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Full text of "Revue celtique"

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the  ppesence  of  this  Book 


n 


thej.m.  kellyliBRARy 

has  Been  maôe  possiBle 

thRouqh  the  geneposity 


Stephen  B.  Roman 

From  the  Library  of  Daniel  Binchy 


REVUE    CELTIQUE 


ReVUK    CFI.TKIUK    (19O7) 


PL.  I 


FRAGMENT  D'UNE  MOSAÏQUE  DE  ZEUGMA  SUR  L'EUPHRATE 
(Musée  de  Berlin). 


^^<^\  FONDÉE  ^   J 

^*^  PAR  V-^ 

/^y  H.     GAIDOZ  >^ 

T^  1870-188S  v-x^ 


^^^  PUBLIÉE   SOUS    LA    DIRECTION    DE  V*0 

H.    D'ARBOIS    DE    JUBAINVILLE 

Membre  de  l'Institut,  Professeur  au  Collège  de  France 
AVEC   LE   CONCOURS    DE 

E.  ERNAULT  J.  LOTH  G.  DOTTIN 

Professeur  à  l'Université  Doyen  de  la  Faculté  des       Professeur  à  l'Université 

de  Poitiers  Lettres  de  Rennes  de  Rennes 

ET    DE   PLUSIEURS    SAVANTS    DES    ILES    BRITANNiaUES    ET    DU    CONTINENT 
Alexandre  Smiunoi',  secrétaire  de   la  rédaction. 


Année    1907.  —  XXVIII 


PARIS 

LIBRAIRIE    Honoré    CHAMPION,    ÉDITEUR 

5  ,     QUAI     M  A  L  A  Q.U  A  I  S    (  6  ^  ) 
1907 


louie  demande  d'abonnement  doit  être  accompagnée  de  son  montant  en  un  chèque 
0»  mandat  de  poste  au  nom  de  M.  Honoré  Champion. 


Tous  droits  réservés. 


LA    GAULE    PERSONNIFIÉE 


Nos  Musées  possèdent  plusieurs  figures  féminines,  sculptées 
en  ronde  bosse  ou  en  relief,  où  les  archéologues  ont  reconnu 
soit  des  captives  gauloises,  soit  des  personnifications  de  la  Gaule 
vaincue'.  Parmi  ces  dernières,  aucune  n'est  encore  certifiée 
par  une  inscription,  alors  qu'un  bas-relief  de  Koula  en  Asie 
Mineure,  publié  en  1888  par  Mommsen,  a  fourni  une  petite 
iuKi^e  de  la  Germanie  avec  l'inscription  TERMÀNIA  '.  La  figure 
qualifiée  par  Pillon  de  «  Gaule  personnifiée  »,  sur  une  anse  de 
vase  en  bronze  de  l'ancienne  collection  Rattier,  aujourd'hui  au 
Louvre  5,  représente  aussi  bien  la  Dacie  ou  toute  autre 
provmce  ;  on  peut  en  dire  autant  de  la  statue  colossale  de  la 
LogiTia  dei  Lan~i  à  Florence,  tour  à  tour  appelée  prclresse  dv 
Romulns,  Thusnelda  et  Mcdée,  ainsi  que  de  quelques  autres 
images  de  femmes  barbares  dont  la  désignation  est  purement 
hypothétique. 

^  Il  n'en  est  pas  de  même  du  buste  tourelé  en  mosaïque  que 
)  ai  honneur  de  présenter  à  l'Académie  ;  l'inscription  fAAAIA 
qui  l  entoure  permet  d'y  saluer  la  première  image  certaine  de 
la  Gaule  que  nous  ait  léguée  l'art  gréco-romain. 

Le  médaillon  qui  décore  ce  buste  fait  partie  d'une  mosaïque 
considérable,  datant  de  l'époque  des  Sévères,  qui  a  été  décou- 
verte vers  1875  à  Zeugma  sur  l'Euphrate  et  acquise  partielle- 
ment, en  1887  et  en  1892,  par  le  musée  de  Berlin  ;  quelques 

de  M  ^iïXt  T"^  ^'-  f"^t  ''r  ''"'■'  ""''^'"'  P^'-'^'  ^889,  et  un  article 
1893;  pi    3)  '      '^'''  L  p.  341,  pi.  6  (=  Mélanges  d\vchéoh.ie. 

est'tr^f.?£f  ??■'  '■  ^^^^  ^'^^^^'  ^'-  '^-  L^  fi"--^  ^-  fe'"n-  (-^  ^-elief) 
est  très  abimec;  le  visage  manque.  ^ 

3.   Rev.  arclicoL,  1890,  I,  pi.  6. 
Rfviie  Ccltiijiic,  XX  r III. 


2  Su  loin  OU  Rciiiach. 

fragments  sont  entrés  au  musée  des  Thermes  de  Rome  ;  un 
petit  morceau  est  au  Louvre  ;  d'autres  ont  été,  dit-on,  trans- 
férés à  Saint-Pétersbourg  ' .  Dans  son  intégrité,  elle  représentait, 
suivant  le  témoignage  des  indigènes,  un  empereur  romain 
entouré  des  bustes  de  douze  provinces  de  l'empire.  Tout 
récemment,  dans  un  mémoire  sur  le  nimbe  dans  l'art  chré- 
tien, M.  Krûcke  a  publié  une  gravure  à  petite  échelle  du  médail- 
lon représentant  la  Gaule  -  ;  je  dois  à  l'amabilité  de  l'auteur 
une  photographie  de  ce  précieux  fragment,  qui  a  été  agrandie 
au  musée  de  Saint  Germain  et  dont  la  direction  des  Musées 
Royaux  de  Berlin  veut  bien  autoriser  la  reproducti'jn. 

L'art  romain  du  r' siècle,  à  l'imitation  de  l'art  alexandrin, 
a  souvent  représenté  les  Provinces  vaincues.  A  l'époque  des 
Sévères,  les  souvenirs  de  la  conquête  de  la  Gaule  sont  déjà  loin. 
La  Gaule  d'alors  appartient  A  l'Empire  non  seulement  par  le 
droit  du  glaive,  mais  surtout  par  la  fidélité  de  ses  habitants. 
C'est,  de  toutes  les  provinces,  la  plus  riche,  ct  lie  où  l'on  tra- 
vaille le  mieux.  Aussi  n'est-elle  pas  Figurée  comme  une  captive 
attristée;  c'est  une  forte  femme,  à  l'attitude  assurée,  au  regard 
hardi,  couronnée  de  tours  comme  Cybèle,  ou  comme  cette 
belle  tète  de  bronze,  personnification  probable  de  Lutèce,  qui 
a  été  découverte  au  wii''  siècle  à  Paris  \ 

Il  est  intéressant  de  rappeler  à  ce  propos  la  description  de 
la  même  province  par  Claudien  ^  : 

Tu  1)1  flava  repexo 
Gain  a  iriiic  fcrox  eviiiclaqiie  torque  deiora 
Biiuujnc  o-acsd  teueiis... 

On  connaissait  déjà  quelques  exen":pks  de  provinces  ou  de 
villes  représentées  sur  des  mosaïques  du  second  siècle  K  La 
tradition  de  ces  personnifications  topiques  ne  s'est  pas  perdue 
pendant  le  haut  moyen  âge,  témoin  la  belle  miniature  d'un 
Évangéliaire  othonien  de  Munich,  où  l'on  voïtRoiua,  suivie  de 


1.  Archxol.  Aiiiei^j^cr,  1894,  p.    loi  ;  1900,  p.  109. 

2.  .\.  Krûcke,  Dcr  Nimbus,  Strasbourg,  1905J  pi.  I,  2. 

3.  S.  l^einach,  Recueil  de  Télés  antiques,  pi.  iio,  11 1. 

4.  Claudien,  XXII,  n,  240. 

5.  Gauckler,  art.  Musivuiu  opus,  p.  2120. 


La  Gaule  personnifiée.  2 

Galha,  Gcnnauia  et  Sclav'mia  veniint  rendre  hommage  à  l'em- 
pereur '. 

J'ajoute  qu'il  existe  trois  images  de  la  Gaule  personnifiée 
sur  des  monnaies  de  l'empire  romain.  D'abord,  une  pièce 
d'argent  à  l'eflîgie  de  Galba,  dont  le  revers  porte  une  tête  de 
femme  entourée  d'épis,  avec  un  petit  bouclier  dans  le  champ 
et  la  légende  GaUia.  Puis  un  autre  denier  du  même  empereur 
qui  montre  au  revers  trois  tètes  féminines  entourées  d'épis, 
avecla  légende  Tris  Gal/uw'.  Enfin,  un  médaillon  de  Postume 
avec  la  légende  Restiltitori  Galliar/iui,  où  l'em.pereur  relève  une 
tcrmme  agenouillée  devant  lui,  qui  porte,  comme  la  Gal/ia  de  la 
mosaïque  mésopotamienne,  une  couronne  de  tours  K  La  peti- 
tesse et  la  médiocrité  des  coins  monétaires  ne  permettent  pas 
d'attribuer  à  ces  images  d'autre  valeur  qu'un  intérêt  histo- 
rique ;  en  revanche,  celle  que  nous  a  rendue  la  mosaïque  de 
Zeugma  a  presque  'le  droit  d'être  qualifiée  d'œuvre  d'art  et 
mérite  de  devenir  populaire  ailleurs  encore  que  dans  notre 
pays. 

Salomon  Reinach. 


1.  Wœrmaiin  et  Woltmann,  Gesch.  dcr  Malerei,  t.  I,  p    ^48    fia   67 

2.  Eckhel,  Doctr.  Nun/.,  t.  VI,  p.  293.  t      ^   '     &•     /• 

3.  Froehner,  McdaiUous,  p.  229. 


LE     VERS 

DU 

LIVRE  NOIR  DE  CARMARTHEK  :  RAC  DEVUR. 


Dans  le  dernier  fascicule  de  la  Revue  Celliqiie,  p.  i8), 
M.  d'Arbois  de  Juhainville  cite  la  lecture  et  la  traduction  de 
M.   Eilian  Owen  du  vers  du  Livre  roir  : 

Rac  (h'iiiir  iii  eu  tiir  v  lirraii 

(C.  Z.  V.  3»;  livraison). 

C'est  exactement  la  lecture  que  j'ai  propo:iée  (^Revitc  Celtique, 
1901,  p.  439  :  Corrections  au  poiul  de  l'ue  uiétiique  au  Livre 
noir  de  Carniarthen^  : 

j'ai  même  ajouté  la  transcription  en  gallois  moderne  : 

Kac  dau  ivr  vu  eu  tiur y  hrraii. 

J'ai  montré  qu'il  n'y  avait  pas  du  tout  de  Neulur  ou  Neui- 
thur  là-dedans.  Ma  traduction  est  la  même  ;  par  inadvertance, 
]'ai  donné  à  tirran  la  valeur  d'un  impariait  :  c'est  sûrement 
un  futur.  Je  ne  prétends  pas  accuser  Eilian  Owen  de  plagiat. 
mais  simplement  lui  prou\er  par  cet  exemple  (a  lui  et 
d'autres)  qu'il  n'est  pas  inutile  de  lire  la  Revue  Celtique  :  cela 
lui  épargnera  la  peine  de  redécouvrir  l'Amérique. 

•  I.    LOTH. 


HIBERNICA 


1°   BfDCIM,  DOBIDCIM 

Le  moyen-irlandais  possède  un  verbe  bidciiii,  «  je  tremble, 
je  tressaille,  je  saute  »,  attesté  par  plusieurs  exemples 
(cf.  Atkinson,  Passions  ami  Hoiiiilies,  p.  561,  et  surtout 
K.  Meyer.  Contributions,  p.  215),  et  dont  le  sens  propre 
apparaît  très  clairement  dans  des  passages  comme  :  a  mal 
robidg  7  iinnieclaig  neaiii  hi  ccsad  crist,  «  de  même  que  le  ciel 
trembla  et  tressaillit  lors  de  la  passion  du  Christ  »,  P. H.,  1.  33 
(cf.  1.  148);  is  aire  tra  roartraig  int-aingel  hi  ngnc  solais  âilgen 
int-shnechta  co  niad  higaiti  nobidgtis  na  banscâla  ria  n-a  fhacsin, 
«  l'ange  .ipparut  sous  la  forme  de  l'éclat  agréable  de  la  neige, 
p(Hir  que  les  temnies  tremblassent  moins  devant  sa  vue  », 
P. H.,  1.  3385;  robidg  ro  iiiôr  asa  chotlnd,  «  il  se  réveilla  en 
sursaut  »,  Silva  Gadelica,  407,  22;  etc.  L'infinitif /'/Wffl'rf  glose 
le  latin  «  pauementum  »  dans  les  Irish  Glosses,  7*^9,  et  on  le 
rencontre  dans  VOidcd  mac  nUisnig,  Irischc  Texte,  II,  2, 
p.  133  :  romgab  bidgad,  «  l'effroi  me  saisit  ». 

Combiné  avec  le  préverbe  di,  le  verbe  bidcini  a  donné  un 
composé  dobidcim,  déjà  plusieurs  tois  attesté  en  vieil-irlandais. 
Tandis  que  bidciin  est  intransitif,  dobidcim  est  transitif  et  signifie 
à  la  tois  «  je  lance  »  ou  «  je  frappe  »  suivant  que  le  régime  à 
l'accusatif  est  un  nom  de  chose  ou  de  personne  (cf.  en  grec  : 
yy.Av.-.v  bA  aTr^^izaai  [SaXcôv,  Homère  E  346,  et  tov  \ib/  àyô)  •^rpoTiivia 
f'âXov  yy'hy.Tipz'.  ozupi  \  742,  iWtov  à-i  yzjp-qoiy  laAAsv  (-)  300  et 
yjxk-.TZzv  li  -/.îv  zl-fi  Tzpfj^ùzxioy  v.xi  oipia-ov  àTi\jJ:r,aiy  '.y'iXiiv  v 
141,  la-Tfov  \j.T,vA-Wz  f/y.aç  \A\r^,  Esch.  ^o-^w.,  5  10,  et  zz  [j.i 
XA-xiiJ.ùyMV  y.y.\  iç;  io'izv  y.ypiq\y.--\i,  Théocrite,  III,  17;  etc.). 
Il  faut  avouer  que  le  lien  sémantique  qui  unit  le  simple  au 
composé  est  malaisé  ci  établir,  mais,   étant  donnée  la  forme 


6  J .    FeiiiJryes . 

un  peu  étrange  du  verbe  bidcim,  on  ne  peut  guère  songer  à 
deux  homonymes  d'origine  différente  ni  mettre  en  doute 
l'identité  radicale  des  deux  verbes. 

Le  prétérit  du  verbe  dobidciiii  est  attesté  dans  le  manuscrit 
de  Milan  :  dorruhidc  gl.  iaculatum  esse,  40  d  9;  darobidc  g\. 
iaculatus  est  in  eum,  5  8  c  3  ;  danihidc  dichlochaib,  «  il  le  frappa 
à  coup  de  pierres  »,  58  c  4  ;  et  l'imparfait  du  subjonctif  égale 
ment  :  doiiibidctis  gl.  quod  iaculari  possent,  26  d  7  ;  co  ditbidctis 
gl.  ut  sagittent,  30  b  i. 

Mais  l'infinitif  de  ce  verbe  présente  une  forme  inattendue  : 
dihirciiid.  Ainsi  :  oc  du  dibirciiidsu,  «  à  te  frapper  »  Ml.  58  c  6; 
a))ml  dtiiierbarar  fidboc  hicaimuii  fridibirciud  11  as,  «  comme  un 
arc  est  ramené  à  la  courbure  pour  lancer  loin  de  lui  (la  flèche)  » 
Ml.  99  d  I. 

C'est  par  une  dissimilation  provenant  du  d  initial  que  le  ; 
intérieur  de  dibiiciiid  doit  être  expliqué.  Dans  le  verbe  dobidcim, 
l'accent  frappant  la  seconde  syllabe  (comme  l'indique  du  reste 
la  forme  du  préverbe),  le  d  intérieur  était  préservé  par 
l'accent  de  toute  action  du  d  initial,  lequel  de  son  côté  devait 
se  maintenir  intact  comme  élément  significatif  (préverbe  dî-)  ; 
mais  à  l'infinitif,  où  l'accent  frappe  la  première  syllabe,  le  d 
intérieur  devenait  par  rapport  au  précédent  dans  un  état  d'in- 
fériorité notable,  ce  qui  explique  à  la  fois  la  dissimilation  et 
le  sens  dans  lequel  elle  .s'e.st  produite  (et.  Grammont,  Dissi- 
iiiilation,  pp.  88  et  120).  On  ne  peut  songer  à  une  action  du 
d  final,  qui  de  bonne  heure  était  devenu  spirant  en  irlandais. 
Une  dissimilation  analogue  de  (/  en  r  se  présente  en  latin 
dans  iiiarediis  de  madidus  (O.  Keller,  Zur  lût.  Sprachgesch.,  1, 
72)  et  dans  mendiés  de  *iiiedldic  (Walde.  Lat.  Elyiii.  Wlb., 
p.  381). 

Une  nouvelle  transiormation  était  réservée  en  moyen- 
irlandais  au  xtrhe  dobidcim.  L'irfluence  analogique  de  l'infini- 
tif dibirciiid  devait  tendre  à  introduire  la  liquide  ;•  dans  la 
flexion  verbale.  C'est  ce  qui  est  arrivé  en  effet;  mais  cette 
influence  s'est  alors  rencontrée  avec  une  autre,  qui  l'a 
aggravée. 

En  irlandais,  comme  en  latin,  lorsqu'un  groupe  liquide  (ou 
nasale)   +  voyelle  se  trouve   placé  en   position  non-intense. 


Hihernica.  7 

il  se  produit  une  absorption  dont  le  résultat  est  une  sotiaiilc 
qui  se  résout  en  voyelle  +  liquide  (ou  nasale). 

Ainsi,  du  verbe  ad-f^Jâdiir  «  je  parle  »,  le  participe  passé  est 
accalse  (n.  pi.  acailsi  gl.  interpellati  Ml.  48  a  10)  et  on  a  la 
3'-'  pers.  pi.  iiiiniitsacaldûl[ar]  gl.  motuo  se  adlocuntur  Ml.  131 
c  19  ;  à  côté  de  ni  eclastai  gl.  non  excutienda  Sg.  27  a  15,  refait 
par  analogie,  on  lit  ecaihi  gl.  discutiendi  Ml.  15  d  7.  Le  pluriel 
du  mot  octracb,  «  fumier,  lie  ))^  Ml.  129  c  2,  estoctarche,  Wb.  9 
a  7.  En  face  de  brifhe  Wb.  25  d  3  et  de  dibrithi  gl.  importabilia 
Ml.  58  a  iG  refait  par  analogie,  on  a  -eperthae  «  dictus  »  Sg. 
4  a  7,  eperthi  «  dicendus  »  Sg.  25  b  9,  tedbarthe  «  adhibitus  » 
Ml.  47  a  5,  tedharthi  «  adhibendus  »  Ml.  126  d  3,  Sg.  6  b  23 
(jedparthî);  etc.  Du  verbe  ini-nascim,  «  j'attache  ensemble  «,  le 
participe  passé  est  im-anse  (n.  pi.  iiiiniainsi  M\.  36  d  i  r). 

La  différence  d'accentuation  entre  la  flexion  verbale  et 
l'infinitif,  lorsque  le  thème  comporte  un  préverbe,  devait 
amener  notamment,  dans  les  radicaux  qui  contenaient  une 
liquide,  des  alternances  régulières;  et  en  elfet  l'infinitif  de 

ddglâdiir  «  je  parle  »  est     accaldaiii  «  discours  » 

aith-rigiiii  «  je  me  repens  »  aithirge  «  repentir  >; 

iinm-ro-midittr  «  je  pèche  »  inifnariiiiis  v  péché  «etc. 

Sur  ce  modèle,  la  langue  créa,  d'après  l'infinitif  dihirciitd, 
un  yerhe  dihraciiii,  conservé  en  irlandais  moderne  Çdiuhhraiciiii 
Three  Shafts,  p.  353;  dinhhracaiin  O'Reilly),  et  attesté  dès  le 
moyen-irlandais  :  ro  dinhraic  Coiiaii  a  t'sleg  dô  7  ro  diuhraige- 
dar  da  mac  rig  Chineil  Chonaill  a  dà  slcig  dô,  «  Conan  lui  lança 
son  épieu  et  les  deux  fils  du  roi  de  Tyrconnel  lui  lancèrent 
leurs  deux  épieux  »  Acall.  na  Seiiôr.,  1.  6713  (cf.  1.  i-)58  où 
on  lit  ro  dinhraic  dans  le  Stowe  ms.,  tandis  que  L.L.  porte 
focheird  et  L.  U.  dolcci). 

Il  est  juste  d'ajouter  que  le  verbe  a  parfois  la  forme  dibarcini 
(cf.  rodîbairg  iinigai  dô  «  il  lui  lança  le  javelot,  Rei'.  Celt., 
III,  178;  nosdihairg  câch  indiaid  araili  dib  «  il  les  frappa  l'une 
après  l'autre  »  Fled  Bricrend,  §  65  ;  dibairgini,  Acall.  na  Senôr., 
1.  1186;  etc.)  et  qu'inversement  on  rencontre  à  l'infinitif  la 
forme  dibracad  (dinbragad,  Acall.  na  Senôr.,  p.  661  ;  diubruciid, 
ib.,  p.  397;  diabhragadh,  Three  Shafts,  p.  352;  etc.).  Mais  ce 


8  /.    Fcudryes. 

sont  là  des  phénomènes  de  métathcse,  qui  n'ont  rien  de  sur- 
prenant, après  les  transformations  si  variées  qui  viennent 
d'être  exposées.  On  en  trouverait  du  reste  l'équivalent  dans 
quelques  autres  mots  du  moyen-irlandais  :  fiitairli,  AcaJl.  lui 
Senôr.  1.  5028  est  écrit  pndrail II,  Lisiiiore  188  a  2;  et  macraille 
«  testicules  »  Scél  mucci  Mie  Dàtho,  §  13  est  écrit  tnogairle  chez 
O'Reilly/ 

Le  d  du  verbe  hidciin,  dont  on  vient  d'esquisser  la  curieuse 
histoire,  pourrait  bien  être  lui-même  le  résultat  d'une  dissi- 
mihuion.  Il  est  difficile  en  eftet  de  ne  pas  songer  à  rapprocher 
l'irlandais  bidcirn  de  l'allemand  bidiiieu  qui  a  exactement  le 
même  sens.  Or  l'allemand  bidnieii  n'est  qu'un  doublet  de 
beben  et  doit  son  d  à  une  dissiniilation  (cf.  Kluge,  Elxiii.  Wlb., 
s,  v.).  Dans  cette  hvpothèse,  l'irlandais  bidciiii  contiendrait  le 
même  thème  que  v.  nor.  bifa,  v.-h.-a.  bibéii  et  skr.  bibheti, 
c'est-à-dire  qu'il  appartiendrait  originellement  au  tvpe  des  pré- 
sents redoublés  dont  il  présenterait  en  irlandais  un  exem- 
plaire presque  isolé  (on  en  a  un  second  dans  ibim  «  je  bois  » 
et  un  troisième  peut-être  dans  adfct  «  il  raconte  »,  Ml.  31b 
19,  etc.,  Strachan,  Ériit,  I,  10  n.).  Mais  le  c  fait  difficulté.  On 
pourrait  toutefois  y  voir  le  reste  d'un  suffixe  *'-skô  ajouté  à  un 
radical  redoublé(cf.  la  série  des  verbes  en  *-skô  à  redoublement 
en  grec  et  en  latin);  soit  *  bi-bhi-skô  devenu*  bi-bs-kd  et  dont 
la  sifflante  serait  tombée  entre  le  /'  et  le  k;  d'où  finalement 
*bibkô,  *bidkô. 

2-'  ADCfU,  -ACCASTAR 

A  côté  du  subjonctit  actif  (  à  torme  déponente)  -accar, 
-arcaither,  -nccadar,  -nccaiminir,  -acccid,  -accatar  du  verbe 
adchi  «  je  vois  »,  le  vieil-irlandais  possède  un  subjonctif 
passif  à  sifflante  -accastar  dûment  attesté  par  exemple  Ml.  50 
a  )  :  inaiii  accastar  issamJid  i^aibid  ni  (c  quand  il  n'est  pas  vu 
(subjonctif  de  généralité  et  de  répétition),  c'est  alors  amsi 
qu'il  prend  quelque  chose  ».  De  même,  à  côté  du  futur  actif 


I.   Une  analogie  du  même  2;e;ire  a  transformé  le  nom  propre  Su  tu  ni  mus 
en  i^aTGov^Xo;  (^Brugmann,  Grdr.,  I,  2e  éd.,  p.  852,  n.  2). 


Hihernica.  9 

redoublé  non-sigmatique,  attesté  par  exemple  au  présent  Ml. 
III  c  ij  :  inti  duécigi  «  celui  qui  verra  »  et  à  Timparfait  Wb. 
7  a  2  :  adcichitis  gcnti  «  les  Gentils  verraient  »,  existe  en  vieil- 
irlandais  un  futur  passif  à  sifflante,  attesté  dans  atatchigestar 
«  tu  seras  vu  »  Ml.   59-0  12. 

Mais  la  sifflante  de  ces  formes  passives  soulève  une  grave 
difficulté.  Les  deux  formations  sigmatique  et  non-sigmatique 
au  subjonctif  du  vieil-irlandais  (dont  le  futur  est  solidaire) 
sont  strictement  réparties  entre  les  différents  verbes  sans 
jamais  se  mêler  l'une  à  l'autre  (cf.  J.  Strachan,  The  suhjiinc- 
tive  mood  in  Irisb,  p.  10;  The  siginatic  fulure  and  snbjnnctive, 
p.  12);  à  tel  point  que  le  verbe  adciii  .serait  le  seul  où  Ton 
aurait  à  la  fois  un  subjonctif  sigmatique  et  un  subjonctil  non- 
sigmatique.  Il  est  vrai  que  M.  Strachan  explique  cette  ano- 
malie par  le  souci  d'établir  une  distinction  entre  l'actif  et  le 
passif;  mais  la  difficulté  initiale  est  la  môme,  et  il  n'en  reste 
pas  moins  ce  fait  étrange  qu'un  seul  verbe  du  vieil-irlandais 
posséderait  pour  le  même  temps  Jeux  formations  différentes. 

La  difficulté  s'aggrave  lorsqu'on  examine  de  p;  es  les  exemples 
du  subjonctif -flfrf^/i/^/r.  S'il  est  juste  de  considérer  comme  un 
subjonctif  la  forme  doécasiar  Sg.  188  a  6  et  par  suite  de  la 
joindre  à  la  forme  -accastar  Ml  50  a  5  citée  plws  haut  ;  s'il  est 
vraisemblable  même  qu'on  ait  affaire  à  un  subjonctif  dans 
l'exemple  Ml  25  b  28  :  anial  doleilside  dogabail  bàigiiil  'uilan 
nàdnacastar  7  nàdforchluinler  isainlid  dorriga  dia  dobrâth  «  de 
même  qu'il  (le  voleur)  vient  pour  saisir  l'occasion  quand  il 
n'est  pas  vu  ni  entendu,  c'est  ainsi  que  Dieu  viendra  au  juge- 
ment »  ;  en  revanche,  il  est  nécessaire  de  voir  un  indicatif 
dans  l'exemple  Wb.  26  a  12  :  cinid  accasiar  «  bien  qu'il  ne 
ne  soit  pas  vu  »,  la  possibilité  d'un  subjonctif  étant  résolu- 
ment exclue  d'abord  par  le  tait  que  la  conjonction  cia  «  bien 
que  »  se  construit  avec  l'indicatif  et  surtout  par  la  présence  de 
l'intixe  d  (cf.  Strachan,  Rev.  Celt.,  XXI,  412). 

A  s'en  tenir  à  ces  faits,  on  obtiendrait  donc  un  passif  (indi- 
catif-rtcr^j/rtr,  subjonctif -rzrfrtj/rt/',  futur  -arcigeslar),  jumeau 
de  l'actif  (indicatif  adciu,  subjonctif  -accndar,  futur  -écigi), 
dont  il  ne  différerait  que  par  la  présence  de  la  sifflante  s. 

Cette  conclusion  peut  se  défendre. 


lo  /.    Vendryes. 

Le  verbe  -cin  a  été  depuis  longtemps  rattaché  à  une  racine 
*hs-  «  voir  »  (cf.  Wh.  Stokes,  Urkellischer  Sprachschat^, 
p.  85),  soit  *  kes-iô  «  je  vois  ».  Mais  cette  racine  apparaît  en 
indo-iranien  sous  la  forme  redoublée  *ke-ks-  dans  le  sanskrit 
caste  «  il  voit  »,  et  la  forme  redoublée  a  donné  hors  de  la 
flexion  verbale  le  nom  sanskrit  de  Tceil  câksiih.  Or,  il  arrive 
parfois  qu'une  même  langue  indo-européenne  conserve  simul- 
tanément un  thème  simple  et  un  thème  redoublé  tirés  d'une 
même  racine  ;  par  exemple,  le  sanskrit  a  târati  et  titarti,  bhà- 
rati  et  bibhrali,  hànli  et  jîghnate,  etc.,  le  grec  r/o)  et  It/m, 
;xÉv(o  et  \)J.\}.vM,  le  latin  oend  .tigignô,  etc.  Il  est  donc  permis  de 
supposer  que  l'irlandais  a  conservé  de  la  racine  *ki's-  deux 
thèmes  verbaux  *kcs-iô  et  *keks-ô,  dont  le  dernier  a  été  ulté- 
rieurement réservé  à  la  flexion  passive.  Le  fait  que  le  verbe 
adiiii  possède  un  indicatif  Tp^sûi  aâcither  "  il  est  vu  »(Wb.  12 
c  12)  ne  contredit  pas  cette  hypothèse  et  prouve  simplement 
que  la  répartition  entre  les  deux  thèmes  s'est  opérée  imparfai- 
tement". 

La  coexistence  des  deux  thèmes  *  kes-  et  *keks-  se  ramène 
ainsi  à  un  fait  de  supplétisme,  comme  toutes  les  langues  en 
présentent;  on  peut  rappeler  en  irlandais  même  le  cas  compa- 
rable de  rofelar,  rqfinnatar,  sur  lequel  l'essentiel  a  été  dit  par 
M.  Strachan,  The  déponent  verb  in  Irish,  p.  10,  n.  4,  et  par 
M.  Thurneysen,  Zeitschrijt  fiir  celtische  Philologie,  V,    19  et  s. 

3°   SUR    L'ABSENCE  D'ADVERBE   TEMPOREL 
AVEC  LA  NÉGATION 

A  la  fin  du  curieux  récit  intitulé  Echtra  Condla  Chaim,  que 
M,  Windisch  a  reproduit  parmi  le  choix  de  textes  de  sa  Knr^- 
gefasste  Irische  Grammatik,  p.  118   et  ss.,  après  la  disparition 


I.  Il  est  malaisé  de  déterminer  à  quelle  forme  de  la  racine  remontent  le 
mot  cais  «œil  »  mentionné  parM.Wh.  Stokes,  t.  cit.,  mais  sans  référence,  et 
la  série  des  infinitifs  caisiu  ACr  28  ai,  hiimcaisiti  Sg.  54  a  6,  reincaisiu  Ml. 
20  c  3,  27  d  10,  50  c  22  etc.,  à  côté  deciicnii,  Windisch,  IVth.,  p.  346. 
aircsiu  Laws  1\\  146,  17,  déicsiit  Wb.  25  a  29,  n'iiidcicsiii  Ml.  19  d  i,  20  b 
2,  50  d  I,  59  a  18,  etc.,  frescsiu  Wb.  4  a  25,  10  c  21  ;  etc.  Toutefois,  ces 
mots  s'accommodent  sans  peine  de  l'hypothèse  d'un  thème  redoublé.. 


Hiberiiica.  ii 

mystérieuse  de  Condla,  le  roi  Cond  s'écrie  :  is  a  ociiiir  d'arl 
indiu,  dôig  ni  fil  hràthair  (L.  U.  120  b  24)  «  Art  est  unique 
aujourd'hui  puisqu'il  n'a  pas  de  frère  ».On  attendrait  :  «  puis 
qu"iln"a  plus  de  frère  ».  Mais  l'absence  de  tout  adverbe  tem- 
porel en  pareil  cas  est  usuelle  en  irlandais.  En  voici  quelques 
autres  exemples  empruntés  à  la  langue  des  gloses  : 

Wb.  3  b  19,  atluchnr  dodia  cendmid  fopheccad  nacbihjcl  «  je 
remercie  Dieu  de  ce  que,  bien  que  vous  ayez  été  sous  le  péché, 
vous  n'y  êtes  pas  »  (c'est-à-dire  «  vous  n'y  êtes  plus  »). 

Wb.  24  d  1 1  (arisbésad  iiammuii)ime  doc^nideidhleàn  di  ociiiit- 
iiud  âdalti)  horhi  accobur  lé  nehiid  do  innoidenacht  nachgeUi  «  une 
fois  qu'elle  (la  nourrice)  a  le  désir  qu'il  (son  nourrisson)  ne 
soit  pas  en  enfance  pour  longtemps  »  (=  ne  soit  plus). 

Wb.  31  c  '] ,  arnaérharihar  0 chrcisit  niiifâ  airli  àriiibaii  «  ahn 
qu'il  ne  soit  pas  dit  que  depuis  qu'elles  ont  cru  nous  n'avons 
pas  nos  femmes  à  notre  disposition  »  (=  nous  n'avons  plus). 

Ml.  53  d  9,  is  dia  doiirôidiii  ol  rahsacis  iiitaii  iiandaijat  din. 
aircein  nant  rochomairleic  soin  dunni  ni  coinuiacinarni  tuidechi 
forndochiiinsi  «  c'est  Dieu  qui  nous  a  envoyés,  dit  Rabsacis, 
quand  il  ne  nous  le  détendit  pas  (=  quand  il  ne  nous  le 
défendit  plus)  ;  car  tant  qu'il  ne  nous  le  permit  pas,  nous  ne 
pûmes  venir  vers  vous  ». 

Si  l'on  voulait  chercher  une  explication  à  cet  usage,  on  la 
trouverait  sans  doute  dans  le  fait  que  la  langue  irlandaise  est 
des  plus  pauvres  pour  exprimer  les  rapports  temporels  et 
qu'elle  n'a  notamment  aucun  moyen  d'indiquer  dans  le  passé 
ou  dans  le  futur  la  différence  relative  des  temps. 

J.  Vendryes. 


AIOR  Y  WERYDD.  MHRWHRYDl). 
MOR-FAIRGE 


Dans  un  intéressant  opuscule,  où  se  déploie  une  érudition 
étendue  et  ingénieuse,  mais  singulièrement  complaisante  aux 
envolées  d'une  imagination  peut-être  un  peu  trop  celtique', 
M.  John  Rhys  avance  que  le  gallois  iiienvciycici  ou  Diynverydd 
remonte  à  luori-huerlio-n,    mer  d'Irlande. 

Il  paraît  certain  (je  l'ai  soutenu  avec  d'autres)  que  iiior 
V  lucrydd  pour  yu'eiydd  désigne  la  mer  d'Irlande  :  yiuerydd  = 
Iiccriio-  ou  Everii  -  (Ywerddon  =  lu'erjôn-^;  mais  merzuerydd  a 
une  tout  autre  origine.  Il  signifie  proprement  agitation,  le 
plus  souvent  agitation  de  la  mer,  la  mer  elle-même,  mais  aussi 
agitation  de  l'esprit^  légèreté,   futilité  d'esprit. 

L.  noir,  6,  2     : 

a  thr\'dit  ryvet  vv   iiicrucrit 
mor   :   cv  threia  cvd  echwit 

"  Ht  la  troisième  merveille,  c'est  l'agitation  de   la   mer  :  ou  elle 
baisse  où  elle  s'enfle.   ■■ 

Dafvdd  Benfras,  Myv.  Arch.   218,  2  (s'adressant  à  Dieu)  : 

nior  deg  \'  gellv  dv  arw\'dda\v 
tiieiivcrydil  ech\v\'dd  '   ac   ucherddaw 

('  si  bien  tu  peux  toi  indiquer  (par  des  signes)  l'agitation  des  flots 
et  la  période  (tranquille?)  du  soir.  » 


1.  Studies    in   earlv   Irish    history   (Proceediin^s   of  Ihi'  Brifisb    Acadciii\ 
Vol.  II). 

2.  echivydd  -à  plusieurs  sens;  il  est  identique  au  breton  ce' boa-,  repos  du 
bétail,  de  raprés-midi,  mais  aussi  il  a  celui  de  fols. 


Mor  V  îL'erydd,   merwcrydd,   inor-fairge.  1 3 

Myv.arch.  144,  ■  i    : 

ton,   nior  iiierii'crxd 
(c  le  flot,   grande  son  agitation  (ou  agitation  de  la   nier).  » 

Myv.  iirch.  279,  2  : 

iiienuervd  g\'fli\v 

«  de  la  couleur  des  flots  (en  parlant  d'une  femme). 

i 
M3V.  arch.  329,   2  : 

beunwid  \-  dvrv 
aur  ir  gler  ger   nierwervdd 

((  tous  les  joLirs,  il  donne  de  For  aux  ménestrels  en  face  de  la  mer.  » 
Myv.  arcli.  332,  2  :   (en  parlant  de  Dieu). 

rh\\'\f  iiicriucrvdil 
i<  le  directeur  des  flots.    » 

Le  .sens  d';igitation,   d'agitation   d'esprit,    futilité,    est   aussi 
bien  établi. 
L.  Noir  8,  V  .  i-| 

nioe  V  dinwassute  '    iiifrivcrit  no  phregeth  evegil 

(f   tu  as  été  plus  habitué  aux  agitations  futiles  (plaisirs  futiles)  qu'à 
la  prédication  de  l'ÉN'angile.   » 

L.   Rouge  293,  26  : 

gwvr  nicru'crxdd  ani  drevyd     yn  viudravot 
«  l'agitation,  le  tumulte  des  guerriers  luttant  au  sujet  des  villes.  » 

L.  Tal.    136.  34  : 

Rieu  mcru'crxd 

I.e  sens  est  probablement  agitation  des  rois  (ou  d'un  roi). 
Myv.  Arch.,    193.    i   : 

mawretus  eu  iiieiuvryl 
D'après  le  contexte,  le  sens  ici  est  analogue  au  précédent. 

I.   Je  lis  ici  dii'iuiss/ile  (  =  dv/inissully 


14  /.    Lolb. 

Dans  un  passage  de  Taliesin  (151,  22),  le  poète,  en  par- 
lant de  lui-même,    dit  : 

nu'dwyf  iiit'ixveryil 
«  je  suis  Fngité,  l'inspiré.  » 

Pour  ce  sens,  cf.  awenydd ,  inspiré,  prophète. 

Davies  donne  à  inenueryâdlc  sens  de  distraction,  égarement; 
Silvan  Evans  ÇEi/oL-welsh  Dict.)  traduit  disiracliou  par  nie)  - 
■wcrydd . 

En  résumé,  nierwerydil  a  bien  le  sens  propre  d'a^^itatioii, 
tiinuiUc,  et  s'applique  plus  spécialement  aux  flots.  Il  me  paraît 
certain  que  le  second  terme  remonte  à  *  vergiio-  et  est  identique 
à  l'irlandais  fciir^c,  foirge,  la  mer  (=  *  vorgiâ),  proprement 
la  mer  agitée;  ci.  vergivios  Oceanos  chez  Ptolémée  (Stokes, 
Urk.  Spr.  273)  :  d.*veigd,  colère.  Quant  au  premier  terme, 
il  peut  remonter  à  inori-  :  inenuerydd  =  *  inori-ivorgtio-  ou  à 
///('/■-,   fou. 

Il  a  dû  V  avoir  une  confusion  en  gallois  entre  ywerydd, 
irlandais,  et  werydd ,  la  mer  (l'agitée),  de  là,  des  qualificatifs 
comme  Bran  mab  y  zuerit.  Bran  fils  de  Llyr  (la  mer);  y  werydd 
est  traité  comme  si  le  mot  était  féminin,  ce  qui  n'est  pas  impos- 
sible malgré  sa  terminaison  ;  d'ailleurs  le  mot  irlandais 
fairge  e^t  féminin.  De  plus,  il  y  a  des  subs.  en  gallois  à  termi- 
naison en  -ydd  qui  sont  féminins  :  y  cerennyd  honno,  d'après 
Silvan  Evans  qui  donne  le  mot  cependant  comme  mascu- 
lin. Le  genre  est  assuré  par  le  comique  cerense  =gall.  cerennyd; 
or  cerense  est  féminin.  L'expression  rappelle  d'ailleurs  exacte- 
ment la  formule  employée  dans  l'île  de  Man  :  Manannan  mac 
y  Lear,  Manannan  fils  de  la  mer  (avec  l'article  défini,  comme 
le  fiiit  remarquer  justement  M.  Rhys,  p.  42). 

M.  Rhys  cite,  à  l'appui  de  sa  thèse,  un  passage  du  Livre 
noir  de  Carniartben  (p.  41).  D'après  lui,  dans  ce  passage  Çibid., 
Four  ancien!  books,  II,  p.  49-50).  on  retrouverait  l'épi- 
sode du  iiiabinogi  de  Bran  fils  de  Llyr  :  arrêté  avec  son 
armée,  en  Irlande,  devant  une  rivière,  il  fait  de  son  corps  un 
pont  pour  ses  guerriers.  Voici  les  vers  du  Livre  noir  : 

Can  etliiv   ruiw   in  rndwit 
Iwerit  a  teulu  11a  fouch 
Gwydi  met    mevil   na  vynucn. 


Mor  y  luerydd,  Dienvcrydd^  ivor-fairgc.  15 

M.  Rhys  nous  dit  qu'on  pourrait  traduire  : 

Since  a  king  became  the  tord 
of  Iweryd,  you  host  flte  not  : 
aftcr  mead,  seek  not  shame 

Je   préférerais  cependant,  dit-il,  traduire  simplement  : 

Since  a  king  went  into  the  (ord 
of  I\vcr\  d 

Le  poème  oià  se  trouve  ce  passage  se  compose  de  deux  ou 
trois  parties  rajustées  tant  bien  que  mal,  plutôt  mal.  Celle  qui 
nous  intéresse  est  un  dialogue  entre  un  personnage  dont  nous 
n'avon-.  pas  le  nom  et  un  autre  qui  est  un  guerrier  de  la  clien- 
tèle d'Owein  lleged.  Le  vassal  d'Owein  nomme  son  cheval 
ariuitl  nielin  ;  or  c'est  justement  le  nom  du  cheval  de  Pascen 
ab  Urien  (L.  noir,  ro,  6).  Pressé  de  dire  dans  quelle  cour,  quelle 
terre  il  a  été  nourri  \  il  répond  que  c'est  Oiuein  Reged  qui  l'a 
nourri^.  Il  fait  en  même  temps  le  souhait  que  Dieu  le  délivre 
de  sa  trop  dure  captivité. 

Pour  rodiuit,  si  VI.  Rhvs  s'était  donné  la  peine  de  remonter 
12  vers  plus  haut,  il  eût  été  fixé  sur  son  sens. 

L'interlocuteur  du  héros  lui  dit  : 

Cau  nii'drit  iiior  raid  y  rodwita  rid... 
«  Puisque  tu  sais  si  bien  atteindre  le  gitc  et  le  passage.  » 

Ce  gué  plus  loin  porte  le  nom  de  iwerit  {ywerydd).  Je  ne 
serais  pas  éloigné  de  croire  que  le  nom  d'Owein  Reged, 
joint  à  la  mention  de  Rodwydd,  ne  soit  une  allusion  à  quelque 
épisode  critique  de  la  vie  du  roi  de  Nord-Galles,  Owein  Gwy- 
nedd.  Ce  sont  là  des  artifices  fréquents  chez  les  poètes  du 
xii^  siècle.  En  effet,  Owein  Gwynedd  fit  bâtir  en  1148  un 
château  fort  en  Ld  (Brut  y  Saeson,  Myv.  Arch.  677.  2). 
Or  ce  château  était  connu  sous  le  nom  de  Tomen  y  Rodwydd 
(Pennant,  Tour  in  Wales,  p.  104).  Il  fut  détruit  en  1148.  Can 
ethiv  ruiiu,  doit  se  traduire  simplement  :  «  Puisque  notre  chef 
s'en  est  allé'  »  à  Rhodiuydd  Iwerydd  (ou  au  gué  d'Yzuerydd),  ô 


1 .  Je  lis  :  pa  tir  yth  uaguii. 

2.  Oiuein  Reged  atn  ryvaeth. 

3.  EtJjiv  a  le  sens  d'aller,  s'en  aller  et  mourir. 


i6  /.    Loi  h. 

famille  (clan),  ne  fuyez  pas;  après  riiydromel  (qu'il  vous  a  fait 
boire),  ne  cherchez  pas  la  honte.    » 

Malgré  les  obscurités  de  détail  du  texte,  il  est  sûr  qu'il  n'est 
nullement  question  ici  de  Bran,  ni  de  l'Irlande. 

Enfin,  ce  qui  tranclie  la  question  d'une  foçon  indiscutable, 
c'est  le  composé  équivalent  en  irlandais  nior-fnirri^e.  Il  se 
trouve  dans  le  texte  irlandais  Echtra  clerech  Choluim  cille  (Revue 
Celtique  1903,  p.  léo,  47)  :  ro  indseadar  conad  a  hErind 
tangad.ir  7  co  robadar  re  ré  ciana  ar  muir  7  ar  viorfairr^i  for 
iiienigitd...  «  ils  dirent  qu'ils  étaient  venus  d'Irlande  et  qu'ils 
avaient  été  très  longtemps  errants  sur  la  mer  et  l'océan  agité.  » 
M. 'Whitley  Stokes,  dans  son  Index  a  le  signe  delà  longueur 
sur  mor  :  la  comparaison  avec  menucrydd  montre  que  c'est  à 
tort. 

I.   Lot  H. 


ÉTUDE  SUR  LE  TAiN  BÔ  CÙALNGE 

AUTREMENT  DIT 

<(  ENLÈVEMENT  DES  VACHES  DE  COOLEY  » 


I 

Tàin  bô  Cûalnge,  tel  est  le  titre  de  la  grande  épopée  irlan- 
daise que  M.  Windisch  a  publiée  en  1905.  Ce  titre  peut 
paraître  étrange.  En  effet,  l'expédition  entreprise  en  Ulsterpar 
la  reine  Medb  a  pour  but  la  conquête,  non  d'une  vache,  mais 
d'un  taureati,  un  taureau  d'une  nature  supérieure  et  qu'on 
pourrait  appeler  surnaturelle.  Ce  taureau  était  la  septième 
forme  d'un  porcher  des  dieux  ou_,  si  l'on  veut,  des  génies  de 
Munster.  Ce  porcher  avait  eu  d'abord  une  forme  humaine, 
puis  était  devenu  successivement  corbeau,  cétacé  (c'est-à-dire 
phoque  ou  baleine),  guerrier  éminent,  fantôme,  ver,  en  der- 
nier lieu  taureau.  Comment  se  fait-il  donc  que  le  titre  de  la 
pièce  parle  de  vaches  ?  Pour  le  comprendre,  il  faut  se  rendre 
compte  de  la  façon  dont  a  été  composée  la  pièce  dont  il 
s'agit . 

Ce  qui  reste  de  la  littérature  épique  irlandaise  dans  les  sou- 
venirs des  paysans  irlandais  peut  avec  raison  être  traité  de 
folk-lore.  Mais  les  vieilles  compositions  épiques  que  quelques 
manuscrits  nous  ont  conservées  sont  l'œuvre  d'une  corporation 
savante,  \esjilid\  c'est-à-dire  voyants,  dits  a.ussïfâithi  -,  c'est- 

1.  Filid  est  le  nominatif  pluriel  àt  fili,  en  irlandais  moderne  file,  fileadh. 
Sur  l'étymologie  de  ce  mot,  voyez  Whitley  Stokes,  Ukeltischer  Sprachschati, 
p.   276,  277. 

2.  Les  oùocTa?  de  Strabon,  1.  IV,  c.  xiv,  §  4;  les  ;j.3cvt:£i;  de  Diodore  de 
Sicile,  1.  V.  c.   xxxi,  §   3. 

Revue  Celtique,  XXFIIl  2 


i8  H.  d'Arbois  de  Jubainville. 

à-dire  prophètes.  La  principale  fonction  des  Jilid  dans  la 
société  irlandaise  consistait  à  réciter  le  soir  après  dîner  un 
court  morceau  épique  en  prose  entremêlé  de  vers  qui  étaient 
chantés  avec  accompagnement  de  la  harpe.  Une  notable  partie 
de  ces  morceaux  racontait  les  détails  de  l'expédition  entreprise 
contre  l'Ulster  par  Medb,  reine  de  Connaught.  Au  vu'-'  siècle 
de  notre  ère,  Senchân  Torpeist,  chef  des  JiIid  d'Irlande,  ima- 
gina de  réunir  un  certain  nombre  de  ces  petits  morceaux  en 
une  grande  compilation  qui  fut  écrite. 

L'usage  ancien  était  de  ne  pas  employer  l'écriture  et  de  tout 
confier  à  la  mémoire.  Nous  savons  par  Jules  César  que  telle 
était  de  son  temps  la  coutume  des  druides  en  ce  qui  concernait 
leur  enseignement  '. 

Cet  enseignement  pouvait  durer  vingt  ans,  et  consistait  prin- 
cipalement pour  le  maître  à  fliire  apprendre  à  l'élève  un  grand 
nombre  de  vers.  Le  traité  irlandais  intitulé  Livre  de  l'Ollam, 
Lebar  Ollainan,  nous  apprend  que  pour  les  filid  les  études 
étaient  moins  longues,  et  que  cependant  leur  durée  régulière 
était  de  douze  ans.  Les  règles  de  la  versification,  l'écriture  oga- 
mique,  d'autres  choses  encore  étaient  enseignées  aux  élèves, 
mais  ils  devaient  notamment  apprendre  chaque  année  par 
cœur  un  certain  nombre  de  récits  épiques  qu'on  appelait  en 
irlandais  drecht  ou  scél.  On  en  apprenait  vingt  la  première 
année,  trente  la  seconde,  quarante  la  troisième,  cinquante  la 
quatrième,  soixante  la  cinquième,  soixante-dix  la  sixième,  en 
tout  deux  cent  soixante-dix  en  six  ans  ^ 

Pendant  la  huitième  année  le  professeur  s'assurait  que  les 
élèves  connaissaient  bien  les  deux  cent  cinquante  histoires 
principales, /)r/V«-.ycé7a,  et  leur  enseignait  en  outre  d'abord  trois 
procédés  de  divination,  point  sur  lequel  nous  reviendrons 
plus  loin,  ensuite  la  géographie;  mais  la  chose  importante 
c'étaient  les  histoires,  c'est-à-dire  les  compositions  épiques. 
«  Comme  l'a  dit  un  poète  »,  continue  le  Livre  de  l'Ollam,  «il 
n'y  a  pas  eu  camp  sans  rois,  il  n'y  a  pas  eu  fili  sans  histoires  : 
Niba  di'iuad  gan  rî^ii,  ni  bajilicen  scc'laK  » 

1.  De  heUo  galUco,  1.  VI,  c.  xiv,  §  5. 

2.  Book  of  Ballymote,  p.  302,  col.  i,l.  14,  15,  28,  35,  44;  col.  2,1.  4; 
cf.  O'Curry,  Manners  and  Ciisioms,  t.  II,  p.  172. 

5.   Livre" de  Ballymote,  p.  305,  col.  2,  1.  33,  34, 


Étude  sur  le   Tarn  bô  Cùalnge.  19 

Les  filid  se  partageaient  en  dix  classes  selon  le  nombre 
d'histoires  qu'ils  savaient.  Le  nombre  de  ces  histoires  était  : 
trois  cent  cinquante  pour  Vollani,  première  classe  '  ;  cent 
soixante-quinze  pour  Vaurath,  deuxième  classe  ;  quatre-vingts 
pour  le  cli,  troisième  classe  ;  soixante  pour  le  cana,  quatrième 
classe;  cinquante  pour  le  dos,  cinquième  classe;  quarante 
pour  le  mac  fuirmid,  sixième  classe;  trente  pour  lefochloc, 
septième  classe;  vingt  pour  le  drisac,  huitième  classe;  dix 
pour  le  'taman,  neuvième  classe  ;  et  sept  pour  Yoblaire,  dixième 
classe^.  Trois  cent  cinquante,  le  nombre  d'histoires,  que  l'ol- 
lam  savait,  c'était  la  totalité  de  ce  qui  en  existait.  Pour  se 
reconnaître  dans  ce  nombre  énorme  d'histoires,  on  les  avait 
divisées  en  un  certain  nombre  de  séries.  La  liste  la  plus  com- 
plète que  nous  aient  conservée  les  manuscrits  irlandais  ne 
comprend  que  cent  quatre-vingt-sept  histoires.  Il  en  manque 
par  conséquent  près  de  moitié.  Cette  liste  est  divisée  en  dix- 
sept  séries  :  les  douze  premières  comprenant  les  histoires 
principales,  prim-scéla  ;  les  cinq  dernières  étant  les  histoires 
secondaires,  fo-scéla. 

1°  massacres,  togla, 

2°  enlèvements  de  vaches,  tâna  \bd], 

3°  cours  faites  aux  femmes,  tochmarca, 

4°  batailles,  catha, 

5°  cavernes,  lïatha, 
Histoires        /     6°  navigations,  iiuranm^ 
principales      \     7°  meurtres,  oit  te, 

^°  ièlits,  fessa, 

9°  sièges,  forhossa, 
10°  aventures,  ecbtrai, 
11°  enlèvements  de  femmes,  ailhid, 
12°  meurtres,  o/V'^Wé'. 


1.  Sur  les  350,  il  y  avait  250  histoires  principales  et  200  histoires 
secondaires  :  coic  côicut  de  primscélaib,  ocus  da  côicat  do  foscélaib,  Livre 
de  Leinster,  p.  189,  col.  2,  1.  47-49.  Cf.  E.  O'Currv,  Lectures  ou  the 
manuscript  Materials  of  ancient  irisJi  History,  p.  249-295. 

2.  Ancient  Lwivs  of  Irelaiid,  t.  I,  p.  44-47;  cf.  t.  V,  p.  58-75. 


20  H.  d'/lrbois  de  Jnhauivillc. 

I    13°  inondations,  loimidnia. 
Histoires  '^"  visions,.//./, 

secondaires        ^f  ^^^^^^î"^.'  '"'''*\,    .  ,     .  ., 

/   16°  expéditions  militaires,  sluaigida, 

\    17"  émigrations,  lochonilada  '. 

Quand  on  a  voulu  ranger  dans  une  de  ces  séries  l'expédition 
entreprise  pour  faire  la  conquête  du  taureau  d'Ulster,  on  n'a 
pu  la  placer  parmi  les  enlèvements  de  femmes,  il  a  fallu  la 
mettre  dans  la  catégorie  des  enlèvements  de  vaches.  Et,  en 
effet,  un  taureau  suppose  des  vaches,  comme  des  vaches  un 
taureau.  En  enlevant  un  taureau  on  enlevait  par  conséquent 
le  troupeau  de  vaches  dont  il  était  le  chef  ^. 

On  peut  se  demander  pourquoi  les  Irlandais  ont  dressé 
d'après  le  premier  mot  du  titre  la  liste  de  leurs  compositions 
épiques  ?  C'est  qu'à  l'époque,  où  pour  la  première  fois  cette 
liste  a  été  dressée,  les  Irlandais  qui  gravaient  sur  pierre  des 
inscriptions  ogamiques,  ignoraient  l'usage  d'écrire  avec  un 
roseau  ou  une  plume  et  de  l'encre  sur  papyrus  ou  sur  parche- 
min. C'était  donc  à  la  mémoire  exclusivement  que  devaient 
se  fier  les  Jilid,  soit  qu'ils  se  bornassent  à  réciter  les  composi- 
tions des  autres,  soit  qu'ils  fussent  eux-mêmes  auteurs  de 
quelques  morceaux  épiques.  C'est  donc  un  procédé  mnémo- 
nique qui  a  fait  inventer  la  liste  dont  nous  venons  de  parler. 
Aucune  liste  pareille  n'a  été  imaginée  par  les  trouvères  qui, 
dans  la  France  du  moyen  âge,  ont  pris  la  place  occupée  plus 
anciennement  en  Irlande  par  les  fîlid.  Les  trouvères  avaient  à 
leur  disposition  du  parchemin,  du  papier,  des  plumes  et  de 
l'encre.  Ils  écrivaient  et  lisaient  leurs  compositions,  ils  lisaient 
les  compositions  des  autres  :  ils  n'avaient  pas  besoin  de  charger 
leur  mémoire  de  textes  appris  par  cœur  comme  le  faisaient  les 
druides  en  Gaule  au  temps  de  César,  comme  l'ont  dû  fliire  en 
Irlande  lesyF//r/ jusqu'au  moment  où  les  missionnaires  chrétiens 
ont  foit  connaître  en  Irlande  le  parchemin,  l'encre  et  le 
roseau  à  écrire. 

1,  Book  of  Leinster,   p.  189,  190;   cf.    O'Curry,   MiWuscript  Materials, 

,p.  584-59?- 

2.  Tdiu   /'o  (JHrt/«_4'r,  édition  Windisch,  1.  15  28- 15  32,  p.  188-191  ;  1.  2029, 

p.  268,  269. 


Élude  sur  le   Tâiu  hô  C/iahige.  2i 

Mais  revenons  au  Livre  de  l'Ollam,  Lehar  OJIaman. 

Nous  y  avons  déjà  signalé  un  passage  important  :  c'est 
celui  où  nous  apprenons  que  les  élèves  qui  se  préparaient  à 
l'honorable  professsion  àejîli,  apprenaient  les  trois  procédés  de 
divination  :  le  premier,  «  flamme  du  poème  »,  teiniii  lâida  ;  le 
second,  «  enveloppement  des  mains  qui  éclairent  »,  imbas  foros- 
nai;  le  troisième,  «  incantation  des  bouts  de  doigts  »,  diceadal 
di  rendait  ou  mieux  dichélal  do  chennaih  cnàme  ' .  Sur  ces  procé- 
dés de  divination  on  trouve  des  détails  intéressants  dans  le 
Glossaire  de  Cormac  et  dans  le  grand  traité  du  droit  intitulé 
Senchus  Mor.  Voici  comment  paraît  s'être  pratiquée  Vimbas 
forosnai.  Le  JjJi  commençait  par  donner  quelques  coups  de  dent 
à  un  morceau  de  chair  de  porc,  de  chien  ou  de  chat.  Puis  il  le 
posait  à  terre,  prononçait  sur  lui  une  incantation,  et  l'offrait 
aux  dieux.  Après  avoir  adressé  à  deux  reprises  un  appel  au  con- 
cours des  dieux,  il  s'endormait,  la  tête  entre  ses  deux  mains, 
placées  chacune  sur  une  de  ses  deux  joues.  C'est  alors  que  pen- 
dant son  sommeil  une  révélation  lui  apprenait  ce  qu'il  voulait 
savoir.  Saint  Patrice,  dit  le  Glossaire  de  Cormac,  condamna  ce 
procédé  qui,  à  cause  de  roff"rande  et  de  l'appel  aux  dieux  était 
incompatible  avec  la  profession  du  christianisme  ^. 

Le  Livre  de  l'Ollam  mentionne,  outre  ce  procédé,  le  teinm 
lâida  5  «  flamme  ou  éclat  du  poème  »  ;  ce  procédé  exigeait, 
comme  le  précédent,  acte  d'idolâtrie;  saint  Patrice  le  prohiba 
également,  mais  il  autorisa  un  troisième  procédé  de  divination, 
«  poème  chanté  sur  les  bouts  des  doigts  »,  littéralement  sur  les 


1.  Book  of  Ballymote,  p.  50^,  col.  2,  1.  29-50.  Cf.  ^^'hitIey  Stokes 
Three  irish  Glossaries,  p.  25  ;  Cormac' s  Glossarv,  p.  95. 

2.  Ce  procédé  s'appelle  hhiihas  forostuii,  à  la  page  25  de  l'édition  donnée 
par  Wh.  Stokes  «  Three  irish  Glossaries  ».  On  lit  iifihas  forosfia  dans  un 
passage  du  Snichiis  Mor,  Aficieiit  La-ivs  of  Irelaïui,  t.  I,  p.  24,  1.  32.  Il  y  a 
pour  ce  mot  une  autre  orthographe  :  imas,  Book  of  Ballvmote,  p.  303,  col.  2, 
i.  30,  et  imns,  Aiicient  Laivs  of  [relatai,  t.I.p.  44,1.  15,  et  t.  V,p.  56,1.28. 
Dans  cette  orthographe  h  est  tombé  par  assimilation  à  Vin  antécédent. 

3.  Il  y  a  pour  làida  plusieurs  orthographes  :  laeda  {Three  Irish  Glossaries, 
p.  50);  laegda  (Three  irish  Glossaries,  p.  25,  30,  34,  Aucient  Laivsof  Ireland, 
t.  V,  p.  56,  1.  24);  laodhii  (ihid.,  t.  I,  p.  24,  1.  53);  laega  (ihid.,  t.  I,  p.  44, 
1.  9).  Ces  orthographes  différentes  datent  de  l'époque  où  le  g  et  le  d  médials 
étaient  réduits  à  un  simple  /  consonne  dans  la  prononciation  irlandaise.  Lâida 
est  le  génitif  singulier  de  iôid,  laid,  en  allemand  lied  «  chant  «  ;  cf.  Wh. 
Stokes,  Urkeltischer  Sprachschat:^,  p.  237. 


22  H.  (VArbois  de  Jubaniville. 

bouts  des  os  du  poète  '.  Ce  moyen  merveilleux  de  deviner  les 
secrets  et  l'avenir  était  peut-être  connu  des  Gaulois  comme 
des  Irlandais,  il  aura  été  toléré  par  le  clergé  chrétien  en  Gaule 
comme  en  Irlande  et  de  là  viendrait  qu'en  France  on  peut 
«  savoir  sa  leçon  sur  le  bout  du  doigt  »  ^. 

Ces  principes  posés,  il  y  a  intérêt  à  foire  une  observation. 
Dans  le  Lebor  na-hUidre  qui  contient  le  plus  ancien  texte  de 
l'Enlèvement  des  vaches  de  Cooley,  la  reine  Medb,  partant 
pour  sa  grande  expédition,  désirant  savoir  si  elle  marche  vers 
un  succès  ou  un  désastre,  demande  à  une  prophétesse,  han-fili, 
qu'elle  rencontre  :  «  D'où  viens  tu  ?  »  ~  «  De  Grande-Bre- 
tagne^ où  j'ai  appris  l'art  des  Jilid  »,  répond  celle-ci.  Mais  alors 
Medb  lui  adresse  une  seconde  question  :  a  As-tu  Vimbas 
forosriai }  »  —  «  Nécessairement  je  l'ai  »,  répond  la  prophé- 
tesse '. 

C'est  évidemment  le  texte  primitif,  qui  dans  la  rédaction 
conservée  par  le  Livre  de  J.einster  et  publiée  par  M.  Windisch, 
a  été  profondément  modifié.  La  prophétesse  n'y  parle  ni  de 
ses  études  en  Grande-Bretagne,  ni  de  Viuibas  forosnai.  L'auteur 
de  cette  rédaction  a  craint  que  la  prophétesse,  et  avec  elle  le 
texte  épique,  ne  tombât  sous  le  coup  de  l'excommunication 
prononcée  par  saint  Patrice. 

En  dépit  des  mauvaises  relations  qui  ont  toujours  existé 
entre  les  druides  et  le  clergé  chrétien,  la  leçon  du  Livre  de 
Leinster  conserve  aux  druides  une  position  considérable.  C'est 
dans  ce  texte  que  nous  trouvons  posé  ce  principe  :  défense  aux 
habitants  d'Ulster  de  prendre  la  parole  avant  leur  roi  et  au  roi 


1.  Docendaib  a  cnàma,  Aucient.  Laivs  of  Ireland,  t.  I,  p.  44,  I.  4.  Voir 
aussi  /7'/rf.,plus  bas,  l.  17,  et  Wh.  Stokes,  Three  irish  Glossaries,  p.  2^;  cf. 
Wh.  Stokes,  Cormac's  Glossary,  p.  95.  La  traduction  de  cnduui  pzr  jiti^ers 
('  doigts  »  et  non  ho)U's  «  os  »  peut  sembler  hardie.  Cependant  elle  paraît 
justifiée  par  le  passage  du  glossaire  de  Cormac  où  l'on  voit  Find  Mac  Cumail 
mettre  son  pouce  dans  sa  bouche  quand  il  veut  faire  acte  de  divination. 
Wh.  Stokes,  Three  irish  Glossaries,  p.  34;  Cormac's  Glossary,  p.  130. 

2.  Hatzfeld,  Darniesteter  et  Antoine  Thomas,  Dictionnaire  général  delà 
langue  française,  t.  I,  p.  279,  col.  i  au  mot  Bout.  M.  Alexandre  Smirnof 
me  fait  observer  que  des  locutions  analogues  existent  en  allemand  et  en 
russe. 

3.  Lebor  na  h-L"idre,  p.  55,  col.  2,  1.  12-14;  ^'J-  d'O'Keetîe,  p.  4, 
1.  38-41. 


Étude  sur  le   Tàin  hô  Cùalnge.  23 

de  prendre  la  parole  avant  ses  druides  \  Une  mort  soudaine  et 
merveilleuse  punit  celui  qui  a  violé  cette  règle  :  son  bouclier 
lui  tranche  la  tête  ^. 

Il  y  a  cependant  un  point  sur  lequel  l'auteur  du  texte  con- 
servé par  le  Livre  de  Leinster  a  pris  parti  contre  les  druides. 
La  leçon  la  plus  ancienne  nous  montrait  le  druide  Cathba 
auprès  du  roi  Conchobar,  son  fils,  et  accompagné  de  cent 
disciples  qui  apprenaient  de  lui  le  druidisme.  Un  d'entre  eux 
lui  demanda  quel  événement  heureux  se  produirait  ce  jour-là. 
Cathba  annonça  qu'un  jeune  homme  prendrait  les  armes  ce 
jour-même,  et  qu'en  Irlande  le  nom  de  ce  jeune  homme 
serait  toujours  célèbre'.  Il  s'agissait  de  Cûchulainn  qui  était 
alors  âgé  de  sept  ans.  Cathba  avait  donc  prophétisé.  Dans  le 
Livre  de  iLeinster  ce  récit  est  reproduit,  mais  le  nombre  des 
élèves  de  Cathba  est  réduit  àhuif.  Du  reste,  pas  de  différence 
sérieuse  entre  les  deux  textes  quand  il  s'agit  des  druides. 

Voici  toutefois  encore  un  point  où  les  Druides  sont  sacrifiés 
par  le  Livre  de  Leinster.  Les  deux  textes  s'accordent  pour 
nous  dire  que  les  guerriers  réunis  à  l'appel  de  Medb  pour 
envahir  l'Ulster  passèrent  quinze  jours  à  s'amuser  dans  la  for- 
teresse de  Cruachan,  capitale  du  Connaught,  avant  de  se 
mettre  en  route.  Pourquoi  ce  retard?  Afin  de  rendre  la  marche 
plus  facile,  dit  le  livre  de  Leinster  >.  Une  raison  plus  sérieuse 
est  donnée  par  la  version  conservée  dans  le  Lebor  na-hUidre. 
C'est  que  leurs  prophètes,  c'est-à-dire  leurs  filid,  et  leurs 
druides  leur  avaient  défendu  de  partir  plus  tôt  ^.  Mais,  si  cet 
important  détail  fait  défaut  dans  le  Livre  de  Leinster,  il  y  a 
immédiatement  une  compensation.  Au  moment  de  se  mettre 
en  route,  la  reine  Medb,  voulant  savoir  quel  sera  le  résultat 
de  son  entreprise,  ne  consulte  pas  seulement  une  femme  y?//, 
comme  nous  avons  dit  plus  haut  :  elle  s'adresse  d'abord  à  son 
druide.  Elle  prévoit  qu'un  certain  nombre  des  guerriers  qu'elle 


1.  Ed.  Windisch,  p    673,  1.  4724-4725. 

2.  Ihid.,  1.  4747. 

3.  Lebor  na  h-Uidre,  p.  61,  col.  i,].  18-27  ;  O'Keeffe,  p.  22.  1.  546-55: 

4.  Ed.  Windisch,  p.  131,!.  T071. 

5.  Ed.  Windisch,  p.  27,  1.    189. 

6.  Lebor  na  h-Uidre,  p.  55,  coL   i,  L  27-29;  O'Keefte,  p.  3,  L  20. 


24  H.  iVArhoh  de  JiihninviUe. 

emmène  perdront  hi  vie  dans  cette  expédition,  et  qu'elle, 
reine  Medb,  sera  maudite  par  les  parents  et  les  amis  des  morts. 
Mais  quant  à  elle  une  seule  chose  la  préoccupe,  c'est  de  savoir 
si  elle  reviendra.  «  Peu  importe  le  sort  de  tel  ou  tel  autre  », 
répond  le  druide,  «  toi,  tu  reviendras'.  »  Eh  bien,  ce  passage 
fait  défaut  dans  le  Lebor  na-hUidre. 

Les  deux  textes  sont  d'accord  pour  nous  présenter  le  grand 
héros  Cûchulainn  comme  un  élève  de  druide  Cathba  ^ . 

Les  druides  sont  une  institution  spéciale  aux  Celtes  des 
Iles  Britanniques  et  de  la  région  située  sur  le  continent  à 
l'ouest  du  Rhin.  Mais  quant  au  reste  des  idées  religieuses,  les 
doctrines  des  L'iandais  épiques  sont  en  général  semblables  à 
celles  des  Grecs  de  la  période  homérique.  Leur  religion 
n'était  pas  une  copie  de  la  religion  grecque,  mais  suppose  à 
sa  base  des  conceptions  identiques. 

Dans  Vlliade  la  déesse  Thétis  est  l'épouse  de  Pelée,  roi  des 
Myrmidons  en  Thessalie;  c'est  ainsi  qu'Achille,  fils  de  Pelée, 
a  pour  mère  une  déesse  '.  De  même,  dans  une  des  préfaces 
du  Tàin,  la  déesse  Mâcha  s'unit  à  Crunniuc,  riche  cultivateur 
d'Ulster,  et  donne  le  jour  à  deux  enfants  4.  Réciproquement 
chez  les  Grecs  et  les  Irlandais,  les  dieux  s'unissent  aux 
femmes  mortelles.  Ainsi,  Héraclès  est  le  fils  de  Zeus  dieu 
suprême  ec  d'Alcmène  femme  d'Amphitryon  >.  Les  Irlandais 
peuvent  mettre  en  regard  d'Héraclès  Cûchulainn,  fils  du 
grand  dieu  Lug  et  de  Dechtire,  sœur  du  roi  Conchobar.  Par 
ses  merveilleux  exploits  comparables  à  ceux  d'Héraclès,  il 
justifie,  comme  le  demi-dieu  grec,  son  origine  divine.  Mais  à 
son  sujet  il  y  a  une  observation  à  faire.  L'auteur  du  texte 
conservé  par  le  Livre  de  Leinster  n'a  pu  admettre  que  le  plus 
grand   héros  dont    l'Irlande   puisse  se  glorifier,   fût  fils   d'un 

1.  Ed.  \\'indisch,  p.  27,  1    194-200. 

2.  Lebor  iia  h-Uidre,  p.  6:,  col.  i,  1.  29-30.  O'Keeffc,  p.  22,  1.  55.3-554. 
E.  Windisch,  p.   133,  1.  1080-1081. 

3.  Iliade,  XXIV,  59-61. 

4.  Livre  de  Leinster,  p.  125,  col.  2.  Windisch,  dans  Berichte  der  K.  Sachs. 
Gesellchajt  der  Wissenschaften,  séance  du  12  décembre  1884.  Cours  de  litté- 
rature celtique,  t.  V,  p.  320-325.  Thurneysen,  Sagen  ans  deui  alten  Irland, 
p.  22-24. 

5.  Odyssée,  XI,  267-268. 


Ëtude  sur  le  Tâin  bô  Cùahige.  25 

dieu  païen,  et  par  conséquent  un  démon  comme  ces  faux 
dieux.  Dans  le  Lebor  na-hUidre,  le  héros  Cûchulainn,  après 
une  suite  de  combats  où  il  a  toujours  été  vainqueur,  est 
couvert  de  blessures  et  accablé  de  fatigue.  Alors,  le  dieu  Lug, 
son  père,  vient  à  son  secours,  panse  ses  blessures  et  le  guérit  ' . 
Le  Livre  de  Leinster  ne  parle  pas  de  Lug  dans  le  récit  de  cet 
épisode.  Il  remplace  Lug  par  un  dieu  innomé,  ami  du  héros  ^. 

Ayant  recouvré  ses  forces,  Cûchulainn  fait  de  nouveaux, 
exploits,  plus  merveilleux  que  les  premiers.  Il  monte  sur  son 
char  armé  de  faux  et  sur  ce  ciiar  il  tait  trois  fois  le  tour  de 
l'armée  ennemie,  abattant  chaque  fois  un  nombre  énorme 
d'hommes  '.  On  a  dit  que  parmi  les  morts  on  comptait  cent 
cinquante  rois  et  que  des  guerriers  qui  accompagnaient  les 
rois  trois  seulement  rentrèrent  au  camp  sans  blessures,  tandis 
que  ni  Cûchulainn,  ni  son  cocher  ni  ses  deux  chevaux  n'éprou- 
vèrent le  moindre  mal  ■^.  La  plus  ancienne  rédaction  expli- 
quait ce  merveilleux  résultat  par  le  concours  du  grand  dieu 
Lug  qui  aurait  accompagné  Cûchulainn  dans  sa  marche 
triomphante  autour  de  l'armée  de  la  reine  Medb.  Le 
Lebor  na-hUidre  et  le  Livre  de  Leinster  mentionnent  sans 
l'admettre  cette  intervention  du  dieu  Lug  K  Elle  révoltait  les 
chrétiens  qui  ont  écrit  ces  deux  manuscrits.  Au  point  de  vue 
païen  elle  donnait  à  Lug  une  énorme  supériorité  sur  Ares 
blessé  et  réduit  à  la  fuite  par  un  simple  mortel,  le  grec 
Diomède  ''. 

Cette  suppression  du  père  divin  de  Cûchulainn  eut  un 
résultat  bizarre.  Il  a  été  de  faire  mutiler  et  déformer  le  récit 
légendaire  qui  racontait  comment  était  né  le  célèbre  héros. 
Suivant  ce  récit  le  dieu  Lug  avait  un  jour  enlevé  Dechtire, 
sœur  du  roi  Conchobar,  et  avec  elle  cinquante  jeunes   filles 

1.  Lebor  na  h-Uidre,  p.  78,  col.  1,  1.  15-20.  La  médecine  était  un  des 
nombreux  arts  que  Lug  pratiquait.  Voyez  The  second  haltle  of  Moytiira, 
édition  Whitley  Stokes,  §  64,  Revue  Celtique,  t.  XII,  p.  76-79. 

2.  Tdin  bô  Cûahige,  suivant  le  Livre  de  Leinster,  éd.  Windisch,  p.  340- 

343- 

3 .  Tdm  bô  Cûalnge,  édition  Windisch,  p.  380-383 . 

4.  Lebor  na  h-Ûidre,  p.  80,  col.  2,  1.    39-45.  Winifred  Faraday,  p.  93. 

5.  Lebor  na  h-Uidre,  p.  80,  col.  2.  1.  23,  24;  Livre  de  Leinster,  édition 
Windisch,  p.  383,  1.  2659,  2660.  Winifred  Faraday,  p.  93. 

6.  Iliade,  V,   855-906. 


26  H.  d'Arbois  de  JnhauivUh. 

d'Ulster.  Pendant  trois  années  complètes  elles  furent  absentes, 
puis  elles  revinrent  sous  forme  d'oiseaux,  qui  dévoraient 
tout,  ne  laissant  pas  un  brin  d'herbe  sur  terre.  Conchobar  fit 
atteler  neuf  chars.  Il  monta  sur  un  de  ces  chars,  ses  prin- 
cipaux guerriers  montèrent  sur  les  huit  autres  et  avec  eux  il 
alla  combattre  ces  terribles  oiseaux.  Il  ne  put  les  atteindre. 
Enfin,  au  lieu  d'oiseaux,  Conchobar  et  ses  compagnons  trou- 
vèrent une  belle  maison,  et  dans  cette  maison  Dechtire  avec 
les  cinquante  jeunes  filles.  Dechtire  était  enceinte  et  accoucha 
d'un  fils  dont  Lug  était  le  père  et  qui  s'appela  Setanta.  Ce 
récit  ne  nous  a  été  conservé  que  dans  des  rédactions  où  il  a 
été  déformé.  Il  y  a  telle  rédaction  où  le  nom  de  Lug  n'apparaît 
point;  telle  autre  où,  rendue  grosse  par  Lug,  Dechtire  se  fait 
avorter,  puis  épouse  Sualtam,  dont  Setanta,  plus  tard  appelé 
Cûchulainn,  est  le  fils  '.  Mais  telle  n'est  pas  la  donnée 
primitive. 

Cûchulainn,  le  grand  héros  irlandais,  est  fils  du  dieu  suprême 
et  d'une  femme,  comme  le  grand  héros  grec  Héraclès,  et  c'est 
l'explication  des  prodigieux  exploits  que  les  deux  personnages 
mythiques  accomplissent,  d'abord  tout  enfants,  ensuite  à  l'âge 
d'homme. 

Un  des  principaux  exploits  d'Héraclès  fut  sa  descente  aux 
enfers.  II  eut  avec  Haïdès,  le  roi  des  morts,  un  combat  sin- 
gulier dont  il  sortit  vainqueur,  et  il  revint  emmenant  avec 
lui  le  fameux  chien  Cerbère  gardien  de  la  porte  d'Haïdès^. 
Cûchulainn  a  feit  le  même  voyage.  Il  a  été  dans  le  pays 
des  morts  qui  pour  les  Celtes  est  aussi  celui  des  dieux. 
Comme  Héraclès  il  a  livré  bataille,  comme  lui  il  a  triomphé'. 
Mais  son  voyage  a  été  beaucoup  plus  gai  que  celui  du  héros 
grec.  En  effet,  la  doctrine  celtique  ne  met  pas  la  seconde 
vie  des  morts  dans  un  obscur  souterrain.  Elle  la  place  sur  la 
terre  éclairée  par  le  soleil   au  delà  de   l'Océan,    à  l'Occident 


1.  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  154,  145,  324,  325.  H.  Zimmer  dans 
]a  Zeitschrift  de  Kuhn,  t.  XXVIII,  p.  500-504.  Louis  Duvau  dans  la  Rei'. 
Celt.,  t.  IX,  p.  1-13.  Thurneysen,  Sa^en  ans  dem  alten  Irland,  p.  58-62. 

2.  Serglige  Conculaind,  §  36,  chez  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  220. 
Cf.  Cours  de  litttérature  celtique,  t.  V,  p.  204. 

3.  Iliade,  Ylll,  367-369.  Cf.  V,  392-397, ei  ApoUodori  Bihliotheca,\.  II, 
c.  5,  §  12;  Fragmenta  Historicoriim  Graecoriim,  t.  I,  p.  142-143. 


Élude  sur  le   Tàin  hô  Cùalnge.  27 

extrême.  Ce  que  le  héros  Cûchulainn  ramena  de  ce  pays 
mystérieux,  ce  ne  fut  pas  l'affreux  chien  Cerbère.  Ce 
fut  une  jolie  déesse  amoureuse  de  lui  et  qui  abandonna  le 
dieu  son  mari  pour  se  faire  épouser  par  le  célèbre  guerrier 
irlandais.  Mais  elle  ne  resta  pas  longtemps  avec  lui.  Cûchu- 
lainn avait  laissé  une  femme  en  Irlande.  Celle-ci  ne  pouvant 
supporter  une  rivale,  voulut  la  tuer.  Arrêtée  par  Cûchulainn, 
elle  montra  un  tel  chagrin  que  le  héros  en  fut  ému  :  «  Je 
t'aime  toujours  »,  lui  dit-il.  A  ces  mots  la  déesse  irritée 
retourna  près  du  dieu  son  mari  '. 

On  peut  donc  signaler  entre  Héraclès  et  Cûchulainn  des 
différences  importantes,  mais  ces  deux  personnages  mytholo- 
giques ont  un  certain  nombre  de  traits  communs. 

Il  y  a  entre  l'épopée  irlandaise  et  l'épopée  grecque  d'autres 
points  de  ressemblance.  Au  début  de  V Iliade  on  voit  apparaître 
une  maladie  causée  par  la  colère  d'un  dieu  dont  le  prêtre 
avait  adressé  aux  Grecs  d'inutiles  supplications.  Cette  maladie 
est  le  point  de  départ  nécessaire  pour  expliquer  une  grande 
partie  de  ïlliade.  De  même  dans  l'Enlèvement  des  vaches  de 
Cooley,  une  maladie  provoquée  par  une  vengeance  divine  est 
un  trait  préliminaire  indispensable  et  sans  lequel  les  événe- 
ments qui  suivent  ne  se  seraient  point  produits.  Pour  sauver 
la  vie  de  l'homme  qu'elle  avait  épousée,  la  déesse  Mâcha  a 
été  obligée  par  le  roi  Conchobar,  de  lutter  à  la  course  avec 
les  chevaux  de  ce  prince  inhumain.  Elle  était  enceinte.  Arrivée 
au  but  avant  les  chevaux,  victorieuse  par  conséquent,  elle 
accoucha  immédiatement  et  lança  une  malédiction  contre  les 
hommes  qui,  présents  à  son  supplice,  n'avaient  pas  eu  piiié  d'elle 
et  n'avaient  pas  pris  son  parti  contre  le  roi.  Tous  ces  hommes 
furent  condamnés  à  subir  une  fois  dans  leur  vie  les  douleurs 
de  l'accouchement  pendant  cinq  jours  et  quatre  nuits  ou 
quatre  jours  et  cinq  nuits  soit  neuf  périodes  de  douze  heures 
chacune   formant    la    neuvaine    des    Ulates,   noinden    Ulad^. 

X.  Sergh'ire  Conciilaind,  §  39-46.  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  222-226. 
Cours  de  litt.  celt.,  t.  V,  p.  208-215. 

2.  Windisch,  dans  Berichte  der  K.  Sachs.  Gesellschaft  der  Wisseiisclkifleu, 
séance  du  12  décembre  1884.  Cours  de  litt.  celt.,i.Y,  p.  320-325.  Tliurney- 
sen,  Sagen  ans  deni  altcii  Irland,  p.  22-24. 


28  H.   d'Arbois  de  JiihainvUlc. 

Au  moment  où  l'armée  de  Medb  envahit  l'Ulster,  tous 
les  guerriers  de  cette  province,  sauf  Cùchulainn  et  les  exilés, 
étaient  atteints  de  cette  maladie  terrible  ' .  Telle  est  la  cause  pour 
laquelle  le  héros  dut  seul  tenir  tète  aux  troupes  si  nombreuses 
que  la  reine  de  Connaught  avait  mises  en  mouvement.  Les 
nombreux  combats  qu'il  livra  remplissent  la  plus  grande  partie 
de    l'épopée   dite  Enlèvement  des    vaches  de  Cooley. 

Ainsi,  la  maladie  étrange  causée  par  la  vengeance  de  la 
déesse  Mâcha  est  un  élément  essentiel  de  l'épopée  irlandaise. 

De  même  au  début  de  Ylliade  apparaît,  comme  nous  l'avons 
dit,  une  épidémie  envoyée  par  Apollon  sur  la  demande  de  Chry- 
sès,  son  prêtre,  auquel  une  fille  avait  été  enlevée  et  dont  Chrv- 
sès  n'avait  pu  obtenir  la  restitution.  Cette  maladie  dure  non 
pas  cinq  jours  et  quatre  nuits,  ni  quatre  jours  et  cinq  nuits, 
mais  neuf  jours.  C'est  la  neuvaine  des  Grecs  comparable  à 
celle  des  Ulates  sans  lui  être  absolument  identique.  Elle  cesse 
quand  Chryséis  est  restituée  à  son  père.  Mais  de  là  une  série 
d'incidents  dont  résulte  la  querelle  entre  Agamemnon  et 
Achille  et  la  résolution  que  prend  Achille  de  ne  plus  paraître 
dans  les  combats  contre  les  Troyens. 

Voici  encore  un  point  sur  lequel  VIliade  s'accorde  avec  la 
grande  épopée  irlandaise.  Les  Grecs  ont  une  déesse  de  la 
guerre,  Pallas  Athêna.  Les  Irlandais  en  ont  une  qui  porte 
ordinairement  aussi  deux  noms  :  Morrigan  et  Bodb  ^.  Chose 
curieuse,  la  déesse  grecque  et  la  déesse  irlandaise  apparaissent 
toutes  deux  sous  forme  d'oiseaux.  Athèna,  voulant  assister  au 
défi  qu'Hector  adresse  aux  chefs  des  Grecs,  vient  se  poser  sur 
un  arbre  sous  forme  d'un  vautour  '.  Plus  tard,  elle  prend  la 
forme  d'une  hirondelle  pour  assister  du  haut  d'une  des  solives 
du  plafond  au  massacre  des  prétendants  '^.  Or,  dans  une  des 


1.  Tdin  hô  Cùalncre ,  édition  Windisch,  1.  224,  231,  234,  240,  p.  30-35; 
1.  769,  p.  92,  93  ;  790,  p.  96,  97  ;  1.  3226,  V.  468,  469  ;  1.  4544,  p.  646,  647  ; 
1. -4938-4940,  p.  698-701. 

2.  Son  troisième  nom  Nemain  est  moins  fréquent.  Livrede  Leinster,  édi- 
tion Windisch,  p.  339,  1.  2444;  p.  709,  1.  5004.  Sur  .Vlacha,  quatrième  nom 
de  la  déesse,  voir  Revue  Celtique,  t.  I,  p.    34-37. 

3.  Iliade,  VII,  57-60 

4.  Odyssée,  XXII,  241. 


Ëtiide  sur  le  Tàiii  bô  Cùalnge.  29 

préfaces  de  l'Enlèvement  des  vaches  de  Cooley,  la  déesse  de  la 
guerre,  désignée  par  le  nom  de  Badb,  ou  Bodb,  se  montre  à 
Cùchulainn  sous  forme  d'un  oiseau  noir  perché  sur  une 
branche  d'arbre'.  On  la  retrouve  sous  forme  d'oiseau  avec 
son  autre  nom,  Morrigan,  dans  la  plus  ancienne  rédaction 
de  l'enlèvement  des  vaches  de  Cooley^. 

Ce  dernier  texte  nous  la  montre  perchée  sur  une  pierre 
levée  du  haut  de  laquelle  elle  adresse  la  parole  au  taureau  de 
Cooley  5 . 

Nos  comparaisons  avec  l'Iliade  sont  terminées.  Nous  passons 
à  VOiiyssée.  Au  livre  XI  nous  y  voyons  Ulysse  arrivé  au  pays 
des  Cymmériens,  sur  les  bords  de  l'Océan.  Avec  son  épée  il 
creuse  une  fosse  où  il  fait  couler  le  sang  des  victimes  qu'il 
immole.  Aussitôt  apparaissent  les  morts,  et  parmi  eux  le 
devin  Tirésias  de  Thèbes  :  celui-ci  prédit  la  continuation  des 
voyages  d'Ulysse  et  son  retour  à  Itaque  •*.  De  la  littérature 
épique  des  Grecs  revenons  à  celle  de  l'Irlande.  Sous  le  règne 
de  Guaire  Aidne  qui  apparaît  dans  les  Annales  des  Quatre 
Maîtres  dès  622  et  qui  mourut  roi  de  Connaught  en  662  ^, 
Senchân  Torpeist  devint  le  chef  des  filid  d'Irlande,  et  pour 
fêter  sa  bienvenue,  alla,  accompagné  d'un  nombreux  cortège, 
demander  l'hospitalité  au  roi  de  Connaught.  Senchan  ne  vou- 
lant pas  abuser  n'avait  amené  avec  lui  que  trois  cents  Jîlid, 
dont  cent  cinquante  maîtres  et  cent  cinquante  élèves  ;  ces 
filid  étaient  accompagnés  de  cent  cinquante  chiens,  de  cent 
cinquante  domestiques  mâles,  de  cent  cinquante  femmes  et  de 
vingt-sept  ouvriers  de  chaque  profession  ^.  Leurs  exigences  et 


1.  Tain  bô  Regamna,  dans  le  Livre  jaune  de  Lecan,  p.  55,  col.  2,  1.  12  ; 
Windisch,  Iriscbc  Texte,  seconde  série,  2<^  cahier,  p.  345,  1.  46. 

2.  Lebor  na  h-Uidre,  p.  64,  col.  2,  1.  30-31.  Livre  Jaune  de  Lecan,  p.  24, 
■col.  I,  1.  2S-29  ;  édition  O'Keeiïe,  p.  32,  1.  843-844. 

5.   A  comparer  Windisch,  Tdiii  bô  Cùalnge,  p.  184,  note  4. 

4 .  Odyssée ,  XI,  13-149. 

5.  Ed.  d'O'Donovan,  p.  244,  245,  272,  273. 

6.  Iinthcacht  ua  tromdhainihe  à^ns  Transactions  of  theOssianic  Society ,  r..  V, 
p.  38,  39.  Les  événements  dont  il  s'agit  dateraient  de  la  première  moitié 
du  septième  siècle,  suivant  O'  Curry,  Mainiers  and  Ciistonis,  t.  III,  p.  376, 
de  la  fin  du  même  siècle  d'après  Hleanor  HuU,  A  text  Book  of  Irish  Lite- 
'■afure,  p.  43. 


30  H.  d'Arbois  de  J iihainville . 

leur  séjour  prolongé  finirent  par  flitigucr  Guaire.  Marban,  son 
porcher,  d'autres  disent  son  frère,  un  saint  ermite,  vint  à  son 
aide  ;  il  adressa  aux  hôtes  de  Guaire  l'injonction  magique, ^m, 
de  ne  jamais  rester  plus  de  deux  nuits  de  suite  au  même  logis 
tant  que  l'un  d'eux  n'aurait  pas  récité  d'un  bout  «à  l'autre  le 
Tàin  ho  Ci'ialnge.  Ils  partirent,  mais  aucun  d'eux  ne  connais- 
sait autre  chose  que  des  h'agments  de  cette  vaste  composi- 
tion '.  Après  de  longs  voyages  employés  à  des  recherches 
infructueuses,  Senchân  Torpeist,  pour  avoir  le  texte  complet 
envoya,  dit-on,  deux  de  ses  disciples,  Murgen,  son  fils,  et 
Emine  hua  Ninene  au  tombeau  de  Fergus  mac  Rôig,  un  des 
principaux  chefs  de  l'armée  de  la  reine  Medb.  Murgen  s'assit 
près  du  tombeau.  Emine  et  les  gens  de  la  suite  allèrent  à  la 
recherche  d'une  maison  où  ils  pourraient  trouver  hospitalité. 
Pendant  ce  temps  Murgen  chanta  un  poème  où  il  faisait  appel 
à  Fergus.  Immédiatement  apparut  un  nuage  qui  pendant  trois 
jours  et  trois  nuits  rendit  Murgen  invisible  à  ses  compagnons; 
aussitôt  que  le  nuage  se  fût  produit  Fergus  sortit  du  tom- 
beau. Son  manteau  était  vert,  conmie  il  convient  à  un  héros 
irlandais,  il  avait  une  chemise  avec  capuchon,  sur  elle  une 
tunique  rouge  ;  il  portait  une  épée  avec  poignée  d'or. 
Ses  sandales  étaient  de  bronze,  et  sa  chevelure  noire.  Il 
récita  à  Murgen  le  Tâin  d'un  bout  à  l'autre.  Naturellement 
les  chrétiens  irlandais  ne  purent  admettre  qu'un  Jili  ait  eu  la 
puissance  d'évoquer  les  morts.  Ils  dirent  que  c'étaient  des 
saints  qui,  par  un  jeûne  pieux,  avaient  fait  sortir  Fergus  de 
son  tombeau  et  obtenu  de  lui  le  récit  complet  du  Tàin.  Ces 
saints,  dirent-ils,  étaient  ensuite  allés  répéter  à  Senchân  le  récit 
de  Fergus.  Mais  suivant  la  légende  primitive,  ce  serait  Murgen 
qui,  instruit  par  Fergus  sorti  du  tombeau,  aurait  appris  à 
Senchân  le  texte  complet  du  Tàin^. 

Si  Senchân  attribua  cette  origine  merveilleuse  à  la  compi- 
lation qu'on  lui  doit,  son  but  était  d'assurer  le  succès  de  son 
œuvre.  Et  nous  sommes  en  droit  d'en  conclure  que  les  Irlan- 

1 .  Concomgarthà  trd  filid  EreiiJ  do  Shenchdn  Torpeist  dûs  in  ba  mebor 
leo  Tàin  bôCualngi  in  a  ôgi.  Ocus  asbertatar  nad  fetar  di  acht  bloga  nammâ. 
Livre  de  Leinsier,  p.  245,  col.  2,  1.  2-),  cf.  O'  Curry,  Ms.Materiah,  p.  494. 

2.  Livre  de  Leinster,  p.  245,  col.  2,  1.  11-29. 


Étude  sur  le   Tàiii  hô  Ciialnge.  31 

dais  du  vii^  siècle  de  notre  ère,  comme  les  contemporains 
d'Homère,  quatorze  cents  ans  plus  tôt  croyaient  possible  l'évo- 
cation des  morts. 

Cette  croyance  avait  existé  chez  les  Celtes  à  une  date  beau- 
coup plus  ancienne.  En  effet,  Tertullien  nous  apprend  que, 
suivant  Nicander,  les  Celtes  allaient  passer  la  nuit  près  des 
tombeaux  où  avaient  été  déposés  après  incinération  les  restes 
des  hommes  braves,  et  qu'ils  leur  demandaient  des  oracles  '. 
Le  Nicander  cité  par  Tertullien  au  iii^  siècle  de  notre  ère  est 
vraisemblablement  Nikandros  de  Kolophon,  contemporain 
d'Attale  III,  roi  de  Pergame,  qui  régna  de  137  à  131  avant 
J.-C.  ^.  Les  Celtes  dont  il  s'agit  dans  ce  passage  de  Tertullien 
sont  évidemment  les  Gaulois,  soit  d'Italie  soit  des  bords  du 
Danube,  soit  de  la  région  située  à  l'ouest  des  Alpes  et  du 
Rhin,  à  moins  cependant  que  Nicandros  n'ait  voulu  parler  de 
la  colonie  des  Celtes  en  Asie  Mineure  où  ils  ont  porté  les  noms 
de  Calâtes  et  de  Galatie. 

La  littérature  homérique  ne  nous  offre  rien  d'analogue  au 
taureau  de  Cooley.  Le  pendant  de  ce  taureau  dans  les  textes 
grecs  c'est  le  Minotaure  qui  a  comme  le  taureau  de  Cooley 
une  origine  divine.  Le  taureau  de  Cooley  est  la  septième 
forme  d'un  porcher  des  dieux  ou  des  génies  de  Munster.  Sous 
sa  sixième  forme  il  avait  été  ver  et  vivait  dans  une  source. 
Une  vache,  étant  allée  boire  à  cette  source,  avala  le  ver,  et  en 
conséquence  donna  le  jour  au  célèbre  taureau  de  Cooley.  Le 
Minotaure  avait  eu  pour  père  un  taureau  donné  par  Poséidon 
à  Minos  et  sa  mère  était  Pasiphaé,  fille  du  soleil  '. 


1.  Et  de  nocturnis  imaginibus  opponitur  saepe  non  frustra  mortuos 
uisos,  nam  et  Nasamonas  propria  oracula  apud  parentum  sepulcra  mansi- 
tando  captare,  ut  HeracUdes  scribit,  vel  Nymphodorus,  vel  Herodotus  ;  et 
Celtas  apud  uirorum  fortium  busta  eadem  de  causa  abnoctare,  ut  Nicander 
affirmât.  Tertullien,  De  anima,  57,  édition  de  Tertullien  donnée  pour 
l'Académie  de  Vienne  ;  Corpus  Scriptorum  ccclesiasticormnlatinormn^  t.  XX, 
p.  Î93,  par  Auguste Reifferscheid  et  Georges  Wissowa;  cf.  Migne,  Pativlo- 
gia  latina,  t.  II,  col.  749  B  ;  et  Fustel  de  Coulanges  dans  la  Revue  Celtique, 
t.  IV,  p.  52,  note  7. 

2.  Christ,  Geschichte  der  Griechischen  Litleratur,  3e  éd.,  p.  536-537. 

5.  ApoUodori  Bihliotheca,  livre  III,  c.  i,  §  2-3.  Charles  et  TheodorMûller, 
Fragmenta  Historicoruiii  Graecoruiu,  t.  I,  p.  151. 


32  H.  (V Artois  de  Jubainville. 

Plus  tard  Minos,  en  guerre  avec  les  Athéniens,  exigea 
comme  condition  de  paix  qu'ils  envoyassent  en  Crète  tous  les 
ans,  sept  garçons  et  sept  jeunes  filles  qui  devaient  être  dévorés 
par  le  Minotaure  \  On  sait  que  le  Minotaure  fut  tué  par 
Thésée  ^  Le  taureau  brun,  Donn,  de  Cooley  après  avoir  triom- 
phé de  son  rival  le  Find  Bennach  ou  Blanc  Cornu,  mourut 
presque  immédiatement  par  le  fait  des  blessures  qu'il  avait 
reçues  pendant  le  combat  K  Mais^auparavnnt  imitant  la  cruauté 
du  Minotaure  il  avait  tué  aux  Irlandais  cent  enfants  ■*,  c'est- 
à-dire  les  deux  tiers  des  cent  cinquante  enfants  qui  alternati- 
vement, par  groupes  de  cinquante,  jouaient  ensemble  toutes 
les  après-midi  sur  son  beau  et  vaste  dos,  tandis  que  cent  guer- 
riers rangés  auprès  de  son  corps  immense  y  trouvaient,  sui- 
cvant  la  saison,  abri  contre  la  chaleur,  abri  contre  le  froid  >. 

II 

Il  y  a  dans  le  Tâiii  un  passage  qui  paraît  se  rattacher  cà  un 
■des  événements  les  plus  importants  de  l'histoire  des  Iles  Bri- 
tanniques. Nous  voulons  parler  de  la  conquête  de  la  Grande- 
Bretagne  et  d'une  partie  de  l'Irlande  sur  les  Gôïdels  par  les 
Gaulois  à  une  date  qu'on  ne  peut  déterminer  rigoureusement. 
Nous  avons  parlé  du  ii""'  siècle  avant  notre  ère.  M.  Romilly 
Allen  dit  qu'il  n'y  a  pas  de  raison  pour  croire  que  ce  grand 
événement  ait  eu  lieu  beaucoup  antérieurement  à  l'an  300 
avant  J.-C.  ^ 

Le  nom  que  ces  Gaulois  conquérants  portent  dans  le  Tâiii 
est  au  nominatif  pluriel  GaJiôtn.  Mais  cette  orthcgraphe  est 
relativement  moderne  :  Yo  long  placé  entre  les  deux  /'  tient  lieu 
d'un  a  long  plus  ancien,  comme  l'a  établi  M.  Windisch.  En 
effet,  le  génitif  pluriel  de  ce  nom  assonne  avec  giaJl  et  avec 
s;riau,   ce  qui  exige  une  forme  GaJiàu  au  génitif  pluriel,  par 

1.  ApùUodori  Bibliolbeca,  livre  III,  c.  i),  ^  8.  Fnioiiieiila  Historiconiin 
Graecoi mil,  t.   I,  p.  78. 

2.  Phérécydes,   fragm.  106.  Ibidem,  p.  97. 

5.    Tdiii  bô  Ci'ialiige,  éd.  Windisch,  1.  6192-6205,  p.  906-909. 

4.  Lebor  na  h-Uidre,  p.  64,  col.  2,  1.  43-44-  Livre  faune  de  Lecan,  p.  24, 
^ol.  I,  1.  42-44.  Ed.  O'  Keeffe,  p.  33,  1.  855-856. 

5.  Tdiii  bo  Cùahioe,  éd.  Windiscli,  1.  15  32-1 5  36,  p.  190,  191. 

6.  Celtic  Art  in  Pagan  and  Christian  Times,  p.  21. 


Étude  sur  le  Tâin  bô  Cùahige.  33 

conséquent  aussi  au  nominatif  singulier  Galiàn  et  au  nomina- 
tif pluriel  Galiâin\  Les  Galiâin  s'étaient  établis  dans  la  région 
sud-est  de  l'Irlande,' c'est-à-dire  en  Leinster%  dans  la  partie 
méridionale  de  cette  province,  au  comté  de  Wexford,  là.  où 
Ptolémée  au  11^  siècle  de  notre  ère  montre  la  ville  de  Manapia 
et  les  Mc'napi{\  nom  vraisemblablement  identique  à  celui  des 
Menapii  établis  sur  le  continent  et  en  France,  là  où  est  situé 
aujourd'hui  Cassel  département  du  Nord-*.  En  Irlande  on 
trouvait  près  des  Menapii,  au  temps  de  Ptolémée,  les  Bri- 
S^ûfitesK  Ceux-ci  portaient  le  même  nom  que  les  Brigantes  de 
Grande-Bretagne,  chez  lesquels  était  York,  Eburacon^.  Les 
Brigantes  de  Grande-Bretagne  et  ceux  d'Irlande  étaient  pro- 
bablement une  colonie  des  Brigantii  ' ,  chez  lesquels  se  trou- 
vait Brigantiuni,  aujourd'hui  Bregenz,  dans  le  Vorarlberg, 
empire  d'Autriche,  et  Cauibodnnon,  aujourd'hui  Kempten  en 
Bavière. 

La  question  se  pose  de  savoir  à  quelle  époque  ces  peuples 
gaulois  Manapii  et  Brigantes  sont  venus  s'établir  en  Irlande. 
Suivant  le  traité  irlandais  intitulé  Do  flathinsaih  Erend,  un  roi 
nommé  Ugaine  le  Grand  aurait  régné  sur  l'Irlande  et  la 
Grande-Bretagne  jusqu'à  la  mer  Manche  ^.  Par  conséquent  au 
temps  d'Ugaine,  les  Gaulois  n'avaient  pas  encore  fait  la  con- 
quête de  la  Grande-Bretagne.  A  quelle  époque  devons-nous 
placer  Ugaine  ?  Suivant  les  Annales  de  Tigernach,  Echu 
Buadach,  père  d'Ugaine  le  Grand  était  roi  suprême  d'Irlande 
quand  arriva  la  dix-huitième  année  du  règne  de  Ptolémée,  fils 
de  Lagos,  c'est-à-dire  vers  l'an  306  avant  notre  ère  9.  Par  consé- 


1.  Tdiii  bô  Cûaliige,  éd.  Windisch,  p.  63,  1.  519-527.  Cf.  p.  1075,00!.  2. 

2.  Laigin...  tri  anmann  doib.  i.  Fir  Domnann,  Gaileoin,  Laigin.  Dinnse- 
chtis,  édité  par  Wh.  Stokes,  Rcv.  Celt.,  t.  XV,  p.  299.  Gaileoin  i  cuigiud 
Lagen.  Booi<  of  Ballymote,  p.  255,  col.  2,1.  37. 

5.  Edition  de  Ch.  Mûller,  p.  79,  1.  i  et  12. 

4.  Ihiil.,  p.  223,  1.  9-10.  Cf.  Holder,  AltccltiscJier  Sprachschali,  t.  II, 
col.  543-S47- 

).   Ptolémée,  èàmon  de  Ch.  Mùller,  p.  79,  1.  13. 

6.  Ihjd.,  p.  96-98.  Cf.  Eoldev.  Altceltischer  Sprachschati,t.  l,col.  534-535. 

7.  Holder,  Altccltischer  Sprachschati,  t.  I,  col.  5^6-537. 

8.  Gabais  Ugaine  niôr  mac  Echdach  Buadaig  rîge  Erend  ocus  Alban  ko 
muir  n-Icht.  Livre  de  Leinster,  p.  21,  col.  2,  1.  58-39. 

9.  Edition  Wh.  Stokes,  Rev.  Celt.,  t.  XVI,  p.  394. 

Revue  Celtique,  XXFIII.  y 


34  H.  d'Arbois  de  Jiibaiin'ille. 

quent  le  règne  d'Ugaine  le  Grand  doit  probablement  être 
mis  dans  la  première  moitié  du  ui"  siècle.  A  cette  date  les 
Gôïdels  étaient  maîtres  de  la  Grande-Bretagne  comme  de  l'Ir- 
lande. L'invasion  gauloise  dans  les  Iles  Britanniques  n'avait 
pas  commencé. 

A  Ugaine  le  Grand  succéda  un  de  ses  rtls,  Lôegaire  Lorc, 
qui  avait  un  frère,  Cobthach  Côel  Breg  par  lequel  il  fut  assas- 
siné et  qu'il  eut  pour  successeur. 

Cobthach  Côel  Breg  régna  cinquante  ans,  fit  périr  Ailill 
Ane,  fils  de  son  frère,  chassa  d'Irlande  Labraid  surnommé 
l'Exilé,  Loiiysech,  fils  d'Ailill  Ane  et  par  conséquent  petit- 
neveu  de  ce  cruel  Cobthach  Côel  Breg'. 

Les  deux  meurtres  commis  par  Cobthach  Côel  Breg  ont  été 
racontés  avec  détails  par  \ts  Jilid  irlandais.  La  royauté  suprême 
obtenue  par  Lôegaire  Lorc,  son  frère,  rendit  Cobthach  telle- 
ment jaloux  qu'il  tomba  malade.  On  parlait  de  sa  mort  pro- 
chaine. Il  fit  prier  son  frère  de  venir  lui  dire  un  dernier  adieu. 
Lôegaire  se  rendit  à  cet  appel.  «  Reviens  demain  »,  dit 
Cobthach,  «  tu  organiseras  mes  funérailles  ».  Lôegaire  revint 
en  eft'et.  «  Dites-lui  que  je  suis  mort  »,  dit  Cobthach  à  ses 
femmes  et  au  chef  de  ses  domestiques.  «  Placez-moi  sur  mon 
char  et  mettez-moi  en  main  un  poignard  bien  tranchant.  »  Cet 
ordre  fut  exécuté.  Lôegaire  tout  en  larmes  se  précipita  sur  le 
corps  de  son  frère  qui  lui  enfonça  le  poignard  dans  le  cœur. 
A  la  suite  de  ce  meurtre  Cobthach  Côel  Breg  devint  roi 
suprême  d'Irlande.  Le  fils  de  Lôegaire  Lorc,  Ailill  Ane,  dut  se 
contenter  du  royaume  de  Leinster.  Mais  c'était  trop  pour 
l'ambition  de  Cobthach  Côel  Breg  et  quelqu'un  tut  payé  par 
lui  pour  faire  prendre  au  roi  de  Leinster  un  breuvage  empoi- 
sonné qui  lui  ôta  la  vie'.  Le  fils  d'Ailill  Ane  dut  abandonner 
le  trône  de  son  père  à  son  grand-oncle,  et  pour  se  conserver 
la  vie  quitter  l'Irlande,  en  conséquence  de  quoi  il  reçut  le  sur- 
nom de  Loiigsccb,  «  Exilé  ».  Ce  fut  en  Grande-Bretagne  qu'il 
se  réfugia.  Il  avait  avec  lui  neuf  compagnons.  Un  texte  irlan- 


1.  Do  flathiiisdih  Erciid,  dans  le  Livre  de  Leinster,  p.  22,  coL  i,  \.  39-46. 

2.  Orc;ain  Diiul-rio-,  édition  de  Wh.  Stokes  dans  Zeilscbrift  fiïr  Ccltische 
Philologie,  t.  III,  p.  2-3,  9-10. 


Étude  sur  le  Tàiii   ho  Cùaluge.  35 

dais  prétend  qu'il  se  créa  en  Grande-Bretagne  un  royaume  '. 
Suivant  un  autre  texte  irlandais,  «  se  dirigeant  vers  l'est,  il 
atteignit  l'île  des  Bretons  et  les  jeunes  gens  tachetés  de  la  terre 
des  hommes  de  Ménia  et  se  mit  au  service  de  leur  roi  »  ^. 
Ménia  n'est  pas  autre  chose  que  Menapia  prononcée  à  l'irlan- 
daise avec  chute  du  p  et  de  Va  qui  le  précède.  Les  Irlandais  ne 
pouvaient  prononcer  la  lettre  p,  et  Va  précédent  était  postto- 
nique puisque  c'était  en  irlandais  la  syllabe  initiale  qui  était 
accentuée.  Le  roi  de  Ménia,  c'est-à-dire  de  la  Menapia  située 
sur  le  continent  dans  la  Gaule  Belgique,  prit  en  amitié  l'exilé 
et  l'envoya  en  Irlande  avec  une  flotte  de  trois  cents  vais- 
seaux K 

L'expression  tir  fer  Menia  «  terre  des  hommes  de  Ménia  » 
embarrassa  beaucoup  les  Irlandais  pendant  la  seconde  partie  du 
moyen  âge.  Certains  avaient  lu  la  Bible  ;  ils  connaissaient  le 
passage  de  la  Genèse,  ch.  8,  verset  4,  où  il  est  dit  que  l'arche 
s'arrêta  sur  les  monts  d'Arménie  et  le  livre  IV  des  Rois,  ch. 
19,  verset  57,  où  on  lit  que  deux  fils  de  Sennachérib,  ayant 
tué  leur  père,  se  réfugièrent  dans  la  terre  d'Arménie.  En  consé- 
quence ces  Irlandais  remplacèrent /t'r  luenia  par  Armenia.  C'est 
la  leçon  du  Livre  Jaune  de  Lecan^.  En  effet  fer,  aujourd'hui 
fear  se  prononçait  far,  et  ce  mot,  étant  complément  détermi- 
natif  du  substantif  précédent,  perdait  son  /5.  Ainsi  tir  fer 
Ménia  se  prononçait  tir  ar  menia.  La  prononciation  pénétra 
dans  l'écriture  où  tir  ar  menia  devint  facilement  tir  Arnienia. 
Mais  cette  notation  nouvelle  ne  fut  pas  universellement 
adoptée.   On   proposa  de  corriger  Menia  en  M.orca.   Labraid 


1.  Riigaib  rige  co  Muir  n-lcht.  Oijaiii  Diud-rig,  édition  de  Whitley 
Stokes,  Zeitsclirift  fur  Cettisctoe  PJiilotogie,  t.  III,  p.  8. 

2.  Fri  ri  fer  Menia.  Ms.  Egerton,  1782  du  Musée  Britannique,  cité  par 
Whitley  Stokes,  Kevue  Celtique,  t.  XX,  p.  430,  note  2. 

5.   Re^ue  Celtique,  t.  XX,  p.  430,  t.  23.  24. 

4.  Whitlev  Stokes,  Revue  Celtique,  t.  XX,  p.  430,  1.  3. 

5.  Zeuss,  Grammatica  Ccltica,  2'^  édition,  p.  181.  Comparez  le  nom  de 
lieu  irlandais  moderne  Tireragh  pour  Tir  Fiachrach,  O'Donovan,  Anuah 
of  the  Four  Masters,  t.  VI,  p.  1 1 1 ,  et  tir  snihach  «  terre  fertile  »,  prononcé 
tirhutacli,   Windisch,   Irisctje  Texte,  t.  I,  p.  172,  1.  23. 


jé  H.  iVArlnns  de  Juluiiiiville. 

Longsech  serait  allé  chtrchcr  asile  chez  le  roi  des  hommes  de 
Morca  '. 

Les  Jir  Morca  habitaient  dans  l'Irlande  méridionale,  en 
Munster  -  ;  pour  Labraid,  le  surnom  d'Exilé  ne  se  comprend 
plus  si  l'on  adopte  cette  leçon,  et  on  ne  conçoit  pas  comment 
pour  aller  de  Leinster  en  Munster  il  serait  passé  par  l'île  des 
Bretons.  Il  y  a  un  texte  qui,  sur  l'exil  de  Labraid,  jette  beau- 
coup plus  de  clarté.  Les  GaJiàiu  nourrirent  Labraid  pendant  son 
exil  dans  les  terres  des  Gaulois  '.  D'accord  avec  M.  Whitley 
Stokes,  nous  traduisons  par  Gaulois  l'irlandais  Gall  \  Le  mot 
irlandais  Gall  a  eu  d'abord  ce  sens.  M.  Kuno  Meyer  a  fait 
observer  que,  dans  un  passage  d'un  récit  de  l'émigration  des 
Dessi  au  iiV  siècle  de  notre  ère,  il  est  parlé  du  vin  venant 
a  tîrib  Gall,  c'est-à-dire  des  terres  des  Gaulois  >.  Ni  la  Norvège 
ni  le  Danemark  ne  produisaient  de  vin  à  cette  époque  pas 
plus  qu'aujourd'hui. 

Plus  tard,  Gall  a  pris  un  sens  différent  :  il  a  désigné  les 
pirates  venus  de  Scandinavie  et  de  Danemark,  qui  apparurent 
sur  les  côtes  d'Irlande  à  partir  de  795  et  dévastèrent  cette 
pauvre  île  pendant  le  ix^'  et  le  x^  siècle.  Les  Romains 
avaient  cru  que  les  Cimbres,  tribu  germanique,  étaient 
Gaulois.  Cicéron,  écrivant  en  l'an  5)  avant  J. -G.  le  livre  II 
de  son  traité  De  oratore,  commettait  encore  cette  erreur.  Les 
Irlandais  du  ix^  siècle  après  J.-C.,  comme  les  Romains  de  la 
première  partie  du  premier  siècle  avant  notre  ère,  ne  sai- 
sirent pas  la  différence  qui  existait  entre  les  Germams  et  les 
Gaulois.  De  là  cette  conséquence  que,  dans  un  texte  irlandais, 
le  fils  du  roi  de  Danemark  est  donné  comme  un  des  auxiliaires 
de  Labraid  Longsech  dans  le  terrible  acte  de  vengeance  qu'il 
exerça  contre  son  grand-oncle  à  Dindrîg  ^ . 


1.  Tiagait  iarum  cor-rig  Fer  Morca.  Whitley  Stokes.  Zeitschrift  ft'ir  Ccl- 
lische  Philolocrie,  t.  III,  p.  4.  Cf  Revue  Celtique,  t.  XX,  p.  166,  429,  431. 

2.  Whitley  Stokes  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XX,  p.  429. 

3.  Gailiain  roalsat  Labraid  for  a  loinges  hi  tiribGall.  The  Rennes  Dind- 
senchas  publié  par  Whitley  Stokes  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XV,  p,  299. 

4.  Whitlev  Stokes,   //'/(/.,  p.  500. 

5.  Kuno  Meyer  dans  le  t.  XIV  du  Cvi'iuiroJor,  p.  1 18.  Cf.  Revue  Celtique, 
t.  XXII,   p.  351. 

6.  Dindsenchas  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XV,  p.  29.).  Livre  de  Leinster, 
p.  159,  col.  1,  1.  16. 


Ëtiide  sur  le   Tàiu  ho  Cùalnge.  37 

Pour  l'histoire  littéraire  d'Irlande,  ce  texte  est  intéressant, 
mais  pour  l'histoire  des  faits  il  est  sans  valeur.  Labraid  a 
amené  avec  lui  2200  Gaulois  armés  de  lances  au  large  fer, 
disent  trois  textes  irlandais  \  Mais  pour  désigner  les  compa- 
gnons de  Labraid  à  son  retour  de  Gaule,  l'expression  courante 
en  Irlande  est  Galiâiii,  c'est-à-dire  GaUiani,  dérivé  de  Gallia 
de  la  même  façon  que  de  Roma  on  a  fait  Romani  et  de  Tolosa, 

Tolosâni. 

C'est  avec  le  concours  de  ces  Galiâin  que  Labraid  fit  périr  son 

grand-oncle  à  Dindrîg. 

A  quelle  date  placerons-nous  le  massacre  de  Dindrîg  où  mou- 
rurent Cobthach  Côel  Breg  et  grand  nombre  de  ses  guerriers  ? 
Nous  avons  vu  que,  suivant  Tigernach,  Echu  Buadach  régnait 
en  30e.  Entre  lui  et  Labraid  Longsech  se  placent  trois  géné- 
rations :  Ugaine  le  Grand  ;  fils  d'Echu  Buadach  ;  Lôegaire  Lorc, 
fils  d'Ugaine  le  Grand  ;    Ailill   Ane   fils   de    Lôegaire    Lorc. 

I.  Da  cet  ar  fichit  chét  n-Gall  co  laignib  Icthna.  Livre  deLeinster,  p.  1 59, 
col.  I,  1.  24-25,  elOijain  Diini  Rio,  publié  par  Wh.  Stokes,  Zeitschrijt  fiïr 
Celtischc  Philoloijic,  t.'  III,  p.  8.  14. 

Sont  à  comparer  les  deux  quatrains  suivants  : 

Labraid  Longsech,  leôr  a  lin, 
la-s-rort  Cobthach  in  Dinnrig 
co  slûag  laignech  dar  linn  lir  ; 
dib  ro  aimnigthe  Lagin. 

Dà  chét  ar  fichit  chét  Gall 
co  laignib  lethan  leo  anall  ; 
de  na  laignib  tuctha  and-sein 
de  atat  Lagin  for  Laignib. 

Labraid  Longsech  amenait  un  nombre  suffisant. 
Par  lui  fut  tué  Cobthach  à  Dindrig. 

Avec  lui  une  troupe  armée  de  lances  avait  traversé  l'eau  de  l'Océan 
De  leus   lances,   en   irlandais  lageu   est   venu  Lagin  nom  des  habitants  de 
Leinster. 

Deux  mille  deux  cents  Gaulois 

avaient  là  des  lances  au  large  fer. 

Des  lances,  lage?!,  qu'ils  portaient 

provient  Lagin,  nom  des  habitants  de  Leinster. 

Arura  choluim  Chille ,  Wh.  Stokes,  Goidelica,  2^  édition,  p.  161  ; 
J.  H.  Bernard  R.  Atkinson,  Theirisb  Lihcr  hyiiiiionnii,  t.  I, 
p.  106  ;  t.  II,  p.  58. 


38  H.  d' Artois  de  Jiibahiville. 

En  comptant  trente  ans  par  génération  on  trouve,  de  306  au 
massacre  de  Dindrîg,  quatre-vingt-dix  ans,  ce  qui  nous  mène 
à  l'année  216  pour  la  date  de  cet  événement.  Après  avoir  fait 
du  massacre  de  Dindrîg  un  événement  contemporain  de  Romu- 
lus  (viir  siècle  avant  notre  ère)  ',  Tigernachse  rectifie  en 
mettant  en  306  avant  notre  ère  l'avènement  d'Echu  BûaJacii 
père  d'Ugaine  le  Grand  -.  Il  n'y  a  donc  à  tenir  compte  ni 
du  passage  des  FJathiusa  Erciid  où  le  massacre  de  Dindrîg 
est  daté  de  l'an  307  avant  j.-C.  \  ni  à  plus  forte  raison  de  la 
doctrine  des  quatre  maîtres  qui  mettent  cet  événement  en  l'an 
du  monde  4658,  c'est-à-dire  542  ans  avant  J.-C  •*. 

Vers  l'an  216  avant  notre  ère,  l'invasion  gauloise  en  Grande- 
Bretagne  était  un  fait  accompli.  Labraid  l'exilé  revenu  en 
Irlande,  avec  2200  Gaulois  avait  tué  à  Dindrîg  avec  leur  con- 
cours Cobthach  Côel  Breg,  trente  rois  et  sept  cents  autres 
guerriers  >  ;  de  Là,  haine  mortelle  entre  l'Irlande  orientale, 
Leinster,  où  régnait  Labraid,  et  l'Irlande  occidentale  c'est-à-dire 
Connaught. 

Les  GaJiâin  amenés  par  Labraid  l'exilé  passaient  pour  les 
meilleurs  guerriers  de  l'Irlande.  Au  début  de  l'expédition 
entreprise  pour  s'emparer  du  taureau  de  Cooley,  à  la  fin  de  la 
première  journée,  la  reine  Medb  fit  l'inspection  de  son  armée, 
et  une  fois  cette  opération  terminée,  elle  dit  que  si  les  trois 
mille  Galiàin  prenaient  part  à  l'expédition,  c'était  une  folie  d'y 
mener  le  reste  de  l'armée.  «  Entends-tu  déprécier  les  Galiàin  ?  » 
demanda  Ailill.  «■  Non  »,  répliqua  Medb,  «  ce  sont  de  brillants 
guerriers.  Tandis  que  les  autres  étaient  encore  à  faire  leur 
installation,  les  Galiàin  avaient  arrangé  déjà  la  paille  sur 
laquelle  ils  devaient  s'asseoir  et  se  coucher,  et  leur  repas  cui- 
sait. Quand  les  autres  commençaient  à  manger,  les  GaJiâin 


1.  Annales  de  Tigernach,  éditées  par  Wh  Stokes,  Revue  Celtique,  t.  XVI 
p.  378. 

2.  Annales  de  Tigernach,  édition  Wh.  Stokes,  Revue  Celtique,  t    XVI, 

P-  394- 

3.  Livre  de  Leinster,  p.  22,  col.  i,  1.  49-50,  col.  2,  1.  i,  2. 

4.  Anmils  ofthe  Kingdoiu  of  Irelaud  hy  the  four  iV/(75/c;-5, édition  d'  O.  Dono- 
van,  t.  I,  p.  76-77. 

5.  Orgciin   Dind  Rig,   p.    28,    de  l'édition   Wh.   Stokes,  Zeitscbrifl  fiir 
Celliscbe  Philologie,  t.  III,  p.  8,  13. 


Étude  sur  le   Tâiii  hô  Cùahige.  39 

avaient  déjà  terminé  leur  repas  et  leurs  artistes  jouaient  pour 
eux   un  morceau   de  musique.    Les  avoir  fliit  venir  était  une 
sottise.  Ce  sont  eux  qui  auront   l'honneur  de  la  victoire.  » 
«  Mais  »,  répondit  Ailill,  «  c'est  pour  nous  qu'ils  combattent.  » 
«    Non    »,    répliqua    Medb,    «    ils    n'iront  pas  avec  nous.    » 
«  Qu'ils  restent  donc  ici  »,   reprit  Ailill.  —  «  Non  »,  s'écria 
Medb,  «  ils  ne  resteront  pas  ici  ;  car,  s'ils  restent,  ils  prendront 
les  armes  contre  nous  et  s'empareront  de  notre  terre.  »  — 
«   Que  fera-t-on  d'eux  ?  »,   demanda  Ailill.  «   Que  fera-t-on 
d'eux,  s'il  ne  doivent  ni  rester  ici,  ni  nous  accompagner  dans 
notre  expédition  ?»  —  «  On  les  tuera  »,  dit  Medb;  —  «  Fran- 
chement  »,  répondit  Ailill,  «  tu  nous   donnes  un  conseil  de 
femme.  Il  n'est  pas  bon.  »  —  «  L'idée  de  la  reine  ne  se  réali- 
sera pas  »,  dit  Fergus.  «  Les  Galiâin  sont  nos  alliés.  Si  on  les 
tue,    on    nous  tuera  aussi.    »   —    «   Nous    vous  tuerions  s'il 
était  nécessaire,  »  répondit  Medb.  «  J'ai  ici  mes  gens  au  nombre 
de  six  mille,  et  les  sept  Mane,   mes  fils,   avec  sept  fois  trois 
mille  hommes.  Leur  bonne  chance  les  garantit  de  tout  dan- 
ger »,  ajouta-t-elle.  «  Ce  sont  :  Mane  semblable  à  père,  Mane 
semblable  à  mère,  Mane  à  la  grande  piété  filiale,  Mane  à  la 
douce  piété  filiale,    Mane  à  la  très  grande  parole,    dit  aussi 
Mane  à  la  pari 'le  de  miel,  Mane  qui  n'est  pas  lent,  Mane  qui 
réunit  en  lui  les  qualités  de  tous  ses  frères  :  c'est  lui  qui  a  les 
traits  de  son  père  et  de  sa  mère  et  qui,  à  la  fois,  a  la  dignité 
des  deux.  »  —  «  Tu  prétends  que  tu  nous  tueras  »,  dit  Fergus. 
«  Ce  n'est  pas  vrai.  Il  y  a  ici  sept  rois  de  Munster,   et  trois 
mille  guerriers  avec  chacun  d'eux,  ce  sont  nos  alliés  à  nous 
Ulates.  Je  te  livrerai  bataille  »,  ajouta  Fergus,  «  sur  le  sol  du 
camp  où  nous  sommes.  Je  le  ferai  avec  les  vingt  et  un  mille 
guerriers  de  Munster  et  avec  les  trois  mille  Galiâin.  Mais  non, 
il  n'y  aura  pas  de  querelle  entre  toi  et  nous.  Nous  te  conseille- 
rons  d'employer   un   moyen  qui  empêchera    les   Galiâin  de 
prendre  le  pas  sur  le  reste  de  l'armée.  Il  y  a  ici  dix-sept  corps 
de  trois  mille   hommes  chacun,  c'est-à-dire  cinquante  et  un 
mille  guerriers  sans  compter  le  menu  peuple  ni  les  femmes 
(car  chaque  roi  a  près  de  lui  sa  reine  venue  pour  tenir  com- 
pagnie à  Medb),  sans  compter  aussi  nos  gentils  fils.  En  sus  il 
y  a  ici  trois  mille  hommes,  les  trois  mille  Galiâin.  Que  ceux- 


40  //.  (F Artois  de  JubaliivUle. 

ci  soient  partages  entre  les  dix-sept  corps  dont  se  compose  le 
reste  de  l'armée.  »  —  «  Cela  m'est  égal  »,  répondit  Medb, 
«  pourvu  que  disparaisse  l'élégante  troupe  qu'ils  nous  metteut 
sous  les  yeux.  »  x\insi  fut  fait.  Les  Galiàiii  furent  répartis  entre 
les  dix-sept  corps  qui,  eux  déduits,  formaient  l'ensemble  de 
l'armée. 

Le  matin  suivant  cette  armée  arriva  au  marais  de  Coiltre  et 
y  rencontra  une  troupe  de  cent-soixante  cerfs.  Les  guerriers 
les  enveloppèrent  et  les  tuèrent.  Tous  les  groupes  où  il  y 
avait  un  Galiàn  s'emparèrent  d'un  cerf.  Il  ne  resta  que  cinq 
cerfs  pour  le  reste  de  l'armée  '. 

La  supériorité  des  guerriers  gaulois  sur  leurs  contemporains 
d'Irlande  s'explique  facilement.  Ils  appartenaient  au  ramean 
belge,  primitivement  établi  à  l'est  du  Rhin,  puis  chassé  de 
cette  région  après  une  longue  guerre,  par  les  Germains,  d'abord 
leurs  sujets.  Quoique  vaincus,  ces  Gaulois  avaient  appris  le 
métier  des  armes  en  luttant  contre  les  Germains.  Ils  avaient  de 
la  guerre  une  expérience  dont  étaient  dépourvus  les  Gôïdels 
des  Iles  Britanniques  que  la  mer  avait  ]usque-là  protégés  contre 
tuote  invasion  étrangère. 

H.    d'ArBOIS    de    JUBAINVILLE. 

I.  Lebor  na-hUidre,  p  56,  col.  2,  p.  57,  col.  i.  Cf.  Livre  de  Leinster, 
édition  Windisch,  p.  50-53,  p.  65,  1.  549-546. 


KI'VUI'.    C.HI.TIQUK    (  1907) 


l'L.    Il 


LE    MONUMENT    GALLO-ROMAIN    DE    TREVES 


LE  MONUMENT  GALLO-ROMAIN 

DE  TRÊVES 


Les  faces  BC  de  l'autel  gallo-romain  de  Notre-Dame  de 
Paris,  aujourd'hui  au  musée  de  Cluny,  ont  été  savamment 
étudiées  par  M.  Salomon  Reinach  dans  la  Revue  celtique, 
t.  XVIII,  p.  253-256.  On  les  voit  reproduites  par  la  photogra- 
vure à  la  page  254  de  son  article.  La  face  B,  au-dessus  de 
laquelle  est  inscrit  le  mot  Esus,  représente  un  homme  qui 
coupe  un  arbre.  Sur  la  face  C  on  voit  un  taureau  et  sur  ce 
taureau  trois  oiseaux,  des  grues  ;  au-dessus  est  écrit  Tarvos 
trigaranus.  Ces  deux  bas-reliefs  ont  été  déjà  bien  des  fois 
reproduits  par  la  gravure'.  Chose  nouvelle,  M.  Reinach  en 
rapproche  un  monument  de  Trêves  où  dans  un  seul  bas-relief 
les  deux  sujets  sont  réunis  :  l'homme  qui  coupe  un  arbre  est 
placé  sous  une  tête  de  taureau  surmontée  de  deux  grues. 

Nous  avons  déjà  dit  que,  suivant  nous,  il  s'agit^  à  Trêves 
comme  à  Paris,  du  mythe  localisé  en  Irlande  par  Tépopée  qui 
raconte  l'enlèvement  des  vaches,  c'est-à-dire  du  taureau  de 
Cooley.  L'homme  qui  coupe  un  arbre  c'est  Cûchulainn  qui,  en 
effet,  coupe  un  arbre  dans  l'épopée  irlandaise^.  Le  taureau  est 
l'animal  divin  appelé  Donn  en  irlandais.  Donnas  en  gaulois 
et  les  trois  grues  dont  seulement  deux  à  Trêves  sont  trois 
formes  de  la  triple  déesse  appelée  en  Irlande  Bodb,  Morrigan 
et  Nemain,  et  qui  sous  forme  d'oiseau,  in  deilh  eàin^,  vin 
prévenir  le  taureau  du  danger  qu'il  courait  d'être  pris  4. 

1.  Voir  par  exemple  Ernest  Desjardins,  Géographie  historique  et  adminis- 
trative de  Gaule  romaine,  t.  III,  planche  en  face  de  la  p.  208. 

2.  Édition  Windisch,  p.  68,  69. 

3.  Lebor  na  hUidre,  p.  64,  col.  2,  1.  30,  31. 

4.  Tdin  hâ  Cûalncre,  édition  Windisch,   p.    184,  185. 


42  H.  d'Arbois  de  Jubainville. 

La  concordance  entre  le  monument  de  Paris  et  celui  de 
Trêves  est  fort  importante.  Elle  est  un  des  faits  qui  établissent 
que  le  mythe  de  Cûchulainn  était  connu  des  Gallo-romains 
comme  des  Irlandais  qui  l'ont  reçu  des  Gaulois  et  localisé 
dans  leur  île.  La  photogravure  qui  représente  le  monument  de 
Trêves,  p.  256  de  l'article  de  M.  Reinach,  a  une  trop  petite 
dimension  pour  être  claire.  Nous  pensons  être  agréable  aux 
lecteurs  de  la  Revue  celtique  en  le  reproduisant  ici  sous  un  plus 
grand  format,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  Salomon  Reinach 
qui  a  fait  faire  pour  la  Rei'ue  celtique  une  photographie  d'un 
moulage  en  plâtre  du  monument  de  Trêves.  Ce  moulage  est 
compris  parmi  les  collections  du  musée  de  Saint-Germain 
administré  avec  tant  de  compétence  et  de  zèle  par  notre 
savant  confrère. 

H.    D'A.    DE   J. 


LES 

GLOSES    BRETONNES    A    SMARAGDE 


Voici  quelques  remarques  sur  les  gloses  en  vieux  breton 
signalées  et  partiellement  étudiées  par  M.  d'Arbois  de  Jubain- 
ville,  Revue  Celtique,  XXVII,  151- 15 4, 

I .  Marchoc,  aequester,  «  cavalier  ».  Cf.  mon  Glossaire  moyen- 
breton,  2=  éd.  393  ;  Loth,  Chrestomathie  Bret.,  150,  197,  219;  le 
Cartulaire  de  Landévennec,  14,  25  ;  Rcv.  Celî.,  vu,  57,  58,  63, 
157.  La  réduction  ancienne  de  marchoc,  -inarhoc,  -niarroc  à 
-maroc,  tiiarec,  étudiée  à  ce  dernier  endroit,  n'empêche  pas 
qu'aujourd'hui  encore  viarcheh  subsiste  à  côté  de  mnrek.  Cette 
persistance  est  attribuable  à  l'influence  du  radical  marc  h  cheval. 
Car  il  n'}'  a  plus  trace  d'un  c'h  tout  semblable  dans  la  fomille 
actuelle  du  comique  lesserchoc  «  lappa  »,  que  la  Grnmmatica 
Celtica,  2^  éd.  1076,  explique  ainsi  :  «  herba  amorosa  ?  adi. 
cambr.  scrchog;  sed  cf.  arem.  saeregiienn  Cath.,  hod.  seregenn, 
saragere-.  »  Tous  ces  rapprochements  sont  exacts  \  et  ils  n'ont 
rien  de  contradictoire  ;  seulement  ils  ont  besoin  d'une  confir- 
mation en  trois  points. 

1°  La  comparaison  du  gall.  serchog  amoureux  se  justifie  par 
le  fait  que  les  capitules  de  la  bardane  s'accrochent  facilement 

I.  M.  Henry  les  remplace  à  tort.  Lexique  étymologique  des  termes  les  plus 
usités  du  breton  r)wderue,  239,  245,  251,  par  la  comparaison  du  radical  de 
slaga  attacher,  avec  contamination  du  franc,  grateron,  ou  mieux  du  bret. 
skraha  gratter,  skrapii  agripper,  escroquer,  etc.  ;  cf  Revue  Critique,  17  sept. 
1900,  p.  220.  D.  Le  Pelletier  avait  la  comparaison  plus  plausible  du 
gallois  5?;'oo- étoile.  M.  du  Rusquec,  Nouveau  dictiouuaire  pratique  et  étymo- 
logique du  dialecte  de  Léon  avec  les  variantes  diverses  dans  les  dialectes...  Paris, 
1895,  traduit  seregeu  <>  Bardane,  seringat  »  en  ajoutant  «  latin  syrinx  »  ;  ce 
qui  n'est  juste  ni  pratiquement  ni  étymologiquement.  Dans  son  dict.  fran- 
çais-breton, Morlaix,  1886,  il  n'avait  rendu  «  seringat  »  que  par  l{or:^en 
gleu^,  qui  veut  dire  «  roseau  creux  ». 


44  ^-   Eriiaull . 

aux  habits  des  passants  ;  de  là  un  de  leurs  noms  bretons,  qui 
signifie  «  amour  »  :  camiile^  «  Fruit  de  Bardane  »  ;  «  le  fruit 
du  grateron  »,  P.  Grégoire  de  llostrenen  ;  karai'ile^  f.  id.  Le 
Gonidec,  Troude,  karante:^  f.  du  Rusquec  ;  «  Carente:^  est  le  nom 
qu'on  donne  au  grateron,  apparemment  à  cause  que  ses  boutons 
s'attachent  aux  habits»,  D.  Le  Pelletier;  vannetais  caranlé 
f.  «  Grateron,  Bardane,  Parelle  »,  Dict.  de  Monsieur  l'A***, 
1744;  se  dit,  entre  autres,  à  Stival'.  La  même  idée  a  donné 
lieu  au  grec  ^ùâvOpojTîsç,  littéralement  «  l'amie  de  l'homme  », 
d'où  le  lat.  philanthropos  petite  bardane. 

2°  *Se)xhec^  tst  devenu  régulièrement  i-^rt'c  ou  sereh^  d'après 
«  un  Chirurgien  Breton,  habile...  dans  la  Botanique...  Grate- 
ron, autrement  Philanthropos.  D'autres  donnent  ce  nom  à  la 
Jusquiame...  iMais  je  croi  le  Chirurgien,  qui  est  d'accord  avec 
les  paysans  »  Pel.  ;  «  serec  grateron,  philanthropos...  et  selon 
dautres  jusquiame  »  Roussel  ms.  Le  rapport  de  ce  mot  au  moy. 
bret.  scrch  concubinaire,  tréc.  serch  id.  et  concubine  Gloss.^dlT,, 
cf.  Revue  G'//., XXV,  414,  n'a  plus  été  sei'\û,serc''h  est  d'ailleurs 
bien  moins  connu  et  d'emploi  bien  plus  restreint  que  karan- 
te(^)-  Il  y  a  pourtant  une  trace  de  l'ancienne  aspiration,  dans  le 
dérivé  moy.  breton  saerheguenn,  variante  de  saereguenn  «  gli- 
ceron,  1.  lapa  ";  voir  mon  Dict.  étym.  du  breton  moyen,  374. 
Sur  la  notation  ae,  pour  g,  voir  Rev.  Celt.,  XXVll,  149;  cf.  segal 
et  saegal  seigle. 

3°  Plus  étonnant  est  le  vocalisme  de  saragereT^,  ainsi  que  sa 
dérivation.  Les  deux  sont  expliqués  à  la  fois  par  l'influence  du 
synonyme  staguerès  (-vihan  gmtar on  ^,~vr as  bardane, glouteron 
Gr.),  Gloss.,  592,  littéralement  «  celle  qui  s'attache  »,  à  Pleu- 
bihan  stageureiis,  à  Cléden-Cap-Sizun  glei  stag  «  mouron  qui 
s'attache»,  Faune popnJ.,  VI,  246  (dans le  Luxembourg pJaqn ant- 


1.  Le  haut  trécorois  paourafite  (pauvreté)  semble  une  déformation  de 
karantc,  par  allusion  à  la  misère  qui  s'attache  si  bien  aux  pauvres  gens. 
Cf.  sergeantext  fruit  de  bardane,  serjanted  le  fruit  du  grateron  Grég.,  «  en 
français  sergents,  dans  le  style  familier  »,  Le  Gon. 

2.  On  lit  serc^lieg  «  l'amoureux  »  Bardai  Brei:;^  40,  dans  une  pièce  cor- 
noiiaillaise  {Llvaden  Geris)  où  il  y  a  bien  d'autres  mots  suggérés  par  le 
gallois.  Cf.  mes  Etudes  vannetaises,  25,  26  (m,  §  4). 

3.  Mal  imprimé  straguerès  bilian  dans  la  Flore  populaire  de  M.E.  Rolland, 
VI,  247.  Lire  aussi  krâgérei,  et  à  la  page  précédente  spegere:^,  au  lieu  de  -r/. 


Les  gloses  brelomies  à  Sniaragde.  45 

tnoron,  244);  cf.  krôgére^  grateron  Liégard,  en  français  «  gaillet 
accrochant  »;  spegere^  grateron  en  H.  Léon,  Milin  (note  sur  R'^' 
ms);  spégére:(  f.  bardane,  de  spéga  attacher,  speg  son  fruit,  Du  R. 
dict.  fr.-bret.  ;  specq  fruit  de  bardane,  le  fruit  du  grateron,  Gr., 
«  spec,  grateron,  plante  simple  »  R^'  ms  (suivi  de  spega,  sans 
traduction  ;  les  deux  manquent  à  Pel.).  M.  Henry  assimile  spék 
«  fruit  de  la  bardane,  pistil  »  à  spék  javelot,  levier,  dorade,  qu'il 
tire  du  lat.  spica  épi,  avec  influence  de  bék  pointe.  Je  crois  que 
le  premier  de  ces  spék  se  rattache  à  «  spega  le  même  que  pega  « 
Mil.  ins,  pega  mordre,  s'attacher  Maun.,  moy.  br.  pegas...  en 
il  prit  dans,  de  pcc  poix,  cf.  Gloss.,  469.  M.  Vallée  m'apprend 
qu'on  dit  en  certains  endroits  paka  spck  au  sens  du  trécorois 
iapoul  krog  saisir;  d.  l'expression  i'f^^oiit  pcg  enii  eitnn  cira,  que 
Troude  traduit  «  attraper  un  objet  au-dessus  de  sa  tête  ».  Le 
grateron  s'appelle  de  même  pëssars  (pi-),  pcss'ron,  pityssrotte, 
pêssô,  etc.,  en  haute  Bretagne;  dans  l'Hérault  érbo  pégàiito, 
dans  l'Orne  poisse-anx-iiiains,  Faune  pop.,  VI,  2-14. 

Le  moy.  br.  lappadenn  «  1.  lappa  »  a  aussi  un  suffixe  inat- 
tendu. J'ai  dit,  Zeiischrifi  fiir  celtische  Philologie,  I,  495,  qu'il 
paraît  dû  à  une  confusion  du  franc,  lappa  avec  le  breton  lappa- 
denn «  ce  qui  se  lape  à  chaque  gueulée  »  Gr.  Au  lieu  de 
«  franc.  »  il  faut  lire  «  latin  ».  Je  crois  maintenant  que  le  mot 
ne  vient  pas  de  lappa,  mais  de  lapât  hum,  nom  d'une  plante 
voisine,  la  patience,  d'où  l'espagnol  lamparo,  sicilien  lapa:;j;ji, 
etc.,  Kœrting^  5431  (du  grec  XaTraÔov  patience,  qu'on  rap- 
porte à  la  même  origine  que  le  russe  lapiisnik  bardane,  glou- 
teron,  cf.  Schrader,  ReaUexikon,  ^i,^^.  Lappadenn  dérive  d'un 
* l appât  (de  sens  pluriel  ou  général)  comme  saereguenn,  seregenn 
de  serec;  cf.  moy.  br.  spe^adenn  groseille  du  plur.  spezat;  linha- 
denn  ortie,  Gloss.,  368. 

2.  Fron,  nas.  Ce  dernier  mot  n'est  pas  abrégé  de  nasus 
nez,  mais  tiré  du  génitif  naris  ou  du  pluriel  nares  narines, 
d'après  le  rapport  de  nias  mâle  à  maris,  mares.  Le  grammairien 
Virgile  connaissait  cette  forme  ^  La  glose  a  bien  le  sens  de 


&^ 


I .  Il  donne  au  même  monosyllabe  un  autre  sens,  suggéré  par  l'analogie 
de  mots  comme  aiias,  aiuitis,  anates,  et  cite  à  ce  propos  certain  rapproche- 
ment ..  heureusement  qu'il  est  en  latin,  ou  à  peu  près  :  «  Est  aliut  nomen, 
quod  duplicem  declinationem  duplicemque  qualitatem  habet   ut   nas   naris 


46  H.   Eniaull. 

«  narine  »,  en  moy.  bret.  froaii  tx  froii.  I.e  Nomenclator  porte 
ditifron  les  narines,  p.  19  (et  non  29,  Gloss.,  246)  ;  le  P.  Mau- 
noir  lro7i  pi.  diou  fron  ;  Lhuyd,  Archœo/ogia  Britannica,  1707, 
p.  97,  a  par  méprise  tron  «  naris  »  et  diou  Jroii  comme  plur. 
de  //■/  nasus.  Grég.  donne  jrounii,  fienn,  vannetais/;t';/w  f.  ; 
froiinell  pi.  on  ;  Pel.  fron,  van.  //t'w;  R'^'  ;«j  :  «fron,  narine... 
an  dion  fron,  les  deux  narines,  an  difron  les  narines...  froni 
renifler,  naribus  efflare  »  ;  «  fronel  proneuse  »  ;  "  fronsa/.Jro- 
nal  renifler  attirer  en  dedans  et  en  respirant  la  pituite  qui 
devroit  sortir  par  le  nez  »  ;  Le  Gon.  fron  f.  narine,  «  quelques- 
uns  prononcent  froen.  On  dit  âuss'i  fronel.  En  Vannes, /r^w  »  ; 
froun,  voyez  fron  ;  Tvoude  fron,  ti  froen,  fronn,  fronell  {.  narine, 
«  pi.  fronel  Ion.  fronel  Ion  podes  grandes  narines  '>  Milin  ms, 
fronelleh  adj.  qui  a  de  larges  narines,  «  curieux  qui  a  tou- 
jours le  nez  au  vent  comme  un  chien  de  chasse  »  Mil.  w.f; 
fronal  parc.  fro)iet  remuer  ;  fronsai  enfler  les  narines,  renifler; 
M.  du  Rusquec//'0«  L,  fronel  f.,  pi.  on;  puis  fron  pi.  iou,  fronel 
pi.  Iou  et  difronel  ;  fronal  renifler,  fronsal  id.;  en  van.  Châlons 
fren  pi.  diffren,  l'A.  frênni.  pi.  diffrénn,  aujourd'hui  en  van. 
fren  pi.  difren,  cf.  Rev.  Celt.,  I,  21 5 .  La  forme  la  plus  ancienne- 
ment attestée  n'est  pas  la  mieux  conservée  :  fron  vient  de 
.  *  froen,  que  Le  Gonidec  a  encore  entendu  ou  cru  entendre;  le 
moy.  hret.  froan  en  est  une  variante,  et  le  van.  fren  une  autre 
réduction,  cf.  léon.  kompoz^  et  konipe:^  plain,  uni,  du  moy.  bret. 
compoes,  etc.,  Rev.  Celt.,  Vil,  315;  XIX,  209,  note  (où  il  faut 
Wxe  goe-,  goue-,  1.   9),  210. 

Dans  R'^'  nis,  froni  peut  être  une  erreur  suggérée  par  Pel., 
qui  cite  en  gall.  «  Froeni,  et  Ffroenio,  naribus  efflare  ».  «  Pro- 
neuse )'  qui  traduit /ro«^/  doit  être  «  proneuse  »,  au  sens  de 
«  curieuse,  bavarde  »,  cf.  l'explication  de  fronelleh  par  Milin. 
Pel.  n'a  pas  fronal,  mais  seulement  fronsal,  qu'il  interprète 
comme  R'^'  nis,  en  ajoutant  qu'il  est  de  l'usage  de  Cornouaille. 
Il  hésite,  non  sans  raison,  à  le  rapporter  à  fron  ;  mais  au  lieu 
du  franc,  froncer,  je  comparerais  le  vieux  mot  fronchier  renifler, 


iiari  iiairiii  et  reliqua.  est  et  itas  iialis  nati  natem...  ueteres  dicebant,  quod 
omnia  foramina  corporis  //iif5  dicebatur  »  {sic).  Virgilii  Maroiiis  ifiaiiiiiiatici 
opéra  éd.  I.  Huemer  (Leipzig,  1886),  p.  58. 


Les  gloses  hretouues  à  Sinaragde.  47 

ronfler,  dont  la  vânzme  froncqiiier  a  donné  au  bret.  difroncqa 
souffler  du  nez  Gr.,  etc.,  Gloss.,  166,  167. 

Sur  <«  sajfron  sing.  sa ffroiicn,  grosse  mouche,  qui  bourdonne 
sans  cesse  en  volant  undé  nomen  Bourdon  et  le  verbe  Bourdon- 
ner »  R^'  nis,  safroiineji  f.  pi.  nou  bourdon,  puis  safronen  f.  pi. 
safron  bourdon,  frelon;  safroiini  bourdonner,  safroni  bour- 
donner, nasiller,  safroiinêrez^  m.  bourdonnement  du  R.,  etc., 
voix  Gloss.,  598.  Peut-être  s'est-il  fait  un  croisement  entre  la 
famille  de  fron,  froneJI  et  celle  du  v.  bret.  satron  bourdons.  Il 
faut  citer  aussi  le  limousin  sajrouna,  sofrouna  avoir  le  hoquet, 
sangloter,  qui  rappelle  d'ailleurs  le  v.  franc.  ic/z/rm^T  gémir,  etc. 

M.  du  Rusquec  tire  safroimcn  d'un  bret.  froiinval  bourdon- 
ner qui  viendrait  lui-même  de  froiui  narine;  mais  son  dict. 
breton-trançais  n'a  que  franva  bourdonner,  frouiiial  siffler, 
bourdonner, /fo/^w  m.  pi.  iou  sifflement, /roM/z/gr  pi.  ien,  bour- 
donne(u)r,  f.  froiiiiierey  pi.  ed  ;  froiiinérei  f.  bourdonnement, 
sifflement.  Cette  famille  de  mots  imitatifs  est  étudiée  dans  mes 
Notes  d'étym.  bretonne,  86  (n''  57,  §  4);  il  faut  ajouter  encore  : 
<•<■  froum-difroiiin.  ai  cheillen  a  ^0  frouiii  difroum,  les  mouches 
fatiguent  par  le  bruit  de  leur  vol  incessant  »  ;  «  franoiieller, 
f.  ere:(,  radoteur,  radoteuse,  qui  nazille  et  bourdonne  »  Mil. 
ms.  ;  eur  luialennih  hoant. . .  hng  a  froume  dre  ma  skoe  gant-hi  tro- 
war-dro,  traduit  «  une  jolie  canne  qu'il  faisait  vibrer  dans 
l'air,  tout  autour  de  sa  tète  »,  Milin,  Annarvailler  brexonnek, 
Brest  1870,  p.  341-343;  trécorois  fraonwal  bourdonner 
(Vallée). 

Pel.  rapproche  le  léonais  fromm  «  bruit  que  fait  une  pierre 
jettée  avec  une  fronde,  ou  par  un  bon  bras  »  du  gall.  ffroniin 
frémissant,  hnté ,  ffroinnii  frémir,  se  fâcher;  M.  Vallée  me 
signale  le  tréc.  foiirnia  éprouver  ou  causer  une  émotion  vive; 
cï.  froinet  vivement  ému,  effrayé  d'une  apparition  subite  Rev. 
Celt.,  I,  126;  l'idée  intermédiaire  est  «  tressaillir». 

Au  V.  1840  de  S"-' Nonne, /rowé"^  doit  signifier  «  frappé  de 
terreur,  ou  de  confusion  »  (par  une  attaque  de  lèpre).  Peut- 
être  en  était-il  de  même  dans  la  Destruction  de  Jérusalem  où 
Pel.  dit  avoir  trouvé  souvent  «  Promet  pour  rempli  ou  enflé 
de  maladie  »  ;  il  était  influencé  par  les  mots  modernes  qu'il 
traduit  :  from  «  plénitude,  réplétion  »;  fronwt  «  rempli,  replet. 


48  E.   ErnaiiU. 

trop  gras,  enflé  »,  en  parlant  «  du  pis  d'une  vache  et  autres 
bêtes  »,  et  qu'il  regarde  comme  des  variantes  dialectales  de 
frai)i^  fraviel  Ce  frain  «  plénitude,  perfection,  accomplisse- 
ment »  n'est  de  sa  part  qu'une  conjecture  étymologique 
d'après  fram  pièce  de  charpente,  etc.  ;  il  en  est  autrement  de 
fraina  :  ce  verbe  «  en  Léon  et  en  Cornwaille,  se  dit...  du  pis 
d'une  vache,  d'une  chèvre,  d'une  brebis,  qui  ont  ce  vaisseau 
bien  plein  de  lait.  Framet  ew  an-dêzve^,  le  pis  est  fort  rempli 
de  lait.  »  R""^  iiis  porte  :  «  from  plénitude  fromei  se  dit  du  pis 
dune  v^iche  fromei  ew  il  est  rempli.  Idem,  fram,  framet  ».  Le 
Gonidec  ne  connaissait  ceci  que  par  Pel.  ;  Troude  donne 
comme  suranné  ce  fromet,  M.  du  Rusquec  ne  le  donne  pas 
du  tout.  Mais  M.  Vallée  m'apprend  qu'en  basse  Cornouaille 
frouiet  s'emploie  pour  «  enflé  »  -.fromet  eo  e  vi:{ach  il  a  le  visage 
enflé.  M.  Henry  joint  ce  fromet  au  gall.  ffrom  colère,  qu'il  tire 
d'un  celtique  *srei-si}ieri-  pour  *sprci-.^men  «  extension  »,  avec 
des  rapprochements  qu'il  déclare  lui-même  «  hasardés  ».  Pho- 
néiiquement,  ceci  donnerait  en  gall.  *  ffnuyui. 

3.  Mesin,  glans,  «  gland  ».  Cf.  GJoss.  410;  Rev.  Celt.,  X, 
147.  Le  singulatif  en  in  se  retrouve  aussi  d^ns  ckhurin  frelon, 
taon,  gall.  clyryii ;  limncolJin  ùlleul,  pi.  limiicollou  (et  peut-être 
insoblii!  le  chaume?  Rev.  Celt.,  XIX,  210). 

LimncolUn  est  proprement  «  coudrier  lisse  »,  cf.  lilicC  lécves 
au  vers  de  Virgile  (Géorg.,l\,  449)  qui  est  glosé  par  liinncollou'. 
Le  moy.  bret.  queknn  houx  auquel  M.  Loth  avait  pensé,  Foca- 
hiilaire  vieux-breton  175,  comme  je  l'ai  fait  aussi  dans  la  Flore 
populaire  de  M.  Rolland,  III,  126,  est  différent.  Sa  forme  en 
V.  bret.  était  colœnn,  c'est-à-dire  coknn;  c'est  une  particularité 
du  document  qui  nous  l'a  transmise,  d'abuser  des  iv.  M.  Stokes, 
à  qui  nous  en  devons  la  connaissance  {Ztschr.f.  celt.  PhiloL, 
I,  19,  22),  regarde  Vo  commeune  erreur  pour  e;  c'est  peu  vrai- 
semblable :  le  mot  se  présente  deux  fois  ainsi  ;  la  seule  méprise 
de  ce  genre  qu'on  puisse  admettre  dans  le  texte,  boror  cresson, 
pour  beror,  gall.  beriur,  s'explique  par  Vo  suivant  ;peut-être  était- 
ce  une  assimilation  réelle;  enfin  l'étymologie  s'accommode  fort 


I.   Les  fruits  du  tilleul  sont,  par  assimilation  à  des  noix,  appelés  dans  le 
Luxembourg /errtcfo/;/05^,  et  aux  États-Unis  daddy  nuis  {Flore popiil.,  IH,  128). 


Les  gloses  breton jies  à  Sniaragde  49 

bien  de  cette  voyelle  (irl.  cnilenn,  =^  *  kolejuw-,  anglo-saxon 
holegn,  anglais  hoUy,  allem.  Hulst,  d'où  le  franc,  houx,  etc.). 

CoU  coudrier,  donné  comme  vieux  breton  par  M.  Henry, 
p.  60,  326,  est  vieux  gallois.  On  lit  en  cornouaillais  prenn- 
kolve:^  du  bois  de  coudrier,  Barya~  Brci:;;^  8,  mais  le  mot  a  été 
écrit  sous  l'influence  du  gallois  colJu'ydd  et  d'une  étymologie 
par  hl  perte  (donnée  expressément  p.  422,  bien  qu'ici  le  texte 
porte  hlve^;  un  jeu  de  mots  sur  ces  deux  sens  du  gall.  col!  est 
rapporté  par  Pel.,  v.  kclwe:{cri);  sur  ce  «  symbole  celtique  de 
la  défaite  »,  voir  ibid.  14;  MéUisine,  X,  268;  cf.  Sébillot,  Tradi- 
tions. ..  de  la  Haute-Bretagne,  II,  3 1 3  :  «  Quand  on  brise  avec  le 
petit  doigt  de  la  main  gauche  une  baguette  de  coudrier,  on 
se  marie  dans  l'année.  »  Cf.  Gloss.,  533  (où  il  faut  lire  qilvid 
coudraie  Grég.). 

Ua  qui  paraît  dans  Galve:^it  Rev.  Celt.,  XXI,  148,  van.  calvééc 
l'A.  id.  ;  keneneii-kalvé  noisette,  Guillevic  et  Le  Golf,  Vocabul, 
1904,  doit  venir  d'un  c,  peut-être  avec  influence  de  calveÇ^ 
charpentier  '. 

4.  Toroc,  gurgulio,  «  charançon  ».  R*"'  nis  porte  :  «  ieiirec, 
teurc,  tarac  teuroc  insecte  qui  s'insinue  dans  la  peau  des  bêtes, 
ver  qui  sengendre  entre  cuir  et  chair  aux  bœufs,  vaches  etc., 
principalement  sur  le  dos,  lequel  fait  enfler  la  peau,  comme  de 
petites  butes,  ou  tumeurs  ce  qui  le  fait  aussi  nommer  torossen  » 
(cf.  Pel.)  ;  «  tôr  selon  le  p.  gregoire  est  un  gros  ventre  et 
son  possessif  Torrec  est  Celui  qui  a  un  gros  ventre  ».  Cf.  Pel.  : 
«  Tôr,  selon  que  je  l'ai  appris  du  P.  Grégoire,  en  son  pays 
de  Rostreiien,  et  en  Celui  de  Vannes,  est  un  gros  Ventre  ;  et 
son  possessif  Torrec,  ou  Tôrcc,  est  celui  qui  a  un  gros  ventre. 
Il  se  dit  de  tous  les  animaux.  Pluriel  Toraôii  ».  Le  Gon.  a 
teûr  m.  pi.  on,  ion,  bedaine,  tenreii  f.  pi.  teûrennou  id.  ;  Troude 
teureugenn  t.  pi.  tenreuk  tique;  teiirk  m.  maladie  de  peau  des 
brebis  ;  insecte  qui  produit  ce  mal  en  s'introduisant  sous  la 
peau  de  ces  animaux  (sur  cette  association  d'idées,  cf.  Rev. 
Celt.,  XXV,  282);  tenrJm,teurki  frapper  quelqu'un,  lui  donner 

I.  Ce  dernier  semble  avoir  été  traité  de  même,  plus  anciennement. 
M.  Henry  l'explique  par  */.'a/-t'-q,  cf.  irl.  cairbre;  je  crois  qu'il  vient  de 
-calmei  =  v.  bret.  celrued  efficace,  gall.  celjydd  habile.  Il  est  vrai  que  l'irl.  a 
calma  brave.  Voir  Gloss.,  556. 

Reinie  Celtique,  XXJ^III.  4 


30  E.  Eruaull. 

une  raclée  ;  teurht  adj.  et  part,  qui  a  été  battu  dans  une 
lutte,  vaincu,  qui  a  échoué  dans  ses  projets.  Mil.  ins  ajoute  à 
teureugenn  :  «  appelé  aussi  ////  pi.  tillet.  Cet  insecte  pénètre 
sous  la  peau  des  vaches  des  chevaux  et  des  moutons  et  prin- 
cipalement dani'  leurs  entrejambes  de  derrière.  Il  ne  faut  pas 
les  confondre  avec  les  larves  de  la  peau  des  bœufs  »;  à  îeurk  : 
«  contraction  de  teiirek,  ver  provenant  de  mouche  qui  s'en- 
gendre entre  peau  et  chair  ;  il  fait  venir  des  pustules  qui 
suppurent  et  font  sur  les  moutons  et  autres  animaux  l'efFec  de 
cautères  plus  utiles  que  nuisibles  en  faisant  couler  les  humeurs 
extérieurement.  D'autres  animaux  que  les  brebis  sont  sujets 
à  engendrer  ces  vers.  Comme  on  le  voit  ce /(7//-/' diffère  essen- 
tiellement de  teurcitffcji  et  de  iilh'n  de  Le  Gonidec  (voir  ////...  »  ; 
à  fill  :  «  Syn.  paraill,  parai II,  teurk  »;  à  nieoeJl  :  (Voy.  teurk) 
a  et  ce  qui  est  dit  de  cet  insecte  qui  n'est  autre  qu'un  ver 
provenant  d'une  mouche  particulière  différente  du  Taon  : 
d'après  ce  qu'on  a  observé  ce  ver  ne  nuit  nullement  aux  ani- 
maux. Ne  pas  confondre  ces  pustules  avec  ceux  de  la  clave- 
lée...  »  ;  à  tenrka,  teiirki  :  c(  le  sens  ci-dessus  est  pris  au  figuré, 
ex,  Teurh't  eo  da  vaoïit  cfid,  tu  as  été  frotté  d'importance,  ton 
mouton  a  été  vaincu.  Tcitrka,  v.  a.  et  n.,se  couvrir  de  pus- 
tules, au  fig.  battre  quelqu'un,  lui  doiiner  une  raclée,  vaincre, 
lasser,  quelquefois  tuer.  » 

On  emploie  en  haut  Tréguier  /or  gros  ventre  (assez  souvent 
on  joue  sur  le  mot,  en  disant  à  un  gros  honune  :  Tor  'peus 
vous  avez  tort,  cf.  «  tor,  tort,  v  :  fiaoïi  »  R"'  ms  ;  torek  ventru  ; 
teurk  tique  et  aussi  des  poux,  Rev.  Celt.,  IV,  i68;  teurge- 
neign  et  teukan  signifient  travailler  lentement,  traînasser,  voir 
L'Epenthèse  des  liquides,  30  (§  35);  à  Lanrodec,  feurgen{n)ci 
maladroit!  Rev.  Celt.,  IV,  168  ;  à  Stival  tarag  m.  tique  est 
aussi  un  terme  d'injure  entre  enfants.  Ce  mot  existe  en  haut 
breton  sous  les  formes  tarague  et  taraque,  moy.  br.  tara- 
guciui,  Rev.  Celt.,  V,  224.  Le  second  a  vient  sans  doute  d'une 
assimilation  :  le  v.  bret.  toroc  devait  avoir  un  doublet  *  taroc, 
et  peut-être  *  tarac  (cf.  camadixs,  convenable,  de  *com-adas, 
V.  irl.  avnadas,  v.  gall.  cimadas,  auj.  cyfaddas,  Gloss.,  124,  309, 
310,562,563). 

M.  Macbain,  EiyuioIogicaJ  dictionary  of  the  gaelic  language 


Les  gloses  bretonnes  à  Smaragde  51 

325,  tire  le  v.  br.  tar  (et  for),  irl.  tàrr,  gaélique  d'Ecosse  /àrr, 
de  *tarsâ,  *  tariiisd,  cf.  grec  Tpdc[i'.:  périnée,  allemand  darm 
boyau;  ce  que  M.  Henry  regarde  comme  très  plausible, 
Lexique,  263. 

M.  Henry  explique,  avec  doute,  torlosken  punaise  comme 
un  composé  =  «  brûlure  au  ventre  »  ;  car,  dit-il,  «  c'est  de 
préférence  aux  parties  molles  que  s'attaque  cet  insecte  presque 
inerme  »  ;  et  il  ajoute  :  cf.  teûreûgen  ;  il  regarde  teiîreûgen  tique, 
oursin,  comme  un  dérivé  probable  de  teiîrek  ventru,  avec  cette 
restriction  :  «  cf.  toutefois  torlosken  pour  le  premier  sens  ».  J'ai 
contesté  cette  décomposition  de  torlosken  f.  pi.  -nned  punaise 
Gon.  {Rev.  Critique  citée,  p.  222),  en  ^rappelant  cette  obser- 
vation de  Pel.  (v.  loûesâe~)  :«  Nos  Bas-Bretons...  ne  connoissent 
point  la  punaise  domestique,  mais  seulement  la  champêtre  ». 
Le  Gonidec  reproduit  cette  remarque,  sous  loue^ae  ;  son  second 
dictionnaire  traduit  «  punaise  »  loiu'^aé  et  torlosken,  dans  la 
phrase  :  «  J'ai  trouvé  une  punaise  dans  mon  lit».Troude 
donne  torhskenn  f.  pi.  ed  punaise  de  bois;  Mil.  nis  ajoute  : 
«  gorloskeii ,  garlosten,  artous  teigne  ».  A  garlosteiui  perce- 
oreille,  Milin  remarque  :  «  plus,  disent  gorlosken  ».  Cf.  gall. 
gorlosten  id.,  Gloss.,  233.  R*^'  ms  porte  :  «  garlost  sing.  gar- 
losten perce-oreille...  »  ;  Pel,  a  garlosten  id.  pi.  garlostet  «  ce 
qui  prouve  que  le  primitif  est  Garlost  »  ;  «  Le  nouv.  Diction, 
porte  Garlosleii,  sauterelle  ».  Il  y  a  eu  mélange  des  mots 
garlosten  perce-oreille  et  tarlasken,  tallasken  tique,  etc.,  cf. 
Rev.  Celt.,  III,  236  ;  ce  dernier  paraît  devoir  son  t  au  synonyme 
tarac,  teurec  tique,  et  l'avoir  passé,  de  même  que  1'/',  au  verbe 
d'où  il  vient,  tallasqna,  talasqa,  tarlaska  se  trotter  comme  les 
gueux,  de  taskalat,  kaskaiat,  kaskarat  id.,  cf.  rouergat  cascarro, 
cascarrou  grelot;  tique,  cnscaJa  vaciller,  trembler,  etc.,  voir 
Epenthèse  20-22  (  §  33). 

R^'  ms  a  cet  article  :  «  Tor  selon  Roussel  est  la  terre  et 
toclnuenia  Est  se  Rouler  sur  la  terre,  comme  font  Les  chevaux 
etc.  Les  vennetais  disent  torea.  »  Cf.  Pel.  :  «  Tôr,  selon 
M.  Roussel,  est  la  Terre  ;  et  Tochuenia  est  se  rouler  sur  la 
terre  comme  font  les  chevaux,  les  chiens,  etc.  [Les  Vennetois 
disent  Torea  et  Toreein,  se  veautrer, se  rouler  à  terre... J  ».Pel. 
a  un  autre  article  «   Torchiuenia,  et  par  abus,   Torchiuenial  », 


52  E.    Eniaull. 

qui  manque  au  iits.  Cette  fliçou  de  citer  «  Roussel  »  dans  ce 
His  indique  qu'il  n'a  pas  été  écrit  directement  par  «  M.  Rous- 
sel »  dont  Pel.  parle  souvent  et  dont  le  nom  se  trouve  en 
marge  de  l'article  nadoi{cî.Rev.CeU.,  IV,  104).  Torchwenial, 
van.  torhiiinial  est  composé  en  réalité  de  tor  ventre,  cf.  Gloss., 
701.  La  forme  torea  n'est  pas  vannetaise,  il  faudrait  toreal. 

R"''  uis  a  «  lorrat,  v.  taarat,  ventrée  ou  portée  de  truie,  de 
chienne....  »  {sic)  ;  Milin  a  ajouté  au  crayon  :  «  (de  poule  et 
même  de  femme  en  parlant  de  ses  nombreux  enfants  en  torrad 
bubale  e  deu^)  »  (elle  a  une  nichée  d'enfants).  Cet  article 
manque  à  Pel.  Au  mot  où  il  renvoie,  on  lit  :  «  taiiraf,  sing. 
taiiraden,  ventrée,  ou  portée,  dune  bête.  »  Au  lieu  de  cette  fin, 
Pel.  a  «  de  vache,  lorsqu'elle  a  été  au  taureau...  Ce  mot 
vient  probablement  du  Latin  Taurus...  »  Ceci  est  un  exemple 
de  l'influence  mauvaise  que  peut  causer  la  préoccupation  éty- 
mologique. Cf.  Gloss.,  701. 

5.  Cintil,  gentilis.  Je  doute  que  ce  mot  signifie  «  race, 
famille  »,  et  qu'il  réponde  au  comique  kinethel,  cf.  Rev.  Celt., 
XXV.  293-295  ;  on  attendrait  quelque  chose  comme  le  v.gali. 
cenetl,  cf.  v.  bret.  Cenetlor,  Ceneihir.  Il  semble  plutôt  que  ce  soit 
l'adjectif  latin  accommodé  à  la  racine  celtique  de  kinethel,  et 
qui  a  fait  place  au  français  gentil  :  moy.  bret.  fienlil  noble  ; 
bon,  écrit  auj.  jenHl. 

6.  Anam,  stilio.  Ce  mot  latin  est  pour  slellio  «  sorte  de 
lézard  »,  cf.  comique  anaf  «  stellio  »,  Qram.  Cell.-  1075. 
C'est  le  moy.  br.  anaf  orvet,  tréc.  ahnaf,  van.  ënan,  etc.,  etc., 
voir  Noies  d'élym.  108-122  (n°  70).  Le  gall.  anaf  coquin,  scé- 
lérat peut  être  le  même  mot,  cf.  lat.  stellio  fourbe. 

(6  bis').  Tinc,  ligo.  Ceci  ne  doit  pas  être  une  glose  bretonne, 
mais  le  commencement  du  mot  tinctura  :  cf.  le  Corpus  Glossa- 
riorum  latinorum  de  Gœt:^,  v,  572  :  «  Ligo  tinctura  uel  foso- 
rium.  »  L'éditeur  se  demande  (vi,  645)  si  dans  le  premier 
sens  de  tinctura  (teinture),  le  mot  li^o  ne  se  rattacherait  pas 
à  lix  (lessive). 

7.  Mistiriol,  caupo.  Le  sens  d'  «  aubergiste  »  doit  venir  ici 
de  «  celui  qui  sert  »,  cf.  lat.  ministrare  pocula  donner  à  boire, 
)ninistrator  échanson,  comique  nienistror  «  pincerna  »,  gall. 
menestyr,  menestr,  id.,  v.  franc,  menestre,  voir  Loth,  Les  mots 


Les  gloses  bretonnes  à  Stnaragde.  53 

latins  dans  les  langues  hrittoniques  186,  van.  nwlestionr  adminis- 
trateur, Gloss.,  453.  Pour  la  forme,  niistirioJ  répond  au  lat. 
ininisteriaks  fonctionnaires  impériaux,  cf.  bas  lat.  misterialiter 
«  ministerii  seu  officii  virtute  »  (statuts  synodaux  de  l'église 
de  Quimper),  luisteriiiin  pour  ministerimn  métier,  mistera  f.  id., 
Du  Cange  éd.  Favre,  mesteirau,  mestierait  (Rhône),  inestieirau, 
meneslairal  (languedocien),  menesteirau  (Marseille),  menestrau 
(Béarn) ,  inenestral  (Toulouse)  artisan,  ouvrier,  Mistr.,  pro- 
vençal iiienestrah,  v.  franc,  niencstrel  ;  espagnol  menestral  méné- 
trier; ouvrier;  moy.  hret.  mecherï.  métier,  besogne;  besoin; 
au  commencement  du  xvii'^  siècle  inecher,  micher,  nieger,  niiger, 
mescher,  Gloss.,  ^98,  399. 

8.  Glethis,  mantile.  Le  sens  ordinaire  de  ce  mot  latin  est 
«  serviette  w,  «  nappe»,  i<  essuie-main  »  ;  Du  Cange,  éd.  Favre, 
en  cite  un  autre,  «  vas  escarium  ».  Gle-tl-us  pourrait  être  pro- 
prement «  (ce)  qui  nettoie  »,  adjectif  dérivé  de  gletl-  <(  instru- 
ment pour  rendre  brillant  »,  même  racine  que  le  v.  bret. 
gloiatou  «  brillants  »,  le  van.  gloèau  rare,  etc.,  Gloss.,  261  ; 
Mélanges  H.  if  Ai  bois  de  Jnhainville,  59. 

9.  Giitdot,  felix.  «  Fertile  »,  de  *gii(oy  dot,  cf.  ga.\\. giuaddcdi 
déposer,  gwaddod  dépôt,  sédiment,  comique  guthot  ?  Ce  serait 
un  composé  de  dodi  poser,  cf.  dodiui  pondre,  bret.  moy.  de^uyjj, 
mod.  deivi,doï,  etc.,  Gloss.,  155  ;  Ztschr.  f.celt.  Philol.,  I,  391. 

10.  Talar,  ans.  Ce  mot  latin,  que  Smaragde  £iit  féminin, 
est  le  singulier  inusité  du  plur.  anles  (masc.)  employé  par 
Virgile,  Géorgiques,  II,  417,  sur  quoi  Servius  dit  :  «  Alii 
extremos  vinearum  ordines  accipiunt.  »  Ce  sens,  «  dernières 
rangées  des  pieds  de  vigne  »,  convient  à  talar,  dont  on  con- 
naissait l'existence  en  v.  bret.  où  il  semble  avoir  fait  au  plur. 
teleri  (Loth,  Chrestom.,  166,  167).  Pel.  traduit  talar  (et  tal- 
-erw  «  premier  sillon  d'un  champ  labouré,  mot  pour  mot, 
front  de  champ,  front  de  sillon,  ou  sillon  de  front  »,  et  cite  en 
gall.  talar  «  arvum  frontale,  quod  in  fronte  agri  est  ».  K^^  ms 
porte  :  «  talar,  tal  enu,  pi.  talarou,  court  sillon,  premier  sillon 
dun  champ  labouré,  mot  pour  mot  front  de  champ,  front  de 
sillon,  ou  sillon  de  front,  sillon  fait  dans  la  largeur  dun  champ 
ou  dune  pièce  de  terre  auquel  tous  les  autres  aboutissent,  arvum 
frontale,  quod  in  fronte  agri  est.  il  y  a  devant  lentrée  de  S^ 


54  F--  Ernaiill. 

malo  en  terre  ferme  un  lieu  dit  le  talar  qui  a  assez  la  figure 
dun  grand  sillon  et  qui  est  comme  le  front  ou  la  tête  des 
terres  Labourables,  qui  est  pourtant  ruiné  peu  a  peu  par  le 
flux  de  la  mer  ».  Mil.  )ns  a  ajouté  à  l'art,  talar  de  Troude  : 
«  Ema  luar  he  dalarou,  o  chober  he  dalarou  il  est  à  ses  derniers 
sillons,  c.  à  d.  il  va  mourir  ».  Il  suppose  aussi  que  le  mot 
lalarek  lançon  vient  «  des  sillons  qu'il  trace  dans  le  sable  en 
travers  les  uns  des  autres,  car  talar  (front  de  labour  de  char- 
rue) exprime  aussi  sillon  en  travers  au  bout  d'un  champ  ». 
Troude  avait  tiré  avec  raison  laJareh  de  talar,  tarière,  cf. 
Gloss.,  673.  Au  contraire,  Grég.  écrit  tara^r  pi.  0// sillon  de  tra- 
vers, aux  deux  bouts  d'un  champ,  cf.  Gloss.,  672.  C'est  une 
confusion  produi'e  par  l'équivalence  des  deux  formes,  au  sens 
de  tarière.  Cf.  R^'  ms  :  «  talar  v  :  lara:j  »  ;  «  tara^^r,  tarar, 
talar,  tala~r,  une  tarière,  outil  de  charpentier  terebrum  ». 

1 1.  Golent,  prex.  C'est  le  nominatif  singulier,  non  classique, 
de  preces  prières;  le  grammairien  Virgile  le  connaît  \  Cela 
suggère  pour  goletil  le  sen:,  de  «  demande  ».  Cf.  moy.  bret. 
goleiuiet  demandé  (plus  souvent  goulciiiicty,  goleiihet,  goulenhet 
vous  demanderez  igoiileini  une  demande,  comique gulen  deman- 
der, Lhuyd  124.  J'ai  supposé,  Gloss.,  282,  que  ce  mot  est  une 
combinaison  de  *gO!iven  =  gall.  gofyn  demande,  demander, 
comique  _^tw)7/  demander,  avec  ioul  volonté,  v.br.  /'///;  ce  qui 
expliquerait  la  double  forme  et  le  double  sens  de  gonlennaû 
et  goulan,  «  je  demande  »,  et  «  je  veux  ».  Pel.  dit  avoir  lu 
goullet  «  demandé  »  et  même  «  demande  !  »  lat.  pete,  dans 
l'ancienne  vie  du  S.  Gwenolé;  mais  cette  seconde  assertion 
n'est  pas  croyable,  ce  qui  permet  d'hésiter  aussi  sur  l'autre, 
en  l'absence  du  texte.  Le  v.  br.  iolent  gl.  precentur,  est 
comparé  par  M.  Loth,  Vocah.  164  au  gall.  ioli  «  prier,  adorer  » 
deSpurrell;  mais  celui-ci),  3  =  éd.,  1 866)  traduit  to praise  (louer) 
et  non  to  pray.  L'autre  comparaison,  avec  iul  volonté,  cadre- 
rait assez  avec  notre  hypothèse.  Il  est  probable  que  la  finale 


I .  Il  donne  aussi  un  autre  nominatif  singulier  preces,  et  indique  entre  eux 
une  différence  d'emploi  :  «  Cum  dicis  preces,  impudica  et  procax  erit  et 
malae  rei  maxime  postulatio  :  et  prex  ad  bonam  semper  partem  dirigetur». 
Cf.  ma  thèse  De  Firgiiio  Marone  granimatico,  p.  34,  35  ;  et  l'édition  Huemer, 
p.  III. 


Les  gloses  bretonnes  à  Smaragde.  55 

de  iolent  est    une   désinence   personnelle;    quant  à  celle  de 
golent,  on  attendrait  *goknii;  mais  cf.  la   glose  du  commence- 
ment   du    xiv^  siècle  augrosent  «    bodegares  »   =  agroasenn 
églantier    au     xv^    {Rev.    CeJt.,  X,    147,    i/\S>;  Ghss  ,   20). 
M.    Henry,   Lexique,  138,  explique  goiilenn  par  *zuo-Ii-n-,  cf. 
gall.  canlyn  suivre,    etc.  ;  ce  qui  n'est  pas  appuyé  par  golent. 
12.  Grillian,  glis.  Le  sens  n'est  pas  douteux  :  il  s'agit   de 
glis,  gén.  gliris,    «  loir  ».  Grillian    en    dérive  :  il    vient   de 
* glirian   par   une   dissimilation    qui  rappelle  le   moy.    bret. 
Glaz/on  de  * Graxlon  d'où  Graslon,  Grallon,  Gloss.,  259,  mais 
qui  n'est  pas  nécessairement  le  fait  du  breton,  car  on   trouve 
dans  le  catalan  des  Pyrénées-Orientales  m^o-;///,  etc.  Rolland, 
Faune  populaire,  I,   36,  pour  cr//>^  (^provençal),   ancien   franc. 
gliron, gleron  ;  provenç.  gréoulé, garri- gréoiilé,hngued .  ra-griaulé, 
VII,  90,  92,  de  * gliruhis  (A.  l'homas,  Ronuinia,  XXVIII,  191), 
etc.  M.  Rolland  cite,  de  Taslé,  1,  35,  un    breton    armoricain 
lyr  qui  vient  de  la  forme   réduite  lire  (Berry),cf.  franc,  loir, 
liron.  Peut-être  Taslé  a-t-il  pris  cela  au  P.  Grégoire,  qui  donne 
lyr  pi.  lyreii,  «  liron  ou  loir,  ou  lerot,  ou    rat-liron  ».  Il  est 
possible  que  le  second  /  de  *  glirian  soit  de  dérivation  latine, 
cf.  les  gloses  glirius  somnolentus,  gliriiiui  torpentem,  stupi- 
dum,  Gœtz,  vi,  495.  La  terminaison  -an  paraît  le  diminutif 
celtique,  cf.  celle  du  fr.  lerot. 

(12  bis).  Mil,  git  (et  est  genus  herbae).  Le  lat.  git  «  nigelle  », 
est  glosé  souvent,  dans  le  recueil  de  Gœtz,  par  ;v,ôXàvOr,cv 
(fleur  noire)  et  par  sa  transcription  latine  melantiuin,  etc.  Mais 
on  trouve  aussi  (m,  569)  uiilis  peruwn,  altération  du  uielas- 
permon,  [xtkx(j'Ktpixoy  (^mleux ?7telanspernion,  [xt'koiviyTzzpiJ.ov,  plante 
aux  graines  noires)  de  Pline.  Il  semble  que  /;///  soit  un  nomi- 
natif forgé  d'après  la  première  partie  de  milis  pennou,  regardée 
comme  un  gémûi  (ci.  animal,  aniiiialis).  Le  mot  inella,  donné 
comme  synonyme  de  sinonus  (Gœtz,  III,  629)  et  de  siriacus 
(628),  est,  je  crois,  à  corriger  en  niella,  de  nigella. 

Quelques  noms  de  la  nielle  rose  des  blés,  comme  miel 
(environs  de  Redon),  mièV  (Guernesey),  niiéyo  (Coxrbzo) ,  miy 
(Cher),  Flore  pop.,  II,  224  peuvent  être  cités  ici  pour  mémoire; 
ils  paraissent  dus  à  des  mélanges  de  nielle  avec  miel,  mil,  etc.  ; 
cf.  p.  228  les  métamorphoses  de  l'ancien  flamand  neghelhloem 
en  michel,  muggebloem,  iegelbloem,  e~elsbloem  (sans  doute  d'après 


56  E    Eniatilt. 

Michel   Michel;   iitinr   cousin,  mouclieron;  i\^el  hérisson;  e;el 
âne),  etc. 

13.  ladtnvi,  lacunar.  A  côté  du  sens  classique  <<  plafond 
lambrissé,  lambris  »,  ce  mot  latin  en  avait  un  autre  :  il  est 
glosé  ,3i0c:r,  laciis  aqiiaruin,  lociis  agiiarmii  (Gœtz,  vi, 
619);  c'était  donc,  comme  lacuua,  «  une  tosse,  un  fossé  où 
l'eau  s'amasse  ■».  Ladtron  peut  être,  en  conséquence,  le  plu- 
riel en  on  d'un  mot  voisin  du  v.  gall.  hilharauc  fangeux,  du 
bret,  «  Latar  humidité,  brume.  Brouillard  »  R'^'  ms.  etc. 
Gloss.,  354.  Troude  donne  latar  m.  brouillard,  humidité  du 
temps;  Mil.  iiis  ajoute  «  et  par  extension  saleté.  Lalaren  s. 
f.  brume  même  signification  que  latar  »  A.  latari  v.  n.  peu 
usité,  devenir  humide,  parlant  du  temps,  Milin  a  barré  «  Peu 
usité  »,  écrit  au-dessus  :  «  fréq'.  au  contraire  »,  et  ajouté  : 
«  et  par  extension  salir  »  ;  il  a  aussi  «  latarenna,  v.  n.  deve- 
nir humide,  brumeux,  pluie  fine  qui  tombe,  mouille  et  salit  »  ; 
ces  derniers  mots  devraient  se  trouver  à  lataren. 

14.  Sol,  bas.  Je  crois  que  ce  bas  est  extrait  du  génitif /^aj/^ 
(ou  du  plur.  bases')  de  basis  «  base  »,  d'après  le  rapport  de  vas, 
gén.  vasis  vase;  cf.  nas,  ans,  etc.  Sol  est  le  bret.  mod.  50/,  van. 
id.  le  fond,  le  bas  Gr.,  du  lat.  solnui,  cf.  bret.  moy.  et  mod. 
sol  semelle,  Gloss.  632,  633.  il'''  ins  porte  :  ■■  Sol,  semelle, 
sol  botes,  semelle  de  soulier  pi.  solioii  »,  puis  «  Doubsolia, 
droucsolia,  resemeler  »  (et  à  son  ordre  alphabétique  «  Doiiso- 
lia,  doucsolia,  Droucsolia,  Resemeler,  Raccommoder,  refaire, 
Relever  des  Souliers,  y  mettre  des  Semelles  neuves  >i,  cf.  Epcn- 
thèse  31,  §  36)  ;  puis  «  Soi,  Soûl,  plancher  dune  maison  Sol-li, 
premier  étage  de  maison  »  ;  puis  «  Soi,  bas,  à  terre,  moni 
dar  Sol,  aller  ou  couler  a  bas,  caçç  a  Lestr  dar  Sol,  couler  un 
navire  à  fond  ».  Mil.  iiis  porte  «  al  lestr  ;^c?  goeledet  beieg  ar  :(ol, 
le  navire  est  coulé  jusqu'au  fond,  c'est  à  dire  jusqu'au  sol, 
solide  »  ;  au  van.  sol  enn  troet  la  plante  des  pieds,  sol  boteu  des 
semelles  de  souliers  que  donne  Trd,  il  ajoute  «  seul  botes  (U. h) 
seul  an  troad,  plante  des  pieds  (H.  L.)  ».  Il  y  a  mélange  de 
deux  mots  :  moy.  bret.  sol  botes  semelle  de  soulier  (^  solnin 
pris  au  sens  de  solea,  cf.  M.  Lat.,  204),  et  sen:;}  pi.  seulyou 
talon,  léon.  seul,  van.  sél,  =  celt.  *  s{t)à-ll-,  cf.  lat.  ob-stàchwi . 
R'='  nis  a  "  Seu^l,  Seul,  talon,  le  derrière  du  pied.  »  Pryce  cite 
un  comique  sol  fondement.  E.  Ernault. 


REMARQUES  SUR  LA  METATHESE  DE  AE 

EN  BRETON-ARMORICAIN 


M.  Grammont  a  publié  sur  ce  sujet,  dans  le  2'  fascicule  des 
Mémoires  de  la  Société  de  liiigiiistique  de  Paris,  1906,  p.  180  et 
suiv.,  un  article  copieux  où  la  question  est  exposée  avec 
clarté  et  méthode  mais  qui  présente  cependant  des  lacunes  et 
aussi  des  erreurs  graves  de  faits  et  de  principes. 

II  n'est  pas  douteux  que  M.  Grammont  n'ait  raison  de 
conclure  qu'il  n'y  a  pas  de  métathèse;  il  s'agit  d'une  évolution. 
C'est  l'opinion  que  j'ai  soutenue  comme  il  résulte  de  la  cri- 
tique même  que  fait  M.  Grammont  de  l'explication  que  j'ai 
donnée  incidemment  de  kear  et  ker. 

On  ne  peut  également  qu'approuver  la  répartition  qu'il 
propose  des  faits  concernant  le  changement  de  ae  en  ea  en 
léonard  moderne,  en  quatre  catégories. 

Pour  le  premier  groupement,  il  y  a  deux  lacunes  à  signaler  : 
dans  les  monosyllabes  on  ae  est  suivi  d'une  consonne,  une  forme 
avec  ea  est  attestée  en  léonard,  nous  dit  M.  Grammont.  C'est  exact, . 
mais  il  y  a  un  cas  où  ae,  avant  l'époque  des  textes,  devient 
monophtongue.  Pas  plus  en  léonard  qu'ailleurs,  ae  ne  reste 
quand  o-^y-  ou  û'hiv-  précède  :  gall.  giuaed,  sang,  léon.-trég.- 
corn.  gu'àd.  vannet.  giuêd;gâ\\.  givaeth,  pire,  léon.-trég.-corn. 
gwas,  vannet.  g-wech\  gall.  chiuaer,  léon.-trég.-corn.  choar, 
vannet.  hoer.  En  monosyllabe,  en  dehors  du  vannetais,  la  con- 
traction se  fait  donc  en  a.  En  monosyllabe,  ae  final  dans 
la  même  situation,  a  le  même  sort  :  goa,  malheur,  gall.  giuae. 


