque gascon nomade qui se serait glissé parmi ses aïeux. Au contraire,
M. Le Braz n'hé-.ite pas à reconnaître aux Celtes des aptitudes dramatiques ;
il en trouve des traces dans les vieilles épopées de l'Irlande; il rappelle
qu'il a existé un théâtre véritable chez les Gallois et en Cornouailles jus-
qu'au moment lai les prédicateurs méthodistes l'ont détruit pour le remp'a-
cer. Mais c'est chez nous, dans notre Bretagne, que le théâtre celte a surtout
fleuri, et il y a duré presque jusqu'à nos jours. C'est donc là que M. Le
Braz l'a étudié. Il a passé des années à courir le pavs pour retrouver ce qui
pouvait rester des pièces qu'on y jouait, il a recueilli dans les campagnes
a''moricaines les souvenirs que la mémoire du peuple a pu garder de ces
représentations d'autrefois, il a vécu dans la familiarité des derniers acteurs
qui les avaient jouées. De tout ce long travail, le premier résultat a été une
déception cruelle. Il y a chez M. Le Braz à la fois un poète et un savant.
Le poète en abordant l'étude d'un théâtre populaire et national comptait
bien y faire d'heureuses rencontres; il se réjouissait d'avance d'y trouver des
types inconnus, des créations nouvelles « un art qui ne fût pas un artifice ■> ;
or, il s'aperçut bien vite que ces pièces qu'il déchiffrait péniblement sur des
manuscrits peu lisibles, n'étaient que des traductions de nos mystères, tels
qu'on les jouait en France, dans les grandes villes, à l'issue des vêpres. Ce
n'était donc pas véritablement, comme il l'espérait, un théâtre celte qu'il
avait découvert. A la vérité, il lui restait la ressource de ne pas montrer
tout à fait les choses comme elles étaient. Avec quelques détails bien choi-
sis, habilement groupés, quelques interprétations adroites, il pouvait essayer
de donner à ces emprunts un air d'originalité. D'autres l'ont fait sans scru-
pule et ne s'e i sont pas trop mal trouvés. Mais, comme je viens de le dire,
M. Le Braz est un savant en même temps qu'un poète : il a dit la vérité
tout entière ; il a franchement reconnu que, parti à la recherch<" d'un
théâtre national, •< il n'avait embrassé qu'une ombre ». Il faut lui savoir
gré de sa sincérité et nous applaudir que la déception qu'il a éprouvée et
qui a dû être amère à un « Celte impénitent » comme il s'appelle lui-même,
ne l'ait pas détourné d'achever les études qu'il avait entreprises. Il en est
résulté, un livre d'une érudition solide, d'une bonne foi touchante,
qu'anime un soufîle de poésie et où l'intérêt est soutenu à toutes les pages
par l'amour passionné du pays natal. »
XX
Voici dans le discours de M. Boissier, p. 23, 24, le passage qui concerne
le livre de M. Roger.
'< Il ne me reste plus qu'à parler des ouvrages qui concernent l'histoire de
notre littérature. Ils ne sont pas nombreux cette année, mais quelques-uns
Chronique. ■ 93
présentent beaucoup d'intérêt ou d'agrément. La série s'ouvre par un tra-
vail sérieux, sévère. Ueiiscignement des lettres classiques iFAusone à Alcuin,
par M. Roger'. C'est d'abord l'iiistoire fort triste d'une décaden:e Dans
ce chemin par lequel nous conduit M. Roger, à mesure qu'on avance
l'ombre s'épaissit, il arrive même un moment où dans la Gaule, que la
culture romaine avait si profondément pénétrée, l'obscurité paraît complète.
Heureusement les lettres avaient trouvé asile dans des pays qui furent les
dernières conquêtes de Rome; elles se cachaient chez les Anglo-Saxons,
en Irlande, dans quelques monastères lointains. De là, des moines qu'il
nous faut bénir les ont ramenés chez nous. M. Roger nous montre que ce
retour n'eut rien d'un triomphe. Elles nous reviennent humbles, le front
bas, n servantes de la théologie ». Mais qu'importe? Au fond de ces études
arides où elles s'emprisonnent, l'esprit antique est vivant, il poursuit lente-
ment son œuvre, et, le temps venu, il reparaîtra au jour. Avec Alcuin et
Charlemagne la Renaissance a commencé et le livre de M. Roger, où il
n'est question que du latin, se trouve être une introduction naturelle à
l'histoire des lettres françaises. «
Au nom anglo-saxon d'Alcuin, l'éloquent secrétaire perpétuel de l'Aca-
démie aurait pu ajouter les noms de deux irlandais qui lui succédèrent et dont
parle aussi M. Roger : Clément le Scot, qui en France, en 79Ô, remplaça
Alcuin directeur de l'école du Palais depuis 782 ; Scot Erigène, mort en
875 après avoir sous Charles le Chauve professé à l'école du Palais.
XXI
Le Livre des fiefs de Giiilhimiie de Slave, évêque d'Angoulême, publié par
M. l'abbé J. Nanglard -, ouvrage honoré d'une souscription par le Ministre
de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, contient un certain nombre de
noms de lieu intéressants au point de vue des études celtiques : nous en
citerons quelques-uns.
Plusieurs ont été connus de M. Holder, pour les mêmes localités,
et apparaissent dans V Altceltischer Sprachschati, par exemple : Birac (Cha-
rente), Biraais (Holder, I, 423); Blanzac (Charente), Blauiiacns ^= * Blau-
diacus (Holder, I, 444-448). D'autres noms de lieu qui se trouvent dans la
Charente sont mentionnés par M. Holder pour d'autres localités, synonymes
de noms de lieux voisins d'Angoulême, tels sont : Aussac, Aiiciacus (cf.
Holder, I, 282); Bassac, Bassiacm (ci. Holder, I, 358); Bessac, Becciaciis
(cf. Holder, l, 363); Bernac, Breimcus (cf. Holder, I, 517); L'Isle-
d'Espagnac, Espaniacus pour Hispaniacus (cf. Holder, I, 2055).
Il y a dans la publication de M. Nanglard des noms de lieu qui chez
M. Holder sont noms de personnes; nous citerons : Bors, autrefois Bornas,
1. Paris. Alphonse Picard et fils, in-80, 1905, xvin-45q pages.
2. Angoulême, Imprimerie charentaise, Chasseignac et Bodin, 1906,
in-80, 410 pages.
94 Chronique.
comparez Biiniu-i (Holdtr, I, 642 j ; Brocca (■villa), compare/. Bioccus (Hol-
der, I, 617); Broccia (l'illa), comparez Broccius (Holder, /7'/(/<'/;/^ : Chanaus,
comparez Canavos, Canaiis (Holder, I, 751).
D'autres noms de lieu en -acits manquent dans Holder qui nous donne
les noms d'homme dont ces noms de lieu sont dérivés, exemples : Baccia-
cus, Bassac, de Baccins (Holder, I, 323), Cbahracus, Chebrac, de Cabras
(Holder, I, 666). Bocciaais suppose un nom d'homme Boccius dérivé du
nom divin Bocciis dont plusieurs exemples sont donnés par M. Holder, I,
45 ;. Avalhac, aujourd'hui Vaillac, suppose un nom d'homme Avallim
dérivé d'Avallus = * Auallos, nécessaire pour expliquer le cognoiiieii Anallaus
=. Anallaiios (\\o\AQr, I, 305). Balzac, autrefois Balaiaciis ^= * Balatiacus
dérive d'un nom d'homme, * Balatius dérivé de ficr/a/os premier terme de
Balato-JoruDi (Holder, I, 335). D/n7c;/5, aujourd'hui Dirac, dérive d'un nom
d'homme gaulois *Dlros, en irlandais dir « convenable ' » dont M. Hol-
der, I, 1286, signale un autre dérivé, Diratus, celui-ci nom d'homme,
tandis que Diracus est un nom de lieu. Garacus, Garât, peut tenir lieu de
Garraciis et dériver de Garnis, nom dhomme chez Holder, I, 1985.
XXII
Dans le volume intitulé : Le comté d'Anjou au XI^ siiric -, récemment
publié par M. Louis Halphen on peut relever quelques noms de lieu caractéri-
sés par le suffixe -aco-5 et datant probablement de l'époque gallo-romaine. En
voici des exemples : Danaiiacus, p. 345, aujourd'hui Denezé, canton de Doué-
la-Fontaine, ilrrondissemeni de Saumur ; Dislriacus, /i/i/., aujourd'hui Distré,
canton et arrondissement de Saumur, Maine-et-Loire ; Paulin iacits, p, 353,
aujourd'hui Poligné, commune de Thorigné, canton de Châteauneuf, arr.
de Segré ; Fruliacus, p. 176, aujourd'hui Preuilly, arr. de Loches, Indre-et-
Loire. On peut mettre à part le composé gaulois Lausduuuni, p. 546,
aujourd'hui Loudun, Vienne, homonyme de Loudon, Sarthe, cité par
M.- Holder, Altccltischer Sprachschati, t. II, col. 163.
XXIII
Le latin d'Espat^ne d'après les inscriptions, étude linguistique, tel est le titre
d'un mémoire qu'a publié M. A. Carnoy, professeur à l'université de Lou-
vain i. Il est à lire par les savants qu'intéresse l'histoire de la langue latine.
Les celtistes pourront v glaner quelques renseignements. C'est ainsi qu'aux
pages 118 et 107 il a réuni des exemples de l'eaiploi du c pour le g dans
des noms d'origine celtique. Voir ce qui a été dit sur le même sujet dans
la Revue Celtique, t. XXVII, p. 195. Il établit, p. 113, i 19, 159 que le mot
1. Whitley Stokes, Altccltischer Sprachschati, p. 148.
2. Paris, Picard, 1906, in-80, xxiv-428 pages.
3. Bruxelles, Misch et Thron, 1906, in-8", 293 pages.
Chronique. 95
dmhadiis, aiiibatits dans les inscriptions d'Espagne est une variante du cel-
tique aiiibacfos; sur la chute du c suivi de /, cf. le français auteur, autorité.
M. A. Carnoy connaît la GrainiinitiM celHca de Zeuss, et VAltceltischer
Sprachschati de M. Holder; la compétence de M. Whitley Stokes ne lui est
pas inconnue, il cite ce savant plusieurs fois; c'est à V Urcelttscher Spriicb-
chati de M. Whitley Stokes, p. 71, 81, 100, que sans le citer il emprunte,
p. 106, le celtique kerso- « gauche », crovo- « corbeau », et, p. 168, le cel-
tique karbitch. Nous regrettons que son index des mots ne soit pas autre-
ment ordonné; une section de cet index, p. 282, 283, est consacrée au
celtique, plusieurs mots celtiques y font défaut ; il faut aller les chercher
dans la section suivante intitulée : Noms propres d'origine barbare,
ethnique, etc., p. 283-285.
XXIV
Nous sommes bien en retard pour annoncer le mémoire de M. Kuno
Meyer qui est intitulé : Aucicnt Gaelic Poetry, et que Fauteur a lu devant
r0.ssianic Society de Glasgow le 5 mars de l'année 1906. Le savant auteur
fait observer que la poésie irlandaise est exclusivement lyrique, la poésie
épique n'existe pas en Irlande, où c'est la prose qui est la langue de l'épo-
pée. Il réunit sous forme de traduction anglaise un grand nombre de jolis
exemples de la poésie lyrique irlandaise sur les sujets des plus variés.
XXV
Le tome XIX du recueil intitulé, Y|Cymmrodor, The M.\gazine of the
Society of Cymmrodorion, débute par un article de M. E. Williams
R. Nicholson qui croit que des Wandales se sont trouvés en Wessex à la
bataille de Deorham, en 577.
Suit un mémoire de M. A. W. W^ade Evans : The Brychan Docuinents.
Brychan est un personnage qui paraît avoir donné son nom au Brecknock-
shire, comté compris dans la partie méridionale du pays de Galles. Breck-
nock est la forme anglaise moderne d'un nom de lieu appelé dans le Libe?-
Landavensis, édition de M.VI. Gwenogvrvn Evans et John Rhys, Brecbein-
niauc, p. 246, Brechcniauc, p. 237, 254, 270, et Brecheiniaun, p. 154 '. Bre-
cheinnianc et Brecheiiiauc = * Bricbaniâcus, Brecheiniaun z= * Brichanidniis ; ce
sont deux dérivés de *Bricaiius : Bricbaniâcus a été formé avec le suffixe
gallo-romain de basse époque -iacus, cf. 1° Cbildriciacae, nom de lieu dérivé
de Childericus dans un diplôme de l'année 709, émané du roi franc Chil-
deric III ^; 2° Teoiieberciacus, Thiverzay, nom de lieu du département de
la Vendée', dérivé de Tbeodebercthiis. Le suffixe -ianus est bas-latin et a la
1. Cf. John Rhys, Lectures on weLb Philolo^^v, 2'= édition, p. 118; Earlv
Britain, 3e édition, p. 159, 256.
2. Monunii'nta Germaniae historica, Diploiiiatnni iinperii, tomusl, p. 67-68.
3. Longnon, Atlm historique de la France, p. 204.
96 Chronique.
même valeur que -iacus. Ces deux suffixes développant des noms barbares
sont empruntés aux noms de lieu tirés de gentilices romains en -ius à. ui>e
époque plus haute.
M. Wade Evans nous donne deux textes inédits relatifs à Brychan, l'un
intitulé De situ Brecheniauc est tiré du manuscrit Vespasian A. xiv ; l'autre,
intitulé Cognacio Brychan, est extrait du manuscrit Domitian I, tous deux
faisant partie du fonds Cottonien au Musée Britannique. Le premier paraît
être la copie faite au xiv^ siècle d'un manuscrit du xi^. Le second ne date
que du xviie siècle et semble être la reproduction d'un manuscrit du xiii«.
Les mémoires suivants, par MM. Alfred Neobard Palmer, Edward Owen,
Francis Green concernent l'histoire moderne.
XXVI
La liste des récits où sont racontées les morts violentes, oiltc, des héros
irlandais, Livre de Leinster, p. 189, col. 5, 1. 54-39! comprend treize titres
de pièces concernant les personnages dont voici les noms : 1° Cùroi,
2" Cùchulainn, 3" Ferdead, 4° Conall Cernach, 5" Celtchar mac Uitlie-
chair, 6" Bla briugad, 7° Lôegaire bùadach, 8° Fergus mac Rôig, 9° Con-
chobar mac Nessa, 10° Fiaman, 1 1° Maelfathartach mac Ronain, 12° Tadg
mac Céin, 13° Mac Samain. Q_uatre de ces pièces étaient déjà publiées, la
première par M. Best dans Eriii, t. II, p. 18-35 ; la 3e par E. O'Curry, On
tlie Maniiers, t. III, p. 414-463, et par M. E. Windisch, Tdin ho Cùalgne,
p. 434-599; la 4= par M. Kuno Meyer, Zeitschrift fïir Celtische PIn'Iologie,
t. I, p. 102-111; la ce par E. O'Curry, Lectures on the niaiiuscript Materials,
p. 637-642, mais d'après un seul manuscrit sur les cinq qui existent. Enrin
de la deuxième il y a une analyse et de nombreux extraits par M. Whitley
Stokes, Revue Celtique, t. III, p. 175-195.
Dans le volume XIV der Todd Lectures Séries, publiées par la Royal
Irish Academv ', M. Kuno Meyer a donné le texte irlandais et la traduction
anglaise de quatre de ces pièces, qui, sauf une, étaient restées inédites jus-
qu'ici : savoir : le n»' 5, -licled Cljeltcbair viaic Uitliechair; le n"7, Aided Lôe-
gairi Bûadaich ; le n" S, Aided Fergusa niaic Rôig; le no 9, Aided Chonchohair
Diaic Kessa. A ces quatre morceaux M. Kuno Meyer en a ajouté un cin-
quième, la mort de Cet, fils de Mâga, Aided Cl:èit maie Mdgaclo qui ne figure
pas dans la liste du Livre de Leinster. Suivent un index et un glossaire.
Le titre sous lequel il a réuni ces cinq morceaux est : The Dealh-lales of tlje
Ulster Heroes. Dans l'intérêt des études celtiques cette publication est une
œuvre excellente. M. Kuno Meyer a droit à des remerciements de tous les
Celtistes.
XXVII
M. Albert Cuny vient de présenter à la Faculté des lettres de l'Université
de Paris deux thèses de doctorat qui, sans concerner directement les études
Dublin, Hodge, Figgis and Co, in-8", 1906, vri, 52 pages.
Chronique. 97
celtiques, peuvent contribuer à jeter de la lumière sur les origines de certains
phénomènes grammaticaux que la langue irlandaise offre à notre observa-
tion.
La principale est intitulée : Le nombre duel en grec '. Dans son intro-
duction, M. Cuny affirme à la suite de MM. Meillet et Hermann Hirt
que « le duel a tendu partout à disparaître lors du développement de la
civilisation ». Or comme le fait observer M. Brugmann, dans les langues
arménienne, italiotes et germaniques, telles que les plus anciens monuments
nous les font connaître, le duel a complètement disparu ou il n'en subsiste
que de maigres débris ^. Il se suivrait de là que les Arméniens, les Ita-
liotes, Latins, Osques, Ombriens, les Germains auraient possédé une civilisa-
tion supérieure à celle de la Grèce classique et qu'il faudrait reléguer dans
les plus bas rangs de l'échelle sociale les Irlandais qui, comme Démusthène
et Platon, ont encore le duel aujourd'hui.
Singulier, aon chos « un pied» =^ *co.\a.
Duel, dd chois « deux pieds « =rz *^o.v/.
Pluriel, tri cosa « trois pieds » = *roxâs^.
Singulier, aon ôgdiiach « un jeune homme » = * imamûos.
Duel, dd ôgdnacb « deux jeunes gens » = *iuuana]m.
Pluriel, tri*égdnaich « trois jeunes gens « .-=: * iuijanaki "*.
Telle est la seule critique que nous adressons à cette savante thèse, qui
contient une étude approfondie sur le duel en grec avec de nombreux
exemples pris dans les autres langues indo-européennes.
La seconde thèse de M. Cuny, Les préverbes dans le Çatapathabrâh-
MANA5, traite des préfixes mobiles juxtaposés aux verbes, phénomène
indo-européen qui explique les pronoms infixes du vieil irlandais.
XXVIIl
Dans un mémoire intitulé : Les colonies GRECauES d'après l'ancien
Testament^, M. Ch. Brusson, doyen de la Faculté de Théologie protes-
tante de Montauban, commente un passage de la Genèse, chapitre X, ver-
set 4, où il est dit « que les enfants de Javan étaient Elîshâ et Tarshîsh,
« Kittîm et Dôdânîm ». Il ajoute : « Cela signifie en langage moderne que
1. Paris, Klincksieck, 1906, in-80, 516 pages.
2. Grundriss der vergleichenden Grainmatik der indoo-ernianiscben Sprachen,
t. II, p. 640; Kiir^e vercrleichende Grannnatik, p. 388; traduction française
par MM. Meillet et Gauthiot, p. 409.
3. O'Donovan, A Grain nutr of the irisb Language, p. 123 ; cf. Brug-
mann, Grundriss, t. Il, p. 642, 662.
4. Ulick J. Bourke, The CoUege irish Grammar, p. 89 ; d. Brugmann,
Grundriss, t. II, p. 643, 662, 663.
5. Paris, 1907, in-80, 4^ pages.
6. Paris, Fischbacher, 1906, in-80, 22 pages.
Revue Celtique, XXVIIL 7
98 Chronique.
« les Ioniens (Javan) ou Grecs avaient fondé quatre colonies divisées en
« deux groupes. Les deux premières formaient le premier groupe et les
« deux autres le second. »
1° Suivant l'auteur, Elîsbd est la o-(';;.s- Elcsyciiiii d'Avienus dontNarbonne
était la capitale. La difficulté qui se présente est que, suivant Hécatée de
Milet, les EXt'^Lixot sont un peuple ligure et non grec '.
2" Quant à Tarsiiîsh ce mot désignerait non pas la Tartessis phénicienne,
c'est-à-dire le pays arrosé par le Tartessos et dont Gadeira, depuis Cadix,
était la capitale, ce serait l'Espagne entière et spécialement dans ce texte la
partie de l'Espagne où se trouvaient les colonies grecques.
30 Kittîm est l'ile de Chypre.
40 Dôdànîm devrait être corrigé en Rodanini ce serait l'île de Rhodes.
Nous nous bornons à exposer ces doctrines qui nous semblent bien hardies,
surtout lorsqu'il s'agit des articles que nous avons numérotés 1°, 2", 4"^.
XXIX
A la p. 6, n. i, d'un tirage à part des mémoires de l'Académie des
sciences des Pays-Bas, auquel il a donné comme titre les mots sanscrits
Vaitulya, Vctulla, Vetulyaka-. M. H. Kern rapproche du sanscrit /ï//ajyrt/(''« il
remplit », i°le moyen-irlandais //;//t' « inondation «qui se trouve plusieurs
fois, Livre de Leinster, p. 168, col. 2, 1. 12-14; P- 206, col. i, 1. 32, 33, et
qui existait déjà en vieil irlandaises. — 2° le moyen-irlandais tôîa, lula
«excès, multitude »+, dont on peut signaler deux exemples dans un composé
vieil-irlandais 5.
Il semble qu'à côté du moyen tiilyate •: il remplit «, M. Kern aurait pu
citer l'actif /ô/i/// « il élève »''.
XXX
Au dernier moment nous recevons du R. P. Louis Gougaud un mémoire
fort savant qui est intitulé. Un point obscur de l'itinéraire de saint
1. Charles et Théodore MûUer, Fragiiieiita historiconttu graecoru»} ,
t. I, p. 2.
2. Amsterdam, Johannes Millier, 1907, in-8", 6 pages.
3. Accusatif singulier neutre n-luile, « aestum maris », ms. de Bède de
Carlsruhe, f" 25 l\ Whitley Stokes et Strachan, Thésaurus paJaeohibcrnicm,
t. II, p. 14, 1. 35 ; datif singulier hi-tniliu, glosant < mare...affluit » ; ibid.,
ï° 34 f, p. 24, 1. 34; cf. Gramuiatica cellica, 2^ édition, p. 229, 864, note.
4. Saillir ua raiin, édition 'Whitley Stokes, p. 153; cf. Windisch, Irischc
Texte, t. I, p. 836.
5. Génitif singulier iii-lnli, glosant « eruptionis », dans le ms. de Milan,
fo i2Ç) d 10, Thésaurus paliieohiberuicns, t. I, p. 442, 1. 28; datif singulier
ond in-tâlu, glosant l'ablatif « exundantia » dans le Bède de Carlsruhe, f" 39(7,
2, Thésaurus palaeohibernicus, t. II, p. 27, 1. 33.
6. Otto Boehtlingk et Rudolph Roth, Sanskrit Woerterbuch, 3>^ partie,
p. 366.
Chronique. 99
CoLUMBAN VENANT EN Gaule". On \' troLive poséc In question de savoir
quelle région est désignée par le passage de la Vie de saint Columban où il est
dit que Columban et ses douze compagnons, quittant l'Irlande, traversent la
mer et ad Brittannicos pervoiiuut s'niiis ; dans ce passage s'agit-il de la Grande-
Bretagne, de la Bretagne insulaire? ou de la petite Bretagne, de la Bretagne
continentale? La seconde réponse a été donnée par M. B. Krush, Monunienta
Geniianiae historica, Scriptoriini reruiii merovi)igicaruvi tomus IV, p. 71,
note I \Scriptores renuii Geniiatiicanim in iisuni scholanimex moimmentis Ger-
maniae historicis separatim editi, Joime vitae sanctorum Coliinibani, Vedastis,
Johannis, p. 160, note 2. Le P. Gougaud préfère la réponse que nous avons
placée la première. Elle paraît en eftet plus vraisemblable, étant donné la
suite du texte que nous venons de citer : Columban et ses douze compagnons
vont d'abord d'Irlande ad Biittannicos sinus, ^^uïs : A Brittanicis ergo sinihus
progressi, ad Gallias tendunt. L'opposition entre les Brittaïuiici sinus et les
Galliae paraît exiger pour Brittannici sinus la traduction Grande-Bretagne,
puisque la Petite Bretagne était comprise dans les Galliae.
Ce mémoire paraîtra dans le prochain no des Annales de Bretagne.
H. d'Arbois de Jubain ville.
I. Rennes, imprimerie Oberthur, 1907, in-80, 19 pages.
PERIODiaUES
Sommaire. — I. The Celtique Review. — II. Archiv fur celtische Lexicographie.
— III. The Journal of the Royal Society of Antiquaries of Irelaud. ■ — IV.
Annales de Bretagne. — V. Mémoires de la Société de linguistique de Paris.
— VI. Revue des études anciennes. — VII. Boletin de la Real Acadcmia de la His-
toria. — VIII. Indogermanische Forschungen. — IX. Zeitschriftfûr vergleichende
Sprachforschung. — X. Beitraege'zur Kunde der indogermanischen Sprachen. —
XI. Revue archéologique. — XII. Pro Alesia. — XIII. Folklore. — XIV.
Analecta Bollandiana. — XV. Revue épigraphique. — XVI. Revue des tradi-
tions populaires. — XVII. L'anthropologie. — XVIII. La Revue des idées. —
XIX. Compte rendu des séances de L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
— XX. Annales du Midi. — XXI. Bulletin de la Société nationale des
Antiquaires de France.
I
The Celtic Review, livraisons d'avril, juillet, octobre 1906. contient la
suite du Gleniiiasan inaniiscript \ colonnes 47-67, publiée par le professeur
Mackinnon et dont le commencement a paru dans les livraisons précé-
dentes. L'enlèvement des vaches de Cooley, Tain bô Ciiahige, nous apprend
qu'à la date où aurait commencé l'expédition entreprise par la reine Medb,
pour s'emparer du taureau divin de Cooley, Fergus mac Rôig, ancien roi
d'Ulster, était depuis dix-sept ans en exil dans le Connaught^ : il y avait
été fort bien traité 5. Pendant ces dix-sept ans, qu'avait-il fait ? C'est la ques-
tion à laquelle répond la seconde partie du Glenmasan Manuscript. La pre-
mière partie de ce ms. consiste e 1 un te.xte incomplet du meurtre des
fils d'Usnech. Le commencement fait défaut; malheureusement aussi les
dernières parties de ce récit manquent ; ce sont précisément celles qui
racontent la mort des trois frères, celle de Derdriu, femme de l'un d'eux,
et les premiers actes de vengeance immédiatement accomplis par Fergus
1. Ce ms. appartient à la bibliothèque des avocats d'Edimbourg où il
porte la cote LIIl. Il a été écrit vers la fin du xve siècle, mais il est la
copie d'un ms. plus ancien. Il consiste en 25 feuillets de parchemin ;
chaque page contient deux colonnes, ainsi le nombre des colonnes est de
cent.
2. Atà secht m-bliadna déc fri Ultu ammuig ar longais ociis bidbanas.
Tainbô Cûalnge, édition Windisch, p. 57,1. 465, 466.
3. Môr de maith fuarais i fus
Ar do longais, a Fhergus !
Tdin bô Cùalngc, édition Windisch, p. 59, 1. 492, 493.
Périodiques. loi
qui avait donné aux trois frères sa parole qu'aucun mauvais traitement ne
leur serait infligés Ce texte incomplet occupe dans le ms. les douze
colonnes, i-8 et 13-16. Déjà publié avec traduction en 1887 par M. Whitley
Stokes, Irische Texte, t. II, p. 122-183, puis sans traduction, en 1894,
par MM. Macbain et Kennedy dans Cameron, Reliquix celticx, t. II, p. 464-
474, il a paru avec traduction dans les deux premiers n°s de la Celtic
Revieiv, 15 juillet, 13 octobre 1904, p. 12-17, 104-131 du tome Je^. Ensuite
une lacune se produit. Puis avec la livraison de janvier 1905 commence la
seconde partie. Nous vovons Fergus faire la guerre à Conchobar, roi
d'Ulster, demander ensuite et obtenir l'hospitalité du roi et de la reine
de Connaught et se mettre à leur service (col. 17-20, 9-12, 21). Ce qu'il
fait alors est raconté dans les colonnes suivantes du ms. ; le commence-
ment de cette partie a paru dans les livraisons de la Ceïtic Revieiu, d'avril
1905 à octobre 1906, celle d'octobre 1906 atteint la colonne 67 du ms.
Dans ces livraisons se trouve un arrangement développé de- la pièce
intitulée Enlèvement des vaches de Flidas, Tdiii hô FUdai^, publiée en
triple édition et avec traduction par M. Windisch, Irische Texte, II, 2,
p. 206-223, ^^ 4'^i '^^'^ '^^^^^ '^ss histoires servant de préface, reiiiscêl, à l'En-
lèvement des vaches de Cooley. Un exemple amusant de la façon dont s'y
est pris l'auteur pour développer le texte primitif est le récit où l'on voit
l'épée de l'amoureux Fergus enlevée et remplacée dans le fourreau par un
bâton. On trouve cette anecdote dans l'Enlèvement des vaches de Cooley :
1° Lebor na h-Uidre, p. 65, col. 2, 1. 31-43; p. 66, col. i, 1. 1-9; édition
O'Keeffe, 1. 925-941; cf. Zinimer dans la Zeitschrîft de Kuhn, t. XXVIII,
p. 451; traduction de Winifred Faraday, p. 44-45; 2° avec une légère
variante, Livre de Leinster, p. 80, col. i, 1. 2-6; édition Windisch. p. 415,
1. 2867-2872; traduction de Standish Hâves O'Grady, chez Eleanor Hull,
The CuchuUiu Saga, p. ibi. Cette anecdote reparaît dans le Glenriiasaii
manuscript, col. 21, The Celtic Revieiu, janvier 1905, p. 229.
Dans le n^ de juillet 1906 du même périodique, nous signalerons un
article du professeur E. Anwyl sur les déesses celtiques : 1° le groupe des
tiiatres en gallois jy uianiau, dites aussi Mairac, Matronae, Proximae, Nymphae,
Jiinones, Dervonnae; 1° les déesses individuelles : Daniona, Rosnierta, Sirona,
Mo^ontia, Epoiia, Cliitoissa, SoUmara, Brigindu, Abnoba, Naria i\ousaniia,
Teniusio, Naiitosiielta, Adonna, Stanna, Divona, Diinitia, Belisama, Brigan-
tia, Noreia.
On lira avec intérêt, dans les nos de juillet et d'octobre 1906, le mémoire
où Miss Eleanor Hull compare les mœurs gauloises, telles que les écrivains
I. Les plus récentes éditions de VAided uiac n-U?nig sont celles : 1° de
M. Windisch, Irische Texte, I (1880), p. 59-92 ; 2° de M. Whitley Stokes,
ibidem, II, 2 (1884), p. 109-182 ; 3" de MM. Dottin et O'Growney.
Revue Celtique, t. XVI (1895), p. 425-449 ; 4° celle qui a été donnée en
un volume en 1898 par la Society for the Préservation of the Irish Langiiage ;
50 celle de M. Douglas Hyde, Zeitschriftfi'ir celtische Philoiogie, t. 11(1898),
p. 138-155. Citons encore M. Thurneysen, Sagen ans den alten Irland
p 11-20.
1 02 Périodiques
de l'antiquité les décrivent, avec les mœurs que nous dépeint la vieille litté-
rature épique de l'Irlande.
M. George Henderson continue dans les nos d'avril et de juillet son
étude sur la légende de Finn.
Le no d'octobre débute par une étude du Rév. Charles M. Robertson sur
les dialectes gaéliques d'Ecosse.
Plusieurs textes gaéliques modernes apparaissent pour la première fois
dans ces trois livraisons.
Enfin nous signalerons la réponse par M. E. W. Nicholson à un article
de M. Wade Evans sur le De excidio Britanniœ, article inséré dans la Cel-
tic Revieiv de juillet et octobre 1905 et dont nous avons dit un mot,
Revue CcUique, t. XXVI, p. 120, 121.
II
L'Archiv fur celtische Lexicographie que dirigent MM. Whitley
Stokes et Kuno Meyer contient dans la troisième livraison du tome III,
trois articles, deux de M. Whitley Stokes, un de M. Kuno Meyer.
Les articles du premier sont d'abord l'édition d'un glossaire gaélique
d'Ecosse et d'un recueil des mots difficiles de la bible irlandaise, le tout con-
servé par un ms. du xviiie siècle, Egerton 158 du Musée Britannique ;
M. Whitley Stokes y a ajouté un index alphabétique qui rendra les recherches
très faciles. Le second article du même auteur est destiné à donner le vrai
sens des expressions hcarJa feibidhe et béarla u-eadangartha, signifiant la
première « langage choisi », la seconde « langage séparé ».
L'article de M. Kuno Meyer est un recueil de courts morceaux irlandais
tirés de divers manuscrits et qui appartiennent à la littérature chrétienne.
Comme supplément à cette livraison, M. Kuno Meyer a donné les pages
575-638 de ses Cotitribtitions to irish Lexicography, excellent dictionnaire
irlandais dont le tome I, A-C, a déjà paru. Les pages 575-638 forment le
commencement du tome second et contiennent la première partie des mots
commençant par la lettre D.
III
Depuis le mois d'avril dernier deux livraisons du Journal of the Royal
Society of Antiouaries of Ireland sont arrivées entre les mains de la rédac-
tion de la Revue Celtique, ceux de juin et septembre 1906. Nous ysignalerons
d'abord, p. 166 etss., l'article de M. R. A. S. Macalister sur des inscriptions
ogamiques du comté de Cork, aujourd'hui dans des musées ; nous cite-
rons : maqui Bril... [i\ngene Sada'ides, [Colah]ot inaqui iiiaqui Rite nnicoi
Corih'iri, Auavlmiiatïas niucoi Geuri avi Akcras, utaqui Ercias uuiqui Valamni,
Vedacu Tobira mucoi Sogini. Comme appendice M. Macalister donne une
lecture nouvelle de l'inscription de Donard : Cagianade maqui Vobaraci.
P. 259 et ss., l'article du même sur neuf inscriptions ogamiques du comté
Périodiques 103
Je Cork; la plupart ne sont que des débris, en voici une à peu prés com-
plète anm Casoni m(aqui) Rati.
Dans le no de mars 1906, M. Patrick Westou Joyce avait disserté sur
l'inscription de l'île d'Inchagoill dans le lac appelé Long Corrib au comté
de Galway ; nous en avons parlé dans la Revue Celtique, t. XXVII, p. 189,
190. M. Macalister lui répond dans le n" de septembre, p. 297 et suivantes.
11 maintient la lecture Lie Luguedon macci Menueh. A la suite de cet article,
p. 303-510, il donne un recueil d'inscriptions funéraires en minuscules
latines recueillies par lui à Iniscaltra, autre île du même lac : Coscrach
Laignech est la première, suivent une série d'épitaphes commençant par
Or [oit], « priez ».
Signalons aussi, p. 239-258, une étude de M. Thomas Johnson Westropp
sur des forts antiques qui ont été construits en Irlande sur des promontoires
dans les comtés de Waterford et de Wexford; p. 276-284, celle de
M. P. J. Lvnch sur les antiquités du comté de Kerry.
IV
Dans les Annales de Bretagne, t. XXI, nos 5 et 4 ; t. XXII, no i ;
livraisons d'avril, juillet et novembre 1906, nous mentionnerons : un
mémoire de M. l'abbé Campion sur saint Servatius, patron de Saint-Servan
(Ille-et-Vilaine) ; quatre textes bretons inédits du xviiie siècle, publiés par
M. J. Loth (ce sont les professions de quatre religieuses du Carmel ; outre
les textes originaux fidèlement transcrits, M. J. Loth donne une copie cor-
rigée et une traduction française) ; continuation du mémoire de M. Henri Sée
sur les classes rurales en Bretagne, du xvie siècle à la Révolution ; Mélanges
d'histoire bretonne, les Gesta sanctoruni Rotonensiuiii , Festien « archevêque »
de Dol, par M. Ferdinand Lot (suivant lui les Gesta ont été rédigés entre
868 et 875 ; l'auteur est Ratvili qui fut évêque d'Aleth de 866 à 872;
quant à Festien son avènement doit être daté de 859); trois chansons bre-
tonnes de la collection Penguern, publiées et traduites par M. Pierre le
Roux.
La publication de M. Le Braz, Coguoiiienis et sainte Tréfine, se termine
dans le no de juillet. A la fin de chacune des trois livraisons se trouvent
quelques pages de la dernière édition du Cartulaire de l'abbave de Sainte-
Croix de Quimperlé par Léon Maître et Paul de Berthou.
Les MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE LINGUISTICIUE DE PaRIS, tOme XIV,
2'= fascicule, nous offrent un mémoire de M. Grammont, La niéthalljcse de ae
en breton armoricain. L'auteur examine en quels cas le groupe ae s'est changé
en ea, en quel cas il s'est maintenu. Cette mutation se'produit, dit-il, en
léonard quand, dans un monos\'llabe, ae est suivi d'une consonne, à moins
que ae ne représente un groupe a^ du breton moyen, exemple kaer « beau »
en moyen breton ca^r =: cadro-s. Cf. ci-dessus, p. 59-66.
I04 Périodiques
VI
La Revue des études anciennes, no* 2, 3, 4, avril-décembre 1906,
contient d'intéressants articles de M. Jullian. Il traite, p. 111-115, la ques-
tion de savoir si le Hradischt, ou ville forte, de Stratonitz, doit être attribuée
soit aux Boii soit aux Marcomans qui leur ont succédé un peu avant le début
de l'ère chrétienne. Suivant M. Jullian, p. 1 19-120, la civilisation de Hallstadt
est sigvnne et non celtique. A la page 125, M. G. Doltin signale, dans un
traité anonvme intitulé r-jvaïy.c; iv -oÀc;j.!zo:: Tuve-ai /ai àvoo£lat (Wester-
mann, Scriptores reniiii viirahilimn graeci, p. 218, 1. 4-1 1), un passage où il
est dit que lorsque les Galates passèrent le Danube, ce fut sous la conduite
d'une femme appelée Onomaris, qui, après la conquête du pays situé au sud
du fleuve, en serait devenue la reine et dont aucun écrivain moderne n'avait
parlé jusqu'ici. Aux p. 128-154, M. de la Ville de Mirmont traite de l'astro-
logie chez les Gallo-Romains à la fin du iv^ siècle et au commencement
du ye. Aux p. 250-252, M. Jullian parle des termes géographiques qui rap-
pellent l'antique domination des Ligures en Espagne et en Gaule. P. 259,
M. Jullian, citant un passage de Strabon, VII, 3, 8, où d'après Ptolémée
fils de Lagos, il est dit que les Gaulois ne craignaient que la chute du ciel,
en rapproche un passage de Tite Live, XL, 58, § 6 où il est rapporté que les
Gaulois en fuite croyaient que le ciel tombait sur eux : caelimi in se ruere
iiielhvit. P. 339, M. Gassien publie une gravure représentant le Dispater
gaulois de la collection Dassy à Meaux. P. 340, note de M. Audollcnt sur
les fouilles du Puv-de-Dôme où l'on vient de découvrir un petit monument,
c'est-à-dire, comme l'auteur « s'exprime, un temple à cella quadrangulaire
tandis que l'édifice grandiose qui le domine a la forme carrée si fréquente
en Gaule ».
Chaque livraison contient une chronique gallo-romaine écrite par
M. Jullian et d'un grand intérêt.
VII
Ce que le Boletin de la Real Academia de la HistorL'\, année 1906,
nous offre de plus curieux au point de vue de l'histoire ancienne, c'est,
t. XLVIII, p. 374-381, et t. XLIX, p. 133-137, la découverte en Andalou-
sie d'une caverne artificielle en forme de coupole ovoïde, occupant en plan
3 mètres 95 sur 4 mètres 45, et accompagnée de trois petites annexes; on
parvient à cette coupole par une galerie souterraine ; le tout est creusé dans
le roc; sur les parois on voit des restes de peinture. Dans le sol on a distin-
gué plusieurs couches ; la supérieure est du moven âge jusqu'au xiv^ siècle
représenté par cent monnaies datant du règne de Pierre I^'", roi de Castille ;
au-dessous une couche romaine, plus bas divers débris notamment de nom-
breux os d'animaux. Comparer, le monument irlandais de Newgrange.
Le P. Fidel Fita continue la publication des inscriptions romaines d'Es-
pagne ; mais une grande partie de celles qu'il donne a déjà paru dans le
tome II du Corpus iiiscriptionuniJatinaruin; il le dit lui-même. Parmi elles se
Périodiques 105
trouve un surnom celtique, il s'agit de l'épitaphe de L. Caec(ilius] Agidil-
lus, no 4456 du Corpus, p. 246 du tome XLVIII du Boletin, cf. Alfred Hol-
der, Allceltiscber Sprachschati, t. I, col. 55, 56.
VIII
Les Indogermanische Forschungen, t. XIX, ne contiennent aucun
article traitant spécialement des langues celtiques, mais, grâce à l'excellent
index de M. Hermann Hirt(54 pages, de 582 à 635) où quatre colonnes,
p. 613, 614, sont occupées par les langues celtiques, les recherches y sont
possibles.
Parmi les nombreuses comparaisons de l'irlandais avec d'autres langues,
nous en glanerons quelques-unes : gaoisid « poils d'animal », « crins »
dans l'Avesta gaesa « chevelure crépue » (p. 318); Wor autrefois Inr =^-
* hem, « bâton pointu >-., dans l'Avesta grava- a bâton » (p. 325); guaire,
« chevelure rude », en lituanien gaitras, « cheveux courts et rudes »
(p. ^42); fioiuiadh, « cheveu », comparez le premier terme du vieux haut
allemand ivint-braïua « sourcil » aujourd'hui wimper « cil » ; feasog « barbe »
dérivé du vieil-irlandais fi's v cheveu » = ijendhso-, en vieux slave vasïi,
« barbe » = uoiidhso- (p. 347-348), rapprochements proposés par M. Li-
den ; taos plus anciennement tais, pâte, en vieux slave téslo, forme pri-
mitive dans les deux langues tdisto- ; tara, « actif, vif », en sanscrit
tardnish « prompt, vif, énergique », en grec -p-^pov, xpapov, xapo'v, rap-
prochements proposés par M. Brugmann qui traite, p. 384, des étymo-
logies données pour ara « cocher», et qui se trompe, p. 385, quand
il traduit ccle par serviis. Le vrai sens de ce mot est « compagnon », « cama-
rade » 5. La formule Ccle Dé, employée pour désigner les moines irlandais,
veut dire non servtis Dei, mais sociiis Dei, conformément à la première
épître aux Corinthiens, chapitre i, verset 9 : « Dieu est fidèle, il vous a
appelé dans la société, s'; /.otvovt'av, de son fils Jésus-Christ. » Eî; -/.oivojvîav
est traduit dans la Vulgate par in societatem, dans la traduction anglaise la
plus récente par infelloiuship. Or felloiv est une des traductions proposées
pour cèle, cèile par MM. R. Atkinson et Kuno Meyer' ; et le sens de felloiu,
est « compagnon » « camarade » nullement esclave.
IX
Dans la Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung, t. XL,
p. 290, 291, M. Richard Loewe traitant de la chute de la réduplication au
parfait dans les langues germaniques compare le vieil irlandais ar-oh-
rôinasc ^ « je vous ai fiancés », où le redoublement n'est représenté que par
1. Atkinson, Gloasaryto Breton Laws, p. 126; Kuno Meyer, Contributions
ta irish Lexicography, t. I, p. 383.
2. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 374, col. 2.
I o6 Périodiques
la lettre /, tandis que dans ro-nenasc ' « je me suis engagé à payer, » le
redoublement persiste intégralement. A la page 400, M. Vilhelm Schultze,
traitant des noms germaniques du beau-père, en latin socer, et de la belle-
mère, en latin socrtis, cite le gallois chiuegrwn, « beau-père » cinuegr, « belle-
mère ». A la page 473, M. Paul Charpentier cite le mot irlandais gaoitid,
« crins « et comme M. Macbain, Etywological Dictionary of the Gaelic Lan-
guage, p. 169, le rapproche du grec yx'.-i^ v crinière » « longue chevelure w.
X
Un article de M. Magnus Olsen, inséré dans les Beitraege zur Kunde
DER iNDO-GERMANiscHEN Sprachek, t. XXX, p. 325-327, est consacré à
l'étude de la question de savoir si le basque andre « femme » « dame » est
d'origine basque ou a été emprunté par le basque au celtique * andera dont
l'existence doit être conclue 1° du vieil irlandais ainder « jeune femme »,
2° du mot gallois et breton aimer w génisse ». = M. Olsen croit que le mot
basque est d'origine celtique. Le sens primitif a dû être « génisse ». Le
basque andre fait défaut dans l'ordre alphabétique du Diccionario trilingue
castt'Uaiio, bascuense y latin de Larramendi. On ne l'y trouve qu'à l'article
Maria où il apparaît, comme premier terme du composé andre-dena.
M. Olsen cite andre d'après Eys, Dictionnaire basque-français, et d'après
Luchaire, Les origines linguistiques de V Aquitaine, 1877 ; il reproduit neuf
lignes prises par lui dans l'ouvrage de M. Luchaire, /;/ seincr gruudlegenden
Schrift. André, comme premier élément du composé andre-dena, se ren-
contre dans le titre des litanies de la Vierge en dialecte de Labourd publiées
par Phillips, comptes rendus de l'Académie impériale de Vienne, t. LXVI
(1870), p. 746, cf. p. 751.
Le vieux français am/Zc/- aujourd'hui landier «chenet )•> viendrait d* anderos,
masculin d'*«w(7^;ii et signifiant primitivement « veau ». Les chenets étaient
originairement en forme de petits chiens, chenet est un diminutif de chien.
Les andiers auraient été en forme de veau.
XI
La Revue ARCHÉOLOGIQUE, no de juillet-août 1906, contient, p. 120-123,
un article de M. Chanel sur une sépulture du premier âge du fer, découverte
à Belignat, * Beliniacus, Ain. On n'y a pas trouvé d'armes, on y a recueilli
les fragments d'un collier en bronze, sept bracelets de même métal, une
plaque de ceinture également en bronze, longue de 0,468, épaisse de 0,001,
large de 0,157.
La Revue des publications épigraphiques, mars-juin, placée par MM. Cagnat
et Besnier à la fin de cette livraison, contient, no 33, l'épitaphe de Sego-
1. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 703, col. i.
2. Cf. V\[\\iÛeyS\oVe'3,UrhllischerSprachschat:^,-ç. 15.
Périodiques 107
iiiiinna par Teiiiiis Tiiico-rigis f\ilius]; et 11° 54, le nom d'homme écrit au
génitif Veni-cari.
XII
Il a paru trois numéros, 1° juillet, 2° août, 5° septembre-octobre, d'une
revue nouvelle Pro Alesia, destinée à faire connaître le résultat des fouilles
entreprises sur l'emplacement à' Alesia, ville gauloise que Jules César a rendue
célèbre par le livre VII de son De hellogaliicoei dont le nom est conservé par
un village voisin, Alise-Sainte-Reine, canton de Flavigny, arrondissement
de Semur, Côte-d'Or. Alesia était située sur le plateau du Mont Auxois,
Mons Alisensis, qui domine Alise-sainte-Reine; et la première '.ivraison de
Pro Alesia s'ouvre par un plan de ce plateau, c'est un extrait du plan cadastral ;
le nombre des parcelles est énorme, nombreux sont aussi par conséquent
les propriétaires avec lesquels il faut s'entendre quand on veut pratiquer
des fouilles. Les fouilles sont commencées; elles établissent que la ville gau-
loise du Mont Auxois a continué à être habitée sous la domination romaine
jusqu'au ve siècle de notre ère. On y a trouvé des monnaies romaines, des
inscriptions romaines, un théâtre romain demi-circulaire, à 40 mètres 30 de
rayon, des statues de divinités romaines, enfin trois fragments d'une inscrip-
tion gauloise dont on peut restituer quelques mots i]a[u.o]TaXo[:] % Fapaa-
[vo]; ^ BipoL/.o >, TWJX[[o;]4, [aXia]avv[oç]. Il y s'agirait en dernier lieu d'un
certain Biracos, magistrat ? d'Alise ? Les collaborateurs auxquel son doit Pro
Alesia, MM. Espérandieu, Seymour de Ricci, Pernet, Héron de Villefosse
font preuve d'un zèle et d'une science qui méritent les plus chauds encou-
ragements.
XIII
M. Arthur Bernard Cook a commencé, en 1904, dans le tome XV du
Folklore , une étude sur le dieu européen du ciel , The etiropeaii Sky-
god. D'abord dans ce volume il s'est occupé de la mythologie grecque. En
1904, dans le tome XVI il est passé à la mythologie des Italiotes; dans le
tome XVII, en 1906, il est arrivé aux Celtes. En trois articles il s'occupe
des dieux adorés par les Celtes insulaires : i" p. 28-71, il est question de
Nodons, en irlandais Niiadu, en gallois Ludd 5 et des arbres sacrés dits hile ;
2°, p. 141-173, il s'agit de Manannan mac Lir, de Bran, de Connla, de
Cûchulainn, de Cormac, de Tadg, d'Oisin, c'est-à-dire d'une grande partie
de la mythologie irlandaise ; 3° p. 308-348, M. Cook traite de la mytho-
1. Holder, Altceltischer Sprachschat:^, t. II, col. 1347.
2. Ibidem, t. I, col. 1983.
3. Biracos, ibidem, t. I, col. 423.
4. Ibidem, t. II, col. 1898.
5. Loth nom d'un de nos principaux collaborateurs ne serait qu'une
déformation du nom divin gallois Ludd (p. 48-56), variante de l'irlandais
Nuadu ; primitivement Nodons.
io8 Périodiques
logie galloise. M. Cook, étant monothéiste, transforme en un dieu unique,
le dieu européen du ciel, les nombreux personnages mythologiques dont il
nous entretient. Tous les lecteurs auront-ils une imagination si puissante?
XIV
Le Biilleliti des Inihlicatioiis hagiographiques contenu dans les troisième et
quatrième livraisons du tome XXV des Analecta Bollandiana nous ofiVe
p. 544, 345, 360, 509, sous la signature A[lbert P[oncelet), d'aimables et
intéressants comptes rendus de la seconde édition du Felire Oetigusso de
M. Whitlev Stokes, de deux ouvrages de l'abbé Duine concernant la Bre-
tagne, de la récente publication de M. Le Braz, Coguoiiierus et sainte
Trcfiiie.
XV
Dans le tome V de la Revue épigraphique fondée par A. Allmer et
continuée par le capitaine Espérandieu, la suite de l'étude d'Allmer sur les
dieux de la Gaule par ordre alphabétique, de Riuliobits à Uniia, occupe
les pages 43-47, 62-64, 90-94, 103-111, 122-127, '54"iS9> I73"i75- 19I"
192. Nous signalerons en outre, p. 132, dans deux épitaphes trouvées à
Entrains, Nièvre, trois noms d'homme au génitif : Daiiiii, Roxtano-rigis
Taiio-rigis, plus un au nominatif Dago-toutus ; p. 164, dans une épitaphe
découverte à Aigaliers, Gard, le génitif Dunniiae d'un nom d'homme ;
p. 185, dans une dédicace découverte il Serviers, Gard, la divinité 5t'0'o»/aHW(7,
le dédicant Tertius Tiiico-rigis /[ilius]; nous venons d'en parler, p. 107.
XVI
Le tome XXI de la Revue des Traditions populaires nous offre,
p. 167 et suivantes, un article intitulé Légendes et superstitions préhistoriques ;
on y voit, p. 310 et suivantes, ce qu'en Bretagne on pense des haches.
Enfin p. 392 et suivantes se trouve un recueil d'articles sur les traditions et
superstitions de la Basse-Bretagne. Exemple : Aux environs de Morlaix :
après la mort on est changé en animaux, « c'est pourquoi on ne doit pas
faire souffrir les bêtes ».
XVII
L'Anthropologie, tome XVII, renferme, p. 1-25, le commencement
d'un mémoire où le docteur Hamy cherche à fixer, d'après les débris
trouvés dans les tombeaux, les caractères physiques qui distinguaient les
premiers Gaulois ; ce sont les crânes que le savant auteur étudie dans cette
première section dont nous attendons la suite. Aux p. 321-342, M. Déche-
lette étudie les sépultures de l'âge du bronze en France. Sous le titre de :
L'epée de Brennns, M. Salomon Reinach examine s'il est exact, que, comme
le dit Polybe, II, 33, les épées gauloises étaient de si mauvaise qualité
Périodiques 109
qu'après avoir frappé un premier coup, elles se repliaient'^ sur elles-mêmes.
Sa conclusion est négative.
XVIII
La REVLiE DES IDÉES, n" du is mai 1906, p. 372, 381, nous offre sous le
titre de Uart en Gaule d î'époque préhistorique, un mémoire de M. Raymond
de Passillé avec 14 figures représentant des équidés, des bovidés, un mam-
mouth, un renne, les uns gravés, les autres peints dans des cavernes.
Un souvenir de cette population préhistorique des cavernes se trouve en
Irlande ; il v est mélangé à la mythologie dans les récits légendaires où
l'on parle des demeures souterraines des dieux; comparez la légende homé-
rique de Polyphème.
XIX
Les COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres pour l'année 1906 contiennent, p. 79-83, un rapport du capi-
taine Epérandieu sur les sondages pratiqués au Mont Auxois en 1905. Nous
en extrayons les passages suivants :
« Quatre tranchées orientées Nord-Sud, et que l'on a remblayées depuis,
furent ouvertes, le 16 octobre, vers le milieu du plateau, aux lieux dits
Saint-Pierre, Le champ de la Cave, En Surelot et La Combe. Chacune
d'elles avait une largeur de o m. 70 et une profondeur variable, mais qui
ne dépassait pas en général, 0 m. 50. La première de 127 m. 30 de long,
permit de couper dix-neuf murs et fit reconnaître une cave en petit appareil,
que l'on déblaya partiellement et dans laquelle on put accéder par un esca-
lier de sept marches retrouvées en bon état.
« La seconde, de 129 m. 75, comportait une lacune de 7 mètres sur
l'emplacement du chemin actuel de Mont Auxois. Elle coupa dix-huit
murs, parmi lesquels ceux d'une autre cave, aussi en petit appareil, et dont
le sol, à 3 mètres de profondeur, était formé par une couche de béton.
« La troisième de 93 m. 50, fit découvrir onze murs et les traces d'un
foyer rempli de cendres.
« La dernière enfin, de 103 m. 30, ne donna que peu de résultats. Sur
une'longueur de 40 mètres, on n'a trouvé que le rocher ; la majeure partie
des 63 mètres restants était constituée par du macadam recouvert, à trois
reprises différentes, par des pièces équarries d'un dallage moins ancien.
Deux murs seulement, l'un de o m. 75, l'autre de o m. 40, ont été coupés
par la tranchée.
« Les deux premières tranchées furent tracées dans le prolongement et à
12 m. 50 l'une de l'autre ; entre elles se trouvait un puits, lui-même situé
au Nord-Est, et à 25 mètres d'un second puits dont on déblaya les abords.
On reconnut ainsi les maçonneries d'une construction, dont le plan d'en-
semble a pu être levé par M. Testart, vice-président de la Société de Semur,
mais sur la nature de laquelle je ne saurais me prononcer. Le peu d'épais-
seur des murs, qui ne dépassent pas o m. 30, et leur mauvaise facture me
paraissent exclure la possibilité d'un monument public.
no Périodiques
« D'une manière générale, les différents murs que rencontrèrent les tran-
chées avaient une épaisseur de o m. ^o à i mètre. Ils étaient construits en
petits cailloux assemblés avec du mortier; des pavages ou du macadam qui
correspondaient, suivant leur largeur, soit à des rues, soit à des places
publiques, les séparaient parfois. Un certain nombre de ces murs, étaient
recouverts d'un enduit gris, rouge ou blanc que décoraient des filets d'autres
couleurs.
« Les terres des excavations et celles retirées des puits n'ont pas été pas-
sées au crible ; la saison du reste s'y opposait. On a recueilli toutefois une
foule de menus objets, de nature à faire augurer favorablement des fouilles
plus méthodiques que l'on se propose d'exécuter. C'est d'abord une quan-
tité innombrable de clous de toutes dimensions, paraissant fournir la preuve
que le bois entrait pour une bonne part dans la construction des demeures.
Ce sont ensuite des fragments de marbre, la base d'une statuette de marbre
à laquelle sont adhérents deux pieds de chèvre, ceux peut-être d'un dieu
Pan, des débris de poteries rouges ou noires, quelques-unes peintes, dont
la fabrication s'échelonne depuis l'époque de la Tène jusqu'au Bas-Empire
et dont certaines sont estampillées aux noms .des céramistes g^Uo-romains
Chresius, Bassus et Scoppus, des gonds de porte, des morceaux de verre, un
style et des boutons de bronze, un curieux petit polissoir en pierre dure,
de la grosseur et de la forme d'une châtaigne, une pointe de javeline en
fer, une épingle en os et des monnaies.
Parmi celles-ci, dix ou douze sont gauloises. J'ai noté, principale-
ment deux pièces des ManJubii, des deux £dui, une des Seiiones, une des
Linc;ones et une des Leuci} avec la légende Germanvs IndvtilU. Des autres
monnaies aucune n'est consulaire ; la plus ancienne est de Néron, la plus
récente de Valentinien II. La plupart sont de Gallien et de Tétricus, de
Constantin I et de Constance II. Leur nombre est encore insuffisant pour
nous fixer d'une manière certaine sur l'époque où cessa d'exister la ville
gallo-romaine, continuatrice de la cité gauloise que les soldats de César
durent piller sans la détruire. Il est toutefois probable qu"il faut reporter
cette époque au début du v^ siècle et aux grandes invasions qui désolèrent
alors nos pays. Alise fut incendiée ; M. Pernet a découvert, au cours de ses
sondages, assez de charbon de bois pour en remplir plusieurs corbeilles.
C'est d'ailleurs au moins pour une bonne part, grâce à la protection de la
couche de cendre qui se forma, que la masse des clous dont je parlais tout
à l'heure nous est parvenue. La ville fut rebâtie plus tard non point peut-
être sur le même emplacement. Elle semble avoir été reportée vers la crête
occidentale du plateau, au lieu dit le cimetière Saint-Pierre, et avoir com-
mencé dès cette époque, vers la plaine, la descente qui se poursuit de nos
jours, quoique lentement. »
Des pages 193, 194 nous extrayons un tableau dressé par M. Adrien Blan-
chet qui nous donne le périmètre des enceintes des villes de Gaule à partir
de l'époque d'Auguste pour aller jusqu'au iir' siècle de notre ère :
Autun, Auf^iistodiuniiu . Enceinte de l'époque d'Auguste, )922 mètres
— Enceinte réduite, fin du iii'^ siècle, 1 300 m. environ
Périodiques 1 1 1
Nîmes, Neiiuiusiis. Enceinte de l'époque d'Auguste, 6200 m. environ
— Enceinte réduite, tin du iiF siècle, 2300 m. environ
TrèvQS, Auoiisla Treveroruin. Enceinte du i'^'" siècle. 6418 m.
Augst, Aiigiiita Rauracoruni. Idem, 4767 m.?
Fré'ps, Forum Juin. Idem, 400034100 ni.
Avenches, Aventlcimi. Idem, 4000 m. environ
Cologne, Colonia Agrippitia. Idem, 5911m.
Heddernheim, Civitas Tauiieiisiurn. Enceinte du ii^ siècle, 2700 m?
Poitiers, L/w/oh;//;/. Enceinte du me siècle, 2600 m.
Sens, Agcdiiicuiii. Idem, 2500 m.
Bordeaux, Burdigala. Idem, 2350 m.
Bourges, Avaricum. Idem, 2100 m.
Chartres, Autriciim. Idem, 2100 m.?
Sxr3i^hourg, Argentoratum. Idem, 1800m.
Nantes, Condiviciium. Idem, 1665 m.
Paris, Lulecia. Idem, 1620 m. environ
Rouen, Rotoiiiag us. Idem, 1600 m. environ
Dijon, Divio. Idem , 1 500 m. environ
Chalon-sur-Saône, CabiUoiium. Idem, 1 500 m. environ
Dax, Aqux Tarbellica'. Idem, 1465 m.
BouIogne-sur-Mer, Gesoriacus, Bouoiiia. Idem, 1400 m. environ
Ltt Mans, Suindinuiii. Idem, 1440 m.
Soissons, Augusta Suessiouum. Idem, 1400 m. environ
Hevars, Nevirnum. Idem, 1 375 m. environ
Beauvais, Caesaromaous. Idem, 1270 m.
Angers. Julioiuagus. Idem, 1200 ou 1600 m?
Rennes, Condate. " Idem, 1200 m. environ
Grenoble, Cî//aro. Idem, 1 160m. environ
Tours, Caesaroduuu ni. Idem, 1155 m. environ
Evreux, Mediokuiuin. Idem, 1145 m.
Orléans, Cetmhuni. Idem, iioom.
Rayonne, Lapurduni. Idem, iioo à 1125 m.
Auxerre, Autissioduruiii. Idem, 1080 m.
Melun, Melioseduui. Idem, 1000 m. environ
Meaux, Fi-xtuinuiii. Idem, 1000 m. environ
Périgueux, Vcsuuua. Idem, 955 m.
Saintes, Mediolanum. Idem, 935 m. environ
Cohlem, Confluenles. Idem, 920 m. environ
Andernach, Antuunacum. Idem, 910 m.
Senlis, Augustoiuagus. Idem, 840 m.
Saint-Lizier, Civitas, Cousorauorutu. ' Idem, 740 m.
Noyon, Novioinagus. Idem, 599 m. environ
Antibes, Autipolis. Idem, 590 m.
I. Aussi appelée Austria, Hadrien de Valois, Notifia Galliaruiu, p. 155 ;
cf. Blanchet, Les enceintes romaines de la Gaule, p. 196.
1 1 2 Périodiques
P. 361, une note de l'abbé Arnaud d'Agnel nous apporte le texte d'une
inscription récemment découverte à Marseille :
RUSTICA VEBRUi /[î'/àr], Vehrui est le génitif du nom d'iiomme Vehruos.
Est à rapprocher le premier terme du nom d'homme gaulois Vebni-maros,
en caractères grecs ()uri6po'j-rj.apo;, Corpus inscriptioniim latinanivi, t. XII,
p. 820. La leçon (JurjSpo-[j.apoç, Revue Celtique, t. XVIII, p. 320, 324, 432,
est à rectifier.
XX
Un travail de MM. Antoine Thomas et René Poupardin inséré dans les
Annales du Midi, XVIIP année, 1906, p. 1-39, nous fait connaître plu-
sieurs fragments du cartulaire de Pannas, Dordogne. Dans ce cartulaire
apparaissent plusieurs noms de lieu en -acus : Atchiacus, aujourd'hui
Archiac, Charente-Inférieure ; les suivantes sont situées dans la Dordogne :
Braga i rac, Bergersic; Causiaais ; Lmtitiiaais, LenùgnsLc; Miliaciis, Millac
d'Auberoche ; Tegacus, Tejac.
XXI
Le Bulletin de la Société nationale des AxTiauAiRES de France,
3e trimestre de 1906, nous offre, p. 251, le dessin, par M. de la Tour, de quatre
intailles provenant de bagues gauloises recueillies dans Voppiduw de Pom-
miers et présentées à la Compagnie par M. Vau ville, associé correspondant
national, qui en avait reçu trois de M. Brunehaut : ne pas confondre avec la
reine mérovingienne. La quatrième intaille fait partie de la collection de
M. Vau ville.
MM. de la Tour et Blanchet sont d'accord pour considérer ces intailles
comme l'œuvre d'artistes gaulois. Sur une d'elles on lit le mot Vehigni.
P. 255 et suivantes on trouve une note de M. Héron de Villefosse sur
l'épitaphe trouvée à Frolois (Côte-d'Or), d'un Gaulois nommé Ripcicnus
DuNAUS. Est à comparer le nom d'homme au génitif Ripci (Corpus Inscrip-
lioHum latuhiruui,Xlll, 2753).
P. 267. M. Bordeaux signale l'existence d'une pierre levée en grès, prés
de Survilliers (Seine-et-Oise).
P. 309-310. Dédicace à la dea seûuana trouvée à Salmaise (Côte-d'Or)
et signalée par M. P. de Truchis.
H. d'Arbois de Jubainville.
Le Propriétaire-Gérant, H. CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS
LES
INSTITUTIONS ET LE DROIT SPÉCIAUX
AUX ITALO-CELTES
Nous avons dernièrement fait observer ' l'étroite analogie qui existe entre
la corporation celtique des Druides et le collège des Pontifes romains, entre
la corporation des Jdthi ou filid irlandais et le collège des Augures. Un
hasard inattendu vient de nous faire tomber entre les mains un mémoire
inédit, daté du 8 août 1874, et où Julien Havet, né le 4 avril 1853, alors
par conséquent âgé de vingt et un ans, a traité un sujet qui s'en rapproche :
la puissance paternelle à Rome persiste jusqu'à la mort du père, à moins
d'émancipation ; dans le monde celtique, la puissance paternelle a la même
durée ^. Ces faits se juxtaposent aux phénomènes linguistiques qui ont fait
admettre l'existence d'un groupe italo-celtique distinct du reste des Indo-
européens ; ils la confirment. M. Julien Havet a eu le premier l'idée de compa-
rer la découverte des linguistes avec des faits étrangers à la linguistique qui
confirment cette découverte. C'était en quelque sorte un éclair de génie.
Julien Havet, auteur du mémoire qui suit, est mort âgé de quarante ans,
le 19 août 1893, après avoir fait plusieurs publications qui lui donnent un
rang éminent parmi les érudits français. Il a laissé un frère, M. LouisHavet,
savant linguiste, qui se rappelle encore les conversations fraternelles vieilles
de plus de trente ans d'où est sorti l'article que nous publions.
H. d'A. DE J.
NOTE A PROPOS D'UN POINT DE DROIT GALATE
Gaius dans son- i*"" commentaire examine les diverses
sortes d'autorité légale que le droit romain reconnaissait à un
homme sur un autre homme, puissance dominicale ou puis-
1. Les Druides, p. 8-10.
2. Sauf en Galles. Voir sur ce sujet, Cours de littérature celtique, t. VII,
p. 244-249.
Revue Cellique,XXVlIL 8
114 Julien Ilavet.
sance du maître sur l'esclave, puissance paternelle, etc. ; il a
soin de distinguer ceux de ces droits qui sont propres à Rome
et qui, par conséquent, ne peuvent appartenir qu'à des citoyens
romains, et ceux qui existent également chez tous les peuples,
et auxquels ont part même les sujets étrangers de l'empire.
A cet égard, la puissance dominicale et la puissance paternelle
diffèrent. La première est universelle : « les esclaves sont sous
la puissance de leur maître, et cette puissance est du droit
commun à tous les peuples : car chez tous les peuples égale-
ment, nous pouvons remarquer que les maîtres ont sur leurs
esclaves le droit de vie et de mort, et tout ce qui est acquis
par l'esclave est acquis au maître. » Il en est tout autre-
ment de la puissance paternelle. Chez les Romains, on sait
quelle en était l'étendue extraordinaire : le fils y restait soumis
ioiite sa vie, et son père pouvait le vendre, le tuer', etc. Or
c'était là une singularité du droit romain ; les autres peuples,
nous dit Gains, ignoraient une pareille extension de l'autorité
paternelle. ■ — ■ Toutefois il y avait une curieuse exception à
cette règle, et le peuple chez qui Gaius la signale était un
peuple celtique.
Voici le passage de Gaius : « Nous avons aussi en notre
puissance nos enfants, que nous avons procréés en légitime
mariage. C'est là un droit qui n'appartient qu'aux citoyens
romains : en effet il n'y a presque pas d'autres hommes qui
aient sur leurs enfants un pouvoir pareil à celui que nous
avons sur les nôtres ; et ainsi l'a déclaré l'empereur Hadrien
dans i'édit qu'il a publié au sujet de ceux qui lui demandaient,
pour eux et pour leurs enfants, le droit de cité romaine. Je
n ignore pas toutefois que la nation des Galates admet la puissance
du père sur ses enfants^.
1 . Ce droit a été réellement exercé ; en voir un exemple dans Salluste,
Catilina, 59.
2. « Ac prius dispiciamus de iis, qui in aliéna potestate sunt. In potes-
tate itaque sunt serui dominorum, quae quidem potestas iuris gentium est :
nam apud omnes peraeque gentes animaduertere possumus, dominis in
seruos uitae necisque potestatem esse, et quodcumque per seruum adqui-
ritur, id domino adquiritur... Item in potestate nostra sunt liberi nostri,
quos iustis nuptiis procreauimus, quod lus proprium ciuium Romanorum
est : fere enim nulli alii sunt homines, qui talem in filios sucs habent
potestatem, qualem nos habemus. Idque diuus Hadrianus edicto, quod pro-
Les institulions et le droit spéciaux aux Italo-Celles. 1 1 5
Ainsi, à la différence de tous les autres peuples que Gains
avait en vue, les Galates reconnaissaient au père sur ses enfants
un droit analogue à celui que lui attribuaient les Romains.
De ce témoignage relatif aux Celtes d'Orient, on a déjà rap-
proché un témoignage analogue de César sur les Gaulois,
chez qui « les hommes ont sur leurs femmes, ainsi que sur
leurs enfants, le droit de vie et de mort » '. Il semble résulter
de ces deux passages que la puissance paternelle telle que
l'entendaient les Romains était un trait commun du droit des
peuples celtiques.
Ce trait rapprochait les Celtes des Romains et les sépa-
rait de tous les autres peuples de l'antiquité ^ : résultat qui
prend de l'intérêt si on le rapproche de la doctrine ethnogra-
phique qu'a soutenue un des linguistes les plus éminents.
Suivant Schleicher ', chacune des deux familles italique
posuit de his, qui sibi liberisque suis ab eo ciuitatem Romanam petebant,
signifîcauit, nec me praeterit, Galatarum gentem credere, in potestate paren-
tum liberos esse. » Gaii iiistitiitioiiuiii coiiniient. i, §§ 51, 52, 55, p. 13,
14 et 15 du ms. : éd. de M. Huschke dans ses Jiirispnuieiitiae aiileiiistiiiiaiiae
qiiae supersunt, éd. altéra, Lipsiae, Teubner, 1867. Au lieu de ici domino
adquiritnr, M. Huschke pense qu'il faut lire id domino adquiri.
1. « Viri in u.xores sicuti in liberos uitae necisque habent potestatem. »
De bello crallico. VI, 19. Si Gaius ne mentionne pas les Gaulois, c'est sans
doute que de son temps ils avaient pour la plupart reçu le droit romain
avec la cité romaine : v. Beckeret Marquardt, HandhiicI) der rdmiscljoi Alter-
thiimer, 3. Theil, i. Abth., p. 93 ss. Leipzig, i 851. Tacite, Hist., i, 8 :
Galliae... obligatae recenti dono romanae ciuitatis.
2. Il pouvait et devait y avoir chez les autres peuples une tutelle du père
sur ses enfants en bas âge, organisée pour protéger les enfants eux-mêmes,
mais ce n'est pas là la puissance paternelle romaine, constituée dans l'inté-
rêt du père. — Je ne puis examiner ici en détail les renseignements que
fournirait, pour contrôler l'assertion de Gaius, l'étude du droit des divers
peuples. Je ferai remarquer seulement que les textes cités par J. Grimm,
Deittsclie Rechtsatterthûmer, p. 455 ss., ne prouvent pas comme on l'a dit
(Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, I, p. 45) que les Germains, à la
manière romaine, aient admis la toute-puissance paternelle. Les traditions
que rapporte Grimm montrent Viisage de ne pas élever ou d'exposer l'enfant
noHveaii-nè , non le droit pour le père de tuer son fils à tout âge, même
adulte. L'histoire des Frisons qui, ne pouvant s'acquitter envers les Romains
du tribut qu'ils leur devaient, livrent en guise de paiement leurs femmes
et leurs enfants (Tac, ^-/;;».,IV, 72), nousmontre en exercice la puissance
publique du peuple entier, non la puissance privée des pères de famille.
3. Compeudium der vergleiclieiideii Grammatil; dcr iudogcniiaiiisclicn Spra-
chen, 3^ éd., Weimar, 1871, p. 7 et 9, txBeitràge^ur vergleiclkiidcii Sprachfor.
schung, I, p. 437-448 (Berlin, 1858).
1 16 Julien Havet.
et celtique est unie avec l'autre par un lien de parenté plus
étroit qu'avec aucune autre famille de la race dite indo-euro-
péenne ou ario-européenne ; les langues italiques et celtiques
sortent immédiatement d'une même langue, la langue italo-
celtiqne, qui a eu quelque temps une existence propre après
s'être séparée des autres langues congénères (grecque, germa
nique, etc.) ; et il y a eu de même un peuple italocelte, qui,
ne faisant qu'un d'abord avec les autres peuples de l'Europe,
s'en est ensuite séparé et a vécu quelque temps d'une vie indé-
pendante, puis s'est divisé à son tour en peuple italien et
peuple celte \ — La comparaison faite entre le droit romain
et le droit celte, à propos d'un des rares points que les textes
éclairent de quelque lumière, semble révéler entre les insti-
tutions des deux peuples une analogie étroite, et fournit une
vraisemblance à l'appui de la théorie établie par Schleicher sur
des considérations linguistiques.
Ce n'est pas tout : de même que les linguistes, une fois
cette théorie admise, peuvent reconstituer au moven des
langues italiques et celtiques la langue que parlaient les Italo-
celtes après s'être séparés des autres Ario-européens et avant
de se diviser eux-mêmes en Italiens et Celtes, on peut ici
faire pour le droit un semblable essai de restitution antéhisto-
rique. Il est permis de supposer qu'un trait de droit singuliè-
rement remarquable, qui est commun aux peuples italiques
et celtiques, doit remonter à l'époque qui a précédé leur sépa-
ration, d'y voir un trait du ihoit ilalo-celte. Tel est le cas de
la puissance paternelle : on peut donc dire, non avec certitude,
mais avec apparence de vérité : Le père avait sur ses enfants,
chez les Italoceltes, une puissance qui ne lui était pas recon-
nue chez les peuples congénères, et c'est là l'origine de la
puissance paternelle, telle qu'on la trouve constituée plus
tard, chez les Romains d'une part, chez les Gaulois et chez les
Galates de l'autre.
Julien Havet.
I. Schleicher, Beitrâge, I, p. 440: « Fur die Urgeschichte wurde sich
also ergeben, dass Griechen, Italer und Cehen einem und demselben
Urvolke entstammen... Aus diesem Urvolkeschied zuerst das Griechische
aus und das Italoceltische lebte eine Zeit lang noch als cin Volkfort, bis sich
auch diess iheilte in Italer und Celten ». — On pourrait aujourd'hui citer
des auteurs plus récents, par exemple, Kretschmer, Einleitnug in die Ges-
chichte der griechischen Sprache, p. 103 ; Brugmann, Gniiidriss der verglei-
chenden Gramniatik der indo-germanischen Sprachen, t. I, 2^ édition, p. 25,
514; t. II, p. 585, 1590-1394; Hirt, Die Indogennanen, I, 94,96, 158,
163.
NOTES
POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA PRONONCIATION
DE L'IRLANDAIS
Tout le monde connaît l'histoire du génitif singulier écrit
maqiii dans les inscriptions ogamiques, devenu successivement
maicc au ix^ siècle', puis meicc, meic au xi^^, enfin viic dès le
xv^oule xvi^ siècle 5. Voici d'autres faits :
Le mot écrit fâebor dans le Lebor na hUidre, p. 8i, col. i,
1. 35 "^5 et qui signifie « tranchant d'une arme », s'écrit au-
jourd'hui faohbarK On peut voir chez O'Donovan, A Gram-
mar of the irish Language, p. lo, qu'en Connaught ao se pro-
nonce comme ea en anglais, dans steal « vol » = stîle, ou
comme née en anglais dans queen « reine » = couine. Il semble
que cette prononciation était déjà au xii^ siècle celle de la
diphtongue ae, aujourd'hui écrite ao. En effet, on trouve dans
le livre de Leinster, p. 57, col. 2, 1. 39, gér-ibrach^ = ê^f-
faebrach, qui s'écrirait aujourd'hui géar-fhaohhrach. Dans gér-
ibrach Vf est tombé suivant une règle bien connue et le son
représenté au xii^ siècle par ae, aujourd'hui par ao est noté
i qui est la pronononciation actuelle.
Le mot vieil irlandais fer'^ « homme » = * taras, s'écrit
aujourd'hui fear, et se prononce far comme nous l'apprend
1. Whitley Stokes et Strachan, Thésaurus paJaeohihernicus, 1. 1, p. 585,
I, 24, d'après le ms. de Wûrzburg, fo 13 b, note 30 ; cf. Gramniatica celtica,
2e édition p. 223.
2. Hymne de Fiacc, vers 66, 68, Whitley Stokes, Goidelica, 2^ édition,
p. 128 ; Windisch, Irische Texte, t. I, p. 16. — Hymne de Colman, vers 5 ;
Goidelica, p. 12 ; Irische Texte, t. I, p. 6.
3. Ms. Egerton 1782 du Musée Britannique; Irische Texte, t. I, p. 117,
début du Tochiiiarc Etaine.
4. Cf. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 535, coL 2, 1. i.
5. Din een. An irish-englisch Dictionary, p. 297, col. 2.
6. Windisch, Tdin hô Cûalnge, p. 61, 1. 498.
7. Zeuss, Gramniatica celtica, 2^ éd., p 222.
Ii8 Proiioiicialioii irlainlnisc.
O'Donovan dans sa grammaire, p. i8, où il dit qu'en irlan-
dais ea se prononce comme le môme groupe de lettres dans
l'anglais heart. Cette prononciation, comme on l'a dit page 35
existait déjà en Irlande au xW siècle, quand fut écrit le Livre
jaune de Lecan, où dans la colonne cotée 689, p. 75^ col. 2,
1. 46 et 47 de la photogravure, on lit : 1° in breac-macraid
thiri Aniicuin; 2° fri rig Armenia pour 1° in breac-macraid
thiri fbear Menia, 2° fri righ fhear Menia. Nous savons, par
M. Whitley Stokes, que pour fri rig Armeniah ms. Egerton
1782 du Musée Britannique nous a conservé une leçon plus
ancienne et meilleure : fri ri fer Menia \
Aujourd'hui les Irlandais ont autant de difficulté que les
Français à prononcer le //;. Ils l'avaient évidemment supprimé
dès le ix"^^ siècle. Telle est la conclusion qu'on doit tirer de làe
« jour », dans le ms. de Milan 26 a 5, à côté de laithe dans le
même ms. 21 c 2 ^, et de laa ou làa pour làthe dans le ms de
Wùrzburgî.
Mais au xii'^' siècle ils prononçaient comme le th anglais
le d intervocalique qu'ils ne prononcent plus aujourd'hui
dans Mide dont la notation anglaise est Meath.
Dans le ms. de Carabray, copie faite vers la fin du viii^ siècle
d'un ms. de la fin du vii'^ ou du commencement du viii% Ye
long accentué celtique devenu ia au ix^ siècle, est conservé
comme Vo atone devenu au ix'= siècle a : fèdot plus tard fiadat
« du seigneur » =* iteidonlos génitif singulier du participe pré-
sent de la racine ueid « savoir » ; lêgot, plus tard îiagat « ils
vont » 5 =* steighont troisième personne du pluriel du présent
de l'indicatif conjoint de la racine steigh ; est à comparer le
grec e-ffTsr/ov[-:] OÙ le préfixe z a exigé la forme conjointe
comme le préfixe /// dans l'irlandais tn-thêgot -^.
{A suivre.^
1. Revue celtique , t. XX, p. 430, note 2.
2. Thésaurus palaeo-hihernicus, t. I, p. 32, 50.
3. Zeuss Gra)u»iatica celtica, 2^ édition, p. 17.
4. Whitley Stokès et John Strachan, Thésaurus paleo-hihernicus, t. II,
p. XXVI, 244' 1. 32, 247 1. 17.
GUTUATER
Je reviens, pour la confirmer, sur une hypothèse que j'ai
déjà éiriise, à propos de ce terme, dans un compte rendu des
Annales de Bretagne, tome XX, p. 5;)0.
Il a été depuis longtemps reconnu, sauf toutefois par les
éditeurs français de César, que Hirtius ÇDe helJo gall., VIII,
38), en donnant Gulnalrus (les variantes sont nombreuses ; la
plus connue est Giitntatns) comme un nom d'homme, s'était
trompé, et qu'il s'agissait d'un titre sacerdotal ' . Il est fort pos-
sible qu'au livre VII, ch. 3, du De bell. gall., le terme Gutitatro
ait été accolé au nom du premier des deux chefs qui furent
les auteurs du massacre des Romains à Cenabum (Gutiiatro
et Conconnetodunno ducibus) et aussi que ce chef s'appelât en
réalité Cotuato, variante connue.
En tout cas les inscriptions établissent de la façon la plus
indiscutable qu'il y avait bien chez les Gaulois un sacerdoce
dont le titulaire était désigné par le terme de gutuafer. L'article
le plus complet sur ce terme et ce sacerdoce se trouve dans la
Revue épigraphiqtie, 1900, p. 132-133.
Le titre de Gutuater se trouve chez les Eduens accolé au nom
de Mars dans une inscription du musée de Mâcon (Corp.
Inscr. ht., XIII, n° 2583).
Sur un bloc de marbre trouvé à Autun, on lit : Aug(usto)
sacr(um) deo Anvallo C(aius) Secund(ius) Vitalis Appa,
uluater d(e) s(uo) p(osuit) ex voto.
A Autun, également, sur un autel avec base et couronne-
I. Cf. d'Arhois de Jubainville Les Celtes depuis les temps les plus anciens,
p. 35. — Sur cette question, cf. Holder, Sprachschat:^, 8me livrais., p. 2045-
2046; Desjardins, Géograph., I, p. 41s, note 2.
120 /. Lot h.
ment : Aug(usto) s(acruni), deo Anvallo, Norbaneius Thallus,
gulualer, v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito).
Chez les Vellavi, le titre de gulualer est porté, au i*"" siècle,
par un fonctionnaire, ancien préfet de sa colonie, dirigeant, à
ce qu'il semble, l'exploitation de mines de fer {Corpus Inscr.
lût., XIII, n° 1577; cf. Revue épigr., 2, p. 456).
Comme le dit judicieusement l'auteur de l'article de la
Revue épigrapbigue, ce terme de gutualer désignait une prê-
trise qui fut peut-être, à l'origine, la plus élevée de la cité. Le
gulualer témoigne aussi de la persistance, au temps romain,
des institutions de la Gaule indépendante. Il est possible,
suivant l'opinion exprimée dans cet article, que ce sacerdoce
n'ait été permis que dans les cités libres ou fédérées. En tout
cas la dédicace à l'empereur-dieu, avant celle du dieu gaulois,
sur les deux autels d'Autun, montre bien que les dieux natio-
naux, d'abord tolérés, commencèrent de bonne heure à
s'effacer.
Parmi les interprétations données à ce terme, je ne men-
tionne qu'à titre de curiosité celle de Allmer : c'est tout sim-
plement l'allemand gui valer, saint père oubou père {Revue épigr.,
t. I, p. 457 ; ibid., III, p. 231 ; cf. Revue celt., XIV, p. 156).
L'autre donnée par Zeuss, identifie le premier terme avec
l'irlandais gulh, voix =^ * gu-tu- : cf. .SoF-/;, yôo;, sanscrit
gàvate. Holdei qui la reproduit rapproche gutu-atros, pour la
terminaison, du gallois o-^wZ-^/r, et traduit le tout par sprecher,
redner.
Pour moi, ce terme comporte une tout autre explication et
nous reporte aux plus lointains rapports des Germains et des
Celtes et probablement témoigne d'une conception extrême-
ment ancienne de la divinité chez ces peuples. Gutualer remon-
terait à une forme qui serait, antérieurement à la chute du p,
mdo-cur. gutu-palèr gaul. gulu-palir, o\x gulo-palir qui peut-être
serait devenu g ulo-atir gutu-atir puis gutualer pour des Romains.
Gulu- ou guto- me paraît identique à gott, Dieu, gotique
gulh. Chez les Gots et les Scandinaves, le prêtre s'appela
giidja et godi, termes dérivés de gulh, Dieu. L'étymologie
adoptée aujourd'hui est due, je crois, à Osthoff (B. B.,
XXIV, 177). Comme la forme gotique et la forme du
Gutiuiter. I2i
vieux norrois est neutre, il fait remonter guth à un indo-euro-
péen * ghii-tô-iii (sicr. hàvate, il appelle, hu-lâ, appelé) et lui
donne le sens de : dnrch Zaïihcnuort henifeues lueseii; Kluge,
Etym. Wôrt, traduit également par : das angentfene Weseii, et
cite le skr. /;//, Gôtter anrufen, ainsi que l'èpithète d'Indra :
puni-huta, le souvent appelé.
Schrader {Lexicon) rappelle très heureusement à ce sujet la
phrase de Tacite, Gerjnania, cap. 9 : secretiiiii illiid qitod sola
reverenlia videfit. C'est l'être mystérieux qu'on invoque et
qu'on appelle et qui est d'autant plus respecté et redoutable
qu'il s'entoure d'une obscurité plus profonde. Gutu-patir me
paraît signifier le père de l'invocation, l'interprète de la divinité
redoutable et mystérieuse Çsecretuni illud^. Si on adopte pour
forme primitive giito-patir le sens sera père de l'appel, de
l'incantation, sens qu'admettent indifféremment, avec l'autre
indiqué plus haut, Osthoff et Schrader {Zauberwort). C'est là
une conception antérieure, semble-t-il, à l'établissement du
druidisme. Plus tard, chaque dieu eut son interprète, son
gutu-patir. Gutuatir ne pouvait devenir dans des bouches
romaines que gutualer. Il est remarquable qu'au nominatif
on ne trouve jamais que gutnater.
On peut encore supposer que le sens primitif se sera obli-
téré, et qu'on soit arrivé, par la multiplication de ces sacer-
doces, à une forme gutu-atroi et à même un singulier o'/z/w^^ro-j.
Il est également possible que le terme n'ait été créé chez les
Celtes qu'à l'époque où un sacerdoce véritable a commencé
chez eux.
J. LOTH.
NOTE COMPLÉMENTAIRE
A L'ARTICLE SUR PEREDUR ET LEZ-BREIZ
{Revue celtique, 1906, p. 343).
M. Alfred Nutt a relevé des traits de ressemblance entre
VAmadan vior et Lez-Breiz. D'où viennent-ils ? La réponse est
faite par M. de la Villemarqué lui-même dans Les romans de la
Table ronde et les contes des anciens bretons, 1861, p. 206-306.
M. de la Villemarqué, après avoir rapproché Lez-Breiz du
héros d'un conte de Souvestre, Péronik Tinnocent, remarque
que l'esprit des deux légendes niel en relief tin des penchants les
plus remarquables du génie celtique : la glorification d'une
certaine simplesse. Ce caractère singulier na pas échappé à Walter
Scott. Plus loin, il nous dit : « Guillaume Le Clerc, trouvère
normand du xiii^ siècle, dans un roman appartenant au cycle
d'Arthur, et certainement d'origine celtique, a aussi pris un
innocent du nom breton de Fregus ', un petit pâtre des bords
de la Clyde, pour en faire un modèle de toutes les vertus
chevaleresques, un second Peredur, moins le bassin et la lance
magique comme M. Heinrich l'a remarqué le premier. » Les
relations entre Y Amadan et Lez-Breiz me paraissent dues à ce
brave Guillaume Le Clerc. N'ayant ni son Fergus ni VAmadan,
je ne puis aller plus loin.
J. LOTH.
I. Du nom gaélique de Fergus ; la forme galloise est Gtvrust.
SUR UN PASSAGE DU COMIQUE PHILÉMON
LE TARVOS TRIGARANOS EN GRÈCE.
Au cours du Banquet des Sophistes, raconté par Athénée,
Ulpien, l'un des interlocuteurs, présente une remarque sur le
genre du mot T'>;p'.ç « tigre » et cite à ce propos quatre vers
de Philémon, empruntés à une comédie aujourd'hui perdue,
intitulée Nesi^pa :
waTTEp IlIïXe'jxo; os-jo' £7r£[j.'J;£ Tr,v xt'yp'.v,
TjV ÏOO[JL£V Yj[/.£tÇ, TW i]£>,£ÛXtO TTxXtV £0£'.
Tjixa? Ti Tiap' r|ao)v avT'.7:£a']/at 6y|PioV
TOuyÉov.vov O'j yàp yiyvETat tout «'jtÔO'..
{Athéncc, XIII, 57, p. 590 A)
« de même que Séleucus nous a envoyé ici ce tigre que nous
avons vu, nous devrions renvoyer à Séleucus quelque animal
en échange. Un Tp'jvépavoç ; ils n'en ont par, là-bas. »
Tel est le sens de ce fragment, qui figure dans le recueil de
Kock, 'Comicoruni Atticorum Fragmenta, au tome II, p. 490.
Mais nul philologue n'a pu donner un sens à l'énigmatique
TpuvÉpavov, qui dans l'antiquité même devait embarrasser les
commentateurs.
La compilation d'Hésychius contient la glose : -puy^pavoç'
çâffiJ-xTi scixwç (édit. Moritz Schmidt, lena, 1862, tome IV,
p. 181, 40), qui semble se rapporter au passage de Philémon
et prouve qu'on ne le comprenait pas '. Plusieurs philologues
I. Étant donné l'état de corruption dans lequel se présente le glossaire
dit d'Hésychius, plusieurs fois remanié et abrégé, il se pourrait que la glose
çâ'jaaTi lo'.wo; soit une simple bévue pour une glose plus développée con-
tenant la mention du «^i^aa, autre pièce de Philémon (Athénée, XI,
481 D) et modèle de la MosieUaria de Plante (cf. Léo, Hennés, XVIII, 560),
qui fut représentée après 289 et sans doute en 288 ou en 280 (F. Hùflfner,
De Plauti cowoediarum exempUs Atticis, dissert, de Gôttingen, 1894, p. 68).
1 24 /. Vcndryes.
modernes se sont ingéniés à tirer un sens de la glose d'Hésy-
chius au moyen de corrections variées (sad/.aot ou çpâaaY;),
qui ne donnent en fin de compte rien de satisfaisant. Ce
Tp'JYÉpavoç, que plusieurs manuscrits d'Athénée écrivent d'ail-
leurs TpiYî'pavoç, doit être tout simplement le gaulois Trigara-
niis « à trois grues » épithète bien connue du dieu Tarvos,
tel qu'il figure sur l'autel de Notre-Dame de Paris et sur le
bas-relief de Trêves (cf. S. Reinach, Rev. Celt., XVIII, p. 253,
Guide illustré du musée de Saint-Geniiain, fig. 45-48 ; d'Arbois
de Jubainville, Rev. Celt., XIX, 247). Le premier a du mot
gaulois s'est changé en s sous l'influence toute naturelle du
mot yipx'Kq.
Si paradoxale que puisse paraître au premier abord cette
explication, voici quelques arguments qui permettent de
l'appuyer.
Le passage de Philémon réunirait à la fois, si l'hypothèse
présentée ici est exacte, le nom du roi Séleucus, la mention
d'un cadeau fait par lui aux Athéniens et une allusion fort
nette au Tarvos Trigaranos gaulois. Il est poss'ble de concilier
tous ces fliits.
Le poète Philémon, dont le nom, avec celui de Ménandre
(344-292), domine toute l'histoire de la comédie nouvelle,
mourut en 262, âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans (Diodore,
XXIII, 6) et eut une carrière dramatique des plus brillantes,
puisque sa première victoire date de 327 et qu'il poursuivit
ses succès jusqu'aux dernières années de sa vie ; de ses
97 pièces, la plupart furent représentées à Athènes, où il
avait acquis droit de cité et où il mourut (cf. Dietze, De Phi-
Jemone Comico, dissertation de Gôttingen, 1901). Ce fut donc
tout à fait un contemporain du roi Séleucus, dont il dut par-
fois faire mention dans ses comédies, puiqu'on trouve le nom
de Séleucus dans des comédies de Plante, imitées de Philémon
(notamment dans le Miles Gloriosns, v. 75, 948, 951, imité
en partie de T'AXa^wv).
Le roi Séleucus Nicator fut l'un des successeurs d'Alexandre
qui essayèrent de reconstituer pour leur compte l'empire de
ce dernier, et, comme on sait, il faillit y réussir. Après avoir
conquis différentes parties de l'Asie, il poussa jusqu'aux bords
Le Tarvos Trigaranos en Grèce. 125
de rindus, où il rencontra le fameux prince Chandragupta
(^avopxy.oTToç) ; c'est delà qu'il rapporta sans doute, avec cinq
cents éléphants de combat que lui offrit le monarque hindou,
d'autres animaux exotiques tels que des tigres. Il fit cadeau
d'un de ces animaux à la ville d'Athènes, où ce fut la première
fois qu'on en vit un (cf. Schrader, Realkxilwn, p. 867) et
l'événement fut assez sensationnel pour que Philémon le
rappelât dans une de ses comédies.
Mais il est un autre événement beaucoup plus sensationnel
qui dut émouvoir fortement le monde grec dans le premier
quart du iii^ siècle, à savoir l'invasion de tribus gauloises, qui,
après avoir ravagé la Macédoine et une partie de la Thrace, se
répandirent sous la conduite de Brennus dans le nord de la
Grèce, où ne les arrêta d'une façon imprévue et quasi miracu-
leuse que leur échec devant Delphes (279). Si nous possé-
dions autrement que par de rares fragments les monuments
littéraires de cette période, nul doute que nous n'y trouvions
des allusions nombreuses à cette invasion redoutable ^ Du
moins, les historiens des siècles suivants, Polybe, Diodore
(XXII, 4 et ss.), Strabon (V, i et ss.), Pausanias (X, 19 et
ss.), nous donnent quelque idée de ce que dut être en Grèce
à cette époque l'eftroi des Gaulois (0 à-b FaAaTwv çiiSoç,
Polybe, II, 35, 9). Les Athéniens envoyèrent une armée sous
la conduite d'un nommé Callippos pour détendre le passage
des Thermopyles (Pausanias I, 3, 5) et le même Pausanias
nous a conservé le nom de l'Athénien Kûoiîç qui mourut en
combattant contre les Gaulois (X, 21, 5). Un décret de l'année
278, relevé récemment par M. Herzog, sur une stèle prove-
nant des ruines de l'Asklepieion de Cos, exprime la joie que
causa dans l'île la nouvelle de la défaite des Gaulois et ins-
titue une fête en l'honneur d'Apollon, de Zeus Soter et de la
déesse Nikê pour célébrer cet heureux événement (cf. Comptes
rendus de F Académie des inscriplioiis et belles-lettres, 1904,
p. 158-173).
Quelques années même avant d'envahir la Grèce, les Bar-
I . Sur cette invasion, qui comprend en réalité trois expéditions succes-
sives, V. F. P. Garofalo, Observations sur les Galates ou Celtes d'Orient
dans la Rev. des Etudes Grecques, tome XIII (1900), p. 450 et suiv.
126 J. Veiidryes.
bares durent faire parler d'eux à Athènes. Dès l'époque
d'Alexandre en effet, ils se trouvèrent en contact avec la civi-
lisation grecque, puisqu'ils envoyèrent une ambassade auprès
de ce dernier quand il se trouvait sur les bords du Danube
(Strabon, VII, 301 ; Arrien, Anah., I, 4, 6). Or, leur expédi-
tion ne répondait pas seulement à une envie de razzia et de
pillage; ce qu'ils recherchaient, c'était un établissement défi-
nitif. Ils avaient amené avec eux leurs femmes et leurs enfants,
et sans doute, ayant quitté leur pa3^s sans espoir de retour,
avaient ils emporté tout ce qui constituait leur bien. Quand
les habitants de Patras rentrèrent chez eux après avoir passé le
détroit pour défendre les Etoliens contre l'invasion gauloise,
ils élevèrent dans leur Odéon une belle statue cà Apollon avec
le butin fait sur l'ennemi (Pausanias, VII, 20, 6). Parmi les
objets précieux qu'emportaient ainsi les Gaulois avec eux, il y
avait peut-être quelque représentation figurée du Tarvos Triga-
ranos ' et Ton comprend sans peine qu'un animal aussi bizarre
ait excité la curiosité du public et la verve des gens d'esprit.
Chacun s'intéressait aux coutumes des envahisseurs ; Pausanias
décrit avec précision le rôle sur le champ de bataille de la
Tp'.;;.ap/.icT{a, groupe de trois cavaliers qui combattaient toujours
ensemble ; et il ajoute qu'en gaulois le cheval porte le nom
de marca ('.'--ov xo h)z\j.y. l'axw -iq p.apy.av ivTa ÛTcb twv Ksatwv,
X, 19, II).
Le péril gaulois ne prit fin que lorsqu'Attale en 278 laissa
les Trocmi, Tolistoboii et Tectosages s'établir dans la région
d'Asie Mineure qui prit le nom de Galatie. A cette époque,
Séleucus était mort ; toutefois pendant un moment, dans les
derniers mois de sa vie, il dut se trouver en face des Gaulois.
Jusqu'en 281, ceux-ci avaient été contenus par les armées de
Lysimaque ; mais lorsque dans l'été de cette année, Lysimaque
eût été battu et tué dans les plaines de Kuropedion au nord
de Magnésie, par les troupes de Séleucus, les Gaulois, plus
audacieux que jauiais, tentèrent un nouvel eftbrt vers le sud :
une partie d'entre eux, sous la conduite de Belgios, envahirent
I. Noter que le Taurc:iiu figure dans le nom des deux princes gnlates
Deiotaros et Brogitaros (= * Dênio-laruos, * Brogi-taïuos, d'Arboisde Jubain-
ville, Rcv. celt., XX, 575).
Le Tarvos Trigaranos en Grèce. 127
la Macédoine, qu'occupait Ptolémée Céraunos ; d'autres firent
irruption en Th race- (cf. Pausanias, X, 19, 4; Justin, XXIV,
5 et 6). A ce moment, Séleucus, fortifié par la mort de Lysi-
magne dans ses espérances impérialistes, se tournait vers le
nord ; il traversa l'Hellespont et entra en Macédoine (Memnon,
XII, i). Peu après, au début de 280, il était assassiné par
Ptolémée, qui eut ensuite à soutenir, à son grand dam, le
choc des Gaulois. Ceux-ci ne furent sans doute jamais com-
battus directement par Séleucus; mais au moins pendant les
six derniers mois de 281 ils durent tenir une certaine place
dans les préoccupations de ce prince.
Ainsi il y eut un moment où il put paraître spirituel aux
Athéniens d'oftVir à Séleucus un Tarvos Trigaranos en
échange du tigre qu'il leur avait jadis envoyé. Et la plaisan-
terie de Philémon, expliquée par tout ce qui précède, ne
manque pas de saveur piquante. On peut la rendre plus
exacte en lisant, sans ponctuation à la fin de l'avant-dernier
vers :
« nous devrions renvoyer à Séleucus en échange un animal
à trois grues... »
Cette explication fournirait aux historiens de la Comédie
nouvelle une date sûre pour la comédie de Nsat'pa (derniers
mois de 281) en même temps qu'aux celtisants un curieux
rapprochement historique.
J. Vendryes.
LES PIERRES BAPTISEES
Un article inséré dans la Revue celtique, t. XXVII, p. 313-
319, traite du culte des menhir en Gaule, en Grande-Bretagne
et en Irlande. Un savant qui veut rester anonyme m'envoie
sous le titre de Pierres baptisées un recueil de notes sur ce
qui, dans la Bretagne continentale, persiste encore des usages
anciens concernant les pierres levées aujourd'hui christianisées.
On a vu, t. XXVn, p. 314, qu'en Grande-Bretagne des danses
étaient une forme du culte païen rendu aux menhir. Encore
aujourd'hui, comme on lira plus bas, les jeunes Bigoudennes
dansent des rondes autour d'un menhir. On prétend que
c'est pour trouver un mari. A Saint-Nicolas-du-Port, Meurthe-
et-Moselle, il y a une grande église, lieu célèbre de pèlerinage.
On raconte que, parmi les dalles qui forment le pavé, il y en
a une qui est merveilleuse : une jeune fille qui met un pied
sur cette dalle est sûre de se marier dans l'année. Personne ne
sait quelle est cette dalle. Il y a eu, dit-on, des jeunes filles
qui, étant en quête d'un introuvable mari, ont eu la patience
de mettre successivement le pied sur toutes les dalles de l'im-
mense pavé : quoi qu'il en soit, voici l'article que j'ai reçu :
Des « pierres baptisées » que j'ai vues et qui n'ont pas été
défigurées, la plus remarquable est « la pierre du Champ-
Dolent », à une demi-lieue au sud de Dol (lUe-et-Vilaine), à
côté de Féglise de Carfantain. C'est un menhir intact, d'une
dizaine de mètres de haut surmonté d'une croix.
Une pierre semblable, mais que je n'ai pas vue, doit se
trouver dans les environs de Dinan (Côtes-du-Nord).
Un menhir également intact et d'au moins cinq mètres de
haut a été respectueusement conservé et accolé à l'une des
façades de la cathédrale du Mans.
A Plonéour, sept kilomètres de Pont-l'Abbé, sur la route
de Pont-l'Abbé à Pont-Croix (Finistère), un menhir qui se
dresse encore sur la place, prés de F église, était autrefois, au
Les pierres baptisées. 129
dire des gens, surmonté d'une croix. Ce menhir, de quatre
à cinq mètres de haut, tout semblable à celui du château de
Kernuz, a été, comme ce dernier, retaillé au ciseau. Il est
maintenant cannelé régulièrement et coiffé d'un renflement
en guise de chapiteau. Il se pourrait bien que ce ravalement
ait eu pour objet d'effacer un premier travail d'adaptation,
quelque représentation de divinités gallo-romaines, comme
celles de la pierre de Kernuz. Encore aujourd'hui^ à la fête du
pardon, les jeunes bigoudennes dansent des rondes autour de
ce menhir. La coutume, sans doute ancienne, n'a pourtant
plus rien de superstitieux, et ce n'est que par plaisanterie
qu'on dit des danseuses, qu'elles y vont pour se marier dans
l'année.
Il semble même qu'il y ait eu à cet égard un usage tradi-
tionnel presque général : à noter la fréquence, dans le voisi-
nage immédiat des lieux de culte, d'une pierre levée, d'un
lec'h^ comme on dit là-bas. Dans le Finistère, du moins dans
la partie extrême, que je connais le mieux, il est peu de vieilles
églises, quand le terrain environnant n'a pas été trop remanié,
pour l'établissement du cimetière par exemple, peu de cha-
pelles isolées surtout où ces remaniements ont été plus rares,
qui n'aient ainsi leur lech. Ces pierres sont parfois de vrais
menhirs, comme celui qui est maintenant maçonné dans le mur
d'appui du cimetière de Cléden (c" de Pont-Croix, au-dessus
de la baie des Trépassés') ; mais la plupart, qu'elles soient tail-
lées ou brutes, paraissent bien avoir été dressées au moment
même où s'édifiait le sanctuaire, en vertu d'un adage encore
vivant dans le pays : pas d'autel sans lech. Quelques-unes
seulement de ces pierres, qui ont rarement plus d'un mètre ou
deux de haut, présentent des mortaises, traces d'une ancienne
croix.
Pour copie conforme,
H. d'Arbois de Jubainville.
I. Le nom de Baie des Trépassés peut être rapproché d'un passage de
Procope, Dehello gothico, livre IV, chap. 20; il y est rapporté que, suivant
la croyance gauloise, il y avait sur la côte de la Gaule, en face de la Briltia,
un endroit où les morts s'embarquaient pour aller gagner leur patrie nou-
velle ; l'auteur grec confond cette patrie mystérieuse avec la Grande-Bre-
tagne et l'appelle Brittia.
Revue Celtique, XXFIII. 9
ORIGINE DE L'ALLEMAND BEUTE « BUTIN ».
Le 4 février j'expliquais à mon cours la partie du Tâin bô
Ci'ial lige, édition de M. Windisch, p. 83, 85, où il est raconté
comment le héros Cûchulainn tua les quatre éclaireurs qui
précédaient l'armée ennemie, enleva leurs tètes et laissa les
cadavres sur les deux chars sans leur ôter les vêtements ni les
armes, sans prendre les chevaux; s'emparer de ces vêtements,
de ces armes, de ces chevaux n'aurait pas été beau, lui sem-
blait-il. Un de mes auditeurs, M. Huber, élève de l'Université
d'Insbruck, me parla d'un texte grec présent à sa mémoire et
que moi j'avais oublié après l'avoir lu bien des fois, trop rapi-
dement peut-être. Dans ce texte une façon de penser toute
semblable à celle du héros irlandais était attribuée aux Gaulois.
De la bibliothèque de la Sorbonne M. Huber m'envoya copie
de ce texte (Diodore de Sicile, livre V, chapitre xxix, § 4).
Diodore y parle des Gaulois qu'il appelle tantôt KtK-oi, tantôt
FaXaTai, il dit ceci : « Prenant les têtes des ennemis tués, ils
les attachent au cou de leurs chevaux, ils abandonnent à leurs
serviteurs les dépouilles sanglantes de ces morts et emportent
comme butin les têtes en chantant leur triomphe et l'hymne
de la victoire '. »
Parmi les serviteurs auxquels les Gaulois vainqueurs aban-
donnaient les dépouilles des morts, il devait se trouver beau-
coup de Germains, leurs sujets jusque vers la fin du iii^ siècle
avant notre ère, date où, révoltés, ces Germains chassèrent les
Gaulois de la partie de l'Allemagne septentrionale qui est située
entre le bassin de l'Elbe et le Rhin. Malgré le légitime orgueil
I. Twv Ô£ -coo'vtojv 7toÀ£(jLio)V "à; XcÇaXà; àçaipouvtsç -cot-ônz-ojni Tof?
cfjyéoi Twv ?-nwv -à 5È axuXa toï; Oepârouci -apaSovie;,
rjj^Layaéva Xaç'jpaycijYOjaiv, â-i~aiav;^ov-£; y.al à'ûovTs; ûavov èzivîz'.ov.
Origine de rallei)taiid beute « butin ». 131
que leur inspira ce triomphe, les Germains conservèrent dans
leur langue quelques mots qui gardent la trace de leur antique
subordination aux Gaulois depuis vaincus par eux'. Un de ces
mots est l'allemand beiite plus anciennement biute = *hheudî
« butin », forme féminine du neutre celtique *bheiidi, * bhoudi,
hôdi, en vieil irlandais bnaid, victoire - ; butin, c'est le profit
matériel de la victoire, ce profit déduit il ne reste que la gloire,
de la fumée. De ces deux résultats de la victoire les Gaulois
prenaient le second, la gloire, la fumée; ils donnaient aux
Germains le profit matériel et réel, le butin. Quand les naïfs
Gaulois furent chassés à l'ouest du Rhin, sur la rive gauche de
ce fleuve, par les Germains révoltés, leurs libéralités les avaient
préalablement ruinés ; les Germains enrichis par les victoires
des Celtes ont dû sans doute leur triomphe ultérieur à leur
richesse supérieure autant qu'à leur bravoure. Les Francs,
poursuivant les conquêtes germaniques à l'ouest, ont trans-
porté au delà du Rhin le mot germanique d'origine celtique
dont nous parlons : ce mot, développé chez eux au moyen d'un
n final, avait conservé 1'^' primitif de la première syllabe, il
était devenu beiitî au nominatif singulier, heiitîn > à l'accusatif
du même nombre, c'est le français butin.
H. d'Arbois de Jubainville.
1. Voyez par exemple Kluge, Etymologisches Woerterhuch der dciilschen
Sprache, 6^ édition, p. 14, 514, aux mots Amt, Reich; Kluge et Lutz, Eiiglisb
Elynwhgy, p. 132, au mot mare.
2. Whitley Stokes, Urkeltischer Spracshchali, p. 175; Alfred Holder, ^■i//-
ccltischer Sprachschaii, t. I, col. 497, 498.
3. Comparez la déclinaison en -eiii =: în du gothique, nominatif singulier
-ei r= -î (Brugmann, Grundriss, t. II, p. 240) dont un exemple francique
est conservé par le nom de femme écrit à l'ablatif Suiinine dans un diplôme
de l'an 700 (Pardessus, Diplomala, t. II, p. 257); le nominatif devait être
Siinni.
UN CYCLOPE EN IRLANDE
Une des plus anciennes mentions de cyclope se trouve dans
la Théogonie d'Hésiode, où le cyclope d'abord unique est
triplé; pour Hésiode, Brontès, Stéropès, Argès, c'est-à-dire
tonnerre, éclair et foudre sont trois cyclopes". Mais primiti-
vement il n'y a qu'un cyclope, Ktikl-ôps, qui est fils d'Oùpaviç
c'est-à-dire du ciel ^ ; son œil, de forme ronde, Vw'jxXoç, est
identique au cercle, -/.jxXo?, du soleil, "HXic;, qui voit tout,
suivant ïlliade et V Odyssée, et aussi suivant Eschyle ', C'est
au ciel que Kuklôps, synonyme d'Hêlios, fabrique pour Zeus
le tonnerre, l'éclair et la foudre, ses doublets chez Hésiode, et
qui, tous trois, comme le vrai KiikJôps leur auteur, n'avaient,
dit-on, qu'un œil au milieu du front •*. Le Kuklôps primitif
est un géant dont l'œil seul, le soleil, est visible pour les
humains. C'est un coureur merveilleux qui, ayant pendant le
jour parcouru le ciel entier de l'est à l'ouest, revient la nuit
sous terre à son point de départ K Le nom de ce personnage
divin est Varunas, Mitras dans la mythologie védique, Ahura-
mazda chez les Iraniens, Wuodan chez les Germains ''.
Homère, conservant aux doublets du Kuklôps primitif leur
1. Théogonie, vers 1 59-141.
2. 'EXÀav;/.o; Ô£ xoj; KJxÀwTïa; àvO[JL0tî^£a0at ànô K'j;:)>w-o:, uioCi Oùpavoy.