I .  Le  comique  qui  réduit  toutes  les  diphtongues  à  des  voyelles  simples 
a  gos,  goys  (prononcez  o-o/J,  godi),  sang,  en  face  de  ^^veth,  pire. 


58  /.  Lotb. 

Le  phénomène  d'absorption  de  la  diphtongue  est  dû  à  la  pré- 
sence degiv-,  chw,  qui  soutient  a.  La  différence  d'évolution  en 
vannetais  est  due  à  ce  que,  dans  ce  dialecte,  le  ton  dans  les 
diphtongues  s'est  porté  de  bonne  heure  sur  le  second  élément  : 
difren,  narines  ÇgaW.  ffroen,  moy.-bret.  fromï);  cwél,  bois,  gall. 
coét,  léon.  côat  =*caiti-.  Pour  af  précédé -de  ,^îf-dans  un  poly- 
syllabe, ae  se  contracterait  en  e  d'après  :  gall.  gzuaelod,  fonds 
bret.  goelet  ou  goueht.  mais  l'étymologie  est  douteuse  :  cor- 
nique  goles.  Dans  les  monosyllabes  cités,  l'évolution  ne  saurait 
être  attribuée  à  la  consonne  finale,  car  l'une  est  une  explosive, 
l'autre  une  spirante. 

Il  y  a  une  autre  lacune  qui  ne  porte  que  sur  quelques  mots 
mais  qui  ne  manque  pas  d'importance  en  raison  du  jour  que 
le  traitement  à'ai(ae)  dans  ces  formes  jette  sur  l'évolution  de 
la  diphtongue  qui  fait  l'objet  de  ces  recherches.  Comment 
expliquer  le  breton  moyen  et  moderne  bre'ui,  pourri,  blein, 
sommet  =  gall.  braen,  blaen,  en  face  de  drean,  épine,  fiuan, 
gall.  draen,  maen,  bret.-moy.  draen,  maen  ?  Cette  question  en 
soulève  deux  autres  qui  dominent  tout  le  débat;  l'une  n'a 
guère  été  touchée  par  M.  Grammont,  l'autre  est  plus  complexe 
qu'il  ne  paraît  le  croire  :  il  s'agit  d'abord  de  l'influence  que 
l'origine  même  des  diphtongues  et  la  place  de  l'accent  ont  pu 
exercer  sur  leur  évolution;  ensuite  de  la  différente  évolution 
à'ae  dans  les  dérivés  ou  composés  suivant,  en  partie,  les 
époques  où  on  les  saisit. 

Les  diphtongues  brittoniques  ont  des  origines  très  diverses  : 

1°  oe  (léon.  oa)  =  *  ai  vieux-celtique  en  passant  paré  et  oe; 
oiie  =  ei  vieux- celtique  en  passant  par  ê  '  ; 

2°  voyelle  -\- spirante  -\- consonne  (provenant  de  c  ou^)  :  gall. 
Uaeth,  lait,  comique  leth,  moyen-bret.  laei;^,  léon.  ka^,  corn. 
/?X,  vannet.  Içch;  gall.  croes,  croix,  comique,  crous,  léon.- 
trég.-corn.  croas,  vannet.  croes  =^  criics\  v.-bret.  ail,  ange, 
comique^/,  moy.-bret.  ael,  léon.  eal,  ailleurs,  el; 

I.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'Infection  peut  contrarier  cette  évolution.  Le 
passasse  de  -os  en  -oa  en  léon. -corn. -trég.  est  relativement  moderne.  Pour? 
sortant  de  ei  vieux-celt.  il  y  a  à  remarquer  que  é  latin  évolue  de  même.  En 
breton  cet  ê  évolue  en-oa,  en  dehors  du  vannetais,  dans  des  cas  déterminés  , 
gall.  -cwyr,  cire,  léon.  coar,  vannet.  coer  =  cira,  gall.  hhuydd,  léon.  hloa^. 
Ces  diphtongues  peuvent  aussi  provenir  de  voyelle  +  ,^  spirante   -p  w,  n. 


Remarques  sur  la  métathèse  de  ae  eu  breton  arnioricain.        59 

3°  voyelle  +  3-  ou  ^  -|-  voyelle  :  gall.  niaes;  comique  mes, 
moy.-bret.  macs,  léon.  meas,  ailleurs,  mes  =  magestu-; 

4°  voyelle  -\-  ù  devenant  semi-voyelle  :  plur.  des  thèmes  en 
-ti,  -oti  :  v.-gall.  -ou,  moy-gall.  -eu,  comique  -ou>,  moy-bret. 
ou  =  aou  et  -û,  léon.  -ou,  trég.  -0,  bas-vannet.  et  haut-corn. 
-aoii,  haut-vannet.  -nu  (île  de  Groix  -fo)  =  -oii-es  ;  v.-gall. 
anu,  moy-gall.  einu  (une  syllabe),  comique  hano,  bret.  hano, 
vannet.  hàûi  =  *an9-men;  gall.  uianv  (une  syllabe),  corn. 
marno,  bret.  tnaro,  vannet.  uiarû  (une  syllabe)  =  mar-uo-s; 

5°  diphtongaison  sporadique  en  gallois  et  en  breton  de 
certaines  voyelles  longues  devant  la  spirante  gutturale  sourde  : 
gall,  buiuch,  bret.  hioc'h  et  hiôch  =  buch. 

En  gallois  on  peut  signaler  en  outre  : 

1°  la  diphtongaison  de  â  long  vieux-celtique  accentué  en 
-aiu  ; 

2°  l'éclosion  de  toute  une  série  de  diphtongues  par  suite  de 
la  fixation  de  la  résonnance  palatale  de  la  consonne  mouillée 
à  côté  de  la  voyelle  précédente  :  seint  saints  =  *sanîi  = 
san[c]ti;  Prydain  =  *Prîten  =  *Pretania. 

En  breton  on  a  encore  : 

1°  diphtongaison  par  suite  de  la  vocalisation  de  /  devant 
^  ou  ^  (il  y  a  des  exceptions);  léon.  aod,  rivage  =  ait; 

2°  diphtongaison  par  la  vocalisation  de  v  sortant  de  b  ou  m  : 
partout  dans  le  groupe  -hn,  mn,  -ms  :  aoiin  =  *obno-;  kein 
^=^  kehno-  ;  dans  un  grand  nombre  de  cas,  lorsque  la  voyelle  pré- 
cédant V  est  nasalisée  :  neô,  ciel; 

3°  voyelles  -j-  dr  =  tr  ou  dr. 

De  plus,  il  y  a  notamment  en  haut-vannetais  et  à  l'île  de 
Sein,  tm  grand  nombre  de  diphtongaisons  modernes. 

Ce  sont  les  groupes  2°  et  3°  que  nous  avons  ici  à  considérer. 
Danslecas2°,  c'est-à-dire  dansle  groupe  voyelle-{-  spirante  ,-\-  coii- 
sonne  la  diphtongue  est  immédiate  :  elle  existe  du  moment  où 
la  consonne  devient  spirante.  Dans  le  cas  3°,  voyelle  -|-  spi- 
rante -)-  voyelle,  la  nature  des  deux  voyelles  flanquantes  et  la 
place  de  l'accent  ont  leur  importance.  J'ai  proposé  pour  le 
gallois  la  loi  suivante  '  :  «  Si  la  voyelle  qui  suit  la  consonne 

I.  J'ai  traité  de  cette  question  :  Métrique  galloise,  II,  2^  partie,  p.  106  et 
suiv. 


6o  /.  Lolb. 

n'est  pas  en  syllabe  finale  en  vieux  brittonique  et  qu'elle  soit 
tonique,  la  diérèse  subsiste.  Il  y  a  parfois  flottement.  Par 
exemple,  lorsque  la  gutturale  ^  devenue  spirante  est  suivie 
de  /,  la  spirante  attire  i  dans  la  syllabe  précédente;  l'accent 
quitte  plus  tôt  l'ancienne  pénultième  :  giuein,  gaine  -- 
vâgina\  »  Si  les  voyelles  qui  flanquent  la  spirante  sont 
identiques,  il  y  a  tôt  ou  tard  monophtongaison  :  rheen,  rhen, 
chef  =  *  rege-no,  compte  encore  au  xii^  siècle  pour  deux,  mais 
aussi  pour  une  syllabe;  lleen,  plus  tard  llcii  =  *legenda,  le 
plus  souvent  n'en  a  qu'une,  mais  cependant  dans  un  vers 
du  xu^  siècle  de  la  Myv.  arch.,  244,  col.  2,  Ihen  est  à  rétablir 
au  lieu  de  lien.  Dans  Taliesin  (Four  A.B.  II,  p.  144,  v.  13) 
Lleenaivr  a  trois  syllabes  :  Lleyn,  péninsule  du  Nord-Galles, 
qui  se  prononce  aujourd'hui  Llyn  {y  entre  il  et  /)  a  deux 
syllabes;  breenbin,  aujourdh'ui  brenin,  en  a  trois.  Au  contraire, 
aujourd'hui  même,  cyinraec,  la  langue  galloise  —  *  coinbro- 
gîcâ,  Cymraes,  Galloise,  ont  trois  syllabes. 

En  breton  il  en  est  de  même  :  au  gallois  givain  (précédé  par 
giuoin)  répond  gonhiii  ;  l'accent  est  resté  très  longtemps  fut 
l'ancienne  pénultième  devenue  syllabe  finale  et  y  est  encore  spo- 
radiquement aujourd'hui.  C'est  aussi  la  raison  de  la  diff'érence 
de  traitement  de  ml,  ange,  et  de  kaçl,  balustrade,  grille;  eal, 
moy.-bret.  ael,  v.-bret.  ail,  =  * agelus,  "àgslns  (angélus); 
kael  =  *cagélla  pour  cancélla  (Kôrting,  Lat.-rom.  Wôrt)  : 
cf.  gall.  angel  et  canghell. 

Lorsqu'en  breton  moderne,  ac  en  monosyllabe  suivi  d'une 
consonne  compte  pour  deux  syllabes  ou  subsiste  (en  dehors  de 
l'analogie)  et  que  la  chute  de  la  consonne  remonte  au  vieux- 
brittonique,  on  peut  conclure  que  l'accent  a  été  longtemps 
sur  le  second  élément  vocalique.  C'est  ainsi  que  ae::^,  repos  du 
bétail,  mot  léonard,  a  deux  syllabes  et  non  une,  comme  le 
croit  M.  Grammont.  L'exemple  qu'il  cite  d'après  Le  Gonidec, 
aé-a  ne  prouve  rien.  Laq,  haut,  a  également  deux  syllabes'. 


1.  Métrique  galloise,  II,  2^  partie,  p.    108-109. 

2.  La  forme  ahrelJahei,  du  moyen-breton,  me  paraît  à  peu  près  exacte  ; 
le  mot  se  décompose  en  :  a  hred  ahe~,  depuis  le  moment  du  repos  du  bétail 
(la  partie  du  jour).  Ae^  est  à  séparer  de  echoa^,  bas-vannet.  àhoe  =^  gali. 
ecbwydd.  La  forme  vannetaise  citée  lechué  est  fausse  ;  il  n'y  a  que  hié  ou 
leûjé,  avec  un  premier  e  très  bref. 


Remarques  sur  la  niélathèsc  de  ne  eu  brctou  anuoricain.       6i 

Il  va  sans  dire  que  ael,  vent,  forme  de  la  Haute-Cornouaille, 
pour  avel,  awel,  est  disyllabique;  de  même  meol,  serviteur, 
pour  meiuel;  de  même  aen  =  aven,  avon  dans  Pond-aen, 
Pontaven.  Rien  ne  dit  que  ael  et  aen  ne  deviendront  pas  plus 
tard  diphtongues;  ils  le  sont  peut-être  dans  quelque  endroit 
déjà. 

L'influence  de  l'accent  est  si  marquée  qu'une  diphtongue 
ea  venant  de  ae  peut  se  scinder  en  deux  syllabes,  si  le  ton 
porte  sur  le  second  élément;  à  Ouessant  on  dit  nieànad,  jet 
de  pierre,  et  ineinâta,  lancer  des  pierres  :  iiiéan  n'y  a  qu'une 
syllabe  ' . 

L'exception  brein  s'expliquerait  très  facilement  par  une 
forme  *  bragnio-  mais  cette  forme  est  invraisemblable  en 
présence  des  formes  galloises  et  irlandaises.  On  serait  encore 
tenté  de  le  chercher  dans  le  fait  que  brein  appartient  à  la 
catégorie  voyelle  -{-  spirante  -j-  consonne  (  *  brag-no-)  tandis  que 
drean  appartient  à  notre  groupe  3°  {voyelle  -f-  spirante  -\- 
voyelle),  mais  l'analogie  s'y  oppose. 

La  véritable  raison,  abstraction  faite  d'influences  analo- 
giques possibles  dans  le  cas  présent  {breinadur\  c'est  que  brein 
se  compose  syntactiquenient  avec  le  substantif  et  forme  même 
de  vrais  composés  {brein-krign):  quant  à  blein  il  ne  s'emploie 
g;ière  qu'en  liaison  avec  un  substantif,  dans  des  expressions 
unies  par  la  prononciation  :  blein  an  ti,  le  sommet  de  la 
maison. 

La  2'^  catégorie  de  M.  Grammont  {dans  des  disyllabes  ou  poly- 
syllabes où  ae  n'est  pas  en  syllabe  finale,  une  forme  avec  ea  n'est 
pas  attestée  en  léonard)  demande,  en  eflet^  à  être  scindée  en  deux 
groupes  au  moins  :  le  groupe  où  la  diphtongue  ae,  ea 
passe  d'un  monosyllabe  par  la  dérivation  ou  la  composition 
à  un  polysyllabe;  le  groupe  ancien  où  la  diphtongue  en 
polysyllabe  n'était  pas  soutenue  ou  contrariée  dans  son  évolu- 
tion par  une  forme  monosyllabique  parallèle,  et  où  l'évo- 
lution est  vraisemblablement  partie  de  ai. 


I.  Je  relève  ce  fait  dans  la  transcription  phonétique  très  scrupuleuse  des 
formes  d'Ouessant  que  m'a  adressée  Dom  Malgorn  pour  les  Annales  de  Bre- 
tagne. 


62  /.  Loth. 

Pour  le  premier  groupe  il  n'y  a  pas  d'exception;  on  a 
affaire  parfois  à  des  graphies  en  ae  attardées  ou  encore  où  ae 
exprime  un  son  simple.  M.  Grammont  a  été  induit  en  erreur 
par  les  dictionnaires  bretons.  C'est  ainsi  que  p.  185-186,  d'après 
des  formes  prises  chez  Grégoire  de  Rostrenen  (dont  une  partie 
pouvait  d'ailleurs  être  exacte  à  l'époque  du  brave  capucin), 
M.  Grammont  déclare  que  le  bas-léonard  conserve  Vétai  ancien 
ae.  J'ai  sous  les  yeux  toute  la  série  des  formes  correspondantes 
à  ae  en  moyen-breton,  pour  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  bas-léo- 
nard; celles  d'Ouessant  fournies  par  dom  Malgorn,  originaire 
d'Ouessant,  celles  de  Molènes  (Mo/-^??«) fournies  par  M.  Cuil- 
landre  étudiant  à  la  Faculté  des  lettres,  originaire  de  cette  île 
et  prises  par  lui  sur  place  en  août  dernier  :  partout  ae  devant 
e  :  eled,  ele^;  me:{ou,  helek,  erwant  {aerouant) ;  dere\  (eal,  kear, 
drean,  fea^^,  niean,  mear,  etc.). 

M.  Grammont  prend  au  sérieux  ae:(en,  vapeur  chaude, 
vent  d'ouest,  vent  doux,  et  explique  le  fait  par  une  coupe  de 
syllabe^  d'ailleurs  contestable  :  ae-~en  :  ae  se  trouverait  ainsi  à 
la  fin  de  la  syllabe  et  dans  le  même  cas  que  dans  kaé,  haie. 
Or,  à  -Molènes  et  Ouessant  on  a  e~enn,  singulatif  non  pas 
à'ae\  mais  de  ea:^  :  ae:{en,  comme  as'^^  est  une  graphie  attardée. 
Pour  ae:[en  la  coupe  de  la  syllabe  ne  pouvait  pas  produire  plus 
d'eftet  que  dans  d'autres  mots  comme  se^en,  rayon,  tre^ery 
entonnoir.  ^Ae':y,  ea:^  est  identique  au  comique  é"//?  =^*aeth,  qiii 
a  le  même  sens  '. 

Pour  le  second  groupe,  le  résultat  de  la  contraction  n'est 
pas  le  même.  La  différence  est  due  à  une  différence  de  quan- 
tité dans  la  diphtongue  en  relation  avec  la  forme  et  même 
jusqu'à  un  certain  point  la  place  de  l'accent.  M.  Rh^-s,  dans 
ses  Lectures  o)i  Wehh  phonology,  2,  129  et  suiv.,  où  il  y  a  tant 
d'excellentes  choses,  dit  que  les  diphtongues,  en  gallois, 
obéissent  aux  mêmes  lois  que  les  voyelles  simples  au  point  de 
vue  de  la  quantité.   Lorsqu'un  monosyllabe  devient  polysyl- 

1.  Indique  à  Molènes  la  pèche  à  marée  basse. 

2.  Pour  la  coupe  de  syllabes,  v.  J.  Loth,  Métrique  oalL,  II,  2^  part., 
p.  19  et  suiv.  ;  p.  147-150. 

3.  M.  Ernault  (^GtoiS. -iiioy,-brct .)  ix  xort  de  rapprocher  <7i'^  du  basque  «/:{«, 
ce  qu'il  n'eût  pas  fait  s'il  avait  connu  cth:  le  rapprochement  avec  le  gaélique 
iiiteal  est  également  impossible. 


Remarques  sur  la  méfaihèse  de  ae  en  hretou  armoricain.        63 

labe,  sa  voyelle  perd  de  sa  quantité  :  de  longue  elle  devient 
brève  :  tâd,  père,  plur.  tàdeii.  Pour  les  diphtongues,  l'écriture 
dissimule  très  souvent  l'évolution.  Elle  est  trahie  cependant 
par  certaines  graphies  :  aeth,  il  alla,  eiithum,  j'allai  (eu  :  il  =  i 
ou  û  semi-consonne);  maes,  nieusydd.  On  conçoit  très  bien  que 
dans  une  diphtongue  comme  ai,  ae,  où  les  deux  éléments 
vocaliques  sont  à  une  si  grande  distance  l'un  de  l'autre  au 
point  de  vue  de  l'articulation,  le  premier  élément  ne  puisse  se 
maintenir  que  par  un  effort  considérable.  Cet  effort,  dans  le 
cas  dont  nous  parlons,  est  forcément  contrarié  et  diminue 
d'intensité  sur  a  ;  les  deux  éléments  se  rapprochent  et  la  diph- 
tongue est  abrégée.  De  plus,  le  ton  a  une  tendance  manifeste 
à  se  porter  sur  le  second  élément  vocalique.  M.  Rhys  le 
constate  nettement  pour  la  diphtongue  luy  :  giûydd,  oie,  mais 
plur.  gwyddaii.  Il  en  est  de  même  en  breton  :  ae  ou  peut-être 
plus  exactement  ai  '  ne  devient  pas  dans  ce  cas  ae  mais  ei  ; 
il  y  a  rapprochement  du  premier  élément  au  second  par  suite 
de  la  diminution  de  l'intensité  sur  a  et  d'une  façon  générale  sur 
la  diphtongue  :  ex.  dreinek,  bar,  de  draeii,  drain  =^  *  dra~ 
gino-;  meinek,  pierreux  ;  breinar  est  identique  au  gallois  braenar, 
fallow  field,  mais  braciiar  a  été  refait  sur  braen.  En  effet,  la 
forme  des  lois  donnée  par  Silvain  Evans  dans  son  Welsh- 
Engl.  Dict.,  est  brynar  (y  =  û\  qui  a  été  précédé  par  breinar 
(i  •=  /  ou  il  semi-consonne).  C'est  la  prononciation  actuelle 
pour  ei  réduit  dans  bon  nombre  d'endroits  du  pays  de  Galles  : 
torfydd  =  lorfeydd  (cf.  dans  le  Carnarvonshire  Mynol,  y  Fynoï) 
écrit  dans  les  dict.  inaenol  et  ayant  passé  par  meinol.  En  bre- 
ton, les  formes  refaites  d'après  le  monosyllabe  correspondant 
sont  fréquentes  :  daeloii,  pleurs,  a  été  fait  sur  dael  comme  le 
montre  la  forme  de  Molènes  deilou.  Meanad  est  fait  sur  mean 
tandis  que  nieinata  esc  ancien.  C'est  ainsi  que  s'expliquent  par 
la  composition,  par  une  diminution  de  quantité,  Z'rgfw  et  blein. 
Dans  des  formes  comme  le  gallois  *brynar,  breinar,  il  paraît 

I.  Il  semble  bien  que  ae,  même  lorsque  la  diphtongue  perd  en  quantité 
et  que  les  deux  éléments  vocaliques  sont  prononcés  rapidement,  arrive  à  ei. 
C'est  ainsi  qu'en  bas-vannetais  inaen  n'est  pas  arrivé  à  aiâi  mais  à  niein  ou 
plutôt  mën  :  or  viain,  une  pierre,  er  vein,  les  pierres.  En  Haute-Cornouaille, 
on  est  arrivé  à  7  ;  à  Faouët  :  or  min.  En  comique,  on  a  de  même  hJyn  = 
bleui. 


64  /■  Loth. 

certain  que  le  ton  s'est  porté  dans  ei  de  e  sur  i,  comme  il  s'est 
porté  de  lu  sur  y  dans  gzuyddaïf  en  face  de  givydd.  En  breton,  le 
fait  est  général  dans  les  diphtongues  ;  quand  un  monosyllabe 
à  diphtongue  devient  composé,  le  sommet  de  la  diphtongue 
n'est  plus  sur  le  premier  élément  vocalique  mais  sur  le  second  : 
cent,  en  léonard  devient  comme  ailleurs  en  composition  coât, 
0  jouant  le  rôle  de  w  consonne  :  coat-ûhel,  coat-lôsket.  Il  ne 
faut  pas  non  plus  perdre  de  vue  que  dans  ces  composés 
l'accent  principal  est  sur  le  second  terme.  Il  en  a  été  de  même 
pour  ae.  Ajoutons  que  e  dans  ae -\-  consonne,  en  composition, 
devenait  ouvert  :  toute  voyelle  suivie  de  liquide  -|- consonne, 
en  breton,  est  ouverte  :  bèd,  «  tombe  »,  mais  «fr:(.  Aussi  tandis 
que  caer,  seul,  reste  longtemps  intact,  on  a  de  bonne  heure 
en  composition  ker-  :  il  y  a  affaiblissement  du  premier  élé- 
ment vocalique,  ouverture  de  e,  glissement  de  l'intonation  du 
premier  élément  sur  le  second  et  réduction  finale  à  une 
voyelle  f  qui  devient  brève,  parce  que  l'accent  du  composé  est 
sur  le  second  terme.  C'est  un  fait  des  plus  connus  que  les 
diphtongues  atones  accomplissent  plus  rapidement  leur  évolu- 
tion. Il  n'est  pasimpossiblequedes  formes  counwe dreinek  ont  eu 
anciennement  l'accent  sur  la  dernière  syllabe  et  non  sur  la  diph- 
tongue. Dès  le  xi^  siècle,  dans  des  chartes  originales,  on 
trouve  Cher-mar,  Cher-cavalloc,  Cher-loscheit,  Cher-cheresuc  Q. 
Loth,  Chrest.,  p.  113);  cf.  Mael,  et  Mcl-chi  (ix^  siècle);  Hael 
et  Hcl-govarch,  x.n^  siècle.  Dans  ces  composés  ae  a  passé  par 
ff,  ë.  L'évolution  dans  les  dérivés,  en  léonard,  de  monosyl- 
labes en  ne,   ea,  a  été  analogue  :  m;(  et  e:ienn. 

Reste  la  question  du  processus  de  l'évolution  de  ae  en  ea 
et  ailleurs  qu'en  Léon,  en  e,  dans  les  monosyllabes  terminés 
par  une  consonne. 

D'après  M.  Grammont,  p.  185,  il  faut  partir  dans  ce  cas 
de  ae  avec  e  ouvert  :  «  dans  acT^  et  kaer,  la  diphtongue  est 
suivie  d'une  consonne  qui  appartient  à  la  même  syllabe  et 
force  fe  a  s'ouvrir.  »  Il  serait  cruel  d'insister.  M.  Grammont 
a  été  évidemment  obsédé  par  l'explication  qui  suit  et  la  thèse 
qu'il  avait  dans  l'esprit.  Il  sait  aussi  bien  que  personne  par 
exemple  que  les  r  sont  très  variés  :  r  dans  l'irlandais  fir  = 
viri,  viroi,  est  palatal  et  n'ouvre  pas  /,  tandis  que  r  vélaire  de 
viros  amène /(?r.  Ce  que  M.  Grammont  pouvait,  en  revanche, 


Remarques  sur  la  iiiétathèse  de  ae  en  breton  armoricain.       65 

ignorer,  c'est  qu'en  breton  e  suivi  de  r  ou  :(  en  monosyllabe 
accentué,  est  long  et  fermé  :  kèr,  cher;  bê^,  tombe.  La  pro- 
nonciation française  en  a  été  influencée  en  Basse- Bretagne  ;  à 
Brest,  le  peuple  prononce  pèr,  mer,  au  lieu  de  père,  mère.  Il 
faut  reconnaître  que  dans  certains  monosyllabes  à  diphtongues, 
la  seconde  voyelle  s'ouvre  (coar,  bloai)  mais  outre  que  le  fait 
n'est  pas  bien  ancien,  il  est  inconnu  en  vannetais  où  Ve  est 
fermé.  La  raison  doit  en  être  cherchée  plutôt  dans  l'action  de 
la  première  voyelle  et  aussi  de  la  seconde  devenue  plus 
ouverte  sur  la  spirante,  liquide  ou  nasale  finale.  Si  ai  est 
devenu  ae  dans  caer,  plus  anciennement  cair,  c'est  sous  l'in- 
fluence de  a.  L'évolution  de  ae  enèè  n'existe,  en  réalité,  avec 
certitude  que  dans  les  cas  de  composition.  Partout  ailleurs  qu'en 
léonard,  m'dans  les  monosyllabes  est  arrivé  en  général,  à  è  long 
et  fermé  :  kèr,  èl,  drên,  fê:^,  fier,  mèn,  lè^,  mer,  stèn,  kè:{. 
La  contraction  de  ae  dans  le  groupe  provenant  de  -aâr  donne 
toujours  è.  \c\,  on  part  de  -aer.  En  effet,  dans  des  formes 
comme  laeron,  ce  n'est  pas  de  lacfroii  qu'il  faut  partir,  c'est  de 
Inêâron  (^layâron)  comme  le  montrent  nombre  de  graphies 
et  l'évolution  à  Ouessant  où  la  forme  est  laedron  (cï.  ialaedrec, 
lançon;  );  paedroun,  parrains,  *paydron.  Dans  ces  formes,  e 
était  suivi  de  deux  consonnes  dont  une  spirante  et  l'autre 
liquide. 

L'argument  est  loin  d'être  décisit,  il  est  vrai,  parce  que  la 
contraction  n"est  pas  bien  ancienne. 

Il  est  possible  qu'il  faille  partir  de  caer  (cair  =  cayr),  mais 
on  peut  soutenir  avec  M.  Grammont  qu'il  faille  partir  de  caer, 
lequel  serait  devenu  en  passant  par  kèèr,  kèr  et  kêr,  mais  en 
léonard  kear,  kénr  %  par  une  série  de  différenciations 
amenées  suivant  une  métaphore  inattendue  de  l'auteur  de 
l'article,  par  la  peur  inconsciente  de  V assimilation  complète  et  de  la 
monophtongaison.  La  diphtongue   actuelle,  je  crois,  comporte 


1.  Dans  bel,  fourche  de  charrue,  il  est,  je  crois,  ouvert;  mais  bel  est  ici 
précédé  par  haedl,  gall.  haeddct.  Dans  bel  généreux,  de  même;  mais  bel  ne 
sert  que  dans  des  idiotismes  syntactiques.  Sporadiquement  il  y  a  quelques 
exceptions  facilement  explicables. 

2.  M.  Vâhhc  RoussQlot  (Les  iiiotlifications  pbonc'iiques  du  tangage,  ^^.  261) 
nous  montre  è  sortant  de  ai,  ae,  ei  par  aboutissant  (",  àè,  ce,  c. 

Revue  Celtique,  XXVIII.  5 


66  J.  Lolh. 

une  autre  explication  :  lesecond  élément  actuel  en  léonard  peut 
n'être  que  la  résonnance  reii  forcée  parc  très  réduit  de  m',  de /final 
ou  delà  spirante finale:  s'il  n'y  pas  de  diphtongue,  la  résonnance 
de  m'est  pas  suffisante  pour  constituer  un  élément  vocalique  ap- 
préciable. Si  en  léonard,  nous  trouvons  pour  rtp  une  diphtongue 
et  ailleurs  une  monophtongue,  cette  différence  n'est  pas  due,  en 
léonard,  à  la  phohie  de  la  inonophtongaison,  mais  à  une  diff'érence 
dans  la  forme  de  l'intonation  sur  la  longue  résultant  de  la 
contraction  et  aussi  à  une  articulation  particulière  de  r  en 
présence  de  e  allongé.  Le  dialecte  de  l'ile  de  Sein  nous 
éclaire  sur  les  conditions  de  l'évolution.  Dans  ce  dialecte,  en 
dehors  des  monosyllabes,  e  ouvert  devant  liquides  ou 
spirantes  se  scinde  en  eiî  :  ex.  feâro,  amer  (/  à  Sein  remplace 
ç'hîu-  devant  ë  et  /).  Fearo  sort  de  ferw,  en  une  syllabe  :  partout 
où  le  mot  est  monosyllabe,  on  a  e  ouvert  :  vannet.  hiierïu  ^=-- 
sijenjos.  Le  mol Iç'ru'  est  passé  à  /tT(';on  a  eu  sous  l'accent  fe^ro: 
e  s'est  allongé  et  -r  ayant  ici  une  résonnance  vélaire,  il  s'est 
développé  un  ^^leiflaiit  que  j'ai  marqué  par  petit  a;  puis 
l'accent  s'est  porté  sur  le  second  élément  qu'il  a  allongé. 
Cet  avancement  de  l'accent  sur  la  vovelle  de  résonnance  est 
bien  connu  en  irlandais  moderne  :  vieil-irl.  Jîiin,  blanc, 
irl.  nioy.Jîouii;  irl.-mod.  jyoïni.  On  peut  objecter  qu'il  y  a  des 
exemples  de  en  venant  de  ae  suivi  d'une  explosive  :  eat,  great  ; 
mais  ce  sont  probablement  des  créations  analogiques  :  cf.  van 
netais  grenn,']e  faisais  =  léon.  greanii,  moy.-bret.  graeii  ;  mais 
participe  greit  {giçyt)  Ce  qui  tend  à  confirmer  encore  l'influence 
prépondérante  de  la  spirante  hnale,  c'est  que,  en  haut-vanne- 
tais,  si  on  prend  l'ensemble  de  ce  dialecte,  on  n'a  ea  pour  ae 
que  lorsque  ae  est  suivi  (/'//;/('  spiianie  gitlîiirale  :  =  hcac  h 
cae:{  =:gall.  eaetJ}. 

J.    LOTH. 


UN  TRAIT  DE  L'ARMEMENT  DES  CELTES  : 
LES  DUO  GAESA 


M.  Windisch  (Tàiii  hô  Ci'ialge,  p.  xvii,  p.  392  rem.  3) 
fait  la  remarque  que  les  duo  gaesa  des  Gaulois  de  Virgile  {Enéide, 
VIII,  862;  cf.  Diefenbach  Or  Eiir.  350)  se  retrouvent  aussi 
chez  les  Gaëls.  Dans  le  Tain,  1.  4604,  Iliach,  lui,  outre  son 
épée,  prend  deux  lances  (da  sieig  :  sleg  paraît  aussi  avoir  le  sens 
de  javelot).  Ces  duo  gaesa  étaient  sûrement  d'un  usage  courant 
chez  leslrlandais.  Cormac,  The  Ordeals,  Ir.  Texte,  y  série,  i  heic, 
p.  204)  est  armé  de  deux  lances.  Dans  Tochiiiarc  Ferhe  (Jr.  Texte, 
scr.  3,  2  h.,  p.  463),  chacun  des  guerriers  porte  deux  lances; 
ce  sont  des  javelots,  car,  p.  480,  Brod  lance  une  de  ses  deux 
sleg.  Dans  le  même  morceau,  p.  486,  Mane  prend  ses  deux 
grands  sIeig.  Dans  les  Lives  of  saints  of  Lisinore,  p.  xvi, 
M.  Whitley  Stokes  signale  également  l'emploi  des  deux  lances 
(ou  javelots). 

Les  duo  gaesa  ont  certainement  été  anciennement  en  usage 
aussi  chez  les  Gallois  :  quand  Kulhwch  part  pour  son  expédi- 
tion, outre  le  glaive,  il  porte  à  la  main  deux  javelots  d'argent 
bien  aiguisés  (J.  Loth,  Mahin.,  I,  p.   191). 

Enfin,  le  même  armement  se  retrouve  chez  les  guerriers 
ensevelis  à  Hallstalt.  Von.  Sacken,  Das  Grabfeldvon  Hallstall, 
p.  36-37),  signale  deux  lances  de  jet  dans  le  tombeau  783, 
deux  des  deux  côtés  de  la  main  gauche  du  squelette  dans  le 
tombeau  799,  ^^wx  autres  dans  le  tombeau  791.  Dans  certains 
tombeaux,  elles  se  trouvent  en  plus  grand  nombre.  Dans  le 
tombeau  259,  avec  une  grande  lance,  se  trouvait  une  javeline 
et  une  pointe  de  lance  servant  évidemment  de  javelot. 

J.   LoTH. 


NOTE  CRITIQUE 

Par    m.     WALTER    J.     PURTON 


In  the  passage  R.C,  XXVI,  p.  136,  §  lo;  7  adnaidead  œ 
icanu  tri  la  &c.  D""  Whitley  Stokes  translates  "the}'  wait" 
and  suggests  in  his  index,  "  perhaps  for  adnethat  thev  expect, 
they  wait  ". 

I  venture  to  suggest  another  translation,  which  seems  to 
me  more  probable.  I  think  the  word  means  "  they  go  "  and 
should  properly  be  adnaigit. 

r°  It  is  évident,  that  in  this  text  the  confusion  of  aspiratcd 
dh  and  ^b  is  in  fuU  swing;  cp.  adnadhad  for  adnaghad  (the 
verv  word  with  which  we  are  dealing)  fl'/V/),'7.'(r/;/  ïov  ai^idhcchl, 
&c." 

2°  It  is  certain  that  in  Middle  Irish  the  verb  aduaisyiiii  amon^; 
varions  other  meanings  sometimes  meant  "  I  go  ".  I  cite 
the  following  instances  :  aliiaigini  isin  cuchtair  Aisl.  M.C, 
91,  ij  ;  ûtnaidifii  i  cumusc  triu  BB  455  a  3;  alr.ûi'g  Brian  do 
thiprait  LL  34  a  45  ;  afnaig  Ethne  fades  cosin  dKii  coi'dnic  na 
Desse  LU  54  [ù  34. 

The  word  also  appears  in  an  intransitive  sensé  in  adnaigit 
(adnaidit  BB)codeaith  i^.C.,XXIV,  p.  174,  whereD'W.  Stokes 
renders  "  they  surrender".  Another  common  usage  is  with 
the  p''eposition  oc  e.g.  atnaig  oc  blassachtaig(he  hegan  smacking 
his  lips)  LB  216  a  12. 

The  word  seems  sometimes  to  hâve  been  confused  with 
adaigim;  at  least  there  is  verv  little  différence  of  sensé  in  ataig 
in  poic  di  ardig  LL  34a  45;  and  alnaig  Tadg  bulli  do  LL 
329  y.  7.  Cf.  also  ataig  a  dichelta  ass  LU  54  324;  altaig  Isac 


Note  critique.  69 

ac  lamachtad  a  laimi  BB  236  ,'i  18;  ataidh  L.  oc  a  taithmech 
co  n-a  glacaib  BB  454  x  36,  37. 


REPONSE    DE  M.   WHITLEY   STOKES 

19.   12.  1906. 

There  is  no  doubt  i\ràt  adnaidead ,  Rc.  26,  146,  §  10,  stands 
for  adnaigit  or  atnaigei  and  I  would  now  translate  it  by  '  iliey 
go  on'.  Tbe  confusion  of  dh  And  gh  \s  one  of  the  chief  sources 
of  difRculty  in  dealing  with  Middle  Irish  texts.  As  to  ûtnaigiin 
see  Windisch  Wtb.  380. 

The  translation  of  adiiaigid  Rc.  XXIV,   174  is  right. 

I  suspect  that  atnaigim  is  =  ad-dn-aigim,  where  du  is  a 
petrified  infixed  pronoun.  Hence  the  supposed  confusion  witli 
adaigim. 


NOTES 

OX  THE  BIRTH  AND  LII-K  OF  ST.  MOLIKG 

(Keî'iw  ceUiqiii-,  t.  XXVH,  pp.  257-312). 


P.  257.  D"'  K.  Meyer  informs  me  that  a  third  copy  of  this  legend  is 
contained  in  the  Brussels  ms.  5301,  p.  58.  The  text,  he  says,  '  is  soniewhat 
différent'  from  that  in  Brussels  ms.  4190  '-4200,  e.g.  the  last  two  Unes  of 
the  quatrain  corresponding  with  that  in  Revue  celtique,  XXVH,  274,  are 

ro  diiga  Dia  don  fraicc 
ina  nderna  do  dichmairc. 
^may  *God  forgive  the  woiiiuti 
ail  the  thefl  she  bas  cominitted! 

P.  25S,  1.  17,  for  M'antonness  read  wanton  insolence. 

—  1.  27.  This  taie,  according  to  Mr  E.  Gwyiin  (Proceedings  0/  the 
Royal  Irish  Academy,  March  1906,  p.  22)  "  is  told  also  in  the  Life  in  Codex 
Kilkennensis.  See  «  Ancient  Life  of  St.  Molvng  ».  bv  P.  0'L[earyJ,  Dublin  : 
1887,  p.  22  ". 

P.  261,  1.  6,  /or  mantles  read  spoils  (bral.  gen.  biaile,  ^"  4,  note   3). 
P.  263,  1.  6,  for  mantles  read  spoil.  1.   9,  for  land  read  countrv. 
P.  265,  1.  <),  Jor  meditating  read  contemplating. 
P.  269,  1.  12,  for  osterer  aiid  s,h  read  fosterer  and  his. 

—  1.  2).  for  rébellion  read  marauding. 

P.  272,  §25,1.  9,  dele  très,  which  in  the  ms.  is  inserted  iiiaii.  rec. 

P.  274,  1.  8,  for  Taircell  read  Tairchell. 

P.  274  §  26,  1.  2,  The  inuinler  oi  the  ms.  should  be  corrected  xovu'iinler, 
3d  sg.  imperat,  pass.  oîmùiiiini'  I  te.ich  ',  and  coniciits  should  be  corrected  to' 
co  ndichius'  '  that  I  may  go  '.  Translate  accordingly  (p.  275,  1.  17)  "  And  if 
I  hâve,  let  it  be  told  (lit.  taught)  tome  so  that  I  may  go  and  dwell  therein  ' 

P.  276,  §  29,  1.  5,  lossicorcra  is  probably  ace.  pi.  oï  lus  corcra,  some  purple 
or  crimson  plant.  Translate  accordingly 

1.  Misprinted  1490  in  Rev.  Celt.,  XXVH,  257,  1.  6. 

2.  Cf.  dc-chos  LU.  129a  10,  -deochus  70»  19,  -dechas-sa  VBL.  52»  13, 
-c'citisLU.  70-»  13,  19  (Strachan,  Sigmatic  future,  p.  11),  coudigitis[s]a, 
Passions  and  Homilies  1570. 


Birth  il  m!  life   of  Si.   Moliiio.  71 

P.  lyiS,  ']  55,  1.  5.  The  dcchais  of  thc  ms.  should  be  corrected  to  ik'cbais. 
'l'iien  in  thc  translation,  /c/- thcncc  went,  n'cul  he  lookcd. 

P.  282,  1.  3.  The  coiTupt  Tascii  should  probably  be  corrected  to  Tiisciia 
2  sg.  of  a  subj.  used  as  imperat.  ol  lasciiaiiii. 

P.  283,  1.  ~\,for    Draw.  .  .  rcad.  Corne  hither  (///cj. 

—  1-  13,  for  God   rend  mv  Lord. 

P.  287,  1.   2,  for  rebeiling  rend  marauding. 

P.  288,  §  48,  1.  8,  omit  [somh],  which  makes  the  line  hypermetrical. 

P.  289,  §  48,  1.  8,  for  he  would  read  may  he.  And  in  1.  9  for  it  would 
rend  (bis)  ma\'  it.  In  line  10,  for  knowledge  vve  should  perhaps  rcad 
home,  eol,  as  to  which  see  Revue  celtique,  XIII,  p.  2,  1.  28,  where  rauu  :  co 
eol  fein  should  be  rctiiic  co  a  col  fèin,  as  in  Harl.  5280,  f"  109,  I.  2,  and  cf, 
B.  Bail.,  p.  402,  1  4s,  dia  ecbtra  coa  eol.  The  last  line  should,  I  now  think 
be  rendered  thus  :  because  this  is  \\hat  is  désirable;  hcre  I  am  in  grief,  eo 
grief,  whence  colclhtirf  .1.  doilgheasno  dobron,  O'Cl.,  rhymes  with  eol  home 
or  knowledge.  Homonvms  mav  rhvnie  when  their  meaningsdifFer.  Gwynn, 
Todd  Lectures,  IX,  95. 

P.  290,  ^'.  51,  last  Une,  yi'/-  dèn[aid|  rciid  den[tar]  and  in  the  preceding 
line  omit  thc  colon. 

P.  291,  1  51,  11.  n,  13,  for  to  ihe  place  cXcrcad,  and  let  the  boun- 
dary  be  fixed  (lit.  made]  at  the  place  in  which  we  shallforgather. 

1'.  292,  1.  3,  for  Cendslêbhe  read  Cind  Slêbhe,  and  in  the  translation  rcud 
Gonlon  Cinn  of  Sliab  Bladma. 

P.  293,  1.  6,  for  reached  him  lead  he  should  reach. 

—  [^,  53.  In  the  text  grés,  nov,'  gréas,  gen.  oréis,  means  needlework 
or  embroiderv  In  the  translation,  therefore,  read  (cf.  293,  §  53)  the  woman 
brought  him  a  cow's  milking,  which  she  had  earned  by  needlework,  for 
there  was  no  other  food  in  the  house  save  what  she  was  gaining  by  her 
needlework. 

P.  294,  §  58,  I.  I,  bdghacJj  may  be  a  scribal  error  for  bcidhach  'tond', 
cognate  with  hdide  'fondntss',  §  39,  8,  10,  with  which  the  Hesychian 
^fô-iov  -poscp'.li:,  rfi'j  has  been  compared.  If  so,  translate  (p.  295)  and  he 
was  fond  of  the  Leinstermen'. 

P.  295,  1.  10,  for  '  Tis  long.  .  .    /•('((</'  Tis  far  hither  (in  this  direction). 

—  ^  56,  1.  i,for  left  /•('(/(/  got. 
P.  296,  1.   3 , /ti/- corTiî  read  corb'i 

P.  297,  S  61,  1.  4,  for  anon  départs  read  he  recovers  at  once. 

—  î^  64,  1.  3 , /o?' escaped  froni  death  iwui  recovered. 
P.  299,  ."^  66,  1.  6,  for  o  read  to. 

P.  302,  1.  2,  oidiiiait,  an  leg.  gid  iiiaitli  ? 

P.  303,  1.  3,  /or  and  read  it,  and  to.  For  Tocdiu  read  leat  (watercourse 
made  bv  S.  Moling  for  his  monaster\-).  L.  3,  for  and  go  from  it  read  and 
perambulate  it.  Note  i  for  rivt'r  (?)  read  watercourse. 

P.  307,  1.  7, /('/•  g  read  of. 

P.  308,  1.  2,  dele  dechais  33,  and  for  niisformations  rcad  a  misformation. 

P.  510,  (Wc  the  article  grés. 

—  1.  10,  ille  37,  55,  /;///;«■  (il-leth)  is  certainlv  the  meaning. 


72  IVhUley  Siokes. 

P.  310,  i.  25,  as  to  /()'.?/,  V.  supra,  p. 

P.  311,  midhcmain,  ivid.  .1.  l'cchain,  Lee.  Gloss.  385. 

P.  312,  tasca,  V.  supra,  p. 

—     s.  V.  tucsat,  /('/•  orthotonic  read  prototonic. 

For  many,  perhaps  most,  of  the  above  corrections  I  ani  indebted  to 
the  kindness  and  of  MrO.  J  Bergin,  prof  K.  Mever  and  the  Rev.  Charles 
Plumnicr.  Loiidon,  10  December,   1906. 

Whitlev  Stokks. 


PosT-scRiPTUM.  —  As  regards  iocdiii,  Mr  Plummer  has  iound  in  tiie 
Latin  Life  of  S.  MoHng  in  the  Codex  Kilenniensis  »  rivuluni  aque  de 
quodam  ampne  separavit  ipse  et  duxit  iHum...  ad  monasterium  per  unum 
miliarium.  » 

«  Promisit  S.  Molyng  semper  orare...  pro  peccatis  eorum  cui  ambulaturi 
sunt  illam  aquam...  more  peregrinandi.  » 

Thèse  extracts  explain  tôcdaii  and  non-imtii^fc  in  '^71. 

Whitlev  Stokes. 


CHRONIQUE 

DE    NUMISMATIQUE     CELTIQUE 


Dans  une  localité  indéterminée  du  département  de  la  Marne 
entre  Reims  et  Chàlons-sur-Marne,  en  novembre  1905,  on  a  dé- 
couvert un  grand  trésor  de  monnaies  d'or  gauloises  dont  j'a' 
examiné  environ  400  exemplaires  chez  divers  changeurs  de  Paris  '. 
La  trouvaille  ne  comprenait  probablement  que  les  deux  sortes  que 
j'ai  vues  :  i*^  Statères  attribués  aux  Morini (poids  moyen,  6  gr.  50; 
titre,  700, 1000);  2°  Statères  globuleux,  marqués  d'une  croix, 
semblables  à  ceux  qu'on  a  déjà  recueillis  non  loin  de  Reims  '  (poids 
moyen,  7  gr.  30;  titre,  685/1000). 

Un  autre  lot  de  14e  pièces,  provenant  du  même  trésor,  a  été 
étudié  par  M.  Victor  Tourneur,  conservateur-adjoint  au  Cabinet  des 
médailles  de  Bruxelles,  qui  a  exposé  une  hypothèse  intéressante 
au  sujet  des  pièces  globuleuses  5.  Ces  monnaies  coulées  négligem- 
ment sont  d'or  allié  d'argent  si  inégalement  que  des  analyses 
répétées  ont  donné  650,  675,  700  et  même  800  millièmes  d'or. 
M.  Tourneur  a  rappelé  les  provenances  de  pièces  globuleuses  que 
j'avais  indiquées  et  il  a  assimilé  les  statères  du  trésor  recueilli 
récemment  à  ceux  qu'on  a  trouvés  à  Moinville,  prés  de  Melun-t. 
Mais  il  faut  faire  une  distinction  très  importante  pour  la  question  : 
les  statères  recueillis  près  de  Melun  portent,  à  côté  de  la  croisette, 
un  petit  torques,  très  nettement  dessiné  5.  Ces  pièces  ne  peuvent 
donc  être  considérées  comme  appartenant  à  la  même  émission 


1.  J'ai  signalé  cette  trouvaille  dans  la  Kcvin'  numismatique,  1906,  p.  76. 
Malgré  mes  efforts  je  n'ai  pu  connaître  exactement  le  lieu  de  la  découverte. 

2.  Voy.  mon  Traité  des  monnaies  gauloises,  1905,  p.  476,  522  et  540; 
trésor  de  Sainte-Preuve  (Aisne). 

3.  U)U'  monnaie  de  nécessité  des  Bellovaques,  dans  la  Galette  numisnmtique 
de  Bruxelles,  t.  X,  1906,  p.  83-93,  i  fig. 

4.  Voy.  mon  Traité  des  m.  gaut.,  p.  591,  n"  220. 

5.  M.  Tourneur  raisonne  comme  si  une  seule  pièce  de  ce  genre  avait  été 
recueillie  et  émet  un  doute  sur  l'existence  du  symbole  signalé.  Mais  plu- 
sieurs exemplaires  ont  été  sûrement  recueillis  et  je  peux  en  signaler  un 
avec_  le  torques  très  distinct  (collection  du  D""  L.  Capitan). 


74  A.    Hhuchcl. 

M.  Tourneur  pense  que  le  poids  des  statures  globuleux  (7  gr. 
à  7  gr.  50)  autorise  à  les  rapprocher  du  poids  des  statures  bello- 
vaques  ordinaires  (7  gr.  20  à  7  gr.  80).  Il  rappelle  que  j'ai  consi- 
déré comme  contemporaines  des  campagnes  de  César  les  cachctf  s 
de  statères  des  Morini.  Or  on  a  vu  que  des  pièces  de  ce  peuple 
étaient  associées  aux  statères  globuleux  dans  le  trésor  de  Reims- 
Chàlons.  M.  Tourneur  cite  ensuite  les  passages  de  César  où  l'inimitié 
des  Bellovaci  contre  les  Rémi  est  mise  en  évidence.  On  sait,  enfin, 
que  les  Bellovaci  se  décidèrent  à  envoyer  avec  les  Morini  et  les 
autres  peuples  du  Nord  un  contingent  de  2000  hommes,  au 
secours  d'Alesia 

M.  Tourneur  suppose  donc  que  les  statères  globuleux,  produits 
d'une  fabrication  hâtive,  trouvés  en  1905,  avec  des  statères  des 
Morini,  sont  des  «  monnaies  de  nécessité,  coulées  par  les  Bellovaci 
«  à  l'occasion  de  l'expédition  de  secours  vers  Alesia  et  pour  la 
«  guerre  contre  les  Rémi  ».  Les  Bellovaci  les  auraient  semées  depuis 
Orléans  jusqu'à  Melun',  en  fuyant  vers  leur  pays  après  la  chute 
d'Alesia.  Enfin  les  dépôts,  découverts  dans  le  pays  des  Rémi,  y 
auraient  été  enfouis  par  les  Bellovaci  et  les  Morini,  qui  le  dévastaient 
lorsque  les  lésions  de  C.  Fabius  et  de  L.  Minucius  Basilus  y  arrivèrent 
au  secours  des  Rémi.  On  voit  que  l'hypothèse  est  ingénieuse.  Mais 
elle  soulève  des  objections  sérieuses. 

D'abord  les  pièces  recueillies  près  de  Melun  sont  siàrement  d'une 
émission  différente  et  d'une  fabrication  plus  soignée.  Ensuite,  il 
n'est  pas  admissible  que  les  Bellovaci,  revenant  d'Alise,  aient 
passé  par  Orléans;  leur  route,  naturelle  et  nécessaire,  était  la  vallée 
de  la  Seine  jusqu'au  pays  des  Tricasses  ;  de  là  ils  pouvaient 
repasser  sur  le  territoire  des  Rémi,  leurs  ennemis. 

Enfin,  l'objection  principale  est  celle-ci  :  Dans  quel  but  les 
Bellovaci  auraient-ils  fait  une  émission  monétaire  au  moment  de 
partir  vers  Alise  ou  chez  les  Rémi  ?  Les  Gaulois  ne  payaient  pas 
pour  lever  les  troupes  et  les  équiper;  chaque  peuple  avait  ses 
guerriers  et  la  nation  bellovaque  était  éminemment  militaire.  Les 
Bellovaci  ne  pouvaient  emporter  dans  leur  expédition  un  numéraire 
qu'aucun  autre  peuple  n'eût  accepté,  car  il  était  informe  et  plus 
imparfait  que  ceux  des  peuples  voisins.  D'abord  à  cette  époque, 
les  lois  de  la  guerre  étaient  encore  plus  dures  qu'aujourd'hui  :  on 
ne  payait  pas,  on  prenait.  Il  est  donc  peu  vraisemblable  que  les 
Bellovaci  aient  promené  leur  trésor  devant  Alise-  ou  chez  les 
Rémi.    Si   Ton   admettait   que   les  monnaies  globuleuses   ont    été 


1.  La  phrase  de  M.  Tourneur  («  les  pièces  semées  -de  Cenabum  à 
Melodunum  »  )  fait  allusion  aux  statères  globuleux  dont  j'ai  signalé  la 
dé-:ouverte  à  Orléans.  Mais  on  en  a  trouvé  aussi  ailleurs. 

2.  On  n'a  pas  trouvé  de  statères  globuleux  dans  les  fouilles  des  retran- 
chements d'Alise  où  plus  d'un  Bellovaque  a  dû  succomber. 


Chronique  de  iiuiiihinatiqiic  ceJlique.  75 

enlises  par  les  Bellovacr,  il  serait  préférable  de  supposer  qu'elles 
ont  été  coulées  sur  le  territoire  des  Renii  avec  le  produit  du 
pillages  Enfin,  remarquons  que  les  statéres  des  Morini,  recueillis 
entre  Reims  et  Chàlons-sur-Marne,  présentent  des  différences  assez 
sensibles,  qui  indiquent  des  émissions  successives.  Et,  parmi  les 
pièces  globuleuses  que  j'ai  pu  examiner,  un  certain  nombre 
paraissaient  avoir  circulé.  Il  est  donc  peu  probable  que  le  trésor 
de  Reims-Châlons  ait  été  enfoui  très  peu  de  temps  après  la  fabrica- 
tion des  pièces. 

II.  M.  O.  Vauvillé  a  réuni  toutes  les  variétés  de  monnaies 
portant  le  nom  de  Criciru  *,  qui,  comme  on  le  sait,  ont  été 
recueillies  en  grand  nombre,  dans  Toppidum  de  Pommiers,  qui 
est  peut-être  le  Noviodunum  Suessionum  +.  L'auteur  a  indiqué  un 
certain  nombre  d'autres  provenances;  mais  son  relevé  eût  pu  être 
plus  complet,  s'il  eût  consulté  simplement  mon  Traité.  Pour  les 
pièces  de  bronze,  les  variétés  sont  nombreuses  et  les  déformations 
de  types  et  de  légende  indiquent  un  monnayage  assez  prolongé. 
La  tête,  coiffée  d'un  casque  hémisphérique,  est  généralement 
imberbe  ;  on  connaît  cependant  des  exemplaires,  beaucoup  plus 
rares,  où  la  tête  porte  une  barbe  en  pointe.  Le  cheval  ailé  du 
revers,  avec  l'aile,  soit  arrondie  soit  triangulaire,  est  toujours  à 
gauche.  La  légende  est  généralement  CRICIRV;  mais  on  a  un 
bon  nombre  de  variétés  donnant  la  forme  CRICIRONIS  ^• 
M.  Vauvillé  dit  que  le  revers  de  cette  monnaie  présente  des  variétés 
plus  nombreuses  que  le  droit  (ce  qui  ne  me  paraît  nullement 
prouvé)  et  donne  de  ce  fait  l'explication  suivante  :  le  coin  fixe  de 
la  tête  aurait  été  concave,  car  le  droit  des  pièces  est  toujours 
convexe.  Il  eût  par  suite  été  plus  solide  que  le  coin  mobile  et 
convexe  du  revers  ;  le  résultat  nécessaire  aurait  été  un  changement 
plus  fréquent  du  coin  du  revers.  Je  crois  que  la  forme  hypothétique 
des  coins  de  Criciru  eût  été  peu  pratique  et  qu'elle  eût  donné  des 
résultats  contraires  .à  ceux  que  suppose   M.  Vauvillé.  En  eftet,  la 


1.  Ce  qui  me  paraît  difficile,  puisque  les  produits  d'une  autre  émission 
sont  localisés  près  de  Melun. 

2.  On  serait  d'ailleurs  autorisé  tout  autant  à  dire  que  ce  numéraire  fut 
fabriqué  par  les  Rémi,  dans  cette  période  critique. 

3.  Rev.  uumisuiatique,   1906,   p.  117-131,  31  fig. 

4.  M  Vauvillé  a  publié  un  nouvel  inventaire  de  monnaies  gauloises  et 
romaines,  recueillies  à  Pommiers,  dans  un  mémoire  récent  (Ueuceiutc  de 
Pommiers,  Noviodunuiii  des  Siiessioiies,  1906,  p.  35  a  43;  extr.  des  Méiii.  de 
Iti  Soc.  des  Antiq.  de  France). 

5.  M.  Vauvillé  a  donné  des  transcriptions  de  légendes,  qui,  à  première 
vue,  paraissent  très  différentes  (no^  11,  12  et  15).  En  réalité  il  s'agit  sim- 
plement de  légendes  dont  les  lettres  sont  déformées.  Le  no  9  doit  être  mal 
lu  pour  la  7e  lettre,  qui  est  probablement  un  O  et  non  un  D.  —  On  sait 
que  Charles  Robert  faisait  de  Criciroiiis  le  génitif  de  Criciru. 


76  J.   BlcDichct. 

bordure  circulaire  du  coin  concave  n'aurait  pas  tardé  à  s'écraser, 
car  la  pression  eût  été  plus  forte  sur  les  bords  qu'au  centre  où  le 
métal  du  flan  avait  plus  de  place  pour  s'étaler. 

Les  monnaies  d'argent  de  Cricini  portent  un  buste  jeune ',  avec  le 
cou  paré  d'un  torques.  Au  revers,  un  cheval,  non  ailé,  est  accom- 
pagné d'un  dauphin.  La  légende  est  CRICIRV  et  l'on  rencontre 
quelques  déformations  qui  n'ont  pas  de  valeur  scientifique. 

Enfin,  la  monnaie  d'or  porte  une  dégénérescence  de  la  tête 
laurée,  à  rapprocher  de  celle  qui  est  empreinte  sur  les  statères  des 
Rémi  et  des  Nervii.  Au  revers,  on  voit  un  clieval  accompagné 
d'une  fibule  et  de  divers  emblèmes  (étoile,  S  couché,  rouelle  ou 
annelets).  La  légende  est  CRICI  a^^  droit  ou  CRICIRV  au  revers. 

Des  conclusions  de  M.  Vauvillé,  nous  accepterons  celle  qui  fait 
de  Criciru  un  personnage  -  suession.  Le  monnayage  a  probablement 
duré  pendant  un  temps  assez  prolongé;  mais  je  ne  saurais  admettre, 
avec  -M.  Vauvillé,  que  la  preuve  de  ce  fait  soit  tirée  des  effigies  des 
monnaies.  Nous  ne  sommes  pas  autorisés  à  dire  que  ces  monnaies 
portent  le  portrait  du  chef  Criciru.  La  question  des  portraits  véri- 
tables sur  les  monnaies  gauloises  est  loin  d'être  tranchée  s.  Il  n'v 
a  d'ailleurs  aucun  rapport  entre  la  tête  casquée  des  monnaies  de 
bronze  et  la  tête  nue,  parée  du  torques,  que  portent  les  monnaies 
d'argent.  Je  verrai  volontiers  sur  les  monnaies  de  Criciru  des  types 
imités  de  types  romains  :  le  Pégase  est  là  pour  nous  faire  penser 
à  d'autres  emprunts  du  même  genre  +. 

III.  A  propos  d'un  petit  bronze  d'Auguste  au  revers  de  l'aigle 
éployé,  dont  les  exemplaires  seraient  très  communs  à  Alise,  on  a  dit 
récemment  :  \°  que  cette  monnaie  a  certainement  été  frappée  en 
Gaule,  parce  qu'elle  a  été  plusieurs  fois  imitée  <<  par  les  monnaveurs 
barbares  »  ;  2°  que  la  frappe  pourrait  en  être  attribuée  «  à  l'atelier 
«  inconnu  (peut-être  Eduen)  duquel  sont  sortis,  non  seulement 
«  les  pièces  au  revers  GER!VIAN»/S  INDVTILLIL,  mais  aussi,  sans 
«  doute,  les  petits  bronzes  d'Auguste  au  revers  du  taureau  cornu- 
"  pète  »  5.  Je  crois  bien  que  la  solution  de  ces  problèmes  n'est  pas 
aussi  facile  que  le  ferait  croire  l'exposé  rapide  qu'on  vient  de  lire. 

J'ai  déjà  dit  ailleurs  quelques  mots  du  bronze  à  l'aigle  éplové, 
dont  on  a  trouvé  six  exemplaires  à  Sens,  en   1897  '',  et  d'autres  sur 

1.  M.  Vauvillé  signale  une  variété  avec  une  tête  barbue,  sans  torques 
(no  28). 

2.  Je  ne  dis  pas  un  «  chef»,  comme  le   fait  M.  Vauvillé. 

3.  Voy.  ce  que  j'en  ai  dit  dansmon  Traité  des  m.  i^aul.,  p.  153-157. 

4.  Il  est  bien  regrettable  que  M.  Vauvillé  ait  omis  de  comparer  le  mon- 
nayage de  Cricini  avec  celui  de  Roveca,  localisé  chez  les  Meldi.  J'avais  déjà 
indiqué  Futilité  de  cette  comparaison  (Traite,  p.  364). 

5.  Seymour  de  Ricci,  Bulletin  des  fouilles  d'Alise,  publié  dans  Pro  Alesia, 
1906,  no  I,   p.   7. 

6.  Examen  des  monnaies  i^auloi^es  cl  romaines  recueillies  à  Sens,  en  i8^j, 
dans  Butl.  So'-.  archcol.  de  Sens.  t.  XXI,  1905,  p.  247. 


Chronique  de  nuinismatique  celtique.  77 

divers  points  de  la  Gaule.  Cette  monnaie  à  l'aigle  a  été  copiée 
comme  ornement  sur  un  vase  d'Arezzo  '  et  d'autre  part,  la  frappe 
et  le  style  en  sont  meilleurs  que  ceux  des  bronzes  de  Lugduinim, 
puisque  les  deux  côtés  de  la  monnaie  sont  de  bon  travail.  Il  y  a 
donc  des  présomptions  en  faveur  de  la  frappe  de  cette  monnaie  dans 
l'atelier  de  Rome. 

Quant  au  bronze  d'Auguste  avec  le  revers  du  taureau  cornupéte, 
je  crois  aujourd'hui  qu'il  est  sorti  de  l'atelier  de  Lugduvum  ^,  qui 
fut  sûrement  le  grand  atelier  officiel,  organisé  en  Gaule,  sous  le 
régne  d'Auguste.  Il  y  a  une  différence  notable  entre  les  bronzes 
d'Auguste  au  taureau,  dont  le  style  reste  sensiblement  égal,  et  les 
bronzes  de  Germauus.  dont  je  connais  de  nombreuses  variétés. 
Dans  l'état  actuel  de  la  question,  on  ne  saurait  admettre  que  les 
deux  monnaies,  d'aspect  très  différent,  sont  sorties  du  même 
atelier. 

IV.  Il  V  a  quelques  mois,  M.  Friedrich  Kenner  publiait  une 
monnaie  celtique  qui  présente  un  grand  intérêt  '.  En  voici  la  des- 
cription : 

GESATORIX-RE--  Buste  imberbe  à  droite,  avec  une  couronne 
de  laurier  (?)  ou  une  coiffure  ornée  d'un  diadème. 

Revers.  ECRITVSIRIRECM-  Buste  analogue  d'un  dessin  diffé- 
rent. Diamètre,  26  mili.  ;  poids,  11  gr.  96.  Muséum  Carolino- 
Augusteum  de  Salzbourg. 

Cette  pièce  a  été  trouvée,  en  juin  1904,  sous  une  pierre,  dans  le 
massif  montagneux  de  la  Tauern  de  Mallnitz  ou  Basse  Tauern,  à 
environ  2400  mètres  d'altitude,  entre  la  région  de  Salzbourg  et  la 
Carinthie.  La  monnaie  appartient  à  cette  série,  localisée  au  sud  des 
Alpes  entre  Cilli  et  Udine,  et  qui  comprend  les  pièces  avec  les 
légendes  Adnania,  Neiuel  et  Atta.  Les  deux  noms  Gesaiorix  et  Ecri- 
lusirus  sont  nouveaux  dans  cette  série,  et  M.  Wilhelm  Kubitschek 
vient  de  les  étudier  récemment  ■*.  Il  pense  que  les  deux  légendes 
doivent  être  réunies  et  lues  ainsi  :  G{a^esalorix  re\x\  Ecritusiri 
regÇis)  JîlÇius),  et  rapproche  cette  lecture  des  inscriptions  de 
diverses  monnaies  gauloises,  bretonnes  et  romaines,  dont  les 
légendes  du  droit  et  du  revers  doivent  être  réunies. 


1.  Ce  vase  a  s<  rvi  de  modèle  aux  potiers  de  Lezoux.  Du  fait  que  des 
vases  gallo-romains  portent  aussi  la  reproduction  de  la  monnaie  à  l'aigle, 
on  ne  saurait  donc  conclure  que  cette  pièce  a  été  frappée  en  Gaule. 

2.  Les  raisons  de  cette  opinion  sont  celles  que  j'ai  données  à  propos  de  la 
première  mornaie  de  Liiodunuiii  (Traité  des  m.  Gauh,  p.  429). 

3.  Fr.  Kenner,  KeJtische  Miii!~e  voiii  Malhut:ier  Tauern  an  der  Gren:^e 
liulschen  Sal:ihurcr  und  Kârnthcn,  dans  les  MittheiJungen  â.  k.  k.  Zenlral 
koinuiission,  3^  s'^,  t.  IV,  Vienne,  1905,  co!.   159-161,  fig.  41. 

4.  W.  Kubitschek,  Kôiiij^  Ecritusirus  dans  Jahresheften  des  osierreichischeii 
anhïoloo-iscben  Iiisfitiilcs.  t.  IX,  1906,  p.  70-74,   fig.  21. 


78  A.  Blanche l. 

Le  nom  Gaesatorix  est  connu  par  des  textes  de  Strabon  et  de 
Polybe.  Q.uant  à  Ecriltisims,  c'est  peut-être  le  même  nom  que  celui 
de  Kritasiro'^,  roi  des  Taurisci,  qui  avait  été  mis  en  déroute,  avec 
les  Boïens,  par  Burebista,  roi  des  Daces,  à  l'époque  de  César  '.  Les 
noms  celtiques  dont  la  iinale  est  -sirus  sont  rares  ;  d'autre  part  le 
E  prosthétique  est  possible,  de  même  que  la  chute  de  la  même 
lettre  dans  le  texte  grec.  Hn  tout  cas,  Crilo  et  Hcrito  sont  connus 
par  une  marque  de  potier,  des  inscriptions  de  Narbonne  et  une 
monnaie  gauloise  ÇEkrifo)  '.  Remarquons  encore  qu'on  a  les  formes 
Critognatus,  Ecritogtialiis,  pour  le  nom  d'un  Arverne  cité  par  César. 
Les  monnaies  du  groupe  auquel  appartient  la  pièce  décrite  plus 
haut  sont  contemporaines  î  du  fait  histcMique  rapporté  par  Strabon. 
L'hypothèse  de  AL  Kubitschck,  que  Gaesatorix  serait  le  fils  d'Ecri- 
tasiros,    vaincu   par   Burebista,   offre  donc    une    part   suffisante  de 


probabilité. 


Adrien   Blanchkt 


1.  Strabon,  VIII,  3,  11,  et  5,  2. 

2.  Vov.  mon  Traite,  p.    119  et    389.  On  connaît  aussi  Inccrilnrix  {Ibid., 
p.  383).' 

3.  On  en  a  trouvé  avec  une  monnaie  romaine  datée  de  43.  av  J.-C. 


NÉCROLOGIE 


G.  ASCOLI 

Nolicc  lu'crolooique  lue  à    V Acadcniie  des  inscriptions   et    helles-Ieltres. 

Un  des  plus  anciens  et  des  plus  illustres  parmi  vos  associés  étrangers, 
M.  le  professeur  Graziadio  Ascoli,  sénateur  du  royaume  d'Italie,  est  mort 
à  Milan,  le  20  janvier,  à  l'âge  de  soixante-dix- huit  ans. 

Ascoli  occupe  un  rang  très  élevé  dans  le  groupe  des  savants  du  xix^ 
siècle  qui  ont  constitué  la  linguistique  moderne.  Hébraïsant  dès  l'enfance  — 
il  était  de  naissance  Israélite  —  un  goût  tout  spontané  le  porta  de  bonne 
heure  vers  Tétude  des  langues  romanes;  âgé  de  seize  ans  à  peine,  il  étonna 
les  philologues  par  un  travail  comparatif  sur  les  parlers  de  la  Valachie  et 
du  Frioul.  Bientôt,  outre  le  grec  et  le  latin,  il  apprit  le  sanscrit,  le  zend,  le 
gothique,  le  lithuanien,  les  langues  slaves,  presque  toutes  celles  de  l'Eu- 
rope moderne,  v  compris  le  tsigane  et  les  dialectes  néo-grecs  comme  le 
tsaconien.  Mieux  armé  qu'aucun  de  ses  contemporains  pour  la  recherche 
des  lois  du  langage  dans  le  vaste  domaine  conquis  par  son  zèle  de  poly- 
glotte, il  fonda,  à  vingt-cinq  ans,  la  première  Revue  de  linguistique  qu'ait 
possédée  l'Italie,  Stiulii  orientali  e  liiiguistici.  En  1860,  il  eut  l'honneur 
d'inaugurer  à  Milan,  où  il  le  continua  jusqu'en  1902,  l'enseignement  d'une 
science  depuis  longtemps  négligée  dans  la  Péninsule  ;  la  plupart  des  ouvrages 
qu'il  publia  dès  lors  furent  le  fruit  de  ses  leçons,  où  se  sont  formées  des 
générations  de  linguistes.  Ses  principaux  livres  ont  été  traduits  en  allemand 
et  ont  exercé  une  influence  durable  au  delà  des  monts.  Non  moins  utile  fut 
l'excellent  périodique  qu'il  créa  en  1875,  sous  le  titre  d'Archri'io  o-lottologico 
italiano,  où  il  a  publié  une  foule  de  mémoires  sur  les  langues  de  l'Inde  et 
de  l'Italie,  objets  favoris  de  son  étonnante  activité. 

Convaincu  de  la  parenté  originaire  des  familles  de  langues  aryennes  et 
sémitiques,  Ascoli  n'a  pas  trouvé  beaucoup  d'adhérents  sur  ce  terrain  de 
comparaison,  où  peu  desavants,  d'aillleurs,  étaient  capables  de  se  mesurer 
avec  lui.  Mais  il  se  révéla  maître  incontesté  dans  la  phoriétique  des  langues 
indo-européennes  et  des  langues  romanes.  Un  des  premiers,  il  introduisit 
dans  ces  recherches  la  phonétique  physiologique,  la  connaissance  minu- 
tieuse des  notations  des  sons  par  l'épigraphie,  l'idée  féconde  que  les  diffé- 
rences phonétiques  des  langues  de  même  souche  sont  dues  soit  au  contact 


8o  Nécrologie. 

de  langues  d'autres  familles,  soit  à  l'habitude  bien  des  fois  séculaire  d'une 
langue  indigène  chez  les  peuples  qui  adoptèrent  une  langue  importée.  C'est 
ainsi  qu'il  mit  en  lumière,  dans  le  sanscrit  védique,  l'influence  des  langues 
dravidiennes  de  l'Inde,  comme  celle  des  langues  celtiques  dans  certains  par- 
1ers  de  l'Italie.  L'étude  des  dialectes  italiens  modernes  reçut  de  lui  une 
énergique  impulsion  Sur  les  confins  du  domaine  italien,  il  fut  le  premier 
à  analyser  scientifiquement,  dans  sa  complexité  et  sa  corruption,  la  pho- 
nétique du  groupe  rhéto-roman  ou  ladin,  auquel  il  consacra  un  mémoire 
célèbre  en  1872.  La  recherche  des  influences  celtiques  ou  germaniques  le 
conduisit,  d'une  part,  à  l'étude  des  dialectes  du  sud-est  de  la  France  et 
de  la  Suisse,  intermédiaires  entre  le  français  et  le  provençal,  et  de  l'autre  à 
celle  des  langues  celtiques  du  moven  âge,  en  particulier  de  l'irlandais.  Il 
publia,  depuis  1878,  un  commentaire  philologique  approfondi  sur  le  vieux 
manuscrit  irlandais  de  la  bibliothèque  ambroisiennede  Milan.  Vers  la  même 
époque,  avec  cette  puissance  d'enc\-clopédiste  qui  lui  permettait  de  passer 
sans  eftort  d'un  sujet  à  l'autre,  il  enrichissait  l'épigraphie  hébraïque  d'un 
travail  de  premier  ordre  sur  les  inscriptions  juives  du  ro\-aume  de  Naples  et 
de  la  catacombe  de  Venosa. 

Je  ne  saurais  exposer  ici,  même  en  substance,  les  mémorables  conquêtes 
d'Ascoli  dans  le  domaine  spécial  delà  philologie  ar\-enne.  Ses  découvertes, 
qui  concernent  particulièrement  les  gutturales  et  les  palatales  de  la  langue 
mère,  dont  elles  aftectent  également  le  vocalisme,  sont  d'une  telle  portée  et 
d'une  telle  richesse  que  Fritz  Bechtel,  dans  son  Histoire  de  la  plmnctique 
depuis  Schleichcr,  publiée  en  1892,  eut  besoin  de  près  de  vingt-cinq  pages 
pour  les  résumer.  Le  développement  ultérieur  des  études  de  phonétique 
indo-européenne  par  MM.  de  Saussure,  Brugiiiann  et  d'autres,  a  été  pré- 
paré et  prévu,  dans  une  large  mesure,  par  le  génie  du  grand  linguiste  ita- 
lien. C'est  là  un  h()mmage  que  les  maîtres  plus  jeunes  lui  rendent  à  l'envi 
depuis  trente  ans. 

Ascoli  ne  rechercha  pas  les  honneurs,  mais  il  en  reçut  beaucoup.  Membre 
de  la  plupart  des  sociétés  savantes  de  l'Europe,  il  fut  élu  associé  de  votre 
Académie  en  1891,  à  la  place  de  l'indianiste  Gorresio  ;  il  était  votre  corres- 
pondant depuis  1877  et  avait  reçu  de  l'Institut  de  France,  en  1885,  pour 
ses  Leltere  glottolo^iche,  le  prix  Volney.  Hn  1889,  le  roi  d'Italie  l'avait 
nommé  sénateur.  Milan  lui  a  fiiit  des  funérailles  solennelles.  .'\ux  voix  élo- 
quentes qui  se  sont  élevées  sur  sa  tombe  pour  rappeler  une  existence  si 
bien  remplie,  la  respectueuse  sympathie  de  ses  confrères  de  France  ne  pou- 
vait manquer  ici  de  faire  écho. 

Salomon  Rein.^ch. 


CHRONiaUE 


Sommaire.  —  I.  Travers,  De  la  persistance  de  la  langue  celtique  en  Basse-Bretagne 
depuis  l'établissement  des  Celtes  dans  la  péninsule  armoricaine  jusqu'à  nos  jours. 

—  II.  Ele.\nor  Hull,  a  Tcxt-book  of  Irish  Literature.  —  III.  Philippe  de 
Félice,  L'autre  monde,  mythes  et  légendes,  le  purgatoire  de  saint  Patrice.  — 
IV.  M.  Sheean,  Sean-caint  na  n-Deise.  —  V.  Alfred  Holder,  Die  Reiche- 
nauer  Handschritten.  —  VI.  V"=  Hervé  du  Halgouet,  Essai  sur  le  Porhoet, 
le  comté,  sa  capitale,  ses  seigneurs.  —  VII.  Jessie  L.  Weston,  The  Legend  of 
sir  Perceval,  vol.  I.  Chrétien  de  Troyes  and  Vauchier  de  Denain.  —  VIII. 
J.  Vessereau,  Rutilius  Namatianus,  édition  critique.  —  IX.  René  Pichon,  Les 
derniers  écrivains  profanes,  les  panégyristes.  —  X.  Adrien  Blanchct,  Les 
enceintes  romaines  de  la  Gaule.  —  XL  Edouard  Mariette,  The  roman 
Walls.  —  XII.  DucHESNE,  Autonomies  ecclésiastiques.  —  XIII.  Hermann  Hirt, 
Die  Indogernianen.  tome  IL  —  XIV.  Thésaurus  linguae  latinae,  editus  auctoritate 
et  consilio  academiarium  quinque  Germanicarum,  vol.  IL  —  XV.  Ludwig 
Traube,  Quellen  und  Untersuchungen  zur  latcinischen  Philologie  des  Mittelalters. 

—  XVI.  Victor  Lederer,  Ueber  Hcimat  und  Ursprung  der  mehrstimmigen 
Tonkunst  —  XVII.  E.  C.  CIuiggin.  A  Dialect  of  Donegal.  —  XVIII.  Robert 
HuNTiNcrON  Fletcher,  Studies  and  Notes  in  Philology  and  Literature.  — 
XIX.  Anatole  Le  Braz,  Le  théâtre  celtique.  —  XX.  Roger,  L'enseignement 
des  lettres  classiques  d'Ausone  à  Alcuin.  —  XXI.  J.  Nanglard,  Le  livre  des 
fiefs  de  Guillaume  de  Blaye,  évêque  d'AngouIême.  —  XXII.  Louis  Halphen, 
Le  comté  d'Anjou  au  xi"  siècle.  —  XXIII.  A.  Carnoy,  Le  latin  d'Espagne 
d'après  les    inscriptions.    —  XXIV.   Kuno  Meyer,    Ancient  Gaelic   Poetry.    — 

XXV.  ¥,.  W.  R.  Nicholson,  A.  W.  Wade  Evans  dans  Y  Cymmrodor,  t.  XIX. — 

XXVI,  Kuno  Meyer  dans  Todd  Lectures  séries,  t.  XIV.  —  XXVIl.  AlbertCuny, 
Le  nombre  duel  en  grec,  Les  préverbes  dans  le  Çatapathahrâhinaiia .  —  XXVIII. 
Ch.  Brusson,  Les  colonies  grecques  d'après  l'Ancien  Testament.  —  XXIX. 
H.  Kern,  Vaitulya,  Vctidla,  Vctulyaka.  —  XXX.  Louis  Gougaud,  Un  point 
obscur  de  l'itinéraire  de  saint  Columban  venant  en  Gaule. 

I 

Notre  savant  confrère  M.  J.  Loth  a  écrit  :  qu'au  ye  siècle  la  péninsule 
armoricaine  était  complètement  romaine  de  langue  et  de  culture  '.  Pour 
réfuter  cette  thèse,  M.  Albert  Travers,  directeur  des  postes  et  télégraphes 
en  retraite,  inspecteur  général  honoraire,  a  écrit  une  brochure  de  io6  pages 
dont  le  titre  est  :  De  la  persistance  de  la  langue  celtique  en  Basse-Bretagne 
depuis  TétahUsse)iient  des  Celtes  dans  la  Péninsule  armoricaine  jusqu  à  nos  jours. 


I.   Ucniigration  bretonne  en  Annorique  du   F*  an  J^II^  siècle  de  notre  ère, 
p.  235. 

Revue  Celtique,    XXVIII.  6 


82  Chronique. 

Il  ne  donne  pas  ce  nous  semble  une  seule  preuve  valable  à  l'appui  de  sa 
doctrine.  Toutefois,  il  est  intéressant  de  voir  comment  peut  encore  être 
défendue  aujourd'hui  une  thèse  généralement  abandonnée,  mais  qui  a  eu 
jadis  de  nombreux  partisans. 


Une  œuvre  d'une  toute  autre  valeur  est  le  volume  que  Miss  Eleani^.r 
Hull  a  intitulé  :  A  Text  Book  of  Irish  Literahiie  '.  C'est  un  résumé  de  la 
littérature  la  plus  ancienne  de  l'Irlande,  tant  païenne  que  chrétienne.  Un 
second  volume  parlera  des  annales  et  de  la  littérature  ossianique.  II.  est  à 
regretter  que  l'analyse  de  chaque  morceau  ne  soit  pas  accompagnée  de  l'in- 
dication de  l'édition  ou  des  éditions  où  l'on  peut  trouver  le  texte  irlandais. 
Miss  Eleanor  Hull  nous  promet  une  bibliographie  dans  le  second  volume 
à  venir.  Ce  sera  moins  commode  que  ne  le  seraient  des  notes  nu  bas  des 
pages  dans  ce  volume-ci.  Autre  critique  :  le  même  volume  débute  par  une 
table  des  chapitres  ;  il  n'y  a  pas  de  renvois  aux  pages.  Enfin  on  peut  être 
étonné  de  trouver  dans  ce  volume,  p.  85-87,  l'analyse  des  deux  morceaux 
intitulés  Aidai  chloiiiuc  Lir  «  Mort  tragique  des  enfants  de  Ler  »,  Aided 
chhiune  Tuireiin  «  Mort  tragique  des  enfants  de  Tuireann  »,  qui  ne  peuvent 
guère  remonter  au  delà  du  xviiie  siècle.  Miss  Elanor  Hull  dit,  p.  87,  que 
dans  le  glossaire  de  Cormac  écrit  vers  l'an  900,  les  fils  de  Tuireann  sont 
mentionnés.  Je  ne  les  trouve  pas  dsinsV  Index  of  Persans  mis  par  M.  Whitlev 
Stokes  à  la  fin  du  Connac's  Glossary.  E.  O'Currv,  AUantis,  t.  III,  p.  597,  a 
écrit  que  la  plus  ancienne  mention  des  fils  de  Tuireann  se  trouve  dans  le 
Book  of  Lecan  qui  date  de  1416. 

Ce  sont  de  légères  critiques  au  sujet  d'un  bon  livre. 

III 

M.  Philippe  de  Felice,  hanté  par  le  désir  d'étudier  le  Folk-lore  chrétien, 
est  allé  en  Irlande  visiter  le  Purgatoire  de  saint  Patrice  qui  apparaît  dans  la 
littérature  latine  vers  la  fin  du  xiie  siècle,  chez  Jocelin,  Vie  de  saint 
Patrice,  chez  Giraud  de  Barri,  Topo^^raphia  ////ww/Vj,  et  dans  l'ouvrage  spé- 
cialement consacré  au  purgatoire  de  saint  Patrice  par  Henri  de  Saltrey.  Ce 
lieu  merveilleux  dut  ensuite  une  grande  célébrité  à  ÏEspiir<^iitoire  Sciiit 
Patrii  de  Marie  de  France.  Il  était  situé  dans  une  ile  d'un  lac  appelé  Lough 
Derg,  lequel  se  trouve  dans  la  partie  méridionale  du  comté  de  Donegal  en 
Ulster.  Il  ne  faut  pas  confondre  ce  Lough  Derg  avec  un  autre  lac  qui  porte 
le  même  nom  et  qui  est  traversé  parle  Shannon  comme  le  lac  de  Constance 
par  le  Rhin,  comme  le  lac  de  Genève  par  le  Rhône  ;  ce  second  Lough 
Derg  est  situé  entre  le  Connaught  et  le  Munster,  beaucoup  plus  au  sud 
que  le  premier  ;  c'est  de  lui  qu'il  est  question  dans  la  Vie  tripartite  de  saint 
Patrice  -,  où   il  ne  se  trouve    pas    la    moindre  allusion  au    fameux  purga- 

1.  Dublin,  M.  H.  Gill  and  son,  Londres,  David  Nutt,  petit  in-S"  de 
292  pages  dont  22  non  numérotées  et  dix  paginées  en  chiffres  romains. 

2.  Whitley  Stokes,  The  tripartile  Life  of  Patrick,  p.  88. 


Chronique.  83 

toire.  La  Vie  tripartite  date  probablement  du  XF  siècle  ',  elle  est  par  consé- 
quent antérieure  à  la  création  de  la  légende  dont  nous  parlons.  Le  célèbre 
purgatoire  était  probablement  une  allée  couverte  terminée  par  une  salle 
ronde  voûtée  en  encorbellement  comme  le  célèbre  monument  de  New- 
Grange,  situé  sur  la  rive  gauche  de  la  Boyne,  et  qui  est  un' tombeau  préhis- 
torique, modeste  équivalent  irlandais  des  pyramides  d'Egypte.  Le  monu- 
ment deNew-Grange  existe  encore.  Malheureusement  celui  de  LoughDerg 
en  Donegal  a  été  détruit  :  on  a  depuis  prétendu  le  rebâtir,  mais  ce  monu- 
ment nouveau  n'a  aucune  valeur  archéologique.  On  lira  cependant  avtc 
intérêt  l'ouvrage  de  M.  de  Felice-.  Je  dirai  toutefois  que  je  ne  partage  pas 
ses  doutes  sur  l'existence  même  de  saint  Patrice.  On  a  attribué  à  ce  célèbre 
apôtre  de  l'Irlande  des  miracles  inadmissibles.  Soit.  Mais,  on  pourrait  écrire 
une  vie  fabuleuse  de  M.  de  Felice,  il  ne  serait  pas  légitime  d'en  conclure 
que  M.  Philippe  de  Felice,  pasteur  adjoint  au  temple  de  Panthemont  à 
Paris  et  auteur  du  volume  dont  nous  parlons,  n"a  jamais  existé. 


IV 

L'établissement  des  Deisi  en  Munster  est  un  des  faits  les  plus  connus  de 
l'histoire  d'Irlande. 

Le  Rév.  M.  Scheean,  Michedl  O'Siothchàin,  professeur  au  collège  de  Ma\- 
nooth,  a  intitulé  Sean-caint  iia  ii-Deise,  Vieille  langue  Jes  Deisi  ^,  une 
étude  sur  la  langue  actuelle  du  Munster  oriental,-  principalement  dans  la 
paroisse  de  Ring,  comté  de  Waterford.  Il  a  fait  œuvre  méritoire,  mais 
n'échappera  pas  à  quelques  critiques.  D'abord  pourquoi  dans  son  titre  quali- 
fier de  vieille  une  kmgue  i-noderne  ?  C'est  au  me  siècle  de  notre  ère 
que  les  Deisi  sont  venus  s'établir  en  Munster  t.  La  langue  que  parlent  leurs 
descendants  au  xx''  siècle  n'est  pas  celle  du  me.  L'auteur  commence  par 
une  grammaire  qui  traite  1°  de  la  prononciation,  2°  des  prépositions.  30  des 
noms,  4'^'  des  noms  de  degré  et  des  expressions  de  parenté,  50  des  expres- 
sions employées  pour  temps  et  compte,  6"  des  pronoms,  7°  des  propositions 
conditionnelles,  8°  des  verbes,  9°  des  adjectifs,  10°  des  adverbes.  Pourquoi 
n'avoir  pas  suivi  l'ordre  habituel  des  grammaires?  Vient  après  cela  une 
seconde  partie  qui  commence  par  une  nomenclature  de  noms  de  plantes. 
Suivent  dix  petits  morceaux  de  prose  en  dialecte  de  Ring.  Le  premier 
débute  pour  nous  apprendre  que  la  paroisse  de  Ring,  pitroiste  ini  Ri/me  est 
l'endroit  le  plus  salubre  de  1  Irlande. 


1.  Whitley  Stokes,  The  tripartite  Life  of  Patrick,  p.  lxxiii. 

2.  L'antre  monde.  Mythes  et  légendes.  Le  purgatoire  de  saint  Patrice.  Paris, 
Champion,  1906,  in-8",   195  pages. 

5.   Dublin,  Gill  and  Son,  1906. 

4.  Annales  de  Tigernach,  publiées  par  Whitley  Stokes,  Revue  Celtique. 
t.  XVII,  p.  19-20  Annales  des  quatre  maîtres,  édition  d'O'Donovan,  t.  I, 
p.  1 14  et  115,  note  n. 


84  Chroni(jiie. 


L'infatigable  Dr.  Alfred  Holder  vient  de  faire  paraître  11  premier 
volume  du  catalogue  des  mss.  de  Reichenau  conservés  dans  la  biblio- 
thèque dont  il  a  la  garde  à  Karlsruhe  '.  Plusieurs  de  ces  mss.  sont 
importants  au  point  de  vue  des  études  celtiques.  Q.uoique  les  textes 
contenus  dans  ces  mss.  aient  en  général  été  publiés,  il  est  intéressant 
de  les  retrouver  dans  le  catalogue  de  la  bibliothèque  de  Carisruhe, 
où  les  éditeurs  des  siècles  à  venir  devront  les  consulter,  telles  sont  :  i" 
p.  327,  396,  397,  439,  les  gloses  irlandaises  du  ix"^  siècle,  dont  la  der- 
nière édition  a  été  donnée,  par  MM.  Whitley  Stokes  et  Strachan,  au 
Lome  II,  p.  1-30,  225-230  du  Thésaurus  paheohihernicus  ;  2'^  p.  229,  les 
quelques  mots  irlandais  intercalés  au  xie  siècle  dans  une  vie  latine  de  saint 
Findan  (t.  II,  p.  248,  422  du  Thésaurus  palaeohibernicus)  ;  30  p.  68,  la  col- 
lection des  canons  irlandais,  commencement  du  ix^  siècle,  voir  les  y.  55- 
16)  de  Wasserschleben,Z)?>  irische  Kanouensannulung,  2^  édition  ;  4°  p.  256, 
L-  Poeuitcutiale  Cunnueaui,  viii^-ixe  siècle,  édité  par  Schmit,  aux  pages  611- 
645  de  Die  Bu^shùcher  und  die  Bussdiscipliii  iler  Kircije;  5°  p.  50,  l'hymne  de 
Cuchuimne  à  la  louange  de  la  vierge  Marie,  viiie-ixe  siècles,  publié  par 
J.-H.  Bernard  et  R.  Atkinson,  p.  33,  34  de  l'ouvrage  intitulé  Tlie  irish  liber 
hvmuoruui;  60  p.  525,  un  fragment  de  Nennius,  Historia  Britonuui.  Est 
inédit,  y  328,  ix^  siècle,  le  traité  de  Lathcen,D?  moralibus  Job  qiuis  Grcg^o- 
riu^  papa  fccit;  M.  Holder  compte  le  publier  prochainement. 

VI 

En  1896,  au  tome  XVII,  p.  426-427  de  la  Remie  Celtique,  M.  J.  Loth 
étudiait  l'étymologie  du  nom  de  la  région  centrale  de  la  Bretagne  conti- 
nentale le  Porhoet,  dans  les  textes  les  plus  anciens  Pou-tro-coet  -,  par 
exception,  Pou-lre-cojt  %  en  latin  pagus  traiis  silvaui  +.  Dans  la  géographie 
ecclésiastique  ce  pagus  formait  deux  archidiaconés,  l'un  compris  dans  le 
diocèse  de  Vannes,  l'autre  dans  celui  de  Saint-Malô  où  il  était  subdivisé  en 
quatre  dovennés,  Montfort-sur-Meu,  Lanouée,  Bignon,  Lobréac  5.  H  est 
aujourd'hui  réparti  dans  trois  départements,  l'Ile-et-Vilaine,  le  Morbihan, 
les  Côtes-du-Nord.  Le  comté  de  Porhoet  eut  une  circonscription  qui  varia 
suivant  les  temps  et  qui  ne  paraît  pas  avoir  jamais  correspondu  exactement 

1 .  Die  Keichcuauer  Handschrijten  beschriiben  und  erlautert  vou  Aljred  Hol- 
der, erster  Band.  die  Pergamen  Handschriften.  Leipzig,  Teubner,  îqo6, 
in-40,  ix-642  pages. 

2.  Cartiihiire  de  Redou,  p.  20,  31,  61,  72,  218.  Variante  pat^us  tro-coel, 
p.  89. 

3.  Ibidem,  p.  6:  Ire  est  probablement  une  faute  de  copie  dans  le  cartu- 
laire  manuscrit  ou  une  faute  d'impression  dans  l'édition. 

4.  Ibidem,  p.  83,  189,  192. 

5.  La  Borderie,  Histoire  de  Bretuijue.  t.  I,  p.  588  et  )«  carte. 


Chronique.  85 

a  Celle  du  Porhoct  ecclésiastique.  M.  le  Vte  Hervé  du  Halgouet  a  entrepris 
d'écrire  l'histoire  de  ce  comté'  .  Il  la  commence  au  ix^  siècle  et  ne  la  ter- 
mine qu'en  1819. 

Son  livre,  d'une  lecture  lacile  et  agréable,  est  l'œuvre  d'un  homme  qui 
n'a  pas  l'habitude  des  travaux  d'érudition.  P.  13,  il  cite  la  Reime  Cellique, 
t.  XVII,  1896,  sans  renvoyer  à  la  page;  à  la  page  21  de  son  ouvrage,  il  fait 
de  même  pour  le  cartukiire  de  Redon,  etc.  Q.uand  il  donne  des  pièces  justi- 
ficatives latines,  c'est  sous  forme  de  traduction  française,  même  quand  il  ne 
paraît  pas  connaître  une  édition  du  texte  original,  voir  p.  236,  237.  Ce  livre 
intéressant,  mais  écrit  pour  les  gens  qui  ne  savent  par  le  latin,  échappe  à  la 
critique  des  érudits  auxquels  il  ne  s'adresse  peint. 

VIT 

Miss  Jessie  L.  Wcsion  cons;icre  ses  loisirs  à  l'étude  des  romans  de  la 
Tablt  Ronde.  La  Revue  Celtique  a  dija  annoncé  quatre  ouvrages  d'elle  dont 
le  premier  a  paru  en  1897,  Tlje  Lcgciid  of  sir  Ginvain,  Studies  iipon  its  origi- 
nal Scope  aiid  S/i^''!iificancc  '.  Ensuite  sont  venus  :  Kiiig  Arthur  and  hii 
Kiiiots,  a  Surivey  oj  artlnirian  Koiinnne  '  ;  l'Ije  Legciid  of  sir  Lanceiot  du  Lac-f  ; 
une  traduction  anglaise  de  Morien  5.  Elle  vient  de  donner  au  monde 
savant  un  cinquième  volume,  TJ}e  Legeiui  of  sir  Percerai,  vol.  I,  Cl.'ietieii 
de  Troves  and  Vauciner  de  Deuain  ^. 

Elle  a  dit  en  1901  que  Lanceiot  est  inconnu  des  auteurs  gallois  et  paraît 
dater  de  Chrétien  de  Troyes7.  Au  contraire,  elle  croit  que  la  légende  de 
sir  Percival  est  d'origine  galloise,  elle  reprend  ainsi  sur  ce  point  la  thèse 
de  Gaston  Paris  ^,  a  la  mémoire  duquel  .«^on  livre  est  dédié  et  qu'elle  appelle 
le  grand  savant  français  :  the  great  french  scholar.  Elle  a  fait  une  étude 
détaillée  des  versions  diverses  déjà  publiées  et  même  des  manuscrits  ;  son 
livre  prendra  place  parmi  les  bons  volumes  de  la  Grinuii  Lihrary  que  publie 
la  maison  David  Nutt. 

VIII 

Claudius  Rutilius  Namatianus,  originaire  de  Toulouse,  paraît  avoir  été 
magister  of/icioruni  en  412;  en  effet,  il  semble  identique  au  Kainatins 
mai^ister  officiorum,  auquel  est  adressé  un  rescrit  des  empereurs  Honorius  et 
Théodose  II,  daté  du  7  des  ides,  ou  7,  de  décembre  4129  ;  il  fut  préfet  de 

1.  Essai  sur  le  Porijoet,  le  comte,  sa  capitale,  <;es  seionenrs.  Paris,  Cham- 
pion, 1906,  in-80,  2 S)  pages,  une  carte,  quatre  tableaux  généalogiques, 
plusieurs  planches  hors  texte. 

2.  Revue  celtique,  t.  XIX,  p.  84. 

3.  Ibidem,  t.  XXI,  p.  117. 

4.  Ibidem,  t.  XXII.  p.  349. 

5.  Ibidem,  i.  XXIII,  p.  ici. 

6.  Londres,  David  Nutt,  1906,  xxvi-544  pages. 

7.  The  Lcgend  of  Sir  Lanceiot  du  Lac,  p.  4,  5. 

8.  The  Legend  of  Sir  Perceval,  p.  xvii,  326. 

9.  Corpus  luris  Theodosiani,  1.  vu,  titre  27,  c.  13 


s  6  Chronique. 

Rome  en  414;  Lachanius  son  père  avait  été  coiistthtris  Tusciui',  préfet  de 
Rome  et  coûtes  sacrariiiii  largitioniim.  Tous  deux  nous  offrent  l'exemple 
des  procédés  habiles  par  le  moyen  desquels  les  empereurs  romains  ont 
romanisé  la  Gaule,  attirant  à  Rome  les  grands  seigneurs  gaulois,  les  com- 
blant d'honneur.  Les  souverains  romains  du  commencement  du  v^  siècle 
ne  faisaient  autre  chose  à  ce  point  de  vuj  qiw  d'imiter  l'exemple  de  leurs 
prédécesseurs. 

Le  nom  tje  Niinialiaints  peut  être  considéré  comme  a\-ant  à  sa  base  un 
nom  gaulois  développé  à  l'aide  d'un  suffixe  latin.  Mais  Lachanius  est  un 
dérivé  du  grec  Xâyavov,  c  légume  ».  Palladius,  nom  d'un  autre  parent  de 
Rutilius  Namatianus  est  également  dérivé  du  grec,  comme  celui  d'un  ami 
du  même  Rutilius,  Protadius  de  Trêves.  Un  autre  ami  de  Rutilius  est  Vic- 
torinus  de  Toulouse  qui  porte  un  surnom  latin  comme  Exuperaniius 
parent  di;  même  Rutilius.  Au  commencement  du  v^  siècle  la  Gaule  avait 
été  transformée  par  l'enseignement  du.  grec  et  du  latin,  dans  les  écoles. 

Rutilius  Namatianus  est  l'auteur  -.'un  poème  latin  ou  en  416  il  racontait 
son  retour  de  Rome  en  Gaule.  Ce  poème  est  divisé  en  deux  livres,  le  pre- 
mier contient  644  vers,  du  second  livre  les  66  premiers  vers  nous  ont  été 
seuls  conservés.  Une  édition  de  ce  poème  a  été  faite  par  M.J.  Vessereau,  pro- 
fesseur au  lycée  de  Poitiers.  Le  texte  est  suivi  d'un  index  de  tous  les  mots, 
d'une  traduction  française,  puis  d'une  étude  détaillée  des  mss.,  des  édi- 
tions, des  travaux  divers  dont  ce  poème  a  été  l'objet,  et  des  faits  historiques 
qu'il  nous  fait  connaître.  C'est  un  ouvrage  à  consulter  par  ceux  qui 
désirent  savoir  ce  qu'était  devenue,  au  commencement  du  v^  siècle  après 
J.-C,  la  Gaule  au  point  de  vue  non  pas  architectural,  mais  à  celui  des  études 
profanes  et  des  croyances  religieuses. 

IX 

A  côté  du  livre  de  M.  Vessereau  on  peut  placer  celui  de  M.  René  Pichon  : 
Les  dernien  l'crivains  profanes,  les  panégyristes,  Ausoiie,  le  Ouerciiis,  Rutilius 
Natuatiamis  '.  L'introduction  traite  de  la  littérature  gallo-romaine  caracté- 
risée par  ces  mots  de  saint  Jérôme,  ut  uhertateui  gallici  niloremque  sermonis 
grauifas  rouiana  condiret.  Avec  le  chapitre  premier  nous  arrivons  au  monde 
des  écoles  dans  la  Gaule  romaine  d'après  le  recueil  des  panégyriques.  Au 
chapitre  11  l'auteur  recherche  ce  que  les  panégyristes  nous  apprennent  de  la 
politique  impériale.  Au  chapitre  m,  il  nous  montre  d'après  les  poésies 
d'Ausone  ce  qu'était  en  Gaule  au  lye  siècle  la  société  mondaine.  Le  cha- 
pitre IV  est  consacré  au  Querolus  qui  serait  une  comédie  de  société  gallo- 
romaine.  Le  chapitre  'V  nous  ramène  au  poète  Rutilius  Namatianus  dont  le 
poème  est  une  des  sources  à  consulter  pour  l'histoire  intellectuelle  de  la 
Gaule  à  la  fin  du  lye  siècle  et  au  commencement  ciu  v^.  Une  autre  source, 
c'est  le  recueil  des  panégyriques  :  une  étude  sur  son  origine  forme  l'appen- 
dice L  L'appendice  II   est    intitulé  :  Le  texte  des  panégyriques    et  la  prose 

I.   Paris,  Ernest  Leroux,  1906,  in-80,  ix,  321  pages. 


Chronique.  87 

métrique.  Dans  l'appendice  III,  rautcur  étudie  quelques  points  douteux  de 
l'histoire  d'Ausone. 

X 

Avec  MM.  Vessereau  et  Pichon  nous  nous' occupons  de  l'état  intellectuel 
de  la  Gaule  au  iv^  et  au  v^  siècle.  Avec  M.  Adrien  Blanchet  nous  passons 
à  l'état  matériel  qui  ne  doit  pas  être  méprisé,  car  oportet  vivere  cl  iJciiide  phi- 
losophai i.  Ainsi  un  ouvrage  aussi  important  que  les  deux  précédents  pour 
l'histoire  de  la  Gaule  sous  l'empire  romain  est  celui  que  M.  Adrien  Blan- 
chet vient  de  publier  :  Les  enceintes  romaines  de  la  Gaule,  étude  sur  Vorigine 
d'un  grand  nombre  de  villes  françaises  '.  Cet  ouvrage  est  divisé  en  trois 
livres.  Le  premier  donne  la  description  des  enceintes,  le  second  traite  du 
système  de  construction,  le  troisième  des  dates  auxquelles  ces  remparts  ont 
été  bâtis;  Autun,  Nimes  et  probablement  Vienne  furent  fortifiées  sous 
Auguste,  mais  les  fortifications  de  la  plupart  des  cités  sont  postérieures  à 
cette  date.  Toutefois  aucune  inscription  postérieure  à  l'année  276  n'a  été 
recueillie  dans  les  soubassements  des  remparts  qui  entouraient  les  cités  et 
castra  de  la  Gaule;  276  est  la  date  de  l'avènement  de  l'empereur  Probus, 
M.  Blanchet  en  conclut  que  ces  soubassements  datent  en  général  du 
III'-"  siècle  et  que  les  murailles  ont  été  surélevées  postérieurement. 

XI 

M.  Edouard  Mariette  a  traité  un  sujet  analogue  dans  sa  brochure  intitulée  : 
The  roman  IValls.  Les  murs  romains  oit  re  F  Ecosse  et  r  Angleterre  -.  Mais  c'est 
un  simple  résumé  des  travaux  faits  jusqu'ici  sur  le  mur  d'Hadrien,  sur  le 
mur  d'Amonin  qu'on  peut  tous  deux  encore  dessiner  sur  les  cartes  et  sur 
celui  de  Septime  Sévère  dont  il  ne  subsiste  aucuije  trace  Le  mur  d'Hadrien 
part  à  l'ouest  du  Solway  Firth  qui  sépare  l'Angleterre  de  l'Ecosse,  mais 
celui  d'Amonin  est  beaucoup  plus  au  nord,  il  est  situé  en  Ecosse  où  il  va 
du  Firth  of  Clyde  au  Firth  of  Forth,  en  sorte  que  le  titre  de  la  brochure 
n'est  pas  exact. 

XII 

Dans  un  savant  volume  intitulé  Autonomies  ecclésiastiques,  Les  églises  sépa- 
rées 3,  Mgr  Duchesne  a  consacré  un  chapitre,  le  premier,  aux  origines  de 
l'église  anglicane.  Les  pages  7-15  concernent  les  5r/7/o»w5  chrétiens  de 
Grande-Bretagne. 

1.  Paris,  Ernest  Leroux,  1907,  in-S^,  111-356  pages  et  XXI  planches. 
La  préface  est  datée  du  2  novembre  1906. 

2.  Paris,  Bonvalet  Jouve,  1906,  in-8",  39  pages,  une  figure  dans  le  texte, 
une  planche  hors  texte 

3.  Paris,  Fontemoing,  1905,  in-i2,  viii-3)6  pages  C'est  la  deuxième 
édition. 


88  Chronique. 

XIII 

Dans  le  volume  XXVII,  p.  175,  de  la  Revue  Celtique,  il  a  été  parlé  du 
tome  l'^r  du  savant  ouvrage  que  M.  le  Dr.  Hermann  Hirt  a  publie  sous  le 
ùtrt  de  Die  In(Jo!^en)iaueii,  ilir'e  l'erbreitunir,  iiire  UrlieiDuU  unci  iljie  Kultur. 
Le  tome  II  vient  Je  paraître  '.  Il  est  question  des  Celtes  aux  pages  613, 
614,  615,  635.  A  la  page  614,  M.  Hirt  considère  comme  très  probable  la 
doctrine  suivant  laquelle  une  grande  partie  des  Germains  ont  dû,  à  une 
époque  reculée,  se  trouver  sous  la  domination  des  Celtes  ^  ;  il  croit  que  chez 
les  Germains  les  noms  d'homme  dont  rich  est  le  second  terme  sont  d'ori- 
gine celtique  ',  quoique  ait  dit  du  gothique  i-eiks,  en  1897,  M.  Brugman  au 
tome  Jer,  p.  504,  note  i  de  la  seconde  édition  de  son  excellent  Gruiniiiss 
lies  vfrgletcheniien  GranuiiaHlr. 

XIV 

Dans  l'édition  de  Forcellini,  Totlus  Jaliiiitatis  Lcxicou,  publiée  à  Leipzig, 
en  1839,  on  lit  p.  317  :  Bebrus,  i,  m.  idem  qui  fiber.  Haec  vox  nullum 
habet  alium  auctorem  latinum  praeter  Vet.  ScIjoI.  Juven.  ad  12,  34..  Un 
article  un  peu  plus  développé  a  été  consacré  à  ce  mot  dans  le  tome  le""  de 
l'édition  du  même  lexique  donnée  par  feu  De  Vit.  Ce  tome  1er  a  été  imprimé 
de  1858  à  1860,  on  y  trouve,  p.  540,  col.  2,  un  article  Beber,  bri.  II  serait 
possible  d'y  faire  aujourd'hui  quelques  additions.  Ce  mot,  qui  est  d'origine 
celtique,  et  qui  veut  dire  «  castor  »,  fait  défaut  au  tome  II,  col.  1797,  du 
Tljesaurus  linouae  latinae  editus  auctoritate  et  consilio  Academiarunt  quinque 
Germanicarum  Beroliiiensis,  Gottiiigeusis,  Lipsiensis,  Monaceiisis,  Viudohonen- 
sis.  On  compte  probablement  en  parler  sous  le  mot  fiher  comme  on  parlera 
de  hebn')!us  sous  le  mot  fihriiius. 


XV 

M.  Ludwig  Traube,  dont  la  science  est  bien  connue  des  médiévistes,  a 
fait  paraître,  sous  le  titre  de  Queilen  und  Uutcrsuchungen  :{ur  lateinischen 
Philologie  des  Mittelalters,  les  trois  premières  livraisons  d'un  recueil  qui 
paraît  devoir  être  fort  important  ^.  Il  a  eu  trois  collaborateurs  : 
M.  M.  S.  Hellmann,  Privat-docent  à  l'LTniversité  de  Munich,  Edward 
Kennard    Rand.  assistant    professor   of  latin  at   Harvard    L'niversitv    aux 


1.  Strassburg,  Karl  J.  Trùbner,  1907,  in-80,  p.  409-772  et  4  cartes. 

2.  An  einer  Henschaft  der   Kelten  ûber  grosse    Theil    der  Germanen 
kann  ich  kaum  zweifeln. 

3.  Man   kann    nicht   leu^nen    dass    die   Namen   auf   rich  keltisch    sein 
mûssen.  Cf.  Kluge,  Etyniologisches  Voerterhuch,  6«  édition,  p.  314. 

4.  Muide,  C.-H.  Beck,    1906.  \n-?>^,  8°  xv-205,  2"xiv-io6,    3"xi-ioo 
pages  en  deux  planches. 


Chronique.  89 

États-Unis  d'Amérique,  et  M.  Heribert  Plenkers  docteur  en  philcsophie.  Le 
premier  s'est  occupé  du  svcond  Sedulius  Scottus  ;  nous  l'avons  déjà  dit 
Revue  Celtique,  t.  XXVII,  p.  1 12- 11 3.  Depuis  a  paru  le  travail  deM. Edward 
Kennard  Rand,  intitulé  Joannes  Scottus.  Il  est  divisé  en  deux  parties  consa- 
crées la  première  à  Joannes  Scottus,  l'Irlandais  dit  Scot  Erigène  établi  en 
Gaule  aii  ix^  siècle,  et  sur  les  ouvrages  duquel  on  peut  consulter  Migne, 
Piitroioc;ia  iatina,  t.  CXXII.  M.  Edward  Rand  publie  de  ki  des  gloses  aux 
Opuscida  sacra  de  Boethius  et  sur  Martianus  Capella,  enfin  il  établit  que 
Jean  Scot  Erigène  connaissait  l'histoire  naturelle  de  Pline.  Scot  Erigène 
a  été  le  savant  et  le  penseur  le  plus  éminent  de  la  France  septentrionale  au 
ixe  siècle".  Si.  par  une  exception  qui  paraît  unique,  il  savait  le  grec,  il  le 
devait  aux  maîtres  inconnus  qui  en  Irlande  avaient  fait  son  éducation  litté- 
raire. Quant  à  M.  Heribert  Plenkers,  la  troisième  livraison  qui  est  son 
œuvre  est  consacré  à  la  règle  de  saint  Benoît,  à  celle  de  Cassien  et  a  un 
calendrier  qui  n'ont  rien  de  celtique. 

XVI 

Nous  sommes  ramenés  dans  le  monde  celtique  par  une  brochure  de  M.  Vic- 
tor Lederer  sur  la  patrie  et  l'origine  de  l'harmonie  en  musique.  C'est  la  pré- 
face d'un  grand  ouvrage  annoncé  par  l'auteur  et  où  après  un  livre  1er  traitant 
de  la  réforme  de  la  musique  au  xv^  siècle,  il  exposera  dans  un  livre  II, 
comme  quoi  c'est  dans  un  berceau  celtique  que  la  polyphonie  a  pris  nais- 
sance =  .  M.  V.  Lederer  dit  que  s'il  publie  sa  préface  avant  le  volume,  c'est 
qu'entre  autres  raisons,  il  a  eu  l'intention  par  là  de  célébrer  le  centenaire 
de  Zeuss,  22  juillet  1906.  Quoiqu'il  en  soit  le  chant  harmonique  en  parties 
semble  avoir  été  désigné  en  Irlande  par  le  mot  aidhse,  nom  donné  à  l'espèce  de 
chant  par  lequel  les  Fiiid  remercièrent  saint  Columba  de  son  intervention 
en  leur  faveur  à  l'assemblée  de  Druim-Céatt  en  574  3. 

XVII 

Sous  le  titre  de  A  Dialect  oj  Douegal  -i,  M.  E.  C.  Quiggin,  fellow  oi 
Gonville  and  Caius  Collège,  Cambridge,  Angleterre,  vient  de  publier  avec 

1.  Voir  sur  lui  Hauréau,  Histoire  de  la  piiilosophie  scolastique,  2^  édition, 
t.  I,  ire  partie,  p.  148-175. 

2.  Ueber  Heimat  and  Urspruiig  der  nielirstimmigen  Toiilciinst;  Vorredc. 
l;eltische  Renaissance,  Leipzig,  Siegel,  1906,  in-80,  56  pages. 

3.  Whitley  Stokes,  Goidelka,  2^  édition,  p.  156-157  ;  J.  H.  Bernard  et 
R.  Atkinson,  The  irish  Liber  Hymnorum,  t.  I,  p.  161,  1.  99,  102,  106;  d. 
E.  O'Curry,  On  the  Manners  and  Customs  oJ  tJie  ancient  Irislj,  t.  III,  p.  245,. 
246.  Sur  l'assemblée  de  Druim-Céatt  voir  Keating,  Foras  fcasaar  Eirin,  tra- 
duction d'O'Mahony,  1866,  p.  446  et  suivantes.  Sur  sa  date,  Annais  of 
Ulster,  p.  64,  65;  et  Todd,  Tlie  Life  of  st.  Coiuwba,  p.  36,  37,  note  h.' 
M.  Kuno-Meyer,  Contributions  to  irish  Lexicography,  t.  I,  p.  35,  n'ose  pas^ 
traduire  le  mot  aidbsc. 

4.  Cambridge,  University  Press  Warehouse,  igcé,  in-S",    x-247  pages. 


90  Chronique. 

le  concours  pécuniaire  de  l'Université  de  Cambridge  une  étude  phonétique 
sur  le  dialecte  irlandais  parlé  dans  la  région  nord-ouest  de  la  province 
d'Ulster. 

«  La  présente  esquisse,  dit-il  au  début  de  son  livre,  est  la  première  tenta- 
tive sérieuse  d'exposer  scientifiquement  en  quoi  consiste  un  dialecte  de 
l'Irlande  septentrionale.  Une  décadence  phonétique  s'est  produite  dans 
tout  le  territoire  où  le  ga^'^lique  est  parlé.  En  conséquence  il  est  indispen- 
sable que  pendant  les  dix  ou  quinze  années  prochaines  il  soit  fait  tous  les 
efforts  possibles  pour  obtenir  un  relevé  du  langage  des  personnes  nées 
avant  la  famine  dont  la  douloureuse  étreinte  se  fait  encore  aujourd'hui 
sentir  sur  l'indigène.  En  règle  générale  le  langage  des  jeunes  gens  est 
sans  valeur  pour  ceux  qui  cherchent  à  débrouiller  les  mystères  de  l'or- 
thographe du  vifux  et  moyen  irlandais,  et  malheureusement  quelques 
résultats  que  puisse  obtenir  la  Gctelic  League,  elle  ne  peut  conserver  des 
sons  qui  s'évanouissent,  les  ombres  de  sons  qui  subsistaient  chez  la  géné- 
ration précédente.  Vraiment  j'ai  été  fortement  impressionné  parles  grandes 
différences  qu'on  peut  remarquer  entre  les  façons  de  parler  employées  par 
les  personnes  d'âge  différent  ». 

Les  §  1-172  sont  consacrés  aux  voyelles,  les  'l  173-436  aux  consonnes: 
un  résumé  remplit  les  \  437-494.  Suivent  quatre  index,  i"  vieil  et  moyen 
irlandais,  2°  irlandais  moderne,  3°  gaélique  d'Ecosse,  4°  dialecte  de  l'île  de 
Mau.  Le  volume  est  terminé  par  neuf  petits  textes  irlandais  donnés  en 
notation  phonétique  avec  l'orthographe  traditionnelle  en  regard. 

Au  travail  contenu  dans  ce  volume  on  peut  comparer  l'étude  de 
MM.  Dottin  et  O'Growney  sur  un  dialecte  un  peu  plus  méridional,  celui 
de  Galway  en  Connaught,  Revue  Celtique,  t.  XIV  (1893),  p.  97-131; 
t.  XVI  (1895),  p.  421-449- 

XVIII 

La  Direction  of  the  modem  Language  Departimiils  oj  Harvard  University 
publie  des  Studies  and  notes  in  Philology  and  Literature  dont  le  tome  X, 
écrit  par  M.  Robert  Huntington  Fletcher,  traite  de  la  légende  d'Arthur 
dans  les  chroniques,  spécialement  dans  celles  de  Grande-Bretagne  et  de 
France  '. 

Les  premiers  rudiments  de  cette  légende  apparaissent  chez  Gildas,  De 
excidio  et  conquestii  Britanniae.  Gildas  est  mort  en  569,  nous  disent  les 
Annales  d'Ulster  -.  En  son  chapitre  26,  GilJas  parle  du  siège  de  Mont- 
Badoii  î.  Mais  le  nom  d'Arthur  est  pour  la  première  fois  associé  à  la 
bataille  de  Mont-Badon,    au  chapitre   ^6  de  Nennius,  Historia  Brittonuni, 


1.  Qinn   and    Company,  29,    Beacon  Street,   Boston,    1906,   in-80,   ix- 
3  1 3  pages. 

2.  Edition  Hennessy,  t.  I,  p.  62-63. 

3.  Usque  ad   annum  obsidionis   Badonici    montis.    Momnsen,  Chronica 
minora,  t.  IIL  p.  40,  1.  18. 


Chronique.  91 

ix^;  siècle  '  :  Bellinn  luoiitis  BaJoiiis  in  qiio  corruennit  in  tiiio  die  iioiigniti 
sexaginta  viri  de  luio  impetu  Arthur  ^  (Quelques  lignes  plus  haut  le  même 
auteur  avait  affirmé  la  présence  d'Arthur  à  une  bataille  précédente,  cal  coil 
Celidon  K  II  s'est  écoulé  environ  trois  siècles  entre  l'époque  où  vivait 
Arthur,  si  jamais  il  a  existé,  et  celle  où  pour  la  première  fois  on  trouve  son 
nom  dans  ce  récit  qui  je  prétend  historique 

Après  nous  avoir  parlé  de  Nennius,  M.  Fletcher  suit  pas  à  pas  la  légjndc 
d'Arthur  dans  les  auteurs  postérieurs  où  elle  continue  à  se  développer,  sur- 
tout chez  GeofFrey  de  Monmouth  au  xii^  siècle.  Procédant  ainsi  par  ordre 
chronologique,  il  a  un  plan  tout  différent  de  celui  qu'avait  adopté 
M.  J,  Rhvs,  quand,  dans  ses  Stiidies  on  tJ}e  Artburian  Legend  +,  il  a  traité  le 
même  sujet  Les  deux  auteurs  seront  également  utiles  à  consulter  par  ceux 
qu'intéresse  l'histoire  de  la  littérature  galloise  et  de  ses  ramifications  en 
d'autres  langues. 


XIX 

Dans  la  i^t'i'/;t'  Celtique,  t.  XXV,  p.  357-35H,  t.  XXVI,  p.  287,  nous 
avons  parlé  beaucoup  trop  brièvement  des  ouvrages  de  MM.  Anatole  Le 
Braz  et  Roger  que  l'Académie  française  a  couronnés  dans  sa  séance  du 
29  novembre  dernier.  Le  premier  en  date  est  de  M.  Anatole  Le  Braz;  il  a 
été  classé  le  premier  dans  la  catégorie  des  ouvrages  les  plus  utiles  aux 
mœurs  et  a  reçu  un  prix  de  deux  mille  francs  sur  la  fondation  Montyon. 
Voici  en  quels  termes  M.  Boissier,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie, 
apprécie  ce  livre,  p.   24-26  du  compte  rendu  de  la  séance. 

«  Pour  le  moven  âge,  nous  n'avons  que  deux  thèses  fort  savantes  :  «  Le 
troubadour  Guiraut  Riquier  «  de  M.  Joseph  Anglade,  et  «  L'originalité 
de  Gottfried  de  Strasbourg  dans  son  poème  de  Tristan  et  Isolde  »,  par 
M.  Piquet.  Le  Théâtre  celte  5  de  M.  Anatole  Le  Braz  discute  et  résout  tout 


1.  Mommsen,  Chronica  minora,  t.  III,  p.  117;  cf  Potthast,  Bibliotheca 
historica  niedii  aevi,  2^  édition,  p.  842.  Le  texte  publié  par  M.  Mommsen 
est  une  compilation  où  se  trouvent  quelques  éléments  plus  anciens. 
Mgr  Duchesne  a  publié  un  de  ces  fragments,  Revue  Celtique,  t.  XII,  p.  174- 
197,  t.  XVII,  p.  1-5. 

2.  Chronica  minora,  t.  III,  p.  200,  1.  11-13.        ♦ 

3.  Ibidem,  p.    199,  1.  15-17,  p.  200,  I.  1-6. 

4.  Oxford  at  the  Clarendon  Press,  1891,  in-S»,  viii-411  pag^s.  Voir 
Revue  Celtique,  t.. XII,  p.  289. 

5  L'ouvrage  de  M.  Le  Braz  a  paru  sous  deux  titres  et  deux  formats  : 
1°  Essai  sur  Phistoire  du  théâtre  celtique,  thèse  présentée  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  r  Université  de  Paris,  par  A.  Le  Braz,  maître  de  conférences  à  la  Faculté 
des  Lettres  de  l'Université  de  Rennes,  Paris,  Calmann-Lévv,  1904,  in-80, 
vni-544  pages;  2°  Anatole  Le  Braz,  Le  théâtre  celtique,  Paris,  Calmann-Lévv, 
in- 12,  même  pagination,  même  nombre  de  pages  que  l'in-So,  mais  sans  date. 
C'est  un  exemplaire  de  ce  deuxième  tirage  que  l'Académie  française  a  cou- 
ronné. 


92  Chronique. 

d'abord  une  question  délicate.  Renan  dans  le  beau  portrail  qu'il  a  tracé  de 
l'âme  celte,  ne  voulait  pas  qu'elle  fût  propre  au  drame,  même  le  plus 
sérieux  ;  quant  au  génie  comique,  il  le  croyait  tellement  étranger  à  cette 
race  plaintive,  résignée,  féminine,  que  trouvant  e)i  lui  un  fond  d'ironie  et 
des  élans  de  gaieté,  il  les  attribuait,  comme  on  sait,  à  l'intervention  de 
quelque  gascon  nomade  qui  se  serait  glissé  parmi  ses  aïeux.  Au  contraire, 
M.  Le  Braz  n'hé-.ite  pas  à  reconnaître  aux  Celtes  des  aptitudes  dramatiques  ; 
il  en  trouve  des  traces  dans  les  vieilles  épopées  de  l'Irlande;  il  rappelle 
qu'il  a  existé  un  théâtre  véritable  chez  les  Gallois  et  en  Cornouailles  jus- 
qu'au moment  lai  les  prédicateurs  méthodistes  l'ont  détruit  pour  le  remp'a- 
cer.  Mais  c'est  chez  nous,  dans  notre  Bretagne,  que  le  théâtre  celte  a  surtout 
fleuri,  et  il  y  a  duré  presque  jusqu'à  nos  jours.  C'est  donc  là  que  M.  Le 
Braz  l'a  étudié.  Il  a  passé  des  années  à  courir  le  pavs  pour  retrouver  ce  qui 
pouvait  rester  des  pièces  qu'on  y  jouait,  il  a  recueilli  dans  les  campagnes 
a''moricaines  les  souvenirs  que  la  mémoire  du  peuple  a  pu  garder  de  ces 
représentations  d'autrefois,  il  a  vécu  dans  la  familiarité  des  derniers  acteurs 
qui  les  avaient  jouées.  De  tout  ce  long  travail,  le  premier  résultat  a  été  une 
déception  cruelle.  Il  y  a  chez  M.  Le  Braz  à  la  fois  un  poète  et  un  savant. 
Le  poète  en  abordant  l'étude  d'un  théâtre  populaire  et  national  comptait 
bien  y  faire  d'heureuses  rencontres;  il  se  réjouissait  d'avance  d'y  trouver  des 
types  inconnus,  des  créations  nouvelles  «  un  art  qui  ne  fût  pas  un  artifice  ■>  ; 
or,  il  s'aperçut  bien  vite  que  ces  pièces  qu'il  déchiffrait  péniblement  sur  des 
manuscrits  peu  lisibles,  n'étaient  que  des  traductions  de  nos  mystères,  tels 
qu'on  les  jouait  en  France,  dans  les  grandes  villes,  à  l'issue  des  vêpres.  Ce 
n'était  donc  pas  véritablement,  comme  il  l'espérait,  un  théâtre  celte  qu'il 
avait  découvert.  A  la  vérité,  il  lui  restait  la  ressource  de  ne  pas  montrer 
tout  à  fait  les  choses  comme  elles  étaient.  Avec  quelques  détails  bien  choi- 
sis, habilement  groupés,  quelques  interprétations  adroites,  il  pouvait  essayer 
de  donner  à  ces  emprunts  un  air  d'originalité.  D'autres  l'ont  fait  sans  scru- 
pule et  ne  s'e  i  sont  pas  trop  mal  trouvés.  Mais,  comme  je  viens  de  le  dire, 
M.  Le  Braz  est  un  savant  en  même  temps  qu'un  poète  :  il  a  dit  la  vérité 
tout  entière  ;  il  a  franchement  reconnu  que,  parti  à  la  recherch<"  d'un 
théâtre  national,  •<  il  n'avait  embrassé  qu'une  ombre  ».  Il  faut  lui  savoir 
gré  de  sa  sincérité  et  nous  applaudir  que  la  déception  qu'il  a  éprouvée  et 
qui  a  dû  être  amère  à  un  «  Celte  impénitent  »  comme  il  s'appelle  lui-même, 
ne  l'ait  pas  détourné  d'achever  les  études  qu'il  avait  entreprises.  Il  en  est 
résulté,  un  livre  d'une  érudition  solide,  d'une  bonne  foi  touchante, 
qu'anime  un  soufîle  de  poésie  et  où  l'intérêt  est  soutenu  à  toutes  les  pages 
par  l'amour  passionné  du  pays  natal.  » 


XX 

Voici  dans  le  discours  de  M.  Boissier,  p.  23,  24,  le  passage  qui  concerne 
le  livre  de  M.  Roger. 

'<  Il  ne  me  reste  plus  qu'à  parler  des  ouvrages  qui  concernent  l'histoire  de 
notre  littérature.  Ils  ne  sont  pas  nombreux  cette  année,  mais  quelques-uns 


Chronique.  ■  93 

présentent  beaucoup  d'intérêt  ou  d'agrément.  La  série  s'ouvre  par  un  tra- 
vail sérieux,  sévère.  Ueiiscignement  des  lettres  classiques  iFAusone  à  Alcuin, 
par  M.  Roger'.  C'est  d'abord  l'iiistoire  fort  triste  d'une  décaden:e  Dans 
ce  chemin  par  lequel  nous  conduit  M.  Roger,  à  mesure  qu'on  avance 
l'ombre  s'épaissit,  il  arrive  même  un  moment  où  dans  la  Gaule,  que  la 
culture  romaine  avait  si  profondément  pénétrée,  l'obscurité  paraît  complète. 
Heureusement  les  lettres  avaient  trouvé  asile  dans  des  pays  qui  furent  les 
dernières  conquêtes  de  Rome;  elles  se  cachaient  chez  les  Anglo-Saxons, 
en  Irlande,  dans  quelques  monastères  lointains.  De  là,  des  moines  qu'il 
nous  faut  bénir  les  ont  ramenés  chez  nous.  M.  Roger  nous  montre  que  ce 
retour  n'eut  rien  d'un  triomphe.  Elles  nous  reviennent  humbles,  le  front 
bas,  n  servantes  de  la  théologie  ».  Mais  qu'importe?  Au  fond  de  ces  études 
arides  où  elles  s'emprisonnent,  l'esprit  antique  est  vivant,  il  poursuit  lente- 
ment son  œuvre,  et,  le  temps  venu,  il  reparaîtra  au  jour.  Avec  Alcuin  et 
Charlemagne  la  Renaissance  a  commencé  et  le  livre  de  M.  Roger,  où  il 
n'est  question  que  du  latin,  se  trouve  être  une  introduction  naturelle  à 
l'histoire  des  lettres  françaises.  « 

Au  nom  anglo-saxon  d'Alcuin,  l'éloquent  secrétaire  perpétuel  de  l'Aca- 
démie aurait  pu  ajouter  les  noms  de  deux  irlandais  qui  lui  succédèrent  et  dont 
parle  aussi  M.  Roger  :  Clément  le  Scot,  qui  en  France,  en  79Ô,  remplaça 
Alcuin  directeur  de  l'école  du  Palais  depuis  782  ;  Scot  Erigène,  mort  en 
875  après  avoir  sous  Charles  le  Chauve  professé  à  l'école  du  Palais. 


XXI 

Le  Livre  des  fiefs  de  Giiilhimiie  de  Slave,  évêque  d'Angoulême,  publié  par 
M.  l'abbé  J.  Nanglard  -,  ouvrage  honoré  d'une  souscription  par  le  Ministre 
de  l'Instruction  Publique  et  des  Beaux-Arts,  contient  un  certain  nombre  de 
noms  de  lieu  intéressants  au  point  de  vue  des  études  celtiques  :  nous  en 
citerons  quelques-uns. 

Plusieurs  ont  été  connus  de  M.  Holder,  pour  les  mêmes  localités, 
et  apparaissent  dans  V Altceltischer  Sprachschati,  par  exemple  :  Birac  (Cha- 
rente), Biraais  (Holder,  I,  423);  Blanzac  (Charente),  Blauiiacns  ^=  * Blau- 
diacus  (Holder,  I,  444-448).  D'autres  noms  de  lieu  qui  se  trouvent  dans  la 
Charente  sont  mentionnés  par  M.  Holder  pour  d'autres  localités,  synonymes 
de  noms  de  lieux  voisins  d'Angoulême,  tels  sont  :  Aussac,  Aiiciacus  (cf. 
Holder,  I,  282);  Bassac,  Bassiacm  (ci.  Holder,  I,  358);  Bessac,  Becciaciis 
(cf.  Holder,  l,  363);  Bernac,  Breimcus  (cf.  Holder,  I,  517);  L'Isle- 
d'Espagnac,   Espaniacus  pour  Hispaniacus  (cf.  Holder,  I,  2055). 

Il  y  a  dans  la  publication  de  M.  Nanglard  des  noms  de  lieu  qui  chez 
M.  Holder  sont  noms  de  personnes;  nous  citerons  :  Bors,  autrefois  Bornas, 


1.  Paris.  Alphonse  Picard  et  fils,  in-80,    1905,  xvin-45q  pages. 

2.  Angoulême,   Imprimerie   charentaise,    Chasseignac   et   Bodin,    1906, 
in-80,  410  pages. 


94  Chronique. 

comparez  Biiniu-i  (Holdtr,  I,  642 j  ;  Brocca  (■villa),  compare/.  Bioccus  (Hol- 
der,  I,  617);  Broccia  (l'illa),  comparez  Broccius  (Holder,  /7'/(/<'/;/^  :  Chanaus, 
comparez  Canavos,  Canaiis  (Holder,  I,  751). 

D'autres  noms  de  lieu  en  -acits  manquent  dans  Holder  qui  nous  donne 
les  noms  d'homme  dont  ces  noms  de  lieu  sont  dérivés,  exemples  :  Baccia- 
cus,  Bassac,  de  Baccins  (Holder,  I,  323),  Cbahracus,  Chebrac,  de  Cabras 
(Holder,  I,  666).  Bocciaais  suppose  un  nom  d'homme  Boccius  dérivé  du 
nom  divin  Bocciis  dont  plusieurs  exemples  sont  donnés  par  M.  Holder,  I, 
45  ;.  Avalhac,  aujourd'hui  Vaillac,  suppose  un  nom  d'homme  Avallim 
dérivé  d'Avallus  =  * Auallos,  nécessaire  pour  expliquer  le  cognoiiieii  Anallaus 
=.  Anallaiios  (\\o\AQr,  I,  305).  Balzac,  autrefois  Balaiaciis  ^=  *  Balatiacus 
dérive  d'un  nom  d'homme,  * Balatius  dérivé  de  ficr/a/os  premier  terme  de 
Balato-JoruDi  (Holder,  I,  335).  D/n7c;/5,  aujourd'hui  Dirac,  dérive  d'un  nom 
d'homme  gaulois  *Dlros,  en  irlandais  dir  «  convenable  '  »  dont  M.  Hol- 
der, I,  1286,  signale  un  autre  dérivé,  Diratus,  celui-ci  nom  d'homme, 
tandis  que  Diracus  est  un  nom  de  lieu.  Garacus,  Garât,  peut  tenir  lieu  de 
Garraciis  et  dériver  de  Garnis,  nom  dhomme  chez  Holder,  I,  1985. 

XXII 

Dans  le  volume  intitulé  :  Le  comté  d'Anjou  au  XI^  siiric  -,  récemment 
publié  par  M.  Louis  Halphen  on  peut  relever  quelques  noms  de  lieu  caractéri- 
sés par  le  suffixe -aco-5  et  datant  probablement  de  l'époque  gallo-romaine.  En 
voici  des  exemples  :  Danaiiacus,  p.  345,  aujourd'hui  Denezé,  canton  de  Doué- 
la-Fontaine,  ilrrondissemeni  de  Saumur  ;  Dislriacus,  /i/i/.,  aujourd'hui  Distré, 
canton  et  arrondissement  de  Saumur,  Maine-et-Loire  ;  Paulin iacits,  p,  353, 
aujourd'hui  Poligné,  commune  de  Thorigné,  canton  de  Châteauneuf,  arr. 
de  Segré  ;  Fruliacus,  p.  176,  aujourd'hui  Preuilly,  arr.  de  Loches,  Indre-et- 
Loire.  On  peut  mettre  à  part  le  composé  gaulois  Lausduuuni,  p.  546, 
aujourd'hui  Loudun,  Vienne,  homonyme  de  Loudon,  Sarthe,  cité  par 
M.-  Holder,  Altccltischer  Sprachschati,  t.  II,  col.  163. 


XXIII 

Le  latin  d'Espat^ne  d'après  les  inscriptions,  étude  linguistique,  tel  est  le  titre 
d'un  mémoire  qu'a  publié  M.  A.  Carnoy,  professeur  à  l'université  de  Lou- 
vain  i.  Il  est  à  lire  par  les  savants  qu'intéresse  l'histoire  de  la  langue  latine. 
Les  celtistes  pourront  v  glaner  quelques  renseignements.  C'est  ainsi  qu'aux 
pages  118  et  107  il  a  réuni  des  exemples  de  l'eaiploi  du  c  pour  le  g  dans 
des  noms  d'origine  celtique.  Voir  ce  qui  a  été  dit  sur  le  même  sujet  dans 
la  Revue  Celtique,  t.  XXVII,  p.  195.  Il  établit,  p.   113,    i  19,  159  que  le  mot 


1.  Whitley  Stokes,  Altccltischer  Sprachschati,  p.  148. 

2.  Paris,  Picard,  1906,  in-80,  xxiv-428  pages. 

3.  Bruxelles,  Misch  et  Thron,  1906,  in-8",  293  pages. 


Chronique.  95 

dmhadiis,  aiiibatits  dans  les  inscriptions  d'Espagne  est  une  variante  du  cel- 
tique aiiibacfos;  sur  la  chute  du  c  suivi  de  /,  cf.  le  français  auteur,  autorité. 
M.  A.  Carnoy  connaît  la  GrainiinitiM  celHca  de  Zeuss,  et  VAltceltischer 
Sprachschati  de  M.  Holder;  la  compétence  de  M.  Whitley  Stokes  ne  lui  est 
pas  inconnue,  il  cite  ce  savant  plusieurs  fois;  c'est  à  V Urcelttscher  Spriicb- 
chati  de  M.  Whitley  Stokes,  p.  71,  81,  100,  que  sans  le  citer  il  emprunte, 
p.  106,  le  celtique  kerso-  «  gauche  »,  crovo-  «  corbeau  »,  et,  p.  168,  le  cel- 
tique karbitch.  Nous  regrettons  que  son  index  des  mots  ne  soit  pas  autre- 
ment ordonné;  une  section  de  cet  index,  p.  282,  283,  est  consacrée  au 
celtique,  plusieurs  mots  celtiques  y  font  défaut  ;  il  faut  aller  les  chercher 
dans  la  section  suivante  intitulée  :  Noms  propres  d'origine  barbare, 
ethnique,  etc.,  p.  283-285. 

XXIV 

Nous  sommes  bien  en  retard  pour  annoncer  le  mémoire  de  M.  Kuno 
Meyer  qui  est  intitulé  :  Aucicnt  Gaelic  Poetry,  et  que  Fauteur  a  lu  devant 
r0.ssianic  Society  de  Glasgow  le  5  mars  de  l'année  1906.  Le  savant  auteur 
fait  observer  que  la  poésie  irlandaise  est  exclusivement  lyrique,  la  poésie 
épique  n'existe  pas  en  Irlande,  où  c'est  la  prose  qui  est  la  langue  de  l'épo- 
pée. Il  réunit  sous  forme  de  traduction  anglaise  un  grand  nombre  de  jolis 
exemples  de  la  poésie  lyrique  irlandaise  sur  les  sujets  des  plus  variés. 

XXV 

Le  tome  XIX  du  recueil  intitulé,  Y|Cymmrodor,  The  M.\gazine  of  the 
Society  of  Cymmrodorion,  débute  par  un  article  de  M.  E.  Williams 
R.  Nicholson  qui  croit  que  des  Wandales  se  sont  trouvés  en  Wessex  à  la 
bataille  de  Deorham,  en  577. 

Suit  un  mémoire  de  M.  A.  W.  W^ade  Evans  :  The  Brychan  Docuinents. 
Brychan  est  un  personnage  qui  paraît  avoir  donné  son  nom  au  Brecknock- 
shire,  comté  compris  dans  la  partie  méridionale  du  pays  de  Galles.  Breck- 
nock  est  la  forme  anglaise  moderne  d'un  nom  de  lieu  appelé  dans  le  Libe?- 
Landavensis,  édition  de  M.VI.  Gwenogvrvn  Evans  et  John  Rhys,  Brecbein- 
niauc,  p.  246,  Brechcniauc,  p.  237,  254,  270,  et  Brecheiniaun,  p.  154  '.  Bre- 
cheinnianc  et  Brecheiiiauc  =  *  Bricbaniâcus,  Brecheiniaun  z=  *  Brichanidniis  ;  ce 
sont  deux  dérivés  de  *Bricaiius  :  Bricbaniâcus  a  été  formé  avec  le  suffixe 
gallo-romain  de  basse  époque  -iacus,  cf.  1°  Cbildriciacae,  nom  de  lieu  dérivé 
de  Childericus  dans  un  diplôme  de  l'année  709,  émané  du  roi  franc  Chil- 
deric  III  ^;  2°  Teoiieberciacus,  Thiverzay,  nom  de  lieu  du  département  de 
la  Vendée',  dérivé  de  Tbeodebercthiis.  Le  suffixe  -ianus  est  bas-latin  et  a  la 


1.  Cf.  John  Rhys,  Lectures  on  weLb  Philolo^^v,  2'=  édition,   p.  118;  Earlv 
Britain,  3e  édition,  p.  159,  256. 

2.  Monunii'nta  Germaniae  historica,  Diploiiiatnni  iinperii,  tomusl,  p.  67-68. 

3.  Longnon,  Atlm  historique  de  la  France,  p.  204. 


96  Chronique. 

même  valeur  que  -iacus.  Ces  deux  suffixes  développant  des  noms  barbares 
sont  empruntés  aux  noms  de  lieu  tirés  de  gentilices  romains  en  -ius  à.  ui>e 
époque  plus  haute. 

M.  Wade  Evans  nous  donne  deux  textes  inédits  relatifs  à  Brychan,  l'un 
intitulé  De  situ  Brecheniauc  est  tiré  du  manuscrit  Vespasian  A.  xiv  ;  l'autre, 
intitulé  Cognacio  Brychan,  est  extrait  du  manuscrit  Domitian  I,  tous  deux 
faisant  partie  du  fonds  Cottonien  au  Musée  Britannique.  Le  premier  paraît 
être  la  copie  faite  au  xiv^  siècle  d'un  manuscrit  du  xi^.  Le  second  ne  date 
que  du  xviie  siècle  et  semble  être  la  reproduction  d'un  manuscrit  du  xiii«. 
Les  mémoires  suivants,  par  MM.  Alfred  Neobard  Palmer,  Edward  Owen, 
Francis  Green  concernent  l'histoire  moderne. 


XXVI 

La  liste  des  récits  où  sont  racontées  les  morts  violentes,  oiltc,  des  héros 
irlandais,  Livre  de  Leinster,  p.  189,  col. 5,  1.  54-39!  comprend  treize  titres 
de  pièces  concernant  les  personnages  dont  voici  les  noms  :  1°  Cùroi, 
2"  Cùchulainn,  3"  Ferdead,  4°  Conall  Cernach,  5"  Celtchar  mac  Uitlie- 
chair,  6"  Bla  briugad,  7°  Lôegaire  bùadach,  8°  Fergus  mac  Rôig,  9°  Con- 
chobar  mac  Nessa,  10°  Fiaman,  1 1°  Maelfathartach  mac  Ronain,  12°  Tadg 
mac  Céin,  13°  Mac  Samain.  Q_uatre  de  ces  pièces  étaient  déjà  publiées,  la 
première  par  M.  Best  dans  Eriii,  t.  II,  p.  18-35  ;  la  3e  par  E.  O'Curry,  On 
tlie  Maniiers,  t.  III,  p.  414-463,  et  par  M.  E.  Windisch,  Tdin  ho  Cùalgne, 
p.  434-599;  la  4=  par  M.  Kuno  Meyer,  Zeitschrift  fïir  Celtische  PIn'Iologie, 
t.  I,  p.  102-111;  la  ce  par  E.  O'Curry,  Lectures  on  the  niaiiuscript  Materials, 
p.  637-642,  mais  d'après  un  seul  manuscrit  sur  les  cinq  qui  existent.  Enrin 
de  la  deuxième  il  y  a  une  analyse  et  de  nombreux  extraits  par  M.  Whitley 
Stokes,  Revue  Celtique,  t.  III,  p.    175-195. 

Dans  le  volume  XIV  der  Todd  Lectures  Séries,  publiées  par  la  Royal 
Irish  Academv  ',  M.  Kuno  Meyer  a  donné  le  texte  irlandais  et  la  traduction 
anglaise  de  quatre  de  ces  pièces,  qui,  sauf  une,  étaient  restées  inédites  jus- 
qu'ici :  savoir  :  le  n»'  5,  -licled  Cljeltcbair  viaic  Uitliechair;  le  n"7,  Aided  Lôe- 
gairi  Bûadaich  ;  le  n"  S,  Aided  Fergusa  niaic  Rôig;  le  no  9,  Aided  Chonchohair 
Diaic  Kessa.  A  ces  quatre  morceaux  M.  Kuno  Meyer  en  a  ajouté  un  cin- 
quième, la  mort  de  Cet,  fils  de  Mâga,  Aided  Cl:èit  maie  Mdgaclo  qui  ne  figure 
pas  dans  la  liste  du  Livre  de  Leinster.  Suivent  un  index  et  un  glossaire. 
Le  titre  sous  lequel  il  a  réuni  ces  cinq  morceaux  est  :  The  Dealh-lales  of  tlje 
Ulster  Heroes.  Dans  l'intérêt  des  études  celtiques  cette  publication  est  une 
œuvre  excellente.  M.  Kuno  Meyer  a  droit  à  des  remerciements  de  tous  les 
Celtistes. 

XXVII 

M.  Albert  Cuny  vient  de  présenter  à  la  Faculté  des  lettres  de  l'Université 
de  Paris  deux  thèses  de  doctorat  qui,  sans  concerner  directement  les  études 


Dublin,  Hodge,  Figgis  and  Co,  in-8",  1906,  vri,  52  pages. 


Chronique.  97 

celtiques,  peuvent  contribuer  à  jeter  de  la  lumière  sur  les  origines  de  certains 
phénomènes  grammaticaux  que  la  langue  irlandaise  offre  à  notre  observa- 
tion. 

La  principale  est  intitulée  :  Le  nombre  duel  en  grec  '.  Dans  son  intro- 
duction, M.  Cuny  affirme  à  la  suite  de  MM.  Meillet  et  Hermann  Hirt 
que  «  le  duel  a  tendu  partout  à  disparaître  lors  du  développement  de  la 
civilisation  ».  Or  comme  le  fait  observer  M.  Brugmann,  dans  les  langues 
arménienne,  italiotes  et  germaniques,  telles  que  les  plus  anciens  monuments 
nous  les  font  connaître,  le  duel  a  complètement  disparu  ou  il  n'en  subsiste 
que  de  maigres  débris  ^.  Il  se  suivrait  de  là  que  les  Arméniens,  les  Ita- 
liotes, Latins,  Osques,  Ombriens,  les  Germains  auraient  possédé  une  civilisa- 
tion supérieure  à  celle  de  la  Grèce  classique  et  qu'il  faudrait  reléguer  dans 
les  plus  bas  rangs  de  l'échelle  sociale  les  Irlandais  qui,  comme  Démusthène 
et  Platon,  ont  encore  le  duel  aujourd'hui. 

Singulier,  aon  chos  «  un  pied»  =^  *co.\a. 
Duel,  dd  chois  «  deux  pieds  «  =rz  *^o.v/. 
Pluriel,  tri  cosa  «  trois  pieds  »  =  *roxâs^. 

Singulier,  aon  ôgdiiach  «  un  jeune  homme  »  =  *  imamûos. 
Duel,  dd  ôgdnacb  «  deux  jeunes  gens  »  =  *iuuana]m. 
Pluriel,  tri*égdnaich  «  trois  jeunes  gens  «  .-=:  *  iuijanaki  "*. 

Telle  est  la  seule  critique  que  nous  adressons  à  cette  savante  thèse,  qui 
contient  une  étude  approfondie  sur  le  duel  en  grec  avec  de  nombreux 
exemples  pris  dans  les  autres  langues  indo-européennes. 

La  seconde  thèse  de  M.  Cuny,  Les  préverbes  dans  le  Çatapathabrâh- 
MANA5,  traite  des  préfixes  mobiles  juxtaposés  aux  verbes,  phénomène 
indo-européen  qui  explique  les  pronoms  infixes  du  vieil  irlandais. 

XXVIIl 

Dans  un  mémoire  intitulé  :  Les  colonies  GRECauES  d'après  l'ancien 
Testament^,  M.  Ch.  Brusson,  doyen  de  la  Faculté  de  Théologie  protes- 
tante de  Montauban,  commente  un  passage  de  la  Genèse,  chapitre  X,  ver- 
set 4,  où  il  est  dit  «  que  les  enfants  de  Javan  étaient  Elîshâ  et  Tarshîsh, 
«  Kittîm  et  Dôdânîm  ».  Il  ajoute  :  «  Cela  signifie  en  langage  moderne  que 

1.  Paris,  Klincksieck,  1906,  in-80,  516  pages. 

2.  Grundriss  der  vergleichenden  Grainmatik  der  indoo-ernianiscben  Sprachen, 
t.  II,  p.  640;  Kiir^e  vercrleichende  Grannnatik,  p.  388;  traduction  française 
par  MM.  Meillet  et  Gauthiot,  p.  409. 

3.  O'Donovan,  A  Grain nutr  of  the  irisb  Language,  p.  123  ;  cf.  Brug- 
mann, Grundriss,  t.  Il,  p.  642,  662. 

4.  Ulick  J.  Bourke,  The  CoUege  irish  Grammar,  p.  89  ;  d.  Brugmann, 
Grundriss,  t.  II,  p.  643,  662,  663. 

5.  Paris,  1907,  in-80,  4^  pages. 

6.  Paris,  Fischbacher,  1906,  in-80,  22  pages. 

Revue  Celtique,  XXVIIL  7 


98  Chronique. 

«  les  Ioniens  (Javan)  ou  Grecs  avaient  fondé  quatre  colonies  divisées  en 
«  deux  groupes.  Les  deux  premières  formaient  le  premier  groupe  et  les 
«  deux  autres  le  second.  » 

1°  Suivant  l'auteur,  Elîsbd  est  la  o-(';;.s-  Elcsyciiiii  d'Avienus  dontNarbonne 
était  la  capitale.  La  difficulté  qui  se  présente  est  que,  suivant  Hécatée  de 
Milet,  les  EXt'^Lixot  sont  un  peuple  ligure  et  non  grec  '. 

2"  Quant  à  Tarsiiîsh  ce  mot  désignerait  non  pas  la  Tartessis  phénicienne, 
c'est-à-dire  le  pays  arrosé  par  le  Tartessos  et  dont  Gadeira,  depuis  Cadix, 
était  la  capitale,  ce  serait  l'Espagne  entière  et  spécialement  dans  ce  texte  la 
partie  de  l'Espagne  où  se  trouvaient  les  colonies  grecques. 

30  Kittîm  est  l'ile  de  Chypre. 

40  Dôdànîm  devrait  être  corrigé  en  Rodanini  ce  serait  l'île  de  Rhodes. 
Nous  nous  bornons  à  exposer  ces  doctrines  qui  nous  semblent  bien  hardies, 
surtout  lorsqu'il  s'agit  des  articles  que  nous  avons  numérotés  1°,  2",  4"^. 

XXIX 

A  la  p.  6,  n.  i,  d'un  tirage  à  part  des  mémoires  de  l'Académie  des 
sciences  des  Pays-Bas,  auquel  il  a  donné  comme  titre  les  mots  sanscrits 
Vaitulya,  Vctulla,  Vetulyaka-.  M.  H.  Kern  rapproche  du  sanscrit /ï//ajyrt/(''«  il 
remplit  »,  i°le  moyen-irlandais //;//t'  «  inondation  «qui  se  trouve  plusieurs 
fois,  Livre  de  Leinster,  p.  168,  col.  2,  1.  12-14;  P-  206,  col.  i,  1.  32,  33,  et 
qui  existait  déjà  en  vieil  irlandaises.  —  2°  le  moyen-irlandais  tôîa,  lula 
«excès,  multitude  »+,  dont  on  peut  signaler  deux  exemples  dans  un  composé 
vieil-irlandais  5. 

Il  semble  qu'à  côté  du  moyen  tiilyate  •:  il  remplit  «,  M.  Kern  aurait  pu 
citer  l'actif /ô/i///  «  il  élève  »''. 

XXX 

Au  dernier  moment  nous  recevons  du  R.  P.  Louis  Gougaud  un  mémoire 
fort  savant  qui  est  intitulé.  Un  point  obscur  de  l'itinéraire  de  saint 

1.  Charles  et  Théodore  MûUer,  Fragiiieiita  historiconttu  graecoru»} , 
t.  I,  p.  2. 

2.  Amsterdam,  Johannes  Millier,  1907,  in-8",  6  pages. 

3.  Accusatif  singulier  neutre  n-luile,  «  aestum  maris  »,  ms.  de  Bède  de 
Carlsruhe,  f"  25  l\  Whitley  Stokes  et  Strachan,  Thésaurus paJaeohibcrnicm, 
t.  II,  p.  14,  1.  35  ;  datif  singulier  hi-tniliu,  glosant  <  mare...affluit  »  ;  ibid., 
ï°  34  f,  p.  24,  1.  34;  cf.  Gramuiatica  cellica,   2^  édition,  p.  229,  864,  note. 

4.  Saillir  ua  raiin,  édition  'Whitley  Stokes,  p.  153;  cf.  Windisch,  Irischc 
Texte,  t.  I,  p.  836. 

5.  Génitif  singulier  iii-lnli,  glosant  «  eruptionis  »,  dans  le  ms.  de  Milan, 
fo  i2Ç)  d  10,  Thésaurus  paliieohiberuicns,  t.  I,  p.  442,  1.  28;  datif  singulier 
ond  in-tâlu,  glosant  l'ablatif  «  exundantia  »  dans  le  Bède  de  Carlsruhe,  f"  39(7, 
2,  Thésaurus  palaeohibernicus,  t.  II,  p.  27,  1.   33. 

6.  Otto  Boehtlingk  et  Rudolph  Roth,  Sanskrit  Woerterbuch,  3>^  partie, 
p.  366. 


Chronique.  99 

CoLUMBAN  VENANT  EN  Gaule".  On  \'  troLive  poséc  In  question  de  savoir 
quelle  région  est  désignée  par  le  passage  de  la  Vie  de  saint  Columban  où  il  est 
dit  que  Columban  et  ses  douze  compagnons,  quittant  l'Irlande,  traversent  la 
mer  et  ad Brittannicos pervoiiuut s'niiis ;  dans  ce  passage  s'agit-il  de  la  Grande- 
Bretagne,  de  la  Bretagne  insulaire? ou  de  la  petite  Bretagne,  de  la  Bretagne 
continentale?  La  seconde  réponse  a  été  donnée  par  M.  B.  Krush,  Monunienta 
Geniianiae  historica,  Scriptoriini  reruiii  merovi)igicaruvi  tomus  IV,  p.  71, 
note  I  \Scriptores  renuii  Geniiatiicanim  in  iisuni  scholanimex  moimmentis  Ger- 
maniae  historicis  separatim  editi,  Joime  vitae  sanctorum  Coliinibani,  Vedastis, 
Johannis,  p.  160,  note  2.  Le  P.  Gougaud  préfère  la  réponse  que  nous  avons 
placée  la  première.  Elle  paraît  en  eftet  plus  vraisemblable,  étant  donné  la 
suite  du  texte  que  nous  venons  de  citer  :  Columban  et  ses  douze  compagnons 
vont  d'abord  d'Irlande  ad  Biittannicos  sinus, ^^uïs  :  A  Brittanicis  ergo  sinihus 
progressi,  ad  Gallias  tendunt.  L'opposition  entre  les  Brittaïuiici  sinus  et  les 
Galliae  paraît  exiger  pour  Brittannici  sinus  la  traduction  Grande-Bretagne, 
puisque  la  Petite  Bretagne  était  comprise  dans  les  Galliae. 

Ce  mémoire  paraîtra  dans  le  prochain  no  des  Annales  de  Bretagne. 

H.  d'Arbois  de  Jubain ville. 
I.   Rennes,  imprimerie  Oberthur,  1907,  in-80,  19  pages. 


PERIODiaUES 


Sommaire.  —  I.  The  Celtique  Review.  —  II.  Archiv  fur    celtische    Lexicographie. 

—  III.  The  Journal  of  the  Royal  Society  of  Antiquaries  of  Irelaud.  ■ —  IV. 
Annales  de   Bretagne.  —  V.    Mémoires  de  la    Société  de  linguistique  de  Paris. 

—  VI.  Revue  des  études  anciennes.  —  VII.  Boletin  de  la  Real  Acadcmia  de  la  His- 
toria.  — VIII.  Indogermanische  Forschungen.  — IX.  Zeitschriftfûr  vergleichende 
Sprachforschung.  —  X.  Beitraege'zur  Kunde  der  indogermanischen  Sprachen. — 
XI.  Revue  archéologique.  —  XII.  Pro  Alesia.  —  XIII.  Folklore.  —  XIV. 
Analecta  Bollandiana.  —  XV.  Revue  épigraphique.  —  XVI.  Revue  des  tradi- 
tions populaires.  —  XVII.  L'anthropologie.  —  XVIII.  La  Revue  des  idées.  — 
XIX.  Compte  rendu  des  séances  de  L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 

—  XX.  Annales  du  Midi.  —  XXI.  Bulletin  de  la  Société  nationale  des 
Antiquaires  de  France. 

I 

The  Celtic  Review,  livraisons  d'avril,  juillet,  octobre  1906.  contient  la 
suite  du  Gleniiiasan  inaniiscript  \  colonnes  47-67,  publiée  par  le  professeur 
Mackinnon  et  dont  le  commencement  a  paru  dans  les  livraisons  précé- 
dentes. L'enlèvement  des  vaches  de  Cooley,  Tain  bô  Ciiahige,  nous  apprend 
qu'à  la  date  où  aurait  commencé  l'expédition  entreprise  par  la  reine  Medb, 
pour  s'emparer  du  taureau  divin  de  Cooley,  Fergus  mac  Rôig,  ancien  roi 
d'Ulster,  était  depuis  dix-sept  ans  en  exil  dans  le  Connaught^  :  il  y  avait 
été  fort  bien  traité  5.  Pendant  ces  dix-sept  ans,  qu'avait-il  fait  ?  C'est  la  ques- 
tion à  laquelle  répond  la  seconde  partie  du  Glenmasan  Manuscript.  La  pre- 
mière partie  de  ce  ms.  consiste  e  1  un  te.xte  incomplet  du  meurtre  des 
fils  d'Usnech.  Le  commencement  fait  défaut;  malheureusement  aussi  les 
dernières  parties  de  ce  récit  manquent  ;  ce  sont  précisément  celles  qui 
racontent  la  mort  des  trois  frères,  celle  de  Derdriu,  femme  de  l'un  d'eux, 
et  les   premiers  actes  de  vengeance  immédiatement  accomplis  par  Fergus 

1.  Ce  ms.  appartient  à  la  bibliothèque  des  avocats  d'Edimbourg  où  il 
porte  la  cote  LIIl.  Il  a  été  écrit  vers  la  fin  du  xve  siècle,  mais  il  est  la 
copie  d'un  ms.  plus  ancien.  Il  consiste  en  25  feuillets  de  parchemin  ; 
chaque  page  contient  deux  colonnes,  ainsi  le  nombre  des  colonnes  est  de 
cent. 

2.  Atà  secht  m-bliadna  déc  fri  Ultu  ammuig  ar  longais  ociis  bidbanas. 
Tainbô  Cûalnge,  édition  Windisch,   p.    57,1.   465,  466. 

3.  Môr  de  maith  fuarais  i  fus 
Ar  do  longais,  a  Fhergus  ! 

Tdin  bô  Cùalngc,  édition  Windisch,  p.    59,   1.  492,  493. 


Périodiques.  loi 

qui  avait  donné  aux  trois  frères  sa  parole  qu'aucun  mauvais  traitement  ne 
leur  serait  infligés  Ce  texte  incomplet  occupe  dans  le  ms.  les  douze 
colonnes,  i-8  et  13-16.  Déjà  publié  avec  traduction  en  1887  par  M.  Whitley 
Stokes,  Irische  Texte,  t.  II,  p.  122-183,  puis  sans  traduction,  en  1894, 
par  MM.  Macbain  et  Kennedy  dans  Cameron,  Reliquix  celticx,  t.  II,  p.  464- 
474,  il  a  paru  avec  traduction  dans  les  deux  premiers  n°s  de  la  Celtic 
Revieiv,  15  juillet,  13  octobre  1904,  p.  12-17,  104-131  du  tome  Je^.  Ensuite 
une  lacune  se  produit.  Puis  avec  la  livraison  de  janvier  1905  commence  la 
seconde  partie.  Nous  vovons  Fergus  faire  la  guerre  à  Conchobar,  roi 
d'Ulster,  demander  ensuite  et  obtenir  l'hospitalité  du  roi  et  de  la  reine 
de  Connaught  et  se  mettre  à  leur  service  (col.  17-20,  9-12,  21).  Ce  qu'il 
fait  alors  est  raconté  dans  les  colonnes  suivantes  du  ms.  ;  le  commence- 
ment de  cette  partie  a  paru  dans  les  livraisons  de  la  Ceïtic  Revieiu,  d'avril 
1905  à  octobre  1906,  celle  d'octobre  1906  atteint  la  colonne  67  du  ms. 
Dans  ces  livraisons  se  trouve  un  arrangement  développé  de-  la  pièce 
intitulée  Enlèvement  des  vaches  de  Flidas,  Tdiii  hô  FUdai^,  publiée  en 
triple  édition  et  avec  traduction  par  M.  Windisch,  Irische  Texte,  II,  2, 
p.  206-223,  ^^  4'^i  '^^'^  '^^^^^  '^ss  histoires  servant  de  préface,  reiiiscêl,  à  l'En- 
lèvement des  vaches  de  Cooley.  Un  exemple  amusant  de  la  façon  dont  s'y 
est  pris  l'auteur  pour  développer  le  texte  primitif  est  le  récit  où  l'on  voit 
l'épée  de  l'amoureux  Fergus  enlevée  et  remplacée  dans  le  fourreau  par  un 
bâton.  On  trouve  cette  anecdote  dans  l'Enlèvement  des  vaches  de  Cooley  : 
1°  Lebor  na  h-Uidre,  p.  65,  col.  2,  1.  31-43;  p.  66,  col.  i,  1.  1-9;  édition 
O'Keeffe,  1.  925-941;  cf.  Zinimer  dans  la  Zeitschrîft  de  Kuhn,  t.  XXVIII, 
p.  451;  traduction  de  Winifred  Faraday,  p.  44-45;  2°  avec  une  légère 
variante,  Livre  de  Leinster,  p.  80,  col.  i,  1.  2-6;  édition  Windisch.  p.  415, 
1.  2867-2872;  traduction  de  Standish  Hâves  O'Grady,  chez  Eleanor  Hull, 
The  CuchuUiu  Saga,  p.  ibi.  Cette  anecdote  reparaît  dans  le  Glenriiasaii 
manuscript,  col.  21,  The  Celtic  Revieiu,  janvier  1905,  p.  229. 

Dans  le  n^  de  juillet  1906  du  même  périodique,  nous  signalerons  un 
article  du  professeur  E.  Anwyl  sur  les  déesses  celtiques  :  1°  le  groupe  des 
tiiatres  en  gallois  jy  uianiau,  dites  aussi  Mairac,  Matronae,  Proximae,  Nymphae, 
Jiinones,  Dervonnae;  1°  les  déesses  individuelles  :  Daniona,  Rosnierta,  Sirona, 
Mo^ontia,  Epoiia,  Cliitoissa,  SoUmara,  Brigindu,  Abnoba,  Naria  i\ousaniia, 
Teniusio,  Naiitosiielta,  Adonna,  Stanna,  Divona,  Diinitia,  Belisama,  Brigan- 
tia,  Noreia. 

On  lira  avec  intérêt,  dans  les  nos  de  juillet  et  d'octobre  1906,  le  mémoire 
où  Miss  Eleanor  Hull  compare  les  mœurs  gauloises,  telles  que  les  écrivains 

I.  Les  plus  récentes  éditions  de  VAided  uiac  n-U?nig  sont  celles  :  1°  de 
M.  Windisch,  Irische  Texte,  I  (1880),  p.  59-92  ;  2°  de  M.  Whitley  Stokes, 
ibidem,  II,  2  (1884),  p.  109-182  ;  3"  de  MM.  Dottin  et  O'Growney. 
Revue  Celtique,  t.  XVI  (1895),  p.  425-449  ;  4°  celle  qui  a  été  donnée  en 
un  volume  en  1898  par  la  Society  for  the  Préservation  of  the  Irish  Langiiage  ; 
50  celle  de  M.  Douglas  Hyde,  Zeitschriftfi'ir  celtische  Philoiogie,  t.  11(1898), 
p.  138-155.  Citons  encore  M.  Thurneysen,  Sagen  ans  den  alten  Irland 
p    11-20. 


1 02  Périodiques 

de  l'antiquité  les  décrivent,  avec  les  mœurs  que  nous  dépeint  la  vieille  litté- 
rature épique  de  l'Irlande. 

M.  George  Henderson  continue  dans  les  nos  d'avril  et  de  juillet  son 
étude  sur  la  légende  de  Finn. 

Le  no  d'octobre  débute  par  une  étude  du  Rév.  Charles  M.  Robertson  sur 
les  dialectes  gaéliques  d'Ecosse. 

Plusieurs  textes  gaéliques  modernes  apparaissent  pour  la  première  fois 
dans  ces  trois  livraisons. 

Enfin  nous  signalerons  la  réponse  par  M.  E.  W.  Nicholson  à  un  article 
de  M.  Wade  Evans  sur  le  De  excidio  Britanniœ,  article  inséré  dans  la  Cel- 
tic  Revieiv  de  juillet  et  octobre  1905  et  dont  nous  avons  dit  un  mot, 
Revue  CcUique,  t.  XXVI,  p.  120,  121. 

II 

L'Archiv  fur  celtische  Lexicographie  que  dirigent  MM.  Whitley 
Stokes  et  Kuno  Meyer  contient  dans  la  troisième  livraison  du  tome  III, 
trois  articles,  deux  de  M.  Whitley  Stokes,  un  de  M.  Kuno  Meyer. 

Les  articles  du  premier  sont  d'abord  l'édition  d'un  glossaire  gaélique 
d'Ecosse  et  d'un  recueil  des  mots  difficiles  de  la  bible  irlandaise,  le  tout  con- 
servé par  un  ms.  du  xviiie  siècle,  Egerton  158  du  Musée  Britannique  ; 
M.  Whitley  Stokes  y  a  ajouté  un  index  alphabétique  qui  rendra  les  recherches 
très  faciles.  Le  second  article  du  même  auteur  est  destiné  à  donner  le  vrai 
sens  des  expressions  hcarJa  feibidhe  et  béarla  u-eadangartha,  signifiant  la 
première  «  langage  choisi  »,  la  seconde  «  langage  séparé  ». 

L'article  de  M.  Kuno  Meyer  est  un  recueil  de  courts  morceaux  irlandais 
tirés  de  divers  manuscrits  et  qui  appartiennent  à  la  littérature  chrétienne. 

Comme  supplément  à  cette  livraison,  M.  Kuno  Meyer  a  donné  les  pages 
575-638  de  ses  Cotitribtitions  to  irish  Lexicography,  excellent  dictionnaire 
irlandais  dont  le  tome  I,  A-C,  a  déjà  paru.  Les  pages  575-638  forment  le 
commencement  du  tome  second  et  contiennent  la  première  partie  des  mots 
commençant  par  la  lettre  D. 

III 

Depuis  le  mois  d'avril  dernier  deux  livraisons  du  Journal  of  the  Royal 
Society  of  Antiouaries  of  Ireland  sont  arrivées  entre  les  mains  de  la  rédac- 
tion de  la  Revue  Celtique, ceux  de  juin  et  septembre  1906.  Nous  ysignalerons 
d'abord,  p.  166  etss.,  l'article  de  M.  R.  A.  S.  Macalister  sur  des  inscriptions 
ogamiques  du  comté  de  Cork,  aujourd'hui  dans  des  musées  ;  nous  cite- 
rons :  maqui  Bril...  [i\ngene  Sada'ides,  [Colah]ot  inaqui  iiiaqui  Rite  nnicoi 
Corih'iri,  Auavlmiiatïas  niucoi  Geuri  avi  Akcras,  utaqui  Ercias  uuiqui  Valamni, 
Vedacu  Tobira  mucoi  Sogini.  Comme  appendice  M.  Macalister  donne  une 
lecture  nouvelle  de  l'inscription  de  Donard  :  Cagianade  maqui  Vobaraci. 

P.  259  et  ss.,  l'article  du  même  sur  neuf  inscriptions  ogamiques  du  comté 


Périodiques  103 

Je  Cork;  la  plupart  ne  sont  que  des  débris,  en  voici  une  à  peu  prés  com- 
plète anm  Casoni   m(aqui)  Rati. 

Dans  le  no  de  mars  1906,  M.  Patrick  Westou  Joyce  avait  disserté  sur 
l'inscription  de  l'île  d'Inchagoill  dans  le  lac  appelé  Long  Corrib  au  comté 
de  Galway  ;  nous  en  avons  parlé  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XXVII,  p.  189, 
190.  M.  Macalister  lui  répond  dans  le  n"  de  septembre,  p.  297  et  suivantes. 
11  maintient  la  lecture  Lie  Luguedon  macci  Menueh.  A  la  suite  de  cet  article, 
p.  303-510,  il  donne  un  recueil  d'inscriptions  funéraires  en  minuscules 
latines  recueillies  par  lui  à  Iniscaltra,  autre  île  du  même  lac  :  Coscrach 
Laignech  est  la  première,  suivent  une  série  d'épitaphes  commençant  par 
Or  [oit],  «  priez  ». 

Signalons  aussi,  p.  239-258,  une  étude  de  M.  Thomas  Johnson  Westropp 
sur  des  forts  antiques  qui  ont  été  construits  en  Irlande  sur  des  promontoires 
dans  les  comtés  de  Waterford  et  de  Wexford;  p.  276-284,  celle  de 
M.  P.  J.  Lvnch  sur  les  antiquités  du  comté  de  Kerry. 


IV 

Dans  les  Annales  de  Bretagne,  t.  XXI,  nos  5  et  4  ;  t.  XXII,  no  i  ; 
livraisons  d'avril,  juillet  et  novembre  1906,  nous  mentionnerons  :  un 
mémoire  de  M.  l'abbé  Campion  sur  saint  Servatius,  patron  de  Saint-Servan 
(Ille-et-Vilaine)  ;  quatre  textes  bretons  inédits  du  xviiie  siècle,  publiés  par 
M.  J.  Loth  (ce  sont  les  professions  de  quatre  religieuses  du  Carmel  ;  outre 
les  textes  originaux  fidèlement  transcrits,  M.  J.  Loth  donne  une  copie  cor- 
rigée et  une  traduction  française)  ;  continuation  du  mémoire  de  M.  Henri  Sée 
sur  les  classes  rurales  en  Bretagne,  du  xvie  siècle  à  la  Révolution  ;  Mélanges 
d'histoire  bretonne,  les  Gesta  sanctoruni  Rotonensiuiii ,  Festien  «  archevêque  » 
de  Dol,  par  M.  Ferdinand  Lot  (suivant  lui  les  Gesta  ont  été  rédigés  entre 
868  et  875  ;  l'auteur  est  Ratvili  qui  fut  évêque  d'Aleth  de  866  à  872; 
quant  à  Festien  son  avènement  doit  être  daté  de  859);  trois  chansons  bre- 
tonnes de  la  collection  Penguern,  publiées  et  traduites  par  M.  Pierre  le 
Roux. 

La  publication  de  M.  Le  Braz,  Coguoiiienis  et  sainte  Tréfine,  se  termine 
dans  le  no  de  juillet.  A  la  fin  de  chacune  des  trois  livraisons  se  trouvent 
quelques  pages  de  la  dernière  édition  du  Cartulaire  de  l'abbave  de  Sainte- 
Croix  de  Quimperlé  par  Léon  Maître  et  Paul  de  Berthou. 


Les    MÉMOIRES  DE    LA    SOCIÉTE   DE    LINGUISTICIUE   DE  PaRIS,    tOme  XIV, 

2'=  fascicule,  nous  offrent  un  mémoire  de  M.  Grammont,  La  niéthalljcse  de  ae 
en  breton  armoricain.  L'auteur  examine  en  quels  cas  le  groupe  ae  s'est  changé 
en  ea,  en  quel  cas  il  s'est  maintenu.  Cette  mutation  se'produit,  dit-il,  en 
léonard  quand,  dans  un  monos\'llabe,  ae  est  suivi  d'une  consonne,  à  moins 
que  ae  ne  représente  un  groupe  a^  du  breton  moyen,  exemple  kaer  «  beau  » 
en  moyen  breton  ca^r  =:  cadro-s.  Cf.  ci-dessus,  p.  59-66. 


I04  Périodiques 

VI 

La  Revue  des  études  anciennes,  no*  2,  3,  4,  avril-décembre  1906, 
contient  d'intéressants  articles  de  M.  Jullian.  Il  traite,  p.  111-115,  la  ques- 
tion de  savoir  si  le  Hradischt,  ou  ville  forte,  de  Stratonitz,  doit  être  attribuée 
soit  aux  Boii  soit  aux  Marcomans  qui  leur  ont  succédé  un  peu  avant  le  début 
de  l'ère  chrétienne.  Suivant  M.  Jullian,  p.  1 19-120,  la  civilisation  de  Hallstadt 
est  sigvnne  et  non  celtique.  A  la  page  125,  M.  G.  Doltin  signale,  dans  un 
traité  anonvme  intitulé  r-jvaïy.c;  iv  -oÀc;j.!zo::  Tuve-ai  /ai  àvoo£lat  (Wester- 
mann,  Scriptores  reniiii  viirahilimn  graeci,  p.  218,  1.  4-1 1),  un  passage  où  il 
est  dit  que  lorsque  les  Galates  passèrent  le  Danube,  ce  fut  sous  la  conduite 
d'une  femme  appelée  Onomaris,  qui,  après  la  conquête  du  pays  situé  au  sud 
du  fleuve,  en  serait  devenue  la  reine  et  dont  aucun  écrivain  moderne  n'avait 
parlé  jusqu'ici.  Aux  p.  128-154,  M.  de  la  Ville  de  Mirmont  traite  de  l'astro- 
logie chez  les  Gallo-Romains  à  la  fin  du  iv^  siècle  et  au  commencement 
du  ye.  Aux  p.  250-252,  M.  Jullian  parle  des  termes  géographiques  qui  rap- 
pellent l'antique  domination  des  Ligures  en  Espagne  et  en  Gaule.  P.  259, 
M.  Jullian,  citant  un  passage  de  Strabon,  VII,  3,  8,  où  d'après  Ptolémée 
fils  de  Lagos,  il  est  dit  que  les  Gaulois  ne  craignaient  que  la  chute  du  ciel, 
en  rapproche  un  passage  de  Tite  Live,  XL,  58,  §  6  où  il  est  rapporté  que  les 
Gaulois  en  fuite  croyaient  que  le  ciel  tombait  sur  eux  :  caelimi  in  se  ruere 
iiielhvit.  P.  339,  M.  Gassien  publie  une  gravure  représentant  le  Dispater 
gaulois  de  la  collection  Dassy  à  Meaux.  P.  340,  note  de  M.  Audollcnt  sur 
les  fouilles  du  Puv-de-Dôme  où  l'on  vient  de  découvrir  un  petit  monument, 
c'est-à-dire,  comme  l'auteur  «  s'exprime,  un  temple  à  cella  quadrangulaire 
tandis  que  l'édifice  grandiose  qui  le  domine  a  la  forme  carrée  si  fréquente 
en  Gaule  ». 

Chaque  livraison  contient  une  chronique  gallo-romaine  écrite  par 
M.  Jullian  et  d'un  grand  intérêt. 

VII 

Ce  que  le  Boletin  de  la  Real  Academia  de  la  HistorL'\,  année  1906, 
nous  offre  de  plus  curieux  au  point  de  vue  de  l'histoire  ancienne,  c'est, 
t.  XLVIII,  p.  374-381,  et  t.  XLIX,  p.  133-137,  la  découverte  en  Andalou- 
sie d'une  caverne  artificielle  en  forme  de  coupole  ovoïde,  occupant  en  plan 
3  mètres  95  sur  4  mètres  45,  et  accompagnée  de  trois  petites  annexes;  on 
parvient  à  cette  coupole  par  une  galerie  souterraine  ;  le  tout  est  creusé  dans 
le  roc;  sur  les  parois  on  voit  des  restes  de  peinture.  Dans  le  sol  on  a  distin- 
gué plusieurs  couches  ;  la  supérieure  est  du  moven  âge  jusqu'au  xiv^  siècle 
représenté  par  cent  monnaies  datant  du  règne  de  Pierre  I^'",  roi  de  Castille  ; 
au-dessous  une  couche  romaine,  plus  bas  divers  débris  notamment  de  nom- 
breux os  d'animaux.  Comparer,  le  monument  irlandais  de  Newgrange. 

Le  P.  Fidel  Fita  continue  la  publication  des  inscriptions  romaines  d'Es- 
pagne ;  mais  une  grande  partie  de  celles  qu'il  donne  a  déjà  paru  dans  le 
tome  II  du  Corpus  iiiscriptionuniJatinaruin;  il  le  dit  lui-même.  Parmi  elles  se 


Périodiques  105 

trouve  un  surnom  celtique,  il  s'agit  de  l'épitaphe  de  L.  Caec(ilius]  Agidil- 
lus,  no  4456  du  Corpus,  p.  246  du  tome  XLVIII  du  Boletin,  cf.  Alfred  Hol- 
der,  Allceltiscber  Sprachschati,  t.  I,  col.    55,  56. 

VIII 

Les  Indogermanische  Forschungen,  t.  XIX,  ne  contiennent  aucun 
article  traitant  spécialement  des  langues  celtiques,  mais,  grâce  à  l'excellent 
index  de  M.  Hermann  Hirt(54  pages,  de  582  à  635)  où  quatre  colonnes, 
p.  613,  614,  sont  occupées  par  les  langues  celtiques,  les  recherches  y  sont 
possibles. 

Parmi  les  nombreuses  comparaisons  de  l'irlandais  avec  d'autres  langues, 
nous  en  glanerons  quelques-unes  :  gaoisid  «  poils  d'animal  »,  «  crins  » 
dans  l'Avesta  gaesa  «  chevelure  crépue  »  (p.  318);  Wor  autrefois  Inr  =^- 
*  hem,  «  bâton  pointu  >-.,  dans  l'Avesta  grava-  a  bâton  »  (p.  325);  guaire, 
«  chevelure  rude  »,  en  lituanien  gaitras,  «  cheveux  courts  et  rudes  » 
(p.  ^42);  fioiuiadh,  «  cheveu  »,  comparez  le  premier  terme  du  vieux  haut 
allemand  ivint-braïua  «  sourcil  »  aujourd'hui  wimper  «  cil  »  ;  feasog  «  barbe  » 
dérivé  du  vieil-irlandais  fi's  v  cheveu  »  =  ijendhso-,  en  vieux  slave  vasïi, 
«  barbe  »  =  uoiidhso-  (p.  347-348),  rapprochements  proposés  par  M.  Li- 
den  ;  taos  plus  anciennement  tais,  pâte,  en  vieux  slave  téslo,  forme  pri- 
mitive dans  les  deux  langues  tdisto-  ;  tara,  «  actif,  vif  »,  en  sanscrit 
tardnish  «  prompt,  vif,  énergique  »,  en  grec  -p-^pov,  xpapov,  xapo'v,  rap- 
prochements proposés  par  M.  Brugmann  qui  traite,  p.  384,  des  étymo- 
logies  données  pour  ara  «  cocher»,  et  qui  se  trompe,  p.  385,  quand 
il  traduit  ccle  par  serviis.  Le  vrai  sens  de  ce  mot  est  «  compagnon  »,  «  cama- 
rade »  5.  La  formule  Ccle  Dé,  employée  pour  désigner  les  moines  irlandais, 
veut  dire  non  servtis  Dei,  mais  sociiis  Dei,  conformément  à  la  première 
épître  aux  Corinthiens,  chapitre  i,  verset  9  :  «  Dieu  est  fidèle,  il  vous  a 
appelé  dans  la  société,  s';  /.otvovt'av,  de  son  fils  Jésus-Christ.  »  Eî;  -/.oivojvîav 
est  traduit  dans  la  Vulgate  par  in  societatem,  dans  la  traduction  anglaise  la 
plus  récente  par  infelloiuship.  Or  felloiv  est  une  des  traductions  proposées 
pour  cèle,  cèile  par  MM.  R.  Atkinson  et  Kuno  Meyer'  ;  et  le  sens  de  felloiu, 
est  «  compagnon  »  «  camarade  »  nullement  esclave. 

IX 

Dans  la  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung,  t.  XL, 
p.  290,  291,  M.  Richard  Loewe  traitant  de  la  chute  de  la  réduplication  au 
parfait  dans  les  langues  germaniques  compare  le  vieil  irlandais  ar-oh- 
rôinasc  ^  «  je  vous  ai  fiancés  »,  où  le  redoublement  n'est  représenté  que  par 


1.  Atkinson,  Gloasaryto  Breton  Laws,  p.  126;  Kuno  Meyer,  Contributions 
ta  irish  Lexicography,  t.  I,  p.  383. 

2.  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.    374,  col.   2. 


I  o6  Périodiques 

la  lettre  /,  tandis  que  dans  ro-nenasc  '  «  je  me  suis  engagé  à  payer,  »  le 
redoublement  persiste  intégralement.  A  la  page  400,  M.  Vilhelm  Schultze, 
traitant  des  noms  germaniques  du  beau-père,  en  latin  socer,  et  de  la  belle- 
mère,  en  latin  socrtis,  cite  le  gallois  chiuegrwn,  «  beau-père  »  cinuegr,  «  belle- 
mère  ».  A  la  page  473,  M.  Paul  Charpentier  cite  le  mot  irlandais  gaoitid, 
«  crins  «  et  comme  M.  Macbain,  Etywological  Dictionary  of  the  Gaelic  Lan- 
guage,  p.  169,  le  rapproche  du  grec  yx'.-i^  v  crinière  »  «  longue  chevelure  w. 

X 

Un  article  de  M.  Magnus  Olsen,  inséré  dans  les  Beitraege  zur  Kunde 
DER  iNDO-GERMANiscHEN  Sprachek,  t.  XXX,  p.  325-327,  est  consacré  à 
l'étude  de  la  question  de  savoir  si  le  basque  andre  «  femme  »  «  dame  »  est 
d'origine  basque  ou  a  été  emprunté  par  le  basque  au  celtique  *  andera  dont 
l'existence  doit  être  conclue  1°  du  vieil  irlandais  ainder  «  jeune  femme  », 
2°  du  mot  gallois  et  breton  aimer  w  génisse  ».  =  M.  Olsen  croit  que  le  mot 
basque  est  d'origine  celtique.  Le  sens  primitif  a  dû  être  «  génisse  ».  Le 
basque  andre  fait  défaut  dans  l'ordre  alphabétique  du  Diccionario  trilingue 
castt'Uaiio,  bascuense  y  latin  de  Larramendi.  On  ne  l'y  trouve  qu'à  l'article 
Maria  où  il  apparaît,  comme  premier  terme  du  composé  andre-dena. 
M.  Olsen  cite  andre  d'après  Eys,  Dictionnaire  basque-français,  et  d'après 
Luchaire,  Les  origines  linguistiques  de  V  Aquitaine,  1877  ;  il  reproduit  neuf 
lignes  prises  par  lui  dans  l'ouvrage  de  M.  Luchaire,  /;/  seincr  gruudlegenden 
Schrift.  André,  comme  premier  élément  du  composé  andre-dena,  se  ren- 
contre dans  le  titre  des  litanies  de  la  Vierge  en  dialecte  de  Labourd  publiées 
par  Phillips,  comptes  rendus  de  l'Académie  impériale  de  Vienne,  t.  LXVI 
(1870),  p.  746,  cf.  p.  751. 

Le  vieux  français  am/Zc/- aujourd'hui  landier  «chenet  )•>  viendrait  d*  anderos, 
masculin d'*«w(7^;ii  et  signifiant  primitivement  «  veau  ».  Les  chenets  étaient 
originairement  en  forme  de  petits  chiens,  chenet  est  un  diminutif  de  chien. 
Les  andiers  auraient  été  en  forme  de  veau. 


XI 

La  Revue  ARCHÉOLOGIQUE,  no  de  juillet-août  1906,  contient,  p.  120-123, 
un  article  de  M.  Chanel  sur  une  sépulture  du  premier  âge  du  fer,  découverte 
à  Belignat,  *  Beliniacus,  Ain.  On  n'y  a  pas  trouvé  d'armes,  on  y  a  recueilli 
les  fragments  d'un  collier  en  bronze,  sept  bracelets  de  même  métal,  une 
plaque  de  ceinture  également  en  bronze,  longue  de  0,468,  épaisse  de  0,001, 
large  de  0,157. 

La  Revue  des  publications  épigraphiques,  mars-juin, placée  par  MM.  Cagnat 
et  Besnier  à  la  fin  de  cette  livraison,   contient,  no  33,  l'épitaphe  de  Sego- 


1.  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  703,  col.  i. 

2.  Cf.   V\[\\iÛeyS\oVe'3,UrhllischerSprachschat:^,-ç.  15. 


Périodiques  107 

iiiiinna  par  Teiiiiis  Tiiico-rigis  f\ilius];  et  11°  54,  le  nom   d'homme  écrit  au 
génitif  Veni-cari. 

XII 

Il  a  paru  trois  numéros,  1°  juillet,  2°  août,  5°  septembre-octobre,  d'une 
revue  nouvelle  Pro  Alesia,  destinée  à  faire  connaître  le  résultat  des  fouilles 
entreprises  sur  l'emplacement  à' Alesia,  ville  gauloise  que  Jules  César  a  rendue 
célèbre  par  le  livre  VII  de  son  De  hellogaliicoei  dont  le  nom  est  conservé  par 
un  village  voisin,  Alise-Sainte-Reine,  canton  de  Flavigny,  arrondissement 
de  Semur,  Côte-d'Or.  Alesia  était  située  sur  le  plateau  du  Mont  Auxois, 
Mons  Alisensis,  qui  domine  Alise-sainte-Reine;  et  la  première  '.ivraison  de 
Pro  Alesia  s'ouvre  par  un  plan  de  ce  plateau,  c'est  un  extrait  du  plan  cadastral  ; 
le  nombre  des  parcelles  est  énorme,  nombreux  sont  aussi  par  conséquent 
les  propriétaires  avec  lesquels  il  faut  s'entendre  quand  on  veut  pratiquer 
des  fouilles.  Les  fouilles  sont  commencées;  elles  établissent  que  la  ville  gau- 
loise du  Mont  Auxois  a  continué  à  être  habitée  sous  la  domination  romaine 
jusqu'au  ve  siècle  de  notre  ère.  On  y  a  trouvé  des  monnaies  romaines,  des 
inscriptions  romaines,  un  théâtre  romain  demi-circulaire,  à  40  mètres  30  de 
rayon,  des  statues  de  divinités  romaines,  enfin  trois  fragments  d'une  inscrip- 
tion gauloise  dont  on  peut  restituer  quelques  mots  i]a[u.o]TaXo[:]  %  Fapaa- 
[vo];  ^  BipoL/.o  >,  TWJX[[o;]4,  [aXia]avv[oç].  Il  y  s'agirait  en  dernier  lieu  d'un 
certain  Biracos,  magistrat  ?  d'Alise  ?  Les  collaborateurs  auxquel  son  doit  Pro 
Alesia,  MM.  Espérandieu,  Seymour  de  Ricci,  Pernet,  Héron  de  Villefosse 
font  preuve  d'un  zèle  et  d'une  science  qui  méritent  les  plus  chauds  encou- 
ragements. 

XIII 

M.  Arthur  Bernard  Cook  a  commencé,  en  1904,  dans  le  tome  XV  du 
Folklore  ,  une  étude  sur  le  dieu  européen  du  ciel ,  The  etiropeaii  Sky- 
god.  D'abord  dans  ce  volume  il  s'est  occupé  de  la  mythologie  grecque.  En 
1904,  dans  le  tome  XVI  il  est  passé  à  la  mythologie  des  Italiotes;  dans  le 
tome  XVII,  en  1906,  il  est  arrivé  aux  Celtes.  En  trois  articles  il  s'occupe 
des  dieux  adorés  par  les  Celtes  insulaires  :  i"  p.  28-71,  il  est  question  de 
Nodons,  en  irlandais  Niiadu,  en  gallois  Ludd  5  et  des  arbres  sacrés  dits  hile  ; 
2°,  p.  141-173,  il  s'agit  de  Manannan  mac  Lir,  de  Bran,  de  Connla,  de 
Cûchulainn,  de  Cormac,  de  Tadg,  d'Oisin,  c'est-à-dire  d'une  grande  partie 
de  la  mythologie  irlandaise  ;  3°  p.  308-348,  M.  Cook  traite  de  la  mytho- 


1.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat:^,  t.  II,  col.   1347. 

2.  Ibidem,  t.  I,  col.  1983. 

3.  Biracos,  ibidem,  t.  I,  col.  423. 

4.  Ibidem,  t.  II,  col.  1898. 

5.  Loth  nom  d'un  de  nos  principaux  collaborateurs  ne  serait  qu'une 
déformation  du  nom  divin  gallois  Ludd  (p.  48-56),  variante  de  l'irlandais 
Nuadu  ;  primitivement  Nodons. 


io8  Périodiques 

logie  galloise.  M.  Cook,  étant  monothéiste,  transforme  en  un  dieu  unique, 
le  dieu  européen  du  ciel,  les  nombreux  personnages  mythologiques  dont  il 
nous  entretient.  Tous  les  lecteurs  auront-ils  une  imagination  si  puissante? 

XIV 

Le  Biilleliti  des  Inihlicatioiis  hagiographiques  contenu  dans  les  troisième  et 
quatrième  livraisons  du  tome  XXV  des  Analecta  Bollandiana  nous  ofiVe 
p.  544,  345,  360,  509,  sous  la  signature  A[lbert  P[oncelet),  d'aimables  et 
intéressants  comptes  rendus  de  la  seconde  édition  du  Felire  Oetigusso  de 
M.  Whitlev  Stokes,  de  deux  ouvrages  de  l'abbé  Duine  concernant  la  Bre- 
tagne, de  la  récente  publication  de  M.  Le  Braz,  Coguoiiierus  et  sainte 
Trcfiiie. 

XV 

Dans  le  tome  V  de  la  Revue  épigraphique  fondée  par  A.  Allmer  et 
continuée  par  le  capitaine  Espérandieu,  la  suite  de  l'étude  d'Allmer  sur  les 
dieux  de  la  Gaule  par  ordre  alphabétique,  de  Riuliobits  à  Uniia,  occupe 
les  pages  43-47,  62-64,  90-94,  103-111,  122-127,  '54"iS9>  I73"i75-  19I" 
192.  Nous  signalerons  en  outre,  p.  132,  dans  deux  épitaphes  trouvées  à 
Entrains,  Nièvre,  trois  noms  d'homme  au  génitif  :  Daiiiii,  Roxtano-rigis 
Taiio-rigis,  plus  un  au  nominatif  Dago-toutus  ;  p.  164,  dans  une  épitaphe 
découverte  à  Aigaliers,  Gard,  le  génitif  Dunniiae  d'un  nom  d'homme  ; 
p.  185,  dans  une  dédicace  découverte  il  Serviers,  Gard,  la  divinité  5t'0'o»/aHW(7, 
le  dédicant   Tertius  Tiiico-rigis /[ilius];  nous   venons  d'en  parler,    p.  107. 

XVI 

Le  tome  XXI  de  la  Revue  des  Traditions  populaires  nous  offre, 
p.  167  et  suivantes,  un  article  intitulé  Légendes  et  superstitions  préhistoriques  ; 
on  y  voit,  p.  310  et  suivantes,  ce  qu'en  Bretagne  on  pense  des  haches. 
Enfin  p.  392  et  suivantes  se  trouve  un  recueil  d'articles  sur  les  traditions  et 
superstitions  de  la  Basse-Bretagne.  Exemple  :  Aux  environs  de  Morlaix  : 
après  la  mort  on  est  changé  en  animaux,  «  c'est  pourquoi  on  ne  doit  pas 
faire  souffrir  les  bêtes  ». 

XVII 

L'Anthropologie,  tome  XVII,  renferme,  p.  1-25,  le  commencement 
d'un  mémoire  où  le  docteur  Hamy  cherche  à  fixer,  d'après  les  débris 
trouvés  dans  les  tombeaux,  les  caractères  physiques  qui  distinguaient  les 
premiers  Gaulois  ;  ce  sont  les  crânes  que  le  savant  auteur  étudie  dans  cette 
première  section  dont  nous  attendons  la  suite.  Aux  p.  321-342,  M.  Déche- 
lette  étudie  les  sépultures  de  l'âge  du  bronze  en  France.  Sous  le  titre  de  : 
L'epée  de  Brennns,  M.  Salomon  Reinach  examine  s'il  est  exact,  que,  comme 
le  dit  Polybe,  II,    33,  les  épées  gauloises  étaient  de    si  mauvaise  qualité 


Périodiques  109 

qu'après  avoir  frappé  un  premier  coup,  elles  se  repliaient'^ sur  elles-mêmes. 
Sa  conclusion  est  négative. 

XVIII 

La  REVLiE  DES  IDÉES,  n"  du  is  mai  1906,  p.  372,  381,  nous  offre  sous  le 
titre  de  Uart  en  Gaule  d  î'époque  préhistorique,  un  mémoire  de  M.  Raymond 
de  Passillé  avec  14  figures  représentant  des  équidés,  des  bovidés,  un  mam- 
mouth, un  renne,  les  uns  gravés,  les  autres  peints  dans  des  cavernes. 

Un  souvenir  de  cette  population  préhistorique  des  cavernes  se  trouve  en 
Irlande  ;  il  v  est  mélangé  à  la  mythologie  dans  les  récits  légendaires  où 
l'on  parle  des  demeures  souterraines  des  dieux;  comparez  la  légende  homé- 
rique de  Polyphème. 

XIX 

Les  COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DE  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres  pour  l'année  1906  contiennent,  p.  79-83,  un  rapport  du  capi- 
taine Epérandieu  sur  les  sondages  pratiqués  au  Mont  Auxois  en  1905.  Nous 
en  extrayons  les  passages  suivants  : 

«  Quatre  tranchées  orientées  Nord-Sud,  et  que  l'on  a  remblayées  depuis, 
furent  ouvertes,  le  16  octobre,  vers  le  milieu  du  plateau,  aux  lieux  dits 
Saint-Pierre,  Le  champ  de  la  Cave,  En  Surelot  et  La  Combe.  Chacune 
d'elles  avait  une  largeur  de  o  m.  70  et  une  profondeur  variable,  mais  qui 
ne  dépassait  pas  en  général,  0  m.  50.  La  première  de  127  m.  30  de  long, 
permit  de  couper  dix-neuf  murs  et  fit  reconnaître  une  cave  en  petit  appareil, 
que  l'on  déblaya  partiellement  et  dans  laquelle  on  put  accéder  par  un  esca- 
lier de  sept  marches  retrouvées  en  bon  état. 

«  La  seconde,  de  129  m.  75,  comportait  une  lacune  de  7  mètres  sur 
l'emplacement  du  chemin  actuel  de  Mont  Auxois.  Elle  coupa  dix-huit 
murs,  parmi  lesquels  ceux  d'une  autre  cave,  aussi  en  petit  appareil,  et  dont 
le  sol,  à  3  mètres  de  profondeur,  était  formé  par  une  couche  de  béton. 

«  La  troisième  de  93  m.  50,  fit  découvrir  onze  murs  et  les  traces  d'un 
foyer  rempli  de  cendres. 

«  La  dernière  enfin,  de  103  m.  30,  ne  donna  que  peu  de  résultats.  Sur 
une'longueur  de  40  mètres,  on  n'a  trouvé  que  le  rocher  ;  la  majeure  partie 
des  63  mètres  restants  était  constituée  par  du  macadam  recouvert,  à  trois 
reprises  différentes,  par  des  pièces  équarries  d'un  dallage  moins  ancien. 
Deux  murs  seulement,  l'un  de  o  m.  75,  l'autre  de  o  m.  40,  ont  été  coupés 
par  la  tranchée. 

«  Les  deux  premières  tranchées  furent  tracées  dans  le  prolongement  et  à 
12  m.  50  l'une  de  l'autre  ;  entre  elles  se  trouvait  un  puits,  lui-même  situé 
au  Nord-Est,  et  à  25  mètres  d'un  second  puits  dont  on  déblaya  les  abords. 
On  reconnut  ainsi  les  maçonneries  d'une  construction,  dont  le  plan  d'en- 
semble a  pu  être  levé  par  M.  Testart,  vice-président  de  la  Société  de  Semur, 
mais  sur  la  nature  de  laquelle  je  ne  saurais  me  prononcer.  Le  peu  d'épais- 
seur des  murs,  qui  ne  dépassent  pas  o  m.  30,  et  leur  mauvaise  facture  me 
paraissent  exclure  la  possibilité  d'un  monument  public. 


no  Périodiques 

«  D'une  manière  générale,  les  différents  murs  que  rencontrèrent  les  tran- 
chées avaient  une  épaisseur  de  o  m.  ^o  à  i  mètre.  Ils  étaient  construits  en 
petits  cailloux  assemblés  avec  du  mortier;  des  pavages  ou  du  macadam  qui 
correspondaient,  suivant  leur  largeur,  soit  à  des  rues,  soit  à  des  places 
publiques,  les  séparaient  parfois.  Un  certain  nombre  de  ces  murs,  étaient 
recouverts  d'un  enduit  gris,  rouge  ou  blanc  que  décoraient  des  filets  d'autres 
couleurs. 

«  Les  terres  des  excavations  et  celles  retirées  des  puits  n'ont  pas  été  pas- 
sées au  crible  ;  la  saison  du  reste  s'y  opposait.  On  a  recueilli  toutefois  une 
foule  de  menus  objets,  de  nature  à  faire  augurer  favorablement  des  fouilles 
plus  méthodiques  que  l'on  se  propose  d'exécuter.  C'est  d'abord  une  quan- 
tité innombrable  de  clous  de  toutes  dimensions,  paraissant  fournir  la  preuve 
que  le  bois  entrait  pour  une  bonne  part  dans  la  construction  des  demeures. 
Ce  sont  ensuite  des  fragments  de  marbre,  la  base  d'une  statuette  de  marbre 
à  laquelle  sont  adhérents  deux  pieds  de  chèvre,  ceux  peut-être  d'un  dieu 
Pan,  des  débris  de  poteries  rouges  ou  noires,  quelques-unes  peintes,  dont 
la  fabrication  s'échelonne  depuis  l'époque  de  la  Tène  jusqu'au  Bas-Empire 
et  dont  certaines  sont  estampillées  aux  noms  .des  céramistes  g^Uo-romains 
Chresius,  Bassus  et  Scoppus,  des  gonds  de  porte,  des  morceaux  de  verre,  un 
style  et  des  boutons  de  bronze,  un  curieux  petit  polissoir  en  pierre  dure, 
de  la  grosseur  et  de  la  forme  d'une  châtaigne,  une  pointe  de  javeline  en 
fer,  une  épingle  en  os  et  des  monnaies. 

Parmi  celles-ci,  dix  ou  douze  sont  gauloises.  J'ai  noté,  principale- 
ment deux  pièces  des  ManJubii,  des  deux  £dui,  une  des  Seiiones,  une  des 
Linc;ones  et  une  des  Leuci}  avec  la  légende  Germanvs  IndvtilU.  Des  autres 
monnaies  aucune  n'est  consulaire  ;  la  plus  ancienne  est  de  Néron,  la  plus 
récente  de  Valentinien  II.  La  plupart  sont  de  Gallien  et  de  Tétricus,  de 
Constantin  I  et  de  Constance  II.  Leur  nombre  est  encore  insuffisant  pour 
nous  fixer  d'une  manière  certaine  sur  l'époque  où  cessa  d'exister  la  ville 
gallo-romaine,  continuatrice  de  la  cité  gauloise  que  les  soldats  de  César 
durent  piller  sans  la  détruire.  Il  est  toutefois  probable  qu"il  faut  reporter 
cette  époque  au  début  du  v^  siècle  et  aux  grandes  invasions  qui  désolèrent 
alors  nos  pays.  Alise  fut  incendiée  ;  M.  Pernet  a  découvert,  au  cours  de  ses 
sondages,  assez  de  charbon  de  bois  pour  en  remplir  plusieurs  corbeilles. 
C'est  d'ailleurs  au  moins  pour  une  bonne  part,  grâce  à  la  protection  de  la 
couche  de  cendre  qui  se  forma,  que  la  masse  des  clous  dont  je  parlais  tout 
à  l'heure  nous  est  parvenue.  La  ville  fut  rebâtie  plus  tard  non  point  peut- 
être  sur  le  même  emplacement.  Elle  semble  avoir  été  reportée  vers  la  crête 
occidentale  du  plateau,  au  lieu  dit  le  cimetière  Saint-Pierre,  et  avoir  com- 
mencé dès  cette  époque,  vers  la  plaine,  la  descente  qui  se  poursuit  de  nos 
jours,  quoique  lentement.  » 

Des  pages  193,  194  nous  extrayons  un  tableau  dressé  par  M.  Adrien  Blan- 
chet  qui  nous  donne  le  périmètre  des  enceintes  des  villes  de  Gaule  à  partir 
de  l'époque  d'Auguste  pour  aller  jusqu'au  iir'  siècle  de  notre  ère  : 

Autun,  Auf^iistodiuniiu .    Enceinte  de  l'époque  d'Auguste,     )922  mètres 

—  Enceinte  réduite,  fin  du  iii'^  siècle,     1 300  m.  environ 


Périodiques  1 1 1 

Nîmes,  Neiiuiusiis.  Enceinte  de  l'époque  d'Auguste,     6200  m.  environ 

—  Enceinte  réduite,  tin  du  iiF  siècle,     2300  m.  environ 

TrèvQS,  Auoiisla  Treveroruin.    Enceinte  du   i'^'"  siècle.  6418  m. 

Augst,  Aiigiiita  Rauracoruni.                 Idem,  4767  m.? 

Fré'ps,  Forum  Juin.                                  Idem,  400034100  ni. 

Avenches,  Aventlcimi.                            Idem,  4000  m.  environ 

Cologne,  Colonia  Agrippitia.  Idem,  5911m. 
Heddernheim,  Civitas  Tauiieiisiurn.  Enceinte  du  ii^  siècle,  2700  m? 
Poitiers,  L/w/oh;//;/.                           Enceinte  du  me  siècle,     2600  m. 

Sens,  Agcdiiicuiii.                                    Idem,  2500  m. 

Bordeaux,  Burdigala.                              Idem,  2350  m. 

Bourges,  Avaricum.                                Idem,  2100  m. 

Chartres,  Autriciim.                                Idem,  2100  m.? 

Sxr3i^hourg,  Argentoratum.                       Idem,  1800m. 

Nantes,  Condiviciium.                              Idem,  1665  m. 

Paris,  Lulecia.                                            Idem,  1620 m. environ 

Rouen,  Rotoiiiag us.                                  Idem,  1600  m.  environ 

Dijon,  Divio.                                            Idem ,  1 500  m.  environ 

Chalon-sur-Saône,   CabiUoiium.               Idem,  1 500  m.  environ 

Dax,  Aqux  Tarbellica'.                              Idem,  1465  m. 

BouIogne-sur-Mer,  Gesoriacus,  Bouoiiia.  Idem,  1400  m.  environ 

Ltt  Mans,  Suindinuiii.                                Idem,  1440  m. 

Soissons,  Augusta  Suessiouum.               Idem,  1400  m.  environ 

Hevars,  Nevirnum.                                    Idem,  1 375  m.  environ 

Beauvais,   Caesaromaous.                        Idem,  1270  m. 

Angers.  Julioiuagus.                                 Idem,  1200  ou  1600  m? 

Rennes,  Condate.                       "              Idem,  1200  m.  environ 

Grenoble,  Cî//aro.                                    Idem,  1 160m. environ 

Tours,  Caesaroduuu ni.                            Idem,  1155  m.  environ 

Evreux,  Mediokuiuin.                                Idem,  1145  m. 

Orléans,  Cetmhuni.                                  Idem,  iioom. 

Rayonne,  Lapurduni.                               Idem,  iioo  à  1125  m. 

Auxerre,  Autissioduruiii.                        Idem,  1080  m. 

Melun,  Melioseduui.                                   Idem,  1000  m.  environ 

Meaux,  Fi-xtuinuiii.                                  Idem,  1000  m.  environ 

Périgueux,  Vcsuuua.                                Idem,  955  m. 

Saintes,  Mediolanum.                                Idem,  935  m. environ 

Cohlem,  Confluenles.                              Idem,  920  m.  environ 

Andernach,  Antuunacum.                         Idem,  910  m. 

Senlis,   Augustoiuagus.                            Idem,  840  m. 

Saint-Lizier,  Civitas,  Cousorauorutu.  '     Idem,  740  m. 

Noyon,  Novioinagus.                                 Idem,  599  m.  environ 

Antibes,  Autipolis.                                  Idem,  590  m. 


I.  Aussi  appelée  Austria,  Hadrien  de  Valois,  Notifia  Galliaruiu,  p.  155  ; 
cf.  Blanchet,  Les  enceintes  romaines  de  la  Gaule,  p.  196. 


1 1 2  Périodiques 

P.  361,  une  note  de  l'abbé  Arnaud  d'Agnel  nous  apporte  le  texte  d'une 
inscription  récemment  découverte  à  Marseille  : 

RUSTICA  VEBRUi /[î'/àr],  Vehrui  est  le  génitif  du  nom  d'iiomme  Vehruos. 
Est  à  rapprocher  le  premier  terme  du  nom  d'homme  gaulois  Vebni-maros, 
en  caractères  grecs  ()uri6po'j-rj.apo;,  Corpus  inscriptioniim  latinanivi,  t.  XII, 
p.  820.  La  leçon  (JurjSpo-[j.apoç,  Revue  Celtique,  t.  XVIII,  p.  320,  324,  432, 
est  à  rectifier. 

XX 

Un  travail  de  MM.  Antoine  Thomas  et  René  Poupardin  inséré  dans  les 
Annales  du  Midi,  XVIIP  année,  1906,  p.  1-39,  nous  fait  connaître  plu- 
sieurs fragments  du  cartulaire  de  Pannas,  Dordogne.  Dans  ce  cartulaire 
apparaissent  plusieurs  noms  de  lieu  en  -acus  :  Atchiacus,  aujourd'hui 
Archiac,  Charente-Inférieure  ;  les  suivantes  sont  situées  dans  la  Dordogne  : 
Braga i rac,  Bergersic;  Causiaais  ;  Lmtitiiaais,  LenùgnsLc;  Miliaciis,  Millac 
d'Auberoche  ;  Tegacus,  Tejac. 

XXI 

Le  Bulletin  de  la  Société  nationale  des  AxTiauAiRES  de  France, 
3e  trimestre  de  1906,  nous  offre,  p.  251,  le  dessin,  par  M.  de  la  Tour,  de  quatre 
intailles  provenant  de  bagues  gauloises  recueillies  dans  Voppiduw  de  Pom- 
miers et  présentées  à  la  Compagnie  par  M.  Vau ville,  associé  correspondant 
national,  qui  en  avait  reçu  trois  de  M.  Brunehaut  :  ne  pas  confondre  avec  la 
reine  mérovingienne.  La  quatrième  intaille  fait  partie  de  la  collection  de 
M.  Vau  ville. 

MM.  de  la  Tour  et  Blanchet  sont  d'accord  pour  considérer  ces  intailles 
comme  l'œuvre  d'artistes  gaulois.  Sur  une  d'elles  on  lit  le  mot  Vehigni. 

P.  255  et  suivantes  on  trouve  une  note  de  M.  Héron  de  Villefosse  sur 
l'épitaphe  trouvée  à  Frolois  (Côte-d'Or),  d'un  Gaulois  nommé  Ripcicnus 
DuNAUS.  Est  à  comparer  le  nom  d'homme  au  génitif  Ripci  (Corpus  Inscrip- 
lioHum  latuhiruui,Xlll,  2753). 

P.  267.  M.  Bordeaux  signale  l'existence  d'une  pierre  levée  en  grès,  prés 
de  Survilliers  (Seine-et-Oise). 

P.  309-310.  Dédicace  à  la  dea  seûuana  trouvée  à  Salmaise  (Côte-d'Or) 
et  signalée  par  M.  P.  de  Truchis. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


Le  Propriétaire-Gérant,   H.   CHAMPION. 


MAÇON,  PROTAT  FRÈRES,  IMPRIMEURS 


LES 

INSTITUTIONS  ET  LE  DROIT  SPÉCIAUX 

AUX  ITALO-CELTES 


Nous  avons  dernièrement  fait  observer  '  l'étroite  analogie  qui  existe  entre 
la  corporation  celtique  des  Druides  et  le  collège  des  Pontifes  romains,  entre 
la  corporation  des  Jdthi  ou  filid  irlandais  et  le  collège  des  Augures.  Un 
hasard  inattendu  vient  de  nous  faire  tomber  entre  les  mains  un  mémoire 
inédit,  daté  du  8  août  1874,  et  où  Julien  Havet,  né  le  4  avril  1853,  alors 
par  conséquent  âgé  de  vingt  et  un  ans,  a  traité  un  sujet  qui  s'en  rapproche  : 
la  puissance  paternelle  à  Rome  persiste  jusqu'à  la  mort  du  père,  à  moins 
d'émancipation  ;  dans  le  monde  celtique,  la  puissance  paternelle  a  la  même 
durée  ^.  Ces  faits  se  juxtaposent  aux  phénomènes  linguistiques  qui  ont  fait 
admettre  l'existence  d'un  groupe  italo-celtique  distinct  du  reste  des  Indo- 
européens ;  ils  la  confirment.  M.  Julien  Havet  a  eu  le  premier  l'idée  de  compa- 
rer la  découverte  des  linguistes  avec  des  faits  étrangers  à  la  linguistique  qui 
confirment  cette  découverte.  C'était  en  quelque  sorte  un  éclair  de  génie. 

Julien  Havet,  auteur  du  mémoire  qui  suit,  est  mort  âgé  de  quarante  ans, 
le  19  août  1893,  après  avoir  fait  plusieurs  publications  qui  lui  donnent  un 
rang  éminent  parmi  les  érudits  français.  Il  a  laissé  un  frère, M.  LouisHavet, 
savant  linguiste,  qui  se  rappelle  encore  les  conversations  fraternelles  vieilles 
de  plus  de  trente  ans  d'où  est  sorti  l'article  que  nous  publions. 

H.    d'A.  DE  J. 


NOTE  A  PROPOS  D'UN  POINT  DE  DROIT  GALATE 

Gaius  dans  son-  i*""  commentaire  examine  les  diverses 
sortes  d'autorité  légale  que  le  droit  romain  reconnaissait  à  un 
homme  sur  un  autre  homme,  puissance  dominicale  ou  puis- 

1.  Les  Druides,  p.  8-10. 

2.  Sauf  en  Galles.  Voir  sur  ce  sujet,  Cours  de  littérature  celtique,  t.  VII, 
p.  244-249. 

Revue  Cellique,XXVlIL  8 


114  Julien  Ilavet. 

sance  du  maître  sur  l'esclave,  puissance  paternelle,  etc.  ;  il  a 
soin  de  distinguer  ceux  de  ces  droits  qui  sont  propres  à  Rome 
et  qui,  par  conséquent,  ne  peuvent  appartenir  qu'à  des  citoyens 
romains,  et  ceux  qui  existent  également  chez  tous  les  peuples, 
et  auxquels  ont  part  même  les  sujets  étrangers  de  l'empire. 
A  cet  égard,  la  puissance  dominicale  et  la  puissance  paternelle 
diffèrent.  La  première  est  universelle  :  «  les  esclaves  sont  sous 
la  puissance  de  leur  maître,  et  cette  puissance  est  du  droit 
commun  à  tous  les  peuples  :  car  chez  tous  les  peuples  égale- 
ment, nous  pouvons  remarquer  que  les  maîtres  ont  sur  leurs 
esclaves  le  droit  de  vie  et  de  mort,  et  tout  ce  qui  est  acquis 
par  l'esclave  est  acquis  au  maître.  »  Il  en  est  tout  autre- 
ment de  la  puissance  paternelle.  Chez  les  Romains,  on  sait 
quelle  en  était  l'étendue  extraordinaire  :  le  fils  y  restait  soumis 
ioiite  sa  vie,  et  son  père  pouvait  le  vendre,  le  tuer',  etc.  Or 
c'était  là  une  singularité  du  droit  romain  ;  les  autres  peuples, 
nous  dit  Gains,  ignoraient  une  pareille  extension  de  l'autorité 
paternelle.  ■ — ■  Toutefois  il  y  avait  une  curieuse  exception  à 
cette  règle,  et  le  peuple  chez  qui  Gaius  la  signale  était  un 
peuple  celtique. 

Voici  le  passage  de  Gaius  :  «  Nous  avons  aussi  en  notre 
puissance  nos  enfants,  que  nous  avons  procréés  en  légitime 
mariage.  C'est  là  un  droit  qui  n'appartient  qu'aux  citoyens 
romains  :  en  effet  il  n'y  a  presque  pas  d'autres  hommes  qui 
aient  sur  leurs  enfants  un  pouvoir  pareil  à  celui  que  nous 
avons  sur  les  nôtres  ;  et  ainsi  l'a  déclaré  l'empereur  Hadrien 
dans  i'édit  qu'il  a  publié  au  sujet  de  ceux  qui  lui  demandaient, 
pour  eux  et  pour  leurs  enfants,  le  droit  de  cité  romaine.  Je 
n  ignore  pas  toutefois  que  la  nation  des  Galates  admet  la  puissance 
du  père  sur  ses  enfants^. 

1 .  Ce  droit  a  été  réellement  exercé  ;  en  voir  un  exemple  dans  Salluste, 
Catilina,  59. 

2.  «  Ac  prius  dispiciamus  de  iis,  qui  in  aliéna  potestate  sunt.  In  potes- 
tate  itaque  sunt  serui  dominorum,  quae  quidem  potestas  iuris  gentium  est  : 
nam  apud  omnes  peraeque  gentes  animaduertere  possumus,  dominis  in 
seruos  uitae  necisque  potestatem  esse,  et  quodcumque  per  seruum  adqui- 
ritur,  id  domino  adquiritur...  Item  in  potestate  nostra  sunt  liberi  nostri, 
quos  iustis  nuptiis  procreauimus,  quod  lus  proprium  ciuium  Romanorum 
est  :  fere  enim  nulli  alii  sunt  homines,  qui  talem  in  filios  sucs  habent 
potestatem,  qualem  nos  habemus.  Idque  diuus  Hadrianus  edicto,  quod  pro- 


Les  institulions  et  le  droit  spéciaux  aux  Italo-Celles.         1 1 5 

Ainsi,  à  la  différence  de  tous  les  autres  peuples  que  Gains 
avait  en  vue,  les  Galates  reconnaissaient  au  père  sur  ses  enfants 
un  droit  analogue  à  celui  que  lui  attribuaient  les  Romains. 
De  ce  témoignage  relatif  aux  Celtes  d'Orient,  on  a  déjà  rap- 
proché un  témoignage  analogue  de  César  sur  les  Gaulois, 
chez  qui  «  les  hommes  ont  sur  leurs  femmes,  ainsi  que  sur 
leurs  enfants,  le  droit  de  vie  et  de  mort  »  '.  Il  semble  résulter 
de  ces  deux  passages  que  la  puissance  paternelle  telle  que 
l'entendaient  les  Romains  était  un  trait  commun  du  droit  des 
peuples  celtiques. 

Ce  trait  rapprochait  les  Celtes  des  Romains  et  les  sépa- 
rait de  tous  les  autres  peuples  de  l'antiquité  ^  :  résultat  qui 
prend  de  l'intérêt  si  on  le  rapproche  de  la  doctrine  ethnogra- 
phique qu'a  soutenue  un  des  linguistes  les  plus  éminents. 

Suivant    Schleicher  ',   chacune  des  deux   familles  italique 


posuit  de  his,  qui  sibi  liberisque  suis  ab  eo  ciuitatem  Romanam  petebant, 
signifîcauit,  nec  me  praeterit,  Galatarum  gentem  credere,  in  potestate  paren- 
tum  liberos  esse.  »  Gaii  iiistitiitioiiuiii  coiiniient.  i,  §§  51,  52,  55,  p.  13, 
14  et  15  du  ms.  :  éd.  de  M.  Huschke  dans  ses  Jiirispnuieiitiae  aiileiiistiiiiaiiae 
qiiae  supersunt,  éd.  altéra,  Lipsiae,  Teubner,  1867.  Au  lieu  de  ici  domino 
adquiritnr,  M.  Huschke  pense  qu'il  faut  lire  id  domino  adquiri. 

1.  «  Viri  in  u.xores  sicuti  in  liberos  uitae  necisque  habent  potestatem.  » 
De  bello  crallico.  VI,  19.  Si  Gaius  ne  mentionne  pas  les  Gaulois,  c'est  sans 
doute  que  de  son  temps  ils  avaient  pour  la  plupart  reçu  le  droit  romain 
avec  la  cité  romaine  :  v.  Beckeret  Marquardt,  HandhiicI)  der  rdmiscljoi  Alter- 
thiimer,  3.  Theil,  i.  Abth.,  p.  93  ss.  Leipzig,  i  851.  Tacite,  Hist.,  i,  8  : 
Galliae...  obligatae  recenti  dono  romanae  ciuitatis. 

2.  Il  pouvait  et  devait  y  avoir  chez  les  autres  peuples  une  tutelle  du  père 
sur  ses  enfants  en  bas  âge,  organisée  pour  protéger  les  enfants  eux-mêmes, 
mais  ce  n'est  pas  là  la  puissance  paternelle  romaine,  constituée  dans  l'inté- 
rêt du  père.  —  Je  ne  puis  examiner  ici  en  détail  les  renseignements  que 
fournirait,  pour  contrôler  l'assertion  de  Gaius,  l'étude  du  droit  des  divers 
peuples.  Je  ferai  remarquer  seulement  que  les  textes  cités  par  J.  Grimm, 
Deittsclie  Rechtsatterthûmer,  p.  455  ss.,  ne  prouvent  pas  comme  on  l'a  dit 
(Waitz,  Deutsche  Verfassungsgeschichte,  I,  p.  45)  que  les  Germains,  à  la 
manière  romaine,  aient  admis  la  toute-puissance  paternelle.  Les  traditions 
que  rapporte  Grimm  montrent  Viisage  de  ne  pas  élever  ou  d'exposer  l'enfant 
noHveaii-nè ,  non  le  droit  pour  le  père  de  tuer  son  fils  à  tout  âge,  même 
adulte.  L'histoire  des  Frisons  qui,  ne  pouvant  s'acquitter  envers  les  Romains 
du  tribut  qu'ils  leur  devaient,  livrent  en  guise  de  paiement  leurs  femmes 
et  leurs  enfants  (Tac,  ^-/;;».,IV,  72),  nousmontre  en  exercice  la  puissance 
publique  du  peuple  entier,  non  la  puissance  privée  des  pères  de  famille. 

3.  Compeudium  der  vergleiclieiideii  Grammatil;  dcr  iudogcniiaiiisclicn  Spra- 
chen,  3^ éd.,  Weimar,  1871,  p.  7  et  9,  txBeitràge^ur  vergleiclkiidcii  Sprachfor. 
schung,  I,  p.  437-448  (Berlin,  1858). 


1 16  Julien  Havet. 

et  celtique  est  unie  avec  l'autre  par  un  lien  de  parenté  plus 
étroit  qu'avec  aucune  autre  famille  de  la  race  dite  indo-euro- 
péenne ou  ario-européenne  ;  les  langues  italiques  et  celtiques 
sortent  immédiatement  d'une  même  langue,  la  langue  italo- 
celtiqne,  qui  a  eu  quelque  temps  une  existence  propre  après 
s'être  séparée  des  autres  langues  congénères  (grecque,  germa 
nique,  etc.)  ;  et  il  y  a  eu  de  même  un  peuple  italocelte,  qui, 
ne  faisant  qu'un  d'abord  avec  les  autres  peuples  de  l'Europe, 
s'en  est  ensuite  séparé  et  a  vécu  quelque  temps  d'une  vie  indé- 
pendante, puis  s'est  divisé  à  son  tour  en  peuple  italien  et 
peuple  celte  \  —  La  comparaison  faite  entre  le  droit  romain 
et  le  droit  celte,  à  propos  d'un  des  rares  points  que  les  textes 
éclairent  de  quelque  lumière,  semble  révéler  entre  les  insti- 
tutions des  deux  peuples  une  analogie  étroite,  et  fournit  une 
vraisemblance  à  l'appui  de  la  théorie  établie  par  Schleicher  sur 
des  considérations  linguistiques. 

Ce  n'est  pas  tout  :  de  même  que  les  linguistes,  une  fois 
cette  théorie  admise,  peuvent  reconstituer  au  moven  des 
langues  italiques  et  celtiques  la  langue  que  parlaient  les  Italo- 
celtes  après  s'être  séparés  des  autres  Ario-européens  et  avant 
de  se  diviser  eux-mêmes  en  Italiens  et  Celtes,  on  peut  ici 
faire  pour  le  droit  un  semblable  essai  de  restitution  antéhisto- 
rique.  Il  est  permis  de  supposer  qu'un  trait  de  droit  singuliè- 
rement remarquable,  qui  est  commun  aux  peuples  italiques 
et  celtiques,  doit  remonter  à  l'époque  qui  a  précédé  leur  sépa- 
ration, d'y  voir  un  trait  du  ihoit  ilalo-celte.  Tel  est  le  cas  de 
la  puissance  paternelle  :  on  peut  donc  dire,  non  avec  certitude, 
mais  avec  apparence  de  vérité  :  Le  père  avait  sur  ses  enfants, 
chez  les  Italoceltes,  une  puissance  qui  ne  lui  était  pas  recon- 
nue chez  les  peuples  congénères,  et  c'est  là  l'origine  de  la 
puissance  paternelle,  telle  qu'on  la  trouve  constituée  plus 
tard,  chez  les  Romains  d'une  part,  chez  les  Gaulois  et  chez  les 
Galates  de  l'autre. 

Julien  Havet. 

I.  Schleicher,  Beitrâge,  I,  p.  440:  «  Fur  die  Urgeschichte  wurde  sich 
also  ergeben,  dass  Griechen,  Italer  und  Cehen  einem  und  demselben 
Urvolke  entstammen...  Aus  diesem  Urvolkeschied  zuerst  das  Griechische 
aus  und  das  Italoceltische  lebte  eine  Zeit  lang  noch  als  cin  Volkfort,  bis  sich 
auch  diess  iheilte  in  Italer  und  Celten  ».  —  On  pourrait  aujourd'hui  citer 
des  auteurs  plus  récents,  par  exemple,  Kretschmer,  Einleitnug  in  die  Ges- 
chichte  der  griechischen  Sprache,  p.  103  ;  Brugmann,  Gniiidriss  der  verglei- 
chenden  Gramniatik  der  indo-germanischen  Sprachen,  t.  I,  2^  édition,  p.  25, 
514;  t.  II,  p.  585,  1590-1394;  Hirt,  Die  Indogennanen,  I,  94,96,  158, 
163. 


NOTES 

POUR  SERVIR  A  L'HISTOIRE  DE  LA  PRONONCIATION 
DE  L'IRLANDAIS 


Tout  le  monde  connaît  l'histoire  du  génitif  singulier  écrit 
maqiii  dans  les  inscriptions  ogamiques,  devenu  successivement 
maicc  au  ix^  siècle',  puis  meicc,  meic  au  xi^^,  enfin  viic  dès  le 
xv^oule  xvi^  siècle  5.  Voici  d'autres  faits  : 

Le  mot  écrit  fâebor  dans  le  Lebor  na  hUidre,  p.  8i,  col.  i, 
1.  35  "^5  et  qui  signifie  «  tranchant  d'une  arme  »,  s'écrit  au- 
jourd'hui faohbarK  On  peut  voir  chez  O'Donovan,  A  Gram- 
mar  of  the  irish  Language,  p.  lo,  qu'en  Connaught  ao  se  pro- 
nonce comme  ea  en  anglais,  dans  steal  «  vol  »  =  stîle,  ou 
comme  née  en  anglais  dans  queen  «  reine  »  =  couine.  Il  semble 
que  cette  prononciation  était  déjà  au  xii^  siècle  celle  de  la 
diphtongue  ae,  aujourd'hui  écrite  ao.  En  effet,  on  trouve  dans 
le  livre  de  Leinster,  p.  57,  col.  2,  1.  39,  gér-ibrach^  =  ê^f- 
faebrach,  qui  s'écrirait  aujourd'hui  géar-fhaohhrach.  Dans  gér- 
ibrach  Vf  est  tombé  suivant  une  règle  bien  connue  et  le  son 
représenté  au  xii^  siècle  par  ae,  aujourd'hui  par  ao  est  noté 
i  qui  est  la  pronononciation  actuelle. 

Le  mot  vieil  irlandais  fer'^  «  homme  »  =  *  taras,  s'écrit 
aujourd'hui  fear,  et  se  prononce  far  comme  nous  l'apprend 

1.  Whitley  Stokes  et  Strachan,  Thésaurus paJaeohihernicus,  1. 1,  p.  585, 
I,  24,  d'après  le  ms.  de  Wûrzburg,  fo  13  b,  note  30  ;  cf.  Gramniatica  celtica, 
2e  édition  p.  223. 

2.  Hymne  de  Fiacc,  vers  66,  68,  Whitley  Stokes,  Goidelica,  2^  édition, 
p.  128  ;  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  16.  —  Hymne  de  Colman,  vers  5  ; 
Goidelica,  p.  12  ;  Irische  Texte,  t.  I,  p.  6. 

3.  Ms.  Egerton  1782  du  Musée  Britannique;  Irische  Texte,  t.  I,  p.  117, 
début  du  Tochiiiarc  Etaine. 

4.  Cf.  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  535,  coL  2,  1.  i. 

5.  Din  een.  An  irish-englisch  Dictionary,  p.  297,  col.  2. 

6.  Windisch,  Tdin  hô  Cûalnge,  p.  61,  1.  498. 

7.  Zeuss,  Gramniatica  celtica,  2^  éd.,  p  222. 


Ii8  Proiioiicialioii  irlainlnisc. 

O'Donovan  dans  sa  grammaire,  p.  i8,  où  il  dit  qu'en  irlan- 
dais ea  se  prononce  comme  le  môme  groupe  de  lettres  dans 
l'anglais  heart.  Cette  prononciation,  comme  on  l'a  dit  page  35 
existait  déjà  en  Irlande  au  xW  siècle,  quand  fut  écrit  le  Livre 
jaune  de  Lecan,  où  dans  la  colonne  cotée  689,  p.  75^  col.  2, 
1.  46  et  47  de  la  photogravure,  on  lit  :  1°  in  breac-macraid 
thiri  Aniicuin;  2°  fri  rig  Armenia  pour  1°  in  breac-macraid 
thiri  fbear  Menia,  2°  fri  righ  fhear  Menia.  Nous  savons,  par 
M.  Whitley  Stokes,  que  pour  fri  rig  Armeniah  ms.  Egerton 
1782  du  Musée  Britannique  nous  a  conservé  une  leçon  plus 
ancienne  et  meilleure  :  fri  ri  fer  Menia  \ 

Aujourd'hui  les  Irlandais  ont  autant  de  difficulté  que  les 
Français  à  prononcer  le  //;.  Ils  l'avaient  évidemment  supprimé 
dès  le  ix"^^  siècle.  Telle  est  la  conclusion  qu'on  doit  tirer  de  làe 
«  jour  »,  dans  le  ms.  de  Milan  26  a  5,  à  côté  de  laithe  dans  le 
même  ms.  21  c  2  ^,  et  de  laa  ou  làa  pour  làthe  dans  le  ms  de 
Wùrzburgî. 

Mais  au  xii'^'  siècle  ils  prononçaient  comme  le  th  anglais 
le  d  intervocalique  qu'ils  ne  prononcent  plus  aujourd'hui 
dans  Mide  dont  la  notation  anglaise  est  Meath. 

Dans  le  ms.  de  Carabray,  copie  faite  vers  la  fin  du  viii^  siècle 
d'un  ms.  de  la  fin  du  vii'^  ou  du  commencement  du  viii%  Ye 
long  accentué  celtique  devenu  ia  au  ix^  siècle,  est  conservé 
comme  Vo  atone  devenu  au  ix'=  siècle  a  :  fèdot  plus  tard  fiadat 
«  du  seigneur  »  =*  iteidonlos  génitif  singulier  du  participe  pré- 
sent de  la  racine  ueid  «  savoir  »  ;  lêgot,  plus  tard  îiagat  «  ils 
vont  »  5  =* steighont  troisième  personne  du  pluriel  du  présent 
de  l'indicatif  conjoint  de  la  racine  steigh  ;  est  à  comparer  le 
grec  e-ffTsr/ov[-:]  OÙ  le  préfixe  z  a  exigé  la  forme  conjointe 
comme  le  préfixe  ///  dans  l'irlandais   tn-thêgot  -^. 

{A  suivre.^ 

1.  Revue  celtique ,  t.  XX,  p.  430,  note  2. 

2.  Thésaurus palaeo-hihernicus,  t.  I,  p.  32,  50. 

3.  Zeuss  Gra)u»iatica  celtica,  2^  édition,  p.  17. 

4.  Whitley  Stokès  et  John  Strachan,  Thésaurus  paleo-hihernicus,  t.  II, 
p.  XXVI,  244'  1.  32,  247  1.  17. 


GUTUATER 


Je  reviens,  pour  la  confirmer,  sur  une  hypothèse  que  j'ai 
déjà  éiriise,  à  propos  de  ce  terme,  dans  un  compte  rendu  des 
Annales  de  Bretagne,  tome  XX,  p.   5;)0. 

Il  a  été  depuis  longtemps  reconnu,  sauf  toutefois  par  les 
éditeurs  français  de  César,  que  Hirtius  ÇDe  helJo  gall.,  VIII, 
38),  en  donnant  Gulnalrus  (les  variantes  sont  nombreuses  ;  la 
plus  connue  est  Giitntatns)  comme  un  nom  d'homme,  s'était 
trompé,  et  qu'il  s'agissait  d'un  titre  sacerdotal  ' .  Il  est  fort  pos- 
sible qu'au  livre  VII,  ch.  3,  du  De  bell.  gall.,  le  terme  Gutitatro 
ait  été  accolé  au  nom  du  premier  des  deux  chefs  qui  furent 
les  auteurs  du  massacre  des  Romains  à  Cenabum  (Gutiiatro 
et  Conconnetodunno  ducibus)  et  aussi  que  ce  chef  s'appelât  en 
réalité  Cotuato,  variante  connue. 

En  tout  cas  les  inscriptions  établissent  de  la  façon  la  plus 
indiscutable  qu'il  y  avait  bien  chez  les  Gaulois  un  sacerdoce 
dont  le  titulaire  était  désigné  par  le  terme  de  gutuafer.  L'article 
le  plus  complet  sur  ce  terme  et  ce  sacerdoce  se  trouve  dans  la 
Revue  épigraphiqtie,  1900,  p.  132-133. 

Le  titre  de  Gutuater  se  trouve  chez  les  Eduens  accolé  au  nom 
de  Mars  dans  une  inscription  du  musée  de  Mâcon  (Corp. 
Inscr.  ht.,  XIII,  n°  2583). 

Sur  un  bloc  de  marbre  trouvé  à  Autun,  on  lit  :  Aug(usto) 
sacr(um)  deo  Anvallo  C(aius)  Secund(ius)  Vitalis  Appa, 
uluater  d(e)  s(uo)  p(osuit)  ex  voto. 

A  Autun,  également,  sur  un  autel  avec  base  et  couronne- 

I.  Cf.  d'Arhois  de  Jubainville  Les  Celtes  depuis  les  temps  les  plus  anciens, 
p.  35.  —  Sur  cette  question,  cf.  Holder,  Sprachschat:^,  8me  livrais.,  p.  2045- 
2046;  Desjardins,  Géograph.,  I,  p.  41s,  note  2. 


120  /.  Lot  h. 

ment  :  Aug(usto)  s(acruni),  deo  Anvallo,  Norbaneius  Thallus, 
gulualer,  v(otum)  s(olvit)  l(ibens)  m(erito). 

Chez  les  Vellavi,  le  titre  de  gulualer  est  porté,  au  i*""  siècle, 
par  un  fonctionnaire,  ancien  préfet  de  sa  colonie,  dirigeant,  à 
ce  qu'il  semble,  l'exploitation  de  mines  de  fer  {Corpus  Inscr. 
lût.,  XIII,  n°  1577;  cf.  Revue  épigr.,  2,  p.  456). 

Comme  le  dit  judicieusement  l'auteur  de  l'article  de  la 
Revue  épigrapbigue,  ce  terme  de  gutualer  désignait  une  prê- 
trise qui  fut  peut-être,  à  l'origine,  la  plus  élevée  de  la  cité.  Le 
gulualer  témoigne  aussi  de  la  persistance,  au  temps  romain, 
des  institutions  de  la  Gaule  indépendante.  Il  est  possible, 
suivant  l'opinion  exprimée  dans  cet  article,  que  ce  sacerdoce 
n'ait  été  permis  que  dans  les  cités  libres  ou  fédérées.  En  tout 
cas  la  dédicace  à  l'empereur-dieu,  avant  celle  du  dieu  gaulois, 
sur  les  deux  autels  d'Autun,  montre  bien  que  les  dieux  natio- 
naux, d'abord  tolérés,  commencèrent  de  bonne  heure  à 
s'effacer. 

Parmi  les  interprétations  données  à  ce  terme,  je  ne  men- 
tionne qu'à  titre  de  curiosité  celle  de  Allmer  :  c'est  tout  sim- 
plement l'allemand  gui  valer,  saint  père  oubou  père  {Revue  épigr., 
t.  I,  p.  457  ;  ibid.,  III,  p.  231  ;  cf.  Revue  celt.,  XIV,  p.  156). 

L'autre  donnée  par  Zeuss,  identifie  le  premier  terme  avec 
l'irlandais  gulh,  voix  =^  *  gu-tu-  :  cf.  .SoF-/;,  yôo;,  sanscrit 
gàvate.  Holdei  qui  la  reproduit  rapproche  gutu-atros,  pour  la 
terminaison,  du  gallois  o-^wZ-^/r,  et  traduit  le  tout  par  sprecher, 
redner. 

Pour  moi,  ce  terme  comporte  une  tout  autre  explication  et 
nous  reporte  aux  plus  lointains  rapports  des  Germains  et  des 
Celtes  et  probablement  témoigne  d'une  conception  extrême- 
ment ancienne  de  la  divinité  chez  ces  peuples.  Gutualer  remon- 
terait à  une  forme  qui  serait,  antérieurement  à  la  chute  du  p, 
mdo-cur.  gutu-palèr  gaul.  gulu-palir,  o\x  gulo-palir  qui  peut-être 
serait  devenu  g  ulo-atir  gutu-atir  puis  gutualer  pour  des  Romains. 

Gulu-  ou  guto-  me  paraît  identique  à  gott,  Dieu,  gotique 
gulh.  Chez  les  Gots  et  les  Scandinaves,  le  prêtre  s'appela 
giidja  et  godi,  termes  dérivés  de  gulh,  Dieu.  L'étymologie 
adoptée  aujourd'hui  est  due,  je  crois,  à  Osthoff  (B.  B., 
XXIV,    177).    Comme    la  forme    gotique   et    la    forme  du 


Gutiuiter.  I2i 

vieux  norrois  est  neutre,  il  fait  remonter  guth  à  un  indo-euro- 
péen * ghii-tô-iii  (sicr.  hàvate,  il  appelle,  hu-lâ,  appelé)  et  lui 
donne  le  sens  de  :  dnrch  Zaïihcnuort  henifeues  lueseii;  Kluge, 
Etym.  Wôrt,  traduit  également  par  :  das  angentfene  Weseii,  et 
cite  le  skr.  /;//,  Gôtter  anrufen,  ainsi  que  l'èpithète  d'Indra  : 
puni-huta,  le  souvent  appelé. 

Schrader  {Lexicon)  rappelle  très  heureusement  à  ce  sujet  la 
phrase  de  Tacite,  Gerjnania,  cap.  9  :  secretiiiii  illiid  qitod  sola 
reverenlia  videfit.  C'est  l'être  mystérieux  qu'on  invoque  et 
qu'on  appelle  et  qui  est  d'autant  plus  respecté  et  redoutable 
qu'il  s'entoure  d'une  obscurité  plus  profonde.  Gutu-patir  me 
paraît  signifier  le  père  de  l'invocation,  l'interprète  de  la  divinité 
redoutable  et  mystérieuse  Çsecretuni  illud^.  Si  on  adopte  pour 
forme  primitive  giito-patir  le  sens  sera  père  de  l'appel,  de 
l'incantation,  sens  qu'admettent  indifféremment,  avec  l'autre 
indiqué  plus  haut,  Osthoff  et  Schrader  {Zauberwort).  C'est  là 
une  conception  antérieure,  semble-t-il,  à  l'établissement  du 
druidisme.  Plus  tard,  chaque  dieu  eut  son  interprète,  son 
gutu-patir.  Gutuatir  ne  pouvait  devenir  dans  des  bouches 
romaines  que  gutualer.  Il  est  remarquable  qu'au  nominatif 
on  ne  trouve  jamais  que  gutnater. 

On  peut  encore  supposer  que  le  sens  primitif  se  sera  obli- 
téré, et  qu'on  soit  arrivé,  par  la  multiplication  de  ces  sacer- 
doces, à  une  forme  gutu-atroi  et  à  même  un  singulier  o'/z/w^^ro-j. 
Il  est  également  possible  que  le  terme  n'ait  été  créé  chez  les 
Celtes  qu'à  l'époque  où  un  sacerdoce  véritable  a  commencé 
chez  eux. 

J.    LOTH. 


NOTE  COMPLÉMENTAIRE 

A  L'ARTICLE  SUR   PEREDUR  ET  LEZ-BREIZ 

{Revue  celtique,  1906,  p.  343). 


M.  Alfred  Nutt  a  relevé  des  traits  de  ressemblance  entre 
VAmadan  vior  et  Lez-Breiz.  D'où  viennent-ils  ?  La  réponse  est 
faite  par  M.  de  la  Villemarqué  lui-même  dans  Les  romans  de  la 
Table  ronde  et  les  contes  des  anciens  bretons,  1861,  p.  206-306. 
M.  de  la  Villemarqué,  après  avoir  rapproché  Lez-Breiz  du 
héros  d'un  conte  de  Souvestre,  Péronik  Tinnocent,  remarque 
que  l'esprit  des  deux  légendes  niel  en  relief  tin  des  penchants  les 
plus  remarquables  du  génie  celtique  :  la  glorification  d'une 
certaine  simplesse.  Ce  caractère  singulier  na  pas  échappé  à  Walter 
Scott.  Plus  loin,  il  nous  dit  :  «  Guillaume  Le  Clerc,  trouvère 
normand  du  xiii^  siècle,  dans  un  roman  appartenant  au  cycle 
d'Arthur,  et  certainement  d'origine  celtique,  a  aussi  pris  un 
innocent  du  nom  breton  de  Fregus  ',  un  petit  pâtre  des  bords 
de  la  Clyde,  pour  en  faire  un  modèle  de  toutes  les  vertus 
chevaleresques,  un  second  Peredur,  moins  le  bassin  et  la  lance 
magique  comme  M.  Heinrich  l'a  remarqué  le  premier.  »  Les 
relations  entre  Y Amadan  et  Lez-Breiz  me  paraissent  dues  à  ce 
brave  Guillaume  Le  Clerc.  N'ayant  ni  son  Fergus  ni  VAmadan, 
je  ne  puis  aller  plus  loin. 

J.    LOTH. 

I.  Du  nom  gaélique  de  Fergus  ;  la  forme  galloise  est  Gtvrust. 


SUR  UN  PASSAGE  DU  COMIQUE  PHILÉMON 
LE  TARVOS  TRIGARANOS  EN  GRÈCE. 


Au  cours  du  Banquet  des  Sophistes,  raconté  par  Athénée, 
Ulpien,  l'un  des  interlocuteurs,  présente  une  remarque  sur  le 
genre  du  mot  T'>;p'.ç  «  tigre  »  et  cite  à  ce  propos  quatre  vers 
de  Philémon,  empruntés  à  une  comédie  aujourd'hui  perdue, 
intitulée  Nesi^pa  : 

waTTEp  IlIïXe'jxo;  os-jo'  £7r£[j.'J;£  Tr,v   xt'yp'.v, 

TjV  ÏOO[JL£V  Yj[/.£tÇ,  TW    i]£>,£ÛXtO  TTxXtV   £0£'. 

Tjixa?  Ti  Tiap'  r|ao)v  avT'.7:£a']/at  6y|PioV 
TOuyÉov.vov  O'j  yàp  yiyvETat  tout   «'jtÔO'.. 

{Athéncc,  XIII,  57,  p.  590  A) 

«  de  même  que  Séleucus  nous  a  envoyé  ici  ce  tigre  que  nous 
avons  vu,  nous  devrions  renvoyer  à  Séleucus  quelque  animal 
en  échange.  Un  Tp'jvépavoç  ;  ils  n'en  ont  par,  là-bas.  » 

Tel  est  le  sens  de  ce  fragment,  qui  figure  dans  le  recueil  de 
Kock,  'Comicoruni  Atticorum  Fragmenta,  au  tome  II,  p.  490. 
Mais  nul  philologue  n'a  pu  donner  un  sens  à  l'énigmatique 
TpuvÉpavov,  qui  dans  l'antiquité  même  devait  embarrasser  les 
commentateurs. 

La  compilation  d'Hésychius  contient  la  glose  :  -puy^pavoç' 
çâffiJ-xTi  scixwç  (édit.  Moritz  Schmidt,  lena,  1862,  tome  IV, 
p.  181,  40),  qui  semble  se  rapporter  au  passage  de  Philémon 
et  prouve  qu'on  ne  le  comprenait  pas  '.  Plusieurs  philologues 

I.  Étant  donné  l'état  de  corruption  dans  lequel  se  présente  le  glossaire 
dit  d'Hésychius,  plusieurs  fois  remanié  et  abrégé,  il  se  pourrait  que  la  glose 
çâ'jaaTi  lo'.wo;  soit  une  simple  bévue  pour  une  glose  plus  développée  con- 
tenant la  mention  du  «^i^aa,  autre  pièce  de  Philémon  (Athénée,  XI, 
481  D)  et  modèle  de  la  MosieUaria  de  Plante  (cf.  Léo,  Hennés,  XVIII,  560), 
qui  fut  représentée  après  289  et  sans  doute  en  288  ou  en  280  (F.  Hùflfner, 
De Plauti  cowoediarum  exempUs  Atticis,  dissert,  de  Gôttingen,  1894,  p.  68). 


1 24  /.    Vcndryes. 

modernes  se  sont  ingéniés  à  tirer  un  sens  de  la  glose  d'Hésy- 
chius  au  moyen  de  corrections  variées  (sad/.aot  ou  çpâaaY;), 
qui  ne  donnent  en  fin  de  compte  rien  de  satisfaisant.  Ce 
Tp'JYÉpavoç,  que  plusieurs  manuscrits  d'Athénée  écrivent  d'ail- 
leurs TpiYî'pavoç,  doit  être  tout  simplement  le  gaulois  Trigara- 
niis  «  à  trois  grues  »  épithète  bien  connue  du  dieu  Tarvos, 
tel  qu'il  figure  sur  l'autel  de  Notre-Dame  de  Paris  et  sur  le 
bas-relief  de  Trêves  (cf.  S.  Reinach,  Rev.  Celt.,  XVIII,  p.  253, 
Guide  illustré  du  musée  de  Saint-Geniiain,  fig.  45-48  ;  d'Arbois 
de  Jubainville,  Rev.  Celt.,  XIX,  247).  Le  premier  a  du  mot 
gaulois  s'est  changé  en  s  sous  l'influence  toute  naturelle  du 
mot  yipx'Kq. 

Si  paradoxale  que  puisse  paraître  au  premier  abord  cette 
explication,  voici  quelques  arguments  qui  permettent  de 
l'appuyer. 

Le  passage  de  Philémon  réunirait  à  la  fois,  si  l'hypothèse 
présentée  ici  est  exacte,  le  nom  du  roi  Séleucus,  la  mention 
d'un  cadeau  fait  par  lui  aux  Athéniens  et  une  allusion  fort 
nette  au  Tarvos  Trigaranos  gaulois.  Il  est  poss'ble  de  concilier 
tous  ces  fliits. 

Le  poète  Philémon,  dont  le  nom,  avec  celui  de  Ménandre 
(344-292),  domine  toute  l'histoire  de  la  comédie  nouvelle, 
mourut  en  262,  âgé  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans  (Diodore, 
XXIII,  6)  et  eut  une  carrière  dramatique  des  plus  brillantes, 
puisque  sa  première  victoire  date  de  327  et  qu'il  poursuivit 
ses  succès  jusqu'aux  dernières  années  de  sa  vie  ;  de  ses 
97  pièces,  la  plupart  furent  représentées  à  Athènes,  où  il 
avait  acquis  droit  de  cité  et  où  il  mourut  (cf.  Dietze,  De  Phi- 
Jemone  Comico,  dissertation  de  Gôttingen,  1901).  Ce  fut  donc 
tout  à  fait  un  contemporain  du  roi  Séleucus,  dont  il  dut  par- 
fois faire  mention  dans  ses  comédies,  puiqu'on  trouve  le  nom 
de  Séleucus  dans  des  comédies  de  Plante,  imitées  de  Philémon 
(notamment  dans  le  Miles  Gloriosns,  v.  75,  948,  951,  imité 
en  partie  de  T'AXa^wv). 

Le  roi  Séleucus  Nicator  fut  l'un  des  successeurs  d'Alexandre 
qui  essayèrent  de  reconstituer  pour  leur  compte  l'empire  de 
ce  dernier,  et,  comme  on  sait,  il  faillit  y  réussir.  Après  avoir 
conquis  différentes  parties  de  l'Asie,  il  poussa  jusqu'aux  bords 


Le  Tarvos  Trigaranos  en  Grèce.  125 

de  rindus,  où  il  rencontra  le  fameux  prince  Chandragupta 
(^avopxy.oTToç)  ;  c'est  delà  qu'il  rapporta  sans  doute,  avec  cinq 
cents  éléphants  de  combat  que  lui  offrit  le  monarque  hindou, 
d'autres  animaux  exotiques  tels  que  des  tigres.  Il  fit  cadeau 
d'un  de  ces  animaux  à  la  ville  d'Athènes,  où  ce  fut  la  première 
fois  qu'on  en  vit  un  (cf.  Schrader,  Realkxilwn,  p.  867)  et 
l'événement  fut  assez  sensationnel  pour  que  Philémon  le 
rappelât  dans  une  de  ses  comédies. 

Mais  il  est  un  autre  événement  beaucoup  plus  sensationnel 
qui  dut  émouvoir  fortement  le  monde  grec  dans  le  premier 
quart  du  iii^  siècle,  à  savoir  l'invasion  de  tribus  gauloises,  qui, 
après  avoir  ravagé  la  Macédoine  et  une  partie  de  la  Thrace,  se 
répandirent  sous  la  conduite  de  Brennus  dans  le  nord  de  la 
Grèce,  où  ne  les  arrêta  d'une  façon  imprévue  et  quasi  miracu- 
leuse que  leur  échec  devant  Delphes  (279).  Si  nous  possé- 
dions autrement  que  par  de  rares  fragments  les  monuments 
littéraires  de  cette  période,  nul  doute  que  nous  n'y  trouvions 
des  allusions  nombreuses  à  cette  invasion  redoutable  ^  Du 
moins,  les  historiens  des  siècles  suivants,  Polybe,  Diodore 
(XXII,  4  et  ss.),  Strabon  (V,  i  et  ss.),  Pausanias  (X,  19  et 
ss.),  nous  donnent  quelque  idée  de  ce  que  dut  être  en  Grèce 
à  cette  époque  l'eftroi  des  Gaulois  (0  à-b  FaAaTwv  çiiSoç, 
Polybe,  II,  35,  9).  Les  Athéniens  envoyèrent  une  armée  sous 
la  conduite  d'un  nommé  Callippos  pour  détendre  le  passage 
des  Thermopyles  (Pausanias  I,  3,  5)  et  le  même  Pausanias 
nous  a  conservé  le  nom  de  l'Athénien  Kûoiîç  qui  mourut  en 
combattant  contre  les  Gaulois  (X,  21,  5).  Un  décret  de  l'année 
278,  relevé  récemment  par  M.  Herzog,  sur  une  stèle  prove- 
nant des  ruines  de  l'Asklepieion  de  Cos,  exprime  la  joie  que 
causa  dans  l'île  la  nouvelle  de  la  défaite  des  Gaulois  et  ins- 
titue une  fête  en  l'honneur  d'Apollon,  de  Zeus  Soter  et  de  la 
déesse  Nikê  pour  célébrer  cet  heureux  événement  (cf.  Comptes 
rendus  de  F  Académie  des  inscriplioiis  et  belles-lettres,  1904, 
p.  158-173). 

Quelques  années  même  avant  d'envahir  la  Grèce,  les  Bar- 

I .  Sur  cette  invasion,  qui  comprend  en  réalité  trois  expéditions  succes- 
sives, V.  F.  P.  Garofalo,  Observations  sur  les  Galates  ou  Celtes  d'Orient 
dans  la  Rev.  des  Etudes  Grecques,  tome  XIII  (1900),  p.  450  et  suiv. 


126  J.   Veiidryes. 

bares  durent  faire  parler  d'eux  à  Athènes.  Dès  l'époque 
d'Alexandre  en  effet,  ils  se  trouvèrent  en  contact  avec  la  civi- 
lisation grecque,  puisqu'ils  envoyèrent  une  ambassade  auprès 
de  ce  dernier  quand  il  se  trouvait  sur  les  bords  du  Danube 
(Strabon,  VII,  301  ;  Arrien,  Anah.,  I,  4,  6).  Or,  leur  expédi- 
tion ne  répondait  pas  seulement  à  une  envie  de  razzia  et  de 
pillage;  ce  qu'ils  recherchaient,  c'était  un  établissement  défi- 
nitif. Ils  avaient  amené  avec  eux  leurs  femmes  et  leurs  enfants, 
et  sans  doute,  ayant  quitté  leur  pa3^s  sans  espoir  de  retour, 
avaient  ils  emporté  tout  ce  qui  constituait  leur  bien.  Quand 
les  habitants  de  Patras  rentrèrent  chez  eux  après  avoir  passé  le 
détroit  pour  défendre  les  Etoliens  contre  l'invasion  gauloise, 
ils  élevèrent  dans  leur  Odéon  une  belle  statue  cà  Apollon  avec 
le  butin  fait  sur  l'ennemi  (Pausanias,  VII,  20,  6).  Parmi  les 
objets  précieux  qu'emportaient  ainsi  les  Gaulois  avec  eux,  il  y 
avait  peut-être  quelque  représentation  figurée  du  Tarvos  Triga- 
ranos  '  et  Ton  comprend  sans  peine  qu'un  animal  aussi  bizarre 
ait  excité  la  curiosité  du  public  et  la  verve  des  gens  d'esprit. 
Chacun  s'intéressait  aux  coutumes  des  envahisseurs  ;  Pausanias 
décrit  avec  précision  le  rôle  sur  le  champ  de  bataille  de  la 
Tp'.;;.ap/.icT{a,  groupe  de  trois  cavaliers  qui  combattaient  toujours 
ensemble  ;  et  il  ajoute  qu'en  gaulois  le  cheval  porte  le  nom 
de  marca  ('.'--ov  xo  h)z\j.y.  l'axw  -iq  p.apy.av  ivTa  ÛTcb  twv  Ksatwv, 
X,  19,  II). 

Le  péril  gaulois  ne  prit  fin  que  lorsqu'Attale  en  278  laissa 
les  Trocmi,  Tolistoboii  et  Tectosages  s'établir  dans  la  région 
d'Asie  Mineure  qui  prit  le  nom  de  Galatie.  A  cette  époque, 
Séleucus  était  mort  ;  toutefois  pendant  un  moment,  dans  les 
derniers  mois  de  sa  vie,  il  dut  se  trouver  en  face  des  Gaulois. 
Jusqu'en  281,  ceux-ci  avaient  été  contenus  par  les  armées  de 
Lysimaque  ;  mais  lorsque  dans  l'été  de  cette  année,  Lysimaque 
eût  été  battu  et  tué  dans  les  plaines  de  Kuropedion  au  nord 
de  Magnésie,  par  les  troupes  de  Séleucus,  les  Gaulois,  plus 
audacieux  que  jauiais,  tentèrent  un  nouvel  eftbrt  vers  le  sud  : 
une  partie  d'entre  eux,  sous  la  conduite  de  Belgios,  envahirent 

I.  Noter  que  le  Taurc:iiu  figure  dans  le  nom  des  deux  princes  gnlates 
Deiotaros  et  Brogitaros  (=  * Dênio-laruos,  *  Brogi-taïuos,  d'Arboisde  Jubain- 
ville,  Rcv.  celt.,  XX,  575). 


Le  Tarvos  Trigaranos  en  Grèce.  127 

la  Macédoine,  qu'occupait  Ptolémée  Céraunos  ;  d'autres  firent 
irruption  en  Th race- (cf.  Pausanias,  X,  19,  4;  Justin,  XXIV, 
5  et  6).  A  ce  moment,  Séleucus,  fortifié  par  la  mort  de  Lysi- 
magne  dans  ses  espérances  impérialistes,  se  tournait  vers  le 
nord  ;  il  traversa  l'Hellespont  et  entra  en  Macédoine  (Memnon, 
XII,  i).  Peu  après,  au  début  de  280,  il  était  assassiné  par 
Ptolémée,  qui  eut  ensuite  à  soutenir,  à  son  grand  dam,  le 
choc  des  Gaulois.  Ceux-ci  ne  furent  sans  doute  jamais  com- 
battus directement  par  Séleucus;  mais  au  moins  pendant  les 
six  derniers  mois  de  281  ils  durent  tenir  une  certaine  place 
dans  les  préoccupations  de  ce  prince. 

Ainsi  il  y  eut  un  moment  où  il  put  paraître  spirituel  aux 
Athéniens  d'oftVir  à  Séleucus  un  Tarvos  Trigaranos  en 
échange  du  tigre  qu'il  leur  avait  jadis  envoyé.  Et  la  plaisan- 
terie de  Philémon,  expliquée  par  tout  ce  qui  précède,  ne 
manque  pas  de  saveur  piquante.  On  peut  la  rendre  plus 
exacte  en  lisant,  sans  ponctuation  à  la  fin  de  l'avant-dernier 
vers  : 

«  nous  devrions  renvoyer  à  Séleucus  en  échange  un  animal 
à  trois  grues...  » 

Cette  explication  fournirait  aux  historiens  de  la  Comédie 
nouvelle  une  date  sûre  pour  la  comédie  de  Nsat'pa  (derniers 
mois  de  281)  en  même  temps  qu'aux  celtisants  un  curieux 
rapprochement  historique. 

J.  Vendryes. 


LES  PIERRES  BAPTISEES 


Un  article  inséré  dans  la  Revue  celtique,  t.  XXVII,  p.  313- 
319,  traite  du  culte  des  menhir  en  Gaule,  en  Grande-Bretagne 
et  en  Irlande.  Un  savant  qui  veut  rester  anonyme  m'envoie 
sous  le  titre  de  Pierres  baptisées  un  recueil  de  notes  sur  ce 
qui,  dans  la  Bretagne  continentale,  persiste  encore  des  usages 
anciens  concernant  les  pierres  levées  aujourd'hui  christianisées. 
On  a  vu,  t.  XXVn,  p.  314,  qu'en  Grande-Bretagne  des  danses 
étaient  une  forme  du  culte  païen  rendu  aux  menhir.  Encore 
aujourd'hui,  comme  on  lira  plus  bas,  les  jeunes  Bigoudennes 
dansent  des  rondes  autour  d'un  menhir.  On  prétend  que 
c'est  pour  trouver  un  mari.  A  Saint-Nicolas-du-Port,  Meurthe- 
et-Moselle,  il  y  a  une  grande  église,  lieu  célèbre  de  pèlerinage. 
On  raconte  que,  parmi  les  dalles  qui  forment  le  pavé,  il  y  en 
a  une  qui  est  merveilleuse  :  une  jeune  fille  qui  met  un  pied 
sur  cette  dalle  est  sûre  de  se  marier  dans  l'année.  Personne  ne 
sait  quelle  est  cette  dalle.  Il  y  a  eu,  dit-on,  des  jeunes  filles 
qui,  étant  en  quête  d'un  introuvable  mari,  ont  eu  la  patience 
de  mettre  successivement  le  pied  sur  toutes  les  dalles  de  l'im- 
mense pavé  :  quoi  qu'il  en  soit,  voici  l'article  que  j'ai  reçu  : 

Des  «  pierres  baptisées  »  que  j'ai  vues  et  qui  n'ont  pas  été 
défigurées,  la  plus  remarquable  est  «  la  pierre  du  Champ- 
Dolent  »,  à  une  demi-lieue  au  sud  de  Dol  (lUe-et-Vilaine),  à 
côté  de  Féglise  de  Carfantain.  C'est  un  menhir  intact,  d'une 
dizaine  de  mètres  de  haut  surmonté  d'une  croix. 

Une  pierre  semblable,  mais  que  je  n'ai  pas  vue,  doit  se 
trouver  dans  les  environs  de  Dinan  (Côtes-du-Nord). 

Un  menhir  également  intact  et  d'au  moins  cinq  mètres  de 
haut  a  été  respectueusement  conservé  et  accolé  à  l'une  des 
façades  de  la  cathédrale  du  Mans. 

A  Plonéour,  sept  kilomètres  de  Pont-l'Abbé,  sur  la  route 
de  Pont-l'Abbé  à  Pont-Croix  (Finistère),  un  menhir  qui  se 
dresse  encore  sur  la  place,  prés  de  F  église,  était  autrefois,  au 


Les  pierres  baptisées.  129 

dire  des  gens,  surmonté  d'une  croix.  Ce  menhir,  de  quatre 
à  cinq  mètres  de  haut,  tout  semblable  à  celui  du  château  de 
Kernuz,  a  été,  comme  ce  dernier,  retaillé  au  ciseau.  Il  est 
maintenant  cannelé  régulièrement  et  coiffé  d'un  renflement 
en  guise  de  chapiteau.  Il  se  pourrait  bien  que  ce  ravalement 
ait  eu  pour  objet  d'effacer  un  premier  travail  d'adaptation, 
quelque  représentation  de  divinités  gallo-romaines,  comme 
celles  de  la  pierre  de  Kernuz.  Encore  aujourd'hui^  à  la  fête  du 
pardon,  les  jeunes  bigoudennes  dansent  des  rondes  autour  de 
ce  menhir.  La  coutume,  sans  doute  ancienne,  n'a  pourtant 
plus  rien  de  superstitieux,  et  ce  n'est  que  par  plaisanterie 
qu'on  dit  des  danseuses,  qu'elles  y  vont  pour  se  marier  dans 
l'année. 

Il  semble  même  qu'il  y  ait  eu  à  cet  égard  un  usage  tradi- 
tionnel presque  général  :  à  noter  la  fréquence,  dans  le  voisi- 
nage immédiat  des  lieux  de  culte,  d'une  pierre  levée,  d'un 
lec'h^  comme  on  dit  là-bas.  Dans  le  Finistère,  du  moins  dans 
la  partie  extrême,  que  je  connais  le  mieux,  il  est  peu  de  vieilles 
églises,  quand  le  terrain  environnant  n'a  pas  été  trop  remanié, 
pour  l'établissement  du  cimetière  par  exemple,  peu  de  cha- 
pelles isolées  surtout  où  ces  remaniements  ont  été  plus  rares, 
qui  n'aient  ainsi  leur  lech.  Ces  pierres  sont  parfois  de  vrais 
menhirs,  comme  celui  qui  est  maintenant  maçonné  dans  le  mur 
d'appui  du  cimetière  de  Cléden  (c"  de  Pont-Croix,  au-dessus 
de  la  baie  des  Trépassés')  ;  mais  la  plupart,  qu'elles  soient  tail- 
lées ou  brutes,  paraissent  bien  avoir  été  dressées  au  moment 
même  où  s'édifiait  le  sanctuaire,  en  vertu  d'un  adage  encore 
vivant  dans  le  pays  :  pas  d'autel  sans  lech.  Quelques-unes 
seulement  de  ces  pierres,  qui  ont  rarement  plus  d'un  mètre  ou 
deux  de  haut,  présentent  des  mortaises,  traces  d'une  ancienne 
croix. 

Pour  copie  conforme, 
H.  d'Arbois  de  Jubainville. 

I.  Le  nom  de  Baie  des  Trépassés  peut  être  rapproché  d'un  passage  de 
Procope,  Dehello  gothico,  livre  IV,  chap.  20;  il  y  est  rapporté  que,  suivant 
la  croyance  gauloise,  il  y  avait  sur  la  côte  de  la  Gaule,  en  face  de  la  Briltia, 
un  endroit  où  les  morts  s'embarquaient  pour  aller  gagner  leur  patrie  nou- 
velle ;  l'auteur  grec  confond  cette  patrie  mystérieuse  avec  la  Grande-Bre- 
tagne et  l'appelle  Brittia. 

Revue  Celtique,  XXFIII.  9 


ORIGINE  DE  L'ALLEMAND  BEUTE  «  BUTIN  ». 


Le  4  février  j'expliquais  à  mon  cours  la  partie  du  Tâin  bô 
Ci'ial lige,  édition  de  M.  Windisch,  p.  83,  85,  où  il  est  raconté 
comment  le  héros  Cûchulainn  tua  les  quatre  éclaireurs  qui 
précédaient  l'armée  ennemie,  enleva  leurs  tètes  et  laissa  les 
cadavres  sur  les  deux  chars  sans  leur  ôter  les  vêtements  ni  les 
armes,  sans  prendre  les  chevaux;  s'emparer  de  ces  vêtements, 
de  ces  armes,  de  ces  chevaux  n'aurait  pas  été  beau,  lui  sem- 
blait-il. Un  de  mes  auditeurs,  M.  Huber,  élève  de  l'Université 
d'Insbruck,  me  parla  d'un  texte  grec  présent  à  sa  mémoire  et 
que  moi  j'avais  oublié  après  l'avoir  lu  bien  des  fois,  trop  rapi- 
dement peut-être.  Dans  ce  texte  une  façon  de  penser  toute 
semblable  à  celle  du  héros  irlandais  était  attribuée  aux  Gaulois. 
De  la  bibliothèque  de  la  Sorbonne  M.  Huber  m'envoya  copie 
de  ce  texte  (Diodore  de  Sicile,  livre  V,  chapitre  xxix,  §  4). 
Diodore  y  parle  des  Gaulois  qu'il  appelle  tantôt  KtK-oi,  tantôt 
FaXaTai,  il  dit  ceci  :  «  Prenant  les  têtes  des  ennemis  tués,  ils 
les  attachent  au  cou  de  leurs  chevaux,  ils  abandonnent  à  leurs 
serviteurs  les  dépouilles  sanglantes  de  ces  morts  et  emportent 
comme  butin  les  têtes  en  chantant  leur  triomphe  et  l'hymne 
de  la  victoire  '.  » 

Parmi  les  serviteurs  auxquels  les  Gaulois  vainqueurs  aban- 
donnaient les  dépouilles  des  morts,  il  devait  se  trouver  beau- 
coup de  Germains,  leurs  sujets  jusque  vers  la  fin  du  iii^  siècle 
avant  notre  ère,  date  où,  révoltés,  ces  Germains  chassèrent  les 
Gaulois  de  la  partie  de  l'Allemagne  septentrionale  qui  est  située 
entre  le  bassin  de  l'Elbe  et  le  Rhin.  Malgré  le  légitime  orgueil 

I.  Twv  Ô£  -coo'vtojv  7toÀ£(jLio)V  "à;  XcÇaXà;  àçaipouvtsç  -cot-ônz-ojni  Tof? 
cfjyéoi  Twv  ?-nwv  -à  5È  axuXa  toï;  Oepârouci  -apaSovie;, 
rjj^Layaéva  Xaç'jpaycijYOjaiv,  â-i~aiav;^ov-£;  y.al  à'ûovTs;  ûavov  èzivîz'.ov. 


Origine  de  rallei)taiid  beute  «  butin  ».  131 

que  leur  inspira  ce  triomphe,  les  Germains  conservèrent  dans 
leur  langue  quelques  mots  qui  gardent  la  trace  de  leur  antique 
subordination  aux  Gaulois  depuis  vaincus  par  eux'.  Un  de  ces 
mots  est  l'allemand  beiite  plus  anciennement  biute  =  *hheudî 
«  butin  »,  forme  féminine  du  neutre  celtique  *bheiidi,  *  bhoudi, 
hôdi,  en  vieil  irlandais  bnaid,  victoire  -  ;  butin,  c'est  le  profit 
matériel  de  la  victoire,  ce  profit  déduit  il  ne  reste  que  la  gloire, 
de  la  fumée.  De  ces  deux  résultats  de  la  victoire  les  Gaulois 
prenaient  le  second,  la  gloire,  la  fumée;  ils  donnaient  aux 
Germains  le  profit  matériel  et  réel,  le  butin.  Quand  les  naïfs 
Gaulois  furent  chassés  à  l'ouest  du  Rhin,  sur  la  rive  gauche  de 
ce  fleuve,  par  les  Germains  révoltés,  leurs  libéralités  les  avaient 
préalablement  ruinés  ;  les  Germains  enrichis  par  les  victoires 
des  Celtes  ont  dû  sans  doute  leur  triomphe  ultérieur  à  leur 
richesse  supérieure  autant  qu'à  leur  bravoure.  Les  Francs, 
poursuivant  les  conquêtes  germaniques  à  l'ouest,  ont  trans- 
porté au  delà  du  Rhin  le  mot  germanique  d'origine  celtique 
dont  nous  parlons  :  ce  mot,  développé  chez  eux  au  moyen  d'un 
n  final,  avait  conservé  1'^'  primitif  de  la  première  syllabe,  il 
était  devenu  beiitî  au  nominatif  singulier,  heiitîn  >  à  l'accusatif 
du  même  nombre,  c'est  le  français  butin. 

H.   d'Arbois  de  Jubainville. 


1.  Voyez  par  exemple  Kluge,  Etymologisches  Woerterhuch  der  dciilschen 
Sprache,  6^  édition,  p.  14,  514,  aux  mots  Amt,  Reich;  Kluge  et  Lutz,  Eiiglisb 
Elynwhgy,  p.  132,  au  mot  mare. 

2.  Whitley  Stokes,  Urkeltischer  Spracshchali,  p.  175;  Alfred  Holder,  ^■i//- 
ccltischer  Sprachschaii,  t.  I,  col.  497,  498. 

3.  Comparez  la  déclinaison  en  -eiii  =:  în  du  gothique,  nominatif  singulier 
-ei  r=  -î  (Brugmann,  Grundriss,  t.  II,  p.  240)  dont  un  exemple  francique 
est  conservé  par  le  nom  de  femme  écrit  à  l'ablatif  Suiinine  dans  un  diplôme 
de  l'an  700  (Pardessus,  Diplomala,  t.  II,  p.  257);  le  nominatif  devait  être 
Siinni. 


UN  CYCLOPE  EN  IRLANDE 


Une  des  plus  anciennes  mentions  de  cyclope  se  trouve  dans 
la  Théogonie  d'Hésiode,  où  le  cyclope  d'abord  unique  est 
triplé;  pour  Hésiode,  Brontès,  Stéropès,  Argès,  c'est-à-dire 
tonnerre,  éclair  et  foudre  sont  trois  cyclopes".  Mais  primiti- 
vement il  n'y  a  qu'un  cyclope,  Ktikl-ôps,  qui  est  fils  d'Oùpaviç 
c'est-à-dire  du  ciel  ^  ;  son  œil,  de  forme  ronde,  Vw'jxXoç,  est 
identique  au  cercle,  -/.jxXo?,  du  soleil,  "HXic;,  qui  voit  tout, 
suivant  ïlliade  et  V Odyssée,  et  aussi  suivant  Eschyle ',  C'est 
au  ciel  que  Kuklôps,  synonyme  d'Hêlios,  fabrique  pour  Zeus 
le  tonnerre,  l'éclair  et  la  foudre,  ses  doublets  chez  Hésiode,  et 
qui,  tous  trois,  comme  le  vrai  KiikJôps  leur  auteur,  n'avaient, 
dit-on,  qu'un  œil  au  milieu  du  front  •*.  Le  Kuklôps  primitif 
est  un  géant  dont  l'œil  seul,  le  soleil,  est  visible  pour  les 
humains.  C'est  un  coureur  merveilleux  qui,  ayant  pendant  le 
jour  parcouru  le  ciel  entier  de  l'est  à  l'ouest,  revient  la  nuit 
sous  terre  à  son  point  de  départ  K  Le  nom  de  ce  personnage 
divin  est  Varunas,  Mitras  dans  la  mythologie  védique,  Ahura- 
mazda  chez  les  Iraniens,  Wuodan  chez  les  Germains  ''. 

Homère,  conservant  aux  doublets  du  Kuklôps  primitif  leur 

1.  Théogonie,  vers  1 59-141. 

2.  'EXÀav;/.o;  Ô£  xoj;  KJxÀwTïa;  àvO[JL0tî^£a0at  ànô  K'j;:)>w-o:,  uioCi  Oùpavoy. 
Scholie  sur  le  vers  139  de  la  Thi'ogo)iie  ;  fragment  176  d'Hellanicos,  chez 
Charles  et  Théodore  MùUer,  Fragmenta  historicorum  graecorum,  t.  I,  p.  69; 
cf.  Roscher,  AusfnhrUches  Lexicon  der  griechischen  iind  rômischen  Mythologie, 
t.  II,  col.   1676. 

3.  'HiÀio;  0?  Tîâvx'  icpopaç,  Iliade,  III,  277;  cf.  XIV,  344,  345  ;  Odyssée, 
VIII,  271  ;  XI,  109  ;  XII,  323  ;  Tov  T.cnwr.x-qy  xjxXov  'HXt'ou  /.a/M,  vers  91 
du  Prométhéc  enchaîné  dans  l'édition  d'Eschyle  donnée  chez  Didot  par 
Ahrens,  p.  3  ;  cf.  Roscher,  AusfnhrUches  Lexicon,  t.  I,  col.  1997. 

4.  Mo'jivoç  5'oiiOaX[jLo;  [xitsm  ÈvIxeixo  [i£xtij-w  (Théogonie,  vers  143). 

5.  Odyssée,  X,  191,  192. 

6.  Roscher,  Ausjuhrliches  Lexicon,  t.  I,  col.  1997. 


Un  cyclope  m  Irlande.  135 

œil  rond  et  unique,  augmente  leur  nombre,  les  fait  descendre 
du  ciel  sur  la  terre,  et  mêlant  la  tradition  mythologique  avec  le 
souvenir  de  la  population  qui  a  précédé  les  Indo-européens 
dans  une  grande  partie  de  l'Europe,  il  nous  raconte  qu'ils 
habitent  des  cavernes,  ne  cultivent  pas  la  terre  '  et  n'adorent 
pas  Zeus,  dieu  suprême  des  Indo-européens  ^. 

Au  milieu  d'eux,  Polyphème  est  le  Cyclope  par  excellence. 
Vingt  fois  dans  VOdyssée,  il  est  désigné  par  le  seul  mot 
Kukiàps  \  Il  nous  ramène  à  la  mythologie. 

C'était,  suivant  le  poète,  un  monstre  horrible  ;  il  ressem- 
blait, non  à  un  homme  qui  mange  du  pain,  mais  au  sommet 
boisé  des  hautes  montagnes ■^.  Il  était  d'une  force  inouïe;  il 
ferma  l'entrée  de  sa  caverne  avec  une  pierre  si  grosse  et  si 
lourde  que  vingt-deux  chariots  à  quatre  roues  n'auraient  pu 
l'emporter  ^  ;  il  remuait  cette  énorme  pierre  aussi  facilement 
que  si  c'eût  été  le  couvercle  d'un  carquois  ^.  Pour  se  venger 
d'Ulysse  qui  s'échappait  par  mer,  il  lança  au  navire  du  guer- 
rier fugitif  le  sommet  d'une  montagne  7.  Son  œil  unique 
apparaît  plusieurs  fois  dans  YOdyssée.  Ulysse  le  creva  "  et 
Polyphème  devint  aveugle  ^. 

Le  savant  Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et  romaines  de 
MM.  Daremberg  et  Saglio,  reproduit,  tome  P^  seconde  par- 
tie, p.  1695,  une  peinture  étrusque  où  on  voit  la  perche  pointue 
d'Ulysse  entrer  dans  l'œil  rond  qu'a  Polyphème  au  milieu  du 
front. 

Cette  planche  a  été  reproduite  d'après  l'ouvrage  français 
dans  une  importante  publication  allemande,  V Ausfilhrliches 
Lexicon  der  griechischen  und  rômischen  Mythologie  publié  par 
M.  W.  H.  Roscher,  t.  II,  col  1685,  i( 


1.  Odyssée,  IX,  106-114,  122-124,  399-400  ;  suivant  le  poète,  vers  109- 
III,  357,  358,  la  terre  sans  culture  leur  donne  froment,  orge  et  raisin; 
c'est  de  l'imagination. 

2.  Odyssée,  IX,  275. 

3.  Odyssée,  I,  69;  II,  19;  IX,  296,  316,  319,  345,  347,  362,  364,  415, 
428,  474,  475,  492,  502,  548;  X,  200  ;  XII,  209;  XX,  19  ;  XXIII,  212. 

4.  Odyssée,  IX,   190-192. 

5.  Odyssée,  IX,  340-344. 

6.  Odyssée,  IX,  313,  314. 

7.  Odyssée,  IX,  481,  482. 

8.  Odyssée,  I,  69  ;  IX,  332,  333,  387,  388,  453,  503. 

9.  Odyssée,  IX,  416. 


134  H.  d'Arbois  de  Juluiinvillc. 

r.e  cyclope  Je  l'épopée  homérique  reparaît  dans  la  plus 
vieille  littérature  de  l'Irlande,  à  cette  différence  près  que  chez 
lui  l'œil  unique  n'est  pas  au  milieu  du  front,  et  que  personne 
ne  vient  crever  cet  œil  du  cyclope  irlandais. 

Ce  cyclope  est  le  héros  Cûchulainn,  fils  du  dieu  suprême 
Lug  et  de  la  sœur  de  Conchobar,  roi  d'Ulster.  Quand  il  ren- 
contrait un  obstacle  par  trop  supérieur  aux  forces  humaines, 
chez  lui  nécessairement  surélevées,  puisque  dans  ses  veines 
coulait  le  sang  d'un  dieu,  la  colère  lui  faisait  faire  des  contor- 
sions terribles  qui  le  grandissaient,  le  transformant  en  un  géant 
énorme  ;  son  corps  s'allongeait  tellement  qu'entre  chacune  de 
ses  côtes  et  la  côte  voisine  un  guerrier  eût  pu  mettre  le  pied  ' . 
Ce  développement  de  son  être  physique  était  accompagné 
d'autres  déformations  que  produisait  un  ensemble  de  contor- 
sions, en  irlandais  riastar,  il  était  contorsionné,  si  l'on  me 
permet  ce  néologisme,  par  lequel  on  pourrait  traduire  l'irlan- 
dais r/rtj-/rtr^fl!.  D'abord  ses  jambes  tremblaient,  tous  ses  membres 
tremblaient,  tout  tremblait  chez  lui  depuis  les  pieds  jusqu'au 
sommet  de  la  tête  ;  puis  ses  pieds  et  ses  genoux  passaient 
derrière  lui,  ses  talons,  ses  mollets  et  ses  jarrets  venaient 
devant  %  etc.,  etc. 

Nous  abrégeons,  cependant  il  y  a  encore  trois  phénomènes 
qui  méritent  d'être  signalés  :  Ses  cheveux  étaient  avalés  par  sa 
tête,  si  l'on  peut  ainsi  s'exprimer,  en  sorte  que  seulement 
quelques  extrémités  de  poils  noirs  restaient  apparentes  '  ;  il 
faisait  rentrer  un  de  ses  yeux  dans  sa  tête  si  profondément 
qu'une  grue  n'aurait  pu  atteindre  cet  œil,  il  faisait  sortir  l'autre 
qui  devenait  aussi  grand  qu'un  chaudron  où  cuirait  une 
génisse  ^.  Il  aurait  donc  été  bien  grand,  mais  on  comparait 

1 .  Rôsini  iar  sudi,  co  taillfed  fertraig  feroclaig  eter  cach  asna  do.  FIcd 
Bricrend,  c.  27  ;  Lebor  na  hUidre,  p.  103,  col.  2,  1.  6,  7  ;  Windisch,  Irische 
Texte,  t.  I,  p.  266,  1.  2,  3  ;  Thurneysen,  Sas^eii  ans  deiii  aitcn  Irland,  p.  38. 

2.  Tdin  hô  Ci'iahige,  XVII,  3,  édition  Windisch,  p.  368-369,  lignes  2589- 
2596;  cf.  Lebor  na  hUidre,  p.  79,  col.  2,  1.  22-30;  traduction  de  Winifred 
Faraday,  p.  89,  90. 

3.  Fled  Bricrend,  §  27,  dans  Lebor  na  hUidre,  p.  103,  col.  2,  1.  1-5  ; 
Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  265,  1.  21-23  ;  p.  266,  1.  i  ;  cf.  Zimmer, 
dans  Zeitschrift  fur  celtische  Philologie,  t.  I,  p.  76  ;  Thurneysen,  Sagen  ans 
deni  aîten  Irland,  p.  58. 

4.  Serglige  Coiiculaind,^  5,  dans  Lebor  na  hUidre,  p.  43,  col.  2,  1.  17-19  ; 
Windiscii,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  207,  1.  1-3.  —  Aided  Giiill  niaic  Carhada, 


Un  cyclope  eu  Irlande.  135 

aussi  la  circonférence  de  cet  œil  aux  bords  d'une  coupe 
d'h)^dromel  \  Il  résulte  de  là  que  cet  œil  était  rond  comme 
celui  des  cyclopes  grecs,  notamment  celui  de  Polyphème. 

Un  point  sur  lequel  s'accordent  les  vieux  récits  épiques  de 
l'Irlande  relatifs  à  Cûchulainn,  c'est  que  lorsqu'arrivaient  pour 
le  héros  mythique  irlandais  les  moments  où  se  développait  sa 
force  surhumaine,  il  devenait  borgne  ;  ces  moments  étaient 
fréquents  et  de  là  cette  conséquence  que  ses  admirateurs  le  con- 
sidéraient comme  le  guerrier  borgne.  Tandis  que  les  femmes 
amoureuses  de  Conall  Cernach  imitaient  Conall  Cernach  en 
se  courbant  comme  lui  ;  tandis  que  les  femmes  amoureuses 
de  Cuscraid  le  Bègue  bégayaient  comme  Cuscraid,  les  femmes 
qui  aimaient  Cûchulainn  devenaient  borgnes  à  force  d'amour 
et  pour  ressembler  à  ce  merveilleux  personnage  ^.  On  ignore 
si,  avant  d'avoir  été  aveuglé  par  Ulysse^  Polyphème  aurait 
eu  près  des  femmes  le  même  succès. 

Une  fois  transformé  et  rendu  borgne  par  ses  contorsions, 
Cûchulainn  avait  une  force  au  moins  égale  à  celle  de  Poly- 
phème. Bricriu  avait  fait  construire  en  bois  une  salle  à  man- 
ger qui  pouvait  contenir  trois  cents  invités  et  qu'un  étage 
surmontait.  Cûchulainn,  voulant  donner  à  sa  femme  l'honneur 
d'y  entrer  la  première  avait  soulevé  une  paroi  de  cette  vaste 
salle,  et  en  retombant,  cette  paroi,  sans  se  séparer  du  reste  de 
l'édifice,  était  entrée  en  terre  à  une  profondeur  de  sept  coudées, 
plus  de  trois  mètres.  Bricriu,  du  premier  étage  était  tombé 
sur  le  fumier.  Mis  en  demeure  de  redresser  cette  grande  salle, 
Cûchulainn  fit  d'abord  d'inutiles  efforts,  puis,  recourant  aux 
contorsions,  et  ayant  acquis  par  elles  une  merveilleuse  force, 
il  réussit  '.  Quand  sur  son  char  de  guerre  armé  de  faux  et 
sur  lequel  Lug  son  père  l'accompagnait,  Cûchulainn  fit  trois 
fois  le  tour  de  l'armée  de  la  reine  Medb,  tua  cent  cinquante 

§  10;  Livre  de  Leinster,  p.  108,  col.  i,  1.  41,  42;  Whitley  Stokes,  dans  Revue 
celtique,  t.  XIV,  p.  404. 

i.  Tdiii  hô  Cûalii^e,  Lebor  na  hUidre,  p.  59,  col.  i,  1.  39,  édition 
d'O  'Keeffe,  p.  16,  1.  594,  395;  traduction  de  Winifred  Faraday,  p.  18,  19. 

2.  Serglige  Conculaind,  §  5,  Lebor  na  hUidre,  p.  43,  col.  2,  1.  12-10; 
Windiscli,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  206,  1.  27-31. 

3.  Fled  Bricrend,  §  28  ;  Lebor  na  liUidre,  p.  103,  col.  2,  1.  9,  10  ;  Win- 
disch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  266,  1.  5,6;  Thurneysen,  Sagen  ans  dem  alten 
Iriaiid,  p.  38. 


136  H.  iV Arhois  de  JnhahivUlc. 

rois  et  un  nombre  énorme  de  guerriers  inférieurs,  il  avait 
commencé  par  faire  d'horribles  contorsions  et  l'œil  qu'il 
n'avait  pas  rentré  dans  sa  tète  était  tombé  sur  sa  joue  '.  Cet 
œil  n'était  donc  pas  au  milieu  du  front  comme  celui  de  Poly- 
phème;  mais  quoi  qu'il  en  soit,  Cûchulainn  au  moment  de 
sa  merveilleuse  victoire  était  borgne  comme  l'adversaire 
malheureux  d'Ulysse,  et  accomplissait  des  exploits  qui  peuvent 
sans  contradiction  possible  supporter  la  comparaison  avec  les 
hauts  iaits  du  cyclope  homérique. 

H.  d'Arbois  de  Jubain ville. 


I.  Tdin  hfl  Cùalnge,  Lebor  na  hUidre,  p.  79,  col.  2,  p.  80,  col.  1,2; 
traduction  de  Winifred  Faraday,  p.  89-93  ;  Livre  de  Leinster,  p.  77, 
col.  2,  p.  78,  col.  2  ;  édition  Windisch,  p.  368-587. 


HIBERNICA 

(suite)  ' 


4°   CRIM,  CREM,  CREAMH,  CNEAMH  «  AIL  » 

Dans  son  Urkeliischer  Sprachschai:{,  p.  98,  M.  Wh.  Stokes 
pose  comme  forme  originelle  des  mots  irl.  cran,  gall.  craj 
«  ail  »  un  préceltique  *hremo-,  *kraiiio-.  De  quelque  façon 
qu'on  explique  d'ailleurs  le  mot  brittonique  (déjà  crain  en 
vieux-breton,  cf.  ZCP,  I,  22),  cette  restitution  est  certaine- 
ment inexacte  puisque  le  génitif  du  mot  irlandais  est  creîua 
(Jr.  Text.,  III,  82;  cf.  K.  Meyer,  Contributions,  I,  511)  et 
qu'on  a  le  nominatif  sous  la  forme  critn  (Jr.  Text.,  II,  2, 
p.  128,  V.  163  ;  cf.  K.  Meyer,  ibid.). 

La  comparaison  des  autres  langues  indo-européennes  montre 
qu'il  s'agit  en  réalité  d'un  primitif  *  kremiis-,  c'est-à-dire  d'un 
thème  en  -us-,  espèce  fort  rare,  dont  ce  serait  en  préceltique 
le  seul  exemple.  Le  mot  grec  correspondant  est  en  effet 
y.p£lj.ucv,  conservé  par  Hesychius,  qui  est  devenu  y.pi[j.uov  dans 
la  plupart  des  dialectes  (v.  J.  Schmidt,  K.  Z.,  XXXII,  346); 
y,pc>.aov  remonte  à  un  ancien  *hremiis-o-n,  dont  on  retrouve 
la  sifflante  en  letto-slave  dans  les  dérivés  en  *-yé-  et  en  -à-  lit. 
hrmns:;ù,  russe  ceremsa.  Un  passage  analogue  :  *-iiso-,  -nsâ- 
s'est  produit  pour  quelques  autres  thèmes  en  * -us-  :  cf.  skr. 
nâhus-  et  nahiisà-  «  voisin  y^,  parus-  et  parusâ-  «  nœud  »  ;  gr. 
âsXçûç  f.  (zd  gdr^bus-)  et  oeXçpûa  (v.  h.  a.  kilbur  m.);  lat.  tietus 
et  lit.  vetusias,  v.  si.  velûxû  (cf.  Meillet,  Innov.  de  la  déclin, 
lat.,  19).  Presque  partout,  on  a  tendu  à  éliminer  les  thèmes 

I,  Voir  ci-dessus,  p.  5  et  suiv.  Aux  exemples  de  dobidcim  cités  p.  6, 
joindre  an-dnvûndced  «quand  il  lançait  «  Ml.  53  d  7. 


138  /.    J'en  dry  es. 

en  -us-,  parfois  en  les  confondant  avec  les  thèmes  en  -is-,  -es-, 
le  plus  souvent  en  les  confondant  avec  les  thèmes  en-y-  (cf. 
Brugmann,  Grdr.,  II,  a'^  éd.,  i,  p.  522  et  534).  L'irlandais 
présente  un  procédé  spécial  d'élimination,  qu'explique  le  jeu 
naturel  des  lois  phonétiques.  Le  thème  en  -us-  *  Jcremus-  est 
devenu  simple  thème  en  -n-,  d'où  crim,  gén.  creiua  avec  une 
alternance  métaphonique. 

En  moyen-irlandais,  1'^  du  génitif  a  passé  au  nominatif; 
d'où  crem,  auj.  creamh;  le  même  fait  s'est  produit  dans  les 
mots  (^rilh,  «  cri  »  gén.  gritha,  lind  «  masse  liquide  »  gén. 
knda  et  rind  «  pointe  »  gén.  renda,  devenus  respectivement 
au  cours  de  Tirlandais-moyen  grelh,  le)id  et  rend,  auj.  grcath, 
leann,  reonn. 

Outre  creamh,  gén.  creauiha,  l'irlandais  moderne  dit  aussi 
cneamh,  gén.  cneamha  pour  désigner  l'ail. 

Ce  changement  singulier  est  exactement  l'inverse  de  celui 
qui  se  produit  d'ordinaire.  Les  groupes  hi,  in  ont  abouti  en 
effet  à  kr,  tr  sur  une  grande  partie  du  domaine  celtique  ;  c'est 
le  cas  en  brittonique  (v.  Annales  de  Bretagne,  XVI,  p.  307, 
n.  3  et  ajout,  bret.  kreon  «  toison  »,  m.  bret.  kneaii,  corn. 
cnéii,  gall.  cnaif,  irl.  cnae)  et  sporadiquement  en  gaélique  {d. 
irl.  mod.  cnoc  a  colline  »  prononcé  croc  en  Connaught  et  en 
Ulster,  d'après  le  dictionnaire  du  Rev.  P.  S.  Dinneen).  Mais 
le  changement  de  kr  en  kn  dans  creamh  :  cneamh  n'est  pas 
isolé.  Le  mot  cruim  f.  «  ver  »  (Corm.,  p.  9;  n.  pi.  cruniai. 
Ml.  44  c  [)est  cnnm  dans  certains  textes  modernes  (Windisch, 
Wtb.,  s.  v.).  Comme  les  groupes  initiaux  en-  et  cr-  sont  éga- 
lement répandus  en  irlandais  moderne,  il  faut  attribuer  ces 
confusions  à  des  différences  dialectales  (cf.  Pedersen,  Aspira- 
tionen  i  Irsk,  p.  65,  qui  explique  d'ailleurs  le  passage  de  r  à  n 
par  l'intermédiaire  d'un  r  nasalisé). 

5°   aUELQUES  DÉRIVÉS  DE  LA  RACINE  *  GER-  «  CRIER  » 

Parmi  les  formations  onomatopoétiques  de  l'indo-européen 
destinées  à  exprimer  le  «  cri  »,  l'une  des  mieux  caractérisées 
est  celle  qui  comprend  une  occlusive  gutturale  et  une  Hquide 
dans  des  combinaisons  très  variées  que  résume  le  tableau 
suivant  ; 


h        \        e 


l/r 


e 

ei 
en. 
â 


Hibi'iiiica.  159 


subsidiairement  une  consonne 
quelconque  comme  élargisse- 
ment. 


Pour  le  cas  où  la  consonne  initiale  est  g  et  la  liquide  r,  les 
combinaisons  suivantes  sont  attestées  (cf.  P.  Persson,  Studieii 
:^.  Lehre  von  der  Witr-elerweiterung  iind  Wur:{elvariation,  p.  194 
et  suiv.  ;  Zupitza,  Gennaii.  Giitiiir.,  78,  123  et  suiv.,  149  et 
suiv.  ;  Hirt,  BB.,  XXIV,  257  et  Ahlaut,  78  et  suiv.  ;  Gram- 
mont,  Onomatopées  et  mots  expressifs,  dans  Rev.  des  Langues 
romanes,  1901,  p.  117  et  suiv.)  : 

*gerJ-:  gr.  Yépavc;. 

* ger-  :  v.  h.  a.  kerran  «  crier  »  ;  lit.  gnrti  (de  "^ gl'-)-  Avec 
redoublement  et  dissimilation  de  r  en  n  :  lat.  gingrire,  gingrlna 
(Solmsen,  K.  Z.,  XXXIV,  20),  gr.  Y^T(9^^-^  Ï^TTP^'  T^TTP^Ç- 

*gàr-  :  gr.  ySpuç  (ion.-att.  -[f,puç). 

* gàr-s-  :  gr.  yxpp'Mi).zf)<x'  Aot5opo'j[j.£9a,  lat.  garrire,  norv,  harra 
(Bugge,  B.  5.,  III,  104). 

* grei-d- :  m.  h.  a.  kri:(en,  et  avec  un  suffixe  -sk-,  krîschen, 
ail.  mod.  kreischen. 

* greu- :  lat.  o^/77j,  gruere,  gr.  vpj. 

*  greii-d- :  gr.  ^(p-j'Çu);  avec  nasalisation,  lat.  grundïre. 

* gre,  * gre-v-  :  v.  h.  a.  krâen,  ags.  crâwan,  ail.  mod.  kràhen. 

* grô-  :  vsl.  grajati  «  crier  »,  lit.  o-rô//  «  id.  »  (qui  attestent 
d'ailleurs  une  gutturale  vélaire  ancienne). 

* grâ-k-  :  à  l'état  réduit  dans  lat.  grâc-ulus,  v.  h.  a.  chragil, 
etc. 

Les  langues  celtiques  ont  conservé  un  certain  nombre  de 
mots  issus  de  formations  semblables.  A  yspavi;  se  rattachent 
le  gaulois  -garantis,  le  breton-gallois  garan  «  grue  »  ;  de  la 
racine  *gàr-  sort  l'irlandais  gàir,  gall.  gaïur  «  cri  »,  et  de  la 
racine  *  gar-s-  l'irlandais  ^a/r/y/,  gall.  garm  «  id.  »  (de  *gars- 
iiien-,  Wh.  Stokes,   U.  S.,  106).  M.  Wh.  Stokes  a  de  même 


140  /.   Vendryes. 

reconnu  dans  l'irlandais  grau-berJa  À.  berla  fiachda  «  langue  de 
corbeau  »  un  élément  (^raii-  (soit  i^rav-)  analogue  à  la  racine 
de  l'ags.  crnivan  (ci-dessus). 

A  ces  mots,  signalés  depuis  longtemps  déjà,  il  faut 
joindre  : 

1°  d'une  racine  * grei-,  le  substantif  irlandais  grith  «  cri  » 
gén.  gretha,  qui  remonte  à  *  gri-iu-.  On  lit  grith  à  l'ace,  sg. 
dans  ro  lâsat  grith  «  ils  lancèrent  un  cri  »  Togail  Brnidne  Dâ 
Derga,^  55,  fochartatar  greth  «  même  sens  »  ibid.,  §§  109  et 
iio,  corralsat  grith  môr  «  de  sorte  qu'ils  poussèrent  un  grand 
cri  ))  /;■.  Text.,  I,  p.  105,  1.  14.  Le  FéJire  Oenguso  fournit  le 
gén.  sg.  gretha  (29  juin),  le  nom.  pi.  grethae  (25  janv.)  et  le 
gén.  pi.  gretha  (Prol.,  154);  et  le  Saltair  no  Rann  le  dat.  pi. 
greihaih  (v.  7620);  l'ace,  pi.  est  gretha  {cnirit  gretha  «  ils  font 
des  bruits  »,  Tâi?i  bâ  Cuaiinge,  1.  55  n).  En  composition,  on 
a  :  armgrith  «  bruit  d'armes  »  L.U.  77  b  37,  Tâin  bâ  Cuaiinge, 
1.  692,  2445,  -^004  {arnichrith  danslcs  Latin  Lives,  éd.  Hogan); 
nnallgrith  «  bruit  criard  »,  Tàin,  1.  331 1  et  5076;  glor-grith 
«  bruit  éclatant  »,  ibid.,  1.  3906.  En  irlandais  moderne,  le 
mot  grith  est  devenu  greth  écrit  greath  (i.  gâir  O'Cler}',  Rev. 
ceJt.,V,  6;  d.  Four  Masters,  II,  596),  comme  on  l'a  dit  ci- 
dessus,  p.  138.  Le  dérivé  grithugitd  est  attesté  dans  VAcal- 
lainh  lia  Scnôrach,  1.  6734. 

Le  correspondant  gallois  de  l'irlandais^;///;  est  régulièrement 
gryd. 

2"  D'une  racine  * grei-d  avec  infixation  d'une  nasale,  l'infi- 
nitif grinnigud  dans  grinniguth  11a  saiget  «  le  grincement  des 
flèches  »  Tog.  Trôi  869  (Ir.  Text.,  II,  i,  29). 

3''  D'une  racine  *gre-k-  ou  * grei-k-  (*gri-k-),  le  substantif 
grech  «  cri  »  (de  *greko-  ou  * griho-),  auj.  greach  O'R.,  dont  on 
lit  le  }p\\\nQ\  gn'cha  L.  Br.  140  b  5 1  (écmgrécha)  ;  de  ce  substan- 
tif a  été  tiré  un  verbe  grechaim  «  je  crie  »,  Windisch,  IVtb., 
p.  602,  attesté  par  exempledans  nosgrechatL.  U.  109  a  15  ou 
dans  le  prétérit  grechais  (écrit  gréchais),  Tàin  bô  Cuaiinge, 
1.  3893,  3900,  3918. 

4°  D'une  racine  * greu-  le  substantif  redoublé  *ge-gru-na 
d'où  giugran  gl.  anser  Sg.  64  b  i,  plus  tard  gigrand  «  anser 
bernicula  »  Corm.  tr.,  p.   88,   et  O'Mulconry's  Gloss.   655 


Hibernica.  141 

(A. CL.  I,  265)  gén.  pi.  gigraiid  Lib.  Hymn.  Amra,  63 
(cf.  latrand  du  latin  lalivii-);  le  glossaire  d'O'Clery  contient 
^ioghrann  .i.  cadhan  «  oie  sauvage  »  Rev.  celt.,  V,  3.  M.  Wh. 
Stokes  {Urk.  Spr.,  p.  109)  pose  à  tort  le  primitif  sous  la 
forme  * gegnrannâ.  De  toute  façon,  la  syllabe  finale  du  corres- 
pondant gallois  gwyrain  fait  difficulté. 

6°  RÉ  «  ESPACE  DE  TEMPS  >.. 

On  a  rattaché  depuis  longtemps  le  mot  irlandais  ive  rôt 
(dissyll.)  «  espace  découvert,  étendue  de  terrain  »  au  latin 
rûs,  zend  ravah-,  en  supposant  un  thème  *  reiios-  ou  *  rouos- 
conservé  en  latin  dans  n'is  (cï.  Solmsen,  Studien,  p.  éo;  Walde, 
Lat.  Etyin.  IVtb.,  p.  535)  et  auquel  l'irlandais  aurait  simple- 
ment ajouté  un  suffixe  -3'^-,  soit  *  reves-yà-  ou  *  roves-yà-  d'où 
rôe  (cf.  J.  Strachan,  Trans.  of  the  Philol.  Soc,  1 891- 1894, 
p.  290;  Wh.  Stokes,  Urkeh.  Sprachsch.,  235). 

La  racine  de  ce  mot,  avec  d'autres  suffixes,  a  fourni  au 
slave  le  mot  v.  si.  lavmn  «  uni  »  et  au  germanique  la  série  des 
mots  got.  rûius,  v.  isl.  rÏDii,  v.  h.  a.  rûm  qui  désignent 
l'espace.  Elle  existe  encore  en  irlandais  dans  le  mot  ré  (mono- 
syll.)  «  espace  (notamment  de  temps)  »,  que  V.  Henry,  Lex. 
Etyiii.  du  bret.  mod.,  p.  232,  a  tort  de  regarder  comme  un 
simple  doublet  de  rôe. 

Le  mot  ré  est  assez  bien  attesté  en  vieil-irlandais  (Ascoli, 
cxciij)  :  nom.  sg.  ind  ré  Ml.  133  b  7;  gén.  sg.  ree  Tur.  71  ; 
dat.  sg.  rté  Wb.  23  d  30  ;  nom.  pi.  na  rree  B.  Cr.  18  c  3, 
iniia  réi  A.  Cr.  2  d  i  ;  dat.  pi.  réib  Wb.  22  a  8;  ace.  pi.  rei 
Ml.  90  d  14  ;  et  il  figure  dans  plusieurs  textes  de  l'irlandais- 
moyen  :  Tàin  bô  Cnaihige,  éd.  Windisch,  p.  213  (gén.  sg.  ua 
ree);  Passions  and  Hoinilies,  p.  846;  Acallaiiih  na  Senôrach, 
1.  13 14,  où  toutefois  M.  Wh.  Stokes,  p.  371,  propose  de 
corriger  ré  en  rôe;  glossaires  d'O'Clery  {lé  .i.  aiiiisior,  Rev. 
celt.,  V,  37)  et  d'O'Mulconry,  619  et  835  {A.  C.  L.,  I,  263 
et  273).  L'adjectif  dérivé  r^dit/7  «  spatiosus  »  se  lit  Ml.  50  a  15. 

Le  mot  ré  est  féminin  (malgré  Windisch),  comme  le  prouve 
la  forme  de  l'article  dans  les  exemples  précités.  Il  remonte 
donc  à  *  revyâ-  et  semble  attester  l'existence  d'une  racine  *  rev- 


142  /.   Vcndryes. 

dont  l'irlandais  aurait  tiré  à  la  fois  un  thème  en  -es-  (plus  tard 
allongé  en  -yà-^  et  un  thème  en  -yà-.  La  forme  *  revyà  est 
devenue  ree  {cî.  cime  «  toison  »  de  *knavyâ,  Urk.  Spr.,  95), 
qui  s'est  contracté  en  ré;  mais  au  gén.  sg.,  écrit  rehe  Wb.  4 
c  II,  il  y  a  deux  syllabes. 

Cette  racine  *  rev-  n'est  peut-être  qu'une  simple  déforma-  - 
tion  de  la  racine  *  z;r-  :  *ver-  (cf.  Meillet,  M.  S.  L.,  XII,  223 
et  suiv.);  mais  on  pourrait  aussi  l'identifier  à  la  racine  *  rev- 
«  courir  »  (P.  Persson,  Studien ':;^.  Lehre  von  der  Ww\ekriveite- 
rung  iind  lVtir~elvûriatioii,  p.  122),  en  comparant  les  nom- 
breuses métaphores  tirées  de  la  course  et  appliquées  au  temps 
qui  s'écoule  ou  à  l'espace  qui  s'étend  :  français  cours,  allem, 
ZeitJauf  (m.  h.  a.  Ioiift\  gr.  homérique  T.tp\-zKKz[j.vniyj  ou 
r.tpi~'Ko[j.vn,v/  àv'.a'jTwv  de  la  même  racine  que  le  sanskrit  carati 
«  il  se  meut  »  ;  etc. 

7°   BLESC  «  FEMME  DE  MAUVAISE  VIE  ». 

Le  glossaire  de  Lecan  publié  par  M.  Whitley  Stokes.  Arch. 
f.  CeJt.  Lexic,  I,  50  et  ss.,  contient  un  mot  blesc.  À.  merdrech 
«  courtisane  »  dont  M.  Kuno  Meyer  {Contribulions,  I,  228) 
fournit  le  génitif  blesce.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrêter  à  l'hypo- 
thèse première  de  M.  Wh.  Stokes  qui  rattachait  à  ce  mot  le 
nom  propre  d'homme  Blésc,  puisqu'elle  n'a  pas  été  reprise  par 
son  auteur  dans  la  nouvelle  édition  du  Félire  Oengtiso,  1905, 
p.  403. 

Le  mot  féminin  blesc  doit  être  apparenté  au  thème  *  bledo- 
*  bledi-  qui  a  fourni  au  briitonique  le  nom  du  «  loup  »  (gall. 
blaidd,  bret.  bleiy,  v.  gall.  bled,  cf.  Wh.  Stokes,  Urk.  Spr., 
188),  d'où  semble  dérivé  le  nom  propre  gaulois  Bledinus 
(Holder,  Altcelt.  Sprachsch.,  l,  col.  451)  et  qui  apparaît  en 
irlandais  même  sous  la  forme  bled  pour  désigner  une  bête 
sauvage  (Sg.  15  b  10,  n.  pi.  bleda  .i.  aige  alta,  gloss.  ad.  Fél. 
Oeng.,  7  avril).  Il  y  a  ainsi  dans  le  mot  blesc  un  souvenir  ou 
une  analogie  du  latin  lupa  «  femme  de  mauvaise  vie  ».  D'autres 
langues  présentent  la  même  dérivation  de  sens  ;  par  exemple 
le  V.  islandais  où  grey-baha  signifie  à  la  fois  «  Hûndin  »  et 
«  Dirne  »,  et  surtout  le  breton,  où  gast  a  les  deux  mêmes 
significations. 


Hihernica.  143 

Au  point  de  vue  de  la  formation,  blesc  doit  remonter  à 
*  bled-skâ  {d.*  trudsko-  devenu  >>  *trusco-,  Urk.  Spr.,  p.  139). 
Le  suffixe  -sko-  (^-skâ-)  est  des  plus  répandus  en  celtique.  Il  a 
fourni  à  l'irlandais  un  bon  nombre  de  substantifs  dérivés  : 
base  «  collier  »,  blosc  «  tumulte  »,  flesc  «  baguette  »,  iasc 
«  poisson  »,  fiasc  «  anneau  »,  rose  «  œil  »,  ri'isc  «  écorce  », 
seise  «  jonc  »,  tàse  «  bruit  »,  toise  «  désir  »,  trese  «  déjection  », 
etc.  et  avec  l'aide  d'autres  suffixes  :  desead  «  levain  »,  ^esca 
«  rameau  »,  liiascad  «  mouvement  »,  iiiiscais  «  haine  »,  usée 
«  eau  »  etc.  (cf.  Z.  E.,  812  et  s.).  Parfois,  ce  suffixe  a  nette- 
ment le  sens  péjoratif:  riasc  «  marécage  »  (Corm.  Tr.,  p.  147) 
à  côté  de  rian  «  mer  »  (de  *  rêno-),  et  cela  explique  qu'il  serve 
à  former  une  série  d'adjectifs  désignant  des  défauts  :  brise 
«  fragile  »,  Jase  «  lent,  mou  »,  Use  «  paresseux  »,  lose 
«  infirme  »,  mesc  «  ivre  »,  sese  «  stc,  stérile  »,  tere  (de  *  ierse^ 
«  rare  »,  trose  «  lépreux  »  (cf.  gall.  bloesg  a  bègue  »  etc.  et 
pour  l'emploi  du  suffixe  en  germanique  Brugmann,  Grdr., 
II,  2^  éd.,  i,p.  479). 

Le  breton  gast  (gall.  gast,  pi.  geist)  pourrait  sortir  d'une 
façon  analogue  du  thème  *kan-  «  chien  »  (cf.  lat.  cànis,  irl. 
eana,  gall.  eanaw,  auj.  ceyiaiu,  etc.,  Urk.  Spr.,  p.  92);  soit 
* kan-skâ  a  chienne  »  devenu  *kûst  par  une  dissimilation  due 
à  la  gutturale  initiale  et  gast  sous  l'influence  du  genre  féminin 
du  mot. 

J.  Vendryes. 


LE  SUFFIXE  GALLOIS  -EDIC 


Dans  la  Gramiiiatica  celtica,  2^  édition,  p.  532,  les  participes 
passés  passifs  gallois  terminés  en  -etic  comme  tinetic  «  tincta  » 
dans  les  textes  les  plus  anciens,  plus  tard  en  -edic,  comme 
briwedic,  «  vulneratus  »,  sont  rapprochés  des  adjectifs  latins  en 
-tici'us,  dérivés  de  participes  passés  passifs  comme  dediticius,  de 
deditus,  siirrepticius  de  surreptus.  On  peut  à  ce  sujet  faire  trois 
observations  : 

1°  La  langue  latine  a  eu  comme  le  gallois  des  adjectifs  déri- 
vés des  participes  passés  au  moyen  du  suffixe  -ico-,  tels  sont 
doiiaticiis  de  doiiatiis,  einpliciis  <Xempticiis,  miiltaticus  de  niuUatus, 
volaticus  de  volatus,  venaticus  de  venatus  '. 

2°  La  langue  grecque  connaît  cette  formation  :  3.^;y.-r-.v/.iz 
«  affectueux  »  à' 7.';y.r.r-.bz  «  aimable  »,  È-aivsT'.y.i;  «  qui  loue 
volontiers  »,  d'iza'.v^ti;  «  louable  »,  \r,T.-v/.'zç  «  qui  prend 
volontiers  »  de  'kr-.ibz  «  qu'on  peut  saisir  »,  t:£-ti7.6ç  «  apte 
à  se  digérer  »  deTrs-Toç  «  cuit  »,  ày.iuTT'.y.d;  «  qui  écoute  volon- 
tiers »  d'iy.oujTÔç  «  qu'on  peut  entendre  »,  -Asy-r/.ic  «  propre 
à  s'entrelacer  »  de  zAsy-iôç  «  tressé  »  «  entrelacé  »,  àYavay- 
xr^-ixiç  «   irritable  »  d'av^cvaxT-^TÔ;  «  irritant  »  -. 

3°  On  trouve  aussi  cette  formation  en  breton  :  hividik 
«  vivace  »,  dérivé  de  bevet,  participe  passé  de  beva  vivre; 
ghiidik  «  natif  »  dérivé  de  ganet,  né  participe  passé  de  geiiel, 
«  naître,  engendrer  ». 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 

1.  Otto  Gradenvvitz,  Latcrculi  vociim  latiiiaruin,  p.  476-478. 

2.  Cf.  Adolphe  Rcgnier,  Traité  de  la  formation  des  )iiots  ditiis  la  langue 
grecque,  p.  218.  Suivant  Bopp,  Graiiniiaire  comparée,  traduction  de  M.  Bréal, 
t.  IV,  p.  117,  note  3,  le  suffixe  t'./.d:  s'explique  par  des  noms  abstraits  en 
Ti.  Mais  les  substantifs  abstraits  h;ir.f]-:'.:,  e-kivcTi;,  etc.  n'existent  pas  ;  on  a 
ETuaivsai;,  ttâéÇi;,  àyavâ/.Tr]a'.ç  etc.  ;  c{.  Brugmann,  GniiiJriss,  t.  I,  2^  édition, 
p.  662  ;  t,  II,  p.  24s,  246.  # 


ENLEVEMENT  DU  TAUREAU  DIVIN 

ET 

DES  VACHES  DE  COOLEY 


CHAPITRE  I^-- 

DIALOGUE    DE    l'oREILLER 

Une  fois  il  arriva  qu'Ailill  et  Medb  '  [roi  et  reine  de  Con- 
naught],  après  s'être  couchés  dans  leur  lit  royal  au  château  de 
Cruachan  en  Connaught  eurent  un  entretien  sur  l'oreiller. 

«  Vraiment,  ô  femme  »  dit  Ailill,  «  la  femme  a  du  mérite 
quand  son  mari  en  a.  » 

«  Oui^  ta  femme  a  du  mérite  »,  répondit  Medb  ;  «  pour- 
quoi penses-tu  cela  ?  » 

«  La  raison  pour  laquelle  je  le  pense  »,  répondit  Ailill, 
«  c'est  qu'aujourd'hui  tu  vaux  mieux  que  lorsque  je  t'ai 
épousée.  » 

«  J'avais  de  la  valeur  avant  toi  »,  répartit  Medb. 

«  De  cette  valeur  »,  répondit  Ailill,  «  nous  n'avons  pas 
entendu  parler.  Femme  tu  vivais  sur  bien  de  femme,  et, 
venant  de  la  province  la  plus  voisine,  les  ennemis  prati- 
quaient sans  cesse  chez  toi  vol,  pillage,  brigandage.  » 

«  Rien  de  pareil  ne  s'est  produit  »,  répliqua  Medb.  «  Mon 
père  était  le  roi  suprême  d'Irlande  Eochaid  Feidlech  -,  fils  de 
Find,    petit-fils   de  Findoman,    arrière-petit-fils    de   Findên, 


1.  On  prononce  Mève. 

2.  Suivant  les  Annales  des  quatre  Maîtres,  t.  I,  p.  86,  88,  Eochaid  Feid- 
leach  aurait  régné  de  l'an  142  à  Tan  131  avant  J.-C.  Cf.  Livre  de  Leinster, 
p.  23,  col.  I,  1.  36. 

Rrviir  Celtique,  XXVIII.  10 


146  H.  iV Al  bois  de  JiibainviUe. 

descendant  au  quatrième  degré  de  Findguin,  au  cinquième  de 
Rogen  le  Rouge,  au  sixième  de  Rigên,  au  septième  de  Blath- 
acht,  au  huitième  de  Beothacht,  au  neuvième  d'Enna 
Agnech  ',  au  dixième  d'OengusTurbech^  Eochaid  Feidlech  eut 
six  filles:  Derhriu,  Ethne,  Ele,  Clothru,  Mugain,  Medb.  Je  fus 
la  plus  noble,  la  plus  distinguée,  je  fus  supérieure  aux  autres 
en  bienfaisance  et  en  libéralité.  Je  l'emportai  dans  les  batailles, 
dans  les  combats  et  à  la  lutte.  J'avais  quinze  cents  guerriers  de 
race  royale  venus  des  autres  provinces  d'Irlande,  autant  de 
guerriers  nés  dans  ma  province  et  ces  derniers  étaient  accom- 
pagnés d'un  nombre  de  soldats  qui  pour  chacun  allait  ainsi 
décroissant,  dix,  huit,  sept,  six,  cinq,  trois,  deux,  un.  Ils  for- 
maient »  ajouta  Medb,  «  ma  garde  habituelle.  Voilà  pour- 
quoi mon  père  me  donna  une  des  cinq  grandes  provinces 
d'Irlande  5,  la  province  de  Cruachan,  en  sorte  qu'on  m'appelle 
Medb  de  Cruachan.  On  vint  me  demander  en  mariage  de  la 
part  du  roi  de  Leinster  Find  fils  de  Ross  le  Rouge,  et  de  celle 
du  roi  de  Tara  '^  Cairpre  le  Grand-Guerrier,  fils  de  Ross  le 
Rouge;  on  vint  de  la  part  du  roi  d'Ulster  Conchobar,  fils 
de  Fachtna  Fathach  >,  on  vint  de  la  part  d'Eochaid  le  Petit. 
Et  moi,  je  ne  me  rendis  pas  à  ces  invitations,  car  c'est  moi 
qui  demandai  un  prix  d'achat^  qu'avant  moi  aucune  femme 


1.  Enna  Aighncach  suivant  les  Annales  des  quatre  Maîtres,  t.  I,  p.  (Sa, 
aurait  été  roi  suprême  d'Irlande  de  l'an  312  à  l'an  293  avant  J.-C.  ;  cf. 
Livre  de  Leinster,  p.  22,  col.  2,  1.  43. 

2.  Les  Annales  des  quatre  Maîtres,  t.  I,  p.  84,  le  font  régner,  comme  roi 
suprême  d'Irlande,  de  384  à  326  pendant  cinquante-huit  ans;  cf.  Livre  de 
Leinster,  p.  22,  col.  2,  1.  39.  De  l'avènement  de  Oengus  Turbech  aussi 
appelé  Tuirmheach  à  l'avènement  d'Eochaid  Feidlech  on  compterait  242  ans 
soit  24  ans  environ  pour  chaque  génération. 

3.  Ces  provinces  étaient  i"  Ulster,  2°  Connaught,  3°  Munster  méridio- 
nal ou  Desmond,  dit  aussi  Munster  occidental,  4°  Munster  septentrional  ou 
Tomond,  5°  Leinster.  Voir  Sé^ro-Z/i^rt-  Coiiaihnnn,  §  22,  chez  Windisch,  Irische 
Texte,  t.  I,  p.  212  ;  cf.  Cours  de  littérature  celtique,  t.  V,  p.  187,  où  est 
reproduite  la  doctrine  d'O'Curry,  On  the  Manners,  t.  II,  p.  199  ;  cf.  p.  97  ; 
t.  m,  p.  75,  79. 

4.  C'est-à-dire  roi  suprême  d'Irlande. 

5.  En  réalité  mari  de  Ness,  femme  qui  avait  eu  Conchobar  d'une  union 
passagère  avec  le  druide  Cathba. 

6.  Le  prix  d'achat,  coibcbe,  était  ordinairement  donné  par  le  futur  gendre 
au  père  de  la  fiancée  ;  ici  c'est  la  femme  qui  le  reçoit.  Medb,  devenue  reine, 
était  émancipée. 


EnUvenieni  du  taureau  divin.  147 

ne  demanda  à  un  homme  d'Irlande  ;  je  demandai  un  homme 
1°  sans  avarice,  2°  sans  jalousie,  2°  sans  peur'.  S'il  y  avait 
de  Tavarice  chez  l'homme  à  qui  j'appartiendrais,  il  ne  serait  pas 
à  propos  que  nous  vivions  ensemble.  Ma  bonté,  ma  généro- 
sité, ma  libéralité  ^  y  feraient  obstacle.  On  se  moquerait  de 
mon  mari,  si  je  lui  étais  supérieure  en  libéralité  ;  on  ne  se 
moquerait  pas  si  nous  avions  égale  bonté,  la  même  bonté  tous 
deux.  Si  mon  mari  était  peureux,  il  ne  serait  pas  à  propos  que 
nous  vivions  ensemble,  car  je  livrerais  combats  et  batailles,  je 
ferais  des  exploits  3,  et  cela  moi  seule  ;  on  se  moquerait  de 
mon  mari,  on  dirait  :  il  y  a  chez  sa  femme  plus  de  vie  que  chez 
lui  ;  on  ne  se  moquerait  pas  si  nous  avions  égale  vivacité,  si 
nous  étions  aussi  vifs  l'un  que  l'autre.  Si  l'homme  à  qui 
j'appartiendrais  était  jaloux,  ce  serait  inconvenant  aussi,  car 
avant  de  me  marier  je  ne  fus  jamais  sans  un  amant  caché 
dans  l'ombre  d'un  amant  en  titre  '♦.  Alors  je  trouvai  l'homme 
que  je  désirais,  c'était  toi,  Ailill,  iils  de  Ross  le  Rouge  de 
Leinster  :  tu  n'étais  point  avare,  tu  n'étais  point  jaloux,  tu 
n'étais  point  paresseux.  Je  fis  avec  toi  contrat  de  mariage  et  je  te 
donnai  le  plus  beau  prix  d'achat  qu'une  femme  puisse  rece- 
voir 5,  c'est-à-dire  des  vêtements  de  quoi  habiller  douze 
hommes,  un  char  qui  valait  sept  femmes  esclaves,  une  feuille 
d'or  rouge  aassi  large  que  ton  visage,  un  morceau  d'ekctruni  ^ 
aussi  lourd  que  ton  avant-bras  gauche.  Qu'un  individu  quel- 
conque te  fasse  un  affront  qui  te  décourage  ou  même  te  rende 
fou,  tu  n'obtiendras  pas  dommages  intérêts  et  prix  de  ton 
honneur  sans  que  je  reçoive  autant  que  toi,  car  tu  es  homme 
sur  bien  de  femme  7.  » 

«  Je  ne  le  suis  pas  »,  répondit  Ailill, '«  j'ai  deux  frères,  l'un 

1.  C'est  une  triade,  comme  plus  liaut  vol,  pillage,  brigandage. 

2.  Triade. 

3.  Sur  le  service  de  guerre  dû  par  les  femmes  en  Irlande  voir  les  textes 
réunis  dans  le  volume  intitulé  La  famille  celtique,  p.  81-83. 

4.  Sur  les  moeurs  des  Irlandais  payens,  voir  La  faiiiiUe  celtique,  p.  50, 
51  ;  comparez  ce  que  Dion  Cassius,  1.  LXXVI,  c.  26,  dit  de  la  femme  du 
Calédonien  Argentocoxos. 

5.  Coihche  c'est  le  nom  du  prix  d'acliat  payé  ordinairement  par  le  mari. 
Medb  prétend  que  c'est  elle  qui,  dans  le  ménage,  a  la  puissance  maritale. 

6.  Peut-être  de  laiton. 

7.  Tiiicur  iniui,  han-tincur,  cf.  La  faruillc  celtique,  p.  163-166. 


148  H.  iVArhûis  de  Jubainville. 

règne  à  Tara,  l'autre  règne  en  Leinster,  c'est-cà-dire  que  Find 
est  roi  de  Leinster  et  Carpré  roi  de  Tara  '.  Je  leur  abandon- 
nai ces  royaumes  à  cause  de  leur  droit  d'aînesse.  Ils  ne 
m'étaient  pas  supérieurs  en  bienfaisance  ni  en  libéralité.  Je 
n'avais  pas  entendu  dire  qu'aucune  des  cinq  grandes  provinces 
d'Irlande  pût  être  propriété  de  femme.  Pour  la  première  fois 
je  l'entends  dire  de  cette  province  ci  et  d'elle  seule.  Je  vins 
donc  ici  et  je  saisis  la  royauté,  cela  du  droit  que  je  tenais  de 
ma  mère.  En  effet  Mata  de  Muiresc,  ma  mère,  était  fille  de 
Maga  [roi  de  Connaught].  Et  pouvais-je  trouver  reine  meil- 
leure que  toi  ?  puisque  tu  es  fille  du  roi  suprême  d'Irlande.    » 

«  Par  conséquent  »,  répliqua  Medb,  «  ma  fortune  est  plus 
importante  que  la  tienne.  » 

«  Etrange  prétention  »  répondit  Ailill.  «  Il  n'est  personne 
qui  ait  plus  de  choses  précieuses,  de  trésors  et  de  richesses  ^ 
que  moi.  Je  le  sais  bien.  » 


CHAPITRE  II 

CAUSE    DE    l'eXLÈVEMEXT. 

[Ailill  et  Medh  font  chacun  faire  Finvcntaire  de  leur  fortune. 
Conséquence  de  ce  double  inventaire]. 

I.  On  leur  présenta  d'abord  les  articles  dont  la  valeur  était 
la  moindre.  Ce  fut  ainsi  que  l'on  commença  la  comparaison 
des  deux  fortunes  :  on  leur  apporta  leurs  petits  seaux,  leurs 
grands  seaux  et  leurs  pots  de  fer;  leurs  cruches,  leurs  cuves 
et  leurs  pots  à  anses  '. 

Les  deux  lots  étaient  égaux  +. 

On  leur  apporta  ensuite  leurs  bagues  pour  petits  doigts, 
leurs  bracelets,  leurs  bagues  pour  pouces,  leurs  bijoux  d'or, 
leurs  vêtements  tant  pourpres  que  bleus,  noirs  et  verts,  tant 


1.  C'est-à-dire  roi  suprêmed'  Irlande.  Sur  ce  Cairpre,  surnommé  Nia  Fer, 
voir  O'Curry,  Maiiiiscripi  Materials,  p.  485,  note  35  ;  p.  507,  note  81. 

2.  Triade. 

5.  Deux  Triades. 

4.   Cf.  O'Currv,  Lectures  on  the  wamtscript  niaterials,  p.  34. 


EiiJcvemeiit  du  taureau  divin.  149 

jaunes  que  multicolores  et  gris,  tant  bruns  que  tachetés  et 
mouchetés. 

Le  roi  et  la  reine  en  avaient  chacun  autant  '. 

On  amena  des  champs,  des  pâturages  et  des  plaines  -  leurs 
nombreux  troupeaux  de  moutons,  on  compta  et  recompta  ces 
bêtes  et  on  constata  dans  les  deux  lots  égalité  de  poids,  de 
taille  et  de  nombre  ^  Il  y  avait  cependant  parmi  les  têtes  de 
bétail  appartenant  à  Medb  un  bélier  remarquable  qui  valait 
une  femme  esclave,  mais  dans  le  troupeau  d'Ailill  il  se  trou- 
vait un  bélier  équivalent. 

On  amena  des  pâturages  et  des  parcs  leurs  chevaux  de  tra- 
vail, leurs  attelages,  leurs  troupeaux  d'étalons,  de  juments  et 
de  poulins  ^  Dans  un  troupeau  de  chevaux  appartenant  à 
Medb  on  trouva  un  animal  remarquable  qu'on  estima  une 
femme   esclave,  or  Ailill  avait  une  bête  équivalente. 

On  amena,  des  bois,  des  vallées  et  de  leurs  pentes_,  des 
endroits  cachés,  leurs  nombreux  troupeaux  de  cochons;  on  les 
compta  un  à  un  ;  Medb  avait  un  porc  mâle  remarquable, 
Ailill  un  aussi. 

Alors  on  fit  venir  des  bois  et  des  déserts  de  la  province 
leurs  troupeaux  de  vaches  de  toute  espèce,  de  toute  catégorie. 
On  compta  et  recompta  ces  bêtes  ;  elles  étaient  de  même  poids, 
de  même  grandeur,  de  même  nombre  dans  les  deux  lots,  sauf 
une  exception  :  parmi  les  vaches  d'Ailill  on  trouva  un  tau- 
reau remarquable  ;  c'était  un  veau  d'une  vache  de  Medb  ;  il 
s'appelait  le  Blanc  Cornu,  Firidbennach  ;  ne  considérant  pas 
qu'il  fût  honorable  pour  lui  d'appartenir  à  une  femme,  il  était 
allé  dans  le  troupeau  des  vaches  du  roi. 

2.  Il  sembla  à  Medb  que  ses  propriétés  seraient  sans  valeur 
aucune  tant  qu'elle  n'aurait  pas  un  taureau  équivalent.  Elle 
fit  venir  le  courrier  Mac  Roth,  et  lui  demanda  si  à  sa  connais- 
sance il  y  avait  dans  une  localité  quelconque  des  cinq  grandes 
provinces  d'Irlande  un  taureau  semblable  à  celui  d'Ailill. 

1.  Cf.  O'Curry,  ibid. 

2.  Triade. 

3.  Triade. 

4.  Deux  triades.  Nous  avons  assez  souvent  signalé  ce  procédé  de  rédac- 
tion pour  ne  pas  insister  davantage. 


150  H.  d'Arhois  de  Jubaiirvith'. 

«  Je  sais  »,  dit  Mac  Roth,  «  un  endroit  où  se  trouve  le 
meilleur  taureau  possible,  un  taureau  meilleur  que  celui  du 
roi.  C'est  dans  la  province  d'Ulster  au  canton  de  Cooley,  chez 
Daré  ',  fils  de  Fiachna.  Son  nom  est  le  Brun  de  Cooley,  Donn 
Ci'talnge  ^  » 

«  Va  le  chercher,  Mac  Roth  »,  dit  Medb,  «  et  demande  à 
Daré  de  me  le  prêter  pour  un  an.  A  la  fin  de  l'année  je  lui 
donnerai  en  retour  cinquante  génisses  et  je  lui  rendrai  le 
Brun  de  Cooley.  Puis  fais-lui  une  autre  proposition,  Mac 
Roth.  Si  ses  voisins,  les  habitants  du  même  pays,  prennent 
mal  la  cession  par  lui  d'un  animal  de  si  grande  valeur  que  le 
Brun  de  Cooley,  qu'il  vienne  lui-même  avec  son  taureau  ;  je 
lui  donnerai  en  bonnes  terres  de  Mag  Aï  autant  de  terrain 
qu'il  en  possède  à  Cooley  ;  j'y  joindrai  un  char,  valant  vingt 
et  une  femmes  esclaves,  et  je  le  ferai  coucher  avec  moi  5.  » 

3.  Ensuite  les  courriers  allèrent  chez  Daré  fils  de  Fiachna. 
Les  courriers,  disons-nous,  car  Mac  Roth  et  ses  compagnons 
formaient  une  troupe  de  neuf  hommes.  Dans  la  maison  de 
Daré  on  souhaita  la  bienvenue  à  Mac  Roth.  On  ne  pouvait 
faire  autrement,  car  Daré  était  chef  de  la  mission.  Daré  deman- 
da à  Mac  Roth  quelle  était  la  cause  de  son  voyage,  quel  but 
il  avait.  Mac  Roth  dit  pourquoi  il  venait  ;  il  raconta  la  que- 
relle d'Ailill  et  de  Medb.  «  Je  suis  arrivé  »,  ajouta-t-il,  «  pour 
demander  le  prêt  du  Brun  de  Cooley  afin  de  le  mettre  en  face 
du  Blanc  Cornu  ;  tu  recevras  en  retour  cinquante  génisses  et 
le  Brun  de  Cooley  te  sera  restitué.  Voici  une  autre  proposi- 
tion :  tu  viendras  toi-même  avec  ton  taureau  et  tu  auras 
en  bonnes  terres  de  la  plaine  d'Aï  l'équivalent  de  ta  propriété, 
plus  un  char  valant  vingt  et  une  femmes  esclaves,  et  en  outre 
Medb  te  recevra  dans  son  lit.  » 

Cette  proposition  fut  agréable  à  Daré  ;  il  s'agita  tellement 
que  les  coutures  de  son  lit  de  plumes  se  rompirent  sous  lui  : 
«  J'en  donne  ma  parole   »,  dit-il  ;  «   peu  importe  la  façon 

1.  Daré  plus  anciennement  Darios  est  un  nom  gaulois  qui  forme  le  pre- 
mier terme  du  nom  de  Dan'o-ritKni  aujourd'hui  probablement  Vannes. 
A.  Holder,  AUcellischer  Spracbschati,  t.  I,  col.  1241. 

2.  Mieux  Cùahi^i. 

3.  Ailill  n'était  pas  jaloux. 


Eiilèveinoit  du  taureau  divin.  151 

dont  les  habitants  d'Ulster  prendront  mon  acceptation  : 
le  précieux  animal  sera  mené  chez  Ailill  et  Medb,  le  Brun  de 
Cooley  ira  en  Connaught.  »  Mac  Roth  fut  content  de  la 
réponse  du  fils  de  Fiachna. 

4.  Puis  les  gens  de  Daré  prirent  soin  de  Mac  Roth  et  de 
ses  compagnons.  Ils  mirent  sous  eux  de  la  paille  et  des  joncs 
frais.  Ils  leur  apportèrent  de  la  bonne  nourriture  et  leur  don- 
nèrent un  festin  qui  les  enivra  complètement.  Il  arriva  que 
deux  courriers  se  mirent  à  causer.  «  Vraiment  »,  dit  l'un  d'eux, 
«  il  est  bon  Thomme  dans  la  maison  de  qui  nous  sommes.  » 

—  «  C'est  vrai  »,  répondit  l'autre.  —  «  Y  a-t-il  »,  reprit 
le  premier,  «  y  a-t-il  en  Ulster  homme  meilleur  que  lui  ?  — 
«  Oui  »,  dit  le  second  courrier,  «  c'est  Conchobar  auquel  Daré 
appartient,  et,  quand  même  tous  les  hommes  d'Ulster  se  réuni- 
raient autour  de  Conchobar,  aucun  d'eux  n'aurait  à  rougir  de 
son  roi.  Daré  est  bien  bon.  Prendre  de  force  le  Brun  de 
Cooley  et  le  mener  hors  de  la  province  d'Ulster  serait  une 
œuvre  qui  exigerait  le  concours  de  quatre  des  cinq  grandes 
provinces  d'Irlande,  et  Daré  donne  cet  animal  à  nous  qui  ne 
sommes  que  neuf  courriers,  » 

Alors  le  troisième  courrier  se  mêla  à  la  conversation. 
«  Que  dites-vous?  »  demanda-t-il.  Le  premier  courrier  répéta  : 
«  Il  est  bon  l'homme  dans  la  maison  de  qui  nous  sommes.  » 

—  «  Oui,  il  est  bon  »,  reprit  le  second  courrier.  —  «  Y  a-t-il 
même  parmi  les  habitants  d'Ulster  »,  dit  le  premier  courrier, 
«  quelqu'un  de  meilleur  que  lui  ?»  —  «  Oui  certes,  »  répondit 
le  second  courrier,  «  c'est  Conchobar  auquel  Daré  appartient, 
et  quand  même  tous  les  hommes  d'Ulster  se  réuniraient 
autour  de  Conchobar,  aucun  d'eux  n'aurait  à  rougir  de  son 
roi.  Mais  Daré  a  une  grande  bonté.  Prendre  de  force  le  Brun 
de  Cooley  serait  une  œuvre  qui  exigerait  le  concours  de 
quatre  des  cinq  grandes  provinces  d'Irlande.  » 

Le  troisième  courrier  s'écria  :  «  La  bouche  d'où  ces  paroles 
sont  sorties  mériterait  de  vomir  du  sang  et  d'en  vomir  encore. 
Si  Daré  n'avait  pas  donné  son  taureau  de  bon  gré,  on  le  lui 
aurait  pris  de  force.  » 

5.  En  ce  moment  arriva  dans  la  maison  occupée  par  les 
courriers  le  maître  d'hôtel  de  Daré,  fils  de  Fiachna  ;  avec  lui 


1)2  H.  d\4rbois  de  JubainvUlc. 

entrèrent  l'échanson  et  le  domestique  qui  apportait  à  manger. 
Le  maître  d'hôtel  entendit  ce  qu'on  disait,  la  colère  s'empara 
de  lui  ;  il  donna  aux  courriers  la  nourriture  et  la  bière^,  mais 
il  n'ouvrit  pas  la  bouche  ;  il  ne  leur  dit  pas  :  Mangez  et 
buvez  :  il  ne  leur  dit  pas  :  Ne  mangez  ni  ne  buvez.  Il  alla  dans 
la  maison  où  était  Daré,  fils  de  Fiachna  et  il  lui  demanda  : 
«  Est  ce  toi  qui  as  donné  aux  courriers  le  célèbre  trésor  qu'est 
le  Brun  de  Cooley  ?»  —  «  Oui,  c'est  moi  »,  répondit  Daré. 
—  «  Eh  bien  »,  répliqua  le  maître  d'hôtel,  «  si  ce  que  disent 
les  courriers  est  vrai,  tu  n'es  pas  roi  du  canton  où  ce  don  a 
été  fait.  Suivant  eux,  si  tu  ne  donnes  pas  ce  taureau  de  bon 
gré,  tu  le  donneras  de  force,  tu  y  seras  contraint  par  l'armée 
d'Ailill  et  de  Medb  et  par  la  grande  science  guerrière  de 
Fergus,  fils  de  Roech.  »  —  «  Je  le  jure  »,  répliqua  Daré,  «  je 
le  jure  par  les  dieux  que  j'adore,  ils  ne  l'emmèneront  pas  de 
force,  ils  ne  l'emmèneront  pas  de  bon  gré.  » 

6.  Chacun  jusqu'au  matin  resta  dans  sa  maison.  Les  cour- 
riers se  levèrent  le  matin  de  bonne  heure,  et  allèrent  à  la 
maison  où  était  Daré.  «  Dis-nous  »,  demandèrent-ils  à 
Daré,  «  dis  nous,  ô  noble  seigneur,  où  se  trouve  le  Brun  de 
Cooley;  nous  irons  le  chercher.  »  —  «  Non  certes  »,  répon- 
dit Daré,  «  s'il  était  dans  mes  habitudes  de  trahir  les  cour- 
riers, les  voyageurs,  les  gens  qui  suivent  les  routes,  aucun  de 
vous  ne  s'en  irait  en  vie.  »  —  «  Pourquoi  ?  »  demanda  Mac 
Roth.  —  «  J'ai  grande  raison  »,  répondit  Daré  ;  «  vous  avez 
dit  que  si  je  ne  donnais  pas  le  taureau  de  bon  gré,  je  le 
céderais  de  force  grâce  à  l'armée  d'Ailill  et  de  Medb  et  à  la 
grande  science  guerrière  de  Fergus.  »  —  Mais  »,  répliqua  Mac 
Roth,  «  peu  importe  ce  que  ta  bière  et  ton  repas  ont  fiiit  dire 
aux  courriers.  Ces  paroles  ne  méritent  aucune  attention,  et  tu 
ne  peux  à  ce  suiet  adresser  des  reproches  ni  au  roi  Ailill  ni  à  la 
reine  Medb.  »  —  «  En  dépit  de  nos  conventions,  ô  Mac 
Roth  »,  répartit  Daré,  «  je  ne  donnerai  pas  mon  taureau;  non 
je  ne  le  donnerai  pas  du  tout.  » 

7.  Les  courriers  s'en  retournèrent  et  ils  arrivèrent  au  château 
de  Cruachan  en  Connaught.  Medb  leur  demanda  quelles 
nouvelles  ils  apportaient.  Mac  Roth  répondit  qu'en  fait  de  nou- 


Hnlcvenieiil  du  laurcau  divin.  153 

velles  il  n'amenait  pas  le  taureau  de  Daré.  —  «  Pourquoi  ?  » 
demanda  Medb.  Mac  Roth  raconta  comment  les  choses 
s'étaient  passées.  —  «  Il  sera  »,  dit  Medb,  «  plus  flicile  d'arran- 
ger cela  que  de  polir  les  nœuds  d'une  corde.  On  sait  que  le 
taureau  ne  sera  pas  donné  de  bon  gré  ;  on  l'emmènera  de 
force,  il  faudra  bien  que  Daré  l'abandonne.  » 


CHAPITRE  III 

APPEL    DES    GUERRIERS    DE    CONNAUGHT    À    CRUACHAN    AÏ. 

1.  Les  envoyés  de  Medb  allèrent  inviter  à  venir  à  Cruachan 
les  sept  Mané  avec  leurs  sept  fois  trois  mille  guerriers,  savoir  : 
Mané  surnommé  Pareil  à  mère,  Mané  surnommé  Pareil  à 
père,  Mané  surnommé  Qu'il  les  prenne  tous,  Mané  dit  Petite 
Piété  filiale,  Mané  dit  Grande  Piété  filiale,  Mané  dit  Le  plus 
grand  parleur.  D'autres  envoyés  allèrent  trouver  les  fils  de 
Maga,  c'est-à-dire  :  Cet  ou  Premier,  fils  de  Maga  ;  Anluan  ou 
Brillante  lumière,  fils  de  Maga;  Maccorb  ou  Enfant  de  chariot, 
fils  de  Maga  ;  Bascell  ou  Maison  de  mort,  fils  de  Maga  ;  En 
ou  Oiseau,  fils  de  Maga  ;  Dôche  ou  Rapide  activité,  fils  de 
Maga  ;  Scandai  ou  Insulte,  fils  de  Maga.  Ces  guerriers  vinrent 
et  avec  chacun  d'eux  trois  mille  hommes  armés.  D'autres 
envoyés  d'Ailill  et  de  Medb  allèrent  trouver  Cormac  à  l'intelli- 
gent exil,  fils  de  Conchobar,  et  Fergus  fils  de  Roech  \  Leur 
troupe  fut  de  trois  mille  hommes. 

2.  La  première  troupe  qui  arriva  portait  les  cheveux  courts, 
des  manteaux  verts  aux  broches  d'argent  ;  chaque  homme 
avait  sur  la  peau  une  chemise  à  fils  d'or  avec  entrelacs  d'or 
rouge.  Les  poignées  de  leurs  épées  étaient  blanches  aux  gardes 

I.  Avec  Dubthach  ils  avaient  été  caution  de  la  promesse  faite  par  le  roi 
Conchobar  que  les  fils  d'Usnech  auraient  la  vie  sauve  (Longes  mac 
n-Usnig,  13;  Windisch,  Irischc  Texte,  t.  I,  p.  75,  1.  10-12).  Après  le 
meurtre  des  fils  d'Usnech  ils  entreprirent  une  guerre  contre  le  roi  Concho- 
bar {ihid.,  c.  16,  p.  76),  puis  ils  allèrent  en  Connaught  chez  Ailill  et  Medb 
(ibîd.,  c.  16,  p.  77).  Voyez  R.  Thurnevsen,  Soi^eii  ans  deni  alteu  Irland, 
p.  16,  17.  Leahy,  Heroic  Roiiiauces,  t.   I,  p.  97,   98. 


154  ^-  (-^'Arbois  de  JuhainviUe. 

d'argent.  «  Cormac  est-il  là  ?  ->  demandèrent  les  assistants.  — 
«  Non  certes  »,  répondit  Medb. 

La  deuxième  troupe  avait  les  cheveux  fraîchement  coupés. 
Chaque  guerrier  était  enveloppé  dans  un  manteau  bleu  foncé 
et  portait  sur  la  peau  une  chemise  très  blanche.  Les  poignées 
de  leurs  épées  étaient  d'or  et  rondes  avec  gardes  d'argent. 
«  Cormac  est-il  là  ?  »  demandèrent  les  assistants.  —  «  Non 
certes  »,  répondit  Medb. 

La  troisième  et  dernière  troupe  avait  la  chevelure  courte 
d'un  joli  blond,  couleur  d'or  et  largement  étalée  sur  la  tète, 
de  beaux  manteaux  pourpre  avec  de  jolies  broches  sur  la  poi- 
trine. Ces  guerriers  portaient  de  belles  et  longues  chemises  de 
soie  qui  descendaient  jusqu'au  milieu  des  pieds.  Ensemble  ils 
levaient  les  pieds,  ensemble  ils  les  baissaient.  «  Est-ce  Cor- 
mac ?  »  demandèrent  les  assistants.  —  «  Oui  certainement  », 
répondit  Medb. 

3.  Ils  campèrent  et  s'installèrent  cette  nuit-là,  en  sorte  qu'il 
y  eut  beaucoup  de  fumée  et  de  feu  entre  quatre  gués  d'Aï, 
les  gués  dits  Ath  Moga,  Ath  Bercna,  Ath  Slissen,  Ath  Coltna. 
Ils  restèrent  quinze  jours  dans  la  forteresse  de  Cruachan  à 
boire  et  à  jouir  de  plaisirs  de  toute  sorte  pour  rendre  leur 
marche  en  avant  plus  facile. 

4.  Leurs  prophètes  et  leurs  druides  les  avaient  du  reste 
empêchés  de  partir  avant  la  fin  de  la  quinzaine  pour  leur  faire 
attendre  un  présage  favorable  \ 

5.  Puis  Medb  dit  à  son  cocher  d'atteler  ses  chevaux;  elle 
voulait  aller  demander  un  entretien  à  son  druide  et  obtenir 
de  lui  par  une  prophétie  la  science  de  l'avenir. 

CHAPITRE  IV 

PROPHÉTIE 

I.  Quand  Medb  fut  arrivée  là  où  se  trouvait  son  druide 
elle   le  pria  de  lui  donner  par  une  prophétie  la   science  de 

I,  Le  paragraphe  4  manque  dans  le  Livre  de  Leinster  ;  il  se  trouve  dans 
le  Lebor  na  hUidre,p.  55,  col.  i,  lignes  27-29  ;  édition  d'O'Keeffe,  I.20,  21. 
Traduction  de  Winifred  Faraday,  p.  2. 


Enlèvement  du  taureau  divin.  155 

l'avenir.  «  Beaucoup  d'hommes  »,  dit-elle,  «  se  sont  séparés 
aujourd'hui  de  ceux  et  de  celles  dont  ils  sont  aimés  et  qu'ils 
aiment  eux-mêmes,  de  leur  patrie,  de  leurs  champs,  de  leurs 
pères,  de  leurs  mères.  S'ils  ne  reviennent  en  bonne  santé,  les 
soupirs  et  les  malédictions  que  provoquera  leur  malheur 
seront  autant  de  coups  qui  me  frapperont.  Mais  ni  à  la  mai- 
son, ni  dehors  il  n'y  a  personne  qui  nous  soit  plus  cher  que 
nous-mêmes.  Apprends-moi  si  je  reviendrai  ou  si  je  ne  revien- 
drai pas.  »  —  (c  Peu  importe  que  tel  ou  tel  ne  revienne  pas  », 
répondit  le  druide,  «  tu  reviendras  ». 

2.  «  Il  n'est  pas  difficile  »,  dit  le  cocher,  «  que  je  fasse  tour- 
ner le  char  à  droite,  cela  nous  donnera  bon  augure  et  assu- 
rera notre  retour  »  '. 

3.  Le  cocher  fit  tourner  le  char  et  conduisit  Medb  en 
arrière.  Alors  Medb  vit  une  chose  qui  lui  parut  étrange  :  près 
d'elle  une  femme  se  trouvait  sur  le  brancard  d'un  char  qui 
s'approchait  ;  elle  tissait  du  galon  ;  elle  tenait  dans  sa  main 
droite  un  fuseau  de  laiton  orné  de  sept  filets  d'or  rouge  ;  un 
manteau  vert  moucheté  l'enveloppait  ;  une  grosse  broche  à 
forte  tète  était  fixée  sur  sa  poitrine  ;  elle  avait  le  visage  rouge 
et  beau,  l'œil  bleu  et  gai,  les  lèvres  rouges  et  minces  ;  ses 
dents  brillantes  pouvaient  être  comparées  à  une  pluie  de  perles, 
ses  lèvres  ressemblaient  à  de  rouges  alises.  Autant  est  mélo- 
dieux le  son  des  cordes  d'une  crotta  ^  entre  les  mains  d'un 
artiste  savant  et  depuis  longtemps  exercé,  autant  était  agréable 
le  son  de  la  voix  et  des  aimables  paroles  qui  sortaient  de  sa 
bouche.  Sa  peau,  là  où  ses  vêtements  ne  la  cachaient  pas, 
était  aussi  blanche  que  la  neige  pendant  la  nuit.  Elle  avait  les 
pieds  longs  et  très  blancs,  les  ongles  pourpre,  égaux,  ronds, 
aigus;  les  cheveux  longs,  d'un  blond  beau  comme  l'or; 
trois  nattes  de  cheveux  lui  entouraient  la  tête,  une  quatrième 
descendait  si  bas  que  l'ombre  de  cette  natte  lui  frappait  les 
mollets. 


1.  Le  paragraphe  est  tiré  du  Lebor  na  hUidre,  p.  55,  col.   i,  I.   34-56  ; 
édition  d'O'Keeffe,  1.  24,  25.  Winifred  Faraday,  p.  2. 

2.  La  harpe  des  Iles  Britanniques,  civlta  hiitauna,  que  Fortunat,  VII,  8- 
63,  64,  oppose  à  la  lyre  des  Romains,  à  la  harpe  des  barbares. 


ijé  H.  iF ArhoJs  de  Jiihaiiiville. 

4.  Medb  la  vit  :  «  Que  fois-tu  ici  en  ce  moment,  ô  fille  ?  » 
lui  dit-elle.  —  «  Je  travaille  »  répondit-elle,  «  dans  tes  inté- 
rêts et  pour  ton  bonheur  en  réunissant  les  guerriers  de  quatre 
grandes  provinces  d'Irlande  pour  aller  avec  toi  dans  la  province 
des  Ulates  '  enlever  les  vaches  de  Cooley.  »  —  «  Pourquoi  me 
rends-tu  ce  service  ?  »  répliqua  Medb.  —  «  J'ai  de  bonnes 
raisons  pour  cela  »,  reprit  la  fille,  «  je  suis  du  nombre  des 
femmes  esclaves  qui  appartiennent  à  ta  maison.  »  —  «  Qui 
donc  de  mes  gens  es-tu  ?  »  demanda  Medb.  —  «  Je  suis  », 
répondit  la  fille,  «  Fédelm  la  prophétesse  du  palais  des  dieux 
de  Cruachan.  » 

5.  «  D'où  viens-tu  ?  »  demanda  Medb.  —  «  De  Grande- 
Bretagne  après  y  avoir  appris  l'art  des  filid  »,  répartit  la  fille. 
—  «  As-tu  »,  dit  Medb,  «  l'illumination  autour  des  mains, 
inihas  jorosna  ?  »  —  «  Je  l'ai  nécessairement  »,  répliqua  la 
fille  ^ 

MEDB 

,    6.  «  Eh  bien,  Fédelm,  prophétesse,  comment  vois-tu  notre 
armée  ?  » 

FÉDELM 

«  Je  vois  sur  tes  guerriers  teinte  écarlate,  je  vois  rouge.  » 

MEDB 

«  Mais  Conchobar  est  àEmain  Mâcha  en  proie  à  la  maladie 
qui  doit  durer  neuf  fois  douze  heures  \   Mes  éclaireurs  sont 
allés  à   Emain.   Nous  n'avons  rien  à   craindre  des  habitants 
d'Ulster.  Dis  la  vérité  Fédelm. 

Fédelm,  prophétesse,  comment  vois-tu  notre  armée  ?  » 

FÉDELM 

«  Je  vois  sur  tes  guerriers  teinte  écarlate,  je  vois  rouge.  » 


1.  L'Ulster. 

2.  Ce  para<j;raphe  est  emprunté  au  Lebor  na  hUidre,  p.  55,  col.  2,  1.  10- 
14;  édition  d'O'Keeffe,  1.  38-41.  L'emploi  de  ce  mode  de  divination  avait 
été  prohibé  par  saint  Patrice. 

3.  On  a  compris  plus  tard  neuf  fois  dix  jours. 


Enlèveinent  du  taureau  divin.  157 

MEDB 

«  Mais  Cuscraid  le  Bègue  de  Macha^  fils  de  Conchobar,  est 
malade  en  son  île.  Mes  éclaireurs  y  sont  allés  :  nous  n'avons 
rien  cà  craindre  des  habitants  d'Ulster.  Dis  la  vérité,  Fédelm. 

Fédelm,  prophétesse,  comment  vois-tu  notre  armée  ?  » 

I-ÉDELM 

«  Je  vois  sur  tes  guerriers  teinte  écarlate,  je  vois  rouge.  » 

MEDB 

«  Mais  Eogan  est  malade  au  fort  d'Airther.  Mes  éclaireurs 
sont  allés  jusque  là.  Nous  n'avons  rien  à  craindre  des  habi- 
tants d'Ulster.  Dis-nous  la  vérité,  Fédelm. 

Fédelm,  prophétesse,  comment  vois-tu  notre  armée  ?  » 

FÉDELM 

«  Je  vois  sur  tes  guerriers  teinte  écarlare,  je  vois  rouge.  » 

MEDB 

«  Mais  Celtchair,  fils  d'Uthecar,  est  malade  dans  son  fort. 
J'ai  envoyé  mes  éclaireurs  jusque  là.  Nous  n'avons  rien  à 
craindre  des  habitants  d'Ulster.  Dis  la  vérité,  Fédelm. 

Fédelm,  prophétesse,  comment  vois- tu  notre  armée  ?  » 

FÉDELM 

«  Je  vois  sur  tes  guerriers  teinte  écarlate,  je  vois  rouge-  » 

MEDB 

«  Tu  crois  que  ce  rouge  annonce  un  désastre,  moi  non.  Dès 
que  les  Irlandais  se  réunissent,  il  se  produit  entre  eux  que- 
relles et  batailles  ;  l'un  insulte  un  autre,  tumulte  s'en  suit  ; 
tous  veulent  aller  à  l'avant-garde,  tous  à  l'arrière-garde,  tous 
au  gué,  tous  à  la  rivière,  tous  tuer  le  premier  cochon,  le  pre- 
mier cerf,  le  premier  gibier.  Mais  dis-nous  la  vérité,  Fédelm. 

Fédelm,  prophétesse,  comment  vois-tu  notre  armée  ?  » 

FÉDELM 

«  Je  vois  sur  tes  guerriers  teinte  écarlate,  je  vois  rouge.  » 


1)8  II.  iVArbois  de  Julnnnvillc. 

7.  Et  elle  se  remit  à  prophétiser.  Elle  prédit  comment 
Cûchulainn  traiterait  les  hommes  d'Irlande.  Elle  le  fit  en  chan- 
tant un  poème  : 

Je  vois  un  homme  beau  qui  fera  des  tours  d'adresse.* 
Sur  sa  belle  peau  sont  de  nombreuses  cicatrices, 
leur  présence  sur  le  devant  de  sa  tète  l'enorgueillit  , 
elles  fixent  sur  son  front  le  souvenir  de  ses  victoires. 

Les  sept  pierres  précieuses  qui  distinguent  les  braves  héros 
brillent  dans  ses  deux  yeux. 
Les  pointes  de  ses  armes  sont  nues. 
Un  manteau  rouge  à  crochets  l'enveloppe. 

Il  a  le  visage  très  noble. 
Il  sait  rendre  honneur  aux  femmes. 
Ce  garçon  jeune  et  de  belle  couleur 
est  un  dragon  dans  les  combats. 

Je  ne  sais  pas  de  quoi  Cûchulainn 
a  tiré  sa  plus  grande  gloire  ; 
mais  ce  que  je  sais  pourtant 
c'est  qu'il  rendra  cette  armée  toute  rouge. 

Quatre  petites  épées  dont  il  joue  brillamment 
sont  dans  chacune  de  ses  deux  mains. 
Il  en  jouera  sur  l'armée. 
Chacun  en  recevra  les  coups. 

Voyez  comme  il  frappe  et  du  javelot  qu'il  porte  dans  sa  poche, 
et  de  sa  grande  épée,  et  de  sa  lance. 
Cet  homme  au  manteau  rouge 
met  le  pied  sur  toutes  les  traces  de  notre  armée. 

Il  a  deux  javelots  sur  son  char  brillant  ; 
il  les  lance  de  tous  côtés,  le  guerrier  aux  contorsions. 
Il  s'est  montré  à  moi  sous  une  forme, 
certainement  il  la  changera  pour  une  autre. 

Il  est  parti  pour  le  combat. 
Si  l'on  n'y  prend  garde,  il  y  aura  trahison. 
Pour  combattre,  quelqu'un  vous  cherche, 
c'est  Cûchulainn,  fils  de  Sualtam. 

Il  massacrera  vos  armées  jusqu'ici  saines  et  sauves 
et  terminera  par  votre  finale  dé  laite. 
Vous  lui  livrerez  toutes  vos  têtes. 
La  prophétesse  Fédelm  ne  le  cache  pas. 


i 


Enlèvement  du  taureau  divm.  159 

Le  sang  coulera  de  la  peau  des  héros. 
La  mémoire  en  sera  longtemps  conservée. 

Les  corps  des  guerriers  seront  mis  en  pièces.  Les  femmes  pleureront 
à  cause  de  Cùchulainn,  chien  du  forgeron  ;  je  le  vois. 

Avec  la  prophétie,  la  prédiction,  se  termine  le  morceau  de 
tête  du  récit,  morceau  qui  comprend  en  outre  la  cause  de 
l'enlèvement,  et  le  dialogue  de  l'oreiller  entre  Ailill  et  Medb 
à  Cruachan  Aï. 


CHAPITRE  V 

ROUTE    SUIVIE    POUR    l'eNLÈVEMENT 

Ce  chapitre  très  intéressant  pour  ceux  qui  veulent  étudier  la  géographie 
ancienne  de  l'Irlande  nous  a  semblé  inutile  à  mettre  en  français.  La 
géographie  historique  de  l'Irlande  est  un  sujet  spécial  qui,  hors  de  l'Irlande, 
n'attirera  pas  beaucoup  de  lecteurs. 

CHAPITRE  \T 

MARCHE    DE    l'aRMÉE 

I.  Après  leur  premier  déplacement  les  troupes  prirent  à 
Cuil  Silinne  le  repos  de  la  nuit.  Là,  cette  nuit,  fut  dressée  la 
tente  d' Ailill,  fils  de  Ross,  qui  eut  à  sa  droite  la  tente  de  Fer- 
gus,  fils  de  Roech.  A  la  suite  se  placèrent  Cormac  à  l'intelli- 
gent exil,  fils  de  Conchohar  ;  puis  Ith,  fils  d'Etgaeth  ;  ensuite 
Fiachu,  fils  de  Firaba,  enfin  Goibniu,  fils  de  Lurgnech.  Ainsi 
à  la  droite  de  la  tente  d' Ailill  on  avait  mis  Fergus,  fils  de 
Roech,  chef  de  trois  mille  guerriers  d'Ulster,  qui  l'accompa- 
gnaient; par  là  on  avait  rendu  plus  faciles  les  relations,  les 
entretiens  entre  Ailill  et  eux,  comme  la  fourniture  de  nourri- 
ture et  de  boisson  à  ces  guerriers. 

Medb  de  Cruachan  se  mit  à  la  gauche  d'Ailill,  fils  de  Ross. 
A  la  suite  se  placèrent  Findabair,  leur  fille,  puis  Flidais  à  la 
belle  chevelure,  femme  d'abord  d'Ailill  Find,  ensuite  de  Fer- 
gus, fils  de  Roech  ;  Fergus  emmenait  sa  femme  à  l'expédi- 
tion. Toutes  les  septièmes  nuits  elle  apportait  à  l'armée  ce 
qu'il  fallait  de  lait  pour  les  rois,  les  reines,  les  héritiers  pré- 
somptifs de  rois,  ÏQsfilid,  les  étudiants. 


léo  H.  d'Arbois  de  Jubainville. 

2.  En  ce  jour  MeJb  ne  demanda  point  que  par  une  prophétie 
on  lui  tît  savoir  qui  dans  l'armée  aurait  eu  marche  lente  ou 
marche  rapide  ;  elle  ne  laissa  ni  dételer  ses  chevaux,  ni  abaisser 
le  timon  de  son  char  avant  d'avoir  fait  dans  le  camp  une 
tournée  d'inspection. 

Cette  tournée  faite,  ses  chevaux  furent  dételés  et  le  timon 
de  son  char  abattu  ;  elle  s'assit  près  d'Ailill,  fils  de  Ross  et 
de  Mata  Muiresc  '.  Ailill  lui  demanda  des  nouvelles,  il  vou- 
lait savoir  qui  dans  l'armée  se  distinguait  par  son  activité  ou 
par  sa  paresse.  «  Il  est  »,  répondit  Medb,  «  il  est  inutile  de 
parler  de  personne  sauf  d'un  seul  corps  de  troupes,  [sauf  des 
Galidin]  ».  —  «  Que  font-ils  ?  »  demanda  Ailill,  «  pour  méri- 
ter cet  éloge  qui  les  met  au-dessus  de  tous  les  autres  ?»  — 
«  J'ai  bon  motif  pour  les  louer  »,  répondit  Medb,  «  quand  les 
autres  eurent  délimité  leur  installation  et  leur  campement,  eux 
avaient  achevé  déjà  la  construction  de  leurs  cabanes  et  autres 
abris.  Quand  les  autres  eurent  terminé  la  construction  de 
leurs  cabanes  et  divers  abris,  eux  avaient  déjà  fini  de  prépa- 
rer leur  repas.  Quand  les  autres  eurent  préparé  leur  repas, 
chez  eux  déjà  le  repas  était  achevé.  Quand  les  autres  eurent 
cessé  de  manger,  eux  étaient  déjà  endormis.  Leurs  serfs  et 
leurs  esclaves  ont  sur  les  serfs  et  les  esclaves  d'Irlande  la 
supériorité  que  leurs  bons  guerriers  et  leurs  bons  jeunes  gens 
ont  aujourd'hui  sur  les  bons  guerriers  et  les  bons  jeunes  gens 
d'Irlande  réunis  dans  notre  armée.  »  —  «  Tant  mieux  pour 
nous  !  »  dit  Ailill  ;  «  ils  viennent  avec  nous,  c'est  pour  nous 
qu'ils  combattent.  »  —  «  Qu'ils  ne  viennent  pas  avec  nous  !  » 
s'écria  Medb,  «  qu'ils  ne  combattent  pas  pour  nous  !»  —  «  Ils 
resteront  donc  ici  »,  répondit  Ailill.  —  «  Non,  ils  ne  resteront 
pas  »,  répliqua  Medb,  («  car  s'ils  restent  ils  prendront  les 
armes  contre  nous  et  s'empareront  de  no.^  terres  »)-.  — 
«  Que  feront-ils  donc  »,  demanda  Findabair'',  «  s'ils  ne  partent 
ni  ne  restent  ?  »  • —  «  Mort,  meurtre  et  massacre  »,  répartit 
Medb,  voilà  ce  que  je  veux  pour  eux.  »  —  «  C'est  un  malheur 

1.  C'est-à-dire  près  de  son  mari. 

2.  Les  mots  entre  parenthèses  sont  tirés  du  Lebor  na  hUidre,  p.  56,  col.  2, 
1.  23-27;  éd.  O'Keeffe,  p.  8,  1.  169-172.    Winifred  Faraday,  p.  7. 

:;.  Fille  d'Ailill  et  de  Medb. 


Enlèvement  du  taureau  divin.  léi 

que  tu  dises  cela  »,  répondit  Ailill,    «   que  tu  le  dises  parce 
que  leur  installation  dans  le  camp  ne  les  a  pas  fatigués.  » 

3.  Fergus  prit  la  parole  :  «  Vraiment  et  en  conscience  on 
ne  les  tuera  pas  sans  m'avoir  tué  moi-même.  »  —  «  Tu  n'as 
pas  le  droit  de  me  parler  ainsi  »,  répliqua  Medb,  «  j'ai  assez 
d'hommes  pour  tuer,  massacrer  et  toi  et  tes  trois  mille  Galiâin. 
J'ai  avec  moi  les  sept  Mané  avec  sept  fois  trois  mille  guerriers, 
les  fils  de  Maga  avec  leurs  trois  mille  hommes,  Ailill  avec 
autant,  enfin  moi  avec  mes  gens  '.  »  —  «  Tu  as  tort  de  me 
parler  ainsi  »,  répondit  Fergus.  «  J'ai  avec  moi  les  sept  rois  de 
Munster  avec  leurs  sept  fois  trois  mille  guerriers.  J'ai  avec 
moi  trois  mille  des  meilleurs  guerriers  d'Ulster  et  les  trois 
mille  Galinin  qui  sont  les  meilleurs  guerriers  d'Irlande  ^ 
Depuis  que  de  leur  pays  ils  sont  venus  ici,  je  garantis  leur 
sécurité  ;  au  jour  de  la  bataille  ils  combattront  pour  moi.  Je 
proposerai  un  moyen  d'éviter  toute  discussion  au  sujet  des 
Galiâin;  je  l'ai  bien  compris;  je  disperserai  les  Galiâin  parmi 
les  hommes  d'Irlande  en  sorte  qu'il  n'y  ait  nulle  part  cinq 
Galiâin  ensemble.  »  —  «Très  bien  »,  dit  Medb;  v  peu  m'im- 
porte quelle  disposition  on  prenne,  pourvu  que  ces  gens  ne 
soient  pas  comme  ici  un  brandon  de  discorde.  » 

Alors  Fergus  dispersa  les  Galiâin  parmi  les  hommes 
d'Irlande,  de  telle  façon  qu'ils  ne  fussent  nulle  part  cinq 
ensemble. 

4.  Ensuite  les  troupes  commencèrent  leur  mouvement  en 
avant.  La  conduite  de  l'armée  donna  de  la  peine  aux  princi- 
paux chefs  ;  il  fallait  diriger  la  marche  de  beaucoup  de  petits 
peuples,  de  beaucoup  de  races,  de  bien  des  milliers  d'hommes; 
il  falllait  faire  en  sorte  que  chacun  fût  avec  ses  amis,  que 
chaque  chef  eût  autour  de  lui  ses  subordonnés.  Les  principaux 
chefs  constatèrent  que  ce  résultat  était  obtenu,  que  par  consé- 
quent l'expédition  commençait  régulièrement.  Après  avoir  dit 
comment  l'expédition  devait  se  faire,  ils  déclarèrent  que  tout 
était  comme  il  convenait  :  chaque  corps  d'armée  était  autour 

1.  En  tout  trente  mille  hommes. 

2.  Au  total  vingt-sept  mille  hommes. 

Revue  Celtique,  XX VIII.  ii 


102  H.  d' Arhois  de  Jnhainvillc. 

de  son  roi,  chaque  section  de  corps  d'armée  autour  de  son 
chef,  chaque  subdivision  de  section  autour  de  celui  qui  en 
avait  le  commandement  ;  chaque  roi,  chaque  héritier  pré- 
somptif de  roi  avait  pris  place  sur  la  colline  qui  lui  était 
affectée. 

5.  Puis  les  principaux  chefs  dirent  qu'il  fallait  faire  des 
reconnaissances  de  chaque  côté  de  la  ligne  qui  séparait  l'Ulster 
de  la  province  voisine;  ils  ajoutèrent  que  Fergus  en  serait 
chargé,  que  son  devoir  serait  d'accepter  cette  mission.  Il  avait 
été  sept  ans  roi  d'Ulster.  Après  le  meurtre  des  fils  d'Usnech, 
après  cet  assassinat  commis  malgré  sa  protection  et  sa  garantie, 
il  avait  quitté  l'Ulster  et  passé  en  exil  dix-sept  ans  pendant  les- 
quels il  avait  été  l'ennemi  des  Ulates'. 

Telle  était  la  raison  pour  laquelle  il  convenait  qu'il  fût 
envoyé  en  reconnaissance. 

Puis  Fergus  alla  en  avant  de  l'armée  comme  éclaireur.  Mais 
il  fut  dominé  par  son  affection  pour  les  Ulates.  Il  donna  à 
l'armée  une  fausse  direction  tant  au  nord  qu'au  midi,  par 
des  messagers  il  fit  prévenir  les  Ulates  et  il  se  mit  à  retenir 
l'armée,  à  retarder  sa  marche.  Medb  remarqua  ce  procédé  et 
lui  en  fit  un  reproche.  Elle  chanta  un  poème  : 

O  Fergus  !  que  dirons-nous  de  ceci  ? 
Quelle  espèce  de  chemin  suivons-nous? 
Tantôt  au  nord,  tantôt  au  sud, 
nous  allons  chez  tous  les  peuples,  les  Ulates  excepté. 

Fergus  répondit  : 

O  Medb   pourquoi  t'irrites-tu  ? 
Rien  ici  ne  ressemble  à  une  trahison. 
C'est  chez  les  Ulates  que  se  trouve 
la  terre  que  je  traverse. 


Ton  courage  te  fait  craindre 
par  l'illustre  Ailill  aux  nombreuses  troupes. 
Mais  elle  ne  fait  pas  honneur  à  ton  intelligence, 
la  direction  que  tu  donnes  à  l'armée. 

I.  Les  habitants  d'Ulster. 


Enlèvemenl  du  taureau  divin.  163 


FERGUS 


Ce  n'est  pas  pour  nuire  à  l'armée 
que  je  me  détourne  en  ce  moment  du  chemin  ordinaire. 
Je  le  fais  au  moment  propice  pour  éviter, 
quand  il  est  temps,  Cûchulainn,  fils  de  Sualtam  '. 


Injuste  à  toi  de  nuire  à  notre  armée, 
Fergus,  fils  de  Ross  le  Rouge. 
Tu  as  été  fort  bien  traité  chez  nous 
dans  ton  exil,  ô  Fergus! 

«  Je  ne  resterai  pas  plus  longtemps  devant  les  troupes  »,  dit 
Fergus,  «  cherche-moi  un  remplaçant.  »  Puis,  devant  l'armée, 
Fergus  s'assit. 

6.  Quatre  des  cinq  grandes  provinces  d'Irlande  passèrent  à 
Cuil  Silinne  cette  nuit-là.  Alors  vinrent  a  la  pensée  de  Fergus 
les  exploits  sanguinaires  de  Cûchulainn.  Il  dit  aux  hommes 
d'Irlande  de  prendre  leurs  précautions  :  ils  allaient  voir  venir 
le  lion  déchirant,  le  juge  de  ses  ennemis,  l'ennemi  des  foules, 
le  chef  de  la  résistance,  le  destructeur  de  grande  armée,  la 
main  dispensatrice,  le  flambeau  allumé,  Cûchulainn,  fils  de 
Sualtam.  Voici  comment  il  prophétisa.  Il  chanta  un  poème  et 
Medb  lui  répondit  : 

FERGUS 

Je  vous  recommande  prévoyance  et  attention 
avec  multitude  d'armes  et  de  guerriers. 
Il  viendra  celui  que  nous  craignons, 
l'homme  aux  grands  exploits,  le  grand  homme  de  Murthemne. 


Mon  amour,  mon  conseil  de  bataille, 
c'est  toi,  très  brave  fils  de  Roech. 
J'ai  en  quantité  guerriers  et  armes 
pour  attendre  Cûchulainn. 


I.  Sualtam,  père  nourricier  de  Cûchulainn,  dont  le  vrai  père  était  le  dieu 
Lug.  Sualtam  parait  signifier  «  très  bon  éleveur  ».  Sualtam  est  l'oithographe 
du  Lebor  na  hUidre  ;  elle  est  préférable  à  celle  du  Livre  de  Leinster  où  on 
lit  Sualtach  avec  substitution  du  suffixe  tach  au  suffixe  tam  qui  donne  le 
sens  de  superlatif. 


164  H.  d'Arbois  de  Juhainville. 


FERGUS 


Ils  seront  employés,  o  Medb  de  la  plaine  d'Aï  '  ! 
les  guerriers  et  les  armes  pour  combattre 
le  héros  au  char  duquel  est  attelé  le  Gris  de  Mâcha  *. 
Ils  seront  employés  chaque  nuit  et  chaque  jour. 


J'ai  ici  près  de  moi  en  réserve 
des  héros  également  aptes  à  combattre  et  à  piller, 
trois  mille  guerriers  qui  prennent  au  plus  vite  des  otages, 
les  trois  mille  braves  Galidin. 

Les  guerriers  de  Cruachan,  la  belle  forteresse, 
les  guerriers  aux  beaux  manteaux  qui  viennent  de  Luachair, 
les  Gôidels  blancs  de  quatre  provinces  d'Irlande 
éloigneront  de  moi  l'homme  qui  vient  seul. 


Bairche  î  et  Banna  +  riches  en  troupes 
feront  couler  le  sang  au  bout  de  leurs  lances. 
On  verra  tomber  sur  terre  et  sur  sable 
les  trois  mille  Galidin. 

Avec  la  rapidité  de  l'hirondelle, 

avec   la  vitesse  d'un  vent  piquant, 

mon  cher  et  beau  Cûchulaiun 

tue  les  êtres  qui  respirent. 


O  Fergus  !  Viens  avec  nous, 
va  au-devant  de  Cùchulainn 
Que  son  adresse  soit  arrêtée  par  toi. 
De  Cruachan  lui  viendra  rude  leçon. 


Vraiment  avec  viril  courage  les  butins  seront  enlevés. 
Et  pour  réjouir  la  fille  de  Bodb  s, 
le  chien  du  forgeron  ^,  par  des  gouttes  de  sang 
coulant  comme  pluie,  arrosera  les  troupes  des  guerriers. 


1.  Nom  du  territoire  où  était  situé  Cruachan,  château  royal  de  Medb. 

2.  Nom  d'un  des  deux  chevaux  qui  menaient  le  char  de  Cùchulainn. 

3.  Montagne  d'Ulster. 

4.  Cours  d'eau  d'Ulster. 

5.  Déesse  de  la  guerre  et  du  meurtre. 

6.  Cùchulainn. 


Enlèvement  du  taureau  divin.  165 

7.  Le  poème  une  fois  chanté,  les  guerriers  de  quatre  des 
cinq  grandes  provinces  d'Irlande  traversèrent  ce  jour-là  Môin 
Coltna,  et,  rencontrant  un  troupeau  de  cent  soixante  cerfs,  ils 
s'étendirent  autour  d'eux,  les  enveloppèrent  complètement, 
puis  les  tuèrent;  aucun  n'échappa.  Or,  chose  imprévue,  ce 
furent  les  Galiâin  qui,  bien  que  dispersés,  les  prirent  presque 
tous  ;  ils  n'en  laissèrent  que  cinq  pour  la  part  des  hommes 
d'Irlande  ;  les  trois  mille  Galiâin  eurent  ainsi  la  presque  tota- 
lité des  cent  soixante  cerfs. 

9.  Ce  jour  fut  le  premier  où  vint  Cûchulainn  fils  de  Sual- 
tam.  Sualtam  son  père  '  l'accompagnait.  Leurs  chevaux  brou- 
tèrent l'herbe  autour  de  la  pierre  levée  d'Ard  Chuillend.  Les 
chevaux  de  Sualtam  au  nord  de  la  pierre  levée  dévorèrent 
l'herbe  jusqu'au  sol.  Les  chevaux  de  Cûchulainn  au  midi  dévo- 
rèrent l'herbe  d'abord  jusqu'au  sol,  puis  en  terre  jusqu'à  la 
pierre  nue  :  «  Eh  bien,  maître  Sualtam  »,  dit  Cûchulainn,  «  je 
pense  fort  à  l'armée,  lève-toi,  va  prévenir  les  Ulates,  qu'ils 
ne  se  tiennent  pas  en  plaine,  qu'ils  aillent  dans  les  bois,  les 
déserts  et  les  rochers  de  la  province  pour  éviter  les  hommes 
d'Irlande,  »  —  «  Et  toi  »,  demanda  Sualtam,  «  toi,  mon 
jeune  élève  ^,  que  feras-tu  ?»  —  «  Il  est  nécessaire  »,  répon- 
dit Cûchulainn,  «  que  j'aille  à  un  rendez-vous  avec  Fédelm 
Nôichride  î  et  que  j'y  reste  jusqu'au  matin,  c'est  un  engage- 
ment que  j'ai  pris.  »  —  «  Malheur  !  »  s'écria  Sualtam, 
malheur  à  qui  part  ainsi  en  laissant  les  guerriers  d'Ulster  sous 
les  pieds  de  leurs  ennemis  et  des  étrangers  pour  aller  trouver 
une  femme  !  ;;  —  «  Pourtant  »,  reprit  Cûchulainn  »,  il  faut 
que  j'y  aille.  Si  je  n'y  vais,  on  traitera  de  mensongers  les  enga- 


1.  Père  nourricier.  Le  Livre  de  Leinster  ajoute  ici,  que  Sualtach  était  fils 
d'une  fée,  prétendant  expliquer  ainsi  la  supériorité  de  Cûchulainn  dont  il 
supprime  le  père  divin  Lug. 

2.  A  dallai  II. 

3.  Fille  de  Conchobar,  roi  d'Ulster,  et  cousine  germaine  de  Cûchulainn. 
Nous  reproduisons  ici  la  leçon  du  Lebor  na  hUidre.  L'auteur  de  la  leçon 
conservée  par  le  Livre  de  Leinster,  trouvant  inconvenant  ce  rendez-vous  de 
Cûchulainn,  a  remplacé  Fédelm  par  une  servante  de  cette  princesse.  C'est 
la  servante  que  le  héros  aurait  eu  pour  maîtresse.  Le  Livre  de  Leinster 
appelle  la  princesse  Fédelm  NoichrulJiach  «  aux  neuf  formes  »  et  non  Kôichride 
«  aux  neuf  cœurs.  » 


léé  H.  (TArhois  de  Jubiiinville. 

gements  des  hommes,  on  dira  que  ce  sont   les  femmes  qui 
tiennent  leur  parole.  » 

Sualtam  alla  prévenir  les  Ulates.  Cûchulainn  entra  dans  le 
bois  et  d'un  coup  d'épée  trancha  la  plus  belle  tige  de  chêne, 
tronc  et  tête  branchuc  ;  puis,  se  servant  avec  vigueur  d'un 
pied,  d'une  main  et  d'un  œil,  il  en  fit  un  cercle,  traça  une 
inscription  ogamique  à  la  jointure  des  deux  extrémités,  mit 
le  cercle  autour  de  la  partie  supérieure  et  mince  de  la  pierre 
levée  d'Ard  Chuillend,  enfin  poussa  le  cercle  en  bas  de  manière 
à  lui  faire  atteindre  la  partie  grosse  de  la  pierre'.  Après  cela 
Cûchulainn  alla  à  son  rendez-vous. 

10.  Voici  ce  qui  arriva  ensuite  aux  hommes  d'Irlande.  Ils 
allèrent  jusqu'à  la  pierre  levée  d'Ard  Chuillend  et  se  mirent  à 
regarder  une  province  qu'ils  ne  connaissaient  pas,  l'Ulster. 