Scholie sur le vers 139 de la Thi'ogo)iie ; fragment 176 d'Hellanicos, chez
Charles et Théodore MùUer, Fragmenta historicorum graecorum, t. I, p. 69;
cf. Roscher, AusfnhrUches Lexicon der griechischen iind rômischen Mythologie,
t. II, col. 1676.
3. 'HiÀio; 0? Tîâvx' icpopaç, Iliade, III, 277; cf. XIV, 344, 345 ; Odyssée,
VIII, 271 ; XI, 109 ; XII, 323 ; Tov T.cnwr.x-qy xjxXov 'HXt'ou /.a/M, vers 91
du Prométhéc enchaîné dans l'édition d'Eschyle donnée chez Didot par
Ahrens, p. 3 ; cf. Roscher, AusfnhrUches Lexicon, t. I, col. 1997.
4. Mo'jivoç 5'oiiOaX[jLo; [xitsm ÈvIxeixo [i£xtij-w (Théogonie, vers 143).
5. Odyssée, X, 191, 192.
6. Roscher, Ausjuhrliches Lexicon, t. I, col. 1997.
Un cyclope m Irlande. 135
œil rond et unique, augmente leur nombre, les fait descendre
du ciel sur la terre, et mêlant la tradition mythologique avec le
souvenir de la population qui a précédé les Indo-européens
dans une grande partie de l'Europe, il nous raconte qu'ils
habitent des cavernes, ne cultivent pas la terre ' et n'adorent
pas Zeus, dieu suprême des Indo-européens ^.
Au milieu d'eux, Polyphème est le Cyclope par excellence.
Vingt fois dans VOdyssée, il est désigné par le seul mot
Kukiàps \ Il nous ramène à la mythologie.
C'était, suivant le poète, un monstre horrible ; il ressem-
blait, non à un homme qui mange du pain, mais au sommet
boisé des hautes montagnes ■^. Il était d'une force inouïe; il
ferma l'entrée de sa caverne avec une pierre si grosse et si
lourde que vingt-deux chariots à quatre roues n'auraient pu
l'emporter ^ ; il remuait cette énorme pierre aussi facilement
que si c'eût été le couvercle d'un carquois ^. Pour se venger
d'Ulysse qui s'échappait par mer, il lança au navire du guer-
rier fugitif le sommet d'une montagne 7. Son œil unique
apparaît plusieurs fois dans YOdyssée. Ulysse le creva " et
Polyphème devint aveugle ^.
Le savant Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de
MM. Daremberg et Saglio, reproduit, tome P^ seconde par-
tie, p. 1695, une peinture étrusque où on voit la perche pointue
d'Ulysse entrer dans l'œil rond qu'a Polyphème au milieu du
front.
Cette planche a été reproduite d'après l'ouvrage français
dans une importante publication allemande, V Ausfilhrliches
Lexicon der griechischen und rômischen Mythologie publié par
M. W. H. Roscher, t. II, col 1685, i(
1. Odyssée, IX, 106-114, 122-124, 399-400 ; suivant le poète, vers 109-
III, 357, 358, la terre sans culture leur donne froment, orge et raisin;
c'est de l'imagination.
2. Odyssée, IX, 275.
3. Odyssée, I, 69; II, 19; IX, 296, 316, 319, 345, 347, 362, 364, 415,
428, 474, 475, 492, 502, 548; X, 200 ; XII, 209; XX, 19 ; XXIII, 212.
4. Odyssée, IX, 190-192.
5. Odyssée, IX, 340-344.
6. Odyssée, IX, 313, 314.
7. Odyssée, IX, 481, 482.
8. Odyssée, I, 69 ; IX, 332, 333, 387, 388, 453, 503.
9. Odyssée, IX, 416.
134 H. d'Arbois de Juluiinvillc.
r.e cyclope Je l'épopée homérique reparaît dans la plus
vieille littérature de l'Irlande, à cette différence près que chez
lui l'œil unique n'est pas au milieu du front, et que personne
ne vient crever cet œil du cyclope irlandais.
Ce cyclope est le héros Cûchulainn, fils du dieu suprême
Lug et de la sœur de Conchobar, roi d'Ulster. Quand il ren-
contrait un obstacle par trop supérieur aux forces humaines,
chez lui nécessairement surélevées, puisque dans ses veines
coulait le sang d'un dieu, la colère lui faisait faire des contor-
sions terribles qui le grandissaient, le transformant en un géant
énorme ; son corps s'allongeait tellement qu'entre chacune de
ses côtes et la côte voisine un guerrier eût pu mettre le pied ' .
Ce développement de son être physique était accompagné
d'autres déformations que produisait un ensemble de contor-
sions, en irlandais riastar, il était contorsionné, si l'on me
permet ce néologisme, par lequel on pourrait traduire l'irlan-
dais r/rtj-/rtr^fl!. D'abord ses jambes tremblaient, tous ses membres
tremblaient, tout tremblait chez lui depuis les pieds jusqu'au
sommet de la tête ; puis ses pieds et ses genoux passaient
derrière lui, ses talons, ses mollets et ses jarrets venaient
devant % etc., etc.
Nous abrégeons, cependant il y a encore trois phénomènes
qui méritent d'être signalés : Ses cheveux étaient avalés par sa
tête, si l'on peut ainsi s'exprimer, en sorte que seulement
quelques extrémités de poils noirs restaient apparentes ' ; il
faisait rentrer un de ses yeux dans sa tête si profondément
qu'une grue n'aurait pu atteindre cet œil, il faisait sortir l'autre
qui devenait aussi grand qu'un chaudron où cuirait une
génisse ^. Il aurait donc été bien grand, mais on comparait
1 . Rôsini iar sudi, co taillfed fertraig feroclaig eter cach asna do. FIcd
Bricrend, c. 27 ; Lebor na hUidre, p. 103, col. 2, 1. 6, 7 ; Windisch, Irische
Texte, t. I, p. 266, 1. 2, 3 ; Thurneysen, Sas^eii ans deiii aitcn Irland, p. 38.
2. Tdin hô Ci'iahige, XVII, 3, édition Windisch, p. 368-369, lignes 2589-
2596; cf. Lebor na hUidre, p. 79, col. 2, 1. 22-30; traduction de Winifred
Faraday, p. 89, 90.
3. Fled Bricrend, § 27, dans Lebor na hUidre, p. 103, col. 2, 1. 1-5 ;
Windisch, Irische Texte, t. I, p. 265, 1. 21-23 ; p. 266, 1. i ; cf. Zimmer,
dans Zeitschrift fur celtische Philologie, t. I, p. 76 ; Thurneysen, Sagen ans
deni aîten Irland, p. 58.
4. Serglige Coiiculaind,^ 5, dans Lebor na hUidre, p. 43, col. 2, 1. 17-19 ;
Windiscii, Irische Texte, t. I, p. 207, 1. 1-3. — Aided Giiill niaic Carhada,
Un cyclope eu Irlande. 135
aussi la circonférence de cet œil aux bords d'une coupe
d'h)^dromel \ Il résulte de là que cet œil était rond comme
celui des cyclopes grecs, notamment celui de Polyphème.
Un point sur lequel s'accordent les vieux récits épiques de
l'Irlande relatifs à Cûchulainn, c'est que lorsqu'arrivaient pour
le héros mythique irlandais les moments où se développait sa
force surhumaine, il devenait borgne ; ces moments étaient
fréquents et de là cette conséquence que ses admirateurs le con-
sidéraient comme le guerrier borgne. Tandis que les femmes
amoureuses de Conall Cernach imitaient Conall Cernach en
se courbant comme lui ; tandis que les femmes amoureuses
de Cuscraid le Bègue bégayaient comme Cuscraid, les femmes
qui aimaient Cûchulainn devenaient borgnes à force d'amour
et pour ressembler à ce merveilleux personnage ^. On ignore
si, avant d'avoir été aveuglé par Ulysse^ Polyphème aurait
eu près des femmes le même succès.
Une fois transformé et rendu borgne par ses contorsions,
Cûchulainn avait une force au moins égale à celle de Poly-
phème. Bricriu avait fait construire en bois une salle à man-
ger qui pouvait contenir trois cents invités et qu'un étage
surmontait. Cûchulainn, voulant donner à sa femme l'honneur
d'y entrer la première avait soulevé une paroi de cette vaste
salle, et en retombant, cette paroi, sans se séparer du reste de
l'édifice, était entrée en terre à une profondeur de sept coudées,
plus de trois mètres. Bricriu, du premier étage était tombé
sur le fumier. Mis en demeure de redresser cette grande salle,
Cûchulainn fit d'abord d'inutiles efforts, puis, recourant aux
contorsions, et ayant acquis par elles une merveilleuse force,
il réussit '. Quand sur son char de guerre armé de faux et
sur lequel Lug son père l'accompagnait, Cûchulainn fit trois
fois le tour de l'armée de la reine Medb, tua cent cinquante
§ 10; Livre de Leinster, p. 108, col. i, 1. 41, 42; Whitley Stokes, dans Revue
celtique, t. XIV, p. 404.
i. Tdiii hô Cûalii^e, Lebor na hUidre, p. 59, col. i, 1. 39, édition
d'O 'Keeffe, p. 16, 1. 594, 395; traduction de Winifred Faraday, p. 18, 19.
2. Serglige Conculaind, § 5, Lebor na hUidre, p. 43, col. 2, 1. 12-10;
Windiscli, Irische Texte, t. I, p. 206, 1. 27-31.
3. Fled Bricrend, § 28 ; Lebor na liUidre, p. 103, col. 2, 1. 9, 10 ; Win-
disch, Irische Texte, t. I, p. 266, 1. 5,6; Thurneysen, Sagen ans dem alten
Iriaiid, p. 38.
136 H. iV Arhois de JnhahivUlc.
rois et un nombre énorme de guerriers inférieurs, il avait
commencé par faire d'horribles contorsions et l'œil qu'il
n'avait pas rentré dans sa tète était tombé sur sa joue '. Cet
œil n'était donc pas au milieu du front comme celui de Poly-
phème; mais quoi qu'il en soit, Cûchulainn au moment de
sa merveilleuse victoire était borgne comme l'adversaire
malheureux d'Ulysse, et accomplissait des exploits qui peuvent
sans contradiction possible supporter la comparaison avec les
hauts iaits du cyclope homérique.
H. d'Arbois de Jubain ville.
I. Tdin hfl Cùalnge, Lebor na hUidre, p. 79, col. 2, p. 80, col. 1,2;
traduction de Winifred Faraday, p. 89-93 ; Livre de Leinster, p. 77,
col. 2, p. 78, col. 2 ; édition Windisch, p. 368-587.
HIBERNICA
(suite) '
4° CRIM, CREM, CREAMH, CNEAMH « AIL »
Dans son Urkeliischer Sprachschai:{, p. 98, M. Wh. Stokes
pose comme forme originelle des mots irl. cran, gall. craj
« ail » un préceltique *hremo-, *kraiiio-. De quelque façon
qu'on explique d'ailleurs le mot brittonique (déjà crain en
vieux-breton, cf. ZCP, I, 22), cette restitution est certaine-
ment inexacte puisque le génitif du mot irlandais est creîua
(Jr. Text., III, 82; cf. K. Meyer, Contributions, I, 511) et
qu'on a le nominatif sous la forme critn (Jr. Text., II, 2,
p. 128, V. 163 ; cf. K. Meyer, ibid.).
La comparaison des autres langues indo-européennes montre
qu'il s'agit en réalité d'un primitif * kremiis-, c'est-à-dire d'un
thème en -us-, espèce fort rare, dont ce serait en préceltique
le seul exemple. Le mot grec correspondant est en effet
y.p£lj.ucv, conservé par Hesychius, qui est devenu y.pi[j.uov dans
la plupart des dialectes (v. J. Schmidt, K. Z., XXXII, 346);
y,pc>.aov remonte à un ancien *hremiis-o-n, dont on retrouve
la sifflante en letto-slave dans les dérivés en *-yé- et en -à- lit.
hrmns:;ù, russe ceremsa. Un passage analogue : *-iiso-, -nsâ-
s'est produit pour quelques autres thèmes en * -us- : cf. skr.
nâhus- et nahiisà- « voisin y^, parus- et parusâ- « nœud » ; gr.
âsXçûç f. (zd gdr^bus-) et oeXçpûa (v. h. a. kilbur m.); lat. tietus
et lit. vetusias, v. si. velûxû (cf. Meillet, Innov. de la déclin,
lat., 19). Presque partout, on a tendu à éliminer les thèmes
I, Voir ci-dessus, p. 5 et suiv. Aux exemples de dobidcim cités p. 6,
joindre an-dnvûndced «quand il lançait « Ml. 53 d 7.
138 /. J'en dry es.
en -us-, parfois en les confondant avec les thèmes en -is-, -es-,
le plus souvent en les confondant avec les thèmes en-y- (cf.
Brugmann, Grdr., II, a'^ éd., i, p. 522 et 534). L'irlandais
présente un procédé spécial d'élimination, qu'explique le jeu
naturel des lois phonétiques. Le thème en -us- * Jcremus- est
devenu simple thème en -n-, d'où crim, gén. creiua avec une
alternance métaphonique.
En moyen-irlandais, 1'^ du génitif a passé au nominatif;
d'où crem, auj. creamh; le même fait s'est produit dans les
mots (^rilh, « cri » gén. gritha, lind « masse liquide » gén.
knda et rind « pointe » gén. renda, devenus respectivement
au cours de Tirlandais-moyen grelh, le)id et rend, auj. grcath,
leann, reonn.
Outre creamh, gén. creauiha, l'irlandais moderne dit aussi
cneamh, gén. cneamha pour désigner l'ail.
Ce changement singulier est exactement l'inverse de celui
qui se produit d'ordinaire. Les groupes hi, in ont abouti en
effet à kr, tr sur une grande partie du domaine celtique ; c'est
le cas en brittonique (v. Annales de Bretagne, XVI, p. 307,
n. 3 et ajout, bret. kreon « toison », m. bret. kneaii, corn.
cnéii, gall. cnaif, irl. cnae) et sporadiquement en gaélique {d.
irl. mod. cnoc a colline » prononcé croc en Connaught et en
Ulster, d'après le dictionnaire du Rev. P. S. Dinneen). Mais
le changement de kr en kn dans creamh : cneamh n'est pas
isolé. Le mot cruim f. « ver » (Corm., p. 9; n. pi. cruniai.
Ml. 44 c [)est cnnm dans certains textes modernes (Windisch,
Wtb., s. v.). Comme les groupes initiaux en- et cr- sont éga-
lement répandus en irlandais moderne, il faut attribuer ces
confusions à des différences dialectales (cf. Pedersen, Aspira-
tionen i Irsk, p. 65, qui explique d'ailleurs le passage de r à n
par l'intermédiaire d'un r nasalisé).
5° aUELQUES DÉRIVÉS DE LA RACINE * GER- « CRIER »
Parmi les formations onomatopoétiques de l'indo-européen
destinées à exprimer le « cri », l'une des mieux caractérisées
est celle qui comprend une occlusive gutturale et une Hquide
dans des combinaisons très variées que résume le tableau
suivant ;
h \ e
l/r
e
ei
en.
â
Hibi'iiiica. 159
subsidiairement une consonne
quelconque comme élargisse-
ment.
Pour le cas où la consonne initiale est g et la liquide r, les
combinaisons suivantes sont attestées (cf. P. Persson, Studieii
:^. Lehre von der Witr-elerweiterung iind Wur:{elvariation, p. 194
et suiv. ; Zupitza, Gennaii. Giitiiir., 78, 123 et suiv., 149 et
suiv. ; Hirt, BB., XXIV, 257 et Ahlaut, 78 et suiv. ; Gram-
mont, Onomatopées et mots expressifs, dans Rev. des Langues
romanes, 1901, p. 117 et suiv.) :
*gerJ-: gr. Yépavc;.
* ger- : v. h. a. kerran « crier » ; lit. gnrti (de "^ gl'-)- Avec
redoublement et dissimilation de r en n : lat. gingrire, gingrlna
(Solmsen, K. Z., XXXIV, 20), gr. Y^T(9^^-^ Ï^TTP^' T^TTP^Ç-
*gàr- : gr. ySpuç (ion.-att. -[f,puç).
* gàr-s- : gr. yxpp'Mi).zf)<x' Aot5opo'j[j.£9a, lat. garrire, norv, harra
(Bugge, B. 5., III, 104).
* grei-d- : m. h. a. kri:(en, et avec un suffixe -sk-, krîschen,
ail. mod. kreischen.
* greu- : lat. o^/77j, gruere, gr. vpj.
* greii-d- : gr. ^(p-j'Çu); avec nasalisation, lat. grundïre.
* gre, * gre-v- : v. h. a. krâen, ags. crâwan, ail. mod. kràhen.
* grô- : vsl. grajati « crier », lit. o-rô// « id. » (qui attestent
d'ailleurs une gutturale vélaire ancienne).
* grâ-k- : à l'état réduit dans lat. grâc-ulus, v. h. a. chragil,
etc.
Les langues celtiques ont conservé un certain nombre de
mots issus de formations semblables. A yspavi; se rattachent
le gaulois -garantis, le breton-gallois garan « grue » ; de la
racine *gàr- sort l'irlandais gàir, gall. gaïur « cri », et de la
racine * gar-s- l'irlandais ^a/r/y/, gall. garm « id. » (de *gars-
iiien-, Wh. Stokes, U. S., 106). M. Wh. Stokes a de même
140 /. Vendryes.
reconnu dans l'irlandais grau-berJa À. berla fiachda « langue de
corbeau » un élément (^raii- (soit i^rav-) analogue à la racine
de l'ags. crnivan (ci-dessus).
A ces mots, signalés depuis longtemps déjà, il faut
joindre :
1° d'une racine * grei-, le substantif irlandais grith « cri »
gén. gretha, qui remonte à * gri-iu-. On lit grith à l'ace, sg.
dans ro lâsat grith « ils lancèrent un cri » Togail Brnidne Dâ
Derga,^ 55, fochartatar greth « même sens » ibid., §§ 109 et
iio, corralsat grith môr « de sorte qu'ils poussèrent un grand
cri )) /;■. Text., I, p. 105, 1. 14. Le FéJire Oenguso fournit le
gén. sg. gretha (29 juin), le nom. pi. grethae (25 janv.) et le
gén. pi. gretha (Prol., 154); et le Saltair no Rann le dat. pi.
greihaih (v. 7620); l'ace, pi. est gretha {cnirit gretha « ils font
des bruits », Tâi?i bâ Cuaiinge, 1. 55 n). En composition, on
a : armgrith « bruit d'armes » L.U. 77 b 37, Tâin bâ Cuaiinge,
1. 692, 2445, -^004 {arnichrith danslcs Latin Lives, éd. Hogan);
nnallgrith « bruit criard », Tàin, 1. 331 1 et 5076; glor-grith
« bruit éclatant », ibid., 1. 3906. En irlandais moderne, le
mot grith est devenu greth écrit greath (i. gâir O'Cler}', Rev.
ceJt.,V, 6; d. Four Masters, II, 596), comme on l'a dit ci-
dessus, p. 138. Le dérivé grithugitd est attesté dans VAcal-
lainh lia Scnôrach, 1. 6734.
Le correspondant gallois de l'irlandais^;///; est régulièrement
gryd.
2" D'une racine * grei-d avec infixation d'une nasale, l'infi-
nitif grinnigud dans grinniguth 11a saiget « le grincement des
flèches » Tog. Trôi 869 (Ir. Text., II, i, 29).
3'' D'une racine *gre-k- ou * grei-k- (*gri-k-), le substantif
grech « cri » (de *greko- ou * griho-), auj. greach O'R., dont on
lit le }p\\\nQ\ gn'cha L. Br. 140 b 5 1 (écmgrécha) ; de ce substan-
tif a été tiré un verbe grechaim « je crie », Windisch, IVtb.,
p. 602, attesté par exempledans nosgrechatL. U. 109 a 15 ou
dans le prétérit grechais (écrit gréchais), Tàin bô Cuaiinge,
1. 3893, 3900, 3918.
4° D'une racine * greu- le substantif redoublé *ge-gru-na
d'où giugran gl. anser Sg. 64 b i, plus tard gigrand « anser
bernicula » Corm. tr., p. 88, et O'Mulconry's Gloss. 655
Hibernica. 141
(A. CL. I, 265) gén. pi. gigraiid Lib. Hymn. Amra, 63
(cf. latrand du latin lalivii-); le glossaire d'O'Clery contient
^ioghrann .i. cadhan « oie sauvage » Rev. celt., V, 3. M. Wh.
Stokes {Urk. Spr., p. 109) pose à tort le primitif sous la
forme * gegnrannâ. De toute façon, la syllabe finale du corres-
pondant gallois gwyrain fait difficulté.
6° RÉ « ESPACE DE TEMPS >..
On a rattaché depuis longtemps le mot irlandais ive rôt
(dissyll.) « espace découvert, étendue de terrain » au latin
rûs, zend ravah-, en supposant un thème * reiios- ou * rouos-
conservé en latin dans n'is (cï. Solmsen, Studien, p. éo; Walde,
Lat. Etyin. IVtb., p. 535) et auquel l'irlandais aurait simple-
ment ajouté un suffixe -3'^-, soit * reves-yà- ou * roves-yà- d'où
rôe (cf. J. Strachan, Trans. of the Philol. Soc, 1 891- 1894,
p. 290; Wh. Stokes, Urkeh. Sprachsch., 235).
La racine de ce mot, avec d'autres suffixes, a fourni au
slave le mot v. si. lavmn « uni » et au germanique la série des
mots got. rûius, v. isl. rÏDii, v. h. a. rûm qui désignent
l'espace. Elle existe encore en irlandais dans le mot ré (mono-
syll.) « espace (notamment de temps) », que V. Henry, Lex.
Etyiii. du bret. mod., p. 232, a tort de regarder comme un
simple doublet de rôe.
Le mot ré est assez bien attesté en vieil-irlandais (Ascoli,
cxciij) : nom. sg. ind ré Ml. 133 b 7; gén. sg. ree Tur. 71 ;
dat. sg. rté Wb. 23 d 30 ; nom. pi. na rree B. Cr. 18 c 3,
iniia réi A. Cr. 2 d i ; dat. pi. réib Wb. 22 a 8; ace. pi. rei
Ml. 90 d 14 ; et il figure dans plusieurs textes de l'irlandais-
moyen : Tàin bô Cnaihige, éd. Windisch, p. 213 (gén. sg. ua
ree); Passions and Hoinilies, p. 846; Acallaiiih na Senôrach,
1. 13 14, où toutefois M. Wh. Stokes, p. 371, propose de
corriger ré en rôe; glossaires d'O'Clery {lé .i. aiiiisior, Rev.
celt., V, 37) et d'O'Mulconry, 619 et 835 {A. C. L., I, 263
et 273). L'adjectif dérivé r^dit/7 « spatiosus » se lit Ml. 50 a 15.
Le mot ré est féminin (malgré Windisch), comme le prouve
la forme de l'article dans les exemples précités. Il remonte
donc à * revyâ- et semble attester l'existence d'une racine * rev-
142 /. Vcndryes.
dont l'irlandais aurait tiré à la fois un thème en -es- (plus tard
allongé en -yà-^ et un thème en -yà-. La forme * revyà est
devenue ree {cî. cime « toison » de *knavyâ, Urk. Spr., 95),
qui s'est contracté en ré; mais au gén. sg., écrit rehe Wb. 4
c II, il y a deux syllabes.
Cette racine * rev- n'est peut-être qu'une simple déforma- -
tion de la racine * z;r- : *ver- (cf. Meillet, M. S. L., XII, 223
et suiv.); mais on pourrait aussi l'identifier à la racine * rev-
« courir » (P. Persson, Studien ':;^. Lehre von der Ww\ekriveite-
rung iind lVtir~elvûriatioii, p. 122), en comparant les nom-
breuses métaphores tirées de la course et appliquées au temps
qui s'écoule ou à l'espace qui s'étend : français cours, allem,
ZeitJauf (m. h. a. Ioiift\ gr. homérique T.tp\-zKKz[j.vniyj ou
r.tpi~'Ko[j.vn,v/ àv'.a'jTwv de la même racine que le sanskrit carati
« il se meut » ; etc.
7° BLESC « FEMME DE MAUVAISE VIE ».
Le glossaire de Lecan publié par M. Whitley Stokes. Arch.
f. CeJt. Lexic, I, 50 et ss., contient un mot blesc. À. merdrech
« courtisane » dont M. Kuno Meyer {Contribulions, I, 228)
fournit le génitif blesce. Il n'y a pas lieu de s'arrêter à l'hypo-
thèse première de M. Wh. Stokes qui rattachait à ce mot le
nom propre d'homme Blésc, puisqu'elle n'a pas été reprise par
son auteur dans la nouvelle édition du Félire Oengtiso, 1905,
p. 403.
Le mot féminin blesc doit être apparenté au thème * bledo-
* bledi- qui a fourni au briitonique le nom du « loup » (gall.
blaidd, bret. bleiy, v. gall. bled, cf. Wh. Stokes, Urk. Spr.,
188), d'où semble dérivé le nom propre gaulois Bledinus
(Holder, Altcelt. Sprachsch., l, col. 451) et qui apparaît en
irlandais même sous la forme bled pour désigner une bête
sauvage (Sg. 15 b 10, n. pi. bleda .i. aige alta, gloss. ad. Fél.
Oeng., 7 avril). Il y a ainsi dans le mot blesc un souvenir ou
une analogie du latin lupa « femme de mauvaise vie ». D'autres
langues présentent la même dérivation de sens ; par exemple
le V. islandais où grey-baha signifie à la fois « Hûndin » et
« Dirne », et surtout le breton, où gast a les deux mêmes
significations.
Hihernica. 143
Au point de vue de la formation, blesc doit remonter à
* bled-skâ {d.* trudsko- devenu >> *trusco-, Urk. Spr., p. 139).
Le suffixe -sko- (^-skâ-) est des plus répandus en celtique. Il a
fourni à l'irlandais un bon nombre de substantifs dérivés :
base « collier », blosc « tumulte », flesc « baguette », iasc
« poisson », fiasc « anneau », rose « œil », ri'isc « écorce »,
seise « jonc », tàse « bruit », toise « désir », trese « déjection »,
etc. et avec l'aide d'autres suffixes : desead « levain », ^esca
« rameau », liiascad « mouvement », iiiiscais « haine », usée
« eau » etc. (cf. Z. E., 812 et s.). Parfois, ce suffixe a nette-
ment le sens péjoratif: riasc « marécage » (Corm. Tr., p. 147)
à côté de rian « mer » (de * rêno-), et cela explique qu'il serve
à former une série d'adjectifs désignant des défauts : brise
« fragile », Jase « lent, mou », Use « paresseux », lose
« infirme », mesc « ivre », sese « stc, stérile », tere (de * ierse^
« rare », trose « lépreux » (cf. gall. bloesg a bègue » etc. et
pour l'emploi du suffixe en germanique Brugmann, Grdr.,
II, 2^ éd., i,p. 479).
Le breton gast (gall. gast, pi. geist) pourrait sortir d'une
façon analogue du thème *kan- « chien » (cf. lat. cànis, irl.
eana, gall. eanaw, auj. ceyiaiu, etc., Urk. Spr., p. 92); soit
* kan-skâ a chienne » devenu *kûst par une dissimilation due
à la gutturale initiale et gast sous l'influence du genre féminin
du mot.
J. Vendryes.
LE SUFFIXE GALLOIS -EDIC
Dans la Gramiiiatica celtica, 2^ édition, p. 532, les participes
passés passifs gallois terminés en -etic comme tinetic « tincta »
dans les textes les plus anciens, plus tard en -edic, comme
briwedic, « vulneratus », sont rapprochés des adjectifs latins en
-tici'us, dérivés de participes passés passifs comme dediticius, de
deditus, siirrepticius de surreptus. On peut à ce sujet faire trois
observations :
1° La langue latine a eu comme le gallois des adjectifs déri-
vés des participes passés au moyen du suffixe -ico-, tels sont
doiiaticiis de doiiatiis, einpliciis <Xempticiis, miiltaticus de niuUatus,
volaticus de volatus, venaticus de venatus '.
2° La langue grecque connaît cette formation : 3.^;y.-r-.v/.iz
« affectueux » à' 7.';y.r.r-.bz « aimable », È-aivsT'.y.i; « qui loue
volontiers », d'iza'.v^ti; « louable », \r,T.-v/.'zç « qui prend
volontiers » de 'kr-.ibz « qu'on peut saisir », t:£-ti7.6ç « apte
à se digérer » deTrs-Toç « cuit », ày.iuTT'.y.d; « qui écoute volon-
tiers » d'iy.oujTÔç « qu'on peut entendre », -Asy-r/.ic « propre
à s'entrelacer » de zAsy-iôç « tressé » « entrelacé », àYavay-
xr^-ixiç « irritable » d'av^cvaxT-^TÔ; « irritant » -.
3° On trouve aussi cette formation en breton : hividik
« vivace », dérivé de bevet, participe passé de beva vivre;
ghiidik « natif » dérivé de ganet, né participe passé de geiiel,
« naître, engendrer ».
H. d'Arbois de Jubainville.
1. Otto Gradenvvitz, Latcrculi vociim latiiiaruin, p. 476-478.
2. Cf. Adolphe Rcgnier, Traité de la formation des )iiots ditiis la langue
grecque, p. 218. Suivant Bopp, Graiiniiaire comparée, traduction de M. Bréal,
t. IV, p. 117, note 3, le suffixe t'./.d: s'explique par des noms abstraits en
Ti. Mais les substantifs abstraits h;ir.f]-:'.:, e-kivcTi;, etc. n'existent pas ; on a
ETuaivsai;, ttâéÇi;, àyavâ/.Tr]a'.ç etc. ; c{. Brugmann, GniiiJriss, t. I, 2^ édition,
p. 662 ; t, II, p. 24s, 246. #
ENLEVEMENT DU TAUREAU DIVIN
ET
DES VACHES DE COOLEY
CHAPITRE I^--
DIALOGUE DE l'oREILLER
Une fois il arriva qu'Ailill et Medb ' [roi et reine de Con-
naught], après s'être couchés dans leur lit royal au château de
Cruachan en Connaught eurent un entretien sur l'oreiller.
« Vraiment, ô femme » dit Ailill, « la femme a du mérite
quand son mari en a. »
« Oui^ ta femme a du mérite », répondit Medb ; « pour-
quoi penses-tu cela ? »
« La raison pour laquelle je le pense », répondit Ailill,
« c'est qu'aujourd'hui tu vaux mieux que lorsque je t'ai
épousée. »
« J'avais de la valeur avant toi », répartit Medb.
« De cette valeur », répondit Ailill, « nous n'avons pas
entendu parler. Femme tu vivais sur bien de femme, et,
venant de la province la plus voisine, les ennemis prati-
quaient sans cesse chez toi vol, pillage, brigandage. »
« Rien de pareil ne s'est produit », répliqua Medb. « Mon
père était le roi suprême d'Irlande Eochaid Feidlech -, fils de
Find, petit-fils de Findoman, arrière-petit-fils de Findên,
1. On prononce Mève.
2. Suivant les Annales des quatre Maîtres, t. I, p. 86, 88, Eochaid Feid-
leach aurait régné de l'an 142 à Tan 131 avant J.-C. Cf. Livre de Leinster,
p. 23, col. I, 1. 36.
Rrviir Celtique, XXVIII. 10
146 H. iV Al bois de JiibainviUe.
descendant au quatrième degré de Findguin, au cinquième de
Rogen le Rouge, au sixième de Rigên, au septième de Blath-
acht, au huitième de Beothacht, au neuvième d'Enna
Agnech ', au dixième d'OengusTurbech^ Eochaid Feidlech eut
six filles: Derhriu, Ethne, Ele, Clothru, Mugain, Medb. Je fus
la plus noble, la plus distinguée, je fus supérieure aux autres
en bienfaisance et en libéralité. Je l'emportai dans les batailles,
dans les combats et à la lutte. J'avais quinze cents guerriers de
race royale venus des autres provinces d'Irlande, autant de
guerriers nés dans ma province et ces derniers étaient accom-
pagnés d'un nombre de soldats qui pour chacun allait ainsi
décroissant, dix, huit, sept, six, cinq, trois, deux, un. Ils for-
maient » ajouta Medb, « ma garde habituelle. Voilà pour-
quoi mon père me donna une des cinq grandes provinces
d'Irlande 5, la province de Cruachan, en sorte qu'on m'appelle
Medb de Cruachan. On vint me demander en mariage de la
part du roi de Leinster Find fils de Ross le Rouge, et de celle
du roi de Tara '^ Cairpre le Grand-Guerrier, fils de Ross le
Rouge; on vint de la part du roi d'Ulster Conchobar, fils
de Fachtna Fathach >, on vint de la part d'Eochaid le Petit.
Et moi, je ne me rendis pas à ces invitations, car c'est moi
qui demandai un prix d'achat^ qu'avant moi aucune femme
1. Enna Aighncach suivant les Annales des quatre Maîtres, t. I, p. (Sa,
aurait été roi suprême d'Irlande de l'an 312 à l'an 293 avant J.-C. ; cf.
Livre de Leinster, p. 22, col. 2, 1. 43.
2. Les Annales des quatre Maîtres, t. I, p. 84, le font régner, comme roi
suprême d'Irlande, de 384 à 326 pendant cinquante-huit ans; cf. Livre de
Leinster, p. 22, col. 2, 1. 39. De l'avènement de Oengus Turbech aussi
appelé Tuirmheach à l'avènement d'Eochaid Feidlech on compterait 242 ans
soit 24 ans environ pour chaque génération.
3. Ces provinces étaient i" Ulster, 2° Connaught, 3° Munster méridio-
nal ou Desmond, dit aussi Munster occidental, 4° Munster septentrional ou
Tomond, 5° Leinster. Voir Sé^ro-Z/i^rt- Coiiaihnnn, § 22, chez Windisch, Irische
Texte, t. I, p. 212 ; cf. Cours de littérature celtique, t. V, p. 187, où est
reproduite la doctrine d'O'Curry, On the Manners, t. II, p. 199 ; cf. p. 97 ;
t. m, p. 75, 79.
4. C'est-à-dire roi suprême d'Irlande.
5. En réalité mari de Ness, femme qui avait eu Conchobar d'une union
passagère avec le druide Cathba.
6. Le prix d'achat, coibcbe, était ordinairement donné par le futur gendre
au père de la fiancée ; ici c'est la femme qui le reçoit. Medb, devenue reine,
était émancipée.
EnUvenieni du taureau divin. 147
ne demanda à un homme d'Irlande ; je demandai un homme
1° sans avarice, 2° sans jalousie, 2° sans peur'. S'il y avait
de Tavarice chez l'homme à qui j'appartiendrais, il ne serait pas
à propos que nous vivions ensemble. Ma bonté, ma généro-
sité, ma libéralité ^ y feraient obstacle. On se moquerait de
mon mari, si je lui étais supérieure en libéralité ; on ne se
moquerait pas si nous avions égale bonté, la même bonté tous
deux. Si mon mari était peureux, il ne serait pas à propos que
nous vivions ensemble, car je livrerais combats et batailles, je
ferais des exploits 3, et cela moi seule ; on se moquerait de
mon mari, on dirait : il y a chez sa femme plus de vie que chez
lui ; on ne se moquerait pas si nous avions égale vivacité, si
nous étions aussi vifs l'un que l'autre. Si l'homme à qui
j'appartiendrais était jaloux, ce serait inconvenant aussi, car
avant de me marier je ne fus jamais sans un amant caché
dans l'ombre d'un amant en titre '♦. Alors je trouvai l'homme
que je désirais, c'était toi, Ailill, iils de Ross le Rouge de
Leinster : tu n'étais point avare, tu n'étais point jaloux, tu
n'étais point paresseux. Je fis avec toi contrat de mariage et je te
donnai le plus beau prix d'achat qu'une femme puisse rece-
voir 5, c'est-à-dire des vêtements de quoi habiller douze
hommes, un char qui valait sept femmes esclaves, une feuille
d'or rouge aassi large que ton visage, un morceau d'ekctruni ^
aussi lourd que ton avant-bras gauche. Qu'un individu quel-
conque te fasse un affront qui te décourage ou même te rende
fou, tu n'obtiendras pas dommages intérêts et prix de ton
honneur sans que je reçoive autant que toi, car tu es homme
sur bien de femme 7. »
« Je ne le suis pas », répondit Ailill, '« j'ai deux frères, l'un
1. C'est une triade, comme plus liaut vol, pillage, brigandage.
2. Triade.
3. Sur le service de guerre dû par les femmes en Irlande voir les textes
réunis dans le volume intitulé La famille celtique, p. 81-83.
4. Sur les moeurs des Irlandais payens, voir La faiiiiUe celtique, p. 50,
51 ; comparez ce que Dion Cassius, 1. LXXVI, c. 26, dit de la femme du
Calédonien Argentocoxos.
5. Coihche c'est le nom du prix d'acliat payé ordinairement par le mari.
Medb prétend que c'est elle qui, dans le ménage, a la puissance maritale.
6. Peut-être de laiton.
7. Tiiicur iniui, han-tincur, cf. La faruillc celtique, p. 163-166.
148 H. iVArhûis de Jubainville.
règne à Tara, l'autre règne en Leinster, c'est-cà-dire que Find
est roi de Leinster et Carpré roi de Tara '. Je leur abandon-
nai ces royaumes à cause de leur droit d'aînesse. Ils ne
m'étaient pas supérieurs en bienfaisance ni en libéralité. Je
n'avais pas entendu dire qu'aucune des cinq grandes provinces
d'Irlande pût être propriété de femme. Pour la première fois
je l'entends dire de cette province ci et d'elle seule. Je vins
donc ici et je saisis la royauté, cela du droit que je tenais de
ma mère. En effet Mata de Muiresc, ma mère, était fille de
Maga [roi de Connaught]. Et pouvais-je trouver reine meil-
leure que toi ? puisque tu es fille du roi suprême d'Irlande. »
« Par conséquent », répliqua Medb, « ma fortune est plus
importante que la tienne. »
« Etrange prétention » répondit Ailill. « Il n'est personne
qui ait plus de choses précieuses, de trésors et de richesses ^
que moi. Je le sais bien. »
CHAPITRE II
CAUSE DE l'eXLÈVEMEXT.
[Ailill et Medh font chacun faire Finvcntaire de leur fortune.
Conséquence de ce double inventaire].
I. On leur présenta d'abord les articles dont la valeur était
la moindre. Ce fut ainsi que l'on commença la comparaison
des deux fortunes : on leur apporta leurs petits seaux, leurs
grands seaux et leurs pots de fer; leurs cruches, leurs cuves
et leurs pots à anses '.
Les deux lots étaient égaux +.
On leur apporta ensuite leurs bagues pour petits doigts,
leurs bracelets, leurs bagues pour pouces, leurs bijoux d'or,
leurs vêtements tant pourpres que bleus, noirs et verts, tant
1. C'est-à-dire roi suprêmed' Irlande. Sur ce Cairpre, surnommé Nia Fer,
voir O'Curry, Maiiiiscripi Materials, p. 485, note 35 ; p. 507, note 81.
2. Triade.
5. Deux Triades.
4. Cf. O'Currv, Lectures on the wamtscript niaterials, p. 34.
EiiJcvemeiit du taureau divin. 149
jaunes que multicolores et gris, tant bruns que tachetés et
mouchetés.
Le roi et la reine en avaient chacun autant '.
On amena des champs, des pâturages et des plaines - leurs
nombreux troupeaux de moutons, on compta et recompta ces
bêtes et on constata dans les deux lots égalité de poids, de
taille et de nombre ^ Il y avait cependant parmi les têtes de
bétail appartenant à Medb un bélier remarquable qui valait
une femme esclave, mais dans le troupeau d'Ailill il se trou-
vait un bélier équivalent.
On amena des pâturages et des parcs leurs chevaux de tra-
vail, leurs attelages, leurs troupeaux d'étalons, de juments et
de poulins ^ Dans un troupeau de chevaux appartenant à
Medb on trouva un animal remarquable qu'on estima une
femme esclave, or Ailill avait une bête équivalente.
On amena, des bois, des vallées et de leurs pentes_, des
endroits cachés, leurs nombreux troupeaux de cochons; on les
compta un à un ; Medb avait un porc mâle remarquable,
Ailill un aussi.
Alors on fit venir des bois et des déserts de la province
leurs troupeaux de vaches de toute espèce, de toute catégorie.
On compta et recompta ces bêtes ; elles étaient de même poids,
de même grandeur, de même nombre dans les deux lots, sauf
une exception : parmi les vaches d'Ailill on trouva un tau-
reau remarquable ; c'était un veau d'une vache de Medb ; il
s'appelait le Blanc Cornu, Firidbennach ; ne considérant pas
qu'il fût honorable pour lui d'appartenir à une femme, il était
allé dans le troupeau des vaches du roi.
2. Il sembla à Medb que ses propriétés seraient sans valeur
aucune tant qu'elle n'aurait pas un taureau équivalent. Elle
fit venir le courrier Mac Roth, et lui demanda si à sa connais-
sance il y avait dans une localité quelconque des cinq grandes
provinces d'Irlande un taureau semblable à celui d'Ailill.
1. Cf. O'Curry, ibid.
2. Triade.
3. Triade.
4. Deux triades. Nous avons assez souvent signalé ce procédé de rédac-
tion pour ne pas insister davantage.
150 H. d'Arhois de Jubaiirvith'.
« Je sais », dit Mac Roth, « un endroit où se trouve le
meilleur taureau possible, un taureau meilleur que celui du
roi. C'est dans la province d'Ulster au canton de Cooley, chez
Daré ', fils de Fiachna. Son nom est le Brun de Cooley, Donn
Ci'talnge ^ »
« Va le chercher, Mac Roth », dit Medb, « et demande à
Daré de me le prêter pour un an. A la fin de l'année je lui
donnerai en retour cinquante génisses et je lui rendrai le
Brun de Cooley. Puis fais-lui une autre proposition, Mac
Roth. Si ses voisins, les habitants du même pays, prennent
mal la cession par lui d'un animal de si grande valeur que le
Brun de Cooley, qu'il vienne lui-même avec son taureau ; je
lui donnerai en bonnes terres de Mag Aï autant de terrain
qu'il en possède à Cooley ; j'y joindrai un char, valant vingt
et une femmes esclaves, et je le ferai coucher avec moi 5. »
3. Ensuite les courriers allèrent chez Daré fils de Fiachna.
Les courriers, disons-nous, car Mac Roth et ses compagnons
formaient une troupe de neuf hommes. Dans la maison de
Daré on souhaita la bienvenue à Mac Roth. On ne pouvait
faire autrement, car Daré était chef de la mission. Daré deman-
da à Mac Roth quelle était la cause de son voyage, quel but
il avait. Mac Roth dit pourquoi il venait ; il raconta la que-
relle d'Ailill et de Medb. « Je suis arrivé », ajouta-t-il, « pour
demander le prêt du Brun de Cooley afin de le mettre en face
du Blanc Cornu ; tu recevras en retour cinquante génisses et
le Brun de Cooley te sera restitué. Voici une autre proposi-
tion : tu viendras toi-même avec ton taureau et tu auras
en bonnes terres de la plaine d'Aï l'équivalent de ta propriété,
plus un char valant vingt et une femmes esclaves, et en outre
Medb te recevra dans son lit. »
Cette proposition fut agréable à Daré ; il s'agita tellement
que les coutures de son lit de plumes se rompirent sous lui :
« J'en donne ma parole », dit-il ; « peu importe la façon
1. Daré plus anciennement Darios est un nom gaulois qui forme le pre-
mier terme du nom de Dan'o-ritKni aujourd'hui probablement Vannes.
A. Holder, AUcellischer Spracbschati, t. I, col. 1241.
2. Mieux Cùahi^i.
3. Ailill n'était pas jaloux.
Eiilèveinoit du taureau divin. 151
dont les habitants d'Ulster prendront mon acceptation :
le précieux animal sera mené chez Ailill et Medb, le Brun de
Cooley ira en Connaught. » Mac Roth fut content de la
réponse du fils de Fiachna.
4. Puis les gens de Daré prirent soin de Mac Roth et de
ses compagnons. Ils mirent sous eux de la paille et des joncs
frais. Ils leur apportèrent de la bonne nourriture et leur don-
nèrent un festin qui les enivra complètement. Il arriva que
deux courriers se mirent à causer. « Vraiment », dit l'un d'eux,
« il est bon Thomme dans la maison de qui nous sommes. »
— « C'est vrai », répondit l'autre. — « Y a-t-il », reprit
le premier, « y a-t-il en Ulster homme meilleur que lui ? —
« Oui », dit le second courrier, « c'est Conchobar auquel Daré
appartient, et, quand même tous les hommes d'Ulster se réuni-
raient autour de Conchobar, aucun d'eux n'aurait à rougir de
son roi. Daré est bien bon. Prendre de force le Brun de
Cooley et le mener hors de la province d'Ulster serait une
œuvre qui exigerait le concours de quatre des cinq grandes
provinces d'Irlande, et Daré donne cet animal à nous qui ne
sommes que neuf courriers, »
Alors le troisième courrier se mêla à la conversation.
« Que dites-vous? » demanda-t-il. Le premier courrier répéta :
« Il est bon l'homme dans la maison de qui nous sommes. »
— « Oui, il est bon », reprit le second courrier. — « Y a-t-il
même parmi les habitants d'Ulster », dit le premier courrier,
« quelqu'un de meilleur que lui ?» — « Oui certes, » répondit
le second courrier, « c'est Conchobar auquel Daré appartient,
et quand même tous les hommes d'Ulster se réuniraient
autour de Conchobar, aucun d'eux n'aurait à rougir de son
roi. Mais Daré a une grande bonté. Prendre de force le Brun
de Cooley serait une œuvre qui exigerait le concours de
quatre des cinq grandes provinces d'Irlande. »
Le troisième courrier s'écria : « La bouche d'où ces paroles
sont sorties mériterait de vomir du sang et d'en vomir encore.
Si Daré n'avait pas donné son taureau de bon gré, on le lui
aurait pris de force. »
5. En ce moment arriva dans la maison occupée par les
courriers le maître d'hôtel de Daré, fils de Fiachna ; avec lui
1)2 H. d\4rbois de JubainvUlc.
entrèrent l'échanson et le domestique qui apportait à manger.
Le maître d'hôtel entendit ce qu'on disait, la colère s'empara
de lui ; il donna aux courriers la nourriture et la bière^, mais
il n'ouvrit pas la bouche ; il ne leur dit pas : Mangez et
buvez : il ne leur dit pas : Ne mangez ni ne buvez. Il alla dans
la maison où était Daré, fils de Fiachna et il lui demanda :
« Est ce toi qui as donné aux courriers le célèbre trésor qu'est
le Brun de Cooley ?» — « Oui, c'est moi », répondit Daré.
— « Eh bien », répliqua le maître d'hôtel, « si ce que disent
les courriers est vrai, tu n'es pas roi du canton où ce don a
été fait. Suivant eux, si tu ne donnes pas ce taureau de bon
gré, tu le donneras de force, tu y seras contraint par l'armée
d'Ailill et de Medb et par la grande science guerrière de
Fergus, fils de Roech. » — « Je le jure », répliqua Daré, « je
le jure par les dieux que j'adore, ils ne l'emmèneront pas de
force, ils ne l'emmèneront pas de bon gré. »
6. Chacun jusqu'au matin resta dans sa maison. Les cour-
riers se levèrent le matin de bonne heure, et allèrent à la
maison où était Daré. « Dis-nous », demandèrent-ils à
Daré, « dis nous, ô noble seigneur, où se trouve le Brun de
Cooley; nous irons le chercher. » — « Non certes », répon-
dit Daré, « s'il était dans mes habitudes de trahir les cour-
riers, les voyageurs, les gens qui suivent les routes, aucun de
vous ne s'en irait en vie. » — « Pourquoi ? » demanda Mac
Roth. — « J'ai grande raison », répondit Daré ; « vous avez
dit que si je ne donnais pas le taureau de bon gré, je le
céderais de force grâce à l'armée d'Ailill et de Medb et à la
grande science guerrière de Fergus. » — Mais », répliqua Mac
Roth, « peu importe ce que ta bière et ton repas ont fiiit dire
aux courriers. Ces paroles ne méritent aucune attention, et tu
ne peux à ce suiet adresser des reproches ni au roi Ailill ni à la
reine Medb. » — « En dépit de nos conventions, ô Mac
Roth », répartit Daré, « je ne donnerai pas mon taureau; non
je ne le donnerai pas du tout. »
7. Les courriers s'en retournèrent et ils arrivèrent au château
de Cruachan en Connaught. Medb leur demanda quelles
nouvelles ils apportaient. Mac Roth répondit qu'en fait de nou-
Hnlcvenieiil du laurcau divin. 153
velles il n'amenait pas le taureau de Daré. — « Pourquoi ? »
demanda Medb. Mac Roth raconta comment les choses
s'étaient passées. — « Il sera », dit Medb, « plus flicile d'arran-
ger cela que de polir les nœuds d'une corde. On sait que le
taureau ne sera pas donné de bon gré ; on l'emmènera de
force, il faudra bien que Daré l'abandonne. »
CHAPITRE III
APPEL DES GUERRIERS DE CONNAUGHT À CRUACHAN AÏ.
1. Les envoyés de Medb allèrent inviter à venir à Cruachan
les sept Mané avec leurs sept fois trois mille guerriers, savoir :
Mané surnommé Pareil à mère, Mané surnommé Pareil à
père, Mané surnommé Qu'il les prenne tous, Mané dit Petite
Piété filiale, Mané dit Grande Piété filiale, Mané dit Le plus
grand parleur. D'autres envoyés allèrent trouver les fils de
Maga, c'est-à-dire : Cet ou Premier, fils de Maga ; Anluan ou
Brillante lumière, fils de Maga; Maccorb ou Enfant de chariot,
fils de Maga ; Bascell ou Maison de mort, fils de Maga ; En
ou Oiseau, fils de Maga ; Dôche ou Rapide activité, fils de
Maga ; Scandai ou Insulte, fils de Maga. Ces guerriers vinrent
et avec chacun d'eux trois mille hommes armés. D'autres
envoyés d'Ailill et de Medb allèrent trouver Cormac à l'intelli-
gent exil, fils de Conchobar, et Fergus fils de Roech \ Leur
troupe fut de trois mille hommes.
2. La première troupe qui arriva portait les cheveux courts,
des manteaux verts aux broches d'argent ; chaque homme
avait sur la peau une chemise à fils d'or avec entrelacs d'or
rouge. Les poignées de leurs épées étaient blanches aux gardes
I. Avec Dubthach ils avaient été caution de la promesse faite par le roi
Conchobar que les fils d'Usnech auraient la vie sauve (Longes mac
n-Usnig, 13; Windisch, Irischc Texte, t. I, p. 75, 1. 10-12). Après le
meurtre des fils d'Usnech ils entreprirent une guerre contre le roi Concho-
bar {ihid., c. 16, p. 76), puis ils allèrent en Connaught chez Ailill et Medb
(ibîd., c. 16, p. 77). Voyez R. Thurnevsen, Soi^eii ans deni alteu Irland,
p. 16, 17. Leahy, Heroic Roiiiauces, t. I, p. 97, 98.
154 ^- (-^'Arbois de JuhainviUe.
d'argent. « Cormac est-il là ? -> demandèrent les assistants. —
« Non certes », répondit Medb.
La deuxième troupe avait les cheveux fraîchement coupés.
Chaque guerrier était enveloppé dans un manteau bleu foncé
et portait sur la peau une chemise très blanche. Les poignées
de leurs épées étaient d'or et rondes avec gardes d'argent.
« Cormac est-il là ? » demandèrent les assistants. — « Non
certes », répondit Medb.
La troisième et dernière troupe avait la chevelure courte
d'un joli blond, couleur d'or et largement étalée sur la tète,
de beaux manteaux pourpre avec de jolies broches sur la poi-
trine. Ces guerriers portaient de belles et longues chemises de
soie qui descendaient jusqu'au milieu des pieds. Ensemble ils
levaient les pieds, ensemble ils les baissaient. « Est-ce Cor-
mac ? » demandèrent les assistants. — « Oui certainement »,
répondit Medb.
3. Ils campèrent et s'installèrent cette nuit-là, en sorte qu'il
y eut beaucoup de fumée et de feu entre quatre gués d'Aï,
les gués dits Ath Moga, Ath Bercna, Ath Slissen, Ath Coltna.
Ils restèrent quinze jours dans la forteresse de Cruachan à
boire et à jouir de plaisirs de toute sorte pour rendre leur
marche en avant plus facile.
4. Leurs prophètes et leurs druides les avaient du reste
empêchés de partir avant la fin de la quinzaine pour leur faire
attendre un présage favorable \
5. Puis Medb dit à son cocher d'atteler ses chevaux; elle
voulait aller demander un entretien à son druide et obtenir
de lui par une prophétie la science de l'avenir.
CHAPITRE IV
PROPHÉTIE
I. Quand Medb fut arrivée là où se trouvait son druide
elle le pria de lui donner par une prophétie la science de
I, Le paragraphe 4 manque dans le Livre de Leinster ; il se trouve dans
le Lebor na hUidre,p. 55, col. i, lignes 27-29 ; édition d'O'Keeffe, I.20, 21.
Traduction de Winifred Faraday, p. 2.
Enlèvement du taureau divin. 155
l'avenir. « Beaucoup d'hommes », dit-elle, « se sont séparés
aujourd'hui de ceux et de celles dont ils sont aimés et qu'ils
aiment eux-mêmes, de leur patrie, de leurs champs, de leurs
pères, de leurs mères. S'ils ne reviennent en bonne santé, les
soupirs et les malédictions que provoquera leur malheur
seront autant de coups qui me frapperont. Mais ni à la mai-
son, ni dehors il n'y a personne qui nous soit plus cher que
nous-mêmes. Apprends-moi si je reviendrai ou si je ne revien-
drai pas. » — (c Peu importe que tel ou tel ne revienne pas »,
répondit le druide, « tu reviendras ».
2. « Il n'est pas difficile », dit le cocher, « que je fasse tour-
ner le char à droite, cela nous donnera bon augure et assu-
rera notre retour » '.
3. Le cocher fit tourner le char et conduisit Medb en
arrière. Alors Medb vit une chose qui lui parut étrange : près
d'elle une femme se trouvait sur le brancard d'un char qui
s'approchait ; elle tissait du galon ; elle tenait dans sa main
droite un fuseau de laiton orné de sept filets d'or rouge ; un
manteau vert moucheté l'enveloppait ; une grosse broche à
forte tète était fixée sur sa poitrine ; elle avait le visage rouge
et beau, l'œil bleu et gai, les lèvres rouges et minces ; ses
dents brillantes pouvaient être comparées à une pluie de perles,
ses lèvres ressemblaient à de rouges alises. Autant est mélo-
dieux le son des cordes d'une crotta ^ entre les mains d'un
artiste savant et depuis longtemps exercé, autant était agréable
le son de la voix et des aimables paroles qui sortaient de sa
bouche. Sa peau, là où ses vêtements ne la cachaient pas,
était aussi blanche que la neige pendant la nuit. Elle avait les
pieds longs et très blancs, les ongles pourpre, égaux, ronds,
aigus; les cheveux longs, d'un blond beau comme l'or;
trois nattes de cheveux lui entouraient la tête, une quatrième
descendait si bas que l'ombre de cette natte lui frappait les
mollets.
1. Le paragraphe est tiré du Lebor na hUidre, p. 55, col. i, I. 34-56 ;
édition d'O'Keeffe, 1. 24, 25. Winifred Faraday, p. 2.
2. La harpe des Iles Britanniques, civlta hiitauna, que Fortunat, VII, 8-
63, 64, oppose à la lyre des Romains, à la harpe des barbares.
ijé H. iF ArhoJs de Jiihaiiiville.
4. Medb la vit : « Que fois-tu ici en ce moment, ô fille ? »
lui dit-elle. — « Je travaille » répondit-elle, « dans tes inté-
rêts et pour ton bonheur en réunissant les guerriers de quatre
grandes provinces d'Irlande pour aller avec toi dans la province
des Ulates ' enlever les vaches de Cooley. » — « Pourquoi me
rends-tu ce service ? » répliqua Medb. — « J'ai de bonnes
raisons pour cela », reprit la fille, « je suis du nombre des
femmes esclaves qui appartiennent à ta maison. » — « Qui
donc de mes gens es-tu ? » demanda Medb. — « Je suis »,
répondit la fille, « Fédelm la prophétesse du palais des dieux
de Cruachan. »
5. « D'où viens-tu ? » demanda Medb. — « De Grande-
Bretagne après y avoir appris l'art des filid », répartit la fille.
— « As-tu », dit Medb, « l'illumination autour des mains,
inihas jorosna ? » — « Je l'ai nécessairement », répliqua la
fille ^
MEDB
, 6. « Eh bien, Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre
armée ? »
FÉDELM
« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »
MEDB
« Mais Conchobar est àEmain Mâcha en proie à la maladie
qui doit durer neuf fois douze heures \ Mes éclaireurs sont
allés à Emain. Nous n'avons rien à craindre des habitants
d'Ulster. Dis la vérité Fédelm.
Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »
FÉDELM
« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »
1. L'Ulster.
2. Ce para<j;raphe est emprunté au Lebor na hUidre, p. 55, col. 2, 1. 10-
14; édition d'O'Keeffe, 1. 38-41. L'emploi de ce mode de divination avait
été prohibé par saint Patrice.
3. On a compris plus tard neuf fois dix jours.
Enlèveinent du taureau divin. 157
MEDB
« Mais Cuscraid le Bègue de Macha^ fils de Conchobar, est
malade en son île. Mes éclaireurs y sont allés : nous n'avons
rien cà craindre des habitants d'Ulster. Dis la vérité, Fédelm.
Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »
I-ÉDELM
« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »
MEDB
« Mais Eogan est malade au fort d'Airther. Mes éclaireurs
sont allés jusque là. Nous n'avons rien à craindre des habi-
tants d'Ulster. Dis-nous la vérité, Fédelm.
Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »
FÉDELM
« Je vois sur tes guerriers teinte écarlare, je vois rouge. »
MEDB
« Mais Celtchair, fils d'Uthecar, est malade dans son fort.
J'ai envoyé mes éclaireurs jusque là. Nous n'avons rien à
craindre des habitants d'Ulster. Dis la vérité, Fédelm.
Fédelm, prophétesse, comment vois- tu notre armée ? »
FÉDELM
« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge- »
MEDB
« Tu crois que ce rouge annonce un désastre, moi non. Dès
que les Irlandais se réunissent, il se produit entre eux que-
relles et batailles ; l'un insulte un autre, tumulte s'en suit ;
tous veulent aller à l'avant-garde, tous à l'arrière-garde, tous
au gué, tous à la rivière, tous tuer le premier cochon, le pre-
mier cerf, le premier gibier. Mais dis-nous la vérité, Fédelm.
Fédelm, prophétesse, comment vois-tu notre armée ? »
FÉDELM
« Je vois sur tes guerriers teinte écarlate, je vois rouge. »
1)8 II. iVArbois de Julnnnvillc.
7. Et elle se remit à prophétiser. Elle prédit comment
Cûchulainn traiterait les hommes d'Irlande. Elle le fit en chan-
tant un poème :
Je vois un homme beau qui fera des tours d'adresse.*
Sur sa belle peau sont de nombreuses cicatrices,
leur présence sur le devant de sa tète l'enorgueillit ,
elles fixent sur son front le souvenir de ses victoires.
Les sept pierres précieuses qui distinguent les braves héros
brillent dans ses deux yeux.
Les pointes de ses armes sont nues.
Un manteau rouge à crochets l'enveloppe.
Il a le visage très noble.
Il sait rendre honneur aux femmes.
Ce garçon jeune et de belle couleur
est un dragon dans les combats.
Je ne sais pas de quoi Cûchulainn
a tiré sa plus grande gloire ;
mais ce que je sais pourtant
c'est qu'il rendra cette armée toute rouge.
Quatre petites épées dont il joue brillamment
sont dans chacune de ses deux mains.
Il en jouera sur l'armée.
Chacun en recevra les coups.
Voyez comme il frappe et du javelot qu'il porte dans sa poche,
et de sa grande épée, et de sa lance.
Cet homme au manteau rouge
met le pied sur toutes les traces de notre armée.
Il a deux javelots sur son char brillant ;
il les lance de tous côtés, le guerrier aux contorsions.
Il s'est montré à moi sous une forme,
certainement il la changera pour une autre.
Il est parti pour le combat.
Si l'on n'y prend garde, il y aura trahison.
Pour combattre, quelqu'un vous cherche,
c'est Cûchulainn, fils de Sualtam.
Il massacrera vos armées jusqu'ici saines et sauves
et terminera par votre finale dé laite.
Vous lui livrerez toutes vos têtes.
La prophétesse Fédelm ne le cache pas.
i
Enlèvement du taureau divm. 159
Le sang coulera de la peau des héros.
La mémoire en sera longtemps conservée.
Les corps des guerriers seront mis en pièces. Les femmes pleureront
à cause de Cùchulainn, chien du forgeron ; je le vois.
Avec la prophétie, la prédiction, se termine le morceau de
tête du récit, morceau qui comprend en outre la cause de
l'enlèvement, et le dialogue de l'oreiller entre Ailill et Medb
à Cruachan Aï.
CHAPITRE V
ROUTE SUIVIE POUR l'eNLÈVEMENT
Ce chapitre très intéressant pour ceux qui veulent étudier la géographie
ancienne de l'Irlande nous a semblé inutile à mettre en français. La
géographie historique de l'Irlande est un sujet spécial qui, hors de l'Irlande,
n'attirera pas beaucoup de lecteurs.
CHAPITRE \T
MARCHE DE l'aRMÉE
I. Après leur premier déplacement les troupes prirent à
Cuil Silinne le repos de la nuit. Là, cette nuit, fut dressée la
tente d' Ailill, fils de Ross, qui eut à sa droite la tente de Fer-
gus, fils de Roech. A la suite se placèrent Cormac à l'intelli-
gent exil, fils de Conchohar ; puis Ith, fils d'Etgaeth ; ensuite
Fiachu, fils de Firaba, enfin Goibniu, fils de Lurgnech. Ainsi
à la droite de la tente d' Ailill on avait mis Fergus, fils de
Roech, chef de trois mille guerriers d'Ulster, qui l'accompa-
gnaient; par là on avait rendu plus faciles les relations, les
entretiens entre Ailill et eux, comme la fourniture de nourri-
ture et de boisson à ces guerriers.
Medb de Cruachan se mit à la gauche d'Ailill, fils de Ross.
A la suite se placèrent Findabair, leur fille, puis Flidais à la
belle chevelure, femme d'abord d'Ailill Find, ensuite de Fer-
gus, fils de Roech ; Fergus emmenait sa femme à l'expédi-
tion. Toutes les septièmes nuits elle apportait à l'armée ce
qu'il fallait de lait pour les rois, les reines, les héritiers pré-
somptifs de rois, ÏQsfilid, les étudiants.
léo H. d'Arbois de Jubainville.
2. En ce jour MeJb ne demanda point que par une prophétie
on lui tît savoir qui dans l'armée aurait eu marche lente ou
marche rapide ; elle ne laissa ni dételer ses chevaux, ni abaisser
le timon de son char avant d'avoir fait dans le camp une
tournée d'inspection.
Cette tournée faite, ses chevaux furent dételés et le timon
de son char abattu ; elle s'assit près d'Ailill, fils de Ross et
de Mata Muiresc '. Ailill lui demanda des nouvelles, il vou-
lait savoir qui dans l'armée se distinguait par son activité ou
par sa paresse. « Il est », répondit Medb, « il est inutile de
parler de personne sauf d'un seul corps de troupes, [sauf des
Galidin] ». — « Que font-ils ? » demanda Ailill, « pour méri-
ter cet éloge qui les met au-dessus de tous les autres ?» —
« J'ai bon motif pour les louer », répondit Medb, « quand les
autres eurent délimité leur installation et leur campement, eux
avaient achevé déjà la construction de leurs cabanes et autres
abris. Quand les autres eurent terminé la construction de
leurs cabanes et divers abris, eux avaient déjà fini de prépa-
rer leur repas. Quand les autres eurent préparé leur repas,
chez eux déjà le repas était achevé. Quand les autres eurent
cessé de manger, eux étaient déjà endormis. Leurs serfs et
leurs esclaves ont sur les serfs et les esclaves d'Irlande la
supériorité que leurs bons guerriers et leurs bons jeunes gens
ont aujourd'hui sur les bons guerriers et les bons jeunes gens
d'Irlande réunis dans notre armée. » — « Tant mieux pour
nous ! » dit Ailill ; « ils viennent avec nous, c'est pour nous
qu'ils combattent. » — « Qu'ils ne viennent pas avec nous ! »
s'écria Medb, « qu'ils ne combattent pas pour nous !» — « Ils
resteront donc ici », répondit Ailill. — « Non, ils ne resteront
pas », répliqua Medb, (« car s'ils restent ils prendront les
armes contre nous et s'empareront de no.^ terres »)-. —
« Que feront-ils donc », demanda Findabair'', « s'ils ne partent
ni ne restent ? » • — « Mort, meurtre et massacre », répartit
Medb, voilà ce que je veux pour eux. » — « C'est un malheur
1. C'est-à-dire près de son mari.
2. Les mots entre parenthèses sont tirés du Lebor na hUidre, p. 56, col. 2,
1. 23-27; éd. O'Keeffe, p. 8, 1. 169-172. Winifred Faraday, p. 7.
:;. Fille d'Ailill et de Medb.
Enlèvement du taureau divin. léi
que tu dises cela », répondit Ailill, « que tu le dises parce
que leur installation dans le camp ne les a pas fatigués. »
3. Fergus prit la parole : « Vraiment et en conscience on
ne les tuera pas sans m'avoir tué moi-même. » — « Tu n'as
pas le droit de me parler ainsi », répliqua Medb, « j'ai assez
d'hommes pour tuer, massacrer et toi et tes trois mille Galiâin.
J'ai avec moi les sept Mané avec sept fois trois mille guerriers,
les fils de Maga avec leurs trois mille hommes, Ailill avec
autant, enfin moi avec mes gens '. » — « Tu as tort de me
parler ainsi », répondit Fergus. « J'ai avec moi les sept rois de
Munster avec leurs sept fois trois mille guerriers. J'ai avec
moi trois mille des meilleurs guerriers d'Ulster et les trois
mille Galinin qui sont les meilleurs guerriers d'Irlande ^
Depuis que de leur pays ils sont venus ici, je garantis leur
sécurité ; au jour de la bataille ils combattront pour moi. Je
proposerai un moyen d'éviter toute discussion au sujet des
Galiâin; je l'ai bien compris; je disperserai les Galiâin parmi
les hommes d'Irlande en sorte qu'il n'y ait nulle part cinq
Galiâin ensemble. » — «Très bien », dit Medb; v peu m'im-
porte quelle disposition on prenne, pourvu que ces gens ne
soient pas comme ici un brandon de discorde. »
Alors Fergus dispersa les Galiâin parmi les hommes
d'Irlande, de telle façon qu'ils ne fussent nulle part cinq
ensemble.
4. Ensuite les troupes commencèrent leur mouvement en
avant. La conduite de l'armée donna de la peine aux princi-
paux chefs ; il fallait diriger la marche de beaucoup de petits
peuples, de beaucoup de races, de bien des milliers d'hommes;
il falllait faire en sorte que chacun fût avec ses amis, que
chaque chef eût autour de lui ses subordonnés. Les principaux
chefs constatèrent que ce résultat était obtenu, que par consé-
quent l'expédition commençait régulièrement. Après avoir dit
comment l'expédition devait se faire, ils déclarèrent que tout
était comme il convenait : chaque corps d'armée était autour
1. En tout trente mille hommes.
2. Au total vingt-sept mille hommes.
Revue Celtique, XX VIII. ii
102 H. d' Arhois de Jnhainvillc.
de son roi, chaque section de corps d'armée autour de son
chef, chaque subdivision de section autour de celui qui en
avait le commandement ; chaque roi, chaque héritier pré-
somptif de roi avait pris place sur la colline qui lui était
affectée.
5. Puis les principaux chefs dirent qu'il fallait faire des
reconnaissances de chaque côté de la ligne qui séparait l'Ulster
de la province voisine; ils ajoutèrent que Fergus en serait
chargé, que son devoir serait d'accepter cette mission. Il avait
été sept ans roi d'Ulster. Après le meurtre des fils d'Usnech,
après cet assassinat commis malgré sa protection et sa garantie,
il avait quitté l'Ulster et passé en exil dix-sept ans pendant les-
quels il avait été l'ennemi des Ulates'.
Telle était la raison pour laquelle il convenait qu'il fût
envoyé en reconnaissance.
Puis Fergus alla en avant de l'armée comme éclaireur. Mais
il fut dominé par son affection pour les Ulates. Il donna à
l'armée une fausse direction tant au nord qu'au midi, par
des messagers il fit prévenir les Ulates et il se mit à retenir
l'armée, à retarder sa marche. Medb remarqua ce procédé et
lui en fit un reproche. Elle chanta un poème :
O Fergus ! que dirons-nous de ceci ?
Quelle espèce de chemin suivons-nous?
Tantôt au nord, tantôt au sud,
nous allons chez tous les peuples, les Ulates excepté.
Fergus répondit :
O Medb pourquoi t'irrites-tu ?
Rien ici ne ressemble à une trahison.
C'est chez les Ulates que se trouve
la terre que je traverse.
Ton courage te fait craindre
par l'illustre Ailill aux nombreuses troupes.
Mais elle ne fait pas honneur à ton intelligence,
la direction que tu donnes à l'armée.
I. Les habitants d'Ulster.
Enlèvemenl du taureau divin. 163
FERGUS
Ce n'est pas pour nuire à l'armée
que je me détourne en ce moment du chemin ordinaire.
Je le fais au moment propice pour éviter,
quand il est temps, Cûchulainn, fils de Sualtam '.
Injuste à toi de nuire à notre armée,
Fergus, fils de Ross le Rouge.
Tu as été fort bien traité chez nous
dans ton exil, ô Fergus!
« Je ne resterai pas plus longtemps devant les troupes », dit
Fergus, « cherche-moi un remplaçant. » Puis, devant l'armée,
Fergus s'assit.
6. Quatre des cinq grandes provinces d'Irlande passèrent à
Cuil Silinne cette nuit-là. Alors vinrent a la pensée de Fergus
les exploits sanguinaires de Cûchulainn. Il dit aux hommes
d'Irlande de prendre leurs précautions : ils allaient voir venir
le lion déchirant, le juge de ses ennemis, l'ennemi des foules,
le chef de la résistance, le destructeur de grande armée, la
main dispensatrice, le flambeau allumé, Cûchulainn, fils de
Sualtam. Voici comment il prophétisa. Il chanta un poème et
Medb lui répondit :
FERGUS
Je vous recommande prévoyance et attention
avec multitude d'armes et de guerriers.
Il viendra celui que nous craignons,
l'homme aux grands exploits, le grand homme de Murthemne.
Mon amour, mon conseil de bataille,
c'est toi, très brave fils de Roech.
J'ai en quantité guerriers et armes
pour attendre Cûchulainn.
I. Sualtam, père nourricier de Cûchulainn, dont le vrai père était le dieu
Lug. Sualtam parait signifier « très bon éleveur ». Sualtam est l'oithographe
du Lebor na hUidre ; elle est préférable à celle du Livre de Leinster où on
lit Sualtach avec substitution du suffixe tach au suffixe tam qui donne le
sens de superlatif.
164 H. d'Arbois de Juhainville.
FERGUS
Ils seront employés, o Medb de la plaine d'Aï ' !
les guerriers et les armes pour combattre
le héros au char duquel est attelé le Gris de Mâcha *.
Ils seront employés chaque nuit et chaque jour.
J'ai ici près de moi en réserve
des héros également aptes à combattre et à piller,
trois mille guerriers qui prennent au plus vite des otages,
les trois mille braves Galidin.
Les guerriers de Cruachan, la belle forteresse,
les guerriers aux beaux manteaux qui viennent de Luachair,
les Gôidels blancs de quatre provinces d'Irlande
éloigneront de moi l'homme qui vient seul.
Bairche î et Banna + riches en troupes
feront couler le sang au bout de leurs lances.
On verra tomber sur terre et sur sable
les trois mille Galidin.
Avec la rapidité de l'hirondelle,
avec la vitesse d'un vent piquant,
mon cher et beau Cûchulaiun
tue les êtres qui respirent.
O Fergus ! Viens avec nous,
va au-devant de Cùchulainn
Que son adresse soit arrêtée par toi.
De Cruachan lui viendra rude leçon.
Vraiment avec viril courage les butins seront enlevés.
Et pour réjouir la fille de Bodb s,
le chien du forgeron ^, par des gouttes de sang
coulant comme pluie, arrosera les troupes des guerriers.
1. Nom du territoire où était situé Cruachan, château royal de Medb.
2. Nom d'un des deux chevaux qui menaient le char de Cùchulainn.
3. Montagne d'Ulster.
4. Cours d'eau d'Ulster.
5. Déesse de la guerre et du meurtre.
6. Cùchulainn.
Enlèvement du taureau divin. 165
7. Le poème une fois chanté, les guerriers de quatre des
cinq grandes provinces d'Irlande traversèrent ce jour-là Môin
Coltna, et, rencontrant un troupeau de cent soixante cerfs, ils
s'étendirent autour d'eux, les enveloppèrent complètement,
puis les tuèrent; aucun n'échappa. Or, chose imprévue, ce
furent les Galiâin qui, bien que dispersés, les prirent presque
tous ; ils n'en laissèrent que cinq pour la part des hommes
d'Irlande ; les trois mille Galiâin eurent ainsi la presque tota-
lité des cent soixante cerfs.
9. Ce jour fut le premier où vint Cûchulainn fils de Sual-
tam. Sualtam son père ' l'accompagnait. Leurs chevaux brou-
tèrent l'herbe autour de la pierre levée d'Ard Chuillend. Les
chevaux de Sualtam au nord de la pierre levée dévorèrent
l'herbe jusqu'au sol. Les chevaux de Cûchulainn au midi dévo-
rèrent l'herbe d'abord jusqu'au sol, puis en terre jusqu'à la
pierre nue : « Eh bien, maître Sualtam », dit Cûchulainn, « je
pense fort à l'armée, lève-toi, va prévenir les Ulates, qu'ils
ne se tiennent pas en plaine, qu'ils aillent dans les bois, les
déserts et les rochers de la province pour éviter les hommes
d'Irlande, » — « Et toi », demanda Sualtam, « toi, mon
jeune élève ^, que feras-tu ?» — « Il est nécessaire », répon-
dit Cûchulainn, « que j'aille à un rendez-vous avec Fédelm
Nôichride î et que j'y reste jusqu'au matin, c'est un engage-
ment que j'ai pris. » — « Malheur ! » s'écria Sualtam,
malheur à qui part ainsi en laissant les guerriers d'Ulster sous
les pieds de leurs ennemis et des étrangers pour aller trouver
une femme ! ;; — « Pourtant », reprit Cûchulainn », il faut
que j'y aille. Si je n'y vais, on traitera de mensongers les enga-
1. Père nourricier. Le Livre de Leinster ajoute ici, que Sualtach était fils
d'une fée, prétendant expliquer ainsi la supériorité de Cûchulainn dont il
supprime le père divin Lug.
2. A dallai II.
3. Fille de Conchobar, roi d'Ulster, et cousine germaine de Cûchulainn.
Nous reproduisons ici la leçon du Lebor na hUidre. L'auteur de la leçon
conservée par le Livre de Leinster, trouvant inconvenant ce rendez-vous de
Cûchulainn, a remplacé Fédelm par une servante de cette princesse. C'est
la servante que le héros aurait eu pour maîtresse. Le Livre de Leinster
appelle la princesse Fédelm NoichrulJiach « aux neuf formes » et non Kôichride
« aux neuf cœurs. »
léé H. (TArhois de Jubiiinville.
gements des hommes, on dira que ce sont les femmes qui
tiennent leur parole. »
Sualtam alla prévenir les Ulates. Cûchulainn entra dans le
bois et d'un coup d'épée trancha la plus belle tige de chêne,
tronc et tête branchuc ; puis, se servant avec vigueur d'un
pied, d'une main et d'un œil, il en fit un cercle, traça une
inscription ogamique à la jointure des deux extrémités, mit
le cercle autour de la partie supérieure et mince de la pierre
levée d'Ard Chuillend, enfin poussa le cercle en bas de manière
à lui faire atteindre la partie grosse de la pierre'. Après cela
Cûchulainn alla à son rendez-vous.
10. Voici ce qui arriva ensuite aux hommes d'Irlande. Ils
allèrent jusqu'à la pierre levée d'Ard Chuillend et se mirent à
regarder une province qu'ils ne connaissaient pas, l'Ulster.
Deux des gens de Medb étaient toujours en avant du camp
et de l'armée, arrivant les premiers à tous les gués, à toutes les
rivières, à tous les goufi"res, pour empêcher que, dans la presse,
les vêtements des fils de rois ne fussent dégradés. Ces gens de
Medb étaient les fils de Néra, fils lui-même de Nuatar dont le
père était Tacân. Néra était gouverneur de Cruachan. Les
deux jeunes guerriers s'appelaient l'un Err et l'autre Innell ;
Fraech et Fochnam étaient les noms de leurs cochers.
Les nobles d'Irlande allèrent jusqu'à la pierre levée et regar-
dèrent le pâturage brouté par les chevaux autour de cette
pierre ; ils remarquèrent le cercle rustique mis par le royal
héros autour de la même pierre. Ailill prit le cercle dans sa
main et le mit dans la main de Fergus. Fergus lut l'inscrip-
tion ogamique tracée à l'endroit où, pour former le cercle, les
deux extrémités de l'arbre avaient été attachées l'une à l'autre.
Puis il expliqua aux hommes d'Irlande ce que l'inscription vou-
lait dire et pour le leur faire comprendre il chanta le poème
suivant :
FERGUS
Que signifie pour vous ce cercle ?
De ce cercle en quoi consiste le secret ?
Combien d'hommes l'ont-ils placé ici ?
Est-ce un seul homme ? est-ce plusieurs ?
I. Cf. p. 135. Voir p. 170, une seconde édition de ce récit, et,
p. 173, comment Fergus arracha d'une main la seconde fourche.
Enlèvement du taureau divin. 167
Si vous dépassiez ce cercle cette nuit
sans rester la nuit au camp,
le chien qui déchire toute chair vous atteindrait.
De l'insulte à ce cercle résulterait pour vous la honte.
Il causera grand dommage à l'armée
si vous allez plus loin que lui.
Trouvez, O Druides, ici,
pourquoi a été fait le cercle.
Que signifie pour nous ce cercle ?
De ce cercle en quoi consiste le secret ?
Combien d'hommes l'ont ils placé ici ?
Est-ce un seul homme? est-ce plusieurs?
Le druide répondit ' :
Un héros l'a coupé, un héros l'a jeté.
Ce cercle est pour les ennemis menace de catastrophe.
Cet obstacle, qui arrête des rois et une armée,
a été posé d'une seule main par un seul homme.
C'est ainsi vraiment qu'a travaillé dans une colère sauvage
le chien du forgeron du Rameau Rouge '.
De là une obligation qu'impose un héros dont la fureur vous lie.
Tel est le sens de l'inscription gravée sur le cercle.
Que signifie pour nous ce cercle ?
De ce cercle en quoi consiste le secret ?
Combien d'hommes l'ont-ils placé ici?
Est-ce un seul homme ? est-ce plusieurs?
LE DRUIDE
Il est là pour mettre entrave par des centaines de combats
à la marche des guerriers de quatre grandes provinces.
Ou je ne sais rien, ou c'est comme je dis.
Voilà pourquoi a été fait ce cercle.
Que signifie pour nous ce cercle ?
De ce cercle en quoi consiste le secret?
Combien d'hommes l'ont-ils placé ici?
Est-ce un seul homme? est-ce plusieurs ?
1. In Drui dixit. Ces mots, écrits en marge dans le Lebor na hUidre,
manquent dans le Livre de Leinster.
2. Nom de la salle des fêtes des rois d'Ulster.
r68 H. d'Arbois de Jiibaijiville.
Après avoir ainsi chanté, il continua en prose :
« Je donne ma parole que si vous insultez ce cercle et le
royal héros qui l'a tait, c'est-à-dire si cette nuit vous ne res-
tez pas campés i:i, ou si quelqu'un ne fait pas d'un pied,
d'un œil et d'une main un cercle semblable à celui-ci, peu
importe que le héros soit en ce moment sous terre ou dans
une maison fortifiée, il est certain qu'avant demain matin
il vous aura infligé une mort sanglante pour venger cette
insulte. »
« Il ne nous serait pas agréable », dit Medb, « de perdre
notre sang et d'en rougir notre peau à notre entrée dans cette
province inconnue qu'est l'Ulster. Nous aimerions mieux ver-
ser le sang des autres et faire rougir leur peau. »
« Nous ne méprisons pas ce cercle », reprit Ailill, « et nous
n'insultons pas le royal héros qui l'a fait. Nous nous met-
trons jusque demain matin à l'abri dans la grande forêt qui
est au sud. C'est là que nous camperons. »
Les armées allèrent dans cette forêt. De leurs épées les
guerriers coupèrent les arbres devant leurs chars en sorte que
cet endroit fut depuis surnommé Slechta, c'est-à-dire « les
coupes », là où sont les petits Partraig au sud-ouest de Kells
des Rois, au-dessus de Cuil Sibrille.
Il tomba quantité de neige cette nuit. Il y en eut assez pour
atteindre les épaules des hommes, ler cuisses des chevaux, les
essieux des chars ; la neige rendit plates et unies toutes les
provinces d'Irlande. Les hommes ne se disposèrent aucun
abri, ne dressèrent aucune tente, ne se préparèrent ni à man-
ger, ni à boire, ne firent aucun repas. Jusqu'au lever du soleil
le lendemain matin aucun homme ne put distinguer
l'approche d'ami ni d'ennemi. Certainement les hommes
d'Irlande ne trouvèrent nulle part un campement où la nuit
fût plus déplaisante et plus pénible que cette nuit à Cuil
Sibrille. Le matin de bonne heure, quand le soleil se leva, les
guerriers de quatre des cinq grandes provinces d'Irlande par-
tirent à travers la neige brillante et allèrent camper ailleurs.
II. Voici pendant ce temps ce qui arriva à Cûchulainn. Il
ne se leva pas de bonne heure, il voulut manger un morceau,
fiire un repas, se laver et se baigner. Il dit à son cocher
Enlèvement du taureau divin. 169
d'amener les chevaux et de les atteler au char. Le cocher
amena les chevaux et les attela. Cûchulainn monta dans le
char. Avec son cocher il alla chercher les traces de l'armée.
Ils trouvèrent ces traces près de la pierre levée el plus loin
encore : « Hélas, maître Lôeg », dit Cûchulainn, « il est
malheureux que j'aie été hier à ce rendez-vous. Nous serions
moins embarrassés, si d'un pays voisin quelqu'un nous fai-
sait entendre un appel, un cri, un avertissement, une parole ;
mais nous n'avons non plus rien dit. Les hommes d'Irlande
sont allés plus loin que nous en Ulster. » — « Je te l'ai pré-
dit », répondit Lôeg, « puisque tu allais à ton rendez-vous,
il devait t'arriver un chagrin tel que celui que tu éprouves. »
— « Bien, Lôeg », répartit Cûchulainn, « conduis-nous sur
les traces de l'armée. Fais-en une évaluation, dis-nous le
nombre des hommes d'Irlande qui sont venus nous atta-
quer. »
Lôeg alla sur les traces de l'armée, il en fit le tour^ il en
vit le devant, le côté, le derrière. « Tu fais confusion dans
ton calcul, maître Lôeg », dit Cûchulainn. — « La confusion
est inévitable », répondit Lôeg. — « Monte dans le char »,
reprit Cûchulainn, « et je ferai l'évaluation ». Cûchulainn par-
courut les traces de l'armée, fit l'évaluation. Il alla sur le côté,
il alla par derrière. « Tu fois confusion dans ton calcul, mon
petit Cûchulainn », dit Lôeg. — « Non, je ne me trompe pas »,
répondit Cûchulainn. « Je sais le nombre de l'armée qui est
passée à côté et au delà de nous : dix-huit corps de trois mille
hommes chacun ' et le dix-huitième corps a été réparti entre
les dix-sept autres composés d'Irlandais. »
Cûchulainn avait la supériorité en beaucoup de genres :
Supériorité des formes du corps, supériorité de figure, supé-
riorité dans l'action, supériorité dans la natation, supériorité
dans l'équitation, supériorité au jeu d'échecs et au trictrac,
supériorité dans les grandes batailles, supériorité dans les
petites batailles, supériorité dans les duels, supériorité dans
les évaluations, supériorité en éloquence, supériorité en con-
seil, supériorité à la chasse, supériorité au pillage, supériorité
de son pays sur le pays voisin.
I. En tout 54000.
170 H. cCArboh de Jiihniiwille.
a Eh bien ! maître Lôeg », dit Cûchulainn, « attelle les che-
vaux au char, aiguillonne-les, fais partir le char, prends la
droite de l'armée, et fais en sorte d'atteindre soit l'avant-garde,
soit le centre, soit l'arrière-garde ; car je serai mort demain,
si je n'ai avant la nuit fait tomber sous mes coups un des
hommes d'Irlande, soit ami, soit ennemi. » Alors Lôeg aiguil-
lonna les chevaux, et, laissant l'armée à sa gauche, il arriva à
Taurloch du grand bois, au nord de Cnogba des Rois, dans
l'endroit qu'on appelle aujourd'hui Atb GabJa, « gué de la
fourche ».
Cûchulainn entra dans le bois^ sauta en bas de son char et
d'un coup d'épée coupa, tige et tête branchue, une fourche à
quatre pointes. Il l'appointa en la brûlant, grava sur un côté
une inscription ogamique, et, se servant d'une seule main ',
il la lança de l'arrière de son char. Le jet fut si puissant que
les deux tiers de la fourche pénétrèrent dans le sol, un tiers
seulement resta au-dessus de terre. Ce fut alors que, près de
cette fourche, arrivèrent accompagnés de leurs cochers les deux
jeunes gens dont il a déjà été parlé, nous voulons dire les fils
de Néra, petit-fils de Nuatar, arrière petit-fils de Tacân. Ils se
demandèrent lequel des deux donnerait le coup de la mort à
Cûchulainn et lui trancherait la tête. Cûchulainn se tourna
vers eux, trancha les quatre têtes [deux têtes des guerriers,
deux têtes des cochers] et les mit chacune sur une des quatre
pointes de la fourche. Il laissa leurs chevaux devant l'armée
irlandaise qu'ils précédaient sur la route ; les rênes étaient
flottantes sur les cous rouges de sang, des corps des hommes
décapités le sang coulait sur les bois des chars; il semblait à
Cûchulainn que prendre les chevaux, les vêtements et les
armes des hommes qu'il avait tués n'aurait pas été beau pour
lui.
12. L'armée vit donc arriver devant elle les chevaux des
guerriers qui la précédaient, elle vit les corps sans têtes de ces
guerriers et le sang qui coulait sur le bois des chars. L'avant-
garde s'arrêta derrière eux, il y eut comme un grand coup
avec bruit d'armes. Medb, Fergus, les Mané et les fils de Maga
s'approchèrent.
I. Cf. plus haut, p. 166, et plus bas, p. 173.
EilUvcmeiit du taureau diviu. 171
Medb voyageait avec neuf chars, deux devant elle, deux
derrière elle, deux à droite, deux à gauche, le sien au milieu.
L'objet des huit chars qui l'entouraient était d'empêcher que les
mottes de terre soulevées par les sabots des chevaux, que
l'écume venue sur les mors des brides, que la malpropreté
d'une si grande armée et d'une si nombreuse foule ne vînt
souiller l'or du diadème de la reine.
« Qu'y a-t-il ? » demanda Medb. — « Il est facile de vous
le dire », répondit-on. « Nous avons vu arriver les chevaux
des deux fils de Néra, et derrière, dans les chars, les corps
sans têtes. »
Là-dessus on tint conseil. On conclut que ce désastre attes-
tait la venue d'une troupe nombreuse, qu'une grande armée
avait attaqué ces guerriers, que c'était l'armée d'Ulster On
résolut d'envoyer Cormac à l'intellligent exil, fils de Concho-
bar, vérifier qui était dans le gué. On pensait que, si des
guerriers d'Ulster se trouvaient là, ils ne tueraient pas le fils
de leur roi. Puis Cormac à l'intelligent exil, accompagné
de trois mille hommes en armes, alla voir qui était dans le
gué. Une fois arrivé, il n'aperçut d'abord que la fourche plan-
tée dans le gué et sur elle les quatre têtes desquelles le sang
coulait jusqu'en bas de la fourche dans le cours d'eau. Puis il
vit les traces des pas de deux chevaux, celles des roues d'un
char qui avait dû mener un seul guerrier hors du gué à l'est.
Les nobles d'Irlande allèrent au gué et se mirent à regarder la
fourche. La manière dont avait été posé ce trophée leur parut
merveilleuse : « Quel a été, Fergus », dit Ailill, « quel a été
le nom de ce gué chez vous jusqu'à ce jour ?» — « Ath
Grena », répondit Fergus, mais désormais on l'appellera tou-
jours Ath Gabla « gué de la fourche ». Et il chanta un
poème :
Ath Grena changera de nom
par le fait d'un chien fort et violent.
Il y a ici une fourche à quatre pointes ;
elle a rendu perplexes les hommes d'Irlande.
Sur deux pointes en signe de bataille
sont la tête de Fraech et la tête de Fochnam '.
I. Les cochers.
172 H. d'Arhois de JubainviUe.
Sur deux autres pointes
la tête d'Err et la tête d'Innell '.
Que signifie l'inscription ogamique au côté de la fourche?
Trouvez, ô Druides, élégamment
qui fît cette fourche,
qui la planta en terre.
[Un druide répondit] :
Cette fourche avec la terreur que la force te cause,
tu la vois ici, ô Fergus !
Pour sa bienvenue un seul homme l'a coupée
d'un excellent coup d'épée.
Il l'a rendue pointue, l'a portée sur son dos.
Ce n'était pas petite habileté.
Il a jeté en bas ici cette fourche
Pour qu'un de vous la tire de terre.
[Puis Fergus reprit] :
Ce gué s'est appelé Ath Grena jusqu'ici.
Son souvenir ne s'efTacera pas.
Ce gué s'appellera désormais Ath Gahla
à cause de la fourche que tu y vois. »
13. Une fois ce poème chanté, Ailill dit : « J'admire et je
m'étonne, ô Fergus. Qui donc a pu si vite devant nous cou-
per la fourche et les quatre têtes ?» — « Ce qui est encore
plus admirable et plus étonnant », répondit Fergus, « c'est
l'adresse avec laquelle d'un seul coup on a coupé cette fourche
tige et tête branchue et après l'avoir appointée et brûlée on
l'a, du bout d'une seule main, lancée de l'arrière du char en
sorte que deux tiers ont pénétré en terre, un tiers seulement
est resté au-dessus du sol. Celui qui a ainsi enfoncé la fourche
n'avait pas d'abord creusé la terre avec son épée. C'est à travers
de vertes pierres qu'elle est enfonce e. Il y a défense aux hommes
d'Irlande de traverser ce gué avant qu'un d'eux n'ait d'une
main arraché cette fourche qu'on a enfoncée en la jetant d'une
main. » — « Parmi nos guerriers », dit Medb, « c'est à toi
que cette tcâche revient, arrache la fourche du fond de ce gué. »
— « Qu'on m'amène un char », répondit Fergus. — On lui
I . Les maîtres.
Enlèvement du taureau divin. 173
amena un char, au moyen du char il essaya d'ébranler la
fourche, et le char fut réduit en minces débris. — « Qu'on
m'amène un char », dit Fergus. On lui amena un autre char,
puis il tira si violemment la fourche qu'il mit ce char en pièces.
— « Qu'on m'amène un char », répéta Fergus. Avec ce troi-
sième char il fit un effort pour tirer la fourche et le char se
brisa en petits morceaux. Tel fut le sort de dix-sept chars de
Connaught ' et Fergus n'avait pu arracher la fourche du fond
du gué.
« Finis cet exercice, Fergus «^ lui dit Medb, « ne brise pas
ainsi tous nos chars. Cette opération a été bien longue. Si lu
n'étais pas dans notre armée et si tu ne nous avais pas ainsi
fait perdre notre temps, nous aurions déjà atteint les Ulates,
nous aurions fait beaucoup de butin et enlevé bien des
vaches. Nous savons pourquoi tu agis ainsi. C'est pour arrê-
ter l'armée, la retarder, c'est pour nous faire attendre que les
Ulates, guéris de leur maladie, se lèvent et nous offrent
bataille. Ce sera la bataille de l'enlèvement. »
« Qu'on m'amène mon char de bataille » s'écria Fergus.
On lui amena son char, et Fergus tira la fourche sans faire
fendre, sans faire craquer ni une roue, ni l'assemblage du
char, ni un seul des essieux. Autant avait montré de vigueur
le héros qui avait enfoncé la fourche, autant en avait déployé
celui qui l'avait tirée ^. A lui seul ce guerrier batailleur
aurait triomphé de cent adversaires, tel un marteau qui
anéantit ce qu'il frappe, telle la pierre qui brise la tête de
celui qui résiste. 11 peut à lui seul lutter contre une foule,
hacher une grande armée ; il est le flambeau allumé qui
éclaire, il est chef dans un grand combat. Du bout d'une
seule main Fergus arracha la fourche, il la fit arriver sur son
épaule et il la mit dans la main d'Ailill. Ailill la vit, la regarda :
« Je trouve cette fourche parfaite », dit-il, « c'est d'un seul
coup que tout entière, tige et tête branchue, elle a été cou-
pée. » — « Oui certes elle est parfaite », dit Fergus, et pour
la vanter il chanta un poème :
1. Quatorze seulement suivant le Lebor na hUidre, p. 58, col. 2, 1. 7.
2. Un récit analogue dans le chapitre consacre aux exploits de Cûchu-
lainn enfant.
174 H. d' Al bois de JubaiiiuUlc.
Voici la fourche célèbre
près de laquelle fut le cruel Cùchulainn
et à laquelle il a donné, présent funeste,
quatre tètes de nos compatriotes.
Certes on ne fuirait pas devant elle,
comme devant un homme très brave et très hardi.
Cependant, laissée là par un chien qui n'est pas malade ',
elle a tout autour sa rude peau couverte de sang.
Il est malheureux que l'armée aille a l'orient
à cause du terrible taureau brun de Cooley.
Des héros, après s'être séparés de l'armée,
seront frappés par le glaive empoisonné de Cùchulainn '.
Le fort taureau ne fut pas donné [par DaréJ.
Autour de lui avec armes aiguës on combattra ;
les crânes de beaucoup de têtes seront écrasés.
En Irlande toutes les familles gémiront.
Ce n'est pas à moi de raconter
les combats que livrera le fils de Dechtire 5
à propos desquels les hommes et les femmes entendront dire
comment est faite la fourche qui est ici.
14. Quand Fergus eut fini de chanter, Ailill dit qu'il fallait
s'arrêter, dresser les tentes, préparer à mnnger et à boire, faire
de la musique et des jeux, puis commencer le repas. Certai-
nement les hommes d'Irlande n'avaient jamais trouvé quartier
ni campement plus désagréable et plus incommode que celui
de la nuit précédente. Ils s'installèrent, dressèrent leurs tentes,
préparèrent de quoi manger et boire, chantèrent des morceaux
de musique, firent des jeux, puis vint le festin.
Ailill adressa la parole à Fergus : « C'est )>, dit-il, « une
merveille, une chose étrange à mes yeux qu'un guerrier soit
venu jusqu'à nous à cette Hmite de province et si rapidement
ait tué les quatre hommes qui nous précédaient. Il est pro-
bable que ce guerrier est le roi suprême d'Ulster Conchobar,
1. Allusion à la maladie dont étaient atteints tous les guerriers d'Ulster
par l'effet de la malédiction lancée contre eux par la déesse Mâcha. Cùchu-
lainn n'avait pas été présent, quand cette malédiction fut proférée.
2. Allusion aux combats singuliers livrés plus tard à Cùchulainn par les
meilleurs guerriers de Medb en présence de son armée.
3. Sœur du roi Conchobar et mère de Cùchulainn.
Enlèvement du taureau divin. 175
fils de Fachtna Fathach '. » — « C'est invraisemblable »,
répondit Fergus, « il serait honteux d'insulter Conchobar en
son absence, il n'est pas de prix qu'il ne s'engagerait à don-
ner pour conserver son honneur. S'il était venu ici lui-même,
des armées, une foule de guerriers d'élite inséparables de lui
l'aurait accompagné. Supposez que les hommes d'Irlande et
d'Ecosse, les Bretons et les Saxons, entreprenant une expédi-
tion contre lui, se soient réunis au même campement, sur la
même colline, il leur aurait livré bataille et ce serait eux qui
auraient été vaincus, ce ne serait pas lui ^. »
« Qui donc serait venu ? » demanda Ailill. « Serait-ce Cus-
craid le Bègue, fils de Conchobar ; il serait arrivé d'Inis Cus-
craid ?» — « C'est invraisemblable », répondit Fergus ; « Cus-
craid le Bègue est fils d'un grand roi. Il n'y a pas de prix
qu'il ne s'engagerait à donner pour conserver son honneur.
Si c'était lui qui était venu ici, il aurait été accompagné par
les fils de rois et les chefs royaux qui ne font qu'un avec
lui et qui moyennant salaire lui donnent service de guerre.
En vain les hommes d'Irlande et d'Ecosse, les Bretons et les
Saxons, entreprenant une expédition contre lui, se seraient
réunis au même campement, sur la même colline, il leur
aurait livré bataille, et les aurait exterminés. Ce ne serait pas
lui qui aurait été vaincu '. »
« Qui donc serait venu ? » demanda Ailill, « serait-ce le
roi de Farney, Eogan fils de Durthacht ? » — « C'est invrai-
semblable », répondit Fergus. « Si c'était lui qui était venu
ici, les forces de Farney l'auraient accompagné, il aurait livré
bataille à nos quatre guerriers, il les aurait mis en pièces, ce
ne serait pas lui qui aurait été défait. »
1. Conchobar était fils de Cathba le druide. Ness sa mère, avait succes-
sivement épousé, postérieurement à son union avec Cathba, d'abord Fachtna
Fathach qui avait été père nourricier de Conchobar, puis Fergus, fils
de Roech, prédécesseur de Conchobar sur le trône d'Ulster : Voyez le
Compert Choncohalr 'ç>uh\\é par Kuno Meyer, Revue celtique, t. VI, p. 174-182.
2. Cette phrase où la mention des Saxons indique une date postérieure à
l'invasion germanique en Grande-Bretagne fait défaut dans le Lebor na
hUidre, p. 58, col. 2, 1. 13-15 ; cf. O'Keeffe, p. 14, lignes 332-333. Winifred
Faraday, p. 16.
3. Même observation que dans la note précédente. Dans le Lebor na
hUidre Fergus ne parle même pas de Cuscraid.
lyé H. cCArhois de Juhainvillc.
« Qui donc est venu à notre rencontre ? » demanda Ailill.
« Probablement c'est Celtchair fils d'Uthechar. a — « C'est
invraisemblable », répondit Fergus. « Honte à qu'il insulterait
quand il est absent ! Il est la pierre qui écrase les ennemis de
la province, il est le chef de l'assemblée des guerriers, c'est lui
qui ouvre la bataille à la tête des Ulates. En vain contre lui,
dans un endroit quelconque, en une réunion guerrière, une
expédition, un camp, sur une colline les hommes de toute
l'Irlande, de l'est à l'ouest, du sud au nord, seraient assemblés
contre lui, il leur aurait livré bataille, il les aurait mis en
pièces, ce ne serait pas lui qu'on aurait massacré, »
15. « De qui donc », demanda Ailill, « la venue est-elle pro-
bable ? » « Ce ne peut être », répliqua Fergus, « ce ne peut
être que mon élève, aussi l'élève de Conchobar, ce petit gar-
çon qu'on appelle Cûchulainn, c'est-à-dire chien de Culann
le forgeron. » — « Mais oui », répondit Ailill. « Je vous ai
entendu parler de ce petit jeune homme autrefois à Crua-
chan. Quel âge ce petit garçon a-t-il à peu près maintenant ? »
— « Ce n'est pas son âge qui est le plus dangereux » répli-
qua Fergus, « car au temps où il était plus jeune, ses actes
furent encore plus virils qu'aujourd'hui. » — « Comment
cela ? » demanda Medb. « Y a-t-il maintenant parmi les Ula-
tes quelqu'un de son âge qui soit plus dangereux que lui ? »
— « Non », répliqua Fergus, « il n'y a pas de loup plus san-
guinaire, de guerrier plus audacieux. Il n'y a pas de guerrier
du même âge qui vaudrait le tiers ou même le quart de
Cûchulainn. Tu ne peux concevoir son pareil comme guerrier,
comme massue meurtrière, comme vainqueur des troupes
assez orgueilleuses pour l'attaquer. Personne ne lutte plus
bravement avec le plus digne. Personne à son âge ne réunit à
un si haut degré la taille, la beauté, les attraits, l'éloquence,
la cruauté, l'adresse, l'aptitude guerrière, l'habileté à la chasse,
la hardiesse de l'attaque, les succès meurtriers, le talent de
harceler l'ennemi. Personne n'est autant que lui ardent,
furieux, impétueux ; personne ne gagne aussi vite que lui la
partie au jeu des neuf hommes sur chacun de ses cheveux(?). »
— « Nous ne ferons pas grand cas de lui », répliqua Medb,
« il n'a qu'un corps, il évite les blessures, il ne peut éviter de
Enlèvement du taureau divin. 177
se laisser faire prisonnier'. Il a l'âge de fille à marier; ce
jeune gamin sans barbe ne l'emportera pas sur nos braves
guerriers. » — « C'est ce que nous ne disons pas » répondit
Fergus, « car les actes de ce garçon furent virils en un
temps où il était plus jeune qu'aujourd'hui. »
H. d'Arbois de Jubainville.
I. Dans le Lebor na hUidre, p. 59, col. i, 1. i : il supporte blessure, il
n'est pas plus grand que prise ; FodaiDiginn ni mou gahail. Ct. O'Keeffe,
p. 15, 1. 362; Winifred Faraday, p. 17, ligne 14.
Revue Celtique, XXFIU
MÉLANGES BRETONS
DE GRAMMAIRE ET D'ÉTYMOLOGIE
LE NOM DES GRECS
Grec (§ I, 2), igreker (3), greëz; eschedou; neet (4), Grèce, Grésia; Cina
(5), Grecyan; Hebreanet; aparchent, apparchant (6), Grésied (7),
gregach, langach, luc'hach, cranouage, latinaich, goasqonnaich, criste-
nyaich ; cristenez ; hebraich, flamancqaich, islantraich,basqaich,basnecq,
sausnec, sauzmegaich, zôznach (8), gregaichi, gregagein, grecima,
latinat, paterat, gallegat (9), gregaich, gregage, grigage, gregachi, saos-
mega, zauzan ; goast-langach (10), gragachat, gragaillat, graguellatt,
grakal, krakal, rakal, raclât; ragach, ragachat, ragachi ; ragaich, racaich ;
ragaicha, ragata, regatein ; ragacher ; racqaich, rogaich, reugaich, ragach,
ragachi, racquat, roga, roëga, rakal, grakal (11), grecim, catechim,
catecis, katékîz ; cataplam (12, 13), grizyas, grizvez, gryez, grisias,
grifias, griués ; grisieza; groesus; grisia; gref, grefus, grevus (14).
I. Les Grecs ne sont nommés dans aucun des documents
qui nous restent du vieux breton.
On peut supposer à cette époque une désignation directe-
ment tirée du latin grœciis, comme en vieil irlandais grélc
(langue grecque), génitif singulier inna grece (Vendryes, De
hïbcrnis vocabiilis qux a lalina liii^ua originem duxerunt, Paris,
1902, p. 146).
Selon M. Loth, Les mois latins dans les langues brittoniques ,
Paris, 1892, p. 174, le gallois fro^^ la Grèce, le grec, ne pou-
vant venir de Gnecus, suppose grâîca (regio, lingua) ; et
Gryw Grec et Grèce « suppose gréiis pour Greiiis, Grains » ;
l'auteur compare le traitement de Efryiv Hébreu = ÇH)ébreus ;
efroeg l'hébreu = (h^èbrâica. Msl\s groeg ne serait-il pas plutôt
une formation analogique, d'après les autres noms de langues
en -eg ? Et Gryiu n'aurait-il pas, dans le v. français ^nVw, une
Mélanges bretons de 'grammaire et d'élymologie. 179
source moins antique, mais plus populaire que le poétique
Graius ?
2. En moyen breton, le Catholicon du xv^ siècle donne grec,
(g)allice idem, l(atine) grecus ; grecc, g. grece, 1. grecia ; gre-
chn, cest ung libure, 1. grecismus.
Grec est un emprunt, sans doute savant, au français. Dans
la période moderne, le Dictionnaire françois-breton... du dialecte
de Vannes de 1744, que Cillart de Kerampoul a signé « Mon-
sieur L'A*** », traduit « Grec » Grec; parler grec, Comss
Grec; la langue grecque, el Langage Grec. On trouve dans ce
dialecte / grecq en grec, Histoer a vuhc Jesus-Chrouist, Lorient,
1818, p. 358; é grec, Officen, Vannes, 1870, p. 302.
On lit dans le Testaniant neve en dialecte de Tréguier,
Guingamp 1813 : ar Grecq le Grec, Épître aux Romains 11, 9
(ar Grecq, 10, faute d'impression); ar Grecqued les Grecs,
Actes IX, 29, ar Grequet, XI, 20 ; XVIII, 4 ; ar Gregued
Rom. I, 14 (forme qui serait la plus bretonisée). Le même
mot comme adjectif : « ar Jtidevieii greq » les Juifs grecs, Act.
VI, I ; comme nom de la langue : en grecq en grec saint
Luc XXIII, 38, en greq saint Jean XIX, 20; Apocalypse IX,
Il ; ar grecq le grec Act. XXI, 37 ; et comme nom de pays :
e teuas en Grecq il vint en Grèce XX, 2 (ceci pourrait bien
être une inadvertance).
Le Testamant nevez^ (protestant) en dialecte de Léon, Brest
185 1, n'a que Grek Grec, ar Greked les Grecs, sauf saint Jean
XIX, 20, en grek en grec ; ce qui a été corrigé, dans l'édition
de 1870, en en gregach.
Le Testamant «a't':( protestant de M. Le Coat, Trémel 1883,
porte ar Grek le Grec, Rom. I, lé; II, 9, 10; X, 12 ; Grek,
Ep. aux Galates III, 28, pluriel Greked Rom. III, 9; ar Greked
Act. VI, I, etc. La langue est appelée ar Grek le grec Act.
XXI, 37; en grek en grec saint Luc, saint Jean, etc. Le mot
est pris comme adjectif au titre de Ar Bibl santel (sans date),
où le même auteur mentionne « ar mammou-skrid hebre ha
grek «, les textes hébreux et grecs.
3. Dans l'argot trécorois de La Roche-Derrien, eur choz^
igreker kcr^ un vieillard décrépit, impuissant {Revue Celtique
XIV, 273) paraît provenir du français / grtc. On peut
i8o E. Ernault. ■
entendre,, avec le suffixe d'agent -er : « qui fait 1'/ grec, qui
est contourné comme un Y (et non droit comme un I) » ;
comparez l'expression familière « fait comme un Z «, tout con-
tredit; ou « qui fait Y », cf. franc. « faire des S », marcher de
travers comme les ivrognes qui ne sont pas solides sur leurs
jambes (en russe pisaf myslete écrire M). Ou bien la finale est-
elle le nom d'une autre lettre, également contournée, R ?
4. Le Dictionnaire français-breton du P. Grégoire de Ros-
trenen donne comme adjectif ^;Yé'';( : on Ilis greëx^, an Ilis Grec^
l'Eglise grecque; e i]i~ grcé\ à la (mode) grecque; langaich
greéX langue grecque, ul levr greè\ un livre grec. Ceci vient du
vieux français gree:(, dont Godefroy donne un exemple de
1492 : vins gree:( vins grecs. Molière met encore à la bouche
de Martine, dans les Femmes savantes (V, 3), une prononcia-
tion voisine :
Et ne voulant savoir le grais ni le latin,
Elle n'a pas besoin de Monsieur Trissotin.
Dans son Lexique de la langue de Molière, Paris 1896,
M. Livet dit à ce propos : « La prononciation de grec comme
gré ou grais est attestée par le nom de la rue des Grès, autre-
fois rue Sainte-Etienne des Grecs. » Il cite trois exemples du
jeu de mots commun sur grais, gre^^ et grès :
Du latin, j'en sais peu ; mais pour du grès, j'en casse.
On peut ajouter ce passage de La Comédie de proverbes (éd.
Fournier, Le théâtre français au XV I^ et au XVIP siècle, 2^ édition
199) : « Pour du latin, je n'y entends rien ; mais pour dugrets,
j'en casse. » Cela n'empêche pas la même pièce de contenir
(p. 200) cette remontrance à un avare : « On ne sçait ce que
vous estes : les uns disent que vous estes Grec, les autres
Latin ; pour moy, je dis que vous n'estes ny Grec ny Latin,
mais vous estes un peu Arabe. » C'est que la chute du c est
amenée par l'addition d'5 final ; cf. Thurot, De la prononciation
française depuis le commencement du XVI" siècle, Paris 1883, II,
€6, 67.
Le cas est le même que dans échec, pluriel ancien esches.
L'Académie dit, en 1762, que dans échecs « le dernier c ne se
prononce point ». La prononciation cchè est regardée comme
Mélanges hreloiis de grammaire et d'étymologie. i8i
vieillie dans le Vrccis de Prononciation Française de l'abbé Rous-
selot et F. Laclotte, Paris 1903, p. 172; M. Dutens, Étude sur
la simplification de l'orthographe, Paris 1906, p. 272, remarque
avec raison qu'elle n'existe que « quand il s'agit du jeu de ce
nom ». Marot a fait rimer Grecs à regrets (voir la note au pas-
sage de Molière, dans l'édition des Grands Ecrivains) ; nous
venons de voir une variante graphique grets'.Le moy. bret.
avait échec au figuré : gra ila échec fais ton coup (avec rimes en
ec), Le Grand Mystère de Jésus, éd. H. de la Villemarqué,
1866, p. 19 ; au commencement de la période moderne on
trouve comme nom du jeu eschet, plur. eschedou ; puis le
P. Grégoire n'a plus que echedou (voir mon Glossaire moyen-
breton, 2^ éd. Paris 1895, 189e, p. 202 ; et pour le traitement
du t, mes Notes d\'tymologie bretonne, Saint-Brieuc 1 901- 1905,
p. 220 et suiv,, n° 106, etc.). Le Dict. de L'A. dit que ce jeu
est inconnu des Bretons, et qu'il faut bretoniser le mot en
echég m. pi. echegueu.
GreéX devait ne faire qu'une syllabe. La diphtongue pour-
rait provenir de * gre:{ par e ouvert : cf. bret. moyen et moderne
neat à côté de moy. br. 7iet, mod. nœt, van. neet Grég., néœtt
net, nextein, néœtatt nettoyer, neœtadurr m. netteté, action de
nettoyer TA., nettein, neettat nettoyer, approprier Châlons,
Dict. breton-françois du dialecte de Vannes, 1723 (réédité par
M. Loth, Rennes 1895) ; bret. moy. vaen, vcan et ven vain,
mod. veau, vaen, vxn Grég., vain Chàl., vxnn l'A. {Gloss. moy.
bret. 444, 359).
5. Le moy. bret. grecc Grèce vient de ce mot français. Son
orthographe indique un son ç distinct de l'^, qui devait être
voisin de ts et qui s'est fait souvent précéder d'un n ou d'une
nasalisation de la voyelle, cf. Rev. Celt. XI, 353-356; Gloss.
15 ; Notes d'étym. bret. 247 et suiv., n° 124, etc.
Il est probable que le mot a été emprunté de nouveau par
Le Gonidec, qui dans son Testamant neve^ traduit é teiia^ é Grés,
I. Hugues Salel, dans sa traduction des premiers chants de l'Iliade
(1545), fait rimer Grecs k degre^, p. 10; regret?, 100 ; Grec^ à regret:^, 154.
J. Peletier (1547), a de même Greci^ rimant à regret:^, haltecret^, segret^
(cf. Œuvres poétiques de Jacques Peletier... par L. Séché et P. Laumonier,
Paris 1904, p. 20, 22, 35, 181).
i82 H. Hniaiill .
Act. XX, 2, de même dans sa Bihl sauiel (posthume), Saint-
Brieuc 1866. Aux autres passages, il a : ô Grésia ô Grèce,
Zacharie IX, 13 ; rtr Grésia h Grèce Ezéchiel XXVII, 13, 19;
ar Grésia Isaïe LXVI, 19 ; ar Chrésia, i" livre des Machabées
I, i;er Chrésia dans la Grèce, VI, 2. Son dictionnaire français-
breton posthume, Saint-Brieuc 1847, ne traduit « Grèce » que
par Grésia f., comme l'avait fait Troude dans le premier de
ses trois recueils {Dictionnaire français et celto-breton, Brest
1842).
La première traduction protestante a, Act. XX, 2, e Grès,
celle de M. Le Coat er Grès; dans l'Ancien Testament, celui-
ci ne se sert que de l'hébraïque Javan.
Grésia est un latinisme savant, comme er Bersia dans la
Perse, Daniel XI, 2 Le Gon. (er Pers, Le Coat). Cela ne
produit pas pourtant le même effet que dans le français de
Leconte de Lisle (Œuvres de Horace, chez Lemerre 1873, II,
237) : « La Grœcia, soumise, soumit son vainqueur farouche...
Le vainqueur fixa tardivement les yeux sur les œuvres
Graecques», cf. 233 et I, 168. C'est qu'un a final breton vient
quelquefois d'un e français, même dans des noms masculins
(Gloss. 560); cf. Ciiia la Chine Gr., etc.; quant à 1'/, on le
retrouve dans les deux ethniques qui nous restent à étudier.
6. Le P. Grég. donne Grecyan pi. ed, van. id. un Grec,
grecyanès pi. grecyanesed une Grecque, rtr chrecyaned les Grecs;
an tadou grecyaned les Pères Grecs (à l'article latin) ; Châlons :
Grecian pi. et; l'A.: Grécian pi. -nétt, fém. Gréciaunéss pi.
-né:^étt ; er Gréciamiétt les Grecs. Troude, en 1842, avait ^;t'-
sian adj. et s. m. pi. ^^ ; ar grésianed les Grecs ; fém. Grésiane:^^
pi. ed ; son Nouveau dictionnaire pratique français et breton,
Brest 1869, n'a gresian que comme substantif, fém. gresianei
pi. ed ; ar Grésianed les Grecs; de même son Nouveau diction-
naire pratique breton-français de 1876 : Gresian pi. ed, f. -e:{ pi.
ed. Le Dict. français-breton de Le Gonidec donne gresian adj.
et s. pi. ed ; H. de la Villemarqué a inséré un article sem-
blable à la seconde édition du dict. bret. -français, en ajou-
tant : « Le grec, langue grecque. »
Ce dernier emploi se trouve dans Bue^ Hor Zalver... gant...
lann-Willou Herry, Quimperlé 1858, p. 368 : ar scritel à oa
great... e grecian Técriteau était rédigé en grec.
Mélanges breton^ de grammaire et (Tclymologie. 185
L'autre est bien plus commun. Ainsi Le Gonidec écrit ar
Grésianed Act. VI, i ; ar Chrésiamd IX, 29 ; XI, 20 ; Rom. I,
14; ar Chresianed Act. XVIII, 4, etc.
Le correspondant de ce mot existait en vieux français :
Grecient vendrunt les Grecs viendront ; « en langue greciienne »
God. (d'où l'adjectif anglais grecian, employé autrefois aussi
comme ethnique). Leconte de Lisle l'a repris en l'agrémentant
d'une savante diphtongue graphique ; ainsi dans son Horace,
I, 25 : « Par malheur, tu conduis dans la demeure de tes
aïeux cette femme que réclameront les innombrables soldats
Gneciens, » Est-ce la préoccupation de cette exactitude —
d'ailleurs fausse, car le latin ne disait point * Grœciani — qui
a fait tomber le traducteur dans un quiproquo fâcheux sur
avi, qualifié pourtant par le féminin nmlâ ? Il met ailleurs
Grxcs pour Grœci ou Graii, et francise celui-ci en Graiens
(I, 64, 172, etc.).
Ce suffixe ethnique -an se montre en breton, au commen-
cement de la période moderne, dans Hehreanet Hébreux, voir
Gloss. 315.11 provient du français, qui a souvent hésité entre
les prononciations -en et -an, cf. Thurot II, 462 et suiv. ;
Voltaire tenait encore pour Européan.
Des formes comme // appartiant sont attestées par Palsgrave
et Tabourot ; ce dernier la donne comme une variante popu-
laire à Paris de appartient (cf. Thurot II, 436). Le moy. bre-
ton reflète cette double prononciation : aparchent il appartient,
il convient rime en ent, Sainte Barbe 205, mais apparchant
id. rime en and, Grand Myst. de J. 51; cf. le Dictionnaire
étymologique du breton moyen qui suit mon édition du Mystère
de Sainte Barbe, 1887 ; Rev. Celt., III, 228. De aparchent il
appartient, il convient on a tiré apparchentaff convenir, comme
en vannetais fautout falloir de faut il faut, etc., Rev. Celt., XI,
468, 469 ; de apparchant vient le mod. aparchanla, aparchan-
toiit appartenir Gr., van. apparchantein l'A., cf. Gloss. 479,
480; Notes d'étym. 53 (n° 35).
7. Un autre nom des Grecs employé par Le Gonidec
(Daniel VIII, 21 ; XI, 2 ; i'^'' livre des Machab. I, ir) est ar
C'hrésied. Il Ta sans doute modolé sur ar Bersied les Perses, ar
Vêdied les Mèdes (I Mac. I, i); ar Vedied, ar Bersied Dan.
184 ^- Ernault.
VIII, 19, etc. M. Le Coat écrit ûr Meded, ar Persed, ce qui est
plus conforme aux habitudes bretonnes ; cf. nr ChaJdced les
Chaldécns Le Gon., Dan. IX, i ; GalileedG-àWlétn?,, Act. II,
7 (trad. de 185 1), etc. Ce dernier texte porte, II, 9: ar
Mediaiied les Mèdes ; Le Gon. ar Meded, M. Le Coat Meded;
le Test, tieve, Medef.
8. Le P. Grég. donne g recini et gregaich, van. gregach le grec,
ar grecim le grec, la langue grecque, ê grecirn, ê gregaich en
grec, gregaich eo c'est du grec, parlant grecim ou gregaich par-
ler grec, grecima, gregaichi, van. gregageih id. Le premier
dictionnaire de Troude n'a que grékim m. le grec, la langue
grecque (le k est une faute, non relevée aux errata). Son
second dictionnaire porte : ar gresim, ar gregach m. ; le troi-
sième gregach m., a on dit aussi gregaich, gregech » ; gresim
m. ; gregach i, gregaichi, gregechi, van. gregajein parler grec. Le
Gonidec a, dans son dict. franc. -bret., ar grésiiii, ar gregach;
H. de la Villemarqué a ajouté dans la seconde édition de
l'autre dict. gregach (faute d'impression), grésiin et gregach.
M. du Rusquec, dans son dict. franc. -breton (1884) donne
gregach; dans la contre-partie (1895) gregach, gresim, et le
verbe gregachi.
Le Gon. emploie li::;érenmvt Gregach des lettres grecques,
saint Luc XXIII, 38 ; c' Gregach en grec, saint Jean XIX, 20 ;
Apoc. IX, II ; a r gregach le grec Act. XXI, 37.
Ce suffixe vient du (ranç.-age (cf. Notes d'élym. bret. 7-14,
n° 5). Je n'en trouve d'emploi analogue, en bret. moyen, que
dans le terme général langaig, langag, langaige langage, paroles,
mod. langaich pi. on, van. langach pi. laiigagëii langue, langage
particulier d'un pays, al langaich le français Gr., à Saint-Clet
al lafigach id. Gloss. 351.
On peut ajouter plusieurs noms modernes désignant un
jargon ou un argot : luhaich, Inchach, proprement « vernis,
faux brillant » (et non « langage absurde, de /V~ et ///,
comme Troude l'expliquait en 1842), voir Rev. Celt. XV,
363 ; XVI, 225 ; XXVI, 327, d'où liihaichi jargonner, luhai-
cha baragouiner; van. cranouage, de craori truand (^Rev. Celt.
XIV, 284; XVI, 234); et gregaich, gregach lui-même,
comme on le verra plus loin (§ 10).
Mélanges bretons de grammaire et d'étyinologie. 185
Le P. Grégoire a le même suffixe dans latinaich latinisme,
expression latine; goasqonnaich gasconisme, fliçon de parler
gasconne ; il donne aussi al latinaich la latinité (de même
latinage, m. pi. en l'A.); latinaich, al latin le latin ; « il parle
gascon, ou le gasconisme, à charmer. Un ebad-Doiie eo e glévet 0
parlant goasqoi'inaich^-). Cf. cristenyaich christianisme, paganaich,
payanaich, payjfaich (voir Gloss. 455), paganisme ; hugunodaich
pi. on hérésie, huguenotisme, parpailhodaich \à.., etc. Grég.
donne aussi cristenye:;^, van. cricbeneh chrétienté; c'était en
moy. hret. cristene^. Sur l'échange du celtique -ae::;^ et du fran-
çais -âge, voir Gloss. 520, 521. Evans traduit « hellenism »
en gallois grocgiaeth, gryiciaelh.
Comme noms de langues, le P. Grégoire a : al langaich
hebre, an ebre, an Hebraich, an hebraich l'hébreu {hébrach Le
Gon., Dict. franc. -bret. ; saint Luc, XXIII, 38, etc.); caldeaich
la langue chaldaïque; tndaich, tentaich et langaich teut l'alle-
mand, le tudesque, le teuton ; flarnancqaich le flamand ; le
hollandais ; l'allemand, le teuton (du v. franc. Flanienc, cf.
Rev. Celt., XIX, 328); spaignolaich V espagnol, italyanaich, ita-
lyahnaich l'italien, arabaich l'arabe, turcqaich le turc, islantraich
l'irlandais (voir Gloss. 340, 341 ; L'épenthése des liquides en
breton 43, § 55) ; basqaich, ar onasqaich et ar Basnecg, ar Bas-
necq le basque (pour * basq-necg, cf. Mémoires de la Société de
de linguistique, XI, 116, avec la finale de sausnecg') ; langaich
sauT^ (mal imprimé longaiclj), sausnecg, sausniecg, sau^nec, sau^r
niec et sau::jnegaich l'anglais.
La plus ancienne forme attestée de ce dernier est sausnec
(P. Maunoir). D. Le Pelletier donne : « Saôsnec, Langue
Angloise : on prononce Saônec, ou Saiinec de deux syll. et
c'est pour Saôsonnec ». Le manuscrit dit de Roussel porte :
« saosniec, chaosniec. Langue anglaise^ Langlais » ; Le Gonidec
en 1821 : sao~nek m., « quelques-uns prononcent sao^oneh ».
Cette mention pourrait bien avoir été suggérée par l'explication
théorique de Le Pel., bien que Troude déclare, dans son troi-
sième dictionnaire, qu' « on dit parfois sao:^onek )K Milin a
ajouté cette note manuscrite : « et au H(aut) Léon toujours
saoxjnek. » M. du Rusquec Nouveau dict. (bret.-tr.), Paris,
1895, donne sao':^ mek, sûo:^ nek et sao:^onek ; son Dict. franc.-
i8é R. Eniaiilt.
hirt., Morlaix 1883, ne donnait que safl:{nit'k, sno~-iiiek. En
haut Tréguier, le cumul des suffixes -ek et -arb n'a pas lieu :
on dit ::^ô:^nûch, cf. Gloss. 599.
9. En dehors de gregaichi, gre^ageih, grecima, le P. Grégoire
a les dérivés suivants de noms de langues : latinat, participe
latinet parler latin ; latiniser, faire parade de son latin ; inter-
préter, avec la remarque : « ce mot est ancien » (Jatinait
part, -uétt latiniser l'A.) ; latiner (celui qui sait le latin, qui
parle latin, sens employés dans des exemples); pi. -néryen lati-
neur, espèce de pédant qui ne parle presque que latin ; pi.
-nèryen interpète, trucheman (Jatinérr, pi. -nerion latineur
l'A.); gaUegat part, -guet parler français. On peut ajouter
paierai, van. patereih, part, et, dire des patenôtres.
Le Gonidec donne galléga « et par abus » gallégat parler
français, gaJléger pi. ien celui qui parle .le français. H. de la
Villemarqué ajoute gaUègach m. pi, ou gallicisme, façons de
parler de la langue française indûment transportées dans une
autre langue; gallégachat v. a. franciser, donner une terminai-
son, une tournure française ; o^flf//('/^/~ f. pi. -/5/0M gallicisme,
construction propre à la langue française, contraire aux lois
ordinaires de la grammaire, mais autorisée par l'usage. H. de
la Villemarqué a introduit aussi ces trois mots dans le dict.
franc. -breton avec la même distinction entre gaUegach (écrit
ainsi) et gaUégi:{. Ce dernier est une imitation savante de o^^///-
cisme, d'après le rapport de catéchisme à katéhi:{ ; mais celui-ci
est masculin.
Le Gon. a ç.ncore saoïnéga parler anglais ; M. de Rusquec
sao:{inekat, puis saoz^ méga, sao:^ nega.
Cf. gallegit pe T^aosmegit parler français ou anglais, Lescour,
Teleun Giueugam, 1869, p. 337, etc.
10. Le P. Grégoire a aussi gregaich, van. gregach « Jargon,
langage factice, ou langage particulier, comme l'Argot, etc. » ;
van. gregach baragouin, langage qu'on n'entend pas bien ;
gregaichi jargonner, van. gregageih jargonner, baragouiner ;
Châl. ^régage jargon, baragouin, grégagein jargonner, bara-
gouiner ; Châl. ms gregag' baragouin ; grégagein baragouiner ;
jargonner; l'A. grigage, gregage m. jargon; argot des men-
diants; havagouin ; grigage crouaiiouélt narquois, argot, jargon
Mélanges hreions de granininirc et d'élymologie. 187
des gueux; gregageiii jargon ner, grigageiu baragouiner ; Troude
gregach, gregaich, gregech m. jargon, baragouin, argot ; grega-
chi, gregaichi parler le jargon, baragouiner (et gregecbi, van,
gregajein).
Faut-il identifier ces mots à ceux qui signifient grec, parler
grec? C'était l'opinion de Troude, adoptée Rev. Celf. IV, 170,
etc. Schwob a voulu séparer le fi'ançais grec aigrefin, qui serait
d'origine argotique, du nom de peuple, cf. Rev. Celt. XV, 363,
364; c'est une question sensiblement distincte, le mot ne
désignant point une langue de convention'. Pour l'identifica-
tion des deux gregach, on peut faire valoir les passages suivants
du P. Grégoire :
« Passez, c'est du grec ; et en latin : transeat, grscum est ;
ou bien grascum est, non legitur. Ijt é-hyou, gregaich eo. treme-
nit dreist ar grecim-ie, pehiriy na cntcntiî qet... » (passez ce grec,
que vous ne comprenez pas).
« C'est de l'hébreu pour moi, je n'y entend rien... gregaich
eo evidonn-nie. hebraich pur eo. »
A l'article de Troude « gregachi, gregaichi... parler le jargon,
baragouiner », Milin a noté : « dans ce dernier sens, on dit
aussi saosniega ». L'anglais sert donc aussi, en Léon, de type
d'un langage inintelligible ; cf. le trécrois zau:^an, cornouaillais
':^au:^eiu bégayer, tréc. :{aii:^er et simplement :^au::^ (Anglais),
bègue, Rev. Celt. IV, 170; Gloss. 599.
Cf. cet article de Slang. A dictionary of the turf, the ring, the
chase, the pit, of bon-ton... By Jon Bee, Esq. Londres 1823,
p. 91 : « Greek — Irishmen call themselves Greeks — none
else follow the same track to the east ; throughout this land,
many unruly districts are termed Grecian. 'It's ail greek to me',
says one who cannot well comprehend what is said. » Le
dictionnaire de Murray dit aussi que dans le slang, Grecian
désigne un Irlandais.
Une autre expression anglaise de ce genre est « le grec de
Saint-Gilles » (paroisse de Londres), pour signifier l'argot.
I. Un sens voisin de « aigrefin », mais sans nuance de mépris, est
signalé par Leroux, Dictionnaire comique (nouv. éd. 1786) : être grec, être
habile, rusé, entendu, expérimenté; n être pas grand grec, être ignorant, ou
peu industrieux. Selon M. Sainéan, Ztsclir. f. roni. Phitot., XXX, 311, 312,
le sens primitif est « crochet <> ; de là " avare » (en normand et en wallon,
déjà dans Cotgrave), puis (en argot, au xviii<= siècle) » filou, tricheur ».
i88 E. Rniaidl.
Cela rappelle le passnge de Ver-Vert où Grcsset nous montre
le perroquet au couvent de Nantes
Jurant, sacrant d'une voix dissolue...
Les B., les F. voltigeaient sur son bec.
Les jeunes sœurs crurent qu'il parlait grec.
Le poème breton de Le Bail en l'honneur d'un geai, Meuli-
digiie:^ qegnin -caé'r aire Saiit-Yan-ar-Bis... E Montroule^, E
ty A. Léd an, dit (p. 8) que cet oiseau savait cinq langues',
lefrançais, le breton, le latin, l'anglais {ar xpsnec^, pour lesquels
il avait eu différents maîtres, et le grec : Ar gregach voa, me
gred, he langach naturel (le grec était, je crois, sa langue natu-
relle). Cf. gregache ar biked les pies caquetaient, Bar^^a^ Brei\
237 (en cornouaillais).
II. Il y a eu là association de gregach avec un autre mot :
gragachat dégoiser, parler plus qu'il ne faut et avec volubilité
H. de la Villemarqué (Dict. bret.-fr. de Le Gon., 2" éd.);
gragachat crier comme font les pies Troude, 2*-' dict. (le 3*^ a,
sans doute par erreur, gragachat, part, gragachet, p. 250,
696) ; gragachat piailler, parlant de femiues assemblées,
J. Moal, Supplément.., au Dictionnaire... français-breton du
Colonel A. Troude, Landerneau 1890; gragachat crier, dégoiser
du Rusq. (qui rapproche à tort g rac h vieille femme).
Gragachat tient à un radical imitatif qui a donné par ail-
leurs : moy. bret. gragaillat « gargarir, 1. garrire » (et gru-
guillat,k un renvoi, ce qui doitêtreune inadvertance); — mod.
gragailhat crier comme une pie ; piailler comme font ordinai-
rement les femmes, gragailhére:^ piaillerie, crierie importune,
gragailherès pi. -eresed piailleuse Grég., gragala (/ mouillé)
crier comme une pie, comme un geai Le Gon., piailler Trd
(i^' dict.), gragaillat crier comme font les pies (2^ dict.),
caqueter comme les oiseaux, piailler (3^ dict.); « coqueter >>,
lisez « caqueter » du R. (2"^ dict.) ; — graguellatt caqueter
I. Bien supérieur à Ver-Vert (p. 12), il ne savait pas jurer (p. 9), mais
il avait entendu dès son enfance le jargon (jargon) des hommes et des
femmes qui s'injurient, et l'imitait parfaitement, de même que les diffé-
rents cris des animaux. Une des injures féminines rapportées à cette occa-
sion est goast-Iangaclj celle qui perd, qui prodigue en vain ses paroles ; cf.
p. 10, I}ep goasta qeii taugacti (sans perdre temps en discours superflus).
Mélanges bretons de grammaire et d'étymologie. 189
comme les poules l'A. ; — graka, et « par abus » grakal
« faire du bruit, comme les poules, après avoir fait leurs
œufs ;.., caqueter, babiller.... Plusieurs prononcent raka et
rakal » ; grakcre:^, rakérei m. bruit que font les poules après
avoir pondu; caquet, babil Gon., grakcrei m. caquet, graka
babiller, caqueter; crier comme la poule Trd, i'"' dict. ; gra-
ka] id. 2^ dict., crier comme font les poules qui pondent,
bavarder, caqueter, babiller, y dict. ; Milin ms ajoute : « et
krakal » et a un autre article « kraka faire du bruit comme les
poules avant et après avoir pondu » ; — raclai caqueter
comme les poules dès qu'il fait jour Gr., raklat caqueter,
crier comme font les poules Trd, 2"-' et 3" dict.
On peut comparer le lat. gracillare caqueter comme la
poule, graciihis, geai, etc. ; gragaillat a la terminaison française
de piailler, comme l'a remarqué V. Henry.
Le suffixe de gragachat paraît dû à ragach m. babil de
femmes rassemblées, ragachat babiller comme font les femmes
assemblées Trd, y dict. ; ragachi injurier en Cornou-
aille, 2^ dict. (sans indication de dialecte au 3'' dict.);
ragach babil de femmes réunies en troupe ; s'applique aux geais
et aux pies ; impudence, effronterie, sottise, injure, dévergon-
dage, babillage, caquetage, ragachi dire des injures, des sottises,
des balourdises Mil. ms ; ragach piaillerie, ragachat piailler,
parlant des femmes assemblées J. Moal ; dans Meulidigue:(
qeguin, p. 9, ragacherei terme d'injure à une femme.
Grég. naragaich pi. o« qu'au sens de regrat, marchandise de
peu de valeur, racaich pi. ou id., ragaicha, ragata, van. ragatcin,
regateih « regrater, vendre de petites denrées..., pour y gagner sa
petite vie », ragachére:{p\. -ere^ou, ragatére:(p\. ou, van. regatereah,
ragatereh regraterie, ragachèr pi. -éryen, ragatêrpl. yen, van. raga-
tour, regatér pluriels -teryon regratier, fém. ragacherès pi. -eresed,
ragaterès pi. ed, van. ragatourès pi. ed -, chez Maun. ragachèr
revendeur, etc. J'ai regardé ces mots, Gloss. '^66, comme ayant
perdu un r par dissimilation ; mais ce second r a été, au con-
traire, ajouté en français par une étymologie populaire d'après
l'idée de re-gratter (cf. « tondre sur un œuf »). Le provençal
a rigatié,Vitz[ïeïï rigattiere, Ves\>a.gno\ regatero regrattier, frippier,
revendeur, etc., ce que M. Sainéan (^La créât iivi métaphorique •
190 E. Ernault.
en fronçais et en roman, Halle a. d. S. 1905, p. 39, cf. 37)
explique par un composé du mot chat. Je ne crois pas qu'on
soit passé en breton de l'idée de regrat à celle de babillage : les
deux ragach sont à. séparer. Celui qui tient à regrat est le seul
qui ait des variantes avec /; ragacher vient de *regatier, ci.
aparchent, § 6 '.
On peut comparer à l'autre ragach le mot racqaich, rogaich,
reugaich coassement, cri des grenouilles, de rocqat, roga,
roëga coasser Gr., cf. graka, grakal, et raka, rakal coasser, graké-
re:{, rakére^ m. coassement Gon., raka, graka, roga coasser, graké-
re^m. coassement Trd, i^"" dict. ; grakal, rakat « anciens infini-
tifs, graka, raka » coasser, grakere^ coassement 2^ dict.. grakal,
rakal, rakat coasser, 3^^ dict., ragach m. coassement de gre-
nouilles, ragachi coasser comme des grenouilles Mil. ms.
12. L'indication du Catholicon : « grecini grecisme, cest
ung libure, 1. grecismus « s'applique à un ouvrage d'Ebrard
de Béthune, auteur qu'on place au xii^-xiii'' siècle, et à qui
la Grande Encyclopédie consacre deux articles divergents (à
Ebrard et Everard). L'un dit que cet ouvrage, qui « fut d'un
usage constant dans les écoles du moyen âge jusqu'au début
du xvr' siècle », a dû être imprimé d'abord à Paris en 1487 ;
l'autre, qu'il le fut à Lyon en 1483. Ce second article l'appelle
une « sorte de grammaire grecque versifiée » ; c'est une erreur
dans laquelle n'est pas tombé Larousse. Cf. aussi la Nouvelle
biographie générale... sous la direction de M. le D' Hoefer, Didot
1858, qui cite cette observation de Daunou (^Histoire littéraire
de la France, t. XVII) : « Le titre de Grœcisnius, le surnom
de Gréciste... donné à Evrard... pourraient faire croire qu'il
s'agit ici d'une grammaire grecque : ce n'est réellement qu'un
traité de la langue latine, mais de cette langue considérée quel-
quefois dans ses rapports avec celle dont elle a emprunté plu-
sieurs éléments et plusieurs formes. » La Nouvelle biographie
de 1858 dit que « toutes les éditions donnent avec l'ouvrage
I . On ne voit pas de semblable raison phonétique à l'alternance de tie-
lalel et Irelaclk't frénétique, etc., Notes d\'lyiii. 10, 11, 13 (n» 5, §9, 16).
Quant à l'analogie, on peut pe' ser au franc, de sens voisin rahdclhr à
côté du haut breton rabater (d'où l'expression de Siint-Brieuc rahciter
sa pw tel'), mais ce second mot seul paraît représenté en bas-breton, dans
rabadyei babiole Gr., aralmdiei Pel., etc., Closs. 35.
Mélanges bretons de grammaire et d'étymologie. 191
d'Eberhard un commentaire fort obscur de maître Jean- Vin-
cent Métulin, grammairien du quinzième siècle et professeur
en l'université de Poitiers. »
Le Bulletin de la Société des Antiquaires de F Ouest, 2^ trimestre
de 1847, P- 4i"465 contient une « Notice sur les Ajinotalions
de Jean- Vincent de Melle, professeur de l'Université de Poi-
tiers, à un ouvrage de grammaire intitulé Grecismus », par
M. Lecointre-Dupont. C'est la description de l'exemplaire qui
est actuellement à la Bibliothèque municipale de Poitiers. Il
commence ainsi : « Johannis vincencij metulini aquitanici
additionibus ad grecismi postillam prefacio féliciter incipit » ;
voici la fin : « Uiri literaram doctissimi magistri Ebrardi bitu-
niensis grecismi liber féliciter explicit, Una cum glosa magis-
tri Johannis vincentij metulini in florente ac fructifera pic-
tauensi vniuersitate regentis. »
L'auteur et son commentateur sont parfois de singuliers
guides. Témoin ce « vers » du 1" chapitre :
Prothesis apponit caput : auferesis^»? rescidit
dont la glose ne manque pas d'enseigner que le nom de cette
figure (l'aphérèse) est tiré ab auferendo !
Cela n'a pas empêché l'ouvrage d'avoir un long succès.
Dans son Lexique roman ou dictionnaire de la langue des trou-
badours, Paris 1844, Raynouard explique gressime « grécisme,
figure de rhétorique » ; mais le seul exemple qu'il en donne
(tiré des Leys d'amors'), Gressiiiies pau^a aquesta figura en tra-
duisant « Le grécisme pose cette figure » ne peut être qu'une
citation du Grecismus d'Ebrard. Honnorat, Dictionnaire proven-
çal-français, Digne 1846, traduit aussi gressime « grécisme,
figure de rhétorique », sans justifier ce sens. M. Mistral n'a
pas le mot.
Littré donne grécisme comme un synonyme très peu usité
d'hellénisme ; en anglais grxcism est défini par Murray « an
idiom, or a grammatical or orthographical feature belonging
to the Greek language; esp. asused by a speaker or writer in
another language » ; et encore « the spirit or style characte-
ristic of the Greeks... ; adoption or imitation of thèse... »,
Ceci ne tient pas nécessairement au livre d'Ebrard.
Il en est autrement du breton moderne gresim le grec.
192 E. Eriiaull.
d'où gresiina parler grec : c'est une conséquence de l'usage
scolaire de l'ancien grccim, livre enseignant en latin quelques
bribes de grec.
13. Au point de vue de la forme, k^rccim, grcsim, et le prov.
gressimes s'accordent dans la suppression de l'-s- devant w.
D'après Diez, Grammaire des langues romanes, t. II, p. 359 de
la trad., « le français conserve sni intact, comme àzns fana-
tisme, germanisme, solécisme et non pas fanatîme, etc. » Mais
ce sont là des mots savants dont le peuple a rarement l'occa-
sion de se servir.
Didot, Observations snr l'orthographe, 2^ éd. Paris, i8é8,
p. 228, regarde les mots entonsiame, catéchîme écrits par les
Précieuses en 1661, comme constatant « une prononciation
exceptionnelle alors, et restreinte peut-être au cercle des Pré-
tienses » ; ce qui est contestable. Le premier mot est imprimé
dans leur liste entonsiasme, réformé en entousiâme ; l'autre
catéchisme, réformé en catéchîme, p. 229. La réimpression du
Dictionnaire des Précieuses de Somaize par Ch.-L. Livet, Paris
1856, I, 182 porte entousiâme, catéchisme ti catéchîme. Le Com-
plément de Godefroy donne une ancienne forme catheiime ;
Littré cite catéchîme à Genève, M. Mistral catéchîme (Rhône),
catacime (Rouergue). Le breton vannerais dit catechim, voir
Gloss. ICI ; l'A. donne catechimein catéchiser, catechimour caté-
chiste, é Galechime son catéchisme. La forme des autres dia-
lectes, catecis Gr., katéhî:^ Gon., cornouaillais kateM^, Bar^.
Br. 331, présente une réduction inverse de sm à s, qui a lieu
aussi dans le haut breton catéjîsse, peut-être sous l'influence de
catéchiser ? Une variante française sophime pour sophisme est
attestée en 1531 (Thurot, II, 326); on trouve soffime et
sofisme au xiii^ siècle (Littré), soffime au xii*-' {Dict. général),
etc.
Quant à entousiâme, on peut comparer spame pour spasme,
et surtout cataplâme, Thurot ilnd. Littré dit qu'on entend cette
dernière prononciation, qu'il signale aussi comme genevoise.
M. Mistral donne cataplâme (Narbonne), cataplàuius, etc.
cataplasme et soufflet bien appliqué. L'A. n'a en français que
cataplâme, qu'il traduit en van. cat aplani. Cf. kataflam bouillie
dans l'argot trécorois de La Roche-Derrien, Rev. Cclt. XV,
359-
Mélanges bretons de grain maire et d'étymologie. 193
14. Le Nomciiclator de 1633 donne, p. 64 : « vin rude,
degouteux : guin griT^yas, ha degoutet » ; Le P. Grég. : gri^ye^,
gryei (péché) énorme, grief, gryeider, gryeided énormité, gran-
deur, excès; gri~ya:(, gri:(ye~ « grieche, ou griche, qui est
rude, piquant, importun », liiiad gri:^yai ortie grièche, picq
griiyai pie-grièche ; gri^yei, gryc^ grief, douloureux, dange-
reux ; (maladie) griève, (les peines) grièves (de l'enfer), gri-
lye^ded grièveté, énormité, grandeur ; D. Le Pell. : « Grisias,
Fervent, ardent, bouillant. M. Roussel m'a donné ce mot et
sa signification » ; Roussel ms : « grisias, grifias, bouillant,
ardent » ; Le Gon. : grisia^, grisie:{ (en 2 syllabes) ardent,
brûlant, fervent ; grave, important, énorme, excessif, atroce,
violent, véhément, grief; (fièvre) ardente ; (faute) énorme;
(ortie) grièche, (pie) grièche ; gri:(_iai id.; grisiaided, grisie:^ded
m. gravité, grièveté, énormité; H. de la Villemarqué au dict.
bret.-fr. de Le Gon. : (Grisia:^ ou grisie:(), « hors de Léon,
gria:^ ou grie:{ » ; Troude : grisia^, grisie:{, ardent, violent, ter-
sien chrisiai fièvre ardente {V' dict.) ; grisia::^, grisic:^, gri^ia-
id., tersienn grisia^ (avec citation du P. Grég., ce qui est ine-
xact : c'est Le Gonidec qui avait eunn dcrsien chrisiai),
2" dict. ; grisiai, grisie^, gri^ia- brûlant, grave, important,
excessif, 3^ dict. ; Mil. iiis : « grisie:^a v. n. devenir, rendre
ardent, brûlant, vif, emporté; violent véhément »; M. du
Rusquec : grièche, rude, gri^ieh (lisez gri:{ie^) ; grief, fâcheux,
o^nV/V;(; violent, grisie:^; puis gri::^ia^, gri~ie:; violent, excessif,
grisie::^ id. On trouve par ailleurs gri^yas, griç:{ias, griç^ie~;
griches (rime as), et en van. /// hun griiiés é c'est un animal
indécrottable, Châl. iiis ; voir Gloss. 704, 705.
Pel. dit que grisias peut être pour giurisias ou giuresias, qui
serait composé des mots gallois givrés chaleur, jâs ébullition.
M. d'Arbois de Ju bain ville. Études grammaticales sur les langues
celtiques, I, 98 *, voyait aussi dans la première syllabe de o-;-/-
;(m(~) le breton _^^;w;i'- chaleur. J'ai objecté, Gloss. 705, qu'on
devrait avoir des variantes commençant par groui-, et que la
terminaison resterait inexpliquée. L'adjectif tiré de grouei est
régulièrement o'm'^//^ chaud, qui a de la chaleur Pel. (manque
dans R^' ms, qui n'a que « groe:^ chaleur ardente Corn. »),
grouéiu:^, groé^u- ardent, extrêmement chaud, enflammé,
inflammatoire, fervent Gon., etc., cf. Gloss. 295.
Revue Celtique, XXVIII. ij
194 ^- l^niaiiH.
H. de la Villemarqué (dict. br.-fr. de Le Gon.) a comparé
l'irlandais i;'r/rt;/ soleil, qui, tenant à la racine de grone^, donne
lieu aux mêmes objections.
M. du Rusquec a pensé au v. bret. crit tremblement, qui
me semble tout différent, bien que le breton fournisse un
curieux intermédiaire, peut-être par suite d'une association
populaire semblable de kridien frisson et grisia:^ (fièvre)
ardente. Mil. iiis donne, en effet : « Grisia v. n. être transi,
pénétré par le froid ; il ne se dit que des personnes. Petra
beunag a reaii, atao e ve:(cn grisiet gant ar rion, quelque chose
que je fisse, j'étais toujours transi de froid. Le froid marqué
par grisia est un de ces froids qui donne des frissons intérieurs
et présage de fièvre. »
Enfin j'ai tiré grye^ du v. franc, griefs, ce qui en ferait une
variante du moy. bret. gref grief (^Rev. Celt. XIV, 309), puis
griiye^ de * gri{y)ei^, comme ^;^}'o/ filleul de *fiyol, etc., Gloss.
704, 705. Cette explication a été admise par V. Henry. Elle part
d'un fait exact : le v. franc, a eu la forme grie~ pour griefs,
cf. Thurot II, 71. Mais cette origine possible de grie^ est loin
d'entraîner celle des autres formes citées, en particulier de
la plus ancienne, gri^yas.
N'y aurait-il pas là l'ancien nom français des Grecs ? Pour
le sens, remarquons que c'est égalelement l'origine de grièche,
qui est rendu en breton par gri^ya:(. Quant à la forme on peut
comparer les anciennes prononciations françaises : /// griais,
feu greseis (feu grégeois) ; // Gre:(eis, greçois, gre^^ois les Grecs ; a
la greseche à la (mode) grecque ; la griece, griache, gryache (la
grecque), sorte de jeu. Grifias et gritiés ont ainsi chance de
reproduire un type voisin des anciens Grifons et des modernes
grivois, et d'être dérivés de grieu plutôt que de gref, qui a
donné régulièrement en bret. moyen grefus, greuus grief,
moderne grevas Gr., etc. Le ch de griches (ou grichas, d'après
la rime) ne répond pas à celui du franc, grièche, gricheÇGvég.) ;
il vient de -sy-, comme dans Landivicho, Landivisiau, etc. La
répartition dialectale admise par H. de la Villemarqué entre
gri:(ie^ et grie:(^ indiquerait que le premier ;^ a été th doux,
mais elle n'est point établie ; et la forme gria:;;^ peut bien
avoir été suggérée par cette explication arbitraire.
(A suivre.) E. Ernault.
I
MISCELLANEA CELTICA
I. IR. BRONNAID, -BRIA
If the instances oî bronnaim « injure, damage » in the Glossary
totheBrehon Laws, p. iio, be compared witii thosc oï bri al ha r,
ib., p. 107, it will beseen that the latter is manifestly the sub-
junctive of the former. Cf. also cia robria « though he break »,
O'Davoren, no. 300, robrialhar, ib., nos. 287, 314. And the
two forms may without difficulty be brought into connexion
with one another. As to the indicative bronnaim, it would deve-
lope regularly from a nasal présent brûs-nâ-nii. Now in the
case of such nasal présents, the root often appears in astron-
ger form in the subjunctive, cf. Thurneysen, KZ., XXXI,
18 sq. If the normal grade of the root were *bhreus-. The
subjunctive stem would then be *bhreusâ-, but that would not
lead as to Ir. -bria. If, however, we postulate as the root not
*brcus- but *bhrêus- then the difficulties disappear, for *bhrc'usâ-
would in Irish become regularly * brhisâ- >■ * brrijâ- ^ -bria.
Cf. /() « silent », W. taw^ <; *tanos ■< *tansos.
The root bhrlns- appears in Celtic in the foUowing forms :
(fl) bhrêus- : Ir- bria, W. briwaiu « to break ».
(h) bhrils-: Ir. brâW « bruises, crushes «.This grade is pro-
bably to be found also in W. cyniniri in the follow ing passages :
I. As to final Welsh -flu'ami -au (earlier -eu, -oiQ, after which a syllable
has been lost, I do not recollect having seen a definite statement of the
conditions under which the two forms respectively develope. The rule
appears to be that (a) -an- gives -azu- (b), -on- (which ma\' conie from an ear-
lier -en-) gives -au. Further examples of (a) are Lh'daiu ■< * Litavi- or the
like, gognaiu < * ijognanos (Loth, Contrib. a la Lexicographie, etc., p. 13), of
(/') nom. pi. -an <C *oijes, tau " ihv " < * tono, ciglen « he heard » < *kukloije,
etc. etc. The reason for the différence of treatmtnt is that 0 is nearer in
Sound to u than i( is. In the same way we find ludeiv, hriu, heddyiv, lliw.
196 /. Slrachan.
a rcwinathrin a ihranc cyinri, Myv. Arch -. 145^ 10, agwlad
cymru mor gymri 146" î6,a chymri a chymriuyn 148" 2. In the
last instance cymri is clearly a noun with the approximate
meaning of tt grief» or « affliction ».
(c) bhrûs- : Ir. bronnaiiii.
For cognâtes outside Celtic, cf. Stokes, Urkelt. Spr., 187,
Persson, KZ., XXXIII, 292. No instances arecited of a form
with long è in the other European languages, but that is intel-
ligible enough, for -eus- would be regularly shortened to
-eus-. For Celtic Ir. ))il, W. uiis, from * i)iens- proves that the
change of ^ to l was prior to such shortening.
2. IR. TLENAID, - TUA, -TLETHAR
The simple verb appears in -iJethar, O' Davoren no. 1529,
and the verbal noun llcuanmin no. 1553. In the Laws it is
found in a number of compounds e. g. do-tleii, Laws Gloss.
p. 278, verbal noun dithle p. 2^-], fo-tlen, p. 413, fo-da-ro-
thla, p. 626, verbal noun fotbla, p. 413, tolbla, p. 131.
Atkinson rightly equates Lat. tollo, but he does not fully
explain the genesis of the forms. From a base * telâ- would
come regularly a présent indicative * tl-n-â-mi. This would
give in Irish tlenaim (through an intermédiare stage *tlinàini
ThurneyseniiTZ., XXXI, 87), in Latin tollo, with transition to
the thematic inflexion as in sisto = Gr. 'i^-y.\jx. In Irish telà-
would hâve been the normal subjunctive stem ; but a subjunc-
tive * telâ- to an indicative tlenaid would hâve been isolated
in Irish; * telâ- has given place to ^tlià- under the influence of
*biâ- : benaid *crià- : crenaid, *gliû- : glenaid, *liâ- : lenaid.
This explanation has already been applied by Atkinson to the
verbal noun of the simple verb : tlenainon like glenauion and
lenauion.
3. IR. LAIGID, DELLIG
Ir. dellig « haslaindown» has been noted, with the corres-
ponding subjunctive -iellset, O'Dav. no. 694. But it does not
M'hcellauea Celtica. 197
seem to hâve been observed that thèse are really the perfect
forms to lalgid « lies down ». The formation is the same as
in -dessid to suidid « sits », when the perfect is expressed by
prefixing di-ess-. As to // it represents the regular Irish deve-
lopmentofrj/, cf. Bezz. Beitr. XX, 9 '. In dellig it happens that
only the prototonic form occurs, cf. ho desid already in Wb.
3-' 7, while Cormac s. v. Jethech has dofessid.
4. W. CYTHRYMHET
An adjective cythrym « instantaneous, instant » has been pos-
tulated by the late Dr Silvan Evans for two passages of the
Red Book : i" Medyr vab Methredyd a uetrei y dryiu yn Esgeir
Oernel yn Iwerdon tnuy y dwy goes yn gythrynihet 0 Gelli Wic.
RB., I, 112, 2° a g-wan Yspadaden pennkawr trivy anal y garr
yn gythrymet RB., I, 118.
But the sensé is not particularly appropriate, and the forma-
tion of the Word is not clear. The word should be brought
into connection with cilhreiiimetgl. balance libra, Capella glosses
64, which, as Stokes saw, is a derivative from triom « heavy ».
The meaning oï yn gythrymet wnll then be, « proportionately »,
« equally ». As is well known, ;//;■ gave in Welsh thr ; hence
yn gythrymhed is a formation (rom cyn-\-tnuni like the instances
cited by Zimmer, KZ., XXXIV, 179.
5. O. w. DILIU
In the Juvencus glosses, KSB., IV, 325, there is a gloss
dilin on livor daenwnis. This has been explained as = di-Jku
«colourless », but that is hardly an appropriate explanation of
livor. A better sensé may be got if we take dilki -= dyliiu and
I. Waseem in the same way to hâve the regular development oï csr in
errcnaid Ml. 20'^ 2, -eirren Eriu I, 214; crrellicha Sg. 273, 2, 30», 16 would
be an admixture of the earlier err- and the later ër-. Similarly 5/ became
regularlv //, and so we hâve foniitleclila Wb. i <^ 4, and the participle /»//-
Iccljtae Ml. 127», 17 etc. But e. g. in selaio^ from i7/V/rf « hews « si was res-
tored after the reduplication from the other forms of the verb, and this
*seslaig became * seslaig, selaig.
19^ /. Slrticluiii.
cxplain </)'- as thc équivalent of Ir. do-. Gr. g'jct-. This prefix
lias been seen by Loth, ACL., I, 443 in dyhedcL There is a
very clear instance of it in âybryd « ugly » = Ir. dochriith.
6. O. W. INITOID
In the same glosses, p. 410, in tlie passage sed contra illo-
riini iam meus iiiaciilala cruore progeiiie extincta doinini both
inacuJaîa and extincta are glossed by initoid. On p. 410 the
same gloss is found on pressas. Leaving aside the question of
the particular verb that an Irishman would hâve used, the
form of an Irish gloss on maculata would hâve been ainha n-
éilnithe « when it was polluted », and siinilarly in the other
cases.
This suggests that initoid means <' when it wms ». Similar
forms of expression are found in later Welsh, e. g. eny bei
orchyfedic angeu « when death had been conquered », Hengwrt
Mss. II, ']o,ynymcdylyho « when he considers », ib. 3 ; yn i ho '
cannioledig « when (or since) he has been praised », Myv.
Arch. ^, 723 ^ ; yn i bei terfynedic « when it was ended » 723 "^ ;
yn y bei tuneuthuredic y pethaii hynny « when those things had
been done » 724'' ; yn i cadarnhaei ddwyaiul lunyaeth « confirming
the divine ordinance » 732"^. Further in the sensé of « where »,
e. g. inytoet aradur in eredic tir « where a ploughman was
ploughing the land » BB., 22 '\ 5 ; ynyd oed RC, VII, 41 1 ^= hyt
lie yd oed RB, I, 276; dyaot a lunaethyn yd oed y haïur RB., I,
58, yn y mae(y. 1. 7nan y niae^. Myv. Arch. % 79''; and fre-
quently in the White Book Mabinogion.
7. A FORM OF THE W. SUBJONCTIVE
The third person of the passive of the Welsh subjunctive
regularly ends in -id. By the side of that, howcver., I hâve
I. In this and the following passages the subjunctive is odd. The Welsh
of the Hanes GruflFudd shews the characteristics of Welsh translated from
Latin, and there are other indications which seem to point to a Latin ori-
ginah If that be so, then I would sug^i^est that the above passages are over-
literal translations of Lat. cinii with the subjunctive.
Mise c II an c a Celtica. 199
met with some instances of an ending -éd. One instance is
from the Black Book of Carmarthen : bei Uafassed « if it were
dared » fo. 27^ 2. Two further instances are from prose.
¥ or pei cledit « if he were buried » RB., I, 112, the White
Book ot Rhydderch has pei cJadhet \ for mal y goiiynnil RB.,
I, 286, another version RC, VIII 15 has mal y gofynnel.
The variation between -cd and -id reminds one of the
variation between -es and -is in the indicative preterite, that
is, we seem to hâve traces of two originally différent verbal
conjugations, cf. Nettlau, Cymmorodor IX 69 sq. Unfortunately
the formation of the Welsh subjunciive is still very obscure.
8. THE TENSES OF THE WELSH SUBJONCTIVE
It is well known that the subjunctive of the Irisii verb has
formally only two tenses,apresent andapast. Récent researches
hâve more and more broughtout the similarity between the
verbal System in Irishandin British, and for the subjunctive
I hâve discovered what seem to me clear indications that in
British, as in Irish,there were at one time only twotenses. In
seeking to détermine the British System one naturally has
recourse to Welsh, the language with the earliest literary
record. For Welsh the idea was first suggested to me by the
fact that sometimes, in the same passage, an earlier text shews
the past subjunctive when a later text exhibits the pluperfect.
Thus for yr nas giuelsei RB., I, 102.5 ^^^ White Book lias
kynnys ryiuelhei, ior pei as-^ gorchymmynnassitt RB., I, 280.7
the text in RC, VIII, 5 has pei asgorchymynnut ; on the other
hand at I 290.27 the Red Book has the older pei giuneliit ii
where the text in RC, VIII, 23 has pei ryiunelsiit.
I. The fl-hereis the a- (of uncertain origin) wliichserved in earlv Welsh
to infix a pronoun, where yd would hâve been syntactically out of place.
In early Welsh poetry itis exceedinglv common; an instance in prose is as
rediun (leg. rodiuii) « we will give it » White Book col. 47 5 , ^= rodivn RB.. I,
117, 16. In earlv Welsh W is used to a much less extent than iater. An
investigation into the uses of a and yd and of the extension of yd at the
expense of a would probably yield interesting results.
20Ô /. Sirachan.
Exccpt that I hâve run through the Black Book of Carinar-
then and the index verborum to the Gododin poems. I hâve
made no systematic collections. During the past winter, how-
ever, it has been necessary for me to read a good deal of
early Welsh, and I hâve noted any instances in point which
turned up. By way of illustration the following instances may
be quoted : — bei naspr'mhei « if he had not bought him » BB.,
21 -^ i,hci gwelnd « if thou hadstscen » BB., 29'', 2, Diahia ryiiei
" as if he had not been " Myv. Arch.% léo'', 8, giur ar rywne-
ley « a man who had done » 476'', 20, pey rydelhey « if it had
corne » 499 '',-11, k\t ry kyvarffei « though it had encountered »
500 % 6, pei asryaîtei « if he had permitted it » Arch. Cambr.,
i8é6, p. 120, hyt rydiodcjynt « though they had suffered « RB.,
II, 8j. 10, pei rydiagei " if he had escaped ", Hengwrt Mss.
II, 90.26 (but pei ynteii lyodiiuedassei II, 90.25).
As has been shewn in my paper on the subjonctive mood
in Irish, p. 106, ro- is found with the past only in exceptional
circumstances. In Welsh ry- is absent in the instances quoted
from the Black Book and in a couple of the others, but more
generally it is présent. Hère obviously \ve are cont'ronted with
a Welsh innovation to get a more distinct form to express the
pluperfect sensé; a similar use of ry- is found with the présent
subjunctive when it has the force of a perfect, cf. Eriu, II,
218, kanp rygaffo White Book col. 453 (= yr nas haffo RB.,
I, 101.23), /?;;•; na ry gerdo Hengwrt Mss. II, 1.31.
The later pluperfect subjunctive forms are idcntical with the
forms of the pluperfect indicative ', and hâve come from them ;
note in particular forms like pei caïussedei '■ « if she had got »
Hengwrt Mss. II, 170.10. The spread of the forms of the
pluperfect indicative to the subjunctive goes along with the
disappearance of the h forms in the subjunctive, whereby the
past subjunctive came to coïncide in form with the imperfect
indicative, except in a few verbs, and even in thèse there was
a tendency to substitute e. g. bydiun for heivii.
As Thurneysen has pointed out, A'Z., XXXI, 10, the plu-
1. ryu'uelsiit, above p. 199, is an exceptional analogical formation from
f;wnehit.
2. Cf. Nettlau, Cvmmrodor IX, 76.
MisceUiiiica CeJtlca. 201
perfect indicative is itself a British innovation, modelled on
the imperfect. In early Welsh the imperfect is still found in a
pluperfect sensé in the apodosis of conditional sentences, e.,
g. din collei bel nasprinhei « man would hâve been lost, if
He had not redeemedhim » BB., 21% i, hei yscuypun.... nys-
giinaitn « if I had known.,.. I would not hâve done it »,
BB, 41% 12.
9. W. DENG.
In Welsh there is a peculiar form deng of the numéral for
« ten », which, according to the dictionary of Silvan Evans, is
mostly used before words beginning radically with b, d, g,
m, n, or a vowel, and which produces the nasal mutation of
a following consonant. There is nothing correspondingeven in
the closely related Breton and Cornish, so that the origin of
the form is to be sought within Welsh itself. I would suggest
the following explanation.
In Welsh in certain phrases the original final nasal of
numerals is preserved ', mutating a following consonant. For
instances see Gram. Celt. % 206, and (or dec, which is not there
illustrated, cf. e. g. deciihuarnawt RB., ll,22,2<),dec iiilyned 39,
deg mlyned 258, 259 and.passim,^^f mlinet BB., 25 '', 18, dcg
mlinet 26 % 1 1 , So for as I can discover, there is no trace of this
in Breton or Cornish, and that is not without importance for
understanding the isolation of the Welsh form. My suggestion
is that we hâve hère a case of partial assimilation ; before a
following n or m the guttural became the guttural nasal n
expressed graphically by 71g or g. There is something of a paral-
lel in Mabon am {= nb) Mydron BB., 41 "" 6, though ab would
always be unaccented. To trace the history of the form
deng in Welsh I hâve no collections of material. According to
Silvan Evans deng appears before vowels, where phonetically
deng n- might hâve been expected. How far this dates back
and how widely it spread I hâve no évidence to shew.
I. The 11 also extends analogically to other numerals which did notori-
ginally end in a nasal.
202 /. Stracbau.
10. IR. SllI, W. HYWYDD
Ir. siïi, g. siiad conies froni * sii-iiil-s, g. *siiiiidos, the second
part of which is cognate with Gr. poioa etc. The Welsh équiva-
lent, with the form of the oblique cases, is hyivydd which
Pughe gives with the sensé of « intelligent ». Other instances
of the Word with be found in Myv. Arch. - 145^ 10, 147''
29.
11. m. GÉC, w. CAINC
Apart from the variation of the initial consonant which is
also found in Ir. goll, W. coll, « oneeyed », the Irish and the
Welsh words seem at first sight to ditfer also in declénsion.
In Stokes' Urkelt. Spr. p. 69, géc is referred to * kankd, cainc
to *kanlfi. Both, however, might be united in a fem. *kanhù,
just as Ir. dér, W. deigr, « tears » go back to*daknl, Idg. Forsch.
X, 76. Skr. sûûkii- is a masc. //- stem ; of the -// in Celtic
I can offer no certain explanation, but the explanation of the
of the other Ir. -n stems like deoch a.nd mucc is equally obscure.
12. IR. ÉC, w. ANGEU
Ir. ce cornes from *^k'ti-, W. aiigeu has been referred to
* nVeno-. But it may be questioned whether the British stem
is not really identical with the Irish. In Ir. the plural is com-
mon in the phrase do écaih " to death ", and similar plurals
are found in other languages, e. g. Gr. 6âva-:oi of a single
death. Hence it seems very probable that W. angan is in
origin a plural = *nFcites.
13. IR. MARB. w. MARW
Brugmann, Grundriss I- 468, mentions some conditions
under which Idg. r appears in Celtic as ar. Ir. viarb, W.
tftarw " dead " from a Celtic * iiianjos indicate that there was
the same development before //. Another instance in Welsh is
MhccUauea Celtica. 205
canu, with a diticrent tirade of vocalism troni Lat. ccnios, for
chenu, denv etc. in Welsh shew that eru remained unchanged.
14. O. IR. TECHT MUDU
In Wb. 16 '' 4 is found the phrase itecht iiiudii, for which in
the Thésaurus Palaeohibernicus I, 609 / î'echt immiidu was
doubtfully conjectured. Since then, however, I hâve corne
across another passage which goes to support the reading of
the Ms., in the fragment of an O. Ir. commentary on the Psal-
ter pubhshed inMeyer'sHibernica Minora. On p. 26, the text
rcstored by the editor reads : Cindas rotnhàiar int saiJm ht
iosiig ? Ni anse. 1 iii-blogaih ociis esreiid cosiii dôiri baibiloindi,
con- dcochûtar niogaid i tciiipnl Jasin canôin oJchena. Zimmer,
Gôit. Gel. Anz. 1896, pp. z).o6 sq. talces reasonable offence at
the form iiiogaid in an O. Ir. text. He himself reads iiiogai =
Jilii captiuilaiis or fiUi traiisniigrationisÇEzra. 4. i . etc.) and trans-
lates : « Vereinzelt und zerstreut waren sie (die Psahnen)
bis zum babylonischen Gefangenschaft, sodass (die unter Jesua
und Serubabel aus dem Exil heimgekehrten) filii captiuitatis
mit dem ùbrigen Kanon in den neu (neu aufgebauten) Tem-
pel einzogen >k But, apart from the gênerai obscurity of expres-
sion, itisapooranswerto a question as tothefateof the Psalms
to say that certain niogai went into the Temple îuith the rest
of the Canon. Let us nowturn to the Mss. One has condeocha-
tar nindaigh, but instead of niiighaidh the other has mugha.
Thèse readings do not point at a'I to niogai or mogaid, so
that for the troublesome « slaves » there is really no Ms.
authority. But the readings of the Mss. might very well be
corruptions of mudu and I would read condechittar mudu hi
tenipid lasin canôin okhenae, « and they were lost in the Temple
with the rest of the Canon ». In other w^ords, before the Baby-
lonian captivity the Psalms did not form a united collection ;
at the destruction of the Temple they were lost with the rest
of the Canon ; after the captivity Ezra was inspired to restore
them along with the other lost texts. That there was a
patristic tradition that the books of the Canon were lost at
the time of the Captivity and weie restored by Ezra, may be
204 /• s hacha H.
scen fi'om the quotations in excursus Aof Ryle's Canon of thc
Old Testament (Macmillan & C". 1892).
I). IR. BKTHU, W. BYWYD.
Brugmann, Grundriss P 327, following the traditional
explanation, identifies Ir. biàd (g. hiïd) " tood " with an alle-
ged W. hyiuyd " victus ". But the fact seems to hâve been
overlooked that in Welsh from early times down to the pré-
sent daythere are two distinct worà.'^bywyd « hfe « and biuyd
« food ». As an early instance of biuyd may be quoted ro vyd
(leg. vuyd) y newynaiic a dillad y uoeîh, « give food to the hun-
gry and clothing to the naked », Black Book fo. 42'' 8, cf.
O. Bret. boiiolion, gl. esciferis. That being so, it is more natu-
ral to equate W. byiuyd with Ir. belhii « life ». Ir. belbn is
referred to a prehistoric *biuotftts. In W. that would probably
give *biuofi, byzvyd. Unfortunately, I hâve no other instance
to shew the effect of / from /"/ on a preceding 0, but it is pro-
bable that it would be the same as that of ï from oi, cf. Zupitza,
KZ., XXXV, 255. There is an instance of î <C ?"' <C ô in ivyth
« eight ». With regard to final syllables, the British rule seems
to hâve been that, apart from the cases in which an originally
final consonant, or group of consonants, was preserved (cf.
Thurneysen KZ, XXXVII, 115), ail final syllables were lost,
cf. e. g. W. car : Ir. carae, W, hyn : Ir. siniii, W. Nudd :
Ir. Nnada. That, by the way, may help to explain the decay
in the inflexion of the British noun. There remains Ir. biàd :
W. bzuyd « food », which can hardly be separated from one
another. But of their phonetic relation I can ofter no satis-
factory explanation.
16. IR. FINDBUTH, W. GWYXFYD '
In the three British dialects there is a phrase for « happy
is he », W, guyn y fyd, Corn.guyn y vys, Mid. Bret. gnenn e
bet. In O. Ir. there is a similar phrase is find a nibcthu Wb.
2^ 2, where, however, bilh « world » has been replaced by
I. i. e.dens^;cr is verv comiuonlv written for n^.
Mkcellanca Celiica. 205
bdIjH « life ».The original word, however, appears in thecom-
\)ound Jiiidbiith Ml. 128 "^ 18 = W. gwynfyd < *nindo-bitus'.
In Mid. Bret. the word appears in the derivative gitennuidic,
on which see Henri, Lexique Etymologique, p. 151. In Irish a
nom. fiiidhiiith appears in Eriu II, 14^, a dat. findfuîh in
Trip. L. 180. So the nom. and the dat. shew the regular forms
of an -H- stem. But the genitive iniia fiiidbiiide Ml. 14° 4 is
remarkable both for its gender and for its declension. I can
only suggest the influence of the féminine noun biiith (earlier
both = W. bod) g. biiithc « to be ».
17. IR. GUIRID, W. GORI
Ir. giiirid « warms » has long ago been compared with
W. gori « to brood », deori « to hatch ». There is a passage
is Eriu II, 120, which illustrâtes well the development of
meaning : slcbe gainnc ocus grian il é guirte in ogh. Hère one
would be inclined to translate simply " hatch ".
18. IR. ATBATH
On thisformsee ThurneysenA'Z., XXXVII, 112, 120, where
he rejects with reason Zimmer's explanation. At first sight, it
might seem as if Zimmer's theory found support in forms
like atbathaMl. 98^, 8, conidaptha Rev. Celt. XI, 430, conaptha
YBL, 58 ^, 4, coiididaptha Ann. Ul. 830. Thèse forms, however,
admit of another explanation; -apad would appear externally
like rocarad, romarbad, so that it is not surprizing that -aptha
should hâve been formed to -apad like rocarllm to rocarad. As
to atbatha, it is the only form of the kind which I hâve noted,
and, as the Milan glosses are notoriously full of scribal errors,
it may be a corruption of albathatar. If it be a genuine form
it will hâve to be put down to the influence of the prototonic
-aptha.
19. IR. MLIGID, DOOMMALGG
Sarauw, Irske Studier p. 47, refers with doubt to dooiii-
iiialgg Sg. 23'' 2 as the perfect of iiiJigid. Pedersen, KZ.,
I. The comparison itself is not new, see Ascoli, Gloss., CCCXXVII.
2oé /. Slrachiiii.
XXXVII 225, suggests tlnu dooiiwialiy^^ may be a scribal error
for docoinnialf^. But dooininalg is supported by a passage in
the Annals of Ulster 732 : dooiiilachi jo tri, ol n-ais caich nibleg-
uin, « it was milked thrice, every milking produced a vat of
milk ». The form stands both in the Dublin and in the Oxford
copies of the Annals, so that there can be no doubt that it
belonged to the original text.
20. IR. DOCÔISED
This form occurs twice in the Tain Bù Cuailnge : — LU.,
72'' 22, docoiscd fcrchend fora beolii " a man's head could hâve
passed over his iips ", and LU. 65'', 42, dococstis cter a topor
ociis sliab, « they could hâve gone between its source and the
moLintain ». This is the form of the secondary future in this
verb which expresses possibility, d. ni dichet « he cannot go ».
As the analysis of this perfective verb is di-avu-feîh-, docôi-
sed must be an an.ilogical formation to the subjunctive docôi,
docôised, after such cases as the fut. and sec. fut. dotôith, dotôi-
thsad, to the subjunctive doiolh etc. In CZ. III, 453, 21 it is pro-
bable that we hâve a corresponding perfective future, for docôi
i flaiih \n\ Dé seems to mean « he will be able to go into the
Kingdom of God », but the surrounding text is not very clear '.
21. W. AR Y GANFED
According to the dictionary of Silvan Evans ar ci ganjed
means " having a hundred (men) with one ". In the Red
Book I, éo M. Loth rightly translates mi a afar vyn dendecuct by
« j'irai mon douzième », for from what foUows ef a acth a
gihiaethivy a degiuyr gyt ac wynt it appears that the total of the
Company was twelve. So at RB. II, 67, ar y dryded^= se terliuui
of the Latin original. So in Hengwrt Mss. II, 120, ar y pctwy-
I . This text contains some othcr interesting perfective forms : 0 choiiah-
baiug (<< con- ad- hoiii^, perfective près.) « when he has broken » 453 !. 27,
co iluidchet (from. -htidchcl, perf. près.) « till it has corne « 448 1. i^, rohi
toviielha « there is wont to be (somethiiig) which decavfs » ^jo 1. 5, 0
chohiasca (witli perfective ad) « wiien he lias correctcJ iiimseli » 451 1. 26,
odûdigthet « when they hâve corne » 454 1. 26.
Miscellaiica Ccllica. 207
ryd marchawc means " with three other horsemen ", as appears
fromthe sequel : — ac ar hynnyy kyuodes petiuar canl iiiarchaïuc
y vynyd, ne gyrchii, ae vrathu degmrath, a Uad y dri chedynideith .
On the other hand in RB. II, 58, ar y vgeinuetor keiuriereill isa
rendering oîilleciim tiginti gigantibus ; in the Brut Tysilio the
expression is ar y daydegvet gaïur, Myv. Arch. ^, 439"". In RB.
II, 68, yn dyuot ar y deiigeinuet 0 varchogyon must from the
context mean « coming with forty other horsemen ». Hère the
Brut Gruffudd ab Arthur, which had previously mentioned
sixty horsemen has, Myv. Arch. ^, 487^ anvon a orne Llyr
kennat y brenyn acat y verch ynteu a dywcdnyt y vot yn dyuod
ar y try itgeynt iiiarchaïuc, but on p. 562 there is a variant
anvon aoriic Lyr genat at ebrenin ac at iverch ynten art drigeinvet.
There is an instructive passage in Hengwrt Mss. II, 28. It
begins : — ac ar y drugeinvet y kerdius Charleiiiaen hyt ar beiin
mynyd a oed ger y llaïu. There he left his company and in
disguise ary eil inarchawc (i.e. with one horseman) went to
Aigoland and said that Charlemagne had sent them and that
he was on yonder mountain ar\ drugeinvet marchaïuc, and he
concluded by saying to Aigoland : ac aiii hynny dyret dit heu
attaw ef ar dy drugeinvet. Finally Charlemagne y doeth ar '
y drugein marchawc a adcnvssei ar y mynyd. Hère it is clear
that ar y drugeinvet means '< accompanied by sixty men ».
We hâve then, it appears, two methods of reckoning. In
speaking of a number of individuals, there is an inclusive rec-
koning e. g. ar y drydydd = ipiTcç ajtsç, " himself with two
others ". But in speaking as it were in military language of
round numbers in tens or hundreds the leader, to judge from
the instances quoted where the matter can be put to an actual
text, was not included. Hence, until évidence is adduced
to the contrary expressions like ar y ganfed must be trans-
lated « with a hundred men », not with M. Loth, Les Mabi-
nogion I, 44 (cf. the note on p. 317) « lui centième ».
J. Strachan.
I. i.e. « to ». In earlier texts ar is often used of « to » a person where
kter texts liave ait e. g. v doelh ar Ereiut RC, Vil, 433 ^z. atl Ereiiit RB,
I, 476.
CHRONIQUE
Sommaire. — I. Nouvelles des Iles BritAiiniques. — II. John Rhys, The celtic Inscriplioiis
of traitée and Italy. — III. V. H. Friedel et Kuno-MEVER, La vision de Tondale
(Tniids^al), textes français, anglo-normands, irlandais. — IV. A. Fick, Vorgriechischc
Ortsnainen als Quelle fur die Vorgeschichie Griechcnlands. — V. Mort de Victor Henr\',
auteur du Lexique étymologique des termes les plus usuels du breton moderne. — VI.
Mort d'Alexandre Macbain, auteur de V Etymologieal Dictionary of the gaelic Language.
— VII. Otto Hirschfeld, Die roemischen Meilensteine. — \'lll. Ch. Renel, Les reli-
gions delà Gaule mant le Christianisme. — IX. Albert GiiumEK, Habitations gauloises
et villas latines de la cité des Médiomatrices. — X. Nomination de M. J. Vehdryes à
la Faculté des Lettres de l'Université de Paris.
I
Le directeur de !a Revue Celtique a reçu d'un correspondant qui désire
n'être pas nommé les notes suivantes qui sont de nature à intéresser les
celtistes.
The Marquis of Bute bas offered to deiray tlie cost of printing a Cata-
logue of the Gaelic Mss. in the possession of the Advocates' Library,
Edinburgh. Professor J. Maclvinnon lias undertaken the work of compiling
this catalogue.
Dr. Osborn J. Bergin bas been appointed Professor of Iri^h at the School
of Irish Learning in Dublin '. The Briti.sh Government bas increased its
grant to the Scliool to ^ 200 for the year 1907/8.
The Government bas also given a grant of % 400 per annum to the
Roval Irish Academv for publisbing a Catalogue of the Irish Mss. in their
possession.
L'nder the title ' Anecdota froiii Irish Mainiscripls ' Professor KunoMever
will, with the coopération of Professor O. J. Bergin, Mr. R. I. Best and
Mr. J. G. O'Keeffe, begin a new séries of Irish texts without translations,
which will appear in separate issues of about 80 pages each. The first part,
whichwill be published next summer, wil! contain the Sceln Cano from the
Yellow Book of Lecan, the Tiicait indarha iia iiDcssi from H. 2. 15, the
poems from the Inirain Mdilcdûin, ^c.
I. Voir plus bas, p. 218, 219, la cause de cette nomination.
Chronique. 209
II
M. John Rhys, si connu des lecteurs delà Revue Celtique, vient de mettre
au jour un mémoire intitulé : The celtic Inscriptions of France and Italy '.
C'est un recueil aussi complet que possible des inscriptions celtiques décou-
vertes jusqu'ici en France et en Italie. Le savant auteur avait déjà publié dans
ses Lectures on luelsb Philology et ailleurs un grand nombre d'inscriptions
celtiques en caractères ogamiques trouvées en Grande-Bretagne et en
Irlande. Non content, il a mis au jour le mémoire dont nous parlons et qui
contient quarante-trois numéros. Un travail analogue avait été publié il y a
vingt ans par M. Whitley Stokes aux p. 42-69 de sa Celtic Declension '.
M. Rhys ajoute onze inscriptions à celles que M. Whitley Stokes avait
connues. La plupart de ces onze inscriptions avaient paru postérieurement
à la date du recueil de M. Whitley Stokes dans diverses publications, notam-
ment dans le tome XII du C. /. L. dont l'auteur est M. Hirschfeld.
M. Rhys ne se contentant pas de reproduire les lectures de ses prédécesseurs
a été sur place les vérifier. Il propose un certain nombre de lectures et
d'interprétations nouvelles. Quelques-unes de ces lectures nouvelles peuvent
sembler contestables. Nous signalerons par exemple, p. 56, ce que M. J. Rhys
dit du Mercure de Lezoux, Puy-de-Dôme, aujourd'hui au musée de Saint-
Germain qui s'est tant enrichi sous l'administration de M. Salomon
Reinach. Serait-ce bien l'Esus des Gaulois ? Tentâtes, horrensque feris
altarihus Esus, a dit Lucain, I, 446. Ce Mercure porte deux inscriptions :
l'une, Mercurîo angnsto sacru))i, a été publiée au tome XIII, n» 15 14 du
C. /. L., l'autre inscription passée sous silence dans ce savant recueil serait
une dédicace gauloise à Esus. Mais de ce nom propre les deux premières
lettres es sont seules certaines. Ce qui reste de la troisième semble être le
début d'un o plutôt que d'un v, forme antique de la lettre aujourd'hui
notée u. C'est à vérifier.
Suivent : 1°, p. 75, des notes sur la déclinaison celtique ; 2°, p. 77, une
critique courtoise des doctrines exposées dans la Revue Celtique, t. XVIII,
p. 318-324, par le directeur de ce périodique ; 3°, p. 82, une étude sur le
calendrier de Coligny, cf. Revue Celtique, t. XIX, p. 213 ; t. XX, p. 100 ;
t. XXI, p. 10-25 ; 40 quelques notes sur l'inscription de Rom, cf. Revue
Celtique, t. XIX, p. 168-176; 5° un post-scriptum sur la question de savoir
quelle était la limite du territoire des Ligures, sujet récemment traité par
M. JuUian, Revue des études anciennes, cf. Revue Celtique, t. XXVIII, p. 104.
III
Tout le monde connaît le chant VI de VEneide où l'on voit Enée par-
courir les enfers et les Champs-Elysées, assister au supplice d'une partie des
1. Londres, Henry Frowde, Amen Corner, in-80, ici pages, prix :
6 shillings 6 pence ; extrait du tome II des Proceedings of the British Aca-
deniy.
2. Cf. Revue Celtique , t. VII, p. 100-102.
Revue C'Itliitie, XXVIII. . 14
2IO Chr unique.
morts et à la douce existence que mènent les autres, éclairés par un soleil
et par des astres à eux, faisant des repas sur l'herbe et chantant en chœur
des hymnes joyeuses :
solemque suuni, sua sidéra norunt.
dextra laevaque per herbam
vescentes, laetumque choro paeana canentes.
Cette partie de VEncide a eu des imitateurs chrétiens, le plus connu est
Dante Alighieri, 1265-1321, auteur de la Divina comeâia, l'enfer, le pur-
gatoire et le paradis. Dante Alighieri avait eu des prédécesseurs. Le plus
ancien parait être l'auteur de la Visio sancti Pauli, composition qui existait
déjà au ive siècle'. Deux écrivains irlandais ont aussi, avant Dante, cultivé
ce genre littéraire.
Le premier en date est l'auteur anonyme du morceau irlandais intitulé
Fis Adaiiindin, « Vision d'Adamnân » qui est, au plus tard, du xi^ siècle,
et qui, publié à cinquante exemplaires par M. Whitley Stokes en 1870, a
été de nouveau édité par M. Windisch en 1880^. Le jour de la fête de saint
Jean-Baptiste, l'âme d'Adamnân aurait quitté son corps et, guidée par son
ange gardien, elle serait allée visiter le paradis et l'enfer. Le second des
auteurs irlandais dont nous voulons parler est Marcus qui, vers 1149, écrivit
en latin la Visio Toiidali^, mieux Tiiwgali ou Tnuthgali^.
Nous ne savons si nous pouvons mentionner ici l'auteur anonyme connu
de Bède, suivant lequel l'irlandais saint Furie, mort en France abbé de
Lagny en 650, étant encore en Irlande sortit de son corps et vit les anges
et les démons. On peut consulter là-dessus les Acta saiictontiii Hiheniix
ex codice sahihinticensi, co\. 78-97, et VHistoira ecclesiastica de Bède, III, 19,
ouvrage terminé en 731. L'auteur qui a le premier parlé de ce mystérieux
voyage de saint Fursé était-il irlandais ?
Nous ne dirons rien du Purgatoriuin sancti Patricii écnx, probablement
dans la seconde partie du xiK siècle, par Henri de Saltrev, moine cistercien
d'origine anglaise?, et qui dut une grande célébrité à l'arrangement français
que Marie de France en fit au xiii«= siècle. Ce morceau n'appartient pas à
la littérature irlandaise comme la Fis Adaimiain et la Visio Toiidali.
1. H. L. D. Ward, Catalogue of Rodudiccs in tlic Department of Manu-
scripts in the British Muséum, t. II, p. 397-515 a un chapitre intitulé Visions
of Heaven and Hell, intéressant à consulter sur le sujet qui nous occupe ici.
Voir aussi Potthast, Bihliotheca historien niedii aevi ; 2^ édition, p. 1098-1099.
2. Irisclie Texte, X.l, p. 169-196.
î. La vision de Tondale (Tnudgal), textes français, anglo-normand, irlan-
dais, publiés par MM. V.-H. Friedel et Kuno Meyer. Paris, Champion,
1907, in-80, XX-157 pages.
4. Sur le nom réel de Tondal voyez une note de M. Kuno-Meyer, Zeit-
schsrijt Ji'ir c?ltische Philologie, t. IV, p. 346.
5. Voyez Todd, St. Patrick, apostle of Ireland, p. vu. Une édition du
Purgatorium sancti Patricii a été donnée en 1855 dans la Patrologia latina
de Migne, t. 180, col. 975-1004. Il avait été précédemment publié- par
Messingham, Florilegiuni insulae sanctoruni, p. 86-109, et par Colgan,
Trias tliauniaturga, p. 273-289.
Chronique. 211
Marcus, auteur de ce dernier ouvrage, était un moine né en Irlande, mais
établi dans l'Allemagne méridionale et qui écrivait à Ratisbonne. Il raconte
comment Tondale aurait vu l'enfer, le purgatoire et le paradis et les a pu
décrire ; son récit eut un grand succès. Giraud de Barri et Jocelin, qui
écrivaient tous deux dans les dernières années du xii^ siècle, ont connu son
œuvre dont on possède grand nombre de manuscrits, et au xiii^ siècle,
Vincent de Beauvais l'a inséré dans sou Spéculum historiak, 1. VII, c. 88-
104, qui au xve siècle a eu huit éditions'. Au xixe siècle il a paru deux
éditions de la Visio Tomiali ; 1869 est la date de la première dont l'auteur
a été le savant maître Oskar Schade, récemment enlevé à l'admiration de
ses élèves et à l'affection de ses amis. En 1882, Albrecht Wagner a fait
paraître la Visio Tnugdali laleinisch und alldeulsche ^, un volume où l'on
trouve le texte primitif en prose latine, un poème latin en 160 vers sur le
même sujet, des fragments iiiederrheiiiische et le poème allemand d'Alber,
21192 vers écrits aux environs de l'année 1200.
Albrecht Wagner constatait que la vision de Tondale avait été traduite en
dix langues : hollandais, anglais, suédois, islandais, espagnol, provençal,
français, italien, portugais, catalan. En outre MM. V. H. Friedel et Kuno
Meyer viennent de publier cinq textes inédits de cette composition . Deux
de ces textes sent en prose française et tirés de manuscrits du xiv^ siècle,
conservés l'un à Londres, British Muséum, additional 9771, l'autre à Paris,
Bibliothèque Nationale, ms. français 763. Vient ensuite un fragment de
poème anglo-normand, 364 vers et demi, tirés d'un ms. du xiv^ siècle qui
se trouve au Trinity Collège de Dublin et y porte le n" 332. Cette partie du
volume est l'œuvre de M. Friedel.
Le quatrième texte est en prose irlandaise, c'est un des nombreux mor-
ceaux réunis dans le ms. H. 3.18 du collège de la Trinité de Dublin ; il se
trouve aux pages 771-809 et c'est la copie, faite au xviic siècle, d'une traduc-
tion rédigée au xvje. Le cinquième texte également en prose irlandaise est
extrait du ms. Stowe C. II, 2, xvi^ siècle, qui appartient à la Royal Irish
Academy. Ces deux derniers documents ont été publiés par M. Kuno Meyer
qui y a joint un index.
IV
Nous sommes bien en retard pour parler du mémoire de M. August Fick,
Vorgriechische Ortsnainen aïs Quelle fi'ir die Vorgeschichte Griecheiihinds :
« Noms de lieu qui, étant antérieurs à la langue grecque, peuvent être uti-
lisés comme source de l'histoire de la Grèce avant l'arrivée des Grecs. » Ce
mémoire a paru en 1905 =. Il ne concerne pas l'histoire de la Gaule, mais il
peut donner aux celtistes un modèle à imiter. La présence en territoire grec
d'un grand nombre de noms de lieu, étrangers à la langue grecque et apportés
par les populations qui ont précédé les Grecs, est un fait historique d'une
1. Potthast, Bihliotbecii bisloriùi iih'dii aevi, 2'' édition, p. 109 S, 1098.
2. Goettingen, Vandenhoeck und Ruprecht, in-8", viii-175 pag^-s.
212 Chronique.
haute importance et peut donner lieu à penser qu'un certain nombre de
noms de lieu en Gaule et dans les Iles Britanniques peuvent remonter à la
population qui dans cette partie de l'Europe a précédé les Celtes. Si la plupart
des villes antérieures à l'empire romain ont pu être fondées par les Celtes,
les cours d'eau, les montagnes remontent à une date plus ancienne que la
conquête celtique et avaient antérieurement à cette conquête des noms qui
peuvent avoir subsisté.
De ce que nous disons, il ne se suit pas que nous considérions comme
établies toutes les doctrines exposées par M. A. Fick dans ce savant travail.
Il ne nous semble point par exemple avoir prouvé, p. loo et suivantes, qu'il
faille rejeter la doctrine d'Hellanique de Lesbos suivant laquelle les Étrusques
sont des Pélasges qui de Grèce vinrent en Italie'. La doctrine d'Hellanique
s'accorde avec celle d'Hérodote, 1. I, c. 94, qui fait de la Lydie le point de
départ de cette émigration dont la Grèce a été une étape. M. Auguste Fick
est un linguiste éminent, mais, quand il se lance dans l'ethnographie, sa supé-
riorité l'abandonne. Etrusciis, dit-il, n'est pas le même mot que Tjp7r,vo:,
un surnom des Pélasges, donc la population désignée par le premier de ces
mots n'est pas la même que la population désignée par le second. Appli-
quons à l'ethnographie de l'Europe moderne le même procédé : nous dirons,
il y a en Europe, au xx»^ siècle, trois puissants états : l'Empire allemand,
The German Empire, Das Deutsche Reich ; on aurait tort de les confondre.
V
Le troisième fascicule de la Bihliotbcqiif hretoune armoricaine publiée par
la Faculté des lettres de Rennes contient un Lexique étymologique des termes
les plus usuels du breton moderne ' par Victor Henry, professeur de sanscrit
et de grammaire comparée des langues indo-européennes à l'Université de
Paris. Enlevé subitement par une angine de poitrine, en un moment où il
semblait plein de santé, M. Victor Henry €st mort le 9 février dernier à
l'âge de cinquante-six ans. La veille M. Barth, comme lui sanscritiste,
avait reçu sa visite et rien ne faisait prévoir pour le lendemain la catas-
trophe que l'excès de travail, le surmenage, comme on dit, a probable-
ment amené.
Le Lexique étymologique de M. Victor Henry est fondé en grande partie
sur VU rkelttscîjer SprachschatidtM. Whitley Stokes; il contient cependant
beaucoup de parties originales et il est fort apprécié tant en France qu'à
l'étranger. Hier, 29 mars, est arrivé à Paris le prospectus de la nouvelle
édition que M. Normati Macleod, libraire d'Edimbourg, annonce àtVEtymo-
logical Dictionaiy of the gaelic iMnguage, publié en 1896 par M. Alexandre
Machain. Dans ce prospectus on lit, que : In the New Edition, récent
1. Hellanique, Phoronis, fragment i ; Charles et Théodore Mùller, Frag-
menta historicorum graecoruni, t. I, p. 45.
2. Rennes, Plihon et Hervé, 1900, in-80, xxix-550 pages. Sur les livrai-
sons de cet ouvrage, voir Revue Celtique, t. XXI, p. 236; t. XXII, p. 357 ;
t. XXIII, p. II 3, "364; t. XXIV, p. 224.
Chronique. 215
Works on Celtic Etymology such as Henry's " Dictionary of Breton
Etymology " hâve been carefuUy compared and examined.
Nous ne disons rien ici des nombreux ouvrages écrits par M. Victor
Henry sur d'autres sujets que les langues celtiques, sur les langues et la
littérature de l'Inde, sur certaines langues de l'Europe. Il y a eu peu de
savants plus féconds. Il sera vivement regretté de ses élèves et aussi de
ses amis parmi lesquels le directeur de la Revue Celtique prenait plaisir à
se compter.
VI
Il y avait peu do jours que ces lignes étaient écrites quand à Paris on a
appris par VAthenaeuiu du 13 avril, la mort subite d'Alexandre Macbain,
auteur de VEtyi)ioIogical Dictionary ci-dessus mentionné. A. Macbain était
dans sa cinquante-deuxième année. Un article nécrologique sur cet érudit
écrivain a été publié dans la Celtic Revieiv, vol. III, no 12, p. 381-386.
Sa mort arrivée le 4 avril est une grande perte pour nos études. Voir les
comptes rendus qu'a donnés de ses publications la Revue Celtique, t. VII,
p. 279; t. XVI, p. 117, 118, 348; t. XVII, p. 98, 398; t. XVIII, p. 360;
t. XIX, p. 85.
VII
Le mémoire que M. Otto Hirschfeld a intitulé Die rômîschen Meilensteine,
« les bornes milliaires romaines » ', est consacré surtout à la géographie
romaine de la Gaule. L'auteur, d'accord avec de Caumont et K. L. Roth,
constate que la substitution de la leuga au mille romain dans une grande
partie de la Gaule date en général du me siècle de notre ère, du règne de
Septime Sévère, 193-21 1, probablement de l'année 202. 11 n'y a que peu
d'exemples de l'emploi de la leuga avant cette date. Le mot leuga, en
français « lieue », ne se retrouve en aucun dialecte celtique, a foit
observer M. Zimmer. On peut émettre une hypothèse, c'est que ce mot
dérive de la racine qui, en sanscrit, a la forme réduite ruj d'où nijciti « il
brise ». Un substantif sanscrit qui en vient, râga-s, « brisure », « maladie »,
serait la forme masculine du gaulois leuga. Leuga voudrait dire « fraction »
et proviendrait de la même racine que le nom du dieu Lugus en irlandais
Lug qui signifiait « celui qui brise » parce que dans la bataille contre les
Fomoré, les Titans de la mythologie irlandaise, Lug, dit-on, tua d'un
coup de fronde à la tête Balor, leur principal guerrier'. L'adjectif vieil
1. Extrait des Stt:(ungherichtc der Kôniglich-priïssischen Académie dar
Wissenschajten, IX, 1907, in-80, 37 pages.
2. The second Bat lie of Moytura, publiée par Whitley Stokes, §135, Revue
Celtique, t. XII, p. 100, loi. Ceux qui ont fait commencer les Z.et/o'at? à
Lugu-duuum comme nous l'apprennent la Table de Peutinger et Ammien
Marcellin, XV, 11, 17, semblent avoir eu le sentiment de l'étymologie
que nous proposons.
214 (Jjrfl)iiqiic.
et moyen irlandais liio' « petit », littéralement « fragmentaire », pourrait
avoir la même origine. M. Hirschfield termine par une étude approfondie
sur la substitution du nom d'un certain nombre de peuples gaulois au nom
primitif de leur capitale, Parisii au lieu de Lîitecia, etc.
VIII
M. Ch. Renel, professeur adjoint à la Faculté des lettres de Lj-on, a
écrit un volume dont le titre est : Les religiois de la Gaule ai'ant le chris-
tianisme^. C'est en général une compilation faite soigneusement de
seconde main avec les ouvrages de G. de Mortillet, d'Alexandre Bertrand,
d'Allmer, de MM. Salomon Reinach, Jullian, Alfred Holder, Dottin,
Cartailhac, etc.
L'auteur n'a aucune notion de linguistique. Par exemple il ignore,
p. 171, que la diphtongue indo-européenne ei est devenue en latin /long,
en celtique e long, que par conséquent dcua est gaulois, d'iua latin et que
Dïvona résulte de la déformation latine du gaulois DcuonaK II donne, p. 182,
206, Litgo-dumim, avec 0 final du premier terme, comme la leçon la plus
ancienne du nom de L\on, au lieu de Lugu-diuium avec u final du
premier terme comme l'a établi notamment M. Hirschfeld, Corpus inscrip-
tionum latinariim, t. XIII, p. 246 et suivantes. En conséquence il ne
comprend pas la relation établie entre le premier terme de ce nom et le
nom du dieu irlandais Lug = *Liigii-s, génitif Logo? = *LugôS'* tenant
lieu probablement d'un pr\m\ti( * Lug ouos "i. Autre hérésie linguistique,
Taruos, et non tauros, étant le nom gaulois du taureau, comme il le dit,
p. 298, il en conclut que Taiirini, Taurisci, Tanriacus, termes géogra-
phiques, sont dérivés du nom gaulois du taureau. Il est un peu arriéré
sur quelques autres points, ainsi quand il a écrit, p. 335-347, son étude
sur le sacerdoce gaulois, il n'avait pas connaissance des gutuatri.
Constatons cependant qu'il signale dans divers musées de province un
certain nombre de monuments figurés dont nous n'avions, ce nous semble,
pas encore entendu parler.
IX
Il a existé une racine bhedh, bhodh, « creuser », d'où le latin fodio,
fossa, le français fosse, fossé, le breton be^, le gallois hedd, fosse où l'on
enterre les morts, le gothique hadi ^= * bhodio-, l'anglais hed, l'allemand hett.
1. Paris, Ernest Leroux, 1906, in-12, 419 pages.
2. Cf. Brugmann, Griindriss, t. 1, 2^ édition, p. 184, 187.
3. The Battle of Moxtura publiée par Whitley Stokes, Revue Celtique,
t. XII, p. 78, 127; cf. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat:^, p. 257.
4. Brugmann, Gruudriss, t. II, p. 578.
5 . Sont à cora^^r^r Lug oue s et Lugouibus, Holder, Altceliischer Sprachschat:^,
t. II, col. 345.
i
Chronique. 215
« lit ». Dans la sixième édition, du savant EyiiioJogisches IVoerterhttch
de M. Friedrich Kluge qui a paru en 1905, on lit, p. 41, que le mot
germanique a dû primitivement désigner la tannière, Tierlager, d'animaux
sauvages, Tiere, qui avaient creusé ces tannières dans le sol. Mais comme
l'ont dit avec raison plusieurs savants parmi lesquels nous citerons Karl
Mùllenhoflf, Deutsche AUertiimshnuie, t. IV, p. 289-291, et M. O. Schrader,
ReallexicoH der imlogennaiiischen Alterthiinier, t. II, p. 876-878 (1901), ces
animaux sauvages étaient des hommes parmi lesquels un certain nombre
de Germains et de Gaulois. Un grand nombre de ces trous, autrefois
couverts de bâtiments en bois et terre avec toiture de paille, se rencontrent
encore en Allemagne, en France, en Suisse, en Angleterre. Aujourd'hui
que les bâtiments n'existent plus ces trous sont souvent des mares pleines
d'eau et on les appelle mardelles dans les pavs de langi'.e romane. Mon
grand-père, qui en 1800 faisait partie de l'armée française commandée
par Moreau et victorieuse à Hohenlinden, m'a plusieurs fois raconté
comment s'étant un soir couché dans un fossé, il se réveilla le matin dans
un ruisseau.
M. Albert Grenier, dans son volurfe intitulé. Habitations gauloishs
ET villas latines DE LA CITÉ DES MÉDioMATRicES ', consacre aux mar-
delles du pays des Médiomatrices les pages 31-36. Le nombre de celles
dont on a constaté l'existence dans ce petit territoire s'élève à environ
cinq mille. Une partie a continué a être habitée sous la domination
romaine.
X
Au dernier moment nous apprêtions que notre savant collaborateur
M. J. Vendryes vient d'être transféré de l'Université de Caen à celle de
Paris. Il va occuper à la Faculté de lettres de Paris la chaire de grammaire
comparée précédemment confiée à Victor Henrv qui aura ainsi un succes-
seur digne de lui.
H. d'Arbois de Jubainville.
I. Paris, Champion, 1906, in-80, 199 pages, 157'' fascicule de la
Bibliothèque de l'École des Hautes Études.
PÉRIODiaUES
Sommai If. — I. Zeitschrift fur celtisclie PliiU)logie. — II. Eriu. — III. The celtic
Revicw. — IV. Ihe Journal of tlie Society of Antiquaries of Ireland. — V. Annales
de Bretagne. — VI. Indogermanische Forscliungen. — VII. Revue des Études
anciennes. — VIII. L'Anthropologie. — IX. Revue des questions scientifiques. —
X, Revue archéologique.
I
La première livraison du tome VI de la Zeitschrift fur celtische
PHILOLOGIE vient de voir le jour. La dernière livraison du tome V date
de 1905. Les admirateurs de ce savant recueil se demandaient avec
inquiétude s'il n'avait pas définitivement cessé de paraître. Non, il n'est
pas mort, le voilà plein de vie.
M. Thurneysen y étudie d'abord la question de savoir à quelle date
remonte la collection canonique irlandaise. Suivant lui le ms. de Paris,
Bibliothèque nationale, manuscrit latin 12.021, a été copié sur un manu-
scrit écrit dans l'abbaye d'Iova, vulgairement lona, en Ecosse, par
Cu-Cuimne mort en 747, et qui transcrivait un manuscrit, oeuvre de
Ruben ou Rubin mac Connaid ; celui-ci était un scribe de Munster, mort
en 725.
Dans l'article suivant, M. Thurneysen s'occupe de la date à laquelle il
faudrait placer le Martyrologe d'Oeugm, dont M. Whitlev Stokes a donné la
seconde édition en 1905 '. M. Thurnevsen met la rédaction de ce document
entre les années 797 et 808.
Et ensuite est placé le morceau le plus long de la livraison, c'est la vie
irlandaise de Guy de Warwick, inédite jusqu'ici en cette langue et publiée
d'après le ms. H. 2. 7, p. 300 et suivantes, du collège de la Trinité de
Dublin, xve siècle-. L'auteur de cette édition, M. F. N. Rohinson,
professeur à Harvard University, Cambridge, Massachusetts, États-Unis
d'Amérique, donne le texte irlandais en le faisant suivre d'une traduction-
Il nous promet la publication prochaine de la vie de Bevis de Hampton,
1. Sur cette édition, voyez Revue Celtique, t. XXVII, p. 104, 105.
2. Des extraits de ce texte ont été insérés d'après le même manuscrit en
1889, par M. Max Nettlau, dans !a Revue Celtique, t. X, p. 187-190.
Périodiques. 217
p. 348 et suivantes du même manuscrit'. Ces deux ouvrages irlandais
paraissent être des arrangements de rédactions anglaises de deux romans
du moyen âge dont on a aussi des rédactions françaises.
Les quatrième et cinquième articles, l'un de M. H. Gaidoz, l'autre de
M. L. Ch. Stern ont pour objet l'usage du supplice appelé en français
crapaudine. M. Gaidoz a trouvé ce supplice dans la littérature galloise et
dans le folklore irlandais. M. Stern en signale un exemple dans V Odyssée
et d'autres dans le folklore des Highlands d'Ecosse. Son usage dans les
armées anglaise et française est chose bien connue.
Le sixième article, dû comme le quatrième à M. Gaidoz, traite du cuir
d'Irlande dans les Mahi)iogwn.
Le septième article, précédé du portrait de Jean Gaspard Zeuss, contient
le compte rendu détaillé de la cérémonie faite le 22 juillet dernier pour
célébrer le centenaire de l'éminent savant bavarois. L'auteur, M. Maximi-
lien Pfeiffer, bibliothécaire à Bamberg, reproduit les discours prononcés
à Bamberg par MM. Anton Dùrrwàchter, professeur au lycée de Bamberg,
qui parla de Zeuss historien; Kuno Meyer, professeur à l'Université de
Liverpool, qui exposa les découvertes linguistiques de Zeuss. Viennent
ensuite les quelques paroles prononcées au cimetière par douze orateurs,
Dr. Hartung, recteur du lycée de Bamberg, Geheimrat Heigel, président
de l'Académie des sciences de Bavière, les professeurs Roethe de Berlin,
Schrôder de Gôttingen, Delbrûck de Jena, Kuno Meyer de Liverpool,
M. Joseph O'Neill de Dublin, le Bûrgermeister Kempf, le D^ Bayer,
recteur à Bamberg, le D-" Haas représentant le Wilhelmsgymnasium de
Munich, le D"" Chroust, professeur à Wùrzburg, enfin le D"" Pfeiffer,
bibliothécaire à Bamberg.
Le huitième article, dû à M. L. Chr. Stern, contient le texte et la
traduction d'une pièce de vers galloise dont l'auteur est le poète célèbre
Dafvdd ab Gwilym qui vivait au xive siècle.
Avant les comptes rendus de livres, on trouve groupés sous le titre de
Mélanges, Miscelleii, 1° la traduction par M. R. Thurneysen de la strophe
57 de Vlmram Snedgiisa ociis niic Riagla ; des corrections et additions par
M. Whitley Stokes à sa seconde édition du Martyrologe d'Oengus, des
corrections de M. L. Chr. Stern à son édition du Tochmarc Elaine {Zeitschrift
fi'ir Cdtische Philologie, t. V, p. 524, 530, 533); enfin une note de M. H.
Krebs sur l'emploi du vqx\)C glaiiio « débarquer » en gallois.
II
Eriu qui, comme la Zeitschrift fiïr Celtische Philologie, n'avait pas eu de
livraison en 1906, vient de paraître à nouveau. La première partie du
t. III nous est parvenue. Elle contient douze articles :
1° Homélie irlandaise publiée d'après le Livre jaune de Lecan, col. 397
et s., pages i'^^-i6^, du fac-similé. Ce texte est accompagné d'une copie
I. Des extraits de cette seconde piice ont été donnés d'après le même
manuscrit par M. Max Nettlau, Rei'ue Celtique, t. X, p. 190-191.
2l8 Périodiques.
rcctilice et d'une traduction par M. Straclian. Cette liomélie avait déjà été
donnée par M. Kuno Meyer dans la Zeilschrifl fi'ir CeJtische Philologie,
t. IV, p. 241 et s., d'après le nis. 23. P. 2, de l'Académie royale
d'Irlande.
2° Note de M. Whitley Stokes sur deux expressions irlandaises Idvi soscc'li,
« main de l'évangile » pour « main gauche », Idtii beiuiachtan, « main
de bénédiction » pour ^ main droite ».
30 Poème religieux anonyme publié et traduit d'après le Leahhar hreoc,
p. 262 b, par M. Kuno Mever.
4° Note où M. J. H. Lloyd discute la question de savoir où était
situé Cnoc Rire, localité mentionnée dans l'abrégé irlandais de VExpitgnatio
hibcrnica de Giraldus Cambrensis. Cet abrégé irlandais a été publié par
M. Whitley Stokes en janvier 1905 dans The english historical Review,
t. XX, no 77.
50 Note de M. R. Thurneysen sur certains changements subis par
l'initiale des verbes irlandais après des préfixes.
6° Etude par M. Strachan sur divers changements de l'initiale des verbes
en vieux gallois.
7" Poème irlandais sur le Jour du Jugement, publié avec traduction
par M. O'KeefFe d'après un ms. des Franciscains de Dublin.
8° Corrections par M. Whitley Stokes à son édition de la Langue toujours
nouvelle, Éfiu, t. II, p. 98 et s.
9° M. Gustav Hamaltûn recherche où pouvait être situé le Bruiden Dd
Derga, c'est-à-dire le château que rendit célèbre la pièce intitulée Togail
Bruidne Dd Derga, « Destruction de Bruiden Dd Derga », publiée par
M. Whitley Stokes dans le tome XXII de la Revtie Celtique, et où est raconté
comment vers l'an 40 avant J.-C, périt Conaire le Grand, roi suprême
d'Irlande'. Suivant \q Scèl imicci Mac Dd Thà, § i, Bruden Dd Derga, se
trouvait dans la province de Cûala, au génitif Cùaland-. L'auteur veut plus
de précision.
10° M. Eoin Mac Neill cherche a établir le sens précis du vieil
irlandais tiiocu qu'Adamnân paraît avoir traduit par l'ablatif latin gente
de gens et qui désignerait un groupe de parents descendant d'un ancêtre
commun, vraisemblablement mythologique, le dieu protecteur, souvent la
déesse protectrice de la famille. Moai aurait trois synonymes, ddl et corcu
qui se place comme iiiocii avant le nom propre et rige qui se place
après.
Il» M. O. J. Bergin étudie à fond les règles de la palatalisation des
consonnes en irlandais, phénomène dont O'Donovan a parlé dans A Gram-
niar of the irish Language, p. 27 et suivantes. Cet article a servi de thèse
de doctorat à l'auteur devant l'Université de Fribourg-en-Brisgau en 1906.
Cette thèse, intitulée Coiitrihiitioii to the history of palatalisation iti old irish,
1. Annales des quatre maîtres, édition d'O'Donovan, t.I,p.90, 91 ; Annales
de Tigernach, publiées par M. Whitley Stokes, /?«';/« Cf/^/r/wc, t. XVI, p. 405 ;
Flathiiisa Prend dans le Livre de Leinster, p. 23, col. i, 1. 47-48.
2. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 96, 1. 8.
Pénoâlques. 219
forme une brochure in-80 cie 46 pages. Cordiales félicitations au nouveau
docteur.
12° Règle d'Ailbe d'Enily, publiée avec traduction d'après quatre
manuscrits, par M. Joseph O'Neill. Ailbe, archevêque d'Emly, mourut
dans la première moitié du vi^ siècle, probablement en 535. C'est la date
sur laquelle s'accordent les Annales d'Uhter'' et les Flathiusa Erend'. Il
ne s'en suit pas que cette pièce remonte au vie siècle. Des auteurs obscurs,
désirant le succès de leurs écrits, ont souvent mis leurs œuvres sous le nom
d'un homme illustre, mort depuis longtemps, et qui ne pouvait réclamer.
III
The celtic Review, n» du 15 janvier 1907, débute par un article de
M. Arthur Hughes, qui vante le poète gallois du xii^ siècle Gwalchmei
ap Meilyr5. A l'appui de ses dires il donne avec traduction une édition
mutilée du poème intitulé Gorhofet Gwalchniai*. Il la donne sans prévenir
qu'il a retranché la plus forte partie des vers 5. Puis M. Mackinnon continue
son édition du Glenmanasan Manuscript ; M. A. Maclean Sinclair raconte
l'histoire des Macneiil de Barra, du xiie siècle au xix^; M. Charles
Robenson poursuit son étude des dialectes gaéliques d'Ecosse; M. W. J.
Watson donne un relevé des noms de lieu d'Ecosse où se rencontre le
terme gaélique innis « île », écrit par les Anglais inch, et qui s'oppose
au synonyme eilcan, celui-ci d'origine Scandinave; M. Kenneth Macleod
dans un article intitulé TheCell and the Sea donne la traduction de plusieurs
fragments de poèmes gaéliques où la mer apparaît ; M. David Mac Ritchie
proteste contre ceux qui croient qu'au temps de Jules César les Celtes étaient
des sauvages au corps peint et d'une civilisation très inférieure à celle des
Romains ; M. Kenneth Macleod nous offre une nouvelle version d'un
récit légendaire qui appartient au folklore gaélique d'Ecosse, le Chevalier
du bouclier rouge, Gaisgeacli na sgeitbe deirge. Le dernier article est dû au
professeur H. H. Johnson, il y commence un relevé des villes qui, suivant
la tradition populaire, auraient été englouties par les eaux. Après les
comptes rendus de livres vient sur la dernière page une note philologique
de M. Alexandre Macbain : la Clyde, rivière d'Ecosse qui passe à Glasgow,
1. Annales d'Ulster, édition Hennessv, t. I, p. 44, 45.
2. Whitley Stokes, The tripartite Life of Patrick, t. II, p. 514. Cette
date semble préférable à 941 proposée par les Annales des quatre viaîtres,
édition d'O'Donovan, t. I, p. 182, 183, principalement note c, et par le
Martyrologi de Donegal, 15 septembre, p. 246, 247 de l'édition donnée
par Ô'Donovan, Todd et Reeves en 1864.
5. Robert Williams, A hiographical Dictionaryof eniinent Welshmen, p. 190,
4. The Myvyrian, 1870, p. 142-144.
5. Les vers premiers publiés et traduits par M. Arthur Hugues sont dans
l'édition du Myvyrian ceux qui peuvent être numérotés i, 2, 5-12, 33, 34,
4ti,A2, 57, 58. Manquent les vers 3,4, 15-32, 35-40, 43-56. Ainsi du reste.
Est-ce ainsi qu'en Ecosse on traite les odes d'Horace?
220 Périodiques.
porte un nom dont la forme primitive Clouta ne doit pas être confondue
avec le nom d'une rivière du pays de Galles, la Chvyd = Clcita.
IV
Dans le Journal of the royal society of antiquaries of ireland,
décembre 1906, nous signalerons une histoirede la seigneurie desMacCarthy
Môr dont le chef Dermot était roi du Munster méridional, Desmond, lors
de l'arrivée d'Henri II en Irlande ; l'auteur de cet article est M. W. F.
Butler, professeur au Queen's Collège de Cork. Puis nous mentionnerons
le mémoire de M. W. J. Knowles sur une fabrique de haches de pierre
près de Cushendall dans le comté d'Antrim, partie nord-est de l'Irlande.
M. Knowls a trouvé plusieurs de ces haches en pierre éclatée et en pierre
polie, des gravures accompagnent son article. D'autres gravures représentent
des broches que l'on croit de fabrication Scandinave et qui ont été trouvées
dans le comté de Down également en Ulster, à une profondeur de neuf
pieds anglais ; ce sont les monuments d'une autre civilisation.
Parmi les ouvrages dont cette livraison rend compte, nous signalerons
comme étant d'un intérêt général : The dioccse of Liiiienck ancienl ami
médiéval par le Rev. John Begley.
La livraison des Annales de Bretagne, qui est datée de janvier 1907,
débute par un mémoire de M. G. Mollat : le titre de ce mémoire est
« Études et documents sur l'histoire de Bretagne » ; la première partie
concerne les démêlés d'un évêque de Rennes et d'un vicomte de Beaumont
au xive siècle; la seconde est relative à la date du martyre de saint Dona-
tien et de saint Rogatien qui habitaient Nantes et qui, selon une tradition
de valeur contestable, auraient péri dans la persécution de Dioclétien. Le
second article, écrit parDom Malgorn, contient plusieurs morceaux bretons
fournis par le folklore d'Ouessant. Parmi les six articles suivants quatre se
rapportent à l'histoire moderne et nous les passerons sous silence; nous
appellerons l'attention de nos lecteurs sur la continuation des « Mélanges
d'histoire bretonne » écrits par M. Ferdinand Lot; elle nous fait remonter
au ixe siècle, met en présence Nominoé, Erispoé, et l'empereur Lothaire,
puis elle traite de la destruction par Nominoé du monastère de Saint-Flo-
rent-le-Vieil, Maine-et-Loire. Nous avons déjà parlé, p. 98 et 99, du
mémoire de Dom L. Gougaud sur l'itinéraire de saint Colomban venant
en Gaule.
VI
Le tome XX des Indogermanische Forschungen nous offre quelques
rapprochements étymolologiques intéressants pour l'étude de l'irlandais,
du gallois et du breton. Voir l'article de M. Gunther sur les prépositions
dans les inscriptions dialectales grecques, celui où M. Brugmann parle des
Périodiques. 22 1
îiox.xi vi-oo;; de VOdyssce, celui de M. N. Van Vijk sur Vablaul indo-ger-
manique et surtout les Etymologisclie Misiellcn de M. Cari Marstrandtr.
VII
Dans la Revue des études anciennes, t. IX, janvier-mars 1907, la
plus forte partie du numéro est consacrée aux antiquités nationales :
d'abord sous le titre de question hannibaliques, une étude de M. Juliian,
aidé de plusieurs collaborateurs, sur le passage d'Hannibal dans le midi de
la Gaule, quand d'Espagne, en 218, il se rendit en Italie. On trouve
ensuite un mémoire de MM. Robert Laurent et Charles Dugas sur le
monument romain de Biot, Alpes-Maritimes, qui paraît remonter à l'époque
d'Auguste. Y sont jointes trois planches représentant, d'après ce monument,
des casques gaulois, des trompettes gauloises, un sanglier-enseigne, etc.,
enfin deux planches où sont réunies, d'après d'autres monuments, des
reproductions de casques et de trompettes gauloises à comparera celles que
nous offre le monument de Biot. M. de la Ville de Mirmont traite de l'astro-
logie chez les Gallo-romains; ce savant travail copieusement annoté mérite
une sérieuse attention. La chronique gallo-romaine de M. Juliian toujours
fort intéressante est un recueil de courtes mentions qu'à notre grand regret
nous ne pouvons analyser.
VIII
L'Anthropologie, t. XVII, no de novembre-décembre 1906, contient un
article de M. Lucien Mayet sur « la question de l'homme tertiaire »,
sujet fort curieux, mais sur lequel la Revue Celtique est incompétente.
IX
En 1899, dans le tome X, p. 397-409, de V Anthropologie , M. Salomon
Reinach a publié un savant article intitulé ; Un nouveau texte sur l'origine
du commerce de rétain. Corrigeant en Midas phryx le Midacritus de Pline,
Histoire naturelle, IX, 197, et justifiant cette correction par deux textes cor-
respondant, l'un chez Hygin, fabula 274, l'autre chez Cassiodore, Varianun
III, 51, il établit que la marine phrygienne atteignit avant les Phéniciens,
les Iles britanniques et aussi avant eux s'y approvisionna d etain. Elle dut
par conséquent très anciennement aborder en Espagne. Dans deux articles
de la Revue DES questions scientifiq.ues, octobre 1906, janvier 1907, et
dont il existe un tirage à part mis sous nos yeux par l'auteur, M. L. Siret,
p. 1 1 de ce tirage à part, insiste sur la prochaine parenté du néolithique
espagnol avec les découvertes faites par M. Schliemann en Asie-Mineure
sur l'emplacement de Troie à Hissarlik '. Ainsi la civilisation préhistorique
I. On peut par exemple comparer, dans la première planche de M. Siret,
les figures 48-52 avec les figures que contient le chapitre v de Yllios de
Schliemann, traduction de M"ie Egger, p. 289, 290.
222 Périodiques.
d'Hissarlik, c'est-à-dire la civilisation phrygienne préhistorique, a précédé
en Espagne celle des Phéniciens et par conséquent aussi celles des Celtes.
D'autre part, les Celtes ne sont pas en Espagne, suivant M. Siret, les
premiers envahisseurs venus du Nord. Les Celtes ont été précédés en
Espagne par un autre conquérant septentrional qui a introduit dans la
péninsule la civilisation du bronze. Pour M. Siret ce conquérant est
anonyme. Nous risquerons un nom, celui des Ligures.