Deux  des  gens  de  Medb  étaient  toujours  en  avant  du  camp 
et  de  l'armée,  arrivant  les  premiers  à  tous  les  gués,  à  toutes  les 
rivières,  à  tous  les  goufi"res,  pour  empêcher  que,  dans  la  presse, 
les  vêtements  des  fils  de  rois  ne  fussent  dégradés.  Ces  gens  de 
Medb  étaient  les  fils  de  Néra,  fils  lui-même  de  Nuatar  dont  le 
père  était  Tacân.  Néra  était  gouverneur  de  Cruachan.  Les 
deux  jeunes  guerriers  s'appelaient  l'un  Err  et  l'autre  Innell  ; 
Fraech  et  Fochnam  étaient  les  noms  de  leurs  cochers. 

Les  nobles  d'Irlande  allèrent  jusqu'à  la  pierre  levée  et  regar- 
dèrent le  pâturage  brouté  par  les  chevaux  autour  de  cette 
pierre  ;  ils  remarquèrent  le  cercle  rustique  mis  par  le  royal 
héros  autour  de  la  même  pierre.  Ailill  prit  le  cercle  dans  sa 
main  et  le  mit  dans  la  main  de  Fergus.  Fergus  lut  l'inscrip- 
tion ogamique  tracée  à  l'endroit  où,  pour  former  le  cercle,  les 
deux  extrémités  de  l'arbre  avaient  été  attachées  l'une  à  l'autre. 
Puis  il  expliqua  aux  hommes  d'Irlande  ce  que  l'inscription  vou- 
lait dire  et  pour  le  leur  faire  comprendre  il  chanta  le  poème 
suivant  : 

FERGUS 

Que  signifie  pour  vous  ce  cercle  ? 
De  ce  cercle  en  quoi  consiste  le  secret  ? 
Combien  d'hommes  l'ont-ils  placé  ici  ? 
Est-ce  un  seul  homme  ?  est-ce  plusieurs  ? 

I.  Cf.  p.  135.  Voir  p.  170,  une  seconde  édition  de  ce  récit,  et, 
p.  173,  comment  Fergus  arracha  d'une  main  la  seconde  fourche. 


Enlèvement  du  taureau  divin.  167 

Si  vous  dépassiez  ce  cercle  cette  nuit 
sans  rester  la  nuit  au  camp, 
le  chien  qui  déchire  toute  chair  vous  atteindrait. 
De  l'insulte  à  ce  cercle  résulterait  pour  vous  la  honte. 

Il  causera  grand  dommage  à  l'armée 
si  vous  allez  plus  loin  que  lui. 
Trouvez,  O  Druides,  ici, 
pourquoi  a  été  fait  le  cercle. 

Que  signifie  pour  nous  ce  cercle  ? 
De  ce  cercle  en  quoi  consiste  le  secret  ? 
Combien  d'hommes  l'ont  ils  placé  ici  ? 
Est-ce  un  seul  homme?  est-ce  plusieurs? 

Le  druide  répondit  '  : 

Un  héros  l'a  coupé,  un  héros  l'a  jeté. 
Ce  cercle  est  pour  les  ennemis  menace  de  catastrophe. 
Cet  obstacle,  qui  arrête  des  rois  et  une  armée, 
a  été  posé  d'une  seule  main  par  un  seul  homme. 

C'est  ainsi  vraiment  qu'a  travaillé  dans  une  colère  sauvage 
le  chien  du  forgeron  du  Rameau  Rouge  '. 

De  là  une  obligation  qu'impose  un  héros  dont  la  fureur  vous  lie. 
Tel  est  le  sens  de  l'inscription  gravée  sur  le  cercle. 


Que  signifie  pour  nous  ce  cercle  ? 
De  ce  cercle  en  quoi  consiste  le  secret  ? 
Combien  d'hommes  l'ont-ils  placé  ici? 
Est-ce  un  seul  homme  ?  est-ce  plusieurs? 

LE    DRUIDE 

Il  est  là  pour  mettre  entrave  par  des  centaines  de  combats 
à  la  marche  des  guerriers  de  quatre  grandes  provinces. 
Ou  je  ne  sais  rien,  ou  c'est  comme  je  dis. 
Voilà  pourquoi  a  été  fait  ce  cercle. 


Que  signifie  pour  nous  ce  cercle  ? 
De  ce  cercle  en  quoi  consiste  le  secret? 
Combien  d'hommes  l'ont-ils  placé  ici? 
Est-ce  un  seul  homme?  est-ce  plusieurs  ? 

1.  In  Drui  dixit.  Ces  mots,  écrits  en  marge  dans  le  Lebor  na  hUidre, 
manquent  dans  le  Livre  de  Leinster. 

2.  Nom  de  la  salle  des  fêtes  des  rois  d'Ulster. 


r68  H.  d'Arbois  de  Jiibaijiville. 

Après  avoir  ainsi  chanté,  il  continua  en  prose  : 

«  Je  donne  ma  parole  que  si  vous  insultez  ce  cercle  et  le 
royal  héros  qui  l'a  tait,  c'est-à-dire  si  cette  nuit  vous  ne  res- 
tez pas  campés  i:i,  ou  si  quelqu'un  ne  fait  pas  d'un  pied, 
d'un  œil  et  d'une  main  un  cercle  semblable  à  celui-ci,  peu 
importe  que  le  héros  soit  en  ce  moment  sous  terre  ou  dans 
une  maison  fortifiée,  il  est  certain  qu'avant  demain  matin 
il  vous  aura  infligé  une  mort  sanglante  pour  venger  cette 
insulte.  » 

«  Il  ne  nous  serait  pas  agréable  »,  dit  Medb,  «  de  perdre 
notre  sang  et  d'en  rougir  notre  peau  à  notre  entrée  dans  cette 
province  inconnue  qu'est  l'Ulster.  Nous  aimerions  mieux  ver- 
ser le  sang  des  autres  et  faire  rougir  leur  peau.  » 

«  Nous  ne  méprisons  pas  ce  cercle  »,  reprit  Ailill,  «  et  nous 
n'insultons  pas  le  royal  héros  qui  l'a  fait.  Nous  nous  met- 
trons jusque  demain  matin  à  l'abri  dans  la  grande  forêt  qui 
est  au  sud.  C'est  là  que  nous  camperons.  » 

Les  armées  allèrent  dans  cette  forêt.  De  leurs  épées  les 
guerriers  coupèrent  les  arbres  devant  leurs  chars  en  sorte  que 
cet  endroit  fut  depuis  surnommé  Slechta,  c'est-à-dire  «  les 
coupes  »,  là  où  sont  les  petits  Partraig  au  sud-ouest  de  Kells 
des  Rois,  au-dessus  de  Cuil  Sibrille. 

Il  tomba  quantité  de  neige  cette  nuit.  Il  y  en  eut  assez  pour 
atteindre  les  épaules  des  hommes,  ler  cuisses  des  chevaux,  les 
essieux  des  chars  ;  la  neige  rendit  plates  et  unies  toutes  les 
provinces  d'Irlande.  Les  hommes  ne  se  disposèrent  aucun 
abri,  ne  dressèrent  aucune  tente,  ne  se  préparèrent  ni  à  man- 
ger, ni  à  boire,  ne  firent  aucun  repas.  Jusqu'au  lever  du  soleil 
le  lendemain  matin  aucun  homme  ne  put  distinguer 
l'approche  d'ami  ni  d'ennemi.  Certainement  les  hommes 
d'Irlande  ne  trouvèrent  nulle  part  un  campement  où  la  nuit 
fût  plus  déplaisante  et  plus  pénible  que  cette  nuit  à  Cuil 
Sibrille.  Le  matin  de  bonne  heure,  quand  le  soleil  se  leva,  les 
guerriers  de  quatre  des  cinq  grandes  provinces  d'Irlande  par- 
tirent à  travers  la  neige  brillante  et  allèrent  camper  ailleurs. 

II.  Voici  pendant  ce  temps  ce  qui  arriva  à  Cûchulainn.  Il 
ne  se  leva  pas  de  bonne  heure,  il  voulut  manger  un  morceau, 
fiire  un  repas,  se  laver  et  se   baigner.  Il  dit   à   son   cocher 


Enlèvement  du  taureau  divin.  169 

d'amener  les  chevaux  et  de  les  atteler  au  char.  Le  cocher 
amena  les  chevaux  et  les  attela.  Cûchulainn  monta  dans  le 
char.  Avec  son  cocher  il  alla  chercher  les  traces  de  l'armée. 

Ils  trouvèrent  ces  traces  près  de  la  pierre  levée  el  plus  loin 
encore  :  «  Hélas,  maître  Lôeg  »,  dit  Cûchulainn,  «  il  est 
malheureux  que  j'aie  été  hier  à  ce  rendez-vous.  Nous  serions 
moins  embarrassés,  si  d'un  pays  voisin  quelqu'un  nous  fai- 
sait entendre  un  appel,  un  cri,  un  avertissement,  une  parole  ; 
mais  nous  n'avons  non  plus  rien  dit.  Les  hommes  d'Irlande 
sont  allés  plus  loin  que  nous  en  Ulster.  »  —  «  Je  te  l'ai  pré- 
dit »,  répondit  Lôeg,  «  puisque  tu  allais  à  ton  rendez-vous, 
il  devait  t'arriver  un  chagrin  tel  que  celui  que  tu  éprouves.  » 
—  «  Bien,  Lôeg  »,  répartit  Cûchulainn,  «  conduis-nous  sur 
les  traces  de  l'armée.  Fais-en  une  évaluation,  dis-nous  le 
nombre  des  hommes  d'Irlande  qui  sont  venus  nous  atta- 
quer. » 

Lôeg  alla  sur  les  traces  de  l'armée,  il  en  fit  le  tour^  il  en 
vit  le  devant,  le  côté,  le  derrière.  «  Tu  fais  confusion  dans 
ton  calcul,  maître  Lôeg  »,  dit  Cûchulainn.  —  «  La  confusion 
est  inévitable  »,  répondit  Lôeg.  —  «  Monte  dans  le  char  », 
reprit  Cûchulainn,  «  et  je  ferai  l'évaluation  ».  Cûchulainn  par- 
courut les  traces  de  l'armée,  fit  l'évaluation.  Il  alla  sur  le  côté, 
il  alla  par  derrière.  «  Tu  fois  confusion  dans  ton  calcul,  mon 
petit  Cûchulainn  »,  dit  Lôeg.  —  «  Non,  je  ne  me  trompe  pas  », 
répondit  Cûchulainn.  «  Je  sais  le  nombre  de  l'armée  qui  est 
passée  à  côté  et  au  delà  de  nous  :  dix-huit  corps  de  trois  mille 
hommes  chacun  '  et  le  dix-huitième  corps  a  été  réparti  entre 
les  dix-sept  autres  composés  d'Irlandais.  » 

Cûchulainn  avait  la  supériorité  en  beaucoup  de  genres  : 

Supériorité  des  formes  du  corps,  supériorité  de  figure,  supé- 
riorité dans  l'action,  supériorité  dans  la  natation,  supériorité 
dans  l'équitation,  supériorité  au  jeu  d'échecs  et  au  trictrac, 
supériorité  dans  les  grandes  batailles,  supériorité  dans  les 
petites  batailles,  supériorité  dans  les  duels,  supériorité  dans 
les  évaluations,  supériorité  en  éloquence,  supériorité  en  con- 
seil, supériorité  à  la  chasse,  supériorité  au  pillage,  supériorité 
de  son  pays  sur  le  pays  voisin. 

I.  En  tout  54000. 


170  H.  cCArboh  de  Jiihniiwille. 

a  Eh  bien  !  maître  Lôeg  »,  dit  Cûchulainn,  «  attelle  les  che- 
vaux au  char,  aiguillonne-les,  fais  partir  le  char,  prends  la 
droite  de  l'armée,  et  fais  en  sorte  d'atteindre  soit  l'avant-garde, 
soit  le  centre,  soit  l'arrière-garde  ;  car  je  serai  mort  demain, 
si  je  n'ai  avant  la  nuit  fait  tomber  sous  mes  coups  un  des 
hommes  d'Irlande,  soit  ami,  soit  ennemi.  »  Alors  Lôeg  aiguil- 
lonna les  chevaux,  et,  laissant  l'armée  à  sa  gauche,  il  arriva  à 
Taurloch  du  grand  bois,  au  nord  de  Cnogba  des  Rois,  dans 
l'endroit  qu'on  appelle  aujourd'hui  Atb  GabJa,  «  gué  de  la 
fourche  ». 

Cûchulainn  entra  dans  le  bois^  sauta  en  bas  de  son  char  et 
d'un  coup  d'épée  coupa,  tige  et  tête  branchue,  une  fourche  à 
quatre  pointes.  Il  l'appointa  en  la  brûlant,  grava  sur  un  côté 
une  inscription  ogamique,  et,  se  servant  d'une  seule  main  ', 
il  la  lança  de  l'arrière  de  son  char.  Le  jet  fut  si  puissant  que 
les  deux  tiers  de  la  fourche  pénétrèrent  dans  le  sol,  un  tiers 
seulement  resta  au-dessus  de  terre.  Ce  fut  alors  que,  près  de 
cette  fourche,  arrivèrent  accompagnés  de  leurs  cochers  les  deux 
jeunes  gens  dont  il  a  déjà  été  parlé,  nous  voulons  dire  les  fils 
de  Néra,  petit-fils  de  Nuatar,  arrière  petit-fils  de  Tacân.  Ils  se 
demandèrent  lequel  des  deux  donnerait  le  coup  de  la  mort  à 
Cûchulainn  et  lui  trancherait  la  tête.  Cûchulainn  se  tourna 
vers  eux,  trancha  les  quatre  têtes  [deux  têtes  des  guerriers, 
deux  têtes  des  cochers]  et  les  mit  chacune  sur  une  des  quatre 
pointes  de  la  fourche.  Il  laissa  leurs  chevaux  devant  l'armée 
irlandaise  qu'ils  précédaient  sur  la  route  ;  les  rênes  étaient 
flottantes  sur  les  cous  rouges  de  sang,  des  corps  des  hommes 
décapités  le  sang  coulait  sur  les  bois  des  chars;  il  semblait  à 
Cûchulainn  que  prendre  les  chevaux,  les  vêtements  et  les 
armes  des  hommes  qu'il  avait  tués  n'aurait  pas  été  beau  pour 
lui. 

12.  L'armée  vit  donc  arriver  devant  elle  les  chevaux  des 
guerriers  qui  la  précédaient,  elle  vit  les  corps  sans  têtes  de  ces 
guerriers  et  le  sang  qui  coulait  sur  le  bois  des  chars.  L'avant- 
garde  s'arrêta  derrière  eux,  il  y  eut  comme  un  grand  coup 
avec  bruit  d'armes.  Medb,  Fergus,  les  Mané  et  les  fils  de  Maga 
s'approchèrent. 

I.  Cf.  plus  haut,  p.  166,  et  plus  bas,    p.  173. 


EilUvcmeiit  du  taureau  diviu.  171 

Medb  voyageait  avec  neuf  chars,  deux  devant  elle,  deux 
derrière  elle,  deux  à  droite,  deux  à  gauche,  le  sien  au  milieu. 
L'objet  des  huit  chars  qui  l'entouraient  était  d'empêcher  que  les 
mottes  de  terre  soulevées  par  les  sabots  des  chevaux,  que 
l'écume  venue  sur  les  mors  des  brides,  que  la  malpropreté 
d'une  si  grande  armée  et  d'une  si  nombreuse  foule  ne  vînt 
souiller  l'or  du  diadème  de  la  reine. 

«  Qu'y  a-t-il  ?  »  demanda  Medb.  —  «  Il  est  facile  de  vous 
le  dire  »,  répondit-on.  «  Nous  avons  vu  arriver  les  chevaux 
des  deux  fils  de  Néra,  et  derrière,  dans  les  chars,  les  corps 
sans  têtes.  » 

Là-dessus  on  tint  conseil.  On  conclut  que  ce  désastre  attes- 
tait la  venue  d'une  troupe  nombreuse,  qu'une  grande  armée 
avait  attaqué  ces  guerriers,  que  c'était  l'armée  d'Ulster  On 
résolut  d'envoyer  Cormac  à  l'intellligent  exil,  fils  de  Concho- 
bar,  vérifier  qui  était  dans  le  gué.  On  pensait  que,  si  des 
guerriers  d'Ulster  se  trouvaient  là,  ils  ne  tueraient  pas  le  fils 
de  leur  roi.  Puis  Cormac  à  l'intelligent  exil,  accompagné 
de  trois  mille  hommes  en  armes,  alla  voir  qui  était  dans  le 
gué.  Une  fois  arrivé,  il  n'aperçut  d'abord  que  la  fourche  plan- 
tée dans  le  gué  et  sur  elle  les  quatre  têtes  desquelles  le  sang 
coulait  jusqu'en  bas  de  la  fourche  dans  le  cours  d'eau.  Puis  il 
vit  les  traces  des  pas  de  deux  chevaux,  celles  des  roues  d'un 
char  qui  avait  dû  mener  un  seul  guerrier  hors  du  gué  à  l'est. 

Les  nobles  d'Irlande  allèrent  au  gué  et  se  mirent  à  regarder  la 
fourche.  La  manière  dont  avait  été  posé  ce  trophée  leur  parut 
merveilleuse  :  «  Quel  a  été,  Fergus  »,  dit  Ailill,  «  quel  a  été 
le  nom  de  ce  gué  chez  vous  jusqu'à  ce  jour  ?»  —  «  Ath 
Grena  »,  répondit  Fergus,  mais  désormais  on  l'appellera  tou- 
jours Ath  Gabla  «  gué  de  la  fourche  ».  Et  il  chanta  un 
poème  : 

Ath  Grena  changera  de  nom 
par  le  fait  d'un  chien  fort  et  violent. 
Il  y  a  ici  une  fourche  à  quatre  pointes  ; 
elle  a  rendu  perplexes  les  hommes  d'Irlande. 

Sur  deux  pointes  en  signe  de  bataille 
sont  la  tête  de  Fraech  et  la  tête  de  Fochnam  '. 

I.  Les  cochers. 


172  H.  d'Arhois  de  JubainviUe. 

Sur  deux  autres  pointes 

la  tête  d'Err  et  la  tête  d'Innell  '. 

Que  signifie  l'inscription  ogamique  au  côté  de  la  fourche? 
Trouvez,  ô  Druides,  élégamment 
qui  fît  cette  fourche, 
qui  la  planta  en  terre. 

[Un  druide  répondit]  : 

Cette  fourche  avec  la  terreur  que  la  force  te  cause, 
tu  la  vois  ici,  ô  Fergus  ! 
Pour  sa  bienvenue  un  seul  homme  l'a  coupée 
d'un  excellent  coup  d'épée. 

Il  l'a  rendue  pointue,  l'a  portée  sur  son  dos. 
Ce  n'était  pas  petite  habileté. 
Il  a  jeté  en  bas  ici  cette  fourche 
Pour  qu'un  de  vous  la  tire  de  terre. 

[Puis  Fergus  reprit]  : 

Ce  gué  s'est  appelé  Ath  Grena  jusqu'ici. 
Son  souvenir  ne  s'efTacera  pas. 
Ce  gué  s'appellera  désormais  Ath  Gahla 
à  cause  de  la  fourche  que  tu  y  vois.  » 

13.  Une  fois  ce  poème  chanté,  Ailill  dit  :  «  J'admire  et  je 
m'étonne,  ô  Fergus.  Qui  donc  a  pu  si  vite  devant  nous  cou- 
per la  fourche  et  les  quatre  têtes  ?»  —  «  Ce  qui  est  encore 
plus  admirable  et  plus  étonnant  »,  répondit  Fergus,  «  c'est 
l'adresse  avec  laquelle  d'un  seul  coup  on  a  coupé  cette  fourche 
tige  et  tête  branchue  et  après  l'avoir  appointée  et  brûlée  on 
l'a,  du  bout  d'une  seule  main,  lancée  de  l'arrière  du  char  en 
sorte  que  deux  tiers  ont  pénétré  en  terre,  un  tiers  seulement 
est  resté  au-dessus  du  sol.  Celui  qui  a  ainsi  enfoncé  la  fourche 
n'avait  pas  d'abord  creusé  la  terre  avec  son  épée.  C'est  à  travers 
de  vertes  pierres  qu'elle  est  enfonce  e.  Il  y  a  défense  aux  hommes 
d'Irlande  de  traverser  ce  gué  avant  qu'un  d'eux  n'ait  d'une 
main  arraché  cette  fourche  qu'on  a  enfoncée  en  la  jetant  d'une 
main.  »  —  «  Parmi  nos  guerriers  »,  dit  Medb,  «  c'est  à  toi 
que  cette  tcâche  revient,  arrache  la  fourche  du  fond  de  ce  gué.  » 
—  «  Qu'on  m'amène  un  char  »,  répondit  Fergus.  —  On  lui 

I .  Les  maîtres. 


Enlèvement  du  taureau  divin.  173 

amena  un  char,  au  moyen  du  char  il  essaya  d'ébranler  la 
fourche,  et  le  char  fut  réduit  en  minces  débris.  —  «  Qu'on 
m'amène  un  char  »,  dit  Fergus.  On  lui  amena  un  autre  char, 
puis  il  tira  si  violemment  la  fourche  qu'il  mit  ce  char  en  pièces. 
—  «  Qu'on  m'amène  un  char  »,  répéta  Fergus.  Avec  ce  troi- 
sième char  il  fit  un  effort  pour  tirer  la  fourche  et  le  char  se 
brisa  en  petits  morceaux.  Tel  fut  le  sort  de  dix-sept  chars  de 
Connaught  '  et  Fergus  n'avait  pu  arracher  la  fourche  du  fond 
du  gué. 

«  Finis  cet  exercice,  Fergus  «^  lui  dit  Medb,  «  ne  brise  pas 
ainsi  tous  nos  chars.  Cette  opération  a  été  bien  longue.  Si  lu 
n'étais  pas  dans  notre  armée  et  si  tu  ne  nous  avais  pas  ainsi 
fait  perdre  notre  temps,  nous  aurions  déjà  atteint  les  Ulates, 
nous  aurions  fait  beaucoup  de  butin  et  enlevé  bien  des 
vaches.  Nous  savons  pourquoi  tu  agis  ainsi.  C'est  pour  arrê- 
ter l'armée,  la  retarder,  c'est  pour  nous  faire  attendre  que  les 
Ulates,  guéris  de  leur  maladie,  se  lèvent  et  nous  offrent 
bataille.  Ce  sera  la  bataille  de  l'enlèvement.  » 

«  Qu'on  m'amène  mon  char  de  bataille  »  s'écria  Fergus. 
On  lui  amena  son  char,  et  Fergus  tira  la  fourche  sans  faire 
fendre,  sans  faire  craquer  ni  une  roue,  ni  l'assemblage  du 
char,  ni  un  seul  des  essieux.  Autant  avait  montré  de  vigueur 
le  héros  qui  avait  enfoncé  la  fourche,  autant  en  avait  déployé 
celui  qui  l'avait  tirée  ^.  A  lui  seul  ce  guerrier  batailleur 
aurait  triomphé  de  cent  adversaires,  tel  un  marteau  qui 
anéantit  ce  qu'il  frappe,  telle  la  pierre  qui  brise  la  tête  de 
celui  qui  résiste.  11  peut  à  lui  seul  lutter  contre  une  foule, 
hacher  une  grande  armée  ;  il  est  le  flambeau  allumé  qui 
éclaire,  il  est  chef  dans  un  grand  combat.  Du  bout  d'une 
seule  main  Fergus  arracha  la  fourche,  il  la  fit  arriver  sur  son 
épaule  et  il  la  mit  dans  la  main  d'Ailill.  Ailill  la  vit,  la  regarda  : 
«  Je  trouve  cette  fourche  parfaite  »,  dit-il,  «  c'est  d'un  seul 
coup  que  tout  entière,  tige  et  tête  branchue,  elle  a  été  cou- 
pée. »  —  «  Oui  certes  elle  est  parfaite  »,  dit  Fergus,  et  pour 
la  vanter  il  chanta  un  poème  : 

1.  Quatorze  seulement  suivant  le  Lebor  na  hUidre,  p.  58,  col.  2,  1.  7. 

2.  Un  récit  analogue  dans  le  chapitre  consacre  aux  exploits  de  Cûchu- 
lainn  enfant. 


174  H.  d' Al  bois  de  JubaiiiuUlc. 

Voici  la  fourche  célèbre 
près  de  laquelle  fut  le  cruel  Cùchulainn 
et  à  laquelle  il  a  donné,  présent  funeste, 
quatre  tètes  de  nos  compatriotes. 

Certes  on  ne  fuirait  pas  devant  elle, 
comme  devant  un  homme  très  brave  et  très  hardi. 
Cependant,  laissée  là  par  un  chien  qui  n'est  pas  malade  ', 
elle  a  tout  autour  sa  rude  peau  couverte  de  sang. 

Il  est  malheureux  que  l'armée  aille  a  l'orient 
à  cause  du  terrible  taureau  brun  de  Cooley. 
Des  héros,  après  s'être  séparés  de  l'armée, 
seront  frappés  par  le  glaive  empoisonné  de  Cùchulainn  '. 

Le  fort  taureau  ne  fut  pas  donné  [par  DaréJ. 
Autour  de  lui  avec  armes  aiguës  on  combattra  ; 
les  crânes  de  beaucoup  de  têtes  seront  écrasés. 
En  Irlande  toutes  les  familles  gémiront. 

Ce  n'est  pas  à  moi  de  raconter 
les  combats  que  livrera  le  fils  de  Dechtire  5 
à  propos  desquels  les  hommes  et  les  femmes  entendront  dire 
comment  est  faite  la  fourche  qui  est  ici. 

14.  Quand  Fergus  eut  fini  de  chanter,  Ailill  dit  qu'il  fallait 
s'arrêter,  dresser  les  tentes,  préparer  à  mnnger  et  à  boire,  faire 
de  la  musique  et  des  jeux,  puis  commencer  le  repas.  Certai- 
nement les  hommes  d'Irlande  n'avaient  jamais  trouvé  quartier 
ni  campement  plus  désagréable  et  plus  incommode  que  celui 
de  la  nuit  précédente.  Ils  s'installèrent,  dressèrent  leurs  tentes, 
préparèrent  de  quoi  manger  et  boire,  chantèrent  des  morceaux 
de  musique,  firent  des  jeux,  puis  vint  le  festin. 

Ailill  adressa  la  parole  à  Fergus  :  «  C'est  )>,  dit-il,  «  une 
merveille,  une  chose  étrange  à  mes  yeux  qu'un  guerrier  soit 
venu  jusqu'à  nous  à  cette  Hmite  de  province  et  si  rapidement 
ait  tué  les  quatre  hommes  qui  nous  précédaient.  Il  est  pro- 
bable que  ce  guerrier  est  le  roi  suprême  d'Ulster  Conchobar, 


1.  Allusion  à  la  maladie  dont  étaient  atteints  tous  les  guerriers  d'Ulster 
par  l'effet  de  la  malédiction  lancée  contre  eux  par  la  déesse  Mâcha.  Cùchu- 
lainn n'avait  pas  été  présent,  quand  cette  malédiction  fut  proférée. 

2.  Allusion  aux  combats  singuliers  livrés  plus  tard  à  Cùchulainn  par  les 
meilleurs  guerriers  de  Medb  en  présence  de  son  armée. 

3.  Sœur  du  roi  Conchobar  et  mère  de  Cùchulainn. 


Enlèvement  du  taureau  divin.  175 

fils  de  Fachtna  Fathach  '.  »  —  «  C'est  invraisemblable  », 
répondit  Fergus,  «  il  serait  honteux  d'insulter  Conchobar  en 
son  absence,  il  n'est  pas  de  prix  qu'il  ne  s'engagerait  à  don- 
ner pour  conserver  son  honneur.  S'il  était  venu  ici  lui-même, 
des  armées,  une  foule  de  guerriers  d'élite  inséparables  de  lui 
l'aurait  accompagné.  Supposez  que  les  hommes  d'Irlande  et 
d'Ecosse,  les  Bretons  et  les  Saxons,  entreprenant  une  expédi- 
tion contre  lui,  se  soient  réunis  au  même  campement,  sur  la 
même  colline,  il  leur  aurait  livré  bataille  et  ce  serait  eux  qui 
auraient  été  vaincus,  ce  ne  serait  pas  lui  ^.  » 

«  Qui  donc  serait  venu  ?  »  demanda  Ailill.  «  Serait-ce  Cus- 
craid  le  Bègue,  fils  de  Conchobar  ;  il  serait  arrivé  d'Inis  Cus- 
craid  ?»  —  «  C'est  invraisemblable  »,  répondit  Fergus  ;  «  Cus- 
craid  le  Bègue  est  fils  d'un  grand  roi.  Il  n'y  a  pas  de  prix 
qu'il  ne  s'engagerait  à  donner  pour  conserver  son  honneur. 
Si  c'était  lui  qui  était  venu  ici,  il  aurait  été  accompagné  par 
les  fils  de  rois  et  les  chefs  royaux  qui  ne  font  qu'un  avec 
lui  et  qui  moyennant  salaire  lui  donnent  service  de  guerre. 
En  vain  les  hommes  d'Irlande  et  d'Ecosse,  les  Bretons  et  les 
Saxons,  entreprenant  une  expédition  contre  lui,  se  seraient 
réunis  au  même  campement,  sur  la  même  colline,  il  leur 
aurait  livré  bataille,  et  les  aurait  exterminés.  Ce  ne  serait  pas 
lui  qui  aurait  été  vaincu  '.  » 

«  Qui  donc  serait  venu  ?  »  demanda  Ailill,  «  serait-ce  le 
roi  de  Farney,  Eogan  fils  de  Durthacht  ?  »  —  «  C'est  invrai- 
semblable »,  répondit  Fergus.  «  Si  c'était  lui  qui  était  venu 
ici,  les  forces  de  Farney  l'auraient  accompagné,  il  aurait  livré 
bataille  à  nos  quatre  guerriers,  il  les  aurait  mis  en  pièces,  ce 
ne  serait  pas  lui  qui  aurait  été  défait.  » 


1.  Conchobar  était  fils  de  Cathba  le  druide.  Ness  sa  mère,  avait  succes- 
sivement épousé,  postérieurement  à  son  union  avec  Cathba,  d'abord  Fachtna 
Fathach  qui  avait  été  père  nourricier  de  Conchobar,  puis  Fergus,  fils 
de  Roech,  prédécesseur  de  Conchobar  sur  le  trône  d'Ulster  :  Voyez  le 
Compert  Choncohalr  'ç>uh\\é  par  Kuno  Meyer,  Revue  celtique,  t.  VI,  p.  174-182. 

2.  Cette  phrase  où  la  mention  des  Saxons  indique  une  date  postérieure  à 
l'invasion  germanique  en  Grande-Bretagne  fait  défaut  dans  le  Lebor  na 
hUidre,  p.  58,  col.  2, 1.  13-15  ;  cf.  O'Keeffe,  p.  14,  lignes  332-333.  Winifred 
Faraday,  p.  16. 

3.  Même  observation  que  dans  la  note  précédente.  Dans  le  Lebor  na 
hUidre  Fergus  ne  parle  même  pas  de  Cuscraid. 


lyé  H.  cCArhois  de  Juhainvillc. 

«  Qui  donc  est  venu  à  notre  rencontre  ?  »  demanda  Ailill. 
«  Probablement  c'est  Celtchair  fils  d'Uthechar.  a  —  «  C'est 
invraisemblable  »,  répondit  Fergus.  «  Honte  à  qu'il  insulterait 
quand  il  est  absent  !  Il  est  la  pierre  qui  écrase  les  ennemis  de 
la  province,  il  est  le  chef  de  l'assemblée  des  guerriers,  c'est  lui 
qui  ouvre  la  bataille  à  la  tête  des  Ulates.  En  vain  contre  lui, 
dans  un  endroit  quelconque,  en  une  réunion  guerrière,  une 
expédition,  un  camp,  sur  une  colline  les  hommes  de  toute 
l'Irlande,  de  l'est  à  l'ouest,  du  sud  au  nord,  seraient  assemblés 
contre  lui,  il  leur  aurait  livré  bataille,  il  les  aurait  mis  en 
pièces,  ce  ne  serait  pas  lui  qu'on  aurait  massacré,  » 

15.  «  De  qui  donc  »,  demanda  Ailill,  «  la  venue  est-elle  pro- 
bable ?  »  «  Ce  ne  peut  être  »,  répliqua  Fergus,  «  ce  ne  peut 
être  que  mon  élève,  aussi  l'élève  de  Conchobar,  ce  petit  gar- 
çon qu'on  appelle  Cûchulainn,  c'est-à-dire  chien  de  Culann 
le  forgeron.  »  —  «  Mais  oui  »,  répondit  Ailill.  «  Je  vous  ai 
entendu  parler  de  ce  petit  jeune  homme  autrefois  à  Crua- 
chan.  Quel  âge  ce  petit  garçon  a-t-il  à  peu  près  maintenant  ?  » 

—  «  Ce  n'est  pas  son  âge  qui  est  le  plus  dangereux  »  répli- 
qua Fergus,  «  car  au  temps  où  il  était  plus  jeune,  ses  actes 
furent  encore  plus  virils  qu'aujourd'hui.  »  —  «  Comment 
cela  ?  »  demanda  Medb.  «  Y  a-t-il  maintenant  parmi  les  Ula- 
tes quelqu'un  de  son  âge  qui  soit  plus  dangereux  que  lui  ?  » 

—  «  Non  »,  répliqua  Fergus,  «  il  n'y  a  pas  de  loup  plus  san- 
guinaire, de  guerrier  plus  audacieux.  Il  n'y  a  pas  de  guerrier 
du  même  âge  qui  vaudrait  le  tiers  ou  même  le  quart  de 
Cûchulainn.  Tu  ne  peux  concevoir  son  pareil  comme  guerrier, 
comme  massue  meurtrière,  comme  vainqueur  des  troupes 
assez  orgueilleuses  pour  l'attaquer.  Personne  ne  lutte  plus 
bravement  avec  le  plus  digne.  Personne  à  son  âge  ne  réunit  à 
un  si  haut  degré  la  taille,  la  beauté,  les  attraits,  l'éloquence, 
la  cruauté,  l'adresse,  l'aptitude  guerrière,  l'habileté  à  la  chasse, 
la  hardiesse  de  l'attaque,  les  succès  meurtriers,  le  talent  de 
harceler  l'ennemi.  Personne  n'est  autant  que  lui  ardent, 
furieux,  impétueux  ;  personne  ne  gagne  aussi  vite  que  lui  la 
partie  au  jeu  des  neuf  hommes  sur  chacun  de  ses  cheveux(?).  » 

—  «  Nous  ne  ferons  pas  grand  cas  de  lui  »,  répliqua  Medb, 
«  il  n'a  qu'un  corps,  il  évite  les  blessures,  il  ne  peut  éviter  de 


Enlèvement  du  taureau  divin.  177 

se  laisser  faire  prisonnier'.  Il  a  l'âge  de  fille  à  marier;  ce 
jeune  gamin  sans  barbe  ne  l'emportera  pas  sur  nos  braves 
guerriers.  »  —  «  C'est  ce  que  nous  ne  disons  pas  »  répondit 
Fergus,  «  car  les  actes  de  ce  garçon  furent  virils  en  un 
temps  où  il  était  plus  jeune  qu'aujourd'hui.  » 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


I.  Dans  le  Lebor  na  hUidre,  p.  59,  col.  i,  1.  i  :  il  supporte  blessure,  il 
n'est  pas  plus  grand  que  prise  ;  FodaiDiginn  ni  mou  gahail.  Ct.  O'Keeffe, 
p.  15,  1.  362;  Winifred  Faraday,  p.  17,  ligne  14. 


Revue  Celtique,  XXFIU 


MÉLANGES    BRETONS 
DE    GRAMMAIRE    ET    D'ÉTYMOLOGIE 


LE   NOM    DES    GRECS 

Grec  (§  I,  2),  igreker  (3),  greëz;  eschedou;  neet  (4),  Grèce,  Grésia;  Cina 
(5),  Grecyan;  Hebreanet;  aparchent,  apparchant  (6),  Grésied  (7), 
gregach,  langach,  luc'hach,  cranouage,  latinaich,  goasqonnaich,  criste- 
nyaich  ;  cristenez  ;  hebraich,  flamancqaich,  islantraich,basqaich,basnecq, 
sausnec,  sauzmegaich,  zôznach  (8),  gregaichi,  gregagein,  grecima, 
latinat,  paterat,  gallegat  (9),  gregaich,  gregage,  grigage,  gregachi,  saos- 
mega,  zauzan  ;  goast-langach  (10),  gragachat,  gragaillat,  graguellatt, 
grakal,  krakal,  rakal,  raclât;  ragach,  ragachat,  ragachi  ;  ragaich,  racaich  ; 
ragaicha,  ragata,  regatein  ;  ragacher  ;  racqaich,  rogaich,  reugaich,  ragach, 
ragachi,  racquat,  roga,  roëga,  rakal,  grakal  (11),  grecim,  catechim, 
catecis,  katékîz  ;  cataplam  (12,  13),  grizyas,  grizvez,  gryez,  grisias, 
grifias,  griués  ;  grisieza;  groesus;  grisia;  gref,  grefus,  grevus  (14). 

I.  Les  Grecs  ne  sont  nommés  dans  aucun  des  documents 
qui  nous  restent  du  vieux  breton. 

On  peut  supposer  à  cette  époque  une  désignation  directe- 
ment tirée  du  latin  grœciis,  comme  en  vieil  irlandais  grélc 
(langue  grecque),  génitif  singulier  inna  grece  (Vendryes,  De 
hïbcrnis  vocabiilis  qux  a  lalina  liii^ua  originem  duxerunt,  Paris, 
1902,  p.  146). 

Selon  M.  Loth,  Les  mois  latins  dans  les  langues  brittoniques , 
Paris,  1892,  p.  174,  le  gallois  fro^^  la  Grèce,  le  grec,  ne  pou- 
vant venir  de  Gnecus,  suppose  grâîca  (regio,  lingua)  ;  et 
Gryw  Grec  et  Grèce  «  suppose  gréiis  pour  Greiiis,  Grains  »  ; 
l'auteur  compare  le  traitement  de  Efryiv  Hébreu  =  ÇH)ébreus  ; 
efroeg  l'hébreu  =  (h^èbrâica.  Msl\s  groeg  ne  serait-il  pas  plutôt 
une  formation  analogique,  d'après  les  autres  noms  de  langues 
en  -eg  ?  Et  Gryiu  n'aurait-il  pas,  dans  le  v.  français  ^nVw,  une 


Mélanges  bretons  de 'grammaire  et  d'élymologie.  179 

source  moins  antique,   mais  plus  populaire  que  le  poétique 
Graius  ? 

2.  En  moyen  breton,  le  Catholicon  du  xv^  siècle  donne  grec, 
(g)allice  idem,  l(atine)  grecus  ;  grecc,  g.  grece,  1.  grecia  ;  gre- 
chn,  cest  ung  libure,  1.  grecismus. 

Grec  est  un  emprunt,  sans  doute  savant,  au  français.  Dans 
la  période  moderne,  le  Dictionnaire  françois-breton...  du  dialecte 
de  Vannes  de  1744,  que  Cillart  de  Kerampoul  a  signé  «  Mon- 
sieur L'A***  »,  traduit  «  Grec  »  Grec;  parler  grec,  Comss 
Grec;  la  langue  grecque,  el  Langage  Grec.  On  trouve  dans  ce 
dialecte  /  grecq  en  grec,  Histoer  a  vuhc  Jesus-Chrouist,  Lorient, 
1818,  p.  358;  é  grec,  Officen,  Vannes,  1870,  p.  302. 

On  lit  dans  le  Testaniant  neve  en  dialecte  de  Tréguier, 
Guingamp  1813  :  ar  Grecq  le  Grec,  Épître  aux  Romains  11,  9 
(ar  Grecq,  10,  faute  d'impression);  ar  Grecqued  les  Grecs, 
Actes  IX,  29,  ar  Grequet,  XI,  20  ;  XVIII,  4  ;  ar  Gregued 
Rom.  I,  14  (forme  qui  serait  la  plus  bretonisée).  Le  même 
mot  comme  adjectif  :  «  ar  Jtidevieii  greq  »  les  Juifs  grecs,  Act. 
VI,  I  ;  comme  nom  de  la  langue  :  en  grecq  en  grec  saint 
Luc  XXIII,  38,  en  greq  saint  Jean  XIX,  20;  Apocalypse  IX, 
Il  ;  ar  grecq  le  grec  Act.  XXI,  37  ;  et  comme  nom  de  pays  : 
e  teuas  en  Grecq  il  vint  en  Grèce  XX,  2  (ceci  pourrait  bien 
être  une  inadvertance). 

Le  Testamant  nevez^  (protestant)  en  dialecte  de  Léon,  Brest 
185 1,  n'a  que  Grek  Grec,  ar  Greked  les  Grecs,  sauf  saint  Jean 
XIX,  20,  en  grek  en  grec  ;  ce  qui  a  été  corrigé,  dans  l'édition 
de  1870,  en  en  gregach. 

Le  Testamant  «a't':(  protestant  de  M.  Le  Coat,  Trémel  1883, 
porte  ar  Grek  le  Grec,  Rom.  I,  lé;  II,  9,  10;  X,  12  ;  Grek, 
Ep.  aux  Galates  III,  28,  pluriel  Greked  Rom.  III,  9;  ar  Greked 
Act.  VI,  I,  etc.  La  langue  est  appelée  ar  Grek  le  grec  Act. 
XXI,  37;  en  grek  en  grec  saint  Luc,  saint  Jean,  etc.  Le  mot 
est  pris  comme  adjectif  au  titre  de  Ar  Bibl  santel  (sans  date), 
où  le  même  auteur  mentionne  «  ar  mammou-skrid  hebre  ha 
grek  «,  les  textes  hébreux  et  grecs. 

3.  Dans  l'argot  trécorois  de  La  Roche-Derrien,  eur  choz^ 
igreker  kcr^  un  vieillard  décrépit,  impuissant  {Revue  Celtique 
XIV,    273)    paraît    provenir    du   français    /    grtc.    On   peut 


i8o  E.  Ernault.  ■ 

entendre,,  avec  le  suffixe  d'agent  -er  :  «  qui  fait  1'/  grec,  qui 
est  contourné  comme  un  Y  (et  non  droit  comme  un  I)  »  ; 
comparez  l'expression  familière  «  fait  comme  un  Z  «,  tout  con- 
tredit; ou  «  qui  fait  Y  »,  cf.  franc.  «  faire  des  S  »,  marcher  de 
travers  comme  les  ivrognes  qui  ne  sont  pas  solides  sur  leurs 
jambes  (en  russe  pisaf  myslete  écrire  M).  Ou  bien  la  finale  est- 
elle  le  nom  d'une  autre  lettre,  également  contournée,  R  ? 

4.  Le  Dictionnaire  français-breton  du  P.  Grégoire  de  Ros- 
trenen  donne  comme  adjectif  ^;Yé'';(  :  on  Ilis  greëx^,  an  Ilis  Grec^ 
l'Eglise  grecque;  e  i]i~  grcé\  à  la  (mode)  grecque;  langaich 
greéX  langue  grecque,  ul  levr  greè\  un  livre  grec.  Ceci  vient  du 
vieux  français  gree:(,  dont  Godefroy  donne  un  exemple  de 
1492  :  vins  gree:(  vins  grecs.  Molière  met  encore  à  la  bouche 
de  Martine,  dans  les  Femmes  savantes  (V,  3),  une  prononcia- 
tion voisine  : 

Et  ne  voulant  savoir  le  grais  ni  le  latin, 
Elle  n'a  pas  besoin  de  Monsieur  Trissotin. 

Dans  son  Lexique  de  la  langue  de  Molière,  Paris  1896, 
M.  Livet  dit  à  ce  propos  :  «  La  prononciation  de  grec  comme 
gré  ou  grais  est  attestée  par  le  nom  de  la  rue  des  Grès,  autre- 
fois rue  Sainte-Etienne  des  Grecs.  »  Il  cite  trois  exemples  du 
jeu  de  mots  commun  sur  grais,  gre^^  et  grès  : 

Du  latin,  j'en  sais  peu  ;  mais  pour  du  grès,  j'en  casse. 

On  peut  ajouter  ce  passage  de  La  Comédie  de  proverbes  (éd. 
Fournier,  Le  théâtre  français  au  XV I^  et  au  XVIP  siècle,  2^  édition 
199)  :  «  Pour  du  latin,  je  n'y  entends  rien  ;  mais  pour  dugrets, 
j'en  casse.  »  Cela  n'empêche  pas  la  même  pièce  de  contenir 
(p.  200)  cette  remontrance  à  un  avare  :  «  On  ne  sçait  ce  que 
vous  estes  :  les  uns  disent  que  vous  estes  Grec,  les  autres 
Latin  ;  pour  moy,  je  dis  que  vous  n'estes  ny  Grec  ny  Latin, 
mais  vous  estes  un  peu  Arabe.  »  C'est  que  la  chute  du  c  est 
amenée  par  l'addition  d'5  final  ;  cf.  Thurot,  De  la  prononciation 
française  depuis  le  commencement  du  XVI"  siècle,  Paris  1883,  II, 
€6,  67. 

Le  cas  est  le  même  que  dans  échec,  pluriel  ancien  esches. 
L'Académie  dit,  en  1762,  que  dans  échecs  «  le  dernier  c  ne  se 
prononce  point  ».  La  prononciation  cchè  est  regardée  comme 


Mélanges  hreloiis  de  grammaire  et  d'étymologie.  i8i 

vieillie  dans  le  Vrccis  de  Prononciation  Française  de  l'abbé  Rous- 
selot  et  F.  Laclotte,  Paris  1903,  p.  172;  M.  Dutens,  Étude  sur 
la  simplification  de  l'orthographe,  Paris  1906,  p.  272,  remarque 
avec  raison  qu'elle  n'existe  que  «  quand  il  s'agit  du  jeu  de  ce 
nom  ».  Marot  a  fait  rimer  Grecs  à  regrets  (voir  la  note  au  pas- 
sage de  Molière,  dans  l'édition  des  Grands  Ecrivains)  ;  nous 
venons  de  voir  une  variante  graphique  grets'.Le  moy.  bret. 
avait  échec  au  figuré  :  gra  ila  échec  fais  ton  coup  (avec  rimes  en 
ec),  Le  Grand  Mystère  de  Jésus,  éd.  H.  de  la  Villemarqué, 
1866,  p.  19  ;  au  commencement  de  la  période  moderne  on 
trouve  comme  nom  du  jeu  eschet,  plur.  eschedou  ;  puis  le 
P.  Grégoire  n'a  plus  que  echedou  (voir  mon  Glossaire  moyen- 
breton,  2^  éd.  Paris  1895,  189e,  p.  202  ;  et  pour  le  traitement 
du  t,  mes  Notes  d\'tymologie  bretonne,  Saint-Brieuc  1 901- 1905, 
p.  220  et  suiv,,  n°  106,  etc.).  Le  Dict.  de  L'A.  dit  que  ce  jeu 
est  inconnu  des  Bretons,  et  qu'il  faut  bretoniser  le  mot  en 
echég  m.  pi.  echegueu. 

GreéX  devait  ne  faire  qu'une  syllabe.  La  diphtongue  pour- 
rait provenir  de  * gre:{  par  e  ouvert  :  cf.  bret.  moyen  et  moderne 
neat  à  côté  de  moy.  br.  7iet,  mod.  nœt,  van.  neet  Grég.,  néœtt 
net,  nextein,  néœtatt  nettoyer,  neœtadurr  m.  netteté,  action  de 
nettoyer  TA.,  nettein,  neettat  nettoyer,  approprier  Châlons, 
Dict.  breton-françois  du  dialecte  de  Vannes,  1723  (réédité  par 
M.  Loth,  Rennes  1895)  ;  bret.  moy.  vaen,  vcan  et  ven  vain, 
mod.  veau,  vaen,  vxn  Grég.,  vain  Chàl.,  vxnn  l'A.  {Gloss.  moy. 
bret.  444,  359). 

5.  Le  moy.  bret.  grecc  Grèce  vient  de  ce  mot  français.  Son 
orthographe  indique  un  son  ç  distinct  de  l'^,  qui  devait  être 
voisin  de  ts  et  qui  s'est  fait  souvent  précéder  d'un  n  ou  d'une 
nasalisation  de  la  voyelle,  cf.  Rev.  Celt.  XI,  353-356;  Gloss. 
15  ;  Notes  d'étym.  bret.  247  et  suiv.,  n°  124,  etc. 

Il  est  probable  que  le  mot  a  été  emprunté  de  nouveau  par 
Le  Gonidec,  qui  dans  son  Testamant  neve^  traduit  é  teiia^  é  Grés, 

I.  Hugues  Salel,  dans  sa  traduction  des  premiers  chants  de  l'Iliade 
(1545),  fait  rimer  Grecs  k  degre^,  p.  10;  regret?,  100  ;  Grec^  à  regret:^,  154. 
J.  Peletier  (1547),  a  de  même  Greci^  rimant  à  regret:^,  haltecret^,  segret^ 
(cf.  Œuvres  poétiques  de  Jacques  Peletier...  par  L.  Séché  et  P.  Laumonier, 
Paris  1904,  p.  20,  22,  35,  181). 


i82  H.  Hniaiill . 

Act.  XX,  2,  de  même  dans  sa  Bihl  sauiel  (posthume),  Saint- 
Brieuc  1866.  Aux  autres  passages,  il  a  :  ô  Grésia  ô  Grèce, 
Zacharie  IX,  13  ;  rtr  Grésia  h  Grèce  Ezéchiel  XXVII,  13,  19; 
ar  Grésia  Isaïe  LXVI,  19  ;  ar  Chrésia,  i"  livre  des  Machabées 
I,  i;er  Chrésia  dans  la  Grèce,  VI,  2.  Son  dictionnaire  français- 
breton  posthume,  Saint-Brieuc  1847,  ne  traduit  «  Grèce  »  que 
par  Grésia  f.,  comme  l'avait  fait  Troude  dans  le  premier  de 
ses  trois  recueils  {Dictionnaire  français  et  celto-breton,  Brest 
1842). 

La  première  traduction  protestante  a,  Act.  XX,  2,  e  Grès, 
celle  de  M.  Le  Coat  er  Grès;  dans  l'Ancien  Testament,  celui- 
ci  ne  se  sert  que  de  l'hébraïque  Javan. 

Grésia  est  un  latinisme  savant,  comme  er  Bersia  dans  la 
Perse,  Daniel  XI,  2  Le  Gon.  (er  Pers,  Le  Coat).  Cela  ne 
produit  pas  pourtant  le  même  effet  que  dans  le  français  de 
Leconte  de  Lisle  (Œuvres  de  Horace,  chez  Lemerre  1873,  II, 
237)  :  «  La  Grœcia,  soumise,  soumit  son  vainqueur  farouche... 
Le  vainqueur  fixa  tardivement  les  yeux  sur  les  œuvres 
Graecques»,  cf.  233  et  I,  168.  C'est  qu'un  a  final  breton  vient 
quelquefois  d'un  e  français,  même  dans  des  noms  masculins 
(Gloss.  560);  cf.  Ciiia  la  Chine  Gr.,  etc.;  quant  à  1'/,  on  le 
retrouve  dans  les  deux  ethniques  qui  nous  restent  à  étudier. 

6.  Le  P.  Grég.  donne  Grecyan  pi.  ed,  van.  id.  un  Grec, 
grecyanès  pi.  grecyanesed  une  Grecque, rtr  chrecyaned  les  Grecs; 
an  tadou  grecyaned  les  Pères  Grecs  (à  l'article  latin)  ;  Châlons  : 
Grecian  pi.  et;  l'A.:  Grécian  pi.  -nétt,  fém.  Gréciaunéss  pi. 
-né:^étt  ;  er  Gréciamiétt  les  Grecs.  Troude,  en  1842,  avait  ^;t'- 
sian  adj.  et  s.  m.  pi.  ^^  ;  ar  grésianed  les  Grecs  ;  fém.  Grésiane:^^ 
pi.  ed  ;  son  Nouveau  dictionnaire  pratique  français  et  breton, 
Brest  1869,  n'a  gresian  que  comme  substantif,  fém.  gresianei 
pi.  ed  ;  ar  Grésianed  les  Grecs;  de  même  son  Nouveau  diction- 
naire pratique  breton-français  de  1876  :  Gresian  pi.  ed,  f.  -e:{  pi. 
ed.  Le  Dict.  français-breton  de  Le  Gonidec  donne  gresian  adj. 
et  s.  pi.  ed  ;  H.  de  la  Villemarqué  a  inséré  un  article  sem- 
blable à  la  seconde  édition  du  dict.  bret. -français,  en  ajou- 
tant :  «  Le  grec,  langue  grecque.  » 

Ce  dernier  emploi  se  trouve  dans  Bue^  Hor  Zalver...  gant... 
lann-Willou  Herry,  Quimperlé  1858,  p.  368  :  ar  scritel  à  oa 
great...  e  grecian  Técriteau  était  rédigé  en  grec. 


Mélanges  breton^  de  grammaire  et  (Tclymologie.  185 

L'autre  est  bien  plus  commun.  Ainsi  Le  Gonidec  écrit  ar 
Grésianed  Act.  VI,  i  ;  ar  Chrésiamd  IX,  29  ;  XI,  20  ;  Rom.  I, 
14;  ar  Chresianed  Act.  XVIII,  4,  etc. 

Le  correspondant  de  ce  mot  existait  en  vieux  français  : 
Grecient  vendrunt  les  Grecs  viendront  ;  «  en  langue  greciienne  » 
God.  (d'où  l'adjectif  anglais  grecian,  employé  autrefois  aussi 
comme  ethnique).  Leconte  de  Lisle  l'a  repris  en  l'agrémentant 
d'une  savante  diphtongue  graphique  ;  ainsi  dans  son  Horace, 
I,  25  :  «  Par  malheur,  tu  conduis  dans  la  demeure  de  tes 
aïeux  cette  femme  que  réclameront  les  innombrables  soldats 
Gneciens,  »  Est-ce  la  préoccupation  de  cette  exactitude  — 
d'ailleurs  fausse,  car  le  latin  ne  disait  point  *  Grœciani  —  qui 
a  fait  tomber  le  traducteur  dans  un  quiproquo  fâcheux  sur 
avi,  qualifié  pourtant  par  le  féminin  nmlâ  ?  Il  met  ailleurs 
Grxcs  pour  Grœci  ou  Graii,  et  francise  celui-ci  en  Graiens 
(I,  64,  172,  etc.). 

Ce  suffixe  ethnique  -an  se  montre  en  breton,  au  commen- 
cement de  la  période  moderne,  dans  Hehreanet  Hébreux,  voir 
Gloss.  315.11  provient  du  français,  qui  a  souvent  hésité  entre 
les  prononciations  -en  et  -an,  cf.  Thurot  II,  462  et  suiv.  ; 
Voltaire  tenait  encore  pour  Européan. 

Des  formes  comme  //  appartiant  sont  attestées  par  Palsgrave 
et  Tabourot  ;  ce  dernier  la  donne  comme  une  variante  popu- 
laire à  Paris  de  appartient  (cf.  Thurot  II,  436).  Le  moy.  bre- 
ton reflète  cette  double  prononciation  :  aparchent  il  appartient, 
il  convient  rime  en  ent,  Sainte  Barbe  205,  mais  apparchant 
id.  rime  en  and,  Grand  Myst.  de  J.  51;  cf.  le  Dictionnaire 
étymologique  du  breton  moyen  qui  suit  mon  édition  du  Mystère 
de  Sainte  Barbe,  1887  ;  Rev.  Celt.,  III,  228.  De  aparchent  il 
appartient,  il  convient  on  a  tiré  apparchentaff  convenir,  comme 
en  vannetais  fautout  falloir  de  faut  il  faut,  etc.,  Rev.  Celt.,  XI, 
468,  469  ;  de  apparchant  vient  le  mod.  aparchanla,  aparchan- 
toiit  appartenir  Gr.,  van.  apparchantein  l'A.,  cf.  Gloss.  479, 
480;  Notes  d'étym.  53  (n°  35). 

7.  Un  autre  nom  des  Grecs  employé  par  Le  Gonidec 
(Daniel  VIII,  21  ;  XI,  2  ;  i'^''  livre  des  Machab.  I,  ir)  est  ar 
C'hrésied.  Il  Ta  sans  doute  modolé  sur  ar  Bersied  les  Perses,  ar 
Vêdied  les  Mèdes  (I  Mac.  I,    i);  ar  Vedied,  ar  Bersied  Dan. 


184  ^-    Ernault. 

VIII,  19,  etc.  M.  Le  Coat  écrit  ûr  Meded,  ar  Persed,  ce  qui  est 
plus  conforme  aux  habitudes  bretonnes  ;  cf.  nr  ChaJdced  les 
Chaldécns  Le  Gon.,  Dan.  IX,  i  ;  GalileedG-àWlétn?,,  Act.  II, 
7  (trad.  de  185 1),  etc.  Ce  dernier  texte  porte,  II,  9:  ar 
Mediaiied  les  Mèdes  ;  Le  Gon.  ar  Meded,  M.  Le  Coat  Meded; 
le  Test,  tieve,  Medef. 

8.  Le  P.  Grég.  donne  g recini  et  gregaich,  van.  gregach  le  grec, 
ar  grecim  le  grec,  la  langue  grecque,  ê  grecirn,  ê  gregaich  en 
grec,  gregaich  eo  c'est  du  grec,  parlant  grecim  ou  gregaich  par- 
ler grec,  grecima,  gregaichi,  van.  gregageih  id.  Le  premier 
dictionnaire  de  Troude  n'a  que  grékim  m.  le  grec,  la  langue 
grecque  (le  k  est  une  faute,  non  relevée  aux  errata).  Son 
second  dictionnaire  porte  :  ar  gresim,  ar  gregach  m.  ;  le  troi- 
sième gregach  m.,  a  on  dit  aussi  gregaich,  gregech  »  ;  gresim 
m.  ;  gregach i,  gregaichi,  gregechi,  van.  gregajein  parler  grec.  Le 
Gonidec  a,  dans  son  dict.  franc. -bret.,  ar  grésiiii,  ar  gregach; 
H.  de  la  Villemarqué  a  ajouté  dans  la  seconde  édition  de 
l'autre  dict.  gregach  (faute  d'impression),  grésiin  et  gregach. 
M.  du  Rusquec,  dans  son  dict.  franc. -breton  (1884)  donne 
gregach;  dans  la  contre-partie  (1895)  gregach,  gresim,  et  le 
verbe  gregachi. 

Le  Gon.  emploie  li::;érenmvt  Gregach  des  lettres  grecques, 
saint  Luc  XXIII,  38  ;  c'  Gregach  en  grec,  saint  Jean  XIX,  20  ; 
Apoc.  IX,  II  ;  a r  gregach  le  grec  Act.  XXI,  37. 

Ce  suffixe  vient  du  (ranç.-age  (cf.  Notes  d'élym.  bret.  7-14, 
n°  5).  Je  n'en  trouve  d'emploi  analogue,  en  bret.  moyen,  que 
dans  le  terme  général  langaig,  langag,  langaige  langage,  paroles, 
mod.  langaich  pi.  on,  van.  langach  pi.  laiigagëii  langue,  langage 
particulier  d'un  pays,  al  langaich  le  français  Gr.,  à  Saint-Clet 
al  lafigach  id.  Gloss.  351. 

On  peut  ajouter  plusieurs  noms  modernes  désignant  un 
jargon  ou  un  argot  :  luhaich,  Inchach,  proprement  «  vernis, 
faux  brillant  »  (et  non  «  langage  absurde,  de  /V~  et  ///, 
comme  Troude  l'expliquait  en  1842),  voir  Rev.  Celt.  XV, 
363  ;  XVI,  225  ;  XXVI,  327,  d'où  liihaichi  jargonner,  luhai- 
cha  baragouiner;  van.  cranouage,  de  craori  truand  (^Rev.  Celt. 
XIV,  284;  XVI,  234);  et  gregaich,  gregach  lui-même, 
comme  on  le  verra  plus  loin  (§  10). 


Mélanges  bretons  de  grammaire  et  d'étyinologie.  185 

Le  P.  Grégoire  a  le  même  suffixe  dans  latinaich  latinisme, 
expression  latine;  goasqonnaich  gasconisme,  fliçon  de  parler 
gasconne  ;  il  donne  aussi  al  latinaich  la  latinité  (de  même 
latinage,  m.  pi.  en  l'A.);  latinaich,  al  latin  le  latin  ;  «  il  parle 
gascon,  ou  le  gasconisme,  à  charmer.  Un  ebad-Doiie  eo  e  glévet  0 
parlant  goasqoi'inaich^-).  Cf.  cristenyaich  christianisme,  paganaich, 
payanaich,  payjfaich  (voir  Gloss.  455),  paganisme  ;  hugunodaich 
pi.  on  hérésie,  huguenotisme,  parpailhodaich  \à..,  etc.  Grég. 
donne  aussi  cristenye:;^,  van.  cricbeneh  chrétienté;  c'était  en 
moy.  hret.  cristene^.  Sur  l'échange  du  celtique  -ae::;^  et  du  fran- 
çais -âge,  voir  Gloss.  520,  521.  Evans  traduit  «  hellenism  » 
en  gallois  grocgiaeth,  gryiciaelh. 

Comme  noms  de  langues,  le  P.  Grégoire  a  :  al  langaich 
hebre,  an  ebre,  an  Hebraich,  an  hebraich  l'hébreu  {hébrach  Le 
Gon.,  Dict.  franc. -bret.  ;  saint  Luc,  XXIII,  38,  etc.);  caldeaich 
la  langue  chaldaïque;  tndaich,  tentaich  et  langaich  teut  l'alle- 
mand, le  tudesque,  le  teuton  ;  flarnancqaich  le  flamand  ;  le 
hollandais  ;  l'allemand,  le  teuton  (du  v.  franc.  Flanienc,  cf. 
Rev.  Celt.,  XIX,  328);  spaignolaich  V espagnol,  italyanaich,  ita- 
lyahnaich  l'italien,  arabaich  l'arabe,  turcqaich  le  turc,  islantraich 
l'irlandais  (voir  Gloss.  340,  341  ;  L'épenthése  des  liquides  en 
breton  43,  §  55)  ;  basqaich,  ar  onasqaich  et  ar  Basnecg,  ar  Bas- 
necq  le  basque  (pour  *  basq-necg,  cf.  Mémoires  de  la  Société  de 
de  linguistique,  XI,  116,  avec  la  finale  de  sausnecg')  ;  langaich 
sauT^  (mal  imprimé  longaiclj),  sausnecg,  sausniecg,  sau^nec,  sau^r 
niec  et  sau::jnegaich  l'anglais. 

La  plus  ancienne  forme  attestée  de  ce  dernier  est  sausnec 
(P.  Maunoir).  D.  Le  Pelletier  donne  :  «  Saôsnec,  Langue 
Angloise  :  on  prononce  Saônec,  ou  Saiinec  de  deux  syll.  et 
c'est  pour  Saôsonnec  ».  Le  manuscrit  dit  de  Roussel  porte  : 
«  saosniec,  chaosniec.  Langue  anglaise^  Langlais  »  ;  Le  Gonidec 
en  1821  :  sao~nek  m.,  «  quelques-uns  prononcent  sao^oneh  ». 
Cette  mention  pourrait  bien  avoir  été  suggérée  par  l'explication 
théorique  de  Le  Pel.,  bien  que  Troude  déclare,  dans  son  troi- 
sième dictionnaire,  qu' «  on  dit  parfois  sao:^onek  )K  Milin  a 
ajouté  cette  note  manuscrite  :  «  et  au  H(aut)  Léon  toujours 
saoxjnek.  »  M.  du  Rusquec  Nouveau  dict.  (bret.-tr.),  Paris, 
1895,  donne  sao':^  mek,  sûo:^  nek  et  sao:^onek  ;  son  Dict.  franc.- 


i8é  R.  Eniaiilt. 

hirt.,  Morlaix  1883,  ne  donnait  que  safl:{nit'k,  sno~-iiiek.  En 
haut  Tréguier,  le  cumul  des  suffixes  -ek  et  -arb  n'a  pas  lieu  : 
on  dit  ::^ô:^nûch,  cf.  Gloss.  599. 

9.  En  dehors  de  gregaichi,  gre^ageih,  grecima,  le  P.  Grégoire 
a  les  dérivés  suivants  de  noms  de  langues  :  latinat,  participe 
latinet  parler  latin  ;  latiniser,  faire  parade  de  son  latin  ;  inter- 
préter, avec  la  remarque  :  «  ce  mot  est  ancien  »  (Jatinait 
part,  -uétt  latiniser  l'A.)  ;  latiner  (celui  qui  sait  le  latin,  qui 
parle  latin,  sens  employés  dans  des  exemples);  pi.  -néryen  lati- 
neur,  espèce  de  pédant  qui  ne  parle  presque  que  latin  ;  pi. 
-nèryen  interpète,  trucheman  (Jatinérr,  pi.  -nerion  latineur 
l'A.);  gaUegat  part,  -guet  parler  français.  On  peut  ajouter 
paierai,  van.  patereih,  part,  et,  dire  des  patenôtres. 

Le  Gonidec  donne  galléga  «  et  par  abus  »  gallégat  parler 
français,  gaJléger  pi.  ien  celui  qui  parle  .le  français.  H.  de  la 
Villemarqué  ajoute  gaUègach  m.  pi,  ou  gallicisme,  façons  de 
parler  de  la  langue  française  indûment  transportées  dans  une 
autre  langue;  gallégachat  v.  a.  franciser,  donner  une  terminai- 
son, une  tournure  française  ;  o^flf//('/^/~  f.  pi. -/5/0M  gallicisme, 
construction  propre  à  la  langue  française,  contraire  aux  lois 
ordinaires  de  la  grammaire,  mais  autorisée  par  l'usage.  H.  de 
la  Villemarqué  a  introduit  aussi  ces  trois  mots  dans  le  dict. 
franc. -breton  avec  la  même  distinction  entre  gaUegach  (écrit 
ainsi)  et  gaUégi:{.  Ce  dernier  est  une  imitation  savante  de  o^^///- 
cisme,  d'après  le  rapport  de  catéchisme  à  katéhi:{  ;  mais  celui-ci 
est  masculin. 

Le  Gon.  a  ç.ncore  saoïnéga  parler  anglais  ;  M.  de  Rusquec 
sao:{inekat,  puis  saoz^  méga,  sao:^  nega. 

Cf.  gallegit  pe  T^aosmegit  parler  français  ou  anglais,  Lescour, 
Teleun  Giueugam,  1869,  p.  337,  etc. 

10.  Le  P.  Grégoire  a  aussi  gregaich,  van.  gregach  «  Jargon, 
langage  factice,  ou  langage  particulier,  comme  l'Argot,  etc.  »  ; 
van.  gregach  baragouin,  langage  qu'on  n'entend  pas  bien  ; 
gregaichi  jargonner,  van.  gregageih  jargonner,  baragouiner  ; 
Châl.  ^régage  jargon,  baragouin,  grégagein  jargonner,  bara- 
gouiner ;  Châl.  ms  gregag'  baragouin  ;  grégagein  baragouiner  ; 
jargonner;  l'A.  grigage,  gregage  m.  jargon;  argot  des  men- 
diants; havagouin  ;  grigage  crouaiiouélt  narquois,  argot,  jargon 


Mélanges  hreions  de  granininirc  et  d'élymologie.  187 

des  gueux;  gregageiii  jargon ner,  grigageiu  baragouiner  ;  Troude 
gregach,  gregaich,  gregech  m.  jargon,  baragouin,  argot  ;  grega- 
chi,  gregaichi  parler  le  jargon,  baragouiner  (et  gregecbi,  van, 
gregajein). 

Faut-il  identifier  ces  mots  à  ceux  qui  signifient  grec,  parler 
grec?  C'était  l'opinion  de  Troude,  adoptée  Rev.  Celf.  IV,  170, 
etc.  Schwob  a  voulu  séparer  le  fi'ançais  grec  aigrefin,  qui  serait 
d'origine  argotique,  du  nom  de  peuple,  cf.  Rev.  Celt.  XV,  363, 
364;  c'est  une  question  sensiblement  distincte,  le  mot  ne 
désignant  point  une  langue  de  convention'.  Pour  l'identifica- 
tion des  deux  gregach,  on  peut  faire  valoir  les  passages  suivants 
du  P.  Grégoire  : 

«  Passez,  c'est  du  grec  ;  et  en  latin  :  transeat,  grscum  est  ; 
ou  bien  grascum  est,  non  legitur.  Ijt  é-hyou,  gregaich  eo.  treme- 
nit  dreist  ar  grecim-ie,  pehiriy  na  cntcntiî  qet...  »  (passez  ce  grec, 
que  vous  ne  comprenez  pas). 

«  C'est  de  l'hébreu  pour  moi,  je  n'y  entend  rien...  gregaich 
eo  evidonn-nie.  hebraich  pur  eo.  » 

A  l'article  de  Troude  «  gregachi,  gregaichi...  parler  le  jargon, 
baragouiner  »,  Milin  a  noté  :  «  dans  ce  dernier  sens,  on  dit 
aussi  saosniega  ».  L'anglais  sert  donc  aussi,  en  Léon,  de  type 
d'un  langage  inintelligible  ;  cf.  le  trécrois  zau:^an,  cornouaillais 
':^au:^eiu  bégayer,  tréc.  :{aii:^er  et  simplement  :^au::^  (Anglais), 
bègue,  Rev.  Celt.  IV,  170;  Gloss.  599. 

Cf.  cet  article  de  Slang.  A  dictionary  of  the  turf,  the  ring,  the 
chase,  the  pit,  of  bon-ton...  By  Jon  Bee,  Esq.  Londres  1823, 
p.  91  :  «  Greek  —  Irishmen  call  themselves  Greeks  —  none 
else  follow  the  same  track  to  the  east  ;  throughout  this  land, 
many  unruly  districts  are  termed  Grecian.  'It's  ail  greek  to  me', 
says  one  who  cannot  well  comprehend  what  is  said.  »  Le 
dictionnaire  de  Murray  dit  aussi  que  dans  le  slang,  Grecian 
désigne  un  Irlandais. 

Une  autre  expression  anglaise  de  ce  genre  est  «  le  grec  de 
Saint-Gilles  »  (paroisse  de  Londres),  pour  signifier  l'argot. 

I.  Un  sens  voisin  de  «  aigrefin  »,  mais  sans  nuance  de  mépris,  est 
signalé  par  Leroux,  Dictionnaire  comique  (nouv.  éd.  1786)  :  être  grec,  être 
habile,  rusé,  entendu,  expérimenté;  n  être  pas  grand  grec,  être  ignorant,  ou 
peu  industrieux.  Selon  M.  Sainéan,  Ztsclir.  f.  roni.  Phitot.,  XXX,  311,  312, 
le  sens  primitif  est  «  crochet  <>  ;  de  là  "  avare  »  (en  normand  et  en  wallon, 
déjà  dans  Cotgrave),  puis  (en  argot,  au  xviii<=  siècle)  »  filou,  tricheur  ». 


i88  E.  Rniaidl. 

Cela  rappelle  le  passnge  de  Ver-Vert  où  Grcsset  nous  montre 
le  perroquet  au  couvent  de  Nantes 

Jurant,  sacrant  d'une  voix  dissolue... 
Les  B.,  les  F.  voltigeaient  sur  son  bec. 
Les  jeunes  sœurs  crurent  qu'il  parlait  grec. 

Le  poème  breton  de  Le  Bail  en  l'honneur  d'un  geai,  Meuli- 
digiie:^  qegnin  -caé'r  aire  Saiit-Yan-ar-Bis...  E  Montroule^,  E 
ty  A.  Léd an,  dit  (p.  8)  que  cet  oiseau  savait  cinq  langues', 
lefrançais,  le  breton,  le  latin,  l'anglais  {ar  xpsnec^,  pour  lesquels 
il  avait  eu  différents  maîtres,  et  le  grec  :  Ar  gregach  voa,  me 
gred,  he  langach  naturel  (le  grec  était,  je  crois,  sa  langue  natu- 
relle). Cf.  gregache  ar  biked  les  pies  caquetaient,  Bar^^a^  Brei\ 
237  (en  cornouaillais). 

II.  Il  y  a  eu  là  association  de  gregach  avec  un  autre  mot  : 
gragachat  dégoiser,  parler  plus  qu'il  ne  faut  et  avec  volubilité 
H.  de  la  Villemarqué  (Dict.  bret.-fr.  de  Le  Gon.,  2"  éd.); 
gragachat  crier  comme  font  les  pies  Troude,  2*-'  dict.  (le  3*^  a, 
sans  doute  par  erreur,  gragachat,  part,  gragachet,  p.  250, 
696)  ;  gragachat  piailler,  parlant  de  femiues  assemblées, 
J.  Moal,  Supplément..,  au  Dictionnaire...  français-breton  du 
Colonel  A.  Troude,  Landerneau  1890;  gragachat  crier,  dégoiser 
du  Rusq.  (qui  rapproche  à  tort  g rac  h  vieille  femme). 

Gragachat  tient  à  un  radical  imitatif  qui  a  donné  par  ail- 
leurs :  moy.  bret.  gragaillat  «  gargarir,  1.  garrire  »  (et  gru- 
guillat,k  un  renvoi,  ce  qui  doitêtreune  inadvertance);  —  mod. 
gragailhat  crier  comme  une  pie  ;  piailler  comme  font  ordinai- 
rement les  femmes,  gragailhére:^  piaillerie,  crierie  importune, 
gragailherès  pi.  -eresed  piailleuse  Grég.,  gragala  (/  mouillé) 
crier  comme  une  pie,  comme  un  geai  Le  Gon.,  piailler  Trd 
(i^'  dict.),  gragaillat  crier  comme  font  les  pies  (2^  dict.), 
caqueter  comme  les  oiseaux,  piailler  (3^  dict.);  «  coqueter  >>, 
lisez  «   caqueter  »  du  R.  (2"^  dict.)  ;  —  graguellatt  caqueter 


I.  Bien  supérieur  à  Ver-Vert  (p.  12),  il  ne  savait  pas  jurer  (p.  9),  mais 
il  avait  entendu  dès  son  enfance  le  jargon  (jargon)  des  hommes  et  des 
femmes  qui  s'injurient,  et  l'imitait  parfaitement,  de  même  que  les  diffé- 
rents cris  des  animaux.  Une  des  injures  féminines  rapportées  à  cette  occa- 
sion est  goast-Iangaclj  celle  qui  perd,  qui  prodigue  en  vain  ses  paroles  ;  cf. 
p.  10,  I}ep  goasta  qeii  taugacti  (sans  perdre  temps  en  discours  superflus). 


Mélanges  bretons  de  grammaire  et  d'étymologie.  189 

comme  les  poules  l'A.  ;  —  graka,  et  «  par  abus  »  grakal 
«  faire  du  bruit,  comme  les  poules,  après  avoir  fait  leurs 
œufs  ;..,  caqueter,  babiller....  Plusieurs  prononcent  raka  et 
rakal  »  ;  grakcre:^,  rakérei  m.  bruit  que  font  les  poules  après 
avoir  pondu;  caquet,  babil  Gon.,  grakcrei  m.  caquet,  graka 
babiller,  caqueter;  crier  comme  la  poule  Trd,  i'"'  dict.  ;  gra- 
ka] id.  2^  dict.,  crier  comme  font  les  poules  qui  pondent, 
bavarder,  caqueter,  babiller,  y  dict.  ;  Milin  ms  ajoute  :  «  et 
krakal  »  et  a  un  autre  article  «  kraka  faire  du  bruit  comme  les 
poules  avant  et  après  avoir  pondu  »  ;  —  raclai  caqueter 
comme  les  poules  dès  qu'il  fait  jour  Gr.,  raklat  caqueter, 
crier  comme  font  les  poules  Trd,  2"-'  et  3"  dict. 

On  peut  comparer  le  lat.  gracillare  caqueter  comme  la 
poule,  graciihis,  geai,  etc.  ;  gragaillat  a  la  terminaison  française 
de  piailler,  comme  l'a  remarqué  V.  Henry. 

Le  suffixe  de  gragachat  paraît  dû  à  ragach  m.  babil  de 
femmes  rassemblées,  ragachat  babiller  comme  font  les  femmes 
assemblées  Trd,  y  dict.  ;  ragachi  injurier  en  Cornou- 
aille,  2^  dict.  (sans  indication  de  dialecte  au  3''  dict.); 
ragach  babil  de  femmes  réunies  en  troupe  ;  s'applique  aux  geais 
et  aux  pies  ;  impudence,  effronterie,  sottise,  injure,  dévergon- 
dage, babillage,  caquetage,  ragachi  dire  des  injures,  des  sottises, 
des  balourdises  Mil.  ms  ;  ragach  piaillerie,  ragachat  piailler, 
parlant  des  femmes  assemblées  J.  Moal  ;  dans  Meulidigue:( 
qeguin,  p.  9,  ragacherei  terme  d'injure  à  une  femme. 

Grég.  naragaich  pi.  o«  qu'au  sens  de  regrat,  marchandise  de 
peu  de  valeur,  racaich  pi.  ou  id.,  ragaicha,  ragata,  van.  ragatcin, 
regateih  «  regrater,  vendre  de  petites  denrées...,  pour  y  gagner  sa 
petite  vie  »,  ragachére:{p\.  -ere^ou,  ragatére:(p\. ou,  van.  regatereah, 
ragatereh  regraterie,  ragachèr  pi.  -éryen,  ragatêrpl.  yen,  van.  raga- 
tour,  regatér  pluriels  -teryon  regratier,  fém.  ragacherès  pi.  -eresed, 
ragaterès  pi.  ed,  van.  ragatourès  pi.  ed -,  chez  Maun.  ragachèr 
revendeur,  etc.  J'ai  regardé  ces  mots,  Gloss.  '^66,  comme  ayant 
perdu  un  r  par  dissimilation  ;  mais  ce  second  r  a  été,  au  con- 
traire, ajouté  en  français  par  une  étymologie  populaire  d'après 
l'idée  de  re-gratter  (cf.  «  tondre  sur  un  œuf  »).  Le  provençal 
a  rigatié,Vitz[ïeïï  rigattiere,  Ves\>a.gno\ regatero  regrattier, frippier, 
revendeur,  etc.,  ce  que  M.  Sainéan  (^La  créât iivi  métaphorique  • 


190  E.  Ernault. 

en  fronçais  et  en  roman,  Halle  a.  d.  S.  1905,  p.  39,  cf.  37) 
explique  par  un  composé  du  mot  chat.  Je  ne  crois  pas  qu'on 
soit  passé  en  breton  de  l'idée  de  regrat  à  celle  de  babillage  :  les 
deux  ragach  sont  à.  séparer.  Celui  qui  tient  à  regrat  est  le  seul 
qui  ait  des  variantes  avec  /;  ragacher  vient  de  *regatier,  ci. 
aparchent,  §  6  '. 

On  peut  comparer  à  l'autre  ragach  le  mot  racqaich,  rogaich, 
reugaich  coassement,  cri  des  grenouilles,  de  rocqat,  roga, 
roëga  coasser  Gr.,  cf.  graka,  grakal,  et  raka,  rakal  coasser,  graké- 
re:{,  rakére^  m.  coassement  Gon.,  raka, graka,  roga  coasser, graké- 
re^m.  coassement  Trd,  i^""  dict.  ;  grakal,  rakat  «  anciens  infini- 
tifs, graka,  raka  »  coasser,  grakere^  coassement  2^  dict..  grakal, 
rakal,  rakat  coasser,  3^^  dict.,  ragach  m.  coassement  de  gre- 
nouilles, ragachi  coasser  comme  des  grenouilles  Mil.  ms. 

12.  L'indication  du  Catholicon  :  «  grecini  grecisme,  cest 
ung  libure,  1.  grecismus  «  s'applique  à  un  ouvrage  d'Ebrard 
de  Béthune,  auteur  qu'on  place  au  xii^-xiii''  siècle,  et  à  qui 
la  Grande  Encyclopédie  consacre  deux  articles  divergents  (à 
Ebrard  et  Everard).  L'un  dit  que  cet  ouvrage,  qui  «  fut  d'un 
usage  constant  dans  les  écoles  du  moyen  âge  jusqu'au  début 
du  xvr'  siècle  »,  a  dû  être  imprimé  d'abord  à  Paris  en  1487  ; 
l'autre,  qu'il  le  fut  à  Lyon  en  1483.  Ce  second  article  l'appelle 
une  «  sorte  de  grammaire  grecque  versifiée  »  ;  c'est  une  erreur 
dans  laquelle  n'est  pas  tombé  Larousse.  Cf.  aussi  la  Nouvelle 
biographie  générale...  sous  la  direction  de  M.  le  D'  Hoefer,  Didot 
1858,  qui  cite  cette  observation  de  Daunou  (^Histoire  littéraire 
de  la  France,  t.  XVII)  :  «  Le  titre  de  Grœcisnius,  le  surnom 
de  Gréciste...  donné  à  Evrard...  pourraient  faire  croire  qu'il 
s'agit  ici  d'une  grammaire  grecque  :  ce  n'est  réellement  qu'un 
traité  de  la  langue  latine,  mais  de  cette  langue  considérée  quel- 
quefois dans  ses  rapports  avec  celle  dont  elle  a  emprunté  plu- 
sieurs éléments  et  plusieurs  formes.  »  La  Nouvelle  biographie 
de   1858  dit  que  «  toutes  les  éditions  donnent  avec  l'ouvrage 

I .  On  ne  voit  pas  de  semblable  raison  phonétique  à  l'alternance  de  tie- 
lalel  et  Irelaclk't  frénétique,  etc.,  Notes  d\'lyiii.  10,  11,  13  (n»  5,  §9,  16). 
Quant  à  l'analogie,  on  peut  pe'  ser  au  franc,  de  sens  voisin  rahdclhr  à 
côté  du  haut  breton  rabater  (d'où  l'expression  de  Siint-Brieuc  rahciter 
sa  pw  tel'),  mais  ce  second  mot  seul  paraît  représenté  en  bas-breton,  dans 
rabadyei  babiole  Gr.,  aralmdiei  Pel.,  etc.,  Closs.  35. 


Mélanges  bretons  de  grammaire  et  d'étymologie.  191 

d'Eberhard  un  commentaire  fort  obscur  de  maître  Jean- Vin- 
cent Métulin,  grammairien  du  quinzième  siècle  et  professeur 
en  l'université  de  Poitiers.  » 

Le  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  F  Ouest,  2^  trimestre 
de  1847,  P-  4i"465  contient  une  «  Notice  sur  les  Ajinotalions 
de  Jean- Vincent  de  Melle,  professeur  de  l'Université  de  Poi- 
tiers, à  un  ouvrage  de  grammaire  intitulé  Grecismus  »,  par 
M.  Lecointre-Dupont.  C'est  la  description  de  l'exemplaire  qui 
est  actuellement  à  la  Bibliothèque  municipale  de  Poitiers.  Il 
commence  ainsi  :  «  Johannis  vincencij  metulini  aquitanici 
additionibus  ad  grecismi  postillam  prefacio  féliciter  incipit  »  ; 
voici  la  fin  :  «  Uiri  literaram  doctissimi  magistri  Ebrardi  bitu- 
niensis  grecismi  liber  féliciter  explicit,  Una  cum  glosa  magis- 
tri Johannis  vincentij  metulini  in  florente  ac  fructifera  pic- 
tauensi  vniuersitate  regentis.  » 

L'auteur  et  son  commentateur  sont  parfois  de  singuliers 
guides.  Témoin  ce  «  vers  »  du  1"  chapitre  : 

Prothesis  apponit  caput  :  auferesis^»?  rescidit 

dont  la  glose  ne  manque  pas  d'enseigner  que  le  nom  de  cette 
figure  (l'aphérèse)  est  tiré  ab  auferendo  ! 

Cela  n'a  pas  empêché  l'ouvrage  d'avoir  un  long  succès. 

Dans  son  Lexique  roman  ou  dictionnaire  de  la  langue  des  trou- 
badours, Paris  1844,  Raynouard  explique  gressime  «  grécisme, 
figure  de  rhétorique  »  ;  mais  le  seul  exemple  qu'il  en  donne 
(tiré  des  Leys  d'amors'),  Gressiiiies  pau^a  aquesta  figura  en  tra- 
duisant «  Le  grécisme  pose  cette  figure  »  ne  peut  être  qu'une 
citation  du  Grecismus  d'Ebrard.  Honnorat,  Dictionnaire  proven- 
çal-français, Digne  1846,  traduit  aussi  gressime  «  grécisme, 
figure  de  rhétorique  »,  sans  justifier  ce  sens.  M.  Mistral  n'a 
pas  le  mot. 

Littré  donne  grécisme  comme  un  synonyme  très  peu  usité 
d'hellénisme  ;  en  anglais  grxcism  est  défini  par  Murray  «  an 
idiom,  or  a  grammatical  or  orthographical  feature  belonging 
to  the  Greek  language;  esp.  asused  by  a  speaker  or  writer  in 
another  language  »  ;  et  encore  «  the  spirit  or  style  characte- 
ristic  of  the  Greeks...  ;  adoption  or  imitation  of  thèse...  », 
Ceci  ne  tient  pas  nécessairement  au  livre  d'Ebrard. 

Il  en   est  autrement  du  breton   moderne   gresim   le  grec. 


192  E.  Eriiaull. 

d'où  gresiina  parler  grec  :  c'est  une  conséquence  de  l'usage 
scolaire  de  l'ancien  grccim,  livre  enseignant  en  latin  quelques 
bribes  de  grec. 

13.  Au  point  de  vue  de  la  forme,  k^rccim,  grcsim,  et  le  prov. 
gressimes  s'accordent  dans  la  suppression  de  l'-s-  devant  w. 
D'après  Diez,  Grammaire  des  langues  romanes,  t.  II,  p.  359  de 
la  trad.,  «  le  français  conserve  sni  intact,  comme  àzns  fana- 
tisme, germanisme,  solécisme  et  non  pas  fanatîme,  etc.  »  Mais 
ce  sont  là  des  mots  savants  dont  le  peuple  a  rarement  l'occa- 
sion de  se  servir. 

Didot,  Observations  snr  l'orthographe,  2^  éd.  Paris,  i8é8, 
p.  228,  regarde  les  mots  entonsiame,  catéchîme  écrits  par  les 
Précieuses  en  1661,  comme  constatant  «  une  prononciation 
exceptionnelle  alors,  et  restreinte  peut-être  au  cercle  des  Pré- 
tienses  »  ;  ce  qui  est  contestable.  Le  premier  mot  est  imprimé 
dans  leur  liste  entonsiasme,  réformé  en  entousiâme  ;  l'autre 
catéchisme,  réformé  en  catéchîme,  p.  229.  La  réimpression  du 
Dictionnaire  des  Précieuses  de  Somaize  par  Ch.-L.  Livet,  Paris 
1856,  I,  182  porte  entousiâme,  catéchisme  ti  catéchîme.  Le  Com- 
plément  de  Godefroy  donne  une  ancienne  forme  catheiime  ; 
Littré  cite  catéchîme  à  Genève,  M.  Mistral  catéchîme  (Rhône), 
catacime  (Rouergue).  Le  breton  vannerais  dit  catechim,  voir 
Gloss.  ICI  ;  l'A.  donne  catechimein  catéchiser,  catechimour  caté- 
chiste, é  Galechime  son  catéchisme.  La  forme  des  autres  dia- 
lectes, catecis  Gr.,  katéhî:^  Gon.,  cornouaillais  kateM^,  Bar^. 
Br.  331,  présente  une  réduction  inverse  de  sm  à  s,  qui  a  lieu 
aussi  dans  le  haut  breton  catéjîsse,  peut-être  sous  l'influence  de 
catéchiser  ?  Une  variante  française  sophime  pour  sophisme  est 
attestée  en  1531  (Thurot,  II,  326);  on  trouve  soffime  et 
sofisme  au  xiii^  siècle  (Littré),  soffime  au  xii*-'  {Dict.  général), 
etc. 

Quant  à  entousiâme,  on  peut  comparer  spame  pour  spasme, 
et  surtout  cataplâme,  Thurot  ilnd.  Littré  dit  qu'on  entend  cette 
dernière  prononciation,  qu'il  signale  aussi  comme  genevoise. 
M.  Mistral  donne  cataplâme  (Narbonne),  cataplàuius,  etc. 
cataplasme  et  soufflet  bien  appliqué.  L'A.  n'a  en  français  que 
cataplâme,  qu'il  traduit  en  van.  cat aplani.  Cf.  kataflam  bouillie 
dans  l'argot   trécorois  de  La  Roche-Derrien,  Rev.  Cclt.   XV, 

359- 


Mélanges  bretons  de  grain  maire  et  d'étymologie.  193 

14.  Le  Nomciiclator  de  1633  donne,  p.  64  :  «  vin  rude, 
degouteux  :  guin  griT^yas,  ha  degoutet  »  ;  Le  P.  Grég.  :  gri^ye^, 
gryei  (péché)  énorme,  grief,  gryeider,  gryeided  énormité,  gran- 
deur, excès;  gri~ya:(,  gri:(ye~  «  grieche,  ou  griche,  qui  est 
rude,  piquant,  importun  »,  liiiad  gri:^yai  ortie  grièche,  picq 
griiyai  pie-grièche  ;  gri^yei,  gryc^  grief,  douloureux,  dange- 
reux ;  (maladie)  griève,  (les  peines)  grièves  (de  l'enfer),  gri- 
lye^ded  grièveté,  énormité,  grandeur  ;  D.  Le  Pell.  :  «  Grisias, 
Fervent,  ardent,  bouillant.  M.  Roussel  m'a  donné  ce  mot  et 
sa  signification  »  ;  Roussel  ms  :  «  grisias,  grifias,  bouillant, 
ardent  »  ;  Le  Gon.  :  grisia^,  grisie:{  (en  2  syllabes)  ardent, 
brûlant,  fervent  ;  grave,  important,  énorme,  excessif,  atroce, 
violent,  véhément,  grief;  (fièvre)  ardente  ;  (faute)  énorme; 
(ortie)  grièche,  (pie)  grièche  ;  gri:(_iai  id.;  grisiaided,  grisie:^ded 
m.  gravité,  grièveté,  énormité;  H.  de  la  Villemarqué  au  dict. 
bret.-fr.  de  Le  Gon.  :  (Grisia:^  ou  grisie:(),  «  hors  de  Léon, 
gria:^  ou  grie:{  »  ;  Troude  :  grisia^,  grisie:{,  ardent,  violent,  ter- 
sien  chrisiai  fièvre  ardente  {V'  dict.)  ;  grisia::^,  grisic:^,  gri^ia- 
id.,  tersienn  grisia^  (avec  citation  du  P.  Grég.,  ce  qui  est  ine- 
xact :  c'est  Le  Gonidec  qui  avait  eunn  dcrsien  chrisiai), 
2"  dict.  ;  grisiai,  grisie^,  gri^ia-  brûlant,  grave,  important, 
excessif,  3^  dict.  ;  Mil.  iiis  :  «  grisie:^a  v.  n.  devenir,  rendre 
ardent,  brûlant,  vif,  emporté;  violent  véhément  »;  M.  du 
Rusquec  :  grièche,  rude,  gri^ieh  (lisez  gri:{ie^)  ;  grief,  fâcheux, 
o^nV/V;(;  violent,  grisie:^;  puis  gri::^ia^,  gri~ie:;  violent,  excessif, 
grisie::^  id.  On  trouve  par  ailleurs  gri^yas,  griç:{ias,  griç^ie~; 
griches  (rime  as),  et  en  van.  ///  hun  griiiés  é  c'est  un  animal 
indécrottable,  Châl.  iiis  ;  voir  Gloss.  704,  705. 

Pel.  dit  que  grisias  peut  être  pour  giurisias  ou  giuresias,  qui 
serait  composé  des  mots  gallois  givrés  chaleur,  jâs  ébullition. 
M.  d'Arbois  de  Ju  bain  ville.  Études  grammaticales  sur  les  langues 
celtiques,  I,  98  *,  voyait  aussi  dans  la  première  syllabe  de  o-;-/- 
;(m(~)  le  breton  _^^;w;i'- chaleur.  J'ai  objecté,  Gloss.  705,  qu'on 
devrait  avoir  des  variantes  commençant  par  groui-,  et  que  la 
terminaison  resterait  inexpliquée.  L'adjectif  tiré  de  grouei  est 
régulièrement  o'm'^//^  chaud,  qui  a  de  la  chaleur  Pel.  (manque 
dans  R^'  ms,  qui  n'a  que  «  groe:^  chaleur  ardente  Corn.  »), 
grouéiu:^,  groé^u-  ardent,  extrêmement  chaud,  enflammé, 
inflammatoire,  fervent  Gon.,  etc.,  cf.  Gloss.  295. 

Revue  Celtique,  XXVIII.  ij 


194  ^-  l^niaiiH. 

H.  de  la  Villemarqué  (dict.  br.-fr.  de  Le  Gon.)  a  comparé 
l'irlandais  i;'r/rt;/  soleil,  qui,  tenant  à  la  racine  de  grone^,  donne 
lieu  aux  mêmes  objections. 

M.  du  Rusquec  a  pensé  au  v.  bret.  crit  tremblement,  qui 
me  semble  tout  différent,  bien  que  le  breton  fournisse  un 
curieux  intermédiaire,  peut-être  par  suite  d'une  association 
populaire  semblable  de  kridien  frisson  et  grisia:^  (fièvre) 
ardente.  Mil.  iiis  donne,  en  effet  :  «  Grisia  v.  n.  être  transi, 
pénétré  par  le  froid  ;  il  ne  se  dit  que  des  personnes.  Petra 
beunag  a  reaii,  atao  e  ve:(cn  grisiet  gant  ar  rion,  quelque  chose 
que  je  fisse,  j'étais  toujours  transi  de  froid.  Le  froid  marqué 
par  grisia  est  un  de  ces  froids  qui  donne  des  frissons  intérieurs 
et  présage  de  fièvre.  » 

Enfin  j'ai  tiré  grye^  du  v.  franc,  griefs,  ce  qui  en  ferait  une 
variante  du  moy.  bret.  gref  grief  (^Rev.  Celt.  XIV,  309),  puis 
griiye^  de  * gri{y)ei^,  comme ^;^}'o/  filleul  de  *fiyol,  etc.,  Gloss. 
704,  705.  Cette  explication  a  été  admise  par  V.  Henry.  Elle  part 
d'un  fait  exact  :  le  v.  franc,  a  eu  la  forme  grie~  pour  griefs, 
cf.  Thurot  II,  71.  Mais  cette  origine  possible  de  grie^  est  loin 
d'entraîner  celle  des  autres  formes  citées,  en  particulier  de 
la    plus  ancienne,  gri^yas. 

N'y  aurait-il  pas  là  l'ancien  nom  français  des  Grecs  ?  Pour 
le  sens,  remarquons  que  c'est  égalelement  l'origine  de  grièche, 
qui  est  rendu  en  breton  par  gri^ya:(.  Quant  à  la  forme  on  peut 
comparer  les  anciennes  prononciations  françaises  :  ///  griais, 
feu  greseis  (feu  grégeois)  ;  //  Gre:(eis,  greçois,  gre^^ois  les  Grecs  ;  a 
la  greseche  à  la  (mode)  grecque  ;  la  griece,  griache,  gryache  (la 
grecque),  sorte  de  jeu.  Grifias  et  gritiés  ont  ainsi  chance  de 
reproduire  un  type  voisin  des  anciens  Grifons  et  des  modernes 
grivois,  et  d'être  dérivés  de  grieu  plutôt  que  de  gref,  qui  a 
donné  régulièrement  en  bret.  moyen  grefus,  greuus  grief, 
moderne  grevas  Gr.,  etc.  Le  ch  de  griches  (ou  grichas,  d'après 
la  rime)  ne  répond  pas  à  celui  du  franc,  grièche,  gricheÇGvég.)  ; 
il  vient  de  -sy-,  comme  dans  Landivicho,  Landivisiau,  etc.  La 
répartition  dialectale  admise  par  H.  de  la  Villemarqué  entre 
gri:(ie^  et  grie:(^  indiquerait  que  le  premier  ;^  a  été  th  doux, 
mais  elle  n'est  point  établie  ;  et  la  forme  gria:;;^  peut  bien 
avoir  été  suggérée  par  cette  explication  arbitraire. 

(A  suivre.)  E.  Ernault. 


I 


MISCELLANEA    CELTICA 


I.    IR.  BRONNAID,    -BRIA 

If  the  instances  oî bronnaim  «  injure,  damage  »  in  the  Glossary 
totheBrehon  Laws,  p.  iio,  be  compared  witii  thosc  oï  bri  al  ha  r, 
ib.,  p.  107,  it  will  beseen  that  the  latter  is  manifestly  the  sub- 
junctive  of  the  former.  Cf.  also  cia  robria  «  though  he  break  », 
O'Davoren,  no.  300,  robrialhar,  ib.,  nos.  287,  314.  And  the 
two  forms  may  without  difficulty  be  brought  into  connexion 
with  one  another.  As  to  the  indicative  bronnaim,  it  would  deve- 
lope  regularly  from  a  nasal  présent  brûs-nâ-nii.  Now  in  the 
case  of  such  nasal  présents,  the  root  often  appears  in  astron- 
ger  form  in  the  subjunctive,  cf.  Thurneysen,  KZ.,  XXXI, 
18  sq.  If  the  normal  grade  of  the  root  were  *bhreus-.  The 
subjunctive  stem  would  then  be  *bhreusâ-,  but  that  would  not 
lead  as  to  Ir.  -bria.  If,  however,  we  postulate  as  the  root  not 
*brcus-  but  *bhrêus-  then  the  difficulties  disappear,  for  *bhrc'usâ- 
would  in  Irish  become  regularly  *  brhisâ-  >■  *  brrijâ-  ^  -bria. 
Cf.  /()  «  silent  »,  W.  taw^  <;  *tanos  ■<  *tansos. 

The  root  bhrlns-  appears  in  Celtic  in  the  foUowing  forms  : 

(fl)  bhrêus-  :  Ir- bria,  W.  briwaiu  «  to  break  ». 

(h)  bhrils-:  Ir.  brâW  «  bruises,  crushes  «.This  grade  is  pro- 
bably  to  be  found  also  in  W.  cyniniri  in  the  follow  ing  passages  : 

I.  As  to  final  Welsh  -flu'ami  -au  (earlier  -eu,  -oiQ,  after  which  a  syllable 
has  been  lost,  I  do  not  recollect  having  seen  a  definite  statement  of  the 
conditions  under  which  the  two  forms  respectively  develope.  The  rule 
appears  to  be  that  (a)  -an-  gives  -azu-  (b),  -on-  (which  ma\'  conie  from  an  ear- 
lier -en-)  gives  -au.  Further  examples  of  (a)  are  Lh'daiu  ■<  *  Litavi-  or  the 
like,  gognaiu  <  * ijognanos  (Loth,  Contrib.  a  la  Lexicographie,  etc.,  p.  13),  of 
(/')  nom.  pi.  -an  <C  *oijes,  tau  "  ihv  "  <  *  tono,  ciglen  «  he  heard  »  <  *kukloije, 
etc.  etc.  The  reason  for  the  différence  of  treatmtnt  is  that  0  is  nearer  in 
Sound  to  u  than  i(  is.  In  the  same  way  we  find  ludeiv,  hriu,  heddyiv,  lliw. 


196  /.  Slrachan. 

a  rcwinathrin  a  ihranc  cyinri,  Myv.  Arch -.  145^  10,  agwlad 
cymru  mor  gymri  146"  î6,a  chymri  a  chymriuyn  148"  2.  In  the 
last  instance  cymri  is  clearly  a  noun  with  the  approximate 
meaning  of  tt  grief»  or  «  affliction  ». 

(c)  bhrûs-  :  Ir.  bronnaiiii. 

For  cognâtes  outside  Celtic,  cf.  Stokes,  Urkelt.  Spr.,  187, 
Persson,  KZ.,  XXXIII,  292.  No  instances  arecited  of  a  form 
with  long  è  in  the  other  European  languages,  but  that  is  intel- 
ligible enough,  for  -eus-  would  be  regularly  shortened  to 
-eus-.  For  Celtic  Ir.  ))il,  W.  uiis,  from  *  i)iens-  proves  that  the 
change  of  ^  to  l  was  prior  to  such  shortening. 


2.    IR.    TLENAID,    -    TUA,    -TLETHAR 

The  simple  verb  appears  in  -iJethar,  O'  Davoren  no.  1529, 
and  the  verbal  noun  llcuanmin  no.  1553.  In  the  Laws  it  is 
found  in  a  number  of  compounds  e.  g.  do-tleii,  Laws  Gloss. 
p.  278,  verbal  noun  dithle  p.  2^-],  fo-tlen,  p.  413,  fo-da-ro- 
thla,  p.  626,  verbal  noun  fotbla,  p.  413,  tolbla,  p.  131. 

Atkinson  rightly  equates  Lat.  tollo,  but  he  does  not  fully 
explain  the  genesis  of  the  forms.  From  a  base  *  telâ-  would 
come  regularly  a  présent  indicative  *  tl-n-â-mi.  This  would 
give  in  Irish  tlenaim  (through  an  intermédiare  stage  *tlinàini 
ThurneyseniiTZ.,  XXXI,  87),  in  Latin  tollo,  with  transition  to 
the  thematic  inflexion  as  in  sisto  =  Gr.  'i^-y.\jx.  In  Irish  telà- 
would  hâve  been  the  normal  subjunctive  stem  ;  but  a  subjunc- 
tive  *  telâ-  to  an  indicative  tlenaid  would  hâve  been  isolated 
in  Irish;  *  telâ-  has  given  place  to  ^tlià-  under  the  influence  of 
*biâ-  :  benaid  *crià-  :  crenaid,  *gliû-  :  glenaid,  *liâ-  :  lenaid. 
This  explanation  has  already  been  applied  by  Atkinson  to  the 
verbal  noun  of  the  simple  verb  :  tlenainon  like  glenauion  and 
lenauion. 

3.    IR.    LAIGID,    DELLIG 

Ir.  dellig  «  haslaindown»  has  been  noted,  with  the  corres- 
ponding  subjunctive  -iellset,  O'Dav.  no.  694.  But  it  does  not 


M'hcellauea  Celtica.  197 

seem  to  hâve  been  observed  that  thèse  are  really  the  perfect 
forms  to  lalgid  «  lies  down  ».  The  formation  is  the  same  as 
in  -dessid  to  suidid  «  sits  »,  when  the  perfect  is  expressed  by 
prefixing  di-ess-.  As  to  //  it  represents  the  regular  Irish  deve- 
lopmentofrj/,  cf.  Bezz.  Beitr.  XX,  9  '.  In  dellig  it  happens  that 
only  the  prototonic  form  occurs,  cf.  ho  desid  already  in  Wb. 
3-'  7,  while  Cormac  s.  v.  Jethech  has  dofessid. 

4.    W.   CYTHRYMHET 

An  adjective  cythrym  «  instantaneous,  instant  »  has  been  pos- 
tulated  by  the  late  Dr  Silvan  Evans  for  two  passages  of  the 
Red  Book  :  i"  Medyr  vab  Methredyd  a  uetrei  y  dryiu  yn  Esgeir 
Oernel  yn  Iwerdon  tnuy  y  dwy  goes  yn  gythrynihet  0  Gelli  Wic. 
RB.,  I,  112,  2°  a  g-wan  Yspadaden  pennkawr  trivy  anal  y  garr 
yn  gythrymet  RB.,  I,   118. 

But  the  sensé  is  not  particularly  appropriate,  and  the  forma- 
tion of  the  Word  is  not  clear.  The  word  should  be  brought 
into  connection  with  cilhreiiimetgl.  balance  libra,  Capella  glosses 
64,  which,  as  Stokes  saw,  is  a  derivative  from  triom  «  heavy  ». 
The  meaning  oï yn  gythrymet  wnll  then  be,  «  proportionately  », 
«  equally  ».  As  is  well  known,  ;//;■  gave  in  Welsh  thr  ;  hence 
yn  gythrymhed  is  a  formation  (rom  cyn-\-tnuni  like  the  instances 
cited  by  Zimmer,  KZ.,  XXXIV,   179. 

5.    O.    w.    DILIU 

In  the  Juvencus  glosses,  KSB.,  IV,  325,  there  is  a  gloss 
dilin  on  livor  daenwnis.  This  has  been  explained  as  =  di-Jku 
«colourless  »,  but  that  is  hardly  an  appropriate  explanation  of 
livor.  A  better  sensé  may  be  got  if  we  take  dilki  -=  dyliiu  and 


I.  Waseem  in  the  same  way  to  hâve  the  regular  development  oï  csr  in 
errcnaid  Ml.  20'^  2,  -eirren  Eriu  I,  214;  crrellicha  Sg.  273,  2,  30»,  16  would 
be  an  admixture  of  the  earlier  err-  and  the  later  ër-.  Similarly  5/  became 
regularlv  //,  and  so  we  hâve  foniitleclila  Wb.  i  <^  4,  and  the  participle  /»//- 
Iccljtae  Ml.  127»,  17  etc.  But  e.  g.  in  selaio^  from  i7/V/rf  «  hews  «  si  was  res- 
tored  after  the  reduplication  from  the  other  forms  of  the  verb,  and  this 
*seslaig  became  *  seslaig,  selaig. 


19^  /.   Slrticluiii. 

cxplain  </)'-  as  thc  équivalent  of  Ir.  do-.  Gr.  g'jct-.  This  prefix 
lias  been  seen  by  Loth,  ACL.,  I,  443  in  dyhedcL  There  is  a 
very  clear  instance  of  it  in  âybryd  «  ugly  »  =  Ir.  dochriith. 


6.    O.     W.    INITOID 

In  the  same  glosses,  p.  410,  in  tlie  passage  sed  contra  illo- 
riini  iam  meus  iiiaciilala  cruore  progeiiie  extincta  doinini  both 
inacuJaîa  and  extincta  are  glossed  by  initoid.  On  p.  410  the 
same  gloss  is  found  on  pressas.  Leaving  aside  the  question  of 
the  particular  verb  that  an  Irishman  would  hâve  used,  the 
form  of  an  Irish  gloss  on  maculata  would  hâve  been  ainha  n- 
éilnithe  «  when  it  was  polluted  »,  and  siinilarly  in  the  other 
cases. 

This  suggests  that  initoid  means  <'  when  it  wms  ».  Similar 
forms  of  expression  are  found  in  later  Welsh,  e.  g.  eny  bei 
orchyfedic  angeu  «  when  death  had  been  conquered  »,  Hengwrt 
Mss.  II,  ']o,ynymcdylyho  «  when  he  considers  »,  ib.  3  ;  yn  i  ho  ' 
cannioledig  «  when  (or  since)  he  has  been  praised  »,  Myv. 
Arch.  ^,  723  ^  ;  yn  i  bei  terfynedic  «  when  it  was  ended  »  723  "^  ; 
yn  y  bei  tuneuthuredic  y  pethaii  hynny  «  when  those  things  had 
been  done  »  724''  ;  yn  i  cadarnhaei  ddwyaiul  lunyaeth  «  confirming 
the  divine  ordinance  »  732"^.  Further  in  the  sensé  of  «  where  », 
e.  g.  inytoet  aradur  in  eredic  tir  «  where  a  ploughman  was 
ploughing  the  land  »  BB.,  22  '\  5  ;  ynyd  oed  RC,  VII,  41 1  ^=  hyt 
lie  yd  oed  RB,  I,  276;  dyaot  a  lunaethyn  yd  oed  y  haïur  RB.,  I, 
58,  yn  y  mae(y.  1.  7nan y  niae^.  Myv.  Arch.  %  79'';  and  fre- 
quently  in  the  White  Book  Mabinogion. 

7.    A    FORM    OF    THE    W.    SUBJONCTIVE 

The  third  person  of  the  passive  of  the  Welsh  subjunctive 
regularly  ends  in  -id.  By   the  side  of  that,  howcver.,  I  hâve 


I.  In  this  and  the  following  passages  the  subjunctive  is  odd.  The  Welsh 
of  the  Hanes  GruflFudd  shews  the  characteristics  of  Welsh  translated  from 
Latin,  and  there  are  other  indications  which  seem  to  point  to  a  Latin  ori- 
ginah  If  that  be  so,  then  I  would  sug^i^est  that  the  above  passages  are  over- 
literal  translations  of  Lat.  cinii  with  the  subjunctive. 


Mise  c  II  an  c  a  Celtica.  199 

met  with  some  instances  of  an  ending  -éd.  One  instance  is 
from  the  Black  Book  of  Carmarthen  :  bei  Uafassed  «  if  it  were 
dared  »  fo.  27^  2.  Two  further  instances  are  from  prose. 
¥  or  pei  cledit  «  if  he  were  buried  »  RB.,  I,  112,  the  White 
Book  ot  Rhydderch  has  pei  cJadhet  \  for  mal  y  goiiynnil  RB., 
I,  286,  another  version  RC,  VIII  15  has  mal  y  gofynnel. 
The  variation  between  -cd  and  -id  reminds  one  of  the 
variation  between  -es  and  -is  in  the  indicative  preterite,  that 
is,  we  seem  to  hâve  traces  of  two  originally  différent  verbal 
conjugations,  cf.  Nettlau,  Cymmorodor  IX  69  sq.  Unfortunately 
the  formation  of  the  Welsh  subjunciive  is  still  very  obscure. 

8.    THE    TENSES     OF    THE    WELSH    SUBJONCTIVE 

It  is  well  known  that  the  subjunctive  of  the  Irisii  verb  has 
formally  only  two  tenses,apresent  andapast.  Récent researches 
hâve  more  and  more  broughtout  the  similarity  between  the 
verbal  System  in  Irishandin  British,  and  for  the  subjunctive 
I  hâve  discovered  what  seem  to  me  clear  indications  that  in 
British,  as  in  Irish,there  were  at  one  time  only  twotenses.  In 
seeking  to  détermine  the  British  System  one  naturally  has 
recourse  to  Welsh,  the  language  with  the  earliest  literary 
record.  For  Welsh  the  idea  was  first  suggested  to  me  by  the 
fact  that  sometimes,  in  the  same  passage,  an  earlier  text  shews 
the  past  subjunctive  when  a  later  text  exhibits  the  pluperfect. 
Thus  for  yr  nas  giuelsei  RB.,  I,  102.5  ^^^  White  Book  lias 
kynnys  ryiuelhei,  ior  pei  as-^  gorchymmynnassitt  RB.,  I,  280.7 
the  text  in  RC,  VIII,  5  has  pei  asgorchymynnut ;  on  the  other 
hand  at  I  290.27  the  Red  Book  has  the  older  pei  giuneliit  ii 
where  the  text  in  RC,  VIII,  23  has  pei  ryiunelsiit. 


I.  The  fl-hereis  the  a-  (of  uncertain  origin)  wliichserved  in  earlv  Welsh 
to  infix  a  pronoun,  where  yd  would  hâve  been  syntactically  out  of  place. 
In  early  Welsh  poetry  itis  exceedinglv  common;  an  instance  in  prose  is  as 
rediun  (leg.  rodiuii)  «  we  will  give  it  »  White  Book  col.  47  5 ,  ^=  rodivn  RB..  I, 
117,  16.  In  earlv  Welsh  W  is  used  to  a  much  less  extent  than  iater.  An 
investigation  into  the  uses  of  a  and  yd  and  of  the  extension  of  yd  at  the 
expense  of  a  would  probably  yield  interesting  results. 


20Ô  /.  Sirachan. 

Exccpt  that  I  hâve  run  through  the  Black  Book  of  Carinar- 
then  and  the  index  verborum  to  the  Gododin  poems.  I  hâve 
made  no  systematic  collections.  During  the  past  winter,  how- 
ever,  it  has  been  necessary  for  me  to  read  a  good  deal  of 
early  Welsh,  and  I  hâve  noted  any  instances  in  point  which 
turned  up.  By  way  of  illustration  the  following  instances  may 
be  quoted  :  —  bei  naspr'mhei  «  if  he  had  not  bought  him  »  BB., 
21  -^  i,hci  gwelnd  «  if  thou  hadstscen  »  BB.,  29'',  2,  Diahia  ryiiei 
"  as  if  he  had  not  been  "  Myv.  Arch.%  léo'',  8,  giur  ar  rywne- 
ley  «  a  man  who  had  done  »  476'',  20,  pey  rydelhey  «  if  it  had 
corne  »  499  '',-11,  k\t  ry  kyvarffei  «  though  it  had  encountered  » 
500  %  6,  pei  asryaîtei  «  if  he  had  permitted  it  »  Arch.  Cambr., 
i8é6,  p.  120,  hyt  rydiodcjynt  «  though  they  had  suffered  «  RB., 
II,  8j. 10,  pei  rydiagei  "  if  he  had  escaped  ",  Hengwrt  Mss. 
II,  90.26  (but  pei  ynteii  lyodiiuedassei  II,  90.25). 

As  has  been  shewn  in  my  paper  on  the  subjonctive  mood 
in  Irish,  p.  106,  ro-  is  found  with  the  past  only  in  exceptional 
circumstances.  In  Welsh  ry-  is  absent  in  the  instances  quoted 
from  the  Black  Book  and  in  a  couple  of  the  others,  but  more 
generally  it  is  présent.  Hère  obviously  \ve  are  cont'ronted  with 
a  Welsh  innovation  to  get  a  more  distinct  form  to  express  the 
pluperfect  sensé;  a  similar  use  of  ry-  is  found  with  the  présent 
subjunctive  when  it  has  the  force  of  a  perfect,  cf.  Eriu,  II, 
218,  kanp  rygaffo  White  Book  col.  453  (=  yr  nas  haffo  RB., 
I,  101.23), /?;;•;  na  ry  gerdo  Hengwrt  Mss.  II,  1.31. 

The  later  pluperfect  subjunctive  forms  are  idcntical  with  the 
forms  of  the  pluperfect  indicative  ',  and  hâve  come  from  them  ; 
note  in  particular  forms  like  pei  caïussedei  '■  «  if  she  had  got  » 
Hengwrt  Mss.  II,  170.10.  The  spread  of  the  forms  of  the 
pluperfect  indicative  to  the  subjunctive  goes  along  with  the 
disappearance  of  the  h  forms  in  the  subjunctive,  whereby  the 
past  subjunctive  came  to  coïncide  in  form  with  the  imperfect 
indicative,  except  in  a  few  verbs,  and  even  in  thèse  there  was 
a  tendency  to  substitute  e.  g.  bydiun  for  heivii. 

As  Thurneysen  has  pointed  out,  A'Z.,  XXXI,  10,  the  plu- 

1.  ryu'uelsiit,  above  p.  199,  is  an  exceptional  analogical  formation  from 
f;wnehit. 

2.  Cf.  Nettlau,  Cvmmrodor  IX,  76. 


MisceUiiiica  CeJtlca.  201 

perfect  indicative  is  itself  a  British  innovation,  modelled  on 
the  imperfect.  In  early  Welsh  the  imperfect  is  still  found  in  a 
pluperfect  sensé  in  the  apodosis  of  conditional  sentences,  e., 
g.  din  collei  bel  nasprinhei  «  man  would  hâve  been  lost,  if 
He  had  not  redeemedhim  »  BB.,  21%  i,  hei  yscuypun....  nys- 
giinaitn  «  if  I  had  known.,..  I  would  not  hâve  done  it  », 
BB,  41%  12. 

9.    W.    DENG. 

In  Welsh  there  is  a  peculiar  form  deng  of  the  numéral  for 
«  ten  »,  which,  according  to  the  dictionary  of  Silvan  Evans,  is 
mostly  used  before  words  beginning  radically  with  b,  d,  g, 
m,  n,  or  a  vowel,  and  which  produces  the  nasal  mutation  of 
a  following  consonant.  There  is  nothing  correspondingeven  in 
the  closely  related  Breton  and  Cornish,  so  that  the  origin  of 
the  form  is  to  be  sought  within  Welsh  itself.  I  would  suggest 
the  following  explanation. 

In  Welsh  in  certain  phrases  the  original  final  nasal  of 
numerals  is  preserved ',  mutating  a  following  consonant.  For 
instances  see  Gram.  Celt.  %  206,  and  (or  dec,  which  is  not  there 
illustrated,  cf.  e.  g.  deciihuarnawt  RB.,  ll,22,2<),dec  iiilyned  39, 
deg  mlyned  258,  259  and.passim,^^f  mlinet  BB.,  25  '',  18,  dcg 
mlinet  26  %  1 1 ,  So  for  as  I  can  discover,  there  is  no  trace  of  this 
in  Breton  or  Cornish,  and  that  is  not  without  importance  for 
understanding  the  isolation  of  the  Welsh  form.  My  suggestion 
is  that  we  hâve  hère  a  case  of  partial  assimilation  ;  before  a 
following  n  or  m  the  guttural  became  the  guttural  nasal  n 
expressed  graphically  by  71g  or  g.  There  is  something  of  a  paral- 
lel  in  Mabon  am  {=  nb)  Mydron  BB.,  41  ""  6,  though  ab  would 
always  be  unaccented.  To  trace  the  history  of  the  form 
deng  in  Welsh  I  hâve  no  collections  of  material.  According  to 
Silvan  Evans  deng  appears  before  vowels,  where  phonetically 
deng  n-  might  hâve  been  expected.  How  far  this  dates  back 
and  how  widely  it  spread  I  hâve  no  évidence  to  shew. 


I.  The  11  also  extends  analogically  to  other  numerals  which  did  notori- 
ginally  end  in  a  nasal. 


202  /.  Stracbau. 

10.    IR.    SllI,     W.    HYWYDD 

Ir.  siïi,  g.  siiad  conies  froni  *  sii-iiil-s,  g.  *siiiiidos,  the  second 
part  of  which  is  cognate  with  Gr.  poioa  etc.  The  Welsh  équiva- 
lent, with  the  form  of  the  oblique  cases,  is  hyivydd  which 
Pughe  gives  with  the  sensé  of  «  intelligent  ».  Other  instances 
of  the  Word  with  be  found  in  Myv.  Arch.  -  145^  10,  147'' 
29. 

11.  m.     GÉC,    w.    CAINC 

Apart  from  the  variation  of  the  initial  consonant  which  is 
also  found  in  Ir.  goll,  W.  coll,  «  oneeyed  »,  the  Irish  and  the 
Welsh  words  seem  at  first  sight  to  ditfer  also  in  declénsion. 
In  Stokes'  Urkelt.  Spr.  p.  69,  géc  is  referred  to  * kankd,  cainc 
to  *kanlfi.  Both,  however,  might  be  united  in  a  fem.  *kanhù, 
just  as  Ir.  dér,  W.  deigr,  «  tears  »  go  back  to*daknl,  Idg.  Forsch. 
X,  76.  Skr.  sûûkii-  is  a  masc.  //-  stem  ;  of  the  -//  in  Celtic 
I  can  offer  no  certain  explanation,  but  the  explanation  of  the 
of  the  other  Ir.  -n  stems  like  deoch  a.nd  mucc  is  equally  obscure. 

12.  IR.    ÉC,    w.    ANGEU 

Ir.  ce  cornes  from  *^k'ti-,  W.  aiigeu  has  been  referred  to 
*  nVeno-.  But  it  may  be  questioned  whether  the  British  stem 
is  not  really  identical  with  the  Irish.  In  Ir.  the  plural  is  com- 
mon  in  the  phrase  do  écaih  "  to  death  ",  and  similar  plurals 
are  found  in  other  languages,  e.  g.  Gr.  6âva-:oi  of  a  single 
death.  Hence  it  seems  very  probable  that  W.  angan  is  in 
origin  a  plural  =  *nFcites. 

13.    IR.     MARB.    w.    MARW 

Brugmann,  Grundriss  I-  468,  mentions  some  conditions 
under  which  Idg.  r  appears  in  Celtic  as  ar.  Ir.  viarb,  W. 
tftarw  "  dead  "  from  a  Celtic  *  iiianjos  indicate  that  there  was 
the  same  development  before  //.  Another  instance  in  Welsh  is 


MhccUauea  Celtica.  205 

canu,  with  a  diticrent  tirade  of  vocalism  troni  Lat.  ccnios,  for 
chenu,  denv  etc.  in  Welsh  shew  that  eru  remained  unchanged. 


14.    O.    IR.     TECHT    MUDU 

In  Wb.  16  ''  4  is  found  the  phrase  itecht  iiiudii,  for  which  in 
the  Thésaurus  Palaeohibernicus  I,  609  /  î'echt  immiidu  was 
doubtfully  conjectured.  Since  then,  however,  I  hâve  corne 
across  another  passage  which  goes  to  support  the  reading  of 
the  Ms.,  in  the  fragment  of  an  O.  Ir.  commentary  on  the  Psal- 
ter  pubhshed  inMeyer'sHibernica  Minora.  On  p.  26,  the  text 
rcstored  by  the  editor  reads  :  Cindas  rotnhàiar  int  saiJm  ht 
iosiig  ?  Ni  anse.  1  iii-blogaih  ociis  esreiid  cosiii  dôiri  baibiloindi, 
con-  dcochûtar  niogaid  i  tciiipnl  Jasin  canôin  oJchena.  Zimmer, 
Gôit.  Gel.  Anz.  1896,  pp.  z).o6  sq.  talces  reasonable  offence  at 
the  form  iiiogaid  in  an  O.  Ir.  text.  He  himself  reads  iiiogai  = 
Jilii  captiuilaiis  or  fiUi  traiisniigrationisÇEzra.  4.  i .  etc.)  and  trans- 
lates :  «  Vereinzelt  und  zerstreut  waren  sie  (die  Psahnen) 
bis  zum  babylonischen  Gefangenschaft,  sodass  (die  unter  Jesua 
und  Serubabel  aus  dem  Exil  heimgekehrten)  filii  captiuitatis 
mit  dem  ùbrigen  Kanon  in  den  neu  (neu  aufgebauten)  Tem- 
pel  einzogen  >k  But,  apart  from  the  gênerai  obscurity  of  expres- 
sion, itisapooranswerto  a  question  as  tothefateof  the  Psalms 
to  say  that  certain  niogai  went  into  the  Temple  îuith  the  rest 
of  the  Canon.  Let  us  nowturn  to  the  Mss.  One  has  condeocha- 
tar  nindaigh,  but  instead  of  niiighaidh  the  other  has  mugha. 
Thèse  readings  do  not  point  at  a'I  to  niogai  or  mogaid,  so 
that  for  the  troublesome  «  slaves  »  there  is  really  no  Ms. 
authority.  But  the  readings  of  the  Mss.  might  very  well  be 
corruptions  of  mudu  and  I  would  read  condechittar  mudu  hi 
tenipid  lasin  canôin  okhenae,  «  and  they  were  lost  in  the  Temple 
with  the  rest  of  the  Canon  ».  In  other  w^ords,  before  the  Baby- 
lonian  captivity  the  Psalms  did  not  form  a  united  collection  ; 
at  the  destruction  of  the  Temple  they  were  lost  with  the  rest 
of  the  Canon  ;  after  the  captivity  Ezra  was  inspired  to  restore 
them  along  with  the  other  lost  texts.  That  there  was  a 
patristic  tradition  that  the  books  of  the  Canon  were  lost  at 
the  time  of  the  Captivity  and  weie  restored  by  Ezra,  may  be 


204  /•  s  hacha  H. 

scen  fi'om  the  quotations  in  excursus  Aof  Ryle's  Canon  of  thc 
Old  Testament  (Macmillan   &  C".  1892). 

I).    IR.    BKTHU,    W.    BYWYD. 

Brugmann,  Grundriss  P  327,  following  the  traditional 
explanation,  identifies  Ir.  biàd  (g.  hiïd)  "  tood  "  with  an  alle- 
ged  W.  hyiuyd  "  victus  ".  But  the  fact  seems  to  hâve  been 
overlooked  that  in  Welsh  from  early  times  down  to  the  pré- 
sent daythere  are  two  distinct  worà.'^bywyd  «  hfe  «  and  biuyd 
«  food  ».  As  an  early  instance  of  biuyd  may  be  quoted  ro  vyd 
(leg.  vuyd)  y  newynaiic  a  dillad  y  uoeîh,  «  give  food  to  the  hun- 
gry  and  clothing  to  the  naked  »,  Black  Book  fo.  42''  8,  cf. 
O.  Bret.  boiiolion,  gl.  esciferis.  That  being  so,  it  is  more  natu- 
ral  to  equate  W.  byiuyd  with  Ir.  belhii  «  life  ».  Ir.  belbn  is 
referred  to  a  prehistoric  *biuotftts.  In  W.  that  would  probably 
give  *biuofi,  byzvyd.  Unfortunately,  I  hâve  no  other  instance 
to  shew  the  effect  of  /  from  /"/  on  a  preceding  0,  but  it  is  pro- 
bable that  it  would  be  the  same  as  that  of  ï  from  oi,  cf.  Zupitza, 
KZ.,  XXXV,  255.  There  is  an  instance  of  î  <C  ?"'  <C  ô  in  ivyth 
«  eight  ».  With  regard  to  final  syllables,  the  British  rule  seems 
to  hâve  been  that,  apart  from  the  cases  in  which  an  originally 
final  consonant,  or  group  of  consonants,  was  preserved  (cf. 
Thurneysen  KZ,  XXXVII,  115),  ail  final  syllables  were  lost, 
cf.  e.  g.  W.  car  :  Ir.  carae,  W,  hyn  :  Ir.  siniii,  W.  Nudd  : 
Ir.  Nnada.  That,  by  the  way,  may  help  to  explain  the  decay 
in  the  inflexion  of  the  British  noun.  There  remains  Ir.  biàd  : 
W.  bzuyd  «  food  »,  which  can  hardly  be  separated  from  one 
another.  But  of  their  phonetic  relation  I  can  ofter  no  satis- 
factory  explanation. 

16.    IR.     FINDBUTH,     W.    GWYXFYD  ' 

In  the  three  British  dialects  there  is  a  phrase  for  «  happy 
is  he  »,  W,  guyn  y  fyd,  Corn.guyn  y  vys,  Mid.  Bret.  gnenn  e 
bet.  In  O.  Ir.  there  is  a  similar  phrase  is  find  a  nibcthu  Wb. 
2^  2,  where,  however,  bilh  «  world  »  has  been   replaced  by 

I.  i.  e.dens^;cr  is  verv  comiuonlv  written  for  n^. 


Mkcellanca  Celiica.  205 

bdIjH  «  life  ».The  original  word,  however,  appears  in  thecom- 
\)ound  Jiiidbiith  Ml.  128  "^  18  =  W.  gwynfyd  <  *nindo-bitus'. 
In  Mid.  Bret.  the  word  appears  in  the  derivative  gitennuidic, 
on  which  see  Henri,  Lexique  Etymologique,  p.  151.  In  Irish  a 
nom.  fiiidhiiith  appears  in  Eriu  II,  14^,  a  dat.  findfuîh  in 
Trip.  L.  180.  So  the  nom.  and  the  dat.  shew  the  regular  forms 
of  an  -H-  stem.  But  the  genitive  iniia  fiiidbiiide  Ml.  14°  4  is 
remarkable  both  for  its  gender  and  for  its  declension.  I  can 
only  suggest  the  influence  of  the  féminine  noun  biiith  (earlier 
both  =  W.  bod)  g.  biiithc  «  to  be  ». 

17.    IR.    GUIRID,    W.    GORI 

Ir.  giiirid  «  warms  »  has  long  ago  been  compared  with 
W.  gori  «  to  brood  »,  deori  «  to  hatch  ».  There  is  a  passage 
is  Eriu  II,  120,  which  illustrâtes  well  the  development  of 
meaning  :  slcbe  gainnc  ocus  grian  il  é  guirte  in  ogh.  Hère  one 
would  be  inclined  to  translate  simply  "  hatch  ". 

18.    IR.    ATBATH 

On  thisformsee  ThurneysenA'Z., XXXVII,  112,  120,  where 
he  rejects  with  reason  Zimmer's  explanation.  At  first  sight,  it 
might  seem  as  if  Zimmer's  theory  found  support  in  forms 
like  atbathaMl.  98^,  8,  conidaptha  Rev.  Celt.  XI,  430,  conaptha 
YBL,  58  ^,  4,  coiididaptha  Ann.  Ul.  830.  Thèse  forms,  however, 
admit  of  another  explanation;  -apad  would  appear  externally 
like  rocarad,  romarbad,  so  that  it  is  not  surprizing  that  -aptha 
should  hâve  been  formed  to  -apad  like  rocarllm  to  rocarad.  As 
to  atbatha,  it  is  the  only  form  of  the  kind  which  I  hâve  noted, 
and,  as  the  Milan  glosses  are  notoriously  full  of  scribal  errors, 
it  may  be  a  corruption  of  albathatar.  If  it  be  a  genuine  form 
it  will  hâve  to  be  put  down  to  the  influence  of  the  prototonic 
-aptha. 

19.    IR.    MLIGID,    DOOMMALGG 

Sarauw,  Irske  Studier  p.  47,  refers  with  doubt  to  dooiii- 
iiialgg  Sg.  23''    2  as  the  perfect  of  iiiJigid.   Pedersen,  KZ., 

I.  The  comparison  itself  is  not  new,  see  Ascoli,  Gloss.,  CCCXXVII. 


2oé  /.   Slrachiiii. 

XXXVII  225,  suggests  tlnu  dooiiwialiy^^  may  be  a  scribal  error 
for  docoinnialf^.  But  dooininalg  is  supported  by  a  passage  in 
the  Annals  of  Ulster  732  :  dooiiilachi  jo  tri,  ol  n-ais  caich  nibleg- 
uin,  «  it  was  milked  thrice,  every  milking  produced  a  vat  of 
milk  ».  The  form  stands  both  in  the  Dublin  and  in  the  Oxford 
copies  of  the  Annals,  so  that  there  can  be  no  doubt  that  it 
belonged  to  the  original  text. 

20.    IR.    DOCÔISED 

This  form  occurs  twice  in  the  Tain  Bù  Cuailnge  :  —  LU., 
72''  22,  docoiscd  fcrchend  fora  beolii  "  a  man's  head  could  hâve 
passed  over  his  iips  ",  and  LU.  65'',  42,  dococstis  cter  a  topor 
ociis  sliab,  «  they  could  hâve  gone  between  its  source  and  the 
moLintain  ».  This  is  the  form  of  the  secondary  future  in  this 
verb  which  expresses  possibility,  d.  ni  dichet  «  he  cannot  go  ». 
As  the  analysis  of  this  perfective  verb  is  di-avu-feîh-,  docôi- 
sed  must  be  an  an.ilogical  formation  to  the  subjunctive  docôi, 
docôised,  after  such  cases  as  the  fut.  and  sec.  fut.  dotôith,  dotôi- 
thsad,  to  the  subjunctive  doiolh  etc.  In  CZ.  III,  453,  21  it  is  pro- 
bable that  we  hâve  a  corresponding  perfective  future,  for  docôi 
i  flaiih  \n\  Dé  seems  to  mean  «  he  will  be  able  to  go  into  the 
Kingdom  of  God  »,  but  the surrounding  text  is  not  very  clear  '. 

21.    W.    AR    Y    GANFED 

According  to  the  dictionary  of  Silvan  Evans  ar  ci  ganjed 
means  "  having  a  hundred  (men)  with  one  ".  In  the  Red 
Book  I,  éo  M.  Loth  rightly  translates  mi  a  afar  vyn  dendecuct  by 
«  j'irai  mon  douzième  »,  for  from  what  foUows  ef  a  acth  a 
gihiaethivy  a  degiuyr  gyt  ac  wynt  it  appears  that  the  total  of  the 
Company  was  twelve.  So  at  RB.  II,  67,  ar  y  dryded^=  se  terliuui 
of  the  Latin  original.  So  in  Hengwrt  Mss.  II,  120,  ar  y  pctwy- 

I .  This  text  contains  some  othcr  interesting  perfective  forms  :  0  choiiah- 
baiug  (<<  con-  ad-  hoiii^,  perfective  près.)  «  when  he  has  broken  »  453  !.  27, 
co  iluidchet  (from.  -htidchcl,  perf.  près.)  «  till  it  has  corne  «  448  1.  i^,  rohi 
toviielha  «  there  is  wont  to  be  (somethiiig)  which  decavfs  »  ^jo  1.  5,  0 
chohiasca  (witli  perfective  ad)  «  wiien  he  lias  correctcJ  iiimseli  »  451  1.  26, 
odûdigthet  «  when  they  hâve  corne  »  454  1.  26. 


Miscellaiica  Ccllica.  207 

ryd  marchawc  means  "  with  three  other  horsemen  ",  as  appears 
fromthe  sequel  :  — ac  ar  hynnyy  kyuodes  petiuar  canl  iiiarchaïuc 
y  vynyd,  ne  gyrchii,  ae  vrathu  degmrath,  a  Uad  y  dri  chedynideith . 
On  the  other  hand  in  RB.  II,  58,  ar  y  vgeinuetor  keiuriereill  isa 
rendering  oîilleciim  tiginti  gigantibus ;  in  the  Brut  Tysilio  the 
expression  is  ar  y  daydegvet  gaïur,  Myv.  Arch.  ^,  439"".  In  RB. 
II,  68,  yn  dyuot  ar  y  deiigeinuet  0  varchogyon  must  from  the 
context  mean  «  coming  with  forty  other  horsemen  ».  Hère  the 
Brut  Gruffudd  ab  Arthur,  which  had  previously  mentioned 
sixty  horsemen  has,  Myv. Arch.  ^,  487^  anvon  a  orne  Llyr 
kennat  y  brenyn  acat  y  verch  ynteu  a  dywcdnyt  y  vot  yn  dyuod 
ar  y  try  itgeynt  iiiarchaïuc,  but  on  p.  562  there  is  a  variant 
anvon  aoriic  Lyr  genat  at  ebrenin  ac  at  iverch  ynten  art  drigeinvet. 
There  is  an  instructive  passage  in  Hengwrt  Mss.  II,  28.  It 
begins  :  —  ac  ar  y  drugeinvet  y  kerdius  Charleiiiaen  hyt  ar  beiin 
mynyd  a  oed  ger  y  llaïu.  There  he  left  his  company  and  in 
disguise  ary  eil  inarchawc  (i.e.  with  one  horseman)  went  to 
Aigoland  and  said  that  Charlemagne  had  sent  them  and  that 
he  was  on  yonder  mountain  ar\  drugeinvet  marchaïuc,  and  he 
concluded  by  saying  to  Aigoland  :  ac  aiii  hynny  dyret  dit  heu 
attaw  ef  ar  dy  drugeinvet.  Finally  Charlemagne  y  doeth  ar  ' 
y  drugein  marchawc  a  adcnvssei  ar  y  mynyd.  Hère  it  is  clear 
that  ar  y  drugeinvet  means  '<  accompanied  by  sixty  men  ». 

We  hâve  then,  it  appears,  two  methods  of  reckoning.  In 
speaking  of  a  number  of  individuals,  there  is  an  inclusive  rec- 
koning e.  g.  ar  y  drydydd  =  ipiTcç  ajtsç,  "  himself  with  two 
others  ".  But  in  speaking  as  it  were  in  military  language  of 
round  numbers  in  tens  or  hundreds  the  leader,  to  judge  from 
the  instances  quoted  where  the  matter  can  be  put  to  an  actual 
text,  was  not  included.  Hence,  until  évidence  is  adduced 
to  the  contrary  expressions  like  ar  y  ganfed  must  be  trans- 
lated  «  with  a  hundred  men  »,  not  with  M.  Loth,  Les  Mabi- 
nogion  I,  44  (cf.  the  note  on  p.  317)  «  lui  centième  ». 

J.  Strachan. 

I.  i.e.  «  to  ».  In  earlier  texts  ar  is  often  used  of  «  to  »  a  person  where 
kter  texts  liave  ait  e.  g.  v  doelh  ar  Ereiut  RC,  Vil,  433  ^z.  atl  Ereiiit  RB, 
I,  476. 


CHRONIQUE 


Sommaire. —  I.  Nouvelles  des  Iles  BritAiiniques. —  II.  John  Rhys,  The  celtic  Inscriplioiis 
of  traitée  and  Italy.  —  III.  V.  H.  Friedel  et  Kuno-MEVER,  La  vision  de  Tondale 
(Tniids^al),  textes  français,  anglo-normands,  irlandais.  —  IV.  A.  Fick,  Vorgriechischc 
Ortsnainen  als  Quelle  fur  die  Vorgeschichie  Griechcnlands.  —  V.  Mort  de  Victor  Henr\', 
auteur  du  Lexique  étymologique  des  termes  les  plus  usuels  du  breton  moderne.  —  VI. 
Mort  d'Alexandre  Macbain,  auteur  de  V Etymologieal  Dictionary  of  the gaelic  Language. 
—  VII.  Otto  Hirschfeld,  Die  roemischen  Meilensteine.  —  \'lll.  Ch.  Renel,  Les  reli- 
gions delà  Gaule  mant  le  Christianisme.  —  IX.  Albert  GiiumEK,  Habitations  gauloises 
et  villas  latines  de  la  cité  des  Médiomatrices. —  X.  Nomination  de  M.  J.  Vehdryes  à 
la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Paris. 


I 

Le  directeur  de  !a  Revue  Celtique  a  reçu  d'un  correspondant  qui  désire 
n'être  pas  nommé  les  notes  suivantes  qui  sont  de  nature  à  intéresser  les 
celtistes. 

The  Marquis  of  Bute  bas  offered  to  deiray  tlie  cost  of  printing  a  Cata- 
logue of  the  Gaelic  Mss.  in  the  possession  of  the  Advocates'  Library, 
Edinburgh.  Professor  J.  Maclvinnon  lias  undertaken  the  work  of  compiling 
this  catalogue. 

Dr.  Osborn  J.  Bergin  bas  been  appointed  Professor  of  Iri^h  at  the  School 
of  Irish  Learning  in  Dublin  '.  The  Briti.sh  Government  bas  increased  its 
grant  to  the  Scliool  to  ^  200  for  the  year  1907/8. 

The  Government  bas  also  given  a  grant  of  %  400  per  annum  to  the 
Roval  Irish  Academv  for  publisbing  a  Catalogue  of  the  Irish  Mss.  in  their 
possession. 

L'nder  the  title  '  Anecdota  froiii  Irish  Mainiscripls  '  Professor  KunoMever 
will,  with  the  coopération  of  Professor  O.  J.  Bergin,  Mr.  R.  I.  Best  and 
Mr.  J.  G.  O'Keeffe,  begin  a  new  séries  of  Irish  texts  without  translations, 
which  will  appear  in  separate  issues  of  about  80  pages  each.  The  first  part, 
whichwill  be  published  next  summer,  wil!  contain  the  Sceln  Cano  from  the 
Yellow  Book  of  Lecan,  the  Tiicait  indarha  iia  iiDcssi  from  H.  2.  15,  the 
poems  from  the  Inirain  Mdilcdûin,  ^c. 

I.  Voir  plus  bas,  p.  218,  219,  la  cause  de  cette  nomination. 


Chronique.  209 

II 

M.  John  Rhys,  si  connu  des  lecteurs  delà  Revue  Celtique,  vient  de  mettre 
au  jour  un  mémoire  intitulé  :  The  celtic  Inscriptions  of  France  and  Italy  '. 
C'est  un  recueil  aussi  complet  que  possible  des  inscriptions  celtiques  décou- 
vertes jusqu'ici  en  France  et  en  Italie.  Le  savant  auteur  avait  déjà  publié  dans 
ses  Lectures  on  luelsb  Philology  et  ailleurs  un  grand  nombre  d'inscriptions 
celtiques  en  caractères  ogamiques  trouvées  en  Grande-Bretagne  et  en 
Irlande.  Non  content,  il  a  mis  au  jour  le  mémoire  dont  nous  parlons  et  qui 
contient  quarante-trois  numéros.  Un  travail  analogue  avait  été  publié  il  y  a 
vingt  ans  par  M.  Whitley  Stokes  aux  p.  42-69  de  sa  Celtic  Declension  '. 
M.  Rhys  ajoute  onze  inscriptions  à  celles  que  M.  Whitley  Stokes  avait 
connues.  La  plupart  de  ces  onze  inscriptions  avaient  paru  postérieurement 
à  la  date  du  recueil  de  M.  Whitley  Stokes  dans  diverses  publications,  notam- 
ment dans  le  tome  XII  du  C.  /.  L.  dont  l'auteur  est  M.  Hirschfeld. 
M.  Rhys  ne  se  contentant  pas  de  reproduire  les  lectures  de  ses  prédécesseurs 
a  été  sur  place  les  vérifier.  Il  propose  un  certain  nombre  de  lectures  et 
d'interprétations  nouvelles.  Quelques-unes  de  ces  lectures  nouvelles  peuvent 
sembler  contestables.  Nous  signalerons  par  exemple,  p.  56,  ce  que  M.  J.  Rhys 
dit  du  Mercure  de  Lezoux,  Puy-de-Dôme,  aujourd'hui  au  musée  de  Saint- 
Germain  qui  s'est  tant  enrichi  sous  l'administration  de  M.  Salomon 
Reinach.  Serait-ce  bien  l'Esus  des  Gaulois  ?  Tentâtes,  horrensque  feris 
altarihus  Esus,  a  dit  Lucain,  I,  446.  Ce  Mercure  porte  deux  inscriptions  : 
l'une,  Mercurîo  angnsto  sacru))i,  a  été  publiée  au  tome  XIII,  n»  15 14  du 
C.  /.  L.,  l'autre  inscription  passée  sous  silence  dans  ce  savant  recueil  serait 
une  dédicace  gauloise  à  Esus.  Mais  de  ce  nom  propre  les  deux  premières 
lettres  es  sont  seules  certaines.  Ce  qui  reste  de  la  troisième  semble  être  le 
début  d'un  o  plutôt  que  d'un  v,  forme  antique  de  la  lettre  aujourd'hui 
notée  u.  C'est  à  vérifier. 

Suivent  :  1°,  p.  75,  des  notes  sur  la  déclinaison  celtique  ;  2°,  p.  77,  une 
critique  courtoise  des  doctrines  exposées  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XVIII, 
p.  318-324,  par  le  directeur  de  ce  périodique  ;  3°,  p.  82,  une  étude  sur  le 
calendrier  de  Coligny,  cf.  Revue  Celtique,  t.  XIX,  p.  213  ;  t.  XX,  p.  100  ; 
t.  XXI,  p.  10-25  ;  40  quelques  notes  sur  l'inscription  de  Rom,  cf.  Revue 
Celtique,  t.  XIX,  p.  168-176;  5°  un  post-scriptum  sur  la  question  de  savoir 
quelle  était  la  limite  du  territoire  des  Ligures,  sujet  récemment  traité  par 
M.  JuUian,  Revue  des  études  anciennes,  cf.  Revue  Celtique,  t.  XXVIII,  p.  104. 

III 

Tout  le  monde  connaît  le  chant  VI  de  VEneide  où  l'on  voit  Enée  par- 
courir les  enfers  et  les  Champs-Elysées,  assister  au  supplice  d'une  partie  des 

1.  Londres,  Henry  Frowde,  Amen  Corner,  in-80,  ici  pages,  prix  : 
6  shillings  6  pence  ;  extrait  du  tome  II  des  Proceedings  of  the  British  Aca- 
deniy. 

2.  Cf.  Revue  Celtique ,  t.  VII,  p.  100-102. 

Revue  C'Itliitie,  XXVIII.  .  14 


2IO  Chr  unique. 

morts  et  à  la  douce  existence  que  mènent  les  autres,  éclairés  par  un  soleil 
et  par  des  astres  à  eux,  faisant  des  repas  sur  l'herbe  et  chantant  en  chœur 
des  hymnes  joyeuses  : 

solemque  suuni,  sua  sidéra  norunt. 

dextra  laevaque  per  herbam 

vescentes,  laetumque  choro  paeana  canentes. 

Cette  partie  de  VEncide  a  eu  des  imitateurs  chrétiens,  le  plus  connu  est 
Dante  Alighieri,  1265-1321,  auteur  de  la  Divina  comeâia,  l'enfer,  le  pur- 
gatoire et  le  paradis.  Dante  Alighieri  avait  eu  des  prédécesseurs.  Le  plus 
ancien  parait  être  l'auteur  de  la  Visio  sancti  Pauli,  composition  qui  existait 
déjà  au  ive  siècle'.  Deux  écrivains  irlandais  ont  aussi,  avant  Dante,  cultivé 
ce  genre  littéraire. 

Le  premier  en  date  est  l'auteur  anonyme  du  morceau  irlandais  intitulé 
Fis  Adaiiindin,  «  Vision  d'Adamnân  »  qui  est,  au  plus  tard,  du  xi^  siècle, 
et  qui,  publié  à  cinquante  exemplaires  par  M.  Whitley  Stokes  en  1870,  a 
été  de  nouveau  édité  par  M.  Windisch  en  1880^.  Le  jour  de  la  fête  de  saint 
Jean-Baptiste,  l'âme  d'Adamnân  aurait  quitté  son  corps  et,  guidée  par  son 
ange  gardien,  elle  serait  allée  visiter  le  paradis  et  l'enfer.  Le  second  des 
auteurs  irlandais  dont  nous  voulons  parler  est  Marcus  qui,  vers  1149,  écrivit 
en  latin  la  Visio  Toiidali^,  mieux  Tiiwgali  ou  Tnuthgali^. 

Nous  ne  savons  si  nous  pouvons  mentionner  ici  l'auteur  anonyme  connu 
de  Bède,  suivant  lequel  l'irlandais  saint  Furie,  mort  en  France  abbé  de 
Lagny  en  650,  étant  encore  en  Irlande  sortit  de  son  corps  et  vit  les  anges 
et  les  démons.  On  peut  consulter  là-dessus  les  Acta  saiictontiii  Hiheniix 
ex  codice  sahihinticensi,  co\.  78-97,  et  VHistoira  ecclesiastica  de  Bède,  III,  19, 
ouvrage  terminé  en  731.  L'auteur  qui  a  le  premier  parlé  de  ce  mystérieux 
voyage  de  saint  Fursé  était-il  irlandais  ? 

Nous  ne  dirons  rien  du  Purgatoriuin  sancti  Patricii  écnx,  probablement 
dans  la  seconde  partie  du  xiK  siècle,  par  Henri  de  Saltrev,  moine  cistercien 
d'origine  anglaise?,  et  qui  dut  une  grande  célébrité  à  l'arrangement  français 
que  Marie  de  France  en  fit  au  xiii«=  siècle.  Ce  morceau  n'appartient  pas  à 
la  littérature  irlandaise  comme  la  Fis  Adaimiain  et  la  Visio  Toiidali. 

1.  H.  L.  D.  Ward,  Catalogue  of  Rodudiccs  in  tlic  Department  of  Manu- 
scripts  in  the  British  Muséum,  t.  II,  p.  397-515  a  un  chapitre  intitulé  Visions 
of  Heaven  and  Hell,  intéressant  à  consulter  sur  le  sujet  qui  nous  occupe  ici. 
Voir  aussi  Potthast,  Bihliotheca  historien  niedii  aevi  ;  2^  édition,  p.  1098-1099. 

2.  Irisclie  Texte,  X.l,  p.  169-196. 

î.  La  vision  de  Tondale  (Tnudgal),  textes  français,  anglo-normand,  irlan- 
dais, publiés  par  MM.  V.-H.  Friedel  et  Kuno  Meyer.  Paris,  Champion, 
1907,  in-80,  XX-157  pages. 

4.  Sur  le  nom  réel  de  Tondal  voyez  une  note  de  M.  Kuno-Meyer,  Zeit- 
schsrijt  Ji'ir  c?ltische  Philologie,  t.  IV,  p.  346. 

5.  Voyez  Todd,  St.  Patrick,  apostle  of  Ireland,  p.  vu.  Une  édition  du 
Purgatorium  sancti  Patricii  a  été  donnée  en  1855  dans  la  Patrologia  latina 
de  Migne,  t.  180,  col.  975-1004.  Il  avait  été  précédemment  publié-  par 
Messingham,  Florilegiuni  insulae  sanctoruni,  p.  86-109,  et  par  Colgan, 
Trias  tliauniaturga,  p.  273-289. 


Chronique.  211 

Marcus,  auteur  de  ce  dernier  ouvrage,  était  un  moine  né  en  Irlande,  mais 
établi  dans  l'Allemagne  méridionale  et  qui  écrivait  à  Ratisbonne.  Il  raconte 
comment  Tondale  aurait  vu  l'enfer,  le  purgatoire  et  le  paradis  et  les  a  pu 
décrire  ;  son  récit  eut  un  grand  succès.  Giraud  de  Barri  et  Jocelin,  qui 
écrivaient  tous  deux  dans  les  dernières  années  du  xii^  siècle,  ont  connu  son 
œuvre  dont  on  possède  grand  nombre  de  manuscrits,  et  au  xiii^  siècle, 
Vincent  de  Beauvais  l'a  inséré  dans  sou  Spéculum  historiak,  1.  VII,  c.  88- 
104,  qui  au  xve  siècle  a  eu  huit  éditions'.  Au  xixe  siècle  il  a  paru  deux 
éditions  de  la  Visio  Tomiali  ;  1869  est  la  date  de  la  première  dont  l'auteur 
a  été  le  savant  maître  Oskar  Schade,  récemment  enlevé  à  l'admiration  de 
ses  élèves  et  à  l'affection  de  ses  amis.  En  1882,  Albrecht  Wagner  a  fait 
paraître  la  Visio  Tnugdali  laleinisch  und  alldeulsche  ^,  un  volume  où  l'on 
trouve  le  texte  primitif  en  prose  latine,  un  poème  latin  en  160  vers  sur  le 
même  sujet,  des  fragments  iiiederrheiiiische  et  le  poème  allemand  d'Alber, 
21192  vers  écrits  aux  environs  de  l'année  1200. 

Albrecht  Wagner  constatait  que  la  vision  de  Tondale  avait  été  traduite  en 
dix  langues  :  hollandais,  anglais,  suédois,  islandais,  espagnol,  provençal, 
français,  italien,  portugais,  catalan.  En  outre  MM.  V.  H.  Friedel  et  Kuno 
Meyer  viennent  de  publier  cinq  textes  inédits  de  cette  composition  .  Deux 
de  ces  textes  sent  en  prose  française  et  tirés  de  manuscrits  du  xiv^  siècle, 
conservés  l'un  à  Londres,  British  Muséum,  additional  9771,  l'autre  à  Paris, 
Bibliothèque  Nationale,  ms.  français  763.  Vient  ensuite  un  fragment  de 
poème  anglo-normand,  364  vers  et  demi,  tirés  d'un  ms.  du  xiv^  siècle  qui 
se  trouve  au  Trinity  Collège  de  Dublin  et  y  porte  le  n"  332.  Cette  partie  du 
volume  est  l'œuvre  de  M.  Friedel. 

Le  quatrième  texte  est  en  prose  irlandaise,  c'est  un  des  nombreux  mor- 
ceaux réunis  dans  le  ms.  H.  3.18  du  collège  de  la  Trinité  de  Dublin  ;  il  se 
trouve  aux  pages  771-809  et  c'est  la  copie,  faite  au  xviic  siècle,  d'une  traduc- 
tion rédigée  au  xvje.  Le  cinquième  texte  également  en  prose  irlandaise  est 
extrait  du  ms.  Stowe  C.  II,  2,  xvi^  siècle,  qui  appartient  à  la  Royal  Irish 
Academy.  Ces  deux  derniers  documents  ont  été  publiés  par  M.  Kuno  Meyer 
qui  y  a  joint  un  index. 

IV 

Nous  sommes  bien  en  retard  pour  parler  du  mémoire  de  M.  August  Fick, 
Vorgriechische  Ortsnainen  aïs  Quelle  fi'ir  die  Vorgeschichte  Griecheiihinds  : 
«  Noms  de  lieu  qui,  étant  antérieurs  à  la  langue  grecque,  peuvent  être  uti- 
lisés comme  source  de  l'histoire  de  la  Grèce  avant  l'arrivée  des  Grecs.  »  Ce 
mémoire  a  paru  en  1905  =.  Il  ne  concerne  pas  l'histoire  de  la  Gaule,  mais  il 
peut  donner  aux  celtistes  un  modèle  à  imiter.  La  présence  en  territoire  grec 
d'un  grand  nombre  de  noms  de  lieu,  étrangers  à  la  langue  grecque  et  apportés 
par  les  populations  qui  ont  précédé  les  Grecs,  est  un  fait  historique  d'une 


1.  Potthast,  Bihliotbecii  bisloriùi  iih'dii  aevi,  2''  édition,    p.    109 S,    1098. 

2.  Goettingen,  Vandenhoeck  und  Ruprecht,  in-8",  viii-175  pag^-s. 


212  Chronique. 

haute  importance  et  peut  donner  lieu  à  penser  qu'un  certain  nombre  de 
noms  de  lieu  en  Gaule  et  dans  les  Iles  Britanniques  peuvent  remonter  à  la 
population  qui  dans  cette  partie  de  l'Europe  a  précédé  les  Celtes.  Si  la  plupart 
des  villes  antérieures  à  l'empire  romain  ont  pu  être  fondées  par  les  Celtes, 
les  cours  d'eau,  les  montagnes  remontent  à  une  date  plus  ancienne  que  la 
conquête  celtique  et  avaient  antérieurement  à  cette  conquête  des  noms  qui 
peuvent  avoir  subsisté. 

De  ce  que  nous  disons,  il  ne  se  suit  pas  que  nous  considérions  comme 
établies  toutes  les  doctrines  exposées  par  M.  A.  Fick  dans  ce  savant  travail. 
Il  ne  nous  semble  point  par  exemple  avoir  prouvé,  p.  loo  et  suivantes,  qu'il 
faille  rejeter  la  doctrine  d'Hellanique  de  Lesbos  suivant  laquelle  les  Étrusques 
sont  des  Pélasges  qui  de  Grèce  vinrent  en  Italie'.  La  doctrine  d'Hellanique 
s'accorde  avec  celle  d'Hérodote,  1.  I,  c.  94,  qui  fait  de  la  Lydie  le  point  de 
départ  de  cette  émigration  dont  la  Grèce  a  été  une  étape.  M.  Auguste  Fick 
est  un  linguiste  éminent,  mais,  quand  il  se  lance  dans  l'ethnographie,  sa  supé- 
riorité l'abandonne.  Etrusciis,  dit-il,  n'est  pas  le  même  mot  que  Tjp7r,vo:, 
un  surnom  des  Pélasges,  donc  la  population  désignée  par  le  premier  de  ces 
mots  n'est  pas  la  même  que  la  population  désignée  par  le  second.  Appli- 
quons à  l'ethnographie  de  l'Europe  moderne  le  même  procédé  :  nous  dirons, 
il  y  a  en  Europe,  au  xx»^  siècle,  trois  puissants  états  :  l'Empire  allemand, 
The  German  Empire,  Das  Deutsche  Reich  ;  on  aurait  tort  de  les  confondre. 

V 

Le  troisième  fascicule  de  la  Bihliotbcqiif  hretoune  armoricaine  publiée  par 
la  Faculté  des  lettres  de  Rennes  contient  un  Lexique  étymologique  des  termes 
les  plus  usuels  du  breton  moderne  '  par  Victor  Henry,  professeur  de  sanscrit 
et  de  grammaire  comparée  des  langues  indo-européennes  à  l'Université  de 
Paris.  Enlevé  subitement  par  une  angine  de  poitrine,  en  un  moment  où  il 
semblait  plein  de  santé,  M.  Victor  Henry  €st  mort  le  9  février  dernier  à 
l'âge  de  cinquante-six  ans.  La  veille  M.  Barth,  comme  lui  sanscritiste, 
avait  reçu  sa  visite  et  rien  ne  faisait  prévoir  pour  le  lendemain  la  catas- 
trophe que  l'excès  de  travail,  le  surmenage,  comme  on  dit,  a  probable- 
ment amené. 

Le  Lexique  étymologique  de  M.  Victor  Henry  est  fondé  en  grande  partie 
sur  VU rkelttscîjer  SprachschatidtM.  Whitley  Stokes;  il  contient  cependant 
beaucoup  de  parties  originales  et  il  est  fort  apprécié  tant  en  France  qu'à 
l'étranger.  Hier,  29  mars,  est  arrivé  à  Paris  le  prospectus  de  la  nouvelle 
édition  que  M.  Normati  Macleod,  libraire  d'Edimbourg,  annonce  àtVEtymo- 
logical  Dictionaiy  of  the  gaelic  iMnguage,  publié  en  1896  par  M.  Alexandre 
Machain.    Dans    ce  prospectus  on  lit,  que    :  In  the  New   Edition,  récent 

1.  Hellanique,  Phoronis,  fragment  i  ;  Charles  et  Théodore  Mùller,  Frag- 
menta historicorum  graecoruni,  t.  I,  p.  45. 

2.  Rennes,  Plihon  et  Hervé,  1900,  in-80,  xxix-550  pages.  Sur  les  livrai- 
sons de  cet  ouvrage,  voir  Revue  Celtique,  t.  XXI,  p.  236;  t.  XXII,  p.  357  ; 
t.  XXIII,  p.  II 3,  "364;  t.  XXIV,  p.  224. 


Chronique.  215 

Works  on  Celtic  Etymology  such   as  Henry's    "   Dictionary    of  Breton 
Etymology  "  hâve  been  carefuUy  compared  and  examined. 

Nous  ne  disons  rien  ici  des  nombreux  ouvrages  écrits  par  M.  Victor 
Henry  sur  d'autres  sujets  que  les  langues  celtiques,  sur  les  langues  et  la 
littérature  de  l'Inde,  sur  certaines  langues  de  l'Europe.  Il  y  a  eu  peu  de 
savants  plus  féconds.  Il  sera  vivement  regretté  de  ses  élèves  et  aussi  de 
ses  amis  parmi  lesquels  le  directeur  de  la  Revue  Celtique  prenait  plaisir  à 
se  compter. 

VI 

Il  y  avait  peu  do  jours  que  ces  lignes  étaient  écrites  quand  à  Paris  on  a 
appris  par  VAthenaeuiu  du  13  avril,  la  mort  subite  d'Alexandre  Macbain, 
auteur  de  VEtyi)ioIogical  Dictionary  ci-dessus  mentionné.  A.  Macbain  était 
dans  sa  cinquante-deuxième  année.  Un  article  nécrologique  sur  cet  érudit 
écrivain  a  été  publié  dans  la  Celtic  Revieiv,  vol.  III,  no  12,  p.  381-386. 
Sa  mort  arrivée  le  4  avril  est  une  grande  perte  pour  nos  études.  Voir  les 
comptes  rendus  qu'a  donnés  de  ses  publications  la  Revue  Celtique,  t.  VII, 
p.  279;  t.  XVI,  p.  117,  118,  348;  t.  XVII,  p.  98,  398;  t.  XVIII,  p.  360; 
t.  XIX,  p.  85. 

VII 

Le  mémoire  que  M.  Otto  Hirschfeld  a  intitulé  Die  rômîschen  Meilensteine, 
«  les  bornes  milliaires  romaines  »  ',  est  consacré  surtout  à  la  géographie 
romaine  de  la  Gaule.  L'auteur,  d'accord  avec  de  Caumont  et  K.  L.  Roth, 
constate  que  la  substitution  de  la  leuga  au  mille  romain  dans  une  grande 
partie  de  la  Gaule  date  en  général  du  me  siècle  de  notre  ère,  du  règne  de 
Septime  Sévère,  193-21 1,  probablement  de  l'année  202.  11  n'y  a  que  peu 
d'exemples  de  l'emploi  de  la  leuga  avant  cette  date.  Le  mot  leuga,  en 
français  «  lieue  »,  ne  se  retrouve  en  aucun  dialecte  celtique,  a  foit 
observer  M.  Zimmer.  On  peut  émettre  une  hypothèse,  c'est  que  ce  mot 
dérive  de  la  racine  qui,  en  sanscrit,  a  la  forme  réduite  ruj  d'où  nijciti  «  il 
brise  ».  Un  substantif  sanscrit  qui  en  vient,  râga-s,  «  brisure  »,  «  maladie  », 
serait  la  forme  masculine  du  gaulois  leuga.  Leuga  voudrait  dire  «  fraction  » 
et  proviendrait  de  la  même  racine  que  le  nom  du  dieu  Lugus  en  irlandais 
Lug  qui  signifiait  «  celui  qui  brise  »  parce  que  dans  la  bataille  contre  les 
Fomoré,  les  Titans  de  la  mythologie  irlandaise,  Lug,  dit-on,  tua  d'un 
coup  de    fronde  à  la  tête  Balor,  leur    principal  guerrier'.   L'adjectif  vieil 


1.  Extrait  des  Stt:(ungherichtc  der  Kôniglich-priïssischen  Académie  dar 
Wissenschajten,  IX,  1907,  in-80,   37  pages. 

2.  The  second  Bat  lie  of  Moytura,  publiée  par  Whitley  Stokes,  §135,  Revue 
Celtique,  t.  XII,  p.  100,  loi.  Ceux  qui  ont  fait  commencer  les  Z.et/o'at?  à 
Lugu-duuum  comme  nous  l'apprennent  la  Table  de  Peutinger  et  Ammien 
Marcellin,  XV,  11,  17,  semblent  avoir  eu  le  sentiment  de  l'étymologie 
que  nous  proposons. 


214  (Jjrfl)iiqiic. 

et  moyen  irlandais  liio'  «  petit  »,  littéralement  «  fragmentaire  »,  pourrait 
avoir  la  même  origine.  M.  Hirschfield  termine  par  une  étude  approfondie 
sur  la  substitution  du  nom  d'un  certain  nombre  de  peuples  gaulois  au  nom 
primitif  de  leur  capitale,  Parisii  au  lieu  de  Lîitecia,  etc. 

VIII 

M.  Ch.  Renel,  professeur  adjoint  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lj-on,  a 
écrit  un  volume  dont  le  titre  est  :  Les  religiois  de  la  Gaule  ai'ant  le  chris- 
tianisme^. C'est  en  général  une  compilation  faite  soigneusement  de 
seconde  main  avec  les  ouvrages  de  G.  de  Mortillet,  d'Alexandre  Bertrand, 
d'Allmer,  de  MM.  Salomon  Reinach,  Jullian,  Alfred  Holder,  Dottin, 
Cartailhac,  etc. 

L'auteur  n'a  aucune  notion  de  linguistique.  Par  exemple  il  ignore, 
p.  171,  que  la  diphtongue  indo-européenne  ei  est  devenue  en  latin  /long, 
en  celtique  e  long,  que  par  conséquent  dcua  est  gaulois,  d'iua  latin  et  que 
Dïvona  résulte  de  la  déformation  latine  du  gaulois  DcuonaK  II  donne,  p.  182, 
206,  Litgo-dumim,  avec  0  final  du  premier  terme,  comme  la  leçon  la  plus 
ancienne  du  nom  de  L\on,  au  lieu  de  Lugu-diuium  avec  u  final  du 
premier  terme  comme  l'a  établi  notamment  M.  Hirschfeld,  Corpus  inscrip- 
tionum  latinariim,  t.  XIII,  p.  246  et  suivantes.  En  conséquence  il  ne 
comprend  pas  la  relation  établie  entre  le  premier  terme  de  ce  nom  et  le 
nom  du  dieu  irlandais  Lug  =  *Liigii-s,  génitif  Logo?  =  *LugôS'*  tenant 
lieu  probablement  d'un  pr\m\ti(  *  Lug ouos  "i.  Autre  hérésie  linguistique, 
Taruos,  et  non  tauros,  étant  le  nom  gaulois  du  taureau,  comme  il  le  dit, 
p.  298,  il  en  conclut  que  Taiirini,  Taurisci,  Tanriacus,  termes  géogra- 
phiques, sont  dérivés  du  nom  gaulois  du  taureau.  Il  est  un  peu  arriéré 
sur  quelques  autres  points,  ainsi  quand  il  a  écrit,  p.  335-347,  son  étude 
sur  le  sacerdoce  gaulois,  il  n'avait  pas  connaissance  des  gutuatri. 

Constatons  cependant  qu'il  signale  dans  divers  musées  de  province  un 
certain  nombre  de  monuments  figurés  dont  nous  n'avions,  ce  nous  semble, 
pas  encore  entendu  parler. 

IX 

Il  a  existé  une  racine  bhedh,  bhodh,  «  creuser  »,  d'où  le  latin  fodio, 
fossa,  le  français  fosse,  fossé,  le  breton  be^,  le  gallois  hedd,  fosse  où  l'on 
enterre  les  morts,  le  gothique  hadi  ^=  *  bhodio-,  l'anglais  hed,  l'allemand  hett. 


1.  Paris,  Ernest  Leroux,  1906,   in-12,  419  pages. 

2.  Cf.  Brugmann,  Griindriss,  t.  1,  2^  édition,  p.  184,  187. 

3.  The   Battle   of  Moxtura  publiée  par  Whitley  Stokes,   Revue  Celtique, 
t.  XII,  p.  78,  127;  cf.  Whitley  Stokes,  Urkeltischer  Sprachschat:^,  p.  257. 

4.  Brugmann,  Gruudriss,  t.  II,  p.  578. 

5 .  Sont  à  cora^^r^r  Lug oue s  et  Lugouibus,  Holder,  Altceliischer  Sprachschat:^, 
t.  II,  col.  345. 


i 


Chronique.  215 

«  lit  ».  Dans  la  sixième  édition,  du  savant  EyiiioJogisches  IVoerterhttch 
de  M.  Friedrich  Kluge  qui  a  paru  en  1905,  on  lit,  p.  41,  que  le  mot 
germanique  a  dû  primitivement  désigner  la  tannière,  Tierlager,  d'animaux 
sauvages,  Tiere,  qui  avaient  creusé  ces  tannières  dans  le  sol.  Mais  comme 
l'ont  dit  avec  raison  plusieurs  savants  parmi  lesquels  nous  citerons  Karl 
Mùllenhoflf,  Deutsche  AUertiimshnuie,  t.  IV,  p.  289-291,  et  M.  O.  Schrader, 
ReallexicoH  der  imlogennaiiischen  Alterthiinier,  t.  II,  p.  876-878  (1901),  ces 
animaux  sauvages  étaient  des  hommes  parmi  lesquels  un  certain  nombre 
de  Germains  et  de  Gaulois.  Un  grand  nombre  de  ces  trous,  autrefois 
couverts  de  bâtiments  en  bois  et  terre  avec  toiture  de  paille,  se  rencontrent 
encore  en  Allemagne,  en  France,  en  Suisse,  en  Angleterre.  Aujourd'hui 
que  les  bâtiments  n'existent  plus  ces  trous  sont  souvent  des  mares  pleines 
d'eau  et  on  les  appelle  mardelles  dans  les  pavs  de  langi'.e  romane.  Mon 
grand-père,  qui  en  1800  faisait  partie  de  l'armée  française  commandée 
par  Moreau  et  victorieuse  à  Hohenlinden,  m'a  plusieurs  fois  raconté 
comment  s'étant  un  soir  couché  dans  un  fossé,  il  se  réveilla  le  matin  dans 
un  ruisseau. 

M.  Albert  Grenier,  dans  son  volurfe  intitulé.  Habitations  gauloishs 
ET  villas  latines  DE  LA  CITÉ  DES  MÉDioMATRicES ',  consacre  aux  mar- 
delles du  pays  des  Médiomatrices  les  pages  31-36.  Le  nombre  de  celles 
dont  on  a  constaté  l'existence  dans  ce  petit  territoire  s'élève  à  environ 
cinq  mille.  Une  partie  a  continué  a  être  habitée  sous  la  domination 
romaine. 

X 

Au  dernier  moment  nous  apprêtions  que  notre  savant  collaborateur 
M.  J.  Vendryes  vient  d'être  transféré  de  l'Université  de  Caen  à  celle  de 
Paris.  Il  va  occuper  à  la  Faculté  de  lettres  de  Paris  la  chaire  de  grammaire 
comparée  précédemment  confiée  à  Victor  Henrv  qui  aura  ainsi  un  succes- 
seur digne  de  lui. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


I.  Paris,    Champion,     1906,   in-80,    199    pages,     157''    fascicule  de   la 
Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes  Études. 


PÉRIODiaUES 


Sommai  If.  —  I.  Zeitschrift  fur  celtisclie  PliiU)logie.  —  II.  Eriu.  —  III.  The  celtic 
Revicw.  —  IV.  Ihe  Journal  of  tlie  Society  of  Antiquaries  of  Ireland.  —  V.  Annales 
de  Bretagne.  —  VI.  Indogermanische  Forscliungen.  —  VII.  Revue  des  Études 
anciennes.  —  VIII.  L'Anthropologie.  —  IX.  Revue  des  questions  scientifiques.  — 
X,  Revue  archéologique. 


I 

La  première  livraison  du  tome  VI  de  la  Zeitschrift  fur  celtische 
PHILOLOGIE  vient  de  voir  le  jour.  La  dernière  livraison  du  tome  V  date 
de  1905.  Les  admirateurs  de  ce  savant  recueil  se  demandaient  avec 
inquiétude  s'il  n'avait  pas  définitivement  cessé  de  paraître.  Non,  il  n'est 
pas  mort,  le  voilà  plein  de  vie. 

M.  Thurneysen  y  étudie  d'abord  la  question  de  savoir  à  quelle  date 
remonte  la  collection  canonique  irlandaise.  Suivant  lui  le  ms.  de  Paris, 
Bibliothèque  nationale,  manuscrit  latin  12.021,  a  été  copié  sur  un  manu- 
scrit écrit  dans  l'abbaye  d'Iova,  vulgairement  lona,  en  Ecosse,  par 
Cu-Cuimne  mort  en  747,  et  qui  transcrivait  un  manuscrit,  oeuvre  de 
Ruben  ou  Rubin  mac  Connaid  ;  celui-ci  était  un  scribe  de  Munster,  mort 
en  725. 

Dans  l'article  suivant,  M.  Thurneysen  s'occupe  de  la  date  à  laquelle  il 
faudrait  placer  le  Martyrologe  d'Oeugm,  dont  M.  Whitlev  Stokes  a  donné  la 
seconde  édition  en  1905  '.  M.  Thurnevsen  met  la  rédaction  de  ce  document 
entre  les  années  797  et  808. 

Et  ensuite  est  placé  le  morceau  le  plus  long  de  la  livraison,  c'est  la  vie 
irlandaise  de  Guy  de  Warwick,  inédite  jusqu'ici  en  cette  langue  et  publiée 
d'après  le  ms.  H.  2.  7,  p.  300  et  suivantes,  du  collège  de  la  Trinité  de 
Dublin,  xve  siècle-.  L'auteur  de  cette  édition,  M.  F.  N.  Rohinson, 
professeur  à  Harvard  University,  Cambridge,  Massachusetts,  États-Unis 
d'Amérique,  donne  le  texte  irlandais  en  le  faisant  suivre  d'une  traduction- 
Il  nous  promet  la  publication  prochaine  de  la  vie  de  Bevis  de  Hampton, 

1.  Sur  cette  édition,  voyez  Revue  Celtique,  t.   XXVII,  p.    104,  105. 

2.  Des  extraits  de  ce  texte  ont  été  insérés  d'après  le  même  manuscrit  en 
1889,  par  M.  Max  Nettlau,  dans  !a  Revue  Celtique,  t.  X,  p.  187-190. 


Périodiques.  217 

p.  348  et  suivantes  du  même  manuscrit'.  Ces  deux  ouvrages  irlandais 
paraissent  être  des  arrangements  de  rédactions  anglaises  de  deux  romans 
du  moyen  âge  dont  on  a  aussi  des  rédactions  françaises. 

Les  quatrième  et  cinquième  articles,  l'un  de  M.  H.  Gaidoz,  l'autre  de 
M.  L.  Ch.  Stern  ont  pour  objet  l'usage  du  supplice  appelé  en  français 
crapaudine.  M.  Gaidoz  a  trouvé  ce  supplice  dans  la  littérature  galloise  et 
dans  le  folklore  irlandais.  M.  Stern  en  signale  un  exemple  dans  V Odyssée 
et  d'autres  dans  le  folklore  des  Highlands  d'Ecosse.  Son  usage  dans  les 
armées  anglaise  et  française  est  chose  bien  connue. 

Le  sixième  article,  dû  comme  le  quatrième  à  M.  Gaidoz,  traite  du  cuir 
d'Irlande  dans  les  Mahi)iogwn. 

Le  septième  article,  précédé  du  portrait  de  Jean  Gaspard  Zeuss,  contient 
le  compte  rendu  détaillé  de  la  cérémonie  faite  le  22  juillet  dernier  pour 
célébrer  le  centenaire  de  l'éminent  savant  bavarois.  L'auteur,  M.  Maximi- 
lien  Pfeiffer,  bibliothécaire  à  Bamberg,  reproduit  les  discours  prononcés 
à  Bamberg  par  MM.  Anton  Dùrrwàchter,  professeur  au  lycée  de  Bamberg, 
qui  parla  de  Zeuss  historien;  Kuno  Meyer,  professeur  à  l'Université  de 
Liverpool,  qui  exposa  les  découvertes  linguistiques  de  Zeuss.  Viennent 
ensuite  les  quelques  paroles  prononcées  au  cimetière  par  douze  orateurs, 
Dr.  Hartung,  recteur  du  lycée  de  Bamberg,  Geheimrat  Heigel,  président 
de  l'Académie  des  sciences  de  Bavière,  les  professeurs  Roethe  de  Berlin, 
Schrôder  de  Gôttingen,  Delbrûck  de  Jena,  Kuno  Meyer  de  Liverpool, 
M.  Joseph  O'Neill  de  Dublin,  le  Bûrgermeister  Kempf,  le  D^  Bayer, 
recteur  à  Bamberg,  le  D-"  Haas  représentant  le  Wilhelmsgymnasium  de 
Munich,  le  D""  Chroust,  professeur  à  Wùrzburg,  enfin  le  D""  Pfeiffer, 
bibliothécaire  à  Bamberg. 

Le  huitième  article,  dû  à  M.  L.  Chr.  Stern,  contient  le  texte  et  la 
traduction  d'une  pièce  de  vers  galloise  dont  l'auteur  est  le  poète  célèbre 
Dafvdd  ab  Gwilym  qui  vivait  au  xive  siècle. 

Avant  les  comptes  rendus  de  livres,  on  trouve  groupés  sous  le  titre  de 
Mélanges,  Miscelleii,  1°  la  traduction  par  M.  R.  Thurneysen  de  la  strophe 
57  de  Vlmram  Snedgiisa  ociis  niic  Riagla  ;  des  corrections  et  additions  par 
M.  Whitley  Stokes  à  sa  seconde  édition  du  Martyrologe  d'Oengus,  des 
corrections  de  M.  L.  Chr.  Stern  à  son  édition  du  Tochmarc  Elaine  {Zeitschrift 
fi'ir  Cdtische  Philologie,  t.  V,  p.  524,  530,  533);  enfin  une  note  de  M.  H. 
Krebs  sur  l'emploi  du  vqx\)C  glaiiio  «  débarquer  »  en  gallois. 

II 

Eriu  qui,  comme  la  Zeitschrift  fiïr  Celtische  Philologie,  n'avait  pas  eu  de 
livraison  en  1906,  vient  de  paraître  à  nouveau.  La  première  partie  du 
t.  III  nous  est  parvenue.  Elle  contient  douze  articles  : 

1°  Homélie  irlandaise  publiée  d'après  le  Livre  jaune  de  Lecan,  col.  397 
et  s.,  pages  i'^^-i6^,  du  fac-similé.  Ce  texte   est  accompagné  d'une   copie 

I.  Des  extraits  de  cette  seconde  piice  ont  été  donnés  d'après  le  même 
manuscrit  par  M.  Max  Nettlau,  Rei'ue  Celtique,  t.  X,  p.   190-191. 


2l8  Périodiques. 

rcctilice  et  d'une  traduction  par  M.  Straclian.  Cette  liomélie  avait  déjà  été 
donnée  par  M.  Kuno  Meyer  dans  la  Zeilschrifl  fi'ir  CeJtische  Philologie, 
t.  IV,  p.  241  et  s.,  d'après  le  nis.  23.  P.  2,  de  l'Académie  royale 
d'Irlande. 

2°  Note  de  M.  Whitley  Stokes  sur  deux  expressions  irlandaises  Idvi  soscc'li, 
«  main  de  l'évangile  »  pour  «  main  gauche  »,  Idtii  beiuiachtan,  «  main 
de  bénédiction  »  pour  ^   main  droite  ». 

30  Poème  religieux  anonyme  publié  et  traduit  d'après  le  Leahhar  hreoc, 
p.  262  b,  par  M.  Kuno  Mever. 

4°  Note  où  M.  J.  H.  Lloyd  discute  la  question  de  savoir  où  était 
situé  Cnoc  Rire,  localité  mentionnée  dans  l'abrégé  irlandais  de  VExpitgnatio 
hibcrnica  de  Giraldus  Cambrensis.  Cet  abrégé  irlandais  a  été  publié  par 
M.  Whitley  Stokes  en  janvier  1905  dans  The  english  historical  Review, 
t.  XX,  no  77. 

50  Note  de  M.  R.  Thurneysen  sur  certains  changements  subis  par 
l'initiale  des  verbes  irlandais   après  des  préfixes. 

6°  Etude  par  M.  Strachan  sur  divers  changements  de  l'initiale  des  verbes 
en  vieux  gallois. 

7"  Poème  irlandais  sur  le  Jour  du  Jugement,  publié  avec  traduction 
par  M.  O'KeefFe  d'après  un  ms.  des  Franciscains  de  Dublin. 

8°  Corrections  par  M.  Whitley  Stokes  à  son  édition  de  la  Langue  toujours 
nouvelle,  Éfiu,  t.  II,  p.  98  et  s. 

9°  M.  Gustav  Hamaltûn  recherche  où  pouvait  être  situé  le  Bruiden  Dd 
Derga,  c'est-à-dire  le  château  que  rendit  célèbre  la  pièce  intitulée  Togail 
Bruidne  Dd  Derga,  «  Destruction  de  Bruiden  Dd  Derga  »,  publiée  par 
M.  Whitley  Stokes  dans  le  tome  XXII  de  la  Revtie  Celtique,  et  où  est  raconté 
comment  vers  l'an  40  avant  J.-C,  périt  Conaire  le  Grand,  roi  suprême 
d'Irlande'.  Suivant  \q  Scèl  imicci  Mac  Dd  Thà,  §  i,  Bruden  Dd  Derga,  se 
trouvait  dans  la  province  de  Cûala,  au  génitif  Cùaland-.  L'auteur  veut  plus 
de   précision. 

10°  M.  Eoin  Mac  Neill  cherche  a  établir  le  sens  précis  du  vieil 
irlandais  tiiocu  qu'Adamnân  paraît  avoir  traduit  par  l'ablatif  latin  gente 
de  gens  et  qui  désignerait  un  groupe  de  parents  descendant  d'un  ancêtre 
commun,  vraisemblablement  mythologique,  le  dieu  protecteur,  souvent  la 
déesse  protectrice  de  la  famille.  Moai  aurait  trois  synonymes,  ddl  et  corcu 
qui  se  place  comme  iiiocii  avant  le  nom  propre  et  rige  qui  se  place 
après. 

Il»  M.  O.  J.  Bergin  étudie  à  fond  les  règles  de  la  palatalisation  des 
consonnes  en  irlandais,  phénomène  dont  O'Donovan  a  parlé  dans  A  Gram- 
niar  of  the  irish  Language,  p.  27  et  suivantes.  Cet  article  a  servi  de  thèse 
de  doctorat  à  l'auteur  devant  l'Université  de  Fribourg-en-Brisgau  en  1906. 
Cette  thèse,  intitulée  Coiitrihiitioii  to  the  history  of  palatalisation  iti  old  irish, 

1.  Annales  des  quatre  maîtres,  édition  d'O'Donovan,  t.I,p.90,  91  ;  Annales 
de  Tigernach,  publiées  par  M.  Whitley  Stokes, /?«';/«  Cf/^/r/wc,  t.  XVI, p. 405  ; 
Flathiiisa  Prend  dans  le  Livre  de  Leinster,  p.   23,   col.    i,  1.  47-48. 

2.  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  96,  1.  8. 


Pénoâlques.  219 

forme  une  brochure  in-80   cie  46  pages.  Cordiales  félicitations  au  nouveau 
docteur. 

12°  Règle  d'Ailbe  d'Enily,  publiée  avec  traduction  d'après  quatre 
manuscrits,  par  M.  Joseph  O'Neill.  Ailbe,  archevêque  d'Emly,  mourut 
dans  la  première  moitié  du  vi^  siècle,  probablement  en  535.  C'est  la  date 
sur  laquelle  s'accordent  les  Annales  d'Uhter''  et  les  Flathiusa  Erend'.  Il 
ne  s'en  suit  pas  que  cette  pièce  remonte  au  vie  siècle.  Des  auteurs  obscurs, 
désirant  le  succès  de  leurs  écrits,  ont  souvent  mis  leurs  œuvres  sous  le  nom 
d'un  homme  illustre,  mort  depuis  longtemps,  et  qui  ne  pouvait  réclamer. 

III 

The  celtic  Review,  n»  du  15  janvier  1907,  débute  par  un  article  de 
M.  Arthur  Hughes,  qui  vante  le  poète  gallois  du  xii^  siècle  Gwalchmei 
ap  Meilyr5.  A  l'appui  de  ses  dires  il  donne  avec  traduction  une  édition 
mutilée  du  poème  intitulé  Gorhofet  Gwalchniai*.  Il  la  donne  sans  prévenir 
qu'il  a  retranché  la  plus  forte  partie  des  vers  5.  Puis  M.  Mackinnon  continue 
son  édition  du  Glenmanasan  Manuscript  ;  M.  A.  Maclean  Sinclair  raconte 
l'histoire  des  Macneiil  de  Barra,  du  xiie  siècle  au  xix^;  M.  Charles 
Robenson  poursuit  son  étude  des  dialectes  gaéliques  d'Ecosse;  M.  W.  J. 
Watson  donne  un  relevé  des  noms  de  lieu  d'Ecosse  où  se  rencontre  le 
terme  gaélique  innis  «  île  »,  écrit  par  les  Anglais  inch,  et  qui  s'oppose 
au  synonyme  eilcan,  celui-ci  d'origine  Scandinave;  M.  Kenneth  Macleod 
dans  un  article  intitulé  TheCell  and  the  Sea  donne  la  traduction  de  plusieurs 
fragments  de  poèmes  gaéliques  où  la  mer  apparaît  ;  M.  David  Mac  Ritchie 
proteste  contre  ceux  qui  croient  qu'au  temps  de  Jules  César  les  Celtes  étaient 
des  sauvages  au  corps  peint  et  d'une  civilisation  très  inférieure  à  celle  des 
Romains  ;  M.  Kenneth  Macleod  nous  offre  une  nouvelle  version  d'un 
récit  légendaire  qui  appartient  au  folklore  gaélique  d'Ecosse,  le  Chevalier 
du  bouclier  rouge,  Gaisgeacli  na  sgeitbe  deirge.  Le  dernier  article  est  dû  au 
professeur  H.  H.  Johnson,  il  y  commence  un  relevé  des  villes  qui,  suivant 
la  tradition  populaire,  auraient  été  englouties  par  les  eaux.  Après  les 
comptes  rendus  de  livres  vient  sur  la  dernière  page  une  note  philologique 
de  M.  Alexandre  Macbain  :  la  Clyde,  rivière  d'Ecosse  qui  passe  à  Glasgow, 


1.  Annales  d'Ulster,  édition  Hennessv,  t.  I,   p.  44,  45. 

2.  Whitley  Stokes,  The  tripartite  Life  of  Patrick,  t.  II,  p.  514.  Cette 
date  semble  préférable  à  941  proposée  par  les  Annales  des  quatre  viaîtres, 
édition  d'O'Donovan,  t.  I,  p.  182,  183,  principalement  note  c,  et  par  le 
Martyrologi  de  Donegal,  15  septembre,  p.  246,  247  de  l'édition  donnée 
par  Ô'Donovan,  Todd  et  Reeves  en  1864. 

5.  Robert  Williams,  A  hiographical  Dictionaryof  eniinent  Welshmen,  p.  190, 

4.  The  Myvyrian,  1870,  p.  142-144. 

5.  Les  vers  premiers  publiés  et  traduits  par  M.  Arthur  Hugues  sont  dans 
l'édition  du  Myvyrian  ceux  qui  peuvent  être  numérotés  i,  2,  5-12,  33,  34, 
4ti,A2,  57,  58.  Manquent  les  vers  3,4,  15-32,  35-40,  43-56.  Ainsi  du  reste. 
Est-ce  ainsi  qu'en  Ecosse  on  traite  les  odes  d'Horace? 


220  Périodiques. 

porte  un  nom  dont  la  forme  primitive  Clouta  ne  doit  pas  être  confondue 
avec  le  nom  d'une  rivière  du  pays  de  Galles,  la  Chvyd  =  Clcita. 

IV 

Dans  le  Journal  of  the  royal  society  of  antiquaries  of  ireland, 
décembre  1906,  nous  signalerons  une  histoirede  la  seigneurie  desMacCarthy 
Môr  dont  le  chef  Dermot  était  roi  du  Munster  méridional,  Desmond,  lors 
de  l'arrivée  d'Henri  II  en  Irlande  ;  l'auteur  de  cet  article  est  M.  W.  F. 
Butler,  professeur  au  Queen's  Collège  de  Cork.  Puis  nous  mentionnerons 
le  mémoire  de  M.  W.  J.  Knowles  sur  une  fabrique  de  haches  de  pierre 
près  de  Cushendall  dans  le  comté  d'Antrim,  partie  nord-est  de  l'Irlande. 
M.  Knowls  a  trouvé  plusieurs  de  ces  haches  en  pierre  éclatée  et  en  pierre 
polie,  des  gravures  accompagnent  son  article.  D'autres  gravures  représentent 
des  broches  que  l'on  croit  de  fabrication  Scandinave  et  qui  ont  été  trouvées 
dans  le  comté  de  Down  également  en  Ulster,  à  une  profondeur  de  neuf 
pieds  anglais  ;  ce   sont  les  monuments  d'une  autre  civilisation. 