Dans la Revue ARCHÉOLOGiacE, nous signalerons : no de novembre-
décembre 1906, p. ^58-341, description des objets recueillis dans une
sépulture à char, explorée le 21 janvier 1876, à Sablonières, canton de
Père en Tardenois, arrondissement de Château-Thierrv; les objets
découverts alors font partie de la collection Moreau conservée au Musée
de Saint-Germain-en-Lave. Aux pages 472, 493, la Revue des publications
épigraphiques de MM. Cagnat et Besnier, signale des inscriptions romaines
où se trouvent des noms propres gaulois au nominatif et au génitif : Adna-
mata, Carvecioni f[ilia] ; Absucus Adnamonis f(iliusj, Danuius Diassumari
f[ilius], et au génitif seulement : Jovincati Sumaronis.
No de janvier-février 1907, p. 31-37, un article de M. Vercoutre
sur l'autel des Xautae parisiaci conservé à Paris, au Musée de Cluny.
Suivant l'auteur, les personnages armés de lances font partie d'une œhors
Jtiiutaru)!!. Un autre groupe, les eurises, sont des ouvriers constructeurs de
bateaux, des fabri tiguarii\ le mot eurises serait dérivé de la racine d'où
provient la forme verbale i-euru dont le premier terme paraît être un préfixe.
Les Senaiii, troisième groupe, sont des déchargeurs de bateau. Aux p. 38-50,
M. Dechelette étudie l'antique usage de la peinture corporelle et du tatouage ;
aux p. 94-118, M. Joulin décrit les substructions antiques dont il constate
l'existence à Toulouse et aux environs.
H. d'Arbois de Jubain ville.
Nota. — Nous renvoyons à la livraison suivante le compte rendu de
VArchaeologia Cainbrensis, 6^ série, t. VI, qui ne nous est pas encore parvenu
et celui des deux premières livraisons du tome VII dont nous n'avons reçu
que la seconde.
CORRECTIONS
P. 17, 1. 4 du texte, an lieu lie d'une vache, /w^ de vaches.
P. 53, 1. 6 et 9, au Heu de Meiiapii, lisez Maiiapii.
ADDITION
Dans lé tome XXVII, p. 3 19, de la Revue Celtique, nous avons publié une
photogravure du menhir de Kervadel, aujourd'hui à Kernuz, où l'on voit
représenté un Mercure accompaoné d'un enfant. Ce Mercure est, suivant
nous, la représentation gallo-romaine du dieu celtique Lugus, en irlandais
Lug, et l'enfant placé à côté de lui est son jeune fils connu en Irlande sous
un surnom dû à un acte merveilleux accompli par cet enfanta l'âge de six
ans et qui l'a fait appeler chien du forgeron Culann, Ciichulainn.
Un monument semblable et d'une beaucoup plus grande valeur artistique,
mais malheureusement détruit aujourd'hui, a été découvert à Melun, en
1812.
Dans le volume intitulé : Mémoires lus à la Sorhonne dans les séances extraor-
dinaires du comité impérial des travaux historiques et des sociétés savantes les jo,
_,'/ nmrs et i^^ avril 1S64. Archéologie, p. 20 et suivantes, M. Eugène Grézy a
publié, avec accompagnement de planches, un rapport lu à la 3e classe de
l'Institut de France, le 14 août 1812, par l'académicien Antoine Mongez. On
y trouve ce qui suit : « Les planches II et III présentent de profil et de face
un groupe de deux figures mutilées, l'une de grandeur naturelle, l'autre plus
petite d'un tiers. La plus grande a été brisée à la poitrine, le col et la tête sont
perdus. La tête de la seconde, qui est la plus petite, manque seule. Les débris
d'un caducée, d'une bourse, d'une tortue surmontée d'un coq, de petites
ailes attachées aux chevilles des pieds font reconnaître Mercure dans la plus
grande qui est nue. Elle parait être appuyée sur un cippe contre lequel est
adossée la petite figure qui est vêtue d'une tunique sans manches, liée avec
une ceinture, et qui porte une chaussure fermée. Le style de ce groupe est
celui des bas-reliefs et des statues trouvées à Metz, à Framont, à Maubeuge,
etc., appartenant aux Gaulois qui vivaient sous la domination des Romains.
« Les attributs de la grande figure font connaître Mercure. Q.i-i'int à la
seconde, elle en est dépourvue. On peut remarquer seulement qu'elle sup-
porte avec ses deux mains ou qu'elle touche la bourse du dieu On
224 Addition.
aperçoit les vestiges d'une tête entre les deux figures et l'on ne peut rien
dire sur un objet si peu distinct. »
Telle est la prudente conclusion d'Antoine Mongez : nous serons plus
hardi. Cette tête qui apparaît derrière et au niveau du genou de Mercure,
derrière et au niveau des fesses de l'enfant, semble être celle d'un des fils de
Necht, ces trois redoutables guerriers que le jeune fils de Lug, quoique âgé
de sept ans seulement, tua dans trois combats singuliers et dont il emporta
les trois têtes, comme nous l'apprend le Tdiii ho Cùalnge. C'est M. Camille
Jullian, notre savant confrère et collègue, qui nous a signalé la publication
de M. Grézy et par conséquent le rapport de Mongez.
H. D'A. DE J.
Le Piopriétdiie-Gcrant, H. CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
M F. R CURE
DÉCOUVERT A MKLUN F.N ]8l3
LE (( PAIN GALATE »
Dans une Expositio totiiis Dinndi et gcnliiiiii, écrite sous Cons-
tance (entre 351 et 358), à Antioche ou à Alexandrie, l'auteur
anonyme, caractérisant en quelques mots les provinces de
l'Empire et les productions de leurs grandes villes, achève ainsi
sa notice sur la Galatie : « Hahet civitateiii jiiaximam quae dicitur
Ancyra ; divinum panem et eminentissiniuDi uianducare dicitur ' »
Cette épithète de divin appliquée à un pain ne laisse pas
d'étonner ; même chez un écrivain du iv^ siècle, diviiius ne
s'emploie que par rapport aux dieux ou aux empereurs. Ainsi
notre chorographe, en faisant allusion aux chevaux de Cappa-
doce, pourra parler de diviiionini auinialiuni fonnositas, parce
que ces coursiers fameux sont réservés à l'Empereur. Il n'en sau-
rait être autrement du pain gnlate; s'il est qualifié de diviniis,
cen'est pas seulement qu'il est exquis, mais qu'il n'est pas sans
quelque relation avec la divinitas.
I. C. MûUer, Geogr. Graeci Minores, II, p. 521 ; A. Riese, Geogr. Latini
Minores, p. 115. Deux éditions critiques de V Expositio ont été données
par G. Lumbroso (Rome, 1903) et par Th. Sinko (Archiv. f. tat. Lexikogr.,
1904) avec un essai de commentaire. Ils ne paraissent avoir remarqué
ni l'un ni l'autre le sens de divininn dans ce passage, bien que les autres
exemples de l'emploi de ce terme confirment qu'on n'a pas à faire à
un simple équivalent d'eniinentissiiniim. Sont dits divins : les choraules
d'Héliopqlis parce que a Lihano Mtisac illis inspirent divinitateni dicendi
(204) ; rEg3'pte, surtout connue a dits (272) ; le feu qui a consumé la vieille
basilique de Nicomédie, car on le dit de caelo descendisse (366); enfin les
divina aedificia de Rome où Schultze (Gesch. d. Untergangs d. Heidentlmins,
I, 117 ; II, 211) voyait les l;eitigen gebâuden. L'auteur était, en effet, proba-
blement chrétien ; en tout cas, ce qu'il dit des Caniarini, habitants légen-
daires de l'Edeu indien, qui panem caetesteni cotidianuni iwcipiunt, montre
qu'il connaissait l'histoire de la manne. (Cf. Jean, VI, 39 : qui niandncat
panem caeîestem.)
Revue Celliq ne, XXJ'III. i S
226 A.-J. Ki'iiKich.
Or, d'une part, on sait, par Athénée, que la Cappadoce
produisait un pain très apprécié pour sa légèreté et pour le
mélange de lait, d'huile et de sel dont il était imbibé ' ;
d'autre part, Arnobe nous apprend que les prêtres et les mystes
de la Magna Mater, dont Ancyre, comme Comana ou Pessi-
nonte, était une des capitales, s'abstenaient ah aUmonio panis^.
On ne peut guère admettre qu'il s'agisse d'une abstinence
complète et totale de cet aliment essentiel. Il n'y aurait pas
1. Athen. III, 113e: T:apà oè xotç "EÀXriTi y.aXctTai tiç apio; AIIAAOil
àpT'jfj[X£Vo; yâÂaxxt oÀtyio /.ai. âXaiw /.at àXalv àpxîxoï;' otl SI ttjv aaTEpiav
àv£i|j.£viriv :rot£rv oOto; oî b apioç Xs'yciai KaTTraoozio;, è-jtôfj iv Ka7:-aooz!a
/.aià To jzXeïaiov ÔLT.aKÔc, ap-o; ytvExau Cet apalos, qualificatif du pain cappa-
docien qui a fini par lui donner son nom, a proprement le sens de mou, de
frais : c'est ainsi qu'on appelle à-aÂo: rupo; le fromage nouveau. Le lait et
l'huile, dont l'adjonction rend mollet le pain cappadocien, contribuent en
même temps à accroître son caractère sacré. Cf. H. Usener, Rljeitt. Mus.,
1902, p. 182. L'huile de Galatie était également réputée (Plin., XV, 31),
sans doute dans le sud d'où on l'exportait par les ports de Pamphylie (cf.
Expositio, 1. 337).
2. Arnobe, Adv. iial., V, 16. S. Jérôme répète la même chose, Epist.,
CVll (Migne, t. XXII, p. 687) : ne sciticet Cereatia doua coiilaminenf ; adv.
lovian., II, 17 (t. XXIII, p. 354^ : jejimium panis. Ces témoignages et le pas-
sage plus général de Tertullien (De Jejiinio, 2 et 15-6), qu'on a eu tort de
prendre à la lettre, me paraissent sans valeur dans l'espèce, non seulement
à cause de l'eff'ort continuel de leurs auteurs pour rendre ridicules et odieux
les rites phrygiens, mais à cause des erreurs même que permet de contrôler
le passage du discours de Julien â-.; -■>,'; MïjTipa twv (}zmv (Orat., V, p. 176,
Hertlein), qui énumère avec précision toutes les interdictions alimentaires
des Mègatésia : les fruits (tojv oivop'ov ;j.r,Àa) en général et spécialement la
grenade (ôoCoi) et la datte (çoiv.?), les légumes rampants (Xayavo! yaaatÇrpvOt)
notamment une sorte de radix (p^Ça) et de rave (yoYYuX;;), les poissons
(r/0'j£:), le porc (yoipo;) et quelques oiseaux dont, probablement, la colombe
(cf. Cornutus, Tlicol. Graecae compeiid., 6, éd. Lang.). Arnobe (V, 6) permet
d'ajouter le vin et Athénée (X, 422) l'ail. Enfin il est question de iKép^i-x-y.
en général : les poissons, dit Julien, sont interdits parce qu'il sont ■/Ôov.fjjxîpot
Tôiv CT-£p[j.âT'ov ; il paraît donc s'agir de tout ce qui vit dans la terre, germes
et semences, et non des grains des céréales en maturité. Arnobe n'a pas
compris ou n'a pas voulu comprendre — tout ce qu'il dit des débauches des
mystes de Cvbèie n'eût plus eu de fondement— le sens de casliis (Marinus,
Vita Procli, 19, parle de x.a7T£!a'. mensuelles) dans la langue des mystères :
il l'explique par temperatio ah alimoiiio paiiis, alors que castus comme àyiatcla
désigne la pureté rituelle, jeûne et chasteté. C. Pascal a montré qu'aux Cereatia
de Rome, Cereris casliis signifiait, non l'abstinence du pain (le sacrifice qu'on
offrait au jour du jejuiiitim Cereris était composé sue praegnanle panibusque),
mais l'abstinence des rapports sexuels ; d'ailleurs le pain emplové ad sacra,
aux Cereatia comme aux Vestalia, était dit paiiis castus ou viola casta : c'était
une pâte de forine pétrie avec du sel dans de l'eau sacrée et cuite en un
four spécial (cf. Pascal, Studi di Aiitichita e Mitologia, 1896, p. 213).
Le Pain Galate. 227
seulement impossibilité physique, mais aussi invraisemblance
religieuse : la Magna Mater n'est elle pas, avant tout, la divi-
nité qui a donné le froment aux mortels et leur a enseigné
l'art de s'en servir ? Comment mieux lui témoigner son ado-
ration qu'en consommant ce grain qui est son œuvre
{\r^\J.T^T^poq ày.--(^, friix Cereris) et dans lequel elle s'incarne?
Aussi faut-il que le grain soit pur, préservé de toute pollu-
tion et de toute fermentation — en un mot, il faut qu'il soit
a:(yiiie : c'est là le pain bénit, panis divinus.
On sait qu'avant la découverte du levain, le pain n'était par-
tout qu'une galette de grains d'orge, puis de blé, broyés et
cuits et qu'il resta généralement tel — puis ou mola — dans
les usages religieux. Ce n'est pas seulement à titre d'innova-
tion que le pain levé, d'invention assez récente, devait être
exclu de toute cérémonie rituelle ; cette corruption manifeste,
par laquelle se traduisait l'action du moût", comportait un
caractère d'impureté incompatible avec toute pratique reli-
gieuse. Comme le seul pain azyme était permis aux Phéniciens
pendant les fêtes d'Adonis et aux Juifs pendant les Pâques,
ainsi, sans doute, durant les mystères de leur déesse, les
fidèles de la Magna Mater devaient s'abstenir de tout pain
levé, comme ceux de Déméter ne pouvaient toucher qu'au
kykéon \ C'est probablement pour rendre plus agréable ce pain
sacré, divinnm panem, qu'on fut amené, en le trempant dans
le mélange dont parle Athénée % à créer l'apioç Ka-zaoiy.toç
I. Sur la nature du Jcylcéoii, cf. Lobeck, Aoloapliaïiius, p. 1050; Mannhardt,
Mytiiol. Fersctningen, p. 225 ; Preller, Déméter iiiul Peiséptjoiié, p. 98. Il ne
serait pas difficile de montrer que, en Grèce comme ailleurs, toutes les fêtes
d'origine agraire comportent l'offrande de gâteaux d'orge, puis de farine,
non levée : c'est, aux Pvanopsies, Veirésiéiié chargée de n'ova; àpxo'jç ; aux
Thargélies les /'/wrwrtA-o/ nourris de iiia:(a et de lyros; aux Thesmophories,
ou Mcgatartid l'àyaivr) cftiaxo? '£ij.7:Xcfo; ; aux Diaisies, \kts pciiniiata en forme
d'animaux; aux Hyakinthies, les galettes d'orge à l'huile et au miel appelées
harax ou physiltiltos ; les mylloi de Déméter Sitô à Syracuse ; à Épidaure le
■KfKmo^dàt santé, xi-^izir».-^ les oiitai et outoctiytdi etc. Cf. Vn\zQ,Hen)ies, 1897,
236 ; Stengel, ibid., 1894, 281 ; 1896, 477, 625 ; 1903, 567 ; Arctnv. f. Rcti-
gioiiswisscnsctkift, 1904, 457. Roscher, ilv'd., 1904, 419 et Ahtmndl.d. sdctjs.
Ges., 1904, 105.
2. Il ajoute qu'une galette toute semblable, additionnée d'essences de fleurs,
portait en Syrie le nom de ^ayt^â : c'est apparemment celle que Théocrite
décrit aux Adonies d'Alexandrie sous le nom de ces popatia composés de
farine, d.'huile, de miel et de sucs de fleurs (XV, 115). Toutefois, chez les
2 28 A.-J. Rcbiach.
qui jouissait encore au iV siècle d'une telle réputation qu'il
pouvait sembler aux chorographes du temps le produit le plus
caractéristique d'Ancyre.
D'importantes découvertes épigraphiques sont venues récem-
ment ajouter un nouvel intérêt à rh3'pothèse que l'on vient
d'indiquer. Au sud-ouest de la Galatie, dans une région com-
prise entre Ikonium, où l'on adorait Démèter comme Dêkn-
nia~os, les Limnai (lacs Egerdir et Hoiran) et le lac Karalis, qui
fut une des regioiics de la province romaine sous le nom de
Phrygia Galatica, M. Ramsay a recueilli une vingtaine d'ins-
criptions qui se rapportent à une même association religieuse
florissante au temps des Sévères : les Xé7ioi Tekiiioreioi. Ce sont
de longues listes de cotisations, allant de 900 à 6000 deniers,
souscrites par les -sY.[j.opeÙGxv-eq, c'est-à-dire par ceux qui sont
entrés dans l'association en donnant un certain gage solennel,
pour lequel on a ressuscité un vieux terme homérique, conservé
dans le vocabulaire orphique, le T£y.[j.ojp '.
Quel peut être l'objet de ce signe qui donne accès dans la
confrérie et qui lui a valu son nom ? M. Ramsay a cru pouvoir
affirmer que toutes les localités dont sont originaires les
membres de la confrérie se trouvent sur les domaines impé-
riaux d'Antioche de Pisidie; comme, de plus, l'invocation
oia[j-ov^ç se lit en tête de leurs listes et que le produit des coti-
Sahéens du Haûran, qui ont conservé le culte sous sa forme primitive, il est
défendu pendant les fêtes de Tâ-uz (Adonis-Tamuz) de toucher à quoi que
ce soit qui ait été broyé dans une meule (cf. Frazer, Golden Boiigh, II, 1900,
288; Adonis, 1906, p. 131). Adonis est, en effet, à l'origine, l'esprit de végé-
tation incarné dans le germe du blé, 6 aïro; 6 azî'.pô'xz^/oç. Aussi, pour
s'incorporer le Dieu par communion ne devait-on pas l'avoir tué au préa-
lable sous le pilon ; il fitllait le manger tout cru ou seulement grillé. On sait
que les Hébreux, notamment, consommèrent l'orge ou le blé torréfié sur
des pierres plates, puis bouilli à l'eau, bien avant d'oser le piler et le pétrir
en galette. Plus tard, on se contenta de défendre de déformer le pain sacré
en le faisant fermenter (azyme) ou en le mâchant (iiostie). C'est cette idée
de cuisson qui paraît dominer dans panis, popanou, pcniniata (cf. peptos,
cactus, radical pcg), comme dans bckos, nom primitif du pain en Phr\'gie
(Herod. II, 2) ou en Chvpre (Hipponax, fr. 82, Bcrgk).
I. Historical Geography of Asia Minor, p. 410 (Londres, 1890); Cities and
Bishoprics oj Phrygia, p. 359, 650 (Oxford, 1895); Stiidies in tJje history and
art of the eastern Provinces of the Roniain Empire, p. 319 (Aberdeen, 1906).
Le Pain Galate. 229
sations paraît employé en partie à l'acquisition d'objets de
culte et d'effigies des empereurs ou des dieux nationaux, il
a pensé qu'il s'agissait d'une association constituée sous la
direction du procurateur des domaines impériaux et sous les
auspices de l'empereur; son but aurait été d'associer plus étroi-
tement le culte impérial à celui des divinités locales, par
manière de protestation contre les doctrines chrétiennes qui
menaçaient à la fois le culte des empereurs et celui des vieilles
divinités du pays. Le xi%\xiùç> aurait été une sorte de ser-
ment de fidélité h. l'empire et à sa religion ; ceux qui l'auraient
prêté et auraient été inscrits derechef sur le rôle des Te-ÂiJ-opeîct
donnaient, par là, la même preuve de loyalisme et d'adhésion
au culte officiel que les Jibellatici en soussignant leur certificat
de participation aux sacrifices et repas sacrés. Le -i%\jMÇi ne serait
ainsi qu'une forme de lihellus.
Quelque séduisantes que soient ces déductions, il faut remar-
quer que les prémisses de M. Ramsay demeurent bien fragiles.
Des cent trente-cinq localités citées dans les listes, une seule
dépend sûrement du domaine impérial ; quant à l'invocation des
divi impériaux sur le même pied que les dieux nationaux, elle
est loin de constituer aux Tehnoreioi ce caractère exceptionnel
sur lequel est fondée l'hypothèse du savant anglais. On peut
affirmer, au contraire, que cette adoption du culte impérial était,
pour les confréries religieuses d'Asie Mineure, comme la for-
malité préalable et nécessaire à leur autorisation '. Je n'en rap-
pellerai qu'un exemple, celui des Ka'.aapatTraf, des environs de
Mosténé en Lydie, dont le souvenir eût pu rendre service à
M. Ramsay : on le connaît par un décret^ que cette association
de Caesariastes rend en l'honneur d'un juge de paix de la
localité, vopLOipjAa;, de sa femme et de ses fils, pour avoir avancé
l'argent nécessaire hq xàç twv I^sSaatwv 9ujmç, o-^q ùtco | [twv
xai' èviauTcJv BpaêsuT(ov oBwTai | [to liç osxa ^t\~r^ àpTixpsaç.
Quelque soit le nombre qu'il faille restituer avant àp-ixpsjjç,
le sens ne peut faire de doute : l'objet principal du sacrifice
était une substance qui associait en quelque manière du pain
1. Cf. V. Chapot, La province romaine iTAsie, p. 415 (Paris, 1904).
2. K. Buresch, Ans Lvclien, p. 6 (Leipzig, 1898).
230 A.-J. Rehiach.
et de la viande ' et que les brabeutes — les proclamatcurs —
faisaient confectionner pour la cérémonie annuelle.
Or, non seulement les brabeutes se retrouvent au nombre de
deux comme magistrats annuels des Tehnoreioi, mais la sixième
ligne, malheureusement mutilée, de leur première inscription
paraît avoir conservé le souvenir de ce qui, pour les Tehno-
reioi, aurait été l'équivalent de Vartohréas des Caesariastes : zîlz
T£-/,[Aop£ûaavT£? -jw oiTïj[p(o £7Tt àvaYpasJÉox;. . . M. Ramsay a con-
servé 5'.::'j[awJ dans son texte, tout en reconnaissant qu'on ne
pouvait s'expliquer le rôle de cette double porte, cette entrée
à deux arches, où aurait eu lieu la cérémonie du T£x;j.o)p.
Cette restitution écartée, o''Tî'jpov est seul possible. Il ne s'agit
évidemment pas de l'épreuve ordalique d'un double passage à tra-
vers le feu; le sens véritable du terme est facile à étabhr. Dans
un fragment d'une comédie du début du iv^ siècle, on lit^ :
« Voici des dipyroi tout chauds. — Qu'est-ce donc que ces
dipyroi} — Ce sont de petits pains mollets. » Oribase en donne
la recette : après une première et légère cuisson, réduire de nou-
veau en farine par trituration ; ensuite faire subir une seconde
manipulation et une seconde cuisson ; on obtient ainsi un pain
léger, spongieux, ténu, facile à digérer, et dont la chaleur faci-
1. K. Buresch, sur la foi d'une glose de Philoxène, traduit àpToV.psa;
par visceratio. Je ne crois pas qu'il y ait le moindre rapport entre ce rite
étrusco-latin (qui consiste, une fois les exta mis à part pour les dieux,
à distribuer les viscera aux assistants) et la communion par le pain-viande,
substance qu'on fabriquait spécialement pour la cérémonie, non sans
dépense, puisque le fait d'y avoir pourvu pendant quelques années constitue
un bienfait suffisant pour légitimer le décret des Caesariastes. D'ailleurs,
artocreas est employé par Perse, Sat., VI, 50, en parlant des distributions
faites au peuple par Caligula : oJetiin artocreasque popeUo. Le terme à'artocreas
est évidemment pris par le satirique dans l'acception méprisante où nous
dirions : il distribua au peuple sa pâtée. Ce n'est en effet que sous les Sévères
que les distributions de viande de porc vinrent s'ajouter régulièrement à
celles de pain et d'huile. Une inscription fragmentaire de Chypre honore
un personnage qui a fait des distributions ôl artocreas au peuple (Orelli, 4957).
2. Fragni. Corn. Att., éd. Kock (I, 757), d'après Athénée (III, iio) qui
l'attribue au Ganymède d'EuboulosetPollux qui l'attribue à celui d'Alkaios :
StTî'jprj'j; TE 6£pjj.où; — 01 otrupot o'È'.aiv -'mi^ ; — ôcpioi touçôjvts;. Je ne
crois pas que -puçwv n'ait ici que le sens de délicat, mais un sens plus précis
et plus technique que j'ai essayé de rendre par mollet. Quant à l'emploi
de TTjpo; et non d'apio; (comme dans à^xor.Tiy.ioi, àp-oXayayov), il semble
tenir à ce qu'on n'a pas à faire à un pain véritable, c'est-à-dire à un pain
levé, mais à une farine, à un triticiim moulé, bluté, réduit en pâte et passé
Le Pain Galate. 231
lite la digestion '. C'est pourquoi Hippocrate le recommandait
déjà". On pouvait le fabriquer aussi d'une manière plus expé-
ditive et plus grossière. Lorsque les trois pa}'Sans Illyriens,
Justin, le futur empereur, et ses compagnons Zimarchos et
Ditybistès, partent pour aller faire fortune à Constantinople,
ils n'emportent que leurs sisyrai sur les épaules, avec de bons
dipyroi pour la route dans leurs poches K Ce sont ces qualités
de longue conservation qui recommandent le dipyron comme
pain de troupe, pour remplacer le vieux pain d'orge suppri-
mé sous les Antonins; désormais, sous le nom à^ paxamas "^ ,
paxamidion, paximatiiiiii, c'est pendant longtemps ce biscuit ^
qui restera la nourriture essentielle des marins, des soldats
et des voyageurs.
Qu'il faille le prendre dans l'une ou l'autre des deux accep-
tions qu'a conservées le mot de biscuit, galette grossière ou
gâteau recherché, la communion par le dipyron parait donc
comme l'acte essentiel par lequel on devient Tekmoreios, comme
Vartokréas unit, dans leurs agapes, les Caesariastes de Lydie; le
tekmôr ne serait pas autre chose qu'une formule d'initiation.
deux fois au four. Dans Homère àoio; est réservé au pain de froment,
tandis que ~updç, aïxo;, aXotxa désignent des variétés d'orge, xpï celle qui
est réservée aux chevaux. Depuis l'époque homérique, l'à'JTOTcypov ou
Çriporupov, pain simple ou pain sec, farine d'orge non levée, est resté en
Grèce le pain des paysans ; Phrynichos appelle autopyrites (aùxoTZ'joi'iai) ses
sarcleuses (I, 580 Kock ; Athen., III, iio E). On verra plus loin que les
paysans phrygiens se servaient d'un mélange de farine avec de l'épeauire
ou de l'orge, î^sorupov ou xpt9o;x'jpov. Il en serait encore ainsi de nos jours,
cf. notamment. Van Lennep, BiUe Lands, 1875, p. 58, et Benndorf, Eranos
Vindobonensis, 1893, p. 372. Sur l'antiquité de l'orge qui paraît avoir précédé
le blé dans tout le bassin méditerranéen, cf. Buschan, Vorgeschichtliche
Botanik, 1895, p. 37.
1. Oribase, éd. Daremberg, I, 9, p. 24.
2. Hippocrate, éd. Kuhn, II, 474.
3. Proœpe, Hist. arc. ,Y1, B, 45. Cf. Bell. Vand.,l, 13 ; Pline, XXII, 68;
Celse, II, 30.
4. Cf. Du Cange, éd. Didot, V, p. 160 et Quicherat, Addenda lexicis Jati-
nis, 1862, p. 202, s. V. paxiinatium, paximacium.
5. Hésychius : AiVjpot 01 Ix SsuTÉpou ô;:T(ôacvot. On a du dire à l'origine:
Tiupot otTTjpoi, orges deux fois cuites. Puis, bien qu'il n'y ait aucun rapport
étymologique entre 7:3p, le feu, et 7:upd; (cjTzupdr, a7:£''pro, la semence par
excellence), leur similitude amena fatalement à les confondre et à supprimer
par suite l'un des deux termes. Comme l'orge y fit bientôt place au froment,
c'est l'idée de la double cuisson qui domina dans oî-upoç. On dit aussi
parfois otesOo; (Dioscor. II, 107).
232 A.-J. Reinach.
attestant la participation au biscuit sacré, qu'on peut imaginer
sur le modèle des credo fameux d'Eleusis ou de Pessinonte :
fai goûté du iynipanos ou fai cousoniiiié le kyh'on \ Rapprochés
de l'usage d'un pain azyme, seul permis, semble-t-il, aux
mystes de la Magna Mater, ces biscuits bénits constituent
une nouvelle analogie entre les MegaJésia et les Pâques (qu'on
continua longtemps à appeler a^yma en Phrygie), célébrées
toutes deux à l'équinoxe du printemps; depuis longtemps
d'ailleurs, des interdictions communes, comme celles du porc
ou du pigeon, ont autorisé la comparaison entre les mystères
phrygiens et les mystères judéo-chrétiens - et l'on sait que la
religion phrygienne, au 11^ siècle, marquait encore si profondé-
ment de son empreinte les populations du plateau anatolien que
le christianisme se vit obligé, pour y réussir, d'adopter cer-
taines des prohibitions alimentaires qui caractérisaient les cultes
d'Ancyre ou de Comana.
Le Montanisme n'est pas autre chose que le Christianisme
adapté aux idées religieuses des populations phrygiennes '.
Que Montan ait été ou non, comme le représentent ses adver-
saires, prêtre de Cybèle, le caractère de ses doctrines — prophé-
tisme et extase, ascèse et surtout abstention de tous aliments
forts, viande et vin — paraît correspondre aux tendances essen-
tielles des cultes nationaux. Une des sectes montanistes les plus
puissantes, les Arlotyrites, semble avoir proscrit, jusque dans
l'Eucharistie, l'usage du sang représenté par le vin, pour se
1. Sur ces formules, a'jv6rj[i.aTa ou aûij.ÇoÀa i^x\ir[ott<)i (en latin si'oiia ou
signacula), cf. A. Dieterich, Eiiie Mitbras-tilîirgie, 1903, p. 100.
2. Cf. Anrich, Das autilcc Mystericirwcsen, p. 225. Il suffit ici de rappeler
l'épitaphe d'Aberkios (nom probablement celtique) d'Hiérolophos où les
uns voient celle d'un prêtre d'Attis, les autres celles d'un évêque ; il y est
question de libations de pain et de vin. Sur l'influence juive en Phrygie et
en Galatie, cf. Ramsay, Cities and Bisboprics, p. 545, 652, et Commeiilary on
the Gatatians, p. 168, 189.
3. Cf. Bonwetsch, Die Geschichtc des Moiitaju'simis (Erlangen, 1881) et
l'article Moiitanisunis du même auteur dans VEncydopcdie de Hauck (t. XIII,
p. 417). Ramsay a mis en lumière le caractère montaniste de certaines épi-
taplies du nord-ouest de la Phrygie (Cilles ami Bishoprics, p. 490, 536). — Il
est indispensable de noter, au point de vue de notre étude, que la secte héré-
tique la plus considérable en Phrygie, avec les Montanistes et lesKatjphry-
giens, est celle des Tasliodroiiggiies dont tous les auteurs anciens s'accordent
à dériver le nom de deux mots galates qui signifieraient pouce (tasJios)
Le Pain Galate. 253
contenter d'une pâte et d'un fromage, artos et tyrion, qui rap-
pellent singulièrement la ma:{a et le tyros, seuls aliments jugés,
à Athènes, assez purs pour nourrir les victimes expiatoires
des Thargélies '. Quoi qu'il en soit, la communion par r<7;7()-
tyrion convient bien au même peuple et à la même époque
que celle par Varlokréas ou le dipyroii.
Toute étude d'un rite de la religion phrygienne, dans cette
citadelle montagneuse que fut pour elle la Galatie, soulève
une question inévitable, mais bien délicate : quelle fut, à son
égard, l'attitude des trois nations celtiques? Bien que leurs
derniers historiens aient tendu à diminuer l'importance des
Galates dans la civilisation du pays qui leur dut son nom, il
suffit de rappeler qu'un siècle à peine après leur établissement
on trouve à Pessinonte un Galate grand prêtre de la Mater - et
qu'au temps de Lucien ou de saint Jérôme on parlait encore cel-
tique dans les campagnes ' ; il en résulte que les Galates ont
dû exercer une influence propre sur le développement religieux
et social de leur pays d'adoption.
Cette influence a pu se produire parfois contrairement aux
coutumes séculaires du pays : ainsi, tandis qu'en Phr5^gie,
comme dans d'autres régions du plateau anatolien, le régime
de la famille paraît plutôt matriarcal, la pati'ia poiestas, en
et nez (drouggos); ce nom viendrait à ces Passahriiichites, comme tradui-
saient les Grecs, de ce que, dans leurs prières, pour obtenir un plus complet
silence et sans doute pour empêcher l'esprit de les abandonner, ils se bou-
chaient le nez avec le pouce (voir les textes réunis par Holder, Alt-cdtischer
Sprachschati, s. v.). On peut se demander si l'on n'est pas là en présence
d'une déformation indigène du nom de la secte, inventée par des Galates
pour la ridiculiser, et si la forme véritable n'est pas celle d'Askodrouggites
qu'on rencontre souvent, droiiggos signifiant « troupe ». Sur ce sens, auquel
ne paraît pas avoir pensé Holder, voirVopiscus, Pro?'., 19, 2; Végéce, II, 2;
III, 16; Isidore, IX, 3 ; Mauritios, Strateg., IV, 5,115 (éd. Holstenius).
1. Sur la signification de ces rites des phartnakoi, cf. Frazer, Golden
Bough, III, p. 93, et Harrison, Prohgoiiieini lo the stitdy of grcek religion,
190^3, p. 99.
2. Cf. la correspondance secrète de l'Attis de Pessinonte avec Eumenès II
et Attalos II de Pergame, sur laquelle je compte revenir prochainement.
3. Prol. comm. II, in Ep. ad Gai., III : Galatas, excepta graeca sernwne
que omnis Orietis loquitur, propriam linguam eaiiideni paeiie hahere qiiain Tre-
viros nec referre si aliqiia e.xinde corniperiiit. Dans Lucien (JZc.v., 51) on
voit que le faux prophète d'Abonotique, établi dans sa patrie qui dépendait
alors de la Galatie, devait parfois rendre ses oracles KîXt'.tt'.. Pour cette
2 34 A.-J. Rcinach.
Galatie comme en Gaule ', va jusqu'à autoriser la condamna
tion capitale des enfants par le père. Mais, bien plus souvent,
l'action de l'élément galatique a pu se faire sentir quand elle
concordait avec les traditions phrygiennes ; cette concordance
seule explique la rapide fusion qui, dès le début du ii*" siècle,
permet au frère du Tolistoboïen Aioiorix de s'asseoir sur le
trône du prêtre-roi de Pessiiionte. Sans reprendre ici la ques-
tion en détail, bornons-nous à rappeler que l'Artémis celtique
a pu se confondre avec l'Artémis phrygienne, et le dieu Medru
avec Mithra ^ ; que certains animaux (taureaux, porcs, colombes
peut-être) sont sacrés chez les Phrygiens comme chez les
Celtes; qu'on retrouve enfin chez les deux peuples bien des
conceptions communes, déesses mères, divination par les
oiseaux, carnassiers androphages, divinités des eaux, des arbres
et des montagnes. Ces exemples suffiront pour justifier la
question à laquelle nous allons essayer de répondre : de quel
pain se servaient les Galates avant d'arriver en Galatie et une
fois installés dans leur conquête ?
Dans les stations lacustres, le pain ne se rencontre que
sous forme de galettes massives faites de grains grossièrement
concassés et cuits sur des pierres plates échauffées '. On
broyait encore ainsi le grain en Bretagne du temps de Dio-
persistance de la langue gauloise en Galatie, cf. Perrot, Revue Celtique, I,
p. I {^Mémoires cP Archéologie, p. 229). Quant aux Trévires, il faut rappeler
qu'ils n'étaient probablement qu'une tribu, mêlée de Belges, des Volkes
Tektosages établis du temps de César {Bell. Gall., VI, 24) dans la forêt
Hercynienne, parents des Tektosages d'Aquitaine comme de ceux de
Galatie : d'où, sans doute, la similitude constatée par Jérôme entre les
parlers de Trêves et d'Ancvre qu'il connaissait pour y avoir séjourné.
1. Gaius, Inst., I, 55 ; Caesar, Bell. Gall., VI, 19. Ces faits qui paraissent
avoir échappé à M. d'Arbois de Jubainville {La Famille Celtique, Paris, 1905)
ont été signalés par M. Ramsay {Historical Comnientary on the Galatians,
1898, p. 151). Si le droit galate a pu triompher en l'espèce du droit phry-
gien, c'est apparemment qu'il se trouvait, sur la patria potestas, d'accord
avec les principes mêmes du droit romain. Ajouter aux références données
Revue Celtique, 1907, p. 115 ; Kôhm, Altlatei)iische Forschungen, 1905, 208.
2. Fr. Cumont, Revue Celtique, 1904, 48. Bans les agapes mithriaques la
communion se faisait au moven de darun, galettes rondes marquées d'une
croix, azvmes comme celles des Mcgalcsia, ce qui n'empêche pas Justin
de parler de ce pauis persiaiiiis sous le nom d'artos et Tertullien sous celui
àe pa)iis oblatio. Cf. Cumont, Mithra, I, 174, 321.
3. C. Vogt, Leçons sur Thonnne, XIII, p. 502 ; G. de Mortillet, Le Préhis-
torique, p. 582 ; W. Helbig, Die Italiker in der Poehene, 1879, p. 17 et 72;
Le Pain Galate. 235
dore '. Bientôt les Gaulois se perfectionnèrent dans l'art de
séparer, dans le grain ainsi pulvérisé, le son et la farine : ils
inventèrent même pour le blutage un tamis fait de crin de
cheval ^ Mais on ne voit nulle part qu'ils aient transformé
ces galettes en pain véritable par l'action du levain. Il y a
d'autant moins de vraisemblance à leur prêter cette invention
que les campagnes françaises l'ignorèrent longtemps; on y fit
usage de cette lourde galette d'orge que l'Irlande mange encore
sous le nom de griddhbread et certaines provinces d'Angleterre,
la veille de Noël, sous celui de frunimetie. Suivant Fortunat,
la reine Radegonde, au monastère de Poitiers, ne voulait, par
esprit de mortification, manger d'autre pain que celui des
paysans, après en avoir moulu elle-même le grain '.Ce n'est
qu'assez tard, sans doute sous l'influence de Marseille, que les
Gaulois apprirent à faire fermenter le pain ; comme ils
n'usaient pas de vin, c'est la levure de bière qu'ils em-
ployèrent '^; mais cette invention ne semble pas s'être mainte-
nue longtemps après la conquête romaine, qui apporta en
Gaule le ferment perfectionné dont Pline nous a transmis la
recette 5. Legrand d'Aussy ^ a raconté l'émotion que provo-
qua, dans la Faculté comme dans le Parlement, la réapparition
en France (1668) de la levure de bière destinée à faire lever ce
beau pain mollet, léger et doré, tout spongieux de lait et de
beurre comme Yapalos ou le dipyros de Galatie '. Elle nous
revenait alors d'Angleterre où sa force avait été nécessaire
Heierli, Urgeschkhte der Schweii, 1900, 180; Modestow, lutroductioii à This-
toire romaine, 1907, p. 171.
1. V, 21. Les Germains, au contraire, dès leur apparition dans l'histoire
paraissent se servir de pain levé. Cf. Hehn, Kiûturpflanyen, 4e éd., 456;
Hoops, Ktiltiirpjïa H ;(en, 1905, p. 295.
2. Plin., H. N., XVIII, 1 1 : crihrorum gênera Gaïïi a setis eqiiorum iiivenere.
3. Carmina, VIII, i et appendix, XXVIII.
4. XVIII, 12.
5. XVIII, 26.
6. Vie Privée des Français, éd. Roquefort, 181 5, 1, p. 64. Cf. L. Bourdeau,
Histoire de VAlivtentation, 1894, 195. Au moyen âge, l'emploi du Icveçon
de cervoise dans la panification paraît avoir été interdit, cf. Fagniez, Études
sur Vindustrie à Paris au moyen âge, 1877, P- ^73-
7. D'après Oribase, I, 20, les galettes azymes, àÇJijia 7T£rj.tjLâTa, dont il
décrit longuement la fabrication, n'auraient été agréables à manger que pour
avoir été trempées dans ce même mélange de lait et d'huile (et de sel ou
de miel, selon qu'on les voulait sucrées ou salées) dont Athénée fait men-
236 A.-J. Rrinach.
pour soulever la vieille pâte trempée de graisse et de lait
à laquelle le peuple était resté si attaché que l'Église avait dû
y superposer sa croix à la rouelle celtique : hof cross biins. On
ne supposera guère, en tous cas, que les Druides se soient
montrés mieux disposés que Guy-Patin à l'égard de cette
« vilaine écume » '. Bien que Pline emploie le terme de paiiis
— pane viiwqiie — en décrivant un rituel gaulois, il ne semble
pas qu'il puisse s'agir d'un autre ///'///// que de la galette
composée de ces grains d'orge qui, en Grande-Bretagne sur-
tout, sous le nom de harley-corn, sont entourés de tout un cycle
de légendes, vestiges à peine déformés des croyances celtiques.
Dans ce rituel, la libation à laquelle il faut procéder, vêtu de
blanc et les pieds nus et bien lavés, est celle qui précède la
cueillette du saniohis — notre séneçon — et surtout du selago^,
remède universel, particulièrement recommandé pour les maux
d'yeux ; sans doute une galette d'épeautre non levée jouait
elle aussi son rôle dans les sacrifices et le repas préparés selon les
rites' , sous le rouvre où l'on coupait le gui sacré.
On ne sait si ce selago, peut-être analogue à la jusquiame
que les Gaulois appelaient belinuntia"^, donnait lieu en Galatie
cà des pratiques semblables >'; mais l'institution du drunemeton
tion pour expliquer l'excellence du pain galate. Il est piquant de lire ensuite
les textes réunis par Legrand d'Aussy, où les autorités ecclésiastiques du
moyen âge interdisent, dans les couvents, l'adjonction au biscuit grossier,
paximaciuiii, de ces mêmes matières à l'aide desquelles on essayait d'en
corriger la rudesse. C'est cette adjonction qui paraît avoir fait, encore au
ixe siècle, le succès du panis praepiiiguis d'Alèsia. Voir mon article sur ce
pain, d'origine semblable à celui d'Ancyre, dans Pro Atcsia, août 1907.
1. Guy Patin, Lettres, 3 nov. 1668.
2. Pline, XXIV, 105-4. Le séneçon, cueilli à la saint Roch,est resté une
panacée pour le bétail.
3. Pline, XVI, 249-51 ,
4. Dioscoride, IV, 69 : |3'.À'.vo'jv-ta ; Aquilée, De Jk'rb., 4 : bêltimintia. C'est
évidemment le rapprochement, justifié ou non, avec le nom de l'Apollon
gaulois Belenus qui a donné naissance au surnom latin de la plante : Apol-
tinaris. Uliyoscxanius Apolliiiaris, qui s'employait pareillement en Galatie
(Pline, XXV, 17), paraît avoir été la même herbe.
5. Cependant divers remèdes à caractère magique, signalés par Pline en
Galatie, présentent une similitude frappante avec ceux que les druides recom-
mandaient en Gaule ; ainsi la rata ou le suciis iiigerriiiiiis de l'acacia qui,
cueillis dans certaines conditions, peuvent guérir les morsures de serpent
(XX, 132, XXII, 109; le biibrotoiiiuni, cuit avec de la farine d'orge, un
remède excellent contre les maux d'veux (XXI, 160).
Le Pain Galatc. 237
suffit à prouver que b religion du chêne n'y fut pas inconnue.
A côté du 'chêne-rouvre, les Galates retrouvaient encore dans
leur nouvelle patrie, sur les pentes rocheuses, le chêne-kermès
ou chêne-houx : le nom sous lequel ils paraissent l'avoir dési-
gné (/;«/j'?) ' n'est pas inconnu sur les deux versants des Pyré-
nées. C'est sur cet arbre qu'on retrouve le cûcciis qui fournit le
superbe écarlate dont les Romains teignaient, de préférence à
la pourpre, les paludamenta impériaux. Quand on se rappelle
que cette substance, qui fut une des grandes ressources de la
Galatie, ne nous est signalée dans l'antiquité qu'en Espagne,
quand on considère surtout les superstitions qui accompagnent
la cueillette du coccns et les analogies qu'elles présentent avec
celles qui entourent la récolte du gui ou du selago, on ne peut
s'empêcher de croire qu'il y a là plus qu'un effet du hasard.
C'est non plus au sud, mais au nord des Pyrénées, en Aqui-
taine, qu'on se servait, pour faire le pain, d'un panic très estimé
que les Galates devaient retrouver en Cappadoce-, ou encore
d'une sorte d'épeautre, flfr/;;^^. ', qui semble correspondre au
y^ovopbq dont on faisait également grand usage en Galatie •+.
L'orge, hraice, dont ils retrouvaient la liqueur fermentée —
1. Pausanias (X, 36, i) dit que les FaXâTat ot u-sp <I>pjyia; cprovfj
-r^ ir^v/ loolu) appelaient u; ce que les Grecs appelaient /.oV.x.o:. Cependant le
mot hus (cf. français Imux ; anglais holly), qui ne se rapporte à aucune
racine grecque, paraît résulter de l'adaptation à une désignation indigène
du carmin, GayTi (terme iranien ou cappadocien, cf. L. Meyer, Handlmch d.
gr. Etyiii., II, 162, dont Xénophon, Cyrop., VIII, 3, 13 fournit le premier
exemple en parlant des anaxyrides perses uayivo6acpct?), d'une forme
celtique hiiJs que justifierait non seulement le nom catalan du chêne-ker-
mès gar-uUa, mais de nombreux noms d'arbres gaulois : bciulla (Pline,
XVI, 74), op-uUus (Varro, I, 8, 3)aX6-oXov (Dioscor., III, 33), a/couÇ-o'jXoujjL
(Dioscor., IV, 71). Quant ■à.ucoccus, qu'on trouve en Lusitanie comme en
Galatie (Pline, IX, 141 ; XVI, 32; XXII, 3 ; Dioscoride, IV, 48) pour dési-
gner la cochenille qui, écrasée dans l'œuf sur la feuille de chêne où elle
s'est fixée, donne notre carmin (de l'arabe kcniics), ce mot, qu'on ne peut
expliquer ni en grec ni en latin (où il ne paraît d'ailleurs que sous l'empire),
paraîtrait devoir être rapproché du gallois coch, rouge (cf. Holder, Sprachs-
chati, s. V.). En Espagne, d'où nous vient le mot de cochenille, le coccoJohis
que vantent Pline (XIV, 30) et Columelle (III, 2, 19) ne serait pas autre
chose que le raisin rouge qui n'a rien perdu de sa réputation.
2. Pline, XVIII, 25. Cf. Strabon, IV, 2 ; Caesar, B. civ.,ll, 22.
3. Pline, XVIII, 19; XXII, 25 : arinca GaUiaruui propria frumenti
genus galliciiiii.
4. Dioscoride, II, 1 18.
238 A.-J. Rehuich.
cette boisson nationale qu'incarnait leur dieu Braciaca —
jusqu'au fond de la Cappadoce où elle avait pénétré avec les
divinités thraco-phrygiennes Braités et Sabazios, y avait donné
naissance à ce pain d'orge que les Gaulois paraissent avoir pré-
féré ' ; semé en mars sur les terres froides du Dindymos, il
donnait, par jugère, cinq niodii d'une farine excellente pour
pain de ménage^ ; cette -;^J\v^r^ -/.piO-/) de Cappadoce, connue
en Bithynie sous le nom de Çs:-'jp:v ' et en Phrygie sous
celui de y.piOîzupov, ou, fomilièrement, de -ups/.pi'^, était sur-
tout appréciée dans la Galatie propre et exportée, pour cette
raison, sous le nom de honkuiii gûlaticum. Ainsi, c'est de panic,
d'épeautre ou d'orge, emmagasinés de part et d'autre dans
des greniers souterrains 5, qu'on paraît s'être servi pour le pain,
de préférence au froment, tant dans la Gaule du sud-ouest que
dans la Galatie du nord-ouest, usage qu'on peut constater des
1. Sur la bière gauloise il suffit de renvoyer aux articles Bracc, Cervesu,
Ciiniii du Sprachscbati de Holder et Hier et Briiiierei du Reallexikoii de
Schrader. On sait que, en Pannonie et en Illvrie, la bière s'appelait sabaia
ou sahaiuiu ; en Thrace et en Phrygie hryton ou bry^a ; le mot bas latin
hraisuin paraît une déformation à la fois de hraice et de hryton ; enfin tragos
et hronios désignent des espèces d'orge. Il semble donc bien que Dion3-sos,
sous ses vocables de Sabazios, Braitès, Bromios, Briseus, Tragos, ne soit
qu'autant de formes du vuao; (cf. nurtis, nourrisson) de Déô ou Zéô, Dê-
méter, la mère de l'orge, :(e!a, :5;('dou déa. Sur cette conception de Dionysos
comme esprit de la liqueur d'orge, cf. Harrison, op. cit, p. 417.
2. Columelle, II, 9; Palladius, II, 4. On en pouvait faire double récolte
en Celtibérie (Pline, XVIII, 18) comme en Galatie (Columelle, loc. cit.,) en
plantant le disticham en mars, le bexasticbiiiii en janvier. C'est le hordcum
distkhum qui est toujours dit galaticnm, parce que c'est celui qui convient
Jrigidis locis sed pi)igiiissiiiiis ; on sait que les Gaulois excellaient dans l'art
d'amender les terres avec de la rrc/i; dite uiarga (Pline, XVII, 42, 45, Var-
ron, I, 7, 8).
3. Oribase, I, 9.
4. Dans une inscription publiée par Ramsay (Studies in easfern provinces,
p. 200). Pour faire, en effet, une farine susceptible de panification, il fallait
mélanger à du froment Vbordcinii gakiticnni; seul, il ne donnait qu'une
polenta. Il paraît en avoir été de même du seigle (secaJe) dont Pline (XVIII,
141) ne signale l'emploi en guise de pain que chez les Taurini des Alpes
mélangé à du far sous le nom de sasia. Cette sasia ou asia correspondrait au
breton beig (gallois baidd) qui désigne une espèce d'orge ; peut-être est-ce
aussi aux Galates, qui l'auraient acclimaté en Thrace et en Asie, qu'elle
aurait dû cette rapide extension qui la fait citer au troisième rang des céréales
dans l'édit de Dioclétien.
5. Diodore, V, 21; Varron, I, 57, Columelle, I, 6; Q.uinte Curce, VII,
4, 24.
Le Pain Galate. 239
deux parts jusqu'au ii"^ siècle de notre ère. Peut-être y a-t-il
là autre chose qu'une analogie fortuite due à la similitude
des conditions de sol et de climat; du moins est-il permis de
le supposer, lorsqu'on lit dans Justin que les Tektosages de
Galatie appartiennent à la même nation que les Tektosages
d'Aquitaine \ tradition que paraît bien confirmer le décret où
Lampsaque, menacée par Antiochus le Grand et par ses
Galates, obtient de Marseille, fille comme elle de Phocée, une
lettre de recommandation -Kpoq tôv ofiixo^/ twv ToXoaxcaYiwv
FaXaTwv (199)-. Si Marseille croyait pouvoir s'attribuer une
pareille influence sur les Celtes de Pessinonte, n'était-ce pas à
cause de leur parenté avec ses clients de Tolosa, riche des
trésors enlevés à Delphes par les Tektosages ' ?
Quoi qu'il en soit, il paraît résulter des faits que nous avons
réunis que, dans la Gaule indépendante, le peuple, d'une part,
par indigence ou par ignorance, le clergé, de l'autre, par suite
d'idées religieuses qui se retrouvent presque partout, se refu-
saient à l'usage du pain levé. La situation ne paraît pas avoir
été très différente dans l'intérieur de la Phrygie, les mêmes
causes produisant les mêmes effets. Puisque nous retrouvons
cet état de choses en Galatie quatre siècles et plus après la
conquête, on peut croire que lorsque Galates et Phrygiens
entrèrent en contact, ils en étaient, sur ce point, au même
degré de civilisation. Nous n'en sommes pas réduits d'ailleurs
à invoquer la seule vraisemblance. Quarante ans à peine après
leur invasion en Galatie, Phylarque, décrivant les festins déjà
célèbres des Galates, a soin de dire qu'on disposait sur leurs
tables àpTS'j-; kSAAoù^ /,aTa-/.sy.Aa!j;x£voyç, des pains en grand
1. Hist., XXXII, 3. Cette tradition, empruntée au Voconce Trogue-
Pompée, est confirmée par Strabon. Son texte laisse entendre que, dès son
époque, l'existence des deux Tolosa de Narbonnaise et de Tarraconnaise
avait amené à chercher, dans le voisinage des Tektosages, l'origine des
Tolostoïens, qui ne seraient devenus Tolcsto-boïens que par fusion avec
les Boïens, émigrés d'Italie vers le nord-est après leurs défaites de 285-3
(cf. Strabon, IV, 188, 195). Les récentes recherches de M. Joulin sur
Toulouse (R. archéoL, 1907, I, 235) paraissent y confirmer l'influence de
l'Orient grec par l'interniédiaire de Marseille et de Rhoda.
2. Dittenberger, Sylloo-e IiiscriptioiiKiii Graecarimi, 276.
3. Justin, XXXII, 3; Strabon, IV, 118; Appien, lUyr., 4; Athénée, VI,
234; Aulu. Celle, III, 9; Dio Cassius, I, 90, etc.
240 A.-J. Rcliiach.
iioinhir tout rompus '. Il ne saurait être question de rompre du
pain levé, qu'on peut seulement couper; ce qu'on rompt, ce
sont ces longues galettes azymes dont les morceaux sont
distribués aux convives, et notre expression rompre le pain est
un souvenir de l'époque où l'on n'en connaissait pas d'autre.
Sur cette question primordiale du pain, il ne semble donc pas
y avoir eu de différence notable, en Galatie, entre conquérants
et indigènes, ni entre leurs cultes respectifs. On a pu entre-
voir quelle influence ce fait, en apparence insignifiant, a du
exercer sur l'histoire religieuse de l'Asie Mineure.
A. J. Reinach.
I. Athénée, IV, 34 = Fragiii. Hist. Graec, I, 336. Cf. Ath. VI, 246
(d'après Posidonios): f, -popr) 3'ÈaTtv àpio'. ôXtyot. Je mécontente de rappeler
que, dans le récit de [a.Jractio panis eucharistique, lorsque Jésus fractionne en
douzeportions la galette azyme, c'est le même verbe /axa/Xân) (en latin//-rtH-
gerc) qu'emploient les Synoptiques et les Actes. Cf. Wilpert, Fractio panis
(Fribourg 1895). C'est par manière de protestation contre cet usage judéo-
syrien et phrygo-galate répandu dans toute l'Asie Mineure qui s'était
d'abord imposé à elle que 1 Église d'Orient a substitué dans l'Eucharistie
le pain levé à la galette non levée et poursuivi, jusqu'à la fin de l'Empire
Byzantin, les a^yiiiites de tous ses mépris et de toutes ses rigueurs. Aussi y
coupe-t-on l'hostie à l'aide d'un tranchet spécial dit sainte lance, tandis qu'en
Occident le culter eiichuristicns ne sert qu'à v inciser les lignes qui permet-
tront de le rompre plus facilement ; peut-être les Gaulois employaient-ils
de même le niac'iairion dont ils se servaient comme de couteau de table
(cf. A. Blanchet, Revue d. étmles anciennes, 1907, p. 200).
Nota. — Sur la puissance paternelle chez les Celtes, voir Cours de litle-
rature celtique, i. VII (1895), p. 242-249; d. ci-dessus, p. 234, note i.
ENLEVEMENT DU TAUREAU DIVIN
ET
DES VACHES DE COOLEY
CHAPITRE VII
EXPLOITS DE CLICHULAINN ENFANT RACONTES PAR
TROIS ORATEURS
SECTION PREMIERE
Récit de Fergus fils de Roech. — Les jeux à Emain.
« Cet enfant » dit Fergus, « fut élevé dans la maison de
son père et de sa mère en Mag Muirthemne. On lui racontait
ce que faisaient les gentils enfants à Emain. »
« Voici comment Conchobar a joui de la royauté, dès qu'il
en fut investi. Aussitôt qu'il était levé il commençait par
mettre en ordre les affaires de la province. Puis il faisait trois
parties du reste de la journée. Il en employait le premier tiers
à regarder les gentils enfants faire des tours d'adresse, jouer,
lancer des boules ; les jeux de trictrac et d'échecs occupaient le
second tiers ; il passait le dernier tiers à manger et à boire
jusqu'au moment où le sommeil s'emparait de tout le monde,
alors les musiciens l'endormaient. Je suis maintenant en exil
à cause de lui et cependant je donne ma parole que ni en
Irlande ni en Grande-Bretagne il n'y a guerrier égal à
Conchobar. «
« On raconta à l'enfant ce que faisaient à Emain les gentils
enfants, la troupe de jeunes garçons, et l'enfant dit à sa mère
Revue Celtique, XXl'III. ' l6
242 //. cCArhoh de JuhaUivillc.
qu'il irait jouer là où ils jouaient, à Emain. « C'est trop tôt
pour toi, petit garçon », répondit sa mère, « attends qu'un
des guerriers d'Ulster vienne avec toi, ou qu'un des guerriers
de l'entourage de Conchobar t'accompagne pour te protéger
contre les jeunes garçons ou te venger s'il y a lieu. » — « Ce
que tu me conseilles », répliqua le petit garçon, « est loin de
ma pensée. Je n'attendrai pas qu'il me vienne un protecteur,
mais enseigne-moi où est Emain. » — « C'est bien loin de
toi », répartit sa mère, « le mont Fuad est entre Emain et
toi. » — « Je me rendrai compte de la distance », dit le petit
garçon. »
2. « Il partit, il emportait ses jouets, son bâton courbe de
bronze, sa boule d'argent, son javelot, son bâton brûlé au
gros bout ; et il s'en servait pour égayer son chemin. De son
bâton courbe il donnait un coup à sa boule et ainsi la lançait
au loin. Puis du même bâton il donnait un second coup et
la boule n'allait pas moins loin que la première fois. Il lançait
son javelot, il jetait son bâton courbe et courait après lui. Il
prenait tantôt son bâton courbe, tantôt son javelot^ et le gros
bout de son bâton n'avait pas touché terre que déjà en l'air il
en avait saisi le petit bout. »
« Allant devant lui, il atteignit le haut plateau d'Emain où
se trouvaient les jeunes garçons. Cent cinquante gentils
enfants, entourant Folloman fils de Conchobar, étaient à leurs
jeux sur la pelouse d'Emain. Le petit garçon alla dans l'en-
droit où ils jouaient, se mit au milieu d'eux, et des deux pieds
lança loin d'eux sa boule de telle façon qu'elle ne dépassât
pas la hauteur de ses genoux et qu'elle ne descendît pas plus
bas que ses chevilles. Elle suivit, sans s'écarter la direction que
de ses deux pieds il lui avait donnée, elle échappa aux projec-
tiles jetés par ses rivaux et allant plus loin qu'eux elle dépassa
le but. »
3. « Tous ensemble en sont témoins », « c'est merveilleux,
c'est étrange», pensèrent-ils. « Eh bien, enfants », dit Follo-
man, fils de Conchobar, « réunissez-vous tous contre lui.
Qu'il soit tué ! Il y a magique défense qu'aucun gentil garçon
vienne se mêler à vos jeux sans avoir auparavant obtenu votre
Eiilcveiiicnt du hiiireaii divin. 243
protection. Tous à la fois mettez-vous contre lui. Nous savons
qu'il est du nombre des fils des héros d'Ulster et ces jeunes
garçons ne doivent pas prendre coutume de venir se mêler à
vos jeux sans avoir préalablement obtenu votre protection ou
votre garantie. »
« Alors ils se mirent tous contre lui. Ils lancent sur le
sommet de sa tête cent cinquante bâtons courbes et lui de son
unique bâton détourne les cent cinquante. Ils lancent contre lui
leurs cent cinquante boules, mais lui levant les bras et les mains
écarte ces cent cinquante projectiles. Ils jettent contre lui leurs
cent cinquante javelots de jeu brûlés au gros bout; lui, élevant
son petit bouclier fait de planchettes, éloigne ces cent cin-
quante javelots. »
4. « Puis il fit des contorsions. Il sembla qu'à coups de mar-
teau on avait fait rentrer dans sa tête chacun de ses cheveux
à l'endroit d'où chaque cheveu en était sorti. Il sembla que
chacun de ces cheveux jetait une étincelle enflammée. Il ferma
un de ses yeux qui ne fut pas plus large que le trou d'une
aiguille, il ouvrit l'autre qui devint plus grand qu'une coupe
d'hydromel. Il écarta tellement les mâchoires que sa bouche
atteignit les oreilles. Il ouvrit si fort les lèvres qu'on voyait
le dedans de son gosier. Du sommet de sa tête jaillit la
lumière qui atteste les héros'.
« Alors il prit l'offensive ; il renversa cinquante fils de rois
qui tombèrent à terre sous lui. Cinq d'entre eux « dit Fer-
gus », arrivèrent entre moi et Conchobar; nous étions à jouer
aux échecs sur la table de Conchobar ; cette table était dressée
sur le haut plateau d'Emain. Le petit garçon suivait ces cinq
enfants, il voulait les mettre en pièces. Conchobar lui saisit
le bras. « Je crois, petit garçon », dit-il, « que tu ne traites
pas légèrement les enfants. » — « J'ai de bonnes raisons pour
agir ainsi », dit le petit garçon. « Quand je suis venu les
trouver, je n'ai pas reçu d'eux les honneurs qu'on doit aux
hôtes. » — • « Qui es-tu ? » demanda Conchobar. — « Je suis le
petit Setanta »_, répondit-il, « je suis le fils de Sualtam et de
I. Le § 4 est tiré du Lebor na hUidre, p. 59, col. i, 1. 34-43 ; O'Keeffe,
1. 391-397; Winifred Faraday, p. 18.
244 H. d'Arbois de JuhnUiviUe.
Dechtire, ta sœur; il était invraisemblable que je fusse mal-
traité comme je l'ai été chez toi. » — « Comment ne sais-tu
pas », dit Conchobar, « qu'il y a magique défense de venir
trouver les enfants sans s'être d'abord mis sous leur protec-
tion. » — « Je ne le savais pas », répondit le petit garçon,
« autrement, j'aurais demandé leur protection. » — « Eh
bien, enfants », demanda Conchobar, « prenez-vous le
petit garçon sous votre protection ?» — « Nous y consen-
tons », dirent-ils. »
5. « Le petit garçon se trouva dès lors sous la protection des
enfants. Leurs mains qui le tenaient le lâchèrent. Mais lui, de
nouveau, se précipita contre eux. Il jeta sous lui à terre cin-
quante fils de rois. Leurs pères les crurent morts, cependant
ils n'étaient qu'étourdis par les coups qu'ils avaient reçus au
front, c'étaient de grands, très grands coups. « Mais »,
demanda Conchobar, « quel rapport y a-t-il désormais entre
eux et toi ?» — « Par les dieux que j'adore », répliqua le
petit garçon, « je jure qu'ils se mettront sous ma protection
et sous mon patronage, ainsi que sous leur protection et sous
leur patronage je me suis placé, en sorte que ma main ne se
retirera pas d'eux avant de les avoir relevés au-dessus de
terre. » — « Bien, petit garçon », répondit Conchobar,
« prends les enfants sous ta protection. » — « J'y consens »,
répondit le petit garçon. Et les enfants furent sous la protec-
tion et le patronage du petit garçon. »
6. « Quand », ajouta Fergus, « un petit garçon a fait ces
exploits cinq ans après sa naissance, a pu à cet âge terrasser
les fils des guerriers et des héros à la porte de leur château, il
n'y a pas lieu d'éprouver de l'étonnement ni de l'admiration
parce que le même personnage à l'âge de dix-sept ans, pen-
dant l'expédition faite pour enlever [le taureau divin] et les
vaches de Cooley, est venu à la frontière de la province, a
coupé une fourche à quatre pointes et a tué un, deux, trois
ou quatre hommes. »
EuUvcmnil du iaiircau divin. 245
SECTION DEUXIÈME
Récit de Cormac à l'intelligent exil, fils de Conchobar.
Meurtre du chien du forgeron par Cùchulainn qui dut son nom à cet exploit.
I. Après Fergus, Cormac à l'intelligent exil, fils de Con-
chobar, prit la parole : « Le petit garçon », dit-il, « fit un second
exploit un an après celui qui vient d'être raconté. » — « Quel
exploit? » demanda le roi de Connaught Ailill. Voici la réponse
de Cormac : « Culann, forgeron d'Ulster, prépara un festin pour
Conchobar et se rendit à Emain afin de l'inviter. Il lui dit de
n'amener qu'un seul convive avec lui à moins qu'il ne se fit
accompagner par des hôtes indulgents : « Car », ajouta-t-il,
« je ne possède ni un domaine, ni même un champ, je n'ai
que mes marteaux, mon enclume, mes pomgs et mes
tenailles. » Conchobar répondit qu'il n'amènerait qu'un seul
compagnon. Puis Culann regagna sa maison qui était fortifiée,
et il s'occupa de préparer à boire et à manger. »
« Conchobar resta assis dans Emain jusqu'à la chute du jour,
puis il revêtit son manteau léger de voyage et alla prendre
congé des enfants. Arrivé sur la pelouse, il \it une chose qui
l'étonna; cent cinquante enfants à une extrémité delà pelouse,
un seul enfant à l'autre extrémité et ce dernier l'emportait
sur tous les autres par l'adresse avec laquelle il lançait la boule
et atteignait le but. Le but était un trou dans la pelouse
d'Emain. Quand était venu leur tour de lancer leurs boules et
son tour à lui d'empêcher leurs boules d'entrer dans le trou,
il faisait en sorte qu'aucune n'y pénétrât. Quand arrivait leur
tour d'arrêter ses boules et le sien de les lancer, il les faisait
toutes entrer dans le trou, jamais il ne manquait son coup.
Lorsque le jeu était d'enlever les vêtements, il déchirait les
cent cinquante vêtements, et l'on ne pouvait même arracher
la broche qui fermait son manteau. Le moment de la lutte
venait-il, il faisait tomber sous lui les cent cinquante enfants,
et réunis autour de ce petit garçon, ceux-ci ne parvenaient
pas à se rendre maîtres de lui. »
« Conchobar se mit à regarder le petit garçon : « Ah!
jeunes gens », dit-il, « heureux le pays d'où est venu le petit
garçon que vous voyez, sises exploits à la guerre sont un jour
246 H. d\4rhois de JubaiiiviUe.
semblables à ses jeux d'enfant ! » — « Le doute que tu
exprimes est déplacé », reprit Fergus, « de même que ce
petit garçon grandira, de même grandiront ses exploits. Que
ce petit garçon soit appelé à venir avec nous prendre part au
festin où nous allons. » Et Conchobar appela le petit garçon :
« Viens avec nous, petit garçon », dit Conchobar; « viens
au festin où nous allons. » — « Non certes, je n'irai pas »,
répondit le petit garçon. — « Pourquoi cela ? » demanda Con-
chobar. — « Farce que les enfants », répliqua le petit garçon,
« n'en ont pas encore assez de leurs jeux et de leurs plaisirs. »
— « T'attendre jusqu'à ce qu'ils en aient assez demanderait
un temps trop long », dit Conchobar, « nous ne t'attendrons
pas du tout. » — « Va devant », répondit le petit garçon,
« ensuite j'irai vous rejoindre. » — « Petit garçon », répartit
Conchobar, « tu ne sais pas le chemin. » — « Je suivrai »,
répliqua le petit garçon, « je suivrai les traces du cortège, des
chevaux et des chars. »
2. « Puis Conchobar se rendit à la maison de Culnnn le for-
geron Il tut accueilli avec l'honneur que méritait son rang,
sa dignité, son droit, sa noblesse et conformément aux bons
usages. Sous lui et sous ses compagnons on étala de la paille
et du jonc trais. On se mit à boire et à manger de bonnes
choses. Culann adressa une question à Conchobar. « Eh bien,
ô roi, as-tu donné à quelqu'un l'ordre de venir te trouver ici
cette nuit ? » — « Non certes », répondit Conchobar, « je n'ai
donné à personne un ordre pareil. » Il ne se rappelait plus le
petit garçon qu'il avait invité à venir au festin avec lui. « Pour-
quoi cette question ? » ajouta-t-il. — « J'ai un bon chien de
guerre », répartit Culann, « aussitôt qu'il est débarrassé de sa
chaîne, personne dans le canton n'oserait en se promenant,
s'approcher de lui. Il ne connaît que moi. Il a la force de cent
hommes. » — Conchobar dit alors : « Qu'on ouvre la forte-
resse au chien de guerre et qu'il protège le canton. » On
débarrass 1 de sa chaîne le chien de guerre, il tit rapidement le
tour du canton, gagna le point élevé du haut duquel il veillait
sur la ville; il s'y plaça la tête sur les pattes; il était tout ce
qu'on peut concevoir de plus féroce, barbare, furieux,
tarouche, terrible, belliqueux.
EnJci'cineut du laiircaii divin. 247
« Que devinrent pendant ce temps les enfants d'Emain ? Ils
se séparèrent, allèrent chacun dans la maison de son père et
de sa mère, ou de sa mère nourricière et de son père nourri-
cier. Le petit garçon, suivant les traces du cortège, se dirigea
vers la maison de Culann le forgeron. Il abrégeait la route en
s'amusant avec ses jouets. Arrivé à la pelouse devant la forte-
resse où étaient Conchobar et Culann, il jeta ses jouets à
l'exception de sa boule. Le chien de guerre remarqua le petit
garçon et poussa des hurlements que tout le monde entendit.
Il se faisait fête d'avaler le petit garçon d'un seul coup tout
entier, de lui donner pour logement son ventre après l'avoir
fiiit passer par sa vaste gorge et au travers de sa poitrine. Le
petit garçon employa le seul moyen qu'il eût de se défendre,
vigoureusement il lança au chien de bataille sa boule qui,
entrant dans la gueule de l'animal, lui pénétra dans le cou,
lui traversa les entrailles et sortit par la porte de derrière; puis
l'enfant, saisissant deux pieds du chien, le lança contre une
pierre levée dont le choc le mit en pièces et joncha tout
autour la terre de ses débris. »
3. « Conchobar entendit l'aboiement du chien. « Hélas, ô
guerriers », dit-il, « nous n'avons pas eu bonne chance quand
nous sommes venus boire la bière cà ce festin-ci. » — « Pour-
quoi ? » demanda chacun. — « Le petit garçon qui venait à
ma suite », répondit Conchobar, « le fils de ma sœur, Setanta,
fils de Sualtam, a été tué par le chien. » A ces mots les glo-
rieux Ulates se levèrent tous ensemble. Quoique la porte de
la forteresse fût ouverte, chacun, au lieu de se diriger vers
cette porte, alla droit devant lui et traversa la palissade qui
entourait la forteresse. Tout le monde allait vite, mais Fergus
plus vite que les autres. Il prit à terre le petit garçon, le plaça
sur son épaule. Culann sortit aussi et vit son chien mis en
pièces; ce fut un coup violent qui l'atteignit au cœur. Puis il
rentra dans la forteresse avec tous les autres, « Ta venue,
petit garçon », dit-il, « m'a fait plaisir à cause de ton père et
de ta mère; mais non à cause de toi. » — « Qu'as-tu contre ce
petit garçon ? » demanda Conchobar. — « Ce n'est pas pour
mon bonheur», continua Culann, « que tu es venu chez moi,
petit garçon, boire ma bière et manger ma nourriture, car
248 H. iVArbois de JiibaiiiviUe.
aujourd'hui mon avoir est détruit, comme ma vie ! elle est
anéantie ma vie ! Celui de mes gens que tu m'as ôté était un
excellent serviteur qui gardait mes bestiaux, mes troupeaux,
tous mes meubles. » — « Ne te mets pas en colère, maître
Culann », répondit le petit garçon, « car je porterai sur cette
affaire un jugement juste. » — « Quel jugement porteras-tu ? »
demanda Conchobar. — « S'il y a un petit chien de la race de
ce chien en Irlande », répondit le petit garçon, « je l'élèverai
jusqu'à ce qu'il puisse faire ce que faisait son père. Jusque-là je
serai le chien protecteur dès troupeaux, des meubles et de la
terre de Culann. » — « Il est bon », reprit Conchobar, « le juge-
ment que tu as porté. » — « Nous ne porterions pas meilleur
jugement », ajouta le druide Cathha. « Pourquoi ne t'appel-
lerait-on pas à cause de cela chien de Culann, ciî Chulainu ? »
— « Non certe. », répondit le petit garçon, « je préfère mon
nom, Setanta, fils de Sualtam. » — « Ne dis pas cela, petit
garçon », répondit Cathba, « car le nom de Cûchulainn sera
célèbre en Irlande et en Grande-Bretagne, les lèvres des
hommes d'Irlande et de Grande-Bretagne seront remplies de
ce nom. » — « En ce cas », répartit le petit garçon, « ce que
tu me proposes me sera avantageux. » Dès lors ce nom célèbre
devint le sien, on l'appela chierp de Culann Cû-cbiilainii
depuis qu'il eut tué le chien qui était chez Culann le
forgeron. »
4. « Quand un petit garçon a fait cet exploit », ajouta Cor-
mac à l'intelligent exil, fils de Conchobar, « quand il l'a fait six
ans après sa naissance, quand à cet âge il a tué un chien de
guerre si redoutable que les troupes, les armées n'osaient
approcher du canton défendu par cet animal, il n'y a pas de
raison pour éprouver admiration ou étonnement parce qu'à
l'âge de dix-sept ans pendant l'expédition entreprise pour enle-
ver [le taureau divin et] les vaches de Cooley, il est venu à la
frontière d'une province voisine, a coupé une fourche à quatre
pointes et a tué un, deux, trois ou quatre hommes. »
Eiilèvciiienl du liiiiiraii divin. 249
SECTION TROISIÈME
Meurtre des trois fils de Necht Sceni '.
Récit de Fiachu fils de Féraba.
I. « Un an après, le petit garçon fit un troisième exploit »,
dit Fiachu, fils de Féraba. » — « Quel exploit fit-il ? demanda
Ailill, roi de Connaught. — « Le druide Cathba », répondit
Fiacha, « donnait à ses élèves son enseignement au nord-est
d'Emnin. Il avait près de lui cent élèves zélés ' apprenant l'art
druidique. Un d'eux demanda au maître quel événement les
présages annonçaient pour ce jour et si cet événement serait
heureux ou malheureux. « Un petit garçon », répondit Cathba,
« prendra aujourd'hui les armes, il sera brillant et célèbre,
mais aura la vie courte; sa vie ne sera pas longue. » Le petit
garçon entendit ces paroles au milieu des jeux au sud-ouest
d'Emain. Aussitôt il jeta ses jouets et vint dans la maison
où Conchobar avait l'habitude de prendre le repos de la nuit.
« Je te souhaite tout le bonheur possible, ô roi des Féné^ »,
dit l'enfant. — « A tes paroles je devine que tu viens me
demander quelque chose », répondit Conchobar. « Que veux-
1 . C'est-à-dire d'Inber Sceini aujourd'hui Kenmare bay, comté de Kerrv,
en Munster. Necht Sceni est la mère des trois fils. Son nom apparaît au
nominatif dans le Diiuisenchas, publié par M. Whitley Stokes, Rcvtie cel-
tique,.x. XVI, p. 83, où il est écrit Neacht. Il y a en vieil irlandais un subs-
tantif «?f/;/ signifiant « nièce » {Thésaurus palaeohibernicus, t. II, p. 122,
1. 27), et un adjectif necht signifiant « pur » (Glossaire de Cormac chez
Whitley Stokes, Three irish glossaries, p. 10, au mot cruthnecht). Dans le
Labor na hUidre le nom de cette femme apparaît toujours au génitif sous
la forme Nechta. Nechtoiu, dans le livre de Leinster, est le résultat d'une
confusion entre ce nom de femme et le nom d'homme Nechtan, Annales
de Tigernach publiées par M. Whitley Stokes, Revue Celtique, t. XVII,
p. 205 ; cf. Chronicou Scotorum, édition Heimessy, p. 104. Necht était
veuve. Son mari Lugaid, au génitif Lugdech, Lugdeach, avait été tué par
les habitants d'Ulster. Labor na hUidre, p. 62, col. i, note marginale.
2. C'est la leçon du Lebor na hUidre, p. 61, col. i, 1. 21 : cet fer dêiii-
viech. Le Livre de Leinster réduit leur nombre à huit et supprime l'adjectif
deininech « ardents, zélés ».
3. Féne ^uênio-s est un dérivé da fian a héros » =z uëiio-s. Ce mot
avait peut-être une variante itènno-s d'où le composé O'jsw^/.v.o-. « fils de
Ueniio-s, nom d'un peuple établi dans l'Irlande septentrionale d'où Dùïvvi-
■/.v'.ov a-z.pov, Innishovenheadou Malin-head en Donegal. Ptolémée, 1. II, c. 2,
51, 2, édition donnée chez Didot par Charles MùUer, p. 75, 1. 2, 7; cf.
Forbiger, Handbuch der alten Géographie, t. III, p. 307.
250 H. d'Arhois de JuhahmUe.
tu, petit garçon ?» — « Prendre les armes », répliqua le petit
garçon. — « Qui t'en a suggéré l'idée, petit garçon ? » —
demanda Conchobar. — « Cathba, le druide », répliqua le
petit garçon. — « Son conseil ne sera pas une trahison »,
répondit Conchobar. Il donna à l'enfant deux lances, une épée,
un bouclier; le petit garçon, secouant et agitant violemment
ces armes, les réduisit en menus morceaux, en menus débris.
Conchobar lui remit deux autres lances, une autre épée, un
autre bouclier; l'enfant les secoua, les agita violemment une
fois, recommença et en fit de petits morceaux, de petits débris.
Il y avait là des lances, des épées, des boucliers de quoi armer
quatorze des gentils garçons, des entants qui étaient près de
Conchobar à Emain. Quand un d'eux prenait les armes, c'était
Conchobar qui les leur donnait ; ils livraient bataille pour lui
et lui jouissait de leurs triomphes. De toutes ces armes le
petit garçon fit de menus morceaux, de menus débris. " Ces
armes ne sont pas bonnes, maître Conchobar », dit le petit
garçon, « elles ne sont pas dignes de moi. » Conchobar lui
donna les deux lances, l'épée, le bouclier dont lui-même se
servait. Le petit garçon agita et secoua violemment les lances
et le bouclier, brandit l'épée et la plia de telle façon que la
pointe toucha la poignée ; il ne brisa pas ces armes, elles
résistèrent à tous ses efforts. « Ces armes sont bonnes », dit-il;
« c'est ce qui me convient. Heureux le roi à qui ces armes
appartiennent! Heureuse la terre qui lui a donné le jour! »
2. « |Le roi et l'enfant étaient dans une tente.] Le druide
s'y rendit. « Le petit garçon a-t-il pris ces armes ? » demanda
Cathba. — « Oui certes, et ce ne pouvait être autrement »,
répondit Conchobar. — « Il ne peut m'être agréable », répar-
tit Cathba, " que le fils de sa mère ait pris les armes aujour-
d'hui. » [Cathba savait que le petit héros une fois armé devait
mourir tout jeune.] « Quoi? » s'écria Conchobar «n'est-ce pas
toi qui l'as conseillé? » — • « Nullement », répondit Cathba.
— « Que penser de toi? lutin, petit démon », dit Concho-
bar, s'adressant au petit garçon. « Nous as-tu menti? » —
— « Ne te mets pas en colère, maître Conchobar », répliqua
l'enfant, « c'est bien Cathba qui m'a conseillé. Un de ses élèves
lui a demandé quel pronostic il avait pour ce jour-ci. Il a
Enlèvement du taureau divin. 251
répondu qu'un petit garçon prendrait les armes aujourd'hui,
qu'il serait illustre, qu'il serait célèbre, mais qu'il aurait la vie
courte et de peu de durée. » — C'est vrai, c'est ce que je
■ sais », dit Cathba, « tu seras illustre, tu seras célèbre, tu
auras la vie courte et dé peu de durée. » — Tu me prédis un
merveilleux mérite », répondit le petit garçon. « Ne serais-je
au monde qu'un jour et qu'une nuit, peu importe, pourvu
qu'après moi restent mon histoire et le récit de mes aventures. »
3. « Bien, petit garçon », répartit Conchobar, « monte en
char. Voici le premier char que J2 t'offre. » Le petit garçon
monta en char. Au premier char dans lequel il monta, il donna
et réitéra des secousses si violentes qu'il en fit de menus mor-
ceaux, de menus débris. Il monta dans un second char et le
réduisit comme le premier en petits morceaux, en petits débris.
Il mit encore en pièces un troisième char. Dans l'endroit où
étaient conservés dix-sept chars n la disposition des jeunes
gens, des gentils garçons chez Conchobar à Emain, il n'y eut
plus que menus morceaux, menus débris de ces chars, tous
brisés par le petit garçon, aucun n'avait pu lui résister. « Ils ne
sont pas bons ces chars, maître Conchobar », dit le petit g.u"-
çon, « ils ne sont pas dignes de moi. »
« Où est le fils de Riangabair,Ibar mon cocher ? » demanda
Conchobar. — « Ici certes », répondit Ibar. — « Prends avec
toi mes deux chevaux», dit Conchobar, « et attelle-les à mon
char. » Alors Ibar prit les chevaux et les attela au char du roi.
Puis le petit garçon monta dans le char de Conchobar, le
secoua tout autour, le char résista, ne se brisa pas. << Certes ce
char est bon », dit le petit garçon, « c'est le char qui me
convient. » — « Bien! petit garçon », reprit Ibar, « pour cette
fois-ci laisse les chevaux sur leur pâturage. » — • « C'est trop
tôt pour moi », répondit le petit garçon; « va devant nous
hors d'Emain aujourd'hui, c'est la première journée qui suit
ma prise d'armes, il faut qu'une grande victoire atteste mon
aptitude guerrière. » Ils firent trois fois le tour d'Emain. « Main-
tenant laisse les chevaux sur leur pâturage, petit garçon », dit
Ibar. — « C'est encore trop tôt pour moi, ô Ibar », répondit
le petit garçon. « Allons devant nous afin que les enflmts me
souhaitent bonne chance aujourd'hui, la première journée après
252 H. iVArhois de JuhainviUe.
ma prise d'armes. » Ils allèient devant eux jusqu'à l'endroit où
étaient les enfants. « At-il pris les armes » ? demanda chacun des
enfants. « Il le faut bien », se répondirent-ils. « Puisses-tu »,
continuèrent-ils, « puisses-tu obtenir la victoire, tuer ton pre-
mier adversaire, triompher; mais pour nous c'est trop tôt que
tu as pris les armes, parce que tu te sépares de nous, tu ne
prendras plus part à nos jeux. » — « Je ne me séparerai pas
de vous », répondit-il ; « mais un présage m'a fltit prendre les
armes aujourd'hui. »
4. « Laisse, petit garçon », dit Ibar, « laisse cette fois les che-
vaux sur le pâturage. » — « C'est encore trop tôt », répliqua
le petit garçon ; « et cette grande route qui va tournant devant
nous, où mène-t-elle? » — « Que t'importe ? » répondit Ibar »,
cela n'empêche que tu ne sois un aimable jeune homme. » —
« Eh bien, gentil serviteur », reprit le petit garçon, a je vais
te questionner sur les principales routes de la province. Jus-
qu'où va celle-ci ?» — « Elle va au gué de la garde du mont
Fuad », répondit Ibar. — « Pourquoi l'appelle-t-on gué de
la garde », demanda le petit garçon, « le sais-tu ?» — « Oui
je le sais », répliqua Ibar. « Un bon guerrier des Ulates y est
de garde pour la défense de son pays. Si des guerriers étran-
gers voulaient venir en Ulster pour offrir bataille, ce serait lui
qui relèverait le défi au nom de toute la province. Si des
artistes détalent", mécontentés, voulaient sortir d'Ulster, ce
serait lui qui pour les y retenir et pour conserver ainsi l'hon-
neur de la province, leur offrirait de riches présents. Si, au
contraire, des artistes de talent pensaient entrer en Ulster, ce
serait lui, qui se porterait garant des libéralités par lesquelles
Conchobar les rémunérerait pour leurs poèmes chantés et pour
leurs histoires récitées à Emain après leur arrivée. » — « Sais-
tu », dit le petit garçon, « qui est près de ce gué aujourd'hui ? »
— - « Oui je le sais », répondit Ibar, « c'est Conall Cernach,
l'héroïque querelleur, fils d'Amargin, c'est Conall Cernach le
royal guerrier d'Irlande. » — « Mène-nous en avant, gentil
serviteur », dit le petit garçon, « fais-^nous atteindre le gué. »
« Allant devant eux, ils arrivèrent en lace du gué : « Celui-
I . Il s'agit de fiUd.
Enlcvciuciit du taureau divin. 253
ci a-t-il pris les armes ? demanda Conall. — « Il le faut bien »,
répondit Ibar. — « Puisses-tu, petit garçon », dit Conall,
« puisses-tu remporter la victoire, triompher en tuant ton pre-
mier adversaire! Mais pour nous c'est trop tôt que tu as pris
les armes, car tu n'es pas capable d'obtenir un tel succès. Au
contraire, si l'étranger qui viendrait ici était un artiste qui te
demanderait de lui garantir un salaire, tous les Ulates te cau-
tionneraient; dans le cas où de ton engagement résulterait
une bataille, tous les nobles d'Ulster se lèveraient pour te
soutenir. » — « Que fais-tu ici, maître Conall ? » demanda le
petit garçon. — « Je monte la garde pour la défense de la
province, petit garçon », répondit Conall. — « Retourne à la
maison pour cette fois, maître Conall », répartit le petit gar-
çon, « et laisse-moi monter ici la garde pour la défense de la
province. » — « Non, petit garçon », dit Conall, « tu n'es pas
encore maintenant capable de tenir tête à de bons guerriers. »
« Alors », dit le petit garçon, « j'irai plus au sud, à Fertais
Locha Echtrann, pour voir si aujourd'hui je trouverai à me
baigner les mains dans le sang d'un ami ou d'un ennemi. »
« J'irai te protéger », répondit Conall, « il ne faut pas que tu
ailles seul dans la province voisine. » — « Non », répliqua
le petit garçon, « tu ne viendras pas. » — « Certes j'irai »,
s'écria Conall ; « les Ulates me roueraient de coups si je te
laissais seul dans la province voisine. « On amena les chevaux
de Conall ; ils furent attelés à son char, et il partit pour aller
protéger le petit garçon ; il arriva aussi loin que lui. Mais le
petit garçon ne voulait pas être supplanté par Conall, si l'oc-
casion se présentait de foire une action glorieuse. A terre il
prend une pierre qui lui remplit la main et il la lance au loin
contre le joug du char de Conall ; le joug se brise en deux,
Conall tombe à terre entre les deux morceaux et se démet
l'épaule. « Q.u'as-tu fait, o mon fils? » dit Conall. — « J'ai
lancé une pierre », répondit le petit garçon, « c'est pour voir
si je sais diriger mon jet, comment je décoche un projectile,
et s'il y a en moi l'étoffe d'un guerrier. » — « Maudit soit ton
jet de pierre ! » s'écria Conall ; « maudit soit toi-même !
Quand même tu devrais aujourd'hui laisser ta tête chez les
ennemis, je n'irais pas te défendre plus longtemps. » —
2 54 H. iVArhoh de Jiihaiiiville.
« C'est ce que je vous ai demandé à vous tous guerriers
d'Ulster », répliqua le petit garçon, « car il y a chez vous
défense magique d'aller chercher la mort dans vos chars. »
Conall retourna au nord prendre sa place au gué de la garde. »
5. « Racontons les aventures du petit garçon. Il alla au sud
jusqu'à Fertais Locha Echtrann. Il y resta jusqu'à ce que vînt
la fin du jour. « Si j'osais exprimer un avis », dit Ibar, » il
serait maintenant à propos pour nous de retourner à Emain.
L'assemblée est commencée depuis longtemps, comme le par-
tage et la distribution de ce qu'on mange et de ce qu'on boit;
une place t'y est réservée tous les jours, tu t'asseois entre les
pieds de Conchobar; ma place est entre les domestiques et les
jongleurs attachés à la maison de Conchobar, le moment est
venu d'aller me quereller avec eux. » — « Prends les chevaux
pour nous emmener », dit le petit garçon ; puis il monte dans
le char. « Mais, ô Ibar », dit-il, v comment s'appelle cette colline
que maintenant je vois au nord ?» — « C'est la montagne de
Mourne », répondit Ibar. — « Et qu'est-ce que ce tas de
pierres blanches que je vois au sommet de cette montagne ? »
demanda le petit garçon. — « C'est », répliqua Ibar, « c'est
le carn blanc de la montagne de Mourne. >> — « Mais il est
joli ce carn-là », dit le petit garçon. — « Oui il est joli »,
répartit Ibar; « avançons, enfant gâté, afin d'arriver à ce carn-
là. Tu es un garçon charmant, et cependant insupportable, je
le vois bien. C'est aujourd'hui la première fois que je t'accom-
pagne; ce sera la dernière jusqu'à la fin du monde, si même je
rentre à Emain. »
« Ils arrivèrent au sommet de la montagne. « Nous sommes
bien ici », dit le petit garçon. « Enseigne-moi ce qui de
chaque côté appartient à la province d'Ulster, car je ne connais
pas du tout le royaume de mon maître Conchobar. » — Ibar
lui apprit de quoi tout autour était composée la province
d'Ulster, il lui montra tout autour les hauteurs, les collines et
les montagnes de la province, les plaines^ les châteaux, les
points élevés de l'Ulster. « Bien, ô Ibar », dit le petir garçon,
« mais quelle est au sud cette plaine où il y a tant de coins,
d'angles, de lisières, de vallées ?» — « Mag Breg » répondit
Ibar, — « Apprends-moi », demanda le petit garçon, « quels
EiiJcvcniciil du latiretiit divin. 255
sont les bâtiments et les forteresses de Mag Breg ? >; Ihar lui
montra Tara, Teltown, Knowth, Brug na Boine, et le château
des fils de Necht. — « Mais », ajouta le petit garçon, ne sont-ce
pas ces fils de Necht qui se sont vantés de n'avoir pas laissé en
vie plus d'Ulates qu'ils n'en ont tué ?» — « Oui ce sont
eux », répondit Ibar. — « Allons devant nous », répliqua le
petit garçon. « Allons au château des fils de Necht. » — « Quel
malheur que tu dises cela ? » s'écria Ibar. « Il est évident,
pour moi que tu me proposes de faire une folie. Y aille qui vou-
dra », ajouta- t-il, « ce ne sera pas moi. » — « Tu iras vivant
ou mort », dit le petit garçon. — « J'irai vivant au château
des fils de Necht », répartit Ibar; « mais ce sera miort que j'en
sortirai, »
« Ils allèrent devant eux jusqu'au château des fils de Necht
et le petit garçon sauta du char sur la pelouse. Sur cette
pelouse il y avait une pierre levée, autour de cette pierre un
cercle de fer, et sur la fermeture de ce cercle une inscription
ogamique faisant appel aux héros. Cette inscription disait :
« A tout homme armé qui viendra sur la pelouse défense d'en
partir sans avoir demandé combat singulier. » Le petit garçon
lut l'inscription, mit ses bras autour de la pierre, la jeta avec
le cercle dans le cours d'eau voisin et les flots s'élevèrent au-
dessus d'elle. « A mon sens «, dit Ibar, « il aurait mieux valu
que cette pierre restât où elle était. Nous savons que cette
fois-ci tu trouveras sur cette pelouse ce que tu cherches, la
mort, oui la mort, une mort tragique. » — « Bien, Ibar »
répondit le petit garçon, « arrange-moi la couverture du char
et sa fourrure pour que je prenne un peu de sommeil. » —
« Quel malheur que tu me parles ainsi »^ répliqua le cocher,
« car nous sommes ici en pays ennemi, cette pelouse n'est pas
une de celles où l'on s'amuse. » Cependant le cocher arrangea
la couverture et la fourrure, puis sur la pelouse le petit gar-
çon s'endormit. »
6. « Alors vint sur la pelouse un des fils de Necht. Il s'appe-
lait Foill, fils de Necht. « Ne détèle pas les chevaux, cocher »
dit Foill. — « Je ne songe pas à les dételer », répondit Ibar, « j'ai
encore les brides et les rênes en main. » — « A qui sont ces
chevaux? » demanda Foill. — « Ce sont les chevaux de Con-
2)6 H. ifAyhois de Jubaiiivillc.
chobar », répondit Ibar. « Vois leurs têtes tachetées. » —
« Je les reconnais », reprit Foill, « et qui les a menés d'Ulster
à la frontière de la province voisine ?» — « Un doux et gen-
til petit garçon » , répartit Ibar, « il a pris les armes chez nous
et il est venu à la frontière de la province limitrophe pour
montrer sa bonne mine. » — « Ce ne sera pas pour vaincre
et triompher », dit Foill; « si je le savais capable de combattre,
ce ne serait pas vivant que d'ici au sud il retournerait au nord
à Emain; non il n'y rentrerait pas vivant. » — « Il est certai-
nement incapable de combattre, quoiqu'on en puisse dire »,
répondit Ibar, « il est dans sa septième année. »
« En ce moment le petit garçon leva son visage au-dessus
de terre, il porta la main sur sa figure, il devint pourpre et
prit de la tète aux pieds la forme d'une meule de moulin.
« Certainement », dit-il, « je suis capable de combattre. » —
(' Ce qui me paraît à moi plus vraisemblable que ceque tu dis »
répondit Foill, « c'est que tu n'es pas capable de combattre. »
— « Pour que tu saches quelle est la vraisemblance », répon-
dit le petit garçon, « il faut que nous allions ensemble au gué.
Mais va chercher tes armes. Venu sans elles au gué, tu n'es
pas un guerrier. Je ne tue ni les cochers, ni les palefreniers,
je ne tue pas les gens sans armes. » Foill se hâta d'aller cher-
cher ses armes. « Dans notre intérêt », dit Ibar, « il est h.
propos que tu fasses bien attention, petit garçon », dans ta lutte
contre lui. » — «Pourquoi cela est-il nécessaire? » demanda
le petit garçon. — « Sur Foill, fils de Necht, sur l'homme
que tu vois », répondit Ibar, « ni les pointes, ni les tran-
chants des armes n'ont prise. » — « Ce n'est pas à moi qu'il
est à propos de dire cela », répartit le petit garçon. « De
ma main je lui jouerai le jeu du tour, je lui lancerai ma
pomme de fer deux fois fondue, elle atteindra le plat du bou-
clier de Foill, le plat de son front, et, après les avoir traversés,
elle fera sortir la cervelle par le derrière de la tète dont elle fera
en quelque sorte un crible : à travers sa tête on verra le jour. »
Foill sortit de son château. Le petit garçon lit le jeu dit du
tour, lança la pomme de fer qui arriva sur le plat du bouclier
et sur le plat du front de Foill, et les ayant traversés, lui fit
sortir la cervelle par le derrière de la tête ; on voyait le jour au
travers de la tête de Foill et le petit garçon la coupa. »
Enlèvement du taureau divin. 257
7. « Alors arriva le second des trois frères, Tuachall, fils de
Necht. — « Je vois que tu te vantes d'un exploit », dit Tua-
chall. -- « Je n'ai pas le droit de me vanter parce que j'ai tué
un guerrier », répondit le petit garçon. — « Il n'y aura pas
cette fois-ci lieu de te vanter y>, reprit Tuachall, « car je te
tuerai. » — « Va chercher tes armes, puisque tu es venu sans
elles », répliqua le petit garçon. Tuachall se hâta de les aller
prendre. « Il est à propos dans notre intérêt », dit Ibar, « que
tu fasses bien attention, petit garçon, dans ta lutte contre lui. »
— « Pourquoi cela? » demanda le petit garçon. — « Tuachall,
fils de Necht, l'homme que tu vois », répondit Ibar, « il faut
l'abattre du premier coup d'épée, du premier coup de l'arme
de jet, à la première attaque; autrement tu ne le vaincras
jamais à cause de l'adresse et de l'agilité avec lesquelles il tourne
autour des pointes des armes. » — « Ce n'est pas à moi qu'on
peut dire cela », repartit le petit garçon. « Je prendrai en
main la lance de Conchobar; cette lance empoisonnée traver-
sera son bouclier, arrivera au-dessus de son ventre, en tout
brisant elle pénétrera entre les côtes jusqu'à l'autre côté de son
corps après lui avoir traversé le cœur. » — « Ce sera », dit
Ibar, « l'exploit d'un ennemi et non l'acte amical d'un conci-
toyen. » — « Je ne l'enverrai pas au médecin », répondit le
petit garçon, « et de sa santé je ne prendrai jamais aucun soin. »
Tuachall, sortant de son château, vint sur la pelouse. Le petit
garçon saisit la lance de Conchobar et la lança dans le bou-
clier de Tuachall au-dessus du ventre de ce guerrier; en tout
brisant elle pénétra entre les côtes jusqu'à l'autre côté du corps
après avoir traversé le cœur. Le petit garçon coupa la tête de
Tuachall avant que par la chute du corps elle eût touché
terre. »
8. « Alors sortit du château et vint sur la pelouse le plus
jeune des trois frères, Faindlé ou l'hirondelle, fils de Necht.
« Ils ont été bien bêtes ceux qui ont combattu contre toi »,
dit Faindlé. — « Pourquoi? » demanda le petit garçon. —
« Viens » répondit Faindlé, « viens près d'ici en bas, dans l'eau
ton pied n'atteindra pas le fond [sans que l'eau te dépasse la
tête]. » Et Faindlé s'élance vers l'eau.
Revue Celtique, XXVIII. 17
258 H. (VArhoh de Juhaiiivillc.
« Il est à propos, petit garçon »,dit Ibar, « que tu fasses bien
attention dans ta lutte contre lui. » — « Pourquoi cela est-il
nécessaire? » demanda le petit garçon. — « Faindlé, l'homme
que tu vois, » répondit Ibar, « doit son nom, Faindlé, c'est-à-
dire hirondelle, à ce qu'il parcourt la mer comme font l'hiron-
delle et la belette. Les nageurs du pays ne peuvent rien contre
lui. « — « Il n'est pas à propos que tu me parles ainsi »,
répondit le petit garçon. « Tu connais la rivière qui est voisine
de nous à Emain, la Callann. Quand les enfants l'entouraient et
faisaient passer leurs jouets sur elle, sans se mettre dans l'eau
eux-mêmes, je prenais moi un gentil garçon sur chacune de
mes deux mains, un gentil garçon sur chacune de mes deux
épaules, puis étant ainsi sous eux, je marchais sur l'eau sans
qu'elle mouillât même la cheville de mes pieds. » Faindlé et
le petit garçon se livrèrent bataille sur l'eau. Le petit garçon
mit son avant-bras sur Faindlé et le fit enfoncer dans l'eau qui
atteignit le sommet de la tête de Faindlé, puis, lui donnant un
habile et rapide coup de l'épée de Conchobar, il lui trancha la
tête qu'il emporta en laissant le corps dans le cours d'eau. »
« [Ensuite derrière lui et derrière Ibar on entendit le cri plain-
tif de Necht, mère des trois morts '] ».
« Après cela le petit garçon et Ibar allèrent au château, dévas-
tèrent les maisons, les brûlèrent : ce qui resta des bâtiments
ne dépassait pas en hauteur les rejets de terre des fossés de
circonvallation. Puis ils retournèrent au mont Fuad emportant
les trois têtes des fils de Necht. »
9. « Alors ils virent devant eux un troupeau de cerfs :
« Qu'est-ce, ô Ibar, que ces nombreuses bêtes si agiles ? »
dit le petit garçon, « sont-ce de ces animaux apprivoisés qui
sont favorisde reines, ou est-ce une espèce de vaches ? » — « Des
vaches », répondit Ibar ; « elles se cachent dans les solitudes
du mont Fuad. » — « Pique de l'aiguillon les chevaux »,
dit le petit garçon ; « voyons si nous pourrons prendre
quelques-uns de ces animaux. » Le cocher piqua de l'aiguil-
lon les chevaux ; mais ces chevaux, qui appartenaient au roi
I. Ce qui est entre crochets provient du Lebor na hUidre, p. 62, col. 2,
1. 17, 18; O'Keeffe, 1. 666,667; Winifred Faraday, p. 31.
Eiilèvcineiit du taureau divin. 259
Conchobar, étaient trop gros pour courir aussi vite que la
troupe de cerfs. Le petit garçon descendit du char et prit dans
cette troupe deux cerfs agiles et forts. Il les attacha au bran-
card du char par des courroies. »
10. « Puis Ibar et le petit garçon allèrent devant eux jusqu'au
plateau d'Emain où ils virent près d'eux une troupe de cygnes
blancs. « Qu'est-ce que ces oiseaux ?» demanda le petit garçon ;
« seraient-ils de ces oiseaux apprivoisés qui sont les favoris des
reines, ou est-ce une autre espèce d'oiseaux ?» — « Ce sont
d'autres oiseaux », répondit Ibar; « c'est une troupe de cygnes
qui, arrivant des rochers et des îles de la grande mer exté-
rieure, viennent pâturer sur les plaines et les plateaux de l'Ir-
lande. » — « Des deux lequel serait le plus glorieux_, ô Ibar »,
dit le petit garçon, « ou les amener vivants à Emain, ou
les y amener morts ? » — « Le plus glorieux serait de les amener
vivants », répondit Ibar; « tout le monde ne peut pas prendre
les oiseaux vivants. » Alors le petit garçon par un premier
coup d'adresse s'empara de huit de ces oiseaux, puis par un
second coup plus adroit il en captura seize. Puis avec des cour-
roies et des cordes il les attacha au brancard du char. « Prends
avec toi ces oiseaux, ô Ibar », dit le petit garçon. — « Cela
m'est difficile », répondit Ibar. — « Pourquoi cela ? » demanda
le petit garçon. — « Il y a pour cela grande raison », repar-
tit Ibar. « Si je me déplace, les roues de fer du char me cou-
peront à cause de la forte, vigoureuse et très puissante allure
des chevaux. Si je fliis le moindre mouvement les cornes des
cerfs me perforeront, me transperceront. » — « Tu n'es pas un
vrai guerrier, ô Ibar », répliqua le petit garçon. « Le coup d'œil
que je jetterai sur les chevaux suffira pour les empêcher de
sortir du bon chemin. Je n'aurai qu'à regarder les cerfs pour
leur faire baisser la tête, tant ils auront peur de moi, et tu
n'auras rien à craindre de leurs cornes. »
1 1. « Continuant leur course ils atteignirent Emain. [La sor-
cière] Leborcham qui était fille d'Aue et d'Adarc [esclaves de
Conchobar, et qui devait un jour prédire la mort de Cûchu-
lainn|, les remarqua. « Un guerrier arrive en char », dit-elle,
« sa venue est effrayante. Les têtes des ennemis qu'il a tués
26o H. â'Arhois âe JuhainviUe.
sont dans son char près de lui. De beaux oiseaux tout blancs
se trouvent à côté de lui dans son char. Des cerfs, ces ani-
maux sauvages qu'on ne peut atteler sont près de lui tenus
captifs par des liens, emprisonnés par des cordes ; si l'on ne
se met pas en garde contre lui cette nuit, il tuera les guerriers
d'Ulster. » — « Nous connaissons », répondit Conchobar,
« ce voyageur qui arrive en char, c'est le petit garçon, fils
de ma sœur. Il est allé jusqu'aux frontières de la province
voisine, ses mains sont toutes rouges de sang ; il n'est pas
rassasié de combat, et si l'on n'y prend garde, par son fait
périront tous les guerriers d'Emain. » Voici la décision que
prirent Conchobar et son conseil : faire sortir des femmes, les
envoyer au-devant du petit garçon, trois fois cinquante femmes
ou dix en sus de sept fois vingt, toutes nues comme leur
immodeste conductrice, Scandlach, à leur tête, pour montrer
leur nudité au petit héros. La jeune troupe des femmes sortit
et sans aucune réserve lui montra sa nudité. Mais lui se cacha
le visage en le tournant contre la paroi du char et il ne vit
pas la nudité des femmes. Alors on le fit sortir du char. Pour
calmer sa colère on lui apporta trois cuves d'eau fraîche. On
le mit dans une première cuve, il donna à l'eau une chaleur si
forte que cette eau brisa les planches et les cercles de la cuve
comme on casse une coque de noix. Dans la seconde cuve, l'eau
fit des bouillons gros comme le poing. Dans la troisième cuve
la chaleur fut de celles que certains hommes supportent et
que d'autres ne peuvent supporter. Alors la colère du petit
garçon diminua. »
12. « On le rhabilla ; il reprit sa figure ordinaire. De sa per-
sonne, à commencer par le sommet de la tête pour finir aux
piedsjil fit une roue pourpre. Il avait sept doigts à chacun des
deux pieds, autant à chacune des deux mains, sept pupilles à
chacun de ses deux yeux, et dans chacune de ces pupilles
on voyait briller sept pierres précieuses. Sur chacune de ses
deux joues il y avait quatre taches, une tache bleue, une tache
pourpre, une tache verte, une tache jaune. Cinquante mèches
de cheveux très blonds lui allaient d'une oreille à l'autre, on
pouvait les comparer à un peigne de bouleau ou à des aiguilles
d'or pâle éclairées par le soleil. Le reste de ses cheveux étaient
i
Eiilèvciiiciit du taureau divin. 261
coupés courts et brillaient comme si une vache les eût léchés.
Un manteau vert maintenu par une broche d'argent l'envelop-
pait. Sous ce manteau il portait une tunique de fils d'or. Il
vint s'asseoir entre les pieds de Conchobar qui lui passa la
main entre les cheveux. »
13. « Ce petit garçon a fait ces exploits à l'câge de sept ans :
à cet âge il a vaincu les grands guerriers qui avaient tué les
deux tiers des hommes d'Ulster. Ces hommes n'avaient pas
trouvé de vengeur avant que cet enfant s'élevât contre leurs
meurtriers. Il ne faut pas s'étonner de ce que plus tard, étant
venu à la frontière de la province à l'âge de dix-sept ans accom-
plis, il ait tué un homme, deux hommes, trois hommes, ou
quatre hommes pendant notre expéditon pour enlever [le tau-
reau divin] et les vaches de Cooley. »
[Fiachu fils de Féraba cessa de parler.]
Tels furent les récits des exploits de Cûchulainn enfant
comme on les trouve dans l'épopée qui raconte l'enlèvement
[du taureau divin] et des vaches de Cooley. Ces récits viennent
après 1° la préface (c'est-à-dire les 4 premiers chapitres), 2° le
tableau de la route (chapitre V), 3° la narration de la marche
de l'armée (chapitre VI).
Maintenant nous allons continuer l'histoire.
LES INSCRIPTIONS CELTIQUES
DE FRANCE ET D'ITALIE
d'après m. Rhys
Sous ce titre : The Celîic Inscriptions of France and Italy,
M. Rhys a publié dans les Proceedings oj the Britisb Acadeniy,
vol. II, une savante et ingénieuse étude sur les inscriptions
gauloises du continent, qu'il est allé vérifier sur placé en
1905 et i9o6(cf. plus haut, p. 209). Il ne regarde pas comme
celtiques les inscriptions d'Italie formant les n°' 4 et 5 du
recueil de M. Stokes, Celtic Decknsion. Il laisse aussi de côté
le texte dit « l'inscription gauloise de Poitiers », dont il
donne pourtant sa lecture, p. 2. Voici un très court résumé
de son opinion sur les autres.
I. EVREUX.
(i) S^ CRISPOS BOVl
(2) RAMEDON 7
(.3) AXTAC BITI EV^
(4) DO CARA-DITONV
(5) N lA SELANI SEBO-D-DV^
(6) REMI FILIA 7
(7) DRVTA GISACI CIVIS SVE
Ligne i : la première lettre pourrait aussi être un B^ et la
dernière un fragment de p, B, R ou E- L. 5 : il faut peut-être
lire en un mot lASELANI- L. 7, on ne voit que l'angle supé-
rieur de la dernière lettre.
Les trois ^' et les deux 7 doivent être des signes de ponc-
tuation. Les deux dernières lignes sont latines.
Les Inscriptions celtiques de Fnince et d'Italie. 26^
IL Alise-Sainte-Reine.
(0 MARTIALIS^ DANN$u
(2) I EVRV V VCVETE vSOsh
(3) CELICNON 0SE1\C
(4) GOBEDBI 7 DVGiIont'Io
(5) ^VCVETINv
(6) IN... ALISIIa C^
L. 2 : la séparation Je | et EVRV doit être une inadvertance
du graveur. L. 4 et 6 : les signes il, qu'on a souvent tran-
scrits E, représentent plutôt // .• dugiiontiio, AUsiia. La der-
nière ligne peut être complétée en |N[DV] ou |N[DO]-
L'auteur suppose que cela forme deux vers hexamètres
dont le rythme est déterminé par l'accent, et qu'il scande
ainsi :
MartialisI Dannôtalli iéuru U|cuéti| sôsin ce|licnon,
Eticgolbedbi dulg'iontiio U|cuétin| indu Alilsiia.
Il traduit : « Martialis, fils de Dannotalos, a fait à Ucueta
cette tour ; et pour (notre) bien puisse-t-elle plaire à Ucueta
dans Alise ».
m. Dijon.
DOIROS'SEGOMARI
lEVRV- ALISANVi:^
« (C'est) Doiros, fils de Segomaros, (qui) a fait (ceci) pour
Alisanos ».
IV. Beaune.
ICCAVOS-OP
PIANICNOS- lEV
RV-BRIGINDONI
CANTALON
Autre inscription métrique :
IccâvosI Oppiajnîcnos iléuru Bri|gindonil cânt'lon
signifiant probablement : « Iccavos fils d'Oppianos a fait à
Brigindo un hym.ne ».
264 E. Ervaull.
V. AUTUN.
LICNOS-CoN
TEXTOS-IEVRV
ANVALoNNACV-
CANECoSEDLoN
Encore un vers :
Licnos Con|téxtos i|éuru Anua|lonnâcu|cânecoIsédlon
« Licnos Contextes a fait pour Anvallonnacos un siège... »
{a... seat), peut-être a laiv chair « un siège de juge, un tri-
bunal ».
VI. Avignon (i).
ceroMAPOC
OYIAAONeOC
TOOYTIOYC
NAMAYCATIC
GICOPOYBHAH
CAMICOCIN
NGMHTON
Cela semble former un hexamètre et demi :
^t^(i\i.y.\çiz^ OuiAAc|véGç -ozu\ziznq Na;xaj|c:àTiç silojpcu
B-^fAr,a-aiJ.t] ai^tv v£|[j.r,TCv
« Segomaros fils de Uillonos, citoyen de Nîmes, fit ce
sanctuaire pour Belesama ».
VIL Avignon (2).
OYHBPoYMAPOC
AGAG TAPANOOY
BPATOYAG KANTGM
Cette dernière lettre serait une erreur du graveur pour NA
liés, ou plutôt pour N, ce qui permettrait de voir là un vers.
« Vebrumaros a donné des prémices à Taranus par ordre ».
VIII. Avignon (3).
OYAAIKIO
ONGPGCT///
AIOYNIAI
Les Iiiscripfions celtiques de France et d'Italie. 265
L. I : la lettre finale est peut-être C. L. 2 : le T n'a guère
pu être suivi que d'un I.
« Valicio fils d'Onerestos, à (la déesse) Aiunia. »
IX. Avignon (4).
eCKerrAIBAANAOOYIKOYNIAI
Probablement : « Pour Escenga fille de Blandouicunos ».
X. Avignon (5).
Probablement :
AAreNNOPin
OYepeTO///MAPeooYi
Ou peut-être Ou£pîT£[cu].
« A Adgennorix Marius, fils de Veretos ».
XL Avignon (6).
Lecture conjecturale :
NER AIPNITOYC
MAVARNOC
VALE
Le dernier mot est latin ; la langue des autres est douteuse.
XIL Malaucène.
SVBRON//
SVMELI
VORETO
VIRIVS-F
L. I : on voit encore à la fin le bas d'une autre lettre
comme I, peut-être E.
La dernière lettre représente le latin fecit.
On peut entendre : « Voretovirius a fait (ceci) pour Subro
Sumelis ».
XIIL Notre-Dame DU Grosel.
Lecture conjecturale :
AOYC
OC-IAAIAKOC
rPACEAOYI
BPATOYAE
KANTENA
206 E. ErnanJt.
L. I : la lettre avant A ^ pu être D. L. 2 : les deux pre-
mières lettres sont hypothétiques ; celle qui suit le second |
semble A. L. 3 et 4 : le f et le B ne sont pas certains.
«... lusos Illiacos (a donné) des prémices à Graselus par
son ordre ».
XIV. Saignon.
///ABO////IOO
OYEIMATIKAN
AIOTEIKARNITOY
L. I : la dernière lettre pourrait être un C, et l'i un T.
L. 3 : la seconde lettre était peut-être N.
« Adbocietos ? fils d'Anovos ? a élevé un monument
funèbre ? pour Annotis ? »
XV. Saint-Rem Y de Provence (i).
OYPITTA
KOCHAO
YCKONI
OC
« Vrittacos fils d'Eluscô ou d'Elusconos ».
XVI. Saint-Remy (2).
BINNMOC
AITOYM
APeOC
L. I : le graveur semble avoir oublié, à l'M, un trait figu-
rant un A précédent.
« Binnamos fils de Litumaros ».
XVI^ Inscription perdue, que le Corpus donne ainsi d'après
un manuscrit : — ON OOYHO AIOYI-BPATOY. La fin
devait être pparouoe xavTsva ou xavrsv ; âtoui = « à la déesse ».
C'était peut-être un vers.
XII. Nîmes (i).
KAPTAPOIIAAANOYIAKOIA^A^
MATPfeBONAMAYIlKABOBPATOYA^
Les Inscriptions celtiques de France et d'Italie. 267
L. I. La première lettre pourrait aussi avoir été F. H, FI,
P ou Y- Les caractères P02I, aujourd'hui effacés, ont été lus
ainsi par Dardalhion, vers 1745.
« Cartaros Illanuiacos a donné (ceci) aux déesses Mères de
Nîmes, parleur ordre ».
XVm. Nîmes (2).
KACm
OYEPCI
EAEBP
EKANT
MI-EINO
TAAOC
KNoCA
AToYA
ENA-AA
Yl
L. 5 : un autre I final paraît dû à un accident.
« Cassitalos fils de Versos a donné des prémices à Lamis
Einus {ou Lamis et Einus) par son (ou leur) ordre ».
XTX. Nîmes (3).
MBATI
TOOY
T IN
La seconde ligne paraît contenir le mot TOOYTIOYC-
XX. Nîmes (4).
€CKirro
P€IZKO
NAIAA€
OC
« Escingorix fils de Condillos ».
XXL Nîmes (5).
MATIACO-...
KONNoYBP...
L. I : la première lettre est peut-être A; Tl peut être FI ;
I'A suivant est douteux; le petit ressemble à un D. L. 2 :
NN est peut-être VT .
268 E. Ernault.
XXII. Nîmes (6).
AAPE2IIKN0I
YIBPATOYAEKA
«... fils d'Adressos (a donné) à . . . des prémices par
ordre». C'était peut-être un vers.
XXIII. Nîmes (7).
KP6IT6
Rappelle le nom de femme irlandais Créa.
XXIV. Nîmes (8),
3<^/////0
CPIOY
MAN
lOCAN
AOOYN
NABOA
eAGBPATO
YAGKAN
TGN
La première ligne pourrait être EKINNO, EKINIO ou
EKNIAIO.
Extvvoç Piou[j.aviGç AvSoo'jvva|3o âeâe ^paiouîe xavTsv, « Ecin-
nos fils de Riumanos a donné des prémices aux Andounnas
par leur ordre ».
Cela semble un vers, qu'on peut scander :
Exivvoçl Pbu;xav^oçrAvoouvva|3o oéosi îSparoucsl xivusv.
XXIV^ Inscription donnée d'après le Corpus :
KATO
VAAOC
C'est le gallois moyen Cadiual, irlandais Cathal.
XXIV''. Inscription perdue, dont on n'a qu'une mauvaise
copie; contenait, entre autres, les syllabes ... ouy.'^Çz) oses
Les Inscriptions celtiques de France et d'Italie. 269
XXV. GUÉRET.
SACER PEROCO
lEVRV DVORI
COV.SLM
La formule latine Votnni solvit lubcus uicrito indique le
caractère votif de cette inscription : « Sacer Peroco a fait
(ceci) pour Duoricos ».
XXVI. Vieux Poitiers.
ratIm briwtiom
FROrrV TARBBISONÔS
ibvrv
Encore un hexamètre fondé sur l'accent :
Râtin Bri|uâtiom| Frontu] Tarbeislônios i|éuru.
« Fronto fils de Tarbeiso a fait le rdth (ouvrage de fortifi-
cation) pour le peuple du pont ».
XXVII. Paris. Autel n° i.
Devant. Derrière. A droite de Jupiter.
Tib(erio) Caesare EVRISES SENANI VSEILO///
Aug(usto) lovi optum[o]
maxsumo su(mm)o
nautae Parisiac[i]
[pjublice posier[u]
n[t]
Dans le mot VSEILO, les lettres SE et O ainsi lues autre-
fois, sont devenues presque invisibles; il y avait ensuite des
traits qu'on a lus M et qui seraient plutôt NI.
Eiirises peut être « les travailleurs de métaux »; senani usei-
loni « les vétérans vexillaires » ou « les vieillards de haute
naissance ».
270 E. Eniault.
XXVIII. Paris, hôtel de Cluny. Autel n° 2.
Devant. Derrière. A droite de A gauche de
Jupiter. Jupiter.
lOVIS TARVOS'TRIGARANVS' VOLCANVS ESVS
lovis, nom de Jupiter^ peut être latin ou gaulois ; Vokaniis
doit être le nom de Vulcain emprunté par les Gaulois; Esns
est un dieu celtique, tarvos trigaranus = « le taureau aux
trois grues ».
XXIX. Paris, Hôtel de Cluny. Autel n° 3 .
Devant. Derrière. A gauche de Cernunnos.
[CIERNVNNOS CASTOR SMERT[VLL]0[S]
Les lettres rétablies sont attestées par d'anciennes lectures.
A droite de Cernunnos devait se trouver le nom de Pollux,
peut-être celtisé. Il est possible que Castor ait été emprunté
par les Gaulois. Cernunnos veut dire probablement « le (dieu)
cornu ». SinerliiJlos peut s'interpréter « le fort » ou « le puis-
sant ».
XXX. Paris, hôtel de Cluny. Autel n° 4.
FORT(una)? ...VS
XXXI. Paris (5).
BRATRONOS
NANTONICN
EPA-DATEXTo
RIGI-LEVCVll:
SVIOREBE-LOGI
TOe-
L. 3 : les lettres A-D ne sont pas très claires. L. 4 : Gl
pourrait être G ou Ci (C avec un petit |). L. 6 : la première
lettre pourrait être |, la dernière doit être un E.
Les Inscriptions celtiques de France et (F Italie. lyi
Bratronos Nantonic}i(os) Epadatextorigi Leucnllo sijiorebe
logitoe, « Bratronos, fils de Nantonos, fit cette tombe pour
Epadatextorix et pour ses (ou leurs) deux sœurs ».
XXXI*. Inscription trilingue de Bourges, d'après le Corpus : ■
//////OS VIRILIOS
////XTOC OYIPIAAIO
AN€OYNOC
enoei
ELVONTIV
lEVRV-ANEVNO
OCLICNO-LVGVRI
ANEVNICNO
« Oxtos ? fils de Virilos »... « Elvontiu a fait (ceci) pour
Aneunos fils d'Oclos et pour Luguris fils d'Aneunos. »
XXXII. Château DE Saint-Germain (i).
BVSCILLA SOSIO LEGASIT IN ALIXIE MAGALV
<( Buscilla a placé ceci dans Alisia pour Magalos. »
Ce doit être un vers à scander probablement :
Bùscillal sosiol légaslit in| Alixie| Mag'lu.
La langue serait celticaiiie (cehican) et non gauloise, ce dia-
lecte eût dit sosin et indu Alisiia.
XXXIII. Château de Saint-Germain (2).
Statue de Mercure avec une inscription latine et deux gau-
loises, dont la première seulement vérifiée par M. Rhys : *
APRONIOS
lEVRV-SOSI///
ESV///
272 E. Ervault.
L. 3 : l'V pourrait être O ; il semble y avoir des traces d'un
N ou M suivant.
On peut supposer : Apronios ieuru sosi(ji) Esun, a Apronios
a fait cet Esus ».
L'autre inscription a été lue par M. Plicque : APRO
TASGI...
XXXIIP*"". Inscriptions non vérifiées par l'auteur :
1° Nevers :
ANDE
CAMV
LOSTOVTI
SSICNOS
lEVRV
« Andecamulos fils de Toutissos a fait. »
2° Bavai.
VRITVES
cmcos
Cette dernière ligne doit être lue CINGOS. L'explication
iiritu ou vritu Escingos « Excingos a fait (ceci) » est douteuse :
ce peut être deux noms, Urityes Cingos.
3° Bar-le-Duc?
ADIA
NTVN
NENI
EXVE
RTIN
INAP
PISET
V
Adiantunneni Exvertiiii Nappisctu « Nappisetu (a donné
ceci) à Adiantunnena (fille) d'Exvertinios » (traduction de
M*. Stokes) ; ou peut-être « don d'Exuertinos à Adiantunne-
nia ». Le texte paraît plus ccllicain que gaulois.
Les Inscriptions celtiques de France et cf Italie. 273
XXXIV. NOVARE.
Transcripiion des canictères étrusques :
Ligne horizontale
Lignes verticales
TAKOS-TOVTIO-SVT..
INAKVITESASOIOIKENI
(0
TANOTALiKNOI
(2)
KVITOS
(3)
LEKATOS
(4)
ANOKOPOKIOS
(5)
SETVPOKIOS
(6)
ESANEKOTI
(7)
ANAREVIssEOS
(8)
TANOTALOS
(9)
KARNITVS
(10)
L. liQriz. Une fracture de la pierre empêche de savoir si
le T était le commencement de l'inscription. La seconde
lettre b paraît être pour F c'est-à-dire A. Mommsen a trans-
crit « osit. . . » la lacune finale, ce qui n'est pas confirmé par
son dessin, sauf peut-être pour le t.
L. vert. I : Les premières lettres IN A sont douteuses.
L. 8 : la huitième lettre, X, figurée ici ss, représente proba-
blement une sifflante spéciale.
Essai de traduction : « Tagos le magistrat (et) Sut(onios).
Ici les petits-fils de Quinta, savoir les fils de Dannotalos :
Quintus le légat, Andocombogios, Setubogios, (et) les fils
d'Exandecottos : Andarevisseos, Dannotalos ont élevé un
tumulus pour eux. »
XXXV. Brescia.
Inscription qui semble bilingue : les lignes
TETVMVS
SEXTI
DVGIAVA
SAssADIS
seraient latines : « Tetumus = Didymus ? (fils) de Sextus
(et) Dugiava (fille) de Sassadis. » Elles sont suivies de deux
Revue Celtique, XXVIII. - 18
274
E. Eruanli.
autres en un alphabet mêlé de latin et d'étrusque, qui peuvent
se transcrire
TOME-ECAAI
OBAL-ANAT INA
Si cette partie est celtique, on peut entendre : « (Tom-
beau ou urne) de Thomas : descendant d'Eccaios, il attend
ici » (formule chrétienne).
XXXVI. Rome.
Inscription bilingue de Todi, latin et celtique (en caractères
étrusques).
Côté A :
[ATEGNATO
(0
[ATEGNATO
DRVTI EI-VRNVM
(2)
DRVTEI-F-VRNAM
[ClOISIS DRVTI-F
(3)
COUSIS
RATER-EIVS
(4)
DRVTEI-F-FRATER
MINIMVS-LOCAV E///
(5)
EIVS-
STATVITQVI
(6)
MINIMVS-LOCAV
[ATjEKNATI-TRVTlKNI
(7)
IT-ETSTATVIT
[KAR]NITV-LOKAN-KO[ISIS]
(8)
ATEKNATI-TRVT
[TR]VTIKNOS
(9)
IKNI-KARNITV
(10)
ARTVAss KOISIS-T
(II)
RVTIKNOS
Comparaison des deux textes celtiques, qui sont peut-être
en vers :
Ategnati- Druticnij
carnitu- logan* Goisisi
Druticnos
Traduction :
Ategnati Druti filii (locus).
Congessit ti:
Druti filius.
Congessit tumulum Goisis
Ategnati-Drutlicni-
carnitu lartuass Goisis.
Djruticnos
Ategnati Druti fîlii (locus).
Con^:;essit lapides sepulchrales
Goisis Druti filius.
Après avoir donné (p. 75, 76) un tableau des déclinaisons
(sur lequel nous reviendrons) d'après les inscriptions précé-
Les Iiiscriplioiis celtiques de France et irilalie. 275
dentés, l'auteur défend la celticité d'une partie d'entre elles
(n- VII, XIII, XVI% XVII, XVIII, XXII, XXIV, XXIV'O-
Vient ensuite une étude du Calendrier de Coligny et des
textes de Rom ; à ce propos est agitée la question des rapports
du celtique et du ligure. Enfin il y a des Corrections et des
Additions, dont nous avons tenu compte dans cet exposé.
Pour ne laisser de côté que les documents épigraphiques de
Coligny et de Rom, il nous reste à mentionner (p. 79) un
texte de Substantion près Montpellier, partiellement rétabli
par M. Holder : INOVCI- A(EAE), et (p. 100) la nou-
velle inscription d'Alise communiquée par M. Espérandieu,
dont la fin paraît présenter le mot etic « et » entre deux
datifs : BIPAKOTGO €TIK OBPITOYACO G'C n'est pas cer-
tain).
E. Ernault.
UN GRAFFITE GALLO-ROMAIN
M. V. Luneau m'a communiqué un denier de Jules César
aux types de la tête diadémée de Vénus à droite et d'Enée
emportant Anchise et le palladiiiiu. Cette pièce est commune
et, bien que trouvée sûrement sur le sol de la Gaule, elle ne
mériterait guère d'être signalée si elle ne portait, gravé devant
le visage de Vénus, un graffite que je considère comme
antique indubitablement. Or ce graffite fournit un nom cel-
tique ANDVARTO, qui paraît avoir une proche parenté avec
le nom de la déesse des Voconces, Andarta. On sait que ce
nom est peut-être celui de la Victoire à laquelle sont dédiés
beaucoup d'autels de la même région. Aussi l'on pourrait se
demander si le possesseur de la monnaie n'a pas considéré le
buste de Vénus comme celui de la Victoire ou ôC Andarta
qu'il connaissait mieux. En tout cas, le graffite gaulois méri-
tait d'être signalé, car c'est le premier connu sur une mon-
naie et le nom qu'il révèle paraît nouveau aussi dans l'onomas-
tique celtique ',
Adrien Blanchet.
I. On connaît les mots Aniueia, Anduenna, Andnnocnes (Dict. de
Holder). Mais il faut supprimer Andtigovonhis, car un nouvel exemplaire
de la monnaie ne permet plus de lire ce nom.
UNE RÉDACTION MODERNE
DU TEANGA BITHNUA
La publication par M. Whitley Stokes de la plus ancienne
et de la plus complète rédaction du Tcanga hiihmia {Erin,
The Journal of tbe school of Irish leaniing, vol. II, p. 96-162)
a ramené l'attention sur ce texte (cf. Revue Celtique, t. XXIV,
p. 366-403). Quelque intérêt qu'il présente aux celtistes, il
est surtout important pour l'étude de l'ancienne littérature
chrétienne, et, à ce point de vue, il convient de ne négliger
aucun des moyens d'information que nous fournissent, sur le
texte latin perdu, les diverses versions irlandaises.
Si l'on compare au texte du Livre de Lismore quelques-
unes des autres rédactions, on se convainc rapidement que,
si, sur l'ensemble du traité, elles ne modifient guère l'idée
que nous en donne le Livre de Lismore, dans le détail de la
composition, elles peuvent contribuer à restituer plus exacte-
ment le prototype latin. C'est ainsi, par exemple, que la fin
du traité, qui manque dans le Livre de Lismore, est suppléée
par le manuscrit de Rennes.
Une rédaction transcrite en 1817 et que m'a communiquée
M. Douglas Hyde contient un certain nombre de développe-
ments que n'oflre pas le texte du Livre de Lismore. Ces
développements sont-ils une addition au texte primitif ou
nous conservent-ils des détails perdus par la rédaction du
Livre de Lismore? Seule une comparaison détaillée du texte
moderne avec le texte le plus ancien permettra d^en juger.
Voici les diff^érences et les coïncidences entre les deux
textes : introduction (Lism. 1-8; mod. i); le nom de la
278 G. Dolliii.
Teanga hithnna (Lism. 9; mod. 2); la langue parlée par la
Teariga bithniia (Lism. 10; mod. 2); la matière du monde et
du corps humain (Lism. 12-14; niod. 3); le monde avant la
création (Lism. 15-17, mod. 4); la rondeur de l'univers
(Lism. 18-19; mod. 5); la matière du monde (Lism. 21;
mod. 6); la matière de l'enfer (Lism, 22; mod. 7); puis la
rédaction moderne énumère l'œuvre des six jours de la
création (mod. 8); cette partie est tronquée dans Lism. (23-
25); les sept cicux (Lism. 26-31; mod. 9); les mers et les
sources (Lism. 31-39; mod. 10); les fleuves (Lism. 40-47;
mod. Il); les arbres (Lism. 48-54; mod. 12); l'épisode de
l'incrédulité de Judas, la Bête et l'Hiruath (Lism. 55-63;
mod. 13-14); puis la rédaction moderne introduit les noms
des sept cieux, de leurs portes, des Anges qui les gardent, et la
description des tourments que doivent subir les âmes en passant
(mod. 15-16); avant d'aborder la description du cours du
soleil et des astres (Lism. 64-88; mod. 17), la rédaction moderne
énumère les races et précise les distances des astres entre
eux et les dimensions de la terre; les oiseaux (Lism.' 89-96
mod. 18); les races humaines (Lism. 97-105; mod. 19)
là se place dans Lism. l'énumération des espèces (Lism. 107
mod. 17); les peines de l'enfer (Lism. 108-120; mod. 20)
le Jugement dernier (Lism. 121-138; mod. 21); la rédaction
moderne diffère du texte ancien en ce qu'elle énumère les
prodiges jour par jour; l'heure du Jugement (Lism. 139-150;
mod. 22); la beauté de Dieu (Lism. 151-162, mod. 22).
La description des sept cieux et des tourments que subissent
les âmes en passant (mod. 15-16) est presque identique a
celle du Fis Adaninâin 15-20; le dénombrement des espèces
du monde (mod. 17) est déplacé dans la rédaction moderne et
doit être considéré comme un résumé de tout ce qu'a raconté
la langue toujours nouvelle sur les merveilles du monde et
comme tel placé après l'énumération de ces merveilles;
mais l'énumération de l'œuvre des six jours de la création
(mod. 8) me semble nécessaire au texte primitif pour annoncer
les développements qui vont suivre. De plus, la rédaction
moderne introduit plus souvent que l'ancienne les questions
posées par les Hébreux à chaque développement nou-
veau. Ces questions manquent dans Lism. 11 (mod. 3);
Une rcdaclion iiwdciiw du Teanga bithnua. 279
Lism. 22 (mod. 7) ; Lism. 23 (mod. 8); Lism. 40 (niod 11);
Lism. 89 (mod. 18); Lism. 97 (mod. 19). Sans vouloir pré-
tendre que toutes ces questions étaient dans le texte primitif,
je pense qu'au moins celles qui introduisent un nouveau jour
de la Création sont nécessaires à la clarté de la composition.
L'étude du texte moderne est donc utile si l'on veut restituer
l'état primitif de l'apocalypse traduite en irlandais.
L'orthographe de cette rédaction est très défectueuse; des
confusions de lettres témoignent le plus souvent de l'igno-
rance du scribe; ainsi grion (grian), pion (pian); nionnh
(niorbh); marradh (mara); airgheana (airdheana), highe (bidh),
bragha (bratha), heigh (béidh) ; Jîthidb (fiche); quelques
graphies sont phonétiques : batlM (beatha); cainni (cinne),
doraine (dorinne); ceire (ceithre); hioJuathaibh (iolthuathaib);
^0 brach (go brdth); sinim {stmm); dimhin (de\mh'm);lim7e
(teine); tuitfach (tuitfeadh), ttigeach (tigeadh), rnchach
(rachadh); îabharthach (tiubhradh); beirig (beiridh), do
cruithaig (do cr\iû\^\^\{), fasaig (fdsaigh), skitibh (sléibhtibh),
becht (boicht) et indiquent un dialecte de Munster.
L'éclipsé est marquée par le doublement de la consonne ini-
tiale quand cette consonne est c ou t: san ccathair ; fur
ccroidhthe ; ar ccosamlacht, go ccuireann, seachl ccéad ; ag a ccur ;
a ccomhsoJiis; a cclcithibb ; na ttortha; bur tteagaisg ; as a itainig ;
air ttiiitfach ; seacht tteas ; iona Itcid ;na ttioiupchioJJ .
G. DOTTIN.
28o G. DottiJU
AN TEANGA BEATH NUADHA AN SO SIOS
I. Do chruthaig Dia neamh agus talamh air ttûis as^iis asé an Righ do rin
sin,is millse na gac Righ, ag»5is aoirdenà gacli comhachta,ag;(5 issôchuidhe
nâ gach aon, agus is iolchrotlia nâ gacli dreaguin, ag;« is soillse na an
ghrian, ag;(5 is cenfi air naomhaibh 7 air ôrdaibh an blieatha, is béodlia
d-fearaibh, 7 is làidre do laochaibh, 7 is clirôdha[do] curaibh, ag;(.ç is aile
dhon drong Dliaoine, 7 atâ cômh comhasach sin nach féidir a mliaitli
d-féisneis ar a-mhéid .i. aon mac dilis Dé do chrûtliaig neamh 7 talamh
ria gàch uile obair, agus na toibreacha sealuightbe ô sin amach, 7 do
chruthaig an duine fd nà cosamalacht féin .i. Adam. 7 is é do cûr an
sgéal-so fà ioltùathaibh an tailimh, ôir fà bheatha gan lôcran, gan soillse
éasga na gréinhe, go ttaine an sgéal-so ô neamh da fhaisneis do chach cia
do bhi an sin an dômhaiii; do chighdis na rana ioiîa m-biodh daith na
greine 7 éagsa a-ranaib nibhe, do chighdis sratha 7 aibhne agus tobuir
a-sliosaibh an tailimh, do chighdis fis gach blâitha 7 gach luibhe 7 gach
toradh re teacht tsabhradh, do chighdis seirge na ttortha ré teacht an
ghéimhre, 7 ni raib fios aco go dearbhtha cia an chomhasach do rin (nô
da nidh) sia 7 tug sin iongtas môr air gac n-duine nô gur dhealbh là 7
ôidhche re chéile no ttainig an sgéal-sa do ch[r]othughfl<//j gâcha dala 7
d-faisneis gach neithe dôibh.
Oir dob fhiordhorca gach nidh do shiol Adam nô gur labhair an
teanga bheathnûadh a ccléitib nimhe os muUac Sleibhtha Sion a ttrachtaib
mairra rùad 7 do bhidar an slôigh iomhda ag//5 chôimhthionol orthear an
bheatha an aon dâil 7 an aon ionad .i. ô inbhearuibh mârradh ' go hinse
Samhruine- 7 as-é f;id do bhadar ansan .i. air f7h mi 7 blina gan easbi/Zi//;
bighe na dighe ga n-iomad gâcha maithiosa air mhullach Sléibhe Sion 7 bo
cômhphlas là âgtis ôidhce dhoili> ris an réa sin, 7 do bhàdar cûig easboig 7
cheithrefithid air ceitre nihile an, 7 ni raibh aon easbog gan a dhiol
sagartaibh 7 do mhaccaibh leighin maille res, 7 bà hé adhbhar an chonih-
thionoil mor sin ag àirarighthibh 7 ag fearaibh an domhain go hiomlan
ag teacht ag éisteacht ré céol nimhe da chantuin a-nealaibh an aoghair os
a-ccean 7 bà hé tosach an chéoil sin : Gloria in excelsis Deo et terra pax
hominibus. . . Grôire do Dhia uile chômhas[(7f/;J agus a-bhfuil .ar talamh
do dhaoinibh 7 bhfuil toil Dé ionta, a.giis san do chanaidis air feadh na
bhW/jna doibh air an ordughadh sin 7 do chiialadar a-néalaibh an aoghir ôs
1. othd iiiuir )}iarh Lismore, 3.
2. Sahainid, Lismore, 3. Sabiiiniiu Paris.
3. Cf. (roile, well? (Dinneen).
Une rédaction iiwdcnw du Teangra bithnua. 281
TRADUCTION
LA LANGUE TOUJOURS NOUVELLE CI-DESSOUS
I. Dieu créa le ciel et la terre au commencement et il est, le roi qui fit
cela, plus doux que tout roi, et plus haut que toute puissance et plus beau
que chacun et plus multiforme que tout dragon et plus brillant que le
soleil et chef sur les saints et sur les ordres du monde, le plus vivant des
hommes, le plus fort des guerriers et le plus cruel des héros et le plus
beau de la foule des hommes et il est si puissant qu'il n'est pas possible de
raconter sa bonté à cause de sa grandeur, c'est-à-dire le fils unique chéri de
Dieu qui a créé le ciel et la terre avant toute œuvre et les sources scellées
ensuite, et qui a créé l'homme à sa ressemblance, c'est-à-dire Adam. Et c'est
lui qui envoya cette histoire aux nombreuses tribus de la terre, car c'était
une vie sans lampe, sans lumière de lune ni de soleil jusqu'à ce que vînt
cette histoire du ciel pour raconter à chacun ce qu'il y avait au monde;
ils voyaient les étoiles où est la couleur du soleil et de la lune dans les
parties du ciel; ils voyaient les cours d'eau et les rivières et les sources
dans les côtés de la terre; ils vo3'aient croître chaque fleur et chaque herbe
et chaque fruit à l'arrivée de l'été; ils voyaient se flétrir les fruits à l'arrivée
de l'hiver, et ils ne savaient pas vraiment quel puissant avait fait cela ' et
cela étonna beaucoup chaque homme juqu'à ce que le jour et la nuit se
séparassent l'un de l'autre, jusqu'à ce que vînt cette histoire sur la création
des éléments et pour leur exphquer chaque chose. Car toute chose était
vraiment obscure pour la race d'Adam jusqu'à ce que la langue toujours
nouvelle parla des toits du ciel par-dessus le sommet de la montagne de
Sion [jusqu'Jaux rivages de la mer Rouge ; et les nombreuses troupes et
l'assemblée furent à l'Est du monde réunies en un seul lieu, c'est-à-dire
depuis les bouches de la mer [Morte] jusqu'aux îles de Samhrunn, et voici le
temps qu'ils y furent, c'est-à-dire pendant un an et un mois sans besoin de
nourriture ni de boisson, avec nombre de biens de toute sorte sur le sommet
de la montagne de Sion et il y eut réunion jour et nuit en ce temps-là et il y
avait là quatre mille quatre-vingt-cinq évêques et il n'y avait pas d'évêque
sans son compte de prêtres et de jeunes clercs avec lui et la cause
de cette grande assemblée pour les nobles rois et les hommes du monde
entier, c'est qu'ils venaient écouter la musique du ciel qui chantait dans les
nuées de l'air au-dessus de leur tête et voici le commencement de ce
chant : Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus... Gloire à Dieu
I. Cf. Livre d'Hénoch, III-VL
282 G. Dolliii.
a ccion toran mhôr fa chosamhuil re tôirnig 7 rc tcintibh' tiiie an einfheas
7 do chonarcadar deallramh agus taineamh 7 ruithncanih an toran sin agus
do bhréithnidheadar gu-rab iad airgheana laoi an bhràtha do bi a-gcomh-
foigs dôibli ; do labhair an teanga bheatlinuada do bi os-a-gcioiî do gliuith
drd, fuUus, glan, ag«i do bhéarla dinglidhe riu, agM5 as-é do râdh : « dâ
bhûr tteagaisg do cuireadh mise ô-n bfir Dia uile chomhasrtc/j » ; do
chuir sin ceist agus uamhain mhor air nà sluaighthibh ûile ; mhor mh-éagle
gan adhbliar dôib sin : ôir ni fhéacadar an te do labliair riu 7 nior
fhoillse chômhrâdh carud le chéile na comhrad sin do rini7h lé gac n-aon
diob, 7 as-é ba bine do chéoltàib an domhain uile.
2. Do labair uaisle na n-Aibhreach ag»5 eagnûidhe nà môrsocuidhe sin, 7
d-fiafruighdar : « Cia hé nô câ hâis^ as a ttâinig? « Do freagair an teanga
bhéathnùadha 7 as-é adubhflzV/ : « O ioltûataibh an tailimh do rôdhéan-se
do réir toile an fhirdia sin me ag//5 as-e m-ainim Pilib ibstal 7 do chuir an
choimh Dia chomhasach mise cum na tùath ngeiiîtlighe dâ tteagasg a
ccriochaib lochran 5 7 ag seanmôir briathre Dé doibh : do threasgair siad na
tuatha dhintlidhe mé iigiis do baineadar mô teanga fa seacht n-ùaire as mô
cheah agus do cuir an chômh Dia chonihachtach teanga nuadh a-m chean
gach uair diobh sin : gon-ad uime sin is teanga bhéathnùadha m-ainim ».
Do freagair eagnûighe na n-Aibhreac eisin 7 as-é adubhradhar : « fochtuimh
aihim an bhéarla sud agad », air siad. « Bearla àinglige », air an teanga
bhéignuidhe, « agus as-é béarla labruidh na naoi n-grddh nimhe ê agH5 as-e
bearla labruid blaithmhiolta mharra agus as-é béarla labraid éanla an eighir
7 as-é bearla labhruid ceathra an talmuin ag»5 as-é béarla flionùs do no
hanmhaibh air m-breith ê, 7 is leis sin do chûir an Spriod naomhtha
chûghaib-se 67 as uime do chuire chûgaibh ê do nihionughia//; an sgeil-si 7
cum tuigsiona do bheith agaibh air na haoibhneasaib ata air neamh do
cumadh 7 do nn[neth] an sgéal so air ttuisg ».
3. Dfiafruigheadar eagnûighe na n-Aibreach : « créadan chumflc//; nô an
tionol atâ air an Domhain »? — « Adeartha mé sin libh » air an teanga
bhéathnùadha, c gâcha cumadh 7 gâcha cômhaighne 7 gâcha coiniol do
cruithighead san doman do raine Criost an a-ccolluin 7 aiséirghe-t Chriost ô
mharbhaib 7 atà a-ccolluih gach u-duine do na ceithre duile .i. don talamh do
rin7h an corp 7 as-e sin adhbhar a beith tirim, trom, daingion, doghluaiste,
mar atâ an domhah uile mar sin, as tûsga an talamh nân tuisge, 7 an tuiste
nân taogear, 7 an taogair nân tiiie, 7 an tihe nân ihiormaiment, ôir as-i an
1. Cichiiaii^r, Lismore, 6. tciiiiail. Rennes.
2. Il faut sans doute lire dit. cf. 17.
3. Faut-il lire Lochiaiiiiach} et regarder ce membre de phrase comme une
glose?
4. isin coliiinn in esserract, Lismore, 11. asarerig, Lecan.
Une rcihuiioii uiodcrnc du Tcanga bithnua. 285
tout-puissant et à ce qu'il y a sur terre d'iiommes en qui est la volonté de
Dieu, et ils leur chantaient cela pendant une année de cette manière et ils
entendirent dans les nuées de l'air au-dessus de leur tête un grand bruit
semblable au tonnerre et aux tisons du feu tout ensemble et ils virent
l'apparence et l'éclat et la flamme de ce tonnerre-là et ils jugèrent que
c'étaient les signes du Jour du Jiigement qui approchaient d'eux; la langue
toujours nouvelle qui était au-dessus de leurs têtes leur parla d'une voix
haute, claire, pure, et dans la langue angélique,et voici ce qu'elle dit : « C'est
pour votre instruction que j'ai été envoyée par le vrai Dieu tout-puissant. »
Cela causa de l'anxiété et une grande crainte à toutes les troupes et ils
n'avaient pas de crainte sans cause ; car ils ne virent pas qui leur parla et
la conversation d'amis l'un avec l'autre n'était pas plus claire que cette
conversation que l'on faisait avec chacun d'eux et elle était plus douce que
les chants du monde entier.
2. Les nobles des Hébreux parlèrent, ainsi que les sages de cette grande
assemblée, et demandèrent : « Qui est-ce ou d'où est-il venu ? » La langue
toujours nouvelle répondit et voici ce qu'elle dit : « C'est des nombreux
peuples de la terre que je suis né d'après la volonté du vrai Dieu et mon
nom est Philippe apôtre et le Seigneur Dieu tout puissant m'a envoyé vers
les peuples des gentils pour leur enseigner dans les pays de Danemark
en leur prêchant la parole de Dieu. Les nations des gentils m'ont vaincu
et elles ont coupé ma langue sept fois de ma tête et le seigneur Dieu tout-
puissant m'a mis une langue nouvelle dans la tête chaque fois. Et c'est
pour cela que la Langue toujours nouvelle est mon nom. » Les sages des
Hébreux l'interrogèrent et voici ce qu'ils dirent : « Je demande le nom de
la langue que tu parles •>•>, dirent-ils. — « La langue des anges », dit la
langue toujours nouvelle, « et c'est la langue que parlent les neuf ordres
du ciel et c'est la langue que parlent les grandes bêtes de la mer et c'est la
langue que parlent les oiseaux de l'air et c'est la langue que parlent les
quadrupèdes de la terre et c'est la langue qui sert aux âmes au Jugement
et c'est là-dessus que le saint Esprit vous l'a envoyée et c'est pour cela
qu'elle vous a été envoyée pour vous expliquer cette histoire et c'est pour
vous faire comprendre les beautés du ciel qu'a été formée et qu'a été faite
cette histoire d'abord. »
5. Les sages des Hébreux interrogèrent : « Quelle est la forme ou
l'assemblage qu'a le monde ?» — « Je vais vous le dire, » dit la langue
toujours nouvelle, « toute forme et toute nature et toute lumière qui a été
créée dans le monde, le Christ l'a faite dans son corps, dans lequel le Christ
ressuscita d'entre les morts et il y a dans le corps de chaque homme des
quatre éléments : de la terre a été fait le corps et c'est la cause pour
laquelle il est sec, lourd, fort, difficile à mouvoir, comme est tout le monde ;
(ainsi la terre passe avant l'eau et l'eau avant l'air et l'air avant le feu et le
284 G. Dollin.
fhiormaiment nidh is foiriomala dôibh 7 an talamh na puinc chômhchroin
a-cccart mhéadhain, an talamli gan suhstaint faoi, acht grâsa De d-a
coingcamâil, 7 an tuisga do rcir faine do bhe7h iona timpcioll; gidh7h do
cruithaig an tùismiglnlieoir, .i. losa Criost, an chcud tiÏÏsmar' mliàighedh
aitreabh do na daoine 7 do na hairmeantaibh 7 atâ an t-aogcar in-a
timpcliioll atruir 7 an fiormaiment do gach tâobh diobh a-ccearthar,
7 as-i so tuarasgabhail an domhain agus na ceithre duilc 7 as uata do
rin7h an corp 7 docuir7h dùil uisge an 7 a-si a tuanwgabhâil a-bhcith fùar,
fliuch, sôli'iiste 7 na dhiaigh sin do cuir7h duil tuine an 7 as-é tuanwgabhail ;
an chuirp bheith tirim, loisgetheach, éadmhur, éadrum, siléach, soghluaiste
7 a-sé adhbhar an tine a-ccorp an duine .i. fuil déarg 7 domblus aodh
maille ré lionad 7 ré lion dubh 7 as-é do bheir fearg a criodhthib na
dâoine; 7 atà san ccollain adhbhar aeghair .i. gaoith, 7 atâ adhbhar don
gréin 7 don easga a ccorp an duine .i. radharc ioiîa suilib, 7 atà adhbhar
do chlocha 7 do crahaib a-ccorp gac nduine 7 as-é do nidh chumhadh
féola agus cnamh séach a-cheile, 7 atà adhbhar do bhlàithibh fôs ah .i.
sgéibh ioh-a ghrûadiiaibh 7 dait an chuirp : dorachach an donihah uile
air neamhnidh muna ttigeach losa Criost a-ccoUuin daona agus muna
ccéusa ê féin tar cean t-siol Adhamh agus eiséirge ô bhàs go beatha, do
rachaidis uile go hifrion ria teacht an bhratha 7 ni ghinfighe dùil air 7 do
lasàidis na seacht raiia nimhe 7 cheithre nimhe an Righthighe, 7 ni bhiadh
talamh nà ciiieal mar sin san domhah acht ifrioh àmhain, 7 is uime
do cuir7h mise chughaibhse », air an t. b. n., « dà shéanmôir 7 dà
fhoillsiughadh an sgeil-se dhibh no ba dall fiordhorcha hhur ccroidhthe
a-dhaoine an dômhain gus anois. »
4. « Maise », ar e. n. n., « inis duin cioh».s- do bi an dômhan ré nà
chruthugbït//;, ôir atamaoidh ainbhfiosac ah, monadh n-inisir ê ». Do
làbhair an t. b. n. do bearladh aihlige riu agns adubhairt « nach raibh
talamh na ifrion an air ttùis 7 ni raibh as cûaird seas nimhe 7 seas naol ^
nimhe 7 ni raibh an nidh air ttuitfach gaoth na fearthuine nà sneachta 7 fôs
ni raibh srotha na aibhne ah nâ iohad piastuide nâ éunla an aeghear nà
croth, nà ceathrra, nà n-daoine, nà nidh airbith elle. » — « Créadh do
bi ah? » ar e. n. n. — « Do bi », ar an t. b. n., an t-aon Dia uilechô-
mhas gan formad, gan doroing, gan tûis, gan deire, gan brôn, gan tuirse,
gan imhsniomh, gan fuacht, gan ghorta, gan ocras, gan chôga, gan
ceanarrflj/j as sith sothaina, 7 fôs ni raib nidh bha deacra leis do dheanamh
nà iomràdh na mheahmuih. Dixit .i. Dia môr ag deanamh nà uile gan
obair do ràdh as firt gan saothar, gan doiligh, gan dorông dorin Dia
gan foghluim iad; an tan dorin Dia an domhan do dheala neamh 7 talamh,
grian 7 easga agus do rin se an cathair néamhdha air ttuis gor-a haingluibh,
ataid seas n-gréanbhrôgha ah gach tuath dà bhfuil ah agus dha chéol déag
7 tri hthid 7 cheire céad mile an is gach grianbhrôgh ' scachnoih an Riglithigh
néamhdha ag mola an duileamhuin.
1. M. Douglas Hyde me suggère de lire tuisiuliightheoir.
2. Lire nèl (D. Hyde).
3. C{. in grian hrugaib Parduis, Saltair na rann, v. 1868.
Une rédaction iiiodcnie du Teanga bithnua. 285
feu avant le firmament, car le firmament est la chose qui vous limite et la
terre, comme un point(?) toute ronde au juste milieu, la terre sans support
sous elle, sauf la grâce de Dieu pour la soutenir, et l'eau comme un anneau
tout autour; cependant le créateur, c'est-à-dire Jésus-Christ, créa
demeure des hommes et des animaux et l'air est autour encore, et le firma-
ment de chaque côté d'eux quatre, et voilà l'explication du monde et des
quatre éléments et c'est d'eux qu'a été fait le corps) ' ; et l'élément de l'eau
y a été apporté et c'est l'explication de ce qu'il est froid, humide, brillant ;
et enfin y a été apporté l'élément du feu et voilà l'explication de ce que le
corps est sec, brûlant, jaloux, léger, mobile et voici la matière du feu dans
le corps de l'homme, c'est-à-dire le sang rouge et la bile du foie avec les
humeurs et la bile noire et c'est elle qui donne la colère aux cœurs des
hommes ; et il y a dans le corps la matière de l'air, c'est-à-dire le vent ; et
il V a la matière du soleil et de la lune dans le corps de l'homme, c'est-à-
dire le regard dans les veux ; et il v a la matière des pierres et des arbres
dans le corps de chaque homme, et c'est cela qui a fait la forme d e la
chair et des os séparément ; et il y a la matière des fleurs encore : c'es t-à-
dire la beauté dans ses joues et la couleur du corps. Tout le monde s'en
serait allé au néant, si Jésus-Christ n'était venu dans un corps humain; et
s'il n'avait souffert lui-même pour la race d'Adam, et n'était ressuscité de
la mort à la vie, tous seraient allés en enfer avant la venue du Jugement et
aucune créature ne naîtrait et les sept parties du ciel et quatre cieux du
Royaume s'embraseraient et il n'y aurait ainsi ni terre ni race dans le
monde, sauf l'enfer seul, et c'est pour cela que je vous ai été envoyée, dit
la 1. t. n. pour vous prêcher et pour vous expliquer cette histoire; autre-
ment, aveugles et très obscurs étaient vos cœurs, ô hommes du monde,
jusqu'à maintenant. »
4. « Eh bien! », dirent les sages des Hébreux, « raconte-nous comment
fut le monde avant la création, car nous l'ignorons à moins qu'on ne la
raconte. » La 1. t. n. leur parla dans la langue angélique et dit qu'il n'y
avait ni terre, ni enfer au commencement et il n'y avait que le circuit des
sept cieux et des sept nuées du ciel, et il n'y avait rien sur quoi tombât le
vent, la pluie ou la neige et encore il n'y avait ni fleuves, ni rivières, ni
demeure de serpents, ni oiseaux dans l'air, ni bétail, ni troupeaux, ni hommes,
ni rien d'autre au monde ». — « Qu'y avait-il? », dirent les sages des
Hébreux. — " Il y avait, «dit la 1. t. n., « le seul Dieu puissant, sans
envie, sans peine, sans commencement, sans fin, sans chagrin, sans tristesse,
sans fatigue, sans froid, sans faim, sans appétit, sans bataille, sans sédition,
mais paix éternelle, et encore il n'avait rien à faire de plus difficile que de
penser en son esprit. Dixit. Dieu grand, faisant tout sans travail, ne dit que
miracle sans travail, sans chagrin, sans douleur; Dieu les fit sans apprendre.
Quand Dieu fit le monde il créa le ciel et la terre, le soleil et la lune et il fitt
la cité céleste au commencement avec ses anges ; il y a sept plaines enso-
leillées dans chacune des tribus qui sont là et quatre cent mille soixante
douze chants dans chaque plaine ensoleillée à travers le royaume céleste,
louant le Créateur. »
I. Cette curieuse digression sur les quatre éléments manque ailleurs. Je
l'ai mise entre parenthèses.
286 G. Dollin.
5. Atiùabhairt e. n. n. : « Inis dùin cread an chûmaatâ air an Rightha nâ
ar an n-dônihan cile » — « Foillséoch mé sin dib» air an t. b. n., « ghion
go bhfcicion dibh fcin c, as crôin atd an dômhan uile, agus as crôin fôs do
rin se an catliair néamhdha, agus as crôin dô rin na duile 7 na seas nimhe
7 na seaclit marradb, 7 as croin atâid na hanmna air na bhtblamliughrtf//;
as na corpaib daona, 7 as croin atâ an t-àrd Righ uile comhachtach féin
mar a bhfuil ioiia shuighe iona chathair féin go deircadh an dômhain 7
ni feadfaidis fir an bheatha as beagan dd thuairisg do thabhairt uatha : oir
atâ se as cion tuigsiona daona 7 an uile eagna méid a gloire 7 a mhaithiosa
dfeisnéis, ôir dà mbéidis siol Adamh dâ shirfeucaint do gach leath, ni hiidb
fios dôibh a-chûl seach àïghedh as ê na dhlûim dearg thintighe air dearg-
lasa, ôir is ûaidh féin foillsighthear gach nidh 7 da dhearbadh sin do chuir
se seacht sôilse éasga an gréin, 7 seas soilse gréine an anam an fliioraoin,
7 seacht soillse an anama a-soh« ua seas nimhe, 7 seas soillse na seacht
nimhe an-deallram an aingil, 7 seas soillse an aingil a sohis an Righthighe
néamhdha an-deallra na trionôide atâ san ccathair néamhdha.
6. 7 as-é adùbhairt e. n. n. : — « Créad dob adhbhar do domhan no
créad da n-déarrna é ». Do d-freagair an t. b. u. « 7 as-é nidh da
n-déarna é .i. teas, fuacht, fliucan, tiormacht, soillse, dorchadas, aoirde,
isle, millse, seirbhe, soigneart, doigneart, sâile marra, fùaim, fotram,
toirneach, torah, bolait, bolltans, an-ôird na n-aingiol, toirneacha tiiiteach
do cruinigheadh ag-ceah a-chéile iad tré bhreithir an drd Righ agus as-e sin
adhbhar an domhaih. »
7. « Maise », air e. n. n. « inis dùin an dôibh sin do riheadh ifrioh. »
Dfreagair au t. b. n. 7 adùbhairt : « Ni dhearna ifrion (air se) nô go
ndeachaidh an t-ârcaingiol, .1. Lucifer, tar réir an choimhdé comasach go
bh-fuair ollamh fâ nâ chean tré bhrethir an âird Righ é. » — « Maise », air
é. n. n., « créad dé ndearrnad ifrion ». D-freagair an t. b. n. go n-dubhairt
« gâcha d-fûair an t-âird righ uile chômhasach do theas, do fuacht, do
sheirbhe, do dhit, do dhochar, do dhomlas, do phlâig, do peanuidh, do
ghorta, do dhacar, do ghrùaim, do ghâlar, do dholâs, do tighim, do
shaoith, do shiorghol, do bhruath, do bhuirbe, do chéch, do dheatach, do
dhorcad»5, do sneachta, do réogh, do gharbhghaith, do thôrnach, do
thintibh, do chrùas, do cheaharra, do cogagh, do sparain, do ghaoilge, do
dhaithmheanmhuin ', do thiomurgaigh 7 do tiomsuidh a-ccéan a-céile iad
tré bhroithir an ârd righ amhail adûbrâmur do bheith ioiia n-ionadabh
priosûin do na peacadhibli tre sâruighthe aithne Déa dhôihh iohas go mbid
grain ^ chodhla, gan chômhsûan, gan aoibhneas, gan ûrghârdachus, gan
sûil re maith, as ag médàughadlj uile 7 ag tôgbhâil gâcha peine on bh-fior
Dhia uile chômhasach. »
1. Il faut lire sans doute doiDihcafniihui 11.
2. Faut-il lire simplement o^(i« « sans »?
Une rcdadioii niodcnic du Teanga hitlinua. 287
5. Les sages des Hébreux dirent: « Raconte-nous quelle est la forme
qu'a le Rovaumeou l'autre monde». — « Je vous le révélerai », dit la 1. t.
n., « quoique vous voyiez, c'est rond qu'est tout le monde, et c'est ronde
encore qu'il a fait la cité céleste et c'est ronds qu'il a fait les éléments et les
sept cieux et les sept mers, et c'est rondes que sont les âmes après être
sorties des corps humains, et c'est rond qu'est le Haut Roi tout-puissant
lui-même, comme il est assis sur son trône même jusqu'à la fin du monde
et les hommes du monde ne pourraient en donner que peu de nouvelles,
car il est le chef de l'intelligence humaine et de toute la sagesse. . .raconter
la grandeur de sa gloire et de sa bonté, car si la race d'Adam était à
regarder sans cesse de tout côté ils ne connaîtraient pas son dos plus que sa
face, tîiais il est dans un nuage épais rouge-feu en train de brûler ; c'est de
lui-même qu'est éclairée toute chose' et, pour le prouver, il a mis sept
lumières de lune du soleil et sept lumières de soleil dans l'âme du juste et
sept lumières de l'âme dans la lumière des sept cieux et sept lumières des
sept cieux dans la splendeur de l'ange et sept lumières de l'ange dans la
lumière du Royaume céleste et sept lumières du Royaume céleste dans la
splendeur de la Trinité qui est dans la cité céleste-.
6. Et voici que dirent les s. d. H. : « Quelle fut la matière du monde
ou de quoi fut-il fait? » La 1. t. n. répondit : «. Et voici la chose dont il fut
fait, c'est-à-dire le chaud, le froid, l'humide, le sec, la lumière, l'obscurité,
le haut, le bas, le doux, l'amer, le fort, le faible, la salure de la mer, le
bruit, le fracas, le tonnerre, le grondement, l'odeur, le parfum, le chant des
anges, les tonnerres enflammés qui furent réunis ensemble par la parole du
Grand Roi, et c'est la matière du monde. »
7. « Eh bien! », dirent les s. d. H., « raconte-nous si c'est de tout cela
que fut fait l'enfer. » La 1. t. n. répondit et dit : « L'enfer ne fut pas fait »,
dit-elle, « jusqu'à ce que l'archange, c'est-à-dire Lucifer, transgressa l'ordre
du Seigneur puissant en sorte qu'il le trouva prêt pour lui, par la parole
du Grand Roi. » — « Eh bien », dirent les s. d. H., « de quoi a été fait
l'enfer? » La 1. t. n. répondit en sorte qu'elle dit : « Tout ce qu'a trouvé le
Grand Roi tout-puissant de chaleur, de froid, d'amertume, de destruction,
de malheur, de mauvais goût, de pestilence, de tourment, de faim, de
malheur, de déplaisir, de maladie, de chagrin, de peste, de peine, de pleurs
continuels, de violence, de brouillard, de fumée, d'obscurité, de neige, de
gelée, de vent rude, de tonnerre, de feux, de difiiculté, de sédition, de
bataille, de querelle, de détresse, de mauvais esprit, tout cela le Grand Roi
l'assembla et le réunit ensemble par la parole, comme nous avons
dit, pour servir de lieux de prison aux pécheurs, à cause de la violation de
la volonté de Dieu par eux, en sorte qu'est l'horreur du sommeil sans
repos, sans plaisir, sans joie, sans espoir dans le bien, mais augmentant le
mal et élevant chaque peine de la part du vrai Dieu tout-puissant. »
1. Cf. Fis Adaiinniiu, § 10.
2. Ce développement sur la lumière divine ne se trouve pas dans les
autres rédactions.
I
288 G. DoUin.
8. « Maise, inis dun », air e. n. n., « ar crûithigy Adhâmh fâ n-aimser
San ». D-frâgair an t. b. n. 7 as-é adiibhfliVt : « nâr cruithiglicadh 7 ro bi an
domhain 7 na huile nid eile an air, as-é seo tionsgnadh do rin Dia re
iomthnùith an aingil .i. Lucefer, do rin Dia se néamh agus talamli san
dômlinach : do rin se an fiormaiment a méodhan an uisge san lùan : do
rin muir 7 tir gon-a ttorthaibli san mâirt, do rin gréan a.gus aesga 7 rana
nimlie san cceadâoin, do rin éunla an aegcir ag;/5 tona fairge san dârdâoin,
do rin ainimhiolta an talaimh 7 daoine do talamli san aoine .i. Adhamh,
do no dùile .i. talamh, tiiie, aegliéar 7 uisge amliùil atâ is na hoibreacliaib
séalalta. Facennis hominem ad iniagineiii et simililiidineni nostriini À.
deanamaoid an duine air àr ccosamalacht féin; do rin7h âmhla sin é, air
sin do rugadli go parrathas é 7 do cuireadli Adhamh na chodhla an 7 do
bainyh éasna as a taobh cli dà n-déarrnais Eabha 7 âduhain air sin : Cresit
etmiiUiplicaiinii et replète terrain .i. fasaig 7 sioltuigh7h 7 lionaig an talamli.
D-aithin Dia go radiach an duine tair aithine féin 7 is uime do sûighcadh
fa' nime ré grâsaibh do shiol Adhàmli air mona fàicfidis an Rightheach
neamhdha gon aingliobh 7 gon-a mhôrmhùihtir. »
9. D-fiafraig e. n. n. tùarusgabhàil neimhe Dé. — « Do bhéara mé sin
dibh », air an t. b. u., « néamh is foisgi dhiôbli is ah do suig7h easga .i.
an raé. Atà dha neamh eile ah os a-ccioh sin .i. Mercury 7 Venus 7
ataidh glantsol/« go n-iomad ainghiol àluin ionta agus as measargha bfûas
agus teas iad. Atâ an céatramhadh neamh ah .i. neam fudr ùata sin suas,
7 as an bhios an ghrian 7 as-e ghlâise na leacaidhre a dhaith, 7 atà seacht
bh-fùaire an t-neachta ah, 7 is ahse cuirios an ghrian a cùrsa. Atà neamh'
uatha sin suas .i. Saturnus, 7 ârd neamh ùata sin suas âgus is solùs ghrianach
taithniomhach é agus ni furasdà airiomh a-bhfuil do céoltaibh 7 do cihéal
céoil air neamh 7 is iomdha ilchéolta eile seachnoih na seas neamhdha
sin nach feidir a-bhfàisneis agus atà spéir um gach neamh do na seas
neamhuibh sin ; adeirim fôs go bhfuil tri spére eile ioha ttimpchioll nà
dubhramar fôs .i. spéir na n-àirdreana, spéir na ccômhtora 7c. agus os
accion sin uile 7 atàid da cùird cum an m-beith do no creasaibh sin ag/(5
atàid dà dhràgan tintighe tihc iohta sin 7 timpchiollaid na creasa sin
uile do réir toile Dé.
10. « Ihis dùin », air e. n. n., « cà mhéid do mhuiribh àta san
domhain ». — Do fhreagair an t. b. n. agus as-e dubhart : « atàid tri
marruibh ah », arse, « .i. muir dhorcha iomdhoih fii thaobh an talaimh
thuaidh(;<//j go ccuireah si gàr doingeamhail fd dhoirsibh na b-pian do
mheadughrtf//; peine na b-peacach ; agus àta muir ghlan ghlôrach air gach
1. Fiai ind uiinefri gnusi, Lîsmofè, 25.
2. da nem aile, Lismore. 27.
Une rédactio)! moderne du Teanga bithnua. 289
8. « Eh bien, raconte-nous » dirent les s. d. H. « si Adam fut créé en ce
temps-là ». La 1. t. n. répondit et voici qu'elle dit : « qu'il n'était pas créé
et le monde existait et toutes les autres choses sur lui, et voici la première
chose que fit Dieu contre la jalousie de l'ange, c'est-à-dire Lucifer; il fit le
ciel et la terre, le dimanche; il fit le firmament au milieu de l'eau le
lundi ; il fit la mer et la terre avec ses productions le mardi ; il fit le soleil
et la lune et les étoiles du ciel le mercredi; il fit les oiseaux de l'air et les
vagues de la mer le jeudi; il fit les bêtes de la terre et les hommes de terre
le vendredi, c'est-à-dire Adam, des éléments, c'est-à-dire terre, feu, air et
eau comme c'est dans les ouvrages terrestres. Faciamus hominem ad imagi-
nem et similitudinem nostram, c'est-à-dire, faisons l'homme à notre res-
semblance. Ce fut ainsi, puis il fut porté au Paradis et Adam fut endormi
et une côte fut retirée de son côté gauche, dont il fit Eve et il dit alors :
Crescite et multiplicamini et replète terram : c'est-à-dire : Croissez et mul-
tipliez et remplis[sez] la terre'. Dieu savait que l'homme transgresserait et
c'est pour cela que fut placé le voile du ciel • devant la race d'Adam pour
qu'ils ne vissent pas le Royaume céleste avec ses anges et sa grande
famille. »
9. Les sages des Hébreux demandèrent l'explication du ciel de Dieu. —
« Je vous la donnerai » dit la 1. t. n. Le ciel le plus près de vous, c'est là que
se trouve la lune, c'est-à-dire la Raé '. Il y a deux autres cieux au-dessus de
celui-là, [ceux de] Mercure et Venus et il y a en eux de la lumière pure
avec de nombreux beaux anges et ils sont modérément froids et chauds;
il y a le quatrième ciel, c'est-à-dire le ciel froid en s'éloignant de ceux-là
et en haut et c'est là qu'est le soleil et sa couleur est plus bleue que la
glace et il y a là sept froidures de neiges et c'est là que le soleil porte sa
course. Il y a un ciel en s'éloignant d'eux au-dessus, [celui de] Saturne ;
et un ciel élevé en s'éloignant au-dessus et une lumière ensoleillée, brillante,
et il n'est pas facile de compter ce qu'il y a de chants et d'espèce de chants
dans le ciel et il y a une foule d'autres nombreux chants à travers ces
sept cieux-là en sorte qu'on ne peut le raconter, et il y a une sphère
autour de chacun de ces sept cieux-là. Je dis encore qu'il y a trois autres
sphères autour d'eux que nous n'avons pas dites encore, c'est-à-dire la sphère
des astres supérieurs, la sphère des productions etc. et au-dessus de tout
cela il y a deux cercles pour ces zones et il y a deux Dragons enflammés
de feu en eux et ils entourent toutes ces zones selon la volonté de Dieu. »
10. « Raconte-nous w, dirent les s. d. H. « combien de mers i! y a dans le
monde. « — La 1. t. ji. répondit et voici ce qu'elle dit : « Il y a trois mers,
dit-elle, « c'est-à-dire une mer sombre, très profonde, à côté de la terre au
nord en sorte qu'elle mène un bruit lugubre contre les portes des châtiments
pour augmenter les châtiments des pécheurs ; et [il y une mer pure,
1. Cette annonce des diverses parties du sujet manque dans les autres
rédactions.
2. Cf. Fis Adaninain, § 5.
5. Nom de la lune en gaélique d'Ecosse.
Revue Celtique, XXVIII. 19
290, G. Dot lin.
Icith di sin, ngiis ni sguirion acht ag mille agits ag tràgha agtis as-i coisgios
[/Joltortha an talamh nâ bid cômhtrom gach bli(7(//;na 7 lasa iongantach intc
7 deith mile ag/(5 tri fithchid 7 seacht ccéad do cluintior a fûaim 7 a-hanabh-
the 7 ni chômhnûidhe si as o easbairt an dômhnaiggo maidion lùain 7 ni
labhran as céol ainglidhe ag molad Dé ris an rea sin ; agiis iomad marruibh
elle na heagmais fa thaobhuibh an talaimh 7 âta muir dhearg go n-iomuid
liaga lôghmhur 7 lonrach fola idir an Eôrap' 7 an India; ngus àta muir
ghléageal go n-iomad n-dait n-eagsamhuil don taobh attuadha^//; idir thonaibh
diibha san n-ard shoir 7 is lé adéirthior muir Cheap agus téid osna gach
ton neulaibh nimhe; 7 àta muir iongantach an 7 ni tigid longa na
arrthuidhe uire 7 as uime na imthighid .i. ôr 7 liaga loghmhuir an tràdha is
ganimh di 7 bid ag tarang an iarruin chûcha ; 7 àta muir eile aiî 7 do
cidttar i ag liandha ô bhealltuine go samhuin 7 ag tràgha ô samhuin go
bealltuiiîe 7 éirgid^ a-piastuighe agiis a blàithmhiolta an chomhthaid bhios ag
tràgha 7 bid srotha an bheatha ag teas le aniach an uair bios ag tuile ; -dgiis
àta dà chinéal déag 7 trifithchid do tobaruib san ccruine go n-iomad
n-dait n-éagsàmhuil ôrtha 7 is diobh tiobruid Éibhin ' 7 bi si ag clàochlad
a dàtha gach laoi agus daith fola ô mheodhan laoi go hamsir easbairt 7
ge b-é ibhtheas nidh d-à huisge, ni thig gàire tar a beal o sin amach go
bràch. Ata tobar air sliamh Siôn a-tir Eabhrach ag«^ ni faicter ag tuile, éi 7
bith a-làn ûisge inte air feadh na seasmhi;/'»e go heasbartoin dia domhnaig
7 bith a-làn fiona dé domnaigh iiite, 7 gach nduine ibheas ni d-à huisge, ni
bhion brôn na tuirse go bràth air. »
11. « Ihis dùin », ar e. n. n., « ca meid sruith àta san domhain. » —
Ata dâ shruiih », air an t. b. n., .i. sruith na bpian, 7 as amhla àta uisge
an tsrotha sin 7 seacht tteas na tihe an 7 ni thàithighidh daoine aiî, acht
anman na bpeacach 7 na ndeamhan bhios a côimdeacht na n-anman sin
ag-à bpiana , agus àta sruith eile ah an insib Tibia +, 7 as môr na miarbhiiiltighe
foillsighear. Oir do bi lan uisge inte, 7 an ûair déirge Criost ô bharbhuib 7
do bi a Idn fiona ô sin a leith an 7 àtaid cinéal liaga loghmhaire san shruith
sin, 7 an lucht do dhaoinibh ag-a mbia cloch di air iomchar, da mbeidis
lômnachta le gaoith, nior mhoide a-bhfuas è, 7 da mbéidis a ttinte dearga,
nior moide a-tteas ê. »
12. « Inis dhuin », air e. n. n., « na cinéal chrah is uaisle sa dômhan. »
— « Ataid )),air an t. b. n.,« chcithre crana a ttalaim, 7 chiall daoine gach
cràh diobh, 7 as ag shruith Ortanàin ata cran diobh, agus ô thiobruid
Orthanàin ainimightear ê, agus cuirean tri toradh gach hlïadban de .i. to-
1. Egipt, Lismore, 34.
2. eghit Lismore, 35, eigit Lccan.
3. Ebioii, Lismore, 36.
4. Tebe, Lismore, 42.
Uiw rcddiiioi! )Uodcnic du Teanga bithnua. 291
bruyante, de chaque côté de celle-ci et elle ne cesse de monter et de
descendre et c'est elle qui empêche beaucoup de productions de la terre
pour qu'elles ne soient pas égales chaque année; et il y a en [la troisième
merj une flamme merveilleuse et à sept cent soixante-dix milles on entend
son bruit et sa tempête et elle ne reste tranquille que du dimanche soir au
lundi matin et elle ne parle que chant angélique, louant Dieu en ce temps-
là. Il y a nombre d'autres mers loin d'elle, aux côtés de la terre ; il y a une
mer rouge avec de nombreuses pierres précieuses et léclat du sang entre
l'Europe et l'Inde ; et il y a une mer brillante avec nombre de couleurs
différentes du côté nord entre des vagues noires dans la direction de l'Est
et c'est elle qu'on appelle mer Ceap et le soupir de chaque vague va aux
nuées du ciel ; et il y a une mer merveilleuse sur laquelle les vaisseaux et
les navires ne vont pas et c'est pour ceci qu'ils n'y vont pas, c'est que son
sable est de l'or et des pierres précieuses du rivage et ils attirent le fer à eux + ;
et il y a une mer qu'on voit monter de Beltaine à Samain et descender
de Samain à Beltaine et ses bêtes et ses monstres crient tant qu'elle descend
et les fleuves du monde débordent avec elle quand elle monte. Il y a
soixante-douze espèces de sources dans la terre avec nombre de couleurs
diff"érentes sur elles et parmi elles la source d'Ebion et elle change de
couleur chaque jour et elle a la couleur du sang 5 depuis le milieu du jour
jusqu'au soir et si quelqu'un boit de son eau, il ne vient plus de rire dans
sa bouche désormais jusqu'au Jugement. Il y a une source sur la montagne
de Sion dans la terre des Hébreux et on ne la voit pas s'enfler et elle a
son plein d'eau pendant la semaine jusqu'au soir du dimanche et elle est
pleine de vin le dimanche et quiconque boit de son eau n'a plus de
chagrin ni de tristesse jusqu'au Jugement. »
11. « Raconte-nous », dirent les s. d. H., « combien de fleuves il y a
dans le monde. » h II y a deux fleuves », dit la 1. t. n., « c'est-à-dire le fleuve
des châtiments et voici comment est l'eau de ce fleuve : il y a en lui sept
chaleiu-s de feu et les hommes n'y fréquentent pas, sauf les âmes des
pécheurs et des démons qui gardent ces âmes pour les tourmenter ; et il y
a un autre fleuve dans les îles de Tibia et grandes sont les merveilles qui y
sont manifestées, car il est rempli d'eau, et, lorsque le Christ a ressuscité
des morts, alors, il a été désormais plein de vin et il v a une espèce de
pierres précieuses dans ce fleuve-là et les gens qui portent une de ces
pierres, s'ils étaient nus par le vent, leur froid n'en serait pas plus grand et
s'ils étaient dans des feux rouges, leur chaleur n'en serait pas plus grande.
12. « Parle-nous », dirent les s. d. H., « des espèces d'arbres les plus
nobles du monde. » — « Il y a », dit la 1. t. n., « quatre arbres sur terre et
chacun a l'intelligence d'un homme et c'est auprès du fleuve Orthanâin
(Jourdain) qu'est [le premier] et c'est de la source de l'Orthandin qu'on
292 G. Doltiii.
radh glas air ttùis, toradh dearg na dhiagh sin, 7 is geai an treas toradh ;
gach aon bhlaiseas don ghlas toradh, ma cigchialliiide é rolmhe sin tig
a-chiall sa cûimhne; do gach aon bhlaiseas don toradh gheal, ge mâdh
easlàin é rimhe sin, slànuighthear ê fa dhéoigh ; agï/5 gach aon blaisios don
toradh .dhearg ni bheigh teirce bidhe nà dige go brâth air. Nior thuit duille
an chraih sin rîamh 7 ni thuitfa caoidhche; 7 cran na beatha is aiiiim do 7
a-bparrt;« âta se, 7 gach aon bhlaisios d-â thorad, ni théid dh-éug go brath,
ag//5 tre an chran so do cuïredh Adam a-bpàrrathas. Ata cran elle a-tir Eabra,
an doisgeart sliabh Sion, 7 bile Nambûadh' ainim an craiiî sin, ag;« ni
bfuair aon duine ô thùis an dômhaih ê, 7 anaimsir ionar céusa Criost oir is
do dhcagaibh an crain sin cran croice Criost lé-ar haivghedb ifrion uile 7 lé
nar slànuigheadh an dômhain uile 7 gach aon blaisios dà thoradh, ni ghabh
na faoth na galar ê dâ éis sin go brath, acht slàinte futhain, 7 màdh
déidhghealbhach roime sin ê, is-e bhus aile ar domhaiii fireaneach, 7 ni
arsùidhean go bràt ; ni thaine riamh fion ba féarr bolaith 7 sdsamh ioha
toradh an craih sin ; ata soillse greine nd bolaith agiis deirg ôr bhios
air, ag/^5 àtaidh dhâ cinefll déag 7 tri fithchid do cinéalaib céoil éagsamhuil
ag-a sinim, ag-a-ccantuiiî, air a-bharr 7 ataid chuig 7 tri fithchid 7 tri chéad
éun go n-gile sneasa, agus go sgiathanaib ôrdha ngus sûile amhail liaga
loghmhair ag cantuiiï chéoil 7 ôrfaide 7 ealàdhna air ghéugaibh an
chràih sin.
13. Adubhradar e. n. n. « Atd ainbhfios mhôr orruih fa gach nidh dâ
n-abhairtu 7 gach ni nàch faiciomaoid féin ê 7 is droichredhthe lin fos iad ».
— Adubha/Vt an t. b. n. riù : « ag - forusta an Righ oirdhearc, uasal,
bhreathach, an té dorin neamh 7 talamh re prap nasûl, 7 na cchuireah
sibh uile air neamhnidh ar son bhûr ni'ghcreidimh, 7 an ciialamhuir
an miol beahach do cuir7ha-ttraio mhuir Cheap an Eabhraclw/Wj, an oidhche
gein7 Criost, 7 sruith fiona 7 sruith fola 7 sruith leamhnacht as a
bhéal an-einfhéacht, 7 seacht n-adharca air 7 di'ol da caogatt air chéad
dô dhig go rachach an gach adharc dhiobh 7 mairid fôs nd hadharcha
sin ion bhùr n-dûntaib fein 7 ioiî bhûr ccathrachaib aguibh 7 ba
côraide dibh creidhiomh don sgéil-so e », air se, « 7 fôs dob iongantach
an t-éun da-rab ainimm loruait' ag-a bhfuil môran a-ttir na Hindia diobh,
agus aon ugh bheirios an t-éun sin gâcha hliailhau agus air an grian geinean
eun sin ligh agus tig an t-eun d-â fhios, an tan is cead le Dia ê, 7
léighthear an t-éun as an ugh agus do nidhthear longa ag//5 lûathbâre don
ugh sin agus beirios gach leathphlaosg diobh deichbhfithid 7 seas gead
aoch goina lioiïtaib 7 goina n-armaid tar fairge 7 âta môran da-n
choimhthionol sin, mur âta tâoise, thainig a bplaosgh na n-ugh sin : agus
nâ déinig amhriis air Dia, a dhaoine, agus crcidig ion-a bhur ccroidhce
iongantacha miorbhultighe Dé.
1. Nalhaheii, Lismore, 53.
Il n'est pas question ici du troisième arbre.
2. as Lecan.
3. C'est en irlandais le nom d'Hérode et celui de la Norvège.
Une rédaction nioclenie du Teanga bithnua. 293
le nomme et il porte trois fruits chaque année, c'est-à-dire un fruit vert
d'abord, un fruit rouge et troisièmement un fruit blanc. Tout homme
qui goûte du fruit vert, s'il est déraisonnable auparavant, l'intelligence
lui vient à la mémoire; tout homme qui goûte du fruit blanc, s'il était
malade auparavant, est guéri; et tout homme qui goûte du fruit rouge n'a
plus besoin de nourriture ni de boisson jusqu'au Jugement ; il ne tombe
jamais de feuilles de cet arbre et il n'en tombera jamais. Et arbre de la
vie est son nom [au second arbre], et c'est dans le Paradis qu'il est et tout
homme qui goûte de son fruit ne mourra pas jusqu'au Jugement et c'est à
cause de cet arbre-là qu'Adam fut chassé dans le Paradis. Il y a un autre
arbre dans la terre des Hébreux au sud de la montagne de Sion et le nom
de cet arbre est Arbre Nambûadh et personne ne l'avait trouvé depuis le
commencement du monde jusqu'au temps où eut lieu la passion du Christ,
car c'est des branches de cet arbre-là que fut fait le bois de la croix du
Christ par laquelle tout l'enfer a été dépouillé et par laquelle tout le monde
a été sauvé et tout homme qui goûte de son fruit n'a ni crise, ni maladie
après jusqu'au Jugement, mais santé éternelle et s'il était bien fait aupara-
vant, c'est lui qui sera le plus beau du monde vrai et il ne vieillira pas
jusqu'au Jugement ; il n'y a jamais eu de vin qui eût meilleure odeur et
agrément que le fruit de cet arbre; il a la lumière du soleil dans son odeur
et il est couvert d'or rouge et il y a soixante-douze espèces de chants diffé-
rents qui résonnent et chantent à son sommet et il y a trois cent soixante-
cinq oiseaux avec la blancheur de la neige et avec des ailes dorées et des
yeux comme des pierres précieuses, chantant des chansons et des prières
et de la science sur les branches de cet arbre. »
13. Les sages des Hébreux dirent : « Nous ignorons tout à fait tout ce
que tu nous as dit et tout ce que nous ne voyons pas nous-mêmes et ces
choses sont aussi ditïiciles à croire. » La 1. t. n. leur dit : « Il est calme, le
Roi illustre, noble, judicieux, celui qui a h'n le ciel et la terre en un clin
d'oeil et qui ne vous met pas tous au néant à cause de votre incrédulité et
est-ce que nous avons entendu parler de la bête cornue qui fut apportée sur
le rivage de la mer Ceap chez les Hébreux, la nuit que naquit le Christ; et
un fleuve de vin, et un fieuve de sang et un fleuve de lait sortaient de sa
bouche en même temps, et elle avait sept cornes et de quoi donner à boire
à cent cinquante hommes pourrait tenir dans chaque corne et ces cornes
restent encore dans vos villes et dans vos cités et il serait plus juste pour
vous de croire à cette histoire », dit-elle, « et encore : il fut merveilleux
l'oiseau qui s'appelle loruait et dont il y a un grand nombre dans la terre de
l'Inde et cet oiseau produit un œuf chaque année, et au soleil cet oiseau pond
l'œuf et l'oiseau vient le chercher (?) quand Dieu le permet et l'oiseau sort
de l'œuf, et on fixit des vaisseaux et des esquifs de cet œuf et chaque moitié
de coquille porte sept cents et dix-vingt soldats avec leurs provisions et leurs
armes à travers la mer et il y a beaucoup de cette assemblée, c'est-à-dire les
chefs, qui sont venus dans la moitié de coquille de ces œufs-là et ne doutez
pas de Dieu, ô hommes, et croyez dans vos cœurs, les merveilles miraculeuses
de Dieu. »
294 G. Doliiii.
14. Is ansan d-éirgc oglaoch do thûaiththaib Gûdaighe .i. Judas an
Judas sin d-iarsma na hcasgûine agus mallas ag?« as-é adubhairt : « As
bréagach, » air se, « an cran go na cheoltaib 7 go na duilleam-uir ortha
7 ni fior aon ni dà n-dubhrais ain », air se; rô iompûidh Judas tuaitseal
mar tainig aighci//; toile Dé cuige ', 7 tàinig néul chuige 7 câor tiiîtighe
as a néul sin go rainig Judas là na shuilib go n-déachaig trid go talamh,
go fàgh marbh gan anam ameasg na slùaighe é, 7 mar do coiiarciodar na
slôigh sin, do gabhadar a-guighe De 7 asé adubhradar gach aon diobh :
« Air do choimirce dhuin, airdrigh neamhe 7 talmhaii », air iadsan, <• ag»5
na tàbhair aithsear air ar n-ainbhfiosa oruin ». — « As coruidhe dibh
trôcairc d-iarra », ar an t. h. n., « ôir giodh iomhda slôigh a.gus socuidhe
San mordhail sin, do nihuiri7h Dia sibh uile le sile na sùil. »
15. « Inis duin », air e. n. n., « cion«5 atâid na seasnimhe go soiche an
Rigtheach, 7 na haiiimnachaibh -, chum nimhe, nâ an mhéid do phéin no
do pheanuid imritear ortha an gach iofiad diobh ». Dfreagair an t. b. n.
7 aduba/Vt : « Atâid seas nimhe go sôichidh an Rightheach, 7 as-iad-so
an aihmneacha .i. aeghear. ainim an neamh as goire dhibhsé dithibh, 7
Ertrim an neamh tanaisde, 7 Olimpus an treas neamh, Ignitum an ceath-
ramhad neamh, Crelum an cuigeamhadh neamh, Eperium an seseamhadh
neamh, agus Crebum Trinates an seasmhadh neamh, agus atâid seas
n-doirse caoim ortha sin, iona ttéid an chiiïe daona a-steach san Rightheach,
agus do cuireadh dôirseoirighe 7 lucht côimeadtha do mhûintear nimhe
ortha 7 as-iad-so an-ai»mineacha .i. Abistum aihim an dhûin 7 Miacheil
archaingiol as doirséor do, 7 atâid da og iha fliochair aii go bfleasgaibh
iarnuighe ion-a lâmhuibh ag leadra na bpeacach ris an céad phéin. An
dorus tanaisde Illision aihim 7 Urial arcaingiol is doirseoir do, 7 atâ dâ
6g iona fhocair ag nighe 7 ag dâthugharf/; na n-amna na bhpeacach go
mo coimhgéal le gréin iad, agus atâid tri tobair go blas meal, agus ge
m-bolaith fûthain sioruighe fiona fior ùasal ortha, 7 toiraguid go dûghrasach
ah-amna nabfiorâon 7 loisgid 7 pianuid ahamhna na bpeacach ah. Olimpus 5
dorus an treas néam Jarian aihim sin 7 atâ dhâ mhile dheag air aoirde
ah 7 téid anamna na bfioraon le sile na sûl treas ah sruit sin 7 fôstuighthear
ah-âmna na bpeacach go ceah dâ h\\\iaLlh)ia déag an; Rapheal, aingiol is
fear coimheadtha do, 7 ta seas bh-fùaire an t-sneacha an uisge an t-srotha
sin agus is trid bhearthar anamna na bpeacach uile. An céathramhad
neamh .i. Ignitum aihim 7 Lazarus ainim an doruis sin agus Sariell is
fear coiméadhta do, 7 atâ srûith tihtighe san dor?n" sin agus is éagsamhuil
ôs na srothaibh eile ê 7 fortuidhthear ah amna na bpeacach an dâ
1. 0 thainicc ind adhaidh thoile ind airdrigh. Paris.
2. Il V a ici une lacune produite par une confusion de ainmueachaih avec
anmannaih.
3. Ce mot est évidemment déplacé.
Une rcdaciioii iiiodcnw du Teanga bithnua. 295
14. C'est alors que se leva un des guerriers des tribus desjuifs, c'est-à-dire
Judas, [descendant de) ce Judas fardeau d'imprécation et de malédiction et
voici qu'il dit : « C'est une chose fausse », dit-il, « l'arbre avec les chants
et les feuilles dorées et il n'y a rien de vrai dans ce que tu as dit », dit-il.
Judas se tourna vers le nord en sorte que par la volonté de Dieu une mort
vint vers lui et une nuée vint vers lui et une masse de feu sortit de celte
nuée en sorte qu'elle atteignit Judas sous ses yeux et le traversa jusqu'à
terre, en sorte qu'elle le mit mort sans âme, au milieu des troupes et quand
les troupes virent cela, elles se mirent à prier Dieu et voici ce que dit
chacun d'eux : « Donne-nous ta protection, grand roi du ciel et de la terre »,
dirent-ils, « et ne nous fais pas de reproches pour notre ignorance. » — « Il
est plus juste pour vous de demander la miséricorde », dit la 1. t. n., « car
quelque nombreuses que soient les troupes et la multitude dans cette
assemblée, Dieu vous tuerait tous en un cHn d'œil. »
15. « Raconte-nous », dirent les sages des Hébreux, « comment sont les
sept cieux jusqu'au Royaume, leurs noms jusqu'au ciel, et la grandeur de châ-
timent ou de pénitence qui leur est infligée en chaque endroit' ». La langue
toujours nouvelle répondit et dit : « Il y a sept cieux jusqu'au Royaume
et voici leurs noms ; c'est-à-dire Air le nom du ciel le plus proche de
vous, Ether le second ciel ^, et Olympus le troisième ciel, Ignitum le
quatrième ciel, Caelum le cinquième ciel, Hesperium le sixième ciel,
et Caelum Trinitatis le septième ciel et il y a sept belles portes à ces cieux,
par lesquelles la race humaine entre dans le Royaume et on a mis des
portiers et des anges de garde de la famille du ciel à ces portes et voici leurs
noms, c'est-à-dire Abistum le nom de la citadelle et Michel Archange en
est le portier et il y a deux jeunes gens auprès, avec des verges de fer dans
les mains, battant les pécheurs pour leur premier châtiment. La seconde
porte a nom Illisiom et l'archange Uriel en est le portier et il y a deux
jeunes gens auprès, en train de laver et de teindre les âmes des pécheurs
pour qu'elles soient aussi brillantes que le soleil et il v a trois sources
à goût de miel et avec l'odeur éternelle et perpétuelle du vin vraiment
excellent en elles et elles baignent bienveillamment les âmes des justes et
brûlent et tourmentent les âmes des pécheurs. La porte du troisièmiC ciel,
rOlympus, s'appelle Jarian et elle a douze mille de haut... et les âmes
des justes vont en un clin d'œil à travers ce fleuve là et les âmes des
pécheurs y restent jusqu'à la fin de douze ans; l'ange Raphaël est l'homme
de garde et l'eau de ce fleuve est sept fois froide comme la neige et c'est
Inique passent les âmes de tous les pécheurs. Le quatrième ciel, c'est-à-dire
Ignitum est son nom, et Lazarus le nom de cette porte et Sariel 3 est
l'homme de garde+ et il y a un fleuve de feu à cette porte-là et il estdiff"érent
1. Ce développement est à rapprocher du his Adaiiindin, § 15-20.
2. Cf. Liber Fîaviis Fcrgiisioriiiii, chez Stokes, Eriii, vol. II, p. 162,
note § 27.
3. Le Saraqiel du Livre d'Hénoch, XX, 6.
4. Ce qui suit correspond à la description du cinquième ciel dans le Fis
Ad a lundi 11.
29e G. Dollin.
bpianlosga 7 an tan is mitid le Dia ê flu'iasgla o na hpeacach tig aingiol
dé chûcha 7 flcasg deilgneach iaruin n-a làimh 7 as amlila bhios an fleasg
sin 7 ccad roin air gach aon dcalg dà mbeit air, go ttabharthach gach
deilg diobh céad creacht air gnùis gach peacaidh dhibh ; beirig Mi'achail
aircaingio! leis na hanamnachaibh go dorus an seasmhadh .i. neamh
na Trionoide agus na hanamnachaibh mur aon ris 7 tâisbéantar lad
a-bfianaise an dûileamuin ; is môr féabhas na fâihe dobheir an dùilcamhuin
agus muintear nimbe don anam glan iohraic dogeabhaid, 7 as guirt ant
a[c/;]mhusàn do bheir an côimh Dia cômastach do na péacaidhib. Adeir losa
Criost ris na haingil : taisbeantar fothchrach nimhe 7 glôre na catharac
neanihda do na péacadhaibh ionus go mo mhàid an doilgios ê fàm
threigint ».
16. Dtiairaig e. n. n. : « Cà meid fothchrach àta air néamh ? »
Dfreagai an t. b. n. 7 as-é adubhart : « agaid dâ fothchraig 7 se céad air
neamh 7 àta an nuimhir chinte sin do piantaibh an-ifrioh. As aiîsan adeir
an cômh Dia cômhasach ré na mhuintir 7 ré na ainglibh : béirig lib an
t-aiiam neamhchrâibhtheach as-àdharc na bhflathus néamhdha; agus an
côimh Dia comhasaig is an san sgarthar an t-anam ré coimirce na n-aihgiol
lé-ar cumhaduigh7h go sôiche ar n-diùha do Criost; do léigios an t-anam
is trom 7 is trûadh nà gach ôsna ag éagchàoine a-sgarrtâ ris an n-glôire
sioruidhe. Sloigid air sin dâ [njathdir nimhe dhéag àta ag an-ndiabhal anam
an pheacaidh chiicha go mbid ag-a-chogaint, agus léigid uatha sios é tré
an ttimpreacht ah-(i)ginibh an diabhail é, is aiî san do gheibh an t-anam
coimeirce gach uile olc ag muiiïtir an diabhail 7 as-é céad phion do ghéib
an tanam an san ; tairingean Lucifer leis ê 7 fothraghan an-aitibh àta
mifrion 7 as-iad so ainim .i. Aesiro, Ceticriso, Saserlus, Costasagus Flexeton.
17. « Inis dùin » air e. n. n. « cà leith as a ttig an ghrian 7 éasga diiin
oir atàmaoid ainbhiosacha cà dit as a ttig ; nàr fôigse grian don talamh
na don fliiormaiment, no cia an ait nô an tàobh diobh bfuil ifrion, no
cà mhéid dorus atà air an bhfiormaiment tréas a-ttigid na hainglibh :
inis dùin fôs cà mhéid do cinealubh eagsamhuil àta san domhaii «. —
« Adeara mé sin libh », air an t. b. n. « go bhfuil dà cineal déag 7
trifithchid do thorabh air gheugaib, agus dà cineal déag 7 trifithchid
d-eunaib an aogheir, 7 dà cineal déag 7 trifithchid do raoghalteana an
aegeir, dà cineal déag 7 trifithchid do ainglibh air neamh, dà cineal déag 7
trifithchid do phiastaib an ifrion 7 dhà cineal déug 7 trifithchid do
theangaibh aig siubhàl an dômhan ; atàid se déug 7 trifithchid agus
seacht gcéad mile do mhiltibh a-bfitd an talmhan ô ihbhior srotha anôir
go fuihe gréine siar agus atàid seacht air cheithre fithchid agus deith gcéad
mile do mhiltibh a leathad an tailimh ô shlétibh Firise a-ttuadh go deisgirt
na hÉorpha ba deas ag»5 ata an-uimhir chinte sin ô thalamh go neamh agus
as-e faid àta ô talamh go neamh na heagsa (no go tti an rea) .1. seacht
mile fithchid air chéad mhile do mhiltibh, agus àta ô éasga go gréin dâ
mhile dhéug agus tri fithchid air chéad mile do mhiltib, 7 is cômhor an
Ujic rcdaciioii moderne du Teanga bithnua. 297
des autres fleuves et les âmes des pécheurs y restent pour être tourmentées
par le feu et quand Dieu oense le moment venu de le délivrer des pécheurs,
un ange de Dieu vient vers eux avec une verge d'épine de fer à la main et ainsi
est cette verge : chaque épine a cent parties, en sorte que chaque épine
donnerait cent blessures sur la face de chaque pécheur. Michel archange
emporte les âmes à la porte du septième [cielj, c'est-à-dire le ciel de la
Trinité et les âmes ensemble avec lui et on les fait paraître en présence du
Créateur. C'est un grand et excellent accueil que fait le Créateur et la
famille du ciel à l'âme pure, juste, respectable et il est amer le reproche
que fait le Seigneur Dieu tout-puissant aux pécheurs. Jésus-Christ dit aux
anges : « Que l'on montre la récompense du ciel et la gloire de la Cité
céleste aux pécheurs pour que le chagrin de me quitter soit d'autant plus
grand. »
16. Les s. d. H. demandèrent : « Combien de récompenses y a-t-il au
ciel? » La 1. t. n. répondit et voici ce qu'elle dit : « II y a six cent deux
récompenses au ciel et il y a ce nombre fixe de châtiments de l'enfer.
C'est alors que le Seigneur Dieu tout-puissant dit à la famille et aux anges :
« Emmenez l'âme incrédule hors de la vue du royaume céleste », et c'est
alors que le Seigneur Dieu tout-puissant sépare l'âme de la protection des
anges par lesquels elle a été protégée jusqu'à ce qu'elle soit rejetée par le
Christ. L'âme pousse un soupir plus lourd et misérable que tout soupir,
se lamentant d'être séparée de la gloire éternelle. Là-dessus, douze
serpents venimeux qui sont avec le diable avalent l'âme du pécheur en
sorte qu'ils sont à la mâcher, et en se la passant la rejettent d'eux en bas
dans les bouches du diable ; c'est alors que l'âme obtient la protection toute
mauvaise de la famille du diable et c'est le premier châtiment que reçoit
l'âme ; alors Lucifer l'entraîne et la plonge dans les demeures qui sont en
enfer et dont voici les noms, c'est-à-dire Achéron, Ceticriso, Saserlus,
Cocyte etPhlegethon.
17. « Raconte-nous », dirent les s. d. H., « de quel côté le soleil et la
lune viennent à nous, car nous ignorons de quel lieu il vient; ou si le soleil
est plus près de la terre que du firmament, ou en quel lieu, ou de quel
côté d'eux est l'enfer, ou combien de portes a le firmament, par où sortent
les anges : raconte-nous encore combien de races il y a dans le monde. »
— « Je vous le dirai », dit la 1. t. n., « qu'il y a soixante-douze espèces de
fruits sur les branches et soixante-douze espèces d'oiseaux dans l'air et
soixante-douze espèces d'étoiles dans l'air, soixante-douze espèces d'anges au
ciel, soixante-douze espèces de bêtes en enfer et soixante-douze langues sur la
face de la terre ; il y a sept cent mille soixante-seize milles dans la longueur
de la terre depuis l'embouchure du fleuve à l'est jusqu'au coucher du soleil
a l'ouest, et il y a dix cent mille quatre-vingt-sept milles dans la largeur de
la terre depuis les montagnes Flrise au nord jusqu'au sud de l'Europe du
sud et ce nombre fixe est la distance de la terre au ciel et la distance de la
terre au ciel de la lune (ou jusqu'à la Raé), c'est-à-dire cent mille vingt
sept milles, et il y a de la lune au soleil cent mille soixante-douze milles ;
et le soleil est aussi grand que la septième partie du monde et la lune est
encore aussi grande que la septième partie du soleil et ce nombre fixe est
298 G. Dolliii.
ghrian 7 an scachtniliadli rafi don domlian, as cômlimhc')!- los an t-casga
agus an seanihadh ran de, 7 ata an-uimir cintc sin do ainglidh air neanili
7 as-iad so ainim na n-ârcaingiol ag-a bfuilid na sliighte sin .i. Miachaii,
Gaibriel, Sàiriel, Raphaël, Rumail, Urial, Panitibli, as-iad-so coiméadH5 na
hanmana air pliiantaibh ifrion Urial a coimcad, marr Raphaël ag coiméad
tailimh, Miachael agcoimead na n-anman. Ataid dà donis déag7 trifithchid
trid na bhiîormament da ccômhlanaib ùir riu agus as triotha so thagid
na haingil on ccathair néamliadh dion-agallamh ré daoinibh. Imthiisa
an grian as-i a-cûaird tiompchal do bheir si comhghoradh agHi ni ' si
an-domhan uile do ghoradh 7 do measarughadh ô mhaidion go
néoin 7 téid air sin tar bheanaib iomlocha an talmhan .i. tair sruit na
ndamhan 7 ibillsigh7h 7 goradh linte leathan t-sriotha sin 7 as-é crics
uisge an domhain thimpchioll as an easgrughadh ioiîa bhfuiltigh-si. Tàid
air sin iona sreibh dhearg thintighe imdheargr« ag//5 téigheos na tûatha
riompo, as-é slighe na ttéid ghrian an san go mhaig mille, 7 as aluin bhios
an mhaigh gach ùair lionus an nihuir 7 an machaire ag filHg ngtis
tiomargaigh-si a-piastuidhe agus a- blaithmhiolta chuighche go leadraid 7
go luathmharbhaid iad 7 do nid eigmé 7 ârdghothad mora agus anigh(7//j
suas ag iarra furtachta, 7 an ûair thràghas an mhuir, fWgbhus an macaire
iona dhoirsibh uamhan 7 iméagla 7 is dimhiiï gur ba iad ata an san
annamna na bpeachach àta san bpéiiî sin. Lûigheas an airsin tar srothaibh
tintiglic 7 iad uile air dearglasa 7 as-iad atâ an .i. anamna na bpeachach 7
' na n-déamhan coinieadîw iad bhios aga bpiana air an sliabh sin ; is an sin
téid an grion go gleaii na siabhruighe - 7 as amla âta an glean sin 7 aon
dorus amain 7 fostuithear ahani truadh na bpecach ris aga bpiano. Téad
an grian air sin go hioluathaibh ifrifi ùa huaidh agus tar ghleanauibh 7
tar shrothaibh ilphiastacha ifriii; téid air sin go sléitibh tiiïtige 7 iad uile
ar dearglasa agus as-iad ata san ionad sin an ainléanach sagart agus daoine
riaghalsa âta dâ bpiana ; téid ansan go glean diibhach, déurach, go n-iomad
n-dréaguin, ilphiastach, agus âta do dhorchad;/5 an nà cuiran an ghrian a sôilse
a ruithneamh nd a-deallramh tri horluighe ô na gnûis féin amach ; téid ansin
go tir na n-ôg, agus as-iad daoine aithreab;« air sin a lan dé-anaibh is aile
sa domhan, agus as-iad fôs is biiie céol agus ôirfide san domhan; téid an
ghrian air sin tar mhaighibh aile go mblàithibh iomdha, agus blas fi'ona
air na blaitibh sin. 7 air sin go parrathus Adhàmh ; as an thogbhus a-ccean
air maidin.
18. « Inis duin », ar e. n. n , « na cinéal éan is ùaisle an sa cruine. »
Adubrt//t an t. b. n. : « atâid », air se, « eunla an-iarthaf na liAsia moire
7 ni bhfuil san ccruihe daith nâ bhfuil ortha 7 do nidh gol 7 cdoi
an-aimsir an mhcodhanoidhche 7 canuid céol amlu'iil tcada mbincruit
1. Il faut sans doute lire s^hni =r doghni.
2. coualri slahrnih fichit forsin ngleann sin, Lee. (•(•///■/ slabbiadhaib XX
fuir an glinii. Par.
Uiif nhhictioi! iiwdcDic du Tcanga bilhnua. 299
celui des anges du ciel et voilà le nom des archanges à qui sont ces
chemins, c'est-à-dire Michel, Gabriel, Sariel, Raphaël, Rumail, Urial,
Panitihh ' ; ce sont eux qui gardent les âmes aux châtiments de l'enfer :
Urial garde , comme Raphaël garde la terre, Michel garde les âmes. Il
V a soixante-douze portes à travers le firmament avec deux battants d'or et
c'est par elles que sortent les anges de la cité céleste pour parler avec les
hommes. Quant au soleil, c'est par son tour circulaire qu'il produit la chaleur
et c'est le monde entier qu'il éclaire et qu'il tempère du matin au soir ;
et il va alors par les pics du centre de la terre, c'est-à-dire par le fleuve des
démons et il éclaire et il chauffe les eaux de ce fleuve et il y a une zone
d'eau du monde autour où vous êtes. Il est ensuite dans le ruisseau
rouge de feu qui punit et chauffe les peuples devant eux et voici la route
par où va le soleil alors , à la plaine des bêtes et jolie est la plaine chaque
fois qu'est au plein la mer et la plaine. . . en revenant et elle rassemble à
elle ses bêtes et ses monstres en sorte qu'ils les déchirent, les tuent vite et
ils poussent des cris et de grandes clameurs et ils lèvent leurs visages en
haut en demandant secours et quand la mer est au bas, elle laisse la plaine
comme une porte de crainte et de terreur ; et il est certain que ce sont les
âmes des pêcheurs, qui sont dans ce tourment-là. Il va alors à travers des
fleuves de feu et tous brûlent et voici ceux qui sont là, c'est-à-dire les âmes
des pécheurs et des démons qui les gardent qui sont à les tourmenter sur
cette montagne; c'est alors que le soleil va à la vallée des fantômes, et c'est
ainsi qu'est cette vallée-là, avec une seule porte et l'âme pitoyable des
pécheurs reste là dans les tourments. Le soleil va alors vers les nombreux
peuples de l'enfer du nord et par les vallées et les fleuves, aux nombreuses
bêtes, de l'enfer; il va alors jusqu'aux montagnes de feu et toutes sont
à brûler et voici ceux qui sont à brûler en cet ebdroit là : les âmes des
persécuteurs des prêtres et des réguliers qui sont en tourments; puis il va à
la vallée sombre, larmoyante avec nombre de dragons, pleine de bêtes, et
il y a tant d'obscurité là que le soleil n'apporte sa lumière à briller et à
resplendir que trois pouces de sa face ; puis il va à la terre des Jeunes et
voici les gens qui demeurent là : tout plein d'oiseaux les plus beaux du monde
et ce sont eux encore qui ont le chant le plus mélodieux du monde ; le
soleil va alors à travers d'autres plaines avec de nombreuses fleurs qui ont
le goût du vin, puis au paradis d'Adam ; c'est là qu'il lève sa tête au
matin -. »
18. « Parle-nous », dirent les s. d. H., « des espèces d'oiseaux les
plus nobles sur terre. » La 1. t. n. dit : « Il y a », dit-elle, « des
oiseaux à l'ouest de la grande Asie et il n'y a pas sur terre de couleur
qu'ils n'aient et ils font des plaintes et des lamentations au temps de
1. Il faut lire sans doute au lieu de Rumail : Riifael (Livre d'Hénoch,
LXVIII, 2); au Heu de Sariel : Saraqiel (Livre d'Hénoch, 'XX, 6); au lieu de
Panitihh : Panieî (Isidore, De ctymoloi;ia, VII, 5), cf. D. Cabrol, Dictionnaire
d'archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1905, au mot Ange.
2. Il manque ici un développement sur les espèce d'astres (Lismore,
82-88).
300 G. Dolliii.
ag nioladh an duileamliain ; 7 atàid cunlà an insibli ïlib'n 7 is cosamliuil
a-ccomhsholus là 7 oidhche san ionad na mbid air a shoillse féin 7 ni
lahhruid as an âimsir ghéimhre 7 ni hâoirde 7 ni bine céol aingiol nâ an
céol do canuid siad an-aimsir shomhra 7 canuid tre n-a ccodhla amhuil
ceol siothbhin sit. Ataid éunla an-iartar na liAfrica agus ni bhfuil air
dhrùim talimh dait nd fuil na n-eitibli 7 ni dheachaid cli'imli nâ eithc d-aon
éan diobli', is sâsanih dôibh 7 ni theid tôst ôrta do lô nâ do oidhche as ag
cantuin céol agus ni môide a ttuirse è ; 7 atâidh eunla a bparratus tahiihuidhe
.i. tri healtana atâ ah 7 atà tri mhile an gach eukuih diobh agus as-iad
ealûighne do nid na héin; eirgid an chéad ealtain dôib a-ttosach na lioidhchc
7 insid na cearrda 7 na heahtdhna dorin Dia ré ndomhah do cruthughaJ/' ;
7 eirgid éalta méonnach a mheodhan oidhche 7 canuid céol ag ihsint
na n-gniomhratha dorin an t-ârd Rig ag cruxhughadh an domain go ttânig
Criost a-ccolluin daona ; 7 éirigid an treas éalta an-dcire na hoidhche 7
canuid ceol ag môladh agus ag ihsint na ngniomhratha do rin Criost
ô s in anall 7 na hairgeaha do dheanuighe se go la an bhratha;
7 atâ dis do dhaonaibh a-ccorpaibh coWaidhe a-bpharrathus talmhuidhe .i.
Enoch agus Elias agus éirgidh an dis sin ; inisid do na héunaibh mar
thiocfas la an bhragha 7 mur claoidfigear an domhah uiie 7 uathfâsuighe
uile an bhrâtha; mur chlunid na héin sin, gabhuidgéis gâir dâsgiathainuibh
air a-ttaobhaibh go ttabhruid drùact Ibla don ri'iadh 6 bhoh gâcha heite diobh
air eagla laoi an bhratha. »
19. « Ihis dùin », air e. n. n., « cuid éigin d-iongantalbh an domhan 7
mar do crLiithigh7h Adam go n-a chaihi ». Dubhârt an t. b. n. : « Is an
seamhadh là do oibriùgharf/j na seachtmhuihe nô na se laithe do rohig
Adam 7 do shâirig ar Adam 7 Eabha cran na deachuimhan : do mharbh
Câin me Adam dis dearbhrathar do féin .i. Abel me Adam a-hfeall agus
a-bhformad 7 Pâinih rîic Adam tré éad .i. an céatrâmhadh lîic dôb fhear
ag Adam. Atâid dhâ dhroing ag;«fithche do shiol Adam 7 is iongantach an
tùairisg atâ ortha 7 as-iad airmhighther ah .i. drong diob (anih sibh
Eibhioh ^) 7 ni bhfuil nidh do dhùiseôchad air a-ccolladh iad as ânbhtha
catha nô gâir mArmdh 7 do nidh céol 7 ôirfide rô bhih air n-éirge as
a cholla dôib a.gus do nidh a-sùile amhuil na raoghilieaha 7 tâid siad air
feadh na marra 7 cuirid a hôisg' 7 a hahimhiolta a ttir 7 [i)thid iad; atâid
tûatha eile ag sruith nâ cci'iig n-uisge + 7 am-bheoil air mbroihibh ag//j- nâch
1. holud 7 midclos iniia wldatha 7 Idas na secht fiuahaiid doainiiiet inna
ligmuic^i issi'd nodossasa 0 thosach doiiiinn. Lism. 92.
2. Elna, Limore, 98.
3. biasta, Lismore, 98. Il faut lire sans doute bc'isg.
4. tuatha Ithier tiiath shlehi Caucaist, Lismore, 100.
Une védiKilou moderne du Teanga bithnua. 301
minuit et ils chantent un chant comme les cordes d'une harpe harmonieuse,
louant le Créateur; et il y a des oiseaux dans les îles Eibir et leur éclat
ressemble à la lumière du jour et il fait nuit à l'endroit où ils ne brillent
pas et ils ne parlent qu'au temps de l'hiver et le chant des anges n'est pas
plus haut ni plus mélodieux que le chant qu'ils chantent au temps de
l'été, et ils chantent pendant le sommeil comme un chant mélodieux de
paix. Il y a des oiseaux à l'orient de l'Afrique et il n'y a pas sur le dos de
la terre de couleur qui ne soit sur leurs ailes et il n'est pas venu une plume
d'aile à aucun d'entre eux... les satisfait assez ; et ils ne gardent pas le silence
de jour ou de nuit, mais ils chantent un chant et ils n'en sont pas plus
fatigués. Et il y a des oiseaux dans le paradis terrestre, c'est-à-dire il y a
là trois troupes et il y en a trois mille dans chaque troupe et voici les
occupations qu'ont ces oiseaux. La première troupe se lève au commen-
cement de la nuit et elle raconte les arts et les sciences qu'a faits Dieu
avant de créer le monde ; et la moyenne troupe se lève au milieu de la
nuit et chante un chant racontant les grandes actions que fit le Grand
Roi en créant le monde jusqu'à ce que vînt Jésus-Christ dans un corps
humain ; et la troisième troupe se lève à la fin de la nuit, et chante un
chant louant et racontant les grandes actions que fit le Christ depuis lors
et les signes qu'il fera jusqu'au jour du Jugement; et il y a deux hommes
dans des corps charnels dans le paradis terrestre, c'est-à-dire Enoch et Elle
et ces deux-là se lèvent ; ils racontent aux oiseaux comment viendra le jour
du Jugement et comme le monde entier sera détruit et tout s'épouvantera
du Jugement; lorsque ces oiseaux entendent cela, ils poussent un cri et
battent leurs ailes sur leurs côtés, en sorte qu'ils font couler une rosée de
sang brun-rouge du bout de chacune de leurs ailes, de peur du jour du
Jugement '.
19. (' Raconte-nous », dirent les s. d. H., « quelque partie des merveilles
du monde et comment fut créé Adam et sa race. » La 1. t. n. dit : « C'est
le sixième jour des ouvrages de la semaine ou des six jours qu'il fit Adam et
qu'il imposa à Adam et Eve l'arbre de Dîme ; Cain fils d'Adam tua deux
frères à lui, c'est-à-dire Abel, fils d'Adam, par traîtrise et envie et Paininn,
fils d'Adam, par soupçon, c'est-à-dire le quatrième fils excellent d'Adam. Il
y a vingt-deux tribus de la race d'Adam et merveilleuse est leur descrip-
tion et voici qu'on les énumère : un peuple (ils se nomment Eibion) et
il n'y a rien qui les éveillerait de leur sommeil, sauf la tempête de la mer
ou le cri du combat, et ils font une musique et une mélodie très harmo-
nieuse en se levant de leur sommeil et leurs yeux sont semblables à des
étoiles et ils vont sur l'étendue de la mer et apportent ses bêtes et ses
animaux sur la terre et les mangent. Il y a d'autres peuples au fleuve des
cinq eaux et leur bouche est sur leur poitrine, parce qu'ils n'ont point de
tête, et ils ont quatre yeux dans le dos, chacun, et ils courent avec le désir
dans leurs corps, en sorte qu'ils font leur volonté sur des femmes de leur
race; et il y a d'autres peuples, et ce sont les plus beaux de la race d'Adam,
I. Cf. Fis Adamnd'ui, 33. Revue Celtique, t. XXI, p. 385.
302 G. Dollin.
a-blifuilid cin ortha 7 tdid chcithre suile an-driiim gach lir tiib 7 rithid
le driiis iona ccorpaibh nô go bfdgliaid a-ttoill féin do mhnaoibli da
ccoimhchinéal féan ; 7 atâid tuatha cile an 7 as-iad daoine is chômcrotna
do shiol Adham iad 7 as-iad is biiïe glor fa nimh na néal; 7 atà tuatha cilc
an, an-deisgirt nd Hindia agus as-iad is direoile 7 is drochruighthe do siol
Adam, ôir ni bhfuil as cheithre troighthe air aoird an gach fcar diobh' 7 ni
bhearthar [acht] nigheana 7 an niiair éirghid as a-ccoUa a-méon oidhclic
sgéidid slama tintighe as a-mbrdidibli 7 an tan ghéibhid bas, do ghéabhthar
or is ûaislc air iona ndôirnibh deasa air n-éag dôib 7 ' fôs atdid imiriosan
môra iona nieallaib tintige na sûilibh agus as aoirde an gothadli na gotha
corr, ag"5 canuid ceol tré na ccodhla is cosamliuil ré céol ainglidhe c,
agus an tan do gheibh duine aco bas, tig sruith f[(]ôna as a bheal 7 as a
shroin 7 as a suihbh an-einfeacht. »
20. « Ini§ duin », air e. n. n., « cuid do thuarH5gabhail ifrin 7 ar
phiantaibh na bpeacach ». Adubhart an t. b. n. : « Da mbéin ô thûis an
domhain agus go Id an bhrdtha agus céad tcanga am céan 7 ûrlabhrd an
gach teanga dhiobh, ni thiocfa hom an phian as lughi!(//; an ifrion d-insin :
ôir dta easghui an : 7 ant-éun as luaithe airdruim an domhain, ni rcachadh
on iochtar 7 a-uasar air feadh mile bliah 7 ni féidir airiomh a-bfuil do
phiantaib an ifrion d-airiamh no go n-airightear gannimh na tragha
7 duile géug 7 raegiltaiia an deighir, 7 àta coin a.giis leôghain ag leadra ar
na hanamnabh a-ccomhnuighe aii, ag/« atâ do theas an tiiie an ghleana
sin nd fuil do shdluigh san muir nà d-uisge is na haibhnibh nid do
mhuchadh aon phian da bfuil an : ôir ni tinc mar gach tine dta n-ifrioh
as fearg Dé air na hâdhaint 7 na (aduighedh an; 7 dta do mheid a fuachta
dd léighthighe fiu hanaile dùine a-ccûas caoile di fdn n-domhan uile, da
nibeidis a-bfuil do dainibh béo air drôm talmhan an don ionad air aon bail
go bfàighdis uile bds an aon ûair ; 7 àta do dhéine a-thine dâ léighthighe
uiread an splaihce tine créasa san ndomhan dé gô lasadh uile idir shrothaib
agus ûisgeadha ; 7 is amhla ata dorchadus ifrih, da léigthi uiread
micimiriosain sul fdoi an dhômhaii de, na faicsidis leus gdoithe na
gréine dd éis sin go brdith; 7 àta do mhéid a-thartha 7 a-ghorta, da
leighthi a-bhfuil do srothaibh san am-béal aon aham amhain da bfuil an
na nach biadh as mar bhrdon uisge uim cloich deirg ; 7 ata do mhcid
l'iamhain 7 uathfais ifrin, dd bhf;iicfidis siol Adam uile an phian is lughi/i//;
dà bhfuil an, nach biadh ciall na cuimhe aco dâ eis sin go brdth, ni bhiadh
air anaise go brdth acht eagla na bpian sin : ni féidir a-bfiaisneis air
an-iomad .i. ata na fhuil codhla na cômhsûan as 7 nd cluintior an go
brdth as gol 7 mairig ùamhain 7 inieagla agus as-é nà faichthear soillse
gréine na éasga ah, as iomad graifin tintighe tine 7 iomad soighead air
dearglasa ag piana na n-aiiaman mbocht, agus dit an nà fuil as gaoit bréin
7 dûibhshneachta tintighe 7 fôs mùchadb air ghnûisibh an 7 iomad an
fôrlàn 7 crith air géugaib 7 luas air lagharuibh 7 troime air cosaibh ».
1. Ce qui suit se rapporte aux femmes des montagnes d'Arménie (Lis-
more, 105).