Parmi  les  ouvrages  dont  cette  livraison  rend  compte,  nous  signalerons 
comme  étant  d'un  intérêt  général  :  The  dioccse  of  Liiiienck  ancienl  ami 
médiéval  par  le  Rev.  John  Begley. 


La  livraison  des  Annales  de  Bretagne,  qui  est  datée  de  janvier  1907, 
débute  par  un  mémoire  de  M.  G.  Mollat  :  le  titre  de  ce  mémoire  est 
«  Études  et  documents  sur  l'histoire  de  Bretagne  »  ;  la  première  partie 
concerne  les  démêlés  d'un  évêque  de  Rennes  et  d'un  vicomte  de  Beaumont 
au  xive  siècle;  la  seconde  est  relative  à  la  date  du  martyre  de  saint  Dona- 
tien et  de  saint  Rogatien  qui  habitaient  Nantes  et  qui,  selon  une  tradition 
de  valeur  contestable,  auraient  péri  dans  la  persécution  de  Dioclétien.  Le 
second  article,  écrit  parDom  Malgorn,  contient  plusieurs  morceaux  bretons 
fournis  par  le  folklore  d'Ouessant.  Parmi  les  six  articles  suivants  quatre  se 
rapportent  à  l'histoire  moderne  et  nous  les  passerons  sous  silence;  nous 
appellerons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  la  continuation  des  «  Mélanges 
d'histoire  bretonne  »  écrits  par  M.  Ferdinand  Lot;  elle  nous  fait  remonter 
au  ixe  siècle,  met  en  présence  Nominoé,  Erispoé,  et  l'empereur  Lothaire, 
puis  elle  traite  de  la  destruction  par  Nominoé  du  monastère  de  Saint-Flo- 
rent-le-Vieil,  Maine-et-Loire.  Nous  avons  déjà  parlé,  p.  98  et  99,  du 
mémoire  de  Dom  L.  Gougaud  sur  l'itinéraire  de  saint  Colomban  venant 
en  Gaule. 

VI 

Le  tome  XX  des  Indogermanische  Forschungen  nous  offre  quelques 
rapprochements  étymolologiques  intéressants  pour  l'étude  de  l'irlandais, 
du  gallois  et  du  breton.  Voir  l'article  de  M.  Gunther  sur  les  prépositions 
dans  les  inscriptions  dialectales  grecques,  celui  où  M.  Brugmann  parle  des 


Périodiques.  22 1 

îiox.xi   vi-oo;;  de  VOdyssce,  celui  de  M.  N.  Van  Vijk   sur  Vablaul   indo-ger- 
manique et  surtout  les  Etymologisclie  Misiellcn  de  M.  Cari  Marstrandtr. 

VII 

Dans  la  Revue  des  études  anciennes,  t.  IX,  janvier-mars  1907,  la 
plus  forte  partie  du  numéro  est  consacrée  aux  antiquités  nationales  : 
d'abord  sous  le  titre  de  question  hannibaliques,  une  étude  de  M.  Juliian, 
aidé  de  plusieurs  collaborateurs,  sur  le  passage  d'Hannibal  dans  le  midi  de 
la  Gaule,  quand  d'Espagne,  en  218,  il  se  rendit  en  Italie.  On  trouve 
ensuite  un  mémoire  de  MM.  Robert  Laurent  et  Charles  Dugas  sur  le 
monument  romain  de  Biot,  Alpes-Maritimes,  qui  paraît  remonter  à  l'époque 
d'Auguste.  Y  sont  jointes  trois  planches  représentant,  d'après  ce  monument, 
des  casques  gaulois,  des  trompettes  gauloises,  un  sanglier-enseigne,  etc., 
enfin  deux  planches  où  sont  réunies,  d'après  d'autres  monuments,  des 
reproductions  de  casques  et  de  trompettes  gauloises  à  comparera  celles  que 
nous  offre  le  monument  de  Biot.  M.  de  la  Ville  de  Mirmont  traite  de  l'astro- 
logie chez  les  Gallo-romains;  ce  savant  travail  copieusement  annoté  mérite 
une  sérieuse  attention.  La  chronique  gallo-romaine  de  M.  Juliian  toujours 
fort  intéressante  est  un  recueil  de  courtes  mentions  qu'à  notre  grand  regret 
nous  ne  pouvons  analyser. 

VIII 

L'Anthropologie,  t.  XVII,  no  de  novembre-décembre  1906,  contient  un 
article  de  M.  Lucien  Mayet  sur  «  la  question  de  l'homme  tertiaire  », 
sujet  fort  curieux,  mais  sur  lequel  la  Revue  Celtique  est  incompétente. 

IX 

En  1899,  dans  le  tome  X,  p.  397-409,  de  V Anthropologie ,  M.  Salomon 
Reinach  a  publié  un  savant  article  intitulé  ;  Un  nouveau  texte  sur  l'origine 
du  commerce  de  rétain.  Corrigeant  en  Midas  phryx  le  Midacritus  de  Pline, 
Histoire  naturelle,  IX,  197,  et  justifiant  cette  correction  par  deux  textes  cor- 
respondant, l'un  chez  Hygin,  fabula  274,  l'autre  chez  Cassiodore,  Varianun 
III,  51,  il  établit  que  la  marine  phrygienne  atteignit  avant  les  Phéniciens, 
les  Iles  britanniques  et  aussi  avant  eux  s'y  approvisionna  d  etain.  Elle  dut 
par  conséquent  très  anciennement  aborder  en  Espagne.  Dans  deux  articles 
de  la  Revue  DES  questions  scientifiq.ues,  octobre  1906,  janvier  1907,  et 
dont  il  existe  un  tirage  à  part  mis  sous  nos  yeux  par  l'auteur,  M.  L.  Siret, 
p.  1 1  de  ce  tirage  à  part,  insiste  sur  la  prochaine  parenté  du  néolithique 
espagnol  avec  les  découvertes  faites  par  M.  Schliemann  en  Asie-Mineure 
sur  l'emplacement  de  Troie  à  Hissarlik  '.  Ainsi  la  civilisation  préhistorique 

I.  On  peut  par  exemple  comparer,  dans  la  première  planche  de  M.  Siret, 
les  figures  48-52  avec  les  figures  que  contient  le  chapitre  v  de  Yllios  de 
Schliemann,  traduction  de  M"ie  Egger,  p.  289,  290. 


222  Périodiques. 

d'Hissarlik,  c'est-à-dire  la  civilisation  phrygienne  préhistorique,  a  précédé 
en  Espagne  celle  des  Phéniciens  et  par  conséquent  aussi  celles  des  Celtes. 
D'autre  part,  les  Celtes  ne  sont  pas  en  Espagne,  suivant  M.  Siret,  les 
premiers  envahisseurs  venus  du  Nord.  Les  Celtes  ont  été  précédés  en 
Espagne  par  un  autre  conquérant  septentrional  qui  a  introduit  dans  la 
péninsule  la  civilisation  du  bronze.  Pour  M.  Siret  ce  conquérant  est 
anonyme.  Nous  risquerons  un  nom,  celui  des  Ligures. 


Dans  la  Revue  ARCHÉOLOGiacE,  nous  signalerons  :  no  de  novembre- 
décembre  1906,  p.  ^58-341,  description  des  objets  recueillis  dans  une 
sépulture  à  char,  explorée  le  21  janvier  1876,  à  Sablonières,  canton  de 
Père  en  Tardenois,  arrondissement  de  Château-Thierrv;  les  objets 
découverts  alors  font  partie  de  la  collection  Moreau  conservée  au  Musée 
de  Saint-Germain-en-Lave.  Aux  pages  472,  493,  la  Revue  des  publications 
épigraphiques  de  MM.  Cagnat  et  Besnier,  signale  des  inscriptions  romaines 
où  se  trouvent  des  noms  propres  gaulois  au  nominatif  et  au  génitif  :  Adna- 
mata,  Carvecioni  f[ilia]  ;  Absucus  Adnamonis  f(iliusj,  Danuius  Diassumari 
f[ilius],  et  au  génitif  seulement  :  Jovincati  Sumaronis. 

No  de  janvier-février  1907,  p.  31-37,  un  article  de  M.  Vercoutre 
sur  l'autel  des  Xautae  parisiaci  conservé  à  Paris,  au  Musée  de  Cluny. 
Suivant  l'auteur,  les  personnages  armés  de  lances  font  partie  d'une  œhors 
Jtiiutaru)!!.  Un  autre  groupe,  les  eurises,  sont  des  ouvriers  constructeurs  de 
bateaux,  des  fabri  tiguarii\  le  mot  eurises  serait  dérivé  de  la  racine  d'où 
provient  la  forme  verbale  i-euru  dont  le  premier  terme  paraît  être  un  préfixe. 
Les  Senaiii,  troisième  groupe,  sont  des  déchargeurs  de  bateau.  Aux  p.  38-50, 
M.  Dechelette  étudie  l'antique  usage  de  la  peinture  corporelle  et  du  tatouage  ; 
aux  p.  94-118,  M.  Joulin  décrit  les  substructions  antiques  dont  il  constate 
l'existence  à  Toulouse  et  aux  environs. 

H.  d'Arbois  de  Jubain ville. 


Nota.  —  Nous  renvoyons  à  la  livraison  suivante  le  compte  rendu  de 
VArchaeologia  Cainbrensis,  6^  série,  t.  VI,  qui  ne  nous  est  pas  encore  parvenu 
et  celui  des  deux  premières  livraisons  du  tome  VII  dont  nous  n'avons  reçu 
que  la  seconde. 


CORRECTIONS 

P.  17,  1.  4  du  texte,  an  lieu  lie  d'une  vache,  /w^  de  vaches. 
P.  53, 1.  6  et  9,  au  Heu  de  Meiiapii,  lisez  Maiiapii. 


ADDITION 

Dans  lé  tome  XXVII,  p.  3 19,  de  la  Revue  Celtique,  nous  avons  publié  une 
photogravure  du  menhir  de  Kervadel,  aujourd'hui  à  Kernuz,  où  l'on  voit 
représenté  un  Mercure  accompaoné  d'un  enfant.  Ce  Mercure  est,  suivant 
nous,  la  représentation  gallo-romaine  du  dieu  celtique  Lugus,  en  irlandais 
Lug,  et  l'enfant  placé  à  côté  de  lui  est  son  jeune  fils  connu  en  Irlande  sous 
un  surnom  dû  à  un  acte  merveilleux  accompli  par  cet  enfanta  l'âge  de  six 
ans  et  qui  l'a  fait  appeler  chien  du  forgeron  Culann,  Ciichulainn. 

Un  monument  semblable  et  d'une  beaucoup  plus  grande  valeur  artistique, 
mais  malheureusement  détruit  aujourd'hui,  a  été  découvert  à  Melun,  en 
1812. 

Dans  le  volume  intitulé  :  Mémoires  lus  à  la  Sorhonne  dans  les  séances  extraor- 
dinaires du  comité  impérial  des  travaux  historiques  et  des  sociétés  savantes  les  jo, 
_,'/  nmrs  et i^^ avril  1S64.  Archéologie,  p.  20  et  suivantes,  M.  Eugène  Grézy  a 
publié,  avec  accompagnement  de  planches,  un  rapport  lu  à  la  3e  classe  de 
l'Institut  de  France,  le  14  août  1812,  par  l'académicien  Antoine  Mongez.  On 
y  trouve  ce  qui  suit  :  «  Les  planches  II  et  III  présentent  de  profil  et  de  face 
un  groupe  de  deux  figures  mutilées,  l'une  de  grandeur  naturelle,  l'autre  plus 
petite  d'un  tiers.  La  plus  grande  a  été  brisée  à  la  poitrine,  le  col  et  la  tête  sont 
perdus.  La  tête  de  la  seconde,  qui  est  la  plus  petite,  manque  seule.  Les  débris 
d'un  caducée,  d'une  bourse,  d'une  tortue  surmontée  d'un  coq,  de  petites 
ailes  attachées  aux  chevilles  des  pieds  font  reconnaître  Mercure  dans  la  plus 
grande  qui  est  nue.  Elle  parait  être  appuyée  sur  un  cippe  contre  lequel  est 
adossée  la  petite  figure  qui  est  vêtue  d'une  tunique  sans  manches,  liée  avec 
une  ceinture,  et  qui  porte  une  chaussure  fermée.  Le  style  de  ce  groupe  est 
celui  des  bas-reliefs  et  des  statues  trouvées  à  Metz,  à  Framont,  à  Maubeuge, 
etc.,  appartenant  aux  Gaulois  qui  vivaient  sous  la  domination  des  Romains. 

«  Les  attributs  de  la  grande  figure  font  connaître  Mercure.  Q.i-i'int  à  la 
seconde,  elle  en  est  dépourvue.  On  peut  remarquer  seulement  qu'elle  sup- 
porte avec  ses  deux  mains  ou  qu'elle  touche  la  bourse  du  dieu On 


224  Addition. 

aperçoit  les  vestiges  d'une  tête  entre   les  deux  figures  et  l'on  ne  peut  rien 
dire  sur  un  objet  si  peu  distinct.  » 

Telle  est  la  prudente  conclusion  d'Antoine  Mongez  :  nous  serons  plus 
hardi.  Cette  tête  qui  apparaît  derrière  et  au  niveau  du  genou  de  Mercure, 
derrière  et  au  niveau  des  fesses  de  l'enfant,  semble  être  celle  d'un  des  fils  de 
Necht,  ces  trois  redoutables  guerriers  que  le  jeune  fils  de  Lug,  quoique  âgé 
de  sept  ans  seulement,  tua  dans  trois  combats  singuliers  et  dont  il  emporta 
les  trois  têtes,  comme  nous  l'apprend  le  Tdiii  ho  Cùalnge.  C'est  M.  Camille 
Jullian,  notre  savant  confrère  et  collègue,  qui  nous  a  signalé  la  publication 
de  M.  Grézy  et  par  conséquent  le  rapport  de  Mongez. 

H.   D'A.    DE  J. 


Le  Piopriétdiie-Gcrant,  H.  CHAMPION. 


MAÇON,    PROTAT    FRERES,    IMPRIMEURS 


M  F.  R  CURE 
DÉCOUVERT    A    MKLUN     F.N    ]8l3 


LE    ((  PAIN    GALATE  » 


Dans  une  Expositio  totiiis  Dinndi  et  gcnliiiiii,  écrite  sous  Cons- 
tance (entre  351  et  358),  à  Antioche  ou  à  Alexandrie,  l'auteur 
anonyme,  caractérisant  en  quelques  mots  les  provinces  de 
l'Empire  et  les  productions  de  leurs  grandes  villes,  achève  ainsi 
sa  notice  sur  la  Galatie  :  «  Hahet  civitateiii  jiiaximam  quae  dicitur 
Ancyra  ;  divinum  panem  et  eminentissiniuDi  uianducare  dicitur  '   » 

Cette  épithète  de  divin  appliquée  à  un  pain  ne  laisse  pas 
d'étonner  ;  même  chez  un  écrivain  du  iv^  siècle,  diviiius  ne 
s'emploie  que  par  rapport  aux  dieux  ou  aux  empereurs.  Ainsi 
notre  chorographe,  en  faisant  allusion  aux  chevaux  de  Cappa- 
doce,  pourra  parler  de  diviiionini  auinialiuni  fonnositas,  parce 
que  ces  coursiers  fameux  sont  réservés  à  l'Empereur.  Il  n'en  sau- 
rait être  autrement  du  pain  gnlate;  s'il  est  qualifié  de  diviniis, 
cen'est  pas  seulement  qu'il  est  exquis,  mais  qu'il  n'est  pas  sans 
quelque  relation  avec  la  divinitas. 


I.  C.  MûUer,  Geogr.  Graeci  Minores,  II,  p.  521  ;  A.  Riese,  Geogr.  Latini 
Minores,  p.  115.  Deux  éditions  critiques  de  V Expositio  ont  été  données 
par  G.  Lumbroso  (Rome,  1903)  et  par  Th.  Sinko  (Archiv.  f.  tat.  Lexikogr., 
1904)  avec  un  essai  de  commentaire.  Ils  ne  paraissent  avoir  remarqué 
ni  l'un  ni  l'autre  le  sens  de  divininn  dans  ce  passage,  bien  que  les  autres 
exemples  de  l'emploi  de  ce  terme  confirment  qu'on  n'a  pas  à  faire  à 
un  simple  équivalent  d'eniinentissiiniim.  Sont  dits  divins  :  les  choraules 
d'Héliopqlis  parce  que  a  Lihano  Mtisac  illis  inspirent  divinitateni  dicendi 
(204)  ;  rEg3'pte,  surtout  connue  a  dits  (272)  ;  le  feu  qui  a  consumé  la  vieille 
basilique  de  Nicomédie,  car  on  le  dit  de  caelo  descendisse  (366);  enfin  les 
divina  aedificia  de  Rome  où  Schultze  (Gesch.  d.  Untergangs  d.  Heidentlmins, 
I,  117  ;  II,  211)  voyait  les  l;eitigen  gebâuden.  L'auteur  était,  en  effet,  proba- 
blement chrétien  ;  en  tout  cas,  ce  qu'il  dit  des  Caniarini,  habitants  légen- 
daires de  l'Edeu  indien,  qui  panem  caetesteni  cotidianuni  iwcipiunt,  montre 
qu'il  connaissait  l'histoire  de  la  manne.  (Cf.  Jean,  VI,  39  :  qui  niandncat 
panem  caeîestem.) 

Revue  Celliq ne,  XXJ'III.  i S 


226  A.-J.  Ki'iiKich. 

Or,  d'une  part,  on  sait,  par  Athénée,  que  la  Cappadoce 
produisait  un  pain  très  apprécié  pour  sa  légèreté  et  pour  le 
mélange  de  lait,  d'huile  et  de  sel  dont  il  était  imbibé  '  ; 
d'autre  part,  Arnobe  nous  apprend  que  les  prêtres  et  les  mystes 
de  la  Magna  Mater,  dont  Ancyre,  comme  Comana  ou  Pessi- 
nonte,  était  une  des  capitales,  s'abstenaient  ah  aUmonio  panis^. 
On  ne  peut  guère  admettre  qu'il  s'agisse  d'une  abstinence 
complète  et  totale  de  cet  aliment  essentiel.  Il  n'y  aurait  pas 

1.  Athen.  III,  113e:  T:apà  oè  xotç  "EÀXriTi  y.aXctTai  tiç  apio;  AIIAAOil 
àpT'jfj[X£Vo;  yâÂaxxt  oÀtyio  /.ai.  âXaiw  /.at  àXalv  àpxîxoï;'  otl  SI  ttjv  aaTEpiav 
àv£i|j.£viriv  :rot£rv  oOto;  oî  b  apioç  Xs'yciai  KaTTraoozio;,  è-jtôfj  iv  Ka7:-aooz!a 
/.aià  To  jzXeïaiov  ÔLT.aKÔc,  ap-o;  ytvExau  Cet  apalos,  qualificatif  du  pain  cappa- 
docien  qui  a  fini  par  lui  donner  son  nom,  a  proprement  le  sens  de  mou,  de 
frais  :  c'est  ainsi  qu'on  appelle  à-aÂo:  rupo;  le  fromage  nouveau.  Le  lait  et 
l'huile,  dont  l'adjonction  rend  mollet  le  pain  cappadocien,  contribuent  en 
même  temps  à  accroître  son  caractère  sacré.  Cf.  H.  Usener,  Rljeitt.  Mus., 
1902,  p.  182.  L'huile  de  Galatie  était  également  réputée  (Plin.,  XV,  31), 
sans  doute  dans  le  sud  d'où  on  l'exportait  par  les  ports  de  Pamphylie  (cf. 
Expositio,  1.  337). 

2.  Arnobe,  Adv.  iial.,  V,  16.  S.  Jérôme  répète  la  même  chose,  Epist., 
CVll  (Migne,  t.  XXII,  p.  687)  :  ne  sciticet  Cereatia  doua  coiilaminenf  ;  adv. 
lovian.,  II,  17  (t.  XXIII,  p.  354^  :  jejimium  panis.  Ces  témoignages  et  le  pas- 
sage plus  général  de  Tertullien  (De  Jejiinio,  2  et  15-6),  qu'on  a  eu  tort  de 
prendre  à  la  lettre,  me  paraissent  sans  valeur  dans  l'espèce,  non  seulement 
à  cause  de  l'eff'ort  continuel  de  leurs  auteurs  pour  rendre  ridicules  et  odieux 
les  rites  phrygiens,  mais  à  cause  des  erreurs  même  que  permet  de  contrôler 
le  passage  du  discours  de  Julien  â-.;  -■>,';  MïjTipa  twv  (}zmv  (Orat.,  V,  p.  176, 
Hertlein),  qui  énumère  avec  précision  toutes  les  interdictions  alimentaires 
des  Mègatésia  :  les  fruits  (tojv  oivop'ov  ;j.r,Àa)  en  général  et  spécialement  la 
grenade  (ôoCoi)  et  la  datte  (çoiv.?),  les  légumes  rampants  (Xayavo!  yaaatÇrpvOt) 
notamment  une  sorte  de  radix  (p^Ça)  et  de  rave  (yoYYuX;;),  les  poissons 
(r/0'j£:),  le  porc  (yoipo;)  et  quelques  oiseaux  dont,  probablement,  la  colombe 
(cf.  Cornutus,  Tlicol.  Graecae  compeiid.,  6,  éd.  Lang.).  Arnobe  (V,  6)  permet 
d'ajouter  le  vin  et  Athénée  (X,  422)  l'ail.  Enfin  il  est  question  de  iKép^i-x-y. 
en  général  :  les  poissons,  dit  Julien,  sont  interdits  parce  qu'il  sont  ■/Ôov.fjjxîpot 
Tôiv  CT-£p[j.âT'ov  ;  il  paraît  donc  s'agir  de  tout  ce  qui  vit  dans  la  terre,  germes 
et  semences,  et  non  des  grains  des  céréales  en  maturité.  Arnobe  n'a  pas 
compris  ou  n'a  pas  voulu  comprendre  —  tout  ce  qu'il  dit  des  débauches  des 
mystes  de  Cvbèie  n'eût  plus  eu  de  fondement—  le  sens  de  casliis  (Marinus, 
Vita  Procli,  19,  parle  de  x.a7T£!a'.  mensuelles)  dans  la  langue  des  mystères  : 
il  l'explique  par  temperatio  ah  alimoiiio  paiiis,  alors  que  castus  comme  àyiatcla 
désigne  la  pureté  rituelle,  jeûne  et  chasteté.  C.  Pascal  a  montré  qu'aux  Cereatia 
de  Rome,  Cereris  casliis  signifiait,  non  l'abstinence  du  pain  (le  sacrifice  qu'on 
offrait  au  jour  du  jejuiiitim  Cereris  était  composé  sue  praegnanle  panibusque), 
mais  l'abstinence  des  rapports  sexuels  ;  d'ailleurs  le  pain  emplové  ad  sacra, 
aux  Cereatia  comme  aux  Vestalia,  était  dit  paiiis  castus  ou  viola  casta  :  c'était 
une  pâte  de  forine  pétrie  avec  du  sel  dans  de  l'eau  sacrée  et  cuite  en  un 
four  spécial  (cf.  Pascal,  Studi  di  Aiitichita  e  Mitologia,  1896,  p.  213). 


Le  Pain  Galate.  227 

seulement  impossibilité  physique,  mais  aussi  invraisemblance 
religieuse  :  la  Magna  Mater  n'est  elle  pas,  avant  tout,  la  divi- 
nité qui  a  donné  le  froment  aux  mortels  et  leur  a  enseigné 
l'art  de  s'en  servir  ?  Comment  mieux  lui  témoigner  son  ado- 
ration qu'en  consommant  ce  grain  qui  est  son  œuvre 
{\r^\J.T^T^poq  ày.--(^,  friix  Cereris)  et  dans  lequel  elle  s'incarne? 
Aussi  faut-il  que  le  grain  soit  pur,  préservé  de  toute  pollu- 
tion et  de  toute  fermentation  —  en  un  mot,  il  faut  qu'il  soit 
a:(yiiie  :  c'est  là  le  pain  bénit,  panis  divinus. 

On  sait  qu'avant  la  découverte  du  levain,  le  pain  n'était  par- 
tout qu'une  galette  de  grains  d'orge,  puis  de  blé,  broyés  et 
cuits  et  qu'il  resta  généralement  tel  —  puis  ou  mola  —  dans 
les  usages  religieux.  Ce  n'est  pas  seulement  à  titre  d'innova- 
tion que  le  pain  levé,  d'invention  assez  récente,  devait  être 
exclu  de  toute  cérémonie  rituelle  ;  cette  corruption  manifeste, 
par  laquelle  se  traduisait  l'action  du  moût",  comportait  un 
caractère  d'impureté  incompatible  avec  toute  pratique  reli- 
gieuse. Comme  le  seul  pain  azyme  était  permis  aux  Phéniciens 
pendant  les  fêtes  d'Adonis  et  aux  Juifs  pendant  les  Pâques, 
ainsi,  sans  doute,  durant  les  mystères  de  leur  déesse,  les 
fidèles  de  la  Magna  Mater  devaient  s'abstenir  de  tout  pain 
levé,  comme  ceux  de  Déméter  ne  pouvaient  toucher  qu'au 
kykéon  \  C'est  probablement  pour  rendre  plus  agréable  ce  pain 
sacré,  divinnm  panem,  qu'on  fut  amené,  en  le  trempant  dans 
le  mélange  dont  parle  Athénée  %  à  créer  l'apioç  Ka-zaoiy.toç 


I.  Sur  la  nature  du  Jcylcéoii,  cf.  Lobeck,  Aoloapliaïiius,  p.  1050;  Mannhardt, 
Mytiiol.  Fersctningen,  p.  225  ;  Preller,  Déméter  iiiul  Peiséptjoiié,  p.  98.  Il  ne 
serait  pas  difficile  de  montrer  que,  en  Grèce  comme  ailleurs,  toutes  les  fêtes 
d'origine  agraire  comportent  l'offrande  de  gâteaux  d'orge,  puis  de  farine, 
non  levée  :  c'est,  aux  Pvanopsies,  Veirésiéiié  chargée  de  n'ova;  àpxo'jç  ;  aux 
Thargélies  les /'/wrwrtA-o/ nourris  de  iiia:(a  et  de  lyros;  aux  Thesmophories, 
ou  Mcgatartid  l'àyaivr)  cftiaxo?  '£ij.7:Xcfo;  ;  aux  Diaisies,  \kts  pciiniiata  en  forme 
d'animaux;  aux  Hyakinthies,  les  galettes  d'orge  à  l'huile  et  au  miel  appelées 
harax  ou  physiltiltos  ;  les  mylloi  de  Déméter  Sitô  à  Syracuse  ;  à  Épidaure  le 
■KfKmo^dàt  santé,  xi-^izir».-^  les  oiitai  et  outoctiytdi  etc.  Cf.  Vn\zQ,Hen)ies,  1897, 
236  ;  Stengel,  ibid.,  1894,  281  ;  1896,  477,  625  ;  1903,  567  ;  Arctnv.  f.  Rcti- 
gioiiswisscnsctkift,  1904,  457.  Roscher,  ilv'd.,  1904,  419  et  Ahtmndl.d.  sdctjs. 
Ges.,   1904,  105. 

2.  Il  ajoute  qu'une  galette  toute  semblable,  additionnée  d'essences  de  fleurs, 
portait  en  Syrie  le  nom  de  ^ayt^â  :  c'est  apparemment  celle  que  Théocrite 
décrit  aux  Adonies  d'Alexandrie  sous  le  nom  de  ces  popatia  composés  de 
farine,  d.'huile,  de  miel  et  de  sucs  de  fleurs  (XV,  115).  Toutefois,  chez  les 


2  28  A.-J.    Rcbiach. 

qui  jouissait  encore  au  iV  siècle  d'une  telle  réputation  qu'il 
pouvait  sembler  aux  chorographes  du  temps  le  produit  le  plus 
caractéristique  d'Ancyre. 

D'importantes  découvertes  épigraphiques  sont  venues  récem- 
ment ajouter  un  nouvel  intérêt  à  rh3'pothèse  que  l'on  vient 
d'indiquer.  Au  sud-ouest  de  la  Galatie,  dans  une  région  com- 
prise entre  Ikonium,  où  l'on  adorait  Démèter  comme  Dêkn- 
nia~os,  les  Limnai  (lacs  Egerdir  et  Hoiran)  et  le  lac  Karalis,  qui 
fut  une  des  regioiics  de  la  province  romaine  sous  le  nom  de 
Phrygia  Galatica,  M.  Ramsay  a  recueilli  une  vingtaine  d'ins- 
criptions qui  se  rapportent  à  une  même  association  religieuse 
florissante  au  temps  des  Sévères  :  les  Xé7ioi  Tekiiioreioi.  Ce  sont 
de  longues  listes  de  cotisations,  allant  de  900  à  6000  deniers, 
souscrites  par  les  -sY.[j.opeÙGxv-eq,  c'est-à-dire  par  ceux  qui  sont 
entrés  dans  l'association  en  donnant  un  certain  gage  solennel, 
pour  lequel  on  a  ressuscité  un  vieux  terme  homérique,  conservé 
dans  le  vocabulaire  orphique,  le  T£y.[j.ojp  '. 

Quel  peut  être  l'objet  de  ce  signe  qui  donne  accès  dans  la 
confrérie  et  qui  lui  a  valu  son  nom  ?  M.  Ramsay  a  cru  pouvoir 
affirmer  que  toutes  les  localités  dont  sont  originaires  les 
membres  de  la  confrérie  se  trouvent  sur  les  domaines  impé- 
riaux   d'Antioche   de  Pisidie;  comme,  de   plus,  l'invocation 

oia[j-ov^ç  se  lit  en  tête  de  leurs  listes  et  que  le  produit  des  coti- 


Sahéens  du  Haûran,  qui  ont  conservé  le  culte  sous  sa  forme  primitive,  il  est 
défendu  pendant  les  fêtes  de  Tâ-uz  (Adonis-Tamuz)  de  toucher  à  quoi  que 
ce  soit  qui  ait  été  broyé  dans  une  meule  (cf.  Frazer,  Golden  Boiigh,  II,  1900, 
288;  Adonis,  1906,  p.  131).  Adonis  est,  en  effet,  à  l'origine,  l'esprit  de  végé- 
tation incarné  dans  le  germe  du  blé,  6  aïro;  6  azî'.pô'xz^/oç.  Aussi,  pour 
s'incorporer  le  Dieu  par  communion  ne  devait-on  pas  l'avoir  tué  au  préa- 
lable sous  le  pilon  ;  il  fitllait  le  manger  tout  cru  ou  seulement  grillé.  On  sait 
que  les  Hébreux,  notamment,  consommèrent  l'orge  ou  le  blé  torréfié  sur 
des  pierres  plates,  puis  bouilli  à  l'eau,  bien  avant  d'oser  le  piler  et  le  pétrir 
en  galette.  Plus  tard,  on  se  contenta  de  défendre  de  déformer  le  pain  sacré 
en  le  faisant  fermenter  (azyme)  ou  en  le  mâchant  (iiostie).  C'est  cette  idée 
de  cuisson  qui  paraît  dominer  dans  panis,  popanou,  pcniniata  (cf.  peptos, 
cactus,  radical  pcg),  comme  dans  bckos,  nom  primitif  du  pain  en  Phr\'gie 
(Herod.  II,  2)  ou  en  Chvpre  (Hipponax,  fr.  82,  Bcrgk). 

I.  Historical  Geography  of  Asia  Minor,  p.  410  (Londres,  1890);  Cities  and 
Bishoprics  oj  Phrygia,  p.  359,  650  (Oxford,  1895);  Stiidies  in  tJje  history  and 
art  of  the  eastern  Provinces  of  the  Roniain  Empire,  p.  319  (Aberdeen,  1906). 


Le  Pain  Galate.  229 

sations  paraît  employé  en  partie  à  l'acquisition  d'objets  de 
culte  et  d'effigies  des  empereurs  ou  des  dieux  nationaux,  il 
a  pensé  qu'il  s'agissait  d'une  association  constituée  sous  la 
direction  du  procurateur  des  domaines  impériaux  et  sous  les 
auspices  de  l'empereur;  son  but  aurait  été  d'associer  plus  étroi- 
tement le  culte  impérial  à  celui  des  divinités  locales,  par 
manière  de  protestation  contre  les  doctrines  chrétiennes  qui 
menaçaient  à  la  fois  le  culte  des  empereurs  et  celui  des  vieilles 
divinités  du  pays.  Le  xi%\xiùç>  aurait  été  une  sorte  de  ser- 
ment de  fidélité  h.  l'empire  et  à  sa  religion  ;  ceux  qui  l'auraient 
prêté  et  auraient  été  inscrits  derechef  sur  le  rôle  des  Te-ÂiJ-opeîct 
donnaient,  par  là,  la  même  preuve  de  loyalisme  et  d'adhésion 
au  culte  officiel  que  les  Jibellatici  en  soussignant  leur  certificat 
de  participation  aux  sacrifices  et  repas  sacrés.  Le  -i%\jMÇi  ne  serait 
ainsi  qu'une  forme  de  lihellus. 

Quelque  séduisantes  que  soient  ces  déductions,  il  faut  remar- 
quer que  les  prémisses  de  M.  Ramsay  demeurent  bien  fragiles. 
Des  cent  trente-cinq  localités  citées  dans  les  listes,  une  seule 
dépend  sûrement  du  domaine  impérial  ;  quant  à  l'invocation  des 
divi  impériaux  sur  le  même  pied  que  les  dieux  nationaux,  elle 
est  loin  de  constituer  aux  Tehnoreioi  ce  caractère  exceptionnel 
sur  lequel  est  fondée  l'hypothèse  du  savant  anglais.  On  peut 
affirmer,  au  contraire,  que  cette  adoption  du  culte  impérial  était, 
pour  les  confréries  religieuses  d'Asie  Mineure,  comme  la  for- 
malité préalable  et  nécessaire  à  leur  autorisation  '.  Je  n'en  rap- 
pellerai qu'un  exemple,  celui  des  Ka'.aapatTraf,  des  environs  de 
Mosténé  en  Lydie,  dont  le  souvenir  eût  pu  rendre  service  à 
M.  Ramsay  :  on  le  connaît  par  un  décret^  que  cette  association 
de  Caesariastes  rend  en  l'honneur  d'un  juge  de  paix  de  la 
localité,  vopLOipjAa;,  de  sa  femme  et  de  ses  fils,  pour  avoir  avancé 
l'argent  nécessaire  hq  xàç  twv  I^sSaatwv  9ujmç,  o-^q  ùtco  |  [twv 
xai'  èviauTcJv  BpaêsuT(ov  oBwTai  |  [to  liç  osxa  ^t\~r^  àpTixpsaç. 
Quelque  soit  le  nombre  qu'il  faille  restituer  avant  àp-ixpsjjç, 
le  sens  ne  peut  faire  de  doute  :  l'objet  principal  du  sacrifice 
était  une  substance  qui  associait  en  quelque  manière  du  pain 


1.  Cf.  V.  Chapot,  La  province  romaine  iTAsie,  p.  415  (Paris,  1904). 

2.  K.  Buresch,  Ans  Lvclien,  p.  6  (Leipzig,  1898). 


230  A.-J.  Rehiach. 

et  de  la  viande  '  et  que  les  brabeutes  —  les  proclamatcurs  — 
faisaient  confectionner  pour  la  cérémonie  annuelle. 

Or,  non  seulement  les  brabeutes  se  retrouvent  au  nombre  de 
deux  comme  magistrats  annuels  des  Tehnoreioi,  mais  la  sixième 
ligne,  malheureusement  mutilée,  de  leur  première  inscription 
paraît  avoir  conservé  le  souvenir  de  ce  qui,  pour  les  Tehno- 
reioi, aurait  été  l'équivalent  de  Vartohréas  des  Caesariastes  :  zîlz 
T£-/,[Aop£ûaavT£?  -jw  oiTïj[p(o  £7Tt  àvaYpasJÉox;. . .  M.  Ramsay  a  con- 
servé 5'.::'j[awJ  dans  son  texte,  tout  en  reconnaissant  qu'on  ne 
pouvait  s'expliquer  le  rôle  de  cette  double  porte,  cette  entrée 
à  deux  arches,  où  aurait  eu  lieu  la  cérémonie  du  T£x;j.o)p. 

Cette  restitution  écartée,  o''Tî'jpov  est  seul  possible.  Il  ne  s'agit 
évidemment  pas  de  l'épreuve  ordalique  d'un  double  passage  à  tra- 
vers le  feu;  le  sens  véritable  du  terme  est  facile  à  étabhr.  Dans 
un  fragment  d'une  comédie  du  début  du  iv^  siècle,  on  lit^  : 
«  Voici  des  dipyroi  tout  chauds.  —  Qu'est-ce  donc  que  ces 
dipyroi}  —  Ce  sont  de  petits  pains  mollets.  »  Oribase  en  donne 
la  recette  :  après  une  première  et  légère  cuisson,  réduire  de  nou- 
veau en  farine  par  trituration  ;  ensuite  faire  subir  une  seconde 
manipulation  et  une  seconde  cuisson  ;  on  obtient  ainsi  un  pain 
léger,  spongieux,  ténu,  facile  à  digérer,  et  dont  la  chaleur  faci- 

1.  K.  Buresch,  sur  la  foi  d'une  glose  de  Philoxène,  traduit  àpToV.psa; 
par  visceratio.  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  le  moindre  rapport  entre  ce  rite 
étrusco-latin  (qui  consiste,  une  fois  les  exta  mis  à  part  pour  les  dieux, 
à  distribuer  les  viscera  aux  assistants)  et  la  communion  par  le  pain-viande, 
substance  qu'on  fabriquait  spécialement  pour  la  cérémonie,  non  sans 
dépense,  puisque  le  fait  d'y  avoir  pourvu  pendant  quelques  années  constitue 
un  bienfait  suffisant  pour  légitimer  le  décret  des  Caesariastes.  D'ailleurs, 
artocreas  est  employé  par  Perse,  Sat.,  VI,  50,  en  parlant  des  distributions 
faites  au  peuple  par  Caligula  :  oJetiin  artocreasque  popeUo.  Le  terme  à'artocreas 
est  évidemment  pris  par  le  satirique  dans  l'acception  méprisante  où  nous 
dirions  :  il  distribua  au  peuple  sa  pâtée.  Ce  n'est  en  effet  que  sous  les  Sévères 
que  les  distributions  de  viande  de  porc  vinrent  s'ajouter  régulièrement  à 
celles  de  pain  et  d'huile.  Une  inscription  fragmentaire  de  Chypre  honore 
un  personnage  qui  a  fait  des  distributions  ôl  artocreas  au  peuple  (Orelli,  4957). 

2.  Fragni.  Corn.  Att.,  éd.  Kock  (I,  757),  d'après  Athénée  (III,  iio)  qui 
l'attribue  au  Ganymède  d'EuboulosetPollux  qui  l'attribue  à  celui  d'Alkaios  : 
StTî'jprj'j;  TE  6£pjj.où;  —  01  otrupot  o'È'.aiv  -'mi^  ;  —  ôcpioi  touçôjvts;.  Je  ne 
crois  pas  que  -puçwv  n'ait  ici  que  le  sens  de  délicat,  mais  un  sens  plus  précis 
et  plus  technique  que  j'ai  essayé  de  rendre  par  mollet.  Quant  à  l'emploi 
de  TTjpo;  et  non  d'apio;  (comme  dans  à^xor.Tiy.ioi,  àp-oXayayov),  il  semble 
tenir  à  ce  qu'on  n'a  pas  à  faire  à  un  pain  véritable,  c'est-à-dire  à  un  pain 
levé,  mais  à  une  farine,  à  un  triticiim  moulé,  bluté,  réduit  en  pâte  et  passé 


Le  Pain  Galate.  231 

lite  la  digestion  '.  C'est  pourquoi  Hippocrate  le  recommandait 
déjà".  On  pouvait  le  fabriquer  aussi  d'une  manière  plus  expé- 
ditive  et  plus  grossière.  Lorsque  les  trois  pa}'Sans  Illyriens, 
Justin,  le  futur  empereur,  et  ses  compagnons  Zimarchos  et 
Ditybistès,  partent  pour  aller  faire  fortune  à  Constantinople, 
ils  n'emportent  que  leurs  sisyrai  sur  les  épaules,  avec  de  bons 
dipyroi  pour  la  route  dans  leurs  poches  K  Ce  sont  ces  qualités 
de  longue  conservation  qui  recommandent  le  dipyron  comme 
pain  de  troupe,  pour  remplacer  le  vieux  pain  d'orge  suppri- 
mé sous  les  Antonins;  désormais,  sous  le  nom  à^  paxamas  "^ , 
paxamidion,  paximatiiiiii,  c'est  pendant  longtemps  ce  biscuit  ^ 
qui  restera  la  nourriture  essentielle  des  marins,  des  soldats 
et  des  voyageurs. 

Qu'il  faille  le  prendre  dans  l'une  ou  l'autre  des  deux  accep- 
tions qu'a  conservées  le  mot  de  biscuit,  galette  grossière  ou 
gâteau  recherché,  la  communion  par  le  dipyron  parait  donc 
comme  l'acte  essentiel  par  lequel  on  devient  Tekmoreios,  comme 
Vartokréas  unit,  dans  leurs  agapes,  les  Caesariastes  de  Lydie;  le 
tekmôr  ne  serait  pas  autre  chose  qu'une  formule  d'initiation. 


deux  fois  au  four.  Dans  Homère  àoio;  est  réservé  au  pain  de  froment, 
tandis  que  ~updç,  aïxo;,  aXotxa  désignent  des  variétés  d'orge,  xpï  celle  qui 
est  réservée  aux  chevaux.  Depuis  l'époque  homérique,  l'à'JTOTcypov  ou 
Çriporupov,  pain  simple  ou  pain  sec,  farine  d'orge  non  levée,  est  resté  en 
Grèce  le  pain  des  paysans  ;  Phrynichos  appelle  autopyrites  (aùxoTZ'joi'iai)  ses 
sarcleuses  (I,  580  Kock  ;  Athen.,  III,  iio  E).  On  verra  plus  loin  que  les 
paysans  phrygiens  se  servaient  d'un  mélange  de  farine  avec  de  l'épeauire 
ou  de  l'orge,  î^sorupov  ou  xpt9o;x'jpov.  Il  en  serait  encore  ainsi  de  nos  jours, 
cf.  notamment.  Van  Lennep,  BiUe  Lands,  1875,  p.  58,  et  Benndorf,  Eranos 
Vindobonensis,  1893,  p.  372.  Sur  l'antiquité  de  l'orge  qui  paraît  avoir  précédé 
le  blé  dans  tout  le  bassin  méditerranéen,  cf.  Buschan,  Vorgeschichtliche 
Botanik,  1895,  p.  37. 

1.  Oribase,  éd.  Daremberg,  I,  9,  p.  24. 

2.  Hippocrate,  éd.  Kuhn,  II,  474. 

3.  Proœpe,  Hist.  arc. ,Y1,  B,  45.  Cf.  Bell.  Vand.,l,  13  ;  Pline,  XXII,  68; 
Celse,  II,  30. 

4.  Cf.  Du  Cange,  éd.  Didot,  V,  p.  160  et  Quicherat,  Addenda  lexicis  Jati- 
nis,  1862,  p.  202,  s.  V.  paxiinatium,  paximacium. 

5.  Hésychius  :  AiVjpot  01  Ix  SsuTÉpou  ô;:T(ôacvot.  On  a  du  dire  à  l'origine: 
Tiupot  otTTjpoi,  orges  deux  fois  cuites.  Puis,  bien  qu'il  n'y  ait  aucun  rapport 
étymologique  entre  7:3p,  le  feu,  et  7:upd;  (cjTzupdr,  a7:£''pro,  la  semence  par 
excellence),  leur  similitude  amena  fatalement  à  les  confondre  et  à  supprimer 
par  suite  l'un  des  deux  termes.  Comme  l'orge  y  fit  bientôt  place  au  froment, 
c'est  l'idée  de  la  double  cuisson  qui  domina  dans  oî-upoç.  On  dit  aussi 
parfois  otesOo;  (Dioscor.  II,  107). 


232  A.-J.  Reinach. 

attestant  la  participation  au  biscuit  sacré,  qu'on  peut  imaginer 
sur  le  modèle  des  credo  fameux  d'Eleusis  ou  de  Pessinonte  : 
fai  goûté  du  iynipanos  ou  fai  cousoniiiié  le  kyh'on  \  Rapprochés 
de  l'usage  d'un  pain  azyme,  seul  permis,  semble-t-il,  aux 
mystes  de  la  Magna  Mater,  ces  biscuits  bénits  constituent 
une  nouvelle  analogie  entre  les  MegaJésia  et  les  Pâques  (qu'on 
continua  longtemps  à  appeler  a^yma  en  Phrygie),  célébrées 
toutes  deux  à  l'équinoxe  du  printemps;  depuis  longtemps 
d'ailleurs,  des  interdictions  communes,  comme  celles  du  porc 
ou  du  pigeon,  ont  autorisé  la  comparaison  entre  les  mystères 
phrygiens  et  les  mystères  judéo-chrétiens  -  et  l'on  sait  que  la 
religion  phrygienne,  au  11^  siècle,  marquait  encore  si  profondé- 
ment de  son  empreinte  les  populations  du  plateau  anatolien  que 
le  christianisme  se  vit  obligé,  pour  y  réussir,  d'adopter  cer- 
taines des  prohibitions  alimentaires  qui  caractérisaient  les  cultes 
d'Ancyre  ou  de  Comana. 

Le  Montanisme  n'est  pas  autre  chose  que  le  Christianisme 
adapté  aux  idées  religieuses  des  populations  phrygiennes  '. 
Que  Montan  ait  été  ou  non,  comme  le  représentent  ses  adver- 
saires, prêtre  de  Cybèle,  le  caractère  de  ses  doctrines  —  prophé- 
tisme  et  extase,  ascèse  et  surtout  abstention  de  tous  aliments 
forts,  viande  et  vin  —  paraît  correspondre  aux  tendances  essen- 
tielles des  cultes  nationaux.  Une  des  sectes  montanistes  les  plus 
puissantes,  les  Arlotyrites,  semble  avoir  proscrit,  jusque  dans 
l'Eucharistie,  l'usage  du  sang  représenté  par  le  vin,  pour  se 


1.  Sur  ces  formules,  a'jv6rj[i.aTa  ou  aûij.ÇoÀa  i^x\ir[ott<)i  (en  latin  si'oiia  ou 
signacula),  cf.  A.   Dieterich,  Eiiie  Mitbras-tilîirgie,  1903,  p.  100. 

2.  Cf.  Anrich,  Das  autilcc  Mystericirwcsen,  p.  225.  Il  suffit  ici  de  rappeler 
l'épitaphe  d'Aberkios  (nom  probablement  celtique)  d'Hiérolophos  où  les 
uns  voient  celle  d'un  prêtre  d'Attis,  les  autres  celles  d'un  évêque  ;  il  y  est 
question  de  libations  de  pain  et  de  vin.  Sur  l'influence  juive  en  Phrygie  et 
en  Galatie,  cf.  Ramsay,  Cities  and  Bisboprics,  p.  545,  652,  et  Commeiilary  on 
the  Gatatians,  p.  168,   189. 

3.  Cf.  Bonwetsch,  Die  Geschichtc  des  Moiitaju'simis  (Erlangen,  1881)  et 
l'article  Moiitanisunis  du  même  auteur  dans  VEncydopcdie  de  Hauck  (t.  XIII, 
p.  417).  Ramsay  a  mis  en  lumière  le  caractère  montaniste  de  certaines  épi- 
taplies  du  nord-ouest  de  la  Phrygie  (Cilles  ami  Bishoprics,  p.  490,  536).  —  Il 
est  indispensable  de  noter,  au  point  de  vue  de  notre  étude,  que  la  secte  héré- 
tique la  plus  considérable  en  Phrygie,  avec  les  Montanistes  et  lesKatjphry- 
giens,  est  celle  des  Tasliodroiiggiies  dont  tous  les  auteurs  anciens  s'accordent 
à   dériver   le  nom  de   deux  mots  galates  qui    signifieraient   pouce  (tasJios) 


Le  Pain  Galate.  253 

contenter  d'une  pâte  et  d'un  fromage,  artos  et  tyrion,  qui  rap- 
pellent singulièrement  la  ma:{a  et  le  tyros,  seuls  aliments  jugés, 
à  Athènes,  assez  purs  pour  nourrir  les  victimes  expiatoires 
des  Thargélies  '.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  communion  par  r<7;7()- 
tyrion  convient  bien  au  même  peuple  et  à  la  même  époque 
que  celle  par  Varlokréas  ou  le  dipyroii. 

Toute  étude  d'un  rite  de  la  religion  phrygienne,  dans  cette 
citadelle  montagneuse  que  fut  pour  elle  la  Galatie,  soulève 
une  question  inévitable,  mais  bien  délicate  :  quelle  fut,  à  son 
égard,  l'attitude  des  trois  nations  celtiques?  Bien  que  leurs 
derniers  historiens  aient  tendu  à  diminuer  l'importance  des 
Galates  dans  la  civilisation  du  pays  qui  leur  dut  son  nom,  il 
suffit  de  rappeler  qu'un  siècle  à  peine  après  leur  établissement 
on  trouve  à  Pessinonte  un  Galate  grand  prêtre  de  la  Mater  -  et 
qu'au  temps  de  Lucien  ou  de  saint  Jérôme  on  parlait  encore  cel- 
tique dans  les  campagnes  '  ;  il  en  résulte  que  les  Galates  ont 
dû  exercer  une  influence  propre  sur  le  développement  religieux 
et  social  de  leur  pays  d'adoption. 

Cette  influence  a  pu  se  produire  parfois  contrairement  aux 
coutumes  séculaires  du  pays  :  ainsi,  tandis  qu'en  Phr5^gie, 
comme  dans  d'autres  régions  du  plateau  anatolien,  le  régime 
de  la  famille  paraît    plutôt  matriarcal,   la  pati'ia  poiestas,  en 


et  nez  (drouggos);  ce  nom  viendrait  à  ces  Passahriiichites,  comme  tradui- 
saient les  Grecs,  de  ce  que,  dans  leurs  prières,  pour  obtenir  un  plus  complet 
silence  et  sans  doute  pour  empêcher  l'esprit  de  les  abandonner,  ils  se  bou- 
chaient le  nez  avec  le  pouce  (voir  les  textes  réunis  par  Holder,  Alt-cdtischer 
Sprachschati,  s.  v.).  On  peut  se  demander  si  l'on  n'est  pas  là  en  présence 
d'une  déformation  indigène  du  nom  de  la  secte,  inventée  par  des  Galates 
pour  la  ridiculiser,  et  si  la  forme  véritable  n'est  pas  celle  d'Askodrouggites 
qu'on  rencontre  souvent,  droiiggos  signifiant  «  troupe  ».  Sur  ce  sens,  auquel 
ne  paraît  pas  avoir  pensé  Holder,  voirVopiscus,  Pro?'.,  19,  2;  Végéce,  II,  2; 
III,  16;  Isidore,  IX,  3  ;  Mauritios,  Strateg.,  IV,  5,115  (éd.  Holstenius). 

1.  Sur  la  signification  de  ces  rites  des  phartnakoi,  cf.  Frazer,  Golden 
Bough,  III,  p.  93,  et  Harrison,  Prohgoiiieini  lo  the  stitdy  of  grcek  religion, 
190^3,  p.  99. 

2.  Cf.  la  correspondance  secrète  de  l'Attis  de  Pessinonte  avec  Eumenès  II 
et  Attalos  II  de  Pergame,  sur  laquelle  je  compte  revenir  prochainement. 

3.  Prol.  comm.  II,  in  Ep.  ad  Gai.,  III  :  Galatas,  excepta  graeca  sernwne 
que  omnis  Orietis  loquitur,  propriam  linguam  eaiiideni  paeiie  hahere  qiiain  Tre- 
viros  nec  referre  si  aliqiia  e.xinde  corniperiiit.  Dans  Lucien  (JZc.v.,  51)  on 
voit  que  le  faux  prophète  d'Abonotique,  établi  dans  sa  patrie  qui  dépendait 
alors  de  la  Galatie,   devait  parfois  rendre  ses  oracles  KîXt'.tt'..   Pour  cette 


2  34  A.-J.   Rcinach. 

Galatie  comme  en  Gaule  ',  va  jusqu'à  autoriser  la  condamna 
tion  capitale  des  enfants  par  le  père.  Mais,  bien  plus  souvent, 
l'action  de  l'élément  galatique  a  pu  se  faire  sentir  quand  elle 
concordait  avec  les  traditions  phrygiennes  ;  cette  concordance 
seule  explique  la  rapide  fusion  qui,  dès  le  début  du  ii*"  siècle, 
permet  au  frère  du  Tolistoboïen  Aioiorix  de  s'asseoir  sur  le 
trône  du  prêtre-roi  de  Pessiiionte.  Sans  reprendre  ici  la  ques- 
tion en  détail,  bornons-nous  à  rappeler  que  l'Artémis  celtique 
a  pu  se  confondre  avec  l'Artémis  phrygienne,  et  le  dieu  Medru 
avec  Mithra  ^  ;  que  certains  animaux  (taureaux,  porcs,  colombes 
peut-être)  sont  sacrés  chez  les  Phrygiens  comme  chez  les 
Celtes;  qu'on  retrouve  enfin  chez  les  deux  peuples  bien  des 
conceptions  communes,  déesses  mères,  divination  par  les 
oiseaux,  carnassiers  androphages,  divinités  des  eaux,  des  arbres 
et  des  montagnes.  Ces  exemples  suffiront  pour  justifier  la 
question  à  laquelle  nous  allons  essayer  de  répondre  :  de  quel 
pain  se  servaient  les  Galates  avant  d'arriver  en  Galatie  et  une 
fois  installés  dans  leur  conquête  ? 

Dans  les  stations  lacustres,  le  pain  ne  se  rencontre  que 
sous  forme  de  galettes  massives  faites  de  grains  grossièrement 
concassés  et  cuits  sur  des  pierres  plates  échauffées  '.  On 
broyait  encore  ainsi  le  grain  en  Bretagne  du  temps  de  Dio- 

persistance  de  la  langue  gauloise  en  Galatie,  cf.  Perrot,  Revue  Celtique,  I, 
p.  I  {^Mémoires  cP Archéologie,  p.  229).  Quant  aux  Trévires,  il  faut  rappeler 
qu'ils  n'étaient  probablement  qu'une  tribu,  mêlée  de  Belges,  des  Volkes 
Tektosages  établis  du  temps  de  César  {Bell.  Gall.,  VI,  24)  dans  la  forêt 
Hercynienne,  parents  des  Tektosages  d'Aquitaine  comme  de  ceux  de 
Galatie  :  d'où,  sans  doute,  la  similitude  constatée  par  Jérôme  entre  les 
parlers  de  Trêves  et  d'Ancvre  qu'il  connaissait  pour  y  avoir  séjourné. 

1.  Gaius,  Inst.,  I,  55  ;  Caesar,  Bell.  Gall.,  VI,  19.  Ces  faits  qui  paraissent 
avoir  échappé  à  M.  d'Arbois  de  Jubainville  {La  Famille  Celtique,  Paris,  1905) 
ont  été  signalés  par  M.  Ramsay  {Historical  Comnientary  on  the  Galatians, 
1898,  p.  151).  Si  le  droit  galate  a  pu  triompher  en  l'espèce  du  droit  phry- 
gien, c'est  apparemment  qu'il  se  trouvait,  sur  la  patria  potestas,  d'accord 
avec  les  principes  mêmes  du  droit  romain.  Ajouter  aux  références  données 
Revue  Celtique,  1907,  p.  115  ;  Kôhm,  Altlatei)iische  Forschungen,  1905,  208. 

2.  Fr.  Cumont,  Revue  Celtique,  1904,  48.  Bans  les  agapes  mithriaques  la 
communion  se  faisait  au  moven  de  darun,  galettes  rondes  marquées  d'une 
croix,  azvmes  comme  celles  des  Mcgalcsia,  ce  qui  n'empêche  pas  Justin 
de  parler  de  ce  pauis  persiaiiiis  sous  le  nom  d'artos  et  Tertullien  sous  celui 
àe  pa)iis  oblatio.  Cf.  Cumont,  Mithra,  I,  174,  321. 

3.  C.  Vogt,  Leçons  sur  Thonnne,  XIII,  p.  502  ;  G.  de  Mortillet,  Le  Préhis- 
torique, p.  582  ;  W.  Helbig,  Die  Italiker  in  der  Poehene,  1879,  p.  17  et  72; 


Le  Pain  Galate.  235 

dore  '.  Bientôt  les  Gaulois  se  perfectionnèrent  dans  l'art  de 
séparer,  dans  le  grain  ainsi  pulvérisé,  le  son  et  la  farine  :  ils 
inventèrent  même  pour  le  blutage  un  tamis  fait  de  crin  de 
cheval  ^  Mais  on  ne  voit  nulle  part  qu'ils  aient  transformé 
ces  galettes  en  pain  véritable  par  l'action  du  levain.  Il  y  a 
d'autant  moins  de  vraisemblance  à  leur  prêter  cette  invention 
que  les  campagnes  françaises  l'ignorèrent  longtemps;  on  y  fit 
usage  de  cette  lourde  galette  d'orge  que  l'Irlande  mange  encore 
sous  le  nom  de  griddhbread  et  certaines  provinces  d'Angleterre, 
la  veille  de  Noël,  sous  celui  de  frunimetie.  Suivant  Fortunat, 
la  reine  Radegonde,  au  monastère  de  Poitiers,  ne  voulait,  par 
esprit  de  mortification,  manger  d'autre  pain  que  celui  des 
paysans,  après  en  avoir  moulu  elle-même  le  grain  '.Ce  n'est 
qu'assez  tard,  sans  doute  sous  l'influence  de  Marseille,  que  les 
Gaulois  apprirent  à  faire  fermenter  le  pain  ;  comme  ils 
n'usaient  pas  de  vin,  c'est  la  levure  de  bière  qu'ils  em- 
ployèrent '^;  mais  cette  invention  ne  semble  pas  s'être  mainte- 
nue longtemps  après  la  conquête  romaine,  qui  apporta  en 
Gaule  le  ferment  perfectionné  dont  Pline  nous  a  transmis  la 
recette  5.  Legrand  d'Aussy  ^  a  raconté  l'émotion  que  provo- 
qua, dans  la  Faculté  comme  dans  le  Parlement,  la  réapparition 
en  France  (1668)  de  la  levure  de  bière  destinée  à  faire  lever  ce 
beau  pain  mollet,  léger  et  doré,  tout  spongieux  de  lait  et  de 
beurre  comme  Yapalos  ou  le  dipyros  de  Galatie  '.  Elle  nous 
revenait  alors  d'Angleterre  où  sa  force  avait  été  nécessaire 

Heierli,  Urgeschkhte  der  Schweii,  1900,  180;  Modestow,  lutroductioii  à  This- 
toire  romaine,  1907,  p.  171. 

1.  V,  21.  Les  Germains,  au  contraire,  dès  leur  apparition  dans  l'histoire 
paraissent  se  servir  de  pain  levé.  Cf.  Hehn,  Kiûturpflanyen,  4e  éd.,  456; 
Hoops,  Ktiltiirpjïa H ;(en,  1905,  p.  295. 

2.  Plin.,  H.  N.,  XVIII,  1 1  :  crihrorum  gênera  Gaïïi  a  setis  eqiiorum  iiivenere. 

3.  Carmina,  VIII,  i  et  appendix,  XXVIII. 

4.  XVIII,  12. 

5.  XVIII,  26. 

6.  Vie  Privée  des  Français,  éd.  Roquefort,  181 5, 1,  p.  64.  Cf.  L.  Bourdeau, 
Histoire  de  VAlivtentation,  1894,  195.  Au  moyen  âge,  l'emploi  du  Icveçon 
de  cervoise  dans  la  panification  paraît  avoir  été  interdit,  cf.  Fagniez,  Études 
sur  Vindustrie  à  Paris  au  moyen  âge,  1877,  P-  ^73- 

7.  D'après  Oribase,  I,  20,  les  galettes  azymes,  àÇJijia  7T£rj.tjLâTa,  dont  il 
décrit  longuement  la  fabrication,  n'auraient  été  agréables  à  manger  que  pour 
avoir  été  trempées  dans  ce  même  mélange  de  lait  et  d'huile  (et  de  sel  ou 
de  miel,  selon  qu'on  les  voulait  sucrées  ou  salées)  dont  Athénée  fait  men- 


236  A.-J.   Rrinach. 

pour  soulever  la  vieille  pâte  trempée  de  graisse  et  de  lait 
à  laquelle  le  peuple  était  resté  si  attaché  que  l'Église  avait  dû 
y  superposer  sa  croix  à  la  rouelle  celtique  :  hof  cross  biins.  On 
ne  supposera  guère,  en  tous  cas,  que  les  Druides  se  soient 
montrés  mieux  disposés  que  Guy-Patin  à  l'égard  de  cette 
«  vilaine  écume  »  '.  Bien  que  Pline  emploie  le  terme  de  paiiis 
—  pane  viiwqiie  —  en  décrivant  un  rituel  gaulois,  il  ne  semble 
pas  qu'il  puisse  s'agir  d'un  autre  ///'/////  que  de  la  galette 
composée  de  ces  grains  d'orge  qui,  en  Grande-Bretagne  sur- 
tout, sous  le  nom  de  harley-corn,  sont  entourés  de  tout  un  cycle 
de  légendes,  vestiges  à  peine  déformés  des  croyances  celtiques. 
Dans  ce  rituel,  la  libation  à  laquelle  il  faut  procéder,  vêtu  de 
blanc  et  les  pieds  nus  et  bien  lavés,  est  celle  qui  précède  la 
cueillette  du  saniohis  —  notre  séneçon  —  et  surtout  du  selago^, 
remède  universel,  particulièrement  recommandé  pour  les  maux 
d'yeux  ;  sans  doute  une  galette  d'épeautre  non  levée  jouait 
elle  aussi  son  rôle  dans  les  sacrifices  et  le  repas  préparés  selon  les 
rites' ,  sous  le  rouvre  où  l'on  coupait  le  gui  sacré. 

On  ne  sait  si  ce  selago,  peut-être  analogue  à  la  jusquiame 
que  les  Gaulois  appelaient  belinuntia"^,  donnait  lieu  en  Galatie 
cà  des  pratiques  semblables  >';  mais  l'institution  du  drunemeton 

tion  pour  expliquer  l'excellence  du  pain  galate.  Il  est  piquant  de  lire  ensuite 
les  textes  réunis  par  Legrand  d'Aussy,  où  les  autorités  ecclésiastiques  du 
moyen  âge  interdisent,  dans  les  couvents,  l'adjonction  au  biscuit  grossier, 
paximaciuiii,  de  ces  mêmes  matières  à  l'aide  desquelles  on  essayait  d'en 
corriger  la  rudesse.  C'est  cette  adjonction  qui  paraît  avoir  fait,  encore  au 
ixe  siècle,  le  succès  du  panis  praepiiiguis  d'Alèsia.  Voir  mon  article  sur  ce 
pain,  d'origine  semblable  à  celui  d'Ancyre,  dans  Pro  Atcsia,  août  1907. 

1.  Guy  Patin,  Lettres,  3  nov.  1668. 

2.  Pline,  XXIV,  105-4.  Le  séneçon,  cueilli  à  la  saint  Roch,est  resté  une 
panacée  pour  le  bétail. 

3.  Pline,  XVI,  249-51 , 

4.  Dioscoride,  IV,  69  :  |3'.À'.vo'jv-ta  ;  Aquilée,  De  Jk'rb.,  4  :  bêltimintia.  C'est 
évidemment  le  rapprochement,  justifié  ou  non,  avec  le  nom  de  l'Apollon 
gaulois  Belenus  qui  a  donné  naissance  au  surnom  latin  de  la  plante  :  Apol- 
tinaris.  Uliyoscxanius  Apolliiiaris,  qui  s'employait  pareillement  en  Galatie 
(Pline,  XXV,  17),  paraît  avoir  été  la  même  herbe. 

5.  Cependant  divers  remèdes  à  caractère  magique,  signalés  par  Pline  en 
Galatie,  présentent  une  similitude  frappante  avec  ceux  que  les  druides  recom- 
mandaient en  Gaule  ;  ainsi  la  rata  ou  le  suciis  iiigerriiiiiis  de  l'acacia  qui, 
cueillis  dans  certaines  conditions,  peuvent  guérir  les  morsures  de  serpent 
(XX,  132,  XXII,  109;  le  biibrotoiiiuni,  cuit  avec  de  la  farine  d'orge,  un 
remède  excellent  contre  les  maux  d'veux  (XXI,  160). 


Le    Pain   Galatc.  237 

suffit  à  prouver  que  b  religion  du  chêne  n'y  fut  pas  inconnue. 
A  côté  du 'chêne-rouvre,  les  Galates  retrouvaient  encore  dans 
leur  nouvelle  patrie,  sur  les  pentes  rocheuses,  le  chêne-kermès 
ou  chêne-houx  :  le  nom  sous  lequel  ils  paraissent  l'avoir  dési- 
gné (/;«/j'?)  '  n'est  pas  inconnu  sur  les  deux  versants  des  Pyré- 
nées. C'est  sur  cet  arbre  qu'on  retrouve  le  cûcciis  qui  fournit  le 
superbe  écarlate  dont  les  Romains  teignaient,  de  préférence  à 
la  pourpre,  les  paludamenta  impériaux.  Quand  on  se  rappelle 
que  cette  substance,  qui  fut  une  des  grandes  ressources  de  la 
Galatie,  ne  nous  est  signalée  dans  l'antiquité  qu'en  Espagne, 
quand  on  considère  surtout  les  superstitions  qui  accompagnent 
la  cueillette  du  coccns  et  les  analogies  qu'elles  présentent  avec 
celles  qui  entourent  la  récolte  du  gui  ou  du  selago,  on  ne  peut 
s'empêcher  de  croire  qu'il  y  a  là  plus  qu'un  effet  du  hasard. 
C'est  non  plus  au  sud,  mais  au  nord  des  Pyrénées,  en  Aqui- 
taine, qu'on  se  servait,  pour  faire  le  pain,  d'un  panic  très  estimé 
que  les  Galates  devaient  retrouver  en  Cappadoce-,  ou  encore 
d'une  sorte  d'épeautre,  flfr/;;^^. ',  qui  semble  correspondre  au 
y^ovopbq  dont  on  faisait  également  grand  usage  en  Galatie •+. 
L'orge,  hraice,  dont  ils  retrouvaient  la  liqueur  fermentée  — 


1.  Pausanias  (X,  36,  i)  dit  que  les  FaXâTat  ot  u-sp  <I>pjyia;  cprovfj 
-r^  ir^v/ loolu)  appelaient  u;  ce  que  les  Grecs  appelaient  /.oV.x.o:.  Cependant  le 
mot  hus  (cf.  français  Imux  ;  anglais  holly),  qui  ne  se  rapporte  à  aucune 
racine  grecque,  paraît  résulter  de  l'adaptation  à  une  désignation  indigène 
du  carmin,  GayTi  (terme  iranien  ou  cappadocien,  cf.  L.  Meyer,  Handlmch  d. 
gr.  Etyiii.,  II,  162,  dont  Xénophon,  Cyrop.,  VIII,  3,  13  fournit  le  premier 
exemple  en  parlant  des  anaxyrides  perses  uayivo6acpct?),  d'une  forme 
celtique  hiiJs  que  justifierait  non  seulement  le  nom  catalan  du  chêne-ker- 
mès gar-uUa,  mais  de  nombreux  noms  d'arbres  gaulois  :  bciulla  (Pline, 
XVI,  74),  op-uUus  (Varro,  I,  8,  3)aX6-oXov  (Dioscor.,  III,  33),  a/couÇ-o'jXoujjL 
(Dioscor.,  IV,  71).  Quant  ■à.ucoccus,  qu'on  trouve  en  Lusitanie  comme  en 
Galatie  (Pline,  IX,  141  ;  XVI,  32;  XXII,  3  ;  Dioscoride,  IV,  48)  pour  dési- 
gner la  cochenille  qui,  écrasée  dans  l'œuf  sur  la  feuille  de  chêne  où  elle 
s'est  fixée,  donne  notre  carmin  (de  l'arabe  kcniics),  ce  mot,  qu'on  ne  peut 
expliquer  ni  en  grec  ni  en  latin  (où  il  ne  paraît  d'ailleurs  que  sous  l'empire), 
paraîtrait  devoir  être  rapproché  du  gallois  coch,  rouge  (cf.  Holder,  Sprachs- 
chati,  s.  V.).  En  Espagne,  d'où  nous  vient  le  mot  de  cochenille,  le  coccoJohis 
que  vantent  Pline  (XIV,  30)  et  Columelle  (III,  2,  19)  ne  serait  pas  autre 
chose  que  le  raisin  rouge  qui  n'a  rien  perdu  de  sa  réputation. 

2.  Pline,  XVIII,  25.  Cf.  Strabon,  IV,  2  ;  Caesar,  B.  civ.,ll,  22. 

3.  Pline,  XVIII,  19;  XXII,  25  :  arinca  GaUiaruui  propria frumenti 

genus  galliciiiii. 

4.  Dioscoride,  II,  1 18. 


238  A.-J.   Rehuich. 

cette  boisson  nationale  qu'incarnait  leur  dieu  Braciaca  — 
jusqu'au  fond  de  la  Cappadoce  où  elle  avait  pénétré  avec  les 
divinités  thraco-phrygiennes  Braités  et  Sabazios,  y  avait  donné 
naissance  à  ce  pain  d'orge  que  les  Gaulois  paraissent  avoir  pré- 
féré '  ;  semé  en  mars  sur  les  terres  froides  du  Dindymos,  il 
donnait,  par  jugère,  cinq  niodii  d'une  farine  excellente  pour 
pain  de  ménage^  ;  cette  -;^J\v^r^  -/.piO-/)  de  Cappadoce,  connue 
en  Bithynie  sous  le  nom  de  Çs:-'jp:v  '  et  en  Phrygie  sous 
celui  de  y.piOîzupov,  ou,  fomilièrement,  de  -ups/.pi'^,  était  sur- 
tout appréciée  dans  la  Galatie  propre  et  exportée,  pour  cette 
raison,  sous  le  nom  de  honkuiii  gûlaticum.  Ainsi,  c'est  de  panic, 
d'épeautre  ou  d'orge,  emmagasinés  de  part  et  d'autre  dans 
des  greniers  souterrains  5,  qu'on  paraît  s'être  servi  pour  le  pain, 
de  préférence  au  froment,  tant  dans  la  Gaule  du  sud-ouest  que 
dans  la  Galatie  du  nord-ouest,  usage  qu'on  peut  constater  des 


1.  Sur  la  bière  gauloise  il  suffit  de  renvoyer  aux  articles  Bracc,  Cervesu, 
Ciiniii  du  Sprachscbati  de  Holder  et  Hier  et  Briiiierei  du  Reallexikoii  de 
Schrader.  On  sait  que,  en  Pannonie  et  en  Illvrie,  la  bière  s'appelait  sabaia 
ou  sahaiuiu  ;  en  Thrace  et  en  Phrygie  hryton  ou  bry^a  ;  le  mot  bas  latin 
hraisuin  paraît  une  déformation  à  la  fois  de  hraice  et  de  hryton  ;  enfin  tragos 
et  hronios  désignent  des  espèces  d'orge.  Il  semble  donc  bien  que  Dion3-sos, 
sous  ses  vocables  de  Sabazios,  Braitès,  Bromios,  Briseus,  Tragos,  ne  soit 
qu'autant  de  formes  du  vuao;  (cf.  nurtis,  nourrisson)  de  Déô  ou  Zéô,  Dê- 
méter,  la  mère  de  l'orge,  :(e!a,  :5;('dou  déa.  Sur  cette  conception  de  Dionysos 
comme  esprit  de  la  liqueur  d'orge,  cf.  Harrison,  op.  cit,  p.  417. 

2.  Columelle,  II,  9;  Palladius,  II,  4.  On  en  pouvait  faire  double  récolte 
en  Celtibérie  (Pline,  XVIII,  18)  comme  en  Galatie  (Columelle,  loc.  cit.,)  en 
plantant  le  disticham  en  mars,  le  bexasticbiiiii  en  janvier.  C'est  le  hordcum 
distkhum  qui  est  toujours  dit  galaticnm,  parce  que  c'est  celui  qui  convient 
Jrigidis  locis  sed  pi)igiiissiiiiis  ;  on  sait  que  les  Gaulois  excellaient  dans  l'art 
d'amender  les  terres  avec  de  la  rrc/i;  dite  uiarga  (Pline,  XVII,  42,  45,  Var- 
ron,  I,  7,  8). 

3.  Oribase,  I,  9. 

4.  Dans  une  inscription  publiée  par  Ramsay  (Studies  in  easfern  provinces, 
p.  200).  Pour  faire,  en  effet,  une  farine  susceptible  de  panification,  il  fallait 
mélanger  à  du  froment  Vbordcinii  gakiticnni;  seul,  il  ne  donnait  qu'une 
polenta.  Il  paraît  en  avoir  été  de  même  du  seigle  (secaJe)  dont  Pline  (XVIII, 
141)  ne  signale  l'emploi  en  guise  de  pain  que  chez  les  Taurini  des  Alpes 
mélangé  à  du  far  sous  le  nom  de  sasia.  Cette  sasia  ou  asia  correspondrait  au 
breton  beig  (gallois  baidd)  qui  désigne  une  espèce  d'orge  ;  peut-être  est-ce 
aussi  aux  Galates,  qui  l'auraient  acclimaté  en  Thrace  et  en  Asie,  qu'elle 
aurait  dû  cette  rapide  extension  qui  la  fait  citer  au  troisième  rang  des  céréales 
dans  l'édit  de  Dioclétien. 

5.  Diodore,  V,  21;  Varron,  I,  57,  Columelle,  I,  6;  Q.uinte  Curce,  VII, 
4,  24. 


Le   Pain   Galate.  239 

deux  parts  jusqu'au  ii"^  siècle  de  notre  ère.  Peut-être  y  a-t-il 
là  autre  chose  qu'une  analogie  fortuite  due  à  la  similitude 
des  conditions  de  sol  et  de  climat;  du  moins  est-il  permis  de 
le  supposer,  lorsqu'on  lit  dans  Justin  que  les  Tektosages  de 
Galatie  appartiennent  à  la  même  nation  que  les  Tektosages 
d'Aquitaine  \  tradition  que  paraît  bien  confirmer  le  décret  où 
Lampsaque,  menacée  par  Antiochus  le  Grand  et  par  ses 
Galates,  obtient  de  Marseille,  fille  comme  elle  de  Phocée,  une 
lettre  de  recommandation  -Kpoq  tôv  ofiixo^/  twv  ToXoaxcaYiwv 
FaXaTwv  (199)-.  Si  Marseille  croyait  pouvoir  s'attribuer  une 
pareille  influence  sur  les  Celtes  de  Pessinonte,  n'était-ce  pas  à 
cause  de  leur  parenté  avec  ses  clients  de  Tolosa,  riche  des 
trésors  enlevés  à  Delphes  par  les  Tektosages  '  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  paraît  résulter  des  faits  que  nous  avons 
réunis  que,  dans  la  Gaule  indépendante,  le  peuple,  d'une  part, 
par  indigence  ou  par  ignorance,  le  clergé,  de  l'autre,  par  suite 
d'idées  religieuses  qui  se  retrouvent  presque  partout,  se  refu- 
saient à  l'usage  du  pain  levé.  La  situation  ne  paraît  pas  avoir 
été  très  différente  dans  l'intérieur  de  la  Phrygie,  les  mêmes 
causes  produisant  les  mêmes  effets.  Puisque  nous  retrouvons 
cet  état  de  choses  en  Galatie  quatre  siècles  et  plus  après  la 
conquête,  on  peut  croire  que  lorsque  Galates  et  Phrygiens 
entrèrent  en  contact,  ils  en  étaient,  sur  ce  point,  au  même 
degré  de  civilisation.  Nous  n'en  sommes  pas  réduits  d'ailleurs 
à  invoquer  la  seule  vraisemblance.  Quarante  ans  à  peine  après 
leur  invasion  en  Galatie,  Phylarque,  décrivant  les  festins  déjà 
célèbres  des  Galates,  a  soin  de  dire  qu'on  disposait  sur  leurs 
tables    àpTS'j-;    kSAAoù^    /,aTa-/.sy.Aa!j;x£voyç,  des  pains   en  grand 


1.  Hist.,  XXXII,  3.  Cette  tradition,  empruntée  au  Voconce  Trogue- 
Pompée,  est  confirmée  par  Strabon.  Son  texte  laisse  entendre  que,  dès  son 
époque,  l'existence  des  deux  Tolosa  de  Narbonnaise  et  de  Tarraconnaise 
avait  amené  à  chercher,  dans  le  voisinage  des  Tektosages,  l'origine  des 
Tolostoïens,  qui  ne  seraient  devenus  Tolcsto-boïens  que  par  fusion  avec 
les  Boïens,  émigrés  d'Italie  vers  le  nord-est  après  leurs  défaites  de  285-3 
(cf.  Strabon,  IV,  188,  195).  Les  récentes  recherches  de  M.  Joulin  sur 
Toulouse  (R.  archéoL,  1907,  I,  235)  paraissent  y  confirmer  l'influence  de 
l'Orient  grec  par  l'interniédiaire  de  Marseille  et  de  Rhoda. 

2.  Dittenberger,  Sylloo-e  IiiscriptioiiKiii  Graecarimi,  276. 

3.  Justin,  XXXII,  3;  Strabon,  IV,  118;  Appien,  lUyr.,  4;  Athénée,  VI, 
234;  Aulu.  Celle,  III,  9;  Dio  Cassius,  I,  90,  etc. 


240  A.-J.  Rcliiach. 

iioinhir  tout  rompus  '.  Il  ne  saurait  être  question  de  rompre  du 
pain  levé,  qu'on  peut  seulement  couper;  ce  qu'on  rompt,  ce 
sont  ces  longues  galettes  azymes  dont  les  morceaux  sont 
distribués  aux  convives,  et  notre  expression  rompre  le  pain  est 
un  souvenir  de  l'époque  où  l'on  n'en  connaissait  pas  d'autre. 
Sur  cette  question  primordiale  du  pain,  il  ne  semble  donc  pas 
y  avoir  eu  de  différence  notable,  en  Galatie,  entre  conquérants 
et  indigènes,  ni  entre  leurs  cultes  respectifs.  On  a  pu  entre- 
voir quelle  influence  ce  fait,  en  apparence  insignifiant,  a  du 
exercer  sur  l'histoire  religieuse  de  l'Asie  Mineure. 

A.  J.  Reinach. 


I.  Athénée,  IV,  34  =  Fragiii.  Hist.  Graec,  I,  336.  Cf.  Ath.  VI,  246 
(d'après Posidonios):  f,  -popr)  3'ÈaTtv  àpio'.  ôXtyot.  Je  mécontente  de  rappeler 
que,  dans  le  récit  de  [a.Jractio  panis  eucharistique,  lorsque  Jésus  fractionne  en 
douzeportions  la  galette  azyme,  c'est  le  même  verbe  /axa/Xân)  (en  latin//-rtH- 
gerc)  qu'emploient  les  Synoptiques  et  les  Actes.  Cf.  Wilpert,  Fractio  panis 
(Fribourg  1895).  C'est  par  manière  de  protestation  contre  cet  usage  judéo- 
syrien  et  phrygo-galate  répandu  dans  toute  l'Asie  Mineure  qui  s'était 
d'abord  imposé  à  elle  que  1  Église  d'Orient  a  substitué  dans  l'Eucharistie 
le  pain  levé  à  la  galette  non  levée  et  poursuivi,  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire 
Byzantin,  les  a^yiiiites  de  tous  ses  mépris  et  de  toutes  ses  rigueurs.  Aussi  y 
coupe-t-on  l'hostie  à  l'aide  d'un  tranchet  spécial  dit  sainte  lance,  tandis  qu'en 
Occident  le  culter  eiichuristicns  ne  sert  qu'à  v  inciser  les  lignes  qui  permet- 
tront de  le  rompre  plus  facilement  ;  peut-être  les  Gaulois  employaient-ils 
de  même  le  niac'iairion  dont  ils  se  servaient  comme  de  couteau  de  table 
(cf.  A.  Blanchet,  Revue  d.  étmles  anciennes,  1907,  p.  200). 


Nota.  —  Sur  la  puissance  paternelle  chez  les  Celtes,  voir  Cours  de  litle- 
rature  celtique,  i.  VII  (1895),  p.  242-249;  d.  ci-dessus,  p.  234,  note  i. 


ENLEVEMENT  DU  TAUREAU  DIVIN 

ET 

DES    VACHES    DE    COOLEY 


CHAPITRE  VII 


EXPLOITS   DE    CLICHULAINN    ENFANT    RACONTES    PAR 
TROIS    ORATEURS 


SECTION    PREMIERE 
Récit  de  Fergus  fils  de  Roech.  —  Les  jeux  à  Emain. 

«  Cet  enfant  »  dit  Fergus,  «  fut  élevé  dans  la  maison  de 
son  père  et  de  sa  mère  en  Mag  Muirthemne.  On  lui  racontait 
ce  que  faisaient  les  gentils  enfants  à  Emain.  » 

«  Voici  comment  Conchobar  a  joui  de  la  royauté,  dès  qu'il 
en  fut  investi.  Aussitôt  qu'il  était  levé  il  commençait  par 
mettre  en  ordre  les  affaires  de  la  province.  Puis  il  faisait  trois 
parties  du  reste  de  la  journée.  Il  en  employait  le  premier  tiers 
à  regarder  les  gentils  enfants  faire  des  tours  d'adresse,  jouer, 
lancer  des  boules  ;  les  jeux  de  trictrac  et  d'échecs  occupaient  le 
second  tiers  ;  il  passait  le  dernier  tiers  à  manger  et  à  boire 
jusqu'au  moment  où  le  sommeil  s'emparait  de  tout  le  monde, 
alors  les  musiciens  l'endormaient.  Je  suis  maintenant  en  exil 
à  cause  de  lui  et  cependant  je  donne  ma  parole  que  ni  en 
Irlande  ni  en  Grande-Bretagne  il  n'y  a  guerrier  égal  à 
Conchobar.  « 

«  On  raconta  à  l'enfant  ce  que  faisaient  à  Emain  les  gentils 
enfants,  la  troupe  de  jeunes  garçons,  et  l'enfant  dit  à  sa  mère 

Revue  Celtique,  XXl'III.  '  l6 


242  //.   cCArhoh  de  JuhaUivillc. 

qu'il  irait  jouer  là  où  ils  jouaient,  à  Emain.  «  C'est  trop  tôt 
pour  toi,  petit  garçon  »,  répondit  sa  mère,  «  attends  qu'un 
des  guerriers  d'Ulster  vienne  avec  toi,  ou  qu'un  des  guerriers 
de  l'entourage  de  Conchobar  t'accompagne  pour  te  protéger 
contre  les  jeunes  garçons  ou  te  venger  s'il  y  a  lieu.  »  —  «  Ce 
que  tu  me  conseilles  »,  répliqua  le  petit  garçon,  «  est  loin  de 
ma  pensée.  Je  n'attendrai  pas  qu'il  me  vienne  un  protecteur, 
mais  enseigne-moi  où  est  Emain.  »  —  «  C'est  bien  loin  de 
toi  »,  répartit  sa  mère,  «  le  mont  Fuad  est  entre  Emain  et 
toi.  »  —  «  Je  me  rendrai  compte  de  la  distance  »,  dit  le  petit 
garçon.  » 

2.  «  Il  partit,  il  emportait  ses  jouets,  son  bâton  courbe  de 
bronze,  sa  boule  d'argent,  son  javelot,  son  bâton  brûlé  au 
gros  bout  ;  et  il  s'en  servait  pour  égayer  son  chemin.  De  son 
bâton  courbe  il  donnait  un  coup  à  sa  boule  et  ainsi  la  lançait 
au  loin.  Puis  du  même  bâton  il  donnait  un  second  coup  et 
la  boule  n'allait  pas  moins  loin  que  la  première  fois.  Il  lançait 
son  javelot,  il  jetait  son  bâton  courbe  et  courait  après  lui.  Il 
prenait  tantôt  son  bâton  courbe,  tantôt  son  javelot^  et  le  gros 
bout  de  son  bâton  n'avait  pas  touché  terre  que  déjà  en  l'air  il 
en  avait  saisi  le  petit  bout.  » 

«  Allant  devant  lui,  il  atteignit  le  haut  plateau  d'Emain  où 
se  trouvaient  les  jeunes  garçons.  Cent  cinquante  gentils 
enfants,  entourant  Folloman  fils  de  Conchobar,  étaient  à  leurs 
jeux  sur  la  pelouse  d'Emain.  Le  petit  garçon  alla  dans  l'en- 
droit où  ils  jouaient,  se  mit  au  milieu  d'eux,  et  des  deux  pieds 
lança  loin  d'eux  sa  boule  de  telle  façon  qu'elle  ne  dépassât 
pas  la  hauteur  de  ses  genoux  et  qu'elle  ne  descendît  pas  plus 
bas  que  ses  chevilles.  Elle  suivit,  sans  s'écarter  la  direction  que 
de  ses  deux  pieds  il  lui  avait  donnée,  elle  échappa  aux  projec- 
tiles jetés  par  ses  rivaux  et  allant  plus  loin  qu'eux  elle  dépassa 
le  but.  » 

3.  «  Tous  ensemble  en  sont  témoins  »,  «  c'est  merveilleux, 
c'est  étrange»,  pensèrent-ils.  «  Eh  bien,  enfants  »,  dit  Follo- 
man, fils  de  Conchobar,  «  réunissez-vous  tous  contre  lui. 
Qu'il  soit  tué  !  Il  y  a  magique  défense  qu'aucun  gentil  garçon 
vienne  se  mêler  à  vos  jeux  sans  avoir  auparavant  obtenu  votre 


Eiilcveiiicnt  du  hiiireaii  divin.  243 

protection.  Tous  à  la  fois  mettez-vous  contre  lui.  Nous  savons 
qu'il  est  du  nombre  des  fils  des  héros  d'Ulster  et  ces  jeunes 
garçons  ne  doivent  pas  prendre  coutume  de  venir  se  mêler  à 
vos  jeux  sans  avoir  préalablement  obtenu  votre  protection  ou 
votre  garantie.  » 

«  Alors  ils  se  mirent  tous  contre  lui.  Ils  lancent  sur  le 
sommet  de  sa  tête  cent  cinquante  bâtons  courbes  et  lui  de  son 
unique  bâton  détourne  les  cent  cinquante.  Ils  lancent  contre  lui 
leurs  cent  cinquante  boules,  mais  lui  levant  les  bras  et  les  mains 
écarte  ces  cent  cinquante  projectiles.  Ils  jettent  contre  lui  leurs 
cent  cinquante  javelots  de  jeu  brûlés  au  gros  bout;  lui,  élevant 
son  petit  bouclier  fait  de  planchettes,  éloigne  ces  cent  cin- 
quante javelots.  » 

4.  «  Puis  il  fit  des  contorsions.  Il  sembla  qu'à  coups  de  mar- 
teau on  avait  fait  rentrer  dans  sa  tête  chacun  de  ses  cheveux 
à  l'endroit  d'où  chaque  cheveu  en  était  sorti.  Il  sembla  que 
chacun  de  ces  cheveux  jetait  une  étincelle  enflammée.  Il  ferma 
un  de  ses  yeux  qui  ne  fut  pas  plus  large  que  le  trou  d'une 
aiguille,  il  ouvrit  l'autre  qui  devint  plus  grand  qu'une  coupe 
d'hydromel.  Il  écarta  tellement  les  mâchoires  que  sa  bouche 
atteignit  les  oreilles.  Il  ouvrit  si  fort  les  lèvres  qu'on  voyait 
le  dedans  de  son  gosier.  Du  sommet  de  sa  tête  jaillit  la 
lumière  qui  atteste  les  héros'. 

«  Alors  il  prit  l'offensive  ;  il  renversa  cinquante  fils  de  rois 
qui  tombèrent  à  terre  sous  lui.  Cinq  d'entre  eux  «  dit  Fer- 
gus  »,  arrivèrent  entre  moi  et  Conchobar;  nous  étions  à  jouer 
aux  échecs  sur  la  table  de  Conchobar  ;  cette  table  était  dressée 
sur  le  haut  plateau  d'Emain.  Le  petit  garçon  suivait  ces  cinq 
enfants,  il  voulait  les  mettre  en  pièces.  Conchobar  lui  saisit 
le  bras.  «  Je  crois,  petit  garçon  »,  dit-il,  «  que  tu  ne  traites 
pas  légèrement  les  enfants.  »  —  «  J'ai  de  bonnes  raisons  pour 
agir  ainsi  »,  dit  le  petit  garçon.  «  Quand  je  suis  venu  les 
trouver,  je  n'ai  pas  reçu  d'eux  les  honneurs  qu'on  doit  aux 
hôtes.  »  — •  «  Qui  es-tu  ?  »  demanda  Conchobar.  —  «  Je  suis  le 
petit  Setanta  »_,  répondit-il,  «  je  suis  le  fils  de  Sualtam  et  de 

I.  Le  §  4  est  tiré  du  Lebor  na  hUidre,  p.  59,  col.  i,  1.  34-43  ;  O'Keeffe, 
1.  391-397;  Winifred  Faraday,  p.  18. 


244  H.  d'Arbois  de  JuhnUiviUe. 

Dechtire,  ta  sœur;  il  était  invraisemblable  que  je  fusse  mal- 
traité comme  je  l'ai  été  chez  toi.  »  —  «  Comment  ne  sais-tu 
pas  »,  dit  Conchobar,  «  qu'il  y  a  magique  défense  de  venir 
trouver  les  enfants  sans  s'être  d'abord  mis  sous  leur  protec- 
tion. »  —  «  Je  ne  le  savais  pas  »,  répondit  le  petit  garçon, 
«  autrement,  j'aurais  demandé  leur  protection.  »  —  «  Eh 
bien,  enfants  »,  demanda  Conchobar,  «  prenez-vous  le 
petit  garçon  sous  votre  protection  ?»  —  «  Nous  y  consen- 
tons »,  dirent-ils.  » 

5.  «  Le  petit  garçon  se  trouva  dès  lors  sous  la  protection  des 
enfants.  Leurs  mains  qui  le  tenaient  le  lâchèrent.  Mais  lui,  de 
nouveau,  se  précipita  contre  eux.  Il  jeta  sous  lui  à  terre  cin- 
quante fils  de  rois.  Leurs  pères  les  crurent  morts,  cependant 
ils  n'étaient  qu'étourdis  par  les  coups  qu'ils  avaient  reçus  au 
front,  c'étaient  de  grands,  très  grands  coups.  «  Mais  », 
demanda  Conchobar,  «  quel  rapport  y  a-t-il  désormais  entre 
eux  et  toi  ?»  —  «  Par  les  dieux  que  j'adore  »,  répliqua  le 
petit  garçon,  «  je  jure  qu'ils  se  mettront  sous  ma  protection 
et  sous  mon  patronage,  ainsi  que  sous  leur  protection  et  sous 
leur  patronage  je  me  suis  placé,  en  sorte  que  ma  main  ne  se 
retirera  pas  d'eux  avant  de  les  avoir  relevés  au-dessus  de 
terre.  »  —  «  Bien,  petit  garçon  »,  répondit  Conchobar, 
«  prends  les  enfants  sous  ta  protection.  »  —  «  J'y  consens  », 
répondit  le  petit  garçon.  Et  les  enfants  furent  sous  la  protec- 
tion et  le  patronage  du  petit  garçon.  » 

6.  «  Quand  »,  ajouta  Fergus,  «  un  petit  garçon  a  fait  ces 
exploits  cinq  ans  après  sa  naissance,  a  pu  à  cet  âge  terrasser 
les  fils  des  guerriers  et  des  héros  à  la  porte  de  leur  château,  il 
n'y  a  pas  lieu  d'éprouver  de  l'étonnement  ni  de  l'admiration 
parce  que  le  même  personnage  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  pen- 
dant l'expédition  faite  pour  enlever  [le  taureau  divin]  et  les 
vaches  de  Cooley,  est  venu  à  la  frontière  de  la  province,  a 
coupé  une  fourche  à  quatre  pointes  et  a  tué  un,  deux,  trois 
ou  quatre  hommes.  » 


EuUvcmnil  du  iaiircau  divin.  245 

SECTION    DEUXIÈME 

Récit  de  Cormac  à  l'intelligent  exil,  fils  de  Conchobar. 
Meurtre  du  chien  du  forgeron  par  Cùchulainn  qui  dut  son  nom  à  cet  exploit. 

I.  Après  Fergus,  Cormac  à  l'intelligent  exil,  fils  de  Con- 
chobar,  prit  la  parole  :  «  Le  petit  garçon  »,  dit-il,  «  fit  un  second 
exploit  un  an  après  celui  qui  vient  d'être  raconté.  »  —  «  Quel 
exploit?  »  demanda  le  roi  de  Connaught  Ailill.  Voici  la  réponse 
de  Cormac  :  «  Culann,  forgeron  d'Ulster,  prépara  un  festin  pour 
Conchobar  et  se  rendit  à  Emain  afin  de  l'inviter.  Il  lui  dit  de 
n'amener  qu'un  seul  convive  avec  lui  à  moins  qu'il  ne  se  fit 
accompagner  par  des  hôtes  indulgents  :  «  Car  »,  ajouta-t-il, 
«  je  ne  possède  ni  un  domaine,  ni  même  un  champ,  je  n'ai 
que  mes  marteaux,  mon  enclume,  mes  pomgs  et  mes 
tenailles.  »  Conchobar  répondit  qu'il  n'amènerait  qu'un  seul 
compagnon.  Puis  Culann  regagna  sa  maison  qui  était  fortifiée, 
et  il  s'occupa  de  préparer  à  boire  et  à  manger.  » 

«  Conchobar  resta  assis  dans  Emain  jusqu'à  la  chute  du  jour, 
puis  il  revêtit  son  manteau  léger  de  voyage  et  alla  prendre 
congé  des  enfants.  Arrivé  sur  la  pelouse,  il  \it  une  chose  qui 
l'étonna;  cent  cinquante  enfants  à  une  extrémité  delà  pelouse, 
un  seul  enfant  à  l'autre  extrémité  et  ce  dernier  l'emportait 
sur  tous  les  autres  par  l'adresse  avec  laquelle  il  lançait  la  boule 
et  atteignait  le  but.  Le  but  était  un  trou  dans  la  pelouse 
d'Emain.  Quand  était  venu  leur  tour  de  lancer  leurs  boules  et 
son  tour  à  lui  d'empêcher  leurs  boules  d'entrer  dans  le  trou, 
il  faisait  en  sorte  qu'aucune  n'y  pénétrât.  Quand  arrivait  leur 
tour  d'arrêter  ses  boules  et  le  sien  de  les  lancer,  il  les  faisait 
toutes  entrer  dans  le  trou,  jamais  il  ne  manquait  son  coup. 
Lorsque  le  jeu  était  d'enlever  les  vêtements,  il  déchirait  les 
cent  cinquante  vêtements,  et  l'on  ne  pouvait  même  arracher 
la  broche  qui  fermait  son  manteau.  Le  moment  de  la  lutte 
venait-il,  il  faisait  tomber  sous  lui  les  cent  cinquante  enfants, 
et  réunis  autour  de  ce  petit  garçon,  ceux-ci  ne  parvenaient 
pas  à  se  rendre  maîtres  de  lui.  » 

«  Conchobar  se  mit  à  regarder  le  petit  garçon  :  «  Ah! 
jeunes  gens  »,  dit-il,  «  heureux  le  pays  d'où  est  venu  le  petit 
garçon  que  vous  voyez,  sises  exploits  à  la  guerre  sont  un  jour 


246  H.  d\4rhois  de  JubaiiiviUe. 

semblables  à  ses  jeux  d'enfant  !  »  —  «  Le  doute  que  tu 
exprimes  est  déplacé  »,  reprit  Fergus,  «  de  même  que  ce 
petit  garçon  grandira,  de  même  grandiront  ses  exploits.  Que 
ce  petit  garçon  soit  appelé  à  venir  avec  nous  prendre  part  au 
festin  où  nous  allons.  »  Et  Conchobar  appela  le  petit  garçon  : 
«  Viens  avec  nous,  petit  garçon  »,  dit  Conchobar;  «  viens 
au  festin  où  nous  allons.  »  —  «  Non  certes,  je  n'irai  pas  », 
répondit  le  petit  garçon.  —  «  Pourquoi  cela  ?  »  demanda  Con- 
chobar. —  «  Farce  que  les  enfants  »,  répliqua  le  petit  garçon, 
«  n'en  ont  pas  encore  assez  de  leurs  jeux  et  de  leurs  plaisirs.  » 
—  «  T'attendre  jusqu'à  ce  qu'ils  en  aient  assez  demanderait 
un  temps  trop  long  »,  dit  Conchobar,  «  nous  ne  t'attendrons 
pas  du  tout.  »  —  «  Va  devant  »,  répondit  le  petit  garçon, 
«  ensuite  j'irai  vous  rejoindre.  »  —  «  Petit  garçon  »,  répartit 
Conchobar,  «  tu  ne  sais  pas  le  chemin.  »  —  «  Je  suivrai  », 
répliqua  le  petit  garçon,  «  je  suivrai  les  traces  du  cortège,  des 
chevaux  et  des  chars.  » 

2.  «  Puis  Conchobar  se  rendit  à  la  maison  de  Culnnn  le  for- 
geron Il  tut  accueilli  avec  l'honneur  que  méritait  son  rang, 
sa  dignité,  son  droit,  sa  noblesse  et  conformément  aux  bons 
usages.  Sous  lui  et  sous  ses  compagnons  on  étala  de  la  paille 
et  du  jonc  trais.  On  se  mit  à  boire  et  à  manger  de  bonnes 
choses.  Culann  adressa  une  question  à  Conchobar.  «  Eh  bien, 
ô  roi,  as-tu  donné  à  quelqu'un  l'ordre  de  venir  te  trouver  ici 
cette  nuit  ?  »  —  «  Non  certes  »,  répondit  Conchobar,  «  je  n'ai 
donné  à  personne  un  ordre  pareil.  »  Il  ne  se  rappelait  plus  le 
petit  garçon  qu'il  avait  invité  à  venir  au  festin  avec  lui.  «  Pour- 
quoi cette  question  ?  »  ajouta-t-il.  —  «  J'ai  un  bon  chien  de 
guerre  »,  répartit  Culann,  «  aussitôt  qu'il  est  débarrassé  de  sa 
chaîne,  personne  dans  le  canton  n'oserait  en  se  promenant, 
s'approcher  de  lui.  Il  ne  connaît  que  moi.  Il  a  la  force  de  cent 
hommes.  »  — Conchobar  dit  alors  :  «  Qu'on  ouvre  la  forte- 
resse au  chien  de  guerre  et  qu'il  protège  le  canton.  »  On 
débarrass  1  de  sa  chaîne  le  chien  de  guerre,  il  tit  rapidement  le 
tour  du  canton,  gagna  le  point  élevé  du  haut  duquel  il  veillait 
sur  la  ville;  il  s'y  plaça  la  tête  sur  les  pattes;  il  était  tout  ce 
qu'on  peut  concevoir  de  plus  féroce,  barbare,  furieux, 
tarouche,  terrible,  belliqueux. 


EnJci'cineut  du  laiircaii  divin.  247 

«  Que  devinrent  pendant  ce  temps  les  enfants  d'Emain  ?  Ils 
se  séparèrent,  allèrent  chacun  dans  la  maison  de  son  père  et 
de  sa  mère,  ou  de  sa  mère  nourricière  et  de  son  père  nourri- 
cier. Le  petit  garçon,  suivant  les  traces  du  cortège,  se  dirigea 
vers  la  maison  de  Culann  le  forgeron.  Il  abrégeait  la  route  en 
s'amusant  avec  ses  jouets.  Arrivé  à  la  pelouse  devant  la  forte- 
resse où  étaient  Conchobar  et  Culann,  il  jeta  ses  jouets  à 
l'exception  de  sa  boule.  Le  chien  de  guerre  remarqua  le  petit 
garçon  et  poussa  des  hurlements  que  tout  le  monde  entendit. 
Il  se  faisait  fête  d'avaler  le  petit  garçon  d'un  seul  coup  tout 
entier,  de  lui  donner  pour  logement  son  ventre  après  l'avoir 
fiiit  passer  par  sa  vaste  gorge  et  au  travers  de  sa  poitrine.  Le 
petit  garçon  employa  le  seul  moyen  qu'il  eût  de  se  défendre, 
vigoureusement  il  lança  au  chien  de  bataille  sa  boule  qui, 
entrant  dans  la  gueule  de  l'animal,  lui  pénétra  dans  le  cou, 
lui  traversa  les  entrailles  et  sortit  par  la  porte  de  derrière;  puis 
l'enfant,  saisissant  deux  pieds  du  chien,  le  lança  contre  une 
pierre  levée  dont  le  choc  le  mit  en  pièces  et  joncha  tout 
autour  la  terre  de  ses  débris.  » 

3.  «  Conchobar  entendit  l'aboiement  du  chien.  «  Hélas,  ô 
guerriers  »,  dit-il,  «  nous  n'avons  pas  eu  bonne  chance  quand 
nous  sommes  venus  boire  la  bière  cà  ce  festin-ci.  »  —  «  Pour- 
quoi ?  »  demanda  chacun.  —  «  Le  petit  garçon  qui  venait  à 
ma  suite  »,  répondit  Conchobar,  «  le  fils  de  ma  sœur,  Setanta, 
fils  de  Sualtam,  a  été  tué  par  le  chien.  »  A  ces  mots  les  glo- 
rieux Ulates  se  levèrent  tous  ensemble.  Quoique  la  porte  de 
la  forteresse  fût  ouverte,  chacun,  au  lieu  de  se  diriger  vers 
cette  porte,  alla  droit  devant  lui  et  traversa  la  palissade  qui 
entourait  la  forteresse.  Tout  le  monde  allait  vite,  mais  Fergus 
plus  vite  que  les  autres.  Il  prit  à  terre  le  petit  garçon,  le  plaça 
sur  son  épaule.  Culann  sortit  aussi  et  vit  son  chien  mis  en 
pièces;  ce  fut  un  coup  violent  qui  l'atteignit  au  cœur.  Puis  il 
rentra  dans  la  forteresse  avec  tous  les  autres,  «  Ta  venue, 
petit  garçon  »,  dit-il,  «  m'a  fait  plaisir  à  cause  de  ton  père  et 
de  ta  mère;  mais  non  à  cause  de  toi.  »  —  «  Qu'as-tu  contre  ce 
petit  garçon  ?  »  demanda  Conchobar.  —  «  Ce  n'est  pas  pour 
mon  bonheur»,  continua  Culann,  «  que  tu  es  venu  chez  moi, 
petit  garçon,  boire  ma   bière  et  manger  ma  nourriture,   car 


248  H.  iVArbois  de  JiibaiiiviUe. 

aujourd'hui  mon  avoir  est  détruit,  comme  ma  vie  !  elle  est 
anéantie  ma  vie  !  Celui  de  mes  gens  que  tu  m'as  ôté  était  un 
excellent  serviteur  qui  gardait  mes  bestiaux,  mes  troupeaux, 
tous  mes  meubles.  »  —  «  Ne  te  mets  pas  en  colère,  maître 
Culann  »,  répondit  le  petit  garçon,  «  car  je  porterai  sur  cette 
affaire  un  jugement  juste.  »  —  «  Quel  jugement  porteras-tu  ?  » 
demanda  Conchobar.  —  «  S'il  y  a  un  petit  chien  de  la  race  de 
ce  chien  en  Irlande  »,  répondit  le  petit  garçon,  «  je  l'élèverai 
jusqu'à  ce  qu'il  puisse  faire  ce  que  faisait  son  père.  Jusque-là  je 
serai  le  chien  protecteur  dès  troupeaux,  des  meubles  et  de  la 
terre  de  Culann.  »  —  «  Il  est  bon  »,  reprit  Conchobar,  «  le  juge- 
ment que  tu  as  porté.  »  —  «  Nous  ne  porterions  pas  meilleur 
jugement  »,  ajouta  le  druide  Cathha.  «  Pourquoi  ne  t'appel- 
lerait-on pas  à  cause  de  cela  chien  de  Culann,  ciî  Chulainu  ?  » 
—  «  Non  certe.  »,  répondit  le  petit  garçon,  «  je  préfère  mon 
nom,  Setanta,  fils  de  Sualtam.  »  —  «  Ne  dis  pas  cela,  petit 
garçon  »,  répondit  Cathba,  «  car  le  nom  de  Cûchulainn  sera 
célèbre  en  Irlande  et  en  Grande-Bretagne,  les  lèvres  des 
hommes  d'Irlande  et  de  Grande-Bretagne  seront  remplies  de 
ce  nom.  »  —  «  En  ce  cas  »,  répartit  le  petit  garçon,  «  ce  que 
tu  me  proposes  me  sera  avantageux.  »  Dès  lors  ce  nom  célèbre 
devint  le  sien,  on  l'appela  chierp  de  Culann  Cû-cbiilainii 
depuis  qu'il  eut  tué  le  chien  qui  était  chez  Culann  le 
forgeron.  » 

4.  «  Quand  un  petit  garçon  a  fait  cet  exploit  »,  ajouta  Cor- 
mac  à  l'intelligent  exil,  fils  de  Conchobar,  «  quand  il  l'a  fait  six 
ans  après  sa  naissance,  quand  à  cet  âge  il  a  tué  un  chien  de 
guerre  si  redoutable  que  les  troupes,  les  armées  n'osaient 
approcher  du  canton  défendu  par  cet  animal,  il  n'y  a  pas  de 
raison  pour  éprouver  admiration  ou  étonnement  parce  qu'à 
l'âge  de  dix-sept  ans  pendant  l'expédition  entreprise  pour  enle- 
ver [le  taureau  divin  et]  les  vaches  de  Cooley,  il  est  venu  à  la 
frontière  d'une  province  voisine,  a  coupé  une  fourche  à  quatre 
pointes  et  a  tué  un,  deux,  trois  ou  quatre  hommes.  » 


Eiilèvciiienl  du  liiiiiraii  divin.  249 

SECTION  TROISIÈME 

Meurtre  des   trois   fils  de  Necht  Sceni  '. 
Récit  de  Fiachu  fils  de  Féraba. 

I.  «  Un  an  après,  le  petit  garçon  fit  un  troisième  exploit  », 
dit  Fiachu,  fils  de  Féraba.  »  —  «  Quel  exploit  fit-il  ?  demanda 
Ailill,  roi  de  Connaught. —  «  Le  druide  Cathba  »,  répondit 
Fiacha,  «  donnait  à  ses  élèves  son  enseignement  au  nord-est 
d'Emnin.  Il  avait  près  de  lui  cent  élèves  zélés  '  apprenant  l'art 
druidique.  Un  d'eux  demanda  au  maître  quel  événement  les 
présages  annonçaient  pour  ce  jour  et  si  cet  événement  serait 
heureux  ou  malheureux.  «  Un  petit  garçon  »,  répondit  Cathba, 
«  prendra  aujourd'hui  les  armes,  il  sera  brillant  et  célèbre, 
mais  aura  la  vie  courte;  sa  vie  ne  sera  pas  longue.  »  Le  petit 
garçon  entendit  ces  paroles  au  milieu  des  jeux  au  sud-ouest 
d'Emain.  Aussitôt  il  jeta  ses  jouets  et  vint  dans  la  maison 
où  Conchobar  avait  l'habitude  de  prendre  le  repos  de  la  nuit. 
«  Je  te  souhaite  tout  le  bonheur  possible,  ô  roi  des  Féné^  », 
dit  l'enfant.  —  «  A  tes  paroles  je  devine  que  tu  viens  me 
demander  quelque  chose  »,  répondit  Conchobar.  «  Que  veux- 


1 .  C'est-à-dire  d'Inber  Sceini  aujourd'hui  Kenmare  bay,  comté  de  Kerrv, 
en  Munster.  Necht  Sceni  est  la  mère  des  trois  fils.  Son  nom  apparaît  au 
nominatif  dans  le  Diiuisenchas,  publié  par  M.  Whitley  Stokes,  Rcvtie  cel- 
tique,.x.  XVI,  p.  83,  où  il  est  écrit  Neacht.  Il  y  a  en  vieil  irlandais  un  subs- 
tantif «?f/;/  signifiant  «  nièce  »  {Thésaurus  palaeohibernicus,  t.  II,  p.  122, 
1.  27),  et  un  adjectif  necht  signifiant  «  pur  »  (Glossaire  de  Cormac  chez 
Whitley  Stokes,  Three  irish  glossaries,  p.  10,  au  mot  cruthnecht).  Dans  le 
Labor  na  hUidre  le  nom  de  cette  femme  apparaît  toujours  au  génitif  sous 
la  forme  Nechta.  Nechtoiu,  dans  le  livre  de  Leinster,  est  le  résultat  d'une 
confusion  entre  ce  nom  de  femme  et  le  nom  d'homme  Nechtan,  Annales 
de  Tigernach  publiées  par  M.  Whitley  Stokes,  Revue  Celtique,  t.  XVII, 
p.  205  ;  cf.  Chronicou  Scotorum,  édition  Heimessy,  p.  104.  Necht  était 
veuve.  Son  mari  Lugaid,  au  génitif  Lugdech,  Lugdeach,  avait  été  tué  par 
les  habitants  d'Ulster.  Labor  na  hUidre,  p.  62,  col.  i,  note  marginale. 

2.  C'est  la  leçon  du  Lebor  na  hUidre,  p.  61,  col.  i,  1.  21  :  cet  fer  dêiii- 
viech.  Le  Livre  de  Leinster  réduit  leur  nombre  à  huit  et  supprime  l'adjectif 
deininech  «  ardents,  zélés  ». 

3.  Féne  ^uênio-s  est  un  dérivé  da  fian  a  héros  »  =z  uëiio-s.  Ce  mot 
avait  peut-être  une  variante  itènno-s  d'où  le  composé  O'jsw^/.v.o-.  «  fils  de 
Ueniio-s,  nom  d'un  peuple  établi  dans  l'Irlande  septentrionale  d'où  Dùïvvi- 
■/.v'.ov  a-z.pov,  Innishovenheadou  Malin-head  en  Donegal.  Ptolémée,  1.  II,  c.  2, 
51,  2,  édition  donnée  chez  Didot  par  Charles  MùUer,  p.  75,  1.  2,  7;  cf. 
Forbiger,  Handbuch  der  alten  Géographie,  t.  III,  p.  307. 


250  H.  d'Arhois  de  JuhahmUe. 

tu,  petit  garçon  ?»  —  «  Prendre  les  armes  »,  répliqua  le  petit 
garçon.  —  «  Qui  t'en  a  suggéré  l'idée,  petit  garçon  ?  »  — 
demanda  Conchobar.  —  «  Cathba,  le  druide  »,  répliqua  le 
petit  garçon.  —  «  Son  conseil  ne  sera  pas  une  trahison  », 
répondit  Conchobar.  Il  donna  à  l'enfant  deux  lances,  une  épée, 
un  bouclier;  le  petit  garçon,  secouant  et  agitant  violemment 
ces  armes,  les  réduisit  en  menus  morceaux,  en  menus  débris. 
Conchobar  lui  remit  deux  autres  lances,  une  autre  épée,  un 
autre  bouclier;  l'enfant  les  secoua,  les  agita  violemment  une 
fois,  recommença  et  en  fit  de  petits  morceaux,  de  petits  débris. 
Il  y  avait  là  des  lances,  des  épées,  des  boucliers  de  quoi  armer 
quatorze  des  gentils  garçons,  des  entants  qui  étaient  près  de 
Conchobar  à  Emain.  Quand  un  d'eux  prenait  les  armes,  c'était 
Conchobar  qui  les  leur  donnait  ;  ils  livraient  bataille  pour  lui 
et  lui  jouissait  de  leurs  triomphes.  De  toutes  ces  armes  le 
petit  garçon  fit  de  menus  morceaux,  de  menus  débris.  "  Ces 
armes  ne  sont  pas  bonnes,  maître  Conchobar  »,  dit  le  petit 
garçon,  «  elles  ne  sont  pas  dignes  de  moi.  »  Conchobar  lui 
donna  les  deux  lances,  l'épée,  le  bouclier  dont  lui-même  se 
servait.  Le  petit  garçon  agita  et  secoua  violemment  les  lances 
et  le  bouclier,  brandit  l'épée  et  la  plia  de  telle  façon  que  la 
pointe  toucha  la  poignée  ;  il  ne  brisa  pas  ces  armes,  elles 
résistèrent  à  tous  ses  efforts.  «  Ces  armes  sont  bonnes  », dit-il; 
«  c'est  ce  qui  me  convient.  Heureux  le  roi  à  qui  ces  armes 
appartiennent!  Heureuse  la  terre  qui  lui  a  donné  le  jour!  » 

2.  «  |Le  roi  et  l'enfant  étaient  dans  une  tente.]  Le  druide 
s'y  rendit.  «  Le  petit  garçon  a-t-il  pris  ces  armes  ?  »  demanda 
Cathba.  —  «  Oui  certes,  et  ce  ne  pouvait  être  autrement  », 
répondit  Conchobar.  —  «  Il  ne  peut  m'être  agréable  »,  répar- 
tit Cathba,  "  que  le  fils  de  sa  mère  ait  pris  les  armes  aujour- 
d'hui. »  [Cathba  savait  que  le  petit  héros  une  fois  armé  devait 
mourir  tout  jeune.]  «  Quoi?  »  s'écria  Conchobar  «n'est-ce  pas 
toi  qui  l'as  conseillé?  »   — •  «  Nullement  »,  répondit  Cathba. 

—  «  Que  penser  de  toi?  lutin,  petit  démon  »,  dit  Concho- 
bar, s'adressant  au  petit  garçon.   «  Nous  as-tu  menti?  »  — 

—  «  Ne  te  mets  pas  en  colère,  maître  Conchobar  »,  répliqua 
l'enfant,  «  c'est  bien  Cathba  qui  m'a  conseillé.  Un  de  ses  élèves 
lui  a  demandé  quel    pronostic  il  avait   pour  ce  jour-ci.  Il   a 


Enlèvement  du  taureau  divin.  251 

répondu  qu'un  petit  garçon  prendrait  les  armes  aujourd'hui, 
qu'il  serait  illustre,  qu'il  serait  célèbre,  mais  qu'il  aurait  la  vie 
courte  et  de  peu  de  durée.  »  —  C'est  vrai,  c'est  ce  que  je 
■  sais  »,  dit  Cathba,  «  tu  seras  illustre,  tu  seras  célèbre,  tu 
auras  la  vie  courte  et  dé  peu  de  durée.  »  —  Tu  me  prédis  un 
merveilleux  mérite  »,  répondit  le  petit  garçon.  «  Ne  serais-je 
au  monde  qu'un  jour  et  qu'une  nuit,  peu  importe,  pourvu 
qu'après  moi  restent  mon  histoire  et  le  récit  de  mes  aventures.  » 

3.  «  Bien,  petit  garçon  »,  répartit  Conchobar,  «  monte  en 
char.  Voici  le  premier  char  que  J2  t'offre.  »  Le  petit  garçon 
monta  en  char.  Au  premier  char  dans  lequel  il  monta,  il  donna 
et  réitéra  des  secousses  si  violentes  qu'il  en  fit  de  menus  mor- 
ceaux, de  menus  débris.  Il  monta  dans  un  second  char  et  le 
réduisit  comme  le  premier  en  petits  morceaux,  en  petits  débris. 
Il  mit  encore  en  pièces  un  troisième  char.  Dans  l'endroit  où 
étaient  conservés  dix-sept  chars  n  la  disposition  des  jeunes 
gens,  des  gentils  garçons  chez  Conchobar  à  Emain,  il  n'y  eut 
plus  que  menus  morceaux,  menus  débris  de  ces  chars,  tous 
brisés  par  le  petit  garçon,  aucun  n'avait  pu  lui  résister.  «  Ils  ne 
sont  pas  bons  ces  chars,  maître  Conchobar  »,  dit  le  petit  g.u"- 
çon,  «  ils  ne  sont  pas  dignes  de  moi.  » 

«  Où  est  le  fils  de  Riangabair,Ibar  mon  cocher  ?  »  demanda 
Conchobar.  —  «  Ici  certes  »,  répondit  Ibar.  —  «  Prends  avec 
toi  mes  deux  chevaux»,  dit  Conchobar,  «  et  attelle-les  à  mon 
char.  »  Alors  Ibar  prit  les  chevaux  et  les  attela  au  char  du  roi. 
Puis  le  petit  garçon  monta  dans  le  char  de  Conchobar,  le 
secoua  tout  autour,  le  char  résista,  ne  se  brisa  pas.  <<  Certes  ce 
char  est  bon  »,  dit  le  petit  garçon,  «  c'est  le  char  qui  me 
convient.  »  —  «  Bien!  petit  garçon  »,  reprit  Ibar,  «  pour  cette 
fois-ci  laisse  les  chevaux  sur  leur  pâturage.  »  — •  «  C'est  trop 
tôt  pour  moi  »,  répondit  le  petit  garçon;  «  va  devant  nous 
hors  d'Emain  aujourd'hui,  c'est  la  première  journée  qui  suit 
ma  prise  d'armes,  il  faut  qu'une  grande  victoire  atteste  mon 
aptitude  guerrière.  »  Ils  firent  trois  fois  le  tour  d'Emain.  «  Main- 
tenant laisse  les  chevaux  sur  leur  pâturage,  petit  garçon  »,  dit 
Ibar.  —  «  C'est  encore  trop  tôt  pour  moi,  ô  Ibar  »,  répondit 
le  petit  garçon.  «  Allons  devant  nous  afin  que  les  enflmts  me 
souhaitent  bonne  chance  aujourd'hui,  la  première  journée  après 


252  H.  iVArhois  de  JuhainviUe. 

ma  prise  d'armes.  »  Ils  allèient  devant  eux  jusqu'à  l'endroit  où 
étaient  les  enfants.  «  At-il  pris  les  armes  »  ?  demanda  chacun  des 
enfants.  «  Il  le  faut  bien  »,  se  répondirent-ils.  «  Puisses-tu  », 
continuèrent-ils,  «  puisses-tu  obtenir  la  victoire,  tuer  ton  pre- 
mier adversaire,  triompher;  mais  pour  nous  c'est  trop  tôt  que 
tu  as  pris  les  armes,  parce  que  tu  te  sépares  de  nous,  tu  ne 
prendras  plus  part  à  nos  jeux.  »  —  «  Je  ne  me  séparerai  pas 
de  vous  »,  répondit-il  ;  «  mais  un  présage  m'a  fltit  prendre  les 
armes  aujourd'hui.  » 

4.  «  Laisse,  petit  garçon  »,  dit  Ibar,  «  laisse  cette  fois  les  che- 
vaux sur  le  pâturage.  »  —  «  C'est  encore  trop  tôt  »,  répliqua 
le  petit  garçon  ;  «  et  cette  grande  route  qui  va  tournant  devant 
nous,  où  mène-t-elle?  »  —  «  Que  t'importe  ?  »  répondit  Ibar  », 
cela  n'empêche  que  tu  ne  sois  un  aimable  jeune  homme.  »  — 
«  Eh  bien,  gentil  serviteur  »,  reprit  le  petit  garçon,  a  je  vais 
te  questionner  sur  les  principales  routes  de  la  province.  Jus- 
qu'où va  celle-ci  ?»  —  «  Elle  va  au  gué  de  la  garde  du  mont 
Fuad  »,  répondit  Ibar.  —  «  Pourquoi  l'appelle-t-on  gué  de 
la  garde  »,  demanda  le  petit  garçon,  «  le  sais-tu  ?»  —  «  Oui 
je  le  sais  »,  répliqua  Ibar.  «  Un  bon  guerrier  des  Ulates  y  est 
de  garde  pour  la  défense  de  son  pays.  Si  des  guerriers  étran- 
gers voulaient  venir  en  Ulster  pour  offrir  bataille,  ce  serait  lui 
qui  relèverait  le  défi  au  nom  de  toute  la  province.  Si  des 
artistes  détalent",  mécontentés,  voulaient  sortir  d'Ulster,  ce 
serait  lui  qui  pour  les  y  retenir  et  pour  conserver  ainsi  l'hon- 
neur de  la  province,  leur  offrirait  de  riches  présents.  Si,  au 
contraire,  des  artistes  de  talent  pensaient  entrer  en  Ulster,  ce 
serait  lui,  qui  se  porterait  garant  des  libéralités  par  lesquelles 
Conchobar  les  rémunérerait  pour  leurs  poèmes  chantés  et  pour 
leurs  histoires  récitées  à  Emain  après  leur  arrivée.  »  —  «  Sais- 
tu  »,  dit  le  petit  garçon,  «  qui  est  près  de  ce  gué  aujourd'hui  ?  » 
— -  «  Oui  je  le  sais  »,  répondit  Ibar,  «  c'est  Conall  Cernach, 
l'héroïque  querelleur,  fils  d'Amargin,  c'est  Conall  Cernach  le 
royal  guerrier  d'Irlande.  »  —  «  Mène-nous  en  avant,  gentil 
serviteur  »,  dit  le  petit  garçon,  «  fais-^nous  atteindre  le  gué.  » 

«  Allant  devant  eux,  ils  arrivèrent  en  lace  du  gué  :  «  Celui- 

I .  Il  s'agit  de  fiUd. 


Enlcvciuciit  du  taureau  divin.  253 

ci  a-t-il  pris  les  armes  ?  demanda  Conall.  —  «  Il  le  faut  bien  », 
répondit  Ibar.  —  «  Puisses-tu,  petit  garçon  »,  dit  Conall, 
«  puisses-tu  remporter  la  victoire,  triompher  en  tuant  ton  pre- 
mier adversaire!  Mais  pour  nous  c'est  trop  tôt  que  tu  as  pris 
les  armes,  car  tu  n'es  pas  capable  d'obtenir  un  tel  succès.  Au 
contraire,  si  l'étranger  qui  viendrait  ici  était  un  artiste  qui  te 
demanderait  de  lui  garantir  un  salaire,  tous  les  Ulates  te  cau- 
tionneraient; dans  le  cas  où  de  ton  engagement  résulterait 
une  bataille,  tous  les  nobles  d'Ulster  se  lèveraient  pour  te 
soutenir.  »  —  «  Que  fais-tu  ici,  maître  Conall  ?  »  demanda  le 
petit  garçon.  —  «  Je  monte  la  garde  pour  la  défense  de  la 
province,  petit  garçon  »,  répondit  Conall.  —  «  Retourne  à  la 
maison  pour  cette  fois,  maître  Conall  »,  répartit  le  petit  gar- 
çon, «  et  laisse-moi  monter  ici  la  garde  pour  la  défense  de  la 
province.  »  —  «  Non,  petit  garçon  »,  dit  Conall,  «  tu  n'es  pas 
encore  maintenant  capable  de  tenir  tête  à  de  bons  guerriers.  » 
«  Alors  »,  dit  le  petit  garçon,  «  j'irai  plus  au  sud,  à  Fertais 
Locha  Echtrann,  pour  voir  si  aujourd'hui  je  trouverai  à  me 
baigner  les  mains  dans  le  sang  d'un  ami  ou  d'un  ennemi.  » 
«  J'irai  te  protéger  »,  répondit  Conall,  «  il  ne  faut  pas  que  tu 
ailles  seul  dans  la  province  voisine.  »  —  «  Non  »,  répliqua 
le  petit  garçon,  «  tu  ne  viendras  pas.  »  —  «  Certes  j'irai  », 
s'écria  Conall  ;  «  les  Ulates  me  roueraient  de  coups  si  je  te 
laissais  seul  dans  la  province  voisine.  «  On  amena  les  chevaux 
de  Conall  ;  ils  furent  attelés  à  son  char,  et  il  partit  pour  aller 
protéger  le  petit  garçon  ;  il  arriva  aussi  loin  que  lui.  Mais  le 
petit  garçon  ne  voulait  pas  être  supplanté  par  Conall,  si  l'oc- 
casion se  présentait  de  foire  une  action  glorieuse.  A  terre  il 
prend  une  pierre  qui  lui  remplit  la  main  et  il  la  lance  au  loin 
contre  le  joug  du  char  de  Conall  ;  le  joug  se  brise  en  deux, 
Conall  tombe  à  terre  entre  les  deux  morceaux  et  se  démet 
l'épaule.  «  Q.u'as-tu  fait,  o  mon  fils?  »  dit  Conall.  —  «  J'ai 
lancé  une  pierre  »,  répondit  le  petit  garçon,  «  c'est  pour  voir 
si  je  sais  diriger  mon  jet,  comment  je  décoche  un  projectile, 
et  s'il  y  a  en  moi  l'étoffe  d'un  guerrier.  »  — «  Maudit  soit  ton 
jet  de  pierre  !  »  s'écria  Conall  ;  «  maudit  soit  toi-même  ! 
Quand  même  tu  devrais  aujourd'hui  laisser  ta  tête  chez  les 
ennemis,    je    n'irais    pas    te  défendre  plus    longtemps.    »  — 


2  54  H.  iVArhoh  de  Jiihaiiiville. 

«  C'est  ce  que  je  vous  ai  demandé  à  vous  tous  guerriers 
d'Ulster  »,  répliqua  le  petit  garçon,  «  car  il  y  a  chez  vous 
défense  magique  d'aller  chercher  la  mort  dans  vos  chars.  » 
Conall  retourna  au  nord  prendre  sa  place  au  gué  de  la  garde.  » 

5.  «  Racontons  les  aventures  du  petit  garçon.  Il  alla  au  sud 
jusqu'à  Fertais  Locha  Echtrann.  Il  y  resta  jusqu'à  ce  que  vînt 
la  fin  du  jour.  «  Si  j'osais  exprimer  un  avis  »,  dit  Ibar,  »  il 
serait  maintenant  à  propos  pour  nous  de  retourner  à  Emain. 
L'assemblée  est  commencée  depuis  longtemps,  comme  le  par- 
tage et  la  distribution  de  ce  qu'on  mange  et  de  ce  qu'on  boit; 
une  place  t'y  est  réservée  tous  les  jours,  tu  t'asseois  entre  les 
pieds  de  Conchobar;  ma  place  est  entre  les  domestiques  et  les 
jongleurs  attachés  à  la  maison  de  Conchobar,  le  moment  est 
venu  d'aller  me  quereller  avec  eux.  »  —  «  Prends  les  chevaux 
pour  nous  emmener  »,  dit  le  petit  garçon  ;  puis  il  monte  dans 
le  char.  «  Mais,  ô  Ibar  »,  dit-il,  v  comment  s'appelle  cette  colline 
que  maintenant  je  vois  au  nord  ?»  —  «  C'est  la  montagne  de 
Mourne  »,  répondit  Ibar.  —  «  Et  qu'est-ce  que  ce  tas  de 
pierres  blanches  que  je  vois  au  sommet  de  cette  montagne  ?  » 
demanda  le  petit  garçon.  —  «  C'est  »,  répliqua  Ibar,  «  c'est 
le  carn  blanc  de  la  montagne  de  Mourne.  >>  —  «  Mais  il  est 
joli  ce  carn-là  »,  dit  le  petit  garçon.  —  «  Oui  il  est  joli  », 
répartit  Ibar;  «  avançons,  enfant  gâté,  afin  d'arriver  à  ce  carn- 
là.  Tu  es  un  garçon  charmant,  et  cependant  insupportable,  je 
le  vois  bien.  C'est  aujourd'hui  la  première  fois  que  je  t'accom- 
pagne; ce  sera  la  dernière  jusqu'à  la  fin  du  monde,  si  même  je 
rentre  à  Emain.  » 

«  Ils  arrivèrent  au  sommet  de  la  montagne.  «  Nous  sommes 
bien  ici  »,  dit  le  petit  garçon.  «  Enseigne-moi  ce  qui  de 
chaque  côté  appartient  à  la  province  d'Ulster,  car  je  ne  connais 
pas  du  tout  le  royaume  de  mon  maître  Conchobar.  »  —  Ibar 
lui  apprit  de  quoi  tout  autour  était  composée  la  province 
d'Ulster,  il  lui  montra  tout  autour  les  hauteurs,  les  collines  et 
les  montagnes  de  la  province,  les  plaines^  les  châteaux,  les 
points  élevés  de  l'Ulster.  «  Bien,  ô  Ibar  »,  dit  le  petir  garçon, 
«  mais  quelle  est  au  sud  cette  plaine  où  il  y  a  tant  de  coins, 
d'angles,  de  lisières,  de  vallées  ?»  —  «  Mag  Breg  »  répondit 
Ibar,    —  «  Apprends-moi  »,  demanda  le  petit  garçon,  «  quels 


EiiJcvcniciil  du  latiretiit  divin.  255 

sont  les  bâtiments  et  les  forteresses  de  Mag  Breg  ?  >;  Ihar  lui 
montra  Tara,  Teltown,  Knowth,  Brug  na  Boine,  et  le  château 
des  fils  de  Necht.  —  «  Mais  »,  ajouta  le  petit  garçon,  ne  sont-ce 
pas  ces  fils  de  Necht  qui  se  sont  vantés  de  n'avoir  pas  laissé  en 
vie  plus  d'Ulates  qu'ils  n'en  ont  tué  ?»  —  «  Oui  ce  sont 
eux  »,  répondit  Ibar.  —  «  Allons  devant  nous  »,  répliqua  le 
petit  garçon.  «  Allons  au  château  des  fils  de  Necht.  »  —  «  Quel 
malheur  que  tu  dises  cela  ?  »  s'écria  Ibar.  «  Il  est  évident, 
pour  moi  que  tu  me  proposes  de  faire  une  folie.  Y  aille  qui  vou- 
dra »,  ajouta- t-il,  «  ce  ne  sera  pas  moi.  »  —  «  Tu  iras  vivant 
ou  mort  »,  dit  le  petit  garçon.  —  «  J'irai  vivant  au  château 
des  fils  de  Necht  »,  répartit  Ibar;  «  mais  ce  sera  miort  que  j'en 
sortirai,  » 

«  Ils  allèrent  devant  eux  jusqu'au  château  des  fils  de  Necht 
et  le  petit  garçon  sauta  du  char  sur  la  pelouse.  Sur  cette 
pelouse  il  y  avait  une  pierre  levée,  autour  de  cette  pierre  un 
cercle  de  fer,  et  sur  la  fermeture  de  ce  cercle  une  inscription 
ogamique  faisant  appel  aux  héros.  Cette  inscription  disait  : 
«  A  tout  homme  armé  qui  viendra  sur  la  pelouse  défense  d'en 
partir  sans  avoir  demandé  combat  singulier.  »  Le  petit  garçon 
lut  l'inscription,  mit  ses  bras  autour  de  la  pierre,  la  jeta  avec 
le  cercle  dans  le  cours  d'eau  voisin  et  les  flots  s'élevèrent  au- 
dessus  d'elle.  «  A  mon  sens  «,  dit  Ibar,  «  il  aurait  mieux  valu 
que  cette  pierre  restât  où  elle  était.  Nous  savons  que  cette 
fois-ci  tu  trouveras  sur  cette  pelouse  ce  que  tu  cherches,  la 
mort,  oui  la  mort,  une  mort  tragique.  »  —  «  Bien,  Ibar  » 
répondit  le  petit  garçon,  «  arrange-moi  la  couverture  du  char 
et  sa  fourrure  pour  que  je  prenne  un  peu  de  sommeil.  »  — 
«  Quel  malheur  que  tu  me  parles  ainsi  »^  répliqua  le  cocher, 
«  car  nous  sommes  ici  en  pays  ennemi,  cette  pelouse  n'est  pas 
une  de  celles  où  l'on  s'amuse.  »  Cependant  le  cocher  arrangea 
la  couverture  et  la  fourrure,  puis  sur  la  pelouse  le  petit  gar- 
çon s'endormit.  » 

6.  «  Alors  vint  sur  la  pelouse  un  des  fils  de  Necht.  Il  s'appe- 
lait Foill,  fils  de  Necht.  «  Ne  détèle  pas  les  chevaux,  cocher  » 
dit  Foill.  —  «  Je  ne  songe  pas  à  les  dételer  »,  répondit  Ibar,  «  j'ai 
encore  les  brides  et  les  rênes  en  main.  »  —  «  A  qui  sont  ces 
chevaux?  »  demanda  Foill.  —  «  Ce  sont  les  chevaux  de  Con- 


2)6  H.  ifAyhois  de  Jubaiiivillc. 

chobar  »,  répondit  Ibar.  «  Vois  leurs  têtes  tachetées.  »  — 
«  Je  les  reconnais  »,  reprit  Foill,  «  et  qui  les  a  menés  d'Ulster 
à  la  frontière  de  la  province  voisine  ?»  —  «  Un  doux  et  gen- 
til petit  garçon  » ,  répartit  Ibar,  «  il  a  pris  les  armes  chez  nous 
et  il  est  venu  à  la  frontière  de  la  province  limitrophe  pour 
montrer  sa  bonne  mine.  »  —  «  Ce  ne  sera  pas  pour  vaincre 
et  triompher  »,  dit  Foill;  «  si  je  le  savais  capable  de  combattre, 
ce  ne  serait  pas  vivant  que  d'ici  au  sud  il  retournerait  au  nord 
à  Emain;  non  il  n'y  rentrerait  pas  vivant.  »  —  «  Il  est  certai- 
nement incapable  de  combattre,  quoiqu'on  en  puisse  dire  », 
répondit  Ibar,  «  il  est  dans  sa  septième  année.  » 

«  En  ce  moment  le  petit  garçon  leva  son  visage  au-dessus 
de  terre,  il  porta  la  main  sur  sa  figure,  il  devint  pourpre  et 
prit  de  la  tète  aux  pieds  la  forme  d'une  meule  de  moulin. 
«  Certainement  »,  dit-il,  «  je  suis  capable  de  combattre.  »  — 
('  Ce  qui  me  paraît  à  moi  plus  vraisemblable  que  ceque  tu  dis  » 
répondit  Foill,  «  c'est  que  tu  n'es  pas  capable  de  combattre.  » 
—  «  Pour  que  tu  saches  quelle  est  la  vraisemblance  »,  répon- 
dit le  petit  garçon,  «  il  faut  que  nous  allions  ensemble  au  gué. 
Mais  va  chercher  tes  armes.  Venu  sans  elles  au  gué,  tu  n'es 
pas  un  guerrier.  Je  ne  tue  ni  les  cochers,  ni  les  palefreniers, 
je  ne  tue  pas  les  gens  sans  armes.  »  Foill  se  hâta  d'aller  cher- 
cher ses  armes.  «  Dans  notre  intérêt  »,  dit  Ibar,  «  il  est  h. 
propos  que  tu  fasses  bien  attention,  petit  garçon  »,  dans  ta  lutte 
contre  lui.  »  —  «Pourquoi  cela  est-il  nécessaire?  »  demanda 
le  petit  garçon.  —  «  Sur  Foill,  fils  de  Necht,  sur  l'homme 
que  tu  vois  »,  répondit  Ibar,  «  ni  les  pointes,  ni  les  tran- 
chants des  armes  n'ont  prise.  »  —  «  Ce  n'est  pas  à  moi  qu'il 
est  à  propos  de  dire  cela  »,  répartit  le  petit  garçon.  «  De 
ma  main  je  lui  jouerai  le  jeu  du  tour,  je  lui  lancerai  ma 
pomme  de  fer  deux  fois  fondue,  elle  atteindra  le  plat  du  bou- 
clier de  Foill,  le  plat  de  son  front,  et,  après  les  avoir  traversés, 
elle  fera  sortir  la  cervelle  par  le  derrière  de  la  tète  dont  elle  fera 
en  quelque  sorte  un  crible  :  à  travers  sa  tête  on  verra  le  jour.  » 
Foill  sortit  de  son  château.  Le  petit  garçon  lit  le  jeu  dit  du 
tour,  lança  la  pomme  de  fer  qui  arriva  sur  le  plat  du  bouclier 
et  sur  le  plat  du  front  de  Foill,  et  les  ayant  traversés,  lui  fit 
sortir  la  cervelle  par  le  derrière  de  la  tête  ;  on  voyait  le  jour  au 
travers  de  la  tête  de  Foill  et  le  petit  garçon  la  coupa.  » 


Enlèvement  du  taureau  divin.  257 

7.  «  Alors  arriva  le  second  des  trois  frères,  Tuachall,  fils  de 
Necht. —  «  Je  vois  que  tu  te  vantes  d'un  exploit  »,  dit  Tua- 
chall. --  «  Je  n'ai  pas  le  droit  de  me  vanter  parce  que  j'ai  tué 
un  guerrier  »,  répondit  le  petit  garçon.  —  «  Il  n'y  aura  pas 
cette  fois-ci  lieu  de  te  vanter  y>,  reprit  Tuachall,  «  car  je  te 
tuerai.  »  —  «  Va  chercher  tes  armes,  puisque  tu  es  venu  sans 
elles  »,  répliqua  le  petit  garçon.  Tuachall  se  hâta  de  les  aller 
prendre.  «  Il  est  à  propos  dans  notre  intérêt  »,  dit  Ibar,  «  que 
tu  fasses  bien  attention,  petit  garçon,  dans  ta  lutte  contre  lui.  » 
—  «  Pourquoi  cela?  »  demanda  le  petit  garçon.  —  «  Tuachall, 
fils  de  Necht,  l'homme  que  tu  vois  »,  répondit  Ibar,  «  il  faut 
l'abattre  du  premier  coup  d'épée,  du  premier  coup  de  l'arme 
de  jet,  à  la  première  attaque;  autrement  tu  ne  le  vaincras 
jamais  à  cause  de  l'adresse  et  de  l'agilité  avec  lesquelles  il  tourne 
autour  des  pointes  des  armes.  »  —  «  Ce  n'est  pas  à  moi  qu'on 
peut  dire  cela  »,  repartit  le  petit  garçon.  «  Je  prendrai  en 
main  la  lance  de  Conchobar;  cette  lance  empoisonnée  traver- 
sera son  bouclier,  arrivera  au-dessus  de  son  ventre,  en  tout 
brisant  elle  pénétrera  entre  les  côtes  jusqu'à  l'autre  côté  de  son 
corps  après  lui  avoir  traversé  le  cœur.  »  —  «  Ce  sera  »,  dit 
Ibar,  «  l'exploit  d'un  ennemi  et  non  l'acte  amical  d'un  conci- 
toyen. »  —  «  Je  ne  l'enverrai  pas  au  médecin  »,  répondit  le 
petit  garçon,  «  et  de  sa  santé  je  ne  prendrai  jamais  aucun  soin.  » 
Tuachall,  sortant  de  son  château,  vint  sur  la  pelouse.  Le  petit 
garçon  saisit  la  lance  de  Conchobar  et  la  lança  dans  le  bou- 
clier de  Tuachall  au-dessus  du  ventre  de  ce  guerrier;  en  tout 
brisant  elle  pénétra  entre  les  côtes  jusqu'à  l'autre  côté  du  corps 
après  avoir  traversé  le  cœur.  Le  petit  garçon  coupa  la  tête  de 
Tuachall  avant  que  par  la  chute  du  corps  elle  eût  touché 
terre. » 

8.  «  Alors  sortit  du  château  et  vint  sur  la  pelouse  le  plus 
jeune  des  trois  frères,  Faindlé  ou  l'hirondelle,  fils  de  Necht. 
«  Ils  ont  été  bien  bêtes  ceux  qui  ont  combattu  contre  toi  », 
dit  Faindlé. —  «  Pourquoi?  »  demanda  le  petit  garçon.  — 
«  Viens  »  répondit  Faindlé,  «  viens  près  d'ici  en  bas,  dans  l'eau 
ton  pied  n'atteindra  pas  le  fond  [sans  que  l'eau  te  dépasse  la 
tête].  »  Et  Faindlé  s'élance  vers  l'eau. 

Revue  Celtique,  XXVIII.  17 


258  H.  (VArhoh  de  Juhaiiivillc. 

«  Il  est  à  propos,  petit  garçon  »,dit  Ibar,  «  que  tu  fasses  bien 
attention  dans  ta  lutte  contre  lui.  »  —  «  Pourquoi  cela  est-il 
nécessaire?  »  demanda  le  petit  garçon.  —  «  Faindlé,  l'homme 
que  tu  vois,  »  répondit  Ibar,  «  doit  son  nom,  Faindlé,  c'est-à- 
dire  hirondelle,  à  ce  qu'il  parcourt  la  mer  comme  font  l'hiron- 
delle et  la  belette.  Les  nageurs  du  pays  ne  peuvent  rien  contre 
lui.  «  —  «  Il  n'est  pas  à  propos  que  tu  me  parles  ainsi  », 
répondit  le  petit  garçon.  «  Tu  connais  la  rivière  qui  est  voisine 
de  nous  à  Emain,  la  Callann.  Quand  les  enfants  l'entouraient  et 
faisaient  passer  leurs  jouets  sur  elle,  sans  se  mettre  dans  l'eau 
eux-mêmes,  je  prenais  moi  un  gentil  garçon  sur  chacune  de 
mes  deux  mains,  un  gentil  garçon  sur  chacune  de  mes  deux 
épaules,  puis  étant  ainsi  sous  eux,  je  marchais  sur  l'eau  sans 
qu'elle  mouillât  même  la  cheville  de  mes  pieds.  »  Faindlé  et 
le  petit  garçon  se  livrèrent  bataille  sur  l'eau.  Le  petit  garçon 
mit  son  avant-bras  sur  Faindlé  et  le  fit  enfoncer  dans  l'eau  qui 
atteignit  le  sommet  de  la  tête  de  Faindlé,  puis,  lui  donnant  un 
habile  et  rapide  coup  de  l'épée  de  Conchobar,  il  lui  trancha  la 
tête  qu'il  emporta  en  laissant  le  corps  dans  le  cours  d'eau.  » 

«  [Ensuite  derrière  lui  et  derrière  Ibar  on  entendit  le  cri  plain- 
tif de  Necht,  mère  des  trois  morts  ']  ». 

«  Après  cela  le  petit  garçon  et  Ibar  allèrent  au  château,  dévas- 
tèrent les  maisons,  les  brûlèrent  :  ce  qui  resta  des  bâtiments 
ne  dépassait  pas  en  hauteur  les  rejets  de  terre  des  fossés  de 
circonvallation.  Puis  ils  retournèrent  au  mont  Fuad  emportant 
les  trois  têtes  des  fils  de  Necht.   » 

9.  «  Alors  ils  virent  devant  eux  un  troupeau  de  cerfs  : 
«  Qu'est-ce,  ô  Ibar,  que  ces  nombreuses  bêtes  si  agiles  ?  » 
dit  le  petit  garçon,  «  sont-ce  de  ces  animaux  apprivoisés  qui 
sont  favorisde  reines,  ou  est-ce  une  espèce  de  vaches  ?  »  —  «  Des 
vaches  »,  répondit  Ibar  ;  «  elles  se  cachent  dans  les  solitudes 
du  mont  Fuad.  »  —  «  Pique  de  l'aiguillon  les  chevaux  », 
dit  le  petit  garçon  ;  «  voyons  si  nous  pourrons  prendre 
quelques-uns  de  ces  animaux.  »  Le  cocher  piqua  de  l'aiguil- 
lon les  chevaux  ;  mais  ces  chevaux,  qui  appartenaient  au  roi 


I.  Ce  qui  est  entre  crochets  provient  du  Lebor  na  hUidre,  p.   62,  col.  2, 
1.  17,  18;  O'Keeffe,  1.  666,667;  Winifred  Faraday,  p.  31. 


Eiilèvcineiit  du  taureau  divin.  259 

Conchobar,  étaient  trop  gros  pour  courir  aussi  vite  que  la 
troupe  de  cerfs.  Le  petit  garçon  descendit  du  char  et  prit  dans 
cette  troupe  deux  cerfs  agiles  et  forts.  Il  les  attacha  au  bran- 
card du  char  par  des  courroies.  » 

10.  «  Puis  Ibar  et  le  petit  garçon  allèrent  devant  eux  jusqu'au 
plateau  d'Emain  où  ils  virent  près  d'eux  une  troupe  de  cygnes 
blancs.  «  Qu'est-ce  que  ces  oiseaux  ?»  demanda  le  petit  garçon  ; 
«  seraient-ils  de  ces  oiseaux  apprivoisés  qui  sont  les  favoris  des 
reines,  ou  est-ce  une  autre  espèce  d'oiseaux  ?»  —  «  Ce  sont 
d'autres  oiseaux  »,  répondit  Ibar;  «  c'est  une  troupe  de  cygnes 
qui,  arrivant  des  rochers  et  des  îles  de  la  grande  mer  exté- 
rieure, viennent  pâturer  sur  les  plaines  et  les  plateaux  de  l'Ir- 
lande. »  —  «  Des  deux  lequel  serait  le  plus  glorieux_,  ô  Ibar  », 
dit  le  petit  garçon,  «  ou  les  amener  vivants  à  Emain,  ou 
les  y  amener  morts  ?  » —  «  Le  plus  glorieux  serait  de  les  amener 
vivants  »,  répondit  Ibar;  «  tout  le  monde  ne  peut  pas  prendre 
les  oiseaux  vivants.  »  Alors  le  petit  garçon  par  un  premier 
coup  d'adresse  s'empara  de  huit  de  ces  oiseaux,  puis  par  un 
second  coup  plus  adroit  il  en  captura  seize.  Puis  avec  des  cour- 
roies et  des  cordes  il  les  attacha  au  brancard  du  char.  «  Prends 
avec  toi  ces  oiseaux,  ô  Ibar  »,  dit  le  petit  garçon.  —  «  Cela 
m'est  difficile  »,  répondit  Ibar.  —  «  Pourquoi  cela  ?  »  demanda 
le  petit  garçon.  —  «  Il  y  a  pour  cela  grande  raison  »,  repar- 
tit Ibar.  «  Si  je  me  déplace,  les  roues  de  fer  du  char  me  cou- 
peront à  cause  de  la  forte,  vigoureuse  et  très  puissante  allure 
des  chevaux.  Si  je  fliis  le  moindre  mouvement  les  cornes  des 
cerfs  me  perforeront,  me  transperceront.  »  —  «  Tu  n'es  pas  un 
vrai  guerrier,  ô  Ibar  »,  répliqua  le  petit  garçon.  «  Le  coup  d'œil 
que  je  jetterai  sur  les  chevaux  suffira  pour  les  empêcher  de 
sortir  du  bon  chemin.  Je  n'aurai  qu'à  regarder  les  cerfs  pour 
leur  faire  baisser  la  tête,  tant  ils  auront  peur  de  moi,  et  tu 
n'auras  rien  à  craindre  de  leurs  cornes.  » 

1 1.  «  Continuant  leur  course  ils  atteignirent  Emain.  [La  sor- 
cière] Leborcham  qui  était  fille  d'Aue  et  d'Adarc  [esclaves  de 
Conchobar,  et  qui  devait  un  jour  prédire  la  mort  de  Cûchu- 
lainn|,  les  remarqua.  «  Un  guerrier  arrive  en  char  »,  dit-elle, 
«  sa  venue  est  effrayante.  Les  têtes  des  ennemis  qu'il  a  tués 


26o  H.  â'Arhois  âe  JuhainviUe. 

sont  dans  son  char  près  de  lui.  De  beaux  oiseaux  tout  blancs 
se  trouvent  à  côté  de  lui  dans  son  char.  Des  cerfs,  ces  ani- 
maux sauvages  qu'on  ne  peut  atteler  sont  près  de  lui  tenus 
captifs  par  des  liens,  emprisonnés  par  des  cordes  ;  si  l'on  ne 
se  met  pas  en  garde  contre  lui  cette  nuit,  il  tuera  les  guerriers 
d'Ulster.  »  —  «  Nous  connaissons  »,  répondit  Conchobar, 
«  ce  voyageur  qui  arrive  en  char,  c'est  le  petit  garçon,  fils 
de  ma  sœur.  Il  est  allé  jusqu'aux  frontières  de  la  province 
voisine,  ses  mains  sont  toutes  rouges  de  sang  ;  il  n'est  pas 
rassasié  de  combat,  et  si  l'on  n'y  prend  garde,  par  son  fait 
périront  tous  les  guerriers  d'Emain.  »  Voici  la  décision  que 
prirent  Conchobar  et  son  conseil  :  faire  sortir  des  femmes,  les 
envoyer  au-devant  du  petit  garçon,  trois  fois  cinquante  femmes 
ou  dix  en  sus  de  sept  fois  vingt,  toutes  nues  comme  leur 
immodeste  conductrice,  Scandlach,  à  leur  tête,  pour  montrer 
leur  nudité  au  petit  héros.  La  jeune  troupe  des  femmes  sortit 
et  sans  aucune  réserve  lui  montra  sa  nudité.  Mais  lui  se  cacha 
le  visage  en  le  tournant  contre  la  paroi  du  char  et  il  ne  vit 
pas  la  nudité  des  femmes.  Alors  on  le  fit  sortir  du  char.  Pour 
calmer  sa  colère  on  lui  apporta  trois  cuves  d'eau  fraîche.  On 
le  mit  dans  une  première  cuve,  il  donna  à  l'eau  une  chaleur  si 
forte  que  cette  eau  brisa  les  planches  et  les  cercles  de  la  cuve 
comme  on  casse  une  coque  de  noix.  Dans  la  seconde  cuve,  l'eau 
fit  des  bouillons  gros  comme  le  poing.  Dans  la  troisième  cuve 
la  chaleur  fut  de  celles  que  certains  hommes  supportent  et 
que  d'autres  ne  peuvent  supporter.  Alors  la  colère  du  petit 
garçon  diminua.  » 

12.  «  On  le  rhabilla  ;  il  reprit  sa  figure  ordinaire.  De  sa  per- 
sonne, à  commencer  par  le  sommet  de  la  tête  pour  finir  aux 
piedsjil  fit  une  roue  pourpre.  Il  avait  sept  doigts  à  chacun  des 
deux  pieds,  autant  à  chacune  des  deux  mains,  sept  pupilles  à 
chacun  de  ses  deux  yeux,  et  dans  chacune  de  ces  pupilles 
on  voyait  briller  sept  pierres  précieuses.  Sur  chacune  de  ses 
deux  joues  il  y  avait  quatre  taches,  une  tache  bleue,  une  tache 
pourpre,  une  tache  verte,  une  tache  jaune.  Cinquante  mèches 
de  cheveux  très  blonds  lui  allaient  d'une  oreille  à  l'autre,  on 
pouvait  les  comparer  à  un  peigne  de  bouleau  ou  à  des  aiguilles 
d'or  pâle  éclairées  par  le  soleil.  Le  reste  de  ses  cheveux  étaient 


i 


Eiilèvciiiciit  du  taureau  divin.  261 

coupés  courts  et  brillaient  comme  si  une  vache  les  eût  léchés. 
Un  manteau  vert  maintenu  par  une  broche  d'argent  l'envelop- 
pait. Sous  ce  manteau  il  portait  une  tunique  de  fils  d'or.  Il 
vint  s'asseoir  entre  les  pieds  de  Conchobar  qui  lui  passa  la 
main  entre  les  cheveux.  » 

13.  «  Ce  petit  garçon  a  fait  ces  exploits  à  l'câge  de  sept  ans  : 
à  cet  âge  il  a  vaincu  les  grands  guerriers  qui  avaient  tué  les 
deux  tiers  des  hommes  d'Ulster.  Ces  hommes  n'avaient  pas 
trouvé  de  vengeur  avant  que  cet  enfant  s'élevât  contre  leurs 
meurtriers.  Il  ne  faut  pas  s'étonner  de  ce  que  plus  tard,  étant 
venu  à  la  frontière  de  la  province  à  l'âge  de  dix-sept  ans  accom- 
plis, il  ait  tué  un  homme,  deux  hommes,  trois  hommes,  ou 
quatre  hommes  pendant  notre  expéditon  pour  enlever  [le  tau- 
reau divin]  et  les  vaches  de  Cooley.  » 

[Fiachu  fils  de  Féraba  cessa  de  parler.] 

Tels  furent  les  récits  des  exploits  de  Cûchulainn  enfant 
comme  on  les  trouve  dans  l'épopée  qui  raconte  l'enlèvement 
[du  taureau  divin]  et  des  vaches  de  Cooley.  Ces  récits  viennent 
après  1°  la  préface  (c'est-à-dire  les  4  premiers  chapitres),  2°  le 
tableau  de  la  route  (chapitre  V),  3°  la  narration  de  la  marche 
de  l'armée  (chapitre  VI). 

Maintenant  nous  allons  continuer  l'histoire. 


LES    INSCRIPTIONS    CELTIQUES 

DE    FRANCE    ET    D'ITALIE 
d'après  m.  Rhys 


Sous  ce  titre  :  The  Celîic  Inscriptions  of  France  and  Italy, 
M.  Rhys  a  publié  dans  les  Proceedings  oj  the  Britisb  Acadeniy, 
vol.  II,  une  savante  et  ingénieuse  étude  sur  les  inscriptions 
gauloises  du  continent,  qu'il  est  allé  vérifier  sur  placé  en 
1905  et  i9o6(cf.  plus  haut,  p.  209).  Il  ne  regarde  pas  comme 
celtiques  les  inscriptions  d'Italie  formant  les  n°'  4  et  5  du 
recueil  de  M.  Stokes,  Celtic  Decknsion.  Il  laisse  aussi  de  côté 
le  texte  dit  «  l'inscription  gauloise  de  Poitiers  »,  dont  il 
donne  pourtant  sa  lecture,  p.  2.  Voici  un  très  court  résumé 
de  son  opinion  sur  les  autres. 

I.    EVREUX. 

(i)  S^  CRISPOS   BOVl 

(2)  RAMEDON        7 
(.3)  AXTAC   BITI   EV^ 

(4)  DO     CARA-DITONV 

(5)  N   lA  SELANI  SEBO-D-DV^ 

(6)  REMI  FILIA    7 

(7)  DRVTA  GISACI  CIVIS  SVE 

Ligne  i  :  la  première  lettre  pourrait  aussi  être  un  B^  et  la 
dernière  un  fragment  de  p,  B,  R  ou  E-  L.  5  :  il  faut  peut-être 
lire  en  un  mot  lASELANI-  L.  7,  on  ne  voit  que  l'angle  supé- 
rieur de  la  dernière  lettre. 

Les  trois  ^'  et  les  deux  7  doivent  être  des  signes  de  ponc- 
tuation. Les  deux  dernières  lignes  sont  latines. 


Les  Inscriptions  celtiques  de  Fnince  et  d'Italie.  26^ 

IL  Alise-Sainte-Reine. 

(0   MARTIALIS^  DANN$u 

(2)  I    EVRV  V  VCVETE  vSOsh 

(3)  CELICNON  0SE1\C 

(4)  GOBEDBI  7  DVGiIont'Io 

(5)  ^VCVETINv 

(6)  IN...  ALISIIa  C^ 

L.  2  :  la  séparation  Je  |  et  EVRV  doit  être  une  inadvertance 
du  graveur.  L.  4  et  6  :  les  signes  il,  qu'on  a  souvent  tran- 
scrits E,  représentent  plutôt  //  .•  dugiiontiio,  AUsiia.  La  der- 
nière ligne  peut  être  complétée  en  |N[DV]  ou  |N[DO]- 

L'auteur  suppose  que  cela  forme  deux  vers  hexamètres 
dont  le  rythme  est  déterminé  par  l'accent,  et  qu'il  scande 
ainsi  : 

MartialisI  Dannôtalli  iéuru  U|cuéti|  sôsin  ce|licnon, 
Eticgolbedbi  dulg'iontiio  U|cuétin|  indu  Alilsiia. 

Il  traduit  :  «  Martialis,  fils  de  Dannotalos,  a  fait  à  Ucueta 
cette  tour  ;  et  pour  (notre)  bien  puisse-t-elle  plaire  à  Ucueta 
dans  Alise  ». 


m.  Dijon. 


DOIROS'SEGOMARI 
lEVRV- ALISANVi:^ 


«  (C'est)  Doiros,  fils  de  Segomaros,  (qui)  a  fait  (ceci)  pour 
Alisanos  ». 

IV.  Beaune. 

ICCAVOS-OP 
PIANICNOS-  lEV 
RV-BRIGINDONI 
CANTALON 

Autre  inscription  métrique  : 

IccâvosI  Oppiajnîcnos  iléuru  Bri|gindonil  cânt'lon 
signifiant  probablement  :  «  Iccavos  fils  d'Oppianos  a   fait  à 
Brigindo  un  hym.ne  ». 


264  E.   Ervaull. 

V.  AUTUN. 

LICNOS-CoN 
TEXTOS-IEVRV 
ANVALoNNACV- 
CANECoSEDLoN 

Encore  un  vers  : 

Licnos  Con|téxtos  i|éuru     Anua|lonnâcu|cânecoIsédlon 

«  Licnos  Contextes  a  fait  pour  Anvallonnacos  un  siège...  » 
{a...  seat),  peut-être  a  laiv  chair  «  un  siège  de  juge,  un  tri- 
bunal ». 

VI.  Avignon  (i). 

ceroMAPOC 

OYIAAONeOC 

TOOYTIOYC 

NAMAYCATIC 

GICOPOYBHAH 

CAMICOCIN 

NGMHTON 

Cela  semble  former  un  hexamètre  et  demi  : 

^t^(i\i.y.\çiz^   OuiAAc|véGç  -ozu\ziznq  Na;xaj|c:àTiç  silojpcu 
B-^fAr,a-aiJ.t]  ai^tv  v£|[j.r,TCv 

«  Segomaros  fils  de  Uillonos,  citoyen  de  Nîmes,  fit  ce 
sanctuaire  pour  Belesama  ». 

VIL  Avignon  (2). 

OYHBPoYMAPOC 
AGAG    TAPANOOY 
BPATOYAG  KANTGM 

Cette  dernière  lettre  serait  une  erreur  du  graveur  pour  NA 

liés,  ou  plutôt  pour  N,  ce  qui  permettrait  de  voir  là  un  vers. 

«  Vebrumaros  a  donné  des  prémices  à  Taranus  par  ordre  ». 

VIII.  Avignon  (3). 

OYAAIKIO 

ONGPGCT/// 

AIOYNIAI 


Les  Iiiscripfions  celtiques  de  France  et  d'Italie.  265 

L.  I  :  la  lettre  finale  est  peut-être  C.  L.  2  :  le  T  n'a  guère 
pu  être  suivi  que  d'un  I. 

«  Valicio  fils  d'Onerestos,  à  (la  déesse)  Aiunia.  » 

IX.  Avignon  (4). 

eCKerrAIBAANAOOYIKOYNIAI 

Probablement  :   «  Pour  Escenga  fille  de  Blandouicunos  ». 

X.  Avignon  (5). 
Probablement  : 

AAreNNOPin 
OYepeTO///MAPeooYi 

Ou  peut-être  Ou£pîT£[cu]. 

«  A  Adgennorix  Marius,  fils  de  Veretos  ». 

XL  Avignon  (6). 
Lecture  conjecturale  : 

NER  AIPNITOYC 

MAVARNOC 
VALE 

Le  dernier  mot  est  latin  ;  la  langue  des  autres  est  douteuse. 

XIL  Malaucène. 

SVBRON// 
SVMELI 
VORETO 
VIRIVS-F 

L.  I  :  on  voit  encore  à  la  fin  le  bas  d'une  autre  lettre 
comme  I,  peut-être  E. 

La  dernière  lettre  représente  le  latin  fecit. 

On  peut  entendre  :  «  Voretovirius  a  fait  (ceci)  pour  Subro 
Sumelis  ». 

XIIL  Notre-Dame  DU  Grosel. 
Lecture  conjecturale  : 

AOYC 

OC-IAAIAKOC 
rPACEAOYI 
BPATOYAE 
KANTENA 


206  E.  ErnanJt. 


L.  I  :  la  lettre  avant  A  ^  pu  être  D.  L.  2  :  les  deux  pre- 
mières lettres  sont  hypothétiques  ;  celle  qui  suit  le  second  | 
semble  A.  L.  3  et  4  :  le  f  et  le  B  ne  sont  pas  certains. 

«...  lusos  Illiacos  (a  donné)  des  prémices  à  Graselus  par 
son  ordre  ». 

XIV.  Saignon. 

///ABO////IOO 

OYEIMATIKAN 

AIOTEIKARNITOY 

L.  I  :  la  dernière  lettre  pourrait  être  un  C,  et  l'i  un  T. 
L.  3  :  la  seconde  lettre  était  peut-être  N. 

«  Adbocietos  ?  fils  d'Anovos  ?  a  élevé  un  monument 
funèbre  ?  pour  Annotis  ?  » 

XV.  Saint-Rem  Y  de  Provence  (i). 

OYPITTA 
KOCHAO 
YCKONI 
OC 

«  Vrittacos  fils  d'Eluscô  ou  d'Elusconos  ». 

XVI.  Saint-Remy  (2). 

BINNMOC 

AITOYM 

APeOC 

L.  I  :  le  graveur  semble  avoir  oublié,  à  l'M,  un  trait  figu- 
rant un  A  précédent. 

«  Binnamos  fils  de  Litumaros  ». 

XVI^  Inscription  perdue,  que  le  Corpus  donne  ainsi  d'après 
un    manuscrit  :   —    ON  OOYHO  AIOYI-BPATOY.    La    fin 

devait  être  pparouoe  xavTsva  ou  xavrsv  ;  âtoui  =  «  à  la  déesse  ». 
C'était  peut-être  un  vers. 

XII.  Nîmes  (i). 

KAPTAPOIIAAANOYIAKOIA^A^ 
MATPfeBONAMAYIlKABOBPATOYA^ 


Les  Inscriptions  celtiques  de  France  et  d'Italie.  267 

L.  I.  La  première  lettre  pourrait  aussi  avoir  été  F.  H,  FI, 
P  ou  Y-  Les  caractères  P02I,  aujourd'hui  effacés,  ont  été  lus 
ainsi  par  Dardalhion,  vers  1745. 

«  Cartaros  Illanuiacos  a  donné  (ceci)  aux  déesses  Mères  de 
Nîmes,  parleur  ordre  ». 


XVm.  Nîmes  (2). 


KACm 

OYEPCI 

EAEBP 

EKANT 

MI-EINO 

TAAOC 
KNoCA 
AToYA 
ENA-AA 
Yl 


L.  5  :  un  autre  I  final  paraît  dû  à  un  accident. 

«  Cassitalos  fils  de  Versos  a  donné  des  prémices  à  Lamis 
Einus  {ou  Lamis  et  Einus)  par  son  (ou  leur)  ordre  ». 


XTX.  Nîmes  (3). 


MBATI 

TOOY 

T  IN 


La  seconde  ligne  paraît  contenir  le  mot  TOOYTIOYC- 
XX.  Nîmes  (4). 

€CKirro 

P€IZKO 
NAIAA€ 
OC 

«  Escingorix  fils  de  Condillos  ». 

XXL  Nîmes  (5). 

MATIACO-... 
KONNoYBP... 

L.  I  :  la  première  lettre  est  peut-être  A;  Tl  peut  être  FI  ; 
I'A  suivant  est  douteux;  le  petit  ressemble  à  un  D.  L.  2  : 
NN  est  peut-être  VT . 


268  E.  Ernault. 

XXII.  Nîmes  (6). 


AAPE2IIKN0I 
YIBPATOYAEKA 


«...  fils  d'Adressos  (a  donné)  à  .  . .  des  prémices  par 
ordre».  C'était  peut-être  un  vers. 

XXIII.  Nîmes  (7). 

KP6IT6 

Rappelle  le  nom  de  femme  irlandais  Créa. 

XXIV.  Nîmes  (8), 

3<^/////0 

CPIOY 

MAN 

lOCAN 

AOOYN 

NABOA 

eAGBPATO 

YAGKAN 

TGN 

La  première  ligne  pourrait  être  EKINNO,  EKINIO  ou 
EKNIAIO. 

Extvvoç  Piou[j.aviGç  AvSoo'jvva|3o  âeâe  ^paiouîe  xavTsv,  «  Ecin- 
nos  fils  de  Riumanos  a  donné  des  prémices  aux  Andounnas 
par  leur  ordre  ». 

Cela  semble  un  vers,  qu'on  peut  scander  : 

Exivvoçl  Pbu;xav^oçrAvoouvva|3o    oéosi  îSparoucsl   xivusv. 

XXIV^  Inscription  donnée  d'après  le  Corpus  : 

KATO 
VAAOC 

C'est  le  gallois  moyen  Cadiual,  irlandais  Cathal. 

XXIV''.  Inscription  perdue,  dont  on  n'a  qu'une  mauvaise 
copie;  contenait,  entre   autres,  les  syllabes   ...   ouy.'^Çz)    oses 


Les  Inscriptions  celtiques  de  France  et  d'Italie.  269 

XXV.  GUÉRET. 

SACER    PEROCO 
lEVRV     DVORI 
COV.SLM 

La  formule  latine  Votnni  solvit  lubcus  uicrito  indique  le 
caractère  votif  de  cette  inscription  :  «  Sacer  Peroco  a  fait 
(ceci)  pour  Duoricos  ». 

XXVI.  Vieux  Poitiers. 

ratIm  briwtiom 

FROrrV   TARBBISONÔS 

ibvrv 

Encore  un  hexamètre  fondé  sur  l'accent  : 

Râtin  Bri|uâtiom|  Frontu]  Tarbeislônios  i|éuru. 

«  Fronto  fils  de  Tarbeiso  a  fait  le  rdth  (ouvrage  de  fortifi- 
cation) pour  le  peuple  du  pont  ». 

XXVII.  Paris.  Autel  n°  i. 

Devant.  Derrière.  A  droite  de  Jupiter. 

Tib(erio)  Caesare  EVRISES        SENANI  VSEILO/// 

Aug(usto)  lovi  optum[o] 
maxsumo  su(mm)o 
nautae  Parisiac[i] 
[pjublice  posier[u] 
n[t] 

Dans  le  mot  VSEILO,  les  lettres  SE  et  O  ainsi  lues  autre- 
fois, sont  devenues  presque  invisibles;  il  y  avait  ensuite  des 
traits  qu'on  a  lus  M  et  qui  seraient  plutôt  NI. 

Eiirises  peut  être  «  les  travailleurs  de  métaux  »;  senani  usei- 
loni  «  les  vétérans  vexillaires  »  ou  «  les  vieillards  de  haute 
naissance  ». 


270  E.  Eniault. 

XXVIII.  Paris,  hôtel  de  Cluny.  Autel  n°  2. 

Devant.  Derrière.  A  droite  de         A  gauche  de 

Jupiter.  Jupiter. 

lOVIS     TARVOS'TRIGARANVS'     VOLCANVS      ESVS 

lovis,  nom  de  Jupiter^  peut  être  latin  ou  gaulois  ;  Vokaniis 
doit  être  le  nom  de  Vulcain  emprunté  par  les  Gaulois;  Esns 
est  un  dieu  celtique,  tarvos  trigaranus  =  «  le  taureau  aux 
trois  grues  ». 

XXIX.  Paris,  Hôtel  de  Cluny.  Autel  n°  3 . 

Devant.  Derrière.  A  gauche  de  Cernunnos. 

[CIERNVNNOS       CASTOR  SMERT[VLL]0[S] 

Les  lettres  rétablies  sont  attestées  par  d'anciennes  lectures. 
A  droite  de  Cernunnos  devait  se  trouver  le  nom  de  Pollux, 
peut-être  celtisé.  Il  est  possible  que  Castor  ait  été  emprunté 
par  les  Gaulois.  Cernunnos  veut  dire  probablement  «  le  (dieu) 
cornu  ».  SinerliiJlos  peut  s'interpréter  «  le  fort  »  ou  «  le  puis- 
sant ». 

XXX.  Paris,  hôtel  de  Cluny.  Autel  n°  4. 

FORT(una)?  ...VS 

XXXI.  Paris  (5). 

BRATRONOS 

NANTONICN 

EPA-DATEXTo 

RIGI-LEVCVll: 

SVIOREBE-LOGI 

TOe- 

L.  3  :  les  lettres  A-D  ne  sont  pas  très  claires.  L.  4  :  Gl 
pourrait  être  G  ou  Ci  (C  avec  un  petit  |).  L.  6  :  la  première 
lettre  pourrait  être  |,  la  dernière  doit  être  un  E. 


Les  Inscriptions  celtiques  de  France  et  (F Italie.  lyi 

Bratronos  Nantonic}i(os)  Epadatextorigi  Leucnllo  sijiorebe 
logitoe,  «  Bratronos,  fils  de  Nantonos,  fit  cette  tombe  pour 
Epadatextorix  et  pour  ses  (ou  leurs)  deux  sœurs  ». 


XXXI*.  Inscription  trilingue  de  Bourges,  d'après  le  Corpus  :  ■ 

//////OS  VIRILIOS 
////XTOC  OYIPIAAIO 

AN€OYNOC 

enoei 

ELVONTIV 

lEVRV-ANEVNO 

OCLICNO-LVGVRI 

ANEVNICNO 

«  Oxtos  ?  fils  de  Virilos  »...   «  Elvontiu  a  fait  (ceci)  pour 
Aneunos  fils  d'Oclos  et  pour  Luguris  fils  d'Aneunos.  » 


XXXII.  Château  DE  Saint-Germain  (i). 
BVSCILLA  SOSIO  LEGASIT  IN  ALIXIE  MAGALV 

<(  Buscilla  a  placé  ceci  dans  Alisia  pour  Magalos.  » 

Ce  doit  être  un  vers  à  scander  probablement  : 

Bùscillal  sosiol  légaslit  in|  Alixie|  Mag'lu. 

La  langue  serait  celticaiiie  (cehican)  et  non  gauloise,  ce  dia- 
lecte eût  dit  sosin  et  indu  Alisiia. 

XXXIII.  Château  de  Saint-Germain  (2). 

Statue  de  Mercure  avec  une  inscription  latine  et  deux  gau- 
loises, dont  la  première  seulement  vérifiée  par  M.  Rhys  :     * 

APRONIOS 
lEVRV-SOSI/// 

ESV/// 


272  E.   Ervault. 

L.  3  :  l'V  pourrait  être  O  ;  il  semble  y  avoir  des  traces  d'un 
N  ou  M  suivant. 

On  peut  supposer  :  Apronios  ieuru  sosi(ji)  Esun,  a  Apronios 
a  fait  cet  Esus  ». 

L'autre  inscription  a  été  lue  par  M.  Plicque  :  APRO 
TASGI... 

XXXIIP*"".  Inscriptions  non  vérifiées  par  l'auteur  : 

1°  Nevers  : 

ANDE 

CAMV 

LOSTOVTI 

SSICNOS 

lEVRV 

«  Andecamulos  fils  de  Toutissos  a  fait.  » 

2°  Bavai. 

VRITVES 

cmcos 

Cette  dernière  ligne  doit  être  lue  CINGOS.  L'explication 
iiritu  ou  vritu  Escingos  «  Excingos  a  fait  (ceci)  »  est  douteuse  : 
ce  peut  être  deux  noms,  Urityes  Cingos. 

3°  Bar-le-Duc? 

ADIA 
NTVN 
NENI 
EXVE 
RTIN 
INAP 
PISET 
V 

Adiantunneni  Exvertiiii  Nappisctu  «  Nappisetu  (a  donné 
ceci)  à  Adiantunnena  (fille)  d'Exvertinios  »  (traduction  de 
M*.  Stokes)  ;  ou  peut-être  «  don  d'Exuertinos  à  Adiantunne- 
nia  ».  Le  texte  paraît  plus  ccllicain  que  gaulois. 


Les  Inscriptions  celtiques  de  France  et  cf  Italie.  273 

XXXIV.    NOVARE. 

Transcripiion  des  canictères  étrusques  : 


Ligne  horizontale 
Lignes  verticales 


TAKOS-TOVTIO-SVT.. 

INAKVITESASOIOIKENI 

(0 

TANOTALiKNOI 

(2) 

KVITOS 

(3) 

LEKATOS 

(4) 

ANOKOPOKIOS 

(5) 

SETVPOKIOS 

(6) 

ESANEKOTI 

(7) 

ANAREVIssEOS 

(8) 

TANOTALOS 

(9) 

KARNITVS 

(10) 

L.  liQriz.  Une  fracture  de  la  pierre  empêche  de  savoir  si 
le  T  était  le  commencement  de  l'inscription.  La  seconde 
lettre  b  paraît  être  pour  F  c'est-à-dire  A.  Mommsen  a  trans- 
crit «  osit.  .  .  »  la  lacune  finale,  ce  qui  n'est  pas  confirmé  par 
son  dessin,  sauf  peut-être  pour  le  t. 

L.  vert.  I  :  Les  premières  lettres  IN  A  sont  douteuses. 
L.  8  :  la  huitième  lettre,  X,  figurée  ici  ss,  représente  proba- 
blement une  sifflante  spéciale. 

Essai  de  traduction  :  «  Tagos  le  magistrat  (et)  Sut(onios). 
Ici  les  petits-fils  de  Quinta,  savoir  les  fils  de  Dannotalos  : 
Quintus  le  légat,  Andocombogios,  Setubogios,  (et)  les  fils 
d'Exandecottos  :  Andarevisseos,  Dannotalos  ont  élevé  un 
tumulus  pour  eux.  » 

XXXV.  Brescia. 

Inscription  qui  semble  bilingue  :  les  lignes 

TETVMVS 
SEXTI 
DVGIAVA 
SAssADIS 

seraient  latines  :  «  Tetumus  =  Didymus  ?  (fils)  de  Sextus 
(et)  Dugiava  (fille)  de  Sassadis.  »  Elles  sont  suivies  de  deux 

Revue  Celtique,  XXVIII.  -  18 


274 


E.    Eruanli. 


autres  en  un  alphabet  mêlé  de  latin  et  d'étrusque,  qui  peuvent 
se  transcrire 

TOME-ECAAI 

OBAL-ANAT  INA 

Si  cette  partie  est  celtique,  on  peut  entendre  :  «  (Tom- 
beau ou  urne)  de  Thomas  :  descendant  d'Eccaios,  il  attend 
ici  »  (formule  chrétienne). 


XXXVI.  Rome. 

Inscription  bilingue  de  Todi,  latin  et  celtique  (en  caractères 
étrusques). 

Côté  A  : 


[ATEGNATO 

(0 

[ATEGNATO 

DRVTI  EI-VRNVM 

(2) 

DRVTEI-F-VRNAM 

[ClOISIS  DRVTI-F 

(3) 

COUSIS 

RATER-EIVS 

(4) 

DRVTEI-F-FRATER 

MINIMVS-LOCAV  E/// 

(5) 

EIVS- 

STATVITQVI 

(6) 

MINIMVS-LOCAV 

[ATjEKNATI-TRVTlKNI 

(7) 

IT-ETSTATVIT 

[KAR]NITV-LOKAN-KO[ISIS] 

(8) 

ATEKNATI-TRVT 

[TR]VTIKNOS 

(9) 

IKNI-KARNITV 

(10) 

ARTVAss  KOISIS-T 

(II) 

RVTIKNOS 

Comparaison  des  deux  textes  celtiques,  qui  sont  peut-être 
en  vers  : 


Ategnati-  Druticnij 
carnitu-  logan*  Goisisi 
Druticnos 

Traduction  : 

Ategnati  Druti  filii  (locus). 
Congessit  ti: 
Druti  filius. 


Congessit  tumulum  Goisis 


Ategnati-Drutlicni- 
carnitu lartuass  Goisis. 
Djruticnos 

Ategnati  Druti  fîlii  (locus). 
Con^:;essit  lapides  sepulchrales 
Goisis  Druti  filius. 


Après  avoir  donné  (p.  75,  76)  un  tableau  des  déclinaisons 
(sur  lequel  nous  reviendrons)  d'après  les  inscriptions  précé- 


Les  Iiiscriplioiis  celtiques  de  France  et  irilalie.  275 

dentés,   l'auteur  défend  la  celticité  d'une  partie  d'entre  elles 
(n-  VII,  XIII,  XVI%  XVII,  XVIII,  XXII,  XXIV,  XXIV'O- 

Vient  ensuite  une  étude  du  Calendrier  de  Coligny  et  des 
textes  de  Rom  ;  à  ce  propos  est  agitée  la  question  des  rapports 
du  celtique  et  du  ligure.  Enfin  il  y  a  des  Corrections  et  des 
Additions,  dont  nous  avons  tenu  compte  dans  cet  exposé. 
Pour  ne  laisser  de  côté  que  les  documents  épigraphiques  de 
Coligny  et  de  Rom,  il  nous  reste  à  mentionner  (p.  79)  un 
texte  de  Substantion  près  Montpellier,  partiellement  rétabli 
par  M.  Holder  :  INOVCI-  A(EAE),  et  (p.  100)  la  nou- 
velle inscription  d'Alise  communiquée  par  M.  Espérandieu, 
dont  la  fin  paraît  présenter  le  mot  etic  «  et  »  entre  deux 
datifs  :  BIPAKOTGO  €TIK  OBPITOYACO  G'C  n'est  pas  cer- 
tain). 

E.  Ernault. 


UN  GRAFFITE  GALLO-ROMAIN 


M.  V.  Luneau  m'a  communiqué  un  denier  de  Jules  César 
aux  types  de  la  tête  diadémée  de  Vénus  à  droite  et  d'Enée 
emportant  Anchise  et  le  palladiiiiu.  Cette  pièce  est  commune 
et,  bien  que  trouvée  sûrement  sur  le  sol  de  la  Gaule,  elle  ne 
mériterait  guère  d'être  signalée  si  elle  ne  portait,  gravé  devant 
le  visage  de  Vénus,  un  graffite  que  je  considère  comme 
antique  indubitablement.  Or  ce  graffite  fournit  un  nom  cel- 
tique ANDVARTO,  qui  paraît  avoir  une  proche  parenté  avec 
le  nom  de  la  déesse  des  Voconces,  Andarta.  On  sait  que  ce 
nom  est  peut-être  celui  de  la  Victoire  à  laquelle  sont  dédiés 
beaucoup  d'autels  de  la  même  région.  Aussi  l'on  pourrait  se 
demander  si  le  possesseur  de  la  monnaie  n'a  pas  considéré  le 
buste  de  Vénus  comme  celui  de  la  Victoire  ou  ôC Andarta 
qu'il  connaissait  mieux.  En  tout  cas,  le  graffite  gaulois  méri- 
tait d'être  signalé,  car  c'est  le  premier  connu  sur  une  mon- 
naie et  le  nom  qu'il  révèle  paraît  nouveau  aussi  dans  l'onomas- 
tique celtique  ', 

Adrien  Blanchet. 


I.  On  connaît  les  mots  Aniueia,  Anduenna,  Andnnocnes  (Dict.  de 
Holder).  Mais  il  faut  supprimer  Andtigovonhis,  car  un  nouvel  exemplaire 
de  la  monnaie  ne  permet  plus  de  lire  ce  nom. 


UNE     RÉDACTION     MODERNE 


DU     TEANGA    BITHNUA 


La  publication  par  M.  Whitley  Stokes  de  la  plus  ancienne 
et  de  la  plus  complète  rédaction  du  Tcanga  hiihmia  {Erin, 
The  Journal  of  tbe  school  of  Irish  leaniing,  vol.  II,  p.  96-162) 
a  ramené  l'attention  sur  ce  texte  (cf.  Revue  Celtique,  t.  XXIV, 
p.  366-403).  Quelque  intérêt  qu'il  présente  aux  celtistes,  il 
est  surtout  important  pour  l'étude  de  l'ancienne  littérature 
chrétienne,  et,  à  ce  point  de  vue,  il  convient  de  ne  négliger 
aucun  des  moyens  d'information  que  nous  fournissent,  sur  le 
texte  latin  perdu,  les  diverses  versions  irlandaises. 

Si  l'on  compare  au  texte  du  Livre  de  Lismore  quelques- 
unes  des  autres  rédactions,  on  se  convainc  rapidement  que, 
si,  sur  l'ensemble  du  traité,  elles  ne  modifient  guère  l'idée 
que  nous  en  donne  le  Livre  de  Lismore,  dans  le  détail  de  la 
composition,  elles  peuvent  contribuer  à  restituer  plus  exacte- 
ment le  prototype  latin.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  la  fin 
du  traité,  qui  manque  dans  le  Livre  de  Lismore,  est  suppléée 
par  le  manuscrit  de  Rennes. 

Une  rédaction  transcrite  en  1817  et  que  m'a  communiquée 
M.  Douglas  Hyde  contient  un  certain  nombre  de  développe- 
ments que  n'oflre  pas  le  texte  du  Livre  de  Lismore.  Ces 
développements  sont-ils  une  addition  au  texte  primitif  ou 
nous  conservent-ils  des  détails  perdus  par  la  rédaction  du 
Livre  de  Lismore?  Seule  une  comparaison  détaillée  du  texte 
moderne  avec  le  texte  le   plus  ancien  permettra  d^en  juger. 

Voici  les  diff^érences  et  les  coïncidences  entre  les  deux 
textes  :    introduction  (Lism.    1-8;    mod.  i);   le  nom  de   la 


278  G.  Dolliii. 

Teanga  hithnna  (Lism.  9;  mod.  2);  la  langue  parlée  par  la 
Teariga  bithniia  (Lism.  10;  mod.  2);  la  matière  du  monde  et 
du  corps  humain  (Lism.  12-14;  niod.  3);  le  monde  avant  la 
création  (Lism.  15-17,  mod.  4);  la  rondeur  de  l'univers 
(Lism.  18-19;  mod.  5);  la  matière  du  monde  (Lism.  21; 
mod.  6);  la  matière  de  l'enfer  (Lism,  22;  mod.  7);  puis  la 
rédaction  moderne  énumère  l'œuvre  des  six  jours  de  la 
création  (mod.  8);  cette  partie  est  tronquée  dans  Lism.  (23- 
25);  les  sept  cicux  (Lism.  26-31;  mod.  9);  les  mers  et  les 
sources  (Lism.  31-39;  mod.  10);  les  fleuves  (Lism.  40-47; 
mod.  Il);  les  arbres  (Lism.  48-54;  mod.  12);  l'épisode  de 
l'incrédulité  de  Judas,  la  Bête  et  l'Hiruath  (Lism.  55-63; 
mod.  13-14);  puis  la  rédaction  moderne  introduit  les  noms 
des  sept  cieux,  de  leurs  portes,  des  Anges  qui  les  gardent,  et  la 
description  des  tourments  que  doivent  subir  les  âmes  en  passant 
(mod.  15-16);  avant  d'aborder  la  description  du  cours  du 
soleil  et  des  astres  (Lism.  64-88;  mod.  17), la  rédaction  moderne 
énumère  les  races  et  précise  les  distances  des  astres  entre 
eux  et  les  dimensions  de  la  terre;  les  oiseaux  (Lism.'  89-96 
mod.  18);  les  races  humaines  (Lism.  97-105;  mod.  19) 
là  se  place  dans  Lism.  l'énumération  des  espèces  (Lism.  107 
mod.  17);  les  peines  de  l'enfer  (Lism.  108-120;  mod.  20) 
le  Jugement  dernier  (Lism.  121-138;  mod.  21);  la  rédaction 
moderne  diffère  du  texte  ancien  en  ce  qu'elle  énumère  les 
prodiges  jour  par  jour;  l'heure  du  Jugement  (Lism.  139-150; 
mod.  22);  la  beauté  de  Dieu  (Lism.  151-162,  mod.  22). 

La  description  des  sept  cieux  et  des  tourments  que  subissent 
les  âmes  en  passant  (mod.  15-16)  est  presque  identique  a 
celle  du  Fis  Adaninâin  15-20;  le  dénombrement  des  espèces 
du  monde  (mod.  17)  est  déplacé  dans  la  rédaction  moderne  et 
doit  être  considéré  comme  un  résumé  de  tout  ce  qu'a  raconté 
la  langue  toujours  nouvelle  sur  les  merveilles  du  monde  et 
comme  tel  placé  après  l'énumération  de  ces  merveilles; 
mais  l'énumération  de  l'œuvre  des  six  jours  de  la  création 
(mod.  8)  me  semble  nécessaire  au  texte  primitif  pour  annoncer 
les  développements  qui  vont  suivre.  De  plus,  la  rédaction 
moderne  introduit  plus  souvent  que  l'ancienne  les  questions 
posées  par  les  Hébreux  à  chaque  développement  nou- 
veau.  Ces   questions  manquent   dans  Lism.    11    (mod.    3); 


Une  rcdaclion  iiwdciiw  du  Teanga  bithnua.  279 

Lism.  22  (mod.  7)  ;  Lism.  23  (mod.  8);  Lism.  40  (niod  11); 
Lism.  89  (mod.  18);  Lism.  97  (mod.  19).  Sans  vouloir  pré- 
tendre que  toutes  ces  questions  étaient  dans  le  texte  primitif, 
je  pense  qu'au  moins  celles  qui  introduisent  un  nouveau  jour 
de  la  Création  sont  nécessaires  à  la  clarté  de  la  composition. 
L'étude  du  texte  moderne  est  donc  utile  si  l'on  veut  restituer 
l'état  primitif  de  l'apocalypse  traduite  en  irlandais. 

L'orthographe  de  cette  rédaction  est  très  défectueuse;  des 
confusions  de  lettres  témoignent  le  plus  souvent  de  l'igno- 
rance du  scribe;  ainsi  grion  (grian),  pion  (pian);  nionnh 
(niorbh);  marradh  (mara);  airgheana  (airdheana),  highe  (bidh), 
bragha  (bratha),  heigh  (béidh)  ;  Jîthidb  (fiche);  quelques 
graphies  sont  phonétiques  :  batlM  (beatha);  cainni  (cinne), 
doraine  (dorinne);  ceire  (ceithre);  hioJuathaibh  (iolthuathaib); 
^0  brach  (go  brdth);  sinim  {stmm);  dimhin  (de\mh'm);lim7e 
(teine);  tuitfach  (tuitfeadh),  ttigeach  (tigeadh),  rnchach 
(rachadh);  îabharthach  (tiubhradh);  beirig  (beiridh),  do 
cruithaig  (do  cr\iû\^\^\{),  fasaig  (fdsaigh),  skitibh  (sléibhtibh), 
becht  (boicht)  et  indiquent  un  dialecte  de  Munster. 

L'éclipsé  est  marquée  par  le  doublement  de  la  consonne  ini- 
tiale quand  cette  consonne  est  c  ou  t:  san  ccathair  ;  fur 
ccroidhthe  ;  ar  ccosamlacht,  go  ccuireann,  seachl  ccéad  ;  ag  a  ccur  ; 
a  ccomhsoJiis;  a  cclcithibb  ;  na  ttortha;  bur  tteagaisg ;  as  a  itainig  ; 
air  ttiiitfach ;  seacht  tteas  ;  iona  Itcid ;na  ttioiupchioJJ . 

G.    DOTTIN. 


28o  G.  DottiJU 


AN  TEANGA  BEATH  NUADHA  AN  SO  SIOS 

I.  Do  chruthaig  Dia  neamh  agus  talamh  air  ttûis  as^iis  asé  an  Righ  do  rin 
sin,is  millse  na  gac  Righ,  ag»5is  aoirdenà  gacli  comhachta,ag;(5  issôchuidhe 
nâ  gach  aon,  agus  is  iolchrotlia  nâ  gacli  dreaguin,  ag;«  is  soillse  na  an 
ghrian,  ag;(5  is  cenfi  air  naomhaibh  7  air  ôrdaibh  an  blieatha,  is  béodlia 
d-fearaibh,  7  is  làidre  do  laochaibh,  7  is  clirôdha[do]  curaibh,  ag;(.ç  is  aile 
dhon  drong  Dliaoine,  7  atâ  cômh  comhasach  sin  nach  féidir  a  mliaitli 
d-féisneis  ar  a-mhéid  .i.  aon  mac  dilis  Dé  do  chrûtliaig  neamh  7  talamh 
ria  gàch  uile  obair,  agus  na  toibreacha  sealuightbe  ô  sin  amach,  7  do 
chruthaig  an  duine  fd  nà  cosamalacht  féin  .i.  Adam.  7  is  é  do  cûr  an 
sgéal-so  fà  ioltùathaibh  an  tailimh,  ôir  fà  bheatha  gan  lôcran,  gan  soillse 
éasga  na  gréinhe,  go  ttaine  an  sgéal-so  ô  neamh  da  fhaisneis  do  chach  cia 
do  bhi  an  sin  an  dômhaiii;  do  chighdis  na  rana  ioiîa  m-biodh  daith  na 
greine  7  éagsa  a-ranaib  nibhe,  do  chighdis  sratha  7  aibhne  agus  tobuir 
a-sliosaibh  an  tailimh,  do  chighdis  fis  gach  blâitha  7  gach  luibhe  7  gach 
toradh  re  teacht  tsabhradh,  do  chighdis  seirge  na  ttortha  ré  teacht  an 
ghéimhre,  7  ni  raib  fios  aco  go  dearbhtha  cia  an  chomhasach  do  rin  (nô 
da  nidh)  sia  7  tug  sin  iongtas  môr  air  gac  n-duine  nô  gur  dhealbh  là  7 
ôidhche  re  chéile  no  ttainig  an  sgéal-sa  do  ch[r]othughfl<//j  gâcha  dala  7 
d-faisneis    gach  neithe  dôibh. 

Oir  dob  fhiordhorca  gach  nidh  do  shiol  Adam  nô  gur  labhair  an 
teanga  bheathnûadh  a  ccléitib  nimhe  os  muUac  Sleibhtha  Sion  a  ttrachtaib 
mairra  rùad  7  do  bhidar  an  slôigh  iomhda  ag//5  chôimhthionol  orthear  an 
bheatha  an  aon  dâil  7  an  aon  ionad  .i.  ô  inbhearuibh  mârradh  '  go  hinse 
Samhruine-  7  as-é  f;id  do  bhadar  ansan  .i.  air  f7h  mi  7  blina  gan  easbi/Zi//; 
bighe  na  dighe  ga  n-iomad  gâcha  maithiosa  air  mhullach  Sléibhe  Sion  7  bo 
cômhphlas  là  âgtis  ôidhce  dhoili>  ris  an  réa  sin,  7  do  bhàdar  cûig  easboig  7 
cheithrefithid  air  ceitre  nihile  an,  7  ni  raibh  aon  easbog  gan  a  dhiol 
sagartaibh  7  do  mhaccaibh  leighin  maille  res,  7  bà  hé  adhbhar  an  chonih- 
thionoil  mor  sin  ag  àirarighthibh  7  ag  fearaibh  an  domhain  go  hiomlan 
ag  teacht  ag  éisteacht  ré  céol  nimhe  da  chantuin  a-nealaibh  an  aoghair  os 
a-ccean  7  bà  hé  tosach  an  chéoil  sin  :  Gloria  in  excelsis  Deo  et  terra  pax 
hominibus.  .  .  Grôire  do  Dhia  uile  chômhas[(7f/;J  agus  a-bhfuil  .ar  talamh 
do  dhaoinibh  7  bhfuil  toil  Dé  ionta,  a.giis  san  do  chanaidis  air  feadh  na 
bhW/jna  doibh  air  an  ordughadh  sin  7  do  chiialadar  a-néalaibh  an  aoghir  ôs 


1.  othd  iiiuir  )}iarh  Lismore,  3. 

2.  Sahainid,  Lismore,  3.  Sabiiiniiu  Paris. 

3.  Cf.  (roile,  well?  (Dinneen). 


Une  rédaction  iiwdcnw  du  Teangra  bithnua.  281 


TRADUCTION 


LA  LANGUE  TOUJOURS  NOUVELLE  CI-DESSOUS 

I.  Dieu  créa  le  ciel  et  la  terre  au  commencement  et  il  est,  le  roi  qui  fit 
cela,  plus  doux  que  tout  roi,  et  plus  haut  que  toute  puissance  et  plus  beau 
que  chacun  et  plus  multiforme  que  tout  dragon  et  plus  brillant  que  le 
soleil  et  chef  sur  les  saints  et  sur  les  ordres  du  monde,  le  plus  vivant  des 
hommes,  le  plus  fort  des  guerriers  et  le  plus  cruel  des  héros  et  le  plus 
beau  de  la  foule  des  hommes  et  il  est  si  puissant  qu'il  n'est  pas  possible  de 
raconter  sa  bonté  à  cause  de  sa  grandeur,  c'est-à-dire  le  fils  unique  chéri  de 
Dieu  qui  a  créé  le  ciel  et  la  terre  avant  toute  œuvre  et  les  sources  scellées 
ensuite,  et  qui  a  créé  l'homme  à  sa  ressemblance,  c'est-à-dire  Adam.  Et  c'est 
lui  qui  envoya  cette  histoire  aux  nombreuses  tribus  de  la  terre,  car  c'était 
une  vie  sans  lampe,  sans  lumière  de  lune  ni  de  soleil  jusqu'à  ce  que  vînt 
cette  histoire  du  ciel  pour  raconter  à  chacun  ce  qu'il  y  avait  au  monde; 
ils  voyaient  les  étoiles  où  est  la  couleur  du  soleil  et  de  la  lune  dans  les 
parties  du  ciel;  ils  voyaient  les  cours  d'eau  et  les  rivières  et  les  sources 
dans  les  côtés  de  la  terre;  ils  vo3'aient  croître  chaque  fleur  et  chaque  herbe 
et  chaque  fruit  à  l'arrivée  de  l'été;  ils  voyaient  se  flétrir  les  fruits  à  l'arrivée 
de  l'hiver,  et  ils  ne  savaient  pas  vraiment  quel  puissant  avait  fait  cela  '  et 
cela  étonna  beaucoup  chaque  homme  juqu'à  ce  que  le  jour  et  la  nuit  se 
séparassent  l'un  de  l'autre,  jusqu'à  ce  que  vînt  cette  histoire  sur  la  création 
des  éléments  et  pour  leur  exphquer  chaque  chose.  Car  toute  chose  était 
vraiment  obscure  pour  la  race  d'Adam  jusqu'à  ce  que  la  langue  toujours 
nouvelle  parla  des  toits  du  ciel  par-dessus  le  sommet  de  la  montagne  de 
Sion  [jusqu'Jaux  rivages  de  la  mer  Rouge  ;  et  les  nombreuses  troupes  et 
l'assemblée  furent  à  l'Est  du  monde  réunies  en  un  seul  lieu,  c'est-à-dire 
depuis  les  bouches  de  la  mer  [Morte]  jusqu'aux  îles  de  Samhrunn,  et  voici  le 
temps  qu'ils  y  furent,  c'est-à-dire  pendant  un  an  et  un  mois  sans  besoin  de 
nourriture  ni  de  boisson,  avec  nombre  de  biens  de  toute  sorte  sur  le  sommet 
de  la  montagne  de  Sion  et  il  y  eut  réunion  jour  et  nuit  en  ce  temps-là  et  il  y 
avait  là  quatre  mille  quatre-vingt-cinq  évêques  et  il  n'y  avait  pas  d'évêque 
sans  son  compte  de  prêtres  et  de  jeunes  clercs  avec  lui  et  la  cause 
de  cette  grande  assemblée  pour  les  nobles  rois  et  les  hommes  du  monde 
entier,  c'est  qu'ils  venaient  écouter  la  musique  du  ciel  qui  chantait  dans  les 
nuées  de  l'air  au-dessus  de  leur  tête  et  voici  le  commencement  de  ce 
chant  :  Gloria  in  excelsis    Deo  et  in  terra  pax  hominibus...  Gloire  à  Dieu 


I.  Cf.  Livre  d'Hénoch,  III-VL 


282  G.  Dolliii. 

a  ccion  toran  mhôr  fa  chosamhuil  re  tôirnig  7  rc  tcintibh'  tiiie  an  einfheas 
7  do  chonarcadar  deallramh  agus  taineamh  7  ruithncanih  an  toran  sin  agus 
do  bhréithnidheadar  gu-rab  iad  airgheana  laoi  an  bhràtha  do  bi  a-gcomh- 
foigs  dôibli  ;  do  labhair  an  teanga  bheatlinuada  do  bi  os-a-gcioiî  do  gliuith 
drd,  fuUus,  glan,  ag«i  do  bhéarla  dinglidhe  riu,  agM5  as-é  do  râdh  :  «  dâ 
bhûr  tteagaisg  do  cuireadh  mise  ô-n  bfir  Dia  uile  chomhasrtc/j  »  ;  do 
chuir  sin  ceist  agus  uamhain  mhor  air  nà  sluaighthibh  ûile  ;  mhor  mh-éagle 
gan  adhbliar  dôib  sin  :  ôir  ni  fhéacadar  an  te  do  labliair  riu  7  nior 
fhoillse  chômhrâdh  carud  le  chéile  na  comhrad  sin  do  rini7h  lé  gac  n-aon 
diob,  7  as-é  ba  bine  do  chéoltàib  an  domhain  uile. 


2.  Do  labair  uaisle  na  n-Aibhreach  ag»5  eagnûidhe  nà  môrsocuidhe  sin,  7 
d-fiafruighdar  :  «  Cia  hé  nô  câ  hâis^  as  a  ttâinig?  «  Do  freagair  an  teanga 
bhéathnùadha  7  as-é  adubhflzV/  :  «  O  ioltûataibh  an  tailimh  do  rôdhéan-se 
do  réir  toile  an  fhirdia  sin  me  ag//5  as-e  m-ainim  Pilib  ibstal  7  do  chuir  an 
choimh  Dia  chomhasach  mise  cum  na  tùath  ngeiiîtlighe  dâ  tteagasg  a 
ccriochaib  lochran  5  7  ag  seanmôir  briathre  Dé  doibh  :  do  threasgair  siad  na 
tuatha  dhintlidhe  mé  iigiis  do  baineadar  mô  teanga  fa  seacht  n-ùaire  as  mô 
cheah  agus  do  cuir  an  chômh  Dia  chonihachtach  teanga  nuadh  a-m  chean 
gach  uair  diobh  sin  :  gon-ad  uime  sin  is  teanga  bhéathnùadha  m-ainim  ». 
Do  freagair  eagnûighe  na  n-Aibhreac  eisin  7  as-é  adubhradhar  :  «  fochtuimh 
aihim  an  bhéarla  sud  agad  »,  air  siad.  «  Bearla  àinglige  »,  air  an  teanga 
bhéignuidhe,  «  agus  as-é  béarla  labruidh  na  naoi  n-grddh  nimhe  ê  agH5  as-e 
bearla  labruid  blaithmhiolta  mharra  agus  as-é  béarla  labraid  éanla  an  eighir 
7  as-é  bearla  labhruid  ceathra  an  talmuin  ag»5  as-é  béarla  flionùs  do  no 
hanmhaibh  air  m-breith  ê,  7  is  leis  sin  do  chûir  an  Spriod  naomhtha 
chûghaib-se  67  as  uime  do  chuire  chûgaibh  ê  do  nihionughia//;  an  sgeil-si  7 
cum  tuigsiona  do  bheith  agaibh  air  na  haoibhneasaib  ata  air  neamh  do 
cumadh  7  do  nn[neth]  an  sgéal  so  air  ttuisg  ». 


3.  Dfiafruigheadar  eagnûighe  na  n-Aibreach  :  «  créadan  chumflc//;  nô  an 
tionol  atâ  air  an  Domhain  »?  —  «  Adeartha  mé  sin  libh  »  air  an  teanga 
bhéathnùadha,  c  gâcha  cumadh  7  gâcha  cômhaighne  7  gâcha  coiniol  do 
cruithighead  san  doman  do  raine  Criost  an  a-ccolluin  7  aiséirghe-t  Chriost  ô 
mharbhaib  7  atà  a-ccolluih  gach  u-duine  do  na  ceithre  duile  .i.  don  talamh  do 
rin7h  an  corp  7  as-e  sin  adhbhar  a  beith  tirim,  trom,  daingion,  doghluaiste, 
mar  atâ  an  domhah  uile  mar  sin,  as  tûsga  an  talamh  nân  tuisge,  7  an  tuiste 
nân  taogear,  7  an  taogair  nân  tiiie,  7  an  tihe  nân  ihiormaiment,  ôir  as-i  an 


1.  Cichiiaii^r,  Lismore,  6.  tciiiiail.  Rennes. 

2.  Il  faut  sans  doute  lire  dit.  cf.  17. 

3.  Faut-il  lire  Lochiaiiiiach}  et  regarder  ce  membre  de  phrase  comme  une 
glose? 

4.  isin  coliiinn  in  esserract,  Lismore,  11.  asarerig,  Lecan. 


Une  rcihuiioii  uiodcrnc  du  Tcanga  bithnua.  285 

tout-puissant  et  à  ce  qu'il  y  a  sur  terre  d'iiommes  en  qui  est  la  volonté  de 
Dieu,  et  ils  leur  chantaient  cela  pendant  une  année  de  cette  manière  et  ils 
entendirent  dans  les  nuées  de  l'air  au-dessus  de  leur  tête  un  grand  bruit 
semblable  au  tonnerre  et  aux  tisons  du  feu  tout  ensemble  et  ils  virent 
l'apparence  et  l'éclat  et  la  flamme  de  ce  tonnerre-là  et  ils  jugèrent  que 
c'étaient  les  signes  du  Jour  du  Jiigement  qui  approchaient  d'eux;  la  langue 
toujours  nouvelle  qui  était  au-dessus  de  leurs  têtes  leur  parla  d'une  voix 
haute,  claire,  pure,  et  dans  la  langue  angélique,et  voici  ce  qu'elle  dit  :  «  C'est 
pour  votre  instruction  que  j'ai  été  envoyée  par  le  vrai  Dieu  tout-puissant.  » 
Cela  causa  de  l'anxiété  et  une  grande  crainte  à  toutes  les  troupes  et  ils 
n'avaient  pas  de  crainte  sans  cause  ;  car  ils  ne  virent  pas  qui  leur  parla  et 
la  conversation  d'amis  l'un  avec  l'autre  n'était  pas  plus  claire  que  cette 
conversation  que  l'on  faisait  avec  chacun  d'eux  et  elle  était  plus  douce  que 
les  chants  du  monde  entier. 

2.  Les  nobles  des  Hébreux  parlèrent,  ainsi  que  les  sages  de  cette  grande 
assemblée,  et  demandèrent  :  «  Qui  est-ce  ou  d'où  est-il  venu  ?  »  La  langue 
toujours  nouvelle  répondit  et  voici  ce  qu'elle  dit  :  «  C'est  des  nombreux 
peuples  de  la  terre  que  je  suis  né  d'après  la  volonté  du  vrai  Dieu  et  mon 
nom  est  Philippe  apôtre  et  le  Seigneur  Dieu  tout  puissant  m'a  envoyé  vers 
les  peuples  des  gentils  pour  leur  enseigner  dans  les  pays  de  Danemark 
en  leur  prêchant  la  parole  de  Dieu.  Les  nations  des  gentils  m'ont  vaincu 
et  elles  ont  coupé  ma  langue  sept  fois  de  ma  tête  et  le  seigneur  Dieu  tout- 
puissant  m'a  mis  une  langue  nouvelle  dans  la  tête  chaque  fois.  Et  c'est 
pour  cela  que  la  Langue  toujours  nouvelle  est  mon  nom.  »  Les  sages  des 
Hébreux  l'interrogèrent  et  voici  ce  qu'ils  dirent  :  «  Je  demande  le  nom  de 
la  langue  que  tu  parles  •>•>,  dirent-ils.  —  «  La  langue  des  anges  »,  dit  la 
langue  toujours  nouvelle,  «  et  c'est  la  langue  que  parlent  les  neuf  ordres 
du  ciel  et  c'est  la  langue  que  parlent  les  grandes  bêtes  de  la  mer  et  c'est  la 
langue  que  parlent  les  oiseaux  de  l'air  et  c'est  la  langue  que  parlent  les 
quadrupèdes  de  la  terre  et  c'est  la  langue  qui  sert  aux  âmes  au  Jugement 
et  c'est  là-dessus  que  le  saint  Esprit  vous  l'a  envoyée  et  c'est  pour  cela 
qu'elle  vous  a  été  envoyée  pour  vous  expliquer  cette  histoire  et  c'est  pour 
vous  faire  comprendre  les  beautés  du  ciel  qu'a  été  formée  et  qu'a  été  faite 
cette  histoire  d'abord.  » 

5.  Les  sages  des  Hébreux  interrogèrent  :  «  Quelle  est  la  forme  ou 
l'assemblage  qu'a  le  monde  ?»  —  «  Je  vais  vous  le  dire,  »  dit  la  langue 
toujours  nouvelle,  «  toute  forme  et  toute  nature  et  toute  lumière  qui  a  été 
créée  dans  le  monde,  le  Christ  l'a  faite  dans  son  corps,  dans  lequel  le  Christ 
ressuscita  d'entre  les  morts  et  il  y  a  dans  le  corps  de  chaque  homme  des 
quatre  éléments  :  de  la  terre  a  été  fait  le  corps  et  c'est  la  cause  pour 
laquelle  il  est  sec,  lourd,  fort,  difficile  à  mouvoir,  comme  est  tout  le  monde  ; 
(ainsi  la  terre  passe  avant  l'eau  et  l'eau  avant  l'air  et  l'air  avant  le  feu  et  le 


284  G.  Dollin. 

fhiormaiment  nidh  is  foiriomala  dôibh  7  an  talamh  na  puinc  chômhchroin 
a-cccart  mhéadhain,  an  talamli  gan  suhstaint  faoi,  acht  grâsa  De  d-a 
coingcamâil,  7  an  tuisga  do  rcir  faine  do  bhe7h  iona  timpcioll;  gidh7h  do 
cruithaig  an  tùismiglnlieoir,  .i.  losa  Criost,  an  chcud  tiÏÏsmar'  mliàighedh 
aitreabh  do  na  daoine  7  do  na  hairmeantaibh  7  atâ  an  t-aogcar  in-a 
timpcliioll  atruir  7  an  fiormaiment  do  gach  tâobh  diobh  a-ccearthar, 
7  as-i  so  tuarasgabhail  an  domhain  agus  na  ceithre  duilc  7  as  uata  do 
rin7h  an  corp  7  docuir7h  dùil  uisge  an  7  a-si  a  tuanwgabhâil  a-bhcith  fùar, 
fliuch,  sôli'iiste  7  na  dhiaigh  sin  do  cuir7h  duil  tuine  an  7  as-é  tuanwgabhail  ; 
an  chuirp  bheith  tirim,  loisgetheach,  éadmhur,  éadrum,  siléach,  soghluaiste 
7  a-sé  adhbhar  an  tine  a-ccorp  an  duine  .i.  fuil  déarg  7  domblus  aodh 
maille  ré  lionad  7  ré  lion  dubh  7  as-é  do  bheir  fearg  a  criodhthib  na 
dâoine;  7  atà  san  ccollain  adhbhar  aeghair  .i.  gaoith,  7  atâ  adhbhar  don 
gréin  7  don  easga  a  ccorp  an  duine  .i.  radharc  ioiîa  suilib,  7  atà  adhbhar 
do  chlocha  7  do  crahaib  a-ccorp  gac  nduine  7  as-é  do  nidh  chumhadh 
féola  agus  cnamh  séach  a-cheile,  7  atà  adhbhar  do  bhlàithibh  fôs  ah  .i. 
sgéibh  ioh-a  ghrûadiiaibh  7  dait  an  chuirp  :  dorachach  an  donihah  uile 
air  neamhnidh  muna  ttigeach  losa  Criost  a-ccoUuin  daona  agus  muna 
ccéusa  ê  féin  tar  cean  t-siol  Adhamh  agus  eiséirge  ô  bhàs  go  beatha,  do 
rachaidis  uile  go  hifrion  ria  teacht  an  bhratha  7  ni  ghinfighe  dùil  air  7  do 
lasàidis  na  seacht  raiia  nimhe  7  cheithre  nimhe  an  Righthighe,  7  ni  bhiadh 
talamh  nà  ciiieal  mar  sin  san  domhah  acht  ifrioh  àmhain,  7  is  uime 
do  cuir7h  mise  chughaibhse  »,  air  an  t.  b.  n.,  «  dà  shéanmôir  7  dà 
fhoillsiughadh  an  sgeil-se  dhibh  no  ba  dall  fiordhorcha  hhur  ccroidhthe 
a-dhaoine  an  dômhain  gus  anois.  » 

4.  «  Maise  »,  ar  e.  n.  n.,  «  inis  duin  cioh».s-  do  bi  an  dômhan  ré  nà 
chruthugbït//;,  ôir  atamaoidh  ainbhfiosac  ah,  monadh  n-inisir  ê  ».  Do 
làbhair  an  t.  b.  n.  do  bearladh  aihlige  riu  agns  adubhairt  «  nach  raibh 
talamh  na  ifrion  an  air  ttùis  7  ni  raibh  as  cûaird  seas  nimhe  7  seas  naol  ^ 
nimhe  7  ni  raibh  an  nidh  air  ttuitfach  gaoth  na  fearthuine  nà  sneachta  7  fôs 
ni  raibh  srotha  na  aibhne  ah  nâ  iohad  piastuide  nâ  éunla  an  aeghear  nà 
croth,  nà  ceathrra,  nà  n-daoine,  nà  nidh  airbith  elle.  »  —  «  Créadh  do 
bi  ah?  »  ar  e.  n.  n.  —  «  Do  bi  »,  ar  an  t.  b.  n.,  an  t-aon  Dia  uilechô- 
mhas  gan  formad,  gan  doroing,  gan  tûis,  gan  deire,  gan  brôn,  gan  tuirse, 
gan  imhsniomh,  gan  fuacht,  gan  ghorta,  gan  ocras,  gan  chôga,  gan 
ceanarrflj/j  as  sith  sothaina,  7  fôs  ni  raib  nidh  bha  deacra  leis  do  dheanamh 
nà  iomràdh  na  mheahmuih.  Dixit  .i.  Dia  môr  ag  deanamh  nà  uile  gan 
obair  do  ràdh  as  firt  gan  saothar,  gan  doiligh,  gan  dorông  dorin  Dia 
gan  foghluim  iad;  an  tan  dorin  Dia  an  domhan  do  dheala  neamh  7  talamh, 
grian  7  easga  agus  do  rin  se  an  cathair  néamhdha  air  ttuis  gor-a  haingluibh, 
ataid  seas  n-gréanbhrôgha  ah  gach  tuath  dà  bhfuil  ah  agus  dha  chéol  déag 
7  tri  hthid  7  cheire  céad  mile  an  is  gach  grianbhrôgh  '  scachnoih  an  Riglithigh 
néamhdha  ag  mola   an  duileamhuin. 

1.  M.  Douglas  Hyde  me  suggère  de  lire  tuisiuliightheoir. 

2.  Lire  nèl  (D.  Hyde). 

3.  C{.  in  grian  hrugaib  Parduis,  Saltair  na  rann,  v.  1868. 


Une  rédaction  iiiodcnie  du  Teanga  bithnua.  285 

feu  avant  le  firmament,  car  le  firmament  est  la  chose  qui  vous  limite  et  la 
terre,  comme  un  point(?)  toute  ronde  au  juste  milieu,  la  terre  sans  support 
sous  elle,  sauf  la  grâce  de  Dieu  pour  la  soutenir,  et  l'eau  comme  un  anneau 

tout    autour;    cependant    le    créateur,    c'est-à-dire  Jésus-Christ,    créa 

demeure  des  hommes  et  des  animaux  et  l'air  est  autour  encore,  et  le  firma- 
ment de  chaque  côté  d'eux  quatre,  et  voilà  l'explication  du  monde  et  des 
quatre  éléments  et  c'est  d'eux  qu'a  été  fait  le  corps)  '  ;  et  l'élément  de  l'eau 
y  a  été  apporté  et  c'est  l'explication  de  ce  qu'il  est  froid,  humide,  brillant  ; 
et  enfin  y  a  été  apporté  l'élément  du  feu  et  voilà  l'explication  de  ce  que  le 
corps  est  sec,  brûlant,  jaloux,  léger,  mobile  et  voici  la  matière  du  feu  dans 
le  corps  de  l'homme,  c'est-à-dire  le  sang  rouge  et  la  bile  du  foie  avec  les 
humeurs  et  la  bile  noire  et  c'est  elle  qui  donne  la  colère  aux  cœurs  des 
hommes  ;  et  il  y  a  dans  le  corps  la  matière  de  l'air,  c'est-à-dire  le  vent  ;  et 
il  V  a  la  matière  du  soleil  et  de  la  lune  dans  le  corps  de  l'homme,  c'est-à- 
dire  le  regard  dans  les  veux  ;  et  il  v  a  la  matière  des  pierres  et  des  arbres 
dans  le  corps  de  chaque  homme,  et  c'est  cela  qui  a  fait  la  forme  d  e  la 
chair  et  des  os  séparément  ;  et  il  y  a  la  matière  des  fleurs  encore  :  c'es  t-à- 
dire  la  beauté  dans  ses  joues  et  la  couleur  du  corps.  Tout  le  monde  s'en 
serait  allé  au  néant,  si  Jésus-Christ  n'était  venu  dans  un  corps  humain;  et 
s'il  n'avait  souffert  lui-même  pour  la  race  d'Adam,  et  n'était  ressuscité  de 
la  mort  à  la  vie,  tous  seraient  allés  en  enfer  avant  la  venue  du  Jugement  et 
aucune  créature  ne  naîtrait  et  les  sept  parties  du  ciel  et  quatre  cieux  du 
Royaume  s'embraseraient  et  il  n'y  aurait  ainsi  ni  terre  ni  race  dans  le 
monde,  sauf  l'enfer  seul,  et  c'est  pour  cela  que  je  vous  ai  été  envoyée,  dit 
la  1.  t.  n.  pour  vous  prêcher  et  pour  vous  expliquer  cette  histoire;  autre- 
ment, aveugles  et  très  obscurs  étaient  vos  cœurs,  ô  hommes  du  monde, 
jusqu'à  maintenant.  » 

4.  «  Eh  bien!  »,  dirent  les  sages  des  Hébreux,  «  raconte-nous  comment 
fut  le  monde  avant  la  création,  car  nous  l'ignorons  à  moins  qu'on  ne  la 
raconte.  »  La  1.  t.  n.  leur  parla  dans  la  langue  angélique  et  dit  qu'il  n'y 
avait  ni  terre,  ni  enfer  au  commencement  et  il  n'y  avait  que  le  circuit  des 
sept  cieux  et  des  sept  nuées  du  ciel,  et  il  n'y  avait  rien  sur  quoi  tombât  le 
vent,  la  pluie  ou  la  neige  et  encore  il  n'y  avait  ni  fleuves,  ni  rivières,  ni 
demeure  de  serpents,  ni  oiseaux  dans  l'air,  ni  bétail,  ni  troupeaux,  ni  hommes, 
ni  rien  d'autre  au  monde  ».  —  «  Qu'y  avait-il?  »,  dirent  les  sages  des 
Hébreux.  —  "  Il  y  avait,  «dit  la  1.  t.  n.,  «  le  seul  Dieu  puissant,  sans 
envie,  sans  peine,  sans  commencement,  sans  fin,  sans  chagrin,  sans  tristesse, 
sans  fatigue,  sans  froid,  sans  faim,  sans  appétit,  sans  bataille,  sans  sédition, 
mais  paix  éternelle,  et  encore  il  n'avait  rien  à  faire  de  plus  difficile  que  de 
penser  en  son  esprit.  Dixit.  Dieu  grand,  faisant  tout  sans  travail,  ne  dit  que 
miracle  sans  travail,  sans  chagrin,  sans  douleur;  Dieu  les  fit  sans  apprendre. 
Quand  Dieu  fit  le  monde  il  créa  le  ciel  et  la  terre,  le  soleil  et  la  lune  et  il  fitt 
la  cité  céleste  au  commencement  avec  ses  anges  ;  il  y  a  sept  plaines  enso- 
leillées dans  chacune  des  tribus  qui  sont  là  et  quatre  cent  mille  soixante 
douze  chants  dans  chaque  plaine  ensoleillée  à  travers  le  royaume  céleste, 
louant  le  Créateur.  » 

I.  Cette  curieuse  digression  sur  les  quatre  éléments  manque  ailleurs.  Je 
l'ai  mise  entre  parenthèses. 


286  G.  Dollin. 

5.  Atiùabhairt  e.  n.  n.  :  «  Inis  dùin  cread  an  chûmaatâ  air  an  Rightha  nâ 
ar  an  n-dônihan  cile  »  —  «  Foillséoch  mé  sin  dib»  air  an  t.  b.  n.,  «  ghion 
go  bhfcicion  dibh  fcin  c,  as  crôin  atd  an  dômhan  uile,  agus  as  crôin  fôs  do 
rin  se  an  catliair  néamhdha,  agus  as  crôin  dô  rin  na  duile  7  na  seas  nimhe 
7  na  seaclit  marradb,  7  as  croin  atâid  na  hanmna  air  na  bhtblamliughrtf//; 
as  na  corpaib  daona,  7  as  croin  atâ  an  t-àrd  Righ  uile  comhachtach  féin 
mar  a  bhfuil  ioiia  shuighe  iona  chathair  féin  go  deircadh  an  dômhain  7 
ni  feadfaidis  fir  an  bheatha  as  beagan  dd  thuairisg  do  thabhairt  uatha  :  oir 
atâ  se  as  cion  tuigsiona  daona  7  an  uile  eagna  méid  a  gloire  7  a  mhaithiosa 
dfeisnéis,  ôir  dà  mbéidis  siol  Adamh  dâ  shirfeucaint  do  gach  leath,  ni  hiidb 
fios  dôibh  a-chûl  seach  àïghedh  as  ê  na  dhlûim  dearg  thintighe  air  dearg- 
lasa,  ôir  is  ûaidh  féin  foillsighthear  gach  nidh  7  da  dhearbadh  sin  do  chuir 
se  seacht  sôilse  éasga  an  gréin,  7  seas  soilse  gréine  an  anam  an  fliioraoin, 
7  seacht  soillse  an  anama  a-soh«  ua  seas  nimhe,  7  seas  soillse  na  seacht 
nimhe  an-deallram  an  aingil,  7  seas  soillse  an  aingil  a  sohis  an  Righthighe 
néamhdha  an-deallra  na  trionôide  atâ  san  ccathair  néamhdha. 


6.  7  as-é  adùbhairt  e.  n.  n.  :  —  «  Créad  dob  adhbhar  do  domhan  no 
créad  da  n-déarrna  é  ».  Do  d-freagair  an  t.  b.  u.  «  7  as-é  nidh  da 
n-déarna  é  .i.  teas,  fuacht,  fliucan,  tiormacht,  soillse,  dorchadas,  aoirde, 
isle,  millse,  seirbhe,  soigneart,  doigneart,  sâile  marra,  fùaim,  fotram, 
toirneach,  torah,  bolait,  bolltans,  an-ôird  na  n-aingiol,  toirneacha  tiiiteach 
do  cruinigheadh  ag-ceah  a-chéile  iad  tré  bhreithir  an  drd  Righ  agus  as-e  sin 
adhbhar  an  domhaih.  » 

7.  «  Maise  »,  air  e.  n.  n.  «  inis  dùin  an  dôibh  sin  do  riheadh  ifrioh.  » 
Dfreagair  au  t.  b.  n.  7  adùbhairt  :  «  Ni  dhearna  ifrion  (air  se)  nô  go 
ndeachaidh  an  t-ârcaingiol,  .1.  Lucifer,  tar  réir  an  choimhdé  comasach  go 
bh-fuair  ollamh  fâ  nâ  chean  tré  bhrethir  an  âird  Righ  é.  »  —  «  Maise  »,  air 
é.  n.  n.,  «  créad  dé  ndearrnad  ifrion  ».  D-freagair  an  t.  b.  n.  go  n-dubhairt 
«  gâcha  d-fûair  an  t-âird  righ  uile  chômhasach  do  theas,  do  fuacht,  do 
sheirbhe,  do  dhit,  do  dhochar,  do  dhomlas,  do  phlâig,  do  peanuidh,  do 
ghorta,  do  dhacar,  do  ghrùaim,  do  ghâlar,  do  dholâs,  do  tighim,  do 
shaoith,  do  shiorghol,  do  bhruath,  do  bhuirbe,  do  chéch,  do  dheatach,  do 
dhorcad»5,  do  sneachta,  do  réogh,  do  gharbhghaith,  do  thôrnach,  do 
thintibh,  do  chrùas,  do  cheaharra,  do  cogagh,  do  sparain,  do  ghaoilge,  do 
dhaithmheanmhuin ',  do  thiomurgaigh  7  do  tiomsuidh  a-ccéan  a-céile  iad 
tré  bhroithir  an  ârd  righ  amhail  adûbrâmur  do  bheith  ioiia  n-ionadabh 
priosûin  do  na  peacadhibli  tre  sâruighthe  aithne  Déa  dhôihh  iohas  go  mbid 
grain ^  chodhla,  gan  chômhsûan,  gan  aoibhneas,  gan  ûrghârdachus,  gan 
sûil  re  maith,  as  ag  médàughadlj  uile  7  ag  tôgbhâil  gâcha  peine  on  bh-fior 
Dhia  uile  chômhasach.  » 


1.  Il  faut  lire  sans  doute  doiDihcafniihui  11. 

2.  Faut-il  lire  simplement  o^(i«  «  sans  »? 


Une  rcdadioii  niodcnic  du    Teanga  hitlinua.  287 

5.  Les  sages  des  Hébreux  dirent:  «  Raconte-nous  quelle  est  la  forme 
qu'a  le  Rovaumeou  l'autre  monde».  —  «  Je  vous  le  révélerai  »,  dit  la  1.  t. 
n.,  «  quoique  vous  voyiez,  c'est  rond  qu'est  tout  le  monde,  et  c'est  ronde 
encore  qu'il  a  fait  la  cité  céleste  et  c'est  ronds  qu'il  a  fait  les  éléments  et  les 
sept  cieux  et  les  sept  mers,  et  c'est  rondes  que  sont  les  âmes  après  être 
sorties  des  corps  humains,  et  c'est  rond  qu'est  le  Haut  Roi  tout-puissant 
lui-même,  comme  il  est  assis  sur  son  trône  même  jusqu'à  la  fin  du  monde 
et  les  hommes  du  monde  ne  pourraient  en  donner  que  peu  de  nouvelles, 
car  il  est  le  chef  de  l'intelligence  humaine  et  de  toute  la  sagesse.  .  .raconter 
la  grandeur  de  sa  gloire  et  de  sa  bonté,  car  si  la  race  d'Adam  était  à 
regarder  sans  cesse  de  tout  côté  ils  ne  connaîtraient  pas  son  dos  plus  que  sa 
face,  tîiais  il  est  dans  un  nuage  épais  rouge-feu  en  train  de  brûler  ;  c'est  de 
lui-même  qu'est  éclairée  toute  chose'  et,  pour  le  prouver,  il  a  mis  sept 
lumières  de  lune  du  soleil  et  sept  lumières  de  soleil  dans  l'âme  du  juste  et 
sept  lumières  de  l'âme  dans  la  lumière  des  sept  cieux  et  sept  lumières  des 
sept  cieux  dans  la  splendeur  de  l'ange  et  sept  lumières  de  l'ange  dans  la 
lumière  du  Royaume  céleste  et  sept  lumières  du  Royaume  céleste  dans  la 
splendeur  de  la  Trinité  qui  est  dans  la  cité  céleste-. 

6.  Et  voici  que  dirent  les  s.  d.  H.  :  «  Quelle  fut  la  matière  du  monde 
ou  de  quoi  fut-il  fait?  »  La  1.  t.  n.  répondit  :  «.  Et  voici  la  chose  dont  il  fut 
fait,  c'est-à-dire  le  chaud,  le  froid,  l'humide,  le  sec,  la  lumière,  l'obscurité, 
le  haut,  le  bas,  le  doux,  l'amer,  le  fort,  le  faible,  la  salure  de  la  mer,  le 
bruit,  le  fracas,  le  tonnerre,  le  grondement,  l'odeur,  le  parfum,  le  chant  des 
anges,  les  tonnerres  enflammés  qui  furent  réunis  ensemble  par  la  parole  du 
Grand  Roi,  et  c'est  la  matière  du  monde.  » 

7.  «  Eh  bien!  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  raconte-nous  si  c'est  de  tout  cela 
que  fut  fait  l'enfer.  »  La  1.  t.  n.  répondit  et  dit  :  «  L'enfer  ne  fut  pas  fait  », 
dit-elle,  «  jusqu'à  ce  que  l'archange,  c'est-à-dire  Lucifer,  transgressa  l'ordre 
du  Seigneur  puissant  en  sorte  qu'il  le  trouva  prêt  pour  lui,  par  la  parole 
du  Grand  Roi.  »  —  «  Eh  bien  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  de  quoi  a  été  fait 
l'enfer?  »  La  1.  t.  n.  répondit  en  sorte  qu'elle  dit  :  «  Tout  ce  qu'a  trouvé  le 
Grand  Roi  tout-puissant  de  chaleur,  de  froid,  d'amertume,  de  destruction, 
de  malheur,  de  mauvais  goût,  de  pestilence,  de  tourment,  de  faim,  de 
malheur,  de  déplaisir,  de  maladie,  de  chagrin,  de  peste,  de  peine,  de  pleurs 
continuels,  de  violence,  de  brouillard,  de  fumée,  d'obscurité,  de  neige,  de 
gelée,  de  vent  rude,  de  tonnerre,  de  feux,  de  difiiculté,  de  sédition,  de 
bataille,  de  querelle,  de  détresse,  de  mauvais  esprit,  tout  cela  le  Grand  Roi 
l'assembla  et  le  réunit  ensemble  par  la  parole,  comme  nous  avons 
dit,  pour  servir  de  lieux  de  prison  aux  pécheurs,  à  cause  de  la  violation  de 
la  volonté  de  Dieu  par  eux,  en  sorte  qu'est  l'horreur  du  sommeil  sans 
repos, sans  plaisir,  sans  joie,  sans  espoir  dans  le  bien,  mais  augmentant  le 
mal  et  élevant  chaque  peine  de  la  part  du  vrai  Dieu  tout-puissant.  » 


1.  Cf.  Fis  Adaiinniiu,  §  10. 

2.  Ce  développement  sur  la  lumière  divine   ne  se  trouve  pas  dans   les 
autres  rédactions. 


I 


288  G.  DoUin. 

8.  «  Maise,  inis  dun  »,  air  e.  n.  n.,  «  ar  crûithigy  Adhâmh  fâ  n-aimser 
San  ».  D-frâgair  an  t.  b.  n.  7  as-é  adiibhfliVt  :  «  nâr  cruithiglicadh  7  ro  bi  an 
domhain  7  na  huile  nid  eile  an  air,  as-é  seo  tionsgnadh  do  rin  Dia  re 
iomthnùith  an  aingil  .i.  Lucefer,  do  rin  Dia  se  néamh  agus  talamli  san 
dômlinach  :  do  rin  se  an  fiormaiment  a  méodhan  an  uisge  san  lùan  :  do 
rin  muir  7  tir  gon-a  ttorthaibli  san  mâirt,  do  rin  gréan  a.gus  aesga  7  rana 
nimlie  san  cceadâoin,  do  rin  éunla  an  aegcir  ag;/5  tona  fairge  san  dârdâoin, 
do  rin  ainimhiolta  an  talaimh  7  daoine  do  talamli  san  aoine  .i.  Adhamh, 
do  no  dùile  .i.  talamh,  tiiie,  aegliéar  7  uisge  amliùil  atâ  is  na  hoibreacliaib 
séalalta.  Facennis  hominem  ad  iniagineiii  et  simililiidineni  nostriini  À. 
deanamaoid  an  duine  air  àr  ccosamalacht  féin;  do  rin7h  âmhla  sin  é,  air 
sin  do  rugadli  go  parrathas  é  7  do  cuireadli  Adhamh  na  chodhla  an  7  do 
bainyh  éasna  as  a  taobh  cli  dà  n-déarrnais  Eabha  7  âduhain  air  sin  :  Cresit 
etmiiUiplicaiinii  et  replète  terrain  .i.  fasaig  7  sioltuigh7h  7  lionaig  an  talamli. 
D-aithin  Dia  go  radiach  an  duine  tair  aithine  féin  7  is  uime  do  sûighcadh 
fa'  nime  ré  grâsaibh  do  shiol  Adhàmli  air  mona  fàicfidis  an  Rightheach 
neamhdha  gon  aingliobh  7  gon-a  mhôrmhùihtir.  » 

9.  D-fiafraig  e.  n.  n.  tùarusgabhàil  neimhe  Dé.  —  «  Do  bhéara  mé  sin 
dibh  »,  air  an  t.  b.  u.,  «  néamh  is  foisgi  dhiôbli  is  ah  do  suig7h  easga  .i. 
an  raé.  Atà  dha  neamh  eile  ah  os  a-ccioh  sin  .i.  Mercury  7  Venus  7 
ataidh  glantsol/«  go  n-iomad  ainghiol  àluin  ionta  agus  as  measargha  bfûas 
agus  teas  iad.  Atâ  an  céatramhadh  neamh  ah  .i.  neam  fudr  ùata  sin  suas, 
7  as  an  bhios  an  ghrian  7  as-e  ghlâise  na  leacaidhre  a  dhaith,  7  atà  seacht 
bh-fùaire  an  t-neachta  ah,  7  is  ahse  cuirios  an  ghrian  a  cùrsa.  Atà  neamh' 
uatha  sin  suas  .i.  Saturnus,  7  ârd  neamh  ùata  sin  suas  âgus  is  solùs  ghrianach 
taithniomhach  é  agus  ni  furasdà  airiomh  a-bhfuil  do  céoltaibh  7  do  cihéal 
céoil  air  neamh  7  is  iomdha  ilchéolta  eile  seachnoih  na  seas  neamhdha 
sin  nach  feidir  a-bhfàisneis  agus  atà  spéir  um  gach  neamh  do  na  seas 
neamhuibh  sin  ;  adeirim  fôs  go  bhfuil  tri  spére  eile  ioha  ttimpchioll  nà 
dubhramar  fôs  .i.  spéir  na  n-àirdreana,  spéir  na  ccômhtora  7c.  agus  os 
accion  sin  uile  7  atàid  da  cùird  cum  an  m-beith  do  no  creasaibh  sin  ag/(5 
atàid  dà  dhràgan  tintighe  tihc  iohta  sin  7  timpchiollaid  na  creasa  sin 
uile  do  réir  toile  Dé. 


10.  «  Ihis  dùin  »,  air  e.  n.  n.,  «  cà  mhéid  do  mhuiribh  àta  san 
domhain  ».  —  Do  fhreagair  an  t.  b.  n.  agus  as-e  dubhart  :  «  atàid  tri 
marruibh  ah  »,  arse,  «  .i.  muir  dhorcha  iomdhoih  fii  thaobh  an  talaimh 
thuaidh(;<//j  go  ccuireah  si  gàr  doingeamhail  fd  dhoirsibh  na  b-pian  do 
mheadughrtf//;  peine  na  b-peacach  ;  agus  àta  muir  ghlan  ghlôrach  air  gach 


1.  Fiai  ind  uiinefri  gnusi,  Lîsmofè,  25. 

2.  da  nem  aile,  Lismore.  27. 


Une  rédactio)!  moderne  du  Teanga  bithnua.  289 

8.  «  Eh  bien,  raconte-nous  »  dirent  les  s.  d.  H.  «  si  Adam  fut  créé  en  ce 
temps-là  ».  La  1.  t.  n.  répondit  et  voici  qu'elle  dit  :  «  qu'il  n'était  pas  créé 
et  le  monde  existait  et  toutes  les  autres  choses  sur  lui,  et  voici  la  première 
chose  que  fit  Dieu  contre  la  jalousie  de  l'ange,  c'est-à-dire  Lucifer;  il  fit  le 
ciel  et  la  terre,  le  dimanche;  il  fit  le  firmament  au  milieu  de  l'eau  le 
lundi  ;  il  fit  la  mer  et  la  terre  avec  ses  productions  le  mardi  ;  il  fit  le  soleil 
et  la  lune  et  les  étoiles  du  ciel  le  mercredi;  il  fit  les  oiseaux  de  l'air  et  les 
vagues  de  la  mer  le  jeudi;  il  fit  les  bêtes  de  la  terre  et  les  hommes  de  terre 
le  vendredi,  c'est-à-dire  Adam,  des  éléments,  c'est-à-dire  terre,  feu,  air  et 
eau  comme  c'est  dans  les  ouvrages  terrestres.  Faciamus  hominem  ad  imagi- 
nem  et  similitudinem  nostram,  c'est-à-dire,  faisons  l'homme  à  notre  res- 
semblance. Ce  fut  ainsi,  puis  il  fut  porté  au  Paradis  et  Adam  fut  endormi 
et  une  côte  fut  retirée  de  son  côté  gauche,  dont  il  fit  Eve  et  il  dit  alors  : 
Crescite  et  multiplicamini  et  replète  terram  :  c'est-à-dire  :  Croissez  et  mul- 
tipliez et  remplis[sez]  la  terre'.  Dieu  savait  que  l'homme  transgresserait  et 
c'est  pour  cela  que  fut  placé  le  voile  du  ciel  •  devant  la  race  d'Adam  pour 
qu'ils  ne  vissent  pas  le  Royaume  céleste  avec  ses  anges  et  sa  grande 
famille.  » 

9.  Les  sages  des  Hébreux  demandèrent  l'explication  du  ciel  de  Dieu.  — 
«  Je  vous  la  donnerai  »  dit  la  1.  t.  n.  Le  ciel  le  plus  près  de  vous,  c'est  là  que 
se  trouve  la  lune,  c'est-à-dire  la  Raé  '.  Il  y  a  deux  autres  cieux  au-dessus  de 
celui-là,  [ceux  de]  Mercure  et  Venus  et  il  y  a  en  eux  de  la  lumière  pure 
avec  de  nombreux  beaux  anges  et  ils  sont  modérément  froids  et  chauds; 
il  y  a  le  quatrième  ciel,  c'est-à-dire  le  ciel  froid  en  s'éloignant  de  ceux-là 
et  en  haut  et  c'est  là  qu'est  le  soleil  et  sa  couleur  est  plus  bleue  que  la 
glace  et  il  y  a  là  sept  froidures  de  neiges  et  c'est  là  que  le  soleil  porte  sa 
course.  Il  y  a  un  ciel  en  s'éloignant  d'eux  au-dessus,  [celui  de]  Saturne  ; 
et  un  ciel  élevé  en  s'éloignant  au-dessus  et  une  lumière  ensoleillée,  brillante, 
et  il  n'est  pas  facile  de  compter  ce  qu'il  y  a  de  chants  et  d'espèce  de  chants 
dans  le  ciel  et  il  y  a  une  foule  d'autres  nombreux  chants  à  travers  ces 
sept  cieux-là  en  sorte  qu'on  ne  peut  le  raconter,  et  il  y  a  une  sphère 
autour  de  chacun  de  ces  sept  cieux-là.  Je  dis  encore  qu'il  y  a  trois  autres 
sphères  autour  d'eux  que  nous  n'avons  pas  dites  encore,  c'est-à-dire  la  sphère 
des  astres  supérieurs,  la  sphère  des  productions  etc.  et  au-dessus  de  tout 
cela  il  y  a  deux  cercles  pour  ces  zones  et  il  y  a  deux  Dragons  enflammés 
de  feu  en  eux  et  ils  entourent  toutes  ces  zones  selon  la  volonté  de  Dieu.  » 

10.  «  Raconte-nous  w,  dirent  les  s.  d.  H.  «  combien  de  mers  i!  y  a  dans  le 
monde.  «  —  La  1.  t.  ji.  répondit  et  voici  ce  qu'elle  dit  :  «  Il  y  a  trois  mers, 
dit-elle,  «  c'est-à-dire  une  mer  sombre,  très  profonde,  à  côté  de  la  terre  au 
nord  en  sorte  qu'elle  mène  un  bruit  lugubre  contre  les  portes  des  châtiments 
pour    augmenter    les    châtiments   des    pécheurs  ;  et  [il  y  une    mer  pure, 

1.  Cette  annonce  des  diverses  parties  du  sujet  manque  dans  les  autres 
rédactions. 

2.  Cf.  Fis  Adaninain,  §  5. 

5.  Nom  de  la  lune  en  gaélique  d'Ecosse. 

Revue  Celtique,  XXVIII.  19 


290,  G.  Dot  lin. 

Icith  di  sin,  ngiis  ni  sguirion  acht  ag  mille  agits  ag  tràgha  agtis  as-i  coisgios 
[/Joltortha  an  talamh  nâ  bid  cômhtrom  gach  bli(7(//;na  7  lasa  iongantach  intc 
7  deith  mile  ag/(5  tri  fithchid  7  seacht  ccéad  do  cluintior  a  fûaim  7  a-hanabh- 
the  7  ni  chômhnûidhe  si  as  o  easbairt  an  dômhnaiggo  maidion  lùain  7  ni 
labhran  as  céol  ainglidhe  ag  molad  Dé  ris  an  rea  sin  ;  agiis  iomad  marruibh 
elle  na  heagmais  fa  thaobhuibh  an  talaimh  7  âta  muir  dhearg  go  n-iomuid 
liaga  lôghmhur  7  lonrach  fola  idir  an  Eôrap'  7  an  India;  ngus  àta  muir 
ghléageal  go  n-iomad  n-dait  n-eagsamhuil  don  taobh  attuadha^//;  idir  thonaibh 
diibha  san  n-ard  shoir  7  is  lé  adéirthior  muir  Cheap  agus  téid  osna  gach 
ton  neulaibh  nimhe;  7  àta  muir  iongantach  an  7  ni  tigid  longa  na 
arrthuidhe  uire  7  as  uime  na  imthighid  .i.  ôr  7  liaga  loghmhuir  an  tràdha  is 
ganimh  di  7  bid  ag  tarang  an  iarruin  chûcha  ;  7  àta  muir  eile  aiî  7  do 
cidttar  i  ag  liandha  ô  bhealltuine  go  samhuin  7  ag  tràgha  ô  samhuin  go 
bealltuiiîe  7  éirgid^  a-piastuighe  agiis  a  blàithmhiolta  an  chomhthaid  bhios  ag 
tràgha  7  bid  srotha  an  bheatha  ag  teas  le  aniach  an  uair  bios  ag  tuile  ;  -dgiis 
àta  dà  chinéal  déag  7  trifithchid  do  tobaruib  san  ccruine  go  n-iomad 
n-dait  n-éagsàmhuil  ôrtha  7  is  diobh  tiobruid  Éibhin  '  7  bi  si  ag  clàochlad 
a  dàtha  gach  laoi  agus  daith  fola  ô  mheodhan  laoi  go  hamsir  easbairt  7 
ge  b-é  ibhtheas  nidh  d-à  huisge,  ni  thig  gàire  tar  a  beal  o  sin  amach  go 
bràch.  Ata  tobar  air  sliamh  Siôn  a-tir  Eabhrach  ag«^  ni  faicter  ag  tuile,  éi  7 
bith  a-làn  ûisge  inte  air  feadh  na  seasmhi;/'»e  go  heasbartoin  dia  domhnaig 
7  bith  a-làn  fiona  dé  domnaigh  iiite,  7  gach  nduine  ibheas  ni  d-à  huisge,  ni 
bhion  brôn  na  tuirse  go  bràth  air.  » 


11.  «  Ihis  dùin  »,  ar  e.  n.  n.,  «  ca  meid  sruith  àta  san  domhain.  »  — 
Ata  dâ  shruiih  »,  air  an  t.  b.  n.,  .i.  sruith  na  bpian,  7  as  amhla  àta  uisge 
an  tsrotha  sin  7  seacht  tteas  na  tihe  an  7  ni  thàithighidh  daoine  aiî,  acht 
anman  na  bpeacach  7  na  ndeamhan  bhios  a  côimdeacht  na  n-anman  sin 
ag-à  bpiana  ,  agus  àta  sruith  eile  ah  an  insib  Tibia +,  7  as  môr  na  miarbhiiiltighe 
foillsighear.  Oir  do  bi  lan  uisge  inte,  7  an  ûair  déirge  Criost  ô  bharbhuib  7 
do  bi  a  Idn  fiona  ô  sin  a  leith  an  7  àtaid  cinéal  liaga  loghmhaire  san  shruith 
sin,  7  an  lucht  do  dhaoinibh  ag-a  mbia  cloch  di  air  iomchar,  da  mbeidis 
lômnachta  le  gaoith,  nior  mhoide  a-bhfuas  è,  7  da  mbéidis  a  ttinte  dearga, 
nior  moide  a-tteas  ê.  » 

12.  «  Inis  dhuin  »,  air  e.  n.  n.,  «  na  cinéal  chrah  is  uaisle  sa  dômhan.  » 
—  «  Ataid  )),air  an  t.  b.  n.,«  chcithre  crana  a  ttalaim,  7  chiall  daoine  gach 
cràh  diobh,  7  as  ag  shruith  Ortanàin  ata  cran  diobh,  agus  ô  thiobruid 
Orthanàin  ainimightear  ê,  agus  cuirean  tri  toradh  gach  hlïadban  de  .i.  to- 


1.  Egipt,   Lismore,  34. 

2.  eghit  Lismore,  35,  eigit  Lccan. 

3.  Ebioii,  Lismore,  36. 

4.  Tebe,  Lismore,  42. 


Uiw  rcddiiioi!  )Uodcnic  du  Teanga  bithnua.  291 

bruyante,  de  chaque  côté  de  celle-ci  et  elle  ne  cesse  de  monter  et  de 
descendre  et  c'est  elle  qui  empêche  beaucoup  de  productions  de  la  terre 
pour  qu'elles  ne  soient  pas  égales  chaque  année;  et  il  y  a  en  [la  troisième 
merj  une  flamme  merveilleuse  et  à  sept  cent  soixante-dix  milles  on  entend 
son  bruit  et  sa  tempête  et  elle  ne  reste  tranquille  que  du  dimanche  soir  au 
lundi  matin  et  elle  ne  parle  que  chant  angélique,  louant  Dieu  en  ce  temps- 
là.  Il  y  a  nombre  d'autres  mers  loin  d'elle,  aux  côtés  de  la  terre  ;  il  y  a  une 
mer  rouge  avec  de  nombreuses  pierres  précieuses  et  léclat  du  sang  entre 
l'Europe  et  l'Inde  ;  et  il  y  a  une  mer  brillante  avec  nombre  de  couleurs 
différentes  du  côté  nord  entre  des  vagues  noires  dans  la  direction  de  l'Est 
et  c'est  elle  qu'on  appelle  mer  Ceap  et  le  soupir  de  chaque  vague  va  aux 
nuées  du  ciel  ;  et  il  y  a  une  mer  merveilleuse  sur  laquelle  les  vaisseaux  et 
les  navires  ne  vont  pas  et  c'est  pour  ceci  qu'ils  n'y  vont  pas,  c'est  que  son 
sable  est  de  l'or  et  des  pierres  précieuses  du  rivage  et  ils  attirent  le  fer  à  eux  +  ; 
et  il  y  a  une  mer  qu'on  voit  monter  de  Beltaine  à  Samain  et  descender 
de  Samain  à  Beltaine  et  ses  bêtes  et  ses  monstres  crient  tant  qu'elle  descend 
et  les  fleuves  du  monde  débordent  avec  elle  quand  elle  monte.  Il  y  a 
soixante-douze  espèces  de  sources  dans  la  terre  avec  nombre  de  couleurs 
diff"érentes  sur  elles  et  parmi  elles  la  source  d'Ebion  et  elle  change  de 
couleur  chaque  jour  et  elle  a  la  couleur  du  sang  5  depuis  le  milieu  du  jour 
jusqu'au  soir  et  si  quelqu'un  boit  de  son  eau,  il  ne  vient  plus  de  rire  dans 
sa  bouche  désormais  jusqu'au  Jugement.  Il  y  a  une  source  sur  la  montagne 
de  Sion  dans  la  terre  des  Hébreux  et  on  ne  la  voit  pas  s'enfler  et  elle  a 
son  plein  d'eau  pendant  la  semaine  jusqu'au  soir  du  dimanche  et  elle  est 
pleine  de  vin  le  dimanche  et  quiconque  boit  de  son  eau  n'a  plus  de 
chagrin  ni  de  tristesse  jusqu'au  Jugement.  » 

11.  «  Raconte-nous  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  combien  de  fleuves  il  y  a 
dans  le  monde.  »  h  II  y  a  deux  fleuves  »,  dit  la  1.  t.  n.,  «  c'est-à-dire  le  fleuve 
des  châtiments  et  voici  comment  est  l'eau  de  ce  fleuve  :  il  y  a  en  lui  sept 
chaleiu-s  de  feu  et  les  hommes  n'y  fréquentent  pas,  sauf  les  âmes  des 
pécheurs  et  des  démons  qui  gardent  ces  âmes  pour  les  tourmenter  ;  et  il  y 
a  un  autre  fleuve  dans  les  îles  de  Tibia  et  grandes  sont  les  merveilles  qui  y 
sont  manifestées,  car  il  est  rempli  d'eau,  et,  lorsque  le  Christ  a  ressuscité 
des  morts,  alors,  il  a  été  désormais  plein  de  vin  et  il  v  a  une  espèce  de 
pierres  précieuses  dans  ce  fleuve-là  et  les  gens  qui  portent  une  de  ces 
pierres,  s'ils  étaient  nus  par  le  vent,  leur  froid  n'en  serait  pas  plus  grand  et 
s'ils  étaient  dans  des  feux  rouges,  leur  chaleur  n'en  serait  pas  plus  grande. 

12.  «  Parle-nous  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  des  espèces  d'arbres  les  plus 
nobles  du  monde.  »  —  «  Il  y  a  »,  dit  la  1.  t.  n.,  «  quatre  arbres  sur  terre  et 
chacun  a  l'intelligence  d'un  homme  et  c'est  auprès  du  fleuve  Orthanâin 
(Jourdain)  qu'est    [le  premier]  et  c'est  de  la  source  de  l'Orthandin  qu'on 


292  G.  Doltiii. 

radh  glas  air  ttùis,  toradh  dearg  na  dhiagh  sin,  7  is  geai  an  treas  toradh  ; 
gach  aon  bhlaiseas  don  ghlas  toradh,  ma  cigchialliiide  é  rolmhe  sin  tig 
a-chiall  sa  cûimhne;  do  gach  aon  bhlaiseas  don  toradh  gheal,  ge  mâdh 
easlàin  é  rimhe  sin,  slànuighthear  ê  fa  dhéoigh  ;  agï/5  gach  aon  blaisios  don 
toradh  .dhearg  ni  bheigh  teirce  bidhe  nà  dige  go  brâth  air.  Nior  thuit  duille 
an  chraih  sin  rîamh  7  ni  thuitfa  caoidhche;  7  cran  na  beatha  is  aiiiim  do  7 
a-bparrt;«  âta  se,  7  gach  aon  bhlaisios  d-â  thorad,  ni  théid  dh-éug  go  brath, 
ag//5  tre  an  chran  so  do  cuïredh  Adam  a-bpàrrathas.  Ata  cran  elle  a-tir  Eabra, 
an  doisgeart  sliabh  Sion,  7  bile  Nambûadh'  ainim  an  craiiî  sin,  ag;«  ni 
bfuair  aon  duine  ô  thùis  an  dômhaih  ê,  7  anaimsir  ionar  céusa  Criost  oir  is 
do  dhcagaibh  an  crain  sin  cran  croice  Criost  lé-ar  haivghedb  ifrion  uile  7  lé 
nar  slànuigheadh  an  dômhain  uile  7  gach  aon  blaisios  dà  thoradh,  ni  ghabh 
na  faoth  na  galar  ê  dâ  éis  sin  go  brath,  acht  slàinte  futhain,  7  màdh 
déidhghealbhach  roime  sin  ê,  is-e  bhus  aile  ar  domhaiii  fireaneach,  7  ni 
arsùidhean  go  bràt  ;  ni  thaine  riamh  fion  ba  féarr  bolaith  7  sdsamh  ioha 
toradh  an  craih  sin  ;  ata  soillse  greine  nd  bolaith  agiis  deirg  ôr  bhios 
air,  ag/^5  àtaidh  dhâ  cinefll  déag  7  tri  fithchid  do  cinéalaib  céoil  éagsamhuil 
ag-a  sinim,  ag-a-ccantuiiî,  air  a-bharr  7  ataid  chuig  7  tri  fithchid  7  tri  chéad 
éun  go  n-gile  sneasa,  agus  go  sgiathanaib  ôrdha  ngus  sûile  amhail  liaga 
loghmhair  ag  cantuiiï  chéoil  7  ôrfaide  7  ealàdhna  air  ghéugaibh  an 
chràih  sin. 


13.  Adubhradar  e.  n.  n.  «  Atd  ainbhfios  mhôr  orruih  fa  gach  nidh  dâ 
n-abhairtu  7  gach  ni  nàch  faiciomaoid  féin  ê  7  is  droichredhthe  lin  fos  iad  ». 
—  Adubha/Vt  an  t.  b.  n.  riù  :  «  ag  -  forusta  an  Righ  oirdhearc,  uasal, 
bhreathach,  an  té  dorin  neamh  7  talamh  re  prap  nasûl,  7  na  cchuireah 
sibh  uile  air  neamhnidh  ar  son  bhûr  ni'ghcreidimh,  7  an  ciialamhuir 
an  miol  beahach  do  cuir7ha-ttraio  mhuir  Cheap  an  Eabhraclw/Wj,  an  oidhche 
gein7  Criost,  7  sruith  fiona  7  sruith  fola  7  sruith  leamhnacht  as  a 
bhéal  an-einfhéacht,  7  seacht  n-adharca  air  7  di'ol  da  caogatt  air  chéad 
dô  dhig  go  rachach  an  gach  adharc  dhiobh  7  mairid  fôs  nd  hadharcha 
sin  ion  bhùr  n-dûntaib  fein  7  ioiî  bhûr  ccathrachaib  aguibh  7  ba 
côraide  dibh  creidhiomh  don  sgéil-so  e  »,  air  se,  «  7  fôs  dob  iongantach 
an  t-éun  da-rab  ainimm  loruait'  ag-a  bhfuil  môran  a-ttir  na  Hindia  diobh, 
agus  aon  ugh  bheirios  an  t-éun  sin  gâcha  hliailhau  agus  air  an  grian  geinean 
eun  sin  ligh  agus  tig  an  t-eun  d-â  fhios,  an  tan  is  cead  le  Dia  ê,  7 
léighthear  an  t-éun  as  an  ugh  agus  do  nidhthear  longa  ag//5  lûathbâre  don 
ugh  sin  agus  beirios  gach  leathphlaosg  diobh  deichbhfithid  7  seas  gead 
aoch  goina  lioiïtaib  7  goina  n-armaid  tar  fairge  7  âta  môran  da-n 
choimhthionol  sin,  mur  âta  tâoise,  thainig  a  bplaosgh  na  n-ugh  sin  :  agus 
nâ  déinig  amhriis  air  Dia,  a  dhaoine,  agus  crcidig  ion-a  bhur  ccroidhce 
iongantacha  miorbhultighe  Dé. 

1.  Nalhaheii,  Lismore,  53. 

Il  n'est  pas  question  ici  du  troisième  arbre. 

2.  as  Lecan. 

3.  C'est  en  irlandais  le  nom  d'Hérode  et  celui  de  la  Norvège. 


Une  rédaction  nioclenie  du  Teanga  bithnua.  293 

le  nomme  et  il  porte  trois  fruits  chaque  année,  c'est-à-dire  un  fruit  vert 
d'abord,  un  fruit  rouge  et  troisièmement  un  fruit  blanc.  Tout  homme 
qui  goûte  du  fruit  vert,  s'il  est  déraisonnable  auparavant,  l'intelligence 
lui  vient  à  la  mémoire;  tout  homme  qui  goûte  du  fruit  blanc,  s'il  était 
malade  auparavant,  est  guéri;  et  tout  homme  qui  goûte  du  fruit  rouge  n'a 
plus  besoin  de  nourriture  ni  de  boisson  jusqu'au  Jugement  ;  il  ne  tombe 
jamais  de  feuilles  de  cet  arbre  et  il  n'en  tombera  jamais.  Et  arbre  de  la 
vie  est  son  nom  [au  second  arbre],  et  c'est  dans  le  Paradis  qu'il  est  et  tout 
homme  qui  goûte  de  son  fruit  ne  mourra  pas  jusqu'au  Jugement  et  c'est  à 
cause  de  cet  arbre-là  qu'Adam  fut  chassé  dans  le  Paradis.  Il  y  a  un  autre 
arbre  dans  la  terre  des  Hébreux  au  sud  de  la  montagne  de  Sion  et  le  nom 
de  cet  arbre  est  Arbre  Nambûadh  et  personne  ne  l'avait  trouvé  depuis  le 
commencement  du  monde  jusqu'au  temps  où  eut  lieu  la  passion  du  Christ, 
car  c'est  des  branches  de  cet  arbre-là  que  fut  fait  le  bois  de  la  croix  du 
Christ  par  laquelle  tout  l'enfer  a  été  dépouillé  et  par  laquelle  tout  le  monde 
a  été  sauvé  et  tout  homme  qui  goûte  de  son  fruit  n'a  ni  crise,  ni  maladie 
après  jusqu'au  Jugement,  mais  santé  éternelle  et  s'il  était  bien  fait  aupara- 
vant, c'est  lui  qui  sera  le  plus  beau  du  monde  vrai  et  il  ne  vieillira  pas 
jusqu'au  Jugement  ;  il  n'y  a  jamais  eu  de  vin  qui  eût  meilleure  odeur  et 
agrément  que  le  fruit  de  cet  arbre;  il  a  la  lumière  du  soleil  dans  son  odeur 
et  il  est  couvert  d'or  rouge  et  il  y  a  soixante-douze  espèces  de  chants  diffé- 
rents qui  résonnent  et  chantent  à  son  sommet  et  il  y  a  trois  cent  soixante- 
cinq  oiseaux  avec  la  blancheur  de  la  neige  et  avec  des  ailes  dorées  et  des 
yeux  comme  des  pierres  précieuses,  chantant  des  chansons  et  des  prières 
et  de  la  science  sur  les  branches  de  cet  arbre.  » 

13.  Les  sages  des  Hébreux  dirent  :  «  Nous  ignorons  tout  à  fait  tout  ce 
que  tu  nous  as  dit  et  tout  ce  que  nous  ne  voyons  pas  nous-mêmes  et  ces 
choses  sont  aussi  ditïiciles  à  croire.  »  La  1.  t.  n.  leur  dit  :  «  Il  est  calme,  le 
Roi  illustre,  noble,  judicieux,  celui  qui  a  h'n  le  ciel  et  la  terre  en  un  clin 
d'oeil  et  qui  ne  vous  met  pas  tous  au  néant  à  cause  de  votre  incrédulité  et 
est-ce  que  nous  avons  entendu  parler  de  la  bête  cornue  qui  fut  apportée  sur 
le  rivage  de  la  mer  Ceap  chez  les  Hébreux,  la  nuit  que  naquit  le  Christ;  et 
un  fleuve  de  vin,  et  un  fieuve  de  sang  et  un  fleuve  de  lait  sortaient  de  sa 
bouche  en  même  temps,  et  elle  avait  sept  cornes  et  de  quoi  donner  à  boire 
à  cent  cinquante  hommes  pourrait  tenir  dans  chaque  corne  et  ces  cornes 
restent  encore  dans  vos  villes  et  dans  vos  cités  et  il  serait  plus  juste  pour 
vous  de  croire  à  cette  histoire  »,  dit-elle,  «  et  encore  :  il  fut  merveilleux 
l'oiseau  qui  s'appelle  loruait  et  dont  il  y  a  un  grand  nombre  dans  la  terre  de 
l'Inde  et  cet  oiseau  produit  un  œuf  chaque  année,  et  au  soleil  cet  oiseau  pond 
l'œuf  et  l'oiseau  vient  le  chercher  (?)  quand  Dieu  le  permet  et  l'oiseau  sort 
de  l'œuf,  et  on  fixit  des  vaisseaux  et  des  esquifs  de  cet  œuf  et  chaque  moitié 
de  coquille  porte  sept  cents  et  dix-vingt  soldats  avec  leurs  provisions  et  leurs 
armes  à  travers  la  mer  et  il  y  a  beaucoup  de  cette  assemblée,  c'est-à-dire  les 
chefs,  qui  sont  venus  dans  la  moitié  de  coquille  de  ces  œufs-là  et  ne  doutez 
pas  de  Dieu,  ô  hommes,  et  croyez  dans  vos  cœurs,  les  merveilles  miraculeuses 
de  Dieu.  » 


294  G.  Doliiii. 

14.  Is  ansan  d-éirgc  oglaoch  do  thûaiththaib  Gûdaighe  .i.  Judas  an 
Judas  sin  d-iarsma  na  hcasgûine  agus  mallas  ag?«  as-é  adubhairt  :  «  As 
bréagach,  »  air  se,  «  an  cran  go  na  cheoltaib  7  go  na  duilleam-uir  ortha 
7  ni  fior  aon  ni  dà  n-dubhrais  ain  »,  air  se;  rô  iompûidh  Judas  tuaitseal 
mar  tainig  aighci//;  toile  Dé  cuige  ',  7  tàinig  néul  chuige  7  câor  tiiîtighe 
as  a  néul  sin  go  rainig  Judas  là  na  shuilib  go  n-déachaig  trid  go  talamh, 
go  fàgh  marbh  gan  anam  ameasg  na  slùaighe  é,  7  mar  do  coiiarciodar  na 
slôigh  sin,  do  gabhadar  a-guighe  De  7  asé  adubhradar  gach  aon  diobh  : 
«  Air  do  choimirce  dhuin,  airdrigh  neamhe  7  talmhaii  »,  air  iadsan,  <•  ag»5 
na  tàbhair  aithsear  air  ar  n-ainbhfiosa  oruin  ».  —  «  As  coruidhe  dibh 
trôcairc  d-iarra  »,  ar  an  t.  h.  n.,  «  ôir  giodh  iomhda  slôigh  a.gus  socuidhe 
San  mordhail  sin,  do  nihuiri7h  Dia  sibh  uile  le  sile  na  sùil.  » 


15.  «  Inis  duin  »,  air  e.  n.  n.,  «  cion«5  atâid  na  seasnimhe  go  soiche  an 
Rigtheach,  7  na  haiiimnachaibh  -,  chum  nimhe,  nâ  an  mhéid  do  phéin  no 
do  pheanuid  imritear  ortha  an  gach  iofiad  diobh  ».  Dfreagair  an  t.  b.  n. 
7  aduba/Vt  :  «  Atâid  seas  nimhe  go  sôichidh  an  Rightheach,  7  as-iad-so 
an  aihmneacha  .i.  aeghear.  ainim  an  neamh  as  goire  dhibhsé  dithibh,  7 
Ertrim  an  neamh  tanaisde,  7  Olimpus  an  treas  neamh,  Ignitum  an  ceath- 
ramhad  neamh,  Crelum  an  cuigeamhadh  neamh,  Eperium  an  seseamhadh 
neamh,  agus  Crebum  Trinates  an  seasmhadh  neamh,  agus  atâid  seas 
n-doirse  caoim  ortha  sin,  iona  ttéid  an  chiiïe  daona  a-steach  san  Rightheach, 
agus  do  cuireadh  dôirseoirighe  7  lucht  côimeadtha  do  mhûintear  nimhe 
ortha  7  as-iad-so  an-ai»mineacha  .i.  Abistum  aihim  an  dhûin  7  Miacheil 
archaingiol  as  doirséor  do,  7  atâid  da  og  iha  fliochair  aii  go  bfleasgaibh 
iarnuighe  ion-a  lâmhuibh  ag  leadra  na  bpeacach  ris  an  céad  phéin.  An 
dorus  tanaisde  Illision  aihim  7  Urial  arcaingiol  is  doirseoir  do,  7  atâ  dâ 
6g  iona  fhocair  ag  nighe  7  ag  dâthugharf/;  na  n-amna  na  bhpeacach  go 
mo  coimhgéal  le  gréin  iad,  agus  atâid  tri  tobair  go  blas  meal,  agus  ge 
m-bolaith  fûthain  sioruighe  fiona  fior  ùasal  ortha,  7  toiraguid  go  dûghrasach 
ah-amna  nabfiorâon  7  loisgid  7  pianuid  ahamhna  na  bpeacach  ah.  Olimpus  5 
dorus  an  treas  néam  Jarian  aihim  sin  7  atâ  dhâ  mhile  dheag  air  aoirde 
ah  7  téid  anamna  na  bfioraon  le  sile  na  sûl  treas  ah  sruit  sin  7  fôstuighthear 
ah-âmna  na  bpeacach  go  ceah  dâ  h\\\iaLlh)ia  déag  an;  Rapheal,  aingiol  is 
fear  coimheadtha  do,  7  ta  seas  bh-fùaire  an  t-sneacha  an  uisge  an  t-srotha 
sin  agus  is  trid  bhearthar  anamna  na  bpeacach  uile.  An  céathramhad 
neamh  .i.  Ignitum  aihim  7  Lazarus  ainim  an  doruis  sin  agus  Sariell  is 
fear  coiméadhta  do,  7  atâ  srûith  tihtighe  san  dor?n"  sin  agus  is  éagsamhuil 
ôs  na   srothaibh    eile  ê    7    fortuidhthear    ah    amna    na    bpeacach   an   dâ 


1.  0  thainicc  ind  adhaidh  thoile  ind  airdrigh.  Paris. 

2.  Il  V  a  ici  une  lacune  produite  par  une  confusion  de  ainmueachaih  avec 
anmannaih. 

3.  Ce  mot  est  évidemment  déplacé. 


Une  rcdaciioii  iiiodcnw  du  Teanga  bithnua.  295 

14.  C'est  alors  que  se  leva  un  des  guerriers  des  tribus  desjuifs,  c'est-à-dire 
Judas,  [descendant  de)  ce  Judas  fardeau  d'imprécation  et  de  malédiction  et 
voici  qu'il  dit  :  «  C'est  une  chose  fausse  »,  dit-il,  «  l'arbre  avec  les  chants 
et  les  feuilles  dorées  et  il  n'y  a  rien  de  vrai  dans  ce  que  tu  as  dit  »,  dit-il. 
Judas  se  tourna  vers  le  nord  en  sorte  que  par  la  volonté  de  Dieu  une  mort 
vint  vers  lui  et  une  nuée  vint  vers  lui  et  une  masse  de  feu  sortit  de  celte 
nuée  en  sorte  qu'elle  atteignit  Judas  sous  ses  yeux  et  le  traversa  jusqu'à 
terre,  en  sorte  qu'elle  le  mit  mort  sans  âme,  au  milieu  des  troupes  et  quand 
les  troupes  virent  cela,  elles  se  mirent  à  prier  Dieu  et  voici  ce  que  dit 
chacun  d'eux  :  «  Donne-nous  ta  protection,  grand  roi  du  ciel  et  de  la  terre  », 
dirent-ils,  «  et  ne  nous  fais  pas  de  reproches  pour  notre  ignorance.  »  —  «  Il 
est  plus  juste  pour  vous  de  demander  la  miséricorde  »,  dit  la  1.  t.  n.,  «  car 
quelque  nombreuses  que  soient  les  troupes  et  la  multitude  dans  cette 
assemblée,  Dieu  vous  tuerait  tous  en  un  cHn  d'œil.  » 

15.  «  Raconte-nous  »,  dirent  les  sages  des  Hébreux,  «  comment  sont  les 
sept  cieux  jusqu'au  Royaume,  leurs  noms  jusqu'au  ciel,  et  la  grandeur  de  châ- 
timent ou  de  pénitence  qui  leur  est  infligée  en  chaque  endroit'  ».  La  langue 
toujours  nouvelle  répondit  et  dit  :  «  Il  y  a  sept  cieux  jusqu'au  Royaume 
et  voici  leurs  noms  ;  c'est-à-dire  Air  le  nom  du  ciel  le  plus  proche  de 
vous,  Ether  le  second  ciel  ^,  et  Olympus  le  troisième  ciel,  Ignitum  le 
quatrième  ciel,  Caelum  le  cinquième  ciel,  Hesperium  le  sixième  ciel, 
et  Caelum  Trinitatis  le  septième  ciel  et  il  y  a  sept  belles  portes  à  ces  cieux, 
par  lesquelles  la  race  humaine  entre  dans  le  Royaume  et  on  a  mis  des 
portiers  et  des  anges  de  garde  de  la  famille  du  ciel  à  ces  portes  et  voici  leurs 
noms,  c'est-à-dire  Abistum  le  nom  de  la  citadelle  et  Michel  Archange  en 
est  le  portier  et  il  y  a  deux  jeunes  gens  auprès,  avec  des  verges  de  fer  dans 
les  mains,  battant  les  pécheurs  pour  leur  premier  châtiment.  La  seconde 
porte  a  nom  Illisiom  et  l'archange  Uriel  en  est  le  portier  et  il  y  a  deux 
jeunes  gens  auprès,  en  train  de  laver  et  de  teindre  les  âmes  des  pécheurs 
pour  qu'elles  soient  aussi  brillantes  que  le  soleil  et  il  v  a  trois  sources 
à  goût  de  miel  et  avec  l'odeur  éternelle  et  perpétuelle  du  vin  vraiment 
excellent  en  elles  et  elles  baignent  bienveillamment  les  âmes  des  justes  et 
brûlent  et  tourmentent  les  âmes  des  pécheurs.  La  porte  du  troisièmiC  ciel, 
rOlympus,  s'appelle  Jarian  et  elle  a  douze  mille  de  haut...  et  les  âmes 
des  justes  vont  en  un  clin  d'œil  à  travers  ce  fleuve  là  et  les  âmes  des 
pécheurs  y  restent  jusqu'à  la  fin  de  douze  ans;  l'ange  Raphaël  est  l'homme 
de  garde  et  l'eau  de  ce  fleuve  est  sept  fois  froide  comme  la  neige  et  c'est 
Inique  passent  les  âmes  de  tous  les  pécheurs.  Le  quatrième  ciel,  c'est-à-dire 
Ignitum  est  son  nom,  et  Lazarus  le  nom  de  cette  porte  et  Sariel  3  est 
l'homme  de  garde+  et  il  y  a  un  fleuve  de  feu  à  cette  porte-là  et  il  estdiff"érent 


1.  Ce  développement  est  à  rapprocher  du  his  Adaiiindin,  §  15-20. 

2.  Cf.  Liber  Fîaviis  Fcrgiisioriiiii,    chez    Stokes,    Eriii,  vol.    II,  p.    162, 
note  §  27. 

3.  Le  Saraqiel  du  Livre  d'Hénoch,  XX,  6. 

4.  Ce  qui  suit  correspond  à  la  description  du  cinquième  ciel  dans  le  Fis 
Ad  a  lundi  11. 


29e  G.  Dollin. 

bpianlosga  7  an  tan  is  mitid  le  Dia  ê  flu'iasgla  o  na  hpeacach  tig  aingiol 
dé  chûcha  7  flcasg  deilgneach  iaruin  n-a  làimh  7  as  amlila  bhios  an  fleasg 
sin  7  ccad  roin  air  gach  aon  dcalg  dà  mbeit  air,  go  ttabharthach  gach 
deilg  diobh  céad  creacht  air  gnùis  gach  peacaidh  dhibh  ;  beirig  Mi'achail 
aircaingio!  leis  na  hanamnachaibh  go  dorus  an  seasmhadh  .i.  neamh 
na  Trionoide  agus  na  hanamnachaibh  mur  aon  ris  7  tâisbéantar  lad 
a-bfianaise  an  dûileamuin  ;  is  môr  féabhas  na  fâihe  dobheir  an  dùilcamhuin 
agus  muintear  nimbe  don  anam  glan  iohraic  dogeabhaid,  7  as  guirt  ant 
a[c/;]mhusàn  do  bheir  an  côimh  Dia  cômastach  do  na  péacaidhib.  Adeir  losa 
Criost  ris  na  haingil  :  taisbeantar  fothchrach  nimhe  7  glôre  na  catharac 
neanihda  do  na  péacadhaibh  ionus  go  mo  mhàid  an  doilgios  ê  fàm 
threigint  ». 

16.  Dtiairaig  e.  n.  n.  :  «  Cà  meid  fothchrach  àta  air  néamh  ?  » 
Dfreagai  an  t.  b.  n.  7  as-é  adubhart  :  «  agaid  dâ  fothchraig  7  se  céad  air 
neamh  7  àta  an  nuimhir  chinte  sin  do  piantaibh  an-ifrioh.  As  aiîsan  adeir 
an  cômh  Dia  cômhasach  ré  na  mhuintir  7  ré  na  ainglibh  :  béirig  lib  an 
t-aiiam  neamhchrâibhtheach  as-àdharc  na  bhflathus  néamhdha;  agus  an 
côimh  Dia  comhasaig  is  an  san  sgarthar  an  t-anam  ré  coimirce  na  n-aihgiol 
lé-ar  cumhaduigh7h  go  sôiche  ar  n-diùha  do  Criost;  do  léigios  an  t-anam 
is  trom  7  is  trûadh  nà  gach  ôsna  ag  éagchàoine  a-sgarrtâ  ris  an  n-glôire 
sioruidhe.  Sloigid  air  sin  dâ  [njathdir  nimhe  dhéag  àta  ag  an-ndiabhal  anam 
an  pheacaidh  chiicha  go  mbid  ag-a-chogaint,  agus  léigid  uatha  sios  é  tré 
an  ttimpreacht  ah-(i)ginibh  an  diabhail  é,  is  aiî  san  do  gheibh  an  t-anam 
coimeirce  gach  uile  olc  ag  muiiïtir  an  diabhail  7  as-é  céad  phion  do  ghéib 
an  tanam  an  san  ;  tairingean  Lucifer  leis  ê  7  fothraghan  an-aitibh  àta 
mifrion  7  as-iad  so  ainim  .i.  Aesiro,  Ceticriso,  Saserlus,  Costasagus  Flexeton. 


17.  «  Inis  dùin  »  air  e.  n.  n.  «  cà  leith  as  a  ttig  an  ghrian  7  éasga  diiin 
oir  atàmaoid  ainbhiosacha  cà  dit  as  a  ttig  ;  nàr  fôigse  grian  don  talamh 
na  don  fliiormaiment,  no  cia  an  ait  nô  an  tàobh  diobh  bfuil  ifrion,  no 
cà  mhéid  dorus  atà  air  an  bhfiormaiment  tréas  a-ttigid  na  hainglibh  : 
inis  dùin  fôs  cà  mhéid  do  cinealubh  eagsamhuil  àta  san  domhaii  «.  — 
«  Adeara  mé  sin  libh  »,  air  an  t.  b.  n.  «  go  bhfuil  dà  cineal  déag  7 
trifithchid  do  thorabh  air  gheugaib,  agus  dà  cineal  déag  7  trifithchid 
d-eunaib  an  aogheir,  7  dà  cineal  déag  7  trifithchid  do  raoghalteana  an 
aegeir,  dà  cineal  déag  7  trifithchid  do  ainglibh  air  neamh,  dà  cineal  déag  7 
trifithchid  do  phiastaib  an  ifrion  7  dhà  cineal  déug  7  trifithchid  do 
theangaibh  aig  siubhàl  an  dômhan  ;  atàid  se  déug  7  trifithchid  agus 
seacht  gcéad  mile  do  mhiltibh  a-bfitd  an  talmhan  ô  ihbhior  srotha  anôir 
go  fuihe  gréine  siar  agus  atàid  seacht  air  cheithre  fithchid  agus  deith  gcéad 
mile  do  mhiltibh  a  leathad  an  tailimh  ô  shlétibh  Firise  a-ttuadh  go  deisgirt 
na  hÉorpha  ba  deas  ag»5  ata  an-uimhir  chinte  sin  ô  thalamh  go  neamh  agus 
as-e  faid  àta  ô  talamh  go  neamh  na  heagsa  (no  go  tti  an  rea)  .1.  seacht 
mile  fithchid  air  chéad  mhile  do  mhiltibh,  agus  àta  ô  éasga  go  gréin  dâ 
mhile  dhéug  agus  tri  fithchid  air  chéad  mile  do  mhiltib,  7  is  cômhor  an 


Ujic  rcdaciioii  moderne  du  Teanga  bithnua.  297 

des  autres  fleuves  et  les  âmes  des  pécheurs  y  restent  pour  être  tourmentées 
par  le  feu  et  quand  Dieu  oense  le  moment  venu  de  le  délivrer  des  pécheurs, 
un  ange  de  Dieu  vient  vers  eux  avec  une  verge  d'épine  de  fer  à  la  main  et  ainsi 
est  cette  verge  :  chaque  épine  a  cent  parties,  en  sorte  que  chaque  épine 
donnerait  cent  blessures  sur  la  face  de  chaque  pécheur.  Michel  archange 
emporte  les  âmes  à  la  porte  du  septième  [cielj,  c'est-à-dire  le  ciel  de  la 
Trinité  et  les  âmes  ensemble  avec  lui  et  on  les  fait  paraître  en  présence  du 
Créateur.  C'est  un  grand  et  excellent  accueil  que  fait  le  Créateur  et  la 
famille  du  ciel  à  l'âme  pure,  juste,  respectable  et  il  est  amer  le  reproche 
que  fait  le  Seigneur  Dieu  tout-puissant  aux  pécheurs.  Jésus-Christ  dit  aux 
anges  :  «  Que  l'on  montre  la  récompense  du  ciel  et  la  gloire  de  la  Cité 
céleste  aux  pécheurs  pour  que  le  chagrin  de  me  quitter  soit  d'autant  plus 
grand.  » 

16.  Les  s.  d.  H.  demandèrent  :  «  Combien  de  récompenses  y  a-t-il  au 
ciel?  »  La  1.  t.  n.  répondit  et  voici  ce  qu'elle  dit  :  «  II  y  a  six  cent  deux 
récompenses  au  ciel  et  il  y  a  ce  nombre  fixe  de  châtiments  de  l'enfer. 
C'est  alors  que  le  Seigneur  Dieu  tout-puissant  dit  à  la  famille  et  aux  anges  : 
«  Emmenez  l'âme  incrédule  hors  de  la  vue  du  royaume  céleste  »,  et  c'est 
alors  que  le  Seigneur  Dieu  tout-puissant  sépare  l'âme  de  la  protection  des 
anges  par  lesquels  elle  a  été  protégée  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  rejetée  par  le 
Christ.  L'âme  pousse  un  soupir  plus  lourd  et  misérable  que  tout  soupir, 
se  lamentant  d'être  séparée  de  la  gloire  éternelle.  Là-dessus,  douze 
serpents  venimeux  qui  sont  avec  le  diable  avalent  l'âme  du  pécheur  en 
sorte  qu'ils  sont  à  la  mâcher,  et  en  se  la  passant  la  rejettent  d'eux  en  bas 
dans  les  bouches  du  diable  ;  c'est  alors  que  l'âme  obtient  la  protection  toute 
mauvaise  de  la  famille  du  diable  et  c'est  le  premier  châtiment  que  reçoit 
l'âme  ;  alors  Lucifer  l'entraîne  et  la  plonge  dans  les  demeures  qui  sont  en 
enfer  et  dont  voici  les  noms,  c'est-à-dire  Achéron,  Ceticriso,  Saserlus, 
Cocyte  etPhlegethon. 

17.  «  Raconte-nous  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  de  quel  côté  le  soleil  et  la 
lune  viennent  à  nous,  car  nous  ignorons  de  quel  lieu  il  vient;  ou  si  le  soleil 
est  plus  près  de  la  terre  que  du  firmament,  ou  en  quel  lieu,  ou  de  quel 
côté  d'eux  est  l'enfer,  ou  combien  de  portes  a  le  firmament,  par  où  sortent 
les  anges  :  raconte-nous  encore  combien  de  races  il  y  a  dans  le  monde.  » 
—  «  Je  vous  le  dirai  »,  dit  la  1.  t.  n.,  «  qu'il  y  a  soixante-douze  espèces  de 
fruits  sur  les  branches  et  soixante-douze  espèces  d'oiseaux  dans  l'air  et 
soixante-douze  espèces  d'étoiles  dans  l'air,  soixante-douze  espèces  d'anges  au 
ciel,  soixante-douze  espèces  de  bêtes  en  enfer  et  soixante-douze  langues  sur  la 
face  de  la  terre  ;  il  y  a  sept  cent  mille  soixante-seize  milles  dans  la  longueur 
de  la  terre  depuis  l'embouchure  du  fleuve  à  l'est  jusqu'au  coucher  du  soleil 
a  l'ouest,  et  il  y  a  dix  cent  mille  quatre-vingt-sept  milles  dans  la  largeur  de 
la  terre  depuis  les  montagnes  Flrise  au  nord  jusqu'au  sud  de  l'Europe  du 
sud  et  ce  nombre  fixe  est  la  distance  de  la  terre  au  ciel  et  la  distance  de  la 
terre  au  ciel  de  la  lune  (ou  jusqu'à  la  Raé),  c'est-à-dire  cent  mille  vingt 
sept  milles,  et  il  y  a  de  la  lune  au  soleil  cent  mille  soixante-douze  milles  ; 
et  le  soleil  est  aussi  grand  que  la  septième  partie  du  monde  et  la  lune  est 
encore  aussi  grande  que  la  septième  partie  du  soleil  et  ce  nombre  fixe  est 


298  G.  Dolliii. 

ghrian  7  an  scachtniliadli  rafi  don  domlian,  as  cômlimhc')!-  los  an  t-casga 
agus  an  seanihadh  ran  de,  7  ata  an-uimir  cintc  sin  do  ainglidh  air  neanili 
7  as-iad  so  ainim  na  n-ârcaingiol  ag-a  bfuilid  na  sliighte  sin  .i.  Miachaii, 
Gaibriel,  Sàiriel,  Raphaël,  Rumail,  Urial,  Panitibli,  as-iad-so  coiméadH5  na 
hanmana  air  pliiantaibh  ifrion  Urial  a  coimcad,  marr  Raphaël  ag  coiméad 
tailimh,  Miachael  agcoimead  na  n-anman.  Ataid  dà  donis  déag7  trifithchid 
trid  na  bhiîormament  da  ccômhlanaib  ùir  riu  agus  as  triotha  so  thagid 
na  haingil  on  ccathair  néamliadh  dion-agallamh  ré  daoinibh.  Imthiisa 
an  grian  as-i  a-cûaird  tiompchal  do  bheir  si  comhghoradh  agHi  ni  '  si 
an-domhan  uile  do  ghoradh  7  do  measarughadh  ô  mhaidion  go 
néoin  7  téid  air  sin  tar  bheanaib  iomlocha  an  talmhan  .i.  tair  sruit  na 
ndamhan  7  ibillsigh7h  7  goradh  linte  leathan  t-sriotha  sin  7  as-é  crics 
uisge  an  domhain  thimpchioll  as  an  easgrughadh  ioiîa  bhfuiltigh-si.  Tàid 
air  sin  iona  sreibh  dhearg  thintighe  imdheargr«  ag//5  téigheos  na  tûatha 
riompo,  as-é  slighe  na  ttéid  ghrian  an  san  go  mhaig  mille,  7  as  aluin  bhios 
an  mhaigh  gach  ùair  lionus  an  nihuir  7  an  machaire  ag  filHg  ngtis 
tiomargaigh-si  a-piastuidhe  agus  a-  blaithmhiolta  chuighche  go  leadraid  7 
go  luathmharbhaid  iad  7  do  nid  eigmé  7  ârdghothad  mora  agus  anigh(7//j 
suas  ag  iarra  furtachta,  7  an  ûair  thràghas  an  mhuir,  fWgbhus  an  macaire 
iona  dhoirsibh  uamhan  7  iméagla  7  is  dimhiiï  gur  ba  iad  ata  an  san 
annamna  na  bpeachach  àta  san  bpéiiî  sin.  Lûigheas  an  airsin  tar  srothaibh 
tintiglic  7  iad  uile  air  dearglasa  7  as-iad  atâ  an  .i.  anamna  na  bpeachach  7 
'  na  n-déamhan  coinieadîw  iad  bhios  aga  bpiana  air  an  sliabh  sin  ;  is  an  sin 
téid  an  grion  go  gleaii  na  siabhruighe  -  7  as  amla  âta  an  glean  sin  7  aon 
dorus  amain  7  fostuithear  ahani  truadh  na  bpecach  ris  aga  bpiano.  Téad 
an  grian  air  sin  go  hioluathaibh  ifrifi  ùa  huaidh  agus  tar  ghleanauibh  7 
tar  shrothaibh  ilphiastacha  ifriii;  téid  air  sin  go  sléitibh  tiiïtige  7  iad  uile 
ar  dearglasa  agus  as-iad  ata  san  ionad  sin  an  ainléanach  sagart  agus  daoine 
riaghalsa  âta  dâ  bpiana  ;  téid  ansan  go  glean  diibhach,  déurach,  go  n-iomad 
n-dréaguin,  ilphiastach,  agus  âta  do  dhorchad;/5  an  nà  cuiran  an  ghrian  a  sôilse 
a  ruithneamh  nd  a-deallramh  tri  horluighe  ô  na  gnûis  féin  amach  ;  téid  ansin 
go  tir  na  n-ôg,  agus  as-iad  daoine  aithreab;«  air  sin  a  lan  dé-anaibh  is  aile 
sa  domhan,  agus  as-iad  fôs  is  biiie  céol  agus  ôirfide  san  domhan;  téid  an 
ghrian  air  sin  tar  mhaighibh  aile  go  mblàithibh  iomdha,  agus  blas  fi'ona 
air  na  blaitibh  sin.  7  air  sin  go  parrathus  Adhàmh  ;  as  an  thogbhus  a-ccean 
air  maidin. 

18.  «  Inis  duin  »,  ar  e.  n.  n  ,  «  na  cinéal  éan  is  ùaisle  an  sa  cruine.  » 
Adubrt//t  an  t.  b.  n.  :  «  atâid  »,  air  se,  «  eunla  an-iarthaf  na  liAsia  moire 
7  ni  bhfuil  san  ccruihe  daith  nâ  bhfuil  ortha  7  do  nidh  gol  7  cdoi 
an-aimsir    an    mhcodhanoidhche   7    canuid  céol    amlu'iil   tcada  mbincruit 


1.  Il  faut  sans  doute  lire  s^hni  =r  doghni. 

2.  coualri  slahrnih  fichit  forsin   ngleann    sin,   Lee.    (•(•///■/   slabbiadhaib  XX 
fuir  an  glinii.  Par. 


Uiif  nhhictioi!  iiwdcDic  du  Tcanga  bilhnua.  299 

celui  des  anges  du  ciel  et  voilà  le  nom  des  archanges  à  qui  sont  ces 
chemins,  c'est-à-dire  Michel,  Gabriel,  Sariel,  Raphaël,  Rumail,  Urial, 
Panitihh  '  ;  ce  sont  eux  qui  gardent  les  âmes  aux  châtiments  de  l'enfer  : 

Urial  garde ,  comme  Raphaël  garde  la  terre,  Michel  garde  les  âmes.  Il 

V  a  soixante-douze  portes  à  travers  le  firmament  avec  deux  battants  d'or  et 
c'est  par  elles  que  sortent  les  anges  de  la  cité  céleste  pour  parler  avec  les 
hommes.  Quant  au  soleil,  c'est  par  son  tour  circulaire  qu'il  produit  la  chaleur 
et  c'est  le  monde  entier  qu'il  éclaire  et  qu'il  tempère  du  matin  au  soir  ; 
et  il  va  alors  par  les  pics  du  centre  de  la  terre,  c'est-à-dire  par  le  fleuve  des 
démons  et  il  éclaire  et  il  chauffe  les  eaux  de  ce  fleuve  et  il  y  a  une  zone 

d'eau  du  monde   autour où  vous  êtes.  Il  est  ensuite   dans  le  ruisseau 

rouge  de  feu  qui  punit  et  chauffe  les  peuples  devant  eux  et  voici  la  route 
par  où  va  le  soleil  alors  ,  à  la  plaine  des  bêtes  et  jolie  est  la  plaine  chaque 
fois  qu'est  au  plein  la  mer  et  la  plaine.  .  .  en  revenant  et  elle  rassemble  à 
elle  ses  bêtes  et  ses  monstres  en  sorte  qu'ils  les  déchirent,  les  tuent  vite  et 
ils  poussent  des  cris  et  de  grandes  clameurs  et  ils  lèvent  leurs  visages  en 
haut  en  demandant  secours  et  quand  la  mer  est  au  bas,  elle  laisse  la  plaine 
comme  une  porte  de  crainte  et  de  terreur  ;  et  il  est  certain  que  ce  sont  les 
âmes  des  pêcheurs,  qui  sont  dans  ce  tourment-là.  Il  va  alors  à  travers  des 
fleuves  de  feu  et  tous  brûlent  et  voici  ceux  qui  sont  là,  c'est-à-dire  les  âmes 
des  pécheurs  et  des  démons  qui  les  gardent  qui  sont  à  les  tourmenter  sur 
cette  montagne;  c'est  alors  que  le  soleil  va  à  la  vallée  des  fantômes,  et  c'est 
ainsi  qu'est  cette  vallée-là,  avec  une  seule  porte  et  l'âme  pitoyable  des 
pécheurs  reste  là  dans  les  tourments.  Le  soleil  va  alors  vers  les  nombreux 
peuples  de  l'enfer  du  nord  et  par  les  vallées  et  les  fleuves,  aux  nombreuses 
bêtes,  de  l'enfer;  il  va  alors  jusqu'aux  montagnes  de  feu  et  toutes  sont 
à  brûler  et  voici  ceux  qui  sont  à  brûler  en  cet  ebdroit  là  :  les  âmes  des 
persécuteurs  des  prêtres  et  des  réguliers  qui  sont  en  tourments;  puis  il  va  à 
la  vallée  sombre,  larmoyante  avec  nombre  de  dragons,  pleine  de  bêtes,  et 
il  y  a  tant  d'obscurité  là  que  le  soleil  n'apporte  sa  lumière  à  briller  et  à 
resplendir  que  trois  pouces  de  sa  face  ;  puis  il  va  à  la  terre  des  Jeunes  et 
voici  les  gens  qui  demeurent  là  :  tout  plein  d'oiseaux  les  plus  beaux  du  monde 
et  ce  sont  eux  encore  qui  ont  le  chant  le  plus  mélodieux  du  monde  ;  le 
soleil  va  alors  à  travers  d'autres  plaines  avec  de  nombreuses  fleurs  qui  ont 
le  goût  du  vin,  puis  au  paradis  d'Adam  ;  c'est  là  qu'il  lève  sa  tête  au 
matin  -.  » 

18.  «  Parle-nous  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  des  espèces  d'oiseaux  les 
plus  nobles  sur  terre.  »  La  1.  t.  n.  dit  :  «  Il  y  a  »,  dit-elle,  «  des 
oiseaux  à  l'ouest  de  la  grande  Asie  et  il  n'y  a  pas  sur  terre  de  couleur 
qu'ils    n'aient  et  ils   font  des  plaintes  et  des  lamentations   au  temps   de 

1.  Il  faut  lire  sans  doute  au  lieu  de  Rumail  :  Riifael  (Livre  d'Hénoch, 
LXVIII,  2);  au  Heu  de  Sariel  :  Saraqiel  (Livre  d'Hénoch, 'XX,  6);  au  lieu  de 
Panitihh  :  Panieî  (Isidore,  De  ctymoloi;ia,  VII,  5),  cf.  D.  Cabrol,  Dictionnaire 
d'archéologie  chrétienne  et  de  liturgie,  Paris,  1905,  au  mot  Ange. 

2.  Il  manque  ici  un  développement  sur  les  espèce  d'astres  (Lismore, 
82-88). 


300  G.  Dolliii. 

ag  nioladh  an  duileamliain  ;  7  atàid  cunlà  an  insibli  ïlib'n  7  is  cosamliuil 
a-ccomhsholus  là  7  oidhche  san  ionad  na  mbid  air  a  shoillse  féin  7  ni 
lahhruid  as  an  âimsir  ghéimhre  7  ni  hâoirde  7  ni  bine  céol  aingiol  nâ  an 
céol  do  canuid  siad  an-aimsir  shomhra  7  canuid  tre  n-a  ccodhla  amhuil 
ceol  siothbhin  sit.  Ataid  éunla  an-iartar  na  liAfrica  agus  ni  bhfuil  air 
dhrùim  talimh  dait  nd  fuil  na  n-eitibli  7  ni  dheachaid  cli'imli  nâ  eithc  d-aon 
éan  diobli',  is  sâsanih  dôibh  7  ni  theid  tôst  ôrta  do  lô  nâ  do  oidhche  as  ag 
cantuin  céol  agus  ni  môide  a  ttuirse  è  ;  7  atâidh  eunla  a  bparratus  tahiihuidhe 
.i.  tri  healtana  atâ  ah  7  atà  tri  mhile  an  gach  eukuih  diobh  agus  as-iad 
ealûighne  do  nid  na  héin;  eirgid  an  chéad  ealtain  dôib  a-ttosach  na  lioidhchc 
7  insid  na  cearrda  7  na  heahtdhna  dorin  Dia  ré  ndomhah  do  cruthughaJ/'  ; 
7  eirgid  éalta  méonnach  a  mheodhan  oidhche  7  canuid  céol  ag  ihsint 
na  n-gniomhratha  dorin  an  t-ârd  Rig  ag  cruxhughadh  an  domain  go  ttânig 
Criost  a-ccolluin  daona  ;  7  éirigid  an  treas  éalta  an-dcire  na  hoidhche  7 
canuid  ceol  ag  môladh  agus  ag  ihsint  na  ngniomhratha  do  rin  Criost 
ô  s  in  anall  7  na  hairgeaha  do  dheanuighe  se  go  la  an  bhratha; 
7  atâ  dis  do  dhaonaibh  a-ccorpaibh  coWaidhe  a-bpharrathus  talmhuidhe  .i. 
Enoch  agus  Elias  agus  éirgidh  an  dis  sin  ;  inisid  do  na  héunaibh  mar 
thiocfas  la  an  bhragha  7  mur  claoidfigear  an  domhah  uiie  7  uathfâsuighe 
uile  an  bhrâtha;  mur  chlunid  na  héin  sin,  gabhuidgéis  gâir  dâsgiathainuibh 
air  a-ttaobhaibh  go  ttabhruid  drùact  Ibla  don  ri'iadh  6  bhoh  gâcha  heite  diobh 
air  eagla  laoi  an  bhratha.  » 


19.  «  Ihis  dùin  »,  air  e.  n.  n.,  «  cuid  éigin  d-iongantalbh  an  domhan  7 
mar  do  crLiithigh7h  Adam  go  n-a  chaihi  ».  Dubhârt  an  t.  b.  n.  :  «  Is  an 
seamhadh  là  do  oibriùgharf/j  na  seachtmhuihe  nô  na  se  laithe  do  rohig 
Adam  7  do  shâirig  ar  Adam  7  Eabha  cran  na  deachuimhan  :  do  mharbh 
Câin  me  Adam  dis  dearbhrathar  do  féin  .i.  Abel  me  Adam  a-hfeall  agus 
a-bhformad  7  Pâinih  rîic  Adam  tré  éad  .i.  an  céatrâmhadh  lîic  dôb  fhear 
ag  Adam.  Atâid  dhâ  dhroing  ag;«fithche  do  shiol  Adam  7  is  iongantach  an 
tùairisg  atâ  ortha  7  as-iad  airmhighther  ah  .i.  drong  diob  (anih  sibh 
Eibhioh  ^)  7  ni  bhfuil  nidh  do  dhùiseôchad  air  a-ccolladh  iad  as  ânbhtha 
catha  nô  gâir  mArmdh  7  do  nidh  céol  7  ôirfide  rô  bhih  air  n-éirge  as 
a  cholla  dôib  a.gus  do  nidh  a-sùile  amhuil  na  raoghilieaha  7  tâid  siad  air 
feadh  na  marra  7  cuirid  a  hôisg'  7  a  hahimhiolta  a  ttir  7  [i)thid  iad;  atâid 
tûatha  eile  ag  sruith  nâ  cci'iig  n-uisge  +  7  am-bheoil  air  mbroihibh  ag//j-  nâch 


1.  holud  7  midclos  iniia  wldatha  7   Idas  na  secht  fiuahaiid  doainiiiet  inna 
ligmuic^i  issi'd  nodossasa  0  thosach  doiiiinn.  Lism.  92. 

2.  Elna,  Limore,  98. 

3.  biasta,  Lismore,  98.  Il  faut  lire  sans  doute  bc'isg. 

4.  tuatha  Ithier  tiiath  shlehi  Caucaist,  Lismore,  100. 


Une  védiKilou  moderne  du  Teanga  bithnua.  301 

minuit  et  ils  chantent  un  chant  comme  les  cordes  d'une  harpe  harmonieuse, 
louant  le  Créateur;  et  il  y  a  des  oiseaux  dans  les  îles  Eibir  et  leur  éclat 
ressemble  à  la  lumière  du  jour  et  il  fait  nuit  à  l'endroit  où  ils  ne  brillent 
pas  et  ils  ne  parlent  qu'au  temps  de  l'hiver  et  le  chant  des  anges  n'est  pas 
plus  haut  ni  plus  mélodieux  que  le  chant  qu'ils  chantent  au  temps  de 
l'été,  et  ils  chantent  pendant  le  sommeil  comme  un  chant  mélodieux  de 
paix.  Il  y  a  des  oiseaux  à  l'orient  de  l'Afrique  et  il  n'y  a  pas  sur  le  dos  de 
la  terre  de  couleur  qui  ne  soit  sur  leurs  ailes  et  il  n'est  pas  venu  une  plume 
d'aile  à  aucun  d'entre  eux...  les  satisfait  assez  ;  et  ils  ne  gardent  pas  le  silence 
de  jour  ou  de  nuit,  mais  ils  chantent  un  chant  et  ils  n'en  sont  pas  plus 
fatigués.  Et  il  y  a  des  oiseaux  dans  le  paradis  terrestre,  c'est-à-dire  il  y  a 
là  trois  troupes  et  il  y  en  a  trois  mille  dans  chaque  troupe  et  voici  les 
occupations  qu'ont  ces  oiseaux.  La  première  troupe  se  lève  au  commen- 
cement de  la  nuit  et  elle  raconte  les  arts  et  les  sciences  qu'a  faits  Dieu 
avant  de  créer  le  monde  ;  et  la  moyenne  troupe  se  lève  au  milieu  de  la 
nuit  et  chante  un  chant  racontant  les  grandes  actions  que  fit  le  Grand 
Roi  en  créant  le  monde  jusqu'à  ce  que  vînt  Jésus-Christ  dans  un  corps 
humain  ;  et  la  troisième  troupe  se  lève  à  la  fin  de  la  nuit,  et  chante  un 
chant  louant  et  racontant  les  grandes  actions  que  fit  le  Christ  depuis  lors 
et  les  signes  qu'il  fera  jusqu'au  jour  du  Jugement;  et  il  y  a  deux  hommes 
dans  des  corps  charnels  dans  le  paradis  terrestre,  c'est-à-dire  Enoch  et  Elle 
et  ces  deux-là  se  lèvent  ;  ils  racontent  aux  oiseaux  comment  viendra  le  jour 
du  Jugement  et  comme  le  monde  entier  sera  détruit  et  tout  s'épouvantera 
du  Jugement;  lorsque  ces  oiseaux  entendent  cela,  ils  poussent  un  cri  et 
battent  leurs  ailes  sur  leurs  côtés,  en  sorte  qu'ils  font  couler  une  rosée  de 
sang  brun-rouge  du  bout  de  chacune  de  leurs  ailes,  de  peur  du  jour  du 
Jugement  '. 

19.  ('  Raconte-nous  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  quelque  partie  des  merveilles 
du  monde  et  comment  fut  créé  Adam  et  sa  race.  »  La  1.  t.  n.  dit  :  «  C'est 
le  sixième  jour  des  ouvrages  de  la  semaine  ou  des  six  jours  qu'il  fit  Adam  et 
qu'il  imposa  à  Adam  et  Eve  l'arbre  de  Dîme  ;  Cain  fils  d'Adam  tua  deux 
frères  à  lui,  c'est-à-dire  Abel,  fils  d'Adam,  par  traîtrise  et  envie  et  Paininn, 
fils  d'Adam,  par  soupçon,  c'est-à-dire  le  quatrième  fils  excellent  d'Adam.  Il 
y  a  vingt-deux  tribus  de  la  race  d'Adam  et  merveilleuse  est  leur  descrip- 
tion et  voici  qu'on  les  énumère  :  un  peuple  (ils  se  nomment  Eibion)  et 
il  n'y  a  rien  qui  les  éveillerait  de  leur  sommeil,  sauf  la  tempête  de  la  mer 
ou  le  cri  du  combat,  et  ils  font  une  musique  et  une  mélodie  très  harmo- 
nieuse en  se  levant  de  leur  sommeil  et  leurs  yeux  sont  semblables  à  des 
étoiles  et  ils  vont  sur  l'étendue  de  la  mer  et  apportent  ses  bêtes  et  ses 
animaux  sur  la  terre  et  les  mangent.  Il  y  a  d'autres  peuples  au  fleuve  des 
cinq  eaux  et  leur  bouche  est  sur  leur  poitrine,  parce  qu'ils  n'ont  point  de 
tête,  et  ils  ont  quatre  yeux  dans  le  dos,  chacun,  et  ils  courent  avec  le  désir 
dans  leurs  corps,  en  sorte  qu'ils  font  leur  volonté  sur  des  femmes  de  leur 
race;  et  il  y  a  d'autres  peuples,  et  ce  sont  les  plus  beaux  de  la  race  d'Adam, 

I.  Cf.  Fis  Adamnd'ui,  33.  Revue  Celtique,  t.  XXI,  p.  385. 


302  G.    Dollin. 

a-blifuilid  cin  ortha  7  tdid  chcithre  suile  an-driiim  gach  lir  tiib  7  rithid 
le  driiis  iona  ccorpaibh  nô  go  bfdgliaid  a-ttoill  féin  do  mhnaoibli  da 
ccoimhchinéal  féan  ;  7  atâid  tuatha  cile  an  7  as-iad  daoine  is  chômcrotna 
do  shiol  Adham  iad  7  as-iad  is  biiïe  glor  fa  nimh  na  néal;  7  atà  tuatha  cilc 
an,  an-deisgirt  nd  Hindia  agus  as-iad  is  direoile  7  is  drochruighthe  do  siol 
Adam,  ôir  ni  bhfuil  as  cheithre  troighthe  air  aoird  an  gach  fcar  diobh'  7  ni 
bhearthar  [acht]  nigheana  7  an  niiair  éirghid  as  a-ccoUa  a-méon  oidhclic 
sgéidid  slama  tintighe  as  a-mbrdidibli  7  an  tan  ghéibhid  bas,  do  ghéabhthar 
or  is  ûaislc  air  iona  ndôirnibh  deasa  air  n-éag  dôib  7  '  fôs  atdid  imiriosan 
môra  iona  nieallaib  tintige  na  sûilibh  agus  as  aoirde  an  gothadli  na  gotha 
corr,  ag"5  canuid  ceol  tré  na  ccodhla  is  cosamliuil  ré  céol  ainglidhe  c, 
agus  an  tan  do  gheibh  duine  aco  bas,  tig  sruith  f[(]ôna  as  a  bheal  7  as  a 
shroin  7  as  a  suihbh  an-einfeacht.   » 

20.  «  Ini§  duin  »,  air  e.  n.  n.,  «  cuid  do  thuarH5gabhail  ifrin  7  ar 
phiantaibh  na  bpeacach  ».  Adubhart  an  t.  b.  n.  :  «  Da  mbéin  ô  thûis  an 
domhain  agus  go  Id  an  bhrdtha  agus  céad  tcanga  am  céan  7  ûrlabhrd  an 
gach  teanga  dhiobh,  ni  thiocfa  hom  an  phian  as  lughi!(//;  an  ifrion  d-insin  : 
ôir  dta  easghui  an  :  7  ant-éun  as  luaithe  airdruim  an  domhain,  ni  rcachadh 
on  iochtar  7  a-uasar  air  feadh  mile  bliah  7  ni  féidir  airiomh  a-bfuil  do 
phiantaib  an  ifrion  d-airiamh  no  go  n-airightear  gannimh  na  tragha 
7  duile  géug  7  raegiltaiia  an  deighir,  7  àta  coin  a.giis  leôghain  ag  leadra  ar 
na  hanamnabh  a-ccomhnuighe  aii,  ag/«  atâ  do  theas  an  tiiie  an  ghleana 
sin  nd  fuil  do  shdluigh  san  muir  nà  d-uisge  is  na  haibhnibh  nid  do 
mhuchadh  aon  phian  da  bfuil  an  :  ôir  ni  tinc  mar  gach  tine  dta  n-ifrioh 
as  fearg  Dé  air  na  hâdhaint  7  na  (aduighedh  an;  7  dta  do  mheid  a  fuachta 
dd  léighthighe  fiu  hanaile  dùine  a-ccûas  caoile  di  fdn  n-domhan  uile,  da 
nibeidis  a-bfuil  do  dainibh  béo  air  drôm  talmhan  an  don  ionad  air  aon  bail 
go  bfàighdis  uile  bds  an  aon  ûair  ;  7  àta  do  dhéine  a-thine  dâ  léighthighe 
uiread  an  splaihce  tine  créasa  san  ndomhan  dé  gô  lasadh  uile  idir  shrothaib 
agus  ûisgeadha  ;  7  is  amhla  ata  dorchadus  ifrih,  da  léigthi  uiread 
micimiriosain  sul  fdoi  an  dhômhaii  de,  na  faicsidis  leus  gdoithe  na 
gréine  dd  éis  sin  go  brdith;  7  àta  do  mhéid  a-thartha  7  a-ghorta,  da 
leighthi  a-bhfuil  do  srothaibh  san  am-béal  aon  aham  amhain  da  bfuil  an 
na  nach  biadh  as  mar  bhrdon  uisge  uim  cloich  deirg  ;  7  ata  do  mhcid 
l'iamhain  7  uathfais  ifrin,  dd  bhf;iicfidis  siol  Adam  uile  an  phian  is  lughi/i//; 
dà  bhfuil  an,  nach  biadh  ciall  na  cuimhe  aco  dâ  eis  sin  go  brdth,  ni  bhiadh 
air  anaise  go  brdth  acht  eagla  na  bpian  sin  :  ni  féidir  a-bfiaisneis  air 
an-iomad  .i.  ata  na  fhuil  codhla  na  cômhsûan  as  7  nd  cluintior  an  go 
brdth  as  gol  7  mairig  ùamhain  7  inieagla  agus  as-é  nà  faichthear  soillse 
gréine  na  éasga  ah,  as  iomad  graifin  tintighe  tine  7  iomad  soighead  air 
dearglasa  ag  piana  na  n-aiiaman  mbocht,  agus  dit  an  nà  fuil  as  gaoit  bréin 
7  dûibhshneachta  tintighe  7  fôs  mùchadb  air  ghnûisibh  an  7  iomad  an 
fôrlàn  7  crith  air  géugaib  7  luas  air  lagharuibh  7  troime  air  cosaibh  ». 

1.  Ce  qui  suit  se  rapporte  aux  femmes  des  montagnes  d'Arménie  (Lis- 
more,  105). 

2.  Ce  qui  suit  se  rapporte  aux  liiatha  Foiies  de  Lybie  (Lismore,  104). 


Une  rcditclioii  moderne  du  Teanga  bithnua.  303 

et  ce  sont  eux  [qui  font]  le  bruit  le  plus  mélodieux  sous  le  ciel  des  nuées  ; 
et  il  y  a  d'autres  peuples  au  sud  de  l'Inde  et  ce  sont  les  plus  petits  et  les 
plus  mal  faits  de  la  race  d'Adam,  car  ils  n'ont  que  quatre  pieds  de  haut 
chacun,  et  ils  n'engendrent  que  des  filles,  et  lorsqu'ils  se  lèvent  de  leur 
sommeil  au  milieu  de  la  nuit,  ils  vomissent  des  flocons  enflammés  de  leurs 
gorges  et  lorqu'ils  meurent,  on  trouve  l'or  le  plus  riche  dans  leurs  mains 
droites  après  leur  mort,  et  encore  il  y  a  de  grandes  pupilles  dans  les  globes 
enflammés  de  leurs  yeux  et  leur  voix  est  plus  haute  que  celle  d'un  héron 
et  ils  chantent  pendant  leur  sommeil  un  chant  qui  est  semblable  au  chant 
des  anges  et  quand  un  d'entre  eux  meurt,  un  flot  de  vin  sort  de  sa  bouche 
et  de  son  nez  et  de  ses  yeux  en  même  temps. 


20.  «  Parle-nous  »,  dirent  les  s.  d.  H.,  «  d'une  partie  de  la  description 
de  l'enfer  et  des  châtiments  des  pécheurs.  »  La  1.  t.  n.  dit  :  «  Si  j'étais 
depuis  le  commencement  du  monde  et  jusqu'au  jour  du  Jugement  et 
cent  langues  dans  la  tête  et  de  l'éloquence  dans  chaque  langue,  je  ne 
pourrais  raconter  le  châtiment  le  plus  petit  qu'il  v  ait  dans  l'enfer.  Car  c'est 
une  lourde  charge  et  l'oiseau  le  plus  rapide  sur  la  face  du  monde  n'irait  pas 
du  bas  en  haut  en  mille  ans  et  il  n'est  pas  possible  de  compter  ce  qu'il  y  a 
de  châtiment  dans  l'enfer,  jamais,  jusqu'à  ce  que  l'on  compte  le  sable  du 
rivage,  les  feuilles  des  arbres  et  les  étoiles  de  l'air  et  il  v  a  des  chiens  et  des 
lions  qui  déchirent  les  âmes  qui  demeurent  là  et  les  vallées  sont  d'une  telle 
chaleur  de  feu  qu'il  n'v  a  pas  de  salure  dans  la  mer  ni  d'eau  dans  les 
rivières  pour  éteindre  un  des  châtiments  qui  est  là.  Car  ce  n'est  pas  un 
feu  comme  tous  les  feux  qui  est  en  enfer,  mais  c'est  la  colère  de  Dieu  qui 
est  allumée  et  s'éteint  là;  et  il  y  a  tant  de  froid  que  si  l'on  en  soufflait  l'équi- 
valent d'une  respiration  d'homme  dans  un  trou  étroit  sur  le  monde 
entier,  si  ce  qu'il  y  a  d'hommes  vivants  sur  la  face  de  la  terre  était  en  un 
seul  lieu,  sur-le-champ  ils  mourraient  tous  en  même  temps;  et  le  feu  est 
si  intense  que  si  l'on  laissait  la  valeur  d'une  courte  étincelle  de  feu 
dans  le  monde,  elle  brûlerait  tout,  tant  fleuves  qu'eaux  ;  et  l'obscurité  de 
l'enfer  est  telle  qui  si  l'on  en  laissait  la  valeur  d'une  pupille  d'œil  sur  le 
monde,  on  ne  verrait  plus  l'éclat  des  rayons  du  soleil  par  la  suite  jusqu'au 
Jugement  ;  et  il  y  a  tant  de  soif  et  de  faim  que  si  l'on  versait  ce  qu'il  y  a 
de  fleuves  dans  la  bouche  d'une  seule  des  âmes  qui  sont  là,  ce  ne  serait  que 
comme  une  goutte  d'eau  sur  une  pierre  rouge  ;  et  il  y  a  tant  de  crainte  et 
d'effroi  dans  l'enfer  que  si  toute  la  race  d'Adam  voyait  la  moindre  des 
peines  qui  sont  là,  elle  n'aurait  plus  d'intelligence  ni  de  mémoire  par  la 
suite  jusqu'au  Jugement;  elle  n'aurait  jusqu'au  Jugement  que  la  crainte 
de  ces  peines.  Il  n'est  pas  possible  de  rendre  compte  de  leur  nombre. 
J'est-à-dire  qu'il  n'y  a  ni  sommeil,  ni  repos  et  qu'on  n'y  entend  jusqu'au 
cugement  que  cri  et  clameurs  d'épouvante  et  de  crainte,  et  c'est  là  qu'on 
ne  voit  pas  la  lumière  du  soleil  ni  de  la  lune,  mais  une  quantité  de 
griffons(?)  de  feu  et  une  quantité  de  dards  brûlants  qui  tourmentent  les 
pauvres  âmes  et  c'est  un  endroit  où  il  n'y  a  que  vent  empesté  et  neige  noire 
de  feu  et  encore  suff'ocation  sur  les  faces  et  quantité  de  violence  et  de  trem- 
blement sur  les  membres  et  vitesse  sur  les  mains  et  lourdeur  sur  les  pieds.» 


304  G.  Doit  in. 


21.  Adublia//t  duinc  éigin  don  chine  Eabliracli  :  «  Inis  duine  anios 
sgéahi  là  an  brâtha  7  cionus  do  chioidhfear  no  sgaoilfighior  an  domhan  ». 
Adubairt  an  t.  b.  n.  :  «  Ni  haoibhin  domh-sa  né  sgéaltha  sin  d-insint, 
ôir  an  tan  dobheir  muintir  nimhe  agus  na  nioi  nùird  ainglighe  da  n-aire  ê 
bith  crith  7  uamhain  ortha,  ôir  is  adhbhar  creatha  7  cagla  an  smudineadh 
sin  agus  mar  do  thioclaig  an  chead  la  dona  chuig  lâ  dhéug  do  laoitibh  an 
bhnitha  :  .i.  éireochaid  an  fairgc  air  sliabh  Armenia  an  cnoc  as  airde  san 
domhan  7  rachaig  ôs  cheaii  dd  fichchid  cubit  7  ni  faicthear  as  uisge  air 
uachtar  an  talàmh  ;  an  tara  lâ,  traochfa  an  fhairge  go-na  bia  uisge  na  sdile 
air  talamh  ;  an  treas  là,  éireochaid  ion-a  hionad  féin  aris;  an  ceathramhadh 
là,  brûisig  gach  beathadhach  air  talamh  7  air  muir  7  air  uisgoadha  uile;  an 
cuigeamhad  là,  lasfaidh  an  foirge  uile  go  hiomlàn  ;  an  se  seamhadh  là,  bia  an 
Ihairge  na  haontràghacht  fola  deirge,  ionus  go  ngéarrfaoi  le  hairmh  i  ;  an 
seasmhadh  la,  ni  bhia  san  ccruihe  cloch  hà  carruig  nà  gluaisfhig  7  nd 
cuirfighear  as  air  ionadaibh  ■  féin  ;  an  t-ochtmhadh  la,  geimthid  na  clochadh 
7  na  cairageacha  da  cceanaibh  ùam  a-ccéile,  go  ndéintior  céad  cuid  do 
gach  cloich  diob  ;  an  nàomad  la,  géisfig  an  talamh  ionus  na  tàinig  riamh 
agus  ni  thiochfaig  chdoidhche  a-comhmhôr  sin  do  thoraii  ;  an  deitheamhadh 
la,  muirfig  agus  isleacaig  an  talamh,  ionus  na  bia  fana  nd  ard  nàaimhréig 
an,  as  na  clàr  choimhreig;  an  t-aonmhadh  Id  déug,  ni  thàinig  san  ccrùine 
duine  nd  beathadach  nà  bia  a-bheul  a.gtis  âighedh  ré  Idr  air  eagla  laoi  an 
bhràtha  ;  an  tarra  là  déug,  tuitfig  grian  7  éasga  da  ngabhàlaibh  fein  7  dd 
roisthibh  go  talamh  ;  an  triomh  la  deug,  nior  cuireadh  anam  an-duine  nd 
anal  am-béalaidheach^  nà  bia  iona  suighe  mar  abhf[u]air  bas  agus  da  mbia 
a  chlaiï  agus  a  chinéal  uile  na  suighe  air  a  cômhair  ni  feachfa  neach  diobh 
air  a  cheile  le  hàithbhéile  an-dearranadar  d-olc  7  d-urchoid  7  le  huamhain 
laoi  an  bhrata;  an  ceatramhadh  la  déug,  nior  bhlàs  biadh  riomh  duine  na 
beathaidheach  nà  bia  béo  san  là  sin,  7  na  racadh  d-eug  san  là  c7na;  an 
cuigeamhadh  là  déug,  béa  an  talamh  uile  air  dearglasa  7  deanfar  mion  7 
luaith  dhe  7  do  gach  nidh  dam-bia  air  7  ghéabhaig  crith  na  cheithre  dûile 
7  an  domhan  uile  agus  soillse  na  seacht  nimhe  7  an  chùil  deisgirt  do  neamh 
7  bo  sôiléire  soillse  7  gloire  lia  n-aingiol  ô  thalam  suas  7  badh  garb 
comhachî  na  cheithre  n-duile  re  chéile  an  uair  sin  7  cluihfighear  fûaim  7 
blosga  beimneach  7  tôirneach  7  géarghlan  gué  na  hàrdchathareac  roimhe 
sin  ;  nior  hadb  tciordhuibhe  gual  na  gach  dirdreanac  dhiobh  an  Id  sin  7  bia 
dd  mhéid  an  ghabha  sin,  nd  bia  aingiol  air  neamh  nd  duibheochaig  air 
a-dheilbh  le  losga  7  le  tintibh  7  an  sliabh  air  lasa  an  sgach  drd.  Badh  truadh 
an  fhorlan  na  n-aiiam  bocht  an  ûair  sin,  ag-à  bpiana  7  ag-a  losga,  7  hadb 
truadh  sianghair  éunla  an  aeigir  air  na  srothaibh  tintighe  sin  agus  ba 
trûadh  buithrcach  na  inmhiolta  buithrig  le  teas  na  tine  ag-a  n-greada,  7  hadb 


1.  Faut-il  Yirc  boniiddbiiibb'. 

2.  Lire  bealbdidheacb. 

3.  Lire  combrac} 


Une  rédaction  niocîenic  du  Teanga  bithnua.  305 


21.  Un  homme  de  la  race  des  Hébreux  dit  :  — ■  «  Raconte-nous  les 
histoires  du  Jour  du  Jugement',  et  comment  sera  détruit  ou  dispersé  le 
monde.  »  La  1.  t.  n.  dit  :  «  Il  ne  m'est  pas  agréable  de  vous  raconter  ces 
histoires,  car  lorsque  la  famille  du  ciel  et  les  neuf  ordres  des  anges  y  font 
attention,  un  tremblement  et  une  terreur  s'emparent  d'eux,  car  c'est  une 
cause  de  tremblement  et  de  crainte  que  cette  idée-là  ;  et  comment  viendra  le 
premier  des  quinze  Jours  du  Jugement,  c'est-à-dire  :  la  mer  montera  sur  la 
montagne  d'Arménie,  le  sommet  le  plus  haut  du  monde  et  s'élèvera  de 
quarante  coudées  au-dessus  et  on  ne  verra  que  de  l'eau  à  la  surface  de  la 
terre  ;  le  second  jour,  la  mer  baissera  de  façon  qu'il  n'y  ait  plus  d'eau  salée 
sur  terre;  le  troisième  jour,  elle  s'élèvera  de  nouveau  dans  le  même  endroit; 
le  quatrième  jour,  tout  animal  est  fracassé  sur  terre,  sur  mer  et  sur  toutes 
les  eaux;  le  cinquième  jour,  toute  la  mer  brûlera  entièrement;  le  sixième 
jour,  la  mer  laissera  du  sang  rouge  ',  comme  si  elle  était  coupée  par  des 
armes  ;  le  septième  jour  il  n'y  aura  dans  la  terre  pierre  et  rocher  qui  ne  se 
meuve  et  ne  soit  arraché  de  ses  fondements;  le  huitième  jour,  les  pierres  et 
les  rochers  se  fracasseront  les  uns  contre  les  autres  en  sorte  qu'on  fera 
cent  morceaux  de  chaque  pierre;  le  neuvième  jour,  la  terre  gémira  en  sorte 
qu'il  n'est  jamais  venu  et  ne  viendra  jamais  autant  de  tonnerre  ;  le  dixième 

jour,  la  terre et  baissera  en  sorte  qu'il  n'y  aura  sur  elle  ni  hauteur,  ni 

inégalités,  mais  une  surface  unie  ;  le  onzième  jour,  il  n'est  venu  sur  terre 
homme  ni  animal  dont  la  bouche  et  la  face  ne  soient  sur  le  sol  par  crainte 
du  Jour  du  Jugement;  le  douzième  jour,  le  soleil  et  la  lune  tomberont  de 
leurs  supports  et  de  leurs .  .  .  sur  la  terre  ;  le  treizième  jour  il  n'aura  été  mis 
âme  en  homme  ou  haleine  en  animal  qui  ne  soit  assis  à  la  place  où  il  est  mort 
et  si  ses  enfants  et  toute  sa  race  étaient  assis  en  sa  présence,  aucun  d'eux 
ne  regarderait  l'autre  par  suite  de  la  grandeur  du  mal  et  du  tort  qu'ils  ont 
fait  et  par  frayeur  du  Jour  du  Jugement  ;  le  quatorzième  jour,  aucun  homme 
ou  animal  n'aura  goûté  de  nourriture  qui  ne  sera  pas  vivant  ce  jour-là  et 
qui  ne  mourrait  pas  ce  même  jour  ;  le  quinzième  jour,  toute  la  terre  brûlera 
et  on  en  fera  de  la  poussière  et  de  la  cendre  ainsi  que  de  tout  ce  qui  était 
sur  elle  et  les  quatre  éléments  se  mettront  à  trembler  et  le  monde  entier  et 
la  lumière  des  sept  cieux  et  le  coin  sud  du  ciel  et  il  y  aura  une  lumière 
brillante  de  la  gloire  des  anges,  de  la  terre  jusqu'en  haut  et  il  y  aura  un 
rude  combat  des  quatre  éléments  les  uns  contre  les  autres  alors,  et  on 
entendra  du  bruit,  une  explosion  violente  et  du  tonnerre,  et  très  brillante 
apparition  de  grande  ville  avant  cela  et  le  charbon  n'est  pas  plus  noir  que 
chacune  des  planètes  ce  jour-là  et  la  grandeur  de  ce  danger  sera  telle  qu'il 


1.  Cf.  Saltaîr  lia  rann  (Anccdota  Oxoniensia,  med.  ser.  I,  3),  cliii-clix  ; 
et  surtout  la  description  galloise  du  Jour  du  Jugement  traduite  et  annotée 
par  Th.  Powell,  Y  Cymmrodor,  t.  IV  (1881),  p.  106-138,  qui  coïncide 
presque  entièrement  avec  notre  texte. 

2.  Apocalypse,  VIII,  8;  XVI,  3. 

Revue  Celtique,  XXFIII.  20 


3o6  G.  Dolliii. 

truadh  cago-dail  na  naomhùird  ainglighe  an  uair  sin  ;  ba  trûadh  gdir  na 
n-anaman  mbccht  ag-a  ccur  as  a  ccorpaibh  an  sin  ag  insin  an  dearrnadar 
do  shaoithghionih  7  do  droichghniomh,  7  badb  trûadh  gdir  na  bpeacach 
ag  eagchaoinc  re  Dia,  7  badh  gàir  gan  Ibirthint  dôibh  sin.  » 


22.  Dfiafruigheadar  e.  n,  n.  :  «  Cia  aimsir  do  16  nô  do  oidhche 
sgaoilfighear  an  domhan,  no  cà  huir  d-eirge  Criost  ô  mharbhuibh.  »  — 
Dfreagair  an  t.  b.  n.  agus  asé  adubhairt  :  «  A  soillse  an  laoi  do 
rin7ii  an  domhan  7  an  san  oidhche  do  iin7h  Criost,  ôir  do  bhadhar  siol 
Adam  uile  an-dorcadas  go  nuige  sin,  7  an-san  oidhche  d-éirig  Criost  6 
mharbhuibh,  do  chûadh  se  go  hifrion  7  go  hairge  '  an  diabhal  leis  gon 
a  mhûintear  nô  aicine,  7  is  comhasach  an  té  do  nidh  sin  :  7  dta  do 
ghlormairs  a  deilbhe  a-bfuil  an  ifrih  da  bpiana,  da  bfdgdaois  amharc  air,  na 
tabhraidis  dd  n-aighedh  nà  dd  n-aire  aon  phian  da  bhfuil  ortha  ;  7  dta  do 
sôlabharthâoi  a-theangthaibh,  dd  mbéidis  siol  Adam  uile  a-bhfuil  d-éunaibh 
an  aéighir  7  do  bhlaithmhiolta  air  marruibh  ag-a  agallamh  an-einfeacht,  go 
ttabharthach  sin  fréogra  ion-a  tteangoin  féin  an-einfeacht  fa  leith  air 
gach  aon  diobh  ;  7  dta  do  ruithneamh  iona  deilbh,  go  faillseochadh  ifrioh 
fa  chosamhalacht  an  righteach  neamhdha;  ôir  is  dofliaisneaseach  é  féin 
.i.  losa  Criost,  agus  is  dotdisnaiseach  fôs  a-flaitheas  neamhdha  air  iomad 
aingiol  7  dircaingiol  7  air  lasardhacht  an  t-sluadh  taithneamhach  agus 
a-bfuil  na  ttiompchioll  air  ncamh  7  air  chaoine  agus  air  ceaiîsacht 
mhuinteire  nimhe,  ôir  ni  clos  guth  a  feirge  na  eagnach  ag  doineach  ré  na 
chéile  riamh  an,  agus  is  monghéanar  théid  suas  a-ccoimhdheas  na  nbeanos, 
dit  nd  fuil  nô  na  roithear  aléas  soillse  éasga  na  gréine,  acht  glôrmhaireacht 
Dé  agus  soillsiugh(((//;  gâcha  nidh  dhôibh,  ô  bhéag  go  môr,  ôir  is  é  féin 
solus  na  soillse  sioruidhe  7  an  t-aoibhneas  gan  uireasba  7  batha  gan  chrioch, 
gan  foircheah,  7  sldinte  shuathain  do  no  haiîamnuibh,  agus  ni  féidir  miod 
a-mhaithiosa  na  fôs  maith  na  hardchatharach  do  chuir  a-ccrioch  oir  go 
bfuil  se  as  cioh  tuigsiona  ddona  air  domhan  7  soitchion  lé  toil   Dé  an.   » 

Gon  é  sin  teanga  bheathnûada  ahso  sios  curtha  an  eagar  agus  an  ôrdu- 
ghadh,  a-cclôdh  agus  a-sgribhin,  a  bfuaon  agus  a-bféighim,  amhuil  thdinig 
as  bhéiil  an  abstdil  .i.  Pilib,  ag  foillsiuglw(f/;  gach  morfirine  don  chine 
Éabhrach. 

Foirceah  le  na  sgriobhin  re  Seamus  me  Anaifrioh  an  triughrti//;  la  do 
Maoideanach  dfoimlw/V  aois  an  Tirna  an  tan  sin  18 17, 

agus  air  na  sgriobh  ahso  sios  le  Tomas  Huallachain  (Houlchan)  an 
dara  la  do  Mhi  na  Bealtine  aois  an  tirna  1901. 

I.  Cf.  /('  ar  liairgedh,  12. 


Une  rédacHoii  moderne  du  Teanga  bithnua.  307 

n'y  aura  ange  au  ciel  dont  l'image  ne  devienne  noire  par  suite  de  la  brûlure 
et  des  feux,  et  la  montagne  brûle  dans  chaque  clarté  ;  pitoyable  sera  alors 
la  violence  faite  à  ce  moment  aux  pauvres  âmes  tourmentées  et  brûlées  ; 
et  pitoyable  sera  le  gazouillement  des  oiseaux  de  l'air  sur  ces  fleuves  de 
feu  ;  et  pitoyable  sera  le  mugissement  des  bêtes  mugissantes  sous  la  chaleur 
du  feu,  en  proie  à  la  torture  ;  et  pitoyable  sera  le  combat  de  l'assemblée  des 
neuf  ordres  des  anges  alors;  pitoyable  sera  le  cri  des  pauvres  âmes  tirées  de 
leurs  corps  alors,  racontant  ce  qu'elles  ont  fait  de  tristes  actions  et  de  mau- 
vaises actions,  et  pitoyable  sera  le  cri  des  pécheurs  se  plaignant  à  Dieu 
et  leur  cri  ne  les  secourra  pas.  » 

22.  Les  s.  d.  H.  demandèrent  :  «  A  quelle  heure  de  jour  ou  de  nuit 
sera  détruit  le  monde  ou  à  quelle  heure  le  Christ  est-il  ressuscité  des 
morts?  »  La  1.  t.  n.  répondit  et  voici  ce  qu'elle  dit  :  «  C'est  à  la  lumière 
du  jour  qu'a  été  fait  le  monde  et  dans  la  nuit  qu'a  été  fait  le  Christ, 
car  toute  la  race  d'Adam  fut  dans  l'obscurité  jusque-là,  et  c'est  dans 
la  nuit  que  le  Christ  ressuscita  des  morts,  qu'il  alla  en  enfer  et  qu'il 
dépouilla  le  diable,  avec  sa  famille  ou  race  ;  et  il  est  puissant  celui  qui  fit  cela, 
et  sa  forme  est  si  glorieuse  que  ce  qu'il  y  a  en  enfer  de  gens  en  proie  aux 
tourments,  s'ils  le  voyaient,  ne  prendraient  garde  et  ne  feraient  attention 
à  aucune  des  peines  qu'ils  souffrent  ;  et  il  est  si  éloquent  dans  les  langues 
que  si  la  race  d'Adam  tout  entière  et  ce  qu'il  y  a  d'oiseaux  de  l'air  et  de 
bêtes  dans  la  mer  lui  parlaient  ensemble,  il  donnerait  une  réponse  en  leur 
propre  langue  aussitôt  séparément  chacun  d'eux  ;  et  il  y  tant  d'éclat  dans 
son  apparence,  que  l'enfer  brillerait  à  la  ressemblance  du  royaume  céleste, 
car  il  est  indescriptible  lui-même,  c'est-à-dire  Jésus-Christ,  et  est  encore 
indescriptible  son  royaume  céleste  à  cause  du  nombre  d'anges  et  d'ar- 
changes et  de  l'éclat  de  l'armée  brillante  et  ce  qu'il  y  a  autour  sur  le  ciel, 
et  à  cause  de  la  douceur  et  de  l'aménité  de  la  famille  du  ciel  ;  car  on  n'a 
jamais  entendu  voix  de  colère,  ni  reproche  de  l'un  à  l'autre  en  cette 
assemblée,  et  bienheureux  qui  monte  en  la  compagnie  des  bénédictions, 
à  l'endroit  où  il  n'y  a  et  où  n'atteint  pas  un  rayon  de  lumière  de  lune 
et  de  soleil,  sauf  la  gloire  de  Dieu  et  l'éclat  de  toute  chose  du  petit  au 
grand,  car  c'est  lui-même  l'éclat  de  la  lumière  éternelle  et  le  plaisir 
sans  besoin,  et  la  vie  sans  limite,  sans  fin,  et  la  santé  éternelle  aux  âmes  et 
il  n'est  pas  possible  de  terminer  [le  récit  de]  sa  bonté  ni  du  bon  repos  de 
la  grande  cité  car  c'est  au-dessus  de  l'intelligence  humaine  dans'  le  monde 
et  la  paix  par  la  volonté  de  Dieu.  » 

Et  voilà  la  Langue  toujours  nouvelle  ici  mise  en  ordre  et  arrangée,  im- 
primée et  manuscrite et  exécutée  comme  elle  est  sortie  delà  bouche  de 

l'apôtre,  c'est-à-dire  Philippe,  éclairant  toute  grande  vérité  à  la  race 
hébraïque. 

Fini  d'écrire  par  Seamus  Mac  Anaifrionn,  le  trentième  jour  de  septembre 
de  l'âge  du  Seigneur,  en  ce  temps  1817;  et  transcrit  ici  par  Tomas 
Huallachain  (Houlchan)  le  deuxième  jour  du  mois  de  Bealtinne,  âge  du 
Seigneur  1901. 


THE  FIFTEEN  TOKENS  OF  DOOMSDAY 


The  fifteen  signs  or  tokens  which  are  to  précède  the  Day 
of  Judgment  formed  a  subject  of  extrême  interest  in  the 
Middle  Ages,  and  were  consigned  to  prose  and  verse  in  ahnost 
every  language.  So  says  the  late  Thomas  Wright  in  a  note  to 
his  édition  of  The  Cbester  Plays,  II,  218,  London  1847.  He 
adds  that  they  are  generally  stated  to  hâve  been  talcen  from 
the  writings  of  St.  Jérôme,  although  some  say  that  they  are 
first  found  in  the  Prognosiicon  Futuri  Seciili  of  JuHanus 
Pomerius,  «  a  theologian  who  died  in  the  year  690  »  %  and 
whose  work  on  the  Contemplative  Life  is  printed  in  Migne's 
PairologiaLalina,  lix.  415. 

The  following  text  (hitherto  unpublished)  is  taken  from 
the  so-called  Leabhar  ûi  Maolconaire  «  Book  of  O'Mulconry  », 
a  sixteenth  century  vellum  ms.  in  the  British  Muséum,  now 
marked  Addl.  30,  512.  Its  chief  contents  are  religions  poems, 
some  few  of  which  hâve  been  published  by  Dr.  Kuno  Meyer 
in  the  Archiv  fiir  Celtische  Lexicographie,  III,  215,  232,  233. 
But  italso  contains  some  prose  pièces  of  which  the  following 
are  the  most  important  : 

po  2^  I.  The  Wandering  of  Coliaii  cilles  clerics,  a  story  based  on  the  same 
event  as  the  Voyage  of  Snedgits  and  Mac  Riagla  (Rev.  Celt.,  IX,  14),  and 
The  Adventure  of  St  Columha's  Clerics,  ibid.,  XXVI,  132.  It  seemsto  be  the 
same  as  the  Meanighadh  clércach  Cohiim  chilk,  of  which  there  is  an  eighteenth 
century  copy  in  the  Trinity  Collège  Dublin,  ms.  1285,  î°  107. 
Fo  b»-9b.  Miracles  of  Finian  son  of  Fintan.  See  the  5ame  ms.  fo  ni. 

10».  Legend  of  St.  Patrick  and  King  Loegaire. 

lob.  Story   of  the  Abbot    of  Drimna,  printed  in  Anecdota  from   Irish 
mail  user  ipt  s,  I,  p.  76. 

I2b-i4b.  Pedigrees  of  the  Fitzgeralds. 

193-20».  Prophecies  of  St.  Fursa. 

27a-28a.  Legend  of  Emi'n  Bdn,  edited  in  Anecdota,  etc.,  I,  p.  40. 

I.  Sic  Wright.  But  in   the  Dictioiiary  of  Christian   Biography,  London, 
1882,  he  is  said  to  hâve  lived  about  A.  D.  500. 


The  Fiflecii   Tokeiis  of  Dooiiisihiy.  309 

31b  2.  Sixteen  sayings,  each  beginning  with  Dligidli. 

33a.  The  four  woodsof  the  Cross  (cedar,  cypress,  palm,  olive)  and  their 
mystical  meaning.  There  is  a  modem  copy  in  the  Trinity  Collège  Dublin, 
ms.  1285,  f.  140. 

3  3a  r.  Sixteen  sayings,  each  beginning  with  Fcrr. 

38b.  Synchronistic  notices  about  the  deaths  of  SS.  Patrick,  Brigit,  Eilbe, 
Comgall,  etc. 

41a  2.  Story  of  an  old  woman  who  went  to  communion  after  eating. 

42l>  2.  The  seven  to  whom  alms  should  be  given. 

482-52*.  Lists  of  homonvmous  Irish  saints. 

52a  4.  The  twelve  golden  fasts  in  the  year. 

')6^-6'j^.  Pedigrees  ofirish  Saints. 

75a  i-8ob.  Indcipitt  uitta  Maria[e]  Egipciane,  Irish  Life  of  St.  Maria 
Aegyptiaca. 

80^  2-871.  Story  of  the  Création,  Temptation,  etc.,  with  the  Harrowing 
of  Hell  and  conversations  of  Satan  with  other  devils  and  with  Christ. 

88».  Legend  of  Jacobus  or  Intercisus,  a  Persian  martyr. 

90^.  Life  of  S.  Cvricus  and  his  mother  lulitta. 

95a.  The  Fifteen  Tokens  of  Doomsday,  printed  infra. 

98''  I-I02b.  Tractate  beginning  :  Fove[a]t  in  principio  virgo  Maria  meo. 
Other  copies  are  in  the  Rennes  ms.  (Rev.  Celt.,  XV,  81),  and  in  the  Paris 
ms.  {Rev.  Celt.,  XI,  398). 

103a  I.  Homily  on  ihe  Blessed  Virgin,  beginning  :  Ut  dixit  Bernardus 
in  sermone  de  beata  Maria  uirgine,  quicquid  ofherre  {sic)  paras  Marie 
comendare  mémento  .1.  adeir  Bernard  naom  gib  é  ni  maith  dob  ail  let  do 
ullmï/<fîi(/  tabuir  a  lamhaibh  Maire  do  uWmiigud  hé. 

For  the  sermon  referred' to  see  Migne,  Patr.  Lat.,  t.  184,  col.  1013- 
-1022.  The  Irish  homily  is  also  in  the  Rennes  Ms.  f.  25a  i. 

F.  105a  I.  A  copy  of  the  taie  Bniideii  da  Choga,  edited,  Irom  two  mss. 
in  the  library  of  Trinity  Collège,  Dublin,  in  Rev.  Celt.,  XXI.  The  conclu- 
sion differs  from  that  in  the  Dublin  mss.,  and  the  taie  ends  with  six  qua- 
trains ascribed  to  Fergus  and  beginning  :  Uchan,  mo  chroidhe  is  cosair 
cro  ! 

F.  115b.  Life  of  St.  Alexius,  ô  avOpw:io;  toù'  0£O'j.  Begins  :  Ri  romhanach 
dobî  gan  chloind  aigi  «  a  Roman  king  who  was  childless  ». 

F,  117b.  Life  of  St.  Laurence  {Lahras).  Begins  :  Bui  Sexus  papa  sa  Roim 
na  biccaire  a  n-inudh  Dia  a  talmain  «  Pope  Sextus  was  in  Rome  as  vicar 
in  place  of  God  on  earth  ». 

So  far  as  I  am  aware,  thèse  is  no  other  old  copy  of  the 
Irish  Fifteen  Tokens  of  Doomsday.  But  there  is  a  tract  dealing 
with  this  subject  at  f°  26  of  a  ms.  in  the  library  of  Trinity 
Collège,  Dublin,  marked  1291  and  transcribed  by  Hugh 
O'Daly  in  1755.  See  Dr.  Abbott's  Catalogue,  p.  307. 

W.  S. 


ïll.'itlcy  Slokcs 


AIRDENA  INNA  COIC  LA  NDÉC  RIA  MBRATH 
(Addl.  30,  512,  fo  95a  i). 

1.  H[i]eronimus  in  Annalibus  Ebreorum  clarat  de  signis  quindecim 
dierum  Diem  ludicii  praecedentium  ',  et  cetera.  .1.  Innisidh  Cnine  findh 
ama/  fuair  a  lebraibh  airisi  ^  na  nEhraicIe  airdena  3  ana  côic  la  ndc'f  ria 
mB;ath,  7  is  iat  airdena  î  an  côicedh  la  àcc  ria  mBrath  .1.  na  huili  muir  7 
uisci  do  thogbail  do  dreich  an  talmrt;/  suas  co  nellrt/7'  n/mi  .u.  cubuit  àéc 
osna  sleibtibh  siias,  xrmiis  co  mbia  ann  sin  iar/;/ach  na  rôn  7  nualft/^ach  na 
mbl^^/mil,  beict'(/hach  7  seidfcdach  na  piast  mbéldcrg  muiriilhe  for  na 
t;ar/;/aib  t/'/ma  déis  an  uisci  da  hghail  isin  lô  sin. 

2.  IS  e  airdena  5  an  ceathratnad  la  dc'c  ria  mBrath  .1.  treathangair  adhbul 
7  tairm  tonn-mar  na  n-uili  msc'i  ac  tuitim  co  tinnesn^c/;  andara  la  ina 
n-inadti/^h  disli  féin  an's,  mnus  co  tiaghuit  a  fodomuin  +  an  talman,  co 
nach  fes  cait  a  tiaghuit. 

5.  IS  se  airdena  5  in  treas  la  àéc  ria  mBrath  .1.  na  huili  uisd  do  dhul  ina 
c^rtinadh  côir  féin  taranais  an's,  7  a  ter/;/adh  ''7  a  c/uadhug//£?  innus  co 
roichfedh'  sluaigh    imdha  orro. 

4.  IS  iat  airdena  an  dura  la  àéc  ria  mBrath  .1.  na  huili  ainmidhi  muiridhi 
do  eirgi  co  dàsar/z/ach  on  taUïw  suas  co  fraighthib  ^  na  f/rmamindti  7  co 
nellrt/ih  n//»i,  7  [fo  95"  2]  a  mbf//h  ac  s/rblaedhadh  9  7  ac  gairm  comharc 
co  tinnisncc/;  ar  omhun  lae  an  Bratha,  7  ni  fhid/r  nech  ar  doman  acht  an 
Firdhîa  môr  cum«f/;/ach  créd  canuid  siad  isin  lô  sin. 

5.  IS  siat  airdena  an  denmad'"  la  ài'c  ria  mbrath  .1.  enlaithi  7  ethaidi  an 
talnirt»  uili  do  heith.  ac  siuba/  7  ac  udmaille  dos/r  gan  anadh  gan  fliosad 
orra,  7  heith  gan  biadh  gan  digh  do  chaithemh  dôibh  ann. 

6.  IS  e  airdena"  an  dechnmd  là  ria  mBrath  .1.  srotha  môra  tonngarbha 
tiugha  teinntidhi'^  do  bc/th  a  f/rmamint  ô  turgabail  grnne  co  fuine[dh]. 

7.  IS  é  airdena"  a[n]  naomad  là  ria  mBrath  .1.  fog«r  môr  grana  garbh 
adh«fl//;m;/r  do  clos  a  cleithib  n/we,  7  soighnein  imdha  7  xo'xxxnech  dermair 
ac  tec/jt  astu,  7  nell  d<'rg  teinntidhi'^  do  eirgi  a  rann  deisc^rtach  ninn  7  a 
Ic/hadh  tar  clâr  an  talnw/;  uil/,  7  gress  fola  fo/dcrgi  co  lasair  tonngairb 
tinntidhi'3  do  fcrthain  asin  nell  sin,  7  co  li'nfad  se  an  domun  \x\\e  etir  muir  7 
tir,  7  lasn/c/ja  tein^d  ruithenta  tar  cethn  rannuibh   an  bc/ha,  7  talamchum- 

1.  Ms.  prot^sedencium  —  2.  Ms.  irisi  —  3.  Ms.  hic  et  passitn  airdina  — 
4.  Ms.  foghdomuin  —  5.  Ms.  airrgina  —  6.  Ms.  roitfedh  —  7.  Ms.  thec/;/dah 
—  8.  Ms.  froighthib  — 9.  Ms.  s/rblaoghrtJh  —  10.  Ms.  tâenmad  — 11.  Ms. 
airrgina  —  12.  Ms.  teinntighi  —  13.  Ms.  tinntighi. 


The  Fiffeei!   Tokeiis  oj  Doomsday.  311 


THE  TOKENS  OF  THE  FIFTEEN  DAYS  BEFORE  DOOM 

1.  Hieronyiuus  in  Auualihus  Hebraioruin,  etc.,  that  is,  Jérôme  the  prophet 
relates,  as  he  found  in  the  historical  books  of  the  Hebrews,  the  tokens  of 
the  fifteen  davs  before  Doom.  And  thèse  are  the  tokens  of  the  fifteenth 
dav  before  Doom,  to  wit,  ail  the  seas  and  waters  will  rise  '  from  the  face 
of  the  earth  up  to  the  clouds  of  heaven,  fifteen  cubitsabove  the  mountains, 
so  that  the  crv  of  the  seals,  and  the  roar  of  the  whales,  the  veliing  and 
blowing  of  the  red-mouthed  sea-monsters  will  be  on  the  dry  strands  after 
the  water  leaves  them  on  that  dav. 

2.  This  is  the  token  of  the  fourteenth  dav  before  Doom,  namely,  the 
vast  billow-roar,  and  the  noise  of  the  mightv  waves  of  ail  the  waters 
faliing  hurriedlv  again  on  the  following  dav  into  their  own  proper  places, 
so  that  they  go  into  the  depth  of  the  earth  ;  and  whither  thev  go  is 
unknown. 

3.  This  is  the  token  of  the  thirteenth  dav  before  Doom,  i.e.  ail  the 
waters  will  go  back  into  their  own  right  and  proper  place,  and  will  freeze 
and  harden,  so  that  many  armies  would  march  upon  them. 

4.  This  is  the  token  of  the  twelfth  day  before  Doom;  to  wit,  ail  the 
sea-animals  will  rise  up  madlv  from  the  earth  to  the  walls  of  the  firma- 
ment and  to  the  clouds  of  heaven,  and  will  be  continuallv  clamouring  and 
uttering  outcries  urgentlv  for  dread  of  the  Dav  of  Doom  ;  and  no  one  in 
the  world,  save  the  true,  great,  mightv  God,  knows  what  they  sav  on  that 
day. 

5.  Thèse  are  the  tokens  of  the  eleventh  day  before  Doom,  to  wit,  ail 
the  birds  and  fowls  of  the  earth  will  be  moving  and  flitting  continuallv, 
without  resting  or  delaving,  and  will  be  there  without  partaking  of  food  or 
drink. 

6.  This  is  the  token  of  the  tenth  day  before  Doom,  to  wit,  great  rivers, 
rough-waved,  solid,  fierv,  will  flow  out  of  the  firmament  from  sunrise  to 
sunset. 

7.  This  is  the  token  of  the  ninthdav  before  Doom,  to  wit,  a  great  sound, 
uglv,  rough,  terrifie,  will  be  hearJ  from  the  heights  of  heaven,  and  many 
lightnings  and  vast  thunder  will  corne  thereout,  and  a  red,  fiery  cloud  will 
rise  from  the  southern  part  of  the  sky  and  spread  over  ail  the  surface  of  the 
earth,  and  a  rush  of  crimson  blood,  with  a  rough-waved  fiery  flame,  will 
pour  out  of  that  cloud,  so  that  it  would  fill  the  whole  world,  both  séa  and 


I.  Lit.  to  rise. 


312  .  IVhUley  Siokcs. 

scuv^Hil  nuSx  {or  in  mbith  uili,  7   ciÀxbir  dcrmair  do  eirgi  an  gflc/j  aird  don 
talniiv///,  7  an  nuiir  cojià  hilmilib  do  dhul  dar  a  ni/(;uibh  amach  isin  lô  sin. 


8.  IS  e  airdhi'i  an  ochhimdh  là  ria  mBrâth'>  .1.  crith  imz^rcach  do  bc//h 
ar  na  duihV'  la  [f°  95^  i]  crothadh  na  f/rmaminnti,  7  drest^/nac/;  môr  ag 
an  tali7w  uile  aromhun  in  môrgluinn  bi'ss  cucu,  7  gach  huili  dhûil  do  heith 
'na  luig]ii  la  liomliun,  7  tonna  na  fairrgi  do  eirgi  comhard  frisna  haera/Wî 
roarda,  7  gactlia  mora  tréna  teinntidhi'^  ag  croxhad  an  aigéin  o  l'chtar  co 
huac/;/ar.  Ciclianach  7  torannfodach  na  muirinw  7  na  n-uisa'Jha  frisna 
s/othaibh  teint'dh  isna  haera/Mi  gan  ceol  gan  di«es  fo  cethx'i  hairdib  in 
domuin  isin  lo-sin.  Bctha  brontzch  bithimsnimacli  gan  tshi'dh  gan  tshU//«// 
Acu  l'ar  li'nird  lerg  7  ghlenn  an  tsaega//  ar  na  'çieciachaih  ann. 

9.  IS  t:  airrdi'7  in  [t]setV;/mad  la  [ria]  mbrath  .1.  na  huili  cloch,  idir  hec  7 
môr,  do  dluigidh  a  ceit/;ri  rannazè,  7  gach  rflnn  dib  do  heiûv  ag  imagall- 
flîw/'^  f;-ia  aroili,  7  ni  fidzV  nech  acht  Dia  féin  créd  chanuid,  7  coillti  an 
talmrt;/  do  thuitim  as  a  premn/Mi  iarna  mbrisfdh  uili  isin  lo  sin,  7  crith- 
nug?/(f  gaibht/;t'ch  na  cloch  iarna  ndelugHû?  doibh  re  ndelbn/Wi  disli  ann,  7 
srotha  sc^bha  siab!trtha  do  théine  sraibhi  do  t7(7-ghaba//  a  taebn/^  an  xûman 
coma  haonb/cô  an  bith  uile  ô  t«rgabrt//  co  hmiedh.  Céo  7  môrtarranwaf/; 
nimi  isin  lo  sin. 

10.  IS  e  airrdi'v  an  [tJi'Mt'd  la  ria  [f°  95b  2]  mbrath  .1.  na  huili  crann  7 
cloch  do  b('//h  ac  snighi  fola  ann,  7  //-/gi"?  gaoithi  gairbhi  gt'Ve  do  eirgi  ann 
nech  le  croiter  an  bith  uili  a  n-aoinfhec/;;.  Gui  7  scrécach  7  éimhe  7 
osnuniach  t/uagh  thoirrs(?c/;  ac  sîl  Adhaini  ag  athcuingi  an  talmfl«  d'oslugwd 
reompu,  fo;;ach  bc/ais  ag  feghain  na  n-olc  ndt'rmair  sin,  uair  do  bo  fherr 
fo  sher/;/  leo  bas  d'fagbJ//  ind  b^//h  bco  an  uair  sin. 

11.  IS  annsin  tîa'tfit  tri  .xx.  ar  .u.  ce'/ r[e]ann  o  oirrt/j^r  na  fmnaminnti 
anuas  for  talma»;  isin  lô  sin,  7  tuittfit  na  sleibhti  ann  mnus  co  mhet  aird  ar 
aird  fz'isna  glennti;//',  7  d/uidfitc;-  an  f/rmamint  7  nem  7  talfl»;  ann. 

12.  IS  é  airrdina-"  an  coicedb  là  roime  an  b/ath  .1.  toirraec/;a  mora  7 
fuaim  na  c^//;/i  ngaoth  teinntidhi-'  a  Cf/Z;ri  hairdibh  m'wi.  Na  duili  do  cra- 
padh  7  do  dhelugwrf  re  na  cumachtaih  ndetna.  7  a  n-aignc^  do  chlô  innus  co 
t»/tid  sruibne  doairme  do  reltanntr/"  a  f/rmamint  .1.  coic  reltanna  ar  tri/ 
.XX.  ar  tri  .c.  ar  „u.  mili  do  tuitim  sis  co  talrtw,  mar  tuit^-i-  mes  âhaidb  a  lô 
gaoithi.  An  t-esca  do  shodh"  a  fuil,  7  an  grian  do  dhorcug»^',  7  na 
sleibhti  7  na  huil?  chunidaighthi  do  ciir  a  luait/;readh.  lachta^/h  aigmeil  7 
gair  truagh  na   henlaithi  aga  ndodh-î    7  acca  losc»(/   isin  lô  sin,   7  sreaba 


14.  Ms.  airrghi —  15.  Ms.  brat  —  16.  Ms.  teinntighi  —  17.  Ms.  airrgi  — 
18.  Ms.  imaghalL/Zw  —  19.  Ms.  5gi  —  20.  Ms.  airrgina  —  21.  Ms.  teinn- 
tighi —  22.  Ms.  shogh  • —  23.  Ms.  ndogh. 


The  Fifteen   Tokens  of  Doomsday.  313 

land  ;  and  flames  of  flashing  fire  (will  be)  over  the  four  parts  of  the  globe, 
and  a  mighty  earthquake  on  the  whole  world,  and  a  vast  spark  will  rise 
at  every  airt  of  the  earth,  and  the  sea  with  its  many  thousands  will  go 
forth  over  its  ramparts  on  that  day. 

8.  This  is  the  token  of  the  eighth  day  he  fore  Doom,  to  wit,  an  excessive 
trenior  will  be  on  the  éléments,  with  the  shaking  of  the  firmament  and  a 
great  clanking  at  ail  the  earth  for  dread  of  the  great  deed  that  is  coming  to 
thcm.  And  every  créature  will  be  prostrate  with  fear,  and  the  waves  of  the 
sea  will  rise  as  high  as  the  lofty  ether,  and  strong  fiery  winds  willshake  the 
océan  from  bottom  to  top.  The  stridor  and  thundering  of  the  seas  and 
the  waters  against  the  rivers  of  fire  in  the  ether,  without  music  or  pleasure, 
throughout  the  world's  four  airts  on  that  day.  A  life  sad,  ever-distressful, 
peaceless,  healthless,  they  hâve,  after  the  slopes  and  glens  of  the  world 
hâve  been  filled  for  the  sinners  there. 

9.  This  is  the  token  of  the  seventh  day  before  Doom,  to  wit,  ail  the 
stones,  both  small  and  great,  will  split  into  four  parts,  and  each  of  thèse 
parts  will  be  conversing  with  another,  and  no  one  but  God  Himself  knows 
what  they  say.  And  the  woods  of  the  earth  will  fall  out  of  their  roots,  after 
ail  of  them  hâve  been  broken  on  that  day,  and  a  perilous  trembling  of  the 
stones  after  thev  hâve  been  separated  from  their  proper  forms.  And  bitter, 
spectral  streams  of  sulphurous  fire  will  rise  from  the  flanks  of  the  earth, 
so  that  the  whole  world  is  one  blaze  from  sunrise  to  sunset.  Mist  and 
mighty  thundering  of  heaven  are  on  that  day. 

10.  This  is  the  token  of  the  sixth  day  before  Doom,  to  wit,  ail  the  trees 
and  stones  will  be  shedding  blood  there,  and  fréquent,  rough,  keen  wind 
will  rise  there,  wherehy  the  whole  world  is  shaken  at  once.  Wailing  and 
screaming  and  crying  and  wretched  sorrowful  groaning  hâve  Adam's  race, 
entreating  the  earth  to  open  before  them,  so  that  they  may  not  be  seeing 
those  vast  evils,  for  they  deem  it  seven  times  better  to  die  than  to  be 
alive  at  that  season. 

11.  'Tis  then  three  hundred  and  sixty-five  stars  will  fall  from  the  east  of 
the  firmament  down  upon  earth  on  that  day.  And  the  mountains  will 
then  fall,  so  that  they  will  be  on  a  level  (?)  with  the  glens,  and  the  fir- 
mament and  heaven  and  earth  will  be  shut  there. 

12.  This  is  the  token  of  the  fifth  day  before  the  Doom,  to  wit,  great 
thunders  and  the  sound  of  the  four  fiery  winds  from  the  four  airts  of 
heaven.  The  éléments  will  shrink  up  and  separate  before  the  holy  Powers, 
and  their  nature  will  change  so  that  out  of  the  firmament  innumerable 
streams  of  stars,  to  wit,  five  thousand  three  hundred  and  sixty-five  stars, 
fall  down  to  earth  as  falls  ripe  fruit  on  a  windy  day.  The  moon  will  turn 
into  blood,  and  the  sun  will  grow  dark,  and  the  mountains  and  ail  the 
structures  will  turn  into   ashes.  The  terrible  screaming  and  wretched  cry 


514  Whitley  Slokes. 

sc^bha  sraiblicmlTla  na  tcinedh  t/oniaufaid  siu  \dir  nein  7  talaw  ann.  Cai 
tserh  truagh  7  golghaire  dur  dian,  7  toirrsi  trom,  7  aithffr  imaithfc;-  [fo 
96»  i]  dermairacc  si'l  Adhaimh  isin  lô  sin. 

13.  Bet  an  cim-Jh  daonna  uiL-  annsin  ace  slef/;/uin  co  dic/;/a  do  Di'a  7  ag 
a  atach  di'a  saon/d  ar  teinc  bratha. 

14.  IS  c  airrdi^+  an  cethrainadh  là  ria  nibràth  .1.  uili  anmanna  \w1a\igXezh3. 
in  talma;;  do  tliec/;/  as  a  n-inada/Wi  disle  7  a  mheith  ar  na  muighibh  ag 
blaodhi;<fh^)  7  ac  don[n]al(;rf  gan  biadh  gan  «'Yach  isin  lô  sin,  7  an 
cincdh  àdouna  do  ther/;^  asna  hinadrt//'h  a  mbe/,  7  câch.  di'bh  sech  a  cheile 
for  dasac/;/,  7  ni  t»cid  féin  ni  da  n-ab;aid,  7  grtc/;  aon  do  biais  heths.  do  éc 
a  n-aonuair  isin  lô  sin,  7  an  bith  uilc  do  Iv/Vh  fo  chasair  7  fo  théine  ann. 

l'^.Octis  doirrsi  an  righthighi  do  oslugud  ann.  Uch,  comthuargain 
teinnisnt-ch  7  môrgeinincc/;d('/mair  na  ser/;/  neimheac  Xi:cht  an  Duilimh  coiià. 
aingl/7'  astu  do  b/eithemhnM5  bratha  ! 

16.  IS  annsin  adbnat  aingil  n/we  frisan  Duilcw  :  Uch,  uch,  a  Tig<'/na, 
ar  siat,  tarra  co  luath  a  comhfochrfl//'  duin,  co«adi  loisge  teine  beo  bratha 
sinn  !  Uair  ge  neumech  an  teine  so  fuil  isin  tsaegî//  budh  téo  fo  shtcht 
teine  bratha  inass.  Oir  zeithn  teinnti  fil  ann  7  secht  tes  gach  teinedh  dibh 
naroili,  ama/  isbtrt  aroile  ecnaidXn  .1.  teine  talma«  7  teine  gealiJ/H  7 
tjine  bratha  7  teine  ifrind. 

[fo  96a  2]  Sec/;/  tes  tein^fh  talman  tais 
a[u]  teine  ghealain  gealb/ais, 
se(7;t  tes  teinedh  bratha  brais 
a[u]  teine  if;inn  amhnais. 

Saerfait/r  annsin  na  haingil  7  anmanna  na  naom  7  na  f/ren  mur  do 
het\ï  iasc  a  n-uisci,  conach  loiscinn  teine  bratha  iat. 

17.  IS  i  airrdi=^  an  très  la  roimhe  in  mbrath  .1.  na  huil/  adhluc?/d  do 
oslucz(d,  7  a  n-abaidhi  do  thec/;/  go  anorach,  7  an  bith  fo  bhron  isin  lo  sin, 
oir  ni  het  aitreabi;  do  biu  na  do  marbh  for  bith  ce  ann. 

18.  IS  e  airrdhi="  -àndara  la  ria   mbrath  .1.  na  huil/  beo  do  éc  ann. 

19.  IS  é  airrdina^*  an  lâe  ria  mbrath  .1.  ri  idhan  na  hinogba/a  .1. 
énnwc  ri[g]  nimi  7  talnw»  7  ithfrinn,  co  n-imut  diairme  aingil  7  arcaingil 
nime  .1.  nôi  ngraidh  n/wi,  ina  choimidir/;/  co  mullach  sleibhi  Sioin  do  mes 
a  ngnim.  id/r  maith  7  olc.  ar  cloinn  eisidhain  Adhaimh  isin  lo  sin. 

20.  IS  e  sanw//  muindti'ri  winn  a  coimider/;/  an  Duilim  isin  lô  sin  .1. 
r[e]anna  nimi  7  gainem  mara  7  fér  for  taKnw.  IS  é  met  cumachto.  7  nein  na 


24.  Ms.  airrgi  —  25.  Ms.  blasghadh  —  26.  Ms.  airrgi  —  27.  Ms.  airrghi 
—  28.  Ms.  airrgina 


The  Fifteeii   Tokciis  of  Dooiiisday.  315 

of  the  birds  at  being  burnt  and  scaldcd  on  that  day,  and  thc  bittcr  sulphu- 
rous  streams  of  that  heavy  storm's  fire  between  heaven  and  earth  !  A  bitttr, 
sad  wail,  and  a  hard,  véhément  lamentation  and  heavy  grief,  and  reproachful 
rebuke  hath  Adam'srace  on  that  day. 

13.  AU  mankind  will  then  be  kneeling  fervently  to  God,  and  entreating 
Him   o  save  them  from  the  fire  of  Doom. 

14.  This  is  the  token  of  the  fourth  day  before  Doom,  to  wit,  ail  the 
lawless  animais  of  the  earth  will  go  out  of  their  proper  places,  and  be  on 
the  plains,  crying  out  and  howling,  without  food,  without  clothing  on 
that  dav,  and  the  human  race  will  go  out  of  the  places  in  which  they  will 
be,  and  each  of  them  past  his  fellow  in  madness,  and  he  himself  under- 
stands  nothing  that  he  says.  And  every  one  that  has  tasted  life  will  die  at 
once  on  that  day,  and  ail  the  world  will  be  under  hail  and  fire. 

15.  And  the  doors  of  the  palace  will  upen  there.  Ah  the  hurried  crashing 
together,  and  the  vast  roar  of  the  seven  heavens,  at  the  coming  of  the 
Creator  with  His  angels  out  of  them  to  the  judgment  of  Doom  ! 

16.  Then  will  heaven's  angels  say  to  the  Creator  :  «  Oh,  oh,  our 
Lord  !  »  they  say,  «  corne  quickly  near  us,  so  that  the  living  fire  of 
Doom  may  not  burn  us  !  »  For  though  virulent  is  this  fire  that  is  in  the 
world,  hotter  seven  times  is  the  fire  of  Doom.  For  there  are  four  fires 
there,  and  seven  (tiines  greater  is)  the  heat  of  each  of  them  than  (that  of) 
another  :  as  said  a  certain  sage,  namely,  fire  of  earth,  fire  of  lightning, 
fire  of  Doom,  and  fire  of  Hell  : 

Seven  (times  greater  than)  the  heat  of  the  fire  of  the  soft  earth 
(is)  the  fire  of  bright-quick  lightning  : 

Seven  (times  greater  than)  the  heat  of  the  fire  of  ready  Doom 
(is)  the  fire  of  cruel  Hell. 

Then  the  angels  and  the  soûls  of  the  saints  and  the  righteous  will  be 
saved,  like  a  fish  in  water,  so  that  the  fire  of  Doom  does  not  burn  them. 

17.  This  is  the  token  of  the  third  dav  before  the  Doom,  to  wit,  every 
grave  will  open,  and  their  dead  will  come  forth  honourably,  and  the  world 
will  be  in  grief  on  that  dav,  for  then  there  will  not  be  dwellings  for  living 
or  for  dead  on  the  présent  world. 

18.  This  is  the  token  of  the  second  day  before  Doom,  to  wit,  al!  the 
living  will  die  thereon. 

19.  This  is  the  token  of  the  day  before  Doom,  to  wit,  the  pure  King  of 
Glory,  the  only  Son  of  the  King  of  heaven  and  earth  and  hell,  with  a 
countless  multitude  of  angels  and  archangels,  to  wit,  the  nine  ranks  of 
heaven,  in  His  company  (will  go),  on  that  day  to  the  sumniit  of  Mount 
Zion  to  judge  their  deeds,  both  good  and  evil,  for  Adam's  impure  children. 

20.  This  is  the  semblance  (in  number)  of  the  household  of  heaven  in 
the  company  of  the  Creator  on  that  day,  to  wit,  stars  of  heaven,  and  sand 


3i6  WhilJey  Slokes. 

n-aingel  .i.  co  sc/isfuidis  secht  n-aingil  dibli  an  bitli  uili  o  lnrgd.\)dil  grè'ine 
co  fuine[d]  fri  re  donlâe  amain. 

21.  Aduathmuire  7  mô  a  ngotha  ina  torann,  conadh  ann  sin  cuner  ùir- 
fuagra  on  Dûilemh^'  for  in  dnedh  [fo  96b  i]  ndaona  .1.  Mi'cél  arcaingd.  7 
dochluinfid  na  huili  duini  intan  sin  forfhiiagra  Mi'chil  on  DuWevih  aca 
togairm  'cum  na  môrdala  sin.  Co;iadh  annsin  ad;eisit  na  huili  marbli  a 
xalam  an  uair  sin  .1.  adresit  ar  tûs  na  h[a]psta//  7  na  faidhi  7  na  faismeJ- 
haigh,  na  mairtz/'igh  7  na  naoim  7  na  firena/V,  7  luc/;i  ôighi  7  aithrigi 
iarsin,  7  ndidhinî"  baist^rfha  fadheôidh?'. 

22.  Ni  ba  sou  7  ni  ba  sine  nech  inas  a  cheile  isin  lô  sin,  uair  is  a  n-dis 
trichât  hïiadan  adresit  an  cinedh  ddennà  uili  .1.  i  n-dis  ina  nd^rnad  Adam  7 
i  n-âis  ina  roibhi  Isu'^  intan  ro  baistf^  é. 

23.  Uch,  budh  salach  t;a  eiseirgi  na  p^ct/;acli  isin  lô  sin.  Beit  annsin 
môrsluagh  adhbul  sil  Adhaim  uili  ac  imdec/;/  co  himsnimach  tresna  mitrih 
tromanfa/d  teinntidi  ag^z/'r"  7  tresna  tonna/bh  dimôra  dofulaing  dcrglas- 
rach  bis  a  ceithribh  hairdibh  an  bf/ha  a  chomhdail  an  Airdr/gh  cfrtbrea- 
thaigh  cum.achtaig\\  co  sMab  Sioin. 


24.  Uch  tinoilfid  annsin  muinntéT  nn?/i  7  talnw»  7  ifrinn  isin  comdhail 
sin,  cowidh  ann  sin  eirgis  Ri  n[a]  hinogbflla  co«a  c^roich  de/idliH  re  ais  a 
fiadnawe  caich  uili  [fo  96''  2],  7  is  amlafJ  adre,  conA  corp  d^rg  uili  uime,  co 
slechtaibh  gon  7  aladh  a  ce'5/a  fair,  7  comad  îoWus  dona  hldhalaibî5  uili 
na  crechta  doimne  doleighis  7  napiana  môra  tugsad  féin  fair. 


25.  Suidhfe  Cri5/  iarsin  cona.  dha  apsta/az7'  àéc  uime.  Uch  heth  annsin  an 
crich  mor  oirrd^rc  ar  lacht  .1.  lùan  laithi  bratha,  la  dighbaVa  7  inneachflàf 
dona  pecachaib  an  la  sin  7  la  cddhusa  7  anôra  moire  dona  f//-énachj/7?  é.' 

26.  Beith  gair  truagh  tai[dh]bhsfc/;  ac  daoscurshiag  an  domuin  an  la  sin 
ac  a  c;/r  cengailti  cruadhchuibhrigthi  a  fodomuin  aduathmiir  [ijfrinn  a 
hmaibb  nemmuunterdha  a  namat  .1.  Diabzf/,  ac  a  s/rpian^d  7  ag  iadhaJh 
ithffrinn  trc  bithu  sfr  orro. 

27.  Beit  annsin  na  naoim  7  na  f/reoin  ac  sirmolad  a  nDuil/w  co  deithi- 
d^ch,  7  iatt  co  subhach  fail/i  iar  mbreith  buaidh  7  cosgairo  Dhiab2//. 

28.  Uch  coirighter  an  cinedh  ddenna  uili  a  cehhri  hoirec/jtaiMi  annsin  a 
fiadna/ic  Cr/5t  .1.  maithi  7  romaithi,  uilc  7  rouilcc. 


29.  Ms.  duiledh  —  30.  Ms.  naighin  —  31.  Ms.  fadheoigh  —  32.  Ms.  ih.  u 
33.  Ms.  ad»/-  —  34.  Ms.  dmgh  —  35.  Ms.  hïbhahih. 


1 


The  Fifteeii   Tokeiis  of  Doomsday.  317 

of  sea,  and  grass  on  earth.  Such  is  the  greatness  of  the  power  and  strength 
ot  the  angels,  that  in  the  space  of  only  a  single  day  seven  of  theni  wouid 
sweep  away  the  whole  world  from  sunrise  to  sunset. 

21.  More  awful  and  mightier  than  thunder  are  their  voices,  so  that  then, 
there  is  sent  a  proclamation,  from  the  Creator  to  the  human  race,  to  •wit, 
Michael  the  Archangel;  and  ail  human  beings  will  then  hear  Michael's 
proclamation  from  the  Creator,  summoning  thera  to  that  great  assembly. 
So  then  ail  the  dead  will  arise  out  of  the  earth,  to  wit,  first,  the  apostles 
will  arise,  and  the  prophets  and  the  confessors,  the  martyrs  and  the  saints 
and  the  righteous  ;  and  thereafter  the  virgins  and  pénitents  ;  and,  lastly, 
baptized  infants. 

22.  No  one  on  that  day  will  be  younger  or  older  than  another,  for  the 
whole  human  race  will  arise  at  the  âge  of  thirty  years,  that  is,  the  âge  at 
which  Adam  was  created,  and  the  âge  which  Jésus  had  attained  when  He 
was  baptized. 

23.  Oh,  foui  will  be  the  résurrection  of  the  sinners  on  that  day  ! 
A  great  and  vast  armv  of  Adani's  race  will  be  proceeding  distressfully 
through  the  seas  of  heavv,  fiery,  perilous  (?)  storm,  and  through  the  vast 
unendurable  waves  of  the  red  flame  which  is  in  the  four  airts  of  the  world, 
to  the  meeting  of  the  justly-judging,  mighty  Overking,  unto  Mount  Zion. 

24.  Oh  then  the  household  of  heaven  and  earth  and  hell  will 
gather  into  that  meeting,  and  then  the  King  of  Glory  will  arise  with  His 
final  Cross  on  his  shoulder  in  the  présence  of  them  ail  ;  and  thus  He  will 
arise,  with  ail  His  red  Body  around  Him,  with  the  traces  of  the  stabs  and 
wounds  of  His  Passion  upon  Him,  so  that  ail  the  deep,  incurable  gashes, 
and  the  great  tortures  which  they  themselves  inflicted  upon  Him,  may  be 
manifested  to  the  Jews  '. 

25.  Then  Christ  will  sit  down  with  his  twelve  Apostles  around  Him.  Oh 
then  will  be  the  great,  conspicuous  end,  to  wit,  the  Monday  of  Doomsday, 
the  day  of  destruction  and  vengeance  for  the  sinners,  and  the  day  of  re- 
spect and  great  honour  for  the  righteous. 

26.  That  day  there  will  be  a  sad  and  manifest  cry  from  the  rabble  of  the 
woud  at  being  cast,  bound  and  cruelly  fettered,  into  the  awful  death  of 
Hell,  into  the  unfriendly  hands  of  their  foe,  the  Devil,  tortured  continually, 
and  with  Hell  shut  upon  them  for  ever  and  ever. 

27.  Then  the  saints  and  the  righteous  will  be  diligently  and  always 
praising  their  Creator,  they  being  cheerful  and  glad  after  gaining  vie- 
tory  and  triumph  from  the  Devil. 

28.  Oh  the  whole  human  race  is  arranged  in  four  assemblies,  there  in 
présence  of  Christ,  to  wit,  the  good  and  the  very  good,  the  bad  and  the 
very  bad  ^ . 


1.  Cf.   the   Tidings    of  the  Résurrection,  Rev.  Celt.,  XXV,  240,  §  11   ad 
finem. 

2.  The  nidli  vuîde  of  Tidings  of  Dooinsday,  Rev.  Celt.,  IV,  250. 


3i8  irhilkx  Slokes 

29.  Uch  is  mairg  t;a  rxrch  bidh  feidhil  foraib  f/Vcnda  cunnail  ailgin 
ainmnidhach  d<Tcach  troisctt'ch  aintcc/;  umal  ait/>ngach  an  oirchill  na 
mbreath  so\am  s/;-cinnti  [fo  97  »  i]  b^rur  ann  siu. 

30.  Uch  cuirfitc/-  d'éinlf/Vh  an  uair  sin  na  fcn-imthigh  7  na  gobreatha^'^, 
na  cosnuniha/Vh  7  na  colatfh,  na  druithi  7  na  cainti  7  na  cros^naigh,  na 
heritegai  7  na  à\her^aigh,  na  m«/vligh  7  na  héturidaiJ*,  na  gôich'7,  na 
glora/^,  na  cainti,  na  banchainti,  na  dimsa/Vh,  na  cràQsaigh,  na  iergaigh,  na 
dunmar[bh]tha/V,  \ucht  fingaile  7  mebla,  7  lur/j/  g^c/;  uilc  ele. 

31.  IS  iat  sin  cuner  le  demnaib  do  s/raitreabh  ithf/inn  tre  bithu  sir,  7 
scrister  in  lue/;/  sin  asin  saog/(/,  ar  art/eigsit  fein  foc/;raic  n/mi  7  faicsin  a 
Naomathar  cumachtaig,  7  bé;7  m/'/c  bl/ia/iî/;  a  teine  bithbeo  bratha,  oir  is  é 
sin  fiid  7  reimis  laithi  an  bratha. 

32.  Uch  nî  suaimncc/;  sorciJh  an  se'/  sin,  oir  ni  fuigid  biadh  na  deoch  na 
cumsanad  ann,  acht  s//gorta  gnaith  7  îta  gana  t'hiinacbt  7  fiuu7;/  7  tes 
dofhuluing. 

33.  Uch  budh  truagh  t/a  an  gair  gcV  golgaire,  7  a[n]nual  cuma(5zV)môr,  7 
an  golfadach  dur  diân,  7  an  brôn  in^»man,  7  an  cesad  croidhi,  7  an  bas- 
gaire  buant/'uag  beo  b/'atha  donîd  [fo  97»  2]  na  pecaig  ac  a  trentarraing 
co  tinnesncc/j  iar  ndiultad  na  trocHne  docwm  peine  skaid'i  ithfrinn,  7  hetl 
ag  dib/</goid  moir  7  ag  aithfi?/'  imaithfi?/'  truagh  for  in  Coimdhe  gan  a  logjd 
doibh  annsa  saog(J  soua  saraigth'i  tucsat  fair. 

54.  Uch  tra  is  annsin  îa[d]f(!/t^r  tri  glaiss  ar  na  pfctflchaihh  in  la  sin  .1. 
iadhadh  orro  da  air  a  n-ilpianaib  ad/w//;tTi;/ra  i;/jfrinn,  7  iadhadh  a  sul 
frisin  saogîi/,  7  iadhad  ar  feithim  na  ûathj  neindhà  gan  a  fhaicsin  doibh  o 
sin  amach. 

3$.  Uch  suidhfid  co  himsninia[ch]  iarsin  a  ûâdnaise  ri[g]  na  clâiue  .1. 
an  Dïahbul,  a  nglenn  na  pian  nhùvnaidi,  mar  a  fuil  teine  dhorcha  dosoh« 
7  bt'/ha  b/on(ïc/;  bithimsniniach  salach  suidhema//'*  neinnech  newglan,  7 
mur  a  mbc/li  crith  for  dhc7  7  c/-apall  cruaidh  for  corp,  7  bron  for  merimain, 
7  teimil  for  gruadd/Wi,  7  faidhi  iruagha  toirrs'c/ja,  7  gola  gnatha,  7  basgaire 
buan,  7  dc'ra  troma  fol  Jtar  gruadii/Wi  aga  cesad,  7  nuala  aga  n-eist^c/j/  acu. 