2. Ce qui suit se rapporte aux liiatha Foiies de Lybie (Lismore, 104).
Une rcditclioii moderne du Teanga bithnua. 303
et ce sont eux [qui font] le bruit le plus mélodieux sous le ciel des nuées ;
et il y a d'autres peuples au sud de l'Inde et ce sont les plus petits et les
plus mal faits de la race d'Adam, car ils n'ont que quatre pieds de haut
chacun, et ils n'engendrent que des filles, et lorsqu'ils se lèvent de leur
sommeil au milieu de la nuit, ils vomissent des flocons enflammés de leurs
gorges et lorqu'ils meurent, on trouve l'or le plus riche dans leurs mains
droites après leur mort, et encore il y a de grandes pupilles dans les globes
enflammés de leurs yeux et leur voix est plus haute que celle d'un héron
et ils chantent pendant leur sommeil un chant qui est semblable au chant
des anges et quand un d'entre eux meurt, un flot de vin sort de sa bouche
et de son nez et de ses yeux en même temps.
20. « Parle-nous », dirent les s. d. H., « d'une partie de la description
de l'enfer et des châtiments des pécheurs. » La 1. t. n. dit : « Si j'étais
depuis le commencement du monde et jusqu'au jour du Jugement et
cent langues dans la tête et de l'éloquence dans chaque langue, je ne
pourrais raconter le châtiment le plus petit qu'il v ait dans l'enfer. Car c'est
une lourde charge et l'oiseau le plus rapide sur la face du monde n'irait pas
du bas en haut en mille ans et il n'est pas possible de compter ce qu'il y a
de châtiment dans l'enfer, jamais, jusqu'à ce que l'on compte le sable du
rivage, les feuilles des arbres et les étoiles de l'air et il v a des chiens et des
lions qui déchirent les âmes qui demeurent là et les vallées sont d'une telle
chaleur de feu qu'il n'v a pas de salure dans la mer ni d'eau dans les
rivières pour éteindre un des châtiments qui est là. Car ce n'est pas un
feu comme tous les feux qui est en enfer, mais c'est la colère de Dieu qui
est allumée et s'éteint là; et il y a tant de froid que si l'on en soufflait l'équi-
valent d'une respiration d'homme dans un trou étroit sur le monde
entier, si ce qu'il y a d'hommes vivants sur la face de la terre était en un
seul lieu, sur-le-champ ils mourraient tous en même temps; et le feu est
si intense que si l'on laissait la valeur d'une courte étincelle de feu
dans le monde, elle brûlerait tout, tant fleuves qu'eaux ; et l'obscurité de
l'enfer est telle qui si l'on en laissait la valeur d'une pupille d'œil sur le
monde, on ne verrait plus l'éclat des rayons du soleil par la suite jusqu'au
Jugement ; et il y a tant de soif et de faim que si l'on versait ce qu'il y a
de fleuves dans la bouche d'une seule des âmes qui sont là, ce ne serait que
comme une goutte d'eau sur une pierre rouge ; et il y a tant de crainte et
d'effroi dans l'enfer que si toute la race d'Adam voyait la moindre des
peines qui sont là, elle n'aurait plus d'intelligence ni de mémoire par la
suite jusqu'au Jugement; elle n'aurait jusqu'au Jugement que la crainte
de ces peines. Il n'est pas possible de rendre compte de leur nombre.
J'est-à-dire qu'il n'y a ni sommeil, ni repos et qu'on n'y entend jusqu'au
cugement que cri et clameurs d'épouvante et de crainte, et c'est là qu'on
ne voit pas la lumière du soleil ni de la lune, mais une quantité de
griffons(?) de feu et une quantité de dards brûlants qui tourmentent les
pauvres âmes et c'est un endroit où il n'y a que vent empesté et neige noire
de feu et encore suff'ocation sur les faces et quantité de violence et de trem-
blement sur les membres et vitesse sur les mains et lourdeur sur les pieds.»
304 G. Doit in.
21. Adublia//t duinc éigin don chine Eabliracli : « Inis duine anios
sgéahi là an brâtha 7 cionus do chioidhfear no sgaoilfighior an domhan ».
Adubairt an t. b. n. : « Ni haoibhin domh-sa né sgéaltha sin d-insint,
ôir an tan dobheir muintir nimhe agus na nioi nùird ainglighe da n-aire ê
bith crith 7 uamhain ortha, ôir is adhbhar creatha 7 cagla an smudineadh
sin agus mar do thioclaig an chead la dona chuig lâ dhéug do laoitibh an
bhnitha : .i. éireochaid an fairgc air sliabh Armenia an cnoc as airde san
domhan 7 rachaig ôs cheaii dd fichchid cubit 7 ni faicthear as uisge air
uachtar an talàmh ; an tara lâ, traochfa an fhairge go-na bia uisge na sdile
air talamh ; an treas là, éireochaid ion-a hionad féin aris; an ceathramhadh
là, brûisig gach beathadhach air talamh 7 air muir 7 air uisgoadha uile; an
cuigeamhad là, lasfaidh an foirge uile go hiomlàn ; an se seamhadh là, bia an
Ihairge na haontràghacht fola deirge, ionus go ngéarrfaoi le hairmh i ; an
seasmhadh la, ni bhia san ccruihe cloch hà carruig nà gluaisfhig 7 nd
cuirfighear as air ionadaibh ■ féin ; an t-ochtmhadh la, geimthid na clochadh
7 na cairageacha da cceanaibh ùam a-ccéile, go ndéintior céad cuid do
gach cloich diob ; an nàomad la, géisfig an talamh ionus na tàinig riamh
agus ni thiochfaig chdoidhche a-comhmhôr sin do thoraii ; an deitheamhadh
la, muirfig agus isleacaig an talamh, ionus na bia fana nd ard nàaimhréig
an, as na clàr choimhreig; an t-aonmhadh Id déug, ni thàinig san ccrùine
duine nd beathadach nà bia a-bheul a.gtis âighedh ré Idr air eagla laoi an
bhràtha ; an tarra là déug, tuitfig grian 7 éasga da ngabhàlaibh fein 7 dd
roisthibh go talamh ; an triomh la deug, nior cuireadh anam an-duine nd
anal am-béalaidheach^ nà bia iona suighe mar abhf[u]air bas agus da mbia
a chlaiï agus a chinéal uile na suighe air a cômhair ni feachfa neach diobh
air a cheile le hàithbhéile an-dearranadar d-olc 7 d-urchoid 7 le huamhain
laoi an bhrata; an ceatramhadh la déug, nior bhlàs biadh riomh duine na
beathaidheach nà bia béo san là sin, 7 na racadh d-eug san là c7na; an
cuigeamhadh là déug, béa an talamh uile air dearglasa 7 deanfar mion 7
luaith dhe 7 do gach nidh dam-bia air 7 ghéabhaig crith na cheithre dûile
7 an domhan uile agus soillse na seacht nimhe 7 an chùil deisgirt do neamh
7 bo sôiléire soillse 7 gloire lia n-aingiol ô thalam suas 7 badh garb
comhachî na cheithre n-duile re chéile an uair sin 7 cluihfighear fûaim 7
blosga beimneach 7 tôirneach 7 géarghlan gué na hàrdchathareac roimhe
sin ; nior hadb tciordhuibhe gual na gach dirdreanac dhiobh an Id sin 7 bia
dd mhéid an ghabha sin, nd bia aingiol air neamh nd duibheochaig air
a-dheilbh le losga 7 le tintibh 7 an sliabh air lasa an sgach drd. Badh truadh
an fhorlan na n-aiiam bocht an ûair sin, ag-à bpiana 7 ag-a losga, 7 hadb
truadh sianghair éunla an aeigir air na srothaibh tintighe sin agus ba
trûadh buithrcach na inmhiolta buithrig le teas na tine ag-a n-greada, 7 hadb
1. Faut-il Yirc boniiddbiiibb'.
2. Lire bealbdidheacb.
3. Lire combrac}
Une rédaction niocîenic du Teanga bithnua. 305
21. Un homme de la race des Hébreux dit : — ■ « Raconte-nous les
histoires du Jour du Jugement', et comment sera détruit ou dispersé le
monde. » La 1. t. n. dit : « Il ne m'est pas agréable de vous raconter ces
histoires, car lorsque la famille du ciel et les neuf ordres des anges y font
attention, un tremblement et une terreur s'emparent d'eux, car c'est une
cause de tremblement et de crainte que cette idée-là ; et comment viendra le
premier des quinze Jours du Jugement, c'est-à-dire : la mer montera sur la
montagne d'Arménie, le sommet le plus haut du monde et s'élèvera de
quarante coudées au-dessus et on ne verra que de l'eau à la surface de la
terre ; le second jour, la mer baissera de façon qu'il n'y ait plus d'eau salée
sur terre; le troisième jour, elle s'élèvera de nouveau dans le même endroit;
le quatrième jour, tout animal est fracassé sur terre, sur mer et sur toutes
les eaux; le cinquième jour, toute la mer brûlera entièrement; le sixième
jour, la mer laissera du sang rouge ', comme si elle était coupée par des
armes ; le septième jour il n'y aura dans la terre pierre et rocher qui ne se
meuve et ne soit arraché de ses fondements; le huitième jour, les pierres et
les rochers se fracasseront les uns contre les autres en sorte qu'on fera
cent morceaux de chaque pierre; le neuvième jour, la terre gémira en sorte
qu'il n'est jamais venu et ne viendra jamais autant de tonnerre ; le dixième
jour, la terre et baissera en sorte qu'il n'y aura sur elle ni hauteur, ni
inégalités, mais une surface unie ; le onzième jour, il n'est venu sur terre
homme ni animal dont la bouche et la face ne soient sur le sol par crainte
du Jour du Jugement; le douzième jour, le soleil et la lune tomberont de
leurs supports et de leurs . . . sur la terre ; le treizième jour il n'aura été mis
âme en homme ou haleine en animal qui ne soit assis à la place où il est mort
et si ses enfants et toute sa race étaient assis en sa présence, aucun d'eux
ne regarderait l'autre par suite de la grandeur du mal et du tort qu'ils ont
fait et par frayeur du Jour du Jugement ; le quatorzième jour, aucun homme
ou animal n'aura goûté de nourriture qui ne sera pas vivant ce jour-là et
qui ne mourrait pas ce même jour ; le quinzième jour, toute la terre brûlera
et on en fera de la poussière et de la cendre ainsi que de tout ce qui était
sur elle et les quatre éléments se mettront à trembler et le monde entier et
la lumière des sept cieux et le coin sud du ciel et il y aura une lumière
brillante de la gloire des anges, de la terre jusqu'en haut et il y aura un
rude combat des quatre éléments les uns contre les autres alors, et on
entendra du bruit, une explosion violente et du tonnerre, et très brillante
apparition de grande ville avant cela et le charbon n'est pas plus noir que
chacune des planètes ce jour-là et la grandeur de ce danger sera telle qu'il
1. Cf. Saltaîr lia rann (Anccdota Oxoniensia, med. ser. I, 3), cliii-clix ;
et surtout la description galloise du Jour du Jugement traduite et annotée
par Th. Powell, Y Cymmrodor, t. IV (1881), p. 106-138, qui coïncide
presque entièrement avec notre texte.
2. Apocalypse, VIII, 8; XVI, 3.
Revue Celtique, XXFIII. 20
3o6 G. Dolliii.
truadh cago-dail na naomhùird ainglighe an uair sin ; ba trûadh gdir na
n-anaman mbccht ag-a ccur as a ccorpaibh an sin ag insin an dearrnadar
do shaoithghionih 7 do droichghniomh, 7 badb trûadh gdir na bpeacach
ag eagchaoinc re Dia, 7 badh gàir gan Ibirthint dôibh sin. »
22. Dfiafruigheadar e. n, n. : « Cia aimsir do 16 nô do oidhche
sgaoilfighear an domhan, no cà huir d-eirge Criost ô mharbhuibh. » —
Dfreagair an t. b. n. agus asé adubhairt : « A soillse an laoi do
rin7ii an domhan 7 an san oidhche do iin7h Criost, ôir do bhadhar siol
Adam uile an-dorcadas go nuige sin, 7 an-san oidhche d-éirig Criost 6
mharbhuibh, do chûadh se go hifrion 7 go hairge ' an diabhal leis gon
a mhûintear nô aicine, 7 is comhasach an té do nidh sin : 7 dta do
ghlormairs a deilbhe a-bfuil an ifrih da bpiana, da bfdgdaois amharc air, na
tabhraidis dd n-aighedh nà dd n-aire aon phian da bhfuil ortha ; 7 dta do
sôlabharthâoi a-theangthaibh, dd mbéidis siol Adam uile a-bhfuil d-éunaibh
an aéighir 7 do bhlaithmhiolta air marruibh ag-a agallamh an-einfeacht, go
ttabharthach sin fréogra ion-a tteangoin féin an-einfeacht fa leith air
gach aon diobh ; 7 dta do ruithneamh iona deilbh, go faillseochadh ifrioh
fa chosamhalacht an righteach neamhdha; ôir is dofliaisneaseach é féin
.i. losa Criost, agus is dotdisnaiseach fôs a-flaitheas neamhdha air iomad
aingiol 7 dircaingiol 7 air lasardhacht an t-sluadh taithneamhach agus
a-bfuil na ttiompchioll air ncamh 7 air chaoine agus air ceaiîsacht
mhuinteire nimhe, ôir ni clos guth a feirge na eagnach ag doineach ré na
chéile riamh an, agus is monghéanar théid suas a-ccoimhdheas na nbeanos,
dit nd fuil nô na roithear aléas soillse éasga na gréine, acht glôrmhaireacht
Dé agus soillsiugh(((//; gâcha nidh dhôibh, ô bhéag go môr, ôir is é féin
solus na soillse sioruidhe 7 an t-aoibhneas gan uireasba 7 batha gan chrioch,
gan foircheah, 7 sldinte shuathain do no haiîamnuibh, agus ni féidir miod
a-mhaithiosa na fôs maith na hardchatharach do chuir a-ccrioch oir go
bfuil se as cioh tuigsiona ddona air domhan 7 soitchion lé toil Dé an. »
Gon é sin teanga bheathnûada ahso sios curtha an eagar agus an ôrdu-
ghadh, a-cclôdh agus a-sgribhin, a bfuaon agus a-bféighim, amhuil thdinig
as bhéiil an abstdil .i. Pilib, ag foillsiuglw(f/; gach morfirine don chine
Éabhrach.
Foirceah le na sgriobhin re Seamus me Anaifrioh an triughrti//; la do
Maoideanach dfoimlw/V aois an Tirna an tan sin 18 17,
agus air na sgriobh ahso sios le Tomas Huallachain (Houlchan) an
dara la do Mhi na Bealtine aois an tirna 1901.
I. Cf. /(' ar liairgedh, 12.
Une rédacHoii moderne du Teanga bithnua. 307
n'y aura ange au ciel dont l'image ne devienne noire par suite de la brûlure
et des feux, et la montagne brûle dans chaque clarté ; pitoyable sera alors
la violence faite à ce moment aux pauvres âmes tourmentées et brûlées ;
et pitoyable sera le gazouillement des oiseaux de l'air sur ces fleuves de
feu ; et pitoyable sera le mugissement des bêtes mugissantes sous la chaleur
du feu, en proie à la torture ; et pitoyable sera le combat de l'assemblée des
neuf ordres des anges alors; pitoyable sera le cri des pauvres âmes tirées de
leurs corps alors, racontant ce qu'elles ont fait de tristes actions et de mau-
vaises actions, et pitoyable sera le cri des pécheurs se plaignant à Dieu
et leur cri ne les secourra pas. »
22. Les s. d. H. demandèrent : « A quelle heure de jour ou de nuit
sera détruit le monde ou à quelle heure le Christ est-il ressuscité des
morts? » La 1. t. n. répondit et voici ce qu'elle dit : « C'est à la lumière
du jour qu'a été fait le monde et dans la nuit qu'a été fait le Christ,
car toute la race d'Adam fut dans l'obscurité jusque-là, et c'est dans
la nuit que le Christ ressuscita des morts, qu'il alla en enfer et qu'il
dépouilla le diable, avec sa famille ou race ; et il est puissant celui qui fit cela,
et sa forme est si glorieuse que ce qu'il y a en enfer de gens en proie aux
tourments, s'ils le voyaient, ne prendraient garde et ne feraient attention
à aucune des peines qu'ils souffrent ; et il est si éloquent dans les langues
que si la race d'Adam tout entière et ce qu'il y a d'oiseaux de l'air et de
bêtes dans la mer lui parlaient ensemble, il donnerait une réponse en leur
propre langue aussitôt séparément chacun d'eux ; et il y tant d'éclat dans
son apparence, que l'enfer brillerait à la ressemblance du royaume céleste,
car il est indescriptible lui-même, c'est-à-dire Jésus-Christ, et est encore
indescriptible son royaume céleste à cause du nombre d'anges et d'ar-
changes et de l'éclat de l'armée brillante et ce qu'il y a autour sur le ciel,
et à cause de la douceur et de l'aménité de la famille du ciel ; car on n'a
jamais entendu voix de colère, ni reproche de l'un à l'autre en cette
assemblée, et bienheureux qui monte en la compagnie des bénédictions,
à l'endroit où il n'y a et où n'atteint pas un rayon de lumière de lune
et de soleil, sauf la gloire de Dieu et l'éclat de toute chose du petit au
grand, car c'est lui-même l'éclat de la lumière éternelle et le plaisir
sans besoin, et la vie sans limite, sans fin, et la santé éternelle aux âmes et
il n'est pas possible de terminer [le récit de] sa bonté ni du bon repos de
la grande cité car c'est au-dessus de l'intelligence humaine dans' le monde
et la paix par la volonté de Dieu. »
Et voilà la Langue toujours nouvelle ici mise en ordre et arrangée, im-
primée et manuscrite et exécutée comme elle est sortie delà bouche de
l'apôtre, c'est-à-dire Philippe, éclairant toute grande vérité à la race
hébraïque.
Fini d'écrire par Seamus Mac Anaifrionn, le trentième jour de septembre
de l'âge du Seigneur, en ce temps 1817; et transcrit ici par Tomas
Huallachain (Houlchan) le deuxième jour du mois de Bealtinne, âge du
Seigneur 1901.
THE FIFTEEN TOKENS OF DOOMSDAY
The fifteen signs or tokens which are to précède the Day
of Judgment formed a subject of extrême interest in the
Middle Ages, and were consigned to prose and verse in ahnost
every language. So says the late Thomas Wright in a note to
his édition of The Cbester Plays, II, 218, London 1847. He
adds that they are generally stated to hâve been talcen from
the writings of St. Jérôme, although some say that they are
first found in the Prognosiicon Futuri Seciili of JuHanus
Pomerius, « a theologian who died in the year 690 » % and
whose work on the Contemplative Life is printed in Migne's
PairologiaLalina, lix. 415.
The following text (hitherto unpublished) is taken from
the so-called Leabhar ûi Maolconaire « Book of O'Mulconry »,
a sixteenth century vellum ms. in the British Muséum, now
marked Addl. 30, 512. Its chief contents are religions poems,
some few of which hâve been published by Dr. Kuno Meyer
in the Archiv fiir Celtische Lexicographie, III, 215, 232, 233.
But italso contains some prose pièces of which the following
are the most important :
po 2^ I. The Wandering of Coliaii cilles clerics, a story based on the same
event as the Voyage of Snedgits and Mac Riagla (Rev. Celt., IX, 14), and
The Adventure of St Columha's Clerics, ibid., XXVI, 132. It seemsto be the
same as the Meanighadh clércach Cohiim chilk, of which there is an eighteenth
century copy in the Trinity Collège Dublin, ms. 1285, î° 107.
Fo b»-9b. Miracles of Finian son of Fintan. See the 5ame ms. fo ni.
10». Legend of St. Patrick and King Loegaire.
lob. Story of the Abbot of Drimna, printed in Anecdota from Irish
mail user ipt s, I, p. 76.
I2b-i4b. Pedigrees of the Fitzgeralds.
193-20». Prophecies of St. Fursa.
27a-28a. Legend of Emi'n Bdn, edited in Anecdota, etc., I, p. 40.
I. Sic Wright. But in the Dictioiiary of Christian Biography, London,
1882, he is said to hâve lived about A. D. 500.
The Fiflecii Tokeiis of Dooiiisihiy. 309
31b 2. Sixteen sayings, each beginning with Dligidli.
33a. The four woodsof the Cross (cedar, cypress, palm, olive) and their
mystical meaning. There is a modem copy in the Trinity Collège Dublin,
ms. 1285, f. 140.
3 3a r. Sixteen sayings, each beginning with Fcrr.
38b. Synchronistic notices about the deaths of SS. Patrick, Brigit, Eilbe,
Comgall, etc.
41a 2. Story of an old woman who went to communion after eating.
42l> 2. The seven to whom alms should be given.
482-52*. Lists of homonvmous Irish saints.
52a 4. The twelve golden fasts in the year.
')6^-6'j^. Pedigrees ofirish Saints.
75a i-8ob. Indcipitt uitta Maria[e] Egipciane, Irish Life of St. Maria
Aegyptiaca.
80^ 2-871. Story of the Création, Temptation, etc., with the Harrowing
of Hell and conversations of Satan with other devils and with Christ.
88». Legend of Jacobus or Intercisus, a Persian martyr.
90^. Life of S. Cvricus and his mother lulitta.
95a. The Fifteen Tokens of Doomsday, printed infra.
98'' I-I02b. Tractate beginning : Fove[a]t in principio virgo Maria meo.
Other copies are in the Rennes ms. (Rev. Celt., XV, 81), and in the Paris
ms. {Rev. Celt., XI, 398).
103a I. Homily on ihe Blessed Virgin, beginning : Ut dixit Bernardus
in sermone de beata Maria uirgine, quicquid ofherre {sic) paras Marie
comendare mémento .1. adeir Bernard naom gib é ni maith dob ail let do
ullmï/<fîi(/ tabuir a lamhaibh Maire do uWmiigud hé.
For the sermon referred' to see Migne, Patr. Lat., t. 184, col. 1013-
-1022. The Irish homily is also in the Rennes Ms. f. 25a i.
F. 105a I. A copy of the taie Bniideii da Choga, edited, Irom two mss.
in the library of Trinity Collège, Dublin, in Rev. Celt., XXI. The conclu-
sion differs from that in the Dublin mss., and the taie ends with six qua-
trains ascribed to Fergus and beginning : Uchan, mo chroidhe is cosair
cro !
F. 115b. Life of St. Alexius, ô avOpw:io; toù' 0£O'j. Begins : Ri romhanach
dobî gan chloind aigi « a Roman king who was childless ».
F, 117b. Life of St. Laurence {Lahras). Begins : Bui Sexus papa sa Roim
na biccaire a n-inudh Dia a talmain « Pope Sextus was in Rome as vicar
in place of God on earth ».
So far as I am aware, thèse is no other old copy of the
Irish Fifteen Tokens of Doomsday. But there is a tract dealing
with this subject at f° 26 of a ms. in the library of Trinity
Collège, Dublin, marked 1291 and transcribed by Hugh
O'Daly in 1755. See Dr. Abbott's Catalogue, p. 307.
W. S.
ïll.'itlcy Slokcs
AIRDENA INNA COIC LA NDÉC RIA MBRATH
(Addl. 30, 512, fo 95a i).
1. H[i]eronimus in Annalibus Ebreorum clarat de signis quindecim
dierum Diem ludicii praecedentium ', et cetera. .1. Innisidh Cnine findh
ama/ fuair a lebraibh airisi ^ na nEhraicIe airdena 3 ana côic la ndc'f ria
mB;ath, 7 is iat airdena î an côicedh la àcc ria mBrath .1. na huili muir 7
uisci do thogbail do dreich an talmrt;/ suas co nellrt/7' n/mi .u. cubuit àéc
osna sleibtibh siias, xrmiis co mbia ann sin iar/;/ach na rôn 7 nualft/^ach na
mbl^^/mil, beict'(/hach 7 seidfcdach na piast mbéldcrg muiriilhe for na
t;ar/;/aib t/'/ma déis an uisci da hghail isin lô sin.
2. IS e airdena 5 an ceathratnad la dc'c ria mBrath .1. treathangair adhbul
7 tairm tonn-mar na n-uili msc'i ac tuitim co tinnesn^c/; andara la ina
n-inadti/^h disli féin an's, mnus co tiaghuit a fodomuin + an talman, co
nach fes cait a tiaghuit.
5. IS se airdena 5 in treas la àéc ria mBrath .1. na huili uisd do dhul ina
c^rtinadh côir féin taranais an's, 7 a ter/;/adh ''7 a c/uadhug//£? innus co
roichfedh' sluaigh imdha orro.
4. IS iat airdena an dura la àéc ria mBrath .1. na huili ainmidhi muiridhi
do eirgi co dàsar/z/ach on taUïw suas co fraighthib ^ na f/rmamindti 7 co
nellrt/ih n//»i, 7 [fo 95" 2] a mbf//h ac s/rblaedhadh 9 7 ac gairm comharc
co tinnisncc/; ar omhun lae an Bratha, 7 ni fhid/r nech ar doman acht an
Firdhîa môr cum«f/;/ach créd canuid siad isin lô sin.
5. IS siat airdena an denmad'" la ài'c ria mbrath .1. enlaithi 7 ethaidi an
talnirt» uili do heith. ac siuba/ 7 ac udmaille dos/r gan anadh gan fliosad
orra, 7 heith gan biadh gan digh do chaithemh dôibh ann.
6. IS e airdena" an dechnmd là ria mBrath .1. srotha môra tonngarbha
tiugha teinntidhi'^ do bc/th a f/rmamint ô turgabail grnne co fuine[dh].
7. IS é airdena" a[n] naomad là ria mBrath .1. fog«r môr grana garbh
adh«fl//;m;/r do clos a cleithib n/we, 7 soighnein imdha 7 xo'xxxnech dermair
ac tec/jt astu, 7 nell d<'rg teinntidhi'^ do eirgi a rann deisc^rtach ninn 7 a
Ic/hadh tar clâr an talnw/; uil/, 7 gress fola fo/dcrgi co lasair tonngairb
tinntidhi'3 do fcrthain asin nell sin, 7 co li'nfad se an domun \x\\e etir muir 7
tir, 7 lasn/c/ja tein^d ruithenta tar cethn rannuibh an bc/ha, 7 talamchum-
1. Ms. prot^sedencium — 2. Ms. irisi — 3. Ms. hic et passitn airdina —
4. Ms. foghdomuin — 5. Ms. airrgina — 6. Ms. roitfedh — 7. Ms. thec/;/dah
— 8. Ms. froighthib — 9. Ms. s/rblaoghrtJh — 10. Ms. tâenmad — 11. Ms.
airrgina — 12. Ms. teinntighi — 13. Ms. tinntighi.
The Fiffeei! Tokeiis oj Doomsday. 311
THE TOKENS OF THE FIFTEEN DAYS BEFORE DOOM
1. Hieronyiuus in Auualihus Hebraioruin, etc., that is, Jérôme the prophet
relates, as he found in the historical books of the Hebrews, the tokens of
the fifteen davs before Doom. And thèse are the tokens of the fifteenth
dav before Doom, to wit, ail the seas and waters will rise ' from the face
of the earth up to the clouds of heaven, fifteen cubitsabove the mountains,
so that the crv of the seals, and the roar of the whales, the veliing and
blowing of the red-mouthed sea-monsters will be on the dry strands after
the water leaves them on that dav.
2. This is the token of the fourteenth dav before Doom, namely, the
vast billow-roar, and the noise of the mightv waves of ail the waters
faliing hurriedlv again on the following dav into their own proper places,
so that they go into the depth of the earth ; and whither thev go is
unknown.
3. This is the token of the thirteenth dav before Doom, i.e. ail the
waters will go back into their own right and proper place, and will freeze
and harden, so that many armies would march upon them.
4. This is the token of the twelfth day before Doom; to wit, ail the
sea-animals will rise up madlv from the earth to the walls of the firma-
ment and to the clouds of heaven, and will be continuallv clamouring and
uttering outcries urgentlv for dread of the Dav of Doom ; and no one in
the world, save the true, great, mightv God, knows what they sav on that
day.
5. Thèse are the tokens of the eleventh day before Doom, to wit, ail
the birds and fowls of the earth will be moving and flitting continuallv,
without resting or delaving, and will be there without partaking of food or
drink.
6. This is the token of the tenth day before Doom, to wit, great rivers,
rough-waved, solid, fierv, will flow out of the firmament from sunrise to
sunset.
7. This is the token of the ninthdav before Doom, to wit, a great sound,
uglv, rough, terrifie, will be hearJ from the heights of heaven, and many
lightnings and vast thunder will corne thereout, and a red, fiery cloud will
rise from the southern part of the sky and spread over ail the surface of the
earth, and a rush of crimson blood, with a rough-waved fiery flame, will
pour out of that cloud, so that it would fill the whole world, both séa and
I. Lit. to rise.
312 . IVhUley Siokcs.
scuv^Hil nuSx {or in mbith uili, 7 ciÀxbir dcrmair do eirgi an gflc/j aird don
talniiv///, 7 an nuiir cojià hilmilib do dhul dar a ni/(;uibh amach isin lô sin.
8. IS e airdhi'i an ochhimdh là ria mBrâth'> .1. crith imz^rcach do bc//h
ar na duihV' la [f° 95^ i] crothadh na f/rmaminnti, 7 drest^/nac/; môr ag
an tali7w uile aromhun in môrgluinn bi'ss cucu, 7 gach huili dhûil do heith
'na luig]ii la liomliun, 7 tonna na fairrgi do eirgi comhard frisna haera/Wî
roarda, 7 gactlia mora tréna teinntidhi'^ ag croxhad an aigéin o l'chtar co
huac/;/ar. Ciclianach 7 torannfodach na muirinw 7 na n-uisa'Jha frisna
s/othaibh teint'dh isna haera/Mi gan ceol gan di«es fo cethx'i hairdib in
domuin isin lo-sin. Bctha brontzch bithimsnimacli gan tshi'dh gan tshU//«//
Acu l'ar li'nird lerg 7 ghlenn an tsaega// ar na 'çieciachaih ann.
9. IS t: airrdi'7 in [t]setV;/mad la [ria] mbrath .1. na huili cloch, idir hec 7
môr, do dluigidh a ceit/;ri rannazè, 7 gach rflnn dib do heiûv ag imagall-
flîw/'^ f;-ia aroili, 7 ni fidzV nech acht Dia féin créd chanuid, 7 coillti an
talmrt;/ do thuitim as a premn/Mi iarna mbrisfdh uili isin lo sin, 7 crith-
nug?/(f gaibht/;t'ch na cloch iarna ndelugHû? doibh re ndelbn/Wi disli ann, 7
srotha sc^bha siab!trtha do théine sraibhi do t7(7-ghaba// a taebn/^ an xûman
coma haonb/cô an bith uile ô t«rgabrt// co hmiedh. Céo 7 môrtarranwaf/;
nimi isin lo sin.
10. IS e airrdi'v an [tJi'Mt'd la ria [f° 95b 2] mbrath .1. na huili crann 7
cloch do b('//h ac snighi fola ann, 7 //-/gi"? gaoithi gairbhi gt'Ve do eirgi ann
nech le croiter an bith uili a n-aoinfhec/;;. Gui 7 scrécach 7 éimhe 7
osnuniach t/uagh thoirrs(?c/; ac sîl Adhaini ag athcuingi an talmfl« d'oslugwd
reompu, fo;;ach bc/ais ag feghain na n-olc ndt'rmair sin, uair do bo fherr
fo sher/;/ leo bas d'fagbJ// ind b^//h bco an uair sin.
11. IS annsin tîa'tfit tri .xx. ar .u. ce'/ r[e]ann o oirrt/j^r na fmnaminnti
anuas for talma»; isin lô sin, 7 tuittfit na sleibhti ann mnus co mhet aird ar
aird fz'isna glennti;//', 7 d/uidfitc;- an f/rmamint 7 nem 7 talfl»; ann.
12. IS é airrdina-" an coicedb là roime an b/ath .1. toirraec/;a mora 7
fuaim na c^//;/i ngaoth teinntidhi-' a Cf/Z;ri hairdibh m'wi. Na duili do cra-
padh 7 do dhelugwrf re na cumachtaih ndetna. 7 a n-aignc^ do chlô innus co
t»/tid sruibne doairme do reltanntr/" a f/rmamint .1. coic reltanna ar tri/
.XX. ar tri .c. ar „u. mili do tuitim sis co talrtw, mar tuit^-i- mes âhaidb a lô
gaoithi. An t-esca do shodh" a fuil, 7 an grian do dhorcug»^', 7 na
sleibhti 7 na huil? chunidaighthi do ciir a luait/;readh. lachta^/h aigmeil 7
gair truagh na henlaithi aga ndodh-î 7 acca losc»(/ isin lô sin, 7 sreaba
14. Ms. airrghi — 15. Ms. brat — 16. Ms. teinntighi — 17. Ms. airrgi —
18. Ms. imaghalL/Zw — 19. Ms. 5gi — 20. Ms. airrgina — 21. Ms. teinn-
tighi — 22. Ms. shogh • — 23. Ms. ndogh.
The Fifteen Tokens of Doomsday. 313
land ; and flames of flashing fire (will be) over the four parts of the globe,
and a mighty earthquake on the whole world, and a vast spark will rise
at every airt of the earth, and the sea with its many thousands will go
forth over its ramparts on that day.
8. This is the token of the eighth day he fore Doom, to wit, an excessive
trenior will be on the éléments, with the shaking of the firmament and a
great clanking at ail the earth for dread of the great deed that is coming to
thcm. And every créature will be prostrate with fear, and the waves of the
sea will rise as high as the lofty ether, and strong fiery winds willshake the
océan from bottom to top. The stridor and thundering of the seas and
the waters against the rivers of fire in the ether, without music or pleasure,
throughout the world's four airts on that day. A life sad, ever-distressful,
peaceless, healthless, they hâve, after the slopes and glens of the world
hâve been filled for the sinners there.
9. This is the token of the seventh day before Doom, to wit, ail the
stones, both small and great, will split into four parts, and each of thèse
parts will be conversing with another, and no one but God Himself knows
what they say. And the woods of the earth will fall out of their roots, after
ail of them hâve been broken on that day, and a perilous trembling of the
stones after thev hâve been separated from their proper forms. And bitter,
spectral streams of sulphurous fire will rise from the flanks of the earth,
so that the whole world is one blaze from sunrise to sunset. Mist and
mighty thundering of heaven are on that day.
10. This is the token of the sixth day before Doom, to wit, ail the trees
and stones will be shedding blood there, and fréquent, rough, keen wind
will rise there, wherehy the whole world is shaken at once. Wailing and
screaming and crying and wretched sorrowful groaning hâve Adam's race,
entreating the earth to open before them, so that they may not be seeing
those vast evils, for they deem it seven times better to die than to be
alive at that season.
11. 'Tis then three hundred and sixty-five stars will fall from the east of
the firmament down upon earth on that day. And the mountains will
then fall, so that they will be on a level (?) with the glens, and the fir-
mament and heaven and earth will be shut there.
12. This is the token of the fifth day before the Doom, to wit, great
thunders and the sound of the four fiery winds from the four airts of
heaven. The éléments will shrink up and separate before the holy Powers,
and their nature will change so that out of the firmament innumerable
streams of stars, to wit, five thousand three hundred and sixty-five stars,
fall down to earth as falls ripe fruit on a windy day. The moon will turn
into blood, and the sun will grow dark, and the mountains and ail the
structures will turn into ashes. The terrible screaming and wretched cry
514 Whitley Slokes.
sc^bha sraiblicmlTla na tcinedh t/oniaufaid siu \dir nein 7 talaw ann. Cai
tserh truagh 7 golghaire dur dian, 7 toirrsi trom, 7 aithffr imaithfc;- [fo
96» i] dermairacc si'l Adhaimh isin lô sin.
13. Bet an cim-Jh daonna uiL- annsin ace slef/;/uin co dic/;/a do Di'a 7 ag
a atach di'a saon/d ar teinc bratha.
14. IS c airrdi^+ an cethrainadh là ria nibràth .1. uili anmanna \w1a\igXezh3.
in talma;; do tliec/;/ as a n-inada/Wi disle 7 a mheith ar na muighibh ag
blaodhi;<fh^) 7 ac don[n]al(;rf gan biadh gan «'Yach isin lô sin, 7 an
cincdh àdouna do ther/;^ asna hinadrt//'h a mbe/, 7 câch. di'bh sech a cheile
for dasac/;/, 7 ni t»cid féin ni da n-ab;aid, 7 grtc/; aon do biais heths. do éc
a n-aonuair isin lô sin, 7 an bith uilc do Iv/Vh fo chasair 7 fo théine ann.
l'^.Octis doirrsi an righthighi do oslugud ann. Uch, comthuargain
teinnisnt-ch 7 môrgeinincc/;d('/mair na ser/;/ neimheac Xi:cht an Duilimh coiià.
aingl/7' astu do b/eithemhnM5 bratha !
16. IS annsin adbnat aingil n/we frisan Duilcw : Uch, uch, a Tig<'/na,
ar siat, tarra co luath a comhfochrfl//' duin, co«adi loisge teine beo bratha
sinn ! Uair ge neumech an teine so fuil isin tsaegî// budh téo fo shtcht
teine bratha inass. Oir zeithn teinnti fil ann 7 secht tes gach teinedh dibh
naroili, ama/ isbtrt aroile ecnaidXn .1. teine talma« 7 teine gealiJ/H 7
tjine bratha 7 teine ifrind.
[fo 96a 2] Sec/;/ tes tein^fh talman tais
a[u] teine ghealain gealb/ais,
se(7;t tes teinedh bratha brais
a[u] teine if;inn amhnais.
Saerfait/r annsin na haingil 7 anmanna na naom 7 na f/ren mur do
het\ï iasc a n-uisci, conach loiscinn teine bratha iat.
17. IS i airrdi=^ an très la roimhe in mbrath .1. na huil/ adhluc?/d do
oslucz(d, 7 a n-abaidhi do thec/;/ go anorach, 7 an bith fo bhron isin lo sin,
oir ni het aitreabi; do biu na do marbh for bith ce ann.
18. IS e airrdhi=" -àndara la ria mbrath .1. na huil/ beo do éc ann.
19. IS é airrdina^* an lâe ria mbrath .1. ri idhan na hinogba/a .1.
énnwc ri[g] nimi 7 talnw» 7 ithfrinn, co n-imut diairme aingil 7 arcaingil
nime .1. nôi ngraidh n/wi, ina choimidir/;/ co mullach sleibhi Sioin do mes
a ngnim. id/r maith 7 olc. ar cloinn eisidhain Adhaimh isin lo sin.
20. IS e sanw// muindti'ri winn a coimider/;/ an Duilim isin lô sin .1.
r[e]anna nimi 7 gainem mara 7 fér for taKnw. IS é met cumachto. 7 nein na
24. Ms. airrgi — 25. Ms. blasghadh — 26. Ms. airrgi — 27. Ms. airrghi
— 28. Ms. airrgina
The Fifteeii Tokciis of Dooiiisday. 315
of the birds at being burnt and scaldcd on that day, and thc bittcr sulphu-
rous streams of that heavy storm's fire between heaven and earth ! A bitttr,
sad wail, and a hard, véhément lamentation and heavy grief, and reproachful
rebuke hath Adam'srace on that day.
13. AU mankind will then be kneeling fervently to God, and entreating
Him o save them from the fire of Doom.
14. This is the token of the fourth day before Doom, to wit, ail the
lawless animais of the earth will go out of their proper places, and be on
the plains, crying out and howling, without food, without clothing on
that dav, and the human race will go out of the places in which they will
be, and each of them past his fellow in madness, and he himself under-
stands nothing that he says. And every one that has tasted life will die at
once on that day, and ail the world will be under hail and fire.
15. And the doors of the palace will upen there. Ah the hurried crashing
together, and the vast roar of the seven heavens, at the coming of the
Creator with His angels out of them to the judgment of Doom !
16. Then will heaven's angels say to the Creator : « Oh, oh, our
Lord ! » they say, « corne quickly near us, so that the living fire of
Doom may not burn us ! » For though virulent is this fire that is in the
world, hotter seven times is the fire of Doom. For there are four fires
there, and seven (tiines greater is) the heat of each of them than (that of)
another : as said a certain sage, namely, fire of earth, fire of lightning,
fire of Doom, and fire of Hell :
Seven (times greater than) the heat of the fire of the soft earth
(is) the fire of bright-quick lightning :
Seven (times greater than) the heat of the fire of ready Doom
(is) the fire of cruel Hell.
Then the angels and the soûls of the saints and the righteous will be
saved, like a fish in water, so that the fire of Doom does not burn them.
17. This is the token of the third dav before the Doom, to wit, every
grave will open, and their dead will come forth honourably, and the world
will be in grief on that dav, for then there will not be dwellings for living
or for dead on the présent world.
18. This is the token of the second day before Doom, to wit, al! the
living will die thereon.
19. This is the token of the day before Doom, to wit, the pure King of
Glory, the only Son of the King of heaven and earth and hell, with a
countless multitude of angels and archangels, to wit, the nine ranks of
heaven, in His company (will go), on that day to the sumniit of Mount
Zion to judge their deeds, both good and evil, for Adam's impure children.
20. This is the semblance (in number) of the household of heaven in
the company of the Creator on that day, to wit, stars of heaven, and sand
3i6 WhilJey Slokes.
n-aingel .i. co sc/isfuidis secht n-aingil dibli an bitli uili o lnrgd.\)dil grè'ine
co fuine[d] fri re donlâe amain.
21. Aduathmuire 7 mô a ngotha ina torann, conadh ann sin cuner ùir-
fuagra on Dûilemh^' for in dnedh [fo 96b i] ndaona .1. Mi'cél arcaingd. 7
dochluinfid na huili duini intan sin forfhiiagra Mi'chil on DuWevih aca
togairm 'cum na môrdala sin. Co;iadh annsin ad;eisit na huili marbli a
xalam an uair sin .1. adresit ar tûs na h[a]psta// 7 na faidhi 7 na faismeJ-
haigh, na mairtz/'igh 7 na naoim 7 na firena/V, 7 luc/;i ôighi 7 aithrigi
iarsin, 7 ndidhinî" baist^rfha fadheôidh?'.
22. Ni ba sou 7 ni ba sine nech inas a cheile isin lô sin, uair is a n-dis
trichât hïiadan adresit an cinedh ddennà uili .1. i n-dis ina nd^rnad Adam 7
i n-âis ina roibhi Isu'^ intan ro baistf^ é.
23. Uch, budh salach t;a eiseirgi na p^ct/;acli isin lô sin. Beit annsin
môrsluagh adhbul sil Adhaim uili ac imdec/;/ co himsnimach tresna mitrih
tromanfa/d teinntidi ag^z/'r" 7 tresna tonna/bh dimôra dofulaing dcrglas-
rach bis a ceithribh hairdibh an bf/ha a chomhdail an Airdr/gh cfrtbrea-
thaigh cum.achtaig\\ co sMab Sioin.
24. Uch tinoilfid annsin muinntéT nn?/i 7 talnw» 7 ifrinn isin comdhail
sin, cowidh ann sin eirgis Ri n[a] hinogbflla co«a c^roich de/idliH re ais a
fiadnawe caich uili [fo 96'' 2], 7 is amlafJ adre, conA corp d^rg uili uime, co
slechtaibh gon 7 aladh a ce'5/a fair, 7 comad îoWus dona hldhalaibî5 uili
na crechta doimne doleighis 7 napiana môra tugsad féin fair.
25. Suidhfe Cri5/ iarsin cona. dha apsta/az7' àéc uime. Uch heth annsin an
crich mor oirrd^rc ar lacht .1. lùan laithi bratha, la dighbaVa 7 inneachflàf
dona pecachaib an la sin 7 la cddhusa 7 anôra moire dona f//-énachj/7? é.'
26. Beith gair truagh tai[dh]bhsfc/; ac daoscurshiag an domuin an la sin
ac a c;/r cengailti cruadhchuibhrigthi a fodomuin aduathmiir [ijfrinn a
hmaibb nemmuunterdha a namat .1. Diabzf/, ac a s/rpian^d 7 ag iadhaJh
ithffrinn trc bithu sfr orro.
27. Beit annsin na naoim 7 na f/reoin ac sirmolad a nDuil/w co deithi-
d^ch, 7 iatt co subhach fail/i iar mbreith buaidh 7 cosgairo Dhiab2//.
28. Uch coirighter an cinedh ddenna uili a cehhri hoirec/jtaiMi annsin a
fiadna/ic Cr/5t .1. maithi 7 romaithi, uilc 7 rouilcc.
29. Ms. duiledh — 30. Ms. naighin — 31. Ms. fadheoigh — 32. Ms. ih. u
33. Ms. ad»/- — 34. Ms. dmgh — 35. Ms. hïbhahih.
1
The Fifteeii Tokeiis of Doomsday. 317
of sea, and grass on earth. Such is the greatness of the power and strength
ot the angels, that in the space of only a single day seven of theni wouid
sweep away the whole world from sunrise to sunset.
21. More awful and mightier than thunder are their voices, so that then,
there is sent a proclamation, from the Creator to the human race, to •wit,
Michael the Archangel; and ail human beings will then hear Michael's
proclamation from the Creator, summoning thera to that great assembly.
So then ail the dead will arise out of the earth, to wit, first, the apostles
will arise, and the prophets and the confessors, the martyrs and the saints
and the righteous ; and thereafter the virgins and pénitents ; and, lastly,
baptized infants.
22. No one on that day will be younger or older than another, for the
whole human race will arise at the âge of thirty years, that is, the âge at
which Adam was created, and the âge which Jésus had attained when He
was baptized.
23. Oh, foui will be the résurrection of the sinners on that day !
A great and vast armv of Adani's race will be proceeding distressfully
through the seas of heavv, fiery, perilous (?) storm, and through the vast
unendurable waves of the red flame which is in the four airts of the world,
to the meeting of the justly-judging, mighty Overking, unto Mount Zion.
24. Oh then the household of heaven and earth and hell will
gather into that meeting, and then the King of Glory will arise with His
final Cross on his shoulder in the présence of them ail ; and thus He will
arise, with ail His red Body around Him, with the traces of the stabs and
wounds of His Passion upon Him, so that ail the deep, incurable gashes,
and the great tortures which they themselves inflicted upon Him, may be
manifested to the Jews '.
25. Then Christ will sit down with his twelve Apostles around Him. Oh
then will be the great, conspicuous end, to wit, the Monday of Doomsday,
the day of destruction and vengeance for the sinners, and the day of re-
spect and great honour for the righteous.
26. That day there will be a sad and manifest cry from the rabble of the
woud at being cast, bound and cruelly fettered, into the awful death of
Hell, into the unfriendly hands of their foe, the Devil, tortured continually,
and with Hell shut upon them for ever and ever.
27. Then the saints and the righteous will be diligently and always
praising their Creator, they being cheerful and glad after gaining vie-
tory and triumph from the Devil.
28. Oh the whole human race is arranged in four assemblies, there in
présence of Christ, to wit, the good and the very good, the bad and the
very bad ^ .
1. Cf. the Tidings of the Résurrection, Rev. Celt., XXV, 240, § 11 ad
finem.
2. The nidli vuîde of Tidings of Dooinsday, Rev. Celt., IV, 250.
3i8 irhilkx Slokes
29. Uch is mairg t;a rxrch bidh feidhil foraib f/Vcnda cunnail ailgin
ainmnidhach d<Tcach troisctt'ch aintcc/; umal ait/>ngach an oirchill na
mbreath so\am s/;-cinnti [fo 97 » i] b^rur ann siu.
30. Uch cuirfitc/- d'éinlf/Vh an uair sin na fcn-imthigh 7 na gobreatha^'^,
na cosnuniha/Vh 7 na colatfh, na druithi 7 na cainti 7 na cros^naigh, na
heritegai 7 na à\her^aigh, na m«/vligh 7 na héturidaiJ*, na gôich'7, na
glora/^, na cainti, na banchainti, na dimsa/Vh, na cràQsaigh, na iergaigh, na
dunmar[bh]tha/V, \ucht fingaile 7 mebla, 7 lur/j/ g^c/; uilc ele.
31. IS iat sin cuner le demnaib do s/raitreabh ithf/inn tre bithu sir, 7
scrister in lue/;/ sin asin saog/(/, ar art/eigsit fein foc/;raic n/mi 7 faicsin a
Naomathar cumachtaig, 7 bé;7 m/'/c bl/ia/iî/; a teine bithbeo bratha, oir is é
sin fiid 7 reimis laithi an bratha.
32. Uch nî suaimncc/; sorciJh an se'/ sin, oir ni fuigid biadh na deoch na
cumsanad ann, acht s//gorta gnaith 7 îta gana t'hiinacbt 7 fiuu7;/ 7 tes
dofhuluing.
33. Uch budh truagh t/a an gair gcV golgaire, 7 a[n]nual cuma(5zV)môr, 7
an golfadach dur diân, 7 an brôn in^»man, 7 an cesad croidhi, 7 an bas-
gaire buant/'uag beo b/'atha donîd [fo 97» 2] na pecaig ac a trentarraing
co tinnesncc/j iar ndiultad na trocHne docwm peine skaid'i ithfrinn, 7 hetl
ag dib/</goid moir 7 ag aithfi?/' imaithfi?/' truagh for in Coimdhe gan a logjd
doibh annsa saog(J soua saraigth'i tucsat fair.
54. Uch tra is annsin îa[d]f(!/t^r tri glaiss ar na pfctflchaihh in la sin .1.
iadhadh orro da air a n-ilpianaib ad/w//;tTi;/ra i;/jfrinn, 7 iadhadh a sul
frisin saogîi/, 7 iadhad ar feithim na ûathj neindhà gan a fhaicsin doibh o
sin amach.
3$. Uch suidhfid co himsninia[ch] iarsin a ûâdnaise ri[g] na clâiue .1.
an Dïahbul, a nglenn na pian nhùvnaidi, mar a fuil teine dhorcha dosoh«
7 bt'/ha b/on(ïc/; bithimsniniach salach suidhema//'* neinnech newglan, 7
mur a mbc/li crith for dhc7 7 c/-apall cruaidh for corp, 7 bron for merimain,
7 teimil for gruadd/Wi, 7 faidhi iruagha toirrs'c/ja, 7 gola gnatha, 7 basgaire
buan, 7 dc'ra troma fol Jtar gruadii/Wi aga cesad, 7 nuala aga n-eist^c/j/ acu.
36. Uch doghéna59 Diab»/ iarsin cimidhi cenntroma cruadhcuibhriV//;i
cengailti dona pectac/jaibh planta ag a mbuancesad a carcair cliabhchum-
huing cenngairb iarna/^W adiiathmuir itfrinn tre bithu [fo 97^ i] sir.
Gnùisi bana buancésta co H-ecusc dhuine mairbh acu, 7 p«/i ad;/a//;m//r[a]
ilchennacha go sruma/Z'h remra rod«rga+° orro, 7 enpéist môr ann 7 .u. cet
cend uirre 7 .u. cet fiaca/ in gc;c/; cend, 7 cet coss uirrA 7 cet mèr for gach
cois 7 ceï inga for gach nif'r dhi.
56. Ms.hetî/rigai — • 37.MS. goid — 58.MS suigemail — 59. Ms. dodhena
— 40. Ms. rodergha.
The Fifleeii Tokciis of Doomsday. 3 1 9
29. Oh sad it is that the provision of the ready, ever-decisive judgments
whicli are tlien delivered will net be upright, pleasant, righteous, discrcet,
gentle, patient, loving, abstinent, fasting, humble, pe nitent !
30. Oh, on one side then will be cast the envious and the false-judging,
the quarrelsome and the incestuous, the harlots and the satirists and the
buffoons, the heretics and the marauders, the robbers and the jealous, the
liars, the noisv, the lampooners, the she-lampooners, the haughty, the
gluttonous, the angry, the homicidai, the parricides, tha deceivers, and ail
other evil ones.
31. Those, then, are cast to the démons, to inhabit Hell for ever and
ever. And that folk is swept out of the world, for they themselves hâve
forsaken the reward of heaven and the sight of their holy and mighty
Father ; and they uill be a thousand years in the eternal fire of Doom, for
that is the length and period of the Day of Judgment.
32. Oh, neithercalm nor easy is that road, for there they getneither food
nor drink nor resting, but constant hunger, and thirst without relief, and
cold and unendurable heat.
33. Oh, sad will be the sharp cry of lamentation and the great howl of
grief, and the hard, véhément wailing, and the sorrow of mind, and the
siiffering of heart, and the enduringly wretched hand-clapping of Doom,
which the sinners, after rejecting (God's)mercy, make at being dragged,
strongly and urgently, to the everlasting torture of Hell. And they will
be mightily praving for pardon, and wretchedlv reproaching the Lord for
not forgiving them in this life for the outrages thev committed upon Him.
34. Oh, 'tis then on that day the three locks will be shut on the sinners!
10 wit, the shutting on them by casting them into the manv awful
torments of hell, and the shutting of their eycs against the world, and the
shutting from beholding the heavenly Kingdom without their seeing it
thenceforward '.
35. Oh, then they will sit in the présence of the King of Evil, to wit,
the Devil, in the glen of infernal torments, where there is dark, lightless
fire, and a life sad, ever-distressful, foui, sooty, virulent, impure; and
where there will be trembling on tooth, and hard shackles on body, and
grief on inind, and darkness on cheeks, and misérable, mournful moans,
and constant weepings, and lasting handclapping, and heavy tears of blood
over cheeks at their suffering, and cries at hearing thein.
36. Oh, the Devil will then make heavv-headed, cruellv-fettered, bound
captives of the tortured sinners at their lasting passion in the narrow-
chested, rough-headed, iron, awful prison of hell for ever and ever. White
faces of constant suffering with the aspect of a dead man they hâve; and
horrible, manv-headed monsters with thick, crimson snouts upon them ;
and one great monster there, with five hundred heads and five hundred
fangs in every head, and a hundred feet, and a hundred toes on every
foot, and a hundred nails on every toe ^
1. Compare Tidiugs o{ Doomsday, Rev. Celt.^lV, 252.
2. Ibid., 252. Cf. also the hestia in the Visio Tnugdali. So the Indian
Kâlanemi, a daitya or démon, has a hundred arms and as many heads. And
even some Greek giants are l/'-aToy/sips;.
320 îVhitley Sfohes.
37. Cid trac/;/ an cinc(/lî ddenna uili nocha n-inneosadais imat ilpianad
itfrinn, teinc bithbco do heith ar lasrtd do sir ann, 7 ni shoilbîo-inn c, 7 da
ndoirti an fhairrgi ina chenn ni muchfi?d hi.
38. IS i is pian tanîuti ann .1. (ui\cht dofhulaing, amail adm- in proniJjadh
so De q[u]o dicitur : si mitt[eret]z<r mons ignitHi; in glaciem Uf/tcretur»'
.1. da cunhaiih sliabh teim'^h ar lasad ann doghcnfld oig/e*= 7 snechta de.
39. An très pian do aitrcaclw/i niin'i, 7 loisginn 7 'ûpesl'i ithtVinn do heith
ac cnam 7 ac cerrbad na n-anmann do sir.
40. An cethramad [pian], brentzu bûan cxnimciihaid ithfrinn.
41. An côked pian, comtuarcaint tinnisnec/; na ndemhan ama/ urli;/(/i
gobann a a'/-dcha ac szrtuairgaint 7 ag dunmarbfft? na n-anman.
42. An sesed pian, dorcadwi bithbuan, Amal -^àhenhar isin caintic so :
Terra tenebrarum ubi umbra mortis, et nuWiis ordo, sed sempiternus
horror43 inhfl/'/tat.
43. An sechtmhad pian .1. faisidin na pccad\\ nach [f» 97 b 2] dcrnadh
nech féin d'faisidi isin tsar gw/ so, \nnus comad tholbzi do Xucht ithfrinn uili
ntan sin l'at.
44. An ochtiimdh pian, s//fheithemh gnuisi in Diab/aV, oir co deimin gin
go heth a n-ithfrinn pian, budh lôr do péin sin, ôir c/itlire teinedh silid co
tinnisnach a rosg daor an Diab»/7 wmal silid dochdir derg a teallach.
45. An naonihadh pian, glais 7 cuibr/Vhi teinntidhi'*+ do bt'/th ar lasfld, ar
gac/; bail 7 ar gadi àighi+5 fo leith dona pcctrtc/;aibh, con nach cuimgid dul
asna pianiu'Wi a mbid tre bithu sir, o nar'cengladwr féin na boill sin
isin tsaog/J a penna/7 7 a croich na haithr;V/;/ a cin a n-uilc 7 a p^cad.
46. IMthî/5 na naom 7 na firén inimorro, ïeriaid an Coimde cumachtàch.
failti co frithnumach f/iu isin 16 sin, 7 atbera/(/ ann friu : Uenite be?iidicti
et ceterHi.
47. IS annsin dob^rar secht ngloire do curp na firén 7 secht ngloire .1. da
n-anmanna/Wi. IS iat so secht ngloire na corp sin : Claritatem't'' .1. soillsi**,
oir budh soillsi fo secht na grian cuirp lue/;/ naheiseirgi isin losin. Velocita-
teni+7 .1. luth, oir bud luaithi co môr cuirp lue/;/ na heisergi na gaoth. For-
titudinem .i.sonairt[i]. Libertatem .1. saoire. Voluntatem .1. toil, oir budh
iuann toil dôibh [fo 98^ i] 7 don Choimdhi. Sanitatem .1. slainti, oir ni
bidh saoth na gal«r orro t/'e bithu sir. IM[m]ortalitatem .1, nemmarbtrtc/;[t]
oir ni bhf/h delugz/i cuirp 7 anma o cheile acu dog/Vs.
48. IS iat so secht ngloire in anma .1. egna 7 caradradh 7 comaonta,
timachtOi 7 anoir, rethince 7 failti. Uch is iat sin onoire 7 aisgidhf àdbeir
41. Ms. uertiretur — 42. Ms. dodhenfld oidre — 43. Ms. sedh simpi-
terrn«5 orror — 44. Ms. teinntigh — 45. Ms. aidhi — 46. Ms. Claritatim
.1. soillsigh — 47. Ms. Uelositatim.
The Ftfteen Tokens of Doomsday. 3it
37. Howbeit, the whole human race could not set forth the multitude
of Hell's many tormenis, Everliving fire will be continually blazing the-
rein, and it does not illumine ; and if the sea were spilt against it the sea
would not quench it.
38. This is the second torment therein, to wit, unendurable cold, as saith
this testimony : si mitterelur etc. that is, if a mountain of fire aflame were
cast therein, Hell would make of it ice and snow.
39. The third torment, that of poisonous snakes, and vermin and many
monsters of hell to be gnawing and wounding the soûls continually.
40. The fourth torment, the lasting, unmeet stench of Hell.
41. The fifth torment, the urgent smiting together of the démons, like
the sledging of smiths in a forge, at the continuai smiting and massacring
of the soûls.
42. The sixth torment, everlasting darkness, as is said in this canticle :
A land of darkness wherein dwells the shadow of Death, and no right
order, but eternal horror.
43. The seventh torment, namelv, the confession of the sins which one
did not confess in this life, so that they are then manifest to ail the folk ot
Hell.
44. The eighth torment, the continuai contemplation of the Devil's
countenance. For though there were no torment in hell, Ihat would be
enough of torment, for sparks of fire drop urgently from the base eye of
the Devil as a red firebrand (?) drops from a hearth.
45. The ninth torment : locks and fierv bonds to be blazing on every
member and on every separate joint of the sinners, so that they cannot
escape from the torments in which they abide for ever : for in life they did
not control those members by penance and by the cross of repentance in
liabilitv for their evil and their sin.
46. But touching the saints and the righteous, the mightv Lord will
welcome them attentively on that day, and will then sav to them : Corne
ye blessed ones, etc.
47. Then seven Glories are bestowed on the bodies of the righteous, and
seven glories on their soûls. Thèse are the seven Glories of those bodies,
Claritatem, that is brightness, for the bodies of those that arise on that day
will be seven times brighter than the sun : Velocitatem, that is, speed, for
the bodies of those that arise will be swifter than wind : Fortiludinem, that
is strength : Libertatem, that is freedom : Voluntatem, that is, will, for their
will and the Lord's shall be the same : Sanitatein, that is, health, for
throughout eternitv they will suflFer no disease or sickness : Iiiimortalita-
tem, that is, immortality, for in their case they will never hâve séparation
of body and soûl.
48. Thèse are the seven Glories of the soûl, to wit, wisdom and friendli-
ness and union, power and honour,gentleness and gladness. Oh those are the
Reviu Celtique, XXVIII. 2;
322 U'hillcx Slokcs.
an Coimdlii c»mnc/;/ach da {îrcnachaib féin .i do \ucht na cennsa 7 na
hailgine 7 na dt'rce 7 na ttocitirc, na sognim 7 na hoighi ar Dia.
49. IS annsin ira. ata in Iv/ha suthain gan bas, 7 in fliailti ilceolta 7 an
oirfide coinidita+* gan c;ich gan fo/zcenn, 7 an tslainte gan ga.\ur, 7 an
t-aibhnis gan imresain, 7 an oigi gan airsidecht, 7 an sidh gan [e|asaonta,
7 an Ûailhius gan cum^cug^^i. 7 an tsaeire gan tsaot/;ur 7 in ainmne gan
ocn/5 7 an samh gan chollud. Noimcgan urc/;ra, aonta aingil, ûedugud gan
crich, do chaithim na morchasc idir naoi ngradhaibh aingil n/wà, 7 FK/Z/li
ard uasal, cliaoni choir chunidflc/;/a, mor mala minglan mailli friu, a
cathaireachini ôrda 7 a leptliachaib+9 glo'midi, 7 suidfitlw>" gach aon duinc
annsin ar miadh 7 ar dligt'(//j 7 ar a sognim[r]adli, ag fc/him an Righ
oireghdhai' ôig, urnaigthi>= f/renda i7/b/catha;> uasail airmin/zî""- umail a
liadn/(5e na d'mchlA moire .1. Righ na [fo 98* 2] tri muinntcr a coimcetal
fri hvrupin 7 fri harufin 7 fria naoi ngrada/Wi nini'i, 7 frisinti do bi 7 ta 7
bias ann do shi'r, gan aois, gan urc/;/a, gan anfainne^', gan aimnc/'t, gan
dubha, gan domenmain, a corpaih seime ed/-oc/;/a, a sosad aingil 7 a
mbrugh parrt/;H/5.
50. Uch is dofhaisnesi ln\ met 7 tairsingi 7 LVhe na cathrach nemdha.
Uair an t-én is luaithi foluamain 7 eitill ior bith ce ni tairsidh dô tôchel an
righthoighe thoi (?) o thosach domuin co deredh.
51. Uch is môr 7 is adhbul met 7 suthainc 7 soillsi na cathrach sin, 7
a saime 7 a soillsi, a caoime 7 a roghloine, a cohhsaidLxht 7 a fostac/;/, a
loghm»/rc 7 a baille 7 a hailgine, a hairde 7 a h(7droc/;/aighi, a hordan 7 a
hairmidniu, a kinsidh 7 a lanaontu.
52. Uch is moghenur t;a bes co ndeghbésaibh 7 co ndeghgm'maibh'>+ do
aitrebh ivà cathrach sin a lo bnitha, uair bc^h a n-aonta na cec/;tardha .1. a
n-aonta is rôuaisli na gach aonta ,1. aenta na right/inoidi an Athar 7 an
Mi(/c 7 an Sp/ruta Naim.
53. Ailim trocuire môr-Dia, co roisi;;/ uile an nontaid an Righ uasail
ilcunwc/j/aigh sin, 7 co n-aitreabhamh co sir maille fris, 7 ri.
48. Ms. coimgita — 49. Ms. lepachtha — 50. Ms. suigfiter — 51. Ms.
oiredhdha — 52. Ms. irrnaighti — 53. Ms. anmainne — 54. Ms. ndt'Jhbesiu'Wi
7 co ndcû^hgnimar'Mi.
The Fijteeii Tokciis of Doomsday. 323
honours and gifts that the niighty Lord bestows on his own righteous
ones, to wit, on the mild and kindly and loving and merciful, thc bcnefi-
cent, and the virgins for sake of God.
49. Then is Life eternal without death, and manv-melodied jov, and
lordly dehght without hmit or end, and heahh without sickness, and
pleasure without strife, and youth without aging, and peace without
disunion, and dominion without disturbance, and freedom without labour,
and patience without désire, and cahii without sleep. Holiness without
defect, uniiy of angels, feasting without limit, to partake of the great
Pasch among nine ranks of heaven's angels, and together with them a
Prince high, noble, fair, just, adorned : great, lordly (?), gentle and pure :
on golden thrones and on glassen couches. And everv one will be seated
there according to honour and law, and according to his good works, con-
templating the King perfect, entreated, righteous, truly-judging, nobJe,
révérend, humble ; in présence of the great Godhead, to wit, the King of
the Three Households % chanting together with Cherubim and Seraphim,
and with nine ranks of Heaven, and with Him who was and is and will be
there for ever ; without âge or decay, without feebleness or weakness,
without gloom or sadness, in bodies subtile and shining, in the station of
angels and in the burgh of Paradise.
50. Oh, unspeakable is the size and amplitude and breadth of the Hea-
venly City ! For the bird whose flight and flying are swiftest on this earth
could not finish the jouruey of that ro\'al abode (though it flew) from the
beginning of the world to the end =.
51. Oh great and vast are the size and lastingness and radiance of that
City, and its ease and its lustre, its grâce and its great purity, its firmness
and its stability, its costliness, its beauty, and its pleasantness, its height
and its splendeur, its dignity and its venerableness : its plenteous peace
and plenteous unity.
52. Oh then well for him who shall be with good morals and good
works to inhabit that City on the the day of Doom ! For he will be in the
unity of each of the three, namelv, in the unitv that is greatly nobler than
any unity, the unity of the royal Trinity of the Father and the Son and
the Holy Ghost.
53.1 entreat the mercy of great God. May we ail reach the unitv of that
noble many-powered King, and ma}- we dwell together with Him for
ever!
1. i. e. those of heaven, earth and hell.
2. Cf. Rev. Celt., IV, 246, § 24.
5^4 tVhitley Siokes.
GLOSSARIAL INDEX
abaidhi 17, borrowcd iVom Lat. obiti « the dcad ».
adre 24, pi. adreisit 21, luill arisc, root reg, Strachan Sigmatic Future, 4.
agair 23, fearful, dcrived from thc root ag; cf. rogab aghar 7 imegla é /ear
a«^ /<>?■/■(;/• sei\ed hini, Addl. 30, 512 (Mus. Brit.), fo 8i'\ aghal fear,dread,
P.O'C.
aigmeil 12, terrible, dangerous = aicmeil O' Dav. s. v. écccll 796.
aines 8, pleasure, gladness.
aird ar aird 11, on a level ? lit. height for height.
airminnech 49, révérend, vénérable, for airmidnech, airmitnccb, deriv. cf
airmitiu.
airsidecht 49, veteranship, proivess, P.'O'C. deriv. of airsid vétéran.
animchubaid 40, inimeet.
béccedacb i, yelling, Cymr. beichio « to bawl ».
bith-imsni'mach 8, ever distressful, imsni'niach 23.
buan-cbésad 36, lasting passion or suffering.
buan-trûag 33, enduri)igly uretched.
cechtarda ^2,eachofttvo; but in§ 52 it mustmean« each of the //;;-£;(? Persons
of the Trinitv ».
cenngarb 36, roiighheaded .
certbrethach 23, rightly judging.
certinad 3, right place.
cîchanach 8, stridor : for cichnach, Tcnga Bithnua, Eriit, II, 150 ; cich
naigistir (gl. striderat) Sg. 1521^ 2.
ch'abchumang 36, narroiv-chested.
cnâm 39, ad of gnawing.
crâesach 30, ghiltonons.
crapad 12, act of shrinking.
crapall 35, shacl^le, felter.
crosdnach 30, buffooii : crossàn (cf. scurra), Ir. Gl.
crûad-chuibrigthe 26, 36, crnelly fettered.
deg-bés, a good cnstoin, deg-guim 52, a good work.
diàirme 19, innitnierable.
dochdir 44, firebraud} càer.
dofaisnesi 50, unspeakable.
do-menma 49, sad)iess « want of courage », P.O'C.
donnalad 14, Jiowling, yelping, deriv. of donnai,
do-solus 35, lightless.
dresternach 8, creaking, danking, grating. dreistearnach fiacal giiashing oj
teeth, P.O'C.
druith 30, harlot, druth .1. meindreach, P. O'C.
éime 10, crying, from eignie.
étaire 30, a jealous person, deriv. oï ci, jealoiisy, dat. eut Ml. 56^ 33.
Tbe Fiftceu Tokeiis of Dooiusday. 325
for-âib 29, pkasant} aoibh, O'R. v. âiph coiicinnilas, Wb. j'^ i.
for-imthech ^o, envions, iomthach .1. tnuthach P.O'C.
gelbras 16, hrightand quick.
îachtach i , crying, screaming root EIG.
il-chennach 36, many-hcaded.
il-cheolta 49, many-viehdied .
il-chumachtach 5 3 , many-powered.
il-phi'anad 37, many-torhiring.
imaithfer 12, reproach,rdmke. iomaithbhear P.O'C.
mala 49, lordly ? deriv. of mal Idng}
môr-chasc ^q, great pasch.
môr-géimnech 15, vast roariitg : géimneach Icnving, hellozving, O'Don. Gr.
203.
môr-glonn 8, a great deed.
môr-thorannach 9, niighty thundering.
muirinn 8, gen. pi. seas ?
nemmarbtacht 47, iunnortality.
ocrus 49, greed. ocras hiinger, P.O'C.
oirchill 29, provision.
osnuniach 10, for osnadhach sighing, groaiiiiig.
proniad 38, prooj, testimouy (from Lat. probatio).
réltanna 12, stars, for rétlanna, pi. of rétlu, O. Ir. rétglu.
rethince 48, genthness.
rîg-tn'nôit 52, royal Trinity.
ro-gloine 51, great purity.
ro-maith 28, very good.
ro-olc 28, very bad.
ro-ûaisle 52, greatly iiohler.
scrécach 10, screaming, shrieking. scréachach P.O'C.
scrisaim, scrisim, 20, 31, I sweep aiuay erase.
séidfedach i, Mo-wing, pi. dat. sétfethchaib (gl. flatibus), Ml. i6b 10.
siaburtha 9, spectral, dei)ionic, deriv. of siabur.
sîr-aitreb 31, îoiig Iiabitation.
sîr-blâedad 4, continuai claniouriinr.
si'r-chinnte 29, ever décisive.
sir-feithem 44, continuai conteviplation.
si'r-gorta 32, constant hnnger.
si'r-molad 27, continuai praise.
sfr-phianad 26, continually torturing,
siraide 3 3 , everlasting.
si'rthuargaint 41, continuai smiting, from tuarguin, with excrescent t.
so-gnim 48, a good ivork.
so-gnimrad 49, good works.
sou 22, younger, cf. sôsar (oser). The initial s in taken from sia, sinser
« elder ».
sraibemail 12, sulphiirous, better sroibemail or sruibemail, deriv. of srtiib,
now riiibh, Fr. soufre.
326 lVhil}ex Stokes.
sreb 12, .ç/m/w, sreabh, O'Br. and P.O'C..
sruibne 12, slreavis ?
srum 36, for srub 5«oh/, srub muiccc, Corm. Tr, 134, cogii. with Lat. sor-
beo, Gr. ôoçifo, cuséoj.
suaimnech 32, cj/»/, f(?5v, cogn. with suai)iihneas « tranquillitv », O'Don.
Gr. 94.
tarra 16, cowe thou\ tarrsa, tarr P.O'C.
tôchel 50,/o?//-«cjy, toicheall .t. imiheacht, P.O'C.
tonngarb 6, 7, roiigh-wai'ed, tonmar, 2.
torannfadach 8, thunderin^.
trén-tarraing 3 3, rt strong piilling.
trethan-gair 2, « billmu-roar, treathan .1. toiin. P.O'C.
trigi ? 10, perh. for trici « activity ».
uili with a singular noun : na huih muir i, na hiiili cloch 9, na liuili crann
ocus cloch 10, na huili beo 18, na huili marbh 21.
utmaille 3, restlessiicss, flittitig, deriv. oi' iitiiuill.
'Whitley stokes.
London, May i, 1907.
LE LAI DU LECHEOR ET GUMBELAUC
LECHEOR
Le lai du Lecheor a été analysé à plusieurs reprises ' ; il est
assez connu pour qu'il soit inutile, à propos d'un seul mot,
d'en donner ici une analyse nouvelle. En revanche certaines
précisions bibliographiques me paraissent nécessaires.
Le Lecheor a été publié en 1879, au tome VIII de la Roma-
tiiaÇpp. 64-66), par Gaston Paris d'après le grand manuscrit
collectif BN 1104, le seul qui nous ait conservé, parmi beau-
coup d'autres « lais bretons », le texte de ce petit poème
quelque peu effronté ^. L'absence de tout autre manuscrit
français n'est compensée que dans une très faible mesure par
la survivance d'un court fragment de la version norvégienne
qui faisait partie des Strengîeikar. Ce fragment, qui correspond
aux quinze premiers vers du texte français, se trouve à la
p. 68 de l'édition Keyser et Unger (Christiania, i85o).Comme
la comparaison entre les deux versions n'a pas encore été
faite, je crois bon de traduire ici ce petit morceau, à l'excep-
tion de deux mots dont le sens a échappé aux savants éditeurs
norvégiens et m'échappe également :
1 . En particulier dans un article tout récent de M. Lucien Poulet sur
Marie de France et les lais bretons {Zeitscbr. f. roni. Philol., XXIX, 1905,
P- 53)-
2. Il s'agit ici du ms. désigné par S dans l'éd. Warnke des Lais de Marie
de France.
528 H. Pbilipot el J. Loth.
Leikara lios (Lai du Lecheor) :
Les Bretons de Comouailles ' nous ont racontt: , qu'au pied de la
montagne de Leun - les gens avaient l'habitude de se rassembler en grand
nombre tous les douze mois pour glorifier solennellement le nom du saint.
On y voyait affluer les riches chevaliers ainsi que les plus belles dames et
pucelles du pays ; il n'y avait pas de dame de quelque beauté qui n'y vînt
1. Sic : Koriihrlar. Le texte français dit tout simplement li Breton. Ce
cas n'est pas isolé : dans le lai d'Yonec, là où Marie de France écrivait
(v. Il) : « En Brctaigne maneit jadis », la version norvégienne porte : i
Kornhreta lainule. En revanche l'expression Kornhretaland est à sa place
dans le Geitarhuif {Chievrefoil) où elle correspond réellement à Cormiaille
(v. 27). Nous le retrouvons dans le Guniiis 1 ioJ (Keyser et Unger, p. 61,
1. 23) ; mais ici, comme l'original français nous manque, il est impossible
de contrôler la fidélité de la traduction. Dans le cas du Lecheor et d'Yonec,
avons-nous aff"aire à un enjolivement du traducteur norvégien, — il lui
arrive assez souvent d'ajouter à son modèle (voir R. Meissner, Die Strens;-
leikar, 1902, pp. 241-258)? Ou bien le manuscrit sur lequel il travaillait
était-il difTérent de ceux que nous connaissons ? On comprend que cette
question ne puisse pas être tranchée avec une certitude parfaite, surtout pour
ce qui est du Lecheor, dont nous n'avons qu'un ms. français et dont le pre-
mier vers, comme on le verra tout à l'heure, paraît avoir présenté des dif-
ficultés sérieuses à notre traducteur. Quoi qu'il en soit, il me parait que
Kornbretar et Kornhretahmd ont toujours représenté dans son esprit les
Cornouaillais et la Cornouaille insulaires, et que par suite M. F. Lot
(Koinaiiia, XXVIII, p. 27) a raison sur ce point contre M. E. Brugger
(Zeitschr.f. fr. Spr. 11. Litt., XX, p. 127).
2. Il y a ici deux mots incompréhensibles que j'ai représentés par des
points. Le texte du ms. S porte simplement : « Jadis à Saini-PanteJion » (sur
ce saint et sa fête et sur Paiiteliou ou Panthalcon dans les romans arthu-
nens, voir : E. Brugger, Zeitschr. f.jr. Spr. u. Litt., XX, p. 115, n. 45).
Or nous avons en norvégien : hius paris iindir Leitns fialle. D'après les édi-
teurs on peut lire paris ou varis ; l'expression n'est pas plus claire dans
l'une ou l'autre alternative. M. Meissner {Die Strengleikar, p. 207) suppose
que le mystérieux paris pourrait correspondre au sigle panis représentant
le génitif Pantaleoiiis ; mais cette forme latine est bien invraisemblable dans
notre texte. Si le ms. dont il se servait était identique au ms. S pour ce
premier vers, le traducteur a pu être dérouté par un nom de saint qui lui
était inconnu ; alors il aura essayé d'interpréter, de paraphraser, et il aura vu
dans les deux dernières syllabes de Pantelion ou plutôt de Panleleiin le nom
d'une contrée bretonne qu'il connaissait par ex. par le lai de Giigeinar.
Quant à cette « montagne » de Léon (undir Leuns fialle), M. Meissner
affirme qu'il n'y a rien de semblable dans l'original ; mais il suffît de se
reporter au v. 40 de l'éd. G. Paris :
En un grant mont fu l'asemblée
Por ce que miex fust escoutée.
[Il ne me paraît pas impossible qu'il faille voir dans saint Pantelion, saint
Endelion qui a donné son nom à une paroisse du Cornwall (J. Loth)].
Le Lai du Lecheor et Gumbelauc. 329
ce jour-là dans tous ses atours. Là il fut beaucoup parlé entre hommes et
femmes, et de longs discours furent tenus... '.
Ici s'arrête le récit norvégien, brutalement interrompu par
la déchirure d'un feuillet entier, qui enlève à la fois la fin du
Lecheor et le commencement de Lanval. Bien que l'unique
manuscrit qui nous ait conservé cette collection de lais soit
par ailleurs en assez mauvais état et que plus haut deux autres
feuillets aient disparu, emportant avec eux la fin de Tidorel et
le début du Chetovel, j'inclinerais à croire, pour le cas du
Lecheor, à une mutilation volontaire motivée par des scrupules
de pudeur ; j'y suis d'autant plus disposé que le manuscrit
français porte des traces de grattage précisément aux endroits
scabreux ^
Cela dit, venons-en à l'objet essentiel de la présente notice.
Le fragment Scandinave porte au-dessous du titre une pré-
cieuse indication qui fait totalement défaut dans le manuscrit
français : « Leikara liod en i brezkv heitir l'essi strengleicr
Gumbelauc » ; c'est-à-dire : « le lai du Lecheor, dont la
mélodie (« strengleicr », le lai chanté) s'appelle en breton
Gumbelauc. »
Cette indication n'est pas restée entièrement ignorée des
chercheurs. Nous la trouvons reproduite, sans aucun com-
mentaire il est vrai, dans l'ouvrage suédois de M. Axel
1 . Cette dernière phrase conservée suffit à nous apprendre que le traduc-
teur norvégien ne devait pas avoir sous les yeux les quatre vers 11-14 du
texte de G. Paris, dont deux sont remplacés par une ligne de points.
L'original du Leikara lioJ passait directement du v. 10 au v. 15. Les vers
intermédiaires paraissent d'ailleurs insignifiants et tout de remplissage. Ce
ne serait pas la seule fois que le ms. S(B. N. 1104) présenterait des addi-
tions : il y en a même d'assez longues dans le lai du Désiré, comme je le
montrerai dans l'édition que je prépare de ce petit poème.
2. Ces grattages, fort naïfs d'ailleurs car ils sont tout à fait insuffisants,
et soulignent les indécences plus qu'ils ne les voilent, n'ont pas été signalés
par G. Paris dans la description qu'il donne du ms. 1104 {Roiiiairia, VIII,
p. 32). Or au fo 45 ro a, le mot lecheor est gratté dans le titre, ainsi que les
mots lay del lecheor dans le rappel du titre au bas de la page. Au verso du
même fo 43 on a essayé d'effacer les deux mots qui terminent le vers 92,
ainsi que les vv. 94-95, plus les syllabes 3 et 4 du v. 99, et enfin de nou-
veau le mot lecheor du v. 120. Comme on le voit, ces palliatifs sont loin de
valoir le procédé radical que nous supposons avoir été employé par un lec-
teur des Stretiorleikar.
3^,0 E. Pbllipol cl J. Lolh.
Ahlstrôm sur les lais français ' et dans l'étude allemande de
M. Meissner sur les Strengicikar (p. 208). Enfin il est certain
qu'elle était connue de G. Paris puisqu'au tome II de la Revue
Celtique (1873 -1875) l'un des rédacteurs de la dite revue uti-
lisait (p. 141) le mot gtifubelaiic que le maître romaniste lui
avait, disait-il, signalé « dans un vieux fabliau norvégien ». Il
nous est même facile de savoir quelle était l'opinion de
G. Paris sur le sens du mot et comment il se Tétait formée.
L'auteur du Lecheor déclare aux vv. 1 19-122 que le lai (musi-
cal) dont il nous donne la matière ou plutôt les circonstances
occasionnelles, était en fait appelé par la plupart « le lai du
lecheor », mais qu'il avait aussi un autre titre :
Ne voil pas dire le droit non
C'en nu me tort a mesprison.
S'il taut entendre par là que l'auteur ne veut pas s'exposer
aux protestations de la pudeur offensée, cette crainte est vrai-
ment comique de sa part, car au v. 99 il nous a donné sans
vergogne, en trois lettres, le titre du « lai novel » qui allait
résulter des graves délibérations des seigneurs et dames ras-
semblés « à saint Pantelion ». Il était tout naturel que
G. Paris, se reportant à ce vers, cherchât dans giimbelauc le
correspondant celtique d'un mot ultra-gaulois dont nos pères
usaient plus librement que nous. Et comme la racine de gum-
hclauc se prêtait en somme à une interprétation de ce genre,
les celtisants ratifièrent l'hypothèse de G. Paris, et dès lors le
mot en question a passé avec le sens d' « utérus » dans diffé-
rents lexiques, par exemple dans VUrhelt. Sprachschai:^ de
Whitley Stokes et dans V Eiymologish Ordbog de MM. Falk et
Torp (s. V. Vivu).
M. Loth, à qui j'ai soumis ce petit problème, va démontrer
que l'interprétation courante n'est pas juste, que gumhelauc
répond à lecheor et non à... l'autre titre du lai, et que d'ail-
leurs ce mot est incontestablement gallois-.
1. Studier i dcu fonifraiisha Lais-Litteraturcu (1892), p. 150.
2. Notez que le texte norvégien dit : / hre:^hi et que son modèle français
devait se servir du terme « breton ». Mais on sait qu'à cette époque « bre-
ton » peut avoir un sens très général et n'est pas nécessairement svnonvme
d' « ramoricain ».
L(' Lai du Li'chcor ci Giinihciauc. 331
Cette démonstration est de nature à intéresser les celtisants.
Mais est-elle absolument indifférente aux romanistes ? Oui,
semble-t-il, à en juger par l'attitude dédaigneuse qu'ils ont
adoptée jusqu'à ce jour vis-à-vis de gumbclauc. En effet, ils
l'ont complètement passé sous silence, du moins à ma connais-
sance. Ce menu document n'intervient ni dans le grand
article de M. Brugger (Z. f. fr. Spr. u. Lit., t. XX) ni dans
la série d'études de M. Ferdinand Lot sur l'origine des lais
{Romania, XXIV, XXV, XXVIII), ni dans les articles tout
récents de M. Lucien Foulet {Zeitschr.f. roni. PhiL, XXIX).
M. Ahlstrôm, qui connaît le renseignement donné par les
Strengleikar, puisqu'il le cite textuellement, n'en tire aucun
parti et ne le soumet à aucune discussion. Quant à G. Paris,
satisfait d'avoir livré GumheJauc en pâture aux celtisants, il
n'en souffle plus mot dans son édition des « lais inédits »
{Romania, 1879) ni ailleurs, que je sache.
Ce dédain, qui dans les deux derniers cas tout au moins,
ne saurait s'expliquer par l'ignorance, a lieu de nous sur-
prendre vivement. Dans les nombreuses discussions auxquelles
on s'est livré sur l'origine des lais et en général du cycle bre-
ton, on a souvent cité et passé au crible des témoignages moins
intéressants et moins probants. Alors que les arguments invo-
qués en faveur des origines celtiques se fondent en général sur
des noms propres de personnes ou de lieux, plus suspects que les
noms communs parce qu'il était plus facile de se les procurer
pour donner à un récit une certaine couleur locale, gumhelauc
se classe, avec le laustic de Marie de France, parmi les très
rares substantifs authentiques que les idiomes celtiques aient
déposé dans notre littérature romanesque et courtoise des
xii'^-xiii'^ siècles.
Si donc on récusait le témoignage fourni par le Leikara lioâ,
il valait la peine de dire pourquoi. Comme personne n'a pris
cette peine, je suis obligé, tout en croyant à la valeur de ce
témoignage, d'imaginer moi-même un certain nombre d'ob-
jections possibles.
D'abord le fait que la mention de GiimbeJauc se trouve dans
le recueil Scandinave et manque dans le texte français n'a
aucune importance. Les Strengleiliar ont été composés au
332 E. PhU'ipol et J. Lolh.
milieu du xiii'' siècle d'après un manuscrit français certaine-
ment antérieur au ms. S, lequel date de la fin du même siècle,
comme le remarque M. Warnke dans son édition des lais de
Marie de France (p. viii).
Mais des objections plus graves se tirent du caractère frivole,
ironique du lai français. On hésite à croire qu'une composi-
tion de ce genre ait pu avoir un rapport quelconque avec une
chanson celtique réellement existante. On soupçonne une
supercherie. Par exemple, en adoptant jusqu'au bout l'attitude
sceptique qui est celle de M. Lucien Foulet, on pourrait sou-
tenir que le facétieux auteur du Lecheor s'est amusé à mysti-
fier le public au point de se faire traduire son titre en gallois.
L'hypothèse est un peu compliquée, mais en somme elle peut
se présenter à l'esprit. Admettons que la note transmise par
les Strenghihar soit vraiment de l'auteur lui-même : en ce cas,
ayant combiné ce petit faux ingénieux, il me semble qu'il eût
pris plus de précautions pour le mettre en valeur ; suivant les
procédés de Marie de France, il eût enchâssé le précieux titre
gallois dans le corps même du lai au lieu de le reléguer hors
texte dans une notule fort exposée à se perdre, — accident
qui est précisément arrivé au ms. S ou à son archétype. Si la
note en question provient d'un copiste (probablement insu-
laire), l'hypothèse de la mystification est encore plus compli-
quée et plus invraisemblable. Que de machiavélisme chez cet
humble annotateur, et quelle envie féroce de jouer un mau-
vais tour aux romanistes du xix^ et du xx^ siècle ! Je trouve
plus simple d'admettre une relation réelle entre le lai français
à-W Lecheor et un lai musical galloise
Mais n'est-ce pas attribuer à ce petit poème une authenti-
cité et par suite une anquitité qu'il ne saurait avoir? Nous
nous retrouvons toujours en présence de l'objection fonda-
mentale tirée du caractère du Lecheor. Elle vient d'être déve-
loppée, non sans une certaine exagération, par M. Foulet
I. Encore un argument contre la théorie de la mystification; il est vrai
qu'il est subordonné à la démonstration de M. Loth. Au lieu de traduire
ou de faire traduire le titre assez vague de Lecheor, n'était-il pas tout indi-
qué de chercher un correspondant exotique au mot plus précis et plus gau-
lois que G. Paris entrevoyait instinctivement derrière giniibelauc}
Le Lai du Lccheor et Gumhelauc 33$
Qoc. cit., p. 53)'. Sans doute je suis prêt à reconnaître que ce
Lecheor s'exprime sur les réalités de l'amour avec une absence
d'idéalisme digne des fabliaux. Tout en notant avec G. Paris
qu'il y règne un « ton élégant » et que « le poète veut exciter
le sourire et non le gros rire que provoquent les fabliaux
obscènes », je ne vois aucun inconvénient à constater que par
exemple les vv. 93-96 expriment à peu près dans les mêmes
termes, — niutatis iiiiilandis, — l'idée contenue dans la conclu-
sion du Pescheor de Pont sur Seine (Montaiglon-Raynaud, III,
p. 75) : le rapprochement entre ces deux passages est frappant.
Mais si le Lecheor ne doit pas être contemporain de la première
floraison des « lais bretons », il est bien systématique
d'affirmer qu'il est le dernier de la série et mène l'enterrement
d'un genre. L'ironie, l'éclat de rire peuvent se produire de
bonne heure sans que le genre ait perdu de sa vitalité.
Du reste, nous ignorons à quelle époque précise les harpeurs
bretons ont cessé de sillonner l'Angleterre et la France en
donnant à leurs mélodies des titres ou des explications plus
ou moins authentiques. Et surtout rien ne nous permet d'af-
firmer à priori que ces commentaires aient toujours été
chastes. Nous nous formons, d'après les lais narratifs, un
certain idéal du genre, et cet idéal est sans doute trop étroit,
et il ne s'applique guère aux lais qui ne sont pas narratifs.
Nous en avons conservé un très petit nombre, et en général
ils se distinguent des autres par l'absence du mystère et de la
féerie. Tel est par exemple ce Chaitivel, que je n'hésiterai pas
à comparer au Lecheor, dussé-je être accusé de profanation.
Le Chaitivel n'est pas à proprement parler un récit, et
M. Ahlstrôm a raison de le ranger dans une catégorie à part
I. Par exemple à quoi bon tant insister sur l'ironie contenue dans le
nom de saint Pantelion ? Si vraiment cette leçon est juste (nous avons vu
que le premier vers est très obscur dans la traduction norvégienne), le
nom en question n'a rien de grotesque au moyen âge. M. Poulet n'ignore
pas, je pense, que ce pauvre saint n'est devenu ridicule qu'au moment de
l'introduction de la comédie italienne en France, c'est-à-dire au
xvic siècle. — Notons, à titre de curiosité, que dans sa grande « Histoire de
la Bretagne « (t. III, pp. 227-228), le regretté Arthur de la Borderie pro-
posait de lire : « Jadis à Saint-Paul-de-Léoii » et revendiquait pour la petite
Bretagne l'honneur d'avoir donné naissance au Lecheor. C'était peut-être
pousser un peu loin le patriotisme provincial.
334 £'• Philipot cl J. Lolh.
(chap. xi) avec le Chievrefoil, le Lechcor et surtout ce Strandar
liocî, type achevé du lai dépourvu d'action, réduit au cadre,
simple annonce dune mélodie absente. Or à quelle souffrance
un peu bizarre Marie de France nous invite-t-elle à nous
associer dans ce Chaitive! ? Quelle est la question qui servait
d'amorce ou de matière à un lai que l'on appelait tantôt
« les quatre deuils » et tantôt « le Chaitivel », autrement
dit « le malheureux » ? Un chevalier a été blessé en un point
délicat de sa personne, tandis que trois autres chevaliers, sou-
pirant pour la même dame que lui, ont été tués au tournoi.
Qui faut-il plaindre le plus, ou ceux qui sont morts pour tout
de bon ou celui qui par sa blessure est mort aux joies de
l'amour ? Le sujet une fois donné,— et il est intéressant de con-
stater qu'un pareil sujet pouvait se rattacher au répertoire des
harpeurs bretons et qu'une femme n'a pas hésité à l'adopter,
— il faut louer Marie de France de l'avoir traité avec une
discrétion et une mélancolie bien féminines. Mais à la même
époque, un poète, un homme, rencontrant le même sujet
donné comme « breton », n'aurait-il pas pu, tout en écrivant
un « lai » ou plutôt une introduction à un '< lai », et tout
en restant courtois de style, traiter à son tour le Chaitivel à
la manière leste, déduire les réflexions que ce thème un peu
étrange lui suggérait sur le centre de l'amour, fliire preuve
d'un sens comique dont manquait la tendre Marie de France,
bref écrire une sorte de contre-partie masculine du Lecheor ?
Nous connaissons encore trop mal cette littérature des lais
pour excommunier tel ou tel sujet comme sortant des limites
du genre.
Mais je ne veux pas prolonger davantage ces considérations
à priori, et je cède la plume à un celtisant éprouvé.
E. Philipot.
II
GUMBELAUC
On trouve dans YUrkeltischcr Spracbschat::^ de M. Whitley
Stokes, p. 202, sous vanibâ, vainbilà, schoos, le breton
Le Lai du Lcchcor cl Guiubclaiic. 535
gwaniDi, terme de mépris pour dire femme, et le vieux gallois
gumbelauc « utérus ». Pour gumbelaiic, M. Whitley Stokes
renvoie à la Revue Ce! t., II, p. 141.
La note concernant gumbelauc dans la Revue Celtique est de
M. Gaidoz. M. Gaidoz tait remarquer, à propos du phrygien
|iâ;x5aX:v, que Fick, à côté du gothique iwwZ'fl, v. h. a. lueiiipel,
aurait pu citer le vieux gallois gumbelauc = * vambilâco-,
utérus, conservé dans un un vieux fabliau, et que lui avait
signalé M. Gaston Paris. Le mot gallois, ajoute M. Gaidoz,
serait dérivé d'un thème vambil[â] identique à zct'////)^/; quant
au thème luamba d'où luempel esc dérivé, on doit probable-
ment le reconnaître dans giuamm, terme de mépris, en bre-
ton, pour femme ; on aurait ainsi l'équation giuainm =
vambâ.
C'est évidemment la terminaison -auc qui a déterminé
M. Gaidoz à donner gumbelauc comme gallois. Ce n'est pas
cependant une preuve décisive. Le cartulaire de Landevennec
présente Bot Tahauc 14 et Caer Bullauc 45. En faveur de
l'origine galloise, il n'y a donc qu'une forte présomption.
Contre cette origine, on peut invoquer l'absence d'assimila-
tion de Z' à ;// : on attendrait giimnwlauc. En effet, dès le
^ ix" siècle, cette assimilation apparaît faite, dans l'écriture ;
dans les notes marginales à l'évangéliaire de saint Chad, on
remarque cimer = *coui-ber-, emenin, beurre = embeniii '.
Mais il n'est pas impossible que dans la prononciation, l'assi-
milation ne fût pas complète. Le fait paraît certain, d'après
l'allitération entre consonnes, même au xii^ siècle (J. Loth,
Métrique galloise, II, 2" partie, p. 3 et suivantes). D'ailleurs,
pour une oreille étrangère, /;/;// a pu résonner comme mb.
Ce qui, joint à la probabilité provenant de la terminaison,
me paraît décisif en laveur de l'origine galloise, c'est la diffé-
rence dans le vocalisme entre le mot gallois et les formes
bretonnes provenant de la même racine : on a, en breton, non
seulement gwamm, mais giuammal, femme mariée, dans le
breton de la Roche-Derrien (Ernault, Gloss. moyen-breton).
I. En revanche, Ciunhra-tand montre que -mh- subsistait encore au vi^-
viie siècle.
336 E. Phillpot cl J. Lolh.
GnmbeJanc, remonte nettement, non pas à vambilàco-, mais à
* uombilâco-. Il y a, pour les mots commençant par no- vieux
celtique, flottement entre giuo- et gwa-, qui est hystérogène,
en gallois comme en breton : gallois giuarchan et gorchancu ;
gallois gwared, breton-moyen goret ; gallois giuastad, breton
gûustad ; gallois gwadd, taupe, breton go'^ ; gallois givallt, che-
velure, comique gols, etc.
La forme bretonne aurait évolué de iiomb- en iiamb-. Les
formes brittoniques supposent voiiib-. Le germanique vamb-
remonte à l'indo-européen zw;//'- : Falk-Torp dans leur Dict.
étym. norvégien (Etymologisk Ordbog) donnent comme formes
indo-européennes avec raison vembh- vombh-.
Je dois dire que je ne suis pas sans inquiétude sur la celti-
cité du breton gtuamm. La forme vendéenne ^o/;;/e//^ citée par
M. Ernault peut faire supposer que le breton aurait emprunté
gwamm et givanunel à quelque patois français qui aurait em-
prunté lui-même les formes germaniques correspondantes.
Reste le sens exact de gumbelaiic. Le sens d'utérus est très
invraisemblable : c'est * gumbel qui a dû avoir ce sens. C'est
évidemment un adjectif. Ce n'est pas utcrus qui eût dû le
gloser : c'est *uterosus : Lecheor est la traduction exacte de
gumbelauc.
M. Philipot a raison de voir, avec F. Lot, dans Kornbretar,
les Cornouaillais insulaires, et dans i^(;nz/';-^/fl!/fl';/û? le Cornwall.
Jamais on ne s'est servi de formes de ce genre pour désigner
la Coruovia armoricaine. Bretarest identique cà la forme anglo-
saxonne Brettas (Bret-wealas ; Corn-wealas).
J. LOTH.
MÉLANGES CELTIQUES
I
BRICA ET BRIGA
L'étude que M. Dottin a consacrée à Brica, Briga et Briva
{Revue des études anciennes, 1907, 170-180) est de celles qui
sont à encourager, quoiqu'elle soit incomplète. Il est incontes-
table qu'on admet couramment comme certaines des théories
en matière de noms gaulois, périlleuses, et des identifications
très hasardées.
Pour ne parler ici que de Brica et Briga ^ il est fort possible,
je dirai même probable, qu'on a affaire à deux mots différents.
L'auteur, p. 180, affirme que brica n'est conservé dans aucune
langue celtique et que s'il était l'ancêtre des noms en -brio,
-brium, ces noms ne seraient sans doute pas celtiques. Cette der-
nière conclusion, même si brica ne se trouvait pas dans les
langues celtiques, serait très hasardée. Cela reviendrait à poser
comme loi : que tous les noms de lieux gaulois qui ne se retrou-
vent pas dans les langues celtiques insulaires ne sont pas celtiques.
En d'autres termes, tout ce qui ne peut s'interpréter et se
comprendre en, matière de gaulois est non-celtique. La seule
conclusion logique que l'on puisse adopter en pareil cas, c'est
qu'on a droit de douter et qu'on ne sait rien. Le non-celtique
a un immense avantagé sur le celtique, c'est qu'on peut en
parler congrûment en fort peu de temps : je ne dis pas cela
pour l'auteur dont je connais la science et l'esprit critique et
qui d'ailleurs, n'a pas donné dans ce travers. Le non-celtiste
commence à être agaçant et encombrant; du haut des nuages
Rnne Cdtiqtte, XXVI II 22
33B ;. Lolb.
où il s'élève d'un bond, il jette un regard de pitié sur le
celtiste courbé, suant, abanant sur un sol productif mais que
les siècles ont laissé envabir par les ronces et les épines.
Trouver du non- celtique un peu partout est aussi peu scienti-
fique que de trouver du celtique en tout lieu, mais c'est plus
distingué et on y gagne à peu de frais une auréole d'originalité
et un air de protondeur.
D'ailleurs Brica existe, tout au moins brlco-. J'ai signalé
son existence en breton dans la Revue Celtique, 1898, p. 211,
dans un nom de lieu de l'Ile-aux-Moines (Morbihan) : brig
eigyen, endroit où la source jaillir, que j'ai rapproché de
l'expression de Lewis Glyn Cothi, poète gallois du xv* siècle :
yn nirig Edivy, à la source de la rivière Èduj. Brig est
courant en gallois dans le sens d'extrâiiité, sommet (Silvan
Evans, PFelsh Dict.), au propre et au figuré dans une foule
d'expressions. Il me paraît probable qu'on peut en rapprocher
le grec spî; «pî/.sç. opissui, se hérisser, se dresser. En effet, ce
sens est très voisin de celui de brig dans brig y don, la crête de
la vague, la crête écumante; de celui du dérivé briger, cheveux,
touffe de cheveux dressés sur la tète : v. gallois (Gloses à
Mart. Cap.) //■ caniolaul bricer, gl. vitta crinali'i (mot à mot la
touffe de cheveux enroulée).
Le sens de sommet, extrémité (point où un objet se dresse),
étant acquis, on voit que brica et briga ont le même sens ou
peu s'en faut, et que la confusion était à peu près inévitable.
Reste la question de quantité non pour brig = brlco- (mas-
culin), mais pour briga. Il est regrettable que l'auteur n'ait pas
connu ou ait négligé de signaler les études de Meyer-Lûbke
sur l'accent gaulois, où il traite justement de mots en briga
{Die Belonung iiii Gallischen) : il conclut et justement, je
crois, à la brièveté de z dans briga. La quantité d'ailleurs ici
a une assez faible importance, car qu'il s'agisse de brigâ vieux
celtique, colline (bre en breton), de briga, dignité, rang, les deux
sens se confondent. C'est ainsi qu'un dérivé de brig- a donné
envieux-breton brientinion, g\. ingenui, en comique brentyn et
en gallois breenhin, brenin, roi = brîgantîno-s : c'est-à-dire un
sens qui appartiendrait plus spécialement à briga. Les formes
avec / bref et î appartiennent-elles à la même racine? Dans
Mélanges celtiques. 339
l'état actuel de nos connaissances en apophonie vocalique, je ne
me hasarderai pas à avancer une opinion. Des choses que l'on
déclarait impossibles, il y a dix ans, sont aujourd'hui admises
comme vraies.
L'auteur me paraît vraiment trop sceptique en ce qui
concerne la celticité de briga. Il y a peu de mots dans le territoire
gaulois qui me paraissent mieux assurés de leur nationalité à
plusieurs points de vue (il n'aurait pas fallu d'abord séparer
briga des dérivés de la même racine, comme Brigantes et
d'autres). Le mot est représenté dans les Iles Britanniques.
V Itinéraire cfAntonin donne Brige, aujourd'hui Houghton en
Hauts. L'anonyme de Ravenne donne aussi un Brigo-niono,
aujourd'hui Bergenny.
Les situations topographiques d'un certain nombre de
briga, après identification des noms gaulois avec les noms
actuels, devrait être étudiées à fond. Malgré les chances d'erreur
que je ne méconnais pas, ce serait un élément assez sérieux
apporté au débat.
Pour brïva il serait nécessaire de citer l'étymologie très pro-
bable adoptée par Brugmann, GmWmj, I, p. 336 : Il compare
brivaa.\ec Briicke, pont, v. is\. bruggya, nominatif de /rw^/ (avec
g spirant) = * bruni, et aussi le v. isl. brii : brJva = bhrêua.
Quoiqu'il en soit, des études, même négatives, comme celle
de M. Dotiin, ne peuvent être que fructueuses.
II
JURA
En 1902, mon ami M. Ferdinand de Saussure, me demanda
par lettre mon opinion sur la forme réelle de ce nom recons-
titué par lui de la façon la plus ingénieuse et la plus sûre.
J'espérais qu'il publierait un travail sur ce point de topono-
mastique gauloise et que même il se laisserait attirer vers ce
domaine de la toponomastique gauloise, si hérissé de diffi-
cultés mais si attrayant; nul plus que lui n'eût contribuéà
l'éclaircir. J'espère l'exciter par cette note à sortir de son
silence. Il ne m'en voudra pas de donner publiquen.ent une
340 /. Lolh.
opinion qu'il a lui-même sollicitée, ni de reproduire le
passage de sa lettre où il reconstitue la forme sincère du nom
du Jura. « Il me paraît de plus en plus certain que, ni dans la
seconde syllable, ni dans la première (de Jura) il ne faut rien
chercher d'authentique à aucun degré, et que le nom du Jura
est purement une reconstitution savante du Jura de César.
« On ne peut arriver malheureusement à aucune conclusion
directe par Texamen du nom du Jura dans les patois, par la
raison que ce nom n'y existe pas. Les paysans ne connaissent
qu'un mot emprunté au français (/o D^urâ) qui serait lo
D^j'irà, s'il appartenait au patois.
<' Je prouve par d'assez nombreux mots que la première
syllabe de Jura était brève (ainsi Joran, vent descendant du
Jtiray, en outre que la seconde syllabe ne doit pas être jugée
d'après le I;upa77o; des Grecs; en résumé, qu'il devait exister
une dénomination variant entre * Jïir-ës et Jnr-a (Pline :
Jures; César : Jura^, représentant le pluriel d'un mot celtique
Jur-, que César a traité comme un nom neutre.
« L'intérêt de cette affaire ne commence qu'après que l'on a
fait cette double constatation ultérieure :
« a) que tous nos dialectes lémanniques connaissent le mot
« une joux » = une grande forêt de sapins, mot qui était
autrefois une jour, ainsi que l'attestent mille documents.
« li) que l'on a dit par excellence, la Jour (la Joux) pour le
Jura jusqu'au xv!!!*" siècle, ainsi que je puis le montrer particu-
lièrement par des plans où les points cardinaux sont indiqués :
LA JOUX
BISE
LAC
VENT
{Joux à l'ouest est le Jura^
« Ce mot de Joux, archaïquement la jour, correspond
tout droit à un latin * iurls et a même l'avantage, étant
féminin, de ne pas admettre autre chose que Jiïris, donc
Mélanges celtiques. 341
exactement la forme plinienne Jures, Jiiribus, qui est le nom
au Jura. »
L'argumentation de Ferdinand de Saussure me paraît irré-
futable : Juris est bien la forme sincère du Jura ; et vraiment
l'étude si courte qui précède est de nature à faire partager
au lecteur de la Revue Celtique le regret que j'éprouve en
pensant que les recherches de M. de Saussure sur d'autres
points de toponomastique gauloise ne paraîtront peut-être
jamais.
/«m étant acquis, le trouve-t-on dans les langues celtiques ?
Il me paraît prématuré d'y répondre par la négative. Un mot
en gallois, rappelle ///rn" : c'est /or, on ne le trouve aujour-
d'hui qu'appliqué à Dieu ; mais en gallois moyen, il a le sens
de chef suprême, appliqué fréquemment à des princes. Livre
noir deCarmarthen, ap. Skene, Four anc. 5., II, p. 6, vers 10.
Livre de Taliesin, 184, 32; 178, 22 (lat. ior'); 212, 21;
L. rouge 280, 22. Le sens est probablement métaphorique;
du sens de sommet (peut-être sommet boisé) on a pu passer à
celui qu'a acquis wr en gallois. Les exemples de passages de ce
genre abondent ; pour n'en citer qu'un uen, voûte, s'applique
fréquemment au chef de la famille en gallois. Jor entre en
composition de noms d'hommes comme Jor-Werth. M. Rhys
(Lectures on the origin and growth of religion, p. 62) a voulu
tirer Jor de Esu-ros qui serait tiré de Esu-s, mais Esuros eût
donné en gallois Eiur, Ywr.
Au contraire Juris devait donner Jor. Comme je l'ai fait
remarquer dans mes Mots latins, p. 103, il semble que /"/ bref,
en gallois, sous l'influence de / final se modifie en ô : bod, être,
infinitif du verbe substantif, irl. buith = bûti, le .latin buttis
bouteille donne both. En breton, il semble au contraire
que cette influence soit nulle : boud, être. Jtir eût donné
vraisemblablement, en breton, à l'initiale jur; or je relève
dans le Morbihan un hameau du nom de Jour-du (le Jour noir),
dans la commune du Saint {argent, Lan-^ent) ; je ne connais pas,
pour le moment, la situation du hameau.
J. LOTH.
A PROPOS DES DUO GAESA ■
L'usage des deux lances ou javelots a dû passer des Celtes
aux Germains. Je lis, en effet, dans hlordische Aliertnmshunde^
de Sophus MûUer, II, p. 130, qu'il résulte des sépultures de
Bornholm que le guerrier danois portait souvent deux lances.
Sophus Mûller représente, II, p. 129, son guerrier nordique, à
l'époque des invasions germaniques, tenant à la main deux
lances, l'une avec, et l'autre sans barbelure. La prédominance
de la civilisation celtique dans ces régions aux iv«-iii^ siècles
avant Jésus-Christ, est un fait établi par l'archéologie (ibid.,
II, p. 30 et suiv.
J. LOTH.
I. Virgile, Enéide, VIII, 661, 662; cf. Varro, De uita populi Romani,
III, chez Nonius Marcellus, XIX, (XVIII), édition de L. Quicherat,
p. 646; Claudien, De considatu Stilichonis, II, 240-242.
HIBERNICA
(suite ')
8° SUR QUELQUES PRÉTÉRITS REDOUBLÉS
NOTAMMENT LEBLAING ET DREBRAING
Les verbes forts dont le radical contient une nasale à l'indi-
catif ne conservent généralement pas cette nasale au prétérit
redoublé.
bongim « je brise » : -hobig (pour behoig, cf. nVon^ Sait. 2573
au lieu de roreraig) Tochm. Em., 69 in
Rev. Celt., XI, 446 ; -combaig Hy. V,
77 (de*-com-bebaig).
dingim « je presse » : -dedach Ml. 96 c 17, -dedgatar Ml. 63 c
3, -dedaig Sait. 6550, L. U. 21 b 10;
dedaig Hy, III, 4.
dlongîm « jefends » : -dedlaig Sait. 7958.
tongim « je jure » : diicuitig Wb. 33 d 10, ducuitich Ml. 78
a (6 de * to-com-ietaig).
dingim (?) « je grince, je me lamente » ^ : ro chichlaig Sait. 776 5 .
Ces prétérits sont exactement semblables à tienaig de tiigim
« je lave », reraig de rigim « j'étends », 5('/fl/^ de sligijn
« j'étends », senaig de snigim « je dégoutte », etc.
1. Voir ci-dessus, pp. 5 et 137.
2. Cf. lat. c//«o-ô « je crie (en parlant d'une oie) » et clamrô « je crie ».
En m. irl. dingim semble devenu clmdim « je re entis (en parlant d'une
sonnette) », ap. K. Meyer, Coiitrib., p. 388.
344 /• Veudryes.
Mais la nasale s'étend à la flexion entière dans un groupe
de verbes exprimant le mouvement. Ce n'est pas le lieu de
rechercher si originellement la nasale de ces verbes appartenait
à la racine ou n'y apparaissait qu'au thème du présent d'où
elle aurait ensuite été transportée au reste de la flexion (cf.
Mêm. de la Soc. de Lingu., XIII, 63 et s.). La question des
« nasales flottantes » est une des plus épineuses de la morpho-
logie du verbe indo-européen (v. en particulier J. Schmidt,
Kritik dcr Sonanteniheorie, p. 65 et ss.) et n'a pas à être soule-
vée ici. Il sufllisait de signaler l'état irlandais, sans rechercher
dans quelle mesure il est ancien.
cinoim « je marche » : cechaingVéX. 2^ ]?i\-\\\, 20 mdiXS,
etc.
glendim « je parcours, j'explore »
d'où « j'étudie» (cf. ML 137
c 2, 140 c 7, PCr. 59 a 4-6, etc.) :
-geglaind H. 2, 16 col. 781,
-roeglaind L.L, 86 a 23, 39.
Quelle que soit l'étymologie de ce verbe (cL Zupitza, K.Z.,
XXXVI, GG^, il peut être rangé parmi les verbes de mouve-
ment à cause du sens qu'il a dans les vieilles gloses Çueslîgâre,
rimârè).
grendini « je marche » : -roigrainn Ml. 26 d 3, 30 b 2,
37 a 4; -gegrannatar Ml. 25 b 11,
scnidiin « je saute » : sescaind L. U. 60 b39, 71 a43.
scingim « je saute » : sescaing Windisch K.Z. XXIII 214,
sesceingL. U. 79 b 39, scescingL. U.
60 a 27.
Ces verbes ont encore ceci de commun que leur infinitif est
formé de la même façon et se fléchit de même : ceimni « pas »
gréim « pas », sceimii, « saut », îecJifiim gl. acceptio Wb. i d i
(du verbe * to-aith-gleudiniy Et par analogie la même forma-
tion s'est étendue au verbe rithiiii « je cours » dont l'infinitif
est 7-éùnm.
A la catégorie des verbes à nasale marquant le mouvement
appartiennent encore les deux suivants dont le prétérit fait
difficulté :
Hiberilica. 345
drengim « je m'élève » : drebraing Fél. 2 avril, 17 avril,
26 août.
lingini « je saute » : leblaing Fél. 5 mars; -leblang- tar Ml.
129 ci; doarblaing Tur. 60, Jo«V-
blingTur. ^^,-tarblamg Sait. 7761 ;
-roiblang Ml. 95 d ir, 43 d 16.
L'infinitif est formé comme ci-dessus : dn'iiiiin « ascension »,
léimrn « saut ».
Il faut tout d'abord écarter l'explication qu'a proposée der-
nièrement M. Wh. Stokes des deux prétérits en question (Z.C
P., III, 471 ; Fél. Oeng., 1905, pp. xxxij, xxxv, 324 et 342);
le redoublement n'y serait qu'apparent, et ils contiendraient
tous deux un préverbe eb- précédé dans l'un d'un préverbe (ir«-
et dans l'autre du double préverbe ror (gr. r.pzr.pb^ : * dru-eb-
raing serait devenu drebraing et de * ror-eb-Iaiug, dissimilé en
rol-eb-laing , on aurait tiré leblaing. Le prétérit drebraing n'au-
rait dès lors rien à faire avec drengim. Mais l'existence du pré-
verbe eb- n'est pas sûrement établie (cf. toutefois Sarauw, Irske
Studier, 126 et la note du Thésaurus à Wb. 32 a 27), et celle
du préverbe dru moins encore (cf. toutefois Thurneysen K.Z.,
XXXII, 563) ; (ï:i'û\eurs dru-ebraing aurait dû se maintenir intact
et rien ne peut justifier en pareille position la chute de u.
M. R. Schmidt avait été jadis mieux inspiré en rattachant
drebraing à drengim CI. F., l, 47 et ss.), en considérant dre-
braing et leblaing comme des prétérits redoublés et en suppo-
sant une action analogique de l'un sur l'autre. Mais c'est de
leblaing qu'il partait, et c'est leblaing qu'il essayait de justifier
au moyen d'une hypothèse assez compliquée. La possibilité
d'un primitif *vlingim proposé par M. Windisch (Kxgf- I^-
Gr., § 45) étant exclue, il faudrait partir à la fois de deux
verbes, lingim et * slingim (rac. *svelg-; cf. Thurneysen, Kel-
toromanisches, p. 99, n. 2) dont les prétérits se seraient conta-
minés : * lelaing et * seblaing devenant après l'accent *m roelaing
etnî roeblaing, on aurait tiré de là un prétérit unique ro leblaing,
auquel ro drebraing devrait son b.
Mais cette reconstruction est purement arbitraire. La succes-
sion des faits est beaucoup plus naturelle si l'on suppose que
leblaing a emprunté son b à drebraing. En effet, le prétérit de dren-
54é /. Vendryes.
gini, soit * drcilraing, aboutissait par Jissimilation à drebraing;
une (Jissimilation plus complète risquait même de transformer
drebraing en drehlaing et rendait plus voisins encore les deux
radicaux. Or, si la forme ordinaire du prétérit de drengim est
drebraing, on lit effectivement drehlaing dans deux manuscrits
du Félire d'Oengus au 2 avril et au 26 août; et inversement
le prétérit de lingim est écrit rodlehlaing L.U. 72 a 17. Tout
contribuait ainsi à favoriser la confusion des deux verbes et à
introduire la labiale dans le radical de lingim. D'après leblaing,
on forma foroiblachta gl. praeuenti Ml. 58 d 6 au participe
passé, et la labiale s'étendit même en moyen-irlandais aux
formes de subjonctif sigmatique -larblais L. U. 83 b 14 et
co'nribuilsed L. U. 63 b 4.
9° SUR LA PHRASE NOMINALE AU PRÉTÉRIT PASSIF
Dans l'important article où il a déterminé la valeur et l'em-
ploi de la phrase nominale pure en indo-européen, M. Meillet
a rappelé qu'elle est de règle en irlandais dans les propositions
négatives dont la forme verbale éventuelle serait à la 3" pers.
du singulier ÇM.S.L., XIV, 14) : ni coir » il n'est pas juste »
en face de iscoir « il est juste ». Cet usage devait être en germe
dans l'indo-européen, puisqu'il se retrouve ailleurs (/^/J., 18).
Il est un autre emploi de la phrase nominale, également
d'origine indo-européenne {ibid., 16-17), qui a pris en irlan-
dais une extension régulière. Le rôle du prétérit passif est tenu
dans cette langue par l'ancien adjectif verbal en -to- et le verbe
copule n'est pas exprimé : roléiced « il a été laissé » Wb. 5
b 3, ro scribad « il a été écrit » Wb. 2 d 2, 6 c 28, 26 b 31,
adcess « il a été vu » (Wb. 23 c 11), rofes « il était su » Ml.
80 b ir, ni fess « il n'était pas su » (Ml. 51 b 7, 80 b 10), ni
Jrith « il n'a pas été trouvé » Hy. V 29, dG, ro sreth « il a été
raconté » Fél. 25 août, etc.; ce qui équivaudrait, en latin,
abstraction faite de la particule ro, à l'emploi de amâtus, audi-
tus, msus, missiis, etc. au lieu de amâtus est, audîtus est, tnsus
est, missus est, etc. La phrase nominale est d'autant plus natu-
relle ici que le passif irlandais n'a qu'une troisième personne.
niheniicd. 347
Le prétérit passif est le plus souvent conjoint; ayant en effet
le sens de parfait (le seul dont s'accommode en général la
langue des gloses, cf. Zimmer, K.Z., XXXVI, 479), il est
précédé de la particule ro. Toutefois, dans les passages de récit,
quand la langue eut besoin d'une forme absolue sans ro, pour
exprimer le prétérit narratif, c'est le nouvel adjectif verbal
existant dans la langue et tiré de l'ancien par addition du suf^
fixe -e, qui fut employé : brethae « il fut porté » Ml. 52, Fél.
25 janv., crochthae « il fut crucifié » Fél. 5 fév., rithae « il fut
vendu » Arm. 17 b i, § 6, séntae « il fut béni » Fél. prol. 100,
skchtae « il fut frappé » Fél. 12 février ; cf. en moyen-irlandais
etha « itum est » LU 55 a 3, sudigthe « positum est » 56 b 6, aha
« altusest » 59 a 6, riastartha « contortum est » 59 a 33, 79 b
22, 40, 80 a 21 t\.c.,gahtha « captum est » 84 a 40, 84 b 1,7, 14.
Comme cette forme absolue en -e est employée également
en qualité de forme relative {brethae « qui fut porté » FéL
1 1 juin, carthae « qui fut aimé » Fél. 9 mai, fechtae « qui fut
combattu » Hy. II 57, ortae « qui fut tué » Fél. 26 janv.,
6 mars, 7 sept., rithae « qui fut vendu » Arm. 17 b r, §6,
skchtae « qui fut frappé » Fél. 23 déc, etc.), on peut établir
un certain rapport entre elle et la forme relative en -e du pré-
térit i3iCX\î {guilae « qui s'est attaché » Tur. 139, luide « qui
vint » Ml. 55 c I en face de ro-guiil Ml. 98 b 8, liiid, etc.).
Mais cette question demanderait un examen spécial. Le seul
fait important à retenir de ce qui précède, c'est la continuité
de la tendance qui fit créer à deux reprises une phrase nomi-
nale pure dans l'emploi de prétérit passif, une première fois
au profit de l'ancien adjectif verbal (-breth« porté » de *bhrto-),
une seconde fois au profit du nouveau (brethe de *breth -j- <?).
Remarque additionnelle. Sans entrer dans le. détail de la for-
mation du passif irlandais (cf. Meillet, Introduction, p. 204),
il est toutefois permis de signaler en passant le rôle prépon-
dérant qu'a dû y jouer le prétérit. L'irlandais possédait un
impersonnel berir « on porte », no-m-berar « on me porte »,
qui est italo-celtique (cf. ombr. ier « qu'on aille yy,ferar « qu'on
porte »); mais il conservait d'autre part l'adjectif verbal indo-
européen en -to-, breth « porté » de *bhr-to-. La création du
pluriel bertir (-bertar) « ils sont portés », avec une finale -tir
34^ /. Vc II dry es.
Ç-tar} de déponent, est due à l'existence naturelle d'un pluriel
dans l'adjectif verbal employé comme prétérit passif en phrase
nominale pure. L'influence de ce prétérit s'explique aisément
par le double fait que de toute la flexion passive c'était i°
comme toujours le temps le plus fréquemment employé, 2° le
temps le plus caractéristique, puisque c'est le seul qui possé-
dât un thème propre, indépendant de l'actif (ou du déponent).
Mais comme cette influence n'a pu s'exercer qu'assez tard, on
comprend que l'expression de la personne au moyen du pro-
nom infixé continuât toujours à s'ajouter à la forme de l'an-
cien impersonnel -berar pour les deux premières personnes
aussi bien du pluriel que du singulier : no-n-berar , no-b-berar
« nous sommes, vous êtes portés » à côté de bertir « ils sont
portés ». Cet usage s'étendit d'ailleurs au prétérit : ro-n-breth,
ro-b-breth « nous avons, vous avez été portés » à côté de ro-
bretha « ils ont été portés » ; de telle sorte que si l'adjectif i'r^f^
(pi. brethd) Advenu prétérit fournit à l'impersonnel berir (jberar)
la distinction du nombre, il en reçut d'autre part le moyen
d'expression de la personne.
J. Vendryes.
CHRONIQUE
Sommaiye. — I. Décès du comte Nigra. — II. School of Irish Learning. — III. Prix
décerné à M. Albert Grenier. — IV. Hugo Schuchardt, Die iberische Dekli-
n;uion. — V. Victor Tourneur, Histoire, étymologie du nomdeGand. — VI.
Alfred DoMASZEwsKi.MoMMSEN, O. HiRSCHFELD, Coipus inscriptionum latinarum,
tome XIII, partie 2, fascicule 2. — VII. Espérandieu, Recueil général des bas-
reliefs de la Gaule romaine. — VIII. Georges Calder, Imtheachta Aeniada, The
irish Aciieid.
I
Nous apprenons la mort du comte Nigra décédé à Rapallo, province de
Gênes, district de Chiavari, le 30 juin dernier, à l'âge de 79 ans, après avoir
été successivement ministre, puis ambassadeur d'Italie à Paris, enfin ambas-
sadeur dans deux autres capitales.
Le comte Nigra est l'auteur des Rdiquie celtiche, brochure grand in-40 de
53 pages (1872) dont un compte rendu a été donné dans la Revue Celtique,
t. I, p. 477-479. La Revue Celtique a publié de lui trois articles qui ont
paru dans le tome I^'', p. 58-65 et dans le t. XXIV, p. 306-309. Ce diplo-
mate était un celtiste distingué quoique ses éminentes fonctions aient fort
restreint sa fécondité.
II
La Revue Celtique a reçu l'annonce suivante :
SCHOOL OF IRISH LEARNING
33 DAWSON STREET, DUBLIN
Director :
KUNO MEYER, Ph. D.
SESSION, 1906-07
SYLLABUS OF SUMMER COURSES
Mr. OSBORN J. BERGIN, Ph. D., will hold the following Courses
during the month of July, beginning Monday, the first :
350 ■ Chronique.
1. Old-Irish.
(a) Outlines of Old-Irish Grammar ; Strachan's Old-Irish Para-
digms.
(h) Sira.chân' s Sélections froiN ihe Old-Irish Classes.
Hours : 7 to 8 p. m. every evcning.
2 . Middlc-Irish Texts.
Indarpe inna nDéisse, éd. Kuno Me\'er.
Hours : 8 to 9 p. m. Tuesday, Thurbday, and Saturday.
5 . Historical Modem Irish Grammar.
Hours : 8 to 9 p. m. every Monday, Wednesday, and Friday.
The fées are as follovvs : (i) lo s. the Course; (2) and (3) 7 5. 6 d. each
the Course.
The above hours are subject to revision.
Full particuhirs from the undersigned, to whom appHcation sliould be
made.
R. I. BEST
Hon. Secrekiry.
III
L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres vient de décerner la plus
forte part du prix Prost à l'ouvrage de M. Albert Grenier intitulé : Habila-
tioiis gauloises et l'ilhis latines de la cité des Médiomatrices. Nous avons parlé
de cet ouvrage dans notre précédente livraison, p. 214, 215.
IV
M. Hugo Schuchardt, le savant linguiste de Graz, a donné à l'Académie
impériale de Vienne communication d'un mémoire intitulé : Die iberische
Deldination. Ce mémoire a paru dans les Sit:^uuosberichte de la Philosophisch-
Historische Klasse de cette compagnie savante, tome 157, 2« partie. Il y en
a eu un tirage à part que l'auteur nous a très obligeamment adressé et qui
forme une brochure de 90 pages in-80. M. Schuchardt soutient contre
M. Philipon qu'entre la langue basque et la langue ibérique il y a intime
parenté et que le basque n'est pas une langue arienne. Ce sont deux ques-
tions que j'ai médiocrement étudiées, mais mon opinion un peu superfi-
cielle a toujours été conforme à la doctrine de M. Schuchardt. J'ai sans doute
exposé cette opinion à M. Philipon. Mais en même temps j'ai dû lui dire
qu'un mémoire où il me contredirait me serait fort agréable, que mon
enseignement n'était pas destiné à former des perroquets et que je serais
toujours heureux d'avoir entre les mains la preuve qu'il n'en avait pas pro-
duit.
I. Cf. Revue Celtique, t. XXIII, p. 121.
Chronique. 3 5 1
V
M. Victor Tourneur, attaché à la Bibliothèque royale de Belgique, a
extrait du compte rendu du congrès de Gand 1907, une brochure de 12
pages intitulée : Histoire et etyniologie du nom de Gaiid. On a fait à Gand des
découvertes archéologiques qui prouvent que cette ville existait déjà sous le
haut Empire romain. Mais quand son nom apparaît pour la première fois, il
est développé à l'aide du suflfîxe vus dans la formule pitgiis Gandavus,
vue siècle, ou du suffixe -ensis dâw^ la formule pagus Gandeiisis, viiie siècle ;
enfin on trouve Gaiith en 864. M. V. Tourneur pense que Ganth ou Gand
doit s'expliquer par le celtique condatc « confluent ». Le c initial serait
devenu 0-, comparez Coruacuni, Gournay ' et le «^ de gtibemare; cette mutation
est rare et pour condate on n'en cite pas d'exemple, tandis que la mutation
d'o en a se trouve dans Candes en Touraine, autrefois Condate ^.
VI
Le fascicule II de la seconde partie du tome XIII du Corpus inscriptionum
Idtinarum vient de paraître. Il comprend les inscriptions de la Germanie
inférieure et les bornes milliaires des Gaules et des Germanies. Quand donc
cet excellent et si utile tome XIII sera-t-il terminé et pourvu d'index ?
Les inscriptions de la Germanie inférieure ont eu pour éditeur M. Alfred
Domaszewski ; l'édition des bornes milliaires est due à la collaboration du
regretté Mommsen et de MM. O. Hirschfeld et A. Domaszewski.
VII
Ulrish Text-Society vient de publier un sixième volume qui contient la
traduction irlandaise de V Enéide. Cette traduction, faite vers l'année 1400,
nous a été conservée par le Book of Ballyniote, p. 449-485. On sait que le
Book of Ballyniote paraît avoir été écrit vers l'an 1400 comme le dit
M. Robert Atkinson, p. 2 de son introduction au fac-similé. L'auteur
irlandais de cette traduction de V Enéide s'est donné un grand nombre de
libertés. Ainsi il commence par le chant III ; c'est après le chant III qu'il
place les chants I et IL Tantôt il abrège, tantôt il développe, et dans ses
développements il n'est pas toujours heureux; par exemple p. 4, 1. 54, il
transporte d'Asie Mineure le mont Ida sur la côte de la mer Tyrrénienne,
for ur mara Ton ian, c'est-à-dire sur la mer qui baigne les côtes occiden-
tales de l'Italie.
Le Rév. George Calder, auteur de l'édition, a noté en marge à gauche
les numéros des chants et des vers de V Enéide, il a numéroté dans la marge
droite les lignes de son édition du texte irlandais et placé en regard une
traduction anglaise. Le volume se termine par un vocabulaire malheureuse-
1. Holder, AUceltischer Spracbschati, t. I, col. 1129.
2. Holder, Altceltiscber Sprachschati,i.l, co\. 1093.
352 Chronique.
ment fort incomplot, par un index des noms de personnes et par un index
des noms de lieu.
Ce qu'il y a déplus intéressant dans ce- volume c'est la langue, beaucoup
plus moderne que par exemple celle du Livre de Leinster. Nous citerons :
1° épenthèse d'à, imlheachta « vovages » pour le plus ancien iuithechta ',
leasc K paresseux »-, succédant à lesc^ ; 2° sonore substituée à sourde, tan-
cadar* « ils vinrent », dorochradar'i, « ils tombèrent », tenant lieu de tan-
catar^ et dorochralar t ; giisin^ « jusqu'au » pour cosinf, gan^° « sans »,
antérieurement cen".
Un phénomène fréquent même à une date plus ancienne que celle du
Book of BaUymote, c'est la confusion du gh et du dh tous deux prononcés
i consonne et souvent écrits sans /;. M. George Calder s'est donné la peine
de corriger rojhiarfaid^^ « il demanda » en rofiarfaig ; la faute se trouve
déjà dans le Livre de Leinster'3; aiiiuidh^'^, « dehors » a été corrigé en
atnuigh par le même éditeur ; la faute aurait pu être possible bien avant
l'année 1400.
Cette édition faite avec soin est à consulter par ceux qu'intéresse l'histoire
de l'irlandais.
VIII
Le premier volume du Recueil général des bas-reliefs de la Gaule
ROMAINE, par Emile Espérandieu, vient de paraître. C'est un in-40 de
x-489 pages, concernant les Alpes-Maritimes, les Alpes Cottiennes. la
Corse, la Narbonnaise, et comprenant 835 numéros, dont chacun renferme
1. Tdin hô Cùalnge, édition Windisch, 1. 11 13, 1389.
2. Ligne 59.
3. Tdin..., 1. 408, 2876.
4. Ligne 3.
5. Ligne 18.
6. Tdin...,\. 169, 171, 540, 1393, 1603, 5602.
7. Tdin..., 1. 25 II.
8. Ligne 10.
9. Tdin..., 1. 1724, 3666, 3672.
10. Ligne 27.
11. Tdin..., 4693.
12. Ligne 4.
13. Tdin..., 1. 2199.
14. Ligne 614. On rencontre de même gh pour dh, exemples : muigh pour
muidh. Annales de Tigernach, éditées par Whitley Stokes, Reine Celtique,
t. XVII, p. 351 ; Lugniaigh pour Lngmaidh ou mieux Lugnniidh, génitif du
nom de Louth, Cbronicon Scotoruin, édition Hennessy, p. 130, 138, 141,
142, 200. La notation avec dentale, Lugniaid, Lughinaidh, apparaît dans
les Annales d'Ulster, éd. Hennessy, t. I, p. 316, 330, 342, 416, 484. Si le
second terme était niag on aurait au génitif Lughmaighe, plus anciennement
Lugmaige, cf. E. Windisch, Tàin hô Cùalnge, p. 406, note 2. On trouve le
nominatif Lz/o-f/W dans le Lebor na hUidre, p. 82, col. i, 1. 40, et la
variante Lugmud au passage correspondant du Livre de Leinster.
Chronique. 353
au moins une photogravure ; le plus considérable, le no 260, arc de triomphe
d'Orange, comprend 45 photogravures.
Ces bas-reliefs sont une des manifestations de la domination romaine ;
cependant il s'y trouve plusieurs souvenirs des temps de l'indépendance.
Nous signalerons par exemple les Maires d'Allais (Drôme) et de Vienne,
nos 527, 338, p. 242, 252 -yles Dispater de Nîmes, nos 456 et 437, p. 300, 301 ;
les sangliers enseignes d'Antibes (no 24, p. 32), d'Orange (no 260, p. 200,
204), de Narbonne (nos 695, 737, p. 425, 444); les trompettes gauloises
d'Orange (no 260, p. 204, 205), de Nîmes (no 431, p. 297), de Narbonne
(no 701, p. 428), etc.; parmi les boucliers gaulois, celui du no 260, p. 199,
oîi apparaissent, au-dessus du nominatif singulier gaulois catus « bataille, »
deux grues à rapprocher des trois grues du célèbre monument gaulois de
Paris. Sous la forme de ces grues apparaissent les déesses de la guerre et du
meurtre, Bodb, Morrigan, Nemain.
H. d'Arbois de Jubainville.
Revue Celtique, XXV 111. 2»
PÉRIODiaUES
Soiiniiniir. — I. Revue des études anciennes. — II. Athenaeum. — III. Compte
rendu des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. — IV. Pro
Alesia. — V. The Journal of the Royal Society of Antiquaries of Ireland. — VI.
Celtic Review. — VII. Folklore. — VIII. Bulletin archéologique du comité
des travaux historiques et scientifiques. — IX. Revue des traditions populaires.
— X. Indogermanische Forscliungen — XI. Annales de Bretagne. — XII. Zeit-
schrift fur vergleichende Sprachforschung. — XIII. Analecta Bollandiana. —
XIV. Romania. — XV. Boletin de la Real Academia de la Historia. — ?\VI.
Revue épigraphique. — XVII. Bulletin de la Société nationale des antiquaires
de France. — XVIII. Fureteur breton. — XIX. Irisleabhar na Gaedhilge. —
XX. Zeitschrift fiir romanische Philologie. — XXI. L'anthropologie.
I
La Revue des études .■\nciennes, no d'avril-juin 1907, contient plusieurs
articles intéressants au point de vue celtique : d'abord le 5<= article de
M. de La Ville de Minnont sur l'Astrologie chez les Gallo-romains ; puis
la supposition par M. C. Jullian que le nom de peuple gaulois Vocontii
voudrait dire vingt, doctrine qui semble peu conciliable avec l'irlandais
fiche « vingt » (cf. Brugmann, Grundriss, t. II, p. 489, 490 ; Whitley
Stokes, Altceltiscber Sprachscbal:(, p. 279, Victor Henrv, Lexique étymolo-
gique... du breton moderne, p. 275). Plus bas M. C. Jullian émet, après
Mûlienhoff ', l'hypothèse qu'il faut corriger en ^Eaù^jUr. = Esuvii le nom
des EJ'Êioi, Ligures suivant Théopompe, fragment 221 rt ^. Il en tire une
conséquence que Mûllenhoff n'avait pas prévue, c'est qu'il faut loger ce
peuple ligure en Normandie comme on le fait pour les Es uvii qui lui sont
identiques. Il propose aussi de considérer comme Ligures les Lexovii et les
Unelli, deux voisins des Esuvii. Ce sont des doctrines dignes d'attention.
Lexovii a été formé avec le suffixe vio qu'on trouve également dans Esuvii
et Karl MûUenlioff (Deutsche Altcrtuuishunde, t. III, p. 178, donne onze
exemples du suffixe ligure -ello- qui termine le nom de peuple Unelli.
1. K. Mû\knhoff, Deutsche Altertumskuude, t. III, p. 168.
2. C. et Th. Millier, Fragmenta historicorum graecorum, t. I, p. 515 ;
K. Mûllenhoff, Deutsche Alterlumskunde, t. Il, p. 247, note.
Périodiques. 355
M. G. Dottin revient ensuite sur la question de savoir si le mot bn'ga
est celtique. Je ne puis qu'approuver le désir qu'il a de vérifier l'exactitude
des doctrines enseignées par moi. Je ne lui demanderai jamais du jurare in
verba magistri, mais ce n'est pas à moi seul qu'il a affaire ici. Bn'ga, second
terme de plusieurs noms de lieu, a été considéré comme celtique dès 1857,
par Glueck, Die bei C. Jiilitis Caesar vorliommendeii keltischen Nanien, p. 121
et suivantes, où, notamment, page 126, le savant auteur cite comme cel-
tiques, outre Mageto-briga,Litai!obriga, Ehuro-briga, N£|j.£Td6ptYa, 'Ap-uoÇpiya
dont il rapproche le second terme dé l'irlandais brigh, bri « colUs ». Cette
doctrine a pénétré en 1870 dans la seconde édition de la Grammatica cel-
tica, p. 40, 68, 86, 88, où sont donnés comme celtiques Arlobriga, Ebiiro-
briga, Litanobriga. Nous la trouvons depuis, en 1894, chez M. Whitlev
Stokes, Urkeltiscber Sprachschat:^, p. 171. Mais ici quelques explications
sont nécessaires. Briga n'est point panceltique, c'est un mot gaulois ; il est
étranger à la langue des Goidels ou Gaëls et l'Irlande l'ignore.
Il y avait une racine indo-européenne, bhergh sous sa forme pleine
normale, bhrgh, en sanscrit brh sous sa forme réduite, et signifiant « être
fort, être élevé » ; de la forme pleine normale vient l'allemand berg,
« montagne », r= *bhergho- '. La forme réduite apparaît dans l'irlandais
bri ■z^*brik-s « colline », au àM\i brig =:*brigi dans les Macgniiiiartha
Find, xye siècle ■=, à l'accusatif brigh, orthographe un peu plus récente,
dans le glossaire d'O'Davoren publié d'après le ms. du Musée britannique
Egerton 88, xvi^ siècle 5. Cet accusatif/'/-/^/; = * hrigin a été cité en 1879
par M. H. Zlmmer, Revue de Kuhii, t. XXIV, p. 541. Enfin le génitif sin-
gulier/Tt'o- = */;;7Vo5 a été plusieurs fois signalé par M. Thurnevsen en
1897 dans la seconde édition du Gnnidriss de M. Brugmann, t. I, p. 461,
467, 518, 554, 806. On le trouve dans le Dindsenchas publié par M. Whit-
ley Stokes +. Il en existe une forme moderne brcagh 5.
Ce mot bri = *briks, aux cas indirects breg = *brigos, brig =1 *brigi,
brigin, est devenu en gallois et en breton bre « colline, hauteur ». Sa
forme gothique est baurgs qui, chez Vulfila, traduit le grec -oXiç et qui, par
conséquent, signifie « ville » ; la notation allemande est biirg qui veut dire
« forteresse, château », et d'où vient le français bourg; Vr voyelle de
l'indo-européen BHRGH, noté ri en celtique, devient aiir en gothique, »/■ en
1. Kluge, Etyiiiologisches IVôrterbiich der deulscheii Sprachc, 6^ édition,
p; 39.
2. Ba ingin rocaem dino a m-Brig Elle, Revue Celtique, t. V, p. 202,
§21. Texte publié par M. Kuno Meyer d'après le ms. de la Bibliothèque
bodiéienne d'Oxford Laud 610 , qui remonte à 1453.
5. Cingit co sin brigh, Whitlev Stokes, Tliree irish Ghssaries (1862),
p. ^j ; Arcbiv fïir celtische Lexicographie, tome II (1904), p. 232, no 218.
4. Primrelicc airthir Mide ocus Breg, § 115, Revue Celtique, t. XVI,
p. 67 ; i Temraig breg « à Tara de la colline », § 146, Revue Celtique, t. XVI,
5. leamair breagh, Pétrie, On th' Hislcrv dinl Antiquities of Tar^i h/11,
p. 131 : Temair breagh, ibid., p. 157; Tcamhair breagh, O'Currv, Mii.
Materials, p. 626.
356 Périodiques.
allemand, et en gothique comme en allemand le sens du substantif est
modifié. Par l'effet du long contact politique et militaire des Germains et
des Gaulois, le sens nouveau de bhrgh en germanique paraît aussi se trou-
ver chez les Gaulois dans le dérivé briga = * bhrgha. Il y eut un temps où
de préférence c'était sur des points élevés plus faciles à défendre qu'on
groupait les habitations. Du reste, pour briga =r bhrgha le sens de forteresse
est confirmé par le thème verbal sanscrit brha-, brhati « il fortifie ».
Le substantif bhrgha, devenu briga ', est spécial aux Gaulois et fait défaut
dans les autres dialectes celtiques. Les trois exemples que nous en avons en
Gaule, Magetobriga ou Adinageto-briga, Litano-briga, Ebiiro-briga établissent
formellement que briga est gaulois ; et, si cette doctrine avait besoin de
confirmation, Arto-briga, l'ApToSptya que Ptolémée, 1. II, c. 13, § 2, nous
montre sur le Danube en Vindélicie prés de Botdoouoov, non loin de
Kappooouvov, de Ka;j.6oôouvov, d"A£ouoîa>'.ov, met l'origine gauloise
d'ApToêp'.ya, hors de contestation. Le nom géographique gaulois Ebiiro-
briga qui aurait dû donner Evrovre, ou Avrovre subsiste sous la forme
adoucie Avrolle.
Les Gaulois, entreprenant la conquête de l'Espagne sur des populations
belliqueuses de toute autre origine qu'eux, y ont bâti des forteresses qu'ils
ont appelées quelquefois duiioii, le plus souvent briga. Lt nom d'une partie
de ces forteresses eut pour premier terme un mot gaulois. Nous citerons
d'abord Sego-briga aujourd'hui Segorbe, dont le premier terme est identique
à celui de trois Sego-dunuiii, un en Grande-Bretagne, aujourd'hui Walls-
end, un en France aujourd'hui Rodez, un en Bavière aujourd'hui Burg-
sinn ^. Sego-dtinuiii et Sego-briga ont le même sens : « puissante forteresse ».
Nerto-briga, aujourd'hui Valera la Vieja 5, Nevieto-briga, aujourd'hui
Puente de Navea*, ont incontestablement comme premier terme un mot
celtique. C'est probable pour d'autres comme Dessobriga,Toiigobriga, Turo-
briga, etc. Quelques noms de lieu d'Espagne dont le second terme est briga
pourraient avoir un premier terme d'origine ibérique, le nom primitif de la
localité avant l'occupation gauloise ; mais est-il possible d'en donner un
exemple certain ?
En Grande-Bretagne on ne trouve pas de noms de lieu dont le second
terme soit briga. Pourquoi cette différence avec l'Espagne ? Cela se com-
prend facilement. Au iii^ siècle avant J.-C. quand une partie des Gaulois
du rameau belge, chassés des pavs à l'est du Rhin par la révolte des Ger-
mains, se réfugièrent dans la Grande-Bretagne et firent la conquête de cette
île alors occupée par les Goidels, ils y avaient trouvé une population de
même race qu'eux, parlant presque la même langue, et, tout en lui impo-
sant leur domination politique, ils se laissèrent dominer religieusement par
le principal clergé des vaincus, par les Druides, comme en Gaule devaient
1. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat^, ^. 171.
2. A. Holder, Altceltischer Sprachschat^, t. II, col. 1446, 1447.
3. Holder, Ibidem, col. 723.
4. Holder, Ibidem, col. 711.
Périodiques. 357
faire plus tard les Francs se soumettant aux évêqucs chrétiens et se laissant
baptiser par saint Rémi. Grâce à cette concession, en Grande-Bretagne les
peuples vaincus s'assimilèrent aux vainqueurs qui n'eurent guère besoin,
comme en Espagne, de créer des forteresses nouvelles pour résister aux
révoltes des populations vaincues. La plupart des noms de ville en Grande-
Bretagne, dont le nom sous la domination romaine se terminait en ilunum ',
peuvent être de fondation goidélique, et antérieurs à la conquête gauloise.
Quant à la notation brica elle est à rapprocher de la notation Cains
pour Gains, Cuaeus pour Gnaeus. Le C troisième lettre de l'alphabet
latin n'est pas autre chose que le F, troisième lettre de l'alphabet grec qui
est une gutturale sonore, telle a été la valeur primitive du C latin. Il doit
son changement de son à l'influence des Étrusques qui n'avaient pas d'ex-
plosives sonores. Quand nous écrivons coq, cave, cuve par un c et non par
un h, nous subissons la dcmination desTarquins vingt-cinq siècles après la
date où les Romains détrônèrent Tarquin le Superbe. C pour G dans les
manuscrits latins et les inscriptions latines est un archaïsme inspiré quel-
quefois par la paresse ; on a négligé d'écrire ou de graver le petit trait si
grossi chez nous qui distingue du C capital la lettre majuscule G.
Le substantif gallois hrk, hrig, sommet, dont parle M. J. Loth, p. ^38,
s'explique par le nominatif brik-s du thème brior.
Brio « ponte » dont parle aussi M. Dottin et qu'il emprunte au glossaire
dit d'Endlicher conservé par un ms. du ix^ siscle -, est une notation du
haut moyen âge, pour Brioue avec ti voyelle prononcé ou comme dans
Brioude r= Briitate, dérivé de Briua « pont » qui a été aussi prononcé briva,
en français Brive ; il n'établit nullement que Vu consonne de Briua « pom »
soit quelquefois tombé d'où serait résulté confusion entre briva et briga.
Après le mémoire de M. Dottin, viennent des notes 1° de M. Adrien
Blanchet sur le couteau de table des Celtes ; 2° de M. Georges Gassies sur
deux statues représentant des déesses, l'une cornue, l'autre pourvue de
grosses mamelles; 3° de M. C. Jullian sur le dieu cornu, Cernunnos.
Enfin M. JuUian donne suivant l'usage une bonne chronique gallo-
romaine.
II
L'Athenaeum du 4 mai 1907 rend compte d'une séance de la British
Academv, 24 avril dernier. Le professeur Ridgeway et le professeur
R. S. Conway v ont fait d'intéressantes communications sur les plus
anciennes populations de l'Italie. Pour l'inscription d'Ornavasso en Pié-
mont, province de Novare : Latuiiiarui Sapsutaipe uinoni nasoiii, M. Con-
way propose une interprétation diff"érente de celle qu'a donnée en 1902
1. Branno-dunum, Cambo-dunum, Camulo-dunum, Margi-dunum,
Mori-dunum, Rigo-dunum, Sego-dunum, Sorbio-dunum, L'xello-dunum.
2. Voir un article de M. Whitley Stokes, Revue archéologique, t. XVIII
(1868), p. 340-344, et celui que M. H. Zimmer a inséré dans la Zeitschrift
de Kuhn, t. XXXIl, (1893), p. 230-240.
5 5^ Périodiques.
M. Kictscliincr, Keviie de Kiihu, t. XXXVIII, p. 99 et suivantes. M. Kretsch-
nier considérait Latuiiiand et Sapsutai comme des génitifs; suivant M. Con-
way ce sont des datifs, ce sont les noms des destinataires du vin, et non
pas les noms des propriétaires, et ces propriétaires étaient gaulois, la tra-
duction latine serait : Latuniaro Sapsutacqiie uininn iiaxiuvi [mitto].
Suivant le professeur Ridgeway, la plèbe romaine était ligure; comme
telle, elle inhumait ses morts, pratiquait le mariage par achat de la femme,
c'oeiiiptio, et portait à la guerre le bouclier long. Les patriciens étaient
Omtjriens, brûlaient leurs morts, se mariaient par confarreatio et leurs bou-
cliers étaient ronds. Les patriciens conquérants, mais minorité, adoptèrent
la langue des vaincus plus nombreux ; ils agirent ainsi comme plus tard en
Gaule devaient faire les Francs. M. R. S. Conway, professeur à l'Université
de Manchester prit ensuite la parole pour appuyer son collègue. L'.athe-
NAEUM du 4 mai a donné l'analyse des communications de MM. Ridgeway
et Conway. Leur doctrine est très séduisante, il s'ensuivrait que le latin
serait un dialecte de la langue des Ligures. On sait que le hgure avait con-
servé \q qn indo-européen changé en p par les Ombriens, les Osques et les
Gaulois '. Mais comme l'a fait observer M. Conway \e gii aspiré devenait
/'dans le mot ligure Bornio nom du dieu des eaux chaudes. On sait que la
même lettre devient /dans le latin /o;;//7/i, « chaud » -. En tout cas il est
établi par un passage de Festus qu'il fut un temps où les Ligures étaient
maîtres des sept collines où plus tard on bâtit la ville de Rome '.
Dans l'exposé de la doctrine de M. Ridgeway, je vois un petit
détail qui me semble sujet à critique. Si je comprends bien, M. Ridgeway
affirme que chez les Grecs de la littérature homérique et chez les Teutons
le futur gendre n'achetait pas sa future épouse au futur beau-père. Or ïsova
est précisément dans VOdyssée le nom du prix d'achat pavé par le futur
gendre au futur beau-père *. Un usage identique a existé chez les Ger-
mains 5.
De la communication de M. Conway est résulté ceci : Nous lisons
dans I'Athenaeum du 22 juin que, dans sa séance du 11 juin, la Bn'iish
Academy a voté une subvention au professeur Conway pour lui faciliter
l'exécution du travail qu'il prépare sur les inscriptions ligures et vénétes.
L'Athenaeum du i^r juin nous apprend que le 21 mai dernier a eu lieu
la première séance de la Gaelic Association tout récemment créée à l'Uni-
versité de Dublin. Nous avons constaté avec regret que le professeur
1. MùWenhoff, Deutsche Aîtertumshaide, t. III, p. 179.
2. Brugmann, Grundriss, t. I, 2^ édition, p. 600.
3. Sacrani appellati sunt Reate orti,qui ex Septimontio Ligures Siculosque
exegerunt.
4. Buchholz, Homerische Realien, t. II, seconde partie (1885), p. 20.
Ebeling, Lexicon homericiim, t. I (1885), p. 341.
5. Ursprunglich war die ehe ein kaitf; der freier entrichtete dem, in
dessen gewait sie die junfrau oder witwe befand, dem vater, bruder oder
vormund, einen preis, wo fur ihm die braut angelobt und uberliefert wurde.
Jacob Grimm, Deutsche Rechtsalteiihiïiiier, 2^ édition, p. 420, 421.
Périodiques. 359
Robert Atkinson n'y assistait pas. Le professeur Edward Gwyn présidait.
M. W. J. Stuart Weir, faisant fonction de secrétaire, déclara que le but
de cette société nouvelle n'était pas politique, qu'elle avait pour objet
l'encouragement de la vie nationale dans son sens le plus élevé. Le prési-
dent ajouta que la création de la Gaelic Association était une réponse à un
reproche fait à l'Université de Dublin, qui, dans son collège de la Trinité,
négligeait, disait-on, l'Irlande.
III
Comptes rendus' des sé.^nces de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, année 1906. — P. 389, le commandant Espérandieu parle
des découvertes de monuments romains faites grâce aux fouilles qui se
pratiquent au Mont Auxois sur l'emplacement d'Alésia. — P. 393, commu-
nication de M. Audollent sur la découverte d'une statuette de ^lercure au
sonmiet du Puy de Dôme. — P. 401 et 481, lettres du commandant
Espérandieu annonçant de nouvelles trouvailles faites au Mont Auxois, des
planches les accompagnent ; ces planches représentent Jupiter entre Minerve
et Junon, un Dioscure, le torse d'une amazone, un Gaulois mort, une tête
coupée, etc. On a trouvé aussi des traces de huttes gauloises en terre
cuite, et une partie de la statue d'un chef gaulois. — P. 535, exposé par
M. Cartailhac de la découverte d'une caverne ornée de dessins qui
paraissent remonter au premier âge de la pierre et qui représentent des
animaux, bisons, chevaux, bouquetins, cervidés ; elle est située dans le
département de l'Ariège. Ces dessins se trouvent dans une rotonde où l'on
arrive par une galerie longue de 800 mètres. — P. 723, M. L. Joulin dit
qu'n en ce qui concerne Toulouse, la question du premier emplacement,
discutée depuis le xvie siècle, se trouve définitivement résolue. Il y avait
dès l'époque préceltique, sur les coteaux de la Vieille Toulouse, une agglo-
mération qui a subsisté jusqu'à l'avènement de l'Empire romain. La ville
des bords du fleuve a été fondée... par les Celtes des premières invasions ;
elle est devenue au iii^ siècle la capitale des Volkes Tectosages ».
IV
Pro Alesia a eu depuis notre dernier compte rendu, ci-dessus, p. 107,
quatre livraisons, novembre, décembre 1906, janvier-février, mars-avril
1907. On y trouve plusieurs articles de vulgarisation, reproductions de
publications précédemment faites par Allmer et par M. Hirschfeld, textes
antiques concernant Alésia ; signalons seulement ce qu'il y a de nouveau :
p. 65, la Vénus d'Alésia, par Salomon Reinach, avec quatre figures dans
le texte ; p. 147, notes du commandant Colin sur les travaux romains
devant Alesia; p. 159, réponse aux critiques dirigées contre la lettre du
commandant Espérandieu qui, comme on l'a vu plus haut, parlait de huttes
gauloises découvertes pendant les fouilles d'Alésia; p. 129, notice de
M. Héron de Villefosse sur un miroir trouvé dans les mêmes fouilles, trois
560 Périodiques.
figures hors texte ; p. 113, signalons enfin une note du commandant Espé-
randieu sur la statue de chef gaulois ; au paragraphe m, une planche
l'accompagne.
V
Dans le vol. XXXVII du Journal of the Royal Society of Anti-
auARiEs of Ireland, part, i (31 mars 1907), p. 61, Sir John
Rhvs a donné un savant article sur l'ogam de Kilmannin au comté
de Mayo en Irlande : DDISI MOCQU SELA LUGADDON MONGTI
LUGEDEC, c'est-à-dire : « ci-dessous est la famille de Sil, de Lugaed, de
Moingthe, de Lugaid. » Sela tenant lieu d'un plus ancien * Selyas serait le
génitif de *5f//5 qui, en irlandais moderne donnerait 5//. i,M^Wt/o;z, plus
anciennement * Lugiiaidonas serait le génitif de Litgiiaed, plus tard Lugaed.
Moiigti, mieux Mongati, pour un primitif * Mongatii, serait le génitif d'un
archaïque * Morigalias, en irlandais moderne Muhigthe, Moingthe, « che-
velu, pourvu de crinière ■>■>. Du génitif Liigedec, la forme ogamique la plus
ancienne est Lugudeccas \ qui suppose un nommzùi * Liigiidics . Est à
comparer le génitif Ltiguadici (Corpus inscriptionum latinarum, t. II,
n" 2732), qui suppose un nominatif * Luguadicos. Le nom du dieu Lug =
Litgit-s est la base de ces dérivés.
Le 29 janvier dernier M. Patrick Weston Joyce, savant connu par d'im-
portantes publications, a été élu président de la Royal Society of Antiquaries
ofireland.
VI
Le numéro de la Celtic Review qui est daté du 5 avril dernier contient
principalement la continuation d'articles commencés dans les livraisons pré-
cédentes : le Glenmanasan Manuscript publié et traduit par M. Mackinnon,
l'étude du Rev. Charles M. Robertson sur les dialectes gaéliques d'Ecosse,
celle du professeur H. H. Johnson sur les cités submergées, l'édition du
morceau intitulé « Guerrier du bouclier rouge », Gaisceach lia Sgeithe Detrge,
pubhée par M. Kenneth Macleod. M. H. H. Johnson dans le mémoire
sur les cités submergées que nous venons de mentionner revient sur la
légende de Maes Gwydden, étudiée par M. J. Loth en 1903 dans le tome
XXIV de la Revue Celtique, p. 349-364, et précédemment dès 1901 par
Sir J. Rhys, Celtic Folklore, t. I, p. 381 et suivantes. Il y a une légende
semblable dans la Bretagne continentale, celle de la submersion de la ville
d'Is, à laquelle l'Irlande peut comparer la pièce intitulée ^ided Echach
mheic Mhaireda « Mort d'Eochaid fils de Mairid », publiée en 1892 par
M. Standish Hayes O'Grady, Silva Gadelica, textes irlandais, p. 233-237,
traductions, p. 265-269 -. Inutile de parler ici des éditions antérieures.
1. R. A. Stewar Macalister, Studies in irisb Epigmphy, Part. I, p. 14,
22, 24, 26.
2. Cf. Dindsenchas, édité par M. Whitlev Stokes, article 141, Revue Cel-
tique, t. XVI, p. 150-153 ; et Annales de Tigernach éditées par le même,
Revue Celtique, t. XVII, p. 147.
Périodiques. 561
VII
Dans le Folklore, t. XVIII, no i, 50 mars 1907, M. Arthur Bernard
Cook continue sous le titre de The European Sky-God, « Le dieu européen
du ciel », son étude sur la mythologie celtique. L'auteur possède une con-
naissance fort méritoire de la littérature néo-celtique, mais ne paraît pas se
rendre compte du rôle qu'a dû jouer l'imagination et l'esprit inventif des
écrivains auxquels sont dus les récits qu'il cite et qui appartiennent à des
siècles fort éloignés les uns des autres.
La même livraison contient une note de M. T. P. U. Blake sur les cou-
tumes matrimoniales de l'Irlande occidentale. Entre autres détails, on peut
remarquer la suppression de l'usage de payer au père de la mariée, le
coihche ou prix d'achat de sa fille ; c'est le curé qui reçoit ce prix d'achat,
fixé aujourd'hui à un dixième de la dot. Un changement analogue s'est
produit en France dans le département de la Côte-d'Or. Quand les ambas-
sadeurs du roi des Francs, Clovis, allèrent dans le royaume des Burgundes
demander en mariage Clotiide qui, fille du roi Chilpéric alors défunt, était
sous la tutelle de son oncle le roi Gondebaud, ils l'achetèrent à Gondebaud
suivant l'usage un sou et un denier, soit treize deniers ^ C'était en 492.
Quand 1371 ans plus tard, comme le roi Clovis, je me suis marié en Bour-
gogne, mais sans être comme lui précédé d'ambassadeurs, c'est avec surprise
que je me suis vu réclamer les treize pièces de monnaie traditionnelles en
cette province. Mais ce n'était pas le futur beau-père qui me les demandait
c'était le sacristain, représentant du curé. J'en ai été quitte pour treize
francs, beaucoup moins que les quatre ou cinq livres dont parle M. Blake -.
Déjà, du reste, Clovis, achetant Clotiide pour treize deniers, ne pouvait
se plaindre d'avoir payé trop cher cette fille et nièce de rois.
Le rapport annuel lu le 16 janvier à l'assemblée de la Folklore Society
donne la liste des mémoires lus dans les réunions de cette Compagnie pen-
dant l'année 1906. Ils paraissent avoir été fort intéressants, mais semblent
être restés inédits. Nous signalerons par exemple le travail de Miss Eleanor
HuU intitulé : The Evolution of the Idea oj Hades in Celtic Literatiire ; nous
serions heureux d'en apprendre la publication.
Comme annexe à cette livraison, il a paru une Bibliographie des livres
et articles concernant le folklore publiés en 1905 dans l'empire britannique.
L'auteur est M. N. W. Thomas. Sur vingt-quatre pages, généralités et
index non compris, l'Europe en occupe cinq. Le reste est consacré à l'Asie,
l'Afrique, l'Amérique et l'Océanie.
VIII
Le Bulletin archéologiq,ue du Comité des Travaux historiques
ET SCIENTIFIQ.UES, année 1906, troisième livraison, offre, p. 374-377, un
1. Chronique de Frédégaire, 1. III, chapitre 18, Scriptores reruni merovin-
gicaruni, t. II, p. 100, 1. 13.
2. Ces quatre ou cinq livres forment probablement la totalité des hono-
562 Périodiques.
rapport de l'abbé F. Poulaine, constatant qu'à Voutenay, Yonne, il a
fouillé un tumulus contenant deux squelettes qui avaient chacun un collier
de bronze au cou, un bracelet de bronze au bras droit. Il y a trouvé aussi
des anneaux et des lances de fer, le tout fort oxvdé. Quelques objets en
silex, recueillis sur l'aire du tumulus, étaient déjà là sans doute, quand le
tumulus a été élevé pour servir de sépulture à deux Gaulois.
IX
La Revue (hs traditions populaires, tome XXI, n° 12, débute par cinq
contes bas-bretons, dont les quatre premiers racontent l'histoire de jeunes
gens dont la force était merveilleuse. C'est la forme qu'a prise en Basse-
Bretagne dans la bouche du peuple la légende de Cùchulainn (voir Kevuê
Celtique, t. XXVII, p. 321, 522). A l'âge de cinq ans, un de ces jeunes
Bretons était haut d'un mètre quatre-vingt et entre ses bras avait étouffé un
bœuf. Un autre se mit en route à l'âge de dix-huit ans, sa canne était de
fer et, pour la fabriquer, il avait fallu deux ou trois charretées de fer. Un
troisième n'avait que seize ans quand il quitta sa vieille mère, son bâton
était aussi de fer et pesait cent mille livres.
Le tome XXII, année 1907, nos j-^^ contient, p. 63-64, une chanson bre-
tonne recueillie dans l'île de Groix. Des traditions populaires bretonnes
d'un caractère merveilleux y paraissent aux pages 22-29, 73> 74> 78-80,
132, 133.
VAti^eiger qui termine le tome XX des Indogermanische Forschun-
GEN, contient, p. 154-161, le relevé des livres et des mémoires dont les
langues celtiques ont été l'objet pendant les trois années 1902, 1903, 1904.
Ce travail méritoire est signé B. Est-il de M. Karl Brugmann ?
Au tome XXI, première et deuxième livraison, p. 99-115, M. v. Blan-
kenstein a donné un article sur le grec /.ai-é. et les mots qui sont apparen-
tés à cette préposition ; p. 106, il admet que parmi ces mots il faut placer
l'irlandais cet « avec » ', en breton ancien caiit, aujourd'hui o-fl»/. Aux pages
167 et suivantes, M. H. Hirt présente l'a du latin matière comme une forme
affaiblie de l'f de aîvo, et il rapproche cet a de celui de l'irlandais, pensant
je suppose, au verbe anaim où Vm initial est tombé ^. A la page 175,
M. Thurneysen expose l'identité de hitu- dans hitumen avec betu- dans le
gaulois betii-lla, « bouleau >>; hitu ^* guetu- n'est pas un mot d'origine latine,
c'est le nom d'une sorte de gomme extraite du bouleau (Pline, N. H.,
XVI, 75); p. 179, il rapproche le latin haud :=:* bauiduvi de l'irlandais
gau, en breton gaou mensonge, et p. 180, il croit pouvoir reconnaître dans
raires du curé irlandais. Le curé bourguignon ne s'est pas contenté de mes
treize pièces, et l'idée ne m'est pas venue de trouver ses prétentions exagé-
rées.
1. Cf. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat^, p. 94.
2. Cf. Whitley Stokes, Ibidevi, p. 210.
Périodiques. 563
le second terme du latin coii-sulerc la racine du celtique *i«/;/(/, en irlandais
selhh, en gallois hchi< <' possession »; ce n'est pas la doctrine de M. Walde.
Lateinischcs etyiiiologisches Woerteibiich, p. 159, au mot consiliiiiii.
XI
La livraison des Annales de Bretagne qui est datée d'avril 1907
(t. XXII, no 3) débute par la première partie d'un article de M. de Closma-
deuc sur la Vénus du château de Quinipily, commune de Baud, Morbi-
han. C'est une statue de granit, haute de sept mètres, représentant une
femme nue et qui paraît avoir été intentionnellement dégradée. Au milieu
du xvii^ siècle, elle se trouvait près de Q.uinipily, sur le territoire de la
commune de Bieuzy; elle y était l'objet d'un culte qui scandalisa le clergé
chrétien. Des fidèles zélés la jetèrent deux fois dans la rivière, la retaillèrent
pour la rendre moins séduisante, ils auraient mieux fait de la transporter
dans un musée. Cette statue est probablement un ancien menhir gaulois,
romanisé par un sculpteur sous i'Rmpire romain. Est à comparer ce
qui a été dit du culte des nie)ilnr dans la Revue Celtique, t. XXVII, p. 314-
517, t. XXVIII, p. 128, 129.
La Vénus de Bieuzy est aujourd'hui conservée comme objet de curiosité
au château de Quinipilv comme le menhir de Kervadel au château de
Kernuz '.
M. Pierre Le Roux continue la publication des curieuses chansons bre-
tonnes de la collection Penguern.
M. Ferdinand Lot donne un nouveau chapitre de ses mélanges d'his-
toire bretonne ; comme plus haut p. 220, il s'occupe du ixe siècle et de
Nominoé; ici il parle de l'intervention du prince breton dans le domaine
ecclésiastique. Nominoé fit un schisme par la création de l'archevêché de
Dol et en prétendant ainsi affranchir les diocèses bretons de la juridiction
de l'archevêque franc de Tours. Ce schisme dura jusqu'en 1 199 ^ ; et, chose
curieuse, en 1859, une bulle du pape Pie IX, d'accord avec le gouverne-
ment français, créant l'archevêché de Rennes, détacha de nouveau la Bre-
tagne de la province de Tours '.
XII
Le tome XL de la Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung
se termine par un index où deux colonnes de la page 575 sont consacrées
aux langues celtiques. Le tome XLI, dont la première livraison a paru
récemment, sera le résultat de la fusion accomplie entre la Zeitschrift et
les Beitràge ^ur Kunde der indûgermanisc1)en Spracimi dont le tome trentième,
publié en 1906, sera le dernier.
1. Revue Celtique, t. XXVII, p. 318.
2. D. Morice, Histoire de Bretagne, t. I, p. 125 ; La Borderie, Histoire de
Bretagne, t. III, p. 205 ; Gams, Séries episcoporum, p. 547.
,3. Gams, Séries episcoporum, p. 607.
là...
3 64 Périodiques.
A la page 204 de cette première livraison, M. C. C. Uhlenbcck dit
qu'en 1903 il a proposé de considérer comme venu du celtique le basque
aiid7r « dame ». L'article écrit par M. Magnus Olsen sur le même sujet, et
dont nous avons parlé plus haut, p. 106, est postérieur de trois ans.
XIII
Dans le Bulletin des publications hagiographiques, Analecta Bollandiana,
t. XXVI, fasc. I, p. 114, le P. Poncelet reprend après M. Campion,
Annales de Bretagne, t. XXI, p. 277-284, la question de savoir quel rapport'
il peut y avoir entre saint Servatius, évêque de Tongres en Belgique et la
ville de Saint-Servan, en France, département d'Ille-et-Vilaine.
A la page 126, le même critique fait l'éloge d'un article de M. Alfred
Schulze sur la légende de saint Brendan dans la Zeitschrift fi'ir romanische
'Philologie, t. XXX, p. 257-279.
XIV
La R0MANIA, t. XXXVI, livraison de janvier 1907, nous met sous les
yeux, p. 91-96, une étude de mon savant confrère M. Antoine Thomas sur
l'étymologie du mot français dard, nom de poisson, qu'on devrait écrire dars
et dont la forme la plus ancienne est darsus chez Smaragde, Expositio in octo
partihiis Donati. M. A. Thomas suppose que ce mot est d'origine gauloise.
Il existe encore en breton sous les formes dan^ et dars comme le lui a écrit
M. J. Loth.
Dans une «liste des mots obscurs et rares de l'ancienne langue française»,
RoMANiA, t. XXXVI, avril, p. 252-301, le même M. A. Thomas donne,
p. 360, le verbe camhoisser, « s'arquer, tanguer », déjà signalé par
M. Delboulle, Romania, t. XXXI (1902), p. 367. M. Delboulle l'avait
trouvé dans l'ouvrage intitulé : « Des nobles malheureux », III, 8, édition
de 1538:
« Vivre en un bateau sur mer flottant et camboissant. »
L'étymologie celtique de ce mot résulte d'un article de feu Nigra sur des
mots romans, provenant, comme ce mot français, de l'adjectif gaulois
camho-s, camha, « courbe », Archivio glottologico, t. XV (1900), p. 280,
article auquel renvoie la Romania, t. XXXII (1903), p. 471. Sur le gaulois
camho-s, camha, voyez Holder, Altceltischer Sprachschat:^, t. I, col. 714-716,
où est amplement développé ce qui est dit de ce mot dans la Grammatica
celtica, première édition, p. 96, 1. 9, 10; deuxième édition, p. 81, 1. 32,
3 3 ; cf. Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschat-, p. 78: Karl Brugmann,
Grundriss, t. I, 2^ édition, p. 694; voir aussi Kuno Meyer, Contributions
to irish Lexicograpliy, t. I p. 311.
De plus, M. Antoine Thomas me fait observer qu'on doit placer à côté de
camhoisser un mot usité en Limousin, Auvergne et Périgord, c'est chamhige,
nom de la pièce courbe de bois qui est la partie essentielle de la charrue.
Périodiques. 365
Ce mot, sous la forme picarde Cambiche et sous la forme précitée Chambige,
est employé comme nom propre d'homme. C'est originairement un
sobriquet donné à un ancêtre à cause de la courbure anormale de son dos,
sobriquet conservé par ses descendants malgré la rectitude de leur échine,
tels les Bastard d'aujourd'hui qui cependant sont nés en légitime mariage
depuis plusieurs générations ; tels les A-la-petite, les A-la-Deuise qu'on
aurait grand tort de considérer comme fils de père inconnu.
J'allais donner le bon à mettre en page de cet article déjà composé à
l'imprimerie quand j'ai reçu un mot de M. A. Thomas :
(c Ma note sur Estève de Chambige se trouve, dit-il, dans le Bullelin de
la Société des parler s de France, n° 4-5 (1894), p. 107. »
Il me rappelle en outre qu'il m'a signalé comme d'origine celtique le
bas-latin caialntUa « crosse » dont il a parlé dans Romania, t. XXXV,
p. 118-119, à propos d'un article de M. Nigra dans les Batistcine ^iir roma-
niscbcn Philologie, Festgabe fur Adolfo Mussafia.
XV
Le BoLETiN DE LA Real Academia DE LA HisTORiA, tomc L, Contient,
p. 1-32, un mémoire du Dr. Nicola Feliciani sur les sources à consulter
pour l'histoire de la seconde guerre punique en Espagne, 218-206. — Le
P. Fita y continue, p. 196-213 et 271-310, sa révision du t. II du Corpus
inscriptionum latinarum. Il nous donne entre autres choses, p. 310, un
exemple nouveau du nom d'homme gaulois Segontius '. M. Angelo Casi-
miro de Govaiîtes cherche à fixer, p. 235-247, la position de la localité dite
Contrclnam qiiae Leiicada appellatiir dans le fragment du livre XCI de Tite
Live, où il est question des opérations militaires faites en Espagne par Ser-
torius l'an 77 avant J.-C. -. Suivant lui, cette Contrehia appartenait aux
Arevaci. C'est Contreras, province de Burgos, partido de Salas de los
Infantes. Il ne faut pas la confondre avec Contrehia, capitale des Celti-
béres '. — P. 249, le marquis de Monsalud donne une lecture nouvelle de
l'inscription qui porte le no 741 dans le C. /. L., t. II, p. 88 ; au lieu de
DMS
CILIVS il faudrait lire CILEUS
CAENONIS F SAENONI
APVLVS ANO.XV.M.I
EAECO F. APVLVS
V.S.L.M FALCO
V.S.L.M
M. Hùbner n'avait pas vu lui-même cette inscription et l'a donnée d'après
la copie de Philippe Guena.
1. Cf. Holder, Altceltischer Sprachschat:(, t. II, col. 1450.
2. Tite-Live. édition Weissenborn, 1862, t. VI, p. ix ; cf. Mommsen,
Rômiscbe Geschichte, 6^ édition, t. III, p. 29, 30; Revue Celtique, t. XV, p. 10,
où il a été dit que cette ville appartenait aux Berones.
3. Revue Celtique, t. XV, p. 18.
366 Périodiques.
XVI
La suite du mémoire d' A limer sur les dieux de la Gaule, d'Urobrocac à
Vellannus, a paru dans la REVUiiÉpiGKAPHiQUE, t. V, no 120, p. 202-207.
XVII
M. A. de Loisne a recueilli dans des travaux de terrassements faits
récemment à Arras des marques de potiers gallo-romains qui sont repro-
duites aux pages 405 et suivantes du bulletin de la Société nationale
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE, 4e trimestre de 1906. Quelques-uns de ces
noms de potiers paraissent gaulois : Beqiiro \ Erkus', Lairino, Lixia^,
Rennicus *.
XVIII
M. E. Ernault a donné dans le Fureteur breton d'avril-mai 1907, des
textes intéressants pour l'histoire de la langue bretonne. Ce sont des
extraits en prose du Doctrinal ar Clnistenicn, in- 12, imprimé à Morlaix en
1628. M. Ernault avait déjà tiré de cet ouvrage dix-neuf cantiques dont il
a publié le premier en 1891 dans le t. XVIII, p. 114-124, du Bulletin de la
Société arcJiéologique du Finistère^, les dix-huit autres dans V Archiv jûr
cdtische Lexicographie, t. I (1900), p. 214-223, 360-593, 556-606, en y
joignant, p. 606-627, ^" " Index des formes et expressions notables non
mentionnées dans son Glossaire moyen-breton » (1895). Dans cet index,
comme au début du texte en prose inséré dans le Fureteur breton, on
peut remarquer un nom du démon a:iraouant ^, aujourd'hui aerouanl :=
air-rouant, c'est-à-dire « roi des serpents » ; cf. rouant-ele^ « royaume ».
Le Doctrinal ar Christenien a été traduit du français par le breton Tanguy
Guegen qui en a donné une première édition en 1622 sous le titre de
Doclrin ar Christenien. De cette édition M. J. Loth a extrait un cantique qu'il
a inséré en 1890 dans sa Chrcstoniathie bretonne, p. 299-301. Le texte
primitif était espagnol et dû au jésuite Jacques Ledesma^.
L'article suivant est intitulé : The de la Villeniarqué Bubhle et signé
Keranborn. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit du vicomte Hersart de
La Villemarqué dans l'article nécrologique publié en 1896, Revue Celtique,
t. XVII, p. 76-79.
1. Holder, Altceltischer Sprachschat^, t. I, col. 364.
2. Ibidem, col. 1463.
3. Cf. Lixa, Holder, Altceltischer Sprachschuti, t. II, col, 275.
4. C{. Renicus, ibidem, col. 1127.
5. Cf. Revue Celtique, t. XII, p. 411.
6. Airouant dans le Catholicon de Lagadeuc.
7. Brunet, Manuel du libraire, 5= édition (1862), t. III, p. 919; Sommer-
vogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus (1893), ^- ^^ > '^o'- 1648-1650.
Périodiques. 367
XIX
Les livraisons d'avril, mai et juin de I'Irisleabhar na gaedhilge,
contiennent la suite donnée par M. Sean OhOgain, d'une édition de la
pièce intitulée Brisleach Mhor MJ)aighe Mhuirtbeiiiihiie. Il ne faut pas
confondre cette pièce avec celle qui, à peu près sous le même titre, Breslech
Maige Murtbeinne, a été publiée par M. Ernst Windisch, Tdiii hô Ciialnge,
1. 2430-2812, p. 337-405, et qui se trouve dans le Livre de Leinster, p. 75,
col. 2 à p. 79, col. I ; dans le Lehor nu bUidre, p. 77, col. 2 à p. 81, col. 2.
Ce que M. Sean ÔhÔgain nous fait connaître est une composition plus
récente, dont la date reste à fixer.
XX
M. H. Schuchardt a donné au tome XXX, p. 712-732, de la Zeitschrift
FUR ROMANISCHE Philologie un article fort savant sur les noms de pois-
sons réunis dans le Latercuhis de Polemius Silvius, qui date de l'an 449
après J.-C. Ce texte latin a été publié par Mommsen dans les Momimenta
Gernianiae bistorica, in-40, Aitctonini antiquissinioruw, tomtis I, p. 518-551,
et les noms des poissons y sont réunis à la page 543, 1. 5-18. M. Schu-
chardt se proposait pour but de compléter les notions réunies dans un
excellent mémoire de M. Antoine Thomas publié dans le tome XXXV de
la Romaiiia, p. 161-197, et intitulé : « Le Lalerctdus de Polemius Silvius et
le vocabulaire zoologique roman. » M. H. Schuchardt propose une étymo-
logie celtique pour le nom de poisson écrit aucoiavus par Polemius Silvius,
et dont une variante aiicorago est donnée par Cassiodore, Variaruni, XII,
4, I ', et a été citée par M. A. Thomas, p. 169 du tome XXXV de la
Ronnuiia. M. Schuchardt considère ancorago comme la forme vulgaire d'aii-
conigus, faute qui, chez un écrivain du vi^ siècle, ne doit pas nous étonner.
Il croit qu'aiico-ragiis ou aiico-raco'! est un composé et a le même sens que
l'allemand bakenlacbs, « saumon crochu », c'est-à-dire saumon mâle ainsi
nommé à cause de la forme crochue de sa mâchoire inférieure. Du thème
celtique *aiico- dérivent l'irlandais ècalb = "ankato- « hameçon » et le bre-
ton ankoc « luette » ^ Le thème * raco- *rago-sti trouve dans le gallois rbag-
qui, employé comme nom, signifie « front, entrée », et, employé comme
préposition, « devant » ; en breton rak ou rag a seulement ce dernier sens.
Le sens littéral d\incorago serait donc « qui a le devant crochu ».
1. Monumcnla Gervimiiae bistorica, in-40, Aiictorum antiquissiinorum,
t. XII, édité par Mommsen, p. 362, 1. 20. On ne comprend pas pourquoi,
sous l'influence du latin ancliora, Mommsen, d'accord avec les précédents
éditeurs, maintient l'orthographe aiichorago (Du Cange, édition des Béné-
dictins, t. I, col. 418, édition Favre, t. I, p. 241, au mot ancJiora ; Migne,
Patrologia latiita, t. LXIX, col. 857 A), tandis que les mss. portent aiicorcigo
sans /j, comme l'a constaté Mommsen, p. 515 de son édition précitée.
2. Victor Henry, Lexique étymologique des mots les plus usuels du breton
moderne, p. 1 1 ; cf. Whitley Stokes, Urkelliscber Spracbscbat^, p. 32.
;é8 Périodiques.
XXI
Dans I'Anthropologie, t. XVIII, n° de janvier-février-mars-avril 1907,
nous signalerons, p. 127-139, un article du D"" Hamy, intitulé « Les
premiers Gaulois ». C'est une étude sur des ossements et divers objets
trouvés dans des tumulus de Franche-Comté et de Lorraine. La conclusion
est qu'à la fin des temps néolithiques est arrivée en Lorraine et en
Franche-Comté une race brachycéphale qui apportait le bronze; ce seraient
les Protoligures, auxquels aurait succédé une race dolichocéphale, celle-ci
apportait avec elle des armes de fer, c'étaient les Gaulois.
H. d'ArBOIS DE JUBAIN VILLE.
Le Propriétaire-Gérant, H. CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS
SUR L'ORIGINE DE LA DISTINCTION
DES FLEXIONS CONJOINTE ET ABSOLUE
DANS LE VERBE IRLANDAIS
La désinence primaire active de la 3" personne du singulier
est la môme pour les types thématique et athématique en indo-
iranien, en germanique, en italique et aussi en vieux slave :
skr. âsti, âàdâti et hbârati, zd asti, dadâiti et haraiti, got. ist
et bairi'^, osq. est et faamat, v. russe jesfï, dasti et beretl
(v. si. jestn, dasin et heretïi); la désinence secondaire cor-
respondante est dans les deux types une simple dentale finale :
skr. àbharat, zd barat, got. bairai (ancien optatif), osq.
prùfatted, v. lat. fêced, v. si. pade (en regard du présent
padetu); le vieil arménien oppose de même eber « il a porté »
à berê « il porte ».
Deux langues offrent dans ces désinences primaires un
contraste entre le type thématique et le type athématique : le
grec et le baltique.
Le grec oppose è'a-t, dor. oiow-ït (ion. -att. oioMai) à oép-i. La
forme ç^psi, qui n'a de correspondant exact nulle part, doit
avoir été refaite sur la 2^ pers. œéps'.;; elle est du reste para'.lèle
à la 3" personne secondaire à'^spe, à côtéde lœspsç. Quelle que
soit l'explication de ofpsi, il demeure que l'une des langues
indo-européennes les plus anciennement attestées, le grec, a
des finales différentes dans le type thématique et le type athé-
matique; et tout se passe comme si la 3'' personne primaire
thématique <iép=i avait la même désinence *^t que la 3* per-
sonne secondaire sçsps = skr. àbharat, arm. eber.
Par une coïncidence curieuse, les trois dialectes baltiques ne
présentent la désinence -// que dans le type athématique : lit.
Revue Celtique, XXJ'III. - 24
370 //. Mcilh'l.
èsti,dûsh, lëkt(i\ v. \ettc pallcckl, v. pruss. ast, aslils, clâst, v.
Porzezinskij, K isiorii form sprja^euija, p. 44 et suiv. Par ail-
leurs, tout se passe comme si la désinence de la y personne du
présent était *-/, qui tombe naturellement ; et d'ailleurs, le bal-
tique n'offre aucune distinction entre les désinences primaires
et secondaires. On ne s'explique guère cette confusion des
deux séries de désinences que la phonétique ne provoquait
pas. La 3" personne du singulier — qui est devenue en baltique
la 3^ personne commune à tous les nombres — a pu en fournir
le point de départ, si comme en grec, le type thématique y
avait pour désinence *-/ et non *-//.
En présence de l'accord de toutes les autres langues, on serait
tenté de ne voir qu'un accident fortuit dans la coïncidence du
grec et du baltique, coïncidence qui n'est du reste pas com-
plète ; car le lit. lëka ne répond pas exactement au gr. Aei-izei.
Toutefois il est à noter que le lituanien et le grec s'accordent
à conserver dans le type thématique, pour les deux autres
personnes du singulier, de vieilles formes avec désinences dis-
tinctes de celles du type athématique : lit. lëkii = gr. av.-m,
lit. lëkî = gr. Kzir.zi-;. Et surtout, il faut tenir compte d'une
troisième langue, l'irlandais,, dont la situation est toute parti-
culière; il y a d'autant plus lieu d'envisager à cet égard
l'irlandais que, commae on a essayé de le montrer, le type de
2^ personne lit. Ick), gr. Xsfes'.ç s'y retrouve (v. M. S. L.,
XIV, 412 et suiv.).
L'irlandais ne distingue pas entre désinences primaires et
secondaires : l'aoriste y a les mêmes désinences que le présent.
Mais il distingue entre formes conjointes (munies de préverbes
ou précédées de la négation) et formes absolues (sans aucun
préverbe); à la V^ personne du singulier, la forme absolue a la
désinence du type athématique : bcriiii, et la forme conjointe la
finale du type thématique : do-biur; à la 3'' personne du pluriel,
la forme absolue est bt'rit = dor. oépivri, tandis que la forme
conjointe do-herai repose sur * bhcroiit; Vo est encore visible dans
tu thcgot « qui vont » du sermon de Cambrai, cf. gr. à'aTsr/cv.
L'hypothèse de M. Zimmerque l'indo-européen aurait employé
les désinences secondaires avec les formes verbales munies d'un
préverbe ne repose que sur le seul témoignage de l'irlandais;
elle est dénuée de toute vraisemblance, car le préverbe était en
i
Flexions coiijoiiilc cl absolue (huis le verbe irliiinlais. l'ji
indo-européen un mot rigoureusement autonome et ne pou-
vait par suite exercer pareille action sur la forme verbale; au
surplus le contraste entre berim et lio-biur n'est pas celui entre
désinences primaires et secondaires. Tout s'expliquerait si Ton
admettait une différence entre l'athématique * fi//, qui a donné
irl. is, et uneforme thématique *ur(//;t'/ (cf. lit. vcda « il conduit »),
quia donné la forme conjointe -fcid. La forme absolue fedid
(anciennement fcditli) aurait reçu la désinence du type athéma-
tique, comme la i""*^ personne /t'J///^ ; la différence entre la dési-
nence primaire et la désinence secondaire à la 3" personne du plu-
riel proviendrait d'une action analogique. Les formes théma-
tiques sans préverbe, qui ont au singulier des désinences de
type athématique_, devraient ces formes à l'influence du verbe
« être », qui apparaît en effet sans préverbe en irlandais : am
« je suis, » is « il est » ; les anciennes désinences courtes avaient
au contraire chance de se maintenir dans des formes que l'addi-
tion d'un préverbe, déjà soudé à demi, allongeait. Il résulterait de
cette hypothèse que l'irlandais aurait conservé les trois formes
anciennes du t3'pe thématique dans la flexion conjointe : -biur,
cf. lit. vedù; -bir, cf. lit. vedi ; -beir, cf. lit. vèda (avec un autre
vocalisme). Seule, la y personne du pluriel du type conjoint
ne représenterait pas l'ancienne forme thématique (en faisant
abstraction des i'"'^ et 2^ personnes du pluriel sur lesquelles on
ne peut rien dire); les trois personnes du singulier du type
absolu berim seraient nouvelles; et seule, la 3^ personne du
pluriel berit répondrait au type indo-européen de skr. bhâranti,
dor. oépovT'., got. bairand, lat. feriint.
Le slave fournit peut-être un quatrième témoignage en
faveur d'une désinence*-/ comme désinence primaire de la
y personne du singulier dans le type thématique. Le vieux
slave a beretû, le vieux russe berefï, et le russe moderne conserve
encore le -/ ; mais la plupart des langues slaves modernes ont
des formes du type serbe nèsê, petit russe iiesé, etc. Et ces
formes sont très anciennes; elles apparaissent dès le plus vieux
serbe, dans le seul vieux texte slovène (monuments de Freising),
etc. ; même les textes vieux slaves ont sporadiquement badeà
côté de badctû « il sera », et les formes de ce genre sont fré-
quentes dans le Suprasliensis (manuscrit vieux slave, mais dont
certaines formes diffèrent notablement de celles des autres
372 A. Meillel.
textes). Il est vmi qu'on rencontre aussi dès le début de la
tradition je à côté de jestu ; néanmoins la seule désinence en
-/ que conserve le polonais est jest (et aussi v. Tpo\.jes'c'); le
tchèque -àjesl ( à côté de je), et le serbe jest accentué (à côté de
je enclitique) ; or on ne conçoit pas comment nesetî pourrait
passer à *nese; il n^y a pas d'autre exemple d'une pareille
altération en slave; il faut partir d'une forme à désinence *-/;
V. r. nesetl, v. si. neseln auraient donc subi l'influence des
présents athématiques. L'identité des 3" personnes du pluriel
sg,tû et berçLtû suffisait à déterminer cette influence analogique.
La quantité longue de 1'^' dans serbe Hêsê par opposition à l'aoriste
né'se, ne s'expliquerait donc pas par un ancien * nesetî, mais
par l'influence de la 3^ personne du pluriel nèsû, issue de nesatù
(cf. -u bref issu de -g à la 3^^ personne du pluriel de l'imparfait
serbe).
Ainsi les quatre langues où il y a trace d'une 2^= personne
thématique primaire du type de lit. vedl ont aussi trace d'une
3^ personne thématique primaire à désinence *-t. Cette forme
a dès lors toute chance d'être la forme indo-européenne ; et
si elle a été généralement éliminée, c'est que le parallélisme de
skr. bhàranti et sànti entraînait naturellement une réfection de
* bharat en bhâràti d'après âsti; et ainsi dans toutes les autres
langues. L'indo-iranien, où la nasale finale a conservé la forme
-m, et où par suite le contraste entre la désinence primaire
-mi et la désinence secondaire -m était très clair, a généralisé
l'emploi de -/ pour caractériser la désinence primaire ; et il a
même à la r*-' personne du pluriel -niasi en iace du dor. -[j.sç.
Pour la même raison, l'italique marque nettement le contraste
entre -tÇi) primaire et -d secondaire. L'arm. berë « il porte »
prouve peu de chose, puisque la i'" personne bereiii « je
porte » n'a pas conservé la finale de gr. sipio, got. baira,
lat. fera, etc. La plupart des formes du type *bhereti, dont
l'accumulation semble au premier abord garantir l'antiquité,
sont donc susceptibles de s'expliquer par des innovations
analogiques ; et il y a lieu de croire que les trois personnes
primaires du singulier avaient en indo-européen des dési-
nences différentes dans les deux types thématique et athé-
matique; les vieilles appellations de verbes en -o) et verbes en
-[j.i trouvent ainsi une curieuse justification.
Fh'xioiis conjointe el absolue dans Je verbe irlandais. 375
L'italo-celtique a donc reçu d'une part une flexion thématique
où les trois personnes du singulier n'avaient pas d'/final, de l'autre
une série de désinences dites secondaires, dont aucune n'avait
d'f final. De là sont sortis des résultats bien distincts suivant
la langue. L'irlandais n'exprime plus le temps au moyen de
désinences suivant l'usage indo-européen; il a fondu la série
secondaire dans le type thématique et a créé une répartition
toute nouvelle des formes qu'il possédait — thématiques et
athématiques, primaires et secondaires — en en réglant
l'emploi suivant la présence ou l'absence de préverbes ou de
négations. L'osco-ombrien a généraUsé le type athématique
à -i final dans la série primaire (donc au présent) : la 3^ per-
sonne du pluriel, où, dès le début, -/ final se trouvait même
dans le type thématique, a servi de modèle; la série secondaire
a été affectée aux temps passés ; les voyelles brèves finales
étant tombées, le contraste se marque par l'emploi de la
sourde -f à la 3^ personne sing. du présent, et de la sonore
-d à la forme correspondante du passé. Le latin a sans doute
eu la même distinction que l'osco-ombrien, et le-^ de la vieille
forme épigraphique feced en est la trace ; mais à l'époque
classique, la forme qui représente le type à i final a seule
subsisté, et l'on a également facit et fècit dans tous les textes
littéraires. Le latin et l'irlandais ont donc, par des procédés
difi"érents, éliminé la distinction indo-européenne des dési-
nences priniaires et secondaires; c'est que cette distinction n'a
guère survécu, en servant à l'expression du passé, que là où
l'emploi de l'augment complétait et précisait l'expression :
dor. oépzv-i et 'i'i^pov, skr. bhàranti et àbharan s'opposaient
suffisamment ; partout ailleurs, le passé a reçu un signe
propre : dès lors la diflférence entre lat. ferunt et ferebant était
assez grande pour n'avoir pas besoin d'être soulignée par la dési-
nence. La création des deux séries, absolue et conjointe, du
verbe irlandais résulte donc de la perte de la distinction des
désinences primaires et secondaires du verbe ; ainsi même sur
ce point, où l'irlandais présente une innovation si originale, un
certain parallélisme apparaît encore entre les développements
latin et irlandais.
A. Meillet.
LES LANGUES ROMANE ET BRETONNE
EN ARMORIQUE
Depuis que les études celtiques sont entrées dans une voie
scientifique, les écrivains compétents sont tombés d'accord
que le breton était une langue insulaire importée de toutes
pièces en Armorique et que la langue parlée dans la péninsule,
à Tépoque de l'émigration, était une langue romane. On peut,
en effet, affirmer que non seulement l'organisme entier du
breton est le même que celui du comique et du gallois, mais
même qu'en dehors des emprunts romans continentaux et
français, le vocabulaire est complètement brittonique. Les
noms ethniques, l'hagiographie, les traditions entièrement
insulaires ne font que confirmer le témoignage déjà suffisant
de la linguistique. Enfin, j'ai achevé la démonstration dans
mes Mots latins en montrant que les noms de fmidi gallo-
romains si nombreux en Armorique (on en compte plusieurs
centaines) étaient indiscutablement en évolution romane au
moment où ils ont été adoptés par les Bretons. Et ce fait peut
se prouver sur toute l'étendue du territoire occupé. Le nom
breton d'Ouessant en est une preuve. Uxisama n'est pas devenu
Ochav mais Oesav (ix^s. Ossani), ce qui atteste l'évolution par
Oy-: Oessav est régulièrement devenu Ossav Çd. eus, est, gall.
ces. reustl = gr. rhwystr. Les habitants d'Ouessant s'appellent
Ossâis (pour Ossàvis). Les noms de fnndi en -ac dans le
Finistère ne sont pas bien nombreux pour des raisons que
j'ai exposées ailleurs. On peut cependant citer les noms de
paroisses : Yuliac, ancien nom de Tréméven, près Quimperlé,
Britbiac, Briec pour Briac, Scrignac, Irvillac, Mellac. Il y a
Les langues roiiKiiie el bretoiiiie en Armorique. 375
aussi des noms de villages : en Landunvez, Poiil CaUac ; en
Plabennec, CaJlac; en Audierne, P^/t Cadillac; en Landeleau,
Lan^ignac; en Trémaouézan, )]ies Tignac. Il y a des emprunts
importants faits sur place, qui ne se retrouvent pas en Galles
et en Cornwali. Le mot villare a donné le nom de paroisse
Guilcr dans le Finistère, GiiiUicrs dans le Morbihan français.
De plus, il y a, dans un très grand nombre de communes,
notamment du Finistère, des gitiler ' avec le sens de sortie
du bourg, place publique; à l'île de Batz, le giiiler (le mot
est régulièrement féminin) est un terrain vague servant de
place. Il y a une paroisse de Bcuxit dans le Finistère : Benoit
vieux-bret. biisit ^ Biisîtitm. Les Faouet ^= Fagèt nui sont nom-
breux. Il y a des paroisses de Peumerif qui remontent à Ponia-
rJtmn, avec une seule ///, car Poinnierit dans le Trégorrois, se
prononce Pàvrif. Il y a près Saint-Brieuc un bourg d'Etables
représentant stahuliiin : on dit en breton Staol, etc.
L'étude des noms de lieux prouve aussi ce qui, à priori,
était vraisemblable, que si l'émigration et la prise de posses-
sion d'une partie considérable de l'Armorique a été rapide, le
roman, en pleine zone actuellement bretonnante, a dû résister
assez longtemps. On peut affirmer hardiment d'après l'étude
des noms de lieux gallo-romains que les Bretons, à la fin du
vj^ siècle, occupaient à peu près comme surface la zone où
nous les trouvons établis à la fin du ix% mais, ce que n'ont
pas vu ceux qui se sont occupés de la question, c'est que dans
l'intérieur de cette zone bretonnante, il y avait des îlots
romans et que le roman a dû survivre assez longtemps encore
après; même en zone bretonnante actuelle, on en trouve des
preuves évidentes. Qu'il me suffise de citer Saille près Gué-
rande, où on parlait breton, il y a encore peu de temps et qui
vient de Saliacutn; Séné près Vannes : les habitants s'appellent
eux-mêmes Senegô-iv, si bien qu'en français on dit des Sénagos :
le nom des habitants est tiré de Senacinn, mais Séné prouve la
persistance du roman au moins jusqu'au vii"^ siècle.
11 en est de même probablement de Redené (Morbihan) :
cf. Radenac dans le même département. Le nom de Br ivet da.ns
I . On trouve Giiilar et Giiiler : o-iiilar = villare et o^uiler = villariitm. ?
376 /. Lolb.
la Loire-Inférieure, en zone, il y a peu de temps encore, bre-
tonnante, suppose une évolution romane assez prolongée,
puisque le nom de l'époque gallo-romaine est Brivates. Au
contraire le Coudât nom d'un ruisseau non loin de Vannes,
probablement au confluent du Liziec avec une autre rivière,
(car on appelle indiff'éremment le même ruisseau I,/~/Vr et
Conâat), a été surpris plus tôt'.
Cette question se lie à une autre : jusqu'à quel point la zone
où le breton a été parlé au moment de sa plus grande exten-
sion, c'est-à-dire la fin du ix'^ siècle, a-t-elle été bretonnisée?
Tout d'abord, jusqu'où^ au moment de sa plus grande
poussée, le breton s'est-il étendu?
Le cartulaire de Redon nous renseigne en partie, sur une
zone étendue du territoire breton, au moment même où le
mouvement d'expansion bretonne montre le plus de vigueur,
c'est-à-dire spécialement la seconde moitié du ix^ siècle. Il ne
me paraît pas douteux que si des événements historiques bien
connus n'étaient venus l'entraver, les Bretons n'eussent réussi
à s'assimiler même les régions romanes du Nantais et du Ren-
nais. Ils avaient déjà entamé la rive gauche de la Loire avant
l'époque où Erispoe, pour des raisons stratégiques et politiques
faciles à donner, enleva aux Francs et à l'évêché de Poitiers le
pays de Retz : Paimbeuf (Penbo) et Pornic sont de fonda-
tion bretonne. Quoi qu'il en soit, on peut, à l'aide de l'étude
des noms de lieux actuels, jointe à celle des chartes les plus
anciennes, déterminer assez exactement l'extrême limite de la
langue bretonne à cette époque. M. de Courson tait passer
cette limite au ix" siècle, en partant des bords de la Loire à
gauche de Donges et en allant rejoindre la Vilaine un peu plus
loin que Bourg-des-Comptes, par Brambu, Cambon, Quehil-
lac, Quilly, Pierric, Fougeray. En quittant la Vilaine, la ligne
passait par Mordelles, Langan, Langouet, Lanrigan, Cuguen
et aboutissait à l'embouchure du Couesnon. M. de Courson
s'est appuyé sur les chartes, mais ne les a pas toujours bien
interprétées. J'ai fait remarquer que sa Trefflicbe Karfe (Zim-
mer) = ndiuirabl niap (Phillimore) était bâtie sur des fonde-
I. J. Loth, Revue Ce]t!'(]uc,XXll, p. 104-105.
Les lanoues romane el brefoinie en Arniorique. 377
ments quelque peu branlants et qu'elle renfermait des erreurs,
et surtout une énorme lacune ; elle ne mentionne dans l'inté-
rieur de cette vaste zone aucun îlot roman. En étudiant les
noms de lieux et le cadastre des différentes communes, je crois
pouvoir dès maintenant rectifier cette ligne de démarcation :
la ligne part de la Loire à l'est de Donges en l'englobant, laisse
à droite Savenay, Nozay en englobant Blain, le Gavre, tra-
verse Marsac, Luzanger en passant entre Conquereuil et Jans,
laisse un peu à droite Bains, Poligné, Pléchâtel, Bourg-des-
Comptes, Laillé, Pontréan, Bruz, Moigné, le Rheu, l'Her-
mitage, Parthenay, Gevezé, Vignoc ; traverse Langouet, Saint-
Gondran, Saint-Symphorien, Guipel, Bazouge-sous-Hédé,Mar-
cillé-Raoul, Noyal-sous-Bazouges (en les laissant à droite),
Cuguen ; laisse un peu à droite Trans, Plaine-Fougères, Sains et
va aboutir à la mer, à l'est de Roz-sur-Couesnon.
L'étude des chartes et des cadastres des différentes com-
munes a été mon critérium. J'ai trouvé dans toutes les com-
munes englobées par cette ligne, ou des noms de fnndi en -ac,
ou des noms de village nettement bretons et d'origine sûre-
ment ancienne. Il ne faudrait pas croire toutefois qu'il n'y ait
pas eu des Bretons bien au delà de cette ligne. Après les con-
quêtes de Nomenoé et Erispoé, les Bretons s'établissent dans
les zones françaises du Nantais et du Rennais, surtout sur
les frontières où ils fondent de puissantes seigneuries et où ils
nous apparaissent entourés de gens de leur langue : c'est ce
que M. de la Borderie a parfaitement mis en lumière dans sa
Géographie féodale de la Bretagne. Dans la Loire-Inférieure :
à Teille, il y a un Roscoiiet; à Sion, Queneux (au xvii"^ ^''''-
neiic); à Saint- Viaud, un village de Mn:^iUac; à Issé, Coeireiix,
à Saint-Père-en-Retz, Coetitrgaut; à Coueron, Le Oitilly; à
Nozay, Treffieux; à Rougé, Lauguediin, Le Cadieit ; à la
Chapelle-sur-Erdre, Limeur (Lis meur). A Juigné, sur les
limites de l'Anjou, dans une charte de 1062-1070 (Cart.
de Redon 234), la plupart des signataires sont Bretons; à
Sainte-Marie-de-Machecoul, en 1055 Qbid. 264), il en est de
même. A Sainte-Opportune en Retz', en 1045, il y a un pro-
1. De Brous.;illon, dirtiiî. de Vahhayc de Soiiit-Aithiii d'Amrers,!!, p. 389,
391.
578 /. Lolh.
priétaire du nom de Simon fils de Coiiallen qui abandonne ses
droits à Saint- Aubin d'Angers ; parmi les témoins sont Gle-
vehen, Jonargon (Jarnegon) ; dans un autre acte de la même
époque, au même lieu situé sur la rive droite de la Loire,
Gradelon, un prêtre^ cède la dîme quam ipse donaverat pro
filio siio Janiegonio monachando : un témoin s'appelle Alan fils
d'Arscoid. Il faut bien se garder d'en conclure qu'à Juigné,
et à Sainte-Marie-de-Machecoul, la langue bretonne fût parlée
couramment ; les noms de lieux sont entièrement français, et
nous constatons chez les gens h nom breton, et probablement
d'origine bretonne, un commencement de francisation ; c'est
ainsi qu'à Juigné, Kenmarhoc est surnommé Pupart. Si deux
fils de la dame Guenno s'appellent Brient et Hervé, un troi-
sième est appelé (à l'ablatif) Bovc. Au ix^ siècle surtout, il en
est un peu des noms bretons dans le cart. de Redon, comme
des noms germaniques : ils ne prouvent pas d'une façon déci-
sive la nationalité. Pour les noms germaniques on peut même
aller plus loin : quoiqu'il y ait eu sous l'empire romain, des
Leti Frauci dans le Rennais, les porteurs de noms germaniques
sont des Gallos-Romains. Les noms de lieux sont, en effet,
gallo-romains en zone de langue française. En zone breton-
nante, les noms de lieux sont, en général, bretons ou, s'ils
sont d'origine gallo-rom.aine^ portent l'estampille bretonne.
Je pourrais donner ici les preuves justificatives de ma ligne
de démarcation, mais je n'ai pour but que de donner un aperçu
des résultats de mon travail, qui n'est pas terminé dans toutes
ses parties. J'ai fait un dépouillement à peu près complet du
cadastre de toutes les communes sur lesquelles, en dehors de la
zone bretonnante actuelle, la discussion peut porter; j'y ai joint
l'étude des cartulaires et chartes qui peuvent fournir des maté-
riaux, mais je n'ai pu encore tout compulser. Ces documents,
commune par commune, constituent déjà un répertoire
important qui s'enfle de plus en plus et aboutira peut-être à un
ou deux volumes. Le lecteur y trouvera les preuves de ce que
j'avance.
La seconde question : jusqu'à quel point la zone occupée
par les Bretons de langue a-t-elle été bretonnisée, se lie à une
autre souvent agitée mais à laquelle on n'a répondu que
Les langues romane et hrelomie en Armorique. 379
par des hypothèses en l'air : pourquoi la langue bretonne a-t-
elle reculé aussi brusquement du x^ aux xi'^-xii^ siècle ? Il faut
évidemment repousser la solution proposée par M. de la Bor-
derie et d'autres : ce recul serait dû à la conquête Scandinave
du x" siècle. Pendant une trentaine d'années, les Scandinaves
furent, en effet, maîtres de la péninsule. L'an dernier on a
découvert sur la côte de l'île de Groix, un tumulus de chef
incinéré dans sa barque de guerre, avec des armes en quantité
et 21 boucliers dont Vumbo reste. MM. Montélius, Stjerna et
Sophus Millier mettent ce tumulus, d'après les objets, à la
fin du ix*" ou au commencement du x'^. L'île de Locoal, en
1037, était la propriété d'un Scandinave portant un nom
breton, Gurki {Cart. de Redon, p. 32e). Une partie importante
de la population émigra en Angleterre et en France. Tous ne
revinrent pas évidemment. Ce fut surtout l'élément guerrier
et possédant qui fut amoindri : les panperes Britanni, comme
dit la Chronique de Nantes ' restèrent sous la domination étran-
gère. Les ravages avaient déjà commencé au milieu du ix^ siècle,
mais les établissements n'avaient pas été durables, et les
envahisseurs subirent à plusieurs reprises de sanglantes défaites.
Il ne faut pas oublier non plus qu'à cette époque Bretons et
Scandinaves étaient parfois unis pour ravager les territoires
français.
J'ai déjà fait remarquer dans mon Émigration bretonne,
p. 193, qu'il était invraisemblable que même la partie de la
population qui avait émigré et qui était revenue eût oublié
sa langue nationale et rapporté le français, en un espace de
temps aussi court. Il faut ajouter que les chefs émigrèrent plu-
tôt en Angleterre. Enfin, comme le dit la Chronique de Nantes,
I. On a beaucoup exagéré la portée d'un passage de la Chronique de.
Nantes (éd. Merlet, p. loi, ch. xxxiv) d'après lequel, Alain-Barbe-Tortc
aurait obtenu de Louis d'Outremer que le serf ou coUibert qui viendrait
s'établir en Bretagne, v demeurerait libre et ne serait pas réclamé par le roi.
La raison donnée par la Cbrouigiie, c'est qu'Alain voulait peiipter (populare)
son pays par crainte d'un retour des invasions Scandinaves. Ce fait n'est
confirmé nulle part. Ce qui paraît certain, c'est que les serfs auraient été
affranchis à cette époque. Rien n'est plus significatif et ne confirme plus
clairement ce que je viens de dire : c'est que c'est surtout la population de
langue bretonne, qui allait éprouver le besoin de combler les vides qui s'y
étaient produits.
380 /. Lolh.
les panperes eux étaient restés, et si leur langue s'était modifiée,
c'est qu'ils auraient appris un peu de Scandinave. Ce sont les
côtes du Morbihan et de la Loire-Inférieure qui ont été le plus
fortement occupées ; or le breton y persiste encore et a persisté
dans toute la péninsule guérandaise jusqu'à une époque toute
récente; et justement, dans la zone nord, c'est cà l'intérieur des
terres, dans la partie la plus à l'abri des ravages, que le breton
a le plus vite reculé. Dans la zone du littoral de la Manche,
le recul du breton au delà de Saint-Brieuc, a été également
assez rapide. J'en ai conclu que, dans la zone qui, du x^ au
xii'^-xiii'^ siècle avait perdu le breton, le roman n'avait pas dû
cesser d'être parlé. L'élément breton, par la domination et les
ravages des Scandinaves, y a été affaibli au profit de l'élément
roman. Une autre cause d'affaiblissement plus importante peut-
être, c'est la conquête du pays français de Rennes et de Nantes.
Les chefs bretons s'y établirent avec de nombreux clients, et
ne tardèrent pas, par des alliances et dans le pays et en France,
à se franciser, et à adopter la langue et les mœurs des popu-
lations parmi lesquelles ils vivaient. A ce propos, je ne puis
laisser passer une énormité dont la responsabilité revient à
Zimmer, mais que j'ai retrouvée aussi reproduite par J. Rhys' :
c'est que les Bretons auraient été francisés par les Normands.
Cela prouve une connaissance par trop incomplète de l'histoire
de Bretagne. Je laisse de côté les questions oiseuses de la suze-
raineté de la Bretagne cédée à Rollon par Charles le Simple.
Cette suzeraineté n'a aucune importance et n'a été effective
qu'à la suite de la conquête de l'Angleterre avec l'aide des
Bretons, de mariages qui ont amené des Normands de Neustrie
au duché, et de la prépondérance des rois d'Angleterre,
notamment sous Henri IL Les zones les plus exposées à l'in-
fluence des Normands de langue française étaient romanes et
françaises bien avant l'établissement de Rollon.
Un simple coup d'œil jeté sur la carte de la zone breton-
nante du ix^ siècle, nous montre dans l'intérieur de cette zone
des paroisses dont le nom a subi l'évolution romane et
française, quoique la langue bretonne y fût (en partie) parlée :
I. Tbc Arthuridu li'i^i'in], p. 375, 376.
Les langues roiiniiie cl breton ne en Annonque. 381
dans rille-et-Vilaine : Cherrueys, Vildé, le Vivier, la Goues-
nière, Ja Fresnaie, Tressé, Le Tronchet, Bonnemain, Lour-
mais, Bazouges-sous-Hédé, Dingé, Bécherel, Hédé, Montau-
ban, Crouais, Bédée, Breteil, Romillé, Cintré, Mordelles,
Bréal, Chavanne, Lassy, Maure, Lieuron, les Brûlais, Fouge-
ray. Bains, Brain; dans la Loire-Inférieure : Conquereuil,
Blain, Plessé, Nozai, Bouvron, Fay, Besné, Montoir, Saille,
Donges; dans le Morbihan : Les Fougerets^, Malestroit, Cour-
non, la Gacilly, Rochefort, Mauron, Lanouée, Josselin (xii'-' s.)
etc.; dans les Côtes-du-Nord : Matignon, Corseult, Bour-
seul, Guitté, Caulnes (C- est dû à l'influence bretonne), Col-
linée, La Bouillie, Broons, La Ferrière, La Chèze, Gausson,
Moncontour, La Malhoure, Quessoy, Le Fœil, L'Hermitage,
La Motte. Dans le Finistère, La Feuillée paraît devoir se ran-
ger parmi les noms en évolution. La forme la plus ancienne est
an Folleâ (xii-xiii'^ s. : Chrest., 204), mais on prononce aujour-
d'hui ar Foityes, ce qui peut faire supposer que le d final de
Folhd est une spirante sourde. Cependant il y a aussi dans
cette zone des exemples de d final conservé : dmives (^Chrest.
372). FoJled = Folied est d'origine romane, et remonte à
Folied = foliûda ' : ce serait un mot en évolution française des
plus intéressants. Il y a dans le Finistère des noms de lieux
français, mais ou bien ils sont assez récents, ou ce sont des
traductions (Port-Launay), ou de mauvaises transcriptions. On
remarquera que dans la partie bretonnante actuelle du Mor-
bihan et des Côtes-du-Nord, peut-être en faisant les mêmes
réserves, à part Séné et Redené, il n'y aucun nom de paroisse
en évolution française. Auray est une francisation : en breton,
on ne connaît quJlré.
Cette proportion si considérable de noms de lieux impor-
tants témoignant clairement d'une origine romane et de l'évo-
lution française dans la zone anciennement bretonnante et
aujourd'hui française, tandis qu'il n'y en a pour ainsi dire pas
dans la zone actuellement bretonnante, est déjà une preuve
suffisante de la présence d'une population de langue romane
puis française au milieu de la population de langue bretonne.
I. CL foillci, feuillée, feuilles : Eniault, Gloss. iiioy-bret.
382 /. Lolb.
Assurément un certain nombre peuvent ne pas être d'une
haute antiquité, mais comme ce sont des noms de paroisse,
même en l'absence de documents précis, on peut être sûr
qu'ils sont en général anciens. Il y en a dont la forme suffit,
comme Romillé, Guitté, Bi'eteil^, Bréal, etc.
Dans la zone mixte, non seulement les noms de paroisse à
évolution française sont assez nombreux, mais on relève des
noms de lieux évidemment très anciens, d'origine gallo-
romaine, qui ont évolué en dehors et indépendamment du
breton qui y était aussi parlé :
Dans l'Ile-et-Vilaine à Goven : La Combe (en breton Coniii,
assez fréquent dans le Finis.tère); à Saint-Uniac, Monterfil,
Bédée, Lanrigan, Iffendic : Le Pommeret; à Maxent, la Combe,
à Saint-Suliac : Champagne.
Dans les Côtes-du-Nord : à Vildé-Guingalan, à Saint-Glen,
à Trémuson, à Henansal, au Caïubout : Le Pommeret; à
Étables : La Combe; Plédéliac : La-Coiiibe-ês-Fourneaux; à Saint-
Ygneuc : Les Combes.
A côté des noms de villages en -tac, on en a en -é : à Mor-
delles : Marigné, Vincé, Calignc; à l'Hermitage : Marigné; à
Guichen : le pré Acignc; Crotigné à côté de Chauvignac qui est
hybride; à Mont-Dol : le clos Foligné; à Meillac, à côté de
'Feriac, Villée; à Quédillac : La Villée; à Loscouet, Chauvigné:
à Gahard : Vriguc.
L'étude des patois français renforce encore ma thèse; si le
français s'était avancé peu à peu de l'est à l'ouest, il est évident
que sur une zone si étendue on devrait se trouver en présence
de formes d'époques diverses. Or, abstraction faite des formes
purement françaises, les patois de la Bretagne présentent une
réelle unité. Ils se rattachent plus spécialement au patois du
Maine et de l'Anjou, et, comme eux, ont des traits com-
muns avec les patois normands : le patois de l'Avranchain est
très près du patois de la zone rennaise (sur ces questions v.
Dottin, Glossaire du parler de P lécha tel ; cf. Gôrlich, Die nord-
westlichen Dialekte der langue d'oïl : Bretagne, Anjou, Maine,
Touraine, dans Fran:{ô:^ische Siudien, V, 3^ fasc. i88é; Annales
de Bref., XI, p. Si, etsuiv. 415; XII, p. 551 ; XIII; XIV; etc.).
Quand s'est foit le recul du breton? A-t-il été aussi fou-
Les langues ronuiue el breloinu' eu Armorique. 3S3
dro3^ant qu'on le dit? Il tiiut tout d'abord fliire une réserve
pour un certain nombre de communes où le breton ne s'est
éteint que récemment. Dans ce cas se trouve la plus grande
partie de la péninsule guérandaise. A Batz et aux environs, on
parlait encore breton dans ces derniers temps ; à Penestin, le
breton s'est éteint au xviii^ siècle. En étudiant le cadastre, il
m'a été facile de séparer cette zone peu étendue à l'intérieur,
d'avec les autres. Dans ces communes le breton a.non seulement
dominé mais a été longtemps exclusivement parlé. Je les
englobe dans la zone bretonne pure en traçant plus loin la
lia:ne de démarcation entre cette zone et la zone mixte.
Pour le reste, on peut poser en principe que le breton s'y
est éteint du x'^ au xii-xiii^ siècle, dans certains endroits plus
tôt, dans peu, plus tard. L'évolution française dans les noms
bretons se montre de bonne heure : IVern (83e) s'écrit et sans
doute se prononce Gtier en 1137 (Morbihan). La vocalisation
de / en // qui ne se produit en breton que devant / ou d est, en
dehors de ce cas, un fait français qui ne peut être postérieur
au xii^ siècle : Canines ÇCaiiiies)', Pluiiiaugat (Malcat pour
Maelcat), Plumaudan (vraisemblablement Maltan pour Mael-
tan). Bauré-sur-l'Oust, près Redon, en Bains, était au ix*" s.
Balrit. Corsent (ou anciennement Corsant) = CnriosoJites' est
incontestablement le fruit d'une évolution française ancienne.
Car pour mtT; les terminaisons en -oc, en -eue nous ramènent
à peu près à la même époque, quoiqu'on trouve des noms en
-eue en zone bretonnante, à une époque presque moderne.
L'évolution, de th, â en h au xii"^ siècle est un tait plutôt
français. Les terminaisons en -oc (Cardroc) montrent l'évo-
lution bretonne arrêtée au x-xi" siècle.
Parmi les nombreux documents que j'ai rassemblés, j'en
choisis un certain nombre qui suffiront à illustrer ma thèse :
1° à savoir que dans une zone considérable de la Bretagne bre-
tonnante, les deux langues ont coexisté, le breton dominant
dans une grande partie des évêchés de Dol, Saint-Malo, Saint-
Brieuc, Morbihan et Loire-Inférieure, sans étouffer le roman
et sans faire disparaître de véritables îlots romans; 2° que
1. ca est dû à l'inuencc bretonne ; j'y reviens plus tard.
2. évaluant d'une tacon bretonne Cûrio-soJitcs eût donné Kersolt et Kersoivt.
384 /. Lolh.
le breton s'est éteint dans cette zone mixte du x'^ au xii''-
xiii'^ siècle, plus ou moins tôt, suivant les localités.
Ille-et- Vilaine. Xous avons la bonne fortune d'avoir dans
le Cart. de Redon, des chartes concernant un certain nombre
de paroisses de la zone mixte, en particulier Langon, qui n'est
pas loin de Redon. Un examen superficiel n'y révélerait que
du breton et on serait tenté de conclure que le roman en a
disparu ; mais il y a toujours un indice sûr de la persistance de
l'élément roman : c'est la présence d'hommes ou femmes à
noms germaniques. Dans la charte la plus ancienne de 797
{Cart. Red., p. 147), des missi du comte Frodald Gautro et
Hermandro viennent demander à un propriétaire breton
du nom d'Anau, à quel titre il occupait Landegon, avec
ses colons et sa terre. Anau répond qu'il le tient de ses aïeux
et hisaïeux {avis et proavis) ce qui, entre parenthèse, suppose,
si cela avait besoin d'être démontré, contrairement à ce que
prétend M. de la Borderie, que la zone à l'est de Vannes était
au pouvoir des Bretons, bien avant la fondation de l'évêché
de Redon et même le commencement du ix' siècle. Les scabini
de Frodald, tous Bretons (Sullon, Altroen, Catlouuen, Uuore-
thael, Juduuallon, SicVi) exigent qu'Anau jure avec douze
témoins : sur ces douze témoins, deux ont des noms germa-
niques ou romans : Travert, Risbcrt. L'acte est fait à Langon ;
parmi les témoins, à côté des quatre Bretons signe avec
Gautro et Hermandro, Indoleno.
Dans une charte de 832-866 (Cart. 168), un propriétaire
à nom germanique, Burg, donne Caiiiprotb : camp, qui se
retrouve dans Gran-camp, mal écrit Grandchamp près ^'annes
(on est arrivé à Gregamp = grancàiup ; Guingauip {Giuengaiii),
dans le sens de champ a été emprunté sur le continent : on le
trouve dans un certain nombre de communes bretonnantes,
comme nom de terre : campir = camp-hir. En 862, à côté des
Bretons, signent parmi les notables : Godofred, Momlin. Les fils
d'Anau apparaissent dans une charte de 826-840 (cart. 148)
avec des noms germaniques : Aelifrid (Etelfrid, plus bas), et son
frère Godun accusent leur frère Agun au sujet de l'héritage
paternel in mallio publico dans un lieu roman Brufia. Acun
donne C soJidos à partager entre Uiiidon, Ad'ahin et Ratuili (Bre-
1
Les hiiigitcs romane et bretonne en Arnioriqne. 385
ton). Les scahini sont tous Bretons, moins Burg. Ces faits
sont très significatifs sans insister sur Brufia. Si les fils d'Anau
ont des noms germaniques, c'est qu'évidemment Anau avait
dû s'allier à des familles romanes du pays. C'est d'autant plus
frappant que nous voyons, dans des localités où le breton a
déjà sûrement disparu, des noms très bretons conservés dans
bon nombre de familles. Il y a mieux, il y a une preuve directe
que le roman (français) était parlé à Langon avec le breton.
Il est fait mention dans une charte de 832-840 (p. 94) d'un
champ cultivé par Fetmer : campum Camdonpont. Il me parait
évident qu'il faut lire : Camp don pont. En efî"et, dans une charte
de 852 (p. 368) ce champ porte le nom de CampneJpot : ici
évidemment, il fout corriger camp de! pont, le champ du pont.
Le scribe breton de Redon n'a dû rien comprendre à cette
expression parfaitement française. Pour camp nous verrons qu'il
y a un certain nombre d'exemples en Bretagne française du
maintien de ca-, même aujourd'hui, par suite de l'influence
bretonne.
Brain et Plaz. Ces deux noms sont français.
Plaz est donné sous les formes Placitum et Plaz(Cart. Red.
838-849, p. 46, in plèbe Placito; 861, p. léé. Plaz). Parmi
les témoins, en général, à noms bretons, je relève en 838-849
Guandromacr : en 860 Berinker, Lanfred, Rowuuart. Dans une
charte de 869, p. 192, nous avons une preuve directe que
le peuple, à l'ile de Plaz, parlait roman : entre autres îles don-
nées par le roi Erispoé pour le salut de son âme et celle de
son père Nomenoé, on cite insula quœ vocatiir Pla^, q.uam
UNDIOUE COMMANENTES, ALIO NOMINE VeNEZIA APPELLANT.
Venexia et par son v initial et par sa terminaison (si v est
prononcé lu ou écrit lUi) est manifestement français.
Chavannes : le nom est français. En 1040 (Cart. de Saint-
Georges, p. 105) à Cauana, il est fait mention d'une ville Esvi-
gnei : c est Evigué, aujourd'hui : c'est un nom gallo-romain en
évolution française : cf. Côtes-du-Nord Evignac.
Fougeray. Dans les chartes du ix^ et du x^ siècles, tout y
paraît breton, moins les noms Gosbert, Renouart et Sigibert
Revue Celtique, XXVIII. ' 25
386 /. Lolh.
(Cart. Red., 24-166, 187), mais le nom même de Fougeray
(Fclkeriac dans les chartes) est un témoin irrécusable de la
persistance du roman dans cette paroisse.
GovEN : la plus ancienne charte à moi connue est du xir' s.