36.  Uch  doghéna59  Diab»/  iarsin  cimidhi  cenntroma  cruadhcuibhriV//;i 
cengailti  dona  pectac/jaibh  planta  ag  a  mbuancesad  a  carcair  cliabhchum- 
huing  cenngairb  iarna/^W  adiiathmuir  itfrinn  tre  bithu  [fo  97^  i]  sir. 
Gnùisi  bana  buancésta  co  H-ecusc  dhuine  mairbh  acu,  7  p«/i  ad;/a//;m//r[a] 
ilchennacha  go  sruma/Z'h  remra  rod«rga+°  orro,  7  enpéist  môr  ann  7  .u.  cet 
cend  uirre  7  .u.  cet  fiaca/  in  gc;c/;  cend,  7  cet  coss  uirrA  7  cet  mèr  for  gach 
cois  7  ceï  inga  for  gach  nif'r  dhi. 


56.  Ms.hetî/rigai — •  37.MS.  goid  —  58.MS  suigemail  —  59.  Ms.  dodhena 
—  40.  Ms.  rodergha. 


The  Fifleeii   Tokciis  of  Doomsday.  3 1 9 

29.  Oh  sad  it  is  that  the  provision  of  the  ready,  ever-decisive  judgments 
whicli  are  tlien  delivered  will  net  be  upright,  pleasant,  righteous,  discrcet, 
gentle,  patient,  loving, abstinent,  fasting,  humble,  pe  nitent  ! 

30.  Oh,  on  one  side  then  will  be  cast  the  envious  and  the  false-judging, 
the  quarrelsome  and  the  incestuous,  the  harlots  and  the  satirists  and  the 
buffoons,  the  heretics  and  the  marauders,  the  robbers  and  the  jealous,  the 
liars,  the  noisv,  the  lampooners,  the  she-lampooners,  the  haughty,  the 
gluttonous,  the  angry,  the  homicidai,  the  parricides,  tha  deceivers,  and  ail 
other  evil  ones. 

31.  Those,  then,  are  cast  to  the  démons,  to  inhabit  Hell  for  ever  and 
ever.  And  that  folk  is  swept  out  of  the  world,  for  they  themselves  hâve 
forsaken  the  reward  of  heaven  and  the  sight  of  their  holy  and  mighty 
Father  ;  and  they  uill  be  a  thousand  years  in  the  eternal  fire  of  Doom,  for 
that  is  the  length  and  period  of  the  Day  of  Judgment. 

32.  Oh,  neithercalm  nor  easy  is  that  road,  for  there  they  getneither  food 
nor  drink  nor  resting,  but  constant  hunger,  and  thirst  without  relief,  and 
cold  and  unendurable  heat. 

33.  Oh,  sad  will  be  the  sharp  cry  of  lamentation  and  the  great  howl  of 
grief,  and  the  hard,  véhément  wailing,  and  the  sorrow  of  mind,  and  the 
siiffering  of  heart,  and  the  enduringly  wretched  hand-clapping  of  Doom, 
which  the  sinners,  after  rejecting  (God's)mercy,  make  at  being  dragged, 
strongly  and  urgently,  to  the  everlasting  torture  of  Hell.  And  they  will 
be  mightily  praving  for  pardon,  and  wretchedlv  reproaching  the  Lord  for 
not  forgiving  them  in  this  life  for  the  outrages  thev  committed  upon  Him. 

34.  Oh,  'tis  then  on  that  day  the  three  locks  will  be  shut  on  the  sinners! 
10  wit,  the  shutting  on  them  by  casting  them  into  the  manv  awful 
torments  of  hell,  and  the  shutting  of  their  eycs  against  the  world,  and  the 
shutting  from  beholding  the  heavenly  Kingdom  without  their  seeing  it 
thenceforward  '. 

35.  Oh,  then  they  will  sit  in  the  présence  of  the  King  of  Evil,  to  wit, 
the  Devil,  in  the  glen  of  infernal  torments,  where  there  is  dark,  lightless 
fire,  and  a  life  sad,  ever-distressful,  foui,  sooty,  virulent,  impure;  and 
where  there  will  be  trembling  on  tooth,  and  hard  shackles  on  body,  and 
grief  on  inind,  and  darkness  on  cheeks,  and  misérable,  mournful  moans, 
and  constant  weepings,  and  lasting  handclapping,  and  heavy  tears  of  blood 
over  cheeks  at  their  suffering,  and  cries  at  hearing  thein. 

36.  Oh,  the  Devil  will  then  make  heavv-headed,  cruellv-fettered,  bound 
captives  of  the  tortured  sinners  at  their  lasting  passion  in  the  narrow- 
chested,  rough-headed,  iron,  awful  prison  of  hell  for  ever  and  ever.  White 
faces  of  constant  suffering  with  the  aspect  of  a  dead  man  they  hâve;  and 
horrible,  manv-headed  monsters  with  thick,  crimson  snouts  upon  them  ; 
and  one  great  monster  there,  with  five  hundred  heads  and  five  hundred 
fangs  in  every  head,  and  a  hundred  feet,  and  a  hundred  toes  on  every 
foot,  and  a  hundred  nails  on  every  toe  ^ 

1.  Compare  Tidiugs  o{  Doomsday,  Rev.  Celt.^lV,  252. 

2.  Ibid.,  252.  Cf.  also  the  hestia  in  the  Visio  Tnugdali.  So  the  Indian 
Kâlanemi,  a  daitya  or  démon,  has  a  hundred  arms  and  as  many  heads.  And 
even  some  Greek  giants  are  l/'-aToy/sips;. 


320  îVhitley  Sfohes. 

37.  Cid  trac/;/  an  cinc(/lî  ddenna  uili  nocha  n-inneosadais  imat  ilpianad 
itfrinn,  teinc  bithbco  do  heith  ar  lasrtd  do  sir  ann,  7  ni  shoilbîo-inn  c,  7  da 
ndoirti  an  fhairrgi  ina  chenn  ni  muchfi?d  hi. 

38.  IS  i  is  pian  tanîuti  ann  .1.  (ui\cht  dofhulaing,  amail  adm- in  proniJjadh 
so  De  q[u]o  dicitur  :  si  mitt[eret]z<r  mons  ignitHi;  in  glaciem  Uf/tcretur»' 
.1.  da  cunhaiih  sliabh  teim'^h  ar  lasad  ann  doghcnfld  oig/e*=  7  snechta  de. 

39.  An  très  pian  do  aitrcaclw/i  niin'i,  7  loisginn  7  'ûpesl'i  ithtVinn  do  heith 
ac  cnam  7  ac  cerrbad  na  n-anmann  do  sir. 

40.  An  cethramad  [pian],  brentzu  bûan  cxnimciihaid  ithfrinn. 

41.  An  côked  pian,  comtuarcaint  tinnisnec/;  na  ndemhan  ama/  urli;/(/i 
gobann  a  a'/-dcha  ac  szrtuairgaint  7  ag  dunmarbfft?  na  n-anman. 

42.  An  sesed  pian,  dorcadwi  bithbuan,  Amal  -^àhenhar  isin  caintic  so  : 
Terra  tenebrarum  ubi  umbra  mortis,  et  nuWiis  ordo,  sed  sempiternus 
horror43  inhfl/'/tat. 

43.  An  sechtmhad  pian  .1.  faisidin  na  pccad\\  nach  [f»  97  b  2]  dcrnadh 
nech  féin  d'faisidi  isin  tsar  gw/  so,  \nnus  comad  tholbzi  do  Xucht  ithfrinn  uili 
ntan  sin  l'at. 

44.  An  ochtiimdh  pian,  s//fheithemh  gnuisi  in  Diab/aV,  oir  co  deimin  gin 
go  heth  a  n-ithfrinn  pian,  budh  lôr  do  péin  sin,  ôir  c/itlire  teinedh  silid  co 
tinnisnach  a  rosg  daor  an  Diab»/7  wmal  silid  dochdir  derg  a  teallach. 

45.  An  naonihadh  pian,  glais  7  cuibr/Vhi  teinntidhi'*+  do  bt'/th  ar  lasfld,  ar 
gac/;  bail  7  ar  gadi  àighi+5  fo  leith  dona  pcctrtc/;aibh,  con  nach  cuimgid  dul 
asna  pianiu'Wi  a  mbid  tre  bithu  sir,  o  nar'cengladwr  féin  na  boill  sin 
isin  tsaog/J  a  penna/7  7  a  croich  na  haithr;V/;/  a  cin  a  n-uilc  7  a  p^cad. 

46.  IMthî/5  na  naom  7  na  firén  inimorro,  ïeriaid  an  Coimde  cumachtàch. 
failti  co  frithnumach  f/iu  isin  16  sin,  7  atbera/(/  ann  friu  :  Uenite  be?iidicti 
et  ceterHi. 

47.  IS  annsin  dob^rar  secht  ngloire  do  curp  na  firén  7  secht  ngloire  .1.  da 
n-anmanna/Wi.  IS  iat  so  secht  ngloire  na  corp  sin  :  Claritatem't''  .1.  soillsi**, 
oir  budh  soillsi  fo  secht  na  grian  cuirp  lue/;/  naheiseirgi  isin  losin.  Velocita- 
teni+7  .1.  luth,  oir  bud  luaithi  co  môr  cuirp  lue/;/  na  heisergi  na  gaoth.  For- 
titudinem  .i.sonairt[i].  Libertatem  .1.  saoire.  Voluntatem  .1.  toil,  oir  budh 
iuann  toil  dôibh  [fo  98^  i]  7  don  Choimdhi.  Sanitatem  .1.  slainti,  oir  ni 
bidh  saoth  na  gal«r  orro  t/'e  bithu  sir.  IM[m]ortalitatem  .1,  nemmarbtrtc/;[t] 
oir  ni  bhf/h  delugz/i  cuirp  7  anma  o  cheile  acu  dog/Vs. 


48.  IS  iat  so  secht  ngloire  in  anma  .1.   egna   7  caradradh  7  comaonta, 
timachtOi  7  anoir,  rethince   7  failti.  Uch  is  iat  sin  onoire  7  aisgidhf  àdbeir 


41.  Ms.  uertiretur  —  42.  Ms.  dodhenfld  oidre  —  43.  Ms.  sedh  simpi- 
terrn«5  orror  —  44.  Ms.  teinntigh —  45.  Ms.  aidhi  —  46.  Ms.  Claritatim 
.1.  soillsigh  —  47.  Ms.  Uelositatim. 


The  Ftfteen   Tokens  of  Doomsday.  3it 

37.  Howbeit,  the  whole  human  race  could  not  set  forth  the  multitude 
of  Hell's  many  tormenis,  Everliving  fire  will  be  continually  blazing  the- 
rein,  and  it  does  not  illumine  ;  and  if  the  sea  were  spilt  against  it  the  sea 
would  not  quench  it. 

38.  This  is  the  second  torment  therein,  to  wit,  unendurable  cold,  as  saith 
this  testimony  :  si  mitterelur  etc.  that  is,  if  a  mountain  of  fire  aflame  were 
cast  therein,  Hell  would  make  of  it  ice  and  snow. 

39.  The  third  torment,  that  of  poisonous  snakes,  and  vermin  and  many 
monsters  of  hell  to  be  gnawing  and  wounding  the  soûls  continually. 

40.  The  fourth  torment,  the  lasting,  unmeet  stench  of  Hell. 

41.  The  fifth  torment,  the  urgent  smiting  together  of  the  démons,  like 
the  sledging  of  smiths  in  a  forge,  at  the  continuai  smiting  and  massacring 
of  the  soûls. 

42.  The  sixth  torment,  everlasting  darkness,  as  is  said  in  this  canticle  : 
A  land  of  darkness  wherein  dwells  the  shadow  of  Death,  and  no  right 
order,  but  eternal  horror. 

43.  The  seventh  torment,  namelv,  the  confession  of  the  sins  which  one 
did  not  confess  in  this  life,  so  that  they  are  then  manifest  to  ail  the  folk  ot 
Hell. 

44.  The  eighth  torment,  the  continuai  contemplation  of  the  Devil's 
countenance.  For  though  there  were  no  torment  in  hell,  Ihat  would  be 
enough  of  torment,  for  sparks  of  fire  drop  urgently  from  the  base  eye  of 
the  Devil  as  a  red  firebrand  (?)  drops  from  a  hearth. 

45.  The  ninth  torment  :  locks  and  fierv  bonds  to  be  blazing  on  every 
member  and  on  every  separate  joint  of  the  sinners,  so  that  they  cannot 
escape  from  the  torments  in  which  they  abide  for  ever  :  for  in  life  they  did 
not  control  those  members  by  penance  and  by  the  cross  of  repentance  in 
liabilitv  for  their  evil  and  their  sin. 

46.  But  touching  the  saints  and  the  righteous,  the  mightv  Lord  will 
welcome  them  attentively  on  that  day,  and  will  then  sav  to  them  :  Corne 
ye  blessed  ones,  etc. 

47.  Then  seven  Glories  are  bestowed  on  the  bodies  of  the  righteous,  and 
seven  glories  on  their  soûls.  Thèse  are  the  seven  Glories  of  those  bodies, 
Claritatem,  that  is  brightness,  for  the  bodies  of  those  that  arise  on  that  day 
will  be  seven  times  brighter  than  the  sun  :  Velocitatem,  that  is,  speed,  for 
the  bodies  of  those  that  arise  will  be  swifter  than  wind  :  Fortiludinem,  that 
is  strength  :  Libertatem,  that  is  freedom  :  Voluntatem,  that  is,  will,  for  their 
will  and  the  Lord's  shall  be  the  same  :  Sanitatein,  that  is,  health,  for 
throughout  eternitv  they  will  suflFer  no  disease  or  sickness  :  Iiiimortalita- 
tem,  that  is,  immortality,  for  in  their  case  they  will  never  hâve  séparation 
of  body  and  soûl. 

48.  Thèse  are  the  seven  Glories  of  the  soûl,  to  wit,  wisdom  and  friendli- 
ness  and  union,  power  and  honour,gentleness  and  gladness.  Oh  those  are  the 


Reviu  Celtique,  XXVIII.  2; 


322  U'hillcx  Slokcs. 

an  Coimdlii  c»mnc/;/ach  da   {îrcnachaib  féin    .i    do  \ucht  na  cennsa  7  na 
hailgine  7  na  dt'rce  7  na  ttocitirc,  na  sognim  7  na  hoighi  ar  Dia. 

49.  IS  annsin  ira.  ata  in  Iv/ha  suthain  gan  bas,  7  in  fliailti  ilceolta  7  an 
oirfide  coinidita+*  gan  c;ich  gan  fo/zcenn,  7  an  tslainte  gan  ga.\ur,  7  an 
t-aibhnis  gan  imresain,  7  an  oigi  gan  airsidecht,  7  an  sidh  gan  [e|asaonta, 
7  an  Ûailhius  gan  cum^cug^^i.  7  an  tsaeire  gan  tsaot/;ur  7  in  ainmne  gan 
ocn/5  7  an  samh  gan  chollud.  Noimcgan  urc/;ra,  aonta  aingil,  ûedugud  gan 
crich,  do  chaithim  na  morchasc  idir  naoi  ngradhaibh  aingil  n/wà,  7  FK/Z/li 
ard  uasal,  cliaoni  choir  chunidflc/;/a,  mor  mala  minglan  mailli  friu,  a 
cathaireachini  ôrda  7  a  leptliachaib+9  glo'midi,  7  suidfitlw>"  gach  aon  duinc 
annsin  ar  miadh  7  ar  dligt'(//j  7  ar  a  sognim[r]adli,  ag  fc/him  an  Righ 
oireghdhai'  ôig,  urnaigthi>=  f/renda  i7/b/catha;>  uasail  airmin/zî""-  umail  a 
liadn/(5e  na  d'mchlA  moire  .1.  Righ  na  [fo  98*  2]  tri  muinntcr  a  coimcetal 
fri  hvrupin  7  fri  harufin  7  fria  naoi  ngrada/Wi  nini'i,  7  frisinti  do  bi  7  ta  7 
bias  ann  do  shi'r,  gan  aois,  gan  urc/;/a,  gan  anfainne^',  gan  aimnc/'t,  gan 
dubha,  gan  domenmain,  a  corpaih  seime  ed/-oc/;/a,  a  sosad  aingil  7  a 
mbrugh  parrt/;H/5. 


50.  Uch  is  dofhaisnesi  ln\  met  7  tairsingi  7  LVhe  na  cathrach  nemdha. 
Uair  an  t-én  is  luaithi  foluamain  7  eitill  ior  bith  ce  ni  tairsidh  dô  tôchel  an 
righthoighe  thoi  (?)  o  thosach  domuin  co  deredh. 

51.  Uch  is  môr  7  is  adhbul  met  7  suthainc  7  soillsi  na  cathrach  sin,  7 
a  saime  7  a  soillsi,  a  caoime  7  a  roghloine,  a  cohhsaidLxht  7  a  fostac/;/,  a 
loghm»/rc  7  a  baille  7  a  hailgine,  a  hairde  7  a  h(7droc/;/aighi,  a  hordan  7  a 
hairmidniu,  a  kinsidh  7  a  lanaontu. 

52.  Uch  is  moghenur  t;a  bes  co  ndeghbésaibh  7  co  ndeghgm'maibh'>+  do 
aitrebh  ivà  cathrach  sin  a  lo  bnitha,  uair  bc^h  a  n-aonta  na  cec/;tardha  .1.  a 
n-aonta  is  rôuaisli  na  gach  aonta  ,1.  aenta  na  right/inoidi  an  Athar  7  an 
Mi(/c  7  an  Sp/ruta  Naim. 

53.  Ailim  trocuire  môr-Dia,  co  roisi;;/  uile  an  nontaid  an  Righ  uasail 
ilcunwc/j/aigh  sin,  7  co  n-aitreabhamh  co  sir  maille  fris,  7  ri. 


48.  Ms.  coimgita —  49.  Ms.  lepachtha  —  50.  Ms.  suigfiter  —  51.  Ms. 
oiredhdha  —  52.  Ms.  irrnaighti —  53.  Ms.  anmainne  —  54.  Ms.  ndt'Jhbesiu'Wi 
7  co  ndcû^hgnimar'Mi. 


The  Fijteeii   Tokciis  of  Doomsday.  323 

honours  and  gifts  that  the  niighty  Lord  bestows  on  his  own  righteous 
ones,  to  wit,  on  the  mild  and  kindly  and  loving  and  merciful,  thc  bcnefi- 
cent,  and  the  virgins  for  sake  of  God. 

49.  Then  is  Life  eternal  without  death,  and  manv-melodied  jov,  and 
lordly  dehght  without  hmit  or  end,  and  heahh  without  sickness,  and 
pleasure  without  strife,  and  youth  without  aging,  and  peace  without 
disunion,  and  dominion  without  disturbance,  and  freedom  without  labour, 
and  patience  without  désire,  and  cahii  without  sleep.  Holiness  without 
defect,  uniiy  of  angels,  feasting  without  limit,  to  partake  of  the  great 
Pasch  among  nine  ranks  of  heaven's  angels,  and  together  with  them  a 
Prince  high,  noble,  fair,  just,  adorned  :  great,  lordly  (?),  gentle  and  pure  : 
on  golden  thrones  and  on  glassen  couches.  And  everv  one  will  be  seated 
there  according  to  honour  and  law,  and  according  to  his  good  works,  con- 
templating  the  King  perfect,  entreated,  righteous,  truly-judging,  nobJe, 
révérend,  humble  ;  in  présence  of  the  great  Godhead,  to  wit,  the  King  of 
the  Three  Households  %  chanting  together  with  Cherubim  and  Seraphim, 
and  with  nine  ranks  of  Heaven,  and  with  Him  who  was  and  is  and  will  be 
there  for  ever  ;  without  âge  or  decay,  without  feebleness  or  weakness, 
without  gloom  or  sadness,  in  bodies  subtile  and  shining,  in  the  station  of 
angels  and  in  the  burgh  of  Paradise. 

50.  Oh,  unspeakable  is  the  size  and  amplitude  and  breadth  of  the  Hea- 
venly  City  !  For  the  bird  whose  flight  and  flying  are  swiftest  on  this  earth 
could  not  finish  the  jouruey  of  that  ro\'al  abode  (though  it  flew)  from  the 
beginning  of  the  world  to  the  end  =. 

51.  Oh  great  and  vast  are  the  size  and  lastingness  and  radiance  of  that 
City,  and  its  ease  and  its  lustre,  its  grâce  and  its  great  purity,  its  firmness 
and  its  stability,  its  costliness,  its  beauty,  and  its  pleasantness,  its  height 
and  its  splendeur,  its  dignity  and  its  venerableness  :  its  plenteous  peace 
and  plenteous  unity. 

52.  Oh  then  well  for  him  who  shall  be  with  good  morals  and  good 
works  to  inhabit  that  City  on  the  the  day  of  Doom  !  For  he  will  be  in  the 
unity  of  each  of  the  three,  namelv,  in  the  unitv  that  is  greatly  nobler  than 
any  unity,  the  unity  of  the  royal  Trinity  of  the  Father  and  the  Son  and 
the  Holy  Ghost. 

53.1  entreat  the  mercy  of  great  God.  May  we  ail  reach  the  unitv  of  that 
noble  many-powered  King,  and  ma}-  we  dwell  together  with  Him  for 
ever! 


1.  i.  e.  those  of  heaven,  earth  and  hell. 

2.  Cf.  Rev.  Celt.,  IV,  246,  §  24. 


5^4  tVhitley  Siokes. 


GLOSSARIAL  INDEX 

abaidhi  17,  borrowcd  iVom  Lat.  obiti  «  the  dcad  ». 

adre  24,  pi.  adreisit  21,  luill  arisc,  root  reg,  Strachan  Sigmatic  Future,  4. 

agair  23,  fearful,  dcrived  from  thc  root  ag;  cf.  rogab  aghar  7  imegla  é  /ear 

a«^  /<>?■/■(;/•  sei\ed  hini,  Addl.  30,  512  (Mus.  Brit.),  fo  8i'\  aghal  fear,dread, 

P.O'C. 
aigmeil  12,  terrible,  dangerous  =  aicmeil  O'  Dav.  s.  v.  écccll  796. 
aines  8,  pleasure,  gladness. 
aird  ar  aird  11,  on  a  level  ?  lit.  height  for  height. 
airminnech    49,   révérend,  vénérable,  for  airmidnech,  airmitnccb,  deriv.  cf 

airmitiu. 
airsidecht  49,  veteranship,  proivess,  P.'O'C.  deriv.  of  airsid  vétéran. 
animchubaid  40,  inimeet. 

béccedacb  i,  yelling,  Cymr.  beichio  «  to  bawl  ». 
bith-imsni'mach  8,  ever  distressful,  imsni'niach  23. 
buan-cbésad  36,  lasting passion  or  suffering. 
buan-trûag  33,  enduri)igly  uretched. 
cechtarda  ^2,eachofttvo;  but  in§  52  it  mustmean«  each  of  the //;;-£;(?  Persons 

of  the  Trinitv  ». 
cenngarb  36,  roiighheaded . 
certbrethach  23,  rightly  judging. 
certinad  3,  right  place. 
cîchanach  8,  stridor  :  for   cichnach,  Tcnga  Bithnua,  Eriit,  II,  150  ;  cich 

naigistir  (gl.  striderat)  Sg.  1521^  2. 
ch'abchumang  36,  narroiv-chested. 
cnâm  39,  ad  of  gnawing. 
crâesach  30,  ghiltonons. 
crapad  12,  act  of  shrinking. 
crapall  35,  shacl^le,  felter. 

crosdnach  30,  buffooii  :  crossàn  (cf.  scurra),  Ir.  Gl. 
crûad-chuibrigthe  26,  36,  crnelly  fettered. 
deg-bés,  a  good  cnstoin,  deg-guim  52,  a  good  work. 
diàirme  19,  innitnierable. 
dochdir  44,  firebraud}  càer. 
dofaisnesi  50,  unspeakable. 

do-menma  49,  sad)iess  «  want  of  courage  »,  P.O'C. 
donnalad  14,  Jiowling,  yelping,  deriv.  of  donnai, 
do-solus  35,  lightless. 
dresternach  8,  creaking,  danking,  grating.  dreistearnach  fiacal  giiashing  oj 

teeth,  P.O'C. 
druith  30,  harlot,  druth  .1.  meindreach,  P.  O'C. 
éime  10,  crying,  from  eignie. 
étaire  30,  a  jealous  person,  deriv.  oï  ci,  jealoiisy,  dat.  eut  Ml.  56^  33. 


Tbe  Fiftceu   Tokeiis  of  Dooiusday.  325 

for-âib  29,  pkasant}  aoibh,  O'R.  v.  âiph  coiicinnilas,  Wb.  j'^  i. 

for-imthech  ^o,  envions,  iomthach  .1.  tnuthach  P.O'C. 

gelbras  16,  hrightand  quick. 

îachtach  i ,  crying,  screaming  root  EIG. 

il-chennach  36,  many-hcaded. 

il-cheolta  49,  many-viehdied . 

il-chumachtach  5  3 ,  many-powered. 

il-phi'anad  37,  many-torhiring. 

imaithfer  12,  reproach,rdmke.  iomaithbhear  P.O'C. 

mala  49,  lordly  ?  deriv.  of  mal  Idng} 

môr-chasc  ^q,  great  pasch. 

môr-géimnech  15,  vast  roariitg  :  géimneach  Icnving,  hellozving,  O'Don.  Gr. 

203. 
môr-glonn  8,  a  great  deed. 
môr-thorannach  9,  niighty  thundering. 
muirinn  8,  gen.  pi.  seas  ? 
nemmarbtacht  47,  iunnortality. 
ocrus  49,  greed.  ocras  hiinger,  P.O'C. 
oirchill  29,  provision. 

osnuniach  10,  for  osnadhach  sighing,  groaiiiiig. 
proniad  38,  prooj,  testimouy  (from  Lat.  probatio). 
réltanna  12,  stars,  for  rétlanna,  pi.  of  rétlu,  O.  Ir.  rétglu. 
rethince  48,  genthness. 
rîg-tn'nôit  52,  royal  Trinity. 
ro-gloine  51,  great  purity. 
ro-maith  28,  very  good. 
ro-olc  28,  very  bad. 
ro-ûaisle  52,  greatly  iiohler. 

scrécach  10,  screaming,  shrieking.  scréachach  P.O'C. 
scrisaim,  scrisim,  20,  31,  I  sweep  aiuay  erase. 

séidfedach  i,  Mo-wing,  pi.  dat.  sétfethchaib  (gl.  flatibus),  Ml.  i6b  10. 
siaburtha  9,  spectral,  dei)ionic,  deriv.  of  siabur. 
sîr-aitreb  31,  îoiig  Iiabitation. 
sîr-blâedad  4,  continuai  claniouriinr. 
si'r-chinnte  29,  ever  décisive. 
sir-feithem  44,  continuai  conteviplation. 
si'r-gorta  32,  constant  hnnger. 
si'r-molad  27,  continuai  praise. 
sfr-phianad  26,  continually  torturing, 
siraide  3  3 ,  everlasting. 

si'rthuargaint  41,  continuai  smiting,  from  tuarguin,  with  excrescent  t. 
so-gnim  48,  a  good  ivork. 
so-gnimrad  49,  good  works. 
sou  22,   younger,  cf.  sôsar  (oser).    The  initial  s  in   taken   from  sia,  sinser 

«  elder  ». 
sraibemail  12,  sulphiirous,  better  sroibemail  or  sruibemail,  deriv.  of  srtiib, 

now  riiibh,  Fr.  soufre. 


326  lVhil}ex  Stokes. 

sreb  12,  .ç/m/w,  sreabh,  O'Br.  and  P.O'C.. 

sruibne  12,   slreavis  ? 

srum  36,  for  srub  5«oh/,  srub  muiccc,  Corm.  Tr,  134,  cogii.  with  Lat.  sor- 

beo,  Gr.  ôoçifo,  cuséoj. 
suaimnech  32,  cj/»/,  f(?5v,  cogn.  with  suai)iihneas  «  tranquillitv  »,  O'Don. 

Gr.  94. 
tarra  16,  cowe  thou\  tarrsa,  tarr  P.O'C. 
tôchel  50,/o?//-«cjy,  toicheall  .t.  imiheacht,  P.O'C. 
tonngarb  6,  7,  roiigh-wai'ed,  tonmar,  2. 
torannfadach  8,  thunderin^. 
trén-tarraing  3  3,  rt  strong piilling. 

trethan-gair  2,  «  billmu-roar,  treathan  .1.  toiin.  P.O'C. 
trigi  ?  10,  perh.  for  trici  «  activity  ». 
uili  with  a  singular  noun  :  na  huih  muir  i,  na  hiiili  cloch  9,  na  liuili  crann 

ocus  cloch  10,  na  huili  beo  18,  na  huili  marbh  21. 
utmaille  3,  restlessiicss,  flittitig,  deriv.  oi'  iitiiuill. 

'Whitley  stokes. 

London,  May  i,  1907. 


LE  LAI  DU  LECHEOR  ET  GUMBELAUC 


LECHEOR 

Le  lai  du  Lecheor  a  été  analysé  à  plusieurs  reprises  '  ;  il  est 
assez  connu  pour  qu'il  soit  inutile,  à  propos  d'un  seul  mot, 
d'en  donner  ici  une  analyse  nouvelle.  En  revanche  certaines 
précisions  bibliographiques  me  paraissent  nécessaires. 

Le  Lecheor  a  été  publié  en  1879,  au  tome  VIII  de  la  Roma- 
tiiaÇpp.  64-66),  par  Gaston  Paris  d'après  le  grand  manuscrit 
collectif  BN  1104,  le  seul  qui  nous  ait  conservé,  parmi  beau- 
coup d'autres  «  lais  bretons  »,  le  texte  de  ce  petit  poème 
quelque  peu  effronté  ^.  L'absence  de  tout  autre  manuscrit 
français  n'est  compensée  que  dans  une  très  faible  mesure  par 
la  survivance  d'un  court  fragment  de  la  version  norvégienne 
qui  faisait  partie  des  Strengîeikar.  Ce  fragment,  qui  correspond 
aux  quinze  premiers  vers  du  texte  français,  se  trouve  à  la 
p.  68  de  l'édition  Keyser  et  Unger  (Christiania,  i85o).Comme 
la  comparaison  entre  les  deux  versions  n'a  pas  encore  été 
faite,  je  crois  bon  de  traduire  ici  ce  petit  morceau,  à  l'excep- 
tion de  deux  mots  dont  le  sens  a  échappé  aux  savants  éditeurs 
norvégiens  et  m'échappe  également  : 


1 .  En  particulier  dans  un  article  tout   récent   de  M.  Lucien   Poulet  sur 
Marie  de  France  et   les  lais  bretons  {Zeitscbr.  f.  roni.  Philol.,  XXIX,  1905, 

P-  53)- 

2.  Il  s'agit  ici  du  ms.  désigné  par  S  dans  l'éd.  Warnke  des  Lais  de  Marie 
de  France. 


528  H.   Pbilipot  el  J.    Loth. 

Leikara  lios  (Lai  du  Lecheor)  : 

Les  Bretons  de   Comouailles  '  nous  ont  racontt: ,   qu'au   pied  de  la 

montagne  de  Leun  -  les  gens  avaient  l'habitude  de  se  rassembler  en  grand 
nombre  tous  les  douze  mois  pour  glorifier  solennellement  le  nom  du  saint. 
On  y  voyait  affluer  les  riches  chevaliers  ainsi  que  les  plus  belles  dames  et 
pucelles  du  pays  ;  il  n'y  avait  pas  de  dame  de  quelque  beauté  qui  n'y  vînt 


1.  Sic  :  Koriihrlar.  Le  texte  français  dit  tout  simplement  li  Breton.  Ce 
cas  n'est  pas  isolé  :  dans  le  lai  d'Yonec,  là  où  Marie  de  France  écrivait 
(v.  Il)  :  «  En  Brctaigne  maneit  jadis  »,  la  version  norvégienne  porte  :  i 
Kornhreta  lainule.  En  revanche  l'expression  Kornhretaland  est  à  sa  place 
dans  le  Geitarhuif  {Chievrefoil)  où  elle  correspond  réellement  à  Cormiaille 
(v.  27).  Nous  le  retrouvons  dans  le  Guniiis  1  ioJ  (Keyser  et  Unger,  p.  61, 
1.  23)  ;  mais  ici,  comme  l'original  français  nous  manque,  il  est  impossible 
de  contrôler  la  fidélité  de  la  traduction.  Dans  le  cas  du  Lecheor  et  d'Yonec, 
avons-nous  aff"aire  à  un  enjolivement  du  traducteur  norvégien,  —  il  lui 
arrive  assez  souvent  d'ajouter  à  son  modèle  (voir  R.  Meissner,  Die  Strens;- 
leikar,  1902,  pp.  241-258)?  Ou  bien  le  manuscrit  sur  lequel  il  travaillait 
était-il  difTérent  de  ceux  que  nous  connaissons  ?  On  comprend  que  cette 
question  ne  puisse  pas  être  tranchée  avec  une  certitude  parfaite,  surtout  pour 
ce  qui  est  du  Lecheor,  dont  nous  n'avons  qu'un  ms.  français  et  dont  le  pre- 
mier vers,  comme  on  le  verra  tout  à  l'heure,  paraît  avoir  présenté  des  dif- 
ficultés sérieuses  à  notre  traducteur.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  me  parait  que 
Kornbretar  et  Kornhretahmd  ont  toujours  représenté  dans  son  esprit  les 
Cornouaillais  et  la  Cornouaille  insulaires,  et  que  par  suite  M.  F.  Lot 
(Koinaiiia,  XXVIII,  p.  27)  a  raison  sur  ce  point  contre  M.  E.  Brugger 
(Zeitschr.f.  fr.  Spr.  11.  Litt.,  XX,  p.  127). 

2.  Il  y  a  ici  deux  mots  incompréhensibles  que  j'ai  représentés  par  des 
points.  Le  texte  du  ms.  S  porte  simplement  :  «  Jadis  à  Saini-PanteJion  »  (sur 
ce  saint  et  sa  fête  et  sur  Paiiteliou  ou  Panthalcon  dans  les  romans  arthu- 
nens,  voir  :  E.  Brugger,  Zeitschr.  f.jr.  Spr.  u.  Litt.,  XX,  p.  115,  n.  45). 
Or  nous  avons  en  norvégien  :  hius  paris  iindir  Leitns  fialle.  D'après  les  édi- 
teurs on  peut  lire  paris  ou  varis  ;  l'expression  n'est  pas  plus  claire  dans 
l'une  ou  l'autre  alternative.  M.  Meissner  {Die  Strengleikar,  p.  207)  suppose 
que  le  mystérieux  paris  pourrait  correspondre  au  sigle  panis  représentant 
le  génitif  Pantaleoiiis  ;  mais  cette  forme  latine  est  bien  invraisemblable  dans 
notre  texte.  Si  le  ms.  dont  il  se  servait  était  identique  au  ms.  S  pour  ce 
premier  vers,  le  traducteur  a  pu  être  dérouté  par  un  nom  de  saint  qui  lui 
était  inconnu  ;  alors  il  aura  essayé  d'interpréter,  de  paraphraser,  et  il  aura  vu 
dans  les  deux  dernières  syllabes  de  Pantelion  ou  plutôt  de  Panleleiin  le  nom 
d'une  contrée  bretonne  qu'il  connaissait  par  ex.  par  le  lai  de  Giigeinar. 
Quant  à  cette  «  montagne  »  de  Léon  (undir  Leuns  fialle),  M.  Meissner 
affirme  qu'il  n'y  a  rien  de  semblable  dans  l'original  ;  mais  il  suffît  de  se 
reporter  au  v.  40  de  l'éd.  G.  Paris  : 

En  un  grant  mont  fu  l'asemblée 
Por  ce  que  miex  fust  escoutée. 

[Il  ne  me  paraît  pas  impossible  qu'il  faille  voir  dans  saint  Pantelion,  saint 
Endelion  qui  a  donné  son  nom  à  une  paroisse  du  Cornwall  (J.  Loth)]. 


Le  Lai  du  Lecheor  et  Gumbelauc.  329 

ce  jour-là  dans  tous  ses  atours.  Là  il  fut  beaucoup  parlé  entre  hommes  et 
femmes,  et  de  longs  discours  furent  tenus...  '. 

Ici  s'arrête  le  récit  norvégien,  brutalement  interrompu  par 
la  déchirure  d'un  feuillet  entier,  qui  enlève  à  la  fois  la  fin  du 
Lecheor  et  le  commencement  de  Lanval.  Bien  que  l'unique 
manuscrit  qui  nous  ait  conservé  cette  collection  de  lais  soit 
par  ailleurs  en  assez  mauvais  état  et  que  plus  haut  deux  autres 
feuillets  aient  disparu,  emportant  avec  eux  la  fin  de  Tidorel  et 
le  début  du  Chetovel,  j'inclinerais  à  croire,  pour  le  cas  du 
Lecheor,  à  une  mutilation  volontaire  motivée  par  des  scrupules 
de  pudeur  ;  j'y  suis  d'autant  plus  disposé  que  le  manuscrit 
français  porte  des  traces  de  grattage  précisément  aux  endroits 
scabreux  ^ 

Cela  dit,  venons-en  à  l'objet  essentiel  de  la  présente  notice. 
Le  fragment  Scandinave  porte  au-dessous  du  titre  une  pré- 
cieuse indication  qui  fait  totalement  défaut  dans  le  manuscrit 
français  :  «  Leikara  liod  en  i  brezkv  heitir  l'essi  strengleicr 
Gumbelauc  »  ;  c'est-à-dire  :  «  le  lai  du  Lecheor,  dont  la 
mélodie  («  strengleicr  »,  le  lai  chanté)  s'appelle  en  breton 
Gumbelauc.  » 

Cette  indication  n'est  pas  restée  entièrement  ignorée  des 
chercheurs.  Nous  la  trouvons  reproduite,  sans  aucun  com- 
mentaire   il  est   vrai,    dans   l'ouvrage  suédois  de   M.    Axel 


1 .  Cette  dernière  phrase  conservée  suffit  à  nous  apprendre  que  le  traduc- 
teur norvégien  ne  devait  pas  avoir  sous  les  yeux  les  quatre  vers  11-14  du 
texte  de  G.  Paris,  dont  deux  sont  remplacés  par  une  ligne  de  points. 
L'original  du  Leikara  lioJ  passait  directement  du  v.  10  au  v.  15.  Les  vers 
intermédiaires  paraissent  d'ailleurs  insignifiants  et  tout  de  remplissage.  Ce 
ne  serait  pas  la  seule  fois  que  le  ms.  S(B.  N.  1104)  présenterait  des  addi- 
tions :  il  y  en  a  même  d'assez  longues  dans  le  lai  du  Désiré,  comme  je  le 
montrerai  dans  l'édition  que  je  prépare  de  ce  petit  poème. 

2.  Ces  grattages,  fort  naïfs  d'ailleurs  car  ils  sont  tout  à  fait  insuffisants, 
et  soulignent  les  indécences  plus  qu'ils  ne  les  voilent,  n'ont  pas  été  signalés 
par  G.  Paris  dans  la  description  qu'il  donne  du  ms.  1104  {Roiiiairia,  VIII, 
p.  32).  Or  au  fo  45  ro  a,  le  mot  lecheor  est  gratté  dans  le  titre,  ainsi  que  les 
mots  lay  del  lecheor  dans  le  rappel  du  titre  au  bas  de  la  page.  Au  verso  du 
même  fo  43  on  a  essayé  d'effacer  les  deux  mots  qui  terminent  le  vers  92, 
ainsi  que  les  vv.  94-95,  plus  les  syllabes  3  et  4  du  v.  99,  et  enfin  de  nou- 
veau le  mot  lecheor  du  v.  120.  Comme  on  le  voit,  ces  palliatifs  sont  loin  de 
valoir  le  procédé  radical  que  nous  supposons  avoir  été  employé  par  un  lec- 
teur des  Stretiorleikar. 


3^,0  E.    Pbllipol   cl   J.    Lolh. 

Ahlstrôm  sur  les  lais  français  '  et  dans  l'étude  allemande  de 
M.  Meissner  sur  les  Strengicikar  (p.  208).  Enfin  il  est  certain 
qu'elle  était  connue  de  G.  Paris  puisqu'au  tome  II  de  la  Revue 
Celtique  (1873 -1875)  l'un  des  rédacteurs  de  la  dite  revue  uti- 
lisait (p.  141)  le  mot  gtifubelaiic  que  le  maître  romaniste  lui 
avait,  disait-il,  signalé  «  dans  un  vieux  fabliau  norvégien  ».  Il 
nous  est  même  facile  de  savoir  quelle  était  l'opinion  de 
G.  Paris  sur  le  sens  du  mot  et  comment  il  se  Tétait  formée. 
L'auteur  du  Lecheor  déclare  aux  vv.  1 19-122  que  le  lai  (musi- 
cal) dont  il  nous  donne  la  matière  ou  plutôt  les  circonstances 
occasionnelles,  était  en  fait  appelé  par  la  plupart  «  le  lai  du 
lecheor  »,  mais  qu'il  avait  aussi  un  autre  titre  : 

Ne  voil  pas  dire  le  droit  non 
C'en  nu  me  tort  a  mesprison. 

S'il  taut  entendre  par  là  que  l'auteur  ne  veut  pas  s'exposer 
aux  protestations  de  la  pudeur  offensée,  cette  crainte  est  vrai- 
ment comique  de  sa  part,  car  au  v.  99  il  nous  a  donné  sans 
vergogne,  en  trois  lettres,  le  titre  du  «  lai  novel  »  qui  allait 
résulter  des  graves  délibérations  des  seigneurs  et  dames  ras- 
semblés «  à  saint  Pantelion  ».  Il  était  tout  naturel  que 
G.  Paris,  se  reportant  à  ce  vers,  cherchât  dans  giimbelauc  le 
correspondant  celtique  d'un  mot  ultra-gaulois  dont  nos  pères 
usaient  plus  librement  que  nous.  Et  comme  la  racine  de  gum- 
hclauc  se  prêtait  en  somme  à  une  interprétation  de  ce  genre, 
les  celtisants  ratifièrent  l'hypothèse  de  G.  Paris,  et  dès  lors  le 
mot  en  question  a  passé  avec  le  sens  d'  «  utérus  »  dans  diffé- 
rents lexiques,  par  exemple  dans  VUrhelt.  Sprachschai:^  de 
Whitley  Stokes  et  dans  V Eiymologish  Ordbog  de  MM.  Falk  et 
Torp  (s.  V.  Vivu). 

M.  Loth,  à  qui  j'ai  soumis  ce  petit  problème,  va  démontrer 
que  l'interprétation  courante  n'est  pas  juste,  que  gumhelauc 
répond  à  lecheor  et  non  à...  l'autre  titre  du  lai,  et  que  d'ail- 
leurs ce  mot  est  incontestablement  gallois-. 


1.  Studier  i  dcu  fonifraiisha  Lais-Litteraturcu  (1892),  p.  150. 

2.  Notez  que  le  texte  norvégien  dit  :  /  hre:^hi  et  que  son  modèle  français 
devait  se  servir  du  terme  «  breton  ».  Mais  on  sait  qu'à  cette  époque  «  bre- 
ton »  peut  avoir  un  sens  très  général  et  n'est  pas  nécessairement  svnonvme 
d'  «  ramoricain  ». 


L('  Lai  du  Li'chcor  ci    Giinihciauc.  331 

Cette  démonstration  est  de  nature  à  intéresser  les  celtisants. 
Mais  est-elle  absolument  indifférente  aux  romanistes  ?  Oui, 
semble-t-il,  à  en  juger  par  l'attitude  dédaigneuse  qu'ils  ont 
adoptée  jusqu'à  ce  jour  vis-à-vis  de  gumbclauc.  En  effet,  ils 
l'ont  complètement  passé  sous  silence,  du  moins  à  ma  connais- 
sance. Ce  menu  document  n'intervient  ni  dans  le  grand 
article  de  M.  Brugger  (Z.  f.  fr.  Spr.  u.  Lit.,  t.  XX)  ni  dans 
la  série  d'études  de  M.  Ferdinand  Lot  sur  l'origine  des  lais 
{Romania,  XXIV,  XXV,  XXVIII),  ni  dans  les  articles  tout 
récents  de  M.  Lucien  Foulet  {Zeitschr.f.  roni.  PhiL,  XXIX). 
M.  Ahlstrôm,  qui  connaît  le  renseignement  donné  par  les 
Strengleikar,  puisqu'il  le  cite  textuellement,  n'en  tire  aucun 
parti  et  ne  le  soumet  à  aucune  discussion.  Quant  à  G.  Paris, 
satisfait  d'avoir  livré  GumheJauc  en  pâture  aux  celtisants,  il 
n'en  souffle  plus  mot  dans  son  édition  des  «  lais  inédits  » 
{Romania,  1879)  ni  ailleurs,  que  je  sache. 

Ce  dédain,  qui  dans  les  deux  derniers  cas  tout  au  moins, 
ne  saurait  s'expliquer  par  l'ignorance,  a  lieu  de  nous  sur- 
prendre vivement.  Dans  les  nombreuses  discussions  auxquelles 
on  s'est  livré  sur  l'origine  des  lais  et  en  général  du  cycle  bre- 
ton, on  a  souvent  cité  et  passé  au  crible  des  témoignages  moins 
intéressants  et  moins  probants.  Alors  que  les  arguments  invo- 
qués en  faveur  des  origines  celtiques  se  fondent  en  général  sur 
des  noms  propres  de  personnes  ou  de  lieux,  plus  suspects  que  les 
noms  communs  parce  qu'il  était  plus  facile  de  se  les  procurer 
pour  donner  à  un  récit  une  certaine  couleur  locale,  gumhelauc 
se  classe,  avec  le  laustic  de  Marie  de  France,  parmi  les  très 
rares  substantifs  authentiques  que  les  idiomes  celtiques  aient 
déposé  dans  notre  littérature  romanesque  et  courtoise  des 
xii'^-xiii'^  siècles. 

Si  donc  on  récusait  le  témoignage  fourni  par  le  Leikara  lioâ, 
il  valait  la  peine  de  dire  pourquoi.  Comme  personne  n'a  pris 
cette  peine,  je  suis  obligé,  tout  en  croyant  à  la  valeur  de  ce 
témoignage,  d'imaginer  moi-même  un  certain  nombre  d'ob- 
jections possibles. 

D'abord  le  fait  que  la  mention  de  GiimbeJauc  se  trouve  dans 
le  recueil  Scandinave  et  manque  dans  le  texte  français  n'a 
aucune   importance.    Les  Strengleiliar  ont    été   composés  au 


332  E.    PhU'ipol  et  J.    Lolh. 

milieu  du  xiii''  siècle  d'après  un  manuscrit  français  certaine- 
ment antérieur  au  ms.  S,  lequel  date  de  la  fin  du  même  siècle, 
comme  le  remarque  M.  Warnke  dans  son  édition  des  lais  de 
Marie  de  France  (p.  viii). 

Mais  des  objections  plus  graves  se  tirent  du  caractère  frivole, 
ironique  du  lai  français.  On  hésite  à  croire  qu'une  composi- 
tion de  ce  genre  ait  pu  avoir  un  rapport  quelconque  avec  une 
chanson  celtique  réellement  existante.  On  soupçonne  une 
supercherie.  Par  exemple,  en  adoptant  jusqu'au  bout  l'attitude 
sceptique  qui  est  celle  de  M.  Lucien  Foulet,  on  pourrait  sou- 
tenir que  le  facétieux  auteur  du  Lecheor  s'est  amusé  à  mysti- 
fier le  public  au  point  de  se  faire  traduire  son  titre  en  gallois. 
L'hypothèse  est  un  peu  compliquée,  mais  en  somme  elle  peut 
se  présenter  à  l'esprit.  Admettons  que  la  note  transmise  par 
les  Strenghihar  soit  vraiment  de  l'auteur  lui-même  :  en  ce  cas, 
ayant  combiné  ce  petit  faux  ingénieux,  il  me  semble  qu'il  eût 
pris  plus  de  précautions  pour  le  mettre  en  valeur  ;  suivant  les 
procédés  de  Marie  de  France,  il  eût  enchâssé  le  précieux  titre 
gallois  dans  le  corps  même  du  lai  au  lieu  de  le  reléguer  hors 
texte  dans  une  notule  fort  exposée  à  se  perdre,  —  accident 
qui  est  précisément  arrivé  au  ms.  S  ou  à  son  archétype.  Si  la 
note  en  question  provient  d'un  copiste  (probablement  insu- 
laire), l'hypothèse  de  la  mystification  est  encore  plus  compli- 
quée et  plus  invraisemblable.  Que  de  machiavélisme  chez  cet 
humble  annotateur,  et  quelle  envie  féroce  de  jouer  un  mau- 
vais tour  aux  romanistes  du  xix^  et  du  xx^  siècle  !  Je  trouve 
plus  simple  d'admettre  une  relation  réelle  entre  le  lai  français 
à-W Lecheor  et  un  lai  musical  galloise 

Mais  n'est-ce  pas  attribuer  à  ce  petit  poème  une  authenti- 
cité et  par  suite  une  anquitité  qu'il  ne  saurait  avoir?  Nous 
nous  retrouvons  toujours  en  présence  de  l'objection  fonda- 
mentale tirée  du  caractère  du  Lecheor.  Elle  vient  d'être  déve- 
loppée, non  sans  une    certaine  exagération,    par  M.    Foulet 


I.  Encore  un  argument  contre  la  théorie  de  la  mystification;  il  est  vrai 
qu'il  est  subordonné  à  la  démonstration  de  M.  Loth.  Au  lieu  de  traduire 
ou  de  faire  traduire  le  titre  assez  vague  de  Lecheor,  n'était-il  pas  tout  indi- 
qué de  chercher  un  correspondant  exotique  au  mot  plus  précis  et  plus  gau- 
lois que  G.  Paris  entrevoyait  instinctivement  derrière  giniibelauc} 


Le  Lai  du  Lccheor  et  Gumhelauc  33$ 

Qoc.  cit.,  p.  53)'.  Sans  doute  je  suis  prêt  à  reconnaître  que  ce 
Lecheor  s'exprime  sur  les  réalités  de  l'amour  avec  une  absence 
d'idéalisme  digne  des  fabliaux.  Tout  en  notant  avec  G.  Paris 
qu'il  y  règne  un  «  ton  élégant  »  et  que  «  le  poète  veut  exciter 
le  sourire  et  non  le  gros  rire  que  provoquent  les  fabliaux 
obscènes  »,  je  ne  vois  aucun  inconvénient  à  constater  que  par 
exemple  les  vv.  93-96  expriment  à  peu  près  dans  les  mêmes 
termes,  —  niutatis  iiiiilandis,  —  l'idée  contenue  dans  la  conclu- 
sion du  Pescheor  de  Pont  sur  Seine  (Montaiglon-Raynaud,  III, 
p.  75)  :  le  rapprochement  entre  ces  deux  passages  est  frappant. 
Mais  si  le  Lecheor  ne  doit  pas  être  contemporain  de  la  première 
floraison  des  «  lais  bretons  »,  il  est  bien  systématique 
d'affirmer  qu'il  est  le  dernier  de  la  série  et  mène  l'enterrement 
d'un  genre.  L'ironie,  l'éclat  de  rire  peuvent  se  produire  de 
bonne  heure  sans  que  le  genre  ait  perdu  de  sa  vitalité. 
Du  reste,  nous  ignorons  à  quelle  époque  précise  les  harpeurs 
bretons  ont  cessé  de  sillonner  l'Angleterre  et  la  France  en 
donnant  à  leurs  mélodies  des  titres  ou  des  explications  plus 
ou  moins  authentiques.  Et  surtout  rien  ne  nous  permet  d'af- 
firmer à  priori  que  ces  commentaires  aient  toujours  été 
chastes.  Nous  nous  formons,  d'après  les  lais  narratifs,  un 
certain  idéal  du  genre,  et  cet  idéal  est  sans  doute  trop  étroit, 
et  il  ne  s'applique  guère  aux  lais  qui  ne  sont  pas  narratifs. 
Nous  en  avons  conservé  un  très  petit  nombre,  et  en  général 
ils  se  distinguent  des  autres  par  l'absence  du  mystère  et  de  la 
féerie.  Tel  est  par  exemple  ce  Chaitivel,  que  je  n'hésiterai  pas 
à  comparer  au  Lecheor,  dussé-je  être  accusé  de  profanation. 
Le  Chaitivel  n'est  pas  à  proprement  parler  un  récit,  et 
M.  Ahlstrôm  a   raison  de  le  ranger  dans  une  catégorie  à  part 


I.  Par  exemple  à  quoi  bon  tant  insister  sur  l'ironie  contenue  dans  le 
nom  de  saint  Pantelion  ?  Si  vraiment  cette  leçon  est  juste  (nous  avons  vu 
que  le  premier  vers  est  très  obscur  dans  la  traduction  norvégienne),  le 
nom  en  question  n'a  rien  de  grotesque  au  moyen  âge.  M.  Poulet  n'ignore 
pas,  je  pense,  que  ce  pauvre  saint  n'est  devenu  ridicule  qu'au  moment  de 
l'introduction  de  la  comédie  italienne  en  France,  c'est-à-dire  au 
xvic  siècle.  —  Notons,  à  titre  de  curiosité,  que  dans  sa  grande  «  Histoire  de 
la  Bretagne  «  (t.  III,  pp.  227-228),  le  regretté  Arthur  de  la  Borderie  pro- 
posait de  lire  :  «  Jadis  à  Saint-Paul-de-Léoii  »  et  revendiquait  pour  la  petite 
Bretagne  l'honneur  d'avoir  donné  naissance  au  Lecheor.  C'était  peut-être 
pousser  un  peu  loin  le  patriotisme  provincial. 


334  £'•    Philipot   cl  J.    Lolh. 

(chap.  xi)  avec  le  Chievrefoil,  le  Lechcor  et  surtout  ce  Strandar 
liocî,  type  achevé  du  lai  dépourvu  d'action,  réduit  au  cadre, 
simple  annonce  dune  mélodie  absente.  Or  à  quelle  souffrance 
un  peu  bizarre  Marie  de  France  nous  invite-t-elle  à  nous 
associer  dans  ce  Chaitive!  ?  Quelle  est  la  question  qui  servait 
d'amorce  ou  de  matière  à  un  lai  que  l'on  appelait  tantôt 
«  les  quatre  deuils  »  et  tantôt  «  le  Chaitivel  »,  autrement 
dit  «  le  malheureux  »  ?  Un  chevalier  a  été  blessé  en  un  point 
délicat  de  sa  personne,  tandis  que  trois  autres  chevaliers,  sou- 
pirant pour  la  même  dame  que  lui,  ont  été  tués  au  tournoi. 
Qui  faut-il  plaindre  le  plus,  ou  ceux  qui  sont  morts  pour  tout 
de  bon  ou  celui  qui  par  sa  blessure  est  mort  aux  joies  de 
l'amour  ?  Le  sujet  une  fois  donné,—  et  il  est  intéressant  de  con- 
stater qu'un  pareil  sujet  pouvait  se  rattacher  au  répertoire  des 
harpeurs  bretons  et  qu'une  femme  n'a  pas  hésité  à  l'adopter, 
—  il  faut  louer  Marie  de  France  de  l'avoir  traité  avec  une 
discrétion  et  une  mélancolie  bien  féminines.  Mais  à  la  même 
époque,  un  poète,  un  homme,  rencontrant  le  même  sujet 
donné  comme  «  breton  »,  n'aurait-il  pas  pu,  tout  en  écrivant 
un  «  lai  »  ou  plutôt  une  introduction  à  un  '<  lai  »,  et  tout 
en  restant  courtois  de  style,  traiter  à  son  tour  le  Chaitivel  à 
la  manière  leste,  déduire  les  réflexions  que  ce  thème  un  peu 
étrange  lui  suggérait  sur  le  centre  de  l'amour,  fliire  preuve 
d'un  sens  comique  dont  manquait  la  tendre  Marie  de  France, 
bref  écrire  une  sorte  de  contre-partie  masculine  du  Lecheor  ? 
Nous  connaissons  encore  trop  mal  cette  littérature  des  lais 
pour  excommunier  tel  ou  tel  sujet  comme  sortant  des  limites 
du  genre. 

Mais  je  ne  veux  pas  prolonger  davantage  ces  considérations 
à  priori,  et  je  cède  la  plume  à  un  celtisant  éprouvé. 

E.  Philipot. 

II 

GUMBELAUC 

On  trouve   dans  YUrkeltischcr  Spracbschat::^  de  M.  Whitley 
Stokes,     p.   202,    sous    vanibâ,    vainbilà,    schoos,    le   breton 


Le  Lai  du  Lcchcor  cl  Guiubclaiic.  535 

gwaniDi,  terme  de  mépris  pour  dire  femme,  et  le  vieux  gallois 
gumbelauc  «  utérus  ».  Pour  gumbelaiic,  M.  Whitley  Stokes 
renvoie  à  la  Revue  Ce! t.,  II,  p.  141. 

La  note  concernant  gumbelauc  dans  la  Revue  Celtique  est  de 
M.  Gaidoz.  M.  Gaidoz  tait  remarquer,  à  propos  du  phrygien 
|iâ;x5aX:v,  que  Fick,  à  côté  du  gothique  iwwZ'fl,  v.  h.  a.  lueiiipel, 
aurait  pu  citer  le  vieux  gallois  gumbelauc  =  *  vambilâco-, 
utérus,  conservé  dans  un  un  vieux  fabliau,  et  que  lui  avait 
signalé  M.  Gaston  Paris.  Le  mot  gallois,  ajoute  M.  Gaidoz, 
serait  dérivé  d'un  thème  vambil[â]  identique  à  zct'////)^/;  quant 
au  thème  luamba  d'où  luempel  esc  dérivé,  on  doit  probable- 
ment le  reconnaître  dans  giuamm,  terme  de  mépris,  en  bre- 
ton, pour  femme  ;  on  aurait  ainsi  l'équation  giuainm  = 
vambâ. 

C'est  évidemment  la  terminaison  -auc  qui  a  déterminé 
M.  Gaidoz  à  donner  gumbelauc  comme  gallois.  Ce  n'est  pas 
cependant  une  preuve  décisive.  Le  cartulaire  de  Landevennec 
présente  Bot  Tahauc  14  et  Caer  Bullauc  45.  En  faveur  de 
l'origine  galloise,  il  n'y  a  donc  qu'une  forte  présomption. 
Contre  cette  origine,  on  peut  invoquer  l'absence  d'assimila- 
tion de  Z'  à  ;//  :  on  attendrait  giimnwlauc.  En  effet,  dès  le 
^  ix"  siècle,  cette  assimilation  apparaît  faite,  dans  l'écriture  ; 
dans  les  notes  marginales  à  l'évangéliaire  de  saint  Chad,  on 
remarque  cimer  =  *coui-ber-,  emenin,  beurre  =  embeniii  '. 
Mais  il  n'est  pas  impossible  que  dans  la  prononciation,  l'assi- 
milation ne  fût  pas  complète.  Le  fait  paraît  certain,  d'après 
l'allitération  entre  consonnes,  même  au  xii^  siècle  (J.  Loth, 
Métrique  galloise,  II,  2"  partie,  p.  3  et  suivantes).  D'ailleurs, 
pour  une  oreille  étrangère,  /;/;//  a  pu  résonner  comme  mb. 

Ce  qui,  joint  à  la  probabilité  provenant  de  la  terminaison, 
me  paraît  décisif  en  laveur  de  l'origine  galloise,  c'est  la  diffé- 
rence dans  le  vocalisme  entre  le  mot  gallois  et  les  formes 
bretonnes  provenant  de  la  même  racine  :  on  a,  en  breton,  non 
seulement  gwamm,  mais  giuammal,  femme  mariée,  dans  le 
breton  de  la  Roche-Derrien    (Ernault,   Gloss.   moyen-breton). 


I.   En  revanche,  Ciunhra-tand  montre  que  -mh-  subsistait  encore  au  vi^- 
viie  siècle. 


336  E.   Phillpot  cl  J.    Lolh. 

GnmbeJanc,  remonte  nettement,  non  pas  à  vambilàco-,  mais  à 
*  uombilâco-.  Il  y  a,  pour  les  mots  commençant  par  no-  vieux 
celtique,  flottement  entre  giuo-  et  gwa-,  qui  est  hystérogène, 
en  gallois  comme  en  breton  :  gallois  giuarchan  et  gorchancu  ; 
gallois  gwared,  breton-moyen  goret  ;  gallois  giuastad,  breton 
gûustad  ;  gallois  gwadd,  taupe,  breton  go'^  ;  gallois  givallt,  che- 
velure, comique  gols,  etc. 

La  forme  bretonne  aurait  évolué  de  iiomb-  en  iiamb-.  Les 
formes  brittoniques  supposent  voiiib-.  Le  germanique  vamb- 
remonte  à  l'indo-européen  zw;//'-  :  Falk-Torp  dans  leur  Dict. 
étym.  norvégien  (Etymologisk  Ordbog)  donnent  comme  formes 
indo-européennes  avec  raison  vembh-  vombh-. 

Je  dois  dire  que  je  ne  suis  pas  sans  inquiétude  sur  la  celti- 
cité  du  breton  gtuamm.  La  forme  vendéenne  ^o/;;/e//^  citée  par 
M.  Ernault  peut  faire  supposer  que  le  breton  aurait  emprunté 
gwamm  et  givanunel  à  quelque  patois  français  qui  aurait  em- 
prunté lui-même  les  formes  germaniques  correspondantes. 

Reste  le  sens  exact  de  gumbelaiic.  Le  sens  d'utérus  est  très 
invraisemblable  :  c'est  * gumbel  qui  a  dû  avoir  ce  sens.  C'est 
évidemment  un  adjectif.  Ce  n'est  pas  utcrus  qui  eût  dû  le 
gloser  :  c'est  *uterosus  :  Lecheor  est  la  traduction  exacte  de 
gumbelauc. 

M.  Philipot  a  raison  de  voir,  avec  F.  Lot,  dans  Kornbretar, 
les  Cornouaillais  insulaires,  et  dans  i^(;nz/';-^/fl!/fl';/û?  le  Cornwall. 
Jamais  on  ne  s'est  servi  de  formes  de  ce  genre  pour  désigner 
la  Coruovia  armoricaine.  Bretarest  identique  cà  la  forme  anglo- 
saxonne  Brettas  (Bret-wealas  ;  Corn-wealas). 

J.  LOTH. 


MÉLANGES    CELTIQUES 


I 

BRICA    ET    BRIGA 


L'étude  que  M.  Dottin  a  consacrée  à  Brica,  Briga  et  Briva 
{Revue  des  études  anciennes,  1907,  170-180)  est  de  celles  qui 
sont  à  encourager,  quoiqu'elle  soit  incomplète.  Il  est  incontes- 
table qu'on  admet  couramment  comme  certaines  des  théories 
en  matière  de  noms  gaulois,  périlleuses,  et  des  identifications 
très  hasardées. 

Pour  ne  parler  ici  que  de  Brica  et  Briga ^  il  est  fort  possible, 
je  dirai  même  probable,  qu'on  a  affaire  à  deux  mots  différents. 
L'auteur,  p.  180,  affirme  que  brica  n'est  conservé  dans  aucune 
langue  celtique  et  que  s'il  était  l'ancêtre  des  noms  en  -brio, 
-brium,  ces  noms  ne  seraient  sans  doute  pas  celtiques.  Cette  der- 
nière conclusion,  même  si  brica  ne  se  trouvait  pas  dans  les 
langues  celtiques,  serait  très  hasardée.  Cela  reviendrait  à  poser 
comme  loi  :  que  tous  les  noms  de  lieux  gaulois  qui  ne  se  retrou- 
vent pas  dans  les  langues  celtiques  insulaires  ne  sont  pas  celtiques. 
En  d'autres  termes,  tout  ce  qui  ne  peut  s'interpréter  et  se 
comprendre  en, matière  de  gaulois  est  non-celtique.  La  seule 
conclusion  logique  que  l'on  puisse  adopter  en  pareil  cas,  c'est 
qu'on  a  droit  de  douter  et  qu'on  ne  sait  rien.  Le  non-celtique 
a  un  immense  avantagé  sur  le  celtique,  c'est  qu'on  peut  en 
parler  congrûment  en  fort  peu  de  temps  :  je  ne  dis  pas  cela 
pour  l'auteur  dont  je  connais  la  science  et  l'esprit  critique  et 
qui  d'ailleurs,  n'a  pas  donné  dans  ce  travers.  Le  non-celtiste 
commence  à  être  agaçant  et  encombrant;  du  haut  des  nuages 

Rnne  Cdtiqtte,  XXVI II  22 


33B  ;.  Lolb. 

où  il  s'élève  d'un  bond,  il  jette  un  regard  de  pitié  sur  le 
celtiste  courbé,  suant,  abanant  sur  un  sol  productif  mais  que 
les  siècles  ont  laissé  envabir  par  les  ronces  et  les  épines. 
Trouver  du  non- celtique  un  peu  partout  est  aussi  peu  scienti- 
fique que  de  trouver  du  celtique  en  tout  lieu,  mais  c'est  plus 
distingué  et  on  y  gagne  à  peu  de  frais  une  auréole  d'originalité 
et  un  air  de  protondeur. 

D'ailleurs  Brica  existe,  tout  au  moins  brlco-.  J'ai  signalé 
son  existence  en  breton  dans  la  Revue  Celtique,  1898,  p.  211, 
dans  un  nom  de  lieu  de  l'Ile-aux-Moines  (Morbihan)  :  brig 
eigyen,  endroit  où  la  source  jaillir,  que  j'ai  rapproché  de 
l'expression  de  Lewis  Glyn  Cothi,  poète  gallois  du  xv*  siècle  : 
yn  nirig  Edivy,  à  la  source  de  la  rivière  Èduj.  Brig  est 
courant  en  gallois  dans  le  sens  d'extrâiiité,  sommet  (Silvan 
Evans,  PFelsh  Dict.),  au  propre  et  au  figuré  dans  une  foule 
d'expressions.  Il  me  paraît  probable  qu'on  peut  en  rapprocher 
le  grec  spî;  «pî/.sç.  opissui,  se  hérisser,  se  dresser.  En  effet,  ce 
sens  est  très  voisin  de  celui  de  brig  dans  brig  y  don,  la  crête  de 
la  vague,  la  crête  écumante;  de  celui  du  dérivé  briger,  cheveux, 
touffe  de  cheveux  dressés  sur  la  tète  :  v.  gallois  (Gloses  à 
Mart.  Cap.)  //■  caniolaul  bricer,  gl.  vitta  crinali'i  (mot  à  mot  la 
touffe  de  cheveux  enroulée). 

Le  sens  de  sommet,  extrémité  (point  où  un  objet  se  dresse), 
étant  acquis,  on  voit  que  brica  et  briga  ont  le  même  sens  ou 
peu  s'en  faut,  et  que  la  confusion  était  à  peu  près  inévitable. 

Reste  la  question  de  quantité  non  pour  brig  =  brlco-  (mas- 
culin), mais  pour  briga.  Il  est  regrettable  que  l'auteur  n'ait  pas 
connu  ou  ait  négligé  de  signaler  les  études  de  Meyer-Lûbke 
sur  l'accent  gaulois,  où  il  traite  justement  de  mots  en  briga 
{Die  Belonung  iiii  Gallischen)  :  il  conclut  et  justement,  je 
crois,  à  la  brièveté  de  z  dans  briga.  La  quantité  d'ailleurs  ici 
a  une  assez  faible  importance,  car  qu'il  s'agisse  de  brigâ  vieux 
celtique,  colline  (bre  en  breton),  de  briga,  dignité,  rang,  les  deux 
sens  se  confondent.  C'est  ainsi  qu'un  dérivé  de  brig-  a  donné 
envieux-breton  brientinion,  g\.  ingenui,  en  comique  brentyn  et 
en  gallois  breenhin,  brenin,  roi  =  brîgantîno-s  :  c'est-à-dire  un 
sens  qui  appartiendrait  plus  spécialement  à  briga.  Les  formes 
avec  /   bref  et  î  appartiennent-elles  à  la  même  racine?  Dans 


Mélanges  celtiques.  339 

l'état  actuel  de  nos  connaissances  en  apophonie  vocalique,  je  ne 
me  hasarderai  pas  à  avancer  une  opinion.  Des  choses  que  l'on 
déclarait  impossibles,  il  y  a  dix  ans,  sont  aujourd'hui  admises 
comme  vraies. 

L'auteur  me  paraît  vraiment  trop  sceptique  en  ce  qui 
concerne  la  celticité  de  briga.  Il  y  a  peu  de  mots  dans  le  territoire 
gaulois  qui  me  paraissent  mieux  assurés  de  leur  nationalité  à 
plusieurs  points  de  vue  (il  n'aurait  pas  fallu  d'abord  séparer 
briga  des  dérivés  de  la  même  racine,  comme  Brigantes  et 
d'autres).  Le  mot  est  représenté  dans  les  Iles  Britanniques. 
V Itinéraire  cfAntonin  donne  Brige,  aujourd'hui  Houghton  en 
Hauts.  L'anonyme  de  Ravenne  donne  aussi  un  Brigo-niono, 
aujourd'hui  Bergenny. 

Les  situations  topographiques  d'un  certain  nombre  de 
briga,  après  identification  des  noms  gaulois  avec  les  noms 
actuels,  devrait  être  étudiées  à  fond.  Malgré  les  chances  d'erreur 
que  je  ne  méconnais  pas,  ce  serait  un  élément  assez  sérieux 
apporté  au  débat. 

Pour  brïva  il  serait  nécessaire  de  citer  l'étymologie  très  pro- 
bable adoptée  par  Brugmann,  GmWmj,  I,  p.  336  :  Il  compare 
brivaa.\ec  Briicke,  pont,  v.  is\.  bruggya,  nominatif  de /rw^/ (avec 
g  spirant)  =  *  bruni,  et  aussi  le  v.  isl.  brii  :  brJva  =  bhrêua. 

Quoiqu'il  en  soit,  des  études,  même  négatives,  comme  celle 
de  M.  Dotiin,  ne  peuvent  être  que  fructueuses. 

II 

JURA 

En  1902,  mon  ami  M.  Ferdinand  de  Saussure,  me  demanda 
par  lettre  mon  opinion  sur  la  forme  réelle  de  ce  nom  recons- 
titué par  lui  de  la  façon  la  plus  ingénieuse  et  la  plus  sûre. 
J'espérais  qu'il  publierait  un  travail  sur  ce  point  de  topono- 
mastique  gauloise  et  que  même  il  se  laisserait  attirer  vers  ce 
domaine  de  la  toponomastique  gauloise,  si  hérissé  de  diffi- 
cultés mais  si  attrayant;  nul  plus  que  lui  n'eût  contribuéà 
l'éclaircir.  J'espère  l'exciter  par  cette  note  à  sortir  de  son 
silence.  Il  ne  m'en  voudra  pas  de  donner  publiquen.ent  une 


340  /.  Lolh. 

opinion  qu'il  a  lui-même  sollicitée,  ni  de  reproduire  le 
passage  de  sa  lettre  où  il  reconstitue  la  forme  sincère  du  nom 
du  Jura.  «  Il  me  paraît  de  plus  en  plus  certain  que,  ni  dans  la 
seconde  syllable,  ni  dans  la  première  (de  Jura)  il  ne  faut  rien 
chercher  d'authentique  à  aucun  degré,  et  que  le  nom  du  Jura 
est  purement  une  reconstitution  savante  du  Jura  de  César. 

«  On  ne  peut  arriver  malheureusement  à  aucune  conclusion 
directe  par  Texamen  du  nom  du  Jura  dans  les  patois,  par  la 
raison  que  ce  nom  n'y  existe  pas.  Les  paysans  ne  connaissent 
qu'un  mot  emprunté  au  français  (/o  D^urâ)  qui  serait  lo 
D^j'irà,  s'il   appartenait  au  patois. 

<'  Je  prouve  par  d'assez  nombreux  mots  que  la  première 
syllabe  de  Jura  était  brève  (ainsi  Joran,  vent  descendant  du 
Jtiray,  en  outre  que  la  seconde  syllabe  ne  doit  pas  être  jugée 
d'après  le  I;upa77o;  des  Grecs;  en  résumé,  qu'il  devait  exister 
une  dénomination  variant  entre  *  Jïir-ës  et  Jnr-a  (Pline  : 
Jures;  César  :  Jura^,  représentant  le  pluriel  d'un  mot  celtique 
Jur-,  que  César  a  traité  comme  un  nom  neutre. 

«  L'intérêt  de  cette  affaire  ne  commence  qu'après  que  l'on  a 
fait  cette  double  constatation  ultérieure  : 

«  a)  que  tous  nos  dialectes  lémanniques  connaissent  le  mot 
«  une  joux  »  =  une  grande  forêt  de  sapins,  mot  qui  était 
autrefois  une  jour,  ainsi  que  l'attestent  mille  documents. 

«  li)  que  l'on  a  dit  par  excellence,  la  Jour  (la  Joux)  pour  le 
Jura  jusqu'au  xv!!!*"  siècle,  ainsi  que  je  puis  le  montrer  particu- 
lièrement par  des  plans  où  les  points  cardinaux  sont  indiqués  : 


LA  JOUX 


BISE 

LAC 


VENT 
{Joux  à  l'ouest  est  le  Jura^ 

«  Ce  mot  de  Joux,  archaïquement  la  jour,  correspond 
tout  droit  à  un  latin  *  iurls  et  a  même  l'avantage,  étant 
féminin,    de   ne    pas  admettre    autre   chose  que  Jiïris,   donc 


Mélanges  celtiques.  341 

exactement  la  forme  plinienne  Jures,  Jiiribus,  qui  est  le  nom 
au  Jura.  » 

L'argumentation  de  Ferdinand  de  Saussure  me  paraît  irré- 
futable :  Juris  est  bien  la  forme  sincère  du  Jura  ;  et  vraiment 
l'étude  si  courte  qui  précède  est  de  nature  à  faire  partager 
au  lecteur  de  la  Revue  Celtique  le  regret  que  j'éprouve  en 
pensant  que  les  recherches  de  M.  de  Saussure  sur  d'autres 
points  de  toponomastique  gauloise  ne  paraîtront  peut-être 
jamais. 

/«m  étant  acquis,  le  trouve-t-on  dans  les  langues  celtiques  ? 
Il  me  paraît  prématuré  d'y  répondre  par  la  négative.  Un  mot 
en  gallois,  rappelle ///rn"  :  c'est /or,  on  ne  le  trouve  aujour- 
d'hui qu'appliqué  à  Dieu  ;  mais  en  gallois  moyen,  il  a  le  sens 
de  chef  suprême,  appliqué  fréquemment  à  des  princes.  Livre 
noir  deCarmarthen,  ap.  Skene,  Four  anc.  5.,  II,  p.  6,  vers  10. 
Livre  de  Taliesin,  184,  32;  178,  22  (lat.  ior');  212,  21; 
L.  rouge  280,  22.  Le  sens  est  probablement  métaphorique; 
du  sens  de  sommet  (peut-être  sommet  boisé)  on  a  pu  passer  à 
celui  qu'a  acquis  wr  en  gallois.  Les  exemples  de  passages  de  ce 
genre  abondent  ;  pour  n'en  citer  qu'un  uen,  voûte,  s'applique 
fréquemment  au  chef  de  la  famille  en  gallois.  Jor  entre  en 
composition  de  noms  d'hommes  comme  Jor-Werth.  M.  Rhys 
(Lectures  on  the  origin  and  growth  of  religion,  p.  62)  a  voulu 
tirer  Jor  de  Esu-ros  qui  serait  tiré  de  Esu-s,  mais  Esuros  eût 
donné  en  gallois  Eiur,  Ywr. 

Au  contraire  Juris  devait  donner  Jor.  Comme  je  l'ai  fait 
remarquer  dans  mes  Mots  latins,  p.  103,  il  semble  que  /"/  bref, 
en  gallois,  sous  l'influence  de  /  final  se  modifie  en  ô  :  bod,  être, 
infinitif  du  verbe  substantif,  irl.  buith  =  bûti,  le  .latin  buttis 
bouteille  donne  both.  En  breton,  il  semble  au  contraire 
que  cette  influence  soit  nulle  :  boud,  être.  Jtir  eût  donné 
vraisemblablement,  en  breton,  à  l'initiale  jur;  or  je  relève 
dans  le  Morbihan  un  hameau  du  nom  de  Jour-du  (le  Jour  noir), 
dans  la  commune  du  Saint  {argent,  Lan-^ent)  ;  je  ne  connais  pas, 
pour  le  moment,  la  situation  du  hameau. 

J.    LOTH. 


A  PROPOS  DES  DUO  GAESA  ■ 


L'usage  des  deux  lances  ou  javelots  a  dû  passer  des  Celtes 
aux  Germains.  Je  lis,  en  effet,  dans  hlordische  Aliertnmshunde^ 
de  Sophus  MûUer,  II,  p.  130,  qu'il  résulte  des  sépultures  de 
Bornholm  que  le  guerrier  danois  portait  souvent  deux  lances. 
Sophus  Mûller  représente,  II,  p.  129,  son  guerrier  nordique,  à 
l'époque  des  invasions  germaniques,  tenant  à  la  main  deux 
lances,  l'une  avec,  et  l'autre  sans  barbelure.  La  prédominance 
de  la  civilisation  celtique  dans  ces  régions  aux  iv«-iii^  siècles 
avant  Jésus-Christ,  est  un  fait  établi  par  l'archéologie  (ibid., 
II,  p.  30  et  suiv. 

J.    LOTH. 


I.  Virgile,  Enéide,  VIII,  661,  662;  cf.  Varro,  De  uita  populi  Romani, 
III,  chez  Nonius  Marcellus,  XIX,  (XVIII),  édition  de  L.  Quicherat, 
p.  646;  Claudien,  De  considatu  Stilichonis,  II,  240-242. 


HIBERNICA 

(suite  ') 


8°     SUR  QUELQUES  PRÉTÉRITS  REDOUBLÉS 
NOTAMMENT  LEBLAING  ET  DREBRAING 

Les  verbes  forts  dont  le  radical  contient  une  nasale  à  l'indi- 
catif ne  conservent  généralement  pas  cette  nasale  au  prétérit 
redoublé. 

bongim  «  je  brise  »  :  -hobig  (pour  behoig,  cf.  nVon^  Sait.  2573 
au  lieu  de  roreraig)  Tochm.  Em.,  69  in 
Rev.  Celt.,  XI,  446  ;  -combaig  Hy.  V, 
77  (de*-com-bebaig). 

dingim  «  je  presse  »  :  -dedach  Ml.  96  c  17,  -dedgatar  Ml.  63  c 
3,  -dedaig  Sait.  6550,  L.  U.  21  b  10; 
dedaig  Hy,  III,  4. 

dlongîm  «  jefends  »  :  -dedlaig  Sait.  7958. 

tongim  «  je  jure  »  :  diicuitig  Wb.  33  d  10,  ducuitich  Ml.  78 
a  (6  de  *  to-com-ietaig). 

dingim  (?)  «  je  grince,  je  me  lamente  »  ^  :  ro  chichlaig  Sait.  776  5 . 

Ces  prétérits  sont  exactement  semblables  à  tienaig  de  tiigim 
«  je  lave  »,  reraig  de  rigim  «  j'étends  »,  5('/fl/^  de  sligijn 
«  j'étends  »,  senaig  de  snigim  «  je  dégoutte  »,  etc. 


1.  Voir  ci-dessus,  pp.  5  et  137. 

2.  Cf.  lat.  c//«o-ô  «  je  crie  (en  parlant  d'une  oie)  »  et  clamrô  «  je  crie  ». 
En  m.  irl.  dingim  semble  devenu  clmdim  «  je  re  entis  (en  parlant  d'une 
sonnette)  »,  ap.  K.  Meyer,  Coiitrib.,  p.  388. 


344  /•   Veudryes. 

Mais  la  nasale  s'étend  à  la  flexion  entière  dans  un  groupe 
de  verbes  exprimant  le  mouvement.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de 
rechercher  si  originellement  la  nasale  de  ces  verbes  appartenait 
à  la  racine  ou  n'y  apparaissait  qu'au  thème  du  présent  d'où 
elle  aurait  ensuite  été  transportée  au  reste  de  la  flexion  (cf. 
Mêm.  de  la  Soc.  de  Lingu.,  XIII,  63  et  s.).  La  question  des 
«  nasales  flottantes  »  est  une  des  plus  épineuses  de  la  morpho- 
logie du  verbe  indo-européen  (v.  en  particulier  J.  Schmidt, 
Kritik  dcr  Sonanteniheorie,  p.  65  et  ss.)  et  n'a  pas  à  être  soule- 
vée ici.  Il  sufllisait  de  signaler  l'état  irlandais,  sans  rechercher 
dans  quelle  mesure  il  est  ancien. 

cinoim  «  je  marche  »  :  cechaingVéX.  2^  ]?i\-\\\,  20  mdiXS, 

etc. 

glendim  «  je  parcours,  j'explore  » 

d'où  «  j'étudie»  (cf.  ML  137 

c  2,  140  c  7,  PCr.  59  a  4-6,  etc.)  : 

-geglaind  H.  2,    16  col.  781, 
-roeglaind  L.L,  86  a  23,  39. 

Quelle  que  soit  l'étymologie  de  ce  verbe  (cL  Zupitza,  K.Z., 
XXXVI,  GG^,  il  peut  être  rangé  parmi  les  verbes  de  mouve- 
ment à  cause  du  sens  qu'il  a  dans  les  vieilles  gloses  Çueslîgâre, 
rimârè). 

grendini  «  je  marche  »  :  -roigrainn  Ml.  26  d  3,  30  b  2, 

37  a  4;  -gegrannatar  Ml.  25  b  11, 
scnidiin  «  je  saute  »  :  sescaind  L.  U.  60  b39,  71  a43. 
scingim   «   je  saute  »   :  sescaing  Windisch   K.Z.  XXIII  214, 

sesceingL.  U.  79  b  39,  scescingL.  U. 
60  a  27. 

Ces  verbes  ont  encore  ceci  de  commun  que  leur  infinitif  est 
formé  de  la  même  façon  et  se  fléchit  de  même  :  ceimni  «  pas  » 
gréim  «  pas  »,  sceimii,  «  saut  »,  îecJifiim  gl.  acceptio  Wb.  i  d  i 
(du  verbe  *  to-aith-gleudiniy  Et  par  analogie  la  même  forma- 
tion s'est  étendue  au  verbe  rithiiii  «  je  cours  »  dont  l'infinitif 
est  7-éùnm. 

A  la  catégorie  des  verbes  à  nasale  marquant  le  mouvement 
appartiennent  encore  les  deux  suivants  dont  le  prétérit  fait 
difficulté  : 


Hiberilica.  345 

drengim  «  je  m'élève  »  :  drebraing  Fél.    2    avril,     17     avril, 

26  août. 
lingini  «  je  saute   »    :  leblaing  Fél.  5   mars;  -leblang- tar  Ml. 

129  ci;  doarblaing  Tur.  60,  Jo«V- 

blingTur.  ^^,-tarblamg  Sait.  7761  ; 

-roiblang  Ml.  95  d  ir,  43  d  16. 

L'infinitif  est  formé  comme  ci-dessus  :  dn'iiiiin  «  ascension  », 
léimrn  «  saut  ». 

Il  faut  tout  d'abord  écarter  l'explication  qu'a  proposée  der- 
nièrement M.  Wh.  Stokes  des  deux  prétérits  en  question  (Z.C 
P.,  III,  471  ;  Fél.  Oeng.,  1905,  pp.  xxxij,  xxxv,  324  et  342); 
le  redoublement  n'y  serait  qu'apparent,  et  ils  contiendraient 
tous  deux  un  préverbe  eb-  précédé  dans  l'un  d'un  préverbe  (ir«- 
et  dans  l'autre  du  double  préverbe  ror  (gr.  r.pzr.pb^  :  * dru-eb- 
raing  serait  devenu  drebraing  et  de  *  ror-eb-Iaiug,  dissimilé  en 
rol-eb-laing ,  on  aurait  tiré  leblaing.  Le  prétérit  drebraing  n'au- 
rait dès  lors  rien  à  faire  avec  drengim.  Mais  l'existence  du  pré- 
verbe eb-  n'est  pas  sûrement  établie  (cf.  toutefois  Sarauw,  Irske 
Studier,  126  et  la  note  du  Thésaurus  à  Wb.  32  a  27),  et  celle 
du  préverbe  dru  moins  encore  (cf.  toutefois  Thurneysen  K.Z., 
XXXII,  563)  ;  (ï:i'û\eurs  dru-ebraing  aurait  dû  se  maintenir  intact 
et  rien  ne  peut  justifier  en  pareille  position  la  chute  de  u. 

M.  R.  Schmidt  avait  été  jadis  mieux  inspiré  en  rattachant 
drebraing  à  drengim  CI. F.,  l,  47  et  ss.),  en  considérant  dre- 
braing et  leblaing  comme  des  prétérits  redoublés  et  en  suppo- 
sant une  action  analogique  de  l'un  sur  l'autre.  Mais  c'est  de 
leblaing  qu'il  partait,  et  c'est  leblaing  qu'il  essayait  de  justifier 
au  moyen  d'une  hypothèse  assez  compliquée.  La  possibilité 
d'un  primitif  *vlingim  proposé  par  M.  Windisch  (Kxgf-  I^- 
Gr.,  §  45)  étant  exclue,  il  faudrait  partir  à  la  fois  de  deux 
verbes,  lingim  et  *  slingim  (rac.  *svelg-;  cf.  Thurneysen,  Kel- 
toromanisches,  p.  99,  n.  2)  dont  les  prétérits  se  seraient  conta- 
minés :  *  lelaing  et  *  seblaing  devenant  après  l'accent  *m  roelaing 
etnî  roeblaing,  on  aurait  tiré  de  là  un  prétérit  unique  ro  leblaing, 
auquel  ro  drebraing  devrait  son  b. 

Mais  cette  reconstruction  est  purement  arbitraire.  La  succes- 
sion des  faits  est  beaucoup  plus  naturelle  si  l'on  suppose  que 
leblaing  a  emprunté  son  b  à  drebraing.  En  effet,  le  prétérit  de  dren- 


54é  /.   Vendryes. 

gini,  soit  *  drcilraing,  aboutissait  par  Jissimilation  à  drebraing; 
une  (Jissimilation  plus  complète  risquait  même  de  transformer 
drebraing  en  drehlaing  et  rendait  plus  voisins  encore  les  deux 
radicaux.  Or,  si  la  forme  ordinaire  du  prétérit  de  drengim  est 
drebraing,  on  lit  effectivement  drehlaing  dans  deux  manuscrits 
du  Félire  d'Oengus  au  2  avril  et  au  26  août;  et  inversement 
le  prétérit  de  lingim  est  écrit  rodlehlaing  L.U.  72  a  17.  Tout 
contribuait  ainsi  à  favoriser  la  confusion  des  deux  verbes  et  à 
introduire  la  labiale  dans  le  radical  de  lingim.  D'après  leblaing, 
on  forma  foroiblachta  gl.  praeuenti  Ml.  58  d  6  au  participe 
passé,  et  la  labiale  s'étendit  même  en  moyen-irlandais  aux 
formes  de  subjonctif  sigmatique  -larblais  L.  U.  83  b  14  et 
co'nribuilsed  L.  U.  63  b  4. 


9°  SUR  LA  PHRASE  NOMINALE  AU  PRÉTÉRIT  PASSIF 

Dans  l'important  article  où  il  a  déterminé  la  valeur  et  l'em- 
ploi de  la  phrase  nominale  pure  en  indo-européen,  M.  Meillet 
a  rappelé  qu'elle  est  de  règle  en  irlandais  dans  les  propositions 
négatives  dont  la  forme  verbale  éventuelle  serait  à  la  3"  pers. 
du  singulier  ÇM.S.L.,  XIV,  14)  :  ni  coir  »  il  n'est  pas  juste  » 
en  face  de  iscoir  «  il  est  juste  ».  Cet  usage  devait  être  en  germe 
dans  l'indo-européen,  puisqu'il  se  retrouve  ailleurs  (/^/J.,  18). 

Il  est  un  autre  emploi  de  la  phrase  nominale,  également 
d'origine  indo-européenne  {ibid.,  16-17),  qui  a  pris  en  irlan- 
dais une  extension  régulière.  Le  rôle  du  prétérit  passif  est  tenu 
dans  cette  langue  par  l'ancien  adjectif  verbal  en  -to-  et  le  verbe 
copule  n'est  pas  exprimé  :  roléiced  «  il  a  été  laissé  »  Wb.  5 
b  3,  ro  scribad  «  il  a  été  écrit  »  Wb.  2  d  2,  6  c  28,  26  b  31, 
adcess  «  il  a  été  vu  »  (Wb.  23  c  11),  rofes  «  il  était  su  »  Ml. 
80  b  ir,  ni  fess  «  il  n'était  pas  su  »  (Ml.  51  b  7,  80  b  10),  ni 
Jrith  «  il  n'a  pas  été  trouvé  »  Hy.  V  29,  dG,  ro  sreth  «  il  a  été 
raconté  »  Fél.  25  août,  etc.;  ce  qui  équivaudrait,  en  latin, 
abstraction  faite  de  la  particule  ro,  à  l'emploi  de  amâtus,  audi- 
tus,  msus,  missiis,  etc.  au  lieu  de  amâtus  est,  audîtus  est,  tnsus 
est,  missus  est,  etc.  La  phrase  nominale  est  d'autant  plus  natu- 
relle ici  que  le  passif  irlandais  n'a  qu'une  troisième  personne. 


niheniicd.  347 

Le  prétérit  passif  est  le  plus  souvent  conjoint;  ayant  en  effet 
le  sens  de  parfait  (le  seul  dont  s'accommode  en  général  la 
langue  des  gloses,  cf.  Zimmer,  K.Z.,  XXXVI,  479),  il  est 
précédé  de  la  particule  ro.  Toutefois,  dans  les  passages  de  récit, 
quand  la  langue  eut  besoin  d'une  forme  absolue  sans  ro,  pour 
exprimer  le  prétérit  narratif,  c'est  le  nouvel  adjectif  verbal 
existant  dans  la  langue  et  tiré  de  l'ancien  par  addition  du  suf^ 
fixe  -e,  qui  fut  employé  :  brethae  «  il  fut  porté  »  Ml.  52,  Fél. 
25  janv.,  crochthae  «  il  fut  crucifié  »  Fél.  5  fév.,  rithae  «  il  fut 
vendu  »  Arm.  17  b  i,  §  6,  séntae  «  il  fut  béni  »  Fél.  prol.  100, 
skchtae  «  il  fut  frappé  »  Fél.  12  février  ;  cf.  en  moyen-irlandais 
etha  «  itum  est  »  LU  55  a  3,  sudigthe  «  positum  est  »  56  b  6,  aha 
«  altusest  »  59  a  6,  riastartha  «  contortum  est  »  59  a  33,  79  b 
22,  40,  80  a  21  t\.c.,gahtha  «  captum  est  »  84  a  40,  84  b  1,7,  14. 

Comme  cette  forme  absolue  en  -e  est  employée  également 
en  qualité  de  forme  relative  {brethae  «  qui  fut  porté  »  FéL 
1 1  juin,  carthae  «  qui  fut  aimé  »  Fél.  9  mai,  fechtae  «  qui  fut 
combattu  »  Hy.  II  57,  ortae  «  qui  fut  tué  »  Fél.  26  janv., 
6  mars,  7  sept.,  rithae  «  qui  fut  vendu  »  Arm.  17  b  r,  §6, 
skchtae  «  qui  fut  frappé  »  Fél.  23  déc,  etc.),  on  peut  établir 
un  certain  rapport  entre  elle  et  la  forme  relative  en  -e  du  pré- 
térit i3iCX\î  {guilae  «  qui  s'est  attaché  »  Tur.  139,  luide  «  qui 
vint  »  Ml.  55  c  I  en  face  de  ro-guiil  Ml.  98  b  8,  liiid,  etc.). 
Mais  cette  question  demanderait  un  examen  spécial.  Le  seul 
fait  important  à  retenir  de  ce  qui  précède,  c'est  la  continuité 
de  la  tendance  qui  fit  créer  à  deux  reprises  une  phrase  nomi- 
nale pure  dans  l'emploi  de  prétérit  passif,  une  première  fois 
au  profit  de  l'ancien  adjectif  verbal  (-breth«  porté  »  de  *bhrto-), 
une  seconde  fois  au  profit  du  nouveau  (brethe  de  *breth  -j-  <?). 

Remarque  additionnelle.  Sans  entrer  dans  le.  détail  de  la  for- 
mation du  passif  irlandais  (cf.  Meillet,  Introduction,  p.  204), 
il  est  toutefois  permis  de  signaler  en  passant  le  rôle  prépon- 
dérant qu'a  dû  y  jouer  le  prétérit.  L'irlandais  possédait  un 
impersonnel  berir  «  on  porte  »,  no-m-berar  «  on  me  porte  », 
qui  est  italo-celtique  (cf.  ombr.  ier  «  qu'on  aille  yy,ferar  «  qu'on 
porte  »);  mais  il  conservait  d'autre  part  l'adjectif  verbal  indo- 
européen en  -to-,  breth  «  porté  »  de  *bhr-to-.  La  création  du 
pluriel  bertir  (-bertar)  «  ils  sont  portés  »,  avec  une  finale  -tir 


34^  /.   Vc  II  dry  es. 

Ç-tar}  de  déponent,  est  due  à  l'existence  naturelle  d'un  pluriel 
dans  l'adjectif  verbal  employé  comme  prétérit  passif  en  phrase 
nominale  pure.  L'influence  de  ce  prétérit  s'explique  aisément 
par  le  double  fait  que  de  toute  la  flexion  passive  c'était  i° 
comme  toujours  le  temps  le  plus  fréquemment  employé,  2°  le 
temps  le  plus  caractéristique,  puisque  c'est  le  seul  qui  possé- 
dât un  thème  propre,  indépendant  de  l'actif  (ou  du  déponent). 
Mais  comme  cette  influence  n'a  pu  s'exercer  qu'assez  tard,  on 
comprend  que  l'expression  de  la  personne  au  moyen  du  pro- 
nom infixé  continuât  toujours  à  s'ajouter  à  la  forme  de  l'an- 
cien impersonnel  -berar  pour  les  deux  premières  personnes 
aussi  bien  du  pluriel  que  du  singulier  :  no-n-berar ,  no-b-berar 
«  nous  sommes,  vous  êtes  portés  »  à  côté  de  bertir  «  ils  sont 
portés  ».  Cet  usage  s'étendit  d'ailleurs  au  prétérit  :  ro-n-breth, 
ro-b-breth  «  nous  avons,  vous  avez  été  portés  »  à  côté  de  ro- 
bretha  «  ils  ont  été  portés  »  ;  de  telle  sorte  que  si  l'adjectif  i'r^f^ 
(pi.  brethd)  Advenu  prétérit  fournit  à  l'impersonnel  berir  (jberar) 
la  distinction  du  nombre,  il  en  reçut  d'autre  part  le  moyen 
d'expression  de  la  personne. 

J.  Vendryes. 


CHRONIQUE 


Sommaiye.  —  I.  Décès  du  comte  Nigra.  —  II.  School  of  Irish  Learning.  —  III.  Prix 
décerné  à  M.  Albert  Grenier.  —  IV.  Hugo  Schuchardt,  Die  iberische  Dekli- 
n;uion. —  V.  Victor  Tourneur,  Histoire,  étymologie  du  nomdeGand.  —  VI. 
Alfred  DoMASZEwsKi.MoMMSEN,  O.  HiRSCHFELD,  Coipus  inscriptionum  latinarum, 
tome  XIII,  partie  2,  fascicule  2. —  VII.  Espérandieu,  Recueil  général  des  bas- 
reliefs  de  la  Gaule  romaine.  —  VIII.  Georges  Calder,  Imtheachta  Aeniada,  The 
irish  Aciieid. 


I 

Nous  apprenons  la  mort  du  comte  Nigra  décédé  à  Rapallo,  province  de 
Gênes,  district  de  Chiavari,  le  30  juin  dernier,  à  l'âge  de  79  ans,  après  avoir 
été  successivement  ministre,  puis  ambassadeur  d'Italie  à  Paris,  enfin  ambas- 
sadeur dans  deux  autres  capitales. 

Le  comte  Nigra  est  l'auteur  des  Rdiquie  celtiche,  brochure  grand  in-40  de 
53  pages  (1872)  dont  un  compte  rendu  a  été  donné  dans  la  Revue  Celtique, 
t.  I,  p.  477-479.  La  Revue  Celtique  a  publié  de  lui  trois  articles  qui  ont 
paru  dans  le  tome  I^'',  p.  58-65  et  dans  le  t.  XXIV,  p.  306-309.  Ce  diplo- 
mate était  un  celtiste  distingué  quoique  ses  éminentes  fonctions  aient  fort 
restreint  sa  fécondité. 

II 

La  Revue  Celtique  a  reçu  l'annonce  suivante  : 

SCHOOL  OF   IRISH  LEARNING 

33    DAWSON   STREET,  DUBLIN 

Director  : 

KUNO  MEYER,  Ph.  D. 

SESSION,    1906-07 

SYLLABUS    OF    SUMMER    COURSES 

Mr.  OSBORN  J.  BERGIN,  Ph.  D.,  will  hold  the  following  Courses 
during  the  month  of  July,  beginning  Monday,   the  first  : 


350  ■  Chronique. 

1.  Old-Irish. 

(a)  Outlines  of  Old-Irish    Grammar  ;    Strachan's   Old-Irish    Para- 

digms. 
(h)  Sira.chân' s  Sélections  froiN  ihe  Old-Irish  Classes. 
Hours  :  7  to  8  p.  m.  every  evcning. 

2 .  Middlc-Irish  Texts. 

Indarpe  inna  nDéisse,  éd.  Kuno  Me\'er. 
Hours  :  8  to  9  p.  m.  Tuesday,  Thurbday,  and  Saturday. 
5 .    Historical  Modem  Irish  Grammar. 

Hours  :  8  to  9  p.  m.  every  Monday,  Wednesday,  and  Friday. 

The  fées  are  as  follovvs  :  (i)  lo  s.  the  Course;  (2)  and  (3)  7  5.  6  d.  each 
the  Course. 

The  above  hours  are  subject  to  revision. 

Full  particuhirs  from  the  undersigned,  to  whom  appHcation  sliould  be 
made. 

R.  I.  BEST 

Hon.  Secrekiry. 

III 

L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  vient  de  décerner  la  plus 
forte  part  du  prix  Prost  à  l'ouvrage  de  M.  Albert  Grenier  intitulé  :  Habila- 
tioiis  gauloises  et  l'ilhis  latines  de  la  cité  des  Médiomatrices.  Nous  avons  parlé 
de  cet  ouvrage  dans  notre  précédente  livraison,  p.  214,  215. 


IV 

M.  Hugo  Schuchardt,  le  savant  linguiste  de  Graz,  a  donné  à  l'Académie 
impériale  de  Vienne  communication  d'un  mémoire  intitulé  :  Die  iberische 
Deldination.  Ce  mémoire  a  paru  dans  les  Sit:^uuosberichte  de  la  Philosophisch- 
Historische  Klasse  de  cette  compagnie  savante,  tome  157,  2«  partie.  Il  y  en 
a  eu  un  tirage  à  part  que  l'auteur  nous  a  très  obligeamment  adressé  et  qui 
forme  une  brochure  de  90  pages  in-80.  M.  Schuchardt  soutient  contre 
M.  Philipon  qu'entre  la  langue  basque  et  la  langue  ibérique  il  y  a  intime 
parenté  et  que  le  basque  n'est  pas  une  langue  arienne.  Ce  sont  deux  ques- 
tions que  j'ai  médiocrement  étudiées,  mais  mon  opinion  un  peu  superfi- 
cielle a  toujours  été  conforme  à  la  doctrine  de  M.  Schuchardt.  J'ai  sans  doute 
exposé  cette  opinion  à  M.  Philipon.  Mais  en  même  temps  j'ai  dû  lui  dire 
qu'un  mémoire  où  il  me  contredirait  me  serait  fort  agréable,  que  mon 
enseignement  n'était  pas  destiné  à  former  des  perroquets  et  que  je  serais 
toujours  heureux  d'avoir  entre  les  mains  la  preuve  qu'il  n'en  avait  pas  pro- 
duit. 


I.  Cf.  Revue  Celtique,  t.  XXIII,   p.   121. 


Chronique.  3  5 1 

V 

M.  Victor  Tourneur,  attaché  à  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique,  a 
extrait  du  compte  rendu  du  congrès  de  Gand  1907,  une  brochure  de  12 
pages  intitulée  :  Histoire  et  etyniologie  du  nom  de  Gaiid.  On  a  fait  à  Gand  des 
découvertes  archéologiques  qui  prouvent  que  cette  ville  existait  déjà  sous  le 
haut  Empire  romain.  Mais  quand  son  nom  apparaît  pour  la  première  fois,  il 
est  développé  à  l'aide  du  suflfîxe  vus  dans  la  formule  pitgiis  Gandavus, 
vue  siècle,  ou  du  suffixe  -ensis  dâw^  la  formule  pagus  Gandeiisis,  viiie  siècle  ; 
enfin  on  trouve  Gaiith  en  864.  M.  V.  Tourneur  pense  que  Ganth  ou  Gand 
doit  s'expliquer  par  le  celtique  condatc  «  confluent  ».  Le  c  initial  serait 
devenu  0-,  comparez  Coruacuni,  Gournay  '  et  le  «^  de  gtibemare;  cette  mutation 
est  rare  et  pour  condate  on  n'en  cite  pas  d'exemple,  tandis  que  la  mutation 
d'o  en   a  se  trouve  dans  Candes  en  Touraine,  autrefois  Condate  ^. 

VI 

Le  fascicule  II  de  la  seconde  partie  du  tome  XIII  du  Corpus  inscriptionum 
Idtinarum  vient  de  paraître.  Il  comprend  les  inscriptions  de  la  Germanie 
inférieure  et  les  bornes  milliaires  des  Gaules  et  des  Germanies.  Quand  donc 
cet  excellent  et  si  utile  tome  XIII  sera-t-il  terminé  et  pourvu  d'index  ? 

Les  inscriptions  de  la  Germanie  inférieure  ont  eu  pour  éditeur  M.  Alfred 
Domaszewski  ;  l'édition  des  bornes  milliaires  est  due  à  la  collaboration  du 
regretté  Mommsen  et  de  MM.  O.   Hirschfeld  et  A.  Domaszewski. 

VII 

Ulrish  Text-Society  vient  de  publier  un  sixième  volume  qui  contient  la 
traduction  irlandaise  de  V Enéide.  Cette  traduction,  faite  vers  l'année  1400, 
nous  a  été  conservée  par  le  Book  of  Ballyniote,  p.  449-485.  On  sait  que  le 
Book  of  Ballyniote  paraît  avoir  été  écrit  vers  l'an  1400  comme  le  dit 
M.  Robert  Atkinson,  p.  2  de  son  introduction  au  fac-similé.  L'auteur 
irlandais  de  cette  traduction  de  V Enéide  s'est  donné  un  grand  nombre  de 
libertés.  Ainsi  il  commence  par  le  chant  III  ;  c'est  après  le  chant  III  qu'il 
place  les  chants  I  et  IL  Tantôt  il  abrège,  tantôt  il  développe,  et  dans  ses 
développements  il  n'est  pas  toujours  heureux;  par  exemple  p.  4,  1.  54,  il 
transporte  d'Asie  Mineure  le  mont  Ida  sur  la  côte  de  la  mer  Tyrrénienne, 
for  ur  mara  Ton  ian,  c'est-à-dire  sur  la  mer  qui  baigne  les  côtes  occiden- 
tales de  l'Italie. 

Le  Rév.  George  Calder,  auteur  de  l'édition,  a  noté  en  marge  à  gauche 
les  numéros  des  chants  et  des  vers  de  V Enéide,  il  a  numéroté  dans  la  marge 
droite  les  lignes  de  son  édition  du  texte  irlandais  et  placé  en  regard  une 
traduction  anglaise.  Le  volume  se  termine  par  un  vocabulaire  malheureuse- 

1.  Holder,  AUceltischer  Spracbschati,  t.  I,  col.  1129. 

2.  Holder,  Altceltiscber  Sprachschati,i.l,  co\.  1093. 


352  Chronique. 

ment  fort  incomplot,  par  un  index  des  noms  de  personnes  et  par  un  index 
des  noms  de  lieu. 

Ce  qu'il  y  a  déplus  intéressant  dans  ce- volume  c'est  la  langue,  beaucoup 
plus  moderne  que  par  exemple  celle  du  Livre  de  Leinster.  Nous  citerons  : 
1°  épenthèse  d'à,  imlheachta  «  vovages  »  pour  le  plus  ancien  iuithechta  ', 
leasc  K  paresseux  »-,  succédant  à  lesc^  ;  2° sonore  substituée  à  sourde,  tan- 
cadar*  «  ils  vinrent  »,  dorochradar'i,  «  ils  tombèrent  »,  tenant  lieu  de  tan- 
catar^  et  dorochralar  t  ;  giisin^  «  jusqu'au  »  pour  cosinf,  gan^°  «  sans  », 
antérieurement  cen". 

Un  phénomène  fréquent  même  à  une  date  plus  ancienne  que  celle  du 
Book  of  BaUymote,  c'est  la  confusion  du  gh  et  du  dh  tous  deux  prononcés 
i  consonne  et  souvent  écrits  sans  /;.  M.  George  Calder  s'est  donné  la  peine 
de  corriger  rojhiarfaid^^  «  il  demanda  »  en  rofiarfaig  ;  la  faute  se  trouve 
déjà  dans  le  Livre  de  Leinster'3;  aiiiuidh^'^,  «  dehors  »  a  été  corrigé  en 
atnuigh  par  le  même  éditeur  ;  la  faute  aurait  pu  être  possible  bien  avant 
l'année  1400. 

Cette  édition  faite  avec  soin  est  à  consulter  par  ceux  qu'intéresse  l'histoire 
de  l'irlandais. 

VIII 

Le  premier  volume  du  Recueil  général  des  bas-reliefs  de  la  Gaule 
ROMAINE,  par  Emile  Espérandieu,  vient  de  paraître.  C'est  un  in-40  de 
x-489  pages,  concernant  les  Alpes-Maritimes,  les  Alpes  Cottiennes.  la 
Corse,  la  Narbonnaise,  et  comprenant  835  numéros,  dont  chacun  renferme 


1.  Tdin  hô  Cùalnge,  édition  Windisch,  1.  11 13,  1389. 

2.  Ligne  59. 

3.  Tdin...,  1.  408,  2876. 

4.  Ligne  3. 

5.  Ligne  18. 

6.  Tdin...,\.  169,  171,  540,  1393,  1603,  5602. 

7.  Tdin...,  1.  25 II. 

8.  Ligne  10. 

9.  Tdin...,  1.  1724,  3666,  3672. 

10.  Ligne  27. 

11.  Tdin...,  4693. 

12.  Ligne  4. 

13.  Tdin...,  1.  2199. 

14.  Ligne  614.  On  rencontre  de  même  gh  pour  dh,  exemples  :  muigh  pour 
muidh.  Annales  de  Tigernach,  éditées  par  Whitley  Stokes,  Reine  Celtique, 
t.  XVII,  p.  351  ;  Lugniaigh  pour  Lngmaidh  ou  mieux  Lugnniidh,  génitif  du 
nom  de  Louth,  Cbronicon  Scotoruin,  édition  Hennessy,  p.  130,  138,  141, 
142,  200.  La  notation  avec  dentale,  Lugniaid,  Lughinaidh,  apparaît  dans 
les  Annales  d'Ulster,  éd.  Hennessy,  t.  I,  p.  316,  330,  342,  416,  484.  Si  le 
second  terme  était  niag  on  aurait  au  génitif  Lughmaighe,  plus  anciennement 
Lugmaige,  cf.  E.  Windisch,  Tàin  hô  Cùalnge,  p.  406,  note  2.  On  trouve  le 
nominatif  Lz/o-f/W  dans  le  Lebor  na  hUidre,  p.  82,  col.  i,  1.  40,  et  la 
variante  Lugmud  au  passage  correspondant  du  Livre  de  Leinster. 


Chronique.  353 

au  moins  une  photogravure  ;  le  plus  considérable,  le  no  260,  arc  de  triomphe 
d'Orange,  comprend  45  photogravures. 

Ces  bas-reliefs  sont  une  des  manifestations  de  la  domination  romaine  ; 
cependant  il  s'y  trouve  plusieurs  souvenirs  des  temps  de  l'indépendance. 
Nous  signalerons  par  exemple  les  Maires  d'Allais  (Drôme)  et  de  Vienne, 
nos  527,  338,  p.  242,  252  -yles Dispater  de  Nîmes,  nos  456  et  437,  p.  300,  301  ; 
les  sangliers  enseignes  d'Antibes  (no  24,  p.  32),  d'Orange  (no  260,  p.  200, 
204),  de  Narbonne  (nos  695,  737,  p.  425,  444);  les  trompettes  gauloises 
d'Orange  (no  260,  p.  204,  205),  de  Nîmes  (no  431,  p.  297),  de  Narbonne 
(no  701,  p.  428),  etc.;  parmi  les  boucliers  gaulois,  celui  du  no  260,  p.  199, 
oîi  apparaissent,  au-dessus  du  nominatif  singulier  gaulois  catus  «  bataille,  » 
deux  grues  à  rapprocher  des  trois  grues  du  célèbre  monument  gaulois  de 
Paris.  Sous  la  forme  de  ces  grues  apparaissent  les  déesses  de  la  guerre  et  du 
meurtre,  Bodb,  Morrigan,  Nemain. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


Revue  Celtique,  XXV 111.  2» 


PÉRIODiaUES 


Soiiniiniir.  —  I.  Revue  des  études  anciennes.  —  II.  Athenaeum.  —  III.  Compte 
rendu  des  séances  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  —  IV.  Pro 
Alesia.  —  V.  The  Journal  of  the  Royal  Society  of  Antiquaries  of  Ireland.  —  VI. 
Celtic  Review.  —  VII.  Folklore.  —  VIII.  Bulletin  archéologique  du  comité 
des  travaux  historiques  et  scientifiques.  —  IX.  Revue  des  traditions  populaires. 
—  X.  Indogermanische  Forscliungen  — XI.  Annales  de  Bretagne.  —  XII.  Zeit- 
schrift  fur  vergleichende  Sprachforschung.  —  XIII.  Analecta  Bollandiana.  — 
XIV.  Romania.  —  XV.  Boletin  de  la  Real  Academia  de  la  Historia.  —  ?\VI. 
Revue  épigraphique.  —  XVII.  Bulletin  de  la  Société  nationale  des  antiquaires 
de  France.  —  XVIII.  Fureteur  breton. —  XIX.  Irisleabhar  na  Gaedhilge.  — 
XX.  Zeitschrift  fiir  romanische  Philologie.  —  XXI.  L'anthropologie. 


I 

La  Revue  des  études  .■\nciennes,  no  d'avril-juin  1907,  contient  plusieurs 
articles  intéressants  au  point  de  vue  celtique  :  d'abord  le  5<=  article  de 
M.  de  La  Ville  de  Minnont  sur  l'Astrologie  chez  les  Gallo-romains  ;  puis 
la  supposition  par  M.  C.  Jullian  que  le  nom  de  peuple  gaulois  Vocontii 
voudrait  dire  vingt,  doctrine  qui  semble  peu  conciliable  avec  l'irlandais 
fiche  «  vingt  »  (cf.  Brugmann,  Grundriss,  t.  II,  p.  489,  490  ;  Whitley 
Stokes,  Altceltiscber  Sprachscbal:(,  p.  279,  Victor  Henrv,  Lexique  étymolo- 
gique... du  breton  moderne,  p.  275).  Plus  bas  M.  C.  Jullian  émet,  après 
Mûlienhoff ',  l'hypothèse  qu'il  faut  corriger  en  ^Eaù^jUr.  =  Esuvii  le  nom 
des  EJ'Êioi,  Ligures  suivant  Théopompe,  fragment  221  rt  ^.  Il  en  tire  une 
conséquence  que  Mûllenhoff  n'avait  pas  prévue,  c'est  qu'il  faut  loger  ce 
peuple  ligure  en  Normandie  comme  on  le  fait  pour  les  Es uvii  qui  lui  sont 
identiques.  Il  propose  aussi  de  considérer  comme  Ligures  les  Lexovii  et  les 
Unelli,  deux  voisins  des  Esuvii.  Ce  sont  des  doctrines  dignes  d'attention. 
Lexovii  a  été  formé  avec  le  suffixe  vio  qu'on  trouve  également  dans  Esuvii 
et  Karl  MûUenlioff  (Deutsche  Altcrtuuishunde,  t.  III,  p.  178,  donne  onze 
exemples  du  suffixe  ligure  -ello-  qui  termine  le  nom  de  peuple  Unelli. 

1.  K.  Mû\knhoff,  Deutsche  Altertumskuude,  t.  III,  p.  168. 

2.  C.  et  Th.  Millier,  Fragmenta  historicorum  graecorum,  t.  I,  p.  515  ; 
K.  Mûllenhoff,  Deutsche  Alterlumskunde,  t.  Il,  p.  247,  note. 


Périodiques.  355 

M.  G.  Dottin  revient  ensuite  sur  la  question  de  savoir  si  le  mot  bn'ga 
est  celtique.  Je  ne  puis  qu'approuver  le  désir  qu'il  a  de  vérifier  l'exactitude 
des  doctrines  enseignées  par  moi.  Je  ne  lui  demanderai  jamais  du  jurare  in 
verba  magistri,  mais  ce  n'est  pas  à  moi  seul  qu'il  a  affaire  ici.  Bn'ga,  second 
terme  de  plusieurs  noms  de  lieu,  a  été  considéré  comme  celtique  dès  1857, 
par  Glueck,  Die  bei  C.  Jiilitis  Caesar  vorliommendeii  keltischen  Nanien,  p.  121 
et  suivantes,  où,  notamment,  page  126,  le  savant  auteur  cite  comme  cel- 
tiques, outre  Mageto-briga,Litai!obriga,  Ehuro-briga,  N£|j.£Td6ptYa,  'Ap-uoÇpiya 
dont  il  rapproche  le  second  terme  dé  l'irlandais  brigh,  bri  «  colUs  ».  Cette 
doctrine  a  pénétré  en  1870  dans  la  seconde  édition  de  la  Grammatica  cel- 
tica,  p.  40,  68,  86,  88,  où  sont  donnés  comme  celtiques  Arlobriga,  Ebiiro- 
briga,  Litanobriga.  Nous  la  trouvons  depuis,  en  1894,  chez  M.  Whitlev 
Stokes,  Urkeltiscber  Sprachschat:^,  p.  171.  Mais  ici  quelques  explications 
sont  nécessaires.  Briga  n'est  point  panceltique,  c'est  un  mot  gaulois  ;  il  est 
étranger  à  la  langue  des  Goidels  ou  Gaëls  et  l'Irlande  l'ignore. 

Il  y  avait  une  racine  indo-européenne,  bhergh  sous  sa  forme  pleine 
normale,  bhrgh,  en  sanscrit  brh  sous  sa  forme  réduite,  et  signifiant  «  être 
fort,  être  élevé  »  ;  de  la  forme  pleine  normale  vient  l'allemand  berg, 
«  montagne  »,  r=  *bhergho-  '.  La  forme  réduite  apparaît  dans  l'irlandais 
bri  ■z^*brik-s  «  colline  »,  au  àM\i  brig  =:*brigi  dans  les  Macgniiiiartha 
Find,  xye  siècle  ■=,  à  l'accusatif  brigh,  orthographe  un  peu  plus  récente, 
dans  le  glossaire  d'O'Davoren  publié  d'après  le  ms.  du  Musée  britannique 
Egerton  88,  xvi^  siècle  5.  Cet  accusatif/'/-/^/;  =  *  hrigin  a  été  cité  en  1879 
par  M.  H.  Zlmmer,  Revue  de  Kuhii,  t.  XXIV,  p.  541.  Enfin  le  génitif  sin- 
gulier/Tt'o- =  */;;7Vo5  a  été  plusieurs  fois  signalé  par  M.  Thurnevsen  en 
1897  dans  la  seconde  édition  du  Gnnidriss  de  M.  Brugmann,  t.  I,  p.  461, 
467,  518,  554,  806.  On  le  trouve  dans  le  Dindsenchas  publié  par  M.  Whit- 
ley  Stokes  +.  Il  en  existe  une  forme  moderne  brcagh  5. 

Ce  mot  bri  =  *briks,  aux  cas  indirects  breg  =  *brigos,  brig  =1  *brigi, 
brigin,  est  devenu  en  gallois  et  en  breton  bre  «  colline,  hauteur  ».  Sa 
forme  gothique  est  baurgs  qui,  chez  Vulfila,  traduit  le  grec  -oXiç  et  qui,  par 
conséquent,  signifie  «  ville  »  ;  la  notation  allemande  est  biirg  qui  veut  dire 
«  forteresse,  château  »,  et  d'où  vient  le  français  bourg;  Vr  voyelle  de 
l'indo-européen  BHRGH,  noté  ri  en  celtique,  devient  aiir  en  gothique,  »/■  en 

1.  Kluge,  Etyiiiologisches  IVôrterbiich  der  deulscheii  Sprachc,  6^  édition, 
p;  39. 

2.  Ba  ingin  rocaem  dino  a  m-Brig  Elle,  Revue  Celtique,  t.  V,  p.  202, 
§21.  Texte  publié  par  M.  Kuno  Meyer  d'après  le  ms.  de  la  Bibliothèque 
bodiéienne  d'Oxford  Laud  610  ,  qui  remonte  à  1453. 

5.  Cingit  co  sin  brigh,  Whitlev  Stokes,  Tliree  irish  Ghssaries  (1862), 
p.  ^j  ;  Arcbiv  fïir  celtische  Lexicographie,  tome  II  (1904),  p.  232,  no  218. 

4.  Primrelicc  airthir  Mide  ocus  Breg,  §  115,  Revue  Celtique,  t.  XVI, 
p.  67  ;  i  Temraig  breg  «  à  Tara  de  la  colline  »,  §  146,  Revue  Celtique,  t.  XVI, 

5.  leamair  breagh,  Pétrie,  On  th'  Hislcrv  dinl  Antiquities  of  Tar^i  h/11, 
p.  131  :  Temair  breagh,  ibid.,  p.  157;  Tcamhair  breagh,  O'Currv,  Mii. 
Materials,  p.  626. 


356  Périodiques. 

allemand,  et  en  gothique  comme  en  allemand  le  sens  du  substantif  est 
modifié.  Par  l'effet  du  long  contact  politique  et  militaire  des  Germains  et 
des  Gaulois,  le  sens  nouveau  de  bhrgh  en  germanique  paraît  aussi  se  trou- 
ver chez  les  Gaulois  dans  le  dérivé  briga  =  *  bhrgha.  Il  y  eut  un  temps  où 
de  préférence  c'était  sur  des  points  élevés  plus  faciles  à  défendre  qu'on 
groupait  les  habitations.  Du  reste,  pour  briga  =r  bhrgha  le  sens  de  forteresse 
est  confirmé  par  le  thème  verbal  sanscrit  brha-,  brhati  «  il  fortifie  ». 

Le  substantif  bhrgha,  devenu  briga  ',  est  spécial  aux  Gaulois  et  fait  défaut 
dans  les  autres  dialectes  celtiques.  Les  trois  exemples  que  nous  en  avons  en 
Gaule,  Magetobriga  ou  Adinageto-briga,  Litano-briga,  Ebiiro-briga  établissent 
formellement  que  briga  est  gaulois  ;  et,  si  cette  doctrine  avait  besoin  de 
confirmation,  Arto-briga,  l'ApToSptya  que  Ptolémée,  1.  II,  c.  13,  §  2,  nous 
montre  sur  le  Danube  en  Vindélicie  prés  de  Botdoouoov,  non  loin  de 
Kappooouvov,  de  Ka;j.6oôouvov,  d"A£ouoîa>'.ov,  met  l'origine  gauloise 
d'ApToêp'.ya,  hors  de  contestation.  Le  nom  géographique  gaulois  Ebiiro- 
briga  qui  aurait  dû  donner  Evrovre,  ou  Avrovre  subsiste  sous  la  forme 
adoucie  Avrolle. 

Les  Gaulois,  entreprenant  la  conquête  de  l'Espagne  sur  des  populations 
belliqueuses  de  toute  autre  origine  qu'eux,  y  ont  bâti  des  forteresses  qu'ils 
ont  appelées  quelquefois  duiioii,  le  plus  souvent  briga.  Lt  nom  d'une  partie 
de  ces  forteresses  eut  pour  premier  terme  un  mot  gaulois.  Nous  citerons 
d'abord  Sego-briga  aujourd'hui  Segorbe,  dont  le  premier  terme  est  identique 
à  celui  de  trois  Sego-dunuiii,  un  en  Grande-Bretagne,  aujourd'hui  Walls- 
end,  un  en  France  aujourd'hui  Rodez,  un  en  Bavière  aujourd'hui  Burg- 
sinn  ^.  Sego-dtinuiii  et  Sego-briga  ont  le  même  sens  :  «  puissante  forteresse  ». 

Nerto-briga,  aujourd'hui  Valera  la  Vieja  5,  Nevieto-briga,  aujourd'hui 
Puente  de  Navea*,  ont  incontestablement  comme  premier  terme  un  mot 
celtique.  C'est  probable  pour  d'autres  comme  Dessobriga,Toiigobriga,  Turo- 
briga,  etc.  Quelques  noms  de  lieu  d'Espagne  dont  le  second  terme  est  briga 
pourraient  avoir  un  premier  terme  d'origine  ibérique,  le  nom  primitif  de  la 
localité  avant  l'occupation  gauloise  ;  mais  est-il  possible  d'en  donner  un 
exemple  certain  ? 

En  Grande-Bretagne  on  ne  trouve  pas  de  noms  de  lieu  dont  le  second 
terme  soit  briga.  Pourquoi  cette  différence  avec  l'Espagne  ?  Cela  se  com- 
prend facilement.  Au  iii^  siècle  avant  J.-C.  quand  une  partie  des  Gaulois 
du  rameau  belge,  chassés  des  pavs  à  l'est  du  Rhin  par  la  révolte  des  Ger- 
mains, se  réfugièrent  dans  la  Grande-Bretagne  et  firent  la  conquête  de  cette 
île  alors  occupée  par  les  Goidels,  ils  y  avaient  trouvé  une  population  de 
même  race  qu'eux,  parlant  presque  la  même  langue,  et,  tout  en  lui  impo- 
sant leur  domination  politique,  ils  se  laissèrent  dominer  religieusement  par 
le  principal  clergé  des  vaincus,  par  les  Druides,  comme  en  Gaule  devaient 


1.  Whitley  Stokes,  Urkeltischer  Sprachschat^,  ^.  171. 

2.  A.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat^,  t.  II,  col.  1446,  1447. 

3.  Holder,  Ibidem,  col.  723. 

4.  Holder,  Ibidem,  col.  711. 


Périodiques.  357 

faire  plus  tard  les  Francs  se  soumettant  aux  évêqucs  chrétiens  et  se  laissant 
baptiser  par  saint  Rémi.  Grâce  à  cette  concession,  en  Grande-Bretagne  les 
peuples  vaincus  s'assimilèrent  aux  vainqueurs  qui  n'eurent  guère  besoin, 
comme  en  Espagne,  de  créer  des  forteresses  nouvelles  pour  résister  aux 
révoltes  des  populations  vaincues.  La  plupart  des  noms  de  ville  en  Grande- 
Bretagne,  dont  le  nom  sous  la  domination  romaine  se  terminait  en  ilunum  ', 
peuvent  être  de  fondation  goidélique,  et  antérieurs  à  la  conquête  gauloise. 

Quant  à  la  notation  brica  elle  est  à  rapprocher  de  la  notation  Cains 
pour  Gains,  Cuaeus  pour  Gnaeus.  Le  C  troisième  lettre  de  l'alphabet 
latin  n'est  pas  autre  chose  que  le  F,  troisième  lettre  de  l'alphabet  grec  qui 
est  une  gutturale  sonore,  telle  a  été  la  valeur  primitive  du  C  latin.  Il  doit 
son  changement  de  son  à  l'influence  des  Étrusques  qui  n'avaient  pas  d'ex- 
plosives sonores.  Quand  nous  écrivons  coq,  cave,  cuve  par  un  c  et  non  par 
un  h,  nous  subissons  la  dcmination  desTarquins  vingt-cinq  siècles  après  la 
date  où  les  Romains  détrônèrent  Tarquin  le  Superbe.  C  pour  G  dans  les 
manuscrits  latins  et  les  inscriptions  latines  est  un  archaïsme  inspiré  quel- 
quefois par  la  paresse  ;  on  a  négligé  d'écrire  ou  de  graver  le  petit  trait  si 
grossi  chez  nous  qui  distingue  du  C  capital  la  lettre  majuscule  G. 

Le  substantif  gallois  hrk,  hrig,  sommet,  dont  parle  M.  J.  Loth,  p.  ^38, 
s'explique  par  le  nominatif  brik-s  du  thème  brior. 

Brio  «  ponte  »  dont  parle  aussi  M.  Dottin  et  qu'il  emprunte  au  glossaire 
dit  d'Endlicher  conservé  par  un  ms.  du  ix^  siscle  -,  est  une  notation  du 
haut  moyen  âge,  pour  Brioue  avec  ti  voyelle  prononcé  ou  comme  dans 
Brioude  r=  Briitate,  dérivé  de  Briua  «  pont  »  qui  a  été  aussi  prononcé  briva, 
en  français  Brive  ;  il  n'établit  nullement  que  Vu  consonne  de  Briua  «  pom  » 
soit  quelquefois  tombé  d'où  serait  résulté  confusion  entre  briva  et  briga. 

Après  le  mémoire  de  M.  Dottin,  viennent  des  notes  1°  de  M.  Adrien 
Blanchet  sur  le  couteau  de  table  des  Celtes  ;  2°  de  M.  Georges  Gassies  sur 
deux  statues  représentant  des  déesses,  l'une  cornue,  l'autre  pourvue  de 
grosses  mamelles;  3°  de  M.  C.  Jullian  sur  le  dieu  cornu,  Cernunnos. 
Enfin  M.  JuUian  donne  suivant  l'usage  une  bonne  chronique  gallo- 
romaine. 

II 

L'Athenaeum  du  4  mai  1907  rend  compte  d'une  séance  de  la  British 
Academv,  24  avril  dernier.  Le  professeur  Ridgeway  et  le  professeur 
R.  S.  Conway  v  ont  fait  d'intéressantes  communications  sur  les  plus 
anciennes  populations  de  l'Italie.  Pour  l'inscription  d'Ornavasso  en  Pié- 
mont, province  de  Novare  :  Latuiiiarui  Sapsutaipe  uinoni  nasoiii,  M.  Con- 
way propose    une  interprétation  diff"érente  de  celle  qu'a  donnée  en  1902 

1.  Branno-dunum,  Cambo-dunum,  Camulo-dunum,  Margi-dunum, 
Mori-dunum,    Rigo-dunum,    Sego-dunum,  Sorbio-dunum,  L'xello-dunum. 

2.  Voir  un  article  de  M.  Whitley  Stokes,  Revue  archéologique,  t.  XVIII 
(1868),  p.  340-344,  et  celui  que  M.  H.  Zimmer  a  inséré  dans  la  Zeitschrift 
de  Kuhn,  t.  XXXIl,  (1893),  p.  230-240. 


5  5^  Périodiques. 

M.  Kictscliincr,  Keviie  de  Kiihu,  t.  XXXVIII,  p.  99  et  suivantes.  M.  Kretsch- 
nier  considérait  Latuiiiand  et  Sapsutai  comme  des  génitifs;  suivant  M.  Con- 
way  ce  sont  des  datifs,  ce  sont  les  noms  des  destinataires  du  vin,  et  non 
pas  les  noms  des  propriétaires,  et  ces  propriétaires  étaient  gaulois,  la  tra- 
duction latine  serait  :  Latuniaro  Sapsutacqiie  uininn  iiaxiuvi  [mitto]. 

Suivant  le  professeur  Ridgeway,  la  plèbe  romaine  était  ligure;  comme 
telle,  elle  inhumait  ses  morts,  pratiquait  le  mariage  par  achat  de  la  femme, 
c'oeiiiptio,  et  portait  à  la  guerre  le  bouclier  long.  Les  patriciens  étaient 
Omtjriens,  brûlaient  leurs  morts,  se  mariaient  par  confarreatio  et  leurs  bou- 
cliers étaient  ronds.  Les  patriciens  conquérants,  mais  minorité,  adoptèrent 
la  langue  des  vaincus  plus  nombreux  ;  ils  agirent  ainsi  comme  plus  tard  en 
Gaule  devaient  faire  les  Francs.  M.  R.  S.  Conway,  professeur  à  l'Université 
de  Manchester  prit  ensuite  la  parole  pour  appuyer  son  collègue.  L'.athe- 
NAEUM  du  4  mai  a  donné  l'analyse  des  communications  de  MM.  Ridgeway 
et  Conway.  Leur  doctrine  est  très  séduisante,  il  s'ensuivrait  que  le  latin 
serait  un  dialecte  de  la  langue  des  Ligures.  On  sait  que  le  hgure  avait  con- 
servé \q  qn  indo-européen  changé  en  p  par  les  Ombriens,  les  Osques  et  les 
Gaulois  '.  Mais  comme  l'a  fait  observer  M.  Conway  \e  gii  aspiré  devenait 
/'dans  le  mot  ligure  Bornio  nom  du  dieu  des  eaux  chaudes.  On  sait  que  la 
même  lettre  devient /dans  le  latin /o;;//7/i,  «  chaud  »  -.  En  tout  cas  il  est 
établi  par  un  passage  de  Festus  qu'il  fut  un  temps  où  les  Ligures  étaient 
maîtres  des  sept  collines  où  plus  tard  on  bâtit  la  ville  de  Rome  '. 

Dans  l'exposé  de  la  doctrine  de  M.  Ridgeway,  je  vois  un  petit 
détail  qui  me  semble  sujet  à  critique.  Si  je  comprends  bien,  M.  Ridgeway 
affirme  que  chez  les  Grecs  de  la  littérature  homérique  et  chez  les  Teutons 
le  futur  gendre  n'achetait  pas  sa  future  épouse  au  futur  beau-père.  Or  ïsova 
est  précisément  dans  VOdyssée  le  nom  du  prix  d'achat  pavé  par  le  futur 
gendre  au  futur  beau-père  *.  Un  usage  identique  a  existé  chez  les  Ger- 
mains 5. 

De  la  communication  de  M.  Conway  est  résulté  ceci  :  Nous  lisons 
dans  I'Athenaeum  du  22  juin  que,  dans  sa  séance  du  11  juin,  la  Bn'iish 
Academy  a  voté  une  subvention  au  professeur  Conway  pour  lui  faciliter 
l'exécution  du  travail  qu'il  prépare  sur  les  inscriptions  ligures  et  vénétes. 

L'Athenaeum  du  i^r  juin  nous  apprend  que  le  21  mai  dernier  a  eu  lieu 
la  première  séance  de  la  Gaelic  Association  tout  récemment  créée  à  l'Uni- 
versité   de  Dublin.    Nous  avons   constaté    avec  regret  que  le   professeur 

1.  MùWenhoff,  Deutsche  Aîtertumshaide,  t.  III,  p.  179. 

2.  Brugmann,  Grundriss,  t.  I,  2^  édition,  p.  600. 

3.  Sacrani  appellati  sunt  Reate  orti,qui  ex  Septimontio  Ligures  Siculosque 
exegerunt. 

4.  Buchholz,  Homerische  Realien,  t.  II,  seconde  partie  (1885),  p.  20. 
Ebeling,  Lexicon  homericiim,  t.  I  (1885),  p.  341. 

5.  Ursprunglich  war  die  ehe  ein  kaitf;  der  freier  entrichtete  dem,  in 
dessen  gewait  sie  die  junfrau  oder  witwe  befand,  dem  vater,  bruder  oder 
vormund,  einen  preis,  wo  fur  ihm  die  braut  angelobt  und  uberliefert  wurde. 
Jacob  Grimm,  Deutsche  Rechtsalteiihiïiiier,  2^  édition,  p.  420,  421. 


Périodiques.  359 

Robert  Atkinson  n'y  assistait  pas.  Le  professeur  Edward  Gwyn  présidait. 
M.  W.  J.  Stuart  Weir,  faisant  fonction  de  secrétaire,  déclara  que  le  but 
de  cette  société  nouvelle  n'était  pas  politique,  qu'elle  avait  pour  objet 
l'encouragement  de  la  vie  nationale  dans  son  sens  le  plus  élevé.  Le  prési- 
dent ajouta  que  la  création  de  la  Gaelic  Association  était  une  réponse  à  un 
reproche  fait  à  l'Université  de  Dublin,  qui,  dans  son  collège  de  la  Trinité, 
négligeait,  disait-on,  l'Irlande. 


III 

Comptes  rendus'  des  sé.^nces  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres,  année  1906. —  P.  389,  le  commandant  Espérandieu  parle 
des  découvertes  de  monuments  romains  faites  grâce  aux  fouilles  qui  se 
pratiquent  au  Mont  Auxois  sur  l'emplacement  d'Alésia.  —  P.  393,  commu- 
nication de  M.  Audollent  sur  la  découverte  d'une  statuette  de  ^lercure  au 
sonmiet  du  Puy  de  Dôme.  —  P.  401  et  481,  lettres  du  commandant 
Espérandieu  annonçant  de  nouvelles  trouvailles  faites  au  Mont  Auxois,  des 
planches  les  accompagnent  ;  ces  planches  représentent  Jupiter  entre  Minerve 
et  Junon,  un  Dioscure,  le  torse  d'une  amazone,  un  Gaulois  mort,  une  tête 
coupée,  etc.  On  a  trouvé  aussi  des  traces  de  huttes  gauloises  en  terre 
cuite,  et  une  partie  de  la  statue  d'un  chef  gaulois.  —  P.  535,  exposé  par 
M.  Cartailhac  de  la  découverte  d'une  caverne  ornée  de  dessins  qui 
paraissent  remonter  au  premier  âge  de  la  pierre  et  qui  représentent  des 
animaux,  bisons,  chevaux,  bouquetins,  cervidés  ;  elle  est  située  dans  le 
département  de  l'Ariège.  Ces  dessins  se  trouvent  dans  une  rotonde  où  l'on 
arrive  par  une  galerie  longue  de  800  mètres.  —  P.  723,  M.  L.  Joulin  dit 
qu'n  en  ce  qui  concerne  Toulouse,  la  question  du  premier  emplacement, 
discutée  depuis  le  xvie  siècle,  se  trouve  définitivement  résolue.  Il  y  avait 
dès  l'époque  préceltique,  sur  les  coteaux  de  la  Vieille  Toulouse,  une  agglo- 
mération qui  a  subsisté  jusqu'à  l'avènement  de  l'Empire  romain.  La  ville 
des  bords  du  fleuve  a  été  fondée...  par  les  Celtes  des  premières  invasions  ; 
elle  est  devenue  au  iii^  siècle  la  capitale  des  Volkes  Tectosages  ». 

IV 

Pro  Alesia  a  eu  depuis  notre  dernier  compte  rendu,  ci-dessus,  p.  107, 
quatre  livraisons,  novembre,  décembre  1906,  janvier-février,  mars-avril 
1907.  On  y  trouve  plusieurs  articles  de  vulgarisation,  reproductions  de 
publications  précédemment  faites  par  Allmer  et  par  M.  Hirschfeld,  textes 
antiques  concernant  Alésia  ;  signalons  seulement  ce  qu'il  y  a  de  nouveau  : 
p.  65,  la  Vénus  d'Alésia,  par  Salomon  Reinach,  avec  quatre  figures  dans 
le  texte  ;  p.  147,  notes  du  commandant  Colin  sur  les  travaux  romains 
devant  Alesia;  p.  159,  réponse  aux  critiques  dirigées  contre  la  lettre  du 
commandant  Espérandieu  qui,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  parlait  de  huttes 
gauloises  découvertes  pendant  les  fouilles  d'Alésia;  p.  129,  notice  de 
M.  Héron  de  Villefosse  sur  un  miroir  trouvé  dans  les  mêmes  fouilles,  trois 


560  Périodiques. 

figures  hors  texte  ;  p.  113,  signalons  enfin  une  note  du  commandant  Espé- 
randieu  sur  la  statue  de  chef  gaulois  ;  au  paragraphe  m,  une  planche 
l'accompagne. 

V 

Dans  le  vol.  XXXVII  du  Journal  of  the  Royal  Society  of  Anti- 
auARiEs  of  Ireland,  part,  i  (31  mars  1907),  p.  61,  Sir  John 
Rhvs  a  donné  un  savant  article  sur  l'ogam  de  Kilmannin  au  comté 
de  Mayo  en  Irlande  :  DDISI  MOCQU  SELA  LUGADDON  MONGTI 
LUGEDEC,  c'est-à-dire  :  «  ci-dessous  est  la  famille  de  Sil,  de  Lugaed,  de 
Moingthe,  de  Lugaid.  »  Sela  tenant  lieu  d'un  plus  ancien  *  Selyas  serait  le 
génitif  de  *5f//5  qui,  en  irlandais  moderne  donnerait  5//.  i,M^Wt/o;z,  plus 
anciennement  *  Lugiiaidonas  serait  le  génitif  de  Litgiiaed,  plus  tard  Lugaed. 
Moiigti,  mieux  Mongati,  pour  un  primitif  *  Mongatii,  serait  le  génitif  d'un 
archaïque  *  Morigalias,  en  irlandais  moderne  Muhigthe,  Moingthe,  «  che- 
velu, pourvu  de  crinière  ■>■>.  Du  génitif  Liigedec,  la  forme  ogamique  la  plus 
ancienne  est  Lugudeccas  \  qui  suppose  un  nommzùi  * Liigiidics .  Est  à 
comparer  le  génitif  Ltiguadici  (Corpus  inscriptionum  latinarum,  t.  II, 
n"  2732),  qui  suppose  un  nominatif  *  Luguadicos.  Le  nom  du  dieu  Lug  = 
Litgit-s  est  la  base  de  ces  dérivés. 

Le  29  janvier  dernier  M.  Patrick  Weston  Joyce,  savant  connu  par  d'im- 
portantes publications,  a  été  élu  président  de  la  Royal  Society  of  Antiquaries 
ofireland. 

VI 

Le  numéro  de  la  Celtic  Review  qui  est  daté  du  5  avril  dernier  contient 
principalement  la  continuation  d'articles  commencés  dans  les  livraisons  pré- 
cédentes :  le  Glenmanasan  Manuscript  publié  et  traduit  par  M.  Mackinnon, 
l'étude  du  Rev.  Charles  M.  Robertson  sur  les  dialectes  gaéliques  d'Ecosse, 
celle  du  professeur  H.  H.  Johnson  sur  les  cités  submergées,  l'édition  du 
morceau  intitulé  «  Guerrier  du  bouclier  rouge  »,  Gaisceach  lia  Sgeithe  Detrge, 
pubhée  par  M.  Kenneth  Macleod.  M.  H.  H.  Johnson  dans  le  mémoire 
sur  les  cités  submergées  que  nous  venons  de  mentionner  revient  sur  la 
légende  de  Maes  Gwydden,  étudiée  par  M.  J.  Loth  en  1903  dans  le  tome 
XXIV  de  la  Revue  Celtique,  p.  349-364,  et  précédemment  dès  1901  par 
Sir  J.  Rhys,  Celtic  Folklore,  t.  I,  p.  381  et  suivantes.  Il  y  a  une  légende 
semblable  dans  la  Bretagne  continentale,  celle  de  la  submersion  de  la  ville 
d'Is,  à  laquelle  l'Irlande  peut  comparer  la  pièce  intitulée  ^ided  Echach 
mheic  Mhaireda  «  Mort  d'Eochaid  fils  de  Mairid  »,  publiée  en  1892  par 
M.  Standish  Hayes  O'Grady,  Silva  Gadelica,  textes  irlandais,  p.  233-237, 
traductions,  p.  265-269  -.  Inutile  de   parler  ici  des  éditions  antérieures. 

1.  R.  A.  Stewar  Macalister,  Studies  in  irisb  Epigmphy,  Part.  I,  p.  14, 
22,  24, 26. 

2.  Cf.  Dindsenchas,  édité  par  M.  Whitlev  Stokes,  article  141,  Revue  Cel- 
tique, t.  XVI,  p.  150-153  ;  et  Annales  de  Tigernach  éditées  par  le  même, 
Revue  Celtique,  t.  XVII,  p.  147. 


Périodiques.  561 

VII 

Dans  le  Folklore,  t.  XVIII,  no  i,  50  mars  1907,  M.  Arthur  Bernard 
Cook  continue  sous  le  titre  de  The  European  Sky-God,  «  Le  dieu  européen 
du  ciel  »,  son  étude  sur  la  mythologie  celtique.  L'auteur  possède  une  con- 
naissance fort  méritoire  de  la  littérature  néo-celtique,  mais  ne  paraît  pas  se 
rendre  compte  du  rôle  qu'a  dû  jouer  l'imagination  et  l'esprit  inventif  des 
écrivains  auxquels  sont  dus  les  récits  qu'il  cite  et  qui  appartiennent  à  des 
siècles  fort  éloignés  les  uns  des  autres. 

La  même  livraison  contient  une  note  de  M.  T.  P.  U.  Blake  sur  les  cou- 
tumes matrimoniales  de  l'Irlande  occidentale.  Entre  autres  détails,  on  peut 
remarquer  la  suppression  de  l'usage  de  payer  au  père  de  la  mariée,  le 
coihche  ou  prix  d'achat  de  sa  fille  ;  c'est  le  curé  qui  reçoit  ce  prix  d'achat, 
fixé  aujourd'hui  à  un  dixième  de  la  dot.  Un  changement  analogue  s'est 
produit  en  France  dans  le  département  de  la  Côte-d'Or.  Quand  les  ambas- 
sadeurs du  roi  des  Francs,  Clovis,  allèrent  dans  le  royaume  des  Burgundes 
demander  en  mariage  Clotiide  qui,  fille  du  roi  Chilpéric  alors  défunt,  était 
sous  la  tutelle  de  son  oncle  le  roi  Gondebaud,  ils  l'achetèrent  à  Gondebaud 
suivant  l'usage  un  sou  et  un  denier,  soit  treize  deniers  ^  C'était  en  492. 
Quand  1371  ans  plus  tard,  comme  le  roi  Clovis,  je  me  suis  marié  en  Bour- 
gogne, mais  sans  être  comme  lui  précédé  d'ambassadeurs,  c'est  avec  surprise 
que  je  me  suis  vu  réclamer  les  treize  pièces  de  monnaie  traditionnelles  en 
cette  province.  Mais  ce  n'était  pas  le  futur  beau-père  qui  me  les  demandait 
c'était  le  sacristain,  représentant  du  curé.  J'en  ai  été  quitte  pour  treize 
francs,  beaucoup  moins  que  les  quatre  ou  cinq  livres  dont  parle  M.  Blake  -. 
Déjà,  du  reste,  Clovis,  achetant  Clotiide  pour  treize  deniers,  ne  pouvait 
se  plaindre  d'avoir  payé  trop  cher  cette  fille  et  nièce  de  rois. 

Le  rapport  annuel  lu  le  16  janvier  à  l'assemblée  de  la  Folklore  Society 
donne  la  liste  des  mémoires  lus  dans  les  réunions  de  cette  Compagnie  pen- 
dant l'année  1906.  Ils  paraissent  avoir  été  fort  intéressants,  mais  semblent 
être  restés  inédits.  Nous  signalerons  par  exemple  le  travail  de  Miss  Eleanor 
HuU  intitulé  :  The  Evolution  of  the  Idea  oj  Hades  in  Celtic  Literatiire  ;  nous 
serions  heureux  d'en  apprendre  la  publication. 

Comme  annexe  à  cette  livraison,  il  a  paru  une  Bibliographie  des  livres 
et  articles  concernant  le  folklore  publiés  en  1905  dans  l'empire  britannique. 
L'auteur  est  M.  N.  W.  Thomas.  Sur  vingt-quatre  pages,  généralités  et 
index  non  compris,  l'Europe  en  occupe  cinq.  Le  reste  est  consacré  à  l'Asie, 
l'Afrique,  l'Amérique  et  l'Océanie. 

VIII 

Le  Bulletin  archéologiq,ue  du  Comité  des  Travaux  historiques 
ET  SCIENTIFIQ.UES,  année  1906,  troisième  livraison,    offre,  p.  374-377,  un 

1.  Chronique  de  Frédégaire,  1.  III,  chapitre  18,  Scriptores  reruni  merovin- 
gicaruni,  t.  II,  p.  100,  1.  13. 

2.  Ces  quatre  ou  cinq  livres  forment  probablement  la  totalité  des  hono- 


562  Périodiques. 

rapport  de  l'abbé  F.  Poulaine,  constatant  qu'à  Voutenay,  Yonne,  il  a 
fouillé  un  tumulus  contenant  deux  squelettes  qui  avaient  chacun  un  collier 
de  bronze  au  cou,  un  bracelet  de  bronze  au  bras  droit.  Il  y  a  trouvé  aussi 
des  anneaux  et  des  lances  de  fer,  le  tout  fort  oxvdé.  Quelques  objets  en 
silex,  recueillis  sur  l'aire  du  tumulus,  étaient  déjà  là  sans  doute,  quand  le 
tumulus  a  été   élevé  pour   servir  de  sépulture  à  deux  Gaulois. 

IX 

La  Revue  (hs  traditions  populaires,  tome  XXI,  n°  12,  débute  par  cinq 
contes  bas-bretons,  dont  les  quatre  premiers  racontent  l'histoire  de  jeunes 
gens  dont  la  force  était  merveilleuse.  C'est  la  forme  qu'a  prise  en  Basse- 
Bretagne  dans  la  bouche  du  peuple  la  légende  de  Cùchulainn  (voir  Kevuê 
Celtique,  t.  XXVII,  p.  321,  522).  A  l'âge  de  cinq  ans,  un  de  ces  jeunes 
Bretons  était  haut  d'un  mètre  quatre-vingt  et  entre  ses  bras  avait  étouffé  un 
bœuf.  Un  autre  se  mit  en  route  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  sa  canne  était  de 
fer  et,  pour  la  fabriquer,  il  avait  fallu  deux  ou  trois  charretées  de  fer.  Un 
troisième  n'avait  que  seize  ans  quand  il  quitta  sa  vieille  mère,  son  bâton 
était  aussi  de  fer  et  pesait  cent  mille  livres. 

Le  tome  XXII,  année  1907,  nos  j-^^  contient,  p.  63-64,  une  chanson  bre- 
tonne recueillie  dans  l'île  de  Groix.  Des  traditions  populaires  bretonnes 
d'un  caractère  merveilleux  y  paraissent  aux  pages  22-29,  73>  74>  78-80, 
132,   133. 


VAti^eiger  qui  termine  le  tome  XX  des  Indogermanische  Forschun- 
GEN,  contient,  p.  154-161,  le  relevé  des  livres  et  des  mémoires  dont  les 
langues  celtiques  ont  été  l'objet  pendant  les  trois  années  1902,  1903,  1904. 
Ce  travail  méritoire  est  signé  B.  Est-il  de  M.  Karl  Brugmann  ? 

Au  tome  XXI,  première  et  deuxième  livraison,  p.  99-115,  M.  v.  Blan- 
kenstein  a  donné  un  article  sur  le  grec  /.ai-é.  et  les  mots  qui  sont  apparen- 
tés à  cette  préposition  ;  p.  106,  il  admet  que  parmi  ces  mots  il  faut  placer 
l'irlandais  cet  «  avec  »  ',  en  breton  ancien  caiit,  aujourd'hui  o-fl»/.  Aux  pages 
167  et  suivantes,  M.  H.  Hirt  présente  l'a  du  latin  matière  comme  une  forme 
affaiblie  de  l'f  de  aîvo,  et  il  rapproche  cet  a  de  celui  de  l'irlandais,  pensant 
je  suppose,  au  verbe  anaim  où  Vm  initial  est  tombé  ^.  A  la  page  175, 
M.  Thurneysen  expose  l'identité  de  hitu-  dans  hitumen  avec  betu-  dans  le 
gaulois  betii-lla,  «  bouleau  >>;  hitu  ^* guetu-  n'est  pas  un  mot  d'origine  latine, 
c'est  le  nom  d'une  sorte  de  gomme  extraite  du  bouleau  (Pline,  N.  H., 
XVI,  75);  p.  179,  il  rapproche  le  latin  haud  :=:*  bauiduvi  de  l'irlandais 
gau,  en  breton  gaou  mensonge,  et  p.  180,  il  croit  pouvoir  reconnaître  dans 

raires  du  curé  irlandais.  Le  curé  bourguignon  ne  s'est  pas  contenté  de  mes 
treize  pièces,  et  l'idée  ne  m'est  pas  venue  de  trouver  ses  prétentions  exagé- 
rées. 

1.  Cf.  Whitley  Stokes,  Urkeltischer  Sprachschat^,  p.  94. 

2.  Cf.  Whitley  Stokes,  Ibidevi,  p.  210. 


Périodiques.  563 

le  second  terme  du  latin  coii-sulerc  la  racine  du  celtique  *i«/;/(/,  en  irlandais 
selhh,  en  gallois  hchi<  <'  possession  »;  ce  n'est  pas  la  doctrine  de  M.  Walde. 
Lateinischcs  etyiiiologisches  Woerteibiich,  p.  159,  au  mot  consiliiiiii. 

XI 

La  livraison  des  Annales  de  Bretagne  qui  est  datée  d'avril  1907 
(t.  XXII,  no  3)  débute  par  la  première  partie  d'un  article  de  M.  de  Closma- 
deuc  sur  la  Vénus  du  château  de  Quinipily,  commune  de  Baud,  Morbi- 
han. C'est  une  statue  de  granit,  haute  de  sept  mètres,  représentant  une 
femme  nue  et  qui  paraît  avoir  été  intentionnellement  dégradée.  Au  milieu 
du  xvii^  siècle,  elle  se  trouvait  près  de  Q.uinipily,  sur  le  territoire  de  la 
commune  de  Bieuzy;  elle  y  était  l'objet  d'un  culte  qui  scandalisa  le  clergé 
chrétien.  Des  fidèles  zélés  la  jetèrent  deux  fois  dans  la  rivière,  la  retaillèrent 
pour  la  rendre  moins  séduisante,  ils  auraient  mieux  fait  de  la  transporter 
dans  un  musée.  Cette  statue  est  probablement  un  ancien  menhir  gaulois, 
romanisé  par  un  sculpteur  sous  i'Rmpire  romain.  Est  à  comparer  ce 
qui  a  été  dit  du  culte  des  nie)ilnr  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XXVII,  p.  314- 
517,  t.  XXVIII,  p.  128,  129. 

La  Vénus  de  Bieuzy  est  aujourd'hui  conservée  comme  objet  de  curiosité 
au  château  de  Quinipilv  comme  le  menhir  de  Kervadel  au  château  de 
Kernuz  '. 

M.  Pierre  Le  Roux  continue  la  publication  des  curieuses  chansons  bre- 
tonnes de  la  collection  Penguern. 

M.  Ferdinand  Lot  donne  un  nouveau  chapitre  de  ses  mélanges  d'his- 
toire bretonne  ;  comme  plus  haut  p.  220,  il  s'occupe  du  ixe  siècle  et  de 
Nominoé;  ici  il  parle  de  l'intervention  du  prince  breton  dans  le  domaine 
ecclésiastique.  Nominoé  fit  un  schisme  par  la  création  de  l'archevêché  de 
Dol  et  en  prétendant  ainsi  affranchir  les  diocèses  bretons  de  la  juridiction 
de  l'archevêque  franc  de  Tours.  Ce  schisme  dura  jusqu'en  1 199  ^  ;  et,  chose 
curieuse,  en  1859,  une  bulle  du  pape  Pie  IX,  d'accord  avec  le  gouverne- 
ment français,  créant  l'archevêché  de  Rennes,  détacha  de  nouveau  la  Bre- 
tagne de  la  province  de  Tours  '. 

XII 

Le  tome  XL  de  la  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung 
se  termine  par  un  index  où  deux  colonnes  de  la  page  575  sont  consacrées 
aux  langues  celtiques.  Le  tome  XLI,  dont  la  première  livraison  a  paru 
récemment,  sera  le  résultat  de  la  fusion  accomplie  entre  la  Zeitschrift  et 
les  Beitràge  ^ur  Kunde  der  indûgermanisc1)en  Spracimi  dont  le  tome  trentième, 
publié  en  1906,  sera  le  dernier. 


1.  Revue  Celtique,  t.  XXVII,  p.  318. 

2.  D.  Morice,  Histoire  de  Bretagne,  t.  I,  p.  125  ;  La  Borderie,  Histoire  de 
Bretagne,  t.  III,  p.  205  ;  Gams,  Séries  episcoporum,  p.  547. 

,3.   Gams,  Séries  episcoporum,  p.  607. 


là... 


3  64  Périodiques. 

A  la  page  204  de  cette  première  livraison,  M.  C.  C.  Uhlenbcck  dit 
qu'en  1903  il  a  proposé  de  considérer  comme  venu  du  celtique  le  basque 
aiid7r  «  dame  ».  L'article  écrit  par  M.  Magnus  Olsen  sur  le  même  sujet,  et 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  p.  106,  est  postérieur  de  trois  ans. 

XIII 

Dans  le  Bulletin  des  publications  hagiographiques,  Analecta  Bollandiana, 
t.  XXVI,  fasc.  I,  p.  114,  le  P.  Poncelet  reprend  après  M.  Campion, 
Annales  de  Bretagne,  t.  XXI,  p.  277-284,  la  question  de  savoir  quel  rapport' 
il  peut  y  avoir  entre  saint  Servatius,  évêque  de  Tongres  en  Belgique  et  la 
ville  de  Saint-Servan,  en  France,  département  d'Ille-et-Vilaine. 

A  la  page  126,  le  même  critique  fait  l'éloge  d'un  article  de  M.  Alfred 
Schulze  sur  la  légende  de  saint  Brendan  dans  la  Zeitschrift  fi'ir  romanische 
'Philologie,  t.  XXX,  p.  257-279. 

XIV 

La  R0MANIA,  t.  XXXVI,  livraison  de  janvier  1907,  nous  met  sous  les 
yeux,  p.  91-96,  une  étude  de  mon  savant  confrère  M.  Antoine  Thomas  sur 
l'étymologie  du  mot  français  dard,  nom  de  poisson,  qu'on  devrait  écrire  dars 
et  dont  la  forme  la  plus  ancienne  est  darsus  chez  Smaragde,  Expositio  in  octo 
partihiis  Donati.  M.  A.  Thomas  suppose  que  ce  mot  est  d'origine  gauloise. 
Il  existe  encore  en  breton  sous  les  formes  dan^  et  dars  comme  le  lui  a  écrit 
M.  J.  Loth. 

Dans  une  «liste  des  mots  obscurs  et  rares  de  l'ancienne  langue  française», 
RoMANiA,  t.  XXXVI,  avril,  p.  252-301,  le  même  M.  A.  Thomas  donne, 
p.  360,  le  verbe  camhoisser,  «  s'arquer,  tanguer  »,  déjà  signalé  par 
M.  Delboulle,  Romania,  t.  XXXI  (1902),  p.  367.  M.  Delboulle  l'avait 
trouvé  dans  l'ouvrage  intitulé  :  «  Des  nobles  malheureux  »,  III,  8,  édition 
de  1538: 

«  Vivre  en  un  bateau  sur  mer  flottant  et  camboissant.  » 

L'étymologie  celtique  de  ce  mot  résulte  d'un  article  de  feu  Nigra  sur  des 
mots  romans,  provenant,  comme  ce  mot  français,  de  l'adjectif  gaulois 
camho-s,  camha,  «  courbe  »,  Archivio  glottologico,  t.  XV  (1900),  p.  280, 
article  auquel  renvoie  la  Romania,  t.  XXXII  (1903),  p.  471.  Sur  le  gaulois 
camho-s,  camha,  voyez  Holder,  Altceltischer  Sprachschat:^,  t.  I,  col.  714-716, 
où  est  amplement  développé  ce  qui  est  dit  de  ce  mot  dans  la  Grammatica 
celtica,  première  édition,  p.  96,  1.  9,  10;  deuxième  édition,  p.  81,  1.  32, 
3  3  ;  cf.  Whitley  Stokes,  Urkeltischer  Sprachschat-,  p.  78:  Karl  Brugmann, 
Grundriss,  t.  I,  2^  édition,  p.  694;  voir  aussi  Kuno  Meyer,  Contributions 
to  irish  Lexicograpliy,  t.  I  p.  311. 

De  plus,  M.  Antoine  Thomas  me  fait  observer  qu'on  doit  placer  à  côté  de 
camhoisser  un  mot  usité  en  Limousin,  Auvergne  et  Périgord,  c'est  chamhige, 
nom  de  la  pièce  courbe  de  bois  qui  est  la  partie  essentielle  de  la  charrue. 


Périodiques.  365 

Ce  mot,  sous  la  forme  picarde  Cambiche  et  sous  la  forme  précitée  Chambige, 
est  employé  comme  nom  propre  d'homme.  C'est  originairement  un 
sobriquet  donné  à  un  ancêtre  à  cause  de  la  courbure  anormale  de  son  dos, 
sobriquet  conservé  par  ses  descendants  malgré  la  rectitude  de  leur  échine, 
tels  les  Bastard  d'aujourd'hui  qui  cependant  sont  nés  en  légitime  mariage 
depuis  plusieurs  générations  ;  tels  les  A-la-petite,  les  A-la-Deuise  qu'on 
aurait  grand  tort  de  considérer  comme  fils  de  père  inconnu. 

J'allais  donner  le  bon  à  mettre  en  page  de  cet  article  déjà  composé  à 
l'imprimerie  quand  j'ai  reçu  un  mot  de  M.  A.  Thomas  : 

(c  Ma  note  sur  Estève  de  Chambige  se  trouve,  dit-il,  dans  le  Bullelin  de 
la  Société  des  parler  s  de  France,  n°  4-5  (1894),  p.  107.  » 

Il  me  rappelle  en  outre  qu'il  m'a  signalé  comme  d'origine  celtique  le 
bas-latin  caialntUa  «  crosse  »  dont  il  a  parlé  dans  Romania,  t.  XXXV, 
p.  118-119,  à  propos  d'un  article  de  M.  Nigra  dans  les  Batistcine  ^iir  roma- 
niscbcn  Philologie,  Festgabe  fur  Adolfo  Mussafia. 

XV 

Le  BoLETiN  DE  LA  Real  Academia  DE  LA  HisTORiA,  tomc  L,  Contient, 
p.  1-32,  un  mémoire  du  Dr.  Nicola  Feliciani  sur  les  sources  à  consulter 
pour  l'histoire  de  la  seconde  guerre  punique  en  Espagne,  218-206.  —  Le 
P.  Fita  y  continue,  p.  196-213  et  271-310,  sa  révision  du  t.  II  du  Corpus 
inscriptionum  latinarum.  Il  nous  donne  entre  autres  choses,  p.  310,  un 
exemple  nouveau  du  nom  d'homme  gaulois  Segontius  '.  M.  Angelo  Casi- 
miro  de  Govaiîtes  cherche  à  fixer,  p.  235-247,  la  position  de  la  localité  dite 
Contrclnam  qiiae  Leiicada  appellatiir  dans  le  fragment  du  livre  XCI  de  Tite 
Live,  où  il  est  question  des  opérations  militaires  faites  en  Espagne  par  Ser- 
torius  l'an  77  avant  J.-C.  -.  Suivant  lui,  cette  Contrehia  appartenait  aux 
Arevaci.  C'est  Contreras,  province  de  Burgos,  partido  de  Salas  de  los 
Infantes.  Il  ne  faut  pas  la  confondre  avec  Contrehia,  capitale  des  Celti- 
béres  '.  —  P.  249,  le  marquis  de  Monsalud  donne  une  lecture  nouvelle  de 
l'inscription  qui  porte  le  no  741  dans  le  C.  /.  L.,  t.  II,  p.  88  ;  au  lieu  de 

DMS 
CILIVS  il  faudrait  lire  CILEUS 

CAENONIS  F  SAENONI 

APVLVS  ANO.XV.M.I 

EAECO  F.  APVLVS 

V.S.L.M  FALCO 

V.S.L.M 

M.  Hùbner  n'avait  pas  vu  lui-même  cette  inscription  et  l'a  donnée  d'après 
la  copie  de  Philippe  Guena. 

1.  Cf.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat:(,  t.  II,  col.  1450. 

2.  Tite-Live.  édition  Weissenborn,  1862,  t.  VI,  p.  ix  ;  cf.  Mommsen, 
Rômiscbe  Geschichte,  6^  édition,  t.  III,  p.  29,  30;  Revue  Celtique,  t.  XV,  p.  10, 
où  il  a  été  dit  que  cette  ville  appartenait  aux  Berones. 

3.  Revue  Celtique,  t.  XV,  p.  18. 


366  Périodiques. 


XVI 

La  suite  du  mémoire  d' A  limer  sur  les  dieux  de  la  Gaule,  d'Urobrocac  à 
Vellannus,  a  paru  dans  la  REVUiiÉpiGKAPHiQUE,  t.  V,  no  120,  p.  202-207. 

XVII 

M.  A.  de  Loisne  a  recueilli  dans  des  travaux  de  terrassements  faits 
récemment  à  Arras  des  marques  de  potiers  gallo-romains  qui  sont  repro- 
duites aux  pages  405  et  suivantes  du  bulletin  de  la  Société  nationale 
DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE,  4e  trimestre  de  1906.  Quelques-uns  de  ces 
noms  de  potiers  paraissent  gaulois  :  Beqiiro  \  Erkus',  Lairino,  Lixia^, 
Rennicus  *. 

XVIII 

M.  E.  Ernault  a  donné  dans  le  Fureteur  breton  d'avril-mai  1907,  des 
textes  intéressants  pour  l'histoire  de  la  langue  bretonne.  Ce  sont  des 
extraits  en  prose  du  Doctrinal  ar  Clnistenicn,  in- 12,  imprimé  à  Morlaix  en 
1628.  M.  Ernault  avait  déjà  tiré  de  cet  ouvrage  dix-neuf  cantiques  dont  il 
a  publié  le  premier  en  1891  dans  le  t.  XVIII,  p.  114-124,  du  Bulletin  de  la 
Société  arcJiéologique  du  Finistère^,  les  dix-huit  autres  dans  V Archiv  jûr 
cdtische  Lexicographie,  t.  I  (1900),  p.  214-223,  360-593,  556-606,  en  y 
joignant,  p.  606-627,  ^"  "  Index  des  formes  et  expressions  notables  non 
mentionnées  dans  son  Glossaire  moyen-breton  »  (1895).  Dans  cet  index, 
comme  au  début  du  texte  en  prose  inséré  dans  le  Fureteur  breton,  on 
peut  remarquer  un  nom  du  démon  a:iraouant  ^,  aujourd'hui  aerouanl  := 
air-rouant,  c'est-à-dire  «  roi  des  serpents  »  ;  cf.  rouant-ele^  «  royaume  ». 

Le  Doctrinal  ar  Christenien  a  été  traduit  du  français  par  le  breton  Tanguy 
Guegen  qui  en  a  donné  une  première  édition  en  1622  sous  le  titre  de 
Doclrin  ar  Christenien.  De  cette  édition  M.  J.  Loth  a  extrait  un  cantique  qu'il 
a  inséré  en  1890  dans  sa  Chrcstoniathie  bretonne,  p.  299-301.  Le  texte 
primitif  était  espagnol  et  dû  au  jésuite  Jacques  Ledesma^. 

L'article  suivant  est  intitulé  :  The  de  la  Villeniarqué  Bubhle  et  signé 
Keranborn.  Je  n'ai  rien  à  ajouter  à  ce  que  j'ai  dit  du  vicomte  Hersart  de 
La  Villemarqué  dans  l'article  nécrologique  publié  en  1896,  Revue  Celtique, 
t.  XVII,  p.   76-79. 

1.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat^,  t.  I,  col.  364. 

2.  Ibidem,  col.  1463. 

3.  Cf.  Lixa,  Holder,  Altceltischer  Sprachschuti,  t.  II,  col,  275. 

4.  C{.  Renicus,  ibidem,  col.  1127. 

5.  Cf.  Revue  Celtique,  t.  XII,  p.  411. 

6.  Airouant  dans  le  Catholicon  de   Lagadeuc. 

7.  Brunet,  Manuel  du  libraire,  5=  édition  (1862),  t.  III,  p.  919;  Sommer- 
vogel,  Bibliothèque  de  la  Compagnie  de  Jésus  (1893),  ^-   ^^  >   '^o'-  1648-1650. 


Périodiques.  367 

XIX 

Les  livraisons  d'avril,  mai  et  juin  de  I'Irisleabhar  na  gaedhilge, 
contiennent  la  suite  donnée  par  M.  Sean  OhOgain,  d'une  édition  de  la 
pièce  intitulée  Brisleach  Mhor  MJ)aighe  Mhuirtbeiiiihiie.  Il  ne  faut  pas 
confondre  cette  pièce  avec  celle  qui,  à  peu  près  sous  le  même  titre,  Breslech 
Maige  Murtbeinne,  a  été  publiée  par  M.  Ernst  Windisch,  Tdiii  hô  Ciialnge, 
1.  2430-2812,  p.  337-405,  et  qui  se  trouve  dans  le  Livre  de  Leinster,  p.  75, 
col.  2  à  p.  79,  col.  I  ;  dans  le  Lehor  nu  bUidre,  p.  77,  col.  2  à  p.  81,  col.  2. 
Ce  que  M.  Sean  ÔhÔgain  nous  fait  connaître  est  une  composition  plus 
récente,  dont  la  date  reste  à  fixer. 

XX 

M.  H.  Schuchardt  a  donné  au  tome  XXX,  p.  712-732,  de  la  Zeitschrift 
FUR  ROMANISCHE  Philologie  un  article  fort  savant  sur  les  noms  de  pois- 
sons réunis  dans  le  Latercuhis  de  Polemius  Silvius,  qui  date  de  l'an  449 
après  J.-C.  Ce  texte  latin  a  été  publié  par  Mommsen  dans  les  Momimenta 
Gernianiae  bistorica,  in-40,  Aitctonini  antiquissinioruw,  tomtis  I,  p.  518-551, 
et  les  noms  des  poissons  y  sont  réunis  à  la  page  543,  1.  5-18.  M.  Schu- 
chardt se  proposait  pour  but  de  compléter  les  notions  réunies  dans  un 
excellent  mémoire  de  M.  Antoine  Thomas  publié  dans  le  tome  XXXV  de 
la  Romaiiia,  p.  161-197,  et  intitulé  :  «  Le  Lalerctdus  de  Polemius  Silvius  et 
le  vocabulaire  zoologique  roman.  »  M.  H.  Schuchardt  propose  une  étymo- 
logie  celtique  pour  le  nom  de  poisson  écrit  aucoiavus  par  Polemius  Silvius, 
et  dont  une  variante  aiicorago  est  donnée  par  Cassiodore,  Variaruni,  XII, 
4,  I  ',  et  a  été  citée  par  M.  A.  Thomas,  p.  169  du  tome  XXXV  de  la 
Ronnuiia.  M.  Schuchardt  considère  ancorago  comme  la  forme  vulgaire  d'aii- 
conigus,  faute  qui,  chez  un  écrivain  du  vi^  siècle,  ne  doit  pas  nous  étonner. 
Il  croit  qu'aiico-ragiis  ou  aiico-raco'!  est  un  composé  et  a  le  même  sens  que 
l'allemand  bakenlacbs,  «  saumon  crochu  »,  c'est-à-dire  saumon  mâle  ainsi 
nommé  à  cause  de  la  forme  crochue  de  sa  mâchoire  inférieure.  Du  thème 
celtique  *aiico-  dérivent  l'irlandais  ècalb  =  "ankato-  «  hameçon  »  et  le  bre- 
ton ankoc  «  luette  »  ^  Le  thème  *  raco-  *rago-sti  trouve  dans  le  gallois  rbag- 
qui,  employé  comme  nom,  signifie  «  front,  entrée  »,  et,  employé  comme 
préposition,  «  devant  »  ;  en  breton  rak  ou  rag  a  seulement  ce  dernier  sens. 
Le  sens  littéral  d\incorago  serait  donc  «  qui  a  le  devant  crochu  ». 

1.  Monumcnla  Gervimiiae  bistorica,  in-40,  Aiictorum  antiquissiinorum, 
t.  XII,  édité  par  Mommsen,  p.  362,  1.  20.  On  ne  comprend  pas  pourquoi, 
sous  l'influence  du  latin  ancliora,  Mommsen,  d'accord  avec  les  précédents 
éditeurs,  maintient  l'orthographe  aiichorago  (Du  Cange,  édition  des  Béné- 
dictins, t.  I,  col.  418,  édition  Favre,  t.  I,  p.  241,  au  mot  ancJiora  ;  Migne, 
Patrologia  latiita,  t.  LXIX,  col.  857  A),  tandis  que  les  mss.  portent  aiicorcigo 
sans /j,  comme  l'a  constaté  Mommsen,  p.  515  de  son  édition  précitée. 

2.  Victor  Henry,  Lexique  étymologique  des  mots  les  plus  usuels  du  breton 
moderne,  p.  1 1  ;  cf.  Whitley  Stokes,  Urkelliscber  Spracbscbat^,  p.  32. 


;é8  Périodiques. 


XXI 

Dans  I'Anthropologie,  t.  XVIII,  n°  de  janvier-février-mars-avril  1907, 
nous  signalerons,  p.  127-139,  un  article  du  D""  Hamy,  intitulé  «  Les 
premiers  Gaulois  ».  C'est  une  étude  sur  des  ossements  et  divers  objets 
trouvés  dans  des  tumulus  de  Franche-Comté  et  de  Lorraine.  La  conclusion 
est  qu'à  la  fin  des  temps  néolithiques  est  arrivée  en  Lorraine  et  en 
Franche-Comté  une  race  brachycéphale  qui  apportait  le  bronze;  ce  seraient 
les  Protoligures,  auxquels  aurait  succédé  une  race  dolichocéphale,  celle-ci 
apportait  avec  elle  des  armes  de  fer,  c'étaient  les  Gaulois. 

H.  d'ArBOIS  DE  JUBAIN VILLE. 


Le  Propriétaire-Gérant,  H.  CHAMPION. 


MAÇON,    PROTAT   FRÈRES,    IMPRIMEURS 


SUR  L'ORIGINE  DE  LA  DISTINCTION 
DES  FLEXIONS   CONJOINTE  ET   ABSOLUE 


DANS    LE    VERBE    IRLANDAIS 


La  désinence  primaire  active  de  la  3"  personne  du  singulier 
est  la  môme  pour  les  types  thématique  et  athématique  en  indo- 
iranien, en  germanique,  en  italique  et  aussi  en  vieux  slave  : 
skr.  âsti,  âàdâti  et  hbârati,  zd  asti,  dadâiti  et  haraiti,  got.  ist 
et  bairi'^,  osq.  est  et  faamat,  v.  russe  jesfï,  dasti  et  beretl 
(v.  si.  jestn,  dasin  et  heretïi);  la  désinence  secondaire  cor- 
respondante est  dans  les  deux  types  une  simple  dentale  finale  : 
skr.  àbharat,  zd  barat,  got.  bairai  (ancien  optatif),  osq. 
prùfatted,  v.  lat.  fêced,  v.  si.  pade  (en  regard  du  présent 
padetu);  le  vieil  arménien  oppose  de  même  eber  «  il  a  porté  » 
à  berê  «   il  porte  ». 

Deux  langues  offrent  dans  ces  désinences  primaires  un 
contraste  entre  le  type  thématique  et  le  type  athématique  :  le 
grec  et  le  baltique. 

Le  grec  oppose  è'a-t,  dor.  oiow-ït  (ion.  -att.  oioMai)  à  oép-i.  La 
forme  ç^psi,  qui  n'a  de  correspondant  exact  nulle  part,  doit 
avoir  été  refaite  sur  la  2^  pers.  œéps'.;;  elle  est  du  reste  para'.lèle 
à  la  3"  personne  secondaire  à'^spe,  à  côtéde  lœspsç.  Quelle  que 
soit  l'explication  de  ofpsi,  il  demeure  que  l'une  des  langues 
indo-européennes  les  plus  anciennement  attestées,  le  grec,  a 
des  finales  différentes  dans  le  type  thématique  et  le  type  athé- 
matique; et  tout  se  passe  comme  si  la  3''  personne  primaire 
thématique  <iép=i  avait  la  même  désinence  *^t  que  la  3*  per- 
sonne secondaire  sçsps  =  skr.  àbharat,  arm.  eber. 

Par  une  coïncidence  curieuse,  les  trois  dialectes  baltiques  ne 
présentent  la  désinence  -//  que  dans  le  type  athématique  :  lit. 

Revue  Celtique,  XXJ'III.  -  24 


370  //.  Mcilh'l. 

èsti,dûsh,  lëkt(i\  v.  \ettc  pallcckl,  v.  pruss.  ast,  aslils,  clâst,  v. 
Porzezinskij,  K  isiorii  form  sprja^euija,  p.  44  et  suiv.  Par  ail- 
leurs, tout  se  passe  comme  si  la  désinence  de  la  y  personne  du 
présent  était  *-/,  qui  tombe  naturellement  ;  et  d'ailleurs,  le  bal- 
tique  n'offre  aucune  distinction  entre  les  désinences  primaires 
et  secondaires.  On  ne  s'explique  guère  cette  confusion  des 
deux  séries  de  désinences  que  la  phonétique  ne  provoquait 
pas.  La  3"  personne  du  singulier  —  qui  est  devenue  en  baltique 
la  3^  personne  commune  à  tous  les  nombres —  a  pu  en  fournir 
le  point  de  départ,  si  comme  en  grec,  le  type  thématique  y 
avait  pour  désinence  *-/  et  non  *-//. 

En  présence  de  l'accord  de  toutes  les  autres  langues,  on  serait 
tenté  de  ne  voir  qu'un  accident  fortuit  dans  la  coïncidence  du 
grec  et  du  baltique,  coïncidence  qui  n'est  du  reste  pas  com- 
plète ;  car  le  lit.  lëka  ne  répond  pas  exactement  au  gr.  Aei-izei. 
Toutefois  il  est  à  noter  que  le  lituanien  et  le  grec  s'accordent 
à  conserver  dans  le  type  thématique,  pour  les  deux  autres 
personnes  du  singulier,  de  vieilles  formes  avec  désinences  dis- 
tinctes de  celles  du  type  athématique  :  lit.  lëkii  =  gr.  av.-m, 
lit.  lëkî  =  gr.  Kzir.zi-;.  Et  surtout,  il  faut  tenir  compte  d'une 
troisième  langue,  l'irlandais,,  dont  la  situation  est  toute  parti- 
culière; il  y  a  d'autant  plus  lieu  d'envisager  à  cet  égard 
l'irlandais  que,  commae  on  a  essayé  de  le  montrer,  le  type  de 
2^  personne  lit.  Ick),  gr.  Xsfes'.ç  s'y  retrouve  (v.  M.  S.  L., 
XIV,  412  et  suiv.). 

L'irlandais  ne  distingue  pas  entre  désinences  primaires  et 
secondaires  :  l'aoriste  y  a  les  mêmes  désinences  que  le  présent. 
Mais  il  distingue  entre  formes  conjointes  (munies  de  préverbes 
ou  précédées  de  la  négation)  et  formes  absolues  (sans  aucun 
préverbe);  à  la  V^  personne  du  singulier,  la  forme  absolue  a  la 
désinence  du  type  athématique  :  bcriiii,  et  la  forme  conjointe  la 
finale  du  type  thématique  :  do-biur;  à  la  3'' personne  du  pluriel, 
la  forme  absolue  est  bt'rit  =  dor.  oépivri,  tandis  que  la  forme 
conjointe  do-herai  repose  sur  *  bhcroiit;  Vo  est  encore  visible  dans 
tu  thcgot  «  qui  vont  »  du  sermon  de  Cambrai,  cf.  gr.  à'aTsr/cv. 
L'hypothèse  de  M.  Zimmerque  l'indo-européen  aurait  employé 
les  désinences  secondaires  avec  les  formes  verbales  munies  d'un 
préverbe  ne  repose  que  sur  le  seul  témoignage  de  l'irlandais; 
elle  est  dénuée  de  toute  vraisemblance,  car  le  préverbe  était  en 


i 


Flexions  coiijoiiilc  cl  absolue  (huis  le  verbe  irliiinlais.         l'ji 

indo-européen  un  mot  rigoureusement  autonome  et  ne  pou- 
vait par  suite  exercer  pareille  action  sur  la  forme  verbale;  au 
surplus  le  contraste  entre  berim  et  lio-biur  n'est  pas  celui  entre 
désinences  primaires  et  secondaires.  Tout  s'expliquerait  si  Ton 
admettait  une  différence  entre  l'athématique  *  fi//,  qui  a  donné 
irl.  is,  et  uneforme  thématique *ur(//;t'/  (cf.  lit.  vcda  «  il  conduit  »), 
quia  donné  la  forme  conjointe  -fcid.  La  forme  absolue fedid 
(anciennement  fcditli)  aurait  reçu  la  désinence  du  type  athéma- 
tique,  comme  la  i""*^  personne /t'J///^  ;  la  différence  entre  la  dési- 
nence primaire  et  la  désinence  secondaire  à  la  3"  personne  du  plu- 
riel proviendrait  d'une  action  analogique.  Les  formes  théma- 
tiques sans  préverbe,  qui  ont  au  singulier  des  désinences  de 
type  athématique_,  devraient  ces  formes  à  l'influence  du  verbe 
«  être  »,  qui  apparaît  en  effet  sans  préverbe  en  irlandais  :  am 
«  je  suis,  »  is  «  il  est  »  ;  les  anciennes  désinences  courtes  avaient 
au  contraire  chance  de  se  maintenir  dans  des  formes  que  l'addi- 
tion d'un  préverbe,  déjà  soudé  à  demi,  allongeait.  Il  résulterait  de 
cette  hypothèse  que  l'irlandais  aurait  conservé  les  trois  formes 
anciennes  du  t3'pe  thématique  dans  la  flexion  conjointe  :  -biur, 
cf.  lit.  vedù;  -bir,  cf.  lit.  vedi ;  -beir,  cf.  lit.  vèda  (avec  un  autre 
vocalisme).  Seule,  la  y  personne  du  pluriel  du  type  conjoint 
ne  représenterait  pas  l'ancienne  forme  thématique  (en  faisant 
abstraction  des  i'"'^  et  2^  personnes  du  pluriel  sur  lesquelles  on 
ne  peut  rien  dire);  les  trois  personnes  du  singulier  du  type 
absolu  berim  seraient  nouvelles;  et  seule,  la  3^  personne  du 
pluriel  berit  répondrait  au  type  indo-européen  de  skr.  bhâranti, 
dor.  oépovT'.,  got.  bairand,  lat.  feriint. 

Le  slave  fournit  peut-être  un  quatrième  témoignage  en 
faveur  d'une  désinence*-/  comme  désinence  primaire  de  la 
y  personne  du  singulier  dans  le  type  thématique.  Le  vieux 
slave  a  beretû,  le  vieux  russe  berefï,  et  le  russe  moderne  conserve 
encore  le  -/  ;  mais  la  plupart  des  langues  slaves  modernes  ont 
des  formes  du  type  serbe  nèsê,  petit  russe  iiesé,  etc.  Et  ces 
formes  sont  très  anciennes;  elles  apparaissent  dès  le  plus  vieux 
serbe,  dans  le  seul  vieux  texte  slovène  (monuments  de  Freising), 
etc.  ;  même  les  textes  vieux  slaves  ont  sporadiquement  badeà 
côté  de  badctû  «  il  sera  »,  et  les  formes  de  ce  genre  sont  fré- 
quentes dans  le  Suprasliensis  (manuscrit  vieux  slave,  mais  dont 
certaines   formes    diffèrent    notablement   de   celles  des  autres 


372  A.  Meillel. 

textes).  Il  est  vmi  qu'on  rencontre  aussi  dès  le  début  de  la 
tradition  je  à  côté  de  jestu  ;  néanmoins  la  seule  désinence  en 
-/  que  conserve  le  polonais  est  jest  (et  aussi  v.  Tpo\.jes'c');  le 
tchèque  -àjesl  (  à  côté  de  je),  et  le  serbe  jest  accentué  (à  côté  de 
je  enclitique)  ;  or  on  ne  conçoit  pas  comment  nesetî  pourrait 
passer  à  *nese;  il  n^y  a  pas  d'autre  exemple  d'une  pareille 
altération  en  slave;  il  faut  partir  d'une  forme  à  désinence  *-/; 
V.  r.  nesetl,  v.  si.  neseln  auraient  donc  subi  l'influence  des 
présents  athématiques.  L'identité  des  3"  personnes  du  pluriel 
sg,tû  et  berçLtû  suffisait  à  déterminer  cette  influence  analogique. 
La  quantité  longue  de  1'^'  dans  serbe  Hêsê  par  opposition  à  l'aoriste 
né'se,  ne  s'expliquerait  donc  pas  par  un  ancien  *  nesetî,  mais 
par  l'influence  de  la  3^  personne  du  pluriel  nèsû,  issue  de  nesatù 
(cf.  -u  bref  issu  de  -g  à  la  3^^  personne  du  pluriel  de  l'imparfait 
serbe). 

Ainsi  les  quatre  langues  où  il  y  a  trace  d'une  2^=  personne 
thématique  primaire  du  type  de  lit.  vedl  ont  aussi  trace  d'une 
3^  personne  thématique  primaire  à  désinence  *-t.  Cette  forme 
a  dès  lors  toute  chance  d'être  la  forme  indo-européenne  ;  et 
si  elle  a  été  généralement  éliminée,  c'est  que  le  parallélisme  de 
skr.  bhàranti  et  sànti  entraînait  naturellement  une  réfection  de 
*  bharat  en  bhâràti  d'après  âsti;  et  ainsi  dans  toutes  les  autres 
langues.  L'indo-iranien,  où  la  nasale  finale  a  conservé  la  forme 
-m,  et  où  par  suite  le  contraste  entre  la  désinence  primaire 
-mi  et  la  désinence  secondaire  -m  était  très  clair,  a  généralisé 
l'emploi  de  -/  pour  caractériser  la  désinence  primaire  ;  et  il  a 
même  à  la  r*-'  personne  du  pluriel  -niasi  en  iace  du  dor.  -[j.sç. 
Pour  la  même  raison,  l'italique  marque  nettement  le  contraste 
entre  -tÇi)  primaire  et  -d  secondaire.  L'arm.  berë  «  il  porte  » 
prouve  peu  de  chose,  puisque  la  i'"  personne  bereiii  «  je 
porte  »  n'a  pas  conservé  la  finale  de  gr.  sipio,  got.  baira, 
lat.  fera,  etc.  La  plupart  des  formes  du  type  *bhereti,  dont 
l'accumulation  semble  au  premier  abord  garantir  l'antiquité, 
sont  donc  susceptibles  de  s'expliquer  par  des  innovations 
analogiques  ;  et  il  y  a  lieu  de  croire  que  les  trois  personnes 
primaires  du  singulier  avaient  en  indo-européen  des  dési- 
nences différentes  dans  les  deux  types  thématique  et  athé- 
matique;  les  vieilles  appellations  de  verbes  en  -o)  et  verbes  en 
-[j.i  trouvent  ainsi  une  curieuse  justification. 


Fh'xioiis  conjointe  el  absolue  dans  Je  verbe  irlandais.         375 

L'italo-celtique  a  donc  reçu  d'une  part  une  flexion  thématique 
où  les  trois  personnes  du  singulier  n'avaient  pas  d'/final,  de  l'autre 
une  série  de  désinences  dites  secondaires,  dont  aucune  n'avait 
d'f  final.  De  là  sont  sortis  des  résultats  bien  distincts  suivant 
la  langue.  L'irlandais  n'exprime  plus  le  temps  au  moyen  de 
désinences  suivant  l'usage  indo-européen;  il  a  fondu  la  série 
secondaire  dans  le  type  thématique  et  a  créé  une  répartition 
toute  nouvelle  des  formes  qu'il  possédait  —  thématiques  et 
athématiques,  primaires  et  secondaires  —  en  en  réglant 
l'emploi  suivant  la  présence  ou  l'absence  de  préverbes  ou  de 
négations.  L'osco-ombrien  a  généraUsé  le  type  athématique 
à  -i  final  dans  la  série  primaire  (donc  au  présent)  :  la  3^  per- 
sonne du  pluriel,  où,  dès  le  début,  -/  final  se  trouvait  même 
dans  le  type  thématique,  a  servi  de  modèle;  la  série  secondaire 
a  été  affectée  aux  temps  passés  ;  les  voyelles  brèves  finales 
étant  tombées,  le  contraste  se  marque  par  l'emploi  de  la 
sourde  -f  à  la  3^  personne  sing.  du  présent,  et  de  la  sonore 
-d  à  la  forme  correspondante  du  passé.  Le  latin  a  sans  doute 
eu  la  même  distinction  que  l'osco-ombrien,  et  le-^  de  la  vieille 
forme  épigraphique  feced  en  est  la  trace  ;  mais  à  l'époque 
classique,  la  forme  qui  représente  le  type  à  i  final  a  seule 
subsisté,  et  l'on  a  également  facit  et  fècit  dans  tous  les  textes 
littéraires.  Le  latin  et  l'irlandais  ont  donc,  par  des  procédés 
difi"érents,  éliminé  la  distinction  indo-européenne  des  dési- 
nences priniaires  et  secondaires;  c'est  que  cette  distinction  n'a 
guère  survécu,  en  servant  à  l'expression  du  passé,  que  là  où 
l'emploi  de  l'augment  complétait  et  précisait  l'expression  : 
dor.  oépzv-i  et  'i'i^pov,  skr.  bhàranti  et  àbharan  s'opposaient 
suffisamment  ;  partout  ailleurs,  le  passé  a  reçu  un  signe 
propre  :  dès  lors  la  diflférence  entre  lat.  ferunt  et  ferebant  était 
assez  grande  pour  n'avoir  pas  besoin  d'être  soulignée  par  la  dési- 
nence. La  création  des  deux  séries,  absolue  et  conjointe,  du 
verbe  irlandais  résulte  donc  de  la  perte  de  la  distinction  des 
désinences  primaires  et  secondaires  du  verbe  ;  ainsi  même  sur 
ce  point,  où  l'irlandais  présente  une  innovation  si  originale,  un 
certain  parallélisme  apparaît  encore  entre  les  développements 
latin  et  irlandais. 

A.    Meillet. 


LES  LANGUES  ROMANE  ET  BRETONNE 
EN  ARMORIQUE 


Depuis  que  les  études  celtiques  sont  entrées  dans  une  voie 
scientifique,  les  écrivains  compétents  sont  tombés  d'accord 
que  le  breton  était  une  langue  insulaire  importée  de  toutes 
pièces  en  Armorique  et  que  la  langue  parlée  dans  la  péninsule, 
à  Tépoque  de  l'émigration,  était  une  langue  romane.  On  peut, 
en  effet,  affirmer  que  non  seulement  l'organisme  entier  du 
breton  est  le  même  que  celui  du  comique  et  du  gallois,  mais 
même  qu'en  dehors  des  emprunts  romans  continentaux  et 
français,  le  vocabulaire  est  complètement  brittonique.  Les 
noms  ethniques,  l'hagiographie,  les  traditions  entièrement 
insulaires  ne  font  que  confirmer  le  témoignage  déjà  suffisant 
de  la  linguistique.  Enfin,  j'ai  achevé  la  démonstration  dans 
mes  Mots  latins  en  montrant  que  les  noms  de  fmidi  gallo- 
romains  si  nombreux  en  Armorique  (on  en  compte  plusieurs 
centaines)  étaient  indiscutablement  en  évolution  romane  au 
moment  où  ils  ont  été  adoptés  par  les  Bretons.  Et  ce  fait  peut 
se  prouver  sur  toute  l'étendue  du  territoire  occupé.  Le  nom 
breton  d'Ouessant  en  est  une  preuve.  Uxisama  n'est  pas  devenu 
Ochav  mais  Oesav  (ix^s.  Ossani),  ce  qui  atteste  l'évolution  par 
Oy-:  Oessav  est  régulièrement  devenu  Ossav  Çd.  eus,  est,  gall. 
ces.  reustl  =  gr.  rhwystr.  Les  habitants  d'Ouessant  s'appellent 
Ossâis  (pour  Ossàvis).  Les  noms  de  fnndi  en  -ac  dans  le 
Finistère  ne  sont  pas  bien  nombreux  pour  des  raisons  que 
j'ai  exposées  ailleurs.  On  peut  cependant  citer  les  noms  de 
paroisses  :  Yuliac,  ancien  nom  de  Tréméven,  près  Quimperlé, 
Britbiac,  Briec    pour  Briac,  Scrignac,  Irvillac,  Mellac.  Il  y  a 


Les  langues  roiiKiiie  el  bretoiiiie  en  Armorique.  375 

aussi  des  noms  de  villages  :  en  Landunvez,  Poiil  CaUac  ;  en 
Plabennec,  CaJlac;  en  Audierne,  P^/t  Cadillac;  en  Landeleau, 
Lan^ignac;  en  Trémaouézan,  )]ies  Tignac.  Il  y  a  des  emprunts 
importants  faits  sur  place,  qui  ne  se  retrouvent  pas  en  Galles 
et  en  Cornwali.  Le  mot  villare  a  donné  le  nom  de  paroisse 
Guilcr  dans  le  Finistère,  GiiiUicrs  dans  le  Morbihan  français. 
De  plus,  il  y  a,  dans  un  très  grand  nombre  de  communes, 
notamment  du  Finistère,  des  gitiler  '  avec  le  sens  de  sortie 
du  bourg,  place  publique;  à  l'île  de  Batz,  le  giiiler  (le  mot 
est  régulièrement  féminin)  est  un  terrain  vague  servant  de 
place.  Il  y  a  une  paroisse  de  Bcuxit  dans  le  Finistère  :  Benoit 
vieux-bret.  biisit  ^  Biisîtitm.  Les  Faouet  ^=  Fagèt nui  sont  nom- 
breux. Il  y  a  des  paroisses  de  Peumerif  qui  remontent  à  Ponia- 
rJtmn,  avec  une  seule  ///,  car  Poinnierit  dans  le  Trégorrois,  se 
prononce  Pàvrif.  Il  y  a  près  Saint-Brieuc  un  bourg  d'Etables 
représentant  stahuliiin  :  on  dit  en  breton  Staol,  etc. 

L'étude  des  noms  de  lieux  prouve  aussi  ce  qui,  à  priori, 
était  vraisemblable,  que  si  l'émigration  et  la  prise  de  posses- 
sion d'une  partie  considérable  de  l'Armorique  a  été  rapide,  le 
roman,  en  pleine  zone  actuellement  bretonnante,  a  dû  résister 
assez  longtemps.  On  peut  affirmer  hardiment  d'après  l'étude 
des  noms  de  lieux  gallo-romains  que  les  Bretons,  à  la  fin  du 
vj^  siècle,  occupaient  à  peu  près  comme  surface  la  zone  où 
nous  les  trouvons  établis  à  la  fin  du  ix%  mais,  ce  que  n'ont 
pas  vu  ceux  qui  se  sont  occupés  de  la  question,  c'est  que  dans 
l'intérieur  de  cette  zone  bretonnante,  il  y  avait  des  îlots 
romans  et  que  le  roman  a  dû  survivre  assez  longtemps  encore 
après;  même  en  zone  bretonnante  actuelle,  on  en  trouve  des 
preuves  évidentes.  Qu'il  me  suffise  de  citer  Saille  près  Gué- 
rande,  où  on  parlait  breton,  il  y  a  encore  peu  de  temps  et  qui 
vient  de  Saliacutn;  Séné  près  Vannes  :  les  habitants  s'appellent 
eux-mêmes  Senegô-iv,  si  bien  qu'en  français  on  dit  des  Sénagos  : 
le  nom  des  habitants  est  tiré  de  Senacinn,  mais  Séné  prouve  la 
persistance  du  roman  au  moins  jusqu'au  vii"^  siècle. 

11  en  est  de  même  probablement  de  Redené  (Morbihan)  : 
cf.  Radenac  dans  le  même  département.  Le  nom  de  Br ivet  da.ns 

I .   On  trouve  Giiilar  et  Giiiler  :  o-iiilar  =  villare  et  o^uiler  =  villariitm.  ? 


376  /.  Lolb. 

la  Loire-Inférieure,  en  zone,  il  y  a  peu  de  temps  encore,  bre- 
tonnante,  suppose  une  évolution  romane  assez  prolongée, 
puisque  le  nom  de  l'époque  gallo-romaine  est  Brivates.  Au 
contraire  le  Coudât  nom  d'un  ruisseau  non  loin  de  Vannes, 
probablement  au  confluent  du  Liziec  avec  une  autre  rivière, 
(car  on  appelle  indiff'éremment  le  même  ruisseau  I,/~/Vr  et 
Conâat),  a  été  surpris  plus  tôt'. 

Cette  question  se  lie  à  une  autre  :  jusqu'à  quel  point  la  zone 
où  le  breton  a  été  parlé  au  moment  de  sa  plus  grande  exten- 
sion, c'est-à-dire  la  fin  du  ix'^  siècle,  a-t-elle  été  bretonnisée? 

Tout  d'abord,  jusqu'où^  au  moment  de  sa  plus  grande 
poussée,  le  breton  s'est-il  étendu? 

Le  cartulaire  de  Redon  nous  renseigne  en  partie,  sur  une 
zone  étendue  du  territoire  breton,  au  moment  même  où  le 
mouvement  d'expansion  bretonne  montre  le  plus  de  vigueur, 
c'est-à-dire  spécialement  la  seconde  moitié  du  ix^  siècle.  Il  ne 
me  paraît  pas  douteux  que  si  des  événements  historiques  bien 
connus  n'étaient  venus  l'entraver,  les  Bretons  n'eussent  réussi 
à  s'assimiler  même  les  régions  romanes  du  Nantais  et  du  Ren- 
nais. Ils  avaient  déjà  entamé  la  rive  gauche  de  la  Loire  avant 
l'époque  où  Erispoe,  pour  des  raisons  stratégiques  et  politiques 
faciles  à  donner,  enleva  aux  Francs  et  à  l'évêché  de  Poitiers  le 
pays  de  Retz  :  Paimbeuf  (Penbo)  et  Pornic  sont  de  fonda- 
tion bretonne.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut,  à  l'aide  de  l'étude 
des  noms  de  lieux  actuels,  jointe  à  celle  des  chartes  les  plus 
anciennes,  déterminer  assez  exactement  l'extrême  limite  de  la 
langue  bretonne  à  cette  époque.  M.  de  Courson  tait  passer 
cette  limite  au  ix"  siècle,  en  partant  des  bords  de  la  Loire  à 
gauche  de  Donges  et  en  allant  rejoindre  la  Vilaine  un  peu  plus 
loin  que  Bourg-des-Comptes,  par  Brambu,  Cambon,  Quehil- 
lac,  Quilly,  Pierric,  Fougeray.  En  quittant  la  Vilaine,  la  ligne 
passait  par  Mordelles,  Langan,  Langouet,  Lanrigan,  Cuguen 
et  aboutissait  à  l'embouchure  du  Couesnon.  M.  de  Courson 
s'est  appuyé  sur  les  chartes,  mais  ne  les  a  pas  toujours  bien 
interprétées.  J'ai  fait  remarquer  que  sa  Trefflicbe  Karfe  (Zim- 
mer)  =  ndiuirabl  niap  (Phillimore)  était  bâtie  sur  des  fonde- 

I.  J.  Loth,  Revue  Ce]t!'(]uc,XXll,  p.  104-105. 


Les  lanoues  romane  el  brefoinie  en  Arniorique.  377 

ments  quelque  peu  branlants  et  qu'elle  renfermait  des  erreurs, 
et  surtout  une  énorme  lacune  ;  elle  ne  mentionne  dans  l'inté- 
rieur de  cette  vaste  zone  aucun  îlot  roman.  En  étudiant  les 
noms  de  lieux  et  le  cadastre  des  différentes  communes,  je  crois 
pouvoir  dès  maintenant  rectifier  cette  ligne  de  démarcation  : 
la  ligne  part  de  la  Loire  à  l'est  de  Donges  en  l'englobant,  laisse 
à  droite  Savenay,  Nozay  en  englobant  Blain,  le  Gavre,  tra- 
verse Marsac,  Luzanger  en  passant  entre  Conquereuil  et  Jans, 
laisse  un  peu  à  droite  Bains,  Poligné,  Pléchâtel,  Bourg-des- 
Comptes,  Laillé,  Pontréan,  Bruz,  Moigné,  le  Rheu,  l'Her- 
mitage,  Parthenay,  Gevezé,  Vignoc  ;  traverse  Langouet,  Saint- 
Gondran,  Saint-Symphorien,  Guipel,  Bazouge-sous-Hédé,Mar- 
cillé-Raoul,  Noyal-sous-Bazouges  (en  les  laissant  à  droite), 
Cuguen  ;  laisse  un  peu  à  droite  Trans,  Plaine-Fougères,  Sains  et 
va  aboutir  à  la  mer,  à  l'est  de  Roz-sur-Couesnon. 

L'étude  des  chartes  et  des  cadastres  des  différentes  com- 
munes a  été  mon  critérium.  J'ai  trouvé  dans  toutes  les  com- 
munes englobées  par  cette  ligne,  ou  des  noms  de  fnndi  en  -ac, 
ou  des  noms  de  village  nettement  bretons  et  d'origine  sûre- 
ment ancienne.  Il  ne  faudrait  pas  croire  toutefois  qu'il  n'y  ait 
pas  eu  des  Bretons  bien  au  delà  de  cette  ligne.  Après  les  con- 
quêtes de  Nomenoé  et  Erispoé,  les  Bretons  s'établissent  dans 
les  zones  françaises  du  Nantais  et  du  Rennais,  surtout  sur 
les  frontières  où  ils  fondent  de  puissantes  seigneuries  et  où  ils 
nous  apparaissent  entourés  de  gens  de  leur  langue  :  c'est  ce 
que  M.  de  la  Borderie  a  parfaitement  mis  en  lumière  dans  sa 
Géographie  féodale  de  la  Bretagne.  Dans  la  Loire-Inférieure  : 
à  Teille,  il  y  a  un  Roscoiiet;  à  Sion,  Queneux  (au  xvii"^  ^''''- 
neiic);  à  Saint- Viaud,  un  village  de  Mn:^iUac;  à  Issé,  Coeireiix, 
à  Saint-Père-en-Retz,  Coetitrgaut;  à  Coueron,  Le  Oitilly;  à 
Nozay,  Treffieux;  à  Rougé,  Lauguediin,  Le  Cadieit  ;  à  la 
Chapelle-sur-Erdre,  Limeur  (Lis  meur).  A  Juigné,  sur  les 
limites  de  l'Anjou,  dans  une  charte  de  1062-1070  (Cart. 
de  Redon  234),  la  plupart  des  signataires  sont  Bretons;  à 
Sainte-Marie-de-Machecoul,  en  1055  Qbid.  264),  il  en  est  de 
même.  A  Sainte-Opportune  en  Retz',  en  1045,  il  y  a  un  pro- 

1.  De  Brous.;illon,  dirtiiî.  de  Vahhayc  de  Soiiit-Aithiii  d'Amrers,!!,  p.  389, 
391. 


578  /.  Lolh. 

priétaire  du  nom  de  Simon  fils  de  Coiiallen  qui  abandonne  ses 
droits  à  Saint- Aubin  d'Angers  ;  parmi  les  témoins  sont  Gle- 
vehen,  Jonargon  (Jarnegon)  ;  dans  un  autre  acte  de  la  même 
époque,  au  même  lieu  situé  sur  la  rive  droite  de  la  Loire, 
Gradelon,  un  prêtre^  cède  la  dîme  quam  ipse  donaverat  pro 
filio  siio  Janiegonio  monachando  :  un  témoin  s'appelle  Alan  fils 
d'Arscoid.  Il  faut  bien  se  garder  d'en  conclure  qu'à  Juigné, 
et  à  Sainte-Marie-de-Machecoul,  la  langue  bretonne  fût  parlée 
couramment  ;  les  noms  de  lieux  sont  entièrement  français,  et 
nous  constatons  chez  les  gens  h  nom  breton,  et  probablement 
d'origine  bretonne,  un  commencement  de  francisation  ;  c'est 
ainsi  qu'à  Juigné,  Kenmarhoc  est  surnommé  Pupart.  Si  deux 
fils  de  la  dame  Guenno  s'appellent  Brient  et  Hervé,  un  troi- 
sième est  appelé  (à  l'ablatif)  Bovc.  Au  ix^  siècle  surtout,  il  en 
est  un  peu  des  noms  bretons  dans  le  cart.  de  Redon,  comme 
des  noms  germaniques  :  ils  ne  prouvent  pas  d'une  façon  déci- 
sive la  nationalité.  Pour  les  noms  germaniques  on  peut  même 
aller  plus  loin  :  quoiqu'il  y  ait  eu  sous  l'empire  romain,  des 
Leti  Frauci  dans  le  Rennais,  les  porteurs  de  noms  germaniques 
sont  des  Gallos-Romains.  Les  noms  de  lieux  sont,  en  effet, 
gallo-romains  en  zone  de  langue  française.  En  zone  breton- 
nante,  les  noms  de  lieux  sont,  en  général,  bretons  ou,  s'ils 
sont  d'origine  gallo-rom.aine^  portent  l'estampille  bretonne. 

Je  pourrais  donner  ici  les  preuves  justificatives  de  ma  ligne 
de  démarcation,  mais  je  n'ai  pour  but  que  de  donner  un  aperçu 
des  résultats  de  mon  travail,  qui  n'est  pas  terminé  dans  toutes 
ses  parties.  J'ai  fait  un  dépouillement  à  peu  près  complet  du 
cadastre  de  toutes  les  communes  sur  lesquelles,  en  dehors  de  la 
zone  bretonnante  actuelle,  la  discussion  peut  porter;  j'y  ai  joint 
l'étude  des  cartulaires  et  chartes  qui  peuvent  fournir  des  maté- 
riaux, mais  je  n'ai  pu  encore  tout  compulser.  Ces  documents, 
commune  par  commune,  constituent  déjà  un  répertoire 
important  qui  s'enfle  de  plus  en  plus  et  aboutira  peut-être  à  un 
ou  deux  volumes.  Le  lecteur  y  trouvera  les  preuves  de  ce  que 
j'avance. 

La  seconde  question  :  jusqu'à  quel  point  la  zone  occupée 
par  les  Bretons  de  langue  a-t-elle  été  bretonnisée,  se  lie  à  une 
autre   souvent  agitée    mais  à  laquelle    on    n'a  répondu  que 


Les  langues  romane  et  hrelomie  en  Armorique.  379 

par  des  hypothèses  en  l'air  :  pourquoi  la  langue  bretonne  a-t- 
elle  reculé  aussi  brusquement  du  x^  aux  xi'^-xii^  siècle  ?  Il  faut 
évidemment  repousser  la  solution  proposée  par  M.  de  la  Bor- 
derie  et  d'autres  :  ce  recul  serait  dû  à  la  conquête  Scandinave 
du  x"  siècle.  Pendant  une  trentaine  d'années,  les  Scandinaves 
furent,  en  effet,  maîtres  de  la  péninsule.  L'an  dernier  on  a 
découvert  sur  la  côte  de  l'île  de  Groix,  un  tumulus  de  chef 
incinéré  dans  sa  barque  de  guerre,  avec  des  armes  en  quantité 
et  21  boucliers  dont  Vumbo  reste.  MM.  Montélius,  Stjerna  et 
Sophus  Millier  mettent  ce  tumulus,  d'après  les  objets,  à  la 
fin  du  ix*"  ou  au  commencement  du  x'^.  L'île  de  Locoal,  en 
1037,  était  la  propriété  d'un  Scandinave  portant  un  nom 
breton,  Gurki  {Cart.  de  Redon,  p.  32e).  Une  partie  importante 
de  la  population  émigra  en  Angleterre  et  en  France.  Tous  ne 
revinrent  pas  évidemment.  Ce  fut  surtout  l'élément  guerrier 
et  possédant  qui  fut  amoindri  :  les  panperes  Britanni,  comme 
dit  la  Chronique  de  Nantes  '  restèrent  sous  la  domination  étran- 
gère. Les  ravages  avaient  déjà  commencé  au  milieu  du  ix^  siècle, 
mais  les  établissements  n'avaient  pas  été  durables,  et  les 
envahisseurs  subirent  à  plusieurs  reprises  de  sanglantes  défaites. 
Il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  qu'à  cette  époque  Bretons  et 
Scandinaves  étaient  parfois  unis  pour  ravager  les  territoires 
français. 

J'ai  déjà  fait  remarquer  dans  mon  Émigration  bretonne, 
p.  193,  qu'il  était  invraisemblable  que  même  la  partie  de  la 
population  qui  avait  émigré  et  qui  était  revenue  eût  oublié 
sa  langue  nationale  et  rapporté  le  français,  en  un  espace  de 
temps  aussi  court.  Il  faut  ajouter  que  les  chefs  émigrèrent  plu- 
tôt en  Angleterre.  Enfin,  comme  le  dit  la  Chronique  de  Nantes, 

I.  On  a  beaucoup  exagéré  la  portée  d'un  passage  de  la  Chronique  de. 
Nantes  (éd.  Merlet,  p.  loi,  ch.  xxxiv)  d'après  lequel,  Alain-Barbe-Tortc 
aurait  obtenu  de  Louis  d'Outremer  que  le  serf  ou  coUibert  qui  viendrait 
s'établir  en  Bretagne,  v  demeurerait  libre  et  ne  serait  pas  réclamé  par  le  roi. 
La  raison  donnée  par  la  Cbrouigiie,  c'est  qu'Alain  voulait  peiipter  (populare) 
son  pays  par  crainte  d'un  retour  des  invasions  Scandinaves.  Ce  fait  n'est 
confirmé  nulle  part.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est  que  les  serfs  auraient  été 
affranchis  à  cette  époque.  Rien  n'est  plus  significatif  et  ne  confirme  plus 
clairement  ce  que  je  viens  de  dire  :  c'est  que  c'est  surtout  la  population  de 
langue  bretonne,  qui  allait  éprouver  le  besoin  de  combler  les  vides  qui  s'y 
étaient  produits. 


380  /.  Lolh. 

les  panperes  eux  étaient  restés,  et  si  leur  langue  s'était  modifiée, 
c'est  qu'ils  auraient  appris  un  peu  de  Scandinave.  Ce  sont  les 
côtes  du  Morbihan  et  de  la  Loire-Inférieure  qui  ont  été  le  plus 
fortement  occupées  ;  or  le  breton  y  persiste  encore  et  a  persisté 
dans  toute  la  péninsule  guérandaise  jusqu'à  une  époque  toute 
récente;  et  justement,  dans  la  zone  nord,  c'est  cà  l'intérieur  des 
terres,  dans  la  partie  la  plus  à  l'abri  des  ravages,  que  le  breton 
a  le  plus  vite  reculé.  Dans  la  zone  du  littoral  de  la  Manche, 
le  recul  du  breton  au  delà  de  Saint-Brieuc,  a  été  également 
assez  rapide.  J'en  ai  conclu  que,  dans  la  zone  qui,  du  x^  au 
xii'^-xiii'^  siècle  avait  perdu  le  breton,  le  roman  n'avait  pas  dû 
cesser  d'être  parlé.  L'élément  breton,  par  la  domination  et  les 
ravages  des  Scandinaves,  y  a  été  affaibli  au  profit  de  l'élément 
roman.  Une  autre  cause  d'affaiblissement  plus  importante  peut- 
être,  c'est  la  conquête  du  pays  français  de  Rennes  et  de  Nantes. 
Les  chefs  bretons  s'y  établirent  avec  de  nombreux  clients,  et 
ne  tardèrent  pas,  par  des  alliances  et  dans  le  pays  et  en  France, 
à  se  franciser,  et  à  adopter  la  langue  et  les  mœurs  des  popu- 
lations parmi  lesquelles  ils  vivaient.  A  ce  propos,  je  ne  puis 
laisser  passer  une  énormité  dont  la  responsabilité  revient  à 
Zimmer,  mais  que  j'ai  retrouvée  aussi  reproduite  par  J.  Rhys'  : 
c'est  que  les  Bretons  auraient  été  francisés  par  les  Normands. 
Cela  prouve  une  connaissance  par  trop  incomplète  de  l'histoire 
de  Bretagne.  Je  laisse  de  côté  les  questions  oiseuses  de  la  suze- 
raineté de  la  Bretagne  cédée  à  Rollon  par  Charles  le  Simple. 
Cette  suzeraineté  n'a  aucune  importance  et  n'a  été  effective 
qu'à  la  suite  de  la  conquête  de  l'Angleterre  avec  l'aide  des 
Bretons,  de  mariages  qui  ont  amené  des  Normands  de  Neustrie 
au  duché,  et  de  la  prépondérance  des  rois  d'Angleterre, 
notamment  sous  Henri  IL  Les  zones  les  plus  exposées  à  l'in- 
fluence des  Normands  de  langue  française  étaient  romanes  et 
françaises  bien  avant  l'établissement  de  Rollon. 

Un  simple  coup  d'œil  jeté  sur  la  carte  de  la  zone  breton- 
nante  du  ix^  siècle,  nous  montre  dans  l'intérieur  de  cette  zone 
des  paroisses  dont  le  nom  a  subi  l'évolution  romane  et 
française,  quoique  la  langue  bretonne  y  fût  (en  partie)  parlée  : 

I.    Tbc  Arthuridu  li'i^i'in],  p.  375,  376. 


Les  langues  roiiniiie  cl  breton  ne  en  Annonque.  381 

dans  rille-et-Vilaine  :  Cherrueys,  Vildé,  le  Vivier,  la  Goues- 
nière,  Ja  Fresnaie,  Tressé,  Le   Tronchet,  Bonnemain,  Lour- 
mais,  Bazouges-sous-Hédé,  Dingé,  Bécherel,  Hédé,   Montau- 
ban,   Crouais,   Bédée,    Breteil,    Romillé,    Cintré,  Mordelles, 
Bréal,  Chavanne,  Lassy,  Maure,  Lieuron,  les  Brûlais,  Fouge- 
ray.    Bains,   Brain;    dans  la   Loire-Inférieure  :  Conquereuil, 
Blain,  Plessé,  Nozai,  Bouvron,  Fay,  Besné,    Montoir,  Saille, 
Donges;  dans  le  Morbihan  :  Les  Fougerets^,  Malestroit,  Cour- 
non,  la  Gacilly,  Rochefort,  Mauron,  Lanouée,  Josselin  (xii'-'  s.) 
etc.;   dans  les  Côtes-du-Nord  :   Matignon,   Corseult,    Bour- 
seul,  Guitté,  Caulnes  (C-  est  dû  à  l'influence  bretonne),  Col- 
linée,  La   Bouillie,  Broons,  La  Ferrière,  La  Chèze,  Gausson, 
Moncontour,  La  Malhoure,  Quessoy,  Le  Fœil,  L'Hermitage, 
La  Motte.  Dans  le  Finistère,  La  Feuillée  paraît  devoir  se  ran- 
ger parmi  les  noms  en  évolution.  La  forme  la  plus  ancienne  est 
an  Folleâ  (xii-xiii'^  s.  :  Chrest.,  204),  mais  on  prononce  aujour- 
d'hui ar  Foityes,  ce  qui  peut  faire  supposer  que  le  d  final  de 
Folhd  est  une  spirante   sourde.  Cependant  il  y  a  aussi  dans 
cette  zone  des  exemples  de  d  final   conservé  :  dmives  (^Chrest. 
372).  FoJled  =  Folied  est    d'origine    romane,  et   remonte  à 
Folied  =  foliûda  '  :  ce  serait  un  mot  en  évolution  française  des 
plus  intéressants.  Il  y  a  dans  le  Finistère  des  noms  de  lieux 
français,  mais  ou   bien  ils  sont  assez  récents,  ou  ce  sont  des 
traductions  (Port-Launay),  ou  de  mauvaises  transcriptions.  On 
remarquera  que  dans  la  partie  bretonnante  actuelle  du  Mor- 
bihan et  des  Côtes-du-Nord,  peut-être  en  faisant  les  mêmes 
réserves,  à  part  Séné  et  Redené,  il  n'y  aucun  nom  de  paroisse 
en  évolution  française.  Auray  est  une  francisation  :  en  breton, 
on  ne  connaît  quJlré. 

Cette  proportion  si  considérable  de  noms  de  lieux  impor- 
tants témoignant  clairement  d'une  origine  romane  et  de  l'évo- 
lution française  dans  la  zone  anciennement  bretonnante  et 
aujourd'hui  française,  tandis  qu'il  n'y  en  a  pour  ainsi  dire  pas 
dans  la  zone  actuellement  bretonnante,  est  déjà  une  preuve 
suffisante  de  la  présence  d'une  population  de  langue  romane 
puis  française  au  milieu  de  la  population  de  langue  bretonne. 

I.  CL  foillci,  feuillée,   feuilles  :  Eniault,  Gloss.  iiioy-bret. 


382  /.   Lolb. 

Assurément  un  certain  nombre  peuvent  ne  pas  être  d'une 
haute  antiquité,  mais  comme  ce  sont  des  noms  de  paroisse, 
même  en  l'absence  de  documents  précis,  on  peut  être  sûr 
qu'ils  sont  en  général  anciens.  Il  y  en  a  dont  la  forme  suffit, 
comme  Romillé,  Guitté,  Bi'eteil^,  Bréal,  etc. 

Dans  la  zone  mixte,  non  seulement  les  noms  de  paroisse  à 
évolution  française  sont  assez  nombreux,  mais  on  relève  des 
noms  de  lieux  évidemment  très  anciens,  d'origine  gallo- 
romaine,  qui  ont  évolué  en  dehors  et  indépendamment  du 
breton  qui  y  était  aussi  parlé  : 

Dans  l'Ile-et-Vilaine  à  Goven  :  La  Combe  (en  breton  Coniii, 
assez  fréquent  dans  le  Finis.tère);  à  Saint-Uniac,  Monterfil, 
Bédée,  Lanrigan,  Iffendic  :  Le  Pommeret;  à  Maxent,  la  Combe, 
à  Saint-Suliac  :  Champagne. 

Dans  les  Côtes-du-Nord  :  à  Vildé-Guingalan,  à  Saint-Glen, 
à  Trémuson,  à  Henansal,  au  Caïubout  :  Le  Pommeret;  à 
Étables  :  La  Combe;  Plédéliac  :  La-Coiiibe-ês-Fourneaux;  à  Saint- 
Ygneuc  :  Les  Combes. 

A  côté  des  noms  de  villages  en  -tac,  on  en  a  en  -é  :  à  Mor- 
delles  :  Marigné,  Vincé,  Calignc;  à  l'Hermitage  :  Marigné;  à 
Guichen  :  le  pré  Acignc;  Crotigné  à  côté  de  Chauvignac  qui  est 
hybride;  à  Mont-Dol  :  le  clos  Foligné;  à  Meillac,  à  côté  de 
'Feriac,  Villée;  à  Quédillac  :  La  Villée;  à  Loscouet,  Chauvigné: 
à  Gahard  :  Vriguc. 

L'étude  des  patois  français  renforce  encore  ma  thèse;  si  le 
français  s'était  avancé  peu  à  peu  de  l'est  à  l'ouest,  il  est  évident 
que  sur  une  zone  si  étendue  on  devrait  se  trouver  en  présence 
de  formes  d'époques  diverses.  Or,  abstraction  faite  des  formes 
purement  françaises,  les  patois  de  la  Bretagne  présentent  une 
réelle  unité.  Ils  se  rattachent  plus  spécialement  au  patois  du 
Maine  et  de  l'Anjou,  et,  comme  eux,  ont  des  traits  com- 
muns avec  les  patois  normands  :  le  patois  de  l'Avranchain  est 
très  près  du  patois  de  la  zone  rennaise  (sur  ces  questions  v. 
Dottin,  Glossaire  du  parler  de  P  lécha  tel  ;  cf.  Gôrlich,  Die  nord- 
westlichen  Dialekte  der  langue  d'oïl  :  Bretagne,  Anjou,  Maine, 
Touraine,  dans  Fran:{ô:^ische  Siudien,  V,  3^  fasc.  i88é;  Annales 
de  Bref., XI, p. Si,  etsuiv.  415;  XII,  p.  551  ;  XIII;  XIV;  etc.). 

Quand  s'est  foit   le  recul  du  breton?  A-t-il  été  aussi  fou- 


Les  langues  ronuiue  el  breloinu'  eu  Armorique.  3S3 

dro3^ant  qu'on  le  dit?  Il  tiiut  tout  d'abord  fliire  une  réserve 
pour  un  certain  nombre  de  communes  où  le  breton  ne  s'est 
éteint  que  récemment.  Dans  ce  cas  se  trouve  la  plus  grande 
partie  de  la  péninsule  guérandaise.  A  Batz  et  aux  environs,  on 
parlait  encore  breton  dans  ces  derniers  temps  ;  à  Penestin,  le 
breton  s'est  éteint  au  xviii^  siècle.  En  étudiant  le  cadastre,  il 
m'a  été  facile  de  séparer  cette  zone  peu  étendue  à  l'intérieur, 
d'avec  les  autres.  Dans  ces  communes  le  breton  a.non  seulement 
dominé  mais  a  été  longtemps  exclusivement  parlé.  Je  les 
englobe  dans  la  zone  bretonne  pure  en  traçant  plus  loin  la 
lia:ne  de  démarcation  entre  cette  zone  et  la  zone  mixte. 

Pour  le  reste,  on  peut  poser  en  principe  que  le  breton  s'y 
est  éteint  du  x'^  au  xii-xiii^  siècle,  dans  certains  endroits  plus 
tôt,  dans  peu,  plus  tard.  L'évolution  française  dans  les  noms 
bretons  se  montre  de  bonne  heure  :  IVern  (83e)  s'écrit  et  sans 
doute  se  prononce  Gtier  en  1137  (Morbihan).  La  vocalisation 
de  /  en  //  qui  ne  se  produit  en  breton  que  devant  /  ou  d  est,  en 
dehors  de  ce  cas,  un  fait  français  qui  ne  peut  être  postérieur 
au  xii^  siècle  :  Canines  ÇCaiiiies)',  Pluiiiaugat  (Malcat  pour 
Maelcat),  Plumaudan  (vraisemblablement  Maltan  pour  Mael- 
tan).  Bauré-sur-l'Oust,  près  Redon,  en  Bains,  était  au  ix*"  s. 
Balrit.  Corsent  (ou  anciennement  Corsant)  =  CnriosoJites'  est 
incontestablement  le  fruit  d'une  évolution  française  ancienne. 
Car  pour  mtT;  les  terminaisons  en  -oc,  en  -eue  nous  ramènent 
à  peu  près  à  la  même  époque,  quoiqu'on  trouve  des  noms  en 
-eue  en  zone  bretonnante,  à  une  époque  presque  moderne. 
L'évolution,  de  th,  â  en  h  au  xii"^  siècle  est  un  tait  plutôt 
français.  Les  terminaisons  en  -oc  (Cardroc)  montrent  l'évo- 
lution bretonne  arrêtée  au  x-xi"  siècle. 

Parmi  les  nombreux  documents  que  j'ai  rassemblés,  j'en 
choisis  un  certain  nombre  qui  suffiront  à  illustrer  ma  thèse  : 
1°  à  savoir  que  dans  une  zone  considérable  de  la  Bretagne  bre- 
tonnante, les  deux  langues  ont  coexisté,  le  breton  dominant 
dans  une  grande  partie  des  évêchés  de  Dol,  Saint-Malo,  Saint- 
Brieuc,  Morbihan  et  Loire-Inférieure,  sans  étouffer  le  roman 
et   sans  faire   disparaître  de  véritables  îlots  romans;  2°  que 

1.  ca  est  dû  à  l'inuencc  bretonne  ;  j'y  reviens  plus  tard. 

2.  évaluant  d'une  tacon  bretonne  Cûrio-soJitcs  eût  donné  Kersolt  et  Kersoivt. 


384  /.  Lolh. 

le  breton    s'est  éteint  dans   cette  zone  mixte  du  x'^  au  xii''- 
xiii'^  siècle,  plus  ou  moins  tôt,  suivant  les  localités. 

Ille-et- Vilaine.  Xous  avons  la  bonne  fortune  d'avoir  dans 
le  Cart.  de  Redon,  des  chartes  concernant  un  certain  nombre 
de  paroisses  de  la  zone  mixte,  en  particulier  Langon,  qui  n'est 
pas  loin  de  Redon.  Un  examen  superficiel  n'y  révélerait  que 
du  breton  et  on  serait  tenté  de  conclure  que  le  roman  en  a 
disparu  ;  mais  il  y  a  toujours  un  indice  sûr  de  la  persistance  de 
l'élément  roman  :  c'est  la  présence  d'hommes  ou  femmes  à 
noms  germaniques.  Dans  la  charte   la  plus  ancienne  de  797 
{Cart.  Red.,  p.  147),  des  missi  du   comte  Frodald  Gautro  et 
Hermandro    viennent    demander    à   un    propriétaire    breton 
du    nom   d'Anau,  à  quel  titre    il  occupait   Landegon,  avec 
ses  colons  et  sa  terre.  Anau  répond  qu'il  le  tient  de  ses  aïeux 
et  hisaïeux  {avis  et  proavis)  ce  qui,  entre  parenthèse,  suppose, 
si  cela  avait  besoin  d'être   démontré,  contrairement  à  ce  que 
prétend  M.  de  la  Borderie,  que  la  zone  à  l'est  de  Vannes  était 
au  pouvoir  des  Bretons,  bien  avant  la  fondation  de  l'évêché 
de  Redon  et  même  le  commencement  du  ix'  siècle.  Les  scabini 
de  Frodald,  tous  Bretons  (Sullon,  Altroen,  Catlouuen,  Uuore- 
thael,  Juduuallon,  SicVi)  exigent  qu'Anau  jure    avec   douze 
témoins  :  sur  ces  douze  témoins,  deux  ont  des  noms  germa- 
niques ou  romans  :  Travert,  Risbcrt.  L'acte  est  fait  à  Langon  ; 
parmi    les  témoins,    à  côté   des   quatre   Bretons    signe  avec 
Gautro  et  Hermandro,  Indoleno. 

Dans  une  charte  de  832-866  (Cart.  168),  un  propriétaire 
à  nom  germanique,  Burg,  donne  Caiiiprotb  :  camp,  qui  se 
retrouve  dans  Gran-camp,  mal  écrit  Grandchamp  près  ^'annes 
(on  est  arrivé  à  Gregamp  =  grancàiup  ;  Guingauip  {Giuengaiii), 
dans  le  sens  de  champ  a  été  emprunté  sur  le  continent  :  on  le 
trouve  dans  un  certain  nombre  de  communes  bretonnantes, 
comme  nom  de  terre  :  campir  =  camp-hir.  En  862,  à  côté  des 
Bretons,  signent  parmi  les  notables  :  Godofred,  Momlin.  Les  fils 
d'Anau  apparaissent  dans  une  charte  de  826-840  (cart.  148) 
avec  des  noms  germaniques  :  Aelifrid  (Etelfrid,  plus  bas),  et  son 
frère  Godun  accusent  leur  frère  Agun  au  sujet  de  l'héritage 
paternel  in  mallio  publico  dans  un  lieu  roman  Brufia.  Acun 
donne  C  soJidos  à  partager  entre  Uiiidon,  Ad'ahin  et  Ratuili  (Bre- 


1 


Les  hiiigitcs  romane  et  bretonne  en  Arnioriqne.  385 

ton).  Les  scahini  sont  tous  Bretons,  moins  Burg.  Ces  faits 
sont  très  significatifs  sans  insister  sur  Brufia.  Si  les  fils  d'Anau 
ont  des  noms  germaniques,  c'est  qu'évidemment  Anau  avait 
dû  s'allier  à  des  familles  romanes  du  pays.  C'est  d'autant  plus 
frappant  que  nous  voyons,  dans  des  localités  où  le  breton  a 
déjà  sûrement  disparu,  des  noms  très  bretons  conservés  dans 
bon  nombre  de  familles.  Il  y  a  mieux,  il  y  a  une  preuve  directe 
que  le  roman  (français)  était  parlé  à  Langon  avec  le  breton. 
Il  est  fait  mention  dans  une  charte  de  832-840  (p.  94)  d'un 
champ  cultivé  par  Fetmer  :  campum  Camdonpont.  Il  me  parait 
évident  qu'il  faut  lire  :  Camp  don  pont.  En  efî"et,  dans  une  charte 
de  852  (p.  368)  ce  champ  porte  le  nom  de  CampneJpot  :  ici 
évidemment,  il  fout  corriger  camp  de!  pont,  le  champ  du  pont. 
Le  scribe  breton  de  Redon  n'a  dû  rien  comprendre  à  cette 
expression  parfaitement  française.  Pour  camp  nous  verrons  qu'il 
y  a  un  certain  nombre  d'exemples  en  Bretagne  française  du 
maintien  de  ca-,  même  aujourd'hui,  par  suite  de  l'influence 
bretonne. 

Brain  et  Plaz.  Ces  deux  noms  sont  français. 

Plaz  est  donné  sous  les  formes  Placitum  et  Plaz(Cart.  Red. 
838-849,  p.  46,  in  plèbe  Placito;  861,  p.  léé.  Plaz).  Parmi 
les  témoins,  en  général,  à  noms  bretons,  je  relève  en  838-849 
Guandromacr  :  en  860  Berinker,  Lanfred,  Rowuuart.  Dans  une 
charte  de  869,  p.  192,  nous  avons  une  preuve  directe  que 
le  peuple,  à  l'ile  de  Plaz,  parlait  roman  :  entre  autres  îles  don- 
nées par  le  roi  Erispoé  pour  le  salut  de  son  âme  et  celle  de 
son  père  Nomenoé,  on    cite  insula  quœ  vocatiir  Pla^,  q.uam 

UNDIOUE     COMMANENTES,    ALIO     NOMINE    VeNEZIA      APPELLANT. 

Venexia  et  par  son  v  initial  et  par  sa  terminaison  (si  v  est 
prononcé  lu  ou  écrit  lUi)  est  manifestement  français. 

Chavannes  :  le  nom  est  français.  En  1040  (Cart.  de  Saint- 
Georges,  p.  105)  à  Cauana,  il  est  fait  mention  d'une  ville  Esvi- 
gnei  :  c  est  Evigué,  aujourd'hui  :  c'est  un  nom  gallo-romain  en 
évolution  française  :  cf.  Côtes-du-Nord  Evignac. 

Fougeray.  Dans  les  chartes  du  ix^  et  du  x^  siècles,  tout  y 
paraît  breton,  moins  les  noms  Gosbert,  Renouart  et  Sigibert 

Revue  Celtique,  XXVIII.  '  25 


386  /.  Lolh. 

(Cart.  Red.,  24-166,  187),  mais  le  nom  même  de  Fougeray 
(Fclkeriac  dans  les  chartes)  est  un  témoin  irrécusable  de  la 
persistance  du  roman  dans  cette  paroisse. 

GovEN  :  la  plus  ancienne  charte  à  moi  connue  est  du  xir'  s. 
(Cart.  d.  S. -Georges,  p.  137)  :  j'y  relève  Lrt  Bernukie  et  Paiie- 
poiitis,  qui  est  manifestement  une  déformation  du  breton  Pen- 
pont,  tête  du  pont. 

GuiCHEN  :  charte  de  iioi  (Cart.  Red.  318):  à  côté  de 
Glan-ret  porus,  très  breton,  de  Me^ac  {Messac)  nom  gallo- 
romain  saisi  en  évolution  romane  au  vi®  siècle,  mais  témoi- 
gnant par  sa  terminaison  de  son  passage  au  breton,  il  y  a  un 
moulin  du  Gravot,  nom  bien  connu,  en  zone  purement  fran- 
çaise, près  Rennes.  Le  donateur  est  WaiiUerius  fils  dejudicael  : 
son  nom  est  français  ;  son  fils  est  Gaufrid  et  sa  femme  Gonnor. 
A  côté  de  la  terre  d'Inisan,  est  celle  de  Gérard. 

LoHEAC  (LoHOiAc)  :  charte  de  1062  (Cart,  Red.^,  234).  Les 
donateurs  sont  Judicael  et  sa  femme  Uuacelinc;  les  témoins 
nobles  sont  d'un  côté  Judicael,  Hervé,  Guethenoc  (Bretons), 
de  l'autre  :  GuaJterits,  Frogcrius  fils  de  Robelini  et  Ansgerius 
Charru. 

Les  Bretons  eux-mêmes  sont  francisés  :  Godahnus  est  fils  de 
Glemarhoc,  avec  Gradelon  ;  Einulfiis  avec  Helmonoc  est  fils 
du  Breton  Liosoc. 

MoRDELLES  et  Bréal  :  les  deux  noms  sont  français.  En  1028, 
103  (Cart.  S. -Georges,  p.  95)  une  ville  s'appelle  Siha  :  or,  c'est 
La  Foret  aujourd'hui.  En  1070-1080  (ilud.,p.  135)  deux  villa 
sont  mentionnées  à  Mordelles;  toutes  les  deux  françaises  : 
villa  Finceiii,  c'est  Vincé,  aujourd'hui,  et  la  Terceria. 

Plélan  a  été  le  séjour  flivori  de  chefs  bretons  et  notam- 
ment du  roi  Salomon.  Aussi  toutes  les  chartes  du  lx.^  siècle  et 
une  du  x^  ne  donnent-elles  que  des  noms  bretons  (Cart.  Red., 
39,  40,  41,  60,  61,  64,  71,  78,  172,  192,  195,  197,  226, 
227,  347,  en  exceptant  le  nom  d'un  prêtre,  Ec^reval  (an  869, 
p.  189). 

En  1144,  tout  est  changé  (Cart.  Red.,  p.  347)  :  Boscher  et 
Jacut  fils  de  Hiigonis  BcUi  (Huon  le  Bel)  sont  surpris  coupant 
la  moisson  dans  une  terre  que  réclamaient  Roaldus  (évolution 


J 


Les  langues  romane  cl  brcloniieeii  Armoriquc.  3S7 

française  de  Rodait)  fils  de  Gantier.  Roalt  et  ses  frères  tuent 
Jacut  et  blessent  mortellement  Boscher.  Les  témoins  sont, 
à  côté  de  Rivallon  et  Even,  prêtres  qui  peuvent  être  d'ailleurs, 
et  Guehenoc  (Guether/oc  serait  la  vraie  forme  bretonne), 
Gaufridiis  rnintcrius  (le  mintier)  moine,  Guihomar  (forme 
française  de  Giuiw-ho mardi)  gendre  de  Ferme,  Roalt,  Boscher 
et  GuiscHART.  Plélan    est  évidemment  français  au  xii'=  siècle. 

Saint-Just,  près  Redon  :  charte  de  i  loi  (Cart.  Red.,  p.  321). 
Quelques  personnages  ont  encore  des  noms  bretons  :  Menki, 
Aldron  (Altroen),  mais  Maenki  a  pour  fils  Hamon  et  Raoul 
(Radulfus)  ;  Guethenoc  a  pour  fils  Normandiis  Bastardus  dont 
la  femme  s'appelle  Odicia;  Glemarhoc  apour  fils  Rabin;  Derian 
est  fils  de  Cokelin  (Coquelin).  Un  témoin  laïque  s'appelle 
Barbot. 

SixT  {si^  et  même  si)  :  dans  les  chartes  du  ix^s.  (Cart.  Red., 
360,  3,  157,  37,  81)  les  témoins  sont  Bretons  moins  Fiilcrit 
(p.  157).  Les  villas  Noial  et  Eriginiac  sont  d'origine  gallo- 
romaine.  En  1037  apparaît  la  villa  Fiirnel. 

En  1108-1133,  les  gens  paraissent  français  ou  francisés  : 
Richart,  Hoes  filius  Orion  (et  son  frère  Jarnogon);  Pichart  fils 
de  Morin  (en  breton,  on  eût  eu  Mer  in),  Rivalon  Afichet. 

TiNTENiAC  :  à  la  fin  du  W"  siècle,  c'est  le  français  qui 
domine.  Si  en  1060,  les  noms  des  signataires  sont  bretons,  il 
y  a  dès  villas  d'origine  romane  par  le  nom  :  villa  Herfred, 
v'ûlz  Hermenf  redis,  v'iWa.  Bernard  (Cart.  St-Georges,  p.  94);  je 
remarque  :  si  quis  vendiderit  baccon  (p.  97);  à  la  même 
époque  environ  (p.  155)  :  fiiangeria  quœ  reddunt  Ismalienses 
(les  seigneurs  de  Tinteniac).  A  la  fin  du  xi'' siècle  (p.  155), 
nous  sommes  en  pleine  zone  française  :  villa  Dodelini;  La 
Gavascheria  (La  Gavacherie);  la  Tnscbia  (La  Touche).  Au 
XII''  s.  (p.  137)  signalons  Le  CoiidroiQe  Coudray  aujourd'hui); 
la  terre  de  Castelein  (le  grand  et  petit  Châtelain);  en  11 97; 
(p.  193)  :  dîmes  de  la  Pooeleterie,  de  la  Santé  cochère,  de  la 
Boerie,  de  la  Meenerie;  en  1223  (p.  216),  medietaria  de  Chas- 
telaii;  en  1206- 1207  :  Leprosaria;  a  Maladeria  versus  Castelet 
Buson  (et  torrentem  qui  dicitur  Guentus  :  nom  breton).  Parmi 
les  noms  d'hommes,  à  côté  de  noms  bretons,  on  remarque  en 


388  /.  Loi  h. 

1060  BiienvaJcl  et  Buenvnllet  (p.  99);  Odon  fils  de  Glen;  Tuai 
Bastart  ;  à  la  fin  du  xi'' s.  (p.  155),  Gaufred  fils  de  Normant; 
en  1263  (p.  20)  :  Agnes  et  ses  fils  Geroart  Lecoq,  Guill.  Gopil. 
Il  y  a  d'autres  noms  qui  confirment  les  preuves  que  le  bre- 
ton a  dû  à  peu  près  complètement  disparaître  dans  le  cours  du 
xi^  s.  :  en  1220  (p.  214),  terre  de  Trefioc  :  -or  ici  n'a  pas  évolué 
en  -Clic,  car  ce  village  est  aujourd'hui  Trcfcrioii;  or  cette  évo- 
lution en  -ôc  s'était  faite  sûrement  au  xr'  siècle  dans  la  pro- 
nonciation. En  revanche  Cainpanoc  en  1040  est  aujourd'hui 
Campeneuc. 

DoL  et  les  environs  (S.-Brolade;  Roz-sur-Couesnon,  la 
Fresnaye,  Baguer-Morvan  (Bagar),  Hirel,  Cuguen,  etc.  Dom 
Lobineau  (Hist.  de  Bret.  Preuves,  II,  p.  133  et  suiv.)  reproduit 
des  titres  concernant  l'église  de  Dol,  tous  de  la  fin  du  xii^  siècle  : 
moulin  de  Olivel;  a.  caleiideria  usque  ad  Maupol;  in  Chasiieio; 
verderie  de  Carcou  (en  St-Brolade  ?)  ;  Bnicria  ;  en  Charniiers 
(Cherrueys)  campum  Trossebof  (et  cultura  Moarec');  la  capella 
Briisle  (p.  136);  en  Hirel  (p.  36)  :  pischaria  (pêcherie)  Hose 
pischaria  Aveline;  pisch.  Garnerii  ;  pisch.  Garani  Pagaii;  nicte- 
rie  en  Fresiieia  :  met.  Glaian  (breton),  met.  Bercnger;  met. 
Roberti  Longi,  les  Burfart;  met.  Giiibcrl  ;  Eniaiideria;  masiira 
Hervei  presb.  et  Esvelardc  et  filiorum  Will.  Bovis  et  Will.  Hos- 
pinel;  en  Cuguen  :  Mcslchert  {mes,  champ,  en  breton)  et  Crenion 
quod  modu  (leg.  modo)  appellatur  Macbiia  et  Jiihelleineria  (la 
Jiihellem-iere  sans  doute,  du  nom  breton  Juhel  =  Jud-hael); 
lande  de  ChaleviUe.  A  côté  de  quelques  noms  bretons,  Petrus 
Pinel,  Herveus  Chevalcr  :  Irvoiiis  (Urvoy)  filius  Galterii; 
Archcnaiid  fils  de  Menar.  La  langue  courante  est  le  français  : 
p.  133,  il  est  question  de  privilèges  de  pêcherie  touchant: 
Vestnrjon,  salmon,  BaJeim  et  totum  Le  vuarec  (Je  varech)  ;  landa 
as  pendus  (jp.  134)  :  aux  Pendus. 

En  revanche,  on  peut  relever  des  tormes  très  bretonnes', 
dans  toute  cette  zone  :  villam  Me:;^uoit  prope  castellum  Dolis; 

I.  M.  Saint-Mieux  dans  un  intéressant  article  paru  dans  VHennine,  1904, 
p.  182,  1905,  p.  14-82,  sous  le  titre  de  De  la  formation  des  noms  de  lieux  du 
Poulet,  où  on  trouve  après  quelques  divagations  préhistoriques  assez  répan- 
dues, de  judicieuses  remarques  sur  les  suffixes  formatifs  des  noms  de  lieux, 
exception  faite  toutefois  de  -acuiii,  -iaciim,  a  soutenu   une  théorie  absolu- 


I 


Les  langues  romane  et  bretonne  en  Annorique.  389 

Carfenîon   (auj.  Carfantoîi),  v\\\-;\m.  Beihon  (lisez  Bethou}^  et 
Roz,  à  côté  de  terra  Hameti  (Hamet). 

BÊCHE REL  :  Le  prieuré  de  Saint-Jacques  de  Bécherel  dépen- 
dait de  Marmoutiers.  Les  archives  de  Rennes  possèdent  un 
certain  nombre  de  chartes  concernant  Bécherel  et  les  environs. 
Inutile  de  faire  remarquer  Bécherel  :  c'est  ce  qu'il  y  a  de  plus 
français.  Les  chartes  malheureusement  qui  nous  importent  ne 
sont  que  du  xiii^  siècle.  Le  français  règne  :  charte  du  xiii^s.  :  in 
granateria  (in  bono  Argantelin,  nom  vieux-breton);  les  témoins 
sont  Gauf.  de  Malo  Nido  (de  Maniiy),  Guill.  Rossel ;  Gaufr. 
Malo-Infantc  (^Maknjant);  charte  de  1288  inter  cheminum  quod 
appelatur  cheminum  de  Conrsout  et  cheminum  Dynanemense  ? 
et  terram  des  Cressonnières. 

Iffendic  '  :  Dans  la  même  zone.  Les  chartes  intéressantes'du 
prieuré  d'Iffendic,  dépendant  aussi  de  Marmoutiers,  et  conser- 
vées aux  archives  d'IUe-et- Vilaine,  sont  un  peu  plus  anciennes 
mais  ne  donnent  pas  grand'chose  :  charte  de  1122  :  les  noms 
des  signataires  sont  français,  à  part  quelques-uns  dont  la  défor- 
mation même  atteste  l'usage  du  français  :  Maiugoueus  =  Maen- 
Keneu  ,  aujourd'hui  Maingueué;  Garino  ;  Roberto  TuagaUuui, 
c'est-à-dire  Tue-gal  :  c'est  une  transcription  absurde  mais  très 
française  du  breton  Tugal,  forme  déjà  francisée  de  Tutgual. 
(x^  siècle  Tut-iuaï);  c'est  sous  le  nom  de  Tugal  que  ce  saint 
est  honoré  dans  l'église  cathédrale  de  Laval.  Il  en  est  de  même 
dans  la  charte  de  fondation  qui  est  de  la  même  époque  :  à  côté 


ment  fausse,  en  avançant  que  le  Poulet  (Pou-aJet)  était  un  îlot  français 
entouré  d'une  ceinture  bretonne  :  après  avoir  reçu  une  population  bre- 
tonne peu  nombreuse  il  y  aurait  eu,  à  la  suite  des  invasions  Scandinaves, 
une  repopulation  française.  Le  Foutct  est  dans  les  mêmes  conditions  que 
le  reste  de  cette  zone.  Il  y  a^  même  dans  le  cadastre  actuel,  dans  les  chartes 
anciennes,  à  plus  forte  raison,  des  preuves  évidentes  d'une  forte  occupation 
bretonne.  M.  Saint-Mieux  ne  connaît  pas  les  pièces  du  procès  :  à  Saint- 
Malo  même,  le  talar  (et  non  le  talani)  signifie  exactement  sillon.  Enfin, 
M.  Saint-Mieux  a  lui-même  un  superbe  nom  breton,  saint  Maitoc  = 
*Maglàcos,  dérivé  de  Maglo-s,  chef. 

Quant  à  Alet,  loin  d'être  pré-celtique,  c'est  un  nom  de  lieu  bien  connu 
du  Coiiiival  et  du  pays  de  Galles.  Quant  aux  noms  norois,  aucun  ne  me 
paraît  démonstratif. 

I.  Au  xiie  s.,  la  forme  est  Hil-phinlic,  c'est-à-dire  la  race,  les  descendants 
de  Fin  tic. 


390  /.    Lolh. 

de  noms  bretons,  comme  Gaer~  (Gahard  commune  d'Ille-et- 
Vilaine),  Treiiielin  bois  près  de  Talensac,  les  noms  des  signa- 
taires, à  part  Jarnogonius,  Gradelonus,  Arveus  sont  français, 
particulièrement  ceux  des  faiimli;  Guill.  de  Bretulis  (Brete'û}^  ; 
Moyses  Pellem  in  Collo  ;  Herveus  Capiit  asini  (auj.  Chedane); 
filius  Galterius  BeUi  Hoininis  (Belhomme). 

MoNTFORTet  le  voisinage  :  charte  de  1296  (titres  de  l'abbaye 
de  Saint-Melaine  de  Rennes,  fonds  La  Borderie,  aux  archives 
d'IUe-et-Vilaine)  :  Johannes  (et  frater  Lamoiiroiis  =  ramoureux 
est  prieur  de  Montfort;  Perrot  Perdri:^^  et  sa  femme  Nicholaa 
donnent,  en  échange,  une  terre  à  Saint-Jean  de  Montfort  sise  : 
inter  herbergamentum  Morelli  de  Campis  ex  una  parte  et 
herbergamentum  familiic  defuncti  Guillelmi  ex  altéra  et 
quamdam  peciain  prati  sitam  in  parochia  Sancti-Nicholai 
Montisfortis  inter  osseriam  dicte  Florie  La  Baguenière  ex  una 
parte  et  pratum  quod  predictus  prior  habuit  a  Radulpho 
Bechebîen  {Bèche-hieiï)  inter  herbergamentum  Gaufridi  Geencors 
ex  una  parte  et  herbergamentum  Jobini  Leialendier  (Le  Tail- 
landier). 

Dans  l'ensemble,  il  paraît  sûr  que  le  breton  était  éteint, 
dans  la  zone  bretonnante  du  département  actuel  d'Ille-et- 
Vilaine,  aux  xi'^-xii'^  siècles. 

Loire-Inférieure  :  les  paroisses  de  :  Escoublac  (Saint- 
Nazaire),  Saille,  Guérande,  Batz_,  Piriac,  Le  Croisic,  la  Tur- 
balle,  Saint-Lyphard,  Asserac  Herbignac  et  celles  de  Pénestin, 
Camoel,  Férel  qui  sont  du  Morbihan,  quoique  dans  la  même 
péninsule,  sont  hors  de  cause  :  le  cadastre  y  est  encore  presque 
entièrement  breton  et  sûrement  le  breton  n'a  cessé  d'y  être 
parlé  qu'assez  récemment.  Ces  communes  appartiennent  à  ce 
que  j'ai  appelé  la  zone  exclusive  m  eut  bretonnante. 

AvESSAC  :  c'est  un  nom  àt  jiindns  gallo-romain  qui  se  trouve 
ailleurs.  Les  chartes  de  892  (Cart.  de  Redon)  ne  nous  donnent 
guère  pour  Avessac  que  des  noms  bretons,  p.  49,  65^  73,  89, 
95,  151,  159,  192,  219  ;  celle  de  1 108,  p.  291  ne  donne  rien. 
Cependant  la  virgata  Piiz^  paraît  bien  un  nom  français  (p.  49, 
charte  de  836-842);  à  remarquer  parmi  les  témoins  Cadalun 
(p.  74,  ix^'  s.),  Igehert  (p.  96,  en  858),  Telfred  (p.  169,  en  858). 


Les  langues  romcvie  et  bretonne  en  Armorique.  -^^i 

Il  y  a  un  indice  curieux  que  le  français  devait  être  parlé  avec 
le  breton  à  Avessac  :  ce  sont  les  variantes  dans  une  charte  de 
869  (p.  192)  Davi\ac{m  plehe  Daviciacd)  et  Cl av!\ac  :  Clav^ac 
est  une  mauvaise  lecture  du  copiste  pour  Davi:{ac  :  il  y  en  a 
d'autres  exemples.  Elle  assure,  en  revanche,  la  forme  Davi^ctc. 
Cette  forme  ne  peut  s'expliquer  que  par  une  méprise  du  scribe 
breton  qui  recueillit  les  dépositions  des  gens  d'Avessac  :  il 
entendit  gens  ou  paroisse  d'Avi:^ac  et  ignorant  la  valeur  du 
d'  =  de  français,  écrivit  Davi^ac. 

Le  cadastre  actuel  d'Avessac,  en  grande  partie  francs, 
renferme  à  côté  de  noms  de  villages  romans  bretonnisés 
comme  Nérac,  Sévignac,  des  noms  de  lieux  bretons  :  Penhoet, 
Penfao,  Pouldii,  Trescaii,  TresJerian,  Dreneuc. 

BouvRON  (nom  français)  :  je  n'ai  d'autres  documents  que 
ceux  du  cadastre  actuel.  J'y  relève  des  noms  de  lieux  attestant 
que  le  breton  y  a  été  parlé  :  OiiéhiJJac,  Sordeac,  Borsac,  Gui- 
scny,  le  haut  et  bas  Be:iou  (be~ou,  bouleau).  En  revanche  la 
frairie  de  FilJée  nous  atteste  la  coexistence  à  toute  époque  du 
français. 

Cambon  :  de  même  pour  Cambon.  Le  nom  même  de  cette 
paroisse  est  très  instructif.  Sur  une  monnaie  mérovingienne, 
c'est  Cambidono.  Quand  les  Bretons  ont  adopté  ce  nom,  c'était 
Cambon,  attestant  révolution  romane.  En  revanche  il  a  dû  au 
breton  de  conserver  son  ca  initial  (c'est  Cambono  en  990). 
Le  cadastre  est  à  peu  près  entièrement  français.  Cependant  j'y 
relève  Brentu,  Benac,  Montmignac(Mâ'///;//;z/ûf£:au  xvii^  siècle) 
Boqmban  :  bot  habitation,  est  breton. 

CoNQUEREUiL  {Co}icuru~  Cart.  Red.  246,  345)  :  charte  de 
1148  (p.  345)  :  Gaufridus  stultus  donne  une  partie  de  sa  ville 
de  Coicaden  (Coit  caden)  et  Brengoen  (en  Pierric).  Les  témoins 
sont  français  :  Rainald,  GefreCapuisel;  Oni  le  Bovier  ;  Eon  de 
Bosco  (du  Bois);  Daniel  filius  Barbote;  Goredun  filius  Roaiit. 

Le  cadastre  actuel  a  des  traces  sûres  de  l'existence  ancienne 
du  breton  :  Cocadin  (Coicaden),  Coetma,  Roscoitet. 

Crossac  :  Le  nom,  par  sa  forme,  suffit  à  attester  ancienne- 
ment l'existence  du  breton.  Le  cadastre  actuel  conserve 
quelques  noms  d'origine  bretonne,  comme  Le  Ras,  Qiieiiiéné. 


392  /.  Lolh. 

La  cliarte  de  1092  du  cart.  de  Redon,  p.  339,  n'est  pas  sans 
intérêt.  CavaUon  (Catuuallon)  donne  des  terres  du  consente- 
ment de  ses  fils  Olivier  (Oliverio),  Savary  {Savarico)  et  Guil- 
laume (Guillelmo),  Jordan  ;  sa  femme  est  Aanor,  nom  qui 
suffirait  à  prouver  que  le  français  était  la  langue  usitée  dans 
cette  famille  :  en  breton  on  aurait  eu,  Acfenor.  A  remarquer 
encore  le  nom  du  témoin  Riaelen  Girart. 

Derval,  Luzanger  et  Fait  :  les  trois  noms  ont  évolué 
d'une  fliçon  française.  Un  certain  nombre  de  chartes  anciennes 
les  concernent  :  Fait  (ou  villa  Faite)  était  en  Luzanger.  Charte 
de  816  (Cart.  Red.,  p.  175)  :  Acfrudis  avec  le  consentement  de 
son  mari  Arluin  vend  à  son  neveu  A^^on  des  terres  en  Fait  ; 
l'acte  est  signé  à  Luzanger  (ou  Condita  Lubiacense)  :  tous 
les  signataires  ont  des  noms  germaniques  :  BotJjcleno,  Bocseno, 
Hennenfredo,  Rciinlfo,  Gairaldo,  Herminono,  Bertolago  etc.  Il  en 
est  de  même  dans  la  charte  de  819  concernant  Derval  et 
Fait  :  l'acte  se  signe  à  Leodulfello  (p.  176)  :  celle  de  819 
(p.  176),  est  signée  à  Luzanger.  En  revanche,  dans  la  même 
zone,  en  864  (p.  45),  nous  avons  une  ville  Bot-Catman,  objet 
de  donation  de  Austroberte  et  son  mari  Uuandefred  :  l'acte  est 
signé  au  monastère  de  Moe  en  Luzanger;  ici,  les  signataires 
sont  Bretons  moins  Lanfred,  Tetcrim,  Lanbert  :  de  même 
dans  la  charte  de  86S,  p.  173  :  17  témoins  dont  quelques-uns 
de  Cornou  (paroisse  disparue,  sur  le  Cher  (Kaer)  ont  des  noms 
tout  bretons  contre  un  Rather.  Nous  assistons  ici  à  une  prise 
de  possession  des  terres  d'Ostroberte  et  Wandefred.  En  effet, 
c'est  Hirdran  envoyé  de  Salomon  qui  remet  à  Saint-Sauveur 
les  alodos  Austroberte  cédés  en  864  (p.  45)  sitos  in  loco  nun- 
cupante  Faito  sive  Bot-catman,  sive  Isartio.  Une  charte  de  830 
(p.  177)  nous  donne  un  champ  breton.  Pul  Unerno  en  Botcat- 
man,  vendu  par  Aicus  à  Wandefred  et  Austroberta  ;  les  signa- 
raires  ont  des  noms  germaniques.  Dans  cette  même  villa  de 
Botcatman  il  y  a  un  campus  Alaiuel  qui  est  peut-être  à  l'agiiel 
(p.  17S  et  831). 

GuENRouET  :  le  nom  est  breton.  Le  cadastre  suffit  pour 
prouver  la  co-existence  des  deux  langues  vers  le  ix-x^  siècle  : 
noms  bretons  ou  attestant  l'usage  du  breton  :  Levrisac,  Mal- 


Les  langues  romane  et  hretoiiue  eu  Aruuiriquc.  393 

neuf  {Mes-hneuc  en  1520),  Tregreiic,  Bodelean,  Penguet,  Peslân, 
Qiiiiihu,  Bleuhen,  Cranda.  Le  nom  de  lieu  Maigné  atteste  que 
le  roman  n'a  jamais  cessé  d'y  être  parlé.  La  forme  des 
noms  bretons  nous  reporte  pour  l'extinction  du  breton,  à  la 
même  époque  à  peu  près_,  plus  tardivement  peut-être,  que 
pour  riUe-et-Vilaine. 

Marsac  :  nom  gallo-romain  pris  par  les  Bretons  en  évolu- 
tion romane  :  charte  de  1080  (Cart.  Red.,  p.  294);  Rifon  et 
Brunel  (Brunellus)  font  don  d'une  villa.  Les  témoins  sont  : 
Jestin  de  Jani,  Cavallon  (Catuallon  francisé),  Roallen  Cervus 
(RkuaUon  le  cerf);  Paganus  filius  Renhorcori?  ;  Seenfreî  molen- 
darius  et  Renaldus.  Les  noms  bretons  du  cadastre  ont  une 
forme  qui  paraît  arrêtée  au  xi-xii^  siècle  :  Treveku,  Cadeux, 
Combeuriac,  Morval,  Hiyigiié  (Hcn-gaer  ?),  Caribeau,  {Car  = 
Caer).  La  coexistence  du  français  est  attestée  par  les  villages 
de  Russe  et  Prince. 

Plessé  :  dans  le  cart.  de  Redon,  c'est  Plebs  Sei  ;  on  pourrait 
croire  à  une  étvmologie  tendencieuse  si  on  n'avait  aujourd'hui 
encore  Tressé  (Treb-se).  Cependant  il  est  possible  que  d'une 
ferme  française  Plessei  les  Bretons  aient  tiré  un  Plebs-Sei.  Une 
charte  de  854  (Cart.  Red.  p.  125)  ne  nous  donne  guère  que 
des  noms  bretons  de  lieux  et  de  personnes  à  l'exception  du 
témoin  Cadalun;  ils  se  réunissent  in  villam  Savant.  Je  n'ai  pu 
étudier  le  cadastre  de  cette  paroisse. 

Le  Dict.  topogr.  récemment  publié  par  M.  Quilgars  donne 
un  bon  nombre  de  noms  de  lieux  bretons  ou  bretonnisés  inté- 
ressants :  Calestreuc  devenu  La  Caletrie  !  ;  Ltissac,  Barsac,  Bei- 
:{ic,  Bodtian,  (Bodaii  au  xiii'^  s.),  Lagoden  {L^ogoden  ?),  Laver ac, 
Penbé  {Penbed),  Penfao,  Tregoiiet,  Trelan. 

Je  crois  inutile  de  prolonger  cette  liste  :  v.  plus  bas  la  ligne 
de  démarcation  entre  la  zone  mixte  et  la  zone  bretonne  pure. 

Comme  je  l'ai  dit,  à  l'est  de  la  ligne  extrême  du  breton,  il 
n'est  pas  rare  de  trouver  des  traces  de  la  présence  des  Bretons. 
On  le  constate  un  peu  partout.  Frossay  sur  la  rive  gauche 
de  la  Loire  mérite  une  mention  particulière.  Des  chartes  de 
1027,  iioo,  1047,  1070,  1050,  1080  (p.  248,  265,  268, 
269,  270,  272)  nous  donnent  une  majorité  de  noms  bretons 


394  /■    Lolb. 

dans  cette  paroisse,  mais  les  noms  de  lieux  sont  romans  :  en 
1127  (p.  248)  terre  Male-Ma:^ure;  en  1050  (p.  270)  Droaloi 
donne  la  terre  de  Durand  et  Trehoret  miles  donne  le  Plessis 
ÇPle.xiciiini).  Les  Bretons  s'y  francisent  vite  :  en  1070  (p.  269) 
Nominoe  (proh  pudor!)  a  pour  fils  Babin;  Maen  a  pour  fils 
Raphin;  en  1080  Guithenoc  a  pour  son  fils  Gobin  (p.  272); 
à  remarquer  le  nom  de  Fan:(on  Judiahel  et  Judicael  Fancion. 

Morbihan  :  Augan.  Les  chartes  du  ix' s.  concernant  Augan 
dans  le  cart.  de  Redon  ne  nous  donnent  que  des  noms  bretons 
de  lieux  et  d'hommes,  moins  celui  de  Rainbert  en  852  (p.  96). 

Le  cadastre  est  français  avec  un  certain  nombre  de  noms  de 
lieux  à  forme  bretonne  assez  ancienne. 

La  forme  du  nom  de  cette  commune  étant  Alcam  et  Algam 
au  w^  siècle,  l'évolution  en  Augan  est  due  au  français  et  n'a  pu 
guère  se  produire  plus  tard  que  le  xii^  siècle. 

BÉGANNE.  La  charte  de  1052  du  cart.  de  Redon  (p.  278) 
ne  nous  apprend  rien;  pas  plus  qu'une  autre  du  xi'=  siècle 
(p.  284).  Le  cadastre  ne  nous  apprend  pas  grand  chose. 

Le  cadastre  a  un  assez  bon  nombre  de  noms  bretons,  de 
forme  un  peu  plus  récente  que  ceux  d'Ille-et-Vilaine  :  il  y  a 
mêm.e  un  Kergo  ÇKer-gov).  Par  les  Reformations  et  Montres  nous 
n'atteignons  que  le  xv^  siècle'  :  il  en  ressort  toutefois  avec 
évidence  qu'à  cette  époque,  le  breton  y  était  depuis  longtemps 
éteint. 

Carentoir.  Les  chartes  du  cartulaire  de  Redon  ne  nous 
donnent  guère  que  du  breton  au  ix^  siècle.  Je  remarque  cepen- 
dant en  863  (p.  50),  un  témoin  du  nom  de  Pivetat,  un  autre 
du  nom  de  Gosbert;  au  ix^  siècle  aussi  (p.  69)  Edelfrit.  Les 
noms  bretons  du  cadastre  sont  de  forme  assez  archaïque  : 
Peccadeiic  (Plecadeuc),  Mariac,  MeJuc  (forme  du  xi-xii'=  s.), 
ville  Heleuc,  le  Henlée  (Hen-Jes).  Le  cadastre,  pour  les  terres, 
est  entièrement  français. 

Caro  et  Reminiac  (Caroth  et  Ruminiac  au  ix^  s.).  Les 
chartes  du  ix^  s.  donnent  des  noms  bretons.  Le  cadastre  est 

I.  De  Laigues,  La  noblesse  bretonne.  Réformes  et  montres.  Rennes,  1902, 
t.   I. 


il 


Les  langues  romane  et  hreloune  en  Arnioriqne.  395 

français,  mais  avec  des  noms  de  villages  bretons  Lescoet,  Tre- 
vegat.  Au  xv^  siècle,  le  français  règne  (^Noblesse;  Dict.  Ogéé). 
En  j ^00,  La  Viardaye,  la  Guine  des  Touches;  La  Barre;  Le 
Boneniers. 

CouRNON  faisait  anciennement  partie  de  Bains.  En  847,  à 
côté  des  Randremes  Lisuuern^  randremes  Golbin  et  d'un 
demi  Tigran  en  Ergentet,  apparaît  le  tegran  Bonafont  {sic), 
manifestement  français  :  fonteiii  eut  donné  en  breton  Fiïnt  : 
cf.  funton  =  fontâna. 

Le  cadastre  est  très  français;  cependant  j'y  relève  un  Pin- 
guily.  Les  Montres  et  réfonimtions  ne  nous  donnent  que  du 
français. 

FouGERETs  (Les)  :  Le  nom  seul  est  un  document  probant. 
Le  cadastre  est  entièrement  français  :  à  remarquer  Le  Qiiene, 
si  le  nom  n'est  pas  estropié,  car  on  a  en  1427,  dans  la  même 
paroisse,  La  Chesnaye.  Les  Montres  et  reformations  ne  nous 
donnent  guère  que  des  villages  français. 

GuER  {Wern  au  ix^  s.).  La  forme  Guer,  dès  1137,  montre 
la  prédominance  du  français.  Les  chartes  du  ix^  siècle  donnent 
des  noms  bretons  de  lieux  et  d'hommes.  Il  y  en  a  un  cepen- 
dant qui  est  fort  instructif  :  c'est  le  tigran  Fabr  ÇCart.  Red., 
p.  134,  an  836)  donné  par  Retuuobri. 

Le  cadastre  m'a  paru  très  français  ;  cependant  à  remarquer, 
Je  Rhiine,  ruisseau,  Botileuc,  Coeho. 

Lannouée  :  le  nom  est  sans  doute  français  malgré  la  forme 
Lames  du  ix^  s.  En  819-820  (Cart.  Red.,  p.  127)  tout  y  appa- 
raît comme  breton.  En  832-835  (p.  128),  si  les  donateurs 
(Roiantdreon,  son  père  est  Loies-britou)  et  les  signataires  sont 
Bretons,  il  y  a  cependant  des  Gallo-romains  déguisés  sous  des 
noms  germaniques  ;  EdeJfrît,  Gerharth. 

En  1066- 1082  (Cart.  de  Red.,  p.  242)  on  a  l'impression 
d'être  en  pays  romano-français  :  Guethenoc  fils  de  Goscelin 
fonde  le  château  de  Goscelin  (Josselin)  :  rien  de  plus  français 
que  ce  nom.  Il  donne  les  terres  de  Fossat  et  Criât  en  Lannois. 
Six  témoins  sont  Bretons,  mais  il  y  a  aussi  comme  signataires  : 
Eudo,   Robertus  fil.  Rogeri;   Guarnerins  ÇGarnier),   Hugolinus. 


596  /.   Loi  h. 

Peillac  (au  IX''  s.  Poliac).  Au  ix^'  siècle  tout  est  breton, 
mais  à  remarquer  un  SîandiiJf  (Cart.  Red.,  72,  an  867)  dont 
le  fils  est  bretonisé  :  Haeluiwcon . 

Le  cadastre  est  français  avec  des  noms  de  lieux  bretons 
archaïques  (xi-xii'^  s.)  :  Liniur  (Lis-nwr  devenu  Les-meiir  en 
pays  bretonnant  :  prononcez  Les-veur  ÇLes-vôr);  Panhaleux 
{Pen-hailôc  ?). 

Pluherlin  (en  833  PJehs  Hoiernin).  Au  ix*  s,,  les  noms  de 
lieux  et  d'hommes  sont  Bretons,  moins  Herpin  témoin  en  833 
(Cart.  Red.). 

Le  cadastre  a  conservé  un  certain  nombre  de  noms  bretons, 
assez  archaïques  (xii^s.  ?)  :  Broheac  (Brohoearn  en  141 5),  Car- 
noguin,  Caroro,  Cardiido,  Carboiiet,  Carcado. 

Roche-Bernard  :  Une  charte  de  1063-1076  (Cart.  Red., 
p.  279),  nous  donne  une  villa  française  :  Fundra. 

Il  y  a  des  noms  bretons  assez  nombreux  dans  cette  zone. 

RuFiAC  :  rien  de  plus  instructif  que  les  chartes  concernant 
cette  paroisse.  C'est  une  des  plus  favorisées  du  Cart.  de  Redon. 
C'est  là  que  que  l'on  trouve  cette  délimitation  de  terres,  si 
exactement  semblable  à  celles  que  l'on  trouve  en  grand  nombre 
dans  le  cartulaire  de  Llandav.  Tout  y  apparaît  d'abord  comme 
foncièrement  breton,  lieux  et  gens  (Cart.  Red.,  116,  120,  131, 
134,  136,  137.  152,  169-176,  170,  10,  30,  36,  37,  43,  44, 
49,  52,  87,  105,  106,  116,  121,  131,  107,  109,  no,  III, 
112,  114,  115,  134,  136,  137,  152,  153,  170,  199,  208, 
214,  215).  Cependant,  il  y  a  d'abord  à  remarquer  dans  le  flot 
des  noms  bretons  d'hom.nies,  un  signataire  obstiné  du  nom 
de  Mw/ (p.  12  en  834;  30,  36  en  859-864,  858-865  ;  p.  43, 
en  863-864;  p.  9,  en  866;  p.  87,  en  861-867;  p.  106  en 
860-866  ;  p.  108  en  867;  105»  en  857;  411  en  867;  p.  113  en 
838-839).  Il  y  a  aussi  un  Robot  en  863-864,  p.  44;  mais  parmi 
les  noms  bretons  de  lieux,  d'ailleurs  si  intéressants,  en  830 
(p.  152),  il  y  a  lieu  de  relever  deux  noms  aujourd'hui  con- 
servés :  Ran-Gratias,  Caiiip-gratias  :  c'est  aujourd'hui  Le  Gras, 
district  de  Ruffiac  :  Gras  se  prononce  sans  doute  Gras  avec 
s  final.  En  840  (p.  169-170),  de  même  nous  avons  quatre 
modios  de  brace  nuncupantes  Boterelli  (BoteJerli,  mais  plus  bas 
Bolerelli,  en  868,  p.  170);  c'est  aujourd'hui  Botrel. 


Les  liiiigiics  roiiiiiiic  ci  hrcloiiiic  en  Anuorique.  397 

SÉRENT  :  Un  donateur  en  1041  (Cart.  Red.,  p.  274),  porte 
là  un  surnom  qui  est  une  traduction  évidente  du  français  : 
Ralfredus  malamaniis.  Les  témoins,  il  est  vrai,  sont  Bretons.  Au 
xv^  siècle,  tout  y  est  français;  la  forme  des  noms  de  lieux  et 
d'hommes  est  un  sûr  garant  que  le  breton  avait  depuis  long- 
temps disparu  (de  Laigues,  Noblesse,  II,   p.  775). 

L'étude  des  cadastres  des  différentes  communes  permet  de 
déterminer  parmi  les  communes  ayant  perdu  le  breton,  celles 
où  il  s'est  éteint  à  une  époque  assez  rapprochée  de  nous.  La 
ligne  de  démarcation  actuelle  part  de  Damgan  et  passe  par 
Berric,  Monterblanc,  Plumelec,  Saint-AUouestre,  entre  Ker- 
fourn  et  Credin,  et  atteint  la  limite  du  département  en  laissant 
Croixanvec  au  breton.  Le  cadastre  atteste  la  prédominance  et 
l'usage  exclusif  du  breton  à  une  époque  assez  rapprochée  de 
nous  :  à  Camoel  et  probablement  aussi  Le  Guerno,  Férel 
Nivillac,  Marzan,  Péaule,  Arzal,  Billiers,  Muzillac,  Noyal- 
Muzillac,  Limerzel,  Questembert,  Molac^  Larré,  Elven,  Tré- 
dion,  Plumelec,  Cruguel,  Buléon,  Radenac,  Réguiny,  Pleu- 
griff'et,  Crédin,  Gueltas,  Saint-Gonner}'. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  faire  connaître  la  ligne  de  démar- 
cation entre  le  breton  et  le  français  donnée  en  1618,  par 
Pierre  Bertius  {La  géographie  raccourcie.  Chez  ]osse  Houndius, 
Amsterdam  1618,  p.  236).  Il  nous  dit  que  le  breton  et  le 
français  se  parlent  dans  les  évêchés  de  Nantes,  Vannes  et 
Saint-Brieuc,  que  le  français  seul  est  en  usage  dans  les  évêchés 
de  Rennes,  Dol,  Saint-Malo.  C'est  malheureusement  assez 
sommaire  et  les  localités  sont  parcimonieusement  indiquées. 
La  ligne,  assez  grossièrement  tracée,  laisse  Le  Croisic  un 
peu  à  l'est,  passe  par  Piriac,  Assérac,  passe  entre  Noyai 
(Novialle)  et  Rohan,  puis  à  l'est  de  Loudéac,  traverse  Quin- 
tin  et  aboutit  à  la  mer  à  l'ouest  de  Saint-Brieuc.  Elle  est  évi- 
demment erronée  en  ce  qui  concerne  la  péninsule  guérandaise; 
Batz  et  Saille,  tout  au  moins^  parlaient  breton  à  cette  époque, 
très  probablement  même  Escoublac,  Herbignac  etc.  Du  côté 
de  Pontivy,  c'est  la  limite  actuelle. 

A  une  époque  plus  ancienne,  Alain  Bouchard  qui  était  de 
Batz,  nous  dit  que  les  évêchés  de  Nantes,  Vannes,  Saint-Brieuc 
parlent  les  deux  langues. 


398  /.  Loth. 

CÔTES-DU-NoRD  :  B0Q.UIEN.  Charte  de  1205  (délimitation 
des  terres  de  l'abbaye  ;  Geslin  de  Bourgogne  et  Anat.  de  Bar- 
thélémy, Anciens' Evêchés,  III,  p.  22e,  120)  :  fons  Porchiormn; 
rocha  Ôgeri,  fons  Roche^  '•  rien  de  plus  français. 

Créhen  :  charte  de  1232  {Ane.  Ev.  III).  Johannes  dictus 
mal  oisel  donne  ortus  mal  oisel  en  Querhen. 

Ibid.,  III,  1297  :  témoins,  Gefrei  la  vache;  Olivier  dit  Pro- 
voire;  Estiulle  dit  Roussel;  Estaice  Le  Hidoux;  Avice  jadis 
femme  Pierre  Le  Paumier;  Acim  Raaot;  Estieiiihle  Roussel  et 
Pierre  Ravin.  Il  y  a  quelques  noms  bretons  :  Alain  Morveu, 
Guill.  Pluiiuiuden  :  on  remarquera  la  vocalisation  de  /  dans 
Mandcii,  (Màel-dan)  et  les  terminaisons  francisées  -en  pour 
-an. 

Le  cadastre  conserve  quelques  noms  de  villages  bretons  : 
ville  Tideii,  Faugourieu,  le  Méleu,  ville  Rieu,  ville  Ni^an,  ville 
Juhel;  le  Penhouet. 

DiNAN  :  charte  du  milieu  du  xii''  s.  (114...  Ane.  Ev.,  IV, 
p.  403)  :  infra  Haiatii  Dinanni  (La  Haye  de  Dinan);  charte  de 
1149  Çibid.  p.  125)  :  in  boscho  meo  quod  Aya  de  Dinan  {sic} 
dicitur;  charte  de  1209  (ibid.,  VI,  p.  150)  :  près  Dinan,  Toseha 
Mabon  {Le  Touche  Malmi);  charte  de  1 212  et  1263  (ibid.  154)  : 
a  vico  don  marcheit  ad  vicum  de  la  Bolangerie  ;  1227  (Ane.  Ev. 
III,  p.  63)  :  terram  Gaiifridi  Jochehers  m  Roeria  (la  Rouerie)  : 
Il  est  fait  mention  de  Robert  Bohardel,  croisé,  et  de  sa  sœur 
Richeot.  Charte  de  123  i  (ibid.,\\\,\>.  72-73)  :  Gaufridus  Car- 
pe)itarius  donne  sa  terre  de  La  Planche  Theobaldi;  1233  (ibid., 
III,  p.  79)  :  Avicia  veuve  de  Riginaud  Lesellier  donne  une 
maison  qui  est  sise  entre  celle  de  Jedecael  Lesellier  et  celle  de 
Jacob  de  Draperia,  les  champs  entre  Blohen  et  Haia  et  Roeria 
et  Haia  Dinanni. 

DoLO  :  charte  de  1249  (Ane.  Ev.,  III)  :  dîme  de  la  Begaceria 
(la  Bégassière)  en  Dolou.  Une  femme  Orguen,  A  nom  breton, 
a  pour  fils  Josse  (Joxius);  chart.  de  1272  (ibid.,  p.  270)  :  La 
Roseie. 

ERauY  :  charte  de  1167  (Ane.  Ev.,  III,  p.  38)  :  Gaufret 
Chef  de  Mailg  (p.  39  G.  chef  de  Mail.)  donne  villani  Auberi 
(auj.  la    Ville- Aubry),    don   confirmé  par   Gaufr.  Bolerel,  sa 


Les  hiiigiics  romane  el  hreloiiiw  en  Arniorique.  599 

femme  Bllia  et  Juhel  ;  charte  de  1233  (ibid.  p.  78-79)  :  Tre- 
bren  dictas  stiiltiis  fils  de  Hamon  Faiicilon  donne  une  terre  en 
S'°  Kaeno  en  Erquy. 

Goura  Y  (Le)  :  1205  (^Anc.  Ev.,  III,  p.  227)  :  terram  Plesseix; 
127 1  {ibid.,  p.  266)  :  terres  en  Gouray  et  Saint- Jacut  :  la 
Riouere,  la  Tnalaye  ;  prés  de  la  BouJayc  sis  entre  aquani  Ricie  et 
le  bye  (bief)  du  moulin  de  Guillaume  Recruchou,  excepté 
Hochia  sise  près  Lestrat;  iiji  {ibid.,  p.  167)  :  au  sujet  de  ces 
biens,  signe  Eudon  dit  Chaleee.  Je  remarque  Corberia  et  caiiipi 
de  La  Lande  en  Gourai  :  1272  {ibid.,  p.  272)  :  La  goliere  en 
Gourai;  1273  (p.  274)  :  campum  de  la  Berrie;  Cortchamp  en 
Gourai;  1269  (p.  260)  en  Gorre  :  Corberia  et  Brotissa  :  1272 
(p.  268),  en  Gorre  :  clauso  La  quarrae. 

Le  cadastre  présente,  à  côté  de  noms  d'hommes  bretons 
{Brieuc,  Caradeuc,  Urvoy)  des  noms  de  terre  également  bre- 
tons, aux  formes  archaïques  :  Carbilau,  Qtienneleiic,  Troherneuf 
{-erneiic),  Ranlatre. 

Henanbihen  (en  12^0  He?iant-bihaii);  xi^  siècle?  Auc.  Ev., 
III,  p.  3059  :  villa  Marchereiiis .  Les  donateurs  sont  Will.  et 
Roaldus  filii/or/ï,  le  major  natii  est  Rocha.  A  remarquer  dans  le 
cadastre  :  Bresselien,  h  Cargti,  Le  Crehelion,  Villes-ès-Derrien, 
champ  Dénouai,  "ille  Huelin,  pièce  Giieneiix,  Quenelleuc,  Saint- 
Rieiix.,  Saint-Briac . 

Lamballe  :  charte  du  xi'=  s.  {Ane.  Ev.,  IV,  p.  305)  :  c'est 
le  français  qui  était  à  cette  époque  la  langue  courante  :  terram 
ante  portam  Lambauli  que  vulgari  sermone  vocatur  Guarda. 

1121  (p.  307)  :  terram  Brublaye;  charte  du  xii''  siècle  {Ane. 
Ev.,  VI)  :  forêt  de  Lanmeur  {11 JJ  Lannwr)  inter  viam  Morvan 
et  Cediar  ?  et  inter  Castancas,  et  fossam  de  Castelier. 

1260  {Ane.  Ev.,  IV,  p.  318-319)  :  Petrus  Bafer  {Bafier}), 
Eudo  Bafer,  Jubalia  et  Petronilla;  Guill.  dictus  Boon,  vendent 
le   moulin  de  Vaiilvert  (de  valle  viridï)  près  Lamballe. 

Landehen  :  1243  {Ane.  Ev.,l\l,  p.  240),  feodo  de  Prabaron, 
excepto  décima  des  Liaies. 

A  remarquer  dans  le  cadastre  Carnais,ville-Tanet,  Crehellen, 
Bedo.  Les  noms  de  terres  sont  français. 


400  /.   Lolb. 

Langourla  :  1273  {Aiir.  Ev.,  III,  p.  275),  Laharre,  Cran  et 
kl  Pcrvanchièrc. 

Quelques  noms  de  villages  bretons  dans  le  cadastre  :  Coecla- 
Jan,  Cavpond,  CoëJan  (Coct-laii),  Megitcric,  Btandesec,  Peiihouet, 
Cadeitc,  Qiiémcîïn.  A  côté  de  cinq  ou  six  noms  de  terre  bre- 
tons, il  y  a  une  centaine  de  noms  français.  Parmi  les  noms 
d'hommes  :  Caradeuc,  Morgan,  Morvan,  Ruello,  Ruellan. 

Lanvalay  :  charte  du  xiii'  s.  {Anc.Ev.VJ,p.  160-162):  don 
d'Olivier  de  Quoequen  :  hortus  Jiidicaelis  Landec  —  à  Rencia 
(la  Rance)  usque  ad  vineam  Orhant  que  vinee  fuit  Giquel 
Landec  —  vineam  filii  Costart  et  vineam  Osaiinee  —  Radulfi 
Bigot  et  fil.  Herberti  —  vineam  Gaufredi  filii  Berini  —  vineam 
Marchant  et  vineam  Acelinc  —  plateam  Hugonis  Flandrine  et 
hortum  MiJoii  —  vineam  Galoiiis  —  clausum  Hiirel  —  terri- 
torio  de  MaJo  Concilio  (Mauconseil)  — -  campum  de  Rauchcr. 

Matignon  :  12 19  {Ane.  Év.,  III,  p.  54)  :  en  Saint-Galery 
de  Matignon  :  terre  des  Gastix  —  Guill.  Le  Effant. 

Dans  le  cadastre  :  Fontaine-Gourien,  Trait-Caradeiic,  Gouret, 
le  Pont-Iden. 

Pleherel  :  1090  (Ane.  Év.  IV,  276)  :  villam  Menvallem  — 
1229  {ihid.,  III,  p.  64):  loco  qui  vocatur  Lepcus  Hebel  :  ibid., 
p.  235  terra  que  vocatur  La  Saiix_rêe —  1243  (p.  100)  in  quar- 
teria  Peisiui,  le  Quartier  an  Poisson,  comme  le  prouve  la  charte 
de  1254  (p.  121)  :  in  quarterio  Poisson  —  1261  (p.  139), 
Papcboeuf  ïan  un  don  à  La  Hasaie  en  Pléhérel. 

A  remarquer  au  cadastre  :  Port-Mieux  (Maioc),  vilh-Madeuc, 
Ville-Morhan. 

Plémy  (Plémic),  1182  {Ane.  Év.,  VI,  p.  138):  L^   Verger. 
Cadastre    :    Bran-golo,   Drény,   Brango;    champs    Gouélcho, 
Aval  eue. 

Plessala  :  milieu  du  xi^  siècle  {Ane.  Év.,  IV,  p.  389  :  eccle- 
siam  de  Sala)  :  Hainio  patria  Brito  (à  remarquer)  filium  Gin- 
goniari  cognomento  Bloeci,  soldat,  donne  de  ses  bien  en  Soins 
Gallus  (Songeai);  sa  femme  est  Rotrudis, son  fils  Rieardns;  ses 
frères  Guraiiton,  Hingan,  Gingomar  (francisé  :  Jnngoinarch), 
Mein,  Dudonian,  Pontin.  Le   français   évidemment  est  domi- 


Les  langues  romane  el  hretouue  en  Aniioriqiie.  401 

liant.  Parmi  les  signataires,  il  y  a  bon  nombre  de  gens  à 
noms  bretons,  mais  à  côté,  les  signatures  de  :  Richardi  Pou- 
loni,  Noriiianiii  Potini,  Hervei  Forestarii,  Ansgerii  vicarii,  The- 
baJdi  fiJii  Bernerii  ;  Giraldi  filii  Frothlandi;  Burchardi  bastardi, 
Haimonis  Crassi. 

QuiNTENic  (Quintenit)  :  au  milieu  du  xiii^s.  (Ane.  Ev.,lll, 
p.  126-127)  :  Testament  de  Gaufr.  de  Soreia.  Signataires  : 
Pietin;  Gaufr.  Legrant  ;  Gaufr.  Galîeri,  Jordan,  Rolland, 
Thomas  H  net,  Guill.  Garecol,  Petr.  Forestarins,  Bouel  Botin, 
Gauf.  Le  Conrecier. 

Le  cadastre  est  très  français  :  à  signaler  cependant  :  Qnen- 
gueiix,  La  Noé-Mené.  En  revanche  Gallon  dans  la  Cour-Gallon 
montre  une  évolution  française  très  ancienne  :  Gallon  = 
Wallon. 

Saint-Alban  :  1281  (Ane.  Év.,lV,p.  ^20),  F etrus  Rosselei, 
Johannes  Giraudi,  filii  Sibille,  filii  Oliverii  Fabri,  vendent 
villa  Dcriana  —  charte  de  11 82  (ibid.,  VI, p.  138)  :  Le  Fogerac 
pour  Le  Fogerai,  car  c'est  Le  Teniple-Fougeray  aujourd'hui. 

Cadastre  :  les  villages  sont  français;  parmi  les  terres  à  rele- 
ver :  le  Penfret,  ViUe-Tual,  Vill-Marqué,  Le  Goitelo,  Cario. 

Saint  Guillaume,  évêque  de  Saint-Brieuc,  né  en  1184  à 
Plénée  en  Pleurtuit  avait  en  tout  cas,  ses  parents  à  Saint- 
Alban.  Il  descendait  à  VHotelleria  Abraham;  son  frère  s'appe- 
lait Olivier  Piehon  ou  Pinehon  et  sa  mère  Jeanne  Fortin, 
(Albert  le  Grand,  p.  336  et  suiv.). 

Saint-Cast  :  1225  (Ane.  Ev.,  IV,  p.  316)  :  terra  Baillivia 
(La  Baillie)  —  1249  (ibid.,  III,  p.  1249  :  Hoissia  donne  ses 
biens  en  Saint-Cast.  :  villa  Vressel  (Bressel?^,  villa  Robelin,  villa 
Coeher,  boscus  Renaut. 

Le  cadastre  est  français  :  cà  remarquer  cependant  Pinguen 
(Penguen^  ;  parmi  les  champs  :  clos  du  Meleu,  Tertre  Rideu, 
tertre  Quimereux,  Le   Bois-bras;  clos  des  Gojf.    —   Veaurien, 

Saint-Suliac  (S\  Suliaiu.)  :  12^-^  Ane.  Ev.,  III,  p.  98), 
Gonter  de  Villa  Monialium  (Ville-és-Nonains)  donne  une  terre 
prèsZa  Marele;  1284  (p.  169-170)  :  on  dit  déjà  Saint-Selia  ce 
qui  amènera  la  graphie  Saint-Suliac,  par  analogie  avec  les  vrais 

Rcviœ  Celtique,  XXFIII.  .  26 


402  /.    /.('//.'. 

noms  en  -ac  prononcés  -a  ;  c'est  une  preuve  que  le  français  est 
déjà  la  langue  de  cette  paroisse.  La  charte  est  française  :  la 
ViJk-Madoiic  par  devant  la  ViUe-ès-Noueins  comme  l'on  vet  a 
Chastelnef  de.  la  Noe. 

1295  (p.  187),  vigne  de  la  Hitrcscc;  la  Fillc-Aiiger  ;  la 
vigne  Thomas  Champion. 

SÉviGNAC  :  1272  (Ane.  Ev.,  III,  p.  269);  La  moi  ue  rie;  1278 
(p.  282),  Labocre;  1273  (p.  27^);  Lapenneric. 

Cadastre  :  villa  Kergucneuf,  Peubroc  (Pen-hroch  ?),  ville  Perçue, 
Limoellan  (^Lismoelan),  Karabouè,  Troditen,  Couedan,  Qtiineuc, 
Broondincuff,  Pengave  (1272  Pengavre,  tète  de  chèvre),  Pengly. 
Les  noms  de  champs  sont  français. 

En  somme,  on  a  l'impression  que  le  breton  a  dû,  en  général, 
s'éteindre  dans  cette  zone  mixte  à  peu  près  à  la  même  époque 
qu'aux  environs  de  Saint-Malo  et  Dol,  quoique  l'empreinte 
bretonne  y  soit  fortement  marquée  dans  un  certain  nombre 
de  localités,  moins  fortement  peut-être  que  dans  la  zone  cor- 
respondante du  Morbihan. 

En  combinant  l'étude  des  chartes  et  du  cadastre,  je  trace 
cette  ligne  de  démarcation  entre  la  zone  mixte  romano- 
bretonne  et  la  zone  bretonnante  pure  :  je  la  fais  partir  de 
Saint-Nazaire,  passer  par  le  territoire  de  Saint- André -des-Enux, 
La  Chape! le-du-Marais,  Nivillae,  entre  Limerz_el  et  Caden,  entre 
Questembert  et  Malansac  (Onestemhert  étant  en  zone  bretonne), 
par  les  terres  de  Pluherlin,  Molac,  Saint-Ciiyomard,  Sérenl, 
Liiio,  Saint-Servant,  Giiégon.  La  nt  il  lac,  Pleiigrifct,  Rohan, 
Saint-Sanison,  Saint-Barnabe,  La  Prénessaye,  La  Motte,  U:^el, 
VHcrmitagc,  Saint-Brandan,  Plaine-Haute,  Saint-Donan,  Pler- 
neuf,  Tremuson,  Tréméloir,  puis  passer  entre  Trégomeur  et 
Pordic  et  aboutit  à  la  mer,  un  peu  à  l'est  de  Binic. 

L'étude  des  emprunts  continentaux,  en  breton,  d'un  bout  à 
l'autre  du  territoire  bretonnant  nous  révèle  un  certain  nombre 
de  mots  significatifs,  témoignant  clairement  de  l'existence 
du  roman  partout  dans  la  péninsule  et  confirme  ce  que  les 
noms  de  lieux  suffiraient  d'ailleurs  à  démontrer. 

Il  y  a  eu  influence  réciproque  des  deux  langues.  C'est  ainsi 
que,  grâce  au  breton,  dans  des  mots  qui  sont  en  réalité  fran- 
çais, le  ca-  initial  et  parfois  le  ga-  initial  a  été  conservé.  Il  y  a 


Les  langues  romane  et  breloiiiie  eu  Aruiorique.  403 

bon  nombre  de  mots  de  ce  genre  dans  le  vocabulaire  et  il 
serait  peu  logique  de  les  attribuer  à  une  influence  normande. 
On  retrouve  le  même  phénomène,  un  peu  partout  dans  les 
noms  de  lieux  et  de  terre  :  à  Sérent  :  h  Castellier  (de  Laigue, 
Noblesse,  II,  p.  775,  en  1427);  à  Saint-Méloir  :  Le  Catelais  ; 
à  La  Boussac  :  La  Caiinelais  ;  Cannes  (Canines)  paroisse  des 
Côtes-du-Nord,  est  à  citer  ici,  A  Saint-Hervé  :  Le  Caiiipel  ;  à 
Bourg-des-Comptes  :  Le  Calmel  ;  à  Sixt  :  La  Cantelle  ;  à  Saint- 
Dolay  :  Caumont  ;  à  La-Chapelle-du-Lou  :  Catillons  ;  à  Landu- 
jan  :  La  Canterie;  à  Iffendic  :  Les  Calmianx;  à  Loudéac  :  La 
Ganterie,  La  Cantepie;  à  Saint-ntienne-du-Guédel'Isle  :  LeCam- 
pion;i  Plélan-le-Grand  :  Le  Ca/eneî ;  àPaimpont  :  La  Cannée; 
à  Montauban  :  Caiiipenolle,  Canipenes;  à  Bains  :  clos  de  la 
Caniinais,  Les  Casseriaitx  ;  Lillemer  :  La  Cavaldière  ;  Plerguer  : 
clos  du  Casseret}  {Licatel  ^  Lis-casteliy,  à  Hirel  :  Les  Caniins; 
à  Saint-Coulomb  :  La  Catellerie ;  à  Saint-Malon  :  Les  Catelais; 
à  Baguer-Pican,  le  Qiiatelin;  à  Vivier-sur-Mer  :  Les  CatellUres; 
à  Mont-Dol  :  Le  Capitrel;  Tinteniac  :  Le  Clos  Camin;  à 
Pipriac  :  le  Cadelai. 

Il  y  a  un  nom  de  lieu  qui  revient  dans  un  grand  nombre 
de  communes  de  la  zone  romano-bretonne  :  c'est  Ca,  les  Cas, 
le  grand  Ca  (écrit  Ca,  cal,  cas)\  En  dehors  de  cette  zone,  je 
l'ai  rencontré  sous  la  forme  cha  à  Trans  (zone  française  d'Ille- 
et- Vilaine)  :  Le  C/;a-lès-Devant.  Je  n'en  connais  pas  le  sens. 
Il  y  a  aussi  d'assez  nombreux  Callonet  ^  ;  or,  à  Combourg,  le 
mot  a  la  forme  Challoiiet. 

Tels  sont  les  principaux  résultats  de  cette  étude,  hérissée 
de  difficultés  de  toute  sorte,  extrêmement  ardue,  mais  d'un 
intérêt  capital,  touchant  au  fondement  même  de  l'histoire  de 
la  péninsule  armoricaine.  Une  publication  ultérieure,  quand 
les  matériaux  si  complexes  à  mettre  en  œuvre  seront  entière- 
ment réunis,  les  précisera,  et,  je  n'en  doute  pas,  ne  fera  que 
les  confirmer. 

J.    LoiH. 

1.  Grand-Fougeray  :  sous  le  Ca,  le  Cas  du  Haut.  Merdrignac  :  le  grand 
Cat  —  Plessala  :  les  Cats  le  Cas  du  Sou  —  Bains  :  les  Cas  —  Pipriac  : 
icage  du  Ca,  Les  Cas  —  Brain-sur-Vilaine  :  Le  Ca  du  Reniai  —  Mérillac  : 
le  Ca  —  Pluduno  :  le  Cat. 

Le  Cas  rouge  très  fréquent  doit  s'écrire  probablement  Caroage  =r^-  Oiiadru- 
vium. 

2.  A  Saint-Domineuc,  La  Boussac,  Maure-de-Bretagne  etc. 


LA  DÉCLINAISON 
DANS  LES  INSCRIPTIONS  CELTIQUES 

d'après  Sir  John  Rhys. 


Dans  le  résumé  donné  plus  haut  de  l'instructif  travail  de 
M.  Rhys  sur  les  inscriptions  celtiques  de  France  et  d'Italie, 
nous  avons  mentionné  les  tableaux  où  le  savant  auteur  classe 
(p.  75,  76)  les  formes  déclinées  qu'elles  contiennent,  «  sans 
essayer  pour  le  moment  de  distinguer  entre  le  gaulois  et  le 
celticain  ».  Voici  ce  classement,  avec  les  renvois  aux  n°'  d'ordre 
des  inscriptions. 


DECLINAISON  DES  THEMES  EN  -0 

(a)  Singulier  : 

Nominatif  niasciiliu. 

Andecamulos,  XXXIIL.  Doiros,  III. 

Ave^uvor,  XXXL.  E/.-.vvo.:,  XXIV. 

lî'.vvay.cç,  XVI.  Iccavos,  IV. 

Bratronos,  XXXI.  Legatos,  XXXIV. 

Kap-rapor,  XVII.  Licnos,  V. 

KacraiTaXcç,  XVIII.  Quintos,  XXXIV. 

KaTCuaAsç ,  XXIV^  ^^s-'Oixapc;,  VI. 

Cernunnos,  XXIX.  Smertullos,  XXIX. 

Cingos,  XXX^  Tagos,  XXXIV. 


Déclinaison  dans  les  Inscriplions  celliqucs. 
Contextes,  V.  tarvos,  XXVIII. 


405 


Crispos,  I. 
Dannotalos,  XXXIV. 

Génitif  ma  se. 

Ategnati,  XXXVI. 
Dannotali,  IL 

Datif. 

Alisanu,  III. 
Avsouvs,  XXXP. 
Dyorico,  XXV. 

Ablatif. 
Dugiiontiio,  IL 

Accusatif  neutre. 

canecosedlon,  V. 
cantalon^  IV. 

Pluriel  : 

Nomin.  niasc. 
SeLani,  XXVIL 

(^)  Singulier. 

Nom.  masc.  en  -io-s. 

Andocombogios,  XXXIV. 
Apronios,  XXXIII. 
Ey.ivvr.c,:  (?),  XXIV. 

HA0U(7XûVICÇ,  XV. 

Piou;j.avioç,  XV. 

Nom.  masc.  latinise. 
Voretovirius,  XII. 


O'jr(êpcu[j.apoç,  VIL 


Segomari,  IIL 
Exuertini  (?),  XXXIIL 


Leucullo,  XXXI. 
Magalu,  XXXI. 
Seboddu  (?),  I. 


VSlXYjTOV^  VI. 

...ramedon  (ou  masc.  ?),  I. 


Useiloni,  XXVIL 


Setubogios,  XXXIV. 
Tarbeisonios,  XXVI. 
Uirilios  =  Ouf.pt A Atc,  XXXP. 


4o6  E.  Ernaull. 

Gen.  masc. 
Ec^ai,  XXXV. 

Ace.  masc. 

Brivatiom,  XXVI  (pour  Brivation). 

Pluriel  : 

Nomin.  masc. 

asoioi,  XXXIV. 
Exandecotti  (?),  XXXIV. 

(y)  Singulier. 

Nom.  masc.  en  -eo  -s. 

Andarevisseos,  XXXIV.  AtTcjj^apEsç,  XVI. 

KovotAAîcç,  XX.  OjiaXcveo;,  VI. 

Datif. 
OuspsTeoj  (?),  X. 

(o)  Singulier. 

Nom.  mase.  en  -icno  -s. 

Aâpsffaiy.voç,  XXII.  Ou£par/.vOw,  XVIII. 

Druticnos,  XXXVI.  TocuTiaa-.xvoç,  XXXIII^ 

Oppianicnos,  IV. 

Gên.  masc. 
Dmticni,  XXXVI. 

Dat.  masc. 
Aneunicno,  XXXP.  Oclicno,  XXXP. 

Ace.  neutre  en  -icno  -n. 
celicnon,  II. 


Déclinaison  dans   les  Inscriptions  celUques 

Pluriel. 

Islom.  ma  se. 
Dannotalicnoi,  XXXIV. 

(s)  Singulier. 

Nom.  masc.  en  -aco  -s. 

IXÀavcu'.ay.îç,  XVII.  OupttTay.oç,  XV. 

IXXtaxoç,  XIII. 

Dat.  masc. 
Anuallonacu,  V. 


407 


DECLINAISON   EN  -/. 


Singulier. 


Nom. 

Goisis  on  Coisis,  XXXVI. 
lovis,  XXVIII. 

Ace. 

ratin,  XXVI. 
Ucuetin  (?),  II. 

Dat. 
Aioui,  XVP. 

Aocy.'.,  XVIII. 


Martialis,  II. 
Na[j.autjaT^,  VI. 


Luguri,  XXXP. 
Sumeli,  XII. 


Nom. 
Esus,  XXVIII. 

AtpVtTOUÇ,   XI. 
T00UT10L>Ç,VI. 


DECLINAISON  EN  -U. 


trigaranus,  XXVIII. 
Uolcanus,  XXVIII. 


4o8  E.  Ernaull. 

Ace. 
Esun,  XXXIII. 

Dat. 

Eivoui,  XVIII.  Tapavccj,  VII. 

TpaasÀoui  (?),  XIII.  .  .  .  o).-.,  XXII. 

Mapîcs'j'.,  X. 

AbL 
BpaTîu  -es  (?),  MI,  XIII,  XMI,  XVIII,  XXn,  XXIV,  XXIV^ 

DÉCLINAISON  EN  -A  ET  EN  -E. 
(à  diviser  en  deux  classes  au  moins,  mais  les  données  nécessaires  manquent). 

Singulier  fém. 


KpsiTc,  XXIII. 


Nom. 
Buscilla,  XXXII. 

Gén. 
Quintes,  XXXIV. 

Ace. 
logan,  XXXVI. 
[/.atixav,  XIV. 

Dat. 
Adiatunneni  (?),  XXXIIP.        Ucuete,  II. 
Br/A-^aaixi,  VI.  Eœxsyy'^'j  ^^* 


Ucuetin,  II. 


SiNG.   MASC.   EN    -aS. 


Gén.  Tome  (?),  XXXV. 

SiNG.   FÉM.  EN    -ia. 


Décliiiaisoii  dans    les  Inscriptions  celtiques 
Dat. 


409 


Adiantunneni,  XXXIII'-". 
Aiouviar.,  VIII. 

Abl. 
Alisiia,  II. 

Pluriel, 

Ace. 
artuass,  XXXV. 

Dat. 

AvGcuvvaos,  XXIV. 
Na[;.auaix«êo,  XVII. 


BÀavoocuiy.cuvtai,  IX. 


Alixie,  XXXII. 


...0U<0?),  XXIV'\ 


DÉCLINAISONS  CONSONANTIQUES 


Singulier. 


Nom. 


Elvontiu,  XXVP. 
Frontu  Qatin),  XXVI. 
Nappisetu,  XXXIIP. 
Peroco,  XXV. 
OuaXmo,  VIII. 

Dat. 

Brigindoni,  IV. 
Subroni,  XII. 

Ace.  neutre. 

xoi^nv»,  VII  (?),  XXIV,  XXIV^ 
obal,  XXXV. 


toutio,  XXXIV. 
E(7y.tYYcp-'-T3  XX. 
Castor  (latiii),  XXIX. 
Uritues,  XXXIIP. 


AoYSvvopr,".,  X. 
Epadatextorigi,  XXXI. 


410 

E. 

Ernault. 

Duel. 

Dat. 

suiorebe,  XXXI 

Pluriel. 

Nom. 

eurises,  XXVII. 

Dat. 

[j.aTpsêo,  XVII. 

Ace.  neutre. 

y.av-£va,  VII,  XIII,' XVIII,  XXII,  XXIV^. 


PRONOMS,  NEUTRE  SINGULIER 


Ace. 


{adjectif)  :  sosin,  II,  VI,  XXXII. 
(substantif)  :  sosio,  XXXI. 


E.  Ernault 


LA  DATE 
DE  LA  FISION  DE   TONDALE 

ET  LES  MANUSCRITS  FRANÇAIS  DE  CE  TEXTE  • 


La  date.  —  Dans  la  préface  de  leur  édition,  MM.  Friedel  et 
Meyer  traitent  surtout  la  question  de  chronologie  du  texte  latin. 
L'éditeur  du  texte  latin,  M.  Wagner,  n'admettait  pas  la  date  de 
1149,  indiquée  par  l'auteur  Marcus,  et  croyait  à  une  erreur  de 
copiste,  due  à  l'emploi  du  chiffre  romain.  Dans  une  étude  com- 
parée des  visions,  présentée  en  1904  comme  thèse  à  la  Faculté 
de  philosophie  de  Gand,  nous  avons  attiré  l'attention  sur  les 
renseignements  contradictoires  que  nous  fournit  Marcus  et 
nous  avons  admis  qu'il  avait  probablement  commencé  le  récit 
de  la  vision  à  la  fin  de  1 148  et  terminé  en  1 149.  Marcus,  venant 
de  l'Irlande,  serait  passé  par  Clairvaux,  y  aurait  lu  le  com- 
mencement de  la  vie  de  Malachie  par  saint  Bernard,  et  de  là 
serait  parti  immédiatement  pour  Ratisbonne,  où  il  se  serait 
mis  sans  tarder  à  rédiger  son  œuvre.  Ainsi  s'explique  le  présent 
transcrihit  :  Marcus  écrit  son  livre  à  Ratisbonne  pendant  que 
saint  Bernard  continue  à  écrire  la  vie  de  Malachie  à  Clairvaux. 
Car  tous  les  événements  cités  par  Marcus  se  placent  en  1148, 
excepté  la  mort  de  Nemie  au  début  de  l'année  1149  qui  suit 
donc  de  quelques  semaines  seulement   la   mort  de  Malachie^ 

1.  A  propos  de  «  La  Vision  de  Tondale  »,  textes  français,  anglo-normand 
et  irlandais,  publiée  par  V.  H.  Friedel  et  Kuno  Meyer,  Paris,  H.  Champion, 
1907. 

2.  Il  est  assez  curieux  de  constater  que,  dans  les  traductions  flamandes 
imprimées  en  1484  et  sq.,  ce  détail  est  omis  et  que  le  traducteur  dit  tout 
simplement  que  la  vision  a  été  vue  en  1149,  sans  autre  indication  sur  l'au- 
teur Marcus. 


412  R.    Verdcxcn. 

mort  à  Clairvaux  le  2  novembre  1148.  Et  qu'y  a-t-il  d'éton- 
nant à  ce  que  l'auteur  rapproche  de  la  mort  de  Nemie  les 
autres  dates  et  ne  fasse  pas  la  distinction  d'année?  Nous 
admettons  donc  que,  dans  son  esprit,  la  date  des  événements 
si  récents  s'est  confondue  avec  celle  de  la  transcription   de 

son  texte. 

* 

Les  textes  :  i. —  Outre  les  manuscrits  français  imprimés  par 
M.Friedeljil  en  existe  encoreun  autre  d'unegrande importance, 
sinon  le  plus  important  de  tous,  notamment  la  traduction 
faite  par  David  de  Gand  à  la  demande  de  Marguerite  d'York 
(3^  femme  de  Charles  le  Téméraire),  dont  il  était  le  secrétaire. 

Ce  manuscrit  orné  de  20  miniatures  superbes,  fut  achevé  le 
)o  mars  14J4  ;  la  description  complète  se  trouve  dans  le  cata- 
logue des  livres  de  feu  le  Marquis  de  Ganay,  pages  25  sq.,n°  39; 
nous  ne  la  reproduisons  pas  ici,  mais  nous  la  tenons  à  la  dis- 
position des  intéressés.  Ce  ms.  fut  vendu  pour  5.100  francs 
au  libraire  Porquet  de  Paris,  décédé  il  y  a  quelques  années. 
On  a  perdu  sa  trace,  malheureusement,  car  il  doit  être 
des  plus  intéressants  tant  au  point  de  vue  linguistique  qu'au 
point  de  vue  artistique. 

Aucun  des  mss.  publiés  parM.Firedel  ne  nous  donne  d'ailleurs 
une  traduction  exacte  an  premier  texte  latin  comme  on  en  trouve 
dans  d'autres  langues,  en  flamandp.ex.  Ainsiletexte  deP^m, 
dont  M.  Friedel  vante  à  tort  le  caractère  personnel,  n'est 
qu'une  traduction  presque  littérale  du  texte  latin  de  Vincent  de 
5<'rt//tww  (Spéculum  historiale,  lib.  27,  cap.  88,  104). 

2.  Brunet,  dans  son  Manuel  du  libraire,  signale  encore  un 
texte  du  xiv^  siècle,  qui  se  trouverait  à  la  Bihl.  Imper.  Est-ce  le 
même  que  le  ms.  de  Paris} 

3.  Rappelons  aussi  qu'un  texte  en  langue  d'oc  fut  imprimé 
en  1903  par  A.  Jeanroy  et  A.  Vignaux  dans  la  Bibliothèque 
méridionale,  publiée  sous  les  auspices  de  la  Faculté  des  lettres 
de  Toulouse,  i"^  série,  tome  VIII. 

R.  Verdeyen, 

Professeur  de  Néerlandais  à  l'Athénée  d'Ostende. 


UN  NOUVEAU  NOM  CELTIQUE  DE  PEUPLE 


Aux  vers  1056-1060  de  V Alexandra  de  Lycophron,  poète 
alexandrin  du  iii^  siècle  avant  notre  ère  (280  environ  av. 
J.-C),  on  lit  : 

ijxai  ZOTS  zpsaêsuai.v  AWwXwv  oâoq 
ïxtl  YO-/)pbv  xai  TCavs^/ô'.aTOv  ©avév, 
CTav   — àXaYYwv   yatav    'Av^ato-cov  6  so*/; 
[j,oX6v-cç    atTiî^ojo-r,  /.oipivou  Y'jaç, 
èo-OAYJç  àpcijp-r;ç  TCiap  sY*/.)v-^psv  yÔovi.;. 

(édition  de  C.  von  Holzinger.  Leipzig,  189s). 

Le  contexte  montre  que  les  ^LlâXxvYc.  et  les  "  k'-(^(:xiGzi  sont 
donnés  par  le  poète  comme  habitant  la  partie  sud-est  de  l'Italie 
appelée  Daunie  ou  Apulie,  contrée  où  se  trouve  Brindisi 
{BriindusiiDu,  BpsvTSŒiov.  L'auteur  fait  dans  la  suite  prédire  à 
Cassandre  =  Alexandra  que  les  habitants  de  ce  pays,  appelé 
cette  fois  en  commun  Aauvùat  v.  1063),  enterreront  vivants 
les  envoyés  qui  viendront  réclamer  leur  territoire  au  nom  du 
roi  d'hpire,  et  Justin  raconte  en  effet  le  même  événement  (XII, 
2,  éd.  Rôhl,  Teubner)  dans  les  termes  suivants  :  «...  Erat 
namque  tune  temporis  urbs  Apuliœ  Bnindusium,  qiiani  Aitoli, 
scculi  famà  rerum  in  Troia  gestanim  clarissimiim  ac  nohilissimum 
duceui  Dioniedeni,  condidera}it  ;  sed  pitlsi  ab  Apulis  consulentes 
oracula  responsani  acceperani  lociim  qui  repctissent  perpetiio  posses- 
siiros.  Hac  igitur  ex  causa  per  legatos  ciim  helli  coniininalioiie  res- 
titui  sihi  ah  Apulis  iirbem postiilaverant  ;  sed  ubi  Apulis  oraculwn 
innotuit,  interfectos  legatos  in  urbe  sepelicnint,  perpétuant  sedem  ibi 
habituros.  Atque  ita  defuncti  responso  diu  urbem  possederunt . .  » 
Ce  traitement  cruel  rappelle  la  réponse  célèbre  de  Marins  aux 
chefs  des  Cimbres  et  des  Teutons,  utilisée  par  Chateaubriand 


414  ^-   Ciiiiy. 

dans  le  passage  si  connu  des  Martyrs  :  «  La  terre  que  je  te 
donnerai,  tu  la  garderas  éternellement.  »  Mais  ce  n'est  pas  là  ce 
qui  peut  conduire  à  voir  dans  ^xXavvîi  et  dans  " X-n^xvjoi  sur- 
tout des  noms  celtiques  de  peuples.  C'est  la  forme  même  de 
ces  mots  qui  n'ont  rien  d'hellénique  ou  d'italique.  Tout  au 
moins  on  attendrait  *  Angai:;^oi  dans  ce  dernier  cas,  *  Angîrî  en 
latin  (cf.  A'jpovsç,  Aiirunci).  Au  contraire,  ''A^;yx'.aoq  a  une 
physionomie  franchement  celtique,  et  l'on  peut  s'étonner  de 
ne  pas  le  trouver  dans  V AltceUischer  Spraschat:;^  de  A.  Holder. 

C'est  sans  doute  parce  que,  'A-'y^'-toi,  par  suite  d'un  oubli, 
ne  se  lit  pas  dans  le  Thésaurus  d'Estienne  (il  est  au  contraire 
mentionné  dans  le  dictionnaire  de  Bailly),  alors  que  XlxAaYYc 
y  figure  parfaitement. 

Pour  qui  a  présent  à  la  mémoire  le  vocable  celtique  bien 
connu  * gaison,  gr.  -yr-noz,  lat.  gaesuin,  et  le  nom  commun  (et 
propre)  qui  en  est  dérivé  * gaisaia,  *gaisatï  (gr.  Fai^^Tai,  lat. 
Gaesati,  etc..  v.  Altceltischer  Spraschat:^  s.  v.  v.),  cf.  irl.  gai, 
gae  «  gaesum  »,  gaide,  gl.  pilatiis,  "Av-^aiiroç  se  dénonce  immé- 
diatement comme  un  préceltique  *n-ghaisos  (gr.  yyXzz,  yjxlzv, 
germ.  *gaî:^as,  m.  h.  a.  gêr.  etc.),  soit  en  celtique  ancien 
* angaisos  «  qui  n'est  pas  armé  Ôm  gacsutn  ».  Ce  nom  est  par 
conséquent  l'exact  contraire  du  nom  du  soldat  celtique  :  * gai- 
sata.  Sans  doute,  il  est  bien  étonnant  de  trouver  une  dénomi- 
nation celtique  de  peuple  à  l'extrémité  méridionale  de  l'Italie  ; 
mais,  si  le  nom  est  celtique,  il  n'est  pas  nécessaire  que  le 
peuple  le  soit  aussi.  Très  souvent  le  nom  d'un  peuple  lui  a  été 
donné  par  un  peuple  voisin  comme  c'est  le  cas  pour  les  Ger- 
màni  baptisés  ainsi  par  les  Gaulois  sans  doute.  Et  le  sens  favo- 
rise cette  façon  de  voir.  L'arme  nationale  de  l'Italiote  étant  le 
pllum,  il  se  peut  très  bien  que  par  opposition  à  leurs  gaesati, 
les  Celtes  d'Italie  aient  appelé  Angaisoi  les  peuples  qui  avaient 
occupé  la  contrée  avant  eux.  La  phonétique  du  mot  est  par- 
faitement régulière,  car  on  sait  qu'en  celtique  commun,  le  n 
voyelle  indo-européen  est  représenté  par  an-,  particulièrement 
dans  la  particule  négative  (sk.  et  zd.  a-,  gr.  y.-,  lat.  in.- 
germ.  un-  etc.),  cf.  v.  irl.  an-  (e-  devant  c,  /),  cymr.  an-,  corn. 
an-,  bret.  an-,  p.  ex.  dans  le  nom  de  la  déesse  de  la  victoire 
Andrastâ  (Altc.  Sprachsch.  s.  v.),  littéralement  «  l'irrésistible  », 


Un   iwiivcan  nom  celtique  de  peuple  415 

cf.  sk.  dhars-  gr.  Gapcr-,  6spa-,  got.  (^gd)dar.<;,  et  dans  d'autres 
mots.  Si  le  F  du  grec  'Ay/'-Fi;  n'était  si  bien  attesté  par  les  ins- 
criptions dialectales  et  par  le  latin  Achlvî,  on  serait  tenté,  mais 
bien  à  tort,  d'y  voir  le  correspondant  exact  du  celtique  Angai- 
sos  et  de  l'interpréter  par  à  privatif  et  -/atsç.  En  revanche,  il 
est  possible  que  cette  fausse  interprétation  ait  prévalu  à  une 
époque  où  le  F  était  tombé  dans  les  colonies  péloponnésiennes  de 
la  Grande-Grèce'  où  M.  R.  Meister  voit  des  colonies  achéennes 
bien  plutôt  que  des  colonies  proprement  laconiennes,  et  ailleurs 
(v.  R.  Mister  Dorer  itnd  Achàer,  I.  Teil.  Leipzig,  1904, 
pass'uii).  —  Aiigaisos  ne  serait  alors  qu'un  emprunt  celtique 
de  traduction  (Ueberset:^iiiigskhnivort'),  à-  ayant  été  rendu  par 
son  correspondant  celtique  an-  et  =^  -yaio-ç  par  -gaisos.  Mais 
pom-  cela  il  fmdrait  admettre  qu'on  avait  reconnu  le  rapport 
de  gaison  et  de  -/aîcv,  ce  qui  paraît  difficile,  yaîov  n'ayant  en 
grec  que  le  sens  de  «  bâton  de  berger,  houlette  ».  Il  vaut  donc 
mieux  s'en  tenir  à  la  première  hypothèse  et  voir  dans  Angai- 
soi  un  nom  purement  celtique  donné  aux  habitants  de  l'Italie 
du  sud-est. 

Quant  à  HâAayvd,  son  caractère  celtique  est  beaucoup 
moins  évident.  C'est  un  nom  barbare,  et  c'est  à  peu  près  tout 
ce  qu'on  en  peut  dire.  Il  y  avait  bien  en  lUyrie  un  fleuve 
appelé  ilaXâYYwv,  -wvo;  ÇApolIonios  de  Rhodes  4,  337.  —  L'au- 
teur est  un  poète  alexandrin  de  la  même  époque  environ  que 
Lycophron  (v.  240  av.  J.-C.),  et  l'on  sait  que  l'influence  cel- 
tique a  été  considérable  en  Illyrie,  mais  cela  ne  suffit  sans 
doute  pas  pour  voir  un  nom  celtique  dans  -aXaYYC'-.  Car  on  a 
signalé  d'autre  part  les  rapports  de  parenté  qui  semblent 
exister  entre  l'illyrien  et  les  langues  non  italiques  de  la  Grande- 
Grèce.  Enfin,  pour  ce  qui  est  des  -aAaYY^'-  ^^^  Tlnde  (chez 
Nonnus,  v.  500  après  J.-C,  Dionysiaques  26,  6  1  et  30,  3  12),  ils 
n'ont  sans  doute  rien  à  faire  avec  les  ^xKxyyz'.  d'Arpulie.  Si  leur 
nom  n'a  pas  été  simplement  inventé  ou  transporté  dans  l'Inde 
par  Nonnus,  il  faut  bien  plutôt  le  rapprocher  des  lUxpot.yyxi  de 
la  Perse  ancienne  et  du  fleuve  ^xpxy'{r,c  de  l'Inde  elle-même. 

A.    CUNY. 

I.  Au  contraire  il  se  maintient  en  laconien  sous  la  forme  graphique  p. 


A  PROPOS  DE  BEUTE  ET  DE  BYIVYD 


L'étymologie  de  Beiite  et  son  rapprochement  avec  bùaid  (et 
avec  le  gallois  hudd,  que  M.  d'Arbois  de  Jubainville  oublie) 
a  été  donnée  par  moi  dans  un  article  intitulé  Biiaid,  hud, 
beiite,  dans  les  Mémoires  de  la  Soc.  de  ling.  de  Paris,  en  1890, 

P-  158. 

Dans  la  Revue  Celtique,  1899,  t.  XX,  p.  345,  j'ai  montré 
avant  M.  Strachan  que  bywyd  =  bivoliis. 

Pour  des  exemples  de  l'effet  de  î  =  il,  v.  J.  Loth,  Remarques 
au  Dict.  de  Silv.  Evans  {Archiv.,  \,  p.  465).  Dans  mes  Mots 
latins,  j'ai  déjà  signalé  lleidr,  neidr,  à  rapprocher  du  vannetais 
[n]air  [n]airoii.  Cf.  Sais  =  Saxî=Sa.xô,  indiqué  par  Zimmer. 

En  breton  et  en  comique,  latr  a  été  emprunté  à  latro  avec 
0  atténué  et  a  échappé  à  l'infection. 

Pour  ivet-  et  -wid  en  gallois,  v.  ibid.  {Arch.,  I,  p.  411). 

J.  Loth. 


BRETONS  EN  IRLANDE 


J'ai  prouvé  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XVIII,  p.  304,  que 
les  Bretons  insulaires  avaient  souvent  porté  la  guerre  en 
Irlande  du  v^  au  viii^  siècle,  et  y  avaient  même  fait  des  éta- 
blissements durables.  Un  passage  des  Annales  d'Ulster,  qui 
m'avait  échappé,  ajoute  à  nos  connaissances  sur  ce  point.  On 
lit  à  l'année  822  (Hennessy,  Annals  of  Ulster,  I)  :  Galinne  na 
inBretan  exustum  est  0  Feidhlinitidh  cum  tota  habitatione  sua,  et 
cum  oratorio. 

Haddan  et  Stubbs  (Councilsll,  p.  4,  note  é),  avaient  d'abord 
supposé  qu'il  s'agissait  du  Galloway,  suivant  en  cela  O'Connor. 
Ils  ont  reconnu  leur  erreur  dans  les  notes  au  tome  II  et 
identifié  avec  Hennessy,  Gaili?iuc  na  niBretan  {GaiUwie  des 
Bretons^  avec  Gallen,  dans  la  baronnie  de  Garrycastle,  King's 
County.  Il  y  avait  un  monastère  fondé  par  un  saint  breton 
insulaire,  saint  Candc,  d'après  Haddan  et  Stubbs,  mais  miçux 
saint  Mochonôg,  d'après  Hennessy  qui  suit  le  Martyiol.  de 
Donegal.  Ce  saint  aurait  été  fils  d'un  roi  de  Bretagne.  Il  se 
peut  que  Galinne  na  niBretan  n'indique  qu'un  établissement 
religieux.  Le  fait  qu'il  a  été  brûlé  par  un  chef  irlandais  serait 
assez  significatif,  s'il  n'y  avait  pas  d'exemples  de  monastères 
sûrement  indigènes  ayant  subi  le  même  sort.  Mais  si  on  songe 
qu'il  y  a  eu  sûrement  un  établissement  durable  dans  le 
voisinage,  dans  le  comté  actuel  de  Tipperary  {Revue  Celtique 
XVIII,  p.  308),  que  la  légende  de  Tristan  semble  le  rattacher 
au  pays  d'Ormond  qui  touche  (^ibid.,  p.  316),  on  est  porté  à 
croire  que  le  monastère  d'origine  bretonne  a  très  bien  pu 
être  fondé  au  millieu  d'une  population,  à  un  certain  moment, 
d'origine  bretonne. 

Il  est  possible  que  l'accent  si  particulier  du  dialecte  de 
Munster  soit  dû  à  l'influence  du  brittonique. 

J.    LOTH. 

Revue  Celtique,  XXV II l  27 


BIBLIOGRAPHIE 


Mélanges  H.  d'Arhois  de  Jubainville,  recueil  de  mémoires  concernant  la 
littérature  et  l'histoire  celtiques  dédié  à  M.  H.  d'Arbois  de  Jubainville  à 
l'occasion  du  78^  anniversaire  de  sa  naissance  par  MM.  Collinet,  Dottin, 
Ernault,  Grammont,  Jullian,  Le  Braz,  Le  Nestour,  Le  Roux,  Lot, 
LoTH,  Meillet,  Philipon,  s.  Reinach,  Vendryès.  Paris,  Fontemoing, 
1906,  in-80,  vii-289  p. 

A  l'exception  d'un  mémoire  qui  est  consacré  à  l'étude  de 
la  déclinaison  dans  l'onomastique  de  l'Ibérie,  tous  les  articles 
de  ce  livre,  dédié  au  vénéré  directeur  de  la  Revue  celtique, 
concernent  nos  études.  L'histoire,  la  toponomastique  et  les 
croyances  des  anciens  Celtes,  la  grammaire  et  le  vocabulaire 
irlandais,  breton  et  gallois,  les  lois  du  pays  de  Galles,  deux 
gwerz  bretonnes  et  un  mystère  breton  y  font  l'objet  de  treize 
mémoires  d'inégale  étendue. 

Dans  son  mémoire  sur  la  déclinaison  dans  l'onomastique 
de  l'Ibérie  (p.  237-269),  M.  Philipon  étudie  les  suffixes  et  les 
désinences  des  noms  que  l'on  rencontre  dans  les  inscriptions 
ibères.  Il  démontre  que  parmi  les  suffixes  de  noms  ibères  il 
n'y  en  a  pas  un  seul  qu'on  ne  retrouve  dans  une  ou  plusieurs 
langues  indo-européennes,  et  que  la  déclinaison,  qui  est  incon- 
nue en  basque,  existait  dans  la  langue  parlée  par  les  Ibères. 
L'auteur  combat  ainsi  la  thèse  de  Humboldt  qui  admet  que 
les  Ibères  sont  les  ancêtres  des  Basques. 

M.  C.  Jullian  (p.  97-109)  examine  de  quelles  tribus  s'est 
constitué  le  peuple  gaulois  des  Salyens,  quel  fut  le  motif  de  sa 
création,  et  comment  ont  fusionné  les  éléments  dont  il  a  été 
formé.  Dans  le  siècle  qui  suivit  la  fondation  de  Marseille,  les 
indigènes  de  la  Provence  semblent  avoir  été  des  Celtes.  Vers 
l'an  400,  les  Celtes  arrivèrent  en  Provence  et  groupèrent  autour 


Bibliographie.  419 

d'eux  les  tribus  isolées.  Le  nom  de  Siilyens,  qui  désignait  à 
l'origine  une  seule  tribu  ligure,  celle  du  pays  arlésien,  s'ap- 
plique dès  leiv^  siècle  à  tout  le  peuple  de  Provence.  Les  Salyens, 
sans  doute  avec  l'appui  des  Gaulois,  avaient  donc  imposé  leur 
hégémonie.  Mais  il  ne  semble  pas  que  les  Gaulois  aient  inter- 
calé de  leurs  tribus  parmi  l'es  tribus  indigènes.  Ils  imposèrent 
leur  langue  :  d'après  Varron,  on  ne  parlait  chez  les  Phocéens 
que  trois  langues,  le  latin,  le  grec  et  le  celtique;  peut-être 
aussi  leurs  rois  :  Catumandus  et  Teutomalius  portent,  semble- 
t-il,  des  noms  celtiques.  Il  est  possible  que  par  toute  la  Gaule, 
lors  de  l'invasion  celtique,  les  indigènes  et  les  envahisseurs  se 
soient  mélangés  de  la  même  manière  que  sur  les  terres  pro- 
vençales. 

M.  S.  Reinach  (p.  271-277)  explique  le  texte  obscur  de 
César,  De  bello  gallico,  VI,  18  :  —  «  ils  ne  permettent  pas  à 
leurs  enfants  de  les  aborder  en  public  avant  l'âge  où  ils  sont 
capables  du  service  militaire;  ce  serait  une  honte  pour  un 
père  de  recevoir  publiquement  auprès  de  lui  son  fils  en  bas 
âge  »  —  par  un  tabou  guerrier.  Le  personnage  tabou  est  dépo- 
sitaire d'une  vertu  spéciale  qui  lui  impose  en  général  l'obliga- 
tion de  l'isolement,  parce  qu'elle  peut  se  communiquer  par 
contact.  En  Nouvelle-Zélande,  il  est  interdit  à  un  chef  maori 
de  toucher  la  tête  de  son  entant.  César  a  sans  doute  voulu 
parler  des  Gaulois,  non  pas  à  n'importe  quel  moment  de  leur 
existence,  mais  des  Gaulois  en  armes,  réunis  soit  pour  la 
guerre,  soit  en  conseil.  Le  guerrier  en  armes  ne  peut  se  mon- 
trer publiquement  qu'avec  ses  égaux;  la  présence  d'un  enfant 
trop  jeune  pour  porter  l'épée  créerait  un  péril  d'ordre  supersti- 
tieux tant  pour  le  père  que  pour  l'enfont. 

Les  Recherches  de  toponomastiqiie  de  M.  F.  Lot  (p.  169-193) 
ont  pour  objet  des  noms  de  lieu  dérivés  de  la  racine  qui 
signifie  «  élevé  »  en  celtique  et  de  quelques  autres  racines  de 
sens  différent,  mais  de  forme  analogue.  Parmi  les  noms 
modernes  de  la  France  on  trouve  des  Oisseaux,  Olssel, 
Hoisseaux,  Hoissel,  qui  remontent  à  oxellos  ou  à  oscellos  ;  des 
Uisseaiix,  Usseaux,  Uissel,  Ussel,  Huisseaux,  Husseaux,  Huissel, 
Hussel  qui  remontent  à  iixellos  ou  à  usrellos.  Parmi  ces  noms, 
les  uns  s'appliquent  à  des  lieux  situés  sur  des  hauteurs  ;  ceux- 


420  G.  Dotli)!. 

là  ont  sans  doute  pour  forme  primitive  uxellos  ;  les  autres 
s'appliquent  à  des  lieux  situés  dans  des  îles  ou  auprès  de  cours 
d'eaux;  ils  ont  sans  doute  pour  forme  primitive  oscellos  dérivé 
de  osca  que  l'on  trouve  probablement  dans  le  nom  de  ruisseau 
VEusche  (Dordogne)  et  dans  le  nom  de  ville  Huesca  (Espagne). 
Quel  que  soit  le  sens  de  oscellos,  W  faut  distinguer  ce  mot  de 
uxellos.  Les  Exmes,  Huismes,  Humes,  Oiiismes  ue  France  pro- 
viennent sans  doute  de  Oxiiiia,  Uxiina  ;  ils  sont  situés  sur  des 
hauteurs;  O/Vt'/;/^ (Eure-et-Loir) semble  remonter  à  Oxisama; 
uxiniû,  oxisama  semblent  des  superlatifs  de  dérivés  de  la  racine 
OUK. Usson  {Uccio\  Ussé  {Ucciaciis),  situés  sur  des  hauteurs, 
semblent  dérivés  d'une  racine  de  sens  identique,  sinon  de 
même  forme  que  celle  qui  a  donné  uxellos  «  élevé  ». 

M.  A.  Meillet  (p.  229-236)  traite  du  génitif  singulier 
irlandais  du  type  tuaiihe.  Il  remarque  que  ce  génitif  ne  peut 
s'expliquer  à  l'aide  de  la  terminaison  ordinaire  du  génitif- 
ablatit  des  thèmes  en  -à  :  -as.  La  finale  *'âis  à  laquelle 
MM.  Stokes  et  H.  d'Arbois  de  Jubainville  ont  recouru  ne 
trouve  d'appui  nulle  part.  Mais  les  thèmes  en  -â  de  l'armé- 
nien ont  -/  au  génitif-datif-locatif  singulier.  De  plus,  l'indo- 
iranien  présente  au  génitif-ablatif  singulier  des  mêmes  thèmes 
une  désinence  *-âyâs.  Pour  ramener  à  l'unité  le  type  irlan- 
dais, le  type  arménien  et  le  type  indo-iranien,  il  suffit  de  poser 
un  primitif  -{i)yâs  ou  (^i)yês  qui  aurait  été  altéré  en  indo- 
iranien en  *-^jY?j"  par  généralisation  de  1'^/  du  thème.  M.  Collitz 
a  montré  que  la  flexion  indo-iranienne  normale  des  thèmes 
en  -â  comporte,  à  certains  cas,  un  élément  )'.  On  est  donc 
amené  à  cette  conclusion  qu'il  y  a  pour  les  thèmes  indo- 
européens dits  en  â  deux  flexions  distinctes,  l'une  sans  3'  et 
l'autre  à  y,  à  tous  les  cas  du  singulier,  sauf  le  nominatif  et 
l'accusatif. 

Dans  un  article  des  Mémoires  de  la  Société  de  lingnislique, 
t.  XIII,  p.  396-403,  M.  Vendryès  établissait  que  le  pronom 
cid  était  originairement  en  irlandais  un  pronom  interrogatif 
neutre,  identique  au  latin  quid.  De  l'emploi  pronominal  est 
issu  l'emploi  adverbial  de  cid  qui  fait  l'objet  de  la  présente 
étude  de  M.  Vendryès  (p.  279-287):  De  même  que  le  sans- 
krit cid,  l'irlandais  cid  exprime  la  corrélation  de  deux  mots; 


Bibliographie.  421 

il  exprime  l'idée  de  «  même  » .  L'adverbe  irlandais  cid  a  donc 
conservédeux  emplois  anciens  d'une  particule  indo-européenne; 
il  a  pris  de  plus  une  signification  nouvelle,  «  bien  que  ce 
soit  »,  où  l'origine  adverbiale  est  encore  sensible,  puis  le  sens 
de  «  que  ce  soit  »,  où  cid  semblait  un  mot  composé  de  ce  -\- 
le  subjonctif  présent  du  verbe  copule,  et  se  changeait,  au  plu- 
riel, en  cit.  Si  le  verbe  copule  figurait  réellement  dans  ce  mot, 
on  aurait,  non  pas  cid,  mais  cib,  cip  qui  a  existé  d'ailleurs  avec 
le  sens  de  «  qui  que  soit,  quel  que  soit  ».  Le  négatif  cor- 
respondant à  l'affirmatif  cib  est  cenib^  cenip.  De  plus,  cid  se 
trouve  aussi  bien  dans  des  phrases  où  l'on  attend  un  passé  que 
dans  celles  où  l'on  attend  un  présent.  Cid  ne  contient  donc 
ni  une  caractéristique  de  subjonctif,  ni  une  caractéristique  de 
présent^  et  est  simplement  l'ancien  adverbe  indo-européen, 
identique  à  l'origine  au  pronom  interrogatif  neutre. 

Sous  le  titre  de  Les  diphtongues  toniques  en  gaélique  d^ Irlande, 
(p.  15-46),  l'auteur  de  ce  compte  rendu  a  étudié  l'évolution 
en  irlandais  moderne  des  anciennes  diphtongues  indo- 
européennes et  la  naissance  de  nombreuses  diphtongues  nou- 
velles sous  l'influence  des  consonnes  palatales  ou  non-pala- 
tales. Un  des  phénomènes  les  plus  intéressants  de  cette  évolu- 
tion des  diphtongues  est  le  changement  d'accent  qui  du  pre- 
mier élément  de  la  diphtongue  passe  sur  le  second  :  co  >  eô; 
éa  >■  eà  ;  io  >  iô  ;  lu  >■  in  ;  et  aussi  l'éclaircissement  sous 
l'accent  des  voyelles  obscures  nées  de  résonnances  consonan- 
tiques.  On  peut  se  convaincre  facilement  de  l'intérêt  qu'offrent 
les  graphies  souvent  compliquées  de  l'orthographe  irlandaise 
moderne  qui  dans  plusieurs  cas  nous  permettent  de  détermi- 
ner des  sons  que  l'orthographe  du  vieil-irlandais  ne  notait 
pas  et  que  l'on  ne  retrouve  pas  dans  les  dialectes  parlés 
aujourd'hui. 

Les  Contributions  à  la  lexicographie  et  rétytnologie  celtiques, 
de  J.  Loth  (p.  195-227)  portent  sur  l'irlandais,  le  gallois,  le 
comique  et  l'armoricain.  Les  mots  irlandais  étudiés  sont  :  ais, 
forrach,glas,giir,  serbh.  Les  mots  gallois  sont  :  achcs,  anior,  anghad, 
angell,  aros,  ban,  briuydr,  czuni,  enllyn,  eriuis,  gins,  gognaiu, 
grid,  groar,  girad,  giueddgor,  giunio,  llogylwit,  maon,  herw, 
niaïus,  mustuir,  nomieu,  rei,  reinyat,    reiuyss,  tarfu,   tarf.  Au 


422  G.  Dolliii. 

comique  appartiennent  :  aiicoel,  aiulroiu,  coscaf,  crew,  croii, 
dy^re,  gwebesen,  hcnse,  keryii,  la,  uieihev,  iicwer,  poth,  pylh, 
rethys,  skynnya,  soth.  Au  breton  armoricain  :  argant,  braou,  colch 
cuvranc,  gueredic,  gudul,  parr,  pejitir,  yehcu. 

M.  E.  Ernault  étudie  (p.  47-81)  le  mot  dieu  en  breton.  Il 
le  recherche  d'abord  dans  les  noms  propres  vieux-bretons, 
puis  en  moyen-breton  où  les  emprunts  aux  formes  savantes 
du  français  sont  particulièrement  nombreux  ;  puis  en  breton 
moderne,  dans  les  dialectes  vivants.  Les  mutilations  et  trans- 
formations du  mot  doué  dans  les  expressions  familières  et  les 
jurons  forment  une  partie  considérable  et  non  la  moins  inté- 
ressante de  ce  travail. 

L'étude  de  M.  Maurice  Grammont  porte  sur  la  mélathèse  en 
breton  aniioricaiii  {p.  83-96).  Il  examine  le  traitement  en  haut- 
vannetais  et  en  léonard  des  groupes  giur-,  giul-,  ex.  gloaii 
«  laine  »,  gall.  giulân;  groacb  «  vieille  femme  »,  gall.  givràch. 
Ces  groupes  ont,  dans  tous  les  dialectes  bretons,  subi  la  méta- 
thèse  en  gnu-,  glw-;  le  haut-vannetais  a  conservé  ^rtf-,  gltv- 
en  toute  position;  mais  le  léonard  a  perdu  son  lu  devant  les 
vo3'elles  palatales  ^  ou  /  :  gn'g  «  épouse  »,  vann.  groiiic,  gall. 
giuraig;  glech  «  action  de  détremper  »,  vann.  gloikc'h,  gluîc'h, 
gall.  gzulych;  et,  devant  a,  il  présente  deux  formes  différentes  : 
gJoan,  vann.  gloan;  grach,  vann.  grouc'b.  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  les  groupes  provenant  de  giur-,  giul-,  ceux  qui 
sont  issus  de  luo-r-,  wo-1-  et  qui  se  présentent  en  léonard  sous 
la  forme  ^^ow?'-,  gouJ-. 

Les  éléments  d'iinporlalion  étrangère  dans  les  lois  du  pays  de 
Galles  font  l'objet  du  mémoire  de  M.  P.  Collinet  (p.  1-13). 
De  l'examen  attentif  des  textes  il  ressort  que  l'influence 
romaine  a  été  peu  importante  sur  le  droit  gallois.  M.  Collinet 
n'a  relevé  qu'un  passage  du  code  de  Dimétie  qui  semble  ins- 
piré de  la  législation  romaine.  De  même,  quelque  sensible  que 
soit  l'influence  de  l'Église  sur  les  lois  galloises,  les  emprunts 
au  droit  canonique  se  réduisent  à  deux.  Enfin  les  dispositions 
relatives  aux  droits  du  roi  se  retrouvent  dans  l'Europe  occi- 
dentale et  semblent  d'origine  étrangère.  Ont-elles  été  emprun- 
tées au  droit  public  des  Anglo-Saxons  ? 

M.  Anatole   Le  Braz  expose  l'origine  d'une   chanson  bre- 


Biblioorapbie.  423 

tonne  intitulée  «La  marquise  Dégangé  »  (p.  111-128).  C'est 
une  cause  célèbre  du  xvii^  siècle,  l'assassinat  de  la  marquise 
de  Gange  par  ses  deux  beaux-frères,  l'abbé  et  le  chevalier  de 
Gange.  H.  de  la  Villemarqué,  dans  le  Bar~a~-Brei:(,  3. prodigieu- 
sement  remanié  cette  chanson  qu'il  a  publiée  sous  le  nom  de 
«  Le  clerc  de  Rohan  »,  en  supprimant  quelques  personnages 
et  en  déguisant  l'identité  des  autres;  il  a,  de  plus,  emprunté 
quelques  détails  à  une  ballade  tirée  des  Chants  populaires  des 
Serviens,  publiés  en  1834.  Par  cet  intéressant  exemple  on  peut 
voir  qu'une  partie  de  la  littérature  des  givei^ion  bretonnes  est 
une  adaptation  de  la  littérature  française  du  colportage,  et 
constater  une  fois  de  plus  à  quels  artifices  variés  H.  de  la  Ville- 
marqué  eut 'recours  pour  écrire  «  l'histoire  poétique  de  la 
Bretagne  ». 

M.  P.  Le  Roux  traduit  et  restitue  (p.  153-167)  le  texte 
singulièrement  altéré  d'une  chanson  bretonne  sur  la  mort  de 
Duguay-Trouin.  Cette  chanson  provient  de  la  collection  Pen- 
guern.  Le  copiste  coupait  mal  les  mots  et  les  ortho^^raphiait  à  sa 
manière;  il  n'est  pas  rare  que  les  chanteurs  répètent  sans  les 
comprendre  des  mots  qu'ils  ont  mal  entendus.  Quant  à  l'ori- 
gine de  la  chanson,  comme  Duguay-Trouin  avait  des  marins 
bretons  sous  ses  ordres,  il  est  possible  qu'elle  soit  l'œuvre  de 
l'un  d'entre  eux  ;  il  est  possible  aussi  qu'elle  ne  soit  que  la 
transcription  bretonne  d'une  complainte  française. 

Le  m3'stère  breton  de  la  Desîniciion  de  JénisaJeiu  ne  nous  est 
pas  parvenu.  Mais  Le  Pelletier,  dans  son  dictionnaire  breton- 
français  a  fait  du  manuscrit  qu'il  en  possédait  léo  citations. 
M.  Le  Nestour  a  relevé  ces  citations  ;  il  a  essayé  de  reconstituer 
le  plan  de  la  pièce  d'où  elles  sont  tirées  et  a  recherché  si, 
comme  la  plupart  des  mystères  armoricains,  cette  tragédie 
n'était  pas  imitée  de  quelque  œuvre  française  (p.  129-151). 
Il  démontre  que  le  mystère  breton  est  dans  son  ensemble  une 
imitation  du  mystère  français  imprimé  chez  Vérard  en  149 1; 
quelques  détails  seulement  seraient  tirés  d'un  modèle  inconnu. 

Une  dédicace,  de  J.  Loth,  offre  ce  livre  à  M.  d'Arbois  de 
Jubainville,  au  nom  des  celtistes  français.  Ceux  des  anciens 
élèves  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  qui  non  seulement  ont 
lu  ses  livres  et  suivi  son  enseignenient  public,  mais  ont  vécu 


424  (j-  Dolliii. 

dans  l'intimité  de  son  travail,  ne  pourront  jamais  assez  expri- 
mer à  leur  maître  toute  la  reconnaissance  qu'ils  lui  gardent. 
Cet  esprit  vigoureux  où  une  imagination  si  vive  s'unit  à  une 
méthode  si  exacte  laisse  une  singulière  empreinte  sur  ceux  qui 
l'approchent  et  qui,  lors  même  qu'ils  ne  sont  pas  de  son  avis, 
reconnaissent  dans  les  arguments  mêmes  dont  ils  se  servent 
contre  lui  les  traces  de  l'enseignement  ineffaçable  qu'il  leur  a 
donné. 

G.   DOTTIN. 


NECROLOGIE 


JOHN  STRACHAN 

Les  études  celtiques  viennent  de  perdre  un  de  leurs  repré- 
sentants les  plus  éminents  en  la  personne  de  John  Stiachan, 
enlevé  le  25  septembre  dernier  par  une  pneumonie  à  l'câge  de 
45  'i"s. 

Né  en  1862  près  de  Keith  dans  le  Banffshire  (Ecosse), 
John  Strachan  se  consacra  de  bo.nne  heure  à  la  science  ;  et  sa 
vie,  si  courte  par  le  temps  écoulé,  si  longue  par  le  travail 
accompli,  ne  comporte  guère  d'autres  dates  que  celles  de  sa 
carrière  scientifique.  Dès  1877,  il  entre  à  l'Université  de 
Aberdeen,  qui  avait  eu  peu  avant  comme  élève  un  autre  celtiste 
éminent,  le  regretté  A.  Macbain  ;  et  dès  1880  il  va  faire  un 
séjour  d'un  semestre  à  l'Université  de  Gôttingen,  où  il  étudie 
le  sanskrit  sous  la  direction  de  Benfey.  Revenu  d'Allemagne, 
il  entre  à  l'Université  de  Cambridge,  où  il  est  au  Pembroke 
Collège  le  disciple  de  son  compatriote  R.  A.  Neil.  Mais  l'en- 
seignement universitaire  allemand  l'attirait  ;  par  deux  fois,  en 
1883  et  1884,  il  alla  suivre  les  cours  de  l'Université  de  léna, 
où  se  trouvait  alors  un  futur  maître  des  études  celtiques,  M. 
R.  Thurneysen.  C'est  là  qu'il  compléta  ses  connaissances  en 
sanskrit  et  en  linguistique  et  qu'il  s'initia  définitivement  à  la 
culture  scientifique  allemande,  dont  il  garda  toujours  la  forte 
empreinte.  Dans  l'été  de  1885,  l'Université  de  Manchester 
l'élut  professeur  de  grec  à  Owen's  Collège,  et  il  y  resta  jus- 
qu'à sa  mort,  ajoutapt  seulement  à  l'enseignement  du  grec  en 
1889  celui  de  la  philologie  comparée,  et  en  1904  celui  —  non 
rétribué  —  du  celtique.  Enfin,  dans  l'été  de  1903,  il  organisa 
à  Dublin,  avec  le  concours  de  M.  Kuno  Meyer,  une  série  de 
cours  de  vacances  consacrés  à  l'étude  méthodique  de  la  langue 
et  de  la  littérature  irlandaises;  le  succès  de  cet  enseignement. 


426  /.   Vendryes. 

qui    fut    continué   chaque   année,    alla   sans   cesse  grandis- 
sant. 

Le  bagage  scientifique  de  John  Strachan  est  considérable. 
Sur  le  terrain  de  la  grammaire  comparée  générale,  il  marqua 
son  passage  par  quelques  courts  articles,  publiés  notamment 
dans  les  Beitrâge  de  Bezzenberger  et  où  il  se  révèle  linguiste 
aussi  sagace  que  bien  informé.  Mais  c'est  à  la  philologie  cel- 
tique qu'il  devait  consacrer  la  plus  grande  partie  de  ses  efforts 
et  de  son  talent.  Préoccupé  avant  tout  de  conserver  le  contact 
des  réalités  concrètes  et  ennemi  déclaré  des  constructions  hypo- 
thétiques que  ne  soutient  pas  l'étude  minutieuse  des  faits,  il 
ne  s'attarda  guère  à  la  recherche  de  la  préhistoire  et  se  proposa 
dès  le  début  de  suivre  l'histoire  de  la  langue  irlandaise  en  com- 
mençant par  les  plus  anciens  textes.  Sur  ce  terrain,  il  dirigea 
ses  recherches  avec  une  patience  et  une  sûreté  qui  font  autant 
d'honneur  à  son  intelligence  qu'à  son  érudition.  Du  dépouil- 
lement méthodique  des  documents  du  vieil-irlandais  résul- 
tèrent une  série  de  mémoires,  publiés  dans  les  Transactions  of 
the  PbiloJogicaJ  Society  :  «  Contribution  lo  the  *Îjistory  of  the 
Déponent  verb  in  Irish  »(i894);  «  The  verbal  System  of  the 
Saltairna  Rann  »  (1895);  «  On  the  use  of  the  verbal  particle  Ro 
luith  Preterital  tenses  in  Old  Irish  »  (1896)  ;  «  the  Subjîinctive 
mood  in  Irish  »  (1897);  «  the  Substantive  verb  in  the  Old  Irish 
glosses  ))  (1899);  «  the  signialic  Future  and  Subjunctive  in 
Irish  »  (1900);  «  Action  and  tinie  in  the  Irish  verb  >;  (1901); 
«  Contributions  to  the  history  of  niiddle  Irish  declension  »  (1903). 
L'importance  de  ces  travaux  ingrats  est  considérable  et  peut 
se  définir  d'un  mot  :  chacun  d'eux  épuise  la  question  qu'il 
traite  et  la  met  au  point  d'une  façon  définitive.  En  même 
temps,  John  Strachan  fournissait  une  collaboration  assidue  à 
divers  périodiques  scientifiques,  la  Revue   Celtique  ',    la  Zeit- 

I.  La  Revue  Celtique  a  publié  de  John  Strachan  les  articles  suivants  : 
gaelic  var  =  (//■  «  our  »  (tome  XIII,  p.  504):  the  date  of  the  Aiura  Qjo- 
tuiiub  Ctiitleix.  XVII,  p.  41);  notes  on  ihe  Milan  glosses  (t.  XVIII,  p.  212 
et  t.  XIX,  p.  62);  Old  Irish  ianiiifoicti  «  quaerit  »  (t.  XIX,  p.  177); 
finals  Vowels  in  the  Fètire  Oenguso  (t.  XX,  p.  191)  ;  Old  Irish  toglenomon 
(t.  XX,  p.  445);  Old  Irish  tettaiiii,  tallaiiii  (t.  XXI,  p.  176);  infixed  d  in 
conditional  sentences  in  Old  Irish  (t.  XXI,  p.  412);  the  Vienna  fragments 
ofBede(t.  XXIII,  p.  40);  ro  with  Imperfect  Indicative  in  Irish  (t.  XXIII, 
p.  201);  Miscellanea  Celtica  (t.  XXVIII,  p.  195). 


Nécrologie.  427 

srhrift  fiir  ccllische  Philologie,  X Archivfiir  ccJtische  Lexicographie, 
les  Indogeniianische  Forschungen,  les  Beitràge  de  Bezzenberger,  la 
CJassical  Reviezu,  etc.  En  1904,  il  fondait  avec  M.  Kuno  Meyerun 
nouveau  périodique  celtique,  qu'il  intitulait  £"rm  et  qu'il  des- 
tinait à  servir  d'organe  à  la  School  ofirish  Jearning,  dont  il  venait 
d'être  le  promoteur.  C'est  également  pour  les  besoins  de  cette 
école  qu'il  composait  en  1904  et  en  1905  les  Sélections  froiii  the 
Old-Irish  glosses  et  les  Old-Irish paradigms,  qui  constituent  jus- 
qu'à présent  le  meilleur  instrument  d'étude  du  vieil-irlandais. 
Nul  n'était  donc  plus  qualifié  que  lui  pour  servir  de  collabora- 
teur à  M.  Whitley  Stokes  dans  la  préparation  du  beau  Thésau- 
rus Palaeohiberfiicns  (Cambridge,  2  vols,  1901-1903),  auquel 
son  nom  restera  toujours  attaché.  Nul  non  plus  n'était  mieux 
préparé  à  faire  la  critique  des  textes  du  moyen-irlandais,  ni  à 
débrouiller  la  grammaire  de  cette  langue,  encore  pleine  de 
mystères.  Les  2*"  et  3"  fascicules  de  Eriu  contiennent  le  com- 
mencement d'une  édition  critique  du  Tâiii  hô  Cûaiingt,  qu'il 
avait  entreprise  avec  M.  J.-G.  O'Keeffe  et  qu'il  laisse  malheu- 
reusement inachevée.  Et  la  grammaire  du  moyen-irlandais  lui 
doit  quelques  importants  travaux,  comme  les  fines  remarques 
sur  la  flexion  nominale  et  l'étude  sur  le  déponent  dont  il  tira 
un  critérium  très  sûr  pour  fixer  la  date  de  certains  textes. 

Depuis  quelque  temps,  il  cherchait  à  étendre  aussi  sa  com- 
pétence sur  le  domaine  brittonique.  Les  derniers  fascicules 
de  Eriii  comprennent  deux  articles  intéressants  signés  de  lui 
sur  le  préverbe  gallois  ry  et  sur  les  mutations  initiales  du  verbe 
en  vieux-gallois.  C'est  au  cours  d'un  voyage  d'études  dans  le 
Pays  de  Galles  qu'il  a  été  attaqué  par  la  maladie  à  laquelle  il  a 
si  rapidement  succombé. 

Tous  les  celtistes  déploreront  la  perte  prématurée  de  ce  tra- 
vailleur laborieux  et  patient,  de  ce  savant  exact  et  scrupuleux, 
frappé  au  moment  même  où  de  nouveaux  et  vastes  champs 
s'ouvraient,  pour  le  plus  grand  profit  de  la  science,  à  son  infa- 
tigable activité. 

J.  Vendryes. 


CORRESPONDANCE 


M.  d'Arbois  de  Jubainville  a,  sous  le  n°  I  de  sa  chronique 
de  la  Revue  Celtique  de  janvier  dernier,  consacré  quelques 
lignes  à  ma  brochure  :  De  la  persistance  de  la  langue  celtique  en 
Basse-Bretagne  depuis  rétablissement  des  Celtes  dans  la  Péninsule 
armoricaine  jusqu'à  nos  jours. 

«  Il  (M.  Travers),  dit  cet  éminent  critique,  ne  donne  pas, 
«  ce  nous  semble,  une  seule  preuve  valable  à  l'appui  de  sa 
«  doctrine.  » 

Je  ne  puis,  de  mon  côté,  considérer  comme  une  preuve 
suffisante  contre  ma  thèse  cette  fin  de  non-recevoir,  qui 
s'appuie  sans  doute  sur  l'autorité  généralement  reconnue  de 
celui  qui  la  formule,  mais  dont  le  bien-fondé  reste  discutable, 
comme  le  prouve  d'ailleurs  l'expression  ce  nous  send'lc  intro- 
duite par  M.  d'Arbois  de  Jubainville  lui-même  dans  le  libellé 
de  sa  sentence. 

Non  content  de  cette  exécution  sans  phrases,  M.  d'Arbois  de 
Jubainville  rendant  compte,  sous  le  n°  II  de  sa  chronique, 
d'un  ouvrage  émanant  d'une  miss  anglaise,  me  décoche  la 
flèche  du  Parfhe  qui  aurait  pu,  je  crois,  sans  inconvénient, 
rester  dans  son  carquois.  «  Une  œuvre  d'une  toute  autre 
«  valeur,  déclare-t-il,  est  le  volume  que  Miss  Eleanor  Hull  a 
intitulé  :  A  Text  book  Irish  Literature.  » 

Je  me  demande  quel  rapport  il  y  a  entre  ma  brochure  De  la 
persistance  de  la  langue  celtique  en  Basse-Bretagne  et  le  Manuel 
de  littérature  irlandaise  de  Miss  Eleanor  Hull,  manuel  dont  je 
suis  loin  de  contester  le  mérite,  mais  qui  sort  peut-être  un  peu 
de  son  rôle  en  servant  de  projectile  contre  un  passant  inoffen- 
sif et  qui  certes  ne  lui  cherchait  pas  querelle.  La  question  des 
origines  du  peuple  breton  vaut  bien,  comme  valeur  intrinsèque 
et  sans   tenir  compte  de  la  façon  dont  elle  est   traitée,  un 


Correspondance .  429 

manuel  de  littérature  irlandaise.  Il  ne  reste  donc  plus  que   la 
valeur  de  l'auteur  lui-même. 

Personnellement  je  suis  très  heureux  de  céder  le  pas  à  la 
gracieuse  insulaire  qui,  pour  les  Celtisants  des  deux  côtés  de 
la  Manche,  a  su  rendre  encore  plus  aimable  l'entente  cordiale^ 
en  dotant  «  d'un  bon  livre  »  la  science  celtique.  Mais  si  je 
remercie  M.  d'Arbois  de  Jubainville  de  m'avoir  fourni  l'occa- 
sion de  saluer  une  si  sympathique  fdloiu-meniber,  je  n'irai 
cependant  pas  jusqu'à  m'incliner  devant  l'injonction  pure  et 
simple  dont  il  a  gratifié  ma  modeste  étude,  et  tant  qu'il  n'aura 
pas  motivé  son  jugement  d'une  manière  plus  complète,  je  per- 
sisterai à  croire  à  la  Persistance  de  la  langue  celtique  en  Basse- 
Bretagne. 

Albert  Travers. 

Je  ne  puis  voir  qu'avec  grand  plaisir  le  zèle  avec  lequel 
M.  Albert  Travers  consacre  ses  loisirs  aux  études  celtiques. 
Mais  sur  la  question  spéciale  dont  il  s'est  occupé,  je  persiste  à 
croire  que  la  vraie  doctrine  est  celle  qu'a  exposée  en  1883 
M.  J.  Loth,  L émigration  bretonne  en  Armoriqiie,  p.  235,  cf.  p.  82 
et  suivantes.  Inutile  de  reproduire  ici  les  raisons  données  par 
l'éminent  professeur  de  Rennes. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


In  Rev.  Celt.,  XXVII,  p.  81,  there  appeared  a  short  article 
by  me  discussmg  the  meaning  and  formation  of  a  supposed 
Word  faisedain  occurring  in  several  passages  of  the  Irish  ver- 
sion of  the  Grail  legend.  I  hâve  lately  come  across  some  fresh 
évidence,  which  makes  it  tolerably  certain  : 

(i)  that  Professor  Robinson  and  I  were  wrong  in  our 
expansion  of  the  symbol  7  and  that  the  v/ord  is  undoubtedly 
faieachtain  ; 

(2)  thatiwas  right  in  regarding  it  as  the  infinitive  of  foaim 
'  sleep  '. 

The  Stowe  ms.  E  IV  I  is  chiefly  occupied  by  a  curions 
grammatical  treatise,  parts  of  which  occur  also  in  another 
vellum  ms.  of  the  same  collection. 

On   the  verso  of  folio   23  occurs  the  following   when   I 


43*^^  Con-rspondaiicc. 

avote  this,  I  did  not  know  what  word  .1.  stood  for,  and  Icft 
et  unexpanded  with  the  remark,  that  it  irust  bc  a  word 
meaning  '  wrong  '  '  incorrect  '.  I  hâve  since  found  the  avord 
written  ont  in  several  passages,  it  is  lochlach,  whichis  used  as 
the  opposite  oïcôir  [cp.  CI3  fo.  3,  col.  1.  3  and  sq.]  Ihe  second 
Diar  siii  seem  otiose  :  caoi  as  cithe,  côir  ni  roimhe,  cîfed  a 
denmus  fteith,  gechuin  chiear  a  suidigiid,  mar  sin  ghabhus  sios 
faoiert'r/'/ain  as  faoithe  dham  let  .1.  ni  roimhe,  faoifed  a  dennius 
neith,  gechuin  faoier  a  suidigud  mar  sin  ghabhus  saoilertr/^/ain 
mar  sin  .1.  '  ni  re  n-a  hoihxingadh. 

There  then  follow  a  number  of  examples  of  inflections  of 
thèse  words,  one  of  which  runs  : 

nior  ghiall  n  medhair  do  mhnaoi 
do  faoi  le  triar   dTeruibh  i 

Now,  withoiit  going  into  the  difficult  question  of  the  exact 
meaning  ot  thèse  technical  grammatical  terms,  the  gênerai 
sensé  is  somewhat  as  follows  : 

Like  rûoiÇ'  weep  ')  is  inflected  faoicachtain  having  its  gerund 
as  faoi  ihe  dham  Jet  (dorniiendum  est  mihi  tecum),  this  gerund 
is  impersonal  and  does  not  admit  of  a  subject.  Like  this  too 
is  inflected  saolle^r/j/ain,  whose  gerund  is  also  used  imper- 
sonally. 

Now  it  is  true  that  in  thèse  words  the  very  same  symbol 
is  used  to  express  acht  as  I  expanded  sed  in  m}'  former  article; 
but  not  only  the  usage  of  this  particular  ms.  but  especially 
the  occurrence  of  the  known  form  saoileachtain  in  close  conti- 
guity  makes  it  practically  certain,  that  faoieacbtain  is  the 
correct  reading,  a  form,  which  may  be  compared  with  lania- 
chtain  from  laniaim  '  I  dare  '. 

As  regards  the  meaning  of  the  word  and  is  identity  with 
foaim  fess  the  example  cited,  whether  a  genuine  quotation,  or 
a  fabrication  of  the  grammarian,  leaves  no  room  for  doubt. 

Walter.  J.  Purton. 

1.  I  hâve  not  expanded  .1.  as  I  hâve  never  found  it  written  out  ;  hue  hère 
it  seems  certainly  the  opposite  of  .c.  (côir),  which  is  often  written  out, 
and  accordingly  signifies  '  wrong  '  incorrect.  The  second  mar  sin  scems 
otiose. 


CHRONIQUE 


I 

La  librairie  Guilmoto  (6,  rue  de  Mélières,  Paris)  mettra  très  prochaine- 
ment en  vente  une  Graiiiiiiaire  du  vieil-irlandais  (Phonétique,  Morphologie 
et  Syntaxe),  dont  l'auteur  est  M.  J.  Vendryes,  chargé  du  cours  de  gram- 
maire comparée  à  la  Sorbonne.  L'ouvrage  comptera  environ  400  pages 
gr.  8°.  Il  forme  le  premier  volume  d'une  collection  linguistique  publiée 
sous  la  direction  de  M.  A.  Meillet. 

Cette  grammaire  qui  repose  à  la  fois  sur  un  complet  dépouillement  des 
travaux  publiés,  en  partie  dans  la  Revue  Celtique,  et  sur  une  nouvelle  révi- 
sion des  textes,  n'est  ni  historique,  ni  comparative,  mais  uniquement  des- 
criptive. On  n'y  trouvera  que  l'énumération  des  formes  attestées,  et  l'indi- 
cation de  leur  emploi.  C'est  la  première  description  complète  qui  aura  été 
donnée  du  vieil-irlandais. 

II 

M.  Félix  Stahelin  vient  de  publier  à  la  librairie  Teubner  de  Liepzig,  sous 
le  titre  Gcschichte  der  Meitiasiatischcu  Galater,  une  seconde  édition  de  la  dis- 
sertation présentée  par  lui  à  l'Université  de  Bâle  en  1897.  Mais  cette  seconde 
édition  équivaut  à  une  publication  nouvelle,  tellement  le  texte  en  a  été 
remanié  et  augmenté.  L'histoire  des  Galates  qui  s'arrêtait  dans  la  disserta- 
tion à  la  fondatijn  de  la  province  romaine  d'Asie  se  poursuit  ici  jusqu'en 
pleine  époque  impériale.  En  outre,  l'ouvrage  s'est  enrichi  d'une  table  très 
complète  et  très  exacte  des  noms  propres  Galates  de  personnes.  L'exposé 
lui-même  est  clair,  agréable  à  lire  et  enrichi  de  notes  abondantes. 

III 

M.  Camille  JuUian  vient  de  faire  paraître  à  la  librairie  Hachette  les  deux 
premiers  volumes  d'une  Histoire,  delà  Gaule  qui  en  aura  quatre,  format  in-S". 
Un  compte  rendu  détaillé  de  ce  savant  ouvrage  paraîtra  dans  la  prochaine 
livraison. 

H.  d'A.  DE  J. 


Correction  à  page  263  : 

La  petite  feuille  qui  précède  VCVET IN,  à  la  5'^  ligne  de  l'inscription 
d'Alise-Sainte-Reine,  doit  être  reportée  au  commencement  de  la  ligne  suivante 
avant  |fj.  Cette  rectification  a  son  intérêt,  en  ce  qu'elle  rend  plus  impro- 
bable l'hypothèse  du  Corpus  inscriptionum  latinarum  (XIII,  i,  11°  2880),  que 
l'espace  vide  après  |N  aurait  été  occupé  par  le  même  signe. 

(Note  communiquée  par  sir  J.  Rhvs.) 


CORRIGENDA 

REVUE  CELTIQUE,  XXVIII. 


P.  309,  1.  II, for  golden  fasts   m((/  Golden  Fridays.  Sce.  S.  H.  O'Grady's 

Catalogue,  p.  319. 
P.  510,  §  I,  1.  3,  read  nEhraiih.  L.  6,  /rrtt/ sleibhtibh. 

—  §  3)  ^-  3>y°''  roichfedh  rend  roithfedh. 

—  §  7,  I.  2,  rt'fl(/ cleithibh. 

P.  311,3  I,  1.  I,  read  Hebraeorum. 

—  §  3,/'"'  march  read  run. 

—  §  6,  1.  2,  for  solid  read  viscous. 
P.  312,  i  12,  1.  4,  for  t/it  read  tri. 

P.  313,  V  71,  f.  313,  1.  3,  for  thousands  real  monsters,  (pi.  dat.  ot'  mil.). 

—  —     1.   II,  for  three  hundred  and  sixty  five  read  five  hundred  and 
three  score. 

P.  314,  1.  I,  /Yih/ t/omanfaidh. 

—  5  16,  1.  I,  read  niiin.  L.    5,  read  inaroli. 

—  note  25,  read  blaoghadh. 
P.  315,  §  13,  1.  2,  for  o  read  to. 

—  §14    1.  2, /or  lawless /rat/ irrational. 

—  —     1.  5,/o/- lie  himself  nW  they  themselves. 

—  —     1.  6,  read  -stand  nothing  that  they  say. 
P.  316,  5  26,  1.  4,  for  ithff/inn  read  ithtVinn. 

—  §  27,  1.  2,  read  cosgair   o  Dhiab»/. 

—  §  28,  1.  I,  after  coirighter  insert  [ms.  coiridhter]. 
P.  317,  §25,/o/'  will  be  /varf  will  hâve  arrived. 

—  §  26,  1.  2,  for  woud  read  world  for  death  read  depth. 
P.  318,  §  33,  1.  6,  for  sona  read  so  na. 

—  5  29,  1-  I-  Fr.  Henebry  corrects /('/W/j;7  iofei^hil,  and  then  translates 
thus  :  Woe  to  them  who  were  not  watchful  cf  tliemselves  (that  is,  who 
were  not)  righteous,  discreet,  gentle,  patient,  charitable,  abstinent,  devo- 
ted  to  fasting,  humble,  pénitent  —  in  préparation  for  the  ready,  ever-deci- 
sive  judgments  which  will  then  be  delivered. 

—  5  3),  1.  3,  read  salach  suidhemail. 

—  —     1.6,  for  fol  atar  read  fola  tar. 

—  note  38,  read  suigemail. 

P.  320,  §  41,  1.  2,  read  n-anmann. 

—  §  44,  11.  3,  4,  read  silid. 

—  §  47,  1.   3,  for  secht  read  shcchl. 

—  §  48,  1.  2,  for  umachta  read   cumaclAA. 

—  note  44,  read  teinntighi. 
P.  322,  §  51,  dele  the  second  7. 

—  §  52,  l.i, /or  aonti(/(i  ;rarf  aenttt/J. 
P.  323,  1.  2, /or  loving  read  charitable. 

—  §49»  1-  5)  /or  désire  r^m/greed. 

P.  324,  s.  V.  druith,  for  meindreach  read  meirdreach. 

P.  325,  1.  I,  for  for-âib  etc.,  read  feighil  29  (ms.  feidhil)  =;  Lat.  vi^il  from 

*  vegUis,  to  vegeo,  vigeo  (Walde). 
P.  326,  1.  9,  for  tonmar  read  tonnmar. 

W.   S. 


TABLE  DES  MATIERES 

DU    TOME    XXVIII 


ARTICLES  DE   FONDS 

Pages 

La  Gaul^  personnifiée,  par  Salomon  Reinach i 

Un  vers  du  livre  noir  de  Carmarthen,  par  J.  Loth 4 

Hiberuica,  par  J.  Vendryès S)i  37  343 

Mor  y  zuerydd,  ii/criuervdJ,  vior-fairge,  par  J.  Loth 12 

Études  sur  le  Tdiii  ho  Cùalnge,  par  H.  d'A.  de  J 17 

Le  monument  gallo-romain  de  Trêves,  par  le  même 41 

Les  gloses  bretonnes  à  Smaragde,  par  E.  Ernault 43 

Remarques  sur  la  métathèse  en  breton  armoricain,  par  J.  Loth 57 

Un  trait  de  l'armement  des  Celtes,  les  duo  gaesa,  par  le  même. .  .      67,342 

Note  critique,  par  Walter  J.  Purton 68,429 

Réponse  de  M.  Whitley  Stokes 69 

Notes  on  the  Birth  and  Life  of  St.  Moling,  par  Whitley  Stokes.  70 

Chronique  de  numismatique  celtique,  par  Adrien  Blanchet 73 

Les  institutions  et  le  droit  spéciaux  aux  Italo -Celtes,  par  H.  d'A.  de  J. 

et  Julien  Havet 113 

Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  la  prononciation  de  l'irlandais 117 

Giituater,  par  J.  Loth 119 

Note  complémentaire  de  l'article  sur  Peredur  et  Lez  Breiz,  par  J.  Loth  122 
Sur  un  passage  du  comique  Philémon,  le  Tarvos  trigaranos  en  Grèce, 

par  J.  Ve.ndryès 123 

Les  pien'es   baptisées 128 

Origine  de  l'allemand  beiite  «  butin  »,  par  H.  d'A.  de  J 130 

Un  cyclope  en  Irlande,  par  H.  d'A.  de  J 132 

Le  suffixe  gallois  -edic,  par  le  même 144 

Enlèvement  [du  taureau  divin  et]  des  vaches  de  Cooley,  par  le 

même 145,241 

Mélanges  bretons  de  grammaire  et  d'étymologie  parE.  Ernault.  ...  178 

Miscellanea  celtica,  par  J.  Strachan 195 

Le  pain  galate,  par  A.  J.  Reinach 225 

Les  inscriptions  celtiques  de  France  et  d'Italie  d'après  Sir  John  Rhys, 

par  E.  Ernault 262,  431 

Un  graffite  gallo-romain,  par  A.  Blanchet 276 

Une  rédaction  moderne  du  Teanga  Inthmia,  par  G.  Dottin 277 

The  fifteeu  Tokens  of  Doomsday  par  Whitley  Stokes 308 

Le  Lai  du  Lecheor,  Gumbdauc,  par  J.  Loth  et  E.  Philippot 527 

Mélanges  cehiques,  par  J.  Loth 337 


434  Table  des  iiialières. 

Sur  l'origine  de  la  drstinction  des  flexions  conjointe  et  absolue  dans 

le  verbe  irlandais,  par  A.  Meili-ET 369 

Les  langues  romane  et  bretonne  en  Armorique,  par  J.  LoTH 374 

La  déclinaison  dans  les  inscriptions  celtiques  d'après  Sir  John  Rhys, 

par  E.  Ernault 404 

La  date  de  la  vision  de  Tondale  et  les  mss.  français  de  ce   texte,  par 

R.  Verdeyek 411 

Un  nouveau  nom  celtique  de  peuple,  par  A.  Cuny 41 3 

A  propos  de  heiitc  et  de  hyivxâ,  par  J.  Loth 416 

Bretons  en  Irlande,  par  le  même 417 

Bibliographie,  par  G.  Dottix 418 

Nécrologie,  Ascoli,  par  Salomou  Reixach 79 

—  John  Strachan,  par  J.  Vendryès 425 

Correspondance,  par  M.  Albert  Travers 428 

Corrigenda,  par  Whitley  Stokes 432 


CHRONIQ.UE 

Anonyme.  Koitvelles  des  Iles  Britanniques 208 

Blanchet  (Adrien),  Les  enceintes  romaines  de  la  Gaule 87 

Brusson  (Ch.)>  -^"  colonies  grecques  lV après  V Ancien  Testament 97 

Bull  (Eleanor),  A  Text  book  of  Irish  Literature 82 

Calder  (Georges),  Initheachta  Aeniasa,   The  irish  Aeneid 351 

Carnoy  (A),  Le  latin  d'Espagne  d'après  les  inscriptions,  étude  linguistique  94 
CuxY  (Albert),   Le  uo)nbre  duel  en  grec,  Les  préverbes  dans  le  Çatapa- 

thabrâmana  .' 97 

D0MASZEWSKI  (Alfred),  Corpus  inscriptionuni  latinaruin,  t.  XllI,  partie 

II,  fascicule  II 351 

Duchesxe  (Mgr),  Autonomie  ecclésiastique,  les  églises  séparées 87 

Espérandieu  (Emile),  Recueil  général  des  bas-reliefs  de  la  Gaule  romaine  352 

EvAXS  (A.  W.  Wade),  The  Brychan  Documents 95 

Felice  (Philippe  de).  Vautre  monde,  mythes  et  légendes,  le  purgatoire  de 

Saint  Patrice 82 

FiCK  (August),    Vorgriechische  Ortsnamen  als  Quelle  Ji'ir   die   Vorge- 

schichte  Griechenlands 211 

Fletcher  (Robert  Huntingdon),  Studies  and  Notei  in  Philology  and 

Literature,  t.  X 90 

Friedel(V.  h.)  et  Meyer  (Kuno),  La  vision  de  Tondale  (Tnudgal), 

textes  français,  anglo-normand,   irlandais 209 

GouGAUD  (Louis),   Un  point  obscur  de  V itinéraire  de  saint  Columbau 

venant  en  Gaule 98 

Grenier  (Albert),  Habitations  gauloises  et  villas  latines  de  la  cité  des 

Mediomatrices 2 14, 3  50 

Halphen  (Louis),  Le  comté  d'Anjou  au  A'/^  siècle 94 

Henry  (Victor),  article  nécrologique  sur  lui 212 

Hervé  du  Halgouet  (V'e),  Essai  sur  le  Porhoct,  la  comté,  sa  capitale,  ses 

seigneuries 84 

Hirschkeld  (Otto),  Die  romischen  Meileusteive 213 

Le  même,  Corpus  imcriptionum  latinarum,  XIII,  partie  II,  fascicule  II  351 
Hirt  (Hermann),  Die  Indo^ermanen,  ihre  Verbreitung,  ihre  Urheimal 

und  ihre  Kultur 88 


Table  des  matières.  435 

HoLDER  (Alfred),  Die  Reichenau  Handsciirijten 84 

HuLL  (Eleanor),  A  Text-hoolt  of  irisli  Literature 82 

JULLIAN  (Camille),  Histoire  de  la  Gaule 431 

Kern  (H.),  Vaitidya,  Vetulla,  Vetutya/ca 98 

Le  Braz  (Anatole),  Le  tliédtre  celtique 91 

Lederer  (Victor),    Ueher   Heiiiiat  und    Urspruug  der  niehrstiuimi^^eti 

Toiilcuiist 89 

Macbain  (Alexandre),  sa  mort 215 

MARiETfE  (Edouard),  Tlk'  roman  IValls,  les  murs  romains  entre  V Ecosse 

et   r Angleterre 87 

Meyer  (Kuno),  Ancient  Gaelic  Poetry 95 

Le  même,  Tiic  dcath-tales  oj  tiie  Ulster  Jjeroes 96 

Meyer  (Kuno)  et  Friedel,   La  vision   de    Tondale  (TnudçaJ),  textes 

jrançais,  ani^lo-nornmnd,  irlandais 209 

MoMMSEN  (Th.),  Corpus  iitscriptionun/   latinaruni,  t.  XIII,  partie  II, 

fascicule  II, 351 

Nanglard  (J.),  Le  livre  de<.  fiefs  de  Guillaume  de  Blave 93 

NiCHOLSON  (E.  William  R.)  dans  Y  Cymwrodor,  t.  XÎX 95 

NiGRA  (C'e),  sa  mort 349 

PiCHON  (René),  Les  derniers  écrivains  profanes,  les  panégyristes 86 

Q.UIGGIN,  A  Dialect  oj  Donegal 89 

Rand  (Edward),  Joaunes  Scolus 89 

Renel  (Charles),  Les  religions  de  la  Gaule  avant  le  christianisme 214 

Rhys  (Sir  John),  T/v  ccltic  Inscriptions  of  France  and  Italy 209 

Roger,  L'enseignement  des  lettres  classiques  d'Ausone  à  Alcuin 92 

School  of  irish  Learning, 349 

Sheean  (M.),  Sean-caint  na   n-Deise 83 

ScHUCHARDT,  Die  ibcrische  Declination 350 

Stâhelin,  Geschichte  der  Kleinasiatischen  Galater 431 

Thésaurus   linguae  latinae  ediliis  auctoritate  quinque  acadeniiaruni  ger- 

manicarum 88 

Tourneur  (Victor),  Histoire,  étymologie  du  nom  de  Gand 351 

TRAUBE(Ludwig),  Ouellen  und  Untersuchungen  ~ur  lateinischen  Philolo- 
gie des  Mittelattcrs ' 88 

Travers,  De  la  persistance  de  la  langue  celtique  en  Basse-Bretagiu' 381 

Vendryés  (J.),  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de 

Paris. 215 

Le  même.  Grammaire  du  vieil  Irlandais 451 

Vessereau  (J.),  Rutilius  Namatianus 85 

Weston  (Jessie  L.),   The  Legend  of  Sir  Perceval,  Vol.   I,    Chrétien   de 

Troyes  and  Vauchier  de  Denain 85 


PÉRIODiaUES 


Analecta  Bollandiana 108,  364 

Annales  de  Bretagne 103,  220,  363 

Annales  du  Midi 112 

Anthropologie 108,  221,  368 

Archiv  fur  celtische  Lexicographie .■ 102 


Athenaeum. 


557 


4i6  Table  des  iiuilièrcs. 

Beitraege  zur  Kunde  dcr  indogermanischen  Sprachen io6 

Boletin  de  la  real  Academia  de  la  Historia. 104,   565 

Bulletin    archéologique    du    Comité   des     travaux     historiques    et 

scientifiques 561 

Bulletin  de  la  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France 112,   566 

Celtic  Review 100,  219 

Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  109 

Eriu 

Folklore 107 

Fureteur  breton 

Indogermanische   Forschungen 103 ,    220 

Irisleabhar  na  Gaedhilge - 

Journal  of  the  roval  Society  of  Antiquaries  of  Ireland.    ..      10^,   220 

Mémoires  de  la  Société  de  linguistique  de  Paris 

Pro   Alesia 107 

Revue   Archéologique. . lOb 

Revue  des  études  anciennes 104,  221 

Revue  des  idées 

Revue  des  questions  scientifiques 

Revue  des  traditions  populaires 108 

Revue   épigraphique . 108 

Remania 364 

Zeitschrift  fur  celtische  Philologie .• 2:6 

Zeitschrift  fur  romanische  Philologie 367 

Zeitschrift  fur  ^''ergleichende  Sprachforschung 105,    363 


360 

559 
217 
361 
366 
562 
367 
360 
103 

359 

222 

354 
109 
221 
362 
566 


Nota.  —  La   table,  par  M.   Er\'.a.uld,  des  mots  étudiés  dans  le  présent 
volume,  paraîtra  dans  le  volume  suivant. 


Le  Gérant,  H.  CHAMPION. 


MAÇON,    PROTAT    FRERES,    IMPRIMEURS. 


PB  1001  .R5  V.28  SMC 
Revue  celtique 


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