(Cart. d. S. -Georges, p. 137) : j'y relève Lrt Bernukie et Paiie-
poiitis, qui est manifestement une déformation du breton Pen-
pont, tête du pont.
GuiCHEN : charte de iioi (Cart. Red. 318): à côté de
Glan-ret porus, très breton, de Me^ac {Messac) nom gallo-
romain saisi en évolution romane au vi® siècle, mais témoi-
gnant par sa terminaison de son passage au breton, il y a un
moulin du Gravot, nom bien connu, en zone purement fran-
çaise, près Rennes. Le donateur est WaiiUerius fils dejudicael :
son nom est français ; son fils est Gaufrid et sa femme Gonnor.
A côté de la terre d'Inisan, est celle de Gérard.
LoHEAC (LoHOiAc) : charte de 1062 (Cart, Red.^, 234). Les
donateurs sont Judicael et sa femme Uuacelinc; les témoins
nobles sont d'un côté Judicael, Hervé, Guethenoc (Bretons),
de l'autre : GuaJterits, Frogcrius fils de Robelini et Ansgerius
Charru.
Les Bretons eux-mêmes sont francisés : Godahnus est fils de
Glemarhoc, avec Gradelon ; Einulfiis avec Helmonoc est fils
du Breton Liosoc.
MoRDELLES et Bréal : les deux noms sont français. En 1028,
103 (Cart. S. -Georges, p. 95) une ville s'appelle Siha : or, c'est
La Foret aujourd'hui. En 1070-1080 (ilud.,p. 135) deux villa
sont mentionnées à Mordelles; toutes les deux françaises :
villa Finceiii, c'est Vincé, aujourd'hui, et la Terceria.
Plélan a été le séjour flivori de chefs bretons et notam-
ment du roi Salomon. Aussi toutes les chartes du lx.^ siècle et
une du x^ ne donnent-elles que des noms bretons (Cart. Red.,
39, 40, 41, 60, 61, 64, 71, 78, 172, 192, 195, 197, 226,
227, 347, en exceptant le nom d'un prêtre, Ec^reval (an 869,
p. 189).
En 1144, tout est changé (Cart. Red., p. 347) : Boscher et
Jacut fils de Hiigonis BcUi (Huon le Bel) sont surpris coupant
la moisson dans une terre que réclamaient Roaldus (évolution
J
Les langues romane cl brcloniieeii Armoriquc. 3S7
française de Rodait) fils de Gantier. Roalt et ses frères tuent
Jacut et blessent mortellement Boscher. Les témoins sont,
à côté de Rivallon et Even, prêtres qui peuvent être d'ailleurs,
et Guehenoc (Guether/oc serait la vraie forme bretonne),
Gaufridiis rnintcrius (le mintier) moine, Guihomar (forme
française de Giuiw-ho mardi) gendre de Ferme, Roalt, Boscher
et GuiscHART. Plélan est évidemment français au xii'= siècle.
Saint-Just, près Redon : charte de i loi (Cart. Red., p. 321).
Quelques personnages ont encore des noms bretons : Menki,
Aldron (Altroen), mais Maenki a pour fils Hamon et Raoul
(Radulfus) ; Guethenoc a pour fils Normandiis Bastardus dont
la femme s'appelle Odicia; Glemarhoc apour fils Rabin; Derian
est fils de Cokelin (Coquelin). Un témoin laïque s'appelle
Barbot.
SixT {si^ et même si) : dans les chartes du ix^s. (Cart. Red.,
360, 3, 157, 37, 81) les témoins sont Bretons moins Fiilcrit
(p. 157). Les villas Noial et Eriginiac sont d'origine gallo-
romaine. En 1037 apparaît la villa Fiirnel.
En 1108-1133, les gens paraissent français ou francisés :
Richart, Hoes filius Orion (et son frère Jarnogon); Pichart fils
de Morin (en breton, on eût eu Mer in), Rivalon Afichet.
TiNTENiAC : à la fin du W" siècle, c'est le français qui
domine. Si en 1060, les noms des signataires sont bretons, il
y a dès villas d'origine romane par le nom : villa Herfred,
v'ûlz Hermenf redis, v'iWa. Bernard (Cart. St-Georges, p. 94); je
remarque : si quis vendiderit baccon (p. 97); à la même
époque environ (p. 155) : fiiangeria quœ reddunt Ismalienses
(les seigneurs de Tinteniac). A la fin du xi'' siècle (p. 155),
nous sommes en pleine zone française : villa Dodelini; La
Gavascheria (La Gavacherie); la Tnscbia (La Touche). Au
XII'' s. (p. 137) signalons Le CoiidroiQe Coudray aujourd'hui);
la terre de Castelein (le grand et petit Châtelain); en 11 97;
(p. 193) : dîmes de la Pooeleterie, de la Santé cochère, de la
Boerie, de la Meenerie; en 1223 (p. 216), medietaria de Chas-
telaii; en 1206- 1207 : Leprosaria; a Maladeria versus Castelet
Buson (et torrentem qui dicitur Guentus : nom breton). Parmi
les noms d'hommes, à côté de noms bretons, on remarque en
388 /. Loi h.
1060 BiienvaJcl et Buenvnllet (p. 99); Odon fils de Glen; Tuai
Bastart ; à la fin du xi'' s. (p. 155), Gaufred fils de Normant;
en 1263 (p. 20) : Agnes et ses fils Geroart Lecoq, Guill. Gopil.
Il y a d'autres noms qui confirment les preuves que le bre-
ton a dû à peu près complètement disparaître dans le cours du
xi^ s. : en 1220 (p. 214), terre de Trefioc : -or ici n'a pas évolué
en -Clic, car ce village est aujourd'hui Trcfcrioii; or cette évo-
lution en -ôc s'était faite sûrement au xr' siècle dans la pro-
nonciation. En revanche Cainpanoc en 1040 est aujourd'hui
Campeneuc.
DoL et les environs (S.-Brolade; Roz-sur-Couesnon, la
Fresnaye, Baguer-Morvan (Bagar), Hirel, Cuguen, etc. Dom
Lobineau (Hist. de Bret. Preuves, II, p. 133 et suiv.) reproduit
des titres concernant l'église de Dol, tous de la fin du xii^ siècle :
moulin de Olivel; a. caleiideria usque ad Maupol; in Chasiieio;
verderie de Carcou (en St-Brolade ?) ; Bnicria ; en Charniiers
(Cherrueys) campum Trossebof (et cultura Moarec'); la capella
Briisle (p. 136); en Hirel (p. 36) : pischaria (pêcherie) Hose
pischaria Aveline; pisch. Garnerii ; pisch. Garani Pagaii; nicte-
rie en Fresiieia : met. Glaian (breton), met. Bercnger; met.
Roberti Longi, les Burfart; met. Giiibcrl ; Eniaiideria; masiira
Hervei presb. et Esvelardc et filiorum Will. Bovis et Will. Hos-
pinel; en Cuguen : Mcslchert {mes, champ, en breton) et Crenion
quod modu (leg. modo) appellatur Macbiia et Jiihelleineria (la
Jiihellem-iere sans doute, du nom breton Juhel = Jud-hael);
lande de ChaleviUe. A côté de quelques noms bretons, Petrus
Pinel, Herveus Chevalcr : Irvoiiis (Urvoy) filius Galterii;
Archcnaiid fils de Menar. La langue courante est le français :
p. 133, il est question de privilèges de pêcherie touchant:
Vestnrjon, salmon, BaJeim et totum Le vuarec (Je varech) ; landa
as pendus (jp. 134) : aux Pendus.
En revanche, on peut relever des tormes très bretonnes',
dans toute cette zone : villam Me:;^uoit prope castellum Dolis;
I. M. Saint-Mieux dans un intéressant article paru dans VHennine, 1904,
p. 182, 1905, p. 14-82, sous le titre de De la formation des noms de lieux du
Poulet, où on trouve après quelques divagations préhistoriques assez répan-
dues, de judicieuses remarques sur les suffixes formatifs des noms de lieux,
exception faite toutefois de -acuiii, -iaciim, a soutenu une théorie absolu-
I
Les langues romane et bretonne en Annorique. 389
Carfenîon (auj. Carfantoîi), v\\\-;\m. Beihon (lisez Bethou}^ et
Roz, à côté de terra Hameti (Hamet).
BÊCHE REL : Le prieuré de Saint-Jacques de Bécherel dépen-
dait de Marmoutiers. Les archives de Rennes possèdent un
certain nombre de chartes concernant Bécherel et les environs.
Inutile de faire remarquer Bécherel : c'est ce qu'il y a de plus
français. Les chartes malheureusement qui nous importent ne
sont que du xiii^ siècle. Le français règne : charte du xiii^s. : in
granateria (in bono Argantelin, nom vieux-breton); les témoins
sont Gauf. de Malo Nido (de Maniiy), Guill. Rossel ; Gaufr.
Malo-Infantc (^Maknjant); charte de 1288 inter cheminum quod
appelatur cheminum de Conrsout et cheminum Dynanemense ?
et terram des Cressonnières.
Iffendic ' : Dans la même zone. Les chartes intéressantes'du
prieuré d'Iffendic, dépendant aussi de Marmoutiers, et conser-
vées aux archives d'IUe-et- Vilaine, sont un peu plus anciennes
mais ne donnent pas grand'chose : charte de 1122 : les noms
des signataires sont français, à part quelques-uns dont la défor-
mation même atteste l'usage du français : Maiugoueus = Maen-
Keneu , aujourd'hui Maingueué; Garino ; Roberto TuagaUuui,
c'est-à-dire Tue-gal : c'est une transcription absurde mais très
française du breton Tugal, forme déjà francisée de Tutgual.
(x^ siècle Tut-iuaï); c'est sous le nom de Tugal que ce saint
est honoré dans l'église cathédrale de Laval. Il en est de même
dans la charte de fondation qui est de la même époque : à côté
ment fausse, en avançant que le Poulet (Pou-aJet) était un îlot français
entouré d'une ceinture bretonne : après avoir reçu une population bre-
tonne peu nombreuse il y aurait eu, à la suite des invasions Scandinaves,
une repopulation française. Le Foutct est dans les mêmes conditions que
le reste de cette zone. Il y a^ même dans le cadastre actuel, dans les chartes
anciennes, à plus forte raison, des preuves évidentes d'une forte occupation
bretonne. M. Saint-Mieux ne connaît pas les pièces du procès : à Saint-
Malo même, le talar (et non le talani) signifie exactement sillon. Enfin,
M. Saint-Mieux a lui-même un superbe nom breton, saint Maitoc =
*Maglàcos, dérivé de Maglo-s, chef.
Quant à Alet, loin d'être pré-celtique, c'est un nom de lieu bien connu
du Coiiiival et du pays de Galles. Quant aux noms norois, aucun ne me
paraît démonstratif.
I. Au xiie s., la forme est Hil-phinlic, c'est-à-dire la race, les descendants
de Fin tic.
390 /. Lolh.
de noms bretons, comme Gaer~ (Gahard commune d'Ille-et-
Vilaine), Treiiielin bois près de Talensac, les noms des signa-
taires, à part Jarnogonius, Gradelonus, Arveus sont français,
particulièrement ceux des faiimli; Guill. de Bretulis (Brete'û}^ ;
Moyses Pellem in Collo ; Herveus Capiit asini (auj. Chedane);
filius Galterius BeUi Hoininis (Belhomme).
MoNTFORTet le voisinage : charte de 1296 (titres de l'abbaye
de Saint-Melaine de Rennes, fonds La Borderie, aux archives
d'IUe-et-Vilaine) : Johannes (et frater Lamoiiroiis = ramoureux
est prieur de Montfort; Perrot Perdri:^^ et sa femme Nicholaa
donnent, en échange, une terre à Saint-Jean de Montfort sise :
inter herbergamentum Morelli de Campis ex una parte et
herbergamentum familiic defuncti Guillelmi ex altéra et
quamdam peciain prati sitam in parochia Sancti-Nicholai
Montisfortis inter osseriam dicte Florie La Baguenière ex una
parte et pratum quod predictus prior habuit a Radulpho
Bechebîen {Bèche-hieiï) inter herbergamentum Gaufridi Geencors
ex una parte et herbergamentum Jobini Leialendier (Le Tail-
landier).
Dans l'ensemble, il paraît sûr que le breton était éteint,
dans la zone bretonnante du département actuel d'Ille-et-
Vilaine, aux xi'^-xii'^ siècles.
Loire-Inférieure : les paroisses de : Escoublac (Saint-
Nazaire), Saille, Guérande, Batz_, Piriac, Le Croisic, la Tur-
balle, Saint-Lyphard, Asserac Herbignac et celles de Pénestin,
Camoel, Férel qui sont du Morbihan, quoique dans la même
péninsule, sont hors de cause : le cadastre y est encore presque
entièrement breton et sûrement le breton n'a cessé d'y être
parlé qu'assez récemment. Ces communes appartiennent à ce
que j'ai appelé la zone exclusive m eut bretonnante.
AvESSAC : c'est un nom àt jiindns gallo-romain qui se trouve
ailleurs. Les chartes de 892 (Cart. de Redon) ne nous donnent
guère pour Avessac que des noms bretons, p. 49, 65^ 73, 89,
95, 151, 159, 192, 219 ; celle de 1 108, p. 291 ne donne rien.
Cependant la virgata Piiz^ paraît bien un nom français (p. 49,
charte de 836-842); à remarquer parmi les témoins Cadalun
(p. 74, ix^' s.), Igehert (p. 96, en 858), Telfred (p. 169, en 858).
Les langues romcvie et bretonne en Armorique. -^^i
Il y a un indice curieux que le français devait être parlé avec
le breton à Avessac : ce sont les variantes dans une charte de
869 (p. 192) Davi\ac{m plehe Daviciacd) et Cl av!\ac : Clav^ac
est une mauvaise lecture du copiste pour Davi:{ac : il y en a
d'autres exemples. Elle assure, en revanche, la forme Davi^ctc.
Cette forme ne peut s'expliquer que par une méprise du scribe
breton qui recueillit les dépositions des gens d'Avessac : il
entendit gens ou paroisse d'Avi:^ac et ignorant la valeur du
d' = de français, écrivit Davi^ac.
Le cadastre actuel d'Avessac, en grande partie francs,
renferme à côté de noms de villages romans bretonnisés
comme Nérac, Sévignac, des noms de lieux bretons : Penhoet,
Penfao, Pouldii, Trescaii, TresJerian, Dreneuc.
BouvRON (nom français) : je n'ai d'autres documents que
ceux du cadastre actuel. J'y relève des noms de lieux attestant
que le breton y a été parlé : OiiéhiJJac, Sordeac, Borsac, Gui-
scny, le haut et bas Be:iou (be~ou, bouleau). En revanche la
frairie de FilJée nous atteste la coexistence à toute époque du
français.
Cambon : de même pour Cambon. Le nom même de cette
paroisse est très instructif. Sur une monnaie mérovingienne,
c'est Cambidono. Quand les Bretons ont adopté ce nom, c'était
Cambon, attestant révolution romane. En revanche il a dû au
breton de conserver son ca initial (c'est Cambono en 990).
Le cadastre est à peu près entièrement français. Cependant j'y
relève Brentu, Benac, Montmignac(Mâ'///;//;z/ûf£:au xvii^ siècle)
Boqmban : bot habitation, est breton.
CoNQUEREUiL {Co}icuru~ Cart. Red. 246, 345) : charte de
1148 (p. 345) : Gaufridus stultus donne une partie de sa ville
de Coicaden (Coit caden) et Brengoen (en Pierric). Les témoins
sont français : Rainald, GefreCapuisel; Oni le Bovier ; Eon de
Bosco (du Bois); Daniel filius Barbote; Goredun filius Roaiit.
Le cadastre actuel a des traces sûres de l'existence ancienne
du breton : Cocadin (Coicaden), Coetma, Roscoitet.
Crossac : Le nom, par sa forme, suffit à attester ancienne-
ment l'existence du breton. Le cadastre actuel conserve
quelques noms d'origine bretonne, comme Le Ras, Qiieiiiéné.
392 /. Lolh.
La cliarte de 1092 du cart. de Redon, p. 339, n'est pas sans
intérêt. CavaUon (Catuuallon) donne des terres du consente-
ment de ses fils Olivier (Oliverio), Savary {Savarico) et Guil-
laume (Guillelmo), Jordan ; sa femme est Aanor, nom qui
suffirait à prouver que le français était la langue usitée dans
cette famille : en breton on aurait eu, Acfenor. A remarquer
encore le nom du témoin Riaelen Girart.
Derval, Luzanger et Fait : les trois noms ont évolué
d'une fliçon française. Un certain nombre de chartes anciennes
les concernent : Fait (ou villa Faite) était en Luzanger. Charte
de 816 (Cart. Red., p. 175) : Acfrudis avec le consentement de
son mari Arluin vend à son neveu A^^on des terres en Fait ;
l'acte est signé à Luzanger (ou Condita Lubiacense) : tous
les signataires ont des noms germaniques : BotJjcleno, Bocseno,
Hennenfredo, Rciinlfo, Gairaldo, Herminono, Bertolago etc. Il en
est de même dans la charte de 819 concernant Derval et
Fait : l'acte se signe à Leodulfello (p. 176) : celle de 819
(p. 176), est signée à Luzanger. En revanche, dans la même
zone, en 864 (p. 45), nous avons une ville Bot-Catman, objet
de donation de Austroberte et son mari Uuandefred : l'acte est
signé au monastère de Moe en Luzanger; ici, les signataires
sont Bretons moins Lanfred, Tetcrim, Lanbert : de même
dans la charte de 86S, p. 173 : 17 témoins dont quelques-uns
de Cornou (paroisse disparue, sur le Cher (Kaer) ont des noms
tout bretons contre un Rather. Nous assistons ici à une prise
de possession des terres d'Ostroberte et Wandefred. En effet,
c'est Hirdran envoyé de Salomon qui remet à Saint-Sauveur
les alodos Austroberte cédés en 864 (p. 45) sitos in loco nun-
cupante Faito sive Bot-catman, sive Isartio. Une charte de 830
(p. 177) nous donne un champ breton. Pul Unerno en Botcat-
man, vendu par Aicus à Wandefred et Austroberta ; les signa-
raires ont des noms germaniques. Dans cette même villa de
Botcatman il y a un campus Alaiuel qui est peut-être à l'agiiel
(p. 17S et 831).
GuENRouET : le nom est breton. Le cadastre suffit pour
prouver la co-existence des deux langues vers le ix-x^ siècle :
noms bretons ou attestant l'usage du breton : Levrisac, Mal-
Les langues romane et hretoiiue eu Aruuiriquc. 393
neuf {Mes-hneuc en 1520), Tregreiic, Bodelean, Penguet, Peslân,
Qiiiiihu, Bleuhen, Cranda. Le nom de lieu Maigné atteste que
le roman n'a jamais cessé d'y être parlé. La forme des
noms bretons nous reporte pour l'extinction du breton, à la
même époque à peu près_, plus tardivement peut-être, que
pour riUe-et-Vilaine.
Marsac : nom gallo-romain pris par les Bretons en évolu-
tion romane : charte de 1080 (Cart. Red., p. 294); Rifon et
Brunel (Brunellus) font don d'une villa. Les témoins sont :
Jestin de Jani, Cavallon (Catuallon francisé), Roallen Cervus
(RkuaUon le cerf); Paganus filius Renhorcori? ; Seenfreî molen-
darius et Renaldus. Les noms bretons du cadastre ont une
forme qui paraît arrêtée au xi-xii^ siècle : Treveku, Cadeux,
Combeuriac, Morval, Hiyigiié (Hcn-gaer ?), Caribeau, {Car =
Caer). La coexistence du français est attestée par les villages
de Russe et Prince.
Plessé : dans le cart. de Redon, c'est Plebs Sei ; on pourrait
croire à une étvmologie tendencieuse si on n'avait aujourd'hui
encore Tressé (Treb-se). Cependant il est possible que d'une
ferme française Plessei les Bretons aient tiré un Plebs-Sei. Une
charte de 854 (Cart. Red. p. 125) ne nous donne guère que
des noms bretons de lieux et de personnes à l'exception du
témoin Cadalun; ils se réunissent in villam Savant. Je n'ai pu
étudier le cadastre de cette paroisse.
Le Dict. topogr. récemment publié par M. Quilgars donne
un bon nombre de noms de lieux bretons ou bretonnisés inté-
ressants : Calestreuc devenu La Caletrie ! ; Ltissac, Barsac, Bei-
:{ic, Bodtian, (Bodaii au xiii'^ s.), Lagoden {L^ogoden ?), Laver ac,
Penbé {Penbed), Penfao, Tregoiiet, Trelan.
Je crois inutile de prolonger cette liste : v. plus bas la ligne
de démarcation entre la zone mixte et la zone bretonne pure.
Comme je l'ai dit, à l'est de la ligne extrême du breton, il
n'est pas rare de trouver des traces de la présence des Bretons.
On le constate un peu partout. Frossay sur la rive gauche
de la Loire mérite une mention particulière. Des chartes de
1027, iioo, 1047, 1070, 1050, 1080 (p. 248, 265, 268,
269, 270, 272) nous donnent une majorité de noms bretons
394 /■ Lolb.
dans cette paroisse, mais les noms de lieux sont romans : en
1127 (p. 248) terre Male-Ma:^ure; en 1050 (p. 270) Droaloi
donne la terre de Durand et Trehoret miles donne le Plessis
ÇPle.xiciiini). Les Bretons s'y francisent vite : en 1070 (p. 269)
Nominoe (proh pudor!) a pour fils Babin; Maen a pour fils
Raphin; en 1080 Guithenoc a pour son fils Gobin (p. 272);
à remarquer le nom de Fan:(on Judiahel et Judicael Fancion.
Morbihan : Augan. Les chartes du ix' s. concernant Augan
dans le cart. de Redon ne nous donnent que des noms bretons
de lieux et d'hommes, moins celui de Rainbert en 852 (p. 96).
Le cadastre est français avec un certain nombre de noms de
lieux à forme bretonne assez ancienne.
La forme du nom de cette commune étant Alcam et Algam
au w^ siècle, l'évolution en Augan est due au français et n'a pu
guère se produire plus tard que le xii^ siècle.
BÉGANNE. La charte de 1052 du cart. de Redon (p. 278)
ne nous apprend rien; pas plus qu'une autre du xi'= siècle
(p. 284). Le cadastre ne nous apprend pas grand chose.
Le cadastre a un assez bon nombre de noms bretons, de
forme un peu plus récente que ceux d'Ille-et-Vilaine : il y a
mêm.e un Kergo ÇKer-gov). Par les Reformations et Montres nous
n'atteignons que le xv^ siècle' : il en ressort toutefois avec
évidence qu'à cette époque, le breton y était depuis longtemps
éteint.
Carentoir. Les chartes du cartulaire de Redon ne nous
donnent guère que du breton au ix^ siècle. Je remarque cepen-
dant en 863 (p. 50), un témoin du nom de Pivetat, un autre
du nom de Gosbert; au ix^ siècle aussi (p. 69) Edelfrit. Les
noms bretons du cadastre sont de forme assez archaïque :
Peccadeiic (Plecadeuc), Mariac, MeJuc (forme du xi-xii'= s.),
ville Heleuc, le Henlée (Hen-Jes). Le cadastre, pour les terres,
est entièrement français.
Caro et Reminiac (Caroth et Ruminiac au ix^ s.). Les
chartes du ix^ s. donnent des noms bretons. Le cadastre est
I. De Laigues, La noblesse bretonne. Réformes et montres. Rennes, 1902,
t. I.
il
Les langues romane et hreloune en Arnioriqne. 395
français, mais avec des noms de villages bretons Lescoet, Tre-
vegat. Au xv^ siècle, le français règne (^Noblesse; Dict. Ogéé).
En j ^00, La Viardaye, la Guine des Touches; La Barre; Le
Boneniers.
CouRNON faisait anciennement partie de Bains. En 847, à
côté des Randremes Lisuuern^ randremes Golbin et d'un
demi Tigran en Ergentet, apparaît le tegran Bonafont {sic),
manifestement français : fonteiii eut donné en breton Fiïnt :
cf. funton = fontâna.
Le cadastre est très français; cependant j'y relève un Pin-
guily. Les Montres et réfonimtions ne nous donnent que du
français.
FouGERETs (Les) : Le nom seul est un document probant.
Le cadastre est entièrement français : à remarquer Le Qiiene,
si le nom n'est pas estropié, car on a en 1427, dans la même
paroisse, La Chesnaye. Les Montres et reformations ne nous
donnent guère que des villages français.
GuER {Wern au ix^ s.). La forme Guer, dès 1137, montre
la prédominance du français. Les chartes du ix^ siècle donnent
des noms bretons de lieux et d'hommes. Il y en a un cepen-
dant qui est fort instructif : c'est le tigran Fabr ÇCart. Red.,
p. 134, an 836) donné par Retuuobri.
Le cadastre m'a paru très français ; cependant à remarquer,
Je Rhiine, ruisseau, Botileuc, Coeho.
Lannouée : le nom est sans doute français malgré la forme
Lames du ix^ s. En 819-820 (Cart. Red., p. 127) tout y appa-
raît comme breton. En 832-835 (p. 128), si les donateurs
(Roiantdreon, son père est Loies-britou) et les signataires sont
Bretons, il y a cependant des Gallo-romains déguisés sous des
noms germaniques ; EdeJfrît, Gerharth.
En 1066- 1082 (Cart. de Red., p. 242) on a l'impression
d'être en pays romano-français : Guethenoc fils de Goscelin
fonde le château de Goscelin (Josselin) : rien de plus français
que ce nom. Il donne les terres de Fossat et Criât en Lannois.
Six témoins sont Bretons, mais il y a aussi comme signataires :
Eudo, Robertus fil. Rogeri; Guarnerins ÇGarnier), Hugolinus.
596 /. Loi h.
Peillac (au IX'' s. Poliac). Au ix^' siècle tout est breton,
mais à remarquer un SîandiiJf (Cart. Red., 72, an 867) dont
le fils est bretonisé : Haeluiwcon .
Le cadastre est français avec des noms de lieux bretons
archaïques (xi-xii'^ s.) : Liniur (Lis-nwr devenu Les-meiir en
pays bretonnant : prononcez Les-veur ÇLes-vôr); Panhaleux
{Pen-hailôc ?).
Pluherlin (en 833 PJehs Hoiernin). Au ix* s,, les noms de
lieux et d'hommes sont Bretons, moins Herpin témoin en 833
(Cart. Red.).
Le cadastre a conservé un certain nombre de noms bretons,
assez archaïques (xii^s. ?) : Broheac (Brohoearn en 141 5), Car-
noguin, Caroro, Cardiido, Carboiiet, Carcado.
Roche-Bernard : Une charte de 1063-1076 (Cart. Red.,
p. 279), nous donne une villa française : Fundra.
Il y a des noms bretons assez nombreux dans cette zone.
RuFiAC : rien de plus instructif que les chartes concernant
cette paroisse. C'est une des plus favorisées du Cart. de Redon.
C'est là que que l'on trouve cette délimitation de terres, si
exactement semblable à celles que l'on trouve en grand nombre
dans le cartulaire de Llandav. Tout y apparaît d'abord comme
foncièrement breton, lieux et gens (Cart. Red., 116, 120, 131,
134, 136, 137. 152, 169-176, 170, 10, 30, 36, 37, 43, 44,
49, 52, 87, 105, 106, 116, 121, 131, 107, 109, no, III,
112, 114, 115, 134, 136, 137, 152, 153, 170, 199, 208,
214, 215). Cependant, il y a d'abord à remarquer dans le flot
des noms bretons d'hom.nies, un signataire obstiné du nom
de Mw/ (p. 12 en 834; 30, 36 en 859-864, 858-865 ; p. 43,
en 863-864; p. 9, en 866; p. 87, en 861-867; p. 106 en
860-866 ; p. 108 en 867; 105» en 857; 411 en 867; p. 113 en
838-839). Il y a aussi un Robot en 863-864, p. 44; mais parmi
les noms bretons de lieux, d'ailleurs si intéressants, en 830
(p. 152), il y a lieu de relever deux noms aujourd'hui con-
servés : Ran-Gratias, Caiiip-gratias : c'est aujourd'hui Le Gras,
district de Ruffiac : Gras se prononce sans doute Gras avec
s final. En 840 (p. 169-170), de même nous avons quatre
modios de brace nuncupantes Boterelli (BoteJerli, mais plus bas
Bolerelli, en 868, p. 170); c'est aujourd'hui Botrel.
Les liiiigiics roiiiiiiic ci hrcloiiiic en Anuorique. 397
SÉRENT : Un donateur en 1041 (Cart. Red., p. 274), porte
là un surnom qui est une traduction évidente du français :
Ralfredus malamaniis. Les témoins, il est vrai, sont Bretons. Au
xv^ siècle, tout y est français; la forme des noms de lieux et
d'hommes est un sûr garant que le breton avait depuis long-
temps disparu (de Laigues, Noblesse, II, p. 775).
L'étude des cadastres des différentes communes permet de
déterminer parmi les communes ayant perdu le breton, celles
où il s'est éteint à une époque assez rapprochée de nous. La
ligne de démarcation actuelle part de Damgan et passe par
Berric, Monterblanc, Plumelec, Saint-AUouestre, entre Ker-
fourn et Credin, et atteint la limite du département en laissant
Croixanvec au breton. Le cadastre atteste la prédominance et
l'usage exclusif du breton à une époque assez rapprochée de
nous : à Camoel et probablement aussi Le Guerno, Férel
Nivillac, Marzan, Péaule, Arzal, Billiers, Muzillac, Noyal-
Muzillac, Limerzel, Questembert, Molac^ Larré, Elven, Tré-
dion, Plumelec, Cruguel, Buléon, Radenac, Réguiny, Pleu-
griff'et, Crédin, Gueltas, Saint-Gonner}'.
Il n'est pas sans intérêt de faire connaître la ligne de démar-
cation entre le breton et le français donnée en 1618, par
Pierre Bertius {La géographie raccourcie. Chez ]osse Houndius,
Amsterdam 1618, p. 236). Il nous dit que le breton et le
français se parlent dans les évêchés de Nantes, Vannes et
Saint-Brieuc, que le français seul est en usage dans les évêchés
de Rennes, Dol, Saint-Malo. C'est malheureusement assez
sommaire et les localités sont parcimonieusement indiquées.
La ligne, assez grossièrement tracée, laisse Le Croisic un
peu à l'est, passe par Piriac, Assérac, passe entre Noyai
(Novialle) et Rohan, puis à l'est de Loudéac, traverse Quin-
tin et aboutit à la mer à l'ouest de Saint-Brieuc. Elle est évi-
demment erronée en ce qui concerne la péninsule guérandaise;
Batz et Saille, tout au moins^ parlaient breton à cette époque,
très probablement même Escoublac, Herbignac etc. Du côté
de Pontivy, c'est la limite actuelle.
A une époque plus ancienne, Alain Bouchard qui était de
Batz, nous dit que les évêchés de Nantes, Vannes, Saint-Brieuc
parlent les deux langues.
398 /. Loth.
CÔTES-DU-NoRD : B0Q.UIEN. Charte de 1205 (délimitation
des terres de l'abbaye ; Geslin de Bourgogne et Anat. de Bar-
thélémy, Anciens' Evêchés, III, p. 22e, 120) : fons Porchiormn;
rocha Ôgeri, fons Roche^ '• rien de plus français.
Créhen : charte de 1232 {Ane. Ev. III). Johannes dictus
mal oisel donne ortus mal oisel en Querhen.
Ibid., III, 1297 : témoins, Gefrei la vache; Olivier dit Pro-
voire; Estiulle dit Roussel; Estaice Le Hidoux; Avice jadis
femme Pierre Le Paumier; Acim Raaot; Estieiiihle Roussel et
Pierre Ravin. Il y a quelques noms bretons : Alain Morveu,
Guill. Pluiiuiuden : on remarquera la vocalisation de / dans
Mandcii, (Màel-dan) et les terminaisons francisées -en pour
-an.
Le cadastre conserve quelques noms de villages bretons :
ville Tideii, Faugourieu, le Méleu, ville Rieu, ville Ni^an, ville
Juhel; le Penhouet.
DiNAN : charte du milieu du xii'' s. (114... Ane. Ev., IV,
p. 403) : infra Haiatii Dinanni (La Haye de Dinan); charte de
1149 Çibid. p. 125) : in boscho meo quod Aya de Dinan {sic}
dicitur; charte de 1209 (ibid., VI, p. 150) : près Dinan, Toseha
Mabon {Le Touche Malmi); charte de 1 212 et 1263 (ibid. 154) :
a vico don marcheit ad vicum de la Bolangerie ; 1227 (Ane. Ev.
III, p. 63) : terram Gaiifridi Jochehers m Roeria (la Rouerie) :
Il est fait mention de Robert Bohardel, croisé, et de sa sœur
Richeot. Charte de 123 i (ibid.,\\\,\>. 72-73) : Gaufridus Car-
pe)itarius donne sa terre de La Planche Theobaldi; 1233 (ibid.,
III, p. 79) : Avicia veuve de Riginaud Lesellier donne une
maison qui est sise entre celle de Jedecael Lesellier et celle de
Jacob de Draperia, les champs entre Blohen et Haia et Roeria
et Haia Dinanni.
DoLO : charte de 1249 (Ane. Ev., III) : dîme de la Begaceria
(la Bégassière) en Dolou. Une femme Orguen, A nom breton,
a pour fils Josse (Joxius); chart. de 1272 (ibid., p. 270) : La
Roseie.
ERauY : charte de 1167 (Ane. Ev., III, p. 38) : Gaufret
Chef de Mailg (p. 39 G. chef de Mail.) donne villani Auberi
(auj. la Ville- Aubry), don confirmé par Gaufr. Bolerel, sa
Les hiiigiics romane el hreloiiiw en Arniorique. 599
femme Bllia et Juhel ; charte de 1233 (ibid. p. 78-79) : Tre-
bren dictas stiiltiis fils de Hamon Faiicilon donne une terre en
S'° Kaeno en Erquy.
Goura Y (Le) : 1205 (^Anc. Ev., III, p. 227) : terram Plesseix;
127 1 {ibid., p. 266) : terres en Gouray et Saint- Jacut : la
Riouere, la Tnalaye ; prés de la BouJayc sis entre aquani Ricie et
le bye (bief) du moulin de Guillaume Recruchou, excepté
Hochia sise près Lestrat; iiji {ibid., p. 167) : au sujet de ces
biens, signe Eudon dit Chaleee. Je remarque Corberia et caiiipi
de La Lande en Gourai : 1272 {ibid., p. 272) : La goliere en
Gourai; 1273 (p. 274) : campum de la Berrie; Cortchamp en
Gourai; 1269 (p. 260) en Gorre : Corberia et Brotissa : 1272
(p. 268), en Gorre : clauso La quarrae.
Le cadastre présente, à côté de noms d'hommes bretons
{Brieuc, Caradeuc, Urvoy) des noms de terre également bre-
tons, aux formes archaïques : Carbilau, Qtienneleiic, Troherneuf
{-erneiic), Ranlatre.
Henanbihen (en 12^0 He?iant-bihaii); xi^ siècle? Auc. Ev.,
III, p. 3059 : villa Marchereiiis . Les donateurs sont Will. et
Roaldus filii/or/ï, le major natii est Rocha. A remarquer dans le
cadastre : Bresselien, h Cargti, Le Crehelion, Villes-ès-Derrien,
champ Dénouai, "ille Huelin, pièce Giieneiix, Quenelleuc, Saint-
Rieiix., Saint-Briac .
Lamballe : charte du xi'= s. {Ane. Ev., IV, p. 305) : c'est
le français qui était à cette époque la langue courante : terram
ante portam Lambauli que vulgari sermone vocatur Guarda.
1121 (p. 307) : terram Brublaye; charte du xii'' siècle {Ane.
Ev., VI) : forêt de Lanmeur {11 JJ Lannwr) inter viam Morvan
et Cediar ? et inter Castancas, et fossam de Castelier.
1260 {Ane. Ev., IV, p. 318-319) : Petrus Bafer {Bafier}),
Eudo Bafer, Jubalia et Petronilla; Guill. dictus Boon, vendent
le moulin de Vaiilvert (de valle viridï) près Lamballe.
Landehen : 1243 {Ane. Ev.,l\l, p. 240), feodo de Prabaron,
excepto décima des Liaies.
A remarquer dans le cadastre Carnais,ville-Tanet, Crehellen,
Bedo. Les noms de terres sont français.
400 /. Lolb.
Langourla : 1273 {Aiir. Ev., III, p. 275), Laharre, Cran et
kl Pcrvanchièrc.
Quelques noms de villages bretons dans le cadastre : Coecla-
Jan, Cavpond, CoëJan (Coct-laii), Megitcric, Btandesec, Peiihouet,
Cadeitc, Qiiémcîïn. A côté de cinq ou six noms de terre bre-
tons, il y a une centaine de noms français. Parmi les noms
d'hommes : Caradeuc, Morgan, Morvan, Ruello, Ruellan.
Lanvalay : charte du xiii' s. {Anc.Ev.VJ,p. 160-162): don
d'Olivier de Quoequen : hortus Jiidicaelis Landec — à Rencia
(la Rance) usque ad vineam Orhant que vinee fuit Giquel
Landec — vineam filii Costart et vineam Osaiinee — Radulfi
Bigot et fil. Herberti — vineam Gaufredi filii Berini — vineam
Marchant et vineam Acelinc — plateam Hugonis Flandrine et
hortum MiJoii — vineam Galoiiis — clausum Hiirel — terri-
torio de MaJo Concilio (Mauconseil) — - campum de Rauchcr.
Matignon : 12 19 {Ane. Év., III, p. 54) : en Saint-Galery
de Matignon : terre des Gastix — Guill. Le Effant.
Dans le cadastre : Fontaine-Gourien, Trait-Caradeiic, Gouret,
le Pont-Iden.
Pleherel : 1090 (Ane. Év. IV, 276) : villam Menvallem —
1229 {ihid., III, p. 64): loco qui vocatur Lepcus Hebel : ibid.,
p. 235 terra que vocatur La Saiix_rêe — 1243 (p. 100) in quar-
teria Peisiui, le Quartier an Poisson, comme le prouve la charte
de 1254 (p. 121) : in quarterio Poisson — 1261 (p. 139),
Papcboeuf ïan un don à La Hasaie en Pléhérel.
A remarquer au cadastre : Port-Mieux (Maioc), vilh-Madeuc,
Ville-Morhan.
Plémy (Plémic), 1182 {Ane. Év., VI, p. 138): L^ Verger.
Cadastre : Bran-golo, Drény, Brango; champs Gouélcho,
Aval eue.
Plessala : milieu du xi^ siècle {Ane. Év., IV, p. 389 : eccle-
siam de Sala) : Hainio patria Brito (à remarquer) filium Gin-
goniari cognomento Bloeci, soldat, donne de ses bien en Soins
Gallus (Songeai); sa femme est Rotrudis, son fils Rieardns; ses
frères Guraiiton, Hingan, Gingomar (francisé : Jnngoinarch),
Mein, Dudonian, Pontin. Le français évidemment est domi-
Les langues romane el hretouue en Aniioriqiie. 401
liant. Parmi les signataires, il y a bon nombre de gens à
noms bretons, mais à côté, les signatures de : Richardi Pou-
loni, Noriiianiii Potini, Hervei Forestarii, Ansgerii vicarii, The-
baJdi fiJii Bernerii ; Giraldi filii Frothlandi; Burchardi bastardi,
Haimonis Crassi.
QuiNTENic (Quintenit) : au milieu du xiii^s. (Ane. Ev.,lll,
p. 126-127) : Testament de Gaufr. de Soreia. Signataires :
Pietin; Gaufr. Legrant ; Gaufr. Galîeri, Jordan, Rolland,
Thomas H net, Guill. Garecol, Petr. Forestarins, Bouel Botin,
Gauf. Le Conrecier.
Le cadastre est très français : à signaler cependant : Qnen-
gueiix, La Noé-Mené. En revanche Gallon dans la Cour-Gallon
montre une évolution française très ancienne : Gallon =
Wallon.
Saint-Alban : 1281 (Ane. Év.,lV,p. ^20), F etrus Rosselei,
Johannes Giraudi, filii Sibille, filii Oliverii Fabri, vendent
villa Dcriana — charte de 11 82 (ibid., VI, p. 138) : Le Fogerac
pour Le Fogerai, car c'est Le Teniple-Fougeray aujourd'hui.
Cadastre : les villages sont français; parmi les terres à rele-
ver : le Penfret, ViUe-Tual, Vill-Marqué, Le Goitelo, Cario.
Saint Guillaume, évêque de Saint-Brieuc, né en 1184 à
Plénée en Pleurtuit avait en tout cas, ses parents à Saint-
Alban. Il descendait à VHotelleria Abraham; son frère s'appe-
lait Olivier Piehon ou Pinehon et sa mère Jeanne Fortin,
(Albert le Grand, p. 336 et suiv.).
Saint-Cast : 1225 (Ane. Ev., IV, p. 316) : terra Baillivia
(La Baillie) — 1249 (ibid., III, p. 1249 : Hoissia donne ses
biens en Saint-Cast. : villa Vressel (Bressel?^, villa Robelin, villa
Coeher, boscus Renaut.
Le cadastre est français : cà remarquer cependant Pinguen
(Penguen^ ; parmi les champs : clos du Meleu, Tertre Rideu,
tertre Quimereux, Le Bois-bras; clos des Gojf. — Veaurien,
Saint-Suliac (S\ Suliaiu.) : 12^-^ Ane. Ev., III, p. 98),
Gonter de Villa Monialium (Ville-és-Nonains) donne une terre
prèsZa Marele; 1284 (p. 169-170) : on dit déjà Saint-Selia ce
qui amènera la graphie Saint-Suliac, par analogie avec les vrais
Rcviœ Celtique, XXFIII. . 26
402 /. /.('//.'.
noms en -ac prononcés -a ; c'est une preuve que le français est
déjà la langue de cette paroisse. La charte est française : la
ViJk-Madoiic par devant la ViUe-ès-Noueins comme l'on vet a
Chastelnef de. la Noe.
1295 (p. 187), vigne de la Hitrcscc; la Fillc-Aiiger ; la
vigne Thomas Champion.
SÉviGNAC : 1272 (Ane. Ev., III, p. 269); La moi ue rie; 1278
(p. 282), Labocre; 1273 (p. 27^); Lapenneric.
Cadastre : villa Kergucneuf, Peubroc (Pen-hroch ?), ville Perçue,
Limoellan (^Lismoelan), Karabouè, Troditen, Couedan, Qtiineuc,
Broondincuff, Pengave (1272 Pengavre, tète de chèvre), Pengly.
Les noms de champs sont français.
En somme, on a l'impression que le breton a dû, en général,
s'éteindre dans cette zone mixte à peu près à la même époque
qu'aux environs de Saint-Malo et Dol, quoique l'empreinte
bretonne y soit fortement marquée dans un certain nombre
de localités, moins fortement peut-être que dans la zone cor-
respondante du Morbihan.
En combinant l'étude des chartes et du cadastre, je trace
cette ligne de démarcation entre la zone mixte romano-
bretonne et la zone bretonnante pure : je la fais partir de
Saint-Nazaire, passer par le territoire de Saint- André -des-Enux,
La Chape! le-du-Marais, Nivillae, entre Limerz_el et Caden, entre
Questembert et Malansac (Onestemhert étant en zone bretonne),
par les terres de Pluherlin, Molac, Saint-Ciiyomard, Sérenl,
Liiio, Saint-Servant, Giiégon. La nt il lac, Pleiigrifct, Rohan,
Saint-Sanison, Saint-Barnabe, La Prénessaye, La Motte, U:^el,
VHcrmitagc, Saint-Brandan, Plaine-Haute, Saint-Donan, Pler-
neuf, Tremuson, Tréméloir, puis passer entre Trégomeur et
Pordic et aboutit à la mer, un peu à l'est de Binic.
L'étude des emprunts continentaux, en breton, d'un bout à
l'autre du territoire bretonnant nous révèle un certain nombre
de mots significatifs, témoignant clairement de l'existence
du roman partout dans la péninsule et confirme ce que les
noms de lieux suffiraient d'ailleurs à démontrer.
Il y a eu influence réciproque des deux langues. C'est ainsi
que, grâce au breton, dans des mots qui sont en réalité fran-
çais, le ca- initial et parfois le ga- initial a été conservé. Il y a
Les langues romane et breloiiiie eu Aruiorique. 403
bon nombre de mots de ce genre dans le vocabulaire et il
serait peu logique de les attribuer à une influence normande.
On retrouve le même phénomène, un peu partout dans les
noms de lieux et de terre : à Sérent : h Castellier (de Laigue,
Noblesse, II, p. 775, en 1427); à Saint-Méloir : Le Catelais ;
à La Boussac : La Caiinelais ; Cannes (Canines) paroisse des
Côtes-du-Nord, est à citer ici, A Saint-Hervé : Le Caiiipel ; à
Bourg-des-Comptes : Le Calmel ; à Sixt : La Cantelle ; à Saint-
Dolay : Caumont ; à La-Chapelle-du-Lou : Catillons ; à Landu-
jan : La Canterie; à Iffendic : Les Calmianx; à Loudéac : La
Ganterie, La Cantepie; à Saint-ntienne-du-Guédel'Isle : LeCam-
pion;i Plélan-le-Grand : Le Ca/eneî ; àPaimpont : La Cannée;
à Montauban : Caiiipenolle, Canipenes; à Bains : clos de la
Caniinais, Les Casseriaitx ; Lillemer : La Cavaldière ; Plerguer :
clos du Casseret} {Licatel ^ Lis-casteliy, à Hirel : Les Caniins;
à Saint-Coulomb : La Catellerie ; à Saint-Malon : Les Catelais;
à Baguer-Pican, le Qiiatelin; à Vivier-sur-Mer : Les CatellUres;
à Mont-Dol : Le Capitrel; Tinteniac : Le Clos Camin; à
Pipriac : le Cadelai.
Il y a un nom de lieu qui revient dans un grand nombre
de communes de la zone romano-bretonne : c'est Ca, les Cas,
le grand Ca (écrit Ca, cal, cas)\ En dehors de cette zone, je
l'ai rencontré sous la forme cha à Trans (zone française d'Ille-
et- Vilaine) : Le C/;a-lès-Devant. Je n'en connais pas le sens.
Il y a aussi d'assez nombreux Callonet ^ ; or, à Combourg, le
mot a la forme Challoiiet.
Tels sont les principaux résultats de cette étude, hérissée
de difficultés de toute sorte, extrêmement ardue, mais d'un
intérêt capital, touchant au fondement même de l'histoire de
la péninsule armoricaine. Une publication ultérieure, quand
les matériaux si complexes à mettre en œuvre seront entière-
ment réunis, les précisera, et, je n'en doute pas, ne fera que
les confirmer.
J. LoiH.
1. Grand-Fougeray : sous le Ca, le Cas du Haut. Merdrignac : le grand
Cat — Plessala : les Cats le Cas du Sou — Bains : les Cas — Pipriac :
icage du Ca, Les Cas — Brain-sur-Vilaine : Le Ca du Reniai — Mérillac :
le Ca — Pluduno : le Cat.
Le Cas rouge très fréquent doit s'écrire probablement Caroage =r^- Oiiadru-
vium.
2. A Saint-Domineuc, La Boussac, Maure-de-Bretagne etc.
LA DÉCLINAISON
DANS LES INSCRIPTIONS CELTIQUES
d'après Sir John Rhys.
Dans le résumé donné plus haut de l'instructif travail de
M. Rhys sur les inscriptions celtiques de France et d'Italie,
nous avons mentionné les tableaux où le savant auteur classe
(p. 75, 76) les formes déclinées qu'elles contiennent, « sans
essayer pour le moment de distinguer entre le gaulois et le
celticain ». Voici ce classement, avec les renvois aux n°' d'ordre
des inscriptions.
DECLINAISON DES THEMES EN -0
(a) Singulier :
Nominatif niasciiliu.
Andecamulos, XXXIIL. Doiros, III.
Ave^uvor, XXXL. E/.-.vvo.:, XXIV.
lî'.vvay.cç, XVI. Iccavos, IV.
Bratronos, XXXI. Legatos, XXXIV.
Kap-rapor, XVII. Licnos, V.
KacraiTaXcç, XVIII. Quintos, XXXIV.
KaTCuaAsç , XXIV^ ^^s-'Oixapc;, VI.
Cernunnos, XXIX. Smertullos, XXIX.
Cingos, XXX^ Tagos, XXXIV.
Déclinaison dans les Inscriplions celliqucs.
Contextes, V. tarvos, XXVIII.
405
Crispos, I.
Dannotalos, XXXIV.
Génitif ma se.
Ategnati, XXXVI.
Dannotali, IL
Datif.
Alisanu, III.
Avsouvs, XXXP.
Dyorico, XXV.
Ablatif.
Dugiiontiio, IL
Accusatif neutre.
canecosedlon, V.
cantalon^ IV.
Pluriel :
Nomin. niasc.
SeLani, XXVIL
(^) Singulier.
Nom. masc. en -io-s.
Andocombogios, XXXIV.
Apronios, XXXIII.
Ey.ivvr.c,: (?), XXIV.
HA0U(7XûVICÇ, XV.
Piou;j.avioç, XV.
Nom. masc. latinise.
Voretovirius, XII.
O'jr(êpcu[j.apoç, VIL
Segomari, IIL
Exuertini (?), XXXIIL
Leucullo, XXXI.
Magalu, XXXI.
Seboddu (?), I.
VSlXYjTOV^ VI.
...ramedon (ou masc. ?), I.
Useiloni, XXVIL
Setubogios, XXXIV.
Tarbeisonios, XXVI.
Uirilios = Ouf.pt A Atc, XXXP.
4o6 E. Ernaull.
Gen. masc.
Ec^ai, XXXV.
Ace. masc.
Brivatiom, XXVI (pour Brivation).
Pluriel :
Nomin. masc.
asoioi, XXXIV.
Exandecotti (?), XXXIV.
(y) Singulier.
Nom. masc. en -eo -s.
Andarevisseos, XXXIV. AtTcjj^apEsç, XVI.
KovotAAîcç, XX. OjiaXcveo;, VI.
Datif.
OuspsTeoj (?), X.
(o) Singulier.
Nom. mase. en -icno -s.
Aâpsffaiy.voç, XXII. Ou£par/.vOw, XVIII.
Druticnos, XXXVI. TocuTiaa-.xvoç, XXXIII^
Oppianicnos, IV.
Gên. masc.
Dmticni, XXXVI.
Dat. masc.
Aneunicno, XXXP. Oclicno, XXXP.
Ace. neutre en -icno -n.
celicnon, II.
Déclinaison dans les Inscriptions celUques
Pluriel.
Islom. ma se.
Dannotalicnoi, XXXIV.
(s) Singulier.
Nom. masc. en -aco -s.
IXÀavcu'.ay.îç, XVII. OupttTay.oç, XV.
IXXtaxoç, XIII.
Dat. masc.
Anuallonacu, V.
407
DECLINAISON EN -/.
Singulier.
Nom.
Goisis on Coisis, XXXVI.
lovis, XXVIII.
Ace.
ratin, XXVI.
Ucuetin (?), II.
Dat.
Aioui, XVP.
Aocy.'., XVIII.
Martialis, II.
Na[j.autjaT^, VI.
Luguri, XXXP.
Sumeli, XII.
Nom.
Esus, XXVIII.
AtpVtTOUÇ, XI.
T00UT10L>Ç,VI.
DECLINAISON EN -U.
trigaranus, XXVIII.
Uolcanus, XXVIII.
4o8 E. Ernaull.
Ace.
Esun, XXXIII.
Dat.
Eivoui, XVIII. Tapavccj, VII.
TpaasÀoui (?), XIII. . . . o).-., XXII.
Mapîcs'j'., X.
AbL
BpaTîu -es (?), MI, XIII, XMI, XVIII, XXn, XXIV, XXIV^
DÉCLINAISON EN -A ET EN -E.
(à diviser en deux classes au moins, mais les données nécessaires manquent).
Singulier fém.
KpsiTc, XXIII.
Nom.
Buscilla, XXXII.
Gén.
Quintes, XXXIV.
Ace.
logan, XXXVI.
[/.atixav, XIV.
Dat.
Adiatunneni (?), XXXIIP. Ucuete, II.
Br/A-^aaixi, VI. Eœxsyy'^'j ^^*
Ucuetin, II.
SiNG. MASC. EN -aS.
Gén. Tome (?), XXXV.
SiNG. FÉM. EN -ia.
Décliiiaisoii dans les Inscriptions celtiques
Dat.
409
Adiantunneni, XXXIII'-".
Aiouviar., VIII.
Abl.
Alisiia, II.
Pluriel,
Ace.
artuass, XXXV.
Dat.
AvGcuvvaos, XXIV.
Na[;.auaix«êo, XVII.
BÀavoocuiy.cuvtai, IX.
Alixie, XXXII.
...0U<0?), XXIV'\
DÉCLINAISONS CONSONANTIQUES
Singulier.
Nom.
Elvontiu, XXVP.
Frontu Qatin), XXVI.
Nappisetu, XXXIIP.
Peroco, XXV.
OuaXmo, VIII.
Dat.
Brigindoni, IV.
Subroni, XII.
Ace. neutre.
xoi^nv», VII (?), XXIV, XXIV^
obal, XXXV.
toutio, XXXIV.
E(7y.tYYcp-'-T3 XX.
Castor (latiii), XXIX.
Uritues, XXXIIP.
AoYSvvopr,"., X.
Epadatextorigi, XXXI.
410
E.
Ernault.
Duel.
Dat.
suiorebe, XXXI
Pluriel.
Nom.
eurises, XXVII.
Dat.
[j.aTpsêo, XVII.
Ace. neutre.
y.av-£va, VII, XIII,' XVIII, XXII, XXIV^.
PRONOMS, NEUTRE SINGULIER
Ace.
{adjectif) : sosin, II, VI, XXXII.
(substantif) : sosio, XXXI.
E. Ernault
LA DATE
DE LA FISION DE TONDALE
ET LES MANUSCRITS FRANÇAIS DE CE TEXTE •
La date. — Dans la préface de leur édition, MM. Friedel et
Meyer traitent surtout la question de chronologie du texte latin.
L'éditeur du texte latin, M. Wagner, n'admettait pas la date de
1149, indiquée par l'auteur Marcus, et croyait à une erreur de
copiste, due à l'emploi du chiffre romain. Dans une étude com-
parée des visions, présentée en 1904 comme thèse à la Faculté
de philosophie de Gand, nous avons attiré l'attention sur les
renseignements contradictoires que nous fournit Marcus et
nous avons admis qu'il avait probablement commencé le récit
de la vision à la fin de 1 148 et terminé en 1 149. Marcus, venant
de l'Irlande, serait passé par Clairvaux, y aurait lu le com-
mencement de la vie de Malachie par saint Bernard, et de là
serait parti immédiatement pour Ratisbonne, où il se serait
mis sans tarder à rédiger son œuvre. Ainsi s'explique le présent
transcrihit : Marcus écrit son livre à Ratisbonne pendant que
saint Bernard continue à écrire la vie de Malachie à Clairvaux.
Car tous les événements cités par Marcus se placent en 1148,
excepté la mort de Nemie au début de l'année 1149 qui suit
donc de quelques semaines seulement la mort de Malachie^
1. A propos de « La Vision de Tondale », textes français, anglo-normand
et irlandais, publiée par V. H. Friedel et Kuno Meyer, Paris, H. Champion,
1907.
2. Il est assez curieux de constater que, dans les traductions flamandes
imprimées en 1484 et sq., ce détail est omis et que le traducteur dit tout
simplement que la vision a été vue en 1149, sans autre indication sur l'au-
teur Marcus.
412 R. Verdcxcn.
mort à Clairvaux le 2 novembre 1148. Et qu'y a-t-il d'éton-
nant à ce que l'auteur rapproche de la mort de Nemie les
autres dates et ne fasse pas la distinction d'année? Nous
admettons donc que, dans son esprit, la date des événements
si récents s'est confondue avec celle de la transcription de
son texte.
*
Les textes : i. — Outre les manuscrits français imprimés par
M.Friedeljil en existe encoreun autre d'unegrande importance,
sinon le plus important de tous, notamment la traduction
faite par David de Gand à la demande de Marguerite d'York
(3^ femme de Charles le Téméraire), dont il était le secrétaire.
Ce manuscrit orné de 20 miniatures superbes, fut achevé le
)o mars 14J4 ; la description complète se trouve dans le cata-
logue des livres de feu le Marquis de Ganay, pages 25 sq.,n° 39;
nous ne la reproduisons pas ici, mais nous la tenons à la dis-
position des intéressés. Ce ms. fut vendu pour 5.100 francs
au libraire Porquet de Paris, décédé il y a quelques années.
On a perdu sa trace, malheureusement, car il doit être
des plus intéressants tant au point de vue linguistique qu'au
point de vue artistique.
Aucun des mss. publiés parM.Firedel ne nous donne d'ailleurs
une traduction exacte an premier texte latin comme on en trouve
dans d'autres langues, en flamandp.ex. Ainsiletexte deP^m,
dont M. Friedel vante à tort le caractère personnel, n'est
qu'une traduction presque littérale du texte latin de Vincent de
5<'rt//tww (Spéculum historiale, lib. 27, cap. 88, 104).
2. Brunet, dans son Manuel du libraire, signale encore un
texte du xiv^ siècle, qui se trouverait à la Bihl. Imper. Est-ce le
même que le ms. de Paris}
3. Rappelons aussi qu'un texte en langue d'oc fut imprimé
en 1903 par A. Jeanroy et A. Vignaux dans la Bibliothèque
méridionale, publiée sous les auspices de la Faculté des lettres
de Toulouse, i"^ série, tome VIII.
R. Verdeyen,
Professeur de Néerlandais à l'Athénée d'Ostende.
UN NOUVEAU NOM CELTIQUE DE PEUPLE
Aux vers 1056-1060 de V Alexandra de Lycophron, poète
alexandrin du iii^ siècle avant notre ère (280 environ av.
J.-C), on lit :
ijxai ZOTS zpsaêsuai.v AWwXwv oâoq
ïxtl YO-/)pbv xai TCavs^/ô'.aTOv ©avév,
CTav — àXaYYwv yatav 'Av^ato-cov 6 so*/;
[j,oX6v-cç atTiî^ojo-r, /.oipivou Y'jaç,
èo-OAYJç àpcijp-r;ç TCiap sY*/.)v-^psv yÔovi.;.
(édition de C. von Holzinger. Leipzig, 189s).
Le contexte montre que les ^LlâXxvYc. et les " k'-(^(:xiGzi sont
donnés par le poète comme habitant la partie sud-est de l'Italie
appelée Daunie ou Apulie, contrée où se trouve Brindisi
{BriindusiiDu, BpsvTSŒiov. L'auteur fait dans la suite prédire à
Cassandre = Alexandra que les habitants de ce pays, appelé
cette fois en commun Aauvùat v. 1063), enterreront vivants
les envoyés qui viendront réclamer leur territoire au nom du
roi d'hpire, et Justin raconte en effet le même événement (XII,
2, éd. Rôhl, Teubner) dans les termes suivants : «... Erat
namque tune temporis urbs Apuliœ Bnindusium, qiiani Aitoli,
scculi famà rerum in Troia gestanim clarissimiim ac nohilissimum
duceui Dioniedeni, condidera}it ; sed pitlsi ab Apulis consulentes
oracula responsani acceperani lociim qui repctissent perpetiio posses-
siiros. Hac igitur ex causa per legatos ciim helli coniininalioiie res-
titui sihi ah Apulis iirbem postiilaverant ; sed ubi Apulis oraculwn
innotuit, interfectos legatos in urbe sepelicnint, perpétuant sedem ibi
habituros. Atque ita defuncti responso diu urbem possederunt . . »
Ce traitement cruel rappelle la réponse célèbre de Marins aux
chefs des Cimbres et des Teutons, utilisée par Chateaubriand
414 ^- Ciiiiy.
dans le passage si connu des Martyrs : « La terre que je te
donnerai, tu la garderas éternellement. » Mais ce n'est pas là ce
qui peut conduire à voir dans ^xXavvîi et dans " X-n^xvjoi sur-
tout des noms celtiques de peuples. C'est la forme même de
ces mots qui n'ont rien d'hellénique ou d'italique. Tout au
moins on attendrait * Angai:;^oi dans ce dernier cas, * Angîrî en
latin (cf. A'jpovsç, Aiirunci). Au contraire, ''A^;yx'.aoq a une
physionomie franchement celtique, et l'on peut s'étonner de
ne pas le trouver dans V AltceUischer Spraschat:;^ de A. Holder.
C'est sans doute parce que, 'A-'y^'-toi, par suite d'un oubli,
ne se lit pas dans le Thésaurus d'Estienne (il est au contraire
mentionné dans le dictionnaire de Bailly), alors que XlxAaYYc
y figure parfaitement.
Pour qui a présent à la mémoire le vocable celtique bien
connu * gaison, gr. -yr-noz, lat. gaesuin, et le nom commun (et
propre) qui en est dérivé * gaisaia, *gaisatï (gr. Fai^^Tai, lat.
Gaesati, etc.. v. Altceltischer Spraschat:^ s. v. v.), cf. irl. gai,
gae « gaesum », gaide, gl. pilatiis, "Av-^aiiroç se dénonce immé-
diatement comme un préceltique *n-ghaisos (gr. yyXzz, yjxlzv,
germ. *gaî:^as, m. h. a. gêr. etc.), soit en celtique ancien
* angaisos « qui n'est pas armé Ôm gacsutn ». Ce nom est par
conséquent l'exact contraire du nom du soldat celtique : * gai-
sata. Sans doute, il est bien étonnant de trouver une dénomi-
nation celtique de peuple à l'extrémité méridionale de l'Italie ;
mais, si le nom est celtique, il n'est pas nécessaire que le
peuple le soit aussi. Très souvent le nom d'un peuple lui a été
donné par un peuple voisin comme c'est le cas pour les Ger-
màni baptisés ainsi par les Gaulois sans doute. Et le sens favo-
rise cette façon de voir. L'arme nationale de l'Italiote étant le
pllum, il se peut très bien que par opposition à leurs gaesati,
les Celtes d'Italie aient appelé Angaisoi les peuples qui avaient
occupé la contrée avant eux. La phonétique du mot est par-
faitement régulière, car on sait qu'en celtique commun, le n
voyelle indo-européen est représenté par an-, particulièrement
dans la particule négative (sk. et zd. a-, gr. y.-, lat. in.-
germ. un- etc.), cf. v. irl. an- (e- devant c, /), cymr. an-, corn.
an-, bret. an-, p. ex. dans le nom de la déesse de la victoire
Andrastâ (Altc. Sprachsch. s. v.), littéralement « l'irrésistible »,
Un iwiivcan nom celtique de peuple 415
cf. sk. dhars- gr. Gapcr-, 6spa-, got. (^gd)dar.<;, et dans d'autres
mots. Si le F du grec 'Ay/'-Fi; n'était si bien attesté par les ins-
criptions dialectales et par le latin Achlvî, on serait tenté, mais
bien à tort, d'y voir le correspondant exact du celtique Angai-
sos et de l'interpréter par à privatif et -/atsç. En revanche, il
est possible que cette fausse interprétation ait prévalu à une
époque où le F était tombé dans les colonies péloponnésiennes de
la Grande-Grèce' où M. R. Meister voit des colonies achéennes
bien plutôt que des colonies proprement laconiennes, et ailleurs
(v. R. Mister Dorer itnd Achàer, I. Teil. Leipzig, 1904,
pass'uii). — Aiigaisos ne serait alors qu'un emprunt celtique
de traduction (Ueberset:^iiiigskhnivort'), à- ayant été rendu par
son correspondant celtique an- et =^ -yaio-ç par -gaisos. Mais
pom- cela il fmdrait admettre qu'on avait reconnu le rapport
de gaison et de -/aîcv, ce qui paraît difficile, yaîov n'ayant en
grec que le sens de « bâton de berger, houlette ». Il vaut donc
mieux s'en tenir à la première hypothèse et voir dans Angai-
soi un nom purement celtique donné aux habitants de l'Italie
du sud-est.
Quant à HâAayvd, son caractère celtique est beaucoup
moins évident. C'est un nom barbare, et c'est à peu près tout
ce qu'on en peut dire. Il y avait bien en lUyrie un fleuve
appelé ilaXâYYwv, -wvo; ÇApolIonios de Rhodes 4, 337. — L'au-
teur est un poète alexandrin de la même époque environ que
Lycophron (v. 240 av. J.-C.), et l'on sait que l'influence cel-
tique a été considérable en Illyrie, mais cela ne suffit sans
doute pas pour voir un nom celtique dans -aXaYYC'-. Car on a
signalé d'autre part les rapports de parenté qui semblent
exister entre l'illyrien et les langues non italiques de la Grande-
Grèce. Enfin, pour ce qui est des -aAaYY^'- ^^^ Tlnde (chez
Nonnus, v. 500 après J.-C, Dionysiaques 26, 6 1 et 30, 3 12), ils
n'ont sans doute rien à faire avec les ^xKxyyz'. d'Arpulie. Si leur
nom n'a pas été simplement inventé ou transporté dans l'Inde
par Nonnus, il faut bien plutôt le rapprocher des lUxpot.yyxi de
la Perse ancienne et du fleuve ^xpxy'{r,c de l'Inde elle-même.
A. CUNY.
I. Au contraire il se maintient en laconien sous la forme graphique p.
A PROPOS DE BEUTE ET DE BYIVYD
L'étymologie de Beiite et son rapprochement avec bùaid (et
avec le gallois hudd, que M. d'Arbois de Jubainville oublie)
a été donnée par moi dans un article intitulé Biiaid, hud,
beiite, dans les Mémoires de la Soc. de ling. de Paris, en 1890,
P- 158.
Dans la Revue Celtique, 1899, t. XX, p. 345, j'ai montré
avant M. Strachan que bywyd = bivoliis.
Pour des exemples de l'effet de î = il, v. J. Loth, Remarques
au Dict. de Silv. Evans {Archiv., \, p. 465). Dans mes Mots
latins, j'ai déjà signalé lleidr, neidr, à rapprocher du vannetais
[n]air [n]airoii. Cf. Sais = Saxî=Sa.xô, indiqué par Zimmer.
En breton et en comique, latr a été emprunté à latro avec
0 atténué et a échappé à l'infection.
Pour ivet- et -wid en gallois, v. ibid. {Arch., I, p. 411).
J. Loth.
BRETONS EN IRLANDE
J'ai prouvé dans la Revue Celtique, t. XVIII, p. 304, que
les Bretons insulaires avaient souvent porté la guerre en
Irlande du v^ au viii^ siècle, et y avaient même fait des éta-
blissements durables. Un passage des Annales d'Ulster, qui
m'avait échappé, ajoute à nos connaissances sur ce point. On
lit à l'année 822 (Hennessy, Annals of Ulster, I) : Galinne na
inBretan exustum est 0 Feidhlinitidh cum tota habitatione sua, et
cum oratorio.
Haddan et Stubbs (Councilsll, p. 4, note é), avaient d'abord
supposé qu'il s'agissait du Galloway, suivant en cela O'Connor.
Ils ont reconnu leur erreur dans les notes au tome II et
identifié avec Hennessy, Gaili?iuc na niBretan {GaiUwie des
Bretons^ avec Gallen, dans la baronnie de Garrycastle, King's
County. Il y avait un monastère fondé par un saint breton
insulaire, saint Candc, d'après Haddan et Stubbs, mais miçux
saint Mochonôg, d'après Hennessy qui suit le Martyiol. de
Donegal. Ce saint aurait été fils d'un roi de Bretagne. Il se
peut que Galinne na niBretan n'indique qu'un établissement
religieux. Le fait qu'il a été brûlé par un chef irlandais serait
assez significatif, s'il n'y avait pas d'exemples de monastères
sûrement indigènes ayant subi le même sort. Mais si on songe
qu'il y a eu sûrement un établissement durable dans le
voisinage, dans le comté actuel de Tipperary {Revue Celtique
XVIII, p. 308), que la légende de Tristan semble le rattacher
au pays d'Ormond qui touche (^ibid., p. 316), on est porté à
croire que le monastère d'origine bretonne a très bien pu
être fondé au millieu d'une population, à un certain moment,
d'origine bretonne.
Il est possible que l'accent si particulier du dialecte de
Munster soit dû à l'influence du brittonique.
J. LOTH.
Revue Celtique, XXV II l 27
BIBLIOGRAPHIE
Mélanges H. d'Arhois de Jubainville, recueil de mémoires concernant la
littérature et l'histoire celtiques dédié à M. H. d'Arbois de Jubainville à
l'occasion du 78^ anniversaire de sa naissance par MM. Collinet, Dottin,
Ernault, Grammont, Jullian, Le Braz, Le Nestour, Le Roux, Lot,
LoTH, Meillet, Philipon, s. Reinach, Vendryès. Paris, Fontemoing,
1906, in-80, vii-289 p.
A l'exception d'un mémoire qui est consacré à l'étude de
la déclinaison dans l'onomastique de l'Ibérie, tous les articles
de ce livre, dédié au vénéré directeur de la Revue celtique,
concernent nos études. L'histoire, la toponomastique et les
croyances des anciens Celtes, la grammaire et le vocabulaire
irlandais, breton et gallois, les lois du pays de Galles, deux
gwerz bretonnes et un mystère breton y font l'objet de treize
mémoires d'inégale étendue.
Dans son mémoire sur la déclinaison dans l'onomastique
de l'Ibérie (p. 237-269), M. Philipon étudie les suffixes et les
désinences des noms que l'on rencontre dans les inscriptions
ibères. Il démontre que parmi les suffixes de noms ibères il
n'y en a pas un seul qu'on ne retrouve dans une ou plusieurs
langues indo-européennes, et que la déclinaison, qui est incon-
nue en basque, existait dans la langue parlée par les Ibères.
L'auteur combat ainsi la thèse de Humboldt qui admet que
les Ibères sont les ancêtres des Basques.
M. C. Jullian (p. 97-109) examine de quelles tribus s'est
constitué le peuple gaulois des Salyens, quel fut le motif de sa
création, et comment ont fusionné les éléments dont il a été
formé. Dans le siècle qui suivit la fondation de Marseille, les
indigènes de la Provence semblent avoir été des Celtes. Vers
l'an 400, les Celtes arrivèrent en Provence et groupèrent autour
Bibliographie. 419
d'eux les tribus isolées. Le nom de Siilyens, qui désignait à
l'origine une seule tribu ligure, celle du pays arlésien, s'ap-
plique dès leiv^ siècle à tout le peuple de Provence. Les Salyens,
sans doute avec l'appui des Gaulois, avaient donc imposé leur
hégémonie. Mais il ne semble pas que les Gaulois aient inter-
calé de leurs tribus parmi l'es tribus indigènes. Ils imposèrent
leur langue : d'après Varron, on ne parlait chez les Phocéens
que trois langues, le latin, le grec et le celtique; peut-être
aussi leurs rois : Catumandus et Teutomalius portent, semble-
t-il, des noms celtiques. Il est possible que par toute la Gaule,
lors de l'invasion celtique, les indigènes et les envahisseurs se
soient mélangés de la même manière que sur les terres pro-
vençales.
M. S. Reinach (p. 271-277) explique le texte obscur de
César, De bello gallico, VI, 18 : — « ils ne permettent pas à
leurs enfants de les aborder en public avant l'âge où ils sont
capables du service militaire; ce serait une honte pour un
père de recevoir publiquement auprès de lui son fils en bas
âge » — par un tabou guerrier. Le personnage tabou est dépo-
sitaire d'une vertu spéciale qui lui impose en général l'obliga-
tion de l'isolement, parce qu'elle peut se communiquer par
contact. En Nouvelle-Zélande, il est interdit à un chef maori
de toucher la tête de son entant. César a sans doute voulu
parler des Gaulois, non pas à n'importe quel moment de leur
existence, mais des Gaulois en armes, réunis soit pour la
guerre, soit en conseil. Le guerrier en armes ne peut se mon-
trer publiquement qu'avec ses égaux; la présence d'un enfant
trop jeune pour porter l'épée créerait un péril d'ordre supersti-
tieux tant pour le père que pour l'enfont.
Les Recherches de toponomastiqiie de M. F. Lot (p. 169-193)
ont pour objet des noms de lieu dérivés de la racine qui
signifie « élevé » en celtique et de quelques autres racines de
sens différent, mais de forme analogue. Parmi les noms
modernes de la France on trouve des Oisseaux, Olssel,
Hoisseaux, Hoissel, qui remontent à oxellos ou à oscellos ; des
Uisseaiix, Usseaux, Uissel, Ussel, Huisseaux, Husseaux, Huissel,
Hussel qui remontent à iixellos ou à usrellos. Parmi ces noms,
les uns s'appliquent à des lieux situés sur des hauteurs ; ceux-
420 G. Dotli)!.
là ont sans doute pour forme primitive uxellos ; les autres
s'appliquent à des lieux situés dans des îles ou auprès de cours
d'eaux; ils ont sans doute pour forme primitive oscellos dérivé
de osca que l'on trouve probablement dans le nom de ruisseau
VEusche (Dordogne) et dans le nom de ville Huesca (Espagne).
Quel que soit le sens de oscellos, W faut distinguer ce mot de
uxellos. Les Exmes, Huismes, Humes, Oiiismes ue France pro-
viennent sans doute de Oxiiiia, Uxiina ; ils sont situés sur des
hauteurs; O/Vt'/;/^ (Eure-et-Loir) semble remonter à Oxisama;
uxiniû, oxisama semblent des superlatifs de dérivés de la racine
OUK. Usson {Uccio\ Ussé {Ucciaciis), situés sur des hauteurs,
semblent dérivés d'une racine de sens identique, sinon de
même forme que celle qui a donné uxellos « élevé ».
M. A. Meillet (p. 229-236) traite du génitif singulier
irlandais du type tuaiihe. Il remarque que ce génitif ne peut
s'expliquer à l'aide de la terminaison ordinaire du génitif-
ablatit des thèmes en -à : -as. La finale *'âis à laquelle
MM. Stokes et H. d'Arbois de Jubainville ont recouru ne
trouve d'appui nulle part. Mais les thèmes en -â de l'armé-
nien ont -/ au génitif-datif-locatif singulier. De plus, l'indo-
iranien présente au génitif-ablatif singulier des mêmes thèmes
une désinence *-âyâs. Pour ramener à l'unité le type irlan-
dais, le type arménien et le type indo-iranien, il suffit de poser
un primitif -{i)yâs ou (^i)yês qui aurait été altéré en indo-
iranien en *-^jY?j" par généralisation de 1'^/ du thème. M. Collitz
a montré que la flexion indo-iranienne normale des thèmes
en -â comporte, à certains cas, un élément )'. On est donc
amené à cette conclusion qu'il y a pour les thèmes indo-
européens dits en â deux flexions distinctes, l'une sans 3' et
l'autre à y, à tous les cas du singulier, sauf le nominatif et
l'accusatif.
Dans un article des Mémoires de la Société de lingnislique,
t. XIII, p. 396-403, M. Vendryès établissait que le pronom
cid était originairement en irlandais un pronom interrogatif
neutre, identique au latin quid. De l'emploi pronominal est
issu l'emploi adverbial de cid qui fait l'objet de la présente
étude de M. Vendryès (p. 279-287): De même que le sans-
krit cid, l'irlandais cid exprime la corrélation de deux mots;
Bibliographie. 421
il exprime l'idée de « même » . L'adverbe irlandais cid a donc
conservédeux emplois anciens d'une particule indo-européenne;
il a pris de plus une signification nouvelle, « bien que ce
soit », où l'origine adverbiale est encore sensible, puis le sens
de « que ce soit », où cid semblait un mot composé de ce -\-
le subjonctif présent du verbe copule, et se changeait, au plu-
riel, en cit. Si le verbe copule figurait réellement dans ce mot,
on aurait, non pas cid, mais cib, cip qui a existé d'ailleurs avec
le sens de « qui que soit, quel que soit ». Le négatif cor-
respondant à l'affirmatif cib est cenib^ cenip. De plus, cid se
trouve aussi bien dans des phrases où l'on attend un passé que
dans celles où l'on attend un présent. Cid ne contient donc
ni une caractéristique de subjonctif, ni une caractéristique de
présent^ et est simplement l'ancien adverbe indo-européen,
identique à l'origine au pronom interrogatif neutre.
Sous le titre de Les diphtongues toniques en gaélique d^ Irlande,
(p. 15-46), l'auteur de ce compte rendu a étudié l'évolution
en irlandais moderne des anciennes diphtongues indo-
européennes et la naissance de nombreuses diphtongues nou-
velles sous l'influence des consonnes palatales ou non-pala-
tales. Un des phénomènes les plus intéressants de cette évolu-
tion des diphtongues est le changement d'accent qui du pre-
mier élément de la diphtongue passe sur le second : co > eô;
éa >■ eà ; io > iô ; lu >■ in ; et aussi l'éclaircissement sous
l'accent des voyelles obscures nées de résonnances consonan-
tiques. On peut se convaincre facilement de l'intérêt qu'offrent
les graphies souvent compliquées de l'orthographe irlandaise
moderne qui dans plusieurs cas nous permettent de détermi-
ner des sons que l'orthographe du vieil-irlandais ne notait
pas et que l'on ne retrouve pas dans les dialectes parlés
aujourd'hui.
Les Contributions à la lexicographie et rétytnologie celtiques,
de J. Loth (p. 195-227) portent sur l'irlandais, le gallois, le
comique et l'armoricain. Les mots irlandais étudiés sont : ais,
forrach,glas,giir, serbh. Les mots gallois sont : achcs, anior, anghad,
angell, aros, ban, briuydr, czuni, enllyn, eriuis, gins, gognaiu,
grid, groar, girad, giueddgor, giunio, llogylwit, maon, herw,
niaïus, mustuir, nomieu, rei, reinyat, reiuyss, tarfu, tarf. Au
422 G. Dolliii.
comique appartiennent : aiicoel, aiulroiu, coscaf, crew, croii,
dy^re, gwebesen, hcnse, keryii, la, uieihev, iicwer, poth, pylh,
rethys, skynnya, soth. Au breton armoricain : argant, braou, colch
cuvranc, gueredic, gudul, parr, pejitir, yehcu.
M. E. Ernault étudie (p. 47-81) le mot dieu en breton. Il
le recherche d'abord dans les noms propres vieux-bretons,
puis en moyen-breton où les emprunts aux formes savantes
du français sont particulièrement nombreux ; puis en breton
moderne, dans les dialectes vivants. Les mutilations et trans-
formations du mot doué dans les expressions familières et les
jurons forment une partie considérable et non la moins inté-
ressante de ce travail.
L'étude de M. Maurice Grammont porte sur la mélathèse en
breton aniioricaiii {p. 83-96). Il examine le traitement en haut-
vannetais et en léonard des groupes giur-, giul-, ex. gloaii
« laine », gall. giulân; groacb « vieille femme », gall. givràch.
Ces groupes ont, dans tous les dialectes bretons, subi la méta-
thèse en gnu-, glw-; le haut-vannetais a conservé ^rtf-, gltv-
en toute position; mais le léonard a perdu son lu devant les
vo3'elles palatales ^ ou / : gn'g « épouse », vann. groiiic, gall.
giuraig; glech « action de détremper », vann. gloikc'h, gluîc'h,
gall. gzulych; et, devant a, il présente deux formes différentes :
gJoan, vann. gloan; grach, vann. grouc'b. Il ne faut pas con-
fondre avec les groupes provenant de giur-, giul-, ceux qui
sont issus de luo-r-, wo-1- et qui se présentent en léonard sous
la forme ^^ow?'-, gouJ-.
Les éléments d'iinporlalion étrangère dans les lois du pays de
Galles font l'objet du mémoire de M. P. Collinet (p. 1-13).
De l'examen attentif des textes il ressort que l'influence
romaine a été peu importante sur le droit gallois. M. Collinet
n'a relevé qu'un passage du code de Dimétie qui semble ins-
piré de la législation romaine. De même, quelque sensible que
soit l'influence de l'Église sur les lois galloises, les emprunts
au droit canonique se réduisent à deux. Enfin les dispositions
relatives aux droits du roi se retrouvent dans l'Europe occi-
dentale et semblent d'origine étrangère. Ont-elles été emprun-
tées au droit public des Anglo-Saxons ?
M. Anatole Le Braz expose l'origine d'une chanson bre-
Biblioorapbie. 423
tonne intitulée «La marquise Dégangé » (p. 111-128). C'est
une cause célèbre du xvii^ siècle, l'assassinat de la marquise
de Gange par ses deux beaux-frères, l'abbé et le chevalier de
Gange. H. de la Villemarqué, dans le Bar~a~-Brei:(, 3. prodigieu-
sement remanié cette chanson qu'il a publiée sous le nom de
« Le clerc de Rohan », en supprimant quelques personnages
et en déguisant l'identité des autres; il a, de plus, emprunté
quelques détails à une ballade tirée des Chants populaires des
Serviens, publiés en 1834. Par cet intéressant exemple on peut
voir qu'une partie de la littérature des givei^ion bretonnes est
une adaptation de la littérature française du colportage, et
constater une fois de plus à quels artifices variés H. de la Ville-
marqué eut 'recours pour écrire « l'histoire poétique de la
Bretagne ».
M. P. Le Roux traduit et restitue (p. 153-167) le texte
singulièrement altéré d'une chanson bretonne sur la mort de
Duguay-Trouin. Cette chanson provient de la collection Pen-
guern. Le copiste coupait mal les mots et les ortho^^raphiait à sa
manière; il n'est pas rare que les chanteurs répètent sans les
comprendre des mots qu'ils ont mal entendus. Quant à l'ori-
gine de la chanson, comme Duguay-Trouin avait des marins
bretons sous ses ordres, il est possible qu'elle soit l'œuvre de
l'un d'entre eux ; il est possible aussi qu'elle ne soit que la
transcription bretonne d'une complainte française.
Le m3'stère breton de la Desîniciion de JénisaJeiu ne nous est
pas parvenu. Mais Le Pelletier, dans son dictionnaire breton-
français a fait du manuscrit qu'il en possédait léo citations.
M. Le Nestour a relevé ces citations ; il a essayé de reconstituer
le plan de la pièce d'où elles sont tirées et a recherché si,
comme la plupart des mystères armoricains, cette tragédie
n'était pas imitée de quelque œuvre française (p. 129-151).
Il démontre que le mystère breton est dans son ensemble une
imitation du mystère français imprimé chez Vérard en 149 1;
quelques détails seulement seraient tirés d'un modèle inconnu.
Une dédicace, de J. Loth, offre ce livre à M. d'Arbois de
Jubainville, au nom des celtistes français. Ceux des anciens
élèves de M. d'Arbois de Jubainville, qui non seulement ont
lu ses livres et suivi son enseignenient public, mais ont vécu
424 (j- Dolliii.
dans l'intimité de son travail, ne pourront jamais assez expri-
mer à leur maître toute la reconnaissance qu'ils lui gardent.
Cet esprit vigoureux où une imagination si vive s'unit à une
méthode si exacte laisse une singulière empreinte sur ceux qui
l'approchent et qui, lors même qu'ils ne sont pas de son avis,
reconnaissent dans les arguments mêmes dont ils se servent
contre lui les traces de l'enseignement ineffaçable qu'il leur a
donné.
G. DOTTIN.
NECROLOGIE
JOHN STRACHAN
Les études celtiques viennent de perdre un de leurs repré-
sentants les plus éminents en la personne de John Stiachan,
enlevé le 25 septembre dernier par une pneumonie à l'câge de
45 'i"s.
Né en 1862 près de Keith dans le Banffshire (Ecosse),
John Strachan se consacra de bo.nne heure à la science ; et sa
vie, si courte par le temps écoulé, si longue par le travail
accompli, ne comporte guère d'autres dates que celles de sa
carrière scientifique. Dès 1877, il entre à l'Université de
Aberdeen, qui avait eu peu avant comme élève un autre celtiste
éminent, le regretté A. Macbain ; et dès 1880 il va faire un
séjour d'un semestre à l'Université de Gôttingen, où il étudie
le sanskrit sous la direction de Benfey. Revenu d'Allemagne,
il entre à l'Université de Cambridge, où il est au Pembroke
Collège le disciple de son compatriote R. A. Neil. Mais l'en-
seignement universitaire allemand l'attirait ; par deux fois, en
1883 et 1884, il alla suivre les cours de l'Université de léna,
où se trouvait alors un futur maître des études celtiques, M.
R. Thurneysen. C'est là qu'il compléta ses connaissances en
sanskrit et en linguistique et qu'il s'initia définitivement à la
culture scientifique allemande, dont il garda toujours la forte
empreinte. Dans l'été de 1885, l'Université de Manchester
l'élut professeur de grec à Owen's Collège, et il y resta jus-
qu'à sa mort, ajoutapt seulement à l'enseignement du grec en
1889 celui de la philologie comparée, et en 1904 celui — non
rétribué — du celtique. Enfin, dans l'été de 1903, il organisa
à Dublin, avec le concours de M. Kuno Meyer, une série de
cours de vacances consacrés à l'étude méthodique de la langue
et de la littérature irlandaises; le succès de cet enseignement.
426 /. Vendryes.
qui fut continué chaque année, alla sans cesse grandis-
sant.
Le bagage scientifique de John Strachan est considérable.
Sur le terrain de la grammaire comparée générale, il marqua
son passage par quelques courts articles, publiés notamment
dans les Beitrâge de Bezzenberger et où il se révèle linguiste
aussi sagace que bien informé. Mais c'est à la philologie cel-
tique qu'il devait consacrer la plus grande partie de ses efforts
et de son talent. Préoccupé avant tout de conserver le contact
des réalités concrètes et ennemi déclaré des constructions hypo-
thétiques que ne soutient pas l'étude minutieuse des faits, il
ne s'attarda guère à la recherche de la préhistoire et se proposa
dès le début de suivre l'histoire de la langue irlandaise en com-
mençant par les plus anciens textes. Sur ce terrain, il dirigea
ses recherches avec une patience et une sûreté qui font autant
d'honneur à son intelligence qu'à son érudition. Du dépouil-
lement méthodique des documents du vieil-irlandais résul-
tèrent une série de mémoires, publiés dans les Transactions of
the PbiloJogicaJ Society : « Contribution lo the *Îjistory of the
Déponent verb in Irish »(i894); « The verbal System of the
Saltairna Rann » (1895); « On the use of the verbal particle Ro
luith Preterital tenses in Old Irish » (1896) ; « the Subjîinctive
mood in Irish » (1897); « the Substantive verb in the Old Irish
glosses )) (1899); « the signialic Future and Subjunctive in
Irish » (1900); « Action and tinie in the Irish verb >; (1901);
« Contributions to the history of niiddle Irish declension » (1903).
L'importance de ces travaux ingrats est considérable et peut
se définir d'un mot : chacun d'eux épuise la question qu'il
traite et la met au point d'une façon définitive. En même
temps, John Strachan fournissait une collaboration assidue à
divers périodiques scientifiques, la Revue Celtique ', la Zeit-
I. La Revue Celtique a publié de John Strachan les articles suivants :
gaelic var = (//■ « our » (tome XIII, p. 504): the date of the Aiura Qjo-
tuiiub Ctiitleix. XVII, p. 41); notes on ihe Milan glosses (t. XVIII, p. 212
et t. XIX, p. 62); Old Irish ianiiifoicti « quaerit » (t. XIX, p. 177);
finals Vowels in the Fètire Oenguso (t. XX, p. 191) ; Old Irish toglenomon
(t. XX, p. 445); Old Irish tettaiiii, tallaiiii (t. XXI, p. 176); infixed d in
conditional sentences in Old Irish (t. XXI, p. 412); the Vienna fragments
ofBede(t. XXIII, p. 40); ro with Imperfect Indicative in Irish (t. XXIII,
p. 201); Miscellanea Celtica (t. XXVIII, p. 195).
Nécrologie. 427
srhrift fiir ccllische Philologie, X Archivfiir ccJtische Lexicographie,
les Indogeniianische Forschungen, les Beitràge de Bezzenberger, la
CJassical Reviezu, etc. En 1904, il fondait avec M. Kuno Meyerun
nouveau périodique celtique, qu'il intitulait £"rm et qu'il des-
tinait à servir d'organe à la School ofirish Jearning, dont il venait
d'être le promoteur. C'est également pour les besoins de cette
école qu'il composait en 1904 et en 1905 les Sélections froiii the
Old-Irish glosses et les Old-Irish paradigms, qui constituent jus-
qu'à présent le meilleur instrument d'étude du vieil-irlandais.
Nul n'était donc plus qualifié que lui pour servir de collabora-
teur à M. Whitley Stokes dans la préparation du beau Thésau-
rus Palaeohiberfiicns (Cambridge, 2 vols, 1901-1903), auquel
son nom restera toujours attaché. Nul non plus n'était mieux
préparé à faire la critique des textes du moyen-irlandais, ni à
débrouiller la grammaire de cette langue, encore pleine de
mystères. Les 2*" et 3" fascicules de Eriu contiennent le com-
mencement d'une édition critique du Tâiii hô Cûaiingt, qu'il
avait entreprise avec M. J.-G. O'Keeffe et qu'il laisse malheu-
reusement inachevée. Et la grammaire du moyen-irlandais lui
doit quelques importants travaux, comme les fines remarques
sur la flexion nominale et l'étude sur le déponent dont il tira
un critérium très sûr pour fixer la date de certains textes.
Depuis quelque temps, il cherchait à étendre aussi sa com-
pétence sur le domaine brittonique. Les derniers fascicules
de Eriii comprennent deux articles intéressants signés de lui
sur le préverbe gallois ry et sur les mutations initiales du verbe
en vieux-gallois. C'est au cours d'un voyage d'études dans le
Pays de Galles qu'il a été attaqué par la maladie à laquelle il a
si rapidement succombé.
Tous les celtistes déploreront la perte prématurée de ce tra-
vailleur laborieux et patient, de ce savant exact et scrupuleux,
frappé au moment même où de nouveaux et vastes champs
s'ouvraient, pour le plus grand profit de la science, à son infa-
tigable activité.
J. Vendryes.
CORRESPONDANCE
M. d'Arbois de Jubainville a, sous le n° I de sa chronique
de la Revue Celtique de janvier dernier, consacré quelques
lignes à ma brochure : De la persistance de la langue celtique en
Basse-Bretagne depuis rétablissement des Celtes dans la Péninsule
armoricaine jusqu'à nos jours.
« Il (M. Travers), dit cet éminent critique, ne donne pas,
« ce nous semble, une seule preuve valable à l'appui de sa
« doctrine. »
Je ne puis, de mon côté, considérer comme une preuve
suffisante contre ma thèse cette fin de non-recevoir, qui
s'appuie sans doute sur l'autorité généralement reconnue de
celui qui la formule, mais dont le bien-fondé reste discutable,
comme le prouve d'ailleurs l'expression ce nous send'lc intro-
duite par M. d'Arbois de Jubainville lui-même dans le libellé
de sa sentence.
Non content de cette exécution sans phrases, M. d'Arbois de
Jubainville rendant compte, sous le n° II de sa chronique,
d'un ouvrage émanant d'une miss anglaise, me décoche la
flèche du Parfhe qui aurait pu, je crois, sans inconvénient,
rester dans son carquois. « Une œuvre d'une toute autre
« valeur, déclare-t-il, est le volume que Miss Eleanor Hull a
intitulé : A Text book Irish Literature. »
Je me demande quel rapport il y a entre ma brochure De la
persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne et le Manuel
de littérature irlandaise de Miss Eleanor Hull, manuel dont je
suis loin de contester le mérite, mais qui sort peut-être un peu
de son rôle en servant de projectile contre un passant inoffen-
sif et qui certes ne lui cherchait pas querelle. La question des
origines du peuple breton vaut bien, comme valeur intrinsèque
et sans tenir compte de la façon dont elle est traitée, un
Correspondance . 429
manuel de littérature irlandaise. Il ne reste donc plus que la
valeur de l'auteur lui-même.
Personnellement je suis très heureux de céder le pas à la
gracieuse insulaire qui, pour les Celtisants des deux côtés de
la Manche, a su rendre encore plus aimable l'entente cordiale^
en dotant « d'un bon livre » la science celtique. Mais si je
remercie M. d'Arbois de Jubainville de m'avoir fourni l'occa-
sion de saluer une si sympathique fdloiu-meniber, je n'irai
cependant pas jusqu'à m'incliner devant l'injonction pure et
simple dont il a gratifié ma modeste étude, et tant qu'il n'aura
pas motivé son jugement d'une manière plus complète, je per-
sisterai à croire à la Persistance de la langue celtique en Basse-
Bretagne.
Albert Travers.
Je ne puis voir qu'avec grand plaisir le zèle avec lequel
M. Albert Travers consacre ses loisirs aux études celtiques.
Mais sur la question spéciale dont il s'est occupé, je persiste à
croire que la vraie doctrine est celle qu'a exposée en 1883
M. J. Loth, L émigration bretonne en Armoriqiie, p. 235, cf. p. 82
et suivantes. Inutile de reproduire ici les raisons données par
l'éminent professeur de Rennes.
H. d'Arbois de Jubainville.
In Rev. Celt., XXVII, p. 81, there appeared a short article
by me discussmg the meaning and formation of a supposed
Word faisedain occurring in several passages of the Irish ver-
sion of the Grail legend. I hâve lately come across some fresh
évidence, which makes it tolerably certain :
(i) that Professor Robinson and I were wrong in our
expansion of the symbol 7 and that the v/ord is undoubtedly
faieachtain ;
(2) thatiwas right in regarding it as the infinitive of foaim
' sleep '.
The Stowe ms. E IV I is chiefly occupied by a curions
grammatical treatise, parts of which occur also in another
vellum ms. of the same collection.
On the verso of folio 23 occurs the following when I
43*^^ Con-rspondaiicc.
avote this, I did not know what word .1. stood for, and Icft
et unexpanded with the remark, that it irust bc a word
meaning ' wrong ' ' incorrect '. I hâve since found the avord
written ont in several passages, it is lochlach, whichis used as
the opposite oïcôir [cp. CI3 fo. 3, col. 1. 3 and sq.] Ihe second
Diar siii seem otiose : caoi as cithe, côir ni roimhe, cîfed a
denmus fteith, gechuin chiear a suidigiid, mar sin ghabhus sios
faoiert'r/'/ain as faoithe dham let .1. ni roimhe, faoifed a dennius
neith, gechuin faoier a suidigud mar sin ghabhus saoilertr/^/ain
mar sin .1. ' ni re n-a hoihxingadh.
There then follow a number of examples of inflections of
thèse words, one of which runs :
nior ghiall n medhair do mhnaoi
do faoi le triar dTeruibh i
Now, withoiit going into the difficult question of the exact
meaning ot thèse technical grammatical terms, the gênerai
sensé is somewhat as follows :
Like rûoiÇ' weep ') is inflected faoicachtain having its gerund
as faoi ihe dham Jet (dorniiendum est mihi tecum), this gerund
is impersonal and does not admit of a subject. Like this too
is inflected saolle^r/j/ain, whose gerund is also used imper-
sonally.
Now it is true that in thèse words the very same symbol
is used to express acht as I expanded sed in m}' former article;
but not only the usage of this particular ms. but especially
the occurrence of the known form saoileachtain in close conti-
guity makes it practically certain, that faoieacbtain is the
correct reading, a form, which may be compared with lania-
chtain from laniaim ' I dare '.
As regards the meaning of the word and is identity with
foaim fess the example cited, whether a genuine quotation, or
a fabrication of the grammarian, leaves no room for doubt.
Walter. J. Purton.
1. I hâve not expanded .1. as I hâve never found it written out ; hue hère
it seems certainly the opposite of .c. (côir), which is often written out,
and accordingly signifies ' wrong ' incorrect. The second mar sin scems
otiose.
CHRONIQUE
I
La librairie Guilmoto (6, rue de Mélières, Paris) mettra très prochaine-
ment en vente une Graiiiiiiaire du vieil-irlandais (Phonétique, Morphologie
et Syntaxe), dont l'auteur est M. J. Vendryes, chargé du cours de gram-
maire comparée à la Sorbonne. L'ouvrage comptera environ 400 pages
gr. 8°. Il forme le premier volume d'une collection linguistique publiée
sous la direction de M. A. Meillet.
Cette grammaire qui repose à la fois sur un complet dépouillement des
travaux publiés, en partie dans la Revue Celtique, et sur une nouvelle révi-
sion des textes, n'est ni historique, ni comparative, mais uniquement des-
criptive. On n'y trouvera que l'énumération des formes attestées, et l'indi-
cation de leur emploi. C'est la première description complète qui aura été
donnée du vieil-irlandais.
II
M. Félix Stahelin vient de publier à la librairie Teubner de Liepzig, sous
le titre Gcschichte der Meitiasiatischcu Galater, une seconde édition de la dis-
sertation présentée par lui à l'Université de Bâle en 1897. Mais cette seconde
édition équivaut à une publication nouvelle, tellement le texte en a été
remanié et augmenté. L'histoire des Galates qui s'arrêtait dans la disserta-
tion à la fondatijn de la province romaine d'Asie se poursuit ici jusqu'en
pleine époque impériale. En outre, l'ouvrage s'est enrichi d'une table très
complète et très exacte des noms propres Galates de personnes. L'exposé
lui-même est clair, agréable à lire et enrichi de notes abondantes.
III
M. Camille JuUian vient de faire paraître à la librairie Hachette les deux
premiers volumes d'une Histoire, delà Gaule qui en aura quatre, format in-S".
Un compte rendu détaillé de ce savant ouvrage paraîtra dans la prochaine
livraison.
H. d'A. DE J.
Correction à page 263 :
La petite feuille qui précède VCVET IN, à la 5'^ ligne de l'inscription
d'Alise-Sainte-Reine, doit être reportée au commencement de la ligne suivante
avant |fj. Cette rectification a son intérêt, en ce qu'elle rend plus impro-
bable l'hypothèse du Corpus inscriptionum latinarum (XIII, i, 11° 2880), que
l'espace vide après |N aurait été occupé par le même signe.
(Note communiquée par sir J. Rhvs.)
CORRIGENDA
REVUE CELTIQUE, XXVIII.
P. 309, 1. II, for golden fasts m((/ Golden Fridays. Sce. S. H. O'Grady's
Catalogue, p. 319.
P. 510, § I, 1. 3, read nEhraiih. L. 6, /rrtt/ sleibhtibh.
— § 3) ^- 3>y°'' roichfedh rend roithfedh.
— § 7, I. 2, rt'fl(/ cleithibh.
P. 311,3 I, 1. I, read Hebraeorum.
— § 3,/'"' march read run.
— § 6, 1. 2, for solid read viscous.
P. 312, i 12, 1. 4, for t/it read tri.
P. 313, V 71, f. 313, 1. 3, for thousands real monsters, (pi. dat. ot' mil.).
— — 1. II, for three hundred and sixty five read five hundred and
three score.
P. 314, 1. I, /Yih/ t/omanfaidh.
— 5 16, 1. I, read niiin. L. 5, read inaroli.
— note 25, read blaoghadh.
P. 315, § 13, 1. 2, for o read to.
— §14 1. 2, /or lawless /rat/ irrational.
— — 1. 5,/o/- lie himself nW they themselves.
— — 1. 6, read -stand nothing that they say.
P. 316, 5 26, 1. 4, for ithff/inn read ithtVinn.
— § 27, 1. 2, read cosgair o Dhiab»/.
— § 28, 1. I, after coirighter insert [ms. coiridhter].
P. 317, §25,/o/' will be /varf will hâve arrived.
— § 26, 1. 2, for woud read world for death read depth.
P. 318, § 33, 1. 6, for sona read so na.
— 5 29, 1- I- Fr. Henebry corrects /('/W/j;7 iofei^hil, and then translates
thus : Woe to them who were not watchful cf tliemselves (that is, who
were not) righteous, discreet, gentle, patient, charitable, abstinent, devo-
ted to fasting, humble, pénitent — in préparation for the ready, ever-deci-
sive judgments which will then be delivered.
— 5 3), 1. 3, read salach suidhemail.
— — 1.6, for fol atar read fola tar.
— note 38, read suigemail.
P. 320, § 41, 1. 2, read n-anmann.
— § 44, 11. 3, 4, read silid.
— § 47, 1. 3, for secht read shcchl.
— § 48, 1. 2, for umachta read cumaclAA.
— note 44, read teinntighi.
P. 322, § 51, dele the second 7.
— § 52, l.i, /or aonti(/(i ;rarf aenttt/J.
P. 323, 1. 2, /or loving read charitable.
— §49» 1- 5) /or désire r^m/greed.
P. 324, s. V. druith, for meindreach read meirdreach.
P. 325, 1. I, for for-âib etc., read feighil 29 (ms. feidhil) =; Lat. vi^il from
* vegUis, to vegeo, vigeo (Walde).
P. 326, 1. 9, for tonmar read tonnmar.
W. S.
TABLE DES MATIERES
DU TOME XXVIII
ARTICLES DE FONDS
Pages
La Gaul^ personnifiée, par Salomon Reinach i
Un vers du livre noir de Carmarthen, par J. Loth 4
Hiberuica, par J. Vendryès S)i 37 343
Mor y zuerydd, ii/criuervdJ, vior-fairge, par J. Loth 12
Études sur le Tdiii ho Cùalnge, par H. d'A. de J 17
Le monument gallo-romain de Trêves, par le même 41
Les gloses bretonnes à Smaragde, par E. Ernault 43
Remarques sur la métathèse en breton armoricain, par J. Loth 57
Un trait de l'armement des Celtes, les duo gaesa, par le même. . . 67,342
Note critique, par Walter J. Purton 68,429
Réponse de M. Whitley Stokes 69
Notes on the Birth and Life of St. Moling, par Whitley Stokes. 70
Chronique de numismatique celtique, par Adrien Blanchet 73
Les institutions et le droit spéciaux aux Italo -Celtes, par H. d'A. de J.
et Julien Havet 113
Notes pour servir à l'histoire de la prononciation de l'irlandais 117
Giituater, par J. Loth 119
Note complémentaire de l'article sur Peredur et Lez Breiz, par J. Loth 122
Sur un passage du comique Philémon, le Tarvos trigaranos en Grèce,
par J. Ve.ndryès 123
Les pien'es baptisées 128
Origine de l'allemand beiite « butin », par H. d'A. de J 130
Un cyclope en Irlande, par H. d'A. de J 132
Le suffixe gallois -edic, par le même 144
Enlèvement [du taureau divin et] des vaches de Cooley, par le
même 145,241
Mélanges bretons de grammaire et d'étymologie parE. Ernault. ... 178
Miscellanea celtica, par J. Strachan 195
Le pain galate, par A. J. Reinach 225
Les inscriptions celtiques de France et d'Italie d'après Sir John Rhys,
par E. Ernault 262, 431
Un graffite gallo-romain, par A. Blanchet 276
Une rédaction moderne du Teanga Inthmia, par G. Dottin 277
The fifteeu Tokens of Doomsday par Whitley Stokes 308
Le Lai du Lecheor, Gumbdauc, par J. Loth et E. Philippot 527
Mélanges cehiques, par J. Loth 337
434 Table des iiialières.
Sur l'origine de la drstinction des flexions conjointe et absolue dans
le verbe irlandais, par A. Meili-ET 369
Les langues romane et bretonne en Armorique, par J. LoTH 374
La déclinaison dans les inscriptions celtiques d'après Sir John Rhys,
par E. Ernault 404
La date de la vision de Tondale et les mss. français de ce texte, par
R. Verdeyek 411
Un nouveau nom celtique de peuple, par A. Cuny 41 3
A propos de heiitc et de hyivxâ, par J. Loth 416
Bretons en Irlande, par le même 417
Bibliographie, par G. Dottix 418
Nécrologie, Ascoli, par Salomou Reixach 79
— John Strachan, par J. Vendryès 425
Correspondance, par M. Albert Travers 428
Corrigenda, par Whitley Stokes 432
CHRONIQ.UE
Anonyme. Koitvelles des Iles Britanniques 208
Blanchet (Adrien), Les enceintes romaines de la Gaule 87
Brusson (Ch.)> -^" colonies grecques lV après V Ancien Testament 97
Bull (Eleanor), A Text book of Irish Literature 82
Calder (Georges), Initheachta Aeniasa, The irish Aeneid 351
Carnoy (A), Le latin d'Espagne d'après les inscriptions, étude linguistique 94
CuxY (Albert), Le uo)nbre duel en grec, Les préverbes dans le Çatapa-
thabrâmana .' 97
D0MASZEWSKI (Alfred), Corpus inscriptionuni latinaruin, t. XllI, partie
II, fascicule II 351
Duchesxe (Mgr), Autonomie ecclésiastique, les églises séparées 87
Espérandieu (Emile), Recueil général des bas-reliefs de la Gaule romaine 352
EvAXS (A. W. Wade), The Brychan Documents 95
Felice (Philippe de). Vautre monde, mythes et légendes, le purgatoire de
Saint Patrice 82
FiCK (August), Vorgriechische Ortsnamen als Quelle Ji'ir die Vorge-
schichte Griechenlands 211
Fletcher (Robert Huntingdon), Studies and Notei in Philology and
Literature, t. X 90
Friedel(V. h.) et Meyer (Kuno), La vision de Tondale (Tnudgal),
textes français, anglo-normand, irlandais 209
GouGAUD (Louis), Un point obscur de V itinéraire de saint Columbau
venant en Gaule 98
Grenier (Albert), Habitations gauloises et villas latines de la cité des
Mediomatrices 2 14, 3 50
Halphen (Louis), Le comté d'Anjou au A'/^ siècle 94
Henry (Victor), article nécrologique sur lui 212
Hervé du Halgouet (V'e), Essai sur le Porhoct, la comté, sa capitale, ses
seigneuries 84
Hirschkeld (Otto), Die romischen Meileusteive 213
Le même, Corpus imcriptionum latinarum, XIII, partie II, fascicule II 351
Hirt (Hermann), Die Indo^ermanen, ihre Verbreitung, ihre Urheimal
und ihre Kultur 88
Table des matières. 435
HoLDER (Alfred), Die Reichenau Handsciirijten 84
HuLL (Eleanor), A Text-hoolt of irisli Literature 82
JULLIAN (Camille), Histoire de la Gaule 431
Kern (H.), Vaitidya, Vetulla, Vetutya/ca 98
Le Braz (Anatole), Le tliédtre celtique 91
Lederer (Victor), Ueher Heiiiiat und Urspruug der niehrstiuimi^^eti
Toiilcuiist 89
Macbain (Alexandre), sa mort 215
MARiETfE (Edouard), Tlk' roman IValls, les murs romains entre V Ecosse
et r Angleterre 87
Meyer (Kuno), Ancient Gaelic Poetry 95
Le même, Tiic dcath-tales oj tiie Ulster Jjeroes 96
Meyer (Kuno) et Friedel, La vision de Tondale (TnudçaJ), textes
jrançais, ani^lo-nornmnd, irlandais 209
MoMMSEN (Th.), Corpus iitscriptionun/ latinaruni, t. XIII, partie II,
fascicule II, 351
Nanglard (J.), Le livre de<. fiefs de Guillaume de Blave 93
NiCHOLSON (E. William R.) dans Y Cymwrodor, t. XÎX 95
NiGRA (C'e), sa mort 349
PiCHON (René), Les derniers écrivains profanes, les panégyristes 86
Q.UIGGIN, A Dialect oj Donegal 89
Rand (Edward), Joaunes Scolus 89
Renel (Charles), Les religions de la Gaule avant le christianisme 214
Rhys (Sir John), T/v ccltic Inscriptions of France and Italy 209
Roger, L'enseignement des lettres classiques d'Ausone à Alcuin 92
School of irish Learning, 349
Sheean (M.), Sean-caint na n-Deise 83
ScHUCHARDT, Die ibcrische Declination 350
Stâhelin, Geschichte der Kleinasiatischen Galater 431
Thésaurus linguae latinae ediliis auctoritate quinque acadeniiaruni ger-
manicarum 88
Tourneur (Victor), Histoire, étymologie du nom de Gand 351
TRAUBE(Ludwig), Ouellen und Untersuchungen ~ur lateinischen Philolo-
gie des Mittelattcrs ' 88
Travers, De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagiu' 381
Vendryés (J.), professeur à la Faculté des Lettres de l'Université de
Paris. 215
Le même. Grammaire du vieil Irlandais 451
Vessereau (J.), Rutilius Namatianus 85
Weston (Jessie L.), The Legend of Sir Perceval, Vol. I, Chrétien de
Troyes and Vauchier de Denain 85
PÉRIODiaUES
Analecta Bollandiana 108, 364
Annales de Bretagne 103, 220, 363
Annales du Midi 112
Anthropologie 108, 221, 368
Archiv fur celtische Lexicographie .■ 102
Athenaeum.
557
4i6 Table des iiuilièrcs.
Beitraege zur Kunde dcr indogermanischen Sprachen io6
Boletin de la real Academia de la Historia. 104, 565
Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et
scientifiques 561
Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France 112, 566
Celtic Review 100, 219
Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres 109
Eriu
Folklore 107
Fureteur breton
Indogermanische Forschungen 103 , 220
Irisleabhar na Gaedhilge -
Journal of the roval Society of Antiquaries of Ireland. .. 10^, 220
Mémoires de la Société de linguistique de Paris
Pro Alesia 107
Revue Archéologique. . lOb
Revue des études anciennes 104, 221
Revue des idées
Revue des questions scientifiques
Revue des traditions populaires 108
Revue épigraphique . 108
Remania 364
Zeitschrift fur celtische Philologie .• 2:6
Zeitschrift fur romanische Philologie 367
Zeitschrift fur ^''ergleichende Sprachforschung 105, 363
360
559
217
361
366
562
367
360
103
359
222
354
109
221
362
566
Nota. — La table, par M. Er\'.a.uld, des mots étudiés dans le présent
volume, paraîtra dans le volume suivant.
Le Gérant, H. CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.
PB 1001 .R5 V.28 SMC
Revue celtique
Does Not Circulate